(Onze heures vingt-six minutes)
La Présidente (Mme Richard,
Îles-de-la-Madeleine) : Ayant constaté le quorum, je déclare la séance
de la Commission de la culture et de l'éducation
ouverte. Je demande à tout le monde d'éteindre la sonnerie de vos
cellulaires, s'il vous plaît.
Le mandat de
la commission est de poursuivre les auditions publiques, dans le cadre des
consultations particulières sur le projet de loi n° 23, Loi
modifiant la Loi sur l'instruction publique concernant certains services
éducatifs aux élèves âgés de moins de cinq ans.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des
remplacements?
La
Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. M. Roy (Bonaventure) sera remplacé par Mme Richard
(Îles-de-la-Madeleine) et M. Sklavounos (Laurier-Dorion) par Mme
St-Amand (Trois-Rivières).
Auditions (suite)
La
Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci. À l'ordre du jour cet avant-midi, nous
entendrons la Fédération autonome de l'enseignement
et la Fédération des associations des familles monoparentales et
recomposées du Québec. Cet après-midi, nous
poursuivrons avec le Conseil québécois des services de garde éducatifs à l'enfance
et nous terminerons avec les remarques finales.
Alors,
maintenant, nous recevons la Fédération autonome de l'enseignement. Alors, M.
St-Germain, vous êtes le porte-parole,
je pense. Vous avez 10 minutes pour nous faire votre première allocution et
vous pouvez nous présenter les gens qui vous accompagnent en tout début.
Vous avez la parole.
Fédération autonome de l'enseignement (FAE)
M.
St-Germain (Pierre) : Merci,
Mme la Présidente. Mes salutations à la ministre. Mmes, MM. lesparlementaires. Merci, donc, de nous recevoir pour
nous permettre de livrer nos commentaires, nos analyses et suggestions
au regard du projet de loi n° 23.
À ma droite,
M. Sylvain Mallette, qui est vice-président à la vie professionnelle à la
fédération, donc, s'occupe notamment des dossiers concernant les
maternelles, et Mme Marie-France Levac, conseillère syndicale, qui s'occupe des
projets pilotes qui ont cours actuellement.
Je ne vous
cacherai pas que c'est avec beaucoup de soulagement et de satisfaction que la
FAE a reçu ce projet de loi, mince peut-être par son texte, mais lourd
de retombées positives, un soulagement qui confirmait, pour nous, la volonté de
la ministre de tenir promesse. Satisfaction également parce que, pour la FAE,
cette mesure répond à des demandes maintes
fois exprimées par nos membres. Lors d'une consultation, là, 75 % des
enseignantes du préscolaire disaient souhaiter cette mesure-là.
Par ailleurs,
lors de la dernière négociation, dans un souci d'améliorer les services aux élèves
en difficulté, nous avons convenu, et
ça, ce n'est pas anodin, d'insérer, dans notre propre convention collective, la
mise en place de six projets pilotes dans autant de commissions
scolaires de nos territoires.
Il peut être
intéressant aussi de se rappeler, de faire un petit tour historique pour se
dire que cette idée-là ne date pas
non plus d'hier. Alors, sans se faire un vaste cours d'histoire, on peut se
rappeler que déjà, il y a 50 ans, la commission Parent recommandait l'implantation du préscolaire quatre ans en disant
qu'il fallait apporter une attention particulière aux enfants issus de milieux défavorisés. En 1979, en
1996, le Conseil supérieur de l'éducation recommandait, dans divers rapports au ministre, d'évaluer la mise en place
de tels services aux enfants de cinq ans, quatre ans, voire même trois
ans. Les états généraux de 1996 souhaitaient
qu'on élargisse l'offre de services gratuits aux enfants de quatre ans en
milieux défavorisés ou encore ayant des besoins particuliers.
Depuis 15 ans,
malgré une popularité, je dirais, indéniable des centres à la petite enfance,
on constate qu'il y a encore une part importante, aux alentours de
27 % des enfants de quatre ans, qui ne fréquente pas les CPE. Donc, on comprendra que cette proportion pourrait être
aussi beaucoup plus importante si on était capables de cibler les
enfants de milieux défavorisés qui ne fréquentent pas les CPE.
Je pense que c'est important aussi qu'on se dise
qu'il faut cesser, là, de mettre les CPE et les maternelles quatre ans en opposition. Il faut les considérer
comme étant des mesures qui se complètent. Elles ne touchent pas les
mêmes enfants et ne ciblent pas les mêmes objectifs.
• (11 h 30) •
Pour notre
fédération, cette mesure, si elle est poussée et soutenue, s'inscrit non
seulement dans un plan d'aide aux enfants en
difficulté, mais est au coeur de ce que devrait être un plan gouvernemental de
lutte à la pauvreté. Nombreux sont les enfants qui
rencontrent des problèmes scolaires et plusieurs décrochent ou encore obtiennent
des diplômes peu qualifiants.
Quand
on parle aussi d'études, on pourrait en déposer, hein? Elles sont nombreuses
qui identifient la pauvreté comme
facteur important de décrochage scolaire. Quand on parle de l'effet de cette
pauvreté sur le développement global des enfants, on va comprendre que
certains puissent entrer à l'école en ayant déjà un retard sur les autres
enfants. Alors, ce sont souvent des enfants issus de familles monoparentales,
qui disposent de peu de ressources, peu d'accès peut-être à des livres, du
matériel divers, de la documentation, moins de jeux éducatifs, souvent des
problèmes de nutrition, hein, l'accès à de la nourriture de qualité, qui
entraînent aussi des problèmes de développement physique, psychologique, donc
plusieurs problèmes qui viennent, je dirais, entacher ou empêcher, là, les
enfants de bien se développer en milieu scolaire, en tout cas… et de poursuivre
leurs études. Un milieu quelquefois peut-être moins stimulant qu'ailleurs et où
on rencontre aussi des problèmes souvent auprès de ces élèves, des problèmes de
langage, des problèmes en termes de motricité.
Vous
comprendrez que l'école ne peut pas compenser de la pauvreté financière, là, au
plan social. Mais l'école, cependant, peut donner aux enfants et aux parents
des outils pour s'en sortir. Si les enfants décrochent au secondaire, ce décrochage s'est préparé bien des années avant.
Alors, on comprendra également qu'instaurer, donc, des classes de préscolaire quatre ans, ça ne se limite pas non
plus à confiner, là, 15 enfants dans un local, O.K.? Cette mesure ne
peut venir seule. Elle va nécessiter d'autres ressources, d'autres moyens, des
aménagements particuliers.
Alors,
je vais laisser la parole à M. Mallette qui va faire le profil, actuellement,
des projets pilotes qui ont cours, alors, en termes de retombées, leur
déroulement et des conditions de réussite.
M. Mallette
(Sylvain) : Donc, en tenant compte des inquiétudes, dont certaines
sont à propos, adressées aux membres de
cette commission et relayées par certains médias d'information, nous souhaitons
profiter de notre présentation aujourd'hui
pour faire état d'un bilan préliminaire des six projets pilotes visant à offrir
à des enfants âgés de quatre ans issus des milieux défavorisés la
possibilité de fréquenter la maternelle à temps plein.
Les
résultats obtenus jusqu'à présent et les observations émises par les
enseignantes impliquées, qui, jusqu'à la dernière rentrée scolaire, accueillaient des enfants de quatre ans à
demi-temps, sont encourageants et permettent d'anticiper des retombées positives et structurantes pour les
divers milieux dans lesquels est actuellement expérimenté ce type de service. C'est en s'appuyant sur l'expertise des
enseignantes, une expertise tirée de la pratique quotidienne, que nous
vous livrons aujourd'hui ce bilan préliminaire.
À plusieurs égards,
la fréquentation du service à temps plein démontre des bienfaits notables pour
le développement global des enfants de
quatre ans. Parce que cette formule leur en donne le temps et qu'ils vivent
moins de ruptures dans le déroulement de
leur journée, les enfants intègrent plus rapidement les règles de vie et de
fonctionnement de la classe. Le temps alloué
permet une exploration et une exploitation plus approfondie des contextes d'apprentissage
que leur offrent le jeu et les activités
dirigées. Les élèves des projets pilotes démontrent un plus grand intérêt pour
les livres et une plus grande curiosité dans leur rapport aux activités.
Les apprentissages
visent évidemment le développement global de l'enfant. L'allongement du temps
de classe permet davantage l'utilisation de
situations réelles et spontanées. Sur le plan affectif, la stabilité apportée
par la fréquentation du même local et
des mêmes adultes durant toute la journée est déterminante, notamment puisqu'elle
réduit l'angoisse et l'insécurité causées par la transition récurrente d'un
environnement à un autre. La socialisation s'en trouve plus riche et plus approfondie. Les relations interpersonnelles s'avèrent
plus chaleureuses, plus propices à l'entraide, à la solidarité et même à
la résolution de conflits.
Le développement
physique et moteur démontre des progrès. La journée pleine permettant aux
enfants de vivre fréquemment des activités physiques, on constate que leur
motricité globale se développe généralement mieux. Quant à elle, la motricité fine des enfants de la maternelle quatre ans
temps plein accuse un léger en retard en début d'année sur le mi-temps,
mais ce retard se résorbe au cours de l'année. L'allongement du temps de
présence aidant, la routine est plus stable
et la période de repos peut être prolongée pour ceux qui en ont besoin. Les
enseignantes observent moins de fatigue, d'irritabilité et de nervosité
chez les élèves.
Sur
le plan du langage et de la littératie, les occasions de discuter, d'interagir,
de s'exprimer étant plus fréquentes, cela aide notamment les enfants à
développer plus rapidement leur langage, mais également à aiguiser leur
curiosité par une pratique plus notable du
questionnement. L'apprentissage du français par des élèves allophones semble en
être accéléré et facilité. Le temps disponible permet plus d'interactions et de
profondeur dans les échanges.
Sur
le plan du développement cognitif et à la numératie, les enfants peuvent aller
plus loin dans leurs processus mentaux et leur raisonnement. Les
interactions sont plus fréquentes, et les stratégies d'apprentissage ou de
résolution de problème s'avèrent plus
variées. Leurs expérimentations et leurs jeux témoignent d'un plus grand degré
de complexité. Sur l'ensemble des
caractéristiques observées, les projets pilotes sont très bénéfiques pour la
stimulation et le développement global des enfants.
Les enseignantes
notent également que le climat d'apprentissage est plus harmonieux et qu'elles
ont moins à intervenir sur les comportements ou dans la gestion des conflits
puisque le nombre d'élèves dont elles ont la responsabilité
est moindre. Même si la planification est plus exigeante en raison de l'allongement
du temps de présence de chaque enfant
qui nécessite une plus grande variété d'activités d'apprentissage à préparer,
les enseignantes se sentent plus en mesure de planifier leurs
interventions tout en étant plus à même de faire preuve de souplesse en
profitant de situations spontanées.
Enfin, puisqu'elles n'ont
qu'un seul groupe d'élèves, elles disposent de plus de temps pour échanger avec
les professionnels, faire les suivis
appropriés et elles peuvent également faire des observations plus poussées et,
par conséquent, faire une évaluation
plus complète ainsi qu'un meilleur suivi auprès des parents. Le facteur temps,
principalement, tend à améliorer la qualité des activités de groupe, des ateliers de jeux
libres qui peuvent être mieux orchestrés et enchaînés dans une même
journée. Les activités sont moins précipitées, et il est possible de les
approfondir pour en tirer le meilleur parti pour chaque enfant.
Je
tiens aussi à souligner auprès de la commission que le ministère et les
commissions scolaires doivent favoriser l'aménagement des locaux, permettre
un accès rapide à des ressources professionnelles et de mesures de soutien pour
les enfants et, évidemment, mettre en place
un perfectionnement pour permettre aux enseignantes de s'approprier le
contenu du nouveau programme qui est en cours d'élaboration.
La Présidente (Mme
Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci, messieurs.
M. St-Germain
(Pierre) : Je voudrais, si vous me le permettez, revenir sur le projet
de loi en lui-même. On comprendra...
La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Vous aurez l'occasion de vous exprimer. Nous
allons passer à la période d'échange, mais
retenez votre propos pour pouvoir répondre quand même et échanger avec la
ministre.
Alors,
nous allons passer du côté du gouvernement. Vous disposez de 17 minutes
pour faire les échanges avec nos invités. Alors, Mme la ministre.
Mme Malavoy :
Merci. Merci à vous d'être là, parce que je sais que, dans toute cette
question, vous avez, effectivement, été
des... à la fois des convaincus et des convaincants. Je pense que vous avez
contribué à ce que ce projet aille de
l'avant. Et donc vous avez le très grand avantage, par rapport à bien des
personnes qui sont venues parler, de nous raconter une histoire vraie, qui est celle des enfants qui sont
actuellement dans les projets pilotes qui ont été autorisés.
Donc,
ça m'intéresse, vous comprendrez, de parler d'abord des retombées positives, c'est-à-dire
de profiter de votre expérience pour nous dire quelles sont les
retombées. Vous en nommez un certain nombre, mais il y en a sur lesquelles j'aurais envie, peut-être, d'avoir un
peu plus d'éclaircissements. Vous dites... ça, je le comprends, et
plusieurs personnes sont venues nous parler également du rétablissement d'un
lien de confiance envers l'école et que c'est un...
très souvent, ce sont des familles qui n'ont pas d'histoire tout à fait
heureuse avec l'école et que, donc, il y a un premier avantage très important, c'est que l'école peut
être vue comme un lieu qui va aider leur enfant à prendre sa place puis,
bon, à prévoir un avenir intéressant.
Une
des choses qui semble un peu complexe, c'est : Comment fait-on précisément
pour que des parents qui ont des réticences et même, parfois, une
allergie à l'école fassent le saut puis acceptent que leur enfant y aille à
quatre ans? Là, je n'embarque pas dans la
question : Pourquoi ils ne choisissent pas les centres de la petite
enfance? On en a parlé, ça, quand
même assez abondamment. Mais, comment sont-ils recrutés, comment sont-ils
approchés pour justement démarrer le lien de confiance et y aller? J'aimerais
vous entendre un peu plus là-dessus.
• (11 h 40) •
M. Mallette
(Sylvain) : Bien, on peut, à partir des six expérimentations, là, qui
ont cours actuellement, la démarche qui a été entreprise par les commissions
scolaires, en collaboration, évidemment, avec l'enseignante, c'est d'interpeller
directement les parents. Il y a donc eu l'organisation de rencontres entre l'enseignante
et les parents, qui permettaient aux parents
de bien saisir l'objectif de transformer le demi-temps à temps plein, puis il
faut comprendre que c'étaient déjà
des enseignantes qui étaient déjà à demi-temps l'année dernière. Donc, elles
étaient en mesure d'expliquer ce que les enfants vivraient dans la
classe. Il y a donc nécessité, il était important, pour le milieu scolaire, de
réunir les parents puis aussi faire peut-être tomber, là, des inquiétudes qui
étaient très, très légitimes, là, quant à l'organisation quotidienne des
enfants. Puis je vous dirais que, dans les faits, déjà pour l'an prochain, là,
il y a plus de demande que d'offre. Il y a plus de parents qui demandent à ce
que les enfants puissent bénéficier du temps plein que de places disponibles. Donc, cette offre-là répond à une
demande qui est clairement formalisée, là, ou verbalisée par les
parents.
M. St-Germain (Pierre) : Il faut peut-être aussi ajouter que le fait de...
parce qu'à l'heure actuelle on ne constate peut-être pas un engouement
aussi important pour la maternelle quatre ans demi-temps. À partir du moment où
on offre le service à temps plein, ça peut devenir quelque chose de plus
attrayant pour les parents. Donc, comme le dit M. Mallette, on constate actuellement qu'il y a un réel engouement dans
les milieux où cette mesure-là s'implante. Donc, à long terme, on pense
qu'il y aura un effet d'entraînement et qu'elle saura se répandre de façon plus
importante.
Mme Malavoy : Il y a une critique, enfin, je dirais une crainte que plusieurs ont
exprimée, à laquelle d'autres n'adhèrent
pas, entre autres le président du Conseil supérieur de l'éducation, mais, lui,
il a une approche de réflexion… vous
avez une approche très, très pratique. C'est le lien entre la trop grande
homogénéité des groupes et la ghettoïsation ou l'étiquetage des enfants.
Moi, je trouve que c'est une question centrale, mais j'aimerais vous entendre
de votre expérience là-dessus.
M. St-Germain (Pierre) : Sur cette question... Bien, je vais en faire un
bout. Je peux comprendre... c'est-à-dire, je peux comprendre... Je l'entends, mais j'ai de la difficulté à
comprendre quand on parle de ghettoïsation. En principe, là, l'école,
hein, c'est un milieu de vie. Parler de ghettoïsation, est-ce qu'une école de
quartier est un ghetto? Hein, il a été une
époque, là, où les gens, là, quand ils s'installaient dans un quartier, ils
cherchaient l'église, l'école puis le bureau de poste. Tout le monde cherche l'école de proximité. Donc, est-ce qu'on
doit dire que les enfants qui sont dans la classe de première année, c'est un ghetto parce qu'ils
correspondent à un milieu socioéconomique identifié géographiquement?
Alors, la question de ghettoïsation, quant à nous, est une fausse question. De
regrouper des enfants qui sont de milieu défavorisé ensemble, le quartier en lui-même est
un quartier défavorisé. Donc, il est normal que l'école regroupe
davantage d'enfants issus de ces milieux-là. Alors, je ne comprends pas qu'on
puisse invoquer cet argument-là pour venir, je dirais, discréditer cette
mesure-là.
M. Mallette (Sylvain) : Et ce que je souhaite rajouter, parce que ça m'a
troublé aussi quand j'ai entendu cette crainte-là, c'est : Qu'est-ce
qui est le plus dommageable? De regrouper des enfants qui partagent un certain
nombre de caractéristiques socioéconomiques
dans une même classe ou attendre qu'ils aient 14, 15 ans, les voir décrocher
puis se retrouver à l'éducation des adultes dans une même classe? Qu'est-ce qui
est le plus dommageable? Le ghetto, on le crée
où? On l'a créé parce qu'on... finalement, ces enfants-là risquent de décrocher
et vont se retrouver, de toute façon, ensemble,
après avoir décroché, dans un centre d'éducation des adultes pour aller
chercher le diplôme qu'ils n'ont pas été capables d'aller chercher.
Mme Malavoy : Ce que je trouve intéressant, c'est le lien que vous faites, et je le
fais volontiers aussi, entre ce qui
se passe dans la petite enfance et les effets que ça peut avoir plusieurs
années plus tard auprès de jeunes qui décrochent. Et je pense que, si on est bien conscients de ça,
on va avoir d'autant plus envie que cette implantation des maternelles
quatre ans, de façon progressive pour les milieux défavorisés, aille de l'avant.
Je vais aborder une
autre question parce que je me sers de vous, mais dans le bon sens du terme.
Vous avez l'avantage d'avoir une expérience
terrain. On a questionné également la formation des enseignants. Je ne
reprendrai pas toutes les critiques qui ont été faites, même qui ont été
faites, un peu à notre étonnement, par les personnes qui représentent le personnel formé au préscolaire et au primaire. J'aimerais
avoir votre opinion là-dessus. Est-ce que le personnel enseignant a pu s'adapter
à des enfants de quatre ans à plein temps qui n'ont pas le même développement
qu'un enfant de cinq ans, là? La différence peut être assez importante. C'est
quoi, votre expérience là-dessus?
M. St-Germain (Pierre) : Écoutez, là encore, on comprend mal les critiques
qui viennent. Ça fait 15 ans qu'on offre
le préscolaire quatre ans à demi-temps. On n'a jamais remis en question l'expertise,
la compétence des enseignantes et des
enseignants. Sous prétexte qu'on arrive maintenant à temps complet, elles
perdent leurs compétences. Elles auront besoin de perfectionnement, nous
le reconnaissons. Passer d'une demi-journée à une journée complète, ce n'est
plus le même programme. Moi, je suis un prof de science. Quand on introduit de
nouveaux programmes, j'ai besoin de perfectionnement
pour maîtriser les contenus. Mais la formation initiale est la même pour les
enseignantes. Qu'elles soient à demi
temps ou à temps complet, les compétences qu'on leur transmet à travers la
formation universitaire, ce sont les mêmes qui vont être utilisées en avant-midi et en après-midi. Alors, pour moi,
c'est un faux prétexte, et je pense que tout ce tollé ou, en tout cas,
tout ce qui se passe autour de l'arrivée du préscolaire quatre ans relève,
quelque part, de... En tout cas, je pense qu'il
y a des enfants qui sont vus comme un marché, là, puis qu'il y a des groupes
qui voient perdre, en tout cas, et voient
s'échapper des opportunités d'affaires. Alors, moi, je pense qu'il faut
rappeler que les enfants de milieux défavorisés ne fréquentent pas, la
plupart du temps, ces services-là. Alors, on a une obligation de les aider.
Et quand on nous
parlait, tantôt, d'homogénéité, si on veut éviter que les enfants se retrouvent
stigmatisés, rendus au secondaire, dans les
classes de cheminement particulier où, là, la stigmatisation est beaucoup plus
importante, on a intérêt à les aider dès
leur plus jeune âge pour qu'ils puissent s'intégrer par la suite en première,
deuxième année, dans des classes plus hétérogènes et trouver leur place
exacte dans le parcours scolaire.
La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci, M. le député de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
M. Breton :
Merci, Mme la Présidente. Je trouve votre argumentaire très intéressant, madame
et messieurs. Je dois vous avouer que, j'en ai palé hier, moi, j'ai, dans ma
circonscription, l'école Champlain où il y a maternelle quatre ans, où je trouve qu'ils font vraiment un travail exceptionnel.
Et puis c'est — vous le
savez peut-être, j'imagine que vous
le savez — l'école
est considérée comme la plus défavorisée sur l'île de Montréal, et là vous dite
que les enfants... les familles de milieux défavorisés seraient plus
facilement portées à inscrire leurs enfants dans les maternelles que dans les
CPE. J'aimerais ça que vous élaboriez là-dessus, s'il vous plaît.
M. St-Germain (Pierre) : Prenons un cas hypothétique. Je suis mère
monoparentale, je suis sur l'aide sociale, je ne travaille pas. Envoyer
mon enfant dans un centre à la petite enfance, dans un service de garde, il y a
une forme de stigmatisation. Mais les gens,
là, autour de moi vont dire : Elle ne travaille pas, elle fait garder ses
enfants. Envoyer son enfant à l'école,
il n'y a pas personne qui va trouver ça répréhensible. Déjà, là, c'est une
première, quant à moi, là, mesure qui
fait en sorte que les mères — parce que je vais cibler davantage les mères
parce que ce sont plus souvent des mères quand on parle de familles monoparentales — on va leur enlever ce fardeau-là. Et j'ajouterais
même — parce
que, quand on disait que ça faisait
partie, pour nous, d'un plan de lutte à la pauvreté — ça fait en sorte que ces mères-là, parce que,
souvent, certaines sont des décrocheuses, donc n'ont pas terminé leur
scolarité, ça leur permettrait d'avoir du temps de qualité pour retourner sur les bancs d'école, se former et
retourner sur le marché du travail et mieux jouer aussi, par la suite,
leur rôle de mère en termes d'accompagnement de leur enfant pour le suivi
scolaire. Parce que, quand on parle d'indice de
défavorisation, c'est quoi, le principal facteur? C'est la scolarisation de la
mère, qui compte pour le deux tiers de l'indice. Quand une mère est
moins scolarisée, on considère que les chances de réussite d'un enfant sont
diminuées. Donc, en scolarisant les parents,
on aiderait aussi les enfants dans leur parcours scolaire et, aux parents, à
mieux faire — excusez l'expression — leur
travail de parents auprès des enfants.
M. Breton :
Merci.
La
Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Mme la ministre.
Mme Malavoy : On va poursuivre, si vous permettez, là-dessus, sur l'effet sur les
parents et, je dirais, sur la famille, parce
que vous notez, dans votre mémoire, que cela a un effet bénéfique sur la
cohésion de la famille. Donc, abordez-le en deux temps peut-être :
la cohésion de la famille, mais aussi l'effet sur les parents. Est-ce que
certains parents sont comme eux-mêmes remis
en mouvement par rapport à des apprentissages à l'occasion d'une maternelle qui
s'adresse à leurs enfants, étant
entendu qu'il faut que les parents soient dans le décor, quelque part, là?
Parce qu'à quatre ans ce n'est pas deux univers séparés, l'univers de l'enfant
et celui de sa famille.
M. St-Germain
(Pierre) : Ce qui est avantageux avec la maternelle quatre ans, nous
ne sommes pas dans un cadre éducatif comme on l'est quand on est en première
année, et ainsi de suite, ce qui permet donc, je dirais, une zone tampon de deux années pour que les parents
apprivoisent l'école et non pas tout de suite rentrer dans l'école, dans
un cadre plus formel où l'enfant pourrait
être susceptible de vivre des échecs. Donc, je pense que cet espace-là, ce deux
ans là, permet à l'école d'établir des liens
avec les parents, permet également à l'école, donc, de trouver des solutions
quand on peut faire du dépistage, de l'intervention
précoce, donc d'aider les enfants. Les parents y voient aussi le côté
bénéfique à la chose. Il y a donc un aspect… quelque chose d'organique, hein,
de communautaire qui va s'établir entre l'école et les parents.
Alors,
moi, je pense que les parents qui ont vécu de mauvaises expériences à l'école,
ça leur permet de voir leurs enfants cheminer non pas dans un contexte
où... on n'échoue pas son préscolaire quatre ans puis on n'échoue pas son préscolaire cinq ans. Donc, on met déjà la table
dans des situations de réussite et de confiance entre l'école et le
milieu.
M. Mallette
(Sylvain) : Et, si vous permettez, à titre d'exemple, dans un des six
projets pilotes où on regroupe... il y a
beaucoup d'enfants issus de l'immigration, les parents à un moment donné, au
cours de l'année, qui ont une
conception très stricte de la discipline, très, très stricte, les parents ont
demandé à l'enseignante d'avoir accès à des outils, à des moyens, à des approches différentes pour faire la
discipline auprès de leur enfant parce qu'ils constataient que leur
enfant avait évolué différemment et ils voulaient donc être outillés.
Donc,
on est dans une préscolarisation, mais ça permet aussi aux parents d'exprimer
des besoins qui vont au-delà de la
préscolarisation. Donc, ça permet aux parents d'établir des liens, je vous
dirais, moins conflictuels avec des enfants qui auraient des
comportements que le parent juge inadéquats.
Mme Malavoy :
Une dernière question, peut-être? Je sais qu'il n'y a plus beaucoup de temps.
La Présidente (Mme
Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Oui. Oui.
Mme Malavoy :
On comprend qu'on parle d'enfants qui sont vulnérables, qui proviennent de
milieux défavorisés, qui ont des carences.
Prenons celle du vocabulaire, par exemple, qui en est une importante dont vous
parlez. Quelle est la relation avec les
parents quand on identifie des difficultés que leurs enfants peuvent avoir?
Parce que, là, il s'agit de mon
enfant, O.K.? C'est du mien dont on parle. Puis on sait, comme parents, on a
tendance à vouloir voir le bon côté des choses pour nos enfants et on n'est
pas forcément très, très ouverts à ce qu'on nous signale leurs difficultés ou
leurs défauts. C'est une donnée universelle, ça, je pense.
La Présidente (Mme Richard,
Îles-de-la-Madeleine) :
Alors, un peu plus de deux minutes, là. Vous avez du temps.
• (11 h 50) •
M. Mallette
(Sylvain) : Ce qu'on a pu... Ce que les enseignantes ont pu observer,
c'est qu'étant... à partir du moment où elles n'ont qu'un seul groupe... parce
que, lorsqu'elles sont à demi-temps, elles ont deux groupes, donc deux groupes pour lesquels elles doivent faire l'évaluation,
produire le bulletin... Et là je n'aborde pas la question sous l'angle de l'outil. L'outil, c'est une chose.
Ça... Le temps... Elles possèdent maintenant plus de temps pour parler
avec le parent, expliquer pourquoi cette cote-là apparaît dans le bulletin,
quelle est la difficulté de l'enfant et permettre aussi aux parents, donc, d'exprimer des inquiétudes. Parce que, quand un...
une enseignante dit à un parent : Bien, moi, j'observe que votre enfant a cette difficulté-là, il y a
évidemment une réaction légitime de la part du parent. Donc, elles
disposent de plus de temps pour expliquer
quelle est la difficulté, mais aussi rassurer le parent et lui permettre... lui
donner des pistes pour être capable d'accompagner son enfant afin qu'il
résorbe cette difficulté-là. Et ça, elles l'ont observé de façon très, très
précise.
Il
faut donc — et ça,
on l'indique aussi — il faut donc
que le ministère prévoit des outils adaptés à cette réalité-là, donc
mettre en place un outil qui va parler aux parents, pas tant aux gens de... au
monde de l'éducation, mais que le parent puisse bien comprendre ce que veut
dire l'enseignante. Et ça, les enseignantes l'ont observé, là, cette année.
M. St-Germain (Pierre) : On comprendra aussi, dans ces relations-là, l'importance
de services professionnels également, parce qu'on parle beaucoup des
enseignantes et des enseignants, mais il y a un accompagnement professionnel également qui est nécessaire, qui
fait... Donc, servir d'interface entre l'école et la maison pour aider
aussi au niveau des relations, mais aussi des services à donner, là, auprès de
la famille.
Mme Malavoy :
C'est très intéressant, je comprends que c'est...
La Présidente (Mme Richard,
Îles-de-la-Madeleine) : Une minute, oui?
Mme Malavoy : Non, je vais simplement vous remercier, parce que
ce qui est intéressant, c'est que vous êtes rassurants sur, je dirais,
certains questionnements. Vous ne les abordez pas de façon théorique, mais vous
avez expérimenté des choses. Et donc merci pour cet éclairage qui provient
vraiment d'expériences très prometteuses, je crois. Merci.
La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci, Mme la ministre. Les échanges vont se
poursuivre avec l'opposition officielle. Mme la députée de Mille-Îles, vous
disposez de 14 min 20 s.
Mme
Charbonneau : Merci beaucoup, Mme la Présidente, Mme la ministre,
collègues de chaque côté. M. St-Germain, bonjour. On a fait les
salutations un petit peu plus tôt.
Alors,
j'enfile tout de suite aux questions, parce que le temps a été un peu
raccourci, puis on essaie d'avoir, un peu comme la ministre dit, le
bénéfice de gens qui ont l'expérience, depuis quelque temps, sur un préscolaire
quatre ans.
Je reviens sur
quelques termes. J'aimerais savoir, rapido, les six projets pilotes ont été mis
dans des écoles cotées 9-10, oui?
M. St-Germain
(Pierre) : Oui.
Mme Charbonneau : Parfait. Je reviens sur le principe de ghettoïsation, parce que, vous
avez raison, si l'école est cotée, c'est
que son environnement l'est tout autant, hein, parce qu'on sait que l'école
de... ce n'est pas juste l'école, qui
est cotée, c'est l'environnement qui fait que cette école est reconnue. Mais,
si je suis une commission scolaire et je ne fais qu'une seule classe, bien, ça se peut que je choisisse l'endroit où
il y a de la place, qui est une école qui est cotée 6, et que, tout à
coup dans cet environnement-là, on apprend qu'il y a une classe quatre ans, et,
tout à coup, on sait que les petits bouts de
chou de quatre ans qui sont accueillis là à temps plein, ce sont tous — et, on se le dit, là, les enfants, c'est
bien fin, mais ça peut être bien méchant — ils sont tous les petits
pauvres qui viennent dans notre école.
Donc,
quand on prend le principe, puis je comprends le fait que ça ne devrait pas
être dit comme ça, mais le mot qui a
été choisi pour le dire, c'était plus le regard qu'on pouvait porter. Il ne se
veut pas nécessairement négatif, mais on se dit : Si on est pour avoir une bonne idée puis la mettre en
place, mettons là en place avec les meilleures conditions puis soyons
soucieux de cet aspect-là. Donc, je revenais sur ce point-là juste pour vous
dire… parce que je l'ai utilisé à plusieurs égards, le principe de ghetto.
Plusieurs
choses dans votre mémoire. Vous êtes revenus — j'ai pris des notes partout — vous êtes revenus sur l'expertise des enseignants. Je vous dirais que,
quand on a questionné ou quand j'ai entendu des questions sur l'expertise
de l'enseignant, c'était plus sur : Est-ce qu'on peut, dans un groupe
1-18 — parce
qu'au départ on disait 1-18 plutôt que 1-15 — est-ce qu'on peut imaginer une enseignante s'y
retrouver ou serait-il plus favorable qu'elle soit accompagnée par quelqu'un qui pourrait venir compléter, par une
formation à la petite enfance — puisque les enseignants, dans le
principe du bac, ont une expertise
incroyable, mais une expertise primaire, donc pas juste quatre ans, cinq
ans — est-ce
qu'on peut la faire accompagner par
quelqu'un qui pourrait venir compléter cet aspect-là puis donner une expérience
complémentaire auprès du groupe classe?
Et, quand on a
rencontré les gens de Saint-Zotique, l'école Saint-Zotique, ils nous ont dit qu'effectivement,
à mi-temps, il y avait quelqu'un qui venait compléter, qui ne prenait pas la
place de l'enseignant — c'est
la place de l'enseignant, de diriger le
groupe — mais qui
venait compléter l'expertise de la classe. Donc, jamais au grand jamais
on n'a mis en doute le professionnalisme et l'approche d'une enseignante
présco. Et je rajoute toujours que je sais qu'il y a une stabilité de personnel auprès du préscolaire qui est incroyable.
Les autres années, des fois, ça bouge un peu, les enseignants se promènent entre la première et la
sixième année. Mais, au présco, il y a une grande, grande... une belle
stabilité, du moins je le crois, et peut-être que vous allez corriger mon tir.
Dans les projets
pilotes que vous avez faits, pouvez-vous juste me situer... je connais... bien,
je connais, j'ai rencontré les gens de
Saint-Zotique, pouvez-vous juste me situer où les groupes classes ont été
localisés dans les différentes commissions scolaires?
La Présidente (Mme
Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Alors, c'est M. Mallette qui va
répondre?
M. Mallette
(Sylvain) : Oui. Bien, d'abord, vous dire très rapidement, Mme la
députée, que les enfants de quatre ans, ils ne parlent pas de ghettoïsation
puis ils ne parlent pas de ghetto non plus. Ce sont toujours les adultes qui parlent de ghetto. Les enfants de quatre ans,
là, ce ne sont pas les enfants qui portent des étiquettes, c'est les
adultes qui leur en font porter.
Sur
la question des ressources, dans certains projets pilotes, certaines
enseignantes bénéficient d'une technicienne en éducation spécialisée à
temps plein. Dans d'autres, c'est à demi temps, étant donné que ce sont des
modèles qui sont développés différemment, en fait, dans six commissions
scolaires en fonction des services... les ressources qui existent en vertu des politiques locales d'aide
aux élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation d'apprentissage. Les
modèles se sont donc développés différemment.
Il
y a aussi parfois des manques, hein, il y a un manque de ressources. Ça, les
enseignantes l'ont constaté, là, et d'où le besoin pour elles d'avoir
accès à des ressources en nombre suffisant et très rapidement.
Sur la localisation
des six projets, il y en a un à la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, l'école
Enfant-Soleil, une à la Pointe-de-l'Île, l'école
Jules-Verne, une à la commission scolaire de Montréal, Camille-Laurin,
trois dans l'Outaouais, Portages-de-l'Outaouais, l'école Saint-Rédempteur,
commission scolaire des Draveurs, l'école La Source et, la commission scolaire
au Coeur-des-Vallées, l'école de la Montagne.
M. St-Germain
(Pierre) : On a eu, donc, le souci de répartir le tout pas seulement
en milieu urbain, mais également dans d'autres régions.
M. Mallette (Sylvain) : Milieux
périurbains, ruraux et urbains.
Mme
Charbonneau : Bien, je vous
dirais, sans vouloir vous flatter ou faire de la flagornerie, je reconnais le
regard que la FAE porte sur son milieu, c'est-à-dire une équité puis un
jugement sur chaque milieu pour aller tester la meilleure façon, donc, je vous
reconnais là-dedans.
Vous avez
touché l'aspect de ma deuxième question. On en a beaucoup parlé parce qu'en ce
moment il y a un défi majeur au Québec, il y a des coupures qui se font
dans les commissions scolaires, puis on se demande comment ça va se passer puis comment on va faire. Puis les
questions se répondent au sein des conseils des commissaires, puis on va
avoir, probablement bientôt, la réponse à ça.
Les mesures
complémentaires, vous y touchez beaucoup, dans votre mémoire, pour dire :
C'est important. Il faut répondre rapidement à une demande puisqu'on
fait de la prévention. On travaille en amont. On veut vraiment donner le meilleur à ces jeunes-là — puis vous le disiez un peu plus tôt — pour ne pas que, rendu en troisième année,
il décroche ou, rendu en secondaire
III, qu'il choisisse d'aller en formation des adultes parce que c'est plus
simple et plus intéressant, malgré
que la plupart des éducations des adultes ne sont tellement pas loin de l'école
secondaire que je ne suis plus sûre que c'est une bonne idée pour eux
autres.
Ceci dit, si je mets des services à la portée d'une
clientèle quatre ans dans une école et que je dois y répondre rapidement, est-ce que je dois avoir la même
efficacité jusqu'en sixième année? Je vous pose la question puis je
connais la réponse, là, mais, en même temps,
je veux bien qu'on instaure un programme extraordinaire en amont, mais, si je
le laisse tomber rendu en troisième année, j'ai
un problème avec la volonté que j'ai de la persévérance... ma
persévérance est moins bonne que celle de
mon jeune parce que, finalement, je... il n'y a plus de services rendu en
troisième année. Il y a un enseignant qui est extraordinaire, mais, si
son langage n'est pas corrigé correctement, sa motricité fine non plus — c'est
toujours un mot que j'ai du plaisir à avoir — je ne l'aide pas plus.
Donc, oui, l'accessibilité
aux services. Vous voyez lequel en complémentaire, au préscolaire quatre ans,
puisque vous avez déjà des enseignants qui vous ont signifié. Et, de ce fait,
est-ce qu'il y a un âge où c'est bon d'arrêter le complémentaire ou bien est-ce
que je devrais avoir une fiche qui suit mon jeune jusqu'à temps que la
problématique soit résolue chez cette personne-là?
• (12 heures) •
M.
St-Germain (Pierre) : Je
vais en faire une partie. Je vais laisser mes collègues répondre. Éduquer, il y
a un coût. Je comprends votre
préoccupation, à savoir : Est-ce qu'on va donner des services jusqu'à la
sixième année et plus tard? Je dirais : Plus on va commencer tôt,
moins on va en donner longtemps, parce que je pourrais vous dire que le décrochage scolaire ou les élèves en difficulté,
cinq ans dans une classe de cheminement particulier à 20 élèves par
classe, là — on
va y aller en termes de finances — ça vous coûte plus cher. Des élèves qui
se retrouvent dans des centres jeunesse, ça
vous coûte plus cher. Des gens qui sont moins bien formés, qui utilisent les
systèmes de santé parce qu'ils se soignent moins bien, ils ne savent pas
lire la posologie, ça nous coûte plus cher. Plus on intervient rapidement,
moins vous aurez, en fin de compte, à faire
de suivi en sixième année, moins vous aurez à faire de suivi en cinquième
secondaire, moins vous aurez de gens en classe de cheminement particulier,
moins vous aurez de gens en éducation des adultes puis peut-être plus de monde
en formation professionnelle, en formation technique.
Il faut
cesser de voir ça comme étant un coût. C'est un investissement qui se paie par
lui-même. Ce n'est pas dans mon langage familier de parler d'économie,
mais vous comprendrez que, comme société, il y a là des retombées importantes
au plan social et au plan économique.
Et je reviens
sur la question des mères également. Les études que l'on a faites démontrent
que... On parle beaucoup du décrochage des garçons, il est très élevé, c'est
vrai. Mais, quand on parle, à un moment donné, du raccrochage, ça s'équilibre à
un moment donné. Mais les femmes ont un problème pour retourner sur le marché
du travail parce que ce sont elles qui s'occupent des enfants. Elles quittent l'école
à cause de cas de grossesses non désirées ou désirées à l'occasion, mais c'est
un frein au retour à l'école. Donc, il faut le voir vraiment de façon très
large.
Donc, les services professionnels dont on parle,
plus on va les mettre en action rapidement, moins on va en avoir de besoin par
la suite.
M.
Mallette (Sylvain) : C'est
le concept aussi de complémentarité des services. Et la FAE tient un discours
où… Oui, il y a des gens, dans les services de garde et les CPE, qui ont
développé une expertise, une grande expertise sur laquelle le gouvernement doit s'appuyer pour mettre aussi en place la
mesure du quatre ans à temps plein. Donc, plutôt que de tenir...
Certains tiennent un discours qui semble vouloir nous opposer les uns aux
autres sur cette question-là. Au contraire,
réunissons nos expertises respectives pour permettre de répondre aux besoins
des enfants de quatre ans qui sont
issus des milieux défavorisés, parce que ce sont eux qui sont visés par cette
mesure-là. Il existe des expertises, prenons le temps... Et l'avantage de la mesure, c'est qu'elle s'implante
graduellement. Donc, on se donne le temps de constater les conditions et de réunir les conditions, mais aussi
d'évaluer la mise en place et d'apporter les correctifs. Et on a
toujours tenu ce discours-là soit au niveau du comité-conseil ou sur la place
publique. Réunissons les expertises respectives, et on pense qu'on va réussir à
répondre aux besoins de ces enfants-là.
Mme
Charbonneau : Merci. Sans
faire un match de tennis, je vous relance en vous disant : Dans une cour
d'école, ils ne diront pas «ghetto», vous
avez raison. Mais, quand ils ont besoin de dire «gros», ils disent «gros».
Puis, quand ils disent «laid», ils disent «laid». Puis,
quand ils identifient un jeune pour dire «tu es pauvre», ils disent : Tu
es pauvre. Donc, vous avez raison, c'est le
vocabulaire des grands qui dit «ghetto», mais le vocabulaire des petits, il
veut aussi parler. Puis, entre eux,
ils ne sont pas toujours gentils. J'arrête là. J'ai fait mon point. Ça m'a fait
plaisir. C'est presque une thérapie.
Le ratio, on
a dit maximum 1-18, on a dit 1-15, une moyenne, on a dit possibilité de s'arrêter
à 1-6 pour former un groupe. Vous l'avez vécu en six endroits différents.
Est-ce qu'on est... On est à combien? Et est-ce qu'on est à l'aise au chiffre
qui a été choisi au moment où vous l'avez mis en place?
M.
Mallette (Sylvain) : Pour
les six projets pilotes, ça va de 13 élèves à 16 élèves, donc 13, 14, 15, 16
élèves, et il y a un groupe dans une école rurale, là, une école en milieu
rural. Le groupe, c'est un multiniveaux, un multiâges,
là, le groupe compte cinq élèves de quatre ans. Donc, on n'est pas à 18, malgré
ce qu'on a pu entendre, là, de la bouche de certains. Il y a une volonté
de la part des commissions scolaires de réunir... de constituer des groupes,
là, qui pouvaient permettre à l'enseignante
d'agir de façon plus efficace avec les élèves. Mais il faut aussi dire qu'il y
a le ratio, mais il y a aussi le soutien qui doit exister dans la
classe. Et c'est pour ça que je vous dis que, dans certains modèles, on a vu l'arrivée d'une technicienne en
éducation spécialisée à temps plein, alors que, dans d'autres modèles, c'est à demi-temps. Donc, oui, il y a le ratio qui
est important, mais il y a aussi le service puis des ressources
professionnelles qui viennent soutenir le travail de l'enseignante.
M. St-Germain (Pierre) : Peut-être
pour compléter là-dessus. Vous savez, l'expérimentation qui a cours actuellement
permet d'identifier ce que je vais appeler les conditions optimales de mise en
application. Alors, les ratios, là, vont en
faire partie, d'autres éléments en termes d'aménagement, et ainsi de suite.
Alors, souvent dans notre langage,
vous le savez, là, parce que vous êtes issue du milieu des commissions
scolaires, on parle souvent du ratio maître-élèves. Je pense que, dans
ce cas-là, on devrait parler du ratio élèves et intervenants étant donné qu'il
y a d'autres personnes qui pourraient être sujettes à joindre, je dirais, la
classe.
Mme
Charbonneau : Tout à fait.
Et vous avez raison. Et je vous dirais qu'on s'est fait dire aussi que le
moins d'intervenants possible, puisqu'à quatre ans j'ai besoin d'une stabilité
de relation adulte-enfant qui est importante, donc
une stabilité auprès des gens. Vous avez parlé du principe de francisation. Et
ça, on y est. On pense qu'effectivement le plus rapidement possible, je rentre dans un milieu francophone, j'apprends
la langue avec mes petits amis puis ça va super bien. Vous avez utilisé le mot «bulletin». Là, je me dépêche,
parce qu'il ne me reste que quelques secondes. Puis vous avez aussi
parlé de l'éducation physique — au préscolaire, c'est une inquiétude que
j'ai — à
cinq ans. Donc, à quatre ans, est-ce que je
maintiens le même principe qu'à cinq ans, ou j'en donne plus parce qu'il
faut que j'apprenne à jouer puis à bouger,
ou si je le fais de façon naturelle? Puis est-ce que je suis obligé d'avoir un
bulletin ou juste un portfolio dans lequel j'ai mes dessins?
La Présidente (Mme Richard,
Îles-de-la-Madeleine) : En 30 secondes.
M. Mallette (Sylvain) : Sur le
bulletin, on a déjà signifié au ministère qu'il fallait que l'outil corresponde
aux besoins des enseignantes. Donc, le
bulletin actuel ne répond pas aux besoins. Sur la question des spécialités, il
y a des groupes où c'est de l'éducation physique, d'autres, c'est de l'art
plastique. Donc, c'est variable, là, en fonction des modèles qui se sont
développés.
Mme Charbonneau : O.K. Merci.
La
Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci beaucoup. Merci, Mme la députée de Mille-Îles.
Maintenant les échanges vont se poursuivre
avec le deuxième groupe d'opposition. C'est Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
Pour quatre minutes?
La Présidente (Mme Richard,
Îles-de-la-Madeleine) : Quatre minutes, oui.
Mme Roy
(Montarville) : Merci, Mme
la Présidente. Madame, messieurs, merci. Merci, pour votre mémoire. Merci, pour votre présentation. Ce que j'aime
entendre de votre mémoire, c'est que vous avez déjà des écoles. Vous
avez, depuis déjà quelques années, les maternelles quatre ans temps plein dans
les milieux défavorisés, vous connaissez la clientèle.
Et la question à laquelle j'aimerais que vous répondiez, c'est qu'on veut s'attaquer
ici... non pas s'attaquer, mais aller chercher ces enfants qui ne
sortent pas de la maison ou qui sont ailleurs, mais qui ne sont ni à la
garderie ni à l'école. Alors, quelles
seraient ou quelles sont vos stratégies pour faire en sorte que ces parents,
souvent même des mamans monoparentales… les convaincre que l'enfant de
quatre ans serait mieux à la maternelle avec vous qu'à la maison, par exemple?
Comment fait-on? Parce que le but, c'est d'aller les chercher.
M.
St-Germain (Pierre) : Bien,
écoutez, mes collègues compléteront. C'est une mesure, on l'a dit tantôt,
pour l'instant, comme elle est à demi-temps,
elle n'est pas nécessairement aussi attrayante que si elle était à temps plein.
Déjà, d'élargir ou d'étendre l'offre de
service serait de nature, je pense, à intéresser plus de parents. D'autre part,
il n'y a pas juste l'école qui sert à
diffuser de l'information. Ce sont des gens qui ont recours à différents
services, au CLSC, dans des centres
communautaires. Donc, on peut faire de la promotion, de l'information à cet
égard-là. Et j'ai confiance parce que, comme c'est
quelque chose qui est nouveau, qu'il y aura une réaction en chaîne, là, les
gens vont s'en parler, vont réaliser le
bienfait, là, les effets bénéfiques de cette mesure-là. Alors, je présume que
les gens vont finir par apprivoiser ou réapprivoiser l'école et vont
peut-être avoir moins de crainte, en tout cas, à envoyer leur enfant à l'école.
Mais, bien entendu, il y a une espèce de
plan de communication, mais, pour l'instant, on est à l'aise avec l'approche,
je dirais, étapiste qui a été mise en
place. Parce que, si le ministère avait souhaité mettre ça en place dès
septembre prochain, on aurait été les premiers à s'opposer à ça, parce
que les écoles, elles ne sont pas en mesure, actuellement, de recevoir ces
enfants-là.
Mme Roy
(Montarville) : Parce que,
si j'ose ajouter, c'est qu'il ne faut pas aussi froisser une personne dans
la mesure où on veut sortir ces enfants de
la maison pour leur donner une forme de scolarité avant le cinq ans. Et — oui,
je sens que vous voulez répondre — et comment s'y prendre sans froisser
personne et pour les convaincre que ce serait mieux?
• (12 h 10) •
M. Mallette (Sylvain) : L'expérience
nous démontre que les parents le veulent. Mise à part l'école située en milieu rural où, là, parce qu'il y a une
population d'élèves moins importante, il y a un problème de recrutement.
Mais pour les autres milieux, il y a plus de
demande que d'offre, hein? Il y a plus de parents qui veulent que leur enfant
fréquente la maternelle à quatre ans. Donc, il n'y a pas de problème de
recrutement. Il va y avoir un problème qui va reposer sur : Est-ce qu'on
est capable ou pas de répondre à la demande?
Et sur la
question, parce que vous avez utilisé le terme «scolarisation», puis, moi, je
pense qu'il faut faire attention On ne scolarise pas les enfants, on les
préscolarise. Mais ce n'est pas tant vous que certains qui utilisent le terme,
là, pour faire peur. On est dans une démarche
de préscolarisation, donc, permettons à ces enfants-là d'atteindre le
niveau qu'ils devraient avoir lorsqu'ils entrent en cinquième année... pardon,
en maternelle cinq ans. Donc, c'est vraiment dans cette perspective-là.
Puis je vous
dirais que, de l'expérimentation, il y a des enseignantes qui nous ont dit que
des parents leur ont dit : Je veux
offrir à mes enfants, à mon enfant la chance que je n'ai pas eu,
particulièrement des parents issus de l'immigration, qui proviennent de
pays particulièrement, là, où il y a eu le chaos puis les guerres, où ils n'ont
pas eu accès, eux, à l'école, et c'est une
volonté des parents d'offrir ça à leur enfant, la chance qu'ils n'ont pas eue
de fréquenter une école qui leur permette, dans leur conception, d'acquérir
un diplôme qui va leur permettre ensuite d'occuper un emploi. Il y a cette
volonté-là aussi qui est manifestée de la part des parents.
M.
St-Germain (Pierre) :
Peut-être très rapidement, il faut déconstruire le message qu'on est en train
de faire de la scolarisation précoce, qu'on est en train de faire, en
fin de compte, la première année avant le temps. Et ça, je pense que c'est un
message qui circule trop et qui vient nuire. En tout cas, ça met, je dirais, de
la friture, là, sur la ligne actuellement, là.
Mme Roy (Montarville) : Merci
infiniment.
La
Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Je vous remercie beaucoup, messieurs et madame
de la Fédération autonome de l'enseignement.
J'inviterais maintenant les représentants de la
Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec
à prendre place.
Nous suspendons pour quelques minutes les
travaux. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 13)
(Reprise à 12 h 15)
La Présidente (Mme Richard,
Îles-de-la-Madeleine) : Alors, bienvenue, mesdames de la Fédération
des associations de familles monoparentales
et recomposées du Québec. Mmes Lévesque et Desjardins, bienvenue. Mme
Lévesque, je pense que vous êtes la porte-parole du groupe et je vais vous
demander de vous renommer et de présenter la dame qui vous accompagne. Et vous
disposez de 10 minutes pour nous faire votre exposé. Merci.
Fédération des associations de familles
monoparentales
et recomposées du Québec (FAFMRQ)
Mme
Lévesque (Sylvie) : Oui,
bonjour. Merci beaucoup de nous avoir invitées à la commission. En fait, on
va se partager le temps chacune, donc on va prendre... on prend tout le temps
possible pour exprimer le maximum de ce qu'on veut dire. Donc, on va le faire à
deux, finalement.
Alors, dans un premier temps, merci à la
commission de nous avoir permis de participer aux consultations. D'ailleurs, dès le dépôt du projet de loi, en
mars, on avait manifesté, justement, un intérêt de prendre part aux
échanges. Ce fut quand même rapide, parce qu'il
a fallu qu'on fasse le mémoire la semaine dernière. Donc, en tout cas, on a
des petites ressources, mais on essaie quand
même d'être présentes et actives, donc… épargnez nos indulgences. J'espère
que vous avez eu le temps de parcourir notre mémoire quand même.
Donc, on a
été interpellées par le fait que la mise en place des maternelles quatre ans se
fera prioritairement dans les milieux
défavorisés, et on sait que les familles monoparentales à faible revenu sont
souvent parmi les premières à être ciblées par ce type de mesure. Le fait de vouloir
mettre en place de nouveaux outils pour favoriser la réussite scolaire
des enfants n'a rien de répréhensible en
soi. C'est le ciblage des populations qui, selon nous, pose encore une fois
problème.
Encore
aujourd'hui, les familles monoparentales sont la cible de nombreux préjugés.
Par exemple, dans certains milieux,
on avance que les enfants qui grandissent dans ce type de famille sont plus à
risque que d'autres de développer des
comportements antisociaux : délinquance, violence, toxicomanie, etc.
Malheureusement, les facteurs retenus pour expliquer ces comportements
déviants se résument trop souvent à faire porter la responsabilité des
problèmes sur les jeunes et leurs familles
sans questionner les inégalités sociales et économiques qui jouent pourtant un
rôle fondamental dans les possibilités de développement des enfants.
Selon nous, cette approche positiviste, sur laquelle reposent les principaux modèles de prévention précoce, tend à
évacuer trop rapidement la dimension politique des problèmes sociaux et à ignorer la multiplicité des solutions possibles.
D'ailleurs, le vocabulaire utilisé dans certains milieux est souvent
évocateur. On prétend vouloir empêcher la
transmission intergénérationnelle de la pauvreté comme s'il s'agissait d'une
maladie.
Même si les intentions à la base des mesures
destinées aux enfants de milieux défavorisés peuvent paraître bonnes, elles n'en comportent pas moins leur lot d'effets
potentiellement indésirables sur les familles. L'exemple du recours peu fréquent des familles assistées sociales aux
places qui leur sont réservées dans les CPE est parlant. Bien que les
causes exactes de ceci soient peu
documentées, on peut avancer l'hypothèse que ces mères, puisque c'est souvent
majoritairement des mères, sont peu enclines à fréquenter des milieux où elles
se sentiront jugées dans leurs compétences parentales.
On peut aisément comprendre que certains parents
se sentent intimidés face à certains intervenants, d'autant plus que, comme les places en CPE destinées aux
familles assistées sociales sont régies par des conditions spécifiques, elles sont facilement identifiables. Nous sommes d'avis
d'assurer que les interventions ne vont pas contribuer à stigmatiser
encore plus davantage les enfants qu'elles prétendent vouloir aider ni à
renforcer un sentiment d'incompétence chez leurs parents qui, majoritairement,
sont aussi des mères.
L'objectif
visé par l'implantation des services de maternelle quatre ans en milieu
défavorisé est, semble-t-il, de lutter contre le décrochage scolaire.
Pourtant, toutes les études ne s'entendent pas sur les bénéfices de la
scolarisation précoce. Selon certaines d'entre
elles, l'augmentation du temps de fréquentation scolaire n'aurait pas d'effet
notable sur la performance des élèves. On peut aussi se demander s'il y
a véritablement lieu de s'inquiéter des résultats scolaires des jeunes puisque, selon les derniers résultats
du Programme international pour le suivi des acquis des élèves, le
Québec se classe dans le peloton de tête en
ce qui concerne les résultats en mathématiques, en sciences et en lecture. Le
Québec est même au premier rang dans le
monde francophone, devant la France, la Belgique et la Suisse. Par ailleurs, le
pays qui obtient la meilleure performance est la Finlande où l'âge d'entrée
à l'école est de sept ans.
• (12 h 20) •
Mme
Desjardins (Lorraine) :
Alors, mon nom est Lorraine Desjardins. Je suis agente de recherche et de
communication à la fédération.
Alors, il y a d'autres aspects concernant l'implantation
des maternelles quatre ans qui nous apparaissent aussi préoccupants, des aspects plus concrets. D'abord, la formation du
personnel enseignant, il y a d'autres groupes qui sont venus vous dire
leur préoccupation par rapport à ça. Est-ce que cette formation-là va leur
permettre véritablement d'accueillir et de
répondre à des enfants d'âge aussi jeune? On peut se permettre d'en douter
quand on sait que, dans le cadre des
formations universitaires, c'est seulement entre quatre et 12 crédits sur 120
qui sont consacrés à l'éducation préscolaire et que les besoins
développementaux des enfants de quatre ans ne sont même pas abordés.
Encore une
fois, une autre préoccupation qui vous a été ramenée par d'autres groupes, le
ratio adultes-enfants. Dans les maternelles quatre ans, on parle de
classes de 18 enfants, là. J'imagine que, dans ces derniers jours, ça a baissé un petit peu au niveau du ratio. Mais, dans
les CPE, c'est le double d'adultes pour le même nombre d'enfants, donc
deux adultes pour 18 enfants. Comment est-ce qu'on va s'assurer de créer et de
conserver des interactions de qualité avec
tous les enfants qui fréquentent la maternelle quatre ans avec un ratio aussi
élevé? Et en plus, dans les CPE, les repas sont fournis, alors que, dans
un milieu scolaire, l'enfant arrive avec sa boîte à lunch. Quand on sait que,
pour les supervisions de dîners, le ratio
peut aller jusqu'à un adulte-60 enfants, on se demande comme les tout-petits,
qui ont de la misère à gérer leur boîte à lunch, vont faire, là.
Par ailleurs, quelles mesures est-ce qu'on
entend mettre en place afin de faciliter la conciliation famille-travail-études
pour les parents qui en ont besoin? En CPE, on sait que les horaires, c'est à
longueur d'année, à part deux semaines de
vacances, alors que le calendrier scolaire, bien, il y a des journées
pédagogiques, il y a des semaines de relâche
et il y a aussi l'été. Alors, qu'est-ce qu'on va faire avec ces enfants-là? Les
parents qui ont des enfants d'âge scolaire savent déjà ce que c'est, gérer ces conflits-là, mais, quand les enfants
sont plus jeunes, c'est des problèmes d'ordre encore plus important. Et puis, pour l'été, bien, les
camps d'été, il y en a certains qui offrent des activités à des enfants aussi
jeunes que quatre ans, mais ce n'est pas tous les camps d'été. Il y a des camps
de jour qui prennent les enfants seulement à partir de cinq ans.
Notre fédération croit que multiplier les
mesures ciblées auprès des enfants des milieux défavorisés sans questionner — on le disait tantôt — les inégalités sociales, c'est non seulement
discutable sur le plan des fondements
scientifiques, mais ça porte aussi son lot de retombées négatives possibles sur
les familles. Si on est aussi convaincus,
d'ailleurs, des effets bénéfiques de la scolarisation précoce, pourquoi ne pas
offrir les maternelles quatre ans à l'ensemble des familles, peu importe
leur statut socioéconomique?
Alors, ceci nous
amène à nous questionner sur les objectifs véritables du projet de loi
n° 23, c'est-à-dire l'implantation des
maternelles. Si on pense rejoindre les enfants de quatre ans qui ne fréquentent
pas les services de garde et dont les parents sont prestataires de l'aide
sociale, on ne peut pas s'empêcher, évidemment, de faire le lien avec les récentes coupures à l'aide sociale. Rappelons qu'il
s'agit de priver, pour les gens qui ne le savent pas, là, les ménages
qui comptent deux adultes avec enfant de moins de cinq ans de l'allocation pour
contrainte temporaire qui est un montant de 129 $ par mois. La fédération, d'ailleurs, s'est
prononcée contre cette coupure qu'elle juge inadmissible et
contre-productive.
Alors,
avouez que... ou avouons ensemble qu'il existe un paradoxe plutôt difficile à
comprendre entre le fait de vouloir offrir des services éducatifs qu'on
dit de grande qualité aux enfants issus de familles les plus pauvres tout en privant leurs parents de ressources financières
vitales. Alors, le ciblage des populations à risque ou vulnérables — je mets des guillemets ici parce que
ça fait partie du vocabulaire qui est souvent utilisé dans les programmes de
prévention précoce — est loin d'être gratuit. Alors, il vient de
la volonté, pour les États, d'endiguer les coûts économiques et sociaux
de la pauvreté. C'est des façons de faire
qui sont d'ailleurs dans la foulée de diverses réformes qui ont été assenées
dans les programmes sociaux, dans les dernières décennies, dans l'ensemble
des pays industrialisés.
Alors, on multiplie,
auprès d'enfants en situation de pauvreté, une quantité toujours plus
impressionnante et sophistiquée d'interventions
destinées à faire d'eux, évidemment, des adultes productifs, donc qui ne sont
pas sur l'aide sociale puis qui sont
donc moins coûteux pour l'État. Et la fédération pense qu'on devrait plutôt
privilégier les mesures universelles. Les services de garde...
Une voix :
...
Mme Desjardins (Lorraine) : J'ai terminé. Les services de garde en font
partie, d'ailleurs, les CPE, les mesures universelles de soutien à la
famille pour s'assurer... et s'assurer que tous et toutes disposent de revenus
suffisants pour vivre en santé et dans la dignité.
Voilà, c'est terminé.
Merci.
La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci, mesdames. Alors, nous allons passer aux
échanges avec la partie gouvernementale. Mme la ministre, la parole est à vous
pour un temps de 17 minutes.
Mme Malavoy : Je vous remercie. Bonjour, mesdames. Je vous remercie de venir partager
votre point de vue, même si, à l'évidence, là, on n'est pas tout à fait
sur la même longueur d'onde, mais une commission parlementaire, c'est fait pour entendre toutes sortes de points
de vue. Alors, je vais vous dire quel est le mien, vous me croirez ou
non, mais je vais vous le dire quand même en toute sincérité.
Le premier point de
départ pour moi, quand on a commencé à travailler ce projet de loi, il y avait,
dans nos engagements électoraux, d'avoir une
maternelle à plein temps pour les milieux défavorisés, mais le point de départ,
pour moi, qui a été mon premier choc — je l'ai encore — c'est cette étude de 2008 faite par santé
publique, à Montréal, qui a conclu que 35 % des petits enfants sur
l'île de Montréal arrivaient en maternelle à cinq ans avec des carences telles qu'on
pourrait prévoir des difficultés et voire même risques de décrochage. Ça, ça a
été mon premier choc. Puis je ne travaille pas d'abord avec des statistiques,
mais ce 35 % là, je n'ai jamais oublié.
L'autre
donnée qui est aussi mon point de départ et qui est contenue dans l'avis du
Conseil supérieur de l'éducation, et
son président est venu nous le réitérer, c'est que seuls 73 % des petits
enfants de quatre ans utilisent un des services d'accueil ou d'intégration.
Donc, il y en a un bon nombre qui sont en dehors de ces services-là.
Sans
vouloir faire une combinaison parfaite de ces deux statistiques, il reste que,
moi, je sens le besoin d'offrir à des
enfants quelque chose de plus que ce qu'on fait actuellement puisque ce qu'on
fait actuellement ne les rejoint pas ou que, tout au moins, je dis ne
les rejoint pas eux, mais ils ne font pas partie des choix que leurs parents
font.
Vous
savez comme moi qu'il y a des places réservées pour des enfants de milieux
défavorisés dans les CPE, mais, nonobstant
cela, et quand bien même on compléterait toutes les places, il y a un certain
nombre de parents qui ne feront pas ce
choix-là. Et on est venus nous expliquer plusieurs des raisons que je ne
reprendrai pas ici, mais qui sont très éclairantes.
Donc,
moi, je me sens, mais très sérieusement, un devoir moral de faire que les
enfants de quatre ans du Québec, s'ils n'ont pas accès à une préparation
à l'école, je me sens un devoir moral qu'on leur offre, qu'on ajoute une porte d'entrée. Je n'en fais pas un jugement sur le
modèle des centres de la petite enfance, parce que j'ai le plus grand
respect pour ce qui s'y fait et la plus grande estime, et, dans ma trajectoire
familiale à moi, c'est le parcours que mes enfants et petits-enfants ont suivi, mais je pense qu'il faut accepter qu'on
ajoute, dans les services que nous offrons, quelque chose de nouveau.
Et, honnêtement, les gens qui le font et qui sont, donc, dans les projets
pilotes me donnent plutôt envie de croire que ça a un effet bénéfique.
Alors,
j'aimerais que vous réagissiez à ça. Je comprends que vous faites une lecture
politique plus globale, puis je respecte ça, mais, honnêtement, ma
lecture à moi, elle est très, très centrée sur l'intérêt de ces enfants-là.
• (12 h 30) •
Mme Desjardins (Lorraine) : Oui, effectivement, puis je pense que c'est... on
l'a dit d'emblée dans notre mémoire, on n'est pas d'emblée contre les
maternelles quatre ans, c'est vraiment le ciblage, l'aspect ciblage qui est un
petit peu fatiguant.
Pour vous donner un
exemple, un peu, de la dynamique qui se produit quand les familles à faibles
revenus ou assistées sociales — parce qu'on parle d'elles ici — qui ne fréquentent pas les places qui leur
sont réservées en service de garde,
on a une association, nous, qui travaille avec des mères monoparentales et qui
offre aussi un service de garde à l'intérieur
de ses murs. Mais ils font aussi autre chose que juste offrir un service de
garde, c'est-à-dire qu'il y a des activités pour les mères. Et c'est pendant que les mères participent à leurs
activités qui... Donc, ces femmes-là vont au service de garde de cet
endroit-là parce qu'il y a un accueil qui n'est pas jugeant, d'une part.
D'ailleurs,
un des exemples que je pourrais vous donner, là, de comment ces mères peuvent
se sentir, il y avait une jeune mère qui est arrivée avec son enfant de
deux ans à cette association-là, et le petit garçon avait l'épaule luxée, il avait une luxation de l'épaule. Et elle
est arrivée en larmes, évidemment, puis elle ne voulait pas aller à l'urgence
de l'hôpital, puis les
intervenantes lui ont demandé : Mais pourquoi tu ne veux pas aller à l'urgence?
Bien, elle dit : J'ai peur qu'ils
me l'enlèvent, qu'ils disent que je suis négligente puis que... Et là, donc,
ils l'ont donc accompagnée à l'urgence, et l'infirmière a dit : Madame, ça arrive tout le temps, ça arrive
souvent qu'il y ait des enfants de deux ans. Mais sauf que, là, c'est une femme, une jeune mère assistée
sociale qui a ça, cette espèce de stigmate là sur elle. Donc, dans ce cas-là,
elle pouvait faire confiance, parce qu'elle
a une relation de confiance avec les gens de l'association, mais, dans d'autres
milieux, elle ne l'a pas, cette relation de confiance là.
Je
voudrais revenir aussi sur... Bon, on l'a fait, effectivement, en 2008. Nous
aussi, hein, on suit les études qui sortent sur les familles
défavorisées, et tout ça, sauf qu'il y a aussi d'autres études qui disent
exactement le contraire, c'est-à-dire que, dans notre mémoire, entre autres, on
cite l'étude de 2005 de Lapointe, Richard Tremblay et Martine Hébert qui dit, entre autres, que ce n'est pas
prouvé et ce n'est pas démontré que la scolarisation précoce va
nécessairement aider les familles
défavorisées. Entre autres, ils disent même que, dans certains cas, ça peut
même nuire. Donc, c'est ça. Au niveau de la recherche, tout le monde ne
s'entend pas là-dessus, là.
Donc,
oui, effectivement, offrir des services éducatifs, mais le côté ciblage de
population, c'est fatigant, parce que, bon, on le disait, quand on est
arrivées tantôt, il était question des cours d'école où il n'y avait pas de
ghettos, là, les enfants n'ont pas de
ghettos, mais il faut dire aussi que les intervenants, bon, qui interviennent
avec des enfants, il y a des tags, là, c'est taggé, un enfant qui
arrive...
Mme Malavoy : Comme on a peu de temps, je veux juste dire un mot, mais je sais que
mon collègue meurt d'envie de poser
également une question. Je voudrais juste me permettre de reprendre une chose
que vous avez dite, parce que, dans notre esprit, il ne s'agit pas de
scolarisation précoce, il s'agit d'offrir à des enfants de quatre ans des
activités adaptées à un enfant de quatre ans, mais à leur permettre de se
mettre à niveau en acquérant certaines habiletés dont ils auront besoin pour
réussir à l'école. Par exemple, s'il y a une carence au plan du vocabulaire, ce
n'est pas de la scolarisation précoce que d'offrir
à l'enfant des occasions d'élargir son vocabulaire, mais tout en adaptant cela,
bien sûr, à son âge. Donc, je
voudrais au moins vous rassurer sur un élément. Dans notre esprit, là, il ne s'agit
pas de commencer à leur inculquer des notions de... apprendre à compter,
apprendre à lire, apprendre à écrire à quatre ans.
Mme Lévesque (Sylvie) : Si je peux me permettre, c'est ce qu'ils font
déjà en CPE actuellement. Et comment se fait-il — justement,
il y a des places réservées pour… vous dites les familles défavorisées, mais
que ce n'est pas du temps plein, parce que c'est deux jours et demi — ne
vont-elles pas… comment se fait-il… Le pari que vous faites, finalement, c'est que ces familles-là vont plus
aller en maternelle. Même si ce n'est pas sur une base obligatoire, on
sait que la majorité des parents,
effectivement, en maternelle cinq ans, on y va d'emblée, on met nos enfants en
maternelle même si on sait que ce n'est
pas obligatoire, malgré que, tous les parents, on pense tous que c'est
obligatoire, d'ailleurs, mais enfin ça, c'est une autre histoire. Mais,
en fait, comment on peut dire, prétendre qu'automatiquement ces parents-là, par
contre, qui ont des enfants défavorisés en bas de quatre ans, vont tous aller à
la maternelle alors que ce n'est pas une base obligatoire?
Mme Malavoy :
D'abord...
Mme Lévesque (Sylvie) : Donc, je pense qu'effectivement, au niveau des
services de garde, nous, on l'a dit depuis plusieurs années, effectivement, qu'on ne réussit pas à rejoindre ces
familles-là, et je pense qu'il faut travailler davantage, à mon point de
vue, sur les... Oui, les enfants, c'est important, mais, je pense qu'on oublie
souvent, quand il y a des enfants pauvres, il y a des parents pauvres aussi.
Mme Malavoy :
C'est vrai.
Mme Lévesque (Sylvie) : Et, je pense, quand on travaille sur le revenu, c'est
parce qu'on présume d'avance que ces
parents-là ne sont pas capables de stimuler leurs enfants, alors que, s'il y a
des familles aisées qui choisissent de garder leurs enfants à la maison,
mais qui ont les moyens, eux, par exemple, on leur fiche la paix. Donc, c'est
un peu ça, là.
Mme Malavoy :
Je veux juste qu'on s'entende bien, parce que vous avez tendance à, je dirais,
faire de notre position quelque chose de beaucoup plus rigide que ce n'est.
Vous dites qu'on oblige systématiquement tous ces enfants-là... Non, on veut
offrir une chose additionnelle pour les parents qui le souhaitent, et notre
observation et les témoignages qu'on a
entendus, c'est que, pour bon nombre de parents, ça fonctionne. Ça fait que c'est
beaucoup plus, je dirais, simple, que ce n'est pas une position
théorique et universelle, c'est vraiment d'offrir une chose additionnelle.
Mais mon collègue
souhaite également poser une question.
La Présidente (Mme
Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Oui. M. le député de Sainte-Marie—Saint-Jacques,
vous avez la parole.
M. Breton :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, mesdames. Bien, en fait, je voudrais
renchérir sur ce que la ministre vient de dire. C'est qu'en fait il ne faut pas
oublier une chose, c'est que moi-même qui viens d'Hochelaga-Maisonneuve et qui ai l'école Champlain dans ma
circonscription, je peux vous dire que, d'abord, on parle de stigmatisation,
il y en a qui ont parlé de ghettoïsation, et, hier, les gens du conseil
supérieur de... l'enseignement?
Mme Malavoy : De l'éducation.
M. Breton : ...de l'éducation on dit : Écoutez, quand il
est question de choix, il n'y a pas de ghetto. C'est-à-dire qu'on n'oblige pas les enfants à y aller, on n'oblige
pas les parents à envoyer leurs enfants dans ces écoles-là. Donc, de
dire que ça, ça ferait en sorte de créer une espèce de ghettoïsation, c'est
mettre en... ils ne voyaient pas vraiment la logique derrière ça.
Ensuite
de ça, vous avez parlé du paradoxe entre les coupes à l'aide sociale et l'idée
d'envoyer les enfants dans les
maternelles quatre ans. Moi, je peux vous dire que je fais partie du groupe de
députés qui travaillent sur le dossier de l'aide sociale avec la ministre Maltais… la ministre... parce que je ne
peux pas dire son nom, je m'excuse. Mais, bref, tout ça pour dire que c'est
que vous présumez de ce qui va être annoncé bientôt — …
Mme Malavoy :
...de l'Emploi et de la Solidarité sociale.
M. Breton :
…c'est ça — vous
présumez de ce qui va être annoncé ce... bientôt. Et donc il y a des choses
qui vont être annoncées qui vont peut-être vous sembler moins paradoxales.
Pour...
Qu'est-ce que je voulais dire? Ah oui! C'est que l'école Champlain, moi, je
suis allé voir l'école Champlain à
quelques reprises, et j'ai vu que le travail qui se fait là est un travail, à
mon avis, qui est très impressionnant. Et puis il y a une chose dont on
m'a parlé. Il y a des gens qui sont venus ici, en commission parlementaire,
nous parler de ça, c'est qu'à cette fameuse
école Champlain on se retrouve aujourd'hui avec les trois quarts des enfants
qui sont issus de familles
immigrantes : Bangladesh, Amérique latine, Afrique, Haïti, Vietnam, je
dirais à peu près. Et il semblerait que, dans la culture de ces... surtout en Amérique latine, mais je pense
aussi ailleurs, pour eux, d'envoyer leurs enfants se faire garder dans un CPE, parce que c'est comme ça qu'ils
le perçoivent, ce n'est pas quelque chose qui est vu de façon aussi
positive. C'est-à-dire que ces mères-là, d'après ce que ces gens-là de ces
communautés-là me disent, préfèrent garder leurs
enfants plus longtemps. Quand il est question d'envoyer leurs enfants en
maternelle quatre ans, pour eux, c'est vu d'une façon différente et plus
positive. Et les gens de la Fédération autonome de l'enseignement nous ont dit
tout à l'heure justement que, pour les gens
qui venaient de milieux plus défavorisés — comme, moi, je viens d'un milieu plus
défavorisé — voyaient
d'un meilleur oeil et ne voyaient pas une stigmatisation, c'est-à-dire, ils
disaient : L'image qu'on va avoir d'avoir
une mère qui est sur l'aide sociale qui envoie son enfant dans un CPE, ça va
être perçu de façon plus négative qu'une mère qui envoie son enfant dans
une maternelle quatre ans. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.
• (12 h 40) •
Mme Lévesque (Sylvie) : Bien, c'est sûr que nous, ce qu'on disait tantôt,
c'est qu'on n'est pas complètement contre.
Ce qu'on dit, c'est qu'il faut faire attention à qui on l'offre. Je veux dire,
l'égalité des chances, c'est pour tous,
c'est dans cet esprit-là qu'on l'amène. On ne dit pas qu'on est totalement
contre. Ce qu'on amène, c'est ce qu'on voit sur le terrain, c'est quoi la réalité et est-ce qu'il y a
les ressources. Déjà qu'on dit qu'il n'y a pas suffisamment de ressources et de locaux, on sait que c'est
problématique dans les écoles actuellement. Donc, nous, ce qu'on dit, c'est
que : Mettons les conditions parfaites
aussi qui vont faire en sorte de favoriser le développement de ces enfants-là.
C'est aussi ce qu'on amène. Donc, on sait très bien que, connaissant les
écoles, actuellement, comment ça se passe, il y a quand même des coupures
budgétaires, il y a quand même un manque de ressources pour l'ensemble des
élèves au secondaire puis au primaire. Donc, nous, on se questionne beaucoup
sur quand on veut mettre en place des mesures comme
celle-là. Est-ce que le réseau est en mesure de le faire? C'est aussi ces
questionnements qu'on a par rapport à ça. Et, quand on offre à l'ensemble
des enfants québécois, nous, ce qu'on dit : Pourquoi ne pas l'offrir aussi
à l'ensemble des enfants, peu importe la situation, le statut socioéconomique
des enfants.
Aussi,
parce qu'on présume d'avance, comme on disait tantôt dans les études, parce qu'on
peut prendre les études du bord...
celui qu'on veut. Effectivement que les enfants — effectivement, on les a vues, ces études-là — qui
arrivent plus perdants par rapport à d'autres...
Moi aussi, je viens du milieu Hochelaga-Maisonneuve. Je m'en suis tirée pas si
mal quand même, puis il n'existait pas des
maternelles quatre ans, mais il n'existait pas des CPE, mais, enfin. Bref, ceci
étant dit, je pense que c'est un peu ça, ce
qu'on amène. C'est que les gens... il faut travailler aussi sur les revenus des
personnes, il faut améliorer leurs
conditions de vie pour que les parents soient aussi en mesure de stimuler leurs
enfants. Donc, c'est dans ce sens-là
qu'on dit... On ne dit pas que c'est complètement mauvais. Ce qu'on... La
lumière rouge qu'on allume, c'est qu'on
sait que les familles, entre autres monoparentales, qui sont dans une situation
de pauvreté sont souvent stigmatisées, même si on ne veut pas l'admettre.
C'est dans ce sens-là qu'on dit : Quand on offre des services au Québec,
offrons-les à l'ensemble des enfants.
La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Oui. Mme Desjardins, rapidement, et M. le député
de Saint-Hyacinthe aura une question après.
Mme Desjardins
(Lorraine) : C'est ça, là, c'est juste que je ne comprends pas, parce
que Mme la ministre nous dit que ce n'est
pas vraiment de la scolarisation. Mais pourquoi est-ce qu'on envoie ça à l'école
si ce n'est pas de la scolarisation, d'une part? Et, d'autre part,
comment on va faire pour rejoindre ces parents-là si, déjà, ils ne vont pas en
CPE puis que ce n'est pas obligatoire comme mesure, là? Comment on va les
convaincre d'envoyer leurs enfants?
Vous
savez, quand Sylvie disait, tout à l'heure, qu'on présume que les parents en
situation de pauvreté stimulent moins
leurs enfants, mais quand, jour après jour, tu vis le stress de la pauvreté
puis du manque de ressources, tu as peut-être
un peu moins d'énergie pour faire des activités éducatives et ludiques avec tes
enfants, là. Puis aussi c'est que ces enfants-là n'ont pas accès à des
loisirs non plus parce qu'ils n'ont pas l'argent pour aller dans des loisirs,
puis les loisirs, bien, des fois, c'est éducatif aussi, là.
La Présidente (Mme
Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci. M. le député de
Saint-Hyacinthe pour quelques minutes.
M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) :
Merci, Mme la Présidente. Je salue mes collègues ce matin. Je vous salue mesdames. Bien sûr, une de vos préoccupations
principales, je pense, dans votre mémoire, c'est… vous parlez souvent de
cibler les clientèles, éviter de cibler des
clientèles. Mais vous savez aussi que, selon les études et les démarches qui
sont faites, c'est dans les milieux les plus défavorisés où on a le plus de
risque de décrochage scolaire et le phénomène de pauvreté amène son lot aussi de… on peut dire de phénomènes, ça amène
son lot de conditions. Mais les enfants qui arrivent, qui n'ont pas fréquenté l'école et qui n'ont pas fréquenté
la maternelle quatre ans ou les maternelles ou qui n'ont pas... les 27 % qui n'y vont pas parce
que ça ne les intéresse tout simplement pas, peut-être, d'aller dans un
CPE, mais peut-être qu'ils pourraient y
aller à la maternelle quatre ans, vu que c'est une école et qu'on s'identifie
plus à une école pour certains parents, ou certains groupes
communautaires, ou certains groupes culturels.
Alors, ces
enfants-là qui vont arriver avec un retard, veux veux pas, ils vont être ciblés
par le milieu. Ils vont être identifiés
dans leur milieu. Comment vous expliquez que ça serait grave de les amener dans
une maternelle défavorisée, mais qu'un
coup qu'ils vont être identifiés, s'ils ne vont pas à la maternelle, puis qu'ils
arrivent à l'école, puis qu'ils sont identifiés déjà avec des carences…
Comment vous le percevez, ce ciblage-là? Il va être ciblé de toute façon parce qu'il va être obligé d'être suivi, il va être
encadré par des professionnels. À ce moment-là, comment vous arrivez à
faire ce partage-là?
La
Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Je vous remercie. Malheureusement, la réponse
devra venir à même les échanges qui vont suivre. Je vous remercie. Le temps est
écoulé.
Alors, nous passons aux échanges avec l'opposition
officielle, et c'est la députée de Trois-Rivières qui prendra la parole.
Mme St-Amand : Merci beaucoup, Mme
la...
La Présidente (Mme Richard,
Îles-de-la-Madeleine) : Alors, vous avez un peu plus de 14 minutes.
Mme
St-Amand : Merci, Mme la
Présidente. Alors, Mme Levesque, Mme Desjardins, contente de vous
rencontrer ce matin. En fait, je... D'entrée de jeu, je vais vous dire qu'hier
il y a eu un moment ici qui m'a fait frissonner
et pas de plaisir, je peux vous le
dire. À un moment donné, on a des intervenants qui sont venus nous dire… une
dame qui avait déjà travaillé dans
les maternelles quatre ans puis qui est venue nous dire : Quand tu as un
groupe de 15 enfants — puis
là on venait juste d'entendre avant que ça se peut qu'on rentre en maternelle
quatre ans à trois ans et huit mois — et
que tes enfants qui sont sur cinq autobus différents, la gestion de ça… Puis
là, moi, je n'ai pas eu le défi d'avoir
de la garde partagée ou de vivre la séparation, mais, en fait, ce que l'enseignante
nous disait, c'est qu'elle comme enseignante avec ces enfants-là, il
faut que tu t'assures que c'est dans le bon autobus. Là, je pensais à cet enfant-là et je me disais : Ma
foi du bon Dieu... En tout cas. Et je sais que vous autres, dans l'organisme
que vous représentez, évidemment, vous avez
à accompagner, à soutenir et à composer avec ce genre de défi là. Alors, je
voulais partager ça avec vous parce que je trouvais que c'était une image qui
était quand même très forte et qui nous amène à s'assurer que, si on met en place les maternelles quatre ans en milieu
défavorisé, il faudra vraiment tenir compte de ça.
Maintenant,
tantôt, vous avez parlé de la situation des femmes qui, souvent, on le sait...
Bon, d'abord, c'est parce que des séparations où les gens s'enrichissent,
on n'en a pas vu beaucoup, là, et c'est souvent les femmes qui sont victimes de
cet appauvrissement-là. Il y a un coût pour aller à l'école, puis j'aimerais ça
vous entendre là-dessus, parce que, pour les
familles monoparentales, les familles en milieu défavorisé, en fait, le coût d'aller
en service de garde versus le coût d'aller
en milieu scolaire, j'imagine que vous avez probablement... J'ai lu dans le
mémoire un peu, mais j'aimerais ça que vous élaboriez là-dessus, parce
que, ne serait-ce que... Je ne parle même pas de matériel pédagogique,
là, mais le coût des repas, le coût des services de garde, l'impact que ça va
avoir sur ces familles-là.
Mme
Lévesque (Sylvie) : Bien,
effectivement, on n'a pas eu le temps non plus d'aborder tous les aspects, mais c'est sûr que ça fait partie,
bien, autant en maternelle cinq ans qu'en quatre ans, là, mais effectivement
on a parlé tantôt aussi du temps, dans le sens que les garderies, bon, c'est à
l'année, il y a juste un deux semaines... bon, il y a ces éléments-là. Mais
effectivement il y a un coût rattaché à ça parce qu'il y a beau avoir l'école,
mais il y a aussi avant... avant
8 heures le matin, donc les services de garde… Donc, c'est sûr qu'il y a
des coûts qui se rajoutent là-dessus bien
qu'ils peuvent avoir des ressources supplémentaires, parce qu'on a le soutien
aux enfants qui s'est rajouté, et tout ça.
Mais c'est
pour ça que, nous, on parle… C'est un tout, c'est global, dans le sens que,
quand on est un parent, il faut regarder tout ça. Donc, c'est des
obstacles supplémentaires, ces familles-là, pourquoi elles ne vont pas en CPE.
Mais c'est sûr qu'à école c'est moins cher, sauf qu'effectivement ça peut être
aussi des obstacles supplémentaires. Donc, c'est tous des coûts qui se
rajoutent. Ça fait que c'est un ensemble de facteurs qui font que ces familles-là, effectivement,
disent : Bien, autant ça me coûte quelque chose à cinq ans... parce qu'on
n'a pas juste un enfant non plus, parce qu'on peut en avoir deux puis trois
enfants en bas âge. Donc, ça aussi, ça fait en sorte que ça se rajoute,
effectivement.
Puis, comme vous disiez tantôt, toute la
complexité... Parce qu'on sait que les ruptures se font de plus en plus jeunes avec de plus en plus des jeunes enfants, et
les recompositions se font rapidement aussi, dans le sens que les gens
ne restent pas longtemps monoparentaux.
Donc, on se recompose rapidement pour toutes sortes de raisons, aussi des
raisons économiques. Donc, ça... Puis on se décompose
aussi rapidement, là. Donc, ça fait qu'effectivement il y a toute la gestion quotidienne de : Il est-u chez son père, il
est-u chez sa mère? Puis, des fois, on en a plusieurs pères, plusieurs mères aussi. Bon. Bref, ça... Pour l'enfant
ou pour les enfants aussi, déjà que ça demande énormément... Mais la gestion du personnel scolaire, on le sait, nous,
on l'entend aussi beaucoup sur le terrain : Les parents… le père est-u
là? La mère est-u là? Est-ce que c'est
aujourd'hui, c'est-u demain? Bon. Donc, effectivement, c'est une joyeuse
problématique. Puis on se dit : Bien,
est-ce qu'on est prêts à recevoir ça? C'est un peu tous ces questionnements-là
qu'on a, finalement.
Mme
St-Amand : Merci. En lisant
votre mémoire, évidemment, ma première impression, c'était que vous étiez
totalement contre. Tantôt, je vous ai
entendue dire : On n'est pas d'emblée contre. J'ai envie de vous
demander... Parce que, bon, je
comprends que vous n'êtes pas trop favorable à la scolarisation, mais, quand
vous dites : On n'est pas d'emblée contre, qu'est-ce qui ferait que
vous seriez favorable?
Mme
Desjardins (Lorraine) :
Bien, déjà, que ce soit offert de façon universelle, ça serait... Bien, déjà,
que ça ne soit pas obligatoire, c'est intéressant. Que ce soit offert de
façon universelle, ça serait aussi intéressant. Et, bien, s'assurer de tous les aspects pratico-pratiques
dont on a parlé tout à l'heure, c'est-à-dire la formation des maîtres, c'est
important qu'ils soient formés pour accueillir des enfants aussi jeunes; le
ratio adulte-enfants; la question de la conciliation
famille-travail aussi, hein. Il faudrait vraiment voir... Parce que c'est un
aspect important aussi, on l'oublie.
D'ailleurs, juste pour revenir pour les CPE, c'est-à-dire
que les familles assistées sociales qui ont des places réservées en CPE, c'est deux jours et demi par semaine, 130 jours
par année, hein? Donc, ce n'est pas gratuit pour tout le temps. Quand je vous parlais de notre association
qui reçoit... qui a des services de garde, il y a des mères qui s'endettent
parce que ça leur coûte finalement la moitié
du prix, 3,50 $ par semaine, pour envoyer leur enfant à la garderie parce
que... parce qu'il faut qu'elles paient
quand même une partie, là. Donc, le problème ne serait pas réglé,
effectivement, s'ils les envoient à la maternelle puis c'est gratuit
mais qu'il y a des services de garde à défrayer en milieu scolaire, là.
Mme
St-Amand : Est-ce que ça
veut dire que, s'il y avait une autre piste de solution, par exemple de — on
aabordé, au cours des trois derniers
jours, la possibilité que les enfants puissent fréquenter les services de garde — qu'on
mette des mécanismes en place, ce genre de mécanisme... parce que, dans le
fond, on le sait, la préoccupation, c'est qu'on
a 27 % de nos enfants qui, en fait, n'ont pas de service. Et, dans cette
catégorie-là, on sait qu'on a des enfants que c'est un choix parental, on sait qu'il y a d'autres parents qui ne
veulent pas envoyer leurs enfants en service de garde. Est-ce que, s'il
y avait des mécanismes qui étaient offerts pour favoriser...
Mme Desjardins (Lorraine) : ...la
gratuité totale et complète, par exemple. C'est-à-dire qu'au lieu d'avoir juste
deux jours et demi de gratuits en CPE, bien, si c'était gratuit à temps plein,
ça serait intéressant, effectivement. Peut-être qu'on rejoindrait plus de
familles, mais, encore là, bon, il reste à voir si les familles à faibles
revenus fréquenteraient davantage. Mais la gratuité, c'est sûr, complète, ça
serait vraiment quelque chose, là, ça serait vraiment un plus.
• (12 h 50) •
Mme St-Amand : Vous avez raison, ça
serait vraiment quelque chose pour plusieurs personnes qui auraient à trouver
tout ce... ça serait vraiment l'idéal, en fait. C'est ce que vous nous dites.
Je comprends.
Vous avez parlé de stigmatisation. On a parlé de
ghetto ici depuis trois jours. Moi, j'ai donné l'exemple de... Parce qu'en plus
moi, je suis une éducatrice de formation. Alors, c'est sûr que, bon, il y a une
partie de mon coeur qui est avec les petits
enfants, qui se demande un peu comment ces enfants-là, à l'école, vont réagir,
puis l'estime de soi-même, et tout
ça. Et donc, d'être le plus grand dans un service de garde, ça peut être
intéressant pour un enfant aussi. Être
le plus petit... puis là je disais : Être le plus petit dans un petit
groupe de pauvres en plus, ça donne une autre image que j'aime moins. Alors, vous, vous apportez une
dimension qui est plus universelle. Ce que vous dites, j'aimerais ça que vous
alliez un peu plus loin quand vous dites : J'aimerais ça que ça
soit offert à tout le monde.
Mme Desjardins (Lorraine) :
...offert à toutes les familles, pas de façon obligatoire, mais tous les
enfants de quatre ans au Québec, comme les CPE sont offerts de façon
universelle, c'est une mesure universelle, ça pourrait être intéressant.
La gratuité,
écoutez, je ne le sais pas, là, il faudrait voir. Dans un monde idéal, ce
serait ça, mais, bon, on n'est pas nécessairement
dans un monde idéal. Mais n'empêche que ce qui serait vraiment l'idéal, là, ça
serait d'offrir des revenus qui
permettent à tout le monde d'être au-dessus du seuil de pauvreté, là. Là, on
serait en business puis on aurait peut-être moins besoin de faire des
mesures de prévention précoces à ce moment-là, là.
Mme St-Amand : Oui, je comprends
bien. Dites-moi, dans votre mémoire, à la page 7, vous parlez de la compétence et de la bonne volonté du personnel
enseignant. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion d'écouter nos
auditions en début de semaine, mais, en
fait, l'association préscolaire du Québec est venue nous parler de leurs
préoccupations par rapport au fait que, dans la formation préscolaire
élémentaire, nos enseignants ne se sentent pas nécessairement... et vous en
parlez brièvement. Est-ce que vous pouvez un petit peu plus élaborer là-dessus?
Mme Desjardins
(Lorraine) : Bien, écoutez, on en a parlé parce que, dans le cadre du
mémoire, c'était une préoccupation, mais on
s'est abreuvés aux gens qui sont des spécialistes là-dedans, en fait,
justement, les... entre autres ces personnes-là, les enseignants, et
tout ça, les fédérations d'enseignants, et tout ça. Ils savent effectivement
que la formation des maîtres, présentement, ne comprend
pas suffisamment de... c'est une préoccupation. Ça ne comprend pas suffisamment d'heures de formation pour le
préscolaire et certainement pas non plus pour les enfants... les besoins
développementaux des enfants aussi jeunes, alors que, quand tu as une
formation, tu reçois une formation pour être éducatrice — on dit éducatrice, mais on s'entend-u que c'est
pas mal majoritairement des filles, là, qui sont là — elles
reçoivent une formation sur les besoins développementaux des jeunes enfants,
là. Donc, ça serait quelque chose à considérer, là.
Mme St-Amand : J'ai envie de vous poser la question qui tue. Hier, on a reçu la
Coalition des garderies privées du
Québec qui sont venues, en fait, nous parler de comment elles accueillaient les
enfants en situation de pauvreté, parce qu'on sait que, parfois, les CPE
sont complets et que les parents, bon... puis avec le crédit d'impôt, et puis
tout ça. Évidemment, je vous écoute depuis
tantôt, et vous avez utilisé le mot CPE depuis le début. Si on avait une
ouverture à créer, à faire plus d'espaces
pour nos enfants de milieu défavorisé en service de garde, est-ce que, pour
vous, c'est uniquement CPE ou si le fait qu'ils puissent aller dans des
services de garde privés, subventionnés ou pas, pour vous, c'est acceptable ou
pas?
Mme Desjardins (Lorraine) : Le problème avec les services de garde privés, c'est
qu'ils sont privés, hein? Quand une mesure est étatique, le souci de
faire du profit n'est pas présent. Dans le privé, bien, on est là parce qu'il
faut faire du profit.
Ce
qui est aussi évident, ce qui est démontré dans toutes les études qui sont
faites sur les services de garde, c'est que le personnel est mieux formé en CPE, le ratio de gens diplômés, avec
des diplômes d'éducatrice en service de garde est plus grand dans les CPE. Donc, c'est sûr qu'on privilégie plus ce
mode-là, parce que les services sont de meilleure qualité. En tout cas, ça a été démontré par
plusieurs études, puis c'est un peu comme dans les résidences pour
personnes âgées. Dans le privé, des fois,
les conditions de travail aussi sont moins bonnes, la formation est moins
bonne, les conditions salariales sont moins bonnes. Donc, c'est ça.
Donc, c'est sûr qu'on privilégie davantage, la fédération en tout cas, les
services publics, là.
Mme St-Amand : O.K. Je vais vous laisser... Parce que, évidemment, la coalition nous
dirait quelque chose de différent. On sait qu'ils sont quand même
soumis... ils sont quand même soumis aux mêmes normes, là.
Mais j'aurais une
dernière question pour vous. Le programme Passe-Partout, vous connaissez?
Mme Desjardins (Lorraine) : Très peu, très peu. J'ai lu un peu, dans le cadre
du mémoire, j'ai lu un peu là-dessus. Je ne pourrais pas vous dire que
nos parents, les parents qu'on représente ou les familles qu'on représente
participent beaucoup à ce genre de mesure
là. Ce que j'ai lu là-dessus, c'est qu'on en disait grand bien. Mais je ne
pourrais pas vous dire, là, je ne serais pas à l'aise de vous répondre
plus amplement là-dessus.
Mme
St-Amand : Parfait, merci beaucoup.
La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci beaucoup. Nous allons passer, pour un
dernier bloc, au deuxième groupe des partis
d'opposition. Mme la députée de Montarville, vous avez quatre minutes pour
terminer.
Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Mesdames,
bonjour. D'abord, un petit éditorial très
bref. Pour moi, les parents monoparentaux en particulier, les mamans
monoparentales chefs de famille, pour moi, ce sont des héroïnes. Elles
accomplissent des miracles, là, vraiment, là. Cela dit, c'était mon petit
éditorial.
Je
vous ai bien entendues répondre à la question de ma collègue que j'allais vous
poser, mais la réponse est sortie. Je comprends bien que vos membres et
les parents que vous représentez, s'ils avaient le choix d'envoyer leur petit enfant de quatre ans à la maternelle quatre ans en
milieu défavorisé à temps plein ou dans une garderie, CPE, temps plein
gratuite, le choix serait facilement fait, et ce serait la garderie.
Mme Lévesque
(Sylvie) : Bien, c'est-à-dire que je ne sais pas si c'est facile que
ça. Ce que… nous, ce qu'on amène, c'est que,
déjà, ces familles-là ont tendance à garder leurs enfants à la maison en
général. Donc, ça, c'est un constat,
hein? On l'a vu. Tout le monde essaie de les rejoindre, tout le monde essaie d'aller
les chercher, puis on n'est pas capable.
Bon, en même temps,
il y en a d'autres parents qui font ce choix-là aussi. Pourquoi? Parce qu'on
est une famille défavorisée, parce que les
études disent qu'il faut les stimuler, ta, ta, ta, parce qu'il y a du
décrochage scolaire. Sauf qu'il y a aussi du décrochage scolaire auprès
des jeunes que des enfants... les parents sont aisés puis une classe moyenne
supérieure aussi, là. Je veux dire, il ne faut pas non plus penser que, parce
que... le décrochage scolaire est juste du côté des pauvres. Enfin, c'est mon
éditorial aussi.
Donc,
ceci étant dit, dans ce sens-là, ce qu'on dit, c'est que ce n'est pas
nécessairement automatique. C'est sûr que
l'avantage, c'est ça, comme on disait tantôt, l'école, c'est dans ton quartier,
il y a un CPE aussi, donc c'est proche,
à proximité. Donc, je pense que c'est des choix qui peuvent être variés,
effectivement. On peut aussi offrir des possibilités. Donc, ce n'est pas sur une base obligatoire, ni les CPE
non plus, donc il y a des parents qui peuvent vouloir quatre ans puis d'autres...
bon.
Ce
qu'on dit, c'est : Pourquoi, à ce moment-là, si on a un système public
puis on doit offrir l'ensemble de l'école, pourquoi on ne l'offre pas à l'ensemble des enfants, peu importe le
statut socioéconomique des parents? Puis qu'on travaille aussi davantage
sur les revenus pour aider ces familles-là aussi à faire en sorte d'avoir des
meilleures conditions
pour que ces enfants-là, quand ils arrivent à quatre, cinq ans, six ans, sept
ans, ne soient pas non plus dans une situation
en arrière par rapport aux autres, parce qu'ils sont déjà, comme on disait
tantôt, le monsieur posait la question tantôt — M. le député, je ne me souviens plus de
votre nom, désolée — quand,
ces enfants-là, ils vont être moins stigmatisés s'ils arrivent à la
maternelle. Mais ils sont déjà stigmatisés, de toute façon, dès quasiment l'enfance,
parce que, quand elles arrivent à l'hôpital,
ces mères-là, puis que les enfants sont pauvres, bien, ils sont déjà avec une
batterie d'intervenants. Donc, ça commence déjà là. Alors donc, ils n'ont pas
fini d'être stigmatisés, là.
Mme Roy
(Montarville) : Vous faites justement allusion à la stigmatisation, je
voulais en venir là. Vous la craignez
beaucoup avec ces maternelles quatre ans pour enfants de milieu défavorisé.
Pensez-vous qu'elle serait moins grande ou est moins grande en CPE?
Mme Desjardins (Lorraine) : Moi, je pense que, comme disait Sylvie… bien,
elle ne serait pas nécessairement moins
grande, mais je pense que, s'il y a un endroit où on devrait agir en priorité,
c'est d'assurer des revenus décents à ces familles-là, des logements
décents, hein? Parce qu'il y a de ces familles-là qui doivent débourser des
fortunes pour se loger, des pourcentages
énormes de leur revenu pour se loger parce qu'il manque de logements sociaux.
Donc, donnons-leur des conditions de vie socioéconomiques décentes, puis
peut-être que, peu importe qu'ils aillent en CPE quatre ans ou en maternelle
quatre ans, peut-être qu'ils seront mieux, les enfants réussiront mieux parce
que leurs parents seront moins stressés aussi, là.
Mme Roy
(Montarville) : Donc, vous dites de travailler en amont plutôt qu'en
bas, là.
• (13 heures) •
Mme Lévesque (Sylvie) : Bien d'ailleurs, l'étude que vous faisiez
référence, Mme la ministre, la santé publique sur la maturité scolaire,
je pense que c'est à celle-là que vous faisiez référence, au directeur de la
santé publique en 2008, disait d'ailleurs qu'il
faut travailler aussi à ce que ces enfants-là soient avec l'ensemble des autres
enfants. C'est plus gagnant auprès...
même chose pour les enfants handicapés ou les enfants qui sont différents. Ce n'est
pas en mettant l'ensemble de ces enfants-là ensemble qu'on va améliorer
leur situation.
La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Eh bien, je vous remercie, Mmes Lévesque et
Desjardins de la Fédération des associations
des familles monoparentales et recomposées du Québec. Je vous remercie de votre
présence.
Ceci met fin à nos
travaux pour tout de suite. Et la commission suspend ses travaux jusqu'à 15
heures, cet après-midi. Merci.
(Suspension de la séance à
13 h 1)
(Reprise à 15 heures)
La Présidente (Mme
Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Bonjour. Bienvenue à cette
commission. Nous reprenons les travaux de la
Commission de la culture et de l'éducation. Je vais demander tout de suite aux
gens de bien éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires, et
nous allons poursuivre les auditions publiques sur le projet de
loi n° 23, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique concernant
certains services éducatifs aux élèves âgés de moins de cinq ans.
Alors, nous recevons,
cet après-midi, avec grand plaisir, le Conseil québécois des services de garde
éducatifs à l'enfance. Alors, le porte-parole, est-ce que c'est M. Moreau ou
madame...
Conseil
québécois des services de
garde éducatifs à l'enfance (CQSGEE)
Mme Gingras
(Sylvie) : Bien, c'est-à-dire...
La Présidente (Mme
Richard, Îles-de-la-Madeleine) : ...Mme Gingras? Oui.
Mme Gingras
(Sylvie) : Oui, c'est ça. M. Moreau pourra vous exposer notre mémoire.
La Présidente (Mme
Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Oui, d'accord. Alors, bienvenue à
vous. Alors, Mme Gingras, je vais peut-être vous demander de prendre la parole
la première, en vous présentant et en présentant monsieur qui vous
accompagne...
Mme Gingras
(Sylvie) : Oui, certainement. Merci.
La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : ...et vous aurez 10 minutes pour l'exposé du
mémoire.
Mme Gingras
(Sylvie) : Alors, merci à la commission, Mme la ministre, Mmes et MM.
les députés. Je vais abréger sur la
présentation du conseil québécois. Dans le mémoire, étant donné qu'on a déposé
le mémoire séance tenante, vous pourrez... vous serez à même de lire les
détails de notre organisation.
Je
suis accompagnée aujourd'hui de M. Jacques Moreau, qui est professeur et
chercheur à l'École de service social de l'Université
de Montréal, qui est spécialiste des facteurs psychosociaux nuisant
à la qualité du développement de
jeunes enfants. Il est coconcepteur de l'outil GED. Il a aussi travaillé pour l'évaluation
des initiatives 1, 2, 3 GO! et il est spécialiste en intervention
précoce auprès des enfants vulnérables, négligés et maltraités.
Alors, je débuterais
la présentation du mémoire en vous disant : Ce qu'on a choisi, nous,
aujourd'hui, à titre d'organisation
provinciale représentant les centres de la petite enfance, c'est de vous dire
que nous, on prépare l'enfant pour l'école,
on trouve que c'est bien, c'est très bien, mais le préparer pour la vie, c'est
encore mieux. Alors, sur ce, je laisse la parole à M. Moreau.
M. Moreau
(Jacques) : Merci. Écoutez, la rédaction de ce mémoire est dans une
vision beaucoup plus développementaliste qu'autre chose. Donc, quand j'ai
entendu parler de l'ambition du gouvernement pour les enfants défavorisés de quatre ans ou, pour utiliser une
expression que je préfère… Parce que ce n'est pas tous les enfants
vivant en milieux défavorisés qui vont avoir
des problèmes de développement, je préfère personnellement parler des enfants
en conditions d'adversité à leur
développement, ce qui est un petit peu plus juste, vous en conviendrez. Donc,
quand j'ai eu pris connaissance de la
volonté du gouvernement d'aller de l'avant, d'envoyer tous les enfants de
milieux défavorisés vers l'école, je me suis posé de nombreuses
questions. Et il y a eu, avec le conseil québécois, il y a eu un lac-à-l'épaule qui s'est organisé au mois de février.
On a posé plein de questions aux membres du conseil à ce moment-là, et il
y en a eu... il y en a eu, quelques réflexions, quelques conclusions, les
principales sont présentées dans le mémoire que vous avez sous les yeux.
Donc, rapidement, je
vous dirai que, d'un point de vue des connaissances récentes en développement
de l'enfant, je suis loin d'être convaincu
que la maternelle quatre ans, dans le contexte particulier, québécois, organisé
des services de garde et de l'école, je suis
loin d'être convaincu que c'est la meilleure solution pour les enfants de
milieux défavorisés ou des enfants en conditions d'adversité face à leur
développement, et je vais m'expliquer.
D'abord,
ce n'est pas parce qu'on vit dans un environnement ciblé défavorisé que,
justement, on va nécessairement vivre
des problèmes qui sont associés aux nombreux facteurs de risque qui sont
documentés dans la littérature, y compris la pauvreté. Et tous les enfants se développent selon une séquence
universelle, on le sait, et tous les enfants se développent également à un rythme qui leur est propre, ce qui
fait qu'ils traversent, toutes et tous, les mêmes étapes de
développement mais pas nécessairement au même moment, au même rythme et de la
même façon.
Donc, ceci étant dit,
ça n'empêche pas qu'il y a certains enfants... Parce que, de deux choses l'une,
ou, chez certains enfants, il y a une
biologie qui se met en déroute et qui fait en sorte que, là, les enfants
développent un problème, comme dans
le cas des TED, par exemple, ou les enfants qui naissent avec une trisomie
comme le syndrome de Down, ou bien il y a des enfants qui vont
rapidement présenter ce qu'on appelle des retards de développement pour des
raisons, cette fois-ci, qui sont de l'ordre
de l'influence de l'environnement qui… l'influence de l'environnement, ici,
étant néfaste. Donc, ce sont de ces
enfants-là dont on parle, finalement, quand on parle de l'accessibilité à des
ressources pour que des enfants puissent se développer harmonieusement.
Donc, quand on vise
des enfants de milieux défavorisés, dans le fond, ce que moi, je lis et ce que
moi, j'entends, c'est qu'on vise ces
enfants-là particuliers, qui sont en difficulté dans leur développement, ou
certains auteurs pourraient dire qu'ils
sont en souffrance dans leur développement, et on cherche à faire en sorte de
les aider à rattraper les retards de
développement qui vont se présenter ou les troubles d'adaptation et de
comportement qui vont se présenter à un jeune âge. Et c'est souvent vers les trois ans, quatre ans, justement,
qu'apparaissent les premiers signes assez évidents de ce type de
problème, de ce type de retard chez les enfants.
Donc, les
connaissances récentes en développement de l'enfant nous indiquent
effectivement que plus on dépiste tôt et
bien, mieux on est en mesure de travailler avec les jeunes enfants et d'établir
un programme, ce qu'on appelle un
programme d'intervention précoce. Quand on parle d'intervention précoce, on ne
parle pas strictement, uniquement ou spécifiquement de scolarisation
précoce — donc,
vous avez, dans le mémoire, une section qui, justement,
s'intitule Intervention précoce et scolarisation précoce ne sont pas
synonymes — parce
que, quand on fait de l'intervention
précoce, quand on cherche à faire de l'intervention précoce, on vise justement
la population des enfants en retard
de développement, en difficulté de développement, des enfants qui ont besoin d'un
supplément de quelque chose pour les
aider à rattraper le retard, pour les aider à atteindre les jalons de
développement attendus pour leur groupe d'âge. Quand le problème de l'enfant n'est pas d'origine biologique, quand le
problème de l'enfant est d'origine environnementale, même si elle affecte certains aspects biologiques
de sa croissance comme, notamment, celle du cerveau, on peut inverser la
tendance et faire en sorte que l'enfant puisse rattraper le retard. Et donc les
activités d'intervention précoce visent spécifiquement
ça : travailler à ce que l'enfant rattrape son retard de développement,
lui donner toutes les opportunités possibles
pour faire en sorte qu'il atteigne, selon l'âge chronologique qu'il a, le jalon
développemental attendu pour son âge.
La scolarisation
précoce, ce n'est pas ça. La scolarisation préscolaire, la scolarisation
préprimaire, selon les auteurs, elle, elle vise strictement à faire en sorte
que les enfants acquièrent les habiletés cognitives, et strictement cognitives, nécessaires à leur adaptation à l'école.
Quand on parle des habiletés cognitives, on parle de lecture, écriture, mathématiques, habiletés spatiotemporelles, et
ainsi de suite. Donc, tout l'univers du développement social,
émotionnel, tout le domaine d'amener l'enfant
dans l'autorégulation émotionnelle pour s'adapter aux autres enfants de son
entourage, pour s'adapter aux adultes de son entourage, pour s'adapter à un
nouvel environnement de garde, et ainsi de suite, toutes ces habiletés-là ne
sont pas nécessairement visées par la scolarisation précoce ou l'éducation
préscolaire. Dans certains cas, oui, mais encore trop peu, à mon avis, un peu
partout dans le monde.
• (15 h 10) •
Donc, dans une vision
développementaliste et en fonction des aspects plus particuliers, O.K., du
développement socioaffectif, émotionnel et l'atteinte,
justement, des capacités d'autorégulation dans ces aspects-là, je suis loin
d'être convaincu que… De déplacer des
enfants quatre ans qui sont déjà dans des services de garde ou qui sont déjà
installés, à deux ans, trois ans, depuis un
certain temps, qui sont déjà dans les services de garde, et de les envoyer dans
un nouvel environnement, vous prédisposez beaucoup d'enfants à vivre de
l'insécurité. Et, chez certains enfants de groupes vulnérables, qui sont dans des conditions d'adversité, pour qui les
jalons sont difficiles à atteindre même s'ils y arrivent, vous allez
provoquer, effectivement, des réactions d'anxiété. Et là, quand des enfants se
retrouvent en... — une
minute? Ah! Seigneur, vous êtes dure avec
moi. Quand vous mettez des enfants dans ces conditions-là, ils
deviennent anxieux, et là il y a un univers émotionnel qui prend le dessus sur
les habiletés cognitives, ils ne deviennent plus disponibles à apprendre. Ça devient beaucoup plus compliqué pour eux. Et
là on ne leur rend pas service, là, vraiment pas du tout.
Donc, pour toutes ces
raisons et d'autres qui sont écrites dans ce mémoire, qui a été écrit vite, là,
bon, je vous demanderais de respecter la recommandation du Conseil supérieur de
l'éducation, et annoncée à la page 77, qui est : «…pour assurer
rapidement l'accès de 90 % des enfants de quatre ans à des services
éducatifs de qualité réglementés par l'État, [...]créer en CPE les places qui
manquent [et] maintenir les services qui desservent déjà des enfants de quatre
ans…» Voilà.
La Présidente (Mme
Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci. Vous arrivez pile sur le
10 minutes. Merci, M. Moreau.
Alors,
nous allons débuter les échanges avec la partie gouvernementale. Alors, vous
disposez de 24 minutes. Alors, Mme la ministre, vous avez la
parole.
Mme Malavoy :
Je vous remercie, je vous remercie d'être là. Mais je vais vous prendre au mot,
M. Moreau, je vais commencer exactement par la phrase que vous venez d'évoquer,
mais je vais la terminer, page 77, du Conseil supérieur de l'éducation. On va la reprendre parce que le président du
conseil est venu et, honnêtement, il n'a pas dit ce que vous dites, mais moi, je vais me référer à son
texte. On pourra aller voir ensuite les galées exactes de ses
interventions à la commission. Mais le texte de l'avis dit ceci : «Le
conseil croit donc que, pour assurer [aussi] rapidement…» «…pour assurer
rapidement — pardon — l'accès
de 90 % des enfants de quatre ans à des services éducatifs de qualité
réglementés par l'État, il faut créer en CPE les places qui manquent — on
est d'accord avec ça, on a annoncé 28 000
places, au Parti québécois, il y a quelque temps. Il faut aussi maintenir les
services qui desservent déjà des enfants de quatre ans — on est d'accord
avec ça — de
manière à atteindre le plus rapidement possible un taux de fréquentation
de 90 %, tout en améliorant la qualité dans tous les types de services
éducatifs.»
Et
ce que le président du Conseil supérieur de l'éducation est venu nous dire, c'est
qu'il concevait bien qu'on garde comme approche, je dirais, majeure, au
Québec, l'approche des centres de la petite enfance, et j'en suis. Je veux
dire, c'est un réseau qui remplit
admirablement bien son mandat, tellement qu'on s'est engagés justement à le compléter,
on n'est pas du tout critiques par rapport au réseau des centres de la petite
enfance, on y croit totalement. Et en même temps
le président du Conseil supérieur de l'éducation nous a dit : Écoutez,
moi, je conçois qu'on puisse ajouter quelque chose de particulier pour
des enfants qui ne sont pas rejoints.
Et donc c'est donc ma
première question. Parce que, M. Moreau, vous êtes un spécialiste, puis je ne
vous concurrencerai pas sur ce terrain-là,
parce que je ne veux pas en faire une question d'école de pensée. Moi, mon
point de départ, c'est qu'actuellement il y
a plus du quart des petits enfants de quatre ans qui ne vont pas en service de
garde ou en quelque service que ce soit. Loin de moi l'idée de prendre
les enfants de quatre ans des services de garde puis de les envoyer ailleurs.
Plusieurs d'entre nous sommes ou avons été des parents ou sommes des
grands-parents et on sait parfaitement que, quand un enfant est quelque part et
qu'il y est bien, la dernière chose à faire, c'est de le changer pour je ne sais pas quel motif. On doit le faire
si on déménage ou... bon. Mais, si l'enfant est bien, il va y rester. Et
moi, je crois que les enfants de quatre ans en CPE actuellement, ils vont y
rester, puis les parents vont choisir la stabilité.
Mais ce n'est pas à
eux que je pense, moi. Moi, je pense à ceux qui ne vont pas dans les CPE. Et,
depuis lundi, on a eu plusieurs témoignages
qui nous ont aidés à comprendre mieux ce phénomène-là. Il y a des facettes que
j'avais à l'esprit, comme par exemple le
fait que des parents considèrent qu'un service de garde, bien, ça équivaut à
garder son enfant, puis qu'eux, ils
le gardent, s'ils ne travaillent pas, ils gardent l'enfant, et que, rendu à l'école,
ils sont prêts à ce que l'enfant soit dans des milieux où on va lui
permettre de développer les habiletés qu'il n'a pas développées et dont il pourrait avoir besoin une fois rendu en maternelle
cinq ans. Donc, je dirais, ces parents-là, ils peuvent avoir ces
raisons-là, mais d'autres nous ont dit, par exemple : Moi, mon enfant, à
quatre ans, je me rends compte que, par exemple, il n'a pas été habitué du tout à vivre en groupe, hein, je m'en suis occupé
tout le temps jusqu'à quatre ans. Cet enfant-là, il a été aimé, il a été soutenu, il a probablement développé
toutes sortes de choses, mais une mère nous dit : Moi, je me rends compte qu'il lui manque des choses, à ma petite
fille. Je ne veux pas l'envoyer en service de garde. À quatre ans, je considère
que c'est trop tard pour cet enfant-là, qu'il vaut mieux, si on m'offre une
maternelle quatre ans, prendre ce chemin.
Pourquoi ne
pourrions-nous pas prendre ce chemin pour des enfants… qui ne vous en enlève
pas dans les services de garde, ils n'y vont
pas, chez vous. Et, pour des raisons profondes, même si on complète les
classes, même si on donne plus d'accès, peut-être qu'on en rejoindra
quelques-uns de plus, mais ça ne comblera pas les besoins. Alors, pourquoi ne pas ajouter une porte d'entrée
additionnelle pour ces enfants qui, actuellement, ne bénéficient pas des
services éducatifs? Je voudrais vous entendre là-dessus.
M. Moreau (Jacques) : Écoutez, tout
ça fait du sens. D'un point de vue développemental, tous les enfants, quel que
soit leur âge, ont à atteindre des jalons développementaux particuliers.
Certains d'entre eux se retrouvent dans des conditions qui font en sorte que cette
tâche-là qu'ils ont à accomplir devient difficile et compliquée même, et
parfois ils n'y arrivent tellement pas que, justement, ils développent des
retards de développement.
C'est un
classique que, dans les populations vulnérables, dans les groupes vulnérables
de la société, les parents ont de
grandes réticences à se séparer de leurs enfants, qu'ils ont une grande
méfiance à l'égard des institutions. Et souvent c'est un phénomène un peu, si vous voulez, intergénérationnel. C'est-à-dire
qu'eux-mêmes ont eu, étant enfants et étant jeunes, des rapports
difficiles avec les institutions, notamment l'école, et ça fait en sorte que ça
ne les prédispose pas justement à vouloir faire en sorte que leurs enfants
fréquentent un service de garde pour toutes ces raisons-là.
Ce qui fait
qu'il y a un problème qui est connu. Il y a beaucoup de parents dans des
conditions de vie difficiles qui
refusent que les enfants aillent en service de garde, et c'est probablement
ceux-là qui sont effectivement les
plus difficiles à rejoindre et probablement les enfants de ces parents-là qui
sont peut-être, pas toujours mais peut-être, en plus grande difficulté
dans leur développement.
Donc, de
vouloir ouvrir une porte pour que ces enfants-là puissent avoir accès à des
services pour les aider dans leur
développement, je suis tout à fait d'accord avec ça. Je suis tout à fait d'accord
avec la flexibilité et la diversité des portes d'entrée pour qu'on puisse
venir en aide aux enfants en difficulté de développement. Là où j'en ai, là où
j'ai un souci, c'est que les enfants qui sont déjà dans les services de garde
et ceux qui vont s'ajouter avec les 28 000 places qui ont été annoncées,
une fois qu'ils sont là et qui s'annoncent… qui sont dans un milieu où il y a
une diversité… Parce que ce n'est pas que
des enfants de la classe moyenne qui fréquentent les services de garde, quand
même. Il y a beaucoup de services de garde qui sont dans des milieux justement
dits défavorisés et qui vont accueillir une diversité d'enfants.
• (15 h 20) •
Il y a une section, dans le mémoire, qui s'appelle
Les leçons tirées des initiatives 1, 2, 3, GO!. Les initiatives 1, 2, 3, GO!, elles étaient toutes, ces
initiatives-là, en territoires défavorisés, et on est allés au hasard, dans ces
territoires-là, compte tenu des objectifs d'intervention précoce qu'on avait,
pour l'évaluation des impacts et des effets des initiatives. Et là on est allés au hasard des codes postaux. Et, à tous
les deux ans, on avait une cohorte d'environ 450 à 500 enfants et familles, et les enfants, à chaque
deux ans, dans ces cohortes-là, étaient âgés entre 20 et 40 mois. On
est allés faire des évaluations du
développement pour un total de 1 800 enfants sur huit ans de
cueillette de données. Qu'est-ce qu'on a appris de ça? On a appris des
choses importantes. On a appris que le quotient de développement diminue significativement et de manière importante avec le
cumul de risques, que, sur les territoires, on avait des familles qui
avaient zéro risque. Donc, même s'il y avait
des familles qui étaient en territoires défavorisés, on a rencontré des
familles des enfants qui, elles, n'accumulaient
absolument aucun risque dans leur vie, ni pauvreté, ni faible scolarisation, ni
monoparentalité, ni rien. Et ces enfants-là, il y a une figure dans le mémoire
qui le montre bien, ces enfants-là, dans leur
score moyen de développement, ce groupe d'enfants là, zéro risque, ils sont
tout à fait dans les normes, tout à fait dans les normes dans leur développement. À partir du moment où il y a un
risque, ou deux risques, ou trois risques, vous voyez une chute
drastique de la qualité du développement des enfants.
Qu'est-ce qu'on a appris de ça? On a appris deux
choses importantes. Les enfants pour qui le quotient… peu importe le nombre de risques, O.K., les enfants
pour qui il y avait des jeux à la maison, et des livres, et des casse-têtes,
les enfants pour qui il y avait un temps de stimulation à la maison avec les
adultes, les parents en temps suffisant à tous les jours, et les enfants qui fréquentaient un service de garde sur le
territoire, peu importe le nombre de facteurs de risque présents dans leur vie, les enfants qui
fréquentaient un service de garde avaient des quotients de développement
supérieurs aux enfants qui ne fréquentaient pas un service de garde.
Donc, pour moi, il est clair que fréquenter un
service de garde, avec la qualité des actions éducatives qui sont menées dans
les services de garde, est un facteur de protection au développement de l'enfant.
Alors, à ce moment-là, oui, je suis d'accord
avec l'idée d'ouvrir et de se donner davantage de portes pour que des parents
qui sont réfractaires à l'idée d'envoyer
leurs enfants en service de garde puissent... que ces enfants-là puissent avoir
accès à des services. Je pense que la meilleure porte pour les quatre
ans et les plus jeunes, ça reste un environnement de service de garde. Je ne
dis pas que ce n'est pas la seule qu'on
pourrait offrir, mais je pense que, compte tenu de ce qui précède dans le
développement, les quatre ans, compte tenu
de tout ce qui peut induire un retard de développement ou des difficultés de
développement chez les jeunes enfants, je pense que la meilleure porte d'entrée
pour aider ces enfants-là et les parents aussi, bien évidemment, ça reste le
service de garde.
D'ailleurs,
je vous rappelle aussi qu'il y a un protocole d'entente qui existe, à travers
le Québec, centres jeunesse et CPE.
Et, dans beaucoup de CPE, on reçoit des enfants qui sont suivis par les centres
jeunesse, qui y sont pour maltraitance-négligence et qui sont l'objet d'un
suivi du DPJ. Et, quand ces enfants-là fréquentent le service de garde, après
un certain temps, grâce aux actions
éducatives qui sont mises en place dans ces environnements-là, les enfants
récupèrent, les enfants rattrapent leur retard, les enfants vont mieux.
La
Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Oui. Merci. Je pense qu'on va passer à une autre
question.
Mme Malavoy : Oui, c'est parce que
je...
La Présidente (Mme Richard,
Îles-de-la-Madeleine) : Le temps va avancer. Alors, Mme la ministre.
Mme Malavoy : Moi, j'ai un
chronomètre, alors je vois le... je devine quand on va me dire que c'est
terminé.
M. Moreau, on
n'est pas en train de discuter du meilleur modèle partant de rien. Et, quand je
lis vos... Quand je lis dans votre mémoire, à la page 12, un
certain nombre de principes que vous émettez en vous fiant sur des auteurs...
Une voix : ...
Mme
Malavoy : Je ne suis pas en
désaccord avec ça. Plus un programme débute tôt dans la vie des enfants,
plus importants seront ses effets. Plus un programme efficace est un... Un
programme efficace est un programme qui agit directement
sur un enfant. Il est plus efficace quand ses actions sont soutenues et
poursuivies dans et par la famille. Je ne lis pas de choses, dans ce texte, qui me dérangent sur le fond. Et c'est
d'ailleurs sur cette base-là qu'on a développé le réseau des centres de la petite enfance. C'est
précisément en s'appuyant sur des données comme celles-là et sur des
recherches comme celles que vous menez. Donc, les conclusions qui sont là sont
tout à fait limpides, là, et nous encouragent à développer nos centres de la
petite enfance.
Le problème
que j'ai... Moi, je suis une ministre de l'Éducation, bon, et je pense,
vraiment, là, dans ma tête, là, je pense
aujourd'hui à des enfants de quatre ans qui n'ont pas bénéficié de ça, qui ont
actuellement des carences, par exemple au
plan du vocabulaire. Alors, moi, je ne veux pas qu'ils apprennent à écrire à
quatre ans, mais ce que des spécialistes me disent, des spécialistes du développement des enfants me disent, c'est
que, si on a des centaines de mots en moins dans son vocabulaire quand
on a quatre ans, bien, rendu à cinq ans, on va déjà se sentir un peu à part des
autres. Et, quand on commencera vraiment l'école
en première année, on va être moins bon que les autres. Et, si on intègre qu'on
est moins bon si jeune, bien sûr on
ne le nommera pas et bien sûr on va rester dans la classe, parce que ce n'est
pas l'enfant de cinq ans qui décide,
mais, quand on aura 13, 14 ans, là, là, l'école, on en aura par-dessus la
tête, puis ça n'aura pas été un milieu où on aura eu du plaisir.
Alors, je
reviens à mes enfants de quatre ans. Moi, je me dis : Si, dans leur
trajectoire, ils arrivent dans les centres de la petite enfance, et qu'ils s'y épanouissent, et qu'on les aide à
acquérir les habiletés sociales, cognitives, langagières, c'est parfait. Mais, s'ils n'y arrivent pas, pour
toutes sortes de raisons... Et je ne porte pas un jugement non plus sur
le choix des parents. J'observe.
Je veux
offrir à ces enfants-là quelque chose. Viser dans les milieux défavorisés, c'est
restreint. On a dit : Ça va être
dans des milieux de ce qu'on appelle, même si les mots ne sont pas très jolis,
mais en tout cas on sait ce que ça veut dire, indices de défavorisation 9 et 10, donc dans les milieux, les
territoires où les enfants sont les plus défavorisés. Je veux pouvoir
leur offrir quelque chose et je veux faire aussi très attention pour que ce qu'on
leur offre ne soit pas... vous appelez ça de
la scolarisation précoce. Moi, j'ai entendu des gens venir me parler de ce qu'ils
font avec des enfants de quatre ans, ça ne me semble pas être de la
scolarisation précoce. Ça me semble être leur donner, à ces enfants-là, une occasion, de quatre à cinq ans, d'acquérir des
habiletés, des comportements qui vont tout simplement faire que, rendus
à l'école, ils ne seront pas déroutés puis ils ont des chances de réussir.
Alors, j'aimerais
juste que vous me disiez si, dans ce que je vous indique, qui est vraiment
notre projet... Notre projet n'est
pas de substituer aux centres de la petite enfance autre chose, c'est d'ajouter.
Je voudrais que vous me disiez si, dans
ce que je résume de mon mieux, il y a des choses qui ne vous vont pas ou qui ne
correspondent pas au bien de l'enfant.
M. Moreau (Jacques) : Ma crainte,
pour être franc, c'est de voir les objectifs que vous cherchez à atteindre s'inscrire dans une pédagogie traditionnelle au
lieu d'une pédagogie sociale. Alors, il y a deux petites sections, là,
qui portent là-dessus dans le mémoire, sur la pédagogie sociale en lien avec
les besoins développementaux. Et donc ce que les enfants de quatre ans en
milieux défavorisés, comme tous les enfants de quatre ans, les enfants de... La
seule différence qu'on va avoir entre
certains enfants en conditions d'adversité à leur développement et les autres,
c'est que ces enfants-là vont être en retard dans l'atteinte des jalons
développementaux.
Donc, ce qu'il faut faire avec eux, c'est de
travailler justement à atteindre les normes en fonction de leur âge chronologique pour que l'âge chronologique et l'âge
développemental soient à la même place. Aller chercher les enfants de... pour pouvoir travailler avec eux, là, il y a
un défi considérable. Et ma crainte, une fois qu'on les a, ces enfants-là,
qu'ils soient en service de garde modèle CPE ou un autre type de porte d'entrée,
qui pour l'instant m'est difficile à imaginer…
Ce qui est important, c'est de leur offrir une pédagogie qui va être adaptée
aux besoins développementaux spécifiques
des quatre ans ou des moins de quatre ans et en plus d'être capable d'identifier,
pour les quatre ans qui ne sont pas
là où ils devraient être dans leur développement, d'être capable d'identifier
correctement les étapes à mettre en place pour les aider à atteindre le
jalon développemental.
Donc, dans
cette vision-là développementaliste, la pédagogie traditionnelle, je ne la vois
pas agir dans une façon de faire qui permettrait ça, parce qu'elle va
être trop axée sur des habiletés pour s'adapter à l'école et non pas des...
viser les habiletés générales pour aider l'enfant dans son développement
global. Et ma crainte, elle est là.
Donc, si vous
me dites que vous êtes dans une tradition, dans la vision que vous avez, d'offrir
à ces enfants-là les services auxquels vous faites référence, que vous
êtes dans une vision de pédagogie sociale, bien, je pense que, là, oui, on
pourrait... je pense que, là, c'est une vision et c'est une vision qu'il faut
viser. Il faut aller là.
• (15 h 30) •
Mme Malavoy : Ce qui serait
peut-être intéressant pour moi… Parce qu'il y a des gens qui, actuellement, accompagnent des expériences de maternelle quatre
ans à plein temps et qui sont venus, entre autres, nous dire qu'est-ce
qu'on pouvait faire avec des enfants de quatre ans et qu'on ne fera pas avec
cinq ans, qui sont venus nous dire... Puis je suis persuadée qu'ils ont raison,
je suis persuadée que vous appuyez cela tout à fait. Quatre ans et cinq ans, c'est
très différent au plan du développement comportemental. Ce n'est pas une année
de différence. À cet âge-là, cette année-là,
comme c'est le cas d'ailleurs dans toute la petite enfance, les années, même
les portions d'année, elles font une énorme différence entre un enfant
qui passe le cap de deux, trois, quatre, cinq ans. Bon, ils sont venus nous
dire ça.
Mais
j'aimerais ça peut-être que vous puissiez illustrer ce que vous trouvez
important comme type d'approche, que vous me la
donniez avec un peu d'exemples.Parce
que j'ai bien compris aussi qu'un de nos défis — je le reconnais tout à
fait — c'est d'avoir
un programme qui soit un programme qui s'adresse vraiment à ces enfants-là et
qui ne soit pas rajouté en amont, une année
de plus à un parcours scolaire. Donc, si vous
le dites dans vos mots, avec votre expérience,
votre réflexion, on doit faire quoi avec des enfants de quatre ans? Ne parlons même pas d'où ils sont, là,
mais, si on veut accompagner leur
développement, et éventuellement détecter des
problèmes, et leur permettre de s'ajuster,
on procède comment, on a quelle approche qui
ne soit justement pas l'approche classique que vous dénoncez mais qui
soit une approche garante de succès? Je sais
qu'on n'a pas beaucoup de temps, mais je ne demande pas... On pourrait
en... Quatre minutes, vous avez quatre minutes, quand même.
M. Moreau
(Jacques) : Aïe, aïe, aïe! Écoutez, dans l'avis du conseil de l'éducation,
on explique bien la différence entre le
modèle de pédagogie sociale et la pédagogie traditionnelle, et je pense que,
justement, pour des raisons associées
à, justement, ce qu'est le développement d'un jeune enfant et là où, en moyenne, les quatre ans sont rendus, je
pense que le meilleur modèle, la meilleure façon de faire, ça reste la
philosophie de la pédagogie sociale où on vise l'installation d'activités avec les enfants qui sont... qui ne vise pas
strictement et uniquement les cognitions, les habiletés mathématiques,
de lecture et d'écriture, mais une vision plus holistique, si vous voulez, de l'ensemble
des habilités qu'un enfant doit avoir pour s'adapter à l'ensemble des exigences
de la vie de tous les jours et des exigences de l'environnement social des enfants autour de lui et des adultes, donc l'ensemble
des habiletés sociales que l'enfant doit acquérir, justement, pour être capable de s'ajuster
une fois rendu à l'école, pour avoir les habiletés d'interaction
nécessaires et d'établissement des relations
aussi avec les autres enfants et les adultes,
pour que, justement, il puisse être en mesure d'être disponible à
apprendre. Et c'est ça, la pédagogie sociale.
Donc, en faisant ça,
bien, écoutez, on est dans une philosophie d'action où on prend conscience de l'enfant en tant que personne. C'est
peut-être un cliché de dire ça comme ça, là, mais l'enfant est vu comme un
tout, l'enfant est vu comme dans sa
globalité de développement. Et là, quand on voit qu'un enfant n'est pas là où
il devrait être, c'est-à-dire qu'il a
chronologiquement quatre ans et deux mois, mais on constate très bien qu'il y a
des habiletés qui ne sont pas là, bien
là, on réfléchit et on installe le programme
qu'il faut pour que se réalise l'atteinte du jalon. Et ça, bien, on ne le fait pas de
façon désincarnée, dans un seul aspect du développement pour qu'il rattrape son retard, non. On met en place des...
Et il y a toujours
une vision ludique. Ce qui est très important dans la vision de la pédagogie
sociale, c'est que, pour que l'enfant
apprenne à aimer à apprendre, bien, il faut
que ça soit intéressant pour lui. Et donc l'aspect de... que les
activités soient structurantes et soient éducatives,
mais en même temps, si elles ne sont pas plaisantes et que l'enfant n'y trouve pas son compte dans le plaisir
qu'il a à apprendre, on va... on risque de rater notre coup. Donc, cette
dimension-là d'installer un plaisir et d'installer le ludique à l'intérieur des
apprentissages est très important. Et je pense que, pour tous les quatre ans,
que ce soient des quatre ans tout-venant ou
des quatre ans qui ont besoin d'aide supplémentaire
pour atteindre les jalons, je pense que cette vision-là est beaucoup plus
appropriée, parce que, justement, vous l'avez dit tantôt, le
développement, ce n'est pas linéaire. Il y a une grande différence entre un
quatre ans puis un cinq ans, et ce n'est pas en termes d'années, là, tu sais, c'est
plus qualitatif, là, que ça, là.
Mme Malavoy : Je sais que le temps se termine, mais je veux dire tout simplement qu'il
y a une chose à laquelle vous songez
et à laquelle nous adhérons, qui se résume
dans une jolie phrase qui est dans l'avis du Conseil supérieur de l'éducation : «L'enfant apprend en jouant,
mais il ne joue pas pour apprendre.» Et je pense que ce que nous avons à
l'esprit dans nos maternelles pour des
enfants en milieux défavorisés, c'est un développement global. Alors, si tant est
que cela réussisse bien et puisse s'implanter, en septembre, de façon
progressive, bien, on pourra le juger au fur
et à mesure, mais notre conception des choses va plutôt dans ce sens-là
également.
M. Moreau
(Jacques) : Est-ce que je peux?
La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Le temps est terminé pour la partie
gouvernementale, mais vous pourrez quand même vous servir de vos réponses un
peu plus tard pour compléter, si vous le désirez.
On
passe du côté de l'opposition officielle. Je reconnais la députée de
Trois-Rivières. D'accord. Alors, vous avez 20 min 30 s.
Mme
St-Amand : Merci, Mme la Présidente. Alors, Mme Gingras, M. Moreau,
bonjour. Avant de débuter, M. Moreau, brièvement, je vais vous permettre de
terminer ce que vous vouliez dire.
M. Moreau (Jacques) : Alors, merci. Ma crainte et mon souci, c'est le ratio, à l'école versus service de garde, là,pour moi, il y
a un os, et un sérieux. Donc, le ratio un sur 18 qu'on retrouve à l'école, pour
les quatre ans, je considère que,
pour toutes les raisons que j'ai invoquées et pour des raisons, justement...
développement des quatre ans, je suis loin d'être convaincu que, là, il
y a... c'est ce qu'il faut. Je pense que le ratio pour les quatre ans qu'il y a maintenant en service de garde doit être maintenu pour, justement, des
raisons de qualité du développement des enfants et de qualité... installer la disponibilité à l'apprentissage dans le plaisir. Donc, le
ratio étant ce qu'il est dans l'univers scolaire, bien, à un sur 18, là,
j'avoue que ça me... comment dire, ça me perturbe quelque
peu, quoi. Voilà.
Mme
St-Amand : Alors, bien, je
vais poursuivre sur cette lancée-là, parce que
ça faisait partie de mes questions, en fait. D'abord, je vais vous dire
que c'est fort intéressant de vous entendre parler du développement de l'enfant,parce qu'en fait, au coeur de tout ce questionnement-là qu'on a
depuis le début de la semaine, c'est vraiment notre
préoccupation principale.
Vous parlez
de ratio. Est-ce que je comprends que... Parce que j'ai cru entendre... Vous avez dit : Je préconiserais qu'on
maintienne celui des services de garde.Est-ce qu'à ce moment-là ça voulait dire que vous
suggérez qu'on maintienne le un pour 10?
M. Moreau (Jacques) : Oui, oui.
Mme St-Amand : O.K. Et je vais aller
un petit peu plus loin, parce que la ministre nous a dit cette semaine...
M. Moreau (Jacques) : Et même j'ajouterais que, dans le cas des
enfants... Le un pour 10, c'est pour les enfants
tout-venant en service de garde. Mais, les enfants qu'on a identifiés, de milieux
défavorisés, qui, eux, ne sont pas des vrais quatre ans,ils
ont quatre ans d'âge chronologique, mais, en termes d'âge et de développement,
ils n'ont pas quatre ans,bien, pour eux,
ce n'est pas du un pour 10, là, qu'il faut avoir, là. C'est moins que ça, donc
ça serait du un pour huit ou un pour
six. Pourquoi? Parce qu'il faut prévoir des activités encore plus spécifiques
pour eux, une intensité plus spécifique pour eux, de l'intervention
particulière pour eux. Donc, le travail n'est pas tout à fait le même. Il y a
un plus, là, auquel il faut arriver. Et, si
on garde le même ratio, un pour 10, avec ces enfants-là, bien, pour certains de
ces enfants-là, je ne suis pas sûr qu'on va y arriver comme on le souhaiterait.
Voilà.
Mme
St-Amand : C'est exactement
dans cette direction-là que je m'en allais. Alors, la ministre, cette
semaine, nous disait qu'il y aura tout près
de 600 $, par enfant, d'attribués avec, si j'ai bien compris, le ratio
du groupe de 15, donc on peut penser
environ 9 000 $ pour le service complémentaire. Évidemment, ça inclut aussi le matériel
pédagogique.
J'aimerais ça vous entendre sur... Parce qu'on
pense à des groupes quatre ans de milieux défavorisés. On sait qu'ils auront besoin de services complémentaires. À votre avis... — puis
là je vous le dis, M. Moreau, c'est important, parce que j'ai plusieurs questions, ma
collègue aussi,alors si on peut faire
des réponses assez courtes pour qu'on puisse... parce qu'on veut vraiment aller au fond des choses
avec vous. Qu'est-ce que vous suggérez comme servicescomplémentaires? Par exemple, si on allait dans un
groupe de 10 enfants, à votre avis, qu'est-ce
qu'on peut s'attendre d'avoir comme
services complémentaires? En termes de ratio
ou en termes de... On peut penser que ce sera possiblement... En milieu
scolaire, on voit souvent les éducatrices spécialisées, psychoéducateurs
occasionnels, dépendamment, orthophonie.
Alors... l'orthophonie,
bon. Mais, approximativement... Parce que moi, j'ai un peu de difficultés, pour avoir travaillé en milieu scolaire
pendant plusieurs années, à comprendre, avec 9 000 $, qu'est-ce qu'on
va pouvoir se payer comme services.
M. Moreau (Jacques) : Quelle
question! Écoutez, il n'y a pas de... C'est un petit peu embêtant parce que...
Mme St-Amand : Je m'excuse, Mme la
Présidente. Je veux juste valider si mon chiffre est bon, parce que j'entends
les collègues qui me disent que c'est 5 000 $ pour les services
complémentaires?
• (15 h 40) •
Mme Malavoy : C'est-à-dire, pour les enfants, c'est... Au
total, la subvention pour une maternelle quatre ans à temps plein en
milieu défavorisé, c'est précisément 6 526 $, comprenant l'ensemble.
Ce que vous avez évoqué, c'est, entre autres, pour du matériel pédagogique.
Mais il faut faire attention quand on dit tant
par enfant, là, O.K.? C'est...
Mme St-Amand : O.K., c'est pour le
groupe.
Mme
Malavoy : Au total, c'est...
au total, pour chaque enfant multiplié par 15, ça fait 6 526 $, multiplié par 15,
et ça comprend aussi le personnel. Mais
poursuivez, là, je veux juste que...
Mme
St-Amand : Parfait, parfait.
Non, mais merci de la précision. En fait, je comprends que j'en avais trop
mis. J'avais peur de
n'en avoir pas assez mis. Alors, on comprend que c'est autour de
6 000 et quelques centaines de dollars.
Alors, je
vous redonne ma question. Dans l'idée où on
est dans le développement de ces enfants-là qu'on veut soutenir, on sait
que, dans nos services de garde, il y a déjà du soutien et du travail qui se
fait, de proximité, avec nos CLSC, avec nos
partenaires du ministère des Services sociaux. On connaît... vous avez nommé
tantôt — je suis
contente, vous n'en avez pas parlé
encore — l'entente
avec les centres ... pas les centres jeunesse, mais avec les services
sociaux, de l'entente particulière. Donc, à
votre avis, brièvement, qu'est-ce que vous pensez qu'on peut s'attendre à avoir
besoin comme services?
M. Moreau (Jacques) : Bien, écoutez,
à partir du moment où on identifie un jeune, un jeune quatre ans ou moins qui est en difficulté dans son
développement, la première chose à faire, c'est de l'accueillir.
Et, cet enfant-là, dès le départ, parce qu'il n'est pas là où il
devrait être, il est... il y a des chances aussi que, quelque part, il se méfie
des adultes. Ce n'est vraiment pas rare.
Donc, il y a un lien de confiance qu'il faut d'abord établir avec cet enfant-là, entre les adultes du milieu de garde ou du
milieu d'éducation ou d'intervention précoce.
Et ça, c'est un travail que,
si on ne le fait pas bien, ça va nuire tout le long. Donc, il faut prendre le
temps de le faire, ce travail-là. Et
ça, bien, il n'y a pas de recette magique, ça prend du temps. Donc, c'est
minimum, je vous dirais, minimum six mois, O.K., d'établir avec l'enfant
une relation qui, pour lui, va devenir significative. Pour lui, dans son imaginaire, dans sa
façon de voir l'adulte qui entre en interaction avec
lui deux jours-semaine, ou trois jours-semaine,
ou cinq jours-semaine, qui cherche à faire en
sorte que cet enfant-là soit mieux, soit bien…L'important, c'est que, chez cet enfant-là, on
fasse naître justement le sentiment qu'il est devenu
important pour cet adulte.
La bienveillance, c'est l'ingrédient numéro un.
À partir du moment où l'enfant sent la bienveillance chez l'adulte qui en prend soin, là c'est gagné, là c'est
gagné. Là, on peut commencer à travailler des habiletés plus
spécifiques. On peut commencer à lui demander
des choses un petit peu plus difficiles. Et là, si on a besoin d'un
spécialiste, que ce soit
orthopédagogue, psychoéducateur, éducateur spécialisé
ou, que sais-je, orthophoniste, là on le fait venir. Parce que, là, c'est un étranger, hein, O.K.? Donc là, on le
fait venir, mais, parce que la relation est installée, qu'elle est
significative et qu'il a confiance en l'adulte
qui en prend soin dans le milieu de garde, là, l'étranger, le spécialiste va
être bien accueilli par cet enfant-là, et là il va se rendre disponible
pour écouter, apprendre, et ainsi de suite.
Et là ces services-là complémentaires… Bien là,
écoutez, comment les organiser, là, ce n'est pas ma tasse de thé, ce n'est
pas moi, le spécialiste. Mais, moi, ce que j'aimerais,
c'est que le spécialiste puisse se rendre au CPE sans problème, qu'il y ait des protocoles d'entente CSS-CLSC qui se fassent
un peu mieux que ce qui se fait présentement dans beaucoup d'endroits, qu'il y ait une meilleure
concertation, que, des psychologues pour
enfants, il y en ait un peu plus, et qu'ils puissent être... que les enfants qui ont
besoin de ce type de ressources là, même tout jeunes, puissent y avoir
accès, et,mieux, qu'il y ait davantage de services de ce
type-là qui soient connectés aux CPE, même si ce n'est pas dans le CPE
lui-même, mais que ça ne soit pas loin. Dans 1, 2, 3 GO! ,
aussi, on a appris que la proximité des services était très importante. Dans beaucoup d'initiatives 1, 2, 3 GO! qui ont
bien fonctionné, ce que... on a compris que la proximité des services à
pied, O.K., était un indice de réussite, là, de l'initiative, entre autres
choses, là.
Je ne sais pas si je réponds bien à votre
question, mais, bon…
Mme St-Amand : Oui, vous répondez
bien à ma question, et, en fait, ce que j'en comprends, c'est beaucoup sur
votre notion de stabilité avec l'enfant.Et, quand je pensais à la notion de budget, je
pensais aussi à, possiblement, un intervenant qui soit intégré en début d'année
scolaire avec le titulaire, en même temps,
donc qui n'aurait pas l'effet insécurisant d'un nouvel adulte dans l'environnement
six mois plus tard.
Je vais avoir
d'autres questions, mais, Mme Gingras, j'aimerais ça vous entendre. Vous venez
de signer une entente avec le ministère de la Famille, notamment sur la
création d'une table de concertation, et évidemment, dans vos recommandations,
il y a une recommandation qui est quand même assez claire, hein, la
recommandation n° 3, que le projet de
loi n° 23 soit retiré. Je veux juste valider
avec vous :Est-ce que vous avez
de l'ouverture ou pas — puis je vais prendre la
réponse que vous allez me donner — dans le contexte... Parce
que je l'ai posée à peu près à tous les groupes qui sont venus ici, qui travaillent dans les services... qui sont en
collaboration avec les services de garde. Est-ce que, dans cette nouvelle table de concertation là, qui vient
d'être créée, est-ce qu'il n'y aurait pas un espace possible, avec
quelqu'un du ministère, ou je ne sais pas
comment, une façon de faire pour... Parce qu'on vise
toujours…Et la ministre nous a bien dit qu'elle
regardait la possibilité,parce que,
présentement dans le projet de loi…Évidemment, ce n'est pas inscrit dans le
projet de loi tel quel que c'est pour les enfants de milieux défavorisés, c'est
une question de juriste. Elle a bien dit qu'elle le
regardait.
Pour nous, c'est
important parce qu'en fait on veut garder ce
cadre-là.Mais, si tel est le cas,
parce qu'on est dans ce contexte-là, est-ce que, pour vous, il y a une
possibilité de collaborer en se disant : O.K… Parce que je vois que vous recommandez aussi, on y reviendra plus tard, mais qu'il y ait 90 % des enfants qui
puissent fréquenter les CPE. Est-ce que vous avez une ouverture à collaborer avec le ministère pour faire
une certaine cohabitation, je dirais, de l'installation de ces
classes-là pour les enfants maternelle quatre ans de
milieux défavorisés?
Mme Gingras (Sylvie) : Bien, en
fait, il faut distinguer la table de concertation, c'est-à-dire la notion des
discussions qu'on doit avoir sur le plan administratif, corporatif au niveau
des centres de la petite enfance, et on doit distinguer les discussions qu'on
doit avoir qui sont plus, je vous dirais, sur le plan politique. Évidement,
notre ministère est
le ministère de la Famille; on s'adresse ici au ministère de l'Éducation,
je crois qu'on vous a livré un message simple,
clair. Prendre soin des enfants qui vivent en milieux
défavorisés, on le fait, on le fait bien, on
le fait tous les jours. Est-ce qu'il y a de l'ouverture à discuter?
Est-ce qu'il y a de l'ouverture à avoir du partenariat avec le ministère de l'Éducation?
Certainement. Le conseil québécois est reconnu pour être un partenaire pour
parler, pour discuter, pour consulter, pour
donner le meilleur de ce qu'il est. Vous savez, nos listes d'attente, elles
sont longues comme ça, hein?On n'est pas ici
pour défendre nos corporations, on n'est pas ici pour dire que, si on perd les
enfants de quatre ans, plus rien ne va, là. Ce n'est pas ça du tout. On
est venus vous parler des enfants.
Alors, si Mme
la ministre veut parler des enfants, veut parler de ce qu'il y a de mieux pour
eux, on va en parler. Si ces enfants-là... On le fait en partenariat
avec les milieux. Vous savez, moi, je viens d'un tout petit milieu avec des toutes petites écoles de
30, 40, 50 élèves. Le partenariat, il existe déjà. Il existe avant
que le ministère nous le dise, nous nomme et nous l'enseigne; il est
déjà là. Alors, il y a déjà des expériences, il y a déjà de beaux projets qui
se font, il y a déjà des liens importants
qui se font avec les écoles, avec des passerelles vers l'école, avec l'atteinte
d'objectifs. Et, pour les enfants, c'est clair, c'est clair que ce partenariat-là, il peut exister.
Maintenant,
ceci étant dit, rien ne change dans le fait que nous ne sommes pas d'accord
avec la préscolarisation des enfants.On ne croit toujours pas qu'actuellement ce sont des
milieux qui sont sains pour les enfants de quatre ans,
et, quand
je dis sains, pas que c'est des milieux malsains, mais que ce ne sont pas des milieux qui sont adaptés, ce ne sont
pas non plus des équipes de travail qui travaillent directement, de façon pointue,
avec le parent. On ne les voit pas, les parents,
en milieu scolaire, hein? Les enfants arrivent à l'école et ils repartent. En
CPE, dans nos services, on voit les parents le matin, on les voit le
soir, on vient les chercher. Alors, il y a une nette distinction à faire.
Alors, oui, pour du partenariat, mais un partenariat
organisé, réfléchi. Ce qu'on demande, nous, c'est le retrait de ce
projet de loi là. On demande de réfléchir, on demande de travailler avec les
groupes et on demande de trouver les meilleures solutions,
mais pour les enfants.
Mme St-Amand : Merci. En fait, je
vous pose cette question-là parce qu'une chose est claire ici, c'est dans cette clientèle-là de 27 % qu'on ne rejoint
pas…On sait
qu'il y a des petits enfants qui ont besoin d'aide, qui ont besoin de
soutien et qui ne sont pas… présentement, qui n'en reçoivent pas.
Je vais... Je
ne peux pas faire autrement que de vous poser la question, parce que votre
deuxième recommandation, c'est que 90 % des enfants de quatre ans
obtiennent une place en CPE. Ce que je veux vous demander, c'est : Est-ce que
vous avez des recommandations à nous faire sur... Parce
que je pars toujours de l'idée que notre objectif, c'est
de rejoindre les enfants. Et la ministre, elle est très claire là-dessus
aussi. Donc, est-ce que vous avez des idées à nous suggérer sur comment
on pourrait faire pour augmenter leur fréquentation en service de garde? Vous nous parlez de 90 %, j'imagine qu'il
faut peut-être mijoter ça.
• (15 h 50) •
Mme Gingras (Sylvie) : J'imagine qu'il
y a des incitatifs pour amener les enfants à l'école. J'imagine qu'il y a des appels qui sont faits. J'imagine que, dans un réseau scolaire… qui est un réseau
qui appartient aux services qui sont offerts, aux services sociaux,
alors que les centres de la petite enfance sont des organismes à but non
lucratif. Je vois mal un CPE appeler un parent, dire : Bonjour, vous êtes
ciblé milieu défavorisé, on aimerait vous avoir dans nos services. Qu'est-ce qui va se faire à l'école pour
inciter les enfants à fréquenter? Est-ce que ces gens-là, qui vivent
parfois chez nous, dans mon coin de pays,
dans le fond des rangs, qui ne veulent pas sortir, qui
se cachent dans leur misère…Qu'est-ce qui va les inciter à aller à l'école? L'autobus?
Le téléphone de l'école, de la direction d'école? Qui va les inciter?
Donnez-nous des incitatifs dans les centres de la petite enfance.
Permettez-nous d'utiliser nos équipes au maximum, et le travail, il va être
fait.
En fait, c'est une approche, c'est un
apprivoisement qu'il faut faire auprès de ces parents-là, et c'est un... Ça, c'est
du 1-1. Ce n'est pas : Bonjour, je vous appelle, et aujourd'hui vous venez à l'école. Non. C'est vraiment délicat, j'en fais régulièrement. Je le fais, ce travail-là,c'est délicat, ça demande beaucoup, beaucoup, je
vous dirais, de... j'oserais utiliser
le mot «tendresse», non-jugement, approche particulière et unique de famille en
famille. On ne peut pas dire qu'il y a
une recette. Alors, oui, ces enfants-là doivent fréquenter. Oui, il doit
exister des incitatifs. Puisque l'école
dit qu'ils vont aller les chercher, il doit en exister, des incitatifs. Je
pense que, hein, c'est déjà prévu. Alors, bien, oui, je pense qu'il y a lieu de faire place
à la créativité pour aller recueillir… cueillir ces enfants-là. M. Moreau me...
M. Moreau (Jacques) : C'est parce
que je viens d'avoir une idée. Je suis impliqué...
La Présidente (Mme Richard,
Îles-de-la-Madeleine) : Un moment, M. Moreau. Je pense que la députée
avait une autre question.
Mme St-Amand : Je m'excuse, Mme la
Présidente, c'est juste parce qu'il ne reste pas beaucoup de temps, puis ma
collègue avait aussi une question. Ça fait que, peut-être, M. Moreau
brièvement, puis après je vais laisser...
La Présidente (Mme Richard,
Îles-de-la-Madeleine) : O.K., en quelques secondes.
M. Moreau
(Jacques) : Très
rapidement.Je
suis impliqué dans l'évaluation nationale des programmes de soutien aux
jeunes parents dans les SIPPE, et une chose qu'on a apprise de cette évaluation-là, c'est que, dès les jeunes
âges, il y a beaucoup de jeunes parents qui
ne souhaitent pas envoyer leurs enfants en service de garde. Ils ne veulent pas se séparer de leurs
enfants. Donc, le travail d'apprivoisement
dont parle Sylvie ici, bien, il faut qu'il commence très tôt. Donc, dans
mon idée à moi, c'est : Les
infirmières SIPPE qui travaillent avec les populations vulnérables, pourquoi
elles ne travailleraient pas justement à
éduquer ces parents-là puis à leur expliquer tranquillement pas vite, à les charmer au service de garde et pour faire… pour arriver à
faire ça, pour qu'à un moment donné cet enfant-là qui nous inquiète, il puisse y arriver, au
service de garde? Donc là, il y aurait un
travail de concertation puis de collaboration à faire entre le réseau de
la santé, le réseau des services de garde et éventuellement le réseau de l'éducation.
Donc, voilà.
Bon, je suis peut-être un peu idéaliste et naïf, là, mais, bon, ce travail-là d'apprivoisement, il
doit commencer assez tôt.
Une voix : On est peut-être rendus
là.
M. Moreau (Jacques) : On est
peut-être rendus là. Voilà.
La
Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Alors, Mme la députée de Mille-Îles, il reste
presque deux minutes.
Mme
Charbonneau : Il me reste
presque deux minutes. Bonjour. Et vous avez
parlé de votre coin de pays. Vous me glisserez à l'oreille c'est où.
Vous
avez parlé de 1, 2, 3 GO! J'ai bien connu à Laval. Ça existait. Je dis «ça existait» parce
que je ne suis plus sûre que ça existe encore, 1, 2, 3 GO!, mais il y a
un programme qui s'appelle Passe-Partout...
Une
voix : ...
Mme Charbonneau : Brièvement, parce
que j'ai compris que vous êtes passionné, brièvement, vous le connaissez. Et est-ce que vous y voyez là un
handicap, puisque je ne suis pas en système de
CPE, je ne suis pas en système scolaire? Je suis dans un système
parallèle, mais j'offre des services aux parents et aux enfants.
La Présidente (Mme Richard,
Îles-de-la-Madeleine) : En une minute, monsieur.
M. Moreau
(Jacques) : Une minute! J'y
vois une solution partielle à un problème complexe. Mais c'est...En ce moment, dans l'état actuel des services,
Passe-Partout est nécessaire.
Une voix : C'est une bonne réponse.
M. Moreau (Jacques) : C'est...
Mme Gingras (Sylvie) : Et
Passe-Partout s'adresse aux parents, prioritairement.
M. Moreau (Jacques) :
Prioritairement.
Mme Gingras (Sylvie) : Évidemment,
il a développé, au fur et à mesure, l'expertise, l'expérience auprès des enfants, mais, prioritairement, il permet aux
parents d'acquérir les meilleures habiletés pour les enfants de
quatre ans. Oui, c'est ça.
Mme Charbonneau : Merci.
La
Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Je vous remercie beaucoup.
Merci, Mmes les députées. Nous allons passer au deuxième groupe d'opposition,
la députée de Montarville. Vous avez 5 min 30 s pour poser les
questions.
Mme Roy (Montarville) : Merci. Mon
Dieu, c'est l'abondance.
La Présidente (Mme Richard,
Îles-de-la-Madeleine) : Oui.
Mme Roy (Montarville) : Merci
beaucoup. Madame, bonjour, monsieur, merci. Merci de vos propos, c'est très
intéressant de vous entendre. Et, un peu comme vous, j'aime bien l'avis du
Conseil supérieur de l'éducation, la page 77.
Voici ce que je comprends, dites-moi si on le comprend de la même façon,
lorsque le conseil dit… le conseil croit,
donc, que «pour assurer rapidement l'accès de 90 % des enfants de quatre
ans à des services éducatifs de qualité réglementés par l'État, il faut
créer en CPE les places qui manquent». Alors,
je l'interprète de cette façon, le conseil, nous
dit-il, on sait qu'il y a 73 % des jeunes qui y vont déjà, il y en a
27 % qui nous manquent. De ce nombre, allons donc en chercher
suffisamment pour atteindre un 90 %. Vous le comprenez de cette façon-là?
Une voix : ...
Mme Roy (Montarville) : Moi aussi,
parfait. Cela dit, maintenant, j'aimerais vous poser une autre question. Nous avions, hier, les gens de la CSQ, les
fédérations syndicales, et j'ai posé une question qui pouvait paraître simpliste pour
certains, mais moi, je m'inquiète — et je suis particulièrement
heureuse de voir que vous êtes des spécialistes du développement de la petite enfance — et j'ai posé la question
suivante : Un petit de quatre ans, est-ce que c'est mieux pour son développement, là — son développement psychologique entre
autres, mais son développement point — qu'il
soit dans de petits groupes avec des enfants de son âge, entouré d'enfants de
son âge, ou s'il n'y a aucun problème qu'on l'envoie dans une grande école où
il y aura des enfants de 10-11 ans?
On m'a dit qu'il
n'y a aucun problème, les enfants ne se croisent pas,
mais moi, je voudrais entendre un spécialiste, là, outre un
syndicat. À cet égard-là, est-ce qu'il peut y avoir quelques complications ou
quelques craintes, quelques anxiétés qui seraient créées?
M. Moreau
(Jacques) : D'un point de
vue développemental, je pense que c'est... et d'un point de vue social
aussi, je ne pense pas que ça soit une bonne
idée de mélanger des enfants de quatre ans à cinq ans avec des enfants de
10 ans, qui, pour moi... pour des
raisons évidentes. Même en Europe, en France,
les... où l'école commence à trois ans, ils ont des établissements, ils
ont des édifices spécifiques pour les trois ans à quatre ans, et des édifices
spécifiques pour les cinq, six, et des édifices spécifiques pour les... Ils ne
se mélangent pas. Quand ces édifices-là sont autour d'une cour commune, les récréations sont spécifiques aux
âges. Donc, ils ne se mélangent jamais pour des raisons évidentes. Il y
a... Les grands, souvent, peuvent abuser de leur relation de pouvoir sur les
plus petits, et ça crée des tensions, des situations conflictuelles, et ainsi de suite. Donc, ce n'est pas une bonne chose, à
mon avis, ce n'est pas préférable, ce n'est pas préférable.
Les quatre ans, les
cinq ans ont, comme je le disais tantôt, des... un travail important à
accomplir au niveau de leur développement et ils ont besoin de toute l'attention
de l'univers social des adultes et des autres enfants près d'eux, près de leurs âges respectifs, pour arriver
à acquérir… pour atteindre les jalons développementaux. Et, une fois les jalons développementaux
atteints, là, ils ont les habiletés nécessaires pour s'adapter à des situations
de plus en plus complexes.
Donc,
exposer un quatre ans à des exigences dans la relation sociale avec un huit ans
ou un 10 ans, pour moi, non, ça ne me paraît
pas du tout souhaitable.
Mme Roy (Montarville) : C'est très clair comme réponse. En terminant,
dans la même optique, dans la mesure où le projet de loi irait de l'avant,
qu'il y aurait ces maternelles, il n'y en aurait qu'une par commission
scolaire, donc il faudrait trouver les
enfants qui iraient à l'école en question. Il y a toute la problématique du
déplacement mais également du nombre
d'intervenants que l'enfant aura à côtoyer dans sa journée et le fait que cet
enfant-là pourrait changer d'une ville à l'autre pour revenir dans son
quartier pour la maternelle à cinq ans. Vous en pensez quoi?
• (16 heures) •
M. Moreau (Jacques) : Écoutez, plus ils sont jeunes, plus ils ont besoin de stabilité autour
d'eux. C'est préférable pour le
développement. C'est vrai pour les deux ans, c'est vrai aussi pour les quatre
ans, dans un autre registre. Donc, il
faut que les adultes se rendent disponibles à l'enfant pour que l'enfant
devienne disponible à apprendre. Alors, à ce moment-là,
il faut créer des environnements stables, des environnements physiquement
stables et des environnements socialement stables pour les... et stables
aussi dans le relationnel à l'enfant.
Donc,
comme je le disais tantôt, les adultes qui prennent soin des enfants sont les
médiateurs des apprentissages pour
les enfants. Donc, une fois que la confiance est bien établie et que l'enfant
se sent sécure dans sa relation avec un adulte qu'il côtoie à tous les jours, qui n'est pas ses parents, cet
adulte-là, parce qu'il est devenu sécurisant, est en mesure d'amener d'autres
adultes qui vont offrir un soutien à cet enfant-là dans d'autres aspects de son
développement et des habiletés plus
spécifiques à acquérir. Et donc il faut qu'il y ait une stabilité de l'univers
à ce moment-là, de l'univers relationnel,
et une stabilité de l'univers physique pour les enfants, et plus ils sont
jeunes, plus c'est important. Donc, c'est très important pour les quatre
ans que ce soit stable. Alors, qu'on déplace l'enfant d'un milieu à un autre
pour faire des acquisitions ou des habiletés, ça ne me paraît pas non plus
souhaitable, non.
La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Mme Gingras, M. Moreau, du Conseil québécois
des services de garde éducatifs à l'enfance,
je vous remercie beaucoup. Nous suspendons les travaux pour quelques
instants.
(Suspension de la séance à
16 h 1)
(Reprise à 16 h 3)
Remarques finales
La Présidente (Mme
Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Alors, nous allons reprendre les
travaux avec les remarques finales. Alors, j'inviterai tout d'abord le groupe
de deuxième opposition à faire les remarques finales pour trois minutes, ensuite ce sera le groupe de l'opposition
officielle pour six minutes, et la partie gouvernementale, Mme la
ministre, pour six minutes. Alors, nous débutons dès maintenant. Mme la députée
de Montarville, vous disposez donc de trois minutes.
Mme Nathalie Roy
Mme Roy (Montarville) :
Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci à tous, merci à tout le monde d'avoir présenté des mémoires. Il y a deux choses
qui font consensus. On recherche tous ici le meilleur intérêt de l'enfant,
là, c'est incontestable. La deuxième chose qui fait consensus, c'est aussi l'avis
du Conseil supérieur de l'éducation. On l'aime bien, cet avis-là; cependant, ça
dépend de l'interprétation qu'on lui donne et des éléments qu'on va tous
chercher dedans.
À
la Coalition avenir Québec, nous l'avons dit d'entrée de jeu, nous ne sommes
pas fermés à l'idée d'offrir des services préscolaires aux enfants de
quatre ans. Nous sommes convaincus que le dépistage précoce des problèmes d'apprentissage ou de comportement chez les
enfants de quatre ans est important, puisque ces problèmes sont des
indices qui prédisent, jusqu'à un certain point, le décrochage scolaire.
À l'écoute des
représentants de différents groupes, de ces groupes qui ont participé à cette
consultation qui se termine à l'instant, nous constatons que les points de vue
divergent d'opinion sur le cheminement de ce projet de loi qui nous est présenté par le gouvernement. Chacun
des groupes semble défendre ses intérêts et, du même souffle, ceux des
enfants de quatre ans. Le milieu scolaire veut du dépistage et des
interventions conséquentes dans le milieu scolaire, entre autres par des services d'éducation préscolaire. Le milieu des CPE
souhaiterait que nous considérions davantage l'offre de services
éducatifs des établissements de son réseau et souhaite qu'on appuie davantage
ces efforts pouvant être faits pour mieux rejoindre les enfants et les parents,
en particulier ces 27 % qu'il ne rejoint pas actuellement.
Alors,
à ce stade-ci, nous ne sommes pas plus ouverts au projet de loi que nous ne l'étions,
mais nous ne sommes pas plus fermés, comprenez-nous bien.
Plusieurs
témoignages…
Une voix : …
Mme Roy (Montarville) : … — eh
oui — alimentent
notre désir de bien faire pour les enfants issus de milieux défavorisés.
La
formation des enseignantes au préscolaire ne contenant déjà pas beaucoup de
prédispositions à l'intervention à la
petite enfance, alors on se questionne : Est-ce bien sage de passer du
stade des projets pilotes au déploiement progressif des classes de
maternelle quatre ans? Autre question : Est-ce que les conditions
gagnantes réunies dans plusieurs des projets
pilotes sont reproductibles ailleurs, dans toutes les commissions scolaires et
à une si courte échelle, sur une si courte période de temps, d'ici la
rentrée? Ne devrions-nous pas agir, comme législateurs, de manière à ce que les
conseils d'établissement se prononcent dans
les écoles choisies pour qu'on soit rassurés sur la présence de ces conditions
sur le plan matériel, entre autres? Est-ce que la ministre a fait le
calcul de ses prévisions d'allocation — on parlait d'argent tout à l'heure — à un petit peu plus de 5 000 $ par
enfant, en tenant compte du ratio de deux intervenants adultes par
groupe de 15 enfants, comme nous l'ont recommandé d'ailleurs tous les spécialistes
des projets pilotes?
Mme la Présidente, la
Coalition avenir Québec n'acceptera pas de voter pour une loi qui modifiera la
Loi de l'instruction publique sans s'assurer que les enfants âgés de moins de
cinq ans au sein des familles québécoises en sortiront gagnants. Alors, voilà
où se trouvent nos intérêts. Nous allons plaider pour le meilleur intérêt de l'enfant
et nous allons en discuter en caucus, d'ailleurs.
La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci, Mme la députée de Montarville et porte-parole
de la deuxième opposition en matière d'éducation. Merci infiniment.
J'inviterais
maintenant la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'éducation
primaire et secondaire et députée de Mille-Îles à prendre la parole pour
un temps de six minutes.
Mme Francine Charbonneau
Mme
Charbonneau : Merci, Mme la Présidente. Mme la ministre, Mme la
députée de Montarville, chers collègues qui
nous avez accompagnés, encore une fois, Mme la Présidente, on a eu une
commission parlementaire fort intéressante
où non seulement l'ambiance, la convivialité, mais l'ensemble des groupes que
nous avons rencontrés nous ont nourris, nourris pour mettre en place le
meilleur projet de loi.
Dès
le départ, de notre côté aussi, on s'est dit ouverts, accueillants. Je crois
que le projet de loi, il est fort intéressant. Mais un projet de loi, ça reste un projet. On va pouvoir, avec l'ensemble
des avis que nous avons reçus, probablement, je nous le souhaite, l'améliorer,
regarder ensemble le programme. La formation, on en a discuté; les ratios, on
aimerait ça y revenir puis voir l'opinion de
la ministre. Est-ce que le financement sera adéquat? Ma collègue en a parlé, je
pense que c'est un souci. On sait qu'en
éducation toute la bonne volonté peut être là, s'il n'y a pas de ressources
financières, malheureusement je n'y arrive
pas. Je n'y arrive pas parce que du personnel, de la ressource humaine, ça
vient avec un coût.
Le matériel
pédagogique par contre, j'ai confiance. J'ai, je le dis souvent, une confiance
aveugle dans les commissions scolaires. Ça
se tourne sur un dix cennes, ces machines-là, c'est incroyable, et ça ne sera
pas la première fois ni la dernière
fois que le ministère de l'Éducation va demander aux gens de poser des gestes
rapidement. Que ce soient des
rapports à donner, que ce soient des choses à mettre en place, les commissions
scolaires répondent prêt à chaque fois. On bougonne un peu, on trouve qu'on nous presse un peu, mais en même
temps ils sont extraordinaires, dans l'ensemble de leur personnel, pour
faire les choses correctement et d'avoir toujours en tête l'intérêt supérieur
du jeune. J'allais dire «de l'élève», mais
on se rappellera qu'on s'est fait dire qu'un enfant de quatre ans, ce n'est pas
un élève; et je n'ai pas entendu une
fois dans la bouche de la ministre que ça deviendrait un élève. On ne va pas
les scolariser, on va leur faire apprivoiser un monde dans lequel on
pourrait leur donner des forces et la capacité de réussir à l'école.
Le
souci de notre côté, c'est aussi après, puisque je peux lui donner tout en
amont, le laisser passer après, et, rendu en troisième année, si ça
tombe à l'eau, je n'ai pas réussi ce que je voulais mettre en place. Et
malheureusement, après un cinq ans, un bilan
serait fait, puis on dirait : Bien, c'est drôle, mon taux de décrochage n'a
pas changé, et ce serait triste que tous ces efforts-là faits tombent.
Alors, pour nous, il y a un souci important.
Ma collègue me le
disait tantôt, il y a, dans la petite enfance, un intérêt particulier, et on a
des spécialistes, des gens qui ont développé
une spécialité, c'est les gens des centres de la petite enfance. Donc, pour
nous, c'est vraiment important de pouvoir prendre leur avis et voir
comment on peut arrimer les choses. Mais, encore une fois, les investissements
sont importants.
Les
professionnels au niveau de l'éducation, que ça soit l'orthophonie, l'orthopédagogie,
c'est tout aussi important et ça doit être au rendez-vous pour non
seulement dépister la problématique, mais l'aider à devenir meilleur pour que… quand il va arriver en première année, il va
arriver au même calibre qu'un enfant qui sort d'un CPE ou d'un milieu
familial, et tout le monde va partir sur le même pied d'égalité.
• (16 h 10) •
La
dernière fois, c'était ma première fois. C'est maintenant ma deuxième fois, et
je sais qu'il y a une tradition. Alors, Mme la Présidente, je vous
remercie d'avoir bien présidé et d'avoir bien tenu ce décorum de rencontres. J'ai
beaucoup apprécié l'ouverture de la
ministre. Les échanges ont été vraiment agréables. Les gens qui l'accompagnent
ont sourcillé une couple de fois, mais en même temps ils sont très tranquilles
en arrière et ont eu beaucoup d'écoute. J'ai vu
des gens écrire tout le temps, prendre des notes et bien entendre les
suggestions. Et finalement le personnel qui nous accompagne, Mme la
secrétaire, les gens de la technique, les gens à l'arrière de moi, la page qui
s'assure que le café est toujours au
rendez-vous pour nous tenir aux aguets et à l'écoute, merci infiniment, je
pense que ce travail-là, c'est un travail d'équipe.
Et, pour finir, je vous
dirais : Le mélange des groupes qu'on a reçus, de l'éducation, du CPE
et d'autres services qu'on a reçus en périphérie de la petite enfance,
ont bien nourri les réflexions que nous aurons à faire collectivement. Merci,
Mme la Présidente.
La Présidente (Mme
Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci, Mme la députée, pour ces
remarques finales. Alors, la parole est maintenant à Mme la ministre de l'Éducation,
du Loisir et du Sport. Pour vos remarques finales, Mme la ministre, vous
disposez de six minutes.
Mme Marie Malavoy
Mme Malavoy :
Merci, Mme la Présidente. Permettez-moi d'abord, à mon tour, de remercier mes
collègues de part et d'autre, à la fois ceux
qui m'ont accompagnée mais également les collègues des partis d'opposition,
parce que je crois que nous avons eu, depuis quatre jours, une grande
qualité de discussions et un climat d'échange tout à fait intéressant. Ça vaut la peine de le dire, parce qu'en
ces lieux, parfois, il y a des échanges un peu plus musclés, et disons
qu'on a eu le bonheur, je pense, d'avoir un exercice de grande qualité.
Permettez-moi
également de souligner la qualité des mémoires qui nous ont été présentés.
17 groupes sont venus nous parler. Je pense que ça a été des
échanges très constructifs, évidemment des points de vue parfois divergents, mais toujours des questionnements intéressants,
parfois des craintes exprimées ou des appuis exprimés, mais dans un
climat, là encore, qui était tout à fait positif. Tout cela, je tiens à le
redire, est d'une grande utilité. C'est un exercice sérieux que l'on fait. Des consultations, ça veut dire qu'on
écoute ce que les gens ont à dire et qu'on s'apprête ensuite à en tenir
compte et à ajuster ce que l'on peut ajuster. Il s'agit d'un projet de loi,
donc il va falloir qu'il reflète à la fois notre objectif mais aussi qu'il
tienne compte des commentaires qui ont été faits. Donc, ce projet de loi sera
bonifié.
J'aimerais
rappeler, et je crois qu'on avait tous ça à l'esprit, que… De même que le
président du Conseil supérieur de l'éducation
qui dit : Les enfants de quatre ans, au Québec, il faut s'en préoccuper,
je pense que chacun, chacune d'entre nous
ici se préoccupe de ces enfants de quatre ans. Et, quand nous proposons un
service diversifié, quand nous proposons d'ajouter une nouvelle porte d'entrée — c'est
l'image que j'ai prise — c'est
vraiment pour permettre à tous les petits enfants
du Québec d'avoir des chances le plus possible égales pour ensuite entreprendre
un parcours scolaire en étant bien équipés.
Les enfants sont donc au coeur de notre projet. En même temps, on ne veut rien
enlever de ce qui existe, on veut ajouter. Et en même temps, également,
je tiens à le redire, ce que nous allons offrir, c'est sur une base volontaire.
On ne veut pas non plus dire aux
parents : On vous juge puis on veut vous prendre les enfants de force. On
veut que les parents sachent simplement qu'il y a un service qu'on leur
offre. Et les gens qui sont venus témoigner, y compris du côté des parents, je
pense, ont bien compris que c'était une offre de collaboration sur une base
volontaire.
C'est
sûr qu'on a des défis. Je ne les nommerai pas tous, mais je les reconnais bien,
on a des défis pour que ce projet-là
soit un projet de réussite. Et tout ne sera pas mis dans le projet de loi,
parce qu'un projet de loi, c'est un peu plus technique. Mais je veux
quand même bien préciser que, oui, l'encadrement des élèves, les questions de
ratio, ce sera important. L'identification
des jeunes, comment aller les chercher, comment aller les chercher, viser les
bonnes personnes, quels programmes d'activités
développer pour qu'on réponde aux objectifs qu'on s'est fixés, comprenant bien
qu'on ne veut pas de la scolarisation
précoce, on veut autre chose, mais il faudra le mettre en forme. Et, déjà au
ministère, depuis plusieurs mois, il y a un groupe qui travaille à ce sujet
avec des intervenants de tous les milieux. Quelle formation continue offrir aux
enseignantes pour qu'elles soient tout à fait aptes à s'adresser à des petits
enfants dans une approche de développementglobal, qui ont quatre ans, alors que leur formation ne les prépare
peut-être pas à ça de but en blanc? Il faudra s'ajuster.
Donc,
on a fait le choix, dans ce que nous proposons aujourd'hui, d'une nouvelle
porte d'entrée, d'une implantation progressive. Je l'ai dit, je le
redis : Une place par commission scolaire, pour commencer, pour des jeunes
des milieux défavorisés. Il n'est pas
question d'aller les enlever ailleurs. On s'adresse à des jeunes qui, pour le
moment, ne reçoivent pas de service. J'ai précisé aussi, en cours de
route, quelques indications. Par exemple, dans les règles budgétaires, je le
redis, on va financer des enfants, quand ils sont six, comme s'ils étaient 15,
la moyenne du groupe était 15. On va ajouter également des montants pour des
services complémentaires et pour du matériel.
Alors,
où en est-on aujourd'hui? Bien, on en est à terminer des consultations. Je sais
que toutes les personnes qui nous accompagnent
et que vous avez vues… parfois mieux que moi, parce qu'ils sont derrière moi,
mais vous les avez vues effectivement prendre des notes. Je tiens à
souligner d'ailleurs qu'il y a du personnel du ministère de la Famille qui est ici, du ministère de l'Éducation, Loisir et du
Sport, qui vont bien s'assurer que tout ce qu'on a dit, d'abord, va être
utilisé, compris, récupéré et, bien entendu, transposé, de sorte qu'on vous
arrive très bientôt, c'est mon souhait, avec un projet de loi qui sera d'ores et déjà, donc, amélioré. Et donc mon
souhait le plus grand, c'est d'arriver à progresser dans nos étapes
législatives jusqu'à l'adoption de ce projet de loi dans les meilleurs délais.
Je me permets de
terminer en vous remerciant, Mme la Présidente, Mme la secrétaire, les gens qui
vous accompagnent, qui captent nos idées et
qui font que ces idées-là, bien, elles auront une certaine durée dans le temps,
parce qu'on pourra s'y référer. Je suis
certaine qu'on va se revoir dans les prochaines étapes, mais je trouve que le
climat que nous avons eu pour cette
première étape importante de consultation, pour moi, c'est garant de la
réussite de l'ensemble du projet, et j'ai hâte de continuer avec vous.
Merci.
La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci, Mme la ministre. Alors, j'en profite pour
remerciertous les parlementaires qui
ont participé à cette commission. Merci au personnel aussi qui a accompagné nos
parlementaires.
Alors, la commission,
ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux sine die. Merci.
(Fin de la séance à 16 h 18)