(Onze heures trente et une minutes)
Le Président (M. Marsan): À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 103, Loi modifiant la Charte de la langue française et d'autres dispositions législatives.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Deltell (Chauveau) remplace Mme Roy (Lotbinière).
Auditions (suite)
Le Président (M. Marsan): Je vous remercie. Et il nous fait plaisir d'accueillir le groupe Impératif Français, représenté par son président, M. Jean-Paul Perreault. Et je vais vous demander, M. Perreault, de nous présenter les gens qui vous accompagnent et, par la suite, de débuter votre présentation, et cela sera pour une durée d'environ 15 minutes. Alors, la parole est à vous M. Perreault.
Impératif Français
M. Perreault (Jean-Paul): M. le Président, Mme St-Pierre, M. Curzi, et députés, messieurs, mesdames, c'est avec plaisir qu'Impératif Français a accepté votre invitation. Je vous présente l'équipe de présentation: Mme Gabrielle Bennett, M. Jean-Claude Lambert, Mme France Salvaille, M. Louis Préfontaine, Mme Pierrette Vachon-L'Heureux, M. Gaston Bernier, M. Robert Auclair, Mme Sue Goldman. L'équipe de présentation d'Impératif Français.
C'est avec plaisir, je le répète, que nous avons accepté votre invitation. Et, sans plus tarder, nous allons entrer dans le vif du sujet. Puisque, nous en sommes certains, vous avez lu le mémoire, nous vous épargnerons donc de la lecture de celui-ci, mais néanmoins nous en présenterons un bref aperçu.
Néanmoins, avant de commencer, j'aimerais mentionner ici, à la commission, que nous avons été extrêmement déçus de la déclaration de M. Jean-Marc Fournier, leader parlementaire, qui a mentionné, et rapporté dans les médias, nous mentionnant que rien ne serait -- ou à peu près rien ne serait -- changé dans le projet de loi...
Le Président (M. Marsan): Je dois vous arrêter, juste deux petites secondes. M. Fournier a déposé ici, à la commission, le libellé de ce qu'il avait vraiment dit. Ça a été distribué à tous les membres de la commission. Et je vais demander qu'on puisse vous le distribuer également. Alors, vous jugerez par la suite sur cet aspect-là. Vous pouvez continuer votre présentation.
M. Perreault (Jean-Paul): Merci, M. Marsan. Alors, allons-y. D'abord, parlons de l'effondrement du français au Canada. Au Canada, entre 1951 et 2006, la proportion de Canadiens de langue maternelle française est passée de 29 % à 22 %. La proportion de Canadiens parlant principalement le français à la maison a chuté de 25,7 %, en 1971, à 21,5 % en 2006.
Parlons maintenant du déclin du français au Québec. Entre 2001 et 2006, le poids de la majorité francophone au Québec s'est effondré de 81,4 % à 79,6 %, sur une période de cinq ans, une diminution de 2 %.
Parlons maintenant de la vitalité linguistique de l'anglais. Concernant l'anglais, toutes les provinces et les territoires canadiens sans exception ont un indice de vitalité linguistique anglais supérieur à 1. Le Québec lui-même, malgré ses lois linguistiques et son statut de province officiellement francophone, a le deuxième indice de vitalité linguistique anglais le plus élevé au pays, avec 1,29. Des villes comme Laval -- indice de 1,80 -- Montréal -- indice de 1,43 -- Gatineau -- indice de 1,19 -- ont toutes un IVL, un indice de vitalité linguistique, anglais anormalement élevé pour des municipalités officiellement françaises. À titre comparatif, l'indice de vitalité linguistique anglais de Toronto atteint 1,30 et celui de Vancouver, 1,4. Le pouvoir d'attraction de l'anglais est de loin supérieur à celui du français, même au Québec.
Étudier dans une langue, c'est travailler dans celle-ci. Une étude dirigée par Virginie Moffet, publiée en 2008 pour l'Office québécois de la langue française, a démontré l'existence d'un lien irréfutable entre la langue des études pertinentes et la langue de travail. Ainsi, 90,3 % des répondants ayant étudié en français travaillaient en français. Ce chiffre chutait dramatiquement à 39,9 % pour ceux ayant été à l'école anglaise.
Le déséquilibre de fréquentation et du financement des cégeps et universités du Québec. Pour l'année 2006, 80,3 % des francophones, 98,7 % des anglophones et 99,4 % des allophones ayant étudié en anglais au secondaire ont choisi le cégep anglais. La fréquentation des cégeps anglais représente 16,6 % de la fréquentation totale, déjà plus du triple du poids démographique des anglophones de langue maternelle nés au Québec.
Au niveau universitaire, pour la même année, la situation se révélait encore plus problématique, pour ne pas dire dramatique, pour le français. Les trois universités anglaises accueillaient près de 25 % des étudiants québécois. La situation serait encore plus prononcée pour les cycles universitaires supérieurs, maîtrise et doctorat. Selon une étude du chercheur Marc Chevrier, publiée en 2008, les universités anglaises reçoivent annuellement près de 27 % de toutes les subventions normées. Cette surreprésentation des institutions anglaises, qui reçoivent beaucoup plus d'argent et d'étudiants que ne le suggère le poids démographique de la minorité anglo-québécoise, contribue naturellement au transfert linguistique vers l'anglais et affaiblit le français en tant que langue commune des Québécois.
Il est important de rappeler que le Québec est l'une des seules nations au monde à financer sur son territoire propre deux réseaux publics fondés sur la langue, cela en parfaite parallèle, et où le réseau de la minorité dame le pion à celui de la majorité.
Dans un contexte où la langue française en Amérique du Nord est poussée jusque dans ses derniers retranchements et où les institutions qui permettraient de la sauvegarder sont systématiquement sous-financées, il serait sans lendemain, peu importe le prétexte, de permettre à un plus grand nombre de Québécois et de nouveaux arrivants d'avoir accès à l'école anglaise.
Les écoles passerelles. L'importance des écoles passerelles dans l'anglicisation des Québécois. Lorsqu'on découvrit le stratagème des écoles passerelles permettant de contourner l'esprit de la loi 101 en envoyant un enfant à une école privée non subventionnée pendant un an avant de pouvoir l'inscrire, lui, ses frères et soeurs et tous leurs descendants à l'école publique anglaise, il devenait nécessaire d'agir. Voilà ce à quoi la loi n° 104, adoptée à l'unanimité en 2002, s'attachait à mettre fin. Comme il est énoncé dans notre mémoire, la très vaste majorité des étudiants ayant étudié en anglais passent au cégep anglais, que des études supérieures en anglais mènent à un travail en anglais de même qu'à des réseaux sociaux et économiques anglais, il est juste d'affirmer que la vaste majorité des étudiants ou élèves qui passeront par les écoles passerelles s'intégreront en anglais dans la vie future.
Efficacité de la loi n° 104 pour freiner le déclin de l'école française. Par ailleurs, le pourcentage d'élèves étudiant en anglais est passé de 9,5 % pour l'année 1991-1992 à 11,4 % pour l'année 2003-2004. Depuis ce moment, c'est-à-dire après l'adoption de la loi n° 104, ce taux stagne, voire régresse légèrement, ce qui démontre que la loi n° 104 avait été efficace pour freiner le déclin de l'école française.
**(11 h 40)** Nous allons maintenant parler du concept de nation. L'Assemblée nationale du Québec et le Parlement canadien ont reconnu, en 2003 et en 2006, que les Québécois formaient une nation. Les Nations unies reconnaissent qu'un de leurs buts est de développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité des droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes.
Or, lorsque la nation canadienne utilise sa Cour suprême, dont les juges sont nommés par le parti au pouvoir, pour invalider la loi n° 104, elle contrevient au principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. L'Assemblée nationale du Québec étant démocratiquement élue et représentative, sa décision d'adopter à l'unanimité une loi n° 104 mettant fin au phénomène des écoles passerelles devrait avoir préséance sur la décision de la Cour suprême d'une nation canadienne se basant sur une constitution n'ayant jamais été signée par le Québec.
De la même manière, la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l'UNESCO reconnaît aux peuples qu'ils ont «la nécessité de prendre des mesures pour protéger la diversité des expressions culturelles, y compris leurs contenus, en particulier dans des situations où les expressions culturelles peuvent être menacées d'extinction ou de graves altérations». Dans un contexte où les francophones ne forment même plus 3 % de la population de l'Amérique du Nord et où de nombreux indicateurs font état d'un déclin de la langue française, on ne saurait blâmer le Québec de prendre de courageuses mesures pour assurer son avenir. C'est même l'exact contraire: on devrait blâmer le gouvernement d'avoir épousé ou d'épouser une vision étriquée de l'avenir de la nation québécoise en soumettant la survie des valeurs et de la langue française à la vision émergente de la décision de la Cour suprême.
Nous ne sommes pas contre l'apprentissage de langues étrangères, bien au contraire, mais la langue commune des Québécois doit demeurer le français. Le bilinguisme institutionnel et l'accès facilité aux écoles anglaises découragent l'intégration des nouveaux arrivants à notre société française et nuit à notre capacité d'assurer la survie de notre langue.
J'en arrive bientôt aux recommandations. Le projet de loi n° 103 ne peut être analysé en vase clos. La situation du français au Canada et au Québec est trop critique pour qu'on puisse se permettre l'économie d'une analyse plus poussée des impacts potentiels d'ajouter encore une fois à la vitalité de l'anglais. En permettant aux élèves non anglophones d'avoir accès au réseau public anglais après trois ans dans une école privée non subventionnée, on augmente sensiblement la durée de ce passage sans en éliminer aucunement la possibilité. On trouve, au contraire, bien grande la brèche qui avait pourtant été unanimement colmatée par l'Assemblée nationale du Québec par la loi n° 104, laquelle avait permis, bien modestement néanmoins, d'arrêter l'hémorragie du réseau public français.
Nos recommandations. Recommandation: le gouvernement du Québec doit appliquer la loi 101 aux écoles privées non subventionnées. Comme le souligne la conclusion de l'avis du Conseil supérieur de la langue française sur la question, la Constitution canadienne n'empêche pas l'application de la loi 101 à ces écoles. Il n'y a rien de négatif à vouloir imposer la loi 101 aux écoles non subventionnées. Il s'agit, pour une nation sans pays, de se donner les moyens légaux d'assurer sa survie, la survie de sa langue.
Deuxième recommandation: le gouvernement du Québec doit invoquer la clause dérogatoire pour se soustraire à la décision de la Cour suprême. Son utilisation est légitime, car elle est prévue à l'article 33 de la Charte canadienne des droits et libertés, adoptée par le gouvernement de Pierre Elliott Trudeau. Elle a été invoquée par les deux principaux partis à l'Assemblée nationale dans les années quatre-vingt pour protéger les dispositions les plus importantes de la loi 101, notamment à propos des règles de l'affichage public.
Troisième recommandation: le gouvernement du Québec doit mettre fin au déséquilibre du financement entre les institutions francophones et anglophones. Impératif recommande au gouvernement de financer le réseau public d'éducation anglaise proportionnellement au poids démographique de l'historique minorité anglo-québécoise, soit l'ensemble des anglophones de langue maternelle nés au Québec, et ce, à tous les niveaux, du primaire jusqu'à l'université.
Autre recommandation: le gouvernement du Québec doit appliquer la loi 101 aux cégeps. Une portion non négligeable de francophones et près de 40 % des allophones choisissent le cégep anglais. Ce passage vers l'anglais conduit plus tard, on l'a vu, à un emploi en anglais pour la majorité de ceux qui ont fait leurs études pertinentes en anglais. L'application de la loi 101 aux cégeps permet de réitérer que l'éducation en français constitue la normalité au Québec et que le gouvernement n'a pas à financer l'anglicisation des francophones et des allophones, qu'il n'a pas à offrir l'éducation en anglais à tout immigré débarquant au Québec et le réclamant dès qu'il en a la possibilité.
Autre recommandation: le gouvernement du Québec doit mettre fin au bilinguisme institutionnel et réitérer que le Québec constitue une société francophone. Il n'est pas normal que les villes majeures canadiennes où l'indice de vitalité linguistique de l'anglais est le plus élevé soient Montréal et Laval, deux villes québécoises. Il est malheureusement possible de vivre toute une vie uniquement en anglais... Et, en passant, je vous rementionnerai qu'il est de plus en plus fréquent de revoir, de voir revenir l'arrogance linguistique et la provocation linguistique au Québec, surtout dans les régions comme celles de Montréal et de l'Outaouais. Il est malheureusement possible de vivre toute une vie uniquement en anglais au Québec et d'imposer l'anglais presque partout. Tant et aussi longtemps que le gouvernement du Québec permettra qu'on offre l'anglais dans le cadre de tous les services gouvernementaux -- simplement penser au «press 9» -- de nombreux nouveaux arrivants n'auront pas besoin d'apprendre la langue commune.
Le gouvernement du Québec doit se questionner sur sa promptitude à répondre au jugement de la Cour suprême du Canada. Puisque l'UNESCO reconnaît que les nations ont «la nécessité de prendre des mesures pour protéger la diversité des expressions culturelles», cela signifie que le gouvernement du Québec a la responsabilité de prendre tous les moyens nécessaires pour y arriver, y compris de s'opposer à la Cour suprême du Canada. Cette cour, il faut le rappeler, se base sur une constitution qui n'a jamais été entérinée par l'Assemblée nationale, tandis que ses juges ont été nommés par le gouvernement d'une autre nation et qu'elle a servi, depuis l'adoption de la loi 101, de garde-fou des intérêts des anglophones dans leur lutte contre l'établissement d'un Québec résolument français.
Impératif Français croit que le gouvernement du Québec devrait agir avec davantage d'audace et ne pas hésiter à confronter la Cour suprême lorsque les intérêts premiers et supérieurs du Québec sont en jeu. Merci, M. le Président. Merci, chers membres de la commission.
Le Président (M. Marsan): Je vous remercie, M. Perreault. Nous allons immédiatement procéder à la période d'échange. Et je vais céder la parole à la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. Mme la ministre.
Mme St-Pierre: Merci. Merci, M. Perreault ainsi qu'aux gens qui vous accompagnent. Bienvenue à Québec. Bienvenue à l'Assemblée nationale.
M. Perreault (Jean-Paul): Merci.
Mme St-Pierre: D'ailleurs, je veux vous féliciter, vous avez remis votre pochette ici, puis je l'avais déjà eue. Je pense que vous me l'aviez envoyée personnellement. Vous m'envoyez même une carte de Noël -- je ne sais pas si vous vous en souvenez -- pour me féliciter pour mon beau travail. Alors... Mais c'est vraiment très bien. Et, ça aussi, c'est magnifique. C'est tout petit, mais il y a beaucoup de choses bien riches là-dedans. Alors, merci beaucoup.
M. Perreault (Jean-Paul): Le XIIIe Sommet de la Francophonie, Mme St-Pierre.
Mme St-Pierre: Puis vous aviez fait une campagne publicitaire sur la promotion du français en utilisant des personnes issues de l'immigration, qui était très, très belle, très simple, mais qui envoyait vraiment un message très intéressant et qui montrait que les communautés francophones... enfin, que les allophones qui viennent s'installer au Québec, bien, intègrent bien le français. Alors, vous vouliez leur rendre hommage, à mon avis, dans cette publicité-là.
Tout d'abord, bon, évidemment, vous prônez l'application de la loi 101 aux écoles privées non subventionnées; ça, on connaissait votre position là-dessus. Vous demandez à ajouter la clause dérogatoire. Vous êtes actifs dans ce dossier-là depuis des années.
En 2002, lorsque le gouvernement de M. Landry a analysé cette situation-là puis que nous avons abouti avec la loi n° 104, qui a été adoptée à l'unanimité, est-ce que vous aviez fait des représentations à ce moment-là pour que la loi 101 soit appliquée aux écoles privées non subventionnées?
**(11 h 50)**M. Perreault (Jean-Paul): La différence étant, Mme St-Pierre, qu'en 2002 nous n'avions pas le jugement de la Cour suprême. Là, nous avons le jugement de la Cour suprême, et le jugement de la Cour suprême nous met en situation soit de le subir contre ce qui devrait être, à notre avis, une position saine et normale d'une nation qui s'affirme être de langue française...
La Constitution nous permet la clause dérogatoire. On l'a fait dans le passé. Je pense qu'il est temps, mais il faut y penser et vraiment sérieusement y penser. Je pense qu'à un moment donné il faudra que l'Assemblée nationale, surtout quand la décision découle d'un vote à l'unanimité à l'Assemblée nationale... Il faudra à quelque part que l'Assemblée nationale un jour décide d'affronter la Cour suprême, parce que cette Cour suprême vient nous ébranler dans quelque chose d'essentiel à l'identité québécoise. Et de vouloir se soumettre à cette décision de la Cour suprême, alors qu'on a le moyen d'affirmer que, dans un domaine aussi essentiel que celui de la langue qui caractérise la nation, on doit agir de façon responsable, à mon avis... la différence étant que maintenant, on a le jugement de la Cour suprême. C'est bien regrettable, mais ils nous l'ont envoyé, là.
Mme St-Pierre: Oui. Mais en tout respect, M. Perreault, on voyait le phénomène des gens qui... même le juge LeBel l'a dit, il y a des écoles qui se créaient juste pour faire la job d'école passerelle. Alors, on voyait le phénomène grandir. La loi n° 104 est adoptée en juin, elle entre en vigueur en octobre. Donc, le gouvernement Landry laisse passer 1 300 et quelques... 1 391 enfants, je pense, en ne mettant pas en vigueur immédiatement la loi n° 104. Alors, il a même, lui, permis qu'il y ait des enfants qui passent.
Mais ma question est très pointue, elle est la suivante. Je comprends, on a le jugement aujourd'hui, puis le jugement, bon, on a tous commenté dessus. Mais, nous, on a choisi de travailler en fonction de ce que le jugement nous disait de faire, c'est notre choix, puis ailleurs, de votre côté puis du côté de l'opposition, vous proposez une autre avenue.
En 2002, est-ce que vous aviez fait des représentations auprès du gouvernement de M. Landry pour appliquer la loi 101 aux écoles privées non subventionnées?
M. Perreault (Jean-Paul): Mme St-Pierre, je vous dirai qu'en sachant ce que l'on sait aujourd'hui il aurait été approprié à l'époque... mais on ne le sait que plus tard. On ne peut pas...
Mme St-Pierre: Vous n'en aviez pas fait, donc.
M. Perreault (Jean-Paul): On ne peut pas réécrire l'histoire. Malheureusement, je ne peux pas réécrire l'histoire. Mais, si nous avions su, à cette époque-là, que la Cour suprême, encore une fois, était pour venir invalider une loi importante pour la survie du français au Québec et en Amérique, je vous...
Mme St-Pierre: O.K. Donc, vous êtes...
M. Perreault (Jean-Paul): Sans aucun doute, dans la mission d'Impératif Français, sans l'ombre d'un seul doute, nous aurions dit au gouvernement de l'époque d'opter pour la clause dérogatoire, comme nous le disons aujourd'hui au gouvernement actuel.
Mme St-Pierre: O.K. Et ça, ça ne vous a pas choqués de voir que la loi a été adoptée en juin, et elle entre en fonction en octobre, puis qu'il y a 1 300 élèves qui passent par la craque du plancher? Ça, ça ne vous a pas choqués à ce moment-là.
L'autre chose aussi que je voudrais savoir: Si vous n'avez pas cru bon d'intervenir en 2002 pour demander l'application de la loi 101 aux écoles privées non subventionnées, c'est que vous reconnaissiez, comme dans l'esprit de René Lévesque et Camille Laurin, cet espace de liberté pour le privé non subventionné?
M. Préfontaine (Louis): Bien, si je peux me permettre, Mme St-Pierre, dans un premier temps, la décision qui a été prise...
Le Président (M. Marsan): ...Préfontaine, c'est bien ça?
M. Préfontaine (Louis): Oui, M. Préfontaine.
Le Président (M. Marsan): Alors, excusez l'interruption.
M. Préfontaine (Louis): Merci beaucoup. La décision qui a été prise en 2002, c'est une décision qui est au passé. Maintenant, on est devant une situation qui est unique. On a les nouvelles données du recensement de 2006 qui démontrent, comme Charles Castonguay l'a affirmé devant cette commission, qu'on a un recul du français qui est absolument historique. Et, quand vous citez Camille Laurin et vous citez René Lévesque, j'aimerais vous rappeler que Camille Laurin, en 1977, avec sa loi 101, il est reparti à zéro, il a fait table rase sur le passé, il a fait table rase sur une loi 72 qui ressemble étrangement à votre loi n° 103, c'est-à-dire une loi qui va au cas par cas puis à l'évaluation. Il a décidé: On prend la situation actuellement, comment qu'elle est, on regarde qu'est-ce qu'on peut faire puis on le fait.
Donc, moi, je trouve ça un petit peu contre-productif de regarder ce qui aurait pu se faire en 2002, ce qui ne s'est pas fait. On est maintenant en 2010. La situation, elle est telle qu'elle est, là, en ce moment. On peut blâmer l'ancien gouvernement, on peut blâmer jusqu'à la défaite sur les plaines d'Abraham, si on veut. Mais la situation en ce moment, c'est que le français recule. Et ça prend des gestes courageux. Et puis, nous, c'est ça qu'on vous demanderait de faire dans cette situation-là. Et l'application de la loi 101 aux écoles non subventionnées, c'est simplement une des recommandations qu'on fait, et il y en a d'autres dans nos conclusions, notamment la fin du déséquilibre du financement entre les écoles françaises et les écoles anglaises.
Mme St-Pierre: Vous dites que le poids des francophones diminue; je pense que tout le monde a vu ça dans les dernières données de Statistique Canada. Cependant, on a une immigration qui est allophone. Donc, la langue... la question qui est posée, ce n'est pas par rapport à: Êtes-vous francophone ou non? La question qui est posée par le recensement, c'est: Quelle langue parlez-vous à la maison? Alors, à la maison, bien, il peut... papa peut raconter une histoire en italien à son petit bébé pour l'endormir.
M. Préfontaine (Louis): C'est exactement ce...
Mme St-Pierre: Et maman peut parler en portugais à ses enfants pour qu'ils puissent être capables de parler à grand-maman au Portugal.
M. Préfontaine (Louis): C'est exactement ce...
Mme St-Pierre: Ça fait que vous allez retrouver ça. Alors, la situation du français, il faut toujours évidemment s'en préoccuper, c'est ce que nous faisons, c'est ce que nous avons... M. Perreault, vous êtes assez... je ne veux pas dire que vous êtes vieux, vous êtes quand même assez âgé pour vous souvenir que le PQ a coupé 5 millions de dollars, en 1995, dans les budgets, là, 5 millions. Alors, mettons ça en dollars d'aujourd'hui, là, je veux dire... Nous, on a augmenté les budgets. Nous avons mis en place des actions, nous avons travaillé très fort et nous continuons de le faire.
Alors, la question, c'est de... il faut s'en servir, du passé, parce que, dans le programme du Parti québécois, c'est écrit noir sur blanc, en 2001, qu'on reviendrait en arrière sur la question de la loi n° 86, la loi de l'affichage. Bien, ils ne l'ont quand même pas fait et ils ont crié au désespoir quand la loi a été adoptée.
M. Perreault (Jean-Paul): Mais, Mme St-Pierre, me permettez-vous, je vais poser immédiatement la question à M. Curzi, M. Curzi, ici...
Le Président (M. Marsan): Non, excusez-moi. Excusez, excusez.
Des voix: ...
Le Président (M. Marsan): Nous faisons l'échange...
M. Perreault (Jean-Paul): J'aimerais lui poser la question. J'aimerais...
Le Président (M. Marsan): Excusez.
M. Curzi: ...
Le Président (M. Marsan): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous faisons l'échange avec le parti ministériel. Et je sais également que la députée de Gatineau souhaite poser une question. Alors, peut-être que vous pouvez aller immédiatement. Et, par la suite, on va aller avec le parti de l'opposition officielle.
M. Perreault (Jean-Paul): Je peux néanmoins répondre au commentaire fait par Mme St-Pierre.
Le Président (M. Marsan): Vous pouvez, M. Perreault.
M. Perreault (Jean-Paul): Mme St-Pierre, sans vouloir... Vous savez, Impératif Français ne veut pas entrer dans un débat partisan. Vraiment, ce qui nous intéresse, je vais vous le dire parce que, nous, c'est vraiment notre mission, hein? Ce qui nous intéresse et ce que nous voyons comme tableau intéressant dans un avenir rapproché, c'est une unanimité à l'Assemblée nationale qui dit: Ce jugement de la Cour suprême, nous ne le prenons pas. Nous avons adopté, en 2002, une loi à l'unanimité et nous ne le prenons pas. En utilisant la clause dérogatoire, nous affirmons aujourd'hui que l'Assemblée nationale est souveraine, en utilisant la clause dérogatoire, pour étendre l'application de la Charte de la langue française aux écoles privées non subventionnées. Et de voir ça passer à l'unanimité à l'Assemblée nationale, ce serait une continuité, à notre avis, logique à la loi n° 104, qui a été adoptée à l'unanimité, plutôt que d'aller vers le projet de loi n° 103. À quelque part, là, il y a un phénomène de fierté de nation puis, comme le dit l'UNESCO, comme le dit l'ONU, à quelque part, une nation a le droit de prendre les moyens pour s'autodéterminer, surtout dans un secteur aussi important que celui de sa langue. À mon avis, ce serait un geste sain d'affirmation nationale.
Le Président (M. Marsan): Alors, la parole est maintenant à Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée: Merci, M. le Président. Alors, M. Perreault, membres d'Impératif Français, collègues, amis de l'Outaouais, bienvenue à Québec. Ça fait plaisir de vous accueillir.
M. Perreault, je vous écoute et j'ai écouté attentivement aussi l'ensemble des groupes qui sont venus présenter des mémoires ici, et certains commentaires amèneraient des gens qui n'ont pas nécessairement une compréhension du travail que nous sommes en train de faire à croire que la loi n° 103, telle qu'elle est présentée actuellement, aurait comme conséquence de créer une autoroute épouvantable, congestionnée vers le secteur anglophone, donc vers les écoles anglaises.
Par contre... puis je pense, M. Perreault, qu'il faut quand même reconnaître que les écoles privées non subventionnées ne sont pas fréquentées par une majorité d'étudiants au Québec. Ce n'est pas une majorité de familles qui va faire le choix et qui va faire le sacrifice d'envoyer son enfant à l'école privée non subventionnée. On ne parle pas des écoles privées subventionnées, on parle des écoles privées non subventionnées.
En Outaouais, par exemple -- parce qu'un de vos points, un de vos arguments très forts, c'est le recul du français en Outaouais, qui, par ailleurs, s'explique probablement par une immigration... par une migration des communautés de l'Ontario vers les secteurs de l'Outaouais -- en Outaouais, il n'y en a pas beaucoup d'écoles privées non subventionnées, hein? Il n'y en aura pas. On ne parle pas de milliers ou même de centaines d'étudiants par année qui fréquentent les écoles privées non subventionnées en Outaouais. Je pense que c'est vraiment minime.
n(12 heures)** Alors, je crois qu'il faut aussi ramener le ton puis il faut ramener le discours à la situation telle qu'elle est. Il ne faut pas utiliser à tort ce projet de loi là pour créer encore une fois tout un gros débat sur la scène, parce que ce projet de loi là, comme on l'a mentionné à quelques reprises, s'adresse vraiment à une poignée d'étudiants qui, année après année, fréquentent des écoles privées non subventionnées.
Et je reviendrai sur ce que la ministre a mentionné. À l'époque de l'adoption de la loi 101, il y avait eu un choix de fait par le gouvernement de l'époque, par les grands penseurs de l'époque, qui, par ailleurs, ont été honorés, lundi dernier, au 50e de la Révolution tranquille. Ce choix-là avait été de ne pas entrer dans les zones d'activité qui n'étaient pas subventionnées par l'État pour garder une certaine zone de vie privée, une certaine zone de reconnaissance.
M. Bernard est venu nous dire: Il faut faire le possible, aller aussi loin que possible, mais aussi respecter et limiter... respecter certains choix qui sont faits dans des secteurs de vie qui ne sont pas subventionnés. Et, moi, je vais vous dire, M. Perreault, je trouve ça très, très, très important. Je comprends l'acharnement... pas l'acharnement, la passion avec laquelle vous défendez le fait français. Et, grâce à vous, il y a beaucoup de choses qui ont évolué en Outaouais québécois, hein? Vous avez sensibilisé la population à l'importance de parler français, à l'importance de la langue française. Par vos événements, année après année, vous rassemblez des milliers de gens qui fêtent le fait français au Québec. Et ça, c'est tout à votre honneur.
Par contre, on n'a pas besoin de limiter jusqu'à l'extrême la fréquentation dans les écoles privées non subventionnées pour certaines communautés. Je pense que le fait français, bien honnêtement, le fait français peut être bien défendu, peut être bien vivant grâce à une volonté et grâce à une implication des gens qui, comme vous, dans les communautés, sensibilisent les gens. Je ne pense pas que d'utiliser la clause «nonobstant», qui probablement mettrait une autre tache à notre bulletin face à la communauté internationale, mettrait une autre tache à notre vision, je ne crois pas que ce soit la façon de faire, moi. Je pense qu'on...
Le Président (M. Marsan): En terminant.
Mme Vallée: ...il y a lieu d'aller un petit peu... de travailler autrement. Et donc, alors, c'est ça. Alors...
Le Président (M. Marsan): Alors...
Mme Vallée: Puis surtout en Outaouais, je pense vraiment qu'on... La loi n° 103 ne s'appliquera pas à des milliers de gens. Puis il faut quand même recentrer le débat sur ce qu'il est.
Le Président (M. Marsan): Je vous remercie, Mme la députée. Un très court commentaire puisque le temps est presque terminé. Nous allons passer avec le parti de l'opposition officielle. Allez-y, M. Préfontaine.
M. Préfontaine (Louis): La question était très, très longue; ça va être difficile d'y répondre rapidement, mais je vais faire un effort. Alors, moi, ce que j'ai noté, c'est que Mme la députée de l'Outaouais parle d'une autre tache à notre dossier. J'aimerais bien savoir c'est quoi, la tache originelle. Est-ce que la tache originelle, c'est la loi 101 ou est-ce que c'est autre chose, notre tache originelle? Moi, c'est quelque chose que j'aimerais beaucoup connaître, d'une part.
D'une autre part, quand madame parle de ne pas s'attaquer, bon, aux droits des communautés, etc., il faudrait rappeler que la normalité au niveau international, dans chaque nation, la normalité, c'est un système d'éducation public dans la langue nationale. Donc, nous, ici, au Québec, on est une exception, c'est-à-dire qu'à ma connaissance, à notre connaissance, il n'y a pas une autre nation qui a deux systèmes parallèles sur un même territoire. Et on le finance déjà beaucoup trop, ce réseau-là, par rapport au poids démographique des anglophones. Donc, c'est vraiment un déséquilibre qui fait que l'école française est moins bien financée que le poids démographique des gens qu'on désire intégrer.
Et puis ce n'est pas une question seulement de dire: Ils sont combien d'écoles non subventionnées? Ils sont-u 1 000? Ils sont-u 2 000? Comme l'a déjà dit Jean-François Lisée, on s'en va vers une chute; la question, c'est de ne pas savoir à quelle vitesse qu'on approche de la chute, c'est si on est capables de donner un coup de rame puis de revirer de l'autre bord.
Le Président (M. Marsan): Alors...
M. Préfontaine (Louis): Puis c'est ça qu'on vous demanderait actuellement plutôt que de déterminer à quelle vitesse qu'on s'en va vers le précipice.
Le Président (M. Marsan): Je vous remercie, M. Préfontaine. Et nous poursuivons notre période d'échange avec le porte-parole de l'opposition officielle en matière de langue, M. le député de Borduas.
M. Curzi: Merci, M. le Président. M. Perreault, mesdames messieurs, merci. Merci d'être venus en si grand nombre aussi. Ça indique clairement à quel point la situation du français vous tient à coeur. Et, M. Préfontaine, si vous avez encore des choses à dire pour répondre, je vous dis que vous pouvez utiliser une partie de mon temps, puisque... Alors, si vous avez autre chose à ajouter...
M. Préfontaine (Louis): Oui.
M. Curzi: ...profitez-en, là... que ça soit débalancé puis que vous apportiez une réponse complète.
M. Préfontaine (Louis): J'aimerais juste peut-être finir un petit commentaire.
M. Curzi: Oui. Allez-y.
M. Préfontaine (Louis): Tantôt, je n'ai pas eu la chance de répondre à Mme St-Pierre, qui parlait de... on parlait de la langue d'usage des immigrants, et qui disait que le problème, c'était beaucoup l'immigration, et qu'il ne fallait pas questionner la langue parlée, exemple, entre une mère et son enfant, etc. On est absolument d'accord avec vous.
Mais ce que démontrent les statistiques, les statistiques qu'on a compilées dans notre mémoire, c'est sur l'indice de vitalité linguistique, et d'ailleurs M. Curzi l'a bien démontré dans un rapport qui a sorti au printemps, c'est que l'attraction de l'anglais est beaucoup plus fort. Donc, éventuellement, un immigrant qui arrive ici finit par s'intégrer. La question, c'est: Est-ce qu'il va s'intégrer dans la langue nationale ou dans la langue continentale? Donc, ce n'est vraiment pas d'aller enlever la langue des gens qui arrivent ici, c'est plutôt de faciliter leur intégration dans notre langue commune. Et puis, malheureusement, en ce moment, ça ne se fait pas ou ça se fait plutôt mal. Et puis c'est là justement l'intérêt de donner un coup de barre et puis de vraiment essayer de revenir avec des mesures qui sont un petit peu plus courageuses et puis qui vont permettre vraiment de faire du français une langue qui a une plus forte vitalité que l'anglais au Québec parce que c'est la seule façon de renverser la vapeur. Merci.
M. Curzi: Merci, monsieur. Alors, votre mémoire, il couvre beaucoup plus large qu'évidemment la question de la loi n° 103. Vous faites des recommandations à plusieurs égards, l'ensemble du système d'éducation. Je comprends que, pour vous, mais je pense que c'est assez clair, la question de l'unanimité que vous souhaiteriez avoir de la part de l'Assemblée nationale, c'est-à-dire s'il y avait un accord sur ce qui vous semble la solution idéale, c'est-à-dire l'application de la loi 101, ça correspond à deux aspects.
D'abord, il y a un aspect de l'évolution rapide de la situation linguistique au Québec qui fait que ce qui était peut-être envisagé comme étant un consensus, on pouvait vivre avec, la décision de la Cour suprême fait qu'on vient de briser ce consensus-là et qu'on est obligés d'en faire un nouveau, et ce nouveau consensus là, il doit refléter l'évolution extrêmement rapide de la situation linguistique, la détérioration de la situation linguistique au Québec, d'une part.
Et, d'autre part, pour vous, cette situation... cette loi n° 103, elle est majeure parce qu'elle s'inscrit dans un ensemble de mesures qui visent à, comme vous le disiez, renverser le mouvement vers une chute, qu'on prévoit à plus ou moins long terme, selon que l'on est plus ou moins inquiet et selon les chiffres qu'on consulte. C'est donc dans ce contexte-là, je pense, que votre intervention se situe. Et... voilà! Est-ce que c'est bien cela? Est-ce que vous voulez commenter ça?
M. Perreault (Jean-Paul): Si c'est déshonorer internationalement le Québec que de prendre les moyens pour s'assurer que les immigrants s'intègrent au système scolaire de la langue nationale du Québec, vous comprendrez avec nous que c'est à peu près toutes les nations dans le monde qui sont aujourd'hui déshonorées puisque toutes les nations dans le monde qui se respectent adoptent des moyens nécessaires pour s'assurer que les immigrants... C'est une question de leur qualité de vie, d'intégration rapide aux sociétés d'accueil. Je pense qu'on doit mettre en place les mécanismes pour s'assurer... Et la loi n° 104 allait dans ce sens-là.
Là-dessus, je veux... M. Curzi, néanmoins, j'aurais une question pour vous, parce qu'elle a été soulevée tout à l'heure un peu par Mme St-Pierre, là. Je vous la pose. On disait: Oui, mais, quand le Parti québécois était au pouvoir, il n'a pas invoqué la clause dérogatoire pour soustraire la loi n° 104 pour... invoquant la clause dérogatoire pour l'adoption de la loi n° 104. Ma question est donc la suivante: Si le Parti québécois forme, dans un certain avenir, le prochain gouvernement, vous engagez-vous à étendre, à appliquer la Charte de la langue française à l'ensemble des écoles privées non subventionnées, mais plus que ça, M. Curzi, à également considérer l'ensemble des mesures proposées aussi bien dans la question du financement des universités et du cégep? Est-ce que vous vous engagez, comme prochain gouvernement, quand ça arrivera, à étendre la Charte de la langue française aux cégeps? C'est des engagements qui deviennent importants aujourd'hui. M. Curzi.
**(12 h 10)**Le Président (M. Marsan): M. Perreault, je vous remercie de vos commentaires, mais vous comprenez très bien que c'est les parlementaires qui poseront les questions. Et je laisse maintenant la parole au député de Borduas.
M. Curzi: Vous inversez les rôles d'une façon majeure. Je comprends que, lorsque nous formerons le gouvernement, nous aurons, de votre part, des représentations très fermes sur l'ensemble de vos... Mais ce à quoi on peut s'engager maintenant, chose certaine, c'est que notre recommandation est claire: dans le cas des écoles privées non subventionnées, la position est réaffirmée et réaffirmée, c'est l'application de la loi 101 qui nous apparaît la solution. Et effectivement je souhaite, tout comme vous, que ça devienne la décision unanime de l'Assemblée nationale. Ce sera donc...
D'autre part, la clause dérogatoire, c'était très intéressant, parce que ce débat-là, il a beaucoup évolué, et c'est très intéressant parce que ce dont on se rend compte, l'unanimité, c'est sur le fait qu'advenant une contestation, et encore là on pourrait utiliser l'allégorie du cours d'eau, on pourrait... mais ce qui est clair cependant, c'est que cette clause dérogatoire, c'est, de l'avis de tout le monde qui est venu ou à peu près, logique -- comment dire? -- c'est un outil qui nous appartient, qui est légitime et qu'on peut l'utiliser pour s'assurer que notre volonté collective et ce droit collectif soient préservés. Donc, il n'y a pas d'hésitation à ce sujet-là.
Les discussions des constitutionnalistes sont à l'effet: Doit-on l'intégrer maintenant? Doit-on attendre? Ça, disons que c'est un débat dont la pensée évolue. Mais ce qui est clair, c'est que cet outil-là est parfaitement légitime, qu'il est parfaitement normal de l'utiliser au moment où on jugera bon de le faire, et qu'il n'a pas de conséquences qui terniraient la réputation du Québec sur la scène internationale, et qu'il ne s'agit pas non plus de suspendre des droits fondamentaux. Ça, c'est... voilà ce que la commission parlementaire aura beaucoup enrichi au cours des nombreuses représentations que les gens sont venus faire.
Vous avez abordé la question de la diversité culturelle. Je suis assez au courant de cette question-là, y ayant vraiment travaillé. La convention de l'UNESCO ne touchait pas spécifiquement aux droits linguistiques. Cependant, l'esprit de cette convention-là est tout à fait conforme aux discussions qui ont cours actuellement, c'est-à-dire que toutes les nations qui ont une langue, toutes les nations qui ont une langue et qui... dont la langue est en quelque sorte plongée au coeur d'une majorité, donc toutes les nations qui ont des cultures qui sont en nombre ou en importance, entourées, en quelque sorte, par une nation plus puissante sont confrontées à ce problème-là de: Comment s'assurer que la culture et les langues vont garder suffisamment d'énergie et de force pour fleurir plutôt que s'amoindrir et se faner? C'est un peu ça. Donc, ma question, parce qu'il y en a une, c'est: Est-ce que vous pensez qu'on devrait aussi travailler à l'élaboration d'une convention de la diversité linguistique?
M. Perreault (Jean-Paul): Bien, écoutez, je pense que... Vous savez, je le mentionnais dans le mémoire, Impératif Français est très favorable à la diversité culturelle, Impératif Français... Vous savez, quand on mène un combat pour le respect de la langue française, quand on mène un combat pour la fierté québécoise, quand on mène un combat pour l'identité, et la promotion et la défense de l'identité québécoise, c'est un débat en faveur de la démocratie linguistique, c'est un débat en faveur de la démocratie culturelle. L'humanité entière, et c'est encore plus vrai ici pour des raisons de proximité, l'humanité fait face à un problème de nivellement culturel, un problème d'homogénéisation linguistique et culturelle. L'américanisation progresse à une vitesse exponentielle. Et toutes les nations sont confrontées, tous les pays sont confrontés à une menace d'appauvrissement et d'affaiblissement de leur langue et de leur culture nationales ou des autres langues et cultures internationales. Le Québec, pour des raisons de proximité, d'appartenance à la fédération canadienne, de la présence des États-Unis et du rouleau compresseur culturel, et linguistique, et économique, est confronté.
Donc, c'est certain qu'Impératif Français ne peut pas être défavorable à l'adoption de mesures qui feraient place à... qui donneraient plus d'énergie au respect de la diversité culturelle et au plurilinguisme à l'échelle internationale. Cela va de soi, ça fait partie intégrante du combat, et du débat, et de la mission, et de l'oeuvre d'Impératif Français. Et c'est d'ailleurs mentionné dans notre site Web: «Impératif Français adhère [...] à la convention de l'UNESCO» en faveur de la diversité culturelle qui, à notre avis, ne peut pas être pensée sans reconnaître la diversité linguistique, parce que la diversité culturelle inclut nécessairement la langue dans laquelle la culture est diffusée, produite et acheminée. Donc, là-dessus, c'est sûr que nous sommes favorables à ça. C'est notre mission, c'est notre débat. Bien là, on...
M. Curzi: Mais disons qu'une convention spécifiquement sur la diversité des langues aurait peut-être d'autres... s'exprimerait peut-être encore plus précisément sur la préservation. Ça pose d'autres problèmes au niveau du droit international. C'est juste ça que je voulais dire.
Ma question, elle est... Vous êtes particulièrement installés dans la région de l'Outaouais. Et, honnêtement, vous êtes confrontés au bilinguisme. Et j'ai ici... ça faisait partie de l'étude que nous avons publiée en février, il y avait un document sur l'évolution des substitutions linguistiques dans la grande région métropolitaine d'Ottawa-Hull. C'est un tableau, en fait, dont la source est M. Castonguay, que vous avez cité vous-mêmes. Et, au niveau des substitutions linguistiques, on voit qu'en 1971 il y avait des francophones anglicisés, ça s'élevait à 18 145. En 2001, il y avait 40 450 francophones qui s'étaient anglicisés.
Chez les allophones, on est passé de 16 800, en 1971, à 61 665 en 2001. Et les allophones francisés, il y en avait 971, et, leur chiffre, c'était monté à 6 200 en 2001. Et ce qui fait que -- et c'est le tableau de M. Castonguay -- les gains pour l'anglais en 1971 étaient de 35 000; en 2001, c'était 102 000. Et les pertes pour le français: en 1971, c'était 17 000; puis, en 2001, c'est 34 000.
Je donne ces chiffres-là parce que je voudrais que vous nous parliez aussi de ce que vous avez déjà abordé, mais des situations complexes quand on se retrouve dans une situation de bilinguisme.
M. Perreault (Jean-Paul): Écoutez...
Le Président (M. Marsan): Alors, le mot de la fin pour cet échange, M. Perreault.
M. Perreault (Jean-Paul): Oui. Oui, merci. Merci. Juste vous mentionner qu'il est certain que, dans le contexte québécois, dans la fédération canadienne et en Amérique du Nord, le bilinguisme institutionnel, surtout tel qu'il est pratiqué par le gouvernement du Québec... Vous savez, on a amené une... Je dois dire que le gouvernement a bien répondu là-dessus, mais il reste encore beaucoup de travail. Et d'ailleurs j'aurai l'occasion de demander une rencontre avec Mme St-Pierre pour discuter de cette pratique subliminalement colonisatrice des cerveaux, au sein de la société québécoise, pratiquée par le gouvernement du Québec dans à peu près tous ses établissements, bien qu'il y a eu correction, mais il reste encore beaucoup à faire.
Quand vous téléphonez à un bureau du gouvernement du Québec, et, après l'identification de l'organisme d'accueil, avant même d'avoir entendu le message entièrement en français, vous vous faites offrir: «If you want to hear this message in English, press 9.» À nulle part dans le monde, je vous dis, pour vous dire le degré d'avancement de la colonisation des cerveaux au sein de la société québécoise par les pratiques de notre gouvernement même, à nulle part dans le monde ne va-t-on vous offrir l'accès dans une langue étrangère avant d'avoir entendu votre message entièrement dans la langue de la nation, de la langue nationale ou de l'État. On a là un problème.
Cette pratique de bilinguisme institutionnelle, je donne juste la pointe de l'iceberg, mais ça dénote l'intensité de l'avancement de la mentalité que j'appelle la colonisation des cerveaux. Il faut, à quelque part, faire un examen sur les pratiques en vigueur parce que ça, ça a des effets d'entraînement jusque dans le secteur privé. Cette pratique, ce n'est pas banal, ça. Pensez, là. Des millions de gens se font dire: Toi, tu passes après. Ta langue nationale n'est pas importante. Toi, tu fais partie -- excusez, là -- ...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Perreault (Jean-Paul): ...toi, tu fais partie d'un groupe qui a priorité. On t'offre l'accès en premier. Débarque, là. Toi, là, on ne t'expose pas au français. Tu n'as pas besoin de l'apprendre. L'immigrant, le message qui lui est donné, c'est: Vite, tu vois bien que c'est l'anglais qui est important au sein de la société québécoise.
Le Président (M. Marsan): Merci.
M. Perreault (Jean-Paul): Ce sont des messages puissants, M. Marsan.
Le Président (M. Marsan): Merci, M. Perreault. Et nous poursuivons nos échanges avec le deuxième groupe d'opposition. Et je vais céder la parole au chef de l'Action démocratique du Québec, M. le député de Chauveau.
**(12 h 20)**M. Deltell: Bien, merci beaucoup, M. le Président. Mesdames messieurs, soyez les bienvenus à l'Assemblée nationale du Québec. Messieurs dames, d'abord, je dois vous féliciter pour votre mémoire, pour la richesse des propos qui y sont tenus. Je ne peux pas nécessairement dire que je suis tout à fait d'accord, mais je tiens à vous remercier de participer au débat de façon si intelligente et constructive, contrairement aux voyous qu'on a vus tout à l'heure à l'Assemblée nationale.
Maintenant, vous avez parlé tout à l'heure de bilinguisme. Vous avez employé des mots qui m'apparaissent extrêmement durs, en parlant de colonialisme, et tout ça. Vous avez peut-être été mis au courant de notre proposition à nous, à l'ADQ. Nous, on estime que les écoles passerelles existent, entre autres, parce qu'il y a des Québécois francophones qui souhaitent qu'à la fin de leurs études leurs enfants puissent être bilingues. Et, nous, ce qu'on dit, ce qui est tout à fait légitime à notre point de vue, eu égard aux défis du XXIe siècle... Et, moi, personnellement, je ne connais aucun parent qui ne souhaite pas que son enfant puisse s'exprimer dans les deux langues. Moi, je n'en connais pas. Peut-être vous, mais, moi, je n'en connais pas. Et, moi, je pense qu'il est du devoir de l'État québécois de s'assurer qu'à la fin des études secondaires nos enfants soient bilingues, ce qui n'est pas le cas actuellement. Oui, on enseigne l'anglais, mais on l'enseigne de façon chaotique, mais, enfin, peut-être pas chaotique, mais on l'enseigne, on le saupoudre à gauche, à droite, ce qui fait qu'après 11 ans, d'année après année, de suivre des cours d'anglais, on baragouine l'anglais plutôt que de le parler. Et ça, bien, ça n'aide personne.
J'aimerais vous entendre sur notre proposition, qui est de permettre à nos enfants de devenir bilingues à la fin de leurs études, ce qui n'enlève strictement rien à l'amour que l'on peut avoir pour la langue française. Nous rêvons et nous souhaitons toujours d'un Québec français, mais de Québécois bilingues. J'aimerais vous entendre.
Le Président (M. Marsan): M. Préfontaine.
M. Préfontaine (Louis): Oui. Écoutez, j'ai eu vent de votre proposition. Si je peux dire, je la trouve dangereuse. Je pense, c'est le mot que je vais utiliser. Moi, dans les recherches que j'ai faites pour ce mémoire-là et pour d'autres travaux, je n'ai jamais... je n'ai pas connu un seul peuple, une seule nation qui était dans une situation linguistique précaire dont l'ensemble des citoyens est devenu bilingue avec la langue dominante sans perdre sa langue. Je n'en ai pas connu une. Je n'en ai pas vu une dans... J'ai vu, par exemple, le contraire. J'ai vu les Irlandais qui ont perdu leur langue en devenant bilingues avec l'anglais.
Personne n'est contre le bilinguisme. Je veux dire, on s'entend, parler plus d'une langue, c'est un choix personnel, c'est un choix qui permet de communiquer de différentes façons avec différents individus. Là où je crois que c'est un problème, c'est quand l'État, comme votre proposition, décide d'abord quelle langue on enseigne. Nous, notre position, c'en est une d'ouverture sur la diversité culturelle. Donc, on considère qu'il y a des centaines, des milliers de langues sur la planète. L'anglais, c'en est une, c'est la troisième plus parlée au monde. Donc, on considère qu'il devrait y avoir le choix d'autres langues.
Et ensuite la véritable question, c'est de savoir si l'apprentissage d'une autre langue, ça ne devrait pas être un choix qui est personnel aussi, dans le sens qu'on n'a pas... Quelqu'un qui fait du commerce, exemple, à l'étranger, on va s'entendre qu'il a besoin de parler anglais, surtout s'il fait du commerce avec les États-Unis. Mais, écoutez, là, le garagiste, là, à Saint-Tite, ou le... je veux dire, on n'a pas besoin de parler anglais. À partir du moment où tout le monde parle anglais au Québec, la véritable langue commune, la véritable langue qui va permettre à tout le monde de se comprendre entre nous, c'est l'anglais. Et puis c'est déjà en train de se produire.
On a vu d'ailleurs, dans une étude qui est sortie récemment, une étude de l'IRFA, l'Institut de recherche sur le français en Amérique, qui a clairement démontré qu'à partir du moment où on enseigne en anglais, donc avec les cégeps anglais, il y a un transfert qui se fait vers la culture anglaise et un transfert vers des amis anglais parce que la langue anglaise est tellement puissante, tellement dominante qu'elle devient de facto la langue qui regroupe, la langue d'inclusion.
Donc, moi, je n'ai aucun problème à ce qu'on améliore les cours d'anglais, les cours d'espagnol, les cours d'allemand ou d'autres langues, que ce soit au secondaire, au cégep, à l'université, mais l'enseignement de base doit se faire dans la langue nationale pour assurer la survie de la langue nationale. Parce que, nous, même si vous trouvez les mots un peu durs, nous avons quand même un héritage de peuple qui a été colonisé pendant des années. On doit le dire, c'est la vérité. On peut se débattre, à savoir si c'est encore le cas, mais ça a été la vérité. Et, si on se permet comme ça d'ouvrir grandes les portes à l'anglais comme vous le suggérez, bien, dans 200 ans, on ne sera juste plus là parce que l'anglais, c'est une langue trop forte.
Donc, c'est important d'établir des barèmes et puis de valoriser mieux un bon français, une bonne qualité du français. Puis, je remarque, avec votre formation de journaliste, vous avez un très bon français, peut-être qu'on pourrait mieux valoriser cet aspect-là chez l'ensemble de la population et leur laisser le choix après d'apprendre une langue étrangère à leur désir ou...
Le Président (M. Marsan): Alors, sur ce, je vais conclure et vous remercier, M. Perreault, M. Préfontaine, et toute l'équipe qui vous accompagne de nous avoir fourni la position du mouvement Impératif Français sur le projet de loi n° 103.
J'invite maintenant le Mouvement Montréal français à venir s'installer près de la table.
Et je vais suspendre pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 12 h 25)
(Reprise à 12 h 28)
Le Président (M. Marsan): Alors, nous reprenons nos travaux, et il nous fait plaisir d'accueillir les représentants du Mouvement Montréal français, dont M. Denis Trudel est le porte-parole.
M. Trudel, je vais vous demander de nous présenter les gens qui vous accompagnent et par la suite de procéder à la présentation de la position de votre Mouvement Montréal français. Alors, M. Trudel, la parole est à vous.
Mouvement Montréal français
M. Trudel (Denis): Oui. Bonjour. Merci de nous accueillir en cette tribune. Je dois vous avouer que je suis un peu impressionné d'être ici. C'est un peu... C'est la première fois pour moi que je viens dans un commission parlementaire comme ça. Je suis habitué quand même à prendre la parole dans certaines circonstances, mais comme ça, c'est un peu énervant. Donc, on va y aller tranquillement.
Je voulais juste vous dire aussi que, moi, je suis le porte-parole du Mouvement Montréal français depuis quelques mois seulement. Je ne prétends pas que je suis un spécialiste de la langue française et des statistiques qui vont avec. Depuis quelques mois... J'ai toujours été, bon, évidemment, préoccupé par la situation du français à Montréal, mais disons que, depuis un an à peu près, je me suis impliqué un peu plus, depuis quelques mois, de façon plus précise, au sein du Mouvement Montréal français parce qu'il y a comme un danger, là, il y a comme quelque chose qui se passe, j'ai l'impression, par rapport au français à Montréal et au Québec. Il y a des statistiques dangereuses qui viennent de sortir, qui sont épeurantes, qu'on sent à Montréal, et qui m'ont fait: Bon, bien, implique-toi, avance-toi, prends la parole, ou... bon.
J'ai organisé un événement pour la Coalition contre la loi 103 samedi soir -- peut-être quelques-uns d'entre vous en ont entendu parler -- pour essayer de susciter chez les gens un... allumer les gens à la situation du français à Montréal en ce moment, et que c'est dangereux, et donc que, dans ce contexte-là, la loi n° 103 devient une mesure inadéquate, puis c'est le moins qu'on puisse dire.
Donc, tout ça pour dire que j'ai amené avec moi des gens qui, au niveau peut-être... s'il y a des questions plus pointues, vont être plus à même que moi de répondre. En fait...
**(12 h 30)**Le Président (M. Marsan): Voulez-vous les présenter?
M. Trudel (Denis): Oui. C'est M. Pierre Serré, politologue, qui est aussi membre du Mouvement Montréal français, et M. Marcel Desmeules, qui est ancien directeur d'école, qui est aussi membre du Mouvement Montréal français.
M. Desmeules (Marcel): Du conseil d'administration du Mouvement Montréal français.
Le Président (M. Marsan): Merci.
M. Trudel (Denis): Voilà. Une chose aussi que j'aimerais dire avant de commencer, qui me préoccupe un petit peu: nous, on a écrit un mémoire, ici, il y a d'autres organismes qui en ont écrit un. Avant de le présenter, j'aimerais demander à Mme St-Pierre: Qu'est-ce qu'on fait ici exactement? Parce que, nous, on a présenté ça de façon candide, on s'est dit: Bon. On avait une voix au chapitre démocratique en venant déposer un mémoire, et il y a d'autres gens aussi qui vont passer dans les deux prochaines semaines. Mais on a entendu, il y a deux jours, le ministre de la Justice et leader du gouvernement nous dire en Chambre que c'était terminé, que la loi n° 103 allait passer comme telle et que les autres, bien, peuvent bien aller, si vous voulez... Ça fait que, nous, on se demande un peu qu'est-ce qu'on fait là. Est-ce que ça donne vraiment quelque chose, tout ce débat-là, ou alors on fait juste faire du temps?
Le Président (M. Marsan): Alors, moi, j'aimerais répondre et vous dire que vous êtes accueillis ici parce que vous nous avez présenté un mémoire. C'est une consultation générale, et nous aimerions entendre ce que vous avez à nous dire dans ce mémoire. Par la suite, il y aura une période d'échange, le temps sera équivalent entre le parti ministériel et les partis de l'opposition. Alors, pour le moment, nous aimerions vous entendre sur ce que vous avez à nous dire sur le projet de loi n° 103.
M. Trudel (Denis): J'y vais. Alors donc, le Mouvement Montréal français remercie les membres de la Commission de la culture et de l'éducation pour l'occasion qui lui est fournie de se faire entendre. Le Mouvement Montréal français est une coalition non partisane qui vise à mobiliser la société civile pour faire du français la véritable langue officielle et commune de la région métropolitaine de Montréal. Existant depuis 2006, le Mouvement Montréal français organise de nombreux rassemblements et compte en son sein des milliers de sympathisants. La présentation de ce mémoire à la consultation générale sur le projet de loi n° 103 constitue une occasion pour le Mouvement Montréal français de promouvoir le respect du caractère francophone du Québec et de favoriser un débat constructif s'articulant autour de l'idée que l'éducation constitue un secteur clé en ce qui concerne la capacité du Québec à assurer la pérennité du français comme langue d'éducation nationale au Québec.
Introduction. La décision de la Cour suprême du Canada d'invalider la loi n° 104 a provoqué un vif débat évidemment quant à la meilleure façon d'assurer une éducation en français aux citoyens du Québec et de déjouer le stratagème des écoles passerelles. Le projet de loi n° 103 du gouvernement actuel propose, à notre avis, une piètre réponse au jugement de la Cour suprême. Ce n'est pas en modifiant d'un an à trois ans le passage dans les écoles dites «passerelles» qu'on règle l'essentiel du problème. Une étude publiée par l'Office québécois de la langue française en 2008 montrait que 90,3 % des répondants ayant fait leurs études pertinentes en français travaillaient en français contre 39,9 % pour ceux qui ont étudié en anglais. Ainsi donc, en facilitant l'accès au réseau public anglophone, on encourage le travail dans cette langue et on contribue à affaiblir le français au Québec. Face donc à une situation où les données du dernier recensement démontrent que le français régresse non seulement à Montréal, mais dans l'ensemble du Québec, il devient impératif d'agir. Le Mouvement Montréal français croit que le projet de loi n° 103 ne règle en rien le problème de l'achat de droit à l'école anglaise et qu'il ne fait tout au plus que rendre plus difficile et arbitraire ce processus. Le Mouvement Montréal français croit que le gouvernement devrait appliquer la loi 101 aux écoles privées non subventionnées et réaffirmer que le français constitue la langue officielle et commune du Québec.
Les acquis de la loi n° 104. Bon. Avant la loi 101, moins de 15 % des allophones choisissaient d'envoyer leurs enfants à l'école française, 15 %. Le libre choix, dans un contexte où le français constitue la langue maternelle de moins de 3 % du continent, mène systématiquement à une surreprésentation de la clientèle des écoles anglaises. La loi 101 a permis d'inverser cette situation et de faire du français la langue normale d'éducation pour les francophones et les immigrants. Le démographe Robert Maheu a démontré lors d'un colloque à l'Institut de recherche sur le français en Amérique, en novembre 2009, que le nombre d'élèves utilisant le stratagème des écoles passerelles avait plus que doublé entre 1998 et 2002, passant de 628 à 1 379. Considérant donc que non seulement ces élèves pouvaient ensuite jouir d'une éducation publique anglaise, mais également leurs frères et soeurs et tous leurs descendants, il s'agissait d'une brèche majeure dans l'objectif d'intégration à l'école française préconisé par la loi 101. La loi n° 104 a permis de mettre fin à cette situation et de stabiliser le nombre d'inscriptions au réseau anglophone. Le pourcentage d'élèves étudiant en anglais est passé de 9,46 % pour l'année 1991-1992 à 11,42 % pour l'année 2003-2004, immédiatement après l'adoption de la loi n° 104 limitant l'accès aux écoles passerelles. Depuis ce temps, bon, ce taux stagne, voire régresse légèrement, ce qui démontre évidemment son efficacité. Notons tout de même que, si 8,2 % de la population du Québec est de langue maternelle anglaise, la part du réseau scolaire anglais reste surreprésentée, financièrement s'entend.
Le projet de loi n° 103 n'élimine pas, évidemment, l'usage des écoles privées non subventionnées en tant que passerelles pour s'acheter le droit d'aller à l'école anglaise publique, il ne fait que rendre le processus un peu plus restrictif, par exemple en redéfinissant le barème d'inscription de un an à trois ans. Le nombre restreint d'exemptions ainsi produites est trompeur, puisque chacune d'entre elles s'applique ensuite aux frères et soeurs de l'enfant ayant transité par une école passerelle ainsi qu'à toute leur descendance. Or, ces nombreux futurs élèves ne figurent pas au nombre officiel des exemptions. Puisque la loi n° 104 avait permis d'enrayer le déclin des écoles françaises et la montée de la clientèle des écoles anglaises, il est plus que dangereux de vouloir s'attaquer à son fondement, qui est l'interdiction des mécanismes permettant de contourner la loi 101 et de grossir les rangs des écoles anglaises. La loi n° 103, en permettant de nouveau les écoles passerelles, risque de nuire durablement aux objectifs visés par la loi n° 104. Qu'on rende le contournement de l'esprit de la loi 101 plus difficile ne change rien au fait qu'on le permet et qu'on pousse vers l'anglais non seulement de nombreux enfants aujourd'hui, mais également leurs descendants.
L'article premier de la loi 101 stipule que le français constitue la langue officielle du Québec. Il conviendrait d'appuyer ces prétentions par des mesures concrètes permettant de faire du français la langue normale d'éducation au Québec. La loi n° 103, en légalisant le passage vers une éducation publique anglaise, même en rendant ce passage légèrement plus compliqué, contrevient à l'idée d'un Québec ayant fait du français sa langue normale de l'éducation. De la même manière, la loi 101 consacrait des droits à la minorité historique anglophone en lui permettant de jouir d'un réseau d'éducation publique anglophone lui étant spécifiquement dédié. En permettant à des non-anglophones de pouvoir accéder à ce réseau, on contrevient à l'esprit fondateur de la loi telle qu'adoptée en 1977. Permettez, je vais boire une gorgée d'eau.
L'article 73.1 de la loi n° 103 stipule que le gouvernement peut déterminer par règlement le cadre d'analyse suivant lequel une personne désignée en vertu de l'article 75 doit effectuer l'appréciation de la majeure partie de l'enseignement reçu qui est invoqué à l'appui d'une demande d'admissibilité fondée sur l'article 73. Ça signifie que, sur la seule recommandation de deux ministres, il serait possible de modifier la portée de la loi en réduisant les exigences permettant d'aller rejoindre le réseau public anglophone. Les représentants de la population n'auraient pas la possibilité de s'opposer à de telles modifications par un vote à l'Assemblée nationale avant les élections suivantes. De la même manière, le gouvernement ne fournit pas ce cadre d'analyse, ce qui implique que non seulement celui-ci peut être modifié par règlement, mais qu'en plus il peut être créé par règlement. Le projet de loi n° 103 ne permet donc pas d'en savoir davantage sur les intentions gouvernementales à ce sujet. Ce pouvoir arbitraire de modifier l'élément le plus important de la loi 101, qui est le maintien de l'intégrité du réseau scolaire français, l'intégration des nouveaux arrivants à l'école française, laisse donc entrevoir la possibilité de nouveaux reculs du français.
Bon. Il y a eu de nombreuses allégations de favoritisme et de corruption concernant des ministères du gouvernement actuel à l'hiver et au printemps 2010. Parmi ces allégations, plusieurs concernaient l'octroi de nombreux permis de centres de la petite enfance à des donateurs ou à des proches de donateurs du parti au pouvoir. En facilitant la gestion au cas par cas, la loi n° 103 ouvre la porte à de nouveaux dérapages. Quand la corruption en vient à marchander les CPE, comment ne pas imaginer qu'elle puisse toucher l'accès aux écoles financées par l'État lorsque, par exemple, les donateurs du parti au pouvoir conditionnent leurs dons à la réalisation d'une telle politique? Rien ne semble d'ailleurs limiter cet épanchement de corruption. Faciliter par règlement le passage à l'anglais d'une certaine catégorie d'individus ayant financé le parti au pouvoir est du domaine réalisable. Ce pouvoir, celui de l'arbitraire, est justement au coeur de la loi n° 103. Plutôt que d'instaurer une loi juste et s'appliquant à tous les citoyens, le gouvernement se propose, avec la loi n° 103, de régler les problèmes au cas par cas. Nous avons la certitude, compte tenu de ce que nous connaissons de ce gouvernement, que cette façon de faire ouvrirait davantage la porte aux abus en plus d'alimenter les allégations de favoritisme. Le cynisme dans la population à l'égard de la chose politique n'en sortirait que grandi.
Le rôle de nos élus ne doit pas se limiter à considérer des lois seulement pour leurs conséquences directes et à court terme. Il est impératif de travailler non seulement à protéger les acquis de la loi n° 104 et au respect du caractère francophone du Québec, mais également à maintenir intact le lien de confiance entre la population et l'appareil gouvernemental. En demandant aux représentants des citoyens d'adopter une loi dont le cadre d'analyse permettant d'accepter ou de refuser l'accès aux écoles anglaises est tout à fait inconnu et qui peut être modifié par seul règlement, on demande, en fait, la signature d'un chèque en blanc pouvant conduire aux pires abus, tant sur les plans éthique que linguistique.
**(12 h 40)** En conclusion, le débat actuel concernant la meilleure façon de répondre à la Cour suprême du Canada est très sain, car il permet de mieux cerner les forces en présence et de décider de la meilleure façon de défendre les intérêts premiers de la nation québécoise. D'un côté, il y a la vision minimaliste portée par la loi n° 103, qui répond à la décision de la Cour suprême en proposant de régler les problèmes au cas par cas. Cette loi tente de conserver en apparence l'essentiel de la loi n° 104 en rendant l'existence des écoles passerelles plus difficile tout en évitant de régler le problème fondamental. C'est ce qu'on appelle aussi ménager la chèvre et le chou. Mais, plus grave encore, c'est faillir au devoir de l'État québécois d'assurer la pérennité de la langue nationale sur son territoire. D'un autre côté, il y a une vision solidement appuyée par des données objectives démontrant les dangers associés à la loi n° 103. Cette vision est défendue par de nombreux citoyens, chercheurs et organisations auxquels le Mouvement Montréal français joint sa voix. Tous réclament un engagement plus ferme de la part du gouvernement en faveur du maintien de l'intégrité de l'école française au Québec. En tant qu'organisme de première ligne de défense des droits des francophones, nous affirmons: qu'il est inacceptable que la loi n° 103 puisse invalider les timides acquis de la loi n° 104, qui ont à peine permis à l'école française de mettre fin à son déclin; que l'objet d'une loi ne doit pas pouvoir être modifié par règlement, qui plus est à l'insu des parlementaires; qu'il est indispensable que le Québec intègre les nouveaux arrivants à l'école française et que cette intégration doit se faire par l'application intégrale et complète de la loi 101 dans toutes les écoles du Québec, y compris les écoles non subventionnées, et sans égard au niveau de revenu des parents; que le Québec a le droit et surtout le devoir, à l'image de la plupart des nations de cette planète, d'éduquer sa population dans la langue de la majorité.
À une époque charnière où la situation du français est fragilisée depuis plusieurs décennies, il est indispensable que les hommes et les femmes politiques soient conscients de leur rôle historique et qu'ils prennent les décisions courageuses qui s'imposent. Il n'est plus temps de répondre minimalement aux exigences de la Cour suprême canadienne, mais de bâtir aujourd'hui et pour les générations futures un Québec français en mesure d'intégrer équitablement tous ses citoyens à la langue officielle et commune. Merci beaucoup.
Le Président (M. Marsan): Merci, M. Trudel. Nous allons immédiatement débuter la période d'échange, et je vais céder la parole à Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. Mme la ministre.
Mme St-Pierre: Merci, M. Trudel. Alors, vous nous avez livré votre commentaire, votre témoignage avec beaucoup de fougue, et on voit à quel point c'est un sujet qui vient vous chercher très, très loin.
Je vais commencer en faisant deux mises au point. Tout d'abord, vous avez parlé des commentaires de M. Fournier cette semaine. Ces commentaires de M. Fournier... On a relevé tout le verbatim de ce qu'il a dit aux journalistes, et jamais il n'a dit que le tout allait être adopté tel quel, il n'a jamais dit ça. On a d'ailleurs fait des commentaires auprès des journalistes pour leur dire de corriger le tir. Les journalistes, manifestement, ne l'ont pas fait. Je vais vous lire, et je cite la conférence de presse: «Sur le projet de loi n° 103 sur la langue d'enseignement, le projet de loi reflète aussi une position d'équilibre entre deux extrêmes: le projet de loi ne porte pas atteinte aux droits et libertés de la charte et fait la promotion du français. Nous allons d'ailleurs, sur le projet de loi n° 3, poursuivre l'étude intensive du projet de loi. Nous voulons y consacrer tout le temps que l'on peut y consacrer.» Alors, M. Fournier n'a jamais dit que les jeux étaient terminés puis... Alors, nous continuons notre travail en commission parlementaire, c'est la démocratie qui s'exprime ici: vous êtes venus ici, nous vous recevons et nous vous écoutons, nous écoutons vos commentaires.
Deuxième mise au point. Ce matin, vous rendez public un communiqué, et dans ce communiqué-là vous dites... Ce matin... enfin, 22 septembre. C'est hier, ça?
Une voix: Oui.
Mme St-Pierre: Vous avez émis un communiqué, et vous dites là-dedans que le projet de règlement, vous ne l'avez jamais vu. Bien, le projet de règlement a été rendu public en même temps que le dépôt du projet de loi. Le projet de règlement est public depuis le début du mois de juin.
Une voix: 2 juin.
Mme St-Pierre: 12 juin?
Une voix: 2 juin.
Mme St-Pierre: 2 juin, depuis le 2 juin. Alors, vous ne pouvez pas dire dans un communiqué à la population -- les gens vous lisent, là -- que le projet de règlement n'est pas public, que vous n'avez pas pris connaissance. Il est public. Tout a été mis sur la table au mois de juin. Ça, c'est ma deuxième remarque.
M. Trudel (Denis): Il n'est pas dans le projet de loi, par exemple. Excusez-moi, là, mais il n'est pas dans le projet de loi.
Mme St-Pierre: Bien, un règlement, ce n'est pas dans le projet de loi, c'est-à-dire, on a déposé le projet de loi...
M. Trudel (Denis): O.K.
Mme St-Pierre: ...puis on a rendu public le règlement.
M. Trudel (Denis): O.K.
Mme St-Pierre: J'ai été en conférence de presse avec ma collègue Mme Courchesne. Pour la conférence de presse, elle a expliqué en long et en large le règlement, puis, moi, c'est moi qui pilote le projet de loi parce que c'est moi qui suis responsable de l'application de la Charte de la langue française. Alors, pour les gens qui nous écoutent, je pense que c'est important de dire les faits puis de ne pas véhiculer ce genre de faussetés.
Votre mouvement, Mouvement Montréal français, a été créé en 2006. Vous dites que vous êtes une coalition non partisane qui vise à mobiliser la société civile pour faire du français la véritable langue officielle et commune de la région métropolitaine de Montréal. Donc, vous êtes une coalition de coalitions ou... Comment ça fonctionne? Est-ce que c'est Mouvement Montréal français qui est le chapeau, puis après ça on trouve la Société Saint-Jean-Baptiste, le Mouvement national des Québécois... Qui est membre de votre coalition?
Le Président (M. Marsan): Alors, M. Desmeules.
M. Desmeules (Marcel): Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Je vais répondre, si vous permettez, à Mme la ministre.
Le Mouvement Montréal français est né de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal. Il existe depuis 2006. C'est une corporation à but non lucratif, une corporation non partisane qui fonctionne avec des règlements généraux et qui fonctionne avec un plan d'action. Et, pour vous donner des exemples des orientations stratégiques 2008-2011, que nous avons bâties ensemble au niveau du conseil d'administration et à partir des recommandations de nos militants, nous avons défini dans notre cadre d'orientation la question de la mobilisation de la société civile, et, pour vous donner un autre exemple, si tu veux, de nos interventions stratégiques, nous voulons intervenir aussi pour faire du français la langue nationale des institutions publiques québécoises.
Bon. Je sais qu'Impératif Français, qui est passé avant nous, en a parlé un tout petit peu, et il vous a même porté à votre attention le fait que, lorsque nous téléphonions dans un ministère du gouvernement du Québec, le «Press 9» était très vite, mettons, favorisé, si vous voulez, comme un certain passage à l'école anglaise que nous avons dénoncé d'ailleurs au niveau du Mouvement Montréal français. Donc, je ne sais pas si ça répond...
Mme St-Pierre: Mais, en fait, vous êtes nés de la Société Saint-Jean-Baptiste. Donc, c'est une création de la Société Saint-Jean-Baptiste.
M. Desmeules (Marcel): Oui. On est nés à partir de la Société Saint-Jean-Baptiste.
Mme St-Pierre: Et votre organisation, c'est une coalition d'organismes qui siègent à la Société Saint-Jean-Baptiste?
M. Desmeules (Marcel): Non. Nous sommes une corporation à but non lucratif qui a son propre conseil d'administration, donc de fonctionnement.
Mme St-Pierre: O.K. Parce qu'ici c'est marqué «coalition» dans mes notes. C'est pour ça -- «coalition non partisane» -- pour ça que je me demandais qu'est-ce que...
M. Trudel (Denis): Bien, je pense que c'est «coalition» dans le sens que ça regroupe un paquet de gens. Ce n'est pas une coalition d'organismes comme tels, tel que je le vois.
M. Desmeules (Marcel): La coalition fait peut-être référence à ce moment-là, de la façon dont c'est écrit, à différents partisans d'instances politiques, si vous voulez. Donc, nous ouvrons nos portes à des gens, peu importe, si vous voulez, le parti politique ou leur adhésion à des instances de partis politiques.
Mme St-Pierre: O.K. Bon, parfait. Maintenant, sur le projet de loi qui est devant nous, c'est clair, on a compris que vous prôniez plus la loi 101 aux écoles privées non subventionnées, et nous, ce n'est pas la voie que nous avons choisie. La voie que nous avons choisie, nous pensons que c'est une voie équilibrée, qui respecte les libertés individuelles et qui fait en sorte que nous allons trouver la façon de faire en sorte que des gens ne puissent pas passer de l'autre côté aussi facilement qu'ils pouvaient le faire avant 104. Parce qu'il faut vous rappeler que, lorsque la loi n° 104 a été adoptée par le gouvernement de M. Landry en juin 2002, elle entrait en vigueur en octobre. Donc, en octobre, la rentrée scolaire était faite, et on voyait un phénomène, là: de plus en plus d'enfants qui passaient comme ça après une année. En 2002, si la loi était entrée en vigueur au moment de son adoption, c'était impossible de passer. Ils l'ont fait entrer en vigueur au mois d'octobre et ils ont fait passer plus de 1 300 élèves, juste pour les faits, là, pour vous situer...
M. Trudel (Denis): Donc, vous acceptez ce chiffre-là, là. Vous acceptez ce chiffre de 1 300?
**(12 h 50)**Mme St-Pierre: Bien, en fait, accepter... Je veux dire, on accepte le chiffre, mais ce que je vous dis, c'est qu'on n'a pas fermé la porte en juin pour la rentrée scolaire de septembre, on a laissé la porte ouverte à la rentrée scolaire de septembre, et nous sommes en 2002. Ça, c'est juste pour vous replacer un peu dans le contexte. Également en 2002, ils auraient pu choisir aussi d'appliquer la loi 101 aux écoles privées non subventionnées, ce qu'ils prônent aujourd'hui. Et, moi, mon petit doigt me dit que ça a été analysé, cette proposition-là, et possiblement que ça n'a pas été retenu parce qu'il y avait l'obligation fort probable d'appliquer la clause dérogatoire. La clause dérogatoire, c'est la suspension des libertés individuelles, et le Québec a déjà été blâmé sur la scène internationale pour avoir appliqué la clause dérogatoire en matière linguistique.
Le Québec est signataire d'un pacte -- j'en ai déposé des copies hier -- un pacte des Nations unies, qui est le Pacte des droits civils et politiques. Alors, le Québec a adhéré à ce pacte en 1976. Donc, on a des engagements internationaux. Je veux juste vous expliquer ça parce que... Je suis contente qu'on ait des commissions parlementaires, parce que ça nous permet d'expliquer notre projet de loi, notre démarche sans le filtre des autres partis ou le filtre des autres organismes qui interprètent à leur manière. Donc, nous, il y a cet aspect-là qui a été très, très, très important dans la décision. Ça a été vraiment important, parce qu'on s'est dit: Le Québec a déjà joué dans ce film-là, et ça n'a pas été la meilleure décision.
Ensuite, nous disons: En histoire, il y a eu cet espace de liberté qui a été créé. Ce sont des écoles privées non subventionnées; il n'y a pas d'argent de l'État dans ces écoles-là. Maintenant, c'est là qu'il faut trouver l'équilibre, ce passage qui se faisait. Alors, dans le projet de loi, on interdit les écoles passerelles. Il ne peut plus y avoir de création d'écoles passerelles dans le projet de loi. Le juge l'a dit dans son jugement. Il a dit: Oui, il y a eu des écoles passerelles; oui, il y a des écoles qui faisaient ce petit tour-là, là, pour passer par-dessus. On interdit les écoles passerelles dans la loi. Ensuite, on nous dit de regarder le parcours authentique; on nous dit de regarder l'histoire de l'institution. Alors, c'est la démarche qui a été faite de façon très minutieuse par les juristes au ministère pour arriver vraiment à cet équilibre.
Je respecte votre droit de dire que vous n'êtes pas d'accord, je le respecte. Je respecte, moi, les opinions de tout le monde, je respecte la liberté d'expression et je respecte les libertés fondamentales, et nous voulons, de notre côté, respecter les libertés fondamentales. Alors, c'est pour ça que je vous dis que nous vous... Et je vous dis aussi que, lorsque la loi 101 a été adoptée, M. Bernard, Louis Bernard, qui n'est quand même pas de la même famille politique que nous, est venu nous dire dans cette commission parlementaire -- j'imagine que vous en avez pris connaissance, mais je vais vous le répéter: «...moi, je pense que, quand on a passé la loi 101, on a laissé cette zone de liberté là parce qu'il n'y avait pas de fonds publics, [puis] on l'a laissée, et je pense que c'est un atout de la loi 101. Puis d'ailleurs le Dr Laurin s'en est vanté quand il a passé la loi, puis M. Lévesque était très fier de ça. Alors, je pense que, si on l'enlève, on va avoir des problèmes importants parce qu'il y a toutes sortes d'écoles là-dedans: il y a des écoles ethniques, il y a les écoles religieuses, il y a les écoles qui sont à régime pédagogique privé; c'est une réalité très diversifiée. Alors, je pense qu'enlever ça il faudrait avoir vraiment de très bonnes raisons. Puis ensuite je suis d'accord avec [ce que dit la ministre] -- en parlant de moi -- ce que la ministre a dit, qu'au point de vue [de la] réputation internationale, si on passe la... si on passe la clause "nonobstant" -- parce que je pense qu'on serait...
Le Président (M. Marsan): ...poser la question, Mme la ministre?
Mme St-Pierre: ... -- je vais finir ma citation -- obligés de la passer -- ça ne serait pas bon pour la réputation du Québec...» Et il parle de...
Donc, est-ce que vous êtes d'accord avec moi que d'appliquer la clause dérogatoire, c'est une suspension des libertés fondamentales?
M. Trudel (Denis): Moi, je vais répondre à ça. Je ne suis pas non plus un spécialiste des lois, sauf qu'à situation particulière mesures particulières, et là, en ce moment, la situation linguistique du français au Québec, au Canada et en Amérique du Nord est très particulière, si ce n'est pas, même, unique au monde, et à ça il faut réagir. Donc, c'est ça que je pense que... Et il faut se dire aussi une chose au Québec, je pense, c'est que la minorité linguistique, ils ne font pas pitié. Tu sais, au Québec, tu peux naître en anglais, envoyer tes enfants à la garderie en anglais; ils peuvent faire leur maternelle en anglais, primaire, secondaire, cégep; ils ont trois universités; ils ont même une équipe de hockey complète presque juste en anglais. Ça fait qu'ils ne font pas pitié, les anglophones, ils ne font pas pitié. Donc, que l'ONU vienne faire un tour dans nos platebandes. On va leur faire visiter le West Island, on va... Regardez ici une école anglophone primaire, ici une école secondaire, là-bas un cégep, trois universités. Mais, si vous voulez vraiment faire un rapport à M. Ban Ki-moon, on va lui dire: Allez à Winnipeg ou allez à Regina. Là, vous allez pouvoir voir le bilinguisme, comment ça marche là-bas, ils sont sur le bord de la folklorisation. À force de vouloir bilinguiser... Ce n'est qu'un danger pour nous. Le bilinguisme, c'est toujours la langue dominée qui perd. Donc, pour nous, c'est un danger, c'est un danger.
Et vous dites: M. Bernard... Écoutez, encore là, je pense que c'est une situation pire, parce que ça légitimise les écoles, ça dit aux enfants: Bien, il y a une possibilité. Pour les riches, là, quand vous arrivez ici, les immigrants riches, là, pas de problème, il y a une possibilité, vous pouvez faire votre école en anglais. Ça va vous coûter cher, mais vous pouvez le faire. Donc, ça envoie un drôle de message, qui est que: Si vous voulez éduquer vos enfants pour l'avenir de vos enfants, si vous avez de l'argent, pas de problème, les écoles anglophones, les grosses jobs en anglais. Français, bien, c'est des pauvres. Qu'est-ce que vous voulez, bon, c'est comme ça. Mais c'est vraiment un message très dangereux à envoyer. La solution de M. Bernard, je trouve, c'est très dangereux.
M. Desmeules (Marcel): Et j'ajouterais à ça, Mme la ministre...
Le Président (M. Marsan): Oui, M. Desmeules.
M. Desmeules (Marcel): Merci, M. le Président. J'ajouterais à ça, Mme la ministre, que c'est difficilement acceptable pour nous qu'un gouvernement vienne légitimer un passage d'écoles passerelles, et le mot est très fort quand on parle de passerelles. Nous avons des établissements publics, le gouvernement finance déjà tout un réseau public dans une nation dont la langue est le français, et on trouve ça difficilement acceptable que le gouvernement, en plus, vienne financer comme un réseau, d'une certaine façon... On parle d'écoles non subventionnées, oui, mais qui sait si, à un moment donné, il n'y aura pas un passage vers un réseau public anglophone? Parce que nous avons aussi les commissions scolaires anglophones au Québec, et je sais -- parce que j'ai passé ma vie en éducation, je suis retraité actuellement -- à quel point ça peut être ou devenir facile, au niveau de certains règlements ou de ces particularités-là, de pouvoir passer. Quand on parle que les parents vont faire possiblement -- parce que vous faites référence à M. Bernard -- une affirmation solennelle, je ne sais pas s'il y a le mot écrit aussi, mais qu'après un an, deux ans, vous aurez ces mêmes parents qui, pour quelque raison que ce soit, n'ont plus l'argent nécessaire pour continuer un financement dans un réseau d'écoles non subventionnées, qu'est-ce qui va se passer? On va se tourner vers un réseau public anglophone, et ça, c'est un côté qui nous fait peur également.
Le Président (M. Marsan): Je vous remercie. Il reste très peu de temps. M. le député de Lévis, voulez-vous rapidement poser votre question? Et une courte réponse.
M. Lehouillier: Bien, moi, c'est parce que j'ai juste une seule question, parce qu'au niveau des droits et libertés je n'arrive pas à comprendre quand vous nous dites qu'on contrevient un peu à l'esprit fondateur de la loi, et là vous recommandez évidemment que, pour les écoles anglaises privées non subventionnées, la loi s'applique, alors que la charte, en 1977, il a toujours été possible de fréquenter une école anglaise privée non subventionnée. Qu'est-ce qui fait... En quoi vous dites que ça, ça touche à l'esprit fondateur de la loi? Parce qu'au fond, pour moi, ce qui est important, c'est de dire: On a toujours maintenu un espace de liberté, et, moi, ma préoccupation, c'est de m'assurer qu'on puisse... Il n'y a pas des gens qui font pitié au Québec, il y a des Québécois à part entière. Et, pour moi, ça, c'est extrêmement important et, pour moi, c'est le noeud du problème et c'est la raison pour laquelle le projet de loi n° 103 est à l'étude ici. Alors, moi, c'est là-dessus que je m'interroge: Pourquoi vous radicalisez votre position par rapport à ce qui a toujours été fait historiquement au niveau de la loi 101?
Le Président (M. Marsan): M. Trudel.
**(13 heures)**M. Trudel (Denis): Bien, c'est toujours une lutte, hein, c'est toujours une lutte entre... Tu sais, il y a toujours une tension au Québec entre les droits linguistiques d'une minorité, d'autre part, et le désir de survie de la majorité, d'un autre côté, qui est nous, les francophones. Et là, en ce moment, peut-être qu'il faut radicaliser notre position en 2010 par rapport à ce qu'on a vécu. Parce qu'on l'a vu, depuis 1977, pendant 20 ans, la situation du français s'est améliorée au Québec. Il y a eu différents flux migratoires, ça s'est promené, il y a des Anglais qui sont partis. Ça a fait que, pendant 20, ans on a pu penser que la situation s'améliorait. Mais, depuis 10 ans, ce n'est plus le cas; depuis 10 ans, la situation empire. Donc, peut-être qu'aujourd'hui la situation n'est plus comme elle était en 1977, peut-être qu'il faut penser à radicaliser un peu la position. On ne peut plus se permettre de perdre des gens, on ne peut plus se permettre de... Écoutez, là, c'est 1 379 personnes... enfants par année qui iraient dans le système anglophone. Sur 30 ans, c'est 50 000 personnes. C'est l'équivalent de la ville de Trois-Rivières qui, dans 30 ans, basculerait du côté anglophone. Est-ce qu'on peut se permettre ça aujourd'hui au Québec? Je pense que non, je pense que c'est... On vient de passer en bas de 50 % à Montréal de gens ayant le français comme langue maternelle. On est à 49,8 % en 2006, c'est probablement plus bas aujourd'hui en 2010, et, on pense, ça va être autour de 43 % autour de 2016. Mais je m'excuse, mais, moi, ça me fait peur. Moi, ça me fait peur. Et, au moment où on devrait légiférer dans l'autre sens pour renverser la tendance, là, on a un projet de loi devant nous qui entérine ça, qui dit: Bien non, ce n'est pas si... il n'y a pas de problème, ça va dans ce sens-là. Moi, je... On dit non, on dit juste non à ça. On dit: On ne peut plus se permettre... S'il faut radicaliser un peu notre position, pourquoi pas? Pourquoi pas? Je ne pense pas que l'ONU va venir se mettre le nez dans nos affaires demain matin.
Le Président (M. Marsan): Alors, ceci termine la période d'échange avec le parti ministériel. Nous poursuivons avec le porte-parole de l'opposition officielle en matière de langue, M. le député de Borduas.
M. Curzi: Merci, M. le Président. M. Trudel, M. Serré, M. Desmeules, bienvenue. Merci. Je veux vous féliciter pour le spectacle de samedi soir. C'était, ma foi, fort réussi. Et je veux vous dire...
Une voix: ...
M. Curzi: Pardon?
Une voix: ...
M. Curzi: Ah! Vous n'avez pas été invitée. La prochaine fois, nous inviterons donc la ministre de la Culture...
M. Trudel (Denis): Ah oui!
M. Curzi: ...à faire peut-être un petit discours ou un numéro avec...
M. Trudel (Denis): Vous n'avez pas regardé sur Internet?
M. Curzi: Ce serait... Mais, puisqu'on parle de la ministre de la Culture, je veux dire certaines choses. Je trouve que nous avons été exemplaires en tant que parlementaires dans cette commission, mais là je commence à trouver que Mme la ministre utilise un peu trop la partisanerie pour attaquer le Parti québécois dans le temps. Bon. En 1977, le Parti québécois s'est rendu coupable d'avoir, je ne sais pas, adopté la loi 104. Je trouve que, là, on est en train d'attaquer ce qui a peut-être été incorrect. Mais ce que je réprouve, c'est que personne, semble-t-il, de ce côté-là, de l'autre côté de la table, ne défend la proposition. Vous n'êtes pas en train de défendre votre loi n° 103, vous nous attaquez sur de prétendus ou de supposés manquements, et l'esprit de tout le monde est comme... a été délétère. Défendez votre loi, bon sang! Si vous y croyez, défendez-la. Arrêtez d'attaquer le Parti québécois qui, lui, propose autre chose.
Alors, c'était pour... J'aimerais... Je voulais régler cette situation. Je trouve que c'est beaucoup.
Une voix: ...fait du bien.
M. Curzi: Ça fait du bien? Bien oui, ça semble vous faire beaucoup de bien d'attaquer le PQ. Moi, j'en ai un peu marre. Je suis patient, mais il y a une limite. Bon, voilà, la limite étant installée, je vais...
Le Président (M. Marsan): Nous poursuivons.
M. Curzi: ...je vais poursuivre avec cependant quelque chose qui est... Vous le notez: les règlements ne font pas partie de la loi. Donc, nous n'aurons pas, comme parlementaires, à nous prononcer sur ces règlements-là. Mais il y a plus, parce que l'article 25 du projet de loi suspend la période prévue pour discuter d'un projet de loi au moment où ce projet de loi là est...
Une voix: ...
M. Curzi: ...le projet de règlement est publié dans la Gazette officielle. Ça dit très clairement: «Le premier règlement [...] n'est pas soumis à l'obligation de publication prévue à l'article 8 de la Loi sur les règlements et entre en vigueur à la date de sa publication à la Gazette officielle du Québec ou à toute date ultérieure qui y est fixée.» Le projet de règlement a été publié le 2 juin, me dites-vous, mais le règlement lui-même, quand il va être déposé dans la Gazette officielle, pfft!, vous n'aurez aucun commentaire, aucun avis, aucun... quoi que ce soit, ça va être tel quel. Et, comme, nous, on ne pourra pas non plus en discuter, ça veut dire que, ce projet-là, il va être inattaquable, on ne pourra pas y toucher. C'est ça que ça veut dire. Et, ça, là, on commence à jouer sur un aspect de la démocratie, et je suis donc très content que vous le mentionnez, le fait qu'on ne puisse pas intervenir sur le projet de règlement.
Mais personne n'en parle parce que tout le monde s'oppose à la loi. On se dit: Si on est contre la loi, ce qu'on veut, c'est que la loi ne passe pas, et donc le règlement qui y est joint ne passe pas non plus, et tout le monde décrie ce règlement-là, même ceux qui pourraient être en faveur de la loi n° 103. Comme certaines associations qui sont venues hier trouvent que le règlement n'a aucun sens. Alors, vous voyez, on est dans une drôle de tour de Babel.
Je veux finir aussi par les citations. Il est vrai que le leader a dit ce que la ministre a lu. Mais ce qu'il a dit aussi, et c'est de là que vient notre interprétation, le leader a dit: «Ce projet de loi, qui découle d'une décision de la Cour suprême, est équilibré, ne porte pas atteinte aux droits, réaffirme l'importance du français, et je comprends qu'il y a des groupes qui viennent qui viennent défendre des positions et je... je dois vous dire d'entrée de jeu que l'avenue, je dirais, facile de porter atteinte aux droits manque de nuance, ne tient pas compte de l'avenir du Québec, et nous voulons être de ceux qui allons avoir une position équilibrée et laisserons aux autres les positions radicales.» C'est ça qu'il a dit, d'où l'interprétation que tout le monde en a faite, c'est qu'il n'y a rien qui changerait, parce que tous ceux qui viennent ici, et vous en êtes, vous incarnez une position radicale.
Ma question, c'est: Est-ce que vous avez la conviction d'incarner une position radicale injustifiée?
M. Trudel (Denis): Qu'est-ce que vous en pensez? Je pense qu'au Québec, si défendre sa langue, défendre... Moi, j'ai des jeunes enfants. J'ai une petite fille de sept ans puis j'ai un petit garçon de deux ans. Et je ne me vois tellement pas dans 30 ans, 40 ans qu'ils me demandent: Hey! Dad, do you want to go play football on stadium today? Je ne me vois tellement pas, je pense que je pleurerais. Si c'est une position radicale de vouloir défendre sa langue, c'est quelque chose qui est entendu, accepté, commun à tous les peuples du monde, que ce soit radical, bien là, c'est vraiment une déformation de sens absolument incroyable. Moi, je pense qu'effectivement, si, nous, on est radicaux, bien là, je ne comprends plus rien à rien, là. Je n'ai rien à rajouter là-dessus. Avez-vous quelque chose à rajouter, Marcel?
M. Curzi: Oui. Bien, je veux, avant de passer la parole à mon collègue... Ah!
Le Président (M. Marsan): Oui, mais, avant, je vois M. Desmeules qui aimerait ajouter, je pense.
M. Curzi: Oui, allez-y, M. Desmeules.
M. Desmeules (Marcel): Mais, avant, j'aimerais quand même répondre au commentaire de Mme St-Pierre lorsqu'elle a dit: On n'a pas été invités. Comme membres du conseil d'administration, on a tenu des spectacles aussi dans les années antérieures, et c'est moi-même qui, au conseil d'administration, faisais les invitations dans les différents partis politiques et je n'ai jamais eu de retour d'appel du Parti libéral. Je fais juste le mentionner, Mme St-Pierre, ce n'est pas pour vous en tenir rigueur, mais je le mentionne quand même. Et je n'ai jamais eu de retour d'appel. Bon. Voilà.
Donc, pour en revenir à ce que M. Curzi, M. le député Curzi disait: Non, pas du tout, on n'a pas du tout l'impression de s'annoncer comme étant un mouvement radical. Non. Je vous ai parlé de quelques orientations stratégiques que nous avons dans notre plan d'action actuellement. Notre plan d'action, c'est tout simplement finalement d'essayer de sensibiliser au maximum la société civile sur leur langue, puisque, quand on parle du Québec, nous sommes une nation, et la langue de cette nation, c'est le français.
Donc, ce que nous faisons ce matin, c'est tout simplement vous dire, de différentes façons, que nous voulons défendre le français, et c'est la langue de la nation québécoise, nation qui a été reconnue par le gouvernement du Canada. Donc, voilà, c'est tout. Donc, on n'a pas du tout l'impression ni la sensation d'être un groupe soi-disant radical.
Le Président (M. Marsan): Alors, je vais maintenant céder la parole...
M. Curzi: Oui, avant, juste avant...
Le Président (M. Marsan): Oui. M. le député de Borduas.
M. Curzi: ...de passer la parole, la parole à mon collègue, juste dire qu'il y a des politiques linguistiques semblables à celle que le Québec a adoptée en Finlande, en Estonie, en Suède, en Irlande, en Lettonie, en Inde, en Pologne, en Arménie, au Costa Rica, en Andorre, en Chine. Il y en a dans de nombreux pays, des politiques linguistiques semblables à la nôtre. Monsieur...
M. Trudel (Denis): Oui, puis...
Le Président (M. Marsan): M. le député de Drummond, je sais que ça fait longtemps que vous attendez.
M. Trudel (Denis): Juste aussi le mentionner, je pense que...
Le Président (M. Marsan): Oui. M. Trudel, rapidement.
M. Trudel (Denis): Oui, une petite... Juste pour rajouter à ce que M. Curzi vient de dire. Je pense qu'en Flandre, en Belgique, les Flamands ont adopté une législation qui, je pense, fait du flamand la langue officielle, mais aussi je pense que, dans le système public, il s'enseigne quatre ou cinq langues secondes. Et ils semblent très bien vivre avec ça, c'est-à-dire qu'eux ils ont comme compris que leur langue... Ils sont peu nombreux, ils sont petits, donc c'est vraiment... ils veulent protéger leur langue, mais aussi ils comprennent l'utilité d'avoir d'autres langues à enseigner pour s'ouvrir vers des possibilités. C'est quelque chose qui n'est pas du tout malsain.
Nous, on n'est pas contre ça. C'est juste qu'eux ils ont comme compris qu'il fallait qu'il y ait une langue, comme un tronc commun et auquel se greffent les autres langues, les autres possibilités. Donc, je pense qu'il y a en a d'autres ailleurs qui sont confrontés à peu près au même problème que nous et qui ont trouvé des solutions qui accommodent tout le monde, et ils s'en sortent très bien.
Le Président (M. Marsan): Alors, M. le député de Drummond.
M. Blanchet: M. Trudel, je vais faire appel à l'imagination de l'artiste en vous non pas pour dénoncer une situation, mais bien pour vous inviter à participer à un jeu qui a été beaucoup joué, notamment par Mme la ministre, qui est de mettre des intentions ou des suppositions, d'invoquer la mémoire, et pas de n'importe qui, la mémoire de Camille Laurin, la mémoire de René Lévesque, des gens qui sont décédés et qui sont des porte-étendards de la culture et de la nation québécoise au sens le plus large et le plus noble du terme.
Si Mme la ministre peut jouer ce jeu, on a tous le droit de jouer le jeu, d'imaginer ce que M. Lévesque penserait. Moi, je peux supposer de ce que M. Lévesque penserait, et vous pouvez le supposer aussi avec la même légitimité, avec la même pertinence et peut-être avec plus de proximité avec ses préoccupations nationales. Alors, pensez-vous sincèrement aujourd'hui, 33 ans après la loi 101, qui a été mise en charpie à bien des égards, pensez-vous vraiment que René Lévesque ou Camille Laurin regarderaient le passage progressif de plusieurs dizaines de milliers de personnes vers la langue anglaise au Québec et diraient: C'est correct, on appuie la loi n° 103 de la ministre St-Pierre?
**(13 h 10)**M. Trudel (Denis): Écoutez, je pense que poser la question, c'est y répondre. Pierre, tu avais-tu quelque chose à dire à ça?
Le Président (M. Marsan): M. Serré.
M. Serré (Pierre): Oui. Je pense que, si je me rappelle bien, en 1977, on avait prévu la possibilité pour des gens qui venaient de multinationales d'envoyer leurs enfants dans les écoles privées non subventionnées. C'était ça qui était, il me semble, les exceptions qui étaient prévues en 1977. Ça n'a rien à voir avec les écoles passerelles dont on parle aujourd'hui. On parle de choses complètement différentes.
M. Trudel (Denis): Mais, écoutez, je pense que...
Le Président (M. Marsan): M. Trudel.
M. Trudel (Denis): Oui. Bien, pour en revenir à ça, tu sais, moi, comme par exemple pour le spectacle qu'on a fait samedi, j'ai ressorti des extraits de discours comme, par exemple, René Lévesque avait fait en 1973, je pense, puis où il posait le débat. Tu sais, ce n'est pas pour rien que ça a été un grand homme politique, je pense, M. Lévesque, où il posait vraiment le débat d'une façon très, comment je dirais ça, directe, et précise, et concise. Quand il dit: Il y a la question des immigrants qu'on voudrait, nous, qu'ils viennent vers nous, qu'ils embarquent avec nous dans notre projet d'un pays francophone, dans le projet de... qu'ils comprennent qu'on est menacés, tu sais.
Puis là, je pense, il y a eu une loi depuis la loi 101 qui fait qu'on les a amenés vers l'éducation en français. Puis, aujourd'hui, on se retrouve 33 ans plus tard, puis les acquis de ça sont encore fragiles pour toutes sortes de raisons. Et je pense qu'ils seraient d'accord, M. Laurin et M. Lévesque, pour dire: Le but ultime de la loi 101, c'était de protéger le fait français. D'ailleurs, dans sa déclaration en 1977, au mois d'août, quand il a présenté son projet de loi, il dit... il croyait... les mots qu'il a employés, c'est de dire: L'hiver québécois vient de desserrer son étreinte. Je ne sais pas les mots qu'il a employés exactement, M. Laurin, mais c'était très beau, c'était très imagé.
Et c'était un projet de loi qui allait dans le sens du positif, dans le sens du maintien d'une culture, du maintien d'une langue, du maintien d'une force vivante, à travers l'univers, qui est en train de disparaître, qui allait disparaître à terme. On est certains que c'est ça qui serait arrivé, là, je veux dire. Oubliez ça, là, si la loi 101 n'avait pas été adoptée en 1977, on serait 12 % de francophones, on parlerait anglais, on ne serait même pas ici en ce moment.
Je pense que le rêve de Laurin, le rêve de Lévesque, c'était le maintien d'un peuple francophone ici, sur notre terre d'Amérique, notre petit bout de terre. Et là ce qu'on a devant nous, c'est un projet qui enlève ça, qui envoie ça. Et c'est dangereux, c'est dangereux. On ne peut pas se permettre de perdre des gens.
Je pense que, si on veut aller dans le sens de Lévesque, il ne faut pas passer la loi n° 103, il faut appliquer la clause dérogatoire à la loi n° 103. Merci.
Le Président (M. Marsan): Ça va? Oui.
M. Blanchet: ...juste pour dire que j'étais également au spectacle de samedi et j'aurais souhaité que les gens voient davantage la fin de ce spectacle-là où il y avait des centaines de jeunes, quelques centaines, dont probablement quelque chose comme 100 ou 125 sur scène avec Loco Locass. Je ne vous nommerai pas la chanson, ce n'est pas mon point. Et il y en avait plein en bas, il y en avait dans les gradins qui ne pouvaient pas descendre en bas.
M. Trudel (Denis): Ah oui! C'était magnifique.
M. Blanchet: Il y a un passage de génération qui s'est fait lors de ce spectacle-là, et je vous en félicite sincèrement.
M. Trudel (Denis): C'était magnifique, magnifique, parce que, c'est important, ça, parce que, je voulais le signaler, les jeunes ont un peu l'impression aussi d'être nés, avec la loi 101, dans un État francophone assuré. Puis là, avec la loi n° 103, ils découvrent que, woups!, les acquis sont fragiles et que peut-être que c'est menacé. Et c'est important de faire des soirées comme ça pour leur dire: Écoutez... C'est comme pour le féminisme: les gens, les jeunes ont l'impression que les acquis sont... que c'est là de toute éternité, mais non, il y a eu des luttes avant, il y a eu des combats avant. Et c'est important de leur donner une perspective, surtout au moment où on a un projet de loi comme ça devant nous.
Le Président (M. Marsan): M. Desmeules, vous voulez ajouter, je pense.
M. Desmeules (Marcel): Oui. Bien, deux choses, en fait. Oui, M. le député de Drummond, c'est vrai, vous parlez des jeunes, je dois vous dire que le conseil d'administration du Mouvement Montréal français s'est beaucoup intéressé aux jeunes. Et, depuis deux ans, nous avons fait la tournée des cégeps de la région métropolitaine pour informer, sensibiliser, parler aux jeunes de la loi 101, de ce qu'elle est, et tout, puisque, même si les jeunes en ont entendu parler, il y avait quand même une certaine méconnaissance chez plusieurs de ce qu'était la loi 101, je dois le reconnaître puisque, moi-même, je fais partie du groupe en question qui a fait cette tournée-là. Donc, oui, effectivement, au spectacle de samedi soir, il y avait énormément de jeunes. Nous en sommes très fiers et nous sommes très désireux à ce que ces jeunes-là prennent leur propre situation en main, leur propre langue en main et continuent dans la même veine.
Et, une deuxième chose que je voulais tout simplement ajouter à ce que M. Trudel disait, il ne faut jamais perdre de vue que nous ne sommes que 3 % dans tout le continent d'Amérique et que ça sera toujours extrêmement important pour nous, la langue française, et de promouvoir et de défendre la langue française.
Le Président (M. Marsan): Je vous remercie.
M. Desmeules (Marcel): Et je suis très fier que ce mouvement-là existe et je suis très fier du plan d'action et des orientations que ce mouvement-là exécute actuellement.
Le Président (M. Marsan): Nous allons poursuivre nos travaux. Et je vais céder la parole au chef de l'Action démocratique, M. le député de Chauveau.
M. Deltell: Merci, M. le Président. Messieurs, soyez les bienvenus à Québec, à l'Assemblée nationale. Merci d'exprimer votre point de vue avec autant de verve; c'est fort agréable et fort intéressant.
Avant de parler directement à nos invités, M. le Président, je veux juste faire un point, puis je le dis, ça nous concerne tous, moi le premier. Je trouve ça extrêmement délicat quand on essaie d'interpréter ce que de grands personnages politiques feraient aujourd'hui. Et M. Lévesque et le docteur Laurin ont été des personnages extraordinaires, mais laissons-leur, laissons-leur la mémoire. Et tenter de vouloir interpréter ce qu'ils feraient aujourd'hui, soyons prudents.
En fait, celui qui serait peut-être le mieux placé pour le faire ne l'a pas fait; c'est Louis Bernard. Louis Bernard est venu ici, a été un témoin de première ligne, il était acteur, il était présent quand les débats ont eu lieu pour la loi 22, puis il a été présent, partie prenante, conseiller direct du premier ministre au plus haut chef qui soit concernant la loi 101, et lui se refuse à interpréter comment aujourd'hui René Lévesque et Camille Laurin pourraient agir en fonction de ça. Il le fait à sa façon à lui et non pas en fonction ni de René Lévesque ni de Dr Laurin. Je nous invite tous, moi le premier, à la prudence dans l'interprétation.
Cela dit, M. le Président -- je reviens à vous, messieurs -- je suis un grand amant de la langue française et je rêve pour mes enfants, et mes arrières-petits-enfants, puis mes... dans les 3 000... 1 000 ans d'ici, qu'on puisse encore et toujours parler un excellent français au Québec et que le Québec soit encore et toujours une nation française en terre d'Amérique. Et, pour ça, il faut prendre les moyens. D'abord, chez nous, à la maison, enrichir notre langue, parler un français correct et amener nos enfants à parler un français correct dans nos conversations.
Deuxièmement, dans notre enseignement. J'estime, comme plusieurs d'entre... des milliers de Québécois, qu'on enseigne mal le français, qu'on a passé malheureusement, au cours des 10 dernières années, du stade des connaissances au stade des compétences. Et, désolé, mais le français, et je ne veux pas vous vieillir, mais vous avez fort probablement, vous, appris la langue française avec la rigueur nécessaire. Moi, j'ai été une des premières victimes, comme André Boisclair l'a déjà dit d'ailleurs, moi, j'ai été une des premières victimes des nouvelles façons d'enseigner avec la façon des sons, du sablier. Et ne me mettez pas devant le haut fonctionnaire qui a décidé ça, je vais lui arracher... les cheveux -- on va s'en tenir là.
Alors, ça passe par une bonne qualité du français à la maison, ça passe par un bon enseignement du français, ça passe par des lois qui, oui, protègent l'aspect... notre spécificité en terre d'Amérique. C'est pour ça que nous sommes en accord avec un Québec français et avec les dispositions de la loi 101. Mais l'un n'empêche pas l'autre. Et, moi, j'estime que, pour faire face aux défis du XXIe siècle, pour pouvoir entrer en communication avec toute la vigueur qui nous est permise, qui nous est autorisée comme nation forte, avec 97 % de nos voisins qui parlent anglais, nous estimons qu'il faut être bilingues. Et le système d'éducation le fait, le système d'éducation enseigne l'anglais de la première année jusqu'en secondaire V, mais il nous l'enseigne tout croche. C'est pour ça que nos enfants sortent de nos écoles puis baragouinent un anglais. C'est des coups d'épée dans l'eau qu'on fait.
Notre proposition à nous, c'est de dire: Puisque ça existe déjà, l'enseignement obligatoire de l'anglais bien, assumons pleinement ce mandat-là et faisons en sorte que nos enfants soient bilingues. Et l'un n'empêche pas l'autre, on va pouvoir continuer à dire que le Québec est français, on va pouvoir continuer à parler en français, on va pouvoir continuer à vivre en français, mais on sera également équipés pour faire face aux défis du XXIe siècle. Qu'est-ce que vous pensez de notre proposition d'un Québec français et de Québécois bilingues?
Le Président (M. Marsan): M. Trudel.
M. Trudel (Denis): Bien, moi, j'ai un petit commentaire à dire là-dessus, c'est que j'ai l'impression que c'est un drôle de message à envoyer à des jeunes enfants que de dire: Écoute, mon petit gars, chez vous, il y a une langue qui se parle, mais malheureusement, si tu veux t'épanouir, gagner ta vie et pouvoir t'acheter une maison, une auto puis faire des voyages, malheureusement, ça se passe dans une autre langue. Malheureusement ils sont 350 millions autour de toi et ça se passe dans cette langue-là. Tu ne pourras pas. C'est une belle langue, difficile à apprendre, tu vas te faire suer pendant des années à l'apprendre, les règles de grammaire, tu n'as pas fini, mais ça ne sera pas suffisant, il va falloir que tu t'en tapes une autre puis peut-être une autre.
Je trouve que, si on ne bâtit pas une société où on peut dire à nos enfants en les regardant dans les yeux: Mon petit gars, apprends ta langue, tu vas pouvoir travailler, vivre en anglais, aimer en anglais, aller voir des spectacles en anglais, des films en... en français, pardon, tout ça en français...
**(13 h 20)**Une voix: ...
M. Trudel (Denis): Oui. Non. Mais tu vas pouvoir travailler en français, tu vas pouvoir vivre en anglais, aller voir des pièces de théâtre, des films, tu vas pouvoir... je m'en allais dire un mot que je ne répéterai pas ici, mais aimer dans ta langue. Si tu ne peux pas dire que, d'un bout à l'autre, ça va se passer dans ta langue, c'est un drôle de message. Je pense qu'on n'a pas encore réussi au Québec à construire une société qui se passe dans une seule langue, comme la plupart des sociétés du monde, qui est la chose la plus banale qui soit. Donc, il faut envoyer le message de... Évidemment qu'on n'est pas contre le fait de... Mais, tu sais, apprendre l'anglais, là... Je veux dire, moi, je vais envoyer mon fils un mois dans un camp en Ontario quand il va avoir 15 ans, il va revenir, il va être bilingue. Merci beaucoup, bonsoir, tu sais.
Le Président (M. Marsan): M. Trudel...
M. Deltell: ...payer assez de taxes, ce qui devrait faire en sorte que notre système d'éducation le fasse?
Le Président (M. Marsan): M. Trudel, M. Serré, M. Desmeules, je vous remercie de nous avoir fait connaître la position du Mouvement Montréal français sur le projet de loi n° 103.
La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures. Vous pouvez laisser vos effets dans cette salle. Merci.
(Suspension de la séance à 13 h 21)
(Reprise à 15 h 1)
Le Président (M. Marsan): À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte, et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Nous allons poursuivre, sans plus tarder, les auditions publiques sur le projet de loi n° 103, Loi modifiant la Charte de la langue française et d'autres dispositions législatives. Il nous fait donc plaisir d'accueillir les représentants de la Centrale des syndicats du Québec, M. Réjean Parent et Mme Nicole de Sève. Et nous vous demandons de nous faire une présentation d'environ 15 minutes et nous dire la position de la Centrale des syndicats du Québec sur le projet de loi n° 103. M. Parent, la parole est à vous.
Centrale des syndicats du Québec (CSQ)
M. Parent (Réjean): Merci, M. le Président. Je dirais, dans un premier temps, c'est sûr qu'en venant aujourd'hui en commission parlementaire on est un peu dominés par le paysage, depuis le début de cette commission, où il semble y avoir comme... je ne dirai pas peu d'écoute parce que je suis convaincu que vous êtes capables d'écoute, mais il semble que les dés soient pipés à l'avance. La déclaration du président... pas du président, mais du leader parlementaire qui est...
Mais, même s'il n'a pas tout à fait dit ça -- moi, j'ai l'article de M. Dutrisac -- il n'en demeure pas moins que c'est la perception qui est... Et je m'en venais dans cette séance en me disant: Bien, finalement, si, déjà, je veux dire, les décisions sont prises, peut-être qu'il faudrait que je trouve un autre sujet pour discuter avec la ministre, un point sur lequel son idée n'est pas faite. J'ai même pensé à la stratégie de M. Laliberté: un nez de clown rouge, il est allé dans l'espace pour faire parler de lui, ça fait que fort probablement qu'on attirerait l'attention.
Mais on va être sérieux. C'est effectivement une commission parlementaire, et je pense qu'on est dans des enjeux majeurs. Pour la CSQ, ce n'est pas d'hier, c'est d'avant-hier que la langue, le dossier de la langue nous préoccupe. Et, au début des années soixante, je dirais, nos premières déclarations, nos premières prises de position... Et on est dans un projet de loi qui touche intimement l'école, ça fait que, là, dans ce sens-là, on a encore peut-être plus de sensibilité que bien des groupes qui le regardent peut-être en dehors de l'établissement scolaire.
Je ne suivrai pas le mémoire. Je parlais avec Mme Charbonneau qui disait qu'elle va suivre le mémoire. J'ai dit: Suivez-le pas, je ne le suivrai pas; ça fait que je l'ai rassurée immédiatement. Je vous dirais que la logique qui nous anime, puis, bon, on peut se perdre dans les textes de loi, mais, premier élément: Est-ce qu'on reconnaît, je veux dire, le caractère français, est-ce qu'on reconnaît que le Québec est un province française ou est-ce qu'on reconnaît que la nation québécoise est française? Tu sais, on est supposés, là, d'être reconnus comme nation, ça doit s'appuyer, je veux dire, sur certains traits distinctifs.
À la CSQ, on pense que le Québec est français; c'est le Québec que nous voulons. À partir du moment où on veut un Québec français, on reconnaît le travail qui a été fait par les précédents gouvernements, indépendamment des couleurs, pour essayer justement d'assurer ce trait caractéristique francophone du Québec, cette protection de la langue, mais plus que la protection: assurer sa vivacité, assurer l'intégration, je veux dire, des nouveaux arrivants, des nouvelles arrivantes. Et, à partir du moment où on hésite sur...
Et ce caractère-là, français, n'est pas en opposition à l'anglais; on reconnaît, je veux dire, le droit des minorités linguistiques, les anglophones de souche qui proviennent d'ailleurs au Canada ou du Québec, d'avoir une protection, ce qui est d'ailleurs prévu dans la loi 101 aujourd'hui. Mais il n'en demeure pas moins que, si on veut s'assurer de cette protection-là, il y a des gens qui, au fil du temps, des gens comme vous, ont adopté et mis des droits de l'avant.
Deuxième facteur. Un coup qu'on s'est dit ça, si on... Parce que, si on part du principe que c'est aléatoire, puis finalement ce n'est pas sur une base collective, le choix de la langue d'enseignement, mais c'est sur une base individuelle, on part de loin. Mais, nous autres, on pense que c'est le rôle d'un gouvernement d'une province française que de s'assurer, je veux dire, de la qualité puis de la vivacité de la langue française.
Deuxième aspect. On dit: Est-ce que, dans le contexte actuel... Quand on met des lois, c'est pour assurer certaines garanties. Parce que, fort probablement, si ça se faisait tout seul, si on était dans un contexte autre que nord-américain, très anglophone, où il y a une attraction très puissante de la langue anglaise, on aurait peut-être moins de lois, j'en conviens. Mais, dans le cadre actuel, est-ce que le français est en pleine santé? Est-ce que le français continue d'avancer? La loi 101, je veux dire, avait posé un redressement assez majeur. On a vu, je veux dire, un transfert des écoles anglophones vers les écoles francophones de cette clientèle, je veux dire, qui provient des nouvelles arrivantes, des nouveaux arrivants, jusqu'à la fin des années quatre-vingt. Depuis le début des années quatre-vingt-dix, je veux dire, bon, la loi 101 a été passablement charcutée sous différents aspects.
Ensuite, bon, les fameuses écoles passerelles. On a beau dire que les écoles passerelles, bon, c'était insignifiant, mais on est passés de 600 certificats à 5 000 certificats. Ça fait que c'est une belle passoire qui, au fil du temps, s'est développée, à un point tel qu'un gouvernement précédent a dit: Wo! Un instant, là. Il va falloir comme mettre un cadenas sur la porte avec la loi n° 104.
Je regarde la situation aujourd'hui: que ce soient les études à Castonguay, les études du député d'en face, je ne vous dis pas qu'on est dans un cancer qui est en phase terminale, mais habituellement on n'attend pas d'être au stade 4 pour passer chez le médecin. On essaie d'être prévoyants, puis de voir venir, et dire: Oup! Il y a comme des indicateurs. Il y a des alarmes installées.
Et, dans ce contexte-là, est-ce que le projet de loi n° 103 vient finalement répondre, je veux dire, à ce nouvel afflux de transferts linguistiques vers l'anglais? Parce qu'à taux de natalité comparables entre les anglophones et les francophones, bien là, il y a une augmentation du côté anglophone qui est plus importante que ce à quoi on assistait, je veux dire, lors de l'adoption de... bien, dans les années qui ont suivi l'adoption de la loi 101.
Donc, normalement, en tout cas, on se serait attendu, comme centrale syndicale, qui est partisane -- je le disais aussi à Mme Charbonneau, nous sommes partisans du français, on ne se cache pas, on ne dira pas qu'on n'est pas partisans du français -- à ce que le projet de loi qui viendrait réponde au jugement de la Cour suprême.
Puis là, je veux dire, c'est sûr que, bon, ça, là-dessus, on n'a peut-être pas le même respect de la Cour suprême que vous avez, là. Mettons que, de ce côté-là, c'est... on pense que la tour de Pise a tendance à pencher toujours du même côté et d'appliquer une loi constitutionnelle à laquelle le Québec n'a pas souscrit. Mais il n'en demeure pas moins qu'il se pourrait que c'est la responsabilité du gouvernement du Québec de faire en sorte que le français puisse progresser, qu'on puisse s'assurer que ces transferts linguistiques se posent du côté francophone plutôt que du côté anglophone, parlant toujours des nouvelles arrivantes, des nouveaux arrivants.
Dans le contexte actuel, on pense qu'il aurait même fallu, en termes de loi, ajouter, je veux dire, que ce soit par rapport à la langue du travail... d'étendre, d'assujettir les entreprises de moins de 50 employés, d'être beaucoup plus offensif, compte tenu de ce que les études nous démontrent: qu'il y a un fort courant d'attraction de l'anglais. Puis je pense que c'est normal, dans un contexte comme dans lequel nous vivons. Donc, il faut être encore plus à l'offensive comme gouvernement.
Ce n'est pas ce qu'on retrouve, quant à nous, dans la loi n° 103. On retombe dans le cas par cas. Il y a certains projets de loi, là, de votre gouvernement qui ont tendance justement à, plutôt qu'à prendre le taureau par les cornes, y aller au cas par cas, d'essayer de justement... dans une dynamique pour heurter le moins possible, puis là on va se... Tu sais, je pense que c'est un projet qui va ouvrir, encore là, à l'arbitraire, à la contestation juridique, puis en fonction de... dans un contexte de réglementation qui va être appliquée par des fonctionnaires, sous les ordres de qui, puis dans quel contexte?
Ça fait que ça a à peu près tous les défauts, quelques qualités, là, mais, les qualités, encore là, dans une dynamique... On peut bien peinturer une chaloupe bleue, là, puis une belle couleur, mais, s'il y a quelqu'un qui pioche dans le fond de la chaloupe avec un pic, là, je veux dire, ça va faire juste une plus belle chaloupe dans le fond de l'eau. Ça fait que c'est pour ça qu'on passe plus rapidement, là, sur certains aspects positifs pour dire qu'au coeur du problème c'est de s'assurer...
Et la Cour suprême l'ouvrait, cette voie-là d'extensionner la loi 101 aux écoles anglophones non subventionnées, pour faire en sorte qu'on s'assure toujours de ce renforcement du caractère français du Québec. C'est ce que porte le mémoire, et évidemment invitant le gouvernement à renoncer au projet. Si M. Fournier le trouve équilibré, nous autres, on a peur que la chaloupe renverse. Ça fait qu'on pense qu'il devrait être carrément amendé, faire en sorte qu'on extensionne la loi 101 aux écoles anglaises non subventionnées, et, dans ce cadre-là, continuer d'avoir une préoccupation du développement, je veux dire, de notre langue dans cette province de Québec.
**(15 h 10)**Le Président (M. Marsan): Ça va? Alors, merci beaucoup. Nous allons immédiatement débuter la période d'échange, et je vais céder la parole à Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. Mme la ministre.
Mme St-Pierre: Merci beaucoup. Merci pour votre présentation. Alors, on a très bien compris votre point de vue, que vous souhaitiez que nous appliquions la loi 101 aux écoles privées non subventionnées. Ce n'est pas la position que le gouvernement a prise, et, sur cette question-là, je pense que notre idée de ne pas appliquer la loi 101 aux écoles privées non subventionnées, entre autres, parce que ça nous amènerait à la clause dérogatoire... on a décidé de ne pas prendre cette voie-là.
Nous avons devant nous le projet de loi n° 103. Est-ce que vous avez lu le projet de loi au complet?
M. Parent (Réjean): Mais oui, madame.
Mme St-Pierre: Est-ce que vous avez des commentaires à faire sur les autres aspects? Parce que le projet de loi ne parle pas uniquement... D'abord, le projet de loi interdit les écoles passerelles, ça, il faut être très, très clairs là-dessus. Sur les autres aspects du projet de loi, est-ce que vous avez des commentaires à faire?
M. Parent (Réjean): Bien, vous en retrouvez dans le mémoire, je vous l'ai mentionné. Je veux dire, on peut bien, je veux dire, mettre l'accent sur le texte introductif, le préambule qui vient consacrer ou vient déclarer, je veux dire, l'importance du français, mais, en même temps, si on parle d'un côté puis nos bottines s'en vont de l'autre côté... C'est en ce sens-là que je vous mentionne: Écoutez, il y a des aspects qui sont positifs, mais...
Mme St-Pierre: C'est pour l'enregistrement des travaux, là. Je comprends que vous l'avez écrit dans le mémoire, mais je voudrais connaître les commentaires sur les autres aspects. Là, vous parlez du fait d'écrire, dans la Charte des droits et libertés, le français. Sur la question, par exemple, des collèges et universités, à qui nous allons demander dorénavant de rendre compte de leurs politiques linguistiques, puisque vous avez quand même plusieurs membres de votre syndicat qui sont dans le domaine de l'éducation, est-ce que c'est quelque chose qui a été bien accueilli?
M. Parent (Réjean): C'est quelque chose de positif, encore avec les limites qu'on y retrouvera dans l'application par rapport au suivi. Mais, oui, c'est bien accueilli.
Mme St-Pierre: La question d'augmenter les amendes: Est-ce que vous trouvez que c'est le temps de le faire, que les amendes n'étaient pas suffisamment élevées? Parce qu'on augmente quand même substantiellement les amendes dans le projet de loi.
Mme De Sève (Nicole): ...les écoles passerelles qu'on est contre.
M. Parent (Réjean): Bien, moi, je pense que, quand vous me parlez d'amendes, d'abord, dans un premier temps, si vous posez des amendes par rapport à des écoles qui carrément seraient un subterfuge pour contourner...
Mme St-Pierre: ...pour les écoles, c'est pour... Bien, oui. En fait...
M. Parent (Réjean): Bon. Ça fait que vous...
Mme St-Pierre: ...on parle aussi des amendes dans le domaine de l'affichage, et tout ça, là. Il y a quand même... Le projet de loi, il couvre aussi d'autres aspects de la protection de la langue française.
M. Parent (Réjean): Regardez, je veux dire, encore là, je veux dire, sur le plan des amendes, sur le plan de vouloir faire appliquer la loi, tant mieux; mais, encore là, qu'est-ce qu'on va faire appliquer et comment on l'applique? Parce que, tu sais, force est de constater aussi, au cours des dernières années, que l'office est devenu un peu une coquille vide, là. Ça fait qu'on peut bien mettre des amendes, là, mais, la police de la langue, ça, ce n'est pas trop fort au Québec, là. Ça fait que...
Mme St-Pierre: Vous y allez, des fois, à l'office?
Mme De Sève (Nicole): Est-ce que je peux ajouter?
M. Parent (Réjean): Oui, tu peux ajouter...
Mme St-Pierre: Est-ce que vous y allez des fois, à l'office?
M. Parent (Réjean): Est-ce qu'on va à l'office? Bien, on suit les travaux de l'office, on suit les travaux du Conseil supérieur de la langue...
Mme St-Pierre: O.K. Est-ce que vous avez remarqué qu'on a augmenté les budgets à l'office?
M. Parent (Réjean): Est-ce que vous avez...
Mme St-Pierre: Est-ce que vous avez remarqué que les budgets ont été augmentés?
M. Parent (Réjean): Oui.
Mme St-Pierre: O.K.
M. Parent (Réjean): Non, mais, quand vous me posez ces questions-là, madame, là, vous visez quoi, là?
Mme St-Pierre: Bien, c'est parce que vous me dites...
M. Parent (Réjean): On peut parler de votre projet de loi...
Mme St-Pierre: Vous me dites que l'office, c'est une coquille vide; c'est vous qui avez ouvert la porte. On va parler du projet de loi, puis c'est pour ça que je vous posais des questions sur les autres aspects du projet de loi, pour savoir comment vous réagissiez pour les autres aspects du projet de loi.
M. Parent (Réjean): Bien, moi, j'aimerais ça qu'on parle du fond du projet de loi, qui est carrément sur les écoles passerelles. On peut se divertir sur l'accessoire... C'est pour ça que, d'entrée de jeu, je vous l'ai dit, là...
Mme St-Pierre: Oui, mais, à partir du... Oui.
M. Parent (Réjean): ...peinturez la chaloupe la couleur que vous voulez, là...
Mme St-Pierre: C'est ça.
M. Parent (Réjean): ...mais si vous êtes en train de piocher dans le fond de la chaloupe, là, on ne vous suit pas.
Mme St-Pierre: On a bien compris. Vous avez dit que, dans le projet de loi, justement, bon, ce serait décidé par des fonctionnaires. Il me semble, moi... En tout cas, ça fait trois ans que... plus de trois ans que je travaille avec la fonction publique, puis j'ai beaucoup, beaucoup d'admiration pour les fonctionnaires, puis je trouve que ce sont des gens qui travaillent très bien. Alors, quand vous dites: Ce sera des fonctionnaires, ça donne un petit ton un petit peu péjoratif, là. Vous avez quand même des fonctionnaires qui sont membres de votre syndicat?
M. Parent (Réjean): Non, je n'en ai pas, là. Mais on travaille avec les fonctionnaires, Mme St-Pierre, là, et, quand je dis: Ça va être l'application de fonctionnaires, ce n'est pas péjorativement à l'égard des fonctionnaires, c'est: Dans quel cadre? En répondant à quelles prescriptions?
J'ai beaucoup de respect pour les fonctionnaires, à un point tel que je suis contre le fait qu'on n'en remplace pas un sur deux quand ils s'en vont en retraite. Ça fait que, tu sais, ça aussi, on peut bien avoir le respect qu'on veut pour les fonctionnaires, mais je ne pense pas que j'aie de leçons à recevoir de la ministre, là.
Le Président (M. Marsan): Mme de Sève, vous voulez intervenir?
Mme de Sève (Nicole): Oui, sur le fait que: Est-ce que le mémoire pose les autres enjeux que vous mettez dans le projet de loi? M. Parent a été très clair, le projet de loi devait répondre à une question fondamentale, qui était la décision de la Cour suprême. Le gouvernement du Québec a profité de l'occasion pour introduire un ensemble d'éléments nouveaux dont certains auraient... notamment les modifications à la Charte de la langue française, à la Charte des droits et libertés, qui auraient nécessité des débats notamment avec le ministère de la Justice, qui auraient nécessité des débats beaucoup plus profonds dans la société québécoise. On ne modifie pas une charte des droits et libertés à la pièce comme ça, comme on veut.
Et là on profite d'un projet de loi sur un enjeu tout à fait particulier, ces écoles-là, pour introduire un ensemble de modifications. Il n'y a rien de pas correct de parler des droits... des obligations linguistiques des collèges et des universités, sauf qu'il faudrait être congruent sur le fait -- et ça aurait été intéressant d'avoir le ministère de l'Éducation autour de la table -- de voir aussi à ce qu'on... Actuellement, autant dans les collèges que dans les universités, il y a une ouverture de plus en plus grande à donner des cours en anglais, donc il faudrait peut-être être congruent dans ce qu'on fait.
Donc, notre propos, nous, est sur ce qui est fondamental et qui est une réponse à la loi... à la Cour suprême, donc la réponse au projet de loi n° 104. Pour le reste, nous serions très ouverts à en discuter, notamment dans une vraie réflexion sur ce qu'on veut faire avec la Charte des droits et libertés de la personne. Il me semble que c'est fondamental. Ça fait des années qu'on le demande, mais pas à la pièce, pas petit jeton par petit jeton.
Mme St-Pierre: D'accord. Vous avez parlé tout à l'heure de la décision de la Cour suprême, le... et votre appréciation de la Cour suprême du Canada. On a bien compris. Mais il n'en demeure pas moins que vous faites affaire, comme centrale syndicale, avec les tribunaux assez régulièrement. Vous avez dû avoir, au cours des années, avec votre centrale syndicale, certaines décisions qui ont dû monter jusqu'à la Cour suprême, je présume. Donc, ce sont nos institutions, et, nous, nous avons le plus grand respect pour nos institutions.
Alors, le jugement de la Cour suprême nous invite... Le jugement de la Cour suprême dit d'abord que, oui, il y a eu le phénomène des écoles passerelles puis qu'il y a des écoles qui faisaient même de la publicité pour se vanter de faire des écoles passerelles, et on le reconnaît, mais nous demande d'adopter une attitude de parcours authentique et de le présenter de cette manière-là. Donc, c'est sur ce projet de loi là que nous voulons travailler. Appliquer la loi 101 aux écoles privées non subventionnées, je l'ai répété à plusieurs reprises pendant cette commission parlementaire, je l'ai répété aussi dans les médias, nous l'avons analysé, nous l'avons analysé très sérieusement, nous avons regardé ce que ça voulait dire comme conséquences et nous avons choisi de ne pas aller vers cette voie-là, puis c'est le choix que nous avons fait pour tout ce que ça veut dire comme conséquences.
Alors donc, à partir du moment où vous avez une présentation, est-ce qu'il y a des choses que vous pourriez nous... que vous voudriez nous recommander par rapport au projet de loi qui est devant vous et que... sur lesquelles vous verriez certaines améliorations? Si on enlève... Si vous voulez qu'on se concentre sur la question de l'éducation, concentrons-nous sur la question de l'éducation et le phénomène des écoles privées non subventionnées. Est-ce qu'il y a des choses qui pourraient, selon vous, être bonifiées dans la proposition que nous faisons?
**(15 h 20)**M. Parent (Réjean): Bien, on ne souscrit pas à votre proposition, Mme St-Pierre. On pense que...
Mme St-Pierre: O.K.
M. Parent (Réjean): Puis vous nous dites que vous avez analysé puis toutes les conséquences que... On n'en voit pas autant. Fort probablement... D'abord, on ne l'a pas analysé avec vous, ça fait que les conséquences ou les appréhensions que vous avez, si vous nous les manifestez, peut-être qu'on y trouvera des clés ou des solutions.
Si on regarde les constitutionnalistes, si on regarde l'ancien ministre de chez vous, plusieurs constitutionnalistes universitaires y trouvaient une voie, là, toute tracée que d'extensionner puis sans... Mais ça, c'est une question d'interprétation. Mais je ne connais pas vos appréhensions. Il me semble que c'est une voie, dans un...
Puis je reviens toujours à la même chose, là: Est-ce que le Québec est français? Est-ce que la langue anglaise gagne du terrain par rapport au français? Devons-nous poser des gestes et posons-nous les bons? Nous autres, on pense que le cas par cas, et avec une logique marchande, avec «si tu as de l'argent pour envoyer ton enfant dans une école privée anglophone», puis avec un parcours authentique qui sera défini par réglementation à l'abri du Parlement, bien là, tu sais, c'est... Déjà là, toute la question... Je suis très sensible à ce que la Protectrice du citoyen peut vous dire, mais, en même temps, bien, on n'est pas là, on n'est pas à cette enseigne-là, là. Ça fait que pour ce qui est de...
Tu sais, c'est comme une vieille voiture, là: des fois, on peut bien mettre beaucoup de «putty» -- excusez l'expression, même si elle n'est pas française, mais je l'ai mis entre guillemets -- mais, nous, on a tendance plutôt à penser que vous devriez prendre une nouvelle voiture.
Mme St-Pierre: M. le Président, je n'ai plus d'autre question.
Le Président (M. Marsan): Ça va? Alors, je vais maintenant céder la parole au porte-parole de l'opposition officielle en matière de langue, M. le député de Borduas.
M. Curzi: Merci, M. le Président. Bonjour, Mme de Sève, M. Parent. En fait, ce que vous dites... Là, on vient d'assister à un dialogue qui commence à être récurrent, dans un certain sens. Moi, j'ai lu votre mémoire, puis je le trouvais assez cohérent. Et ce que j'aimais dans ce mémoire, c'est qu'il y avait une approche que je qualifierais de holistique. Ce qu'on sent, c'est que vous essayez, et vous le faites, et vous venez de le refaire... Dans le fond, vous dites: À partir de cette situation-là, où tout à coup un jugement vient de défaire finalement une partie très précise de la loi n° 104, mais qui était un prolongement de la loi 101, on arrive à une proposition, et ce qu'on comprend de l'esprit qui a animé le gouvernement, c'est qu'ils ont cherché à répondre, en conformité avec le jugement de la Cour suprême, à cet aspect très précis de rétrécir la passerelle pour... Donc, en ce sens-là, alors que le consensus, c'était: La passerelle, on avait un consensus qui permettait aux gens d'envoyer leurs enfants dans des écoles non subventionnées, bon, le jugement défaisant ça, on va rétrécir.
Et la réaction d'à peu près... de plusieurs des mémoires qui nous ont été présentés, c'est de dire: On ne peut pas considérer qu'en réglant ce petit problème là de cette façon-là on n'entame pas l'ensemble de la préoccupation et de l'inquiétude qu'on a. Et je pense que c'est ça, l'esprit qui vous anime dans le dépôt de ce mémoire-là, et c'est ce qui fait que votre position est assez ferme, jusqu'à un certain point. Est-ce que j'exprime bien ce que vous avez écrit?
M. Parent (Réjean): Oui.
M. Curzi: Oui? Parfait, je vais continuer. Et, à cet égard, il y a aussi eu, on pourrait s'en surprendre effectivement, que peu de gens se soient prononcés sur d'autres aspects du projet de loi. Et puis là vous venez de faire les remarques sur ces autres aspects là, et vous avez une phrase qui exprime, je pense, un peu ce que vous en pensez: «Sauf que le mérite de ces propositions -- parlant des autres propositions -- est entaché par le fait qu'elles sont introduites en même temps que les mesures visant à contourner la Charte de la langue française.» Et, en ce sens-là, vous dites: Même s'il y avait du mérite dans les autres propositions, on considère que c'est comme un accompagnement du plat principal, puis, nous, c'est le plat principal dont on ne veut tout simplement pas.
Ceci dit, dans d'autres circonstances, plusieurs de ces mesures-là pourraient être revues et discutées, approfondies. Donc, ça pourrait faire l'objet éventuellement d'un projet de loi ou de modifications à loi 101, mais en ayant... en y apportant toute l'importance qu'on veut y accorder spécifiquement.
M. Parent (Réjean): Bien, regarde, je vais rappeler la dernière commission parlementaire à laquelle on participait, sur le financement des partis et la carte électorale, où on a revendiqué de séparer ces deux dossiers-là, d'éviter, là, de mêler les cartons puis d'essayer de distraire l'attention publique en travaillant sur certains accessoires, puis d'essayer de passer à côté du coeur de la problématique. C'est carrément... C'est dans ce... où on disait: Le jugement de la Cour suprême se posait sur les écoles passerelles, on est dans un État de droit, il faut vivre avec la Cour suprême, mais, dans ce contexte-là, qu'est-ce qu'on peut faire en...
Parce que, là, j'y reviens, là, sur ces fameuses écoles, sur le parcours, puis l'application: tout ça, là, je suis convaincu, je l'ai vu dans un autre projet de loi, que ça ne réglera pas le problème, puis qu'on va avoir une foule de contestations de tous genres parce qu'on ne se campe pas, parce qu'on ne se décide pas, parce qu'on n'affirme pas de façon nette et claire le caractère français du Québec. On essaie de ménager le chou puis la chèvre, puis... en tout cas, bon, pour toutes sortes de raisons, fort probablement. Puis, bon, ça appartient à ceux qui écrivent les projets.
Mais, en même temps, j'aurais tendance à vous dire: Bien, à ce stade-ci, là, n'aurait-il pas mieux valu avoir une position ferme, une position claire, puis chacun, chacune sait où on s'en va, et éviter, je veux dire, d'avoir une autre ribambelle de contestations qui viendront amoindrir cette loi-là aussi, là? À mon avis, elle est pire que la n° 104 sur le plan de la contestation, là.
M. Curzi: Donc, non seulement vous êtes... Tout ça, je pense, c'est bien clair, là, vous êtes contre. Vous dites: Appliquons la loi 101 puis on va clarifier la chose.
Ce que j'entends aussi dans le discours, puis vous en parlez, c'est qu'il y a beaucoup d'efforts à faire au niveau de la langue de travail. Il y a aussi d'autres efforts à faire, et vous parlez, semble-t-il, dans le cas de l'Office québécois de la langue française, qu'il vous apparaît, tel que vous le percevez, vous, qu'il faudrait qu'il y ait peut-être plus de moyens et qu'on donne à l'office québécois... qu'on lui redonne un petit peu des dents qu'il a déjà eues, semble-t-il, à une certaine époque. Et donc il y a comme un effort à faire, global, sur la situation du français. Et ça, c'est la perception que vous avez, comme centrale syndicale qui est quand même bien installée dans le milieu de l'éducation.
M. Parent (Réjean): Bien, c'est plus qu'une perception parce qu'il y a des faits, il y a des données, là, qui confirment. Bon. Mme St-Pierre me parle de budget pour l'office de la langue, là. Regardez, je veux dire, les dérogations, regardez les plaintes qui ont été posées, regardez le traitement des plaintes au cours de la dernière décennie, et vous allez être en mesure de constater que ce n'est pas juste de la perception, c'est un constat que, je veux dire...
Le français, on a eu tendance à le pousser sous couvert. On a dit: Bon, c'est émotif. Ça crée beaucoup de tension. Tu sais, on essaie de passer à côté. Mais finalement, de temps en temps, la cour nous rappelle. Puis là, bien, il faut refaire le plein, puis dire: Bon, bien, c'est quelle voie qu'on veut lui donner?
Ça fait que c'est pour ça, là, que je... Je vais revenir à ce que vous dites. C'est, oui, perception, mais plus que perception. Je veux dire, il y a des données qui accréditent la perception.
M. Curzi: Oui. J'en ai rendu publiques, plusieurs de ces données-là. Il y a effectivement, actuellement, un glissement dans la grande région de Montréal qui est net, même si, au niveau des nombres... Mais, au niveau des nombres, ça commence à jouer, là. On a vu que le nombre de francophones a diminué. La langue d'usage -- des chiffres qui sont assez parlants, là -- je ne veux pas tout reprendre ça, mais grosso modo on peut dire que la langue d'usage maintenant, c'est deux francophones pour un anglophone au niveau de la langue d'usage, ce qui ne respecte pas les proportions de nombre de personnes de langue maternelle. Grosso modo, c'est ça, la situation.
Mais on en a assez abondamment parlé. Alors, quant à moi, je vais passer la parole à ma collègue. Merci.
Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Marguerite-D'Youville.
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci, M. le Président. M. Parent, Mme de Sève, merci de votre contribution. Je vais aller à l'introduction de votre mémoire, où vous énoncez, à ce moment-là, que la CSQ a contribué, au début des années quatre-vingt, je pense, à la mi-temps des années quatre-vingt, donc autour de... il y a 25 ans, à la création du conseil syndical francophone de l'éducation et de la formation et à son rayonnement sur la scène internationale.
Vous savez que la préoccupation internationale de l'image du Québec est une préoccupation dont la ministre fait part à quelques reprises dans les débats que nous avons dans cette commission parlementaire. J'aimerais vous entendre, je sais que vous arrivez déjà d'un rassemblement de la francophonie, j'aimerais vous entendre sur comment la francophonie se vit au niveau international dans les lieux que vous rencontrez, et quelle est la perception du Québec, et comment un projet de loi comme le projet de loi n° 103 aurait peut-être des conséquences sur cette image.
**(15 h 30)**M. Parent (Réjean): C'est une question... Dans vos précédentes fonctions, vous aviez le don de nous poser les bonnes questions, et vous les avez encore. Bon, d'abord, sur le plan, là, de la préoccupation internationale, moi, j'aimerais ça que le gouvernement de la ministre ait le même scrupule qu'elle a par rapport à la réputation internationale. Fort probablement qu'à toutes les condamnations du BIT au cours des cinq, six dernières années, je veux dire, on aurait trouvé vite écoute de la part du gouvernement, dire: Oups! Notre réputation internationale, parce que disons que c'est beau avoir des scrupules sur la réputation internationale, là, mais juste à penser à quelques lois, comme 43, comme 7, comme 8, et nommez-en, là...
Bon. Ceci dit, comment la francophonie se vit? D'abord, un, ne serait-ce qu'au sein du comité syndical francophone international, on retrouve les francophones hors Québec. Donc, dans le reste du pays, c'est sûr que, pour eux autres, la force du français au Québec est un enjeu fondamental. On sait que, je veux dire, il y a une intégration, une assimilation progressive. Ils mènent une lutte exemplaire, nos amis francophones du reste du Canada, mais dans un contexte où évidemment ils souhaitent un français fort au Québec parce que c'est le repère et c'est le phare. Je dirais que, bon, là, on parle de la France puis de la Suisse, on est dans un autre contexte, ou la Belgique, mais si je pense aux pays d'Europe centrale, aux pays d'Afrique, bien là on assiste à un certain recul du français puis, tu sais, à des gains de l'anglais, là. Je veux dire, qu'on pense à la Roumanie, à la Bulgarie, le Vietnam, je n'ai pas parlé de l'Asie, mais Vietnam, Cambodge, là aussi, on commence à reculer, puis l'Afrique francophone.
Ça fait que, dans ce sens-là, c'est d'avoir des institutions fortes. Je veux dire, le Québec est un phare à l'échelle de la planète. Tu sais, c'est le Québec et la France qui sont les fers de lance du comité syndical francophone. Je ne sais pas si ça répond à votre question, là, mais ça vous place dans un contexte que le dossier... Moi, ça dépasse les écoles passerelles. C'est parce que l'importance d'assurer la vivacité du français au Québec, c'est en même temps un enjeu international.
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Je comprends très bien votre position à l'effet de demander le retrait de ce projet de loi là, mais on doit quand même en discuter, de son contenu, sur certains volets, et je voudrais vous amener sur les règlements. Bien sûr, il y a un certain nombre d'articles dans le projet de loi, mais il y a aussi tout un règlement qui n'est pas contenu dans le projet de loi, qui y aura donc une autre démarche. Et j'aimerais connaître votre point de vue sur cet amoncellement de règles qui amèneront les gens qui devront décider à prendre des décisions. Et je trouve important qu'on puisse se parler de ces choses-là. Vous avez fait référence au cas par cas, vous avez fait référence à l'arbitraire, aux contestations juridiques qui peuvent s'ensuivre. Alors, j'aimerais vous entendre sur cette question-là.
M. Parent (Réjean): Bien, évidemment, comme on ne souscrit pas au fond politique, le politique que je suis n'en parlera pas, mais la conseillère de la centrale va parler des éléments techniques.
Le Président (M. Marsan): Mme de Sève.
Mme de Sève (Nicole): Oui. Nous n'avons pas abordé cette question-là pour les raisons énoncées, sauf que j'ai suivi très attentivement les travaux de cette commission, je les ai tous lus, annotés et j'ai été très sensible à une réflexion qu'a faite la représentante de la Protecteur du citoyen en faisant état qu'en mettant un règlement qui n'est pas soumis à la Loi sur les règlements et qui n'est pas soumis à l'adoption par les parlementaires, moi... ça nous pose un problème, en plus de ne pas être en accord. Comment il se fait que ce règlement-là, dès sa prépublication, va s'appliquer, qu'il n'aura pas été soumis aux parlementaires? Pour nous, juste dans sa forme, si on avait été d'accord, on n'aurait même pas pu le faire parce que c'est un déni du droit démocratique du Parlement.
Vous nous dites que vous changez les règles d'admission pour pouvoir... que des enfants fréquentent des écoles passerelles -- parce que ça en reste -- que vous cernez plus, que vous avez tout un ensemble d'indicateurs, que vous allez avoir des notes, des pointages, qualitatifs ou quantitatifs, mais tout cet élément-là, qui est une entorse à la loi 101, qu'on le veuille ou pas, n'est pas soumis aux parlementaires, n'est pas adopté. Il me semble que c'est la réponse. Donc, on ne l'a pas discuté, mais je dois avouer que ce bout-là m'a beaucoup frappée, et ça venait nous conforter, ça venait conforter notre échange pour être capables de dire: Non, ça n'a pas... Même, à sa face même, nous n'aurions pas été capables de recevoir ce règlement-là de toute façon si nous avions acquiescé, mais nous n'acquiesçons pas.
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci.
M. Curzi: ...
Le Président (M. Marsan): M. le député de Borduas.
M. Curzi: Vous parlez de l'article 25 qui effectivement soustrait la réglementation au moment où elle sera publiée dans la Gazette officielle aux 45 jours habituels de consultation.
Je n'ai pas beaucoup d'autres questions parce que, bon, disons que c'est très clair. Vous avez une phrase qui est assez dure cependant, à la fin. Vous dites, à la page 14: «Comme on peut le constater, le français, langue publique commune, est un leurre actuellement, car, comme le signale Michel Pagé: "Il se dégage de l'ensemble des documents gouvernementaux [...] que l'objectif visé par la francisation des immigrants n'est pas que ceux-ci adoptent le français comme seule langue de communication publique, mais plutôt qu'ils développent une relation préférentielle au français..."» C'est assez dur comme jugement.
Si vous aviez à inverser ce jugement, c'est-à-dire de souhaiter que le français donne lieu à une langue publique commune, que la langue publique commune soit renforcée, quelles seraient, selon vous, les grandes lignes d'une politique qui pourrait nous aider à y parvenir?
Mme de Sève (Nicole): Ce propos-là n'est pas seulement celui de Michel Pagé, c'est aussi celui de l'Institut de recherche en politiques publiques, qu'on ne pourra jamais soupçonner de parti pris pour la souveraineté du Québec ou pour... O.K.? C'est quand même quelque chose de différent. Il s'appuie... Je l'ai emprunté, mais nous l'avons déjà écrit dans nos mémoires sur notamment les niveaux de l'immigration. C'est notre expérience concrète quand on regarde ce qui se fait notamment dans la francisation des immigrants où on voit que, de plus en plus, ce qu'on demande, c'est que les personnes qui sont allophones aient une langue, je dirais, pas une langue... pas une connaissance profonde, mais une connaissance fonctionnelle de la langue. Et beaucoup de nos membres nous l'ont témoigné.
Et, actuellement, j'essaie de vérifier si c'est encore le cas, et on lui dit: Voilà, cette langue... cette connaissance-là, elle est propice à tel type de travail. Et on le voit notamment chez les ingénieurs en télécommunications. C'est vrai que majoritairement ils vont parler en anglais, mais leurs connaissances vont être souvent... on va l'évaluer sur... Ce n'est pas sur l'ensemble.
Et, pour nous, une langue, et nous l'avons beaucoup écrit dans nos mémoires sur l'immigration, ce n'est pas simplement parler, ce n'est pas simplement savoir conjuguer deux verbes, c'est aussi un mode d'expression, c'est un mode de pensée, c'est aussi ce qui transpire d'une culture. Donc, on ne peut pas penser simplement un français comme une langue de communication: Madame, je voudrais avoir mon passeport, ou: Je voudrais signer. Ce n'est pas ça, là. C'est d'être capable de pouvoir s'inscrire dans une dynamique culturelle et sociale. Donc, dans ce sens-là, vous nous demandez... C'est évident qu'il y a un accent très fort à donner sur la francisation, sur le nombre d'heures, sur le support, et particulièrement le support aux femmes, hein, on va se comprendre, le support aux femmes dans tout le processus de l'apprentissage de la langue. Mais je le redis: Quand on avait nos COFI, il n'y avait pas seulement... ou même dans nos commissions scolaires, on ne faisait pas seulement de l'apprentissage de la langue, mais de l'histoire, des valeurs, d'un ensemble d'éléments et on ne cachait pas certains pans de l'histoire.
Il me semble que c'est de ça dont il pourrait être question. Et je pense que ça, d'habitude, nous en faisons toujours état lorsqu'il y a les consultations sur les niveaux d'immigration. J'espère qu'on pourra y revenir à ce moment-là.
Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie, M. Parent, Mme de Sève, de nous avoir donné la position de la Centrale des syndicats du Québec. Et j'inviterais maintenant les représentants du Syndicat de la fonction publique du Québec à se joindre à cette table.
Et je vais suspendre pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 15 h 39)
(Reprise à 15 h 42)
Le Président (M. Marsan): Alors, nous reprenons nos travaux. Et il me fait plaisir d'accueillir les représentants du Syndicat de la fonction publique du Québec, M. Paul de Bellefeuille, vice-président national, et Mme Nicole Kirouac, conseillère.
Vous avez environ 15 minutes pour nous faire la présentation, la position de votre syndicat sur le projet de loi n° 103. Alors, la parole est à vous.
Syndicat de la fonction publique
du Québec (SFPQ)
M. de Bellefeuille (Paul): Merci. Alors, nous tenons, dans un premier temps, à remercier la commission de nous entendre et d'entendre notre mémoire. Bon, les présentations ont déjà été faites, donc je ne les ferai pas une deuxième fois.
Brièvement, vous dire que le SFPQ est composé de 40 000 ou autour de 40 000 travailleuses et travailleurs dans tous les secteurs de l'activité de l'État, principalement dans les ministères et organismes, donc relevant de la Loi sur la fonction publique.
Notre volonté, en venant ici aujourd'hui, c'est de contribuer donc positivement au débat sur le projet de loi n° 103. Pour nous, dès le départ, il s'agit de concilier la défense du français et le respect des droits individuels.
En introduction donc, je vous dirais qu'à l'automne 2009 il y a eu la décision de la Cour suprême venant invalider la loi n° 104, loi, comme on sait, qui avait été votée à l'unanimité par l'Assemblée nationale, ce qui n'est pas rien. La loi n° 104, son but était de colmater une faille dans la loi 101, qui était de permettre, bien entendu, la fréquentation de l'école anglaise non subventionnée pour passer ensuite au réseau scolaire public anglophone, ce qu'on a appelé les écoles passerelles. La Cour suprême donc, suite à son jugement, donnait un an au gouvernement pour trouver une solution. La solution trouvée par le gouvernement et mise de l'avant est le projet de loi n° 103 qui dit, entre autres, qu'il faudra fréquenter pendant trois ans l'école anglaise non subventionnée plutôt qu'un pour ensuite passer au réseau public anglophone. Mais, pour nous, ça ne change pas le problème, le problème de fond, puisque la question de fond pour le Syndicat de la fonction publique est l'intégration des nouveaux arrivants à la culture commune par l'apprentissage du français, qui nous apparaît être la pierre angulaire évidemment de cette culture commune, comme le soulignait d'ailleurs madame précédemment.
Un constat: il y a manifestement un recul de l'usage du français au Québec, y compris dans la fonction publique. Pour nous, encore une fois, l'éducation en français se doit d'être un outil d'intégration à la langue commune et officielle du Québec. La loi... donc n'abolit pas l'achat de droits d'accès à l'école anglaise, puisque c'est de ça dont il s'agit aussi, c'est la possibilité d'acheter des droits, ce qui nous apparaît quand même curieux, là, que, dans une loi, on puisse permettre l'achat de droits.
La loi n° 103 donc, encore une fois, ne s'attaque pas à la question de fond qui est l'intégration des nouveaux arrivants à la nation québécoise -- puisque maintenant on peut parler de nation québécoise puisqu'elle a été reconnue comme telle, peut-être pas dans les textes, mais en tout cas dans les discours. Notre position à cet égard est que donc la loi 101 s'applique aux écoles non subventionnées afin de réaffirmer le caractère du français du Québec en offrant l'éducation dans la langue de la majorité. Bon.
Brièvement, le contexte politique. Le projet de loi n° 103, pour nous, nous apparaît une conséquence de l'adoption de la Constitution de 1982 qui visait, entre autres choses, à désamorcer la loi 101. Et on en veut pour preuve que la Cour suprême l'a fait morceau par morceau au fil des ans, et le dernier morceau en date étant évidemment l'invalidation de la loi n° 104 par la Cour suprême. Donc, ça veut dire aussi un affaiblissement important de l'efficacité de la loi 101 comme outil d'intégration des nouveaux arrivants à la société française du Québec. Bon.
Un bref rappel: on sait qu'il y a eu une remise en cause de, entre autres, l'affichage unilingue français, qui a été suivie par la clause Canada qui, en fait, disait que le droit, pour des ressortissants canadiens venant habiter au Québec, de fréquenter les écoles anglaises tout comme la minorité historique anglophone du Québec... avec conséquence la loi 101 adoptée à l'unanimité en 1977. Ce n'est pas rien, là, quand l'Assemblée nationale adopte une loi à l'unanimité, ça veut dire quelque chose sur le plan de la démocratie et de la représentation de la volonté du peuple, selon nous. Mais elle a été donc déconstruite pièce par pièce par la Cour suprême en appui sur une constitution, rappelons-le, jamais approuvée par l'Assemblée nationale.
Les acquis de la loi n° 104, adoptée en 2002, ont eu pour effet de stabiliser le nombre d'inscriptions au réseau anglophone. Par exemple, en 1991-1992, le nombre d'anglophones poursuivant des études en anglais tournait autour de 9,5 %, autour. En 2013-2014, il y avait eu une augmentation de ce nombre à 11,42 %. Et il y avait évidemment, nous pensons, un effet et une conséquence des écoles passerelles. Après l'adoption de la loi n° 104, ce taux stagnait et s'essoufflait. L'adoption de la loi n° 103 aura donc pour conséquence de stimuler la fréquentation des écoles anglaises.
Maintenir aussi la présence des écoles passerelles dans le décor québécois politique et culturel, c'est vider la loi 101 de sa substance. En tout cas, selon nous, c'est ce qui nous apparaît. Une loi n° 103 aussi échappera au Parlement puisque dorénavant l'article 73.1 de la Charte de la langue française dirait: «Le gouvernement peut déterminer par règlement le cadre d'analyse suivant lequel une personne désignée en vertu de l'article 75 doit effectuer l'appréciation de la majeure partie de l'enseignement reçu qui est invoqué à l'appui d'une demande d'admissibilité fondée sur l'article 73.» Cela signifie que, sur recommandation de deux ministres, il sera possible de modifier en profondeur la portée de la loi et de réduire, par exemple, les exigences permettant de s'inscrire dans le réseau public anglophone.
Qu'est-ce que cela veut dire? C'est pour nous un pouvoir arbitraire de modifier le coeur de la loi 101 et d'ainsi affaiblir l'intégration des nouveaux arrivants à la majorité française, cette logique qui conduit au retour du libre choix de la langue d'enseignement uniquement pour ceux qui en ont les moyens. La loi n° 103 échappera au Parlement également par l'interprétation arbitraire de l'appareil administratif quant au cheminement authentique des élèves, donnant ainsi ouverture, selon nous, au favoritisme.
Pour nous, donc, le projet de loi doit être rejeté parce que faciliter les études en anglais encourage aussi le travail en anglais. Que signifiait «limiter l'accès à l'école anglaise», en vertu évidemment de la charte? C'était de permettre aux nouveaux arrivants de s'intégrer à la société d'accueil dont la langue est le français, la langue étant évidemment un véhicule pour accéder à la culture de cette société et de s'y intégrer.
Étudier dans une institution anglophone a un sens, soit celui d'intégrer l'élève au monde de la minorité anglophone tant sur le plan culturel que celui du travail. On en veut pour preuve une étude qui a été faite par l'Office québécois de la langue française en 2008 où 90,3 % des répondants ayant étudié en français travaillent en français contre 39,9 % ayant étudié en anglais.
En conclusion, pour nous, dans ce débat, il y a deux visions différentes pour deux nations distinctes: une vision portée par la loi n° 103, soit le règlement des problèmes au cas par cas; et, d'autre part, une vision, appuyée par de nombreuses organisations démocratiques et à laquelle le SFPQ souscrit, qui réclame un engagement ferme de la part du gouvernement en faveur de l'intégration de la majorité de la population à l'école française.
Donc, en solidarité avec d'autres organisations, le SFPQ affirme qu'il est inacceptable que la loi n° 103 puisse invalider les acquis de la loi n° 104 qui ont permis à l'école française de mettre fin à son déclin; que l'essence d'une loi ne doit pas pouvoir être modifiée par règlement; qu'il est indispensable que le Québec puisse intégrer les nouveaux arrivants à l'école française et que cette intégration doit se faire par l'application intégrale et complète de la loi 101 dans toutes les écoles du Québec, y compris les écoles non subventionnées; que le Québec a le droit, à l'image de la plupart des nations de cette planète, d'éduquer sa population dans une éducation publique dans la langue de la majorité.
La langue française au Québec est certainement la raison commune la plus déterminante, pour paraphraser le grand sociologue qu'était Fernand Dumont, pour souder et solidariser la société québécoise dans le respect des différentes cultures venues de partout dans le monde. La loi n° 103, selon nous, aura pour effet de fragmenter la société québécoise plutôt que de la solidariser autour d'une langue commune, la langue française, porteuse d'une culture commune. Alors, je vous remercie, au nom du SFPQ, de nous avoir donné l'occasion de présenter notre bref mémoire. Merci.
**(15 h 50)**Le Président (M. Marsan): Alors, merci, M. de Bellefeuille, Mme Kirouac, de nous avoir donné la position du Syndicat de la fonction publique du Québec sur le projet de loi n° 103. Nous allons immédiatement débuter notre période d'échange. Et je vais céder la parole à la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. Mme la ministre.
Mme St-Pierre: Merci. Merci pour la présentation de votre mémoire. Tout d'abord, je dois vous dire que votre mémoire comporte des similitudes avec le mémoire du Mouvement Montréal français, similitudes qui sont frappantes parce qu'il y a même des phrases, des paragraphes qui sont libellés de la même façon. C'est comme si... Enfin, ce n'est pas... C'est assez fascinant de voir ça, là. Il y a même... Dans vos conclusions, ça commence par les mêmes mots. Les mêmes phrases sont formulées de la même manière. Et la facture du rapport est la même.
Alors, on comprend que vous êtes aussi contre l'application... en fait, le fait que... Vous êtes contre le projet de loi n° 103. Vous êtes en faveur de l'application de la loi 101 aux écoles privées non subventionnées. Est-ce qu'il y a des aspects du projet de loi qui vous... si on exclut la question de l'éducation, est-ce qu'il y a des aspects du projet de loi que vous trouvez qui sont intéressants, sur lesquels vous aimeriez développer davantage?
M. de Bellefeuille (Paul): Bien, d'abord, peut-être réagir à votre commentaire, là, sur le Mouvement Montréal français. En tout cas, à ma connaissance, on... Oui, effectivement, on connaît le Mouvement Montréal français, mais il faut croire qu'on partage les mêmes valeurs et les mêmes idées, mais sans s'être consultés. On se comprend?
Alors, d'autre part, nous, du SFPQ, on a voulu y aller vraiment sur le fond, sur les principes de ce projet de loi là. Et on pense qu'effectivement la langue française, comme outil d'intégration, est déterminante non seulement parce que c'est la langue, mais parce qu'elle est porteuse de notre histoire et de notre culture. Et, en ce sens-là, de permettre à une partie de la population de faire des études en anglais, non seulement apprendre l'anglais, mais... à travers tout un système d'éducation uniquement en anglais, ça signifie adhérer à une autre culture que celle évidemment fondamentale de la majorité au Québec francophone. Ça, c'est le message qu'on veut livrer au gouvernement, et on pense que c'est important.
Si vous avez voté la loi n° 104 à l'unanimité, que même la Charte de la langue française au départ l'était, à l'unanimité, votée aussi, on pense que ça veut dire quelque chose, et vous êtes les représentants élus démocratiquement par le peuple et vous êtes là pour représenter la volonté du peuple. Et, en ce sens-là, je pense que le juridique a un rôle important à jouer, mais ce qui est déterminant, c'est la volonté politique. Et, en ce sens-là, c'est le message qu'on veut vous livrer.
Mme St-Pierre: En tout cas, pour revenir à votre rapport, vous devriez parler au rédacteur parce que c'est certainement la même personne qui l'a rédigé puis elle a certainement fait du copier-coller.
M. de Bellefeuille (Paul): Ah! Écoutez, Mme la ministre...
Mme St-Pierre: Alors, ça ne vaut peut-être pas la peine de le payer deux fois mais le payer juste une fois.
M. de Bellefeuille (Paul): Et, de toute façon, je n'étirerai pas très longtemps là-dessus, je connais personnellement la personne qui l'a rédigé, et, croyez-moi, il n'a pas besoin du Mouvement Montréal français ni d'autres organisations pour écrire en notre nom.
Mme St-Pierre: Oui. Enfin.
M. de Bellefeuille (Paul): On n'a pas fait du copier-coller. On pense...
Mme St-Pierre: Bien, vous irez lire l'autre mémoire.
M. de Bellefeuille (Paul): Il faut croire que l'ensemble des organisations représentatives en grande partie de la société québécoise aussi pensent de la même façon. On n'est pas allés chercher dans les documents du Mouvement Montréal français, croyez-moi. Mais je ferai l'inspection de ça.
Mme St-Pierre: Oui. Je vous invite à le faire sérieusement.
Le Président (M. Marsan): D'autres commentaires.
Mme St-Pierre: Alors, tout d'abord, oui, on est évidemment devant un projet de loi... Il y a plusieurs groupes, oui, on le reconnaît, qui sont venus nous dire qu'il fallait appliquer la loi 101 aux écoles privées non subventionnées. D'un côté, on nous dit que le projet de loi ne va assez loin, il faut vraiment y aller avec la solution radicale d'appliquer la loi 101 aux écoles privées non subventionnées, de mettre la clause dérogatoire. De l'autre côté, on vient nous dire que notre projet va beaucoup trop loin puis qu'on demande... même, on parle d'oxygène. Alors, nous, nous pensons que nous sommes dans une zone équilibrée, pensons que nous suivons ce que la Cour suprême du Canada nous a dit de faire et nous pensons que le projet de loi, il est légitime.
Alors, sur la question du règlement, est-ce que vous souhaiteriez que le règlement, comme l'a suggéré la Protectrice du citoyen, ça soit inclus, ce que ce que vous souhaiteriez... Étant donné que c'est le scénario que nous avons devant nous, là, et non pas celui d'appliquer la loi 101 aux écoles privées non subventionnées, est-ce que, pour vous, le règlement devrait aussi être intégré au projet de loi ou, enfin, est-ce qu'il devrait y avoir des conditions d'intégrées au projet de loi?
M. de Bellefeuille (Paul): Mais c'est-à-dire qu'on l'indique, hein, dans notre mémoire, que de déléguer une chose aussi importante par voie réglementaire à des ministres, sans revenir devant la tribune de l'Assemblée nationale, nous apparaît comme inacceptable.
Vous parlez de solutions radicales, mais je ne sais pas ce qu'il y a de radical dans l'affirmation d'un trait déterminant de la culture québécoise non seulement actuelle, mais de toute l'histoire passée du Québec. Pour moi, il n'y a rien de radical là-dedans. On l'a fait depuis longtemps, non seulement depuis les années soixante, mais même avant, puis encore aujourd'hui, et on continue de le faire. Il y a des groupes qui se mobilisent pour affirmer que le français est un des éléments déterminants, le socle de la culture par lequel passe la culture québécoise, et ça ne nous apparaît pas radical.
D'autre part, vous dites: Vous suivez la Cour suprême. Suivre la Cour suprême? C'est vous qui déterminez le droit. En échange, bien entendu, avec les juristes de toutes sortes à tous les étages, qui interprètent. C'est clair qu'il doit y avoir un dialogue. Mais, en définitive, qui décide de la règle de vie en société? C'est les politiques. Et, dans ce sens-là, suivre aveuglément ce que dit la Cour suprême m'apparaît quand même... C'est comme si vous vous dégagiez de votre responsabilité et de votre leadership politique par rapport à ce que vous devez décider pour l'ensemble du peuple qui vous a élus. Alors, voilà.
Mme St-Pierre: Je n'ai pas d'autre question, M. le Président.
Le Président (M. Marsan): Je vous remercie. Nous allons poursuivre. Et je vais céder la parole au porte-parole de l'opposition officielle en matière de langue, M. le député de Borduas.
M. Curzi: Merci, M. le Président. Bonjour, M. de Bellefeuille, Mme Kirouac. Comme la position est très claire et qu'effectivement je pense qu'on est allés à l'extrême de ce qui peut la... de ce qui la justifie, et visiblement nous sommes... et j'entends bien cet après-midi encore plus clairement que d'habitude que le gouvernement n'a pas l'intention de renoncer à son projet de loi. Pourtant, s'il y a une solution consensuelle dans ce cas-là, si j'en juge d'après l'ensemble des mémoires qui ont été déposés, c'est bien l'application de la loi 101. Alors, je le déplore, mais, comme je ne peux que le déplorer, je vais essayer juste de m'attacher à certains autres aspects qui sont liés à votre représentativité.
Vous êtes le Syndicat de la fonction publique. Et il y a eu plusieurs préoccupations et même des cas assez troublants dans l'application justement de la langue de l'Administration employée, je crois. J'imagine que vous devez représenter certains syndicats présents dans ce domaine-là. Moi, j'aimerais ça vous entendre nous parler de ça. Quels sont les échos que vous en avez ou est-ce que vous avez des constations, des conclusions ou...
**(16 heures)**M. de Bellefeuille (Paul): Effectivement, je vous donnerais un seul exemple, là, l'utilisation des nouvelles technologies, évidemment, et la langue dans l'ensemble des centres... Bon, ils portent différents noms, de renseignements, d'appels, de communications avec la clientèle, bon, mais c'est toute la même chose, là, mais il reste que tout le phénomène des boîtes vocales qui, dès le départ, parlaient anglais, donnaient cette possibilité de poursuivre la démarche en anglais. On a fait des représentations à l'intérieur des différents ministères et organismes et auprès du politique et, effectivement, il y a eu des changements qui ont été faits parce qu'il y avait un glissement important vers l'anglicisation de la fonction publique.
Et, pour nous, la fonction publique, c'est l'image même, là, je veux dire, du Québec. Tout le monde, de la naissance jusqu'à la mort, passe à travers cette machine qu'est l'administration publique. Et donc c'est important que le message soit clair, que les gens surtout qui arrivent sachent très bien qu'ici c'est le français. Et, si ce message-là est clair, et non pas ambigu parce que, woup, tout d'un coup, on veut s'adapter aux clients... Parce qu'évidemment il y a cette approche-là aussi dans l'Administration, de s'inspirer des valeurs du privé en disant: Le client est roi, donc je parlerai comme le client, quitte à parler 150 langues différentes, mais je vais le faire. Mais là, ce n'est pas, je pense, dans la mission de l'État de faire une telle chose. C'est, au contraire, de donner un message clair. Et la fonction publique doit donner ce message clair.
M. Curzi: Il y a eu même des exemples précis, parce que j'en ai -- j'avais suivi ça d'assez près -- où... Puis ça va m'amener à une question, au niveau de la langue utilisée avec les nouveaux arrivants. Il y a des applications très concrètes où les gens sont classés comme... s'ils connaissent un certain nombre ou un certain vocabulaire dans une langue ou dans l'autre, ils sont classés comme étant francophones. On a découvert qu'il y avait... On a découvert plusieurs choses: d'abord, qu'il y avait une sorte de... qu'il était assez facile d'être classé comme parlant la langue anglaise, même si ce n'était pas nécessairement la réalité. On a découvert aussi qu'il y avait des consignes qui interdisaient en quelque sorte aux fonctionnaires de pouvoir d'eux-mêmes modifier la case dans laquelle on avait installé des gens. De telle sorte que les conséquences étaient que la langue de l'Administration risquait d'être, pour toute la vie des nouveaux arrivants... s'ils avaient été identifiés comme de langue anglaise, bien, tous les documents leur parviendraient en langue anglaise leur vie durant. Donc, il y avait là, visiblement, une sorte de... Et peut-être que c'est lié à ce que vous appelez une sorte de clientélisme...
M. de Bellefeuille (Paul): Je peux en parler en connaissance de cause.
M. Curzi: Ah oui?
M. de Bellefeuille (Paul): Parce que j'ai été préposé aux renseignements à la Société de l'assurance auto du Québec avant d'être représentant syndical.
M. Curzi: Ah! Je ne savais pas ça.
M. de Bellefeuille (Paul): Donc, évidemment, j'ai été fonctionnaire de l'État et, évidemment, j'avais à communiquer régulièrement, parce qu'un permis de conduire -- pour obtenir un permis de conduire -- c'est une pièce déterminante, comme la carte d'assurance maladie. Et effectivement, les technologies, c'est magnifique, mais, en même temps, quand on donne un code au départ, ce code-là reste pour toujours. Il ne changera pas, à moins que la personne le demande ou qu'effectivement...
Il n'y a pas de directives claires par rapport à ça, de dire: Après un certain nombre d'années, on pense que la personne aura cheminé à l'intérieur d'une démarche d'intégration et parlera suffisamment la langue pour dire: Dorénavant, le code A, pour anglais, passera au code F. Il faut donc technologiquement déterminer des règles pour que ça se fasse, pour que ça soit programmé et que ça change dans un délai donné.
Parce que c'est vrai que, il ne faut pas se le cacher, là, je veux dire, il y a des gens qui arrivent ici et qui comprennent mieux l'anglais que le français, et assez automatiquement le code leur est accordé. De la même façon, pour passer des examens de conduite, par exemple, il y a toujours, évidemment, l'anglais et le français. Mais je dirais que, du côté des technologies, et pour que le message soit clair qu'après un certain temps... Je pense qu'il doit y avoir un délai raisonnable, bien entendu, mais effectivement, pour l'avoir vécu et pour l'avoir vu, quand tu donnes le code A et que j'examine le dossier donné, c'est le code A qui apparaît, il ne changera jamais, à moins que la personne...
Et même un fonctionnaire évidemment ne ferait pas de son propre chef un tel changement parce qu'en disant... En parlant en français avec la personne, visiblement, si la personne comprend, logiquement, je serais porté à dire: Bon, est-ce que je peux changer de code? Est-ce que je vais le changer? Est-ce que je vais prendre cette responsabilité individuelle de le changer? Moi, je pense que non. Il faut vraiment qu'à ce chapitre-là comme à d'autres chapitres, il y ait des directives claires qui soient données aux fonctionnaires.
M. Curzi: Est-ce que vous iriez jusqu'à... parce que ça nous a été suggéré, et c'est une idée qui est... que la francisation, par exemple, puisse s'accompagner d'une durée et qu'au bout de cette durée-là... Je pense que c'est le philosophe M. Seymour qui parlait de lier une sorte de citoyenneté... une citoyenneté à l'apprentissage ou à la connaissance... évidemment, dans la mesure où l'État s'obligerait elle-même à franciser, donc à offrir le service. Est-ce que, pour vous, ça pourrait aller... ce serait une façon d'y aller?
M. de Bellefeuille (Paul): Moi, je pense que, dans la mesure où les personnes arrivant le premier jour sont parfaitement informées quel sera le circuit qui devra être suivi à l'intérieur d'un cheminement d'éducation ou de formation, je pense qu'à terme, effectivement, on doit déterminer, de façon bureaucratique, que ça changera.
D'autre part, l'administration publique, de par la politique aussi des cibles, là, des groupes cibles, je pense qu'il y aurait place pour que l'administration publique, à l'intérieur même de l'Administration, puisse accorder beaucoup plus de cours de français aux personnes qui sont embauchées à l'intérieur de l'administration publique pour un meilleur apprentissage du français. Parce que souvent...
Bon, alors, ce n'est pas toujours évident. Mais je pense que, de ce côté-là, il y aurait aussi une piste de recherche, là, pour introduire des cours de formation non seulement à travers le système d'éducation, mais à l'intérieur même de la fonction publique et de l'administration publique pour permettre un meilleur apprentissage à la fois de la culture et à la fois de la langue, pour être au service donc des citoyens.
Parce que, pour l'avoir vécu, bon, des gens évidemment des fois me retéléphonaient pour me dire: Bien, c'est parce que je n'ai rien compris. Pas parce que les gens étaient de mauvaise volonté, là, pas du tout, mais, bon, il fallait...
Évidemment, la politique de groupes cibles, et on est d'accord avec ça, là, effectivement, la fonction publique doit être représentative de la société québécoise, mais, en même temps, on doit donner les outils à ces gens-là de pouvoir progressivement -- une première génération, puis une deuxième et etc. -- s'intégrer à la société québécoise, et pleinement.
M. Curzi: Monique?
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Oui.
Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Marguerite-D'Youville.
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci. Je voulais savoir comment vous voyez ça, l'application du règlement, les différents critères, sous la responsabilité de l'évaluation des fonctionnaires?
M. de Bellefeuille (Paul): Bien, je pense qu'il y a un haut niveau de subjectivité là-dedans et je pense que... C'est ça. Moi, en lisant le projet de loi, ce que je voyais là-dedans, c'est ça, c'est des éléments qui font appel à beaucoup d'interprétation, à beaucoup de subjectivité. Et les personnes qui auront à l'interpréter devront avoir des guides vraiment serrés et sérieux pour les aider à déterminer, éthiquement, là...
Parce que c'est une question d'éthique aussi, hein? Je veux dire, des fois, on est pris devant des situations ambiguës: Comment je fais, comme fonctionnaire de premier niveau, pour décider? Et ça, ça m'apparaît difficile, de la façon dont le projet de loi est écrit, donnant une délégation réglementaire importante à l'administration publique.
Alors, je pense que cet aspect subjectif là, à notre avis, soulève des problèmes à court et à moyen terme certainement pour les gens qui auront à le faire. Ils auront à juger continuellement. Ça leur prendra des balises très serrées pour éviter justement des glissements vers peut-être du favoritisme ou d'autres formes, là, de pouvoir arbitraire.
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci.
Le Président (M. Marsan): M. le député de Sainte-Marie--Saint-Jacques.
M. Lemay: Oui. Merci, M. le Président. Alors, bonjour, madame, monsieur. Effectivement, vous vous inscrivez dans une longue lignée, je dirais, de mémoires et de groupes parce que... et tout le monde, sans exception ou à peu près, remettent ce débat-là dans son contexte plus large, qui est, comme tout le monde le sait, l'inquiétude palpable et inquiétude qui est prouvée aussi par les chiffres du fait français au Québec.
Donc, ce n'est pas vrai, et vous le prouvez avec d'autres, que c'est juste un petit projet de loi pour une centaine de personnes annuellement. Le signal envoyé est plus important -- est très important, devrais-je dire -- que le nombre de personnes. À ce moment-là, s'il y a trois assassinats par année, bien, on va abolir le Code criminel, ce n'est pas très important. Mais ça nous mène à ça, cette réflexion-là.
Mais effectivement je pense que vous avez mis le doigt dessus, comme d'autres également, qu'on voit ça de façon plus large. Et particulièrement dans la grande région de Montréal, il y a une inquiétude, et c'est plus qu'une inquiétude, encore une fois, c'est prouvé par des études sérieuses.
Moi, j'aurais un commentaire et une question à vous faire. Je ne sais pas si vous êtes des gens familiers avec la Cour suprême, si vous y avez déjà été, dans différentes... Pas beaucoup, hein?
M. de Bellefeuille (Paul): ...
**(16 h 10)**M. Lemay: Mais ce qui m'étonne, c'est que cette fameuse Cour suprême là, qu'on ne reconnaît pas -- moi, personnellement, je n'ai pas beaucoup de respect, et, M. le Président, le respect de la commission m'empêche de dire des gros mots de ce que je pense réellement de cette cour-là -- mais il n'en demeure pas moins que c'est une cour qui théoriquement, via les différentes chartes, défend l'égalité des droits, mais qui, dans son jugement, dit clairement: Vous, les riches, très riches, vous allez pouvoir contourner une loi de portée générale. Est-ce que vous voyez les choses un peu de la même façon? Je ne parle pas des gros mots. Ça, c'est les miens et je les assume Ce jugement-là est étrange; il est paradoxal même.
M. de Bellefeuille (Paul): Bien, on le souligne dans notre mémoire: effectivement, il s'agit de permettre l'achat d'un droit. Et on est en démocratie, et c'est quand même... en tout cas, ça m'apparaît un peu incohérent avec le principe même de la démocratie qui est de permettre à l'ensemble des citoyens d'adhérer à un droit, quel qu'il soit: le droit à la santé, le droit à l'éducation. Et là on dit: Mais ils auront un droit plus égal qu'un autre, et ce sera la possibilité de l'acheter à prix fort, malgré une évaluation, etc., qui sera faite, là.
Bien, moi, effectivement, ça me met mal à l'aise parce qu'on risque peut-être -- je ne sais pas, peut-être que je suis en plein délire -- de se retrouver avec l'effet contraire. Les gens, toute la population va le demander. Ils vont dire: Pourquoi, lui, il l'a, puis pourquoi, moi, je ne l'ai pas? Bien là, ça n'a pas de sens, là, je veux dire. Il faut donc que le droit... puis on le dit, ça a un caractère universel, et on est en démocratie, je pense que ça m'apparaît...
La Cour suprême, écoutez, elle a jugé en fonction, là, du droit, de la Charte canadienne évidemment aussi, et, dans ce sens-là, moi, en tout cas... pas non seulement moi, mais le Syndicat de la fonction publique, ça nous met un peu mal à l'aise que cette possibilité-là puisse exister pour une infime partie de la population.
Mais, c'est vrai aussi, comme vous le dites, c'est un signal important envoyé dans la population, et dans les populations non seulement à l'intérieur des frontières du Québec, mais à l'extérieur aussi, parce qu'évidemment, les communications étant ce qu'elles sont, puis surtout aujourd'hui, ça voyage vite puis pas à peu près, ça va se savoir très, très rapidement qu'il y a une possibilité de cheminer à travers ce circuit-là pour éventuellement être instruit complètement culturellement à l'intérieur d'une autre culture, qui est la culture anglophone.
Le Président (M. Marsan): Ça va?
M. Lemay: Il reste-tu du temps un peu? Oui? Bon. Je pense que vous avez dit le mot clé par rapport aux règlements, parce que c'est une inquiétude aussi qu'on a, c'est que le règlement, bien sûr, il peut être adopté par le Conseil des ministres par décret, une consultation de 45 jours, mais il n'y a pas de débat public vraiment. Bon. Et ça aussi, effectivement, on trouve que ce n'est pas nécessairement... c'est loin d'être la meilleure solution.
Mais, au-delà du règlement, il reste que le fond... Parce que, si vous devez faire une évaluation, en théorie, du parcours authentique, la première condition d'une demande qui va être faite soit au ministère de l'Éducation ou à l'Office de la langue française...
C'est-u le ministère de l'Éducation qui ferait... Pardon? M. le Président, est-ce que c'est le ministère de l'Éducation qui va gérer les demandes, ces demandes-là? D'accord.
Mais la première... Dans le cadre d'une évaluation, le premier critère, en fait, et qui n'est pas indiqué nulle part, c'est justement l'argent. Parce que vous ne pouvez pas faire... Vous ne pouvez pas être évalué si vous... Puis, s'il y a des gens riches, tant mieux, là, je veux être clair, là; on s'entend que le débat n'est pas là-dessus. Mais la première évaluation à faire, dans le fond, et qui n'est jamais faite vraiment, c'est de dire: Vous avez 5 000 $, 10 000 $, 15 000 $, 20 000 $, 25 000 $ pour envoyer vos enfants à telle école. Si vous n'avez pas ça, vous ne perdez même pas de temps à faire la demande, non?
M. de Bellefeuille (Paul): Non, bien non, ça le dit: une école privée non subventionnée. Bon, écoutez, ce n'est pas donné, là, d'aller dans une telle école. Je ne sais pas combien ça peut représenter par année, mais c'est facilement sûrement 25 000 $, là, je veux dire... Je ne sais pas. Mais non subventionnée, c'est très coûteux, et ce n'est pas à la portée de toutes les bourses et de toutes les personnes, c'est clair.
Et, à partir de là, les parcours authentiques, c'est... Je peux paraître effectivement authentique dans ma volonté, dans ma démarche, mais au-delà de ça, et sans trahir les droits individuels, là... Il ne s'agit pas de ne pas reconnaître qu'il y a des droits individuels, mais il y a aussi des droits collectifs, et il doit y avoir un équilibre entre ces droits individuels et les droits collectifs. Et de laisser des individus aller dans un circuit complètement anglophone, est-ce que c'est un droit individuel ou ce n'est pas un droit accordé d'appartenir à une autre collectivité, à un... C'est ça aussi, là.
Parce que, pour le Syndicat de la fonction publique, ça ne veut pas dire de se replier. Ce n'est pas ça, là. Il ne s'agit pas de repliement sur soi, au contraire. Et je pense que, dans le système scolaire actuel, si vous voulez apprendre le mandarin, l'espagnol, le portugais, l'anglais, l'allemand, c'est possible et c'est souhaitable, parce que le Québec n'a pas à prouver quoi que ce soit à ce chapitre-là, il est très ouvert sur le monde.
M. Lemay: Ça va.
Le Président (M. Marsan): Ça va? Alors, merci, M. de Bellefeuille, Mme Kirouac, de nous avoir donné la position du Syndicat de la fonction publique du Québec sur le projet de loi n° 103. Je vais suspendre quelques instants.
(Suspension de la séance à 16 h 16)
(Reprise à 16 h 32)
Le Président (M. Marsan): Alors, merci. Nous reprenons nos travaux, et il nous fait plaisir d'accueillir les représentants du Rassemblement pour un pays souverain et M. Benoît Roy, qui en est le président.
M. Roy, je vais d'abord vous demander de nous présenter les gens qui vous accompagnent, et vous pourrez poursuivre par la suite pour votre présentation sur le projet de loi n° 103 pour une période d'environ 15 minutes. Alors, la parole est à vous, M. Roy.
Rassemblement pour un
pays souverain (RPS)
M. Roy (Benoît): Merci, M. Marsan. Mme St-Pierre, bonjour, bonjour à tous les membres de la commission. Tout d'abord, à ma droite, la deuxième vice-présidente -- votre gauche à vous -- Mme Suzanne Lambert. À ma gauche, conseiller au Rassemblement pour un pays souverain, M. Gilles Bédard. Si vous le permettez, nous avons un ordre pour présenter le mémoire, M. Marsan: ce sera Mme Lambert qui prendra la parole, et j'interviendrai un petit peu plus tard.
Le Président (M. Marsan): Alors, Mme Lambert, vous avez la parole.
Mme Lambert (Suzanne): Alors, le micro, ça va?
Le Président (M. Marsan): Ils vont très bien.
Mme Lambert (Suzanne): Vous m'entendez bien? Alors, par la présente, nous souhaitons faire connaître notre opinion à cette commission parlementaire en regard du projet de la loi n° 103 en réponse au jugement de la Cour suprême rendu le 22 octobre 2009 dernier invalidant la loi n° 104. Rappelons que la loi n° 104, adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale du Québec en 2002, comportait des alinéas ajoutés à l'article 73 modifiant la Charte de la langue française afin de mettre fin au subterfuge des écoles dites «passerelles» ou écoles privées non subventionnées, EPNS, entre parenthèses. Ces subterfuges permettaient à des étudiants inscrits à ces écoles ainsi qu'à leurs frères et soeurs et leur descendance d'accéder au réseau public de la langue anglaise, alors que la loi 101 le leur interdisait. Dans la foulée des contestations de la loi n° 104, la Cour suprême a donc encore une fois désavoué les dispositions linguistiques québécoises dûment votées démocratiquement et de façon unanime, obligeant le gouvernement du Québec à se conformer à ses décisions en matière de langue d'enseignement et d'éducation -- entre parenthèses, le projet de loi n° 103 -- un champ de compétence constitutionnelle pourtant réservé aux provinces.
Notre réflexion s'est donc inspirée de la lecture de l'arrêt de la Cour suprême du 22 octobre 2009, de l'avis écrit par le Conseil supérieur de la langue française et du projet de loi n° 103. Nous sommes conscients que le contexte dans lequel nous sommes appelés à nous prononcer interpelle des valeurs différentes et des interprétations sur lesquelles s'appuient les arguments des uns et des autres dans ce litige. Le Rassemblement pour un pays souverain est un mouvement de la société civile faisant la promotion de l'indépendance du Québec et se portant à la défense de la langue française.
La réalité sociolinguistique du Québec. Il est approprié de rappeler certains faits ayant présidé à l'adoption de la Charte de la langue française. Le Québec est depuis le début de son histoire une société de langue et de culture françaises. Les réalités géopolitiques et historiques du Québec nous ont placés dans une position de défense et amenés à légiférer à la fin des années soixante en matière de la langue d'enseignement afin que nous puissions nous épanouir et nous développer dans notre langue, coeur de la cohésion sociale et de notre identité culturelle. En raison du fait que la langue anglaise était choisie par la grande majorité des immigrants et de leurs enfants en matière de la langue d'éducation et d'enseignement avant l'adoption de la Charte de la langue française, il ne fait aucun doute que le peuple québécois aurait été en position d'anglicisation rapide et menacé de disparition si rien n'avait été fait. De plus, la langue utilisée dans les milieux de travail, en milieu urbain principalement, dès le début de l'ère industrielle était la langue des employeurs, l'anglais. Ainsi, les Québécois ne pouvaient s'épanouir dans leur langue, même s'ils constituaient la vaste majorité de la population. La réalité démographique du Québec sur le continent -- 2 % de population sur le continent nord-américain -- et de son poids démographique et politique en constante diminution au Canada constitue toujours une pression irrépressible pour les citoyens de langue française du Québec, entourés par plus de 330 millions de locuteurs anglophones. Par ailleurs, la mondialisation des échanges dans les secteurs économique, financier, industriel et commercial utilisant surtout la langue anglaise ajoute à cette pression.
La loi 101 a permis de freiner pour un certain temps l'érosion de l'assimilation et de l'anglicisation. Mais nous pouvons observer les limites de la loi 101, affaiblie par plus de 200 amendements au terme de contestations juridiques et de décisions canadiennes provenant de la Cour suprême, surnommée la «tour de Pise». Le recul du français comme langue d'usage et dans l'affichage, à Montréal en particulier, en est l'exemple le plus singulier. Le Devoir du 22 juin dernier dévoilait à ces égards un sondage Web réalisé par Léger Marketing-Association d'études canadiennes-Québec Community Groups -- je n'aime pas les mots anglais, j'ai de la difficulté avec -- Network où 90 % des Québécois francophones estimaient que la langue française est menacée à Montréal. Rarement a-t-on une quasi unanimité face à cette situation linguistique. Cependant, cette loi a toujours la cote et demeure toujours un symbole de grande fierté pour l'ensemble des Québécois, comme le soulignait un autre sondage SOM-La Presse, effectué cette fois le 24 août 2007, où près de 80 % des répondants de langue française voyaient l'impact positif de la loi 101 pour la société en général.
Compte tenu de ce qui précède et de l'état actuel de la situation, il nous est permis d'affirmer que le statut du français demeure fragile et qu'il faut prendre acte des défis à relever. Je donne maintenant la parole à M. Roy.
Le Président (M. Marsan): Alors, M. Roy.
**(16 h 40)**M. Roy (Benoît): Merci. Les écoles privées non subventionnées. Il est surprenant d'apprendre qu'une loi aussi populaire que celle de la Charte de la langue française ait pu faire l'objet de contournements par le biais de subterfuges, eu égard de l'interprétation faite par certaines personnes de façon abusive de la phrase utilisée par les tribunaux: «Peuvent recevoir l'enseignement en anglais, à la demande de l'un de leurs parents: les enfants dont le père ou la mère est citoyen canadien et a reçu un enseignement primaire en anglais au Canada, pourvu que cet enseignement constitue la majeure partie de l'enseignement primaire reçu au Canada.» Comment peut-on prétendre qu'un enfant ayant fréquenté six mois ou même un an une institution privée non subventionnée se voit reconnaître la majeure partie de l'enseignement primaire au Québec, considérant que celle-ci compte six années d'étude?
Les motivations d'un tel comportement sont facilement compréhensibles mais non excusables. Nous comprenons que ces écoles n'étaient pas assujetties à la Charte de la langue française et que la loi comportait une zone grise à leur égard. Mais ce que nous comprenons aussi, c'est qu'il s'agit tout simplement d'une manoeuvre visant à gonfler les effectifs d'étudiants dans les rangs d'institutions anglaises, subventionnées cette fois.
Même si les défenseurs de ces écoles prétendent que le résultat ne permet pas de voir une augmentation significative des effectifs dans le réseau anglophone subventionné, les calculs effectués par M. Robert Maheu prouvent le contraire et démontrent qu'il est dangereux de permettre à ces écoles de poursuivre leurs manoeuvres de subterfuges. Pour nous, il s'agit bel et bien d'un détournement de la lettre et de l'esprit de la loi 101, car l'adoption de la loi 101 en 1977 visait principalement deux objectifs: celui de promouvoir la volonté collective de vivre, travailler et d'étudier en français et celui de respecter les droits des Anglo-Québécois, mais sûrement pas de permettre à des citoyens d'accéder au réseau anglophone subventionné parce que leurs parents ont les moyens de le faire. C'est ce que les écoles privées non subventionnées ont permis et que la loi n° 104, invalidée depuis par la Cour suprême du Canada, a tenté d'empêcher.
Le projet de loi n° 103. La lecture du projet de loi nous permet d'apprendre que le gouvernement du Québec a choisi de se conformer à l'arrêt de la plus haute cour du Canada en appliquant une grille d'analyse évaluant le parcours authentique de chaque étudiant. Or, la lecture de l'avis du Conseil supérieur de la langue française nous informe que les critères d'évaluation individuelle qualitative ou d'un parcours authentique d'un étudiant prêteraient flanc à d'autres poursuites et contestations judiciaires et ne feraient qu'alourdir le processus. De plus, en pages 9 et 10, les auteurs de l'avis se servent de l'expérience de la loi 22 de 1974. En 1974, le gouvernement du Québec a de nouveau pris l'initiative d'une législation linguistique plus construite, plus élaborée, la Loi sur la langue officielle, qu'on appellera la loi 22. Ainsi, le français devenait langue officielle au Québec. Il devenait obligatoire dans l'affichage, on parlait de francisation et de langue de travail dans les entreprises, et désormais, pour accéder au réseau d'enseignement en anglais, il fallait que l'enfant ait une connaissance suffisante de cette langue. Marquant un progrès, cette loi a connu des problèmes importants de mise en oeuvre principalement pour des raisons méthodologiques. Le critère de la connaissance personnelle de l'anglais par l'enfant menait à une vérification individuelle auprès des enfants eux-mêmes, vérification dont les aspects ont pu paraître odieux.
Un peu plus loin, à la page 28, les auteurs de l'avis réaffirment le caractère subjectif et difficile de la démarche que suggère le projet de loi n° 103 conformément à l'arrêt de la Cour suprême. Force est de constater que la cour, avec cette suggestion d'analyse qualitative du parcours scolaire réel de l'élève, d'examen de la situation de chaque institution d'enseignement ainsi que de la nature et du comportement de sa clientèle, nous ramène à une démarche subjective qui a produit des résultats humains, administratifs et politiques catastrophiques pour tous entre 1974 et 1976.
Par ailleurs, ce projet de loi envoie un message douteux quant à la nature et au respect des lois: qu'il suffit d'avoir des parents plus fortunés que les autres si l'on peut s'acheter un droit contournant les règles que les autres citoyens, moins chanceux, ne peuvent faire.
Conclusion. Nous croyons que la solution ne réside pas dans un projet de loi qui se plie à la volonté de la Cour suprême du Canada. Nous croyons au contraire que notre réponse à l'arrêt de la Cour suprême doit être celle suggérée par les auteurs de l'avis du Conseil supérieur de la langue française. Nous souscrivons et appuyons entièrement toutes les recommandations du CSLF, à savoir: un, réaffirmer en tout temps notre volonté collective de vivre en français; deux, ne pas s'engager dans le dédale du parcours authentique; et trois, de soumettre les écoles privées non subventionnées à la Charte de la langue française. Cette dernière recommandation est capitale. Il faut assujettir les écoles privées non subventionnées à la Charte de la langue française afin que l'on reconnaisse certains principes fondamentaux de notre société: l'égalité des chances; l'école française, facteur de cohésion pour tous. Voilà.
Le Président (M. Marsan): Je vous remercie, M. Roy. Nous allons immédiatement procéder à la période d'échange, et je vais céder la parole à Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. Mme la ministre.
Mme St-Pierre: Merci. Merci tout d'abord d'avoir pris la peine de rédiger un mémoire puis d'être ici aujourd'hui. Nous sommes presque à la fin de cette consultation sur le projet de loi n° 103. Nous avons eu 42 mémoires au total. Plusieurs mémoires nous demandent effectivement l'application de la loi 101 aux écoles privées non subventionnées. Donc, ces mémoires-là nous disent qu'on ne va pas assez loin. D'autres mémoires nous disent que ce que nous proposons, c'est beaucoup trop sévère, beaucoup trop restrictif et que nous allons trop loin. Alors, nous recherchons l'équilibre tout en nous inspirant de l'arrêt de la Cour suprême du Canada.
La Cour suprême du Canada nous dit qu'il y a eu un phénomène d'écoles passerelles, le reconnaît, dit que nous sommes légitimes de légiférer en matière de langue française, nous dit cependant que, dans ces cas, nous devons analyser le parcours authentique.
La démarche a été faite de façon très minutieuse; on a analysé pendant plusieurs, plusieurs, plusieurs semaines les scénarios possibles. Évidemment, le scénario d'appliquer la loi 101 aux écoles privées non subventionnées a été analysé, parce que c'est vrai qu'à première vue c'est peut-être la chose qui nous saute aux yeux. On dit: Bon, bien, allons-y, puis c'est ça. Mais, quand on analyse puis qu'on regarde, il y a des conséquences à une telle décision, conséquences qui sont importantes et qui sont, entre autres, l'obligation, puisque nous allons dans une zone qu'on appelle une zone, un espace de liberté... Les conséquences sont d'être obligés d'appliquer la clause dérogatoire. La clause dérogatoire, comme vous le savez, c'est la suspension de la liberté. Ça a déjà été fait en matière linguistique, et le Québec a été à ce moment-là -- c'était en 1993 -- blâmé devant les Nations unies pour avoir appliqué la clause dérogatoire en matière d'affichage. En fait, le Québec a été blâmé, le gouvernement a été blâmé, et le Québec est signataire d'un pacte, du Pacte des droits civils et politiques, et le Canada est signataire depuis 1976, et le Québec a adhéré la même année à ce pacte. Donc, ça voudrait dire beaucoup de choses. Alors, je veux simplement vous expliquer, parce que je pense que c'est important que vous compreniez aussi le point de vue que nous avons déposé, qui est quelque chose qui a été longuement analysé.
On n'a jamais dit que notre solution était parfaite. Nous avons, depuis le début de la commission parlementaire, dit que nous étions à l'écoute des propositions qui pouvaient nous être faites. Dans le scénario où vous auriez, vous, à travailler avec... bien, à travailler... En fait, le scénario de la loi n° 103, qui est celui que nous proposons, est-ce qu'il y a des éléments dans le scénario que nous proposons, si on parle des écoles... Parce qu'il faut dire que le projet de loi n° 103, c'est aussi d'autres secteurs que... Puisque nous étions dans un exercice d'ouverture de la Charte de la langue française -- parce que ça ne se fait pas tous les jours, là, ouvrir la Charte de la langue française -- on s'est dit: Bien, allons-y avec une démarche où on va, dans certains secteurs, augmenter la protection du français. Je pense aux collèges et universités francophones, qui ont tout simplement comme obligation de se doter d'une politique linguistique mais aucune obligation de rendre des comptes. Alors, on peut bien dire qu'on a une politique linguistique, mais il n'y a personne qui va vérifier quoi que ce soit. Alors, on met ça dans notre loi, on augmente les amendes, on ouvre la Charte des droits et libertés de la personne. On pose un certain nombre de gestes, ce qui fait en sorte qu'on présente un projet de loi qui est légitime, qui est rigoureux puis qui fait en sorte qu'on pense qu'on protège encore plus la langue française. Ce ne sera jamais parfait, il faudra toujours, toujours être vigilants.
Moi, je suis une francophone très, très francophone. Je suis née sur une ferme dans le Bas-du-Fleuve dans un village, dans une municipalité fondée par mes ancêtres. Alors, s'il y a quelqu'un qui est attaché à la langue française, vous pouvez être sûrs que c'est dans mes veines, c'est dans mon sang. Mais, en même temps, je suis attachée aux valeurs de liberté aussi, et, pour moi, suspendre des libertés individuelles en matière linguistique, sur le plan de la morale, dans ce dossier-là, je trouvais, puis on trouve que c'est aller trop loin, que c'est trop radical. Donc, je fais ce long préambule parce que je pense qu'il est important, quand des groupes viennent ici, qu'ils entendent aussi, sans filtre de l'opposition ou des médias, qu'ils entendent vraiment quelle a été la discussion, quelles ont été les discussions, quelle a été la réflexion derrière tout ça. Et là je vous fais ça de façon très, très courte, parce que ça a été plusieurs mois de réflexion et de discussions.
Votre groupe -- moi, j'ai été à l'extérieur du pays pendant plusieurs années -- Rassemblement pour un pays souverain, vous êtes né en 2000. C'est ça?
**(16 h 50)**M. Roy (Benoît): Oui.
Mme St-Pierre: Est-ce qu'il y a eu un événement qui vous a amenés à créer votre organisation?
M. Roy (Benoît): C'était au lendemain de 1995. Plusieurs militants indépendantistes ont décidé de créer un mouvement pour promouvoir l'indépendance du Québec, un mouvement qui serait capable d'articuler un discours pour faire la promotion de notre idéologie politique. Donc, c'est un mouvement de société civile, ce sont des professionnels, des travailleurs, des hommes, des femmes, des jeunes, des moins jeunes qui ont un idéal politique. Cet idéal-là, nous y travaillons constamment.
Mme St-Pierre: Mais, ici, c'est marqué 2000 dans mes notes. Donc, c'est depuis 1995 que vous...
M. Roy (Benoît): Non. Bien, en fait, on s'est réunis, et le fait de penser et de songer, à un moment donné, on a passé de la parole aux actes, et nous avons fondé le Rassemblement pour un pays souverain. Et une partie de notre mandat consiste à organiser des événements à caractère historique et patriotique, dont le Gala des Patriotes, que vous entendez sûrement parler à tous les ans, au mois de mai, dans le cadre de la Journée nationale des patriotes, où on remet des distinctions patriotiques comme le Prix Louis-Joseph-Papineau. D'ailleurs, je suis très honoré que vous nous recevions ici dans cette salle à la mémoire de Louis-Joseph Papineau.
La fierté d'être Québécois, pour nous, c'est extrêmement important. Cette fierté, évidemment, prend tout son sens dans ce que nous sommes, hein, c'est sûr. Nous sommes, comme vous le disiez tantôt, Mme St-Pierre, des Québécois de langue et de culture françaises. La liberté est importante aussi. Ce sont des valeurs que nous chérissons, que nous valorisons.
Mais il faut faire attention. Souvenons-nous, il y a quelques années, quand Keith Henderson, du parti Equality, l'Equality Party, avait fait une plainte officielle aux Nations unies pour dénoncer cette loi 101 qui était à leurs yeux -- et je pense qu'ils le sont encore, c'était M. Robert Libman à l'époque -- épouvantable. Enfin, il y avait tous les mots qui avaient été utilisés à cette époque-là, et c'est une plainte officielle, forçant le gouvernement canadien et le diplomate canadien à l'ONU de prendre position en faveur du fait que le Québec est légitimé de légiférer en matière de la langue d'éducation et d'enseignement et que c'était normal, dans le contexte sociopolitique dans lequel on évolue, d'avoir une loi 101, loi 101 qui, soit dit en passant, a été... On n'est pas les seuls, hein, sur la planète qui avons des lois 101, hein? Vous le savez, il y a des États américains, de gros États, la Californie, la Floride, qui ont... des États similaires à la nôtre, sauf que leur législation fait en sorte que c'est l'anglais qui est la seule langue officielle. Donc, il est légitime d'avoir une loi 101. Pourquoi? Bien, parce que, justement, on est en position de faiblesse, démographiquement parlant, avec un pourcentage de 2 % et moins de 2 % dans toute la population anglo-saxonne de l'Amérique du Nord.
Ceci étant dit, moi, ce qui me... Vous me posez une question, Mme St-Pierre, et j'ai lu le projet de loi en entier. Il y a des choses qui semblent bien, effectivement, quand vous traitez des universités et des villes aussi, oui. Vous n'aviez pas parlé des villes, mais j'ai vu qu'il y avait quelques paragraphes qui traitaient des villes. Mais la réglementation, elle est à suivre. Et, en plus, pour avoir écouté par vidéo sur Internet d'autres présentations de mémoires, il y a des gens qui sont venus dire ici à cette commission qu'il y aurait contestation -- on n'invente pas ça, il y a des gens qui sont des experts qui sont venus ici -- que, si vous adoptez la loi n° 103, on tombe dans, je dirais, un autre cycle de contestation de cette loi.
À ce compte-là, faisons une nouvelle loi 101, une nouvelle loi, et puis renforçons le français, le caractère français. Parce que vous n'êtes pas sans savoir, étant une députée de l'île de Montréal, que le français est précaire, est dans une situation précaire. D'ailleurs, l'étude de M. Curzi, que, je pense, tout le monde ici a pris connaissance, est très claire là-dessus: le français est dans une situation précaire à Montréal. Si Montréal tombe sur le plan linguistique et démographique -- parce qu'on est en dessous de 50 % -- ça ne prend pas un cours universitaire pour savoir qu'il va y avoir des répercussions à travers les régions, que le bilinguisme va faire son entrée.
Pour nous, le bilinguisme... D'entrée de jeu, je vais vous le dire, là, je suis pour que chaque Québécoise et Québécois apprenne plusieurs langues. Sur le plan individuel, c'est important, qu'on parle l'espagnol... Tout à l'heure, j'étais impressionné. Je dois vous dire qu'on a été reçus par des gardiens qui s'adressaient en espagnol, mais dans un espagnol, Mme St-Pierre... -- c'était incroyable -- parce qu'ils avaient deux touristes qui parlaient espagnol. J'ai trouvé ça extraordinaire. Donc, je suis pour l'apprentissage de plusieurs langues. Mais, en regard de ce qui est institutionnel, je suis farouchement contre le bilinguisme institutionnel, parce qu'il a été prouvé tous les jours dans nos vies quotidiennes que le bilinguisme institutionnel peut amener des gens à parler de plus en plus anglais, et c'est comme ça que les transferts linguistiques se font. Je n'invente rien, ça a été dit, ça a été écrit même par des experts. Parce que je ne suis pas du tout un expert en linguistique ou en droit, mais il existe ce qu'on appelle les transferts linguistiques. Nous, ici, on appelle ça de l'assimilation. Même sur l'île de Montréal, il y a des francophones qui font ce transfert linguistique là parce qu'ils travaillent en anglais, écoutent la télévision en anglais, lisent les journaux en anglais; le voisin, c'est un Anglais; les amis sont des anglophones. Finalement, la ligne est mince pour qu'on passe de l'anglais pour la langue d'usage à la maison.
Pour éviter cette érosion-là, ça prend un gouvernement qui a la volonté de dire: Écoutez, oui, il y a des libertés, là, mais, oui, on a le droit de se défendre. Et, moi, je prie instamment le gouvernement du Québec actuel, avec sa ministre, Mme St-Pierre, de prendre acte, je dirais, des dangers que l'on court actuellement sur l'île de Montréal. Je travaille sur l'île de Montréal, je suis en contact tous les jours avec des communautés culturelles. Et là, écoutez, juste dans l'arrondissement Saint-Laurent, il y aurait plus de 175 communautés culturelles différentes, avec des langues différentes: vous avez des Africains de toutes les régions de l'Afrique, vous avez des Asiatiques de toutes les régions de l'Asie. Alors, tout ça pour vous dire que ça prend une volonté pour dire: Écoutez, là, vous venez au Québec, vous avez choisi de venir au Québec. Nous vous en félicitons, nous vous souhaitons la bienvenue, mais ça doit se faire selon certaines règles, et une de ces règles, c'est le français. C'est tellement vrai que, même en Angleterre, actuellement, ils choisissent leurs immigrants. Avant même qu'ils mettent les deux pieds en Angleterre, en Grande-Bretagne, il y a une présélection qui se fait, et ils leur disent: Parlez-vous anglais? Si vous ne parlez pas anglais, il va falloir, si vous voulez venir immigrer ici, que vous fassiez des efforts.
Mme St-Pierre: On le fait. On le fait, nous aussi.
M. Roy (Benoît): Oui, et c'est correct, ça, il faut le faire, ça. Mais, rendu ici, il existe ce que j'appelle un flou, un flou artistique, c'est-à-dire que l'immigrant qui arrive ici, il dit: Oui, la loi 101, c'est beau, ils veulent que je parle français. D'un autre côté, il y a le milieu du travail qui pousse et qui exige l'anglais. C'est rendu que, pour ramasser de la poussière maintenant dans le centre-ville de Montréal, il faut être bilingue. Ce n'est pas des farces, là, ça, c'est des témoignages véridiques que je vous conte, là. Alors, évidemment, l'immigrant, il n'est pas fou, lui, là, il comprend les signes: Oui, le français, c'est important, mais ça a l'air que c'est plus important de parler anglais. Moi, comme je vous ai dit, je ne suis pas contre le bilinguisme. Au contraire, on doit parler et apprendre plusieurs langues. Mais, sur le plan institutionnel, je crois qu'on a tout avantage à être très vigilants et s'assurer que le français soit une langue de vie, une langue commune pour tous. Voilà.
Mme St-Pierre: Merci beaucoup, M. le Président. Je n'ai pas d'autre question.
Le Président (M. Marsan): Oui. Merci. Nous allons poursuivre avec le porte-parole de l'opposition officielle en matière de langue, M. le député de Borduas.
M. Curzi: Merci, M. le Président. Bonjour.
M. Roy (Benoît): Bonjour.
**(17 heures)**M. Curzi: Bonjour, M. Roy. C'est bien, et vous savez à quel point nous partageons votre objectif. Nous sommes aussi des souverainistes qui travaillons ardemment à l'indépendance du Québec. Donc, à cet égard, on est tout à fait vos complices, je dirais. Mais j'aime bien vous entendre parler, parce que, malgré que ce soit dans votre nom même, ce n'est pas un argument que vous utilisez; vous utilisez la réalité. Il est sûr qu'un pays indépendant, souverain, peut-être, ne nous soumettrait pas à des jugements de la Cour suprême et aurait probablement permis qu'on conserve des consensus comme celui de la loi n° 104, dans lequel effectivement on peut dire qu'il y avait plus de libertés individuelles pour un certain groupe de personnes.
Maintenant, ce qui est clair, c'est que la majorité des gens... On parlait de 42 mémoires qui ont été déposés. Sur les 42 mémoires qui ont été déposés, il y en a 40 qui, je pense, recommandent l'application de la loi 101.
Une voix: Non.
M. Curzi: Non? Non, pas les... Non? Une majorité, une majorité, disons un grand nombre, hein, une grande majorité, un grand nombre.
Une voix: Il y en a 40 qui sont contre la loi.
M. Curzi: Qui sont contre la loi, mais une grande majorité de ceux qui sont contre la loi recommandent l'application de la loi 101, et deux s'opposent... sont d'accord avec la loi, deux sont d'accord: Vision, le réseau Vision, un réseau d'écoles privées, qui nous ont dit clairement que l'application de la loi 101 les détruirait, et l'Association des écoles privées anglophones, qui... Évidemment, pour eux, il y a là un passage direct qui leur fournirait plus d'élèves.
Mais donc ce consensus-là de la majorité, de la majorité des 40 personnes qui sont contre la loi n° 103, il y a une majorité, ils sont en faveur de la proposition d'appliquer la loi 101, ce que vous avez vous-mêmes. Et un grand nombre d'entre eux ne parlent pas ou ne sont pas... ne se sentent pas obligés d'y associer la clause dérogatoire.
Donc, on se dit, quand on cherche un consensus: Mais quels sont donc les effets collatéraux dévastateurs qui ont empêché le gouvernement... Et le gouvernement a mis huit mois de réflexion, de travail avec des gens de trois ministères, et il semble qu'on a vraiment étudié de fond en comble la proposition de l'application de la loi 101. Quels sont donc les effets dévastateurs que l'on craint en appliquant la loi 101? Et, honnêtement, je n'ai pas entendu personne, parmi les gens qui sont venus nous voir, ni de la part du gouvernement, nous décrire avec précision quels sont les effets collatéraux dévastateurs dans l'application de la loi 101. Parce que la loi 101, appliquée telle quelle, donc l'assujettissement, par la modification de l'article 73, des écoles non subventionnées, à l'article 73, clarifierait et rendrait l'application simple: vous êtes francophone, allophone, vous fréquentez le système scolaire français; vous êtes anglophone, vous fréquentez le système scolaire anglais, qu'il soit public, semi-privé, privé subventionné, non subventionné. Ça vient de clarifier.
La seule crainte qui a été exprimée par des groupes qui ne sont pas nécessairement en faveur de la loi n° 103, certains groupes anglophones, c'était ce qu'ils ont exprimé comme étant un besoin d'oxygène. Les chiffres, que je connais pour ma part puis que j'ai essayé de démontrer, ne décrivent pas une situation menaçante pour le système scolaire anglophone, mais, à long terme, le fait de ne plus avoir de transferts du système scolaire francophone au système scolaire anglophone pourrait peut-être sûrement avoir un effet de diminution de leurs clientèles. Mais ça, ça m'apparaîtrait être l'effet collatéral. Est-ce que c'est un effet collatéral sur lequel on pourrait agir par d'autres moyens? Je le crois très sincèrement, mais on n'explore pas ça parce qu'on n'est pas dans l'application de la loi 101, mais on pourrait l'être. Si donc le gouvernement décidait de retirer le projet de loi n° 103 et acceptait d'examiner et d'appliquer la loi 101, on serait donc en mesure de voir quels sont les effets collatéraux. Parce que, très franchement, on ne les connaît pas. Depuis huit mois qu'on demande au gouvernement d'appliquer cette loi 101, jamais personne ne nous a expliqué en quoi elle serait inapplicable ou désastreuse. Mais, depuis qu'on a commencé la commission parlementaire -- et vous faites partie de ces gens-là -- tout le monde vient nous parler de cohésion sociale, d'inquiétudes réelles quant au glissement au niveau de la langue et de tous les effets qui leur semblent, pour la majorité de la population du Québec, fondamentaux dans le fait d'appliquer une loi. Et tout le monde reconnaît qu'on vivait bien avant; on est obligés d'arriver vers un nouveau consensus.
Alors, en ce sens-là, votre mémoire est très clair. Il reprend les arguments essentiellement, en disant... j'irais presque dire que, votre mémoire, il démontre les choses d'une façon limpide et simple, en disant: Nous croyons que c'est cela qu'il faut faire. Et nous venons, comme citoyens, indépendamment de notre option politique, qui est l'indépendance... On réaffirme ce désir-là non seulement de préserver, mais de bonifier la langue française.
Je voulais résumer ça parce que vous êtes nos derniers intervenants de la semaine puis je trouve que, votre mémoire, il est très clair à cet égard-là. Alors, c'est le mérite que je lui accorde. Au point que je ne sais pas formuler d'autres questions à votre égard. Il me semble que c'est impossible à interroger. Mais je vous laisse quand même la parole.
Le Président (M. Marsan): M. Roy.
M. Roy (Benoît): Merci, M. Curzi. Évidemment, on a tous à coeur la langue française. Mme St-Pierre, je suis sûr que vous êtes, parmi nous tous, celle qui l'a autant que nous tous à coeur, la langue française. Mais, indépendamment de nos options politiques fondamentales, qu'on soit fédéraliste ou souverainiste, ça importe peu, il est question ici d'un peuple qui cherche à survivre.
J'ai entendu à la radio -- c'est un hasard, peut-être que vous le connaissez -- M. Christian Dufour, de l'ENAP. Tout le monde connaît Christian Dufour, un politologue. Et j'ai appris -- je ne le savais pas -- qu'il était membre du Barreau en règle. Il a déclaré, sur les ondes de 98,5 FM, à l'émission d'Isabelle Maréchal: Le jugement de la Cour suprême est un mauvais jugement, et la réponse du gouvernement Charest est une mauvaise réponse à un mauvais jugement. Et, en gros, son argumentaire était le suivant... Peut-être que vous l'avez entendu, Mme St-Pierre. L'avez-vous entendu? Ce qu'il disait, c'est que c'est une réponse, la loi n° 103, juridique à un problème juridique, alors que ça prend une réponse politique. Il voulait, autrement dit, par son argumentaire, qu'on sorte du domaine juridique pour aller... pour s'affirmer sur le plan politique.
Dans le fond, ce que le gouvernement du Québec fait actuellement, ce qu'il nous offre, là, c'est une réponse carrément qui se conforme à l'arrêt de la Cour suprême. C'est ça. Un parcours authentique, une évaluation globale, c'est ça que la Cour suprême nous dit, malgré qu'elle nous dit le fait en même temps... Elle parle, si on veut, des deux côtés de la bouche. Elle nous dit: Des écoles passerelles, ce n'est pas joli, là, hein, on n'encourage pas ça, mais, en même temps, il faut y aller au cas par cas. Et votre réponse, Mme St-Pierre, c'est une réponse juridique. On se dit: Bon, écoutez, on est dans un État de droit, la Cour suprême a parlé, allons-y avec ce que la Cour suprême nous dit de faire. On se conforme, alors que, je pense, la réponse n'est pas là. La réponse est politique. Ça prend un gouvernement qui doit dire: Un instant, là! Un instant! Les avocats, les juges, c'est beau, on est dans un État de droit, c'est vrai, mais le peuple aussi a ses droits. Le peuple a des représentants et des représentantes. Ils ont la capacité, ces gens-là, de dire: Là, c'est dans cette direction-là pour nous; pour nous, pas pour les autres.
Et je dois vous dire, Mme St-Pierre, puis je ne veux pas, je dirais, vous décevoir, que ça m'a agacé un petit peu quand vous avez déclaré à un moment donné à un journaliste que vous craigniez, je dirais, les opinions des autres à l'extérieur du Canada, de ce qu'on pourrait penser si on... J'ai trouvé ça très agaçant, très agaçant parce que, sur le plan politique, Mme St-Pierre, vous avez une responsabilité énorme sur vos épaules, là. Je vous trouve formidable d'avoir cette responsabilité-là, parce que c'est quand même lourd de porter la défense de tout un peuple, de sa langue et de sa culture. Mais, quand je vous ai entendue, je dois vous dire que j'ai baissé les yeux, j'ai baissé les yeux, je me suis dit: Non, ça, il y a quelque chose là qui... Je n'étais pas capable d'admettre qu'une de nos représentantes officielles -- vous avez été élue démocratiquement -- qui a la responsabilité de défendre la langue française, nous dise: Écoutez, si on se défend trop, là, il y a des gens à l'extérieur qui vont nous dire: Ce n'est pas correct, on n'est pas fins, on n'est pas gentils. Je pense que le politique doit reprendre sa place. Vous avez les responsabilités, assumez-les pour le bien du peuple.
**(17 h 10)**Le Président (M. Marsan): Alors, je vais céder la parole au député de Sainte-Marie--Saint-Jacques.
M. Lemay: Merci. Assez fantastique introduction, parce que c'est un peu là-dessus que je voulais qu'on poursuive, qu'on poursuive la discussion, parce que, comme le disait notre collègue, au-delà du fait qu'effectivement on est des indépendantistes, des souverainistes, au-delà de ça, j'ai aimé votre message, j'ai aimé votre dernier message. J'ai aimé votre message d'introduction aussi parce qu'on nous présente toujours comme des espèces de monstres, hein? Pas nos collègues ici, ils nous connaissent, ils savent qu'on n'est pas des monstres... Bien, peut-être quelques-unes encore, mais on va régler ça au courant des prochaines semaines. Mais c'est vrai quand même. C'est vrai, et je suis content que vous ayez amené ça, parce que, moi non plus, et de... Que le commentaire vienne de qui que ce soit... On a entendu une collègue aujourd'hui même dire, et je l'amène en toute sincérité, là: On a une tache à notre actif, et de ramener la loi 101, ça serait une tache supplémentaire.
Alors, il y a un intervenant qui est intervenu, moi aussi d'ailleurs, peut-être un petit peu trop fortement, et je m'en excuse. On a une tache congénitale de notre histoire, M. le Président. Et, moi aussi, au-delà du débat politique qui nous anime, moi aussi, ça m'énerve. En 1840, l'Acte d'Union, M. le Président, vous vous en souvenez parce que vous connaissez l'histoire... pas parce que vous étiez là, mais...
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Marsan): Merci. Merci, M. le député de Sainte-Marie--Saint-Jacques.
M. Lemay: En 1840, vous le savez, le français a été interdit. L'Acte d'Union interdisait formellement le français, M. le Président, en 1840. On a fait... Non, mais c'est l'histoire. L'histoire «canadian», là, c'est ça. Donc, ils n'ont pas de leçons à nous donner. Qui a fermé les écoles au Canada? Qui a fermé les écoles au Canada? C'est à l'extérieur du Québec, c'est en Ontario, c'est en Alberta, c'est au Nouveau-Brunswick; c'est là que les écoles ont été fermées, les écoles catholiques françaises, pendant 100 ans. Et quelqu'un est venu nous dire en pleine commission: Oui, mais, depuis 1982, elles sont maintenant protégées. Bien oui! Elles ont été fermées 100 ans.
Ma collègue me dit: C'est fini, ça, on est rendus ailleurs. Ce n'est pas vrai. L'histoire du Canada, c'est ça. Donc, c'est la minorité francophone à travers le Canada qui a été opprimée par les «Canadians». C'est ça, l'histoire. Donc, qu'aujourd'hui on nous dise qu'on a une tache, il faut faire attention à notre réputation, les Anglo-Saxons sont très habiles pour faire sentir coupables les autres, et je trouve que de répéter ça tout le temps, de ramener ça: Il faut faire attention, notre réputation, on a une tache à notre actif, je trouve que c'est toujours, ramener ça, alors que, dans l'histoire du Québec, il n'y a jamais eu d'écoles protestantes de fermées... Jamais. Honoré Mercier, un des plus grands nationalistes de notre histoire, a fait des engagements politiques très clairs que la minorité anglo-saxonne au Québec allait être respectée, contrairement aux minorités catholiques à l'extérieur du Québec.
Une voix: M. Lévesque.
M. Lemay: M. Lévesque aussi. Bref, Papineau, Louis-Hippolyte La Fontaine, c'est ça, notre histoire. Et, moi, je suis fier, M. le Président, que notre histoire soit basée sur ça, et non pas sur des fermetures d'école, et non pas sur des lois d'un Parlement qui ferme des écoles sur la base, M. le Président, de la religion et de la langue. Alors, on n'a pas ça, on n'a pas de tache dans notre histoire, au contraire.
Et, M. Roy, vous l'avez bien dit, vous l'avez dit au début aussi, je pense, que les nationalistes, les indépendantistes n'ont pas de leçons à recevoir de ce côté-là. On peut avoir un débat politique, bien sûr, sur l'avenir du Québec, mais de se sentir coupables d'exister, il me semble qu'on ne devrait plus être là, il me semble qu'on est rendus ailleurs. Et, M. le Président, j'ai insisté sur l'histoire, parce que l'histoire nous donne justement cette fierté-là, cette fierté. Indépendamment qu'on soit fédéralistes ou indépendantistes, on peut être fiers de notre histoire. On n'a pas des fermetures d'école à notre actif, contrairement à d'autres provinces du Canada qui aujourd'hui nous font des leçons de ci et de droit à tout bout de champ. C'est tannant ça, M. le Président.
Donc, je voulais demander à M. Roy: Qu'est-ce que vous pensez de ça?
Le Président (M. Marsan): M. Roy.
M. Roy (Benoît): Rapidement, oui, tout à fait, M. Lemay. Je crois sincèrement que ce que vous dites, c'est la pure réalité historique du Canada. Malheureusement pour le Canada, on n'a pas à refaire l'histoire, c'est ça. On doit prendre acte. Le fait français au Canada, je dirais, c'est une épine au pied dans le Canada. On a toujours, au-dessus de nous, ce qu'on appelle le rapport Durham, le rapport Durham qui était clair, qui est: Pour le bien-être de ce peuple, il va falloir l'assimiler par une vaste immigration massive anglo-saxonne.
Mais il ne faut pas... il ne faudrait pas s'excuser de respirer puis de vivre en français, là. Des lois linguistiques, tous les pays... Si, nous, on est racistes parce qu'on veut imposer le français, parce qu'on aime... on voudrait être inclusifs au point que tous les nouveaux arrivants au Québec partagent cette langue avec nous, à ce moment-là, il y a 7 milliards d'êtres humains qui sont sur la terre qui sont racistes. On ne serait pas les seuls, hein?
C'est normal de le faire, il ne faut pas en avoir peur et, à défaut de réaliser l'indépendance du Québec, qui nous mettrait à l'abri évidemment politiquement et démographiquement des périls que nous vivons actuellement, il faut avoir le courage, il faut avoir le courage, et, ça, Mme St-Pierre, c'est à vous que je m'adresse parce que c'est vous la responsable de ce dossier-là, il faut avoir le courage d'assumer ce que nous sommes et du rôle que vous jouez ici à l'intérieur de la société. Je vous demande de tenir bien haut cette flamme, de faire en sorte que, oui, les anglophones ont le droit de vivre, et personne ici autour de la table, même pas des indépendantistes, qui sont, je dirais, des purs, les purs et durs, des gens qui sont catégoriques, ne voudrait brader ou négocier des droits linguistiques aux anglophones, ce n'est pas ça du tout. Les anglophones ont des droits historiques, nous le reconnaissons, c'est clair, on ne discute même pas ça, sauf que, nous, francophones d'Amérique, nous devons nous protéger. Ce n'est pas la langue et la culture anglaise qu'il faut protéger en Amérique du Nord, mais bien la langue et la culture française. Avec les responsabilités qui nous incombent, il faut faire en sorte que cette langue puisse non seulement vivre, mais s'épanouir et être adoptée par tous et toutes.
Le Président (M. Marsan): Merci, M. Benoît Roy, Mme Suzanne Lambert, M. Gilles Bédard, pour nous avoir fait connaître le point de vue du Rassemblement pour un pays souverain sur le projet de loi n° 103.
Et, sur ce, la commission ajourne ses travaux au mardi 28 septembre, à 10 heures, afin de poursuivre son mandat. Merci et bon retour.
(Fin de la séance à 17 h 17)