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Version finale

40e législature, 1re session
(30 octobre 2012 au 5 mars 2014)

Le mercredi 27 mars 2013 - Vol. 43 N° 16

Consultation générale et auditions publiques sur le projet de loi n° 14, Loi modifiant la Charte de la langue française, la Charte des droits et libertés de la personne et d’autres dispositions législatives


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions (suite)

M. Yves G. Dumas

M. Colin Standish

M. Michel Pagé

Fédération autonome de l'enseignement (FAE)

Document déposé

Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI)

Documents déposés

Comité central de parents de la commission scolaire Lester-B.-Pearson (CCP-CSLBP)

Autres intervenants

Mme Lorraine Richard, présidente

Mme Dominique Vien, vice-présidente

Mme Diane De Courcy

M. Émilien Pelletier

M. Marc Tanguay

Mme Nathalie Roy

M. Pierre Reid

M. Daniel Breton

M. Sylvain Roy

M. Geoffrey Kelley

*          M. Brent Tyler, accompagne M. Colin Standish

*          M. Pierre St-Germain, FAE

*          Mme Martine Hébert, FCEI

*          M. François Vincent, idem

*          M. Domenic Pavone, CCP-CSLBP

*          M. Mike Nalecz, idem

*          M. Simo Kruyt, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures vingt minutes)

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bonjour, chers collègues. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Le mandat de la commission est de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 14, Loi modifiant la Charte de la langue française, la Charte des droits et libertés de la personne et d'autres dispositions législatives.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme Charbonneau (Mille-Îles) sera remplacée par M. Reid (Orford) et M. Sklavounos (Laurier-Dorion), par M. Kelly (Jacques-Cartier).

Auditions (suite)

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. Pour ce qui est de l'ordre du jour, cet avant-midi nous allons débuter avec les auditions de MM. Yves G. Dumas, Colin Standish et Michel Pagé. Cet après-midi, nous entendrons la Fédération autonome de l'enseignement, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante et le Comité central de parents de la commission scolaire Lester-B.-Pearson.

Bonjour, M. Dumas. Vous allez avoir 10 minutes pour nous faire votre présentation et par la suite suivra un échange avec les membres de la commission. Donc, la parole est à vous, M. Dumas.

M. Yves G. Dumas

M. Dumas (Yves G.) : Merci. Mmes et MM. les commissaires, bonjour. Je m'appelle Yves Dumas. Je suis architecte depuis maintenant plus de 15 ans. J'oeuvre dans le domaine de la culture et du patrimoine à Montréal.

Mon propos touchera le mémoire que j'ai déposé et que j'ai intitulé L'inclusion de l'inscription française des panneaux routiers dans les politiques linguistiques des organismes municipaux. Ma présentation d'aujourd'hui, en appui avec mon mémoire, s'intitule L'inscription française des panneaux routiers comme témoin de l'évolution linguistique du Québec. Le mémoire que vous avez devant vous a été déposé afin de révéler certaines actions municipales sur le domaine public qui touchent la signalisation routière, sur leurs responsabilités, et particulièrement le panneau d'arrêt obligatoire. Afin de rencontrer les 10 minutes qui m'ont été allouées pour la présentation, je vous propose le plan de présentation suivant, que vous voyez.

Depuis plusieurs années, je constate une détérioration de l'aspect visuel français sur le domaine public. En effet, les panneaux de signalisation routière identifiés par l'inscription ARRÊT sont de plus en plus remplacés par des panneaux identifiés par l'inscription STOP. La raison donnée par les autorités lorsque le simple citoyen pose des questions serait que le mot «stop» est français, donc automatiquement acceptable pour l'organisation municipale qui a procédé à la transformation. Ainsi, d'un artefact typiquement québécois, il devient un objet qui ne représente qu'un sens fonctionnel et spécifique à l'arrêt obligatoire. Nous assistons ainsi sans broncher à un détournement inacceptable du sens historique du panneau ARRÊT au Québec.

C'est en lisant l'article écrit par Lise Payette, intitulé Relaxez-vous, ça ne fera pas mal, du quotidien Le Devoir, le vendredi 8 février, que j'ai décidé de produire ce mémoire. Elle finissait son article de la façon suivante : «Le Québec, s'il reste immobile et consentant, va manger la volée de sa vie. Personne ne pourrait dire [qu]'il s'en remettra.»

Ainsi, le STOP désigne, en France, le panneau lui-même. En vérifiant les normes françaises des panneaux routiers, seul le panneau STOP désigne l'arrêt obligatoire, sur le territoire français, comme signal d'intersection et de priorité, soit l'équivalent du panneau ARRÊT québécois. Le panneau routier avec l'inscription ARRÊT n'existe pas en France. Au Québec, les normes de signalisation routière sur les ouvrages routiers du ministère des Transports du Québec désignent le panneau ARRÊT comme étant la seule signalisation de prescription autorisée sur le territoire québécois. Par ailleurs, le signal STOP est considéré comme une inscription anglaise, comme le confirme encore, en toute objectivité, les inscriptions françaises et anglaises des panneaux bilingues encore utilisés.

Selon le Guide de gestion des paysages au Québec — Lire, comprendre et valoriser le paysage, du ministère de la Culture et des Communications, «le paysage est une appréciation du territoire par un individu ou une collectivité. [...]L'appréciation requiert que certains caractères particuliers d'un lieu ainsi que son expérience sensible, qu'il soit emblème consacré ou cadre de vie quotidien, fassent l'objet d'un attachement ou de valorisations sociales et culturelles.»

Le paysage rural, comme le paysage urbain, doit être composé d'éléments routiers qui correspondent aux traits de personnalité caractéristiques d'une société comme le Québec. Ainsi, le panneau ARRÊT, d'inscription française, doit être considéré dans le paysage urbain de Montréal comme un élément essentiel au paysage montréalais.

Les inscriptions ARRÊT STOP et STOP ARRÊT sont utilisées sur les terrains occupés par les organismes gouvernementaux canadiens où les deux langues officielles doivent obligatoirement apparaître, selon la liste des régions bilingues du Canada aux fins de la langue de travail du Secrétariat du Conseil du trésor du Canada. On considère donc l'inscription ARRÊT comme française et l'inscription STOP comme anglaise, ce qui représente bien la dualité linguistique canadienne.

Les exemples que j'ai pris sont issus des quatre villes suivantes, pour la région de l'Ouest-de-l'Île de Montréal. Tous les pourcentages proviennent du site Internet de l'Office québécois de la langue française, sauf le pourcentage accompagné d'un astérisque. Donc, ces quatre villes sont : ville Mont-Royal, ville de Kirkland, ville de Westmount et ville de Montréal.

Premier exemple, ville de Mont-Royal : le STOP, d'inscription anglaise, est la norme routière de cette ville liée. Deuxième exemple, ville de Kirkland, où les inscriptions anglaises, françaises et bilingues sont utilisées. Troisième exemple, ville de Westmount : le STOP est la norme. Dans cette photo, l'autoroute 40 sépare deux approches différentes sur le traitement donné aux panneaux d'arrêt obligatoire. Du côté sud, ville Mont-Royal utilise l'inscription anglaise, et, du côté nord, l'arrondissement de Saint-Laurent de la ville de Montréal utilise l'inscription française, une incohérence sur le territoire montréalais. Quatrième exemple, l'arrondissement Pierrefonds-Roxboro : dans le même arrondissement, Pierrefonds utilise l'inscription française, tandis que Roxboro utilise l'inscription anglaise. Belle incohérence. Cinquième et dernier exemple pour la région de Montréal, l'arrondissement de Lachine : dans cet arrondissement, on utilise le STOP et l'ARRÊT d'une manière pour le moins discutable; on ne sait pas trop comment.

Le constat qu'on a fait et que j'ai fait sur l'île de Montréal est le suivant : ville Mont-Royal, qui a un statut bilingue de l'OQLF, c'est des STOP; ville de Kirkland, les trois sont utilisés; ville de Westmount, c'est le STOP qui est utilisé; ville de Montréal, à l'exception de ces deux arrondissements que vous voyez devant vous, c'est en français que les panneaux sont installés; l'arrondissement Pierrefonds-Roxboro utilise à la fois l'ARRÊT et le STOP, selon une occupation territoriale, tandis que l'ARRÊT de Lachine... l'arrondissement de Lachine, qui est de langue normalement française, utilise l'ARRÊT et le STOP de façon aléatoire ou selon l'inspiration.

• (11 h 30) •

Quelques exemples dans la région Ottawa-Gatineau. Dans la région d'Ottawa-Gatineau, les autorités définissent clairement la frontière : le STOP du côté de l'Ontario et l'ARRÊT du côté du Québec. Ici, j'ai pris mes exemples dans la municipalité de Chelsea et dans le secteur Aylmer de la ville de Gatineau. Dans la région d'Ottawa-Gatineau, les autorités... Non. Pardon. Premier exemple de la région Ottawa-Gatineau, la municipalité de Chelsea : l'ARRÊT et les panneaux d'information de la municipalité sont d'inscription française. Deuxième exemple, vers le Centre des visiteurs du parc de la Gatineau, géré par la Commission de la capitale nationale du Canada, on rencontre ceci : les terrains de la Commission de la capitale nationale du Canada sont pourvus de ces panneaux bilingues, français en haut et anglais en bas, sur le territoire québécois, comme la photo, tandis que, du côté ontarien, on utilise l'anglais en haut et le français en bas.

Troisième exemple, le secteur Aylmer, dans la ville de Gatineau, où le français est la norme. Le constat : même si la population de langue maternelle anglaise constitue la moitié de la population totale de Chelsea, la municipalité utilise strictement la signalisation d'inscription française. Aucun panneau STOP n'a été signalé du côté québécois. Par ailleurs, du côté ontarien, seule l'inscription anglaise est utilisée. Par ailleurs, la Commission de la capitale nationale utilise le panneau bilingue dans le parc de la Gatineau. Avec une telle cohérence, le paysage s'en trouve amélioré.

Et, en conclusion — c'est la conclusion de mon mémoire — j'aimerais simplement apporter à votre attention d'inclure au chapitre VI du projet de loi, à l'article 156.4, ou d'autres articles, à même les politiques linguistiques des organismes municipaux, que la signalisation routière soit d'inscription française, conformément aux normes de la signalisation routière du ministère des Transports du Québec, et que seule l'inscription ARRÊT soit réputée être d'inscription française pour les panneaux d'arrêt obligatoire.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup, M. Dumas.

M. Dumas (Yves G.) : Merci.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : On va commencer les échanges. Mme la ministre, vous avez la parole.

Mme De Courcy : Bonjour, M. Dumas. D'abord, vous remercier de vous être inscrit à cette commission parlementaire. Comme je l'ai dit à presque tous les citoyens qui se sont inscrits, je considère que c'est un geste civique important et courageux, parce que, quand même, présenter un mémoire, et sans soutien comme dans d'autres grandes organisations qui ont beaucoup de bénévoles ou des permanents avec eux, alors... Donc, merci pour le geste civique que vous avez posé.

Et j'ajouterais aussi que je pense que j'interprète votre présentation comme un appel à la cohérence, appel à la cohérence dans notre organisation et sur le plan montréalais, puis je vous dirais que ça rejoint l'esprit du projet de loi n° 14, qui est une invitation à la cohérence dans toutes les sphères d'activité du gouvernement. Alors, je vous remercie, M. Dumas.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, Mme la ministre. Nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle.

Mme De Courcy : Non, il y a monsieur...

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Oui? Ah, excusez-moi, je pensais que... La parole est à vous, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Merci. Bonjour, monsieur. Ça me fait plaisir que vous soyez ici aujourd'hui. Je salue mes collègues qui sont là ce matin.

Je veux juste poser la question, au niveau de l'affichage comme tel du panneau ARRÊT, bien, souvent, on voit STOP un peu partout au Québec, au niveau du message qui est envoyé, vous ne parlez pas beaucoup du message, mais au niveau du message qui est envoyé à la population, ou même aux immigrants qui arrivent, ou à tout le monde qui circule sur les routes du Québec : Quel est... quel sens vous donnez à ce message-là? Parce que ça fait partie de l'affichage qu'on voit régulièrement, là, au niveau des commerces, aussi.

M. Dumas (Yves G.) : Bien, effectivement, le niveau se situe comme objet culturel. Je considère l'arrêt obligatoire d'inscription française, ARRÊT, comme étant un artefact patrimonial selon les termes de la loi culturelle... la Loi sur le patrimoine culturel, la nouvelle loi, on a défini comme étant un artefact patrimonial. Moi, je l'appelle un objet culturel parce que ça démontre des valeurs à la fois ethnologique, référent, identitaire et historique du peuple québécois, d'une certaine manière. Et je pense que c'est de le nier que d'utiliser le STOP, la façon française qui n'est pas utilisée... qui est utilisée de façon... même dans l'Union européenne, c'est utilisé de façon uniforme. Donc, c'est une autre forme d'approche qui a été acceptée depuis que les voitures ont existé, tandis qu'ici ça a été une transformation qui a été faite à partir de la loi 101, en 1976... en 1977, et qui a fait en sorte que les panneaux bilingues, ARRÊT STOP ont été transformés en ARRÊT, et, depuis une dizaine d'années, là, on voit des STOP remplacer les ARRÊT, sans considérer l'approche de l'évolution historique des Québécois, Québécoises, dans ce sens.

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Merci.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Ça va? Parfait. Nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle. M. le député de LaFontaine, vous avez la parole.

M. Tanguay : Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci beaucoup, M. Dumas, pour le temps que vous avez mis à rédiger votre mémoire et à la présentation visuelle également que vous nous avez faite un peu plus tôt. Alors, merci beaucoup pour votre préparation, votre présentation.

Et nous avons pris bonne note de votre message, de un, d'un appel à la cohérence ou à la cohésion et, de deux, de votre message, ce matin, à l'effet que la signalisation routière devrait — et là je lis votre rapport — «obligatoirement être en français et que seule l'inscription ARRÊT soit réputée être de langue française au Québec». Alors, on a bien pris note de votre message. Merci, M. Dumas.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. Nous allons maintenant du côté du deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de Montarville, vous avez la parole.

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup. Merci, M. Dumas. Merci pour votre mémoire, que j'ai trouvé... avec les photos à l'appui, ça montrait bien dans quel joli fouillis on est pris sur l'île de Montréal et surtout le fait que, dépendamment si vous êtes un arrondissement, la ville ou encore l'Office québécois de la langue française, vous n'avez peut-être pas la même définition de ce qu'est le symbole français.

Alors, moi, j'aimerais savoir, parce que je suis un peu mêlée : Que dit l'Office québécois de la langue française, quel est le bon terme? Est-ce que l'ARRÊT STOP est bon pour les municipalités bilingues? Est-ce que l'ARRÊT devrait être mis partout? Le savez-vous? Je n'ai pas cette réponse-là.

M. Dumas (Yves G.) : …fait cette recherche. Ce que j'ai fait, j'ai constaté, depuis une dizaine d'années, une transformation qui va en s'accélérant du côté de l'Ouest-de-l'Île. Et ma conjointe étant en Gatineau, souvent, on va souvent à Gatineau, mais j'ai constaté qu'à Gatineau il y avait, sinon, plus d'anglophones, mais il y avait plus de français sur les panneaux. Alors, je comprends qu'il y avait deux approches qui n'étaient pas cohérentes à l'île de Montréal... sur l'île de Montréal, par rapport aux villes reconnues bilingues. Et vous avez vu les pourcentages, vous avez un 26 %, là, pour une ville comme Mont-Royal puis qui a des ARRÊT qui sont des STOP.

Ayant discuté avec des gens qui sont dans cette ville, on nous a... pas nous, mais ils ont été... la réponse a été fournie, comme je l'ai dit, comme étant... le STOP étant français, mais je pense que c'est un détournement de sens qu'on voulait faire sans considérer le caractère culturel. Et, comme témoin de l'évolution linguistique du Québec, on a passé d'une façon presque, je dirais, bilingue de donner les orientations sur le panneau ARRÊT vers une inscription franchement française pour revenir, pour certaines villes. Le ministère des Transports, les routes québécoises sont vraiment strictement en français, y incluant les ARRÊT. Donc, c'est pour ces villes-là qu'ils ont pris sur eux, probablement, le fait d'interpréter l'inscription anglaise comme étant une inscription française, mais ce n'est pas dans l'évolution historique de la langue au Québec, selon moi.

Mme Roy (Montarville) : Alors, merci beaucoup, M. Dumas. Et j'espère qu'on pourra être éclairés sur ce fouillis, parce que, décidément, il n'y a pas un endroit qui gère la chose de la même façon. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup, M. Dumas. On me dit que vous vous étiez levé très tôt ce matin pour être parmi nous aujourd'hui. Je vous souhaite un bon retour chez vous.

Et nous allons accueillir maintenant M. Colin Standish. Je lui demande de prendre place, et nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 39)

(Reprise à 11 h 41)

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Nous allons reprendre nos travaux. Donc, nous sommes prêts à accueillir notre prochain intervenant, M. Colin Standing… Standish, j'espère que je le prononce bien. M. Standish, je vais vous demander de vous présenter, de présenter également la personne qui vous accompagne. Vous allez avoir 10 minutes pour faire votre exposé. Par la suite suivront les échanges avec les différents groupes parlementaires. La parole est à vous.

M. Colin Standish

M. Standish (Colin) : Juste un moment, s'il vous plaît, juste pour préparer mes documents, si c'est possible.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Parfait, oui.

M. Standish (Colin) : Merci, Mme la Présidente. Oui, je suis Colin Standish, et j'ai un conseiller avec moi aujourd'hui, c'est M. Brent Tyler. Est-ce que je peux commencer la présentation?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Oui.

M. Standish (Colin) : Oui? Merci beaucoup. Alors, Mme la Présidente, honorables ministres, les membres de l'Assemblée nationale, les autres invités, merci de m'avoir reçu aujourd'hui.

I am humbled and honored to have the opportunity to present my views on Bill 14 here today. And it is a privilege to be here in the salon rouge of the former Legislative Council of Québec.

My name is Colin Standish. I am a law student in l'Université Laval, where I'm editor in chief of the student-run law review, la Revue juridique. As well, I am originally from Eastern Townships of Québec. I sit on the board of directors of the Townshipper's Association, the Voice of English-speaking Québec, two groups that represent English speakers in the regions, though I do not represent them here today.

I am a proud Quebecker. My ancestors are buried amongst the apple orchards they planted where they first settled in Rougemont and Saint-Armand, Québec, on seigneuries. And I'm proud to say that I'm the first member of family to speak French, in the 230 years of our history here, in the Province of Québec. Indeed, it's that love of heritage and history of Québec that motivates me to be here today.

The preservation of language is a laudable goal for a society. However, Bill 14 does not protect the French language in any way, shape or form. The goal protecting French does not need to infringe upon the fundamental rights of others or come to the detriment of all Quebeckers. Bill 14 diminishes the rights of all Quebeckers, regardless of the mother tongue. And all Quebeckers can be united, whether Francophones, Allophones, Federalists or Sovereignists, against the excesses of Bill 14. Bill 14 will strip away many Quebeckers of the basic human rights, domestically and internationally, and reduce their ability to grow small businesses, to choose the language of their choice for their children and exclude non-Anglophones from the CEGEP of their choice.

When my neighbors' children are taken from the schools it makes my life poor. When the depanneur down the road has… because it's expected to violate a yet undrafted regulation accompanying this law, and when my friends cannot be admitted in the CEGEP based not on their intelligence but what language their parents happen to speak, all our lives are poor. From tiny towns where English speakers have lived side by side for hundreds of years and will now be forced to be unilingual, an international treaty that Québec has signed which the Government has disavowed diminishes the human dignity of all Quebeckers, we must ask ourselves, «Is this the kind of Québec we really want to live in?» For those who still wonder if in modern day in Québec the ideals' respect for human dignity and the quality still flourish, if the dreams of the Fathers of Confederation for the peaceful coexistence of language groups are still alive in Québec today, the rejection of Bill 14 can be that answer to ourselves, all Canadians and the world.

Language in Québec must be made of positive right, not an onerous obligation. My presentation before the Bill… the commission today will focuses firstly on the unconstitutionality of the proposed changes of Bill 14, and, secondly, the specific concerns with the proposed changes.

I posit that it is unconstitutional, Bill 14, and using the interpretive framework holding the unwritten principle of respect for minorities in the Reference re. Succession for Québec, and the broad and purposive interpretive framework for language rights from R. versus Beaulac, combined with positive implementation of language rights of an institutional nature from Lalonde versus Ontario, the modifications proposed by Bill 14 to the Charter of the French language, which would be prejudicial to the use or acquisition of an official language minority's freedom of linguistic expression and would privilege the use of the French language to the detriment of other languages, are manifestly unconstitutional. The proposed legislation runs contrary to unwritten principles of the Canadian Constitution and recent case law where the Supreme Court outlined a broad, interpretive framework for language rights, in Québec and Canada, and their positive implementation of language rights on institutional level.

In some of the specifics that I have concerns with — and I think all Quebeckers should, and all members of the Legislature — are the search and seizure aspects. Bill 14 will allow inspectors from the OQLF to immediately seize any goods they perceive as contravening the Charter of the French language. Inspectors could search without a warrant. Quebeckers would reject hundreds of years of legal precedents regarding limits on search and seizure authority by the State.

And, as well, coercive powers of the new minister, they're very undefined, and the new minister, creating Bill 14, would be able to initiate legal proceedings without informing the other party. The measure rejects the basis of Western law that you must be informed of infractions alleged against you and have the right to appear before a court of law to address the allegations. It's a particularly shameful aspect of Bill 14, and I sincerely ask myself, and I think we should all, «Is this really the kind of Québec we want to live in?»

…education, the new CEGEP entrance requirements would have a prejudicial effect on Francophones and Allophones who would be potentially excluded from the admissions to the CEGEP of their choice. While the understanding that French is a laudable goal for all students in Québec, the requirement to master French to graduate secondary and CEGEP-level institutions are detached from any explicit pedagogical, educational goal and can hinder academic development of otherwise successful individuals. Is this really the kind of Québec we want to live in?

The preamble of the Charter. Some very small but important changes there. If the preamble of the Charter of Rights and Freedom is changed in Bill 14, all our private and public rights, from contracting to working to appearance before the courts, would be interpreted through the predominance of French. It is conceivable that modifications to the preamble could have a wide application on human rights in this province.

As well, a particular aspect that concerns me, and I think it concerns all Quebeckers, and particularly here, in Québec City, where it would affect many individuals, would be the military families who had lose the rights to attend school in the language of their choice because of Bill 14. Almost 20 % of the children in the English-language Central Québec School Board would be removed from their schools. This would prove the victimize children of military families, who often need bilingualism to travel around the country, who crisscross Canada with their soldier parents. This would potentially diminish education, socialization at a critical time in their development. And the proposed changes would also diminish the enrollment in English-language schools in the province of Québec and call into account the viability of numerous small schools and school boards.

And I would like to pay a particular... the commission to pay a particular attention to what I'm about to say, and particularly the ministers, perhaps, present, that on the documents submitted last week, Mme la Présidente, I would like to confront the «mise au point» that actually misses the point. I'm embarrassed that this document was deposed before the commission. The facts are wrong, the logic is flawed and the reasoning, immoral. It was done without the knowledge of the local school board defending the rights of military children when the commission had a month to study this... their particular brief. And secondly, this document doesn't refute the argument to allow the children of military families to choose the language of their choice. But it actually undermines the intellectual basis of entire Bill 14, if indeed there is one.

• (11 h 50) •

Municipal status. The changes to article 29.1 of the Charter of the French language would be particularly detrimental to all Quebeckers. 45 of 90 municipalities would lose the right to speak in English to their citizens, 71 of 80... sorry, of 89 of them have said they don't want to lose their right to speak English or French to their citizens. And, as well, I would like to ask the commission, if indeed Bill 14 does protect French, how this is an averting local democracy, where 71 of 89 say they don't want to lose their status, and majority of these are now francophone communities, and that no Francophone who ask for service in English... sorry, in French in a bilingual municipality would be hindered with bilingual status? How does this protect the French language if Francophones are saying : No, we want to keep it, and they receive French services in the same level as anyone else in bilingual status municipalities?

I'm just about to wrap up my presentation. In particular, I'd like to talk about the status of English speakers today. Times have changed, my friends. English speakers in this province earn less and have little access to control through economic and political levers in this province, even proportionally below our share of the Quebec's population. The French language is not threatened by any statistical analysis, even produced by this Government, the Conseil supérieur de la langue française, Statistics Canada, the OQLF, the list goes on. However, in the Eastern Townships, where I'm from, a majority of women are out of the workforce, 50 % of Anglophones born in Québec have left this province. I stand to earn $4,000 less a day… less a year than a Francophone with the same education that I have.

Is this really the kind of Québec we want to live in? I believe the Québec Government is trying to rob Quebeckers of their language and their voice, but Quebeckers can speak clearly that the silent majority who disagree with the rest of language laws will be silent no longer. What we went through now for our language divisions, we can now speak the language of mutual respect and equality. We can speak with one clear voice that there's one Québec and there's one «Québécois». I often reflect on the beauty and meaning of the Hôtel du Parlement, «le bâtiment ici», when I walk around Québec City. These buildings are magnificent and not only for their architecture...

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup, M. Standish. Je suis désolée, le temps est écoulé. Vous allez commencer l'échange avec la ministre. Madame...

Mme De Courcy : Si monsieur... Si vous désirez compléter, monsieur, je vais le prendre sur le temps du gouvernement.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Parfait.

M. Standish (Colin) : Merci beaucoup. Merci. C'est juste…

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Vous pouvez continuer, M. Standish. La ministre a accepté de le prendre sur son temps. Allez-y.

M. Standish (Colin) : Merci, Mme la Présidente, Mme la ministre. Just to finish up about the symbolism of the buildings we're in today. Eugène-Étienne Taché engraved the words «Je me souviens» in this building but never really explained their meaning. Et les bronzes, ils représentent les Amérindiens, les explorateurs, les missionnaires, les militaires et les administrateurs publics du régime français, comme Samuel de Champlain et Cartier. On sait qu'il y a des figures du régime anglais, comme le général Wolfe et Lord Dorchester. Il y a aussi… Dans ce bâtiment, d'autres éléments décoratifs évoquent des épisodes du passé, et Taché avait prévu de l'espace pour les héros des générations à venir. La devise placée au-dessus de la porte principale résume les intentions de l'architecte de l'hôtel de ville, «and indeed of Québec itself».

«Je me souviens» was not meant to be an exclusionary term, but one that recognized the diverse heritage and history of all Quebeckers and «Québécois». The original legislators' intent was for a Québec that respected and celebrated all linguistic groups.

I hope that the forethought of our forefathers enshrined in this building for the destiny of Québec can be recaptured by today's legislators here, in the National Assembly. The fate of human dignity is in your hands now. I pray you too will be united with me, our forefathers and all Quebeckers as we stand against Bill 14. Thank you, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. Standish. Mme la ministre responsable de la Charte de la langue française, vous avez la parole.

Mme De Courcy : Alors, d'abord, messieurs, merci de vous être inscrits à cette commission parlementaire. Comme je le dis à tous les citoyens qui décident de s'y inscrire, c'est un geste civique important et, surtout, basé sur le fait que c'est votre seule plume, et pas avec des permanents et avec des gens qui travaillent pour vous. Alors, je vous remercie.

Pour l'ensemble des commentaires, qui sont de l'ordre juridique, et c'est très important dans votre mémoire, je vais transmettre votre mémoire, avec l'aide de Mme la Présidente et la commission, au comité législatif, au comité des législations, pour faire un certain nombre de vérifications. Avant de ne faire aucun commentaire, vous comprendrez que j'ai besoin de faire ces vérifications.

Par ailleurs, une mise au point sur la mise au point que je vous ai... que vous avez obtenue, elle est publique, alors ça me fait très plaisir que vous l'ayez lue. Je tiens à vous souligner que cette mise au point a bien sûr fait l'objet de vérifications juridiques avant d'être distribuée. Je n'entamerai pas de débat avec vous autour de cette question. Nous pouvons ne pas partager cette lecture juridique.

Alors, je vous remercie, donc, de votre engagement par rapport à la cause que vous portez. Je vous remercie, monsieur. Nous n'aurons pas d'autre question.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, Mme la ministre. Nous allons maintenant du côté...

Mme De Courcy : Oh! Excusez-moi...

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Oui, allez-y.

Mme De Courcy : Excusez-moi, Mme la Présidente. Je tiens à vous informer que je vais quitter dans quelques minutes, et ce n'est pas par manque de respect pour vos échanges, c'est parce que, malheureusement, dans le contexte actuel, on a un chevauchement d'horaires avec le Conseil des ministres, qui est une instance importante à laquelle je dois participer.

Alors, j'écouterai, j'écouterai vos commentaires et questions, bien sûr, en différé, à mon retour. Alors, je tenais à vous le souligner pour ne pas qu'il y ait aucun imbroglio autour de cette question. C'est la même chose pour vous, messieurs. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, Mme la ministre. On comprend que vous avez des occupations et un agenda assez compliqué. Donc, nous allons quand même continuer les échanges. Je vais maintenant du côté de l'opposition officielle, et la parole est au député d'Orford.

M. Reid : Mme la Présidente, est-ce que je pourrais avoir un consentement, puisque je n'étais pas remplaçant, pour pouvoir poser une question au témoin?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Vous avez été remplacé, M. le député, donc il n'y a pas besoin de consentement.

M. Reid : Merci. Ah! d'accord, d'accord, d'accord.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Vous avez la parole.

M. Reid : Merci beaucoup, M. Standish, de vous présenter devant la commission sur ce projet de loi. Nous avons entendu d'autres personnes des Cantons-de-l'Est. Vous êtes venu aujourd'hui présenter, avec toute la flamme, je pense, de la jeunesse anglophone du Québec, et vous avez... vous êtes en train de faire des études de droit en maîtrise à l'Université Laval, et donc vous avez travaillé, et vous avez soulevé des points. J'ai compris que la ministre... des points sur lesquels... que vous avez soulevés sur lesquels elle n'était pas en accord, mais cependant qu'elle va transmettre vos commentaires au Comité de législation, et donc ces commentaires-là seront pris en compte, en espérant que toutes les choses soient claires pour tout le monde.

Mais, pour que ça soit clair pour nous, est-ce que vous pourriez prendre le temps de nous expliquer un tout petit peu... c'est pour nous qui ne sommes pas avocats, en tout cas pas moi, la question, dans votre mémoire, où vous dites que le fait de changer «"ethnic minorities" — et je prends votre texte, là — in the third program, by "cultural communities"» a un impact légal quant à la façon et aux possibilités des Québécois de pouvoir utiliser leurs droits face à des cours, en particulier des cours internationales, si on parle de discrimination gouvernementale, par exemple, contre un groupe qui ne serait, dans la charte, maintenant plus un groupe ethnique mais un groupe culturel. C'est ce que je comprends. Est-ce que vous pouvez nous... élaborer un petit peu plus là-dessus, s'il vous plaît?

M. Standish (Colin) : Oui, merci pour l'opportunité, M. Reid, pour déborder sur cette question. Et puis, oui, j'ai parlé un petit peu de ça, que le changement des minorités ethniques à les mots «communautés culturelles», c'est vraiment un petit changement en mots mais un grand «change» au sens juridique. Puis, oui… Puis j'ai souligné les travaux de Pearl Eliadis, de McGill University, parce qu'elle est une spécialiste en droit international, puis c'était elle qui a écrit quelque chose dans la Gazette qui était très intéressant.

But there is the International Covenant on Civil and Political Rights, which was ratified by Canada, and by Québec as well, that we need to be that… given the division of powers in our Constitution, that Québec needs to ratify as well. So, actually, with this particular change to «ethnic minority» to «cultural communities», we are actually rejecting our international conventions under international law, which we've actually ratified here, in the National Assembly, and as well with the UN declaration on human rights and freedoms; it talks about ethnic minorities there as well.

So, it's particularly... pretty hard to understand why we want to opt out of our international obligations and, if we were, actually, to exhaust our recourses internally, so to go to the Superior Court or to Appeal, Supreme Court, and we won't necessarily like the answer if we're... if rights were in French deponing in Québec, and then we go to an international court.

And so we have no rights as an ethnic minority, which is the term «au sens juridique reconnu, les personnes au monde qui sont des minorités dans leurs juridictions eux-mêmes», that they would actually... maybe not have the same recourses that now exist in international law. It is a very small change, "cultural communities", but it really has no meaning outside of this particular Bill.

And, as well, in regards to the law — Mme Courcy has left — but the reason I invited Brent Tyler to be with me here today is that... is particular that he has read over my brief and said that it is sound in fact and law, so that's why I brought him here to say… I don't know if it's possible if he says a few words, just that, legally, this does actually make sense and it is a correct interpretation of laws — not to put words into his mouth, of course.

• (12 heures) •

M. Tyler (Brent) : I'd be happy to say that.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Allez-y, M. Tyler, oui.

M. Tyler (Brent) : Merci. I've read Mr. Standish's brief, and there's a lot of serious legal arguments. I understand that the Minister is going to have it looked at by her own legal advisors, perhaps there's another possibility, the Québec Government has the power to make a reference to the court of appeal, and if there are serious issues — and I think Mr. Standish has raised serious issues — about the constitutionality of some of the aspects of the Bill, then perhaps the Government should think about making a reference to the court of appeal, because, if there's no reference, individuals will have to take it upon themselves, at their own trouble and expense, to contest this law; and we've had some success recently contesting amendments to the Charter of the French language. So it would be something that I hope the Government will envision, is a reference to the court of appeal. Thank you.

M. Reid : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. Merci. Oui, M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Oui. First of all, I would like to thank you very much for the time that you took to draft your brief, and also for the presentation. So thank you very much, Mr. Standish and Mr. Tyler as well. You communicated to us the result of a very thorough research on the potential legal impacts of Bill 14, and I think that it's important, it's very useful documentation and research, and I'm glad to hear that the Minister in charge of the application of the charter will be more than happy to transfer the result of your research to the legal counsellors of the Government of Québec.

That being said, j'aurais une question et j'aimerais vous entendre, si vous le permettez, sur... Parce que moi également, j'ai eu l'occasion de lire les évaluations que des professeurs d'université en droit faisaient de l'impact qu'aurait la modification proposée à la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. Le législateur ne parle pas pour ne rien dire, lorsqu'il légifère, il veut avoir un impact. À l'heure actuelle, je n'ai pas eu de précision quant à l'impact réel venant du gouvernement. Peut-être que vous nous apporterez là un premier son de cloche qui méritera davantage de recherche.

Mais, selon vous, quelle serait, de façon tangible, l'application, l'interprétation, le cas échéant, de ces modifications à la Charte des droits et libertés de la personne?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : M. Standish.

M. Standish (Colin) : Merci beaucoup pour cette question. And I will address, it is a very important question, that the Charter of Human Rights preamble would be changed, and so that... So the Charter of Human Rights and Freedoms here, in Québec, not the Canadian, the Québec one, applies very broadly to private and public sectors, so everything from contracting to labor law to any kind of relations we have in this province. But now, with the changes that we would see, is that... I'm just going to refresh my memory, is... yes, you're going to insert, after… the following paragraph after the fourth paragraph: «Whereas rights and freedoms must be exercised in keeping with public order, the general well-being and values of Québec society, including its attachment to democratic principles, the importance of its common language and the right to live and work in French.» So the additions would be to make French predominant, so above any other human rights in this province, and that could be particularly detrimental, that it is a lot of bubble to protect French, but to make it a much more tangible right, to make it have predominance above basic human rights in this province would be very scary.

It is difficult to give a tangible example because the preamble applies in wide application to the entire charter, and its quasi-judicial status has greater impact in other pieces of legislation that you will pass here, in the National Assembly. So to give specific examples is difficult because of a very broad application to everything, but it would basically... that... and conceivable the modifications could have a wide application in human rights in the province, and the favoritism to French language would come to the potential detriment of other groups, and that could be for Francophones as well, who want to define their lives in the language of their choice. So very wide ranging, but it's hard to get specific, so I'm sorry that I can't be more detailed.

M. Tanguay : Tout à fait, et je partage votre préoccupation. Et, dans la mesure où on pouvait avoir une réponse claire, évidemment, nous pourrions dissiper tous les doutes, mais il est assez curieux de voir qu'il est interdit, en vertu de l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne, de faire discrimination basée sur certains critères, qui ne sont pas une liste exhaustive, alors basée sur le sexe, l'orientation sexuelle, sur la langue, sur l'appartenance à une minorité, une minorité ethnique. Et là on isole un de ces éléments par lesquels... par l'application de l'article 10, par lesquels on ne peut pas discriminer. Mais là on dit à l'article nouveau, 3.1, que «toute personne a droit de vivre et travailler…» Alors, nécessairement, le législateur ne parle pas pour rien dire, il faut... Ça va prendre des études d'impact, je crois, là, de façon très, très tangible, pour le regarder.

Très rapidement, avec malheureusement le peu de temps que nous avons, comment, vous, percevez-vous «statut bilingue des municipalités»? Si vous êtes sous la barre des 50 %, vous perdez le statut bilingue, mais la loi ajoute une discrétion. Alors, comment on peut avoir, de un, une... Et comment percevez-vous le fait d'avoir une marque objective mais aussi une marque subjective où, si vous êtes en bas du 50 %, la ministre pourrait, sur des critères qui ne sont pas clairs, vous l'accorder ou pas? Comment percevez-vous ça?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : En quelques secondes, M. Standish, s'il vous plaît.

M. Standish (Colin) : Oui. Merci pour cette question sur le statut bilingue. Comme on voit qu'une majorité des municipalités avec statut bilingue n'ont pas 50 % des anglophones de langue maternelle anglaise, so we'd see 45, 89 taken away, in Eastern Townships, where I'm from… and also the honorable Mr. Reid are from, that we would lose 15 of 18.

The discretionary power, I believe the Minister last week said that it would be discretionary power only that would be a subjective application of that law. However, I disagree that it would actually… if you drop below 50 % in the census, it would be automatic, and there could be discretionary power that may only be used in certain circumstances. So the Minister was arguing last week it was... it's a maybe, que le pouvoir discrétionnaire, c'est toujours subjectif, mais, selon moi, in the particulars, in the way it's written in this law, that would be automatic and only maybe could they use their discretionary power. So basically, we would see half of the municipalities with bilingual status have that status taken away.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. Nous allons maintenant du côté du deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de Montarville, vous avez la parole.

Mme Roy (Montarville) : Oui, merci beaucoup. Messieurs, merci. Merci pour votre mémoire. Écoutez, je lisais le mémoire et j'ai vu que vous avez fait une analyse jurisprudentielle très pointue, et vous citez plusieurs décisions de la Cour suprême du Canada. Ce qui est très intéressant dans ces décisions, c'est… elles sont rarement unanimes, et souvent, des fois, la position majoritaire et la position minoritaire révèlent toutes les deux des arguments qui sont très intéressants.

Dans le dossier qui nous préoccupe, dans le «Bill» 14, il y aura cet équilibre qu'il faudra trouver, parce que nous croyons qu'il faut défendre la langue française au Québec, étant dans cette marée d'anglophones avec l'Amérique tout le tour de nous, mais qu'il faut aussi protéger les droits des minorités anglophones. Et, tout comme vous, nous sommes très sensibles à certains articles du projet de loi n° 14, entre autres en ce qui a trait aux municipalités, les statuts bilingues. C'est un article contre lequel nous nous battrons. Les enfants de militaires, tout comme vous, nous avons été surpris lorsque la ministre a déposé son document dans lequel elle spécifie que ces enfants ne sont pas une menace à la langue française. Alors, moi, ça m'a fait sursauter. Il y a d'autres choses également sur lesquelles vous manifestez des inquiétudes, et nous aussi.

Et cependant j'aimerais vous entendre sur quelque chose qu'on a entendu ici, en commission — vous n'étiez pas présents. Naturellement, on a entendu les gens des Cantons-de-l'Est, vous en faisiez référence tout à l'heure — coin que j'affectionne tout particulièrement — il y a 46 000 anglophones dans les Cantons-de-l'Est, et les gens nous disaient : Écoutez, on a très peur et, si nous perdions notre statut bilingue, nous croyons que la moitié de la population quitterait probablement pour s'en aller dans des villes qui ont vraiment le statut bilingue et le conserveront, dont, probablement, l'Ouest-de-l'Île de Montréal. Et, lorsque j'ai fait part de cet argument aux gens… je crois, sous toutes réserves, Mme la Présidente, qu'il s'agissait des gens du SPQ Libre, je leur ai fait mention de cette crainte de la communauté anglophone, entre autres, des Cantons-de-l'Est, et on m'a répondu : C'est de la bullshit, ce sont des menaces. Ils ne bougeront pas. Que pensez-vous de cette réaction des gens en commission?

M. Standish (Colin) : En commission, à propos de la... de...

Mme Roy (Montarville) : Et du fait que les anglophones qui se sentiraient lésés pourraient quitter?

M. Standish (Colin) : Oui. Bien, merci pour les questions. C'est très important le statut bilingue, and especially for me, being from the Eastern Townships. And I was there, the Townshippers Association, the presentation, I was in the back, yes.

Mme Roy (Montarville) : ...I'm talking about? OK.

• (12 h 10) •

M. Standish (Colin) : No, it is interesting, you know, to give on there's very tangible aspects of the law que c'est vraiment précis que c'est inconstitutionnel pour aller contre l'esprit des lois et les chartes canadienne et… Québec des droits et libertés, mais aussi there's more intangible arguments, that we send the message that English speakers aren't welcome in thisprovince, and that's very intangible that people maybe we'll start to move away, and as well that protecting the French language is important, but it is one thing to keep in mind that French is no longer threatened in Québec, statistically show... statistics don't show that, that French and French speakers have expanded greatly in their numbers in the past few years, while Anglophones, 51 % of them have left the province, that we need to confront this myth that French is always under attack and that Anglophones are, in fact, in control of this province. But it's so unfortunate because it's really... it doesn't meet up with the statistics any longer, but... and particularly in regards to bilingual status, that 71 of 89 are saying they won't want to lose their status. No Francophone would receive less service in a bilingual status municipality.

I think it really shows that Bill 14 is about... it's taking away rights and it's not protecting the French language. All Quebeckers can be united, Anglophone, Francophone, Allophone, against Bill 101. And so... And particularly, I would ask all parties to stand against all aspects of Bill 14. I think it's really important that we can focus on bilingual status, military children. But it's very wide-ranging that this document is unconstitutional and takes away everyone's rights. So that's what I would ask all members of this commission to consider.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup. Merci beaucoup, M. Standish, M. Taylor. Je demanderais maintenant au prochain intervenant de prendre place.

Nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 12 h 11)

(Reprise à 12 h 20)

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bonjour, chers collègues, à nouveau. Nous allons reprendre nos travaux. M. Michel Pagé, bienvenue. Je vais quand même vous demander, même si je vous ai nommé, de vous identifier. Je vous alloue un temps de 10 minutes pour faire votre présentation, par la suite suivra un échange avec les parlementaires. La parole est à vous, M. Pagé.

M. Michel Pagé

M. Pagé (Michel) : Mme la Présidente, Mmes et MM. les députés, je vous remercie de me recevoir. Michel Pagé, j'ai travaillé dans le domaine de la coopération internationale, en gestion. J'ai fait des études en littérature et en histoire, et je suis diplômé de différentes écoles de génie.

Ma présentation dépasse largement le 10 minutes, donc je vais me centrer sur le texte que j'ai déjà écrit, au risque de paraître un peu académique.

Il m'est apparu utile d'orienter ma contribution sous le thème d'une politique linguistique cohérente, condition préalable à l'intégration positive. L'évolution démolinguistique et la vitalité de la langue ne dépendant pas de la seule approche légaliste ou du jugement d'autorité d'experts. Un questionnement plus large oblige à reconnaître parmi les facteurs les plus importants ceux sur lesquels oeuvrer de manière à produire les résultats recherchés.

Mais, respectueusement, je dois vous dire à ce moment-ci que je trouve excessivement regrettable que les partis politiques soient divisés sur la question linguistique, que certains trouvent là un terreau de stratégie politique pour la lutte pour le pouvoir, alors que la vitalité même d'une société distincte appelle l'union des voix et la consolidation de la cohésion sociale.

Je vous propose une approche consensuelle et pragmatique. Même si la loi 101 est fondamentale, son seul renforcement, la loi n° 14, ne pourra contraindre… ou renverser la tendance de fond — nous vous référons au schéma 7 du mémoire.

L'attrait d'une langue et l'éventuelle mobilité linguistique sont modulés par plusieurs facteurs déterminants, dont l'environnement familial, l'action structurante de la famille et du cadre familial, l'environnement de vie sociale et du milieu de vie, les comportements sociolinguistiques, la langue d'éducation et d'enseignement et la cohérence du système d'éducation et d'enseignement, la langue de travail et de l'emploi, les lois, le cadre légal et les politiques gouvernementales, les influences socioculturelles et les technologies d'information des médias, l'intégration linguistique des immigrants. La langue publique commune du quartier ou du territoire de vie influence aussi le choix de la langue d'usage. Ce facteur s'amplifie avec le bilinguisme généralisé de la ville et les potentiels d'emploi pour qui maîtrise l'anglais.

Au cours des dernières années, force est de constater que l'emploi du français aurait cessé de progresser là où la loi agit, que l'anglomanie engendre des comportements linguistiques favorisant l'anglais, que le bilinguisme social de Montréal et l'influence des modes, de modes anglomanes, consolident le pouvoir d'attraction de l'anglais. Ainsi, Montréal, métropole francophone, s'anglicise.

Cette situation de problèmes n'est pas irréductible, encore faut-il l'admettre et savoir introduire des mesures qui, à court terme et à moyen terme, influenceront efficacement chacun des facteurs.

Sur la loi n° 14, 101, le projet de loi n° 14 propose le renforcement de la place du français au Québec par une sélection limitée de mesures, comme l'application de la Charte de la langue française aux entreprises de 26 à 49 employés et l'inscription dans la charte du droit à vivre et à travailler en français.

Nous recevons également positivement les dispositions quant aux responsabilités de l'administration et du ministre, et à l'exemplarité en matière linguistique dont ils devraient faire preuve. Certes, ces dispositions sont sages et mesurées, mais elles ne portent pas sur des actions à court terme et ne satisfont pas certains impératifs que nous crée la situation actuelle. Le projet de loi ne va pas jusqu'à respecter l'engagement électoral du Parti québécois visant à obliger les francophones et les allophones à fréquenter le cégep français. Il ne dit rien des contraintes de sélection, de recrutement des immigrants qualifiés en regard de la langue et du poids de la langue française. Il ne dit rien non plus de l'obligation, pourtant naturelle et normale, de francisation des ressortissants.

Nous convenons que le législateur doit discerner entre ce qui est important de ce qui l'est moins, qu'il doit savoir introduire des mesures efficaces, tant pragmatiques que consensuelles, sans heurter les sensibilités là où les mesures apporteraient peu mais auraient un caractère vexatoire. L'approche légaliste introduit des dispositions normatives qui nécessiteront un cadre réglementaire coercitif, alors que l'incitation, la mobilisation et le changement des comportements sociolinguistiques seraient beaucoup plus importants.

Quant à l'Office québécois de la langue française, puisque la loi n° 14 s'y réfère largement, nous observons que l'office devrait exercer un plus grand rôle incitatif de francisation auprès des comités de francisation des PME et auprès des employés et des employeurs. L'entière cohérence — et c'est un mot clé, «cohérence» — de la charte exige une approche mobilisatrice de l'ensemble des intervenants qui conféreront à la langue française son utilité incontournable dans toutes les sphères de la vie moderne au Québec, et, par ricochet, par réciprocité, pourra même aider certaines communautés canadiennes-françaises de l'Ontario ou du Nouveau-Brunswick.

Ainsi, il existe un besoin qui n'est pas satisfait par l'action de l'administration. Le mandat de l'OQLF pourrait être élargi de manière à ancrer ce rôle d'agent actif de francisation de l'administration et des entreprises. À titre d'exemple, une campagne de sensibilisation, telle celle proposée en 2010 et qui apparaît en annexe, devrait relever de l'action prépondérante de l'office. La loi n° 14 devrait clairement préciser ce rôle motivateur de l'office et insister sur des paramètres qui, finalement, sont plus importants, comme la motivation, les attitudes, les changements de comportement sociolinguistique.

Sur la cohérence du système d'éducation et d'enseignement, rappelons que la charte prescrit que l'enseignement se donne en français dans les classes maternelles et dans les écoles primaires et secondaires sous réserve des exceptions prévues. Il serait alors normal que l'ensemble des élèves de langue française et des néo-Québécois s'inscrivent au sein du réseau des écoles francophones de la maternelle à la fin de l'année terminale du niveau secondaire normal de tous modèles occidentaux.

Il est important de comprendre que la première année — le tronc commun — enseignée dans les institutions dites cégeps correspond largement à l'année terminale du système des «high schools» ou des lycées français. Cette formation fait partie d'un continuum de l'enseignement.

La division arbitraire de l'enseignement entre le secondaire et le cégep aura ainsi contribué à grever la cohérence du système d'enseignement, à introduire une rupture du continuum psychoéducatif normal et à fragiliser l'intégration normale de l'ensemble des jeunes de la société francophone.

Doit-on pour autant inscrire cette obligation dans la loi 101? Pas nécessairement, puisque la loi décrit que l'enseignement secondaire devrait être donné en français. On aurait tout juste besoin de rétablir une terminologie commune à l'ensemble des systèmes d'enseignement nationaux et décréter l'instauration d'un diplôme supérieur d'école secondaire sanctionnant la réussite de tout le tronc commun de l'enseignement dispensé dans les établissements de transition dits cégeps. On aura ainsi, par surcroît, réduit un paradoxe qui entretient une rupture entre le développement psychoéducatif normal de l'étudiant, le jeune préadulte, et le mode d'appartenance identitaire normal de l'organisation scolaire.

La loi n° 14 propose que l'obtention du diplôme collégial soit conditionnelle à la réussite d'un cours de français ou, doit-on comprendre, d'un examen dans les cégeps anglophones. Mais, comprenons-nous bien, la nature de la situation de problèmes repose sur une notion différente d'une telle approche normative et punitive.

La singularité du non-enseignement de l'histoire. Observons que, contrairement à leurs confrères du Canada anglais, les étudiants collégiaux ne sont pas tenus de compléter un cours d'histoire; paradoxal dans une province dont la devise est Je me souviens. Pourtant, enseigner la littérature du terroir et l'histoire à tous les jeunes allophones et francophones au cégep équivaudrait à leur refuser l'accès à l'identité québécoise, à ses racines profondes. C'est les livrer à un puits de l'oubli dont ils ressortiront imprégnés de toutes les influences anglomanes à la mode. L'enseignement de l'histoire du pays est une question de bon sens, auquel nous convie d'ailleurs le système d'enseignement canadien-anglais.

Je passe sous silence le programme d'anglais intensif.

De l'immigration. Sur le seul plan de l'intégration linguistique, nous avions déjà fait valoir, lorsque je suis paru en commission à l'été 2011, que la conjoncture économique qui sévit en Europe, notamment dans les pays de langues cousines du français, les langues romanes, confère un potentiel de recrutement de candidats jeunes, instruits et francophiles. Là, tout un travail de fond devrait relever du ministère des Relations internationales, ce qui n'est pas fait.

Dans tous les cas, les programmes de francisation pourraient s'étendre à l'ensemble des candidats à l'immigration ne maîtrisant pas la langue française. Une telle condition d'intégration devrait être introduite non pas en tant que mesure coercitive, mais en tant qu'occasion unique pour les nouveaux arrivants de se joindre à un projet de société distincte.

• (12 h 30) •

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : ...je sais que vous n'avez pas eu le temps de...

M. Pagé (Michel) : J'en suis à la moitié.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : ...nous faire part de l'entièreté de votre mémoire, soyez assuré que les membres de la commission en ont pris connaissance, il a été distribué à tous les membres de la commission.

          Nous allons débuter les échanges, et je vais maintenant du côté du gouvernement. M. le député de Sainte-Marie—Saint-Jacques, la parole est à vous.

M. Breton : Merci, Mme la Présidente. On serait d'accord à laisser terminer monsieur sur notre temps du gouvernement.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Parfait.

M. Breton : Donc, si vous voulez terminer votre présentation...

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Donc, vous pouvez poursuivre, M. Pagé.

M. Pagé (Michel) : J'en remercie, espérant être utile. Donc, sur l'immigration, je terminerais en disant que le programme de francisation devrait être vendu à tous les immigrants. Une preuve d'adhésion à la société civile ne serait-elle pas de respecter la langue, la culture de la société distincte d'adoption en s'inscrivant spontanément aux programmes de francisation? Donc, spontanément, les immigrants devraient s'inscrire, s'ils respectent notre société, dans un sens large. D'ailleurs, au Canada, le gouvernement Harper n'a pas craint d'introduire dans une mesure une disposition de cet ordre-là.

Du comportement linguistique ambigu du peuple canadien-français, ou québécois; c'est le noeud de la guerre. Sous ce volet, les comportements socioaffectifs... Sous le volet des comportements socioaffectifs, nous proposons à nouveau la mise en oeuvre d'un projet de sensibilisation, tel celui présenté dès avril 2010 à la ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française, projet que le ministre responsable de la région de Montréal pourrait aussi mettre de l'avant, puisque le destin de la langue française se joue dans la grande région de Montréal.

Je vais conclure sur un programme d'actions, parce que vous vous apercevez que j'ai dépassé très largement le cadre de la loi. Les facteurs prédéterminants, les facteurs déterminants relèvent de tout un ensemble dont j'ai fait un résumé rapide. La simple rénovation de la fondamentale loi 101, quoique bien mesurée et sage, n'est pas suffisante : elle n'a pas le potentiel de l'action probante et à court terme. Et la dynamique du mouvement régressif est de telle nature et de telle ampleur que nous n'en sommes plus à s'obstiner sur l'accent qu'il faudrait adjoindre à la raison sociale Metro. Ainsi, un gouvernement responsable devrait entreprendre prestement la mise en oeuvre d'un programme élaboré d'actions éclairées qui pourront enrayer le déclin, voire insuffler une saine évolution.

Les facteurs sociostructuraux — encore une fois, je les répète — principaux, les principaux : l'immigration, le système d'éducation, cohérence, la cohérence jusqu'à la fin de l'année terminale du tronc commun, donc 12 années, comme dans les lycées et dans le système anglophone, les comportements sociolinguistiques.

En définitive, la loi n° 14 propose ultimement le renforcement de la place du français au Québec par une sélection limitée de mesures ciblant le droit de travailler et de vivre en français. Toutefois, l'approche légaliste constitue une des mesures, non une panacée. Je vais suggérer qu'il serait utile de réécrire certains articles en fonction du consensus qu'il faille développer, de l'efficacité recherchée et de la cohérence intrinsèque de la loi 101 originelle. Sous ce volet, un consensus pourrait être atteint avec la CAQ, notamment au sujet des municipalités. Et j'ai d'ailleurs proposé un texte que... et soumis, sur un site Internet, sur ce volet-là.

C'est bien mal traiter un peuple que de ne pas conférer à sa langue identitaire fondatrice un statut traduisant la volonté collective ou de la subordonner à des stratégies partisanes ou sophistes de partis politiques.

Si nous perdons maintenant la maîtrise de notre vie linguistique identitaire, elle se trouvera dès lors gouvernée par le destin. Redresser la situation requiert à la fois faire appel à la résilience historique, à la conscience nationale, à l'amour de la patrie; que ces sentiments généraux guident vers la mise en oeuvre déterminée de mesures éclairées, cohérentes et déterminantes. Alors, le Québec, libéré des tensions persistantes que génère la question linguistique, les énergies pourront être mises ailleurs, à la création d'une société plus juste, plus solidaire, plus équitable, plus créative, plus prospère. Je vous remercie, Mme la Présidente. Voilà.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. Pagé. M. le député de Sainte-Marie—Saint-Jacques, vous avez la parole. Il vous reste un temps, environ, de huit minutes.

M. Breton : Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup, M. Pagé, d'être venu faire votre présentation. Vous avez parlé d'une division arbitraire de l'enseignement entre le secondaire et le cégep. Mais toutes ces divisions-là, qu'il s'agisse du système américain, du système canadien-anglais, du système français, du système britannique, sont toujours, il me semble, en essence, arbitraires. C'est des choix qu'on fait. Donc, j'aimerais ça que vous élaboriez sur ce que vous considérez comme arbitraire. Et j'imagine que... Parce que, dans «arbitraire», vous voulez mettre une connotation négative, je présume. Donc, j'aimerais que vous élaboriez là-dessus.

M. Pagé (Michel) : M. le député, je reçois votre question comme l'occasion de faire valoir à nouveau un point fortement important dont j'ai voulu saisir plusieurs membres élus et qui ont tous refusé de m'entendre, autant de la défunte Action... l'ADQ que la CAQ, que Québec solidaire, et même le Conseil supérieur de la langue française, qui a retenu une option sur les cégeps, qui était déjà prédéterminée en 2011.

La chose est fort simple — j'ai apporté ici une petite brochure. Je vais la laisser de façon à ce que finalement quelqu'un la lise. Les cégeps, arbitraires, non, il n'y a pas de connotation négative, je vous l'assure. Mais c'est vraiment... À l'origine, les cégeps ont fait l'objet d'une division. Il fallait faire une division structuro-organisationnelle. Et le CPES — on appelait ça à l'époque cours préparatoire de transition — établissait déjà une certaine rupture, qui était arbitraire, parce qu'il y avait les collèges classiques puis il y avait les polyvalentes, qu'on instaurait. Qu'est-ce qu'on fait après les polyvalentes? On se sert des... Donc, il y avait un certain aspect, là, qui aurait pu aller autant dans un sens comme dans l'autre. Mais, sur ce point-là, bien sûr, M. Guy Rocher pourrait mieux vous en informer.

Il faut... Ce qu'il est important de comprendre, c'est qu'il y a un continuum qui est important pour faire un système cohérent, d'enseignement cohérent. Dans tous les systèmes occidentaux, le secondaire, ou le lycée en France, va jusqu'à la 19e année, jusqu'à 19 ans. Et là on ne s'enfarge pas avec les fleurs du tapis en disant : Ce sont des adultes, ils ont le choix, ou liberté. Non, jusqu'à 18 ans, jusqu'à 19 ans, en France, tous vivent le même modèle, et puis, au Canada anglais, aux États-Unis, au Royaume-Uni, le secondaire s'étend sur 12 années. La correspondance des cours est bien simple, autant au niveau des mathématiques, philosophie, histoire, français ou anglais : les cours dans la première année du tronc commun du cégep correspondent en gros à ceux de la 12e année terminale du système anglophone. Alors, c'est important que vous compreniez ça.

Alors, ça s'établit, ça... Il y a une raison fondamentale à ça. Ça s'établit dans un continuum psychoéducatif et de développement, développement du jeune jusqu'à son âge préadulte, qu'on situe à 17 ou 18 ans, en général. D'où ma suggestion, qui est peut-être un peu simple, mais qui reflète bien ma pensée. C'est que, tout simplement... on a simplement besoin de rétablir une terminologie, qui est celle du Canada anglais. Le cours secondaire, supérieur, «high school» s'établit jusqu'à la fin du tronc commun. Donc, tous, allophones, francophones, doivent suivre le tronc commun en français, parce que c'est écrit dans la loi 101, dans la Loi de l'instruction publique, et parce que c'est le mode operandi au Canada anglais.

• (12 h 40) •

M. Breton : Merci.

M. Pagé (Michel) : ...qui revient sur la question des cégeps, et qui revient sur les questions psychoéducatives, avec Piaget, et etc. J'en fais liste ici, Mme la Présidente.

M. Breton : Merci, Mme la Présidente. C'est tout. Merci, M. Pagé.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. Nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle. M. le député de LaFontaine, vous avez la parole.

M. Tanguay : Oui, merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci beaucoup, M. Pagé, pour le temps très, très, très considérable, j'ose imaginer, que vous avez mis à la rédaction du mémoire que vous nous présentez aujourd'hui, et l'on voit bien que ce sont des... la question linguistique vous préoccupe, vous y accordez beaucoup de temps depuis plusieurs années. Alors, je pense que c'est le résultat de votre réflexion de longue haleine et je tiens à vous remercier pour… d'une part, d'avoir pris le temps de nous mettre par écrit votre vision, votre position, et également aujourd'hui d'être présent pour nous en faire état de vive voix.

Je note, notamment de votre mémoire, de votre intervention, le fait qu'effectivement, lorsque l'on parle de l'objectif collectif qui est l'épanouissement du français, il est important de constater qu'il y a différents moyens à la disposition d'un gouvernement. Il y a certes la modification législative par des amendements à la Charte de la langue française, qui est une chose, mais également, je vous dirais, des moyens qui relèvent tantôt de la réglementation, tantôt de politiques à mettre sur pied et à faire respecter, des programmes gouvernementaux, dont évidemment il s'agit de s'assurer que les crédits soient là; et nommons également un élément telle la stratégie commune pour Montréal 2008-2013, où, là, il s'agissait d'avoir une entente avec des partenaires, parce que je pense que l'objectif de l'épanouissement du français se fait, pour beaucoup, avec la reconnaissance du rôle majeur que chacune et chacun a à jouer. Donc, il s'agissait là d'un autre aspect d'un coffre d'outils qui, je crois, doit être abordé de façon globale et nous permet d'agir de différentes façons.

J'aimerais, moi, M. Pagé, vous entendre… Vous avez déjà eu écho du blogue du ministre responsable de la métropole et responsable de la relation avec la communauté anglophone, qui, le 19 janvier dernier, disait, et je le cite : «Les Anglo-Montréalais sont massivement devenus bilingues, depuis un peu plus d'une génération. Ils voient, autour d'eux, notamment à Montréal, une majorité de jeunes francophones bilingues.» Fin de la citation. Alors, le ministre, l'actuel ministre responsable de la métropole et responsable de la relation avec la communauté anglophone affirmait ça le 19 janvier dernier dans son blogue.

Et par ailleurs on se rappelle également les commentaires qu'il a émis sur les ondes d'une radio anglophone, «STM? Are you listening?», où il prônait et soulignait qu'il était justifié, pour la Société de transport de Montréal — il avait pris cet exemple-là à ce moment-là — d'être capable d'offrir les services non seulement en français, mais en anglais également, et en soulignait cette importance-là, d'où l'interjection : «STM? Are you listening?» J'aimerais vous entendre là-dessus, comment, vous, avez-vous reçu ça : Est-ce que c'est un égarement, une bonne approche?, par rapport à ses propos.

M. Pagé (Michel) : M. le député, votre préambule et votre question comportent plusieurs éléments. Dans un premier temps, j'ai tenté d'insister, effectivement, sur les questions de comportements linguistiques, donc la composante sociale. Depuis plusieurs années, une dizaine d'années, il n'y a aucun effort concerté des gouvernements, autant municipaux que provinciaux, pour donner un peu de fierté aux Montréalais, fierté de leur langue.

Quant à ma motivation propre, je vous dirais qu'effectivement j'ai passé trois, quatre ans sur cette question, et cette question-là me tue. J'aimerais en être libéré, comme beaucoup de Québécois. C'est pourquoi je vous dis franchement : L'agonie, ce n'est rien... pardon, la mort, ce n'est rien, c'est l'agonie qui est terrible. Alors, au niveau de la langue et la vie de la langue française, nous vivons l'agonie à Montréal.

Quant au jugement que vous voudriez que je porte sur les propos de M. Lisée, cela n'est pas de ma compétence. J'attirerai votre attention sur ce que j'ai écrit sur l'exemplarité, aux pages 9 à 11 du mémoire. Et je fais référence à M. Lisée indirectement quand j'écris sur le volet... et depuis l'élection du Parti québécois. Mais, depuis 10 ans, depuis 2003, rien n'a été fait, et le déclin qu'on observe actuellement sur Montréal est en partie le résultat de ça.

Quant au bilinguisme social, qui est la question sous-jacente à ce qu'a relevé M. Lisée, c'est faire fausse route, de toute évidence. L'histoire des langues nous révèle que le bilinguisme social mène à l'assimilation et la mort d'une langue par rapport à une autre. Ça s'est passé en Nouvelle-Angleterre; ça se passe, avec des taux d'assimilation de 50 % à 60 %, dans l'Ouest, des communautés francophones; de 15 % même en Acadie; et de presque 70 % en Colombie-Britannique. C'est du bilinguisme social.

À partir du moment où les gens se réfèrent à l'anglais comme leur seule langue de communication extérieure, alors qu'elle n'est pas garantie dans l'emploi, dans tous les services, dans les hôpitaux, etc., on assiste à la mort de la langue. Bon, «mort de la langue» semble un terme fort, mais c'est celui utilisé par l'UNESCO, c'est celui utilisé par des linguistes, c'est celui dont nous informent les historiens ou les linguistes de la langue, à partir de la langue grecque, etc. C'est un fait.

En Nouvelle-Angleterre, jusqu'au tournant des années 30, il y avait 1,5 million, environ, de Canadiens français, enfin Franco-Américains qui y vivaient. Ils avaient leur système d'école, le système, même, des dispensaires, des hôpitaux, dirigés par des communautés religieuses, donc écoles, dispensaires, milieu de travail aussi. Et puis, au tournant... Mais tous ces gens-là, peu à peu, ont parlé français... ont parlé anglais, bien sûr. Et puis, au tournant de la guerre, les industries, les manufactures traditionnelles ont tombé en désuétude. Donc, il y a eu un mouvement vers les villes. Et là, allez en Nouvelle-Angleterre, cette communauté de 1,5 million à 2 millions de francophones n'existe plus.

Vous voyez, c'est... Ce dont je vous parle, c'est un phénomène de fond plus qu'une statistique donnée qui est une statistique ponctuelle. Si je vous dis qu'à Montréal il y a 49 % de personnes qui sont francophones, ça ne veut rien dire au fond, parce qu'il faut observer la tendance de fond. Alors, la tendance de fond, c'est celle que je vous dis. Lisez sur la question des langues, sur la mort des langues, retournez à ce que dit l'UNESCO, vous allez bien comprendre.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Allez-y, M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Et, Mme la Présidente, juste sur — puis j'aimerais vous entendre là-dessus — un point de vue méthodologique, est-ce que l'on peut réellement comparer… Puis je vous pose la question, là, ce n'est pas un jugement que je fais, là, j'aimerais vous entendre vous. Est-ce qu'on peut réellement comparer la situation de la Nouvelle-Angleterre, à laquelle vous faites référence, qui est un fait historique, début du XXe siècle… puis j'ajouterais même, là — ça vient de moi, là — la Louisiane. Est-ce que ces exemples-là sont réellement applicables au cas du Québec où, en 1977, la loi 101 est venue, je vous dirais, encadrer, baliser, donner des outils, ce qu'il n'y avait pas, à ce niveau-là à tout le moins, en Nouvelle-Angleterre? Et je vous ajoute le cas de la Louisiane également, là. Sur un point de vue méthodologique, est-ce qu'on peut faire ce parallèle-là et dire : Bien, nécessairement, nous nous dirigeons vers les mêmes résultats?

M. Pagé (Michel) : Ce que je vous donnais à entendre, c'est un phénomène de fond. Je ne dis pas qu'il est identique à ce qui se passe à Montréal, je vous dis qu'il y a des composantes qui sont les mêmes, de même nature et puis qui relèvent de l'évolution normale des langues et du combat entre les langues. L'assimilation de l'un par rapport à l'autre, ça fait partie de l'histoire. Ce sont quelques exemples que je vous donne, des exemples extrêmes, bien sûr, on n'en est pas là. Mais les démolinguistes, alors les démographes de la langue, nous disent depuis les années 80 qu'on va obtenir les résultats qu'on a maintenant et puis que, dans 50 ans, le français va être minoritaire au Québec.

Un étudiant du secondaire peut reprendre ces courbes de programmation linéaire, parce que c'est du premier degré. Il y a les naissances, hein? Et puis on a 40 ans ou 50 ans de sous-natalité. Il y a l'immigration qui joint maintenant les rangs francophones à 49 %, 50 %. Alors, on met ces composantes-là, on met l'assimilation... même dans Westmount ou Outremont maintenant. Les dernières études de démographes ou démolinguistes, Michel Paillé, Castonguay, etc., montrent que, même à Montréal maintenant, il y a un attrait tel de l'anglais que des familles francophones passent à l'anglais. Ça ne s'était jamais vu avant, je veux dire, avec un tel degré, avec un tel degré. Voyez-vous?

Ce que je voulais entendre, c'est le phénomène de fond. Alors, je vous dis, il faut arrêter et puis il faut mettre des mesures de l'avant, des mesures qui s'imposent, normales, cohésives et puis qui feront l'union de différents partis politiques. Mais, comme je vous le disais tantôt, et je pense que je vais le répéter, c'est bien mal traiter un peuple que de ne pas conférer à sa langue identitaire fondatrice un statut traduisant la volonté collective ou de le subordonner à des stratégies partisanes ou à des sophismes de partis politiques. Je vous soumets qu'il faut trouver des consensus et il faut vous imprégner d'une volonté commune. Merci.

• (12 h 50) •

M. Tanguay : Combien de temps nous reste-t-il, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Il vous reste deux minutes exactement.

M. Tanguay : Deux minutes. Mon intervention, vous l'avez compris, par rapport à, je vous dirais, l'effet structurant qu'a eu la Charte de la langue française en 1977 est née également d'une réflexion que nous avons eue ici, en commission, vendredi dernier, où j'avais eu l'occasion... Et je le cite rapidement, là, Jean-Marc Léger, pas le sondeur mais feu Jean-Marc Léger, qui était journaliste, auteur, disait à Judith Jasmin, en décembre 1960, et je le cite, sur les ondes de Radio-Canada : «J'estime qu'il nous reste peut-être 10 ou 15 ans si nous voulons faire un effort sérieux pour restaurer la langue française et, conséquemment, la sauver, sinon elle deviendra une sorte de patois dont nous aurons honte, une petite langue familiale et à saveur folklorique qui ne servira plus vraiment comme véhicule de pensée chez nous.» Fin de la citation.

Ce constat très dur en 1960, on a eu l'occasion de se le rappeler la semaine dernière et de constater… — puis on réfléchissait tout haut, les gens de la commission, avec les intervenants — de se rappeler et de constater que l'effet structurant qu'avait eu la Charte de la langue française en 1977 — et aujourd'hui nous avons un équilibre là-dedans — avait permis justement de ne pas en arriver à la réalisation de ce pronostic catastrophique.

Alors, c'était davantage dans ce sens-là où je pense qu'il faut reconnaître — puis j'aimerais vous entendre là-dessus — effectivement l'effet structurant qu'a eu la Charte de la langue française et l'importance, oui, de toujours, toujours demeurer vigilants, mais en conservant également, là, un équilibre.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Quelques secondes. Je suis désolée, M. Pagé.

M. Pagé (Michel) : Je ne peux pas répondre?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : En quelques secondes, si vous pouvez.

M. Pagé (Michel) : Oui. La loi 101 a eu un effet structurant mais pas suffisant dans le contexte actuel. Non, il n'y a pas d'équilibre; il y a déséquilibre actuellement. C'est ce que je vous donne à entendre — je serais heureux de vous rencontrer d'une façon personnelle de façon à vous faire comprendre quel est ce fond. Il y a déséquilibre actuellement sur Montréal et dans la grande région de Montréal. Les jeunes ne... C'est l'anglomanie tel que les jeunes, dans les écoles francophones, parlent anglais, qu'ils n'écoutent que la musique anglaise, que les médias sont anglais, l'Internet est anglais. Ils ne connaissent pas leur histoire, on ne leur enseigne par leur histoire, on ne leur enseigne pas leur littérature du terroir. Au moins, à l'époque, il y avait les collèges classiques qui donnaient une certaine imperméabilité aux classes... aux élites, qu'on disait élites. Aujourd'hui, on a perdu cette référence. Il y a un phénomène de fond sur lequel il faut réagir. Non, il n'y a plus équilibre. Oui, il faut réagir d'une façon adaptée à la nouvelle donne.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. Pagé.

M. Pagé (Michel) : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Vous avez vu, je vous ai donné un petit peu plus que quelques secondes. Je vais maintenant du côté du deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de Montarville, vous avez la parole.

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, M. Pagé. Merci. Merci pour votre mémoire qui est très exhaustif et détaillé. Vous allez précis dans le détail.

J'aimerais vous entendre sur un point bien particulier. D'abord, je dois vous dire que nous croyons, au deuxième groupe d'opposition, qu'une des façons principales et primordiales pour protéger la langue française au Québec, c'est d'abord et avant tout la francisation de nos nouveaux arrivants. Nous y croyons, nous croyons aux mesures de francisation qui sont ajoutées au projet de loi n° 14, parce que — vous parlez de déséquilibre — il faut que les gens qui se joignent à nous, qui viennent vivre ici apprennent le français correctement. Nous sommes d'ailleurs en faveur des mesures qui ajouteront des ressources ou des heures d'enseignement. Il faut bien apprendre cette langue, une langue qui n'est pas facile, nécessairement, pour tous les nouveaux arrivants.

Par ailleurs, j'aimerais vous entendre parler sur, justement, cette immigration. Vous avez mis en annexe des chiffres. On voit — naturellement, nous avons tous ces chiffres — la progression du nombre de nouveaux arrivants que nous recevons et qui est en constante pente croissante depuis 2008. Que pensez-vous de ce phénomène et que devrions-nous faire pour faire en sorte que nos nouveaux arrivants soient mieux francisés, francisés qu'on n'en échappe pas? Qu'est-ce qu'il faudrait faire?

M. Pagé (Michel) : Madame, merci de votre question. Il y a plusieurs volets. Sur la question de l'immigration, je crois que tous les immigrants devraient être obligés, je l'ai dit tantôt, non pas en tant que mesure coercitive, mais en tant qu'une adhésion normale à la société qu'ils joignent. S'ils la respectent, ils devraient spontanément s'inscrire à la francisation.

Les niveaux de l'immigration sont beaucoup trop élevés, pour des raisons économiques et d'intégration, d'intégration non pas seulement sociale et culturelle, mais intégration économique. Depuis 2008, on a vécu une récession. Dans le mémoire que j'ai fait en 2011, l'analyse économique que je faisais, c'est qu'il y avait une possibilité d'une deuxième récession en W. Ça s'est produit en Europe mais pas ici; et puis les États-Unis sortent maintenant de ce phénomène-là. Alors, par niveaux d'intégration... par niveaux d'immigration, il est important de comprendre, là, qu'il ne s'agit pas de couper l'immigration — moi, je suis ouvert sur le monde, j'ai voyagé — non, mais c'est une question de niveau, c'est une notion de niveau.

Alors, actuellement, le Québec accueille autour de 50 000. Quand je suis passé en commission, c'était autour de 55 000. C'était trop. Parce qu'ils arrivaient sur Montréal, à 85 % à 90 % sur Montréal, donc aucune ou très peu d'intégration sur les régions, pas de cours de francisation et puis le sous-emploi à Montréal, à cette époque-là. On n'a pas réagi, on a oublié une notion fortement importante de l'immigration, qui est la capacité d'absorption, notion qu'on a laissé tomber au tournant des années 2000, que le gouvernement fédéral a laissé tomber, que M. Trudeau avait introduite. D'ailleurs, en 1981-1982, lorsqu'il y avait eu une récession, le niveau de l'immigration au fédéral était tombé en deçà de 100 000. Actuellement, le fédéral accueille autour de 250 000. Pourquoi? Pour des raisons qui sont économiques, liées au développement de l'Alberta et de la Saskatchewan.

Mme Roy (Montarville) : …devrait revenir à ces niveaux... à des niveaux d'immigration pour contrôler, justement, l'accueil, pour être capables de les franciser?

M. Pagé (Michel) : Dans l'immigration, il faut retenir...

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : En quelques secondes, M. Pagé. Je suis désolée.

M. Pagé (Michel) : L'immigration commence par le recrutement, la sélection, l'accueil, l'intégration, la francisation. Sélection et recrutement est complètement à revoir par le ministère. On ne fait pas de recrutement, sauf une fois par année sur Paris, alors qu'en Espagne… le plus grand lycée francophone hors France se trouve à Madrid.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci.

M. Pagé (Michel) : Il y a...

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup.

M. Pagé (Michel) : ... tout un potentiel, là. Merci. Je m'excuse.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup, M. Pagé.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi. Vous pouvez laisser vos documents dans la salle, la salle sera sécurisée. Donc, bon appétit.

(Suspension de la séance à 12 h 58)

(Reprise à 15 h 5)

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Bonjour, chers collègues. Nous reprenons nos travaux, et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Nous allons poursuivre sans plus tarder les auditions publiques sur le projet de loi n° 14, Loi modifiant la Charte de la langue française, la Charte des droits et libertés de la personne et d'autres dispositions législatives. Et nous commençons, cet après-midi, avec la Fédération autonome de l'enseignement. Bienvenue, messieurs. Je vais vous demander de vous présenter, de présenter les personnes qui vous accompagnent. Et vous aurez un temps de 10 minutes pour nous faire part de votre exposé, suivra par la suite un échange avec les membres de la commission. La parole est à vous.

Fédération autonome de l'enseignement (FAE)

M. St-Germain(Pierre) : Merci, Mme la Présidente. Mes salutations à Mme la ministre, Mmes, MM. les parlementaires. Alors, merci de nous accueillir pour entendre le commentaire sur le projet de loi n° 14.

Alors, à ma droite, M. Sylvain Mallette, vice-président à la vie professionnelle de la Fédération autonome de l'enseignement, à ma gauche, M. Sylvain... pardon, M. Wilfried Cordeau — ça commence bien — conseiller syndical à la vie politique, à la fédération, bien entendu.

Alors, la Fédération autonome de l'enseignement, depuis sa création, est préoccupée par la question linguistique, que ce soit par son engagement dans le dossier des écoles passerelles ou dans celui de l'intégration linguistique et sociale des nouveaux arrivants, comme on l'a démontré récemment lors de la dernière édition de la Semaine pour l'école publique, qui avait pour thème la francisation, ou encore, au regard des qualités de l'enseignement du français, par la révision du programme de français au premier cycle du primaire qu'on a réalisée, ou encore, plus récemment, par nos travaux avec le mouvement Partenaires pour un Québec français.

La majorité des 32 000 enseignantes et enseignants que la FAE représente se retrouvent dans la région de l'Outaouais, la région de Laval et sur toute l'île de Montréal, en grande majorité. De par leur situation géographique, comme citoyens qui vont dans les commerces, requièrent des services et qui, quotidiennement dans leur travail, côtoient une population immigrante importante, ils constatent la difficulté de faire reconnaître le français comme langue commune. Ceci, donc, ajoute à l'intérêt que notre fédération porte pour la cause du français au Québec.

L'expertise de la FAE se situant principalement dans le domaine de l'éducation, vous ne serez pas étonnés que notre présentation s'y concentre pour l'essentiel et aborde de manière plus large la francisation et la protection de la langue française par le système public d'éducation. En ce qui concerne les autres domaines, nous partageons les propositions contenues dans la plateforme Partenaires pour un Québec français, que certains de ses membres sont venus défendre ici, ou le feront prochainement.

Voilà plusieurs années que les rapports se succèdent et témoignent de multiples reculs, sinon de l'affaiblissement de la situation de la langue française, tant dans les milieux de travail que dans les affaires, les services à la population ou à la clientèle, les communications administratives ou l'enseignement. Dans ce contexte, la FAE accueille favorablement les intentions qui gouvernent le projet de loi n° 14. Celui-ci constitue un pas dans la bonne direction et vient réaffirmer l'importance de la prépondérance du français comme langue officielle du Québec. D'ailleurs, l'insertion dans la Charte des droits et libertés de la personne du droit de vivre et de travailler en français est certainement un élément fort de ce projet de loi. Ce nouvel article consacre ainsi le fait français au rang de droit fondamental et affirme le français comme étant un élément incontournable et rassembleur du vivre-ensemble.

Dans son ensemble, le projet de loi présenté par la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles et ministre responsable de la Charte de la langue française nous apparaît faire appel à une plus grande responsabilisation des acteurs en matière linguistique tout en réaffirmant le fait français à plusieurs égards et dans plusieurs sphères d'activité. Je reconnais dans ce projet de loi les qualités de sa ministre qui souhaite adopter une approche visant la persuasion, qui fait appel à la bonne volonté des individus et des organismes. C'est une approche que nous partageons également mais dont on doit convenir des limites, limites qui font qu'à un certain moment, quand on a accordé aux personnes ou aux organismes toute la chance de faire la preuve de leur bonne ou de leur mauvaise foi, il faut agir.

Cependant, bien plus que sur la bonne volonté, la ministre et les organismes chargés de l'application de la loi et des règlements qui s'y rattachent doivent pouvoir compter sur des moyens forts et pragmatiques afin de faire appliquer, au besoin par la contrainte, les dispositions de la loi. Selon nous, bien plus qu'une révision de la charte, les intentions soulevées par le gouvernement exigent une intervention plus ferme de l'État et des moyens effectifs et conséquents pour veiller à son application. En ce sens, nous nous serions attendus bien plus qu'à un ajout de responsabilités et de tâches administratives pour l'Office québécois de la langue française, mais un renforcement important non seulement des pouvoirs, mais aussi des mesures coercitives prévues dans la charte pour lui permettre de jouer pleinement son rôle.

• (15 h 10) •

Par ailleurs, la protection, et la valorisation, et la promotion de la langue française ne peuvent se réaliser uniquement par des modifications à la charte. Ces questions nous amènent inévitablement à parler d'éducation et des conditions qui permettent l'apprentissage d'un français de qualité pour tous les Québécois, qu'ils soient de souche ou nouveaux arrivants. C'est pourquoi nous invitons la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles à se concerter avec ses collègues, notamment celle du ministère de l'Éducation, des Loisirs et du Sport, en vue d'améliorer les conditions d'enseignement du français mais aussi les programmes d'accueil, les mesures d'accès et de soutien aux services à la francisation. Si la ministre appelle à une plus grande concertation des divers acteurs interpellés par la charte, la situation de la langue française au Québec... et la situation, pardon, de la langue française au Québec, il importe de rappeler qu'elle ne peut tout de même pas assumer seule toutes les responsabilités, notamment en matière de francisation, et que, bien qu'elle ait compétence de par les lois portant sur l'immigration, elle n'est toutefois pas la seule qui ait juridiction sur les organismes et appareils destinés à l'accueil, à la francisation, à l'insertion sociale des personnes issues de l'immigration.

Dans l'esprit de cette concertation recherchée par le gouvernement, il nous apparaît essentiel de rappeler l'expertise et le rôle fondamental du MELS en la matière et des organismes et établissements qui en relèvent, comme les commissions scolaires, les centres de l'éducation des adultes et les écoles publiques.

De même, si le gouvernement souhaite favoriser une intégration harmonieuse des nouveaux arrivants, la FAE estime essentiel que l'adoption de ce projet de loi se traduise et s'accompagne le plus rapidement possible de nouveaux investissements substantiels afin de donner accès aux personnes immigrantes et à leurs familles, dès leur arrivée, à des services et des cours de francisation gratuits, et élargir également le soutien consenti, faire en sorte que la francisation des nouveaux arrivants et des non-francophones vise un nouveau... un niveau, pardon, d'appropriation de la langue française qui aille bien au-delà des seuils de besoins d'insertion du marché du travail, et leur permettre d'atteindre un niveau de maîtrise du français comparable à tout autre citoyen québécois. On doit aussi favoriser la diversification des lieux de formation pour leur permettre de rejoindre un plus grand nombre de personnes et de mieux adapter les services aux besoins.

Nous croyons également que le gouvernement doit prendre les moyens nécessaires pour accroître l'accès aux services de francisation et d'alphabétisation en milieu scolaire, notamment par le rehaussement substantiel et la révision du mode de financement du réseau de l'éducation des adultes. Il doit aussi élargir et rehausser financièrement les mesures de soutien aux adultes francophones, aux nouveaux arrivants et aux non-francophones qui désirent accéder aux services d'alphabétisation ou de francisation, clarifier les prérogatives, programmes et ressources dont disposent le MICC, le MELS et le MSSS en matière de francisation, et favoriser un meilleur arrimage et une coordination plus effective et transparente de leurs efforts et services à cet égard, et — un élément qui n'apparaît pas dans notre mémoire, mais à l'égard duquel on a attiré notre attention récemment — faire reconnaître par le gouvernement fédéral l'expertise du MELS en matière d'évaluation des aptitudes linguistiques pour l'obtention de la citoyenneté canadienne.

Il nous apparaît également important d'insister sur la nécessité de mettre en place des mesures favorisant la promotion et l'apprentissage du français pour tous les élèves du Québec. En ce sens, la FAE est d'avis que, plutôt que de miser sur l'enseignement intensif de l'anglais, le gouvernement aurait davantage intérêt à renforcer l'enseignement du français. À cette fin, nous pensons que le gouvernement doit revenir sur sa décision d'imposer l'enseignement de l'anglais au primaire dès la première année et mettre un terme à la généralisation de l'enseignement intensif de l'anglais en sixième année, qu'il appuie implicitement. Il doit aussi réviser les programmes d'enseignement du français de façon à assurer un enseignement plus systématique de la langue dans les écoles primaire et secondaire, de même qu'au cégep.

Au sujet des écoles passerelles, nous nous serions attendus à ce que le gouvernement règle cette question, mais nous comprenons que le contexte politique actuel n'y est peut-être pas favorable et nous retenons son intention d'aborder plus spécifiquement cette problématique dans un avenir proche.

En tant que membre de Partenaires pour un Québec français, la fédération est d'ailleurs satisfaite de constater que certaines revendications de la coalition et de la société civile trouvent sinon satisfaction, du moins un écho favorable dans plusieurs des dispositions mises de l'avant par le projet de loi, notamment quant à l'instauration de mécanismes de francisation allégés pour les entreprises comptant moins de 100 employés, quant à la mise en place de mesures allégées pour les entreprises comptant 26 à 49 employés, quant à la délivrance du diplôme d'études collégiales conditionnelle à la réussite d'une épreuve obligatoire de français, ou encore au resserrement des règles relatives aux exigences linguistiques spécifiques à l'embauche, ou enfin quant à l'amélioration du traitement des plaintes pour les travailleurs non syndiqués, pour ne nommer que ceux-là.

Par contre, nous devons joindre notre voix à celles d'autres organisations syndicales pour dénoncer et rejeter l'approche volontaire introduite par les nouvelles dispositions que prévoient les articles 40 et 42 du projet de loi, qui autoriseraient toute entreprise de 100 employés et plus à substituer au comité de francisation un autre mécanisme deconsultation et de participation de son personnel. Cela constitue certainement, à nos yeux, un recul majeur du français comme langue du travail, d'autant plus inacceptable qu'il n'est pas justifié.

En conclusion, si le projet de loi pose des jalons importants, il nous apparaît essentiel que la volonté politique à laquelle il répond se traduise très rapidement dans un large plan d'action qui s'attaque plus sérieusement à la promotion et à la valorisation de la langue française au travail et dans la société, et prioritairement à l'école et auprès des personnes immigrantes, le tout étant un enjeu à long terme.

Si le resserrement de la Charte de la langue française est un moyen de freiner à court terme les reculs subis par la langue officielle, il est par ailleurs impératif que soient renforcés dès aujourd'hui les moyens qui assureront sa pérennité et son rayonnement à long terme. Pour ce faire, il faudra faire du français la langue officielle des communications écrites dans l'administration, à l'exception, bien sûr, des cas prévus à l'article 29.1. Il faudra mettre à contribution, pour ne pas dire au pas d'autres ministères et appareils d'État, adapter de nombreux programmes et y consacrer des ressources. Il appartient au gouvernement d'en exprimer concrètement la volonté politique. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. St-Germain. Nous allons débuter les échanges, et je vais du côté du gouvernement. Mme la ministre responsable de la Charte de la langue française, vous avez la parole.

Mme De Courcy : Merci, Mme la Présidente. Alors, M. le président, messieurs qui vous accompagnent, vraiment merci, d'abord d'avoir pris la peine de vous intéresser à cette question, mais nous le savions tous d'avance que vous étiez pour le faire, compte tenu de l'importance de l'engagement des personnes que vous représentez dans la promotion et l'épanouissement de la langue française, et ce, depuis des décennies. Alors, je vous remercie, donc, d'avoir pris la peine, d'avoir pris la peine aussi de venir nous voir pour que nous puissions discuter un peu avec vous.

J'aimerais d'abord, dans un premier temps, faire une mise au point, que j'ai faite publiquement mais qui vous a peut-être échappé. À cet égard, je vous distribuerai un article qui est paru dans Le Devoir, qui était une réponse à un éminent sociologue, Guy Rocher — vous vous en souvenez sûrement — sur la langue de travail par rapport aux comités de francisation. Je l'ai expliqué aussi, hier, à Mme la présidente de la CSQ, qui avait la même préoccupation que vous autour des... qu'elle avait autour des comités de francisation.

En fait, notre intention, quand j'avais... on a rédigé ceci dans le projet de loi, c'était de s'assurer que les entreprises qui n'étaient pas syndiquées puissent avoir des moyens, puissent avoir des moyens et qu'on puisse arriver à faire quelque chose d'intéressant en prenant pour... et en ayant un préjugé favorable que, si ça ne se faisait pas, ce n'était pas un manque de volonté de l'entreprise mais que c'était probablement parce que l'entreprise, dans son créneau, présentait un certain nombre de difficultés pour les mettre en place.

Par ailleurs, ce faisant, on a contracté un article — pardonnez-moi l'expression — et on a fait le contraire de ce que nous voulions faire. Alors, parmi... Un projet de loi a ceci de bon, et une commission parlementaire a ceci de bon, c'est qu'elle permet différents correctifs, différentes mises au point. Il y en aura dans ce projet de loi, et celle-là sera proposée par l'équipe gouvernementale. En fait, il ne pourrait y avoir autre moyen, entreprise syndiquée ou non, que convenu avec le groupe syndical. Et, de toute évidence, on a fait quelques vérifications, et ça semble correspondre à ce que les groupes syndicaux souhaitent et, d'une certaine façon, je suis convaincue, aussi les entreprises, parce qu'elles ont d'habitude une très bonne relation dans les comités de francisation. Ça va relativement bien. Évidemment, ce n'est pas le bonheur parfait partout, mais on peut dire que c'est un instrument qui est salué de part et d'autre. Alors, je tenais à lever cette ambiguïté-là, pour nous tous d'ailleurs, comme je l'ai fait hier.

Maintenant, vous avez, comme à votre bonne habitude à la fédération, mis le doigt sur quelque chose qui nous préoccupe aussi beaucoup — de mon ancienne vie, qui n'est pas si ancienne que ça — évidemment que le fait d'une absence d'harmonisation entre le ministère de l'Immigration, le ministère de l'Éducation, et — j'ajoute depuis tout récemment aussi — Santé et Services sociaux, et Emploi fait en sorte que nous sommes... nous avons des contradictions et un manque de cohérence qui peut être apparent et qui peut être dommageable pour les personnes immigrantes ou pour ceux et celles qui travaillent auprès des personnes immigrantes, ne serait-ce que les règles de financement, ne serait-ce que les subventions accordées à certains groupes de personnes, à d'autres, non, etc.

• (15 h 20) •

Alors, ma collègue ministre de l'Éducation et ma collègue ministre de l'Emploi et moi avons déjà mis des comités de travail en place pour harmoniser. Et ce n'est pas simple, mais nous allons y arriver. Nous nous sommes donné une obligation de résultat, je vous dirais, si c'est possible, pour l'automne prochain. On pense qu'on aura un plan, on pense que les applications pourront être, par ailleurs, en 2014… C'est long, hein? Ce type de réaménagement là est important mais demande un peu de temps. Mais nous nous y sommes attelées, parce que ça nous apparaissait absolument important.

Sur la question... Bon, vous comprendrez évidemment que j'accueille très favorablement vos suggestions, vos commentaires. Certains demandent réflexion, et d'autres, pour ma part, seront remis à une réflexion future, pas dans un futur lointain, notamment celles qui touchent les écoles passerelles. Vous savez que j'ai annoncé une législation à venir, et ce sera sous peu. Donc, je mettrai en parenthèses vos recommandations sur les écoles passerelles pour les reprendre lors du projet de loi.

Maintenant, en ce qui concerne l'anglais intensif, vous savez aussi que la ministre de l'Éducation a fait un certain nombre d'annonces et qu'elle reprendra une réflexion aussi après avoir fait des évaluations, pour lui permettre de se reposer sur celles-ci pour des décisions futures. Je vous indique que nous avons été très préoccupées, que... Et c'est l'ENAP qui va piloter cette... l'École nationale d'administration publique qui va piloter cette étude. Nous avons bien entendu vos préoccupations et celles d'autres, aussi, groupes, et aussi les groupes de parents. Ça va nous permettre de nous dégager un peu, là, de ceux et celles qui parlent très fort et de tenter d'avoir une étude objectivée pour après ça prendre une décision plus définitive.

Sur la francisation, j'ai indiqué, au cours des dernières semaines plus particulièrement, après avoir fait une tournée des régions, que j'étais très préoccupée par le fait que la francisation... il y a... sur le plan pédagogique, des méthodes différentes sont utilisées par des profs en francisation qui sont accolés au MELS, par ceux du MICC, de... je vous dirais, les écarts, aussi, de matériel, bêtement didactique, là, le matériel, des... On n'a pas accès aux mêmes choses au même endroit. Des écoles de pensée aussi pour comment aborder… en andragogie ou en enseignement d'une langue seconde, comment on fait tout ça.

J'aimerais ça vous entendre sur... Quand vous parlez d'un meilleur arrimage, est-ce que... J'aimerais que vous précisiez votre pensée sur cette question-là de la francisation, et si ça va aussi loin qu'un arrimage autour des méthodes de travail, autour du matériel, autour des conditions d'enseignement, et etc., et comment vous voyez la chose autour de ces questions-là, puisque notre gouvernement va bientôt, bientôt travailler autour d'un plan d'action en francisation.

Et il y a une sous-question associée à celle-ci. Je ne crois pas que, pour la francisation en région… et, comme le gouvernement met de l'avant résolument 18 mesures complémentaires et dont une d'elles est la régionalisation de l'immigration, je ne crois pas que les modèles traditionnels d'organisation de cours de francisation seront suffisants, et il faudra, à ce moment-là, faire appel à de la technologie, francisation en ligne avec support d'enseignants, évidemment, parce que ça ne se peut pas, ne pas le faire avec des enseignants. Je veux savoir comment vous recevez la cohabitation d'un modèle pédagogique qui serait à la fois avec du support technologique et aussi des modèles traditionnels. Alors, en fait, mes questions portent sur la francisation. Merci.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, Mme la ministre. M. St-Germain.

M. St-Germain (Pierre) : Je vais vous avouer que ce n'est pas... il y a des volets de certaines questions qu'on n'a pas nécessairement approfondis, mais je vais quand même me lancer, partager, mettons, avec vous la réflexion que je pourrais mener là-dessus.

Au niveau de la régionalisation, je vais faire un parallèle avec l'ensemble de l'offre de services. Vous savez, dans le réseau des commissions scolaires, on revendique que le MELS soit le seul maître d'oeuvre de l'ensemble des services. À travailler avec les autres partenaires dans le dossier de la francisation, parce que ça nous amenés à creuser la question avec les autres groupes, on s'est rendu compte qu'il se faisait plein de choses dans d'autres milieux et que cette multiplicité, je dirais, ou cette multitude d'offres de services rejoignait différentes catégories de la population, donc servait des rôles bien définis, puis, dans le fond, que le MELS devrait, quant à nous, avoir le rôle principal. Mais ça ne dispose pas du rôle complémentaire de d'autres organismes.

Donc, en lien avec la régionalisation, je pense qu'il faut reconnaître qu'à un moment donné il n'y a pas que le modèle montréalais, hein? Parce qu'on va comprendre qu'à Montréal, avec la concentration d'élèves que l'on a, on peut organiser des services de différentes natures. On a la masse critique pour faire ce type de chose là. Donc, par le parallèle que je fais en fonction des différents modèles qui existent, la régionalisation m'apparaît entrer dans ce cadre-là, et il va falloir quelque part qu'on reconnaisse que d'autres avenues peuvent être possibles. Il y aura sûrement à discuter de façon plus fine de comment ça va se réaliser, de qui le fera, les conditions dans lesquelles ça se fera, mais ça, je pense qu'on a toujours manifesté de l'ouverture au dialogue à cet égard-là.

Au niveau, maintenant, de l'arrimage, ce qu'on s'est fait dire par nos profs dans le milieu… Bon, tout d'abord, il y a un problème au plan des subventions, hein? Que l'on soit au MELS, qu'on rentre par les commissions scolaires ou qu'on rentre par le MICC, les individus qui bénéficient des services n'ont pas les mêmes avantages. Donc, déjà là, il y a un arrimage au niveau des conditions dans lesquelles les gens ont à recevoir l'offre de services en francisation. Donc, à ce niveau-là, il y a déjà quelque chose d'important à faire.

Au niveau du matériel et ainsi de suite, les gens, effectivement, nous disent aussi… — les gens étant nos profs, là, sur le terrain — nous parlent de l'absence de matériel. On attend d'ailleurs encore, là, les réaménagements de la future politique, là, dont on parle depuis plusieurs mois, pour ne pas dire des années. Alors, les gens nous disent : Onmanque de matériel. Les gens... les profs en ont produit beaucoup. Alors, entre imposer du matériel et rendre disponible du matériel, là il y a un pas qu'on ne franchira pas. Alors, les profs requièrent, revendiquent l'autonomie professionnelle. Donc, on pense qu'il va dans les responsabilités du ministère de l'Éducation et, je présume, là, du ministère de l'Immigration, là, pour les éléments qui le concernent, de rendre disponible le matériel aux personnels enseignants pour qu'ils puissent, en fonction de la population, des élèves qu'ils ont devant eux, des difficultés, hein, de la dynamique de la classe, choisir les meilleurs outils pour être capables de donner le meilleur cours possible. Donc, oui, il y a un arrimage possible à faire, oui, il y a du travail à faire.

Au niveau de la formation, je pense aussi qu'il y a une forme d'uniformisation aussi, parce que, là encore, on veut bien reconnaître que la francisation peut se faire via différents milieux, mais encore faut-il que les gens qui offrent ces services-là soient en mesure aussi d'offrir une qualité qui nous apparaît acceptable. Parce que, je rappelle, notre objectif au niveau de la francisation, ce n'est pas seulement que faire des nouveaux... de donner aux nouveaux arrivants le pouvoir ou la possibilité d'aller acheter du pain à l'épicerie puis de demander leur chemin dans le métro, il faut qu'ils soient capables de communiquer dans tous les aspects de la langue, avec leurs voisins, donc s'impliquer au plan culturel, social, dans l'ensemble des activités de la société québécoise.

Mme De Courcy : Avant de passer la parole à mes autres collègues, qui ont sûrement le goût de vous parler, je suis très sensible aussi au fait que vous parlez de la promotion de la langue et de l'importance d'avoir ces campagnes de promotion, d'être vigilants autour de ces questions. Et je suis heureuse de constater que vous n'opposez pas ceci à, par exemple : il faudrait... En fait, ce que vous nous dites, c'est : Il faut faire tout ça en même temps et non pas de façon séquentielle, parce que la promotion de la langue doit être présente dans notre société. Et ce qu'on a pu constater, c'est que, depuis un bon moment, cette promotion-là a été abandonnée, avec un certain nombre de conséquences dans sa qualité dans la langue parlée un peu partout. Alors, je vous dirais que cette recommandation-là, pour reprendre un mot de l'éducation qui a été un peu banni, mais quand même est un peu transversale, tiens, à travers les différents mémoires que nous avons reçus. Alors, merci. J'ai des collègues qui veulent s'adresser à vous.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, Mme la ministre. M. le député de Bonaventure, vous avez la parole.

M. Roy : Merci, Mme la Présidente. Il nous reste combien de temps?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Il vous reste environ six minutes.

• (15 h 30) •

M. Roy : Six minutes, merci. Bonjour, messieurs. L'exposé est très intéressant. À la page 20 de votre mémoire, bon, il y a un certain libellé qui a attiré mon attention, et je cite : «Si les mesures coercitives qu'elle met en place — c'est-à-dire la Charte de la langue française — peuvent dissuader des organisations d'y contrevenir, et si plusieurs groupes peuvent bien, en ce sens, en réclamer le resserrement, il demeure, selon nous, du devoir du gouvernement, de mettre de l'avant, en amont même des modifications à la charte, un vaste plan d'action visant à favoriser la promotion [et] la valorisation [...] l'apprentissage du français.» Et quelles seraient les mesures de ce plan d'action? Ou pouvez-vous nous informer si vous avez eu une réflexion là-dessus?

M. St-Germain (Pierre) : Mme De Courcy disait précédemment qu'on pouvait faire la promotion de la langue, donc elle soulignait cet élément-là. On peut adresser beaucoup de reproches au ministère, au gouvernement, à l'office, mais je pense que, collectivement aussi, on a abandonné le combat pour défendre notre langue. Alors, quand on parle de promotion de langue, je pense qu'on doit avoir des activités diverses au plan social. On doit s'organiser pour être fiers de parler le français, donc elle doit être au coeur de nombreuses activités. Les gens doivent être en mesure de s'y reconnaître, d'avoir le plaisir de jouer avec les mots. En tout cas, les amoureux de la langue française pourraient... vont comprendre que, jouer sur les mots, il y a quelque chose d'agréable à travers tout ça. Il y a toutes sortes d'activités de promotion. On peut parler au niveau de la culture. D'ailleurs, l'an prochain, la prochaine Semaine de l'école publique va tourner autour des arts. Donc, il y aura toute la question de l'art dramatique. La place du français va y trouver également, là, un endroit important là-dedans.

On parle de valorisation, de promotion au sein même de l'école. Il faut s'organiser aussi que, dans nos écoles, les élèves parlent le français. Moi, je viens d'un milieu montréalais où j'enseigne... où on doit se battre… bien, se battre, on doit souvent intervenir auprès des élèves qui, pour toutes sortes de raison, préfèrent parler l'anglais dans le corridor que de parler le français. Donc, valoriser le français, c'est aussi devoir intervenir, à un moment donné. Quand on parle de coercition, ce n'est pas toujours des mesures dures, mais ce sont des mesures d'intervention qui nous obligent, qui nous permettent d'affirmer le fait français partout où il doit être fait.

Et la valorisation du français, ça passe aussi au plan individuel. Quand on se présente dans un commerce, se faire… s'adresser à nous en anglais, on devrait réagir, faire en sorte qu'on développe cette fierté d'être servi en français. Je ne saurais, je dirais, me substituer au gouvernement et proposer un plan d'action, mais on pourra se faire un plaisir d'échanger par la suite pour soumettre des idées sur cette question-là.

M. Roy : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Vous savez, depuis l'instauration de la loi 101 en 1977, la langue a connu beaucoup de soubresauts, de progrès, pour se stabiliser, et puis on se rend compte, ces dernières années, que la situation... en tout cas, vous en avez fait un portrait assez réaliste dans votre mémoire et vous amenez beaucoup de mesures pour corriger la situation. Je sais que la langue a subi beaucoup d'influences. L'influence, on... c'est l'attraction anglophone, l'anglais est très fort dans la région de Montréal et, on peut dire, dans certaines régions du Québec. L'anglicisation de Montréal nous inquiète aussi. La situation est... Les médias, l'utilisation des médias sociaux aussi, je pense que c'est par les plus jeunes et même nous, on peut penser que ça influence beaucoup. Mais vous mentionnez dans votre mémoire... Vous avez une vingtaine de recommandations. Pour toutes ces recommandations, quelles sont celles qui vous semblent les plus prioritaires, qu'on devrait s'attaquer le plus tôt possible pour résorber le problème ou la situation actuelle, pour aider à résorber la situation actuelle?

M. St-Germain (Pierre) : C'est toujours difficile de prioriser quelque chose là-dedans, mais, compte tenu du contexte montréalais, quand on est une province qui compte sur l'immigration pour se développer, quand on accueille environ 50 000 personnes immigrantes par année, je pense qu'on ne fait pas… on n'a pas d'autre choix que de miser sur la francisation des nouveaux arrivants. Tantôt, on me parlait de promotion et de valorisation, j'aurais pu ajouter : «favoriser un meilleur apprentissage du français». À partir du moment où les méthodes, les programmes que l'on a mis de l'avant au niveau de l'apprentissage du français sont déficients — nous l'avons démontré — on voit mal comment des gens qui maîtrisent mal leur propre langue peuvent en faire la promotion et en être fiers, et comment ils peuvent en même temps montrer cette fierté-là ou la transmettre aux nouveaux arrivants. Quand on a, comme société… qu'on indique aux nouveaux arrivants qu'en sixième année c'est important d'apprendre l'anglais et qu'on met des mesures pour l'enseignement intensif de l'anglais, je vois mal le message qu'on transmet aux nouveaux arrivants pour leur dire qu'au Québec, c'est en français que ça passe.

Donc, pour moi, la priorité première — c'est presque un pléonasme — devrait passer par la francisation des nouveaux arrivants, les mesures d'aide aux nouveaux arrivants, et dès qu'ils arrivent. Dès qu'ils arrivent, ils doivent être aidés. Et souvent on cible davantage les travailleuses et les travailleurs, parce qu'on a un objectif économique. On doit aussi rejoindre les femmes qui sont à la maison. On doit aussi rejoindre les jeunes enfants. La maternelle quatre ans dont on parle est une manière d'amener les gens vers la francisation, parce que ce n'est pas vrai que ces enfants-là fréquentent nécessairement les centres à la petite enfance. Donc, il faut, je pense, cibler de façon prioritaire les nouveaux arrivants. Et je pense que c'est tout le Québec, même si on parle beaucoup de la grande région de Montréal dans ces circonstances-là… On l'a dit dans le passé, je l'ai dit sur d'autres tribunes, si Montréal perd la bataille du français, c'est tout le Québec qui vient de perdre... qui va être perdant.

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Merci. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. Nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle. M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, j'aimerais, d'entrée de jeu, vous remercier, MM. St-Germain, Mallette et Cordeau, pour votre présentation cet après-midi, qui est très importante, et également d'avoir pris le temps, avec, j'imagine, d'autres personnes de votre fédération, d'avoir rédigé un mémoire qui apporte un éclairage important à entendre, je crois.

Et, en ce sens-là, évidemment, nous en sommes tous sur l'objectif collectif qui est de faire en sorte que le français... qu'on réalise l'épanouissement du français. Et, à cet effet-là, on a eu l'occasion de le souligner à plusieurs reprises, il y a un véhicule législatif, modifier la Charte de la langue française, mais également le véhicule réglementaire de politiques gouvernementales, de programmes suffisamment bien financés et également des stratégies où on peut, avec des partenaires, des intervenants du milieu scolaire, des affaires, de tous les secteurs, faire en sorte que chacun mette l'épaule à la roue et nous permette, dans une action sociale collective concertée, d'obtenir des résultats tangibles.

Un élément, moi, qui me touche particulier comme... particulièrement comme père de famille — deux jeunes filles de neuf ans et sept ans — au niveau de la qualité du français, le français enseigné, je pense personnellement que, pour beaucoup, l'avenir et la réussite ou non de l'épanouissement du français vont beaucoup être le résultat de nos succès et du succès de nos jeunes sur les bancs d'école. Et là-dessus j'aimerais vous entendre, parce que je crois qu'il y a... Et j'aimerais que vous nous éclairiez, moi à tout le moins, sur ce qui est, selon vous, là, l'état des lieux. Parce que vous représentez, comme Fédération autonome de l'enseignement, 32 000 enseignants et enseignantes notamment du préscolaire, primaire, secondaire, formation professionnelle, éducation aux adultes et personnel enseignant de centres pénitentiaires ainsi que le personnel scolaire de quelques écoles, vous avez un regard, je pense, privilégié. Quel est l'état des lieux, qualité du français enseigné dans nos écoles? Quelles seraient des mesures tangibles que vous aimeriez voir proposées et mises de l'avant? Et en quoi, donc, le gouvernement pourrait vous aider à atteindre ces objectifs-là? Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus, s'il vous plaît.

• (15 h 40) •

M. St-Germain (Pierre) : Alors, vous ne serez pas étonné de m'entendre parler de la réforme. Mais je vais remonter avant la réforme. La FAE existe depuis bientôt sept ans, mais les syndicats qui composent la FAE dénoncent depuis près d'une trentaine d'années les programmes de français. Il y a eu un glissement à un moment donné vers ce qu'on va appeler la communication orale au détriment de l'écrit et au détriment de la lecture. Nos élèves s'expriment mieux oralement. On les entend d'ailleurs souvent. Des fois, ils font plus de bruit que d'autres. Mais, au niveau de l'écrit, il y a eu peu ou pas de progression. Et même on a des profs qui nous disent qu'il y a même des reculs au regard de l'écriture.

Donc, on s'est penchés sur la question. L'an dernier, on a procédé à la révision du programme de français au premier cycle du primaire. On a mis autour d'une même table des enseignants et des enseignantes d'expérience et qui ont mis de l'ordre dans les programmes ministériels, O.K., qu'on dénonce depuis leur introduction. Ces programmes-là sont un fouillis, je vous le dis, là, comme je le pense, ne permettent pas un enseignement systématique de la langue française. On a mis de l'ordre là-dedans. Et on souhaiterait que le ministère s'inspire de ces travaux-là et procède au même redressement pour les autres programmes de français aux autres niveaux. Le français étant la mère de toutes les matières, on comprendra son importance si on veut poursuivre ses études, que ce soit au collégial ou à l'université par la suite. Alors, il y a des changements importants dans les outils mêmes, parce qu'on ne peut pas demander aux profs d'enseigner autre chose que les programmes qu'on leur demande de faire.

Donc, problème dans les programmes, problème également dans l'évaluation de ces programmes-là. Alors, au-delà de l'enseignement qui est prodigué par les enseignantes et les enseignants, la manière qu'on a d'évaluer les compétences actuellement, donc les contenus des programmes, pose problème, et ce qui fait en sorte que les élèves, selon ce que nos enseignantes et nos enseignants nous disent, particulièrement au secondaire, parce qu'ils reçoivent les élèves qui ont traversé l'ensemble des niveaux… nous font part de lacunes importantes au niveau de la maîtrise de connaissances de base.

Et il faut faire attention par rapport à ce qu'on entend dans les médias et ce qui se passe au cégep. Il faut se rappeler qu'au collégial ce sont encore les meilleurs qui s'y rendent; il faut penser à tous ceux qu'on échappe dans le système. Il y a de plus en plus d'élèves… la commission scolaire de Montréal l'a démontré il y a quelques années, on a augmenté le nombre d'élèves dans les classes de cheminement particulier. Ça, ce sont des élèves qui ont des difficultés. Donc, on les a échappés dans le réseau. Il est important qu'on redresse la situation.

Donc, le coup de barre auquel vous appelez, hein, par rapport au français, devrait s'exercer également dans l'ensemble des matières pour faire en sorte que tous les élèves en bénéficient.

M. Tanguay : Merci. Merci beaucoup. Et je suis d'accord avec vous, l'importance, effectivement, de diagnostiquer tôt les problèmes et de faire en sorte que les enfants reçoivent par les professionnels, de bons professionnels, les soins, je dirais… j'utiliserais le terme «soins appropriés» pour faire en sorte qu'ils ne soient pas justement des décrocheurs en puissance. Et, pour une personne qui se questionne aujourd'hui à quel baccalauréat elle va s'inscrire, c'est malheureusement, en bout de piste, une minorité qui pourront, un jour, se poser cette magnifique question là. Et je pense que nous avons à bien nous… à bien faire en sorte… comme vous disiez, à faire en sorte que le français soit bien enseigné, également bien évalué.

J'aimerais, sans tomber de façon trop pointue, vous entendre sur une mesure sur laquelle — et c'est pour ça que je vous en parle — vous vous êtes prononcés dans le projet de loi. Vous avez vu, à l'article 3 du projet de loi n° 14, on y introduit un nouvel article 1.2, qui sont des pouvoirs... la fonction ou les fonctions du ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française et on liste ces fonctions-là. Et vous suggérez même un amendement — c'est pour ça que je vous en parle — un amendement au neuvième alinéa, qui était : «faire respecter la charte et les règlements afférents qui en découlent».

On sait qu'il y a là une liste des fonctions du ministre responsable de l'application de la Charte de langue française, de même que des pouvoirs accrus, ce que nous avons souligné, nous, le pouvoir de nommer des enquêteurs en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête. Donc, ces fonctions-là, très, très, très larges, qui sont aussi larges… c'est presque copié-collé, si vous me permettez l'expression, aux pouvoirs déjà dévolus par la Charte de la langue française à l'office, qui, elle, est chargée de l'application et peut enquêter notamment sur tout aspect de son application. Dans la mesure où vous vous y êtes attardés, où vous y proposez même un amendement, si je fais un pas en arrière et je vous pose la question, n'y voyez-vous pas là, vous, un dédoublement et un possible empiètement entre, d'une part, fonctions très larges de l'office et de la ministre et, d'autre part, les pouvoirs qui sont tout à fait comparables dans les deux cas? On parle notamment de nommer les enquêteurs en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête. Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus, s'il vous plaît.

M. St-Germain (Pierre) : Juste avant de vous répondre là-dessus, tantôt j'ai omis également, quand vous parliez de la qualité du français, toute la question de la formation des maîtres aussi sur laquelle il faudrait se pencher, parce qu'on ne forme pas les maîtres en étant des spécialistes de leurs disciplines, de leurs matières, mais des spécialistes de la pédagogie. Alors, c'est difficile d'enseigner une matière quand tu n'en connais pas ou tu n'en maîtrises pas les fondements les plus essentiels.

Pour revenir à votre question, loin de nous l'idée de substituer, je dirais, les responsabilités ou les devoirs de l'office vers la ministre. Cependant, quand on lisait la liste des obligations qui relevaient de la ministre, on voyait beaucoup de choses en termes d'analyse, promouvoir, qui étaient ce que je vais appeler des interventions très louables mais qui nous semblaient, quelque part, manquer d'un niveau de responsabilité auquel on doit s'attendre de la part d'un ministre dans son ministère. Donc, loin de vouloir lui donner un pouvoir d'ingérence dans les activités de l'office, d'accord, on se dit cependant...

Je vais prendre l'exemple dans une commission scolaire sur notre territoire qui, à cause de l'anglais intensif, a décidé d'imposer la connaissance de l'anglais, O.K., comme étant un critère pour enseigner maintenant comme titulaire. On est au primaire, d'accord? Ce n'est pas nécessairement dans le domaine de l'office, O.K.? Cependant, qui peut intervenir? Là, on intervient dans le champ des relations du travail, mais il me semble que la ministre de la charte pourrait intervenir auprès de la ministre de l'Éducation. Il pourrait y avoir des pouvoirs d'intervention qui lui sont donnés pour s'assurer, en fin de compte, que certains éléments de la charte soient respectés. Je pense qu'elle doit porter cette obligation-là, elle est responsable des résultats, et, dans ce cas-là, je pense qu'on doit lui conférer cette obligation-là. Il reviendra par la suite de voir comment ces pouvoirs-là vont s'exercer. Mais je pense que chaque ministre est responsable de ce qui se passe dans son ministère. On voulait juste réaffirmer, par cet ajout-là, cette responsabilité ministérielle qui est celle de la ministre responsable de la charte.

M. Tanguay : Mais vous... je note, et corrigez-moi si j'ai tort, que vous avez, du même souffle, également, si je vous ai bien compris, réaffirmé l'importance justement de ne pas faire double emploi et de ne pas instaurer une compétition sur des responsabilités qui seraient concurrentes, là.

M. St-Germain (Pierre) : Il ne faut pas qu'il y ait d'interférence, effectivement. On est conscients du problème politique, d'une certaine indépendance que doit avoir l'office dans la gestion de ces cas, mais en même temps, malgré toute l'indépendance qu'un organisme peut avoir, il est quand même redevable, en fonction des mandats qui lui sont confiés, à l'Assemblée nationale et, au premier chef, quant à moi, à la ministre responsable, qui, elle, est responsable de toute façon, devant ses collègues de l'administration, de tout ça.

Donc, on est dans une zone toujours un peu sombre ou grise. On ne peut pas non plus déléguer tous les pouvoirs sans jamais jeter un regard au moins… malgré toute la confiance qu'on peut avoir dans les gens qu'on a nommés, sans au moins jeter un regard sur ce qui se passe.

M. Tanguay : Et, sur un autre aspect qui touche l'éducation, parce qu'il y a différents aspects qui sont touchés par le projet de loi n° 14, j'aimerais, sur un dernier point, vous entendre… Et je vous réfère à la page 13 de votre mémoire, 4.1, De l'accès à l'éducation et de la réussite en français, vous traitez à cet endroit du nouvel article, ce qui serait le nouvel article 88.2.1, qui ferait en sorte que les cégeps anglophones devraient adopter des politiques qui accorderaient une priorité à la clientèle de langue anglaise, donc nouveau critère au-delà du dossier académique.

J'ai déjà donné… puis je vais reprendre le même exemple : ma fille, langue maternelle francophone, article 72 de la Charte de la langue française, fait son primaire, son secondaire en français, décide d'aller en sciences, pour toutes sortes de bonnes raisons, dans un cégep anglophone, a un dossier académique qui rendrait heureux son père, à 85 %, mais qui ferait en sorte qu'une personne qui serait de langue maternelle anglophone, qui aurait un dossier académique de 65 % passerait devant elle.

Et, à ce niveau-là, vous précisiez, au troisième paragraphe, et je cite : «De même, la priorité accordée aux élèves anglophones dans les établissements d'enseignement supérieur anglophones nous apparaît être une mesure pragmatique susceptible de limiter et de contenir le mouvement important constaté ces dernières années relativement à la présence croissante d'étudiants francophones dans les cégeps et les universités anglophones. Sans dénier le droit à ces derniers de fréquenter des établissements offrant de l'enseignement en anglais, il nous semble que l'État a tout de même la responsabilité de favoriser des mécanismes qui valorisent, directement ou indirectement, l'enseignement supérieur francophone.»

Oui, l'importance — fin de la citation — de ne pas dévaluer ou défavoriser l'accessibilité à l'enseignement supérieur francophone ni même anglophone, mais là n'y voyez-vous pas là ce qui… Pour moi, comme père de famille, je verrais ça comme une injustice. Honnêtement, là, je verrais ça comme une injustice.

• (15 h 50) •

M. St-Germain (Pierre) : Il y aura quelqu'un qui va vivre une injustice de toute façon. Si les francophones fréquentent, je dirais... je ne dirais pas à outrance, mais de façon très importante un cégep anglophone, les parents anglophones pourraient vous dire qu'ils ne trouvent pas leur place dans les institutions anglophones du Québec. Donc, ce serait bref comme réponse si je me limitais à ça, mais je nous ramènerais peut-être, aussi...

Tantôt, on parlait de l'anglais intensif. On n'est pas contre l'enseignement de l'anglais, on est contre l'enseignement de l'anglais intensif en sixième année. Je pense qu'il y a d'autres façons aussi de répondre aux attentes des personnes qui souhaitent que leurs enfants maîtrisent mieux la langue anglaise. On peut améliorer l'offre de services aussi, là, au niveau de l'enseignement de l'anglais au primaire et au secondaire. On peut avoir plus de cours optionnels. On n'est pas...

Le problème, c'est qu'on a mis l'accent sur une mesure en particulier qui, selon nous, se trouve à défavoriser un certain type d'élèves. Mais on pourrait, dans le cadre des études secondaires, offrir une plus grande gamme d'options, qui permettrait justement aux enfants qui le souhaitent de suivre, donc, des cours d'anglais. On pourrait avoir des activités sur l'heure du dîner. Il y a une panoplie de mesures qui peuvent être mises en place, qui permettent donc aux parents qui souhaitent que leurs enfants perfectionnent leur anglais de pouvoir le faire.

Vous comprendrez que... Je comprends que c'est vrai que ça n'est pas la même chose que d'aller dans un cégep, une institution où on va acquérir toutes les connaissances et la formation en fonction de l'anglais. Mais en même temps je me questionne profondément sur l'importance que représente... — et là c'est une question de jugement et d'évaluation personnels — jusqu'à quel point l'anglais doit-il être considéré comme cette langue dominante au point qu'il faille vraiment, là, mettre tant d'efforts à faire en sorte que nos enfants, les élèves fréquentent le réseau anglophone.

On a fait, pour nous autres, un travail d'équilibre. Pour nous autres, la protection de la langue française est prédominante par rapport à l'accès, pour certains, au réseau anglophone.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Oui, M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley : Oui, sur la même page, j'ai vu le paragraphe précédent, et je veux des précisions parce que, déjà, je trouve un petit peu surprenant… Vous avez une phrase ici : En ajoutant, au niveau... pour le diplôme des études secondaires, d'ajouter un genre d'épreuve ministérielle, «le gouvernement franchit, à nos yeux, un pas important, d'abord pour [valoriser le] français auprès des communautés non francophones...» Comme parent des élèves dans les écoles anglophones, je peux témoigner : Ils ont fait beaucoup d'efforts depuis les derniers 30 ans pour améliorer la qualité du français enseigné dans leurs écoles. Et déjà, pour être diplômé d'une école secondaire en anglais, il y a les épreuves ministérielles de secondaire V.

Alors, qu'est-ce que vous envisagez de plus si moi, comme élève qui a suivi tous mes cours de français depuis la première année jusqu'au secondaire V, j'ai des épreuves écrites, orales, compréhension et tout le reste que je dois faire? Alors, je pense que j'ai déjà comblé les exigences du MELS pour obtenir mon diplôme des études secondaires. Alors, qu'est-ce que vous envisagez de plus pour le faire?

M. St-Germain (Pierre) : Donc, ça ne devrait pas poser de problème puisque ça semble se faire. Mais il faut l'ajouter...

M. Kelley : Pourquoi le faire alors? Pourquoi le faire?

M. St-Germain (Pierre) : Il faut l'ajouter cependant au diplôme d'études collégiales. Il n'y a pas seulement que le diplôme d'études secondaires. La question du diplôme d'études collégiales...

M. Kelley : Moi, je vise le secondaire, parce que moi, je suis très conscient de tous les efforts que les commissions scolaires anglophones ont faits depuis 30 ans pour améliorer la qualité du français. Il y a déjà une épreuve ministérielle, alors pourquoi légiférer davantage? Le grand principe, toujours : on ne met pas les choses dans les lois pour ne rien faire. Alors, c'est quoi qu'on envisage de plus? C'est quoi, la valeur ajoutée, dans vos yeux? Parce qu'il y a déjà des exigences pour tous les finissants des écoles anglaises secondaires avec les épreuves ministérielles existantes.

M. St-Germain (Pierre) : On veut que ce soit... On dit : «en rendant l'obtention du diplôme d'études secondaires conditionnelle à la réussite d'une épreuve obligatoire». On veut que ce soit systématisé. Ça se fait probablement dans l'ensemble des établissements. On veut tout simplement s'assurer que ce soit systématisé. Et je rajoute que la phrase contient également «diplôme d'études collégiales». Au niveau du collégial, ça ne se passe pas de la même manière, ces objectifs-là ou ces... L'atteinte de ces objectifs-là n'est pas du même niveau.

M. Kelley : Le but de ma question, c'est sur les études secondaires.

M. St-Germain (Pierre) : Je sais.

M. Kelley : Et j'ai cité ça. Également, moi, je regarde, sur la page 9 de votre mémoire... On sait que les ressources disponibles dans notre réseau de santé sont plutôt limitées, en tout temps. Alors, vous avez fait une recommandation : Il serait loisible que chaque service de santé, services sociaux... «d'imposer que ces pièces soient rédigées uniquement en français». Alors, le médecin est de langue anglaise, les patients sont de langue anglaise, on est dans un système où on est toujours à la recherche de médecins de famille, faute de... pénurie de main-d'oeuvre, et tout le reste. Alors, je veux comprendre pourquoi on va obliger que tous les documents... Parce qu'on a des garanties qui existent dans la loi de la santé et des services sociaux, compte tenu… Où il y a une communauté importante de la langue anglaise, pourquoi ne pas… Et on a une obligation, au gouvernement, de fournir les services, alors pourquoi obliger, d'une façon systématique, la traduction de tous les dossiers médicaux au Québec? Moi, je pense que le ministre responsable a beaucoup d'autres priorités avant ça. Et j'essaie de voir c'est quoi, la valeur ajoutée, et c'est quoi, les connaissances de la fédération dans le domaine des dossiers médicaux.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : M. St-Germain.

M. St-Germain (Pierre) : Bien, tout ce qu'on a fait, c'est réintroduire l'ancien article. Dans la loi actuelle, quand on lit l'article 27… Ce qu'on a fait, c'est qu'on a réintroduit la phrase qui a été retirée : «Toutefois, il est loisible à chaque service de santé ou service social d'imposer que ces pièces soient rédigées uniquement en français.» Et je dirais même que c'est une solution de moindre mal, parce que, pour nous, les documents devraient être d'office en français, et on ne devrait pas avoir à quémander une version française d'un document de cette nature. Alors, on a comme inversé, quant à nous, là, avec le libellé qui avait été proposé dans le réaménagement du projet de loi. C'est comme si, en fin de compte, le français devient comme je ne dirai pas accessoire mais optionnel, et les gens, au niveau du réseau de la santé, on pourrait rédiger les documents en anglais, et il incombe à l'individu de faire les démarches pour avoir le document en français. Nous autres, on dit : Ça devrait être l'inverse, qu'il soit en français, et les gens feront les démarches pour avoir une version anglaise, si c'est ce qu'ils souhaitent.

M. Kelley : Moi, je ne conteste pas la règle générale. Moi, je suis dans le contexte précis : le médecin est anglophone, le patient est anglophone, on veut prendre un dossier de quelqu'un qui a des soins psychiatriques — je pense que la précision linguistique est très importante. Alors, si le patient et le médecin veulent le faire en anglais, c'est quoi, l'enjeu?

Alors, de dire qu'il faut que les pièces soient rédigées uniquement en français, je ne comprends pas pourquoi on veut rendre ça systématique. Je comprends et j'accepte avec vous la règle générale, que ça doit être rédigé en français, j'accepte tout ça, mais de dire que, comme loi, tous les dossiers, en tout temps, doivent être rédigés en français, je ne comprends pas.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Je suis désolée, c'est tout le temps qui était alloué au deuxième groupe d'opposition. Je dois aller... c'est-à-dire au premier groupe d'opposition officielle. Je dois aller maintenant vers le deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de Montarville, vous avez la parole pour un temps de 5 min 30 s.

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci, messieurs. Merci pour votre mémoire. Tout comme vous, nous pensons qu'il est important de défendre, de préserver, de valoriser notre belle langue française, c'est très important, naturellement à l'intérieur des barèmes de la loi et en respectant la minorité anglophone. Alors, il y a un équilibre à trouver dans tout ça.

Vous parlez, dans votre mémoire — et vous en avez fait allusion brièvement, mais je voudrais que vous élaboriez là-dessus, c'est quelque chose que je trouve intéressant — vous parlez, entre autres, de la formation des maîtres. Et là je vais vous citer. Enfin, vous recommandez, d'un côté, de réviser les programmes d'enseignement du français pour qu'on ait une meilleure qualité, un meilleur enseignement, ça, c'est indéniable et c'est quelque chose que nous souhaitons également, et vous ajoutez : Nous recommandons de «revoir les programmes de formation des maîtres [en vue d']assurer la meilleure maîtrise possible du français par les futurs enseignants et enseignantes». Vous en avez glissé un mot, moi, j'aimerais que vous élaboriez un petit peu, parce que j'aimerais savoir : Y a-t-il un problème à l'entrée, lorsque nous accueillons tous ces nouveaux étudiants qui deviendront enseignants, ou à la sortie? Devrait-on élever les critères pour l'admission ou encore être plus sévères à l'examen de sortie? Mais y a-t-il quelque chose dans le milieu? Que pourrions-nous faire pour augmenter le talent, les compétences de nos maîtres?

• (16 heures) •

M. St-Germain (Pierre) : Alors, il va y avoir de plus en plus de problèmes à l'entrée parce qu'actuellement, on l'a dit à maintes reprises, la réforme fait en sorte que les approches d'enseignement du français ont été changées : on n'enseigne plus de façon systématique l'orthographe, la grammaire. Chaque école peut déterminer les mots de vocabulaire qu'elle enseigne, donc on manque d'uniformité. Donc, dans le futur, on pense que la situation va se dégrader.

Quand on parle du programme de formation des maîtres qu'on doit réviser, les enseignantes et les enseignants, depuis une dizaine d'années, ne sont plus formés à enseigner une matière, une discipline dans laquelle ils sont des spécialistes; ils sont devenus des spécialistes de la pédagogie, des spécialistes des interventions auprès des élèves en difficulté. Ils sont rendus à faire à peu près n'importe quoi d'autre que de l'enseignement. Alors, nous autres, ce qu'on dit : Il faudrait revenir, donc, à une approche plus disciplinaire, faire en sorte que les gens soient des spécialistes dans leurs domaines. Et, étant des gens qui connaissent bien, en fin de compte, leurs matières, ils vont être plus en mesure de transmettre les connaissances, de transmettre les compétences, les habiletés, donc les différentes composantes de la langue. Donc, vous comprendrez que, ce faisant, ça a eu une incidence, donc, sur la sortie, éventuellement, là, des élèves. Le type de professeurs qu'on va former à l'avenir va dépendre du programme, en fin de compte, qui va être mis de l'avant.

Alors, je suis... On entend souvent des critiques par rapport aux enseignantes et aux enseignants. Mais on ne peut pas enseigner quelque chose qu'on ne connaît pas. Je ne dis pas que les profs ne sont pas compétents dans leurs matières, mais vous comprendrez que, moins on les rend spécialistes de leurs domaines, moins ils sont en mesure de l'enseigner de façon aussi passionnée, je dirais, et aussi compétente que quelqu'un qui est vraiment dédié, là, à ce domaine.

Mme Roy (Montarville) : Donc, si je comprends bien, ce serait vraiment le programme de formation rendu à l'université qu'il faudrait revoir pour faire en sorte qu'on soit davantage spécialisé en français si on enseigne le français. C'est ce que je comprends.

M. St-Germain (Pierre) : Il faut changer le programme de formation des maîtres en prévision des prochains maîtres qu'on va former, mais il faut changer les programmes actuels, parce que tous les élèves qui vont accéder au cégep, à l'université dans les années à venir sont formés sur des bases qui nous apparaissent très fragiles. Il y a des trous, là, dans les programmes de français actuellement. Les gens ne sortent pas avec une maîtrise à laquelle on s'attend d'un élève à la fin de son secondaire. Donc, il faut travailler sur les deux fronts. Il faut préparer les enseignants à enseigner plus tard et il faut revoir dès maintenant, c'est urgent, les programmes de français pour que les futurs élèves qui vont s'y rendre aient eux-mêmes la base de français requise pour être capables de suivre les cours de français par la suite et l'ensemble des autres matières. Donc, on a deux champs entiers, là, d'importance à mener de front. Et les deux ne peuvent pas vivre l'un sans l'autre.

Mme Roy (Montarville) : Mais est-ce qu'en quelque part la dernière réforme qui a touché à la formation des maîtres y était pour quelque chose?

M. St-Germain (Pierre) : Elle était au coeur de tout ça. On a parlé de réforme du curriculum. Mais, quand M. Fournier a transformé ça en renouveau pédagogique, les vrais maux sont sortis. Parce que ce qu'on visait, ce n'était pas tant les contenus des programmes que de changer l'approche des... la tâche des enseignantes et des enseignants. Alors, on a fait les deux, on a changé le contenu des programmes, mais on s'est attaqué à la tâche des enseignantes et des enseignants en leur disant : Vous n'enseignez plus, vous faites d'autres types d'interventions. Ce qui fait en sorte que, globalement, les élèves, quant à nous, sont moins bien desservis.

C'est bien évident qu'on aura plein d'exemples d'enfants en milieux plus favorisés, qui ont accès à du matériel, des volumes, un encadrement familial qui fait en sorte que ces enfants-là sont déjà stimulés ou ont un environnement qui est plus riche, qui leur permet donc de se développer. Mais, particulièrement en milieux défavorisés, particulièrement pour les enfants en difficulté, cette réforme-là a été un lamentable échec.

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup, MM. St-Germain, Mallette et Cordeau.

Document déposé

Je tiens à préciser que, quand la ministre a parlé des documents, nous avons accepté le dépôt des documents de la ministre. Nous les avons distribués également aux membres de la commission et aux gens que nous recevons en auditions aujourd'hui.

Et je demanderais à la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante de prendre place. Je vous remercie beaucoup.

Et nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 3)

(Reprise à 16 h 5)

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Nous reprenons nos travaux. Bonjour, bienvenue à la commission. Mme Hébert, je vais quand même vous demander de vous présenter et de présenter la personne qui vous accompagne. Et vous aurez un temps qui va vous être alloué, de 10 minutes, pour faire votre exposé. Suivra par la suite un échange avec les membres de la commission. La parole est à vous, Mme Hébert.

Fédération canadienne de
l'entreprise indépendante (FCEI)

Mme Hébert(Martine) : Merci, Mme la Présidente. Alors, mon nom est Martine Hébert. Je suis vice-présidente Québec de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Je suis accompagnée de M. François Vincent, qui est analyste principal des politiques à la FCEI.

Alors, Mme la Présidente, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, d'abord je tiens à vous remercier sincèrement de l'invitation à venir discuter avec vous du projet de loi n° 14. Comme vous le savez, la FCEI appuie le fait français au Québec. On compte 24 000 PME membres au Québec, ce qui fait de nous la voix des petites et moyennes entreprises. Et vous me permettrez : I would like to take this opportunity to recognize the contribution of our non-francophone members also to Québec's economy and our society.

Comme vous le savez alors, nos PME membres, qu'elles soient... peu importe la langue d'origine du propriétaire de l'entreprise, elles sont fortement concernées par le projet de loi, et c'est pourquoi on en a pris connaissance avec beaucoup d'intérêt. Je dois avouer, je dois réitérer, même si on l'a déjà dit dans le passé, que le dépôt du projet de loi n° 14 a suscité à la fois un soulagement et des inquiétudes aussi à la FCEI. Soulagement dans le sens où on a été contents, là, que la ministre nous écoute et que le gouvernement abandonne l'idée d'imposer aux entreprises de 10 employés et plus des obligations techniques, là, qu'on appelle un... qui sont contenues dans le programme de francisation. D'un autre côté, je vous dirais que, même si la FCEI appuie les principaux objectifs de la Charte de la langue française, on est préoccupés pas plusieurs dispositions techniques du projet de loi qui, à notre avis, vont venir ajouter un fardeau administratif plus important sur les PME québécoises, notamment, aussi, celles qui se conforment déjà à la loi.

En effet, je pense qu'on ne l'a pas assez entendu puis on ne l'a pas assez dit, il faut rappeler que la Charte de la langue française comporte déjà des obligations qui touchent toutes les entreprises, que ce soit en matière d'affichage, de publicité, de service à la clientèle et d'utilisation du français au travail. Si certains problèmes sont constatés au sein de certaines entreprises dans certains quartiers de Montréal, par exemple, ce qu'on se demande, c'est : Pourquoi ne pas avoir choisi d'accompagner les entreprises concernées en vue qu'elles se conforment aux dispositions actuelles de la charte plutôt que d'imposer à l'ensemble des entreprises québécoises qui se conforment déjà à la loi des obligations supplémentaires?

Ça, d'autant plus que l'OQLF affirme elle-même, et je cite, que «les entreprises employant moins de 50 travailleurs semblent être plus susceptibles de fonctionner généralement ou exclusivement en français, comparativement aux entreprises qui comptent 50 employés ou plus». Fin de la citation. On comprend donc mal d'où vient le besoin d'ajouter des obligations techniques en matière de programmes de francisation aux petites entreprises, notamment celles de 26 à 50 employés.

Car il faut bien en être conscients, ce projet de loi vient ajouter des formalités administratives à toutes les entreprises du Québec, et particulièrement à celles qui ont entre 26 et 49 employés. Et ces obligations, cette paperasse, c'est les entreprises à la grandeur du Québec qui devront la remplir, même si elles fonctionnent déjà en français et qu'elles soient situées à Montréal, à Saguenay, à Laverlochère ou à Saint-Ambroise-de-Kildare. Autrement dit, Mme la Présidente, ce qu'on se demande, c'est en quoi est-ce que le fait, par exemple, d'imposer à un garagiste qui est situé à Saint-Pie de Bagot de remplir des papiers pour prouver à l'Office québécois de la langue française qu'il fonctionne bel et bien en français, en quoi ça va faire en sorte que, par exemple, Joe Pizza à Montréal — et là c'est un nom fictif, s'il vous plaît n'envoyez pas d'inspecteur là-bas, là — Joe Pizza à Montréal, qui ne sert pas ses clients en français, va davantage le faire.

Évidemment, ce qu'on comprend, c'est que le gouvernement a décidé de légiférer. Puis, dans ce sens-là, on souhaite au moins que certaines modifications soient apportées au projet de loi pour ne pas nuire aux PME, qui, comme vous le savez, sont le poumon de notre économie et croulent déjà sous le fardeau administratif le plus imposant en Amérique du Nord.

Je tiens à préciser, Mme la Présidente, que j'ai bien entendu, et je dois le souligner, la sensibilité dont la ministre a fait preuve, dans plusieurs de ses interventions publiques, à l'égard des petites entreprises, qui, de son propre aveu, ne disposent pas des mêmes ressources que les grandes entreprises. J'ai aussi entendu que la ministre souhaitait s'inspirer des principes de réglementation intelligente et voir à ce que la loi soit appliquée avec souplesse, et je pense… je tiens à le souligner, je l'en remercie. Mais malheureusement, Mme la Présidente, ou heureusement, c'est selon le cas, là, les ministres passent, mais, les lois, on reste pris avec. Et c'est dans l'application que le diable se cache toujours.

• (16 h 10) •

Donc, si vous me permettez quelques mots sur les pouvoirs, notamment au niveau des dispositions particulières, là, quelques mots sur les pouvoirs de vérification et d'enquête qui sont contenus dans le projet de loi. Je pense qu'on juge que le fait de conférer au ministre responsable de la loi des pouvoirs que l'on retrouve dans la Loi sur les commissions d'enquête est peut-être pas mal exagéré.

On a une réflexion un peu similaire en ce qui a trait à l'article 175.3, lorsqu'on parle du pouvoir qu'ont les inspecteurs de saisir toute chose pouvant servir à prouver une infraction à la loi. Ça, ça veut dire qu'un inspecteur pourrait saisir, dans une entreprise, là, ordinateurs, photocopieurs, machinerie, et finalement vider une entreprise au grand complet pour être capable de faire sa preuve.

Mme la Présidente, je pense que ce qui est important de dire, c'est qu'à partir du moment où on met quelque chose dans une loi, quand on écrit quelque chose dans un texte de loi, on sait qu'en principe c'est ça qui doit être appliqué. Alors, ce genre de disposition là ouvre la porte à des débordements similaires à ceux qu'on a connus, que ce soit avec le «pastagate», et je pourrais aussi vous parler du «stickergate». C'est quoi, le «stickergate»? Plusieurs de nos membres se sont fait, par exemple, imposer, sous peine d'amende, d'apposer des autocollants en français sur tous leurs équipements, y compris les boutons du micro-ondes de la cuisine des employés.

Donc, à notre avis, ces deux dispositions-là devraient être abrogées.

On se questionne aussi sur la portée de l'article 135.1 — et là j'aimerais peut-être avoir des éclaircissements là-dessus parce que ça nous inquiète — qui dit que, de façon à faire du français la langue normale et habituelle de travail, toutes les entreprises doivent adopter un programme ou des mesures de francisation. Si je comprends bien, donc, toutes les entreprises devront adopter un programme ou une mesure de francisation, ou, autrement dit, ce que ça veut dire, qu'une entreprise de cinq employés qui a des fournisseurs aux États-Unis, par exemple, devra adopter des mesures ou un programme de francisation au sens de la loi. C'est une question qu'on pose.

Une autre modification qui touche toutes les entreprises se retrouve au nouvel article 46. On y précise qu'«un employeur doit, avant d'exiger pour un poste la connaissance ou un niveau spécifique de connaissances d'une autre langue que le français — et là je cite — évaluer de façon rigoureuse les besoins linguistiques réels associés au poste». À première vue, ça peut paraître anodin. Mais, comme le diable se trouve toujours dans les détails puis que le législateur ne parle jamais pour ne rien dire, on veut savoir : Qu'est-ce qu'on entend? Dans l'application… Quand on parle de l'application, on entend quoi par «évaluation rigoureuse»? Est-ce qu'on veut exiger le dépôt d'un rapport de plusieurs pages au ministère ou à l'office? Est-ce que le fait qu'une entreprise ait des fournisseurs étrangers, par exemple, ou qu'elle dise à un inspecteur de l'office : Bien, moi, j'ai une partie de ma clientèle qui parle une autre langue que le français, est-ce que ça va être suffisant pour prouver qu'elle a fait une analyse rigoureuse? Ou est-ce... Et qui va déterminer aussi si l'analyse est rigoureuse ou non? Quels seront les critères appliqués pour définir ce qu'est une analyse rigoureuse? C'est toutes des questions qu'on se pose. Et, comme on dit, ce n'est pas dans le texte de loi, qui peut nous paraître anodin, mais c'est dans l'application de ça. Comment ça va être appliqué sur le terrain?

Quand on regarde aussi, Mme la Présidente, l'actuel article 46 de la charte, on voit qu'on prévoyait déjà des obligations en la matière. On se demande donc : Pourquoi venir en rajouter? À cet effet-là, donc, on croit que c'est inutile parce que ça risque d'entraîner, dans l'application, éventuellement, une lourdeur, aussi, administrative pour plusieurs petites entreprises.

Autre problème, l'article 47 où on vient finalement dire aux employeurs que dorénavant les fonctionnaires, là, pourront déterminer quelles sont les compétences et les connaissances qu'ils devront... qu'ils pourront exiger de la part de leurs employés. Je pense qu'on touche ici au droit de gérance des employeurs. Et, même si on n'enlève rien du tout aux compétences des fonctionnaires, là — je pense qu'on a une bonne fonction publique au Québec, la question n'est pas là — je me demande en quoi est-ce qu'ils vont être mieux à même de juger que les employeurs des qualifications qui sont requises dans une entreprise pour occuper un poste.

Sur une note plus positive, Mme la Présidente, je pense qu'il faut dire que... parce qu'il y en a aussi dans ce projet de loi là, là, ce n'est pas tout du négatif, je pense que le nouvel article 42 est un bel exemple d'une réglementation qu'on peut qualifier d'intelligente.

Passons maintenant aux exigences, oui, sur les entreprises de 26 à 49 employés. Je pense que, comme on l'a vu, on vient imposer ici plus de paperasse à toutes ces entreprises alors qu'en grande majorité elles fonctionnent, si vous voulez, déjà en français. Et je signalerais qu'au Québec, au moment où on se parle, il y a déjà 567 formalités administratives qui sont impliquées... qui sont appliquées aux entreprises, donc je pense qu'il y en a passablement beaucoup, et on vient en rajouter une autre.

Alors, en conclusion, je vous dirais qu'on dit oui au fait français. Mais, quand la loi, telle qu'elle est actuellement, exige déjà l'utilisation du français dans toutes les entreprises sans égard à la taille, on pense qu'il existe d'autres moyens que de rajouter de la paperasse à des entreprises qui se conforment déjà à la loi, pour faire progresser les choses et corriger ce qu'il y a à corriger. Autrement, comme le dit la chanson, on est dans Visa le noir, tua le blanc, mais le fils du roi, il n'a plus le temps d'aller à la chasse parce qu'il remplit de la paperasse. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Vien) : Mais vous êtes très disciplinée, chère madame, parce que vous avez fait 10 minutes pile.

Mme Hébert (Martine) : On essaie.

La Présidente (Mme Vien) : Alors, nous allons maintenant entreprendre les périodes d'échange entre vous, vous deux, et le groupe parlementaire qui forme le gouvernement pour commencer, ensuite avec les oppositions. Alors, Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme De Courcy : Merci, Mme la Présidente. Madame, monsieur, il me fait très plaisir de vous voir. Je sais que c'est un sujet qui vous tient à coeur. Je vous remercie d'avoir pris le temps et l'énergie, venir nous faire part de vos commentaires.

À cet égard, d'ailleurs... Et je comprends que le mémoire est sous le chapeau d'une réglementation intelligente, d'une bureaucratie à éviter, etc., je pense que vous l'avez bien démontré. Par ailleurs... pas par ailleurs, je vous dirais en complément de ce que vous venez de nous dire, je vous inviterais à lire les recommandations qui ont été faites hier par le conseil canadien des entreprises du commerce de détail, qui, bien sûr, donnait un grand... au moins huit, neuf recommandations qui permettaient justement de bonifier le projet de loi pour préciser un certain nombre de choses que vous avez soulevées. Les recommandations sont vraiment fort intéressantes. Je ne les reprendrai pas, parce que ce n'est pas l'objet, là, de notre... Et vous pourrez trouver ce mémoire-là... Mme la Présidente, est-ce qu'on trouve les mémoires sur le site de l'Assemblée nationale?

La Présidente (Mme Vien) : Oui.

Une voix :

Mme De Courcy : À la fin de la journée.

La Présidente (Mme Vien) : À la fin de la journée, tout ça... O.K.

Mme De Courcy : Donc, il est présent à la fin de la journée d'hier. Alors, premièrement. Deuxièmement, mon adjoint va vous distribuer et va distribuer aussi à M. Kelley, qui était absent, je crois, hier, sans...

M. Kelley : ...jamais souligner l'absence d'un collègue.

Mme De Courcy : Ah! Bien, ce n'était pas mon but. C'était pour vous dire que je vais vous donner une copie du document, parce que je... par délicatesse pour vous.

Une voix : ...

Mme De Courcy : Bien, absolument. Alors donc, ce document-là fait référence à des informations complémentaires concernant la francisation des entreprises de 26 à 49 employés. Il s'agit de six questions qui vous permettent de voir quelle est l'intention du législateur, l'intention, en tout cas, que vous avez... des intentions que vous avez questionnées. Vous pourrez prendre le temps de le lire, et ça me fera plaisir d'échanger avec vous; évidemment, pas dans le cadre de la commission parlementaire, vous recevez ce document. Mais ça me fera très plaisir d'y voir.

Vous avez évoqué aussi les questions de certains processus qui sont utilisés par des enquêteurs de l'Office québécois de la langue française. Je vous rappelle, je ne crois pas que ce soit nécessaire, mais je vous rappelle qu'il y a un vaste projet, là, de modernisation qui a été annoncé il y a quelques semaines maintenant — deux — qui devrait vous encourager et devrait vous indiquer que nous allons véritablement moderniser nos façons de faire. Et j'insiste pour dire par ailleurs que le personnel de l'OQLF a toujours été, évidemment, de bonne foi mais devant une organisation désuète, des processus désuets, des façons de faire, entre guillemets, plutôt choquantes, mais contraint de les faire aussi, ces processus-là. Mais on est arrivés à ce que nous sommes arrivés, qui était un symptôme d'un malaise plus grand, tel que je l'ai expliqué en conférence de presse. Alors, je voulais, là-dessus, soulever les remarques que vous avez faites. Je présume que le mémoire a été écrit avant cette question-là de la modernisation. Donc, ça devrait vous encourager tous et toutes, et ceci, sans préjudice, bien sûr, au personnel de l'OQLF… ni aux entrepreneurs. Ni aux entrepreneurs. Sans préjudice ni au personnel ni aux entrepreneurs, je le signale aussi.

• (16 h 20) •

Je vais déposer aussi, Mme la Présidente, pour le bénéfice de l'ensemble de mes collègues, un autre document. Parce que, vous savez, une commission parlementaire, ça revêt ceci, c'est que c'est une... ça fait en sorte que nous sommes dans une organisation apprenante. Alors, au fur et à mesure que des gens viennent, bien, on documente certaines questions, on en vérifie d'autres. Et j'ai choisi sciemment de partager toutes les recherches que je fais pour l'ensemble des bénéfices des membres de la commission, parce que ça nous permet à tous de faire évoluer une pensée, un projet de loi, conforter certaines opinions ou pas. Et, depuis un bon moment et de façon persistante, on parle des pouvoirs de désigner un enquêteur investi des pouvoirs et immunité d'un commissaire nommé en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête, vous y avez même fait allusion. Alors, très rapidement, parce que je veux laisser de l'espace pour mes autres collègues, j'aimerais vous lire ce que j'adresse à Mme la présidente et qui aussi fait objet de dépôt, donc, auprès de tous mes collègues. Alors : «Conformément à l'engagement que j'avais pris…» — vous vous souvenez que j'avais pris cet engagement-là, Mme la Présidente. «Conformément à l'engagement que j'avais pris, je dépose à cette commission une liste des lois comportant une disposition habilitant le ou la ministre à nommer un enquêteur investi des pouvoirs et immunité d'un commissaire nommé en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête.» Il y a une coquille, pardonnez-moi, il y a deux «sur».

Mme la Présidente, nous avons recensé 28 lois qui comportent une telle disposition. L'énumération de ces lois serait fastidieuse. Alors, je vais me limiter à signaler que, dans cette liste, on retrouve des lois aussi variées que la Loi sur le courtage immobilier, la Loi sur l'immigration, la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires, la Loi sur le bâtiment, le Code du travail, la Loi sur la qualité de l'environnement, la Loi sur la protection de la jeunesse. Il y en a 28, là, je ne les nommerai pas toutes. À l'évidence, l'inclusion de ce pouvoir conféré au ministre de nommer un enquêteur investi des pouvoirs et immunité d'un commissaire nommé en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête est une pratique tout à fait courante. Je présume qu'on a distribué aussi la liste des lois, il y avait deux documents.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Si vous le permettez, Mme la ministre, quand vous avez fait référence aux mémoires et donc à leur disponibilité pour que les gens puissent le consulter, je veux juste vous dire, parce qu'on a fait une vérification, que ça peut aller jusqu'au lendemain, après que les gens soient auditionnés. Il peut y avoir un délai même jusqu'à 72 heures avant que le mémoire soit disponible sur le site.

Documents déposés

Et je veux vous dire également, Mme la ministre, que nous avons distribué les documents.

Mme De Courcy : Parfait, merci. Et cette inclusion est apparue pleinement justifiée lorsqu'il s'agissait, par exemple, de protéger l'environnement, d'assurer la mise en oeuvre des dispositions du Code du travail ou de faciliter le paiement des pensions alimentaires. Alors, on peut dès lors se demander pourquoi, lorsqu'il s'agit de protéger le droit de vivre et de travailler en français, de telles dispositions, pour certains, sont totalement disproportionnées et abusives.

Je soulignerai aussi que le plus ancien cas d'inclusion d'un tel pouvoir était dans une loi qui remonte à 1964. Alors, il n'y a pas une invention, là, toute récente concernant ces lois.

De même, je crois digne de mention que, pour 23 des 28 lois que nous avons recensées, l'adoption de la disposition en cause s'est faite sous un gouvernement libéral. En conséquence, je soumets à mes collègues parlementaires et à vous que, dans un esprit de cohérence, si la disposition introduite dans le projet de loi mérite, selon leur volonté, d'être retirée, bien, ils ont tout le loisir de présenter un projet de loi retirant les dispositions équivalentes des autres lois où elles sont présentes. Le débat m'apparaîtrait ainsi beaucoup plus conséquent.

La plupart des modifications adoptées… apportées à la Charte de la langue française au fil des ans l'ont été pour donner suite à des jugements de la Cour suprême qui réduisaient la portée de cette loi. Le projet de loi n° 14 vise au contraire à renforcer et à moderniser la Charte de la langue française, et cette entreprise de modernisation comporte notamment l'inclusion explicite de ces pouvoirs.

Bon. Je trouvais ça important de mettre tout ça en perspective, parce que la langue est un sujet sensible, et vous l'avez démontré d'ailleurs par votre mémoire.

Et je réitère, en conclusion pour mon intervention, je réitère toute ma sensibilité au fait que les entreprises, les petites et moyennes entreprises, tout comme les autres d'ailleurs, puissent avoir le support et l'accompagnement nécessaires. Et là-dessus j'ai questionné aussi vos collègues des autres entreprises hier, je l'avais fait dans le cadre des consultations, et je vous dirais qu'elles m'ont bien témoigné que les comités sectoriels de main-d'oeuvre sont des outils gouvernementaux, et patronaux, et syndicaux — parce que nous sommes en paritaire — sont des outils extraordinaires d'accompagnement et de soutien pour les entreprises. Et, si tout va bien dans l'adoption d'un projet de loi qui, bon, vogue dans la commission parlementaire, soyez assurés que je m'assurerai que les comités sectoriels de main-d'oeuvre soient les bons conseillers du gouvernement et — et — des entreprises pour la francisation de celles-ci. J'ai terminé. Je céderais la parole à mon collègue.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Parfait. M. le député de Sainte-Marie—Saint-Jacques, la parole est à vous, et vous avez 11 minutes.

M. Breton : Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Vous savez, moi, ce dont la ministre vient de parler, il y en a une qui m'interpelle particulièrement, c'est la Loi sur la qualité de l'environnement, que je vais lire : «Le ministre ou toute personne qu'il désigne comme enquêteur peut faire enquête sur tout fait visé par la présente loi ou par ses règlements d'application. Pour la conduite d'une enquête, le ministre et l'enquêteur sont investis des pouvoirs et de l'immunité des commissaires nommés en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête — au chapitre C-37 — sauf le droit d'ordonner l'emprisonnement. Dans le cas de l'enquêteur, l'article 2 de cette loi s'applique.»

En tant que député d'une circonscription du centre-ville, je peux vous dire d'expérience, parce que j'y vis depuis très longtemps, je peux vous confirmer qu'il y a du travail à faire en fait de francisation des entreprises. Je peux même vous parler de certains exemples précis d'entreprises où je suis entré, pendant la campagne électorale, où pas un traître mot n'était parlé dans les commerces. Non seulement ça, mais pas un traître mot n'était possible d'être parlé dans ces commerces. Les gens qui travaillaient là ne parlaient pas français, pas un mot. Je leur ai demandé de parler français, poliment, ils ne parlaient pas un mot français. Et je peux aussi parler d'exemples comme... Ça, c'est un peu anecdotique, mais je me souviens d'amis qui restaient à Westmount, où il y a un commerce très anglophone qui s'appelle Jean Coutu et où, au Jean Coutu, on était capable de trouver le Ottawa Citizen, le USA Today, le Globe and Mail, The Gazette, mais on n'était pas capable de trouver Le Devoir, La Presse ou LeJournal de Montréal. Ça, c'est chez Jean Coutu.

Moi, je vous dis ça d'expérience. Je vous dis ça parce que j'ai vu à quel point il était nécessaire de faire des efforts en français et que je comprends qu'il faut faire la promotion du français. Je pense que vous êtes d'accord avec moi que la promotion du bon parler français, mais la promotion de la francisation des entreprises est nécessaire. Mais j'ai eu une expérience il n'y a pas si longtemps que ça avec les entreprises indépendantes, par rapport au recyclage, et on leur a fait la promotion, on leur a fait beaucoup d'incitation pour faire en sorte que les entreprises recyclent dans le domaine de l'environnement, et, au final, ça a donné des résultats très mitigés. Avec RECYC-QUÉBEC, on a dit : Les entreprises vont s'en charger elles-mêmes, et je vais vous dire honnêtement, le résultat est assez lamentable.

Que ce soit en matière d'environnement ou en matière de langue, là, la promotion est importante, mais la législation l'est tout autant. Moi, je l'ai vu en environnement, là, c'est bien beau faire la promotion de l'environnement, si, à un moment donné, tu ne mets pas des lois en place, c'est bien de valeur, mais tu n'arrives pas à grand-chose. La loi 101 a fait qu'il y a eu des avancées importantes. Et j'entends ce que vous me dites quand vous parlez de paperasse et de bureaucratie, mais la réalité, c'est que, comme on dit, dura lex, sed lex : la loi est dure, mais c'est la loi. Et, à un moment donné, bien, quand on dit : Il faut faire la promotion du français, et qu'on se rend compte qu'il y a des entreprises qui ne respectent pas le français, il faut passer avec des lois.

Donc, moi, je vous parle en connaissance de cause en matière d'environnement. Moi, je pense que c'est la même chose en matière de langue. Voilà, c'est le commentaire que j'avais à faire. Je vous remercie. On a terminé de notre côté.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Parfait. Nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle...

Une voix : ...madame veut commenter.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Ah! Bien oui.

Mme Hébert (Martine) : J'aimerais ça réagir, Mme la Présidente, si vous me permettez.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Oui, absolument, Mme Hébert.

• (16 h 30) •

Mme Hébert (Martine) : Est-ce qu'on a du temps? Peut-être pas, parce qu'il y a beaucoup de choses qui ont été dites. D'abord, sur ce que la ministre disait, Mme la ministre, à l'égard des recommandations du CCCD, là, oui, je les ai lues. J'ai vu, j'ai entendu leur présentation. Et d'ailleurs je vous signale qu'il y a plusieurs des recommandations qu'on fait dans notre mémoire qui rejoignent beaucoup celles qui vous ont été formulées hier. Donc, je comprends donc que, si vous avez apprécié les leurs, vous semblez apprécier l'esprit des nôtres. J'en suis contente.

Écoutez, vous dites… vous parliez du projet de modernisation de l'OQLF. Effectivement, les mémoires, comme vous savez, on été déposés avant votre annonce, mais on a accueilli avec beaucoup de joie cette annonce. D'ailleurs, je m'apprête à écrire au nouveau président de l'OQLF pour lui offrir notre collaboration, mais on l'a déjà dit publiquement.

Au sujet de l'organisation apprenante, ça a l'air qu'on en est une, nous aussi, parce que, je suis contente, j'en ai appris cet après-midi, là, sur les pouvoirs des commissions d'enquête et la législation. On va examiner ça avec intérêt. Cela étant, le pouvoir de saisie conféré aux inspecteurs continue de nous inquiéter grandement. Par rapport à ça, on se demande s'il n'y aurait pas lieu de réviser ça. C'est d'ailleurs l'une de nos recommandations.

Sur les remarques du député de Sainte-Marie—Saint-Jacques — j'habite Le Plateau—Mont-Royal, ça fait qu'on n'est pas bien, bien loin donc — et sur le travail à faire en matière de francisation, ce qu'on dit à la FCEI… On ne nie pas ça, on ne nie pas que, dans certains cas, il y a des efforts à faire puis il n'y a pas suffisamment d'efforts qui ont été faits. Ce qu'on questionne et ce qu'on est venus dire aujourd'hui : En quoi le fait de rajouter des obligations, par exemple d'obliger des entreprises de 26 à 49 employés de devoir produire des déclarations à l'Office québécois de la langue française, entreprise qui est située à Saguenay, ou qui est située à Saint-Pie de Bagot, ou qui est située à Notre-Dame-des-Sept-Douleurs, en quoi est-ce que ça, ça va faire en sorte que les cas dont vous avez parlé tantôt, où vous n'avez pas été servi en français… En quoi est-ce que le fait d'exiger de la paperasse à ces entreprises-là, qui n'ont rien à voir avec les cas que vous avez soulevés, va faire en sorte que les cas que vous avez soulevés vont être réglés?

Nous, on pense qu'il y aurait lieu… Et l'amélioration qu'il y a à faire... Si la loi... Parce que la charte, actuellement, impose à toutes les entreprises de servir les clients en français, sans exception ni égard à la taille. Alors, si la charte n'est pas appliquée à l'heure actuelle, pourquoi est-ce qu'on n'accompagne pas plutôt ces entreprises-là pour qu'elles se conforment aux dispositions actuelles de la charte, ce qui va permettre de régler le problème que vous soulevez, plutôt que d'imposer à l'ensemble des entreprises québécoises, dans le fond, où qu'elles soient et nonobstant le fait qu'elles se conforment déjà à la loi, plutôt que de leur imposer de la paperasse supplémentaire, ou de la paperasserie supplémentaire, ou la production de rapports?

Puis on l'a vu avec la Loi sur l'équité salariale, par exemple, ce qui devait être simple au départ, par exemple, hein, une déclaration, on va demander aux employeurs de faire une déclaration, ce qui devait être simple au départ s'est avéré beaucoup plus complexe à l'usage. Tellement qu'aujourd'hui même les entreprises qui ne sont pas assujetties à cette loi-là sont obligées de produire une déclaration annuelle. Alors, c'est un petit peu le... Je comprends votre point de vue, puis on partage les objectifs, c'est sur le moyen où ça nous inquiète un petit peu plus.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Je pense que, M. Vincent, vous vouliez rajouter quelque chose?

M. Vincent (François) : Oui. Notre crainte, c'est aussi dans l'atterrissage. Lorsqu'on parle de paperasserie, c'est aussi... Nos entrepreneurs disent qu'un des principaux défis de gestion, leur premier avant de trouver des clients, c'est d'observer la réglementation puis la loi. Et, pour le faire, il faut qu'ils sachent quoi faire pour observer cette réglementation-là. Donc, s'ils doivent faire une évaluation rigoureuse de leurs besoins pour une embauche, bien, comment ils… tu sais, ils n'ont pas nécessairement de formalité, mais comment ils font pour le prouver s'il y a un inspecteur qui vient le voir? «Bien, oui, j'ai fait une évaluation rigoureuse.» Mais ça veut dire quoi? Donc, on a peur au niveau de... dans l'atterrissage de la loi.

Puis, sur les inspecteurs, peut-être rajouter un élément. Dans l'article suivant, on parle de photo. Peut-être rajouter, on disait, un vidéo. Comme ça, il n'a pas besoin de faire de saisie; il peut être capable d'avoir une preuve. On parle aussi d'un code d'éthique ou un code de pratiques pour justement protéger les personnes inspectées et l'inspecteur aussi. Puis ça se fait à la CSST. Donc, je pense que c'est des recommandations aussi qui visaient à bonifier le projet de loi, qu'on a faites dans le mémoire.

Mme De Courcy : Oui. Et, dans ce sens-là, je soulignerais que ce type de recommandations là sera sûrement aidant. Et moi, je pense que de partager des craintes légitimes d'abus possibles, etc., c'est bien. Mais on se souvient aussi, là, qu'on est en train de bâtir. On bâtit la loi. La réglementation vient par la suite. Et il me semble que ce que vous... Ce qui devrait vous rassurer de façon très importante, c'est la contribution des comités sectoriels de main-d'oeuvre. Ça, écoutez, c'est eux qui vont être en mesure, beaucoup plus que n'importe quel parlementaire à Québec, là, de... Et c'est eux qui vont être en mesure de bien conseiller les entreprises, de les appuyer et d'indiquer justement les modulations auxquelles vous faites allusion. J'ai grandement confiance dans ce procédé, dans ce processus-là.

Pouvoir de saisie, etc. Bon, il y a des cas, là, où c'est... Bon, je pourrais vous en mentionner, mais ce n'est pas nécessaire. À ce stade-là, quand on est dans la modernisation, là, de l'OQLF, présentement, ce type de mesure là, on est en train aussi de relativiser, hein? Qu'est-ce que ça pourrait donner? Qu'est-ce que... Pourquoi, à ce moment-là, sur recommandation de l'OQLF, ça a été introduit dans le projet de loi? Il y avait probablement une logique, là, qu'on va fouiller davantage dans l'exercice de la modernisation de l'OQLF.

Quand j'ai rencontré une autre fédération d'entrepreneurs, ils ont beaucoup, beaucoup… — et comme... peut-être que ma mémoire va me trahir, peut-être que vous l'avez fait, sinon pas vous, d'autres — ils ont beaucoup parlé du registre des entreprises, du registre des entreprises qui pourrait être le dépositaire, dans le fond, de la conformité, la conformité. Et, à ce moment-là, tu n'es pas obligé de tout le temps le reprendre, tu as été jugé conforme par le registre et… Bon. Et j'ai trouvé que c'était une voie très intéressante. Évidemment, là, on est en consultation. Je ne prendrai pas l'engagement que ce sera ça, évidemment, mais je vous dirais que toutes les voies qui nous mènent vers... à l'utilisation et à la responsabilisation à la fois des entrepreneurs et de l'État aussi, envers les entrepreneurs, pour moi, m'apparaissent des voies de solution fort intéressantes.

Là, le temps est écoulé, hein, je suis certaine. Mais on se reprendra, parce que vous n'avez plus la possibilité de me répondre, là, compte tenu du temps gouvernemental qui est écoulé. Merci.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. Nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle. M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. D'abord et avant tout, j'aimerais remercier,évidemment, Mme Hébert et M. Vincent pour avoir pris le temps de rédiger le mémoire et de nous en faire la présentation aujourd'hui, un mémoire très éloquent, qui apporte un éclairage extrêmement important sur le projet de loi.

Et puis moi, Mme la Présidente, j'aimerais prendre acte du fait que l'on vient... et Mme Hébert, M. Vincent, vient comme nous d'être témoins de ce qui s'est passé : un document de 11 pages qui vient de nous être donné, Mme la Présidente, en commission, en disant : Vous savez, il a été dit... Puis je vais prendre quelques minutes là-dessus parce que c'est important; il y a une philosophie, il y a une façon de faire à laquelle, là… je pense, que c'est important de dénoncer.

On nous a dit : On s'est fait dire, nous, le gouvernement du Parti québécois, que l'on mettait sur place une police politique linguistique. C'est faux, on ne met pas sur place une police politique linguistique, on ne fait que reprendre une disposition qui a été reprise dans 28 autres lois. Et, à cet effet-là, on fait comme du copier-coller d'autres lois qui parlent de nommer et qui permettent au ministre de nommer, en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête, des enquêteurs.

Ce document-là, Mme la Présidente, il vient de nous être remis, document de 11 pages. J'ai utilisé, malheureusement — vous allez m'excuser, Mme Hébert — j'ai utilisé les quelques minutes que vous avez pu parler pour le lire rapidement puis j'ai beaucoup de choses à dire sur ce document-là, dont... et c'est le fruit de mon analyse d'une dizaine de minutes.

Mme Hébert, ne reculons pas rapidement par rapport à cette pseudoprésentation-là qui viendrait justifier la Loi sur les commissions d'enquête, parce que je pense qu'avec ce document-là la preuve est faite qu'en matière linguistique d'utiliser la Loi sur les commissions d'enquête, qui fait double emploi, je le précise, avec les pouvoirs de l'Office de la langue française, qui est un organisme indépendant, un organisme qui n'est pas partisan, qui n'est pas politique, qui n'est pas lié à un agenda politique au jour le jour, qui va changer... ou qui va changer à la petite semaine... Donc, première distinction, Mme Hébert — c'est le fruit de mon analyse de 10 minutes — il y a double emploi dans ce cas-ci. Puis j'aurai d'autres distinctions.

Il y a déjà l'office, organisme indépendant qui n'est pas aux aléas de la partisanerie et de la politique à la petite semaine, qui nomme des enquêteurs indépendants. Ces enquêteurs-là, vous le soulignez vous-mêmes, il serait important qu'ils aient un code de déontologie, ces enquêteurs-là, pour ne pas qu'ils fassent n'importe quoi n'importe comment, parce qu'on a vu récemment que des enquêteurs, des fois, ont besoin de certaines balises quant à l'usage du bon jugement; puis je fais référence ici au «pastagate». Alors, première distinction qui est fondamentale et qui ne justifie pas l'ajout de nominations d'enquêteurs sous la ministre, la ministre est enquêteure elle-même puis elle peut nommer d'autres enquêteurs, qui fait double emploi, première distinction fondamentale, au rôle indépendant de l'office.

• (16 h 40) •

Deuxième élément important, des cas recensés, il y en a 28 ici, là, je veux vous en... Il y en a... La Loi sur les maîtres électriciens. J'en ai trouvé un, deux, trois, quatre, cinq — encore une fois, de façon préliminaire — six, sept, huit, neuf, 10, 11, 12, 13, 14 et 15 qui étaient des cas où il ne s'agissait pas d'enquêter de façon très large. Parce que, les enquêteurs de la ministre, là, sa police politique linguistique, ce sera sur tous, tous, tous ses pouvoirs et tous les mandats que le gouvernement daignerait lui donner. Alors, les fonctions de la ministre sont extrêmement larges aussitôt qu'on parle quelque peu du français. Directement ou indirectement, le gouvernement peut lui donner mandat, et elle peut se donner le mandat, au niveau de la francisation, au niveau de tout ce qui touche le français, d'enquêter sur toute matière.

Alors, les exemples pour justifier sa police politique, la ministre nous parle, entre autres, d'enquêtes qui peuvent être menées pour juger du comportement de la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie. C'est assez précis, ça, comme enquêtes. Ce n'est pas le spectre 360 degrés de tout ce qui touche le français au Québec. Également, en matière de la Corporation des maîtres électriciens — on parlait des maîtres mécaniciens en tuyauterie, c'est le deuxième exemple — le ministre peut charger une personne pour enquêter de façon ad hoc sur une corporation.

Si je résume mon analyse de 10 minutes — parce que le document a été déposé il y a 10 minutes — les exemples qui sont donnés, encore une fois j'ai pu, dans le peu de temps imparti, en répertorier 15 sur 28, ce n'était pas... de un, c'était un contexte où il n'y avait pas d'office, qui a déjà des enquêteurs, de deux, c'étaient des enquêtes ad hoc, donc non permanentes, contrairement à la modification qui est proposée, c'étaient des enquêtes très pointues, et on nommait une personne. Il n'y avait pas question de brigade. Alors, ici, on disait : De façon temporaire, non permanente — différence — de façon très pointue, très vaste, 360 degrés, ce qui est demandé par la ministre. Vous allez enquêter sur la Corporation des maîtres électriciens, sur la corporation ou sur la conduite des membres du conseil des maîtres mécaniciens. Vous allez enquêter sur le conservatoire, sur son comportement. Vous allez enquêter sur la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires; vous allez enquêter sur un cas spécifique relatif au non-recouvrement d'une pension alimentaire. Vous allez enquêter — encore une fois, pas de façon permanente, l'enquête n'est pas toujours ouverte, elle s'ouvre et se ferme dans une période de temps — sur un comité paritaire, Loi sur les décrets de convention collective. Vous allez enquêter sur l'administration et la gestion du ministère de l'Agriculture, des Pêches et de l'Alimentation. Vous allez enquêter sur la corporation mandataire et sur la conduite de ses administrateurs, de la Loi sur le bâtiment. Vous allez enquêter sur un collège spécifique et sur son administration, Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel. Vous allez enquêtersur la qualité des services éducatifs d'un établissement d'enseignement privé. Encore une fois, là, tous les exemples...

Loi sur l'instruction publique pour les autochtones, cris, inuits et naskapis. Vous allez enquêter sur quoi? En cas de non-paiement, recouvrer les frais de la partie qui a été condamnée. Vous allez enquêter là-dessus. Bien là, la ministre nous dit : Ça, c'est un bon exemple. Moi, je le veux, ce pouvoir-là. On dit : En vertu de la Loi sur l'instruction publique pour les autochtones, les cris, les inuits et les naskapis, vous allez pouvoir, le ministre, faire… ou déléguer les pouvoirs d'enquête, en cas de non-paiement, recouvrer les frais de la partie qui a été condamnée. La ministre dit : Ah! c'est bon, ça; moi, j'aimerais ça avoir ça.

Alors, oubliez l'office, l'indépendance puis le fait qu'ils le font déjà pour toute l'application de la loi. Moi, ministre, je veux définir mes fonctions : mes fonctions, c'est exercer tout autre mandat, déterminé par le gouvernement, qui viendrait s'ajouter à tout ce qui touche l'application de la présente loi. Le ministre peut enquêter lui-même ou donner par écrit à toute personne compétente l'autorisation d'enquêter à sa place sur toute affaire se rattachant à ses fonctions. Puis ses fonctions, c'est 360 degrés. Ce n'est pas ad hoc, c'est permanent. Ce n'est pas une personne de façon ciblée, c'est un groupe de personnes. Ce n'est pas dans un cas où il y a déjà un office indépendant, c'est dans des cas où il faut, de façon ponctuelle, faire la lumière sur un sujet. C'est un double emploi. Puis, si la ministre voulait faire la démonstration de la validité de notre point, elle n'aurait pas pu nous donner un meilleur document.

Bien, c'est ça quand on fait à la va-vite, quand on fait à la sauvette puis qu'on nous donne des documents qui, au contraire, viennent miner la justification de ce que l'on appelle… Et désormais nous sommes plus que jamais justifiés de dire que c'est une police politique de la langue que la ministre veut de façon permanente…

Une voix :

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Oui. Un instant, M. le député de LaFontaine. Oui, Mme la présidente.

Mme De Courcy : Oui, je voudrais faire une question de privilège. Puis je vais vous lire ma réponse, parce que j'espérais, j'espérais que...

Une voix : ...

Mme De Courcy : Monsieur, ce n'est pas à vous que je m'adresse. Alors...

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : …moi. S'il vous plaît, je vous demande...

Mme De Courcy : On se calme, là, monsieur... On se calme…

Une voix :

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Je vous demande à tous le silence. Mme la ministre, quelle est votre question de privilège?

Mme De Courcy : Bien, d'abord, deux. Je vous dirais que, dans cette enceinte, il faut rester calme, même quand les sujets ne font pas notre affaire.

Ma question, c'est : Pourquoi, pourquoi le député de LaFontaine utilise une expression qui s'appelle la «police politique»? Pour nombre de nos concitoyens et concitoyennes...

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Je suis désolée, Mme la ministre, je suis désolée, Mme la ministre, ce n'est pas une question de privilège.

Mme De Courcy : Oui, c'est un privilège; je vais vous dire pourquoi : Parce que moi, je me sens blessée personnellement du fait qu'on m'accole cette intention-là par rapport à une expression qui est reliée à des gens qui ont vécu des réalités très douloureuses, des expériences traumatisantes...

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Mme la ministre, je...

Mme De Courcy : ...Mme la Présidente, je vous demande que le député de LaFontaine cesse d'utiliser cette expression...

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Un instant, Mme la ministre, un instant.

Mme De Courcy : ...je vous remercie beaucoup, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Je comprends que c'est un débat qui est extrêmement émotif. Je suis désolée, Mme la ministre, ceci n'était pas une question de privilège. M. le député de LaFontaine, je comprends que vous aussi, vous êtes émotif. Je vous demande que nous continuions... Je demande votre collaboration, que nous continuions à auditionner les gens qui prennent la peine de se déplacer, qui prennent la peine de présenter des mémoires, dans un climat plus serein. Donc, je vous invite, tous et toutes, à la prudence.

M. le député de LaFontaine, je vous invite à poursuivre votre intervention en vous demandant d'être prudent dans les propos, dans les mots que vous utilisez. Merci.

M. Tanguay : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Et votre appel à la sagesse me touche, et je vais tenter de l'appliquer dès maintenant, appel à la sagesse et à la prudence.

Ceci dit, j'aimerais vous entendre, Mme Hébert, sur... J'avais des questions, mais la courte analyse que m'a obligé de faire le dépôt de ce document, je pense, nécessitait cette précision. Alors, Mme Hébert, vous représentez 24 000 PME du Québec, des hommes et des femmes propriétaires de petites et moyennes entreprises, des créateurs d'emplois, et vous avez des préoccupations très tangibles. Et je pense que la discussion aussi est de deux ordres. Lorsque l'on présente un document comme celui qui vous a été présenté, et que je vous ai entendue dire — évidemment, vous n'avez pas eu l'occasion de le lire et de l'analyser : Ah! Bien, si ça répond à la question, on va se sentir rassurés, je pense que c'est important de mener les bonnes analyses là-dessus. Et c'était donc ma façon de vous donner une valeur ajoutée à ce document-là.

J'aimerais vous entendre également, donc, sur le code d'éthique lors d'une inspection, que vous demandez, dans la mesure où il y a une augmentation… puis ça, ça fait une suite logique à sur ce que je viens de dire, les enquêteurs de la ministre, les enquêteurs de l'office. Les enquêteurs de la ministre ont des pouvoirs très, très larges d'exiger la production de documents, d'exiger la production... la communication de réponses suffisamment complètes, sinon il y a outrage au tribunal. Copier-coller, même chose, pour l'office, double emploi. Mais l'office est indépendant, il n'y a pas de partisanerie puis il n'y a pas de politique à la petite semaine. Alors, vous dites... Vous, vous axez évidemment sur les vrais enquêteurs, pas ceux de la ministre mais ceux de l'office, vous dites : Il serait peut-être important d'avoir un code d'éthique. J'aimerais, si vous avez des exemples d'application… Qu'est-ce qui vous a amené cette réflexion sur l'importance d'avoir un code d'éthique pour les inspecteurs de l'office?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Mme Hébert.

• (16 h 50) •

Mme Hébert (Martine) : Bien, écoutez, M. le député, vous savez, la ministre a annoncé une modernisation, là, des façons de faire à l'office, par exemple. On sait que ça, c'est à la suite de faits qui ont été rapportés dans les médias, à savoir, là, des… peut-être qu'on a qualifiés d'excès de zèle mais qui sont, dans le fond, le comment on appliquait certaines dispositions, là, qui existent dans la loi. Et, bon, ça a été en réaction à ça. Alors, qui nous dit que, dans quelques années ou dans quelques mois, il n'y aura pas une autre affaire dans les médias qui va aller dans le sens contraire puis que, là, bien, on va dire aux inspecteurs : Bien non, resserrez, resserrez, resserrez? Alors, c'est dans ce sens-là qu'on veut...

Ce qu'on dit, c'est que les instruments comme les codes d'éthique permettent de parer, si vous voulez, ou de protéger aussi, à la fois, les individus qui sont sujets à l'inspection, par exemple, contre certains abus, contre certains excès de zèle, et ça met les choses au clair sur les droits, notamment. On sait qu'en Colombie-Britannique, par exemple, il y a une charte des droits des contribuables. Bien, c'est intéressant, c'est intéressant que les gens connaissent leurs droits quand ils sont inspectés et qu'ils connaissent aussi les façons, quelles sont les limites ou quels sont les comportements que les gens qui les inspectent ont à adopter. Alors, c'est dans ce sens-là qu'on fait cette recommandation-là. Mais on sait qu'il y a une espèce... pas de médiateur, mais enfin une personne auprès de laquelle les gens vont pouvoir avoir recours à l'office. Mais je pense qu'au-delà de ça d'avoir un code d'éthique et de le faire... de le mettre à la disposition du public, ce serait très intéressant.

M. Tanguay : J'aimerais également vous entendre davantage sur une donnée que vous nous donnez à la page 3 de votre mémoire. Vous dites : «Nos données indiquent que 19 % des PME québécoises exportent vers les États-Unis et 37 % importent d'entreprises établies aux États-Unis.» Pouvez-vous nous dire de quelle façon vous en êtes arrivés à ces chiffres?

Mme Hébert (Martine) : C'est des sondages. C'est un sondage qu'on a mené, en fait, auprès des entreprises canadiennes, on a 109 000 membres au Canada, et c'est les données extraites pour le Québec.

M. Tanguay : Bravo. Également, vous avez mené une enquête, et pas une enquête en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête, je ne veux pas vous donner de mauvaises intentions, mais vous avez mené un sondage, donc, auprès de vos membres. Et je pense qu'il est important de prendre le temps… parce que ce n'est pas tout le monde qui nous écoute à la télévision qui a le bénéfice de lire votre mémoire. Vous dites : «Comme l'illustre la figure 1 — et nous avons le tableau — la quasi-totalité, 99,6 […] — excusez-moi, je suis à la page 5, dans le haut — des propriétaires de PME affirment qu'ils peuvent offrir un service en français à leur clientèle et la presque totalité, 90 %, affirment respecter les exigences en matière de publicité de même que les dispositions en matière d'affichage.» On se rappelle ici qu'il s'agit de gens qui sont regroupés sous votre fédération et qui sont des PME, donc, entre autres, des propriétaires ayant... dénombrant entre 26 et 49 employés, ce dont vise évidemment l'application, le cas échéant, du projet de loi n° 14.

Et il y a une donnée intéressante, j'aimerais vous entendre là-dessus. On parle beaucoup — puis vous l'avez fait avec éloquence — de la lourdeur de la paperasserie — et vous faisiez un jeu de mots avec une chanson bien connue et le titre de votre mémoire. Je suis à la page 8, la figure 5, Coût annuel de la réglementation, par employé, selon la taille des entreprises, et l'on peut voir, et j'aimerais vous entendre là-dessus, on peut voir que plus le nombre d'employés augmente, évidemment plus le ratio par employé diminue quant au coût annuel de la réglementation. Et on peut voir, malheureusement, que, lorsque l'on compare le Québec avec le Canada et les États-Unis, Canada dans son ensemble, on peut voir que le Québec, sauf dans la portion 100 employés ou plus, donc moins de cinq employés, cinq à 19 employés, 20 à 49 employés et 50 à 99 employés, le Québec est toujours beaucoup plus coûteux en matière d'impact découlant de la réglementation. Et vous avez des données qui sont assez impressionnantes : pour les moins de cinq employés, 6 153 $, pour les 20 à 49 employés, c'est 2 270 $ qui sont le coût moyen.

Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus, quant à une réalité très tangible de l'impact de la paperasserie lorsque l'on jette le fardeau sur les PME pour un objectif collectif qui devrait, je pense, davantage mettre de l'avant des mesures d'accompagnement, et surtout que l'État agisse en mettant les ressources elles-mêmes pour que l'on puisse atteindre cet objectif-là. Alors, j'aimerais vous entendre sur les coûts annuels de la réglementation.

Mme Hébert (Martine) : Écoutez, je vous dirais qu'effectivement, vous l'avez bien dit, le problème, c'est que la réglementation, c'est un fardeau qui est régressif, c'est-à-dire que ça pèse plus lourd sur les plus petites entreprises que sur les plus grandes. La raison est simple, c'est que les plus grandes entreprises bénéficient d'économies d'échelle, ont plus de ressources, et tout ça. Donc, c'est sûr que c'est un fardeau qui pèse plus lourd sur les petites entreprises, d'où ça nous inquiète énormément, et non pas dans l'apparence que ça peut avoir, mais il y a des dispositions du projet de loi n° 14 qui nous inquiètent. Je pense à l'article 46 où on parle… «Analyse rigoureuse avant le fait d'exiger le français», par exemple, quand on dit que le propriétaire de PME va devoir... ça, ça veut dire que le commerçant qui est situé à Québec et qui accueille des touristes, par exemple, va devoir faire une analyse rigoureuse pour prouver à l'Office québécois de la langue française que, pour certains postes, il doit exiger le français. C'est quoi, une analyse rigoureuse? Qui va décider de ce que c'est, une analyse rigoureuse? Comment ça va être appliqué sur le terrain? Donc, on vient... C'est sûr que ça a l'air anodin quand on lit l'article comme ça, mais, dans le pratico-pratique, dans le comment ça va être appliqué, oui, ça entraîne des obligations.

Quand je lis, à l'article, par exemple, 151.3, le premier alinéa, où on dit que les entreprises devront mettre enplace des horaires de travail ou d'autres moyens pour assurer pendant les heures normales d'affaires la présence de personnes en mesure d'offrir consommateurs de l'information en français, je veux dire, ça veut dire quoi, ça? Je suis allée — puis pour reprendre ce que le député de Sainte-Marie—Saint-Jacques disait tantôt — je suis allée dans un restaurant la fin de semaine dernière, puis ils ont plus que 25 employés, donc ils sont assujettis à ça. Puis je me suis adonnée à regarder dans la cuisine, puis l'horaire de travail de tout le monde était sur un tableau blanc, tu sais, qui s'efface au fur et à mesure. Alors, cette disposition-là, ça va-tu vouloir dire que le propriétaire de ce restaurant-là, il va être obligé dorénavant de faire les horaires sur papier puis de les conserver pendant des années au cas où l'office viendrait et qu'il devrait prouver à l'office qu'il a mis en place des horaires de travail qui permettent d'assurer en tout temps la présence d'une personne qui parle en français?

C'est ça qu'on veut dire. Quand on parle le diable est dans les détails, dans l'application de la loi, c'est à ça qu'on fait référence. Et ça, ce sont des fardeaux... Et j'entends bien la ministre quand elle dit qu'elle ne veut pas puis que ça va être ça, mais la réalité, c'est quand même ça. Comment on va faire pour prouver qu'on a mis en place des horaires de travail? Comment on va faire pour prouver qu'on a fait une analyse rigoureuse que le poste... Est-ce que ça va être le fait de dire : Bien, moi, écoute, j'ai 50 % de ma clientèle qui vient de l'étranger? Donc, est-ce que ça va être considéré comme étant une analyse rigoureuse ou il va falloir qu'il passe un questionnaire de sondage à ses clients pour prouver ça à l'office? C'est tout ça qui nous inquiète.

Et je suis contente qu'on ait lâché les commissions d'enquête pour revenir sur les petites entreprises, parce qu'elles sont au premier chef concernées par cette loi-là et par des dispositions comme ça qui apparaissent, à première vue, anodines mais qui peuvent mener à une lourdeur bureaucratique tatillonne qui va peser très lourd sur les épaules de nos PME et qui n'a rien à voir, qui n'a aucune valeur ajoutée en matière d'utilisation du français au Québec.

M. Tanguay : Si vous me permettez, juste pour clore ce volet, effectivement... Et ce n'est pas uniquement le faire une fois pour toutes, c'est continu. Autrement dit, dans la mesure où votre entreprise évoluerait, d'aventure, de 28 employés à 35 employés, de nouveaux postes, de nouvelles justifications, et même, de façon initiale, les postes qui sont appelés eux-mêmes à évoluer feraient en sorte qu'il y a là une communication permanente et constante. Parce que je ne pense pas que ce soit l'intention du gouvernement de faire en sorte que ce soit une fois à vie. Évidemment, il y aura une relation qui sera continue avec les inspecteurs de l'office ou les personnes chargées, de façon indépendante de la ministre, espérons-le, d'appliquer la loi, faire en sorte que cette relation-là s'alimente d'elle-même. Puis, quand on parle de paperasserie, de fardeau supplémentaire, bien, ce sera de manière continue.

J'aimerais que l'on termine, vous et moi, Mme Hébert, sur une note peut-être plus encourageante, on va essayer de voir la lumière au bout du tunnel. Vous parlez : Ce n'est pas par ça, par des mesures telles que suggère le projet de loi n° 14, qu'on va réussir l'objectif. Avez-vous en tête des mesures qui feraient en sorte que, oui, on atteindrait notre objectif? On veut l'épanouissement du français au Québec, mais pas de façon... de cette façon-là, dirais-je, pas de cette façon-là, mais par des mesures d'accompagnement. Avez-vous des beaux exemples à nous donner, là, pour nous encourager?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : En quelques secondes, Mme Hébert.

Mme Hébert (Martine) : Bien, écoutez, je vous dirais que oui. Par exemple, on avait un programme, à l'office, là, sur la francisation, pour aider à la francisation des petites entreprises; on a accordé, en moyenne, 26 000 $ de subvention par entreprise pour ça. Mais, ce qu'on constaté dans notre sondage, quand on a demandé à nos membres : Le connaissez-vous, ce fameux programme là?, le pourcentage, là — je l'ai ici — c'est : il y a 70… il y a seulement 10 %, c'est-à-dire, des chefs de PME au Québec — notre sondage, là, il y a une marge d'erreur de plus ou moins 3,5 % 19 fois sur 20, ça fait que ce n'est pas une grosse marge d'erreur — 10 % des propriétaires de PME, au Québec, qui nous ont dit qu'ils connaissaient le programme. Ça fait que le programme n'est pas assez connu, probablement. Et donc on aurait intérêt à le faire connaître davantage.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, Mme Hébert.

Mme Hébert (Martine) : C'est le genre de chose, dans le fond... le genre d'initiative que nous, on prône.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, Mme Hébert. C'était tout le temps qui était alloué à l'opposition officielle. Nous allons maintenant vers le deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de Montarville, c'est à vous la parole.

Mme Roy (Montarville) : Merci, Mme la Présidente. Pour une durée de?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : 5 min 30 s.

• (17 heures) •

Mme Roy (Montarville) : Merci. Merci beaucoup à vous deux. Merci pour ce mémoire qui est exhaustif, qui est détaillé, qui est précis. Écoutez, tout comme vous, au deuxième groupe d'opposition, nous sommes préoccupés et nous sommes contre les mesures qui vont venir alourdir le fardeau administratif de nos entreprises. On en a besoin, de nos entreprises, au Québec, c'est ce qui fait vivre beaucoup, beaucoup de monde. Et, avec ces nouvelles mesures, il y a aussi des obligations financières, de nouvelles obligations financières, en plus des mesures administratives, qui vont tomber sur le dos de vos membres.

À l'ouverture des travaux de la commission, le 12 mars dernier, nous avons reçu une étude faite par le groupe CIRANO, une étude qui évalue qu'entre 12 000 et 13 000 nouvelles entreprises auront des obligations financières pour un total de 24 millions de dollars.

Et, avec ce document, la ministre nous avait remis un document dans lequel il est mentionné — je vais vous faire la lecture ici : «L'objectif du projet de loi n° 14 — rappelons-le — n'est pas d'alourdir les démarches administratives au sein d'entreprises qui ne disposent pas nécessairement de ces ressources financières.» Eh bien, non, ce n'est pas un objectif, je vous soumets humblement que ce n'est pas un objectif; alourdir le fardeau, ça va être une conséquence. Et j'espère que ce n'est pas l'objectif, là, mais ça sera la conséquence du p.l. n° 14.

Alors, moi, je veux savoir : Chez vos membres, ça va ressembler à quoi, le fardeau financier? Dans quelle mesure est-ce que c'est quelque chose qu'on appréhende? Parce que vous devrez débourser de vos poches pour la francisation.

Mme Hébert (Martine) : Bien, écoutez, Mme la députée, c'est une bonne question que vous posez, parce que, oui, il y a l'étude d'impact, là, qui a été déposée, mais ça, ça part d'hypothèses de base. Mais, par exemple, si une entreprise... Prenons une petite firme d'architecture, par exemple, ou de design graphique qui devra... il y a des logiciels, comme des logiciels spécialisés, là, comme AutoCAD, et tout ça, qui coûtent plusieurs, plusieurs, plusieurs dizaines de milliers de dollars, voire même... dans certains cas, c'est très onéreux. Donc, c'est sûr qu'il va y avoir un fardeau à cet égard-là.

Mais, au-delà de ça, moi, ce que je dis en plus, là, c'est : Quel est le temps que ça va prendre aux petites entreprises… Puis ce n'est pas nécessairement celles de 26 à 49, là, c'est toutes les petites entreprises. Quand on dit : Tu vas devoir faire une analyse rigoureuse des besoins, bien, ça veut dire quoi? Est-ce que tu vas devoir embaucher un consultant pour faire ça? Comment ça va s'articuler dans le quotidien? Quand on dit : Tu vas devoir mettre en place des horaires de travail, ça va... c'est-u vrai que tu vas devoir maintenant... Au lieu de te mettre sur ton tableau puis ça prend 10 minutes à faire l'horaire, tu vas-tu devoir te mettre à l'ordinateur, puis distribuer ça à tout le monde, puis garder ça en archive pour montrer ça à l'office?

Donc, c'est tout ça, aussi, qui vient accroître le coût. Ce n'est pas juste de la machinerie ou des équipements, là, c'est aussi... ou des logiciels, puis ce n'est pas juste la suite Microsoft Office, là. Ça, c'est une pinotte dans une entreprise, là, je veux dire. Le problème, ce n'est pas ça, c'est les logiciels spécialisés, c'est la machinerie, mais c'est aussi tout le temps et toute la paperasserie, le temps qui va être passé à remplir ou, en tout cas, à produire des documents pour justifier si jamais il y a un inspecteur ou il y a une plainte qui est déposée de la part de quelqu'un à l'égard de l'entreprise. Donc, c'est ça, le problème, c'est ça qu'on craint.

Mme Roy (Montarville) : Et qu'est-ce que vous répondez à ceux qui disent : Bien, les entrepreneurs, ils ont de l'argent, ils vont bénéficier du fait que la langue française se porte mieux et qu'ils paient, donc? Vous leur dites quoi?

Mme Hébert (Martine) : Bien, écoutez, nos entrepreneurs au Québec, savez-vous que le deux tiers des entreprises du Québec ont un chiffre d'affaires en bas de 500 000 $? On ne nage pas dans les millions au Québec, là. La moitié de nos entreprises ont moins de cinq employés. Le deux tiers de nos... le trois quarts de nos entreprises, c'est-à-dire, ont moins de 10 employés. Ça fait qu'on est dans des entreprises... Et vous le savez, dans vos comtés, vous en avez tous, des petites entreprises. Tous les petits commerçants, les... qui font vivre, dans le fond, toutes les régions du Québec, donc c'est toutes des entreprises de très petite taille.

Nos entreprises au Québec sont déjà taxées à plus du double de la moyenne canadienne. Le taux d'imposition des petites entreprises au Québec est de 8 %. Ailleurs au Canada, quand on exclut le Québec, c'est de 2,8 %. Les taxes sur la masse salariale, les contributions des employeurs, là, aux différents régimes sociaux, qui sont des taxes qui sont régressives… Parce que, que tu fasses 10 millions de profits dans une année ou que tu fasses 1 000 $ de profits, tu paies le même montant pour embaucher quelqu'un à 40 000 $ par année, en taxes sur la masse salariale. Bien, les taxes sur la masse salariale au Québec sont 45 % plus élevées qu'ailleurs.

Alors, les PME, les petites entreprises, c'est le poumon de l'économie du Québec. À un moment donné, je veux dire, quand on sait tout ça puis quand on sait que le deux tiers a un chiffre d'affaires en bas de 500 000 $... Je ne parle pas de profits, là, je parle de chiffre d'affaires, O.K.? On est loin de nager dans les millions. Alors, l'histoire que les entreprises paient, je pense qu'elles assument déjà, les petites entreprises québécoises, plus que largement leur part.

Mme Roy (Montarville) : Donc, nous, nous sommes d'accord avec les nouvelles mesures incitatives, c'est important de le dire, et ça, c'est bien vu également de votre part.

Mme Hébert (Martine) : Oui. Tout à fait. Je pense que les mesures incitatives, c'est tout à fait gagnant. Et, quand j'ai entendu aussi… je crois que c'est le Conseil supérieur de la langue française qui disait : Bien, par exemple, les entreprises connaissent peu la réglementation actuelle. Mais en quoi est-ce que le fait de rajouter des obligations techniques... parce que c'est technique, là, on ne parle pas... ça n'a pas de valeur ajoutée en matière d'utilisation du français, là. En quoi est-ce que le fait d'ajouter des obligations techniques à des entreprises, et donc des coûts à nos petites entreprises, va faire en sorte que les entreprises qui ne connaissent pas suffisamment, par exemple, la législation actuelle vont plus la connaître? Comprenez-vous? C'est pour ça qu'on dit que, dans le fond, ce serait mieux de mettre en place des mécanismes incitatifs; et il y en a, l'office a déjà reconnu la validité puisqu'ils en ont déjà mis en place, sauf qu'ils sont très, très peu connus. Faisons connaître ces mécanismes-là. Travaillons dans une approche de concertation avec l'office, comme la ministre l'a proposé, et là...

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, Mme Hébert. Je suis vraiment désolée, c'est tout le temps qui était alloué. Mme Hébert, M. Vincent, merci.

J'invite maintenant le Comité central de parents de la commission scolaire Lester-B.-Pearson à prendre place.

Nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 5)

(Reprise à 17 h 8)

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Nous reprenons nos travaux. Bienvenue, messieurs. Je vais vous inviter à vous présenter — je pense que c'est M. Pavone qui va être le porte-parole — à présenter également les membres qui vous accompagnent. Vous disposez d'un temps de 10 minutes pour faire votre présentation. Par la suite suivra un échange avec les parlementaires. Donc, la parole est à vous, M. Pavone.

Comité central de parents de la commission
scolaire Lester-B.-Pearson (CCP-CSLBP)

M. Pavone (Domenic) : Merci. Merci, Mme la Présidente. Mme la ministre, les membres de la commission, merci de nous avoir accueillis aujourd'hui sur notre position au projet de loi n° 14.

Nous sommes des parents dont les enfants fréquentent le système scolaire anglophone. À ma gauche, j'ai M. Mike Nalecz, et, à ma droite, M. Simo Kruyt, et moi-même, Domenic Pavone.

Étant des parents impliqués dans les comités des parents dans la commission scolaire Lester-B.-Pearson, nous tenons à coeur l'éducation de nos enfants et leur avenir au Québec. Nous représentons ainsi les parents de 22 000 élèves des écoles primaires et secondaires de la commission scolaire Lester-B.-Pearson, et eux aussi ont choisi de poursuivre l'éducation de leurs enfants dans le secteur anglophone. Notre voix se veut celle de la modération. Je cède la parole à M. Mike Nalecz.

• (17 h 10) •

M. Nalecz (Mike) : Merci. Bonjour. Nous avons choisi de vivre au Québec et nous sommes fiers d'être membres de cette société distincte. Nous reconnaissons que le français est la langue de la majorité. En tant que parents, nous sommes ouverts aux efforts pour améliorer la qualité de l'enseignement du français dans les écoles de nos enfants.

La minorité linguistique anglophone qui vit présentement au Québec est très différente de celle d'il y a 35 ans. Il est indéniable que l'usage de la langue française dans l'Ouest-de-l'Île a progressé énormément. Pourtant, nous sommes, encore aujourd'hui, confrontés à un nouveau projet de loi linguistique qui, à notre point de vue, ne tient pas compte des progrès que la minorité anglophone a faits en termes d'utilisation du français dans les activités quotidiennes. Nous nous sommes... nous nous interrogeons sérieusement sur la nécessité d'introduire ce nouveau projet de loi.

Nous sommes pleinement conscients de la situation sensible de la langue française en Amérique du Nord. Nous pouvons y voir certaines similitudes à notre situation dans la majorité francophone. Le nombre d'anglophones a diminué beaucoup au Québec. La commission scolaire Lester-B.-Pearson a fermé 14 écoles dans les sept dernières années. Et nous continuons d'entendre dire que certains de nos enfants les mieux instruits quittent le Québec. Ceci représente un coût faramineux pour la société québécoise.

Par conséquent, le 20 avril 2013, le Comité central de parents de la commission scolaire Lester-B.-Pearson a lancé une pétition sur le site Web de l'Assemblée nationale et qui rejette le projet de loi n° 14. Cette pétition frôlait... Cet après-midi, cette pétition frôlait 35 000 signatures. Le niveau de cet appui est très significatif. Cette pétition est la plus appuyée sur le site de l'Assemblée nationale. Elle représente la voix de la majorité silencieuse de citoyens qui cherchent la paix linguistique et de citoyens qui veulent aborder la question d'une façon constructive.

Je tiens aussi à mentionner que notre pétition a présentement autant de signatures que celle proposée par M. Amir Khadir en 2011. La pétition de M. Khadir a demandé d'instituer une commission d'enquête publique sur la collusion, la corruption dans le domaine de la construction et le financement des partis politiques, qui, comme vous le savez, a aidé à soulever la pression populaire pour la création de la commission Charbonneau.

Nous souhaitons de voir nos enfants vivre et contribuer à la réussite économique, sociale et culturelle du Québec. Nous souhaitons que leurs droits individuels soient protégés comme ceux de tous les citoyens du Québec, et ce, indépendamment de leur statut linguistique, ethnique et socioéconomique. Je cède la parole à M. Simo Kruyt.

M. Kruyt (Simo) : Merci. La démocratie engendre, par sa pérennité, une diversité d'opinions, une explosion d'originalité où chacun cherche à justifier continuellement sa pensée et ses gestes. Instinctivement, on recherche des personnes et statistiques qui valident l'opinion, surtout en politique, pour une discussion publique comme la nôtre.

Si vous me permettez, la ministre responsable de la Charte de la langue française, excusez-moi, Mme Diane De Courcy, a dit, lors de la première journée d'audiences de cette commission, et je cite : «J'ai un profond respect, vous le savez, [pour les minorités,] pour la démocratie [et] toutes les formes de démocratie. Et, pour avoir moi-même, dans une ancienne vie, travaillé dans une démocratie de proximité, la démocratie scolaire, je connais toute la valeur de l'expression des citoyens [...] des citoyennes.» La question que je pose est donc : Comment pouvons-nous permettre à nos élus de proposer ou d'adopter des lois qui marginalisent l'existence d'une minorité en utilisant les règles de la majorité comme un déguisement pour la ségrégation linguistique sous la «guise» d'être la seule façon de protéger le français?

La Finlande nous offre un modèle différent qui fonctionne à merveille depuis plus de 40 ans.

Nous, parents, pensons que les commissions scolaires anglophones sont un atout pour le Québec. Et, si la requête de francisation est honnête et que le gouvernement veuille vraiment augmenter la maîtrise du français sans «subligation» de l'anglais, tout en étant économe et fiscalement responsable, elle se doit de se prévaloir de l'expérience considérable que la commission scolaire Lester-B.-Pearson a acquise en éduquant les enfants de toutes les personnes qui ne sont pas d'origine linguistique française, avec un succès d'estime. La commission scolaire Lester-B.-Pearson, qui fonctionne en dessous de ses frais fixes actuellement, serait un allié naturel pour l'accompagnement de votre vision linguistique de francisation des immigrants non francophones et du même fait pourrait indirectement aider à réduire le taux de décrochage scolaire dans l'ensemble des réseaux métropolitains. En 2012, le taux de diplomation de la commission scolaire Lester-B.-Pearson était 83,7 % et se situait au troisième rang de toutes les commissions scolaires du Québec, anglaises et francophones.

Les commissions scolaires anglophones ne sont pas seulement performantes, mais aussi perçues comme des institutions rassembleuses et importantes pour la minorité anglophone, pour la création d'enfants bilingues capables de travailler et de croître harmonieusement au Québec. Je cède la parole à Domenic Pavone.

M. Pavone (Domenic) : Merci. Il est indéniable que le système d'éducation anglophone est un atout, un actif pour la société québécoise, et tous les efforts doivent être mis pour le préserver. Le projet de loi n° 14 peut avoir comme conséquence d'effriter la vitalité des commissions anglophones. La minorité anglophone doit être considérée partie prenante dans la législation linguistique et non exclue.

Au Québec, certaines personnes continuent de cultiver des insécurités autour de la langue française afin de promouvoir leur cause et, ce faisant, créent la division. Nous privilégions une approche qui ne vise pas le désaccord mais le consensus. Le 13 mars 2013, Bernard Descôteaux a écrit un article dans Le Devoir, intitulé Projet de loi 14 — Une loi nécessaire. M. Michel Lebel, docteur en droit public, droit linguistique, réplique à l'article, et je cite : «Il faut faire très attention. Il y a une limite à ce que la loi peut faire dans le domaine d'une politique linguistique. Trop, c'est trop, et la loi et sa réglementation deviennent alors inapplicables. De plus, il faut considérer qu'une autre loi linguistique peut donner lieu à des ressacs sociaux de toutes sortes. Un gouvernement responsable doit absolument tenir compte de toute cette problématique. Une forte prudence est donc de mise et il serait souhaitable que toute nouvelle loi linguistique soitfondée sur un consensus de tous les partis représentés à l'Assemblée nationale, sinon [une] forte majorité de députés.»

La minorité anglophone est fatiguée d'être désignée comme bouc émissaire pour les problèmes de langue. Nous faisons partie intégrale du «nous» québécois. Nous partageons les mêmes valeurs et nous avons un attachement à cette société distincte dans laquelle nous avons des profondes racines historiques. L'anglais n'est pas une langue étrangère. Les législateurs doivent chercher des moyens pour équilibrer les droits individuels et ceux de la collectivité. Le gouvernement doit agir comme gouvernement de tous les Québécois, y compris nous, la minorité anglophone. Le temps est venu de mettre de côté l'anglais symbole de domination britannique et adopter l'anglais avec fierté, une langue devenue incontournable comme langue seconde.

Nous pensons que le Québec a une chance inouïe d'avoir sur son territoire des écoles anglophones performantes et nous soumettons des recommandations pour les soutenir : Que le gouvernement facilite les possibilités d'échange et de rapprochement linguistique, social et culturel entre les deux systèmes scolaires linguistiques, par exemple des projets d'échange entre écoles francophones et anglophones permettant et facilitant les apprentissages de la langue seconde et un enrichissement de la culture; que les procédures administratives soient allégées pour permettre aux commissions scolaires anglophones d'élargir l'accès à un plus grand nombre d'étudiants, assurant la pérennité de la communauté... y incluant la communauté anglophone; et celle d'aider à réduire le taux de décrochage au Québec.

En conclusion, la langue française a atteint un important degré de maturité et de fierté dans la population. Le temps est venu d'avoir confiance dans les aspirations de tous les Québécois et d'accepter l'anglais comme une langue de chez nous.

Merci beaucoup de nous avoir donné l'occasion de nous exprimer. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup. Écoutez, c'est assez rare que les gens qui viennent en audition font moins de 10 minutes. Souvent, je dois leur allouer quelques secondes de plus. Donc, merci beaucoup.

M. Pavone (Domenic) : Merci.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Nous allons débuter les échanges, et je commence du côté du gouvernement. Mme la ministre responsable de la Charte de la langue française, vous avez la parole.

Mme De Courcy : Merci, Mme la Présidente. Bien, bonsoir, messieurs. D'abord, M. Pavone, merci de m'avoir transmis les salutations d'un éminent président… ex-président de la commission scolaire Lester-B.-Pearson, de Marcus Tabachnick, avec qui j'ai eu une collaboration, pendant plus de 10 ans, qui a été très fructueuse. Alors, je vous remercie d'y avoir pensé.

Bon, que dire de l'excellence de la commission scolaire Lester-B.-Pearson? Nous la connaissons tous, nous savons que c'est une commission scolaire extrêmement performante. D'ailleurs, nous avions eu des échanges sur l'enseignement de la langue seconde, Marcus Tabachnick et moi, pour voir comment on était pour transférer les compétences de cette commission scolaire là dans la commission scolaire que je présidais à l'époque. Les échanges avaient été très intéressants.

Je vois d'ailleurs que vous reproposez des échanges qui étaient... qui avaient été mis en route, et qui malheureusement n'ont pas eu l'heur de recevoir les appuis nécessaires, entre les écoles francophones et les écoles anglophones. Les choses étaient pas mal presque en place, hein, au moment où on a fait ces choses-là, mais, pour une mauvaise raison, elles ont achoppé, et c'est très dommage. Je considère... Et c'est une des recommandations que je trouve très intéressante par rapport à l'apprentissage, donc, de la langue seconde.

Maintenant, à la lecture de votre mémoire, je me vois dans l'obligation de vous dire évidemment que je ne partage pas votre point de vue. Mais je suis très contente que vous ayez eu la gentillesse et surtout la détermination de venir le présenter. C'est une audience... ce sont des auditions démocratiques qui appartiennent aux citoyens et aux citoyennes et aux organisations. Alors, je suis très contente de vous avoir entendus.

Je vous dirai que, personnellement, aussi, ce qui m'avait touché tout au long de la préparation du projet de loi puis au cours des auditions que j'entends depuis un certain moment… Je la fais toujours, cette mise au point là, quand j'ai l'occasion où que je peux le faire : Ce n'est pas un projet qui a une intention antianglophone, c'est un projet pour le français. Malheureusement, dans certaines zones d'incompréhension, on finit par y voir des atteintes qui ne sont pas là, très certainement pas dans l'intention de l'équipe gouvernementale. S'il y a une chose à laquelle j'ai travaillé personnellement, c'est au maintien des institutions anglophones. Vous le savez, j'y crois, j'y croyais, j'y crois et j'y croirai. Alors donc, en conséquence, je vous indique que ma volonté n'est pas là, ni la volonté gouvernementale.

J'entends par ailleurs qu'il y a des besoins de rassurance, je ne parlerai pas d'assurance mais de rassurance, quant à l'importance de la minorité linguistique d'expression anglaise au Québec. Et je vais interpréter votre mémoire de cette façon-là, de cette façon-là. Et, pour ce soir, je m'arrêterai dans le commentaire en vous remerciant abondamment d'être venus nous parler, évidemment. Vous savez comment l'engagement des parents est important pour moi.

• (17 h 20) •

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci… Mme la ministre?

Mme De Courcy : C'est bien.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : C'est bien. Nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle. M. le député de LaFontaine, vous avez la parole ou… Non. M. le député de Jacques-Cartier, c'est à vous la parole.

M. Kelley : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Et, comme d'habitude, je vais faire mes déclarations de «full disclosure» : Je suis un diplômé de l'école secondaire Beaconsfield, qui est sous la gouverne de la commission scolaire Lester-B.-Pearson, mes trois frères sont des diplômés de l'école secondaire Beaconsfield, mes cinq enfants sont des diplômés de l'école secondaire Beaconsfield aussi, qui va fêter ses 55 anniversaires de son établissement la fin de semaine de trois jours au mois de mai. Alors, ça, c'est pour tous les diplômés de l'école secondaire de Beaconsfield qui nous écoutent : Vous êtes les bienvenus dans le beau comté de Jacques-Cartier en fin de semaine au mois de mai pour fêter cette excellente école. Et, de deux, mon épouse, également, est commissaire, alors collègue de M. Pavone, à la commission scolaire Lester-B.-Pearson. Alors, je pense que le commissaire d'éthique peut dormir en paix ce soir, que le député de Jacques-Cartier a mis toutes les cartes sur la table comme il faut.

Mais je veux revenir et souligner le travail excellent de la Central Parents' Committee. À chaque année, ils font un événement au mois d'avril pour les parents. Cette année, la thématique, c'est la réussite scolaire. C'est le 6 avril à l'école secondaire Lindsay Place. On attend 500 personnes qui vont venir un samedi matin, qui vont travailler ensemble, informer les parents qu'est-ce qu'on peut faire. Parce que, malgré les chiffres qui sont intéressants au niveau du taux de réussite à la commission scolaire Lester-B.-Pearson, tant et aussi longtemps que ce n'est pas à 100 %, il reste le travail à faire. Et je veux juste féliciter encore une fois le comité : le choix de sa thématique est tellement important. Et je pense qu'on a tout intérêt dans la réussite de l'ensemble de nos enfants. Alors, bravo et bon succès le 6 avril prochain, parce que je sais que ça, c'est une activité très, très importante pour le comité central des parents de Lester-B.-Pearson.

Je veux revenir… parce que j'étais un petit peu surpris avec la présentation de la fédération autonome des enseignants, de dire qu'on a besoin de nouvelles exigences au niveau secondaire et de mettre ça dans la charte où, déjà... et si vous voulez commenter davantage la pression des parents sur la commission scolaire pour hausser la qualité de français enseigné à nos jeunes dans les écoles de la commission scolaire Lester-B.-Pearson. Je sais qu'il y avait une consultation sur les écoles en 2008-2009, et tout le reste, que vous avez participé. Alors, il faut le répéter, mais je pense que, dans tout l'objectif d'enseignement de français de qualité, les commissions scolaires anglophones sont des alliées naturelles du gouvernement, et dans le projet de renforcer le fait français dans notre société. Mais, si vous pouvez parler davantage de vos expériences comme parents, la pression que le comité a faite auprès de la commission scolaire pour s'assurer que nos jeunes, qu'on veut qu'ils restent ici, au Québec, sont... ont un enseignement en français langue seconde de très grande qualité.

M. Pavone (Domenic) : Merci, M. Kelly. Et les parents ont demandé pour plus de français dans les écoles, donc, et on les a eus. Qu'est-ce que je veux dire par plus de français dans les écoles? Qu'est-ce qu'ils ont fait? Effectivement, nous avons un système bilingue, un système à immersion, et ils ont introduit un système qui s'appelle Français Plus, qui fait 80 % de la journée avec cycle 1 et cycle 2. Je pense que seulement la cinquième et sixième année de l'école primaire, ça revient à 50-50. Donc, il y a... Nous avons engagé plusieurs enseignantes francophones, parce que les parents exigent aussi l'enseignement d'un français de qualité, et nous avons fait... On offre ce programme de Français Plus, je pense, dans quatre écoles, et c'est rendu exceptionnellement populaire avec les parents. Donc, il y a aussi une progression quant... Tout de même, il y a des parents des élèves dans les écoles secondaires, c'est pareil, ils poussent très fort pour avoir une instruction de français de qualité, et, là aussi, ils ont augmenté, en réplique à… les parents, à la demande des parents, ils ont augmenté, je pense que c'est presque 50-50 aussi dans les écoles secondaires, jusqu'à un certain niveau.

Nous essayons, nous voulons que nos enfants restent au Québec et nous aimerions avoir une instruction du français qui s'adapte à cette réalité pour rester, et travailler, et vivre au Québec. Peut-être que mes collègues aimeront faire quelques petits points?

M. Nalecz (Mike) : Merci. Merci pour la question. Je pense que la question, c'est sur la qualité du français. Et je peux dire qu'en 2007 j'étais membre du conseil d'établissement de l'école Dorval Elementary, où on a fait faire… avec un échange, on a essayé... on a approuvé un échange linguistique, social et culturel avec la commission scolaire de Montréal, et c'était avec l'école, je crois, Jean-de-Matha, à Ville-Émard, et le conseil d'établissement était très favorable pour faire cet échange, parce que, c'est clair, les enfants, dans les écoles, à la maison, parlent en anglais, et ce serait beaucoup mieux d'avoir des échanges. Et notre commission scolaire fait des échanges avec la Chine, on fait... il y a des étudiants même des Indes qui vont venir chez nous. Et, cet échange, le problème qu'on avait, comme parents, le seul bémol qu'on avait, c'est de dire que les enfants allaient traverser 40 minutes ou 45 minutes jusqu'à Ville-Émard. On avait une école juste à côté, juste à côté, 1 kilomètre, à côté, mais malheureusement faisait partie pas de la commission scolaire de Montréal, mais de Marguerite-Bourgeoys. Ça, ce serait une possibilité inédite, ça ne coûterait pas plus cher, parce que le transport est kif-kif, en termes de distance. Mais moi aussi, je ne sais pas vraiment pourquoi cet échange n'a pas eu lieu. Mais c'est des échanges qui seraient très positifs pour aider la loi française. Et ce n'est pas une matière coercitive, comme nous pensons que la loi présentement est.

M. Kelley : Et, si je peux, Mme la Présidente, souligner encore une fois, depuis 40 ans, souvent, ces programmes, ces projets, les matériaux pédagogiques et tout le reste ont été développés par la commission scolaire sans le soutien nécessairement du ministère. Alors, à leurs propres frais, ils ont pris la charge pour devenir, comme je dis, les personnes qui font la promotion du fait français, pour s'assurer que les élèves qui sont dans les écoles anglaises au Québec ont un meilleur apprentissage que moi, j'ai eu à l'école primaire de Beaconsfield il y a quelques années. Alors, on a fait une nette amélioration, et je pense que c'est au crédit des commissions scolaires, parce que souvent, au-delà des exigences du ministère, ils ont pris l'initiative d'investir davantage.

Alors, je vois dans vos commentaires... mais la proposition, dans la loi, d'avoir 88,0.2 comme nouvelle chose qui fait une exigence additionnelle, honnêtement, je ne comprends pas. Et je pense que la preuve est déjà faite… Et, même un nouveau 88.0.1, je pense qu'il va de soi. Mais je pense que la preuve est déjà faite, on n'est pas nécessaire d'envoyer aux commissions scolaires et aux écoles anglaises... la preuve est déjà faite de leur engagement envers l'enseignement de la langue française dans leurs écoles.

Je reviens sur un autre… parce que vous n'êtes pas les premiers témoins qui ont soulevé la question d'une distinction entre communauté culturelle et minorité ethnique, et je veux... si vous pouvez expliquer ça davantage, c'est quelque chose que… honnêtement, je ne suis pas familier avec le sens de ces expressions. Alors, vous avez soulevé ça dans vos commentaires spécifiques sur le projet de loi n° 14. Alors, si vous pouvez nous éclairez davantage, les nuances importantes que vous trouvez entre «minorité ethnique» et «communauté culturelle».

• (17 h 30) •

M. Kruyt (Simo) : La différence qu'on voit est très simple : «minorité ethnique» est protégée sous des traités... the human rights, de l'union... United Nations et celle aussi du Canada. Les minorités culturelles n'y sont pas, et c'est tout.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : M. le député.

M. Kelley : Au niveau de... le lien entre certaines de ces déclarations internationales de protection des droits des minorités… applique avec un certain libellé mais applique moins bien avec l'autre libellé. C'est bien ça?

M. Kruyt (Simo) : ...applique pas du tout, de façon…

M. Kelley : Pas du tout, O.K.

M. Kruyt (Simo) : Pas du tout, en fait. Si vous voulez un exemple, en fait, la Finlande, qui est un pays qui est bilingue, le finlandais et le suédois, a des statuts de minorité qui sont très fixes. Si la population est plus que 5 % suédoise, la communauté se doit d'offrir les services municipaux en suédois. 5 %, et non 50 %. De plus, la Finlande, elle opère depuis 1970 à faire l'éducation en finlandais, en suédois dès la première, troisième année, et ensuite l'anglais. Pourquoi? Parce qu'ils ont décidé qu'il fallait, question économique et mobilité de leurs étudiants, que ces instructions soient mises.

Donc, j'espère que ça répond un tout petit peu à votre question.

M. Kelley : Non, non, j'essaie juste… parce que j'ai plusieurs témoins qui ont soulevé des distinctions, et je veux juste le comprendre davantage.

Et, je vois aussi, il y a la question d'une autre épreuve ministérielle au niveau du secondaire mais également une proposition de faire ça au niveau collégial aussi. J'imagine que c'est quelque chose… pour le faire comme il faut, il y a beaucoup de changements, beaucoup de préparation des élèves, parce qu'il y a déjà une épreuve ministérielle que tous les finissants des écoles... les collèges anglophones doivent faire, tout comme toutes les personnes qui quittent un collège francophone doivent faire une épreuve ministérielle. Alors, avez-vous une réaction à l'obligation de faire une autre épreuve ministérielle pour les finissants collégiaux des cégeps anglophones?

M. Pavone (Domenic) : Excellente question, M. Kelley. Nous n'avons pas vraiment étudié le dossier de cégep commetel. On sait qu'à un moment donné il y avait beaucoup d'élèves francophones qui ont choisi de... — voyons! — d'essayer de rentrer à des cégeps anglophones pour essayer de mieux apprendre la langue. Mais, à part de ça, vraiment, on n'avait pas de commentaire là-dessus.

Par contre, qu'est-ce qui nous inquiète, et c'est dans le mémoire, c'est effectivement les obligeances d'un autre examen de langue française pour nos étudiants pour avoir leurs diplômes en secondaire V. C'est quoi, les exigences, exactement? On ne le sait pas. Et là les parents s'inquiètent.

M. Kelley : Oui, et honnêtement moi, je ne comprends pas, parce qu'il faut compléter le secondaire V. Et, avec un échange que j'ai eu avec un autre groupe, il faut nuancer ça, parce qu'il y aura des enfants avec des besoins spéciaux que compléter leurs études secondaires est déjà un défi. Et ça n'arrive pas souvent, mais ça arrive une couple de fois par année que le député de Jacques-Cartier est interpellé par un parent qui veut que son enfant continue au cégep, et c'est quelqu'un qui a des difficultés d'apprentissage, donc la maîtrise de la langue maternelle en soi est un énorme défi. Alors, on ne plaide pas ici pour les centaines de cas, loin de ça, mais je vais juste demander de nouveau une certaine souplesse, pour quelqu'un qui est autiste ou d'autres difficultés d'apprentissage, d'avoir la souplesse nécessaire.

Je comprends que ce n'est pas l'intention, mais je vais continuer de le répéter, parce que moi, j'ai faitl'accompagnement des parents, et c'est toujours une bataille. Ce n'est jamais facile. Et je ne comprends pas, en aidant les… comme je dis, des dizaines de cas par année, pas plus. Et pourquoi ces parents qui veulent que leurs enfants puissent continuer au cégep… ils veulent que leurs enfants puissent continuer sur un cheminement, mais, pour les problèmes, juste la maîtrise d'une langue est déjà un énorme défi, et, de mettre l'exigence, le deuxième, il faut une certaine souplesse.

Et je vais... Je comprends l'économie générale, je ne connais pas l'économie générale de la loi, mais il y a toujours... La réalité humaine est toujours beaucoup plus complexe que l'imagination du législateur. Alors, il faut toujours avoir la souplesse nécessaire. Alors, je vais continuer de voir qu'il y a cette souplesse nécessaire, parce que ça n'arrive pas souvent, mais, quand ça arrive, c'est toujours les cas très humains, les cas très pathétiques. Et je pense qu'on a tout intérêt de tenir compte de cette réalité dans nos réflexions sur la charte et sur l'application de certaines des exigences du ministère de l'Éducation.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Oui, M. Nalecz.

M. Nalecz (Mike) : Merci beaucoup. Juste aussi, là, au sujet des cégeps, il y a une certaine clause, dans le projet de loi, qui indique qu'il va y avoir une priorité sur les élèves anglophones avant d'accepter les élèves francophones. Et je me pose une question : Vraiment, est-ce que c'est nécessaire de ségréguer les élèves dans ce but? Est-ce que c'est une bonne chose? Je m'interroge si c'est une bonne chose pour avoir... de ne pas prendre les meilleures personnes pour s'intégrer dans les cégeps. Je crois que la formule présentement est mieux pour le développement, pour le futur du Québec.

On a fait une petite évaluation et on a vu que le Québec, depuis 1976 et 2006, a eu une baisse... une émigration nette de 30... 337 000 personnes qui ont quitté le Québec, Anglais, Français. C'est une charge énorme pour la société. On parle des gens qui ont quitté dans les provinces et l'extérieur. Ça, c'est une étude qui a été faite par Statistique Canada. Et c'est dans cette optique que nous regardons le projet de loi et nous regardons qu'on veut que nos enfants restent, et vivent, et prospèrent au Québec. Merci.

M. Kelley : Et merci pour soulever ça, parce que, même, il risque... «the law of unintended consequences», il risque d'avoir une... j'essaie d'appliquer une priorité aux anglophones plutôt que les francophones qui vont au cégep. Mais comment on va distinguer entre les deux? Il y a les parents qu'un est francophone, l'autre est anglophone, et tout le reste. Alors, c'est déjà compliqué.

Mais mettons l'hypothèse une famille qui ont opté pour l'école secondaire en français pour leur enfant. Est-ce qu'il reste un anglophone ou, parce qu'il est maintenant issu du système scolaire francophone, il n'est pas priorisé pour accès au cégep? Alors, d'une certaine façon, la famille va être pénalisée parce qu'ils ont pris le choix d'aller envoyer leur enfant à une école française. C'est comme une «law of unintended consequences». Ce n'est sûrement pas ça que le gouvernement veut faire. Mais, moi... Comment distinguer, dans le monde moderne, entre un anglophone et unfrancophone? Si le jeune est allé à l'école secondaire en français, est-ce que c'est toujours un anglophone ou c'est un francophone? Qui sait? Et c'est... Quand on commence d'étiqueter tout le monde, ça fait juste rendre le processus plus complexe. Alors, je prends bonne note de vos questionnements sur ce critère que je trouve très, très difficile à appliquer.

Et, juste, peut-être en terminant, Mme la Présidente, j'écoute fort bien, et c'est quoi, la solution? Je n'ai pas ça à la portée de la main aujourd'hui. Mais, au niveau de la vitalité des commissions scolaires anglophones, qui jouent un rôle très important, merci pour l'appui que vous avez donné aux étudiants de la commission scolaire Central Québec, tout le dossier autour... les enfants des militaires, avec une perte de presque 20 % de leur effectif dans une commission scolaire qui est déjà de petite taille, qui a un énorme territoire à couvrir. Les conséquences de cette amputation de 17 % de son effectif vont être très, très grandes pour la vitalité de cette commission scolaire, qui est une des neuf commissions scolaires qui ont le défi de fournir des services éducatifs en anglais de qualité et des services de français langue seconde aussi. Alors, merci beaucoup pour l'appui que vous avez donné à la cause de ces parents, à la commission scolaire Central Québec.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Vous n'avez pas de commentaires suite aux propos du député de Jacques-Cartier? Parce qu'il vous restait encore quelques minutes. Non? Parfait. Mais... Oui? M. Kruyt? Non? Parfait.

Nous allons maintenant du côté du deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de Montarville, vous avez la parole.

• (17 h 40) •

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci messieurs, merci de vous être déplacés, merci pour votre mémoire. Vous représentez les parents de ces enfants.

Tout comme vous, je veux, d'entrée de jeu, vous dire que nous sommes tout à fait pour la paix linguistique. C'est très important. Par ailleurs, nous sommes aussi pour la protection de la langue française. Notre langue française, nous devons la protéger, mais dans le respect des droits de la minorité anglophone, et ça aussi, c'est très important. Donc, il y aura un équilibre à trouver.

Cependant, j'aimerais qu'on revienne sur un point de votre mémoire qu'on a effleuré avec mon collègue, mais j'aimerais qu'on revienne plus précisément sur ces examens, ces tests qui seront exigés et au niveau du secondaire et au niveau du collégial pour que les enfants, les finissants anglophones puissent obtenir leurs diplômes, donc des tests de la langue française. Lorsqu'on parle de ces tests-là, à la page 8 de votre mémoire, vous dites, entre autres : «Nous encourageons un enseignement du français de qualité.» Nous sommes, tout comme vous… nous pensons la même chose, et c'est très important. Et, plus loin, vous dites, au bas de page, et là on parle vraiment des examens : «Nous soulevons une objection quant à établir un même niveau de compétence pour tous nos élèves, pour qui, par définition, le français est une langue seconde…» Alors, j'aimerais que vous élaboriez là-dessus.

M. Pavone (Domenic) : Je céderais la parole à M. Nalecz…

M. Nalecz (Mike) : Oui. Le fait que c'est une langue seconde, et on a des... il y a certains groupes d'élèves dans nos écoles qui sont plus forts que d'autres, et qu'une... il y a, comment on peut dire, une «examination» spéciale qui est faite. Je pense que présentement il y a des examens de fin d'année qui sont émis par le ministère, et c'est correct. Et les enfants cherchent de faire le mieux sur ces examens. Mais c'est de mettre une étiquette, on peut dire, sur les enfants anglophones. Est-ce que c'est juste pour nous que ça va être, juste les collèges anglophones qui vont avoir ce test, ou la qualité de français va être aussi appliquée dans les autres écoles, dans les autres institutions collégiales?

On est tous pour l'amélioration du français, mais de ne pas nous mettre dans une situation précaire qui serait négative pour l'épanouissement de nos enfants.

Mme Roy (Montarville) : Mon recherchiste m'informe, et à juste titre, que, techniquement, un mois après l'adoption du projet de loi, lorsqu'il y aura adoption, s'il y a adoption, il y aura des critères qui seront élaborés justement pour ces examens-là. Est-ce que vous aimeriez être consultés pour savoir à quoi est-ce qu'on peut s'attendre? J'imagine que c'est à cet égard-là que vous avez des craintes.

M. Pavone (Domenic) : C'est exact, oui. Nous n'avons eu aucun détail ou précision de qu'est-ce que les parents peuvent s'attendre en forme d'examen, c'est quoi, les différences. Nous connaissons les examens qui sont en place présentement. Mais, qu'est-ce qui s'en vient avec ce projet de loi n° 14, on ne le sait pas. Ça ne nous a pas été précisé, à moins que vous avez, vous ou la ministre, d'autres informations supplémentaires à nous fournir. Mais on a... C'est ça, l'inquiétude, pour nous. Ça veut dire quoi, les tests de compétence français?

Effectivement, nous sommes une commission scolaire anglophone. Oui, on pousse très fort le français. Mais est-ce que l'étudiant qui fait... qui va se... en secondaire V, côté anglophone, a les mêmes connaissances françaises qu'un étudiant secondaire V francophone? Tu sais, c'est... Alors, il faut avoir un genre de balancement en termes de cette nouvelle forme de test ou d'examen qu'ils mettront en place.

Mme Roy (Montarville) : Donc, je comprends votre point. Puis il y a plusieurs choses qui devront être éclaircies, parce qu'on attend des règlements à plusieurs égards, parallèlement avec la loi, il y a des règlements qui s'en viennent dans d'autres domaines également.

Mais vous représentez les parents, vous êtes le comité de parents. Que vous disent les parents? Quelle est l'ambiance? Quelles sont leurs craintes à l'égard du p.l. n° 14?

M. Pavone (Domenic) : Bien, en fait, la loi n° 14, notre crainte est effectivement que nous voyons le nombre... La communauté anglophone est vraiment bâtie autour de ses écoles. Si les écoles sont en train de se fermer, effectivement, à un moment donné, il n'y aura plus de communauté comme telle. C'est des écoles; il faut avoir un peu de vie et de sang dans ces écoles-là. Et notre inquiétude, c'est que, quand on serre, on continue de serrer la vis, malgré tous nos efforts pour essayer d'améliorer l'enseignement français d'une certaine qualité…

Alors, on est là, c'est... Effectivement, on est en train de vous dire qu'on fait partie de vous. Nous sommes des Québécois comme vous. On n'est pas à part. Oui, peut-être le système anglophone, mais on est des Québécois comme vous. Alors, c'est ça, notre inquiétude. On ne veut pas voir des écoles qui continuent à se fermer et que… notre communauté continuer à se réduire dans cette province. On aimerait que ça soit... il y a un accroitement, on va dire... on aimerait voir un accroitement, comme vous, dans la province de Québec.

M. Kruyt (Simo) : Ici, je peux aider. En fait, il y a un exemple qu'on a quand même proposé question de décrochage scolaire, qui est un sujet quand même important pour tous ici, au Québec, puisqu'on veut que notre citoyenneté soit formée d'enfants éduqués et formés. Dans les commissions scolaires francophones, vous savez que le taux de réussite est moins que celle des réussites des commissions scolaires anglophones, on parle de peut-être 10 % ou 12 %, qui est considérable. Si je prends, même, un rapport de la FCPQ, qui est la Fédération des comités de parents québécoise ou francophone, eux autres estiment qu'ils ont maintenant une démarche pour essayer de réduire le taux de décrochage de 28 % à 20 %. Ils disent que ceci coûte à la société entre 120 000 $ et 500 000 $ par élève. On parle d'entre 300 et 1 milliard de dollars par année, qui est énorme. Et j'ai aussi su, d'après le document du ministère de l'Éducation, que les personnes impliquées dans ce risque, dans le décrochage, sont surtout dans les écoles montréalaises francophones où qu'il y a plus d'immigrants. Donc là, la question de la francisation n'a pas réussi.

Et la question que je me pose est celle-ci : Est-ce qu'on ne pourrait pas, à la commission anglaise, aller chercher de l'aide ou, en fait, des enfants qui ne sont pas propices de réussir l'éducation, au moins à les faire graduer sous nos programmes francophones?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, messieurs, merci beaucoup. Je vous ai alloué un petit peu plus de temps parce que différents groupes parlementaires l'ont utilisé à leur façon, donc j'ai essayé de répartir équitablement. Je tiens encore une fois à vous remercier.

Et la commission ajourne ses travaux au jeudi 28 mars 2013, après les affaires courantes, afin de poursuivre ce mandat. Bonne fin de soirée à tous et à toutes.

(Fin de la séance à 17 h 47)

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