(Onze heures trente-huit minutes)
Le Président (M. Marsan): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Et je demande à toutes les personnes de la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 103, Loi modifiant la Charte de la langue française et d'autres dispositions législatives.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Deltell (Chauveau) en remplacement de Mme Roy (Lotbinière).
Le Président (M. Marsan): Alors, c'est fait. Je vous remercie. Avant de commencer la présentation de nos invités du Mouvement Montérégie français, je vais laisser la parole à Mme la ministre de la Culture et des Communications et de la Condition féminine. Mme la ministre.
Mme St-Pierre: Merci, M. le Président. Alors, je veux saluer nos invités. M. le Président, je dois m'absenter pour environ cinq à 10 minutes. Alors, pour ne pas que les travaux soient retardés, je vous invite à poursuivre les travaux. Mon adjoint parlementaire est ici. Et, lorsque je reviendrai, je pourrai reprendre le fil des événements. Alors, je m'excuse pour ce contretemps. Merci.
Auditions (suite)
Le Président (M. Marsan): Je vous remercie. Nous allons immédiatement demander au représentant du Mouvement Montérégie français, M. Michel Gagnon, de nous présenter les gens qui l'accompagnent et de débuter la présentation pour une période qui ne devrait pas dépasser 15 minutes. La parole est à vous, M. Gagnon.
Mouvement Montérégie français
M. Gagnon (Michel): Seulement pour vous informer, c'est Mme Cloutier qui fait la présentation.
Le Président (M. Marsan): Pouvez-vous répéter?
M. Gagnon (Michel): C'est Mme Cloutier qui va faire la présentation pour le mouvement.
Le Président (M. Marsan): C'est Mme Cloutier qui vous accompagne? Elle est la vice-présidente?
M. Gagnon (Michel): C'est ça.
Le Président (M. Marsan): Et monsieur?
M. Gagnon (Michel): Pierre Pichette.
Le Président (M. Marsan): M. Pierre Pichette, qui est conseiller au dossier, qu'on me dit.
M. Gagnon (Michel): C'est ça. Oui.
Le Président (M. Marsan): Alors, ça nous fait plaisir de vous accueillir. Mme Cloutier, vous avez la parole.
**(11 h 40)**Mme Cloutier (Luce): Merci beaucoup. Mesdames messieurs, honorables membres de la commission, alors j'allais faire les présentations, c'est déjà fait: M. Michel Gagnon et Pierre Pichette, du Mouvement Montérégie français et, moi, vice-présidente du mouvement.
L'organisme Montérégie français aimerait remercier les membres de cette consultation générale sur le projet de loi n° 103 pour l'occasion qui lui est donnée de pouvoir se faire entendre.
Notre présentation comportera trois parties: tout d'abord, un aperçu du Mouvement Montérégie français de même qu'un résumé de la situation linguistique en Montérégie; la deuxième partie présentera notre position quant aux articles principaux de la loi n° 103; et finalement une proposition visant à améliorer la capacité des milieux municipaux et régionaux relativement au suivi des lois linguistiques.
Le Mouvement Montérégie français a été créé au printemps 2009. Le mouvement est né de la collaboration avec divers intervenantes et intervenants de la société civile désireux de travailler à la protection de la langue française.
L'association oeuvre en Montérégie et a pour objectif de défendre et de promouvoir le français en Montérégie, de participer à l'accueil des nouveaux arrivants, et d'identifier les différentes problématiques, et de lancer un appel à la mobilisation et à l'action.
En quelques mots, voici certaines caractéristiques de la région montérégienne. Selon le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles du Québec, la Montérégie a accueilli 8,5 % des immigrants au Québec entre 1997 et 2006. Ils ne représentent aucunement un bloc homogène.
Certains éléments qui façonnent le visage de la Montérégie commandent une certaine vigilance afin de faciliter le développement d'une culture civique francophone, dont la situation géographique, la proximité de Montréal et des États-Unis, la présence d'enclaves anglophones dans certains secteurs de la région, la dispensation de cours d'anglais dans des cégeps de langue française et le nombre grandissant d'allophones et de francophones inscrits dans des cégeps anglophones.
Selon le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles, 28 918 immigrants ont été admis entre 1997 et 2006 en Montérégie, dont la situation linguistique était la suivante: 26,3 % parlaient le français seulement; 24,4 % parlaient le français et l'anglais; 14,1 % parlaient l'anglais seulement; et 35,3 % ne partaient ni le français ni l'anglais.
Aussi, la Montérégie comporte également 15 villes aux statuts de ville reconnue bilingue. De ces 15 villes, une seule, soit la ville d'Hudson, avec une majorité de 66,17 % d'anglophones, peut justifier légalement son statut bilingue. Toutes les autres sont dans l'illégalité quant au maintien de leur statut bilingue, et ce, sans mentionner celles qui sont en voie d'anglicisation, telle la ville de Brossard avec seulement 50,19 % de francophones et 36,43 % d'autres langues, selon Statistique Canada 2006.
En présentant ce mémoire, l'organisme Mouvement Montérégie français espère contribuer au débat concernant la meilleure façon de promouvoir le français comme langue d'éducation nationale au Québec et aussi contribuer au développement de la capacité des organismes municipaux à assurer la défense et la promotion de la langue française.
Maintenant, en ce qui concerne notre position quant au projet de loi n° 103, face à une situation où il a été démontré que le français régresse non seulement à Montréal, mais aussi dans ses régions -- les couronnes limitrophes -- et au Québec, et considérant que l'éducation en français constitue le meilleur outil d'intégration à la langue commune, il faut oser des solutions un peu moins pusillanimes.
L'organisme Montérégie français croit que la loi n° 103, telle que proposée, ne règle en rien le problème de l'achat de droits à l'école anglaise et qu'elle ne fait que rendre un peu plus difficile et arbitraire ce processus. L'organisme croit que le gouvernement aurait dû imposer la loi 101 aux écoles non subventionnées et réaffirmer que le Québec est une nation française et que l'éducation de la langue de la majorité est un sine qua non à sa survie.
En effet, si le gouvernement ne prend pas ses responsabilités politiques et historiques, la chute du français comme langue maternelle et d'usage au Québec se poursuivra. Des mesures audacieuses doivent donc être appliquées, et malheureusement la loi n° 103 faillit à cette tâche.
L'article 73.1 de la loi n° 103 stipule que «le gouvernement peut déterminer par règlement le cadre d'analyse suivant lequel une personne désignée en vertu de l'article 75 doit effectuer l'appréciation de la majeure partie de l'enseignement reçu qui est invoqué à l'appui d'une demande d'admissibilité fondée sur l'article 73». Les représentants de la population n'auraient pas la possibilité de s'opposer à de telles modifications par un vote à l'Assemblée nationale. Ce pouvoir arbitraire de la loi n° 103 de modifier l'élément le plus important de la loi 101, qui est l'intégration des nouveaux arrivants à la majorité francophone, laisse entrevoir la possibilité de nouveaux reculs du français au Québec. Cet arbitraire nous semble dangereux et susceptible d'entraîner des dérapages. Plutôt que d'instaurer une loi juste s'appliquant à tous les citoyens, le gouvernement propose de régler les problèmes au cas par cas, ce qui ne peut qu'ouvrir davantage la porte aux abus et aux accusations de favoritisme.
Notre proposition quant aux municipalités. Dans le cadre de ce qui précède, donc de notre refus de la loi n° 103 telle que présentée, et un peu naïvement dans le cadre d'une nouvelle loi 101 qui retrouverait sa pureté d'origine, nous aimerions ci-dessus proposer un encadrement régional des mesures d'application de cette nouvelle loi par les conférences régionales des élus et les municipalités régionales de comté.
Dans son chapitre VI, sur les politiques linguistiques des organismes municipaux, aux articles 156.1, 156.2 et 156.3, le gouvernement entend responsabiliser les municipalités quant à l'application et au suivi de ses politiques linguistiques. Les municipalités du Québec, à elles seules et prises isolément, n'ont pas et n'auront jamais cette capacité. Si on voulait noyer le poisson, on ne s'y prendrait pas autrement.
Par contre, dans le cadre d'une loi 101 améliorée et conséquente en ce qui a trait à la défense et à la promotion du français, nous aimerions contribuer au débat en présentant ce à quoi pourraient ressembler certains de ces éléments d'application relativement aux organismes municipaux. Ainsi, il conviendrait de mieux utiliser les structures politico-administratives régionales, les CRE, les MRC, afin de se doter d'une politique régionale de protection, de développement linguistique du fait français en région, d'y allouer les budgets conséquents de même qu'un pouvoir réglementaire ad hoc.
Il conviendrait d'étendre les prérogatives ci-dessus des pouvoirs municipaux régionaux à la surveillance du fait français dans les lieux d'enseignement, de travail, d'affichage public et de promouvoir une langue publique correcte. Un des ces mandats serait de tracer un portrait de la situation linguistique de la région, de maintenir à jour et de développer des bases statistiques relatives au fait français et, par la suite, d'y développer un plan d'action contenant une série de mesures basées sur les besoins linguistiques de la région. Un second mandat consisterait à prévoir des structures permanentes efficaces et bien financées pour assister les nouveaux arrivants et faciliter leur insertion sociolinguistique et socioprofessionnelle.
Il conviendrait également de réglementer le statut des villes bilingues, dont 15 sur 16 en Montérégie sont en situation d'illégalité quant audit statut de ville bilingue. Il conviendrait de prévoir des solutions concrètes et immédiates en ce qui a trait aux villes en voie d'anglicisation, compte tenu de la présence d'allophones non francisés et d'enclaves anglophones en Montérégie. Pour n'en nommer que quelques-uns, mentionnons la ville de Brossard et l'arrondissement de Greenfield Park, à Longueuil. Par exemple, Brossard est la ville, hors de l'île de Montréal, ayant la plus haute proportion de population immigrante au Québec. Il conviendrait également d'impliquer les structures régionales dans la surveillance de la dispensation de cours en anglais dans le système d'éducation, dont au niveau des cégeps francophones.
En conclusion, on sait que, dans le débat actuel concernant la meilleure façon de répondre à la Cour suprême du Canada, il y a: un côté, qui est porté par la vision de la loi n° 103, qui répond minimalement à la décision de ladite cour et qui entend régler les problèmes au cas par cas; un autre côté, qui est représenté par de nombreux citoyens, chercheurs et organisations auxquels le Mouvement Montérégie joint sa voix, à ceux qui réclament un engagement plus ferme de la part du gouvernement en faveur de l'intégration de la population à l'école française et à la mise en place des ressources et de capacités régionales pour la défense et la promotion du français.
L'organisme Montérégie français affirme: qu'il est inacceptable que la loi n° 103 puisse invalider les acquis de la loi n° 104 qui ont permis à l'école française de mettre fin à son déclin; que l'essence d'une loi ne peut être modifiée par règlement; qu'il est indispensable que le Québec puisse intégrer les nouveaux arrivants à l'école française et que cette intégration doit se faire par l'application intégrale et complète de la loi 101 dans toutes les écoles, y compris les écoles non subventionnées; que le Québec doit et a le droit légitime, à l'image des nations du monde, d'offrir à sa population une éducation publique dans la langue de la majorité; que, dans le cadre d'une politique et d'une nouvelle loi linguistique, les structures politico-administratives régionales se voient confier un mandat élargi et conséquent quant à son application, qu'il leur soit donné la capacité et les ressources nécessaires pour ce faire.
Pour terminer, nous aimerions souligner que, tout au long de cette commission, on a beaucoup parlé de liberté de choix de la langue d'enseignement. On a toutefois oublié de lier ce concept de liberté à celui d'égalité qui lui est généralement accolé. Ce que l'on prône ici, c'est la liberté des riches d'acheter un droit à l'école anglaise; ce n'est pas égalitaire et, de plus, c'est antidémocratique. Merci.
**(11 h 50)**Le Président (M. Marsan): Je vous remercie, Mme Luce Cloutier, vice-présidente du Mouvement Montérégie français. Nous allons immédiatement débuter la période d'échange. Et j'invite l'adjoint parlementaire à la ministre de la Culture et des Communications à prendre la parole. M. le député de Lévis.
M. Lehouillier: Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, je voudrais vous féliciter pour la présentation de votre mémoire et de prendre la peine de venir devant cette commission.
Alors, moi, ce que j'avais comme première question peut-être, c'est que... et là j'essaie de comprendre un peu la suite logique des choses, c'est que, depuis l'adoption de la Charte de la langue française, en 1977, il a toujours été possible au Québec de fréquenter une école anglaise privée non subventionnée. Et ça a été la volonté à la fois du Dr Laurin, de M. Lévesque, etc. Et, plus récemment, M. Bouchard, le premier ministre, disait que l'utilisation de la clause dérogatoire «mettrait de côté les droits fondamentaux de notre charte pour quelque solution que ce soit en matière linguistique. Il faut chercher une autre solution», disait-il en 1996.
Donc, ma première question, c'est: N'y a-t-il pas lieu de poursuivre dans cette lignée-là et de préserver cette espace de liberté là que nos prédécesseurs ont voulu conserver? Et qu'est-ce qui fait que vous arrivez avec cette solution-là par rapport au projet de loi sur la table?
M. Gagnon (Michel): Écoutez, à ce que j'ai compris, lorsque ça a été fait, lorsque la loi 101 permettait les écoles passerelles, c'était pour des cas vraiment spéciaux, des gens qui venaient travailler au Québec et puis les enfants avaient étudié en langue anglaise. Ce qu'on a compris, c'est que des gens se servaient, je dirais, des écoles passerelles comme moyen détourné. Puis c'est pour ça, je pense, que le gouvernement, vous avez... bien, dans le fond, l'Assemblée nationale, vous avez émis la loi n° 104 en mars. Elle a été déboutée en Cour suprême.
Donc, étant donné que ça, ça a été débouté, on pense que ça ne peut plus s'appliquer. On demande donc d'implanter la loi 101 à l'ensemble. Puis je ne crois pas, si on peut dire, qu'une nation... Il y a au plus... je crois, c'est 193 pays dans le monde qui ont une politique linguistique. Et, au Danemark, on enseigne en danois, en Islande, en islandais; je ne vois pas pourquoi le Québec n'enseignerait pas en français. Et je ne touche pas aux minorités linguistiques dans ce cas-là, au niveau des anglophones avec les écoles publiques.
M. Lehouillier: Mais, moi, j'ai quand même une question. Avez-vous regardé le projet de règlement touchant la loi n° 103? Avez-vous eu l'occasion de le feuilleter? Parce qu'il y a des gens qui sont venus nous dire aussi, et c'est l'objectif... L'objectif du gouvernement, c'est de continuer à empêcher les écoles passerelles. Elles sont interdites actuellement. Et, de la façon dont le règlement est fait, ça a justement pour effet d'empêcher les écoles passerelles. Donc, à toutes fins utiles, si on testait ce règlement-là demain matin, si on l'appliquait, il n'y en aurait pas, d'écoles passerelles.
Alors, comment vous réagissez à ça? Autrement dit, s'il y avait un moyen autre que celui d'utiliser la clause et l'application donc intégrale de la loi, est-ce que vous seriez ouverts à regarder ça, dans la mesure où on élimine la problématique des écoles passerelles?
M. Gagnon (Michel): S'il y a des moyens autres, oui, on peut analyser. On verra puis on se prononcera sur ces moyens autres qui existent. Là, présentement, je ne peux pas vous répondre, il n'y en a pas, de moyens autres.
M. Lehouillier: Et, d'après vous, est-ce que... Vous l'avez regardée, la réglementation qui est proposée avec la loi. Est-ce que, d'après vous, cette réglementation-là... Vous l'avez regardée?
M. Gagnon (Michel): On l'a regardée. C'est pour ça d'ailleurs qu'on vous propose justement une façon différente d'agir avec les municipalités. Donc, on a analysé... En tout cas, on n'est pas des juristes, là, mais on a analysé selon notre connaissance.
M. Lehouillier: O.K. Alors, qu'est-ce que vos juristes vous disent par rapport à ce projet de règlement?
M. Gagnon (Michel): On n'a pas de juristes. On n'a pas les moyens d'avoir des juristes.
M. Lehouillier: Non, mais... O.K. Mais quels sont les motifs qui font... Vous m'avez dit que vous avez regardé le projet de réglementation. Qu'est-ce qui vous fait dire que ce n'est pas adéquat? C'est quoi, les éléments dans le projet qui vous font dire que ce n'est pas adéquat?
M. Gagnon (Michel): Bien, présentement, en tout cas, ce qu'on constate, on laisse la possibilité à des personnes qui vont avoir le moyen de se payer une école passerelle pour ensuite venir au public; c'est ce qu'on voit. Écoutez, si ce n'est pas vrai, là, j'interprète mal les documents, de un.
De deux, vous dites aussi que le ministre va avoir priorité... bien, il va avoir le privilège de pouvoir demander à une municipalité de développer une politique linguistique pour son territoire. Nous, on dit: Non. Le nombre de municipalités... en tout cas, je parle pour région. Une ville comme Montréal, Québec, c'est différent, Longueuil... pas Longueuil, mais, mettons, Laval, ce sont de grosses villes, de grandes villes, mais les petites municipalités n'ont pas les moyens. C'est pour ça qu'on réfère, nous, soit aux CRE ou aux MRC.
M. Lehouillier: O.K.
M. Gagnon (Michel): Donc, on vous ouvre une porte déjà, là, hein, à la loi n° 103.
M. Lehouillier: O.K. Donc, si je conclus sur ce volet-là, s'il y avait quand même un projet de règlement qui permettrait ou qui, selon vous, démontrerait qu'on élimine les écoles passerelles, vous seriez quand même ouverts à cette solution-là, si je comprends bien?
M. Gagnon (Michel): Bien, il faudrait le voir. Il faut le voir. Moi, je dis: Il faut le voir.
M. Lehouillier: Alors, ma deuxième question touchait le volet des municipalités. Vous dites dans votre mémoire que les municipalités n'auraient pas la capacité de se doter d'une politique linguistique et d'en faire rapport périodiquement à l'Office de la langue française. Qu'est-ce qui vous amène à dire ça finalement?
M. Gagnon (Michel): Si on arrive à des municipalités de 1 200, 1 500 personnes, même 5 000 personnes, c'est des coûts additionnels. Je vois mal une petite municipalité être capable de développer seule son dossier. C'est pour ça qu'on réfère avec les CRE qui sont... que ça fait même partie de leur... Si vous regardez la structure politique des CRE, ça fait partie de leur mandat. Ça fait que, donc, ce qu'on vous dit: Utilisez les structures existantes et servez-vous-en. On ne demande pas de créer d'autres structures, on vous dit: Utilisez ce qu'il y a là. Et ça fait un tampon aussi entre les citoyens et l'office ou le gouvernement. On se trouve quand même au niveau régional, ce qui se trouve aussi plus près des citoyens eux-mêmes. C'est pour ça que c'est une solution qu'on propose, qu'au niveau de la conférence régionale des élus, il pourrait y avoir une équipe en place qui pourrait s'occuper des lois linguistiques et de leur application.
M. Lehouillier: En ce qui concerne... parce que, moi, j'ai été élu municipal dans une municipalité d'assez grande importance, donc à Lévis, et neuvième ville. Alors donc, je vous pose la question, à savoir: Est-ce que, dans les grandes villes, on pourrait quand même être proactif? Parce qu'on sait que, souvent, les conférences régionales des élus ou les organismes suprarégionaux ont peu d'emprise sur les grandes municipalités; je parle en termes clairs. Est-ce que vous verriez d'un bon oeil qu'on l'applique au moins au niveau des grandes municipalités, des municipalités qui ont la capacité, là, comme vous dites, là?
M. Gagnon (Michel): On a parlé des CRE, on a parlé aussi des MRC, ce n'est pas à nous de dire quelles, mais ce qu'on dit: Servez-vous des instances qui existent, régionales, pour rapprocher, je dirais, du citoyen les décisions.
M. Lehouillier: O.K. Alors, moi, j'ai fait le tour pas mal pour ce volet-là. Est-ce que mes collègues, M. le Président, auraient des questions?
Le Président (M. Marsan): Il ne reste presque plus de temps. Très rapidement. Un commentaire peut-être?
M. Pigeon: Oui. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Marsan): M. le député de Charlesbourg.
M. Pigeon: Merci. Je regardais le projet de loi puis j'avais quelques questions, mais je comprends que donc le temps a passé vite, là; c'est ça que je remarque. Mais qu'est-ce qui vous amène à réfléchir particulièrement aux municipalités? Pouvez-vous juste me rappeler, je dirais, l'organisation, là, des gens qui travaillent avec vous puis qu'est-ce qui vous amène plutôt à penser ça? Vous êtes un mouvement pour la francisation, etc., la défense du français?
M. Gagnon (Michel): Oui, bien, un mouvement pour la francisation. On parle de la Montérégie. Je ne me souviens pas du nombre exact de municipalités qu'il y a dans la Montérégie. Donc, on doit penser municipal, là. On est une région, une grande région, un grand territoire.
M. Pigeon: O.K. Donc, vous vous donnez en quelque sorte la mission de penser pour les municipalités. Mais vous...
M. Gagnon (Michel): ...les municipalités, on pense aux municipalités.
M. Pigeon:«Aux», vous pensez «aux». Alors là, je comprends. Mais, je veux dire, vous ne les représentez pas en tant que tel?
M. Gagnon (Michel): Non, non, non, du tout.
**(12 heures)**M. Pigeon: Non, non. Parce que le projet de loi, moi, quand je le regarde, je pense, c'est l'article 156.2... Bon, à 156.1, l'organisme municipal, là, doit avoir une politique, en fait doit se doter d'une politique, là, sur le français. Et, en 156.2, «la politique linguistique [...] doit [...] marquer le fait que le français est la langue officielle[...], la langue normale et habituelle de l'espace public, ainsi qu'un instrument essentiel de cohésion sociale». Donc, le projet de loi fait clairement, là, obligation aux municipalités de... Puis, j'imagine, quand on parle aussi de français, on parle de l'accueil des immigrants, de l'intégration, etc., les nouveaux arrivants, donc il y a une responsabilité des municipalités là-dedans. Et je n'ai pas souvenir jusqu'ici, mais on verra la suite, là, les municipalités n'ont pas semblé, là, voir cette question-là comme une grande difficulté qu'on leur imposait.
M. Pichette (Pierre): ...
M. Gagnon (Michel): Vas-y, excuse.
Le Président (M. Marsan): M. Pichette.
M. Pichette (Pierre): Excusez-moi. L'idée n'est pas d'enlever aux municipalités, loin de là, la municipalité étant la plus près, oeuvrant... parmi toutes les structures politiques et administratives qu'on ait, la municipalité ayant celle qui a une approche la plus citoyenne de toutes les autres, ce pour lequel on est. L'idée n'est pas d'enlever aux municipalités mais d'appuyer les municipalités.
On ne croit pas que les... Je ne sais pas combien il y a de milliers de municipalités au Québec, on ne croit pas que toutes ces municipalités-là aient les capacités de remplir leurs mandats. À moins que le gouvernement décide de financer trois, quatre fonctionnaires par municipalité pour appliquer la loi, c'est illusoire.
Donc, en installant, au niveau des conférences régionales des élus -- il y en a 21 au Québec, les MRC, c'est encore en plus grand nombre -- bien on croit qu'en installant, au niveau des 21 conférences régionales des élus du Québec, une équipe conséquente qui serait à déterminer -- on n'est pas ici pour parler des modalités d'application de cette chose-là -- la conférence des élus, qui est composée des maires de chaque municipalité, pourrait à ce moment-là appuyer les municipalités.
M. Pigeon: D'accord.
M. Pichette (Pierre): Mais les municipalités doivent s'impliquer. Mais, pour ce faire, elles doivent être appuyées, appuyées, puis on croit que la meilleure façon de ce faire, c'est au niveau régional.
Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie, M. Pichette. Nous poursuivons notre période d'échange avec le porte-parole de l'opposition officielle en matière de langue. M. le député de Borduas, la parole est à vous.
M. Curzi: Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Cloutier, M. Gagnon, M. Pichette. Bien, puisqu'on parle de ce contexte-là, continuons un petit peu là-dessus. Ce que vous suggérez, dans le fond, c'est d'aller plus loin que les articles qui actuellement recommandent que chaque municipalité ait une politique. Ce que vous dites, et vous me corrigerez si ce n'est pas ça, c'est qu'il devrait y avoir des organismes qui regroupent plusieurs municipalités, comme les MRC ou les CRE, qui seraient non seulement responsables d'une politique, de l'élaborer et de la déployer mais qui auraient aussi un pouvoir réglementaire et un pouvoir d'application, ce n'est pas... pouvoirs de surveillance et d'application mais des pouvoirs donc législatifs ou un moyen d'agir et d'intervenir. C'est ce que vous suggérez?
M. Gagnon (Michel): Oui. Mais, par contre, si je veux faire un parallèle, exemple, avec la politique de développement durable en environnement, les municipalités peuvent en faire une, il y en a combien qui sont faites présentement au Québec, de politiques de développement durable dans les municipalités? D'après moi, s'il y en a quatre, cinq, six, c'est le maximum. Donc, est-ce qu'on laisse aux municipalités et à la discrétion du ministre 156.1? Nous, ce qu'on dit: Non, les gouvernements régionaux pourraient être le support des municipalités, c'est ce qu'on mentionne. On ne veut pas enlever du pouvoir aux municipalités, du tout. Le CRE deviendrait -- ou la MRC deviendrait -- le support de la municipalité auquel elle pourrait référer. Il y aurait plus de cohésion surtout lorsqu'on parle de la langue, la cohésion se fait régionalement avec les gens, les mêmes élus, avec les élus du coin.
M. Curzi: Donc, vous souhaitez qu'il y ait un pouvoir régional; en même temps vous êtes d'accord avec le fait qu'un pouvoir régional devrait aussi être, comment... soumis à un pouvoir national.
M. Gagnon (Michel): Ah oui, oui, oui. C'est ça.
M. Curzi: Parce que, dans le domaine de la langue... Bon. Ce que vous dites finalement, c'est que le projet de loi à cet égard ne va pas assez loin.
M. Gagnon (Michel): C'est ça.
M. Curzi: Il n'est pas assez concret et ne donne pas les moyens réels d'agir, c'est ce que vous dites?
M. Gagnon (Michel): C'est ça. Oui.
M. Curzi: Il y a un autre aspect que je trouve intéressant parce qu'il touche au... Bon, fondamentalement, sur le projet de loi, vous êtes opposé à la loi n° 103 ou à l'essentiel, c'est-à-dire l'application de la structure qui est énoncée là-dedans pour pouvoir acheter le droit en quelque sorte à une éducation en anglais au système public. Je pense que c'est clair pour nous autres. Ce que vous dites cependant, c'est que «les représentants de la population n'auraient pas la possibilité de s'opposer à de telles modifications», «telles modifications» se rapportant à l'article 75, c'est-à-dire effectivement au règlement. Ce que vous dites, c'est que ce règlement-là, comme il est séparé de la loi, il est en quelque sorte impossible... il laisserait un libre arbitre trop grand au ministre responsable sans que l'Assemblée nationale puisse intervenir, est-ce que c'est ça?
M. Gagnon (Michel): Bien, c'est ce que nous voulons dire. Pour nous, c'est l'Assemblée... On parle de la langue, là, la langue, c'est l'Assemblée nationale qui doit en décider, je dirais, en collégialité. Ça ne doit pas être décidé par un parti ou un autre ou par, des fois peut-être, la lubie de quelqu'un qui décide de... en tout cas. On dit que ça doit être fait par l'Assemblée nationale.
M. Curzi: O.K. Donc, ça veut...
M. Gagnon (Michel): Comme la loi n° 104 d'ailleurs a été adoptée par l'Assemblée nationale.
M. Curzi: Oui. Ça veut dire que, pour vous, bon, vous êtes contre le projet de loi mais, si le projet de loi était... disons, si on excluait la partie de la possibilité d'accéder au système public par des écoles privées non subventionnées, les autres aspects du projet de loi, tel qu'il est actuellement, vous pourriez les considérer, sauf que ce que vous dites, c'est qu'il faudrait que ça aille beaucoup plus loin: il faudrait, d'une part, que le projet de loi contienne des règlements, mais pas les règlements de 103, donc d'autres types. Bon, en fait, on réglerait le cas avec l'application de la loi 101, on éliminerait cette partie, mais vous dites qu'il devrait y avoir une législation qui permet aux MRC, aux CRE, d'intervenir concrètement d'une façon régionale.
Vous ne craignez pas qu'il y ait des applications régionales différentes et que ça soit un péril en quelque sorte s'il y avait une régionalisation de l'application de la loi linguistique ou des lois linguistiques?
M. Gagnon (Michel): C'est quand même chapeauté par le national. L'office est présent. Ce qu'on dit: Les outils, au lieu de les garder juste seulement à Québec, emmenez-les en région, c'est ce qu'on dit. Puis on pense que, sans changer les structures, on peut se servir des CRE, on peut se servir des MRC, ce serait à déterminer, mais ce qu'on dit: Rapprochez-le. Il va y avoir des rendre-compte à faire, il va y avoir des choses qui vont se faire, en tout cas. En tout cas, moi, je demanderais un rendre-compte quelque part s'il y aurait... En tout cas, je ne suis pas élu, là, mais, si je serais élu, je demanderais des rendre-compte sûrement.
M. Curzi: Est-ce que je vous comprends bien si votre souci, c'est, dans le fond, que la politique linguistique soit plus proche de l'ensemble des citoyens puis que les mesures qui soient mises en place soient, disons, plus adéquates à ce que les citoyens, d'une façon régionale, vivent dans ce sens-là?
M. Gagnon (Michel): C'est ça. Oui, de façon régionale. Dans le fond, on veut que les citoyens aussi... Ça permet aux citoyens de se prendre en main, d'agir ensemble.
M. Curzi: O.K.
Le Président (M. Marsan): M. Pichette, vous voulez intervenir?
M. Pichette (Pierre): Oui. La loi n° 103 nous a tendu une perche. Et on dit: Bien, pas dans le cadre de la loi n° 103 mais dans le cadre d'une loi 101 améliorée. Mais la loi n° 103 dit que les municipalités doivent s'impliquer; on trouvait que c'est excellent. Par ailleurs, elles n'ont pas la capacité. Supportons les municipalités sur une base régionale pour qu'elles puissent ce faire. Un quidam de Saint-Basile veut porter une plainte à l'Office de la langue française, qu'est-ce qu'il fait? Il ne fait rien, il ne sait pas.
M. Curzi: La dernière chose, c'est que vous parlez des villes dont le statut est... 15, 15 villes sur 16 en Montérégie qui ont un statut de ville bilingue. Je ne savais qu'il y en avait autant. Cependant, vous savez que, selon la loi, la modification du statut d'une ville bilingue doit originer de la ville elle-même.
M. Gagnon (Michel): Oui.
M. Curzi: Donc, ce que vous dites là-dedans, c'est qu'il faudrait qu'on modifie cette partie-là de la loi 101. Et votre suggestion, ce serait quoi?
M. Gagnon (Michel): Une ville bilingue demeure-t-elle...
M. Curzi: Ce serait que la loi du nombre joue ou...
M. Gagnon (Michel): Excusez. Une ville bilingue demeure-t-elle bilingue, même s'il demeure seulement 8 % de population anglophone? Si, il y a 30 ans, 40 ans, il y avait 60 % ou 50 % -- disons 50 % -- ils sont devenus bilingues, là, c'est rendu à 8 %, on fait quoi? C'est le statu quo? On garde le statu quo? En tout cas, c'est la question qu'on pose à travers ça.
M. Curzi: Vous, selon vous, ce serait un critère de nombre qui devrait jouer là où il y a une majorité? Ce serait quoi, les...
M. Gagnon (Michel): Bien, dans un premier temps, je crois que ce sont vraiment les citoyens de la municipalité qui doivent le décider, là, ça, c'est dans un premier temps, mais en leur donnant quand même peut-être des balises puis des façons de faire.
M. Curzi: Dernière chose, là, vous avez, dans votre conclusion, une phrase qui réclame un engagement plus ferme de la part du gouvernement en faveur de l'intégration de la population à l'école française, mais ça...
Une voix: ...
M. Curzi: Oui. Bien, non, c'est parfait. Bien, je vous remercie, ça fait le tour pour moi. Merci beaucoup.
Le Président (M. Marsan): Merci, M. le député de Borduas. Je vais maintenant céder la parole au chef de l'Action démocratique du Québec, M. le député de Chauveau.
**(12 h 10)**M. Deltell: Merci, M. le Président. Messieurs madame, à nouveau, soyez les bienvenus à Québec. J'ai été attentif à votre propos, et tout à l'heure vous avez parlé du Danemark et de l'Islande qui enseignaient leurs propres langues dans leurs communautés. Et on a vérifié certaines données statistiques fort intéressantes et instructives: au Danemark par exemple, oui, on enseigne le danois; il faut savoir que 88 % des gens là-bas sont bilingues et 66 % des gens sont trilingues. On n'a pas les chiffres pour l'Islande, mais le Danemark est très instructif là-dessus.
Évidemment, si vous avez suivi un peu l'actualité, vous comprenez pourquoi je vous emmène cet exemple-là. C'est que, nous, notre position, à l'ADQ, c'est de dire: S'il y a des gens, des Québécois francophones, qui font appel aux écoles passerelles jusqu'à maintenant, c'est parce que nous estimons que ces gens-là souhaitent que leurs enfants, à la fin de leurs cours secondaires, soient bilingues. Et, nous, on dit: Pour contrer cet effet-là, assurons-nous que notre système d'éducation public puisse faire en sorte que nos enfants, les enfants du Québec, à la fin de leurs études, soient bilingues.
Malheureusement, jusqu'à présent, ce qu'on voit, c'est que, oui, il y a des cours d'anglais, même dès la première année, le gouvernement actuel l'a institué, je crois, dès 2003 ou 2004. Mais, comme j'ai eu l'occasion de le dire dans une rencontre privée avec le premier ministre justement à la veille de la Saint-Jean-Baptiste, ça a comme adonné de même, là, de la fête nationale, pardon, je lui ai dit: Ce n'est pas une mauvaise idée, mais le problème, c'est parce qu'une heure aux deux semaines, c'est un coup d'épée dans l'eau. Et nous estimons -- je crois qu'il y a beaucoup de pédagogues qui pensent la même chose -- que la meilleure façon d'apprendre une seconde langue, c'est de le faire le plus tôt possible et de la façon la plus concentrée possible.
Donc, notre position est de dire qu'en cinquième ou sixième année, il faudrait avoir des cours intensifs d'anglais pour que nos enfants, à la fin de leurs cours secondaires, puissent vraiment être bilingues. J'aimerais vous entendre là-dessus: Que pensez-vous de cette position-là?
M. Pichette (Pierre): ...si vous permettez?
Le Président (M. Marsan): M. Pichette.
M. Pichette (Pierre): On ne veut pas se mettre le doigt entre l'arbre et l'écorce de la querelle entre linguistes. Il y a d'éminents linguistes, des spécialistes internationaux, qui disent que, oui, il faut enseigner deux, trois, quatre langues à partir de l'âge de trois, quatre, cinq ans, et d'autres qui disent: Non, non, non, pas avant l'âge de, bon, 12, 13, 14 parce que leurs structures... On n'est pas des spécialistes. Tout ce qu'on dit -- et là pour reprendre l'exemple danois s'ils parlent tous anglais, c'est parce que, dans l'école danoise, ils ont des bons cours d'anglais. Le problème au Québec, c'est peut-être que les cours d'anglais qui sont donnés dans les écoles ne sont pas de qualité suffisante, en qualité et en nombre. On ne veut pas se prononcer sur l'âge ou le niveau, on n'est pas des spécialistes, mais on est d'accord qu'il faut améliorer les cours d'anglais au Québec, et ça presse.
M. Deltell: Je suis très heureux de vous l'entendre dire. Je suis certain que vous êtes d'accord aussi qu'il faut améliorer la qualité de nos cours de français.
Mme Cloutier (Luce): Oui. Oui. Également. Surtout.
M. Gagnon (Michel): Ce serait un préalable. Ce serait un préalable.
Mme Cloutier (Luce): Avant d'apprendre...
M. Gagnon (Michel): J'aurais un petit bémol quand même parce que, si je pense aux immigrants...
Le Président (M. Marsan): M.Gagnon.
M. Deltell: On s'entendait trop bien, là.
M. Gagnon (Michel): Non, dans le sens de... Si je pense aux immigrants, en tout cas, si je regarde les statistiques de la Montérégie, ça représenterait, peut-être sur 10 ans -- ce seraient des chiffres à... parce qu'on n'a pas les chiffres, on va les chercher à peu près -- 3 000 jeunes qui ne parlent ni français ni anglais, là, en Montérégie, de nouveaux, de jeunes immigrants. Donc, quand est-ce... dire, leur montrer deux langues en même temps, exemple le français et l'anglais en même temps ou même peut-être l'espagnol... en tout cas, deux langues, quel âge? La cinquième, sixième année, troisième année, huitième, je ne sais pas. Mais il faut faire attention à ces jeunes immigrants, il faut les protéger quand même si on veut qu'on les intègre bien dans notre société francophone.
Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie, M. Gagnon, Mme Cloutier, M. Pichette, pour la présentation du Mouvement Montérégie français sur le projet de loi n° 103.
Je vais inviter immédiatement les représentants de la commission scolaire English-Montréal à venir se présenter à la table et je vais suspendre quelques instants.
(Suspension de la séance à 12 h 13)
(Reprise à 12 h 15)
Le Président (M. Marsan): Alors, nous reprenons nos travaux et nous sommes heureux d'accueillir les représentants de la commission scolaire English-Montréal. Mme Angela Mancini, qui en êtes la présidente, nous allons vous demander de nous présenter les gens qui vous accompagnent et de poursuivre avec une présentation qui ne devrait pas dépasser 15 minutes. La parole est à vous, Mme Mancini.
Commission scolaire
English-Montréal (CSEM)
Mme Mancini (Angela): Merci, M. le Président. Mme la ministre et membres de la commission. Il me fait plaisir d'être ici pour vous transmettre le mémoire de notre commission scolaire. Avec moi, aujourd'hui, il y a: à ma gauche, Mme Sylvia Lo Bianco, vice-présidente; à ma droite, Mme Patricia Lattanzio, commissaire pour le secteur Rivière-des-Prairies, et M. Robert Stocker, qui est notre directeur général.
Avec un effectif scolaire aux secteurs des jeunes et des adultes de plus de 35 000 élèves, la commission scolaire English-Montréal est la plus importante commission scolaire publique anglophone au Québec. La commission scolaire English a accueilli favorablement cette occasion de soumettre au comité parlementaire de l'Assemblée nationale du Québec ses points de vue et recommandations relatifs à la proposition de loi n° 103.
La loi n° 104 entraîne pour nous une diminution annuelle substantielle d'inscriptions à compter de 2003 et ce qui se poursuit jusqu'à ce jour: en 2002-2003, au niveau primaire, on avait 16 999 élèves, en 2009-2010, 11 919, une baisse de 5 080 élèves au niveau primaire seulement.
La légitimité de la loi n° 104 a été contestée en cour et, en octobre 2009, la Cour du Canada a statué que cette loi était anticonstitutionnelle et excessive. Dans sa décision, la Cour suprême du Canada a aussi accordé au gouvernement du Québec l'occasion de reformuler la loi n° 104 d'une façon qui n'empiète pas sur les droits constitutionnels de la minorité anglophone.
Le projet de loi n° 103 ne contrevient pas seulement à la décision rendue et la recommandation formulée par la Cour suprême du Canada, mais elle rend plus difficile, sinon impossible, pour un enfant québécois d'obtenir l'admissibilité à une école publique anglophone. Le projet de loi n° 103 impose à un parent québécois l'obligation d'inscrire son enfant à une des neuf écoles privées non subventionnées anglaises approuvées, et ce, pour une période non d'un an mais de trois ans et sans aucune garantie que l'enfant serait qualifié pour s'inscrire à une école publique anglophone.
En outre, les amendements proposés par la loi n° 103 à la Charte de la langue française, et plus spécifiquement à l'article 73, exposent un processus ambigu et discriminatoire pour l'évaluation de l'admissibilité de l'enfant à s'inscrire à une école publique anglophone. Ils stipulent que l'évaluation serait basée sur un système de 15 points accordés par un fonctionnaire du gouvernement et passent sous silence les qualifications requises pour l'évaluation de ces demandes.
La commission scolaire English-Montréal désire souligner l'effet dévastateur que la loi n° 103 aura sur l'avenir de l'éducation anglaise au Québec. La communauté scolaire anglophone tient un rôle fondamental en assurant la survie de la communauté anglophone du Québec. Un réseau d'éducation vibrant est à la base d'une communauté. Et il incombe au gouvernement de protéger et d'assurer la force de notre réseau anglophone pour plusieurs générations.
Soyons clairs, nous sommes de fiers Québécois, et notre communauté anglophone a été menacée par une loi restrictive qui met clairement en danger notre réseau scolaire. La loi proposée ne restreint pas seulement notre capacité de stabiliser les inscriptions mais perpétuerait vraisemblablement le déclin significatif des inscriptions vécu au cours des dernières années. Depuis l'adoption de la loi n° 104, les inscriptions au secteur des jeunes de notre commission sont passées de 27 000 élèves en 2002-2003 à 21 400 en 2010-2011. Cette diminution a été causée principalement par cette loi. J'aimerais attirer votre attention sur le fait que la plupart de notre perte de 5 600 élèves est au niveau primaire, comme j'ai déjà mentionné, 5 080 au primaire.
La Charte de la langue française adoptée par l'Assemblée nationale du Québec en 1977 énonce clairement son objectif d'assurer la qualité et l'influence du français au Québec, mais elle dit aussi que, dans un esprit de justice et d'ouverture d'esprit respectueuse des institutions de la communauté anglophone du Québec, la commission scolaire English-Montréal ainsi que d'autres commissions scolaires anglophones à travers le Québec ont constamment soutenu cet objectif de la Charte de la langue française en allant bien au-delà des exigences minimums pour l'enseignement du français fixées par les règlements du ministère de l'Éducation.
Nous sommes certainement conscients de l'importance de la langue française. Pour nous, la langue n'est pas une question de politique, c'est une question d'éducation de nos enfants. Notre lutte n'est pas au sujet de la langue ni si nous pouvons, oui ou non, enseigner le français; nos écoles offrent d'excellents programmes de français. Notre lutte est pour notre propre héritage, un héritage qui inclut des racines à la fois allophones, anglophones et francophones. Pour ce faire, notre communauté a besoin que ses écoles demeurent des institutions vitales afin d'assurer notre survie. L'accès à nos écoles est une exigence essentielle aux inscriptions dans nos écoles. Nous nous attendons à ce que le gouvernement ne sanctionne pas d'autres restrictions aux lois linguistiques qui entraînent encore plus de diminution inutile à nos inscriptions.
Notre communauté est bien consciente et accepte l'importance du français. Nous sommes extrêmement fiers du fait que nos programmes de français aident à diplômer des élèves qui s'intègrent entièrement au Québec. Tel que les Québécois francophones, nous voulons respecter la culture québécoise ainsi que notre héritage. Cette loi est inacceptable, car elle érodera encore plus nos inscriptions. Le gouvernement doit chercher des moyens d'effacer les restrictions et non de les empirer.
**(12 h 20)**Mme Lo Bianco (Sylvia): La commission scolaire comprend et respecte le désir du gouvernement du Québec et sa détermination à protéger et à assurer la perpétuité de la langue française. Mais le gouvernement du Québec, élu par des milliers de Québécois anglophones, a aussi l'obligation d'assurer la viabilité des écoles anglophones assurant ainsi la survie de la langue anglaise au Québec. Le gouvernement du Québec n'est pas obligé de protéger les intérêts d'une langue au détriment d'une autre.
La commission scolaire English-Montréal reconnaît l'importance de la préservation de la langue française et informe ce comité qu'elle offre des programmes de français de qualité et diplôme avec fierté des milliers d'élèves bilingues.
Au primaire, la commission scolaire English-Montréal offre trois modèles de français: de base, bilingue et d'immersion totale. Après avoir passé sept années, incluant la maternelle, dans une école offrant un programme de base, un élève aura reçu 32 % d'enseignement en français. Selon les mêmes calculs, les élèves qui ont fréquenté des écoles avec modèle bilingue et d'immersion auront reçu respectivement un total de 47 % et 68 % d'enseignement en français.
Plusieurs programmes de français sont disponibles dans nos écoles secondaires et complètent les programmes du primaire. Le secondaire, I, II et III, offre des programmes étendus de français qui varient de 38 % à 72 % en français.
En février 2005, la commission scolaire English-Montréal a révisé les plans d'harmonisation de l'enseignement du français langue seconde au secondaire. Le principe fondamental à la base de ce processus a été de qualifier les élèves aussi versés en français qu'en anglais. L'objectif a été de permettre aux élèves de réussir en français, langue d'enseignement, au secondaire IV et/ou en secondaire V. Ce niveau de réalisation identifie les élèves comme bilingues.
Nous avons quelques statistiques à vous citer sur le succès de nos élèves en français langue maternelle. Nos élèves écrivent le même examen provincial français langue maternelle en secondaire V que les élèves du secteur francophone. Ces chiffres font preuve de la qualité d'enseignement de la langue française, de notre engagement envers la pérennité de la langue française. En effet, les résultats de l'année 2009 démontrent un taux de succès de 92,2 % versus la région de Montréal qui affiche un taux de 83,2 % et de la province, qui comprennent les 69 commissions scolaires, anglophones et francophones, avec un taux de 86,5 %. Cette année n'est pas l'exception mais la règle pour nous.
Une analyse intensive des différents modèles d'enseignement du français au secondaire a révélé que les écoles offraient un temps accru pour l'enseignement du français supérieur aux exigences du régime pédagogique. Dans le cadre de notre engagement vers le bilinguisme, la grille a été modifiée aux secondaires IV et V à six unités de français langue seconde. Cette étude a aussi révélé que les élèves qui suivaient les différents modèles au primaire ont passé à l'enseignement du français langue seconde au secondaire. Il est aussi reconnu que les modèles d'immersion partielle offrent l'apprentissage de la langue dans des contextes significatifs par le biais de diverses matières autres que la langue.
Mme Lattanzio (Patricia): Il est intéressant de souligner qu'il s'est avéré que le rendement des élèves dans des programmes d'immersion a égalé celui des élèves francophones aux examens de lecture et de compréhension orale. Que les élèves soient inscrits à ce type de programme ou un autre, leurs faiblesses linguistiques ne posent généralement aucun problème ou obstacle sérieux à leur utilisation efficace du français, et ce, à des fins académiques ou interpersonnelles.
Le bilinguisme français-anglais offre plusieurs avantages cognitifs, culturels et socioéconomiques. En effet, le bilinguisme français-anglais rehausse l'habilité à participer pleinement à la société québécoise et canadienne non seulement en parlant bien les deux langues, mais en incorporant les valeurs et la culture québécoise dans leur éducation et la vie sociale. À titre d'exemple, on a des centaines des écoles dans notre réseau qui exposent des étudiants, nos étudiants, à la culture québécoise sur le plan humain, sur le plan matériel et environnemental. C'est-à-dire, on a des écrivains québécois, des artistes qui viennent nous voir et qui parlent aux enfants et qui leur exposent justement au théâtre, aux peintres, aux chansons, aux livres, des poèmes, la danse, le cirque, et la liste continue.
Les Québécois qui parlent les deux langues ont aussi en moyenne des meilleures occasions d'emploi. La commission scolaire English-Montréal croit fermement qu'un élève bilingue aura des meilleurs résultats dans son travail et dans son environnement social et culturel qu'un élève unilingue.
La commission scolaire English-Montréal est convaincue de son choix d'offrir aux Québécois l'occasion d'étendre leurs connaissances et leur expérience d'apprentissage. L'adoption du projet de loi n° 103 contribuera encore plus au déclin du réseau d'éducation anglophone et, subséquemment, à la disparition de la langue et de la communauté anglophone. Est-ce ceci l'objectif ultime de ce gouvernement?
Il ne semble certainement pas que ceci soit le désir d'au moins 61 % des Québécois francophones qui ont répondu au printemps dernier à un sondage de la firme Léger & Léger, et publié par la Gazette de Montréal, qui indique clairement qu'ils devront avoir accès à des écoles anglophones, même publiques, s'ils le désirent.
En accédant dans une école anglophone offrant ces différents types de programme bilingue ou immersion totale, les Québécois francophones et autres ne bénéficieraient pas seulement des programmes de français de qualité et de l'apprentissage de l'anglais, mais bien la survie des deux langues et cultures serait assurée. Le projet de la loi n° 103 ignore complètement la décision de la Cour suprême du Canada ainsi que le désir de la population québécoise, francophone et anglophone.
De plus, la recherche a indiqué que les années du préscolaire et du scolaire sont cruciales pour aider les enfants à rester à l'école, car ils développent un sens d'appartenance. Les enfants qui n'ont pas cette expérience courent un plus grand risque de décrocher. Nous savons que les écoles sont plus que des lieux d'apprentissage, ce sont des lieux où les enfants reconnaissent qu'ils font partie d'une communauté et d'une culture. En appliquant le projet de loi n° 103 tel quel, dans un cas où un enfant provenant d'une école anglaise privée non subventionné doit, pour des raisons valides importantes, selon ses parents, mais jugées invalides par des fonctionnaires, être transféré au secteur public... aura plus de difficultés à s'adapter à une école française que s'il serait transféré à une école anglaise offrant une éducation en anglais et en français mais procurant l'opportunité de s'identifier et de regagner le sens essentiel d'appartenance dans une étape cruciale de son parcours scolaire.
Nous vous soumettons respectueusement, à ce comité, les deux recommandations de notre commission scolaire:
1° que le gouvernement du Québec retire entièrement le projet de loi n° 103; et
2° que le gouvernement du Québec propose une nouvelle loi qui ne restreindra pas, directement ou indirectement, les droits des Québécois à l'accès aux écoles publiques anglophones.
Mme Lo Bianco (Sylvia): En conclusion, qu'il soit bien clair, à notre avis, ce projet de loi ne sera pas à l'avantage de n'importe quel enfant. En tant que commission scolaire, nous avons l'objectif et la responsabilité d'assurer que tous les enfants réussissent. Le gouvernement a démontré la preuve de son engagement envers cet objectif, et nous le remercions.
En suggérant qu'après trois années auprès d'une école anglaise privée non subventionnée les parents peuvent ensuite choisir d'envoyer leur enfant à une école publique anglophone si certains critères sont satisfaits, ce projet de loi pourrait placer quelques enfants à risque.
La commission scolaire English-Montréal demande que le gouvernement du Québec respecte la décision de la Cour suprême du Canada et ne contribue pas à notre futur déclin d'inscriptions.
**(12 h 30)**Le Président (M. Marsan): Je vous remercie. Nous allons immédiatement procéder à la période d'échange, et je vais céder la parole à la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. Mme la ministre.
Mme St-Pierre: Merci, M. le Président. Merci d'être parmi nous ce matin. Tout d'abord, sur la question des jeunes qui fréquentent les écoles à Montréal, les commissions scolaires, on voit qu'il y a eu un déclin également de la clientèle du côté de la commission scolaire francophone. Donc, la perte de clientèle, elle est des deux côtés. Et il va y avoir aussi, également, dans les années à venir, selon les données que nous avons, une augmentation puis une stabilité. Je pense que mon vis-à-vis de l'opposition va certainement vous en parler parce qu'il en a parlé beaucoup lors de ces audiences. Et on ne s'entend pas sur tout, mais au moins on s'entend là-dessus.
J'aimerais vous dire tout d'abord que j'ai beaucoup de respect pour votre position, mais, en même temps, je peux vous dire que je ne suis pas d'accord avec vous lorsque vous prononcez le mot «fonctionnaire». On a des gens au ministère, et dans tous les ministères, qui travaillent très fort; ce sont des grands professionnels. Et il faudrait peut-être arrêter de dire qu'un fonctionnaire, c'est comme quelqu'un qui ne veut rien dire. Ce sont des gens... moi, je les côtoie, depuis trois ans, de façon très régulière, puis on a vraiment une fonction publique très professionnelle, et les gens travaillent avec beaucoup, beaucoup de sérieux.
Tout d'abord, là aussi, je ne suis pas d'accord avec vous quand vous dites que des enfants peuvent être placés à risque si on les force à aller dans le réseau francophone. Selon notre proposition -- ce qui n'est pas la proposition de l'opposition -- ils peuvent rester dans le réseau anglophone non subventionné. Les parents ont choisi un projet éducatif pédagogique pour leurs enfants qui est l'école privée non subventionnée; ils peuvent rester dans ce secteur-là.
Maintenant, vous nous dites aussi, puis, là aussi, en tout respect, je ne suis pas d'accord avec vous, qu'on ne respecte pas le jugement de la Cour suprême. Je vais vous citer le jugement de la Cour suprême, et je pense que nous avons vraiment trouvé l'équilibre dans ce projet de loi parce qu'il fait en sorte qu'il suit la feuille de route de la Cour suprême, et, nous, nous avons du respect pour nos institutions. Alors, voici ce qu'il dit, le juge LeBel:
«...le constituant n'a pas voulu, en adoptant l'article 23, rétablir le principe du libre choix de la langue d'enseignement dans les provinces. L'application littérale du paragraphe 23(2) pourrait cependant provoquer ce résultat et vider la Charte de la langue française de son contenu au sujet de la langue d'enseignement. De plus, une telle application se concilierait mal avec la notion de parcours scolaire authentique, qui joue un rôle fondamental dans la détermination de l'appartenance aux catégories d'ayants droit.
«Les écoles dites passerelles semblent parfois des institutions créées dans le seul but de qualifier artificiellement -- c'est le juge LeBel qui l'écrit -- des enfants pour l'admission dans le système d'éducation anglophone financé par les fonds publics. Lorsque des écoles sont établies principalement dans le but d'aménager le transfert d'élèves non admissibles au réseau anglophone financé par les fonds publics et que leur enseignement sert, en effet, à réaliser ce transfert, on ne saurait affirmer que l'on se retrouve devant un parcours scolaire authentique. Encore faut-il examiner la situation de chaque institution, ainsi que la nature et le comportement de sa clientèle. Aussi [...] délicate que puisse être cette tâche, seule une telle approche permettra de respecter les objectifs du constituant, en évitant un retour au principe du libre choix de la langue d'enseignement, notamment au Québec, que le constituant n'a pas voulu imposer.» Et la Cour suprême dit que nous sommes légitimes de légiférer.
Donc, j'ai du mal à comprendre pourquoi vous dites que notre projet de loi n° 103 ne respecte pas le jugement de la Cour suprême, parce qu'il a été vraiment étudié dans tous les détails. Et c'est vraiment là que nous en arrivons, c'est-à-dire: il faut analyser le parcours scolaire authentique de l'enfant, et nous avons la grille d'analyse qui va venir faire cette analyse-là.
Le Président (M. Marsan): Mme Mancini.
Mme Mancini (Angela): Merci. Alors, au niveau des chiffres dont vous citez, je vais commencer avec ça, vous avez le point sur les chiffres. Moi, devant moi, j'ai, du ministère de l'Éducation, qui ont été publiés le 12 février 2010, des chiffres qui m'indiquent qu'il n'y a aucune augmentation à la commission scolaire English-Montréal en particulier. Parce que c'est les chiffres que j'ai devant moi. J'ai des chiffres qui vont avoir un plateau d'à peu près, je vous dirais, 18 000 en l'année 2015-2016. Et, si je comprends bien, au niveau du ministère, on se fait dire souvent que: après cinq ans, vos chiffres ne sont plus fiables. Alors, pour aller jusqu'aux années précédentes après, je vais me fier à m'arrêter à ce chiffre-là. Alors, ça, c'est important de le qualifier.
Pour qu'est-ce qui en est de la loi, je pense que c'est important de reconnaître que, nous, à Montréal, on n'a pas des écoles passerelles. Et je me dis: Des gouvernements précédents ont choisi de ne pas toucher à la loi 101. Et, si j'essaie de voir est-ce qu'il y a eu un effet dévastateur du côté francophone, je ne le vois pas.
D'autant plus, je pense, qu'il y a un changement de paradigme que le gouvernement doit faire. Parce qu'on nous met dans le côté du problème. Nos jeunes, je vous assure, le parlent, le français, ils l'écrivent, ils le lisent. Votre objectif, comme gouvernement, est de protéger la langue française et d'assurer que nos jeunes le parlent. On le fait. On le fait. Et, même avec tout qu'est-ce qu'on fait, on arrive toujours à se faire dire que, si un jeune arrive du côté anglophone, tout d'un coup, le monde va arrêter.
Ce n'est pas, à mon avis, une juste proposition. On a suivi les règles du jeu de la loi 101 et on va continuer à les suivre. Et, pour moi, comme parent, jeune parent qui a des élèves à l'école présentement, c'est primordial que ces jeunes apprennent le français. Pour moi, c'est une question de richesse...
Mme St-Pierre: J'ai compris votre argumentaire là-dessus, vous l'avez fait dans la présentation, alors on ne recommencera pas la présentation. Ce que je veux essayer de comprendre, c'est pourquoi vous nous dites que notre loi n° 103 ne respecte pas le jugement de la Cour suprême, parce que ce n'est vraiment pas la lecture que nous avons. Ça a été fait de façon très minutieuse. C'est un projet de loi qui est équilibré, qui est réfléchi, qui est légitime parce que la cour dit que nous sommes légitimes de légiférer, et nous essayons de le faire dans le plus grand respect de la communauté anglophone bien sûr, mais dans le plus grand respect aussi de la communauté francophone.
Mme Mancini (Angela): Je vais laisser Mme Lattanzio peut-être vous répondre.
Mme Lattanzio (Patricia): Merci, Mme la présidente. Bonjour. Si vous permettez, oui, en fait, vous avez le droit, c'est vrai que le jugement vous reconnaît ce droit de légiférer. Mais, par contre, notre position est la suivante: c'est que, si justement, dans le jugement qui a été rendu par le... l'honorable juge LeBel dit que la loi n° 104 était excessive et anticonstitutionnelle avec toutes ses conditions...
Mme St-Pierre: Ce n'est pas la loi n° 104, là, qui est devant vous, c'est la loi n° 103.
Mme Lattanzio (Patricia): Oui, mais...
Mme St-Pierre: Et l'alternative que vous avez, de l'autre côté, ce qui est réclamé, c'est d'appliquer la loi 101 aux écoles privées non subventionnées et d'y mettre la clause dérogatoire par-dessus pour vraiment fermer le couvercle, là. Le projet de loi qui est devant vous, si vous l'avez lu, puis je présume que vous l'avez lu avec beaucoup d'attention, reflète, il me semble, à la lettre le jugement de la Cour suprême, et nous suivons la feuille de route du juge LeBel.
Mme Lattanzio (Patricia): Si vous permettez, je parle de la loi n° 104 parce que justement j'arrive à vous dire que... le pourquoi qu'on n'est pas d'accord, où on la trouve justement... qu'elle va au-delà même de la loi n° 103. C'est-à-dire la loi n° 104 disait que justement un enfant qui avait un parcours d'un an dans une école non subventionnée, c'était déjà trop et ce n'était pas une façon d'acquérir des droits pour aller dans une école publique anglophone. Là, on lit la loi, le projet de loi n° 103, avec le critère qu'un enfant doit rester dans une école pendant au moins trois ans et avec des critères que, selon nous, on l'a bien lu, nous semblent ambigus, et on ne comprend pas... Je veux dire, ça nous semble porter encore plus à confusion et, selon notre conclusion, après l'avoir lu, c'est que ça pourrait justement faire d'autres débats judiciaires. Et je ne pense pas que c'est la voie que ce gouvernement veut adopter et, je pense, même pas le peuple québécois.
Je veux dire, on voudrait avoir quelque chose qui soit reconnaissant d'une instruction bilingue. Je vois votre charte, et on parle d'une instruction de langue anglaise et une instruction de langue française.
Mme St-Pierre: On n'empêche pas les gens d'aller à l'école anglaise.
Mme Lattanzio (Patricia): C'est qu'on...
Mme St-Pierre: Et il y a ce système privé non subventionné. Ce qu'il faut empêcher, c'est des parents qui essaient de s'insinuer dans un système pour s'en aller dans l'autre. Il est là, le problème. Le problème, il est strictement là. Les écoles privées non subventionnées anglophones vont demeurer, puis on respecte ces écoles-là. La commission scolaire anglophone également, il y a un respect qui est là. Et M. Lévesque et M. Laurin l'ont voulu, ce respect-là. Et le juge LeBel, je répète, nous dit que nous sommes légitimes de légiférer et nous donne la marche à suivre.
Mme Lattanzio (Patricia): Mais, s'il y a une reconnaissance justement de cette éducation dans les deux langues, et que ça fonctionne, et qu'il y a un grand succès, pourquoi ne pas l'incorporer dans la charte et prévoir justement cette instruction bilingue? On pourrait justement contourner ce problème d'aller dans les écoles subventionnées ou non subventionnées.
Mme St-Pierre: Mon collègue...
**(12 h 40)**Le Président (M. Marsan): Oui. Je vais maintenant céder la parole au député de Jacques-Cartier. M. le député.
M. Kelley: M. le Président, c'est ma première intervention comme membre de cette commission parce que j'ai été nommé il y a une heure membre de cette commission. Et bienvenue aux représentants de la commission scolaire English-Montréal, que je veux féliciter à la fois pour leur promotion de l'enseignement en français dans leurs écoles -- ils sont vraiment des personnes qui ont fait des cours d'immersion dans le passé et vraiment fait un effort très important -- également la promotion de l'école publique. Moi, je suis produit d'une école publique anglaise au Québec, et le English-Montréal a fait une promotion vigoureuse du fait qu'on peut envoyer nos enfants dans les écoles publiques au Québec, et je veux les saluer aussi pour cet effort.
Mais je veux faire écho un petit peu aux questions de la ministre. La Cour suprême a quand même... nous a donné quelques concepts qui sont difficiles à définir, c'est-à-dire une école passerelle et un parcours authentique. On ne trouve pas dans Le Petit Robert c'est quoi exactement, une école passerelle ni un parcours authentique. Alors, comme gouvernement, comme législateur, on a essayé de faire les définitions à ces concepts pour donner suite à l'arrêt de la Cour suprême.
Alors, avez-vous des conseils à nous donner? Parce que, je comprends, votre première recommandation, c'est de retourner aux planches de dessin, mais on est obligés de revenir à essayer de définir ou travailler avec ces concepts. Alors, avez-vous des propositions ou des suggestions comment mieux définir un parcours authentique ou définir c'est quoi exactement, une école passerelle? Parce que, veux veux pas, c'est ça que la Cour suprême du Canada nous a invités à faire.
Mme Mancini (Angela): Écoutez, je pense que...
Le Président (M. Marsan): En terminant. Mme Mancini, allez-y.
Mme Mancini (Angela): Excusez. Alors, je pense qu'on va vous laisser trouver la solution. Mais, nous, qu'est-ce qu'on voit, O.K., c'est que le parcours authentique que vous devez... et dont aussi tout le jugement qui a été passé... Quand on parle des écoles passerelles, on parle des écoles qui créent des liens artificiels vers des écoles publiques. Est-ce que c'est vraiment le problème qu'on a eu à Montréal? Est-ce qu'il y a eu autre situation? Est-ce qu'on doit légiférer, après 33 ans où est-ce qu'il n'y avait pas eu de changement à la loi 101? Est-ce qu'il y a eu vraiment... Est-ce qu'on l'a créée, cette loi-là, parce qu'on avait une peur? Et ça a été dit au public québécois qu'on avait un risque, dans les écoles francophones, de perdre énormément d'étudiants. Mais, en fin de compte, après 33 ans, cet effet-là n'est pas là. Alors, il faut faire attention de ne pas rendre les choses plus critiques qu'elles sont.
Le problème, il n'y en a pas au niveau du fait qu'on va tout d'un coup perdre, et je pense que... C'est là le problème: c'est que vous avez légiférer avec la Loi n° 104, on va avec la Loi n° 103, on se retrouve maintenant devant un jugement au niveau de la Cour suprême, et on veut appliquer qu'est-ce qu'on nous dit. Mais est-ce qu'on avait un problème, pour commencer?
Alors, moi, je ne vous donnerai pas une solution à votre parcours authentique, c'est à vous de le regarder avec vos experts. Mais on vous dit qu'on n'est pas d'accord.
Le Président (M. Marsan): Alors, merci. Ceci termine la première période d'échange avec le parti ministériel. Nous poursuivons avec le porte-parole de l'opposition officielle en matière de langue, M. le député de Borduas.
M. Curzi: Merci, M. le Président. D'ailleurs, permettez-moi de souhaiter la bienvenue au député de Jacques-Cartier qui se joint à notre équipe. Je ne doute pas que ses compétences seront extrêmement utiles.
Vous savez, la ministre dit que cette loi est une loi équilibrée puis, moi, ça me rappelait ce qu'on appelait à l'époque l'équilibre de la terreur entre la Russie et les États-Unis, c'est-à-dire que cette loi-là n'est approuvée par personne, ne fait l'affaire de personne, ni de la communauté francophone, ni de la communauté anglophone. Actuellement, on est confrontés à une loi qui semble une menace, qui est perçue comme une menace par la communauté francophone, qui se dit: Oups! Là, il y a quelque chose qui... On sent une menace, à tort ou à raison. Et, vous, vous dites: Il y a une menace pour nous, pour notre survie comme commission scolaire, comme communauté. Et vous allez jusqu'à dire que la langue anglaise serait menacée au Québec et la survie de la communauté. Évidemment, disons que je mets en doute ces affirmations-là.
Donc, on se retrouve avec un projet de loi qui est tellement équilibré qu'il fait l'affaire de strictement personne. Plus je vois des gens intervenir de la communauté anglophone, mieux je comprends le problème que vous avez. Je ne crois pas... Les chiffres démentent qu'il y ait actuellement une menace pour le système scolaire anglophone. Tous les chiffres. On pourrait s'expliquer, mais je l'ai fait plusieurs fois, la démonstration, et je ne veux pas la recommencer. Mais honnêtement il n'y a pas de menace. Il n'y a pas de menace non plus pour la communauté anglophone, qui est la communauté qui se renouvelle naturellement, ça, les chiffres le démontrent, alors que la communauté francophone n'y arrive pas bien. Donc, à ce niveau-là, je ne pense pas qu'on puisse vraiment dire qu'il y a une menace.
Ce que je comprends, et c'est un argumentaire qui revient beaucoup, et vous dites à juste titre: Nous enseignons très bien le français dans notre système scolaire, et vous avez raison, les chiffres le prouvent, mais, à l'inverse, on pourrait dire que votre communauté souhaiterait probablement que la communauté francophone puisse dire la même chose. Vous donnez une très bonne formation de l'anglais langue seconde... du français langue seconde, et, nous, moi, ce que je dis, c'est que notre système francophone aimerait pouvoir dire: Voici, nous donnons une excellente formation de l'anglais langue seconde. On est dans ces paramètres-là.
Si on veut essayer de nettoyer le terrain et ne pas créer de faux antagonismes ou une fausse lutte, il faut revenir au principe que: Ne serait-il pas mieux d'avoir une situation claire, qui est celle de l'application de la loi 101, et, vous allez voir, qui permettrait donc de rendre claire la situation? Puisque la Cour suprême a défait l'équilibre qu'on avait avec la loi n° 104, on se dit: Bon, appliquons strictement la loi 101, modifions l'article 73. Ceux qui sont francophones ou allophones étudieront dans le système français, y compris les écoles privées, et ceux qui sont anglophones étudieront dans le système anglophone. On aurait donc clarifié cette situation.
Maintenant, ça aurait le mérite de rassurer la communauté francophone qu'il n'y aura pas, ce qui s'est déjà produit avant la loi 101, de fuite; ça aurait, pour vous, le mérite d'être très clair.
Ce que vous nous dites, ce que la communauté nous dit souvent, c'est: On craint qu'à la longue notre nombre et la vitalité de notre système scolaire soient affaiblis -- c'est ça que vous dites, fondamentalement -- alors qu'on est bons. Bon. Et là-dedans je me dis: Bon, si on regardait ça de ce point de vue là, il y a... on est d'accord. Vous souhaitez enseigner l'anglais et le français de telle sorte que les gens soient bilingues. Nous, ce qu'on souhaite, c'est enseigner le français probablement mieux et pouvoir enseigner l'anglais sans obliger que tout le monde soit bilingue, mais que tous puissent avoir accès à un bon enseignement de la langue seconde, qui serait majoritairement l'anglais, probablement.
Donc, l'idée de la menace, elle n'est peut-être pas si grande que ça. Ce qu'on dit, c'est: Clarifions la loi, clarifions la situation juridique, et ensuite il sera peut-être beaucoup plus profitable de voir comment on pourrait mutuellement utiliser les ressources et l'expérience et l'expertise que vous avez acquises et qui ont été acquises aussi du côté francophone.
Par exemple, Mme la présidente de la commission scolaire de la ville de... de l'île de Montréal disait, hier, que vous avez des collaborations très fructueuses. On peut imaginer plusieurs mécanismes qui vous permettraient de garder un système scolaire vigoureux, parce que vous avez développé une expertise, et qui ne serait pas ressenti comme étant une menace du côté francophone. C'est ça, l'esprit d'une stricte application de la loi. En clarifiant l'enjeu... Et ça ne nous empêche... Voilà, c'est ça que je veux dire.
Bien, je peux vous laisser la parole, parce que, là, je suis en train de faire un discours. Ce n'était pas le but. Mais j'essaie... je voulais... J'essaie de voir comment on pourrait à la fois se rassurer et vous rassurer, parce que l'idée n'est pas... Je pense qu'il y a une différence: vous souhaitez que les gens soient bilingues; nous, on dit: L'important, c'est de s'assurer que le français va être préservé.
Il n'y a pas de menace pour l'anglais sur le continent nord-américain, ce n'est pas vrai. Il n'y a pas de menace pour la culture anglophone, ce n'est pas vrai. Au contraire, la culture anglophone est tellement séduisante, tellement forte, la langue est tellement forte qu'elle attire vers elle beaucoup plus de gens que le français ne le fait. Donc, nous, ce qu'on cherche, comme communauté francophone, c'est à maintenir une sorte d'équilibre, oui, un réel équilibre entre une culture qui est minoritaire dans un continent qui est majoritaire. Et ça, ça veut dire qu'il faut y apporter plus de soutien, plus d'énergie, plus de tout, quoi. Il faut investir constamment. Parce que l'autre est tellement... C'est comme le pot de fer et le pot de terre: la culture francophone, c'est comme un pot de terre, puis la culture anglophone, c'est un pot de fer, c'est solide, c'est fort. Puis on se dit: Comment on garde un équilibre? C'est ça, l'esprit, en tout cas, que je veux exprimer. Je vous laisse la parole.
**(12 h 50)**Le Président (M. Marsan): Mme Mancini.
M. Curzi: Excusez-moi d'avoir pris tant de temps. Je suis désolé.
Le Président (M. Marsan): Mme Mancini.
Mme Mancini (Angela): Je vais essayer de faire quelques commentaires. Il y a plusieurs choses qui ont été dites. Je vais commencer avec le fait que, nous, on veut faire l'équivalence entre la survie de notre réseau, et notre héritage au niveau anglophone, et les écoles parce que, quand on voit le déclin qu'on a dans nos chiffres, on se rend compte qu'avec la fermeture de plus en plus d'écoles qu'on doit faire face -- et on va faire face, dans les prochaines années -- à la commission scolaire English-Montréal, on est possiblement dans la position de fermer jusqu'à 11 écoles primaires. C'est énorme. Je vous garantis que c'est 11 écoles primaires, j'ai les chiffres.
Je vais vous donner un exemple. Les chiffres que, moi, j'ai devant moi, de la baisse entre les écoles... les élèves au primaire, entre la commission scolaire de Montréal et English-Montréal: 2005-2006, commission scolaire de Montréal, 25 164; en 2014-2015, 22 859, avec une baisse de 9 %; English-Montréal, 14 881; en 2014-2015, 11 052, une baisse de 26 %. Alors, il n'y a personne qui va me dire ici que... Oui, c'est vrai, on vit en Amérique du Nord et l'anglais, oui, c'est la langue qui se parle souvent aux États-Unis et autres places, mais, nous, qu'est-ce qu'on est en train de vous dire, c'est que, si, à Montréal, et nous, particulièrement à Montréal, la ville de Montréal, O.K., on a des...
Une voix: ...
Mme Mancini (Angela): Laissez-moi finir, je vous ai... pour pouvoir vous donner un... L'autre chose que j'ai prise de votre commentaire, c'est que vous pourriez enseigner la langue française mieux que nous; je prends grande exception à ça. Nos chiffres le démontrent, qu'on enseigne la langue française très bien. Et, au niveau de la langue française, langue maternelle -- langue maternelle -- c'est exactement le même cours que les jeunes du côté francophone, et notre réussite, elle est meilleure que du côté francophone.
Alors, il n'y a personne qui va venir me dire qu'à notre commission scolaire nos professeurs ne prennent pas la langue française au sérieux. Je vous garantis, c'est des francophones, la plupart de nos professeurs qui l'enseignent, le français, dans nos écoles.
Il faut peut-être venir faire un tour à la commission scolaire English-Montréal pour voir qu'est-ce qui se passe. Parce que je n'accepte pas de me faire dire qu'on va le faire mieux. Et...
Une voix: ...
Mme Mancini (Angela): Non, non... Mais j'ai peut-être...
Le Président (M. Marsan): Mme Mancini, vous avez la parole.
Mme Mancini (Angela): J'ai peut-être mal compris, mais je voulais clarifier. L'autre chose, au niveau du développement d'un jeune, quand on parle de la langue, du moment qu'on apprend plus qu'une langue -- et ça, c'est compris dans toute la littérature scientifique -- quand ils apprennent deux langues en même temps et une troisième langue, le cerveau se développe différemment, et ils sont capables d'acquérir plus de langues et l'apprennent mieux.
Et je pense que c'est une des raisons pour laquelle nos jeunes qui apprennent l'anglais et le français, et, en immersion, ils font maternelle, première et deuxième complètement en français et, après ça, ils s'en vont en anglais, le font et le font très bien.
Alors, me faire dire qu'on menace... Encore là, je vous dis, c'est un changement de paradigme que vous devez avoir. La commission scolaire English-Montréal peut exister en même temps, et toutes les commissions scolaires anglophones, que les commissions scolaires francophones.
Le Président (M. Marsan): M. le député de Borduas, je sens que vous voulez réagir.
M. Curzi: Bien non, mais c'est parce que je n'ai jamais dit qu'on enseignait mieux le français, madame. Je n'ai pas dit ça. J'ai dit: Vous, vous enseignez l'anglais très bien et vous dites clairement que vous enseignez le français très bien. Ce que je dis, c'est que nous souhaitons enseigner le français bien, et même mieux, et que nous souhaitons enseigner l'anglais aussi bien que vous enseignez le français. Il me semble que c'est ça que j'ai dit clairement.
L'autre affaire, madame, soyons clairs aussi, vous parlez d'une baisse des effectifs de la commission scolaire English-Montréal, mais vous savez par ailleurs qu'il y a deux autres phénomènes dont on doit tenir compte: le phénomène des écoles privées, dont le nombre d'élèves augmente, et le phénomène du déplacement de la population. Et vous savez très bien que, dans la couronne nord, par exemple, d'autres commissions scolaires voient leurs effectifs augmenter énormément, ce qui compense. Les gens qui vous quittent s'en vont en banlieue, comme les francophones font la même chose, ils s'en vont en banlieue. On ferme des écoles à Montréal, mais on en ouvre dans toute la banlieue où les gens migrent. Ce sont deux phénomènes qui font que l'interprétation que vous faites des chiffres n'est pas tout à fait exacte. Il y a de ces phénomènes-là qui jouent.
Est-ce que vous reconnaissez, madame, qu'effectivement il y a un déplacement de population? Ça explique. Globalement, les chiffres sont très nets, il n'y a pas globalement de baisse dans le nombre de personnes qui fréquentent le système scolaire anglophone. Il y a sûrement des déplacements. Peut-être qu'il y a moins de gens au niveau... Mais le taux de fécondité -- le taux de fécondité synthétique -- est exactement le même partout, du côté francophone comme du côté anglophone. Il n'y a pas de raison qu'il y ait moins d'enfants qui aillent dans votre système scolaire, il y a le même taux de fécondité. Alors, je veux dire, il faut faire attention.
Ce que je cherchais, mais je crois que j'ai raté mon coup, c'était une tentative de voir comment on peut réconcilier ce qui apparaît comme une mauvaise loi à la fois pour vous et pour nous, tout simplement. Je cherchais un terrain d'entente.
Le Président (M. Marsan): Je vous remercie. Ceci termine l'échange avec le parti de l'opposition officielle.
M. Curzi: Je pense que j'ai raté mon coup.
Le Président (M. Marsan): Nous poursuivons avec le deuxième groupe d'opposition, et je cède la parole au chef de l'Action démocratique, M. le député de Chauveau.
M. Deltell: Merci, M. le Président. Mesdames monsieur, soyez les bienvenus à l'Assemblée nationale. Une fois n'est pas coutume, je suis tout à fait d'accord avec le député de Borduas lorsqu'il dit que ce qu'il a voulu exprimer tout à l'heure, c'est qu'il voulait se servir précisément de ce qui existait là-bas; c'est exactement ce qu'il a dit, et je le soutiens d'ailleurs.
Et à cet effet-là, M. le Président, je tiens à dire aux gens de la commission scolaire que vous êtes pour nous une inspiration. Parce que vos enfants qui vont à votre école, qui vont dans vos écoles sortent bilingues. Et vous vous donnez les moyens pour. Les chiffres -- ce qu'il y a de magnifique dans les commissions parlementaires, c'est qu'on apprend plein de choses -- vous consacrez 32 % de votre temps d'enseignement au français pour vos enfants, pour vos élèves. Bravo! Je vous félicite.
Et il est vrai de constater que les francophones... que les gens qui fréquentent vos écoles sortent de là bilingues et parlent un français, écrivent un français plus que convenable, et parfois même gênant pour certains d'entre nous. Et nous le constatons et nous disons que ce que vous faites, c'est bien et doit servir d'inspiration.
Je relève aussi deux points que vous avez dits tout à l'heure. Quand vous avez dit qu'un élève bilingue connaît de meilleurs succès, meilleurs succès dans l'enseignement général qu'il peut recevoir à l'école, et qu'il également a le plus de chances de succès dans sa carrière, c'est un point de vue que nous partageons. Et c'est pour ça que nous allons débattre ensemble de notre point de vue à nous concernant le bilinguisme des Québécois francophones.
Et aussi, quand vous avez dit que la langue n'est pas politique mais une question d'éducation de nos enfants, là encore, on se rejoint. À notre point de vue, la loi n° 103 est pour nous un problème de nature politique, mais notre solution à nous est une solution d'instruction, une solution d'éducation. Et là je veux vous entendre sur notre point de vue.
Nous, on affirme que les gens qui font appel aux écoles dites passerelles -- les Québécois francophones, j'entends -- le font parce qu'ils souhaitent que leurs enfants, à la suite de leurs cours secondaires, soient bilingues. Et, nous, on estime que, si notre système d'éducation public francophone donne un enseignement d'anglais de qualité, les enfants sortiront de notre système scolaire, à la fin de leurs études secondaires, parfaitement bilingues, ou enfin avec un excellent outil pour faire face aux défis du XXIe siècle, c'est-à-dire apprendre, connaître l'anglais, et donc ils n'auront pas besoin, si on se donne les outils nécessaires dans le système public francophone, d'aller dans les écoles passerelles. Qu'est-ce que vous pensez de notre position?
Le Président (M. Marsan): Alors, Mme Lattanzio.
Mme Lattanzio (Patricia): Merci, M. le Président. Donc, pour répondre à vos deux interventions -- merci bien de nous avoir félicités, nous sommes très fiers du travail que nous faisons avec nos écoles et nos élèves -- nous avons compris que, justement, un des buts de la loi n° 104 était de chercher de protéger la langue française et de s'assurer de son épanouissement. Donc, à ce niveau-là, je pense qu'on a réussi et on a très bien réussi.
On comprend que justement vous voulez même que les écoles francophones adoptent justement ce programme bilingue, et c'est pour ça que je reviens sur le point que j'ai fait tantôt de dire que justement la charte québécoise devrait peut-être prendre en considération cet aspect-là.
Nous ne sommes plus... Au Québec, nous n'avons plus seulement carrément des écoles anglaises et carrément des écoles francophones. Je veux dire, il y a des écoles, il y a des systèmes, il y a des commissions scolaires anglophones avec trois programmes, mais ces programmes-là doivent être incorporés dans la charte. Et je pense que, du moment où on commence à faire une réforme, une modification de la loi dans ce sens-là, on aurait justement... on s'en va vers une voie d'aller chercher des solutions.
Et, pour revenir au commentaire de M. Curzi, si vous permettez, j'ai bien compris votre point de vue, et, moi, je vous lance... -- parce que c'est à vous, les parlementaires, de légiférer et de nous aider -- je vous dis que, peut-être, la passerelle doit être faite entre vous et nous. Nous, nous voulons justement aider nos enfants québécois francophones, qu'ils apprennent l'anglais, et, vous, peut-être vous pouvez apprendre de nous, de qu'est-ce que nous faisons dans nos écoles et peut-être l'appliquer dans vos écoles pour qu'on devienne peut-être... On peut s'entraider. On veut faire partie de cette solution au Québec. On ne veut pas qu'on soit antagonistes.
Le Président (M. Marsan): Alors, je veux vous remercier, Mme Lattanzio, Mme Mancini, Mme Lo Bianco, M. Stocker.
Et la commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures. Vous devez prendre tous vos effets personnels, étant donné qu'il y a une réunion qui suit celle-ci. Alors, bon appétit et merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 13 heures)
(Reprise à 15 h 11)
Le Président (M. Marsan): À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Nous allons poursuivre sans plus tarder les auditions publiques sur le projet de loi n° 103, Loi modifiant la Charte de la langue française et d'autres dispositions législatives.
Nous débutons cet après-midi en accueillant la Confédération des syndicats nationaux et sa présidente, Mme Claudette Carbonneau.
Mme Carbonneau, si vous voulez d'abord nous présenter les gens qui vous accompagnent, et ensuite vous pouvez procéder à nous décrire ou nous donner la position de votre organisation sur le projet de loi n° 103. Alors, la parole est à vous.
Confédération des
syndicats nationaux (CSN)
Mme Carbonneau (Claudette): Alors, merci, M. le Président. Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, oui, je vais vous présenter les personnes qui m'accompagnent: alors, à ma droite, Jonathan Leblanc, qui est du Service juridique de la CSN; tout à côté de moi, Michel Forget, qui est adjoint au comité exécutif de la CSN; et Julie Audet, qui est au module recherche du Service des relations du travail à la CSN.
Alors, écoutez, merci de nous recevoir, de nous entendre. Vous savez, la CSN, depuis 1921, on est très, très préoccupés par la langue française. C'est un peu dans nos gènes. En même temps, on est une organisation qui représente aussi 300 000 personnes, alors des francophones, bien sûr, mais des anglophones, des allophones, des représentants de communautés autochtones aussi à l'intérieur de nos rangs.
On a toujours déploré à travers l'histoire les incursions de la Cour suprême pour charcuter à maintes reprises les dispositions de la Charte de la langue française. Et on a déclaré notre indignation devant le jugement de la Cour suprême d'octobre 2009. Nous pensons toujours qu'il s'agit d'un mauvais jugement. Et je pense que maintenant il faut au moins éviter d'y appliquer le mauvais remède.
Alors, on a bien noté un consensus quand même assez large au Québec au moment de la sortie du jugement. Je me souviens d'avoir entendu Mme la ministre s'être déclarée profondément choquée. Le premier ministre s'est exprimé, a exprimé sa déception. Mme Weil avait souligné quelque chose aussi dans le débat qui nous interpelle énormément au niveau de la CSN, à savoir que l'indignation des Québécoises et des Québécois portait beaucoup sur, au fond, un jugement qui permettait d'acheter des droits qui autrement ne seraient pas prévus.
Et on a salué aussi la position de l'Assemblée nationale, qui avait demandé que, dans la recherche d'une solution, on travaille sérieusement à mettre fin à ce marchandage des droits. Je vous dirais que, quand on a vu le libellé de la loi n° 103, on a été déçus. On l'interprète un peu comme une volte-face par rapport à ce que je viens de relater.
Quels reproches faisons-nous à ce projet de loi? Bien, je dirais d'abord l'article 2. Oui, il faut être conscient, bien sûr, ça limite le nombre d'individus qui pourront acquérir un droit qu'ils n'auraient pas acquis autrement. Mais, malgré tout, ça reste inacceptable qu'on puisse continuer à acheter un droit que, dans d'autres circonstances, on n'aurait pas. Et, pour nous, c'est vraiment fondamentalement une question de principe, ce n'est pas une question de nombre.
Évidemment, ce qu'on reproche aussi à cet article 2, c'est de suggérer d'y aller par règlement plutôt que par loi. Ça donne une discrétion plus grande au gouvernement; ça nourrit moins facilement le débat public sur des changements qui peuvent être majeurs pour notre avenir collectif. Et je vous dirais que l'article 2 nous laisse dans le carcan du fameux parcours authentique dessiné par la Cour suprême. Pour nous, il s'agit toujours d'un concept qui est éminemment nébuleux.
Alors, quelle est la solution qu'on met de l'avant? Eh bien, c'est très simplement qu'on assujettisse l'ensemble des écoles de niveaux primaire et secondaire, subventionnées ou non, à la Charte de la langue française. C'est une question d'efficacité. Ça nous semble infiniment plus juste d'avoir un même régime de droit pour l'ensemble des citoyennes et des citoyens. Et ça nous apparaît beaucoup plus respectueux, je dirais, de l'égalité des citoyens devant la loi, d'autant qu'une telle mesure nous apparaisse, je vous dirais, pleinement justifiée quand on met en contrepartie l'objectif qui est poursuivi, qui en est un de défense de la pérennité de la langue française, de la culture française, qui sont au coeur de la cohésion sociale ici, au Québec.
Est-ce que, dans l'esprit de la CSN, on croit qu'il faille pour autant recourir à la clause dérogatoire? Notre position là-dessus, c'est non. On se fie beaucoup sur l'avis émis par le Conseil supérieur de la langue française à cet égard-là. Et je fais humblement remarquer à la commission que même l'article 23 de la charte canadienne ne fait pas de distinction entre des écoles subventionnées ou non subventionnées. Et je voudrais ici ouvrir une parenthèse. Vous savez, la clause dérogatoire, pour nous, ce n'est pas quelque chose nécessairement à bannir, dans le... mais on croit que ce n'est pas nécessaire. O.K., je dis «ce n'est pas à bannir» parce que ça peut être parfaitement légitime que d'y avoir recours et ça ne signifie pas, comme trop souvent c'est perçu dans l'opinion publique, qu'invoquer la clause dérogatoire, c'est se garantir qu'on déroge à des droits ou à des libertés fondamentales, c'est tout simplement de ne pas se soumettre au test de la charte canadienne à cet égard-là. Mais je pense qu'il faut être nuancé, là: on ne prône pas une dérogation à des droits fondamentaux, ce faisant.
Je voudrais aussi, à cet égard-là, rappeler que, pour nous, le Québec est une terre de liberté, pour nous, le Québec est une terre de droit. On a une charte québécoise, elle est même plus ancienne que la charte canadienne, et on ne refera pas l'histoire de la charte canadienne, là, les positions unanimes de l'Assemblée nationale de ne pas adopter le rapatriement de la Constitution. Alors, de ce côté-là, je trouve ça un peu tannant qu'on se flagelle nous-mêmes et qu'on considère que, mon Dieu, on est prêts à faire des entorses aux droits et libertés. On a une charte, elle est là, on n'y contrevient pas. On est une terre de droits et libertés. On a été proactifs bien avant le reste du Canada sur cette question-là. Alors, de grâce, évitons de nous flageller collectivement. Je pense qu'au contraire on devrait être fiers de nos réalisations en matière de promotion et de défense des droits comme Québécoises et comme Québécois.
Quelques mots sur l'autre section de la loi. Écoutez, il y a des dispositions, par exemple celles qui réfèrent à la politique linguistique pour les municipaux, l'obligation aussi, je dirais, de divulgation pour les établissements d'enseignement, bon, c'est toutes des mesures qu'on peut saluer, là, on n'a rien contre ça. J'ajoute que, dans certains cas, on serait peut-être allés plus loin. Pourquoi, par exemple, au niveau des municipalités, attendre une demande de la ministre? Ça aurait pu être une obligation qui soit faite à l'ensemble des municipalités. On aurait pu élargir l'obligation de divulgation dans le cas des établissements d'enseignement.
**(15 h 20)** Mais ce n'est pas là où principalement le bât blesse. Là où, je dirais, le projet de loi nous apparaît le plus faible, c'est qu'il n'y a rien sur le travail, alors qu'au fond l'école et le travail sont les premiers moteurs d'intégration et de promotion de la langue française. Et, à cet égard-là, il y a tellement de lacunes, hein? Les comités de francisation qui fonctionnent mal, mal, archimal. On aurait pu d'ailleurs s'inspirer d'autres législations québécoises. Ce qui est fait en matière de santé-sécurité est beaucoup plus offensif, beaucoup plus efficace. Alors, il y a des modèles sur lesquels s'inspirer.
Écoutez, on aurait souhaité aussi que, pour les entreprises de 50 et plus, la réglementation concernant les comités de francisation s'applique. Je sais que j'ai déjà eu, d'ailleurs à l'invitation de Mme la ministre, à travailler avec les partenaires économiques de Montréal. Et, à l'époque, on disait: C'est inaccessible d'assujettir, par exemple, la plus petite entreprise. Notre politique n'était pas de se braquer, notre politique n'était pas d'empêcher qu'on puisse apporter des améliorations, mais néanmoins, au fil des ans, nous croyons toujours qu'il y aurait lieu d'assujettir à tout le moins les entreprises de 20 à 49 salariés.
Écoutez, des améliorations, là, sur la langue de travail, il pourrait y en avoir des tonnes. Il y a souvent un seul comité pour l'ensemble des établissements. Imaginez la réalité d'AbitibiBowater, vous. Qu'est-ce que ça veut dire? Avec une usine à Gatineau, une autre au Saguenay-- Lac-Saint-Jean, etc., tu n'as pas de prise sur cette réalité-là.
Bref, ce n'est pas l'objet du mémoire, mais je questionne beaucoup qu'il n'y ait rien sur la langue de travail, et, en résumé... D'ailleurs, questionner aussi l'efficacité de la charte, l'efficacité de ses recours. On a vu... Dans le Forum des gens d'affaires de Montréal, écoutez, je pense qu'il y avait 40 % des petites entreprises qui exigeaient, pour tous les postes, tous les postes, que les gens maîtrisent la langue anglaise. Alors, il y a un problème là, là; il y a définitivement un problème. Et le recours qui est prévu à la charte en est un de plainte individuelle. Tu regardes les plaintes, il n'y a à peu près pas de plaintes, O.K.? Alors, je pense qu'il faut questionner l'efficacité de tels recours, il faut questionner... Bon.
Et j'ajoute aussi que l'autre déception, c'est concernant les immigrants. Je comprends qu'on veut faire quelque chose, que je ne blâme pas, assujettir... amener de nouvelles dispositions, par exemple, dans les droits économiques et sociaux, mais, il ne faut pas se leurrer, les droits économiques et sociaux, ça ne donne pas la primauté sur les autres lois. Et, par exemple, on aurait voulu garantir un meilleur accès des clientèles immigrantes à des cours de francisation, ça n'aurait pas empêché les coupures du dernier budget dans les programmes de francisation, parce qu'il n'y a pas cette primauté. Alors, de ce côté-là, je n'ai rien contre les déclarations vertueuses, mais je considère que ça manque de dents. Et l'enjeu de l'immigration est un enjeu tellement important dans la société québécoise qu'il faut se dire qu'on a des obligations. Et, de ce côté-là, on doit avoir des moyens, je vous dirais, beaucoup plus efficaces, beaucoup plus engageants, beaucoup plus fermes.
Alors, en conclusion, je rappelle l'essentiel de nos recommandations: retirer l'article 2 du projet de loi, assujettir l'ensemble des écoles aux dispositions de la charte. Et nous demandons... Ça fait 10 ans qu'on n'a pas eu des états généraux sur la langue française, n'attendons pas une crise linguistique. Pourquoi ne pas se mettre au travail? J'ai souligné des lacunes importantes, notamment au chapitre du travail. Je pense qu'il y a là un espace à occuper de façon proactive. Alors, je m'arrête là.
Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie, Mme Claudette Carbonneau, présidente de la Confédération des syndicats nationaux, pour nous avoir donné votre position sur le projet de loi n° 103. Nous allons immédiatement à la période d'échange. Et je vais céder la parole à Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. Mme la ministre.
Mme St-Pierre: Merci beaucoup. Merci d'être là. J'ai plein de questions à vous poser, parce que ce dont je suis très heureuse, c'est que vous avez pris la peine de lire tout le projet de loi puis vous ne vous êtes pas concentrés uniquement sur un aspect. Vous êtes allés voir tous les aspects que nous avons intégrés dans le projet de loi. J'aime beaucoup ça.
Sur les droits économiques et sociaux, bien, on sait que c'est une revendication traditionnelle. Vous en aviez fait part, d'ailleurs, lorsqu'on avait parlé de l'égalité entre les hommes et les femmes dans la charte. Alors, on connaît évidemment vos revendications là-dessus.
Sur des états généraux sur la langue, il y en a eu, oui, c'est vrai, il y a 10 ans, c'était le rapport Larose. Le gouvernement du Parti québécois était au pouvoir, puis ils n'ont pas mis beaucoup de recommandations du rapport Larose en place. On le note, parce que le rapport Larose, on s'en est... on l'a lu, puis il y a des choses qu'on a regardées dedans puis voir un peu comment, de l'autre côté, on avait réagi aux recommandations de M. Larose. Mais il va venir nous parler; je pourrai le faire commenter là-dessus.
Je voudrais commencer mes premières questions par rapport à la scène internationale. Vous avez certainement entendu M. Bernard quand il est venu ici. Vous dites que vous vous inspirez, si on n'a pas besoin de la clause dérogatoire, du Conseil supérieur de la langue. Le Conseil supérieur de la langue, lorsque M. Ouellon est venu témoigner en commission parlementaire lors des crédits, au printemps dernier, a dit qu'il n'avait pas... que l'avis du Conseil supérieur de la langue n'était pas un avis juridique, que c'était un avis plus sociologique, qu'il n'avait pas fait ses... Moi, je lui ai demandé: Pourquoi vous n'avez pas analysé cet aspect-là? Il m'a dit: On n'a pas analysé cet aspect-là, à savoir: Devons-nous ou pas mettre la clause dérogatoire? Donc, ça, ça fait le contexte un peu de l'avis du Conseil supérieur de la langue.
Pour la question de la scène internationale, vous êtes quand même, à la CSN, très actifs sur la scène internationale, vous, depuis longtemps, depuis toujours. Quand même, le Québec est signataire d'une pacte, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Et, M. le Président, je voudrais profiter de l'occasion pour déposer le pacte auquel le Québec a adhéré en 1976. Ça fait quand même plusieurs années. Et justement en vertu de ce pacte-là, lorsque la clause dérogatoire avait été utilisée sur la loi 178, il y avait eu une plainte, puis Québec avait été blâmé. Donc, on a déjà joué dans ce film-là. Et la clause dérogatoire finalement aussi, c'est à tous les cinq ans qu'il faut refaire la chose, refaire le débat, là, donc ça ne ferme pas le couvercle indéfiniment.
Comment vous voyez ça sur le plan international? Vous êtes quand même une centrale syndicale qui est bien ancrée, vous avez des contacts partout. Puis j'imagine que les pactes internationaux, ça doit vous dire quelque chose.
Mme Carbonneau (Claudette): Tout à fait. C'est un aspect qu'on a effectivement regardé. Alors, écoutez, notre compréhension de ce pacte-là, il n'y a pas d'incompatibilité avec la recommandation qu'on met de l'avant. C'est l'avis qu'on soutient. Ce pacte-là, d'une part, parle de deux volets, c'est-à-dire une certaine liberté qui est donnée pour recevoir l'enseignement de sa langue maternelle, pas nécessairement dans sa langue maternelle. Le courant jurisprudentiel qui découle, là, du débat d'interprétation entre ces deux volets-là, le courant majoritaire, laisse entendre qu'on peut avoir une certaine discrétion si on peut par d'autres moyens favoriser l'apprentissage de la langue maternelle.
Et, d'autre part, je vais vous dire, ce pacte-là, il vise d'abord la liberté de conscience, la liberté de religion. Et, en aucun cas, là, on ne fait la promotion de la disparition des écoles non subventionnées privées. Il peut en rester dans le secteur francophone, il peut en rester dans le secteur anglophone. Ceux qui se qualifieraient en vertu des dispositions actuelles de la charte pourraient fréquenter l'école privée, pourraient fréquenter l'école privée non subventionnée anglophone. Or, en ce sens-là, non, honnêtement, on n'y voit pas de problème.
Et, moi, je vais vous dire, je pense qu'au plan international, faire en sorte... Je trouve qu'il y a une grosse contradiction entre plaider qu'il y a un droit fondamental qui doit être protégé et l'assujettir à l'épaisseur du porte-monnaie puis aux moyens financiers des familles pour y accéder. Je trouve qu'il y a une grosse contradiction. Ça me met très mal à l'aise.
Mme St-Pierre: Oui, oui. Mme la présidente, quand même, vous faites... vous allez rapidement, là. Vous allez rapidement, parce que vous savez très bien que, dans le projet de loi n° 103, nous avons l'interdiction des écoles passerelles; il y a des mesures vraiment pour restreindre le plus possible... Ensuite, il y a la grille d'analyse, là. Ce n'est pas un automatisme, là. Et je sais que...
Mme Carbonneau (Claudette): Ce n'est pas un automatisme, et je l'ai reconnu.
Mme St-Pierre: Je sais que le jugement de la Cour suprême ne fait pas votre bonheur, et il ne faisait pas le bonheur de personne. Mais, à un moment donné, il faut... bon. On a des institutions, puis, nous, nous sommes dans le respect des institutions.
Alors, la Cour suprême nous a donné une feuille de route. Puis le projet de loi n° 103, à notre avis, c'est la feuille de route que la Cour suprême nous a donné. On nous dit: Vous êtes légitimes de légiférer et vous devez mesurer le parcours authentique. Alors, c'est ça qu'on fait, là. On est dans la pleine... en droite ligne avec ce que la Cour suprême nous dit de faire.
**(15 h 30)**Mme Carbonneau (Claudette): Bien, écoutez, ma compréhension là-dessus, la Cour suprême, au fond, a dit ne pas vouloir considérer le temps fait dans les écoles non subventionnées. Il faut regarder les choses de façon plus subtile. La Cour suprême, à ma connaissance, ne s'est pas du tout prononcée sur des règles d'admissibilité à l'école privée non subventionnée. Et, en ce sens-là, je pense que la voie qu'on préconise, on est tous conscients, là, que... je suis parfaitement consciente, personne n'est heureux du jugement de la Cour suprême. Il faut tenter de réparer les pots cassés, mais il faut se poser la question: Quelle est la meilleure méthode? Quel est le meilleur remède? Et, de ce côté-là, on est infiniment plus à l'aise avec un assujettissement de l'ensemble des citoyens à un même régime de droit.
Écoutez, vous me questionniez tantôt sur l'impact sur la scène internationale, moi, je vais vous dire: Pouvoir dire aux gens, là, que tous les citoyens sont égaux devant la loi, assujettis à un même régime, c'est la base même d'un régime démocratique, ça. Or, en ce sens-là, là, il n'y a pas de quoi sortir avec un sac brun sur la tête sur la scène internationale, là, au contraire.
Mme St-Pierre: Mais il y en a bien qui sortiraient avec un sac brun. Parce que M. Camille Laurin l'a dit lors d'un congrès du Parti québécois, M. Bernard...
Une voix: ...
Mme St-Pierre: Il n'y a pas 30 ans, c'était en 1998... 1996. 1996. Puis vous l'avez mis dans votre programme en 2001, que vous aboliriez la loi n° 178 puis... 86, vous ne l'avez pas fait.
Le Président (M. Marsan): Si vous voulez vous adresser...
Mme St-Pierre: Non, non, mais, monsieur...
Le Président (M. Marsan): ...à la présidence, s'il vous plaît.
Des voix: ...
Mme St-Pierre: Puis ça va dans votre programme, vous ne l'avez pas fait.
Le Président (M. Marsan): À l'ordre, s'il vous plaît!
Mme St-Pierre: Excusez. Bon.
Le Président (M. Marsan): Alors, nous allons poursuivre. Mme la ministre, vous avez la parole pour le questionnement avec nos invités.
Mme St-Pierre: Sur la question, vous avez abordé l'histoire de la question de la Charte des droits et libertés, l'ajout du français. Je comprends, là, les droits économiques et sociaux, ça, on a compris, mais l'ajout du français, est-ce que c'est quelque chose qui vous plaît ou si vous trouvez que c'est...
Mme Carbonneau (Claudette): Écoutez, on ne peut pas être contre la vertu là-dessus.
Mme St-Pierre: La vertu, O.K.
Mme Carbonneau (Claudette): Ce n'est certainement pas ce que je réprouve à l'intérieur du projet de loi n° 103, là, mais, en même temps, ça reste une déclaration. Et ce que je souhaiterais, c'est qu'il y ait des engagements plus fermes, qu'il y ait au quotidien, là, des impacts. Alors, mes considérations, par exemple, sur pourquoi pas la langue de travail, pourquoi pas...
Mme St-Pierre: Justement, sur la langue de travail, vous êtes quand même signataires du plan d'action, là. Lorsqu'on a fait le Rendez-vous des gens d'affaires et des personnes partenaires socioéconomiques, vous avez déclaré à ce moment-là: «"Le mieux est l'ennemi du bien." [...]les grandes centrales syndicales [...] ne voient pas [l'urgence de] modifier la loi.» Vous, vous dites -- ça, c'est l'article... «"Le mieux est l'ennemi du bien", a dit en substance la présidente de la CSN.» C'est une citation du Devoir, 11 octobre. Donc, est-ce que je comprends que vous vous dissociez aujourd'hui du plan d'action? Parce que vous demandez l'application au 20-49.
Mme Carbonneau (Claudette): Non. Non, non. Pas du tout, pas du tout.
Mme St-Pierre: O.K. Ce serait...
Mme Carbonneau (Claudette): Écoutez, la revendication du 20-49 est une vieille revendication de la CSN, hein? Et, au fond, quand il y a eu cette offre d'aller travailler à Montréal, on a dit: Bon. O.K., cette fenêtre-là, elle est fermée, prenons-en acte. Mais, en même temps, par-delà ça, il y a certainement des choses auxquelles on peut contribuer à bonifier. Et, de ce côté-là, mon engagement reste le même, comprenez-vous? Mais je n'ai jamais renoncé au droit de revendiquer dans un autre forum des améliorations qui touchent les 20-49. Il y a plusieurs améliorations à faire sur la langue de travail. À partir du moment où on dit: On ne peut pas travailler sur ce terrain-là, très bien, on va en prendre acte. On ne va pas éviter de faire ce qui peut être fait dans les circonstances, mais en même temps ça ne dispose pas des congrès de la CSN puis de leurs positions d'orientation, ça.
Mme St-Pierre: Oui, oui. Puis on était bien, bien heureux de voir que, vous, vous êtes venus travailler avec nous, contrairement à nos amis d'en face.
Mme Carbonneau (Claudette): Et qu'on continue.
Mme St-Pierre: Oui. Puis on va continuer à travailler ensemble, je suis convaincue.
M. Curzi: ...
Mme St-Pierre: Vous n'étiez pas là.
M. Curzi: ...
Le Président (M. Marsan): Mme la ministre, s'il vous plaît, on poursuit nos échanges avec nos invités. Ça va?
Mme St-Pierre: Alors, sur la question de la clause dérogatoire, on s'entend pour dire que la clause dérogatoire, c'est une suspension des libertés individuelles. La clause dérogatoire, selon les experts, s'appliquerait, devrait s'appliquer, puisqu'on entre dans une zone de liberté puis on entre dans une... ce seraient des articles particuliers de la Charte canadienne des droits et libertés, puis il faudrait... on l'appliquerait même sur la charte québécoise.
Ça ne réglerait quand même pas le problème parce qu'il faut revenir au bout de cinq ans avec la clause dérogatoire. On n'est pas dans une solution permanente en faisant cela.
Mme Carbonneau (Claudette): Non. On n'est pas dans une solution permanente. Mais, écoutez, nous, on maintient encore qu'il n'est pas nécessaire de recourir à la clause dérogatoire. Et, en même temps, je passerais, si vous le permettez, la parole à Jonathan parce que nous ne souscrivons pas non plus à l'interprétation que vous faites de la portée de la clause dérogatoire.
Le Président (M. Marsan): M. Leblanc.
M. Leblanc (Jonathan): Oui. Bien, premièrement, un peu comme Mme la présidente l'a souligné tantôt, la clause dérogatoire, ça ne veut pas strictement dire qu'on veut suspendre l'application des droits et libertés d'une personne, ou qu'on veut suspendre l'application des droits et libertés qui sont dans la charte, ou qu'on veut simplement... On peut l'appliquer dans un autre contexte simplement pour exprimer que le débat ne doit pas avoir lieu dans le contexte de la charte. Et ça ne veut pas dire, d'entrée de jeu... Les personnes, je crois, qui défendent l'hypothèse d'appliquer la clause dérogatoire aujourd'hui n'annoncent pas d'entrée de jeu qu'il y a violation des droits et libertés parce qu'en soi on ne peut pas en identifier aujourd'hui.
Par exemple, je sais qu'il y a certaines personnes qui ont référé à la liberté dans la charte, qu'il y aurait peut-être une atteinte à la liberté. Il faut se rappeler le texte de l'article 7 de la charte canadienne, hein, c'est: Atteinte à la liberté mais dans un cadre qui est contraire à la justice naturelle. Alors, déjà là, on ne peut pas prendre le terme «liberté», le lancer dans les airs comme ça et lui faire dire n'importe quoi. Il n'existe pas de jurisprudence au Canada qui indique qu'il y a une liberté de choix en matière de langue d'enseignement.
Alors, qu'est-ce que la Cour suprême risque de faire si la question se pose? Elle va aller voir en droit international. Il n'existe pas, en droit international, de liberté au choix de la langue d'enseignement. Donc, tout porte à croire qu'il n'y a probablement même pas violation de droits fondamentaux. Je vous rappelle de toute façon que, comme, en droit interne, il y a l'article 1 de la charte qui permettrait de faire rentrer en ligne de compte les mêmes considérations que celles qui sont rentrées en ligne de compte jusqu'à maintenant concernant la Charte de la langue française et, en droit international, en fonction du PIDESC, il y a l'article 4... peut-être que le chiffre n'est pas le bon, mais il y a un article justificatif de la même nature.
Et je reviens aussi sur ce qu'on a dit tantôt, quand on parle de la liberté d'éducation dans le PIDESC. Il y a le paragraphe 3° qui parle d'une liberté de choix. Il faut se remettre dans le contexte des années où ça a été adopté: c'est en 1966, on parlait alors de liberté de choix au niveau de la religion, de la conscience pour éviter que l'État puisse imposer ses dogmes aux individus. Or, ici, il n'est pas clair et il n'est... En fait, il est clair que ce n'est pas une question de liberté de choix de la langue d'enseignement. Le seul texte international qui traite de cette question-là, c'est une déclaration de l'ONU et elle n'est pas impérative. Elle fait de la nuance et elle fait exactement ce que Mme la présidente a énoncé tantôt: elle indique notamment que les personnes ont peut-être le droit d'apprendre leurs langues maternelles.
Mme St-Pierre: Bon. Alors, l'année dernière, nous étions, quelques semaines seulement après le dépôt... quelques semaines après que le jugement de la Cour suprême soit rendu public, on est en commission ici, en interpellation. Avant l'interpellation -- on est au mois de novembre -- le député de l'opposition... M. le député de Borduas et le député de Lac-Saint-Jean sont venus nous faire... sont allés faire une conférence de presse, ensuite ils sont venus en commission, en interpellation, et le député de Lac-Saint-Jean a dit, bon, il parle de... bien sûr que la clause dérogatoire peut s'appliquer: Elle s'applique parce que ce ne serait plus l'article 23 qui serait en cause mais plutôt probablement le droit à la liberté. C'est ce que les experts -- au pluriel -- nous disent. Article 7 dans le cas de la charte canadienne et l'article 3 dans le cas de la charte québécoise. Alors là, on pourrait utiliser la clause "nonobstant" pour ces deux avenues-là, ce qui nous permet d'avoir donc... de corriger la situation et de mettre la ceinture, puis de rajouter les bretelles. Alors, c'est ce que les experts du Parti québécois, de l'opposition, sont venus nous déclarer trois semaines après que le jugement ait été rendu public.
Mme Carbonneau (Claudette): Bien, Mme la ministre, vous n'allez quand même pas nous demander de jouer à: Mon expert est meilleur que le vôtre?
Mme St-Pierre: Bien, c'est parce que c'est... Non, je ne vous demande pas de jouer à ça, mais ce que je peux vous dire, c'est que, chez ceux qui nous demandent d'appliquer la loi 101 aux écoles privées non subventionnées, il y a plein... il semble y avoir... il ne semble pas y avoir consensus, là, du tout, là, c'est...
**(15 h 40)**Mme Carbonneau (Claudette): Non. Il n'y a pas non plus... À sa face même, la commission n'est pas terminée, mais je pense qu'elle n'est pas très consensuelle dans ses audiences non plus, là. Alors, on vit avec ça, et je pense qu'on doit collectivement essayer de chercher la meilleure solution. Et, de ce côté-là, honnêtement, là, le brouhaha qu'a soulevé ce rapport-là, c'était l'indignation profonde des Québécoises et des Québécois qu'on puisse marchander, acheter un droit. Je ne dis pas qu'il n'y a pas dans le projet de loi des dispositions qui rendent cette éventualité-là plus lointaine, c'est réel, mais je pense que ça ne correspond pas à l'indignation et à la volonté de vouloir régler le problème de façon plus juste et plus efficace.
Mme St-Pierre: Hier, nous avons eu les représentants des écoles Vision qui sont venus ici. Ils nous ont parlé... Les écoles Vision, bon, vous connaissez ces écoles-là, j'imagine: il y a 2 000 élèves qui fréquentent les écoles Vision. C'est du privé non subventionné. On enseigne le français, l'anglais, l'espagnol. Et ils sont venus nous dire que, si la loi 101 s'appliquait aux écoles privées non subventionnées, c'est tout leur projet éducatif qui serait comme chambardé, donc ils ne pourraient plus exister et ça veut dire que c'est le projet éducatif de 2 000 enfants, là.
Et comment vous réagissez à ça? Puis les parents qui envoient leurs enfants dans ces écoles-là, bien ce n'est pas tous des gens très bien nantis, il y a des gens qui font des sacrifices pour envoyer leurs enfants dans ces écoles-là...
Mme Carbonneau (Claudette): Écoutez, moi...
Mme St-Pierre: ...pour que leurs enfants apprennent trois langues.
Mme Carbonneau (Claudette): Oui. Oui. Puis, je trouve ça parfaitement correct.
Mme St-Pierre: Mais là ils ne pourraient plus le faire avec la loi 101?
Mme Carbonneau (Claudette): Bien, écoutez, non, non. Je pense que ça pourrait peut-être passer par des ajustements. Mais ce n'est pas interdit, là, d'avoir une école privée non subventionnée qui dispense l'essentiel de l'enseignement en français. Ce n'est pas une interdiction, ça. Ça peut se faire puis tu peux enseigner l'anglais avec un programme plus développé, puis tu peux enseigner l'espagnol aussi.
Mme St-Pierre: Pas selon la loi 101.
Mme Carbonneau (Claudette): Les écoles privées non subventionnées?
Mme St-Pierre: Dans les écoles...
Mme Carbonneau (Claudette): Oui.
Mme St-Pierre: ...on peut enseigner l'anglais, bien sûr, il y a de l'enseignement de l'anglais, mais il faut que ce soit conforme aux directives du ministère. Mais le projet Vision, les écoles Vision, ce sont des écoles qu'il y a un programme où ils enseignent tel pourcentage en français, tel pourcentage en anglais, puis tel pourcentage en espagnol.
Mme Carbonneau (Claudette): Oui. Mais je pense...
Mme St-Pierre: Alors, eux nous disent que la loi 101, si elle est appliquée à leur programme, à leurs écoles, ça ne pourrait pas fonctionner.
Mme Carbonneau (Claudette): Écoutez, là, ça se refait un programme, ça se retouche un programme, ça s'ajuste de ce côté-là. Je peux comprendre qu'on pourrait offrir... faire l'enseignement des matières de base en français pour ceux qui devraient fréquenter l'école française, mais je pense que ça ne ferme pas toutes les portes à l'apprentissage de d'autres langues: l'anglais, l'espagnol, autre chose. Or, en ce sens-là, on ne va quand même pas, pour une école qui a conçu un programme et qui se refuserait d'y apporter quelques ajustements, prendre ça comme base pour modeler notre appareil législatif ici, là. Je pense que, de ce côté-là, ça se peut que ça amène un certain nombre de changements, mais il ne faut pas dramatiser les choses et dire que maintenant, au Québec, il n'y aurait plus moyen d'apprendre davantage d'espagnol, davantage d'anglais tout en appliquant les dispositions de la Charte de la langue française.
Mme St-Pierre: J'ai fini, M. le Président. Merci.
Le Président (M. Marsan): Je vous remercie, Mme la ministre. La période d'échange est terminée avec le parti ministériel. Nous poursuivons avec l'opposition officielle, et je vais céder la parole au porte-parole de l'opposition officielle en matière de langue, M. le député de Borduas.
M. Curzi: Merci, M. le Président. Bonjour. Bienvenue. La discussion était intéressante parce qu'en commission parlementaire on cherche évidemment à trouver des solutions à partir d'une proposition. En particulier sur la clause dérogatoire, ce qu'il y a de très intéressant, c'est que cette pensée-là est en train d'évoluer, effectivement, parce qu'on comprend de mieux en mieux l'utilisation de la clause dérogatoire. Et, dans ce cas précis, et c'est un peu le sens de la ceinture et des bretelles, on était toujours très conscients que la clause dérogatoire n'était pas essentielle pour qu'on applique la loi 101. Il nous est apparu à ce moment-là, et sur les conseils d'un certain nombre de gens qui sont des spécialistes du droit constitutionnel, qu'il était préférable d'inclure dès le départ la clause dérogatoire en prévision et pour éviter des poursuites éventuelles.
Maintenant, on se rend compte qu'il y a peut-être d'autres aspects qu'il faut considérer. On est donc dans cette réflexion-là. Mais il est clair que l'application stricte de la loi 101 est l'objet de notre position claire.
Moi, ce qui m'a intéressé beaucoup en particulier dans votre mémoire, c'est deux choses. D'abord, je comprends que vous voyez maintenant qu'il y a de nouveau nécessité pour des états généraux. J'en conclus que ce qui a été décrit -- et peut-être ce qui n'a pas été fait, je ne le sais pas -- il y a 10 ans par la commission Larose a besoin en quelque sorte d'être revisité.
Et est-ce que je comprends bien, quand vous suggérez de nouveaux états généraux que, pour vous, il y a eu, au cours des 10 dernières années, une évolution qui implique qu'on devrait de nouveau faire le point?
Mme Carbonneau (Claudette): Oui. Je pense que, bien, il y a eu une évolution d'abord dans la composition de la population, ça, ça m'apparaît tout à fait évident: l'avenir va être fait davantage d'immigration; il y a des faiblesses de plus en plus remarquables au niveau de la langue de travail. Bref, il y aurait une telle commission, on aurait beaucoup de choses à dire. Et je pense qu'il reste beaucoup de travail à faire pour améliorer la situation du français, notre appareil, notre législation, les moyens dont on dispose, les programmes. Alors, oui, ça vaudrait tout à fait la peine d'aller dans cette direction-là.
Permettez-moi de revenir sur la première réflexion que vous faisiez sur la clause dérogatoire. Notre position est à l'effet: On ne croit pas que ce soit nécessaire. En même temps, si le recours s'avérait nécessaire, on est d'accord...
M. Curzi: Pour l'utiliser.
Mme Carbonneau (Claudette): ...on est d'accord pour l'utiliser.
M. Curzi: ...comprend bien.
Mme Carbonneau (Claudette): Et j'en ai beaucoup contre le fait qu'on brandisse la clause dérogatoire comme étant un épouvantail pour se décrire ou se percevoir comme une société peu soucieuse des droits et libertés, hein? Je rappelle, on en a une, charte, puis ça devrait être un objet de fierté. Ce n'est pas celle-là qui pose problème, c'est celle qu'on n'a jamais voulu signer dans le reste du Canada, tu sais? Je ne sais pas, là, mais...
M. Curzi: Oui. Je ne serais pas en désaccord avec vous, là. Je voudrais parler un petit peu... revenir parce que, comme vous avez une connaissance évidemment du milieu du travail, j'aimerais ça que vous m'en parliez un petit peu parce que vous avez... Il y a des grandes entreprises dans lesquelles vous êtes où il y a des comités de francisation. Le bilan que, par exemple, la FTQ est venue nous présenter, il y a des inquiétudes quant au fonctionnement. J'aimerais savoir, de votre côté, si vous pouvez nous en dire un petit peu plus long. Puis je voudrais aborder aussi les deux autres paliers d'intervention au niveau d'une législation applicable au travail.
Mme Carbonneau (Claudette): Écoutez, sur les comités de francisation, oui, il y a beaucoup à dire. À la dernière rencontre de nos délégués là-dessus, on avait obtenu les listes de l'office. Quand on est rentrés en contact avec plusieurs de ces personnes-là, elles apprenaient qu'elles étaient sur un comité de francisation, O.K.? Alors, c'est vous dire à quel point, quand je dis: Il y a place à de l'amélioration, là, ça vous donne une petite idée de ce que ça peut vouloir dire. En termes d'efficacité, on a beaucoup, beaucoup, beaucoup à redire. Tu sais, il y a, dans nos revendications, une volonté de les étendre à plus d'entreprises mais, au-delà de cette dynamique-là, juste les rendre efficaces, ce serait déjà un pas. Je ne dis pas que c'est le seul qu'on doit franchir, mais ce serait un pas extrêmement important. Et, si on faisait de ces comités-là quelque chose d'aussi efficace que les comités qu'on a en santé et sécurité, ce serait déjà un pas substantiel, important.
Écoutez, juste en santé et sécurité, tu as des groupes prioritaires. On pourrait, là, tu sais, désigner des endroits où c'est prioritaire, il pourrait y avoir un resserrement des mandats, il pourrait y avoir un ajustement des ressources qui viendraient. Alors, non, vraiment, il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup à faire sur la question des comités de francisation et vous dire... Puis ce n'est pas un délégué, là, qui nous a dit: Bien, voyons! Comment ça se fait que je suis là-dessus?
Les comités de francisation, je le soulignais tantôt, quand tu en as un par entreprise mais que ton entreprise est quelque chose, un éléphant type AbitibiBowater disséminé partout sur le territoire québécois, quand c'est Olymel, là, on peut-u se dire qu'il y a un problème? Et il devrait y avoir un rapport de proximité beaucoup plus grand de ces comités-là. La réalité dans un établissement par rapport à un autre établissement peut être variable. Il y a beaucoup à faire. Michel, tu peux probablement y aller de d'autres exemples, là, de nos observations quotidiennes sur ces comités ou sur les lacunes qu'on constate en matière de langue.
**(15 h 50)**M. Forget (Michel): Un peu comme on... au Rendez-vous des gens d'affaires, il y a quelques années il y a eu un effort -- il y a 10 ou 15 ans -- substantiel qui avait été fait à la fois du côté syndical comme du côté patronal. Entre autres, dans les hôtels de la région de Montréal, il y avait une opération francisation, avec des cours, etc., ce qui est en train d'ailleurs... on essaie de remettre sur pied à l'heure actuelle. Il y a eu une baisse importante de fonctionnement de ces comités-là.
Aujourd'hui, si je compare à 2006, là... En 2006, il y avait à peu près 20 %, 20 %, 25 % de nos gens qui avaient des comités... des gens qui devaient avoir des comités de francisation, qui avaient des comités de francisation fonctionnels, entre guillemets, où il y avait des comités de francisation. De ces comités-là, il y avait 50 % qui n'avaient pas de rencontre une fois par année. Ça vous donne un peu une idée.
Depuis trois ans, avec le travail qu'on a fait avec l'office... Je tiens à le dire, l'office a été très volontaire dans les échanges qu'on a eus. Le travail qu'on a fait avec eux autres, moi, je n'ai rien à leur reprocher à ce niveau-là. Il y a une collaboration étroite qui se fait là-dessus -- avec les moyens qu'ils ont pour opérer, là, je tiens à le dire. On a essayé de remettre nos comités de francisation les plus actifs possible. Premier constat: entre les listes de l'office puis la réalité terrain, ce n'est pas le jour et la nuit, c'est... quand on fouille un peu, on n'a plus rien. Et, quand il y a des comités, souvent, Claudette l'a dit tout à l'heure... Souvent, il y a des comités que c'est des comités bidon où les gens se sont fait accrocher dans les corridors à mettre leurs noms sur le papier ou carrément ils se sont fait dire... ils ont appris qu'ils étaient sur un comité.
D'ailleurs, suite à notre première rencontre il y a deux ans, il y a des gens qui sont retournés voir l'employeur pour dire: Comment ça se fait que j'apparais sur une liste? Et je ne sais pas ce qui s'est dit entre eux autres, mais là disons qu'ils ont relancé le comité. Au moins, ça a donné ça, ils ont relancé le comité de francisation.
Je dois dire qu'à l'heure actuelle les endroits où peut-être la question de la francisation avance le plus, c'est l'endroit où on a besoin d'une main-d'oeuvre immigrante importante et les endroits où il y a des problèmes de santé et sécurité: exemple, certaines chaînes de montage des abattoirs où ils se sont rendu compte que les problèmes de communication qu'ils pouvaient avoir faisaient de sorte, d'une part, qu'il y avait des problèmes de santé et sécurité et, d'autre part, qu'il y avait une certaine exploitation des immigrants.
Le côté syndical... Ce n'est pas venu du côté de l'employeur; le côté syndical est allé voir l'employeur, dire: Ça n'a plus d'allure, il faut faire quelque chose. Et il y a eu une collaboration pour mettre des choses... mais ça, c'est quelques établissements, ce n'est pas à la grandeur. Et le constat qu'on fait, c'est qu'il y a un coup de barre à donner. D'ailleurs, dans le dernier comité de suivi des gens d'affaires, on a interpellé le côté patronal, le Conseil du patronat, en indiquant que c'est beau, les lois, tout ça, c'est beau, la charte, mais il faut qu'il y ait une volonté de s'impliquer là-dedans.
Et, nous, on leur a indiqué, on leur indique encore aujourd'hui, on est volontaires. Si la partie patronale, je veux dire, voulait collaborer avec nous pour mettre des programmes sur pied, mettre des choses sur pied, on a indiqué: Si jamais on a un de nos syndicats qui réagit négativement, gênez-vous pas, appelez-nous, on va intervenir. On veut qu'entre autres dans la région de Montréal, dans la région métropolitaine, la francisation prenne une place importante dans un milieu de travail, et il faut qu'il y ait un cours qui se donne.
À cette heure, un peu comme le disait Claudette, on était très volontaires au Rendez-vous des gens d'affaires, mais, s'il n'y a pas de volonté de leur côté d'intervenir, il va falloir à un moment donné qu'il se passe d'autre chose, hein? Nous, on est disponibles, on force, on invite nos syndicats, on sensibilise nos syndicats à participer à ça, puis on espère d'être capables de faire des pas importants.
Mme Carbonneau (Claudette): Et, tu sais, je ne mets pas tous les employeurs dans le même panier, mais je vais me permettre de vous raconter quelque chose qui nous a fait dresser les cheveux sur la tête à l'occasion de la rencontre de nos délégués en francisation. C'est nous qui sommes présents au syndicat de Bombardier, à La Pocatière, hein? Tu n'es pas au coeur de Montréal. Laurent Beaudoin, francophone, avait fait une vidéo pour s'adresser à l'ensemble de ses salariés en anglais avec des sous-titres français écrits en bas. Alors, disons que, hein, disons que...
Une voix: ...
Mme Carbonneau (Claudette): Il y a des employeurs qui font des efforts, mais il y a beaucoup de place à amélioration. Il y a beaucoup place à amélioration.
M. Curzi: C'est intéressant parce que c'est sûr que, comme on est en train de réouvrir en quelque sorte actuellement la charte, l'occasion est belle pour se dire: Il faudrait agir. Parmi les conclusions des études qu'on a faites sur l'anglicisation de Montréal, une qui nous a frappés, c'est qu'évidemment un des critères d'intégration des nouveaux arrivants, c'est évidemment... Il y en a deux qui sont majeurs: c'est le lieu où l'on vit, et le deuxième, c'est le travail, le troisième étant l'éducation. Et là, souvent, les premiers emplois sont dans des secteurs... Et, en ce sens-là, vous en parlez aussi, les entreprises qui ont entre 20 et 50 employés sont souvent les lieux où on travaille et, en ce sens-là, il n'y a pas de législation.
Ce que je comprends, ce que j'entends de vous, c'est qu'il y aurait des mesures intelligentes pour essayer de franciser des milieux qui échappent complètement... Et peut-être que, même, certains de ces milieux-là échappent carrément à la syndicalisation aussi, n'est-ce pas?
Mme Carbonneau (Claudette): Oui, mais vous seriez surpris, on est très présents: il y a plus de la moitié de nos syndicats qui ont 50 membres et moins, hein? Alors, ça donne déjà, là... Ce n'est pas un secteur dont on est complètement absents...
M. Curzi: D'accord.
Mme Carbonneau (Claudette): ...selon la taille des entreprises. C'est évident, plus que tu es dans la petite, petite entreprise, moins le taux de syndicalisation est présent, mais on est quand même présents. On est quand même présents dans ce type d'entreprises là. Et, oui, il y a place à amélioration et, oui, il faut y consacrer davantage de temps, de ressources, il faut faire preuve d'imagination; c'est un enjeu absolument majeur.
Écoutez, quand tu as revisité une loi, là, les dispositions de la loi 101 ne s'appliquent pas à l'éducation des adultes.
M. Curzi: ...
Mme Carbonneau (Claudette): On peut-u se dire que, quand tu es un immigrant, O.K., et que tu veux aller faire une formation professionnelle, bien, je ne sais pas, là, mais c'est peut-être un enjeu d'aujourd'hui, ça, qu'on ne ressentait pas avec la même acuité en 1977, quand on a adopté la loi 101? Alors, en ce sens-là, oui, il y a une invitation très pressante de notre part à se repencher, et à refaire un nouveau diagnostic, et à entendre les intervenants sur le terrain, et à nous donner des moyens qui correspondent aux défis d'aujourd'hui.
M. Curzi: Oui, je voulais... Bien, en tout cas. Donc, en fait, ce que vous... vous iriez aisément jusqu'à proposer qu'il y ait des mesures, disons, intelligentes qui puissent aider à structurer la francisation et qu'il y ait un contexte législatif qui pourrait aider, j'imagine, si on ciblait, par exemple, certains secteurs où il y a une syndicalisation, où il y a un certain nombre de travailleurs, où on peut faire des efforts qui ne seraient sans doute pas du même ordre que dans la grande entreprise ou dans la moyenne entreprise mais qui seraient des outils qui seraient offerts par l'office québécois, par exemple, à ces milieux-là, l'ensemble.
Je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche, mais le sentiment qu'on avait au moment où on était au forum, c'est qu'il y avait une volonté mais qu'il y avait peu d'outils. Et le sentiment que j'ai maintenant après, quoi, deux ans, c'est que, sans outil réel, les volontés s'émoussent de la part des partenaires et, je pense, de la part du patronat, en partie. S'il n'y a pas d'incitatif, il semble bien que la volonté s'émousse, non?
M. Forget (Michel): Je ne sais pas si c'est un manque de... Je ne dis pas qu'il y a un manque de... S'il y avait plus d'incitatifs, il y aurait peut-être plus de participation. Mais il y a quand même beaucoup de moyens pour faire de sorte qu'on force la francisation. Juste les sommes qui sont disponibles pour les cours en français dans... ceux qui l'étaient avant, entre autres avant le budget, il y avait des montants importants, sur lesquels les gens pouvaient utiliser. Il y avait des moyens qu'il fallait déterminer, d'autres moyens. Mais, s'il n'y a pas de volonté des entreprises de dire: Oui, on embarque là-dedans, s'il n'y a pas un petit «go ahead» pour dire on fonce là-dedans, ça ne fonctionnera pas. On a beau avoir un échantillon de moyens, s'il n'y a pas de volonté au niveau de la direction de s'impliquer... Au même titre que je pourrais vous dire: Quand un conseil d'administration décide de parler en anglais au lieu de parler en français, c'est une question souvent de volonté et non pas une question de moyens, donc c'est un peu la même chose.
Mais il peut y avoir d'autres moyens. Je ne veux pas nier le fait qu'on regarde d'autres possibilités de bonifier l'offre qui est faite à l'heure actuelle, mais à l'heure actuelle il y a un certain nombre de moyens qu'on n'utilise pas par manque de volonté.
Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Marguerite-D'Youville, la parole est à vous.
**(16 heures)**Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci, M. le Président. Mme Carbonneau, mesdames messieurs, merci d'être là. Mon collègue a parlé amplement du monde du travail, je voulais y venir. Donc, je vais aller... Vous avez fait, Mme Carbonneau, d'entrée de jeu, le lien entre l'école et le monde du travail. Les gens qui sont dans les comités de francisation ou qui en voudraient plus sont des parents pour la majorité qui ont des enfants en milieu scolaire et qui doivent, comme tous les parents, se poser des questions sur le lien de... je dirais, la démarche de leurs jeunes vers l'emploi, se posent la question des langues, bien sûr. Et j'aimerais vous entendre, moi, sur ce lien de l'école primaire, secondaire, collégiale avec le monde du travail? Comment vous voyez des politiques de cause à effet? C'est-à-dire que, souvent, on entend, puis vous en témoignez éloquemment: Le monde du travail est beaucoup anglicisé. On le voit à Montréal. De toute façon, on a vu les luttes qui se sont faites dans différentes entreprises. C'est très important. Le lien que vous faites avec le monde de l'éducation.
Mme Carbonneau (Claudette): Écoutez, il nous reste des devoirs à faire aussi à l'intérieur de la CSN. Notamment, là, vous souleviez, par exemple, l'enseignement supérieur, le cégep, tout ça. Notre position à ce jour n'avait jamais été d'assujettir les cégeps aux dispositions de la charte, O.K.? Par ailleurs, il y a des études récentes qui viennent de sortir, et nous avons la ferme intention -- et c'est annoncé, on attendait la conclusion de la négociation dans le secteur public -- de mettre en route un groupe de travail. On est très, très présents dans ce secteur-là: c'est nous qui représentons 75 % des profs, c'est nous qui représentons 75 % des personnels administratifs, des personnels de soutien. Alors, on est bien placés, on est très présents dans le réseau francophone, dans le réseau anglophone. Alors, on va faire un groupe de travail, tout un, là-dessus, et on est prêts à revisiter notre position sur cette question-là, parce que je dirais que la lecture, là, du sommaire de la dernière étude amène des observations qui sont nécessairement questionnantes.
Et c'est très clair qu'au fond, si on veut réussir cet objectif de faire du Québec une société réellement francophone où la langue commune n'est pas le bilinguisme et est réellement le français, bien, il y a deux piliers majeurs, c'est l'école et c'est le milieu du travail, et, de ce côté-là, c'est clair... Tu sais, quand je disais: On a été très indignés de la dernière décision de la Cour suprême, tu ne t'attaquais pas au maillon faible, là, tu t'attaquais à un des moteurs qui avaient permis malgré tout de faire des changements positifs dans la société québécoise que la présence de cette loi 101 particulièrement efficace dans le milieu de l'éducation. L'autre parent pauvre, c'est le travail, et je sais que c'est une réalité qui n'est pas simple. Il faut aborder ça avec passablement de pragmatisme, une volonté d'être créatif là-dedans. Tu sais, je ne rêve pas, là, de tout assujettir mur à mur puis d'avoir une espèce de monstre bureaucratique qui ne nous fera pas avancer pantoute, là. Le débat n'est pas là, mais je suis convaincue qu'on peut être plus efficace.
Le Président (M. Marsan): Je vous remercie. Ceci termine les périodes d'échange.
Documents déposés
À ce moment-ci, je voudrais déposer les documents demandés par la ministre. Ils sont admissibles, et c'est le Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations unies, communication n° 455-1991 et communication n° 385-1989.
Mme Carbonneau, M. Forget, M. Leblanc et Mme Audet, merci de nous avoir donné la position de la CSN sur le projet de loi n° 103. Et j'invite immédiatement les représentants de l'Association des écoles privées du Québec à se joindre à notre table. Je vais suspendre pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 16 h 4)
(Reprise à 16 h 7)
Le Président (M. Marsan): Alors, nous reprenons nos travaux, et il nous fait plaisir d'accueillir les représentants de l'Association des écoles privées du Québec et son président du comité sur le projet de loi n° 103, M. Jonathan Goldbloom.
M. Goldbloom, je vais vous demander de nous présenter les gens qui vous accompagnent, et ensuite vous pouvez procéder à la présentation de la position de l'Association des écoles privées du Québec pour une période d'environ 15 minutes. M. Goldbloom, la parole est à vous.
Association des écoles privées
du Québec (AEPQ)
M. Goldbloom (Jonathan): Merci bien. Avec moi, c'est: Christopher Shannon, qui est le président de QAIS, qui est également le directeur général de LCC, Lower Canada College; Mme Gretta Chambers, qui est une personne bien connue dans la société québécoise; Ted Claxton, qui est membre du conseil d'administration du Selwyn House School; Dr Thomas Constantinescu, qui est un de nos diplômés de Selwyn House; et Mme Katherine Nikidis, qui est la directrice générale de Miss Edgar's and Miss Cramp's, l'école, à Montréal. Et je vais passer la parole d'abord à M. Shannon puis je vais continuer après M. Shannon.
Le Président (M. Marsan): Alors, M. Shannon.
M. Shannon (Christopher): Merci, M. Goldbloom. Aujourd'hui, au nom de la QAIS, j'aimerais vous remercier de nous donner l'occasion de vous faire part de nos remarques au sujet de l'avant-projet de loi n° 103, lequel aura une incidence importante sur le dynamisme et sur la viabilité de nos écoles membres.
La QAIS, l'Association des écoles privées au Québec, regroupe 25 écoles primaires et secondaires privées de langue anglaise mixtes ou encore pour les filles ou pour les garçons seulement. Bien que l'anglais soit la principale langue d'enseignement de nos écoles membres, nous encourageons fortement nos élèves à maîtriser le français par le truchement de programmes pédagogiques comme l'immersion et le français langue maternelle.
M'accompagne aujourd'hui un groupe représentatif de la famille de la QAIS. M. Goldbloom est diplômé aussi d'une école de QAIS, Selwyn House, membre du conseil d'une de nos écoles et aussi président de notre comité sur le projet de loi n° 103. C'est lui qui mènera notre présentation aujourd'hui. Et à ses côtés se trouvent M. Claxton, de Selwyn House, le président du conseil, Mme Katherine Nikidis, la directrice générale de ECS, et Dr Thomas Constantinescu, qui a obtenu son diplôme en 2001 à Selwyn House et qui travaille comme médecin ici au Québec, et Mme Gretta Chambers, ancien parent d'élève, actuellement grand-mère d'un autre élève, de notre association et bien connue ici dans la salle. Je m'appelle Christopher Shannon, je suis directeur général de LCC à Montréal, Lower Canada College, et président de l'association QAIS.
Avant de passer la parole à M. Goldbloom, j'aimerais féliciter le gouvernement du Québec pour son engagement à se soumettre à l'esprit du jugement de la Cour de l'appel du Québec et celui de la Cour suprême du Canada et pour avoir tenté de définir un parcours à l'éducation en anglais. Il s'agit là d'un effort honorable et bien intentionné, et notre but aujourd'hui, je crois, est de vous soumettre des suggestions sur la façon de l'améliorer.
Soyons clairs, l'objet de ce processus est de trouver une façon de se conformer au jugement de la Cour suprême plutôt que discuter le bien-fondé de ce jugement. Si le projet de loi est modifié, nous pensons que les parents et les écoles pourront planifier plus efficacement. D'autre part, cela contribuera largement à éviter les contestations judiciaires inutiles et coûteuses. Il faut amender le projet de loi si on veut qu'il réponde aux critères établis par les cours. Il faut également apporter des modifications pour garantir à nos écoles membres la liberté d'enseigner plus de français et de préparer nos diplômés à participer pleinement et activement à la société québécoise.
Je demanderais maintenant à M. Goldbloom d'exposer plus en détail les amendements que nous proposons aujourd'hui. M. Goldbloom.
**(16 h 10)**Le Président (M. Marsan): M. Goldbloom.
M. Goldbloom (Jonathan): Merci, Christopher. Nous pensons qu'il est important de replacer le projet de loi n° 103 -- et d'ailleurs la loi n° 104 -- dans son contexte. Lorsque la loi n° 104 a été adoptée en 2002, le gouvernement soutenait que son objectif était d'empêcher un enfant allophone ou francophone de fréquenter une école élémentaire de langue anglaise non subventionnée pendant un an ou moins et d'obtenir par la suite un certificat d'admissibilité lui permettant de passer dans le système d'écoles publiques de langue anglaise.
Toutes les écoles membres de la QAIS sont des écoles anglophones bien établies qui exercent leurs activités au Québec depuis plusieurs décennies. We should be clear: we never have and never will be «les écoles passerelles». Elles ne devraient en aucun cas être considérées comme des écoles passerelles. Comme nous l'avons souligné en 2002, lors du dépôt du projet de loi n° 104, la grande majorité de nos élèves, soit presque 100 %, sont passés d'une école primaire à une école secondaire au sein de notre réseau. La loi n° 104 a un effet préjudiciable sur nos écoles et, à moyen terme, en menaçant le système scolaire anglophone privé, elle a eu pour effet de rendre la minorité anglophone encore plus vulnérable. La loi n° 104 a fait beaucoup plus que d'empêcher des personnes d'abuser de l'accès à une école privée pour un court laps de temps dans le but de se qualifier pour fréquenter des écoles publiques de langue anglaise. Elle a, en fait, retiré le seul moyen modeste, mais tout de même important pour les écoles de langue anglaise et, on pourrait soutenir, pour la collectivité anglophone du Québec de recruter des nouveaux membres parmi les personnes qui, légitimement, sont plus acquises à l'éducation en anglais. Si on ne l'avait pas contestée, la loi n° 104 aurait eu pour effet au fil de plusieurs générations de réduire le nombre de personnes se qualifiant pour fréquenter une école de langue anglaise et de faire passer ce nombre sous la barre minimale nécessaire pour conserver des écoles rayonnantes et créatives.
Les écoles publiques et privées de langue anglaise représentent un élément clé du réseau institutionnel de la collectivité anglophone du Québec. Au cours des dernières années, nos écoles se sont adaptées aux réalités de la société québécoise, mais elles demeurent fragiles et elles ont besoin d'air frais. Gretta Chambers est une autorité sur notre système scolaire anglophone. Nous sommes ravis qu'elle ait accepté de fournir un contexte aux délibérations de ce comité. Mme Chambers.
Mme Chambers (Gretta): M. le Président...
Le Président (M. Marsan): Mme Chambers, c'est un plaisir de vous accueillir avec nous.
Mme Chambers (Gretta): M. le Président, Mme la ministre, mesdames et messieurs, membres de cette commission parlementaire, mon intervention sera très courte, de très courte durée mais de profonde conviction. Je viens plaider pour un réseau scolaire que j'ai appris à apprécier pendant la quinzaine d'années que j'ai présidé la Commission de l'éducation en langue anglaise, au ministère de l'Éducation du Québec. Ce cheminement des écoles publiques et privées de langue anglaise, l'école étant la pierre d'assise d'une communauté, une institution névralgique dans le schéma de l'avenir d'une société, fut pour moi une véritable révélation.
Et, pensez-y bien, les écoles de langue anglaise du Québec font face à trois objectifs complémentaires: la maîtrise des matières académiques, qui va de soi; la maîtrise de deux langues maternelles; et la transmission des valeurs, des traditions et de la culture de leurs propres origines. Pour atteindre ces trois buts, pour réussir à familiariser ces jeunes avec leurs propres antécédents québécois, comme par exemple Leonard Cohen, Frank Scott, Hugh MacLennan, mais aussi l'histoire de la Révolution tranquille, le théâtre de Michel Tremblay, la littérature de Gabrielle Roy et d'Anne Hébert, les blagues d'Yvon Deschamps, et j'en passe, il leur faut des moyens, et une grande partie de ces moyens résident dans le dosage de langues dans leurs apprentissages. Trouver l'équilibre approprié pour enseigner un maximum de français pour que leurs diplômés puissent parler, penser, travailler et participer pleinement dans la vie commune du Québec tout en gardant à l'esprit leurs propres valeurs culturelles ne peut se faire par réglementation officielle. Ce sont les écoles elles-mêmes qui ont la flexibilité de savoir comment tailler leurs programmes à l'image de leurs propres étudiants. On devrait leur laisser faire, elles vont s'en tirer très bien.
Il ne faudrait jamais oublier que la culture anglophone comprend un atout très précieux pour notre société tout entière. Que le taux de diplomation dans les écoles secondaires anglaises soit plus élevé que du côté français n'a rien ou presque rien à voir avec la langue d'enseignement, mais tout à voir avec la culture des parents de ces étudiants, pour qui ce diplôme est obligatoire et que ça prenne le temps que ça prend. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Marsan): Merci, Mme Chambers. M. Goldbloom.
M. Goldbloom (Jonathan): Encore, j'aimerais reprendre la question que Mme Chambers a soulevée concernant l'engagement des écoles de la QAIS envers l'enseignement du français. Nous mettons l'accent sur ce point parce qu'une disposition de la réglementation liée à la classification de nos écoles indique que 70 % et plus des heures d'enseignement sont dispensées en anglais tant au primaire qu'au secondaire, cette évaluation de la proportion de l'enseignement dispensé en anglais devant être établie sous la signature d'un membre d'un ordre professionnel de comptables autorisé en vertu de la loi à effectuer la vérification des livres et comptes.
Selon nous, il s'agit d'un pas en arrière, et cela est déphasé par rapport à la politique officielle. Nos écoles ont pleinement à coeur que nos élèves s'expriment en français. Les parents anglophones veulent que leurs enfants vivent et travaillent au Québec et qu'ils sachent qu'une connaissance pratique du français est essentielle. Dans la grande majorité de nos écoles primaires non subventionnées, plus de 50 % de nos programmes pédagogiques est offert en français.
Notre message est simple: laissez-nous trouver le juste équilibre pour ce qui est de l'enseignement du français. Ne nous imposez pas de restrictions arbitraires et ne menacez pas d'envoyer des vérificateurs avec des chronomètres dans nos écoles. Nous avons également des recommandations spécifiques concernant le système de points, ce que j'ai demandé à Me Claxton d'expliquer.
Le Président (M. Marsan): Me Claxton.
**(16 h 20)**M. Claxton (Edward): Merci, messieurs dames, pour l'opportunité de vous adresser aujourd'hui. Malheureusement, «the devil is in the details», comme on dit en anglais. Dans ce règlement, la plupart des aspects du règlement qui ont un effet sont dans les points et le système de points. Donc, je vous invite à regarder la façon que le système de points fonctionne d'une façon très de proche.
Nous avons six suggestions spécifiques pour améliorer le règlement. Comme nous l'avons indiqué plus tôt, un de nos objectifs est de modifier le projet de règlement de façon à ce que nos familles et nos écoles puissent planifier. Les parents d'un élève qui fréquente une de nos écoles primaires méritent d'avoir la certitude qu'avec un parcours éducatif défini leur enfant puisse continuer ce même parcours ou un parcours compatible au niveau secondaire. De la même manière, les écoles, lesquelles sont des établissements à but non lucratif qui budgétisent pour éviter d'encourir des pertes, mais qui ont peu de revenus supplémentaires pour compenser une place vacante, méritent également d'avoir la certitude que les places qu'elles réservent aux enfants qui passent du primaire au secondaire ne seront pas laissées vacantes parce qu'on aurait interdit à ces enfants de fréquenter leur école en raison du pouvoir discrétionnaire d'un fonctionnaire. D'après ce que nous avons compris des conversations que nous avons eues avec les représentants du gouvernement au cours de la période ayant mené au dépôt du projet de loi n° 103, il s'agit là d'un objectif partagé.
Premièrement, nous sommes d'avis que le règlement donne trop de pouvoir à des fonctionnaires non élus. Dans le système de points proposé, les fonctionnaires auront le pouvoir d'attribuer des points allant de moins huit à huit à leur discrétion entière. En vertu du système de points proposé, un enfant unique pourrait fréquenter l'une de nos écoles pendant tout son cours élémentaire, pendant six ans. Il recevrait 20 points, mais, pour aucune raison apparente et purement à sa discrétion, un fonctionnaire anonyme pourrait déduire huit points de son dossier. Cet enfant ne pourrait pas poursuivre ses études à l'une de nos écoles secondaires. Cela va clairement à l'encontre de l'esprit et la lettre du jugement de la Cour suprême.
Deuxièmement, nous demandons que les changements soient apportés au système de classification des écoles. Comme nous l'avons déjà mentionné, nos écoles sont des établissements anglophones de longue date, dont plusieurs ont été fondés il y a plus de 100 ans. Toutes nos écoles, sauf l'une d'entre elles, seraient codifiées comme des écoles de type A en vertu du système de pointage proposé. Cependant, chaque école, chaque année, s'exposerait à la possibilité que son statut soit modifié en raison d'un changement à sa population étudiante ou parce qu'un fonctionnaire pense qu'on y enseigne trop de français. Ça pourrait changer de façon draconienne la possibilité pour un élève donné de pouvoir passer du primaire au secondaire pour des raisons hors du contrôle de l'école, ou de l'élève, ou de ses parents.
Nous estimons que nos écoles devraient avoir un droit acquis et qu'elles devraient pouvoir maintenir leurs quotas pour toujours à l'instar des universités anglophones, des cégeps, des hôpitaux et de certains bureaux d'aide sociale qui sont reconnus comme des établissements de la collectivité d'expression anglaise. Si le gouvernement insiste pour mener une révision périodique de notre statut, nous proposons que la formule s'applique à l'ensemble de la clientèle scolaire et non pas à un instantané arbitraire de classes particulières -- actuellement, on regarde tout simplement les premiers trois ans du primaire et les premiers trois ans du secondaire -- et que la révision du statut de l'école se fasse au moment de renouveler sa licence et non pas chaque année.
Le troisième point concerne le parti pris inhérent dans le système de points proposé. Une année dans une école d'expression anglaise vaut moins de points qu'une année dans une école de langue française, et, malgré ce parti pris, le nombre de points positifs requis pour permettre à un élève de passer au niveau secondaire est de 15. Prenons l'exemple d'un élève ayant des parents américains, donc de milieu anglophone, qui tente de fréquenter une école de langue française en première année du primaire. Si, après un an, cet élève trouve ses études en français trop difficiles ou si la culture de l'école qu'il fréquente ne correspond pas à son style d'apprentissage, il transfère dans l'une de nos écoles et il y fait les cinq années suivantes du primaire. Le nombre maximal de points que cet enfant pourrait accumuler est de 17, et la fréquentation d'une école francophone pendant un an lui ferait perdre trois points. Dans un tel cas, l'enfant n'accumulerait jamais le nombre de points nécessaire pour continuer ses études dans une de nos écoles. Ce résultat n'est pas conforme au jugement de la Cour suprême. La QAIS soutient que les points pour la fréquentation d'une école d'expression anglaise devraient être l'équivalent du système de points pour la fréquentation d'une école de langue française et que le nombre total de points devrait être positif, ne serait-ce que d'un ou deux points, mais pas de 15 points tel qu'il est actuellement.
Le quatrième point traite du rôle de la fratrie dans le processus d'évaluation. La Cour suprême a indiqué que la gouvernement du Québec a l'obligation de procéder à une évaluation qualitative globale du parcours pédagogique d'un enfant pour déterminer si on devrait accorder ou non à cet enfant la permission de fréquenter une école de langue anglaise. Il faut donc faire l'évaluation d'un enfant en particulier et non pas celle du cheminement scolaire de sa fratrie. Le parcours scolaire des frères et des soeurs d'un enfant ne devrait être pertinent que dans le cas où il y aurait lieu de suivre le même cheminement pour préserver l'unité familiale, ce qui, d'après nous, ne peut être mieux déterminé que par les parents de l'enfant.
Si, d'autre part, la décision est de prendre en compte la langue d'enseignement des frères et des soeurs, les frères et soeurs visés devraient être ceux et celles qui ont les mêmes deux parents que cet enfant et non pas ceux issus d'une famille antérieure. Il ne devrait pas y avoir une différence d'âge de plus de trois ou quatre ans entre ces enfants et l'élève en question. Actuellement, les règles proposées n'indiquent pas que les deux parents des frères et des soeurs doivent être les mêmes, et, d'après ces règles, il serait pertinent que le parcours scolaire d'un frère ou d'une soeur qui aurait gradué d'une école secondaire sept ans auparavant, donc ayant 17 ou 18 ans de plus que l'élève, compte dans l'évaluation.
Cinquièmement, nous croyons que le système d'attribution de points est fondamentalement trop compliqué. Au niveau de base, on pourrait simplifier le système pour donner cinq points de plus ou moins. C'est effectivement une des façons de le simplifier. De plus, on trouve qu'effectivement donner la même analyse aux parents pour permettre les parents à donner le droit à leurs fils et leurs filles deviendrait bien trop complexe sur le long.
Le Président (M. Marsan): Alors, merci, M. Claxton, et je remercie les représentants de l'Association des écoles privées du Québec pour leur présentation. Nous allons immédiatement débuter la période d'échange, et je cède la parole à Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. Mme la ministre.
Mme St-Pierre: Bonjour. Merci beaucoup d'être là. Vous savez, on ne désirait pas être ici aujourd'hui, personne. Vous ne le désiriez pas puis quand... On n'aurait pas voulu. On aurait préféré que la loi n° 104 soit maintenue, puisqu'elle avait été adoptée à l'unanimité par les membres de l'Assemblée nationale. La Cour suprême en a décidé autrement. Alors, nous avons choisi d'y aller non pas avec la solution que nous suggère le Parti québécois, mais en suivant la feuille de route de la Cour suprême du Canada.
Alors, ce que nous avons devant nous, c'est un projet de loi qui respecte à la fois le parcours authentique et qui, on le souhaite, respecte la loi, parce que... Je ne veux pas employer de gros mots ici, je veux être très délicate, parce qu'on a beaucoup, beaucoup de respect pour la communauté anglophone, mais le juge LeBel a clairement dit dans son jugement qu'il y avait un système d'écoles passerelles qui s'était créé pour justement contourner la Charte de la langue française. Il l'a dit, il l'a déclaré, c'est écrit noir sur blanc, donc il n'y a personne qui a remis ça en question. Alors, c'est ça qui est irritant et c'est ça qu'il faut absolument contrôler.
Vous avez certainement pris connaissance des propos de Me Louis Bernard, qui suggérait d'y aller peut-être avec une déclaration -- c'est le projet éducatif que les parents choisissent d'aller dans des écoles privées non subventionnées anglophones, c'est leur projet éducatif -- de s'engager à dire: Bien, c'est le projet éducatif pour mon enfant. Et, peut-être, on pourrait analyser s'il arrive des choses exceptionnelles comme un revers de fortune, un divorce. Enfin, on peut trouver toutes sortes d'exceptions qui pourraient... Alors, Me Bernard a essayé de travailler avec nous.
Là, ce que vous nous présentez, vous nous dites que vous n'aimez pas la grille, mais vous ne nous dites pas comment la corriger, la grille, et vous ne nous dites pas non plus vos réactions à comment on peut le bonifier, le... Cependant, je vous dis: on pense, nous, que c'est une façon équitable, légitime, équilibrée de vraiment faire en sorte qu'il y ait un consensus au Québec. Personne ne veut de chicanes, on essaie de trouver des solutions puis on a besoin évidemment que tout le monde travaille ensemble. On vous tend la main, on a tendu la main à l'opposition, pour être capables de trouver cet équilibre. On pense qu'on l'a. La solution n'est peut-être pas parfaite. Pour certains, elle n'est absolument pas parfaite; pour d'autres, elle est bonifiable.
Alors, j'aimerais vous entendre, votre réaction sur Me Bernard. J'aimerais aussi que vous preniez en compte ces aspects que le juge LeBel a vraiment écrits dans son jugement, en disant: Le Québec est légitime de légiférer. Laisser la situation sans la loi n° 104 serait vider la charte des droits et... la Charte de la langue française de son contenu. Alors, je vous donne la parole là-dessus. Vous avez décrit comment vous n'aimez pas le règlement, mais avez-vous quelque chose à nous proposer qui serait constructif, qui pourrait faire en sorte qu'on soit dans une solution équilibrée? Les Québécois sont des gens matures, ouverts d'esprit et qui veulent que tout le monde s'entende, là. Il n'y a personne qui cherche...
**(16 h 30)**Le Président (M. Marsan): M. Goldbloom.
M. Goldbloom (Jonathan): ...Mme la ministre, parce que je pense que vous avez souligné des choses très importantes. D'abord, nous ne sommes pas des écoles passerelles, comme j'ai déjà expliqué, et nous n'étions jamais des écoles passerelles. Alors, on a accepté, le QAIS, comme la Cour suprême a accepté que les écoles passerelles ne sont pas acceptables.
Nous avons également proposé des changements au règlement et nous avons distribué les changements que nous avons proposés. Alors, nous avons pris le temps de rédiger le texte qui a été proposé. Nous acceptons que le gouvernement du Québec est en train de suivre le jugement de la Cour suprême, mais on pense que les règlements peuvent être améliorés.
D'abord, on pense, comme j'ai expliqué, que les écoles anglophones ne sont pas les écoles anglophones de ma génération et que c'est important de nous permettre d'avoir des cours en français et d'avoir un pourcentage plus élevé qu'avant, alors que ça, c'était une solution, que 70 % en anglais dans une école primaire anglophone maintenant, ça ne marche pas, parce qu'on veut que nos enfants parlent français et peuvent contribuer à la société québécoise.
Si on parle des autres changements, on propose de changer le système de pointage, que c'est plus égal que quelqu'un, un étudiant qui suit ses cours en anglais pour six ans, aura plus de points et le même niveau de points que quelqu'un qui suit ses cours en français, également pour ses frères et ses soeurs.
Si on parle de la proposition de M. Bernard, nous, nous ne sommes pas des avocats, mais -- Me Claxton est avocat, moi, je ne suis pas avocat -- quand nous avons consulté nos avocats, ils ont posé des questions que... si cette solution-là correspond aux critères établis par la Cour suprême. Pour nous, on pense que non. Mais c'est une question qu'il faut valider.
Pour nous, comme école, la solution de M. Bernard n'aura pas un grand impact, parce que quelqu'un qui vient chez Selwyn House ou LCC commence au primaire et continue pour toutes ses études. Mais ce que M. Bernard veut... tente de faire avec sa solution va créer des grands problèmes pour les écoles publiques, et il n'y aura pas de nouvel oxygène pour les écoles publiques parce qu'il n'y aura personne qui peut aller à une école comme Selwyn qui peut faire le transfert aux écoles publiques.
Deuxièmement, ce n'est pas clair dans sa proposition si quelqu'un peut aller à une école non subventionnée au primaire et continuer ses études dans une école secondaire subventionnée. Il faut rappeler que la majorité de nos écoles de notre association sont des écoles non subventionnées au primaire mais subventionnées au secondaire. Alors, on ne pense pas que c'est une solution pratique.
Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.
Mme St-Pierre: Je vais passer la parole à mon collègue. J'ai des collègues qui veulent poser des questions. Et je suis vraiment... Là où j'aimerais que, vraiment, on s'entende, c'est cette volonté vraiment de respecter le jugement de la Cour suprême et de faire en sorte que des parents n'utilisent pas le réseau des écoles privées non subventionnées anglophones pour aller acheter puis aller se... La Cour suprême nous dit: Il y a eu ce système-là. Maintenant, on vous propose d'y aller de cette manière, et je pense que c'est ce que nous faisons. J'espère que vous êtes d'accord avec ça.
M. Goldbloom (Jonathan): Oui, nous sommes totalement d'accord. On pense qu'on peut améliorer ce que vous proposez par un changement de certains éléments des règlements. Mais peut-être Me Claxton a quelque chose à ajouter.
Le Président (M. Marsan): M. Claxton.
M. Claxton (Edward): Notre inquiétude, madame, c'est plutôt que, tel que proposé, la grille ne va pas atteindre l'objectif du gouvernement. La grille actuellement -- comme j'ai dit, «the devil is in the details», il faut regarder vraiment les points tels qu'ils sont calculés -- va résulter à des refus de plusieurs enfants qui devraient avoir le droit de continuer. Et effectivement, dans notre esprit, tout ce que ça va... Ça va mener directement ou indirectement à d'autres litiges. Et je crois qu'un des objectifs du gouvernement et de nous, ici, c'est d'atteindre un compromis qui va être acceptable pour les gens qui vont être soumis à ce compromis.
Le Président (M. Marsan): Alors, M. le député de Jacques-Cartier, la parole est à vous.
M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, welcome to the representatives of the Québec Association of Independence Schools, especially to Gretta Chambers who has made a signal contribution to education in Québec, Chancellor of McGill University, and many other things. So, welcome, Mrs. Chambers, and thank you for being here.
Moi, j'aimerais peut-être discuter un petit peu le parcours de vos étudiants. Je pense, c'est très important, cette notion des écoles passerelles, nous avons discuté ça longuement. Mais, moi, j'ai l'impression que les étudiants qui commencent en première année au Study ou dans une autre de vos écoles, règle générale, ont l'intention de rester jusqu'à la fin du secondaire V, et peut-être ils vont déménager dans une autre province, mais, règle générale, c'est un parcours qui va être dans le réseau privé, sauf s'il y a un changement: des circonstances dans la famille, un des parents perd son emploi, ou il y a un divorce, ou les choses comme ça. Mais, règle générale, vos étudiants et, souvent, les enfants et même les petits-enfants de vos étudiants demeurent dans la grande famille de ces écoles privées. Est-ce que cette impression est juste?
M. Goldbloom (Jonathan): M. Shannon ou Mme Nikidis, est-ce que vous aimeriez répondre? M. Shannon.
M. Shannon (Christopher): Je crois que c'est correct, mais il y en a certains qui s'intéressent énormément à nos écoles aussi parce que c'est un environnement aujourd'hui, comme M. Goldbloom a déjà dit, qui a changé énormément en 25 ans. On a la moitié de nos professeurs dans nos écoles primaires qui sont francophones. Ça, ce n'était pas le cas avant. Je crois que nous avons adapté énormément à la réalité du Québec d'aujourd'hui, et on veut continuer de la même manière. On veut donner certains choix aux personnes, le chemin de l'éducation qu'il va choisir. Et on a certains... des fois, avec le règlement, qui... Comme Me Claxton a dit, on croit, nous autres, que «the devil is in the details». Avec notre vision-là, ça ne donne pas le choix qui était supporté par la décision de la Cour suprême. Ça ne donne pas le choix aux gens, cette proposition.
Des voix: ...
Le Président (M. Marsan): Mme Nikidis.
Mme Nikidis (Katherine): Mme Nikidis. 95 % des élèves restent dans nos écoles, puis c'est notre but de les avoir rester avec nous puis de continuer à Québec. Donc, oui, c'est...
M. Kelley: Et, je pense, c'est important, parce qu'il y a la continuité. Il y a toujours les exceptions. Mais, ma deuxième question, parce que je vous écoute sur le «devil is in the details», mais j'ai lu attentivement à quelques reprises la décision de la Cour suprême, et mettons que ça n'aide pas beaucoup le législateur quant à la définition d'un parcours authentique. Ils nous disent qu'il faut faire une évaluation qualitative, il faut voir. Alors, nous sommes invités, comme législateurs, pour faire le cas par cas. Le cas par cas est toujours difficile, parce qu'on veut assurer le même résultat pour les cas similaires. Et, je pense, c'est un élément de la justice naturelle que, si je soumets une quinzaine de cas qui sont identiques, le résultat va être le même dans tous les 15 cas.
Mais, je pense qu'on peut... La Cour suprême, tout le monde nous dit de respecter l'arrêt de la Cour suprême, mais mettons que ce n'est pas évident. Et je ne sais pas... Je comprends à la fois votre recommandation de regarder comme il le faut l'obligation d'avoir autant de pourcentage de cours en anglais; je pense, c'est quelque chose qu'on peut regarder, mais au niveau d'éviter... Parce qu'elle dit: On ne peut pas juste faire un nombre d'années, on ne peut pas faire ça. On est condamnés de chercher d'autres éléments.
Alors, dans le but de simplifier, avez-vous d'autres considérations pour nous aider de rendre ça le plus simple possible, d'éviter l'arbitraire? Parce qu'on est très conscients qu'on veut éviter l'arbitraire, mais, par contre, je dois donner un outil, et tout le monde de dire... Les fonctionnaires anonymes, c'est les personnes, ce n'est pas leur faute, ils sont obligés d'appliquer nos règlements, ils sont là pour le faire, et c'est notre devoir, comme législateurs, d'envoyer les balises ou des règlements, les règles de jeu qui sont assez claires pour ces personnes de bonne foi d'appliquer à la fois un arrêt de la Cour suprême qui n'est pas évident, à mon avis, au niveau pratico-pratique... On peut avoir un long débat sur les grands principes; ça, c'est un autre endroit pour le faire. Mais, aujourd'hui, comme législateurs, pour les règlements, pour la loi, je dois concevoir quelque chose qui donne une raison à la notion d'un parcours authentique, et, je peux avouer, depuis le mois de novembre passé, ce n'est pas facile.
**(16 h 40)**M. Goldbloom (Jonathan): Je pense que c'est important pour nous qu'il y aura de la clarté, parce que c'est important pour nos parents, pour planifier, parce qu'on ne veut pas changer l'école de notre enfant chaque année. Puis également c'est important pour l'école parce qu'il faut planifier nos budgets, etc.
Nous avons des propos à faire pour simplifier les grilles. Et je demanderai à M. Claxton d'élaborer sur ça.
Le Président (M. Marsan): M. Claxton.
M. Claxton (Edward): Oui, certainement. Je ne voudrais pas rentrer en beaucoup de détails ici, parce qu'effectivement regarder une grille comme ça, ce n'est pas tellement amusant, ça va prendre beaucoup de temps. On a fait un projet de modification du règlement et on a distribué une copie du projet. Et on sera ravis de répondre à des questions concernant la façon que c'est rédigé.
Mais, effectivement, ce qu'on a fait, on a parcouru la grille proposée et on a regardé les résultats de la grille dans plusieurs circonstances pour voir ça serait quoi, le résultat pour monsieur X, qui vient de Y, dans telle et telle école, comment, en pratique, est-ce que ça va être appliqué par nos écoles et comment est-ce qu'on pourrait aborder effectivement ce que la grille prévoit. Et malheureusement les conclusions de ça, c'est: le contenu de la grille ne mène pas à l'objectif énoncé du gouvernement. Effectivement, c'est une question de... On aime bien le concept d'une grille. Je crois que c'est la seule façon d'appliquer ce genre de jugement de la Cour suprême. Par contre, il faut vraiment regarder comment la grille est constituée et la façon que ça s'applique à plusieurs situations.
La vraie question, quand vous regardez notre grille, le vrai point surmonté, si vous voulez, le point le plus marqué va être le fait qu'au lieu d'avoir plusieurs points qui sont calculés d'une façon différente, dépendant de la période de temps, et le niveau, et tout ça qui devient très, très complexe, on propose tout simplement de le simplifier. On donne cinq points pour un an, cinq points pour un an et on a dit aussi: O.K., O.K., peut-être, ça vaudrait la peine de donner un cinq points de plus si quelqu'un est dans la dernière année du primaire, qui est effectivement l'année ultime avant le secondaire.
Effectivement, c'est comme ça qu'on pourrait aborder quelque chose beaucoup plus faisable, beaucoup plus facile à comprendre pour quelqu'un qui relit la grille.
Le Président (M. Marsan): Oui. M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley: Juste un dernier court commentaire. Je veux faire comme j'ai fait ce matin avec la commission scolaire English-Montréal: j'ai souligné les efforts des écoles privées anglophones d'enseigner le français. C'est très différent, l'éducation que mes enfants ont reçue en français en comparaison avec leur père dans les années soixante dans les écoles publiques de l'Ouest-de-l'Île de Montréal. Et j'entends des personnes qui disent: C'est terrible que l'île de Montréal s'anglicise, et tout le reste. Moi, je parle anglais sur l'île de Montréal; je ne pense pas que je suis un problème. Et je pense qu'il faut sortir le débat de ce genre de questions.
Je veux de nouveau dire que les personnes qui passent dans les écoles anglaises au Québec, soit en public ou privé, apprendre le français, sentent l'engouement de parler le français aussi. Alors, si on peut laisser à côté le débat sur: l'île de Montréal s'anglicise, je pense, c'est très intéressant pour la poursuite de nos travaux. On cherche une solution ici qui est équilibrée, et, je pense, de faire les détours sur ces genres de débat n'aide pas à trouver une solution.
Le Président (M. Marsan): Alors, merci, M. le député de Jacques-Cartier. Ceci termine l'échange avec la partie ministérielle. Nous poursuivons. Et je vais céder la parole au porte-parole de l'opposition officielle en matière de langue, M. le député de Borduas.
M. Curzi: Merci, M. le Président. Bonjour et bienvenue, Mme Chambers, messieurs, madame.
Évidemment, on s'adresse directement à moi sur le fait que l'anglicisation de Montréal... Je vais y revenir, parce que je crois que le débat dans lequel on est s'inscrit dans une réalité et que cette réalité-là, ce qui justifie un certain nombre d'inquiétudes de la part de la communauté francophone, est basée sur la description de la réalité principalement sur l'île de Montréal et dans la grande région métropolitaine. Le reste du Québec se sent beaucoup moins inquiet quant à la langue parce qu'il ne vit pas la même réalité.
Mais commençons dans l'ordre. Votre sommaire exécutif dit: Voici les arguments qui sont proposés. Personnellement, je crois que les communautés minoritaires ne sont pas une menace pour la majorité, du tout, et qu'ils sont une occasion de renforcer la société. Je crois que nous reconnaissons tous la contribution historique et continue des communautés minoritaires. Je crois que les droits et libertés des minorités sont actuellement bien protégés juridiquement au coeur de la loi du Québec. Je crois que nous sommes une société qui promeut le respect des communautés minoritaires. Et je crois qu'on doit absolument protéger les droits de la communauté minoritaire linguistique au Québec. Et je crois que de recommander l'application de la loi 101 respecte l'ensemble de ces objectifs-là. Nous ne sommes pas d'accord, mais voilà ce que je crois, et voilà ce que croient environ 23 des 25 groupes que nous avons reçus ici. Il y a donc une perception qui est différente de ce jugement, et c'est majeur.
La loi n° 104 apparaissait à l'ensemble de l'Assemblée nationale, en 2002, comme devant être votée à l'unanimité. Il y avait donc à ce moment-là l'utilisation d'un certain nombre d'écoles privées non subventionnées pour 1 397 élèves qui utilisaient ces écoles-là, peut-être pas les vôtres, sans doute d'autres, mais qui utilisaient des écoles privées non subventionnées pour obtenir le droit de s'inscrire, d'inscrire leurs frères, soeurs et descendance dans le système. C'est la raison qui justifie. Et à ce moment-là il y avait plusieurs représentants de la communauté anglophone au sein de la députation à l'Assemblée nationale, et unanimement cette loi-là a été votée. Le jugement de la Cour suprême apparaît systématiquement, pour tous les groupes qui sont venus ici, comme étant un mauvais jugement qui a brisé une sorte d'équilibre dans lequel nous étions.
Nous reconnaissons... et ça fait quatre fois que je le dis et je vais le dire encore plusieurs fois, je reconnais parfaitement la qualité du système d'enseignement public et privé anglophone et les efforts majeurs qui ont été faits pour que l'enseignement du français soit une réalité. Je reconnais clairement qu'à partir de 1977 la communauté anglophone s'est adaptée rapidement et a changé de comportement à l'égard du français et que vous comprenez un grand nombre de personnes pour qui le français n'est pas un obstacle, au contraire, pour qui c'est un atout. Ça, je le reconnais, et tout le monde le reconnaît.
Ce que nous souhaitons, c'est... et l'ensemble du projet de loi, et c'est vrai pour la loi 101, et c'est vrai pour la loi n° 104, et c'est vrai pour une éventuelle loi qui va corriger le jugement de la Cour suprême, ce que nous voulons faire, comme communauté francophone, c'est plutôt nous contraindre nous-mêmes à un certain nombre de comportements. Le premier de ces comportements-là, ça a été de dire: Nous devons fermer cette tendance qu'ont les francophones et les allophones à utiliser un système, les avantages du... la fréquentation d'un système non subventionné pour acquérir un droit. Nous nous sommes contraints, la loi 101 nous a contraint et nous voulons continuer à nous contraindre.
Pourquoi une société, une communauté veut-elle se contraindre? Parce qu'elle se sent jusqu'à un certain point menacée de l'intérieur. Et la raison est simple: ce n'est pas que nous sommes si bêtes ou inconséquents, c'est que nous vivons dans une réalité où nous avons la conscience d'être relativement fragiles.
Le problème nouveau qu'a donné votre modification de comportement au cours des 30 ans, c'est que vous voilà là maintenant où vous considérez que vous-mêmes êtes dans une situation minoritaire, fragilisés par la minorité que nous sommes. Vous le dites, je pense, dans le document. Si ce n'est pas vous qui le dites, d'autres le disent. On est donc dans un phénomène d'une minorité à l'intérieur d'une minorité face à une majorité. Voilà. C'est là-dedans. Et donc nous sommes dans un phénomène de perception.
**(16 h 50)** Quand vous nous dites, et ça a été dit et redit, qu'actuellement il y a menace, je sais et j'ai des chiffres devant moi qui disent clairement que, par exemple, les écoles privées ont fait des gains au niveau du... en pourcentage du nombre d'élèves qui fréquentent votre système d'écoles privées, subventionnées ou pas subventionnées, par rapport au système public anglophone qui, lui, a perdu de la population, comme le système francophone a perdu de la population.
On est donc dans un phénomène semblable, mais, pour le moment, vous avez une progression, et je me base sur le rapport Chambers, où... Et, en 1990, vous aviez 7,4 % d'augmentation des étudiants au système privé; maintenant, cette proportion-là, selon les chiffres que j'ai, elle est rendue à 13,8 %. Donc, le nombre proportionnel d'élèves qui fréquentent le système privé anglophone a augmenté, probablement au détriment du système public anglophone. Ça, c'est votre réalité. Et, en ce sens-là, je partage l'inquiétude à long terme de la communauté anglophone vers une éventuelle restriction.
Mais, quand on regarde, et à ce moment-là je reviens à la situation de l'anglais... Quand je regarde les indices de vitalité linguistique au cours des 20 dernières années, et on part de 1986 jusqu'à 2006, vous avez augmenté l'indice de vitalité d'une façon hautement plus forte que la communauté francophone. Les chiffres sont les suivants: pour l'île de Montréal, nous avions un indice de vitalité qui était de 101, communauté francophone, qui est donc arrivé, en 2006 -- et ce sont les chiffres de Statistique Canada -- à 109; la communauté anglophone avait déjà un indice de vitalité de 126 -- on connaît l'indice de vitalité, c'est la proportion sur 100 de ce que vous acquérez de plus -- et vous en êtes maintenant à 143. Il y a donc une vitalité réelle de la communauté anglophone. Et ça, c'est formidable et c'est un atout.
Maintenant, est-ce que ça tue votre perception d'être menacés au niveau de l'éducation? Non. Est-ce que votre perception est fausse? Je ne crois pas. Est-ce qu'elle peut être modulée et est-ce qu'elle peut tenir compte de la perception de l'autre communauté? Voilà le consensus que nous cherchons. La solution, et je comprends très bien que cette solution ne vous plaise pas, la solution que nous proposons, c'est une clarification juridique de telle sorte que nous n'ayons plus ce type de transfert, mais que nous puissions de nouveau réouvrir le dialogue entre deux communautés qui ont développé une conscience et qui sont maintenant peut-être en mesure de collaborer d'une autre façon pour ne pas perdre ce que vous avez acquis et ce que nous avons acquis et ce que nous espérons gagner. Excusez-moi de la longueur de mon intervention.
Le Président (M. Marsan): Alors, Mme Chambers.
M. Goldbloom (Jonathan): Je vais demander à Mme Chambers de commencer, puis, probablement, j'aimerais ajouter quelque chose.
Le Président (M. Marsan): Alors, Mme Chambers d'abord.
Mme Chambers (Gretta): Je suis entièrement d'accord avec ce que vous dites, mais la vigueur du secteur anglophone dépend entièrement au fait qu'on a adopté le français comme une langue de la langue d'enseignement. C'est la raison. Alors, vous êtes la raison que la communauté anglophone, que leur système scolaire soit plus fort. Et c'est à l'inverse.
Alors, pour la communauté anglophone, on se sert du français pour essayer de s'établir au Québec et devenir perçus... Parce qu'on se sent toujours comme des citoyens à part entière, mais la perception de l'autre est très importante, parce que c'étaient toujours les autres, nous et les autres. «Nous», c'étaient les Canadiens français, et «les autres», c'étaient les autres, hein? Moi, je me suis trouvée toujours entre les deux. Alors, je me sens parfaitement confortable des deux côtés, mais...
Mais il faudrait trouver une façon de pouvoir collaborer pour que nos deux communautés puissent s'entraider puis pas de s'entre-déchirer. Puis c'est ça qu'il faut faire. Et puis il me semble que ce n'est peut-être pas le moment idéal, mais nous avons une chance maintenant parce que nous sommes devant une consigne de la Cour suprême à faire quelque chose. Alors, faisons quelque chose ensemble pour que nos écoles, qui fonctionnent, qui fonctionnent bien, qui donnent quelque chose de très, très, très vital à...
Nous n'avions pas eu le temps de vous donner l'expérience de quelqu'un qui a fait le parcours des écoles dont nous parlons aujourd'hui, mais qui fait maintenant un autre parcours très, très, très québécois autour des professions. C'est très important que nous puissions continuer dans cette façon, mais pas seulement, n'est-ce pas, personnelle et partagée, mais ensemble. Alors, ce qu'on est venus plaider, c'est qu'on fait ça ensemble puis pas à contrecoeur.
Le Président (M. Marsan): M. Goldbloom.
M. Goldbloom (Jonathan): Je ne suis pas un expert dans les chiffres, je ne suis pas avocat et je ne suis pas expert dans les chiffres non plus, mais je veux souligner deux, trois choses.
D'abord, nous n'étions pas des écoles passerelles; nous ne sommes pas des écoles passerelles.
Deuxièmement, si on regarde les étudiants anglophones, si on regarde la situation actuelle, un de nos défis est qu'il y a beaucoup d'étudiants de familles anglophones, qui ont des certificats d'éligibilité, qui ont décidé de suivre leurs cours dans le réseau français. Alors ça, c'était un des grands changements qui menacent nos écoles en termes de nos populations et également les écoles publiques. Mais ça, c'est vraiment la réalité québécoise maintenant, et ça, c'est à l'avantage de la société québécoise.
Si on parle des écoles privées, si on parle de nos écoles, nous avons deux écoles qui sont fermées depuis 2002. Alors, oui, il y avait certaines écoles privées qui étaient établies, mais je pense que la majorité de ces écoles nouvelles sont à l'extérieur de Montréal et qu'elles ne sont pas des écoles bien établies dans la communauté anglophone. Ce n'est pas mon rôle pour déterminer si... comment on va examiner et regarder cette situation, mais, pour les écoles anglophones privées à Montréal, nous avons des difficultés et nous avons des grands défis. Nous étions affaiblis à cause de la loi n° 104, mais nous avons besoin d'un peu d'oxygène pour continuer de contribuer à la société québécoise.
Mais je pense en même temps que l'avenir, c'est vraiment de travailler ensemble, les écoles francophones et anglophones, et d'avoir des cours ensemble, si c'est au niveau du cégep, si c'est au niveau du secondaire ou primaire. Ça, c'est vraiment ce qu'on veut faire, mais on veut également être des institutions importantes pour notre communauté et pour être sûrs que notre culture est bien établie et qu'on peut être un atout pour tous les Québécois.
M. Curzi: Bien, on partage donc la même finalité, le même but final. Le chiffre que j'entends d'élèves, qui seraient admissibles dans votre système, qui fréquentent... c'est le chiffre qui... vous avez dit 12 000; moi, j'ai entendu 10 000. Il y aurait 10 000 étudiants qui, plutôt que d'être dans votre système anglophone d'éducation, sont dans le système francophone pour toutes sortes de raisons.
L'autre aspect que vous soulignez à juste titre, et je l'ai dit ce matin, c'est qu'effectivement il y a un déplacement de la population étudiante, dans le système anglophone comme dans le système francophone, vers la banlieue. Dans le cas de la communauté anglophone, c'est plutôt la banlieue nord où il y a une meilleure... il y a plus de gens maintenant, les taux de progression sont plutôt là.
Je ne suis pas un spécialiste des chiffres, mais, pour comprendre la réalité, il faut aussi pouvoir la chiffrer éventuellement. On a passé beaucoup de temps à essayer de chiffrer cette réalité.
Une voix: ...
M. Curzi: Pardon.
M. Claxton (Edward): Si je peux vous interrompre...
Le Président (M. Marsan): M. Claxton.
M. Claxton (Edward): Oui. Brièvement. Je ne crois pas que vous ayez raison concernant le déplacement de la population anglophone vers les banlieues. Effectivement, le point que M. Goldbloom soulevait, c'était plutôt qu'il y a des écoles, qui ont été établies, qui desservent une population plutôt francophone qui veut aller dans une école en anglais ou une école qui donne de l'instruction dans plusieurs langues en même temps, qui sont à l'extérieur du système. Et ce n'est pas notre cas du tout, ce n'est pas le cas pour desservir la population anglophone du tout.
M. Curzi: Là, on parle des écoles Vision, par exemple?
M. Claxton (Edward): Oui, par exemple, les écoles Vision.
M. Curzi: Par exemple. Oui.
M. Claxton (Edward): Et il y en a d'autres semblables. Donc, c'est de...
Une voix: Pour les allophones.
M. Claxton (Edward): Et c'est ces écoles qui sont le centre de croissance, si vous voulez voir une croissance dans la communauté ou dans les écoles anglophones. Et j'aimerais aussi ajouter juste... Si vous voulez effectivement qu'on travaille ensemble entre populations, vous et nous, je crois que la solution, c'est de regarder la grille, regarder la façon qu'elle va être...
M. Curzi: Oui.
M. Claxton (Edward): ...qu'elle va être acceptable et qu'elle va fonctionner, au lieu d'imposer quelque chose à la communauté anglophone qu'ils ne souhaiteraient pas.
**(17 heures)**M. Curzi: Oui. Mais le problème est là. C'est que, autant, je pense, que tout le monde est d'accord pour essayer de travailler, il apparaît clairement, là, vraiment clairement, après, quoi, trois semaines de travail en commission parlementaire, que l'ensemble des groupes qui sont venus déposer des mémoires et, je crois, l'ensemble de la population sont vraiment réfractaires à l'idée qu'on puisse permettre ce qui est perçu comme étant l'achat d'un droit, même s'il est restreint. C'est le principe même qui fait obstacle à ce qu'il puisse y avoir, au niveau législatif, une collaboration, d'où j'en arrive à la conclusion qu'il serait mieux de clarifier la législation et d'essayer de voir comment, après, on va continuer à évoluer, comme systèmes scolaires anglophone et francophone, et créer des passerelles qui seraient là plutôt au niveau de l'éducation que d'être au niveau la juridiction et de la législation. Je sais qu'on diffère en ce sens-là, mais je vous... j'essaie de vous expliquer les paramètres de notre position.
Le Président (M. Marsan): Alors, merci, M. le député de Borduas. Ceci termine l'échange avec le parti de l'opposition officielle. Je vais reconnaître rapidement M. le député de Chauveau, chef de l'Action démocratique. M. le député.
M. Deltell: Merci beaucoup, M. le Président. Mesdames, messieurs, soyez les bienvenus à l'Assemblée nationale. Je vais vous dire exactement ce que j'ai dit, ce matin, à vos confrères et consoeurs du système public: Vous êtes une inspiration et un exemple. Vous vous êtes exprimés dans un français tout à fait impeccable, je dirais même délicieux, et je souscris aux propos tenus par le député de Jacques-Cartier, tout à l'heure, comme quoi vous êtes notre nation, et soyez les bienvenus, et voyons-nous comme ça.
Le Président (M. Marsan): Alors, M. le...
M. Deltell: Arrêtons de nous voir comme francophones et anglophones, voyons-nous comme Québécois. J'aimerais...
Le Président (M. Marsan): M. le député de Chauveau...
M. Deltell: Oui?
Le Président (M. Marsan): ...on m'indique que les cloches sonnent actuellement. Il y a donc un vote, alors nous allons poursuivre après le vote.
M. Curzi: ...mais je veux juste faire une correction, M. le Président.
Le Président (M. Marsan): M. le député de Borduas.
M. Curzi: Je veux juste faire une correction. Quand j'ai lu les arguments, je me suis trompé de texte, et j'ai lu les arguments du groupe qui vous suit.
Le Président (M. Marsan): O.K.
M. Curzi: Alors...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Curzi: Mais je trouve que ça s'applique bien.
Le Président (M. Marsan): Alors, je vais suspendre pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 17 h 2)
(Reprise à 17 h 20)
Le Président (M. Marsan): Alors, nous reprenons nos travaux, et il nous fait plaisir d'accueillir le Québec Community Groups Network, représenté par Mme Linda Leith, la présidente, et je vais demander à Mme Leith de nous présenter les gens qui vous accompagnent. Et par la suite vous pouvez commencer à nous faire votre présentation pour les 15 prochaines minutes.
Québec Community
Groups Network (QCGN)
Mme Leith (Linda): Merci beaucoup.
Le Président (M. Marsan): La parole est à vous, madame.
Mme Leith (Linda): Merci beaucoup. Je vous présente M. Roderick Macleod, qui est membre du conseil d'administration du Québec Community Groups Network, Mme Rita Legault, qui est directrice des communications, et M. Stephen Thompson, qui est directeur de politique. Bon.
Alors, Mme St-Pierre, M. Marsan, M. Curzi et membres de la Commission de la culture et de l'éducation, bon après-midi. Au nom du Québec Community Groups Network et de la communauté minoritaire d'expression anglaise du Québec, je souhaite vous remercier de nous avoir invités à vous présenter nos points de vue sur le projet de loi n° 103, Loi modifiant la Charte de la langue française et d'autres dispositions législatives.
Comme vous le savez, le QCGN n'entend pas présenter de propositions concernant l'accès à l'éducation publique subventionnée en anglais; d'autres organismes provenant de la communauté minoritaire d'expression anglaise ont entrepris ces démarches. Notre plaidoyer concerne plutôt les modifications au préambule de la Charte des droits et libertés et leurs répercussions sur notre communauté linguistique minoritaire.
M. Macleod (Roderick): Allow me to begin by stating two fundamental and subtle principles, rights and freedoms, whether individual or collective, are not absolute. Section 1 of the Canadian Charter of Rights and Freedoms allows the State to place reasonable limits on our rights and freedoms, provided such limits can be demonstratively justified in a free and democratic society.
Relevant to our discussion today, we note the following. The Québec Legislature is justified in taking measures to limit the constitutional rights of its citizens if the purpose of those measures is to protect and promote the French language in Québec, itself an important and legitimate objective. These measures however must be proportional, minimally impacting individual and collective minority rights to achieve the objective. And the purpose of Canadian minority language educational rights is to protect and promote the minority language community in each province, not to provide minority language instruction to the majority.
En tant que citoyens du Québec et du Canada, nous comprenons et appuyons ces adages comme faisant partie d'une loi bien établie, les règles du jeu ayant été testées puis réaffirmées par la Cour suprême du Canada, plus récemment dans le cas Nguyen contre Québec.
Le Québec Community Groups Network représente une population minoritaire bien cernée, soit la communauté d'expression anglaise du Québec, qui représente entre 8 % et 13 % de la population de la province, selon la définition qu'on lui donne. Le QCGN est préoccupé par la vitalité et la viabilité des communautés anglophones du Québec. Notre objectif aujourd'hui est de démontrer que nos communautés minoritaires ne sont pas une menace, mais, au contraire, qu'elles renforcent la société québécoise. Nous soutenons que d'exclure la minorité d'expression anglaise cause un préjudice au Québec. Nous cherchons à obtenir la reconnaissance officielle des apports historiques et actuels de notre minorité à la société québécoise, ainsi que la protection juridique de ses droits et libertés.
Mme Leith (Linda): First, we suggest that the French-speaking majority recognizes itself as a secure and dominant majority with the power and the responsibility to protect the institutional vitality of its vulnerable minorities, including the English-speaking communities of Québec.
Second, we believe we should be working together to improve the social cohesion of Québec's French and English language communities. Let's leave behind «us versus them» thinking. The English-speaking community of Québec is in the unique position of being a minority within a majority that is also a minority. As such, we understand the need for Québec to take special measures to protect and preserve its language and culture.
Québec's English-speaking citizens are not concerned with the preservation of their language but we are very much concerned with our capacity to continue as viable and sustainable communities, especially in the regions outside of Montréal. The francophone majority is not the only community that needs the support of collective rights in Québec. Québec's English-speaking community is not an extension of the anglophone majority in the rest of Canada. We do not necessarily see ourselves or our stories reflected in the media produced by that anglophone majority.
English-speaking Quebeckers have more in common with fellow Quebeckers and French-speaking minorities elsewhere in Canada. With other Quebeckers, we share similar values and a proven and abiding attachment to this distinct society into which we have planted deep historic roots. With French-speaking Canadians outside of Québec, we share a common bond as a linguistic minority. But, as a minority within Québec, our community must also be guaranteed collective rights to foster its development as a significant collective community in Québec.
Le QCGN est inquiet que le gouvernement du Québec ait choisi la loi n° 103, conçue en réponse à la décision de la Cour suprême du Canada dans le cadre du cas Nguyen sur l'accès aux écoles anglaises publiques, pour introduire des amendements non reliés à la Charte de la langue française et à la Charte des droits et libertés de la personne. C'est à ces parties du projet de loi que je voudrais attirer votre attention. Malgré le fait que nous comprenions le besoin et le réflexe législatif de protéger et de promouvoir la langue française au Québec, nous sommes préoccupés que, dans ce cas-ci, ces mesures soient entreprises de façon à miner les droits et les libertés de la minorité d'expression anglaise du Québec.
L'analyse juridique de la loi n° 103, préparée pour le compte du QCGN, démontre que les amendements à la Charte des droits et libertés de la personne ainsi qu'à certains points de la Charte de la langue française affaibliront les droits individuels et collectifs des communautés d'expression anglaise du Québec.
M. Macleod (Roderick): Nous sommes particulièrement préoccupés par la capacité des organismes municipaux existants, reconnus conformément à l'article 21.1 de la Charte de la langue française, de continuer à servir les membres de notre communauté, étant donné l'article 11 du projet de loi n° 103. Les modifications proposées à la Charte des droits et libertés de la personne excluent toute référence à la minorité anglophone du Québec, fournissant donc une version limitée de notre patrimoine collectif et prenant un environnement qui ne tient pas compte de notre contribution au Québec.
Après tout, la communauté d'expression anglaise fait aussi partie intégrante du patrimoine québécois. Les Québécois d'expression anglaise ont toujours côtoyé leurs concitoyens francophones, et ensemble ils ont pêché dans les mêmes eaux, cultivé des terres, exploité des mines, construit des villes et vendu leurs biens et services au Canada, aux États-Unis et partout dans le monde.
Ceux et celles d'entre nous qui vivons au Québec aujourd'hui sommes des descendants d'une lignée ancestrale étroitement liée à l'histoire et au patrimoine québécois. Que l'on pense aux Irlandais, qui ont aidé à bâtir la cathédrale Notre-Dame à Québec, ou encore à la communauté noire, enracinée ici depuis quelque 300 ans, les Québécois d'expression anglaise participent également à l'édification de cette merveilleuse société aux côtés de leurs concitoyens d'expression française et ils continuent de laisser leur marque au Québec dans les sphères de la médecine, des sciences, de la technologie, de l'architecture et d'autres domaines remarquables. Il ne reste qu'à s'émerveiller devant la longue liste des Québécois d'expression anglaise qui ont été lauréats des Prix du Québec, les plus prestigieux que le gouvernement du Québec accorde dans tous les domaines de la culture et des sciences.
**(17 h 30)**Mme Leith (Linda): The relationship between English and French-speaking artists is a study in symbiosis. Québec's English-language artists play an important role in promoting Québec culture across Québec... across Canada and throughout the world. I speak as a writer myself, and a writer involved in promoting Québec artists internationally. Important collaborative work is done here, translating the work of French and English artists to make their work accessible to a wider audience. It's inspiring to see the number of actors and other artists working simultaneously in both languages, a practice that tremendously enriches their work.
It's off-putting therefore to see Bill 103's proposed amendment to section 42.1 of Québec's Charter of Human Rights and Freedoms saying that: «The French -- quote -- language is an indissociable aspect of Québec culture.» Whereas this is arguably accurate, the semantics hardly capture the collaborative and diverse nature of Québec's artistic patrimony and practice. Indeed, this leaves the impression that Québec culture is limited to expression in the French language, and that other languages, including English, have no place. We doubt this is the legislation's intent. The challenge for a modern confident and generous Québec society is to craft an additional sentence to proposed section 42.1 which acknowledges the immense contributions that the English-speaking community of Québec makes to our collective patrimony.
Le QCGN est également soucieux de l'article 21 du projet de loi n° 103, lequel ajoute une clause interprétative à la Charte des droits et libertés de la personne qui subordonne les droits de tous les Québécois à ceux d'un groupe en particulier. Notre valeur partagée d'assurer la pérennité de la langue française demeure centrale au Québec mais ne doit pas s'accomplir au détriment des droits et libertés des citoyens ou à celui de la minorité d'expression anglaise du Québec.
Nous suggérons donc, par le biais de ce mémoire, qu'il y a un moyen d'accomplir ce à quoi Les Intellectuels pour la souveraineté se réfèrent dans leur mémoire devant cette commission lorsqu'ils parlent d'une solution légitime et équilibrée. En suivant l'exemple de Gérald Godin, nous proposons que des phrases soient ajoutées aux articles de la loi n° 103 modifiant la Charte des droits et libertés et la Charte de la langue française, déplaçant ainsi le préambule de la Charte de la langue française dans la loi elle-même, ce qui assurerait le respect de la communauté d'expression anglaise du Québec, en plus d'empêcher des dérogations des droits et libertés collectifs et individuels.
M. Macleod (Roderick): The Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse and others also expressed concern with the process that is making important amendments to the Québec Charter of Human Rights and Freedoms and the French-language's as an addendum to Bill 103. The QCGN would certainly favor an approach that separated the question of English language school access and changes to our human rights legal architecture in order to ensure that we could give the latter more considerate debate. English-speaking Quebeckers choose to remain here or have come to Québec precisely because it is such an interesting and special place for self and collective expression and one where the preservation and promotion of French is a laudable and inspiring undertaking.
As English-speaking Quebeckers, we are the only linguistic minority that is paradoxically concerned not with the preservation of its own language, but upon fluency in the language of the majority. Our community has consistently sought to improve its French language skills, recognizing that, to fully participate in Québec society, we must be able to communicate effectively in the language of the majority. It is quite useful to note that the purpose of the Charter of the French language was never to regulate the language spoken at home, but to make the French language the public language of Québec. In Montreal, where most of Québec's English-speakers live and work, more than 90% of the population uses French in the workplace.
Les menaces contre le français au Québec ne viennent pas de la minorité d'expression anglaise, la nouvelle génération d'Anglo-Québécois est majoritairement bilingue et s'efforce d'assurer que les générations suivantes soient bilingues et biculturelles. Cependant, dans leur zèle visant à mettre de l'avant une vision du Québec qui soit centrée sur la langue française, les gouvernements provinciaux successifs ont adopté des lois qui vont à l'encontre des droits et des libertés de la minorité d'expression anglaise. Ces restrictions des droits et des libertés ont été nuisibles à la visibilité... à la vitalité et à la durabilité de nos institutions collectives, affectant particulièrement nos écoles, qui sont la pierre angulaire de nos communautés. Les conséquences sont négatives pour nos communautés d'expression anglaise.
Ainsi, il nous semble contreproductif et contraire au sens commun que de réaffirmer, dans l'amendement proposé dans la Charte des droits et des libertés de la personne, que le français constitue un élément fondamental de son patrimoine culturel et de sa cohésion sociale. Cela est, bien sûr, le cas pour la majorité, mais encore une fois cette terminologie implique une notion d'exclusion et met de l'avant une vision de «nous contre eux» qui encourage la dissension et la division. De nombreuses cultures «enrich» le patrimoine culturel québécois et, pour un grand nombre de citoyens de la province, le français n'est pas un aspect fondamental de cohésion sociale mais plutôt un outil nécessaire à une participation active au sein de la société.
Mme Leith (Linda): In Québec, the two solitudes often speak at cross purposes. While French-speakers feel most concerned about the fate of their own language relative to the spread of English, Anglophones feel most concerned about the decline of their community relative to the francophone majority. Thus, Francophones have tended to focus on the threat and drawing power of the English language relative to French worldwide, while ignoring the decline of English-speaking communities here in Québec. Conversely, English-speakers have focussed on the dominant position of the francophone majority.
As the Government of Québec once again reviews its language legislation, we call upon it to work with the English-speaking community in a spirit of cooperation and to recognize our communities collective and ongoing contributions to Québec society. The English-speaking community of Québec is an integral and vital part of Québec society. We expect this recognition from the political leadership and hope to see it reflected in the laws of our society. We also expect the Government of Québec to protect the rights and freedoms of its minorities, not to curtail them. We hope Québec will support and partner with its English-speaking minority communities in ways that contribute to the strength and vitality of both the minority and the majority.
When the Supreme Court of Canada released its ruling on Bill 104 in October 2009 and the Government of Québec was offered a second chance to draft legislation, the QCGN suggested that it worked with all stakeholders, including the English-speaking community, to achieve a reasonable compromise between the goals of protecting the French language and preserving the vitality of English schools and school boards.
Nous sommes reconnaissants que vous avez pris... que vous ayez pris le temps d'entendre nos préoccupations et nous espérons que celles-ci seront prises en compte. Votre minorité d'expression anglaise a démontré sa volonté et sa capacité de fonctionner dans la société québécoise. Pour l'avenir du Québec, travaillons ensemble afin de trouver une façon efficace de profiter pleinement du potentiel offert par la vitalité et la vivacité de notre communauté.
Le Président (M. Marsan): Je vous remercie, Mme Leith.
Mme Leith (Linda): Merci.
Le Président (M. Marsan): Et je vais céder immédiatement la parole à la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. Mme la ministre.
**(17 h 40)**Mme St-Pierre: Merci. Merci pour vos commentaires et bravo pour la qualité de la rédaction en langue française de votre mémoire.
Vous parlez de la Charte des droits et libertés de la personne que nous voulons... que nous ouvrons avec ce projet de loi. Vous savez, la Cour suprême nous a dit que nous étions légitimes de légiférer en matière linguistique, nous étions légitimes de vouloir protéger la langue française. Et ce projet de loi s'inscrit dans un tout, c'est-à-dire, il y a évidemment la question des écoles, des écoles passerelles, on parle aussi des amendes qui, elles, n'avaient pas été revues depuis plusieurs années, le fait aussi que les collèges, les universités de langue française doivent se doter d'une politique linguistique. Mais rien dans cet élément de la loi qui avait été adopté en 2002 ne les obligeait à rendre compte de leurs politiques linguistiques. Donc, il y a certains aspects, c'est pour faire en sorte que vraiment on essaie à certains endroits de donner plus de force à la langue française, d'accorder plus de protection.
Mais le changement dans la Charte des droits et libertés, selon les juristes qui ont travaillé avec nous, n'enlève rien à la communauté anglophone. Ce qu'elle vient dire, c'est qu'il y a quand même un message puissant dans la Charte des droits et libertés qui réaffirme que la langue officielle, c'est le français.
Vous vous définissez comme une minorité. C'est une question qui est importante parce que, vous savez, on dirait qu'on... Même du côté francophone, on fait la même chose, à un certain moment, on se déclare majorité puis, l'autre moment, on se déclare minoritaire, puis on... Mais, de votre côté, il y a quand même eu une décision qui a été rendue par les Nations unies en 1993 qui ne reconnaît pas la communauté anglophone au Québec comme étant une minorité, et c'est en vertu du pacte sur les droits civils et politiques, et c'est le Comité des droits de l'homme qui a rendu cette décision.
Le Comité de droits de l'homme a dit, et je cite: «Par conséquent, les minorités visées par l'article 27 du pacte sont les groupes minoritaires à l'échelle de l'État qui est défini et non pas des minorités dans une province.» Un groupe peut être majoritaire dans une province mais néanmoins constituer une minorité dans l'État et par conséquent être protégé par l'article 27. Les citoyens canadiens anglophones ne peuvent être considérés comme une minorité, une minorité linguistique alors, et ils disent: «Les auteurs ne peuvent donc se prévaloir de l'article 27 du pacte.» C'est parce que les auteurs, les gens étaient allés devant cette instance-là pour contester la loi n° 178 et l'utilisation de la clause dérogatoire.
Alors, je sais que tout le monde admire le travail qui est fait dans la communauté anglophone, le travail qui a été fait aussi de prise de conscience de l'importance pour les francophones de protéger la langue. Alors, j'espère que vos craintes... J'espère diminuer vos craintes parce que ce n'était vraiment pas... ce n'est vraiment pas l'esprit qui est derrière les changements à la Charte des droits et libertés de la personne.
Maintenant, j'aimerais vous entendre sur la question des écoles. Vous l'avez quand même... Vous n'en avez pas beaucoup parlé, vous dites que vous n'êtes pas là vraiment pour ça. Il y en a d'autres qui sont venus nous en parler, mais j'aimerais quand même vous entendre là-dessus. Est-ce que la proposition que nous faisons par le biais de la loi n° 103, c'est-à-dire interdire les écoles passerelles... Il y a certains articles dans la loi, ensuite on parle d'une grille d'analyse et, selon notre avis, nous suivons vraiment la démarche que la Cour suprême du Canada nous a dit de suivre. Est-ce que, sur cet aspect-là de la loi, vous êtes satisfaits?
Le Président (M. Marsan): Mme Leith.
Mme Leith (Linda): Alors, on n'est vraiment pas ici pour discuter de la situation de nos écoles. C'est sûr que c'est une question qui a été abordée par plusieurs intervenants dans cette salle, et ce n'est pas notre préoccupation. Nos préoccupations sont telles que nous avons discuté.
Mme St-Pierre: Mais qu'est-ce que vous craignez exactement par le libellé qui est ici? Parce que ce n'est pas l'analyse que les juristes ont faite. Votre façon de lire les changements à la Charte des droits et libertés laisse entendre qu'il pourrait y avoir une... que vous pourriez...
Une voix: ...
Mme St-Pierre: Une exclusion de la communauté anglophone, alors que ce n'est pas ça du tout. Vous en venez... Vous partez d'où pour en venir à cette conclusion?
Mme Leith (Linda): Alors, en 1984, M. Gérald Godin a ajouté des mots très importants à la loi 101, et il a ajouté ces mots-ci, il a ajouté les mots «dans le respect des institutions de la communauté québécoise d'expression anglaise» au préambule de la loi 101. Ce que, nous, nous cherchons, c'est d'inclure l'esprit de ces mots-là dans la charte... au préambule de la charte maintenant. Alors, je pense que ça rassurerait les membres des communautés anglophones du Québec que leur contribution à la société québécoise est reconnue et appréciée.
Mme St-Pierre: Donc, votre proposition, c'est de prendre ce qui est inscrit dans le préambule de la Charte de la langue française et de venir l'inscrire dans notre article ici, c'est ça que vous nous proposez?
Mme Leith (Linda): Is that right? C'est correct.
Mme St-Pierre: Oui? O.K. Donc, c'est la proposition que vous faites.
Mme Leith (Linda): Oui.
Mme St-Pierre: O.K. Parfait. On va en prendre bonne note. Alors, moi, j'ai terminé pour mes questions. Je pense que j'ai des collègues qui veulent en poser également.
Le Président (M. Marsan): Oui. M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, welcome. J'avais un mot particulier pour la nouvelle présidente de la QCGN, Linda Leith. Ce n'est pas à tous les jours qu'on peut recevoir un écrivain qui a un roman basé dans mon comté. Mais, si vous voulez lire les passages sur la ville de Pointe-Claire, in The Tragedy Queen of a few years ago, it's a very excellent novel. So, there's my plug, Mrs. Leith, for your novel which I enjoyed very much.
Mme Leith (Linda): Merci beaucoup.
M. Kelley: Je veux revenir sur vos préoccupations notamment, et ça touche un petit peu les romans et la littérature, vos préoccupations quant à l'article 20 et toute la question de l'insertion dans la charte, le 42.1: «Toute personne a droit de participer au maintien et au rayonnement de la culture québécoise, dont le français en constitue l'un des éléments indissociables.» On dit «l'un des éléments», alors ça présume qu'il y en avait d'autres.
Mais je veux juste comprendre davantage vos inquiétudes quant au libellé de 42.1. If you could just explain to me what it is about the way it's said, what could be changed or what is it that you find... you're uncomfortable with in that way it is phrased.
Mme Leith (Linda): Rod.
M. Macleod (Roderick): Je crois que ça... Peut-être, il y a deux niveaux au Québec, pour nous surtout, de comprendre l'utilisation des... l'expression, disons, qu'accepter ce qui est la loi, la langue publique, la langue officielle, la langue qu'on utilise toujours en public avec les affaires, et tout ça, ça, c'est très important, mais aussi, chez nous et parmi nos groupes et nos affaires, on utilise d'autres langues, et on a l'impression que ça contribue beaucoup à la société québécoise dans une manière assez large. Alors ça, ces mots nous donnent l'impression un peu que le projet de loi reconnaît seulement une langue, pas officielle, mais une langue que tout le monde va utiliser dans tous les sens. Je ne veux pas dire que ça, c'est l'intention de ce qui est présenté, mais ça nous suggère un peu ça.
Mme Leith (Linda): Si je peux me...
M. Macleod (Roderick): ...
Mme Leith (Linda): J'aimerais juste ajouter quelque chose, que ce que nous proposons effectivement, et c'est compris dans tout ce qu'on a déjà dit, et ce qu'on pense, c'est qu'on propose d'amorcer un virage dans les relations entre la minorité anglophone et la majorité francophone du Québec. On suggère en effet deux changements de vision fondamentaux qui permettraient à la société québécoise de relever des défis sociaux et économiques qui nous attendent. Et, comme j'ai dit, on propose que la majorité francophone se reconnaisse en tant que majorité dominante et établie et qu'elle assume pleinement son pouvoir et la responsabilité de protéger la vitalité institutionnelle de ses minorités, incluant les communautés d'expression anglaise du Québec.
Et on aimerait... On propose également de travailler ensemble pour améliorer la cohésion sociale du Québec, ralliant ainsi la communauté francophone et les communautés de langue anglaise. Donc, c'est pour valoriser ce virage qu'on aimerait avoir un changement au préambule et des changements à la loi, au projet de loi n° 103. Et je pense que ce sont des choses...
Le Président (M. Marsan): En terminant, monsieur...
Mme Leith (Linda): Excusez-moi.
Le Président (M. Marsan): Excusez. En terminant, M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley: Très bien. Bon. Je sais que le temps est terminé, mais je veux juste également souligner un exemple tangible, et c'est le travail que Mme Leith a fait comme présidant pendant 10 ans le festival littéraire Blue Metropolis, à Montréal, qui est un extraordinaire exemple de qu'est-ce qu'on peut faire: à la fois mettre en évidence les écrivains francophones, anglophones, d'autres pays aussi. Alors, c'était vraiment un événement extraordinaire que Mme Leith a présidé pendant 10 ans, de mémoire, avec brio.
Mme Leith (Linda): Presque 14.
M. Kelley: 14, d'accord. Corrigé. Presque 14. Bravo pour cette contribution...
Le Président (M. Marsan): Merci...
M. Kelley: ...importante à la vie littéraire à Montréal!
Le Président (M. Marsan): Merci, M. le député. Nous poursuivons la période d'échange, et je vais céder la parole au porte-parole de l'opposition officielle en matière de langue, M. le député de Borduas.
**(17 h 50)**M. Curzi: Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Bonjour, messieurs. Je ne recommencerai pas la lecture que j'ai faite tantôt à partir de vos recommandations, mais... Donc, je me sens... Je crois que j'ai fait mon discours et que ça a été suffisamment long.
Mais, dans cet article-là, il y a la Commission des droits de la personne qui est venue, je pense, parler du même article, qui suggérait aussi qu'on change le libellé de l'aspect... l'article qui parle de la culture: «Toute personne a droit de participer au maintien et au rayonnement de la culture québécoise dont le français en constitue l'un des éléments indissociables.» C'est cet article-là dont vous voudriez modifier le libellé, hein? Et que ce soit intégré au préambule, oui? 42.1.
Mme Leith (Linda): C'est sûr que nous n'avons pas d'argument avec le mot «indissociable». C'est surtout, comme on a essayé d'expliquer, que, même si c'est plus ou moins correct, ça a l'effet d'exclure les minorités anglophones parce qu'il n'y a aucune mention de la communauté anglophone d'expression anglaise et de tout ce qu'ils ont fait, tout ce qu'ils ont contribué à la société québécoise. Donc, on aimerait être reconnus.
M. Curzi: Oui. Évidemment, tout dépend de comment on fait la lecture de ça, puisqu'il n'y a pas de définition. La culture québécoise comprend une culture d'expression francophone mais elle comprend aussi l'expression anglophone culturelle que tout le monde reconnaît, là. On parlait de...
Mme Leith (Linda): Oui.
M. Curzi: Tout le monde reconnaît qu'il y a un apport culturel réel qui s'exprime des fois en anglais majoritairement en français.
Mme Leith (Linda): Mais oui.
M. Curzi: Je veux dire... Parce qu'il y a... Vous savez qu'on ne veut pas entrer dans un vieux débat, mais il y a une différence, et c'est une différence ténue mais qui s'exprime souvent par une opposition entre ce qui est défini comme étant le multiculturalisme et l'interculturalisme. Métropole bleue, par exemple, est clairement perçu, et je pense que ce l'était fondamentalement, comme étant de l'interculturalisme, et c'est une des raisons qui ont fait son succès.
Quand la Commission des droits de la personne est venue, les modifications qu'ils voulaient apporter à cet article-là rendaient visiblement, la transformaient en un article qui endossait le multiculturalisme, puis ça, c'est une notion qui est mal perçue du côté de la communauté francophone et du côté des milieux culturels francophones. Bien, c'était juste pour... Je voulais juste voir, comprendre bien où vous alliez avec cette notion-là.
Mme Leith (Linda): Mais je pense que les membres des communautés anglophones du Québec ont fait beaucoup pour s'intégrer dans la société québécoise. Et je pense que, oui, je suis d'accord avec interculturalisme, je suis absolument d'accord avec pluralisme. Et je pense que, pour que ce soit réel et pas juste des mots, il faut que ce soit inclus, compris dans l'expression du projet de loi. Je pense que ça ne change rien pour la majorité, mais ça change beaucoup pour la minorité d'expression anglaise d'inclure ces mots-là et de changer... et d'inclure le mot et même une mention de la contribution des communautés anglophones qui se sentent un peu exclues. Et voilà. C'est pourquoi on n'invente rien, c'est le cas.
M. Curzi: Mes collègues veulent poser des questions. J'ai juste une chose, puis ce n'est pas un piège, mais vous comptiez, à une certaine époque, Mme Martin-Laforge parmi... votre directrice générale, je pense, qui siège au Conseil supérieur de la langue française. Le Conseil supérieur de la langue française a clairement dit, recommandé que la loi 101 soit appliquée.
J'aimerais, je ne veux pas entrer dans des questions internes, mais il me semble qu'il y a là apparemment... Il y a comme une contradiction, là, parce que... Est-ce qu'il y a une contradiction ou... J'aimerais comprendre ça. C'est un aspect que j'ai de la misère à comprendre.
M. Macleod (Roderick): Je ne dirais pas qu'il y a contradiction. Mme Martin-Laforge ne nous représente pas au conseil; c'est complètement différent, sa participation avec le conseil. Je ne crois pas que c'est pour nous de dire exactement qu'est-ce qu'elle pense ou qu'est-ce qu'elle dit au sujet de cette question au conseil. Les deux choses sont complètement distinctes.
Mme Leith (Linda): Je pense également que c'est effectivement sa décision personnelle. Elle est membre du conseil comme individu, comme individu et pas au nom du QCGN, et elle a été très claire de sa dissension avec le conseil. Alors, je pense que ça, ça ne devrait pas nous concerner ici.
M. Curzi: Elle se dissocie de cette décision-là.
Le Président (M. Marsan): O.K.
M. Curzi: Elle s'est dissociée de cette décision-là? Ce n'était pas écrit, mais...
Le Président (M. Marsan): Monsieur...
M. Curzi: Ce n'était pas inscrit, ça. Ce n'était pas marqué. C'était présenté comme une position commune. C'était ma... Je voudrais céder la parole à monsieur...
Le Président (M. Marsan): Oui. M. le député de Drummond.
M. Blanchet: Merci, M. le Président. Mme Leith, messieurs dames, bonjour. Je veux aborder un aspect, l'aspect artistique de ce que vous avez exprimé, hein? Parce que j'y suis sensible pour y avoir oeuvré pendant près de 20 ans, et parce que c'est mon dossier.
Samedi dernier -- brève anecdote -- il y avait un spectacle contre la loi n° 103 auquel participait un groupe d'humoristes qui s'appelle Les Zapartistes. Et je suppose que vous n'apprécieriez pas beaucoup le spectacle des Zapartistes en général, mais ils faisaient un numéro dans lequel ils établissaient avec humour que, dans le fond, clairement, les Anglais de Montréal et du Québec sont très, très, très québécois.
Et, pris au deuxième degré, ce numéro-là était extrêmement révélateur d'une réalité qui est celle que la culture de la communauté d'expression anglaise du Québec est effectivement très unique. La culture de la communauté d'expression anglaise du Québec n'est pas celle des gens de Toronto, n'est pas celle des gens de Vancouver ou de Los Angeles ou encore moins de Londres. Elle est très unique, notamment à cause du bassin très singulier dans lequel elle se développe et elle évolue. Et, à partir du moment où on reconnaît ça, que c'est une culture riche, une culture somme toute bien outillée en outils de diffusion... ce qui n'est probablement pas étranger à la richesse de la création qui en émerge, ce qui n'est sûrement pas étranger au fait que passablement d'artistes francophones ou d'origines linguistiques autres décident de tenter de s'exprimer dans cette langue-là pour un ensemble de raisons qui leur appartiennent.
Tout ceci étant dit, il faut reconnaître donc que la culture québécoise dans son ensemble n'est ni la vôtre ni la mienne mais bien l'amalgame. C'est ça, la culture québécoise: l'amalgame de ce que nous sommes, tous ensemble, incluant d'ailleurs évidemment les communautés des premières nations, incluant évidemment toute la richesse de toutes les communautés qui choisissent de se joindre à la nôtre au sens le plus large et inclusif de «la nôtre».
Dans cet esprit-là, même si on n'est pas d'accord souvent sur les chiffres et les moyens, ce que cette commission-ci exprime assez clairement... Je pense que votre désir que la culture d'expression anglaise ait une certaine reconnaissance ou davantage de reconnaissance est quelque chose qui mérite d'être discuté parce que les principes parfois un peu rigides qui doivent être appliqués à d'autres secteurs de notre vie collective ne doivent pas nécessairement l'être lorsqu'on parle des arts. Et il y a une différence entre les arts et la culture: les arts sont une des expressions, peut-être l'expression privilégiée de la culture, mais les arts ne sont pas la culture.
Rentrer dans le détail technique de modifier telle clause, les 33 dernières années enseignent très bien aux Québécois que, dès qu'on change un mot dans un document relatif à la langue, éventuellement on s'en va en Cour suprême puis éventuellement on se fait botter. Donc, on est très prudents.
Mais, sur l'intention, s'il s'agit d'avoir une discussion dans laquelle on dirait qu'on accorderait une reconnaissance particulière aux arts de la communauté d'expression anglaise et aussi, ce faisant, d'ailleurs d'expression... ceux qui parlent en Innu, ou en Inuktitut, ou dans d'autres langues qui sont présentes sur notre territoire, sous réserve bien sûr qu'on reconnaisse que la langue, le pont entre ces différentes expressions culturelles là au Québec reste le français, il reste que la contribution historique de la communauté anglaise ne peut pas être niée. On ne réécrira pas l'histoire ni celle des premières nations d'ailleurs. Il y a une réflexion à faire, il y a des discussions à avoir à cet égard-là bien précis. Et je ne sais pas jusqu'à quel point l'ouverture que, moi, je ressens à cet égard-là rejoint votre intention dans ce que vous dites, nonobstant les moyens, mais j'aimerais bien savoir ça parce que, contrairement à ce que certaines activités politiques suggèrent, je pense qu'on est beaucoup plus près et on est beaucoup plus semblables à bien des égards que ce que le quotidien suggère lorsqu'on fait de la politique.
**(18 heures)**Le Président (M. Marsan): Le temps est presque écoulé mais, Mme Leith, je voulais absolument vous laisser le mot de la fin.
Mme Leith (Linda): Alors, merci beaucoup. Alors, en tant qu'écrivaine, je ne peux pas être contre une reconnaissance pour la culture, les arts et tout.
C'est sûr que, dans les années récentes, et vraiment très récentes, il y a eu une reconnaissance pour la première fois de la littérature anglo-québécoise, qui n'existait pas avant, même s'il y avait beaucoup, beaucoup d'auteurs, Leonard Cohen et Mavis Gallant, et tout. Mais je dois ajouter en disant ça qu'il ne faut vraiment, vraiment pas oublier les communautés d'expression anglaise en parlant juste de la culture. On a des communautés entières, avec tous les besoins d'une communauté qui est assez fragile, qui est beaucoup réduite, qui perd sa population surtout dans les régions hors de Montréal, c'est sûr. Alors, ce n'est pas juste une question de culture, même si absolument on aimerait beaucoup plus de reconnaissance pour la culture.
Le Président (M. Marsan): Alors, merci, Mme Leith. Merci, M. Macleod, Mme Legault. M. Thompson. Et merci de nous avoir donné la position du Québec Community Groups Network sur le projet de loi n° 103.
Maintenant, la commission ajourne ses travaux jusqu'au jeudi 23 septembre, après les affaires courantes, afin de poursuivre son mandat. Bonne soirée.
(Fin de la séance à 18 h 2)