(Neuf
heures trente et une minutes)
La
Présidente (Mme Vien) :
Alors, bonjour, mesdames messieurs, et bienvenue à ces consultations particulières et ces auditions publiques sur le document
intitulé Document de consultation sur la réglementation du prix de venteau
public des livres neufs imprimés et numériques. Alors, évidemment, j'ai
constaté le quorum. Je vous demande, chers collègues, de bien vouloir faire
attention à vos sonneries d'appareils électroniques.
Mme la secrétaire,
avons-nous des remplacements ce matin?
La Secrétaire :
Oui, Mme la Présidente. Mme Charbonneau (Mille-îles) sera remplacée par Mme
Ménard (Laporte) et M. Sklavounos (Laurier-Dorion) par M. Kelley
(Jacques-Cartier).
Auditions (suite)
La Présidente (Mme
Vien) : Très bien. Alors, nous avons à l'ordre du jour aujourd'hui,
cet avant-midi, la Fédération québécoise des
coopératives en milieu scolaire — ses représentants sont prêts — le Réseau Biblio du Québec, le Conseil consultatif de la lecture et du livre et l'Association des auteurs et des auteures de l'Outaouais.
Et, cet après-midi, nous
poursuivrons avec la Québec Writers' Federation, la Chaire de gestion des arts
Carmelle-et-Rémi-Marcoux HEC Montréal, Les Librairies indépendantes du Québec,
la Librairie Renaud-Bray et finalement nous terminerons avec le Groupe Modus.
Alors,
je salue donc nos premiers invités. Il
s'agit de M. André Gagnon,
Jean-Emmanuel Bouchard et M. Francis Viens.
Bienvenue dans votre Assemblée nationale. Vous disposez de 10 minutes pour nous faire part
de l'essentiel de vos réflexions, de
votre mémoire, et par la suite s'ensuivront des échanges entre vous et les parlementaires. À vous la parole.
Fédération québécoise des
coopératives en milieu scolaire
M. Bouchard
(Jean-Emmanuel) : Alors, bien, merci beaucoup de nous recevoir, premièrement.
Bon matin à tous et à toutes. Je suis
Jean-Emmanuel Bouchard, étudiant au baccalauréat à l'UQAM et président de la Fédération québécoise
des coopératives en milieu scolaire, accompagné de M. Francis Viens, président
du conseil de la fédération et directeur
général de la coopérative du collège
Garneau ainsi que de M. André Gagnon, directeur
général de la fédération.
Alors,
pour vous donner une idée de ma présentation, je vais vous faire un bref exposé
de la fédération, un petit état de la situation du livre
et, ensuite, je vais soumettre nos propositions.
Alors, le réseau Coopsco est composé de 60
coopératives en milieu scolaire, qui sont présentes dans 90 établissementsscolaires et qui totalisent
plus de 100 points de vente dans les écoles secondaires, les collèges et les universités
francophones. Alors, ça fait de nous
le plus vaste réseau de librairies au Québec,
et c'est plus de 300 000 étudiants francophones qui sont
membres des coopératives du réseau Coopsco.
Fidèles à nos valeurs
coopératives, nous remettons chaque année 6,5 millions de dollars en
ristourne à l'achat, plus de
900 000 $ dans les bourses, commandites, subventions aux activités
étudiantes et en fonds de développement du milieu. Nous employons plus
de 800 professionnels, plus de 1 000 étudiants et nous versons à ces
derniers plus de 2 millions de dollars en salaires par année.
Alors,
les librairies coopératives en milieu scolaire sont un maillon peu connu mais
très important de l'industrie du livre au Québec. En effet, on peut...
le pourcentage des ventes des livres qui est fait par les librairies
coopératives en milieu scolaire est de plus de 20 %, donc pour une part d'environ
90 millions de dollars, ce qui est non négligeable.
Alors,
pour faire un bref état de la situation, le livre est en mutation présentement
au Québec. Alors, durant les dernières années, l'environnement
commercial du livre a beaucoup changé, et de nouveaux acteurs, de nouvelles pratiques et de nouveaux défis sont venus
complexifier les façons de faire. On peut, par exemple, parler de la
numérisation : le livre se
dématérialise, les supports sont plus nombreux, on peut maintenant lire un
livre sur une tablette numérique, une liseuse, un téléphone, un
ordinateur.
Deuxièmement,
alors que la librairie était autrefois astreinte à son environnement physique
et sonenvironnement — la ville autour d'elle — maintenant, on peut vendre des livres dans d'autres
villes, dans d'autres provinces, parfois même dans d'autres pays. Les
ventes en ligne ont complètement modifié les façons de faire et les pratiques commerciales, et probablement que l'un
des changements les plus importants aussi est la venue des grandes surfaces, qui a modifié le portrait de l'industrie.
Alors, contrairement aux librairies indépendantes et en milieu scolaire,
les grandes surfaces tiennent en rayon un
catalogue beaucoup plus restreint de titres. On dira entre 200, 300 à 400
titres. Celles-ci créent donc une nouvelle concurrence qui est directe aux
librairies tout en poursuivant des objectifs qui sont dissemblables.
Ces librairies indépendantes ou en milieu
scolaire veulent offrir l'éventail le plus large possible de choix aux
lecteurs. Les grandes surfaces se contentent de tenir les titres les plus
populaires. De par leur volume d'affaires plus important, elles ont la possibilité de négocier
des escomptes plus alléchants que les petites librairies. En captant les
ventes des meilleurs livres… des meilleurs titres, pardon, elles privent les
librairies de ventes cruciales. Pour une librairie indépendante ou en milieu scolaire, ces titres qui sont très populaires
sont le socle, sont la fondation sur laquelle elle peut bâtir sa sécurité financière pour pouvoir offrir
une panoplie plus large et plus diversifiée de titres. On parle d'au
moins 6 000 titres pour une librairie agréée, ce qui peut monter à
20 000, voire 50 000 titres pour certaines librairies.
Pour l'instant,
les librairies en milieu scolaire ont été épargnées par la vague qui a touché
certains secteurs, parce que, on le
voit, certaines librairies indépendantes commencent à mourir à petit feu. C'est
un scénario qui était théorique avant,
qu'on voyait dans d'autres pays, mais qui commence à arriver au Québec aussi.
On le voit d'ailleurs à Québec par la
fermeture de librairies renommées et reconnues. Alors, cette vague-là n'a pas
encore touché les librairies scolaires, mais on sent l'orage venir.
Alors, c'est à titre préventif qu'on est ici devant vous aujourd'hui.
Alors, nos
propositions sont : premièrement, que la diversité littéraire et
économique soit protégée en créant une politique de réglementation du
prix des nouveautés littéraires. Alors, la proposition est très simple et elle
est partagée par de nombreux acteurs du
milieu du livre : toutes les nouveautés publiées verraient le maximum de
rabais possible à leur accorder limité à 10 % pour les neuf
premiers mois de publication. Après ce délai passé, les détaillants seront libres d'offrir l'escompte qui leur plaira aux
consommateurs. On compte de multiples bénéfices pour une telleréglementation : elle assure la diversité des
détaillants dans le secteur du livre, permet aux librairies de faire
foisonner l'offre littéraire sans la
confiner aux secteurs les plus profitables et éviterait une inflation
insidieuse du prix des livres sur le
long terme, ce qui aurait donc pour bénéfice de protéger le consommateur. On
peut considérer qu'une réglementation du prix des livres crée un
écosystème où chacun, librairie indépendante, en milieu scolaire, chaîne de
librairies, auteurs, éditeurs, distributeurs et grandes surfaces peut évoluer
selon ses moyens.
Notre deuxième proposition est que la
littérature générale et le livre didactique soient assujettis à la nouvelle politique sur le prix réglementé des nouveautés.
On entend par «livre didactique» les livres qui servent à l'enseignement
collégial et universitaire. Alors, la
littérature didactique vise à faire progresser les connaissances, les
techniques. Ce sont les supports avec lesquels nos professeurs
enseignent aux futures générations. Alors, en assujettissant la littérature didactique à la réglementation proposée, les
communautés étudiantes seront protégées d'une hausse indue des prix qui pourrait être causée par une concentration des
ventes entre les mains de quelques grands détaillants. De plus, l'accessibilité
de la littérature didactique est assurée
dans toutes les régions du Québec grâce au vaste réseau de coopératives
scolaires et librairies. Une offre qui serait seulement disponible dans les
grandes surfaces serait invariablement une limite à l'accessibilité des
étudiants en région éloignée.
Actuellement, la loi sur le livre définit un
livre comme une publication non périodique comptant au moins 48 pages de texte ou d'illustrations, ou les
deux, pages de couverture non comprises, assemblées par quelque procédé
que ce soit. Les avancées technologiques rendent cette définition-là peut-être
un peu caduque, et il serait nécessaire d'élargir le cadre de référence actuel pour y inclure les publications numériques.
Alors, la nouvelle réglementation proposée pourrait ainsi couvrir tous
les supports des titres possibles.
Or, c'est donc ces deux propositions-là que nous
sommes venus vous présenter aujourd'hui. Nous sommes convaincus que ces actions permettraient à l'industrie du livre d'assurer
sa pérennité et aussi assureraient la protection du consommateur en le protégeant d'une hausse des
prix. Alors, les impacts en seront bénéfiques et permettront aux
lecteurs québécois de garder un catalogue
riche et accessible et assurera un large éventail de choix didactique à nos
professeurs.
Et je
terminerais en vous disant ceci : Un livre n'est pas une simple
marchandise, c'est la trace de notre histoire, de notre culture et de
notre identité en tant que nation. Le laisser à la merci d'une logique purement
mercantile menace l'épanouissement culturel
qu'il nous apporte. Et c'est pourquoi, en tant qu'étudiant président de Coopsco
et grand lecteur, je vous demanderais d'agir sur la question. Merci beaucoup.
• (9 h 40) •
La Présidente (Mme Vien) :
M. Bouchard, merci beaucoup pour votre présentation. On va commencer maintenant
les échanges avec la partie ministérielle et M. le ministre.
M. Kotto : Merci, Mme
la Présidente. Messieurs, soyez les
bienvenus. Dans votre proposition, vous limitez à neuf mois la
période pendant laquelle le prix du livre neuf serait fixé par les éditeurs ou
les importateurs. Comment est-ce que vous êtes arrivés à établir cette limite?
Pourquoi pas six mois? Pourquoi pas un an?
M.
Bouchard (Jean-Emmanuel) : C'est
ça, en regardant un peu le cycle de vie d'une nouveauté, on arrive qu'en
moyenne c'est environ cette période-là où la nouveauté est le plus diffusée et
le plus disponible dans les librairies, et donc
c'est un peu une moyenne. Dans certains pays, c'est 12 mois; il y en a que c'est moins. On pense que, pour le Québec, dans la dynamique
commerciale actuelle, neuf mois, c'est un bon équilibre.
M. Kotto : O.K. Et vous souhaitez également
un escompte maximum de 10 %. Je réitère la question : Comment
vous en êtes arrivés à fixer ce seuil?
M.
Bouchard (Jean-Emmanuel) :
Dans notre dynamique Coopsco… Vous savez que les coops en milieuscolaire, lorsqu'on devient membre, on a droit à
une ristourne à l'achat, et donc, lorsqu'on regardait les pratiques, que
ça soit à Baie-Comeau, à Montréal, à Québec, dans l'ensemble du Québec, on
arrivait à peu près à ça, 8 % à 10 %, et donc c'était un rabais qui
respectait nos pratiques actuelles et aussi qui permettait toujours… On essaie,
dans Coopsco, de favoriser l'accessibilité
aux livres, et donc un escompte de ce niveau-là permet aux étudiants d'acheter
des livres avec un rabais et permet évidemment
à la coop qui… bien que, si elle fait des surplus, ils
ne sont pas distribués à des actionnaires, ils sont retournés dans le milieu, mais permet une
pérennité pour les coops en milieu scolaire. Donc, encore une fois, c'était
un escompte qui amène un équilibre, autant pour le client membre chez nous que
les coopératives pour assurer leur pérennité.
M. Kotto : O.K. Et quelle est
la part représentative du numérique par rapport aux ventes totales de livres
dans votre réseau?
M.
Bouchard (Jean-Emmanuel) :
Actuellement, on a un déploiement graduel de nos solutions de commerce électronique. Les coops qui vendent le plus dans
le numérique, on oscille autour du 5 % à 7 % de vente. On prévoit,
pour la prochaine année, jusqu'à 10 % de vente, mais on a des coops qui n'ont
pas encore débuté le commerce électronique, et
tout ça suivra bientôt, mais on en a 25 actuellement. Donc, les chiffres se
situent alentour de 5 % à 7 %. Si on se fie à ce qui se passe
aux États-Unis, dans la librairie scolaire américaine et canadienne,
actuellement, c'est près de 30 %. Ça veut
dire que 30 % des livres didactiques qui sont vendus à des étudiants aux États-Unis... Présentement, c'est 30 %. On croit penser que cette dynamique-là va se transposer au Québec,
et, si on regarde l'augmentation qui double pratiquement, pas à chaque année, mais à chaque session, on
devrait atteindre ces chiffres-là d'ici de trois à cinq ans, donc on
devrait être près de 30 %, si le même modèle américain se transpose au Québec.
M. Kotto : O.K. Bien, je vais revenir sur une distinction
qui me paraît un peu floue. Vous distinguez la littérature générale de
la littérature didactique. Dans les livres didactiques, il y a à la fois des
titres qui sont édités expressément à des
fins pédagogiques et d'autres titres qui, bien que relevant davantage
de la littérature générale, sont parfois utilisés dans le cadre pédagogique. Dans votre chiffre d'affaires
de près de 50 millions de
dollars en livres didactiques, quelle
est la part… enfin, qui est constituée relativement aux titres publiés
expressément à des fins pédagogiques?
M. Bouchard (Jean-Emmanuel) : Dans
le 50 millions?
M. Kotto : Oui.
M.
Bouchard (Jean-Emmanuel) :
Le 50 millions, de mémoire, ce qui est là, c'est le chiffre d'affaires
spécifique de Coopsco en livres didactiques, et on vend environ
10 millions en littérature générale. On a ciblé, dans ça, sur le livre
didactique.
Il faut se
rappeler, pour nous, on fait toujours une distinction de trois catégories de
livres : le manuel scolaire qui est vendu au primaire, secondaire; le livre didactique qui est vendu au
collégial, universitaire; et la littérature générale qui est vendue davantage dans les librairies indépendantes. Mais évidemment, en milieu scolaire, on vend aussi de la littérature générale,
mais ce n'est pas notre principale mission commerciale… C'est d'offrir des
livres, des outils pédagogiques aux étudiants.
M. Kotto : O.K. Est-ce que,
de votre perspective des choses, littérature didactique est de facto un livre
neuf?
M. Gagnon (André) : Bien, il est un
livre neuf. L'enjeu vient sur la question des réimpressions. Un livre de math 101, par exemple, première édition, un an
après, le livre peut être réédité parce que des exercices sont rajoutés,
des graphiques sont mis à jour, du contenu
est mis à jour. Donc, il peut y avoir une deuxième, une troisième, une
quatrième, une cinquième édition. Nous, on pense que la dynamique du livre neuf
devrait s'appliquer à chaque fois qu'il y a une nouvelle édition, et donc, dès qu'on change de contenu du livre, on
souhaite que la loi s'applique aussi pour les rééditions parce que, dans bien des cas, ça change vraiment
le contenu du livre. Des fois, ça en change un peu, mais, des fois, ça
le change vraiment : seulement que le titre, puis il est très modifié.
Donc, on souhaite que la loi s'applique autant pour les premières éditions,
nouvelles parutions, mais aussi pour les rééditions.
M. Kotto : Merci.
La Présidente (Mme Vien) : Ça
fait le tour pour vous, M. le ministre? M. le député de Bonaventure.
M. Roy :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs, bon matin. Dans votre mémoire,
pour poursuivre dans la veine de mon collègue le ministre de la Culture,
page 6, vous nous dites : «Le deuxième changement qui est venu transformer
l'industrie du livre est celui de la — je n'ai pas mes lunettes, je
m'excuse, là — numérisation.
Le livre se dématérialise et adopte des
supports qui lui étaient inconnus il y a seulement quelques années.» Est-ce que
vous — puis là c'est le sociologue qui parle — considérez
que ça peut avoir un impact positif ou négatif sur la littératie? La venue de
ce nouveau mode de lecture là, quel va être l'impact, à moyen et long terme,
sur la capacité de lecture, l'intérêt de lecture, la capacité à maîtriser...
M. Gagnon
(André) : Nous, on considère
que c'est positif parce que, et on le voit de plus en plus, sur nos
sites Web, on offre évidemment l'achat de
livres papiers, mais on offre également la version numérique. Ce qui nous
surprend, c'est qu'on pensait qu'il y aurait
un effet de cannibalisation du livre papier vers le livre numérique, et on se
rend compte que jusqu'à 30 % des gens qui achètent le livre papier
vont aussi l'acheter en livre numérique. Pourquoi? Parce que ça amène l'effet
de la mobilité. Et donc quelqu'un peut dire : À la maison, à l'école, je
vais lire avec mon livre papier. Lorsque je vais être dans l'autobus, je vais être en transport en
commun... Évidemment, pas dans l'auto… Quelqu'un me dit : Bien, dans l'auto, je lis. J'espère que
tu ne conduis pas. Mais non. Mais donc les gens peuvent lire un peu
partout, et on pense que cette
accessibilité-là, nouvelle, plutôt que toujours traîner une dizaine de livres,
favorise la littératie, favorise la lecture. Et donc on est tout à fait
favorables avec ce changement-là, mais il faut prévoir un cadre réglementaire,
un environnement qui va aussi le favoriser
et faire en sorte qu'on puisse, au Québec, être capables que nos livres
numériques soient diffusés partout, et non pas qu'on soit envahis des livres
numériques qui viennent des États-Unis, par exemple. Donc, il faut aussi avoir les moyens de s'assurer que notre production
éditoriale soit bien... prenne le virage numérique puis qu'on ait le
moyen aussi de la diffuser partout dans le monde.
M. Roy : Donc, on voit
apparaître une complémentarité entre le livre papier puis le numérique.
M. Gagnon (André) : Oui, c'est ça.
Chose qu'on ne s'attendait pas. On pensait qu'il y aurait vraiment un basculement, mais là on voit que les gens se
disent : Bien non, j'aimerais ça pouvoir... Je trouve ça le fun, mon
livre. On voit la même dynamique dans
les notes de cours, les recueils de texte, beaucoup plus présentement dans les
universités où l'étudiant veut la copie
papier, mais il veut aussi le numérique. Et ça, c'est tout à fait... on n'avait
pas prévu ça. Et c'est une bonne
chose, pas du fait que les gens achètent plus, mais qu'ils sont en mesure d'avoir
accès à leur contenu, et ça favorise le développement des habitudes de
lecture, donc tant mieux.
M. Roy : Est-ce que vous êtes
en train de nous dire qu'on s'en va aussi vers le livre audio pour l'auto?
M. Gagnon
(André) : Oui, c'est
possible, tout à fait. Il y a des livres maintenant qui ont du vidéo d'intégré,
et donc il y a de l'audio aussi. Les gens, des fois, ils aiment écouter un
livre. C'est particulier à dire, mais c'est le cas. Il y en a qui ont des
livres maintenant qu'on peut écouter.
M.
Bouchard (Jean-Emmanuel) :
Il pourrait très bien éventuellement y avoir un livre sur techniques
infirmières ou un livre de médecine où il y a le texte, et ensuite il y a une
vidéo qui nous démontre une démarche ou une procédure. L'étudiant peut regarder
la vidéo. On pourrait très bien aller vers ça. Donc ça multiplie les
plateformes, ça multiplie aussi les médias qui peuvent être utilisés pour le
livre seulement.
M. Roy : O.K. Merci beaucoup.
M. Viens (Francis) : Il y a aussi...
La Présidente (Mme Vien) :
Oui, M. Viens, un complément d'information, bien sûr.
• (9 h 50) •
M. Viens
(Francis) : Si je peux me
permettre un rajout, il y a tout l'ordre aussi de... l'ordre pédagogique. Au niveau des institutions comme telles,
les professeurs... chaque département se pose beaucoup de questions concernant
le coût aussi. On ne veut pas obliger les
élèves d'avoir des ordinateurs en classe. Le fait d'enseigner dans une classe
avec 20 ordinateurs ouverts et 10 qui n'ont pas d'ordinateurs, ça amène
des complications d'ordre pédagogique. Ça fait qu'il y a tout ce mouvement-là au niveau des études, là... qui est
regardé présentement. Je veux dire, le transfert ne se fait pas
automatique. Vraiment, le papier est encore un outil nécessaire, et le
numérique… d'obliger 30 élèves d'avoir un portable avec eux autres dans
une classe n'a pas encore pris le chemin complètement, là, comme tel.
M. Roy :
Juste un commentaire, s'il vous plaît. Bon. Un collègue me faisait part d'une étude qui
disait que, bon, il y avait une expérience qui a été faite par rapport à
des notes de cours que j'avais avec un papier, crayon, et notes de cours sur ordi, et ce qui apparaissait, c'était
que la capacité à aller fouiller ailleurs, chez les gens qui prenaient des
notes avec un ordi, venait, je dirais,
anesthésier un peu la rétention de l'information. Donc, oui, une plateforme informatique, c'est
intéressant, mais la multiplicité puis le multitâche qu'elle suggère tentent l'individu
vers autre chose et…
M. Gagnon (André) : Ça prend un
encadrement, effectivement.
M. Roy : Il faut beaucoup
plus de discipline.
M. Gagnon (André) : Oui.
M. Roy : Juste en terminant, une anecdote : j'enseignais
en vidéoconférence, et on me disait qu'on avait créé des salles
virtuelles, puis certains étudiants allaient allumer puis fermer les lumières
de manière virtuelle dans la classe. C'était un peu particulier. Donc, on avait
même des cas d'indiscipline. Ça conclut ma… Oui, c'est tout.
La Présidente
(Mme Vien) : Merci, M. le député de Bonaventure, pour ces remarques judicieuses. M. le député de Saint-Hyacinthe, c'est à
votre tour.
M. Pelletier
(Saint-Hyacinthe) : Merci, Mme la Présidente. Je veux saluer M.
le ministre, mes collègues de l'opposition, mon collègue ici, M. Bouchard, M. Gagnon,
M. Viens. Ma question va être assez simple. Vous mentionnez dans votre mémoire, au début, que l'importance du réseau des
coopératives en milieu scolaire... Vous mentionnez les revenus, mettons, relativement stables de 21… 98 millions, 91 millions au cours de cette période. Je veux
juste savoir : Est-ce que vous sentez, chez les nouveaux arrivants
à l'université, au collégial ou ailleurs, un intérêt accru pour la lecture ou pour les livres… on va dire, les
livres, général? Et le livre didactique, est-ce que ça fait partie de vos
analyses? Est-ce qu'il y a une
recrudescence? Est-ce que les élèves s'intéressent plus… les étudiants s'intéressent
plus à la lecture?
M. Gagnon (André) : Moi, je dirais que oui, mais c'est directement proportionnel à la
disponibilité, c'est-à-dire que plus
on est en mesure d'avoir des librairies qui sont le plus complètes possible,
plus on favorise de développer des habitudes de lecture jeune. Et c'est
un peu le sens de notre mémoire : il faut un réseau de librairies en
santé, autant dans les librairies indépendantes que dans les
librairies en milieu scolaire. Et donc, oui, mais, si les étudiants, un
jour, entrent dans les milieux scolaires, et
il n'y a pas de librairie, et que c'est uniquement, à la
limite, un comptoir qui dure trois
semaines et qui ferme, bien, encore
une fois, on vient de rater une
occasion en or de permettre de, premièrement, la culture québécoise,
puis découvrir tout ce qui peut s'écrire, donc… Mais on ne sent pas une baisse
des habitudes, une baisse d'intérêt, mais il faut
encore nourrir cet intérêt-là puis avoir des librairies qui sont le plus
développées, le plus complètes et le plus en santé possible, et partout
au Québec, là, que ce soit à Baie-Comeau, en Abitibi, à Montréal, à Québec, en
Beauce, il en faut partout, dans toutes les maisons d'enseignement.
M. Pelletier
(Saint-Hyacinthe) : Est-ce qu'il reste du temps, Mme la
Présidente?
La Présidente (Mme
Vien) : Abondamment.
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Abondamment. Merci. Dans votre réseau, quelle est la proportion entre
le livre didactique et le livre
général, la littérature générale? Quelle est la proportion d'utilisation, ou de revenus, ou de ventes, là, que vous avez chez vous?
M. Gagnon
(André) : C'est ça, tantôt on disait environ 50 millions de
livres didactiques, 10 millions en littérature générale.
M. Pelletier
(Saint-Hyacinthe) : 10 millions en littérature générale?
M. Bouchard (Jean-Emmanuel) :
Oui, seulement pour le secteur de la librairie.
M. Gagnon
(André) : C'est ça.
M. Pelletier
(Saint-Hyacinthe) : O.K. Merci. C'est tout.
La Présidente (Mme
Vien) : Merci. M. le ministre, il vous reste à peu près… un peu
moins de trois minutes.
M.
Kotto : O.K. C'est
bon. C'est largement suffisant. Vous avez dressé un portrait des changements
survenus dans l'environnement commercial du livre au cours des dernières
années. Est-ce qu'on peut savoir les impacts qui affectent le plus votre
réseau?
M. Gagnon
(André) : Le principal impact, c'est que — puis peut-être… d'entre
vous, vous avez côtoyé les coops en milieu
scolaire ou… à l'époque, on l'appelait coop étudiante, il y a
de ça peut-être 20 ans — c'était
un marché fermé, c'est-à-dire, les livres qu'on avait, l'accessibilité se faisait uniquement dans un contexte physique,
donc les gens devaient se présenter à
la librairie faire des achats. Quand est arrivée la venue de l'Internet, Amazon,
Google et tous les magasins en
ligne, notre dynamique a complètement changé. Maintenant, un étudiant qui attend 20 minutes en ligne,
bien, rapidement va prendre son iPhone puis il va se dire :
Bien, ça fait 20 minutes, je suis tanné, je vais le trouver, je vais me
le commander et je vais l'avoir demain. Et
donc, et on le voit dans l'étude Optique Culture, qui est faite par l'Institut de la statistique, les ventes ont baissé de 98 à 91 millions, et je
vous dirais que, principalement, c'est l'effet de la concurrence, mais
qui vient beaucoup… concurrence américaine. Donc, de plus en plus, les
étudiants se tournent vers des sites américains
qui, eux, achètent, vont dans les milieux scolaires à… les fins de session et
vont… ouvrent un kiosque et disent : Qui veut vendre son livre? Je vais vous l'acheter. J'ai un genre de
«Black Book», comme pour une auto, là, puis un livre de chimie qui se
vendait 80 $, bien, je vais vous le racheter à 20 $, je vous donne
20 $. Ils constituent des entrepôts qui sont
parfois tout près des frontières aux États-Unis, montent un site Web et vendent ces livres-là aux étudiants, à
rabais. Bon, tant mieux, parce qu'encore une fois, bon, le livre est moins
cher, mais des fois ce n'est pas la bonne édition, les stocks ne sont pas en quantité suffisante. Et donc on vit
aujourd'hui dans un environnement qui est beaucoup plus concurrentiel.
M. Bouchard
(Jean-Emmanuel) : C'est possible de faire un exemple. La session
dernière, j'avais un cours à l'université.
Le professeur donne la liste des ouvrages à acheter, et, après cinq minutes, il
y a une étudiante qui lève la main au
fond de la classe; elle dit : Bien, il est aussi en vente en numérique,
par exemple chez l'éditeur ou surAmazon, puis là, tout de suite, je vais sur mon iPad puis je
dis : Il est aussi en vente à la coop — question de prêcher pour maparoisse — il est aussi en vente numériquement à la
coopérative. Donc, le réflexe se fait immédiatement. Donc, la classe n'était même pas terminée que les gens
commençaient déjà à chercher où aller l'acheter, s'il était disponible
numérique ou non. Donc, c'est un réflexe qui se crée de plus en plus.
M.
Gagnon (André) : Et on a la
chance d'avoir cette transformation-là vers le numérique, vers le Web.
Compte tenu du groupe d'âge qui est membre de nos coops, bien, on est les
premiers touchés par ces changements-là.
La
Présidente (Mme Vien) : Et vous êtes très disciplinés. Merci
beaucoup. On va maintenant aller du côté de l'opposition officielle avec
Mme la députée de Laporte.
Mme Ménard : Merci beaucoup, Mme la Présidente.
Bonjour, chers collègues, M. Viens, M. Bouchard, M. Gagnon.
Alors, tantôt, M. Bouchard — je
pense, oui, M. Bouchard — vous
avez fait allusion à la fermeture d'une institution
à Québec, qui est la Librairie
générale française. Et ça fait... à deux fois, deux reprises, là, qu'on entend
parler de cette fermeture. Alors, je ne sais pas à quoi vous attribuez la
fermeture, parce que j'ai un article ici, dans LeJournal de Québec, que je vais vous citer, là.
On donne les raisons de la fermeture qui étaient : Trop forte concurrence
des magasins à grande surface, les
livres numériques et l'âge de monsieur… du propriétaire. Et M. le propriétaire,
je le cite, disait : Je suis forcé de fermer à cause de la
concurrence et ma clientèle âgée qui n'est pas remplacée. Alors, à quoi
attribuez-vous la fermeture, quand vous avez mentionné ça tantôt, là, après ce
que je viens de vous dire?
M. Bouchard (Jean-Emmanuel) : En
fait, c'est un… Comme je vous présentais, ces mutations-là ont une influence quand
même assez générale. Je ne peux pas
donner les raisons spécifiques de la fermeture de la librairie
littérature générale, mais, comme vous venez de l'exprimer, on parle des
grandes surfaces, on parle de la concurrence. Les meilleurs vendeurs d'une librairie, les 10 meilleurs titres, là, qu'on
peut aller chercher, c'est souvent eux qui vont être la fondation financière
de la librairie. Si ces ventes-là sont captées par des grandes surfaces, la
librairie indépendante en milieu scolaire ne
peut pas soutenir tout le catalogue qu'elle veut offrir, parce que peut-être
que le recueil de poésie de quelqu'un
qui se vend peu doit être vendu, mais doit être soutenu aussi par la librairie,
par des ventes qui vont être des livres de cuisine, des livres
populaires, le dernier Harry Potter, donc ce genre de ventes là. Si la
librairie perd ces ventes-là, à ce moment-là, c'est sa rentabilité qui est mise
en compte, qui est mise en… qui a un défi à ce moment-là.
Mme Ménard : Donc, est-ce que
vous pensez que, s'il y avait eu la réglementation du prix du livre, cette
librairie-là n'aurait pas fermé ses portes?
M.
Bouchard (Jean-Emmanuel) :
Ça aurait facilité l'environnement commercial, ça lui aurait peut-être
permis de pouvoir répondre aux différents défis comme la numérisation, comme
les ventes en ligne. Pour ce qui est de l'âge, ça, ça n'aurait peut-être pas
fait de différence, mais, à ce moment-là, on peut trouver de la relève.
Une voix : ...
M.
Bouchard (Jean-Emmanuel) : C'est
un peu difficile de trouver une relève si l'environnement commercial est
difficile.
Mme Ménard :
Oui, oui. Je veux reprendre les propos de mon collègue de Bonaventure qui
parlait, dans votre mémoire, que vous
affirmez que le livre se dématérialise et adopte des supports qui lui étaient
inconnus il y a quelques années. Nous
savons que ces nouveaux supports ne sont pas pris en compte dans la législation
actuelle. Alors, croyez-vous que nous devrions rouvrir la loi n° 51
afin de faire une mise à niveau? Parce que vous savez que la loi existe depuis 1981. Et aussi le volet numérique n'est pas
inclus. Il y a aussi la réglementation du prix, bien sûr, bon. Alors, est-ce
que vous pensez que nous devrions rouvrir la loi?
• (10 heures) •
M. Gagnon
(André) : Nous, on croit
que, compte tenu de l'urgence d'agir, si on rouvre la loi, on va tomber
dans plein de débats, dans toutes sortes d'éléments.
Peut-être que, oui, la loi pourrait être modernisée, mais on souhaite
vraiment une réglementation spécifique sur le prix réglementé et la
numérisation, qu'on traite de ces questions-là qui sont urgentes, et, ensuite de ça, on aura à considérer s'il est dans l'intérêt
de tout le monde de réouvrir la loi n° 51. Mais de lancer un chantier actuellement sur la loi n° 51,
compte tenu de beaucoup d'enjeux qu'il
y a dans cette loi-là, on a l'impression
qu'on n'adressera pas ces questions-là rapidement, puis, à chaque jour, à
chaque mois, à chaque année, il y a des librairies
qui vont fermer, la dynamique commerciale qui est néfaste actuellement va s'installer. Donc, par souci d'urgence et parce que, on le
voit dans certains pays, ces lois-là tenaient sur deux pages, on est en mesure
d'agir rapidement, circonscrire les débats et aider rapidement une industrie
qui est de plus en plus en difficulté.
Mme Ménard : Vous venez de mentionner : À chaque jour, à
chaque mois, il y aura des fermetures de librairie. Est-ce que
vous connaissez le nombre de librairies qui ont été fermées depuis les 10
dernières années?
M. Gagnon (André) : Non, pas
spécifiquement. Je suis convaincu que l'Association des libraires du Québec
pourra... Je ne veux pas répondre à leur place parce que c'est davantage leur
espace. Mais, non, spécifiquement, on ne le connaît pas.
Mme Ménard : O.K. Vous
mentionnez que la numérisation est le deuxième changement qui est venu transformer l'industrie du livre et qui
est tout de même encore marginal, mais bien présent. Est-ce que
vous croyez que ça viendra affecter également
la fréquentation des librairies et, par
le fait même, un enjeu très important
pour les libraires?
M.
Gagnon (André) : Oui, c'est ça.
Nous, comme je vous dis, on s'inspire beaucoup de ce qui se passe dans la librairie scolaire américaine, si on le ramène
dans notre dynamique, et, on n'a pas le choix, il faut suivre le
consommateur dans l'évolution de ses besoins. Donc, ça va influencer la
fréquentation, mais aussi, des fois, on peut utiliser, entre guillemets, le
fait de permettre à quelqu'un de télécharger un livre numérique en lui
disant : Bien, si jamais tu veux bouquiner davantage, tu peux te présenter
au point de vente.
Donc, il faut, à tous points de vue, autant dans
le Web, dans le numérique, points de vente physiques, suivre le consommateur dans l'évolution de ses besoins.
Mais, effectivement, ça peut avoir un impact sur l'achalandage, là,
peut-être une baisse dans certains cas. Nous, on le voit par exemple dans les
cours à distance, où des fois les gens, après avoir
terminé leur journée de travail, devaient se déplacer, aller au point de vente,
puis aujourd'hui ils sont en mesure de commander
leur livre et le recevoir à la maison, au bureau, et donc c'est avantageux. Ils
ne fréquentent pas le point de vente, mais
on doit avoir un point de vente qui est vivant, qui est dynamique et qui offre
l'ensemble… qui offre une production éditoriale la plus complète
possible.
Mme Ménard :
O.K. Peut-être une dernière question. Vous mentionnez que l'utilisation du Web
vient multiplier les possibilités
commerciales, vous en avez parlé tantôt. Vous mentionnez que cette réalité
offre de larges possibilités pour les
librairies et en même temps représente un défi financier de taille pour les
libraires. Est-ce que je comprends par vos propos qu'à long terme la
réglementation du prix ne vient pas… n'est pas la solution, là?
M. Gagnon (André) : Elle est la
solution, mais elle doit être combinée à d'autres actions. Je peux citer un exemple chez nous. Chaque coop, qui est
juridiquement indépendante mais regroupée, avait le choix de se
développer une infrastructure technologique Web et numérisation pour desservir.
On a décidé de mutualiser et donc de se payer ensemble une infrastructure, tout
comme d'autres réseaux ont fait. Et donc ça touche à deux niveaux : il
faut un encadrement légal qui nous permet de
fonctionner puis il faut poser des gestes et développer des projets qui sont
structurants pour l'ensemble de l'industrie.
Et, on le
voit, avec l'appui de la SODEC, plusieurs initiatives, qu'on parle de l'Entrepôt,
De Marque et autres, c'est toutes
des initiatives qui nous permettent, au Québec, d'avoir des projets
structurants pour s'assurer qu'on soit capables de passer à un autre siècle et de suivre nos consommateurs dans l'évolution
de leurs besoins. Mais il faut tout ça. Ce n'est pas juste la loi qui va
régler, c'est aussi d'autres projets, d'autres appuis aussi, des fois, venant
du gouvernement qui sont déjà en cours. Puis
j'en remercie la SODEC ainsi que le ministère de la Culture. Nous, on a
bénéficié de certaines aides, tout ce qui touche la numérisation, les
entrepôts, et c'est vraiment quelque chose qui nous permet de mieux desservir
les milieux scolaires. Donc, merci.
M.
Bouchard (Jean-Emmanuel) : Et
le défi est encore plus grand… Si les librairies ne sont pas en mesure
de survivre financièrement, le défi de l'investissement, des investissements
massifs qui sont nécessaires pour créer des infrastructures Web va être encore
plus difficile, va être une démarche qui va être encore plus difficile à
entreprendre pour les librairies.
Mme Ménard : Bien, merci
beaucoup, messieurs. Alors, merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Vien) :
Bien, merci à vous. Alors, Mme la députée de Montarville pour un
3 min 15 s.
Mme Roy
(Montarville) :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, tout le monde, bon mardi. Merci, messieurs, de vous être déplacés. Merci pour ce mémoire. Vous m'avez fait
revivre des souvenirs en parlant de manuels didactiques; on en a acheté quelques-uns
à l'université et au cégep.
J'aimerais
que vous m'éclairiez parce qu'on fait une différence ici, puis j'aimerais que vous
me disiez s'il y en a une ou
non, dans la loi actuelle, sur les manuels scolaires, ces manuels scolaires — et
corrigez-moi si je me trompe, s'il vous plaît — qui ne sont jamais vendus à
rabais et à un prix déterminé pour les manuels scolaires. Corrigez-moi si je me
trompe. Et est-ce la même chose pour le manuel didactique?
M. Gagnon
(André) : Bon. Dans la loi n° 51,
la loi du livre, qu'on appelle actuellement, trois catégories de livres : manuel scolaire, primaire, secondaire; didactique collégial, universitaire; littérature générale. La loi n° 51 ne réglemente pas le manuel scolaire, c'est-à-dire qu'elle n'impose
pas… Par exemple, une commission
scolaire n'a pas à acheter le
livre au prix de détail suggéré, contrairement aux deux autres catégories de
livres, et donc c'est vraiment… C'est le libre marché. Le livre
didactique est vendu dans les cégeps et universités, la littérature générale,
impose des escomptes que l'éditeur doit
consentir à la librairie pour s'assurer qu'on puisse avoir une marge de
bénéficiaire suffisante pour être capable d'avoir une librairie la plus
complète possible et aussi donne un marché à ces librairies-là, les librairies
qui sont agréées, pour vendre aux
bibliothèques, aux commissions scolaires, aux institutions publiques aux prix
de détail suggérés. Donc, encore une fois, ça nous permet, lorsqu'on
fait des ventes à des organismes publics, de faire une marge et qu'il n'y ait
pas une dynamique de guerre de prix qui s'installe.
Nous, ce qu'on demande dans notre mémoire, c'est
qu'advenant qu'il y ait une loi sur le prix réglementé la même dynamique de catégorie de livre soit
assujettie, donc que le manuel scolaire ne le soit pas, que le livre
didactique collégial et universitaire soit assujetti au prix réglementé, et la
littérature générale.
Mme Roy
(Montarville) :
Elle est là, la distinction. Je vous remercie infiniment.
La
Présidente (Mme Vien) : Merci. Mme la députée de Gouin, oui,
vous prenez la parole.
Mme David :
Oui. Merci. J'attendais que vous me donniez l'autorisation.
La Présidente (Mme
Vien) : Oui, bien sûr. Oui, je vous en prie, pour 2 min 15 s.
Mme David :
Pardon?
La Présidente (Mme
Vien) : 2 min 15 s.
Mme David :
Merci. Bonjour, messieurs. Pour aller plus loin, moi, j'aimerais mieux
comprendre encore, si c'est possible, ce que vous venez de dire. Pourquoi
est-ce que ce serait utile que la loi réglemente certains types de manuels et
pas d'autres?
M. Gagnon (André) : Parce qu'ils répondent à des dynamiques commerciales très différentes.
Par exemple, dans le manuel scolaire
qui est primaire, secondaire, dans bien des cas, c'est une dynamique où les
commissions scolaires, les écoles
vont acheter des livres et vont les prêter aux élèves. Donc, c'est une
dynamique qui est très différente. Ce n'est pas l'élève qui va faire l'achat,
bien que, des fois, on a à acheter certains livres, là, mais les livres sont
prêtés. C'est les écoles, les commissions scolaires qui font les achats. Donc,
c'est une dynamique commerciale qui est très différente.
Lorsqu'on
arrive au collégial et universitaire, ce qui est différent, c'est la catégorie
de livres. C'est un livre… moi, je l'appellerais les livres du savoir,
plutôt que de la littérature générale, j'appelle les livres, des fois, du
plaisir ou de la culture. Et donc, encore
là, là, c'est une même dynamique commerciale, mais dans des catégories de
livres qui sont différentes, qui ont des objectifs différents.
Donc, c'est pourquoi je pense, là… je ne veux pas
répondre pour les gens qui ont sanctionné la loi n° 51, mais c'est
quand même des catégories, des dynamiques commerciales qui sont différentes et
demandent un encadrement législatif différent.
Mme
David : Merci. Une dernière question. Dans le fond, si je veux
me faire un peu l'avocate du diable, vous, vous avez tout de même une clientèle un peu captive, c'est-à-dire que
vous êtes implantés en milieu cégep, université, c'est assez normal que
les gens, ils aillent acheter chez vous. Pourquoi est-ce que c'est si
important, à ce moment-là, pour vous de réglementer le prix des nouveautés?
M. Gagnon (André) : C'est que c'était captif. Tantôt je disais : Ça l'est de moins en
moins, parce qu'avant le livre était
disponible uniquement physiquement à la librairie. Et aujourd'hui, dès qu'il y
a une attente, je dis toujours : On a la première chance; si le
livre n'est pas disponible, immédiatement, c'est sur les sites Web. Et donc la
dynamique commerciale a complètement changé,
le Web, les étudiants… Des fois, des coops reçoivent des commandes à deux
heures, trois heures, quatre heures, cinq heures du matin, contrairement…
peut-être que les librairies, ce n'est pas comme ça.
Et donc on n'est plus
dans un marché captif, on est dans un marché qui est complètement éclaté, et
notre clientèle, bien, elle est déjà rendue
sur le Web. C'est sûr que ce n'est pas le même taux d'utilisation en fonction
des groupes d'âge, mais… Notre
clientèle étudiante, qui est 16-25 ans principalement, elle est branchée et,
déjà, elle n'a pas le temps d'attendre
et donc elle achète partout, et malheureusement, dans beaucoup de cas, elle
achète aux États-Unis. Et donc on veut avoir un encadrement législatif
qui va nous permettre de maintenir un réseau de librairies en santé partout au
Québec, continuer à donner le goût de la lecture aux jeunes le plus rapidement
possible.
La
Présidente (Mme Vien) : Ce sera votre mot de la fin, cher
monsieur. Merci beaucoup à vous trois. Merci. J'invite maintenant le
Réseau Biblio du Québec à prendre place pour... du temps de la petite
suspension.
(Suspension de la séance à
10 h 10)
(Reprise à 10 h 12)
La Présidente (Mme
Vien) : Alors, nous reprenons nos travaux. Nous avons le
plaisir d'accueillir, ce matin, M. Alain Guimond et Mme Joelle Thivierge,
respectivement président et directrice générale du Réseau Biblio... évidemment,
du Réseau Biblio du Québec. Bienvenue à vous deux. Bienvenue à l'Assemblée
nationale.
Alors, comme toujours,
vous avez 10 minutes pour nous présenter l'essentiel de vos réflexions. Après
quoi s'ensuivent des échanges avec les élus. Ça vous convient?
Réseau Biblio du Québec
M. Guimond
(Alain) : Très bien.
La Présidente (Mme
Vien) : On vous écoute.
M. Guimond
(Alain) : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. le ministre, messieurs
dames les députés. Le Réseau Biblio du Québec, c'est le regroupement des 11
centres régionaux de service aux bibliothèques publiques du Québec, ce qu'on
appelle les CRSBP.
Les CRSBP, c'est
un peu l'instrument du ministère de la Culture et des Communications du Québec
pour aider les municipalités de moins
de 5 000 habitants à offrir un service de bibliothèque de qualité à
ses citoyens. Les membres des CRSBP
du Québec, qu'on appelle Réseau Biblio, là, pour aller dans… ça compte 763
municipalités pour un total de 787 bibliothèques, puis ça représente une
desserte d'environ 1,7 million de personnes, qui sont, pour la plupart, en
milieu rural. On fait quand même 4 millions de prêts aux gens qu'on
dessert.
Je m'en voudrais de ne pas souligner que la très
grande majorité des services de bibliothèque est assurée par l'implication d'environ 7 800 bénévoles qui
travaillent autour de 400 000 heures annuellement. Puis ça, c'est
seulement lors des heures d'ouverture aux bibliothèques. Ça ne tient pas compte
du temps passé à réparer des documents, nettoyer,
faire du rangement, faire des achats aussi pour la bibliothèque, parce que les
membres du Réseau Biblio du Québec sont
d'assez importants acheteurs de livres sur tout le territoire québécois avec
environ 3,5 millions de dollars qui sont investis annuellement pour
le développement des collections.
Nos membres sont assujettis à la loi n° 51
sur le développement des entreprises québécoises dans le domaine du livre. Un des effets bénéfiques de cette loi, c'est
probablement les liens étroits que les bénévoles ont tissés avec les libraires de leur région, parce que les
bibliothèques des régions ont besoin des services professionnels personnalisés
puis des conseils précieux que les libraires donnent aux responsables puis aux
bénévoles de nos bibliothèques rurales pour le développement de leurs collections. On se demande souvent... en fait, à
quel saint pourraient se vouer les bénévoles des bibliothèques s'ils n'avaient
pas leur libraire.
Mais c'est
vrai que les choses changent, les choses progressent, puis la bibliothèque
rurale, elle ne fait pas exception à ça. Elle est passée de l'armoire à
livres à des petits centres culturels où il y a de l'animation, il y a des expositions,
il y a de la formation, il y a du
divertissement. Il y en a autant aujourd'hui pour les tout-petits que pour les
grands-parents. Mais, au final, la
bibliothèque demeure ce lieu privilégié où on a accès à une grande diversité d'ouvrages
sur un monde de sujets. C'est là, à la bibliothèque, où on trouve des
livres puis peu importe le format.
Pour y arriver, il faut conserver cette
diversité qui est à la base des collections locales, puis le libraire est le professionnel qui nous permet de faire les
meilleurs choix puis des choix adaptés à la clientèle desservie par la
bibliothèque Untel puis des abonnés d'une autre. Probablement que les aventures
de l'Homme Panache ont plus de succès à la bibliothèque
de Lebel-sur-Quévillon qu'ils vont en avoir à Nicolet. Mais encore, il faut savoir que l'ouvrage est
disponible puis qu'il nous a été recommandé.
D'ailleurs, on s'inquiète, le Réseau Biblio du Québec, de la diffusion, de la
visibilité puis de la disponibilité des œuvres des auteurs régionaux et locaux.
Nos bibliothèques sont fières de contribuer au
rayonnement des auteurs de la région, puis les petits libraires, généralement, le sont aussi. Un petit exemple : je suis moi-même bénévole à ma
bibliothèque depuis 12 ans puis, il y
a plusieurs années, quand je suis allé
visiter ma libraire, elle me montre un tout nouveau roman qui s'appelle — on
va prendre un cas particulier — Les héritiers de la mine.
Les héritiers de la mine, vous comprendrez, moi, je suis président, d'abord et avant tout, du Réseau Biblio de l'Abitibi-Témiscamingue‑Nord-du-Québec. Donc, ça doit parler de l'Abitibi-Témiscamingue,
Les héritiers de la mine. Elle dit : Oui. Elle dit : C'est une
femme du coin de Rouyn qui a écrit ça, puis
elle dit : C'est pas mal bon. Le nom de l'auteure, à ce moment-là, ça ne me dit rien, mais j'achète sa recommandation, je ramène le livre à la bibliothèque, il y a d'autres
bénévoles qui partent avec, puis, après un mois, il est toujours emprunté, toujours sorti, tellement
que j'en achète un autre. Quelques années plus tard, le même auteur commet un autre
roman, qui s'appelle Jeanne sur les
routes. Je n'ai même pas regardé de quoi ça parle puis je l'ai acheté. Je
savais que l'auteure… ça avait sorti, ça avait été emprunté à la
bibliothèque. Puis il y a des abonnés de la bibliothèque qui n'ont même pas
emprunté à la bibliothèque, ils ont acheté le deuxième livre parce qu'ils
avaient lu le premier, ils l'avaient apprécié.
Bien, le dernier roman de cette auteure-là, qui
réside dans le coin de Rouyn, s'intitule Il pleuvait des oiseaux. L'auteure
se nomme Jocelyne Saucier. Son roman remporte plusieurs prix prestigieux à
travers le monde, dont celui des cinq
continents de la Francophonie puis le prix France-Québec en 2012. Non seulement
elle fait rayonner l'Abitibi-Témiscamingue, mais maintenant le Québec à
travers le monde. Puis je dois vous dire qu'à un moment donné, quand j'ai vu la couverture de Il pleuvait des
oiseaux dans la vitrine d'une grande chaîne avec un bel autocollant «Coup
de cœur» dessus, bien, c'est venu faire vibrer ma petite fibre de
fierté, puis je me suis dit : Il y a peut-être un petit peu de nous autres là-dedans. Il y a peut-être un petit peu de
la bibliothèque locale, il y a peut-être un petit peu du libraire
régional qui a fait connaître cette auteure-là puis qui l'a diffusé. Puis
aujourd'hui on trouve les ouvrages de Jocelyne, d'Abitibi… On la retrouve sur Amazon,
sur Chapters Indigo, Archambault, Renaud-Bray, tout le monde.
Enfin, il y a
aussi la loi no 51, qui a joué un rôle important dans le maintien
des librairies un peu partout sur le territoire
du Québec, puis on pense que toute la population en profite. Mais il semble que
cette mesure n'est plus suffisante maintenant pour la survie des
librairies indépendantes, qui, elles aussi, bien, elles doivent s'adapter,
elles doivent se diversifier. Mais le rôle,
il est primordial pour assurer l'accès à une certaine diversité dans les
bibliothèques autant que pour le consommateur. Naturellement, je parle
des gens des régions particulièrement.
Donc, il y a
d'autres mesures qui semblent être nécessaires, dont celle du prix réglementé.
Puis, à cet effet, on pense que la proposition du neuf mois avant de
permettre au détaillant d'abaisser le prix, ça nous paraît raisonnable. On n'est pas des experts en la matière, dit
immédiatement. Pour les réseaux
Biblio régionaux, puisqu'on est assujettis à la loi no 51, on doit déjà se procurer nos livres dans des
librairies agréées et au prix déterminé par l'éditeur et la librairie.
Donc, l'harmonisation du prix des livres n'aurait aucune incidence négative, en
tout cas pour nos pratiques d'achats. Toutefois, la fermeture de librairies,
ça, bien, ça, ça pourrait nous causer des sérieuses difficultés dans l'application
de la loi. À titre d'exemple, dans la région de la Côte-Nord, il en reste
trois, librairies agréées, puis la loi exige que les institutions fassent l'acquisition de livres dans au moins
trois librairies agréées dans la région administrative où se trouve la bibliothèque. Donc, s'il devait
fermer une seule de ces librairies, bien, le CRSBP de la Côte-Nord ne pourrait
plus se conformer à la loi telle qu'elle est.
Chez nous, au
Témiscamingue, la librairie agréée est située dans le chef-lieu, qui est
Ville-Marie, le plus beau village du
Québec. Mais Ville-Marie se trouve à 140 kilomètres du magasin à grande surface
le plus proche puis aussi de l'autre librairie agréée la plus proche.
Dans le Témiscamingue, qui est un territoire de 20 000 kilomètres carrés,
il y a plusieurs bibliothèques. Il y en a une vingtaine, là, qui font partie du
réseau, dont la plus loin est à 85 kilomètres de Ville-Marie. Donc, si la
librairie de Ville-Marie devait fermer, bien, elle devra faire 200 kilomètres
pour se rendre à Rouyn-Noranda. Puis ça, c'est autant pour la bibliothèque que
pour le consommateur.
Pour le point de vue du
consommateur, de toute façon, l'influence du prix réglementé sur sa
consommation culturelle, je pense que vous allez rencontrer des gens qui sont
bien plus compétents ici pour vous apporter un éclairage sur ce sujet-là. Je vous apporte encore le point de vue de la
bibliothèque. D'un autre côté, nous, on va toujours s'efforcer à offrir
aux Québécois des régions un accès à une meilleure diversité culturelle
possible où qu'ils soient sur le territoire.
On
dit parfois qu'une chaîne est aussi solide que son maillon le plus faible, puis
on pense que le libraireprofessionnel
est un élément essentiel de cette chaîne. On est d'avis qu'il est important que
l'ensemble de la population ait accès à une grande variété de livres. On
pense que les bibliothèques, naturellement, sont le lieu par excellence pour
offrir cette bibliodiversité et qu'elles ont besoin des libraires et des
services professionnels qui sont attachés aux libraires.
Donc, nous sommes aussi d'avis que le consommateur québécois y trouve son
compte. C'est donc sans réserve que
le Réseau Biblio du Québec appuierait l'adoption d'une loi qui permettrait l'application
d'un prix réglementé pour le livre neuf imprimé ou numérique au Québec.
Merci.
• (10 h 20) •
La Présidente (Mme Vien) :
Vous êtes très discipliné, M. Guimond. Alors, vous venez d'ouvrir ainsi la période d'échange avec les parlementaires. Mme
Thivierge, vous vous joignez aussi au groupe sans souci. Alors, M. le
ministre, c'est à vous, la parole.
M. Kotto :
Merci, Mme la Présidente. M. Guimond, Mme Thivierge, soyez les bienvenus. Je
vais m'attarder un tout petit peu sur
l'exemple que vous donnez sur la Côte-Nord. Vous dites dans le mémoire :
«La fermeture de librairies pourrait influencer l'application de la loi
n° 51.» À titre d'exemple, donc, vous donnez cet exemple de la Côte-Nord,
«seules trois librairies sont agréées. Pour les institutions, la loi n° 51
exige l'acquisition de livres dans au moins trois librairies agréées de la
région administrative où se situe la bibliothèque. Cette application
deviendrait difficile, voire impossible, dans cette grande région étendue si
une de ces librairies devait fermer ses portes.» À votre connaissance, est-ce
qu'il y a un risque qu'à court terme on ait des cas de figure illustrant ceci?
M. Guimond
(Alain) : En fait, oui, M.
le ministre, même que, dans le cas de la Côte-Nord, je crois que c'est
déjà fait. Ils sont maintenant rendus à deux. Alors, déjà, c'est sûr qu'en achetant
à deux librairies agréées… Je vous ai dit trois, mais, en fait, on m'a soufflé…
Elles sont trois?
Une voix : …je m'excuse.
M. Guimond (Alain) : Pardon.
Mme Thivierge (Joelle) : Je parlais
des grandes surfaces.
M. Guimond (Alain) : Ah! Les grandes
surfaces.
Mme Thivierge (Joelle) : Il y a deux
grandes surfaces dans cette région.
M. Guimond
(Alain) : Donc, il y a trois
librairies agréées, donc, puis deux grandes surfaces. C'est moi qui ai
mal compris à ce niveau-là. Mais, écoutez,
je ne connais pas l'état financier ou la précarité des trois librairies
agréées, mais, s'ils devaient en fermer une, effectivement, on pourrait
se retrouver rapidement à devoir jongler, là, avec la possibilité…
M. Kotto :
O.K. Alors, je reviens aux questions pratico-pratiques. Vous suggérez une
période d'application pour le prix
réglementé de neuf mois. Qu'est-ce qui justifierait le choix, ce choix de neuf
mois? Pourquoi pas six ou 12 comme en France, on disait tout à l'heure?
M. Guimond (Alain) : Oui. Puis vous
avez tout à fait raison, puis on le dit d'emblée, qu'on n'est pas des experts en la matière. Mais, après consultation
avec les bibliothèques publiques puis avec certains organismes, il
semble que le neuf mois fasse consensus là-dedans.
Je ne sais pas si tu veux rajouter quelque
chose?
Mme Thivierge
(Joelle) : Oui. Bien, je pourrais dire, étant directrice générale dans
un Réseau Biblio, celui de l'Estrie, on voit
les titres les plus populaires être en demande, c'est à peu près la période
moyenne où ils sont le plus en demande. On a un service de prêt entre
bibliothèques, naturellement, pour prêter les livres entre les différentes bibliothèques, ça fait qu'on
est en mesure vraiment de voir quels sont les titres les plus populaires, les
plus demandés par les usagers. Et cette période de neuf mois va vraiment
couvrir, là, la popularité des best-sellers.
M.
Kotto : O.K. J'ai mal entendu. C'est quoi, l'élément de
référence auquel… enfin, dont vous parlez pour définir le neuf mois
précisément? Excusez-moi.
Mme Thivierge
(Joelle) : C'est la popularité de la demande du livre en bibliothèque.
M. Kotto :
O.K. En bibliothèque, donc.
Mme Thivierge (Joelle) : En bibliothèque. Donc, la période où il est le plus
populaire, qu'il est le plus demandé par les usagers. Donc, il y a des
réservations en attente, etc., donc…
M. Kotto :
O.K. Donc, ceci sous-entend que vous avez un suivi là-dessus, ce sont des
éléments documentés auxquels on peut avoir accès.
Mme Thivierge (Joelle) : Oui. Tout à fait, on a… Tout est informatisé,
toutes les demandes sont informatisées. Ça, on a des statistiques,
effectivement.
M. Kotto :
O.K. D'accord. Donc, si jamais la commission a besoin de ces références
physiques…
Mme Thivierge
(Joelle) : …fera plaisir.
M.
Kotto : O.K., parfait. Vous soulevez l'idée qu'il est important
de protéger les investissements publics qui ont été faits jusqu'à
maintenant dans le domaine du livre. Est-ce que vous pourriez préciser votre
pensée en nous indiquant également comment le prix réglementé du livre sur… le
livre neuf, pardon, pour une période de neuf mois pourrait contribuer à
protéger ces investissements-là?
Mme Thivierge
(Joelle) : Il y a beaucoup d'investissements au niveau public dans le
monde du livre et des bibliothèques. On le
sait bien, hein, que ça part de l'association des auteurs à aller jusqu'aux
bibliothèques publiques. Donc, ça
fait quand même plusieurs, plusieurs, plusieurs années que le gouvernement
investit dans ce milieu-là. La loi n° 51 en est l'exemple le plus populaire, le plus connu. Naturellement, ces
investissements-là ont permis à travers les années de sauvegarder le
livre au Québec, de sauvegarder cette chaîne du livre si importante.
Donc, comme on
mentionnait, les libraires aussi font partie de la chaîne, et notre crainte, c'est
que, si ces libraires-là ne sont plus
présents, cela s'effrite. Cette chaîne si forte qui a permis… C'est
extraordinaire, au Québec, qu'on ait autant de publications québécoises,
qu'il y ait autant d'auteurs, qu'il y ait autant de bibliothèques. Sur tout le territoire, comme vous le savez, on dessert des
petits milieux. Chez nous, on a une municipalité de 111 habitants qui a
sa bibliothèque. Pourquoi elle est là? Parce que les réseaux Biblio existent,
parce que le ministère investit dans les réseaux
Biblio, etc. Donc, c'est tous, globalement, ces investissements qu'on ne
voudrait pas voir se fragiliser, parce que, depuis des années, ils ont
aidé à maintenir ce réseau si fort et si exemplaire dans le milieu littéraire.
Je pense que le Québec, on est vraiment… on
sort vraiment notre épingle du jeu au niveau de l'édition, de la création, de
la diffusion. J'y crois beaucoup.
M. Kotto :
Merci, Mme la Présidente. Je laisse la parole à mes collègues.
La Présidente (Mme
Vien) : Bien sûr. Alors, M. le député de Bonaventure.
M.
Roy : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Guimond, Mme
Thivierge. J'ai une question d'ordre général. Comment se porte la
lecture au Québec?
Mme Thivierge (Joelle) : Elle se porte bien. Vous savez, la lecture…
Encore une fois, je peux vous dire que, statistiquement, au niveau des
bibliothèques, il n'y a pas de baisse dramatique au niveau — je vous
parle de mon domaine, naturellement — de la lecture. Les habitudes vont changer,
on l'a mentionné à quelques reprises. Oui, il y a la lecture sur imprimé. Oui, il y a la lecture
numérique. Vous l'avez mentionné tantôt, il y a la lecture audio. Le livre
parlé, vous savez qu'il est très populaire.
Il a commencé, naturellement, pour des besoins spécifiques, pour des gens avec
des problèmes au niveau de la vision, mais il est devenu très populaire. Je
suis la première à utiliser le livre en voiture. C'est extraordinaire, j'écoute
les livres que je n'ai pas le temps de lire.
Donc, elle se porte
bien. Et elle se porte bien aussi… Les bibliothèques publiques vont énormément
investir en animation. Donc, le livre, on va
le servir à toutes les sauces. La lecture, on va l'utiliser à toutes les
sauces. On a plein de programmes pour
les tout-petits, on sait que ça commence là. On les perd un petit peu à l'adolescence,
on les retrouve un peu plus tard. Donc, dans mon sens à moi — et
les statistiques me le démontrent aussi dans mon réseau et dans les autres
réseaux — ça
va bien, ça va bien.
M. Guimond
(Alain) : J'ajouterais peut-être, à ce niveau-là, que, malgré… étant
donné qu'on parle de régions puis qu'on sait
très bien que, souvent, en région, là, les populations sont vieillissantes, il
y a une clientèle naturelle des bibliothèques qui s'effrite. Puis, malgré
tout, les statistiques sont quand même… se maintiennent, malgré, des
fois, là, des départs, des migrations de
population qui déserte des petits villages. La bibliothèque demeure… Quand le
village ferme, la bibliothèque, souvent, est encore ouverte. On la ferme
en dernier, avec le dernier train, là.
M. Roy :
Merci beaucoup.
La Présidente (Mme
Vien) : M. le député de Saint-Hyacinthe.
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Merci, Mme la Présidente. Alors,
bonjour, madame, monsieur. Ma question va être assez simple, là. Vous parliez… J'ai accroché sur ce que vous venez
de dire. Vous dites : O.K., les jeunes, là, on les a. On perd
peut-être… l'adolescence, et tout ça. Mais il m'est venu à l'idée… Comment vous
pourriez faire, dans la bibliothèque, pour
que les jeunes adolescents puissent s'accrocher et avoir une référence,
autrement dit, être… aller à la bibliothèque, mais par le Web, et non
pas par les moyens naturels?
Alors, moi, ma
question, c'est bien simple, c'est : Avec ces nouveaux moyens
technologiques, est-ce que les bibliothèques publiques du Québec auraient
besoin… ou quels moyens elles ont actuellement pour répondre à cette demande-là, et qu'est-ce qu'elles auraient de
besoin dans le futur pour pouvoir accéder à ces besoins-là, qui sont
quand même… On parle de la génération des ados, c'est la génération qui vient au
monde avec la techno. Alors, je pense qu'il
faut être en mesure de s'adapter à
cette réalité-là. Et, vous qui vivez dans ce milieu-là, j'aimerais ça connaître
vos appréhensions puis, en même temps, vos outils ou les moyens qui pourraient
être développés.
• (10 h 30) •
Mme Thivierge (Joelle) : Il y a en beaucoup,
il y en a beaucoup. Je vais vous dire
qu'une des grosses forces des bibliothèques
publiques, pourquoi elles sont encore là, c'est que justement
elles réussissent à s'adapter, elles réussissent à répondre aux différents besoins de leur milieu, parce que
c'est sûr que ce ne sont pas toutes les bibliothèques qui vont offrir l'ensemble des services sur l'ensemble du territoire.
Il peut y avoir une modulation selon les milieux, selon les moyens qu'ils
s'étaient… Bon.
Donc,
pour répondre à l'une de vos questions : Oui, on s'adapte à cette clientèle-là, il y a
des endroits qui ont fait vraiment des choses extraordinaires pour s'adapter. S'il
le faut, il faut… on rentre le jeu dans les bibliothèques. Eh oui, il y a des
endroits où il y a des… pas des joujouthèques, le jeu… naturellement j'entends du jeu électronique. C'est une façon d'amener les adolescents à la bibliothèque. Il y a
des compétitions, des tournois, et, woups, on les entraîne
tranquillement vers autre chose, d'autres produits et services de la
bibliothèque, bien sûr directement avec les classes. On travaille directement avec les écoles. On a des programmes qui vont emmener des classes au
complet d'élèves à la bibliothèque pour les adapter.
On
va beaucoup exploiter le Web. Comme vous le savez, le livre
numérique a fait son entrée aussi au
niveau des bibliothèques publiques, donc les abonnés… et ça, c'était une
demande des abonnés, une demande des plus jeunes, d'emprunter du livre numérique, donc de ne pas nécessairement faire l'achat du fichier, mais de pouvoir l'emprunter au même
titre qu'un livre papier, de le lire sur sa tablette, sur son… bon, peu
importe, et ensuite le fichier devient… redevient disponible pour un autre
emprunteur. C'est des prêts au même titre que le papier.
Donc,
oui, les bibliothèques s'adaptent à tous ces changements-là pour aller
répondre à cette clientèle-là. Le livre numérique n'est pas seulement
pour la clientèle adolescente, bien entendu, mais c'est une autre façon. Donc,
oui, on s'adapte, il y a plein de produits et de services dans les
bibliothèques pour cette clientèle.
M. Guimond (Alain) : Puis, au-delà du livre numérique, quand on parle d'outils, aujourd'hui
notre bibliothèque rurale est accessible 24 heures sur 24. Je veux dire,
moi, avec ça, j'emprunte… je commande et j'emprunte des livres aujourd'hui, dans ma bibliothèque, à Lorrainville,
donc l'accessibilité. Puis les jeunes, qui sont beaucoup plus enclins à utiliser les outils comme ceux-là, à ce moment-là,
c'est une façon aussi de rendre la bibliothèque accessible aux jeunes.
Mme Thivierge (Joelle) : Oui, tout à fait, la rendre accessible. Et j'ajouterais…
Je mentionnais à M. le ministre un peu
plus tôt qu'on a des logiciels spécialisés pour le prêt entre bibliothèques,
parce qu'on sait bien que, dans une toute
petite municipalité, ce n'est pas la collection de la Bibliothèque nationale
qui est là. Mais la bibliothèque virtuelle, l'usager veut un titre à un
moment précis, on utilise le prêt entre bibliothèques, tout ça, c'est
informatisé, on peut faire venir le livre de la Gaspésie pour
Saint-Venant-de-Paquette, peu importe. Bien, on a encore énormément de demandes
de nos jeunes. Dans les catégories de livres
demandés, il y a des jeunes qui prennent la peine de faire des demandes — nous,
on les appelle les demandes spéciales — spéciales pour des titres précis. Il y a
encore un intérêt. Et je suis la première surprise quand je regarde nos
statistiques, mais ça fait plaisir.
M. Pelletier
(Saint-Hyacinthe) : O.K. Merci. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme
Vien) : Nous avons 12 minutes, il vous reste quatre minutes à
peu près.
M.
Kotto : Merci. Vous ne vous attardez pas, dans votre mémoire,
aux enjeux particuliers du livre numérique, mais vous demandez que le
prix réglementé s'y applique de la même manière que pour le livre physique.
Pourquoi?
Mme Thivierge
(Joelle) : Pour la même raison. Pour la même raison, de dire… Parce
que vous savez que les bibliothèques ne sont pas tenues par la loi… les
bibliothèques, étant un acheteur institutionnel, ne sont pas tenues par la loi n° 51 à
acheter le livre numérique dans les librairies agréées, tel que c'est le cas
pour le papier, mais nous le faisons.
Les réseaux de bibliothèques publiques se sont entendus, nous allons respecter
l'esprit de la loi, nonobstant que le livre
numérique n'est pas couvert, pour la même raison : aider nos librairies.
Donc, nous achetons par l'entremise de nos librairies nos livres
numériques. On pourrait aller à l'extérieur, ce serait… vous le savez comme
moi, hein, on clique un petit peu sur le
clavier puis on pourrait acheter à l'extérieur. Non. Toujours dans un esprit d'entraide,
dans un esprit de mise en commun, partage des ressources, on veut se
garder un réseau de librairies fort partout. Nous allons acquérir le livre
numérique au même titre que le papier, donc le prix réglementé s'appliquerait
aussi au numérique.
M.
Kotto : Pour notre gouverne, à votre connaissance, est-ce que
le livre numérique permet d'assurer la visibilité des auteurs, enfin des
écrivaines et écrivains locaux et régionaux?
Mme Thivierge (Joelle) : Encore faut-il que l'écrivain soit disponible en
numérique. Nous, on veut bien acquérir ces
documents-là, mais, bien sûr, c'est l'éditeur qui
va déterminer si le fichier en
question est disponible en numérique. Est-ce suffisant? Il faut des
campagnes, il faut les faire connaître, il faut les publiciser au même titre
que le papier.
M.
Kotto : O.K. Merci.
La Présidente (Mme
Vien) : Merci, M. le ministre. Mme la députée de Laporte.
Mme
Ménard : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour. Bienvenue.
Tantôt, mon collègue de Bonaventure vous
a posé une excellente question concernant le taux des lecteurs. Vous avez
répondu : En fait, la lecture se porte bien au Québec. Quand vous
dites ça, est-ce que vous avez constaté une augmentation?
Mme Thivierge (Joelle) : Non. On n'a pas constaté de diminution, ce qui
est déjà bien. Et, bien entendu, je parlais ici d'un point de vue de
statistiques de bibliothèques dans notre réseau, le Réseau Biblio du Québec, si
on regardait les statistiques sur plusieurs années.
Mme
Ménard : Parce qu'il y avait eu un article l'année dernière
dans La Presse qui disait que les Canadiens ne sont pas de
gros lecteurs.
Mme Thivierge
(Joelle) : Peut-être les Québécois, oui.
Mme Ménard :
Non, non, non, attendez. Attendez que je finisse, attendez que je finisse. Et,
à l'intérieur du Canada, c'est au Québec que
les habitudes de lecture sont au dernier rang. Alors, on a beaucoup de travail
à faire. Et, quand on parlait d'ouvrages littéraires, on disait que
48 % des lecteurs canadiens touchaient des œuvres littéraires puis, au
Québec, 37 %.
Mme Thivierge
(Joelle) : Oui. Vous avez tout à fait raison. Et ces statistiques-là
sont aussi vraies si nous comparons les indicateurs de performance des
bibliothèques québécoises versus les bibliothèques canadiennes. C'est vrai. On a encore du chemin à faire. Mais
présentement, au Québec, si on se compare entre nous, là, il y a un
maintien présentement.
Mme Ménard :
Parce que vous allez me permettre de vous dire que je me pose de grandes
questions quant à l'attrait des auteurs et
de l'industrie dans son entièreté quand, en 2012, le livre le plus vendu au
Québec, c'est : La mijoteuse : de la lasagne à la crème
brûlée, suivi du Guide de l'auto. Et, bien qu'il y ait de très
bonnes recettes là-dedans, là…
Mme Thivierge (Joelle) : Oui, je l'ai consulté d'ailleurs. Mais, vous savez,
nous, dans les bibliothèques publiques, on ne portera pas de — excusez-moi
l'expression — jugement…
M. Guimond
(Alain) : De jugement.
Mme Thivierge (Joelle) : …sur ce que nos gens lisent. S'il y a un besoin
pour la… d'avoir deux exemplaires de La mijoteuse, on va l'acquérir.
Ça demeure, pour nous, de répondre aux besoins de notre lectorat. Mais
vraiment, en contrepartie, là encore, vous
savez, on répond beaucoup aux demandes spéciales de nos abonnés. Donc, quelqu'un
arrive, il y a un titre en particulier que nous n'avons pas, soit on va l'emprunter
ou, si on trouve que c'est intéressant pour notre collection, on va l'acquérir.
Donc, l'abonné va aussi être partie prenante du développement de sa collection.
Mais encore faut-il le trouver, ce livre, et
c'est là que nos libraires vont venir nous aider — il y a
des librairies spécialisées jeunesse — c'est là que nos libraires
vont venir nous aider à trouver. Des fois, c'est un titre précis, des fois, c'est
un sujet. Et, si c'est La mijoteuse, on va lui prêter La mijoteuse.
M. Guimond
(Alain) : Et vous avez raison, Le Guide de l'auto est très,
très populaire, puis ça, c'est partout.
Mme Thivierge
(Joelle) : Puis ça amène nos hommes à lire.
Mme Ménard :
Oui. Et, en 2011, c'était la même chose, c'était un livre de recettes, numéro
un, et Le Guide de l'auto, alors…
J'ai posé la même question à l'association des
bibliothèques du Québec : Parce que vous avez parlé de petites
municipalités, hein? Alors, quel est le profil de la clientèle aujourd'hui de
vos bibliothèques?
M. Guimond (Alain) : Au niveau…
Peut-être que Joelle pourrait répondre pour l'Estrie, mais c'est sûr que l'utilisateur…
Il y a beaucoup de jeunes familles…
Mme Thivierge (Joelle) : Des familles.
• (10 h 40) •
M. Guimond (Alain) : …qui utilisent
la bibliothèque, on parle des parents avec les jeunes enfants qui s'en viennent là. Puis ça, ça nous fait bien plaisir,
puis je pense que c'est aussi dû à nos grands efforts au niveau de l'animation
puis de l'éveil à la lecture qu'on fait dans
les petites bibliothèques. Ça, c'est une des choses, puis naturellement la
clientèle plus âgée, les personnes retraitées qui ont beaucoup de temps,
beaucoup plus de temps pour lire. Donc, je dirais que la majorité de la clientèle… Puis, quand on fait un peu les
statistiques, c'est pas mal là-dedans. Comme M. le député disait un peu
plus tôt, c'est un défi, quand même, d'aller chercher, bon, la clientèle
adolescente. Mais, encore là, avec les outils
technologiques, on pense qu'on réussit à aller les chercher tranquillement. En
fait, le gros défi dans les petits milieux, c'est que les gens s'approprient la bibliothèque, puis ça, on le fait de
plus en plus. Les gens s'approprient,
les petits milieux s'approprient de plus en plus leurs bibliothèques parce que c'est souvent la dernière place où la culture va
être disponible et accessible. Donc, c'est un travail. Mais, pour le
profil de la clientèle : jeunes familles et personnes âgées.
Mme Ménard : Merci beaucoup.
Mme Thivierge (Joelle) : Et, si vous
permettez...
Mme Ménard : Oui?
Mme
Thivierge (Joelle) : …j'ajouterais
aussi… Le service de proximité que la bibliothèque peut offrir, la
majorité de nos petits milieux ont des liens
directs avec la petite école, avec l'école du village ou l'école de la petite
municipalité. Et ça aussi, ça va amener une clientèle, comme je le mentionnais
un peu plus tôt, des classes complètes à l'école, et ces enfants-là vont
revenir le soir avec leurs parents, etc.
Mme Ménard : Vous avez fait
mention dans votre mémoire à plusieurs reprises de la loi n° 51, et je
vous ai entendus dire qu'elle était
insuffisante. Est-ce que vous êtes d'avis que nous devrions rouvrir la loi
n° 51 et y intégrer le
volet numérique et, bien sûr, réglementation du prix?
M. Guimond (Alain) : En fait, ce que
je disais, c'est qu'il nous semble, puis les travaux de la commission le démontrent, que la loi n° 51 à elle seule ne
peut pas assurer à ce moment-là aux librairies indépendantes leur survie.
Puis c'est un peu ça, là, puis c'est vraiment de même qu'on l'amène dans le
mémoire, c'est qu'il nous semble que… ça nous
apparaît que ce n'est plus suffisant. Est-ce que rouvrir la loi n° 51
serait une solution? Je ne le sais pas. La loi n° 51 avec un prix
réglementé du livre, bien, nous apparaissent deux mesures qui pourraient en
tout cas aider. Puis, par la suite des choses, il y a peut-être d'autres choses
qu'il faudra faire, je ne sais pas. Mais présentement c'est un peu ce qu'on
communiquait.
Mme Ménard :
O.K. Et, en dernier lieu, dans votre mémoire, plus spécifiquement le dernier
paragraphe, vous mentionnez que, si
la venue d'un prix réglementé peut aider à la survie des librairies, bien, vous
appuierez. Alors, vous comprendrez qu'en lisant ceci vous ne m'avez pas
vraiment convaincue, là. Je vous trouve très modéré dans votre position. Alors,
pouvez-vous... sur quoi vous vous êtes basés, là, pour faire ce commentaire-là?
M. Guimond
(Alain) : En fait, c'est de la
simple prudence. On n'est pas des économistes, puis on ne peut que parler de ce qui se passe chez nous, et puis c'est
quand même beaucoup, hein? Quand on parle de chez nous, quand on parle de 760 quelques municipalités puis
787 bibliothèques partout au Québec, c'est très, très étendu. Mais on ne
peut que vous parler de ce qui se passe dans nos milieux. Moi, je vous dirais,
on pourrait faire une affirmation au niveau des librairies dans les petits
milieux, je vous assure que ça, ça va aider, mais, en général, je ne pourrais
pas vous le dire.
Mme Ménard : D'accord, merci.
Merci.
La Présidente (Mme Vien) :
Merci. M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Et, à mon tour, bienvenue.
Je vais
renforcer deux de vos constats. Effectivement, l'Abitibi, c'est une très belle
région du Québec. Comme ancien
ministre des Affaires autochtones, j'ai eu à visiter les communautés Anishnabe,
et, je pense, lac Kipawa est un desmeilleurs...
un secret bien gardé au Québec. Et, deuxièmement, je représente deux
communautés de moins de 5 000
personnes qui ont des bibliothèques publiques, qui font un travail
extraordinaire, notamment avec les bénévoles, alors
merci beaucoup pour souligner l'apport des bénévoles. Je ne pense qu'aux
bibliothèques à Baie-d'Urfé, dans l'Ouest-de-l'Île
de Montréal, c'est entièrement des bénévoles qui font fonctionner ça et c'est
vraiment extraordinaire le travail qu'ils font.
Vos membres, est-ce qu'ils achètent le livre en
ligne?
Mme Thivierge (Joelle) : Non, non.
Excusez-moi, là, je pensais que le président...
M. Kelley : Parce que, quand
je vous écoute...
Mme
Thivierge (Joelle) : En
fait, je vais parler pour mon réseau, le Réseau Biblio de l'Estrie, non. Nous
achetons nos livres chez les libraires agréés, mais on pourrait acheter en
ligne chez le libraire agréé. Ce serait possible.
M. Kelley :
Oui. Non, mais, quand on pose le dilemme de prendre 100 kilomètres de
route pour aller acheter un livre, je
trouve ça aujourd'hui… et même votre dilemme d'avoir les librairies agréées
dans la Côte-Nord, on a des énormes distances
entre… dans l'aire de… On peut acheter auprès d'une librairie agréée, ce n'est
pas ça que je remets en question. Mais,
juste aller sur l'ordi commander ça, tu n'es pas obligé physiquement, à chaque
reprise, d'aller dans le magasin acheter un livre en 2013. Alors, je pense… une nuance importante et… Alors, je
comprends le dilemme, mais, par contre, vos membres peuvent facilement acheter en ligne. Et, même au niveau des
conseils et les suggestions, ça, c'est disponible en ligne aussi, ce n'est pas uniquement en parlant…
Et, je comprends, le contact humain, je pense, c'est ma collègue de Gouin qui a parlé de ça hier, et j'endosse
ses propos. Mais, quand même, au niveau où je dois gérer une bibliothèque, je
suis à 100 kilomètres d'une librairie, parce que
les distances sur la Côte-Nord sont énormes, ce n'est pas plus répandu
que je puisse aller... Et je vais acheter une dizaine de titres auprès d'une
librairie agréée, ce n'est pas ça que je remets en question. Ce n'est pas
fréquent parmi vos membres?
M. Guimond
(Alain) : D'abord, juste m'excuser,
quand vous aviez parlé des membres, j'avais… j'ai tout de suite pensé abonnés. Non, au niveau
des membres, quand il y a un… on va dire un best-seller, il va arriver qu'ils
vont commander, admettons, par courriel à leur librairie agréée, ils vont
commander quelques titres comme ça. Mais, généralement…
Puis, quand on va parler de littérature jeunesse, admettons, la bénévole a
besoin de voir le livre, elle a besoin
d'y toucher, elle a besoin de l'ouvrir puis de voir si ça a l'air… C'est-u
solide? C'est-u intéressant? Bon, des fois, il y a des livres qui sont
interactifs, est-ce que ça va répondre à ma clientèle? Puis ça, ce n'est pas le
genre de choses qu'on peut voir par Internet, il faut vraiment toucher
le livre. Aussi, il y a le traitement de ce livre-là. Il y a des livres qui
sont disponibles qui ont une reliure, ce qui peut être intéressant pour la
durée si on veut que le livre — surtout dans les livres documentaires — dure
pendant un certain temps, sinon on va avoir des coûts supplémentaires rattachés
au traitement de ce livre-là, à le faire relier, etc.
Donc, il y a
des considérations comme ça aussi que la bénévole qui est responsable des
achats à la bibliothèque va considérer.
Parce que, généralement, on va avoir un bénévole qui va être
responsable des achats pour jeunesse, on va en avoir un autre pour les
ados, on va en avoir un autre qui va être spécialisé pour le roman, puis qui, à
ce moment-là, savent qu'est-ce que la clientèle veut voir.
Mais, au niveau
du livre comme tel, je pense que c'est important, à part le livre, le
best-seller ou la saveur du jour, d'aller
voir, de toucher. Il y a un lien, hein? Je veux dire, ça, c'est un lien
avec le livre, là. Je pense que la majorité des gens qui aiment lire
puis qui aiment… qui ont un attachement pour le livre papier aiment l'avoir
entre les mains, le toucher, le sentir.
M. Kelley : Il reste du
temps?
La Présidente (Mme Vien) :
Oui, il reste un peu moins de trois minutes, M. le député.
M. Kelley : O.K. Mon autre question. Le mystère, pour
moi, vous endossez la position que, pour les nouveautés, pour neuf mois, il y aura une limite aux rabais
que les magasins peuvent offrir. Alors, j'imagine, peu importe, le plus
bas prix va demeurer à Costco et Wal-Mart
qui vont aller au maximum du rabais permis selon la proposition qui est sur la table. Alors, c'est
quoi qui va changer dans le comportement des consommateurs, qui va donner un
appui additionnel aux librairies agréées? Parce qu'il y aura toujours du monde
dans Wal-Mart, veux veux pas. Alors, moi, je constate. Moi, je ne suis pas un
grand fan de Wal-Mart — mais
ce n'est pas moi qui fais beaucoup d'achats chez nous de toute façon — mais
je constate que le stationnement de Wal-Mart, dans mon comté, est toujours
plein et, j'imagine, ça va continuer d'être toujours plein avec ou sans une
limite aux rabais sur les livres parce que, j'imagine, règle générale, les
personnes sans Wal-Mart peuvent acheter d'autres choses.
La Présidente (Mme Vien) : En
quelques secondes.
M. Kelley : Et, en passant,
ils vont acheter des livres. Alors, c'est quoi qui va changer pour aider les
petits magasins de livres?
M. Guimond (Alain) : En fait, un
10 %... Puis, encore là, on parle des régions, je ne pense pas que, pour
un 10 % de rabais, les gens vont faire
du kilométrage indu pour simplement acheter des livres. Par contre, s'ils sont
de passage chez
Wal-Mart, s'ils ont fait le 140 kilomètres parce qu'ils avaient des achats à
faire chez Wal-Mart puis que le dernier Louise Tremblay-D'Essiambre, il est là puis qu'ils veulent l'avoir, ils
vont l'acheter là, c'est sûr et certain. Mais on voit beaucoup… Dans nos
petites régions, les gens vont dire : Quand le livre va sortir, le
prochain, parce que j'ai aimé, bien, tu m'en réserves une copie, puis je vais
aller le chercher. C'est un service personnalisé que le libraire donne aux
consommateurs.
La Présidente (Mme Vien) : Ce
sera votre mot de la fin, M. Guimond. Merci beaucoup. Merci infiniment également à Mme Thivierge. Pardon, excusez-moi,
Mme la députée de… J'allais clore la discussion, ce n'est pas fini. Je
vous prie de m'excuser, je vous prie de m'excuser. Mme la députée de Montarville,
excusez-moi, pour une période de 3 min 15 s. Excusez-moi encore.
• (10 h 50) •
Mme Roy
(Montarville) : Vous êtes toute pardonnée, Mme la
Présidente. Bonjour, M. Thivierge et… pardon, Mme Thivierge et M.
Guimond. Je suis rendue à l'âge où ça me prend mes lunettes parce que je ne
vois pas ce qui est écrit.
Écoutez,
d'un, on ne peut que saluer le travail, là, qui se fait dans les bibliothèques,
là, réseau des bibliothèques, votre
réseau. On en a besoin. C'est primordial, les bibliothèques, au Québec, surtout
lorsqu'on n'a pas les moyens d'aller s'acheter
des livres. Dieu sait que… Et, à une certaine époque, j'y allais, et j'allais
prendre les livres de recettes, et j'allais prendre les romans en bibliothèque beaucoup plus souvent. Mais, si on
veut justement travailler dans l'optique qu'il faut aider les librairies
et nos librairies indépendantes, moi, je vous soumets une hypothèse puis j'aimerais
avoir votre opinion là-dessus.
Je me demande dans quelle mesure… Avec la loi n° 51,
actuellement, les librairies agréées doivent détenir 30 000 titres. C'est
beaucoup, c'est une obligation qui est très importante, ce
30 000 titres. Je me demande si on ne serait pas rendus à un
moment où pourrait peut-être alléger, revoir cette obligation pour leur donner
un peu d'air pour qu'ils puissent faire en sorte, là, de remplir leurs
obligations puis peut-être dégager, au bout de la ligne, un petit peu plus de profits. Mais c'est une hypothèse de travail que
je vous soumets. Parce qu'avec tous ces titres-là, je me demande, dans
les bibliothèques, s'il y a de ces titres qui sont disponibles et qui ne
sortent jamais des tablettes.
M. Guimond
(Alain) : C'est évident que tout ne sort pas constamment, mais il
est important d'avoir une diversité, dans
le sens que, quand on cherche un document qui va parler d'un sujet x,
généralement on compte sur sa bibliothèque pour pouvoir se le procurer.
Même, quand on ne le trouve pas en librairie, des fois, on va voir à sa
bibliothèque pour savoir s'il n'y a pas un
ouvrage de référence sur ça. Puis l'avantage du réseau, c'est justement que,
même si on trouve 3 000 titres à ta bibliothèque de quartier, en
fait, tu as accès à des centaines de milliers…
Mme Thivierge (Joelle) : Hein, en
millions.
M. Guimond (Alain) : …millions
maintenant — je
veux dire, je n'étais pas trop sûr — donc de titres, donc il y a
des chances qu'il y ait un ouvrage de référence qui va vraiment répondre aux
besoins.
Maintenant,
le libraire agréé, si jamais il y a un sujet qui est… Nous, on peut lui commander
aussi à ce moment-là, dire :
Bon, bien, écoutez, on a une clientèle qui semble s'intéresser à un sujet en
particulier, on aimerait avoir un ouvrage de référence là-dessus, qu'est-ce
que tu as, qu'est-ce que tu as ou qu'est-ce que tu peux commander? Donc, je ne connais pas… je n'ai pas eu de rétroaction me
disant que les petits libraires trouvaient que la loi n° 51, l'obligation
était lourde. Si c'est le cas, tu sais, à ce
moment-là, ça pourrait toujours être à revoir, parce qu'encore aujourd'hui, même
dans n'importe quel commerce, l'obligation d'avoir un inventaire physique
important, avec les possibilités de commandes en
ligne ou… bien, à ce moment-là, c'est peut-être moins important de l'avoir
physiquement. Mais, encore là, c'est en allant dans votre hypothèse, là,
de travail. Mais moi, je n'ai pas eu comme feedback comme quoi que c'était un
problème de garder cet inventaire-là. Ça l'est peut-être.
Mme Roy
(Montarville) :
A contrario, pour les bibliothèques, plus l'inventaire est grand, c'est-à-dire
plus la diversité des titres est là, mieux c'est pour vous, dans la mesure où
vous êtes la référence à qui on va faire appel, là.
Mme Thivierge (Joelle) : Tout à
fait. Puis je mentionnais tantôt que plusieurs… On reçoit régulièrement des
demandes d'acquisition de titres qu'on n'a pas, par exemple, de la part de nos
abonnés, et curieusement ce n'est pas toujours
des nouveautés que les gens vont nous demander, ce n'est pas nécessairement…
Bien sûr, il y a les livres… sortis. À
partir du moment où ils en entendent parler à la télé, à certaines émissions,
on peut être sûrs que, le lendemain, il y a 12 demandes. Mais
moi-même, des fois, je suis très surprise de voir comment les gens peuvent
demander des choses qui sont même… été publiées il y a quelques années. Donc,
oui, c'est important d'avoir un fonds documentaire.
Mme Roy
(Montarville) :
Merci.
La Présidente (Mme Vien) :
Merci beaucoup, Mme Thivierge. Mme la députée de Montarville, j'ai laissé
quelques secondes de plus pour me faire pardonner. Mme la députée de Gouin, c'est
à votre tour.
Mme David :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Merci infiniment pour ce travail que vous
faites. Moi aussi, j'ai découvert tardivement Mme Saucier, mais je
ne le regrette pas.
Écoutez,
en fait, là, j'ai l'impression qu'il y a ici, autour de cette table, uniquement
des gens qui veulent la survie, le développement de la petite librairie
et qui en voient tous les mérites. Je n'ai pas l'impression que le problème est
là. On dirait que le problème, c'est :
oui, mais, si on dit oui à la proposition que vous faites et que d'autres font,
de réglementer partiellement, parce qu'il y a encore possibilité de
rabais, le prix des nouveautés vendues dans les grandes surfaces, ça pourrait…
en fait, non seulement peut-être que ça n'aurait pas un effet extraordinaire
sur les petites librairies indépendantes — donc ça, d'autres pourront en
parler — mais,
deuxièmement, ça pourrait faire diminuer la lecture, diminuer les ventes de
livres. Certains disent ça.
Alors, moi, je vous pose une question simple. Je
comprends que vous n'avez pas de statistiques, mais vous connaissez vos abonnés, lecteurs et lectrices, ils
viennent chez vous, ils vous parlent de livres, etc. De votre
expérience, là, est-ce que vous pensez qu'en région, en milieu éloigné en
particulier, on va refuser de payer un livre quelques dollars de plus pour l'avoir absolument — et là je pense à la énième biographie de
Céline Dion, par exemple, ou autre — ou est-ce qu'on va s'en priver? Qu'est-ce qu'on va faire s'il n'y a plus
possibilité d'avoir le livre à moins 30 %?
M. Guimond
(Alain) : Pas au niveau du
livre neuf. Moi, je ne crois pas à ça. Je ne crois pas que nos abonnés, parce qu'ils vont payer un 3 $, ou 4 $,
ou 5 $ supplémentaires, vont se priver du cinq, six heures de plaisir
ou de loisir qu'ils vont avoir dans
un livre. Par contre, ça va peut-être... Quand le livre est à 50 % de rabais,
au bout d'un certain temps, peut-être un livre qu'il n'aurait pas
acheté, il va l'acheter finalement parce qu'il le voit… lorsqu'il le voit en
spécial. Mais, s'il a envie d'un… Puis,
généralement, quand on parle d'un best-seller, bien, ils vont vouloir le lire.
Ça, ils vont vouloir se le procurer
ou ils vont aller voir leur bibliothèque pour pouvoir le lire. Autrement, ils
vont peut-être attendre un an, deux
ans, trois ans, puis à un moment donné ils vont le voir en spécial, ils vont
dire : Ah! J'ai entendu parler de ce livre-là, ils vont le prendre
puis ils vont l'amener. Parce qu'il est en spécial, peut-être c'est un
incitatif.
Mme David : Merci.
La
Présidente (Mme Vien) : Merci. Alors, M. Guimond et
Mme Thivierge, merci de votre passage, merci de vos réflexions. Bon
retour.
J'appelle maintenant M. Hervé
Foulon et Mme Sylvie Desrosiers, Conseil consultatif de la lecture et du livre.
Je suspends quelques instants.
(Suspension de la séance à 10 h 56)
(Reprise à 10 h 58)
La
Présidente (Mme Vien) : Alors, nous poursuivons nos travaux
avec le Conseil consultatif de la lecture et du livre. Nous accueillons
avec plaisir ce matin M. Hervé Foulon. Vous en êtes le président, M. Foulon?
Conseil consultatif de
la lecture et du livre (CCLL)
M. Foulon (Hervé) : C'est ça.
La Présidente (Mme Vien) : Et
vous êtes accompagné d'une dame que nous avons connue hier.
Mme Desrosiers (Sylvie) : …je porte
plusieurs chapeaux.
La
Présidente (Mme Vien) : Avec plaisir, Mme Desrosiers, auteure,
Sylvie Desrosiers. Alors, vous connaissez un peu le fonctionnement : 10 minutes pour présenter l'essentiel
de votre mémoire, vos réflexions, par la suite s'ensuivent des échanges
avec les parlementaires. On vous écoute, M. Foulon.
M. Foulon (Hervé) : Merci, Mme la
Présidente. M. le ministre, Mmes, MM. les députés.
Permettez-moi d'abord de rappeler un peu le
CCLL, le Conseil consultatif du livre et de la lecture, qui a été institué en 1981. Il a comme mandat de donner son
avis et de soumettre des recommandations au ministre de la Culture et des Communications sur toute question relative à
la lecture, au livre et à l'application du cadre législatif et
réglementaire. L'avis du CCLL est obligatoire
et préalable à la délivrance, la suspension et l'annulation d'un agrément pour
un libraire, un éditeur et un
distributeur et il soumet également des recommandations à l'égard de l'adoption
ou de la modification de règlements.
Je voudrais vous présenter
aussi la composition du CCLL parce que je trouve que c'est important de vous montrer la diversité des gens qui se sont penchés
sur cette question. Donc, siègent au CCLL : M. Ivan Bernier,
professeur à la Faculté de droit à l'Université
Laval; Mme Sylvie Desrosiers, que vous connaissez bien, auteure; Mme Louise
Guillemette-Labory, directrice associée, bibliothèque ville de Montréal; M.
Yves Guillet, qui est de la librairie Le Fureteur;
M. Clément Laberge, qui est vice-président de De Marque, à l'édition numérique;
M. Marc Ménard, professeur, École des médias à l'Université du Québec à
Montréal; Mme Brigitte Moreau, bibliothécaire à la commission scolaire de la
Pointe-de-l'Île; Mme Gilda Routy, directrice de la division Livres chez Bayard Canada;
Mme Nicole Saint-Jean, présidente-directrice générale de Guy Saint-Jean Éditeur; M. Robert Soulières,
auteur et président deSoulières Éditeur; ainsi
que des représentants gouvernementaux, Mme Josée Blackburn, qui a été remplacée
depuis par M. Gilles Simard, donc, à la Direction des politiques, Culture et
Communications, Mme Diane Garneau, qui était directrice du soutien aux établissements
au ministère de l'Éducation, Mme Chantal Guérin, qui a été remplacée par Mme
Lise Gagnon depuis, directrice des ressources didactiques, et Mme Sylvie
Ferland, directrice des Publications du Québec.
• (11 heures) •
C'est pour vous
montrer la diversité, donc, de la composition de ce conseil.
Faisant suite aux
orientations liminaires transmises à la ministre en novembre 2010, les
recommandations finales du Conseil consultatif de la lecture et du livre
portent sur les actions que le gouvernement devrait préconiser pour continuer à rencontrer les objectifs
poursuivis par la Loi sur le développement des entreprises québécoises dans
le domaine du livre, tout en permettant à la
filière québécoise du livre de faire face au nouveau défi qui consiste
notamment à investir de façon concurrentielle le marché du livre numérique.
L'apport de la
lecture comme facteur de réussite scolaire, sociale, professionnelle et
économique n'est plus à démontrer. La
Politique de la lecture et du livre en a d'ailleurs fait sa prémisse, proposant
une série de mesures destinées à susciter le goût de la lecture, à
favoriser le développement des habitudes de lecture et à rendre le livre,
notamment, québécois accessible dans toute
sa diversité et au plus grand nombre sur l'ensemble du territoire. L'importance
accordée à la lecture et au livre par les
gouvernements s'est concrétisée par des mesures législatives et financières
destinées à développer, de concert avec ses artisans, une infrastructure
efficace de production et de diffusion du livre.
Au
Québec, grâce à une offre substantielle de publications, notamment,
québécoises, grâce à un vaste réseau de librairies et de bibliothèques,
et, au surplus, avec l'apparition du marché numérique, qui transcende la
question de la territorialité, l'accès au
livre s'est, au fil des années, amélioré. Or, la disponibilité du livre ne doit
pas occulter la nécessité de garantir au lecteur une offre variée et
éclectique de livres, des plus populaires aux plus créatifs ou spécialisés. Le concept
de bibliodiversité, défini comme la nécessaire diversité des productions
éditoriales mises à la disposition des lecteurs, fait écho à la volonté
exprimée dans la politique de 1998 de préserver la diversité de la production
littéraire québécoise et d'en assurer la diffusion la plus large.
L'accessibilité avérée
du livre ne doit donc pas se faire au détriment de la variété éditoriale et de
la créativité, et c'est pourquoi il convient
de garantir la pluralité de l'offre et la vitalité des acteurs de la chaîne du
livre qui la révèlent, la promeuvent
et la mettent en valeur. C'est d'autant plus primordial de les garantir qu'au-delà
de sa simplemarchandisation le livre
a une valeur et une fonction culturelles que le pluralisme des voix, des idées,
des imaginaires et des genres
contribue à enrichir. Ce capital culturel ne doit pas être bradé ni subordonné
aux lois d'un marché où règnent des acteurs
dominants, notamment étrangers, qui ont les moyens de leurs ambitions
mercantiles. Il faut plutôt opter pour des avenues propres à valoriser
le livre dans toutes ses déclinaisons et à soutenir les médiateurs qui
optimisent son accessibilité tout en assurant son essor commercial et celui des
entreprises qui s'y consacrent.
Les recommandations
du conseil ont donc été élaborées dans l'optique de :
Viser
systématiquement les finalités qui sont le développement du lectorat et l'amélioration
des compétences en lecture des
Québécois puisque, comme le souligne la Politique de la lecture et du livre, le
développement culturel, mais aussi
économique, scientifique et politique d'une société passe nécessairement par l'aptitude
à la lecture de ses citoyens;
Convenir, à l'instar
de nombreux autres pays, que le livre est un produit particulier parce qu'il
véhicule notre culture, notre littérature et
notre langue. La volonté d'assurer la protection et la vitalité de l'industrie
québécoise du livre dépasse les considérations purement commerciales. Le
gouvernement a la responsabilité de soutenir tous les acteurs de cette
industrie dont le produit est un vecteur culturel et identitaire;
Maintenir
des conditions favorables à la créativité et à la diversité éditoriale afin que
le lecteur québécois puisse avoir
accès, où qu'il se situe géographiquement et peu importe le support ou le canal
qu'il choisit, à une offre plurielle et substantielle où le livre
québécois occupe la part qui lui revient;
Assurer le respect
des droits d'auteur et prôner la juste rétribution des créateurs; et
Aborder le numérique
comme une opportunité de développement du lectorat et de l'industrie du livre.
Je
voudrais rajouter un peu à cette brève présentation des exemples sur lesquels
nous nous sommes basés pour arriver un peu à ces recommandations. On a
regardé, entre autres, de très près ce qui arrivait à nos voisins dans les provinces anglophones. On s'aperçoit que, depuis
plusieurs années, il y a une situation plus ou moins monopolistique qui
s'est instituée au niveau de la distribution du livre. Il y a des grandes
surfaces et il y a une grande chaîne, Chapters Indigo, qui détient à peu près
65 % du marché. Qu'est-ce que ça a eu pour conséquence? C'est que les
éditeurs ou distributeurs de livres doivent
naturellement passer par cette chaîne, vu le marché qu'elle représente, et se
font imposer ou quémander des surremises, ce qui a pour conséquence d'augmenter
les prix. Mais, plus grave que ça, c'est que des éditeurs, une fois que leur livre est prêt, juste avant l'impression,
vont rencontrer ces gros acteurs en leur demandant ce qu'ils pensent de tel ou tel projet de publication
et, suivant leur réponse, ils décident de le publier ou pas, d'où l'impact
sur la création. Qu'est-ce qu'on a vu? Au-delà de la disparition de libraires,
c'est également la disparition, ces derniers temps, de maisons d'édition au
Canada anglophone. Une des dernières et non des moindres, au niveau littéraire,
était la maison d'édition McIntyre, qui jouait un rôle énorme au niveau
littéraire. Donc, c'est ce qui nous a amenés à nous questionner très
profondément.
Un autre exemple dont
je voudrais profiter, comme je profite de mon temps de présentation...
Une voix :
...
M.
Foulon
(Hervé) : Deux minutes? Parfait. C'était pour apporter un
exemple très concret au problème de la bataille
de prix. Je prends un exemple qui se passe dans ma maison, étant également
éditeur du Groupe HMH. L'auteur à succès Michel
David, qui a publié plusieurs sagas, se retrouve en vente, effectivement, et en
grande surface et en librairie. Ses premiers livres, ses premières sagas se
vendaient grosso modo à 50 % en grande surface et en librairie. Les
dernières sagas, c'est 70 % en grande surface, 30 % en librairie. C'est
juste pour vous concrétiser le manque à gagner
— et ils
se vendent en grande surface à cause des coupures de prix — que ces ventes représentent pour un
libraire, qui, lui, pourrait compter sur ses
ventes de best-sellers pour faire son travail qui lui est demandé de libraire,
pour proposer une vaste variété d'auteurs de livres.
Autre
exemple sur la bibliodiversité. On a nommé plusieurs fois Jocelyne
Saucier — je suis
très content, vu que c'est une maison du groupe qui la publie — et
Jocelyne Saucier, contrairement, n'a jamais été en vente en grande surface. Qu'est-ce qui a fait le succès de
Jocelyne Saucier? Ça a été petit à petit de se faire connaître grâce au réseau
de librairies, plus, naturellement, sa notoriété qu'elle a eue grâce à des prix
qu'elle a obtenus. Mais le rôle des librairies indépendantes a été primordial
également pour faire, après, développer sa notoriété. Merci.
La Présidente (Mme
Vien) : Merci beaucoup, M. Foulon. M. le ministre, pour une
période de questions et d'échange.
M.
Kotto : Merci, Mme la Présidente. M. Foulon, Mme Desrosiers,
soyez les bienvenus. Vous avez fait un travail considérable relativement à ce que recèle le mémoire. Sur quelles
données vous appuyez-vous, cependant, quand vous affirmez que la
réglementation du prix des livres neufs est le meilleur moyen de préserver la
bibliodiversité et de consolider le réseau des librairies?
M. Foulon (Hervé) : C'est un des moyens. On n'a pas la prétention, en faisant ces
recommandations, que tous les problèmes
seront résolus uniquement par ça. D'ailleurs, dans les recommandations, il y a
également d'autres points, tels que la
révision... On parle de la révision de la loi n° 51 à travers les règlements,
on parle également du numérique. Donc, c'est un des moyens, en empêchant
une guerre de prix, comme ça a déjà d'ailleurs été mentionné par nos
prédécesseurs, et que les joueurs soient…
jouent sur des règles égales et pour préserver et reconnaître surtout le
travail qui est fait par les libraires. Ça n'empêchera pas… Et on n'a
jamais dit qu'il ne fallait pas que les livres soient vendus dans des grandes
surfaces, en pharmacie ou autre part. Plus le livre sera disponible, mieux ce
sera. Mais il faut reconnaître aussi et s'assurer
que les gens qui recherchent une diversité, qui ne recherchent pas seulement
que le best-seller aient la garantie de pouvoir continuer à les trouver.
M.
Kotto : O.K. Selon vous, quels seraient les impacts d'une
fixation du prix de vente de livres neufs, imprimés et numériques,
notamment sur notre lectorat?
• (11 h 10) •
M. Foulon
(Hervé) : Je pense que l'impact, ça va être de préserver, justement,
cette variété. Beaucoup de personnes ont mis
de l'avant que ça pourrait avoir un impact sur le prix, donc, une augmentation
de prix, puisqu'ils ne pourraient plus avoir accès rabais.
Or,
il s'avère que les études qui ont pu être faites, entre autres, quand on se base sur l'exemple dans des pays… que ce soit en France
ou que ça soit en Angleterre... Et l'exemple anglais est important, vu que c'est
un pays qui avait eu une réglementation du
prix, qu'il l'a abandonnée, et il s'avère que, depuis qu'ils ont abandonné le
prix fixé, les livres ont augmenté plus que l'inflation, alors que, dans
des pays où le prix est réglementé, l'augmentation du prix du livre est
inférieure à l'inflation.
M. Kotto :
O.K. Mais les mouvements que vous avez pu observer en Angleterre ont été
documentés?
M. Foulon (Hervé) : Ça a été documenté. Je pense d'ailleurs que mes collègues de… vont vous
apporter des documents avec une étude
très fouillée de M. Fishwick, qui va dans ce sens et qui prouve les impacts qu'a
eu l'abandon de la réglementation.
M.
Kotto : O.K. Je veux poser une question que j'ai posée à des
groupes avant vous. Pourquoi suggérez-vous un rabais autorisé de
10 % et une durée d'application de neuf mois?
M. Foulon
(Hervé) : Le conseil, là, s'est appuyé un peu sur ce que... le
consensus qui s'était établi dans la profession.
On savait que, concernant le rabais de 10 %, comme les coops vous l'ont
mentionné précédemment, il yavait
des règles vis-à-vis, entre autres, des étudiants et que de supprimer l'accès à
cette remise remettait en cause toute la politique d'un groupe comme les
coops.
Le neuf mois, là, ça
a été un consensus qui a été vraiment obtenu dans le secteur du livre.
Effectivement, on peut toujours dire : Pourquoi neuf? Pourquoi pas 12? Il
fallait trancher. Disons que nous, nous nous sommes appuyés surtout sur le fait
de réglementer le prix en s'appuyant sur ce que les acteurs de la profession
jugeaient acceptable.
Mme Desrosiers
(Sylvie) : Si je peux me permettre d'ajouter, ce 10 % aussi est
un pourcentage qui est souvent accordé par
les libraires à leur clientèle. C'est une des façons de l'attirer et de la
garder, cette clientèle, c'est de lui donner un rabais, avec des cartes
de fidélité, etc. Et c'est une chose qu'il ne faut absolument pas enlever,
puisque c'est un des outils aussi qui donne
aux libraires la possibilité de fidéliser leur clientèle. Alors, c'est un
chiffre qu'on retrouve, finalement,
assez uniformément dans les librairies. Il n'est pas question de l'enlever.
Dans certains pays, c'est zéro. Dans d'autres pays, c'est 5 %.
J'aimerais
aussi me permettre de citer une étude ici qui a été faite par Me Charlaine
Bouchard, qui est professeure à la
Faculté de droit de l'Université Laval, qu'on a eu le plaisir de recevoir
lorsque nous, nous avons fait nos travaux en vue des recommandations. Et
on lui a commandé... Cette étude lui a été commandée par la ministre de la
Culture de l'époque. Et, dans ses
conclusions, elle dit clairement que le choix du système de prix a une
influence directe sur l'offre éditoriale.
La concentration des librairies conduit à une diminution de l'offre éditoriale
au profit d'une «bestsellerisation» des
ventes et que le caractère supposément inflationniste du prix fixe est
totalement infondé, que, de façon générale, il existe au Québec beaucoup moins de concentration qu'ailleurs en Amérique
du Nord des librairies, ce qui constitue un avantage, tant pour l'industrie que pour les consommateurs. Et ça, c'est
grâce à la loi n° 51. Et, pour réussir à continuer à garder cette
pluralité, cette concentration beaucoup moindre qu'ailleurs, cette
réglementation, nous considérons, au conseil,
qu'elle est absolument adéquate pour continuer à garder cette spécificité
québécoise, finalement, que nous avons ici et qui n'existe pas dans le
Canada anglais.
M. Kotto :
O.K. On a évoqué plusieurs facteurs qui fragilisent le réseau des librairies.
Est-ce que le conseil s'est penché sur l'impact que pouvaient avoir les
librairies à succursales vis-à-vis du réseau des librairies indépendantes?
M. Foulon
(Hervé) : La question
que l'on se posait, justement, c'est toute situation monopolistique.
Quand je vous parlais de l'exemple, dans les provinces anglo-saxonnes, anglophones,
de Chapters Indigo, bon, c'est une librairie à succursales. Si, demain, une part trop importante est entre les mains d'un
seul, il y a problème, il y a déséquilibre. Donc, aujourd'hui, on a la
chance, au Québec, d'avoir un grand réseau de librairies indépendantes, de
librairies avec deux, trois succursales, on a droit à trois chaînes de
librairies — Renaud-Bray,
Archambault, Chapters — et
on a droit à des grandes surfaces. Donc, on
a une variété. Ce qu'il faut, c'est que les règles du jeu soient à peu près les
mêmes pour tous pour maintenir cet équilibre et que la population puisse
bénéficier. On a parlé tantôt, justement, de la disponibilité en région, que ça soit à travers les bibliothèques ou
à travers des librairies. Il faut absolument préserver cette
disponibilité jusqu'en Abitibi, en Gaspésie,
que les gens puissent se procurer les livres. Et c'est le danger, demain, ce
qui arriverait, parce que ce n'est pas forcément un Wal-Mart ou… Un
Wal-Mart qui va s'installer en Gaspésie, il va proposer 200, 300 titres à l'année, donc un grand manque sur
toute l'offre qui est normalement disponible chez un libraire aujourd'hui.
M. Kotto :
O.K. Vous parlez des règles du jeu qui devraient être les mêmes pour tous.
Est-ce que vous ouvririez la porte à l'effet que l'équation des
subventions soit également ouverte à tous?
M. Foulon
(Hervé) : S'ils respectent
la réglementation de la loi n° 51, s'il y a la propriété québécoise, le
nombre de titres, le service et qu'ils deviennent des librairies
professionnelles tel que défini, pourquoi pas? Mais, pour l'instant, on a
affaire surtout à des groupes étrangers, pour beaucoup. Je parle pour les
grandes surfaces, en tout cas.
M. Kotto : O.K., merci.
La Présidente (Mme Vien) : M.
le député de Saint-Hyacinthe pour un peu moins de quatre minutes.
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Merci, Mme la Présidente. Alors,
bonjour, M. Foulon, Mme Desrosiers, qu'on a vue hier, une dame
passionnée, elle a…
Mme Desrosiers (Sylvie) : Je porte
plusieurs chapeaux, mais j'essaie de ne pas parler à travers.
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) : C'est beau, c'est bien, ça, c'est bien. Je vais revenir… Vous avez
beaucoup porté attention, dans vos recommandations, sur le livre numérique
comme tel. Est-ce que vous recommandez plus d'aide aux auteurs ou… Comment on pourrait… Quels moyens on pourrait utiliser
pour que le livre numérique pénètre mieux puis qu'il réponde plus aux besoins, peut-être, de la jeune génération qui s'en vient? Comment vous abordez cette étude-là ou
ce sujet-là?
M. Foulon (Hervé) : Bon, le livre
numérique est une réalité, il n'est pas du tout question de l'occulter; au contraire,
on pense que ça peut être même très utile pour la disponibilité. Après, il faut
s'assurer que ça répond non seulement aux
besoins, mais que ça respecte aussi les droits de chacun, dont les droits d'auteur,
entre autres. Ce qu'il faut voir… Et,
quand on parle d'utilisation du livre numérique, je pense qu'il faut remettre
aussi les choses un peu à niveau. On vit un peu une révolution que je
compare un peu à l'apparition du livre de poche dans les années 55 où ça avait
été quelque chose d'extraordinaire. Le livre
de poche était révolutionnaire, et je me souviens de réactions de personnes
qui disaient : Ah! Ils lisent dans un livre de poche, ce n'est pas lire un
livre. À peu près les mêmes réactions qu'on entend de certains à propos du
livre numérique.
Donc, on parle de support, mais le contenu, le
produit, lui, reste le même, la création, donc la part de l'auteur, le travail de l'éditeur. Même si c'est… Au lieu d'imprimer,
il faut le travailler en numérique, il y a tout un travail à faire et à préserver. Après, il faut le rendre disponible, et
aujourd'hui on peut dire qu'au Québec il y a eu un gros travail,
contrairement à ce que certains ont l'air de dire, de fait. Je peux vous dire
que, dans les maisons d'édition, tous les titres qui sont produits maintenant
depuis plus de cinq ans sont disponibles en numérique dans les différents
centres, comme… ça peut être les sites d'Archambault, de Renaud-Bray, Amazon,
etc.
• (11 h 20) •
Mme Desrosiers
(Sylvie) : Rue des libraires…
M. Foulon (Hervé) :
Ruedeslibraires.com,
justement, qui est… Ruedeslibraires.com qui est un exemple extraordinaire du dynamisme des librairies
indépendantes qui se sont regroupées pour répondre à cette demande.
Donc, ils sont disponibles. Ce qu'il faut,
là encore, faire attention, c'est que ça ne soit pas disponible uniquement que
dans un gros groupe. Je vous donne un exemple. Si, demain, vous allez
sur le site d'Amazon pour du livre, d'ailleurs, papier ou numérique, puis que vous frappez… vous n'avez pas
un titre spécifique en tête, mais vous voulez avoir un livre sur l'histoire
de la Nouvelle-France, vous regarderez, vous
n'aurez aucun livre québécois qui va apparaître dans les premiers, alors
qu'on a une production sur l'histoire de la Nouvelle-France non seulement
intéressante, mais aussi, importante. Pourquoi? Parce que, dans ces gros groupes, après… vont jouer des rôles d'importance
au niveau publicitaire, et donc de monnayer la place que l'on peut avoir
sur le site pour pouvoir apparaître. Donc, là aussi, il y a un danger de
diversité, et de disponibilité et de création.
Mme
Desrosiers (Sylvie) : Il
faut aussi dire que certains intervenants ont opposé le numérique et le papier,
alors qu'il n'en est absolument pas question. Les deux sont appelés à
cohabiter, et libre aux lecteurs de choisir le support avec lequel ils veulent lire leur livre. C'est très important que vous
sachiez que le numérique, pour nous, est là pour rester. Ce n'est pas l'ennemi
du livre papier, c'est une autre façon, une façon de plus d'avoir accès à la
lecture. Mais on parle d'un support, et ce
dont on veut débattre aujourd'hui, c'est de ce qu'il y a dans le support. On ne
travaille pas pour savoir pour qui on travaille ici, pour les fabricants
de tablettes ou pour le contenu.
La Présidente (Mme Vien) :
Merci, Mme Desrosiers. Mme la députée de Laporte.
Mme Ménard : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour. Rebonjour.
Mme Desrosiers (Sylvie) : Rebonjour.
Mme Ménard :
Ça fait plaisir de vous revoir, tous les deux, finalement. Écoutez, dans votre
rapport, vous visez le développement du lectorat et l'amélioration des
compétences en lecture des Québécois. Alors, je suis parfaitement en accord
avec vous et je suis certaine que vous vous êtes penchés… vous avez réfléchi à
des actions concrètes que vous pourriez nous parler.
Par
contre, je pense qu'il faut se pencher sur autre chose : le libraire. Et
je m'explique. Dans un article duDevoir, en2011, on parlait des propriétaires de librairies,
les propriétaires de librairies fondées dans les années 70 et 80 qui
atteignent l'âge de la retraite et commencent à vouloir passer le flambeau. Et
souvent on a parlé, là, depuis hier, des fermetures de librairies, et j'ai
souvent posé la question : Est-ce que c'est la relève aussi qu'il faut
regarder? Alors, ces gens, ces propriétaires
disent qu'ils commencent à vouloir passer le flambeau. Or, les faibles salaires
dans le secteur font en sorte que les jeunes libraires ne sont pas en
mesure d'acheter les librairies. Alors qu'il s'avance dans la soixantaine, le propriétaire de deux librairies à Québec pense à
vendre depuis quelques années. Or, il constate que la tâche n'est pas
facile. Dans cinq ans, il aura à renouveler un bail puis il dit : J'aimerais
donc que ça ne soit pas moi qui renouvelle le bail. Alors, que dites-vous
là-dessus?
Moi, je reviens toujours, là…
Oui, il y a des fermetures, mais il y a beaucoup de propriétaires de librairies
qui sont rendus à l'âge qu'ils veulent
vendre leur librairie, et il n'y a pas d'acheteur. Alors, j'aimerais vous
entendre là-dessus.
M. Foulon
(Hervé) : Vous avez
parfaitement raison, le problème de relève, je pense, c'est un problème
majeur, pas seulement en librairie, je
dirais, dans toute l'industrie culturelle. J'en parle aisément, je suis plongé
dedans, vous avez entendu mon fils hier, donc j'ai, moi, la chance d'avoir
une relève qui est…
Mme Ménard : …
M. Foulon (Hervé) : J'ai la chance d'avoir
cette relève avec un fils et une fille. Mais malheureusement ce n'est pas le cas de tout le monde. Et il faut
arriver à mettre des conditions favorables pour cette relève. Je pense que
le gouvernement pourrait avoir un rôle à jouer dans cette relève. Mais, quand
on parle de réglementation de prix pour… parce que c'est… on est aussi dans le
débat, c'est justement pour favoriser le fonctionnement des librairies pour que
celles-ci soient plus rentables. Si une librairie est plus rentable, vous avez
plus de chance de trouver des acheteurs.
J'en
parle en connaissance de cause. Notre groupe, on a repris, en 1995, la
Librairie du Québec, à Paris — bon,
c'est à Paris, vous allez me dire, mais la problématique est la même — où on
ne vend que du livre québécois. Et il n'y avait pas de relève non plus, là.
Heureusement, bon, nous, pour des raisons… c'était intéressant, on ne voulait
pas laisser tomber. Qu'est-ce qui arrivera le jour où nous, nous ne serons plus
intéressés? Qui est-ce qui va vouloir la reprendre?
Le même problème. Il faut absolument mettre des facteurs de rentabilité pour
que la relève se fasse, que ce soit à l'interne ou que ce soit par des
rachats à l'externe, que des gens s'y intéressent. Vous parlez de salaires, de revenus,
tout ça est relié justement à la rentabilité
d'une librairie. Si, demain, on peut monter de 2 % la marge de profit d'un libraire, vous changez énormément
la donne.
Mme
Ménard : O.K. Merci. Ma prochaine question est un élément que,
je suis convaincue, vous avez discuté. Il s'agit du document de la SODEC publié en 2002 — vous en avez parlé, je pense, tantôt — qui s'intitule La librairie
agréée au
Québec : sur la concordance entre les critères d'agrément et la réalité
économique. Est-ce que vous
pensez aujourd'hui que les critères qui sont d'avoir 2 000 titres d'auteurs
québécois, 4 000 titres d'ailleurs est encore adéquat? Est-ce que vous
pensez aussi que la librairie, dans une municipalité de plus de 10 000,
doit avoir un chiffre d'affaires de 300 000 $,
si j'ai bonne mémoire, et de 150 000 $ si c'est moins de 10 000?
Avec les enjeux, là, qu'on parle, qui se passent actuellement avec les
librairies, pensez-vous que c'est encore adéquat d'exiger ces critères?
Mme Desrosiers (Sylvie) : Il y a un aspect de votre question auquel j'aimerais
répondre, qui est : vous savez, si on est ici, en train d'essayer de défendre l'existence des librairies, c'est
parce qu'elles sont les gardiennes de la diversité. Alors, on a intérêt à ce qu'elles aussi jouent
leur rôle, donc, c'est… leur rôle, qui est de donner accès aux gens au
plus de titres possible. Avec maintenant les
nouvelles possibilités d'achat en ligne dans les librairies indépendantes, le
nombre de titres auxquels on peut avoir
accès est pratiquement illimité parce qu'ils ne sont plus obligés de les avoir
en stock, tu sais.
Alors, il y a
peut-être… il y a une révision à faire au niveau de la loi n° 51, ce que
nous avons dit dans notre rapport aussi, pour certains aspects techniques,
effectivement, de la loi. Mais il ne faut pas perdre de vue : l'objectif
aujourd'hui, ici, c'est de conserver la diversité, et non pas de la diminuer
puisqu'à ce moment-là on travaille pour rien. L'aspect est plus économique.
Mme Ménard :
Donc, c'est adéquat.
M. Foulon (Hervé) : Je peux rajouter… bon, parce que je vais dans votre sens comme quoi,
oui, il faut… et on le recommande, de revoir certaines règles parce qu'au
bout de 30 ans effectivement, il y a une évolution du marché, mais elle ne doit pas être en diminuant, et c'est là
aussi où on… s'orienter, c'était la place du livre québécois que l'on
souhaiterait plus importante que ce qu'elle est aujourd'hui.
Mme Ménard :
O.K. Merci. Ma dernière question. Dans votre mémoire, vous recommandez qu'un
soutien financier soit accordé à nos
différentes institutions de diffusion pour qu'elles valorisent la consommation
et rendent plus accessibles le
produit numérique. Je comprends qu'un investissement majeur proviendrait du
gouvernement. C'est ma compréhension,
là, dans ma lecture. Et je me demande : Est-ce que vous avez évalué l'investissement
que le gouvernement devrait faire? Et est-ce que vous avez considéré
aussi que les acteurs devraient aussi participer, et à quel niveau?
• (11 h 30) •
M. Foulon (Hervé) : Alors, une partie, d'ailleurs, de ces recommandations a déjà trouvé sa
réponse puisqu'entre les recommandations qui ont été faites, donc, en
2011 et aujourd'hui la SODEC a mis sur pied un programme qui vient en aide, justement, pour le numérique et qui
est très apprécié. Bon, cela dit, je suis tout à fait d'accord avec
vous, la majorité de l'investissement doit être fait par les acteurs, et c'est
ce qui est le cas aujourd'hui.
Je
peux vous dire que… Je vous disais tantôt que nous publions, nous, depuis plus
de cinq ans… tous nos titres sont disponibles en numérique, et que c'est…
Contrairement à ce que des gens ont l'air de dire, que ça ne coûte rien de mettre du livre numérique sur le marché, il faut
refaire le livre, hein, refaire un livre en format EPUB, par exemple, ce
qui vous permet en plus, avec notre lecture qui parfois n'est pas toujours la
même, suivant qu'on a des lunettes ou pas, de
grossir le caractère. Je me suis aperçu
une fois, en prenant un livre fait en format EPUB, vous le grossissez, il n'y avait plus d'apostrophe.
Donc, c'est juste pour vous montrer qu'il y a
une importance au niveau de toute la numérisation et de ce problème
et qui coûte à une maison comme la nôtre... ça a nécessité la création d'un
emploi à temps plein uniquement pour ça.
Mme Ménard :
Merci. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme
Vien) : Merci à vous. M. le député de Jacques-Cartier.
M.
Kelley : Merci beaucoup, Mme la Présidente. À mon tour, bienvenue, M. Foulon, Mme
Desrosiers, pour votre enthousiasme pour le livre.
Je vais commencer
avec une courte question factuelle. Quel pourcentage des livres achetés au Québec
sont achetés en ligne et quel pourcentage sont achetés en format numérique?
Avez-vous une idée?
M. Foulon (Hervé) : En numérique, je vais vous donner l'exemple dans notre... dans nos
groupes et je peux vous donner des chiffres précis, c'est de l'ordre de
4 % aujourd'hui en format numérique. En ligne, c'est plus difficile parce
que ça passe par les libraires. Donc, nous ne savons pas forcément, nous, qu'est-ce
qui est acheté directement en ligne. Est-ce
que ça va... Quelqu'un... Vous allez vous présenter chez Archambault, chez
Renaud-Bray, chezAmazon, donc là ça devient plus délicat. On a
quelques données pour Amazon parce qu'on travaille avec eux, mais je ne
pourrais pas vous dire le pourcentage exact.
M.
Kelley : O.K., parce que
j'ai vu un chiffre pour le Canada et
son ensemble, autour de 25 % des livres achetés en ligne. C'est une étude qui a été faite par Patrimoine
Canada il y a quelques années, et je ne sais pas si ça, c'est semblable
au Québec.
M. Foulon (Hervé) : Je ne pourrais pas vous le dire, de quelle manière ça a pu évoluer. C'est
un mode d'achat qui existe, et qui n'était certainement pas négligeable,
et que les librairies d'ailleurs... que les libraires ont développé eux-mêmes.
M. Kelley : Qui pose un défi un petit peu partout. J'arrive d'une
rencontre avec les parlementaires américains, et là les librairies sont un petit peu jalouses du fait que les personnes
vont venir dans leur librairie, regarder les tablettes, noter les
titres, retourner à la maison et acheter en ligne parce que c'est moins cher.
Alors, j'imagine que c'est un phénomène qui risque de se produire au Québec
aussi.
M. Foulon
(Hervé) : D'où l'importance de la réglementation du prix.
M.
Kelley : Oui, mais,
oui et non, dans le sens que… J'essaie toujours de comprendre qu'est-ce qu'il y a
sur la table, un changement, qu'est-ce que ça va faire dans le
comportement des acheteurs. Parce que, de toute évidence, le livre va demeurer le moins cher possible dans les
grandes surfaces, peu importe si c'est 10 %, 5 %. Et il y a beaucoup de personnes qui passent
dans les grandes surfaces à tous les jours. Alors, ils vont continuer d'acheter
les livres dans les grandes surfaces. Alors,
où est le transfert de marché vers les librairies plus modestes? C'est ça que j'essaie
de comprendre dans le comportement. Le monde va continuer d'aller dans
les grandes surfaces, pas uniquement ceux comme les Costco et les Wal-Mart, mais on voit dans les chiffres publiés, je
pense, dans La Presse, aujourd'hui, qu'il y a un transfert vers les grandes surfaces librairies. Alors, les
Renaud-Bray et les autres prennent une place de plus en plus importante
dans le marché aussi. Alors, comment est-ce que la proposition va changer les
comportements des personnes qui achètent des livres?
M. Foulon (Hervé) : Je peux vous faire une réponse. Bon, il y aura toujours l'achat impulsif. Donc, si quelqu'un va chez
Costco pour acheter son saumon, ses pneus neige, etc., et qu'il voit le dernier
best-seller en même temps, il ne regarde
même pas le prix, il va le mettre dans son panier. On ne l'exclut pas, et,
comme on l'a dit toujours, plus le livre sera disponible, mieux ce sera.
Mais il y a aussi un autre aspect, et je vous cite une discussion que j'avais
eue avec Pierre Renaud, il y a deux ans,
où... Pierre Renaud, c'est lui qui nous a incités, il y a deux ou trois ans,
justement à ce que les éditeurs
imposent, mettent le prix du livre qu'ils recommandent sur leur couverture. Et
il me disait : Tu sais pourquoi? C'est parce que je suis tanné de
me faire traiter de voleur par des consommateurs, des lecteurs qui viennent
dans ma librairie et demandent : Comment ça, tu vends ce livre à
tel prix? Je l'ai à Costco à tel autre prix. Bon, donc, déjà, il ne se fera
plus traiter de voleur, ce qui est quand même important pour un commerçant.
Deuxièmement,
au-delà de l'achat impulsif, vous avez des personnes qui vont en librairie pour
avoir un vaste choix. Quand vous allez en librairie — j'y
vais aussi souvent — même
quand on a un livre en tête, on rentre en librairie, on va peut-être trouver le livre que l'on cherche, généralement, je sors
avec trois ou quatre autres livres en plus auxquels je ne pensais pas, ce que vous ne faites pas en
grande surface parce que vous ne les trouvez pas. Donc, ça, c'est
important au niveau du comportement. Mais je suis d'accord avec vous, ce n'est
pas tout le monde qui va en librairie, il y a des gens qui mettent les pieds
chez Costco ou chez Wal-Mart et qui ne vont pas en librairie.
Bon, après ça, il y aura un travail, je dirais, à
faire. C'est à nous, écrivains, auteurs, éditeurs, diffuseurs, de faire
la promotion du livre pour attirer ces gens en librairie.
La Présidente (Mme
Vien) : Merci beaucoup, M. Foulon. Mme la députée de
Montarville.
Mme
Roy
(Montarville) : Oui. Merci beaucoup, Mme la
Présidente. Bonjour à vous deux.
Rebonjour, Mme Desrosiers. Et j'aimerais reprendre où on a laissé hier, parce
que vous avez ouvert la page, vous en avez parlé, vous dites que tous les livres sont disponibles en version numérique,
soit, mais, du côté des auteurs québécois — et
c'est la question que je vous posais, je vais peut-être la reformuler — lorsque
vous êtes auteure, quelle est la proportion de livres papier que vous vendez
versus la proportion de livres électroniques, pour nous donner une idée?
Mme Desrosiers (Sylvie) : Je peux… O.K. Pour moi, je vous présente... Moi, personnellement, j'écris
beaucoup pour une maison d'édition qui s'appelle
La courte échelle, que vous connaissez probablement tous, qui est une maison pour les jeunes, très importante,
et c'est une maison qui a, par rapport au reste du marché, une bonne proportion de
ventes en numérique, et ce n'est pas plus que 4 %.
Mme Roy
(Montarville) :
Ça revient au 4 % que vous disiez tout à l'heure.
Mme Desrosiers (Sylvie) : Et 4 %, c'est à peu près le maximum. C'est
les ventes numériques. L'offre doit être là parce qu'il y a des acheteurs qui sont là, prêts à acheter du numérique,
mais pour l'instant ce n'est pas une pénétration encore aussi grande que
ça peut l'être aux États-Unis.
Il
y avait le monsieur qui était là hier, qui parlait de l'industrie de la
musique, et je comprends bien ce qu'il disait au niveau du comportement des jeunes, mais pour la lecture... Ils
achètent beaucoup, beaucoup, beaucoup de musique, O.K., en numérique,
ils vont beaucoup sur YouTube, tout ça, mais pas des livres, O.K.? Ce ne
sont pas de grands acheteurs de livres sur les plateformes. Ce n'est pas le
même comportement.
Pour le créateur…
Puis la musique, c'est devenu un produit d'appel pour vendre un spectacle
après. On vend souvent… Les groupes vont
vendre une toune, une chanson 1 $, 0,99 $, là, mais après ils vont
vendre le spectacle où, là, on va
payer 40 $, 45 $ pour aller le voir. Nous, à moins qu'on commence à
suivre des cours de danse, là, demain, tout ce qu'on a à vendre, c'est
un livre. Ce n'est pas un produit d'appel, là, c'est un produit fini.
Mme Roy
(Montarville) :
Je comprends ce que vous dites, mais vos collègues également disaient que le
marché du livre est en mutation. Alors, on s'en va vers ça. Dans d'autres pays,
il y a beaucoup plus de ventes qui se font numériquement
parlant et à d'autres égards, dans d'autres domaines également. Donc, on s'en
va là-dedans. C'est inévitable.
Mme
Desrosiers (Sylvie) : On s'en
va là-dedans, mais je peux vous dire aussi que, depuis… Je fais
beaucoup, beaucoup de visites d'écoles, je vais dans des écoles primaires, dans
des écoles secondaires, et la majorité des achats des jeunes que moi, j'ai pu
côtoyer reste le livre papier. Ils vont aller au cégep puis ils vont aller
acheter des livres de référence par... en
format numérique, mais, pour ce qui est de littérature et beaucoup de choses,
ça reste encore le livre papier qu'ils
vont acheter, parce qu'ils vont… ils prennent des notes dedans, tu sais. Ils
soulignent des passages. Ils font leurs travaux comme ça, là, tu sais?
Mme Roy
(Montarville) :
Et s'en servir comme un outil. Mais comme…
La
Présidente (Mme Vien) : Merci. Merci beaucoup, Mme la députée
de Montarville. Ça passe vite, ça passe vite. Mme la députée de Gouin.
Mme David :
Merci, Mme la Présidente. On a souvent — bonjour — parlé, depuis le début de ces
audiences, de la situation anglaise; on a peu parlé de la situation française.
Je pense que vous la connaissez. Donc, enfin, selon les données que vous avez, est-ce que la réglementation a eu un effet
positif sur la petite librairie? Deuxièmement, est-ce que ça a eu un
effet négatif sur l'achat de livres?
• (11 h 40) •
M. Foulon
(Hervé) : Ça n'a pas eu d'effet
négatif sur l'achat de livres. Et ce qu'il est intéressant de voir avec
ce qu'il s'est passé en France, c'est l'évolution,
souvent, du marché. Vous aviez les grandes surfaces, donc, qui s'appellent,
là-bas, Carrefour, Leclerc et autres, qui
vendaient du livre comme nos Wal-Mart et nos Costco, et vous aviez les
librairies. Les librairies, comme on l'a
déjà dit, ont gagné au moins cinq ans. Bon, ils ont d'autres problèmes. Comme
on l'a toujours dit, on n'a pas la prétention que ça règle tous les
problèmes, mais ce qu'il est intéressant de voir, c'est l'évolution aussi des
grandes surfaces.
Vous prenez
la grande surface Leclerc, qui vendait de l'épicerie, tout ce que vous voulez
et quelques livres, ils ont créé des
centres culturels Leclerc, en parallèle où, en respectant le prix unique, ils
ont créé carrément des librairies avec tout le service de librairie : des libraires compétents, un choix, hein,
des livres de fond et non pas seulement les best-sellers. Donc, c'est des nouvelles librairies qui se sont
créées, et ça, c'est intéressant, surtout que ça s'est fait en région là-bas.
C'est quelque chose que les grandes surfaces ne faisaient pas.
Mme David : Et mon autre question :
Est-ce que la quantité totale de vente de livres a diminué?
M. Foulon
(Hervé) : Non. Quand je
regarde les derniers chiffres globaux, et je ne peux pas vous le donner
dans le détail, mais globaux des ventes qui se font en France, ça n'a pas
diminué. Ça a diminué, je pense, cette année, mais là il y a d'autres critères.
Ils sont en crise économique, et ça joue aussi sur le livre, malheureusement.
Mais, d'une manière générale, le livre n'est
pas en baisse. Ils vont suivre les aléas des best-sellers, quand il peut avoir,
naturellement... Quand ils sortent certains livres, ça peut favoriser les
ventes générales.
La
Présidente (Mme Vien) :
Merci. Merci beaucoup. Alors, pour un résiduel de
2 min 30 s, je cède la parole à notre collègue de Bonaventure.
M. Roy : Merci,
Mme la Présidente. Mes salutations,
Mme Desrosiers et M. Foulon. C'est un petit monde, hein? On voit
des…
Mme Desrosiers (Sylvie) : Quand on
est à la télé...
M. Roy : Ah oui! Du monde
occupé, c'est du monde occupé.
Écoutez,
page 9 de votre mémoire, dans les recommandations, actualisation
de la loi et des règlements, vous dites, je ne lirai pas tout le
libellé : «C'est pourquoi nous croyons, en accord avec les milieux
associatifs du livre, qu'il est préférable
de ne pas modifier le texte de [...] loi et de privilégier la voie
réglementaire ou [...] une législation
parallèle pour apporter [des] ajustements nécessaires.» Pourquoi?
M. Foulon
(Hervé) : Il y a déjà de
nos collègues qui en ont parlé. Cette loi, la loi n° 51,
est un actif extraordinaire que le Québec s'est
donné. Si l'industrie du livre — et, quand
je parle de l'industrie, je parle depuis les auteurs jusqu'aux
consommateurs — est
ce qu'elle est aujourd'hui, la loi n° 51 y a largement contribué.
L'adage
dit : Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras. On ne veut pas détruire,
surtout prendre le risque de détruire ce
qui existe. On sait que, si on rouvre la loi, on recommence un débat — comme
ça a été dit, je ne sais plus si c'est ce matin ou hier — qui
va perdurer pendant on ne sait combien de temps. D'autre part, il y a une
urgence pour laréglementation du prix, par
contre. On estime qu'il est possible
d'améliorer ou de moderniser — comme
vous voulez — la
loi de par les règlements ou par une législation parallèle.
M. Roy : Parfait. Merci
beaucoup.
La
Présidente (Mme Vien) : Merci. Ça conclut. Alors, M. Foulon,
Mme Desrosiers, merci infiniment.
Je suspends quelques
instants, le temps que M. Carol Cloutier s'installe.
(Suspension de la séance à
11 h 43)
(Reprise à 11 h 45)
La
Présidente (Mme Vien) : Alors, nous poursuivons et terminons
pour cet avant-midi nos travaux portant sur les consultations
particulières et auditions publiques sur le Document de consultation sur la
réglementation du prix de vente au public des livres neufs imprimés et
numériques.
On
a le plaisir de recevoir, en cette fin d'après-midi, M. Carol Cloutier.
M. Cloutier, vous êtes le secrétaire de l'Association des auteurs et auteures de l'Outaouais. Merci d'être là,
merci de vous être déplacé. C'est un grand plaisir pour nous de vous
accueillir dans votre Assemblée nationale. Vous avez 10 minutes. Par la suite,
comme pour les autres invités, vous aurez un échange avec les parlementaires.
Ça vous va?
Association des auteures et auteurs de l'Outaouais
M. Cloutier
(Carol) : O.K.
La Présidente (Mme
Vien) : On vous écoute.
M. Cloutier (Carol) : O.K. Alors, bonjour, M. le ministre, bonjour, les députés. C'est ma
première présence au parlement, alors on verra comment ça va se
dérouler.
Alors,
étant donné que je représente une association d'auteurs — et j'ai participé à cette réflexion — nous avons effectué une réflexion sur la réglementation proposée, mais on a
toujours gardé à l'esprit la défense des auteurs, parce que nous sommes
une association d'auteurs de l'Outaouais. Alors, on n'est pas des spécialistes,
des commerçants, ni des distributeurs, c'est sous cet angle-là que nous avons
fait notre réflexion.
Et,
dans notre mémoire, on favorise une réglementation du prix de livre tout
simplement parce que, par le simple fait d'aider les librairies, les
libraires, qui sont nos alliés naturels, ça ne peut pas nuire aux auteurs.
Donc, on sait que les librairies, plusieurs
d'entre elles sont en difficulté. Et souvent ce sont seulement elles qui vont
distribuer nos livres, alors qu'on ne
les retrouve pas dans les grandes surfaces. Alors, par ce simple fait, nous
appuyons une réglementation.
Par
contre, dans notre réflexion, on s'est rendu vite compte que cette seule
réglementation ne pourrait pas suffire à régler tous les problèmes, même les problèmes des libraires, parce que
tous les acteurs de la production du livre ont aussi des
problèmes : les éditeurs, les distributeurs, et tout. Alors, grosso modo,
nous autres, on ne voit pas d'allié auprès des grandes surfaces. Alors, on est
favorables à cette…
Est-ce que moi…
Est-ce que je présente plus le…
La Présidente (Mme
Vien) : M. Cloutier, vous êtes ici le maître du jeu pour une
dizaine de minutes. Si vous me dites :
Écoutez, moi, je pense avoir fait le tour de la question, c'est très correct.
Puis vous faites ça très bien, en passant, vous êtes très à l'aise, c'est parfait. Si vous me dites : Mme la
Présidente, c'est correct, moi, je voudrais commencer les échanges, c'est
parfait pour vous. Sinon, vous pouvez élaborer. C'est comme vous le souhaitez.
M. Cloutier
(Carol) : O.K. Donc, je vais continuer à élaborer avec des expériences
d'auteurs.
Alors,
ceux qui sont spécialistes dans les chiffres ont déjà donné leurs chiffres.
Pour notre part, étant donné qu'on est des auteurs, on veut voir nos
livres distribués.
Je
vais donner l'exemple de la Maison des auteurs de l'Outaouais, qui est une
maison dédiée uniquement à la vente de livres de nos auteurs. C'est
bien, on en vend pour quelques milliers de dollars par année, mais des fois on
reçoit des remarques de gens qui connaissent
peut-être plus ou moins le livre en général, qui disent : C'est bien cher,
le livre. Mais on ne réplique pas à cette remarque-là, mais ça nous fait
penser, on se dit : Pourquoi c'est cher? C'est à peine 25 $,
puis un repas au restaurant, c'est le même prix. On en vient à penser que
probablement que c'est comparé avec les livres qui sont vendus à Costco, de très beaux livres qui valent, au
juste prix, probablement 50 $, mais qui sont vendus à 25 $. Alors, on prend l'habitude de voir des
beaux livres vendus à rabais et on perd de vue la véritable valeur d'un
livre.
Alors,
l'effet négatif des ventes de livres par les grandes surfaces, à rabais, on
finit qu'à perdre de vue la valeur d'un véritable livre. Souvent, ces
livres-là, c'est du dumping qui proviennent de d'autres pays, du surplus d'inventaire
qui vient de la France, de très beaux
livres, mais qui sont vendus ici à 15 $, puis c'est un livre de 50 $.
Alors, on perd de vue… Ça, c'est un exemple d'effet néfaste des grandes
surfaces. Mais par contre… Bien, c'est ça, c'est très… c'est le principal
exemple que j'ai à donner.
La Présidente (Mme
Vien) : C'est parfait, M. Cloutier.
Alors,
si vous êtes prêts, collègues, on pourrait entamer les échanges. Alors, M. le
ministre, est-ce que vous avez déjà une première question?
• (11 h 50) •
M.
Kotto : Oui, Mme la Présidente. M. Cloutier, bonjour.
Merci de vous prêter à cet exercice de réflexion et de nous alimenter.
Nous avons besoin d'engranger une multitude de références et de lectures. C'est
un enjeu important pour le Québec, le livre.
Je me réfère à la page 3 de votre mémoire,
au deuxième paragraphe. Vous dites : «Un autre effet créé par la situation actuelle est le coût plus élevé de la
culture québécoise par rapport aux autres cultures, y compris celle
provenant de France. Le prix unique favoriserait un rapprochement de la valeur
de la culture québécoise par rapport aux autres cultures littéraires.» Est-ce
que vous pouvez expliciter?
M. Cloutier
(Carol) : Oui. Souvent, les
livres qui proviennent de France, c'est des productions à grande
échelle. La France, c'est 60 millions,
ils sont capables de produire des livres de qualité à bon prix puis qui sont
vendus très bien, à bon prix aussi, au Québec. Pour avoir une production
équivalente, c'est presque impossible avec le petit marché que nous avons. Alors, nos prix de vente des livres qui
pourraient se comparer à la même qualité sont beaucoup plus élevés. Ça,
c'est un phénomène économique. Mais, en empêchant les grands écarts de
prix — par
exemple, les livres français qui sont vendus
à rabais dans les grandes surfaces seraient vendus à prix plus élevé, du moins
pour un temps limite — on serait
plus habitués de voir un livre français de qualité à prix plus élevé qui se
rapproche à la valeur des prix équivalents de nos livres. C'est à ce niveau-là qu'on se rapproche. À ce moment-là, on
ne peut pas dire que c'est une culture à rabais. À ce moment-là, on
rapproche la valeur de nos produits avec celle de la France.
M. Kotto : O.K. Page 4
de votre mémoire, dernier paragraphe, vous dites : «De plus, nous croyons
que le gouvernement devrait plutôt modifier le système des subventions
gouvernementales pour rendre les livres plus accessibles.» Est-ce que vous avez
des propositions, des idées là-dessus?
M.
Cloutier (Carol) : La
personne qui a soulevé ce point lors de nos discussions, ce n'est pas moi, c'est
notre ancien président. Il serait peut-être mieux placé que moi pour le dire,
mais j'essaie de deviner ce qu'il veut dire.
En fait, le
problème que lui ciblait, c'était beaucoup plus l'accessibilité, le problème,
que le prix, parce qu'indifféremment du prix quelqu'un va acheter le
livre, qu'il soit cher ou pas cher, mais c'est de le trouver qui est le problème, c'est d'accéder à ces livres-là. Et
rendre le marché plus accessible aux clients, c'est plus là le défi,
beaucoup plus que le prix unique, en fait. C'est
son point, puis j'aurais tendance à croire que c'est une bonne partie du
problème aussi, parce que, si on réglemente sur le prix, c'est une
chose, mais ça ne rendra pas les livres plus accessibles pour autant.
Alors, quoi
faire pour rendre les livres plus accessibles? Il pourrait développer des
programmes plus spécifiques pour l'accessibilité auprès des écoles,
auprès des différentes clientèles, tout un réseau à repenser là-dessus, mettre
des énergies et développer des nouvelles idées à ce niveau-là.
M. Kotto : O.K. Dans la même
foulée, il est dit qu'il faut de l'argent pour investir dans l'édition de
qualité. Est-ce que vous pouvez préciser? À moins que…
M.
Cloutier (Carol) : Bon. L'édition
de qualité, le maître d'œuvre, c'est l'éditeur. Ça, c'est un autre maillon
de la chaîne de production du livre. L'éditeur
a ses problèmes lui aussi, comme le libraire a les siens. Donc, une autre
façon de soutenir l'industrie du livre, ça serait de soutenir l'éditeur, le
supporter financièrement, l'aider à développer des nouveaux marchés.
Il y a des
nouveaux éditeurs qui sont tout jeunes, qui ne connaissent pas toutes les
techniques, qui ont des choses à apprendre pour commercialiser leurs
propres livres, pour fabriquer leurs livres aussi. Alors, par exemple, un
éditeur qui édite un livre, je présume que, s'il le vend à un tel prix,
tellement bas qu'il ne pourrait pas rester en affaires, il va perdre… il va
fermer les portes. Alors, c'est là mettre de l'argent dans la création au
niveau de l'éditeur, c'est-à-dire le supporter dans ses fonctions premières,
problème à ce niveau-là.
M. Kotto : O.K. Vous mentionnez que «les livres à rabais tendent
à diminuer les revenus des auteurs qui sont rémunérés selon un pourcentage
fixe». Quelle est la proposition des auteurs qui sont rémunérés selon ce
principe-là?
M. Cloutier (Carol) : On n'a pas
soulevé aucune proposition là-dessus. C'est qu'on a relevé le fait qu'on est partis du principe que les auteurs étaient
rémunérés avec un pourcentage fixe puis on s'est dit que, partant de là, les
livres qui se vendent très cher, on en vend
moins à l'unité, donc ça fait moins de revenus pour chacun des auteurs. Ça peut
avoir un effet contraire, mais on dit qu'un
livre qui se vend moins cher se vend en plus grand nombre. Alors, c'est quoi,
là, dans le contrepoids, qui est plus
favorable aux auteurs? On a soulevé le point sans vraiment
être capables de répondre à ce problème parce qu'on n'est pas des
commerçants, on n'est pas des…
M. Kotto :
Mais vous avez une idée de ce que pourraient être d'autres formes d'attribution,
de rémunération?
M. Cloutier (Carol) : On n'en a pas
soulevé, nous…
M. Kotto : Oui.
M. Cloutier (Carol) : Non. On a pris
pour acquis que c'était la seule façon d'être rémunéré puis on n'a pas soulevé
d'autres points sur la rémunération des auteurs en particulier.
M.
Kotto : Merci.
La Présidente (Mme
Vien) : Merci beaucoup, M. le ministre. M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Merci, Mme la Présidente.
Bonjour, M. Cloutier. Vous avez une association, quand même, qui regroupe beaucoup d'auteurs dans votre… Hier, on
apprenait, on mentionnait qu'il y avait 65 % des auteurs qui
vivaient, qui gagnaient à peu près 5 000 $ et moins. J'imagine que c'est
la même proportion chez vous.
M. Cloutier
(Carol) : Ça devrait, oui.
M. Pelletier
(Saint-Hyacinthe) : Ça devrait. Vous parlez aussi, dans votre
mémoire, à la page 2... Vous mentionnez : «En approfondissant notre
réflexion[...], nous constatons que les grandes surfaces vendent beaucoup de best-sellers et très peu de romans et autres
genres de littérature québécoise.
Plusieurs de ces best-sellers proviennent de l'étranger. [Nous aussi, on
a] constaté que la majorité de nos auteurs sont absents des magasins à grande
surface.»
Ma
question est assez simple : Connaissez-vous le pourcentage de ventes dans les grandes surfaces qui... des auteurs québécois?
Et qu'est-ce qui pourrait être fait pour que vous puissiez pénétrer davantage
les grandes surfaces? Parce qu'il y a un
volume là qui est… Vous parliez tout à l'heure des livres qui se vendent moins
cher. Si on en vend plus, ça va bénéficier aux auteurs, mais comment
vous… Avez-vous une stratégie à ce niveau-là?
M. Cloutier (Carol) : Bon, oui, on a relevé ce fait que les grandes surfaces, on y voyait
très peu de nos oeuvres. On serait d'accord à voir nos œuvres présentes
dans les grandes surfaces. On n'a pas établi de stratégie, par contre, pour
atteindre le marché des grandes surfaces.
Puis,
pour répondre à votre première question, non, on n'a pas les chiffres là-dessus
dans l'Outaouais en particulier ou en
général, parce que notre réflexion, on ne l'a pas faite avec des chiffres, on l'a
faite avec notre propre expérience d'auteur
direct avec son éditeur puis avec le marché local. Alors, on s'est rencontrés
seulement qu'une soirée et on a fait du
mieux qu'on pouvait avec nos connaissances sur le marché, avec, bon, des
chiffres qui ne provenaient pas de nous. Alors, de là à confirmer des
chiffres là-dessus, là, je ne pourrais faire aucune confirmation.
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) : O.K. Dans un deuxième temps, au
niveau du livre numérique... versus le livre papier, parmi vos auteurs, les 165 auteurs que vous représentez, il
y en a combien qui s'adaptent, qui ont la plateforme pour pouvoir
utiliser le livre numérique?
M. Cloutier (Carol) : Bon, il y en a très peu. On n'a pas de chiffres, mais je sais qu'il n'y
en a pas beaucoup. Mais je sais qu'au sein de notre association on
commence à en parler puis on veut offrir un service pour amener nos auteurs à s'orienter vers le numérique,
mais on ne fait qu'en parler. On n'a pas encore établi de mode d'emploi
pour aider nos auteurs à ce niveau-là. Alors, on vient de reformer un nouveau
conseil d'administration, puis ça, c'est des nouvelles questions qui nous
arrivent sur la table. C'est assez embryonnaire à ce niveau-là, là-dessus.
M. Pelletier
(Saint-Hyacinthe) : Merci.
La Présidente (Mme Vien) : Merci beaucoup. Ça complète donc du
côté ministériel. Mme la députée de Laporte.
• (12 heures) •
Mme
Ménard : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Cloutier. Vous
avez parlé, vous avez soulevé un point tantôt ou une demande concernant
les éditeurs. Pour la gouverne de tous, finalement, juste mentionner qu'il
existe des programmes gouvernementaux d'aide
aux éditeurs, qui fait en sorte d'ailleurs qu'ils sont capables de publier de
plus en plus d'ouvrages.
M. Cloutier, j'ai
une grande question, juste une question pour vous aujourd'hui. Je suis surprise
de lire votre mémoire et je m'explique : j'ai lu dans un article publié le
7 novembre dernier que M. Gaston Therrien, qui est le président de
votre organisation...
M. Cloutier
(Carol) : Qui était, qui était, oui.
Mme Ménard :
Bon, mais enfin, il était avec vous.
M. Cloutier
(Carol) : Oui.
Mme
Ménard : ...pensait,
et je cite, que l'idée de la première ministre de créer une loi sur le prix unique soit
la solution pour enrayer la crise que vit le
milieu de l'édition, et les raisons étant naturellement votre situation géographique, vous êtes près d'Ottawa, et, deuxièmement, parce que votre organisation considérait que cette mesure était un
diachylon.
Dans un autre article — celui-là
est daté du 16 août — on
mentionnait que votre association avait consulté ses membres et que les avis divergeaient. Il était mentionné que le
livre prend de plus en plus le format électronique et que c'était vraiment
le problème auquel il fallait s'attaquer, et c'était mentionné «maintenant»,
alors qu'aujourd'hui vous appuyez la réglementation du prix du livre. J'aimerais
vous entendre, là, sur ce changement de cap.
M. Cloutier (Carol) : Bien, en
tout cas, moi, je ne suis pas là
depuis très longtemps au sein de l'association. Moi, je suis là depuis deux mois. J'ai participé au
seul et unique débat qu'on a eu sur la question. En général, les positions étaient très différentes. On était favorables, d'autres
étaient contre, mais on allait de nos observations personnelles. Mais, à un moment donné, on s'est dit : Nous sommes une association d'auteurs, alors
on doit discriminer un peu nos points de vue et s'enligner sur celui des auteurs. Alors, avec cette
réorientation-là, on a établi que c'était préférable d'être favorables à
la réglementation. Par le simple fait d'aider
un maillon faible, les détaillants, nos libraires, si le peu que ça peut faire
de positif pour les libraires... c'est bien tant mieux pour les auteurs, mais c'est
juste sous cet angle-là.
Par contre,
tout en appuyant cette réglementation-là, on est bien conscients qu'effectivement ça serait un diachylon, cette réglementation-là. C'est certain,
parce que le numérique va aller quand même en grandissant, les ventes par
Internet de livres papier aussi se font par Internet, ça va en grandissant, ça
contrecarre le circuit traditionnel. Alors, le problème, il est beaucoup plus vaste que le simple prix. On a même
établi que, dans bien des cas, pour un acheteur de livre, le prix est très secondaire, à partir du
moment qu'il a la matière désirée : Je désire m'informer sur tel sujet,
60 $ ou 20 $ — en
fait, on parle de livre de fond — mais il va se vendre.
En fait, nous
avions... nous étions très partagés, mais nous devions nous orienter en
fonction de l'auteur.
Mme Ménard :
O.K. Donc, une sous-question.
M. Cloutier
(Carol) : Oui.
Mme Ménard :
Quand vous parlez des membres, donc, les membres, ce sont tous des auteurs.
M. Cloutier (Carol) :
Oui.
Mme
Ménard : Et les
opinions qui divergeaient — là,
je vous ai bien entendu — maintenant, vous avez fait... en fait, tout le monde est d'accord, là, maintenant,
qu'on doit aller à une réglementation du prix.
M. Cloutier
(Carol) : Bien, avec les discussions qu'on a faites après avoir fait
nos discussions, le conseil d'administration... On n'a pas recommuniqué tout...
Mme Ménard :
À vos membres. Non?
M. Cloutier
(Carol) : ...à nos membres, parce que ça vient d'être fait.
Mme Ménard :
O.K., votre conseil d'administration.
M. Cloutier
(Carol) : Mais le conseil d'administration s'enligne sur ce point-là.
Mme Ménard :
...s'enligne sur ça. D'accord, parfait. Merci. Merci, Mme la Présidente.¸
La Présidente (Mme
Vien) : Merci beaucoup. Alors, M. le député de Jacques-Cartier.
M.
Kelley : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bienvenue à M.
Cloutier. Pour un auteur, si un livre est vendu à rabais, est-ce que ça
change quelque chose pour l'auteur ou est-ce que vous êtes compensés de la même
façon?
M. Cloutier (Carol) : Oui, oui, oui. Parce que l'auteur va être vendu à un pourcentage.
Traditionnellement, un auteur… Bien, je vais donner un chiffre fictif, 5 %
sur le prix de vente du livre. C'est un gros chiffre, là, un gros pourcentage,
mais, si le livre était vendu à 50 $ versus à 25 $, bien, sa
rétribution par vente de livres est coupée de moitié. Donc, à ce niveau-là, il
y a un problème pour l'auteur.
M.
Kelley : Juste pour que je comprends, pour un de vos membres,
si votre livre est vendu à Costco, à rabais, le revenu pour l'auteur est
inférieur que si c'est vendu dans une librairie agréée.
M. Cloutier
(Carol) : Au prix unitaire, oui, mais, par contre, il pourrait être
vendu en plus grande quantité.
M.
Kelley : Oui… Non, non. J'essaie juste de comprendre le marché
parce qu'on est… Et, vu que vous êtes une association de l'Outaouais,
est-ce qu'il y a une crainte au niveau de l'effet transfrontalier, c'est-à-dire,
s'il y a des rabais à Ottawa qui n'existent pas à Gatineau, le monde va juste
traverser le pont?
M. Cloutier (Carol) : Non, absolument pas parce que les livres qui sont vendus chez les
Costco, peu importe le côté de la frontière, ce sont les mêmes
best-sellers.
M.
Kelley : Oui, mais, si j'empêche de faire ça à Gatineau, il n'y
a aucune crainte que je vais traverser le pont et acheter le livre à
Ottawa plutôt qu'à Gatineau?
M. Cloutier (Carol) : Ça, on n'a pas
fait de réflexion là-dessus.
M.
Kelley : Non, c'est…
M. Cloutier
(Carol) : Non, non, je pense que ça n'a même pas été soulevé, cette
question-là.
M.
Kelley : O.K. Mais on le voit dans d'autres produits quand l'écart
est trop important du côté d'une frontière ou un autre…
M. Cloutier
(Carol) : Oui, mais habituellement…
M. Kelley :
…ça cause des problèmes pour l'État québécois.
M. Cloutier
(Carol) : Parce que, d'habitude, les livres qui sont vendus chez
Costco, c'est des acheteurs d'impulsion :
ils vont le voir, ils vont l'acheter; ils ne le verront pas, ils ne l'achèteront
pas. Alors, ils n'iront pas faire un détour
pour un Costco de l'autre côté de la frontière, ça m'étonnerait. Ceux qui font
ça, ils font ça auprès des libraires, alors ce n'est pas le même marché.
M.
Kelley : Non, non, non, je comprends, et un lecteur sérieux va
toujours aller vers une librairie plutôt qu'une grande surface, mais je
ne parle… pas des Renaud-Bray et les autres, mais une grande surface qui n'a
pas comme vocation primaire de vendre des
livres. Alors, ça, c'est l'impulsion, comme vous avez dit, c'est : Je
pense, je vais acheter tout ça. Mais alors il n'y a pas de crainte que l'existence…
M. Cloutier
(Carol) : Non, non, ça n'a pas été soulevé.
M. Kelley :
O.K. Parfait. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme
Vien) : Merci, M. le député. Mme la députée de Montarville.
Mme
Roy
(Montarville) : Oui. Merci beaucoup, Mme la
Présidente. Bonjour, M. Cloutier. D'abord, j'aimerais savoir : Vous
avez combien d'auteurs dans votre association?
M. Cloutier (Carol) : Ah, mon Dieu! En fait, c'est essentiellement des auteurs. Il y en a à
peu près 150, je ne connais pas les
derniers chiffres… mais il y a aussi des artistes connexes à l'écriture, par
exemple des auteurs de chansons qui n'ont pas nécessairement écrit de livres,
mais, globalement, ça peut regrouper plus de 200 personnes.
Mme
Roy
(Montarville) : Vous nous arrivez de l'Outaouais.
Merci de vous être déplacé. Ce que j'aimerais savoir, c'est si, en
Outaouais, on a vu de ces librairies indépendantes, de ces petites
librairies — puisque
c'est de ça qu'il est question, la survie de ces librairies — disparaître
à cause des grandes surfaces.
M. Cloutier (Carol) : Est-ce que, de mémoire, on aurait vu la fermeture? Moi, je n'ai pas
connaissance récemment qu'une
librairie a fermé récemment à cause… peu importe la raison, probablement à
cause du marché qui est déjà difficile dans l'Outaouais. Les libraires
sont déjà habitués à un environnement assez précaire, alors ils m'ont l'air d'avoir
les reins assez solides.
Mme Roy
(Montarville) :
Je vous remercie beaucoup.
La Présidente (Mme
Vien) : Merci beaucoup, M. Cloutier. Merci de vous être déplacé
et d'être venu à notre rencontre aujourd'hui.
Je suspends les
travaux jusqu'à 14 heures cet après-midi.
(Suspension de la séance à 12 h 9)
(Reprise à 14 h 4)
La Présidente (Mme
Vien) : Alors, mesdames messieurs, bon après-midi, bon début d'après-midi.
Nous
sommes à nouveau réunis pour les consultations particulières et les auditions
publiques sur le document intitulé :
Document de consultation sur la réglementation du prix de vente au public
des livres neufs imprimés et numériques.
Alors, nous
poursuivons donc ces auditions en après-midi avec le premier groupe, qui est
Québec Writers' Federation, et nous avons le plaisir d'accueillir son
président, M. David Homel. Bonjour, M. Homel.
Québec Writers' Federation (QWF)
M.
Homel (David) : Bonjour. Content d'être
ici.
Bon, premièrement, je
vais vous situer un peu qui nous sommes. Bon, je dis, je pense, à la troisième page,
que je représente 550 membres. Ce sont des
écrivains de langue anglaise du Québec, principalement, bon, situés à Montréal et le Grand Montréal, un
peu ici, un peu dans les Cantons-de-l'Est, un peu partout. Vous savez peut-être
qu'au Canada, ailleurs, sauf en Ontario, il y a des organisations
provinciales d'écrivains, alors nous sommes cela pour les écrivains de langue anglaise, ce qui veut… Ça ne veut pas
dire que nous ne sommes que des anglophones, ça veut dire que nous sommes des auteurs de livres en anglais. C'est un
peu comme moi, je suis aussi membre de l'UNEQ même si j'écris en anglais parce
que je suis aussi un auteur en langue
française. L'organisation est plutôt jeune, mais quand même correspond à un
besoin, de la part des écrivains anglophones, d'avoir une voix au Québec.
Enfin, moi, j'aime croire aussi que notre existence correspond à une
sorte de prise de conscience du fait anglais au Québec dans le champ culturel,
qui trouve beaucoup d'échos, par
exemple, dans la musique avec Arcade
Fire, ou Patrick Watson, ou, enfin, c'est comme vous voulez. Peut-être
que vos enfants écoutent ça, je ne sais pas.
Et puis nous appuyons
cette position qu'a pris l'union des écrivains québécois et les autres groupes,
là; vous avez lu leur point de vue dans La Pressed'aujourd'hui. Pour nous, le
point de contact traditionnel entre lecteurs et lectrices et livres, c'est
la librairie. Et c'est vrai qu'Amazon et compagnie ont démontré qu'il
existe une priorité… pardon, une diversité
de points de vue, de contacts, mais la librairie reste l'espace où
les auteurs rencontrent les lecteurs et lectrices, et ceci, parfois dans un cadre propice à la rêverie.
Vous vous souvenez de l'arrivée de ces grands fauteuils, machines à
café, musique d'ambiance chez Chapters
Indigo, et tout ça, pour mieux séduire les lecteurs et lectrices. La librairie,
comme centre d'animation culturelle, reste un lien important dans la chaîne de
communication, et les Amazon et alia, quoique très efficaces, ne pourraient offrir cette ambiance qui
favorise la découverte. Une bonne librairie vous réserve des
surprises : on pourrait trouver ce qu'on ne savait pas qu'on cherchait.
Bon.
Le gouvernement du Québec, par la loi n° 51 — bien,
ça fait… enfin, en 1981, j'ai été là — a
reconnu ce fait en voulant renforcer les librairies. Je résume très
rapidement cette loi : évidemment, il y a le système d'agrément pour les librairies, achat de livres dans les
librairies par les institutions culturelles, etc. Vous savez tout ça mieux que
moi. L'idée, c'était de renforcer la culture
littéraire, et, par culture littéraire, je ne parle pas juste du fait de lire
de la poésie ou des romans, mais la capacité d'une société pour s'informer,
pour mieux choisir les mots et mieux progresser. Et je pense que nos petits secrets honteux, à nous tous, en
Amérique, c'est le grave problème d'analphabétisme chez nous et
ailleurs, ce qui ne nous prépare pas à mieux choisir et à mieux gérer notre
démocratie.
Donc,
nous avons aujourd'hui, cette semaine, une occasion de continuer à
renforcer les librairies indépendantes et les petites chaînes que nous
avons sur nos territoires en réglementant le prix de détail des livres.
Hélas,
du point de vue économique, et nous l'avons lu aujourd'hui dans les journaux et depuis quelque temps, la vocation
culturelle de certaines librairies ne fait pas toujours bon ménage avec sa
survie. C'est une lutte, que ce soit une
chaîne locale comme Renaud-Bray — évidemment, vous connaissez cette histoire — ou
une indépendante comme notre voisine,
Pantoute, ici, sur la rue Saint-Jean, à Québec. Si nous voulons
appuyer la culture québécoise du présent et de l'avenir, il faudrait continuer cette poussée de la loi n° 51,
et je vois cette proposition… enfin, cette commission comme une sorte d'extension ou prolongement de la loi n° 51.
• (14 h 10) •
Bon. La question de
ces mégamagasins, ou grandes surfaces, ou dépôts au prix du gros est une
question de société. Nous entendons souvent
des mots comme «spécificité», «diversité», c'est un peu à la mode, et cela, en
Europe comme aux Amériques, et maintenant
nous avons l'occasion de faire quelque
chose. Dans le cas de la vente de
détail des livres, c'est le même principe de diversité, spécificité,
etc. Alors, nous, céder ce commerce de détail à des intérêts étrangers ou même locaux qui pourraient, il est
vrai, offrir des prix plus bas sur certains biens de consommation même
si cette action pourrait mener à l'affaiblissement ou destruction des petits ou
moyens commerces, c'est une question de société et c'est à nous tous de
choisir.
En
fixant le prix de détail d'un livre pendant neuf mois à partir de sa publication, en acceptant un rabais qui ne dépassera pas 10 %, nous pourrons aider à assurer la diversité de l'offre dans
notre société. Bon, j'ai fait un petit scénario. Mon prochain livre sort au printemps prochain, 95… pardon, oups,
29,95 $. Trop cher, n'est-ce pas? Mais c'est quand même un gros morceau, 30 $. Donc, évidemment,
selon la réglementation proposée, ce prix sera universel, sauf avec une
marge de 10 %, donc la librairie du coin ou le mégamagasin pourrait l'offrir
pour 3 $ de moins. Donc, quand même, une certaine marge pour ceux et
celles qui voudraient l'offrir ou qui ont les moyens de l'offrir, bon, et ça,
pendant neuf mois. Bon, peut-être cette proposition est un peu timide, mais,
quand même, c'est, comme vous le savez, le fruit d'un consensus, et les
consensus sont parfois timides. Mais le nôtre a cette vertu d'être appuyé par
tous les joueurs que vous avez vus — bien, évidemment, je ne vais pas les
citer — ceux qui
ont signé le texte dans La Presse d'aujourd'hui.
Bon. J'ai été
finalement dans un lieu où je n'ai jamais mis les pieds : dans une grande
surface. J'ai été au Marché central à
Montréal. J'ai vu qu'il me fallait avoir une carte qui coûte 55 $ pour
entrer faire mes recherches pour voir qui est là comme… quels auteurs
sont là. Alors, je suis… Je n'avais pas 55 $ dans ma poche, alors je suis
arrivé par la sortie, j'ai fait un tour
rapidement parce que j'étais là en infraction, et puis j'ai vu quand même
certains collègues. J'ai vu Kim Thúy, Éric Dupont, Christine Brouillet,
Paul Ohl, des collègues, des auteurs de littérature littéraire qu'on respecte,
et qui font les listes de nos best-sellers, et qui sont souvent montés, lancés
par les petites librairies. Donc, une fois le succès assuré par les médias
publics, par les petites librairies, par les chaînes locales, ensuite on peut
trouver ces auteurs, ou plutôt les livres de ces auteurs, à des rabais très
importants, impossibles à offrir par les mêmes indépendants qui ont aidé à
lancer leurs carrières.
Alors,
encore une fois, c'est un choix de société. Dans quelle société
voudrions-nous vivre? Évidemment, déjà nous vivons dans une société où l'État
intervient dans beaucoup de domaines pour équilibrer le marché. Alors, c'est
pour ça que je suis un peu moins sensible à
cette argumentation de ceux et celles qui appuient le libre marché et les lois
du marché parce que déjà ce marché n'existe pas, ce libre marché. Et je
pense que, si nous optons pour un prix réglementé des livres, nous ne risquons
pas beaucoup de pénaliser les grandes surfaces parce que l'espace, comme vous
le savez, réservé aux livres est minuscule comparé aux mètres carrés du magasin
consacrés à d'autres biens de consommation.
Alors,
c'est pour ça — et
vous pouvez lire tout le détail dans mon mémoire si vous voulez — que Québec
Writers' Federation appuie l'initiative de l'UNEQ, de l'Association des
éditeurs, etc., des six signataires de la lettre d'aujourd'hui pour appuyer
cette réglementation. Voilà.
La
Présidente (Mme Vien) : Merci beaucoup, M. Homel. Vous avez été très discipliné et merci
de nous avoir partagé votre point de vue. Maintenant, je cède la parole à notre collègue ministre de la Culture et des
Communications pour un échange avec notre invité.
M.
Kotto : Merci, Mme la Présidente. M. Homel, soyez le bienvenu et merci pour votre
contribution. Vous avez donné une lecture, une perspective originale, je
dirais, du haut de vos connaissances de la situation, de la fragilité de nos
librairies.
Au-delà
de cette proposition sur la table que vous appuyez à l'effet de réglementer
le prix des livres neufs et sachant pertinemment, parce que tout le
monde qu'on entend convient de cela, que ça n'est pas une solution suffisante
pour assurer la pérennité ou la survie même de
ces librairies, auriez-vous des propositions, des idées qui pourraient contribuer, sur
la base de vos connaissances, évidemment, à aider à la survie de ces
librairies?
M. Homel
(David) : Je suis aussi auteur jeunesse. C'est un côté caché de ma
carrière parce que je fais ça juste depuis trois, quatre livres. Et puis
parfois je vais dans les écoles où la bibliothèque — et là, attention, je
vais arriver au fait — est
plus petite que la bibliothèque qu'avaient mes deux enfants.
Je
pense qu'il y a quelque chose à faire aussi peut-être entre écoles primaires et
librairies et je vois ça un peu dans mon quartier. Encore là, je vais
citer mon quartier de Montréal où, par exemple, j'ai la petite librairie
voisine, Écume des jours, qui travaille
beaucoup avec les écoles primaires autour, les écoles du quartier, enfin,
Lambert-Closse, etc. Et c'est une
façon à la fois de travailler cette question de lecture en famille, la question
d'alphabétisation qui vraiment me touche
beaucoup, mais aussi pour ajouter à la stabilité financière des librairies en
les mettant en réseau avec les écoles, que
ce soit primaires ou secondaires, du quartier. Et je sais que, dans ce cas-là,
pertinemment, il y a des réseaux entre cette librairie et certaines
écoles dans le coin. C'est un quartier… bon, ce n'est pas un quartier riche,
mais ils sont quand même un quartier,
peut-être, de lecteurs et de lectrices. Mais c'est une façon, peut-être… J'ai
toujours pensé qu'on devrait avoir
plus de liens — j'espère
que ce n'est pas scandaleux politiquement — entre le ministère de l'Éducation et le
ministère de… et, enfin, chez vous. Je vois
que peut-être, enfin, c'est des jumeaux, en principe : la lecture, l'école
et la lecture et le livre plus tard dans la vie. Enfin, j'étais…
Et
je vois ça ailleurs dans… Et là je vais traverser vers le côté anglais, je vois
le même travail chez Babar Books, qui est
à la fois dans Westmount et Pointe-Claire, où il y a une librairie… une
libraire très, très dynamique qui travaille en réseau avec toutes sortes
d'écoles primaires. Je pense qu'il y a une clé là : c'est à la fois
stabilité économique pour le commerçant, mais aussi c'est promouvoir la
lecture. Donc, bon, je suis un peu idéaliste, mais c'est mon métier, le vôtre
aussi.
M. Kotto :
Tout à fait, l'autre chapeau. Mais je ne parle pas au travers, pour reprendre l'expression…
La Présidente (Mme
Vien) : De Mme Desrosiers.
M. Kotto :
…c'est ça, de Mme Desrosiers ce matin. Tout à fait.
Que
diriez-vous de ce que l'on entend ici et ailleurs à l'effet que réglementer le
prix du livre neuf pourrait avoir un effet allant dans le sens contraire
de la proposition, notamment celle que vous venez de faire?
• (14 h 20) •
M. Homel
(David) : J'ai eu… J'ai même fait une émission à la CBC avec Blaise
Renaud qui, je pense, pense comme vous venez
de dire, et je n'ai pas encore saisi… Excusez-moi, je suis peut-être un peu
lent, mais je n'ai pas encore saisi pourquoi, si on réglemente ce prix, est-ce
que ça veut dire que le coût de certains livres risquerait d'être plus haut?
Mais, quand même, est-ce que ça veut dire que les gens qui vont acheter des
livres chez Wal-Mart, Costco, Target, etc., vont devoir payer plus cher, donc
ils ne vont pas acheter le livre, donc ils ne vont pas aller non plus en librairie? Je n'ai pas encore saisi le pourquoi,
comment ça marcherait contre le but que nous voulons atteindre ici. Même
à l'intérieur de mon groupe — bon, évidemment, il y a de la diversité d'opinions,
heureusement — certains
pensent que le vrai problème, c'est Amazon
point «whatever», fr, ca, etc., et puisque, pour le moment, on ne
sait pas comment légiférer sur Amazon, donc ne faisons rien. Bon, pour moi, c'est un
peu nihiliste comme façon de penser. Je voudrais qu'on m'explique. Je ne sais pas si ce serait à vous, ou à M. Renaud,
ou d'autres, ou M. Fortier… Jacques Fortier, j'ai lu son texte, enfin, avec
tout monrespect, je n'ai pas vu
comment ça allait contrer le but qu'on veut… ou aller contre le but qu'on
voudrait atteindre ici.
En
même temps, je dois dire que je ne suis pas à mettre des marges et des
pourcentages et je ne travaille pas dans le détail, donc il y a
peut-être quelque chose qui m'échappe. Mais j'aimerais bien avoir Jacques
Fortin à ma droite et Blaise Renaud à ma
gauche et puis qu'on m'explique directement. Parce que, pour l'instant, c'est
un peu des spéculations, genre,
bon : Mme Unetelle qui voudrait lire Dan Brown, bon, elle ne va pas
acheter Dan Brown parce que ça va coûter plus cher chez Wal-Mart, donc
elle ne va pas aller chez Renaud-Bray pour… enfin, etc. Mais ça, c'est la
spéculation. On ne peut pas tracer des destins individuels, je ne pense pas,
comme ça. Enfin, moi, je ne peux pas. Il y a peut-être des compagnies en
marketing ou en sensibilisation à l'achat, etc., je ne sais pas.
M.
Kotto : O.K. J'aimerais vous entendre sur le livre numérique. Est-ce
que, de votre point de vue, on devrait également en réglementer le prix
au même titre que le livre physique?
M.
Homel (David) : Je pense que oui. Bien, premièrement, bon, j'ai des…
et là je vais parler de moi-même et aussi des autres auteurs dans notre groupe.
Malgré tout le tralala autour du livre numérique, nos ventes, pour les romanciers ordinaires, je ne parle pas de Dan
Brown ou, je ne sais pas, d'autres mythes comme ça, mais, pour nous, le livre électronique reste un peu marginal comme
vente, O.K.? Et ça pourrait vous choquer, parce qu'on pense que le monde
devient numérique, et tout le monde est numérique, et c'est un mot magique,
«numérique», mais, dans la vraie vie, les
ventes de livres numériques, ce n'est pas si extraordinaire dans la littérature
en général. Là où ça marche, c'est dans ce qu'on appelle la littérature
de genre, genre science-fiction, fantaisie, Dungeons and Dragons ou des
trucs comme ça, des trucs très spécifiques.
Mais,
pour répondre à la question : Oui, je pense que, si nous allons
réglementer le prix du livre papier neuf… le prix du livre neuf sur
papier, bien, il faudrait faire la même chose du prix du livre neuf
électronique, sinon ça crée une sorte de
paysage tout à fait disjoint des gens qui vont aller là-bas acheter
électronique et pour ne pas avoir à payer plus cher parce que c'est du papier, parce que c'est réglementé. Là, ça,
ça serait un cauchemar et ça serait vraiment faire des demi-lois. Comme
ça, ça ne sert à personne.
M. Kotto :
Merci.
La Présidente (Mme
Vien) : Merci beaucoup, M. le ministre. M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Pelletier
(Saint-Hyacinthe) : Oui. Merci, Mme la Présidente. Bonjour.
M. Homel
(David) : Bonjour.
M. Pelletier
(Saint-Hyacinthe) : Ça fait plaisir, M. Homel, de voir… J'ai
lu, au premier paragraphe de votre présentation,
vous parlez beaucoup de ce qu'on appelle l'animation culturelle dans
les librairies et, comme de raison, vous parlez de… parfois propice à la rêverie, l'ambiance, et tout ça, l'atmosphère
qu'on peut y retrouver. Tu ne retrouves pas ça, peut-être, nécessairement
dans les grandes surfaces. On dit : «Une bonne librairie vous réserve des
surprises; on pourrait trouver ce qu'on ne savait pas qu'on cherchait.» J'aimerais
vous entendre parler un peu plus de cet aspect culturel d'une librairie qu'on
ne retrouve pas nécessairement partout.
M. Homel
(David) : Oui. Bien, je suis peut-être un vieux romantique et aussi peut-être
un vieux guerrier. Je publie depuis 1988, à l'époque où on écrivait des romans
sur des machines à écrire. Mais les librairies, que ce soit au Québec ou ailleurs — et,
quand je dis ailleurs, aux États-Unis, au Canada, en Europe — ont
toujours été des lieux de rencontres, de diffusion. Bon.
En
France, par exemple, pour ma carrière là-bas, parfois il y a des librairies
qui... C'est quasiment comme des églises
à l'époque où il y a un groupe de fidèles qui arrivent pour... une centaine de
personnes, 200 personnes, il y a quand même vraiment quasiment une
sorte de secte, au sens bien, autour de certaines librairies, et là je parle de
la France. Même encore ici, à Montréal, j'ai
vu la même chose, par exemple à Babar
Books, qui est une librairie pour jeunesse où, bon, c'est moitié
garderie, parfois, moitié librairie, mais, quand même, c'est des contribuables
de demain. Il y a des zones d'animation
culturelle qui sont très puissantes, peut-être dans un quartier ou dans une zone de quelques
kilomètres carrés, mais ça marche très bien.
Un autre exemple qu'on a vu se développer tout récemment à Montréal, c'est Drawn
& Quarterly. Drawn & Quarterly, ils ont… c'est un peu bizarre,
ce sont, au début, des éditeurs de romans graphiques, je pense? Je vous regarde
pour la réponse. Je pense qu'ils ont
commencé avec le roman graphique, ensuite ils ont commencé à développer des
tournées pour auteurs, et puis, l'autre
semaine, il y a eu un écrivain écossais, Neil Gaiman, qui a rempli le théâtre
Rialto, 600 places, pour faire une lecture et une causerie. Et tout ça
organisé par une librairie.
Alors, ça, j'ai dit… J'ai commencé par dire que j'étais
un vieux romantique, mais, finalement, tout ça, c'est en 2013, alors
il y a encore d'autres personnes romantiques qui veulent le papier, et qui
veulent entendre l'auteur et aussi qui veulent créer une sorte de
communauté. Et c'est curieux, dans le cas de Drawn & Quarterly ou les deux
Babar Books sur l'île de Montréal, ce n'est pas seulement une librairie
où on achète un livre, mais c'est toute l'organisation sociale d'un quartier, dans le
cas de Drawn & Quarterly, qui invite des auteurs d'un peu partout, qui
remplissent des... que ce soit le Rialto qui était énorme.
Je ne sais pas d'où vous venez, mais le Rialto, c'est un théâtre vieux style
des années 20 ou début du XXe siècle avec, comme, des vitraux, et tout ça, un
peu moitié cathédrale, moitié music-hall. Mais on a vu beaucoup d'exemples de
cela.
Évidemment,
si on… Je ne veux pas parler contre Costco ou Wal-Mart parce que, bon, ça
devient comme des hommes de paille,
mais c'est sûr qu'on ne va pas rencontrer ses lecteurs et ses lectrices dans un
Costco, sauf par hasard. Et, puisque je n'ai pas la carte, je ne
rencontre personne. Je ne veux pas risquer deux fois d'entrer par la sortie.
La Présidente (Mme
Vien) : On ne passe pas là facilement.
M. Homel
(David) : Donc, cette idée pourrait sembler un peu romantique, un peu
XXe siècle, un peu... pas numérique. Mais,
quand on regarde les exemples dernièrement autour des librairies que j'ai
citées, que ce soit anglophones ou francophones, c'est aujourd'hui.
M. Pelletier
(Saint-Hyacinthe) : Est-ce qu'il reste du temps?
La Présidente (Mme Vien) :
Oui, il reste une minute.
M. Pelletier
(Saint-Hyacinthe) : Une minute? J'aurais juste une dernière
question.
Vous savez, il
existe… Moi, chez nous, il existe des groupes de lecture, qu'on appelle, ou des
clubs de lecture. C'est des citoyens
qui se réunissent encore ensemble dans une ambiance à peu près comme vous
disiez tantôt. Et est-ce que, chez vous, vous sentez que ça pourrait
être plus encouragé ou plus supporté par nos institutions ou même par les
libraires, ces genres de...
• (14 h 30) •
M. Homel
(David) : Oui. Le phénomène
des cercles de lecture ou de clubs de livres, c'est tellement fort qu'aux
États-Unis et aussi au Canada anglais, on publie des éditions spéciales de
romans. Normalement, c'est le papier, pas... après la couverture rigide — là,
je parle de langue anglaise — avec
les questions pour, déjà là, pour animer les clubs de lecture. Et
les écrivains, nous savons que c'est vraiment là où il faut se brancher, et j'en
ai vu la preuve dans le West Island où je vais très rarement. C'est un
phénomène très, très féminin, je dirais même exclusivement féminin. Ça ne me
dérange pas.
Des voix : Ha, ha, ha!
M. Homel
(David) : Mais, là encore, il y a
une connexion entre une librairie et ces clubs de lecture où tout le monde s'alimente, les groupes s'alimentent
sur place.
La
Présidente (Mme Vien) : Merci beaucoup, M. Homel. Merci beaucoup. Merci M. le député. Mme la députée de Laporte,
c'est votre tour.
Mme Ménard : Merci beaucoup, Mme
la Présidente. Bonjour, M. Homel. Bienvenue.
M. Homel (David) : Merci.
Mme Ménard : Je lisais dans
votre mémoire, et vous avez mentionné… vous représentez 550 membres, n'est-ce
pas? Alors, ce sont tous des auteurs?
M. Homel (David) : Ce sont tous des
auteurs, mais pas forcément des auteurs de livres. Nous sommes un peu plus
mous, un peu plus tolérants que, par exemple, l'union des écrivains québécois
où il faut avoir publié x livres de x pages, et tout ça. Nous sommes, oui,
plus accueillants.
Mme Ménard : D'accord. Est-ce
que vous êtes à l'aise pour nous dire que tous ces membres ont la même position
quant à la réglementation?
M. Homel (David) : Non. J'ai déjà
dit : non, non.
Mme Ménard : Non.
M. Homel
(David) : Tous les membres n'ont
pas la même pensée. J'ai déjà parlé de la diversité d'opinions dans
notre groupe. Nous avons — et
d'ailleurs ils seraient très contents d'entendre votre question — une
certaine tendance, je dirais, de libre
marché. On va laisser le marché s'arranger, et le marché va arranger les
choses, et puis voilà. Il y a
cette pensée aussi. Il y a l'autre
pensée, que je trouve un peu nihiliste, genre : Bon, puisqu'on ne peut pas
tout… on ne peut pas légiférer sur
tout, alors ne faisons rien. On a quelques nihilistes aussi. Et vous savez que
c'est un groupe d'anglophones, donc je peux les compter très rapidement,
les librairies anglophones sur l'île de Montréal et dans le Grand Montréal, et puis dans… je pense que nous… ce qui fait
que nous sommes plutôt de bons utilisateurs d'Amazon pour les livres
qui viennent des États-Unis et surtout spécialisés… Moi aussi, j'ai péché : j'ai commandé des livres
de Harvard University Press par Amazon.
Mme Ménard : Donc, la décision… En fait, votre appui pour la
réglementation, c'est votre C.A. qui l'a décidé pour les membres.
M. Homel (David) : C'est la majorité
du C.A., oui.
Mme Ménard : La majorité du
C.A. Bon, parfait, O.K. Ça répond à ma question.
L'autre question
que j'ai pour vous : vous faites référence, dans votre mémoire,
à la Librairie Pantoute, alors que, déjà, en l'an 2000, le rapport Larose, à la page 24,
nous parlait de cette institution-là, fondée en 1972, comme une librairie
ayant su s'adapter aux réalités de l'industrie, et je cite : «[En
développant] avec un certain succès des stratégies de marketing sur Internet...» Alors, ne croyez-vous pas qu'il y a là un
signal qui devrait être entendu par toutes les librairies… et s'ajuster
ainsi au marché?
M. Homel
(David) : Oui. Bien, premièrement, j'ai cité Pantoute parce que je ne
voulais pas faire trop de Montréal-centrisme et aussi parce que, quand je viens à Québec,
je passe par là. Je pense que, maintenant, il n'y a pas de librairie sans site
Internet, sans possibilité d'achat. Moi, je reçois des montagnes de courriels
de Drawn & Quarterly, cette librairie sur la rue Bernard , à Montréal, peut-être parce que ce sont des jeunes, mais, en même temps, je
reçois des… enfin, des courriers…
Enfin, j'ai été sur... j'essaie, sur le site de Babar, et tout ça. Je pense
que tout le monde a son site, et ce qui veut dire — tout le monde, je veux dire chaque librairie — qu'il y a cette possibilité de vente, mais, si je comprends bien, vente pas moins chère. Enfin, si vous voulez
acheter quelque chose chez Pantoute par le Net, vous paierez le même
prix que si vous y allez physiquement, je
pense. Et puis, pour moi, ça
reste à l'intérieur du cadre d'une possible réglementation.
Mme Ménard :
Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme
Vien) : M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. À mon tour, bienvenue, M. Homel, et merci
pour votre contribution à la littérature québécoise, à la fois comme écrivain…
mais il a fait des traductions importantes de Dany Laferrière entre autres, ses romans vers l'anglais, Yves Beauchemin, Stéphane
Bourgogne et les autres… Bourguignon, pardon. Alors, merci beaucoup
pour cette contribution et merci pour mentionner Babar, parce que c'est dans le
beau comté de Jacques-Cartier, et on sait
que toute politique est locale. Et c'est un lieu préféré pour ma petite-fille
et moi pour aller visiter, Babar, qui
est extraordinaire pour une librairie des enfants, l'ambiance, et tout, que
vous avez... décrivez, c'est tout à fait vrai chez Babar. Alors, j'espère
que le commissaire d'éthique ne me reprocherait pas pour mentionner l'entreprise
dans mon comté, mais je vais le faire quand même.
La Présidente (Mme
Vien) : On va vous défendre.
M.
Kelley : Mais je
reviens toujours sur la question sur le numérique. Et, mettons, votre prochain
roman — je
ne sais pas si vous avez un titre encore — vous avez évoqué le prix de 29,95 $, si le numérique est disponible à
15 $, ça va, avec le temps, changer les
comportements parce qu'à date le prix numérique et le prix papier, l'écart est
modeste. Mais, si, mettons, c'est deux pour un, et le coût d'envoyer un
fichier est nettement moindre que publier le papier et tout le reste — avec le temps, j'imagine, la version
numérique doit être beaucoup plus rentable ou moins chère — alors, est-ce qu'il faut réglementer ça? Est-ce qu'il faut conserver un lien, une
proportion que le numérique ne peut pas être moins cher que… et fixer un
seuil comme ça pour protéger les écrivains?
M. Homel (David) : Oui, bien, c'est intéressant parce qu'on dit le mot «numérique» depuis
combien de temps déjà : quelques
années, quelque 10 ans, 15 ans? Excusez-moi, le temps passe. Mais, là
encore, bien, je vais parler, pas… enfin, de moi et des écrivains de
fiction générale, je veux dire. Et là je mets — excusez-moi — genre,
littérature, c'est comme science-fiction — excusez-moi — pornographie,
mais, quand même, fantaisie, certains trucs comme spécialisés. Là, ça marche bien sur le Net. Sinon, nous sommes encore
dans l'enfance de toute cette publication, ou toute cette édition
plutôt, numérique. Effectivement… Et puis, je sais que, bon, les ventes ne sont
pas si énormes parce que j'ai 50 % du
prix de vente numérique, tandis que j'ai 10 % du prix de vente papier.
Alors, ça veut dire qu'il n'y a pas tant de choses à vendre
électroniquement pour l'instant. Autrement, j'en aurais moins parce que l'éditeur
mettrait de la pression sur moi. Enfin, quand je dis «sur moi», sur les
écrivains.
Donc, effectivement, c'est un travail à faire, et
nous sommes… enfin, l'industrie est en train de le faire petit à petit. Ça veut dire quoi au juste, éditer
électroniquement des livres ordinaires? Enfin, un livre moyen, Kim Thúy,
Chrystine Brouillet, etc., enfin les gens que j'ai cités. Et, pour l'instant,
nous ne savons pas vraiment parce que nous sommes au début de ce processus. Alors, ça, c'est… évidemment, peut-être, ça
rejoint la question : Si on va réglementer le livre papier, logiquement on devrait réglementer le
livre numérique? Et, là encore, vous posez une bonne question parce quequelle serait la différence, enfin l'écart, entre
le livre matériel et le livre immatériel? À suivre. Moi, je n'ai pas la
réponse.
M. Kelley :
Non, mais…
M. Homel
(David) : Nous développons cette réponse année après année.
M. Kelley :
Parce qu'on a vu que le numérique a tout bouleversé, l'industrie de la musique.
M. Homel
(David) : Oui.
• (14 h 40) •
M.
Kelley : Et ce n'était pas toujours les bonnes nouvelles. Oui,
l'accès, on peut… Tous les disques des Beatles, on peut les mettre sur
notre ordinateur dans quelques instants.
M. Homel
(David) : Oui.
M. Kelley :
Mais la protection des musiciens n'était pas toujours au rendez-vous.
M. Homel
(David) : Oui.
M. Kelley :
Tous les magasins de disques, ou la plupart, sont maintenant disparus. Alors, c'est
une transition qui a fait beaucoup d'accès… était améliorée, mais elle a fait
beaucoup de dommages aussi en même temps. Alors, moi, je pense… Pour le numérique, pour le moment,
je pense… quelqu'un a évoqué le chiffre de 4 % des livres au Québec
qui sont vendus en format numérique aujourd'hui. Mais, si l'écart des prix
entre les deux est important, tôt ou tard, ça
va devenir rentable d'acheter le Kindle. Moi, j'ai déjà confessé à la
commission : Je suis dinosaure, je vais être avec les livres papier pour la fin de mes jours. Mais mes
enfants me regardent d'une façon curieuse : Papa, tu as les tablettespleines de livres, et ça serait beaucoup
plus pratique de mettre ça, tout, sur un Kindle, et tout le reste. Et c'est mes
enfants qui sont l'avenir, quand même : leurs goûts, et leurs habitudes,
et leurs comportements.
Alors,
je me demande : si on réglemente le prix papier avec le format neuf mois,
10 %, mais le numérique devient plus
avantageux, tôt ou tard, si l'écart devient assez important, on va créer un
marché additionnel pour le livre numérique. Peut-être, c'est souhaitable, c'est moins de papier et protéger nos
forêts, je ne sais pas, mais il y a des choix, et, je pense, le
numérique, il faut le regarder.
J'ai
été surpris, ce matin, que le président du conseil consultatif du livre ne peut
pas dire combien de livres sont vendus
en ligne. Parce que, moi comme vous, quand je vais sur Amazon parfois…
Mon épouse va dire : Combien de fois? Trop souvent. Mais ça donne un accès quand même formidable, et on ne
peut pas l'ignorer, qu'il y ait une conséquence sur les librairies, l'accès
en ligne des livres aussi.
M. Homel
(David) : Bien, pas… Bon, on a encore une minute ou deux. Mais le… je
ne veux pas dire «le problème», mais l'axe
de tout ça, c'est le coût de l'édition électronique. Et, pour l'instant, comme
vous venez de dire, 4 %, ce n'est
pas beaucoup, ça reste une activité marginale, O.K.? Donc, ce qui veut dire que
son coût est plus élevé. Est-ce que les Kindle et compagnie vont passer
sur nous comme une grande vague? Pas pour l'instant non plus. Mais je dirais aux penseurs ici, devant moi, de penser,
bon : Comment réglementer si vous optez pour la réglementation?
Comment réglementer l'édition électronique? Et ça va impliquer aussi une
pensée… pas une pensée, une recherche sur le coût de production, pardon, de l'édition électronique, et, pour l'instant, on
est loin de ça. Et j'ai des éditeurs à Toronto, ce n'est pas les maisonnettes d'édition, c'est des
maisons d'édition… mais eux aussi ne pourraient pas répondre non plus.
Ça reste pour l'instant une activité marginale, une vente marginale, mais ça ne
veut pas dire qu'on ne doit pas y penser parce
qu'on fait… On est là pour penser l'avenir, n'est-ce pas? Et, juste pour faire
le lien avec la musique, bon, peut-être… bon, les musiciens, enfin, ils
ont été mis K.O.
M. Kelley :
Floués.
M. Homel
(David) : Et leurs compagnies de disques, et tout, et tout. Bon,
évidemment, on n'a pas vu ça en littérature,
peut-être parce qu'il y a moins à voler, je ne sais pas, ou, peut-être, c'est
que l'âge des lecteurs est plus élevé, donc
c'est moins une culture de la gratuité, c'est-à-dire une culture du vol, mais
on est un peu mieux protégés pour l'instant.
La Présidente (Mme
Vien) : D'autres questions, M. le député de Jacques-Cartier?
M.
Kelley : Oui. Juste une dernière question, parce que vous avez
parlé de la spéculation sur le comportement des gens, et je veux poser la question dans le sens contraire :
Comment, en fixant la proposition qui est sur la table, le neuf mois et le 10 %, je vais convaincre la personne d'acheter
chez la Librairie Pantoute plutôt que continuer d'acheter… Si l'idée, c'est de donner un soutien aux petites librairies
et si on accepte ça autour de la table, moi, je suis loin d'être
convaincu que la mesure proposée va changer
le comportement des consommateurs. Et, c'est ça, on peut le faire, on peut
l'essayer, je comprends, mais moi, je ne vois pas que le lecteur qui achète chez
Costo… Et souvent ça va être juste de passage, ils sont là pour acheter quelque
chose d'autre, au Wal-Mart, ils vont voir le dernier roman de et ils vont l'acheter.
Pas certain que cette personne, avec la réglementation, va abandonner cette
pratique pour aller chez Pantoute, ou chez Drawn & Quarterly, ou dans les
autres endroits.
Alors, j'essaie de voir comment la mesure proposée
va donner le soutien. Si l'objectif est le soutien aux petites librairies,
comment… c'est quoi, la cause et effet dans tout ça?
La Présidente (Mme
Vien) : En 30 secondes, M. Homel.
M. Homel
(David) : Oui, bien, là, je pense que je dirais : c'est un risque
à prendre, c'est tout. C'est sûr que moi,
dans mes recherches chez Costco, j'ai été impressionné par la sélection de
livres québécois en français, des livres littéraires. Là, ça
pourrait avoir une différence. En anglais, non, O.K.? Mais je pense que c'est
un risque à prendre, le «beau risque», dit-on, et c'est ce que j'ai fait.
La
Présidente (Mme Vien) :
Merci. Je vais vous arrêter là pour donner la parole à un autre collègue. Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, M. Homel. Merci d'être là. C'est
très intéressant de vous écouter, vous êtes un homme passionné, et vous y
mettez tout votre cœur, et c'est intéressant aussi d'entendre votre expérience.
Question de mettre la
table, juste pour nous donner une idée, quelle est la proportion du nombre de
volumes québécois anglophones comparativement à celui du nombre de volumes québécois
francophones qu'on retrouve dans nos librairies?
M. Homel (David) : En librairie, bien, ça dépend où on va.
Évidemment, moi, mes recherches par effraction dans les Costco, c'était… il y a zéro.
Aucun livre, même pas canadien. J'étais étonné. Je suis allé dans
des coins de diversité ethnique pour voir, bien, il y aura peut-être
plus de demandes dans ce coin-là que dans d'autres coins, et puis j'ai été vraiment
étonné par le manque de livres anglais dans les grandes surfaces. O.K.
Dans les librairies dites indépendantes, etc., ça
va… C'est tout à fait anecdotique, évidemment : Drawn & Quarterly,
c'est 100 %. Babar Books, qui fait des livres pour jeunes, il y a beaucoup
plus de livres francophones pour les jeunes anglophones; Olivieri, qui est à
côté de l'Université de Montréal, est une librairie francophone qui vend
beaucoup l'anglais aux universitaires de l'UdeM;
Renaud-Bray, sur l'avenue du Parc, un peu la même chose, très surpris de
voir autant de livres anglais, souvent de
partout, littérature générale. C'était peut-être difficile à quantifier parce
que mon ami avec qui je ne suis pas d'accord
sur ces questions, Richard King, qui était l'ex-propriétaire de Paragraph, qui
est devenue maintenant propriété de Québecor via Archambault, il disait
que 60… non, pas 60 %, 40 % de sa clientèle était francophone. Donc, à Montréal, c'est très
chassé-croisé. Je pense, il y a très peu… enfin, dans certains coins, il y a
des livres qui… des librairies qui sont uniquement dans une langue.
Mme
Roy
(Montarville) : …total de la production littéraire
québécoise, la place du livre québécois anglophone?
M. Homel (David) : Oh! Ça, c'est très difficile parce que je suis un écrivain d'expression
anglaise. Au Québec, je suis publié… je ne suis pas publié ici. Il y a
deux ou trois petits éditeurs de langue anglaise au Québec — je
regrette qu'ils ne soient pas venus, je
pense, ils ne sont pas venus? non — comme la presse de l'Université McGill, qui
est une institution très prestigieuse, mais qui ne publie pas… enfin,
qui publie un peu de tout. Je ne suis pas en mesure de… Bon, combien de livres
sont écrits en anglais chaque année?
Mme
Roy
(Montarville) : Mais on s'entend que la proportion
doit être beaucoup plus petite que la proportion de livres francophones.
Je voulais juste avoir une idée, mais, cela dit, comme j'ai très peu de temps,
j'aimerais vous ramener sur le livre
numérique, le livre électronique. Comment se fait-il qu'au Québec c'est un
champ de ventes qui se situe entre 2 %, 3 % et 4 %, alors
qu'au Canada anglais, là, si on parle d'écrivains anglophones, ça représente
15 %?
• (14 h 50) •
M. Homel
(David) : Bien, je pense que, peut-être, Amazon.ca, et je dis
le «.ca» au lieu de «.fr» parce que les gens… je pense que l'offre d'Amazon
au Canada, en français, est très faible, tandis que, du côté anglais...
La Présidente (Mme
Vien) : En terminant, M. Homel.
M. Homel (David) : Oui. Encore que, côté anglais, il
y a souvent un désir d'avoir ce qui
se passe aux États-Unis.
La Présidente (Mme
Vien) : Merci.
M. Homel (David) : Donc, je pense que, pour l'instant, les Amazon et
compagnie en français, c'est vraiment... c'est très minimal.
La Présidente (Mme
Vien) : Merci beaucoup, M. Homel. C'était un plaisir de vous
recevoir à nos travaux aujourd'hui. Merci. Bonne continuité, bon retour à la
maison.
Je suspends quelques
instants, le temps d'accueillir notre prochain invité, M. François
Colbert.
(Suspension de la séance à 14 h 51)
(Reprise à 14 h 52)
La
Présidente (Mme Vien) :
On va recommencer maintenant. Merci. Alors, mesdames messieurs, nous
allons poursuivre nos consultations particulières et auditions publiques. Nous
avons le plaisir d'accueillir, cet après-midi, M. François Colbert,
titulaire de la Chaire de gestion des arts Carmelle‑et‑Rémi‑Marcoux aux HEC de Montréal.
M. Colbert,
soyez le bienvenu chez nous, dans votre Assemblée nationale.
Chaire de gestion des arts Carmelle-et-Rémi-Marcoux HEC
Montréal
M. Colbert
(François) : Merci beaucoup.
La
Présidente (Mme Vien) : Vous avez 10 minutes pour nous
transmettre l'essentiel de vos réflexions, après quoi s'ensuivront des
échanges avec les parlementaires. Ça vous va?
M. Colbert
(François) : Parfait.
La Présidente (Mme
Vien) : Allez-y.
M. Colbert
(François) : Alors, moi, je suis professeur de marketing depuis
40 ans à HEC, spécialisé arts et culture. J'ai déjà eu une spécialisation
qui était Localisation de magasin aussi, quand j'étais plus jeune. Mais bon, maintenant, je suis vraiment arts et culture
depuis 40 ans. Et, si je peux prendre en boutade une expression qui a été
utilisée avant dans le domaine du livre, je
dirais que fixer le prix du livre à la hausse, c'est taxer l'ignorance. J'ai
dit : Je pense que je peux reprendre ce slogan qui a permis d'abolir
la taxe de vente sur le livre. Alors, si les consommateurs — et,
en général, c'est les consommateurs à
revenus plus faibles — vont chez Costco ou vont chez les grandes surfaces pour se
procurer des livres à 20 %, 30 %, 40 %, 50 % moins cher qu'ils
pourraient trouver sur le marché… Si on les oblige à l'acheter à 100 %, on vient de taxer l'ignorance parce que,
nécessairement, ils vont en acheter moins. C'est une règle en marketing,
là... C'est une règle, en fait, en sciences économiques, qui est établie depuis
150 ans au moins : si on augmente les prix, on baisse les quantités.
Bon, alors...
Le lecteur
scolarisé, celui qui a été à l'université, des gens comme moi… moi, j'achète. À
chaque fois que je vais chez Renaud‑Bray, j'achète. Je ressors avec une
douzaine de romans puis il faut que je me dépêche de sortir parce que je vais en acheter une douzaine d'autres. J'en
lis un par semaine, des fois deux. Moi, ça ne me dérangera pas, là. Si
je le veux, je vais l'acheter. Sauf que je
suis comme n'importe quel consommateur, surtout que je suis quelqu'un de
marketing, moi, j'attends que le livre devienne en livre de poche. La nouveauté
ne me séduit pas plus que ça. Donc, j'achète mes livres en livre de poche à 12,95 $. Je n'achète pas le livre... Et
je ne vais pas dans les petites librairies parce que, bien, il n'y en a
pas sur mon chemin. Il y a un Renaud‑Bray sur mon chemin, alors c'est là que je
vais, et c'est là que je trouve mes livres.
Je dis toujours
à mes étudiants : Quand vous avez un problème marketing, vous
dites: Bon, les ventes baissent. Ce n'est pas ça, le problème. Ça, c'est
le symptôme. Quel est le problème? Alors ici, il faut voir, dans le cas des
petites librairies... Et je suis, je veux dire, de tout coeur avec les petites librairies, là, les librairies de
quartier, il n'y a aucun problème
là-dessus. C'est quoi, leur problème? Leur problème, c'est la concurrence des
grandes chaînes. Et ça, c'est typiquement le
commerce de détail. Je veux dire, on l'a vu dans le passé : tous les petits épiciers
sont fermés, les petites quincailleries n'ont plus de place, tout le
monde est à des regroupements. Donc, concurrence des grandes chaînes, baisse de manuels scolaires, ce qui était une vache à lait des librairies agréées,
croissance des chaînes vers les banlieues, vers là où les gens
demeurent, vers là où les gens déménagent, surtout les gens qui ont les moyens
puis qui sont scolarisés. Au Québec, un peu moins le livre numérique, mais c'est
sur la pente augmentante.
Alors donc, ce n'est pas uniquement une question
de prix ici, c'est vraiment une question structurelle d'un marché, et il va falloir que toutes les
librairies, y compris les grandes chaînes comme Renaud-Bray… Je veux dire,
les Amazon de ce monde, là, je veux dire, c'est l'avenir, c'est
certain. Moi aussi, je suis un dinosaure, monsieur… je ne me souviens pas le nom, là. Moi, ça ne me tente pas
de lire un livre sur un Kindle, là, mais… J'aime le livre, mais mes
enfants aussi aiment le livre : Pourquoi, papa, tu as tout ça dans… Ça
prendrait bien moins de place. J'ai eu exactement la même réaction.
Donc, le consommateur qui n'a pas beaucoup de
moyens et qui achète des best-sellers, puis seulement des best-sellers… Parce que Zola, Camus et même des
auteurs québécois un peu plus, disons, costauds, là — appelons ça comme ça, là — ils n'ont
aucune, aucune envie de les lire, hein? Parce qu'il faut aussi voir ça. On ne
peut pas forcer le chameau à boire de l'eau,
mais on ne peut pas forcer le consommateur non plus à lire des livres qu'il ne
veut pas lire si ça ne l'intéresse pas. Peut-être que le libraire va
réussir à l'intéresser, peut-être, si le consommateur l'écoute, et c'est
surtout s'il va à la petite librairie.
Je dirais
que, disons, le futur des librairies indépendantes est dans leurs propres
mains. On peut essayer le prix unique
comme ils le font en France, là — une autre mauvaise idée qu'on est allés
chercher en France, on va en chercher souvent,
malheureusement — mais,
dans trois ans, on va être ici puis on va se reposer la même question. Ça n'aura
rien changé parce que , si les gens… ou bien les gens vont en acheter moins,
mais ils ne vont pas partir de Costco pour aller au petit libraire. Je veux
dire, s'ils veulent le best-seller, ils vont l'acheter là où ils sont habitués
d'aller. C'est des «patterns» de consommation, ça, qu'on voit en comportement
de consommateur.
Alors, je dirais : Probablement que la
solution des librairies indépendantes — et je souhaite qu'elles
demeurent — c'est
probablement ce qui est arrivé dans le commerce de détail, dans le domaine de l'épicerie,
dans tous les domaines, la pharmacie, etc. : c'est un regroupement d'indépendants
sur une bannière unique où on met nos ressources en commun, on fait des achats
groupés, donc on est capables de donner des escomptes nous autres aussi, de 20 % sans perdre notre chemise. C'est
probablement, éventuellement, la présence dans des endroits où lesconsommateurs vont — centres commerciaux, par exemple. C'est
certainement aussi une ouverture au livre numérique parce que ça s'en
vient, et, plutôt que d'attendre que la parade arrive, ça pourrait être l'association
des libraires indépendants qui ait une
stratégie dynamique dans ce secteur-là non seulement pour vendre leurs livres
par Internet… parce que, maintenant, on n'est plus obligés d'avoir un
entrepôt plein de livres pour vendre des livres, on peut avoir une librairie
virtuelle.
On avait l'exposé, l'an dernier, du directeur du
Museum of Modern Art, à New York. Maintenant, vous pouvez aller sur le site du musée et vous faire votre propre galerie.
Vous prenez cette œuvre-là, vous la mettez dans votre galerie, vous
prenez cette œuvre-là, vous la mettez dans votre galerie. Vous avez votre
galerie à vous de toutes les oeuvres qui
vous intéressent le plus. Vous les visitez quand vous voulez sur votre
ordinateur, vous pouvez les montrer à vos amis. Un libraire indépendant
peut aussi être ça pour vendre des œuvres, là, qui roulent moins puis qui
coûtent cher à garder en stock. Ça peut être une chose.
Bien sûr,
beaucoup de commerces de détail ont réussi parce qu'ils ont offert un service
personnalisé. Ils se sont posé la
question : Qu'est-ce que la grande surface n'offre pas que moi, je peux
offrir? Et quels genres de consommateurs pourraient être intéressés par
ça? Je pense qu'ils vont arriver là. Ils vont arriver là. Et j'aurais presque
envie de leur suggérer
un slogan : La librairie indépendante, c'est l'accès au savoir et au
plaisir de lire. Accès au savoir et au plaisir de lire : on n'est pas obligés d'avoir un
inventaire. On peut le faire de toutes sortes de façons. On peut avoir un
local, on peut avoir des livres en montre, mais on peut aussi avoir des
stations où les gens peuvent feuilleter des livres qu'on peut leur commander en
48 heures.
Je pense que
la solution n'est pas dans fixer artificiellement… parce que, bon, si on fixe
artificiellement, c'est sûr que Costco va faire plus d'argent, c'est sûr
que Renaud-Bray va faire plus d'argent, puis, marginalement, les libraires
indépendants vont faire plus d'argent, mais il n'y aura pas de transfert de
clientèle. Ce qu'on voudrait, là, c'est qu'il y
ait plus de clients qui aillent dans la librairie indépendante. Mais, si le
client n'est pas intéressé avec ce que la librairie indépendante vend,
qu'il est intéressé juste sur le best-seller, il ne va pas changer ses
habitudes de consommation si le prix est le
même. Si c'était l'inverse, si c'était… on dit, on défend aux grandes chaînes
de vendre à moins cher, bien, on donne les moyens aux petites librairies
de vendre à 30 % moins cher les best-sellers, là, vous généreriez du
trafic dans les petites librairies.
Mais, sinon,
à mon avis, c'est une taxe, c'est une taxe. Puis c'est une taxe au consommateur
parce qu'au lieu de le payer
20 %, 30 %, 40 %, 50 % moins cher, il va le payer le même
prix, et, ce faisant, comme, dans le domaine culturel, tous les secteurs
sont croisés… Et on l'a vu dans les années 90, pendant que le cinéma en salle
montait de 15 %, 20 % par année,
le spectacle populaire baissait et les billets de théâtre baissaient. Dans le
domaine culturel, dans un marché saturé,
tout est lié. Si on achète plus de livres… si on achète des livres plus chers,
on va peut-être… on ne va pas dépenser moins en épicerie, on va dépenser
moins dans le même secteur, le secteur culturel. Peut-être qu'on va acheter
moins de billets de spectacle. Alors, il faut voir ça aussi. Voilà.
• (15 heures) •
La Présidente (Mme Vien) : M.
Colbert, ça fait le tour de votre présentation?
M. Colbert (François) : Oui.
La Présidente (Mme Vien) :
Oui.
M. Colbert (François) : Vous avez lu
mon texte, alors…
La Présidente (Mme Vien) :
Vous êtes pratiquement, d'ailleurs, à terme avec le temps qui était réservé
pour vous. Merci beaucoup pour votre présentation. M. le ministre.
M. Kotto : Merci, Mme la
Présidente. M. Colbert, bonjour.
M. Colbert (François) : Bonjour.
M. Kotto : Bienvenue et merci
pour votre contribution. Je vais rebondir sur la taxation du savoir, pour
reprendre la fin du slogan. Fixer le prix du livre — ce que vous venez de
dire — à
la hausse, c'est taxer l'ignorance. Est-ce que cela veut dire que le Québec, en
abolissant la TVQ sur le livre, a fait un bon choix?
M. Colbert
(François) : Oui, elle a
fait un bon choix pour la clientèle qui a moins les moyens, d'accord?
Pour des gens qui ont des revenus confortables comme moi-même, ça change… je n'ai
même pas vu la différence, mais pour des
gens qui ont un salaire moyen ou un peu moins élevé, qui aiment lire — parce qu'il y en a, hein, c'est lié à la
scolarité, c'est aussi lié au contexte
familial, là — pour eux
autres, la taxe de vente, à mon avis, a pu être bénéfique. Jusqu'à quel
point? Il aurait fallu faire des études tout de suite après, là, pour voir. Je
n'ai pas l'impression que ça a été un effet énorme — parce que c'est 8 %, quand même — mais, pour les gens qui sont serrés, là, ça
peut faire une différence. Mais c'était une mesure générale. Des mesures
générales comme ça, ça va aider ceux qui ont des moyens moins élevés, mais ça
ne donne… les autres, ça ne fait pas de différence.
M. Kotto : O.K. De votre
perspective des choses, est-ce que l'abolition de la TPS, ajoutée à la TVQ,
aurait plus de poids?
M. Colbert (François) : Aurait,
encore une fois, probablement une certaine incidence sur les gens qui ont un revenu moins élevé. J'insiste sur «revenu moins
élevé», hein, parce que, pour les gens à revenus plus élevés, ça ne va
pas faire de différence. Mais peut-être qu'ils
n'achèteront pas plus de livres, là, peut-être qu'ils vont acheter plus
d'épicerie. Si jamais on faisait ça, ça serait intéressant de mesurer avant et
après, hein? En sciences, on dit : On mesure avant, on fait le changement,
on mesure après.
M. Kotto :
Après, O.K. Je vous entendais, très, très subtilement et sommairement, dire que
la réglementation en France, ce n'était
pas si impressionnant que ça, la réglementation du prix du livre neuf. Mais ça
fait, si ma mémoire est bonne, une
trentaine d'années à peu près qu'ils ont réglementé de ce côté, c'est beaucoup
plus récent au plan numérique. Est-ce
que votre département s'est penché sur le chemin fait avant la réglementation
et après la réglementation en France?
M. Colbert (François) : Non, pas en France. J'ai eu l'occasion, au mois
de juin, de discuter avec un collègue français qui… une de ses
spécialités est sur le livre, et je lui posais la question. Il me dit : Ah
bien! L'effet, ça a été que, bon, dans certains quartiers
de villes, on pense qu'il y a des librairies qui sont restées puis qui ne
seraient pas restées. Mais j'ai dit :
Au niveau du consommateur, au niveau des ventes de livres, on n'a pas fait la…
Ils n'avaient pas fait la corrélation, alors je ne le sais pas.
M. Kotto :
O.K.
M. Colbert (François) : Je ne peux pas vous le dire. Non, c'était une
boutade parce que, parfois, je trouve qu'on va chercher la mauvaise idée
puis qu'il y en a des bonnes ailleurs.
M. Kotto :
Oui, mais ils viennent parfois en piger chez nous aussi.
M. Colbert (François) : Bien, j'espère bien parce qu'ils ne nous achètent
pas grand-chose, bon, surtout dans le domaine culturel. Surtout dans le
domaine culturel.
La Présidente (Mme
Vien) : L'éditorial du jour.
M.
Kotto : Tout à fait.
Alors, vous dites : Et ça, c'est
une piste qu'il faut explorer, revoir, le modèle des librairies, que c'est un problème structurel de marché qui se
pose et non pas spécifiquement une question de prix. Est-ce que vous pouvez élaborer davantage? Est-ce que vous voulez
dire par là que nos paradigmes, en l'occurrence ceux qui entourent nos
librairies fragilisées aujourd'hui, sont obsolètes?
M. Colbert
(François) : Qu'est-ce que vous voulez dire, obsolètes, là? Que les
stratégies…
M.
Kotto : Sont dépassées. On parlait de… Enfin, vous disiez que
le modèle de nos librairies était à revoir et qu'il est ici question de
structures et non de prix, si je vous cite bien. Alors, ma question est de
savoir si vous voulez dire par là que nos
paradigmes entourant le fonctionnement de nos librairies aujourd'hui en
difficulté, parce que c'est la raison pour laquelle nous sommes ici…
devraient revoir leur modèle ou se réinventer carrément?
M. Colbert (François) : Je suis d'avis qu'elles devraient, un, se poser
la question sérieusement sur le modèle d'affaires,
se réinventer et voir, toujours dans une perspective marketing, là, qu'est-ce
qui ferait que des consommateurs qui ne
vont pas présentement chez eux, qui vont plutôt acheter dans les grandes
surfaces... pourquoi est-ce qu'ils viendraient chez eux, hein? Pourquoi est-ce que moi, j'irais dans une librairie
indépendante si le choix de l'inventaire qu'ils ont ne m'intéresse pas
trop, je préfère le choix de Renaud-Bray? Est-ce qu'il y a une raison que j'irais
si ce n'est pas pour les livres? Est-ce qu'il
y a moyen d'avoir, d'être capable de... On ne peut pas... Le petit ne peut pas
concurrencer une chaîne comme Renaud-Bray. L'union fait la force. La
seule façon, c'est de se mettre ensemble, c'est de se mettre ensemble. Et, à
moins de faire...
Moi,
j'ai vu aux États-Unis, il y a deux ans, un concept, c'était une
librairie-café-salle de spectacle. Alors, les gens pouvaient manger, mais il y avait aussi... Ils
pouvaient acheter des livres, et, quand… Avant de rentrer dans le
magasin, j'ai vu des gens sortir, ils
avaient été manger, ils étaient ressortis avec un livre. Bon, c'était… Je ne
pense pas que c'est un concept… qu'il
faille dire : Bon, c'est ça qu'il faut faire. Mais tantôt mon prédécesseur
disait : Allez dans une librairie indépendante, une petite
librairie, il y a une atmosphère, il y a quelque chose. Parfait, mais on ne va
pas acheter un livre pour l'atmosphère, certaines personnes vont vouloir
certains types de livres.
Et tout ce que je
dis, c'est : Si on veut continuer à vendre des best-sellers et pouvoir
attirer des gens sur le best-seller, il faut
être capable de vendre aux mêmes prix que les chaînes et, pour vendre aux mêmes
prix que les chaînes, il faut avoir des regroupements d'achats. Je pense
qu'il faut... Je pense que ça leur prendrait une réflexion de groupe, là, sur
comment est-ce qu'on pourrait amener une identité à la librairie indépendante,
comment est-ce qu'on peut se renforcer l'un l'autre dans nos achats pour être
capables d'offrir, nous aussi, des rabais et qu'est-ce qu'on peut offrir que Renaud-Bray ne pourra pas offrir, ne voudra
pas offrir, et encore moins Costco. Je n'ai pas la réponse, là, mais ça
vaudrait la peine de s'asseoir puis de réfléchir.
M.
Kotto : O.K.
Donc, c'est un... Je parlais de paradigme. Est-ce que c'est un modèle qui
est éprouvé ailleurs? Est-ce qu'il y a moyen de mesurer une telle
démarche qui se soit… qui a été adoptée ailleurs, dans un autre pays?
• (15 h 10) •
M. Colbert
(François) : Je n'en connais pas. Je ne suis pas un spécialiste
pointu, là, seulement du livre. Maintenant, je disais tantôt : C'est un problème
typique de commerce de détail. Une librairie, c'est un commerce de
détail, ça vend au détail ce qu'un producteur a fait puis qui nous est arrivé
par la chaîne de distribution. Je pense qu'il faut plutôt aller voir dans le
commerce de détail ce qui a été fait, l'expérience des 50, 60 dernières années.
On
a trop tendance, je trouve, dans le domaine culturel, à penser qu'on a des
problèmes spécifiques. Je prends, dans un autre... par exemple, au
théâtre, la relève, la relève des fondateurs, on vit ça dans la petite et
moyenne entreprise. Ça ne sert à rien d'inventer le... Il faut aller voir là,
eux, qu'est-ce qu'ils ont trouvé comme solution. Je pense que, dans le domaine de la librairie, c'est la même
chose. Allons voir le commerce de détail. Est-ce qu'il y a des choses qu'on
peut apprendre? Est-ce qu'il y a des choses
qu'on peut apprendre et qu'on peut implanter pour le bénéfice des librairies indépendantes, qui ont certainement
une fonction sociale importante, surtout si on veut avoir une population plus scolarisée, qui est une population
plus éduquée avec un plus riche savoir? Il faudrait qu'il n'y ait pas 25 % d'analphabètes,
là, mais ça, ce n'est pas votre problème à vous, à la Culture, c'est plus à l'Éducation.
M. Kotto :
Merci.
La Présidente (Mme Vien) :
Merci, M. le ministre. M. le député de Bonaventure.
M. Roy : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, M. Colbert. Écoutez, j'ai lu votre mémoire, puis il y a un
petit passage croustillant que j'aimerais vous citer, puis j'aurais une
question ou deux à vous poser.
M. Colbert (François) : …écrit deux,
trois, juste pour me… J'étais déjà dans mes vacances.
M. Roy :
«Le goût de la lecture s'acquiert quand on est jeune, tout comme le goût du
théâtre ou de la musique classique,
ou encore la volonté de poursuivre des études supérieures. Dans une société…»
Et là j'ouvre la parenthèse, bien sûr : «Dans une société où
25 % des gens ne savent pas lire, où les maîtres formés à l'université
peinent à maîtriser le français, où, à l'école,
il n'y a que les cours de français où il faut savoir écrire sans faute et où la
culture de l'effort et de l'excellence s'est perdue graduellement.»
C'est un postulat qui est appuyé par une
expérience personnelle ou des données chiffrées scientifiques?
M. Colbert
(François) : Non, c'est une
expérience personnelle. Je pense qu'il faut juste regarder les chiffres.
Le décrochage scolaire, c'en est un. Moi, j'ai des enfants qui, il n'y a pas
longtemps, étaient au secondaire, je veux dire, même les communications des
enseignants qui nous envoient plein de fautes, je veux dire, je n'en reviens
pas, là. Je pense qu'on a… Je pense qu'au
Québec, dans la suite du rapport Parent, on a voulu éliminer l'élitisme en
disant : Le cours classique — moi, j'ai eu la chance de faire mes huit ans
de cours classique — ça, c'était
juste une élite, il ne faut plus ça, tout
le monde va faire pareil. Sauf qu'en faisant ça… Moi, j'ai un de mes jeunes qui
est dyspraxique, donc qui a eu de la difficulté,
lui. J'en ai un autre qui, lui, il n'est pas dyspraxique, il veut faire… en
médecine. Je veux dire, dans les classes, il perdait son temps. Il
perdait son temps. On a été obligés de baisser le niveau. On a été obligés de
baisser le niveau et… Mais là on est en
dehors du sujet de la commission, là, mais on a baissé le niveau, je veux dire,
et moi, je le vois.
Nous, à l'université, les étudiants, tout ce qui
s'est fait comme réforme au primaire, secondaire, là, on les a, hein? On les a à l'université, là, les gens qui ne
savent pas écrire, là, tu sais. Tu te dis : Simonaque! Je ne comprends
pas ce qui est écrit. Tu sais, je lis une
phrase d'un étudiant, je lui dis : Qu'est-ce que c'est que tu veux dire?
Bien, je veux dire : Ça, ça, ça.
Pourquoi tu ne l'as pas écrit? Bien, c'est ça que j'ai écrit. Non, non, ce n'est
pas ça que tu as écrit. Tu sais, mon expérience personnelle plus les
données que je lis dans les journaux, là, qui viennent du ministère de l'Éducation…
M. Roy : C'est bien. Merci.
La Présidente (Mme Vien) :
Merci beaucoup à vous deux. Alors, Mme la députée de Laporte.
Mme Ménard :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, M. Colbert. Vous êtes le premier à
parler, dans votre mémoire, du
comportement du consommateur et vous mentionnez que de réglementer le prix
unique n'empêcherait pas le client d'aller
dans des grandes surfaces, bon, etc. Est-ce que vous vous êtes basé sur une
étude que l'université a faite? Sur quoi vous vous basez pour faire
cette sortie-là?
M. Colbert (François) : Non, c'est
que… C'est mes connaissances de comportements de consommateurs, d'accord? Règle
générale, les gens… un marché comme ça n'est pas homogène, il y a des segments
dans le marché, puis chaque segment a des
comportements, et, en général, quand les gens adoptent une marque ou adoptent
un magasin, ils vont y rester. Donc,
je veux dire, si on va chez Costco ou… si on va chez Renaud-Bray puis qu'on est
satisfait avec Renaud-Bray, bien, on
va rester chez Renaud-Bray. Pour changer de marque… Ce qui est le plus
difficile en marketing, c'est de
faire changer quelqu'un de marque, ça, c'est… et une petite librairie et
Renaud-Bray, c'est deux marques. Alors, si je trouve… si je suis satisfait avec Renaud-Bray, bien, je trouve
tout ce que je veux là, c'est là que je vais acheter. Je n'irai pas
acheter de best-sellers à la petite librairie parce que moi, je ne suis pas…
comme consommateur, là, je ne défends pas une religion.
Vous savez, souvent, dans le domaine des arts…
Je suis là depuis 40 ans puis je travaillais… je disais à mes étudiants : Le problème, c'est que, nous,
dans le domaine des arts, parfois on vend une religion alors qu'eux autres
achètent un loisir, on ne parle pas de la
même chose. Alors, pour eux, le sort des petites librairies, la majorité des
consommateurs, ils s'en foutent, là, ils vont aller à la petite librairie s'ils
ont une raison pour y aller. Je veux dire, c'est strictement du comportement de
consommateurs.
Mme Ménard : D'accord.
Également, dans votre mémoire, vous mentionnez que le gouvernement devrait
soutenir directement…
M. Colbert (François) : Je
dis : Ça pourrait être une option.
Mme Ménard :
O.K. Alors, vous voulez élaborer là-dessus? Quand vous avez écrit ça, vous
aviez une idée, là?
M. Colbert (François) : Bien, je
cherchais des pistes de solution et je voulais en offrir un certain nombre. J'en ai ajouté aujourd'hui, là. Mais, tout
comme on fait avec le théâtre, on ne subventionne pas le théâtre à but
lucratif, les gros
théâtres, etc., ceux qui font du Broadway, mais on subventionne des plus petits
qui ont une mission particulière. Ça pourrait
être ce modèle-là plutôt que le prix unique. Ça pourrait très bien
dire : On a… Comme on l'a fait en nommant des librairies agréées
puis en leur donnant le monopole de la vente aux écoles, on pourrait
dire : Il y a un certain nombre de
librairies qui sont indépendantes, qui répondent à un certain nombre de
critères, et on va soutenir le fonds, on va soutenir le fonds littéraire
parce qu'on veut que ça existe. Ça pourrait être ça. Et je ne dis pas que c'est
ça qu'il faut que ça soit, là. Je pense qu'au-delà de ça il faudrait quand même
que les petites librairies, collectivement, repensent à leur modèle pour être capables de survivre. Parce que
le livre électronique, là, comme disait M. le député, c'est demain,
là, ça vient vite, et s'organiser pour le livre électronique, là, ça va
prendre du temps puis ça va prendre de l'argent.
Mme Ménard : Bon. Vous parlez qu'il faut donner goût à la
lecture aux enfants, bon, etc., et vous mentionnez que c'est le moins
fortuné finalement qui risque de faire les frais d'une réglementation. Vous
voulez en parler, de ça?
M. Colbert
(François) : Bien, parce que
le moins fortuné qui va acheter son… Le moins fortuné est très conscient
des prix, hein, des prix des produits et, s'il peut… s'il se fait dire qu'un
roman qui l'intéresse est moins cher à telle place,
il va y aller. Il n'est pas fidèle en ce sens-là, il va être fidèle au prix. Si
tous les prix… si tous les livres sont… il y a juste 10 % de différence,
que ça ne vaut pas la peine de… bien, ce qu'il va faire, c'est qu'au lieu d'acheter
deux livres avec 30 $, il va en acheter un à 30 $, deux livres
à 15 $ ou un à 30 $. Alors, il va en acheter moins ou il va trouver d'autres
façons. Ils vont… groupe de lecture où il y
en a un qui achète le livre puis tout le monde le lit, là. Mais ça, ça n'aide
pas non plus les libraires indépendants, ça n'aide pas les auteurs non plus
parce que, là, ils n'ont vraiment pas de droits d'auteur. Mais c'est certain,
les gens qui comptent leur argent, ils peuvent se payer à un moment donné un
livre parce qu'il est moins cher, ils vont
se payer un best-seller. Parce qu'habituellement les gens qui ont moins d'argent
sont moins scolarisés, ils ne sont pas intellectuels pour deux cennes puis ce
qu'ils veulent, c'est un best-seller.
Mme Ménard : Donc, c'est l'accessbilité
que vous parlez à ce moment-là, de…
M. Colbert (François) : C'est l'accessibilité…
Mme Ménard : O.K.
M. Colbert (François) : …aux gens
les moins nantis.
Mme Ménard :
Et ma dernière question, et mon collègue aura sûrement des questions pour vous.
Bon, vous le savez, il y a des
fermetures de librairies. Et j'aimerais vous entendre sur comment… à quoi vous
attribuez ces fermetures et est-ce que la réglementation du prix vient
aider à réduire le nombre de fermetures?
M. Colbert
(François) : Je pense que
les fermetures, c'est beaucoup, effectivement, la concurrence des
grandes surfaces, Renaud-Bray et autres. Et
je suis convaincu que le prix du… fixer le prix du livre, ça ne réglera rien.
Je vous le dis, dans trois ans, on va être encore là à en reparler.
Mme Ménard : D'accord. Merci.
Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Vien) :
Merci, Mme la députée de Laporte. M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bienvenue, M. Colbert. Et également je veux
continuer sur le phénomène numérique
parce que moi aussi, je m'annonce comme dinosaure, mais, je pense, l'avenir est
effectivement… et, j'imagine, c'est une
question où le prix joue beaucoup. Alors, si l'écart entre une copie papier et
une copie numérique est important, on
va indirectement encourager les consommateurs d'acheter numérique.
M. Homel, qui vient de témoigner, si son prochain roman coûte
30 $ papier et 15 $ numérique, je pense, tout le monde qui s'objecte
au Kindle va se rallier tranquillement, pas vite.
Alors,
avez-vous des propositions pour nous dans toute cette réflexion? On regarde
souvent le livre papier court terme,
mais, si nous avons raison et le numérique, c'est l'avenir, c'est quoi qui va
nous guider? Comment fixer le prix du numérique? Parce que les coûts de
transport sont infimes en comparaison avec un livre qui est souvent pesant, je
n'ai pas besoin de mettre mes livres numériques sur une tablette et il y a
beaucoup d'avantages au niveau du coût. Alors, comment fixer un prix juste pour protéger les écrivains? Parce que, je
pense, l'exemple de la musique indique qu'on a tout intérêt de protéger les
artistes aussi, qu'ils ne soient pas floués comme les musiciens étaient souvent
avec les Napster et les autres phénomènes sur l'Internet. Alors, je ne sais pas
si vous avez des propositions à formuler, parce que le numérique va venir, je
suis certain.
• (15 h 20) •
M. Colbert (François) : Le piratage,
non, je n'ai pas de solution. Mais le numérique, ça va venir. Je pense que ça va venir pour… Moi, je ne crois pas au 100 % numérique. Je pense qu'il y a des
catégories de livres probablement qui
vont rester livres, qu'il va y avoir encore des gens qui vont vouloir acheter
une copie papier. Mais la jeune génération, pour des livres, des romans
qu'ils considèrent des romans de plage, là, quand on va… ils vont vouloir l'acheter
le moins cher possible puis numérique, puis, à partir du moment où la tablette
s'améliore puis que c'est facile de lire, ils vont acheter ça.
Je pense que peut-être… Et là je
réfléchis tout haut, mais il faudrait que les éditeurs québécois, qui éditent
des auteurs québécois, s'y mettent, au
numérique pour la jeune génération, tranquillement, hein, et peut-être qu'ils
vont avoir besoin de soutien puis d'accompagnement pour faire ça, mais…
Et ensuite le danger, c'est que l'éditeur le vende lui-même direct, et là… Mais c'est ça, la structure d'une industrie, hein? Amazon
ne publie pas, mais il va y avoir des éditeurs qui vont se mettre à court-circuiter la chaîne. Ça, moi, là… ça s'en
vient. Je suis certain que d'ici 10 ans, là, il va y avoir des éditeurs
qui vont carrément court-circuiter : ils vont éditer en numérique puis ils
vont vendre direct. Ce n'est pas compliqué, vendre direct, hein?
Moi,
mon livre sur le marketing des arts et de la culture, la version en anglais, c'est
la Chaire de gestion des arts qui la
publie, je n'ai pas d'intermédiaire, et la cinquième édition, dans quatre ans,
elle va être numérique et on va le vendre direct, même pas par Amazon.
Je veux dire, ce n'est pas… Oui, faire un livre numérique, pour un éditeur, ça
coûte plus cher, mais, en même temps, ça
coûte moins cher parce qu'il y a bien des étapes qu'on n'a pas, comme
toutes les étapes liées à la… qui vont vers l'impression, on ne l'a pas. On n'a
pas besoin de stock. On sauve ailleurs.
M.
Kelley : Et encore plus vrai pour un best-seller. Parce que, si
j'ai… une fois que j'ai fait tous ces travaux pour préparer, pour
numériser le document, si je suis certain que je vais vendre 100 000
exemplaires pour un Dan Brown ou tous les autres, mes coûts sont infimes par
unité, alors ça va être…
M. Colbert (François) : C'est comme le «paperback», hein, c'est comme la
version de poche. Le numérique suit, le numérique suit. Ça va être le
livre… qui rend la version de poche. Je pense qu'au Québec notre problème, c'est…
Le problème encore plus gros que ça, ce n'est pas tellement la librairie
indépendante comme les œuvres d'auteurs québécois,
comment les faire connaître, comment donner le goût de lire des auteurs
québécois. Parce que la chaîne de distribution est appelée à changer,
comme elle a changé dans le commerce de détail. Mais, comme on voit dans le commerce
de détail, on voit dans le commerce de vêtements, il y a des grandes surfaces
puis il y a des boutiques spécialisées. Je
pense, ça va être la même chose dans le domaine, éventuellement, des
librairies. Les librairies indépendantes ou la bannière indépendante vont offrir des services qu'un certain
nombre de consommateurs veulent, puis d'autres, qui sont plus sensibles
aux prix que n'importe quoi d'autre, eux vont continuer à aller dans les
grandes chaînes et chez Costco. Mais les
petits, il faut donner une raison pourquoi j'irais là quand je peux trouver… C'est
bien plus facile d'aller chez Renaud-Bray, c'est dans les centres
commerciaux. J'ai du stationnement puis je peux faire mes autres courses en
même temps. Tu sais, conciliation travail-famille, là, c'est tout le monde qui
le vit, là.
M.
Kelley : Et, je pense à votre suggestion des librairies
spécialisées à la jeunesse, qu'on a invoqué un exemple dans mon comté. Mais les librairies voyagent. J'en
ai vu une, je pense que… Saint Louis, c'était uniquement les romans
policiers, alors… mais à la tonne, alors il y a un énorme choix, mais
uniquement les romans policiers. Alors, si vous cherchez un livre sur les affaires du jour, ce n'est pas le bon endroit,
mais, pour les romans policiers, il y avait un choix, je pense que c'était sur deux étages et en plein
centre-ville de Saint Louis, qui est déjà un défi parce que c'est une
ville…
M. Colbert
(François) : S'il y en a un qui s'établit au Québec, dites-le-moi, je
vais y aller. J'alterne entre les romans historiques puis les romans policiers.
M. Kelley :
Oui, oui. Mais, je pense, ça, c'est un modèle pour certains endroits qu'il faut
trouver une raison autre, parce que, même si on élimine les toujours gros
méchants Wal-Mart et Costco, il y a beaucoup de titres disponibles dans un Renaud-Bray ou un
Chapters. Et, dans l'ouest de l'île, que je représente à l'Assemblée nationale, c'était l'arrivée de ces deux grands
magasins sur l'autoroute 40 qui a rendu la vie très difficile pour la plupart
des petites librairies dans l'ouest de l'île de Montréal parce que le stationnement
est facile, il y a un café, c'est
confortable, il y a beaucoup d'autres produits. Alors, on voit même, ces
grandes chaînes, c'est insuffisant de ne vendre que des livres, alors les pots de thé, les tasses, les cartes, et tout le
reste, il faut diversifier leur inventaire aussi pour la survie ces jours-ci.
Alors, je pense, c'est… les modèles d'affaires en pleine transition. Alors,
comment aider? Parce que je pense qu'il y a un certain consensus qu'il
faut chercher les moyens d'aider les petites librairies, mais pas certain que les propositions sur la table vont
changer grand-chose.
M. Colbert
(François) : Moi, si j'étais un petit libraire, j'irais m'installer
dans un endroit où il y a un quartier scolarisé parce que je suis plus
susceptible de retrouver des gens qui vont avoir envie de lire autre chose que
des best-sellers. J'irais sur le Plateau—Mont-Royal à Montréal parce que ça,
c'est ma clientèle cible. Je n'irais pas à Saint-Henri, je ne suis pas
concurrentiel, puis ces gens-là ne veulent pas lire.
M. Kelley :
Mais Saint-Henri change.
M. Colbert
(François) : Oui, oui. Non, mais je dis Saint-Henri…
M. Kelley :
Parce que mes enfants demeurent à Saint-Henri, et je peux vous dire que
Saint-Henri est en train de changer.
M. Colbert
(François) : Je m'excuse, je m'excuse, je m'excuse. Ça
traduit mon âge.
M.
Kelley : Griffintown is the place to be.
La Présidente (Mme Vien) : Merci
beaucoup, M. le député de Jacques-Cartier. Je comprends que ça fait le tour
pour vous?
M. Kelley : Oui.
La Présidente (Mme Vien) :
Mme la députée de Montarville. On vous écoute.
Mme Roy
(Montarville) :
Oui. Merci beaucoup, Mme la
Présidente. M. Colbert, merci
pour votre présence, merci pour votre
mémoire. C'est un plaisir que de lire ce qu'une sommité dans le domaine — c'est
ce que vous êtes, il faut le dire — pense,
écrit, et j'invite peut-être mes collègues de la commission
à aller lire ne serait-ce que votre curriculum
vitae, vos expériences antérieures pour voir dans quelle mesure vous parlez d'art,
mais de marketing de l'art, et que c'est vraiment
votre domaine. Donc, vous l'avez étudié pendant des années, et des années, et
des années, et des années. Donc, c'est très intéressant de voir votre
point de vue.
Et, tout
comme vous, je soustrais à l'idée que les fameuses grandes surfaces ne sont pas
nécessairement la mère de tous les maux des librairies indépendantes.
Et, à cet égard-là, vous dites, dans votre texte, juste avant la
conclusion : «Quant à la survie des librairies indépendantes, la meilleure
solution serait probablement de soutenir directement celles qui sont les plus
fragiles. De la sorte, on ne créerait pas une mesure artificielle — c'est
comme ça que vous l'appelez — susceptible de pénaliser tous les lecteurs
[et] dont l'impact sur les librairies indépendantes reste incertain.»
Donc, c'est la mesure dont on discute aujourd'hui. Pourriez-vous élaborer?
M. Colbert
(François) : Oui. Bien, c'est
un peu ce que je disais tantôt. Moi, je me méfie toujours des solutions
mur à mur, là, parce qu'encore une fois il faut aller voir le problème. Le
problème des librairies indépendantes, c'est les grandes surfaces, c'est le fait que le livre scolaire, il s'en vend
moins parce qu'on a changé des choses à l'école primaire, secondaire.
Mais, si on pense collectivement, comme société, que ce sont des unités qui
sont importantes parce qu'ils ont là un
fonds qui est important pour la société, ne serait-ce que pour les gens qui s'intéressent
à ça, il y a plusieurs façons de
faire, là. On peut les soutenir pendant un certain temps, les soutenir
financièrement carrément, mais je pense qu'il faut aussi, au-delà de ça, leur aider à réfléchir à des
stratégies qui peuvent faire en sorte qu'ils n'auront pas toujours
besoin de l'État, là, ou on peut… Je veux
dire, il y a tellement de façons… On peut les aider à soutenir un inventaire
particulier, par exemple.
Mais je pense
qu'avant de trouver la solution il faut vraiment analyser le problème en détail
et avoir une solution pour les librairies indépendantes et non pas que
tous les consommateurs vont… Je veux dire, tu sais, au final, c'est le citoyen qui paie toujours, hein? Soit qu'on donne
une subvention directe, soit qu'on met une taxe. Puis, pour moi, le prix
unique, c'est une taxe. C'est une taxe temporaire, neuf mois, mais c'est une
taxe, quand même, qui va bénéficier à Costco
puis à tous les autres, mais ce qu'on veut, c'est… À moins qu'on fixe un prix
unique puis qu'on prélève une taxe spéciale chez Costco pour combler la
différence puis envoyer ça aux librairies indépendantes, mais je pense que les
Costco et les Renaud Bray ne seront pas contents.
Mais je pense que mon message, c'est
qu'il faut faire attention pour ne pas prendre le symptôme pour le problème puis il faut vraiment analyser en
profondeur quel est le problème et trouver une solution qui va
correspondre et qui va être pérenne, je veux dire, qui va durer, que ça ne sera
pas juste quelques années.
Mme Roy
(Montarville) :
Ne pas prendre le symptôme pour le problème.
M. Colbert (François) : Voilà.
Mme Roy
(Montarville) :
J'aime beaucoup cette phrase. Merci beaucoup.
M. Colbert
(François) : Moi, j'entraîne
mes étudiants à ça. Je veux dire, tu sais, ces problèmes, là, que vous
me dites, là… Des fois, là, je leur présente
un cas puis je leur dis : Quel est le problème? Vous seriez surpris. Je remplis
le tableau de problèmes, puis il n'y avait aucun de mes 30 qui sont tombés sur
le problème parce qu'ils s'arrêtent tous aux symptômes.
La
Présidente (Mme Vien) : Merci beaucoup, M. Colbert. Ça a été un
plaisir de vous recevoir cet après-midi.
M. Colbert (François) : Bien, merci.
La Présidente (Mme Vien) : Je
suspends les… Bien, merci, oui. Un petit mot de la fin?
M. Colbert (François) : Non, non,
non. Ça va. Je vous remercie de m'avoir reçu. C'était un plaisir.
La Présidente (Mme Vien) :
Merci à vous. Je suspends quelques instants.
(Suspension de la séance à 15 h 30)
(Reprise à 15 h 32)
La
Présidente (Mme Vien) :
Alors, nous reprenons nos travaux sur les consultations particulières et auditions publiques sur le document intitulé Document de consultation sur la
réglementation du prix de vente au public des livres neufs
imprimés et numériques.
On a le
plaisir maintenant de recevoir Les Librairies indépendantes du Québec. M.
Dominique Lemieux, vous en êtes le
directeur général. Alors, vous avez l'agréable tâche de nous présenter les gens
qui vous accompagnent. Après quoi, vous
aurez 10 minutes pour nous présenter l'essentiel de vos réflexions. Je ne sais
pas si vous êtes le seul qui parlerez, mais, évidemment, toutes les
autres personnes qui sont avec vous peuvent s'exprimer. Et, par la suite, il y
aura des échanges avec les parlementaires. Ça vous va?
Les Librairies
indépendantes du Québec (LIQ)
M. Lemieux (Dominique) : C'est
parfait.
La Présidente
(Mme Vien) : Alors,
tout de suite, les présentations, s'il vous plaît, des gens qui vous
accompagnent.
M. Lemieux (Dominique) : Oui. Donc,
Mme la Présidente, M. le ministre, mesdames et messieurs les élus, d'abord,
nous vous remercions de nous avoir convoqués en cette chaude journée de
juillet... d'août, hein? Plutôt d'août. Oui, il fait chaud comme si on était en
juillet...
La Présidente (Mme Vien) : Le
temps passe vite. On ne voit pas le temps passer, hein? C'est comme ça.
M. Lemieux (Dominique) : J'espère
quand même que vous avez pu profiter de la bonne saison puis de faire quelques
bonnes lectures au cours des derniers mois.
Donc, je nous présente. Je m'appelle Dominique
Lemieux. Je suis directeur général de la coopérative des Librairies
indépendantes du Québec. Je suis accompagné aujourd'hui par M. Yves Guillet,
qui est président de notre regroupement, qui
est également propriétaire de la Librairie Le Fureteur, à Saint-Lambert. Ensuite,
M. Laval Martel, qui est le vice-président de notre regroupement, qui
est propriétaire de la Librairie Les Bouquinistes, à Chicoutimi, et par Mme
Marie-Hélène Vaugeois, qui est copropriétaire de la Librairie Vaugeois, ici
même, à Québec.
Donc, aujourd'hui,
nous ne nous présentons pas devant vous de façon misérabiliste, je pense que c'est
important de le mentionner. Au contraire, notre regroupement rassemble un
groupe de librairies vivantes impliquées dans leur communauté, tournées vers les nouvelles technologies. Certes, les temps
sont plutôt difficiles, mais nos librairies demeurent motivées et
dynamiques.
La
coopérative des Librairies indépendantes du Québec, qu'on appelle communément
les LIQ, a été créée en 2007 et elle rassemble 90 librairies, dont
plusieurs dans vos circonscriptions. Il y a notamment les librairies
Daigneault, Solis ou St-Antoine à
Saint-Hyacinthe, la librairie Liber à New Richmond, Carcajou à Laval, ou
Carrefour à Boucherville, puis de
nombreuses librairies, il y en a près d'une quarantaine, là, sur l'île de
Montréal, puis certaines autres qui ne sont pas membres, dont la
Librairie Côte-Nord, à Sept-Îles.
C'est quoi, une librairie indépendante? Bien, c'est
un commerce avec sa propre personnalité, qui compte généralement moins de cinq succursales. Puis ça se résume en trois mots :
la proximité, la diversité et le service. Parce que, oui, le libraire
indépendant se distingue par son service de qualité, sa passion du métier, son
professionnalisme et son implication dans la communauté.
L'objectif des LIQ, des librairies indépendantes,
la coopérative que je représente, est d'assurer un sain développement du réseau des librairies indépendantes en les soutenant d'un
point de vue promotionnel et commercial. Individuellement, il y a plusieurs projets que les librairies
indépendantes ne seraient pas capables de développer, puis, en agissant
de façon collective, on arrive à développer des projets très intéressants. Par
exemple, c'est nous qui créons la revue Le
libraire, qui est un magazine, le plus important magazine francophone
littéraire au Canada. On produit des catalogues,
des carnets thématiques, des outils promotionnels. On négocie des ententes de
tarifs préférentiels groupés, notamment
avec Postes Canada. Donc, c'est bénéfique pour l'ensemble de nos membres,
puis chacun des indépendants est capable d'en bénéficier.
Depuis ses
débuts, les LIQ sont très actives sur le Web. Nous avons joué un rôle majeur,
au cours des dernières années, dans
le virage numérique au Québec, d'abord en lançant un site qui s'appelait Livres
québécois. On a été parmi les premiers
à vendre le livre numérique au Québec. On vendait… Il y avait à peu près
1 000, 1 500 livres numériques qui étaient disponibles sur le marché, puis nous, on les offrait à notre
clientèle. Puis, depuis 2011, il y a le site Ruedeslibraires.comqui est un site transactionnel qui regroupe 250 000 livres en langue
française dans les formats papier et numérique. On vend autant au grand public
qu'aux clients institutionnels : les bibliothèques publiques, les écoles,
etc.
D'abord, c'est
important de rappeler que notre positionnement se fonde sur le caractère
singulier du livre. Le livre est un
objet culturel, il n'est pas et ne doit pas être considéré comme un produit
marchand similaire aux autres : il porte les traces de notre
identité collective, il façonne notre relation à l'autre, il décortique notre
histoire, il se questionne sur notre société, il fait rayonner le Québec. Cela
dépasse le statut de tout autre produit commercial; il importe donc d'en
assurer la pérennité.
On le sait,
la loi n° 51 a joué un rôle majeur dans l'histoire du livre québécois.
Grâce à cette réglementation, le milieu du livre a connu une croissance
soutenue, notamment dans le secteur de la librairie. Il y a eu une éclosion d'un solide réseau de
librairies agréées aux quatre coins du Québec. Pour être agréée, une
librairie — puis,
quand on devient agréé, on peut vendre aux clients institutionnels,
donc, les écoles, les bibliothèques — il faut respecter plusieurs
critères qualitatifs, dont l'obligation d'avoir 6 000 titres, dont
2 000 québécois.
La situation
actuelle. Bien, aujourd'hui, le Québec compte 192 librairies agréées, donc
ça inclut les indépendantes, les
chaînes de librairies et les coopératives en milieu scolaire. Depuis 2006, il y
a 31 librairies qui ont fermé leurs portes, dont 24 depuis 2010. Dans
les derniers mois, la ville de Québec a connu une hécatombe, perdant quatre
librairies, dont la Générale Française, une
institution dans le Vieux-Québec. La
part de marché des indépendants est
passée de 31,9 % en 2008 à 27,7 % en 2012.
La situation
financière des librairies, particulièrement les indépendantes, est difficile,
on ne le cachera pas. Ces commerces
ont très peu de marge de manœuvre, des coûts fixes : salaires, loyers,
fournitures de bureau, les frais financiers sont très élevés. La
rentabilité est également anémique. Selon une étude de l'Association des
libraires du Québec qui va être présentée
devant vous demain, c'est basé sur les états financiers de 29 librairies. Le
bénéfice d'exploitation, en 2012,
était de 0,84 %, alors que, selon les normes, un commerce de détail en
santé doit dégager des bénéfices d'au moins 4 %. Donc, on voit qu'on
est clairement en deçà de ces chiffres-là.
La vente en
ligne, l'essor du livre numérique, la multiplication des sites étrangers. C'est
sûr que le marché du livre a connu de nombreuses mutations au cours des
dernières années. Le virage numérique s'affirme. Aujourd'hui, on dit que ça représente, quoi, 2 % à 3 % du
marché du livre québécois en comparaison avec le 20 % du marché américain,
15 % du Canada anglais, 3 % en France. On voit qu'il y a à peu près
un Québécois sur quatre qui a dit, en 2012, avoir fait des achats en ligne, selon une étude du CEFRIO, donc un Québécois sur
quatre, puis, de ce nombre, là, il y a 19 % des cyberacheteurs qui
ont acquis des livres numériques.
Pour un joueur local, surtout un indépendant, c'est
très difficile de se lancer de façon active sur le Web; les investissements demandés sont trop importants. Par
contre, les indépendants sont loin d'être pessimistes; ils embrassent le
virage Web et le livre numérique. C'est
pourquoi la majorité des libraires sont actives aujourd'hui sur les médias
sociaux puis qu'elles participent à Ruedeslibraires.com, notamment, ce
qui leur permet de vendre du livre papier et du livre numérique à leur
clientèle.
• (15 h 40) •
Maintenant,
parlons un peu de la stratégie des grandes surfaces. Une grande surface compte
habituellement entre 200 et 350
livres, sélectionnés parce que leur potentiel de vente est extrêmement élevé.
Ces best-sellers sont conservés en inventaire tant que les ventes sont
au rendez-vous. Un livre qui vend un ou deux exemplaires par semaine va être
rapidement retiré des tablettes pour laisser la place à un titre qui roule de
façon beaucoup plus importante. Chaque année,
c'est donc environ 1 500 titres qui sont présents dans les grandes
surfaces à un moment ou à un autre. En 2012, selon la BTLF, la Banque de titres de langue française,
il y a eu 53 186 ouvrages francophones qui ont été mis en marché au
Québec, dont 5 700 livres québécois.
Ainsi, c'est moins de 3 % des livres qui sont représentés dans les
magasins à grande surface. Les grandes surfaces se concentrent sur ces
ventes faciles, évidemment les plus lucratives, qui demandent un effort de vente minimal et offrent un roulement
très rapide. En librairie, on trouve jusqu'à 50 000 livres en inventaire
et on peut commander plus de 750 000
livres de fonds, donc qui sont parus depuis au moins un an. Les ventes de ces ouvrages sont plus
modestes et définitivement moins rentables parce qu'elles demandent un travail
de vente supérieur : le service-conseil,
la promotion, la logistique. Il y a taux de retour qui est plus élevé, des
nouveautés, aussi, les nouveautés moins best-sellers, mais la vocation
des librairies, particulièrement celle des librairies indépendantes, demeure de
donner une visibilité à cette bibliodiversité.
Les grandes
surfaces appliquent un rabais systématique de 25 % à 30 %, voire
plus, sur le prix suggéré par l'éditeur. Cela devient un produit d'appel pour convaincre les gens de se déplacer
et d'acheter à plein prix des cartouches d'encre, des produits
électroniques ou de la nourriture pour chien. De plus, on n'y trouve aucun
service, et il est impossible de commander
un livre absent. En résulte donc un fort roulement de valeurs sûres. Le nouveau
livre de Michel Tremblay va se trouver
en grande surface, mais essayer d'y trouver les 40 livres précédents, ça
va être impossible. Les livres de Réjean Ducharme, de Marie-Claire Blais, d'Anne Hébert, de Gaétan Soucy n'ont
jamais existé en grande surface, pourtant, quand on parle de littérature
québécoise puis de nos meilleurs représentants, c'est vers ces visages-là qu'on
se tourne.
Depuis la
montée des grandes surfaces au Québec, une grande part des ventes de
best-sellers se sont déplacées là-bas.
En 2011, ça a représenté des ventes de 79 millions de dollars. Cela
résulte en une diminution marquée des ventes rentables en librairie et
une baisse du bénéfice brut des librairies. De plus, cela accentue la
perception que les livres sont plus chers en librairie. Plusieurs libraires se
font souvent traiter de voleurs, même s'ils vendent le prix au prix juste
proposé par l'éditeur.
Cette année,
Québec célèbre le 25e anniversaire de décès de Félix Leclerc. Ma
question : Où pourra-t-on trouver les livres de poésie de
M. Leclerc? Certainement pas en grande surface. En ligne? Certainement,
probablement perdus parmi le reste du catalogue parce que les sites étrangers n'ont
pas nécessairement cette sensibilité culturelle là, alors que les recueils de
poésie en librairie sont mis de l'avant, ils vivent, ils survivent, ils
existent.
Maintenant,
en vrac, pourquoi Les Librairies indépendantes du Québec soutiennent la
réglementation du livre? Bien, c'est d'abord pour assurer la proximité
physique aux livres dans l'ensemble des régions du Québec, de Gaspé à Val-d'Or, de Baie-Comeau à Gatineau, pour
favoriser l'accès à la culture, à la lecture et à l'éducation, pour garantir
une diversité de l'offre éditoriale proposée aux lecteurs, ce qu'on appelle la
bibliodiversité, pour permettre à tous les livres
et à tous les auteurs d'être confrontés, grâce à leurs qualités intrinsèques,
aux best-sellers et pour que l'objet de la concurrence soit lié à la
qualité des ouvrages et du service offert.
Il
arrive souvent que des gens se déplacent en librairie, passent… font le tour
des vitrines, des blocs à l'entrée puis qu'ils disent : Oh! On va
aller voir chez Wal-Mart, le livre est probablement moins cher, puis, s'il n'est
pas là, on va revenir.
C'est un réflexe qui est courant dans la tête de plusieurs consommateurs, puis
ça, c'est vraiment lié au fait que le rabais
est omniprésent dans ces grandes surfaces, puis ça représente des ventes… des
pertes directes pour les librairies. Puis c'est aussi… on croit également à un prix réglementé pour préserver un
nombre important d'emplois. C'est quand même 12 000 personnes
qui travaillent dans cette industrie-là, ce n'est pas négligeable.
Donc, le comment,
vous le savez, on en a parlé de… plusieurs personnes en ont parlé depuis le
début de la commission. L'ensemble des
maillons de la chaîne du livre, des écrivains aux libraires, s'entend sur les
normes à mettre en place dans un
contexte de réglementation. L'enjeu a été longuement analysé par chacune des
parties impliquées puis a permis d'atteindre un consensus inédit dans le
milieu du livre.
Partout sur la
planète, des exemples de promotion… de protection similaire existent, notamment
dans la majorité des pays de l'OCDE. Vous
allez trouver dans notre mémoire certains exemples positifs, comme en
Allemagne, et des contre-exemples, particulièrement chez nos voisins
canadiens-anglais.
Au
final, la réglementation du prix du livre est une mesure essentielle pour
préserver une diversité éditoriale et une accessibilité aux livres
francophones, ce que seul un vaste réseau de librairies en santé,
particulièrement des indépendants, peut assurer.
La
Présidente (Mme Vien) : Merci, M. Lemieux. M. Lemieux, je
suis désolée, on doit s'arrêter parce que
je vous ai donné un petit sursis, un moment supplémentaire, mais là on
devra passer la parole aux parlementaires.
M. Lemieux
(Dominique) : Je ne vous en tiens pas rigueur.
La Présidente (Mme
Vien) : Ah! Vous êtes bien gentil. M. le ministre.
M. Kotto :
Merci, madame…
La Présidente (Mme
Vien) : Sûrement, vous aurez l'occasion de passer vos messages.
M. Kotto : Merci, Mme la Présidente. Madame, messieurs, soyez les bienvenus, et merci pour votre
contribution.
J'avais noté que vous
étiez dans la salle quand la personne…
Une voix :
M. Colbert.
M. Kotto :
…M. Colbert, la personne qui vous a précédés, a fait sa présentation. Je
voudrais vous entendre sur la question… sur
la piste de solution relative au regroupement d'indépendants comme modèle d'organisation. Est-ce que, de votre
perspective des choses, en tant que gens de terrain, c'est une voie explorable?
M. Guillet (Yves) : Ce que j'aurais aimé, c'est que M. Colbert reste dans la salle parce qu'il aurait appris qu'il n'est pas tout à fait à jour. Ce qu'on vient
de vous exposer, c'est exactement ce que M. Colbert proposait. Donc, un de ces éléments de solution est déjà
réalité par l'existence de la coopérative des Librairies indépendantes du Québec,
qui est le regroupement dont Dominique a fait état. Alors, je pense que
c'est… il y a déjà des gros efforts qui ont été faits. On travaille fort pour
se tailler une place dans le marché du livre et garder la place qu'on a, avec l'aide
de la SODEC notamment, et puis autant du côté du livre papier et du livre
numérique.
Je voudrais
mettre en perspective aussi… On parle beaucoup de numérique, on parle beaucoup
des jeunes. Il reste que le livre papier est
encore 95 % du marché du livre au Québec, et les jeunes représentent
15 % des lecteurs. Il ne faut pas oublier les 85 % qui
restent. Merci.
M.
Kotto : O.K. Est-ce que le prix unique, enfin, le prix unique
sur les livres neufs, numériques ou papier, va régler tous les problèmes
des librairies indépendantes? Premier volet de la question. Dans l'hypothèse où
vous confirmez, est-ce qu'il y a urgence de procéder pour une réglementation?
M. Guillet (Yves) : Je crois qu'il y a urgence si on voit les statistiques sur le nombre de
fermetures de librairies. Il y a eu,
il y a à peu près deux ans, une étude qui a été faite par un spécialiste,
Michel Lasalle et, dans cette étude-là, on pouvait voir que, s'il y
avait une partie, ne serait-ce que relativement minime, des ventes qui passe…
de best-sellers qui passait des grandes chaînes et des grandes surfaces aux
librairies indépendantes, la santé financière des librairies indépendantes se
verrait améliorée de manière notable. On voit, d'après les chiffres que
Dominique a cités, là, que la marge
bénéficiaire est très mince, et, quand c'est très mince comme ça, il suffit qu'il
y ait, je dirais, une mauvaise période pour
qu'on tombe dans le déficit et dans les difficultés financières. Donc, ça
pourrait être certainement une solution salutaire.
M. Martel (Laval) : Je rappellerai aussi qu'en 2000, lors du comité
Larose, il y avait déjà eu cette recommandation-là et, si on l'avait
appliquée, je pense, à ce moment-là, il y aurait eu un effet direct sur la
rentabilité des librairies.
M.
Kotto : O.K. Dans votre mémoire, vous n'abordez pas la question
de la mise en oeuvre d'une réglementation éventuelle du prix du livre.
Est-ce que vous avez réfléchi aux modalités d'application d'une telle mesure?
Je pense notamment aux activités commerciales liées à la vente en ligne et aux
difficultés que représenterait l'application relativement
à l'extraterritorialité : des entrepôts en Ontario, par exemple, d'Amazon
qui pourraient vendre au Québec à prix réduit. Est-ce que vous avez
réfléchi à tout ça?
Mme Vaugeois
(Marie-Hélène) : On a vérifié, et il est possible, avec… Il y a la
territorialité sur le Web, et Amazon sera obligé d'appliquer le 10 % si jamais la
réglementation se fait au Québec. C'est sûr que les librairies en
Ontario ne seront pas obligées de respecter
la réglementation, mais il n'y a à peu près qu'Ottawa qui est proche de la
frontière avec le Québec. Et on a posé la question aux libraires de Gatineau,
et ils ne sont pas du tout inquiets de cet impact-là. Ils disent que, de toute manière, les gens de Gatineau
magasinent à Gatineau; ils ne voient pas pourquoi ils changeraient leurs
habitudes de magasinage. Donc, ça a été
vérifié, et on sait qu'on peut faire respecter la territorialité sur les sites
Internet.
M. Kotto : O.K.
M. Guillet (Yves) : Ce que la France
fait d'ailleurs.
Mme Vaugeois (Marie-Hélène) : Ce que
la France…
M. Kotto :
O.K. À votre avis, est-ce que le prix unique du livre neuf pourrait avoir pour
conséquence de pénaliser ou de limiter l'accès aux livres, disons, aux
familles défavorisées?
• (15 h 50) •
Mme
Vaugeois (Marie-Hélène) : Un, il restera toujours les bibliothèques.
Et il ne faut pas oublier que le livre est vraiment, là, un des rares
produits qui est mis en rabais dès sa sortie. On va au cinéma, on paie le plein
prix au début, le mardi, on peut payer un
peu moins cher. Quelques mois plus tard, il sort en DVD; quelques
mois plus tard, il se retrouve à la télévision. Ça peut être la même
chose : neuf mois plus tard, les gens pourront acheter le best-seller à
moins cher, et il n'y aura rien qui empêchera au livre d'être à rabais neuf
mois plus tard.
M. Guillet
(Yves) : Il ne faut pas oublier, M. Kotto, il y a
190 librairies agréées au Québec. Si on parle de grandes surfaces, leur
nombre est beaucoup moindre que ça. Je ne le sais pas, il y a peut-être
10 Costco au Québec, et puis je ne sais pas combien de…
Une voix : Une quarantaine de
Wal-Mart.
M. Guillet
(Yves) : …les Wal-Mart. Les
gens dans les régions hors centre sont assez éloignés des villesd'importance, là, où il peut y avoir ces grandes
chaînes là. Alors si, par exemple, la situation des librairies devenait à ce point dramatique que le nombre de librairies
tombait de 190 à, bon, je dis n'importe quoi, à 120, je ne suis pas sûr
qu'on aurait gagné en accessibilité. Il n'y aura pas des Costco et des Wal-Mart
dans chacune des petites villes où il y a actuellement des librairies.
M. Kotto : O.K. Dans votre mémoire, vous évoquez la mise
aux normes des librairies aux nouvelles technologies. Est-ce que vous
pouvez élaborer davantage?
M. Lemieux (Dominique) : Bien, comme
je disais tout à l'heure, individuellement, c'est sûr que c'est un investissement
très important pour un libraire indépendant. Il y a très peu de libraires qui
sont capables d'y arriver. Il y a certains libraires qui ont tenté l'expérience.
C'est sûr que c'est un virage qui est très exigeant.
Par contre,
comme regroupement, c'est le genre de projet qu'on est capables de mener puis d'avoir
une vitrine commune pour l'ensemble des libraires. Ruedeslibraires,
c'est ça. Aujourd'hui, un lecteur qui veut avoir accès à du livre numérique peut venir sur le site Ruedeslibraires
choisir le livre qui l'intéresse, puis, en rentrant son code postal dans
son panier d'achats, on lui dit c'est quoi, les librairies les plus près de
chez lui, la librairie reçoit le pourcentage de la vente attribuée. C'est un système qui existe déjà. Ensuite, bon, bien, il y a quand même
un travail de promotion, il y
a quand même un travail de formation auprès des gens pour les informer de cette offre-là.
Puis ça, c'est le travail que chacun des libraires va avoir à jouer dans
sa communauté. Mais, collectivement, il y a moyen... puis ça existe déjà.
Pour nous, le
livre numérique — on en
parle parfois, hein : Ça va arriver, ça va arriver — c'est arrivé, ça fait partie de notre quotidien. Un site comme Ruedeslibraires,
la vente de livres numériques, ça représente à peu près 40 % du
volume d'affaires. Donc, ce n'est pas marginal, c'est quand même important,
puis surtout avec la vente aux bibliothèques publiques,
par exemple, qui offrent aujourd'hui, auprès... de façon importante, partout
dans la province, le livre numérique. Donc,
ça existe, mais encore là, je pense, c'est par des projets collectifs comme
ceux des librairies indépendantes qu'on est capables d'y arriver.
Mme
Vaugeois (Marie-Hélène) : Et, si vous me permettez. Personnellement,
moi, j'ai un... à la librairie, on a fait un blogue qui est très bien,
qui est assez visité à tous les jours, qui nous permet de faire la promotion du
livre via le Web. J'ai des commentaires... C'est sûr que c'est pour faire la
promotion de ma librairie, mais c'est pour faire la promotion de la lecture aussi. Donc, j'ai des commentaires de gens en
Abitibi, à Montréal qui commentent sur mon blogue, qui m'envoient des
commentaires. Ça me permet... Et après je réfère pour les ventes à Ruedeslibraires,
là. Ça nous permet aussi d'être... on est présents sur le Web de toutes sortes
de manières.
M. Lemieux
(Dominique) : Puis, en même temps, il faut être conscient aussi de la réalité du marché.Amazon
est présent sur le marché, puis c'est correct, là. On n'est pas en guerre
contre Amazon, on n'est pas en guerre contre Costco, on n'est pas en
guerre contre Wal-Mart, tu sais, on a chacun nos particularités puis on rejoint
chacun nos publics. Par contre,
sur Amazon, les gens qui achètent un Kindle sont un peu emprisonnés dans
cet univers-là. Donc, ils sont
obligés d'acheter ensuite avec leur Kindle sur la boutique d'Amazon. S'ils
voulaient venir acheter des livres sur la plateforme Ruedeslibraires, ce serait plutôt
complexe. Donc, ça, on est confrontés à ce genre de réalité là. Mais, avec
la majorité des tablettes ou des liseuses, à l'exception du Kindle d'Amazon, on
est capables de fournir des livres à M. et Mme
Tout-le-monde. Puis c'est la raison
pour laquelle il y a des gens qui nous fréquentent à tous les jours puis qui achètent de façon très régulière sur
le site.
M. Kotto : O.K. Autre volet. Vous proposez l'application de cette
hypothétique réglementation sur neuf mois. Pourquoi pas 12? Et aussi un escompte de 10 %. Pourquoi pas 6 %? Pourquoi pas
15 %? J'aimerais vous entendre là-dessus et j'ai posé la même
question à d'autres personnes qui vous ont précédés.
Mme Vaugeois (Marie-Hélène) : Je
peux vous répondre. J'ai été pendant plusieurs années sur le conseil d'administration de l'Association des libraires du
Québec, qui va être ici demain. J'en ai été présidente pendant trois
ans. Je peux vous dire que ce consensus est
venu de plusieurs réunions qu'on a faites dans le milieu. C'est le consensus
qu'on a trouvé qui était celui dans lequel différents membres du milieu, ils
étaient le plus confortables. Ça a été plusieurs réunions, ça a été plusieurs discussions, et on en est venus à ce 10 % et neuf mois pour plaire à tout le monde,
je dirais.
M. Guillet
(Yves) : Ça a fait consensus
non pas seulement à l'intérieur de l'association des libraires, mais de
tous les acteurs de la chaîne du livre au complet.
Mme
Vaugeois (Marie-Hélène) : De l'ADELF, l'ANEL, que vous avez
rencontrées hier, l'ADEL, que vous avez rencontrée en septembre, les
bibliothèques publiques. On s'est tous rencontrés. Sur la table de concertation
de la SODEC aussi, on en a discuté beaucoup. Ça a été un dossier très important
pour nous dans les dernières années, et ce 10 % là, neuf mois est venu… c'est
la conclusion de toutes ces rencontres-là, en fait.
M. Lemieux (Dominique) : Les
libraires sont à l'aise avec cette recommandation-là.
M. Martel (Laval) : Ce
pourcentage-là correspond aussi à… Déjà, on a des cartes fidélité dans des
librairies, qui donnent droit à un escompte
après tant d'achats de volumes. Donc, ça correspond entre 5 % et 10 %, donc il y a eu ce
compromis-là, donc, d'accepté, là.
M. Kotto : Je poserais une petite dernière
question. Est-ce qu'une réglementation — hypothèse d'adoption — serait… aurait un effet nul, dans la mesure où on recherche, disons, des
solutions pour ralentir — quelqu'un parlait d'hécatombe tout à l'heure — le
rythme de l'hécatombe dans nos librairies indépendantes?
Mme
Vaugeois (Marie-Hélène) : Ce qu'on veut avant tout, c'est que les gens
lisent, aient accès à la lecture et accès
à une diversité de lecture. Donc, ce qu'on croit avec cette réglementation-là,
c'est qu'elle peut permettre de garder des librairies vivantes,
dynamiques. Elle va donc permettre d'avoir… Si on se met à ne vendre des livres
que dans les grandes surfaces… Il y a
500 livres par année dans les grandes surfaces. Ce n'est pas suffisant, il
va manquer de choix pour les gens.
Ce qu'il
faut, c'est qu'on ait une bibliodiversité, c'est très important. Et nous, on
croit que cette réglementation-là va permettre la bibliodiversité puisqu'elle
va permettre plusieurs… Le risque de ne pas avoir de réglementation, c'est qu'on se retrouve avec un oligopole, d'avoir
quelques Wal-Mart, Costco, Target qui vont avoir le contrôle du marché
du livre et qui vont pouvoir choisir ce qui va être paru. Ils ne vont vouloir
que des best-sellers, donc tout ce qui ne sera pas best-seller n'existera plus,
ou à grand prix.
M. Kotto : Merci.
La Présidente (Mme Vien) : M.
le député de Saint-Hyacinthe.
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Merci, Mme la Présidente.
Bonjour, messieurs. Bonjour, mesdames. Je veux juste mentionner… Tout à l'heure, on a mentionné que le…
Ça touche un peu la question que M. le ministre a posée, mais je vais la poser autrement. Alors, on dit que la
réglementation du prix du livre, c'est comme une taxe déguisée qui va
être imposée aux consommateurs et qui va avoir peut-être pour effet que les
gens vont acheter moins, les gens les plus démunis.
Vous autres, vous la percevez comment, cette… Pour vous autres, est-ce que c'est
une taxe déguisée ou si c'est plus un outil qui va permettre, justement,
de maintenir les librairies indépendantes un peu plus vivantes, un peu plus
énergiques, je ne sais pas?
M. Martel (Laval) : Moi, je ne crois
pas que ce soit une taxe déguisée. Je pense plutôt que ça va ramener du monde en librairie, contrairement au professeur de
HEC. On entend souvent des commentaires, en librairie, de gens qui viennent demander des conseils et, naturellement,
on entend aussi le commentaire de dire : Bien, je vais l'acheter
chez Costco. Mais, quand on prend le temps d'expliquer
aux gens que Costco, par exemple, tient à peu près 200, 300 titres, puis que nous autres, on a 20 000,
30 000 titres à supporter, et donc la vente de livres best-sellers, on en
a besoin pour la question de trésorerie, les gens comprennent puis,
finalement, acceptent d'acheter le livre en librairie.
Donc,
si jamais le prix… se vend le même prix, avec un écart, peut-être, de
10 %, je pense que les gens ne prendront pas la peine de partir de la
librairie pour aller dans un centre d'achats éloigné, pour aller chez Costco.
Ils vont l'acheter en librairie. Pour 10 % de différence?
• (16 heures) •
M. Lemieux (Dominique) : Puis d'autant plus que le livre, aujourd'hui, en
librairie indépendante, qui est à 24,95 $, avec une réglementation,
va être vendu à 24,95 $ en librairie. Le consommateur qui se déplace en
librairie, autant dans les indépendantes que
dans les chaînes, va payer exactement le même prix. Ce qu'on limite, c'est de
diminuer de 25 % à 30 % le
rabais consenti dans les grandes surfaces à un maximum de 10 %. Il y a un
15 % de jeu qui est appliqué, donc
ça demeure assez marginal. Mais ce qu'il est important de comprendre, c'est que
le prix du livre, au final, va être exactement le même avant qu'après la
réglementation. Donc, ce n'est pas une taxe déguisée, puis le consommateur de New Richmond qui va à la librairie Liber
aujourd'hui, bien, il va continuer d'aller acheter ses livres à la librairie
Liber puis il ne paiera pas plus cher demain.
La
Présidente (Mme Vien) : Merci beaucoup, monsieur. M. le député, ça fait... on a
16 minutes d'écoulées de votre côté. Je vais céder la parole maintenant
à Mme la députée de Laporte.
Mme
Ménard : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, madame, messieurs, tout comme mon
collègue de Jacques-Cartier, qui était très fier de parler d'une librairie
dans son comté, alors, je vous dirai que je suis très fière d'avoir aujourd'hui
parmi vous M. Guillet, qui a sa librairie, Le Fureteur, dans le beau comté de
Laporte et d'ailleurs dans l'ancien comté fédéral du...
M. Guillet
(Yves) : De M. Kotto, oui.
Mme Ménard :
...l'actuel ministre de la Culture.
En
débutant, j'aimerais... Mme Vaugeois, vous avez mentionné quelque chose tantôt, là, que j'ai trouvé un
petit peu dur et sévère, et c'est quand on a
parlé des gens qui peut-être n'auraient pas les moyens de se procurer un
livre, et vous avez répondu : Il n'aura qu'à se présenter dans une bibliothèque.
Mais ça se pourrait que cette personne-là chérisse un livre aussi et qu'il
veuille l'avoir dans sa bibliothèque. Alors, j'ai trouvé ça un peu sévère.
Mme
Vaugeois (Marie-Hélène) :
Mais ce que je veux dire, c'est... En fait, oui, il y a la solution des bibliothèques.
Je suis d'accord qu'ils vont avoir
envie de l'avoir chez eux. Ce que je dis surtout, c'est que, neuf mois après la
mise en marché du livre, il va
pouvoir être à rabais. Je crois que c'est surtout ça qu'il faut retenir, c'est
qu'on va juste retarder le rabais.
Et, quand on y pense, c'est logique. On n'achète pas un morceau de vêtement,
là, à sa sortie, à rabais; on l'achète à la fin de la saison à rabais.
Mme
Ménard : Oui. D'accord.
Merci. Je voudrais clarifier des chiffres. Vous parlez de 90 librairies
membres, et un petit peu plus loin dans le document, on parle de 192 agréées. Est-ce
que j'additionne les deux ou si vos 90 font partie du 192?
M. Lemieux
(Dominique) : Exactement.
Mme Ménard :
Et c'est le total, au Québec, des librairies?
M. Guillet
(Yves) : Agréées.
M. Lemieux
(Dominique) : Agréées.
Mme Ménard :
Agréées. O.K. Il y a d'autres...
M. Guillet (Yves) : Il y a d'autres points de vente, qui peuvent être des
librairies-papeteries, par exemple, ou qui n'ont pas nécessairement le 6 000
volumes exigé pour être agréés.
M. Lemieux (Dominique) : Par exemple, ici, à Québec, il y a la librairie
Phylactère, sur Saint-Joseph, qui est une librairie spécialisée en
bandes dessinées, mais qui n'est pas agréée pour le moment.
Mme Ménard :
O.K.
Mme Vaugeois
(Marie-Hélène) : Mais tout à fait agréable.
M. Lemieux
(Dominique) : Hein?
Mme Vaugeois
(Marie-Hélène) : Mais agréable.
M. Lemieux (Dominique) : Mais
agréable malgré tout. Donc, cette librairie-là n'est pas comptée dans les 192
dont on parle, mais ça demeure quand même une librairie très intéressante.
Mme
Ménard : Je n'en doute pas. Est-ce que vous connaissez... Dans
le cas de la France, qu'on cite
souvent comme réussite, là, est-ce que vous êtes en mesure de nous donner
combien de librairies par habitant versus le Québec, combien de
librairies par habitant au Québec?
M. Lemieux (Dominique) : Je n'ai pas
ces informations-là entre les mains.
Mme Ménard : Vous ne savez
pas ça, hein?
M. Lemieux
(Dominique) : Mais vous
pourrez questionner demain nos collègues de l'Association des libraires
du Québec, qui vont être ici. Ils vont avoir probablement l'information.
Mme Ménard : O.K. Je n'y
manquerai pas.
M. Lemieux (Dominique) : Parfait.
Mme Ménard :
Merci. On a parlé… Vous venez juste de parler des librairies agréées et, bon,
des 6 000 titres, et tout ça, qu'elles doivent détenir, puis la
rentabilité aussi, là, le chiffre d'affaires, bon. Est-ce que vous trouvez
encore adéquats ces critères-là?
M. Lemieux (Dominique) : Les
critères pour l'agrément?
Mme Ménard :
Les critères pour... Oui, l'agrément, excusez-moi, l'agrément, le document de
la SODEC, là, publié en 2002. Alors, est-ce que c'est encore adéquat d'exiger
de maintenir 6 000 titres, c'est-à-dire 2 000 d'auteurs québécois, 4 000 d'ailleurs, et aussi le
chiffre d'affaires du 300 000 $ pour 10 000 habitants et plus
dans une municipalité, ou
150 000 $ pour une municipalité de 10 000 habitants et moins?
Est-ce que vous trouvez encore ces critères-là... Avec les enjeux qu'on
connaît des librairies, là, est-ce que vous trouvez encore ces critères-là
adéquats?
Mme
Vaugeois (Marie-Hélène) : Oui, oui. Puis, quand je parlais tout à l'heure...
Lorsqu'on a parlé puis on est arrivés
au fameux 10 %, neuf mois, ça a été une des choses aussi qu'on a
discutées : Est-ce qu'on réouvre la loi n° 51? Est-ce qu'on se
requestionne? Et tous les membres du milieu étaient d'accord pour dire que
cette loi-là, elle avait encore sa raison d'être.
Mme Ménard :
O.K. Et vous venez de parler : Est-ce qu'on réouvre la loi n° 1?
Est-ce que vous êtes d'accord à ce qu'on... Est-ce qu'on pourrait
réouvrir la loi, et, à ce moment-là, la réglementation du prix et le numérique
en feraient partie?
Mme
Vaugeois (Marie-Hélène) : Je crois que c'est important, pour le prix
réglementé, de faire une nouvelle loi et non pas réouvrir la loi, de ne
pas l'inclure dans la loi n° 51. Pour moi, c'est une nouvelle loi, car la
loi n° 51 doit rester telle qu'elle est présentement. Sur ça, on est assez
d'accord dans le milieu.
Mme Ménard : Donc, vous la
trouvez satisfaisante?
Mme Vaugeois (Marie-Hélène) : Tout à
fait.
Mme Ménard : O.K.
M. Guillet (Yves) : Quitte à
modifier les règlements, certains règlements ou certains critères, là.
Mme Vaugeois (Marie-Hélène) : Comme
rajouter le numérique dans les règlements.
Mme Ménard : Par exemple,
lesquels?
M. Guillet
(Yves) : Bien, ça pourrait
être… Bon, je ne veux pas me lancer dans des questions très
techniques, là, mais des questions de tabelle, c'est-à-dire le taux de
conversion de l'euro, ou du franc suisse, ou de…
Mme
Vaugeois (Marie-Hélène) :
Qui est toujours en franc français dans la loi, y compris la
définition du livre qui pourrait inclure maintenant le numérique, mais c'est
ça, c'est changer quelques règlements mais pas changer la loi au complet, ça, c'est
sûr et certain.
Mme Ménard : O.K. Dans le rapport Larose, à la page 25, pour… en
fait, qui a été publié en 2000, là, le rapport Larose, on parle de ça — alors,
c'est 2000 — on
mentionnait, en parlant de l'ampleur méconnue de l'Internet sur l'industrie du livre, pour… ceux qui occuperaient
ce marché feraient face à une concurrence internationale de haut niveau
et à des guerres de prix. Il mentionnait
aussi que les libraires indépendants du Québec pourraient donc avoir
avantage à se regrouper et à étudier
le fonctionnement de certains regroupements du même
type, qui est né en France, ou aux États-Unis. Alors, cette idée fait aussi écho… bon, vous l'avez
entendu, de la chaire de la gestion des arts du HEC. Alors, pouvez-vous
commenter sur ces deux énoncés-là?
M. Lemieux
(Dominique) : Bien, c'est ce
que nous avons fait. Nous, la coopérative des Librairies indépendantes a
été créée en 2007, donc après la recommandation du rapport Larose. Puis, en effet, rapidement, les libraires
indépendants ont réalisé que, pour s'implanter dans ce marché du Web là, dans
le marché du livre numérique puis dans différentes offensives promotionnelles ou commerciales, individuellement, ça allait être très difficile d'arriver à réussir. Donc,
c'est pourquoi l'association a été créée, puis ça fait cinq ans, puis c'est une
association très dynamique qui développe beaucoup de projets pour ses membres.
Les membres apprécient ces projets-là; ils participent de façon importante.
Aujourd'hui, une librairie indépendante comme la
Librairie Les Bouquinistes ou la Librairie Vaugeois ou la Librairie Le Fureteur, si les librairies indépendantes
du Québec n'existaient pas, je ne suis pas sûr qu'elles vendraient du
livre numérique au grand public et aux institutions. Aujourd'hui, avec notre
regroupement, elles sont capables de le faire,
c'est quand même un acquis assez incroyable pour le réseau des indépendants.
Puis la vente de livres numériques aux bibliothèques
publiques, les libraires indépendants ont été les premiers au Québec à le
faire, ça a été les librairesindépendants,
avant même les chaînes. Donc, c'est quelque chose d'assez incroyable pour ceux
qu'on appelle souvent des petits joueurs, alors qu'ils ne sont pas
petits nécessairement, là, mais…
Mme Ménard : Et les 90 membres… À ce moment-là, est-ce qu'il y en a d'autres
qui ne se sont pas regroupés avec vous? Est-ce qu'il en reste encore
beaucoup?
M. Lemieux
(Dominique) : Il y a
certains libraires indépendants qui ne sont pas membres chez nous pour
des raisons différentes. Il y a certaines librairies très spécialisées, par
exemple, en langues, ou en bandes dessinées, ou en livres jeunesse qui… Pour
eux, c'est un peu trop spécialisé. Le livre numérique, le Web, ce n'est pas nécessairement
quelque chose d'intéressant pour eux, donc ils ne sont pas membres chez nous pour le
moment. La revue Libraire est très généraliste, donc, parle de littérature, d'essais, de bandes dessinées.
Ça ne correspond pas nécessairement à leurs besoins.
Puis
il y en a d'autres qui sont débordés par le quotidien
aussi, hein? Ils reçoivent à tous les jours des centaines de nouveautés, doivent ouvrir des boîtes. Il y a
une ou deux personnes, parce que c'est une librairie en région qui
travaille à temps plein. Ils n'ont pas nécessairement le temps de réfléchir
à : Est-ce qu'on est présents sur le Web? Est-ce qu'on devient membres de
votre association? Ils sont préoccupés par le quotidien, ouvrir les boîtes, l'offrir
à leur clientèle, contacter les clients, écoles ou bibliothèques.
Mme Ménard : Une dernière
question, et je passerai la parole à mon collègue. La directrice générale de l'Association
des libraires, Mme Katherine Fafard, mentionnait, le 4 février 2013, et je la
cite :
«...ça passe
ou ça casse.» La rentabilité est de l'ordre de 1 %, je suis presque
généreuse. En réglementant le prix, ce taux de rentabilité va s'accroître,
ne serait-ce que de 0,2 %. Ça va sûrement sauver quelques librairies qui
pensent fermer ces jours-ci.
Alors, pouvez-vous nous dire : 0,2 %,
ça signifie quoi, ça? C'est combien pour une librairie? Et est-ce que ça
empêcherait vraiment une librairie de fermer ses portes?
• (16 h 10) •
Mme
Vaugeois (Marie-Hélène) :
Bien, c'est sûr que ça semble peu, 0,2 %,
mais je pense que ça peut faire une différence
parce que, présentement, nos taux de rentabilité sont autour de 0,89 %, si
je ne me trompe pas, selon l'étude de l'ALQ
que vous allez avoir demain. Donc, 0,2 % de plus, on tombe à 1 %, ce
qui est déjà quand même mieux. Il faudrait une rentabilité de 4 % pour être vraiment confortable. En général,
on disait tout à l'heure, pendant notre dîner, que les librairies en
général, c'était entre 0,5 % et 2…
M. Guillet (Yves) : 2,8 %.
Mme Vaugeois (Marie-Hélène) :
2,8 %. 1,2 %, dans notre cas, fait la différence, oui.
Mme Ménard : Pensez-vous que
la réglementation est vraiment la solution ou si ça prend autre chose?
Mme
Vaugeois (Marie-Hélène) : C'est un début de solution. C'est quelque
chose qui va nous permettre d'être plus confortables, de pouvoir, je
pense, être plus créatifs, de mieux réfléchir. Je pense que c'est un outil qui
va nous donner la chance — comme disait tout à l'heure Dominique, on
est pris dans notre quotidien — de peut-être sortir un peu du quotidien, souffler un peu et pouvoir réfléchir à
d'autres solutions qui… Ça va juste nous donner une chance. Plus qu'une
chance, même, en fait.
M. Lemieux (Dominique) : Même s'il y
a un consensus autour de la volonté d'établir le prix réglementé, il n'y a
personne dans l'industrie qui pense que c'est la solution qui va conserver l'ensemble
des librairies. C'est une solution parmi tant d'autres. Comme industrie, on va
devoir trouver d'autres solutions aussi puis on va tabler là-dessus, mais la réglementation, je pense que c'est
un des éléments les plus urgents pour assurer la rentabilité prochaine
des librairies.
Mme Ménard : D'accord. Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Vien) :
Ça fait le tour du côté de l'opposition officielle. M. le député de Jacques-Cartier,
aviez-vous un petit mot à ajouter? Allez-y, allez-y, allez-y.
M. Kelley :
O.K., parfait. Merci beaucoup. À mon tour…
La Présidente (Mme
Vien) : Il reste à peu près deux minutes. Deux minutes.
M.
Kelley : …bienvenue. J'essaie de comprendre, parce que, dans le
point 5 de vos huit raisons pour réglementer le prix du livre, vous avez
dit que la librairie a cependant besoin des ventes des best-sellers. Alors, ça,
c'est l'enjeu principal. Et j'essaie d'imaginer,
si on met en vigueur la proposition qui est sur la table, les prix chez les
grandes surfaces vont demeurer les meilleurs prix disponibles. Si c'est
un rabais de 25 % ou 10 %, peu importe, ça va demeurer bon marché, le meilleur marché possible. Alors, de
transformer les personnes qui achètent, qui sont dans les grandes
surfaces pour d'autres raisons, mais qui
vont voir le best-seller, vont le mettre dans leur panier, ils vont l'acheter
avec les autres choses qu'ils ont achetées au magasin… Ce n'est pas la
clientèle typique de quelqu'un qui va dans une librairie.
Alors,
j'essaie de voir le transfert des achats de quelqu'un qui est dans une grande
surface pour faire les ventes pour la
semaine, qui va ajouter un best-seller parce qu'ils ont vu une critique dans
des journaux ou ils ont visité un ami qui a suggéré qu'il faut acheter
ce livre. Je ne vois pas comment cette personne va, le lendemain, devenir un
habitué des librairies. Alors, peut-être vous pouvez m'éclairer à ce sujet.
Mme
Vaugeois (Marie-Hélène) : Oui, les gens vont continuer à aller chez
Costco, c'est certain. Ils seront là. Une fois qu'ils seront rendus, ils
vont continuer à y être. Mais je pense que Laval Martel l'a bien dit tout à l'heure :quelqu'un qui est dans la librairie, qui
va acheter son livre un peu plus spécialisé, mais qui, en même temps, se
dit : Ah! Le Guide de l'auto, lui, je vais aller le chercher chez Costco
quand, demain, je ferai mon épicerie, il est dans la librairie. Son 10 % ne vaut pas la peine de faire le
chemin jusque chez Costco. Il va probablement le prendre dans les
librairies. Celui qui est dans la librairie va peut-être acheter plus parce
que, oui, on le sait, on vend nos livres plus difficiles, mais les livres plus
faciles, souvent, les gens les regardent chez nous mais vont les chercher chez
Costco. Mais ils sont déjà chez nous, ils n'ont aucune raison d'aller chez
Costco après pour le chercher.
M. Martel (Laval) : On donnait l'exemple souvent du Guide de l'auto, par exemple,
qui paraît chaque année et on en vendait des piles au début, mais
maintenant à peine une dizaine parce que les gens vont l'acheter chez Costco.
Mais, s'ils viennent en librairie maintenant, s'il y avait le prix réglementé,
je pense…
La Présidente (Mme
Vien) : Merci beaucoup, M.
Martel. Je vais devoir passer la parole à notre collègue de Montarville.
Mme
Roy
(Montarville) : Merci, Mme la Présidente. Madame,
messieurs, merci. Merci d'être ici. J'aurais une petite question relativement à ces obligations. Ma collègue de la
première opposition en parlait, le fameux 6 000 titres, dont 2 000 titres québécois pour être agréée.
Ma question est la suivante. Naturellement, c'est pour le bénéfice de la
diversité d'avoir justement cette bibliothèque avec le plus grand nombre de
titres possible. Mais quel est, selon l'expérience des libraires et de vos
membres, le pourcentage de livres, de ces livres-là qui ne se vendent pas, qui
demeurent sur les tablettes ou qui ne seront jamais réclamés? Est-ce qu'il y en
a un ou tout s'écoule, ces 6 000 titres obligatoires s'écoulent facilement?
M. Guillet (Yves) : En fait, les 6 000 titres, ce sont les titres de fonds. Il y a des
livres là-dedans qui, effectivement, ne
se vendront pas. On peut recevoir un livre à cinq exemplaires parce qu'on y a
cru un peu, et puis, pour une raison ou pour une autre, bien, il ne se
vendra pas, puis il peut y avoir des livres là-dedans qu'on commande à un
exemplaire, puis ça devient un succès, puis on en vend 60. Donc, ce n'est pas…
je dirais, il n'y a pas de règle générale…
Mme Roy
(Montarville) :
Logique, pour choisir la…
M. Guillet
(Yves) : Non, c'est ça, exactement. Ce n'est pas une science exacte,
la librairie.
Mme Roy
(Montarville) :
Mais ma question tendait plus pour savoir… En d'autres mots… je ne suis pas
économiste, fiscaliste, mais : Est-ce qu'il y a une portion de pertes ou
de livres qui ne sortent pas, là?
Mme
Vaugeois (Marie-Hélène) : Il y a,
pour les librairies, ce qu'on appelle un système d'office. On a,
pendant un an, droit de retour sur les nouveautés, ce qui nous permet d'essayer…
Il faut savoir que les tirages d'un livre moyen
au Québec, c'est de 500 exemplaires et moins. Il faut
savoir que les livres français, bien,
les livres européens qui viennent au
Québec arrivent souvent à moins de 30 exemplaires. Ces livres-là ont besoin de
trouver une place. Il faut, nous, les proposer aux bibliothèques aussi
parce qu'on vend aux bibliothèques. Donc, il faut… Ils ne vont pas tous se vendre, on aura le droit de les retourner. Nos
taux de retour ne sont pas si élevés que ça mais… et c'est… et on leur
donne une chance. Et effectivement, comme dit Yves, il y a certains livres, en
bonne quantité, qu'on ne va pas vendre, et il y a des succès-surprises, il y a
des coups de cœur, il y a des… On permet aussi… J'ai envie de dire :
Souvent, les best-sellers vont naître en librairie et, après, vont se retrouver
chez Costco.
Mme Roy
(Montarville) :
Bien, c'est la base de toute la problématique ici, mais ma…
Mme Vaugeois
(Marie-Hélène) : Exactement.
Mme Roy
(Montarville) :
Oui? Allez-y, oui, si vous voulez compléter.
M. Guillet
(Yves) : Juste pour
compléter. Le 6 000 titres
différents n'est pas superflu. Tout à l'heure, je suis allé dîner à proximité de la Librairie Vaugeois. Je
suis rentré dans la Librairie Vaugeois, j'ai fait le tour des rayons. Le
livre de fonds me faisait des clins d'œil. C'est
ce livre-là… Ah! Un essai politique, je n'en avais jamais entendu parler, ce
n'est pas une nouveauté, c'est un livre qui
est paru il y a peut-être deux ans. Je l'ai pris, je l'ai feuilleté, je voulais
l'acheter. Je ne l'ai pas acheté parce qu'on s'en allait dîner, puis
Marie-Hélène va me le pardonner, j'y retournerai bien un de ces jours. Mais c'est important d'avoir cette
variété-là, cette bibliodiversité-là en librairie. Ça permet aux gens d'avoir
accès à des livres qu'ils ne trouveront pas
ailleurs puis qu'ils ne trouveront pas sur un site Internet nécessairement
parce que ça va être à la huitième page, dans la catégorie Livres d'affaires,
par exemple, là.
Mme
Vaugeois (Marie-Hélène) : Pour ajouter, j'ai envie de dire… j'avais
deux libraires avec moi, aussi, avec toi, qui sont dans les livres toute
la journée puis je les ai vus feuilleter pendant que vous m'attendiez.
La Présidente (Mme Vien) :
Merci, madame. Merci infiniment, Mme la députée de Montarville. Mme la députée
de Gouin.
Mme David :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Au fond, ça fait plusieurs fois qu'on pose
des questions qui se ressemblent à
des groupes différents, on obtient des réponses, bien sûr, qui se ressemblent
un peu aussi. Et je sens que ce dont
on a besoin de se laisser convaincre, le cas échéant, c'est que réglementer le
prix du livre, bon, essentiellement pour combattre des rabais exagérés — en tout cas, moi, je n'ai pas peur de le
dire — dans les
grandes surfaces va vraiment, là, vous
permettre d'accéder non seulement à la survie, mais à un développement plus
optimal, parce que vous vivez déjà… Moi
non plus, je ne veux pas vous traiter en misérables — je connais trop de librairies indépendantes
pour ça — mais vous nous dites quand même : S'il
vous plaît, faites-le, ça va nous aider beaucoup, quitte à demander un petit
sacrifice aux consommateurs, parce que ça, c'est dans toutes les têtes, y
compris celles des journalistes en ce moment, hein?
Est-ce
qu'on est en train de demander un effort trop grand aux consommateurs, en
particulier aux gens de la classe moyenne ou à revenus, disons, plutôt
faibles? Parce que les très pauvres, de toute façon, n'achètent pas de livres,
là, il faudrait accepter de se dire ça. En
tout cas, c'est plutôt rare, ils vont plus à la bibliothèque. Est-ce qu'on est
en train de demander un effort exagéré pour quelque chose qui, au fond,
ne vous apporterait pas tant que ça? Convainquez-nous.
M. Guillet
(Yves) : Je pense que ce n'est
pas vrai que ça n'apporterait pas tant que ça. Ça peut empêcher d'autres
librairies de fermer, donc ça peut encourager l'accessibilité.
Bon, j'avais une autre idée, puis là elle vient
de partir.
Mme
Vaugeois (Marie-Hélène) : Et moi, j'ai envie de rajouter… Moi, je suis
sur une… On a des librairies assez similaires,
on est sur une rue. Une des premières… Les gens qui rentrent beaucoup chez
nous, c'est les enfants. Ils ont envie de
rentrer dans la librairie, ils amènent leurs parents dans la librairie. Et les
enfants, ils sont contents de voir un choix de livres comme ils n'en
voient pas ailleurs, ils ont envie de se faire… Moi, je travaille souvent le
soir parce que j'ai des restos autour de
moi, pendant que les parents finissent leur vin, prennent leur café, les
enfants viennent bouquiner à la librairie
tranquillement. Je ne leur demande pas d'acheter, mais ils ont le temps de
feuilleter, ils ont le temps de regarder les livres, ils ont le temps… Et les livres pour enfants ne sont pas si
chers. Donc, les parents, généralement, ils sont prêts à leur en acheter. Tu sais, un livre en bas… de moins de
10 $, il n'y a pas de problème, puis c'est des livres qu'ils ne
trouveront pas nécessairement chez Costco.
La Présidente
(Mme Vien) : Merci. C'est tout le temps que nous avions,
messieurs dames, je suis… Bien oui.
Une voix : …
La Présidente (Mme Vien) :
Bien, rapidement, en 10 secondes.
M. Guillet (Yves) : …c'est une
question de choix de société aussi. On fait… On a vu le développement des
microboulangeries un petit peu partout au Québec, on est très fiers de ça, les
fromageries aussi. On peut dire que, dans le monde du livre, ça peut être la
même chose. Il y a des gens qui vont continuer d'acheter du pain blanc, mou,
puis il y a des gens qui vont…
La Présidente (Mme Vien) : Merci.
M. Guillet (Yves) : Voilà.
La Présidente (Mme Vien) : Merci
beaucoup.
(Suspension de la séance à 16 h 20)
(Reprise à 16 h 22)
La Présidente (Mme Vien) :
Alors, nous poursuivons nos travaux avec plaisir, en recevant, cet après-midi,
M. Blaise Renaud. M. Renaud, vous êtes le président-directeur général de la
Librairie Renaud-Bray.
Librairie Renaud-Bray
inc.
M. Renaud (Blaise) : Tout à fait.
La Présidente (Mme Vien) :
Bienvenue.
M. Renaud (Blaise) : Merci.
La Présidente (Mme Vien) : On
est contents de vous recevoir cet après-midi. Comme tous les autres, vous aurez 10 minutes pour nous livrer l'essentiel de
vos réflexions, votre mémoire, etc. Après quoi s'ensuivront des
discussions, des échanges avec les élus. Ça vous va comme ça?
M. Renaud (Blaise) : Tout à fait.
La Présidente (Mme Vien) : On
vous écoute.
M. Renaud (Blaise) : Merci. Je vais
résumer. Donc, rapidement, j'ai écrit un mémoire de 35 pages, donc je n'entrerai pas dans les détails. Je vais vous
présenter d'abord Renaud-Bray, faire le point un peu, ce qu'on est
devenus aujourd'hui, en 2013, puis, par la suite, je vais vous expliquer
sommairement pourquoi on s'oppose à l'actuel projet de réglementation tel qu'il
est défendu par plusieurs intervenants, notamment en revenant sur la loi
n° 51 puis sur certaines pratiques.
Donc,
Renaud-Bray, finalement, est devenu le Renaud-Bray moderne depuis 1999 avec l'acquisition
de Garneau et Champigny. Les deux
chaînes étaient déficitaires, si vous vous souvenez, mais, en l'espace de
quatre ans, Renaud-Bray a fait en sorte que ce réseau panquébécois de
librairies, avec des librairies non seulement à Montréal puis à Québec, mais aussi dans les régions — Sorel, Victoriaville, Drummondville et
autres — est
devenu un réseau rentable, viable. Donc,
aujourd'hui, c'est 32 succursales, dont 26 librairies agréées, plus un site
Internet, qui est ouvert depuis 2009, dans un entrepôt dédié. Et on a
été les premiers, au Québec, à avoir un entrepôt dédié pour la vente en ligne.
Depuis 1999, Renaud-Bray a appliqué
scrupuleusement une politique de respect du prix réglementé. Avant l'acquisition de Garneau et Champigny, il y avait
en effet, au Québec, une guerre des prix, et je veux bien insister sur
la notion de guerre des prix. Une guerre des
prix, ça veut dire que les grandes surfaces baissaient les prix et que les
petites librairies, les librairies indépendantes, les petites chaînes de
librairies, surenchérissaient et baissaient à nouveau le prix. Ça n'existe plus aujourd'hui depuis que
Renaud-Bray a adopté cette politique en 1999, et à peu près toutes les
librairies agréées du Québec respectent le prix public recommandé par les
éditeurs. Donc, les librairies, actuellement, ne font pas de rabais, et c'est
véritable à 95 %. C'est important de le noter.
Donc,
Renaud-Bray, aujourd'hui, c'est 1 000 employés. On est devenu le principal
employeur dans le domaine du livre.
On a parlé, les derniers jours, de 10 000 personnes qui travaillent dans l'industrie :
Renaud-Bray, c'est 10 % de ça.
Puis, d'après une étude indépendante qu'on a faite en avril 2013, 57 % des
Québécois qui avaient acheté un livre dans les six mois précédents
avaient visité une succursale Renaud-Bray. Je pense que c'est éloquent quand
vient le temps de démontrer la place que
Renaud-Bray occupe au niveau de rendre le livre accessible dans le public.
Parce que vous avez entendu, ces
derniers jours, parler du phénomène des ventes aux bibliothèques. Vous avez des librairies indépendantes qui peuvent vendre jusqu'à 80 % de leur chiffre d'affaires au niveau des
collectivités. Dans le cas de Renaud-Bray, les ventes aux collectivités
représentent moins de 8 % du chiffre d'affaires total. Donc, on est
résolument une librairie qui est axée vers
la vente au public et on a travaillé, depuis presque 50 ans maintenant, à faire
qu'on soit des lieux de vente accessibles, invitants, qui favorisent la
visite de tout le monde dans la société et de se retrancher, finalement, d'une
image qui était là, il y a quelques décennies, de librairie élitiste.
Et
je veux aussi préciser — parce que c'est ça, et c'est important, ça aussi — que Renaud-Bray n'est pas membre de l'Association
des libraires du Québec. L'Association des libraires du Québec, ce sont des
libraires indépendants seulement. Renaud-Bray ne siège pas à la Table de
concertation du livre, qui regroupe les sept associations qui ont signé
énormément de lettres. Renaud-Bray n'y siège pas parce que Renaud-Bray n'y est
pas accueilli. Les gens qui organisent la
table refusent de voir Renaud-Bray siéger à cette table de concertation,
justement parce qu'on n'embarque pas dans cette notion de prix
réglementé, entre autres.
Donc, la loi n° 51.
Remontons à 1981, ça fait 35 ans, c'était une mesure protectionniste purement,
qui visait à faire que les librairies
allaient être protégées dans leur marché. On voulait vraiment faire à l'époque
ce qu'on prône encore aujourd'hui. 35 ans après, par contre, quand vous
regardez le marché, il n'y a à peu près pas eu d'évolution dans les pratiques.
Les systèmes comme l'office, la question des retours, la difficulté que les
librairies indépendantes ou traditionnelles avaient à opérer, c'est encore là.
Et, avec l'Internet qui est arrivé, les télécommunications, on n'a pas voulu revoir en profondeur les canaux, et ce, en
dépit des études qui ont eu lieu, notamment, au début des années 2000,
la commission Larose, entre autres, mais d'autres études aussi, qui prônaient
toutes de revoir les pratiques sur l'office, qui prônaient de revoir le rôle
des distributeurs, qui prônaient de revoir certains règlements découlant de la
loi n° 51. Rien
de ça n'a bougé. Donc, les mesures protectionnistes ont permis de vivre pendant
35 ans en préservant la librairie indépendante. Et, aujourd'hui, le
milieu arrive et dit : Il faut davantage de réglementation.
La loi n° 51, c'est deux choses. C'est,
premièrement, de dire que les bibliothèques et les institutions
réglementées vont devoir acheter dans les librairies agréées, et ces achats-là
se chiffrent à 82 millions de dollars par an. 82 millions de dollars par année, ça veut dire
32 millions d'aide indirecte parce que la marge des librairies, c'est
40 % sur le prix public. Donc,
on a déjà ce pot-là de 32 millions qui est injecté annuellement dans le
réseau de librairies. Il faudrait se demander : Est-ce qu'il est
bien injecté pour favoriser le maintien du réseau de librairies traditionnelles
ou si les mesures qu'on soutenait il y a 35 ans devraient être revues et que ça
pourrait être plus efficacement investi, ce 32 millions?
L'autre principal point de la loi n° 51, c'est
qu'elle réitérait la notion d'exclusivité des distributeurs. Avant 1981,
vous aviez des grossistes, vous aviez des distributeurs, mais qui étaient plus
ou moins exclusifs. Aujourd'hui, vous avez
des distributeurs que la loi n° 51 a ordonnés comme étant l'unique
importateur autorisé d'un éditeur avec qui il a contracté. Vous avez un petit nombre de distributeurs — je vais y revenir plus tard — et le distributeur, en tantqu'importateur exclusif, fixe le prix de revente
du livre au Canada. Le Règlement sur l'agrément des distributeurs prévoyait
une tabelle, qui est un coefficient multiplicateur. Donc, c'était pour éviter
qu'un livre qui valait 10 € en France, le distributeur exclusif puisse en
profiter, dire : C'est un best-seller, ça va se vendre, peu importe le
prix, donc je vais fixer arbitrairement un
prix très élevé parce que je sais que la demande est forte. Donc, la tabelle,
ce qu'elle fait, c'est qu'elle fixe
un taux de change maximum. Le taux de change effectif dans cette tabelle-là
devait s'appliquer, mais il n'est plus appliqué. Je vais y revenir plus
tard aussi.
La deuxième chose, au niveau de la distribution,
que prévoyaient les règlements de la loi, c'était que les libraires
indépendants aient une remise minimum de 40 %. Donc, les distributeurs
étaient obligés de respecter que les libraires indépendants avaient besoin d'une marge de manœuvre, une marge de profit
raisonnable pour opérer en fixant un seuil minimum, sans maximum.
Donc, à mes yeux, parler du monde du livre, parler
de la survie de la librairie indépendante… il faut revenir à la base, il faut parler des librairies, il faut
parler des distributeurs parce que c'est les deux intervenants. Les libraires
achètent des distributeurs, les
distributeurs vendent aux librairies. C'est assez clos comme vase. Hier, on m'a
demandé : Est-ce que ce n'est pas un combat des petits contre les
gros? Puis le journaliste parlait des petites librairies contre les grandes
surfaces. J'ai dit : Oui, c'est un combat des petits contre les gros, et
les petits, c'est les libraires, puis les gros, c'est les distributeurs.
• (16 h 30) •
Sur
les distributeurs, en deux mots, il faut noter que l'activité de distribution
dans le livre, au Québec, est devenue un métier en soi. C'est assez
atypique si vous regardez les modèles commerciaux ailleurs. Les distributeurs
sont des moyens de rendre le produit
accessible aux détaillants. La plupart des entreprises qui sont des producteurs, que ce soit
dans l'agroalimentaire, dans le vêtement ou autres, intègrent eux-mêmes une
structure de distribution parce que c'est essentiel pour eux de mettre le
produit dans le marché.
Dans le livre, donc,
le distributeur qui est indépendant, qu'est-ce que ça a pour effet? Bien, ça a
pour effet de diviser en trois le profit qui
normalement est distribué en deux. Aux États-Unis,
même, regardez, regardez aussi ce qui se fait dans la musique — parce
que vous avez eu quelqu'un de cette industrie hier — les gros joueurs de la
musique, les gros joueurs de l'édition aux États-Unis,
les gros joueurs de l'édition en France ont des structures de distribution
en interne. Donc, un produit qui va se vendre au détail, bien, le profit
généré, de la fabrication jusqu'à la vente au consommateur finale, est partagé
entre deux personnes morales. Ici, au Québec, il est partagé déjà, à la base,
entre trois personnes morales, soit : l'éditeur,
le distributeur et le libraire. Donc, déjà, c'est sûr qu'il y a une diminution
de la profitabilité de chacun de ces acteurs-là.
Les
distributeurs, en plus, leur modèle a changé au fil du temps. Au début, ils
achetaient les stocks aux Français puis
ils se prenaient une cote parce qu'il y avait un risque. Quand vous achetez des
stocks, si vous n'arrivez pas à les revendre après, vous devez être
capable de vivre avec cette perte-là. Les distributeurs, aujourd'hui, ne sont
plus propriétaires des stocks, ils sont
dépositaires, mais on continue de rémunérer, sur la même base, leurs activités.
Déjà là, il y a quelque chose qui cloche, à mon avis.
Ensuite,
les distributeurs sont devenus commissionnaires, donc ils… Oui, donc, ils
prennent une commission de tout ce
qui est vendu pour les livres, chargent les éditeurs, chargent les libraires et
appliquent une compression des marges des libraires depuis les 15
dernières années. Alors, si vous regardez le portrait, la marge bénéficiaire
des distributeurs est passée de 4 % à 6 %, entre 2004 et 2009, d'après
les données de l'observatoire du livre, alors que, comme on l'a dit tout à l'heure,
la rentabilité des librairies s'est effondrée.
Alors, ce que je dis,
c'est que, si on veut préserver la librairie au Québec — et c'est
important de le faire, je reconnais ce qui a
été dit plus tôt — il faut
d'abord travailler sur la marge des librairies plutôt que d'aller de l'avant
avec un projet de réglementation des prix qui, à date, n'a aucunement abordé,
de tout ce que j'ai lu, la question que les distributeurs
sont libres de fixer des prix et qui aujourd'hui arrivent avec des livres qui
valent 10 € en France, et, avec un taux de change à 1,38 $, la tabelle légale les autorise à mettre le
prix de détail au Québec à maximum 16,50 $. Comment expliquez-vous
que les distributeurs fixent le prix de ces livres-là, à 23 $ dans
certains cas, sans accepter de redonner une contrepartie aux libraires?
Pourtant, leur donner une marge, aux libraires, ça permettrait de rendre tout
le monde heureux. Ça permettrait aux
libraires de vivre, parce qu'ils n'arrivent pas à vivre aujourd'hui avec une
marge de seulement 40 %, et ça permettrait au milieu de continuer.
Mais les distributeurs, aujourd'hui, augmentent leur rentabilité, prétendent…
ils l'ont dit textuellement, en 1999, qu'ils n'avaient plus assez d'argent pour
redonner des remises aux libraires, alors
que c'est faut parce que, pendant ce temps-là, leur marge a augmenté, celle des
libraires, elle est tombée.
La Présidente (Mme Vien) :
Merci beaucoup, M. Renaud. C'est le temps qui vous était réservé pour
présenter vos réflexions. M. le ministre.
M. Kotto :
Merci, Mme la Présidente. M. Renaud, soyez le bienvenu et merci pour votre
contribution à notre perspective, enrichissante pour notre réflexion.
Je
rebondis sur la conclusion. Vous parlez des distributeurs et l'arbitraire dans
la fixation des prix. S'il y avait lieu d'argumenter pour revoir la loi
n° 51 — la
loi en question, elle date d'une trentaine d'années — est-ce
que c'est un élément que vous mettrez de l'avant?
M. Renaud (Blaise) : Je mettrais plutôt de l'avant le rôle même du distributeur exclusif. Il
faut se demander si, en 2013, le besoin d'un distributeur exclusif
existe encore. Quand les distributeurs ont été créés, il y avait deux raisons
pour ça.
Premièrement,
il n'y avait pas d'Internet, les télécommunications étaient pratiquement
inexistantes. Vous aviez le téléphone, mais avec la France, au début des
années 80, c'était quelque chose de complexe. L'accès aux catalogues aussi
était problématique. Donc, déjà, les libraires indépendants québécois, qui
étaient beaucoup moins nombreux à l'époque
qu'aujourd'hui, avaient du mal à s'approvisionner. Aujourd'hui, on a développé
des structures. Les libraires québécois envoient déjà de manière
électronique des commandes aux distributeurs locaux. Rien ne les empêcherait,
techniquement, d'envoyer ces mêmes commandes électroniquement à des
distributeurs à l'étranger. Première chose.
Deuxième
chose, l'édition québécoise, à l'époque, était embryonnaire. Vous aviez entre
5 % et 15 % des livres vendus
au Québec, en 1981, qui étaient édités ici et 90 % du marché qui étaient
des livres importés de France. Aujourd'hui, les distributeurs
représentent 50 % à 60 %... pardon, les éditeurs québécois produisent
ce qui représente 50 % à 60 % des
ventes de livres au Québec. Donc, ces éditeurs-là sont à même de développer des
structures logistiques et certains l'ont fait et tirent leur épingle du
jeu aujourd'hui. Il faut revoir le rôle du distributeur.
M. Kotto :
O.K. Vous êtes au fait — au-delà
de votre lecture que j'enregistre — vous êtes au fait de l'état des lieux de la sphère de nos librairies
indépendantes fragilisées. Si vous aviez un plan de sauvetage à mettre en
branle pour sauver ce qui reste de ces librairies-là, quel serait-il?
M. Renaud (Blaise) : Je n'aime pas qu'on parle de la situation périlleuse des librairies
indépendantes, pardonnez-moi, parce
qu'en fait l'ensemble des librairies vivent la même chose. Mes librairies
aussi, celles des régions spécialement, vivent actuellement, et
particulièrement depuis cinq à six ans, une baisse de rentabilité, puis c'est
la situation d'à peu près tout le commerce
de détail au Québec. Vous avez une baisse d'achalandage dans le commerce de
détail, d'une part, parce que les
ventes en ligne augmentent, d'autre part parce qu'il y a une certaine morosité
économique, on n'apprend rien. Il est normal que la librairie vive ça aussi.
Vous
me parlez de mettre de l'avant un plan de sauvetage. Pour moi, le plan de
sauvetage, c'est de dire qu'on va augmenter la rentabilité des
librairies au moyen de l'augmentation de leur marge brute. Quand vous regardez
les débats de l'Assemblée en 1979, qui
étaient les prémisses à la loi n° 51, il y a des passages très clairs qui
disent : L'objectif de la loi, c'est
de favoriser la viabilité de deux acteurs essentiels, l'éditeur et le libraire,
et, par extension, le bibliothécaire parce
qu'il est aussi un vecteur d'accès aux livres dans la population. Le
distributeur était un moyen. Aujourd'hui, vous vous retrouvez avec trois
distributeurs qui font 91 % du marché de la distribution et qui n'autorisent
aucune négociation sur les conditions commerciales des libraires, qui ont
diminué les conditions commerciales des libraires au cours des 15 dernières
années et qui, aujourd'hui, sont les acteurs les plus profitables de l'industrie.
M.
Kotto : O.K. Si je vous entends bien, vous remettez en question
la crédibilité même de la démarche de vos collègues du milieu
relativement à l'impératif de réglementer le prix du livre neuf numérique et
physique.
M. Renaud
(Blaise) : Je remets en question que ce ne sera pas une mesure qui
aura pour effet de favoriser le maintien des librairies traditionnelles et qu'également
c'est une mesure qui risque d'avoir des impacts négatifs sur plusieurs acteurs
de la chaîne, d'une part, les librairies. Deux moyens pour ça.
Premièrement,
les ventes en ligne. Vous avez entendu parler des ventes en ligne il y a à
peine une demi-heure. Alors, on a
tous des entrepôts au Québec. Amazon, Chapters ont des entrepôts à
Toronto. Est-ce que la mesure va être en mesure d'empêcher les acteurs qui ont des sites Internet basés en
Ontario de vendre à rabais au Québec, alors que nous, qui avons des
entrepôts basés au Québec, on va être pieds et poings liés sur… Ça, c'est
susceptible de, donc, déclencher une guerre des prix qui serait pénalisante.
Deuxièmement,
vous avez le fait des librairies qui sont à la frontière avec l'Ontario. Nous,
on a une librairie à Gatineau, et, à Ottawa, en face, le libraire sera
susceptible de casser les prix tant qu'il voudra, de faire de la publicité à Gatineau. Maintenant, c'est facile, vous faites
de la publicité avec Google, tous les gens qui habitent à Gatineau
vont chercher n'importe quoi sur Internet puis ils vont voir des publicités
leur apparaître disant que les livres sont 25 % moins chers à Ottawa. C'est
facile à faire, concurrentiellement parlant, de nos jours, ça, et c'est un
danger qui ne peut pas être prévenu de manière efficace.
L'autre
retombée négative potentielle de cette histoire de réglementation, c'est que, d'après
moi, les ventes en grandes surfaces vont baisser, et ces ventes ne
seront pas entièrement récupérées en librairie. Donc, vous allez avoir les
éditeurs et les distributeurs qui vont réaliser, six mois plus tard, que leur
chiffre d'affaires global est à moins 20 %
et qui vont vouloir se sauver. Ils vont faire deux choses : soit fermer,
soit augmenter le prix de détail de leurs nouveautés de manière à
contrebalancer leurs revenus.
M.
Kotto : O.K. Je reviens sur la... enfin, l'expérience de réglementation.
Il y a 13 pays, disons, 13... 12, puisque la Norvège est dans une démarche comme la nôtre en ce moment, en train
de débattre. Et, parmi ces 12 pays, il y en a deux notoires en matière
de leadership culturel : la France et l'Allemagne. En France, il y a une
longue expérience de pratique du prix réglementé. Est-ce que vous vous êtes
penché sur le cas de la France? Si oui, est-ce que c'était une démarche inutile
pour protéger le filet des librairies indépendantes aussi?
• (16 h 40) •
M. Renaud (Blaise) : Ce n'était pas
une démarche inutile. Mais, autant dans le cas de la France, que de l'Allemagne, que dans tous les autres pays que
vous avez mentionnés, il existait des phénomènes de guerres des prix,
telles que je les ai décrits tout à l'heure, où les libraires vendaient les
livres en dessous du prix public suggéré par l'éditeur, et la réglementation
leur a permis de remonter le prix de vente, ce qui augmenté leur marge brute.
Au Québec, la réglementation ne permettra pas aux librairies d'augmenter leur
marge brute. Le pari ici est différent.
En France, on
a dit : Les librairies vont avoir une marge brute accrue. Parce qu'à l'époque,
en plus, la France passait par une période de déréglementation. L'industrie
s'autoréglementait en France jusqu'en 1981 et, lorsque la loi Lang est arrivée, c'était un support à ça. Donc, les
distributeurs vendaient les livres aux libraires à un prix net. On
disait : Tel livre sort, c'est 5 $ pour le marchand, et les
marchands les vendaient, dans certains cas, 7 $, dans d'autres cas,
11 $, dans d'autres cas, 9 $, et
dans d'autres cas, 14 $, ce qui créait des guerres de prix. Aujourd'hui,
la France est revenue avec un système
de remises, donc, en disant : Le livre vaut 20 €, le libraire a une remise
sur les 20 €, qui est le prix de vente public.
Mais, pour
revenir à votre question, très clairement, dans les pays où il y a des guerres
de prix, oui, les libraires peuvent bénéficier d'une mesure de
réglementation parce qu'ils augmentent leur marge. Au Québec, ça n'est pas le
cas depuis 15 ans maintenant.
M. Kotto : O.K. Vous êtes
très affirmatif relativement à l'hypothèse d'une telle application ou d'une
telle régulation, dis-je, au Québec. Avez-vous des éléments qui peuvent nous
permettre de lire cette hypothèse comme vous le faites, des éléments tangibles,
factuels…
M. Renaud (Blaise) : Vous parlez de…
M. Kotto : …ou des modèles de
projections, des modèles économiques?
M. Renaud (Blaise) : Vous me parlez
du gain de marge des libraires?
M. Kotto : Non, non, l'application. Vous dites, vous
affirmez que c'est impossible que ça fonctionne, la régulation du prix
sur le livre neuf, fonctionne au Québec.
M. Renaud
(Blaise) : L'éditeur établit
un prix de vente à 10 $ sur un
livre, le libraire le paie 6 $. Aujourd'hui, le libraire vend déjà
le livre 10 $. Vous faites une réglementation demain, le libraire va
continuer de vendre le livre à 10 $. Il ne fera pas un centime de plus sur
la vente du livre.
Donc, d'aucune
manière, la rentabilité des librairies ne va s'améliorer. Le seul cas où ça
pourrait se faire, c'est, comme je le disais, si les gens qui vont chez
Costco deux fois par semaine, ou toutes les semaines, ou tous les mois, peu importe, venaient, à la place d'aller chez
Costco, chez leur libraire. Mais il y a peu de chances pour que ça se
produise parce que toutes les grandes
surfaces dont on parle, ce sont des surfaces qui vendent des biens de première
consommation. Donc, la fréquence d'achat
dans les grandes surfaces est cinq fois, six fois, 10 fois, 20 fois supérieure
à la fréquentation des librairies. Les gens vont plus souvent à la
pharmacie que dans une librairie; ils vont plus souvent chez Wal-Mart que dans une librairie. Les gens vont continuer à
acheter les livres dans les grandes surfaces. Ce qui a été décrit tout à
l'heure, à savoir que les gens sont dans la librairie et font un détour pour
aller chez Costco, c'est faux. Les gens vont chez
Costco et font un détour pour aller à la libraire parce que Costco ne tient pas
le livre qu'ils veulent, pour la majorité de la population, entendons-nous. Effectivement, il y a 5 %,
10 %, 15 %, peut-être, de la population, selon les
agglomérations, qui se rendent dans les librairies régulièrement. Mais ce n'est
pas le cas de la majorité, loin de là.
M. Kotto : Merci.
La Présidente (Mme Vien) : M.
le député de Bonaventure.
M. Roy :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Renaud. J'ai une question très simple.
Bon, je ne connais pas vraiment le domaine. Comment on fait pour définir
le prix d'un bouquin?
M. Renaud (Blaise) : C'est l'éditeur
qui définit le prix du livre.
M. Roy : Et sur quelles
balises?
M. Renaud (Blaise) : Bien, alors,
vous avez la production québécoise puis vous avez la production étrangère qui est importée par les distributeurs. Dans le
cas de ce qui est la production québécoise, c'est l'éditeur qui juge du
prix de vente moyen, en évaluant un peu le
marché au meilleur de ses connaissances et en se disant : Je pense que ce
roman devrait valoir 24,95 $. C'est totalement arbitraire, mais c'est l'éditeur
qui le décide.
Dans
le cas des livres importés, c'est le distributeur qui établit le prix du livre.
Comme je l'ai dit, vous avez, dans la loi, une tabelle. Aujourd'hui, c'est
1,38 $, l'échange avec l'euro, puis la tabelle dit que le change, bon,
pour tenir compte des frais de transport,
etc., devrait être à 1,65 $. Et il y a des livres qui sont bien au-dessus
de ça et il y en a d'autres qui sont bien en dessous de ça.
Donc, un distributeur qui importe un livre
européen, par exemple, un livre sur des… Prenons les recettes de gâteaux. Moi, je suis un distributeur, j'importe
un livre sur les recettes de gâteaux de France. Je dis : Ça, ça vaut
10 € en France, donc,
techniquement, je devrais le vendre aux alentours de 16,50 $, mais je ne
pense pas que ça va se vendre au Québec
à 16,50 $. Donc, le distributeur a tout à fait le droit de dire :
Bien, il va se vendre 9,95 $ au Canada, soit moins cher que le prix français. Et donc les éditeurs
québécois sont aussi victimes de cette concurrence-là. Ils doivent s'ajuster
avec des mesures qui ne sont jamais appelées comme ça, mais qui s'apparentent à
du dumping, le dumping étant plus présent
dans certaines catégories de livres que dans d'autres. Et puis, inversement,
sur des produits où il y a une faible concurrence
de la part de l'édition québécoise, un auteur à succès, les livres de poche par
exemple, bien les distributeurs appliquent des tabelles complètement
prohibitives qui font qu'un livre qui vaut 10 € en France se retrouve à
22 $ sur les tablettes ici, au Québec.
Puis ce qui
est pernicieux dans ce modèle-là, si vous me permettez, c'est qu'il faut tenir
compte de deux choses. La première chose, les librairies se sont
accoutumées à ces modèles-là, ont mis ça dans leur chiffre d'affaires. Donc,
si, demain, le prix des livres passait
effectivement de 22,50 $ à 16,50 $, parce que c'est le maximum de la
tabelle, le chiffre d'affaires des librairies se casserait la gueule
parce que ce n'est pas vrai que les gens vont acheter 25 % plus de livres
si le prix moyen baisse de 25 % non plus. Il faut faire attention à ça.
M. Roy : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Vien) :
Merci beaucoup, M. le député de Bonaventure. Mme la députée de Laporte.
Mme Ménard :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. Renaud, bonjour. Alors, écoutez, vous
nous avez donné beaucoup, beaucoup d'informations,
et que j'ai trouvée très intéressante. Je pensais que j'avais fait de grandes
recherches, mais j'ai appris beaucoup de nouvelles choses.
M. Renaud, bon, on le sait, vous le savez,
beaucoup de librairies ont fermé leurs portes.
M. Renaud (Blaise) : Tout à fait.
Mme Ménard :
À quoi attribuez-vous ces fermetures? Bon, on sait que le phénomène des
nouvelles plateformes, la technologie,
l'émergence de la technologie, et tout ça… Alors, pouvez-vous élaborer comment…
À quoi attribuez-vous ces fermetures?
M. Renaud
(Blaise) : Je pense qu'il ne
faut pas généraliser, mais je les attribuerais principalement à… Bon, la
première chose, évidemment, c'est la baisse
des conditions commerciales à laquelle font face les librairies. Et,
comme je vous le dis, ça a été reconnu dans les rapports de la commission
Larose et les deux, trois rapports qui ont été publiés avant et après, qui étaient faits par le milieu du livre lui-même. Dans
les années 70, les libraires avaient des marges brutes de 50 %, ne payaient pas de transport sur le
prix des livres, avaient des délais tellement plus longs que ce qui se fait
aujourd'hui dans certains cas. Vous vous retrouvez aujourd'hui, les marges
brutes ont diminué pendant que les coûts d'opération ont augmenté.
C'est sûr
que, pour la librairie qui est… des petits commerces qui payaient jadis et
aujourd'hui encore les employés à
salaire minimum ou non loin de là, quand le coût de votre masse salariale
augmente de 50 %, alors que votre chiffre d'affaires ne suit pas,
et qu'en plus votre marge brute tombe, et que vos loyers augmentent, et que
vous payez du transport sur les marchandises
que vous recevez et, en plus, sur celles que vous retournez… Parce que le
phénomène des retours en librairie est très présent et le phénomène des
retours a augmenté à mesure que l'industrie s'est développée. Donc, vous commandiez 10 livres, vous en
retourniez un, vous ne payiez pas de transport, à l'époque, et vous aviez
50 % de marge. Aujourd'hui, vous en
commandez 10, vous allez en retourner trois, quatre dans le cas de certains
petits libraires. Donc, c'est du transport que vous allez payer en les
recevant, du transport que vous allez payer en les retournant, du personnel que
vous allez payer pour les déballer, les remettre dans les cartons et les
renvoyer. Et, je veux dire, c'est un phénomène tout à fait réel.
Et je parlais des livres importés. Les livres
importés viennent encore exacerber cet effet-là parce que le taux de change
avec l'euro était, au début des années 2000, à 1,70 $. L'an dernier, il
était à 1,20 $. À la base, de manière générale,
c'est sûr que les distributeurs tiennent en compte la valeur de l'euro. Donc,
un livre qui se vendait 10 € à l'époque, si vous faisiez le taux de
change avec l'euro, ça faisait automatiquement 17 $, taux de change
simple. Aujourd'hui, ça fait 12 $.
Donc, la marge en pourcentage restant la même, c'est sûr que la rentabilité des
libraires se dégrade. Puis après il faut conjuguer à ça effectivement
des changements dans le commerce de détail auxquels certains libraires n'ont
pas su faire face, mais ça se voit aussi dans d'autres milieux, l'avènement de
l'Internet auquel certains n'ont pas su faire face, mais qui se voit aussi dans
d'autres milieux.
Et puis, généralement, comme je le disais tout à
l'heure, je pense qu'il faut s'éloigner un peu de cette différenciation entre
la librairie indépendante et la librairie de chaîne. Je peux vous assurer que
mes librairies ont des libraires tout aussi
compétents. J'ai dit tout à l'heure que j'ai 1 000 employés; il y en a qui
sont libraires depuis 35 ans là-dedans. Ce n'est pas vrai que, parce qu'ils
travaillent pour Renaud-Bray, ils sont moins compétents qu'un libraire qui travaille dans une
librairie indépendante. Ce n'est pas vrai que j'ai moins de livres en stock. Ce
n'est pas vrai que je suis moins accessible auprès de la population.
Donc, oui, il
faut faire quelque chose pour supporter la librairie, mais il faut avoir une
vision d'ensemble. Regardez justement quels sont les cas de succès et
pourquoi. Pourquoi on a réussi, il y a 15 ans, à faire qu'un réseau de, à l'époque, 25 librairies, dont les deux tiers
étaient déficitaires, est devenu profitable, rentable, viable, autonome? Et
puis pourquoi justement certaines librairies indépendantes, qui ne sont pas
toujours des librairies des régions, parfois c'est des librairies centrales en milieu urbain, n'arrivent plus à joindre les
deux bouts? Mais, sans doute, c'est une baisse de la marge qui affecte
tout le monde, même ceux qui survivent encore aujourd'hui.
• (16 h 50) •
Mme Ménard : Merci. Pour la gouverne de tous et les milliers
de personnes qui nous regardent actuellement, les téléspectateurs…
M. Kelley : Des centaines de
milliers.
Mme Ménard : Des centaines de milliers, c'est ce qu'on m'a dit
hier, des centaines de milliers. Bon, vous avez parlé tantôt qu'il y
avait trois gros joueurs. Alors, il y a l'éditeur, le distributeur et le
libraire. Bon. Mon collègue de Bonaventure vous a posé une question. Mais j'aimerais
que vous ne parliez que de ça, là. Quel est le fonctionnement
actuellement : l'éditeur, distributeur, libraire? Parce que vous parlez
des marges qui semblent être énormes, là, pour l'éditeur. Alors, expliquez-nous
ça, là, très clairement, là, pour tous les milliers de personnes qui vous
écoutent.
M. Renaud
(Blaise) : C'est un
phénomène complexe, donc je vais essayer de ne pas me perdre dans les
détails.
L'éditeur
trouve un auteur, estime le potentiel du livre, achète les droits, fait la mise
en page, prend un risque à imprimer
les copies puis imprime ces copies-là. Que ce soit un éditeur français ou
québécois, c'est le même principe. Et, au Québec, ces éditeurs signent un contrat exclusif avec l'un des trois
distributeurs. Je dis trois, l'ADELF, qui est l'Association des
distributeurs exclusifs de livres français, c'est 23 membres, mais vous en avez
trois qui se partagent aujourd'hui, en 2013,
91 % du marché, et cette concentration-là est un phénomène qui était allé
de concert avec l'érosion des marges des libraires. Parce qu'en 2004 les
trois principaux distributeurs avaient 66 % du marché, 2005, il y a eu un
rachat, ils sont passés à 80 %, 2009, ils sont passés à 85 %, puis,
en 2013, ils sont à 91 %.
Alors, les
distributeurs sont exclusifs. Vous choisissez un des trois distributeurs selon
une faible concurrence parce que, relativement, les distributeurs ont
des modèles similaires. D'une part, dans certains cas, c'est des affiliations, donc un distributeur est détenu en partie par des
éditeurs français. C'est le cas de Socadis, qui est la propriété de Gallimard.
Au Québec, l'autre gros éditeur que vous…
gros distributeur, pardon, ce sera Les Messageries ADP, qui
appartiennent à Québecor. Donc, tous les éditeurs de Québecor sont distribués
chez ADP. Puis après vous avez éditeurs indépendants qui n'ont pas de lien avec des distributeurs, mais qui ont des liens
historiques amicaux, qui ont toujours travaillé ensemble, ou ce genre de
choses.
Et là le
distributeur fait deux fonctions principalement : une fonction de boîte et
ficelle, donc mettre les livres dans les cartons, les livrer aux libraires, gérer la facturation, les délais
de paiement, absorber le flux des retours évidemment; et l'autre tâche qui a été confiée progressivement au
distributeur, alors que, dans la plupart des autres marchés, elle relève
de l'éditeur lui-même, c'est la tâche de
diffusion. Donc, c'est que le distributeur, il paie des représentants qui
viennent avec des valises de feuilles de papier. Il dit : Le mois
prochain, j'ai ça qui sort. Vous avez l'image du livre, le texte, le prix, l'ISBN. Puis il rencontre des acheteurs ou des
libraires, selon la structure que vous avez, et leur vend ça. Là, il n'y a
aucune négociation; le prix de vente est décidé par l'éditeur ou le
distributeur. La marge, c'est toujours 40 %. Et là on dit à l'éditeur… au libraire, pardon : Je pense que
vous devriez en prendre tant parce que ça correspond à votre clientèle,
parce que ça correspond à votre profil. Dans le cas de Renaud-Bray, ce n'est
pas compliqué, on prend tout. Donc, ils font une
règle de trois avec un livre qui est similaire, qui est paru dans le passé,
puis : Bon, tel livre, vous en aviez 1 000, donc vous devriez
en prendre 1 500. Puis c'est toujours inflationniste, cette histoire,
évidemment. Vu que c'est retournable en
plus, c'est difficile de conscientiser les gens sur le coup. Et donc le
libraire commande, et puis ce qui n'est pas vendu, bien, il a
techniquement 12 mois pour le retourner. Mais après il y a tout un phénomène de
remise en marché à la période de Noël, qui
est une période importante pour la librairie, et autres. Mais il n'y a aucune
négociation, à proprement parler, de conditions commerciales; ce sont
des conditions toujours imposées par les distributeurs et qui sont uniques pour
tous.
Donc, la
magie du milieu du livre, c'est : vous en achetez un, vous allez le payer
6 $ pour le revendre 10 $. Vous en achetez 10 000, devinez quoi? Vous allez aussi les payer 6 $
chacun pour les revendre 10 $. Il y a cette problématique-là qui
joue avec des notions de concurrence et de saines relations commerciales,
évidemment.
Mme Ménard : Merci beaucoup
pour l'explication. Et j'ai une dernière question, la question qui tue. En 2000,
le groupe Renaud-Bray était pour la réglementation du prix du livre et
demandait à la ministre actuellement du Travail,
qui était ministre de la Culture dans le temps, de ne pas mettre ce dossier-là
sur les tablettes. Et là, bien sûr, là, je constate, c'est clair, net et
précis, vous n'avez plus la même opinion. Qu'est-ce qui vous a fait évoluer à
ce que vous pensez aujourd'hui?
M. Renaud
(Blaise) : Bien, comme j'ai dit, c'est très simple, tout à l'heure, il
y avait une guerre des prix au Québec jusqu'à ce que nous, on rachète, à l'été
1999… Renaud-Bray, c'étaient six librairies, à l'époque, puis on en a racheté,
d'une claque, 21 qu'il a fallu absorber. Et c'étaient des structures très
différentes. Donc, la guerre des prix, quand j'ai dit qu'elle s'était arrêtée en 1999, ce
n'est pas tout à fait vrai, elle s'est continuée jusqu'au milieu de l'année
2000, fin de l'année 2000. Et puis, à l'époque, quand les consultations sur ces
notions de réglementation avaient commencé,
bien, c'est pourquoi Renaud-Bray disait effectivement : On va empêcher les
guerres de prix, donc légiférez le prix du livre. Ça rejoint tout à fait
ce que je disais tout à l'heure.
L'autre
raison, toutefois, c'est que la mesure de réglementation des prix qui était
proposée en 2000 était différente de
celle qui est proposée aujourd'hui. Aujourd'hui, vous avez cette notion de
réglementation pendant les neuf premiers mois seulement puis vous avez le rabais de 10 %. Alors, il y a quelque
chose qui n'a pas été discuté. On parle de Renaud-Bray comme un réseau,
Archambault comme un réseau, les méchantes chaînes. Coopératives scolaires, ça,
c'est un réseau de 91 établissements, et,
bon, si ma mémoire est exacte, sur les 91, il y en a 12 qui sont des librairies
agréées. Alors, ce que ces coopératives scolaires, mais aussi librairies
agréées, font, c'est qu'elles vendent à des bibliothèques et à des organismes gouvernementaux ou paragouvernementaux
des livres à plein prix sur lesquels ils font un profit de 40 %, et
ce profit-là est absorbé, évidemment, et
leur permet de venir diminuer d'encore le prix de vente des livres aux
étudiants. Donc, les étudiants n'achètent
plus leurs livres dans les librairies, ils les achètent à rabais dans les
coopératives scolaires, ce qui a mené
à un phénomène, depuis quelques années, c'est que les libraires indépendants
commencent à faire des rabais sur les livres de fonds qui,
traditionnellement, dans n'importe quel pays, sont la chasse gardée des
libraires, qui garantit une viabilité à la librairie, une vitalité.
On
est en pleine rentrée scolaire. Vous allez avoir un professeur, dans un cégep,
qui va dire à ses quatre classes de 36
étudiants : Allez acheter La peste, d'Albert Camus. C'est un livre
au programme, puis ça, ça vaut 16,95 $, si ma mémoire est exacte. Mais aujourd'hui le libraire ne le
vendra pas 16,95 $, il va les vendre 13 $, 13,50 $. Il va leur
faire 20 % pour compétitionner
avec la coopérative scolaire qui est dans les murs mêmes de l'établissement
puis qui, elle, va le vendre peut-être avec 17 % de rabais. Et, ça,
ce n'est pas du tout tenu en compte dans le projet de réglementation.
Puis
d'ailleurs, quand je parlais aussi d'allouer les subventions indirectes que
sont les achats des collectivités, il faudrait se demander si le but de
la loi, qui était de favoriser le maintien d'un réseau de librairies dans
toutes les régions puis l'accès du livre...
Bien, est-ce que, quand on prend une partie du 80 millions de dollars qui
est dépensé chaque année en achat des
collectivités puis qu'on le redonne à des coopératives scolaires qui viennent,
par la bande, concurrencer les librairies… Je pense qu'on tourne en rond
aussi un peu.
Mme Ménard :
Merci beaucoup, M. Renaud.
M. Kelley :
Est-ce qu'il reste du temps?
La Présidente (Mme
Vien) : Il reste une minute.
M. Kelley :
Alors, merci beaucoup pour... Et c'est juste une question très courte : Comment
fixer le prix numérique des livres et comment s'assurer, dans le même empire,
qu'à la fois le consommateur, les écrivains, les distributeurs, tout le monde
est protégé dans la fixation des prix des livres numériques?
M. Renaud (Blaise) : Je n'ai pas abordé moi-même la question du
numérique dans mon mémoire pour deux raisons.La première, c'est qu'actuellement c'est quand même excessivement
marginal, autant au Québec, qu'en France, et dans le marché francophone. La deuxième, qui est la plus
importante ici, c'est que, quand vous devenez un revendeur de livres
numériques, vous signez un contrat spécifique avec un entrepôt numérique, qui
parfois est un distributeur, parfois va être De Marque — que
vous avez… ou vous rencontrerez prochainement — et les éditeurs vous
obligent, dans ces contrats-là, à respecter
le prix de détail suggéré du livre. Donc, il n'y a pas de législation
gouvernementale, mais il y a une
autoréglementation dans le milieu où l'éditeur a choisi qu'il n'y aurait pas de
guerre des prix, et ça existe aujourd'hui.
Vous savez, moi,
depuis quelque temps, je vends des machines Nespresso dans mes librairies. Le
gars de Nespresso Canada, Jacques, m'a dit
le premier jour... J'ai dit : Mais est-ce que les gens vont venir casser
les prix? Il m'a dit : Non, j'interdis à tous les revendeurs de
casser les prix. Donc, jamais vous n'allez voir une machine Nespresso qui est à 15 %, 20 %, 25 % de rabais, que
ce soit chez La Baie, chez Future Shop ou autres, parce que ce sont des
acteurs qui autoréglementent leur
industrie, alors que, dans l'industrie du livre, vous avez les distributeurs
qui vont vendre directement à la grande distribution et étiqueter à
rabais.
La Présidente (Mme
Vien) : Merci beaucoup.
M. Renaud
(Blaise) : Merci.
La Présidente (Mme
Vien) : Merci beaucoup. Mme la députée de Montarville.
• (17 heures) •
Mme
Roy
(Montarville) : Oui. Merci beaucoup, Mme la
Présidente. M. Renaud, fort édifiant de vous entendre. C'est un
autre son de cloche et ça nous donne une autre perspective.
Et j'aimerais vous
entendre dans la problématique actuelle, cette réglementation sur laquelle...
qui pourrait peut-être voir le jour, on ne
le sait pas, pour faire en sorte que les grandes surfaces n'offrent plus de
très gros rabais mais se limitent à 10 % de rabais.
La
question que je vous pose est plutôt d'ordre philosophique, mais vous
connaissez le milieu, vous connaissez le marché, vous connaissez les
gens. Est-ce que vous trouvez qu'on évacue du discours les vrais besoins de la
clientèle, du lecteur? Parce que vous les
côtoyez, vous avez plusieurs librairies. Est-ce qu'on pense à eux dans tout ce
discours-là?
M. Renaud (Blaise) : Je pense que les libraires qui sont là aujourd'hui
pensent beaucoup à cette clientèle-là, puis c'est pour ça que je disais tout à l'heure : C'est paradoxal, ma
position ici, j'ai l'air d'être le chef de l'opposition dans ce débat, du moins où je prends position contre la
réglementation. Mon discours, c'est : Préservons la librairie, mais, de
grâce, trouvons un moyen qui va
véritablement préserver un réseau de librairies et non quelque chose qui
prétend le préserver, mais qui n'aura
en fait aucun impact et qui risque même d'en pénaliser certains. Donc, oui, il
faut préserver les librairies. Puis les librairies se préoccupent déjà
de la clientèle. Je pense que les gens des ligues qui étaient là avant moi l'ont
démontré et les gens que j'ai rencontrés en entrevue aussi, dans les médias,
qui étaient un peu avec des positions contraires à la mienne, soutenaient la
même chose.
Vous
savez, beaucoup d'associations d'auteurs m'ont dit : Ah! Renaud-Bray, vous
êtes contre la réglementation. Pourquoi?
Je leur explique. Ils comprennent. Je dis : Vous, pourquoi vous êtes pour?
Ils me disent : Bien, parce qu'on nous
a dit que ça allait sauver les librairies. Beaucoup de gens appuient l'idée de
sauver les librairies sans se questionner si ces mesures-là auront l'effet
escompté. Moi, je suis convaincu qu'elles n'auront pas l'effet escompté et je
dis : Trouvons d'autres moyens.
Mme
Roy
(Montarville) : Et qu'au bout du compte le consommateur le lecteur n'y trouvera pas
nécessairement son compte si ces mesures sont mises de l'avant.
M. Renaud (Blaise) : Absolument pas. Parce
qu'une chose est… Tout le monde est d'accord sur l'effet qu'aura
la disparition des librairies, c'est-à-dire
un appauvrissement de la bibliodiversité. Maintenant, c'est : Comment
préserver ces librairies? Sur quoi il faut s'entendre?
Mme
Roy
(Montarville) : Donc, à la lumière de ce que vous
nous avez dit, c'est vraiment revoir cette chaîne, cette chaîne des
trois intervenants dans le milieu du livre, et ça, personne ne nous l'a soumis
jusqu'à présent. Vous faites cavalier seul pour le moment, mais il y en aura d'autres.
Dans quelle mesure est-ce qu'on pourrait justement convaincre nos commettants
qu'il faut peut-être rouvrir la loi n° 51 et changer la façon de faire?
M. Renaud (Blaise) : Comme je vous le dis, déjà, la loi n° 51, si vous regardez dans le
détail, il a été question tout à l'heure de cette indexation, à tout le
moins des valeurs qui étaient prévues dans les règlements dépendant de la loi n° 51. C'est sûr que c'est facile pour un
joueur indépendant de dire : Je dois vendre 100 000 $ ou
300 000 $ au grand public, parce que 300 000 $, c'était,
en 1979 ou en 1981, quand la loi est passée, versus ce que c'est aujourd'hui...
c'est deux choses différentes.
Alors,
est-ce qu'on est là pour préserver un maximum de libraires indépendants ou si
on est là pour préserver un réseau de
librairies fort qui rendent le meilleur service au public? Je pense qu'à un
moment donné il va y avoir une volonté... On a dit tout à l'heure que c'était
une volonté sociale; je crois effectivement que c'est une volonté sociale. Mais
il y a eu des questions sur... je pense, c'est
vous-même qui l'avez posée : Combien de librairies y a-t-il au Québec par
habitant? Combien de librairies y a-t-il au Québec par livre vendu? Donc, je
veux dire, combien de livres, en moyenne, vend une librairie au Québec, versus une librairie en France, versus une
librairie aux États-Unis, versus au Canada anglais?
La Présidente (Mme
Vien) : Merci, monsieur.
M. Renaud
(Blaise) : Il faut se poser ces questions.
La
Présidente (Mme Vien) :
Merci. Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Gouin.
Mme
David : Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Écoutez, moi aussi, je vous ai écouté
avec beaucoup d'attention. Effectivement, on a là un point de vue nouveau, en fait
nouveau pour nous, et différent, et, sur la question des distributeurs, je
la trouve particulièrement intéressante, mais je ne la commenterai pas parce que
je sens que j'ai besoin d'y réfléchir encore.
Ce qui me laisse toutefois
un peu perplexe, c'est votre opposition à la réglementation. Vous dites, puis j'ai
regardé votre mémoire : Au
fond, ce sont surtout les distributeurs — et
j'ai compris votre discours là-dessus, j'ai compris vos propos — qui
sont l'âme de tout ce regroupement qui propose une réglementation du nouveau livre,
là, du livre qui vient de sortir. Bon, peut-être que c'est un joueur
important, mais je vous soumets quand même que, depuis hier, on en a entendu bien d'autres. Et j'ai un peu de
difficulté à comprendre… Je vais dire ma… je vais poser ma questionautrement.
Je comprends que vous disiez : Ça n'est pas la solution
ou, en tout cas, la meilleure… d'après vous certainement pas la meilleure, la plus efficace, etc., pour
sauver les librairies indépendantes ou même vos succursales. Mais pourquoi vous y opposez-vous si, à tout le moins, la majorité des acteurs du milieu sont d'accord, et s'ils estiment
que le risque en vaut la chandelle, et qu'au fond, même si ça n'est pas
la panacée, ça n'aurait pas vraiment d'effet négatif sur la librairie? C'est ça
que j'ai un petit peu de difficulté à comprendre.
M. Renaud (Blaise) : En fait, je n'ai pas dit que ça n'aurait pas d'effet négatif sur la
librairie, j'ai dit que ce serait des effets qu'on connaîtrait après.
Comme
je vous ai dit, moi, aujourd'hui, j'ai un entrepôt qui fait qu'on vend quand même
10 millions de dollars par année de livres sur Internet, dont au moins
80 % de ça au Québec. La concurrence d'Amazon est excessivement forte en France, en Belgique,
en Suisse, là où il y a des marchés qui se sont développés rapidement. Au Québec,
Amazon est encore très faible parce que c'est un micromarché, d'une
part, et, d'autre part, parce que Renaud-Bray est très bien implanté sur la
question des ventes en ligne, ainsi que certains de mes concurrents.
Le
jour où je serai contraint de vendre en ligne à un certain prix, ce sera facile
pour Amazon d'arriver, de pratiquer une politique de cassage de
prix automatique, dans laquelle je ne pourrai pas suivre, et de ramasser le
marché de la vente en ligne, et ça tiendra aussi pour les sites des libraires
indépendants, d'une part.
D'autre part,
comme je vous ai dit, les ventes qui sont réalisées en grandes surfaces, qui
sont quand même 20 % des
ventes de livres au Québec au grand public, vont tomber. Ce n'est pas vrai que,
quand vous êtes chez Costco, que vous voyez
le nouveau Josée di Stasio à 25 $ en faisant votre épicerie, vous
allez l'acheter s'il est 35 $. Les gens vont y penser à deux fois. Ce n'est pas une question de revenus,
ce n'est pas une question de budget, c'est une question d'achat
impulsif. Quand vous mettez un produit à côté de la caisse à 4 $, vous
allez en vendre plus que s'il est 8 $.
La
Présidente (Mme Vien) :
Merci beaucoup, M. Renaud. C'est tout le temps que nous
avons. Merci infiniment de votre contribution. Je vous souhaite une
belle fin d'après-midi, un bon retour.
Et je suspends, le temps d'accueillir
M. Marc Alain, du Groupe Modus.
(Suspension de la séance à 17 h 7)
(Reprise à 17 h 8)
La
Présidente (Mme Vien) :
Alors, pour notre dernière rencontre aujourd'hui, le 20 août, nous avons le plaisir d'accueillir M. Marc Alain. Vous êtes président-directeur général au… au Groupe Modus, M. Alain. Excusez-moi,
hein…
Groupe Modus
M. Alain (Marc G.) : Pas de
problème.
La Présidente (Mme Vien) :
…ça fait quelques heures qu'on est ici.
M. Alain (Marc G.) : Oui, oui, je
comprends.
La
Présidente (Mme Vien) :
Vous êtes le bienvenu dans votre Assemblée
nationale. 10 minutes pour
présenter vos réflexions.
M. Alain (Marc G.) : Très bien.
La
Présidente (Mme Vien) :
Après, il y aura échange entre vous et les parlementaires.
Alors, bienvenue encore une fois. On vous écoute.
M. Alain
(Marc G.) : Très bien.
Merci pour l'invitation. J'ai un court mémoire que, si vous permettez, je
vais lire et puis je ferai ma présentation finalement en fonction de mon rôle d'éditeur.
Donc, moi, ma perspective, c'est la perspective d'une maison d'édition puis d'un
gestionnaire de maison d'édition. Alors, si vous permettez, je vais lire mon
mémoire.
La Présidente (Mme Vien) :
…allez-y.
• (17 h 10) •
M. Alain
(Marc G.) : Au sein du
Groupe Modus, il y a trois maisons distinctes : Les Publications
Modus Vivendi, vouée à l'édition de
livres pratiques; Presse Aventure, vouée à l'édition de livres jeunesse; et
Édition Bravo, qui développe des livres-jeux.
Le groupe
publie environ 220 nouveautés par année pour les marchés locaux et pour
ceux de la France, Belgique et de la
Suisse. Les livres du Groupe Modus sont destinés au grand public, donc aux
librairies, aux grandes surfaces et aux clubs du livre.
Personnellement,
j'oeuvre au sein de l'industrie depuis 1984. Tout d'abord, j'y ai travaillé
à titre de gestionnaire du Programme d'aide au développement de l'industrie
de l'édition du ministère du Patrimoine canadien puis j'y ai oeuvré comme consultant en gestion pour près de
20 maisons d'édition québécoises, tant au niveau de l'édition scolaire, de
la littérature générale que des livres de référence pour professionnels. J'ai ensuite
fondé le Groupe Modus, que je gère depuis 1993.
Lorsque j'analyse la question de la
réglementation du prix du livre au Québec, je le fais du point de vue d'un
gestionnaire d'entreprise qui travaille étroitement avec les détaillants, tant au
niveau de la librairie qu'au niveau de la grande
diffusion. J'apporte mes 30 années d'expérience en édition et en
commercialisation du livre au Québec et outre-mer. Le succès de mon
groupe de maisons d'édition dépend de ma capacité d'interpréter et de réagir
positivement aux tendances du marché et aux besoins de la clientèle.
Le contexte
actuel. Nous avons, au Québec, le marché du livre le plus équilibré et le plus
diversifié en Amérique du Nord, avec un réseau de librairies dynamiques et
variées, une industrie de l'édition qui possède des parts de marché importantes
dans tous les secteurs clés de l'édition, des modes de distribution efficace et
une production d'auteurs québécois qui fait l'envie de nos confrères du Canada anglais. Si je compare l'industrie québécoise
du livre au Québec avec l'industrie canadienne-anglaise du livre ou même de l'industrie
américaine de ce secteur, je me console, car notre industrie possède déjà les balances et contrepoids
qui ne sont pas présents ailleurs et nos structures de commercialisation
et de vente de livre sont diversifiées, fonctionnelles et fluides.
Donc, la question fondamentale qui devrait se poser à nous aujourd'hui serait : Pourquoi intervenir pour altérer de façon
artificielle, avec une réglementation d'État, un système et une industrie qui
fonctionnent bien et qui représentent un modèle pour l'ensemble de l'Amérique
du Nord? Étant donné la portée et la
complexité de l'application d'une nouvelle loi sur les acteurs
principaux, les risques de déséquilibre et perturbations sont beaucoup plus
grands que les gains potentiels pour l'industrie dans son ensemble.
J'aimerais aujourd'hui examiner avec vous les risques potentiels de l'implantation d'une
réglementation du prix du livre. On
parle, depuis plusieurs années, d'instaurer une loi québécoise
qui fixerait le prix du livre comme la loi Lang, instaurée en France en
1981. Cette loi devait limiter la concurrence en ce qui concerne le prix de
vente au public afin de protéger l'industrie
et de développer la lecture. Au Québec,
on a tout d'abord parlé d'un prix unique et maintenant on parle de la réglementation du prix sur les
nouveautés à apparaître pendant une période de neuf mois, l'objectif étant
de rééquilibrer le pouvoir, la force commerciale entre les grandes chaînes de
magasins et les librairies du Québec. Bien que cet objectif soit noble, une
réglementation éventuelle du prix du livre représente des risques trop
importants.
Le contexte du livre a bien évolué depuis 1981
avec l'instauration de la loi Lang en France. Le contexte économique et la
vocation du livre ont grandement changé, surtout au cours des 10 dernières
années. Jadis, le livre était une source primaire de transmission de savoir,
mais aujourd'hui Internet assume un rôle de chef de file dans la transmission
de la connaissance. Maintenant, les gens consomment du livre, mais ne
bouquinent pas comme avant. Les étudiants fréquentent moins les librairies, car
ils ont des sources d'information utiles à la portée de la main. La
réglementation du prix du livre ne viendra pas freiner cette tendance lourde,
car le livre est devenu pour la masse un objet de consommation parmi tant d'autres
et non une nécessité.
Toute réglementation du livre viendra alourdir
des structures de vente et de distribution déjà taxées par des facteurs comme le transport, les crédits, les
retours. Nous avons déjà de nombreuses règles qui régissent les offices,
les retours, les remises, les ventes aux
collectivités. Une autre sorte de réglementation viendrait alourdir une
industrie qui cherche à s'adapter à l'assaut des nouvelles technologies
et à conserver son dynamisme et sa fluidité. Nous n'avons qu'à examiner l'expérience récente de l'augmentation de la TVA de 1,5 % en
France. Cette augmentation a provoqué une marée de retours de la part des détaillants, un débat interminable sur
la méthode d'application de la taxe, un gâchis complet qui a provoqué
une baisse importante des ventes de livres pour l'ensemble de l'industrie
française en 2012, une augmentation qui a dû être révoquée par la suite.
Le
consommateur n'achètera pas plus de livres. On voit que la dépense totale sur
le livre est à la baisse depuis quelques années. Le consommateur
québécois doit réfléchir judicieusement à ses priorités d'achat. Rendre le
livre plus cher le rendra moins accessible.
En parlant de l'élasticité de la demande, le livre demeure pour plusieurs un bien de consommation et non une nécessité. Le fait d'augmenter le prix viendra
réduire la demande. Le livre sera donc moins présent et moins visible, car il se vendra moins, les tirages moyens
baisseront, et la tâche d'amortir le coût de développement des ouvrages deviendra plus ardue. Et j'ajouterais
que deux Québécois sur trois s'opposent à l'instauration d'une réglementation
sur le prix du livre, selon un sondage de Léger Marketing dévoilé au mois d'avril
de cette année.
L'hypothèse centrale du débat voulant que le
réseau des librairies sera renforcé par une réglementation est très douteuse.
Les achats de livres dans les grandes surfaces qui réduisent le prix sont en
grande partie des achats d'impulsion ou d'opportunité conditionnés par la
présence du produit offert à un prix intéressant. On ne peut pas douter du fait que seulement un très faible
pourcentage des consommateurs sera incité à faire des achats de livres en
librairie au lieu qu'en grande surface
lorsque le prix sera réglementé. J'irais encore plus loin : à mon avis, il
n'existe aucune relation de cause à
effet entre les escomptes consentis par les grandes chaînes et l'effritement du
réseau de librairies indépendantes.
Avant d'aller de l'avant, j'oserais
espérer que le gouvernement et l'industrie fassent une étude sérieuse pour
cerner les causes réelles de l'effritement du réseau des librairies
indépendantes. J'estime qu'une telle étude mènerait à une introspection
nécessaire et serait porteuse de solutions beaucoup plus constructives que l'instauration
du prix réglementé. L'industrie sera pénalisée.
Nous
devons aussi admettre que les Costco et les Wal-Mart sont des grands diffuseurs
et vendeurs de livres dans notre
marché à l'heure actuelle. Altérer leur mode de fonctionnement naturel va
nuire à l'industrie dans son ensemble. Nous n'avons… Nous ne pouvons pas prévoir la réaction des grandes chaînes
face à l'introduction d'une nouvelle réglementation sur le prix du livre. Nous savons néanmoins que
ces chaînes ne supportent pas ce type de législation et on peut
imaginer une réaction défavorable qui viendrait déstabiliser le marché.
Qui sera donc avantagé par une
telle réglementation du prix du livre? Il est très difficile d'identifier des
gains potentiels qui découleraient d'une telle réglementation. De plus, il est
difficile de cerner quel acteur de l'industrie serait nettement avantagé par une telle loi. Nous savons que le
consommateur sera désavantagé, car il paiera plus cher pour son livre.
La grande diffusion sera pénalisée puisque son mode de fonctionnement naturel
sera bouleversé. Le distributeur et l'éditeur
ne seront nullement avantagés, car leurs rabais sur les livres sont exercés et
assumés par le détaillant. De plus, ils seront pénalisés, car ils
placeront et vendront moins de livres. Le libraire, contrairement à la pensée véhiculée par cette proposition, ne sera pas
avantagé, car il n'y aura pas ou presque pas de migration de la clientèle
des grandes chaînes vers la librairie. Finalement, l'auteur québécois ne sera
pas avantagé, car il touche des redevances sur
le prix de détail du livre, indépendamment des rabais offerts par les
marchands. De plus, il sera désavantagé par le fait qu'il
vendra globalement moins de livres.
La Présidente (Mme Vien) : Je
vous invite à conclure.
M. Alain (Marc
G.) : Oui, je conclus.
La Présidente (Mme Vien) :
Merci.
M. Alain (Marc G.) : Je conclus.
Conclusion : toute décision politique ou économique doit passer par une analyse
des risques et des récompenses qu'elle implique. Ici, les risques sont beaucoup
plus grands et certains que les avantages
potentiels. Le risque fondamental serait de déséquilibrer ou même de perturber
une industrie qui fonctionne relativement bien, malgré les enjeux
soulevés par les nouvelles technologies.
Nous
avons tous à cœur les mêmes objectifs : encourager la lecture, contribuer à l'effervescence
de la culture et de la création québécoises et assurer la santé de l'industrie. La réglementation du prix du
livre viendra certainement
nuire à l'atteinte de ces objectifs en rendant le livre moins accessible…
La Présidente (Mme Vien) :
Merci.
M. Alain (Marc G.) : …en gênant les
acteurs principaux.
La Présidente (Mme Vien) :
Merci, monsieur.
M. Alain (Marc G.) : J'ai deux recommandations
cependant. Est-ce que vous permettez?
La Présidente (Mme Vien) : Je
vous en prie. Allez-y rapidement, par exemple.
• (17 h 20) •
M. Alain
(Marc G.) : O.K. Alors, si la réglementation du prix du
livre n'est pas la solution, que pouvons-nous faire pour améliorer la
santé et la viabilité de l'industrie dans son ensemble? Les gouvernements font déjà
beaucoup pour l'industrie du livre avec des
programmes de contribution, des crédits
d'impôt, des prêts garantis. Ils peuvent faire encore plus en appuyant
les projets de collaboration entre les divers acteurs de la profession afin de
favoriser la lecture…
La Présidente (Mme Vien) : Je
vais devoir vous interrompre.
M. Alain (Marc G.) : Ah! O.K. Très
bien.
Mme Vien :
Vous aurez l'occasion probablement, en jasant avec les parlementaires… si vous
êtes d'accord, hein?
M. Alain (Marc G.) : Très bien. Très
bien. O.K.
La
Présidente (Mme Vien) : O.K. Alors, de toute façon, ce sont des
gentlemen puis des dames très généreuses qui auront l'occasion de vous
laisser vous exprimer sur la question. M. le ministre.
M. Kotto :
Merci, Mme la Présidente. M. Alain, merci d'être là et merci pour votre exposé,
votre contribution qui nous nourrit dans cette réflexion sensible, je
dirais.
Je
souhaiterais que vous alliez jusqu'au terme de vos recommandations. Vous avez
commencé, est-ce que vous pouvez terminer?
M. Alain
(Marc G.) : Oui. J'ai deux
recommandations, finalement. Une, c'est, finalement, faisons une… Si
nous allons implanter une réglementation aussi importante qui risque d'avoir un
impact sur les acteurs, un impact profond sur
les acteurs et le mode de fonctionnement de l'industrie, commandons une étude d'impact
économique avant de faire cette réglementation. C'est, pour moi,
absolument évident parce que ce que j'entends beaucoup, on va… nous allons implanter la réglementation et espérer avoir de
bons résultats, mais nous avons des mécanismes qui nous permettraient de
faire des analyses pour évaluer l'impact
avant d'implanter ces réglementations-là. Ça fait que ça, c'est une
recommandation.
Une
deuxième recommandation, c'est : si notre préoccupation fondamentale, c'est
la diversité et l'existence ou la croissance
même du réseau des librairies indépendantes, et puis je pense que c'est un bel
objectif, pourquoi est-ce qu'on n'analyse pas ce problème-là de façon
distincte? Commandons une analyse des causes spécifiques de l'effritement des
librairies indépendantes au lieu d'implanter une réglementation sur le prix du
livre qui est comme, finalement, un canon et
puis qui risque d'avoir des impacts beaucoup plus grands sur divers acteurs et
puis ne pas cibler le problème. À mon
avis, les causes de l'effritement du réseau des librairies québécoises sont
identifiables et les remèdes à ces causes-là sont très différents que l'implantation
d'un règlement pour fixer le prix du livre.
M. Kotto :
Pensez-vous que les causes de la fragilisation de notre réseau de librairies
sont différentes des causes qui ont embrasé les réseaux français,
allemands, grecs, et j'en passe.
M. Alain (Marc G.) : Bien, moi, je
peux… Je vais analyser le réseau… Tu sais, je n'ai pas fait une analyse
approfondie du réseau de librairies québécoises, ou allemandes, ou françaises,
mais je peux… je sens qu'il y a des éléments,
qui sont des éléments nouveaux, qui sont en jeu à l'heure actuelle, depuis cinq
à 10 ans, qui viennent fragiliser le réseau des librairies
indépendantes, puis ces éléments-là sont aussi variés que…
Par
exemple, c'est devenu beaucoup moins à la mode d'être un éditeur ou un libraire
que ce ne l'était il y a 20 ans ou il y a 10
ans, et puis donc, au niveau de la relève, il y a peut-être moins de relève au
niveau de la petite librairie. Les marges bénéficiaires, comme a
mentionné mon collègue Blaise Renaud il y a quelques minutes, les marges des
petites librairies peuvent être très petites. Donc, c'est très difficile de
maintenir une petite librairie. Donc, on devrait regarder les façons d'améliorer
les marges. Le prix unique n'améliore pas la marge du libraire indépendant.
Ensuite, il y a le facteur que les gens bouquinent
beaucoup moins. Et puis je pense que, si je regarde les librairies que
moi, je connais, je connais quelques exemples de librairies qui fonctionnent
très bien parce qu'elles ont relevé le défi
de la librairie à l'heure actuelle. J'ai un exemple, à côté de mon bureau, qui
est la Librairie gourmande, qui est au Marché Jean-Talon et puis qui se
spécialise dans le livre de recettes. Pas loin, à Saint-Sauveur, il y a une
librairie, la Librairie Quintessence, qui
est pleine à bonder parce qu'eux autres se spécialisent dans la spiritualité et
l'ésotérisme, et puis, en plus de vendre des livres, ils vont vendre des
cartes de tarot puis des cristaux.
Et donc je pense que la librairie indépendante
doit faire une introspection en fonction de qu'est-ce qui est le besoin actuel
de la clientèle puis comment ce besoin-là peut être vraiment clairement
identifié, en opposition avec les autres produits culturels qui sont offerts ou
les autres modes de divertissement, si on peut dire. Puis je pense qu'il y a
une façon d'injecter une valeur et puis un
attrait à notre librairie, et puis je ne crois pas qu'en imposant un prix
réglementé on va avoir une migration importante de clients qui vont partir de
chez Wal-Mart puis vont se retrouver en librairies indépendantes. Ça, c'est ma seule hypothèse. Mais je pense qu'il y a des
façons de revitaliser la librairie indépendante.
M.
Kotto : O.K. Dans l'hypothèse où, disons, il serait notamment
recommandé de tenir… de faire faire une étude d'impact économique et aussi un diagnostic fin des tenants et aboutissants
de l'hécatombe de certaines de nos librairies et qu'on aboutisse à la
solution, à la même, c'est-à-dire réglementer, c'est une piste salutaire pour
la phase transitoire parce que nous sommes dans une phase transitoire avec,
notamment, la place que prend la culture du numérique. D'ici une dizaine d'années, il va falloir s'ajuster. Ce n'est pas en
arrivant devant le mur qu'il va falloir se réveiller. Et je suis
persuadé que toute la sphère du livre est bien consciente de cette traversée
houleuse pour une partie des acteurs.
Si, donc, ces deux
études concluaient qu'il fallait légiférer, est-ce que vous serez de ceux qui
adhéreraient à cette piste de solution?
M. Alain (Marc G.) : C'est sûr que, si on fait une étude et puis, finalement, on voit que c'est
une des solutions qui seraient valables, j'imagine que la majorité des
acteurs de l'industrie voudraient se ranger derrière tout ça. Ceci étant dit, on ne peut pas renverser des tendances
lourdes, par exemple. Puis les tendances qui nous ont amenées ici, ce n'est
pas l'absence de la fixation de prix.
Et
puis je vais juste aussi ajouter un point, qui est le premier point que je
soulève. Je ne suis pas du tout pessimiste par rapport à mon industrie. Je publie 220 nouveaux livres par année
puis j'ai l'intention d'en faire 220 l'année prochaine aussi. Et puis je
considère qu'en Amérique du Nord le Québec a le contexte d'édition, de vente de
livres le plus sain en Amérique du Nord. Si
on compare avec le Canada anglais, c'est déplorable qu'est-ce qui s'est passé
avec la concentration des librairies entre les mains d'un acteur, qui
est Chapters Indigo. On a vu récemment la fermeture de Borders, un réseau énorme de librairies aux États-Unis. Puis donc eux
vivent une concentration, au niveau de la vente de livres, qui est vraiment néfaste. Mais on n'est
pas rendus là ici, au Québec, et puis je ne crois pas qu'on va se rendre
là non plus parce qu'on a des balises, on a des mécanismes qui permettent quand
même la survie des différents acteurs. Et puis je considère…
Donc,
on a des problèmes, il faut les adresser de façon fine, pas avec des gros
outils, pas avec un marteau, mais avec des outils fins pour voir quel
est le problème, quel remède est-ce qu'on peut apporter à ça, cette
problématique spécifique là, sans nuire à tous les autres acteurs dans le
processus. Parce qu'on a une industrie qui fonctionne bien à l'heure actuelle,
et puis je crains qu'avec la réglementation on dérègle un certain nombre de
mécanismes qui sont essentiels à mon bon fonctionnement puis au bon
fonctionnement de l'industrie.
M. Kotto :
Merci. Merci, madame.
La Présidente
(Mme Vien) : M. le député de… Bonaventure.
M. Roy :
C'est bien ça, Bonaventure. Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Alain.
M. Alain (Marc
G.) : Bonjour.
M.
Roy : Écoutez, c'est comme la thèse et l'antithèse. Bon, si on
regarde votre texte, vous nous dites, et vous venez de l'affirmer : «Nous avons, au Québec, le
marché du livre le plus équilibré et le plus diversifié en Amérique du
Nord, avec un réseau de librairies dynamiques et variées…» Bref, ça va bien.
M. Alain (Marc
G.) : Non. Mais non, je ne dis pas qu'il est parfait.
M. Roy :
Et là on parle…
M. Alain (Marc
G.) : Je ne dis pas qu'il est parfait, pardon.
M. Roy :
…d'effritement, on parle de fragilisation, on parle de marge bénéficiaire de
moins de 1 % pour… Pouvez-vous me
donner votre lecture actuellement du secteur du livre au Québec? Comment ça va?
Ça va bien ou ça…
• (17 h 30) •
M. Alain
(Marc G.) : Bien, je le fais
comparativement. Et puis j'achète des droits à l'extérieur, donc je
connais certains autres marchés à l'extérieur. J'exporte en France, Belgique et
Suisse également puis je fais l'achat de
droits aussi dans d'autres marchés comme le marché américain, le marché
britannique, par exemple. Ça fait que
je connais ces marchés-là, un peu en
Australie également. Puis, si je me compare, je me console. C'est-à-dire que notre marché, actuellement, là, notre marché fonctionne beaucoup
mieux qu'en Angleterre, beaucoup mieux qu'en Australie, beaucoup mieux qu'aux
États-Unis, beaucoup mieux qu'au Canada anglais.
Pourquoi est-ce que je peux dire ça? Bien, parce que
le marché est beaucoup plus diversifié, fluide. On a aussi des règles du jeu qui sont établies depuis assez longtemps,
qu'on a en partie héritées de la France, mais qu'on a adaptées au Québec également et puis qui
sont des structures qui permettent de bien gérer et équilibrer le marché. Par
exemple, mon collègue a parlé de
distributeurs exclusifs. Le distributeur exclusif, à mon avis, joue un rôle
crucial, mais les termes de l'entente
entre moi, mon distributeur et le libraire sont bien définis. Ils ne changent
pas. C'est-à-dire, c'est les mêmes termes aujourd'hui, c'étaient les
mêmes termes l'année passée puis ça va être les mêmes termes l'année prochaine.
Donc, dans
les autres marchés, comme le marché américain, par exemple, le marché
canadien-anglais, tout est fluide.
Donc, on peut donner des surremises, et puis les détaillants qui ont beaucoup,
beaucoup de force dans le marché, comme
les Barnes & Noble, par exemple, sont capables d'imposer des termes aux
éditeurs qui détruisent, finalement, graduellement les éditeurs, les
distributeurs et puis, donc, sont malsaines. Tu sais, c'est des règles qui sont
malsaines. Tandis qu'au Québec on a une
structure qui est... on a une belle structure qui fonctionne relativement bien,
puis qui est protégée, puis qui est
là depuis... Moi, j'ai ma maison d'édition depuis 20 ans, ça a toujours
été les mêmes règles, puis je le sais, que, dans 10 ans, ça va être
les mêmes règles, ou j'ose l'espérer.
M. Roy : Juste une dernière
question.
La Présidente (Mme Vien) :
Allez-y.
M. Roy :
Est-ce que vous croyez qu'il y a une problématique avec les distributeurs,
comme ça a été énoncé par l'intervenant précédent?
M. Alain
(Marc G.) : Je ne vois pas
la problématique de façon aussi aiguë que mon collègue. Je peux vous
dire que, de mon expérience, moi, finalement... J'ai été consultant puis, à un
moment donné, j'ai décidé que j'allais me lancer
en édition puis je suis allé voir mon distributeur, qui est les Messageries
ADP, puis j'ai dit : Aïe, écoute, j'ai une idée de faire un
livre... Puis ils m'ont signé un contrat. Ça fait 20 ans, puis j'ai
toujours une belle relation avec mon distributeur,
puis je trouve que je suis bien servi par mon distributeur. Pourquoi je trouve
que je suis bien servi? Parce qu'il représente, selon moi, bien mes
intérêts dans le marché, il me défend bien dans le marché. Et puis, donc, moi, étant donné que je suis une PME, si j'étais laissé
lousse dans la nature, je pourrais peut-être moins bien me défendre que
si j'avais un grand frère qui est plus combatif que moi, tu sais.
M. Roy : C'est beau. Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Vien) : M.
le député de Saint-Hyacinthe.
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Merci, Mme la Présidente. Alors,
M. Alain, ma question, c'est que la plupart des gens qui sont venus
témoigner depuis hier affirment qu'ils ont une problématique au niveau du
libraire; la librairie indépendante a de la
difficulté. D'ailleurs, il y a des fermetures dont on ne connaît pas trop, trop
les causes, mais ça semble être
identifié vers la concurrence, et puis les grandes surfaces, et puis d'autres...
le numérique, peut-être, qui est arrivé plus vite... qui arrive plus
vite qu'on pense. On mentionne... Il y a les libraires, il y a aussi les
auteurs qui sont venus nous dire qu'il y avait une problématique, qu'ils ne
recevaient pas leur juste prix.
Et vous avez
une... Il y a une déclaration que j'ai lue dans votre texte, c'est
marqué : «L'auteur québécois ne sera pas avantagé, car il touche
des redevances sur le prix de détail [...] indépendamment des rabais offerts
par le marchand», alors que les auteurs,
hier, nous ont dit le contraire. Ils ont dit qu'en fonction du prix lui, il
retirerait un peu moins. S'il y avait... Si le rabais était trop fort,
lui, comme de raison, ça baisse son prix, lui, à l'achat, parce qu'ils ne sont pas tous à contrat fixe, là. Si le prix
baisse, il baisse sa marge de profit. Et vous mentionnez aussi ici : «Nous
savons que le consommateur sera désavantagé, car il paiera plus cher pour son
livre.» Mais là vous voulez dire le consommateur qui va dans les grandes surfaces, parce que le consommateur qui va dans
les librairies actuelles, lui, il n'est pas désavantagé. Donc, c'est
quand même quelque chose que je voulais mettre sur le tapis. Mais qu'est-ce que
vous dites à ceux qui sont venus nous dire...
M. Alain (Marc
G.) : Je vais essayer de répondre aux deux questions. D'abord, au
niveau des auteurs, ce que j'essayais d'illustrer,
c'est que, si le prix de vente d'un livre est de 10 $, et on paie à l'auteur
10 % sur le prix public, si Costco décide de vendre le livre à
7 $, bien, l'auteur va quand même toucher son 1 $ de royautés, de
redevances. Ça fait que, de ce point de vue
là, les escomptes attribués ou consentis par les détaillants sont assumés par
eux autres et puis ça n'affecte pas les auteurs, de ce point de vue là.
Là, je ne connais pas tous les contrats d'auteurs qui existent sur la planète, mais souvent, ou communément, les contrats d'auteurs
sont fixés sur le prix de détail, et donc le prix de détail est établi par l'éditeur. L'éditeur dit : Le livre va
être à 10 $, donc à chaque fois qu'on va vendre un de tes livres,
que ce soit chez Wal-Mart, Costco ou à la librairie Renaud-Bray, vous allez
recevoir 1 $.
Puis l'autre
question… Vous avez soulevé un autre point? Pardon?
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Bien, c'était sur le point de
dire que… Vous aviez dit que les consommateurs seraient désavantagés.
Moi, je disais : C'est les consommateurs des grandes surfaces seulement.
Donc, c'est…
M. Alain (Marc G.) : Bien, on ne peut pas… On peut seulement se rendre à l'évidence que la
disponibilité du produit, dans les grandes surfaces, multiplie les
points de vente et les occasions de vente du livre. Et puis, souvent, une
condition importante de l'achat d'un livre va être l'impression… ou l'opportunité,
l'impression d'avoir une belle aubaine, ou
la disponibilité d'un produit offert à un bon prix. Ça fait que donc, étant
donné qu'on ne peut plus jouer la carte
du bon prix, bien, là, on vient de… on en vendra moins. Mais aussi… Allez-y,
vous voulez me dire quelque chose?
La Présidente (Mme
Vien) : Bien, oui.
M. Alain (Marc
G.) : Oui, allez-y.
La Présidente (Mme
Vien) : Qu'on est rendus à passer la parole à la députée de l'opposition
officielle.
M. Alain (Marc
G.) : Ah! Très bien, O.K.
La
Présidente (Mme Vien) : Mais je connais la députée de Laporte,
elle va sans doute vous permettre de terminer votre réponse puis elle
suivra par la suite. Brièvement, continuez, monsieur.
Mme Ménard :
Continuez votre réponse.
M. Alain (Marc G.) : Bien, je voulais juste parler… à la question des auteurs. Moi, ce que
je considère qui est très… La
problématique, le fond de la problématique, c'est qu'on veut préserver la
diversité du réseau, et puis les auteurs ont ça à cœur également, et puis, moi aussi, j'ai ça à cœur parce que je
veux avoir un réseau très diversifié. Et donc les auteurs sont préoccupés par la diversité du réseau
parce qu'ils veulent que leurs livres de fonds, leurs livres soient dans
les petites librairies et un peu partout, et donc, si on a moins de librairies
indépendantes… puis on sait que Costco, et Wal-Mart,
puis les grandes chaînes, eux autres, gardent un éventail de produits très
restreint, les best-sellers puis les livres qui sont vraiment d'attrait
grand public, bien là, les auteurs vont être désavantagés.
Donc,
j'appuie les auteurs dans leur démarche de vouloir garder le réseau très
diversifié puis je pense qu'on doit trouver des façons de conserver
cette diversité-là. Ça fait que je suis d'accord avec leur démarche, mais je ne
suis pas en accord avec le fait que le préréglementé va être une solution à
leur problème.
Mme
Ménard : Alors, bonjour, M. Alain. Écoutez, vous venez de
toucher un point, là, la rémunération des auteurs. Je ne suis pas
certaine que j'ai tout saisi. En tout cas, de la façon que je vous ai entendu,
je n'aurais pas le goût d'être un auteur, là. Voulez-vous revenir sur ce que
vous avez mentionné concernant la rémunération de l'auteur?
M. Alain (Marc
G.) : Tout ce que j'ai mentionné, c'est que le pourcentage des droits
d'auteur était fixé normalement sur le prix de vente au détail, normalement, et
ça peut être n'importe quel pourcentage.
Ceci
étant dit, je vais vous donner un élément d'information. On donne au libraire
40 %, ça a été confirmé par mon collègue Blaise Renaud. Le
distributeur prend entre 17 % et 27 %, normalement, ce n'est pas un
secret, mais… Et puis l'éditeur se retrouve
normalement avec 43 %, 44 %, 45 % de la vente d'un livre. Donc,
un livre à 10 $, l'éditeur touchera
4 $, on va dire 4,50 $, le distributeur aura 1,50 $ et le
libraire aura 4 $. Ça, ce n'est pas parfait, ce que je dis, mais c'est
à peu près ça. Et puis l'auteur, là-dedans, l'auteur, s'il est payé 10 %
du prix public, il reçoit finalement de l'éditeur… l'éditeur lui donne à peu
près 23 % de ses recettes.
Mme Ménard :
De votre 40 % quelque.
M. Alain (Marc G.) : Oui. À peu près 23 % de notre 40 %, là, il va le donner à l'auteur,
entre 20 %, 23 %, 25 %, dépendamment de l'auteur. Il va
le donner… Ça peut être plus petit que ça, puis ça peut être plus grand. Je ne
veux pas, tu sais… oui.
Mme
Ménard : Mais est-ce que… Le nombre de… Est-ce que c'est… Vous
vous basez aussi sur le nombre de volumes qui a été…
• (17 h 40) •
M. Alain (Marc
G.) : Il y a souvent des échelles dans des contrats de droits d'auteur :
x pourcentage de 0 $ à 5 000 $, 5 000 $ à
10 000 $, puis ça monte, puis ça monte. Il y a souvent des échelles.
Mme Ménard :
O.K. Oui. Excusez-moi. Mme la Présidente, est-ce que vous avez le goût de poser
une question, là?
La Présidente (Mme
Vien) : Vous êtes vraiment gentille, mais...
Mme Ménard : Oui, parce que
je le sens, là.
La
Présidente (Mme Vien) :
On est sur la bonne... C'est parce
que c'est très nébuleux pour nous, la
façon avec laquelle on rémunère les
auteurs. Là, c'est différent, je présume, selon l'auteur, hein, sa capacité d'écriture,
sa popularité, etc. Si on a bien compris, c'est que l'éditeur se garde
40 % de l'assiette. J'ai bien compris?
M. Alain (Marc G.) : À peu près.
43 % à 45 %.
La Présidente (Mme Vien) :
Bon. Et c'est à partir de ce paquet-là de 40 % qu'on paie l'auteur.
M. Alain (Marc G.) : L'auteur, oui.
La Présidente (Mme Vien) : Et
ça peut aller jusqu'à 23 %, 25 %?
M. Alain
(Marc G.) : De qu'est-ce qu'il
reçoit, oui, c'est ça. C'est ça. Mais je vais juste qualifier tout ça. Il y a des conditions pour les romans, il y a des
conditions pour les livres pour enfants, il y a des conditions pour... Il y
a tellement de conditions dans les droits d'auteur que c'est difficile de vous
donner une formule parfaite aujourd'hui. Mais, si on regarde un contrat typique de roman, on garde... généralement, à peu
près 10 % du prix de détail va à l'auteur. Un auteur à succès peut
commander 15 % du prix de détail; un auteur moins connu peut peut-être
commander 7 %, 8 % du prix de détail.
Mme Ménard :
Merci. Ça va, Mme la Présidente? M. Alain, dans votre mémoire, vous avez un
énoncé sur... et le titre est Le
consommateur n'achètera pas plus de livres. Est-ce que j'en déduis que vous
êtes d'accord avec les propos de l'IRIS, qui disait… et il parlait des
grandes surfaces, il parlait de Wal-Mart et Costco. Il disait que «le prix
des nouveautés augmentera de 21 %.
Comme les autres commerces consentent des rabais moyens en deçà de 10 %,
ils pourront maintenir leurs rabais. Cela signifie que, pour 87 %
des nouveautés vendues, cette mesure n'aura aucun effet.»
M. Alain
(Marc G.) : Moi, j'utilise
juste une logique mathématique de base et puis je pars de... Et puis je ne
sais pas qu'est-ce que mon collègue a pu dire, parce que je n'étais pas
présent. Mais j'utilise une logique mathématique de base, c'est-à-dire que, si le consommateur dépense, on va dire... Le
consommateur québécois dépense 400 millions par année en livres d'intérêt général, O.K.,
puis on sait que, depuis quelques années, c'est à la baisse, 2 %, 3 %, 4 %. À chaque
année, ça baisse un peu, parce qu'il y a de la concurrence des nouvelles
technologies, et tout ça. Le moment où on augmente le prix du livre, on ne va
pas commencer à dépenser 450 millions, on est une tendance à la baisse.
Ça fait que c'est
juste une logique mathématique que je me dis : Si le livre est plus cher,
le consommateur, au lieu d'en acheter
deux ou trois, il va peut-être en acheter deux, parce qu'il dit : Bien,
écoute, moi, j'ai 32 $ à dépenser sur les livres ce mois-ci, et
puis ces livres-là sont plus chers. Ça fait que c'est juste une logique
élémentaire mathématique, tu sais, je n'ai
pas fait d'étude là-dessus ou quoi que ce soit. C'est juste que je ne vois pas
la dépense totale sur le livre d'intérêt
général augmenter, et puis, même si on augmente le prix des livres, on va voir
une diminution du nombre de livres vendus, étant donné que l'enveloppe
globale de dépenses en livres va rester la même ou va avoir tendance à baisser.
Mme Ménard :
Certains groupes ont mentionné que la réglementation du prix du livre, pour
certains, pourrait soulager les
librairies pour deux ans. D'autres ont dit : C'est une mesure qui pourrait
être bonne pour quatre ans. Alors, vous, qu'est-ce que vous dites? Qu'on
ne devrait pas y aller du tout avec cette mesure-là ou que, oui, peut-être que
ça pourrait les soulager deux ans?
M. Alain (Marc G.) : Moi, je pense
que ce que ça va faire, c'est que ça va perturber le marché de façon
significative, le marché global, de façon significative, pendant plus que deux
ans, trois, quatre, cinq ans, et puis donc la
rentabilité des maisons d'édition québécoises, dans laquelle on a investi
depuis plusieurs années, elle va être mise en cause. Ça, c'est ma
prémisse de base.
Je reviens à
mes outils fins. Tu sais, si on regarde un réseau comme le réseau des
librairies indépendantes, on a besoin
des outils fins pour regarder quelles sont les causes spécifiques de la
défaillance, ou du déclin, ou de la faiblesse de ce réseau-là, puis leur donner des outils spécifiques, les aider
spécifiquement, eux. Mon collègue Blaise Renaud a soulevé qu'on devait
trouver une façon d'essayer d'améliorer leur rentabilité. Peut-être, eux-mêmes
peuvent se trouver des mécanismes pour
améliorer leur rentabilité, peut-être que, collectivement, ils pourraient trouver des
mécanismes. Mais je crois que ça passe par une étude bien plus précise
que l'idée d'une réglementation, parce que, dans la réglementation, il y a
un peu l'idée magique, tu sais, une idée magique que ça va
régler les problèmes. Mais on n'est pas sûrs pourquoi ou comment, mais
on sent que ça pourrait être la bonne solution. Mais peut-être que c'est la
bonne solution, mais on devrait l'analyser pour voir quel serait l'impact.
Mme Ménard : Merci beaucoup,
M. Alain. Ça va aller pour l'opposition officielle.
La Présidente (Mme Vien) : Merci
beaucoup, Mme la députée. Mme la députée de Montarville.
Mme
Roy
(Montarville) : Oui, merci beaucoup, Mme la
Présidente. Merci beaucoup, M. Alain, pour votre mémoire. On s'entend pour dire
qu'il faut protéger la diversité, offrir le plus grand nombre possible de
livres différents au Québec. Si, selon vous, le fait d'interdire les… de ne
plus avoir ces gros rabais dans les grandes surfaces n'est pas la
solution pour préserver cette diversité,
auriez-vous des pistes de solution? Je comprends que vous proposez une étude de
marché pour voir quel est le vrai problème, mais avez-vous déjà, puisque vous
êtes dans le milieu, là, des pistes de solution pour aider à préserver cette
diversité?
M. Alain (Marc
G.) : Une très bonne question. J'aimerais ça avoir des solutions à
portée de la main, mais… J'ai donné deux
exemples de librairies qui se sont, finalement, inventé une nouvelle formule
pour être très proches de la communauté, et puis je pense que ça prend
des librairies qui sont très proches de la communauté puis très branchées sur les besoins du public. C'est très difficile d'offrir
des produits grand public puis espérer… tu sais, une variété de produits
grand public puis espérer concurrencer avec
des grandes chaînes de magasins ou avec la vente en ligne. Si on a une
librairie généraliste qui n'offre absolument
rien pour se distinguer, on risque de se retrouver, finalement, en n'attrayant
personne parce qu'on n'offre aucun avantage
concurrentiel. Ça fait que le réseau de librairies indépendantes, il faut… doit
se donner des mécanismes davantage concurrentiels. Je ne sais pas si c'est,
tu sais, finalement, faire plus de lancements de livres, inviter des auteurs à
faire des conférences. Il y a définitivement des mécanismes.
Puis peut-être aussi
que le gouvernement peut aider, parce que le gouvernement offre des crédits d'impôt
aux éditeurs, par exemple. Il y a peut-être
des mécanismes financiers qui peuvent être offerts aux petites librairies pour
les préserver, mais là on donne une aide
spécifiquement aux petites librairies. On donne déjà des aides aux petites
librairies sous forme d'accréditations, mais
on pourrait peut-être raffiner ces formes d'aide là pour les aider plus
spécifiquement à maintenir leur rentabilité.
Puis, en les aidant spécifiquement, aux librairies, on va être en mesure de
préserver la diversité du réseau sans venir chambouler tout le reste,
parce que le reste fonctionne bien.
Mme Roy
(Montarville) :
Merci beaucoup.
La Présidente (Mme
Vien) : Le mot de la fin pour vous, Mme la députée de Gouin.
Mme
David : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, monsieur. Un
commentaire et une question. D'abord, vous parlez d'une mesure, parlant
de la réglementation du prix du livre neuf, comme d'un coup de marteau, vous
parlez de quelque chose qui va bouleverser l'industrie, alors que,
curieusement, il s'agit d'une mesure ponctuelle qui ne touche que les nouveautés, qui induit le fait de devoir
avoir… qu'on puisse avoir des rabais, mais pas plus de 10 %, donc, en
fait, on parle d'un relativement petit nombre de livres pour un relativement
petit nombre de mois.
Alors,
curieusement, moi, ça me paraît plutôt être une mesure qui, pour plusieurs
acteurs, paraît importante, mais qui ne règle pas l'ensemble de toute la
question de l'industrie du livre, et j'ai un peu de difficulté à voir à quel
point ça peut la perturber, comme vous
dites. Et surtout, et là c'est ma question, quand vous dites que ça pourrait
même perturber Costco, Wal-Mart, altérer leur mode de fonctionnement,
quelle serait leur réaction? Ils sont tellement riches, ces gens-là, que
craignez-vous au juste?
• (17 h 50) •
M. Alain (Marc G.) : Bien, moi, je ne crains absolument rien comme tel, mais je peux
seulement observer le fait que, si un détaillant aussi important que
Wal-Mart, par exemple, ou Costco est contre une réglementation, il peut faire des choses pour, finalement, protester et
puis, finalement, décider qu'au lieu
de placer des livres on va mettre des jeans
à la place. Ça peut être aussi simple que ça. Ça serait perturbateur pour l'industrie.
Et puis de dire que la mesure est
ponctuelle… Le cycle de vie d'un livre au Québec est à peu près de trois à six
mois. Après six mois, on ne le voit plus,
ce livre-là à moins que ce soit
vraiment un super best-seller, là, tu sais. Et donc ça viendrait affecter toute
la production, toutel'industrie et
les 30 000 nouveautés par année tout le temps. Parce que le cycle de vie d'un
livre, c'est de trois à six mois. Après six mois, le livre est retourné,
et puis ça, c'est la réalité de l'industrie aujourd'hui.
Donc,
absolument pas que Wal-Mart ou Costco, après six mois, va dire… après neuf
mois : Ah! Je le veux, ce livre-là. On
ne le veut plus. Il est fini. Donne-moi la nouveauté. Je veux avoir la
nouveauté. Donc, ce n'est pas… C'est vraiment un règlement qui va venir
affecter l'industrie dans le plus profond de son fonctionnement.
La
Présidente (Mme Vien) :
M. Alain… Vous avez compris mon rôle, hein? Je suis la préfète de discipline,
hein? Vous avez compris ça, hein?
M. Alain (Marc
G.) : ...
La Présidente (Mme
Vien) : Bien, merci beaucoup de votre contribution vraiment.
M. Alain (Marc
G.) : ...
La
Présidente (Mme Vien) :
Bien oui, ça paraît, et je pense que les gens ont apprécié les échanges qu'ils
ont eus avec vous. Merci de vous être déplacé aujourd'hui.
Chers
collègues, merci à vous tous. On se voit demain matin, à 9 h 30.
Alors, on
ajourne les travaux.
(Fin de la séance à 17 h 52)