(Neuf heures trente-trois minutes)
Le Président (M. Marsan): À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 103, Loi modifiant la Charte de la langue française et d'autres dispositions législatives.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Aucun remplacement, M. le Président.
Auditions (suite)
Le Président (M. Marsan): Je vous remercie. Il nous fait plaisir, ce matin, d'accueillir M. Gilbert Paquette, président de Les Intellectuels pour la souveraineté. Et, M. Paquette, je vous demanderais tout de suite de nous présenter les gens qui vous accompagnent et de poursuivre avec votre présentation pour une période d'environ 15 minutes. La parole est à vous.
Les Intellectuels pour
la souveraineté (IPSO)
M. Paquette (Gilbert): Merci, M. le Président. J'aimerais vous présenter d'abord les gens qui m'accompagnent: à ma gauche, Mme Ercilia Pallacio-Quintin et, à ma droite, M. François Rocher, tous deux membres de notre organisation et qui ont participé à la rédaction de ce mémoire qu'il nous fait plaisir de vous présenter, Mmes, MM. les députés.
Les Intellectuels pour la souveraineté, les IPSO, ont été créés en 1995 et regroupent actuellement quelque 150 intellectuels de différentes origines, majoritairement des universitaires qui participent à la vie citoyenne par la réflexion, l'analyse et l'action en faveur de l'émancipation du Québec. Nous sommes un mouvement indépendant des partis politiques, et nos positions sont adoptées indépendamment par notre conseil d'administration et orientées par notre assemblée générale.
Plusieurs de nos membres ont participé à divers titres à ce vaste débat de société sur le statut de la langue française qui a marqué l'évolution du Québec. En fait, moi-même, j'étais à l'Assemblée nationale, en 1977, lorsque nous l'avons adopté, comme membre de l'Assemblée nationale.
Sans minimiser les autres secteurs de la vie collective où la langue commune joue un rôle clé, la langue d'enseignement est particulièrement essentielle et indispensable à la vie et à l'essor de la nation québécoise. Nous pensons qu'il s'agit d'une préoccupation que partagent non seulement les souverainistes comme nous, mais plus largement une vaste majorité de Québécois et tous ceux qui adhèrent à la nation québécoise et sont soucieux de son avenir. Voilà pourquoi nous intervenons devant cette commission.
Le premier point que nous aimerions souligner, c'est que nous sommes à faire ce débat à cause d'un choc entre deux légitimités. Alors, il faut se le rappeler et en tenir compte. On se rappellera qu'au début de la Révolution tranquille la majorité des enfants de l'immigration se tournaient vers l'école anglaise. Même au sein des francophones de souche, le contexte fortement minoritaire du français en Amérique du Nord amenait une forte pression vers la fréquentation de l'école anglaise. Cet état de fait existe encore aujourd'hui. Il est même amplifié par l'évolution des systèmes de communication planétaire qui imposent l'anglais, évidemment, un peu partout. Je travaille en informatique, je sais exactement ce dont je parle.
Le problème à la source du projet de loi n° 103 part du refus inscrit dans la Constitution canadienne de respecter la volonté de l'Assemblée nationale dans son désir, la plupart du temps unanime, de protéger le fait français à l'école et dans tous les secteurs de la vie collective, ce que la loi 101, la Charte de la langue française, a voulu accomplir.
Avant et depuis l'adoption de la loi 101, on peut certainement parler d'une longue marche de la démocratie québécoise pour consolider sa langue nationale, démarche que la Cour suprême du Canada vient contrer encore une fois, bafouant la volonté unanime de vous, les élus du peuple québécois, qui avaient adopté la loi n° 104.
Dans son jugement d'octobre 2009, la cour s'appuie sur l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés adoptée par le Parlement fédéral dans la loi de 1982. Cet article, on s'en rappellera, a été conçu explicitement pour contrer la loi 101 sur la langue d'enseignement, de façon à étendre aux parents ayant fait leurs études en anglais n'importe où au Canada le droit d'inscrire leurs enfants à l'école anglaise. Et on voit qu'aujourd'hui il y a encore des groupes qui réclament qu'on élargisse encore l'accès à l'école anglaise au Québec, un droit qui a été reconnu aux anglophones par la loi 101.
Or, la Loi constitutionnelle de 1982, certains l'oublient parfois, a été adoptée unilatéralement par le Parlement canadien, sans le consentement du Québec, comme si son approbation n'était pas requise. Il n'y eut aucune consultation de la population du Québec, aucun référendum, la question ne fut pas discutée lors d'une élection. L'Assemblée nationale s'y est opposée fermement, et aucun de nos gouvernements successifs, quels que soient les partis au pouvoir, n'a accepté d'y apposer sa signature jusqu'à ce jour. On est ainsi rendus très loin du pacte entre deux nations par lequel 26 délégués francophones sur 48 ont fini par accepter, tout en demandant un référendum sur la question sans l'obtenir, en 1867, que le Québec devienne une province du Canada.
C'est donc sur la base de cette Loi constitutionnelle à laquelle le Québec n'a jamais souscrit, ayant un caractère légal au Canada mais illégitime aux yeux de la majorité des Québécois, que la loi 101 a subi quand même plus de 200 amendements qui l'ont affaiblie dans la plupart de ses secteurs d'application. Et, dans notre mémoire, nous faisons une liste des principaux jugements et de la façon dont l'Assemblée nationale y a répondu.
En adoptant la loi n° 104, en 2002, le législateur québécois a voulu fermer une brèche de la loi 101 où des personnes utilisaient des écoles privées non subventionnées, qualifiées d'écoles passerelles, pour contourner la loi 101. Pour l'essentiel, les débats et les consultations de 2002 démontrent un large consensus de tous les partis politiques. Le gouvernement et l'Assemblée nationale voyaient, dans le recours aux écoles privées non subventionnées, un détournement de la loi, une négation du principe réservant aux seuls anglophones l'accès à l'école anglaise et une menace aux équilibres atteints en 1977 grâce aux critères objectifs permettant aux enfants dont les parents avaient fait leurs études en langue anglaise d'avoir accès à l'école primaire ou secondaire, publique ou privée, subventionnée, en anglais.
**(9 h 40)** Pourquoi cela serait-il différent aujourd'hui? La lecture du jugement nous informe que, tout en reconnaissant la légitimité de la loi 101 et la volonté de l'Assemblée nationale de protéger la langue française, la cour soutient qu'après un parcours scolaire dit authentique dans une école privée non subventionnée on puisse obtenir un droit d'admissibilité à l'ensemble des écoles anglophones publiques ou privées subventionnées. Elle propose même des principes de gestion aux autorités scolaires québécoises qui mènent à des décisions cas par cas, difficilement applicables, ouvrant par conséquent la voie à d'autres contestations possibles.
Dans un secteur de compétence exclusive du Québec comme l'éducation, la cour est amenée par son mandat même à arbitrer des choix administratifs et politiques et à évaluer la qualité du travail du législateur québécois jugeant, dans le cas qui nous occupe, sa décision excessive, trop draconienne. Manifestement, la cour n'a pas la même évaluation que fait la majorité des Québécois du recul du français, particulièrement dans la région de Montréal.
En résumé, on propose de remplacer l'astuce de la passerelle par une passerelle plus longue, plus coûteuse pour les parents, plus bureaucratique, plus susceptible d'engager de multiples contestations, ce qui amènera la cour à s'ingérer encore davantage dans l'administration de l'éducation par de futurs jugements.
Reprenant une intervention d'un ancien professeur de droit constitutionnel, Michel Lebel, nous prétendons que le projet de loi n° 103 est une mauvaise réponse à un mauvais jugement. Devant ce jugement contraire à la volonté collective des Québécois, ainsi qu'à une décision unanime de l'Assemblée nationale, il y a trois réponses possibles.
La première, la plus radicale, fondée sur l'obéissance civile absolue aux lois du Québec, consisterait à ignorer la décision de la Cour suprême puisqu'elle repose sur des décisions constitutionnelles imposées unilatéralement au peuple québécois et à ses représentants qu'aucun gouvernement du Québec n'a endossé à ce jour. Il va sans dire que cette option créerait une situation de crise constitutionnelle, par ailleurs justifiée, mais qui devra un jour faire l'objet d'un débat beaucoup plus large sur le statut politique du Québec.
La seconde option, inattaquable juridiquement, même, à notre avis, du point de vue de la Constitution du Canada, est de limiter l'accessibilité aux écoles privées non subventionnées de langue anglaise aux seuls enfants admissibles en vertu de la loi 101 et également de la Charte canadienne. C'est la proposition que retient le Conseil supérieur de l'éducation et que nous appuyons essentiellement dans notre mémoire.
Le projet de loi n° 103 nous propose malheureusement une troisième option, la pire: se soumettre au jugement en annulant les dispositions de la loi n° 104 pour les remplacer par une réglementation du concept de parcours scolaire authentique. L'article 1 supprime les deuxième et troisième alinéas de l'article 73 que la loi n° 104 y avait ajouté. Autrement dit, le gouvernement propose d'effacer purement et simplement une décision unanime de l'Assemblée nationale prise en 2002. Par l'article 26, cette modification entre en vigueur le 22 octobre 2010, soit la date fixée par le jugement de la Cour suprême.
L'article 2 annonce un nouveau règlement qui encadrera le travail des personnes chargées d'appliquer la loi 101 revenue, pour l'essentiel, à son état d'avant la loi n° 104. Ces personnes devront effectuer l'appréciation de la majeure partie de l'enseignement reçu, qui est invoquée à l'appui d'une demande d'admissibilité. Ce cadre d'analyse peut notamment établir des règles, des critères d'appréciation, une pondération, un seuil éliminatoire, un seuil de passage et des principes interprétatifs.
Les articles 3, 4 et 6 ajoutent des précisions quant à l'application du futur règlement, qui ne nous est pas connu à l'heure actuelle. Ce cadre d'analyse est essentiellement celui proposé par le jugement de la Cour suprême. Il encadre une analyse largement qualitative, cas par cas, de l'authenticité du parcours scolaire d'un enfant.
L'article 5, lui, ajoute à la loi 101 l'article 78.2, qui rend en principe illégale l'exploitation d'écoles passerelles «principalement [destinées] à rendre admissible à l'enseignement en anglais», y lit-on.
Les articles 12, 13, 14, 15 visent à renforcer les sanctions en cas de non-respect. Ces dispositions peuvent apparaître intéressantes mais elles n'éliminent pas la possibilité d'inscrire des enfants non admissibles à une école privée non subventionnée et, après trois ans, de leur donner accès à l'ensemble des écoles anglaises du Québec.
Autrement dit, le gouvernement constate et obéit, comme s'il n'y avait pas d'autre alternative que de se conformer à un mauvais jugement. Or, il y en a d'autres.
Reprenons les objections à l'alternative: appliquer la loi 101 à toutes les écoles publiques ou privées subventionnées ou non. Dans leur présentation du projet de loi n° 103, les ministres responsables expliquent leur refus d'étendre la loi 101 aux écoles privées non subventionnées, la qualifiant de solution excessive et très lourde de conséquences. Le gouvernement ne voudrait pas provoquer des fermetures d'école, entraîner des perturbations majeures dans le réseau scolaire. Le gouvernement craint de se retrouver avec des plaintes contre le Québec sur la scène internationale pour la violation des droits et libertés de la personne, ce pourquoi le gouvernement Bouchard et l'opposition officielle aurait évité le recours à la clause dérogatoire, en 2002.
Il faut d'abord souligner que les dispositions invalidées par la Cour suprême du Canada ne touchent pas les libertés fondamentales, mais plutôt l'article 23, qui traite des droits à l'instruction dans la langue de la minorité. Tous s'entendent pour dire que les droits à l'instruction en langue anglaise pour les anglophones ne sont remis en question d'aucune façon. Le jugement de la Cour suprême aurait, au contraire, pour effet d'étendre l'accès aux écoles anglaises, publiques ou privées, subventionnées, à des enfants qui, sans le détour par les EPNS, n'y auraient pas droit.
Invoquer un éventuel opprobre de la communauté internationale est un argument qui ne tient pas la route. L'argument de possibles contestations internationales pour atteinte aux droits et libertés surprend. Les Prs Daniel et Jean-Pierre Proulx soulignaient, dans Le Devoir, il y a quelque temps... Il y a un autre article ce matin qui est étonnant, dont on pourra parler lors des questions, peut-être. Ils disaient: «Le droit à l'instruction dans une langue donnée n'est pas un droit fondamental et encore moins un droit universel. Il doit être reconnu spécifiquement par la loi ou par la Constitution et varie d'un État à l'autre.» À titre d'exemple, nous sommes allés consulter la loi belge de 1963 et 1982 -- mais il y a bien d'autres exemples -- qui est beaucoup plus contraignante, comme on le sait, que la loi 101. Elle impose l'unilinguisme scolaire dans les régions flamandes et wallonnes à tous les établissements reconnus par l'État, sauf certaines communes dites bilingues, là, ou dotées d'un régime spécial. Mais, dans les régions unilingues, que les écoles soient subventionnées ou non, l'unilinguisme s'applique dans l'enseignement.
La loi 101 impose évidemment une obligation beaucoup moins astreignante, même si on l'étendait aux écoles privées non subventionnées, puisqu'elle maintient de larges exceptions au principe de base de l'unilinguisme français, favorisant ainsi l'accès à l'école anglaise pour les enfants pouvant être qualifiés d'anglophones selon des critères objectifs.
Par contre, alors que... -- là, j'avais mis «la ministre de la Justice», mais on doit parler de l'ex-ministre parce qu'il y a eu un remaniement depuis -- déclarait pour sa part: «Il y a un consensus dans la société québécoise qu'on ne peut s'acheter un droit», c'est vrai qu'il y a un consensus, mais nous sommes surpris du fait que c'est exactement ce principe que viole le projet de loi n° 103, puisqu'il sera toujours possible pour un allophone ou un francophone -- là, dans notre mémoire, là, il y avait une coquille, il faut remplacer... on avait mis «anglophone» -- de payer les frais d'inscription dans une école privée non subventionnée de langue anglaise et obtenir ainsi un droit qu'il n'aurait pas autrement. Autrement dit, on s'achète encore un droit. Ça va coûter plus cher, mais on l'achète quand même.
Le gouvernement nous apparaît davantage préoccupé par la fermeture possible d'écoles privées en langue anglaise créées souvent uniquement pour contourner la loi 101. Lors d'une table ronde, en novembre 2009, le démographe Robert Maheu a, au contraire, démontré que les effectifs des écoles anglaises étaient stables depuis la loi n° 104, alors que l'augmentation des effectifs était constante avant cette loi. Ils ne diminuaient pas; ils étaient stables. Il a mis en pièces l'affirmation de la présidente du Québec English School Boards Association selon laquelle l'invalidation de la loi n° 104 permettrait à 500 élèves tout au plus de fréquenter l'école anglaise: une bouffée d'oxygène, selon elle.
Or, selon les calculs du démographe Maheu, basés sur la fréquentation des écoles passerelles, en 2001-2002, soit avant l'adoption de la loi n° 104, l'impact du jugement serait plutôt de 11 000 élèves, soit environ 9 % des effectifs actuels des écoles anglaises. Et un calcul moins conservateur pourrait même donner le double. Loin d'une simple bouffée d'oxygène, le projet de loi conduira, nous en sommes convaincus, à un gonflement relatif du réseau des écoles anglaises dans un contexte où la population scolaire est en décroissance de 2 % à peu près, autant du niveau anglophone que francophone. Est-ce de cette façon que le gouvernement entend favoriser la promotion du français au Québec?
**(9 h 50)** Au Québec, puisque l'État québécois émet des permis à toutes les écoles et leur pose des contraintes sur bien des sujets, notamment les programmes d'études et d'autres questions, rien ne s'oppose à ce qu'il étende les dispositions sur l'admissibilité à l'école anglaise à toutes les écoles publiques, privées, subventionnées ou non. Pour ce faire, rien dans les chartes des droits ou en droit international n'interdit au Québec de fixer les conditions d'accès à une école non subventionnée, comme il le fait déjà pour une école subventionnée. Nul n'est besoin également de recourir, pour ce faire, à la clause dérogatoire de la Constitution canadienne. Là-dessus, nous sommes en désaccord avec les deux partis, les deux principaux partis à l'Assemblée nationale. Nul n'est besoin de recourir à la clause dérogatoire. Le risque de contestation future de la loi apparaît presque nul -- on ne peut jamais dire «totalement» -- presque nul et sûrement moins grand qu'avec la réglementation tatillonne du projet de loi 101 qui... n° 103 qui ouvrira la porte à de multiples contestations. Comme le souligne le Pr Stéphane Beaulac, de la Faculté de droit de l'Université de Montréal, quand la ministre St-Pierre dit qu'elle n'avait d'autre choix que le libellé actuel de la loi n° 103, cela est sans aucun fondement en droit constitutionnel canadien.
Pour les raisons qui précèdent, nous appuyons totalement l'avis du Conseil supérieur de la langue française qui propose d'étendre l'article 73 de la loi 101 à toutes les écoles du Québec, mettant ainsi définitivement... au contournement de la loi 101. Nous serions d'avis également d'étendre cette disposition aux collèges du Québec, éventuellement.
En conclusion, il y a 33 ans, en 1977, l'adoption de la loi 101 imposait aux francophones et aux allophones l'obligation d'intégrer l'école primaire et secondaire française, tout en protégeant le droit des véritables anglophones à l'éducation dans leur langue. Ce faisant, la loi 101 établissait que la société d'accueil ouverte et inclusive pour les Québécois de toutes origines serait celle des francophones. 33 ans plus tard, le projet de loi n° 103 lance un message contraire à une population tiraillée entre la langue nationale et l'attraction de l'anglais en se soumettant à un moyen que s'est donné unilatéralement le régime canadien par la Loi constitutionnelle de 1982 et les jugements de la Cour suprême qui en découlent. Dans un tel contexte où le français est en recul partout au Canada, même à Montréal, le message qu'envoie actuellement le gouvernement Charest ancre l'idée selon laquelle les prises de position et les lois de l'Assemblée nationale du Québec en faveur du français, même lorsqu'elles sont approuvées unanimement par tous les partis politiques, peuvent être invalidées.
Ce projet de loi engendre une incertitude sur les règles linguistiques au Québec, un doute sur la légitimité de la démarche du Québec, une invitation aux citoyens à se dissocier de la langue commune, ciment de la nation.
Ce message s'additionne aux jugements antérieures de la Cour qui ont provoqué quelque 200 amendements à la loi 101. Il s'additionne au refus du gouvernement canadien d'appliquer la loi 101 à ses propres organismes, à sa politique de multiculturalisme qui vise à noyer le peuple québécois dans une mosaïque de cultures où la nôtre est vue comme une parmi d'autres. Et, dans un tel contexte qui perdure, comment se surprendre de la progression de l'anglais à Montréal, des difficultés d'intégration des allophones, déchirés entre deux langues et deux nations, de la réaction des citoyens qui sont fiers de leur appartenance au Québec et qui voient leur identité nationale menacée?
D'autres groupes souverainistes comme nous s'opposent au projet de loi n° 103, mais cet enjeu nous interpelle tous, quelles que soient nos options politiques, constitutionnelles et quelle que soit notre langue d'origine ou notre origine culturelle. Tous ceux qui croient qu'aucune langue nationale ne peut survivre, surtout dans le contexte nord-américain et mondial marqué par la prédominance de l'anglais, sans une volonté clairement affirmée de promouvoir la langue française comme langue publique doivent s'élever contre ce projet de loi.
En conclusion, il nous faut souligner à quel point la solution que nous proposons est nécessaire, mais elle n'est que défensive, temporaire, possiblement éphémère. Sans une vigilance constante et une détermination sans faille, plus le temps passe, plus les forces à l'oeuvre dans l'environnement canadien jouent en défaveur de la seule nation de langue française du continent.
Depuis la Loi constitutionnelle de 1982, les tribunaux contrôlent la démarche du Québec, on le voit bien, même dans ses champs de compétence exclusive comme l'éducation et à l'endroit d'un enjeu aussi vital comme celui de la langue nationale. Comme le démontre ce jugement, la Cour suprême du Canada établit la jurisprudence de manière cumulative, ce qui a pour effet d'influencer la décision suivante. Relisez le jugement, vous voyez qu'on s'appuie... et de plus en plus on restreint à chaque fois la marge de manoeuvre du Québec pour protéger son identité et assurer sa pérennité nationale. L'Assemblée est condamnée à adopter, comme on le propose maintenant, au mieux, des lois réparatrices.
Si le Québec n'était pas soumis à la Constitution de 1982, la loi 101 pourrait être restaurée dans toute sa cohérence, en éliminant les amendements qu'elle a subis dans presque tous ses aspects. La clause Québec pourrait être rétablie pour encadrer l'accès à l'enseignement en anglais. La contestation serait définitivement terminée. Un pas essentiel serait fait vers l'adhésion de tous les Québécois à un Québec français, inclusif, accueillant pour tous ceux qui viennent partager son destin.
Évidemment, cela ne pourra se faire que par un acte de souveraineté soustrayant le Québec à l'emprise de la Constitution canadienne. D'ici là, nous enjoignons notre gouvernement national à éviter d'affaiblir encore une fois la Charte de la langue française. Je vous remercie.
Le Président (M. Marsan): Merci, M. Gilbert Paquette. Et je cède immédiatement la parole à la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine pour débuter notre période d'échange. Mme la ministre.
Mme St-Pierre: Merci, M. Paquette. Merci, bienvenue à l'Assemblée nationale. Merci d'être parmi nous ce matin.
Donc, on a écouté évidemment et on avait pris connaissance avec beaucoup d'attention de votre mémoire. J'aurais une question à vous poser concernant votre organisation qui existe depuis 1995. Vous dites, Les Intellectuels pour la souveraineté... vous parlez de 150 personnes. Est-ce que la liste de ces personnes-là est connue?
M. Paquette (Gilbert): Oui, oui. Nous maintenons une liste de nos membres, là, certainement.
Mme St-Pierre: O.K. Est-ce qu'on pourrait avoir une liste de vos membres? Parce que, sur Internet, on a cherché, on ne l'a pas trouvée.
M. Paquette (Gilbert): Oui, bien, ce n'est pas tous les membres qui souhaitent que la liste soit publique, mais pour... sur une demande de l'Assemblée nationale, certainement, nous pouvons vous fournir notre liste.
Mme St-Pierre: O.K. Il y en a qui ne veulent pas que leurs noms apparaissent comme étant officiellement membres.
M. Paquette (Gilbert): Bien oui. Ah! Il y en a qui ont des craintes, il y en a qui travaillent dans les organismes gouvernementaux. Il y a tout ça. À tort ou à raison, là.
Mme St-Pierre: Pourquoi, dans ce cas-là, ils s'associent à votre organisation s'ils ne veulent pas faire connaître leurs allégeances?
M. Paquette (Gilbert): Par conviction. Parce qu'ils trouvent là un moyen d'exprimer leurs convictions.
Mme St-Pierre: Mais ils sont gênés d'afficher leurs allégeances souverainistes sur la place publique.
M. Paquette (Gilbert): Il y a des gens qui ont des craintes. Vous savez, il y a des gens qui ont perdu leur emploi au gouvernement fédéral...
Mme St-Pierre: Ah oui?
M. Paquette (Gilbert): ... -- il y avait un cas récemment -- à cause de leurs convictions indépendantistes.
Mme St-Pierre: O.K.
Une voix: ...
Le Président (M. Marsan): Non, non. Je vous rappelle, hier, on a fait le point là-dessus. La pertinence à ce qu'on est... Au moment des auditions...
Mme St-Pierre: Bien, c'est parce que j'essaie...
Le Président (M. Marsan): Excusez-moi. Au moment où on est en auditions publiques, la pertinence est interprétée de façon assez large. Alors, j'inviterais Mme la ministre à poursuivre.
Mme St-Pierre: D'abord, M. le Président, je pense qu'il faut établir la crédibilité d'un organisme qui se présente devant l'Assemblée nationale. Ils peuvent le faire quand, eux... Et, moi, je voulais établir la crédibilité et de cet organisme. C'est un organisme qui comporte 150 intellectuels, donc des gens qui ont probablement des diplômes très, très importants et qui ont des opinions...
M. Paquette (Gilbert): ...un doctorat ici.
Mme St-Pierre: ...alors, moi, je lui demande: Pourquoi? Est-ce qu'on peut avoir la liste? On a ici des informations sur le site Web puis je voulais tout simplement... Il faut savoir aussi à qui on parle.
Une voix: ...
Mme St-Pierre: J'ai beaucoup de respect pour M. Paquette. Je le connais. Il s'affiche, lui. Il n'y a pas de problème. Je veux savoir à qui je parle.
Une voix: ...
Le Président (M. Marsan): J'aimerais ça qu'on poursuive la discussion. Et M. Rocher a demandé la parole. M. Rocher, vous avez la parole.
Mme St-Pierre: Bien, c'est parce que je n'ai pas posé ma question encore.
M. Rocher (François): Un mot rapide sur la question de la crédibilité des IPSO. J'aimerais rappeler que les IPSO organisent quantité d'événements publics, que ce soient des débats, que ce soit un congrès annuel qui est suivi par la presse, qui peut être revu sur Internet de telle sorte... et qui est fréquenté... En fait, nos activités, il y a plusieurs personnes, plusieurs dizaines de personnes, sinon parfois plusieurs centaines de personnes qui s'y présentent. Et donc les activités des IPSO sont publiques. Les prises de position des IPSO sont publiques. Les articles qui paraissent dans les journaux, les mémoires que nous soumettons, les livres que nous publions sont tous signés. Et donc, si vous vous posez la question sur l'adhésion des gens qui participent aux activités, toute cette information-là n'est pas cachée, elle est accessible et elle est accessible au plus grand nombre.
Mme St-Pierre: Donc...
Le Président (M. Marsan): Excusez. M. Paquette a demandé la parole.
M. Paquette (Gilbert): Oui. Je voulais simplement dire que, si vous voulez vous faire une bonne idée de nos activités, je vous réfère à notre colloque du mois de mai dernier, auquel assistaient 600 personnes, qui s'intitulait Vingt ans après Meech et dans lequel on démontre l'impossibilité de renouveler le fédéralisme canadien. Je vais vous envoyer le document. Je vais vous envoyer le document.
Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.
**(10 heures)**Mme St-Pierre: Oui. C'est clair qu'on connaît vos prises de position. Je voulais tout simplement savoir qui... Vous vous vantez d'avoir 150 intellectuels dans votre groupe. Alors, ce que j'ai posé comme question: Est-ce qu'on peut connaître les noms de ces personnes? Est-ce qu'on peut avoir la liste de ces personnes? J'ai une autre question aussi sur votre organisation: Comment vous financez vos travaux?
M. Paquette (Gilbert): On se finance surtout par la carte de membre, qui est de 30 $ pour les... bon, et par un dîner-bénéfice annuel. Mais les finances sont très légères, et on ne...
M. Curzi: M. le Président, je trouve que ça n'a pas de bon sens.
Le Président (M. Marsan): M. le député de Borduas.
M. Curzi: M. le Président, Mme la ministre, je ne comprends pas ce que vous êtes en train de faire. On reçoit en commission parlementaire des gens dont on a reçu les mémoires, et on reçoit des individus, et il n'est pas question qu'on remette en cause la crédibilité des personnes et des organismes qui viennent déposer des mémoires en commission. C'est inadmissible, ça. Vous êtes en train de faire un procès d'intention dans le but de discréditer un organisme qui vient déposer un mémoire lourdement documenté, extrêmement cohérent. Je ne comprends pas du tout dans quoi vous êtes. Je trouve que c'est inadmissible comme comportement en commission parlementaire. M. le Président, je vous demande que ça ne se reproduise plus jamais et que ça cesse immédiatement.
Le Président (M. Marsan): Moi, j'aimerais qu'on poursuive nos travaux de bonne façon. On l'a fait très bien jusqu'à maintenant. Et, depuis tantôt, Mme Pallacio-Quintin me demande de lui laisser la parole, et ça va me faire plaisir, Mme Pallacio-Quintin, de vous la laisser.
Mme Pallacio-Quintin (Ercilia): Merci. Je voulais dire tout simplement que nous ne sommes pas venus ici pour étaler nos diplômes ni nos réalisations comme chercheurs. Nous sommes venus ici en tant que citoyens pour témoigner sur une loi. Et, comme citoyens, nous nous prononçons chacun avec ses expertises ou sa non-expertise, parce que ce n'est pas seulement les diplômés qui ont droit à la parole. Alors, c'est à ce titre que nous sommes là, et nous allons répondre sur le projet de loi et non pas sur nos vies personnelles.
Le Président (M. Marsan): Alors, nous poursuivons notre débat sur la loi n° 103, et je cède de nouveau la parole à Mme la ministre de la Culture et des Communications et de la Condition féminine.
Mme St-Pierre: Donc, O.K., là, je poursuis, M. le Président. Alors, vous établissez, bien sûr, votre position au projet de loi n° 103. Vous parlez de l'application de la loi 101 aux écoles privées non subventionnées, ce qui est la position de l'opposition. Vous dites cependant qu'il n'est pas nécessaire de mettre la clause dérogatoire. Alors, moi, je vais vous faire quelques remarques concernant des experts qui se sont prononcés en disant: Nous devrons appliquer la clause dérogatoire.
Donc, Me Eugénie Brouillet, constitutionnaliste, qui a consulté... conseillé le PQ sur la question, elle dit, dans une entrevue au journal Le Devoir, le 13 mars 2010: «...le PQ sur cette [...] comme les contestations [seront] prévisibles, le gouvernement n'aurait que le choix d'appliquer la clause dérogatoire d'emblée...» Me Eugénie Brouillet, professeure à l'Université Laval, qui est un expert qui conseille le Parti québécois.
Au mois de... le 13 novembre 2009, on est à trois semaines à peu près, environ, on est en interpellation à l'Assemblée nationale, le député de Borduas, le député de Lac-Saint-Jean font un point de presse avant l'interpellation. Donc, ils parlent aux journalistes évidemment avant de parler aux parlementaires -- ce qui est très, très, très dans les règles de l'art, très respectueux pour les collègues! Donc, ici, j'ai le commentaire de M. Cloutier: «Avec les discussions qu'on a eues avec nos experts -- pas "notre expert", "nos experts" -- cette disposition-là serait contestée en vertu, fort probablement, du droit à la liberté [...] l'article 7 de la Charte [...] canadienne.» Alors, M. Cloutier est un étudiant... a déjà été étudiant en droit constitutionnel, donc il est diplômé en droit constitutionnel, alors je pense qu'il doit savoir ce qu'il dit.
«Or, le droit à la liberté nous permet d'utiliser la clause dérogatoire, la clause "nonobstant", c'est pour ça qu'on dit au gouvernement du Québec: [Étendez la loi 101 aux écoles privées non subventionnées et ajoutez la clause dérogatoire.]» La journaliste Marie-Andrée Brassard demande à M. le député de Borduas: «Pourquoi ne pas avoir inclus les écoles privées non subventionnées au moment de l'adoption de la loi 101?» Le député de Borduas répond: «Je ne sais pas. Je ne sais pas pourquoi on ne l'a pas fait, et visiblement on a eu tort de ne pas le faire. Je pense qu'on a voulu respecter...» Et là il arrête de parler parce que je pense qu'il venait de... il sentait qu'il était en train de glisser quelque part, là: respecter peut-être une zone de liberté.
M. Curzi: Ça se passait bien jusqu'à présent, M. le Président; ça commence à se passer moins bien.
Le Président (M. Marsan): Oui. Veuillez...
Mme St-Pierre: M. le Président, je n'ai pas terminé.
M. Curzi: ...plein le dos de ce genre de...
Le Président (M. Marsan): S'il vous plaît. À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Curzi: Alors, que la ministre pose des questions...
Mme St-Pierre: Je n'ai pas terminé.
Le Président (M. Marsan): À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Curzi: Là, ce genre de commission parlementaire là...
Le Président (M. Marsan): Mme la ministre, vous... Il y a une personne...
M. Curzi: ...on n'acceptera pas ça.
Le Président (M. Marsan): Il y a une personne qui a la parole actuellement, et c'est Mme la ministre.
M. Curzi: Alors, qu'elle l'utilise d'une façon...
Le Président (M. Marsan): Non. Mme la ministre. Mme la ministre, voulez-vous poursuivre, s'il vous plaît?
Mme St-Pierre: Bon. Écoutez, M. le Président, on dit que je fais un débat... On m'accuse de faire un débat politique; l'organisme qui est devant nous est ouvertement en faveur de la souveraineté du Québec, je pense que cet organisme-là est politique, fait un débat politique. Et je respecte les opinions des personnes qui sont devant nous ce matin.
Le Président (M. Marsan): Alors, si vous voulez poursuivre sur la loi n° 103.
Mme St-Pierre: ...me laisser poursuivre. Puis on est dans un pays où on a encore la liberté d'expression, j'espère. J'espère. Parce que, là, je ne suis plus sûre de qu'est-ce qu'ils vont nous présenter un jour. Donc...
Une voix: ...
Le Président (M. Marsan): Alors, nous poursuivons, s'il vous plaît.
Mme St-Pierre: Je suis très polie. Je ne crie pas comme mon vis-à-vis.
Le Président (M. Marsan): S'il vous plaît! S'il vous plaît!
Mme St-Pierre: Mon vis-à-vis nous crie par la tête, pas moi.
Le Président (M. Marsan): Alors, j'aimerais ça qu'on puisse poursuivre notre discussion. De nouveau, là, je laisse la parole à Mme la ministre sur le projet de loi n° 103. Mme la ministre.
Mme St-Pierre: Ma question est la suivante: Qui sont vos experts?
M. Paquette (Gilbert): Bien, écoutez, on a un comité constitutionnel au sein des IPSO. Alors, on consulte régulièrement le Pr Henri Brun, Pr André Lajoie, qui est membre de notre exécutif d'ailleurs.
Mme St-Pierre: André Lajoie.
M. Paquette (Gilbert): Et Pr Binette également, qui est membre de notre conseil d'administration. Et on a consulté les avis qui se sont exprimés également dans les journaux. Et, si vous voulez, on va vous répondre directement, là. M. Rocher peut vous expliquer pourquoi nous prétendons que nous n'avons pas besoin d'utiliser la clause dérogatoire.
Mme St-Pierre: La question est importante, là, parce qu'ici on parle...
M. Paquette (Gilbert): Bien oui, c'est fondamental.
Mme St-Pierre: C'est fondamental parce que...
M. Paquette (Gilbert): Oui, tout à fait, c'est la question.
Mme St-Pierre: ...d'un côté, on nous parle d'experts qui ont des diplômes puis qui sont des constitutionnalistes puis qui connaissent ça.
Vous nous dites que vous n'êtes pas d'accord avec ça. Alors, moi, ce que je vous demande pour éclairer ma lanterne et celle de tous les Québécois qui nous écoutent ce matin: Qui sont vos experts en droit constitutionnel qui vous disent que ce n'est pas nécessaire d'appliquer la clause dérogatoire? Parce qu'on a même Me Bernard qui est venu nous le dire cette semaine.
M. Paquette (Gilbert): Vous avez ici... Je vais vous faire une réponse courte, mais François Rocher va élaborer davantage là. Je vous cite un avis, ici, du Pr Stéphane Beaulac, de la Faculté de droit de l'Université de Montréal, qui dit: «Le recours à la clause dérogatoire est devenu une distraction au point d'occuper toute la place et d'occulter complètement le débat de fond.» Alors, j'aimerais bien qu'on ait la chance ici, mais on va probablement manquer de temps pour discuter du débat de fond. Mais la clause dérogatoire, elle est invoquée par des constitutionnalistes comme Eugénie Brouillet ou d'autres pour dire qu'il faudrait fermer la porte à toute contestation possible.
Nous, notre position est la suivante: c'est que le risque de contestation... Évidemment, on ne peut pas empêcher n'importe quel citoyen, à un moment donné, devant les tribunaux... Mais le risque que la contestation soit entendue par la Cour suprême et acceptée est très faible parce qu'il ne s'agit pas... le droit à l'instruction dans l'enseignement d'une langue n'est pas un droit fondamental ni sur le plan international ni même en regardant la Constitution canadienne. Je pense que M. Rocher va élaborer là-dessus.
Et, d'autre part, nous pensons que, même là, même s'il y avait des contestations susceptibles de recevoir un accueil favorable à la Cour suprême, le risque est infiniment moins grand que les contestations qui vont découler du projet de loi n° 103. Et, à ce moment-là, l'attitude responsable face à la protection du français que le gouvernement pourrait adopter serait de dire: Prenons ce petit risque, donnons un signal clair que le français doit être respecté au Québec, que la loi 101 doit être respectée au Québec, et, si jamais il y a un autre jugement à la Cour suprême qui nous arrive dans trois ans, quatre ans, bien, ce sera toujours ces trois ou quatre ans de gagnés. Et, pendant ce temps-là, les choses seront claires au Québec, on saura qu'on ne contourne pas la loi 101.
Mme St-Pierre: J'aurais une question. C'est parce que vous dites clairement que... Là, vous dites: Allons-y par étapes, c'est-à-dire l'étapisme. Un, on applique la loi 101 aux écoles privées non subventionnées puis, si c'est contesté puis qu'on va jusqu'au bout, on pourra...
M. Paquette (Gilbert): Je vais vous dire que les risques de contestation sont tellement faibles que nous pensons que cette solution, même de ce point de vue là, est préférable au projet de loi n° 103.
Mme St-Pierre: O.K. Est-ce que vous accepteriez de déposer les avis juridiques de vos experts pour nous éclairer davantage?
**(10 h 10)**M. Paquette (Gilbert): Bien, écoutez, ça se fait à travers des consultations verbales, des réunions, là. Je n'ai pas demandé d'avis formel. On a fait beaucoup de discussions là-dessus, là.
Mme St-Pierre: O.K. Donc, vous n'avez pas d'avis écrit juridique de vos experts qui nous disent que ce n'est pas... qu'il y a des faibles risques que ce soit contesté en vertu de la charte?
Le Président (M. Marsan): M. Rocher, vous avez demandé la parole?
M. Rocher (François): Oui. Alors, sur la question de l'utilisation... du recours ou non à clause dérogatoire, j'avais trois choses à dire. La première, c'est que l'avis des experts, surtout en droit, est important, mais le droit n'est pas une science exacte, et donc il est normal d'obtenir des points de vue qui ne sont pas nécessairement toujours concordants.
Ceci étant dit, le deuxième point que j'aimerais soumettre à votre attention est un rappel d'abord que le jugement de la Cour suprême portant sur ce qui nous intéresse aujourd'hui se rapportait à l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés concernant les droits à l'instruction dans la langue de la minorité, article de la Charte canadienne qui ne peut pas faire l'objet de la clause dérogatoire, Et donc les correctifs qui doivent être apportés pour répondre au jugement de la Cour suprême nous amènent sur un terrain qui nous éloigne de toute façon et qui nous interdit d'utiliser la clause dérogatoire.
Troisième dimension, c'est que, puisque les dispositions de la Charte canadienne concernant les droits à l'instruction dans la langue de la minorité constituent une partie distincte de la Charte canadienne des droits et libertés, il me semble assez évident que les éléments que l'on y retrouve ne doivent pas être considérés comme des droits fondamentaux ou comme des libertés fondamentales, il s'agit plutôt de déterminer, tout comme le faisait la loi 101, quelles sont les conditions d'accès au réseau scolaire de la langue de la minorité pour à la fois les anglophones au Québec et puis les francophones à l'extérieur du Québec, ailleurs au Canada.
Ce qui nous intéresse ici, c'est de savoir si la proposition, la suggestion que les IPSO mettent de l'avant, tout comme le Conseil supérieur de la langue française, dérogerait aux libertés fondamentales énumérées à l'article 2 de la Charte canadienne ou de manière, je dirais, beaucoup plus lourde, l'article 7 de la Charte canadienne qui concerne, en fait, ce qu'on appelle le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne et donc le principe de justice fondamentale. À notre avis, il ne s'agit pas là d'une question de droit fondamental, c'est-à-dire que l'accès à l'école dans la langue de la minorité n'est pas considéré comme un droit fondamental mais comme un droit collectif qui a été attribué à des individus qui appartiennent à des minorités linguistiques: au Québec, pour ce qui est de la minorité historique anglophone, et aux francophones pour ce qui est des autres provinces.
Si on avait voulu... Évidemment je ne faisais pas partie des pourparlers constitutionnels en 1981, mais, si on avait voulu faire de la langue un droit fondamental, on l'aurait mentionné à la fois dans l'article 2 sous le chapitre de la liberté fondamentale, on l'aurait aussi mentionné à l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, ce qui n'est pas le cas. Ceci m'amène à conclure qu'à mon avis on fait fausse route lorsqu'on met l'accent sur le respect des libertés fondamentales quand vient le temps de poser la question des conditions d'accès à l'éducation dans la langue de la minorité. Il ne s'agit pas d'une question de droit fondamental au sein de la Charte canadienne des droits et libertés. Cette question-là est différente. Cette question-là renvoie à un choix collectif concernant finalement la possibilité qu'ont les sociétés de déterminer quelle sera la langue commune qui devra être utilisée dans l'espace public au Québec et aussi ailleurs au Canada.
Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie. Ceci termine l'échange avec le parti ministériel. Nous poursuivons avec l'opposition officielle, et je cède la parole au député de Borduas, porte-parole de l'opposition officielle en matière de langue. M. le député.
M. Curzi: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Paquette, madame monsieur. D'abord, permettez-moi de vous offrir mes excuses au nom des parlementaires de cette Assemblée nationale, parce que je considère que l'interrogatoire et la mise en question de votre crédibilité, les demandes de vos listes de membres, tout cela est indigne, et je désapprouve profondément l'interrogatoire que la ministre... Je n'ai jamais vu... et je suis un jeune député, mais je ne comprends pas et je n'admets pas ce type de traitement là. Les gens qui viennent ici, en commission parlementaire, ont des droits fondamentaux de citoyens qui viennent s'exprimer librement et correctement, et il n'est pas question qu'on remette en cause la valeur de leurs témoignages. Alors donc, je m'excuse au nom de l'ensemble des parlementaires.
Maintenant...
M. Lehouillier: M. le Président.
Le Président (M. Marsan): M. le député de Lévis, une question de règlement?
M. Lehouillier: Oui. Alors, M. le Président, moi, je voudrais qu'on nuance les propos qui viennent d'être dits. Nous, comme députés ministériels, nous trouvons intéressant qu'on puisse savoir, quand un organisme se présente, s'il a un membership, qui sont les membres, parce que la liste n'est pas publique, alors, moi...
Une voix: ...
M. Lehouillier: Non, je ne veux pas reprendre le débat, mais je veux juste dire...
Le Président (M. Marsan): Rapidement. Rapidement. Je veux simplement entendre.
M. Lehouillier: Je veux juste dire, M. le Président, qu'il ne parle pas au nom de l'ensemble des députés.
Le Président (M. Marsan): Alors, ceci étant dit, j'aimerais ça qu'on puisse poursuivre et profiter de la présence de nos invités, M. le député de Borduas, pour parler du projet de loi n° 103.
M. Curzi: Parfait. Donc, veuillez considérer que ce que j'ai dit s'applique uniquement et provient uniquement des membres de ce côté-ci de la Chambre, c'est-à-dire les membres du Parti québécois, et que ça ne s'applique pas aux libéraux. Les libéraux ont donc des comportements éthiques qu'ils jugeront eux-mêmes.
Le Président (M. Marsan): À la loi n° 103.
M. Curzi: Et j'aimerais bien savoir quels sont les avis juridiques que vous avez, vous, et j'aimerais ça qu'ils soient publics aussi. Ce serait intéressant.
Maintenant, réglons cette question de la clause dérogatoire. Quand la décision de la Cour suprême est arrivée, le réflexe immédiat que nous avons eu, puisqu'il faut régler cette situation-là et qu'il y avait un consensus... Qu'on le veuille ou pas, la loi n° 104 est un consensus avec lequel finalement tout le monde semblait bien vivre, hein? Ce consensus-là a été brisé par un jugement de la Cour suprême. Donc, on se retrouve avec l'obligation de refaire un nouveau consensus ou de refaire une nouvelle législation pour régler le cas majeur de l'accès au système public anglophone par l'entremise des écoles privées non subventionnées.
La proposition gouvernementale, à notre sens, nous mène, vous l'avez très bien décrit, dans une espèce de lieu de contestation, impossibilité d'application, en plus de consacrer clairement une inégalité au niveau des citoyens. Donc, la solution est claire et, en ce sens-là, je vous approuve complètement. Il me semble que la solution, c'est d'appliquer strictement la loi 101 en intégrant les écoles privées non subventionnées, en les inscrivant dans l'article 73, de telle sorte que, pour avoir le droit de fréquenter le système scolaire public et privé, francophone comme anglophone, on doit se soumettre à l'admissibilité, les critères d'admissibilité.
Ces critères d'admissibilité là, c'est ce qu'on a appelé la clause Canada, c'est vraiment l'article 23 et, en ce sens, si on applique strictement la loi 101 et les critères d'admissibilité, on est conforme à l'article 23, et donc il n'y a aucun problème. On est d'accord là-dessus. De plus, on ajoute qu'on était conscient qu'on ne peut pas opposer la clause dérogatoire à l'article 23 de la Charte canadienne.
Je suis très loin d'être un constitutionnaliste, et ça explique bien des choses. Les constitutionnalistes ont des opinions qui varient. On voit encore ce matin qu'il y a des constitutionnalistes qui nous suggèrent autre chose. Ce qui est clair, et ce qui a toujours été notre discours, celui de mon collègue constitutionnaliste et le mien, c'est de dire au gouvernement: Si vous voulez cesser une fois pour toutes de revenir sur cette question-là, qu'on soit constamment dans des débats juridiques, intégrez donc, intégrez maintenant la clause dérogatoire pour qu'on ne puisse pas éventuellement attaquer l'application de la loi 101 selon d'autres articles de la charte. Vous les avez décrits: 2, 7. Celui qui est apparu aux gens qui nous conseillent, qui sont des constitutionnalistes chevronnés, comme étant l'article utilisable pour éventuellement attaquer cette décision-là -- et là je le dis, c'est Eugénie Brouillet, entre autres, et plusieurs autres constitutionnalistes consultés par mon collègue de Saint-Jean, qui est lui-même constitutionnaliste -- ça a été de dire: Oui, ce serait possiblement attaquable, ça ne veut pas dire que ça le sera nécessairement, mais possiblement attaquable, donc intégrez la clause dérogatoire. Et on a utilisé une image simple, mais, dans ces domaines-là, c'est bien d'avoir des images, à un moment donné, que tout le monde comprend: la loi 101, c'est la ceinture. Et, si vous voulez ajouter des bretelles à la ceinture, intégrez la clause dérogatoire.
Donc, la clause dérogatoire n'est pas essentielle pour régler le problème, mais, ce que nous avons cru, ce que plusieurs experts croient, c'est qu'elle est nécessaire. Ce qu'on découvre dans les débats, et c'est extrêmement intéressant, c'est de voir: Peut-être qu'elle n'est même pas nécessaire. Bon, possible. Pour le moment en tout cas, moi, je maintiens la position, qui est celle que nous avons formulée dès le départ, qui est de dire: Réglons une fois pour toutes cette question-là parce qu'elle est importante pour la cohésion sociale et pour l'application de la Charte de la langue française. Et voilà. J'espère que c'est clair et que c'est clair pour tout le monde. C'est de ça dont il est question.
Maintenant, n'étant pas constitutionnaliste, je ne modifierai pas de moi-même, de ma propre initiative, ce qui m'a été conseillé. Donc, on en reste à cette proposition-là et on la conserve. Mais, ceci dit, une consultation, comme la commission parlementaire, a pour but d'apporter d'autres éclairages. Et on en a eu quelques-uns. Plusieurs de ceux qui sont venus d'ailleurs entérinent l'application de la loi 101, mais, comme vous, ont des réticences ou même ne voient aucune nécessité à la clause dérogatoire. D'autres nous ont dit qu'ils voyaient une importance. Donc, il y a un débat là qui est de l'ordre des constitutionnalistes. Et, moi, je suis tout à fait ouvert à ce que, ce débat-là, on le mène, et qu'on le clarifie, et qu'on y trouve une solution si possible, juste pour que ce soit bien clair.
Maintenant...
**(10 h 20)**Le Président (M. Marsan): M. le député de Borduas, vous pouvez poursuivre.
M. Curzi: Merci. Je vais poursuivre, M. le Président. Je cherchais une question. Je cherchais une question parce que vous aimeriez... vous préféreriez que je pose une question, Mme la ministre, je vous comprends très bien.
Des voix: ...
M. Curzi: Je vous comprends très bien.
Mme St-Pierre: ...
Le Président (M. Marsan): O.K. C'est beau, c'est beau.
M. Curzi: Ça va, ça va. Je pense que...
Le Président (M. Marsan): Alors, M. le député de Borduas.
M. Curzi: J'essayais de résumer et de clarifier. Est-ce que le résumé que je viens de faire vous apparaît conforme à la position que vous défendez?
Le Président (M. Marsan): M. Rocher.
M. Rocher (François): Alors, la question que vous posez, M. Curzi, c'est: Qu'en pensez-vous?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Rocher (François): Et voici une réponse à la question que vous venez de poser. Je pense que le fait d'insister sur l'utilisation ou non de la clause dérogatoire permet de détourner le débat de ce qui est essentiel ici et qui concerne l'accès à l'école anglaise subventionnée après un détour par les écoles privées non subventionnées. C'est ça, le noeud du problème.
Lorsque certains intervenants insistent sur le recours à la clause dérogatoire pour se protéger -- vous avez utilisé l'expression «ajouter les ceintures aux bretelles» -- contre une possible contestation fondée sur le non-respect des droits fondamentaux, ça m'apparaît nous conduire sur le mauvais terrain parce qu'en disant cela on implique logiquement qu'il est possible que la solution proposée contrevienne au respect des libertés fondamentales. Et on connaît la sensibilité des citoyens, des Québécois tout comme des Canadiens, à la nécessité de respecter les libertés fondamentales que l'on retrouve énumérées non seulement dans la charte québécoise des droits de la personne, mais aussi dans la Charte canadienne.
Nous, ce que l'on prétend, c'est qu'il n'est pas nécessaire d'inscrire la clause dérogatoire puisqu'il s'agit de régler, comme je le disais tout à l'heure, une question qui s'applique à l'article 23, pour lequel la clause dérogatoire n'est pas nécessaire. Et le fait de sous-entendre que cela pourrait contrevenir aux droits et libertés permet à d'autres de soutenir, de dire publiquement que -- ce que l'opposition propose, ce que les gens qui s'opposent à la loi 101 font -- c'est de vouloir limiter les droits et libertés de la personne. Il n'en est rien. Il ne s'agit pas de limiter, par exemple, un droit fondamental qu'est la liberté de religion, de la liberté de pensée, de la liberté d'association. Il ne s'agit pas plus non plus de limiter le droit à la vie. Il ne s'agit pas de limiter le droit à la liberté et à la sécurité de la personne. Il s'agit d'autre chose et qui est celui... qui est un problème important, qui est celui de l'accès à l'école anglaise pour des gens qui n'y ont pas droit en vertu de la Charte canadienne et en vertu de la charte québécoise. Et c'est la raison pour laquelle -- et je conclus là-dessus -- je vous invite à éviter le plus possible de suggérer le recours à la clause dérogatoire pour régler ce problème-là puisqu'il n'y a pas de problème. Si, un jour improbable, quelqu'un invoque les dispositions de la Charte canadienne concernant les droits et libertés pour contester la solution que l'on propose, à ce moment-là, ce sera aux tribunaux, dans leur sagesse plus ou moins grande, de déterminer -- en fait, les tribunaux sont parfois créatifs -- s'il s'agit là d'une disposition qui contrevient aux libertés fondamentales. Mais, si le cas se présente, ce qui est improbable, à ce moment-là, je pense que l'Assemblée nationale adoptera la disposition législative qui s'impose.
Le Président (M. Marsan): Oui. M. Paquette a demandé la parole et ensuite Mme Pallacio-Quintin. M. Paquette.
M. Paquette (Gilbert): Oui. Très brièvement, M. le Président, je crois que mon collègue a mis en évidence la question fondamentale. C'est que tout ce débat autour de la clause dérogatoire est largement un faux débat. Je l'ai dit tantôt, les risques de contestation -- il y en a toujours -- sont très faibles, et, quand il y en aura une qui aura été déboutée par la Cour suprême, bien, ça va cesser, et ça va arriver dans trois, quatre ans, cinq ans, et, entre-temps, on aura protégé le principe extrêmement important de la loi 101.
Sur la clause dérogatoire, il faut se rappeler que cette clause-là a été mise dans la Constitution canadienne pour un peu contrebalancer le pouvoir des juges, hein? Les juges prennent des décisions, mais on veut permettre aux Assemblées, aux Parlements, de pouvoir déroger, dans certains cas, pour des questions qui n'ont pas été prévues et pour suivre un peu l'opinion de la population. C'est un peu le rôle des élus.
Et cette clause dérogatoire, elle a été utilisée quelques fois par le passé au Québec. Ce que je ne comprends pas, c'est cette crainte de nuire aux relations internationales du Québec, qu'il y ait des contestations, que le Québec aurait l'air de brimer des droits, alors qu'on a l'une des lois linguistiques les plus généreuses. Il y en a des beaucoup plus radicales ailleurs. Et ça a été utilisé par le passé et, je veux dire, il n'y a pas eu de dommages au Québec, à la réputation internationale du Québec.
Alors, cette clause dérogatoire, c'est un mécanisme légitime. Alors, au pire, on pourrait l'utiliser, mais, nous, on pense que ça ne donne pas un message clair à la population. Le message clair qu'il faut donner, c'est que la réglementation des écoles au Québec relève de l'Assemblée nationale, et du gouvernement, et du ministère de l'Éducation. Et on a parfaitement le droit d'appliquer des contraintes aux écoles privées non subventionnées; il y en a plusieurs qui sont appliquées actuellement. Qu'on en ajoute une qui respecte la lettre de la loi 101 ne causera pas, à notre avis, de problèmes, ni sur le plan juridique ni sur le plan de la réputation du Québec à l'international.
Le Président (M. Marsan): Merci. Mme Pallacio-Quintin.
Mme Pallacio-Quintin (Ercilia): Oui. Bien que je reconnaisse, bien sûr, l'importance des questions juridiques, donc vous devez discuter et les régler, il faut se rappeler que les questions juridiques n'existent que parce qu'il y a des questions sociales, et la loi est là pour régler les questions sociales pour baliser la vie en société.
Donc, c'est de cette vie en société que, moi, je vais parler, sur un angle particulier parce qu'on ne peut pas tout aborder dans quelques secondes. Et donc, en faisant appel d'ailleurs à mon expérience de Québécoise d'adoption et allophone à l'origine, je pense que ces règles qui visent à tuer le projet de loi n° 103, c'est un terrible message et aussi un grand tort aux gens qui vont immigrer de plus en plus -- d'ailleurs, ça a augmenté le nombre d'immigrants, les dernières années -- parce qu'on est en train de leur dire d'office: Vous arrivez dans un pays où les lois sont faites pour être contournées, en premier. C'est un message très pernicieux.
Deuxièmement, vous leur ouvrez grande la porte pour qu'ils s'isolent et se ghettoïsent d'eux-mêmes, puisque l'apprentissage de la langue est l'instrument essentiel d'une participation à la société. Sans partage de langue, il n'y a pas de participation à la société, c'est-à-dire c'est l'exclusion.
Je voudrais aussi référer au rôle important, justement, marquant que la langue d'enseignement a dans ce domaine-là. En tant que bénévole, en dehors de mes activités universitaires, j'aide un organisme pour enfants défavorisés. Il y a énormément d'enfants d'immigrants que nous desservons, justement ceux qui n'ont pas d'argent, donc qui sont à l'école publique en français. Et je vois le rôle intégrateur que les enfants eux-mêmes jouent auprès de la famille. C'est quand ils arrivent, les parents avec l'enfant... et c'est l'enfant qui traduit et explique aux parents arrivés pas depuis longtemps, parce que l'enfant, il a appris beaucoup plus vite que les parents. Donc, là, il y a une canalisation de l'intégration qui est fondamentale. Sinon, on exclut les gens indirectement, prétendant leur donner des droits. Je dirais, c'est le droit de se pendre soi-même qu'on veut leur donner.
**(10 h 30)**Le Président (M. Marsan): Je vous remercie. M. le député de Borduas, la parole est à vous.
M. Curzi: Merci, M. le Président. Je veux juste vous remercier. Je pense que vous avez bien clarifié votre position. Il va y avoir une autre question de la part de mon collègue. Je veux juste dire que j'ai bien entendu ce que vous disiez, c'est un débat intéressant. Pour notre part, en tout cas, avec les avis qu'on a, on maintient cette position-là. Mais je pense que ce qu'il est important de dire, c'est qu'on a un accord profond sur le fait que la loi n° 103 n'est pas la solution, c'est une solution à rejeter, un accord profond, d'ailleurs avec tout le monde, sur le fait que la loi 101 est... doit être appliquée.
Maintenant, le débat sur la clause dérogatoire est un débat intéressant. Disons que vous avez bien exprimé ce point de vue là. Je l'ai bien entendu, on maintient, nous, notre position quant à cet aspect, mais... Voilà. Je cède la parole à mon collègue.
Le Président (M. Marsan): M. le député de Drummond, vous avez la parole.
M. Blanchet: Très rapidement...
Le Président (M. Marsan): Il reste très peu de temps.
M. Blanchet: Très rapidement. Je vous écoute, je vous trouve très crédible et je constate qu'il n'y a pas besoin d'établir votre crédibilité, ni celle des autres diplômés et intellectuels du Québec, que vous soyez reçus ici.
Question très rapide. Imaginons qu'en 1980 ou en 1995 nous ayons remporté le référendum. Lorsque la loi n° 104 a été adoptée, elle a fait consensus. Parce qu'hier il y a des gens qui disaient qu'il n'y a pas eu consensus. Pour moi, un vote unanime de l'Assemblée nationale, il n'y a rien de plus consensuel que ça au Québec. Quels seraient les recours, dans un Québec souverain, sans la Cour suprême, de quelqu'un qui voudrait contester la légitimité d'une loi adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale quant à l'accès aux écoles dites passerelles?
Le Président (M. Marsan): M. Paquette, en terminant, s'il vous plaît.
M. Paquette (Gilbert): Bon... Bien, oui, très rapidement, je crois que, dans un tel contexte, il y aurait une cour suprême du Québec et que les citoyens seraient dans un régime de droit, avec cette différence que nous l'aurions établi nous-mêmes, ce qui n'est pas le cas actuellement puisque le droit qui nous régit au niveau canadien nous a été imposé sans aucune consultation de la population et en opposition de tous les gouvernements qui se sont succédé. Donc, on serait dans un droit qui, espérons-le, si les parlementaires font bien leur travail, refléterait beaucoup mieux la société québécoise et permettrait justement à tous les citoyens, quelle que soit leur origine ethnique, de partager une langue avec leurs différences culturelles propres et de se sentir membres d'une même société, d'une même nation. Et je pense qu'à ce moment-là il y aurait beaucoup moins... Il n'y aurait pas de contestation à faire puisque la loi 101, dans le fond, serait le régime. Peut-être qu'avec le temps la loi 101 elle-même deviendrait inutile.
Dans les pays normaux, les gens arrivent et se conforment. Les gens qui arrivent en Italie, bien, s'ils décident d'y rester toute leur vie, bien, ils vont inscrire leurs enfants à l'école italienne pour apprendre la langue. Ici, ce n'est pas le cas, il y a une distorsion, parce que les gens qui arrivent, et même beaucoup de francophones, se disent: Est-ce que je veux être Québécois ou Canadien? Est-ce que je m'intègre à la communauté francophone ou à la communauté anglophone? Il y a un choix qui s'offre, il y a un tiraillement, il y a un déchirement, souvent, qui arrive qui n'existerait plus.
Maintenant, d'ici là, je me dis: On est condamnés à des gestes défensifs, bien, protégeons les droits que nous avons et protégeons la langue française au Québec.
Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie, M. Paquette, Mme Pallacio-Quintin, M. Rocher, pour nous avoir donné le point de vue des Intellectuels pour la souveraineté.
Et j'inviterais la Fédération étudiante collégiale du Québec à venir se présenter à notre table. Je vais suspendre pour quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 10 h 35)
(Reprise à 10 h 44)
Le Président (M. Marsan): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons nos travaux et il nous fait plaisir d'accueillir la Fédération étudiante collégiale du Québec, et nous accueillons son président, M. Léo Bureau-Blouin, et son vice-président, M. Mathieu Morin.
Alors, vous avez une période de 15 minutes pour donner la position de la Fédération étudiante collégiale du Québec. La parole est à vous, monsieur.
Fédération étudiante
collégiale du Québec (FECQ)
M. Morin (Mathieu): Oui, merci. Donc, je vais m'adresser en premier. Donc, merci, M. le Président.
Le Président (M. Marsan): C'est M. Mathieu Morin, c'est bien ça?
M. Morin (Mathieu): Mathieu Morin. Je suis vice-président.
Le Président (M. Marsan): C'est bien ça. Alors, vous avez la parole.
M. Morin (Mathieu): Oui. Donc, merci, M. le Président. Mme la ministre, Mmes, MM. les parlementaires. Donc, tout d'abord, comme on vient de le mentionner, moi-même, Mathieu Morin, je suis vice-président à la Fédération étudiante collégiale du Québec. Avec moi, je suis accompagné de Léo Bureau-Blouin, qui est le président de notre fédération.
Donc, la Fédération étudiante collégiale du Québec, c'est quoi? Bien, c'est la seule organisation nationale qui représente des étudiants uniquement au niveau collégial. Donc, au total, on représente environ 23 associations étudiantes, ce qui représente environ la moitié du réseau collégial au Québec.
Et puis on est très contents d'être ici, devant vous, aujourd'hui, bien, parce que, bien, tout d'abord, comme étudiants, le sujet de la langue française, c'est un sujet qui nous préoccupe, c'est un sujet d'une très haute importance pour nous en tant qu'étudiants, mais également en tant que jeunes. Souvent, les droits de la jeunesse, on n'en parle pas beaucoup, on ne demande pas souvent l'opinion des jeunes sur différents sujets, puis aujourd'hui notre objectif, également, c'est de représenter une partie de la jeunesse qui, parfois, n'est pas nécessairement écoutée dans l'ensemble des débats de la société québécoise.
Donc, par rapport au projet de loi n° 103 plus spécifiquement, bien, on est très conscients, là, que le projet de loi n° 103 devait être adopté rapidement à cause des exigences de la Cour suprême du Canada. Cependant, on considère quand même qu'il est dommage d'avoir inclus différentes dispositions par rapport à la langue française... duquel on pense que ça aurait peut-être été intéressant de tenir des consultations beaucoup plus larges sur l'ensemble de la question de la langue française, sur l'ensemble de la question de l'intégration des allophones, sur l'intégration des nouveaux arrivants.
À la blague, on disait parfois que le projet de loi n° 103, c'est peut-être un peu comme un projet de loi fourre-tout. Bon, on modifie, là, la Charte de la langue française, la Charte des droits et libertés de la personne, puis la Loi sur l'enseignement privé. Puis nous, bien, il y a plusieurs choses, dans le projet de loi, que nous trouvons très intéressantes. Toutefois, cependant, bien, évidemment, toute la question des écoles passerelles, les positions qui sont prises dans le projet de loi ne correspondent pas aux valeurs des étudiants québécois, puis, en ce sens-là, on aurait peut-être préféré, par exemple, discuter des mesures qui touchent la langue française dans le cadre d'un autre projet de loi et dans le cadre, surtout, d'une discussion qui serait beaucoup plus large, qui pourrait rejoindre l'ensemble des étudiants québécois, mais également l'ensemble de la société civile.
Donc, bien, à notre avis, il y a la nécessité de débattre de différentes mesures d'intégration des allophones. Toutefois, on a compris l'urgence d'agir, là, avec l'avis de la Cour suprême, donc c'est pourquoi qu'aujourd'hui on est devant vous, avec notre mémoire sur le projet de loi n° 103. Quand même, je veux vous dire que ce mémoire-là ne se limite pas, là, sur les aspirations des étudiants québécois concernant la langue française au Québec. D'ailleurs, on a adopté, lors de notre dernier congrès, un avis qui se nomme L'avis pour une langue pour tous et toutes, et puis il est disponible sur notre site Internet, et puis, dans cet avis-là, on va beaucoup plus loin, là, que le mémoire qui vous est présenté actuellement.
Donc, notre présentation d'aujourd'hui va se faire sur trois aspects concernant le projet de loi n° 103, évidemment: donc, tout d'abord, concernant le renforcement de la Charte de la langue française, ensuite de l'équité face à la loi et puis, finalement, de la place du français et l'importante du consensus. Ensuite, on vous proposera une solution plus intéressante pour mieux accueillir les nouveaux arrivants. Et puis cette solution-là ne se retrouve pas dans le mémoire, toutefois, on aimerait vous l'exprimer pour peut-être la soumettre aux parlementaires pour pouvoir l'étudier.
Donc, sans plus tarder, je vais laisser la parole à mon président, Léo Bureau-Blouin.
Le Président (M. Marsan): Alors, M. Bureau-Blouin, la parole est à vous.
M. Bureau-Blouin (Léo): Merci, M. le Président. Bien le bonjour. Donc, dans un premier temps, comme l'a expliqué M. Morin, j'aborderais, là, l'aspect qu'on a nommé, renforcement de la Charte de la langue française, parce que, bien sûr, on a beaucoup axé sur les écoles passerelles. Cependant, le projet de loi n° 103 inclut également d'autres dispositions visant à renforcer... notamment en matière politique linguistique où on touche, entre autres, le réseau collégial, puis c'est en ce sens-là qu'on s'est, entre autres, beaucoup sentis interpellés.
Donc, à titre d'exemple, il existait déjà, là, via l'article 88.1 de la Charte de la langue française, une obligation pour les collèges de se doter de politiques linguistiques. Cependant, souvent, le processus de reddition de comptes puis le suivi étaient peu, là, fréquents. À titre d'exemple, avant d'être à la fédération, j'étais au cégep de Saint-Hyacinthe puis je siégeais sur le comité, là, de la politique de la langue française, puis on ne s'est jamais réunis, là, au cours de cette année-là. Puis, en ce sens-là, on trouve intéressante la disposition qui oblige un processus de reddition de comptes, face au ministère de l'Éducation, à tous les trois ans. Puis on propose d'aller plus loin parce qu'en fait on a sondé plusieurs collèges puis on s'est rendu compte qu'il n'y avait pas beaucoup de comités qui existaient pour l'élaboration de ces politiques-là. Puis c'est en ce sens-là qu'on suggère aux parlementaires de prôner la création de comités portant sur l'élaboration et le suivi des politiques linguistiques dans les collèges, bien sûr en y incluant, là, l'ensemble de la communauté collégiale pour que les principaux intéressés, soit les étudiants, puissent participer à ce débat-là, parce qu'à notre avis, les révisions périodiques de ces politiques-là sont nécessaires pour s'assurer qu'elles ne tombent pas dans la désuétude. Puis également l'obligation, là, de diffuser le plus largement ces politiques-là pourrait certainement avoir, là, un effet bénéfique sur la qualité de la langue française dans nos institutions collégiales.
Au niveau des politiques linguistiques -- je vais passer plus rapidement étant donné que ça nous concerne moins directement -- on parle également de l'obligation pour les offices municipaux de se doter d'une politique linguistique où on fait du français, là, la langue officielle et normale de l'espace public ainsi qu'un instrument essentiel de cohésion sociale. On trouve également que c'est un type de mesures positives puis intéressantes qui permettent, là, de normaliser l'utilisation de la langue française dans les milieux de travail.
**(10 h 50)** En ce qui a trait aux milieux de travail, c'est en ce sens-là qu'on parlait précédemment, là, d'étendre le débat sur la langue française, qui est un débat, bien sûr, qui nous concerne tous. Puis on a souvent tendance à écarter, là... beaucoup au niveau des milieux de travail. À titre d'exemple, le premier emploi obtenu a une très, très grande incidence sur les choix linguistiques d'un nouvel arrivant, par exemple, qui arrive ici, au Québec. Puis, particulièrement pour les jeunes, souvent, les premiers emplois qu'on obtient se trouvent souvent dans les entreprises... des petites et moyennes entreprises, souvent des entreprises de 50 employés, puis, en ce sens-là, on jugeait qu'il y avait peu de support qui était offert à ces entreprises-là pour se doter de politiques linguistiques pour s'assurer que, justement, la langue française, là, était la langue normale et habituelle, puis c'est en ce sens-là qu'on propose que l'Office québécois de la langue française offre un support plus soutenu aux entreprises de moins de 50 employés puis que celles-ci puissent s'inscrire auprès de l'Office québécois de la langue française, là, pour obtenir un certificat de francisation pour s'assurer qu'encore une fois la langue française y est des plus généralisées.
Également, cette proposition-là n'est pas incluse dans notre mémoire, étant donné, comme on mentionnait, l'urgence d'agir qu'il y avait par rapport à cela. Cependant, comme on le mentionnait, on s'est dotés, là, de nombreuses mesures qu'on trouve intéressantes puis positives, puis, en ce sens-là, comme je le mentionnais, on constate souvent que les allophones qui arrivent ici, au Québec, n'obtiennent justement pas nécessairement un premier emploi en français. Puis, par exemple, l'obtention d'un premier emploi en anglais semble avoir une incidence très, très grande sur les choix linguistiques futurs. Puis on trouverait intéressant de se doter de programmes, justement, qui permettraient dans les polyvalentes, étant donné que c'est là, souvent, qu'on obtient le premier emploi, d'aider ces allophones-là à se trouver un premier emploi en français. Ça fait que c'est un type de mesures positives qu'on trouve qui pourraient être incluses dans les différentes institutions d'enseignement du Québec pour justement favoriser l'obtention d'un premier emploi en français et, on l'espère, que cette langue-là, là, soit utilisée par la suite.
En ce qui a trait, là, aux pénalités en cas de manquement, on a ajouté plusieurs dents, là, à la Charte de la langue française en augmentant, là, de beaucoup les pénalités financières. C'est une mesure qu'on trouve, bien sûr, intéressante. Cependant, il est évident que le support, là, au niveau des inspecteurs, puis tout ça, doit être cohérent, parce qu'on semble remarquer que, souvent, bien qu'on augmente les pénalités, ça prend quand même des gens pour faire appliquer ce type de mesure là, puis c'est dans ce sens-là qu'on réaffirme l'importance d'appliquer de manière rigoureuse la Charte de la langue française en matière d'étiquetage et d'affichage dans l'espace public.
C'est ce qui conclut l'aspect sur le renforcement de la Charte de la langue française. Donc, globalement, c'est des mesures qu'on a tenu à souligner, étant donné, là, qu'on mentionne, à notre avis, à tort ou à raison, souvent les écoles passerelles comme étant l'unique aspect du projet de loi n° 103. Cependant, on pense qu'il ne faut pas oublier que c'est un projet de loi qui inclut de nombreuses mesures qui touchent, entre autres, comme on le mentionnait, nos institutions collégiales.
En ce qui a trait à l'équité face à la loi, c'est peut-être en ce sens-là, à notre avis, que le bât blesse au niveau du projet de loi n° 103, parce qu'une des valeurs qui nous est la plus chère, c'est-à-dire l'équité, on ne l'a pas retrouvée, à notre avis, dans ce projet de loi là, parce que c'est principalement les écoles passerelles, bon, qui ont fait couler beaucoup d'encre, qui posent, selon nous, beaucoup d'incertitudes. Puis, bien qu'on reconnaisse la volonté gouvernementale d'interdire les écoles passerelles, à notre avis, on n'empêchera pas d'utiliser un subterfuge, là, pour se permettre d'acheter un droit vers l'école anglaise, car, bien, encore une fois, qu'on interdise ces écoles-là, rien n'empêche un parent, donc, finalement, là, s'il correspond, là, à cette grille-là, là, authentique, de s'acheter le droit vers l'école anglaise. Puis, à notre avis, c'est le message qui est diffusé dans la population, parce que c'est comme ça que c'est perçu, qui pourrait, à notre avis, être très, très grave pour l'image justement du Québec puis, comme on le mentionnait précédemment, pour la perception surtout qu'ont les nouveaux arrivants en arrivant en terre québécoise. Donc, voilà.
Puis, comme on le mentionne, l'éducation publique au Québec, c'est souvent la porte d'entrée vers l'intégration sociale et vers la communauté francophone, puis, à notre avis, les écoles passerelles, là, constituent une sorte de porte d'à côté. Donc, voilà.
Puis, donc, la loi n° 104, là, se voulait justement une solution aux écoles passerelles. Bon. Malheureusement, le récent jugement de la Cour suprême invalide, là, les deux alinéas qui avaient été ajoutés à la loi 101, puis, donc, face à ce constat-là, à notre avis, il y a à peu près deux solutions qui s'offraient aux parlementaires, c'est-à-dire l'instauration d'un système de mesure qualitatif du parcours de l'étudiant pour évaluer, là, l'authenticité de celui-ci ou étendre la Charte de la langue française aux écoles privées non subventionnées. Donc, le choix qui a été effectué ici avec le projet de loi n° 103, c'est d'instaurer, là, un système d'évaluation qualitatif du parcours, là, pour en mesurer l'authenticité.
Cependant, à notre avis, il y a une très, très grande difficulté d'appliquer ce système-là, parce que, bon, comme on l'a déjà vu, là, historiquement, avec le projet de loi 22, là, donc à peu près au milieu des années soixante-dix, on a instauré ce type de mesure là qualitatif, puis d'appliquer des lois sur des individus, ça devient très, très complexe. Puis également, même dans le projet de loi n° 103, là, on ouvre la porte à plusieurs contestations au niveau des tribunaux, puis, à notre avis, on se retrouverait avec une situation très, très difficile où ce projet de loi va se faire... où, en fait, là, l'authenticité va être, là, contestée à maintes reprises. Puis on pense qu'il serait beaucoup plus simple justement d'appliquer cette loi-là aux institutions en étendant les dispositions de la Charte de la langue française, comme ça a été répété à maintes reprises, là, par plusieurs acteurs de la société civile. Donc, c'est en ce sens-là qu'on suggère de ne pas s'engager dans une voie administrative d'analyse individuelle qualitative du parcours scolaire de chaque enfant pour régir l'accès à l'école anglaise. On prône donc plutôt de soumettre les écoles privées non subventionnées à la Charte de la langue française, ce qui serait encore une fois une mesure, à notre avis, beaucoup plus simple et efficace pour arriver à nos fins.
Également, peut-être mentionner qu'une des problématiques, à notre avis, de pourquoi, là, tant de parents ont senti le besoin d'envoyer leurs enfants dans ces écoles-là pour ensuite être admis à l'école anglaise, c'est parce qu'il y a beaucoup un problème de perception de l'école francophone où on a l'impression justement que ce n'est pas un milieu où on va pouvoir apprendre la langue anglaise et où, par la suite, on ne pourra pas, là, donc s'ouvrir sur le monde. Donc, à notre avis, il y a un problème de perception du réseau francophone, qu'on perçoit comme un réseau très, très limitant, alors qu'à notre avis il faut permettre à tous les étudiants du Québec de s'ouvrir sur le monde puis d'apprendre la langue anglaise au sein des institutions francophones. Puis c'est également, là, une problématique sur laquelle, à notre avis, il faut se pencher dans la mesure où il serait intéressant de bonifier les cours de langue seconde tant au niveau... le secondaire que collégial pour justement permettre d'apprendre, là, cette langue-là parce qu'à notre avis c'est une des principales volontés des parents qui envoient leurs enfants, là, dans ces courroies de transmission.
En ce qui a trait à la place du français et l'importance du consensus, c'est quelque chose qui était rappelé par le Conseil supérieur de la langue française dans son avis sur la question. À notre avis, il est très, très important, d'autant plus que les jugements en matière linguistique sont souvent contestés auprès des tribunaux canadiens, il est important que, à notre avis, justement les parlementaires prennent le temps d'arriver à un consensus. On comprend que c'est souvent chose très, très difficile. Cependant, je pense que, si on veut envoyer un message clair au reste du Canada puis au reste de la population québécoise, il faut signifier que les élus et les représentants élus du Québec sont unanimes sur la question et sont capables d'arriver à un consensus pour régir l'accès à l'école anglaise et pour régir l'accès... régir la Charte de la langue française.
Également, on prône donc que, tant que faire se peut, les décisions se prennent de manière unanime pour éviter que nos décisions soient déboutées puis qu'on se retrouve, là, à répéter ce processus-là de manière récurrente. Puis on pense également qu'il est important pour le gouvernement du Québec de réaffirmer aussi souvent que possible l'importance et la primauté de la langue française au Québec. Puis, en ce sens-là, on tient quand même à saluer les clauses qui ont été insérées, par exemple, à la charte québécoise des droits et libertés où on insère justement les dispositions visant à réaffirmer l'importance de la Charte de la langue française.
Cependant, à notre avis, en ce qui a trait, comme je le mentionnais, aux écoles passerelles, on envoie un message un peu contradictoire à la population en leur disant que la langue française est la langue normale et habituelle de travail, c'est la langue la plus importante, la langue officielle du Québec, cependant, il est possible, pour des parents qui le désirent, de contourner ça lorsque ces parents sont aisés. Donc, à notre avis, ce n'est pas du tout le message qu'on veut envoyer à l'ensemble de la population québécoise. C'est en ce sens-là qu'on a beaucoup de difficultés à comprendre pourquoi est-ce que les parlementaires se sont avancés dans une décision comme celle-ci, alors que je pense que les valeurs d'équité sont non seulement importantes pour notre fédération, mais pour l'ensemble de la population québécoise puis qu'il faut envoyer le message que les lois sont équitables pour tous et qu'elles s'appliquent de la même manière, et ce, peu importe l'épaisseur de notre portefeuille.
Donc, c'est ce qui conclut notre présentation de notre mémoire, et donc on passerait, j'imagine, à la période de questions.
Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie, M. Bureau-Blouin, M. Morin. Alors, je cède immédiatement la parole à Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine pour débuter cette période d'échange. Mme la ministre.
Mme St-Pierre: Merci, M. le Président. Tout d'abord, je veux vous remercier pour avoir pris la peine de vous pencher sur ce projet de loi n° 103 qui est un projet... c'est un débat important, on le sait, et vous l'avez fait avec rigueur. Et aussi vous vous exprimez très bien, alors que, souvent, on entend des gens dire que les jeunes s'expriment mal en français. Alors, je veux vous féliciter parce que vous le faites... vous le faites très bien.
J'aimerais vous parler de l'application de la loi 101 aux écoles privées non subventionnées. C'est un peu ce que vous faites comme proposition en disant qu'il ne faut pas envoyer le message qu'un droit puisse être achetable. Cependant, il y a quand même des dispositions, dans le projet de loi, qui font en sorte, avec toute la question du parcours authentique qu'on essaie de déterminer et de définir, pour faire en sorte que... Et la Cour suprême nous dit que ça ne serait, dans son esprit, pas... Les parents pourraient se soumettre à ce genre d'exercice là, et ça... Et, nous, notre but, évidemment, c'est de limiter au maximum, au maximum le fait que des parents puissent essayer de contourner la loi pour accéder au réseau public subventionné.
Si on est dans le scénario de la loi 101, c'est-à-dire appliquer la loi 101 aux écoles privées non subventionnées, donc l'étendre, les experts qui ont été consultés par l'opposition officielle -- et, ce matin, l'opposition officielle a réitéré qu'ils demeuraient sur leur position là-dessus -- ...il faudrait appliquer la clause dérogatoire. Or, la clause dérogatoire signifie la suspension des libertés individuelles. Et, vous le savez, le Québec est signataire d'un pacte des Nations unies sur les droits civils et politiques, et le Québec a même été déjà blâmé, en -- vous étiez très jeune à ce moment-là, j'imagine -- 1993, par les Nations unies pour avoir, en matière linguistique, utilisé la clause dérogatoire.
Ma question est la suivante: Est-ce que vous avez, dans vos recherches... Vous êtes-vous penché sur cette question, cette problématique qui pourrait surgir? D'ailleurs, ici, j'ai le Pr Bernard, cette semaine, qui nous parlait de... Il disait là-dessus: «...c'est pour ça que, si l'on va aussi loin que de dire: Bien, on enlève complètement cette liberté...» Parce qu'il parlait d'une zone de liberté si on applique la loi... La loi 101, MM. Lévesque et Laurin avaient décidé de ne pas l'appliquer à ces écoles-là pour garder ce qu'ils appelaient «une zone de liberté». Il n'y a pas de fonds publics qui vont dans les écoles privées non subventionnées; on parle de zone de liberté.
Bon alors, M. Bernard, Me Bernard dit: «...cette zone de liberté qui existe, on l'enlève, et puis on est obligés de passer à la clause dérogatoire, bien évidemment ça va avoir de la difficulté à expliquer ça sur la scène internationale, compte tenu du [Québec] que le Québec, c'est un pays de liberté.
«Moi, je pense qu'on peut être très fiers de la façon dont on respecte les droits des uns et des autres au Québec, c'est un pays de grande liberté[...], et ça peut donner le sentiment à l'extérieur que ce n'est pas là le cas, [...]il y a des zones où [...] les libertés» individuelles ne sont pas respectées. Il dit: «...la menace est tellement grande...» Et ensuite il dit: «...mais, d'après moi, on devrait [essayer d'examiner] d'autres façons de le faire avant de s'en remettre à cette solution-là [qui est] une solution radicale...» Fin de la citation.
Donc, est-ce que, dans votre esprit, l'utilisation de la loi 101 aux écoles privées non subventionnées... Est-ce que vous avez étudié... Est-ce que ça nous amène à la clause dérogatoire? Si oui, comment, vous, comme association étudiante, vous seriez capable de vivre avec ça?
**(11 heures)**M. Bureau-Blouin (Léo): Bien, premièrement, je tiendrais à mentionner quand... Le phénomène des écoles passerelles, je pense, a pris une expansion, si je ne me trompe pas, quand même plutôt grande, là, au cours des dernières années. Puis peut-être que cette réalité-là était moins présente, là, par exemple, dans les années soixante-dix. Peut-être que c'était ce qui n'avait pas justifié l'utilisation... ou, en tout cas, d'étendre la Charte de la langue française à l'époque.
Ceci dit, bien évidemment que chaque, là, disposition qui est prise, particulièrement en matière linguistique, a tendance à être contestée de manière très, très régulière. On l'a vu avec le projet de loi n° 104 mais on l'a vu également à plusieurs reprises. Puis, bien sûr, là, c'est sûr qu'étendre la Charte de la langue française aux écoles privées non subventionnées présenterait certainement des défis au niveau juridique. Puis certainement, là, qu'elle serait contestée. Cependant, à savoir qu'est-ce qui arriverait par la suite, bon, n'étant pas juriste, n'ayant pas de boule de cristal, c'est un peu difficile de savoir qu'est-ce qui va arriver.
Cependant, on pense qu'une mesure comme celle-ci pose un défi juridique beaucoup moins grand que d'appliquer, comme je le disais, un système de mesure qualitative à chaque étudiant pour qu'il passe par une grille d'authenticité. Parce qu'on pense, là, que, par exemple, les étudiants qui vont se voir refuser, par exemple, l'accès à l'école anglaise publique parce qu'il ne correspondra pas aux critères, là, d'authenticité... Si je ne me trompe pas, dans le projet de loi n° 103, justement, on ouvre la possibilité de contester auprès du Tribunal administratif du Québec, puis on pense qu'on pourrait se retrouver avec des situations problématiques où, systématiquement, les gens qui se voient refuser l'accès à l'école publique anglaise pourraient contester. Donc, je pense que, dans les deux cas, on se retrouve avec un défi au niveau juridique.
Puis je pense quand même que d'appliquer une loi à des écoles, donc d'étendre la Charte de la langue française aux écoles privées non subventionnées est quand même une mesure, à notre avis, plus simple à appliquer que plutôt que d'appliquer ça à chaque étudiant ou à chaque parent d'enfant qui va faire la demande d'être admis à l'école anglaise. On va se retrouver, là, avec, bon, beaucoup, beaucoup de recours au niveau du Tribunal administratif du Québec puis on se retrouvera avec une situation très, très difficile où on va devoir justifier à chacun des critères de la grille de sélection. Puis j'essaie d'imaginer également, là, tout le casse-tête que ça va représenter.
Mme St-Pierre: Je comprends votre point de vue, puis vous l'aviez très, très bien expliqué, mais comment réagissez-vous, en tant que jeune, à la suspension de libertés individuelles?
M. Bureau-Blouin (Léo): Bien, c'est une question très, très intéressante. Premièrement, c'est sûr qu'on mentionnait la possibilité d'utiliser la clause dérogatoire, donc de se soustraire pour cinq ans. Puis c'est sûr que je pense ce n'est pas non plus une mesure idéale. Cependant, si la fin les justifie... Puis cependant je ne pense pas que la suspension de ça va nécessairement transformer l'État du Québec dans un... un endroit où on ne respectera plus les libertés civiles. Je pense quand même qu'il y a moyen de faire ça de manière cohérente.
Cependant, je pense qu'il y a moyen d'étendre la Charte de la langue française. Rendu là, ce sera justement aux parlementaires de décider s'il en vaut la peine ou non d'utiliser la clause dérogatoire, parce qu'encore une fois je pense qu'on se bat... on se base beaucoup, là, sur des spéculations juridiques pour savoir, là, qu'est-ce qu'il va en être du jugement de la Cour suprême. Bon.
Par exemple, là, le Conseil supérieur de la langue française avançait cette idée, mentionnait qu'à son avis justement il n'y avait pas nécessairement d'obstacle au niveau juridique à étendre cela. Certainement que ce serait contesté, mais, encore une fois, on n'y voit pas, là, de problème majeur. C'est quelque chose qui a été prévu, puis je ne pense pas non plus, là, que ça enverrait le message que les libertés civiles sont suspendues. Puis encore une fois, peut-être, je ramènerais l'idée qu'à notre avis c'est d'autant plus problématique qu'actuellement, avec une mesure comme celle-ci, on envoie le message que, lorsque le portefeuille le permet, on peut avoir accès à une certaine courroie de transmission. Puis je pense que, même si on resserre le plus possible -- puis, quand même, on comprend la volonté gouvernementale, qui est noble, de vouloir interdire les écoles passerelles, de vouloir resserrer le plus possible l'accès à l'école anglaise -- cependant, je pense que les trous entre les mailles vont rester puis que ça amène quand même une situation problématique puis un message un peu contradictoire.
Mme St-Pierre: Je veux quand même... Vous venez de faire juste une petite erreur dans votre exposé sur le Conseil supérieur de la langue. Le Conseil supérieur de la langue, le président a dit, en commission parlementaire, lors de l'étude des crédits, que l'avis du Conseil supérieur de la langue... il n'avait pas fait d'avis juridique, et ce n'était pas basé sur un avis juridique. Il a clairement dit que c'était un avis plutôt sociologique, là. Mais il a dit que ce n'était pas basé sur des études juridiques.
J'ai une question sur... Vous avez ouvert sur la question de l'apprentissage de l'anglais pour les francophones, la nécessité de... Est-ce que vous croyez que la société est prête à... Comment on pourrait améliorer l'usage... l'apprentissage de l'anglais? Parce qu'on dit: Les jeunes, dans certains cas, ont tellement de misère à posséder le français que, si on leur pousse une autre langue, là, ils vont verser vers l'anglais parce que l'anglais est beaucoup plus facile que le français. Ce ne serait pas votre cas à vous, là, j'en conviens, mais ça, c'est ma première question.
J'en ai une autre aussi à laquelle je voudrais que vous répondiez: Est-ce que vous êtes en faveur de l'application de la loi 101 au niveau collégial?
M. Morin (Mathieu): Oui, donc, je vais reprendre la première question concernant l'anglais. En fait, présentement, ce qu'on constate, là, c'est que, quand même, là, maintenant, l'anglais est appliqué depuis la première année au primaire, puis ce qu'on constate, quand même, c'est qu'après 11 ans d'anglais, là, souvent les étudiants québécois -- qui ont fait leur parcours en français, j'entends, là -- arrivent au niveau cégep puis n'ont pas les compétences... ne sont pas bilingues, à proprement parler. Puis, même, il y en a plusieurs, là... Bien, moi, justement, j'ai étudié au cégep de Jonquière, là, puis je peux vous mentionner avec certitude, là, que c'était très complexe dans les classes d'anglais à Jonquière. Puis donc c'est tout ça, là, présentement, qu'il faut voir.
Il y a différentes idées, là, qu'on lance dans notre avis Une langue pour tous et toutes. Dans cet avis-là, par exemple, on propose peut-être des stages d'immersion, par exemple, pour des étudiants francophones dans un cégep anglophone et puis pour des étudiants anglophones dans un cégep francophone. Également, bien, on lance l'idée... bien, évidemment là, la solution simple, ce serait de bonifier, de voir... pour que les étudiants peut-être aussi se fassent enseigner certaines matières en anglais plutôt qu'une autre, puis, bon, on lance différentes pistes de solution.
Une chose certaine, c'est qu'il y a un constat d'échec présentement au niveau de l'enseignement de l'anglais. On pense que l'enseignement de l'anglais devrait être bonifié puis que les étudiants devraient arriver au niveau collégial avec une meilleure connaissance de l'anglais, parce que, présentement, ce qu'on se rend compte, c'est que, parfois aussi, il y a des... par extension, là, il y a peut-être des allophones qui, par exemple, bon, que ce soit au niveau primaire, secondaire ou même au cégep, vont choisir un établissement anglophone, puis ils vont peut-être tenter justement d'être dans une école privée non subventionnée en anglais parce qu'ils considèrent que, dans le réseau francophone, bien, l'enfant n'apprendra pas l'anglais. Puis ça, c'est peut-être noble de la part du parent, tu sais, il veut ce qu'il y a de mieux pour son enfant, il arrive au Québec, il ne sait pas trop comment ça fonctionne. Donc, nous, c'est pour ça qu'on pense que, comme mon collègue le disait tout à l'heure, si on aurait la perception que, dans le réseau français, on aurait une bonne connaissance de l'anglais, à notre avis, ça réglerait bien des problèmes.
Mme St-Pierre: Certains... Vous comprenez que certains pourrait dire: Bien là, on est en train de vous «biliguiciser» le Québec. La loi 101 aux écoles... aux collèges, aux cégeps, qu'est-ce que vous en pensez, de ça?
M. Bureau-Blouin (Léo): Oui, bien, je répondrais à cette question... Bien, premièrement, comme on le mentionnait, la question de la langue est une question premièrement très préoccupante pour nous. Je pense qu'on veut justement que... notre objectif étant de faire de la langue française une langue de convergence, une langue où tous les citoyens du Québec, peu importe leur origine, peuvent dialoguer entre eux, puis je pense qu'en ce sens-là il y a un consensus assez grand au sein de la société québécoise.
Cependant, en ce qui a trait à la question épineuse de l'application de la Charte de la langue française, bien, en fait, d'étendre la loi 101 aux collèges, c'est une question qui a été discutée à maintes reprises au sein des représentants étudiants. En ce sens-là, nous, en fait, ce qu'on répond, c'est, premièrement, qu'on pense qu'il y a beaucoup de mesures plus concrètes à court terme qui peuvent être appliquées pour améliorer le bilan linguistique de la langue française. Par exemple, on mentionnait tantôt tout ce qui peut être fait au sein des milieux de travail et également ce qui peut être fait au sein de la perception que les gens ont du réseau francophone, également au niveau de l'attitude que les francophones eux-mêmes ont par rapport à leur langue. Puis je pense qu'en tout cas, à court terme, ces mesures-là peuvent être beaucoup plus intéressantes puis beaucoup plus positives.
Bien, en fait, en ce sens-là, on n'est pas nécessairement fermés non plus. Pour l'instant, à moins que je me trompe, il n'y a pas de projet de loi à proprement parler sur l'application de la loi 101 au collégial, puis je pense que, si jamais il y en a un, on se positionnera de manière plus franche. Cependant, en effet, aujourd'hui, ce n'est pas le genre de mesure nécessairement qu'on mettrait de l'avant. Je pense qu'il y a des manières plus positives d'arriver à nos fins. Cependant, certainement que la situation est préoccupante actuellement au niveau des collèges.
**(11 h 10)** Récemment, là, de nombreuses études mettaient en lumière le fait que plus de 50 % des étudiants allophones qui sortent du secondaire, là, environ s'inscrivent au cégep en anglais, donc c'est quand même une situation problématique sur laquelle on se penche. Également, le fait, là, que beaucoup d'étudiants qui fréquentent le réseau collégial anglophone poursuivent par la suite leurs études en anglais et par la suite pratiquent un métier en anglais, c'est sûr que c'est une situation, pour nous, qui est très préoccupante. Cependant, on pense qu'il y a à court terme des manières plus positives d'arriver à nos fins, de sensibiliser l'importance du réseau francophone. Puis, encore une fois, peut-être l'espèce de constat d'échec qu'on fait par rapport à l'enseignement de l'anglais... on peut comprendre jusqu'à une certaine mesure l'intérêt que certaines personnes portent, là, pour acquérir une formation anglaise, cependant, je pense que c'est une question qui va nous préoccuper de plus en plus. Cependant, c'est sûr qu'un représentant également des collèges anglophones, c'est une préoccupation pour eux qui est de plus en plus grande parce que, dans plusieurs institutions, là, ça représente plus de 50 % des effectifs, qui sont composés de francophones et d'allophones, qui ne se retrouveraient plus dans ces institutions-là.
Cependant, ce n'est pas nécessairement des mesures sur lesquelles on est fermés. Cependant, à court terme, ce n'est pas le genre de mesures que, nous, on met de l'avant. On pense qu'il y a des manières plus positives, plus constructives et plus simples d'arriver à améliorer, là, le bilan linguistique de la langue française.
Mme St-Pierre: Merci beaucoup. Moi, j'ai fini, M. le Président.
Le Président (M. Marsan): Oui. M. le député de Lévis, la parole est à vous.
M. Lehouillier: Oui. Moi, j'aurais... D'abord, je vous félicite pour votre excellente présentation. En passant, c'est très bien, c'est clair en plus. Donc, je voulais simplement vous indiquer que vous êtes en partie d'accord avec un certain nombre d'éléments du projet de loi. L'élément qui est le plus difficile pour vous, c'est tout l'aspect qualitatif de l'analyse, là, qui sous-tendrait tout ça, parce que ce qu'il ne faut pas oublier, c'est qu'au niveau de la Charte on a toujours permis cet espace de liberté -- et les droits et libertés -- que sont ces écoles anglaises privées non subventionnées.
Donc, à partir de ce moment-là, on a eu hier, quand même, des propositions, exemple, qui venaient de Me Louis Bernard où, lui, disait que ce qu'il proposait, c'est que les parents pourraient faire, au moment de l'inscription de leur enfant dans une école privée non subventionnée, là, une déclaration solennelle écrite à l'effet qu'ils sont engagés dans un parcours scolaire complet en langue anglaise sans l'aide de fonds publics et que cette inscription n'est pas un moyen de contourner les prescriptions de l'article 72 de la Charte de la langue française.
Est-ce que -- parce que, dans votre association étudiante, j'imagine que les droits et libertés, c'est quand même quelque chose d'important -- vous verriez d'un bon oeil que ces options-là pourraient être regardées justement pour éviter qu'on aille à une solution extrême qui, d'ailleurs, en passant, n'a jamais été utilisée, là, par aucun gouvernement jusqu'à maintenant puisque la ligne a toujours été la même de ce côté-là? M. Bouchard, Lucien Bouchard, disait, en 1996, qu'il n'était pas question d'invoquer une clause dérogatoire puisque ça mettrait de côté les droits fondamentaux de notre charte, et il faut trouver, il faut chercher une autre solution. Il dit: Quelque solution qu'on pourrait amener qui amènerait la clause dérogatoire, il dit, il faut vraiment éliminer ça. Il faut vraiment trouver une solution.
Donc, nous, c'est un peu, à cette commission parlementaire, ce qu'on cherche à faire. Évidemment, il y a la clause dérogatoire qui est proposée. Certains la contestent. Certains disent: On n'en a pas besoin, bon, etc. Alors donc, je voudrais avoir votre opinion là-dessus. S'il y avait un mécanisme beaucoup plus simple tel que ce que M. Bernard propose, quelle serait votre réaction?
M. Bureau-Blouin (Léo): Bien, premièrement, ce n'est pas nécessairement une mesure inintéressante. Bien sûr, je pense que ça pourrait envoyer un message positif. Cependant, je ne vois pas nécessairement en quoi est-ce que ça empêcherait nécessairement, là, d'utiliser ces écoles-là comme courroie de transmission, là -- sans remettre en question, là, la bonne foi des parents qui inscrivent leurs enfants dans ces écoles-là.
Puis, encore une fois, je pense qu'on se retrouverait avec une problématique quand même semblable parce que, bon, même en resserrant, là, les maillons, comme on le fait actuellement, je pense qu'on va se retrouver quand même dans une situation très, très problématique où des parents, là, en ayant utilisé les écoles privées non subventionnées, vont se retrouver à aller dans des écoles publiques anglaises, donc financées par les fonds publics. Puis je pense que le message principal, en tout cas que, nous, on voulait envoyer puis qu'on trouve qui est important au Québec, c'est de dire que l'enseignement primaire et secondaire se fait au Québec en français.
Puis, historiquement, les écoles privées non subventionnées n'ont pas présenté de problématique particulière, étant donné que ce n'était, là, qu'une infime portion de parents qui inscrivaient leurs enfants dans ces écoles-là. Cependant, c'est constatant qu'un nombre très, très important, là, de parents, au courant des années quatre-vingt dix, bon, début 2000, faisaient appel à ces écoles-là... Je pense que c'est là, là, à partir de ce moment-là qu'on s'est mis à se pencher sur cette question-là, bon, à appliquer la loi n° 104 puis, aujourd'hui, la loi n° 103.
Donc, non, ce n'est pas nécessairement une mesure inintéressante. Ça pourrait certainement avoir des effets bénéfiques. Cependant, encore une fois, je pense, ce sont un peu des mesures de couverture. C'est peut-être mettre un baume trop petit, là, pour l'ampleur de la blessure.
Puis je pense plutôt que, justement, plutôt que de constamment appliquer des mesures quand même, là, difficiles à appliquer, qui vont impliquer quand même aussi des coûts quand même assez faramineux, plutôt que de... On pense qu'il est beaucoup plus simple justement d'appliquer ce type de mesure là aux écoles puis envoyer le message clair qu'au Québec l'enseignement primaire et secondaire se fait dans la langue de la majorité, donc dans la langue française. Puis on ne voit pas nécessairement en quoi ça représente, là, une atteinte, là, si grande aux droits et libertés de tous et chacun dans la mesure où, à maintes reprises, là, dans tous les documents du gouvernement du Québec, on mentionne que la langue normale et habituelle, la langue d'enseignement, est la langue française. Je pense que, si on veut être cohérent avec tout cela, c'est le message, là, clair qu'il faut envoyer.
Puis, en ce qui a trait à l'enseignement supérieur, comme on en a parlé par la suite, jusqu'à preuve du contraire, là, il y a, bon, le libre choix. Puis on n'empêche pas non plus aux gens d'utiliser la langue anglaise s'ils le veulent à la maison, s'ils le veulent via la télévision, via les communications entre les individus.
Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie bien. Ceci termine l'échange avec le parti ministériel. Nous poursuivons avec l'opposition officielle, et je cède la parole... M. le député de Borduas, porte-parole pour l'opposition officielle en matière de langue. M. le député, la parole est à vous.
M. Curzi: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Morin. Bonjour, M. Bureau-Blouin.
En fait, c'est très intéressant, votre mémoire, parce que, comme plusieurs mémoires, vous vous prononcez fondamentalement contre ce projet de loi n° 103. Vous n'allez pas jusqu'à dire, comme M. Thomas Mulcair, que c'est une erreur monumentale, mais vous dites quand même que vous n'êtes pas d'accord avec ce projet de loi et vous approuvez l'application de la loi 101, finalement. Mais ce que vous faites en plus, c'est que vous avez examiné différentes autres mesures et vous en suggérez même qui ne sont pas à l'intérieur.
Ma question est la suivante. Je vais revenir à ce sur quoi vous vous prononcez parce que je pense que c'est intéressant, mais il est clair que ce projet... Vous l'avez qualifié vous-même d'un projet un peu fourre-tout. Et, à cet égard, j'imagine que... Est-ce que j'interprète bien cette expression-là en disant qu'il y a des mesures qui vous semblent intéressantes et importantes, au niveau de la langue française, qui sont contenues dans le projet de loi, mais que le projet de loi dans son ensemble est comme en... plombé par l'aspect de l'accès aux écoles privées non subventionnées et qu'en conséquence il vaudrait mieux que ce projet de loi là soit retiré tel qu'il est, même si plusieurs des mesures vous sembleraient des mesures intéressantes à considérer?
M. Morin (Mathieu): Oui. Bien, en fait, bien, comme on le mentionnait d'entrée de jeu, là, c'est que la question de la langue française justement, c'est une question qui est très importante pour les étudiants puis, plus largement, pour l'ensemble de la jeunesse. Bon, nous, dépendamment, là, de ce que les parlementaires décideront, ce qu'on voulait suggérer grosso modo aujourd'hui, c'est de dire: Bon, tout d'abord, ou bien on... mais il y a toujours l'urgence d'agir avec la décision de la Cour suprême. Puis là on n'est pas juristes, on ne sait pas jusqu'à quel point on peut étendre le processus de consultation. Mais ce qu'on disait, c'est que, bon, étant donné que le projet de loi n° 103, là, affirme que, bon, il faudrait modifier certains articles de la Charte de la langue française, de la Charte des droits et libertés de la personne, on va modifier certains règlements, là, au niveau de la Loi sur les cégeps, donc, à ce niveau-là, nous, ce qu'on dit, c'est: Peut-être qu'on devrait étendre le processus de consultations pour, par exemple, justement obtenir les idées, bien, des étudiants du collégial, des étudiants universitaires, des différents groupes jeunes, des différents syndicats, des différents acteurs de la société civile au Québec.
Donc, nous, ce qu'on dit, bon... Ou bien on peut scinder peut-être le projet de loi en deux, la partie avec les écoles passerelles, à ce moment-là... Parce qu'on comprend, là, l'urgence d'agir. Les parlementaires prendront une décision sur cette question-là. Puis peut-être qu'on peut laisser les questions linguistiques... Par exemple, nous, on mettait un certain nombre de recommandations au niveau des collèges, bien, on pense que ces recommandations-là devraient être bien analysées. On propose, par exemple, la création d'un comité indépendant, là, pour l'analyse des politiques linguistiques dans les collèges. Selon nous, ça peut faire une bonne différence aussi sur la promotion du français dans les établissements collégiaux.
Ça fait que c'est le genre de mesures qu'on pense qui sont très importantes de s'y attarder, mais que peut-être que, justement comme vous le mentionnez, le cadre du projet de loi n° 103 ne fonctionne pas avec tout ça. Puis justement c'est un peu un projet de loi fourre-tout qu'on a peut-être voulu... je ne sais pas si c'est pour évacuer la question des écoles passerelles ou tout, mais...
Puis aussi, ce qu'on déplore un peu, c'est que tout le... les discussions qui ont lieu présentement, c'est uniquement sur les écoles passerelles. Tantôt, on écoutait les débats qu'il y avait avec Les Intellectuels de la souveraineté, bien, on a simplement discuté, là, de la clause dérogatoire, puis c'est très, très, très technique, c'est très au niveau juridique, alors qu'à notre avis le projet de loi offre la possibilité de discuter beaucoup plus largement sur la question de la langue française. Puis, à notre avis, ça serait très intéressant d'avoir de véritables consultations publiques sur l'intégration des allophones, sur l'intégration des nouveaux arrivants, sur toute la question de la langue française, puis ça, bien, on est un peu déçus, là, de voir la tournure des événements à cet égard-là.
Maintenant, bon, comme je le disais, ce n'est pas nous qui sommes députés. Ce n'est pas nous qui avons le pouvoir, là, de scinder les projets de loi pour pouvoir peut-être plus parler de la langue française dans le cadre de nouveaux projets de loi. Bon, ça, ça sera à vous de le faire. On fait des suggestions bien humblement, là.
**(11 h 20)**M. Curzi: Parfait. Bien, c'est ça. Ça confirme ce que je pense. Je pense bien vous interpréter en disant: Il y a une nécessité de légiférer au niveau de la langue. Il y a plusieurs mesures qui demanderaient peut-être plus de consultations, peut-être des modifications. Mais la partie qui est pour les écoles, vous êtes contre. C'est ça.
Mais, dans ces mesures-là, il y en a que vous mentionnez qui sont intéressantes. Parce qu'on a reçu d'autres groupes. Le Syndicat canadien de la fonction publique, les syndicats d'employés qui travaillent dans les cégeps et les universités avaient sensiblement la même suggestion que vous, c'est-à-dire, au-delà de politiques et de nécessité de rendre compte des politiques, ils suggéraient la création d'équivalents de comités de francisation qui existent déjà dans le monde industriel à l'intérieur des collèges et à l'intérieur des universités, sur lesquels comités, il y aurait une présence et des étudiants, et des employés, et de la direction évidemment, donc d'une sorte de comité paritaire sur l'application des politiques de francisation. C'est ça que vous avez en tête, je pense, quand vous... Est-ce que vous allez aussi loin que ça? Vous n'y allez pas dans les mots, est-ce que, dans votre vision, vous allez aussi loin que ça?
M. Bureau-Blouin (Léo): Mais oui, je pense, en effet, là, que, rendus là, ce serait d'analyser quels sont les pouvoirs qui vont être conférés à ces comités-là. Nous, en fait, on se concentrait principalement sur l'élaboration des politiques linguistiques puis d'en faire le suivi parce que ce qu'on mentionnait, c'est qu'à notre avis il y a un peu un vide à ce niveau-là parce qu'actuellement, depuis, là, 2002, ça, les collèges doivent se doter de politiques linguistiques. Cependant, celles-ci sont peu connues, sont peu diffusées, voire peut-être peu appliquées. Donc, en ce sens-là, à notre avis, il est intéressant de resserrer ça pour s'assurer que, comme on le mentionne dans le projet de loi, bien, que l'ensemble de la communauté collégiale, premièrement, les connaît, peut se les approprier mais qu'également l'ensemble des acteurs du milieu peuvent les écrire ensemble puis particulièrement dans des milieux qui comportent, là, beaucoup de gens qui peut-être ont des lacunes avec l'apprentissage de la langue française. Ça pourrait, en effet, être intéressant de mettre sur pied des processus pour faciliter l'acquisition de cette langue-là au sein, là, des institutions collégiales parce que je pense que ce sont des lieux, comme la plupart, là, des lieux publics, où il est important d'envoyer le message clair qu'il est possible d'acquérir la langue française puis que ça doit être la langue normale, là, et habituelle de travail dans ces institutions-là. Donc, en effet, ce serait quelque chose d'intérêt à analyser. Cependant, là, à savoir quels seraient les pouvoirs exacts conférés à ces comités-là, ce serait, là, une situation intéressante à analyser plus en profondeur.
M. Curzi: Il y a eu, il y a quelques jours, la publication d'une étude assez bien documentée, je pense, par l'institut de la recherche sur les francophones d'Amérique, sur les comportements qui caractérisent le milieu collégial. Vous en êtes; quelle est votre opinion sur ce document-là dont vous avez peut-être pris ou sûrement pris connaissance ou que vous connaissez? Quelle est votre opinion de la situation qui est décrite et comment ça s'exprime dans ce que vous vivez?
M. Bureau-Blouin (Léo): Bien, je pense que c'est une situation préoccupante. À certains égards, on a été surpris, à d'autres, non parce que je pense que les collèges, là, comme le reste de la société, reflètent un peu le monde dans lequel on vit. Bon. Il ne faut pas se leurrer, là, qu'étant entourés de 350 millions de locuteurs anglophones la langue anglaise a un pouvoir attractif très, très grand, puis je pense que c'est ça qui s'est reflété dans la recherche de l'institut de recherche francophone d'Amérique, c'est-à-dire que beaucoup, beaucoup de collégiens, particulièrement du côté allophone, étaient très, très attirés par la langue anglaise au niveau collégial et puis, lorsqu'ils entraient au collégial, bien souvent ceux-ci continuaient via la langue anglaise, comme je le mentionnais tantôt, au niveau universitaire et régulièrement, là, au niveau du milieu de travail. Pour nous, c'est une situation, en effet, qui est très préoccupante, puis c'est pour ça que, depuis peu, on se penche de manière plus active sur la langue française pour voir comment est-ce qu'on peut faire, de manière positive, de manière constructive, d'intégrer la langue française aux habitudes des différents étudiants collégiens puis sensibiliser également à l'importance de celle-ci. Et, comme on le mentionnait, là, je pense que le message qu'il est important d'envoyer, c'est qu'il est possible d'acquérir une langue seconde, dans ce cas-ci la langue anglaise, au sein d'un réseau francophone parce que je pense que c'est souvent une des principales préoccupations des étudiants allophones et des étudiants francophones. Puis, en ce sens-là, on a beaucoup de difficulté à les blâmer: ils veulent acquérir un outil de plus dans un monde où il est de plus en plus nécessaire de maîtriser plusieurs langues. Donc, on pense que, si on est capables d'offrir cette possibilité-là au sein de nos collèges francophones, bien, déjà là, on va avoir fait un grand pas.
Cependant, pour ce qui est de l'aspect, là, très, très attractif de l'anglais, bien, je pense que c'est collectivement qu'il faut se pencher sur cette situation-là pour voir comment est-ce qu'en tant que citoyens on peut justement valoriser l'utilisation de la langue française, puis je pense que ce projet de loi là amène certains aspects intéressants. Cependant, au niveau des écoles passerelles, c'est là qu'à notre avis on n'envoie peut-être pas le message idéal justement sur quelle est la place de la langue française au Québec et quelle est la place de l'application, là, de la Charte de la langue française. Puis on pense que, si justement on envoie le message clair que la langue française est la langue officielle du Québec, qu'elle est la langue normale et habituelle, bien, je pense que déjà on va envoyer un message très positif. Puis, si, en plus, on francise les milieux de travail, bien, je pense que ça va devenir beaucoup plus naturel pour les étudiants collégiens de se diriger vers des institutions francophones.
Le Président (M. Marsan): M. le député de Drummond, la parole est à vous.
M. Blanchet: Messieurs, bonjour. Je vais vous faire grâce de vous demander de déposer la liste de vos 55 000 membres pour valider votre légitimité et je veux aborder une question qui est très positive à quelque part. On suppose souvent avec une grande légèreté un ensemble de clichés relatifs aux jeunes puis aux étudiants: qu'ils écoutent juste de la musique en anglais, qui ne s'intéressent pas à la langue française, qui parlent en anglais dans les corridors des écoles, qu'ils ne savent pas écrire, qu'ils ne savent pas parler. Or, pourtant, vous avez, à la Fédération étudiante collégiale, un processus décisionnel que je sais être assez complexe. Vous ne pouvez pas arriver ici puis dire n'importe quoi. Vous avez l'obligation... Notamment, vous avez dit, exemple: Sur l'application de la loi 101 au cégep, on n'est pas rendu là, puis le processus consultatif n'a pas abouti à quelque chose de final; sur la loi n° 103, oui.
Ne serait-ce que pour rassurer bien des gens, parce qu'au-delà du débat qu'on a ici juste sur la loi n° 103 vous manifestez un intérêt pour la langue française, qui est quand même caractéristique, vous avez bien procédé à la consultation, et vous êtes bien ici sur un mandat représentatif de vos 55 000 membres qui sont des jeunes étudiants collégiaux du Québec?
M. Bureau-Blouin (Léo): Bien oui, bien sûr, là. Donc, comme vous l'avez mentionné, à la fédération, on a plusieurs processus consultatifs, puis, comme je vous dis, la langue française, là, est une situation problématique. Bon, on le sait, là, régulièrement, la langue française occupe le haut du pavé médiatique. On l'a vu, là, bon, avec les francophones qui sont passés sous la barre des 80 % au niveau du Québec, qui amène la situation qui est particulièrement problématique à Montréal. C'est une situation qui est de plus en plus... et j'irais jusqu'à dire depuis toujours, quand même a préoccupé les jeunes dans la mesure où ce sont les gestes qu'on pose aujourd'hui... puis, nous, bien, c'est les jeunes, dans le fond, qui vont écoper des bons et des mauvais coups qui vont être impliqués par la suite. Puis je pense que c'est en ce sens-là qu'il y a un désir de continuer à utiliser la langue française au sein des milieux de travail, au sein des institutions.
Puis je pense que c'est ce désir-là qu'on manifeste aujourd'hui, puis que nous ont manifesté nos membres au cours des dernières années, c'est-à-dire de participer activement au débat linguistique, parce que, comme le mentionnait Mathieu tout à l'heure, souvent, là, la dimension jeune est évacuée, alors que ce sont régulièrement les principaux interpellés. Lorsqu'on parle de loi 101 au collégial, lorsqu'on parle d'écoles passerelles, on parle de francisation des jeunes, on parle d'intégration des jeunes et particulièrement des jeunes allophones à la communauté francophone. Je pense que c'est un situation qui interpelle les jeunes.
La langue, c'est, bon, quelque chose, on ne se le cache pas, également de très, très émotif, cependant on essaie de le prendre d'une manière la plus pragmatique et la plus claire possible. Puis je pense qu'en tant que société il est nécessaire d'avoir une langue, une langue commune qu'on peut partager. Puis je pense qu'en ce sens-là c'est un consensus qui est bâti au sein de l'ensemble de la société québécoise puis qui se reflète également chez les jeunes. Puis c'est pour ça qu'on s'est senti interpellé de participer à ces débats-là: pour s'assurer que justement la voie des jeunes était entendue, qu'on a voix au chapitre, puis de s'assurer également que la langue française ne sera pas, là, oubliée dans tout ce débat-là. Puis je pense que c'est important de réaffirmer à maintes reprises l'importance de celle-ci, puis je pense qu'il faut la traiter avec respect.
M. Blanchet: Je vous propose de prendre le sujet, le débat un peu en amont, parce que vous parlez de participer au débat linguistique. Or, le débat linguistique au Québec, depuis 1977, ça a été répétitivement d'ajuster les législations québécoises aux décisions de la Cour suprême du Canada.
Est-ce qu'à quelque part dans votre réflexion vous vous êtes penché sur ça, sur le... qui a le plus de légitimité? Et ne devrait-on pas agir en conséquence entre le pouvoir judiciaire nommé, et, dans le cas présent, nommé à Ottawa, et le pouvoir politique élu, dans le cas présent, élu par les citoyens du Québec? Est-ce qu'il y a un irritant dans le fait qu'on doive constamment revenir sur nos politiques linguistiques à cause d'une juridiction judiciaire qui se superpose à une volonté politique démocratique?
**(11 h 30)**M. Bureau-Blouin (Léo): Bien, premièrement, je mentionnerais, d'entrée de jeu, que c'est sûr qu'on respecte quand même l'entité qu'est la Cour suprême du Canada, puis je pense que les tribunaux, qu'on aime ou qu'on n'aime pas, les décisions qu'ils rendent, je pense que c'est quelque chose de très, très respecté, puis qu'il faut prendre avec respect. Puis je pense qu'en fait ce qu'on fait plutôt, c'est qu'on constate la chose, puis je pense que, bon, l'Assemblée nationale, dans ce cas-ci, est appelée à réagir. Elle a en plus un délai qui est très, très court. Certes, c'est, je pense, quelque chose sur lequel il faut se pencher, qu'une cour invalide des décisions qui sont prises, cependant, notre système actuellement est conçu de cette façon-là. Puis, nous, en fait, de la façon dont on a abordé ce débat-là, c'est plutôt de savoir qu'est-ce qu'aujourd'hui, en septembre 2010, on peut faire pour améliorer la qualité de la langue française, également améliorer le bilan linguistique du Québec, considérant tous les facteurs puis tous les limitants qui nous sont mis.
Puis également, comme on le mentionne dans notre document, c'est sûr que les jurisprudences accumulées laissent une marge de manoeuvre très, très mince aux parlementaires pour justement légiférer en la matière. Puis, certes, c'est une situation sur laquelle on se penche. Cependant, je pense que la question est plutôt de savoir qu'est-ce qu'on peut faire maintenant pour s'assurer justement que la langue française est protégée, que la langue française, qu'on envoie un message clair, que c'est la langue officielle du Québec.
Puis, en tant que jeunes, c'est en ce sens-là qu'on a manifesté notre désir d'étendre les dispositions de la Charte de la langue française aux écoles privées non subventionnées. Puis c'est d'ailleurs pour ça qu'on s'est dotés d'un certain nombre de revendications pour favoriser l'obtention d'un premier emploi en français, pour également favoriser l'acquisition de langues secondes au niveau collégial puis, par la bande, favoriser l'intégration, là, de tous et toutes à un réseau scolaire francophone, parce que, comme on le mentionne, c'est sûr que l'éducation, c'est souvent la première porte d'entrée dans l'intégration sociale. Puis, comme on le mentionnait, bien, nous, on perçoit un peu les écoles passerelles puis les écoles privées non subventionnées dans l'utilisation actuelle comme une porte d'à côté, comme une courroie de transmission qui, à notre avis, n'est pas idéale.
Puis cependant c'est pour ça qu'on a également manifesté le désir qu'il est intéressant d'étendre le débat. Puis je pense qu'il faut, puis c'est déjà fait, en fait, lancer ce débat-là dans l'ensemble de la société civile pour que collectivement on se donne les moyens d'arriver à nos ambitions, puis je pense que nos ambitions, c'est d'avoir une langue commune, et je pense qu'à cela, là, c'est l'ensemble de la société qui doit y participer. Puis je pense qu'il faut plutôt savoir, là, qu'est-ce qu'on peut faire actuellement et non pas nécessairement, là, remettre en question les jugements qui ont été émis.
M. Blanchet: Merci.
Le Président (M. Marsan): Merci beaucoup. Ceci termine nos échanges. Et laissez-moi vous remercier, M. Bureau-Blouin, M. Morin. Et vraiment vous avez répondu aux questions avec beaucoup d'aplomb. Merci particulièrement.
Et j'inviterais maintenant la Fédération québécoise des associations foyers-écoles à venir prendre place. Nous allons suspendre quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 31)
(Reprise à 11 h 33)
Le Président (M. Marsan): Alors, nous reprenons nos travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir la Fédération québécoise des associations foyers-écoles, qui est représentée par Mme Carol Meindl, qui est la présidente. Et, Mme Meindl, je vais vous demander de nous présenter les gens qui vous accompagnent et de poursuivre par la suite avec votre présentation pour une période d'environ 15 minutes. La parole est à vous, Mme Meindl.
La Fédération québécoise des
associations foyers-écoles (FQAFE)
Mme Meindl (Carol): O.K. Merci. Good morning, ladies and gentlemen. The Québec Federation of Home and School Associations is pleased to have this opportunity to present our brief to the Culture and Education Committee of the National Assembly on Bill 103, An Act to Amend the Charter of the French Language and other Legislative Provisions.
I'd like to introduce to you my colleagues present at the table today: Rickhey Margolese, who is a single parent of four and our executive vice-president; Liette Chamberland, who is a parent of two, one of whom is a student with special needs, Liette serves as our vice-president; Jim Wilson, parent of one, retired teacher and a member of our Education, Rights and Public Affairs Committee. And my name is Carol Meindl, and I'm a parent of two, and I am the current president of the Québec Federation of Home and School Associations.
The Québec Federation of Home and School Associations is an independent, incorporated, not-for-profit volunteer organization dedicated to enhancing the education and general well-being of children and youth. The Québec Federation promotes the involvement of parents, students, educators and the community at large in the advancement of learning and acts as a voice for parents.
On April 24th 2010, at the Québec Federation's annual general meeting, our membership passed the following resolutions. 2010/01: an appeal to the Government of Québec to wider access to English education regarding Bill 104: «Therefore be it resolved that Québec Federation of Home and School Associations Inc. urge the Government of Québec to respect the 2009 unanimous ruling of the Supreme Court of Canada that "Bill 104" is unconstitutional, and henceforth, to absolutely take no further legal, legislative and/or other actions to lessen access to education in English.» It is through the mandate given to us in this resolution by our membership that we appear before you here today in regards to Bill 103.
M. Wilson (Jim): Good morning, Mr. Chairman and deputies. A very brief history. For more than a century following Confederation, there was no legal impediment in Québec for parents to choose the language of education for their child. In places, there existed an oxymoronic situation where schools were... as both common and confessional. Designated as Catholic schools but overwhelmingly French, it was reported that, on occasion, they refused to enroll certain students because of supposed religious or linguistic concerns. The Protestant system, despite its religious description, had a tradition of accepting students from many religious, linguistic and ethnic backgrounds.
By the 1960s, Québec's educational system needed an overhaul. The Department of Education was created, beginning the process of greater state centralization and control of education by that Department's bureaucracy.
In the decade, the advent of improved contraceptive technics, combined with the decline in the Church's authority, diminished the birth rate, translating into plummeting school enrollments. Parental decisions, that of choosing English schools, specifically in immigrant communities, surfaced as a political issue exemplified by the situation in Saint-Léonard. However, the three commissions under Parent, Pagé and Gendron all recommended that parental choice be respected. Nonetheless, in 1974, the Liberal Government enacted Bill 22 effectively removing choice for Québec parents, a law principally directed at immigrants and Québec Francophone families.
In 1977, the PQ Government, with Bill 101, which went much further than Bill 22, significantly reducing the number of individuals with rights to attending the schools, as statistics would attest. Although often termed as the chart of the French language, unlike most charts which are designed to increase rights, Bill 101 diminished them. The 1982 Constitutional Act did not count as some of those provisions, but one of my colleagues will speak at that later.
The anachronism of a confessional system ended following the PQ Government successful petition to remove section 93 of the BNA Act. Unfortunately, this constitutional change has produced no improvement for the rights of parents to select those English schools. It has moreover reduced the rights of members of the minority community to challenge certain aspects of the educational practices. Indeed, even when seeking an English education through legal means, permitted under Bill 101, parents can be thwarted by unconstitutional legislation such as Bill 104.
Considering the efforts made by the English community to expand the teaching of French, the claim by politicians that the law is necessary to protect the French language seems far-fetched and pretentious. The refusal to respect the United Nations Declaration of Human Rights has been categorized by Québec laws such as Bill 22, 101, 104 and now with Bill 103. The Québec Federation of Home and School urges, yet again, that this type of restrictive legislation be withdrawn. Thank you very much, Mr. Chairman.
**(11 h 40)**Mme Margolese (Rickhey): Bonjour, mesdames et messieurs. Il est évident qu'au Québec le système des écoles publiques anglaises subit un déclin et est en danger. The Québec Federation of Home and School Associations, a voice for parents across Québec, is deeply concerned about the future viability of this historic system. In 1971, prior to the Charter of the French language, enrollments in English public schools was at 250 000. Well, today it stands at 93 000, a decline of 62.8%. This is due in large part to restrictive language laws but not exclusively. Since 1979, the one English school, kindergarten to Sec V, in Baie-Comeau, has seen its student population cut in half.
Let us look at recent figures on enrollment. In 2005-2006, the combined kindergarten and elementary school population in English schools stood at 58 730. In 2009-2010, they have dropped to 50 233, a decline of 14.4% in that five years timeframe. The impact of this decline is real. In 2006, Northview and Valois Park Elementary schools, located in Pointe-Claire, Montréal, merged as Jubilee Elementary because of reduced number of students. Only three years later, in June 2010, Jubilee closed its doors for good, and students have been dispersed to other neighborhood schools. As a parent, I find this unacceptable.
We are also aware that there are approximately 20 000 students, about 21.4% of potential English schools enrollment, who are currently in the French school system. Roughly, 10 000 of these students are there because their parents have exercised their fundamental right to choose, and we do not have a problem with this as parents. However, there are roughly 10 000 students whose parents have been prohibited from exercising their fundamental right to choose due to Bill 101, section 59 of the Constitution Act 1982 and Bill 104. We do have a problem with this 10% lost of so called ineligible students to our English system. This could make the difference between keeping schools open rather than having to close doors.
Let us remember that English speaking parents coming to Québec from across... from around the world do not have the equivalent right to choose either French or English schooling as granted to French speaking parents who come to the rest of Canada from anywhere in the world. This creates inequality in citizens right to choose. Hypothetically, if the 20 000 students presently in French schools were to transfer into the English schools tomorrow, this would only show a 2.6% decline in French student enrollment.
Bill 101 allowed parents to constitutionally choose to send their children to unsubsidized private English schools in order to gain eligibility to an English public school. In 2002, Bill 104 effectively short-circuited this legitimate pathway to widen access to the English Public school system. Between 2002 and 2009, the Government and the Bill 104 denied eligibility to English schooling to approximately 500 students per year. This number represents only 0.02% increase to the total French school enrollment, a number that does not really impact on French schools. But it equally represents a 0.5 % loss to the English school enrollment, a number which is a significant number for our schools.
Bill 103, if implemented, will further accelerate the decline to English schools. The loss of an English language education system in Québec will be a loss for all Quebeckers: socially, economically and, above all, culturally. It would add further fundamental changes to the fabric of the society in Québec, a society that is rich in tradition and history for two founding cultures for more than 200 years. Thank you.
Mme Chamberland (Liette): M. le Président, mesdames, messieurs, la minorité anglophone du Québec a le droit à la protection juridique des droits et libertés conférés aux minorités. Il est du ressort du gouvernement du Québec de les promouvoir afin d'assurer la vitalité et la viabilité des écoles anglophones.
L'article 26.3 de la Déclaration universelle des droits de l'homme stipule que les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d'éducation à donner à leurs enfants. Il est difficile pour les parents de comprendre qu'au Québec ce droit n'existe pas.
L'article 599 du Code civil du Québec accorde aux parents, entre autres, le droit et le devoir d'éducation à l'égard de leurs enfants. Il ne s'agit pas d'un privilège mais bien d'un droit et d'un devoir. Il est difficile pour les parents d'accepter que le gouvernement se subjugue à leurs droits et devoirs eu égard à l'éducation de leurs enfants lorsque la responsabilité de ceux-ci repose sur eux.
L'article 4 de la Loi sur l'instruction publique énonce, sous.. sur la rubrique Choix d'une école, que l'élève ou, s'il est mineur, ses parents ont le droit de choisir, à chaque année, parmi les écoles de la commission scolaire dont ils relèvent et qui dispensent les services auxquels il a droit, celle qui répond le mieux à leurs préférences.
Il est difficile, pour les parents qui veulent offrir à leurs enfants l'opportunité de recevoir une éducation bilingue afin de leur donner tous les outils nécessaires pour participer pleinement, socialement, économiquement et culturellement dans notre société québécoise, d'accepter passivement que le gouvernement, à toutes fins utiles, est celui qui décide de l'éducation qui leur conviendrait le mieux.
Il est aussi difficile pour les parents de comprendre que le gouvernement persiste à croire qu'il doit limiter l'accès à l'éducation en anglais dans l'intention de protéger la langue française qu'il croit en péril. Nous sommes d'avis qu'il se doit d'y avoir un équilibre entre la protection et la promotion du français et que, pour y accéder, le gouvernement doit assurer son appui envers les écoles publiques anglophones. Il est difficile pour les parents d'accepter qu'un petit nombre d'élèves visés par le projet de loi n° 103 puisse miner le statut de la langue française.
Le 22 octobre 2009, la Cour suprême du Canada, dans l'arrêt Nguyen, déclarait inconstitutionnel le deuxième et troisième alinéa de l'article 73 de la Charte de la langue française. Bien que la cour reconnaissait l'objectif législatif comme étant valide, l'analyse de la proportionnalité a démontré que les mesures adoptées étaient excessives par rapport aux objectifs visés.
Dans l'arrêt Solski, la Cour suprême stipule qu'interprété correctement le paragraphe 73.2 de la Charte de la langue française est conforme à la Constitution et que les droits reconnus à l'article 23 de la Charte canadienne doivent recevoir une interprétation téléologique large et compatible avec le maintien et l'épanouissement des deux communautés linguistiques officielles. Elle estime que le critère de «majeure partie», énoncé à l'article 73 de la Charte de la langue française, doit recevoir un sens qualitatif plutôt que quantitatif.
De plus, elle déclare, et je cite: «L'interprétation mathématique restrictive manque de souplesse et peut même avoir pour effet d'empêcher un enfant de recevoir un enseignement essentiel au maintien de son lien avec la communauté et la culture minoritaires.» Fin de la citation.
Nous considérons que les remèdes proposés par le projet de loi n° 103 et ses règlements ne respectent pas l'objectif qualitatif énoncé dans l'arrêt Solski, car ils sont basés encore sur des critères quantitatifs plus élevés. Il est difficile pour les parents de voir leurs choix quant à l'éducation de leurs enfants déniés par un manque de ressources financières. Il est difficile pour les parents demeurant en région de voir qu'ils n'auront pas accès à ce privilège, car aucune des neuf écoles mentionnées ne desservent leurs coins de pays.
Le processus proposé par le règlement est ambigu et aléatoire. Laissé à des fonctionnaires, il y a certes danger que son interprétation sera éclatée, ce qui laissera peu de place pour une égalité de traitement. Il est difficile pour les parents de comprendre que, même en s'y conformant, une loi pourrait en un sens leur refuser leurs droits.
Par conséquent, nous soumettons respectueusement: que le gouvernement du Québec retire son projet de loi n° 103 ainsi que son règlement; que le gouvernement du Québec respecte la décision unanime de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Nguyen et de ne plus prendre aucun ordre législatif et/ou autre action ayant pour but de réduire l'accès à l'éducation anglaise; et que le gouvernement du Québec entreprenne les démarches nécessaires pour abroger l'article 59 de la Charte canadienne des droits et libertés.
Tous les parents du Québec, société distincte, libre et démocratique, devraient avoir le droit de choisir la langue d'éducation la plus appropriée pour leurs enfants, et ce, sans égard à leurs finances, lieu de domicile, citoyenneté ou statut linguistique. Merci.
Le Président (M. Marsan): Alors, merci beaucoup pour votre présentation, et j'invite la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine à débuter notre période d'échange. Mme la ministre.
**(11 h 50)**Mme St-Pierre: Merci, M. le Président. Merci d'être parmi nous ce matin. Tout d'abord, je vais vous dire que je vais poser évidemment mes questions en français, mais, si certains d'entre vous veulent répondre en anglais, il n'y a pas de problème, mais les questions seront posées en français.
Je veux d'abord vous dire que la communauté anglophone au Québec est une communauté importante et que nous reconnaissons... et les Québécois reconnaissent l'apport de la communauté anglophone au Québec. La communauté anglophone a des droits, bien sûr, et nous voulons, nous entendons protéger les droits de la communauté anglophone et... comme nous voulons que les droits de la communauté francophone à l'extérieur du Québec aussi soient protégés.
Pour avoir vécu à l'extérieur du Québec, dans d'autres provinces, dans une autre province, je peux vous dire que les droits des anglophones au Québec sont vraiment bien respectés, et il n'est pas question, évidemment, d'aller à l'encontre de ces droits, et nous nous en réjouissons.
Vous nous parlez de la situation des anglophones, bien sûr, mais la situation qui nous intéresse ici, ce sont des parents francophones et allophones qui envoient leurs enfants dans des écoles privées non subventionnées. On leur reconnaît le droit d'envoyer leurs enfants dans des écoles privées non subventionnées parce qu'il n'y a pas d'argent de l'État dans ces écoles-là, mais ce qu'on veut leur dire comme message, c'est: Si vous vous engagez dans ce processus-là, dans ce projet éducatif là pour vos enfants, ayez au moins la volonté de le poursuivre jusqu'à la fin. Vous ne pouvez pas arriver, faire un an. Puis le juge de la Cour suprême l'a dit, le juge Lebel l'a dit, il y en a qui ont vraiment délibérément décidé d'envoyer leurs enfants là, puis, après ça, bingo, on passe ailleurs.
Nous, on a une approche qui n'est peut-être pas parfaite mais on pense que notre approche, elle respecte les droits, les droits des Québécois. D'ailleurs, les Nations unies ont déjà déclaré, en fonction du pacte, que vous ne représentiez pas une minorité parce que vous êtes dans... les anglophones sont dans le... considéraient que les anglophones étaient dans le Canada et que vous ne représentez pas une minorité.
Cependant, au Québec, si on regarde la situation dans les écoles, dans les écoles anglophones de vos clientèles, oui, entre 2000 et 2009, la clientèle a diminué chez les anglophones mais elle a diminué également dans les écoles francophones. Alors, il y a une diminution générale dans l'ensemble du Québec. On assiste à un baby-boom, petit baby-boom; il va y avoir une augmentation dans les deux réseaux scolaires. Donc, il y a deux réseaux scolaires.
Maintenant, ma question est la suivante, dans votre mémoire, vous semblez dire, vous dites: Il faut avoir le droit à un apprentissage dans sa langue maternelle, est-ce que ça veut dire que vous souhaiteriez qu'il y ait des écoles de toutes sortes de langues?
(Consultation)
Le Président (M. Marsan): Alors, qui veut prendre la parole? M. Wilson?
Mme St-Pierre: Autrement dit, est-ce qu'autrement dit toutes les...
M. Wilson (Jim): ...pointed by the deputy. It is true that there was a decline in both French and English schools. I found it somewhat interesting that the decline of French schools seemed to trigger the idea of having to protect the French language at the same time. There was a... The baby-boom had ended. The sixties brought about a decline in both English and French schools. And it seems to be at that time that it was kind of French schools had to be protected whereas English schools could be left to sort of on their own devices.
And this is not necessarily a popular thing to say, but, frankly, I think that it was essentially to maintain jobs in French schools. Rather than to protect the French language, it was to protect jobs in French schools. Because it was true that the French number dropped, but it was at that time that, when those French numbers dropped, suddenly it became an alarm signal that we have to protect the French language. And I think that the two could be sort of almost synonymous but we don't like to use a synonymous term of protection of jobs and protection of the French language.
When a child goes to school in Québec, one would assume that there are, despite the fact that people often forget this, two official languages in Canada. And parents might want to choose English as well as French. And, as a matter of fact, right now, in the English schools, there are English schools now that have a greater proportion of the language of instruction in French. And I've heard people talk about his... what's an English school anymore, particularly on the island of Montréal. So, I think that there has been an effort on the part of the English community to respect and protect the French language in Québec. But I think that, if parents were given a choice, many of them would choose and have chosen French education, maybe unlike they may have done 30 to 40 years ago.
Le Président (M. Marsan): M. la ministre.
Mme St-Pierre: Mais la question est la suivante, qui est devant nous: Pourquoi endossez-vous le fait que des parents veulent aller dans le réseau anglophone non subventionné pour passer au réseau anglophone subventionné? Vous endossez cette façon d'agir?
Mme Chamberland (Liette): C'est-à-dire que...
Le Président (M. Marsan): Mme Chamberland.
Mme Chamberland (Liette): Merci. Notre système d'éducation, aux dernières nouvelles, était gratuit, sauf pour les écoles non subventionnées. Un enfant qui ira à l'école francophone ou à l'école anglophone sera dans un milieu subventionné dans ce sens qu'un parent francophone qui désirerait envoyer son enfant dans une école anglophone devra acquitter les frais, souvent substantifs, pour pouvoir donner à leur enfant le choix d'avoir une éducation bilingue. S'ils l'envoient en français, ses études vont être payées. Pourquoi est-ce qu'on... On se retrouve à être un peu comme devant la question: Est-ce que vraiment c'est une question de langue ou une question de «On ne veut pas payer pour les Anglais»? Parce qu'ils vont recevoir l'éducation conforme au curriculum du gouvernement, que ce soit à l'école anglophone ou francophone.
Les écoles anglophones, on sait très bien maintenant que les programmes sont soit d'immersion française ou soit bilingues. Ils apprennent les cours d'anglais, ils apprennent les cours en français, les deux langues ou juste une. Ceux qui ont déjà droit, en vertu de la loi 101, qu'on appellerait le droit légitime, peuvent avoir droit à envoyer leurs enfants dans une école anglophone subventionnée. Les francophones ont le droit à l'école française subventionnée. Les anglophones ont le droit aussi d'envoyer leurs enfants dans une école francophone, et il y en a plusieurs qui le font, et c'est correct, ils ont le choix.
Les parents francophones qui désireraient donner l'opportunité d'avoir une éducation bilingue, ils n'ont pas ce choix-là. S'ils veulent avoir une éducation bilingue, ils doivent payer. C'est acheter un droit. Puis ce n'est pas tout le monde qui peut se le payer, soit parce qu'ils n'ont pas l'argent ou soit parce qu'ils ne demeurent pas proche d'une de ces écoles-là. Alors, ça fait qu'il y a une certaine partie de la population qui ont plus de droits que d'autres.
Et il y en a d'autres qui se retrouvent à être dans... un peu comme dans le néant parce qu'on doit se conformer. Est-ce que notre débat est envers l'école française versus l'école anglaise ou est-ce qu'on parle vraiment d'un débat de protection de la langue?
Les écoles ferment des deux côtés, la population baisse. C'est correct, on doit vivre avec ça, excepté que est-ce qu'on essaie de sauver les écoles par la loi n° 103 ou est-ce qu'on essaie de sauver la langue française?
Si je regarde les nouveaux programmes qui sont offerts maintenant dans les écoles anglaises, on parle de programmes bilingues ou d'immersion française. La langue française ne s'est jamais portée mieux. Avant, les écoles anglaises étaient complètement anglophones. Maintenant, plus ça va, plus il y a de français dans les écoles anglophones et il y a plus d'anglophones qui choisissent d'envoyer leurs enfants à l'école anglaise. Où est le problème de la langue française? Elle ne s'est jamais portée aussi bien.
Mme St-Pierre: Vous comprendrez que ce n'est pas tout à fait ce qu'on a entendu dans les derniers jours.
Mme Chamberland (Liette): Il y a plusieurs opinions.
Mme St-Pierre: Oui. Donc, finalement, si on résume votre pensée, vous dites que les parents anglophones ont plus de droits que les parents francophones? Parce que le parent...
Mme Chamberland (Liette): Ils ont... Oui?
Mme St-Pierre: ...anglophone peut envoyer son enfant dans l'école francophone s'il le désire, mais le parent francophone ne peut pas le faire. C'est ce que vous suggérez. Cependant, des jeunes qui vont ont précédés ont dit: Bien, nous, ce qu'on vous demande, c'est d'améliorer l'apprentissage de l'anglais du côté des écoles francophones, comme ça, ils ne seront pas tentés de vouloir aller du côté des écoles anglophones. Alors, c'est...
**(12 heures)**Mme Chamberland (Liette): Mais ça reste toujours à être les Anglais versus les Français. Parce que l'école francophone ou l'école anglophone, c'est le même curriculum.
M. Wilson (Jim): ...the mother tongue.
Mme St-Pierre: Je n'ai pas d'autre question, M. le Président.
Le Président (M. Marsan): Oui.
Mme St-Pierre: Merci beaucoup.
Le Président (M. Marsan): M. le député de Charlesbourg, la parole est à vous.
M. Pigeon: Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames, monsieur. Vous êtes conscients que le projet de loi qui est présenté par la ministre touche évidemment, entre autres, la Charte des droits et libertés de la personne, donc ce n'est pas uniquement les règlements, là, concernant l'école anglaise et l'école française.
Alors, à l'article 17 de la loi, je me permets de le lire, c'est bref: «Le préambule de la Charte des droits et libertés de la personne est modifié par l'insertion, après le troisième alinéa, du suivant:
«"Considérant que le français est la langue officielle du Québec et qu'il constitue un élément fondamental de son patrimoine culturel et de sa cohésion sociale;".» Alors, est-ce que vous êtes d'accord qu'on inclue, dans le préambule de la Charte des droits et libertés, ce texte qui insiste sur le fait que le français est la langue officielle, que c'est un élément fondamental de notre patrimoine culturel et de la cohésion sociale du Québec?
Mme Chamberland (Liette): Je peux vous dire qu'en tant que représentante de la fédération québécoise ce n'est pas une question sur laquelle on s'est attardé. À ce moment-là, vous obtiendrez une opinion qui est personnelle et non pas représentant notre fédération.
M. Pigeon: Et quelle est votre opinion personnelle?
Mme Chamberland (Liette): Je crois que tous les gens au Québec savent que le français, c'est la langue majoritaire. Je ne me suis pas arrêtée longtemps, je l'ai vu en lisant le projet. Je n'y verrais pas de problème, mais ça, c'est vraiment personnel. Ce n'est pas une question qui a été apportée à nos membres.
Une voix: ...
M. Pigeon: Puis, est-ce que... Oui, madame.
Le Président (M. Marsan): Mme Margolese.
Mme Margolese (Rickhey): Yes. One of the reasons why there is so much French taught in the English schools, in the English public system, is because we want our children to be bilingual and to be comfortable in the French language, so that they can be a part of the French culture, so that they can go out and get jobs, and so that they can interact with their Francophone brothers and sisters, so that they can be a part of this fantastic province. So, we don't have a problem with French being the predominant language and the one spoken out on the streets. We just don't want the English rights to be refused in order to do that and we are not your enemy.
We are trying to have our children be totally integrated into the French milieu in Québec. That's why we send them... we have such strong French programs. I want my children, when they speak French, not to have an accent. I don't want them to have the problems that I had because, when I went to school 40 years ago, the French programs were not that strong in the English schools. They are today.
M. Pigeon: M. Wilson.
M. Wilson (Jim): We also... Be aware that...
Le Président (M. Marsan): M. Wilson.
M. Wilson (Jim): Mr. Chairman. I think it's also true to say that this issue of parents really wanting to have their child bilingual exists principally on the island of Montréal. I think, once you've moved away from the Montréal environs to outside, shall we call it the rest of Québec, then, for an Anglophone, it's a good deal easier to live in French than it would be for many people who live on, let's call it the West Island of Montréal.
That's why, if you... when we talk about the increased amount of French in English schools, we're talking principally about areas which have very a large proportion of the population who speaks English as their mother tongue. I have yet to meet any person who has suggested that they do not want to learn French. I've never met that.
It may be an interesting question to say: If everybody in the entire province wished to go to French school voluntarily, we would have no issue at all, and this organization wouldn't, because we would be saying: Parents are choosing what they think is best for their child. That, I think, is the key here: it's a question of what parents want for their child, not what some people think is best for their society. But most people would think that it is best for their society as well as for their child to be fluent in French.
Le Président (M. Marsan): Merci.
M. Pigeon: Merci.
Le Président (M. Marsan): M. le député de Lévis, en terminant.
M. Lehouillier: Oui. Bien, très, très rapidement, au fond, dans le projet de loi déposé par le ministre, c'est justement un des objectifs du projet de loi... c'est de protéger la liberté de choix. Ça, c'est fondamental et c'est ce qu'il y a dans le projet de loi. En même temps, le projet de loi propose une approche pragmatiste, pragmatiste, et notre objectif, c'est d'éviter les écoles passerelles et de faire en sorte qu'on puisse empêcher la création de telles écoles passerelles, parce que la valeur fondamentale de notre société, c'est la primauté de la langue française, et ça, ce n'est pas négociable.
Mais, en même temps, notre projet de loi a pour objectif de respecter les libertés et de respecter les déclarations des Nations unies. Alors, en ce sens-là, moi, je pense qu'on met sur la table quand même des solutions qui sont très respectueuses de nos minorités, finalement. Je ne sais pas comment vous réagissez à ça, mais il me semble que c'est ça, l'objet du projet de loi.
Le Président (M. Marsan): Alors, est-ce que vous voulez faire un dernier commentaire? Le temps est presque terminé. Ça va?
Mme Chamberland (Liette): Non, c'est beau.
Le Président (M. Marsan): Alors, merci beaucoup. Ça termine l'échange avec le parti ministériel. Nous poursuivons avec l'opposition officielle, et je vais reconnaître le député de Borduas, porte-parole officiel en matière de langue.
M. Curzi: Merci, M. le Président. Mesdames, monsieur, bonjour. Au moment où la... des discussions qui ont précédé la loi 101, on nous dit -- je n'étais pas là -- qu'il y a eu beaucoup de discussions entre M. Lévesque et M. Camille Laurin. M. Lévesque était particulièrement soucieux des droits de la minorité anglophone au Québec, et, dans le fond, on sait que plusieurs des aspects de la loi 101 ont été négociés. Peut-être... Ce qu'on comprend, c'est qu'à l'origine la loi 101 était peut-être plus dure qu'elle ne l'est, qu'elle ne l'a été. Mais la loi 101, fondamentalement, elle restreint les droits des francophones et des allophones, elle respecte entièrement les droits des gens de langue maternelle anglaise. Et, à travers tout l'historique, malgré plusieurs décisions de la Cour suprême qui ont affaibli la loi 101, cette préservation-là des droits de la communauté anglophone a toujours été extrêmement préservée, quel que soit le gouvernement et quel que soit le parti.
En ce sens-là, la loi n° 104 était -- et c'était la volonté de l'Assemblée nationale au grand complet -- justifiée puisqu'elle permettait ce que la loi ne permettait pas. C'est le jugement de la Cour suprême qui est venu détruire ce consensus-là.
Ce que nous faisons actuellement, c'est d'essayer de rétablir un nouveau consensus, et nous avons deux opinions très différentes. Mais en aucune façon... Et ça, M. Mulcair, qui est venu ici, l'a clairement démontré, pour lui, actuellement, l'idée d'appliquer la loi 101 est une bonne idée, alors que le projet de loi n° 103 est une erreur, puisque l'application de la loi 101 respecte complètement l'article 23 de la Charte canadienne des droits.
**(12 h 10)** Là où il y a un problème, je pense, que vous venez exprimer ici, c'est que vous dites: Nous, comme parents, nos droits devraient s'exprimer autrement que le droit collectif que la loi 101 applique. Et là c'est très difficile de concilier ces deux positions-là, parce que collectivement on croit, depuis maintenant 1977, que, pour que la langue française fleurisse et qu'elle soit la langue commune, ce que vous reconnaissez, parce que vous enseignez effectivement le français, la communauté anglophone est devenue très bilingue, et la communauté anglophone est un apport incontesté de l'ensemble de la société québécoise, et il n'y a jamais personne qui remet ça en doute, mais ce que vous dites, c'est que ce droit collectif là est abusif, à vos yeux, par rapport au droit des parents sur l'éducation de leurs enfants.
Le paradoxe, c'est que, pour vous, la communauté anglophone, vous bénéficiez de plus de droits que nous, la communauté francophone. Donc, la contrainte est de notre côté. Vous, comme parents, vous pouvez faire éduquer vos enfants en anglais et vous pouvez aussi les faire éduquer en français. Vous avez le libre choix. Ce qu'on dit, avec la loi 101 appliquée d'une manière stricte suite au jugement, c'est que les parents francophones et allophones n'auront pas ce même libre choix là. C'est une contrainte que, comme société, on s'impose. Et, si on se l'impose, c'est parce qu'on croit que c'est nécessaire.
Est-ce qu'on a tort ou raison de penser que c'est nécessaire? Tout ce qu'on entend des gens qui vivent beaucoup à Montréal, c'est qu'ils sont préoccupés de l'évolution à Montréal et dans la région montréalaise. Et c'est clair que ce n'est pas l'accès aux écoles passerelles qui va régler tout cela, mais c'est un morceau, un morceau sur lequel on est obligés d'agir à cause du jugement de la Cour suprême. En ce sens, je vous écoute, je vous entends puis je me dis: Je ne sais pas comment tenir compte de ce qui vous apparaît légitime, parce que, comme parlementaires, on croit agir en légitimité.
Ma question, c'est: Y a-t-il un argument qui pourrait vous influencer et vous amener à considérer que le croit collectif de la majorité québécoise devrait continuer à prévaloir sur le droit des parents au libre choix de l'éducation de leurs enfants pour...
Le Président (M. Marsan): Oui. M. Wilson d'abord.
M. Wilson (Jim): Yes. I think one of the early statements made by the deputy is one of the most intriguing statements, that it's historically correct that Bill 101, contrary to what many Anglophones thought, really did not reduce their rights. And I can't speak for what René Lévesque was actually thinking, but I suspect he really wasn't as comfortable about Bill 101 as many people suggested he was. Because he was taking away the rights of the majority. It was a very unusual situation that the majority of people in Québec had certain rights taken away by Bill 101, and many people in the majority thought it was somehow an attack on the minority, and, in fact, it wasn't. So, I think that was a very interesting point that was made by our speaker.
I think there's always going to be an incredibly fundamental argument that can never be fully resolved, and that is: When does the rights of a collectivity trump the rights of an individual in a society? That is not the kind of question that is easily resolved. My personal beliefs, and I think I speak for my organization when I say it, is we think the individual comes first. But I do respectfully understand why people might strongly disagree with that particular position.
Le Président (M. Marsan): Mme Chamberland, et ensuite Mme Margolese.
Mme Chamberland (Liette): M. Wilson a répondu pour moi.
Le Président (M. Marsan): O.K. Mme Margolese.
Mme Margolese (Rickhey): I think, at the time that Bill 101 was written and came into effect, the French were not really respected at that point. You had the majority of the population French-speaking, but it appeared as if the minority English population sort of ran things. So, I can understand why the inception of Bill 101... But that society doesn't exist anymore. You can go into any business, and the business is going to be predominantly in French.
I worked for the same company for 38 years, and, when I started in that company, it was about 60% French, 40% English, and all the management was English. When I left that company 38 years later, the company was 85% French, 15% English, and all the management were French and bilingual, because it was an American company. So, to say that we still need to have such a tight rein on protecting the French language, I don't think it applies in today's society. The Anglophone minority wants to be part of the Francophone majority, and they want to integrate their kids, and they want their children to be able to work alongside of their French brothers and sisters, as I said earlier.
And I think that, if you allowed individual rights of parents to chose the education for their children, maybe initially it would appear as if a lot of them are going to go over to the English system, I don't think that's true. And you have to also remember that, if a Francophone or an Allophone decides to send their children to an English school, it's to acquire... to become better bilingual. They aren't loosing their French culture, they're not integrating into the English society, they're there for a particular reason for a few years, they're still speaking French in their home, they're still watching French TV and listening to French radio and reading French books. So, I don't think that, as I said, Bill 101 needs to be applied as it needed to be in 1997. The society has changed in Québec. Thank you.
Le Président (M. Marsan): M. le député de Borduas.
M. Curzi: Ah! Je vais laisser... Mais... Juste une phrase, on est aussi trompés par la question de la langue. Vous parlez anglais, tout le monde vous comprend; on parle français, vous nous comprenez; on pourrait parler anglais et probablement que vous pourriez parler en français. La langue est quelquefois trompeuse aussi. La langue est un outil d'appartenance, et vous le dites, vous venez de le dire. Vous voulez que vos enfants appartiennent à cette communauté-là. Pour qu'ils y arrivent, pour qu'ils soient vraiment partie, vous dites: Il faut qu'ils apprennent le français. Vous reconnaissez que la connaissance d'un langage, c'est intégrer une culture.
Les inquiétudes des francophones, surtout à Montréal, ce n'est pas que les gens parlent l'anglais, le français, l'espagnol; on est en très grande majorité bilingues, vraiment. Notre inquiétude, c'est que, face à une culture qui n'est pas une culture minoritaire, qui est la culture majoritaire, les gens, par l'entremise de la langue, de l'enseignement en anglais et de l'usage de l'anglais, intègrent une culture et quittent, en quelque sorte, la culture francophone, qui est, elle, extraordinairement minoritaire sur le continent nord-américain et même dans le monde.
Donc, il y a un aspect langage, mais il y a aussi un aspect de qu'est-ce qui définit une culture commune, et c'est dans cette vision-là que nous sommes. Par exemple, dans une vision commune assez partagée, on pense que le droit collectif prime. Vous venez de dire, dans votre vision, le droit individuel prime, et on reconnaît ça, de part et d'autre, qu'on a des différences, et ce sont des différences de vision qui relèvent de l'appartenance à une culture ou à une autre culture.
Alors, quelquefois, on peut aussi être trompés par juste la connaissance des langues. Le problème montréalais n'est pas juste une connaissance de langues, c'est une frontière entre une culture minoritaire, forte mais minoritaire, et une culture extraordinairement forte et majoritaire et comment on vit adéquatement dans cette frontière-là. Il y a une question de monsieur mon collègue...
Le Président (M. Marsan): De Drummond?
M. Curzi: ...
Le Président (M. Marsan): M. le député de Sainte-Marie--Saint-Jacques, vous voulez poser une question? La parole est à vous.
M. Lemay: Oui, il reste un peu de temps, j'imagine.
**(12 h 20)**Le Président (M. Marsan): Oui.
M. Lemay: O.K. Merci. Alors, bonjour, mesdames, monsieur. Depuis les débuts de ces audiences... Et je dois souligner que j'ai beaucoup apprécié l'introduction de Mme la ministre tout à l'heure. Je m'enlignais moi-même dans les mêmes réflexions. Il y en a une que je vais poursuivre, par exemple. Personne, depuis les débuts de ces audiences, n'a remis en cause les droits des anglophones du Québec. Personne. Donc, je suis étonné de voir, dans votre mémoire, que, et je cite ici à la page 3: «Il n'y a donc pas lieu d'implanter d'autres lois linguistiques restrictives contre les collectivités minoritaires anglophones», alors que tout le monde ici à l'Assemblée et tout le monde à l'extérieur de l'Assemblée s'entendent, et tout le monde l'ont même écrit dans leur document très souvent pour reconnaître les droits de la minorité anglophone au Québec. Personne ne remet ça en cause.
Il y a un malentendu depuis la Conquête, et ce malentendu-là ne cessera jamais, jamais. Parce que, et mon collègue de Borduas l'a dit tout à l'heure, quand la loi 101 est arrivée, tout le monde était conscient des droits historiques de la minorité anglophone au Québec.
Mais, moi, M. le Président, et je ne dis pas que c'est ce que nos invités pensent, je veux être clair là-dessus, mais il y en a pour qui ils se font un travail de toujours nous faire, nous, la majorité francophone au Québec mais la minorité en Amérique, nous faire sentir coupables d'exister, nous faire sentir coupables de poser des gestes, quelquefois des gestes durs, il est vrai, pour protéger notre culture.
Les gens qui ont déposé le mémoire parlent d'histoire. Je vais en parler un petit peu, d'histoire, M. le Président. Le combat des Canadiens français et des Québécois a été, à mon sens, héroïque, mais il y a un combat qu'on oublie souvent, des Canadiens français hors Québec, qui est un combat tout aussi héroïque. Et ça, c'est ce à quoi Mme la ministre faisait référence tout à l'heure.
Si nous regardons l'histoire du Canada, est-ce que c'est le Québec qui a empêché par la loi les écoles protestantes anglophones? Jamais, M. le Président. Mais, quand on regarde, puis loin de moi l'idée de me vautrer dans l'histoire victimaire, là -- c'est arrivé par ailleurs -- si on regarde l'histoire de l'Alberta, du Manitoba, de l'Ontario, du Nouveau-Brunswick, qu'est-ce qui est arrivé? La fermeture des écoles catholiques francophones.
Et, moi, M. le Président, je m'excuse, mais, si on veut, parce qu'on est encore dans le Canada, mettre sur le même pied le traitement des uns et des autres, je crois qu'il va falloir réfléchir à ça aussi. Et je ne suis pas en train de vous dire qu'il faut faire exactement la même chose ici. Jamais, M. le Président, jamais.
Donc, je trouve que ça... que les membres, que les gens ici présents viennent nous dire: Nous, nous sommes pour les droits individuels, notre collègue l'a bien dit, parfait, il y en a d'autres pour qui les droits collectifs priment, c'est bien aussi. Mais de là à dire que les lois s'attaquent, comme c'est écrit à la page 3... des «lois linguistiques restrictives contre les collectivités minoritaires anglophones», là, M. le Président, je trouve que c'est un petit peu... un petit peu exagéré, très exagéré même.
Est-ce que les gens ici présents ont fait... ou peut-être même au bureau de la ministre, peut-être que ça s'est fait, est-ce que vous avez fait une analyse de la situation des francophones hors Québec par rapport aux anglophones du Québec? Et, encore une fois, je ne vous dis pas qu'il faut traiter les uns comme les autres, ce n'est pas ça que je dis. Jamais au Québec on n'a fait subir ce tel traitement que les francophones ont subi hors Québec.
Et là je me réfère à la page 6, et je cite, M. le Président, et je termine là-dessus: «La baisse soutenue des inscriptions dans les écoles anglophones depuis 1977 a été catastrophique...» Nous avons déjà eu des discussions là-dessus, et mon collègue a très bien démontré, au niveau de la démographie, que, du côté francophone, et la ministre l'a souligné tout à l'heure, du côté francophone aussi, ça baisse, le nombre d'élèves. Et ça, c'est à la page 6.
Mais, contrairement aux minorités francophones hors Québec, M. le Président, ce n'est pas à cause d'une démographie; dans le cas hors Québec, c'est à cause d'une assimilation graduelle malheureuse des Canadiens français hors Québec. On ne parle pas de la même chose du tout, là. Je ne crois pas que la communauté anglophone du Québec soit assimilée par la communauté francophone; c'est une question de démographie et de naissances.
Bref, est-ce que vous avez, en regard à votre texte -- vous qui faites de l'histoire, vous présentez tout ça dans un contexte historique, et c'est relativement bien fait d'ailleurs -- comparé l'état des lieux des minorités? Parce que l'article, le fameux article de la charte, c'est aussi pour les minorités francophones hors Québec. Est-ce qu'ils ont les mêmes droits, les mêmes privilèges? Est-ce que vous avez soupesé ces deux réalités, entre guillemets, minoritaires au Canada?
Le Président (M. Marsan): M. Wilson, en terminant, s'il vous plaît.
M. Wilson (Jim): It's a very difficult question. I'll try to answer in a short.. history of Canada and minority languages. The Manitoba question came up, for sure, in some way. We do not represent Francophones «hors du Québec». But, I will say that, in the Constitutional Act 1982, section 23, any Francophone coming from anywhere in the world, living in Canada, has the right to go to a French school. There is not a reciprocity afforded to English speakers who are coming from Vermont or the United Kingdom. Québec Government has decided not to bring about that. So, we feel somewhat sympathetic to any minority outside Québec, but, at the same time, they are permitted under the law to go to a French school. But, if I come to Québec from the United States... And, by the way, when Bill 101 was first passed, not even Canadians were considered to be allowed to come to English schools. That was changed. So...
Une voix: ...
M. Wilson (Jim): Canadians outside Québec, thank you for it. So, it is true that the minority Francophone outside Québec are suffering some significant strife, yes. But, at the same time, there is an opportunity for Francophones who are coming from outside Canada to avail themselves of a French language education in any of the provinces.
Le Président (M. Marsan): C'est terminé. Très rapidement.
M. Lemay: L'école... Les écoles catholiques et françaises hors Québec ont été fermées pendant plus de 100 ans, M. le Président, avant ça. Donc, c'est facile de dire que les francophones partout au Canada peuvent avoir... Mais leurs écoles ont été fermées plus de 100 ans... pendant 100 ans avant. Écoutez, on ne parle pas de la même chose.
Le Président (M. Marsan): Je voudrais vous remercier, Mrs. Meindl, Mrs. Margolese, Mr. Wilson and Mme Chamberland. Merci beaucoup de nous avoir livré la position de la Fédération québécoise des associations des foyers-écoles.
Et, sur ce, bien, la commission ajourne ses travaux au lundi 13 septembre à 14 heures afin de poursuivre son mandat. Merci, et bon appétit.
(Fin de la séance à 12 h 29)