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Version finale

39e législature, 2e session
(23 février 2011 au 1 août 2012)

Le jeudi 29 mars 2012 - Vol. 42 N° 30

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 56, Loi visant à lutter contre l’intimidation et la violence à l’école


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Table des matières

Journal des débats

(Onze heures trente-six minutes)

Le Président (M. Marsan): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Le mandat de la commission est de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques à l'égard du projet de loi n° 56, Loi visant à lutter contre l'intimidation et la violence à l'école.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Il n'y a aucun remplacement, M. le Président.

Auditions (suite)

Le Président (M. Marsan): Alors, il nous fait plaisir d'accueillir les représentants de l'Association des comités de parents anglophones et M. Jacques Thériault, qui en est le président. M. Thériault, je vais vous demander de nous présenter les gens qui vous accompagnent, et vous pouvez nous faire votre présentation pour une période de 15 minutes. La parole est à vous.

Association des comités de parents anglophones

M. Thériault (Jacques): Oui, bonjour. Pour débuter, je vais laisser M. Morton faire les présentations et, après ça, je vais poursuivre.

M. Jaquays (Morton): Merci, M. le Président. Merci pour l'invitation d'assister à vos délibérations ce matin. Avant de continuer avec notre mémoire, j'aimerais vous présenter notre association en anglais...

Le Président (M. Marsan): ...les gens qui vous accompagnent?

M. Jaquays (Morton): Je vais le faire, M. le Président.

Le Président (M. Marsan): Vous allez le faire. O.K. C'est pour les fins de notre traduction. Alors, c'est important de le faire rapidement. Merci.

M. Jaquays (Morton): Oui, je comprends. Puis je vais passer à notre président, M. Thériault, qui va vous présenter notre mémoire pour votre considération.

The English Parents Committee Association represents eight of the English parents committees legislated under the Education Act, one for each of the English school boards from the Gatineau to the Gaspésie. At this time, just under 100 000 students from kindergarten to high school graduation are enrolled in our approximately 300 schools. The four of us today are all parents, parents of children in the English public school system. So we are not talking as administrators or so-called experts, but from the grass roots of our schools, the place where the effects of your deliberations will be felt the most.

On my far right, is Denis La Rocque. He is the EPCA director -- English Parents Committee Association en anglais -- representing Riverside School Board parents committee. The Riverside School Board covers the eastern portion of the South Shore of Montréal. On my left, Kurtis Law, EPCA director representing the central parents committee of the English-Montréal School Board. Jacques Thériault is the president of our association. He is the director for the parents committee of the Central Québec School Board, that covers nearly one-third of our province. And I am Morton Jaquays, EPCA director for the parents committee of the Sir-Wilfrid-Laurier School Board, that covers the area of Laval, Laurentides and Lanaudière.

Maintenant, notre président va continuer avec notre mémoire.

M. Thériault (Jacques): Bonjour, M. le Président. L'Association des comités de parents anglophones est une jeune association qui représente huit comités de parents parmi les neuf commissions scolaires anglophones de la province de Québec. Les comités de membres de l'association représentent les parents anglophones et francophones. Plus précisément, nous représentons les comités de parents des commissions scolaires Central Québec, English-Montréal, Eastern Shores, Lester-B.-Pearson, New Frontiers, Riverside, Sir-Wilfrid-Laurier et Western Québec.

Un des aspects de notre mission est de participer aux débats publics sur l'éducation et de prendre une position qui reflète les véritables attentes des parents qui envoient leurs enfants dans les commissions scolaires anglophones du Québec. Notre raison d'être est le succès de nos enfants à l'école publique anglophone.

L'association a plusieurs préoccupations relativement au projet de loi n° 56, Loi visant à lutter contre l'intimidation et la violence à l'école: la définition de l'intimidation; le rôle de la commission scolaire et du conseil d'établissement; le rôle des parents; les régions: les services sociaux en région, services policiers, le transport scolaire et l'expulsion de l'élève lorsqu'il se retrouve en région; sanction pécuniaire à l'endroit de la commission scolaire; et protecteur de l'élève.

**(11 h 40)**

La définition de l'intimidation. Le comité est d'avis que la définition de l'intimidation est rigide, car elle ne tient pas compte que nous avons affaire à des enfants de cinq ans à 18 ans qui ont des besoins variés. La définition de l'intimidation doit faire consensus et elle ne le fait pas présentement dans nos commissions. Nous croyons que la notion d'intention et de fréquence devraient se retrouver dans la définition.

Rôle de la commission scolaire et du conseil d'établissement. Nous retrouvons à l'article 75.1, pour le conseil d'établissement, d'adopter un plan de lutte contre l'intimidation à la violence. Nous sommes en accord avec ce plan, mais nous croyons que la commission scolaire devra être le maître d'oeuvre, tout en laissant une souplesse pour que les écoles l'adaptent à leur réalité. En effet, les commissions scolaires ont déjà les ressources nécessaires pour élaborer un plan de lutte contre l'intimidation et la violence. En effet, la plupart de nos écoles n'ont pas l'expertise, le personnel pour écrire un plan de lutte contre l'intimidation et la violence. Le projet de loi semble oublier que l'intimidation peut venir d'élèves d'une autre école ou d'une autre commission scolaire. Il est donc primordial que la commission scolaire ait son mot à dire sur le plan de lutte contre l'intimidation. Nous tenons à rappeler que la gestion du transport scolaire est déléguée aux commissions scolaires, qui se doivent de faire respecter la discipline à l'intérieur des autobus.

Le rôle des parents. Nous croyons que les parents de celui qui intimide ou de la victime doivent être impliqués dans tout le processus. Nous croyons également que les deux parties vont avoir besoin d'aide, d'où l'importance d'avoir des services sociaux en anglais. Cette implication s'inscrit sous la condition que la définition de l'intimidation fasse consensus auprès des parties.

Comme j'ai mentionné, la plupart de nos écoles se retrouvent en région, je veux dire, à l'extérieur de l'île de Montréal. Donc, la majorité de nos écoles ont moins de 100 élèves et se retrouvent majoritairement à l'extérieur de l'île.

Les services sociaux. Présentement, nous avons de la difficulté à avoir des services spécialisés dans la langue de notre choix et nous nous demandons comment le ministère de la Santé et des Services sociaux va réussir à nous donner ce service en anglais. Si nous prenons, par exemple, la commission scolaire Central Québec, elle doit composer avec 18 centres de santé et services sociaux dans cinq régions administratives. Il est donc important de garder en tête que, pour mener à bien ce beau projet, il faudra que le ministère mette à la disposition de nos commissions scolaires toutes les ressources nécessaires.

Le service policier. Nous retrouvons la même problématique que pour les centres de santé et services sociaux.

Le transport scolaire. Nous sommes heureux que le projet de loi prévoie que les actes d'intimidation exercés lors du transport scolaire pourront être sanctionnés. Cependant, le projet de loi ne prévoit pas à qui incombe la responsabilité d'enquêter un acte d'intimidation lorsque les élèves proviennent d'élèves et de commission scolaire différents. Également, nous désirons porter à votre attention que la grande majorité des élèves des centres urbains prennent le transport en commun et que certains élèves se croient hors d'atteinte lorsqu'ils ont quitté le territoire, le terrain de l'école. De plus, un élève qui provient du secteur privé ne semble pas avoir les mêmes obligations de bonne conduite que... dans le transport scolaire que ceux du secteur public.

L'expulsion de l'élève. L'expulsion d'un étudiant, pour nous, équivaut à en faire un décrocheur. En effet, l'élève qui désire poursuivre, faire ses études devra s'exiler dans une autre ville ou aller dans une école française, et, dans les deux cas, cela ne représente pas une solution. Les parents n'auront pas les moyens de l'envoyer dans une autre ville, et cela ne respectera pas son droit d'aller à l'école dans la langue de son choix. Un des objectifs de la loi est d'aider l'élève agresseur à modifier son comportement et de voir à intégrer le respect d'autrui dans ses apprentissages.

Sanction pécuniaire. Le projet de loi met déjà beaucoup de pression sur nos commissions scolaires, et la menace de perdre une partie de son financement met une pression inutile, car il existe déjà des initiatives dans nos commissions scolaires et dans nos écoles qui vont dans le même sens que le présent projet de loi, ce qui veut dire qu'il y a déjà des commissions scolaires... nos commissions scolaires ont déjà fait des démarches pour l'intimidation, puis je pense que ça ne sert à rien de leur mettre l'épée de Damoclès.

Protecteur de l'élève. Présentement, le protecteur de l'élève a le mandat d'examiner les plaintes provenant des élèves ou des parents liées à des services offerts par la commission scolaire ou l'un des établissements scolaires et proposer des correctifs aux commissaires s'il y a lieu. En impliquant le protecteur de l'élève dès le début des procédures, nous l'obligeons à prendre parti et nous lui enlevons, par conséquent, toute crédibilité dans le processus. En effet, que va faire le protecteur de l'élève si les parents des parties impliquées sont insatisfaits dès le début et vont le rencontrer? Le protecteur de l'élève ne peut être à la fois juge et partie. Il doit demeurer au-dessus de la mêlée en présentant une recommandation indépendante et impartiale.

Nos recommandations. L'association réitère son appui à des mesures visant la prévention et l'élimination de l'intimidation et de la violence à l'école et fait les recommandations suivantes pour assurer une mise en oeuvre réussie au projet de loi n° 56:

De trouver une définition et des procédures qui font consensus auprès de toutes les parties;

De voir à bien définir les responsabilités des commissions scolaires et celles des écoles. Le problème peut impliquer plusieurs directions d'école ainsi que plusieurs commissions scolaires;

De voir à impliquer les parents et de voir à ce qu'ils ont les ressources nécessaires pour faire face à la situation;

Que le gouvernement aide les commissions scolaires à avoir les services en anglais de la part des services sociaux et des services policiers;

D'améliorer la partie sur le transport scolaire qui tiendra compte des élèves qui proviennent des commissions scolaires différentes et qui sont transportés par le réseau de transport public;

L'expulsion doit être le dernier recours. L'emphase doit être mise sur la prévention, et non la sanction;

De ne pas aller de l'avant avec la sanction pécuniaire à l'endroit des commissions scolaires, mais de les aider à atteindre leurs objectifs;

De redéfinir le rôle du protecteur de l'élève pour qu'il conserve son rôle d'impartialité.

En conclusion, l'Association des comités de parents anglophones souhaite que les préoccupations soulevées par les parents du réseau scolaire anglophone et expliquées dans le présent mémoire soient prises en considération par la Commission de la culture et de l'éducation, que les recommandations formulées seront mises en application de manière à aider les parents et les élèves du secteur anglophone. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie bien, M. Thériault et tous les gens qui vous accompagnent. Nous allons débuter immédiatement cette période d'échange, et je vais donner la parole à Mme la ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport. Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. Je veux saluer mes collègues membres de cette commission et vous saluer, bien sûr, puis vous souhaiter la bienvenue à Québec, puis vous remercier de votre contribution.

Ma première question est d'ordre général. Dans votre mémoire, vous nous envoyez un message assez clair comme quoi vous, de votre position comme parents, vous croyez que c'est la commission scolaire qui devrait être un peu plus le maître d'oeuvre de plans d'action de lutte contre l'intimidation, alors que le projet de loi prévoit plutôt, honnêtement, que c'est chaque école qui doit avoir son plan d'action de lutte contre l'intimidation. Je vous avoue que votre recommandation, elle m'étonne parce que... Et sûrement que je me trompe, mais moi, j'avais l'impression qu'un parent se sent plus proche de son école, de son directeur d'école, le considère plus accessible... son équipe-école, il a des représentants au conseil d'établissement. Et, donc, un parent a plus de chances de se sentir interpellé puis engagé comme il doit l'être aussi dans la lutte contre l'intimidation dans l'école de son enfant par rapport à un plan qui serait déployé au niveau de la commission scolaire, qui a son rôle à jouer mais qui est quand même plus loin du parent en tant que tel, là, de chaque parent de chaque enfant.

Ça fait que je veux que je vous m'expliquiez, une fois que l'on dit que la lutte à l'intimidation, c'est l'affaire de tout le monde puis qu'on doit interpeller les parents aussi, ils doivent aussi faire partie de la solution, en quoi des plans plutôt développés au niveau de la commission scolaire m'assurent que le parent est engagé, que le parent connaît le plan d'action, qu'il connaît aussi ses droits, là, ce qu'il peut faire en cas d'intimidation de son enfant. Donc, vous voyez, là, de façon intuitive, j'aurais dit: Bien, le parent doit préférer que ce soit l'école de son enfant qui développe un plan à l'image de ce qui se passe dans l'école plutôt que ce soit fait au palier de la commission scolaire.

M. Thériault (Jacques): Je pense que c'est un partenariat entre les deux qu'on suggère. C'est en voulant dire: Oui, le parent est plus proche de son école, vous avez tout à fait raison, sauf que je pense, au niveau du conseil d'établissement, on a besoin de paramètres, de ne pas recréer dans chaque école un plan de lutte, mais de voir, au niveau de la commission scolaire, qu'ils créent un plan de lutte et qu'on l'adapte au niveau de l'école.

Comme j'ai dit, au niveau transport scolaire, il y a beaucoup d'intimidation qui se fait dans le transport scolaire, puis, quand nos autobus -- en tout cas, en région surtout -- ont... Ça peut être des élèves de deux écoles différentes, donc qui va gérer la problématique, le directeur de la victime ou le directeur de l'agresseur? Donc, si on remet ça à un niveau plus haut, au moins la commission scolaire va pouvoir gérer au niveau... bien, en tout cas, quand c'est au niveau du transport, va pouvoir gérer la problématique pour que les deux directeurs se parlent, que les parents des deux écoles différentes puissent avoir leur aide.

**(11 h 50)**

M. La Rocque (Denis): J'aurais une intervention.

Une voix: ...

M. La Rocque (Denis): Si je peux me permettre, M. le Président, Mme la ministre, il y a une autre dimension qu'on aimerait apporter comme association de comités de parents. Le comité de parents est formé d'un parent par école, se rencontre une fois par mois typiquement. Chaque représentant au comité de parents siège aussi sur le conseil d'établissement de l'école. Et le représentant au comité de parents de chaque école, c'est lui qui est le lien, le filon conducteur entre les parents de l'école et la commission scolaire, ce n'est pas le conseil d'établissement. Le conseil d'établissement est multidisciplinaire, moitié de parents, moitié d'employés, avec les élèves au niveau secondaire. L'approche qu'on a présentement, puis la vision que les parents ont, et le défi que les parents ont, c'est la communication entre eux, et le représentant au comité de parents, lui, permet cette communication si on la facilite. Pourquoi on demande que ça soit la commission scolaire qui surveille, qui chapeaute tout ça, c'est qu'ils ont les ressources pour faire au moins une structure. Ça ne va pas à l'encontre du fait que le conseil d'établissement peut, lui, de son côté, mettre à sa main la politique, donc, contre la violence et l'intimidation, mais avec un genre de gabarit qui serait fourni par la commission scolaire, donc spécifique à cet environnement.

Mme Beauchamp: Si vous me permettez, lorsqu'on parle de ce fameux plan d'action, les paramètres... ou le gabarit, pour reprendre votre expression, il est dans la loi. Ce que je veux dire par là, c'est que, quand vous me dites ça, quand vous me dites: J'ai besoin que les choses soient standardisées, et tout ça, je prends juste le temps de dire que, si vous lisez bien la loi, la loi prescrit même ce que doit contenir le plan d'action de chaque école. Ça fait que, dans ce sens-là, là, que ce soit fait au niveau de l'école, au niveau de la commission scolaire, les paramètres de ce que ça doit contenir, ce que ça doit prévoir, tout ça est même inscrit dans la loi. Donc, je me dis, ce n'est pas tant une histoire de contenu, ce n'est pas tant une histoire de standardiser les contenus ou de faire en sorte que toutes les écoles aient à peu près les mêmes choses puis qu'on ait besoin d'une commission scolaire pour ça, parce que, ça, la loi l'oblige, c'est plutôt les mécanismes de... on fait appel à qui et qui a une responsabilité dans la lutte contre l'intimidation.

Et, quand je vous écoute... Et je dois vous écouter, mais je demeure surprise. Même les exemples que vous me donnez... Vous me donnez un exemple en disant une problématique qui surviendrait dans un autobus scolaire où il y a des étudiants de deux écoles différentes. Moi, comme parent, mon enfant revient à la maison, ce n'est pas évident du tout que mon réflexe, ça va être de dire, parce qu'il paraît que l'autre enfant vient d'une autre école: Ah! tiens, j'appelle la commission scolaire. Tu sais, je pense que, spontanément, le parent va appeler le directeur de l'école. Et vous savez que la loi dit: Le directeur de l'école doit intervenir de façon diligente, puis, après ça, le directeur de l'école doit informer la commission scolaire. Moi, je pense qu'une loi ne peut pas prévoir tous les événements qui peuvent se dérouler, mais je pense que, dans la vraie vie, le directeur de l'école interpellé par un enfant intimidé ou un parent d'un enfant intimidé, si l'événement s'est déroulé... puis implique quelqu'un qui vient d'une autre école, va spontanément appeler son vis-à-vis ou faire référence à la commission scolaire. Mais je demeure convaincue que le parent n'appellera pas au premier pas, là, sa commission scolaire, va appeler le directeur de l'école. Et c'est là où, effectivement, la loi dit: Ça doit se passer à l'école.

Et chaque école est un milieu de vie et doit mettre en place un plan d'action, puis propre à son école. Vous avez peut-être des écoles qui vont vouloir insister sur des éléments de lutte contre la cyberintimidation parce que leur expérience aura montré que c'est plus comme ça que ça a été teinté dans leur école, alors qu'une autre école va peut-être vouloir mettre en place des activités liées à... les bons comportements dans les vestiaires parce qu'elle estime que c'est... Vous savez, je me dis, il me semble qu'on doit respecter le fait que les efforts peuvent être différents dans chaque école, mais le gabarit est là.

Puis ma dernière question, donc, c'est: Tu sais, qui on appelle comme parents? Je me trompe? Moi, il me semble qu'on appelle le directeur de l'école, puis on s'attend à ce qu'il porte la responsabilité d'agir, d'intervenir.

M. Thériault (Jacques): Oui, c'est le directeur d'école, mais ce qu'on dit, c'est que la commission scolaire crée un... bien, en tout cas, crée un gabarit, mais ça ne veut pas dire qu'on enlève les responsabilités de l'école. On dit, tout simplement: Lorsque le problème devient un peu plus grand que l'école elle-même, on peut-u avoir un échelon supérieur, est-ce qu'on... De toute façon, dans le projet de loi, on parle souvent de commissions scolaires qui doivent être diligentes aussi. Dans la commission... nous retrouvons... Je ne me souviens plus des articles de la loi, mais nous mettons l'emphase... l'action pécuniaire, en voulant dire: Si la commission scolaire ne fait rien, elle peut être punie pécuniairement. Donc, quelque part, vous aussi, vous mettez la commission scolaire sur un certain niveau.

C'est certain que, moi, ma fille l'a vécue, légère... en tout cas, un début d'intimidation, ça a été réglé rapidement. C'est certain que tu appelles le directeur de l'école. Ça, je vous l'ai concédé. C'est tout simplement, si l'autre élève aurait été d'une autre école, que faisons-nous?

Mme Beauchamp: ...prendre le temps de vous expliquer pourquoi j'essaie de bien comprendre, c'est que c'est comme si vous me demandiez de changer ma loi...

M. Thériault (Jacques): Non. Non.

Mme Beauchamp: Ah! j'ai vraiment compris ça. J'ai compris, dans votre mémoire, que vous disiez: Le plan d'action ne devrait pas être développé nécessairement par écoles, ça devrait être la commission scolaire qui a la responsabilité du plan d'action. J'ai décodé ça de votre mémoire.

M. Thériault (Jacques): D'aider... Ou, vous préférez, d'aider les écoles, en voulant dire de... Parce que déjà, présentement, là, si on prend le plan sur la violence, la commission scolaire a chapeauté un plan, et ça a descendu dans les écoles, et, dans les écoles, les conseils d'établissement l'ont modifié.

Mme Beauchamp: O.K. Bien, donc, on se comprend mieux parce que, dans la loi, il n'y a rien qui empêche une commission scolaire d'être en appui à ses écoles.

M. Thériault (Jacques): Non, mais c'est aussi... Non, je suis d'accord.

Mme Beauchamp: Mais moi, je pensais que vous me demandiez de déplacer la responsabilité.

M. Thériault (Jacques): Non, non. Non, c'est tout simplement...

Mme Beauchamp: O.K. Vous commentez -- puis on n'en a pas assez parlé, je trouve, depuis le début de cette commission -- toute la question de l'expulsion de l'élève, et je veux bien vous entendre comme parents sur cet élément. Premièrement, vous savez que déjà, dans la Loi sur l'instruction publique, la notion d'expulsion existe au Québec. On a eu des commentaires en disant: Avant Noël, l'Ontario vient de se donner le pouvoir d'expulsion. Au Québec, ça fait plusieurs années qu'on reconnaît qu'on peut en venir à expulser un élève de l'école. Vous demandez à ce que ça soit la mesure ultime. Je pense, moi, que c'est comme ça que c'est prévu, c'est comme ça que c'est bâti, et je suis sûre et certaine qu'il n'y a pas un directeur d'école qui se résigne facilement à l'idée d'en venir à devoir expulser un élève.

Mais moi, j'ai entendu des parents d'enfants intimidés dire à un moment donné que, trop souvent, l'élève intimidé devenait un petit peu comme si c'était lui, le problème, puis qu'on choisissait trop souvent comme solution de déplacer l'enfant intimidé, de proposer qu'il change d'école, et tout ça, plutôt que d'avoir des actions d'encadrement puis des actions face à l'élève intimidateur. J'ai eu beaucoup de témoignages allant dans ce sens-là puis, je dirais même, beaucoup de parents frustrés qui disaient: Ça ne se peut pas que mon enfant intimidé soit vu comme le problème. Et c'est pour ça que je tiens quand même à répéter qu'on peut aller jusqu'à l'expulsion d'un élève. Je voudrais que vous me racontiez, à partir de votre vision comme parents, là, comment vous voyez la question, puis est-ce que vous trouvez qu'on avait trouvé le bon équilibre entre le type d'intervention qui a été fait auprès de l'élève intimidé et tout ce qui doit être fait aussi par rapport à l'élève intimidateur.

M. Thériault (Jacques): Parce que, moi... Bien, en tout cas, en siégeant sur des comités différents de la commission scolaire, bon, transport, on avait eu des batailles, on avait eu des... On a eu des problématiques au niveau du transport scolaire. Eh bien, dans la loi... bien, en tout cas, dans les règlements, c'est prévu qu'on peut expulser l'élève qui chahute dans le transport scolaire. Sauf que je trouvais que c'était trop facile de dire: On expulse. C'était trop facile d'expulser l'enfant puis qu'on... Parce que, là, on expulsait l'enfant, puis ils disaient: À cette heure... Bien, surtout nous autres, on s'entend, les distances pour aller à l'école, ça peut être 20, 25, 30 kilomètres. Donc, ne pas donner le transport scolaire à un enfant de nos commissions scolaires, ça veut dire quasiment l'expulser.

Donc, je trouvais troublant, je trouvais ça plate qu'on ne se forçait pas à essayer de trouver une solution pour cet élève-là en disant: Est-ce qu'il peut aller rencontrer un CLSC? Est-ce qu'il peut rencontrer un service de santé? Est-ce qu'il peut... Est-ce qu'on peut le prendre en main? Est-ce qu'on peut le prendre en main, puis qu'il arrête son comportement dans l'autobus scolaire au lieu de dire: On l'expulse? C'est un peu ça que j'avais en tête, qu'on le prenne en main. C'est tout simplement de le prendre en main puis de dire: Écoute, ton comportement...

**(12 heures)**

Mme Beauchamp: O.K. Donc, je pense qu'on se comprend là aussi, c'est une mesure ultime, l'expulsion. Mais moi, je n'ai pas l'impression, moi, que, dans la vraie vie, en ce moment, là, qu'un directeur d'école choisit l'expulsion rapidement puis facilement.

J'ai une dernière question pour vous, elle est importante, c'est tout par rapport à la cyberintimidation. Vous êtes des parents. On dit souvent que l'intimidation peut commencer sur l'ordinateur à la maison, dans la chambre de l'enfant, dans le sous-sol, et tout ça, et là il y a des directeurs d'école, des gestionnaires de commissions scolaires qui sont venus nous dire: Il y a une frontière qui n'est pas claire sur qu'est-ce qu'on attend vraiment du directeur d'école puis qu'est-ce qui appartient au rôle parental par rapport à la cyberintimidation. Comment vous réagissez comme parents si un directeur d'école vous demande d'exercer votre rôle de parents et de faire fermer, par exemple, une page Facebook d'un de vos enfants? Tu sais, est-ce que vous lui dites: Ce n'est pas de tes affaires, ça m'appartient? Comment vous voyez ça? Est-ce que vous trouvez que le directeur de l'école a un rôle à jouer là-dedans?

M. La Rocque (Denis): Je pense que c'est à chaque famille, justement, de gérer cette problématique. Je pense qu'il faut encadrer le... il faut éduquer les gens sur l'importance et sur les conséquences de ces actes-là et de ce milieu de cyberinformatique. Je ne vois pas mal le directeur faire cette intervention. Par contre, on risque d'avoir toutes sortes de réactions de différentes familles qui vont, d'un côté, dire: Ce n'est pas des affaires de l'école parce que ce n'est pas à l'école, jusqu'à: Vous avez raison, qu'est-ce qu'on peut faire avec ce problème-là? Expliquez-moi qu'est-ce... Donc, il y a... Et c'est une question d'éducation au niveau familial, c'est une question de moeurs aussi.

Mme Beauchamp: Mais, en même temps, on est dans une loi, là, qui doit encadrer les choses. Je me pose la question, je la pose à titre vraiment exploratoire: Est-ce que vous trouvez que la loi est assez claire là-dessus? Est-ce qu'on devrait prévoir quelque chose qui souligne le fait que le parent doit collaborer avec un directeur d'école qui intervient pour signaler un problème de cyberintimidation? Parce qu'on est effectivement entre la sphère du privé, ce qui se passe à la maison mais qui a des impacts importants à l'école, vraiment importants à l'école... Est-ce que vous considérez que la loi atteint un équilibre ou si je devrais aider l'école à régler ces problèmes en sollicitant l'engagement des parents à collaborer dans les cas de cyberintimidation?

Le Président (M. Marsan): Je vais vous demander de donner une réponse assez courte, le temps est presque terminé.

M. Thériault (Jacques): Ça ouvre tellement de portes, cette question-là...

Mme Beauchamp: L'opposition va continuer.

M. Thériault (Jacques): ...qu'elle est difficile à répondre. Il y a une sensibilisation des parents qui doit être faite, ça, c'est certain. Jusqu'où que le directeur peut aller? Je ne le sais pas, parce qu'on pourrait embarquer dans l'histoire de l'été, qu'est-ce qui se passe si le directeur... il y a de la cyberintimidation durant l'été. Je pense qu'il n'y a pas de réponse sans nuance... il n'y a pas de réponse claire.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie. Ceci termine cette première période d'échange avec la partie ministérielle. Nous poursuivons avec l'opposition officielle, et je vais donner la parole à M. le député de Jonquière, qui est le porte-parole de l'opposition officielle en matière d'enseignement primaire et secondaire. M. le député.

M. Gaudreault: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue à vous, de l'Association des comités de parents anglophones. Il me fait plaisir de vous recevoir. Merci d'avoir pris le temps de réfléchir, d'écrire un mémoire rigoureux, qui nous communique ce que vous envisagez sur la question de l'intimidation. Et je vais prendre la balle au bond de la ministre pour continuer sur...

Mme Beauchamp: Merci.

M. Gaudreault: Je vous enverrai ma facture, Mme la ministre, mes honoraires. Mais je vais le prendre sous un autre sens, peut-être pour élargir un petit peu sur ce qu'on appelle l'espace d'application, je dirais, de la loi, autrement dit, jusqu'où devons-nous aller dans l'application de la loi. La question se pose sous l'angle du cyberespace. Hier, on avait des gens ici... Puis on a tellement reçu de groupes, je ne me souviens plus qui précisément, mais qui nous disaient -- je pense, c'est les directeurs d'école qu'on a reçus hier après-midi -- qui nous disaient: La limite, c'est, au fond, relié aux conséquences sur l'école. Alors, si, par exemple, il y a de la cyberintimidation la fin de semaine mais que ça se passe vraiment entre un groupe d'étudiants sur Facebook, par exemple, de la même école, bien là, forcément, ça va avoir des conséquences sur le milieu scolaire, ça va avoir des répercussions sur le milieu scolaire.

Mais il y a la cyberintimidation, mais toute la question de l'application dans l'espace du projet de loi se pose également dans d'autres situations. Par exemple, je ne sais pas si vous en avez, parce que je sais que vos territoires sont très, très grands, mais les élèves qui marchent pour se rendre de la maison à l'école et retourner de l'école à la maison... Alors, s'il subit de l'intimidation durant son parcours à pied pour retourner à la maison ou pour aller à l'école, est-ce qu'on doit également penser à intervenir au sens de la loi, même si c'est en dehors, je dirais, du terrain strict de l'école?

Bon, on peut aller très loin. Quand il y a des activités pédagogiques à l'extérieur de l'école, si on a des jeunes qui participent à des activités, la fin de semaine, de hockey ou, je ne sais pas quoi, de sport, bon, là on va loin, mais ma question est plus large et vous interpelle sur la limite en termes d'espace, autant virtuel que réel, de l'application de la loi.

M. Thériault (Jacques): Ça vient rejoindre un peu l'histoire de transport public que je parlais. Là, vous parliez de marche sur la rue, mais lorsqu'on prend... Notre école... Moi, l'école de mes enfants, c'est à Saint-Patrick, juste en arrière, ici. Lorsqu'il prend l'autobus du RTC, il peut se faire intimider. Ils se retrouvent tous dans le fond de l'autobus, puis il peut y avoir de l'intimidation. Et un cas vécu, oui, la direction de l'école a rencontré les parties impliquées et a bien spécifié à l'élève intimidateur que qu'est-ce qui se passe dans l'autobus, ça fait encore partie, pour nous, de l'école parce que tu fais affaire avec un de tes collègues élèves.

Donc, je pense que, oui, ça doit faire partie... Mais on embarque dans le secteur intimidation, là, c'est à cause qu'on a impliqué les parents dans la question. Quand il s'agit, je pense, d'un comportement entre deux élèves à l'intérieur d'une même école, c'est plus facile à gérer. Certains directeurs le font déjà de s'impliquer et de voir à ce que les comportements soient rectifiés, d'où le pourquoi qu'on parlait de transport scolaire parce que... Je ne sais pas c'est quoi, le pourcentage du transport scolaire à même les autobus scolaires, là, mais, je pense, il doit y en avoir plus au RTC puis à la STCUM qu'il y en a dans les transports scolaires.

Donc, oui, c'est important que le directeur puisse avoir une certaine mainmise là-dessus, puisse régir, dire qu'est-ce qui se passe là peut avoir des conséquences sur ton avenir à notre école. La question qu'il y avait de Mme Beauchamp sur impliquer les parents, c'est toujours: Est-ce qu'on ne fait pas une loi pour ne pas pouvoir l'appliquer? Donc, moi, c'est un peu ça qui me bloquait. Lorsqu'on fait une loi, c'est pour l'appliquer puis bien l'appliquer. On ne parle pas pour parler, là, tu sais, on parle pour appliquer. Donc, la cyberintimidation, mêler les parents avec ça, qu'est-ce qui se passe si les parents ne veulent pas écouter? C'est là que je ne le sais pas, je ne peux pas vous répondre, là.

M. Gaudreault: O.K. Mais je comprends que vous apportez quand même une dimension, je dirais, ou une piste qui nous permettrait peut-être éventuellement de poursuivre notre réflexion, nous, d'un point de vue de rédaction, là, c'est quand il y a deux élèves, au fond, d'une même école qui sont impliqués. Là, peut-être que ça amène une... pas une obligation, mais, en tout cas, ça amène l'application de la loi quand il y a deux élèves qui sont impliqués. Admettons que c'est deux élèves qui marchent pour se rendre chez eux après l'école et que c'est deux élèves de l'école, même s'ils sont en dehors du terrain de l'école, je dirais l'établissement scolaire est interpellé parce que c'est deux élèves de l'école. Comme il pourrait y avoir deux élèves... ou un élève qui fait de l'intimidation à l'autre élève de la même école via Facebook, bien là, à ce moment-là, ça pourrait peut-être interpeller également... J'essaie juste de trouver des critères.

**(12 h 10)**

M. Thériault (Jacques): Je vous dirais que ce qu'ils ont en commun... Est-ce qu'ils ont l'autobus en commun? Est-ce que... Comment je pourrais dire?

Une voix: ...

M. Thériault (Jacques): Pardon?

M. La Rocque (Denis): S'ils ne sont même pas du système d'éducation.

M. Thériault (Jacques): Bien, s'ils ne sont pas du système d'éducation, ça règle le problème, D'où le pourquoi il y avait un peu l'histoire de la commission scolaire. Là, on parle de transport scolaire. S'il y a un élève de St. Patrick's qui intimide un élève de Québec High School, c'est quoi qui se passe? C'est qui qui est responsable?

M. Gaudreault: Dans le transport.

M. Thériault (Jacques): Dans le transport scolaire, oui.

M. Gaudreault: Parce que, dans ce cas-là, c'est deux écoles qui partagent le même transport.

M. Thériault (Jacques): Oui. Mais, si on dit: C'est dans le RTC.

M. Gaudreault: Ah oui.

M. Thériault (Jacques): Tu sais, je veux dire, c'est où commence, c'est où que finit le rôle de l'école dans tout cela. La cyberintimidation, c'est un peu ça aussi, là, ça peut sortir de l'école. Ça peut attaquer l'élève dans la même classe, mais ça peut attaquer l'élève d'une autre école parce qu'ils ont déjà été ensemble.

M. Gaudreault: Je comprends. Peut-être que ça nous amène, au fond, à réfléchir davantage sur la prévention. Et vous en parlez à la toute fin, je pense, c'est votre recommandation 6: «L'expulsion doit être le dernier recours. L'emphase doit être mise sur la prévention et non la sanction.» Parce que, si, à terme, on souhaite changer des comportements... Je pense que c'est ça, au fond, et, dans le monde de l'éducation, on aime toujours mieux agir en amont plutôt qu'en aval et avoir de la coercition. J'aurais deux questions: Trouvez-vous que le projet de loi n° 56 est suffisamment tourné sur la prévention? Et, sinon, comment devrions-nous davantage faire ressortir cette prévention dans le projet de loi n° 56?

M. Thériault (Jacques): D'où mon intervention de mêler les commissions scolaires, tu sais, que je dis. Parce que, là, ça, c'est un document que notre commission scolaire a fait l'automne dernier sur la prévention de l'intimidation, qu'eux autres, ils ont les ressources de pouvoir... Est-ce que l'école peut se permettre de faire des brochures comme ça? Je ne pense pas qu'ils ont les ressources. C'est un peu ça, le pourquoi qu'on mêle un peu la commission scolaire, dire: Eux autres, ils ont les ressources, ils ont le personnel pour créer des petites brochures comme ça. Ça, c'est une partie, ce n'est pas rien que ça. C'est certain que la formation, l'apprentissage... Je sais qu'à notre école, à toutes les années, ils ont quasiment la semaine de l'intimidation... en tout cas, je veux dire, la semaine de prévention sur l'intimidation, là.

Le Président (M. Marsan): Est-ce que ce serait possible peut-être de...

M. Thériault (Jacques): De le donner, oui.

Le Président (M. Marsan): ...soit faire circuler ou, si vous en avez quelques copies, nous les déposer?

M. Thériault (Jacques): Ah! il y en a en anglais... moitié en anglais, français. Vous pouvez les prendre.

Document déposé

Le Président (M. Marsan): Alors, nous recevons, là, le document. Je mentionnerai le nom tantôt. Et nous poursuivons.

M. Thériault (Jacques): Donc, il y a déjà de la prévention qui se fait à l'intérieur de nos écoles. Est-ce qu'on peut l'accentuer? On ne peut pas être contre les voeux pieux, là, tu sais, on ne peut pas... Je pense que, oui, il faut continuer. Il y a certaines commissions scolaires que, oui, on s'aperçoit qu'ils ont besoin de mettre de l'emphase encore plus. C'est de mélanger un peu commissions scolaires et écoles dans la prévention, c'est rien que ça, tout simplement, se donner les moyens de pouvoir faire une bonne prévention.

M. La Rocque (Denis): Si vous permettez, M. le Président, si je peux ajouter, il faut aussi ajouter l'intervention des CSSS et des services sociaux. C'est important qu'on ait les ressources, la bonne ressource au bon moment. Et puis ce n'est pas seulement les écoles et les commissions scolaires qui ont ces ressources-là, les services sociaux sont là pour épauler. Il faut aussi tenir compte du fait que les mesures pécuniaires vont éventuellement pénaliser les services rendus aux élèves parce que ça affecte le budget global de la commission scolaire. Donc, d'après moi, il y a un petit peu trop de punitif puis pas assez de préventif dans le projet de loi.

M. Gaudreault: Est-ce que vous trouvez que, selon votre expérience, les divers intervenants dans une école, que ce soient les profs, le personnel de direction, les autres membres du personnel, le personnel de soutien, etc., ont suffisamment de bagage en matière de prévention de l'intimidation? Est-ce que, quand on parle d'accroître la prévention, on ne devrait pas travailler aussi sur la formation qui est donnée aux intervenants?

M. Thériault (Jacques): Oui. Je pense qu'ils ont besoin de formation encore puis je pense, eux autres même, il faut qu'ils comprennent c'est quoi, l'intimidation. Je pense qu'il y a aussi une formation à donner aux formateurs, de dire c'est quoi, l'intimidation, parce que je sais qu'il y a des comportements de certains enseignants qui peuvent s'apparenter à de l'intimidation, là. Donc, je pense qu'il faut former... «train the trainer», là, tu sais, je pense qu'il faut former les formateurs, les enseignants à savoir c'est quoi.

Je pense, de notre côté, je pense qu'on est très impliqués déjà, nos enseignants sont déjà très impliqués. Est-ce qu'il faut poursuivre? Bien, comme je dis, on ne peut pas être contre les voeux pieux. Je pense que, oui, il faut poursuivre à reconnaître... Il y a des belles initiatives, de partager les bonnes initiatives comme l'école des Premières-Seigneuries, qu'on a entendue, ici, à Québec. Il y a comme des vigiles d'étudiants pour empêcher l'intimidation. Tu sais, il peut y avoir un partage des bonnes pratiques.

M. Gaudreault: Vous parlez, évidemment, de façon importante de l'implication dans tout le processus... l'implication des parents, j'entends, dans tout le processus. On a un débat ici depuis quelques... bien, un débat... en tout cas, on se questionne beaucoup, là, depuis quelques jours. Et là, vu qu'on a des parents devant nous, on va profiter un peu de vous. Dans le projet de loi, là, sur l'article 11, le deuxième alinéa qui est proposé, où on dit: «Le directeur de l'école qui est saisi d'une plainte concernant un acte d'intimidation ou de violence doit communiquer promptement avec les parents de l'élève qui est victime d'un tel acte et ainsi qu'avec les parents de l'élève [intimidateur]», êtes-vous capables d'imaginer -- et, si oui, dites-nous dans quelle situation -- il pourrait être possible de ne pas aviser immédiatement le parent de l'élève intimidé? Est-ce que vous tenez mordicus à ce que tous les parents soient avisés dans tous les cas d'intimidation de leur enfant ou vous croyez qu'il pourrait y avoir des situations où aviser le parent empirerait la situation de l'élève?

M. Jaquays (Morton): Je viens de vivre une expérience. Ma fille est adoptée de Jamaïque, elle est noire. En plein milieu d'une classe, il y a deux semaines, un autre enfant s'est tourné et l'a appelée «nigger». Si les parents de cet enfant n'étaient pas avisés, est-ce qu'une petite lecture du directeur ou, dans ce cas-là, de vice-directeur va corriger la situation, sa mentalité? Ça prend un échange dans la famille, et, pour moi, les parents doivent être impliqués dans un cas de «bullying» tout de suite.

M. Gaudreault: O.K. Alors, je vais vous donner un autre exemple parce que ça a été... si vous avez suivi nos réflexions et nos débats, les autres présentations, vous l'avez peut-être constaté, on a beaucoup parlé d'homophobie et d'élèves qui peuvent se faire traiter de fif ou de tapette sans que ça soit avéré ou non -- on n'a rien à faire, là, à la limite -- mais que d'aviser les parents de l'élève qui subit de l'intimidation pourrait être encore plus difficile pour l'élève parce qu'il craint l'attitude homophobe de ses propres parents. Et ce n'est pas à un directeur d'école de faire le «coming out» de son fils ou de sa fille, le cas échéant. Et peut-être que ce n'est même pas le cas de l'enfant, là. Alors, comment vous réagissez face à ça?

**(12 h 20)**

M. Jaquays (Morton): Moi, je dirais, c'est l'agresseur qui... les parents de l'agresseur qui doivent être avisés. Encore, j'aime les histoires si vous permettez une minute de plus. Il y a un ou deux ans, un enfant qui démontrait des tendances homosexuelles a été attaqué par une gang de petits toffes sur le terrain d'une école parce qu'il portait une chemise rose. Le lendemain, presque tous les enfants dans cette même école ont porté une chemise rose juste pour démontrer au «bully» que ce n'est pas acceptable. Et, cette année, c'est l'anniversaire de cet événement, English-Montréal et Sir-Wilfrid-Laurier, les écoles avaient une journée de chemises roses.

Le Président (M. Marsan): Merci, M. Jaquays, pour cet exemple. Merci également à vous, M. Thériault, M. La Rocque et M. Law, pour la présentation et nous avoir fait connaître le point de vue de l'Association des comités de parents anglophones.

J'inviterais maintenant les représentants du Conseil québécois des gais et lesbiennes à venir se présenter à notre table et je vais suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 12 h 21)

 

(Reprise à 12 h 22)

Le Président (M. Marsan): Nous reprenons nos travaux, et il me fait plaisir...

Une voix: ...

Le Président (M. Marsan): Excusez, c'est vrai, c'est vrai. Je suis allé trop vite. Alors, voilà. Alors, nous reprenons nos travaux, et il me fait plaisir d'accueillir le représentant du Conseil québécois des gais et lesbiennes, M. Steve Foster. M. Foster, vous avez une période de 15 minutes pour nous faire votre présentation sur le projet de loi n° 56. La parole est à vous.

Conseil québécois des gais et lesbiennes (CQGL)

M. Foster (Steve):«Je subis quasiment 15 insultes par jour, des fois par les mêmes personnes, mais des fois c'est des personnes différentes.»

«Moi, je me faisais battre à chaque jour, il me faisait même manger mon propre vomi des fois. Dégueulasse. Ça a duré de cinq ans à 16 ans, ça fait que j'ai été pas mal martyrisée.»

«Moi, je veux dire aux intimidateurs que l'homophobie, cela a des conséquences parce que, moi j'ai fait deux tentatives de suicide à cause de ça.»

C'est en ayant en mémoire ce témoignage et bien d'autres encore que le Conseil québécois des gais et lesbiennes participe aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 56, Loi visant à lutter contre l'intimidation et la violence à l'école. Le CQGL et ses membres profitent de l'occasion pour remercier les membres de la Commission de la culture et de l'éducation et, plus particulièrement, Mme Line Beauchamp, ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport, de leur offrir l'opportunité d'être entendus sur une problématique qui concerne particulièrement les jeunes lesbiennes, gais, bisexuels, transsexuels et transgenres. Le conseil profite de l'occasion qui lui est donnée pour réitérer sa volonté de collaborer avec l'ensemble des acteurs gouvernementaux, sociaux dans ce dossier.

Les objectifs du conseil à participer à cette commission visent à assurer que le gouvernement inclue dans son projet de loi les réalités et les besoins des jeunes LGBT, des jeunes dont le frère, la soeur ou le parent sont LGBT ainsi que les jeunes hétérosexuels ne correspondant pas aux stéréotypes de masculinité ou de féminité. On veut s'assurer que le gouvernement québécois reconnaisse nommément l'homophobie -- qui comprend la gaiphobie, la lesbophobie et la biphobie -- la transphobie et l'hétérosexisme comme étant des vecteurs d'intimidation et de violence vécus par les jeunes LGBT ou considérés comme tels dans le projet de loi visant à contrer l'intimidation et la violence à l'école. On veut s'assurer que le gouvernement répondra favorablement aux recommandations de l'étude L'impact de l'homophobie et de la violence homophobe sur la persévérance et la réussite scolaires, du programme de recherche et Actions concertée, des chercheurs Chamberland, Émond, Julien, Otis, Ryan, et dont le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport est le partenaire; s'assurer que le MELS mette en application le plus rapidement possible les actions lui étant dévolues dans le plan d'action gouvernemental de lutte contre l'homophobie 2011-2016.

Je vais essayer de résumer le mémoire en 15 minutes. Je vous avoue que ce n'est comme pas possible, il est assez dense. Donc, ce que je vais faire, c'est que je vais vous lire la section Résumé. Je vais passer à quelques recommandations, faire un peu le survol, puis ensuite ça va vous permettre de pouvoir poser des questions plus pointues si vous le souhaitez.

Dans toutes les régions du Québec, l'homophobie, la transphobie et l'hétérosexisme en milieu scolaire sont présents. Cette réalité se manifeste au quotidien par des interactions sociales sous la forme de comportements d'indifférence et d'évitement, d'insultes, de commentaires méprisants, de menaces et même d'agressions physiques. Si les jeunes LGBT sont victimes, ils ne sont pas les seuls. Les jeunes dont un parent, un frère ou une soeur sont LGBT ou encore les jeunes hétérosexuels qui ne correspondent pas aux stéréotypes de masculinité et de féminité en sont aussi victimes.

Le Conseil québécois des gais et lesbiennes estime que le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport doit travailler sur ces facteurs au même titre qu'il intervient déjà sur le sexisme et le racisme. Il doit en être un leader dans la valorisation et la promotion de la diversité sociale en milieu scolaire et il doit adopter les moyens nécessaires pour enrayer l'homophobie, la transphobie et l'hétérosexisme. Il apparaît donc primordial que la définition de l'intimidation du projet de loi inclue explicitement les notions sur la race, la couleur, le sexe, l'apparence physique, l'orientation sexuelle, l'identité sexuelle, l'expression de genre, la religion, la langue, l'origine ethnique, la nationalité, la condition sociale, la situation familiale et/ou handicap.

Il appert important que le projet de loi intègre les notions d'homophobie et de transphobie comme étant des vecteurs d'intimidation et de violence, et ce, d'autant plus que l'étude de la chercheure Line Chamberland L'impact sur l'homophobie et la violence homophobe sur la persévérance scolaire et la réussite scolaires vient confirmer cette situation.

Nous devons aussi faire preuve de créativité et d'adaptabilité, mais aussi de prudence, car, en voulant responsabiliser l'ensemble du milieu scolaire et les élèves, l'application de certaines mesures risque de générer des effets indésirables. Le conseil s'inquiète des répercussions potentielles qu'elles pourraient avoir sur la vie des jeunes, dont celles liées aux sévices physiques et à l'expulsion du milieu familial. Il faut aussi s'assurer de répondre adéquatement aux jeunes appartenant à une minorité culturelle, qui sont confrontés au racisme en plus de faire face à l'homophobie de la société, incluant celle de leur communauté d'origine.

De plus, le projet de loi doit inclure les témoins et les ressources terrain comme étant des acteurs incontournables afin d'aider davantage les jeunes touchés par l'intimidation et la violence. La loi doit aussi prévoir la formation pour que chaque intervenant et chaque partenaire impliqué puissent agir efficacement, d'autant plus que certains conseils d'établissement, directions et comités de parents refusent toujours d'intégrer les réalités et les besoins des jeunes LGBT dans leur offre de services. Et que dire des attitudes hétérosexistes et des comportements et préjugés homophobes qui persistent dans le réseau de la santé et des services sociaux et de la sécurité publique, privant ainsi les personnes LGBT de recevoir les services appropriés à leurs réalités.

Bref, le CQGL partage la vision de la ministre en matière de lutte contre l'intimidation et la violence, mais il demeure perplexe quant aux résultats que l'on peut obtenir si le projet de loi demeure dans sa forme actuelle. Dans un tel cas, les jeunes LGBT, les jeunes dont un parent, un frère ou une soeur est LGBT ou encore les jeunes hétérosexuels qui ne correspondent pas aux stéréotypes de masculinité et de féminité en feront les frais.

Dans les recommandations du mémoire, il y en a plusieurs, dont celle qui touche, entre autres, les pénalités financières pour l'élève. Pour nous, ça devient problématique à plusieurs égards, mais dont un particulièrement quand on regarde le niveau de pauvreté. Certains coûts de matériel dans des écoles peuvent équivaloir, pour certaines familles, à des coûts de repas de plusieurs jours dans une famille ou de la privation de vêtements pour l'enfant. Ce qu'on dit, nous, c'est qu'on est d'accord avec le fait que, oui, on doit être responsable des actions qu'on commet, mais est-ce qu'on peut être créatif et imaginer des modes de remboursement alternatifs, donc travaux communautaires dans l'école ou dans un organisme dans lequel le jeune aurait fait de l'intimidation pour plus être sensibilisé? Donc, on n'est pas contre que le jeune ait à subir une conséquence. Ce qu'on ne veut pas, c'est que ça vienne pénaliser les familles à faibles revenus, dont les familles monoparentales. Donc, ça, il faut...

**(12 h 30)**

Aussi, l'exclusion, on en a beaucoup entendu parler -- puis, juste la présentation avant aussi, en a parlé -- l'exclusion d'une école, c'est que, de la façon que c'est apporté dans le projet de loi, notre inquiétude, nous, c'est que ça devienne une espèce de porte de secours facilitante pour une direction d'école, dire: Bien, moi, je ne veux pas trop m'investir dans tous des processus, etc., on expulse le jeune. Donc, si cette mesure-là existe, comme vous le disiez précédemment, dans la loi et qu'elle revient dans cette loi-ci, il faudrait minimalement qu'on puisse être capable de dire: Bien, ça, là, c'est le dernier recours, que ça soit nommé comme un outil de dernier recours ou dans les cas où est-ce qu'un jeune peut avoir... comme on le dit, là, que ça soit un cas de sécurité, là, pour la vie d'un jeune.

L'autre mesure punitive qui nous interpelle aussi, c'est de punir financièrement une institution, une école, de lui retirer une partie de son budget qui lui est dévolu. On le voit actuellement, des écoles ont peine à fournir certains services aux élèves, donc on ne voudrait pas que ça devienne une double pénalité, dans le sens que c'est les élèves, en bout de ligne, qui vont payer pour. Et, nous, ce qu'on dit, c'est... on favorise la diffusion des écoles qui ont des initiatives positives et qui sont fonctionnelles, de les rendre publiques, au même titre que les écoles qui ont un laxisme au niveau de la lutte contre l'intimidation, qu'elles devraient être publiques. Moi, je pense qu'il n'y a pas aucune école qui souhaite se faire pointer du doigt comme étant le mouton noir dans la lutte contre l'intimidation et la violence en milieu scolaire. Nous croyons fortement que c'est des mesures qui sont dissuasives mais qui aussi ne viennent pas toucher au financement de l'école et qui permettent d'assurer les services directs aux élèves.

Ensuite, il y a aussi les ressources terrain qui sont peu présentes dans le projet de loi et qui, pour nous, sont fondamentales dans la réussite de ce projet de loi là mais aussi dans les plans d'action du ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport pour contrer l'intimidation en milieu scolaire. Il faut être conscient qu'aujourd'hui il y a environ 35 % des écoles qui refusent catégoriquement d'inscrire des numéros d'aide, de ressources pour les jeunes LGBT dans leurs écoles, dans les agendas scolaires.

Et je vous écoutais précédemment lors d'une rencontre avec quelqu'un ici, que vous aviez à peu près 30 %... ou, en tout cas, j'ai peut-être mal compris, là, mais de gens qui avaient de la difficulté déjà à appliquer votre plan d'action. C'est peut-être les mêmes avec lesquels on a de la misère, nous aussi, à faire valoir nos réalités auprès des... Donc, pour nous, il faut être conscient que le projet de loi doit vraiment faire en sorte que les activité, que ce soit le racisme, le sexisme... mais l'homophobie et la transphobie soient obligatoires pour les directions d'école, elles doivent être tenues. Parce qu'encore aujourd'hui les jeunes n'ont pas leurs services. Et, quand on considère qu'encore aujourd'hui les jeunes LGBT sont 6 à 16 fois plus susceptibles de faire des tentatives de suicide et un suicide, je pense que le ministère a un rôle primordial à jouer dans ce cas-ci, donc, et aussi de s'assurer que les groupes communautaires sont des ressources nécessaires pour les écoles dans... surtout au niveau de la formation.

Par rapport aux réalités LGBT, il y a déjà deux formations qui existent: Pour une nouvelle vision de l'homosexualité, et il y a aussi De la diversité familiale aux stratégies pour en finir avec l'homophobie, de la Coalition des familles homoparentales, d'ailleurs, que le MELS soutient actuellement. Ce sont des formations qui sont éprouvées, qui ont fait leurs preuves. Elles devraient aussi être nommées dans le projet de loi comme étant des ressources déjà disponibles, et aussi les organismes terrain. Hier, vous avez reçu le GRIS-Montréal. Il y a le Gai Écoute aussi qui a... Il y a plein de groupes et de ressources. Puis pas juste LGBT, il y en a plein. On est là, on a des expertises depuis 20, 30 ans, pour la plupart d'entres nous. Ça serait, je pense, priver les écoles de ressources nécessaires pour justement être capable de pouvoir appliquer ce projet de loi là, mais aussi les plans d'action de lutte contre l'intimidation. On est des incontournables, à notre point de vue.

Puis d'autant plus qu'il y a des études qui montrent aussi qu'il y a plusieurs enseignants, par exemple, dans un milieu scolaire, qui hésitent à intervenir justement par manque de formation. Donc, il faut aussi être capable... Il faudrait rendre obligatoire la formation du personnel scolaire, que ça soit des directions, tout ça. Mais on devrait leur allouer du temps pour avoir des formations pour justement les outiller convenablement, que, quand il y a des interventions à faire, qu'ils sachent quoi faire. L'autre aspect aussi qui nous inquiète dans notre cas, c'est effectivement la divulgation d'un acte d'intimidation en milieu scolaire quand ça concerne les jeunes LGBT et aussi les jeunes LGBT issus de communautés culturelles. Encore aujourd'hui, malheureusement, il y a des jeunes qui se font expulser du milieu familial, et les conséquences sont catastrophiques. Et, si vous voulez en être témoins, de conséquences, bien vous pouvez venir à Montréal, dans le village, où est-ce que les jeunes se retrouvent dans des réseaux de prostitution, avec des problèmes de drogue, etc. Donc, ce n'est pas vrai qu'aujourd'hui, au Québec, tout le monde encore accepte l'homosexualité, que les parents sont tous à l'aise avec cette situation-là, et donc il faut aussi être conscient que, dans l'aspect religieux, les croyances de certains viennent aussi générer une problématique sur laquelle on doit être sensible quand on veut intervenir.

Le Président (M. Marsan): M. Foster, il vous reste environ deux minutes à votre intervention.

M. Foster (Steve): Ah! écoutez, il y a tellement de choses. Mais il y a aussi, pour la ministre, le ministère de l'Éducation aussi, pour nous, la difficulté de pouvoir imposer tous ces contenus-là à connotation homophobe et transphobe quand on sait justement que les directions d'école s'y opposent, les conseils d'établissement, les comités de parents, etc., justement pour, entre autres, des raisons religieuses ou etc. Est-ce que ça demeure... Comment on peut assurer que les jeunes LGBT, en milieu scolaire, vont être en sécurité, vont avoir accès à des services puis qu'on ne générera pas plus de problématiques par ce projet de loi là tel qu'il est présenté actuellement? Et honnêtement, je vous dirais, Mme la ministre, à vous plus particulièrement, vous avez une lourde tâche actuellement avec ce projet de loi là. Ce n'est pas évident de trouver la façon de faire, mais on peut peut-être prendre un peu plus de temps, mais vraiment de s'assurer qu'en bout de ligne ce qu'on va déposer, ce qu'on va adopter comme projet de loi va permettre de sauver des vies de nos jeunes, mais aussi la vie des jeunes gais, lesbiennes, bisexuels et transsexuels. Je vais arrêter là-dessus.

Le Président (M. Marsan): Bien, je vous remercie beaucoup, M. Foster, de nous avoir donné le point de vue du Conseil québécois des gais et des lesbiennes. Nous allons débuter immédiatement la période d'échange, et je vais donner la parole à Mme la ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport. Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Oui. Merci beaucoup, et bienvenue. Puis je veux vous remercier pour l'ensemble de votre travail, vous, votre organisme, tous les bénévoles aussi engagés dans votre organisme. Je veux vous remercier pour avoir été là aussi lors de l'annonce faite en compagnie du premier ministre. Votre présence, elle était importante parce que je pense que vous reconnaissez que, comme gouvernement, on a vraiment choisi de ne pas rester silencieux. On veut nommer les choses, et le premier ministre, au premier rang, ayant participé au lancement du plan d'action de lutte contre l'homophobie où, lors de ce point de presse, on a annoncé l'ensemble des actions d'une stratégie de lutte contre l'intimidation, on a voulu nommer qu'il faut faire un lien, à l'évidence, entre la question de l'intimidation et la question de la lutte aussi contre l'homophobie, et, franchement, on est dans ce camp-là. Je pense que vous le savez, on est dans le camp de... il faut nommer les choses et il faut faire les liens, et tant mieux si on peut encore améliorer ce qui est prévu en ce moment dans le projet de loi.

J'ai un premier commentaire, c'est le fait que... J'ai écouté très attentivement toutes vos propositions ou vos questionnements. Je pense -- et je le dis respectueusement -- je pense qu'il y a des éléments, des souhaits que vous avez exprimés, qu'il y a des éléments qui ne peuvent pas appartenir à un projet de loi. C'est-à-dire qu'il y a des éléments qui appartiennent à l'ensemble d'un plan d'action, l'ensemble d'une stratégie, qui ne reposent pas uniquement que sur un projet de loi. Je m'explique. Comme vous le savez, notre stratégie, elle comprend un projet de loi qui instaure un régime d'obligation d'intervention si on assiste à un acte d'intimidation, mais c'est une stratégie qui englobe d'autres éléments: le plan d'action du gouvernement en lui-même continue d'être là, les sommes d'argent sont là; une stratégie qui veut travailler la mobilisation de l'ensemble de la société par une déclaration publique, la tenue de semaines de lutte contre... la lutte à l'intimidation. Ou un autre exemple que je pourrais vous donner, c'est cette nécessaire collaboration que vous mentionnez avec des organismes comme le vôtre ou d'autres intervenants communautaires, et tout ça.

Je me dis: Pour moi, on ne peut pas tout prévoir dans un projet de loi, mais par contre, dans des plans d'action ou des stratégies qui se renouvellent, qui s'adaptent, là on peut vraiment tenter de prévoir ce type d'éléments là. Parce qu'à vouloir penser que c'est par une loi que je vais répondre à la nécessité de mobilisation de toute une société je pense que, là, on fait trop reposer de choses sur les épaules... trop reposer de poids sur les objectifs qu'on poursuit par une loi.

Ma question est d'ordre général, mais moi, je veux que vous sachiez vraiment, sincèrement, que je veux être une alliée de la lutte que vous menez contre l'homophobie. Je pense que, comme gouvernement, on veut être un allié. On a reçu des groupes qui portaient la même mission que la vôtre, là, et j'ai mieux compris -- je le dis humblement -- j'ai mieux compris les aspects lorsqu'on me parle de l'invisibilité du motif d'intimidation, lorsqu'on parle, par exemple, d'homosexualité.

Mais ce que j'ai plus de difficultés à décoder quand je me remets dans le régime général de la loi, qui est une loi contre l'intimidation, j'ai plus de difficultés à décoder ce que vous souhaitez vraiment quand vous... J'ai l'impression que vous me demandez qu'il y ait des mesures un peu plus spécifiques dans les dossiers qui concernent l'homophobie et les liens à faire avec l'intimidation, et moi, je me dis: Je ne suis pas dans une loi sur la lutte contre l'homophobie, même s'il y a beaucoup de choses qui sont faites, je suis dans une loi de la lutte contre l'intimidation. Est-ce que, vraiment, il y a des mesures spécifiques, un régime spécifique que vous me demandez d'instaurer?

Et là j'ai plus de difficultés à bien comprendre parce que je me dis: Quelqu'un qui est victime d'intimidation, ce qu'on demande, c'est: Si tu es témoin de ça, tu dois intervenir. C'est le régime qui est mis en place par l'école. C'est-u parce que... Je termine, là, je suis longue et je m'en excuse. Mais, sur votre site Internet, vous dites: Quand nous regardons le taux de suicide chez les jeunes LGBT, ne pas inclure spécifiquement des mesures les concernant revient à cautionner l'intimidation et la violence, et nous serons aux premières loges pour le rappeler à la ministre Beauchamp. Quand vous me dites «ne pas inclure spécifiquement des mesures» qui concernent les jeunes gais, les jeunes lesbiennes ou des gens qui sont identifiés comme tels et qui, parfois, ne le sont pas, là -- j'ai compris ça aussi -- qu'est-ce que vous me demandez exactement? Et est-ce que c'est le bon endroit? Est-ce qu'un projet de loi contre l'intimidation doit faire ça?

**(12 h 40)**

M. Foster (Steve): Écoutez, ça fait nombre d'années que les personnes gaies et lesbiennes, transsexuelles militent pour faire reconnaître leurs droits tant juridiques que sociaux. Il y a eu des plans d'action, il y a encore un plan d'action actuellement, puis je vais vous faire un parallèle. Ça demeure un plan d'action, il y a une dizaine de ministères interpellés, il y a eu la création d'un bureau de lutte. Et, comme par hasard, quand nos groupes appellent leurs ministères respectifs avec lesquels ils ont des affiliations, ils se font répondre maintenant: Bien oui, mais là vous avez un bureau de lutte, appelez là. Donc, il y a une déresponsabilisation qui semble... Peut-être qu'il y a une mauvaise compréhension du rôle du bureau de lutte, mais il semble avoir une... Le fait que, là, le bureau existe, c'est là qu'on s'en va tous, puis ça déresponsabilise un peu les ministères, ce qui devrait être, au contraire... le bureau de lutte vient en appui aux ministères dans leurs obligations à mettre en place les recommandations qui sont dans le plan d'action de lutte contre l'homophobie.

Je vous rappelais qu'il y a 35 % des écoles qui refusent toujours -- à peu près -- de mettre des numéros d'aide pour les jeunes LGBT dans les agendas scolaires. Si vous restez sous le niveau de plan d'action, ça veut dire qu'ils n'ont pas l'obligation. Ils peuvent se déresponsabiliser puis dire: Ah! bien, on n'a pas priorisé ça cette année. Puis les personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles, transsexuelles et transgenres, là, je suis désolé, mais on est toujours les derniers à se retrouver en dessous de toutes les piles. Dès qu'on tombe sur le dessus, il se passe toujours de quoi, puis, woups! on se ramène en arrière. Le plan d'action qu'on a réussi à avoir de lutte contre l'homophobie, là, vous le savez, ça a été un travail tout à fait exceptionnel qu'on a eu à faire avec deux ministres en particulier, qui sont Mme Weil et M. Jean-Marc Fournier et avec lesquels on a eu un grand et immense bonheur de travailler. C'est un homme tout à fait remarquable. Mais il reste que ça ne date pas des deux dernières années, ce plan d'action là, là, c'est 40 ans de lutte.

Donc, nous, ce qu'on veut, c'est que, dans le projet de loi, il y ait une obligation des écoles de tenir des activités de formation et de sensibilisation pour contrer l'intimidation, dont celle liée au racisme, au sexisme et à l'homophobie, transphobie. C'est les quatre grands critères, probablement, sur lesquels il existe le plus d'intimidation, puis, pour les LGBT, c'est probablement... Aujourd'hui, dans les écoles, là, tout est fif, tout est tapette, tout est gouine, tout est... Ah! c'est bien gouine, cette affaire-là, c'est... Il y a quelque chose de fondamental, il faut s'attaquer à ça. Et, si vous ne le faites pas par le projet de loi, le 35 % d'écoles qui refusent de nous donner des services pour nos jeunes, bien, dans un an, dans deux ans, dans trois ans, le problème d'intimidation n'aura pas diminué. Les 35 % d'écoles vont encore exister, et on va être encore à peu près au même point de départ. Donc, tous les efforts que vous allez mettre, vous n'y parviendrez pas. Puis c'est triste à dire, là, mais l'intimidation passe nécessairement par l'intimidation homophobe et transphobe et aussi l'hétérosexisme.

Mme Beauchamp: Vous prenez le temps... Là, vous venez de me dire: Ça passe nécessairement par l'homophobie, alors qu'un peu plus tôt vous avez dit: Il y a aussi le sexisme, il y a aussi le racisme. Et, dans le fond, peut-être que le commentaire qu'on doit retenir, c'est au niveau de la définition de l'intimidation dans la loi. Nous avons choisi, mais plusieurs sont venus faire des commentaires nous demandant de revoir cette position... Nous avions choisi d'avoir une définition assez large, et plusieurs intervenants nous demandent plutôt de nommer les motifs de l'intimidation.

Là, il y a eu différentes propositions, certaines en renommant les motifs, par exemple, de la Charte des droits, qui dit qu'on ne peut pas discriminer, reprendre ces éléments-là parce qu'en même temps... C'est là... Moi, je veux être une alliée, mais, en même temps, je ne peux pas non plus ne pas reconnaître qu'il y en a d'autres, motifs d'intimidation. On donnait tout simplement des cas d'apparence physique, tu sais. Je ne veux pas minimiser les problématiques par les gais et les lesbiennes, là, je ne veux pas du tout faire ça, mais, tu sais, on disait: Dans un environnement, ça peut être l'enfant aux cheveux roux qui est intimidé juste parce qu'il est différent par son apparence physique. Et moi, je ne peux pas non plus minimiser ça, vous savez.

Mais je veux juste aussi vous entendre parce que, quand vous me dites les problématiques que vous mentionnez avec un certain nombre d'écoles qui ne semblent pas vouloir collaborer ou intégrer dans leurs actions la dimension de la lutte contre l'homophobie, si je vous rappelle l'article 9, oui, c'est ça... 

Une voix: ...

Mme Beauchamp: L'article 10, merci. En fait, l'article 10 dit: «Le directeur de l'école doit appuyer tout regroupement d'élèves désirant réaliser des activités qu'il estime utiles pour lutter contre l'intimidation et la violence.» Si je vous écoutais, là, la nécessité de collaborer avec des organismes, la nécessité d'inclure dans le bottin des indications des services d'aide, et tout ça, est-ce que je n'ai pas là dans la vraie vie... J'aime bien cette expression-là, moi, mais est-ce que je n'ai pas là dans la vraie vie, là, le bon moyen de dire: Le directeur doit appuyer tout regroupement d'élèves en disant... Bien, compte tenu qu'il doit... C'est vraiment «doit appuyer tout regroupement d'élèves désirant réaliser des activités [de lutte] contre l'intimidation». Est-ce qu'il n'y a pas là, pour un organisme comme le vôtre, une façon de dire: Ça va être par les comités d'élèves que je vais pouvoir réaliser des activités, faire en sorte que l'école s'occupe de lutte contre l'homophobie? Est-ce qu'il n'y a pas là une porte d'entrée intéressante qui permet d'accentuer les efforts qui peuvent être faits dans le milieu scolaire?

**(12 h 50)**

M. Foster (Steve): Quand je dis... Le projet de loi, il a des bons aspects. Le problème, c'est qu'on a affaire avec des humains et des humains comme vous et moi, avec nos limites, nos préjugés, et de laisser une notion qui... oui, vous devez soutenir tous les étudiants, je ne suis pas sûr que c'est si fonctionnel que ça parce qu'un directeur... Je vais vous donner un exemple. Il est arrivé deux situations. Un représentant syndical appelle dans un milieu scolaire parce qu'il veut faire une activité de formation ou d'information. Puis ce n'est pas juste de soutenir une activité, c'est aussi d'informer, de former, de pouvoir transmettre du matériel, mais le directeur, lui, d'une polyvalente d'à peu près 4 000 étudiants, il dit: Je n'ai pas de gais, moi, dans mon école, je n'ai pas besoin de ça ici.

En tout cas, statistiquement parlant, c'est à peu près impossible qu'il n'y ait pas au minimum un gai sur 4 000 étudiants. Puis on tombe dans une autre école où est-ce que le comité de parents, par exemple, est très influent et que... Tu sais, il faut quand même être conscient, par exemple, à Montréal, nos personnes qui immigrent ou nos réfugiés proviennent de pays où encore... où est-ce que... 75 % des pays criminalisent l'homosexualité, dont 5 % par peine de mort. Ces parents-là ne sont peut-être pas nécessairement homophobes comme on l'entend là, mais ils ont été éduqués dans une culture où est-ce que c'est normal de tuer des gais, où c'est normal de mettre des gais en prison. Ils arrivent dans un milieu scolaire où est-ce qu'on veut faire... ils ne trouveront pas ça normal. Donc, la loi doit absolument s'assurer qu'il y ait des activités... Puis là, moi, c'est sûr, je représente les communautés LGBT, mais vous aviez tout à fait raison, pour le racisme, pour le sexisme, il doit y avoir des activités qui doivent toucher des sujets pointus sur lesquels... qui transmettent en même temps les valeurs de la société québécoise. Et c'est là le défi, et, la loi, pour nous, ça doit être inscrit pas juste LGBT, mais le racisme, sexisme aussi parce que c'est...

Puis je vous dirais que... Tantôt, vous avez fait un commentaire par rapport à l'apparence physique, et tout ça. La personne qui peut être grosse, elle risque de se faire traiter de gros fif avant même de se faire traiter juste de gros parce que «fif» est attribué à peu près à toutes sortes de sauces, pas rien que parce que tu es vraiment gai dans l'école, mais parce que tu n'es pas comme les autres, tu n'es pas comme la norme. Puis, quand on parle d'hétérosexisme, c'est ça que ça représente. Ça fait que, tu sais, tu vas être un gros fif, un osti de fif «black». Ils vont toujours l'accoler à quelque chose, le mot «fif». C'est plutôt rare qu'une intimidation se fait uniquement sur... Oui, ça peut se faire, mais il y a... En tout cas, il y a une particularité pour nous autres.

Mme Beauchamp: Je comprends quand même, là, tantôt on en parlait... Je comprends votre point, mais vous êtes... Tantôt, vous avez dit: Ça passe nécessairement par ça, mais, quand même, vous n'êtes pas en train de me dire que la loi devrait s'appeler une loi contre l'homophobie parce que vous me dites: Tout passe toujours par des comportements homophobes quand on en arrive à l'intimidation. Tu sais... Et puis, je veux juste vous redire, je vous écoute et je suis d'accord avec vous sur l'aspect de dire: Il faut qu'il y ait plus d'activités dans les écoles, il faut qu'il y ait plus... Quand je vous dis que la loi dit: «[Un] directeur d'école doit appuyer tout regroupement d'élèves désirant réaliser des activités [qu'ils estiment] utiles pour lutter l'intimidation», je suis en train de vous dire: Les exemples que vous me donnez en disant: Un directeur répond: Moi, je n'en ai pas, d'homosexuels dans mon école, et tout ça, là, là, le directeur, ce n'est pas «peut», ce n'est pas «devrait», c'est: Le directeur doit appuyer tout regroupement d'élèves qui propose des activités... Par rapport aux exemples que vous me donnez, je me dis: Je l'ai, mon article, là, qui dit que le directeur doit, peu importent ses préjugés, ses... Et ce n'est pas le conseil d'établissement, là, avec des parents, qui dirait: Moi, je n'aime pas ça qu'on parle de ça, là, c'est le directeur par rapport à des comités étudiants.

M. Foster (Steve): Dans une petite école, Mme la ministre, il peut avoir un ou deux jeunes qui ne sont pas sortis du placard, qui sont tout dans un processus... la famille n'est pas au courant, et tout ça. Si un regroupement d'étudiants veut faire une activité, bien, si les gais qui sont dans cette école-là sont dans le placard parce que la famille, ils ne sont pas au courant... comment voulez-vous qu'il y ait des activités liées à l'homophobie, que la direction puisse soutenir des activités... à la direction? Gai Écoute fait des campagne de sensibilisation le 17 mai, il y a du matériel qui se distribue dans des écoles. Pourquoi que la responsabilité devrait revenir à des élèves d'initier des activités? La direction doit avoir une obligation de diffuser cette information-là. Là, les directions d'école, ce qu'elles font, elles reçoivent le matériel de Gai Écoute, le prennent et le mettent dans la poubelle. Donc, le message que ça envoie, même au jeune qui est gai, ou qui est lesbienne, ou qui est transsexuel, dans son école, c'est qu'il n'y a rien pour lui dans cette école-là. Pensez-vous qu'il va avoir le goût de faire des démarches pour peut-être essayer de faire de quoi? Il va rester dans son placard puis il va s'invisibiliser davantage parce qu'il voit qu'il n'y a pas rien qui... il ne voit même pas l'ouverture de la direction de l'école à sa réalité.

Mme Beauchamp: J'ai une dernière question, puis il reste deux minutes. Je comprends votre message puis je sais qu'il faut faire les liens entre la politique de lutte contre l'homophobie, le plan d'action annoncé il y a quelques mois, le milieu scolaire, la question de la lutte à l'intimidation. Je veux vos commentaires. Il existe une Table nationale de lutte à l'homophobie des réseaux scolaire et collégial...

M. Foster (Steve): ...président qui, malheureusement, justement, est là aujourd'hui.

Mme Beauchamp: O.K. D'accord. Je veux vos commentaires, c'est-à-dire... Je veux juste vous dire, donc, qu'il y a une série d'actions mises en place. Vous me dites: Des fois, ça entraîne une déresponsabilisation, hein? On voit que les solutions ne sont pas évidentes, alors qu'il y a une volonté qui est là. C'est ça que je veux vous dire, il y a une volonté qui est là. Donc, je voudrais avoir vos commentaires. Est-ce que cette table-là, à vos yeux, joue son rôle? Est-ce que ça, c'est un autre bon endroit où on peut s'assurer d'obtenir les résultats que vous cherchez de la question de la lutte à l'homophobie et le réseau scolaire? Moi, je les ai déjà rencontrés, là -- ça fait un an et demi que je suis ministre, mais j'ai pris le temps de les rencontrer, et tout ça -- ça m'apparaît intéressant. Comment vous jugez, là, cette panoplie-là d'outils qu'on a?

M. Foster (Steve): C'est tous des outils intéressants. Le défi, c'est des pouvoirs de sensibilisation, de... Mais qui qui a le pouvoir, en bout de ligne, pour accepter ou refuser de parler d'homophobie ou de transphobie? Donc, pour moi, il est là. C'est qu'à partir du moment qu'une direction d'école peut refuser de parler d'homophobie ou de transphobie dans son école, là on a un problème. Et c'est pour ça que le projet de loi, à mon point de vue... Il y a des écoles qui nous refusent. C'est ça qu'il faut comprendre, c'est où est-ce que nous, on a un levier... Même si, dans votre projet de loi, vous dites: L'école, elle a l'obligation, comment on fait pour l'imposer? Moi, ça va être quoi, mon recours? C'est-u vous que j'appelle s'il ne le fait pas?

Nous, on mettait une solution aussi, c'est peut-être aussi d'élargir le mandat et les rôles du protecteur de l'élève. Parce que, là, il a un rôle de recevoir des plaintes, de les analyser, faire des recommandations, mais, en bout de ligne, il ne peut pas faire grand-chose. Lui, il aurait intérêt à avoir ses rôles et ses mandats révisés puis élargis, à notre point de vue, pour dire au directeur: Non, non, tu dois le faire.

Le Président (M. Marsan): Alors, merci, M. Foster. Ceci termine cette période d'échange avec la partie ministérielle. Avant de poursuivre avec l'opposition officielle, je voudrais simplement vous demander si vous acceptez, par consentement, de prolonger après 13 heures. Alors, je pense qu'il y a consentement.

Et, maintenant, je vais donner la parole au député de Jonquière, qui est le porte-parole en matière d'enseignement primaire et secondaire. M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault: Oui. Merci, M. le Président. Merci beaucoup, M. Foster, de votre présence et de la rédaction de votre mémoire, qui est très, très volumineux...

Une voix: ...

M. Gaudreault: Étoffé, oui, c'est bien dit. Peut-être, pour poursuivre un peu sur ce que la ministre disait tout à l'heure concernant l'article 10 et par rapport à ce que vous, vous dites, dans le fond, ce qui cause problème, je pense, c'est que vous voyez dans cet article encore un pouvoir discrétionnaire au directeur qui lui permet, dans des cas où le directeur, pour toutes sortes de raisons, ne veut pas soutenir des activités qui luttent contre l'homophobie, à refuser ces activités-là. Parce que je comprends que, dans l'article 10, on dit bien qu'on modifiera la Loi sur l'instruction publique pour y insérer l'article 96.8 qui dirait la chose suivante: «Le directeur de l'école doit appuyer tout regroupement d'élèves désirant réaliser des activités qu'il estime utiles...» Donc, quand on dit que le directeur d'école doit estimer utile l'activité, c'est qu'on... même s'il y a une initiative qui émerge des élèves pour organiser, disons, un atelier contre l'homophobie... bien, c'est-à-dire pour démystifier l'homosexualité, si le directeur, lui, dit: Il n'y en a pas, de gais, dans mon école, ça me sert à rien d'organiser ça, bien là «il estime utile», il est dans son droit en fonction de la loi telle qu'elle est rédigée là. Alors, est-ce que je comprends bien votre critique à l'égard de cet article 10?

M. Foster (Steve): Bien, c'est le mot sur lequel on a le plus tiqué, c'était effectivement le mot «estime». Ça laisse place à l'interprétation, et donc, pour nous, ça ne donne pas plus de levier. S'il n'estime pas ça utile, ça ne se fera pas.

M. Gaudreault: Autrement dit, l'obligation reliée avec le mot «doit» est comme amoindrie par le «il estime».

M. Foster (Steve): C'est ce que, nous, on trouve.

M. Gaudreault: Alors, il doit appuyer tout regroupement d'élèves, mais dans la mesure où il l'estime utile pour lutter contre l'intimidation. Alors, s'il estime que ce n'est pas utile, il ne l'appuiera pas.

M. Foster (Steve): Puis ce n'est pas juste...

M. Gaudreault: C'est là que vous y voyez un problème.

M. Foster (Steve): Pas juste pour nous, c'est aussi vrai pour n'importe quel autre type d'activité de sensibilisation. S'il n'estime pas ça nécessaire, bien ça va passer dans le tordeur.

M. Gaudreault: Il n'y a pas d'élèves noirs dans son école parce qu'il n'y en a pas, puis il dit: Bien, je n'ai pas besoin de faire d'atelier sur le racisme.

M. Foster (Steve): C'est ça. Puis c'est parce que, si on veut contrer l'intimidation et la violence, il faut éduquer. Et éduquer, ça veut dire: Même si ça n'existe pas dans ton environnement, tu dois sensibiliser les gens avec lesquels tu es.

Et, peut-être pour revenir un peu, pour nous, la définition de l'intimidation telle qu'on l'a formulée, c'est clair qu'en disant que tout acte qui est contraire à ça ça va aussi sensibiliser les directions, il faut parler de... il faut les nommer, l'homophobie et la transphobie, là-dedans parce que, si ce n'est pas nommé là, si ce n'est pas nommé nulle part, ça n'existe pas. Puis, tu sais, je pense que tout le monde est d'accord, ce qu'on ne nomme pas, c'est vrai que ça n'existe pas. Et, à partir du moment que ça n'existe pas, il n'y a rien qui se fait. Donc, la définition est importante, puis, effectivement, il faut enlever le terme...

M. Gaudreault: Il estime.

M. Foster (Steve): ...«il estime» de cette proposition-là, à mon point de vue.

**(13 heures)**

M. Gaudreault: O.K. On va poursuivre sur la définition que vous nous proposez, là. C'est votre recommandation 1 à la page 9 où vous faites, au fond, un peu de copier-coller, je dirais, avec la Charte des droits et libertés du Québec. La question que j'ai, je n'ai pas nécessairement la réponse, là. C'est pour ça que je veux vous entendre, je pose des questions sur lesquelles je n'ai pas de réponse. C'est comme à la période de questions. Alors, est-ce que de nommer de façon restrictive les motifs, bien, justement, ça amène un effet restrictif? Je veux dire, je ne me souviens plus c'est laquelle, la dernière modification qu'on a faite à la Charte des droits et libertés. Je pense que c'était sur la question...

M. Foster (Steve): C'est dans le préambule.

M. Gaudreault: La condition... Non, non, on a ajouté la condition sociale...

M. Foster (Steve): Ah! il y a plusieurs, oui...

M. Gaudreault: ...parce que, quand le gouvernement Bourassa de 1975, quand il a proposé la Charte des droits et libertés, la condition sociale n'était pas un motif de discrimination à ce moment-là. En tout cas, on ne l'avait pas perçue comme ça. Puis, après ça, on a modifié la charte. Donc, si on y de façon trop restrictive, est-ce que ça ne va pas nous forcer éventuellement à modifier parce qu'on... J'essaie de voir, là, je ne peux pas deviner l'avenir, là, mais on a ne vous... Il pourrait arriver que, justement, ça soit trop restrictif. On ne serait pas mieux avec une définition plus large?

M. Foster (Steve): Écoutez, nous, on l'a mise, on pense qu'elle couvre à peu près l'ensemble des choses. Peut-être qu'il manque un ou deux... mais je pense qu'il faut se donner la peine de nommer tout ça parce que cette définition-là, aussi elle a valeur d'éducation. Puis ce n'est pas juste une règle du projet de loi, c'est aussi une valeur d'éducation. À travers ça, on se trouve aussi à sensibiliser. Ça, ça va se retrouver dans les codes de conduite, les codes de procédure, les codes... les règlements de régie interne des écoles, etc. Ça a une valeur, il faut prendre le temps de préciser les choses. Et puis c'est pour ça que je disais au début: S'il faut qu'on prenne un peu plus de temps pour aboutir à un projet de loi vraiment super, bien prenons-le, le temps. Mais assurons nous que, quand il va être adopté, ce projet de loi là, il soit vraiment efficace pour l'ensemble des jeunes, ceux pour qui on travaille, tout le monde, ici actuellement. Et donc moi, cette définition-là, je la trouve très bien, elle a même été bonifiée à cause qu'actuellement, par exemple, dans la Charte des droits et libertés, on ne parle pas de l'identité de genre, ce qui n'a rien à voir avec le sexe. Donc, elle est bonifiée là, etc. Donc, on peut la regarder et la bonifier encore, mais il faut prendre le temps de nommer. Je pense que c'est fondamental dans tout le projet de loi, mais aussi dans toute intention qu'on aura de contrer les intimidations. Quand on a un référent qui est bien défini, ça permet vraiment de mettre les idées claires de tout le monde autour de ça.

M. Gaudreault: Toujours dans la définition, on nous a signalé à plusieurs reprises que c'est une loi qui vise à lutter contre l'intimidation et la violence mais qu'il n'y a pas de définition de violence, mais il y avait juste une définition de l'intimidation. Alors, écoutez, je dois vous dire, je n'ai pas eu le temps de tout, tout lire au complet votre mémoire, là, mais est-ce que vous proposez aussi une définition de la violence? Est-ce que vous trouvez que c'est important?

M. Foster (Steve): En fait, oui, je trouve important qu'on puisse définir la violence. Nous, on ne l'a pas mis là-dedans, puis il y a des aspects aussi qu'on n'a pas élaborés. Honnêtement, on aurait pu faire encore un 15 pages de plus sur le mémoire. À un moment donné, on a décidé de concentrer sur ce qui nous semblait le plus important et prioritaire pour actuellement. Mais, effectivement, la violence aurait intérêt à être peut-être aussi définie, et donc, c'est ça, oui, vous devriez le faire.

M. Gaudreault: Parce que la violence, elle, elle peut être verbale, elle peut être physique, elle peut prendre différentes formes.

M. Foster (Steve): Oui, oui, les formes de violence sont là, effectivement.

M. Gaudreault: O.K. Votre recommandation 6 à la page 12, vous dites: «Que soit rendue publique la liste des écoles ne respectant pas les mesures du projet de loi n° 56.» Bon, on a eu un débat également là-dessus parce que le risque, c'est qu'on donne des... qu'on construise, au fond, ou qu'on rende publics des palmarès, un genre de palmarès. Alors, telle école a beaucoup, beaucoup de violence et d'intimidation. Telle autre école, il y en a moins. Donc, il y a des parents qui vont chercher à inscrire leurs élèves dans des écoles où il y a moins d'intimidation. Moi, je vois tout de suite, là, la une d'un journal que je ne nommerai pas où on parle du palmarès des écoles qui font de l'intimidation, là. Alors, est-ce que c'est ce qu'on souhaite dans notre réseau d'éducation?

M. Foster (Steve): Bien, en fait, vous n'aurez jamais le contrôle, peu importe le projet de loi, sur ce que les médias vont dire. Puis ils en parlent déjà, de toute façon, et il y a des situations qui sont... Si on en est là aujourd'hui, c'est parce qu'effectivement ça a été traité dans les médias. Et, quand les écoles font des choses qui n'ont pas d'allure, comme récemment, là, il y avait une école qui semblait refuser d'agir au niveau de l'intimidation, les parents en ont sorti leurs élèves de l'école, puis ça a pris pendant plusieurs jours... On en entend toujours parler, de toute façon, quand une école est vraiment un mouton noir ou qu'il se passe de quoi de pas correct.

Nous, c'était une idée... Est-ce que c'est la meilleure norme? Mais ce qu'on ne veut pas, c'est de pénaliser, qu'on pénalise financièrement les écoles. Mais il faut trouver une façon que les écoles doivent le faire, leur... La loi les oblige à faire des actions pour lutter contre l'intimidation et la violence. Puis, au travail, par exemple, quand un employé ne fait pas sa job, il a une note à son dossier d'employé. Ça fait que, quand il vient pour se trouver un emploi ailleurs, bien il a une tache à son dossier. Est-ce qu'il faut, par exemple, mettre des notes au dossier d'un directeur d'école qui a du laxisme? Je n'ai pas la solution parfaite, là, pour savoir comment on peut le faire, mais, foncièrement, on est vraiment contre la pénalité financière pour les raisons que c'est les élèves qui vont écoper en bout de ligne. Mais il faut trouver une façon de mettre au pas les écoles récalcitrantes. Mais aussi il faut trouver une façon de promouvoir les écoles qui ont des projets qui font en sorte qu'effectivement ça diminue l'intimidation et la violence à l'école.

M. Gaudreault: Mais vous ne trouvez pas que votre recommandation 6 pourrait faire en sorte qu'on établisse... «On» m'exclut, là, mais qu'il se trouve établi un palmarès et que, malheureusement, il y a des écoles qui vont se retrouver à la queue du palmarès, et, malgré ça, elles font beaucoup d'efforts, puis c'est correct, il y a de la formation sur l'homophobie, il y a toutes sortes d'activités intéressantes, le directeur ou la directrice d'école appuie ses élèves. Mais, pour toutes sortes de raisons, parce que c'est un milieu difficile, parce que c'est une grosse école, parce que je ne sais pas quoi, ils se classent à la fin du palmarès. Alors là, ça pourrait envoyer un message très démobilisant pour un milieu qui s'est mobilisé et qui progresse malgré tout dans ses efforts de lutte contre l'intimidation.

M. Foster (Steve): Écoutez, nous, on croit que... je pense qu'il n'y a personne qui a le goût d'être montré comme un mouton noir. Ceux qui agissent vraiment, habituellement, obtiennent des résultats. Peut-être qu'il y a des résultats qui ne sont pas spectaculaires par rapport à d'autres, mais, quand tu agis, habituellement il y a toujours un résultat. Ça fait qu'à partir du moment que tu as un résultat, que ce soit 3 % ou 125 %... Puis, moi, je ne suis pas trop pour les statistiques parce que, les statistiques, on leur fait dire ce qu'on veut bien à un moment donné. Mais il reste que, dès qu'au moins qu'il y a des actions qui sont entreprises, le résultat va finir par aboutir. Ce n'est pas de dire: Bien, lui, il a juste eu 1 % de diminution, puis l'autre en a eu 30 %. Ce n'est pas ça qu'il faut dire, c'est de dire: Cette école-là ne fait pas d'activités ou ne fait pas d'actions pour contrer l'intimidation et la violence. Pour moi, dire ça, c'est une chose, mettre les... de dire que, bien, c'est juste 1 % ou 2 %, c'est d'autre chose. Ça fait que, si tu ne veux pas te faire mettre là, bien, je suis désolé, bien, agis. Tu sais, ce n'est pas plus compliqué que ça, agis. Puis les résultats vont venir variables d'une école à l'autre, mais ils vont toujours être là, les résultats.

M. Gaudreault: Mais pas au point de pénaliser financièrement des écoles parce que vous dites: Ça pourrait, à ce moment-là, pénaliser, en bout de ligne, des élèves qui ont besoin de ressources financières pour organiser des activités ou quoi que ce soit.

M. Foster (Steve): Tout à fait.

M. Gaudreault: O.K. Je vous amène à votre recommandation n° 15 à la page 17 qui m'a fait beaucoup sursauter, mais je suis sûr que vous allez me rassurer par vos explications. Vous dites: «Que les codes de conduite et de procédure soient uniformisés pour l'ensemble du réseau scolaire québécois.» Alors, moi, je suis de ceux qui croient à la marge de manoeuvre de chaque école, à une forme d'autonomie dans les écoles. Et l'école chez moi, à Jonquière, l'école primaire, n'a sûrement pas la même réalité que l'école à Montréal-Nord, dans le comté de la ministre, pour toutes sortes de raisons. Alors, où on met la limite, là, entre l'uniformité et la décentralisation, je dirais, à partir des écoles?

**(13 h 10)**

M. Foster (Steve): Je vais retourner la question autrement, c'est: En quoi le respect, par exemple, est différent au Lac-Saint-Jean qu'à Montréal, que dans le Grand Nord? Les codes de conduite et de procédure, en principe c'est supposé d'être uniformisé. Il n'y a pas une façon d'être poli au Lac-Saint-Jean puis une façon d'être poli à Montréal. Donc, pour nous, c'est bien différent que le plan d'action. Puis, le plan d'action, nous aussi, on pense qu'il devrait être quand même plus généralisé, mais il reste que les codes de procédure et d'intervention doivent être généralisés pour plusieurs raisons. Juste par la mobilité des enseignants actuellement, se réhabituer d'une école à l'autre avec d'autres codes de procédure, d'autres codes de conduite, il y a quelque chose d'un peu aberrant souvent quand tu as des contrats comme enseignant remplaçant.

Pour les élèves aussi. Les parents bougent, la mobilité de la main-d'oeuvre fait en sorte qu'un élève peut être une année à une école; l'année d'après, il va être dans une autre, réapprendre... Un élève qui est habitué à un code de conduite dans une école devrait être capable d'aller dans n'importe quelle école et traîner son guide de conduite puis qu'il soit applicable de la même façon. Ce n'est pas faire des activités de sensibilisation. Ça, pour moi, ça peut être laissé à la discrétion... dans la façon de transmettre l'information. Mais, à la base, il n'y a pas... Le Code civil, là, il est pour tout le monde, il y a un code civil pour tout le monde, puis tu respectes la loi ou tu ne la respectes pas.

Puis c'est la même chose aussi pour la prévention, les codes de procédure, quand on parle d'intervention. Puis il ne faut pas oublier que ces recommandations-là sont faites aussi dans une lunette avec des réalités spécifiques aux LGBT qui font en sorte que, par exemple, au niveau de l'intervention, on se préoccupe, nous, que nos jeunes ne se ramassent pas expulsés du milieu familial ou qu'ils soient... inutilement. Donc, il faut avoir un code de procédure qui permette d'être applicable, peu importe dans quelle école le jeune va être ou peu importe dans quelle école il va être déménagé par la suite. Donc, pour nous, c'est des éléments fondamentaux qui devraient être uniformisés, il n'y a pas de question là-dessus.

M. Gaudreault: Je comprends que le code de conduite, dans votre esprit, c'est davantage relié, par exemple, aux valeurs qu'une société comme la société québécoise doit partager et des valeurs qui doivent être à peu près les mêmes... qui ne sont pas à peu près, mais qui sont les mêmes à travers le Québec. Et, au niveau de l'application, tout dépendant des réalités de chaque milieu, là, vous croyez que c'est... il y a plus de discrétion à chaque milieu.

M. Foster (Steve): Bien, pour un code de conduite, je ne sais pas comment qu'on peut adapter ça dans une réalité... Comme je vous dis, la politesse, le respect de l'enseignant, et tout ça, ça devrait être partout pareil. Et, dans le code de procédure, c'est que, si tu envoies promener un professeur, bien, dans ton code de procédure... Les procédures devraient être uniformisées, dans le sens où est-ce qu'avant d'expulser quelqu'un bien il y a un paquet de processus, on doit s'assurer qu'il y ait eu du soutien, un suivi, etc. Pour nous, c'est plus dans cette mesure-là.

Le plan d'action, pour nous, c'est là que, oui, il doit y avoir une vision. Pour nous, il devrait revenir à la commission scolaire, des fois, même avec un lien avec le ministère ou quoi, mais d'instaurer une vision du plan d'action qui, après ça, se transporte dans les écoles, qui, elles, ont la responsabilité de le mettre en application en fonction de leur réalité. Mais de mettre 32 000 visions de la lutte à l'intimidation et à la violence dans les écoles par des plans d'action, ça risque d'être un petit peu problématique.

M. Gaudreault: O.K. Il nous reste moins de deux minutes, là. Rapidement, votre recommandation 22 à la page 20: «Que le gouvernement garantisse une enveloppe budgétaire supplémentaire [pour assurer] une application efficace de la loi...» Quand vous dites «garantisse», est-ce que vous allez jusqu'à dire qu'il faut que ça apparaisse dans la loi?

M. Foster (Steve): Non, non, non. Non, mais ce qu'on doit voir, c'est que, nous, on parle beaucoup de formation. La formation, ça a quand même peut-être un coût aussi. Il y a des aspects là-dedans qui peuvent avoir des coûts. Soutenir des activités de sensibilisation ou de promotion de différentes réalités, etc., il peut avoir un coût. Donc, il faut voir si les enveloppes actuelles qui ont été libérées dans le plan d'action contre la violence, etc., peuvent couvrir ça. Mais il faut être conscient qu'il y a peut-être un coût supplémentaire qu'il faudrait peut-être envisager.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie, M. Steve Foster, président-directeur général du Conseil québécois des gais et lesbiennes, de nous avoir fait connaître votre point de vue sur le projet de loi n° 56.

Document déposé

Je voudrais également, avant de terminer, vous dire que j'ai accepté le document présenté par l'Association des comités de parents anglophones Dites non au harcèlement -- Say no to harassment, de la commission scolaire Central du Québec.

Et, compte tenu de l'heure, la commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures. Bon appétit.

(Suspension de la séance à 13 h 15)

 

(Reprise à 15 h 4)

Le Président (M. Marsan): À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Je vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques à l'égard du projet de loi n° 56, Loi visant à lutter contre l'intimidation et la violence à l'école.

Cet après-midi, nous recevons la Fédération des établissements d'enseignement privés, L'Association des administrateurs des écoles anglaises du Québec et le Groupe de recherche sur l'éducation éthique et l'éthique en éducation de l'Université du Québec à Montréal.

Avant de céder la parole à nos invités, j'aimerais simplement obtenir un consentement pour accueillir Mme la députée de Marguerite-D'Youville. Et, sur consentement, elle aura le droit de parole dans nos travaux.

Une voix: ...

Le Président (M. Marsan): Oui. Alors, je comprends qu'il y a consentement.

Et j'aimerais maintenant accueillir le président-directeur général du Collège Bourget, qui est aussi représentant de la Fédération des établissements d'enseignement privés, et M. Jean-Marc St-Jacques. Je vais vous demander de nous présenter les gens qui vous accompagnent, et vous avez une période de 15 minutes pour nous donner votre position sur le projet de loi n° 56. Vous avez la parole.

Fédération des établissements
d'enseignement privés (FEEP)

M. St-Jacques (Jean-Marc): Merci, M. le Président. Alors, je suis accompagné de Mme Geneviève Beauvais, qui est directrice des communications à la fédération, et de M. Alain Roy, qui est directeur général de l'Externat Saint-Jean-Berchmans, ici, à Québec, une école préscolaire, primaire. Et, comme vous l'avez dit, au Collège Bourget à Rigaud, une école préscolaire, primaire, secondaire, mixte, pensionnat et externat...

La fédération -- bref rappel de qui est la Fédération des établissements d'enseignement privés, la FEEP -- c'est un organisme qui regroupe 189 établissements d'enseignement préscolaire, primaire, secondaire, qui accueille une clientèle aux profils variés, des élèves plus performants, d'autres qui nécessitent plus d'encadrement. Il y a une douzaine d'établissements en adaptation scolaire. Il y a une vingtaine d'établissements avec des résidences, pensionnats. Il y a des établissements qui offrent plus des cours professionnels, d'autres qui reçoivent seulement des filles, d'autres qui... dans divers milieux, de petite ou de grande taille. Donc, ça fait des établissements qui sont des établissements autonomes, qui, je dirais, à 98 %, sont des OSBL, donc des organismes sans but lucratif avec des conseils qui essaient d'animer ces établissements-là.

D'entrée de jeu, vous dire que la FEEP accueille positivement cette initiative gouvernementale en matière d'intimidation, et nous invitons fortement nos membres à s'y engager et à signer la Déclaration québécoise d'engagement contre l'intimidation et la violence. Et, cette initiative-là, on l'appuie parce qu'elle s'inscrit dans une démarche déjà enclenchée dans nos établissements de formation sur l'intimidation, sur le «bullying» dans le passé, sur toute forme d'agression physique, verbale auprès des jeunes. C'est une démarche qu'on fait, et qu'on essaie de soutenir, et maintenant, avec ce projet de loi, de rendre davantage visible entre les établissements.

Je vous donne un exemple. Chez nous, à Rigaud, un groupe d'élèves, avec les élèves de l'école publique voisine, de la commission scolaire des Trois-Lacs, de la Cité-des-Jeunes, ont travaillé ensemble à bâtir un film avec, bien sûr, des adultes sur l'intimidation. Ce film-là, d'une cinquantaine de minutes, qui présentait des situations vécues sur l'intimidation, a été présenté à la fois à l'école publique, à la fois chez nous et présentation publique au cégep de Valleyfield. Donc, une espèce de concertation dans le milieu pour réveiller les gens sur cette réalité-là.

Je vous dispense de la lecture de la section analyse de notre mémoire pour aller aux trois recommandations. La première, il nous apparaît important de documenter davantage le phénomène de l'intimidation. En 2009-2010, on a mené une enquête, une vaste enquête auprès des élèves du secteur secondaire de notre fédération, et il y a 44 000 jeunes qui ont répondu à un questionnaire de 230 questions qui touchent toutes sortes de réalités, à la fois leur vécu familial, leur vécu... leur appartenance à une religion, leur souci de la réussite, leur motivation, leur engagement dans des activités parascolaires et aussi sur le phénomène de l'intimidation. On a un rapport précis qui nous permet de pointer des facteurs de risque, qui nous permet de voir vers où on s'en va.

Et pourquoi on avait fait cette enquête-là? On en avait fait une il y a 10 ans. C'était pour voir l'évolution de nos élèves en 10 ans et aussi d'outiller les établissements, de revoir le programme de formation avec les établissements. Par exemple, on a eu une centaine de formations sur différents thèmes, là, au cours des 10 dernières années auprès des membres du personnel, et c'est dans ce sens-là qu'on a refait cette enquête-là pour être capables de voir où sont rendus les jeunes. Puis il y a des choses qui se maintiennent, d'autres qui nous ont frappés durement. Ce n'est pas l'objet, mais, par exemple, la diminution de la motivation est de l'ordre de 30 % en 10 ans chez les jeunes du secondaire dans nos établissements. Donc, on dit: Bon, il y a un travail à faire là. Alors, ces résultats-là de cette enquête-là sont communiqués à l'ensemble du réseau au cours... Actuellement, c'est tout un travail d'analyse, vous comprendrez, et on... morceau par morceau, secteur par secteur, pour l'ensemble du réseau, mais chaque établissement a un rapport d'enquête pour ses propres élèves, comment ses élèves se situent, comment ils réagissent dans divers phénomènes.

**(15 h 10)**

Ce qui est intéressant aussi, c'est que ça nous permet de faire des liens entre, par exemple, la motivation à l'école et l'intimidation. Il est possible de faire des liens, de voir, la motivation baisse, bien sûr, s'il y a de l'intimidation. Ça nous semble une vérité, mais c'est confirmé dans une enquête comme celle-là. Ce sont des exemples de ce qu'on peut voir, aussi de voir est-ce qu'il y a des corrélations avec le niveau de scolarité des parents, est-ce qu'il y a des corrélations avec le milieu, l'origine culturelle. Il y a des choses qu'on commence à voir plus clair là-dedans.

Ça nous permet de tracer aussi le portrait des victimes, mais aussi le portrait des auteurs de toutes formes de violence, alors qu'elle soit verbale, psychologique, physique, sexuelle et, bien sûr, la cyberintimidation, qui est plus insinueuse et plus difficile à voir. Quand c'était de la violence physique, bien, dans une cour d'école, c'est vite vu. Mais, vous le savez comme moi, au niveau de la cyberintimidation, ça nous demande donc de développer des outils pour outiller les membres du personnel et les parents à mieux percevoir ce phénomène-là.

Le deuxième élément dont on fait mention, c'est de donner à cette initiative, bien sûr, le moyen de ses ambitions. Bien sûr, on sait la réalité financière du Québec. Donc, on a vécu au cours des derniers mois différentes formes de compressions qui font en sorte que nos établissements, parfois, ont des décisions douloureuses à prendre, compte tenu de la taille des établissements. On a beaucoup d'établissements de moyenne et de petite taille, donc 300, 400, 500, 600 élèves, qui n'ont pas toujours les ressources adéquates pour avoir tout un personnel qualifié pour soutenir ces actions-là, ces activités-là ou cette formation-là. Parce qu'on doit travailler aussi beaucoup à la formation des personnels. Quand c'est des enseignants, il y a des journées pédagogiques, il y a des choses. Mais, quand on veut libérer aussi les autres personnels qui sont plus spécialisés, des animateurs, des psychologues, ou des psycho-éducateurs, ou des intervenants psychosociaux -- appelez-les comme on veut, là -- dans les horaires et dans le nombre d'heures qu'on leur attribue dans une école, souvent on a des difficultés.

Et ce qui est plus difficile aussi dans un dossier comme celui-là, c'est que, bien sûr, il faut mettre en place des mesures efficaces, et souvent il y a des mesures d'urgence. Donc, il faut, à la fois, faire de la formation, mettre un plan d'action puis, à la fois, avoir des mesures d'urgence. Et souvent c'est quand les mesures d'urgence arrivent qu'on manque de ressources.

Ce qui est un des constats troublants qui ressort de l'enquête que nous avons menée auprès des élèves, c'est la similitude de profil des élèves qui disent avoir fait de l'intimidation et ceux qui disent en avoir subi. Quand on regarde l'analyse, il y a une similitude de profil. Alors, en comprenant mieux qui ils sont, il deviendra plus facile pour nous d'agir en amont pour fournir aux jeunes à risque l'accompagnement nécessaire. La présence à l'école, sur place, de psychologues scolaires, de psychoéducateurs, d'autres intervenants pourrait nous aider en ce sens-là.

Ici, un élément dont je n'ai pas parlé avant mais que je voudrais souligner, qu'on a beaucoup apprécié dans cette dimension de projet de loi, c'est le lien avec les parents. L'obligation... bien, l'obligation, ce n'est peut-être pas le mot... de travailler avec les parents, mais aussi de responsabiliser les parents face à ce phénomène-là, de ne pas renvoyer tout ça à l'école. Ils sont 25 heures-semaine dans un établissement scolaire. Donc, oui, on a une responsabilité sociale, une responsabilité d'éducation, une responsabilité de formation des personnels, de dépistage, d'accompagnement des jeunes, et rajoutez tout ça, mais, en même temps, de travailler avec les parents pour qu'eux aussi soient alertés et qu'ils donnent le milieu, l'environnement nécessaire à leurs enfants pour leur plein épanouissement, leur plein développement.

Le troisième élément et le dernier, c'est d'examiner la possibilité d'introduire l'enseignement des règles de base de l'identité numérique. Peu de jeunes savent que ce qu'ils mettent sur les réseaux sociaux ou qu'ils... laisse des empreintes, laisse des traces qui peuvent être retracées parfois 10, 20, 30 ans après. Peu de jeunes savent aussi que, parfois, qu'ils envoient quelque chose en pensant que ça va faire un petit impact, mais que ça devient planétaire parfois. Peu de jeunes sont conscients des lois sur les médias sociaux. Peu de jeunes sont conscients de leurs responsabilités face aux médias sociaux, que ça devient du domaine du public.

Alors, on se dit: Il serait peut-être intéressant, puisqu'on sait que la ministre de l'Éducation a le pouvoir de prescrire dans des domaines généraux de formation des activités aux contenus qui doivent être intégrés dans les services éducatifs dispensés aux élèves... est-ce qu'il n'y aurait pas là une ouverture possible pour introduire dans le programme scolaire des notions liées à l'utilisation responsable des nouveaux médias auxquels les enfants, les jeunes, les ados ont accès de plus en plus jeunes et d'avoir des lignes directrices communes à enseigner à tous les jeunes Québécois, toutes les jeunes Québécoises pour une utilisation responsable des technologies de l'information et de la communication? Et ça, ces éléments-là, ces balises-là pourraient être introduites, et dans certains programmes qui existent déjà ou par des volets ou par des blocs annuels pour responsabiliser davantage les jeunes par rapport à cette réalité-là.

Donc, en résumé, nous documenter davantage sur le phénomène de l'intimidation pour mieux outiller nos écoles -- c'est ce qu'on est en train de faire, et la loi nous amène à ça aussi, ce qui est intéressant; donner à cette initiative le moyen de ses ambitions; et examiner la possibilité d'introduire l'enseignement des règles de base de l'identité numérique. Et j'arrête là, M. le Président, pour la présentation.

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie beaucoup, M. St-Jacques. Nous allons débuter immédiatement cette période d'échange, et je vais donner la parole à Mme la ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport. Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. Bienvenue à vous. Parfois, il a été question de vous dans des échanges que nous avons eus avec d'autres organismes, ou regroupements, ou intervenants devant cette commission. Plusieurs nous ont demandé que l'ensemble des dispositions de la loi s'appliquent un peu, je dirais, comme un effet miroir vers les établissements privés. Par ailleurs, on sait quand même que le contexte dans lequel vous fonctionnez n'est pas tout à fait... On ne peut pas considérer que c'est tout à fait similaire aux établissements publics, ne serait-ce le fait que... Et certains peuvent peut-être le déplorer, mais vous pouvez cesser de recevoir un enfant, qui sera reçu dans le réseau public. Il n'y a pas d'obligation de votre part de fournir le service, je vais m'exprimer ainsi.

Mais je veux vous entendre, je veux vous entendre sur jusqu'où on peut aller -- je vais m'exprimer ainsi -- pour que l'ensemble des dispositions de la loi, du régime d'obligation, et tout ça, s'appliquent tout autant au secteur privé qu'au secteur public. Je pense que vous n'êtes pas sans savoir que... je le dis avec un sourire, mais que, parfois, vous êtes un secteur mal aimé, où les gens disent: Il y a une sélection de jeunes, etc. Tout le fardeau repose sur le secteur public. Donc, je veux vous entendre nous parler de jusqu'où vous êtes prêts à aller. Est-ce qu'il y a même des éléments -- je vais vous poser la question ainsi -- est-ce qu'il y a des éléments où, en ce moment, la loi ne vous assujettit pas à soit certaines redditions de comptes ou certains types d'intervention et que vous dites: Nous, on est prêts à aller jusque-là?

M. St-Jacques (Jean-Marc): Merci, Mme la ministre. Quand je regarde -- puis vous pourrez me corriger -- l'ensemble du projet de loi, je crois que, de manière générale, les établissements d'enseignement privés sont prêts à relever la responsabilité qui est leur aussi, puisqu'ils ont une clientèle de plus en plus variée, de plus en plus avec des problématiques qui peuvent être lourdes aussi. Donc, on a une obligation sociale, nous, c'est ça, de façon générale.

Je vous dirais que le seul élément qui achopperait un peu, compte tenu de l'autonomie des établissements, c'est l'obligation pour chaque directeur d'école de désigner une personne, une personne responsable du dossier. Quand je dis ça, c'est dans le sens suivant, c'est qu'habituellement les établissements développent des mécanismes de responsabilisation de l'ensemble du personnel et d'avoir... ils ont différents... Par exemple, si je prends Saint-Tite-des-Caps, c'est une coopérative de parents. Donc, dans cette coopérative-là, il y a une façon de faire qui responsabilise le personnel, les gens d'une manière. Dans d'autres établissements, ça va être... À Ham-Nord, c'est la même chose, c'est une coopérative aussi. Dans d'autres, c'est des membres du personnel avec des parents, avec des intervenants sociaux du milieu. Donc, il y a une approche particulière à chaque établissement. Mais qu'on ait l'obligation d'avoir un rapport, d'avoir un plan de match, comme on dirait, de savoir où on va là-dedans et de rendre des comptes par rapport à ce qu'on fait sur l'intimidation, ça, je crois que chaque établissement serait tout à fait... C'est la modalité. Ce qu'on souhaiterait, c'est qu'il n'y ait pas une modalité pareille partout, puisque nos établissements ne rejoignent pas les mêmes types de clientèle, les mêmes types d'élèves mais... Donc, c'est sur le... c'est-à-dire probablement que c'est sur la personne responsable du dossier. Je ne sais pas s'il y a d'autres éléments.

Mme Beauvais (Geneviève): ...si je peux me permettre un élément pour répondre à votre question, on a regardé récemment le taux de persévérance dans nos écoles, puis, au cours des 10 dernières années, les élèves restent beaucoup plus. Avant, c'était effectivement le cas, les écoles sélectionnaient plus leurs élèves, et ils avaient... En tout cas, plusieurs écoles avaient le réflexe, effectivement, quand ça ne marchait pas, de rompre le contrat. Cette réalité-là a beaucoup, beaucoup changé, en partie à cause de la baisse de natalité, qui fait que les écoles se rendent compte qu'elles doivent garder leurs élèves beaucoup plus, aussi parce que beaucoup d'écoles, maintenant, sont devenues des OSBL qui sont gérés par des gens de la communauté, et elles ont plus cette mission-là de faire réussir les jeunes qui leur sont confiés et de les garder. Donc, déjà, la réalité est en train de changer ou le taux de... ou les jeunes restent plus, même s'il y a des problèmes. Plutôt que de dire: Il part, on le garde.

Il y a aussi la réalité où on accepte de plus en plus de jeunes en difficulté. Avant, c'était la majorité des écoles qui sélectionnaient. Maintenant, selon notre dernier recensement, c'est autour de 10 %, et peut-être même moins, là. On n'a pas finalisé l'étude, mais ce n'est certainement pas plus que 10 % des écoles qui sélectionnent. Elles vont faire des tests de classement pour savoir dans quels programmes ils vont aller, mais le nombre de demandes qu'elles ont correspond de plus en plus au nombre de places qu'elles ont. Donc, ce changement-là dont vous parlez... ou la réceptivité, elle est là naturellement, elle est en train de croître naturellement. Donc, c'est pour ça qu'on se sent interpellés, je pense, tout autant que les autres écoles par ces questions-là.

**(15 h 20)**

Mme Beauchamp: Donc, ce que j'ai compris -- merci beaucoup pour l'éclairage -- ce que j'ai compris, donc, c'est que l'élément où, dans la loi, on dit: Il faudrait désigner une personne responsable, et tout ça, dans votre réalité, vous n'avez pas utilisé cette expression-là, mais j'ai presque entendu: Il y a une forme de droit de gérance, là, vous êtes en train de venir intervenir dans la façon dont on gère nos établissements, puis c'est peut-être un petit peu aller trop loin dans... j'appellerais ça le droit de gérance, là, de notre réalité dans une école.

Par ailleurs, quand vous me dites: Le reste, ça me convient -- je veux juste nommer un chat un chat puis voir si on se comprend bien -- ça veut dire aussi que vous êtes prêts... La loi prévoit, au moment où on se parle... C'est décrié par plusieurs intervenants, mais la loi prévoit, au moment où on se parle, le fait que les commissions scolaires doivent rendre publics, école par école, les... doivent divulguer dans un rapport le nombre d'incidents d'intimidation qui seraient survenus dans chacune des écoles et les moyens pris pour y remédier. Est-ce que je vous comprends bien en disant que, du côté de la fédération des écoles privées, vous dites: Nous, on est prêts à déposer un rapport qui correspondrait en tous points à ce qui se ferait dans le réseau public, donc divulguer le nombre d'incidents qui auraient fait l'objet d'une intervention?

M. St-Jacques (Jean-Marc): Je vous répondrais là-dessus que la position du conseil de la fédération, c'est oui. Je sais très bien que ça va chatouiller chez certains de mes collègues, je sais très bien que ça va chatouiller chez certains conseils d'administration des établissements parce que c'est toujours... Et vous l'avez bien noté, c'est cette habitude des établissements, dans le respect des lois, dans le respect du cadre éducatif prévu par le gouvernement québécois, par le ministère de l'Éducation, d'avoir une autonomie d'action, une autonomie de trouver des solutions qui répondent aux besoins qui sont là. C'est pour ça que l'intimidation... ou bien donc que les élèves en difficulté, il y en a plus parce que, de tradition, on essaie de répondre aux besoins des gens qui sont là et aux besoins du milieu où on est insérés, donc... Et, si c'est ça, le besoin du milieu, ça rentre automatiquement dans nos écoles. Donc, c'est la même chose au niveau de ça.

Je pense que oui. Probablement qu'avec le temps on précisera les modalités, voir comment on s'y prend. Il y a des établissements que je sais qu'ils vont craindre parce que c'est toujours l'image, de voir si on donne... Et, j'imagine, c'est la même chose au secteur public. Pour avoir des collègues avec qui je discute, c'est cette difficulté-là de quelle image on donne, c'est... Bien, il y a eu 200 cas d'intimidation, par exemple. Alors, ça, je peux comprendre. Mais, en même temps, on sait qu'on a des comptes à rendre, là.

Mme Beauchamp: Mais je le dis avec un... je le...

Une voix: ...

Mme Beauchamp: Pardonnez-moi, allez-y. Non, on est là pour vous écouter.

Le Président (M. Marsan): M. Roy.

M. Roy (Alain): Pardon, excusez, si vous me permettez, j'aimerais revenir un peu sur... Quand vous parliez du droit de gérance, là, c'est un peu de l'autonomie mais aussi de la responsabilisation pour chaque enseignant dans nos écoles. Parce que c'est sûr qu'on leur demande d'avoir la responsabilité du groupe classe en termes de pédagogie et de développement de l'élève dans l'ensemble des ses potentialités. C'est sûr que, si on leur permet de référer à quelqu'un d'autre, on va avoir des gens qui vont se distancer, un peu comme ça s'est fait en orthopédagogie aussi. À un moment donné, les gens ont commencé à dire, les profs: Bien, ce n'est pas moi, l'orthopédagogue va le faire.

Moi, en tout cas, personnellement, je pense que... Puis, au niveau de la fédé, on préfère d'outiller nos gens à intervenir avec leurs élèves plutôt que les référer à quelqu'un d'autre qui va intervenir. Parce que c'est sûr, un peu... c'est un peu comme la passation des pouvoirs à quelqu'un d'autre, hein? Alors, il y a toujours quelqu'un qui est moins en contrôle. Quand va venir le temps d'intervenir aussi auprès des parents, c'est sûr que, le lien avec les parents, bien il y aura un intermédiaire qui aura été fait. Déjà, il y aura des intermédiaires avec le service de garde, les animations du midi, et même les spécialistes à l'école aussi divers. Alors, je pense que c'est important de ramener les profs aussi pour les responsabiliser puis les amener à être tout à fait conscients du rôle qu'ils ont à jouer dans la société. Parce qu'on peut parler d'ordres professionnels, de différentes façons de voir les choses, mais reste que les profs doivent être conscients qu'ils ont un énorme rôle à jouer, puis ça relève de leurs mains. Ils ont des petits pitous dans leurs classes ou des grands du secondaire pendant plusieurs années, alors je pense que c'est important qu'ils interviennent puis que ça leur revienne. Merci.

Mme Beauchamp: Merci. Votre commentaire est très clair, je pense qu'on... Comme on dit, là, familièrement, on met ça dans notre besace et on va y penser. Mais votre commentaire est très clair. Et d'autres personnes avant vous ont parlé de leur crainte qu'il y ait une forme de déresponsabilisation de toute l'équipe-école du fait qu'il y aurait quelqu'un de désigné dans un organigramme comme étant responsable du dossier intimidation. C'est une bonne réflexion.

Je voulais revenir sur... Puis je veux juste vous dire avec un sourire que votre réponse va quand même un petit peu plus loin que les deux fédérations de commissions scolaires, anglophone et francophone. Parce que leur réponse est plutôt: Non, on ne veut pas qu'il y ait divulgation établissement par établissement, alors que votre réponse à vous, c'est de dire: Ça chatouille, ça dérange, on le craint, mais la réponse est oui, que vous pensez que ça peut se faire ou que ça doit se faire.

J'ai une question pour vous. Vous savez comme moi, et tantôt vous avez voulu corriger en disant... vous avez voulu nous donner plus d'information en disant que, depuis 10 ans, peut-être que votre réalité change. Mais la perception demeure quand même que le réseau privé accueille avant tout des élèves moins à problème, doués, moins problématiques, donc qu'il y a cette sélection. Et votre réalité change, mais je me demandais, pouvez-vous... Parce que moi, j'ai assez intéressée par votre enquête, là, dont vous avez parlé sommairement, mais cette enquête menée, qui vous permet vraiment d'avoir un portrait de la situation. Mais ma question, c'est: Qu'est-ce qui a fait que vous avez décidé de mettre de l'énergie dans une enquête de ce type? Est-ce qu'on est en train de se dire que, dans vos établissements... Et ce serait normal, là, mais est-ce que vous êtes en train de dire que la situation était à ce point problématique et criante que ça vous a demandé de faire une telle enquête?

Et je termine en vous disant un dernier aspect sur lequel je veux que vous commentiez. Je reçois très positivement le fait que vous disiez: Nous, on est prêts à être assujettis à pas mal tous les éléments, y compris la divulgation publique des événements qui sont survenus dans nos écoles. Vous menez une enquête que, moi, ça me... J'allais dire: Ça m'impressionne, là. Je me dis: Il y a comme un engagement de la part de toute votre fédération à attaquer le problème. Puis je veux juste que vous commentiez le fait que, quand le ministère a voulu faire une cueillette d'information sur la mise en place des mesures prévues au plan d'action, on a reçu 25 % de réponses. Ça fait que, là, je suis là, je me dis: Du monde qui ont de l'air dédiés, du monde qui ont de l'air de bonne foi puis bien ouverts, puis, à la fin, là, quand c'est nous, qui devons dire: Est-ce qu'il marche ou pas, le plan d'action?, la difficulté d'obtenir les réponses... Puis je veux juste vous demander de commenter comment vous expliquez le fait qu'en 2010-2011, quand on pose des questions, le ministère de l'Éducation reçoit des réponses de 70 établissements seulement.

M. St-Jacques (Jean-Marc): Je vais répondre à cette partie-là puis, sur l'enquête, je pense que je vais laisser plus la parole à Mme Beauvais. Je vais parler comme directeur d'établissement peut-être plus que comme... Quand on a fait cette enquête-là, je crois, ce qui a donné son succès, c'est que ça a été une décision d'assemblée, de dire: Il faut comprendre où en sont nos élèves par rapport à il y a 10 ans, et sur plusieurs facteurs. Oui, il y avait l'intimidation, la violence, tous les phénomènes qui... mais on voulait comprendre la réussite, la motivation, comme je disais tantôt, le rapport à la religion aussi parce qu'avec les cours d'ECR on voulait voir où on en est dans tout ça, la pastorale dans les écoles. Donc, on voulait comprendre beaucoup de choses comme celles-là, là. J'en oublie des éléments, Mme Beauvais pourra aller plus loin. Ça, c'est une chose.

Mais, quand on a décidé ça en assemblée, bien là les établissements ont travaillé avec leurs équipes pour, tout simplement, administrer le questionnaire dans l'établissement. Donc, le chef d'établissement n'avait qu'à trouver une journée pour faire administrer un questionnaire. Après ça, c'est parti, et la fédération a fait le travail. Ce qui arrive actuellement, je pense, le faible taux de réponse que... Je trouve ça très faible, effectivement, mais je ne peux pas vous dire d'autre chose, là. On est, je dirais, pas surstimulés, mais surcommandés par des besoins du milieu, des besoins de nos conseils, des besoins des parents, des associations de parents, de... et diverses enquêtes qui nous arrivent pas nécessairement du ministère de l'Éducation, mais Statistique Québec, Statistique Canada et des enquêtes aussi de la fédération pour essayer de voir clair dans tous les dossiers, et je crois qu'il y a une... on aura un travail à faire pour... Je crois qu'on aurait avantage, nous, à prendre en charge, à ce moment-là, ces enquêtes-là pour stimuler davantage de réponses auprès du ministère. C'est qu'il y a peut-être... Je ne vois pas de raison sérieuse autre que les gens sont un peu débordés, là, actuellement, puis ils ont eu l'impression... Parce que qu'on se l'est fait dire comme fédération, vous questionnez beaucoup, mais on s'en va vers où avec toutes ces enquêtes-là, là? Alors, c'est peut-être dans le même contexte qu'est arrivée cette réaction-là, je ne pourrais pas vous dire plus. Mais, sur l'enquête spécifique, sur le besoin de cette enquête-là, à voir est-ce qu'il y avait plus d'intimidation ou quoi que ce soit avant, je ne sais pas si...

**(15 h 30)**

Mme Beauvais (Geneviève): En fait, c'est une enquête qui avait été faite pour la première fois en 1999-2000. Puis, à ce moment-là, il y avait 33 000 élèves qui avaient répondu, et c'était vraiment pour orienter les besoins de formation et les besoins d'intervention au sein de l'école. Et on a voulu, 10 ans plus tard, voir s'il y avait eu des changements. Un des exemples, c'est qu'on avait été très impressionnés, il y a 10 ans, par le nombre d'enfants qui disaient avoir eu des pensées suicidaires. Et, à partir de là, on a fait tout un programme de formation où, entre autres, on a prévu beaucoup de formation sur la prévention du suicide, comment reconnaître un jeune qui aurait, bon, des caractéristiques ou des choses comme ça. Donc, on a voulu répéter ça 10 ans plus tard pour voir, d'une part, si les actions qu'on avait faites, si les programmes de formation puis les interventions qu'on avait mis en place avaient eu un impact. Heureusement, au niveau du suicide, là, il semble y avoir une baisse. On ne sait pas si c'est... Enfin, on n'a pas nécessairement les causes à effet, mais on a quand même ces indicateurs-là. Donc, c'est le but de cet exercice-là qu'on fait à tous les 10 ans, et les écoles paient. Les écoles qui désirent participer paient un petit montant pour chaque élève qui participe et, en retour, elles ont accès à toutes les données pour leurs écoles.

Mme Beauchamp: Et donc, juste rapidement, parce que je pense que c'est un éclairage intéressant, sur le thème de l'intimidation, ça donne quoi exactement, puis on doit retenir quoi de cette enquête faite directement auprès des jeunes?

M. St-Jacques (Jean-Marc): Ça donne comme résultat que c'est un phénomène qui touche tous nos établissements, je dirais...

Mme Beauvais (Geneviève): Certains établissements en adaptation scolaire ne sont pas touchés.

M. St-Jacques (Jean-Marc): Non, non, excusez, moins les 12 établissements en adaptation scolaire. Mais, de façon générale, oui...

Mme Beauvais (Geneviève): Il y en a partout.

M. St-Jacques (Jean-Marc): ...avec des courbes semblables avec les milieux qu'on peut retrouver dans les secteurs de la société ou des impressions de courbes plus élevées parce que c'est des témoignages de jeunes. C'est une enquête de réponses de jeunes, on va avoir des réponses d'intimidation à l'école. Sur cyberintimidation, dans la cour de l'école, sur les rues environnant l'école, on en perçoit. Maintenant, est-ce que c'est la même proportion que les écoles du secteur public? Je n'en sais rien, là, pour être honnête, puis je n'ai pas encore assez d'analyse. Mais les premiers éléments semblent dire que l'intimidation, ou l'impression d'être intimidé, ou la perception -- c'est ça que je veux dire -- elle est généralisée. C'est une enquête auprès des écoles secondaires seulement, il faut dire, là, ici, là. Dans les écoles secondaires à travers toute la province, je pense bien qu'il y aura des variantes que je ne possède pas, là, pour répondre clairement. Mais c'est quelque chose qu'on pourrait avoir facilement, là.

Mme Beauchamp: Est-ce que je peux savoir combien de temps il me reste?

Le Président (M. Marsan): Au moins cinq minutes.

Mme Beauchamp: Cinq minutes. Je voudrais aborder le thème de la cyberintimidation, et sur deux éléments. Le premier, c'est: Comment voyez-vous votre rôle dans le dossier de la cyberintimidation? On a eu des échanges, là, par exemple, avec des représentants de comités de parents. Là-dessus, on est un peu à la recherche de dire quelle est la responsabilité exacte d'une école, de son directeur par rapport à la cyberintimidation et, vous me comprenez, là, où est la frontière, jusqu'où va la responsabilité de l'école et où va la responsabilité parentale. Et je voudrais savoir, comme on dit souvent, dans la vraie vie, là, ça se travaille comment quand... Si jamais, au moment où je vous parle, avant l'adoption de la loi, vous êtes devant un phénomène où on voit l'existence de la cyberintimidation, c'est sur une page Facebook, puis ça ne s'est peut-être pas fait à l'école, mais c'est deux étudiants de l'école qui s'invectivent ou qui s'intimident via Facebook, donc, en ce moment, vous intervenez comment?

Et l'autre élément, c'est peut-être vous entendre un peu plus sur la recommandation que vous me faites par rapport à des séances. Vous avez raison de dire que, dans la loi, on introduit, parce que ça devenait nécessaire, le fait que le ministre peut dicter des contenus pour des séances de formation. On le fait parce que, dans le cadre de toute la stratégie de lutte contre l'intimidation, on a indiqué qu'on voulait introduire les séances au civisme, là, on pense que ça doit se faire dans toutes les écoles du Québec, mais il y a d'autres enjeux puis il y a d'autres... On pense à l'éducation à la sexualité, qui pourrait prendre cette forme-là, peut-être des initiatives qui permettent de ne pas aller tout bousculer la grille horaire mais qui permettent en même temps d'ajouter des contenus.

Je prends juste le temps de vous dire que, quand on a fait l'annonce, et tout ça, on a indiqué que le ministère allait travailler sur le développement de contenus en cybercitoyenneté. Les écoles qui ont déjà pris des virages qu'on appelle l'école 2.0, des virages avec une forte présence de technologie, en arrivent assez rapidement à dire: Bien, on utilise les nouvelles technologies, mais il faut former nos jeunes sur l'utilisation de ces nouvelles technologies.

Donc, je voulais juste vous dire qu'il y a des contenus prévus. Est-ce que ça va prendre la forme de ces fameuses séances? Je ne voudrais pas non plus envoyer un message que je les multiplie tous azimuts comme si ça devenait une solution facile. Honnêtement, sur la cybercitoyenneté, est-ce que c'est sous forme de séances ou on doit intégrer ces contenus dans d'autres cours, comme on le fait pour d'autres dimensions? La question, je pense, peut demeurer ouverte. Mais je voudrais avoir votre éclairage, donc, sur la cyberintimidation puis, ensuite, les contenus en cybercitoyenneté.

M. St-Jacques (Jean-Marc): Je vais d'abord laisser M. Roy en premier...

M. Roy (Alain): Merci. Si vous me permettez, par rapport à la cyberintimidation, je pense que, sans aucune hésitation, le directeur doit se mouiller. Les enfants qui nous sont confiés nous sont confiés pendant 180 jours et 200 jours, à peu près, avec les journées pédagogiques, et c'est sûr que, que ce soit si... parce qu'il y a de l'intimidation ou parce qu'il y en a justement, on n'a pas le choix, on doit intervenir, on doit faire appel aux parents, on doit faire appel aux ressources qui existent. Ça a un impact direct sur le jeune qui revient à l'école. Je pense que ce n'est même pas une question de réfléchir sur ça, on doit se mouiller. C'est sûr, tantôt, on parlait d'image quand vous avez parlé d'image un peu au niveau de l'image du privé. Bien, je pense qu'au-delà de l'image c'est les enfants qui priment. Alors, si les enfants priment, il faut que tout le monde s'implique, puis on ne peut pas laisser passer... parce qu'en quelque part, je vous dirais, on est coupables par association un peu au niveau de l'intimidation.

Alors, pour ma part, là, c'est sans hésitation, puis je pense qu'il faut aller de l'avant puis convaincre notre monde. Je pense que ça ne sera pas difficile à convaincre non plus parce que, quand on voit nos enfants arriver le lendemain matin qui sont peinés, qui sont tristes, qu'on voit des... Et il y a de l'éducation à faire aussi auprès des intimidateurs, des gens qui intimident. Parce que, parfois, c'est une banalité, mais il faut voir aussi que ça prend une proportion... Il y a d'autres personnes qui prennent ce contexte-là et, là, vont revenir intimider. La personne s'excuse, mais les autres vont le dire à petites doses, et ça a un impact... Je veux dire, vous savez qu'est-ce que je veux dire par rapport à ça, c'est que les enfants subissent les contrecoups, puis ça finit baisse de la motivation scolaire, diminution de l'estime de soi, manque de confiance en soi, voire autre chose, maladie, etc. Merci.

M. St-Jacques (Jean-Marc): Si vous me permettez, je rajouterais juste un complément. Je pense que la formation... l'école, son rôle par rapport à la cyberintimidation, c'est d'abord la formation des élèves. Ça, je crois qu'il faut outiller les élèves, comprendre ce qu'ils font quand ils utilisent ces médias-là. C'est la même façon que de parler à quelqu'un et de le menacer ou quoi que ce soit. Donc, il y a toute une formation.

On croit aussi qu'on doit beaucoup travailler avec nos personnels. Quand je dis la formation des personnels, ce n'est pas juste dépister l'intimidation, mais c'est le type de relations qu'ils ont aussi entre eux, et avec les parents, et avec les enfants. Si le personnel, je ne sais pas, il serait... des propos de violence verbale avec un élève, un établissement ne peut pas tolérer ça. Donc, on est aussi un modèle, on est aussi une image à donner. Donc, dans nos types de relations entre nous, dans nos types de relations avec les parents, je crois que ça a un impact aussi sur les enfants.

Et, quant au rôle avec les parents, je crois qu'on ne peut pas être autrement qu'en concertation parce qu'on ne peut pas remplacer les parents, on n'a pas les enfants assez longtemps dans... Mais on sait qu'on est marquants auprès des enfants. Mais travailler avec les parents... Ce que j'ai entendu quand on a eu notre soirée sur l'intimidation à partir du film, c'est... Le commentaire, ils étaient contents parce que, là, ils avaient des outils concrets qu'ils pouvaient saisir et adapter dans... pour mieux comprendre et quoi faire avec leur ado. Ça, je crois qu'il faut être très concret là-dedans.

Quant aux cours, ce n'est peut-être pas nécessairement de rajouter des volets de cours, mais de s'assurer de certains blocs de contenu et que chaque établissement trouve la voie. Par exemple, chez nous, on a des espaces qu'on appelle vie scolaire où les élèves d'un degré sont réunis pendant un certain nombre de temps dans une semaine. Donc, il y a peut-être des modalités. Ce n'est peut-être pas par un enseignement, c'est peut-être par une formation, une activité, une vidéo bâtie dans une école, quelque chose sur... qu'on twitte à tous les élèves, je ne sais pas, mais des éléments qui atteindraient les objectifs, mais avec des modes variés. Mais, au niveau... quand on parle qu'on trouve important, c'est pour l'ensemble du Québec d'avoir un contenu de base minimum pour que chacun... un peu le même principe que quand on parlait d'éthique et culture religieuse, qu'on ait une compréhension du phénomène religieux...

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie beaucoup, M. St-Jacques. Ceci termine notre premier échange avec la partie ministérielle. Nous poursuivons avec l'opposition officielle, et je vais donner la parole au député de Jonquière, qui est aussi le porte-parole de l'opposition en matière d'enseignement primaire et secondaire. M. le député.

M. Gaudreault: Oui. Merci beaucoup, Mme Beauvais, M. Roy, M. St-Jacques. Merci beaucoup de votre présence et de votre participation. Ça fait plaisir de vous accueillir à l'Assemblée nationale.

D'abord, sur le fond des choses quant à l'intimidation, avant de parler un peu plus de la mécanique, je dirais, là, quant à l'application de la loi, moi aussi, votre enquête m'interpelle et m'interroge beaucoup. Et vous dites à la page 5 de votre mémoire, en haut de la page, qu'un des constats troublants, c'est la similitude des profils des élèves qui disent avoir fait de l'intimidation et ceux qui disent en avoir subi. Êtes-vous capables de nous en dire un peu plus là-dessus, quant au profil des élèves intimidés versus les élèves intimidateurs? Je suis curieux de vous entendre.

**(15 h 40)**

Mme Beauvais (Geneviève): Si je peux me permettre, peut-être le mot «profil» n'est pas le bon, c'est plutôt qu'il y a des facteurs. La plupart des facteurs où on voit des corrélations entre les... avec les intimidateurs ou les intimidés, c'est les mêmes facteurs. Par exemple, des jeunes qui rapportent qu'il y a beaucoup de chicane à la maison, ça, ça va être un facteur, mais ça va jouer de façon différente. Ça joue autant pour des jeunes qui sont intimidés que pour des jeunes qui font de l'intimidation. La réussite scolaire aussi, les jeunes qui sont victimes ou qui font de l'intimidation, ce sont généralement des élèves qui vont avoir plus d'échecs ou des moyennes moins élevées. Donc, c'est des profils comme ça qu'on va retrouver, des jeunes qui se posent des questions sur leur identité sexuelle, par exemple. On n'a pas encore les chiffres exacts, alors je ne peux pas vraiment vous dire dans quelle proportion ça joue, mais on voit qu'il y a différents facteurs comme ça qui jouent.

Et il y a des variations d'une région à l'autre, mais c'est généralement très similaire, les deux profils. Donc, on peut s'imaginer que c'est les mêmes enfants qui sont vulnérables à soit être pris dans de l'intimidation, mais que ça va aller dans un sens ou dans l'autre. Ou, des fois, ça va être les mêmes aussi qui sont à la fois victimes et qui vont faire des gestes par la suite. Et nous, on trouve que ce genre de données là est extrêmement intéressant. Maintenant, on l'a pour nos écoles et on se dit: Ce serait intéressant de l'avoir pour l'ensemble du Québec aussi pour nous pour savoir si les informations qu'on a sur les jeunes de nos écoles sont les mêmes que celles de l'ensemble des jeunes du Québec.

M. Gaudreault: C'est très intéressant de vous entendre là-dessus. Et qu'est-ce que ça vous dit quant à la définition de l'intimidation? Si vous regardez la définition qui a été donnée dans le projet de loi n° 56 quant à la définition, là, justement, de l'intimidation et de la violence, bien il n'y a pas de définition comme telle de la violence, on verra, là, lors de l'étude article par article. Mais est-ce que vous reconnaissez dans cette définition, d'une certaine manière, les conclusions... c'est un peu gros, là, ce que je dis, là, mais, globalement, de vos enquêtes?

Mme Beauvais (Geneviève): On était à l'aise avec la définition. C'est sûr qu'on est dans des perceptions. Puis c'est ça qui était intéressant de l'enquête, c'est que, là, ce n'est pas quelqu'un qui, extérieurement, objectivement, va dire: Il y a eu de l'intimidation, c'est les jeunes eux-mêmes qui sonnent qu'il y a eu de l'intimidation. Donc, on se rend compte que c'est beaucoup une affaire de perception. C'est sûr qu'on n'a pas fait d'étude qualitative, puis ça, ça serait nécessaire pour aller plus loin, aller plus en profondeur avec les données qu'on a. Mais, tout le monde le sait, un même geste peut être perçu comme de l'intimidation par un enfant puis comme quelque chose de plate par un autre. Et ça, évidemment, juste avec des données statistiques qui rapportent des perceptions, on n'est pas en mesure d'avoir toute cette finesse-là. Donc, c'est pour ça qu'on dit que ça serait bien d'avoir un portrait, d'une part, pour l'ensemble du Québec, mais peut-être aussi d'avoir des données plus qualitatives, d'avoir les moyens d'aller faire des entrevues avec ces jeunes-là pour savoir pourquoi un même comportement va être perçu par un comme de l'intimidation, puis pas par l'autre. Donc, c'est un peu l'idée de dire: Si on peut documenter ça davantage, si on peut avoir de la recherche qui va plus loin que juste des données quantitatives, mais de pouvoir aller chercher des données plus qualitatives, ça serait extrêmement intéressant.

M. Gaudreault: Une tendance que nous avons entendue lors de ces auditions jusqu'à maintenant à l'effet de nommer, je dirais, un certain nombre de motifs qui peuvent conduire à l'intimidation, dont l'orientation sexuelle, perçue ou avérée, un peu les motifs qu'on retrouve également dans la Charte des droits et libertés... Puis il y a une autre tendance qui est de dire: Bien, allons-y avec une définition plus large. Il y a un autre élément qui ressort quand même assez fort sur la définition de l'intimidation, c'est toute la notion de récurrence. Alors, vous, comment vous voyez ça? Est-ce que vous iriez dans une nomenclature, je dirais, d'un certain nombre de motifs? Et, sur la notion de récurrence, est-ce que, pour vous, ça vous apparaît un élément absolument crucial d'une définition de l'intimidation?

Mme Beauvais (Geneviève): Nous, la façon dont on l'a fait dans notre étude, dont on a posé la question, c'est qu'on a demandé: Souvent? À l'occasion? Rarement? Ou jamais? Puis on a regardé les... C'est ça, on a fait une division. Rarement ou jamais, on ne les a pas regardés, puis on a regardé... Donc, on a travaillé beaucoup avec l'occurrence. Maintenant, est-ce que c'est une bonne définition? Je n'ai pas l'expertise pour vous répondre.

M. St-Jacques (Jean-Marc): Sur les motifs... Bon, je pense que nos écoles vont accepter tout ce qui va leur donner des outils ou permettre de trouver des outils auprès des parents, donc qui vont nous permettre d'identifier le problème, qui vont nous permettre de mieux cerner la réalité et, donc, de toucher du doigt là où il faut intervenir. Donc, tout ce qui peut nous aider là-dessus, c'est sûr qu'on va le prendre.

Quand vous parlez des motifs, ce qui semble ressortir -- parce que vous comprenez que, l'enquête, on n'a pas tout fini de l'étudier, là -- les motifs d'intimidation sont davantage -- ce qu'on a perçu -- sont davantage de l'ordre du... pas de l'orientation sexuelle, mais de l'origine ethnique et, j'allais dire, du physique, des choses que... que sur, actuellement, l'orientation sexuelle. Ça, c'était moins dans les premiers résultats qu'on peut analyser, là. J'allais dire à notre surprise aussi parce qu'on croyait que le phénomène par rapport à l'orientation sexuelle était plus fort qu'on pensait. Mais peut-être que ça dépend du moment où on a passé l'enquête. Est-ce qu'il y avait des choses par rapport à un phénomène d'origine ethnique qui a ébranlé les jeunes? Je ne sais pas. Le phénomène qu'on perçoit maintenant, qu'on parle d'intimidation dans les médias ou du phénomène malheureux qui est arrivé avec une jeune fille, on a beaucoup plus de téléphones de parents, là, d'inquiétudes de parents manifestées, donc qui veulent savoir, qui cherchent à comprendre. Est-ce que mon fils, ma fille a dit que... Est-ce que c'est vrai? Est-ce que ce n'est pas vrai? Alors, c'est tout un travail.

M. Gaudreault: Puis je pense qu'il faut aussi... en tout cas, il va falloir... Vous allez être les mieux placés, là, pour juger ça, mais, dans tout ce genre d'enquêtes qualitatives, particulièrement auprès des jeunes, il faudra éviter le... ou exclure un genre de biais, je dirais, à l'effet que est-ce qu'un jeune de 14 ans qui est intimidé sur la base de l'homophobie ou de l'orientation sexuelle... Peut-être que lui-même ne voudra pas le décrire comme ça parce que, pour lui, ça va être aussi un... comme l'admettre, ne serait-ce que par un questionnaire. Donc, il va essayer de trouver peut-être d'autres motifs. Mais, bon, je ne veux pas embarquer là-dedans, là, ce n'est pas le moment de le faire. Mais, quand même, je... Néanmoins, tout ça donne des renseignements extrêmement intéressants, puis moi, je vous dis qu'en tout cas, si vous avez des résultats, effectivement, plus élaborés, j'aimerais beaucoup pouvoir les consulter.

Je voudrais vous entendre également sur les limites de la loi, les limites dans l'espace. Par exemple, les enfants qui fréquentent vos institutions voyagent en autobus, par exemple, des réseaux municipaux ou certains marchent pour se rendre à la maison ou pour aller à l'école. Comment vous voyez la limite de l'application de la loi quant à ces éléments-là?

M. St-Jacques (Jean-Marc): Je dirais que c'est pour ça qu'on trouve important de travailler aussi avec les parents, parce que l'école a effectivement une limite. Dans les zones urbaines comme Montréal et Québec, la majorité des enfants sont voyagés par le transport public, effectivement, donc des autobus qui passent, et ce qui fait que l'école n'a aucun contrôle sur ces autobus-là, puis on ne sait pas ce qui s'y passe nécessairement, sauf par de l'information qui nous arrive parfois par d'autres personnes, et là on tente d'intervenir. Dans les établissements ruraux, bien là c'est habituellement nos propres transports, soit avec la commission scolaire, avec nous. Donc, ça, c'est plus facile de suivre jusqu'au moment où l'enfant descend devant la porte, chez lui.

L'importance de travailler avec les parents... Parce que, la loi, je pense qu'effectivement elle concerne l'école, le travail d'éducation que peut faire l'école, le travail d'encadrement que peut faire l'école avec les élèves qui se disent victimes ou les élèves qui sont les intimidateurs, et ça, je pense que c'est important. Maintenant, le reste, il nous faut trouver des outils, des moyens d'accompagner les parents dans leur désarroi souvent par rapport aux situations vécues par leurs enfants ou l'image véhiculée de certains quartiers. J'ai des exemples d'écoles montréalaises, là, où on a... parfois, véhicule des images de l'environnement d'un quartier... Si on a une école dans les régions... secteur Saint-Michel, Montréal-Nord, même si la réalité n'est pas nécessairement celle-là, bien l'image qui est véhiculée fait en sorte qu'il y a beaucoup plus de téléphones de parents quand on parle d'intimidation dans ces quartiers-là qu'il y en aurait, par exemple, à Rigaud où on... Mais, par contre, à Rigaud, il arrive un petit événement, et je vais avoir tous les parents dans les 24 heures parce que, pour eux, c'est Montréal qui débarque à Rigaud.

Alors, il y a toute une approche de travail avec les parents pour ramener le fait... Et c'est pour ça que l'enquête est intéressante aussi, c'est de ramener la réalité sur les faits pour qu'on puisse intervenir sur ce qui s'est réellement passé et aussi ce que réellement vivent les enfants, et non sur la rumeur populaire, qui devient déstabilisante pour les équipes-écoles aussi et pour le milieu.

Mme Beauvais (Geneviève): Si je peux me permettre, on a eu une école qui nous a apporté un exemple assez intéressant, ils disaient: Il y a eu un cas d'intimidation qui s'est passé entre deux jeunes de notre école qui jouaient pour des équipes de hockey municipales qui n'avaient rien à voir avec l'école. Les jeunes se retrouvent à l'école, il y en a un des jeunes qui ne veut plus aller à l'école parce que l'autre lui a dit qu'il allait lui... enfin, l'attaquer à l'école. Et, donc, l'école a voulu intervenir, et les parents ont dit: Ça ne vous regarde pas, ça ne s'est pas passé à l'école. Mais les répercussions sont à l'école, et, à ce moment-là, c'est important, dans le projet de loi, justement, que la notion des parents soit là et que l'école ait la capacité d'intervenir sur tout ce qui a des répercussions à l'école, même si ça ne s'est pas passé à l'école. Je pense qu'il faut que ça soit très clairement expliqué parce qu'entre autres la cyberintimidation, c'est un peu ça. Ça ne se passe pas à l'école, mais les répercussions sont importantes.

Donc, je pense qu'une des limites du projet de loi, ce serait de ne pas s'assurer que c'est clairement compris que les parents doivent accepter que l'école intervienne aussitôt qu'il y a des répercussions à l'école, aussitôt que ça affecte un jeune dans sa réussite scolaire.

**(15 h 50)**

M. Gaudreault: Un petit peu comme la ministre vous disait tout à l'heure, nous avons été sensibilisés par des groupes vous précédant concernant la différence dans la loi quant au traitement qui est accordé au privé versus le public. Il y a des associations qui nous ont dit: Il n'y a pas nécessairement l'équivalent dans la section du projet de loi, là, qui porte sur l'enseignement privé, qui vise à modifier la loi sur l'enseignement privé, entre autres l'article 5 sur les règles de conduite, l'article 6 sur la participation du personnel, l'article 7 sur le document distribué aux parents, l'article 9 sur le comité des élèves, l'article 10 quant aux appuis, là, aux projets issus des élèves, l'article 11 sur la mise en oeuvre avec le directeur d'école, la mise en oeuvre de la politique -- puis je vais vite, là -- et l'article 17 quant aux procédures de plainte.

Est-ce que vous avez fait vous-mêmes cette comparaison entre les deux volets, je dirais, de la loi, là, celui qui vise à amender l'instruction publique et celui qui vise à amender la loi qui vous régit? Et, si oui, est-ce que vous arrivez aux mêmes différences de traitement? Et pourquoi, selon vous, on doit aller dans ce sens-là ou non?

M. St-Jacques (Jean-Marc): Je vous répondrais qu'on... je dirais qu'on n'a pas nécessairement fait l'analyse de chacun des articles de manière globale, on a regardé en quoi ça vient toucher nos établissements et en quoi ça nous rappelle nos responsabilités d'éducateurs. Ça, c'est le premier réflexe.

Le deuxième élément, je vous dirais aussi, un peu comme on disait à Mme la ministre tantôt, qu'on est prêts à aller plus loin dans les obligations que qu'est-ce que la loi prévoit. Peut-être que je n'ai pas dit tantôt que je pourrais rajouter... Je comprends aussi la limite du législateur par rapport aux établissements d'enseignement privés. La loi ne prévoit pas que les services complémentaires sont financés par l'État dans nos établissements. Donc, ils sont à la charge des parents ou bien donc à la charge de ce qu'on peut dégager dans les budgets par des opérations autres, par des locations, j'allais dire, de terrains, de complexes sportifs pour dégager des bénéfices pour assurer les services.

Alors, je peux comprendre que, si, d'un côté, le législateur nous fait des obligations sur les services complémentaires, de l'autre côté, il n'y a pas la capacité et l'obligation de les financer, il soit un peu pris. Par contre, on vous dit que, malgré ça, on a une responsabilité sociale, on est prêts à aller plus loin dans notre rôle comme maison d'éducation pour soutenir cette démarche-là. Dans la mesure de ce qu'on est capables de faire parce que, comme je vous disais tantôt, on a parfois des décisions douloureuses à prendre pour arriver à équilibrer les budgets. Comme c'est des organismes sans but lucratif, on n'a plus, dans la grande majorité des établissements, des corporations religieuses qui pouvaient ajouter quelques sous parfois pour maintenir des services et pour assurer des services particuliers aux élèves. Elles ne sont plus là. J'en suis un d'une race en voie d'extinction, là, protégée par la faune en perte. Mais, à part ça, on n'est plus là, là. Alors donc, c'est les corporations...

M. Gaudreault: ...patrimoine, quand même.

M. St-Jacques (Jean-Marc): Le patrimoine Canada, peut-être son budget est coupé dans quelques minutes, alors on aura peut-être... Mais, blague à part, ce qui fait notre incapacité d'aller... on va au maximum de ce qu'on peut faire avec les ressources dont on dispose. C'est pour ça qu'on trouvait important de responsabiliser chaque membre du personnel, comme disait M. Roy tantôt, dans son rôle dans la classe, dans son rôle dans la cour d'école, et on y va avec les moyens dont on dispose aussi.

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie. Je vais céder la parole à Mme la députée de Marguerite-D'Youville.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci, M. le Président. Merci beaucoup de votre contribution à cet échange. Moi, je vais revenir sur une partie de votre mémoire, à la page 4, quand vous dites: Donner à cette initiative le moyen de ses ambitions. Alors, vous dites... bon, vous expliquez le contexte de compressions que vous avez subies et que la mise en place de mesures efficaces pour prévenir et contrer l'intimidation et la violence peut être difficile dans certains établissements. Et vous dites que cela nécessite des intervenants disponibles, en mesure d'agir rapidement et efficacement.

J'aimerais vous entendre un petit peu plus là-dessus, sur la portée d'un énoncé comme celui-là, du fait d'autant plus que les services complémentaires n'étant pas financés, les possibilités de ressources sont peut-être...

M. St-Jacques (Jean-Marc): C'est la réalité, en particulier, des petits établissements et des... Si j'ai un établissement de 1 600 élèves puis que je dégage 50 $ par élève, bien j'ai un budget intéressant pour mettre des services. Si j'ai 200 élèves, bien là j'ai un peu plus de difficultés. Et c'est comment on peut travailler aussi avec des établissements d'un secteur donné qui pourraient s'échanger des services, comment on peut arriver... Et c'est là qu'on dit: Avec toutes les contraintes qu'on peut vivre, le vieillissement des bâtiments, les demandes plus pointues en informatique qui se multiplient, bon, et tous les autres services qu'il faut faire, la formation qu'il a fallu donner aussi au personnel pour la transition dans les nouveaux programmes, ça fait qu'à un moment donné on dispose de ressources plus limitées.

Et c'est pour ça qu'on pense qu'il faut aussi trouver des pistes de travail, j'allais dire, concrètes et simples pour atteindre les objectifs, mais on va aller au maximum de ce qu'on peut faire. Là où on a des difficultés, c'est d'avoir des personnels plus spécialisés, là, pour les petits établissements, moyens établissements. Lorsqu'on parle de psychologues ou de psycho-éducateurs, ça devient difficile, à ce moment-là, d'assurer un service adéquat. Mais, pour les autres services, faire de la formation du personnel ou avoir un plan de match, un plan de travail sur ces dossiers, ces questions-là, ça, oui, c'est réaliste dans nos établissements.

De toute façon, chaque établissement essaie de faire quelque chose, une intervention auprès des élèves quand ils perçoivent quelque chose ou quand ils sont alertés face à un phénomène d'intimidation, ou de violence, ou de drogue, de toute manière, et là on va travailler davantage avec les enseignants, avec le personnel de soutien, là, de surveillance, ou quoi que ce soit, pour accompagner les directions d'école. Mais, effectivement, nos ressources là-dessus sont limitées.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci. J'aurais une autre question, peut-être à M. Roy parce que c'est lui, tout à l'heure, qui a parlé... En réponse à une question sur la cyberintimidation, vous avez affirmé de façon très claire l'engagement et la responsabilité du directeur d'école d'intervenir, particulièrement parce que ça a des conséquences sur le fonctionnement des jeunes à l'école, leur performance, leur réussite, et ainsi de suite. Cependant, on a entendu durant les auditions jusqu'à date un certain nombre de groupes nous dire: Écoutez, l'école ne peut pas tout assumer non plus. On est conscients qu'il y a des choses qui se passent à l'extérieur qui vont prendre naissance à l'école, mais il y a des choses qui se passent à l'extérieur qui n'appartiennent qu'à l'extérieur de l'école. On voit dans les comportements que ça a des conséquences, que l'école doit être appelée possiblement à gérer, mais où est la limite de la responsabilité de l'école? Comment vous voyez ça?

M. Roy (Alain): Je vous dirais d'abord qu'on doit tout mettre en oeuvre pour essayer d'aider le jeune. Alors, si ce qui se passe à l'extérieur a un impact à l'école, c'est sûr qu'on doit tout mettre en oeuvre. Ça veut dire appeler les parents, appeler les instances qui ont été impliquées, que ce soit à l'extérieur, à l'aréna, s'il y a quelque chose. Je pense qu'il faut ne pas baisser les bras, faire tout en notre possible. Et, après ça, ça ne devient peut-être plus de notre ressort, mais, nous, il faut s'occuper de l'enfant qui est à l'école.

Et c'est sûr qu'aussi, même si on ne peut pas régler la situation entre ces deux-là qui s'est produite à l'extérieur, on peut quand même intervenir pour prendre des dispositions à l'école pour éviter que, ces enfants-là, ça se reproduise à l'école. Ce n'est quand même pas des fous, je veux dire, ces enfants-là, on est capables de leur parler, on est capables d'avoir des intervenants qui leur parlent, avoir des mesures, avoir du suivi. Moi, je vous dis: Il ne faut pas baisser les bras, il faut intervenir. On a une responsabilité humaine et sociale puis, en plus, en tant que directeurs d'école, je vous dirais, on est dans le dernier phare pour ces enfants-là. Alors, si on n'est pas là, je veux dire, c'est sûr que la bouée n'est pas là.

M. St-Jacques (Jean-Marc): Je rajouterais aussi que plusieurs établissements ont déjà des ententes avec les corps policiers, avec les services sociaux, là, services de santé, bon, par différentes mesures antérieures. Donc, il y a déjà certaines ententes avec les CLSC sur des mesures qu'on essaie de collaborer avec eux pour trouver aussi dans le milieu d'autres outils.

Cela dit, je crois que, si on a une responsabilité comme établissements scolaires à faire actuellement, c'est de responsabiliser et les élèves et les parents à leur rôle, à leur rôle d'élèves, à leur rôle de parents, et nos membres du personnel aussi. C'est pour ça qu'on trouve important que ça soit une équipe-école qui travaille à de tels dossiers, parce qu'actuellement on a tendance toujours à se déresponsabiliser, envoyer ça ailleurs -- le problème vient d'ailleurs, nous, on n'y fera rien -- que ce soit dans plusieurs autres domaines de la société, là. Et, donc, on a un travail... une pente à remonter là-dessus, y compris dans nos établissements, sur la responsabilisation des intervenants, des acteurs, des jeunes aussi.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci.

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie. Merci, M. St-Jacques, Mme Beauvais, M. Roy, de nous avoir donné le point de vue de la Fédération des établissements d'enseignement privés. J'inviterais maintenant les représentants de L'Association des administrateurs des écoles anglaises du Québec à se présenter devant la commission.

Nous allons suspendre pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 heures)

 

(Reprise à 16 h 4)

Le Président (M. Marsan): Alors, nous reprenons nos travaux. et il nous fait plaisir d'accueillir les représentants de l'Association des administrateurs des écoles anglaises du Québec et M. Mark Massarelli, qui en est le président. Je vais vous demander de nous présenter la personne qui vous accompagne, et vous avez une période de 15 minutes pour nous présenter votre point de vue sur le projet de loi n° 56.

L'Association des administrateurs des
écoles anglaises du Québec (L'AAEAQ)

M. Massarelli (Mark): Merci beaucoup. À côté de moi, c'est France Goyette, enseignante, gestionnaire d'une école, et présentement la directrice du secrétaire général de la commission scolaire Lester-B.-Pearson, et une membre active de l'AAESQ. Moi, je suis un directeur d'une école primaire à Pincourt.

Nous tenons d'abord à remercier les membres de la Commission de la culture et de l'éducation de l'opportunité qui nous est offerte de présenter nos commentaires. L'Association of Administrators of English Schools of Quebec regroupe près de 450 membres actifs, tous administrateurs tant au niveau des écoles et des centres qu'au niveau des centres administratifs des commissions scolaires.

Les membres de l'AAESQ accueillent favorablement le désir de mobilisation entourant la lutte contre l'intimidation lancée par le gouvernement. Tout comme vous, nous croyons qu'il est inacceptable que les élèves soient l'objet d'intimidation ou de violence, que ce soit dans leur milieu scolaire comme ailleurs. Nous désirons formuler des commentaires et suggérer des modifications au projet de loi afin que les nouvelles mesures aient un impact positif sur la vie quotidienne de leurs élèves.

Mme Goyette (France): Nous allons vous donner un commentaire sur les définitions qui sera très court. Vous avez probablement déjà entendu la définition telle que présentée dans le projet de loi. On aimerait y voir ajouter le caractère répétitif ainsi que l'élément déséquilibre de pouvoir entre l'agresseur et la victime, et ceci afin d'éviter une kyrielle de situations... que des situations ne soient interprétées comme étant de l'intimidation plutôt que des situations de manque de civisme ou de respect.

Il est aussi impératif de distinguer que les actes doivent avoir été commis à l'école, à moins que l'acte n'ait des répercussions dans le milieu scolaire. Dans le cas de la cyberintimidation, par exemple, il est rare que ces actes soient commis à l'école. Par contre, dans la mesure où l'incident perturbe le fonctionnement normal des activités scolaires, la majorité des autorités scolaires sanctionnent déjà le comportement fautif, même s'il a été commis à l'extérieur de l'école.

On ajoute qu'une définition claire des mots «actes de violence» serait très appréciée aussi.

Nous accueillons favorablement l'ajout de la section III, traitant des obligations des élèves, particulièrement l'article 18.1.

La même chose pour l'ajout du deuxième alinéa de l'article 96.6 qui invite les élèves à s'impliquer dans tout le processus.

Nous aurions souhaité voir apparaître une section sur les obligations des parents, car ils sont des partenaires essentiels dans la lutte contre la violence et l'intimidation, par exemple l'ajout d'une obligation faite aux parents de collaborer aux interventions déterminées par l'école lorsqu'il y a création d'un plan d'intervention suite à un incident d'intimidation ou de violence.

M. Massarelli (Mark): Nous ne partageons pas l'avis du MELS reflété dans le libellé du projet de loi à l'effet d'un système de monitorage permettant au milieu scolaire d'intervenir d'une façon plus efficace. Nous croyons, au contraire, qu'instaurer un système de monitorage ne ferait qu'alourdir la tâche déjà lourde des administrateurs scolaires sans apporter de support additionnel aux élèves. Le temps consacré à la rédaction des rapports exigés par le projet de loi réduira le temps habituellement consacré au soutien direct aux élèves et au personnel de l'école, tel que le temps consacré à la résolution de conflits entre élèves lors d'incidents, la communication avec les parents, les communications entre l'école et les différents partenaires, la formation de personnel en prévention, etc.

Des efforts considérables sont faits depuis de nombreuses années par les équipes-écoles dans le domaine de la prévention. De nombreuses mesures de prévention existaient déjà, dont des programmes spécifiquement orientés vers l'acquisition des habilités sociales. Vous connaissez sûrement les programmes Fluppy et Vers le pacifique. Les écoles anglophones ont aussi pu bénéficier de nombreux programmes développés dans les pays de langue anglaise tels que Second Step, Dr. Neufeld, Friends for Life.

On retrouve aussi, les écoles anglophones, des initiatives visant la prévention de l'intimidation et de la violence. Pour n'en nommer que quelques-unes:

Peer Mediation est un programme dans lequel les élèves sont formés à résoudre des conflits entre eux sous la supervision du personnel de l'école;

Dare to Care est une approche globale qui implique les élèves, les enseignants, les parents et la communauté dans un effort pour créer un langage commun qui permet une intervention plus cohérente lors d'incidents d'intimidation et d'actes de violence; Le programme de citoyenneté numérique appelé Digital Citizenship, qui vise à amener l'élève à développer un comportement empreint de civisme et de respect lors de ses interactions virtuelles. Ce programme a été mis en place afin d'offrir un curriculum approprié aux différents groupes d'âge ainsi que pour encadrer les droits et responsabilités de tous dans le monde virtuel, y compris les parents, les professeurs, les gestionnaires et les partenaires de la collectivité;

Peaceful Schools est une approche collaborative communautaire ayant pour but d'améliorer le climat de l'école. Ses interventions sont fondées sur des méthodes d'enseignement et sur la formation du personnel et des parents. Elle met l'accent sur la participation, la coopération, la résolution des problèmes et le respect des différences. Cette initiative a été créée en 2001 par la mère d'un élève de 14 ans qui est mort à la suite d'un acte de violence commis dans une école de la Nouvelle-Écosse.

De plus, plusieurs écoles primaires et secondaires utilisent un sondage anonyme, Tell them from me. Cet outil fournit aux directeurs d'école une indication sur les perceptions individuelles et collectives des élèves, entre autres à propos de leur sécurité personnelle et de l'atmosphère de l'école en général. Ces résultats de sondage permettent aux directeurs d'école de mettre en place des mesures appropriées pour modifier les comportements entre élèves et leur perception de l'environnement afin de favoriser l'instauration d'un climat sain et sécuritaire pour tous. Ces résultats sont transmis au conseil d'établissement et à la commission scolaire. Nous croyons que les efforts des écoles devraient continuer à porter sur ces mesures de prévention et d'intervention plutôt que sur la production des statistiques.

**(16 h 10)**

Mme Goyette (France): Les modifications proposées aux articles 75.3 et 210.1 de la version anglaise suggèrent que l'école et la commission scolaire ont une obligation de s'assurer qu'aucun acte d'intimidation ou de violence ne se produise, ce qui est, à notre avis, irréaliste. Malgré la mise en place de programmes de prévention et d'intervention ciblés, le personnel scolaire ne peut se rendre garant du comportement de chacun des élèves de son établissement. Il serait préférable que les termes «shall see to it that no students in the school is a victim of bullying or violence» soient remplacés par «shall guard against any student in the school being the victim of bullying or violence».

M. Massarelli (Mark): Le projet de loi exige que le directeur communique promptement avec les parents des victimes et des auteurs des actes d'intimidation, ce qui nous paraît fort souhaitable. Nous devons garder en tête que la direction a besoin de temps pour vérifier les allégations de chacun avant de déterminer si la plainte est un cas d'intimidation ou un acte de violence et déterminer, s'il y a lieu, une sanction appropriée.

Chaque enquête est différente. Toutefois, malgré que nous considérons que les informations et la documentation de référence contenues sur le site Web du MELS Moi j'agis seront utiles pour les élèves, les parents et les enseignants, nous avons de sérieuses réserves quant au délai déterminé par le Dr Égide Royer dans la section Parents d'une victime. En effet, le Dr Royer indique aux parents qu'un directeur doit vous revenir dans les 48 heures pour vous informer des mesures prises pour faire cesser la situation. Nous demandons que cette mention soit retirée du site Web, car elle crée une attente irréaliste pour les parents, qui l'interpréteront comme un droit à une résolution du problème dans les 48 heures, peu importent les circonstances.

De plus, il est primordial que l'élève soit encouragé à dénoncer les situations d'intimidation et de violence auprès des personnes de son milieu immédiat. Afin de soutenir cet effort, le site Web Moi j'agis devrait indiquer la direction de l'école comme première ressource disponible à la section des jeunes, comme c'est dans le cas de la section des parents. Mieux encore, il pourrait mentionner d'entrer en contact avec un membre du personnel de l'école, que ce soit le directeur, un enseignant ou tout autre membre du personnel en qui l'élève a confiance. Nous suggérons donc que le protecteur de l'élève n'apparaisse pas comme première ressource à contacter dans la section jeunes.

Mme Goyette (France): Les sanctions, maintenant. Le traitement des incidents concernant les actes de violence ou d'intimidation est complexe. Le directeur a besoin de conserver la flexibilité d'intervenir en tenant compte des spécificités de chacun plutôt que de respecter des listes de conséquences prescrites dans un plan. Il doit conserver la discrétion nécessaire pour intervenir lors d'incidents en tenant compte du meilleur intérêt de tous les élèves, incluant leur historique et leurs besoins particuliers. Par exemple, un enfant souffrant d'autisme qui réagit violemment envers ses pairs dans une situation de changement de routine se verrait imposer la même sanction qu'un élève qui fait le même geste d'une façon consciente avec l'intention de blesser. Il est donc primordial que le directeur ne soit pas contraint d'appliquer des sanctions disciplinaires identiques dans les deux cas. La sanction doit contribuer à développer les habilités comportementales de l'élève et sa capacité à gérer différemment la situation plutôt que d'être exclusivement punitive.

Nous avons mis en place des solutions de rechange aux suspensions et aux expulsions. Les écoles secondaires, par exemple, emploient un technicien en éducation spécialisée pour offrir du soutien aux élèves qui éprouvent des difficultés de comportement. Au lieu de suspendre un élève, l'intervenant élabore un plan de modification du comportement pour l'élève et effectue un suivi pendant sa mise en application. Nous avons aussi dans certaines écoles un technicien en travail social dans le cadre d'une approche appelée FSSTT, ce qui se traduit par équipe de traitement et de soutien à l'école et à la famille. Il s'agit d'une équipe multidisciplinaire qui implique les parents dans la vie de l'élève à l'école pour traiter les problèmes de comportement de l'élève. Cette approche permet à un intervenant de l'école de faire le lien entre les parents, les services de l'école et les services offerts à l'extérieur de l'école. Il s'agit d'une mesure de soutien qui assure, grâce au développement de bonnes relations avec la famille, la collaboration des parents avec l'école et avec d'autres services afin d'atteindre les objectifs du plan d'intervention de l'élève. Ces initiatives réduisent le temps que les élèves passent à l'extérieur de la classe à cause de leur comportement inapproprié. Cependant, ces initiatives n'existent pas dans toutes les écoles où elles seraient nécessaires en raison de ressources financières limitées.

M. Massarelli (Mark): Il est primordial que nos partenaires tels les CSSS, le milieu hospitalier et les corps de police collaborent sur une base régulière. Par exemple, malgré qu'il existe déjà des ententes entre les commissions scolaires et les CSSS, la disponibilité des services pour le secteur anglophone sur certains territoires est soit inexistante, soit tellement minimale qu'il n'est pas possible pour les usagers d'avoir accès à ces services en temps opportun. La population de certaines régions de la province a beaucoup changé depuis quelques années, et certains CSSS ont de la difficulté à répondre aux besoins. Leur rôle de première ligne a alourdi leur tâche. Il semble y avoir une inégalité dans les ressources allouées d'un CSSS à l'autre, et certains d'entre eux manquent de ressources pour soutenir adéquatement les milieux scolaires.

Le vaste territoire couvert par certaines commissions scolaires crée une difficulté supplémentaire. Une commission scolaire peut avoir des écoles sur le territoire de deux ou plusieurs CSSS, mais il n'y a pas d'uniformité des services offerts dans chacun d'entre eux. Par exemple, pour des écoles d'une même commission scolaire, un CSSS peut offrir à une école des services en anglais, tandis que le CSSS voisin ne leur offrira pas. De plus, les territoires ruraux sont ceux qui ont le moins de services disponibles en anglais malgré que 30 % de la population des commissions scolaires anglophones se trouve dans ces zones.

Un autre exemple, les programmes hospitaliers offerts en anglais pour les jeunes offrant des problèmes de santé mentale ou ayant des mésadaptations scolaires, ces programmes sont principalement situés dans la région métropolitaine de Montréal, ce qui n'est pas accessible à la population de l'extérieur. De plus, les listes d'attente pour recevoir ces services sont souvent de plusieurs mois.

La loi oblige les écoles et les commissions scolaires à fournir un soutien et un encadrement à la fois aux victimes et aux auteurs des actes de violence et de l'intimidation. Dans plusieurs cas, l'école aura besoin de soutien de nature médicale ou autre et dépendra des services offerts en milieu hospitalier ou par les CSSS. Si ces services ne sont pas disponibles pour la population anglophone, les écoles ne seront pas en mesure de répondre aux obligations de la loi. Nous croyons donc qu'il est essentiel que les ressources financières nécessaires soient données aux différents partenaires afin qu'ils puissent répondre aux besoins du milieu scolaire anglophone tant dans la région métropolitaine que les autres régions du Québec et que ces services soient disponibles en anglais.

Mme Goyette (France): Maintenant, le protecteur de l'élève. L'intervention du protecteur de l'élève dans ce projet de loi nous semble inutile ou inappropriée. Le Règlement sur la procédure d'examen des plaintes établie par une commission scolaire énonce clairement le rôle du protecteur. Il s'agit d'intervenir dans un conflit après que le plaignant ait épuisé les autres recours prévus par la procédure d'examen des plaintes de la commission scolaire, sauf s'il estime que le plaignant subira un préjudice. Les autorités scolaires ont donc l'occasion de faire leur travail avant qu'un tiers n'intervienne. Suite à ce processus administratif, le protecteur de l'élève peut procéder à l'examen des plaintes.

Le projet de loi n° 56 propose que le protecteur intervienne dès que le directeur est mis au courant d'une situation d'intimidation ou de violence et, en plus, qu'il puisse prêter assistance aux parents des élèves impliqués. À notre avis, à cette étape, l'intervention du protecteur est prématurée. De plus, en procédant de cette façon, le protecteur ne pourra conserver son impartialité lorsqu'il devra faire une enquête sur une plainte d'un de ces parents s'il a porté assistance à une partie ou peut-être même aux deux.

Nous croyons inutile de mettre le protecteur au courant des suspensions faites par un directeur, sauf si ce dernier fait une enquête suite à une plainte. Nous ne voyons pas non plus l'utilité pour le protecteur de l'élève de prendre connaissance des rapports d'incidents ou de recevoir des informations confidentielles des écoles alors que ses services ne sont pas requis.

Il n'est pas souhaitable que le protecteur de l'élève reçoive les copies de l'évaluation annuelle des résultats de l'école et qu'il procède à l'évaluation de l'efficacité d'un plan de lutte contre l'intimidation et la violence d'une école. Il ne connaît pas le contexte particulier de l'école en question ni la complexité des interactions entre les différents acteurs. De plus, les protecteurs déjà embauchés ne possèdent pas nécessairement les connaissances requises pour l'évaluation de tels plans.

Nous ne devons pas négliger le coût financier important qu'engendrerait cette modification du rôle du protecteur de l'élève, puisque prendre connaissance des rapports, ententes, copies de décisions et faire l'évaluation de plans prend du temps, et ce temps est chargé aux commissions scolaires. Ces sommes seraient très certainement mieux investies dans des programmes supplémentaires de prévention et d'intervention.

**(16 h 20)**

Le Président (M. Marsan): ...il reste peu de temps.

Mme Goyette (France): Oui. Il nous reste combien de temps?

Le Président (M. Marsan): Oui, une minute et quelques. Mais terminez, vous êtes sur le point de terminer.

Mme Goyette (France): Oui. On va passer tout de suite aux conclusions. Alors, en résumé...

M. Massarelli (Mark): Une entité seule ne peut résoudre un problème de violence existant dans notre société entière. Il n'est pas possible pour le milieu scolaire d'agir seul. La législation est nécessaire dans la lutte contre la violence et l'intimidation dans nos écoles. Toutefois, il est essentiel que la loi permette aux intervenants du milieu scolaire la flexibilité nécessaire pour faire face à chaque situation, compte tenu de son unicité, et qu'elle favorise la prévention plutôt que la punition.

Tenir une comptabilité des actes de violence et d'intimidation est simple, mais cette méthode ne dit pas tout. Seuls les intervenants dans le milieu scolaire pourraient vous dire qu'ils ont fait une différence dans la vie de certains élèves en évitant un acte de violence, intimidation ou pire encore. Nous ne pouvons pas nous fier aux statistiques pour donner un portrait réel de la situation eu égard à l'intimidation et la violence dans le milieu scolaire. Pour avoir un portrait complet, il faudra comptabiliser toutes les interventions faites par chacun des membres du personnel avisant pour régler les simples conflits, car, à la base, une situation d'intimidation ou violence a d'abord été un simple conflit.

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie bien. Et nous allons débuter immédiatement la période d'échange, et je vais céder la parole à Mme la ministre de l'Éducation, des Loisirs et du Sport. Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Bonjour, M. Massarelli, Mme Goyette. Bienvenue et merci. Merci de nous apporter votre éclairage à partir de votre expérience comme administrateurs dans le réseau des écoles anglophones.

Un des premiers éléments de votre mémoire, c'est de nous parler de votre souhait que la loi soit plus explicite, plus claire sur les obligations des parents. Or, moi, j'étais assez fière que la loi prévoie quand même le rôle des parents. Comme vous le savez, on prévoit que, s'il y a un geste d'intimidation, le directeur doit aviser le parent. Là, il y a cette reconnaissance que le parent doit faire partie de la solution. Puis il y a aussi cette obligation qu'on rejoigne le parent de l'élève intimidateur et qu'on parle de son engagement à ce qu'on identifie les gestes pour remédier à ce qui a entraîné l'intimidation. Ça fait que j'aimerais ça, vous entendre de façon plus explicite. Quand vous nous interpellez pour qu'on soit plus explicites sur l'engagement des parents, qu'est-ce qui manque? Qu'est-ce que vous voulez voir apparaître de façon plus explicite dans la loi?

M. Massarelli (Mark): Bien, comme directeurs d'école, les situations que nous voyons, c'est avec les parents qui ne coopèrent pas avec un plan d'intervention pour leurs enfants. Et ça, ça cause le plus de problèmes pour nous parce qu'avec toute la bonne foi de mettre un plan en place, un plan d'intervention, ça prend un partenaire dans le parent. Dans la loi présentement, en ce qui concerne l'absentéisme d'un élève, il est dit qu'on met en place avec les ressources extérieures sociales nécessaires, avec les parents, en travaillant avec les parents... mais, si le problème ne se règle pas, là on passe au DPJ pour avertir que le plan n'a pas fonctionné.

Alors, c'est juste d'avoir un peu plus de comptabilité quand il y avait un acte commis, et on a un plan d'intervention en place, comme si un élève avait fait un acte de violence sous l'influence de la drogue. Puis, nous, le plan d'intervention implique aussi le suivi de cet élève pour résoudre son problème de la drogue, ça prend un parent qui veut le faire. Et, si le parent ne le fait pas, on est vraiment pris parce que ça prend un partenaire dans les parents. Alors, on parle de ce type d'intervention.

Mme Beauchamp: J'ai fait des visites sur le terrain, dans différentes écoles, et ce dont vous me parlez là, ça me rappelle, par exemple, un témoignage d'une professionnelle, d'une psychologue scolaire qui m'indiquait que, parfois, la limite de son intervention, c'était le fait que le parent qu'elle encourageait à aller chercher... par exemple, à aller consulter, mais dans le réseau de la santé, et tout ça, pour un travail d'expert, de nature, par exemple, psychiatrique, là, au niveau de l'enfant, que le parent lui-même ne bougeait pas. Puis elle disait: Moi, je ne peux pas aller plus loin que... que sa propre profession, là, le lui commandait, et tout ça. Ça fait que je suis sensible à ce que vous me dites.

Je me demandais juste... Et je n'ai pas fini de réfléchir à la question, mais est-ce que, pour vous, un article d'ordre général, mais un article dans une loi qui indiquerait que, par rapport à la violence et l'intimidation, que le parent doit collaborer... pour l'instant, je vais résumer ça comme ça, là, mais que le parent doit collaborer... On ne peut pas écrire des articles de loi pour écrire des articles de loi, hein, mais est-ce que vous pensez que c'est utile pour un directeur d'école de pouvoir dire: Écoutez, vous devez collaborer avec nous? Ça peut peut-être aider à ce que le parent vienne à l'école, assiste à des rencontres. Mais je veux savoir si c'est vraiment utile parce que vous-mêmes, vous dites: Dans le cas où la Loi sur l'instruction publique dit: Le jeune doit aller à l'école jusqu'à l'âge de 16 ans, il y a une conséquence, là, s'il n'y va pas. Vous l'avez vous-mêmes évoqué qu'on peut, dans des cas ultimes, mais se rendre jusqu'à la DPJ. Ici, je ne sais pas si c'est nécessaire, mais est-ce qu'un article d'ordre général qui parle de l'obligation d'un parent de s'engager aussi, là, dans... à collaborer -- je vais dire ça ainsi -- à collaborer avec la direction de l'école, est-ce que c'est utile pour vous, est-ce que ce serait utile?

Mme Goyette (France): Oui, ce serait très utile. On n'irait pas jusqu'à leur imposer des choses à la maison -- ce qui se passe à la maison, c'est leur rôle de parents, et, bon, il y a une limite -- mais de la collaboration à l'école pour que les plans qui sont déterminés, qui sont créés à l'école puissent fonctionner. Je vous donne un exemple, cyberintimidation, un enfant qui a... un élève qui a fait de la cyberintimidation à partir d'un... je veux dire, un iPhone. Si on demande... si, dans le plan, c'est que l'élève ne doit pas rapporter ce iPhone-là à l'école, on a besoin du parent, qui va vérifier que le iPhone reste à la maison pour que nous, on puisse faire notre travail à l'école après. Donc, ce genre de collaboration-là, c'est essentiel dans les écoles. Donc, pour répondre à votre question, oui, ça nous serait très utile.

Mme Beauchamp: Et tout simplement rappeler à un parent que la loi lui dit qu'il doit collaborer, vous pensez que ce serait utile?

Mme Goyette (France): Ça aide toujours, oui.

Mme Beauchamp: Je veux maintenant vous entendre un peu plus à fond sur vos commentaires concernant les propos de M. Égide Royer sur notre site Moi j'agis parce que vous dites, la séquence qu'il identifie pour un parent, vous dites: Ça entraîne des attentes irréalistes. Moi, je vous avoue que ça me fait un petit peu réagir, tu sais, parce que, quand je me mets à la place d'un parent... Puis là c'est là que je veux bien vous entendre, j'ai comme cru comprendre que vous dites: De dire qu'un directeur d'école doit rappeler en dedans de 48 heures puis que, si ce n'est pas fait, ça entraîne qu'on s'en va vers la commission scolaire puis qu'on s'en va vers le protecteur de l'élève... De dire que c'est irréaliste, quand un parent appelle parce que son enfant... ou, en tout cas, parce qu'il vient d'apprendre qu'il y a eu intimidation ou qu'il croit qu'il y a eu intimidation puis qu'il veut que l'école investigue ou... il me semble qu'un tel appel mérite d'être retourné avec diligence. D'ailleurs, la loi dit «avec diligence».

M. Massarelli (Mark):«Promptement».

Mme Beauchamp:«Promptement». Ça fait que j'ai un peu... Je veux bien comprendre, je me dis: La loi dit «promptement» ou «avec diligence», et vous, vous me dites: Ce que dit M. Royer, c'est irréaliste. Là, j'essaie de réconcilier les deux. Et. d'abord, qu'est-ce qui ne fonctionne pas selon vous avec les conseils donnés par M. Royer sur le site Moi j'agis?

M. Massarelli (Mark): Nous sommes tout à fait d'accord, la promptesse de la réponse du directeur, on le fait. Quand quelqu'un dit: En 48 heures, ce n'est pas juste une réponse en 48 heures -- parce qu'on retourne les appels en 48 heures -- mais c'est une résolution à la situation. Une investigation avec des élèves, primaire, c'est une chose. Secondaire, c'est une autre chose, ça implique beaucoup de temps à faire une vérification, et 48 heures, ce n'est pas suffi pour compléter une investigation, pour mettre un plan en place. Mais, comme il est marqué dans le site Web, c'est en 48 heures pour avoir une réponse et une résolution à la situation. Ça ne prend pas 48 heures à faire ça. Alors, ça va donner une attente irréaliste à la part des parents. «Promptement», on est d'accord, tout à fait d'accord avec ça parce que c'est important. Mais plus que promptement, ça va nous empêcher... là, ça va tomber une plainte au protecteur de l'élève parce qu'il n'a pas répondu en 48 heures. Ce n'est pas dans la loi, mais c'est dans le soutien d'une loi dans le «Web site».

n(16 h 30)**

Mme Goyette (France): Je vous rappelle juste les termes. Ce que le Dr Royer dit, c'est «doit vous revenir dans les 48 heures pour vous informer des mesures prises». Ce n'est pas de vous informer qu'on a entendu la plainte, et tout ça, c'est les mesures prises. Ça peut prendre beaucoup plus que 48 heures pour obtenir tout ce dont on a besoin pour informer le parent que les mesures, ça va être telle, telle chose. Dans certaines situations, il n'y a pas de problème, on peut donner cette information-là aux parents dans la même journée. Mais, dans les cas plus complexes, ce n'est pas possible, vraiment, de respecter ce délai-là.

Mme Beauchamp: O.K. C'est peut-être une question d'interprétation. Je ne suis pas sûre que ça veut dire «les mesures prises ayant réglé la situation». Je pense que c'est «les mesures prises pour traiter de la situation». C'est-à-dire c'est un directeur qui dit: Je vais faire ci, je vais faire ça, je vais faire ça. Moi, je l'avais compris comme ça. Mais, bon, je prends bonne note de vos commentaires, on échangera sûrement avec Dr Royer pour voir s'il veut éclaircir sa pensée. Mais, chose certaine, lorsqu'il avait tenu de tels propos pour la première fois dans les médias puis qu'ensuite on l'a invité à le mettre sur notre site, je pense, franchement, que c'est venu répondre à des besoins de base chez les parents de dire: Ah! ça peut fonctionner comme... tu sais, je suis en droit, là, de m'attendre à un retour d'appel, à...

Mme Goyette (France): Retour d'appel, oui.

M. Massarelli (Mark): Oui, certainement, dans un délai de cinq heures ou trois heures, une heure, mais...

Mme Beauchamp: Je vais vous inviter à venir travailler dans un cabinet politique, là, si ça marche comme ça.

Je veux un peu plus aussi échanger avec vous sur vos commentaires sur le système de monitorage, là, qu'on... le système de reddition de comptes, et tout ça. On a beaucoup entendu -- et c'est légitime -- les gens nous dire: C'est une tâche lourde, c'est ajouter de la bureaucratie. C'est une tâche extrêmement lourde, il se fait déjà beaucoup de choses, est-ce que c'est nécessaire de faire ce type de rapport, et tout ça? Et moi, j'essaie de mettre ça en lumière, de comparer ça avec, par ailleurs, toutes les attentes qu'il y a eu autour du plan d'action du ministère de l'Éducation 2008-2011 où on demandait au ministère de produire un portrait et de faire ce monitorage. Ça fait que, là, je suis là, puis je me dis: Tout le monde, y compris des syndicats de professeurs, y compris le milieu de l'éducation, disait: Le ministère ne fait pas le monitorage, le ministère ne fait pas le monitorage. Mais, quand on veut établir les bases pour être capables de se donner les bons portraits de qu'est-ce qui se passe, tout d'un coup, à la base de ce qui se passe dans chaque école, on nous dit: Aïe! c'est beaucoup trop lourd à produire. Ça fait que mettez-vous à ma place, là, je fais quoi? Tout le monde veut un portrait puis veut l'information...

Une voix: ...

Mme Beauchamp: Je vais... Quelqu'un vient de me souffler en face de moi en disant: Oui, mais personne ne veut le faire. Ça ressemble à la phrase: Tout le monde veut aller au ciel, mais personne ne veut mourir. Est-ce qu'il y a une solution à ça? Est-ce que je suis capable de rassurer... Parce qu'en fait l'idée ici, là, elle est de deux ordres. C'est de rassurer les contribuables et les parents que le travail se fait, puis aussi c'est de l'ordre de... L'intimidation, on sait qu'elle cesse quand elle est dénoncée, quand elle est rapportée, puis quand on est capable d'intervenir. Et c'est un peu ça qu'on veut démontrer, que l'intimidation, elle est nommée, elle est dénoncée puis qu'elle a amené une intervention. Ça fait que je veux vous réentendre sur est-ce que vous voyez une piste de solution qui pourrait correspondre à ce qu'on cherche, là, à atteindre comme objectif.

M. Massarelli (Mark): Un des problèmes, c'est qu'on n'est pas clair, exactement le monitorage qu'on veut. Est-ce que c'est juste le nombre d'événements qui se sont passés? On n'est pas... Parce qu'on le vit présentement. Une réputation de l'école, c'est très fragile, c'est très, très fragile. Si on nomme le nombre de cas d'intimidation dans une école, ça risque de stigmatiser certaines écoles. Il y a des écoles qui font un excellent travail avec des élèves, peut-être des élèves plus en difficulté que d'autres écoles, et ça risque... Quand on fait un reportage des actes d'intimidation qui ont été faits, l'autre partie de l'histoire ou l'autre partie du portrait, c'est toutes les interventions qui ont été faites dans le milieu scolaire pour éviter un incident. Et peut-être, dans une école où il y a un haut niveau d'incidence d'intimidation, il y a aussi un plus haut niveau d'intervention qui a évité des situations de violence et d'intimidation. Mais ce n'est pas clair dans la loi, et c'est tellement impossible de prendre note de toutes ces situations-là parce que ça se passe d'une manière quotidienne avec tous les intervenants, tout le personnel de l'école. Alors, c'est difficile de mettre une statistique sur le nombre des incidents ou comment ça se passe plutôt que sur le type d'intervention qu'une école fait. Ça, c'est important que le public connaisse la façon qu'on réagit d'une manière régulière avec les élèves pour prévenir et la façon qu'on intervient.

Mme Goyette (France): En fait, je vais presque vous retourner la question. Le but de l'exercice, est-ce que c'est de voir une différence d'année en année ou de vraiment avoir un portrait de ce qui se fait? Parce que, le portrait de ce qui se fait, il y a plein d'incidents, des simples conflits qui sont réglés au niveau du conflit. Parce que, comme mon collègue le disait dans sa conclusion, l'acte de violence ou l'acte d'intimidation a d'abord été un simple conflit. Pour avoir une statistique qui représente la réalité de tout ce qui se fait au quotidien dans les écoles, il faudrait presque avoir une comptabilisation par des rapports de chacune de ces interventions-là, ce qui n'est pas réaliste parce que le temps qui est pris à faire ces rapports-là, il n'est pas pris à intervenir dans les situations avec les élèves.

Mme Beauchamp: En fait, je pense que la commission nous a permis quand même, en termes de définitions, d'être pas mal capables de distinguer la notion de conflit de la notion de geste d'intimidation. Plusieurs nous proposent de modifier la définition. Sûrement qu'on le fera, notamment pour introduire la notion d'actes répétitifs, la notion de rapport de force qu'implique l'intimidation. Donc, je veux être bien comprise, on n'est pas en train de dire qu'on veut des rapports -- tu sais, pour employer un vocabulaire familier, là -- sur chaque chicane dans la cour d'école, ce n'est pas cela.

Comme je le disais, je pense que l'objectif poursuivi est de deux ordres. C'est d'indiquer que, compte tenu que c'est une loi qui introduit un régime d'obligation d'intervention, c'est d'être capable de démontrer que, quand il y a eu geste d'intimidation, qu'on est capable de démontrer qu'il y a eu intervention. Je pense que ça, c'est la première chose. Puis la deuxième, c'est d'ordre général, c'est de dire: L'intimidation, elle se doit d'être dénoncée, on doit montrer qu'on s'en occupe. Et je sais qu'on a peur à une forme de stigmatisation des écoles, mais, en même temps, je demeure, en tout cas, en me disant: Ce n'est pas non plus en taisant qu'on aide notre société à se mobiliser. Et, en disant qu'il faut intervenir, là, je pense que tout ce qu'on veut enseigner aux gens, l'importance de dénoncer, que déjà juste ça, c'est extrêmement important de dénoncer. Je veux dire, c'est un peu ça qu'on veut introduire.

Mais je retiens... Vos commentaires se rapprochent de certains commentaires qu'on a reçus. Je pense à un des premiers groupes qu'on a reçus, la CSQ, le syndicat d'enseignants, qui nous demandait peut-être à ce qu'on se penche à ce que les rapports soient faits sous une forme d'indiquer plutôt le fait qu'il y a de l'intervention. Tu sais, on nous invitait à le faire de façon plus qualitative et sur les notions plus positives de l'intervention qui se fait dans chaque école. Ce sera peut-être à considérer.

Vous avez parlé des ressources financières nécessaires, puis je veux vous entendre, tout ça toujours pour nommer un chat un chat puis qu'on ait le bon éclairage autour de cette table. Certains de vos vis-à-vis du côté francophone -- et, hier, on a reçu des représentants de directions d'école et des gestionnaires au niveau des commissions scolaires francophones autour de cette table -- nous ont dit qu'après sondage auprès de leurs membres que leurs membres directeurs d'école percevaient qu'environ 50 % des montants alloués aux commissions scolaires étaient réellement gérés par l'école. Et j'ai posé la question: Qu'est-ce que vous êtes en train de me dire? Êtes-vous en train de me dire que l'argent n'est pas utilisé pour l'intimidation par la commission scolaire, puis il est utilisé à d'autres fins? Êtes-vous en train de me dire que l'argent se perd dans un dédale bureaucratique? Et la troisième option, parce que la personne l'avait nommée, c'est-à-dire qu'il y avait des services aussi qui étaient rendus de façon plus... bien, sous forme plus regroupée par la commission scolaire. L'exemple qu'ils nous donnaient, c'étaient les services d'accompagnement de l'élève intimidateur, vous savez, les services d'alternative à la suspension qu'on met en place.

Je veux avoir votre éclairage. Je comprends votre signal, il y a des sommes... Donc, ma première question, c'est quand même de dire: Chez vous, dans le réseau anglophone, quelle est votre perception comme directeurs d'école, comme gestionnaires de l'utilisation des argents qui sont actuellement en place pour le plan d'action de lutte contre l'intimidation?

**(16 h 40)**

M. Massarelli (Mark): Point de vue de... La myriade des variables qui «leads to» la violence ou l'intimidation dans une école, notre... Les services complémentaires de la commission scolaire mettent en place beaucoup de services disponibles auprès des écoles, et ça touche à la violence. Alors, je ne suis pas dans une situation pour dire: Non, les commissions ne mettent pas l'argent sur l'intimidation, non, parce que les services qui sont là sont là pour qu'on puisse avoir un impact sur la santé mentale des élèves. Ça, c'est un gros impact.

Mais on parle vraiment des services disponibles en dehors des écoles et des commissions scolaires. Et on a beaucoup de partenariats avec des CSSS qui sont très, très forts, mais il y en a d'autres qui ne sont pas si forts. Il y a des CSSS qui nous fournissent des services en anglais à mesure et il y en a d'autres qui n'ont pas des intervenants qui sont bilingues ou qui parlent anglais, et c'est vraiment cette population-là qui a besoin de soutien. Et ils font le mieux qu'ils peuvent, nous, on fait le mieux qu'on peut, on fait des bons partenariats, mais il semble que, dans certains CSSS dans certaines régions de Montréal, disons l'Ouest-de-l'Île, la façon que le CSSS est financé, c'est basé pas sur les besoins réels de 2012, mais peut-être 10 ans passés, où la population était vraiment une différente population. Alors, c'est ça qu'on parle, de financer nos partenaires pour nous aider à faire des interventions avec nos élèves.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie bien. Ceci termine la période d'échange avec la partie ministérielle. Nous poursuivons avec le porte-parole de l'opposition officielle en matière d'enseignement primaire et secondaire, M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault: Merci beaucoup, M. le Président, Alors, merci beaucoup, M. Massarelli, Mme Goyette, d'être ici et de vous pencher sur ce dossier extrêmement préoccupant pour les enfants du Québec. J'aimerais vous entendre un peu plus sur une de vos recommandations, quand vous dites à la page 12, le point 8, que vous voulez «laisser aux administrateurs la discrétion nécessaire pour intervenir lors d'incidents plutôt que les contraindre à appliquer des sanctions disciplinaires identiques à chaque élève». Depuis le début de cette commission, nous avons discuté beaucoup avec différents intervenants sur ce qu'on appelle également la marge de manoeuvre des directeurs d'école. Moi, je prends pour acquis que les directeurs d'école sont, d'abord et avant tout, des professionnels engagés et passionnés de l'éducation et je leur fais confiance... et de pédagogie. Mais qu'est-ce que vous entendez précisément par «discrétion nécessaire»? Si vous pouviez l'illustrer par des exemples, là. Jusqu'où, autrement dit, on doit laisser une marge de manoeuvre aux directions d'établissement?

Mme Goyette (France): Dans cette recommandation-là, ce qu'on ne voudrait pas voir arriver, c'est que, dans des plans, par exemple, qu'il y ait une liste d'infractions, si je puis dire, avec, aux cas relatifs, les sanctions à donner. Chaque cas est différent. Je mentionnais tantôt le cas de l'enfant autiste qui va faire un acte de violence. Ça va être très différent dans la sanction que si c'est quelqu'un qui le fait délibérément. Donc, on ne voulait pas... Par cette recommandation-là, on voulait laisser la discrétion au directeur de prendre les mesures nécessaires et de déterminer sanction si nécessaire en tenant compte de l'ensemble des deux élèves, de la situation. C'est ça qu'on voulait dire par «laisser la discrétion». C'est important parce que le directeur d'école connaît ses élèves, connaît son personnel et il est le mieux placé pour trouver la solution à la situation. Je ne sais pas si je réponds à votre question.

M. Gaudreault: Oui, oui. Vous répondez en partie. En tout cas, ça contribue à l'éclairage. Mais, en même temps, il y a des intervenants qui sont venus nous voir en nous disant: Vous savez, il y a des directions d'école qui n'ont peut-être pas suffisamment de formation, par exemple, sur les divers cas qui peuvent conduire à de l'intimidation. On en a même qui nous ont dit qu'il y a des directeurs d'école qui disent: Ah! il n'y en a pas, d'homosexualité dans mon école, par exemple, ou... Alors, comment on peut contrôler? Moi, je veux bien laisser une marge de manoeuvre, là, mais est-ce qu'on doit, à ce moment-là, agir plus sur la définition et avoir une définition un peu plus précise de l'intimidation et de la violence ou on doit s'adapter avec le temps, selon chaque cas?

Mme Goyette (France): Je pense que ce que vous décrivez, c'est un manque de formation au niveau de la direction de l'école. Donc, c'est important que les gestionnaires soient bien formés surtout. Je pense qu'un directeur qui va affirmer qu'il n'y a pas d'élèves homosexuels dans son école aurait besoin de formation et d'être éclairé sur la réalité de notre société. Alors, de ce que vous m'avez dit, moi, ma solution à ça, ce serait la formation des gestionnaires pour que les gestionnaires soient capables d'identifier quand il y a une situation problématique, ça, c'est certain, parce qu'ils ne pourront pas intervenir s'ils ne sont même pas capables d'identifier la situation. Et je ne pense pas que la loi puisse apporter une solution au problème que vous venez de décrire.

M. Massarelli (Mark): Mais, selon notre compréhension de la loi, quand la loi parle des sanctions disciplinaires applicables spécifiquement au regard des actes d'intimidation ou les sanctions disciplinaires applicables selon la gravité ou le caractère répétitif de l'acte répréhensible, si on met comme une liste d'actes et une liste de sanctions dans notre plan, ça, ce n'est pas la flexibilité parce qu'on... Et c'est cette flexibilité qu'on demande, ne pas être... on interprète le projet de loi, de dire: Il faut avoir des spécificités dans le plan.

M. Gaudreault: Donc, vous reliez ça quand même beaucoup aux sanctions pécuniaires qui sont amenées par le projet de loi, par ailleurs, dans le sens que vous avez peur, par exemple, qu'une commission scolaire ou une direction d'école qui pourrait ne pas appliquer des mesures se voie par la suite administrer une sanction pécuniaire.

Mme Goyette (France): Pas du tout.

M. Gaudreault: Non?

Mme Goyette (France): Non. À moins qu'on se trompe -- vous pourrez me corriger -- les sanctions pécuniaires, on les voyait vraiment pour d'autres sections de la Loi sur l'instruction publique, et pas... Je verrais mal le ministère imposer une sanction pécuniaire à un directeur d'école, par exemple, qui n'interviendrait pas dans un cas d'intimidation. On a peut-être mal interprété le projet de loi, mais les sanctions pécuniaires ne nous semblaient pas du tout être pour des interventions comme ça, là. Est-ce qu'on se trompe, Mme la ministre?

M. Gaudreault: Elle aura d'autres occasions pour le dire.

Une voix: ...

M. Gaudreault: C'est ça. Je voulais également revenir... Bien, dans le même sens, je trouve... en tout cas, je vous trouve sévère -- peut-être, j'ai mal compris, là -- avec la proposition n° 9, quand vous dites: «Permettre aux administrateurs d'opter pour une approche éducative plutôt que punitive.» Peut-être, j'ai mal compris, mais est-ce que vous trouvez que le projet de loi est dans un mode punitif plutôt qu'éducatif et qu'on doit revirer de bord la loi? Je ne sais pas comment le dire autrement, là, mais j'ai l'impression que vous le prenez par le négatif, en disant... Si vous dites: Il faut permettre aux administrateurs d'opter pour une approche éducative plutôt que punitive, est-ce que vous êtes en train de dire que le projet de loi ne permet que des approches punitives plutôt qu'éducatives?

M. Massarelli (Mark): Non, mais on connaît notre population parentale, et je peux vous dire comme directeur d'école, les parents te viennent avec: Qu'est-ce que tu as fait avec cet élève-là quand il a fait un acte de violence? Les parents, de plus en plus, veulent voir une punition, de plus en plus. Notre façon d'agir dans une école, notre façon d'interagir dans une école, c'est dans une situation d'éducation. Si les écoles ne forment pas les enfants avec des habilités sociales, ils ne vont pas les trouver par l'intermédiaire des médias du tout parce que ce n'est pas les bonnes habitudes qu'ils apprennent là.

Alors, on trouve que, oui, il y a aussi... La loi parle des mesures de soutien et d'encadrement, mais elle est aussi forte avec les sanctions et les sanctions disciplinaires, et on trouve que c'est fort là-dedans. Et, dans nos codes de conduite -- dans chaque école, on a un code de conduite par la loi, on doit l'avoir -- on est très sensibles que nous sommes... Notre but, notre mission comme écoles, c'est d'éduquer, socialiser et qualifier.

**(16 h 50)**

M. Gaudreault: Vous avez parlé du rôle des parents tout à l'heure et vous avez même proposé une... En tout cas, vous avez fait une suggestion à la ministre qui n'est pas nécessairement en lien avec la loi mais qui est plus sur la modalité, je dirais, ou le moyen du site Moi j'agis, là, quant au contact avec les parents. On a eu beaucoup de témoignages ici, en commission, et j'aimerais vous entendre quant à la possibilité, à la suite d'un cas d'intimidation, qu'il ne soit pas nécessaire... ou qu'il ne soit pas nécessairement utile d'informer les parents de l'élève intimidé immédiatement parce qu'il pourrait y avoir un cas, par exemple, où, si on informe les parents, on empire, je dirais, entre guillemets, là, la situation de l'élève. On a eu, par exemple, des propositions ou des exemples qui nous ont été donnés sur des cas d'homophobie, où un élève pourrait subir de l'intimidation sur la base de l'homophobie, qu'elle soit vraie ou non, là, la situation de l'élève, et en informer promptement, comme il est dit dans l'article 11, là... communiquer promptement avec le parent pourrait empirer la situation de l'élève, là, dans le sens que ce n'est pas à un directeur d'école de faire le «coming out» d'un élève à l'endroit du parent, là. Alors, est-ce qu'il n'y a pas des situations où on doit plutôt diriger l'élève autrement ou essayer de traiter la situation autrement? Ou comment on doit faire dans des contextes comme ça?

Mme Goyette (France): Chaque situation est différente. Répondre à votre question est très difficile parce qu'on n'a pas le contexte. C'est ça qu'on disait, on doit avoir l'historique, on doit avoir... Les directeurs sont au courant des situations des élèves. Votre question est trop générale. C'est exactement le rôle du directeur et du personnel de l'école, de toute façon, aussi de déterminer qu'est-ce qui est le mieux à faire dans une situation comme celle-là. Vous dire: Oui, on dénoncerait, oui, on appellerait les parents ou non, on ne les appellerait pas, ce ne serait pas approprié à ce point-ci parce qu'on n'a pas assez d'information sur le cas. Chaque cas est différent, et il nous faut l'information complète pour pouvoir prendre les mesures nécessaires, que ce soit informer les parents promptement ou non. J'aimerais pouvoir vous donner une réponse plus claire et plus... mais malheureusement... C'est ça, le rôle du directeur et du personnel, c'est de s'assurer qu'on a les informations complètes avant d'agir.

M. Gaudreault: O.K. Je comprends ça. Mais c'est ça, en même temps on essaie de trouver la meilleure interprétation...

Une voix: ...voie de passage.

M. Gaudreault: Oui, la voie de passage, comme dit ma collègue, là, pour tous les types de situations qui sont possibles. Mais, en même temps, on sait bien qu'une loi, on ne peut pas tout prévoir, là, dans la loi. Mais il faut quand même avoir des dispositions générales assez claires qui couvrent un ensemble de situations et qui permettent de couvrir les situations qui se présentent devant les élèves et les directeurs.

Vous parlez à la recommandation 3 -- j'ai trouvé ça intéressant: «Que le texte de la loi limite l'obligation d'intervention de l'école aux situations qui se produisent à l'école, à moins qu'il n'y ait des répercussions dans le milieu scolaire.» Depuis quelques heures, on essaie de trouver, là, encore une fois la voie de passage sur l'espace d'application de la loi, bon, est-ce qu'on doit aller jusque dans l'autobus scolaire, est-ce qu'on doit aller jusque dans le cyberespace, est-ce qu'on doit couvrir la distance que marche un élève entre sa résidence et l'école, mais là vous amenez la notion de répercussions dans le milieu scolaire. Est-ce que vous pouvez nous détailler ça encore plus, qu'est-ce qu'on entend par répercussions dans le milieu scolaire?

Mme Goyette (France): L'élève a droit à sa vie privée quand il est chez lui ou chez elle. Par contre, quand il y a des actes qui sont commis à l'extérieur mais que ça revient à l'école, donc il y a eu des échanges inappropriés de courriels pendant la fin de semaine ou, sur Facebook, il y a eu des commentaires inappropriés ou il y a de l'intimidation, justement, les commentaires sont répétitifs, et tout ça, et que ça vient déranger le climat de l'école, donc, dans le cours de français, on ne parle que de ça, on s'échange les papiers, on s'échange les... on n'est plus capable d'écouter pendant le cours de français parce que le blabla qui va autour de ça est rendu à l'école ou il y a des chicanes dans la cafétéria à cause du même incident qui est arrivé pendant la fin de semaine, ça vient déranger le climat de l'école.

À ce moment-là, la majorité des directions d'école, même si les commentaires ont été faits à l'extérieur de l'école, vont intervenir parce que ça crée des problèmes à l'école. C'est ça qu'on voulait dire par la recommandation n° 3. On ne peut pas gérer tout ce qui se passe à l'extérieur. Par contre, même si ça se passe à l'extérieur... Parce qu'on a souvent des commentaires de parents disant, quand on leur demande de venir et on leur explique l'incident sur Facebook: Ça ne vous regarde pas, ça a été fait à la maison. Dans la mesure où c'est rendu à l'école, oui, nous, on doit gérer la situation qui a apparu à l'école. Puis c'est une ingérence parce que c'est vrai que l'incident est arrivé à la maison quand ils n'étaient plus sous la supervision, sous l'autorité des autorités scolaires. Ça, on s'entend là-dessus.

M. Gaudreault: Et, encore une fois, vous faites référence, j'imagine, dans l'évaluation de ces répercussions dans le milieu scolaire, je dirais, à la discrétion et au professionnalisme des directeurs d'école, et c'est là que, d'une certaine manière, on peut appliquer cette marge de manoeuvre dont nous parlions tout à l'heure, là, qu'on doit laisser aux directions d'établissement.

Mme Goyette (France): Oui, mais je dois vous dire que, quand il y a des incidents comme ça, en réalité, la discrétion est assez minime parce que les répercussions sont importantes. Donc, ça dérange, ça perturbe le climat autant que si l'acte s'était fait... un acte de violence fait sur les terrains de l'école.

M. Gaudreault: Je n'ai pas lu la version anglaise du projet de loi, mais, à l'article 11, on dit que le directeur d'école doit recevoir et traiter avec diligence tout signalement et toute plainte concernant un acte d'intimidation ou de violence. Vous, selon votre expérience d'administrateurs dans le milieu scolaire, «signalement» et «plainte», quelle nuance vous y apportez? Quelle différence vous faites entre un signalement et une plainte, là? Et, pour ça, je vous dis, je n'ai pas vu la version anglaise, là. J'aurais peut-être dû, mais...

Mme Goyette (France): C'est pas mal pareil, là, la traduction est similaire. On s'est posé la question, la différence entre les deux. Ce qu'on a pu voir... Et, encore là, ce serait plus aux rédacteurs de la loi de nous donner la réponse, mais ce qu'on a vu, c'est que la plainte, c'était vraiment la personne qui est comme victime, tandis que le signalement, c'est quelqu'un qui aurait vu ou qui aurait...

M. Gaudreault: Un témoin.

Mme Goyette (France): Oui, un témoin plus que... Mais, écoutez, c'est complètement, là, spéculation de notre part. On a vu qu'il y avait une différence entre les deux mots, donc il doit y avoir une différence de concept pour les gens qui ont écrit. Nous, c'est ce qu'on y a vu.

M. Gaudreault: O.K. Donc, à tout le moins, ça mérite d'être peut-être précisé davantage selon vous.

Mme Goyette (France): Ça peut être un témoin ou ça peut être quelqu'un qui a entendu parler de ça aussi.

M. Gaudreault: O.K. Je voudrais juste revenir rapidement sur la question des sanctions administratives pécuniaires pour terminer. On a eu des témoignages à l'effet que la modification apportée à l'article 477 de la Loi sur l'instruction publique pouvait ouvrir la porte pour permettre au ministre ou à la ministre de faire des sanctions pécuniaires pour tout autre manquement à différentes obligations en vertu de la Loi sur l'instruction publique au-delà du projet de loi n° 56 sur l'intimidation. Est-ce que vous avez cette même crainte également?

Mme Goyette (France): Crainte, c'est notre interprétation aussi. Mais, comme je répondais à Mme la ministre il y a quelques minutes, on n'avait pas vraiment vu les sanctions pécuniaires, par exemple, suite à la non-intervention d'un directeur. Donc, l'interprétation qu'on en a, c'est vraiment pour d'autres sections de la loi, et, non, ce n'est pas limité à... Non. Ça fait que c'était vraiment des sanctions par rapport à n'importe quelle infraction à la Loi sur l'instruction publique.

**(17 heures)**

M. Gaudreault: Et ça, qu'est-ce que vous en pensez? Vous...

Mme Goyette (France): On a sauté nos commentaires là-dessus, vu qu'on n'avait pas beaucoup de temps. Donc, ce qu'on allait vous dire sur les sanctions pécuniaires, c'est que nous étions préoccupés par l'impact de l'imposition des sanctions administratives pécuniaires, l'impact que ces sanctions-là aurait sur les services directs offerts aux élèves. De telles sanctions ne favoriseraient certainement pas l'augmentation du niveau de réussite des élèves. Il serait sage d'examiner des solutions moins dommageables pour les élèves. Donc, on recommandait, par contre, de conserver le libellé actuel de l'article 477. On avait peur de l'impact que ça aurait sur le service...

M. Gaudreault: ...l'ensemble de l'oeuvre, oui.

Mme Goyette (France): ...sur le service aux élèves.

M. Gaudreault: C'est terminé?

Mme Goyette (France): Mais c'est le même problème qu'on a présentement avec 477, de toute façon.

M. Gaudreault: Merci.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie beaucoup, M. Mark Massarelli et Mme France Goyette, de nous avoir donné le point de vue de l'Association des administrateurs des écoles anglaises du Québec sur le projet de loi n° 56. J'inviterais maintenant les représentants du Groupe de recherche sur l'éducation éthique et l'éthique en éducation de l'Université du Québec à Montréal à venir à cette table.

Je vais suspendre pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 1)

 

(Reprise à 17 h 3)

Le Président (M. Marsan): Alors, nous reprenons nos travaux. Et il nous fait plaisir d'accueillir le Groupe de recherche sur l'éducation éthique et l'éthique en éducation de l'Université du Québec à Montréal, et je vais demander à Mme Nancy Bouchard, qui est la directrice, de nous présenter les gens qui vous accompagnent. Vous avez une période de 15 minutes pour nous faire votre présentation.

Groupe de recherche sur l'éducation éthique
et l'éthique en éducation de l'Université du
Québec à Montréal (GREE-UQAM)

Mme Bouchard (Nancy): Merci. Alors, Mathieu Gagnon, au bout, est père de quatre enfants et professeur à l'Université du Québec à Chicoutimi. Il s'intéresse au développement de la pensée critique, aux rapports aux savoirs et à la pratique du dialogue philosophique en classe.

Bruce Maxwell est père de deux enfants et professeur à l'Université du Québec à Trois-Rivières. Il s'intéresse à l'interculturalisme, au développement de l'empathie, à l'éthique professionnelle et à l'éducation parentale.

Moi-même, Nancy Bouchard, mère de trois fils, professeure à l'Université du Québec à Montréal et directrice du groupe de recherche, je m'intéresse aux fondements, modèles et pratiques de l'éducation éthique dans les politiques et les programmes éducatifs et à l'éducation au vivre-ensemble dans la différence. Ma première carrière en enseignement secondaire m'a permis de développer une approche narrative de l'expérience de conflit moral.

Par sa programmation de recherche, notre équipe interuniversitaire s'attarde en outre à l'éthique en éducation dans les politiques et les programmes chez les enseignants, les enfants et leurs parents.

Nous tenons à remercier cette commission pour son invitation et à féliciter la ministre de son projet d'une école où les relations interpersonnelles constructives sont une préoccupation majeure et où le respect de l'intégrité, de l'identité, de la dignité humaine sont des valeurs fondamentales. L'école, tel que le rappelait le rapport Delors à l'UNESCO, doit être un lieu où l'on fournit en permanence les forces et les repères intellectuels permettant de comprendre le monde et de se comporter en acteurs responsables et justes. En ce sens, nous ne pouvons que souscrire à un plan d'action pour un milieu d'apprentissage sain et sécuritaire, à une plus grande vigilance par rapport à la violence sous toutes ses formes, dont celles de l'intimidation et de la cyberintimidation.

Par ailleurs, bien que l'esprit de la loi nous semble tout à fait louable, notre lecture nous a conduits à faire quelques constats et à formuler des questions visant à mieux comprendre, voire à contribuer à l'amélioration du projet de loi.

À cet égard, deux réflexions nous sont venues d'emblée. En premier lieu, il faut dire, nous ne pouvons pas nous féliciter en tant que société québécoise du fait qu'une loi visant à lutter contre la violence et l'intimidation à l'école paraisse nécessaire. Le projet de loi n° 56 témoigne d'une perte de repères moraux chez certains jeunes, d'un manque de moyens d'intervention pour les institutions scolaires et d'une certaine urgence d'agir face à une société qui produit des violences et dont les enfants sont souvent les premiers affectés. C'est pourquoi nous gardons à l'esprit que l'école, à elle seule, ne peut suffire à la tâche. L'école est le premier vecteur de changement, mais l'école ne peut pas tout faire. Contribuer à vivre dans un environnement sain et sécuritaire où chacun peut s'épanouir devrait animer chaque citoyen du Québec, quel que soit son milieu et à tous les âges de la vie.

En second lieu, nous comprenons du projet de loi qu'il se veut un levier pour lutter contre les diverses formes de violence qui affectent bien des jeunes à l'école. Seulement, il nous semble que certains aspects de ce projet soulèvent des interrogations sur lesquelles il nous paraît souhaitable de s'attarder afin de les rendre plus efficaces en regard des visées qu'il poursuit, tout en demeurant lucides et souples face à la diversité et à l'identité propres aux différents contextes dans lesquels il sera appliqué. Tel que libellé, le projet de loi semble préjuger d'un seul portrait permanent et universel de l'école et, du coup, qu'un milieu d'apprentissage sain et sécuritaire est, à toutes fins pratiques, impossible. De plus, en regard de certains alinéas, le projet risque de conduire à une conception suivant laquelle les enfants et les adolescents sont les principaux responsables de cette situation. Il risque également d'entretenir une perception négative de l'école et de son personnel.

Afin d'articuler nos interrogations, nos réflexions et suggestions à l'égard de ce projet, notre exposé se décline en trois points: premièrement, l'orientation générale du libellé du projet de loi; deuxièmement, les modalités liées au projet de loi; et, troisièmement, l'éducation au civisme et à la cybercitoyenneté.

Notre lecture nous a conduits à penser qu'il serait précieux, voire prudent de réfléchir au libellé du titre de la loi de même qu'à la définition de l'intimidation qui y est proposée. Différentes raisons concourent à cette remarque, notamment l'idée selon laquelle la loi entend mettre clairement l'accent sur l'intimidation, qui, par ailleurs, représente une forme particulière de violence parmi d'autres. Ne risque-t-on pas ainsi de créer des clivages et de guider l'attention des institutions vers cette forme particulière de violence au détriment d'autres formes, lesquelles ne sont pas pour autant moins préjudiciables? En ce sens, nous nous demandons s'il n'est pas préférable de retirer du libellé le terme «intimidation» afin de mettre directement l'accent sur la violence sous toutes ses formes. En conséquence, en lieu et place d'une définition de l'intimidation, il s'avérerait plus opportun d'y retrouver une définition normative de la violence telle que celle proposée, par exemple, à l'intérieur du plan d'action ministériel pour prévenir et traiter la violence à l'école.

Cela n'exclut pas la possible présence d'une définition de l'intimidation comme mode particulier de violence. Seulement, dans tous les cas, les définitions proposées devraient comprendre des balises claires, et ce, afin d'éviter la non prise en compte de cas de plaintes légitimes. À cet égard, notons que le critère d'intentionnalité peut, en certaines circonstances, conduire à négliger, voire banaliser certaines conduites qui demeurent néanmoins répréhensibles.

Ceci dit, ajoutons qu'actuellement la définition de l'intimidation qui se trouve insérée dans la Loi sur l'instruction publique se situerait entre celle d'«année scolaire» et celle de «parent», deux éléments d'un ordre différent. Dans la Loi sur l'instruction publique, on ne définit pas les thèmes centraux tels qu'«éducation», «réussite», «compétence», etc. Alors, pourquoi introduire une définition de l'intimidation ou de la violence dans cette loi? Ne serait-il pas plus approprié d'ajouter une définition de la violence dans d'autres documents officiels, par exemple le régime pédagogique? Et, si de telles définitions devaient être retenues dans la loi elle-même, nous maintenons qu'elles gagneraient à être plus opérationnelles.

En outre, nous irions même jusqu'à remettre en question la formulation à la négative du libellé du projet de loi. En effet, alors que la Loi sur l'instruction publique utilise déjà les termes «projet éducatif» et «plan de réussite» pour, dans le fond, parler de «plan de lutte contre l'échec scolaire et le décrochage scolaire», ce projet de loi, ce projet de loi ci, quant à lui, dirige directement l'attention sur la notion de lutte. Nous en venons donc à nous demander, au bout du compte, s'il ne serait pas plus judicieux d'adopter un même esprit en parlant, par exemple, de «plan d'action pour un milieu d'apprentissage sain et sécuritaire», passer d'une lutte contre la violence à une éducation pour la paix. Je cède la parole à mon collègue Mathieu Gagnon.

**(17 h 10)**

M. Gagnon (Mathieu): Merci, Nancy. Alors, selon notre point de vue, le projet de loi gagnerait également à se limiter aux considérations d'ordre général. Pour illustrer notre propos, nous nous appuierons sur quelques exemples. La première partie de l'article 18.1 sur les obligations de l'élève -- et je cite: «L'élève doit adopter un comportement empreint de civisme et de respect...» -- fin de la citation -- peut relever du domaine de la Loi sur l'instruction publique. Mais la deuxième partie -- et je cite: «À cette fin, il est tenu de participer aux activités de l'école qu'il fréquente concernant le civisme et la lutte contre l'intimidation et la violence» -- fin de la citation -- relèverait plutôt, à notre avis, de la régie interne de l'école.

Le chapitre de l'école, section I dans la loi actuelle sur l'instruction publique, plus précisément les articles 36 à 37.1 sur le plan de réussite et le projet éducation, pourrait être ajusté de manière à inclure un plan d'action pour un milieu d'apprentissage sain et sécuritaire, et ce, en plus de certains ajouts à l'article 75 pour l'adoption d'un plan d'action pour l'école.

À propos des dispositions du point 5 ou article 76 du projet de loi, nous sommes d'avis que d'imposer aux directions d'école un modus operandi uniformisé risque de les contraindre à adopter un style de gestion unique faisant fi de la diversité des approches qui, en contexte, peuvent parfois s'avérer plus appropriées que celles préconisées à l'intérieur du projet de loi. Nous sommes d'accord avec une loi qui proscrit en tout temps certains comportements qui vont à l'encontre de la reconnaissance de l'autre et des valeurs communes comme le racisme, le sexisme, l'homophobie, la xénophobie, le taxage, l'intimidation et la cyberintimidation et de la sécurité même des personnes. Par ailleurs, nous en venons à nous demander s'il n'est pas préférable d'établir des indications générales quant à l'établissement et la présentation des règles de conduite qui respectent les particularités et diversités essentielles aux multiples facteurs devant être pris en compte à la lumière des milieux dans lesquels oeuvre le personnel scolaire.

De plus, nous nous questionnons sur la pertinence d'inclure dans un projet de loi l'obligation d'élaborer et de présenter des règles de conduite, puisqu'il s'agit d'une pratique courante dans la plupart -- pour ne pas dire l'ensemble -- des institutions scolaires. En ce sens, nous sommes d'avis que le dernier alinéa proposé à l'article 75.3 pourrait être retiré. Si l'idée d'une éducation au civisme était retenue, elle devrait plutôt être ajoutée au régime pédagogique ou encore au Programme de formation de l'école québécoise et ne pas spécifier les modalités d'application concrètes.

Nous nous questionnons en particulier sur cette obligation de mettre en oeuvre une formation au civisme, et ce, pour toutes les écoles, indépendamment de la réalité spécifique de chacune d'elles. Pris ainsi, l'esprit de la loi semble présupposer, présumer que tous les élèves ont besoin de la même formation au civisme, et ce, à chaque année, ce qui, en conséquence, laisse peu d'espace pour le jugement professionnel des acteurs, qui, le cas échéant, pourraient en venir à la conclusion que la même approche, soit l'éducation du caractère traditionnelle, n'est pas adéquate à tous les âges et en toutes circonstances. Nous sommes d'avis que la pertinence de mettre en place ou non ce type précis de formation doit pouvoir être évaluée, modulée ou remplacée en fonction du portrait de l'établissement.

L'article 75.3 du projet de loi stipule également que le ministre peut prescrire, entre autres, des sanctions disciplinaires applicables selon la gravité ou le caractère répétitif de l'acte répréhensible. Ce nouveau champ d'action du ministre pourrait limiter le pouvoir discrétionnaire des directeurs d'école de traiter selon les circonstances les caractéristiques propres à chaque cas, par exemple l'âge de l'élève, son milieu, ses capacités cognitives, les ressources à sa disposition, etc. Cette attention prêtée au contexte nous semble essentielle si nous souhaitons que les décisions disciplinaires demeurent justes et appropriées.

Enfin, un dernier exemple, les différents alinéas prévus aux articles 76 et 77 laissent clairement entendre que l'élaboration de règles de vie se fait par la direction en collaboration avec le personnel de l'établissement. À notre avis, cela peut conduire les institutions à adopter de nouveau un modèle de gestion uniformisé faisant fi de la particularité de certains établissements. De fait, dans certaines écoles, ces règles de vie sont élaborées en collaboration avec les élèves, ce qui, pour eux, a un impact positif non négligeable. Nous pensons qu'il serait plus approprié de prévoir dans la loi des modalités permettant aux écoles de préserver leur autonomie dans les manières d'établir le code de vie, de le faire respecter et de le renouveler.

En ce qui concerne plus spécifiquement l'éducation au civisme et à la cybercitoyenneté, nous portons à l'attention de cette commission que l'éducation au civisme proposée dans le projet de loi gagnera à être appuyée par une réflexion approfondie afin que ce qui est visé par ces bonifications apporte une contribution effective à l'éducation citoyenne des élèves. À cet égard, nous souhaitons, dans un premier temps, partager à la commission nos propres réflexions.

Par la mise en place d'une formation au civisme, nous craignons que celle-ci prenne la forme d'un comportementalisme. Rappelons que l'éducation ne consiste pas à dresser les enfants et qu'en ce sens une éducation par la conscientisation mène à davantage de liberté et d'épanouissement, tout en contribuant à former des acteurs de changement social. Bien plus, il nous semble que le civisme gagne en signification lorsqu'il prend forme à l'intérieur d'une démarche d'apprentissage de type expérientiel que par le recours à une inculcation de comportements au sens traditionnel du terme.

Or, suivant notre lecture du projet de loi, il semble que le modèle promu en ce sens en soit un visant à conduire les élèves à adopter des comportements imposés de l'extérieur par des codes élaborés par d'autres, peu importent l'âge et la maturité des élèves et les caractéristiques du milieu, ce qui risque de conduire à l'adoption d'une stratégie à tendance behavioriste et, par conséquent, peu réflexive, un modèle qui, à travers le temps, n'a malheureusement pas su démontrer son réel impact sur l'appropriation réfléchie et raisonnée des principes et normes devant guider le vivre-ensemble. De fait, il appert que, dans ce contexte, les élèves agissent davantage en regard du système qu'en regard des principes devant guider l'agir, et que, dès l'instant où la crainte de la punition perd de sa force, cette éducation se perd aussi.

De plus, l'esprit de la loi semble suggérer la mise en oeuvre d'activités qui visent à apprendre plutôt qu'à comprendre, à acquérir plutôt qu'à réfléchir et/ou à moraliser plutôt qu'à penser. Cette ambiguïté peut, le cas échéant, entrer en contradiction avec la définition même de l'éthique telle que proposée dans le programme d'éthique et culture religieuse, à savoir une réflexion critique sur les principes guidant notre agir. Dès lors, nous nous demandons: Pourquoi ne pas emprunter clairement une approche proactive et réflexive de l'éducation au mieux-être et au mieux-vivre individuels et collectifs? Nous en venons donc à nous demander si, dans le projet de loi, les contenus et activités que le ministre peut prescrire et que le conseil d'établissement a pour responsabilité d'inclure au service de l'enseignement s'accompagneront d'une exemption d'une partie du curriculum. Auquel cas, nous nous demandons si le ministère songe à remplacer une partie du contenu, et, si oui, lequel. Il nous est apparu, à la lecture de la documentation produite par le ministère à ce propos, que le programme d'éthique et culture religieuse était particulièrement ciblé.

En ce qui a trait, plus généralement, aux différentes formes de violence, dont l'intimidation, et aux moyens utilisés, dont la cybercitoyenneté, à l'éducation au civisme et à l'art du vivre-ensemble, il nous semble qu'en plus de modifier la Loi sur l'instruction publique et sur l'enseignement privé à cet égard il serait opportun de bonifier le régime pédagogique et les services de l'enseignement, ainsi que la formation du personnel scolaire.

En bref, une loi visant la mise en place d'un milieu d'apprentissage sain et sécuritaire, d'une éducation pour la paix où chacun puisse s'épanouir est requise. En conséquence, veiller à ce que chaque établissement soit en mesure de prévenir et traiter adéquatement les différentes formes de violence à l'école est aussi requis. Par ailleurs, la réflexion devrait se poursuivre de manière à bonifier le projet de loi et accompagner celui-ci d'un document d'orientation ministériel pour bien distinguer la loi elle-même des modalités et lieux d'application concrète pour une approche qu'on pourrait qualifier de multilevier.

Le Président (M. Marsan): Merci. Nous allons débuter immédiatement la période d'échange, et je vais céder la parole à Mme la ministre de l'Éducation, des Loisirs et des Sports. Mme la ministre.

**(17 h 20)**

Mme Beauchamp: Merci beaucoup, M. le Président. Bienvenue à vous trois. Je vous avoue qu'il y a une partie de votre mémoire qui m'a étonnée parce qu'il y a... vous posez des hypothèses où je me pose vraiment la question: Qu'est-ce qui vous a amenés à poser de telles hypothèses? Je pense notamment à l'analyse que vous faites de l'introduction de contenus de formation sur le civisme que vous commentez en disant que c'est privilégier une approche comportementale plus qu'une approche d'appropriation, une approche réflexive de ses propres comportements, donc toute cette analyse que vous faites d'une approche behavioriste qui serait amenée à travers des contenus de formation sur le civisme, votre hypothèse également que de tels contenus seraient faits au détriment de contenus du cours éthique et culture religieuse.

Je prends juste le temps de vous dire de façon pragmatique, de ma perspective à moi comme ministre de l'Éducation, là... ou, en tout cas, de vous dire que, moi, le type de commande -- parce que ça fait partie des fonctions de ministre de dire: On va faire ça comme ça -- le type de commande que j'ai demandé à l'équipe d'experts du ministère, premièrement, les contenus de formation sur le civisme sont travaillés en ce moment, mais je peux vous dire que, moi, comme ministre, là, je ne les ai pas autorisés, je ne les ai pas même lus encore. À partir de la décision de dire: On va faire cela, l'équipe y travaille, mais je prends juste le temps de vous dire, là, que les contenus ne sont pas encore déterminés. Donc, c'est pour ça que j'étais étonnée de voir qu'il y avait toute une analyse sur le type d'orientations qu'on pourrait y trouver, alors que ce travail-là n'est pas terminé, là, d'élaborer les propositions du ministère... des contenus sur le civisme.

L'autre élément, par exemple, c'est dans votre mémoire l'analyse qui dit: Est-ce que le ministère est en train de vouloir retirer des blocs de formation, dont éthique et culture religieuse? Je prends juste le temps de vous dire que, dans le processus que moi, j'ai fait autour de cette question de lutte contre l'intimidation et le civisme, une des propositions que j'ai eues sur ma table était que les contenus en civisme soient donnés à l'intérieur du cours éthique et culture religieuse. Et, je le dis de façon transparente, moi, ma décision à moi a été de dire: Non, je ne veux pas que ça soit là, je pense que le cours éthique et culture religieuse est assez costaud. Pour connaître des gens qui le donnent, là, je me dis: Il est complet, il est costaud.

Mais l'autre dimension pour moi, c'était d'éviter que les professeurs d'éthique et culture religieuse soient vus comme étant les seuls membres de l'équipe-école ayant charge de cette notion de formation en civisme, et c'est pour ça que j'ai plutôt choisi une approche... et c'est pour ça que vous avez vu l'introduction d'un pouvoir dans la loi où on dit: La ministre peut prescrire des contenus de formation. Ce n'est pas dans le but de venir jouer dans le régime pédagogique, c'est dans le but de juste permettre que dans... pour certains éléments, sans venir jouer dans le régime pédagogique, on puisse, de façon systématique, dans des écoles, proposer des contenus de formation qui peuvent prendre la forme de séances de quelques heures par année et données par la personne qui sera identifiée par la direction d'école en mesure de donner cette formation-là.

Donc, vous comprenez pourquoi je me questionne sur... quand vous me dites: À la lecture de documentation produite par le ministère, et tout ça, qui vous a amenés à poser vos hypothèses du type d'orientation qu'on retrouverait dans ces contenus ou de poser l'hypothèse que ça viendrait amputer le cours éthique et culture religieuse. Ça m'interpelle parce que, si vous avez détecté ça dans de la documentation, je vais aller voir, je vais en prendre connaissance, je vais essayer de mieux comprendre. Mais, en même temps, je vous dis, là, moi, d'une façon transparente puis la plus pragmatique possible quelle est l'orientation en ce moment. Et l'orientation que je vous donne, si vous voulez la commenter, ça, on est là pour ça, là. Mais c'est comme ça que ça se passe et que ça se vit en ce moment au ministère de l'Éducation.

Le Président (M. Marsan): Mme Bouchard.

Mme Bouchard (Nancy): Bien, il y a plusieurs choses dans le commentaire. Disons qu'au sujet de la formation au civisme, qui est annoncée depuis un an, il aurait été très intéressant d'avoir accès à plus de documentation justement pour comprendre de quoi il en retourne. Si on se fie au libellé qu'il y a dans le projet de loi, il y a un aspect où on dit, bon: Le comportement respectueux empreint de civisme chez l'élève. Je me dis: Oui, ça, ça va dans un projet de loi au niveau de l'instruction publique, mais de pouvoir dire... Bien, le directeur... La formation au civisme qui est décrite dans le document, de la façon dont on l'a lu, c'est que le directeur, une fois par année, va prendre une formation au civisme pour présenter le code de vie aux élèves. Et ce code de vie là est préalablement élaboré par la direction de l'école et les enseignants. Donc, nous, on considère que ça, c'est de l'instruction civique. Alors, on veut inculquer un comportement aux jeunes, et, pour nous, ce n'est pas suffisant pour éduquer la personne éthique. Devenir une personne éthique se construit tout au cours d'une vie. Et chez l'enfant, et chez l'adolescent en particulier, il y a différents niveaux de développement, différentes phases de développement dont il faut tenir compte. Chez le petit enfant, c'est certain que lui apprendre qu'il y a des règles à respecter... Il faut apprendre que la règle existe avant de pouvoir évaluer si... de notre propre chef, si la loi nécessiterait d'être modifiée, si la règle nécessiterait d'être modifiée. Donc, nous, on pense qu'une éducation éthique... Et ça pourrait être à l'intérieur d'éthique et culture religieuse. Même une formation au civisme dans le sens d'éduquer ou vivre ensemble dans notre société cadre tout à fait avec les visées du programme éthique et culture religieuse, qui sont la reconnaissance de l'autre et la poursuite du bien commun. Ça va dans le même sens.

Maintenant, est-ce que cette éducation au civisme peut se faire ponctuellement, une fois par année ou deux fois par année, à chaque année? On pense que ça doit s'inscrire dans un premier niveau, hein? Quand on parle de la lutte pour prévenir et traiter la violence à l'école, il y a un premier niveau universel qui s'adresse à tous les enfants qu'on éduque et qui vise justement à construire les relations sociales, à construire l'estime de soi chez l'enfant, et ça, ça doit se faire avec les enfants et avec les enseignants. Alors, si ça doit se faire avec les enseignants et que ça doit se faire à un rythme continu et dans une perspective éducative à long terme, alors on voit mal comment ça peut être strictement une activité une fois par année où le directeur dit: Bien, voici comment ça doit se passer à l'école. Ça serait dans ce sens-là.

Mme Beauchamp: Je veux citer une partie de votre mémoire puis... C'est peut-être moi qui ai mal compris, mais vous nous dites... Je suis à la page 11 de votre mémoire, là, vous nous dites: «Nous en venons donc à nous demander si, dans le projet de loi, les contenus et [les] activités que le ministre peut prescrire et que le conseil d'établissement a pour responsabilité d'inclure aux services de l'enseignement s'accompagneront d'une exemption d'une partie du curriculum. Auquel cas, nous nous demandons si le MELS songe à remplacer une partie du contenu, et, si oui, laquelle? Il nous est apparu à la lecture de la documentation produite par le MELS à ce propos que le programme éthique et culture religieuse était particulièrement ciblé.»

De ce paragraphe-là, moi, j'ai compris que vous me demandiez si l'introduction de contenus par rapport au civisme voulait dire que le cours éthique et culture religieuse était ciblé et serait amputé de certains contenus pour faire place au civisme, et je pensais que vous voyiez ça comme une menace. O.K.? Parce que, là, je me disais: Là, je ne comprends plus parce que vous venez de dire que... Puis je veux juste savoir si c'est clair. Moi, quand je lis ça, je lis... Quand vous dites «ciblé», tu sais, c'est une connotation que... une notion un peu d'attaque, là, comme si on attaquait le contenu du cours d'éthique et culture religieuse. Donc, je pensais que vous étiez en désaccord, que vous vouliez le maintenir intact et que vous... alors que, là, ce que j'ai entendu il y a quelques instants, c'est que vous dites plutôt que, pour vous, les notions de civisme, des contenus en civisme doivent être intégrés au cours éthique et culture religieuse, ce qui m'a déjà été proposé et que, moi, j'ai rejeté, mais la consultation, elle peut me servir aussi à me donner un nouvel éclairage. Mais donc vous, vous dites: Revoyez le contenu d'éthique et culture religieuse pour y introduire civisme et peut-être même cybercitoyenneté?

Mme Bouchard (Nancy): Pour y introduire certains contenus. Beaucoup des contenus sont déjà là, mais peut-être que ça pourrait être intéressant de réfléchir est-ce que, dans les faits, ces contenus-là, est-ce qu'ils sont enseignés, est-ce qu'il n'y aurait pas des ajouts à faire, comme, par exemple, la question de la cybercitoyenneté, est-ce que... Parce que, dans le débat sur éthique et culture religieuse, on a donné vraiment toute la place à la question de la culture religieuse, le débat a porté pratiquement strictement là-dessus. Et nous, quand on a vu un projet de loi comme celui-ci, qui vise à faire de l'école un milieu plus sain et sécuritaire, à faire que les enfants puissent s'épanouir encore davantage dans des relations interpersonnelles positives... nous a interpellés sur la dimension éthique de l'éducation. Et puis, bien que ce soit transversal, que ce soit tout acteur, tout... Hein, on a parlé plus tôt aujourd'hui que l'enseignant est un modèle, l'enseignant doit inspirer, le milieu scolaire doit mettre en place des conditions pour que les enfants puissent s'épanouir et bien vivre ensemble, mais ça ne dispense pas à l'intérieur de certains cours... C'est pour ça qu'on a compris, par exemple, que, dans votre projet de loi, que vous prescririez certains contenus, nouveaux contenus.

Bien, il faut faire de la place pour ce contenu-là. La question qu'on posait, c'est si c'est strictement en dehors d'activités ponctuelles, une fois à l'occasion... Quand je parle au niveau de la formation universelle, c'est-à-dire de premier niveau, qui s'adresse à tous les enfants, je ne parle pas des deux autres niveaux d'intervention en ce qui concerne le traitement de la violence et la prévention. Mais, donc, l'enseignant est le premier, je dirais, le premier acteur qui est rejoint à l'intérieur de sa classe. Les élèves arrivent de la récréation, c'est le premier témoin des besoins des élèves dans ce sens-là. Alors, de l'éducation éthique, l'enseignant, il en fait tout le temps, quand il met les règles en place, quand il... Il en fait continuellement. Et, avec les enfants, il peut construire un code de vie à l'intérieur même de sa propre classe. Il y a beaucoup d'enseignants qui le font. Moi, quand j'enseignais au secondaire, c'est la première chose que je faisais, de construire avec mes élèves le code de vie à l'intérieur de la classe. Mais c'est ça. Donc...

**(17 h 30)**

Mme Beauchamp: Est-ce que vous permettez... Si je peux me permettre, c'est parce que les exemples que vous me donnez en disant que ça peut être transversal, et tout enseignant a charge ou enfin... oui, a charge, je dirais, d'une forme d'enseignement d'éthique à partir, par exemple, de l'introduction d'un code de vie dans sa classe, et tout ça, pour moi, j'y vois presque une forme de contradiction avec la recommandation d'introduire ça dans le cours, dans le curriculum, là... je n'ai peut-être pas les bons mots, là, mais d'éthique et culture religieuse. Je voudrais que vous commentiez ma préoccupation. Je ne sais pas si elle est légitime ou pas. Moi, ma préoccupation, c'était qu'on en vienne à identifier le professeur qui donne le cours éthique et culture religieuse comme étant celui qui a charge du civisme, de l'enseignement du civisme à l'école.

Et c'est là que moi, je réagis en disant: Je trouve, honnêtement, que ce cours-là est un cours exigeant, complexe et qu'il faut encore apprivoiser. Je vais me permettre de dire ça ainsi. Je pense qu'il subit un test de la réalité, ce cours-là. Je pense que ça va plutôt bien, mais j'hésitais, moi, à aller jouer dedans, là, en disant: Tiens, on va vous rajouter ça, puis on va vous rajouter ça. Puis je comprends votre commentaire sur la dimension éthique de ce cours-là, je le comprends. Mais, dans la vraie vie, là, tu sais, je me disais: Est-ce que, vraiment, je m'en vais jouer dedans puis je m'en vais ajouter une dimension? Donc, j'avais une préoccupation assez pragmatique sur qu'est-ce qu'on demandait à ce professeur-là, et est-ce qu'il était opportun d'y ajouter ça, puis de l'identifier comme ayant charge de la dimension civisme dans une école, et c'est pour cela que je n'ai pas choisi cette voie-là puis que j'ai choisi la voie d'une notion de séances où les contenus pourraient être prescrits, mais une notion de séances. Ça fait que je voudrais juste entendre vos commentaires par rapport à moi, ma préoccupation qui m'a guidée dans le fait que j'ai fait les choix que j'ai faits, là, qui sont soumis en ce moment même à cette consultation. Mais, moi, c'était vraiment ça, ma préoccupation.

M. Gagnon (Mathieu): Moi, je suis du même avis que Mme Bouchard à l'effet que ce n'est plus du... Puis je partage votre avis aussi à l'effet que ça doit être une responsabilité partagée par l'ensemble des acteurs de l'institution, je pense que ça ne fait pas de doute pour personne. Moi, je suis un peu utopiste, j'ai l'impression que l'éthique et culture religieuse... et particulièrement l'éthique est sous-exploitée dans le système scolaire, il n'y a pas suffisamment... sous-valorisée. Il y a moyen de valoriser davantage cette éducation-là. Nous, quand on interroge, par exemple, les élèves, puis ils nous disent: Si on ne passe le cours de d'éthique et culture religieuse, ce n'est pas grave, on est diplômés quand même, ils arrivent avec leurs livres des autres matières scolaires puis n'écoutent rien de ce que le prof a à dire... Ça se voit dans les cours d'éthique et culture religieuse.

Il y a un problème de valorisation de la formation éthique dans les écoles selon mon point de vue alors que 90 % des enjeux sociaux sont liés à des questions qui se rapportent plus ou moins à l'éthique. Que ce soient les commissions d'enquête qu'on peut mener, que ce soient les problèmes ou les questionnements qui sont soulevés par des enjeux comme les gaz de schiste, le développement des ressources naturelles, il y a toujours une question éthique qui est derrière ça, alors que, lorsqu'on travaille, entre autres, au secondaire, les enseignants, s'ils sont dans une discipline comme sciences ou s'ils sont dans une discipline comme mathématiques ou histoire, dès qu'ils abordent des questions éthiques ou qu'ils travaillent sur le volet éthique, se disent qu'ils ne font plus de l'histoire mais font de l'éthique, ne font plus des sciences mais font de l'éthique. Donc, à ce moment-là, pour eux, c'est comme si c'était à l'extérieur, un peu, de leur mandat puis c'est du temps emprunté sur le contenu qui est déjà très, très chargé.

Ce qu'on craint aussi, c'est que... Je n'irais pas jusqu'à dire que ce sont des hypothèses, mais ce sont peut-être plus des risques identifiés, des questionnements qu'on soulève par rapport à la manière dont c'est présenté. Ce que nous, on craint par rapport... Moi personnellement. Je ne veux pas parler au nom de tout le monde, mais ce que, moi, je crains par rapport à l'imposition d'un contenu, ce qu'on remarque, entre autres, dans les cours d'éthique et culture religieuse, c'est que plus il y a des échelles de progression des apprentissages centrés sur les contenus, plus on aboutit à un modèle «top-down» où on dit: Voici ce que vous devez apprendre, voici la définition de la liberté, apprenez-la, puis on aboutit à des examens où c'est des questions fermées, où il y a peu de pensée réflexive. Tout ça doit s'arrimer, d'après moi, autour d'une dynamique dans laquelle il y a des volets importants accordés à la formation de la pensée et à la formation des habiletés sociales par le biais des contenus, mais les contenus doivent être un moyen pour arriver à former l'individu, et non pas une finalité.

Et c'est pour ça que je remets en question, entre autres, le critère de la répétition par rapport à la définition de l'intimidation. Pas qu'en soi c'est un mauvais critère, mais, dans certaines écoles, ce que, moi, j'ai vu -- parce que je suis beaucoup dans les écoles -- c'est que les élèves se sont fait dire ça, puis ils viennent même jusqu'à nous dire que, si ça ne fait pas des mois qu'on se fait harceler par quelqu'un, ça ne vaut pas la peine de se plaindre puis de dénoncer à l'enseignant, il faut que ça fasse des mois. Puis j'ai même entendu des enseignants dire: Ça doit être répété à un point tel que la personne n'est plus capable de le supporter puis elle est sur le bord du suicide. Bien, si c'est ça, notre définition, je pense qu'on n'est pas sur la bonne voie. C'est un problème qui n'est pas simple.

Imposer des contenus, ça peut devenir une approche qui est centrée sur la mémorisation, alors que, nous, on souhaite travailler sur une approche qui vise la réflexivité, la relation entre les personnes, les pratiques dialogiques, la réflexion sur les contenus pour voir quelles sont leurs portées, quelles sont leurs limites, dans quelle mesure elles sont applicables à différents contextes. Tout cela... On n'a rien contre les contenus en soi, mais, d'après nous, ils devraient être arrimés à une démarche qui vise la réflexivité et les pratiques dialogiques de manière à ce que ce ne soit pas un modèle d'endoctrinement non plus qui soit proposé aux élèves, mais un modèle où on travaille en collaboration avec eux pour réfléchir sur les questions éthiques, entre autres, qui sont liées au civisme, au vivre-ensemble, et tout ça. C'est plutôt un risque anticipé qu'une hypothèse fondée au sens strict du terme.

Mme Bouchard (Nancy): La crainte de la punition, si je prends une des théories du développement moral, le premier stade, c'est ça, l'enfant va obéir par la crainte de la punition. Une fois que cette crainte de la punition là est disparue, son comportement va être modifié. Alors, apprendre aux enfants à agir de façon à respecter la dignité de l'autre, c'est très différent que de lui apprendre à craindre la punition. Parce que ça, ça ne tient pas la route très longtemps. Alors, c'est dans ce sens-là aussi qu'on a vu la formation au civisme appliquée partout, dans toutes les écoles, à chaque année scolaire, on se... de la même manière, dans la Loi sur l'instruction publique, que ça allait trop loin, ça ne donnait pas la place, justement, à une approche évolutive qui va avec l'enfant.

L'autre chose que je voudrais souligner concernant éthique et culture religieuse, c'est qu'à notre connaissance il n'y a pas de recherche du... À moins qu'il y en ait, là, mais, à notre connaissance, il n'y a de recherche du ministère de l'Éducation sur comment ça se passe dans les écoles en ce qui concerne éthique et culture religieuse. Est-ce qu'on sait si ça s'enseigne au primaire? Nous, on a fait une petite enquête...

Le Président (M. Marsan): Alors, il ne reste plus de temps...

Mme Bouchard (Nancy): O.K. On a fait une petite enquête auprès du primaire, auprès de 75 enseignants du primaire, et on pourrait penser que ça s'enseigne très peu. Et il y a aussi la formation des enseignants...

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie beaucoup. Ceci termine cette période d'échange avec la partie ministérielle. Nous allons poursuivre avec l'opposition officielle, et je vais donner la parole au député de Trois-Rivières, qui est le porte-parole de l'opposition... de Trois-Rivières... de Jonquière, je m'excuse, qui est le porte-parole de l'opposition officielle...

M. Gaudreault: Merci, M. le député de Gaspé.

Le Président (M. Marsan): ...en matière d'enseignement primaire et secondaire. Je m'excuse, M. le député. La parole est à vous.

M. Gaudreault: Merci, M. le député de Gaspé.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gaudreault: Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup, Mme Bouchard, M. Maxwell, M. Gagnon. Il me fait plaisir de vous recevoir. J'ai l'impression que, rendu à ce stade-ci, vous nous emmenez vraiment sur des territoires insoupçonnés...

Une voix: Inexplorés.

**(17 h 40)**

M. Gaudreault: ...voire même insoupçonnés à cette heure-ci depuis le début des travaux. Alors, c'est correct, il faut sortir de notre zone de confort, ce que vous faites. Alors, vous me direz si je me trompe, mais j'ai l'impression que, quand je lis particulièrement votre encadré à la page 8: «Le projet de loi n° 56 gagnerait à se limiter aux considérations d'ordre général qui pourraient -- et non devraient -- s'appliquer indépendamment des contextes et s'étendre tant aux établissements privés que publics. Tout ce qui a trait aux mesures spécifiques, aux modalités d'application et à la pédagogie nous semble plutôt relever du régime pédagogique...», bon, j'ai l'impression que vous prenez carrément la posture d'une large autonomie aux milieux, aux différents milieux de l'éducation, aux différents milieux, que ce soit dans les établissements primaires, secondaires, donc beaucoup d'autonomie, et que vous ne voulez pas que la loi soit prescriptive, quelle évite le plus possible les données, là, ou les obligations à l'égard des directeurs d'école, les commissions scolaires, les différents intervenants sur le plancher des vaches, là, donc vraiment, là, sur le terrain, comme on dit. Alors, j'ai l'impression que vous souhaitez qu'une telle loi soit davantage une loi d'ordre général, quasiment une charte du bon vivre-ensemble dans les écoles qui établit des principes en laissant le soin aux milieux, aux différents milieux de trouver la bonne application ou, sinon, de laisser le soin, à la pièce, au ministre de modifier, la cas échéant, ou d'intervenir sur le régime pédagogique. Est-ce que je me trompe?

Mme Bouchard (Nancy): C'est que le projet de loi, il y a différents niveaux à l'intérieur du projet de loi. Si je prends, par exemple, l'obligation de l'élève, 18.1, «L'élève doit adopter un comportement empreint de civisme et de respect envers le personnel de la commission scolaire ainsi qu'envers ses pairs». On voit très bien que ça peut figurer très bien dans la Loi sur l'instruction publique, et ça cadre avec l'esprit et le type de libellé qu'on retrouve dans la Loi sur l'instruction publique. Par contre, il y a d'autres types de libellés dans le projet de loi n° 56 qui iraient probablement... qui cadreraient mieux avec le régime pédagogique, qu'on peut modifier plus régulièrement, qu'on peut ajuster, où on trouve des définitions ou...

D'autres éléments seraient plus appropriés dans des documents officiels également comme le Programme de formation de l'école québécoise. J'imagine très bien que la question de la formation au civisme, par exemple, toute la question de la création d'un climat sain à l'école et sécuritaire va éventuellement ou fort probablement figurer dans la prochaine version du Programme de formation de l'école québécoise. C'est le lieu pour ces choses-là. Autrement dit, c'est que la loi contient certains éléments, pas nécessairement qu'on est contre ces éléments-là, mais il semble que ça n'irait pas dans la Loi sur l'instruction publique, plutôt dans d'autres lieux. Et, oui, on va aussi jusqu'à dire qu'il y a certains éléments qui sont beaucoup trop spécifiques et que le ministère pourrait simplement donner les grandes orientations. Mais les modalités d'application concrètes, de dire: Une fois par année -- dans la Loi sur l'instruction publique -- le directeur doit faire une activité de formation au civisme sur le code de vie de l'école, c'est beaucoup trop spécifique. C'est de l'ordre de la pédagogie, c'est de l'ordre de la régie interne d'une école, ainsi de suite.

Le Président (M. Marsan): M. Maxwell.

M. Maxwell (Bruce): ...un exemple un peu plus concret pour illustrer l'idée de base. Et c'est un aspect du projet de loi qui m'interpelle beaucoup, c'est l'obligation de mettre en oeuvre dans chaque école un plan d'intervention contre l'intimidation et la violence. Bon, pour moi, comme on a mentionné au début du rapport, c'est déplorable, dans le sens où, en ce faisant, on accepte quasiment que nous vivons dans une société, hein, dans une société où la violence est un problème permanent et qu'on ne peut pas enlever de nos écoles. Et ça, c'est une hypothèse possible, mais, en même temps, O.K., le MELS a mis en place dans le... Juste pour reculer un peu, dans le projet de loi, il y a des mesures en amont du problème d'intimidation et de violence et en aval aussi, n'est-ce pas? Et, dans ma lecture du projet de loi, le programme d'éthique et de culture religieuse est une intervention par excellence, même si ce n'est pas une intervention dans le sens psychologique du terme. Donc, nous avons, comme société, la société québécoise, une forme d'intervention obligatoire qui vise, entre autres, une culture de paix et de respect non seulement dans les écoles, mais dans la société, mais, en même temps, on baisse les bras en disant que ceci ne pourrait jamais se réaliser.

Donc, c'est pour cette raison-là que moi, je suis... je comprends... Nous ne sommes pas naïfs, hein, il y a des aspects politiques de ce projet de loi, bien évidemment. Les citoyens demandent plus d'intervention par le gouvernement, n'est-ce pas? Donc, c'est pour ça que j'accepterai ou j'accepte l'idée de faire une évaluation annuelle en termes de la situation dans chaque école en termes de problèmes de violence et d'intimidation, mais de ne pas tenir en compte les résultats de cette évaluation, de ne pas laisser la porte ouverte à la possibilité que le résultat d'une telle évaluation pourrait être que cette école-là dans ce quartier-ci n'a pas de problème important de violence. Pour moi, c'est très regrettable.

M. Gagnon (Mathieu): En fait, pour compléter peut-être l'idée de M. Maxwell, la conception que nous avions après discussion, lecture et tout, c'est que nous sommes d'accord avec l'idée d'obliger les écoles à dessiner un portrait de l'institution en matière de violence sous toutes ses formes et, le cas échéant, l'obligation d'élaborer un plan d'intervention, mais le cas échéant seulement. Et, pour faire ce portrait-là, on doit avoir des critères assez clairs pour tout le monde, assez objectivés pour ne pas que, justement, on aboutisse dans des cas où ce qui pourrait être considéré comme étant des plaintes admissibles ne l'est pas, ça passe en dessous du radar, puis le portrait devient faussé.

Je rappelle l'exemple de la répétition des actes. Qu'est-ce qu'on entend par répétition d'un acte? Est-ce que c'est après deux fois, après trois fois, après huit fois, après 10 fois? Lorsqu'on questionne des élèves là-dessus -- parce que j'en fais des discussions avec eux là-dessus en classe -- pour eux, c'est le flou, puis ils vont même jusqu'à dire que, si un élève fait un acte d'intimidation sur un puis ensuite sur un autre, ce n'est pas une répétition. Donc, à ce moment-là, à partir de quels critères on peut formuler une plainte qui, elle, sera enregistrée par la direction et qui servira par la suite à dessiner ou à construire le portrait de l'établissement?

Donc, on est tout à fait en accord avec l'idée de dessiner des portraits d'établissement, mais les décisions doivent venir s'appuyer sur ce portrait-là, et un portrait qui est établi à partir de critères qui sont quand même suffisamment clairs pour être opérationnels, et qu'il y ait des portraits qui soient comparables d'une école à une autre. Il ne faut pas qu'il y ait trop d'interprétation entre les éléments. Sinon, pour un même portrait, on pourrait se rendre compte qu'au fond il y a un problème d'interprétation derrière puis que le portrait n'est pas tout à fait le même en réalité. Puis, dans certaines circonstances, comme le souligne Bruce, il y a peut-être des occasions où ce n'est pas nécessaire de faire un plan d'intervention et d'autres occasions où le plan d'intervention ne serait pas ponctuel, une fois par année, mais intégré dans différents projets pédagogiques ou... Là, à ce moment-là, on pense qu'il y a une liberté aussi d'action qui doit être remise entre les mains de l'institution, de la direction du personnel qui oeuvre dans cet établissement.

M. Gaudreault: Mais, si, par exemple, ce qui doit -- puis là je reprends vos termes encore de l'encadré de la page 8, là -- ce qui doit, selon vous, relever du régime pédagogique, des services de l'enseignement, des programmes officiels comme le plan d'action 2008-2011 mis en place par le ministère, si ce qui relève de mesures plus proprement locales, si ça ne marche pas... Parce qu'il y a encore beaucoup d'écoles, malheureusement, qui ne l'appliquent pas, et on est obligés de constater ça. Puis je veux juste vous citer un sondage qui a été fait par la CSQ l'an dernier, là, au mois d'avril 2011, qui disait qu'une personne sur quatre, à peu près 27 %, dans les écoles, là, dans le personnel, une personne sur quatre affirmait que le plan du ministère qui a été mis en place dans son milieu de travail, elle ne le connaissait pas, là, O.K., que... c'est-à-dire une personne sur quatre le connaissait, donc trois quarts ne le connaissaient pas; 36 % des répondants ne savaient pas qu'il avait été mis en place ou non dans leur école, etc., là. Donc, c'est des résultats plutôt décevants, là, quant à la connaissance de ce type de plan d'action qui existait déjà pourtant depuis 2008.

Et, encore une fois, malheureusement, il y a des écoles, pour toutes sortes de raisons, qui n'avaient pas mis en place des mesures. Donc, je veux bien, là, qu'on ait des programmes officiels, des mesures locales, des éléments qui relèvent du régime pédagogique, mais, à un moment donné, il faut peut-être être un peu plus prescriptif via une loi pour amener des obligations pour agir parce que l'intimidation est absolument inacceptable, là, dans... c'est tolérance zéro à l'égard de l'intimidation dans nos milieux.

**(17 h 50)**

M. Maxwell (Bruce): ...et juste, très brièvement, là, le point d'intervenir où il est nécessaire d'intervenir et ne pas intervenir où il n'est pas nécessaire d'intervenir. C'est aussi simple que ça, c'est le point.

Mme Bouchard (Nancy): L'idée d'une loi pour un climat sain et sécuritaire, un milieu d'apprentissage sain et sécuritaire à l'école, comme il y a un plan de réussite à l'école à l'intérieur de la Loi sur l'instruction publique et il y a un projet éducatif, bien il me semble que c'est aussi nécessaire. On ne dit pas que le projet de loi n'est pas nécessaire, mais il y a des éléments qui devraient être retirés du projet de loi pour figurer ailleurs, lors de d'autres mesures, dans d'autres documents et dans la formation des enseignants aussi, par exemple. Donc, c'est dans ce sens-là.

Et puis de le présenter sous un angle positif. Ce n'est pas un plan de lutte contre le décrochage scolaire, par exemple, on parle de plan de réussite. Bien, il me semble que c'est plus encourageant aussi pour un milieu scolaire de s'engager dans la réussite que d'être étiqueté comme étant l'école, par exemple, où il y a le plus de décrochage. Alors, le versant positif, je dirais, de ce qu'on veut construire, donc l'esprit même de la loi, est absolument important, et c'est pour ça que c'est ce qui devrait figurer dans la Loi sur l'instruction publique.

M. Gaudreault: J'aimerais vous entendre sur une question qu'on a traitée ici abondamment à travers nos différentes rencontres et à travers les auditions. Et je regarde la mission de votre groupe de recherche, et, par exemple, vous vous attardez aux problématiques, enjeux et défis éthiques en éducation, alors c'est très, très intéressant. D'un point de vue éthique en éducation, comment vous percevez... comment devrait-on traiter la question de la relation avec les parents et de la signification d'actes d'intimidation à l'égard de leur enfant? Jusqu'où on doit le signifier aux parents? Qu'est-ce qui est éthique, qu'est-ce qui l'est moins là-dedans? On nous a présenté, par exemple, des cas où des élèves victimes d'intimidation sur la base de l'homophobie, bon, étaient mal à l'aise que cet événement-là soit signifié à leurs parents pour ne pas que ça soit le directeur de l'école qui fasse le «coming out» de l'élève, si c'est le cas, ou, même si le jeune ne vit pas l'homosexualité, il n'a pas le goût non plus que ses parents sachent ça. Alors, comment, au sens de l'éthique en éducation, on peut donner une marge de manoeuvre à cet égard au directeur d'école?

Mme Bouchard (Nancy): Je pense que c'est au-delà de la question des parents ou des adultes qui entourent l'enfant ou des pairs. L'intérêt de l'enfant devrait passer en premier. Et il n'y a pas de réponse, je dirais, générale à donner à la question que vous posez, d'où l'importance, justement, que, sur ce plan-là, qu'il y ait une marge de manoeuvre de l'élève pour dire: C'est quoi, le cas particulier devant lequel je suis?

Quand j'enseignais au secondaire -- je supervise aussi des stages quand j'ai le temps, des stages en éthique et culture religieuse -- quand j'enseignais au secondaire, c'est ça, il y avait des situations... L'élève vient voir son enseignant, il raconte des choses tragiques qu'il vit. Et puis là la première chose qu'il va dire souvent, c'est: Là, je t'en parle, mais je ne veux pas que tu en parles à personne. Il y a une démarche à faire parfois, tout dépendant de l'urgence aussi de la situation, du cas. Donc, il y a une démarche à faire avec l'enfant. Ça se décide avec l'enfant, avec le contexte. Aussi, on... Qu'est-ce qui entoure? Quelles sont les ressources autour de l'enfant? Quel est son milieu familial? C'est pour ça que je pense que ça, ça ne peut pas être géré d'une manière.

C'est vraiment un projet de loi qui prête attention à tout ce qui peut favoriser un climat sain à l'école et sécuritaire et d'être attentif à tout ce qui peut nuire à ça. C'est dans ce sens-là qu'il faut travailler. Et puis c'est certain qu'il y a certaines actions dans le projet de loi, taxage, intimidation, homophobie, xénophobie, etc., ça doit être clair, ça, clair, ça peut être clairement indiqué dans la loi que c'est du devoir de l'institution scolaire de veiller à ce que ces situations-là ne se produisent pas et de mettre en place des actions, un plan, justement, avec des mesures pour agir quand ça se produit. Ça, je trouve que c'est vraiment une bonne idée, mais d'entrer dans le très spécifique, là... Il faut que l'école puisse agir dans le meilleur intérêt de l'enfant.

M. Gagnon (Mathieu): Peut-être pour compléter, à la lumière de ma propre expérience comme professeur et aussi parent, travaillant régulièrement avec l'approche philo pour enfants et philo pour adolescents dans les classes, je pars toujours du principe que les enfants et les adolescents sont intelligents, il suffit de leur donner les conditions pour manifester leur intelligence. Ils sont sensibles, il suffit de leur donner les conditions pour manifester cette sensibilité-là. Ils ont beaucoup plus de jugement que ce qu'on peut leur prêter, il suffit de les mettre au défi de penser très souvent. Et puis, dans un contexte comme celui-là, dans le même sens que Mme Bouchard, c'est qu'il faut d'abord entrer en dialogue avec l'enfant ou l'adolescent. D'après moi, c'est la première chose à faire. En éthique, on dit souvent: Examiner les intentions qu'on a et les conséquences potentielles, puis c'est de peser la relation entre les intentions et les conséquences qui va nous amener, en fonction du contexte, à prendre une décision. Donc, il n'y a pas de directive absolue dans des circonstances comme celle-là, c'est en dialogue avec l'enfant, en fonction de la situation qui nous est présentée qu'on va pouvoir prendre une décision.

Mais cette habileté-là à questionner les élèves, à entrer en dialogue avec eux, ce n'est pas simple. Pour en parler beaucoup dans mes formations en enseignement à l'université, les futurs enseignants et les enseignants présentement en poste ont énormément de difficultés à composer avec une dynamique comme celle-là. Il faut les outiller aussi sur comment on entre en relation, comment on amène l'enfant à exprimer sa pensée, à justifier ses idées, à organiser ses conceptions, comment réfléchir sur ce qu'il vit, articuler tout ça. Puis, en ce sens-là, il y a aussi un volet, d'après moi, qui devrait être attribué ou destiné à la formation du personnel enseignant, qui est un point central. Si on veut que cette loi-là ne soit pas seulement un voeu pieux mais qu'elle devienne effective, il doit y avoir des leviers aussi en termes d'intervention chez les enseignants et les directions scolaires, les gens qui font partie de l'institution.

Mme Bouchard (Nancy): Parce qu'en éthique...

Une voix: ...

Mme Bouchard (Nancy): Bien, peut-être juste une dernière chose, en éthique... Parce qu'on forme tous les futurs enseignants au primaire, au secondaire, en particulier en éthique, à l'intérieur du cours d'éthique et culture religieuse. Et puis, la formation, on fait du mieux qu'on peut, mais, en 45 heures de cours, enseigner les trois composantes de cours... Pour un enseignant du primaire, c'est un cours chez nous. Donc, ce n'est vraiment pas une formation. Elle devrait s'étendre dans les différents... dans d'autres cours comme sur le plan de l'éducation interculturelle, l'éducation à la sexualité, ainsi de suite. Et, au secondaire, je ne sais pas si vous avez une idée du nombre d'enseignants qui sont formés à l'éthique, pour enseigner le cours d'éthique et culture religieuse. Dans tout le Québec, cette année, il va en sortir 21 pour l'ensemble des universités. Alors, ça veut dire que les enseignants ne sont... il y a un problème au niveau de la formation à ce niveau-là, au secondaire et au primaire.

Le Président (M. Marsan): Alors, merci, Mme Bouchard, M. Maxwell, M. Gagnon, de nous avoir donné le point de vue du Groupe de recherche sur l'éducation éthique et l'éthique en éducation de l'Université du Québec à Montréal sur le projet de loi n° 56.

Compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux au mardi 3 avril, à 10 heures, afin de poursuivre son mandat dans cette même salle. Merci et bonne fin de journée.

(Fin de la séance à 18 heures)

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