(Neuf heures trente et une minutes)
Le Président (M. Marsan): À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 103, Loi modifiant la Charte de la langue française et d'autres dispositions législatives.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Deltell (Chauveau) remplace Mme Roy (Lotbinière).
Auditions (suite)
Le Président (M. Marsan): Je vous remercie. Il nous fait plaisir d'accueillir, ce matin, les représentants du Conseil provincial du secteur universitaire du Syndicat canadien de la fonction publique. Et je vais demander à la présidente, Mme Carole Neill, de bien vouloir nous présenter les gens qui l'accompagnent et ensuite de poursuivre et de nous faire sa présentation pour une période maximale de 15 minutes. Mme Neill, la parole est à vous.
Conseil provincial du secteur
universitaire du Syndicat canadien
de la fonction publique (CPSU-SCFP)
Mme Neill (Carole): Merci, M. le Président. Alors, à ma droite, j'ai Mme Danielle Lamy, qui est la directrice adjointe au Syndicat canadien de la fonction publique; à ma gauche, M. Roland Côté, qui est le président du Syndicat des employé-e-s de l'Université du Québec à Montréal et, à côté, Mme Claudette Gariépy, qui est la responsable du comité de francisation au Syndicat des employé-e-s de l'Université de Montréal.
Alors donc, je commence la présentation. Alors, à la lecture du court mémoire que le Conseil provincial du secteur universitaire du Syndicat canadien de la fonction publique a déposé, il est clair que nous sommes grandement préoccupés par le phénomène d'anglicisation des universités francophones, et par conséquent ce mémoire est une sorte de cri d'alarme que nous lançons, puisque notre droit de travailler en français est de plus en plus brimé.
Permettez-nous de vous rappeler que nous représentons plus de 11 000 membres oeuvrant dans le milieu universitaire, et ces membres appartiennent aux groupes bureau, métier et services, technique, professionnel ainsi que des chargés de cours, plus de 700 chargés de cours, et ces personnes sont quotidiennement confrontées à cette situation où l'exigence de l'anglais menace leur droit de travailler en français, droit que nous avons cru protégé par la Charte de la langue française.
Mais quelle est la situation? Pour faire état de la situation, nous devons d'abord nous poser la question suivante: Que retrouvons-nous dans la Charte de la langue française qui protège notre droit de travailler en français? Il y a, bien sûr, les articles 41 à 50 qui sont réputés faire partie intégrante de la convention collective, mais je vais particulièrement m'attarder au chapitre VIII et aux articles 88.1... plutôt aux articles 88.1 à 88.3 qui obligent les universités à élaborer une politique relative à la qualité et à l'emploi du français, laquelle politique doit traiter de la langue d'enseignement, de la langue des communications, de la qualité du français et de la maîtrise par les étudiants, les professeurs et les membres du personnel, de la langue de travail, et enfin de la mise en oeuvre et du suivi de la politique.
Dans les faits, sur le terrain, qu'est-ce que ces politiques linguistiques signifient? Dans la majorité des universités, le personnel de soutien ou professionnel ne siègent pas au comité de la politique linguistique. Ils ne savent même pas, par ailleurs, qu'un tel comité existe. Bien sûr, si vous faites une recherche dans les différents sites Web des universités, vous retrouverez lesdites politiques linguistiques, mais aucune promotion des politiques n'est faite. La diffusion de la politique se résume à un document accessible sur le Web. Et ce n'est pas toujours évident d'avoir accès aux différentes politiques, et c'est parfois plutôt labyrinthique.
De plus, dans la majorité des universités, le comité de la politique linguistique, bien sûr, a été créé en 2002 pour élaborer la politique, mais par la suite il est devenu inactif. Et, lorsque des changements à la politique doivent être apportés, en général par l'ajout d'un nouveau règlement, le comité redevient actif le temps d'élaborer le nouveau règlement et de le faire approuver par les instances. Dans la majorité des universités, ce comité n'étudie aucune plainte, car les dossiers relatifs à la langue de travail qui concernent le personnel enseignant ou non enseignant se transforment rapidement en dossiers de grief. Et, lorsque des universités décident d'offrir des cours en anglais, non pas des cours de langue anglaise ou des cours de littérature anglaise, mais bel et bien des cours de droit ou de gestion en anglais sous prétexte d'attirer la clientèle internationale, alors que souvent la majorité des étudiants inscrits à ces cours sont francophones, vous comprendrez que les pressions exercées sur le personnel de bureau, technique et professionnel ainsi que les chargés de cours pour répondre à l'exigence de l'anglais sont multipliées de manière exponentielle.
Nous aimerions vous rappeler que ces universités sont subventionnées par l'État pour dispenser des cours en anglais, des cours de disciplines, j'entends, tandis qu'il est précisé dans la charte que les établissements universitaires doivent se doter d'une politique linguistique, à l'exception des établissements privés non agréés aux fins de subvention. Donc, les établissements privés ne bénéficiant pas de subvention ne sont pas contraints de se doter d'une politique linguistique, mais les établissements qui bénéficient de subventions et qui se sont dotés d'une politique qui protège le français peuvent, eux, offrir des cours en anglais de disciplines dûment subventionnés. Vous conviendrez avec nous qu'il y a là un paradoxe difficilement compréhensible.
De surcroît, nous aimerions rappeler encore que l'État oblige les entreprises comptant plus de 100 employés à implanter un comité de francisation ainsi qu'un programme de francisation pour avoir droit à certains types de subvention, alors que le ministère de l'Éducation laisse les universités offrir des programmes en anglais, de disciplines encore, et en plus les subventionne.
En fait, les politiques linguistiques ne garantissent pas à nos membres le droit de travailler en français, et ce ne sont pas les comités issus de ces politiques qui permettent aux représentants syndicaux de bien défendre les droits des personnes qu'ils représentent. Et nous ne croyons pas, en dépit des amendements qui sont apportés par ce projet de loi n° 103, amendements relatifs au fait qu'il faut diffuser la politique et qu'il faut transmettre cette politique, enfin un rapport triennal au ministère de l'Éducation sur l'état de la situation... nous ne croyons pas que ces amendements vont modifier la situation actuelle.
Pour nous, le ministère de l'Éducation ne s'est guère soucié de la situation linguistique des universités et plus particulièrement de la dégradation du français comme langue de travail, et c'est la raison pour laquelle nous demandons dans notre mémoire que l'Office québécois de la langue française, compte tenu de son expertise, soit le seul maître d'oeuvre en matière linguistique et qu'un comité de francisation ainsi qu'un programme de francisation, comme dans les entreprises, soient implantés, et c'est aussi la raison pour laquelle nous demandons qu'un syndicat puisse recourir au processus de médiation de l'Office québécois de la langue française.
Dressons à nouveau un portrait de la situation: les limites dans lesquelles nous sommes confinés font en sorte que les politiques linguistiques ne garantissent pas le droit de travailler en français, que les comités issus de ces politiques sont inopérants et qu'en plus nous n'avons pas le droit de défendre nos membres à l'office par le biais du processus de médiation qu'ils offrent.
Il ne nous reste plus qu'à conclure que les universités sont livrées à elles-mêmes, au bon vouloir de leurs administrateurs et que la Charte de la langue française ne constitue plus qu'un document de référence et, dans quelques années, ce ne sera plus qu'une anecdote.
Il importe de souligner aussi que, si ces politiques linguistiques ne garantissent pas le droit de travailler en français et qu'elles sont inopérantes, il en est de même avec l'article 88.2, en fait l'article qui vise la qualité du français et la maîtrise du français par les étudiants et le personnel enseignant. Nous vous invitons à visiter le site Web de la fédération des étudiants de l'Université de Montréal où nous retrouvons un formulaire de plainte relatif à la qualité de l'enseignement dispensé en français dans les cours. Dans la majorité des politiques, il est stipulé que les nouveaux professeurs qui ne possèdent pas la maîtrise voulue ont trois années pour acquérir la maîtrise du français. Si la fédération a pris soin de mettre un formulaire en ligne, il est évident que certains professeurs n'y arrivent pas.
Et il est bien connu dans le milieu universitaire que, lors du recrutement de nouveaux professeurs, les comités de sélection ont tendance à valoriser davantage la partie Expérience de recherche du C.V. du candidat que la maîtrise du français et, dans ces circonstances, la maîtrise du français est un peu accessoire ou secondaire. Mais, dans de nombreux cas, les professeurs sont laissés à eux-mêmes, car ils ne sont pas contraints de suivre des cours de français. En fait, ils apprennent sur le tas, comme on dit, et ils finissent par baragouiner le français.
Mais c'est un peu contradictoire, avouons-le, parce que les universités élaborent des règlements relatifs à la qualité et à la maîtrise du français pour les étudiants, qui touchent les étudiants, pendant qu'ils ont devant eux des professeurs qui sont non seulement incapables de les corriger, mais qui sont incapables de transmettre leurs connaissances dans un français acceptable. Et, ici, je veux être bien claire, nous ne mettons nullement en doute la compétence de ces professeurs -- professeurs ou chargés de cours, là. Ils sont livrés à eux-mêmes puisqu'en général aucun suivi n'est fait et que visiblement l'encadrement du département est plutôt déficient. Les politiques existent en fait sans qu'elles soient véritablement appliquées.
**(9 h 40)** Et je me permets un petit aparté parce que j'enseigne depuis de nombreuses années dans le milieu universitaire: ce manque de diligence dans l'application de la politique linguistique démontre bien le peu d'importance que l'on accorde à l'enseignement et l'importance démesurée que l'on accorde à la recherche.
Mais reposons-nous la question du début: Que retrouvons-nous dans la Charte de la langue française qui protège la langue de travail et même la langue d'enseignement? La réponse est simple: en fait, une politique qui, en apparence bien sûr, répond aux exigences de la charte mais qui, sur le terrain, est pratiquement inopérante.
Bien sûr, nous saluons les ajouts relatifs, dans le projet de loi, au fait que le français est un des éléments indissociables du rayonnement et de la culture québécoise, ainsi que l'ajout qui stipule que le français est la langue officielle du Québec et qu'il faut en assurer la pérennité. Évidemment, nous adhérons à ces principes. Et nous pensons que les universités francophones devraient avoir l'obligation non seulement légale, mais morale de promouvoir le français et de le mettre en application. Toutefois, nous croyons que la mise en application de ces principes serait davantage assurée si l'Office de la langue française était le seul maître d'oeuvre en matière linguistique.
J'ai affirmé, au début de ma présentation, que ce mémoire était une sorte de cri d'alarme, et là je veux me permettre de vous présenter le dossier dans une perspective un peu plus personnelle parce que j'ajouterais que c'est aussi un cri du coeur parce que j'enseigne le français à des étudiants étrangers depuis 27 ans maintenant. Je suis chargée de cours à l'Université du Québec à Trois-Rivières. Pendant toutes ces années, j'ai fait la promotion du français auprès de centaines et de centaines d'étudiants pour qu'ils prennent conscience non seulement de la richesse de notre langue, mais de la richesse de notre culture. Je les ai convaincus d'apprendre le français non seulement par utilité parce que, bien sûr, nous savons tous que la maîtrise du français ouvre souvent les portes du marché du travail, bien sûr, mais je les ai convaincus de l'apprendre aussi par enrichissement personnel. Et fascinés par cette ouverture sur le monde que leur procure la maîtrise du français, par la suite ils reviennent chez eux, dans leurs pays ou dans leurs provinces, et ils font la promotion du français. Et, dans la majorité des cas, je l'avoue sans prétention, j'ai réussi.
Mais, pendant que moi -- et des centaines d'autres personnes -- je m'investis dans la promotion et le rayonnement du français dans le monde, les universités offrent des cours en anglais à ces mêmes étudiants que, moi, je m'efforce de convaincre, pour augmenter, disent-ils, les effectifs étudiants provenant de l'international. Mais en fait, on le sait tous, c'est pour augmenter les effectifs étudiants, tout simplement, car nous savons que le financement des universités est étroitement relié au nombre d'inscriptions.
D'une part, le fait d'offrir des cours en anglais à des étudiants internationaux va à l'encontre de tout le travail accompli par les écoles de langue existantes dans la majorité des universités francophones. Mais là je suis terriblement polie parce que ce n'est pas qu'il va à l'encontre, en fait il bousille tout le travail des écoles de langue qui est fait depuis de nombreuses années, dans la majorité des cas une bonne trentaine d'années. Et, d'autre part, le fait d'offrir ces cours à des étudiants francophones, des cours de disciplines, ne participe pas à la promotion du français et n'assure assurément pas la pérennité du français. Alors, si je regarde la situation et que je la compare à un paysage, le seul mot qui me vient à l'esprit ou enfin le premier mot qui me vient à l'esprit est le mot «désolation». Merci beaucoup.
Le Président (M. Marsan): Oui, merci, Mme Carole Neill, présidente du Conseil provincial du secteur universitaire du Syndicat canadien de la fonction publique. Nous allons immédiatement commencer, débuter notre période d'échange. Et je vais céder la parole à Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. Mme la ministre.
Mme St-Pierre: Alors, Mme Neill, merci beaucoup pour cette présentation qui est très percutante parce que... cet exposé qui est percutant parce que, lorsque nous avons commencé à étudier la question de ce projet de loi, je me suis dit: Oui, il faut traiter des écoles, des écoles passerelles puis toute cette question-là, mais je me suis dit: Puisque nous ouvrons la Charte de la langue française, pourquoi ne pas avoir une vision plus large? Pourquoi ne pas regarder les éléments dans cette charte qui pourraient être modifiés pour encore faire en sorte qu'on puisse améliorer la situation du français au Québec?
Alors, ce changement que nous apportons dans le projet de loi n° 103, je comprends qu'il ne va pas aussi loin que vous le souhaitiez, mais, moi, je suis très contente de vous entendre ce matin parce que vous parlez d'un cri du coeur. Puis je vais beaucoup sur le terrain dans mes fonctions, et ce que vous me dites, je l'ai entendu, et c'est parce que je l'ai entendu en ayant été sur le terrain que je me suis dit: Il faut que, puisque nous sommes dans une démarche d'ouvrir la Charte de la langue française... Hier, on parlait de mes modifications, de nos modifications comme étant des petits bonbons pour faire avaler l'autre pilule; ce n'est pas ça, l'esprit. L'esprit, c'est de dire: Nous sommes dans une situation où nous devons, puisque la Cour suprême nous a dit de le faire, ouvrir la Charte de la langue française, donc regardons si nous pouvons avoir une vision puis essayer de solidifier, de faire en sorte que le français s'améliore et de faire en sorte qu'on protège mieux le français.
Et je pense que, dans les milieux universitaires, c'est un endroit où on doit vraiment porter une attention tout à fait particulière. On doit se dire: Les universités ont une tâche, puisque vous exprimez... le fait que vous parlez à vos étudiants de la passion d'apprendre le français, de bien l'apprendre, de saisir ce que ça veut dire, la lecture, et d'être curieux par rapport à la langue française, je pense que vous l'exprimez très bien.
Donc, cette situation sur les campus universitaires est vraiment quelque chose qui me préoccupe, et c'est pour cette raison que je me suis dit, quand je regardais, puis on a analysé la situation, je me suis dit: En 2002, le gouvernement Landry demande aux universités de se doter d'une politique de la langue, puis là, moi, je me dis: Mais pourquoi on demande aux universités de se doter d'une politique mais qu'on ne demande pas aux universités de rendre des comptes? C'est comme laisser... Bon. Vous vous dotez d'une politique, personne ne vérifie s'ils le font, puis on ne demande pas de rendre des comptes. Alors, je me suis dit: On va mettre un mécanisme en place pour qu'à certaines périodes les universités et les collèges devront rendre des comptes sur leurs politiques linguistiques. Je pense que, là, on se retrouvait dans une situation où les universités seraient comme tenues de dire: Voici ce qu'on fait, voici comment on améliore la situation du français, voici les gestes que nous posons.
Alors, merci pour ce que vous êtes venus nous dire ce matin parce que vous venez comme, en fait, nous dire ce que vous... cette ouverture-là que vous faites dans la charte, votre préoccupation par rapport aux universités, vous venez de me dire que j'avais raison ou qu'on avait raison, nous, de notre côté, de dire: Bon, bien, essayons de voir si on peut faire quelque chose de ce côté-là.
Ceci étant dit, j'aimerais vous entendre élaborer davantage sur les propositions que vous faites. Dans ce qu'on propose, nous, c'est de dire: Bon, les universités, les collèges vont devoir dire, parler de leurs politiques linguistiques; vous nous dites, là, évidemment que ce n'est pas suffisant. Ces comités de langue française que vous proposez, en fait c'est le comité de francisation, c'est la même chose que ce qu'on retrouve dans les entreprises?
Mme Neill (Carole): Dans les entreprises, bien sûr, oui.
Mme St-Pierre: Mais j'ai compris qu'il y en avait un, comité de francisation. Non?
Mme Neill (Carole): Bien, on l'appelle comme ça, comité de francisation, pour simplifier, mais ce n'est pas le comité de francisation comme il est prévu dans les entreprises.
Mme St-Pierre: O.K.
Mme Neill (Carole): Il n'a pas le même... C'est-à-dire, il n'y a pas la même analyse qui est faite et ce n'est pas le même bilan. Mais là je veux peut-être laisser la parole à Mme Gariépy qui connaît un peu mieux le dossier.
Mme St-Pierre: Mais, en fait, une sous-question aussi: Comment se fait-il que les universités francophones ne soient pas plus préoccupées dans la recherche de profs, d'enseignants? Parce qu'il y en a quand même, des enseignants dans la francophonie qui ont des doctorats puis qui ont des diplômes, qui pourraient venir enseigner ici. Vous dites: On regarde plus le C.V., mais il y en a quand même, des docteurs, des gens qui ont des... détenteurs de doctorat puis qui sont francophones; la francophonie, c'est large, là.
Mme Neill (Carole): Bon. Oui, tout à fait, mais...
Mme St-Pierre: Est-ce que c'est parce qu'on ne fait pas suffisamment de recrutement?
**(9 h 50)**Mme Neill (Carole): ...le problème étant que les universités, il y a un réel... Là, je ne veux pas déborder, mais il y a un réel problème de financement dans les universités. Et les universités sont en... il y a une féroce compétition entre les universités. Ce n'est pas une saine compétition, c'est une féroce compétition entre les universités parce que leur financement est relié au nombre d'inscriptions équivalents à temps plein ou temps complet, peu importe comment on le dit, ce qui fait en sorte que, sur le plan international aussi, ils se concurrencent. Et c'est, en fait, toute la recherche qui fait beaucoup la réputation d'une université, c'est le secteur de la recherche. Malheureusement, c'est une tangente qui est prise depuis au moins 20 ans, c'est véritablement la recherche.
Et, quand on a des candidats -- parce que, moi, je l'ai vu régulièrement et en particulier à l'Université de Montréal parce que j'ai fait mon doctorat là -- quand on a plusieurs candidats dans les comités de sélection mais qu'on a, pardonnez-moi l'expression, la star dans le domaine qui va aller nous chercher des subventions, qui va aller nous chercher une chaire de recherche... Bon, il baragouine un peu le français, ça, c'est mieux, mais... Il n'est pas très bon en français, mais on va finalement le recruter et l'engager en espérant que, dans les trois ans, il va finir par bien parler le français parce que son C.V. de recherche, sa partie recherche est extrêmement importante, et elle va participer à la réputation de l'université. Et donc, ça, c'est un engrenage. Et cette réputation-là va faire en sorte... En plus, on compte sur le fait que l'engagement de ce professeur-là va faire en sorte que ça va multiplier la venue d'étudiants au deuxième et au troisième cycles, et donc tout le monde sait que les étudiants au deuxième sont plus payants, etc.
Mme St-Pierre: Est-ce qu'en 2002 vous aviez fait ce genre de commentaire à la commission parlementaire? Parce que c'est en 2002, là, qu'on a décidé de faire en sorte que les universités devaient se doter d'une politique.
Mme Neill (Carole): Malheureusement, en 2002, je n'étais pas au Conseil provincial du secteur universitaire.
Mme St-Pierre: Mais, à votre connaissance, est-ce qu'on avait fait des commentaires?
Mme Neill (Carole): Non, je ne crois pas que... Oui?
Mme St-Pierre: Oui?
Mme Gariépy (Claudette): Dans le rapport de...
Le Président (M. Marsan): Mme Gariépy.
Mme Gariépy (Claudette): Excusez-moi. Dans le rapport qui a été déposé... Dans le mémoire de la FTQ, déposé en 2002 lors des états généraux, on faisait une grande mention de l'Université de Montréal, et déjà là il y avait un processus d'anglicisation où on parlait un peu des raisons, que ce soit le corps professoral, où on essayait d'expliquer pourquoi les outils de travail des employés de soutien, professionnels et... Donc, on en parlait largement.
Mme St-Pierre: Est-ce qu'à la commission parlementaire qui étudiait le projet de loi n° 104, à votre connaissance, il y avait eu des démarches qui avaient été faites auprès de la ministre, Mme Diane Lemieux, de l'époque? Et, à cette époque-là, si je ne m'abuse, c'était peut-être M. Simard qui était ministre de l'Éducation?
Mme Gariépy (Claudette): Je ne sais pas. Je ne sais pas, mais je sais que, dans le mémoire de la FTQ, ils avaient fait un grand état de la situation d'anglicisation des universités, et ça n'a pas changé, le processus a continué.
Mme St-Pierre: Mais êtes-vous d'accord avec moi que c'est parce qu'on ne demandait pas... on amène un changement à la loi qui est: Dotez-vous d'une politique, mais on ne leur demande... on ne les oblige pas à rendre des comptes?
Mme Gariépy (Claudette): Bien, ce n'est pas juste de rendre des comptes, il faut aller beaucoup plus loin. Les politiques linguistiques n'ont pas du tout fait leur travail sur le processus d'anglicisation de tous les acteurs à l'Université de Montréal, et on est exclus encore de l'administration.
Et les universités, on pensait que, comme grandes institutions d'enseignement du savoir, elles allaient montrer l'exemple, on est bien loin de ça. On disait... on tenait encore ce discours-là en 2002, ce n'est beaucoup... pas ça aujourd'hui.
C'est un échec total des politiques linguistiques sous toutes ses formes. Donc, même si on ajoute un peu dans le projet de loi ici des mécanismes pour rendre des comptes, on est bien loin de ça. On ne bénéficie pas de l'expertise de l'office. Nous sommes, nous, les employés dans le milieu universitaire, des exclus. On ne peut pas utiliser l'expertise de l'office. On s'est vus, à l'Université de Montréal, faire refuser deux demandes de médiation parce qu'il faut une présumée victime. Donc, comment un syndicat ne peut pas représenter ses membres? Alors, on est absolument exclus.
Il faut absolument que les universités, avant de... d'abord, quand elles ont élaboré leurs politiques, n'ont pas fait d'analyse linguistique, comme le demandent les entreprises, avant de mettre sur pied un programme de francisation. Les syndiqués, tous les employés, les acteurs de l'université sont exclus de l'élaboration de ces politiques-là. C'est un échec total. C'est pour ça qu'on parle d'un cri du coeur: les politiques linguistiques, ça ne fonctionne pas. Il faut absolument aller... Il faut que l'office rentre dans le décor, puis il faut utiliser... on puisse utiliser... Nous sommes les exclus; on dirait que la charte ne s'applique pas pour nous, les employés des secteurs universitaires.
Mme St-Pierre: O.K. C'est clair que c'est une bonne chose que vous soyez là ce matin puis que vous nous arriviez avec certaines recommandations qu'on va analyser avec vraiment beaucoup de sérieux, parce que c'est le but d'une commission parlementaire, d'ailleurs, de plutôt parler en commission parlementaire de ces problématiques-là et de voir à quel point vous avez préparé un mémoire puis vous êtes sérieux dans votre démarche.
J'ai un ancien recteur d'université ici, de l'Université Laval, qui brûle de vous poser des questions, le député de Charlesbourg, maintenant.
Mme Neill (Carole): Si vous me permettez, j'ajouterais juste un petit quelque chose: c'est-à-dire que je ne sais pas, en 2002, je n'étais pas dans le dossier en 2002, mais peut-être qu'en 2002 on n'a pas vu la nécessité d'inclure, on s'est dit: Les universités francophones, c'est l'exemple même, c'est le niveau d'enseignement supérieur...
Mme St-Pierre: ...dire que, selon mes informations, il y a eu une bataille entre deux ministres, je peux vous dire ça.
Mme Neill (Carole): Oui. Et peut-être qu'on n'a pas vu la nécessité. Et donc, moi, je n'en vois pas, et je ne veux pas poser de jugement là-dessus. Sauf que, nous, on constate aujourd'hui que c'est nettement inopérant et nettement insuffisant; ça, le constat, aujourd'hui, on en est certains et on peut le faire.
Le Président (M. Marsan): Alors, M. le député de Charlesbourg, la parole est à vous.
M. Pigeon: Merci, M. le Président. Alors, bonjour à tout le monde, à toutes les personnes qui sont là ce matin, Mme la ministre, tous les collègues de l'Assemblée.
Mme la ministre y a fait allusion, j'ai une carrière en arrière de moi à l'université pendant 36 ans, alors d'enseignant, de chercheur et aussi d'administrateur universitaire. Et j'étais recteur de l'Université Laval au moment où on a voté la politique linguistique, alors je peux en parler brièvement: on a bien reçu le message, me semble-t-il, il y a eu toutes sortes de discussions, je n'entrerai pas dans les détails. Et mon souvenir est que la politique a été votée sans grande opposition, donc ça s'est plutôt bien passé.
Ce que vous venez nous dire, c'est qu'il y a des zones où, semble-t-il, on aurait besoin de resserrer les boulons. Et l'exercice qui est proposé, là, dans la loi, c'est qu'au moins les universités soient obligées de faire rapport sur l'implantation de la politique. Je me permets de dire qu'en tant que membre de la commission ici, je viens d'assister à un exercice de reddition de comptes des universités, puisqu'on a rencontré les 18 institutions universitaires, chacune pendant trois heures d'ailleurs, ce qui a vraiment permis d'échanger et de comprendre, là, comment les universités fonctionnaient. Et je peux vous dire ceci: C'est clair que, s'il y avait eu sur la table, par exemple, toute cette question du français, on aurait pu questionner, etc. Donc, l'idée que la loi demande de rendre des comptes m'apparaît, là, une idée, je dirais, intéressante parce que c'est clair que le français... vous avez soulevé la question du français, je dirais, qui est un peu la lingua franca de la recherche scientifique, je pense que, ça, on n'arrêtera pas ça, mais il y a quand même... il y a du travail qu'on peut faire pour aider le français.
Puis je me permets de dire qu'en l'an 2000 -- vous savez que ma spécialité, c'est le béton -- j'ai fondé avec plusieurs universités francophones de Suisse, de France, de Belgique et du Canada un regroupement francophone pour la recherche et la formation sur le béton. Ce regroupement-là existe toujours, se réunit à chaque année, et les journées scientifiques font en sorte qu'on fait de la science en français, donc il y a possibilité de le faire. Et je pense que, si les universités avaient cette obligation de rendre des comptes, ce petit exemple que je vous cite... Parce que, moi, le français, ça me tient à coeur, j'ai posé des gestes, ce qui ne veut pas dire que je n'ai pas écrit en anglais comme beaucoup de chercheurs dans mon domaine. La plus grande association dans le domaine du béton, vous ne serez pas surpris, s'appelle l'American Concrete Institute, hein? Bon. Mais, ceci étant dit, oui, on peut faire de la science en français.
Mais la situation que vous décrivez, je nuancerais quand même. En tout cas, à l'Université Laval -- je ne voudrais pas parler de toutes les universités que je connais évidemment moins bien, mais à l'Université Laval -- il m'apparaît quand même que, dans l'ensemble, l'embauche des profs, les cours qui sont donnés, les très rares cours en anglais, je ne vois pas la situation comme étant si critique. Mais, par ailleurs, je serais tout à fait d'accord que les universités doivent rendre des comptes.
Et vous proposez d'implanter un comité de francisation, moi, je voudrais que vous élaboriez un peu plus là-dessus parce que, moi, il m'apparaît qu'on n'a pas à franciser l'Université Laval: c'est une université francophone, profondément francophone, extrêmement attachée aux valeurs francophones. Et, moi, je croirais que l'obligation de rendre des comptes, là, nous donnerait déjà, d'ici trois ans... parce que les universités vont revenir devant la commission dans trois ans, moi, je pense que ça serait intéressant.
Puis un dernier élément sur lequel je voudrais, là, ajouter une petite note: vous avez parlé de l'importance démesurée accordée à la recherche, je peux vous dire qu'après avoir discuté avec tous les recteurs, avec la carrière que j'ai, ce n'est pas l'importance démesurée accordée à la recherche qui est la clé de la chose, ce qui est important, c'est que l'université soit tournée aussi fortement vers l'enseignement qu'elle l'est vers la recherche.
Et, à chaque université qui s'est présentée devant la commission, j'ai posé la question... Il y a eu un sondage qui a été fait sur la base d'un sondage américain sur la qualité du lien prof-étudiant à l'université. À chaque université, j'ai posé la question, et, de plus en plus, les universités reconnaissent que, oui, la recherche, c'est important, mais c'est la formation par la recherche, d'une part, puis ensuite c'est la formation tout court, et je pense que les universités sont plus sensibles à ça que vous semblez le croire. Mais, bon, je vais vous laisser parler du comité de francisation versus, là, ce que j'appellerais, moi, une saine reddition de comptes.
**(10 heures)**Mme Neill (Carole): Écoutez, c'est parce que...
Le Président (M. Marsan): Mme Neill.
Mme Neill (Carole): Oui, excusez-moi. Il ne faut pas prendre le terme... Évidemment, le «comité de francisation», c'est le terme qu'on utilise dans la charte pour les entreprises, bon, et c'est un terme où... Dans la majorité des cas, ce sont des entreprises où, bien, on n'utilise pas le français dans le milieu de travail, et il faut effectivement créer un comité de francisation. Mais là on a pris cet exemple-là parce qu'on sait bien que ce n'est pas le cas dans les universités, là. On ne compare pas du tout les universités à des entreprises de vêtements où il y a à peu près 14 langues qui sont parlées en même temps, là, ce n'est pas du tout le cas. C'est juste qu'un comité de francisation... On a repris le terme, le «comité de francisation», parce qu'il est déjà connu. Il ne faut pas le prendre à la lettre, parce qu'en général, dans un comité de francisation et un programme de francisation, il y a une analyse détaillée de la situation qui est faite, il y a des bilans qui sont faits de manière régulière, et donc ça, ça fait en sorte que ce n'est pas juste une politique qui a une place sur un beau site Web, mais qui n'est pas mise en application en réalité, et c'est pour ça qu'on a pris le terme «comité de francisation».
Et je me permets, dans votre propos, d'utiliser encore le terme «démesuré», «une importance démesurée». Je le soutiens, je le maintiens, et je persiste, et je signe, mais c'est parce que ce n'est pas... Tout simplement, ce que je voulais dire, c'est qu'il y a un déséquilibre. Et je dois admettre que, depuis -- à tout le moins, je suis certaine, à l'Université du Québec à Trois-Rivières -- deux, trois ans, il y a un mouvement de bascule qui se fait, et là on commence à se dire que cette importance démesurée qui a été accordée à la recherche finalement fait mal à la formation; on est en train de valoriser la formation. Bon. Il y a un petit mouvement qui se fait, une prise de conscience qui s'est faite. Mais je l'ai bien vécue, parce qu'à titre de chargée de cours mon mandat, c'est celui d'enseigner, et j'ai souvent vécu une dévalorisation dans les universités parce que mon mandat était d'enseigner. Alors, je n'ai pas 36 ans, j'ai 27 ans de carrière, mais je sais quand même de quoi je parle. Donc, pour moi, ça demeure quand même important.
Et, bien sûr, on ne dit pas que la reddition de comptes que vous proposez comme modification est nulle et non avenue, et tout ça. Nous, elle est insuffisante, et comprenez notre scepticisme, parce que, oui, l'université serait obligée de rendre des comptes, mais est-ce que le suivi serait fait au ministère de l'Éducation? Parce que, nous, ce qu'on constate, c'est que les politiques sont inopérantes et que le ministère de l'Éducation ne fait aucun suivi.
Le Président (M. Marsan): Oui. Merci. Je vais laisser la parole à Mme la ministre.
Mme Neill (Carole): Oui, excusez-moi. Je m'emballe.
Mme St-Pierre: Oui, j'aimerais vous entendre pendant plusieurs, plusieurs minutes encore, mais juste une petite question en terminant, avant de passer la parole à mes collègues. Vous avez mentionné rapidement l'idée d'ouvrir la Charte des droits et libertés. Dans le projet de loi, on parle d'ouvrir la Charte des droits et libertés, d'y vraiment inclure noir sur blanc la langue française comme langue officielle et de faire en sorte qu'on vient vraiment envoyer le message, là, fort et puissant. Est-ce que vous êtes satisfaits de cette mesure-là, satisfaites?
Mme Neill (Carole): Bien sûr, et on salue le fait qu'on enchâsse, n'est-ce pas, le fait que la langue soit officielle et qu'on doit participer à sa... assurer sa pérennité. C'est de la douce musique à notre oreille, là, ça.
Mme St-Pierre: Parfait. Alors, bien, écoutez, moi, je suis très, très contente. Merci d'être venus ce matin, d'avoir pris la peine de rédiger ce document, puis nous allons vraiment l'étudier avec beaucoup, beaucoup d'intérêt. Merci beaucoup.
Le Président (M. Marsan): Merci, Mme la ministre. Nous poursuivons nos échanges, et je vais céder la parole au député de Borduas, porte-parole de l'opposition officielle en matière de langue. M. le député.
M. Curzi: Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames, bonjour, monsieur. Heureux aussi de votre présence et de votre cri d'alarme et qui est un cri du coeur. Et, en fait, ce que vous dites est assez grave. Vous dites: Il y a des politiques, ces politiques-là ne sont nullement mises en oeuvre. Et vous dites plus, vous dites: Actuellement, on n'a aucune présence; il faudrait qu'il y ait des comités de francisation. Et je comprends que les comités de francisation assurent qu'il y a un partenariat; plus qu'un partenariat, il y a une représentation égale, disons, des syndiqués. Donc, vous réclamez en quelque sorte avoir un mot à dire dans la francisation des universités et vous dites plus, parce qu'indirectement vous critiquez assez sérieusement le ministère de l'Éducation en disant: Il ne s'en préoccupe pas, et ce que vous réclamez, c'est qu'il y ait un organisme, qui serait logiquement l'Office québécois de la langue française, auquel vous seriez redevables et qui pourrait intervenir dans le sens de la médiation de telle sorte que les syndicats puissent jouer leur rôle de défense des intérêts de leurs membres. C'est ça, fondamentalement, que vous dites.
Et, en ce sens-là -- et c'est moi qui ai utilisé le terme d'«enrobage», parce que l'objet de la loi n° 103, c'est fondamentalement répondre au jugement de la Cour suprême sur les écoles passerelles, on est d'accord -- il y a plusieurs mesures, et, dans ces mesures-là, il y a de... Vous savez, tu sais, la vertu peut être une courte vertu ou une véritable vertu. Il y a des articles vertueux là-dedans. 88.4: un établissement doit diffuser sa politique, procéder, rendre des comptes. Mais ce que vous dites actuellement quand vous utilisez le terme «cri d'alarme», c'est que ça vous semble nettement insuffisant. Et, si vous aviez à réouvrir la Charte de la langue française comme on s'apprête à le faire, ce que vous dites, c'est: Puisque vous la réouvrez, allez donc vraiment à la racine du problème et mettez en oeuvre des mécanismes qui vont vraiment faire que la francisation, ça va être une réalité à l'intérieur des universités. C'est ça?
Mme Neill (Carole): Exact.
M. Curzi: Je vous résume correctement?
Mme Neill (Carole): Parfaitement, même.
M. Curzi: Bon. Alors, écoutez... Oui, allez-y.
Mme Gariépy (Claudette): Vous...
Le Président (M. Marsan): Mme Gariépy.
Mme Gariépy (Claudette): Excusez-moi.
Le Président (M. Marsan): C'est correct.
Mme Gariépy (Claudette): Vous faites une mention de diffuser. Écoutez, les universités ont eu neuf ans pour diffuser leur politique, neuf ans pour la rendre accessible. À l'université, il n'y a personne, quasiment, qui sait qu'il existe une politique linguistique, et même dans le secteur universitaire. Je siège actuellement sur le comité qui doit veiller à l'application de la politique linguistique. Ce n'est que tout récemment, au bout de huit ans, qu'on invite les représentants des employés de soutien à venir faire partie de l'application de la politique linguistique. Plus honteux que ça, je ne sais pas comment le qualifier.
Alors, qu'on rajoute 88.4... Si, après neuf ans, on n'a pas compris qu'il fallait mettre en place des mécanismes, des formulaires en ligne, comme les étudiants actuellement de l'Université de Montréal ont fait, pour forcer... -- depuis seulement quelques mois, là, on ne parle pas d'années, là, qu'ils ont enfin un formulaire en ligne pour les étudiants, ça n'existe pas pour la communauté universitaire -- pour qu'on puisse porter plainte si un aspect de l'application de la politique linguistique n'est pas respecté, alors, 88.4, qu'est-ce que ça va tant changer au bout de neuf ans? Alors, c'est pour ça, notre cri d'alarme. Il faut que ce soit un comité pour que les travailleurs, les personnes syndiquées, tous les acteurs puissent faire partie, qu'il y ait une analyse linguistique.
Je me permets une démarche, une réflexion. Si les universités étaient traitées comme les entreprises et qu'elles devaient faire un programme de francisation dans leur boîte, elles n'obtiendraient pas, à l'heure où on se parle, leur certificat de francisation, et ce, après neuf ans, même si elles avaient comme outils des politiques linguistiques. Il faut faire partie de l'Administration. Il faut que l'office nous aide, il faut qu'il soit là. C'est eux, les experts de la langue, ce n'est pas le ministère de l'Éducation.
M. Curzi: J'ai plusieurs questions. La première, c'est: Vous savez que les comités de francisation existent dans les grandes entreprises. On va recevoir la FTQ tantôt. Tout le monde est très conscient qu'il y en a 600, je pense, qui relèvent de la FTQ, et même la FTQ, après des conversations avec leurs dirigeants, se questionne sur l'activité de ces comités de francisation. Donc, un comité de francisation -- et j'entends bien votre détermination -- il n'empêche que c'est un outil qui doit être mis en oeuvre et qui doit aussi être actif.
Première question, c'est: Quelle est votre opinion de ce qui existe déjà et quelles garanties avez-vous qu'avec la création d'un comité de francisation vous aurez vraiment plus de moyens? Première question.
Deuxième question... Bien, je les poserai dans l'ordre, peut-être, oui.
Mme Neill (Carole): ...une à la fois?
M. Curzi: Oui, c'est ça. J'en ai deux autres au moins.
**(10 h 10)**Mme Neill (Carole): Écoutez, c'est parce que, pour nous, on l'a appelé «comité de francisation» parce que le terme était déjà existant, donc on pouvait faire référence déjà à cet outil-là.
Nous, ce qu'on veut, c'est des comités qui soient vraiment efficaces, tout simplement, et qui changent la réalité sur le terrain, et qui permettent aux gens que nous représentons de travailler en français. Donc, nous avons fait... Et, pour nous, l'office de la langue, compte tenu de son expertise, était l'organisme le plus approprié, avec un comité qui fait une analyse exhaustive de la situation... Parce que, pour l'instant, là, dans les comités issus des politiques, là, il n'y a pas d'analyse, et encore moins exhaustive, là. Donc, qu'il fasse vraiment une analyse, qu'il fasse un bilan détaillé et qu'il puisse apporter, ce comité, des correctifs pour qu'on puisse assurer quand même la promotion du français. Parce que, si on ne peut pas assurer la promotion du français dans les universités, qui est vraiment le dernier lieu du savoir, le plus haut lieu, je ne vois pas trop, trop comment on pourrait l'assurer.
Alors, comment on peut convaincre les entreprises de créer et d'implanter des comités de francisation aussi... Évidemment, ils ne sont pas l'idéal, et la FTQ va venir vous en parler, les représentants vont venir vous en parler. Mais comment on peut les convaincre de créer des comités de francisation quand les universités, elles, ont des politiques totalement inapplicables et totalement inopérantes? J'ai un peu de difficulté avec ça. Donc, nous, on veut, en fait, quelque chose qui soit vrai, qui soit réel, opérable et qu'on puisse bien représenter les gens que nous représentons.
M. Curzi: Bien, vous voulez une analyse, vous voulez un comité de francisation qui a des vrais pouvoirs...
Mme Neill (Carole): Exactement.
M. Curzi: ...vous voulez donc avoir des moyens d'agir, et vous souhaiteriez que ça relève de l'office québécois plutôt que du ministère.
On reviendra peut-être sur ce que vous avez dit sur une sorte de dérive, finalement, qui est une dérive économique du milieu universitaire, mais j'ai deux questions qui sont liées plus au projet de loi.
Et, vous, le milieu universitaire, évidemment, vous avez vu qu'il y a une étude qui vient d'être publiée sur le comportement linguistique et la question des cégeps. Évidemment, j'imagine que ça vous interpelle. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus. Et aussi, dans la... Je poserai ma troisième question après. Je voudrais savoir quelle est votre opinion sur ce qui se passe au niveau des collèges actuellement au niveau linguistique.
Mme Neill (Carole): O.K. Là, je vais vous donner mon opinion personnelle, parce que ça ne concerne pas notre mémoire. Mais il est vrai que l'étude démontre que, quand des allophones ou des francophones font leur cégep en anglais, ils ont tendance par la suite à utiliser l'anglais comme langue un peu plus régulièrement. Ce n'est pas une étude, moi, qui m'étonne, parce que je connais beaucoup de francophones, de jeunes francophones, qui font leurs études, le cégep, en anglais et par la suite l'université en anglais.
Ce que, moi, j'ai constaté par rapport aux gens que je connais, c'est que, quand ils font leurs études en anglais à l'université après avoir passé le cégep francophone, c'est moins vrai, cette utilisation systématique de l'anglais par après pour les francophones. Pour les allophones -- parce que c'est un milieu que je connais bien, vu que je leur enseigne depuis des années -- pour eux, en général, les étudiants étrangers, ils sont au Canada, donc, en étant au Canada, même s'ils savent pertinemment que le français est la langue officielle, ils sont au Canada, donc c'est vrai qu'après ça ils ont beaucoup de mobilité interprovinciale, et l'anglais leur permet d'avoir un peu plus de mobilité entre les provinces, et ça ne m'apparaît pas le moyen idéal. Mais ça, c'est vraiment mon opinion personnelle.
Mme Gariépy (Claudette): ...
M. Curzi: Oui.
Mme Gariépy (Claudette): Il est de notoriété de constater que les étudiants qui passent par le cégep et les universités, qui ont leur profession, leur future profession, leur formation en anglais, arrivent sur le marché du travail, ils utilisent les termes et ils travaillent en anglais dans leur tête, dans leur façon de faire.
Les 600 comités de francisation qui défendent le droit de travailler en français... Imaginez la contradiction. Vous allez dire que l'Université de Montréal, ils enseignent en français. Au bac, actuellement, il y a des professeurs... On a dit comment on est très ouverts... l'exigence de... Avant qu'un professeur devienne... il y a plusieurs... trois ans comme chargé de cours, etc., différents niveaux pour qu'on l'exige vraiment. Si on a un bon professeur, on va attendre cinq ans avant qu'on lui offre un cours de langue s'il baragouine. On embauche à peu près une cinquantaine de professeurs par année et on ne s'enfarge pas dans les fleurs du tapis pour l'exigence de la langue. Alors, les étudiants... Et on ne parle pas de cycles supérieurs encore, même si la langue d'enseignement doit être, même aux cycles supérieurs, en français selon la politique linguistique.
Au niveau du bac, des professeurs enseignent en... baragouinent l'anglais, les étudiants sont de première année, deuxième année du bac. Leurs livres sont de plus en plus... on dirait sans se tromper plus de la moitié en anglais. Les professeurs n'ont pas le temps de s'occuper s'il y a une version française équivalente de qualité.
Alors, on peut se dire sans se tromper que les étudiants dans différents, plus ou moins, programmes sont formés... La tangente avec de l'anglais est omniprésente. Alors, ça vient confirmer ce qui est connu déjà, c'est que les étudiants qui ont une formation le plus près de l'anglais, soit au cégep ou à l'université, arrivent sur le marché du travail et pensent et fonctionnent en anglais.
Alors, nous, les employés qui sont là, qui travaillons pour que le français... on est comme des diables pour que le droit de travailler en français au Québec en dépit de toutes ces contraintes puisse survivre, ça vient annuler tout le travail qu'on fait. On repart à zéro. C'est comme si on ne nous entend pas, c'est comme si la charte ne s'applique pas pour nous. On est dans le néant, le travail s'annule. Et on voit le processus d'anglicisation un peu partout au sein de l'université s'installer dans les universités parce qu'on n'exige pas le français suffisant aux professeurs. On veut faire appel aux étudiants étrangers: le ministère dit 10 %, l'Université de Montréal va en demander 15 %.
Alors, tout ça, les employés sont appelés... Tous les personnels qui donnent des services aux chercheurs, aux professeurs, aux étudiants sont indéniablement dans le processus d'anglicisation, qui continue et qui continue d'augmenter à l'heure où on se parle. Et c'est pour ça, notre cri d'alarme.
Mme Neill (Carole): Écoutez, je vais quand même apporter les précisions qui s'imposent. Mme Gariépy est très emportée parce qu'à l'Université de Montréal c'est un cas vraiment très, très particulier. Je dois être honnête, ce phénomène d'anglicisation dans le recrutement des professeurs, etc., n'est pas aussi déterminant dans d'autres universités, en particulier en région, que dans la région de Montréal, on doit s'entendre. Par contre, quand des universités comme l'UQAM offrent en gestion des cours en anglais, les mêmes cours mais en anglais, et que l'Université Laval fait la même chose depuis l'année dernière, ça, ça nous interpelle beaucoup parce que ça, ça bousille effectivement le travail que bien des gens consacrent à l'enseignement du français aux étudiants étrangers. Pour nous, c'est deux dossiers différents, mais... pas deux dossiers différents, mais deux analyses différentes. Mais c'est vrai que l'Université de Montréal, quant au phénomène d'anglicisation, c'est beaucoup plus déterminant que d'autres universités.
M. Curzi: Dans le fond, on en revient toujours à la même... C'est sûr que tout ce qui est hors de la grande région de Montréal subit moins d'influence de l'anglicisation. Mais ce que vous dites, c'est aussi dans le gros bon sens. Vos comités de francisation auraient pour but de revoir à la fois la formation des professeurs -- ça, je comprends -- ensuite revoir l'accès aux livres et aux logiciels, donc faire un gros travail, rétablir une francisation dans les rapports, et forcément avec une influence sur les employés, donc diminuer l'exigence de connaissance de l'anglais pour travailler et donc modifier l'ensemble du caractère francophone, qui est en train de s'angliciser, dans les universités.
En ce sens-là -- et c'est pour ça que je vous posais la question sur les cégeps -- on voit bien qu'il y a un lien direct entre les deux, et ça m'amène à la troisième question. Quand on parle de la loi n° 103 actuellement, ce dont il est question, c'est: Est-ce qu'on devrait... Dans le fond, est-ce que... Contraints par le jugement de la Cour suprême de revoir le consensus qu'on avait, la discussion, c'est: Est-ce qu'on devrait -- et c'est la position de la loi n° 103 -- permettre, avec un parcours scolaire authentique et tout ce que ça implique, l'accès à l'école privée non subventionnée pour avoir accès à l'école publique ou pas? Et, bon, puisque c'est l'objet de notre... j'aimerais savoir si vous avez une position claire là-dessus.
Mme Neill (Carole): Non. Et ça, c'est un peu la partie que les représentants de la FTQ vont aborder.
M. Curzi: D'accord.
Mme Neill (Carole): Alors, nous, on s'est vraiment consacrés au secteur universitaire, alors que, dans le mémoire de la FTQ, on aborde d'une façon plus générale.
M. Côté (Roland): Si je peux...
Une voix: Il faut savoir qu'on est un affilié de la FTQ...
Le Président (M. Marsan): M. Côté. Excusez.
M. Côté (Roland): Oui. Merci.
Le Président (M. Marsan): Alors, M. Côté.
**(10 h 20)**M. Côté (Roland): Si je peux me permettre, cependant, grand bien nous fasse de vouloir ouvrir la voie royale de l'anglais à certains étudiants. Ce qui nous préoccupe fondamentalement, c'est le fait que des salariés, des employés de soutien, des professionnels, des chargés de cours dans les universités québécoises n'ont pas le même droit que les autres salariés au Québec, n'ont pas le même droit linguistique, se sentent discriminés à la base. À la rigueur, je caricaturerais en disant: J'aimerais ça qu'on ait des comités qui ne marchent pas. On n'en a même pas, on n'a pas le droit, on ne peut même pas avoir cette possibilité-là.
L'anglicisation est en train de se faire à l'université. À l'UQAM, par exemple, au-delà des cours en anglais, en espagnol aussi d'ailleurs, mais, au-delà des cours en anglais qui se donnent -- et on ne parle pas évidemment des cours de langue seconde -- au-delà de ça, on entend de plus en plus parler anglais dans les corridors. C'est la rentrée, les étudiants utilisent de plus en plus l'anglais comme langue de communication dans les corridors.
À l'UQAM, depuis une dizaine d'années, il y a eu au moins 10 fois plus de postes affichés avec des exigences linguistiques, particulièrement les exigences de l'anglais. Les employés sentent une forme d'apartheid linguistique au Québec. Les employés d'université et de cégep, on est exclus, on ne peut pas. Et là je parle des employés de soutien, là, on va oublier les profs, là. À la rigueur, qu'ils engagent des profs qui parlent le serbo-croate... Nous, on prétend avoir le droit de travailler en français et on sent qu'on n'a pas les mêmes droits.
Ça fait que c'est ce qui fait qu'on n'est pas chauds forcément à l'idée de dire: Oui, la reddition de comptes. Mais la reddition de comptes, c'est évident que ça la prend, on a toujours été d'accord à ce niveau-là, au niveau de la gouvernance des universités, a fortiori pour la langue. Mais le problème est qu'on se sent des citoyens de seconde zone. Est-ce qu'on peut être traités comme l'ensemble des Québécoises et des Québécois?
Et n'attendons pas que les universités s'anglicisent pour faire des comités de francisation. Je le sais, que c'est honteux pour les recteurs d'université d'entendre ça. Le mien n'est pas content de savoir qu'on veut un comité de francisation. Mais, s'il laisse aller l'université à l'anglais, oui, on veut la francisation, parce que c'est un des éléments qui nous unit le plus au Québec, quel que soit le bord de la Chambre: c'est le fait de survivre au niveau du français.
Le Président (M. Marsan): Oui, M. le député de Drummond.
M. Blanchet: Bien le bonjour, messieurs dames. Je trouve très intéressante l'observation que vous faisiez, madame, à l'effet qu'on dit qu'on est une société française, on énonce une intention, mais les gestes que l'on pose, notamment une tolérance incroyable par rapport à l'anglais notamment dans l'enseignement dans les universités francophones, disent tout à fait le contraire, de telle sorte qu'enseignants et étudiants peuvent dire: Dans la vraie vie, là, je vais faire ce que je veux. On est assez timides.
J'ai une question qui va aboutir, mais j'aimerais avoir une ligne relativement claire. Je vous avais déjà rencontrés à l'UQTR sur la question de la gouvernance des universités, où vous aviez une position qui dénonçait assez vertement la transformation des universités avec une philosophie un peu business, si vous me passez l'expression. On a effectivement procédé -- M. le député de Charlesbourg y était -- aux audiences des universités, et, dans la question ou sur la question du financement, il y avait, dans certains cas... -- et je suis loin de penser que c'est uniforme et homogène parmi les membres de la CREPUQ, beaucoup s'en faut -- il y avait quand même qu'il planait au-dessus des audiences la question du financement des universités et évidemment le cas extrême de McGill: business.
Et il y a la question que vous soulevez ce matin des cours qui se donnent, dans une université prétendument française, en anglais, la vraie vie étant d'attirer des étudiants. Et ça a sur vos membres l'effet que leur univers de travail s'anglicise insidieusement, alors que politiquement on peut tenir tous les beaux discours de langue française pour le Québec que l'on voudra sans avoir le courage de les appliquer ou de se tenir debout devant une certaine cour suprême.
Où mettriez-vous la ligne? Est-ce que vous diriez carrément: Non, une université française ne peut pas donner de cours en anglais ou nuanceriez-vous ça? Où est-ce que vous placeriez cette ligne-là pour avoir l'impression qu'on endigue ce processus d'anglicisation opportuniste de certaines universités?
Mme Neill (Carole): Bien, écoutez, pour moi, des cours d'anglais, là, et de littérature anglaise, ça existe depuis l'ouverture des universités, et on est parfaitement conscients qu'on n'est pas dans une cloche de verre, on est en Amérique du Nord, et qu'on est entourés de l'anglais, et que l'anglais est souvent la langue mondiale ou internationale. Donc, des cours d'anglais, pour moi, ça existe déjà, d'allemand, d'espagnol, etc., et, quand on enseigne les cours d'anglais, que ce soit l'anglais, le français, l'espagnol, l'allemand, tout le cours au complet est dans la langue qu'on est supposé d'enseigner. Donc, on ne passe pas... Moi, quand j'enseigne le français, je n'utilise pas l'anglais, sauf un mot quelquefois, mais j'utilise le français seulement, et les gens qui enseignent l'anglais font la même chose. Donc, ce n'est pas un problème d'enseigner l'anglais, là. L'anglais, là, ce n'est pas le diable incarné, là, et tout ça.
Sauf que, pour nous, des cours de gestion, ou des cours de droit, ou des cours de peu importe la discipline ne devraient pas être en anglais, ils devraient être en français. Et, s'il y a des étudiants qui veulent avoir des cours d'anglais dans leur discipline, il y a McGill, il y a Concordia, il y a Bishop's et il y a d'autres universités dans les autres provinces et aux États-Unis où ils peuvent avoir leurs cours en anglais dans la discipline. Mais les universités francophones ont le devoir, dans les disciplines précises, d'enseigner en français. Pour nous, ça, c'est clair.
M. Blanchet: Lorsqu'on arrive sur la question de l'enseignement universitaire en anglais et qu'on arrive à un niveau de recherche ou même de formation passablement avancé, quel que soit le domaine... Moi, personnellement, j'ai étudié en anthropologie. Je n'aurais pas pu étudier en anthropologie sans lire l'anglais.
Mme Neill (Carole): ...chose.
M. Blanchet: Il existe énormément de publications, de manuels qui ne sont pas traduits et où, même moi qui ne fais pas toujours dans la nuance, j'admets qu'on ne pourrait pas demander ça; ça n'aurait pas de sens. Cette ligne-là... Parce qu'effectivement on ne donnera pas des cours d'études allemandes en français, on peut les donner en allemand, ça, je n'ai pas de problème avec ça, là. Mais cette ligne-là... Au niveau de l'existence et de la circulation de manuels équivalents en français, est-ce que vous pensez que les efforts sont faits ou qu'il y a une espèce d'indolence: on regarde ailleurs lorsqu'il est question d'essayer au moins d'identifier des équivalences en français dans les manuels?
Mme Neill (Carole): Bien là, je dirais qu'on parle des universités, il y a beaucoup de différences entre les universités, donc il faudrait faire les précisions qui s'imposent, et il y a beaucoup de différences entre les disciplines. Ça aussi, c'est très important. Dans certaines disciplines...
Bon. Pour moi, j'utilise le terme de «département» parce que je viens de l'Université du Québec, et ce sont des départements et non pas des facultés, enfin encore à Trois-Rivières. Et, dans certains départements ou dans certaines disciplines, on fait un effort considérable pour les livres de référence qu'on appelle les grands classiques dans le domaine, on fait un effort considérable pour les faire traduire. Mais, quelquefois, écoutez, c'est absolument impossible parce que ce serait une somme de travail magistrale, et on n'a pas nécessairement le temps de consacrer ce travail-là à la traduction et on n'a pas nécessairement les sous de le faire faire non plus, le financement qu'il faut, donc on oblige les étudiants à lire en anglais.
Moi-même, lors de mon doctorat, le domaine dans lequel j'ai fait mon doctorat, la majorité de la littérature critique était en anglais -- et dans bien d'autres langues par ailleurs mais beaucoup en anglais -- donc j'ai lu beaucoup en anglais. Mais ça, c'est une chose différente entre lire en anglais et, bon, faire des efforts pour le faire traduire si c'est possible... Mais demander aux étudiants de le lire, si c'est vraiment un livre de référence incontournable, pour moi... On est en Amérique du Nord, il y a surtout... Et, comme a dit monsieur tout à l'heure, il y a certaines associations ou certaines maisons d'édition, surtout dans le domaine des revues très spécialisées, en anglais -- je parle des sciences en particulier -- et je ne vais pas me priver d'envoyer un article à cette revue, avec cette reconnaissance-là que je peux obtenir en anglais.
Le Président (M. Marsan): Alors, merci. Merci, Mme Neill. Ceci termine nos échanges. Merci également à Mme Gariépy, M. Côté, Mme Lamy pour nous avoir donné la position du Conseil provincial du secteur universitaire du Syndicat canadien de la fonction publique.
Je demanderais maintenant aux représentants de la FTQ de bien vouloir se présenter à notre table, et je suspends pour quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 10 h 28)
(Reprise à 10 h 32)
Le Président (M. Marsan): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous avons le plaisir de recevoir la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, et je vous présente M. René Roy, qui est le secrétaire général. M. Roy, nous allons vous demander de nous présenter les gens qui vous accompagnent et de débuter votre présentation pour une période maximale de 15 minutes. La parole est à vous.
Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec (FTQ)
M. Roy (René): Alors, merci, M. le Président. Je suis accompagné de Mme Lola Le Brasseur, qui est la conseillère en francisation à la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec.
Et la FTQ remercie la Commission de la culture et de l'éducation de lui donner l'occasion de faire connaître ses positions sur ces questions qui sont déterminantes pour l'avenir du français au Québec.
Alors, la FTQ a participé, depuis ses débuts, au grand mouvement d'émancipation collectif des francophones du Québec, qui s'est traduit, entre autres, par l'affirmation du fait que le français est la langue commune, publique et officielle du Québec. La FTQ a à coeur de continuer de participer à ce débat important pour la pérennité de la culture française en Amérique du Nord. La langue de l'enseignement interpelle aussi l'ensemble de nos membres comme citoyens, citoyennes d'un Québec qui a choisi le français comme langue officielle et commune et qui, dans une Amérique du Nord essentiellement anglophone, doit se défendre contre l'attrait continuel de l'anglais. Dans les deux cas, la FTQ tient à exprimer que, de façon générale, elle n'est pas en accord avec les propositions de modification du projet de loi n° 103 et aurait souhaité qu'en matière de francisation le gouvernement aille plus loin.
Notre mémoire est divisé en deux parties, la première portant sur la langue de l'enseignement et, la seconde, sur la langue du travail.
Alors, les écoles passerelles. Le projet de loi n° 103 propose une nouvelle façon d'autoriser les élèves francophones ou issus de l'immigration à fréquenter les écoles anglaises publiques du Québec, ce qui est en contradiction totale avec le consensus québécois à l'égard de la langue d'enseignement maintes fois confirmé de façon consensuelle à l'Assemblée nationale. Selon ce projet, au bout d'un parcours de trois années dans une école anglaise privée non subventionnée, couramment appelée école passerelle, et, au terme d'un examen du dossier individuel de l'élève, dont on ne connaît pas encore tous les aspects, l'élève, ses frères, ses soeurs acquerraient le droit de fréquenter une école publique anglaise.
La solution choisie par le gouvernement du Québec pour se conformer au jugement de la Cour suprême du 22 octobre 2009, au sujet des écoles anglophones dites passerelles, est inacceptable pour plusieurs motifs. Elle consacre l'idée qu'il est possible d'acquérir un droit constitutionnel grâce à l'argent en fonction de la capacité des parents d'assumer les coûts d'une école non subventionnée. De plus, un règlement doit être adopté pour la concrétiser. Ce règlement visera à préciser dans quels cas ou dans quelles conditions un enfant est présumé ou est réputé satisfaire à l'exigence d'avoir reçu la meilleure partie de son enseignement en anglais. Ce flou continuera à perpétuer les problèmes administratifs et éventuellement juridiques.
En fait, le projet de loi va exactement à l'encontre de l'avis de l'organisme chargé de conseiller le gouvernement à ce sujet, soit le Conseil supérieur de la langue française. Le conseil rejette en effet la solution proposée par le projet de loi, qui consacre l'acquisition d'un droit individuel, et propose plutôt au gouvernement une solution institutionnelle visant les écoles et non les individus, c'est-à-dire l'application de la Charte de la langue française aux écoles anglaises privées et non subventionnées.
En appliquant la Charte de la langue française à ces écoles, il serait désormais clair qu'au Québec les francophones et les personnes immigrantes ou leurs enfants vont à l'école française publique ou privée et que les anglophones québécois ou canadiens peuvent aller à l'école anglaise publique ou privée. Cette façon de faire aurait le mérite d'affirmer clairement que le choix historique du Québec au sujet du français s'applique à tous et à toutes, de façon égale, sans égard aux conditions sociales. Elle permettrait de réaffirmer que la scolarité se donne en français aux niveaux primaire et secondaire, sauf, de façon exceptionnelle, pour la minorité anglophone possédant des droits acquis.
Même la Cour suprême a reconnu, dans sa décision, que la notion de passerelle n'est pas acceptable et que le Québec a exprimé un choix politique valide en faisant de l'enseignement de l'anglais une exception. Cette façon de faire ne contrevient pas donc ni à la Constitution, que le Québec n'accepte d'ailleurs toujours pas, ni aux chartes canadiennes ou québécoises, ni même au droit international puisque rien dans ces textes n'interdit au législateur québécois de fixer les conditions d'accès à l'école anglaise non subventionnée comme il le fait déjà pour les écoles subventionnées.
Même si nous ne croyons pas que cela soit nécessaire, la FTQ jugerait aussi approprié que le gouvernement du Québec utilise la clause dérogatoire afin d'assurer une protection supplémentaire qui pourrait éviter les futurs recours devant les tribunaux. La solution proposée par le projet de loi ne peut... avoir des conséquences néfastes importantes pour l'avenir du français au Québec. La FTQ demande donc que le gouvernement du Québec y renonce et retienne la solution proposée par le Conseil de la langue française.
La langue de travail. Même si le projet de loi ne s'intéresse peu à la francisation des milieux de travail, la présente partie comporte deux sections, l'une présentant l'analyse de la situation et les revendications de la FTQ pour la francisation de l'Administration, l'autre pour celle des entreprises. La FTQ entend traiter des principaux problèmes de processus de francisation de l'Administration, la non-permanence du processus de francisation de l'Administration et l'absence de participation des travailleurs et travailleuses au processus.
Probablement parce que le gouvernement a constaté des dérives, le projet de loi n° 103, article 10, semble vouloir donner un second souffle à la francisation de l'Administration. Il confère à l'office le pouvoir de demander aux organismes de l'Administration de lui faire rapport et de prescrire des mesures correctives qu'il juge appropriées. La FTQ est en accord avec l'objectif visé par ce nouvel article mais aurait souhaité une approche généralisée plus ferme. Les années ayant passé, nous croyons qu'il serait utile d'imposer à toutes les composantes de l'Administration une nouvelle analyse de leur situation linguistique et un exposé des mesures à prendre. Ce serait un équivalent des rapports triennaux prévus dans le processus de francisation des entreprises privées.
Si, pendant une certaine période, les cégeps, les universités francophones ont semblé respecter leurs obligations, tel n'est plus le cas depuis un bon moment. À l'instar des entreprises francisées qui s'anglicisent, l'anglais s'impose de plus en plus comme langue de l'enseignement et du travail dans les cégeps et les universités québécois. Nos membres qui y travaillent se plaignent depuis déjà quelques temps d'une pression qu'ils considèrent indue pour l'utilisation d'autres langues que le français et du peu de moyens mis à leur disposition pour défendre leur droit fondamental de travailler en français.
Le cas de l'Université de Montréal a été utilisé en 2001, lors de la Commission des états généraux sur la situation de l'avenir de la langue française au Québec, pour illustrer la situation de cette catégorie d'exclus de l'Administration. Aujourd'hui, la situation semble s'être généralisée à d'autres universités et cégeps francophones du Québec, même dans les régions les plus éloignées des grands centres.
**(10 h 40)** Et il n'y a pas que le personnel de soutien que nous représentons qui s'en inquiète, c'est aussi le constat que font les groupes professoraux et étudiants. Dans ce dernier cas, nous en représentons aussi une bonne part au sein des syndicats des travailleurs et étudiants. Le personnel de soutien qui assure les services aux étudiants, aux professeurs et aux chercheurs est directement concerné par ce processus d'anglicisation. Il observe aussi une augmentation substantielle de l'exigence de la connaissance de l'anglais dans l'affichage des postes. Qui plus est, afin d'assurer les services aux étudiants hispanophones, la connaissance d'une troisième langue est souvent exigée.
La dégradation de la place du français dans les organismes de l'Administration est aussi de plus en plus perceptible dans leur image publique, ce qui a conduit, en 1996, à un jugement sévère d'un comité interministériel. S'ensuivit l'adoption de la politique gouvernementale relative à l'emploi de la qualité de la langue française dans l'Administration, qui définit les principes qui doivent guider l'application de la loi 101 dans l'Administration pour ce qui est de la qualité de la langue française et du statut du français comme langue officielle et langue commune. Il faut comprendre que cette politique ne concerne pas la généralisation de l'utilisation du français comme langue du travail, comme le vise un programme de francisation, mais bien plutôt un aménagement linguistique qui tient compte des communautés desservies, qu'elles soient d'expression française, anglaise ou autochtone.
La FTQ demande donc que le processus de francisation de l'Administration soit repris à nouveau afin d'assurer le maintien de la généralisation de l'utilisation du français dans les milieux de travail. La FTQ demande aussi que des comités de francisation soient créés avec des pouvoirs et une composition similaire à ceux des comités de francisation des entreprises.
La FTQ demande que les établissements du secteur de l'enseignement collégial et universitaire soient couverts par les obligations de la francisation de l'Administration en les incluant à l'annexe de la Charte de la langue française.
On demande aussi que la direction des organismes ou établissements qui doivent élaborer une politique linguistique ait l'obligation de la déposer au comité de francisation et obtenir l'accord de ce dernier sur les questions qui l'interpellent directement.
La FTQ demande que la responsabilité de l'élaboration et du respect des politiques linguistiques soit confiée à l'Office québécois de la langue française, permettant ainsi d'assurer la cohérence dans l'ensemble du système de francisation de la société québécoise.
Le présent projet de loi n'aborde pas le processus de francisation des entreprises privées, sauf pour ce qui est d'une augmentation des amendes à imposer aux entreprises délinquantes que l'on poursuivrait. Même si la FTQ est d'accord avec ces augmentations qui compensent à peine l'augmentation du coût de la vie pour toutes les années où il n'y en a pas eu, nous souhaitons des modifications législatives porteuses de changements plus substantiels.
La FTQ se demande en effet pourquoi le gouvernement n'a pas profité de l'occasion qui lui était donnée pour intensifier... identifier, c'est-à-dire, et corriger les principales lacunes de la charte pour ce qui est de la poursuite de la francisation dans les entreprises. En effet, l'Office québécois de la langue française fait une interprétation restrictive des pouvoirs des membres syndicaux des comités de francisation. Par exemple, l'office ne rend pas obligatoire leur signature pour l'approbation des documents des différentes... diverses étapes de la francisation. Il est aussi très courant que le personnel de l'office communique par écrit ou fasse des visites de l'entreprise sans jamais parler ou rencontrer les membres syndiqués des comités de francisation. L'office justifie ces pratiques par le fait que l'obligation de francisation est faite à la direction de l'entreprise et pas au comité. Alors, si le gouvernement ne veut pas obliger l'office à communiquer avec tous les membres des comités de francisation, minimalement la signature de tous les membres devrait, selon nous, être exigée sur tous les documents qui émanent du comité et qui sont soumis aux membres de l'office pour approbation.
Le projet de loi propose de revoir les montants des amendes qui s'appliquent aux entreprises ne respectant pas les obligations qui leur sont imposées dans le cadre de processus de francisation. Alors, il y a danger -- je reviens sur ces amendes -- que ces augmentations n'apparaissent comme des leurres puisque, depuis l'entrée en vigueur de la loi 101, l'approche de l'office en matière de francisation des entreprises a toujours été basée sur la persuasion, la négociation et une infinie patience inscrites dans la durée. En effet, plus de 30 ans après l'adoption de la Charte de la langue française, il y a encore des entreprises qui n'ont pas encore obtenu leur certificat de francisation.
En conclusion, M. le Président, comme le demande le présent mémoire, la FTQ pense que le gouvernement doit profiter du dépôt du projet de loi n° 103 pour apporter des modifications substantielles au processus de francisation de l'Administration et des entreprises privées. Si le gouvernement choisit de ne pas agir en ce sens, il serait cependant souhaitable qu'une réflexion spécifique à la langue française... à la langue de travail ait lieu le plus rapidement possible. Avec la langue de l'enseignement, la langue de travail nous semble en effet constituer un pilier de l'usage plus ou moins répandu du français comme langue commune dans la vie quotidienne des Québécois et des Québécoises.
La FTQ demande que le rôle et le mandat des comités de francisation soient précisés pour qu'ils soient reconnus comme des interlocuteurs à part entière par l'Office québécois de la langue française en exigeant minimalement que tous les rapports, de l'analyse linguistique au rapport triennal en passant par les rapports annuels, portent la signature de tous les membres du comité.
Finalement, la FTQ demande la création d'un comité de francisation dans toutes les entreprises employant de 50 à 99 personnes. Ce comité serait composé d'au moins quatre personnes, dont deux représentants des travailleurs.
Que les entreprises, aussi, employant de 25 à 49 personnes fournissent à l'Office de la langue française, tous les trois ans, une analyse de leur situation linguistique portant sur quelques-uns des éléments de francisation prévus à l'article 141. S'il y a lieu, que ces entreprises élaborent un programme de francisation et en informe le syndicat.
Que le gouvernement donne à l'Office québécois de la langue française les ressources humaines et financières nécessaires pour accomplir l'ensemble de sa mission -- c'est une de nos demandes qui date de plusieurs années.
À défaut d'inclure de tels amendements dans le projet de loi n° 103, la FTQ demande que le gouvernement organise une consultation portant sur le français, langue de travail, tant dans l'Administration que dans les entreprises, et que le mouvement syndical y soit invité. Merci beaucoup.
Le Président (M. Marsan): Bien, merci beaucoup, M. Roy. Et nous allons débuter immédiatement cette période d'échange avec les députés et la ministre, et je vais céder la parole à Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine.
Mme St-Pierre: Bonjour, M. Roy. Alors, je suis très heureuse que vous soyez ici, parmi nous, ce matin. Et j'ai beaucoup de questions à vous poser. Alors, j'espère que je vais être capable, pendant les 20 minutes, de poser toutes les questions, parce que vous soulevez beaucoup, beaucoup d'éléments dans votre mémoire. Vous ne vous concentrez pas uniquement sur la question des écoles, mais aussi vous allez plus loin, vous parlez des universités, vous parlez des milieux de travail, et tout ça.
Vous parlez des budgets, à la toute fin de votre présentation. Vous êtes sans doute au courant que nous avons augmenté les budgets récemment et que ça a été, je pense, bien accueilli par votre organisation syndicale. Nous avons aussi augmenté les budgets dans l'ensemble de l'enveloppe sur la langue, contrairement au Parti québécois qui, en 1994-1995, avait coupé 5 millions de dollars dans le dossier de la langue. Alors, ça, je pense qu'il faut se le rappeler: ceux qui augmentent les budgets, il semble que ce soit nous.
M. Roy, j'ai eu l'occasion... À un moment donné, vous m'aviez invitée à une rencontre de vos représentants syndicaux des comités de francisation et ça a été une rencontre qui a été très intéressante pour moi parce que... Je pense que, madame, vous étiez là à ce moment-là, puis c'est vous qui m'aviez parlé -- celle qu'on a vue tantôt, Mme Levasseur tantôt -- de la question des universités, et je m'étais sentie vraiment interpellée parce que vous aviez vraiment parlé d'une situation qui est problématique et qui peut nous amener... qui doit nous amener à nous poser des questions. Alors, je rajoute que c'est de là l'importance d'aller beaucoup sur le terrain.
Alors, M. Roy, tout d'abord, j'aimerais que vous parliez de la question des écoles. Vous avez pris peut-être connaissance hier des propos de Me Louis Bernard concernant des écoles et la proposition qu'il fait en disant que la proposition du Parti québécois, qui est aussi la vôtre, là, dans votre mémoire ce matin, est une position qui va trop loin. C'est une proposition qui ne va pas dans la lignée de la pensée de MM. Lévesque et Laurin. Il propose... Il fait une proposition d'amendement que -- et je l'ai dit à des journalistes hier -- je réitère que nous allons analyser. J'avais vu son mémoire avant et j'avais beaucoup de questions à lui poser parce que je trouvais qu'il y avait un élément intéressant. Donc, il qualifie d'ailleurs la position du Parti québécois, dans le dossier des écoles, de radicale et, lui, il parle évidemment de plutôt y aller avec un engagement solennel.
Dans les journaux, ce matin, je relève que mon vis-à-vis, M. le député de Borduas, dans des questions aux journalistes, a répondu que c'était extrêmement intéressant, voyait des zones obscures, mais il a dit qu'il était «parlable». Alors, je reprends la balle au bond. Je vous relance la balle. Êtes-vous parlables dans le dossier? Si oui, comment réagissez-vous à la position de Me Bernard? Et est-ce que vous auriez, dans le cadre du projet que nous présentons, si on reste dans le dossier... En fait, comment bloquer sans aller appliquer la loi 101 aux écoles privées non subventionnées, qui nous amène inévitablement à la clause dérogatoire? Alors, oui, je comprends que je suis en rafale, mais avez-vous pris connaissance ou êtes-vous parlables à la suite de ces commentaires?
**(10 h 50)**M. Roy (René): On est toujours...
Mme St-Pierre: Vous êtes toujours parlables, mais précisément dans ce cas-là?
M. Roy (René): Bien, écoutez, on a pris connaissance, oui, des propos de Me -- je ne savais pas que c'était un maître, mais s'il est maître -- Louis Bernard. Mais, évidemment, Mme la ministre, je ne suis pas ici pour mes états d'âme, là, je suis ici pour représenter la position de la centrale FTQ et je ne la changerai sûrement pas, ce matin, après avoir lu les positions de M. Bernard. Et ce ne sera pas la première fois non plus que la FTQ n'est pas en accord avec les positions de M. Bernard.
On était là en 1977. Moi, j'étais là. J'ai marché dans les rues de Montréal pour l'adoption de la loi 101, et on entendait un peu les mêmes arguments, Mme la ministre, à propos du fait que ça va faire fuir les gens, qu'on était trop radicaux. On a tous entendu ça. Les propos de certains éditorialistes aujourd'hui me faisaient penser que je les avais lus voilà 30, 32 ans, à peu près les mêmes, concernant l'adoption de la loi 101.
Moi, je n'ai pas de crainte, Mme la ministre, à ce qu'on affirme, puis je sais que ce n'est pas votre position, là, je ne vous accuse pas de ça, mais, moi, personnellement... la FTQ n'a pas de crainte à défendre le fait que ce soit le français qui soit la langue du Québec et qu'on l'applique, la recommandation du Conseil supérieur de la langue française, et qu'on fasse comme un autre premier ministre libéral, M. Bourassa, utiliser la clause dérogatoire pour affirmer nos droits, c'est-à-dire le droit aux francophones d'aller aux écoles francophones.
Et on a déjà une exception et ça n'a jamais créé de désastres économiques au Québec, contrairement à ce que beaucoup de monde ont voulu nous le dire, en 1978: si on adoptait la loi 101, les gens étaient pour fuir le Québec, on était pour avoir une image épouvantable à l'échelle mondiale, les anglophones étaient pour nous détester. Moi, je pensais qu'ils nous détestaient déjà, puis je pense qu'après ça ils se sont mis à nous respecter. Je n'ai jamais demandé qu'ils nous aiment, j'ai juste demandé qu'ils nous respectent, puis je pense qu'avec ça ils vont nous respecter encore davantage.
Mme St-Pierre: Alors, vous parliez de 1976. Si on parle de 1996, maintenant, Dr Camille Laurin, qui est dans un conseil... enfin, une instance, là, du Parti québécois, il tente un peu de calmer les ardeurs des militants, lui, M. Laurin et madame...
Une voix: ...
Mme St-Pierre: Pardon?
Le Président (M. Marsan): Non, la parole est à la ministre.
Mme St-Pierre: Bien, je me lève, bien sûr. Je fais comme vous.
Le Président (M. Marsan): La parole est à Mme la ministre, s'il vous plaît.
Une voix: ...
Mme St-Pierre: Pardon?
Le Président (M. Marsan): Mme la ministre...
Une voix: ...
Le Président (M. Marsan): Mme la ministre, la parole est à vous.
Une voix: ...
Le Président (M. Marsan): Ça va. Mme la ministre, la parole est à vous.
Mme St-Pierre: Alors, M. Laurin dit: «Cela produirait l'effet contraire à celui recherché et nous empêcherait d'accéder à la souveraineté», parlant de la clause dérogatoire, et évidemment il avait en tête toute la question de la réputation du Québec sur la scène internationale. M. Bernard a dit la même chose hier. Et, lorsqu'on lit le document, ici, Le Québec dans un monde nouveau, qui a été publié, ça dit, dans le cas où le Québec accéderait à la souveraineté: «Le Québec devra s'insérer rapidement dans le tissu dense et complexe des relations intergouvernementales multilatérales. Sa première démarche sera sa demande [d'adhésion] au sein de l'Organisation des Nations unies.» Fin de la citation. Donc, ça veut dire qu'un État qui suspend les libertés fondamentales, sur la scène internationale, on sait ce que ça signifie. D'ailleurs, vous avez fait référence à M. Bourassa, en 1993, les Nations unies ont blâmé le Québec. Et la FTQ a des relations d'ailleurs avec d'autres syndicats internationaux, donc vous n'êtes pas sans savoir ce que ça signifie sur la scène internationale.
Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus, puisque vous avez quand même une connaissance de la scène internationale, des relations du Québec avec la scène internationale. Comment vous voyez ces commentaires de M. Bernard puis, auparavant, de M. Laurin?
M. Roy (René): Je ne serai pas capable de commenter tous les commentaires de M. Laurin, mais j'ai assisté à certains de ses discours dans les années 1970, et puis c'est lui qui m'a convaincu d'appuyer la loi 101. Parce qu'au départ je pense qu'on avait tous un peu peur de lois qui étaient pour restreindre certains droits. Et je pense que ses propos étaient justes, puisqu'en adoptant la loi 101 on a, à toutes fins pratiques, gagné du respect.
Maintenant, sur les relations internationales, je ne suis pas un spécialiste des relations internationales, mais j'en ai fait pour la FTQ, je me suis ramassé dans bien des parties du monde et puis j'ai réalisé, Mme la ministre, que chacun parlait sa langue. Surtout les Français de France. S'il y avait quelqu'un qui ne parlait pas une autre langue, moi, je dis que c'étaient les Français de France. En tout cas, ils s'exprimaient beaucoup en français. En Afrique, le français était très, très, très utilisé. Et, quand j'ai été en Chine, je peux vous assurer qu'il n'y a pas un maudit Chinois qui a voulu me parler en français, ça, c'est certain.
Mais, je veux dire par là, les gens s'expriment dans leur langue, et les systèmes de traduction... là, et jamais, jamais personne ne m'a fait une remontrance quelconque parce que j'utilisais ma langue, la langue française, pour m'exprimer dans une rencontre internationale.
Mme St-Pierre: Ce n'était pas ça, le but de ma question, c'était, en parlant de la clause dérogatoire, ce que ça pouvait signifier, et le blâme que le Québec a eu, en 1993, aux Nations unies.
Dans votre mémoire, vous parlez d'étendre la loi 101 aux écoles privées non subventionnées, mais vous ajoutez: S'il le juge nécessaire, le gouvernement pourrait utiliser la clause dérogatoire. Donc, vous le verriez peut-être dans deux temps, si je vous comprends bien.
Cependant, l'année dernière, lors d'une interpellation en Chambre, ici, le député de Saint-Jean, qui est un constitutionnaliste -- semble-t-il qu'il était un très bon étudiant lorsqu'il était à l'université, donc il doit bien connaître les choses -- parle des experts que le Parti québécois a consultés et il dit, et je cite:
«Avec [la discussion] qu'on a [eue] avec nos experts, cette disposition-là serait contestée en vertu, fort probablement, du droit à la liberté de l'article 7 de la charte québécoise... l'article 7 [...] de la charte canadienne -- il dit "pardon". Or, le droit à la liberté nous permet d'utiliser la clause dérogatoire[...], c'est pour ça qu'on dit au gouvernement: Non seulement vous devez étendre, mais vous devez prémunir les Québécois -- donc maintenant c'est-à-dire -- d'une éventuelle contestation devant les tribunaux» et en y mettant la clause dérogatoire.
Donc, la clause dérogatoire, c'est la suspension des libertés individuelles. Est-ce que la FTQ est en faveur de la suspension des libertés individuelles?
M. Roy (René): On est en faveur surtout de l'affirmation du fait français au Québec. C'est surtout là-dessus qu'on insiste. Et on est bien conscients que, si la loi 101 est appliquée aux écoles anglaises subventionnées ou non subventionnées, privées ou qui sont déjà au public, là, qu'on a l'impression qu'il y a quelqu'un qui va contester et que vous allez être obligés d'utiliser la clause dérogatoire de la Constitution canadienne pour effectivement faire en sorte que votre loi demeure en force.
Maintenant, sur les droits individuels, droits collectifs, vous n'êtes pas sans savoir qu'une centrale syndicale, le monde syndical, on est beaucoup sur les droits collectifs. Alors, on travaille beaucoup sur les conventions collectives, les droits collectifs, alors on est toujours en peu en faveur de cette manière d'opérer sur les droits collectifs. Et je ne crois pas que le fait de suspendre un droit...
En passant, là, en passant, les anglophones du Québec, lors de l'adoption de la loi 101, on les a respectés, on a fait une exception et ils ont le droit d'aller à l'école anglaise. Alors, on l'a faite, cette exception-là. On n'a pas suspendu leurs droits acquis et ni leurs privilèges.
Maintenant, on parle de personnes qui voudraient, à toutes fins pratiques, contourner une loi, alors on pense que cette loi-là, elle doit être défendue. Et c'est l'ensemble de la francisation des Québécois et des Québécoises, selon nous, qui importe là-dedans. C'est notre position, Mme la ministre.
**(11 heures)**Mme St-Pierre: Ah, écoutez, je respecte votre position. Mais, à la lumière de ce que nous avons entendu et des déclarations de l'opposition, je me demandais si vous trouviez qu'il y aurait peut-être une avenue là, sans qu'on aille aussi loin qu'adapter la loi 101 aux écoles privées non subventionnées, si vous trouvez qu'il y a là une idée quand même importante, intéressante.
Et, moi, je dis qu'en 2002... C'est peut-être ce qui a été fait comme calcul. C'est-à-dire qu'en 2002 on avait certainement réfléchi au fait d'appliquer la loi 101 aux écoles privées non subventionnées, vous aviez probablement déposé un rapport, mais on a dit: Bon, essayons de trouver autre chose, on a trouvé 104. 104, on le sait, sera officiellement, là, invalide à la fin du mois d'octobre. On cherche une façon de garder cet espace de liberté tout en faisant en sorte qu'on puisse vraiment empêcher ce passage. Donc, ce serait la déclaration solennelle, ce que M. Bernard proposait, au moment où on inscrit les enfants dans un parcours scolaire dans une école privée non subventionnée. C'est une avenue qui, à mon avis, devrait être privilégiée par rapport à étendre la loi 101 aux écoles privées non subventionnées. Je comprends que vous n'êtes pas d'accord avec ça?
M. Roy (René): Bien, je n'ai pas dit ça. Écoutez, je suis parti de chez moi à 6 heures ce matin pour m'en venir ici, puis on n'a pas, sûrement pas, eu le temps de faire de rencontre, la FTQ, sur cette proposition-là. Alors, comme je vous l'ai dit au départ, je peux peut-être avoir une opinion, mais je ne suis pas ici pour mes opinions personnelles. Alors, on va le regarder certainement, Mme la ministre, on va en débattre, étudier les pour et les contre de ça et, si vous revenez avec ça, bon, on sera en mesure peut-être de prendre position et de vous donner notre position à ce moment-là sur une telle proposition.
Mme St-Pierre: Alors, on pourra vous donner le document de monsieur, la proposition d'amendement qu'il fait, on pourra vous la donner tout à l'heure puis, si vous êtes disposés à l'analyser, on aimerait ça que vous l'analysiez aussi également de votre côté.
M. Roy (René): Ça va.
Mme St-Pierre: Sur la question des universités, vous proposez... En fait, en 2002, il avait été inscrit dans la loi que les universités devaient se doter de politiques linguistiques. Bon, on n'était pas allés plus loin que ça en ayant une obligation de reddition de comptes. Là, on a une obligation de reddition de comptes, mais vous voulez vraiment qu'on aille encore plus loin, là, comme l'ont dit vos prédécesseurs tout à l'heure.
M. Roy (René): Je vais demander à Mme Le Brasseur de commenter, puisqu'elle elle a été à l'université.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Le Brasseur (Lola): Bonjour.
Le Président (M. Marsan): Mme Le Brasseur, la parole est à vous.
Mme Le Brasseur (Lola): Qu'est-ce qu'il a dit?
M. Roy (René): J'ai dit que tu avais été à l'université, pas moi.
Mme Le Brasseur (Lola): Bon. Alors, mes consoeurs et confrères de l'université, bon, ont bien exprimé ce qu'ils souhaitent. Mais on travaille, à la FTQ, depuis certainement une quinzaine d'années avec surtout les représentants de l'Université de Montréal, et puis ils ont accueilli... Lors de l'adoption de la politique, des politiques linguistiques qu'on imposait aux universités, ça a été accueilli à ce moment-là avec satisfaction. On croyait à ce moment-là y trouver un outil capable d'aider... ou de contrecarrer, si on veut, l'anglicisation qui était déjà galopante à ce moment-là à l'Université de Montréal. Mais, avec le temps, ça s'est avéré que, non, ces politiques linguistiques n'ont rien apporté. Et on se rend compte, nous, à la FTQ que, les travailleurs d'un milieu de travail, peu importe qu'ils soient à l'université, cégep ou dans une entreprise, lorsqu'ils sont directement impliqués dans le processus de francisation, ça aide beaucoup le processus ou l'application d'un programme de francisation.
Alors, à l'Université de Montréal, les travailleurs syndiqués ou autres sont exclus du processus de francisation, n'ont pas un mot à dire dans l'application de ces politiques. Même, pendant longtemps, elles ont été gardées presque... je ne dirais pas secrètes, mais on n'en parlait pas, et il a fallu courir après, les découvrir et les... Dans les autres universités, on a fait un peu le tour de ces politiques pour découvrir qu'il y en avait, qu'il n'y en avait pas et qu'est-ce que ça avait apporté.
Alors, ce qu'on demande, nous, c'est de faire partie du projet. On souhaite que tous les travailleurs du Québec, qu'ils soient syndiqués ou pas, fassent partie du projet de société qui est celui de bâtir, dans les milieux de travail, une société francophone. Alors, il faut qu'on soit impliqués, qu'on fasse partie du projet, c'est tout simplement ça: dans toutes les sphères de la société, qu'on soit là. Parce que, si on cesse de parler notre langue au travail, où est-ce qu'on va la parler? Et on sait que, dans nos milieux de travail, peu importe le milieu, l'anglicisation -- l'anglais, je devrais dire -- nous sollicite de toutes parts, et c'est là. Et c'est facile dans certains cas d'utiliser l'anglais, la terminologie, ou de prendre un livre, de le lire. Et, si on cesse de parler notre langue au travail, si on s'adonne trop à utiliser une terminologie anglaise, déjà on a, dans notre langue ici, au Québec, beaucoup de tournures à l'anglaise, on est presque au bord de chavirer dans l'autre langue. Alors, c'est ça tout simplement, on veut garder ça puis faire partie du projet.
Mme St-Pierre: M. le Président, mon collègue de Rouyn-Noranda voudrait poser une question.
Le Président (M. Marsan): Alors, je vais maintenant céder la parole au député de Rouyn-Noranda. Il vous reste quatre minutes.
M. Bernard: Merci. Merci, M. le Président. M. Roy, Mme Le Brasseur, bonjour.
Des voix: ...
M. Bernard: Écoutez, je vais intervenir au niveau... mon questionnement touche les collèges puis les universités. À la page 7 de votre mémoire, entre autres, vous parliez, là, que vos membres qui travaillent dans ces milieux-là se plaignent depuis longtemps d'une pression qu'ils considèrent indue pour l'utilisation d'autres langues, puis vous en avez parlé au niveau de l'enseignement. Le groupe avant vous aussi a fait cette demande-là. Et, plus loin dans le même paragraphe, vous dites: «Aujourd'hui, la situation semble s'être généralisée à d'autres universités et cégeps francophones [...] même dans les régions plus éloignées des grands centres.» Je faisais une remarque aux dames qui ont précédé, que, nous, par exemple en région, si on regarde sur une base statistique, l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue a mis sur pied un Pavillon des premiers peuples pour donner de l'enseignement aux Inuits, aux Cris et aux Algonquins, et naturellement, dans leur politique, pour pouvoir enseigner à ces gens-là, demande des professeurs bilingues parce que la langue anglaise est prédominante chez les communautés autochtones. Alors, si on le regarde sur une base statistique, là, quelqu'un regarderait, va dire: Oui, mais, regardez, tous vos nouveaux postes que vous affichez, vous demandez des profs bilingues. Donc, ça pourrait être perçu d'une manière négative, si on le regarde sur une base statistique.
Moi, je suis en faveur du projet de loi parce que, justement, il doit y avoir une politique linguistique dans les universités et les collèges, c'est clair, parce que toute l'administration doit être faite en français, et autres, puis toutes les communications à l'interne. Je suis entièrement d'accord avec ça. Mais ma crainte quand j'entends les propos, c'est qu'à un moment donné, si les gens ne sont pas conscients, on manque de souplesse puis on mette des pressions sur des établissements en région pour justement... qui pourraient nuire à leur développement. Parce que, moi, j'aime mieux, personnellement, que ce soient les institutions francophones qui commencent à interagir et donnent des cours aux communautés autochtones. S'il n'y a pas cette possibilité-là, les autochtones vont tous descendre étudier à l'université McGill et Concordia, donc ils n'apprendront jamais le français éventuellement.
Mais, moi, ce que j'aimerais savoir, quand vous dites: «Dans les régions plus éloignées des grandes centres», est-ce que vous avez des problématiques particulières, si je prends Côte-Nord et tout, ailleurs, que vos membres ou autres ont mentionnées et qui nuisent vraiment à leur travail?
Mme Le Brasseur (Lola): Si vous parlez dans les cégeps et les universités, je crois que ceux qui sont passés devant nous, des universités, en ont fait preuve. Dans les milieux de travail, je peux vous en parler. Justement, la FTQ, actuellement, on mène une tournée régionale: jusqu'à ce jour, on a visité six régions du Québec, on refait un exercice qui avait été fait en 1990, 20 ans plus tard. Alors, justement, hier soir, j'ai rencontré des travailleurs de Rimouski. On convoque des travailleurs et puis, avec eux, on fait un bilan de la situation du français dans leurs régions en leur demandant tout simplement: Comment sont les communications écrites chez vous, les communications orales dans le domaine des relations du travail? Comment est l'informatique? Le matériel informatique que vous utilisez, est-il disponible en français, les logiciels? Alors, on fait ça tout simplement pour produire un bilan global à la fin, au mois de mars, lors de notre rencontre.
Et la chose qui nous... qui m'étonne et qui inquiète en même temps, c'est que, en tout premier lieu, c'est comme si le projet de francisation des entreprises était disparu de la tête des gens; on ne s'en souvient plus. On sait vaguement qu'il y a une loi 101 quelque part, une Charte de la langue française, mais comment les travailleurs doivent s'impliquer dans ce projet, c'est comme abandonné, on n'en parle plus dans les entreprises. On demande: Chez vous, avez-vous un certificat de francisation? On dit: Ah! je pense que oui, mais je ne suis pas certain. Est-ce qu'il y a une réunion du comité de francisation? Oui, mais il faut supplier l'employeur pour en avoir une. Alors, le projet, quelque part, il est abandonné.
Maintenant, pour répondre d'une façon plus précise à votre question, oui, dans les régions, les problèmes d'anglicisation des milieux de travail commencent à se faire sentir. Et ce qui est désespérant... Je vous donne l'exemple de Trois-Rivières: à Trois-Rivières, je suis allée, j'ai rencontré des travailleurs qui sont d'une entreprise où on fabrique des armes de calibre 8 qui servent à perforer le béton. Alors, le monsieur me dit: Ah! Chez nous, le logiciel est en anglais, les documents de travail sont aussi en anglais, mais c'est tout à fait normal parce que ma compagnie, elle est américaine, qu'il dit.
**(11 h 10)**Le Président (M. Marsan): D'accord.
Mme Le Brasseur (Lola): Alors, pour lui, ça va de soi, il n'y a pas à aller plus loin. Mais je lui ai dit: L'idée ne t'est pas venue de demander à ton employeur tout simplement: Est-ce que le logiciel existe? Non. C'est ça. Donc, il y a quelque chose qui manque actuellement; il n'y a pas assez de publicité ou d'informations qui sont transmises aux employeurs pour leur rappeler leurs obligations en matière de francisation.
Le Président (M. Marsan): Merci, Mme Le Brasseur.
Mme Le Brasseur (Lola): Excusez-moi...
Le Président (M. Marsan): Ceci termine l'échange avec le parti ministériel. Nous poursuivons, et je cède la parole immédiatement à notre collègue le député de Borduas, porte-parole de l'opposition officielle en matière de langue.
M. Curzi: Merci, M. le Président. M. Roy, Mme Le Brasseur, bienvenue. Heureux de vous voir ici. Je suis parlable, moi, je suis parlable comme vous. On est parlables. Je suis parlable parce que je trouve qu'en commission parlementaire on est là pour essayer de trouver la meilleure solution. En principe, ça devrait être le moins partisan possible, malheureusement je constate que ça l'est beaucoup. Mais je suis parlable, je suis patient jusqu'à un certain point parce que je suis confronté au parti d'en face qui a farouchement combattu la loi 101. Le parti d'en face avait Robert Bourassa qui a été le seul à adopter la clause dérogatoire. Alors, il faut... point trop n'en faut, là, à un moment donné, il faut se calmer. On essaie de chercher une solution qui soit acceptable. On en avait trouvé une qui était très bonne, qui était la loi n° 104, et ça, c'est formidable, on avait trouvé un consensus, et l'Assemblée nationale au grand complet a voté pour cette loi-là. Le mérite de cette loi-là, c'est qu'elle atteignait l'objectif qu'on voulait, c'est-à-dire elle fermait les écoles passerelles et elle permettait en même temps que des gens puissent envoyer... des francophones et des allophones puissent envoyer leurs enfants dans des écoles privées non subventionnées.
La Cour suprême décide que notre consensus national n'est pas bon. Résultat: on se retrouve à la case zéro. On vient de défaire quelque chose qui fonctionnait, avec lequel tout le monde était à l'aise, et là on se retrouve actuellement en commission parlementaire avec un projet de loi qui essaie péniblement, maladroitement, d'essayer d'obéir au jugement de la Cour suprême.
Quand quelqu'un comme Louis Bernard vient et nous dit: Ah! J'ai peut-être une solution, c'est très intéressant. On se dit: Ah! Voyons cette solution. Mais il y a des zones obscures et, quand on regarde les zones obscures, on se rend compte de quoi? On se rend compte que Louis Bernard, il est en train de dire: Non seulement on a, depuis même la naissance de la loi 101, accepté le fait que des gens puissent envoyer leurs enfants dans des écoles non subventionnées, mais là on va aller encore plus loin et on ne fermera pas complètement cette porte-là.
Autrement dit, ce que Louis Bernard vient de faire, c'est qu'il prend le projet de loi n° 103, il dit: Ah! Il n'est pas parfait. Puis il dit: La position du PQ n'est pas parfaite, puis on va aller plus loin. Et il va plus loin dans les contradictions même de la loi n° 103; il va dans le fait de confirmer qu'il y a une iniquité sociale qui va être inscrite dans la loi, et, en plus de cette iniquité sociale, il ne ferme même pas la porte au fait qu'on va entrer aussi dans un cycle de contestations judiciaires.
Et là, quand je regarde ça, je me dis: C'est intéressant, mais ça n'a pas de maudit bon sens. Résultat: on en revient à la case départ où on se dit, la loi 101, à cause du jugement de la Cour suprême, devra s'appliquer avec force et, pour éviter que de nouveau on se retrouve dans une contestation juridique, utilisons la clause dérogatoire et soyons certains que cette fois-ci le droit collectif à l'épanouissement du français et les inquiétudes qu'on entend de tout le monde quant à ce qui est en train de se passer au Québec, on puisse commencer à inverser ce mouvement-là. Et je déplore que vous soyez au centre de ce litige partisan; je trouve qu'on n'a pas à vous prendre en otages au niveau de nos opinions partisanes.
Donc, j'arrête là maintenant, et je reviens à votre mémoire. Ce que j'ai trouvé intéressant, c'est que vous parlez beaucoup de la langue de travail et de la langue d'enseignement; on a passé un bon moment. Et je pense que l'idée qu'on refrancise en quelque sorte les milieux d'enseignement ça a été très clairement exprimé avant.
Ce sur quoi la loi s'attarde peu, c'est sur la langue de travail. Et je pense que c'est le coeur de la loi 101, puis je pense que c'est vraiment le coeur de la francisation et, en ce sens-là, ce que je comprends, c'est que vous dites: Ce projet de loi là, il n'y a que l'article 10, et cet article-là, c'est une belle intention, mais ça manque beaucoup de fermeté. Et donc ce que vous dites, c'est: Puisqu'on réouvre la Charte de la langue française, pourquoi ne met-on pas immédiatement de l'avant différentes mesures au niveau de la langue de travail? Et ces mesures-là, ce sont, dans les comités de francisation, une réactivation de la présence syndicale. Ça veut dire, dans les comités... dans les entreprises de 100 employés et plus, dans les entreprises qui ont entre 50 et 100 ou 49, on dit: Devenons plus actifs et plus... et surtout commençons à agir sur les entreprises qui ont moins de 50 employés, 25 à 40.
Alors, sur ces mesures-là avec lesquelles, je dois dire, dans le détail... on pourrait approfondir, mais il est clair que, personnellement, je pense que vous avez raison de dire que, puisqu'on est dans la réouverture de la charte, on doit impérativement redonner de la force à tout ce qui touche à la langue de travail et aussi à la langue de l'Administration, et en ce sens-là vous l'avez fait, Mme Le Brasseur, un peu.
Moi, j'aimerais... Est-ce que vous êtes en mesure de nous faire un bilan de l'ensemble de vos comités de francisation? Je sais que vous avez des réunions régulières et j'aimerais vous entendre un peu plus sur la situation dans l'ensemble des grandes entreprises où il existe actuellement des comités de francisation.
M. Roy (René): Première des choses: il n'y a jamais eu de commission parlementaire ou de projet de loi spécifique au français dans le milieu de travail depuis que la loi 101 existe. Alors, on l'a traité avec la commission de M. Larose, voilà une dizaine d'années, où est-ce qu'on a parlé de cette question-là, où est-ce qu'on a établi la parité des comités de francisation. C'est une demande de la FTQ qu'on a obtenue. Mais jamais on n'a fait un vrai débat sur les milieux de travail, la langue de travail, le français dans les milieux de travail.
Nous, on est dans l'entreprise privée, M. le député, et je peux vous dire que, dans la région de Montréal, l'arrivée massive de travailleurs immigrants fait en sorte que le français dans nos milieux de travail régresse. On a beau avoir des comités de francisation, le français régresse parce que beaucoup de ces immigrants-là arrivent avec souvent la langue anglaise et d'autres langues et s'en vont vers la langue anglaise.
18 %, c'est le nombre d'entreprises qui ont des comités de francisation. Je vous ferai remarquer que, dans le secteur privé, il y a 28 % des entreprises qui sont syndiquées. On réussit à obtenir 18 % à 20 % de ces entreprises-là qui ont des comités de francisation. Ça veut dire, selon moi, que, lorsqu'il n'y a pas de syndicat, je pense qu'il n'y a pas de comité de francisation. Ça, c'est ma conclusion, mais elle n'est pas scientifique. Il n'y en a pas tellement. Et beaucoup de nos comités de francisation, on a obtenu qu'ils aient le temps, là, sur les lieux de travail, pour se préparer, ce qui a été d'une grande amélioration, mais beaucoup de nos comités de francisation fonctionnent plus ou moins bien.
Et ce qu'on insiste ici, on insiste sur le fait que les rapports des comités de francisation doivent être, devraient être approuvés par les travailleurs syndiqués, ce qui n'est pas le cas, M. le député, ce qui est assez grave parce que l'office ne tient pas compte... Et l'entreprise peut nous faire certains rapports que, des fois... certains rapports qui sont des rapports que, nous, on qualifierait de rapports bidon, sur la situation du français à cause du comité de francisation.
La question des amendes, on salue le fait que les amendes soient augmentées, mais je ne sais pas si on a une statistique sur les amendes. Je pense qu'il n'y en a pas eu -- mais sous toutes réserves d'être contredit. En tout cas, je ne me rappelle pas d'une entreprise qui a été soumise à une amende pour le non-respect de la loi 101. On l'a dit, l'Office québécois de la langue française a une patience infinie dans l'application du français dans les milieux de travail.
Il y a des entreprises que ça fait plus de 30 ans qu'ils sont là, qui n'ont pas leurs certificats de francisation. Il y a d'autres entreprises qui ont obtenu le certificat de francisation et je pense qu'il devrait être revu, je pense qu'ils l'ont perdu dans la poubelle en quelque part, je pense que leur certificat de francisation n'est pas à jour, et le français est toujours, toujours délinquant dans leurs entreprises.
Alors, il y a énormément de travail à faire dans le milieu des entreprises de 100 et plus. On est là, dans les entreprises de 100 et plus. Maintenant, dans les entreprises de 50 à 99, il n'y a pas de comité de francisation. Ça fait longtemps qu'on demande qu'il y ait des comités de francisation dans ces entreprises-là. Il y a beaucoup, beaucoup des travailleurs immigrants qui rentrent dans ces entreprises-là, même chose pour les entreprises en bas de 50, en bas de 50 travailleurs, travailleuses. Là, on demande simplement qu'il y ait un constat, un bilan de la francisation, un bilan de francisation qui soit fait. Alors, on aimerait que le projet de loi soit agrandi, soit ouvert pour traiter de toute cette question-là. Peut-être que tu as d'autres statistiques à donner à M. le député?
**(11 h 20)**Mme Le Brasseur (Lola): Bien, monsieur posait la question -- ...
Le Président (M. Marsan): Mme Le Brasseur.
Mme Le Brasseur (Lola): Pardon?
Le Président (M. Marsan): Mme Le Brasseur, la parole est à vous.
Mme Le Brasseur (Lola): ...merci -- de faire un bilan de l'état des comités de francisation, c'est une énorme commande parce que c'est inégal. Par exemple, prenons un secteur comme celui de l'aérospatiale où il y a une seule entreprise qui détient un certificat de francisation, à ma connaissance. Même si la francisation est difficile, dans ce secteur-là, on bénéficie d'un soutien extraordinaire de l'Office de la langue française, ça, on doit le mentionner. Ça fait des années qu'on a le soutien de deux coordonnateurs qui siègent à la table sectorielle, qui accompagnent le processus de francisation d'une façon... je dirais en véritable partenaire de la francisation. Parce que là on jouit d'un véritable partenariat qu'on a réussi à créer au fil des années, là. Même si c'est difficile, comme je le disais, il y a quelque chose qui fonctionne. Petit à petit, on gruge dans la francisation, on réussit à aller chercher, par exemple, dans des entreprises comme chez Bombardier, chez Pratt & Whitney, chez CAE... on réussit à faire de la francisation, à obtenir des documents, des logiciels; ça avance.
D'autres secteurs, c'est beaucoup plus difficile, plus difficile d'atteindre les gens pour les informer parce que ne leur parvient pas, d'aucune façon, l'information concernant la francisation obligatoire de leurs milieux de travail, donc c'est resté, ça reste à l'abandon, ils ne le savent pas. Et ça, c'est quelque chose qu'on a de la difficulté à cerner parce qu'il y en a beaucoup, de comités de francisation au Québec, hein? Je crois qu'il y en a au-delà de 6 000 dans les grandes entreprises. À la FTQ, on en représente au-delà de 700. C'est quelque chose de très difficile à cerner.
Maintenant, la question qu'on pourrait se poser à ce moment-ci: La mécanique de la francisation qui est décrite au chapitre V de la loi qui a été adoptée en 1997, est-ce que, quelque part, elle n'aurait pas fait son temps? Est-ce que ce n'est pas à revoir, tout ça, pour moderniser peut-être le chapitre V et avoir une nouvelle façon -- on est en 2010 -- d'aborder tout le volet de la francisation des entreprises? Il y a des lourdeurs, il y a des failles, il y a des choses qui ne vont pas.
M. Roy mentionnait tout à l'heure justement cette petite difficulté qu'on a avec l'Office de la langue française, avec qui, je dois le reconnaître, on travaille très, très bien, mais, quand arrive le moment de déposer des rapports qui sont obligatoires dans le processus de francisation, c'est-à-dire les rapports d'étape, les rapports triennaux ou même les programmes de francisation qu'on dépose à la veille de l'approbation pour décerner un certificat de francisation, l'Office n'est plus sûr si c'est nécessaire d'avoir les signatures des travailleurs, alors là on accepte des... Même si les travailleurs n'ont pas signé, ce n'est plus nécessaire. Mais on nous demande d'être très présents depuis l'élaboration du programme, l'analyse linguistique, etc. On devrait être là et notre signature devrait apparaître, et l'Office devrait s'en inquiéter, comme on l'a déjà fait à une époque, et là je remonte à mon arrivée à la FTQ, à l'époque où M. Rondeau était président de l'Office de la langue française, et c'est lui qui nous avait carrément dit à quel point c'était important que les travailleurs soient présents à toutes les étapes du processus du francisation, y compris les signatures. Et là maintenant on n'a plus tellement besoin de nous. Est-ce qu'on n'est pas actuellement dans une course à la certification qui peut s'avérer extrêmement néfaste pour la francisation au Québec?
Alors, pour franciser une entreprise, on devrait avoir des garanties béton, c'est-à-dire s'assurer que tout le personnel de l'entreprise est francisé, qu'il possède une connaissance fonctionnelle du français, et ce n'est pas le cas actuellement. On retourne dans des entreprises qui détiennent un certificat de francisation, il y a 5 %, 10 % des travailleurs qui n'ont pas de connaissance fonctionnelle du français. Et on embauche actuellement des personnes qui ne parlent pas français. Ces personnes, il faut, autant du niveau syndical que patronal, leur donner des services dans leurs langues, on n'a pas le choix...
Une voix: ...
Mme Le Brasseur (Lola): ... -- hein, c'est trop -- que de les informer dans le domaine de la santé et de la sécurité du travail, par exemple. Alors, c'est ça, c'est ce processus peut-être qu'il faut analyser à nouveau. Et, comme M. Roy le mentionnait, le projet de francisation des entreprises en aucun moment n'a fait l'objet d'une analyse, de la part, par exemple, des autorités du gouvernement, qui lui serait propre, puis de le regarder attentivement, puis dire: Bon, voyons, là, on est au-delà de 30 ans plus tard.
Une voix: ...
Mme Le Brasseur (Lola): Oui.
Le Président (M. Marsan): Alors, monsieur, je vous remercie. La parole est maintenant au député de Borduas.
M. Curzi: Non, c'est très passionnant, mais, je veux dire, en fait, ce que je comprends de votre réponse, puis je sens que vous auriez pu encore l'élaborer, c'est que vous revendiquez finalement nettement que tout d'un coup tout ce qui touche la langue de travail, ce soit revu, complété, renforcé.
Et ce que je comprends -- et c'est une question -- c'est que la FTQ, qui a été extrêmement présente au moment de l'application finalement de la loi 101 -- vous avez été sûrement le mouvement syndical, la centrale syndicale la plus active au niveau de la francisation du milieu de travail des entreprises privées -- vous souhaitez, dans le fond, qu'on retourne, on revienne un petit peu à cette énergie de base là.
Et ma question est une question politique, c'est: Est-ce que l'idée de refranciser au maximum et d'y mettre donc les énergies, d'y mettre des consensus sociaux, d'y mettre des moyens... Parce que j'entends bien que ce qu'on dit, c'est que l'office rend de grands services, mais elle devrait en rendre plus, donc il y aurait besoin que l'office se développe, soit peut-être mieux financé, qu'il y ait plus de gens. Est-ce que toute cette volonté-là -- et je parle aux représentants de la centrale syndicale -- pour vous, ça constitue de quelque manière que ce soit une menace économique? Est-ce que ça vous semble antinomique ou contraire au développement économique du Québec? Est-ce que ça vous apparaît comme étant quelque chose qui serait défavorable au niveau de l'économie générale? Voilà.
M. Roy (René): Bien, ma réponse est assez courte: absolument pas. Puis la preuve, la preuve est dans la poutine, comme on dit. Ça fait quand même 35 ans ou 32 ans qu'on vit avec des lois, les lois sur la langue de travail, et je pense que ça a simplement amélioré... Moi, je pense que ça a amélioré l'économie du Québec. On est capables de travailler en français, les affiches sont en français, beaucoup de nos documents sont en français; les travailleurs s'y retrouvent, les échanges sont meilleurs.
Moi, pour avoir travaillé dans des mines puis dans des compagnies comme Bell Canada, je peux vous dire qu'on parlait le chiac à toutes fins pratiques. On avait des langages que... on avait un langage qui se promenait, là, que seul... qu'on devait apprendre sur les milieux de travail. Parce que, si on arrivait de l'extérieur, on ne comprenait absolument rien de ce qui se disait dans le milieu de travail, alors il fallait apprendre un nouveau langage, et ça se promenait de l'anglais au français.
Et, quand, je me rappelle, à Bell Canada, on recevait une commande pour aller sur un client à Saint-Hyacinthe, tous les gens qui touchaient à la commande étaient des francophones et l'écrit était en anglais. C'est pour vous montrer un peu quelle situation qu'on avait à ce moment-là. Alors, il fallait utiliser des expressions anglaises pour définir les téléphones, des instruments français.
Alors, vous allez nous trouver certainement fort heureux de votre déclaration, à savoir que, si le gouvernement, si le Parlement décide de revoir ou de retoucher positivement toute la question de la langue du travail, milieu de travail, bien, vous allez nous voir certainement le supporter. Et vous avez dit: «Sans être partisans», on est des grands partisans de la langue française, M. le député.
M. Curzi: Merci de votre réponse. Je comprends donc... Parce que, dès qu'on parle de la langue, c'est sûr, et à juste titre, on revendique une présence importante de la connaissance de l'anglais, d'une part, de l'anglais et de d'autres langues individuellement, mais de l'anglais comme interface et interface avec le monde. Et un des arguments assez répandu, c'est que, pour réussir, donc ça veut dire pour travailler avec succès dans quelques milieux de travail, il faut de toute nécessité connaître l'anglais.
Je suis d'accord que la connaissance de l'anglais... et c'est une question aussi, une question à double volet: Est-ce que vous avez le sentiment qu'à Montréal et dans la grande région de Montréal il y a une anglicisation? Est-ce que, dans l'expérience du travail que vous avez, vous trouvez qu'il y a un débordement ou est-ce que l'anglais est à sa juste place comme interface avec le reste des industries dans lesquelles vous êtes présents?
**(11 h 30)**M. Roy (René): Oui. Constamment. C'est une bataille constante qu'on a à faire là-dessus parce que l'anglicisation des travailleurs ou des entreprises, il nous semblait que, jusqu'en 1995, en tout cas jusque dans le milieu des années quatre-vingt dix, on avait stabilisé, on avait gagné, puis on avait stabilisé, et, depuis ce temps-là, l'arrivée massive de travailleurs immigrants -- et qui sont nécessaires, là, en passant, là, on ne demande pas de couper l'immigration, au contraire -- on a senti que, les milieux de travail, l'anglais gagnait du terrain.
Puis on est d'accord avec vous, il y a des endroits où est-ce que ça doit travailler en anglais, là. Il y a des domaines de recherche, il y a des endroits, c'est absolument nécessaire de connaître l'anglais, c'est absolument nécessaire de travailler en anglais, et ce n'est pas ça qu'on est en train de contester ici. Mais des travailleurs... L'arrivée aussi, j'allais le dire, de toute la question de l'informatique, les logiciels, on a eu énormément de travail là-dessus, énormément de difficultés à obtenir des logiciels en français. L'Office québécois de la langue française a fait une maudite belle job là-dessus. ils ont travaillé fort. Mais, encore une fois, l'office, à un moment donnée, ses effectifs, ses budgets ont été coupés. Mme la ministre disait qu'ils avaient été augmentés un peu dernièrement; c'est vrai. Alors, on a toujours souhaité puis on a toujours mis dans nos mémoires qu'on devrait davantage supporter financièrement l'Office québécois de la langue française.
M. Curzi: Je comprends aussi que ce que vous dites, c'est: Au niveau des nouveaux arrivants, il faudrait s'assurer qu'il y ait une francisation réelle, mais qu'elle soit en lien avec le milieu de travail. Ça, ça vous apparaît être un lieu où il faudrait investir davantage et de moyens, et de préoccupations, et d'efforts.
M. Roy (René): Ah, tout à fait, parce que ça, on en a, des entreprises dans lesquelles on a des cours de francisation directement dans les milieux de travail. Des entreprises qui sont très bien là-dessus nous permettent d'avoir de la formation directement sur les lieux de travail. On en a. C'est surtout des entreprises assez puissantes quand même au niveau financier qui sont capables de faire ça. Et ça, c'est très bien. On a un support du gouvernement à la FTQ pour faire ça, mais la tâche, M. le député, est immense. Il y a énormément plus de travail à faire qu'on peut en faire.
M. Curzi: Merci, monsieur. Merci.
Le Président (M. Marsan): Merci beaucoup, M. Roy, Mme Le Brasseur. Et j'inviterais maintenant les représentants de la Société nationale des Québécoises et des Québécois, région des Laurentides, à venir prendre place.
Nous allons suspendre pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 11 h 32)
(Reprise à 11 h 38)
Le Président (M. Marsan): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons nos travaux. Et nous avons le plaisir d'accueillir la Société nationale des Québécoises et des Québécois, région des Laurentides. M. André Garant, vous êtes un des administrateurs et vous avez une période de 15 minutes pour nous présenter la position de votre organisation. La parole est à vous.
Société nationale des Québécoises et
Québécois, région des Laurentides (SNQL)
M. Garant (André): Merci, M. le Président. Mmes et MM. les députés, sur notre mémoire, nous voulons vous expliquer qui nous sommes. La Société nationale des Québécoises et Québécois des Laurentides, SNQL, est implantée dans le secteur des Laurentides depuis 1952, connue autrefois sous le nom de Société Saint-Jean-Baptiste du diocèse de Saint-Jérôme.
Notre organisation se préoccupe, entre autres, du développement des éléments identitaires de la société québécoise: la langue, l'histoire, les coutumes, les moeurs et la culture. Nous sommes également mandataires du gouvernement du Québec pour la réalisation de la fête nationale et nous offrons un service d'entraide, assurance collective au décès, à nos quelque 4 500 membres. Notre représentation nationale se fait à l'intérieur du Mouvement national des Québécoises et Québécois, le MNQ.
**(11 h 40)** Nos actions et activités quotidiennes sont en cohérence avec notre démarche politique de vouloir faire du Québec un pays. Nous adhérons également à la politique québécoise d'interculturalisme. Celle-ci, dans une convergence culturelle, semble favoriser davantage l'intégration respectueuse des immigrants à la société québécoise francophone, contrairement à la politique du multiculturalisme fédéral.
En introduction, le Québec, de par sa situation géopolitique, est une société francophone, partie d'un Canada anglophone et à l'intérieur d'une Amérique anglophone. Conséquemment, le Québec devra toujours assurer une vigilance et maintenir des activités qui assureront la vivacité et la pérennité de la langue française dans la sphère publique, législative et sociale.
Le gouvernement du Québec ne peut ignorer l'ensemble des rapports et recherches sonnant l'alarme et demandant la vigile face à la fragilité de sa langue nationale.
Le Québec, de par son histoire, colonisé par la France, conquis par l'Angleterre, devra toujours déployer de l'énergie pour assurer le développement et la vitalité de la langue française et de la culture québécoise. À travers ses 400 ans d'histoire, le Québec a su intégrer l'apport des autres cultures à la sienne tout en se préoccupant que le français, langue nationale, soit la langue de la cohésion sociale.
C'est avec cette réalité fondamentale que nous abordons le projet de loi n° 103 modifiant la Charte de la langue française et d'autres dispositions administratives. De plus, nous portons une attention toute particulière au fait que, dans les situations conflictuelles ou litigieuses dans l'interprétation de la loi au Québec, c'est toujours la Cour suprême du Canada qui a le dernier mot. C'est donc une structure fédérale hors Québec qui vient régir nos situations difficiles. Ce fait peut expliquer les craintes et la sensibilité des Québécoises et Québécois devant les demandes de certains citoyens qui ne désirent pas s'intégrer à la langue de la majorité.
Nous sommes profondément convaincus que les nouveaux arrivants doivent avoir le vouloir et le devoir de s'intégrer à la culture dominante du Québec, et ce, par le passage obligé de l'enseignement en français. Pour permettre aux immigrants d'intégrer la culture québécoise, nous croyons fermement que le Québec doit développer beaucoup plus de stratégies et de savoir-faire afin d'offrir clairement la culture québécoise en français et d'aider l'immigrant à s'intégrer totalement à la société québécoise. Devant l'importance du débat sur la langue française et l'effet collectif de cette langue dans la cohésion sociale du Québec, la SNQL tient à exprimer à la commission parlementaire son point de vue.
Démocratie. Considérant que le Québec est une société démocratique avec une Charte des droits et libertés respectant les lois, les institutions et les tribunaux: nous croyons pertinent de réitérer notre engagement dans des règles de fonctionnement collectif qui puissent assurer une cohésion sociale en français; nous voulons que ce soit l'Assemblée nationale qui établisse les règles de la vie sociale en français au Québec et non le gouvernement par des règlements et des critères; nous demandons au gouvernement d'informer explicitement les postulants immigrants des exigences de vivre en français au Québec; nous sommes d'avis que le gouvernement du Québec ne peut faire place, par sa loi, à des contournements de l'esprit de la Charte de la langue française qui mèneraient à une fissure dans le pacte social québécois et fragiliseraient la paix linguistique obtenue; nous dénonçons le projet de loi n° 103 pour les éléments subjectifs intégrés à sa démarche administrative proposée qui feront l'objet de contestations à répétition, considérant la subjectivité inhérente à une approche au cas par cas.
Nous recommandons donc que le gouvernement s'assure qu'il n'y ait aucun accommodement légal qui irait à l'encontre des principes de la démocratie québécoise et qui atténuerait les pouvoirs de l'Assemblée nationale dans sa capacité de régir la Charte de la langue française, compromettant ainsi l'expression de notre vie sociale en français au Québec.
Légalité. Considérant que le Québec adhère au principe que tous les êtres humains sont égaux en valeur et en dignité et ont droit à une égale protection de la loi, tel qu'énoncé dans la Charte québécoise des droits et libertés: nous dénonçons tout comportement, règlement ou loi qui irait à l'encontre de ce principe -- la SNQL s'insurge contre le fait que le niveau de richesse personnelle puisse acheter un droit constitutionnel et que le gouvernement cautionne ce subterfuge par son projet de loi; nous demandons au gouvernement de ne pas créer un principe d'iniquité sociale par une loi.
Nous recommandons donc au gouvernement de ne concéder aucun accommodement légal qui irait à l'encontre de ce principe d'égalité individuelle et sociale en permettant l'achat d'un droit.
Identité. Considérant que l'affirmation de l'identité québécoise est aussi une ouverture à la richesse interculturelle: nous croyons à propos de demander que tous les dirigeants des différentes structures organisationnelles du Québec se mobilisent dans le développement des éléments identitaires québécois, dont la langue française; nous voulons que les nouveaux arrivants se joignent à la culture québécoise en intégrant le réseau scolaire francophone primaire, secondaire et collégial; nous souhaitons une expression culturelle québécoise conforme à sa langue et à son histoire.
Nous recommandons donc au gouvernement de s'assurer que les dirigeants de la vie politique et sociale ne concèdent aucun accommodement légal ou ajustement concerté basé sur des motifs qui auraient pour résultat de mettre en veilleuse un ou des éléments de l'identité québécoise, dont la langue française. Nous appuyons le gouvernement dans son intention de modifier la Charte des droits et libertés pour y inclure la primauté du français.
La langue. Considérant que le Québec est une société francophone dans une Amérique du Nord anglophone, soit 2 % de la population totale, et qu'il est doté d'une Charte de la langue française: nous croyons que cette réalité enrichit la culture nord-américaine et qu'elle doit être soutenue davantage -- nos ancêtres de France ont immigré au Québec dans un héritage linguistique millénaire qui a fasciné et façonné notre vie culturelle; nous croyons bien fondé le désir des Québécoises et Québécois de protéger leur héritage linguistique; nous croyons que la langue française est le premier élément du patrimoine formant l'essentiel de l'identité québécoise, et, à ce titre, justifie l'utilisation de la clause dérogatoire afin d'en assurer sa pérennité.
Nous recommandons donc au gouvernement une grande fermeté dans l'application de la Charte de la langue française et qu'il utilise au besoin la clause dérogatoire afin de ne pas laisser certains groupes en contester sa légitimité démocratique.
Politique d'immigration. Considérant le nombre de plus en plus important de nouveaux immigrants à chaque année au Québec: nous croyons qu'il devrait y avoir davantage d'organismes communautaires voués à l'accueil et à l'intégration des immigrants, tels que Le Coffret, dans la région des Laurentides; en lien avec la réalité québécoise, il nous apparaît important que les critères de choix des nouveaux arrivants soient revus de façon à maintenir l'équilibre linguistique à l'intérieur de la société québécoise; nous sommes d'avis que les postulants immigrants ne sont pas assez informés des fondements linguistiques de la vie sociale au Québec; il nous apparaît de plus en plus important que la Charte de la langue française soit diffusée à ceux et celles qui demandent à immigrer au Québec -- la situation doit être claire pour eux, ils doivent savoir que tous leurs enfants devront fréquenter l'école française, à l'exception des cas prévus aux articles 81 et 85.1 de la Charte de la langue française.
Nous recommandons donc au gouvernement de revoir sa politique d'immigration et de se doter d'une politique linguistique efficiente d'inclusion à la francophonie québécoise.
**(11 h 50)** En conclusion, c'est en toute simplicité que la SNQL vous a présenté son point de vue. Nous croyons qu'il est impératif dans cette réflexion de ramener le tout à sa formule la plus élémentaire possible. Pour nous, la société québécoise est une jeune société dynamique et pacifique avec une volonté d'accueillir des immigrants qui s'intégreront à la culture dominante du Québec, et ce, en français.
Le Conseil supérieur de la langue française met en valeur la réalité juridico-politique devant guider le gouvernement dans sa volonté de protéger la langue nationale. Les règles d'accès à l'école anglaise au Québec, telles qu'elles ont été énoncées dans l'article 73 de la loi 101, mais aussi dans l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, ont ceci en commun d'être le résultat d'un choix de notre société... des droits qui sont donnés à des personnes sur la base de leur appartenance à la communauté anglo-québécoise, la clause Québec, ou à la communauté anglo-canadienne, la clause Canada. En 1977, la loi a été conçue et formulée de façon à traduire une garantie donnée à une communauté identifiée, la communauté historique des Anglo-Québécois.
En toute cohérence, le gouvernement du Québec doit s'assurer que tous les établissements d'enseignement primaire et secondaire respectent les règles de la Charte de la langue française s'ils veulent maintenir la cohésion sociale.
La SNQL se veut un organisme ouvert et participatif au développement de la culture québécoise et souhaite que les générations futures soient fières de leur expression culturelle francophone. L'expression de notre point de vue n'exprime en aucun temps un désir de ne pas reconnaître les droits de la minorité historique anglophone du Québec. Elle se veut tournée vers l'avenir, croyant dans la force de l'identité québécoise francophone pour la survie de la nation québécoise. Je vous remercie.
Le Président (M. Marsan): Merci, M. André Garant, qui nous a donné la position de la Société nationale des Québécoises et des Québécois de la région des Laurentides. Je cède immédiatement la parole à Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine.
Mme St-Pierre: Merci. Merci pour cet exposé, M. Garant. Donc, on comprend, même si vous ne le dites pas de cette manière, que votre proposition, c'est d'appliquer la loi 101 aux écoles privées non subventionnées?
M. Garant (André): Absolument, oui.
Mme St-Pierre: Et, est-ce que vous ajoutez, dans votre esprit aussi, l'ajout de la clause dérogatoire qui suspend les libertés individuelles?
M. Garant (André): On est en faveur de la clause dérogatoire, mais je ne pense pas qu'elle suspend les libertés individuelles. Il y a toujours, dans notre société, les droits de la communauté et les droits des individus. Et je pense que, de tous les temps, toutes les sociétés qui se sont respectées puis qui ont voulu survivre ont fait passer les droits de l'ensemble de la communauté avant ceux des individus. Je crois que c'est une chose tout à fait normale.
Mme St-Pierre: Par ailleurs, selon les experts qui ont été consultés par... Lors d'une interpellation l'année dernière en Chambre, du côté de l'opposition officielle, on nous disait que les experts qu'ils avaient consultés leur disaient que, s'il y avait application de la loi 101 aux écoles privées non subventionnées, il pourrait y avoir contestation en vertu de la liberté d'expression. Donc, pour éviter ce genre de contestation, on recommande d'appliquer la clause dérogatoire...
M. Garant (André): Absolument.
Mme St-Pierre: ...de sorte qu'on applique... on suspend la charte... les chartes. Et vous dites, à la fin de votre exposé: Dans notre esprit, nous ne voulons pas brimer les droits des autres. Alors, j'essaie un peu de comprendre. Est-ce que cette démarche de clause dérogatoire, ce n'est pas exactement ça, brimer les droits des autres?
M. Garant (André): Je ne croirais pas que c'est brimer les droits des autres, parce qu'on m'a toujours enseigné que mes droits s'arrêtaient où commençaient ceux des autres.
Mme St-Pierre: Ceux des autres.
M. Garant (André): Donc, à ce moment-là, je pense qu'on peut respecter les droits des autres tout en appliquant des limites. Tous les droits ont des limites. On ne peut pas faire n'importe quoi. On a vu des gens demander que, dans la charte, ils avaient le droit de faire telle chose ou telle chose, mais, à ce moment-là, les cours expliquent bien qu'il y a des limites à tous les droits.
Mme St-Pierre: Auriez-vous des commentaires à faire sur le projet de loi lui-même par rapport à la proposition que nous faisons concernant les écoles? Bon, là, on comprend, vous nous dites: C'est la loi 101 qui devrait s'appliquer. Mais est-ce que vous avez aussi réfléchi sur d'autres propositions ou d'autres avenues, ou c'est la seule, dans votre esprit, qui est acceptable?
M. Garant (André): On voudrait, si vous voulez, éviter qu'il y ait des possibilités pour des organismes de contester continuellement. Si on dit: Au lieu d'un an, ça va être trois ans, bien, ils vont trouver: Bien, pourquoi, trois ans? C'est contre encore les droits des gens. Ceux qui ont fait deux ans, pourquoi? Donc, mettons les choses les plus simples et les plus claires possible, proposons quelque chose qu'on ne peut contourner. Parce que ce qu'on veut éviter, c'est que ce soit un buffet chinois, que tout le monde puisse choisir ce qu'il veut au détriment... et personne n'a le droit de rien dire là-dedans.
Moi, si j'invite quelqu'un chez moi, je n'aime pas qu'il fouille dans mon frigidaire puis qu'il me dise: Bien, la bière que tu as là, ce n'est pas la marque que j'aime, là. Si on accueille quelqu'un, on est la société d'accueil. Donc, comme société d'accueil, on a un droit prioritaire. On veut aider ces gens-là, ces gens-là devraient être assez compréhensifs pour savoir que, s'ils quittent une société où ils ont des problèmes majeurs, ce n'est pas pour venir ici et changer une méthode gagnante, si vous voulez, puisque les citoyens québécois vivent dans des conditions fort respectables du point de vue économique.
Mme St-Pierre: Je comprends que vous approuvez par ailleurs les modifications que nous proposons à la Charte des droits et libertés.
M. Garant (André): Oui, absolument. Ça, je pense que ce serait un gros plus pour que tout le monde comprenne que, pour la majorité des citoyens, c'est important que ce soit dans la charte et que ce soit très clair que la langue française est la langue de la majorité au Québec et une langue prioritaire.
Mme St-Pierre: Sur les autres aspects de notre projet de loi? On parle des amendes qui seraient augmentées, on parle également de soumettre les universités et les collèges à... en fait, ils ont déjà la politique linguistique, mais les soumettre à une reddition de comptes, c'est-à-dire nous rendre compte de ce qu'ils ont fait dans le cas de la politique linguistique. On propose également d'avoir le pouvoir de demander à une municipalité de se doter d'une politique linguistique. Est-ce que ce sont des mesures, ça, qui vous plaisent? Est-ce que vous trouvez que ça fait progresser, que ça fait en quelque sorte avancer la situation? Même si ce n'est pas parfait, j'en conviens, dans votre esprit, là.
M. Garant (André): Oui. Dans une certaine façon, pour moi, j'ai toujours trouvé regrettable la façon dont certaines universités calculaient. Parce que j'ai vu récemment les HEC qui prenaient des contrats à l'étranger, en Chine, pour des jeunes qui venaient se faire éduquer en anglais aux HEC. Mais, comme ça faisait plus d'étudiants, c'était plus rentable pour eux. Cette politique de rentabilité là, moi, là... comme société nationale aussi, on a beaucoup de difficulté à accepter ça. Ce n'est pas une façon d'être rentable, là, c'est une façon de dispenser une culture qu'on veut voir...
Mme St-Pierre: Donc, on pourrait aller chercher des étudiants, mais leur dire: Votre formation sera...
M. Garant (André): En anglais.
Mme St-Pierre: ...sera en français, puis ça leur donnerait l'occasion d'apprendre le français, même s'ils retournent dans leur pays tout de suite après?
M. Garant (André): C'est sûr, oui.
Mme St-Pierre: On pourrait aller en chercher aussi dans la francophonie.
M. Garant (André): Bien, on peut le voir, il y a des possibilités. Actuellement, il y a beaucoup plus d'étudiants français qui étudient ici que de Québécois, disons, qui étudient dans la francophonie. Donc, on a un potentiel avec ces étudiants-là.
Mme St-Pierre: Alors, bien, moi, je n'ai pas d'autres questions, M. le Président. Je vous remercie beaucoup de vous être déplacés. Vous avez fait une longue route pour venir jusqu'à Québec.
M. Garant (André): Ça nous a fait plaisir.
Mme St-Pierre: Merci.
Le Président (M. Marsan): Merci. Nous poursuivons. Et je vais céder la parole à notre collègue... Oups! On m'indique que, oui, oui, il restait du temps. Excusez.
Une voix: ...
Le Président (M. Marsan): Oui. Alors, je vais céder la parole à notre collègue, M. le député de Lévis.
**(12 heures)**M. Lehouillier: Bien, merci beaucoup, M. le Président. Alors, moi, j'aurais une question... je fais un petit peu de... dans la suite de ce que la ministre a indiqué tout à l'heure. Vous savez, le fondement, là, du projet de loi, c'est qu'au fond... bien, parce que vous avez parlé de pacte social, de ne pas briser le pacte social, sauf que, depuis l'adoption de la Charte de la langue française en 1977, il a toujours été possible au Québec de fréquenter une école anglaise privée non subventionnée, toujours été possible de le faire. Et ça, c'est ce que les René Lévesque, Camille Laurin appelaient l'espace de liberté qu'on conserve pour préserver les droits et libertés. Le projet de loi est exactement dans cette lignée-là.
Quel serait... En quoi vous pensez... Parce qu'en plus, dans votre mémoire, vous dites que vous recommandez au gouvernement une grande fermeté dans l'application de la charte; c'est précisément ce que le projet de loi tente de faire ou fait, c'est-à-dire de faire en sorte que, les écoles passerelles, il n'y en aura plus. Mais, en même temps, quand vous dites qu'«il utilise au besoin la clause dérogatoire», est-ce que ça veut dire que vous hésitez également dans l'utilisation de cette clause dérogatoire là, compte tenu du fait que le pacte dont vous parlez, qui est le pacte de 1977, incluait cette possibilité de fréquenter une école anglaise privée non subventionnée pour respecter les droits et libertés des personnes? Et, dans votre mémoire, il y a cette espèce d'ambiguïté là par rapport à la clause. Alors, j'aimerais ça vous entendre davantage là-dessus, et m'indiquer quelles seraient pour vous les conséquences de... tu sais, parce qu'utiliser la clause dérogatoire, c'est de suspendre des droits. Donc, est-ce que, d'après vous, les conséquences du fait qu'on maintienne des écoles privées non subventionnées seraient si dramatiques que ça, puisque le pacte social l'incluait déjà?
M. Garant (André): Bien, une chose qui serait importante, c'est que ça ne peut pas être limité dans le temps. On ne peut pas empêcher une personne, si vous voulez, si elle paie tous les frais et si le gouvernement n'a aucun déboursé à faire, de se rendre dans une école, quelle qu'elle soit, excepté que, s'ils font ce choix-là, ce choix-là doit être définitif. Il n'est pas question qu'elle revienne à l'intérieur du système anglophone payé par l'État.
M. Lehouillier: Mais, pour atteindre cet objectif-là, est-il vraiment essentiel d'utiliser une clause dérogatoire, puisqu'au fond le projet de loi propose des moyens qui permettraient... Et hier Me Louis Bernard a proposé même qu'il devrait y avoir une déclaration solennelle qui pourrait être faite, là, dans ce sens-là. Alors, est-il vraiment nécessaire, compte tenu du pacte de 1977, où... Vous dites dans votre mémoire: Il faut éviter un peu les confrontations, bien, justement, ne croyez-vous pas que, si on tente de respecter le pacte, mais qu'on trouve une solution autre que l'utilisation à la clause dérogatoire... Est-ce que ça vous satisferait finalement par rapport à ça?
M. Garant (André): Bien, une chose qui est extrêmement importante, c'est que ce soit extrêmement clair. Il faut éviter, comme ça se fait pour des professionnels... Quand on vient au Québec, on est supposé normalement, pour un professionnel, au bout de trois ans, avoir maîtriser la langue française, mais on sait fort bien que, si, au bout de trois ans, le professionnel ne le parle pas, on lui donne un autre trois ans, on l'étire. Si on fait la même chose avec le projet de loi, on s'enfarge, là, face à des problèmes qui n'auront plus de fin, et vous pouvez être sûrs que les avocats des organismes de parents ou autres vont embarquer là-dedans et essayer de contester. Donc, c'est pour ça que nous disons: Avec une clause dérogatoire, c'est très clair, on dit: L'Assemblée nationale a décidé à l'unanimité, donc personne n'a à intervenir là-dessus.
M. Lehouillier: Mais vous n'êtes pas nécessairement fermé à d'autres moyens que l'utilisation d'une clause dérogatoire. C'est ça que je comprends.
M. Garant (André): Bien, j'en vois très peu, là. Du moment qu'on donne une chance, que c'est dans trois ans, à ce moment-là, on ouvre une brèche où tout le monde va s'engouffrer.
M. Lehouillier: Merci.
Le Président (M. Marsan): Ça va? Alors, je vous remercie. Maintenant, je vais céder la parole à notre collègue le député de Borduas, porte-parole de l'opposition officielle en matière de langue. M. le député.
M. Curzi: Merci, M. le Président. Bonjour, bienvenue, M. Garant. En fait, votre mémoire, il est très clair et très simple, vous partez des principes et vous vous dites: En partant de ces principes-là, si on veut qu'ils soient vraiment respectés, il faut que notre décision soit ferme quant à l'application de la loi 101. Et ce que vous mettez de l'avant en axant votre document sur les principes, c'est que le droit collectif, dans le fond, prime et qu'il vous apparaît, dans ce cas-ci, et c'est très important, comme ceux qui sont à l'origine de la loi 101, ce droit collectif là vous apparaît primer, parce que, on le sait, on est dans une situation de groupe culturel, de nation culturelle et de langue minoritaire dans le continent, et même la Cour suprême le reconnaît.
À cet égard-là, vous affirmez aussi que, pour vous, ce serait bien que le principe soit intégré à la Charte des droits et libertés. Pour tout ce qui n'est pas directement... parce que votre position est claire sur 103, vous refusez, c'est clair, et vous optez plutôt pour l'application stricte de la loi 101. Et vous dites... et j'ai perdu un dernier bout parce qu'on avait une discussion qui touche beaucoup aux droits, sur la clause dérogatoire, mais je pense que vous êtes d'accord avec le principe qu'il vaudrait mieux l'intégrer pour éviter d'entrer dans un cirque juridique, mais que vous êtes d'accord aussi pour dire que les deux ne sont pas... c'est nécessaire, mais ce n'est pas essentiel, c'est-à-dire que la clause... on peut agir sur la loi 101 sans la clause dérogatoire, mais ne pas le faire, c'est inévitablement, clairement entraîner un débat qui va nous amener à l'invoquer. C'est vraiment ça, je pense, votre position.
Ma question, en fait, c'est: Dans ce projet de loi là, il y a plusieurs autres aspects; certains sont intéressants. Vous dites: L'intégration du français à la Charte des droits... Mais ce que je comprends aussi de votre position, et c'est une question: Vous ne seriez pas prêt à renoncer à votre position sur les écoles dites passerelles au profit d'autres aspects de la loi?
M. Garant (André): Non, absolument pas parce que les écoles passerelles sont à rejeter absolument. On veut que pratiquement 99,9 % des immigrants qui arrivent ici et puis qui ne sont pas touchés par la clause Québec ou Canada aillent à l'école en français. Malheureusement on s'aperçoit que ce n'est pas encore le cas actuellement, et puis qu'il y a trop d'immigrants qui la contournent, et puis, à ce moment-là, qui pensent qu'en parlant anglais ça va résoudre tous les problèmes. Quelqu'un qui a des difficultés, ce n'est pas un service de lui dire: Va en anglais, parce qu'un élève en difficulté qui suit un cours d'anglais devient un élève qui parle anglais en difficulté. Donc, l'important, c'est d'amener les élèves vers le mieux possible, former des élèves. parce que l'anglais, c'est une matière comme n'importe quelle autre, ça s'apprend, ce n'est pas plus compliqué que ça, si le besoin est.
M. Curzi: Vous parlez beaucoup des nouveaux arrivants. Dans le fond, ce que j'entends, c'est que vous dites: Il y a un effort considérable à faire au niveau de la francisation des nouveaux arrivants.
M. Garant (André): Absolument, oui.
M. Curzi: Parce que je pense que, dans la région des Laurentides, il y a des efforts particuliers qui se font en ce sens-là d'ailleurs, et ce que vous dites...
M. Garant (André): Oui, bien, Le Coffret, c'est un organisme extrêmement dynamique.
M. Curzi: Oui.
M. Garant (André): Et puis, les immigrants de la région, ils ont des cours de français, même si ce n'est pas des cours rémunérés, puis on leur montre bien que, dans la région des Laurentides, bien, c'est en français que ça se passe la très grande majorité du temps.
M. Curzi: On a eu beaucoup de représentations de la part du milieu du travail, du milieu de l'enseignement, ce matin, de différents milieux, puis c'est en lien avec les différents aspects de la loi et même au-delà de certains des articles contenus dans la... Est-ce que, selon vous, on est rendus au moment où il faudrait de nouveau revoir la Charte de la langue française, mais d'une façon peut-être plus profonde que ce qui est proposé ici par un certain nombre d'articles?
M. Garant (André): Absolument, parce que ce qu'on se rend compte de plus en plus, c'est qu'il y a un laxisme dans les entreprises, et puis, de toutes les façons, on essaie de contourner... On s'aperçoit que, souvent, l'exigence de l'anglais, ce n'est pas une exigence véritable parce qu'on commerce avec l'extérieur ou dans un pays anglophone, mais souvent c'est que celui qui est le responsable des ouvriers, lui, comprend mal le français, donc on oblige tout le monde à ce moment-là à travailler en anglais pour satisfaire le directeur d'un département. Moi, je ne trouve pas ça normal, ça.
Et puis les entreprises de moins de 50 personnes devraient être assujetties à la Charte de la langue française. C'est ça, ça a fait un temps, mais maintenant je pense que tout le monde devrait être assujetti.
M. Curzi: Dans un contexte où la mondialisation est réelle et où le Québec est à l'intérieur de cette mondialisation-là, est-ce qu'à votre avis il y a d'autres aspects que ceux de la loi ou de la charte où on pourrait agir pour aider à la francisation de l'ensemble du Québec?
**(12 h 10)**M. Garant (André): Je pense, c'est d'amener les Québécois à être fiers de ce qu'ils sont et de ce qu'ils font. Malheureusement, on s'aperçoit que la mondialisation, ça a des défauts extrêmement importants. Comme nous, on a essayé de combattre le fait que les jeunes s'imaginent que la chanson, ça se fait en anglais. On était rendus même dans des écoles primaires avec des petites radios où toutes les chansons étaient en anglais. Là, ça devient aberrant parce qu'on fait de très belles choses en français; il faut en être fiers puis il faut le répandre. Et puis, de penser que la chanson, ça se fait en anglais puis que c'est la seule façon d'avoir du succès, on essaie de démontrer le plus possible aux gens de notre région que ce n'est pas ça puis qu'il faut essayer d'autres choses.
M. Curzi: Merci. Avez-vous des questions? Oui.
M. Blanchet: J'ai une petite question...
Le Président (M. Marsan): M. le député de Drummond.
M. Blanchet: ... -- merci, M. le Président -- assez directe. Je vais essayer d'y aller à grands traits. Il y a un premier scénario, qui est celui que vous semblez préconiser, qui dit: On bloque l'accès à l'école supposée pouvoir servir de passerelle. On dit: Premier scénario, puis on bloque ça là. Il y a un autre scénario, qui se dessine et qu'on devra analyser, qui est celui de rendre la passerelle plus étroite. La volonté du gouvernement est de la rétrécir un peu, et ce que suggérait M. Bernard, c'est de la rétrécir encore un peu plus.
Imaginons, hors de nulle part, un autre scénario qui dit: La passerelle, on la coupe. Vous pouvez, avec votre argent, vous payer l'école de votre choix, puisque l'État ne finance pas cette école-là -- donc, l'espèce de petite gêne qui semblerait avoir animé les auteurs originaux de la loi 101 -- mais, si vous revenez dans le système public, la question ne se pose pas: la loi 101 s'applique, puis vous allez retourner en français. Est-ce que c'est imaginable, pour vous, ça?
M. Garant (André): D'après nous, oui, parce que, du moment que vous laissez une faille, tout le monde va se précipiter dans cette faille-là pour essayer de l'agrandir, d'avoir sa chance de passer. Comme je disais tout à l'heure, ils s'imaginent toujours qu'ils vont donner une chance à leurs enfants en étudiant en anglais. Pour moi, ce n'est pas vrai, c'est l'excellence, mais c'est pour ça que je leur dit: Si vous voulez aller à une école anglaise non subventionnée, libre à vous, mais c'est un non-retour pour aller à l'école anglaise.
M. Blanchet: Je me permets de mentionner, de faire un commentaire sur votre commentaire concernant la musique québécoise. Effectivement, il se fait de l'excellente musique québécoise qui subit présentement beaucoup la pression des nouveaux modes de circulation de la musique qui, commercialement, la rétrécit beaucoup. Mais effectivement c'est de mettre de l'avant beaucoup plus que d'être défensif.
Je reviens à notre propos premier. Vous êtes conscients que couper la passerelle, ce n'est pas l'application de la loi 101.
M. Garant (André): Bien, écoutez, non, c'est mettre les choses claires.
M. Blanchet: Couper la passerelle, c'est de dire: Tu ne peux pas revenir après. Ce n'est pas comme telle l'application de la loi 101; l'article 73, ce n'est pas exactement ça, là.
M. Garant (André): Non, mais ce qui va arriver, c'est que, s'ils reviennent, ils vont revenir dans le système francophone.
M. Blanchet: O.K. Merci.
Le Président (M. Marsan): Alors, merci, M. Garant, pour nous avoir donné la position de la Société nationale des Québécoises et Québécois, région des Laurentides.
Et, sur ce, la commission va suspendre ses travaux jusqu'à 14 heures pour la période du dîner. Et vous pouvez laisser vos documents ici; les portes seront barrées. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 14)
(Reprise à 14 h 6)
Le Président (M. Marsan): À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Nous allons poursuivre sans plus tarder les auditions publiques sur le projet de loi n° 103, Loi modifiant la Charte de la langue française et d'autres dispositions.
Et nous avons le plaisir d'accueillir les représentants de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse et son président, M. Gaétan Cousineau, à qui nous allons demander de nous présenter les gens qui l'accompagnent. Et, par la suite, vous pourrez commencer votre présentation pour une période maximale de 15 minutes. Alors, la parole est à vous, M. Cousineau.
Commission des droits de la personne et
des droits de la jeunesse (CDPDJ)
M. Cousineau (Gaétan): Merci beaucoup. Alors, je vous présente M. Daniel Carpentier, directeur adjoint, Recherche, éducation-coopération et communications, et Mme Claire Bernard, chercheure à cette direction.
Alors, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a pour mission de veiller au respect des principes inscrits dans la Charte des droits et libertés de la personne. Alors, c'est à ce titre que la commission présente aujourd'hui ses observations sur le projet de loi n° 103.
Ce projet de loi donne suite à l'arrêt Nguyen dans lequel la Cour suprême du Canada a déclaré inconstitutionnelles certaines des dispositions de la Charte de la langue française. Toutefois, le projet de loi ne se limite pas à reformuler les critères d'admissibilité à l'enseignement en langue anglaise puisqu'il vise également à modifier les dispositions de la Charte de la langue française. Et, en outre, plusieurs propositions introduisent de nouvelles dispositions dans la Charte des droits et libertés de la personne, ce qui est à première vue étonnant étant donné que, dans l'affaire Nguyen, les dispositions en cause de la Charte de la langue française ont été jugées contraires à l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés et que la Cour suprême ne s'était aucunement fondée sur les droits protégés par la charte québécoise pour rendre sa décision. Ce sera donc sur ces dernières modifications que la commission formulera ses commentaires.
La commission tient tout d'abord à déplorer qu'elle n'a pas été consultée avant le dépôt du projet de loi proposant des modifications fondamentales à la charte, alors qu'en vertu de sa mission elle en est la gardienne. À son bilan des 25 ans de l'application de la charte, la commission avait souligné que les modifications au contenu normatif de la charte québécoise devraient toujours faire l'objet d'une large discussion publique impliquant non seulement les acteurs politiques mais aussi les membres de la société civile. Or, le calendrier imposé ne favorise pas la participation à une large discussion publique, d'autant plus que l'absence de référence à la charte québécoise dans l'intitulé du projet de loi ne permet pas de s'assurer la participation des personnes susceptibles d'être intéressées par les modifications proposées.
Cela dit, afin d'analyser la portée des changements proposés, il convient au préalable de situer la place de la langue dans les instruments protégeant les droits de la personne. Les instruments internationaux relatifs aux droits de la personne mentionnent explicitement la langue dans essentiellement trois domaines de droit, soit la protection contre la discrimination, les garanties judiciaires reconnues aux personnes accusées d'une infraction pénale et la protection des minorités et des peuples autochtones.
La langue est un motif de discrimination interdit dans plusieurs instruments internationaux, y compris la Déclaration universelle des droits de l'homme, les deux pactes internationaux relatifs aux droits civils et politiques, et la Convention relative aux droits de l'enfant. C'est également un des 14 motifs de discrimination interdits par la charte québécoise sur la base duquel la commission peut recevoir des plaintes. Enfin, la langue constitue une des caractéristiques définissant les minorités auxquelles les instruments internationaux confèrent des protections spécifiques visant à préserver leur identité culturelle et sociale.
**(14 h 10)** Ainsi, tant le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, article 27, que la Convention relative aux droits de l'enfant, article 30, reconnaissent des droits aux personnes appartenant à des minorités linguistiques. L'article 17 de cette convention précise aussi que les médias devraient tenir particulièrement compte des besoins linguistiques des enfants autochtones ou appartenant à un groupe minoritaire. Enfin, la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones reconnaît aussi un droit spécifique concernant la langue dans les médias, article 16, et le droit à l'enseignement dans leur propre langue, article 14.
La charte québécoise confère une protection plus limitée que les normes internationales du fait qu'elle se borne à reconnaître aux personnes appartenant à des minorités ethniques le droit de maintenir et de faire progresser leur vie culturelle. Il ne vise donc pas les minorités linguistiques. À son bilan des 25 ans d'application de la charte, la commission avait recommandé que l'article 43 de la charte soit modifié afin qu'il soit entièrement conforme à l'article 27 du pacte et à l'article 30 de la convention.
Au terme de cet examen du dispositif international et interne des droits de la personne, on constate que la langue y occupe une certaine place. Elle bénéficie du régime de protection des droits de la personne à titre de caractéristique personnelle au chapitre du droit à l'égalité et des garanties judiciaires. Elle est également protégée à titre de caractéristique culturelle et sociale, notamment au chapitre des droits des membres des groupes minoritaires et des droits culturels. Cependant, elle n'apparaît jamais comme un droit protégé à titre de langue officielle d'un État.
La modification du préambule de la charte, à l'article 17, qui propose d'introduire au préambule de la charte un nouvel alinéa qui affirmerait que le français est la langue officielle du Québec et constitue un élément fondamental de son patrimoine culturel et de sa cohésion sociale... L'objectif du gouvernement est de renforcer considérablement le statut du français au Québec. Il peut être tout à fait légitime d'adopter des mesures pour renforcer le statut du français comme langue officielle du Québec. Cependant, la commission considère que ce n'est pas la fonction du préambule de la charte des droits. En effet, le préambule permet de définir et d'interpréter les droits garantis par la charte, entre autres parce qu'il en énonce l'objet et la portée. Comme les autres préambules des instruments qui ont pour principale vocation de protéger les droits de la personne, le préambule de la charte québécoise énonce des valeurs qui sous-tendent les droits et libertés qui y sont affirmés, tels que la dignité, l'égalité, la liberté, la justice et la paix, et qui permettent d'en établir le contenu et la portée. C'est pourquoi la commission avait exprimé son adhésion au projet d'introduire le principe d'égalité entre les femmes et les hommes en tant que fondement, et le principe de la liberté dans le préambule de la charte en 2008. Par contre, la formation du statut officiel d'une langue ne constitue pas une valeur inhérente à la personne humaine. Le statut officiel d'une langue ne constitue pas non plus un principe relié aux droits et libertés.
Par conséquent, selon la commission, l'affirmation du statut officiel de la langue française n'a pas sa place dans le préambule de la Charte des droits et libertés de la personne, mais elle a plutôt sa place dans le préambule de la Charte de la langue française. Rappelons par ailleurs que le fait que la charte québécoise soit un instrument juridique de nature quasi constitutionnelle n'en fait pas pour autant une constitution où ce type de préoccupation aurait davantage sa place.
Le droit à l'instruction en français. Le projet de loi propose d'ajouter un nouvel alinéa à l'article 40 de la charte, comme suit: «Toute personne a droit, dans la mesure et suivant les normes prévues à la loi, à l'instruction publique gratuite.
«Toute personne a droit de recevoir cette instruction en français.» Le nouveau droit proposé correspond au droit reconnu par l'article 6 de la Charte de la langue française libellé en ces termes: «Toute personne admissible à l'enseignement au Québec a droit de recevoir cet enseignement en français.» Il fait partie des droits linguistiques fondamentaux que consacre le chapitre II de la Charte de la langue française.
La législation québécoise comprend déjà des mesures pour en assurer ce droit. En vertu du règlement sur le Régime pédagogique de l'éducation préscolaire de l'enseignement primaire et de l'enseignement secondaire, les élèves dont la langue maternelle n'est pas le français et dont la connaissance de la langue française ne leur permet pas de suivre normalement l'enseignement doivent bénéficier des services d'accueil et de soutien à l'apprentissage de la langue française, les articles 6 et 7.
L'ajout aurait pour effet d'inscrire le droit à ces mesures dans la Charte des droits et libertés de la personne. Étant donné le caractère quasi constitutionnel de la charte, l'ajout du nouvel alinéa à l'article 40 aurait l'avantage de renforcer le droit à l'instruction publique en français et sa mise en oeuvre.
Au cours de la consultation que la commission mène depuis une année maintenant sur le profilage racial, nous avons pu constater que le modèle québécois des classes d'accueil et le parcours entre ces dernières et les classes régulières comportent des lacunes qui contribuent à entraver le passage ou la réussite scolaire des élèves qui les ont fréquentées. L'ajout proposé permettrait d'appuyer des revendications afin que les services offerts soient suffisants et adéquats. Par ailleurs, la nouvelle disposition pourrait appuyer l'accès à des services pour consolider l'apprentissage du français aux élèves qui sont en classe ordinaire, qu'ils soient des nouveaux arrivants ou non.
Actuellement, la Loi sur l'immigration au Québec et des règlements afférents prévoient des règles donnant aux nouveaux arrivants accès à des services d'intégration linguistique et à des services d'intégration socioéconomique, mais l'accès à ces mesures n'est pas conçue comme relevant d'un droit. Le nouvel article 40.1 inscrirait dans la charte des droits aux nouveaux arrivants le droit d'apprendre le français et le droit de bénéficier de mesures d'accueil et d'intégration à la vie québécoise.
La commission avait déjà souligné, à l'occasion de la consultation parlementaire de 2006, le rôle que l'État doit assumer pour favoriser l'intégration linguistique des immigrants. La commission avait adressé au gouvernement des recommandations visant à consolider l'action gouvernementale. En effet, la commission considère que la connaissance du français est un élément fondamental de l'intégration sociale, professionnelle et économique des immigrants à la société québécoise. Ainsi, la francisation des immigrants contribue, entre autres, au succès de l'implantation des programmes d'accès à l'égalité.
Quant à l'intégration des nouveaux arrivants d'âge scolaire, les remarques que nous avons faites relativement à la modification de l'article 40 valent aussi à l'égard de ce nouvel article 40.1. Un droit semblable, quoique de portée plus limitée, a été inscrit, nous ferons remarquer, en 1996, dans la Charte sociale européenne, instrument juridique qui consacre les droits sociaux et économiques. La mise en oeuvre du droit à l'apprentissage du français exige en effet que l'État assure des structures et des ressources de francisation suffisantes et adéquates. Le gouvernement québécois s'est d'ailleurs engagé en ce sens dans sa politique en matière d'immigration et d'intégration, adoptée en 1990, et plus récemment par la mise en place de nouvelles mesures pour renforcer l'action gouvernementale en matière de francisation des immigrants. La question de l'accès aux services de francisation dans les régions demeure une préoccupation importante de la commission et de ses commissaires. Aussi, nous réitérons la recommandation que nous avions faite en 2006.
La commission accueille favorablement l'inscription dans la charte du droit des nouveaux arrivants de bénéficier des mesures d'accueil et d'intégration à la vie québécoise. La commission intervient en effet régulièrement pour demander que soient levés les obstacles qui empêchent les nouveaux arrivants de s'intégrer sur le plan professionnel, économique et social à la vie québécoise, par exemple en ce qui concerne la reconnaissance des diplômes acquis à l'étranger et l'accès aux professions et métiers réglementés, mais aussi dans le domaine du logement.
La commission déplore toutefois qu'une limite intrinsèque soit inscrite dans la nouvelle disposition par l'usage des termes «dans la mesure et suivant les normes prévues par la loi». Cette forme de restriction des droits n'est pas nouvelle puisqu'on retrouve un libellé similaire dans plusieurs autres articles de la charte. Il est dommage que le gouvernement perpétue une approche qui a pour effet de déprécier les droits que la charte prétend assurer en les relativisant complètement et qui empêche tout examen judiciaire du respect du contenu essentiel des droits économiques et sociaux. À cet égard, la commission réitère à nouveau sa recommandation faite dans son bilan des 25 ans de la charte qui vise à renforcer la portée juridique des droits économiques et sociaux.
L'article 20 du projet de loi propose d'enchâsser dans la charte québécoise le droit de toute personne de participer au maintien et au rayonnement de la culture québécoise. L'introduction de ce nouveau droit aurait mérité une analyse détaillée que le court délai alloué ne nous a pas permis de réaliser. Nos observations seront par conséquent surtout de l'ordre des questions. Alors, pour appréhender la portée du terme «culture» du point de vue juridique, on pourra prendre en compte certains éléments tirés des dispositions législatives québécoises pertinentes. Par exemple, la Loi sur le ministère de la Culture et des Communications, qui détermine les domaines et activités qui relèvent des responsabilités du ministère reliées à la culture et qui prévoit également l'adoption d'une politique culturelle qui a pour but notamment de contribuer à l'affirmation de l'identité culturelle québécoise et de favoriser l'accès et la participation des citoyens à la vie culturelle. D'autres éléments de définition se retrouvent dans la Loi sur la programmation éducative, qui réfère, quant à elle, au concept de patrimoine culturel. Il sera également utile de référer à d'autres sources normatives, telles que les politiques ministérielles et les instruments internationaux, notamment les instruments de l'UNESCO relatifs à l'exercice des droits culturels.
La nouvelle disposition proposée s'inspire de l'article 27 de la déclaration universelle et de l'article 25 du Pacte international relatif aux droits économiques et sociaux. L'article 27 de la déclaration parle de... «Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle...» Et l'article 15 du pacte: «Les États reconnaissent à chacun le droit de participer à la vie culturelle...» En ce qui concerne le droit de participer, si la nouvelle disposition correspond au droit de participer à la vie culturelle au sens du pacte, on peut néanmoins craindre que les termes «maintien» et «rayonnement de la culture québécoise» puissent avoir pour effet de restreindre la portée du droit reconnu par le pacte en niant le droit de contribuer au développement et à l'enrichissement de la vie culturelle notamment aux membres des groupes minoritaires.
**(14 h 20)** Pour en revenir au nouveau droit proposé, la commission s'interroge cependant également sur l'objectif et la portée des termes qui qualifient la culture québécoise soit, et je cite: «...dont [la langue française est] l'un des éléments indissociables.» Le comité de presse ministériel annonçant la présentation du projet de loi mentionnait pour sa part que «la langue française est l'un des éléments constitutifs» de la culture québécoise. Si une telle formulation peut se comprendre du point de vue politique, elle suscite toutefois des questions sur son interprétation juridique et sur les incidences qu'elle pourrait avoir sur la mise en oeuvre du droit, en particulier pour les personnes qui font partie des groupes minoritaires.
En raison des préoccupations que soulève le libellé du nouveau droit proposé, la commission recommande que la disposition soit amendée afin d'être pleinement conforme à l'article 15 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. La commission recommande, comme elle l'avait fait en 2003, que le projet de loi soit amendé et que l'article 43 de la charte protège, outre les minorités ethniques, les minorités religieuses et les minorités linguistiques et leur donne le droit de pratiquer leur propre religion et d'employer leur propre langue en commun avec les autres membres de leur groupe. Enfin, la commission recommande que le projet de loi soit amendé et que le chapitre IV de la partie I de la charte québécoise soit intitulé «Droits économiques, sociaux et culturels» pour identifier ce nouveau droit.
L'article 21 introduirait une disposition visant à ce que les interprètes des droits et libertés consacrés dans la charte prennent en compte le fait que le français est la langue officielle du Québec, et qu'il est important d'en assurer la pérennité. La commission estime qu'il est inopportun d'inscrire, dans une clause interprétative de la charte, une règle qui ne se fonde pas sur l'affirmation d'un principe de droit de la personne, à la différence de la disposition interprétative, introduite en 2008, qui concerne l'égalité entre les femmes et les hommes. Une clause interprétative d'une charte de droits ne doit pas avoir pour fonction d'affirmer le statut officiel d'une langue, pas plus que le préambule d'une charte des droits. L'inscription du statut officiel de la langue dans la charte nous semble d'autant moins justifiée que la charte québécoise ne contient pas de disposition visant à protéger les minorités linguistiques. En outre, la commission considère que cet ajout de la charte ne semble rien apporter d'utile sur le plan juridique puisque la disposition interprétative a pour fonction de donner à l'interprète de la loi des balises, des indications lorsqu'il doit déterminer l'effet d'une disposition dans une situation donnée.
La Charte de la langue française établit à son article premier que «le français est la langue officielle du Québec». D'autre part, les considérants du préambule de cette charte sont suffisamment précis quant à l'objectif d'assurer la pérennité du français. D'ailleurs, on cite dans notre texte des décisions, et même la commission, dans son application, a utilisé ces articles. Ainsi, l'ajout ne nous apparaît pas nécessaire étant donné que les dispositions de la Charte de la langue française sont amplement suffisantes.
De plus, la Loi d'interprétation prévoit qu'en cas de doute «les lois doivent s'interpréter [...] de manière à ne pas restreindre le statut du français». Cette règle fait dire aux auteurs du traité québécois sur l'interprétation des lois que «comme [statut, le] français est en grande partie fixé par la Charte de la langue française, cette loi en est ainsi appelée à servir de guide pour l'interprétation de toutes les autres lois». Leur conclusion vaudrait également pour l'interprétation de la Charte des droits et libertés de la personne.
En conclusion, la commission réaffirme que l'affirmation du statut officiel de la langue française n'aurait pas sa place ni dans le préambule de la charte ni dans une disposition devant guider l'interprétation des droits et libertés protégés par la charte. Il existe d'autres voies, dont la Charte de la langue française.
En ce qui concerne le droit de recevoir l'instruction publique gratuite en français, la commission estime que, si une telle disposition peut appuyer l'accès à des services de francisation, elle n'est cependant pas indispensable dans la mesure où un tel droit résulte déjà de la conjonction des articles 40 et 10 de la charte.
La commission accueille favorablement l'inscription dans la charte du droit des nouveaux arrivants d'apprendre le français et de bénéficier des mesures d'accueil et d'intégration à la vie québécoise. Elle déplore toutefois qu'une limite intrinsèque soit inscrite dans la nouvelle disposition.
La commission accueille avec intérêt la proposition d'inscrire un droit relevant du droit de participer à la vie culturelle. Elle remet toutefois en question certains des termes retenus pour le libellé de la disposition proposée. Elle recommande que la disposition soit amendée afin d'être pleinement conforme à l'article 15 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
Enfin, la commission recommande également que le projet de loi soit amendé afin de modifier l'article 43 de la charte pour qu'il protège, outre les minorités ethniques, les minorités religieuses et les minorités linguistiques et leur donne le droit de pratiquer leur propre religion et d'employer leur propre langue en commun avec les autres membres de leur groupe, conformément à l'article 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de l'article 30 de la Convention relative aux droits de l'enfant.
Finalement, étant donné le nouveau droit que l'on propose d'introduire à l'article 32.1, la commission recommande que le projet de loi soit amendé et que l'article 4 de la partie I de la charte soit intitulé «Droits économiques, sociaux et culturels». Merci beaucoup.
Le Président (M. Marsan): Merci, M. Cousineau. Nous débutons immédiatement nos échanges. Et je vais céder la parole à Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine.
Mme St-Pierre: Merci, M. Cousineau. Merci d'être avec nous aujourd'hui et d'avoir pris la peine de travailler à la rédaction d'un mémoire qui est très détaillé. Et vous dites aussi dans votre présentation qu'à un certain moment donné que... des considérations politiques plus que juridiques. Mais sachez que, lorsque nous préparons des projets de loi, on a toute une équipe de juristes avec nous, et ils ne sont pas sur un mode politique, ils sont plus sur un mode juridique; je peux vous le garantir.
Vous parlez de la charte, le fait que... l'inscription du français comme langue officielle, vous dites que ça n'a pas sa place dans la charte québécoise des droits et libertés. Cependant, on le trouve quand même dans la Charte canadienne des droits et libertés, l'article 16: «Le français et l'anglais sont les langues officielles du Canada.»M. Cousineau (Gaétan): Oui. Absolument.
Mme St-Pierre: Alors, qu'est-ce qui vous fait dire que ça ne peut pas se retrouver chez nous, mais que ça peut se retrouver ailleurs?
M. Cousineau (Gaétan): C'est à cause du contenu de la charte canadienne, et, son contenu, ce n'est pas la charte québécoise.
Mme St-Pierre: Oui, je sais.
M. Cousineau (Gaétan): La charte québécoise traite des relations entre individus et l'État, entre les individus, et les droits sont des droits personnels, les droits des individus, alors que la charte canadienne reconnaît justement, comme vous dites, les deux langues et reconnaît des droits linguistiques, etc., dans la charte canadienne.
Le but de la charte canadienne, justement, un des grands buts, c'est la protection des minorités linguistiques, ce qui ne se retrouve pas, comme on le mentionnait dans notre mémoire, dans notre charte québécoise.
Mme St-Pierre: Mais c'est quand même inscrit dans la charte canadienne, on parle de langues officielles, là. C'est à un chapitre... Langues officielles.
M. Cousineau (Gaétan): Oui. Bien, je ne sais pas si...
Mme St-Pierre: Alors, ce qu'on dit, c'est que le français est la langue officielle, on l'a inscrit dans la Charte des droits et libertés. En fait, on envoie le message un peu puissant par rapport à... C'est notre loi des lois, la charte québécoise des droits et libertés.
M. Cousineau (Gaétan): Oui. Bien, c'est pour ça qu'on a rédigé plusieurs pages à ce sujet dans notre texte pour expliquer la nature du préambule, des instruments internationaux qui prennent en compte les droits de la personne. Et le préambule n'ajouterait pas au contenu des droits reconnus dans la charte, qui est ceux de la liberté, comme on mentionnait, etc., égalité.
Mme St-Pierre: Mais vous ne considérez pas que c'est une valeur, que ça fait partie des valeurs québécoises?
M. Cousineau (Gaétan): C'est une valeur, bien sûr que c'est une valeur très importante que la langue française, et je suis fier de la parler et de la défendre tous les jours. Mais, dans la charte... Et c'est pour ça qu'on dit que sa place...
Mme St-Pierre: Mais il me semble que c'est un manque de ne pas l'inscrire dans notre charte des droits et libertés, non?
M. Cousineau (Gaétan): Bien, elle est contenue, cette valeur et cette importance dans la Charte de la langue française. Ça, c'est sa place, c'est à sa place. Et, si, au Québec, on avait une constitution, elle pourrait se retrouver... C'est un des articles qu'on devrait retrouver dans une constitution s'il y avait une constitution québécoise, par exemple. Mais le fait que la charte des droits soit une loi quasi constitutionnelle n'en fait pas une constitution non plus. Je ne sais pas si mes collègues, là, qui sont spécialistes de chartes voudraient ajouter quelque chose à ce sujet-là?
Le Président (M. Marsan): M. Carpentier.
M. Carpentier (Daniel): Oui. Simplement, c'est que la charte canadienne n'est pas qu'une charte des droits et libertés, c'est une charte constitutionnelle, c'est un texte constitutionnel. De plus, dans la charte canadienne, vous avez des droits linguistiques qui sont reconnus aux minorités francophones et anglophones à travers le Canada. Donc, effectivement, dans le cadre d'une charte constitutionnelle, on peut retrouver une disposition qui traite de la langue officielle de l'État. Là, vous avez une charte des droits et libertés qui n'est pas une charte constitutionnelle. Et on souhaite affirmer le fait que le français est la langue officielle du Québec dans la charte québécoise sans qu'il soit question de droits linguistiques dans la charte québécoise. Alors, c'est pourquoi on vous dit que ça n'a pas sa place dans la charte québécoise.
Mme St-Pierre: Vous êtes quand même satisfaits concernant l'alinéa de l'article 40? En fait, si je comprends bien, la seule chose qui vous plaît, là, dans l'ouverture de la charte des droits et libertés, c'est la question de l'article 40.
**(14 h 30)**M. Cousineau (Gaétan): 40, 40.1, même les droits culturels, on trouve ça très intéressant. On n'a pas eu la chance... Et on regardait les mots choisis versus les instruments internationaux qui en discutent, qui en parlent, bien sûr qu'on vous réfère à ces articles-là pour peut-être rendre le texte plus similaire au pacte, qui nous apparaîtrait à ce moment-là s'assurer de la bonne interprétation de ce qu'est la culture ou les droits culturels, et aussi, quand on parle de la participation ou de prendre part, tous ces textes qui ont été étudiés soit par le pacte et le comité qui traite de ces questions-là. Alors, c'est pour ça qu'on vous y réfère. Donc, on trouve ça fort intéressant quand même que d'y retrouver des droits culturels.
Mme St-Pierre: Mais, pour revenir sur la question de la langue, est-ce que c'est une question qui vous rendrait la situation plus difficile comme commission? Est-ce que ça rendrait votre tâche plus difficile si la question de la langue française était inscrite dans la Charte des droits et libertés?
M. Cousineau (Gaétan): Non, ça ne rendrait pas la tâche plus difficile.
Mme St-Pierre: Ça ne rend pas votre situation difficile.
M. Cousineau (Gaétan): Certains voudront peut-être interpréter -- parce que c'est dans le préambule -- y lire qu'il y a un changement quelconque, donc qu'il y a peut-être des clauses de la charte ou des droits qui doivent être interprétés autrement. Ça, ça resterait à voir. Mais tout le reste du préambule de la charte traite de choses qui... de textes... Si on regarde, par exemple, le préambule, bien, le premier considérant, «que tout être humain possède des droits et libertés intrinsèques», le second, «que tous les êtres humains sont égaux», alors on voit un peu quel est le lien entre ces considérants et les droits reconnus à la charte. Alors, voilà pourquoi on dit cela.
Mme St-Pierre: En fait, la question d'apprendre le français, c'est parce que c'est la langue officielle du Québec, là. C'est pour ça qu'on insisterait pour dire que c'est un droit d'apprendre le français.
M. Cousineau (Gaétan): Mais c'est déjà dit dans la Charte de la langue française, ça.
Mme St-Pierre: Oui, mais on parle de la Charte des droits et libertés.
M. Cousineau (Gaétan): Oui, oui, d'accord, oui.
Mme St-Pierre: La question que vous n'ayez pas été consultés auparavant -- puis ça a été vraiment, je pense, la première phrase, enfin, ça a été dans les premières secondes de votre exposé -- bien, je comprends que vous le notiez, mais est-ce que ça devrait, selon vous, être une chose essentielle ou s'il n'y a pas moyen pour des législateurs de dire: Bon, bien, nous, on présente ça, on dépose, on analyse avec nos juristes, et c'est en commission parlementaire qu'on travaille avec vous à visage découvert puis ouvertement devant tout le monde?
M. Cousineau (Gaétan): Bien, la commission le soulève parce que, nous, ça nous apparaît important d'être consultés et de participer à la réflexion. Jusqu'à date, quand il y a eu des amendements à la charte, la commission était consultée. Alors, ça nous apparaissait que cette situation, ça... Cette fois-ci, ça s'est passé différemment, alors, c'est pour ça qu'on le remarque, d'autant plus qu'il y a la période... Par exemple, nous, le texte qu'on vous présente, c'est un texte adopté par les membres de la commission. Alors, le peu de temps pour que les membres puissent prendre une discussion... Et il y a trois membres qui étaient en vacances, qui étaient au téléphone pour traiter avec nous de la question, sinon on n'avait pas quorum, on ne pouvait pas... on n'aurait pas un texte approuvé par les membres. Vous voyez comment c'était? Ça a été une situation très compliquée, et d'autant plus qu'on avait un de nos membres qui n'a pas été remplacé encore, notre vice-président, deux autres étaient malades et hospitalisés. Alors, ça ne tombait pas bien, de ce côté-là, puis ça, on l'a fait remarquer, ça a été fort compliqué pour nous. À un moment donné, je me disais: Bien, coudon, je vais venir devant cette commission sans avoir l'apport important des membres de la commission, et la commission parle par ses membres. Alors, voilà. Alors, ça donnait peu de temps de faire cela. C'est pour ça qu'on l'a fait remarquer.
Et on vous rappelait que le bilan du 25e de la charte... C'est une des remarques. Puis je n'y étais pas à l'époque, vous voyez, ça fait... il y a 25 ans. On est à la 35e année de la charte, ou à peu près, là. Alors, il y a 10 ans déjà, la commission disait la même chose: C'est important pour nous d'être consultés, c'est notre rôle, c'est notre mandat que la Charte des droits et libertés et... d'abord des changements importants. Bon. Quand il y a des changements mineurs, et ça peut arriver, bien là, à ce moment-là, c'est moins important ou ça demande moins de temps de consultation.
Mme St-Pierre: Je me souviens, lorsqu'on a fait les changements concernant l'égalité entre les hommes et les femmes, vous aviez été un peu... vous disiez que, bon, ce n'était peut-être pas quelque chose qui ajouterait énormément à la situation. Cependant, j'ai remarqué, dans des décisions ensuite que vous avez prises et que vous avez rendu publiques, que vous vous référiez à ces changements qu'on avait faits. Donc, ça vous aide, ces changements, quand...
M. Cousineau (Gaétan): Bien, avant, on se fiait à l'interprétation jurisprudentielle, c'est ce qu'on disait.
Mme St-Pierre: Oui.
M. Cousineau (Gaétan): C'est que, dans les faits, la jurisprudence nous éclaire à ce sujet-là, et les ajouts à la charte venaient confirmer ce que la jurisprudence... Donc, dans le quotidien, pour nous, ça serait la même situation, la même analyse juridique. Cependant, bien sûr que le CELAT, mettons, on le cite et on y réfère, et sur notre site Web vous allez pouvoir y retrouver des références à cela, et bien sûr qu'on va l'utiliser et...
Mme St-Pierre: Alors, je voudrais vous amener sur la question de notre projet de loi, qui parle également des écoles, et sur le fait que nous proposons une démarche qui n'applique... n'étend pas la loi 101 aux écoles privées non subventionnées. Étendre la loi 101 aux écoles privées non subventionnées anglophones voudrait dire, selon les experts qui ont été consultés, d'avoir recours à la clause dérogatoire, ce qui veut dire une suspension des droits et libertés. Je m'interroge sur le pourquoi -- là, vous m'avez peut-être donné la réponse un peu avant -- vous n'avez pas jugé bon d'analyser cette situation, puisque vous êtes quand même bien placés pour analyser ces questions-là, et la proposition qui pourrait être d'appliquer la loi 101 aux écoles privées non subventionnées versus notre proposition.
M. Cousineau (Gaétan): Oui. Alors, deux choses. On étudie le projet de loi qui est déposé.
Mme St-Pierre: Oui.
M. Cousineau (Gaétan): On n'avait pas de préconsultation. Donc, on étudie ce qui est là, et c'est ce qu'on s'est attardés. Vous avez remarqué qu'on ne s'est pas attardés à la Charte de la langue française, et ses modifications, et les autres articles, et de toute façon ce n'est pas notre mandat, ce n'est pas notre spécialité, et, le temps qu'on a eu, on s'est attardés à l'amendement.
Quant à la clause dérogatoire, tout ça, c'est une question complexe qui aurait mérité une attention. Alors, si on avait eu des préavis, si jamais on avait été interrogés, on aurait pu s'y interroger. Remarquez bien que, dans l'arrêt Nguyen, c'est la charte canadienne qui est en jeu, l'article 23, l'article 15, l'article 7, alors ce ne sont pas des articles que, nous, on applique quotidiennement, ça, c'est la charte québécoise. Alors, dans ce sens-là, j'ai pu lire très brièvement une opinion d'un juriste à cet effet-là, un expert qui parle de l'arrêt Jones, l'arrêt Gosselin, etc. C'est des questions complexes, oui.
Mme St-Pierre: Mais il reste que, si nous devions déroger, il faut déroger aux deux chartes. Vous êtes d'accord avec ça?
M. Cousineau (Gaétan): Il semble, oui, que, pour certains experts, ce serait le cas de la charte...
Mme St-Pierre: Bon. Alors, disons qu'on parle de votre charte à vous, qu'on ne parle pas de l'autre.
M. Cousineau (Gaétan): Oui, oui, oui.
Mme St-Pierre: Seriez-vous d'accord qu'il y ait une dérogation à votre charte? Bien, en fait, à notre charte, au Québec.
M. Cousineau (Gaétan): La question n'a pas été proposée aux membres, là. Il n'y a pas eu de discussion par les membres. Je n'ai pas de mandat actuellement des membres. On n'a pas réfléchi à cette question-là; on ne s'est pas posé la question.
Mme St-Pierre: Vous ne vous l'êtes jamais posée auparavant, cette question-là, à la commission?
M. Cousineau (Gaétan): Présentement, je ne sais pas, moi, j'ai...
Le Président (M. Marsan): Me Carpentier.
M. Carpentier (Daniel): Par rapport à cette question précise, non. On s'est souvent... Oui, quand il est question de clauses dérogatoires à la charte, c'est évident qu'on s'y intéresse, et on tente de limiter au maximum l'utilisation de clauses dérogatoires à la charte. Mais est-ce nécessaire dans ce cas-ci? L'opinion à laquelle référait mon président, qu'on a parcourue rapidement, ce n'est pas du tout évident que c'est nécessaire, puis ça peut l'être, mais on n'avait même pas la proposition d'une clause dérogatoire devant nous. Alors, on ne l'a pas examinée, forcément pas. Et répondre: Est-ce nécessaire ou pas?, écoutez, quand vous avez un grand spécialiste qui dit: Bien, on ne sait pas trop, peut-être que oui, peut-être que non, on n'est pas plus en mesure d'y répondre.
Mme St-Pierre: O.K. Bien, je vous remercie. Moi, je n'ai pas d'autre question. Je ne sais pas s'il restait du temps.
Le Président (M. Marsan): Un peu. Ça va? Alors, nous allons poursuivre, et je vais céder la parole au député de Borduas, porte-parole en matière de langue pour l'opposition officielle. Alors, M. le député, la parole est à vous.
M. Curzi: Merci, M. le Président. Bonjour. Bon après-midi, madame, messieurs. Moi, j'ai... Votre mémoire n'est pas évident à lire. Vous avez eu très peu de temps pour le préparer, et je comprends que vous revenez sur ce temps de préparation là. Vous trouvez que vous auriez dû être consultés au moment de la préparation du projet de loi. J'ai bien entendu ça, je pense que c'est assez clair. Je le déplore comme vous, je le déplore d'autant plus que ce que je comprends, c'est que vous n'êtes pas en mesure de vous prononcer sur la valeur du projet de loi dans son essentiel, qui est la loi n° 103, c'est-à-dire la proposition gouvernementale, et que vous êtes encore moins en mesure de vous prononcer sur notre façon d'aborder ce jugement-là, c'est-à-dire la proposition d'appliquer la loi 101. Est-ce que c'est ça?
**(14 h 40)**M. Cousineau (Gaétan): Si le projet de loi n'avait pas proposé en même temps des amendements à la Charte des droits et libertés, la commission n'aurait peut-être pas choisi de venir devant vous à cette commission. N'étant pas dans son mandat... C'est des questions qui nous intéressent personnellement, comme citoyens du Québec, comme individus, mais, comme mandat, notre mandat étant vaste et contenant plein de responsabilités, on aurait laissé à d'autres de le faire. Nous ne sommes pas responsables de la Charte de la langue française, nous ne sommes pas dans le domaine de l'éducation. Par contre, on y touche par le biais de certains articles, l'inclusion scolaire par exemple, là où on a notre expertise.
Là, nous sommes ici parce qu'il y a des amendements à la charte des droits, pas parce qu'il y a des amendements à la Charte de la langue française ou d'autres propos, d'autres textes, là, modifiant l'article... C'est sûr que l'arrêt Nguyen, quand il est sorti -- la décision, excusez, de la Cour suprême -- on s'y est intéressés, on l'a lu parce qu'on s'intéresse à ces questions, mais notre mandat n'est pas celui-là. Ça va.
M. Curzi: Je comprends bien, mais j'aurai quand même une question, je reviendrai sur une question.
Mais je vais vous parler à ce moment-là des modifications, parce qu'en général vous semblez assez en désaccord avec ce qui est proposé dans le projet de loi, sauf pour un article. Et là je tombe, à la page 27 de votre mémoire, sur une phrase qui dit: «La commission recommande par conséquent que le projet de loi soit amendé et que l'article 43 de la charte protège, outre les minorités ethniques, les minorités religieuses et les minorités linguistiques et leur donne le droit de pratiquer leur propre religion et d'employer leur propre langue en commun avec les autres membres de leur groupe. L'article modifié se lirait comme suit: "Les personnes appartenant à des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques ont le droit d'avoir leur propre vie culturelle, de pratiquer leur propre religion ou d'employer leur propre langue en commun avec les autres membres de leur groupe."» Loin de nous l'idée d'empêcher des gens de parler leur langue entre eux ou d'exercer une religion, mais est-ce que... J'aimerais que vous m'expliquiez l'application de ce contenu-là, parce que ça ressemble beaucoup à ce qui est décrit par ailleurs dans d'autres circonstances... à une application directe du multiculturalisme. Ça semble être une définition, et, moi, je lis ça comme ça. Je me dis: Est-ce que c'est ça qu'on est en train de lire? Suis-je en train de lire correctement? Ou sinon, corrigez-moi ou...
M. Cousineau (Gaétan): Page 26?
M. Curzi: Page 26.
M. Cousineau (Gaétan): C'est là que ça commence?
M. Curzi: C'est là que ça commence.
M. Cousineau (Gaétan): Bon. «Par ailleurs, la commission rappelle qu'elle a recommandé en 2003 -- donc, ce n'est pas la première fois que la commission fait cette référence-là, donc on vous réfère -- que l'article 43 de la charte [...] soit modifié afin qu'il soit pleinement conforme à l'article 27 du Pacte international relatif aux droits civiques et politiques et [...] l'article 30 de la Convention relative aux droits de l'enfant.» Donc, ce qu'on reprend, c'est le vocabulaire des instruments internationaux qui traitent de ces questions-là, et qui ne se retrouve pas dans la charte des droits du Québec, et par contre qui... Le Canada et le Québec sont des gouvernements, des pays qui ont reconnu la valeur de ces instruments internationaux, donc on vous réfère à ces instruments internationaux.
M. Curzi: Vous nous référez à ces instruments internationaux. Est-ce que vous êtes en train de dire que la charte québécoise devrait... Vous êtes en train de dire que ça devrait contenir ce langage-là qui nous proviendrait du Pacte international relatif aux droits civils et politiques?
M. Cousineau (Gaétan): Absolument, oui. On vous recommande de considérer...
M. Curzi: Donc, dans l'esprit de la charte des droits du Québec, pour vous, il y a une absence, qui est cela?
M. Cousineau (Gaétan): On traite de ces questions et on se limite, disons, dans le vocabulaire, qui pourrait s'inspirer autrement de l'article 27. D'ailleurs, on voit souvent des... Les modifications, même celles que vous faites... Tantôt, on a pu voir que ce projet de loi va chercher un peu le texte du même pacte pour les droits culturels. Donc, ça se retrouve dans ce même instrument international. On vous y réfère, oui.
M. Curzi: Si une charte des droits et libertés contenait ce type de langage là, ça donnerait droit à quelles obligations ou à... Comment ces droits-là se manifesteraient dans la société? Qu'est-ce que ça dirait de différent de ce qui est exercé actuellement? Est-ce que ça apporterait une modification concrète? Pouvez-vous m'en parler et la concrétiser pour moi, s'il vous plaît?
M. Cousineau (Gaétan): Bien, actuellement, comme vous avez dit tantôt... Vous avez dit en posant la question: Nous n'avons rien contre ça. Bien, vous avez dit ça, ces mots-là, à la fin...
M. Curzi: Bien, en principe, on n'a rien contre le libre exercice des droits des personnes, non.
M. Cousineau (Gaétan): C'est ça. Parce que je pense que, justement, la société québécoise généralement respecte cette façon de faire. Alors, est-ce que ça changerait quotidiennement quelque chose? Par contre, il pourrait y avoir quelqu'un qui pourrait dire: Bien, moi, dans mon cas particulier, on ne m'a pas respecté, on m'a discriminé, on m'a lésé dans mon droit fondamental reconnu par la charte, par l'instrument, donc pourrait venir s'en plaindre, là. Ça pourrait rendre plus facile sa plainte, mais ça ne l'empêche pas de faire une plainte de cette nature-là maintenant en fonction du libellé de la charte actuelle.
M. Curzi: Est-ce que ça pourrait donner naissance à une plainte, par exemple, d'un groupe qui dirait: Mais, nous, on a une langue -- qui est quelque langue que ce soit -- et, à cet égard, comme c'est reconnu dans la Charte des droits et libertés, on réclame et on exige d'avoir -- je ne sais pas, moi -- un système d'enseignement linguistique particulier? Est-ce que ce genre de... Est-ce que ça pourrait mener jusque-là?
M. Cousineau (Gaétan): Je ne crois pas, non. Je ne pense pas qu'on pourrait faire cette interprétation de cela. Je peux demander à M. Carpentier, mais, moi... Ce n'est pas la lecture qu'on pourrait en faire, je ne crois pas, non.
M. Carpentier (Daniel): Non. Ces droits culturels -- c'est le droit culturel des minorités -- qui sont reconnus dans les pactes -- et là je veux insister -- le Canada a ratifié ces pactes et le Québec y a adhéré, donc ce sont des obligations que les États ont. Alors, notre rôle comme commission, c'est aussi de rappeler au législateur qu'il a adhéré à ces obligations-là et qu'il doit les faire suivre dans ses législations.
La portée d'un tel droit culturel des minorités, c'est pour expliciter les choses. Les chartes de droits, la reconnaissance de droits, c'est des garde-fous, et ce type de droits là ne permettraient pas à quelqu'un de revendiquer un système scolaire dans les 142 langues existantes au monde, là. Donc, ce n'est pas ça que ça veut dire, et c'est: les personnes ont le droit donc d'avoir leur propre vie culturelle, de pratiquer leur religion ou d'employer leur propre langue en commun avec les autres membres de leur groupe, et ça ne crée pas d'obligation à l'instruction publique. Et -- on en a parlé auparavant -- le droit à l'instruction publique gratuite, qui est à l'article 40 de la charte aussi, auquel on ajouterait que les gens ont droit à recevoir cet enseignement en français, on n'est pas en désaccord avec ça, et ça ne vient pas changer ça. Ce sont des garde-fous de nature culturelle pour protéger les minorités, et on sait que les instruments internationaux, ils sont adoptés pour éviter que, dans un avenir qu'on ne connaît pas, ces droits-là ne soient pas reconnus et respectés.
M. Curzi: Mais posons la question à l'envers: Croyez-vous que cette omission, dans le cas de la Charte des droits et libertés, ce soit un hasard ou est-ce que c'est une volonté? Et est-ce que la rendre conforme au pacte, c'est une question d'occasion ou si c'est une question de décision?
M. Cousineau (Gaétan): Bien, c'est sûrement une question de décision. Jusqu'à ce moment-ci, le Québec n'a pas choisi de l'inscrire dans la charte des droits. C'est pourquoi on vous rappelle l'instrument international, le pacte signé par le Québec, reconnu par le Québec comme étant l'instrument de base sur lequel on doit tenter de s'inspirer et de jumeler nos textes à l'interne dans le pays. Il y a beaucoup d'instruments internationaux, signés par le Canada, par le Québec, où il y a des aspects importants, même des fois des pans de mur importants, qui n'ont pas donné suite à des changements législatifs. Ça vient tranquillement, ça vient par bouts, des fois en partie. Alors, c'est sûr qu'il y a des choix qui ont été faits, probablement, à un moment donné, à une époque, de ne pas le faire ou d'arrêter là. Je ne sais pas, je n'y étais pas. Mais, à ce moment-ci, on vous le rappelle. On l'avait rappelé en 2003 -- bon, c'est un autre président qui était là, qui rappelait ça au gouvernement; là, on le fait maintenant en 2010 parce que là on parle de la charte et on touche à ces articles-là.
Le Président (M. Marsan): Ça va? On va faire la... Allez, allez.
M. Curzi: Je voulais juste terminer, parce que c'est assez important, ce que vous dites. On est signataires d'un pacte international, sauf qu'on ne l'a pas traduit dans un véhicule assez majeur qui est la Charte des droits et libertés. Il y a donc eu un choix qui a été fait, c'est ce que vous semblez dire. Ce choix a été fait probablement parce qu'on a considéré que l'introduction d'un nouveau langage apportait, ou ajoutait, ou créait une sorte de droit, et donc pouvait donner naissance à une jurisprudence, et donc entraînait une modification quelque part. J'imagine que le jugement d'introduire ou de ne pas introduire un langage qui appartient à un instrument international, ça doit reposer sur une évaluation des conséquences de l'introduction de ce langage-là et...
**(14 h 50)**M. Cousineau (Gaétan): Deux réponses, si vous me permettez. Premièrement, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec est très fière de dire à toutes les autres commissions de droits du Canada que nous sommes le seul endroit au pays où on a des articles concernant les droits sociaux et économiques. Alors, c'est généreux, on a ça dans notre convention. Nous, ce qu'on vous rappelle tout le temps, c'est qu'on voudrait qu'ils soient justiciables. Alors, on vient souvent rappeler ça. Par contre, ils s'y trouvent, c'est déjà important. C'est parlant, ça montre une volonté. Alors, déjà, ça y est. Alors ça, c'est pour... Donc, ça concerne aussi le pacte.
L'autre fait, c'est peut-être la question chronologique où les événements se sont faits: la charte, chez nous, a été adoptée au Québec en 1975, le pacte a été modifié en 1976. Vous voyez? Alors, c'est un geste qui est venu... subséquent, ce n'était pas avant. Alors, est-ce que maintenant il y a des articles qui, oui, pourraient s'inspirer des pactes et des instruments qui sont venus après, modifiés après? Il y en aura toujours comme ça. Alors, c'est une question de temps, dans certains cas une question d'opportunité ou une question de volonté. Voilà. Merci.
Le Président (M. Marsan): Alors, merci. Nous revenons au parti ministériel, et nous terminerons avec le parti de l'opposition officielle. Mme la ministre.
Mme St-Pierre: Merci, M. le Président. Merci à l'opposition de m'avoir... C'est juste une courte question puis qui nécessite une courte réponse. Rassurez-nous: Est-ce que, s'il n'y avait pas eu les changements à la Charte des droits et libertés dans ce projet de loi là, on ne vous aurait pas vus pendant la commission parlementaire?
M. Cousineau (Gaétan): Bien là, ça aurait... Les membres auraient choisi.
Mme St-Pierre: Parce que la Protectrice du citoyen, hier, elle est venue, puis, quand même, on ne touche pas à la loi de...
M. Cousineau (Gaétan): Non. Par contre, elle reçoit des plaintes des citoyens qui concernent les sujets sur lesquels... vous mentionnez. Nous, nos plaintes qu'on reçoit sont d'un autre ordre, concernant la langue par exemple.
Mme St-Pierre: O.K. Oui. Mais...
M. Cousineau (Gaétan): Oui, j'ai lu, j'ai bien lu le...
Mme St-Pierre: Oui. Rassurez-moi, là.
M. Cousineau (Gaétan): Oui.
Mme St-Pierre: S'il n'y avait pas eu de changements dans notre projet de loi qui touchent votre secteur à vous, qui est la charte québécoise des droits et libertés, vous ne seriez pas venus à cette commission parlementaire sur la Charte de la langue française.
M. Cousineau (Gaétan): C'est possible que les membres ne soient pas interpellés, puis, si vous regardez les gens qui vont paraître devant vous, on sera probablement les seuls à parler de la Charte des droits et libertés. Une des choses qu'on vous fait remarquer, c'est que le projet de loi ne mentionne pas, dans les... Il dit... On parle d'«autres modifications législatives», on ne parle pas des modifications à la Charte des droits et libertés, et je pense que ça a passé inaperçu à certains groupes, dont le Barreau du Québec, qui seraient peut-être intervenus, dont la Ligue des droits, d'autres groupes semblables qui auraient été interpellés par des changements à la charte. Nous, ça nous interpelle, bien sûr. Est-ce qu'on serait venus sans ça? Il aurait fallu se considérer et parler avec les membres. Possible que non.
M. Carpentier (Daniel): Je pourrais... Puis-je ajouter un court élément? Écoutez, s'il n'y avait pas eu de modification à la charte, on aurait été face à un projet de loi -- et, je pense, c'est comme ça qu'on l'aurait regardé -- qui est la conséquence d'une décision de la Cour suprême en application de l'article 23 de la charte canadienne, qui reconnaît des droits linguistiques aux minorités. Sur cette base-là, je ne sais pas, parce que c'est à la recherche qu'on regarde tous les projets de loi qui sont présentés et que nous faisons des propositions aux membres, et je ne crois pas qu'on aurait proposé de commenter un tel projet de loi.
Le Président (M. Marsan): Ça va? Ça va, Mme la ministre?
Mme St-Pierre: C'est bien.
Le Président (M. Marsan): C'est beau. Merci. Alors, nous revenons, et je cède la parole au député de Borduas.
M. Curzi: Oui. Bien, moi, je vais revenir quand même, même si vous ne voulez pas... Mais vous êtes des spécialistes des chartes, hein? Moi, je vous dis...
M. Cousineau (Gaétan): De la charte, de la charte des droits et libertés du Québec.
M. Curzi: De la Charte des droits et libertés. Vous avez...
M. Cousineau (Gaétan): On n'ignore pas...
M. Curzi: ...quand même une certaine connaissance de la Charte canadienne des droits.
M. Cousineau (Gaétan): Oui, mais on ne l'applique pas. C'est ça, sans...
M. Curzi: Disons que l'article 23, vous avez déjà entendu parler de ça.
M. Cousineau (Gaétan): Oui.
M. Curzi: Oui. Si je vous demande, même si vous n'êtes pas des spécialistes, en considérant que vous y avez un intérêt éclairé, si l'application stricte de la loi 101 par la modification de l'article 73 est conforme à votre compréhension de l'article 23, qu'est-ce que vous me répondez?
M. Cousineau (Gaétan): On n'a pas comme mandat de veiller à l'application de la charte canadienne.
M. Curzi: On ne parle pas d'appliquer, monsieur, je demande juste une interprétation.
M. Cousineau (Gaétan): Non, de veiller à son application ou tout ça. Bien, si vous nous aviez interrogés à ce sujet-là, on aurait peut-être eu à se pencher sur la question. Souvent, là, le gouvernement nous interpelle, nous demande une réflexion, et les partis politiques peuvent le faire aussi, bon, on le fait régulièrement. Mais il n'y a personne qui nous a interpellés à ce sujet-là. On a, bien sûr, pris connaissance de l'arrêt Nguyen, on circule ces arrêts-là chez nous. Moi, les membres ne m'ont pas appelé, il n'y a pas un membre qui m'ait interpellé là-dessus.
M. Carpentier vous disait un petit peu comment la recherche regarde les projets de loi, et, bien, on... Écoutez, on est venus six fois -- on en parlait ce matin -- entre septembre et décembre, on est régulièrement ici, à l'Assemblée nationale. Donc, ce n'est pas parce qu'on ne s'y présente pas, on vient régulièrement sur des sujets très, très importants, mais d'autres sur lesquels on ne travaille pas quotidiennement... Quand on est venu nous demander, par exemple, de parler de la loi-bâillon, on n'avait pas de chantier de travail sur ça, mais on s'est rapidement... On est interpellés souvent, on vient comme ça.
Alors, non, l'article 23, on n'a pas à le discuter, et son application, on ne fait pas ça dans notre quotidien, ce n'est pas notre travail, ce n'est pas notre mandat.
M. Curzi: Il faut que je dépose une plainte pour avoir le droit d'avoir une...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Cousineau (Gaétan): Vous pouvez poser, vous... Bien sûr, vous pouvez déposer une plainte à ça...
M. Curzi: Est-ce qu'officiellement mon parti peut déposer une plainte pour avoir...
M. Cousineau (Gaétan): Sentez-vous toujours bienvenu si vous voulez déposer une plainte.
M. Curzi: ...pour vous demander un avis? C'est ce que je comprends, hein...
M. Cousineau (Gaétan): Mais vous pouvez nous demander un avis sans déposer une plainte. Ça, vous pouvez faire ça.
M. Curzi: Mais est-ce que c'est possible, très sérieusement, que... Est-ce que vous considérez que c'est dans votre devoir comme organisme, si, par exemple, on vous demandait un avis là-dessus, donc d'interpréter ce qui, à votre sens, est la conformité, par exemple, d'un article d'un projet de loi éventuel avec la charte canadienne? Est-ce que vous le feriez?
M. Cousineau (Gaétan): Bien, c'est parce que, là, il faudrait peut-être...
M. Curzi: Non?
M. Cousineau (Gaétan): ...que vous vérifiiez le mandat que la charte confère à la Commission des droits, et je ne suis pas sûr que votre question, telle que vous la posez, se réfère bien au mandat accordé par la charte à la commission. Alors, il y a d'autres organismes créés au Québec qui ont ce mandat-là, dont l'Office de la langue française et d'autres groupes, qui sont mieux placés, qui sont... C'est leur champ d'expertise. Mais le mandat, moi, je ne peux pas voir où le mandat accordé à la commission viendrait...
M. Curzi: Moi, à ce moment-là, ce que je comprends, c'est que, pour vous, il y a finalement une seule proposition qui mérite d'être intégrée, c'est que, l'article 40.1, «toute personne qui s'établit au Québec a droit, dans la mesure et suivant les normes prévues par la loi, d'apprendre le français et de bénéficier de mesures d'accueil et d'intégration à la vie québécoise»... Non, c'est 42.1, hein: «Toute personne a droit de participer au maintien et au rayonnement de la culture québécoise, dont le français en constitue l'un des éléments indissociables.»M. Cousineau (Gaétan): Pas tout à fait.
M. Curzi: Pas tout à fait?
M. Cousineau (Gaétan): Si vous lisez bien notre mémoire...
M. Curzi: Aussi 40.
M. Cousineau (Gaétan): ...on s'est intéressés à l'article 40, la modification: «Toute personne a droit de recevoir cette instruction en français», on y trouvait du mérite à cela; 40.1: «Toute personne qui s'établit au Québec a droit, dans la mesure et suivant les normes prévues par la loi...», on a trouvé ça intéressant; 42.1 aussi. Les clauses d'interprétation... Bon. On nous dit que les instruments juridiques existants... Et la commission le fait quotidiennement. On est intervenus dans les tribunaux, nous, en s'appuyant sur... et ça, on vous cite des exemples concrets dans notre mémoire. On a utilisé ces instruments d'interprétation, et, dans le quotidien, on le fait.
M. Curzi: Merci.
Le Président (M. Marsan): Alors, merci beaucoup, M. Cousineau, Me Carpentier, Me Bernard.
Des voix: ...
Le Président (M. Marsan): Oups, excusez-moi! Ah, excusez! Excusez! J'avais compris que le questionnement était terminé, mais on m'indique que le député de Drummond aurait une question à vous poser. Et il reste très peu de temps, M. le député de Drummond, un peu moins d'une minute.
M. Blanchet: Madame messieurs, je vais essayer de ne pas être trop théorique, mais, tant qu'à vous avoir ici, je pense que ça vaut la peine. Par définition, votre rôle, puisque c'est relatif à la charte des droits de la personne, est circonscrit par les droits individuels, aux droits individuels?
M. Cousineau (Gaétan): Le mandat tel qu'il est décrit dans la charte des droits, oui, exactement.
M. Blanchet: O.K. Donc, est-ce que... Et, si oui, comment est-ce que vous prenez en compte dans votre réflexion -- parce que ça devient inévitable parfois -- la notion de droits collectifs?
M. Cousineau (Gaétan): Bien, écoutez, en fait, c'est toujours par un droit individuel. Je vais vous donner des exemples. Alors, bon, on fait souvent des enquêtes dites systémiques, donc un impact qu'un individu nous soulève, un impact sur un groupe. Donc, on se retrouve dans un... Par exemple, on fait une consultation sur le profilage racial. Ce n'est pas une personne qui souffre ou qui est victime de profilage racial, on s'aperçoit que c'est tout un groupe, puis ce n'est pas juste dans un milieu de vie, ça peut être dans son milieu de vie par la sécurité, ça peut être dans le milieu de l'éducation ou de la protection. Donc, ça englobe plein de gens, et ça a intéressé énormément de personnes. Moi, j'ai rencontré personnellement plus de 175 groupes communautaires. Donc, on se retrouve à des droits de groupes comme ça, oui, dans ce sens-là, bien sûr.
Le Président (M. Marsan): Alors, merci, parce que ça termine vraiment la période qui nous est allouée, et je vous remercie de nouveau, M. Cousineau, Me Carpentier, Me Bernard.
Et j'inviterais les représentants de la Fédération des commissions scolaires du Québec à venir se présenter à notre table. Nous allons suspendre quelques instants.
(Suspension de la séance à 15 heures)
(Reprise à 15 h 3)
Le Président (M. Marsan): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous poursuivons nos travaux. Et c'est très agréable d'accueillir les représentants de la Fédération des commissions scolaires du Québec, Mme Josée Bouchard, présidente, à qui je vais demander de nous présenter les gens qui l'accompagnent. Et par la suite vous pouvez débuter votre présentation, pour un maximum de 15 minutes.
Fédération des commissions
scolaires du Québec (FCSQ)
Mme Bouchard (Josée): Avec plaisir, M. le Président. Alors, oui, m'accompagnent ma directrice générale, Mme Pâquerette Gagnon, le directeur des relations de travail à la fédération, Me Bernard Tremblay, et, bien sûr, M. Robert Pleau, qui est un conseiller spécial aussi à la fédération.
Alors voilà. Ça me fait plaisir... Mme la ministre -- c'est la première fois que je vous rencontre d'ailleurs -- mesdames messieurs, alors, avant d'aborder le projet de loi n° 103, il m'apparaît important, comme il est mentionné aux pages 7 à 11 de notre mémoire, que je vous rappelle notre compréhension du jugement de la Cour suprême sur le projet de loi n° 104 et sur les principaux éléments qui ont retenu notre attention. Il s'agit, selon nous, d'éléments cruciaux si on veut s'assurer que la langue française demeure pour toujours la langue officielle d'enseignement au Québec.
Le projet de loi n° 104 a modifié certains articles de la Charte de la langue française portant sur la langue d'enseignement. Parmi les articles touchés, les modifications apportées par l'article 3 du projet de loi ont fait l'objet de contestations et ont conduit au jugement de la Cour suprême. Cet article 3 avait pour effet de modifier l'article 73 de la charte en vue d'empêcher certains enfants de se prévaloir de l'article 73.2 pour être déclarés admissibles à l'enseignement en anglais.
Les modifications apportées visaient essentiellement deux choses: la première était de ne plus reconnaître l'enseignement reçu en anglais dans les écoles privées non subventionnées pour faire déclarer un enfant, ses frères et ses soeurs admissibles à l'enseignement en anglais; la deuxième consistait à ne plus reconnaître l'enseignement reçu en anglais par un enfant qui détient une autorisation particulière accordée en vertu de l'un ou l'autre des articles concernant les difficultés graves d'apprentissage, le séjour temporaire et la situation grave d'ordre familial ou humanitaire. La volonté gouvernementale de vouloir restreindre ainsi l'accès à l'école anglaise était fort louable. Cependant, et c'est là toute la question, il faut se rappeler que, même si la modification à l'article 73 voulait empêcher un enfant de se prévaloir de l'enseignement en anglais reçu dans un établissement privé non subventionné, cet enseignement demeure un enseignement légalement reçu puisque ce type d'établissement n'est toujours pas visé par l'article 72 de la charte.
Or, la Cour suprême a déclaré inconstitutionnelles ces modifications à l'article 73. Pour les juges, celles-ci ne sont pas respectueuses de l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. Parmi les arguments invoqués par les juges, il est notamment mentionné qu'il ne faut pas distinguer entre le caractère public et privé de l'enseignement reçu ni entre le caractère subventionné et non subventionné d'un établissement pour déterminer si l'enfant a reçu la majeure partie de son enseignement en anglais.
De plus, il est important de souligner que ce jugement est assorti de plusieurs commentaires, dont certains méritent, comme il est écrit aux pages 9 à 11 de notre mémoire, une attention particulière, et là je pense particulièrement aux suivants: d'abord, que les établissements privés non subventionnés ne sont pas assujettis à la réglementation sur la langue d'enseignement; que le texte du paragraphe 23.2 de la charte canadienne ne distingue pas entre l'enseignement public ou privé, subventionné ou non; que les écoles dites passerelles semblent des institutions créées dans le seul but de qualifier artificiellement des enfants pour l'admission dans le système d'éducation anglophone financé par les fonds publics; et qu'en l'absence de toute mesure susceptible de contrôler le développement des écoles passerelles ces dernières pourraient devenir un mécanisme permettant de contourner les dispositions de la Charte de la langue française et de rétablir indirectement un régime de libre choix linguistique dans le domaine scolaire au Québec.
La Fédération des commissions scolaires croit fermement que les juges ont soulevé des risques élevés de diluer de façon significative la Charte de la langue française et que les pistes de solution qu'ils ont identifiées méritent d'être examinées de très près.
Parlons maintenant du projet de loi n° 103. Nos réactions, qui figurent à partir de la page 11 du mémoire, portent sur les dispositions qui ont trait directement au chapitre VIII portant sur la langue de l'enseignement. Je vais limiter ma présentation aux modifications dont les impacts seront les plus importants pour les élèves du Québec en abordant seulement les articles 1, 2, 5 et 22 à 24 du projet de loi. Pour les autres articles, je vous suggère de lire les pages 13 et 14 du mémoire.
L'article 1 du projet de loi, qui couvre deux volets, est bref mais très important, particulièrement en ce qui a trait au deuxième volet. Il s'agit de celui qui vise la suppression des deuxième et troisième alinéas de l'article 73 de la charte, concernant notamment l'enseignement en anglais reçu dans un établissement privé non subventionné. Nous émettons de sérieuses réserves à ce sujet. En supprimant cette disposition, le gouvernement se trouve à enlever toute référence dans la charte même au concept d'établissement en enseignement privé non subventionné. Comme il est mentionné à la page 12 de notre mémoire, nous voyons là un danger puisque le projet de loi peut donner l'apparence que le gouvernement veuille reculer concernant l'évocation des études faites en anglais dans ces établissements pour se faire déclarer admissible à l'enseignement en anglais.
De plus, selon l'article 2 du projet de loi, que nous traitons à la page 12, il se dégage que le gouvernement ait plutôt choisi de procéder par voie réglementaire pour se conformer au jugement de la Cour suprême. Or, l'utilisation de la voie réglementaire risque, de par sa définition même, de rendre la protection de la langue française plus vulnérable aux changements et représente, selon nous, une alternative qui sera moins transparente aux yeux de la population. L'absence de balises claires directement dans la loi pourra générer, selon nous, de grandes difficultés d'application et accroître ainsi les probabilités de contestations judiciaires.
**(15 h 10)** Quant à l'article 5 du projet de loi, traité aux pages 13 et 14 du mémoire, celui-ci vise essentiellement à interdire ce que les juges appellent les écoles passerelles ou tremplins. Cet article semble démontrer une certaine volonté du gouvernement de mettre en place des mesures visant à contrecarrer ce que les juges appellent la création d'une voie d'accès quasi automatique aux écoles de la minorité linguistique par l'intermédiaire de ce genre d'école. Cependant, bien que l'article 5 introduise des interdictions aux établissements privés de mettre en place des mesures pour contourner la loi, cet article n'empêchera pas les établissements privés non subventionnés de scolariser légalement les élèves en anglais dans le cas des établissements qui respecteront ledit article. Ainsi, dans le cas des établissements privés non subventionnés qui se conformeront intégralement aux dispositions des deux nouveaux articles, 73.1 et 78.2 de la charte, ces établissements pourront continuer de scolariser les élèves en anglais sans que ces derniers ne soient préalablement tenus d'être déclarés admissibles. De plus, si ces établissements ne mettent spécifiquement rien en oeuvre, comme dit l'article 5, donc éluder l'application de la charte, et ne sont pas principalement destinés à rendre des enfants admissibles, nous comprenons que les élèves pourraient continuer à se prévaloir de ces études afin de se faire déclarer admissibles à l'enseignement en anglais par la suite. Aussi, malgré les dangers potentiels soulevés par les juges de la Cour suprême et malgré les pistes que ces derniers ont avancées, les dispositions prévues au projet de loi n° 103 nous semblent nettement insuffisantes pour assurer la protection et le respect de la Charte de la langue française.
Enfin, les articles 22 à 24 du projet de loi n° 103, qui sont traités aux pages 15 et 16 de notre mémoire, visent à introduire des sanctions pour tous les établissements privés, subventionnés ou non, en cas de non-respect des articles 72, 78.1 et 78.2 de la charte. Les sanctions prévues sont notamment l'introduction d'un pouvoir du ministre de refuser d'émettre un permis, d'assortir un permis de conditions et de modifier ou de révoquer un permis. Ce faisant, le projet de loi n° 103 interpelle tous les établissements d'enseignement privés, subventionnés ou non, et les soumet à l'application de l'article 78.1 de la charte qui stipule que «nul ne peut permettre ou tolérer qu'un enfant reçoive l'enseignement en anglais, alors qu'il n'y est pas admissible».
Or, ce qui semble paradoxal, c'est que le projet de loi n° 103 ne prévoit aucune modification au deuxième alinéa de l'article 72 de la Charte de la langue française pour y soumettre les établissements privés non subventionnés, comme le sont les commissions scolaires et les établissements privés subventionnés. La question qui demeure ici est la suivante: Comment peut-on prétendre que les établissements d'enseignement privés non subventionnés devront respecter les dispositions des articles 78.1 et 78.2, alors que ces mêmes institutions ne seraient même pas soumises à l'application de l'article 72 de la charte, qui, rappelons-le, constitue l'essence du chapitre VIII sur la langue d'enseignement?
Aussi, en raison des arguments évoqués par les juges et par respect des principes mêmes de la Charte de la langue française, la Fédération des commissions scolaires recommande au gouvernement d'ajouter une nouvelle disposition au projet de loi n° 103 afin de modifier le deuxième alinéa de l'article 72 de la charte pour édicter que tous les établissements privés non subventionnés seront également soumis à l'application du chapitre VIII de la Charte de la langue française. Pour la fédération, c'est la seule voie acceptable pour répondre aux préoccupations des juges, lorsqu'ils écrivent: «La création d'une voie d'accès quasi automatique aux écoles de la minorité linguistique par l'intermédiaire de ces écoles tremplins compromettrait la réalisation de cette volonté du législateur», et pour éviter de créer de nouvelles catégories d'ayants droit en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés et de rétablir indirectement un régime de libre choix linguistique dans le domaine scolaire au Québec.
En conclusion, la Fédération des commissions scolaires considère que le Québec est à la croisée des chemins quant à l'application du chapitre VIII de la Charte de la langue française. Les juges de la Cour suprême ont clairement sonné l'alarme et ont pavé la voie à suivre. Si le gouvernement du Québec veut véritablement éviter de créer une voie d'accès quasi automatique aux écoles de la minorité linguistique et éviter de rétablir indirectement un régime de libre choix linguistique dans le domaine scolaire, eh bien, il se doit de lever le dernier véritable obstacle à l'application du chapitre VIII en y soumettant tous les établissements d'enseignement publics et privés, que ces derniers soient subventionnés ou non. La fédération demande en fait au gouvernement de faire la même chose que ce qu'il a fait en 1993, et c'était le gouvernement libéral à l'époque qui a adopté ça, donc en soumettant les établissements privés subventionnés à l'application de l'article 72 de la charte. Voilà. Merci.
Le Président (M. Marsan): Merci, Mme Bouchard. Et nous débutons immédiatement cette période d'échange. Et j'invite la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine à prendre la parole.
Mme St-Pierre: Merci. Merci tout d'abord d'avoir pris la peine d'étudier le projet de loi, de rédiger un mémoire et de venir nous le présenter aujourd'hui. Vous, évidemment, avez regardé dans le menu détail la proposition que nous faisons. Vous en venez, d'après ce que je vois, à la conclusion qu'il faut passer à l'étape d'appliquer la loi 101 aux écoles privées non subventionnées. Il y a des effets qui peuvent se produire en faisant cela, c'est-à-dire on parle, entre autres, de fermeture d'écoles. Ça veut dire qu'il y aurait une clientèle qui ne pourrait plus aller dans les écoles privées non subventionnées, irait dans le secteur francophone. Donc, on aurait certains chambardements d'écoles.
On a parlé longuement hier et aujourd'hui aussi de la clause dérogatoire qu'il faudrait appliquer. C'est quand même un geste important à poser. C'est un geste qui a des répercussions sur la scène internationale, ce n'est pas uniquement moi qui le dis, ou nous qui le disons, mais on se l'est fait dire hier en commission parlementaire. Tous ces éléments-là, ça ne fait pas en sorte que vous... Est-ce que vous ne diriez pas qu'on pourrait quand même continuer à travailler sur le projet de loi n° 103 et faire en sorte qu'on puisse le... Parce que vous faites quand même des recommandations sur le 103. Vous dites que le règlement devrait être dans la loi. C'est comme si vous aviez aussi eu un intérêt pour le projet de loi n° 103. Est-ce que vous êtes divisés ou si c'est parce que...
Mme Bouchard (Josée): Ah non! Pas du tout. On a...
Mme St-Pierre: Non? O.K.
Mme Bouchard (Josée): On n'est pas du tout divisés. Et, vous savez, bien, tout de suite aussi d'emblée par rapport à ce que vous disiez, ce qui a été soulevé hier, là, on pourrait soulever un tollé: je ne pense pas. Au moment où on l'a fait en 1993, par exemple, ça n'a pas soulevé de tollé, là. Et vous savez qu'il y a quelque chose qui nous guide, il y a quelque chose qui nous guide à travers toute cette réflexion qu'on a faite et la proposition qu'on vous fait.
Bon, d'abord, je vais vous dire, on a un petit côté protecteur, on ne veut pas que le gouvernement se retrouve aussi avec des problèmes de poursuite, d'une part. Il ne faudrait pas créer quelque chose qui va peut-être ouvrir la voie à des contestations. Mais aussi ce qui guide vraiment notre réflexion, c'est la protection de la langue française, c'est que, écoutez, ce qui est important au Québec, je pense qu'il y a un constat qui est fort et qui est très important pour tous les membres aussi que je représente du monde de l'éducation, c'est que ça passe, c'est ça, en français donc au Québec et qu'on puisse faire en sorte que vraiment on puisse, à travers cette recommandation qu'on fait là... donc qu'on montre le sérieux en vraiment... en évitant d'en faire justement un règlement. Peut-être que je pourrais avoir recours à Me Tremblay qui pourrait ajouter quelque chose là-dessus?
M. Tremblay (Bernard): Peut-être simplement vous mentionner: évidemment, on comprend toute la difficulté, hein, de traiter le jugement de la Cour suprême pour le gouvernement et on sait tout le caractère délicat évidemment de cette question. Alors, je dirais qu'effectivement la réflexion de la fédération se veut, je dirais, un ajout à la réflexion générale qui se fait, en étant conscient que notre proposition comporte des inconvénients, que toute proposition comporte des inconvénients, mais, comme le disait Mme Bouchard, un souci évidemment qui est mentionné dès le départ dans son allocution d'assurer la protection de la langue française pour le futur dans l'enseignement. Et c'est pour ça qu'on arrive à la conclusion qu'effectivement les écoles non subventionnées devraient être couvertes. Et l'idée aussi de maintenir quand même cette question de la langue française dans le débat public, par le biais de modifications à la loi plutôt que par l'introduction d'un règlement, en sachant évidemment que ça comporte plus de difficultés aussi par la suite, mais en étant, comment dire, guidé par le fait que c'est un débat important au Québec. Alors, je pense que ce sont des raisons qui expliquent notre mémoire.
Mme St-Pierre: Oui. En fait, c'est sûr que... je pense que tout le monde a compris que c'était une question complexe. Mais, moi, je suis un peu perplexe devant le fait que vous ouvrez quand même la porte à certaines suggestions, dont celle-ci, c'est-à-dire prendre le règlement, le mettre dans la loi. Donc, vous n'êtes pas tout à fait rébarbatifs à la proposition, à 103?
M. Tremblay (Bernard): Il faut traiter le jugement de la Cour suprême, il faut répondre, dans le fond, au vide qui serait créé s'il n'y avait pas d'action par le gouvernement dans les prochaines semaines. Alors, on est conscients qu'il y a un geste qui doit être posé. Et donc, dans ce contexte-là, nous, on pense quand même que c'est encore par la voie d'une modification à la Charte de la langue française et en introduisant les critères, donc plutôt dans la loi que par voie réglementaire, qu'on pourra donc répondre aux éléments qui ont été mentionnés par les juges de la Cour suprême.
**(15 h 20)**Mme St-Pierre: J'aimerais comprendre aussi quand... Bon, vous êtes vraiment des grands spécialistes, là, du milieu scolaire. Et je voudrais savoir: hier, les gens de la communauté anglophone nous ont parlé beaucoup de la question de... de dire: Bien, écoutez, on n'est pas le problème. On a des clientèles... Bon, ils se disent inquiets par rapport à leurs clientèles, mais les chiffres ne semblent pas démontrer cela. Ils disent que les enfants dans le réseau anglophone apprennent le français, qu'ils sortent du secondaire, ils sont très à l'aise en français. Du côté du secteur francophone, ça se passe comment?
Mme Bouchard (Josée): Pour l'apprentissage?
Mme St-Pierre: Pour l'apprentissage d'une seconde langue?
Mme Bouchard (Josée): Ça se passe bien. On sait qu'on a un défi au Québec par rapport à l'apprentissage de la langue seconde. C'est un défi qui est relevé, je vais vous dire, depuis plusieurs années et qui a pris, je dirais, de l'ampleur par rapport aux moyens visés dans les commissions scolaires, je pense entre autres à l'anglais intensif. Je vais vous dire que, je pense, c'est une majorité, une grosse majorité des écoles qui vivent ça au Québec. Et, moi, mes propres enfants ont passé par là. Aujourd'hui, elles sont dans la vingtaine et se débrouillent très... travaillent même en anglais, il n'y a aucun problème avec ça. On a vu que, par des moyens comme ceux-là, c'est vraiment déterminant, là. Il y a une grande différence entre l'apprentissage simple qu'on connaissait auparavant et finalement, bien, cette chance-là ou cette opportunité-là d'apprendre, je dirais, à travers une certaine immersion, disons, en classe.
Alors, oui, il y a des progrès. Puis ça se vérifie aussi statistiquement, là, dans l'évolution aussi académique, là, de nos élèves du Québec par rapport à l'anglais. Je pense, entre autres, aussi, à des régions où elles étaient enclavées, disons, dans des secteurs beaucoup plus francophones et où c'était beaucoup plus difficile d'apprendre l'anglais, d'être en contact aussi avec des communautés anglophones. Et on voit une nette différence entre le moment où, bon, par exemple, l'apprentissage en anglais intensif n'existait pas et l'autre moment où on a mis ça en vigueur. Il y a vraiment un progrès considérable qui s'est fait. Mais il y a encore beaucoup de choses à faire. Peut-être, Mme Gagnon, vous voulez ajouter quelque chose?
Le Président (M. Marsan): Mme Gagnon.
Mme Gagnon (Pâquerette): Si vous permettez, juste un ajout. Il y a aussi, par surcroît, je dirais, les programmes d'anglais intensif, mais le fameux renouveau pédagogique qu'on conteste souvent, là, a augmenté les matières, hein, le temps des matières essentielles, notamment l'anglais au primaire et au secondaire. Donc, il ne faut pas négliger aussi ce fait-là. Comme disait Mme Bouchard, le Québec étant ce qu'il est, il y a des régions que, même si on augmentait... le fait de la pratique, hein, la proximité avec la langue anglophone fait en sorte que les succès sont moins probants. Sauf qu'on a une préoccupation importante là-dessus, préoccupation qu'on partage avec nos collègues anglophones, hein, à l'inverse, là, des deux langues, là, mais on travaille beaucoup là-dessus.
Mme St-Pierre: Pour revenir toujours à la question qu'on se pose... qui se pose ici à l'Assemblée nationale, l'application de la loi 101 aux écoles privées non subventionnées nous amène directement vers la clause dérogatoire. Hier, M. Bernard est venu nous expliquer que M. Laurin et M. Lévesque... et M. Laurin avait voulu garder cet espace de liberté puisque... il n'y avait pas de fonds publics d'engagés là-dedans et que ce sont des écoles totalement privées, c'est-à-dire non subventionnées anglophones. Donc, il préconise encore, M. Bernard, de tenter de trouver la manière de garder ses... ne pas priver ces parents-là qui veulent, dans leur projet pédagogique, envoyer leurs enfants dans ces écoles-là, mais par contre de trouver la solution idéale pour empêcher, là, qu'il y ait ce transfert.
La clause quand même dérogatoire, c'est quelque chose, c'est une décision importante. Vous faites référence à l'année 1993, puis je veux être sûre que je vous ai bien compris, là, parce qu'en 1993 c'est le projet de loi de M. Laurin, 86.
Une voix: ...
Mme St-Pierre: Ryan, pardon, 86. Le projet de loi 86, c'est sur la langue d'affichage. Et M. Ryan, c'était à la suite du blâme des Nations unies qu'il a déposé ce projet de loi là, parce qu'on était face à la clause dérogatoire. Donc, il arrive avec la prédominance du français dans l'affichage. Le projet de loi est adopté. Je pense que ça n'a pas été adopté à l'unanimité. Et, du côté du Parti québécois, on avait quand même dit qu'on reviendrait à l'avant-loi 86, c'est-à-dire au moment où on était à la loi 178. Ça n'a pas été fait pour toutes sortes de raisons.
Donc, quand, tout à l'heure, vous faites l'exemple de la loi 86, ça ressemble un petit peu à ce qu'on est en train de faire avec 103, c'est-à-dire on évite... on ne va pas du côté de la clause dérogatoire, on essaie de limiter au maximum ces situations-là, on interdit les écoles passerelles. C'est pour ça que votre parallèle avec 86, là, en fait, avec l'année 1993... je ne sais pas si c'était dans le domaine de l'éducation qu'il s'est passé quelque chose, mais, si vous parlez du domaine de la langue, c'était l'affichage.
Mme Bouchard (Josée): Non, c'était vraiment au chapitre de l'enseignement comme tel, là. Je vais laisser Me Tremblay vous en parler. En fait, c'étaient les fameuses écoles privées subventionnées qui ont fait...
M. Tremblay (Bernard): Oui, effectivement...
Le Président (M. Marsan): Me Tremblay, oui.
Mme Bouchard (Josée): M. le Président, oui.
M. Tremblay (Bernard): Je m'excuse. Effectivement, bon, on est conscients qu'à l'époque ce fut un choix difficile. Et je pense que Mme Bouchard faisait référence plus à l'impact au niveau du milieu scolaire à cette époque-là.
Maintenant, par rapport au fait d'utiliser la clause dérogatoire, on est conscients évidemment de l'impact que ça représente, c'est un choix qui est important, c'est une décision qui est lourde quand un gouvernement décide de le faire. Il demeure quand même que, dans l'éducation, on a déjà utilisé la clause dérogatoire, à l'époque, pour protéger le fait d'avoir de l'enseignement catholique et protestant dans nos écoles. Alors, pendant de nombreuses années, on l'a fait. À l'époque, ça faisait partie d'un consensus social, je crois. Et c'est un peu dans cet esprit-là qu'on dit: Oui, il y a peut-être des conséquences à utiliser la clause dérogatoire, mais dans la mesure où il nous a semblé que c'était le meilleur moyen de s'assurer que des gens -- puis je pense que c'est l'objectif que tout le monde partage -- qui normalement ne devraient pas avoir accès à l'école anglaise et réussissent présentement à avoir ce droit et à l'obtenir pour l'ensemble de leurs enfants... On a pensé que finalement c'était peut-être le meilleur moyen dans les circonstances, en étant conscients encore une fois des conséquences évidemment de ce choix, mais en pensant que l'alternative comportait aussi beaucoup d'inconvénients et risquait de maintenir cette situation où des gens qui normalement ne devraient pas avoir accès à l'école anglaise maintiennent ce droit. Alors, voilà.
Mme St-Pierre: Pour continuer toujours dans la veine... la clause dérogatoire, est-ce que vous avez pris connaissance de ce qui s'est passé ici en commission hier? Est-ce que vous avez des réactions? Non? Vous n'avez pas eu le temps de regarder les commentaires qu'il y a eu à ce sujet-là?
Mme Bouchard (Josée): Non, sauf sur... Bien, en fait, j'ai vu très brièvement, là, le passage de M. Bernard, puis avec la proposition, je pense, de l'engagement aussi, là, qu'on pourrait exiger des parents, là, dans... en fait, ceux qui inscrivent leurs enfants justement dans une école non subventionnée, une école privée non subventionnée. Là-dessus, écoutez, une réflexion personnelle, hein, parce que je n'ai pas consulté mes membres là-dessus, je n'ai pas de mandat aujourd'hui pour répondre à ça, mais il reste que, bon, oui, ça pouvait me sembler une suggestion, oui, intéressante, mais qui ne garantit rien quand même, là. Comment on peut vérifier ça puis comment on ne peut pas s'exposer ultimement à la contestation de la valeur légale de ça? Moi, en tout cas, ça, c'était ma réflexion, là, par rapport à ça.
Mme St-Pierre: Quel que soit le scénario qui sera décidé, il va y avoir probablement des gens qui vont dire qu'ils vont contester. Même si on applique la clause dérogatoire, on peut être contesté devant les Nations unies, alors, ça peut aller très loin.
Mme Bouchard (Josée): C'est ça. Vous avez raison. Vous avez raison, Mme la ministre. Puis notre défi, bien, notre défi -- puis on travaille tous ensemble, c'est pour ça que les travaux de la commission parlementaire existent -- on est là pour faire en sorte qu'on ne se retrouve pas.. en tout cas, qu'on se retrouve le moins possible avec des contestations encore en Cour suprême.
Puis, en même temps, comme je le disais, pour nous, le message que je porte aujourd'hui, c'est à travers ça, ce souci-là, c'est de se dire: Bien, il faut aussi protéger notre langue française. Il faut faire aussi en sorte... C'est une grande responsabilité qu'on a, tous ensemble, de faire en sorte qu'on puisse faire en sorte que, oui, cette langue-là, on va la faire perdurer dans le temps.
Vous connaissez tous l'histoire de l'évolution de notre langue ici, au Québec, des défis qui sont devant nous, entre autres en raison des défis... de la réalité démographique, alors, bien, c'est ça, je pense qu'il faut faire en sorte qu'on ait une bonne assurance que, bien, on va rester dans cette voie-là.
**(15 h 30)**Mme St-Pierre: Alors, je termine juste sur ce petit commentaire: M. Bernard nous a dit d'éviter de nous déchirer sur cette question-là.
Moi, je n'ai pas d'autre question, M. le Président. Je ne sais pas s'il reste du temps?
Le Président (M. Marsan): Oui. Alors, M. le député de Charlesbourg, la parole est à vous.
M. Pigeon: Oui. Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Bouchard, Mme Gagnon, M. Tremblay. Il y a d'autres éléments dans le projet de loi dont on n'a pas discuté. Je voudrais juste brièvement, là, toucher deux ou trois points. On a voulu, par le projet de loi, que les universités et les collèges soient obligés de faire rapport sur leur politique sur le français, là, les politiques linguistiques. Rappelez-moi: Est-ce que les commissions scolaires doivent se doter aussi de politiques linguistiques?
Mme Bouchard (Josée): Absolument, absolument.
M. Pigeon: Et devez-vous faire rapport?
Mme Gagnon (Pâquerette): Absolument.
Mme Bouchard (Josée): Oui. Mme Gagnon...
Mme Gagnon (Pâquerette): On a des obligations en vertu de notre loi, mais on a aussi un plan de lecture à l'école puis un plan qui nous oblige à rendre des comptes, là, sur la qualité de la langue française.
Mme Bouchard (Josée): Exactement.
M. Pigeon: Et donc vous seriez en accord avec la proposition qui est faite dans le projet de loi que les collèges et les universités soient soumis à une forme de reddition de comptes concernant leur politique linguistique?
Mme Bouchard (Josée): En fait, là-dessus, je suis obligée de vous dire, malheureusement, M. Pigeon, qu'on ne s'est pas penchés sur cette question, comme vous l'avez vu dans notre mémoire, et que je n'ai pas le mandat, là, de mes membres de prendre position là-dessus. Mais, écoutez, nous, on le fait. C'est difficile d'être contre quelque chose comme ça, là, mais il reste que je n'ai pas de position officielle là-dessus. Vous allez comprendre ça?
M. Pigeon: Je comprends, ça, Mme Bouchard. Un autre point concernant la Charte des droits et libertés de la personne -- et je vais vous poser un peu la même question -- entre autres, l'article 40 de la charte serait modifié, là, par l'ajout de l'alinéa suivant: «Toute personne a droit de recevoir cette instruction en français.» Donc, c'est très précis et très clair.
Je me permets de présumer qu'avec le discours que vous nous avez tenu sur la nécessité du français vous seriez d'accord avec les modifications de la charte pour renforcer le droit à l'instruction en français, tel que c'est écrit?
Mme Bouchard (Josée): Alors, écoutez, j'entends mes membres, derrière moi, me souffler à l'oreille que... Je pense qu'ils seraient enclins effectivement à quelque chose comme ça.
Une voix: Bien sûr.
M. Pigeon: Non, mais, c'est parce qu'à travers tout ce qui a été dit je pense que nous partageons tous le même objectif de faire en sorte qu'on vive en français avec la société québécoise, mais qu'on ait le maximum de respect pour les autres communautés et pour ceux qui font des choix différents. Et c'est un équilibre délicat, je pense que tout le monde le conçoit. Puis le projet de loi, je pense, moi, m'apparaît, là, particulièrement équilibré parce qu'il évite de trancher très durement. Mais il fait en sorte, je dirais, d'aller sur un nombre d'éléments qui permettent que les écoles passerelles grosso modo disparaissent. Je pense que c'est... Le but de l'idée, c'est de faire en sorte qu'il n'y ait plus de gens qui contournent la loi, mais, en même temps, de laisser l'espace de liberté, là, que les pères, si vous me permettez l'expression, de la loi 101 souhaitaient.
Mme Bouchard (Josée): Oui. C'est tout à fait ça. Puis je pense que... Bien, le devoir du gouvernement, c'est de s'assurer aussi que, en fait, ce qui va en découler soit tout à fait transparent. Ça, c'est important que la population sente que ce qui va être adopté, bien, nous amène dans un processus transparent.
Je reviens quand même sur notre position. On pense qu'il y aurait peut-être un dernier petit coup de barre à donner. En tout cas, moi, je vous incite vraiment, là, à regarder ça. Mais vraiment, je pense, on travaille dans le même esprit, tout à fait.
Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie bien.
M. Pigeon: Merci, Mme Bouchard.
Le Président (M. Marsan): Je vous remercie. Ça termine l'échange avec le parti ministériel. Nous poursuivons avec le parti de l'opposition officielle, et je vais céder la parole à M. le député de Borduas.
M. Curzi: Merci, M. le Président. Mme Bouchard, Mme Gagnon, messieurs, bonjour. Bienvenue. Dans le fond... Bien, quand je lis votre document, vous ne faites pas référence à la clause dérogatoire. Ce que vous dites clairement, c'est: Appliquons les critères d'admissibilité et appliquons-les aux écoles privées non subventionnées. C'est ce que vous dites, hein?
Mme Bouchard (Josée): C'est ça.
M. Curzi: C'est exactement ça.
Mme Bouchard (Josée): Oui.
M. Curzi: Et vous n'allez pas plus loin que ça?
Mme Bouchard (Josée): Non.
M. Curzi: Vous ne parlez pas d'invoquer la clause dérogatoire. Ça ne vous apparaît pas essentiel.
Mme Bouchard (Josée): Ah, non, non! Non, non.
M. Curzi: Donc, on se comprend bien.
Mme Bouchard (Josée): Oui.
M. Curzi: Vous ne dites pas ça. Nous, on l'a ajouté, mais vous dites cependant que vous vous êtes intéressés à cette clause-là parce que vous soupçonnez qu'en modifiant l'article 73, donc en le rendant conforme en quelque sorte à la clause Canada de l'article 23, vous croyez qu'il y aurait éventuellement... il pourrait y avoir une contestation.
Mme Bouchard (Josée): C'est ça.
M. Curzi: Mais vous ne vous êtes pas prononcés sur le moment où on devrait invoquer la clause dérogatoire, puisque rien ne prouve qu'il y a aura contestation.
Mme Bouchard (Josée): Absolument.
M. Curzi: Et, s'il y avait contestation, il serait toujours temps d'utiliser la clause dérogatoire. Est-ce que c'est ça, votre position?
Mme Bouchard (Josée): Mais oui. C'est ça. C'est en plein ça. Puis, dans le fond, on invite à la prudence. C'est juste une petite lumière rouge qu'on allume.
M. Curzi: Oui.
Mme Bouchard (Josée): C'est ça. M. le Président, vous permettez?
Le Président (M. Marsan): Oui. Me Tremblay.
M. Tremblay (Bernard): Oui. Donc, effectivement, comment dire, on est conscients de toute façon que la clause dérogatoire ne vise qu'à exempter l'application de la loi de certains articles de la charte canadienne. Et l'article 23 de la charte canadienne ne fait pas partie des dispositions dont on peut être exemptés. Alors, effectivement -- d'où toute la difficulté aussi -- au-delà de l'usage ou non de la clause dérogatoire, on peut se poser la question: Il y aura possiblement des contestations. Et même l'utilisation de la clause dérogatoire ne garantit pas l'absence de contestation. Alors, c'est ce qui doit entre autres complexifier le dossier pour trouver une solution adéquate et sécure.
Mais effectivement, nous, on n'a pas fait l'analyse de jusqu'à quel niveau finalement la clause dérogatoire pourrait protéger des modifications à la Charte de la langue française, là.
M. Curzi: Mais c'est fondamental parce que, quand on en revient à regarder la situation, ce que vous dites, et ce qu'on dit aussi, c'est: Modifions l'article 73, l'effet va être immédiat. Ne pourront fréquenter le système scolaire de l'une ou l'autre langue que ceux qui y sont admissibles, sauf les quelques exceptions déjà contenues dans la loi. C'est ça.
Mme Bouchard (Josée): Aussi...
M. Curzi: Et, à partir de là, je pense, on répond aussi, à ce que j'ai compris, à vos deux autres soucis, qui sont la défense de la langue française puis la transparence dans une décision politique.
Mme Bouchard (Josée): Absolument. Puis aussi... Bien, écoutez, au moment où... mes prédécesseurs l'ont évoqué aussi hier, on a eu ça tard, là, à la fin donc du printemps, nous, nos instances étaient terminées. Bon. À travers d'autres sollicitations aussi pour donner des avis, on a regardé ça aussi; on n'avait pas reçu encore les critères non plus, là, ils n'avaient pas été publiés, si je ne m'abuse... C'est ça.
Quand on voit aussi la liste des critères sur lesquels on pourrait faire le départage, hein, voir si effectivement on admet ou pas, là, un élève, ça aussi, là, ça nous questionne. Il y en a sur lesquels, bon, on voit des caractères très objectifs, là, c'est facile de pointer, puis tout ça, mais il y en a, là, qui vraiment, là, questionnent.
Puis je pense entre autres, là, au dernier, où on dit, sur la Situation particulière et cheminement pris globalement: «Éléments contextuels connexes ou distincts permettant d'approfondir [...] l'évaluation de l'authenticité de l'engagement», moi qui adore le français, là, je me suis dit: Qu'est-ce qu'on veut... Comment le fonctionnaire va interpréter ça, hein?
Alors, il y a quand même... ça va de moins huit à plus huit pour octroyer des points, là, sur tout le système de pondération. Alors, c'est ça. On dit: Prudence. Prudence, là. Organisons-nous pas pour qu'on se retrouve encore devant la cour.
M. Curzi: En fait, si je comprends bien, la fédération, ce qu'elle a fait, c'est qu'elle a dit... Voici le projet de loi, voici les règlements, il vous apparaît qu'il y a une foule d'obstacles partout. Ce n'est pas la position que vous préconisez, mais vous vous êtes dit: Voici quelle est notre position -- qui était relativement simple -- mais nous allons cependant quand même réfléchir à cette proposition-là qui est sur la table. C'est ça?
**(15 h 40)**Mme Bouchard (Josée): Exactement. Exactement. Puis j'ai envie de vous dire en plus qu'on n'a même pas, je dirais, de gain ou de profit à faire là-dedans, c'est vraiment une question de valeurs. Je vous dis ça dans le sens où... Ça ne veut pas dire que ce seraient des élèves de plus, par exemple, au bout du compte, dans notre système public francophone parce qu'on sait très bien que ces gens-là, bien, ils paient très cher pour envoyer leurs enfants là puis que naturellement, disons, ils ont plus envie d'envoyer leurs enfants dans le système privé. Ça fait que peut-être que le système public ne ferait pas tant de gains que ça, là, au niveau du nombre d'élèves. Pour nous autres, c'est une question de principe, c'est ça que je veux que vous reteniez.
M. Curzi: Donc, le principe, en fait, ce que vous dites aussi, c'est que, si une loi claire était adoptée, elle aurait le mérite d'être claire, le mérite de défendre la loi...
Mme Bouchard (Josée): Voilà.
M. Curzi: ...puis probablement que ses effets, ce serait d'augmenter le nombre d'effectifs, non pas dans le système public francophone, mais dans le système privé francophone, probablement. Donc, ce serait gagnant sur toute la ligne.
Si je comprends bien, ça aurait aussi...
Des voix: ...
M. Curzi: Non, non, mais...
Mme Bouchard (Josée): Ça dépend où on se place. Ça dépend où on se place.
M. Curzi: Non, non, mais c'est une façon de parler. C'est une façon de parler. Mais l'effet... je voulais...
Mme Bouchard (Josée): Ah, ce n'est pas nous autres qui a dit ça.
M. Curzi: Ah non. C'est moi, c'est moi. Mais donc ça, mais aussi l'autre effet qui m'est apparu pendant que vous parliez, Mme Bouchard, c'est que je me dis: Au moment où on a pris une décision, si cette loi-là était appliquée comme ça, ça aurait probablement un effet de renforcement de la préoccupation puis de la qualité de l'enseignement de la langue seconde. Parce que ce qu'on comprend, et ce que tout le monde admet, c'est que la connaissance de l'anglais, c'est un désir et un besoin légitime au Québec, et le fait de clarifier à ce point, c'est-à-dire donc que tous ceux qui sont admissibles au système français fréquentent le système... ce serait une pression supplémentaire pour que la qualité de l'enseignement de la langue seconde en bénéficie.
Mme Bouchard (Josée): Oui. Je vous avoue que je n'y avais pas pensé, mais qu'effectivement c'est quelque chose...
M. Curzi: ...
Une voix: Par ricochet.
Mme Bouchard (Josée): ...oui, par ricochet, effectivement, qui peut être un effet. C'est une préoccupation quotidienne, je vais vous dire, pour le milieu scolaire, on le sait, l'apprentissage de l'anglais puis, dans le fond, ça ne fait pas partie de ce dossier-là, mais c'est comme collatéral. Mais il reste que cette préoccupation-là, elle est très importante pour nous, parce que, bon, on est dans la globalisation des marchés, et tout ça, nos élèves sont de plus en plus intéressés aux programmes internationaux, on le sait, ils ont des carrières fabuleuses. Bien, en fait, leur terrain de jeu, c'est le monde, on le sait. Alors, écoutez, on a des devoirs par rapport à ça et on ne manquera pas d'y obéir.
Le Président (M. Marsan): Alors, M. le député de Drummond, la parole est à vous.
M. Blanchet: Mesdames messieurs, bonjour. En 2002, le Québec établit un consensus autour de la loi n° 104, et la Cour suprême du Canada dit: On s'en fout, retournez à la table à dessin parce que, nous autres, on considère que ça ne rencontre pas nos critères canadiens. Le gouvernement crée la loi n° 103, dont un des éléments fondamentaux, mais pas très défini, est la notion de parcours authentique.
Compte tenu de qui vous êtes et de la vision très unique que vous avez là-dessus, croyez-vous qu'il soit possible de définir par sa nature, et non pas par sa mesure, la notion de parcours authentique sans créer un débat encore plus gros que celui qu'on va avoir sur la base même de la loi n° 103 dans les prochaines semaines?
Une voix: Belle question.
Mme Bouchard (Josée): M. Tremblay, vouliez-vous y répondre?
Le Président (M. Marsan): Me Tremblay.
Mme Bouchard (Josée): Notre réponse...
M. Tremblay (Bernard): Oui, effectivement. Je reviendrais sur le fait qu'on comprend toute la difficulté effectivement de définir la notion de parcours authentique. Et par ailleurs c'est pourquoi, nous, on s'est attardés surtout à la distinction entre les écoles subventionnées et non subventionnées en se basant sur l'idée que finalement on ne peut pas acheter des droits, et que tout le monde devrait être égal, et que, dans ce contexte-là, oui, il y a des inconvénients, et on en est, mais, du même souffle, pour nous, ça se défend bien que de dire: Dans le fond, le fait d'avoir accès à l'école anglaise par le biais d'une école non subventionnée et par la suite d'obtenir des droits ne devrait pas être... en tout cas, cette faille-là du système devrait être colmatée, et c'est pourquoi on s'est attardés plus à cet aspect-là.
Mais, sur tout le débat du parcours authentique, effectivement, on comprend toute la difficulté de le définir par des critères clairs, objectifs, transparents, etc.
M. Blanchet: Merci.
Le Président (M. Marsan): Ça va? Oui, oui, oui.
M. Lemay: Très rapide.
Le Président (M. Marsan): M. le député de Sainte-Marie--Saint-Jacques.
M. Lemay: Merci, M. le Président. Alors, bonjour, mesdames messieurs. Une simple petite question. Je reviens à ce que la ministre disait un peu tantôt. Dans votre conclusion, vous indiquez qu'en 1993 le gouvernement de l'époque avait soumis, à l'article 72 de la Charte de la langue française, les écoles...
Mme Bouchard (Josée): Non...
M. Lemay: Non, les écoles...
Mme Bouchard (Josée): Subventionnées.
M. Lemay: Les écoles privées subventionnées.
Mme Bouchard (Josée): Puis ensuite c'était non subventionnées, c'est ça.
M. Lemay: Donc, c'était un peu... Et à l'époque... C'est un peu la situation sur laquelle on est, sauf que, là, c'est face au réseau non subventionné. Donc, pouvez-vous... Je ne sais pas si on a quelques secondes au moins pour... J'aime les contextes historiques, mais, moi, dans ma tête, c'est 50 ans, 100 ans, là.
Mme Bouchard (Josée): Et c'est à ça que...
M. Lemay: Je ne tape pas juste un nom sur Google pour trouver ce qu'il a fait de méchant les trois dernières années, là. Mais j'aimerais savoir à quoi ça retourne exactement, là.
Mme Bouchard (Josée): Puis c'est à ça que je faisais allusion tout à l'heure, quand je répondais à Mme la ministre. Mais, M. le Président, c'est M. Pleau qui va en ajouter.
Le Président (M. Marsan): Alors, M. Pleau.
M. Pleau (Robert): Bonjour. D'abord, je vais vous répondre en partie non pas de mon travail à la fédération depuis 10 ans, mais dans le temps que j'étais au ministère, où je m'occupais du dossier de la loi 101, pendant sept à huit ans. Et j'étais là, à ce moment-là, et... J'ai peut-être un petit lapsus, Mme la ministre, parce que, quand on dit 1993, c'est peut-être la modification de 1992, là, mais c'est, à ce moment-là, qu'est-ce qui a été apporté à l'article 72. Parce que l'article 72, avant ça, ne s'appliquait qu'aux commissions scolaires, aux écoles publiques, et en 72 on a ajouté les écoles privées subventionnées. Et là il y a eu le tollé aussi. Les gens ont brandi le spectre, là, de la clause dérogatoire, la fermeture d'école, et, à ce que je sache, il ne s'est rien passé, ça a très bien été.
Et pourquoi on préconise ça aussi, la même approche, c'est qu'on considère que les juges nous donnent eux autres mêmes la réponse, la décision de la Cour suprême, en disant que la charte canadienne s'applique nonobstant si c'est une école publique ou privée, subventionnée ou pas. Ça fait qu'on ne voit pas pourquoi ça dérogerait puis qu'il faudrait une clause dérogatoire, alors qu'en principe les juges nous ont dit eux autres mêmes que ça ne dérogerait pas, là. Ça fait que voilà.
Le Président (M. Marsan): M. le député de Sainte-Marie--Saint-Jacques.
M. Lemay: Et la décision donc, j'oserais presque dire, que vous avez prise à l'époque -- je ne sais pas si c'est vous -- ...
M. Pleau (Robert): Que le gouvernement a pris à l'époque.
M. Lemay: Non, non, non, vous avez raison, pas vous, le gouvernement, vous avez raison. Nuance importante, c'est le gouvernement qui a pris la décision.
Une voix: ...
M. Lemay: Oui, c'est ça, tout à fait, mais c'est juste pour essayer de... Parce qu'à un moment donné, qu'est-ce que vous voulez, en termes de droit, on ne peut pas faire des virages à 90 degrés, hein? Autant le gouvernement que l'Administration publique, il y a des traditions, des tendances, des analyses qui sont faites.
Mais, à l'époque, cette décision-là a été prise dans quel contexte? Est-ce que c'était suite à un jugement ou c'était... le ministre Ryan, à l'époque, a dit: Clarifions la situation et retirons les écoles privées subventionnée, ou assujettissons plutôt? Est-ce que c'est suite à un jugement ou... Est-ce que vous vous rappelez de ça?
M. Pleau (Robert): Vaguement. Bon, d'abord, des jugements, il y en a eu depuis 1978, là, d'une part, et jusque... Je m'excuse, Mme la présidente. C'était M. Pagé qui, à ce moment-là, était ministre de l'Éducation, mais M. Ryan ministre responsable de la Charte de la langue française, question de...
Et pourquoi? C'est qu'à ce moment-là la principale voie de contournement de la Charte de la langue française, c'était vraiment les écoles privées subventionnées parce que là, évidemment, à peu de frais, les gens pouvaient aller acheter leur droit, alors que les écoles privées non subventionnées, la position qui a été prise dans le temps: Comme on ne les finance pas, on n'a pas à les soumettre. Mais disons que ça avait été discuté aussi, mais ça n'avait pas été retenu.
Le Président (M. Marsan): Alors...
M. Lemay: On voit que vous avez une richesse autour de vous.
Le Président (M. Marsan): Merci, merci beaucoup, Mme Josée Bouchard, Mme Pâquerette Gagnon, Me Bernard Tremblay et M. Robert Pleau.
Et je vais suspendre quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 49)
(Reprise à 15 h 53)
Le Président (M. Marsan): Alors, il nous fait plaisir maintenant d'accueillir M. Thomas Mulcair, chef adjoint du Nouveau Parti démocratique. Je n'ai pas besoin de rappeler que M. Mulcair a été avec nous, dans cette enceinte, pendant de nombreuses années. Alors, M. Mulcair, vous connaissez bien nos règlements, nous vous demandons de faire une présentation d'environ 15 minutes et de nous présenter les gens qui vous accompagnent. Et la parole est à vous par la suite.
Nouveau Parti démocratique (NPD)
M. Mulcair (Thomas J.): Parfait. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, tout d'abord, je présenterais Mlle Chantale Turgeon, qui est ma proche collaboratrice, qui est avec moi cet après-midi. Alors, merci pour le gentil mot de bienvenue. Effectivement, je me sens un peu de retour à la maison, à un endroit où j'ai eu l'occasion et le plaisir de siéger avec vous pendant une quinzaine d'années. Alors, Mme la ministre, merci pour l'invitation. M. le porte-parole de l'opposition officielle, M. Curzi, et MM. Mmes les députés.
Je vais vous dire qu'aujourd'hui on est en train de discuter d'un domaine de compétence qui est strictement provincial, qui est l'éducation. À première vue donc, ça peut paraître surprenant d'avoir un représentant d'un parti fédéral venir faire une présentation, et c'est pourtant précisément en raison d'une intervention du gouvernement fédéral, en 1982, que ce qui était jadis un domaine exclusif de compétence provinciale, c'est-à-dire l'éducation, est dorénavant touché aussi au niveau fédéral.
Je peux aussi me permettre de vous mentionner, et c'est dans notre mémoire, que la première motion adoptée par le Parlement canadien, après le jugement de la Cour suprême sur l'accès à l'école anglaise qui a été rendu l'année dernière, était une motion présentée par moi-même et le caucus du NPD, et qui a réaffirmé que les... et je vais le lire mot à mot pour qu'il n'y ait pas de méprise:
«Mercredi, 28 octobre 2009.» Donc, la motion déposée portant sur l'apprentissage du français au Québec: «Que de l'avis de la Chambre -- de la Chambre des communes -- la reconnaissance que les Québécoises et les Québécois forment une nation au sein d'un Canada uni -- vous avez reconnu là la formulation retenue pour la reconnaissance -- comprend notamment, pour le Québec, le droit de s'assurer que les immigrants qui arrivent au Québec doivent apprendre le français d'abord et avant tout.» Ça, ça a, je répète, été adopté unanimement à la Chambre des communes par les quatre formations politiques présentes, c'est-à-dire les conservateurs qui sont au pouvoir, les libéraux, les bloquistes et le Nouveau Parti démocratique que je représente.
Je me permets aussi de vous dire que, de la même manière que le NPD s'est intéressé à des dossiers qui avaient d'abord un élément qui relevait du Québec, mais qui avait un incident au niveau fédéral... nous a amené à plusieurs reprises, au cours des dernières années, à intervenir. Par exemple, le NPD est intervenu devant le Bureau d'audiences publiques en environnement au sujet de Rabaska. D'une manière intéressante, j'ajouterais qu'ils sont intervenus sur Rabaska pour être contre avant que je me joigne avec M. Layton. Je peux aussi vous mentionner que, devant la commission Bouchard-Taylor, on était une des deux formations politiques fédérales à avoir fait des présentations; le Bloc était là également.
Donc, c'est un peu inusité, mais, de la même manière que mon collègue Jacques Dupuis est venu à Ottawa dans le dossier du registre des armes -- qui ferait la manchette beaucoup de ce temps-ci -- pour apporter un élément du point de vue du Québec en commission parlementaire à Ottawa, ça explique un peu le contexte de ma présence ici, aujourd'hui.
Et tout d'abord je tiens à remercier la commission, ses membres, sa présidence du temps qu'ils nous accordent pour notre intervention aujourd'hui.
Je me permets d'emblée de dire que nous sommes opposés au projet de loi n° 103. Nous faisons partie d'une vaste coalition qui s'oppose au projet de loi n° 103, mais il y a deux différences importantes qu'il faut signaler dès le départ. Contrairement à d'autres qui voient la possibilité d'utiliser la clause «nonobstant», nous ne croyons pas que c'est légalement possible à l'égard des dispositions de l'article 23. Je connais l'argument contraire, mais, étant avocat moi-même, ayant travaillé longtemps avec cette loi-là, je ne crois pas que ce soit très utile. J'oserais même dire que c'est un argument qui relève plutôt du politique que du juridique.
Aussi, nous ne croyons pas que le problème posé par le jugement de la Cour suprême serait réglé par le fait d'appliquer aux écoles privées subventionnées les dispositions de la Charte de la langue française. Comme on l'explique dans notre mémoire, ça ne ferait que déplacer le problème pour les écoles passerelles qui sont, par exemple, comme vous le savez, M. le Président, à Kirkland. On serait en train de déplacer le problème 40 kilomètres plus loin parce qu'on serait obligés de reprendre, en vertu d'une autre disposition de l'article 23, parce que tout d'un coup on aurait des enfants qui reçoivent ou ont reçu leur éducation en anglais au Canada qui seront en train d'arriver au Québec. Donc, je pense que c'est une solution qu'il faut éviter.
Notre approche vise à cerner ce qu'on appellerait en anglais «the pith and substance» du jugement de la Cour suprême. Qu'est-ce que la Cour suprême a dit et qu'est-ce qu'elle n'a pas dit? Et vous allez comprendre pourquoi, nous, on s'oppose a ce qui est en train d'être mis sur la table, notamment la réglementation.
Je me permettrais peut-être, à titre de prolégomènes, de mentionner que je fais partie d'une famille de 10 enfants. Mon arrière-grand-père est sur une très grande statue ici, sur la pelouse: il s'appelait Honoré Mercier. Ma maman, Jeanne Honoré Mercier, et mon père, Harry Mulcair, ont eu 10 enfants ensemble, dont la moitié sont allés à l'école française, la moitié à l'école anglaise. Avec mon fond d'accent anglais, vous avez bien deviné que je fais partie de ceux qui ont fréquenté l'école anglaise. Mais ça m'a peut-être donné aussi l'opportunité de vivre beaucoup dans les deux langues, les deux cultures et de comprendre.
Ma carrière a donné écho à ça. De 1980 à 1983, j'étais à la Direction des affaires juridiques du Conseil de la langue française. De 1983 à 1985, j'étais le directeur des affaires juridiques à Alliance Québec. De 1985 à 1987, j'étais commissaire à la Commission d'appel sur la langue d'enseignement, et c'est cette expérience qui, je crois, peut vous être utile aujourd'hui parce que ça, c'est regarder au cas par cas l'admissibilité des enfants à l'école anglaise, au Québec. Cette institution n'existe plus, mais c'était prévu au terme de la version originale de la Charte de la langue française.
**(16 heures)** Vous avez compris par les dates que j'ai travaillé autant pour le Dr Camille Laurin que pour Claude Ryan. Les deux avaient quelque chose en commun: une hauteur de vue, une vue d'ensemble et une rigueur intellectuelle extraordinaire. Et, quand ils étaient appelés à regarder un problème comme celui-là, les deux regardaient toujours en priorité l'effet que ça aurait sur la langue française et la situation démolinguistique du Québec.
Je me souviens même un soir particulièrement mémorable, où Marcel Blanchet, aujourd'hui Directeur général des élections du Québec, était le sous-ministre à l'Éducation, puis on avait des moments assez originaux en commission parlementaire entre les deux, mais, ce soir-là, ils se sont mis à débattre en latin entre eux. C'est vous dire un... c'est une époque révolue. J'étais aussi, pour finir là-dessus, responsable de la traduction des lois au Manitoba. Donc, la situation des minorités linguistiques à travers le Canada est un sujet que je connais beaucoup et sur lequel j'ai beaucoup travaillé.
Quand je dis qu'il faut regarder le noyau de ce jugement de la Cour suprême, on peut le diviser en trois parties. La Cour suprême regarde le projet de loi n° 104, celui qui faisait l'objet du pourvoi devant la Cour suprême, et dit que le but recherché était louable. Ça, c'est très important. Il dit: C'est tout à fait acceptable pour l'Assemblée nationale, c'est un but acceptable de défendre le français et de vouloir restreindre l'accès à l'école anglaise aux seules personnes qui ont légalement le droit en vertu de la charte.
Par contre, vous comprendrez aisément comment une formation politique sociale-démocrate, comme le Nouveau Parti démocratique, s'en prend particulièrement à l'idée que l'on puisse acheter un droit. Ça ne peut pas exister dans une société libre et démocratique qu'on ait des droits accessibles seulement aux plus nantis. J'ajouterais, pour l'avoir vécu pendant des décennies, que la circonscription que je représente à l'heure actuelle, Outremont, a le plus grand nombre, le plus haut nombre de langues maternelles de toutes les circonscriptions électorales au Canada. J'ai 135 langues maternelles différentes dans la circonscription. Pourtant, quand je vais dans une soirée... et un exemple récent qui m'a frappé, j'étais avec ma femme, puis on entendait des jeunes enfants avec leurs costumes de leur pays, c'était les 40 ans d'indépendance du Bangladesh, des enfants parlent un français québécois parfait, sans une trace d'accent. Les parents en sont tellement fiers, parce que c'est un signe de leur réussite d'avoir intégré les enfants. Certaines langues ont de la difficulté à adapter au français plus que d'autres. Je vois la même chose avec les anglophones des Caraïbes, qui sont tellement fiers que leurs enfants parlent parfaitement français. Eux, ils ont eu énormément de difficulté à l'apprendre.
Au lieu d'être une source de fierté, d'avoir des enfants qui s'intègrent et qui parlent parfaitement français, le fait que tes enfants aillent à l'école française, pour des communautés immigrantes, va être une source de gêne parce que ça va être le signal que vous n'avez pas réussi assez bien pour payer le passe-droit pour aller à l'école anglaise, et ça, socialement, c'est inacceptable. Mais le signal que ça envoie est tout aussi dommageable. Ça fait des décennies qu'au Québec on s'entend sur une chose: que la communauté québécoise d'expression anglaise veut avoir ses droits protégés. En fait, moi, là, j'ai deux enfants qui ont appris le français d'abord à la maison. Notre fils, quand on a déménagé de Québec à Montréal, ne parlait pas un mot d'anglais, puis on l'a mis à l'école anglaise, parce que la communauté anglophone disposait de la liberté de choix, et depuis 1977. Donc, avec l'avènement du changement de la Constitution en 1982, on visait à étendre ça au reste du Canada. C'est ce que la Cour suprême dit. La Cour suprême dit: C'est ça qui a été fait.
Maintenant, comment la Cour suprême arrive à dire que ça, c'est un compromis? Je n'arrive pas à le comprendre. En citant M. le juge Bastarache, ils disent que c'est un compromis d'avoir imposé ça au Québec. Alors, comme on le sait, tous les gouvernements du Québec, qu'ils soient fédéralistes ou souverainistes, ont toujours refusé d'avaliser -- c'est le cas de le dire parce que c'est en train d'être enfoncé dans la gorge -- ils ont refusé d'avaler la Constitution de 1982 parce que ça jouait dans le pacte fédératif. Depuis 1867, l'éducation relevait des provinces. Et ici on est en train de changer la donne d'une manière radicale. Puis on subit les conséquences encore aujourd'hui.
Je vous ai brossé un tableau de quelques interventions que j'ai eu le plaisir de faire dans ma carrière dans le domaine linguistique et je vais me permettre de vous souligner deux précédents qui sont le fait de Claude Ryan, et donc d'un gouvernement libéral, qui peuvent être d'une grande aide pour cette commission et pour le travail qui reste à faire. Les deux cas concernaient d'abord les écoles illégales.
Alors, pour la petite histoire, dans la foulée de l'adoption de la Charte de la langue française, le 26 août 1977, the Provincial Association of Catholic Teachers, et son président Bob Dobie, avait créé un réseau d'écoles clandestines subventionnées à même les salaires de l'ensemble des profs, qui cotisaient. À l'arrivée au pouvoir, en décembre 1985, M. Ryan était pris avec la patate chaude: Qu'est-ce que je fais avec les écoles en question? Il a décidé que ce n'était pas juste de pénaliser les étudiants. Il a passé l'éponge dessus. Et il a fait une chose très importante. Vous le regarderez, à la fin de la Charte de la langue française, vous trouverez, notamment à l'article 208.1, on a ajouté des peines beaucoup plus sévères pour les commissaires scolaires: inaptitude à siéger, inaptitude à se présenter. Il n'y aura plus de jeu autour de ça. Donc, il faut fermer à double tour.
Je me permets de suggérer qu'une... Le projet de loi n° 103 propose déjà de hausser les amendes, mais je me permets de suggérer qu'il faut y aller carrément sur les sources de subvention d'une école privée subventionnée qui oserait contrevenir à cette loi-là, c'est-à-dire admettre quelqu'un qui n'est pas admissible ou déclaré admissible. Il faudrait carrément leur retirer leurs subventions pour s'assurer qu'ils comprennent le message: la loi, c'est la loi, puis la loi qu'on va édicter, on va la respecter, pour ne pas recréer une situation où on va dire: Bien, ce n'est pas juste de pénaliser les étudiants, on ne le savait pas, et ainsi de suite, et la roue qui tourne, puis on sera toujours aux prises avec le même problème. Parce qu'il est faux de prétendre que c'est un problème mineur. On est rendus avec des milliers et des milliers d'étudiants qui fréquentent l'école anglaise au Québec sans y avoir droit. Donc, on ne parle plus d'un problème mineur, marginal, on parle d'un problème réel, considérable, qui risque de déstabiliser l'équilibre démolinguistique au Québec. C'est à ce point-là important que l'on réalise ce qu'on est en train de faire.
Le deuxième événement auquel j'ai assisté, c'était la réponse du gouvernement du Québec à Brown's Shoes. Rappelons pour la petite histoire que, lorsque la Cour suprême a statué dans Brown's Shoes qu'il était interdit d'interdire, la première réponse du Québec, avec une règle pour l'intérieur et l'extérieur, avait provoqué la démission de Herbert Marx, et de Clifford Lincoln, et de Richard French. Et c'est finalement lorsque M. Ryan était responsable de la charte et qu'on a eu une décision des Nations unies qui disait: Attention, vous êtes en train d'interdire l'ajout d'une autre langue, vous ne pouvez pas jouer là-dedans, qu'il a été décidé que le patient allait être remis sur la table d'opération.
J'ai fait partie du groupe de travail constitué par M. Ryan. Geoffrey Kelley était là. John Parisella en a parlé publiquement depuis. Et ce qu'on a décidé de faire, c'était de donner des exemples où tu étais réputé rencontrer le critère de «nettement prépondérant», dans la version française, «markedly predominant» dans la version anglaise. Tu disais que tu es réputé avoir rencontré les critères si tu fais ça deux fois plus grand, et ainsi de suite.
Puis M. Ryan a fait quelque chose de très courageux, et j'invite la ministre de regarder ce précédent historique qu'il a créé. Même si les avocats... Et Jean-K. Samson, qui était le sous-ministre à la Justice à l'époque, faisait partie du comité. Les avocats du gouvernement disaient: La Cour suprême est claire, vous n'avez pas le droit d'interdire l'ajout d'une autre langue. Moi, j'avais convaincu M. Ryan qu'il pouvait maintenir les panneaux-réclames unilingues français le long des autoroutes, question de préserver le visage français du Québec. Je me souviens d'avoir pris Ludmila de Fougerolles, alors présidente de la Commission de protection de la langue française, et celui qui est aujourd'hui responsable du secrétariat linguistique, je les ai pris dans mon auto pour les monter à l'aéroport Dorval puis redescendre pour leur montrer tout ce qui allait être perdu, et j'ai gagné mon point. M. Ryan a eu le courage politique «to read down» la Cour suprême à sa plus simple expression, et c'est, je crois, ce que nous devons faire aujourd'hui.
Plutôt que d'avoir une grille d'analyse qui, à mon point de vue, basé sur toute mon expérience, est carrément impossible d'application, il faut regarder les quelques cas... puis j'en donne un exemple ici, puis, en échange, on pourra en parler. Il y a quelques cas très précis où les gens peuvent être réputés d'avoir reçu leur éducation en anglais, d'être réputés admissibles. Ça va répondre à la Cour suprême. La Cour suprême a juste dit ceci, et je termine là-dessus, M. le Président... Tout ce que la Cour suprême a dit, c'est que vous ne pouvez pas dire que ça n'existe pas, que c'est un non-lieu d'avoir mis les pieds dans une école privée non subventionnée au Québec. Ça, c'est le problème avec lequel on doit transiger.
J'ai un ami qui m'a dit que... Lui-même, cinquième génération anglophone au Québec, a choisi de mettre ses enfants à l'école privée non subventionnée au Québec. Il dit: Tu ne peux pas me dire que ça n'existe pas. Dr Laurin était pris avec le même problème en 1977, et il a créé la présomption que tu avais été à l'école anglaise, même si tu as fréquenté l'école française, pour éviter le problème des parents anglophones progressistes qui avaient carrément mis leurs enfants à l'école française plutôt qu'en immersion, et ça a réglé le problème.
Je termine en vous disant, M. le Président, qu'on est ici pour chercher des solutions. Et, si cette expérience et ce point de vue là peuvent aider, on serait ravi.
**(16 h 10)**Le Président (M. Marsan): Je vous remercie, M. Mulcair, de nous avoir donné le point de vue du Nouveau Parti démocratique. J'inviterais Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine à poser la première question.
Mme St-Pierre: Merci. Merci, M. Mulcair d'être ici parmi nous aujourd'hui. D'ailleurs, vous êtes mon député, alors...
M. Mulcair (Thomas J.): Je savais qu'il y avait une raison que j'étais là.
Mme St-Pierre: Je n'avais jamais réalisé que, dans Outremont, il y avait 135 langues, mais c'est intéressant, ce que vous nous disiez tout à l'heure sur ce témoignage des enfants allophones qui parlent un français impeccable, et je pense qu'on ne les met pas assez souvent à l'avant-scène et qu'on ne parle pas suffisamment souvent d'eux, parce qu'ils sont très impressionnants quand on les rencontre, puis il y en a beaucoup, puis il y en a des milliers, il y en a des dizaines de milliers grâce à la loi 101.
Donc, j'essaie de vous suivre, là. Vous êtes dans la même lignée que le Dr Laurin, si c'est clair dans ma tête, Laurin et Lévesque, qu'il faut garder cet espace de liberté sur les écoles privées non subventionnées. C'est ça? C'est-à-dire que les écoles... on n'applique pas la loi 101 aux écoles privées non subventionnées.
M. Mulcair (Thomas J.): Ça ne ferait que... C'est comme essayer de ramasser un morceau de mercure, le problème va juste se déplacer 40 kilomètres plus loin.
Mme St-Pierre: Oui. Parce que vous dites qu'il va y a voir la création de toute façon d'écoles passerelles quelque part ou des gens qui vont arriver de d'autres provinces.
M. Mulcair (Thomas J.): C'est pour ça qu'il faut répondre au problème. Une école privée, c'est une école privée, c'est un école privée.
Mme St-Pierre: Oui. Voilà.
M. Mulcair (Thomas J.): Moi, je n'ai rien contre une école privée. Mais le problème, c'est que c'est un oxymoron de dire école privée subventionnée.
Mme St-Pierre: Non subventionnée.
M. Mulcair (Thomas J.): Une école privée qui reçoit l'argent des contribuables, ce n'est pas une école privée.
Mme St-Pierre: O.K.
M. Mulcair (Thomas J.): C'est les travailleurs qui sont en train de subventionner l'élite. Et c'est ça, le paradoxe du Québec: on paie 60 % des frais pour les enfants de l'élite pour aller dans des écoles dites privées qui ne le sont pas. Mais une école privée non subventionnée, c'est une redondance, parce qu'une école privée, c'est non subventionné. Alors, effectivement, une école privée non subventionnée qui rencontre tous les critères... Il ne faut pas oublier que même une école anglaise privée non subventionnée est obligée de suivre les règles du gouvernement du Québec, notamment l'obligation d'apprendre le français. Puis les enfants qui sortent de ces écoles-là parlent un très bon français aussi. Ça, ça vaut la peine aussi de le dire d'emblée. Mais l'existence même d'écoles privées non subventionnées, je n'ai rien contre ça idéologiquement si c'est une école privée.
Mme St-Pierre: D'accord. Bon. Maintenant, vous avez dit que vous auriez quelques suggestions très concrètes à nous faire. Quelles sont vos propositions pour être capable de faire, comme quelqu'un disait, un carré avec un cercle ou un cercle avec un carré?
M. Mulcair (Thomas J.): Renverser le fardeau de la preuve. Vous êtes en train de vous en prendre trop sur les épaules. Vous êtes en train de vous donner une obligation que vous ne pouvez jamais rencontrer.
Écoutez, j'ai le plus grand respect pour l'ensemble des juristes de l'État et je suis certain, je suis persuadé que les gens qui se sont mis autour d'une table pour dresser ce projet de règlement étaient d'une ultime bonne foi; je n'ai pas de doute là-dessus. Mais je peux vous dire, pour avoir appliqué la Charte de la langue française pendant plus de 20 ans, tantôt dans les instances gouvernementales que j'ai nommées, tantôt comme avocat en pratique privée... Bien, en fait, si j'étais encore avocat en pratique privée, je vous encouragerais d'adopter ce règlement-là, parce que ça, comme heures facturables, c'est infini, ça, comme heures facturables. C'est totalement inapplicable. Mais pourquoi 15? Pourquoi une cote de 15 et pas 14? Bien, 1 800 Brent Tyler, où ça va se ramasser devant la Cour suprême encore. Pourquoi 15 et pas 16? 1 800 SSJB; on va se ramasser en Cour supérieure.
Vous ne pouvez pas déterminer d'avance que vous allez décider si l'arrière-grand-mère est pertinente puis pas le petit-cousin. Vous êtes en train de vous donner une tâche de Sisyphe: à chaque fois que vous allez monter la roche, ça va vous retomber dessus. Renverser le fardeau. Ce n'est pas votre fardeau. La Cour suprême vous a dit: Vous avez raison, c'est un objectif légal, louable, défendable pour enfreindre la charte des droits que de défendre le français. Et il y a plusieurs reprises dans ce jugement-là où la Cour suprême dit: Pas question de retourner au libre choix. Parfait. S'il n'est pas question de retourner au libre choix, ne donnons pas la feuille de route pour le libre choix.
Prenons les quelques cas, et je vous en ai cité un, peut-être les experts, avec leur expérience actuelle, vont vous dire: Il y a deux ou trois autres cas très clairs qu'on ne peut pas contourner. Moi, je vous donne l'exemple d'un anglophone. Si vous regardez la Charte de la langue française, les articles qui étaient là depuis le début, M. Laurin les avait mis parce qu'il a été interpellé, les articles 76 et 76.1. Ces articles-là prévoient que, même si ton enfant a fréquenté l'école française, pour les fins de l'accessibilité de ses propres enfants éventuels à l'école anglaise, ils sont réputés avoir fait l'école anglaise s'ils étaient admissibles. C'était une manière pour le Dr Laurin de dire: On ne veut pas pénaliser les parents les plus progressistes qui ont choisi... Les anglophones qui ont choisi l'école française, on ne veut pas les pénaliser. Le même genre... on appelle ça, en anglais, «a deeming provision», c'est une disposition législative, c'est une technique législative où tu es présumé rencontrer le critère. C'est ce à quoi je faisais référence quand j'ai parlé de la Charte de la langue française, tu es réputé. Donc, idem ici. Il manque un petit élément, et ça, c'est carrément dans le jugement de la Cour suprême, il manque un petit élément. La Cour suprême dit: Vous ne pouvez pas dire par loi que toute considération de l'école privée non subventionnée est illégale. Ça, vous allez trop loin avec ça. Donc, c'est à ça qu'il faut s'attarder. L'exemple que je vous donne: parent anglophone accessible à l'école anglaise qui choisit l'école anglaise privée non subventionnée; dites que c'est réputé avoir rencontré les critères de 73, le tour est joué.
Mme St-Pierre: Le parent, là, anglophone, il est déjà admissible.
M. Mulcair (Thomas J.): À 76.1, oui.
Mme St-Pierre: Mais, si c'est un parent francophone qui envoie son enfant à l'école privée non subventionnée et, au bout d'un an, ou deux, ou trois, il veut faire le saut au secteur public subventionné anglophone, c'est là le problème.
M. Mulcair (Thomas J.): En répondant de minimis à la suggestion de la Cour suprême, vous mettez le fardeau sur eux autres. C'est ça que j'appelle renverser le fardeau. Vous ne proposerez pas une grille. Un parent francophone, puis il en existe...
Mme St-Pierre: Donc, on va, nous autres, dire: Ce parent-là finalement, il est présumé avoir le droit d'avoir accès au réseau anglophone.
M. Mulcair (Thomas J.): C'est exactement le contraire de ce que je viens de dire. Les parents en question seront réputés inadmissibles au réseau public, à moins qu'ils rencontrent les quelques exceptions qu'on mettrait par loi.
Mme St-Pierre: Quelles sont les exceptions?
M. Mulcair (Thomas J.): Je vous en donne une: un parent anglophone dont les enfants sont admissibles au système mais qui choisit le secteur privé non subventionné...
Mme St-Pierre: ...
M. Mulcair (Thomas J.): ...au lieu de dire, comme on a dit dans le projet de loi n° 104, que tu n'as même pas le droit de le regarder, ce qui voudrait dire que cet enfant anglophone perd le droit pour sa progéniture d'aller à l'école anglaise, il faut faire la même chose que Camille Laurin a fait en 1977: dire qu'il est réputé l'avoir fait légalement, et tu le considères... Là, vous venez de répondre à la Cour suprême, pas plus, vous venez de répondre carrément à la Cour suprême, là. Mais de dire qu'un parent francophone ou un parent qui débarque d'un pays XYZ... Et regardons les cas ici, on parle de parents qui viennent d'Asie, et ainsi de suite, qui décident de se payer un, ou deux, ou trois ans d'école privée non subventionnée... n'auront, dans ce que je suis en train de vous dire, jamais le droit de transférer.
Mme St-Pierre: O.K. Mais ça, ce que vous nous dites par contre, si c'est un parent qui arrive d'Angleterre ou des États-Unis, là, dans votre tête, il aurait droit ; c'est le rapport Chambers.
M. Mulcair (Thomas J.): Il n'aura jamais le droit, c'est ce que je viens de vous dire.
Mme St-Pierre: Non plus?
M. Mulcair (Thomas J.): Jamais. Le parent qui vient d'Angleterre, le parent qui vient des États-Unis ou d'Australie aujourd'hui a le même droit que le parent qui vient du Vietnam, de Pologne, de Bulgarie ou d'Italie aujourd'hui. Il a le droit s'il est ici en séjour temporaire, et c'est prévu depuis 1977. Il y a des permissions pour séjour temporaire, six ans. Alors, imaginez quel cafouillage on va créer dans le système des séjours temporaires si, tout d'un coup, ce séjour temporaire peut se transférer ipso facto en droit de continuer de fréquenter une... On vient de scraper complètement le principe de base de notre société: c'est que les immigrants, peu importe leur pays d'origine... Parce qu'il ne peut pas y avoir deux classes d'immigrants. C'est toujours tentant de dire: Quelqu'un qui vient des États-Unis ou quelqu'un qui... mais il n'y a jamais eu, en 30 ans de loi 101, de problème avec les Américains à cause des séjours temporaires.
Mme St-Pierre: Non, puis c'est déjà prévu. Mais, en tout respect, M. Mulcair, quelles sont les exceptions qui pourraient être acceptables aux yeux de la Cour suprême, ou aux yeux de la charte des droits, ou enfin... Quelles sont les exceptions qui sont acceptables? Là, vous m'en donnez un, exemple, donnez-moi d'autres exemples.
**(16 h 20)**M. Mulcair (Thomas J.): Si j'étais à votre place, c'est le seul que je mettrais. Mais, si les proches collaborateurs que vous avez au ministère vous disent... et au ministère de l'Éducation, qui s'occupent de ça au jour le jour, vous disent qu'il y a d'autres cas, allez-y. Mais ce que je suis en train de vous dire, c'est ceci: La Cour suprême n'a jamais dit que, dorénavant... Et le Cour suprême, en fait, a dit exactement le contraire à trois reprises dans le jugement. La Cour suprême dit à trois reprises: On ne veut pas la liberté de choix pour la langue d'enseignement, ce n'est pas ça, le but recherché. Or, ce qui est proposé ici, c'est la liberté de choix, c'est «freedom of choice», pur et simple, du moment que tu rencontres cette grille d'analyse. Et c'est ça, l'erreur de base du projet de loi n° 103.
Alors, il faut remettre ça 100 fois sur le métier, bien, on va le remettre, mais le problème, c'est qu'on est rendu assez proche de la date limite d'un an, mais il n'y a rien qui est impossible s'il y a de la bonne foi de tous les côtés. Mais le problème, c'est que le fardeau, vous êtes en train de le prendre sur vos épaules, alors que le fardeau pourrait être sur les épaules de ceux qui réclament une exception au régime généralisé. Moi, je vous donne le seul exemple que je connais, qui est le cas que j'ai cité tantôt d'un anglophone qui choisit l'école privée anglophone non subventionnée. C'est le seul que je connais. S'ils en ont d'autres, mettez-les. Dites: Les personnes suivantes sont réputées conserver leur droit en vertu de 73 et 23. Occupez-vous de minimis, juste ça, et ne pas ouvrir les portes grandes ouvertes parce que c'est l'erreur.
Mme St-Pierre: Ceux qui contestent, ce ne sont pas des parents anglophones, ce sont des parents francophones et allophones.
M. Mulcair (Thomas J.): Qu'ils continuent de contester. Et, s'ils ont les sous pour rester dans une école privée non subventionnée, qu'ils le fassent. Grand bien leur fasse. Aucun problème. J'en suis fort aise. Ce n'est pas ça, le débat.
Mme St-Pierre: Non, ce n'est pas ça.
M. Mulcair (Thomas J.): Le débat, c'est l'école passerelle, l'école passerelle qui existe. Il y a des écoles, vous le savez comme moi...
Mme St-Pierre: Bien, les...
M. Mulcair (Thomas J.): ...où il y avait 15 classes de première année et une classe de deuxième année.
Mme St-Pierre: Les anglophones qui sont venus hier, les gens du milieu anglophone, nous ont dit qu'ils n'y en avaient pas, d'écoles passerelles, que ça n'existait pas, qu'ils n'avaient jamais vu un enfant faire la passerelle. Ils disaient qu'ils ne connaissaient même pas un cas, alors...
M. Mulcair (Thomas J.): Il faudrait quand même qu'ils nous expliquent à ce moment-là comment il peut y avoir 4 000 étudiants qui n'ont pas le droit d'aller à l'école anglaise au Québec qui fréquentent l'école anglaise au Québec à ce moment-là. Le fardeau est sur eux.
Mme St-Pierre: Sur la clause dérogatoire, qu'est-ce que vous dites à ce sujet-là? Vous avez connu M. Laurin, vous avez connu M. Ryan, vous étiez probablement là quand ça a été appliqué sur l'affichage.
M. Mulcair (Thomas J.): Oui. J'étais là, j'ai été consulté au début. Évidemment, j'étais triste quand ça a été utilisé, et c'est pour ça que la solution qui a été retenue, après la décision des Nations unies, n'avait plus de clause «nonobstant». Et nonobstant l'absence de la clause «nonobstant», M. Ryan a eu le courage de dire: Moi, je lis au minimum le jugement de la Cour suprême et je maintiens l'unilinguisme français le long des autoroutes, et c'est encore le cas aujourd'hui, puis ça n'a jamais été contesté. Je vous propose...
Mme St-Pierre: Il y a quand même prédominance du français dans l'affichage avec...
M. Mulcair (Thomas J.): Pas le long des autoroutes.
Mme St-Pierre: Non, non, mais...
M. Mulcair (Thomas J.): Le long des autoroutes, on a maintenu le visage français du Québec. Et c'est un beau compromis. Et c'était juridique, mais surtout politique, et je sais la différence entre les deux. Mais dire que tu peux utiliser la clause «nonobstant» avec l'article 23, c'est un argument politique, ce n'est pas un argument juridique parce que juridiquement, malheureusement... Parce que j'en ai contre la charte des droits qui a été imposée contre la volonté de l'Assemblée nationale du Québec, mais il faut vivre avec la réalité qui est cette charte-là, et c'est très clair que tu ne peux pas utiliser la clause «nonobstant». J'entends les arguments des gens, des tenants de cette option-là, j'ai écouté le mieux que je pouvais, je suis avocat, j'ai travaillé dans ce domaine-là longtemps, mais je ne vois vraiment pas comment on peut contourner les dispositions claires de la charte qui disent que tu ne peux pas utiliser une clause «nonobstant» pour l'article 23. Je ne vois pas comment on peut contourner ça. J'ai entendu...
Mme St-Pierre: Hier, nous avons reçu Me Bernard. Il nous a proposé un libellé, un libellé. Est-ce que, vous, vous auriez le temps... vous seriez disposé, par rapport à ce que vous avez comme observation puis ce que vous avez comme background, là, comme expérience, de nous faire une proposition par écrit?
M. Mulcair (Thomas J.): De la même manière que j'ai offert mes services comme bénévole à M. Ryan pour les différentes commissions informelles qu'il avait créées, si vous m'invitez, ce serait avec plaisir.
Mme St-Pierre: Alors, je vous invite à le faire, parce que tout ce qui est... La commission parlementaire est justement là pour entendre les différentes parties, puis je demande évidemment... puis on demande aux gens de nous faire des suggestions. J'ai demandé ce matin à la FTQ...
M. Mulcair (Thomas J.): Mais, outre ce qui est prévu ici dans notre mémoire, parce qu'effectivement c'est un travail qui est mieux fait en équipe, si vous décidez de constituer un panel pour vous aider là-dessus, je peux vous dire qu'il n'y aurait pas d'heures facturables là-dedans, ce serait pour la nation, Mme la ministre.
Mme St-Pierre: Je n'ai pas d'autre question, M. le Président.
Le Président (M. Marsan): Merci.
Mme St-Pierre: Merci beaucoup, hein?
M. Mulcair (Thomas J.): Plaisir.
Le Président (M. Marsan): Alors, nous poursuivons. Et je vais céder la parole à notre collègue le député de Borduas, porte-parole de l'opposition officielle en matière de langue. M. le député.
M. Curzi: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Mulcair. Bonjour, madame.
M. Mulcair (Thomas J.): Bonjour, M. Curzi.
M. Curzi: Évidement, quand on parle de la clause dérogatoire, ce n'est évidemment pas pour, d'aucune manière, contraindre l'article 23. Tout le monde sait très bien que c'est inapplicable. De toute façon, cette clause dérogatoire là, elle n'est pas essentielle du tout pour régler la situation. Ça a toujours été, et présenté comme tel, comme étant dans l'éventualité où il y aurait des poursuites ou des contestations judiciaires, qu'on puisse cesser ces heures ouvrables qui, ma foi, sont assez coûteuses, et complexes, et inextricables, et pour en terminer.
Mais votre proposition finalement, elle reprend pour l'essentiel l'application stricte de la clause Canada. Parce que la clause Canada ne prévoit pas d'exception. Et ce que le jugement a dit, c'est: Vous allez trop loin. Vous avez le droit de légiférer sur la langue, mais on considère que l'application que vous faites de la loi n° 104 est exagérée. Mais, quand on propose la stricte application de la loi 101, tout ce qu'on fait, c'est se conformer à l'esprit direct de l'article 23 de la charte canadienne.
M. Mulcair (Thomas J.): Oui. Et vous faites bien de renvoyer à la case départ...
M. Curzi: Bien, oui.
M. Mulcair (Thomas J.): La Charte de la langue française a prévu -- et l'exemple que je donnais tout à l'heure vaut la peine d'être répété -- 76 et 76.1. Dr Laurin l'a mis, parce que, j'étais là, les parents anglophones disaient: Wo! Moi, au lieu d'aller vers les cours d'immersion pour mon enfant, je l'ai mis carrément à l'école française, mais je ne veux pas qu'il perde le droit éventuellement. Dr Laurin a dit: Vous avez raison, ils seront réputés. Un ami et collègue, Michel Sparer, qui est le rédacteur de la loi 101, l'avait dit en boutade, il dit: On a créé un système de castes pour la communauté anglophone. Et il ne faut jamais perdre de vue que ceux qui ont la liberté de choix, c'est la communauté anglophone.
M. Curzi: Absolument.
M. Mulcair (Thomas J.): Donc, ce n'est pas cette communauté-là qui va être la première à se plaindre, outre l'exception que j'ai donnée tantôt, parce que c'est un cas réel, quelqu'un qui m'a dit: Non, non, moi, j'ai choisi l'école privée anglophone non subventionnée, viens pas me dire que ça n'existe pas, qu'est-ce que mes enfants ont fait comme études. Réglons son cas, faisons un 76.2.
Mais le problème de départ dans ce qu'on est en train de faire ici, c'est qu'on est en train non seulement d'accepter la version, l'interprétation la plus large du jugement de la Cour suprême, on est en train de se laisser écraser par cette décision-là. Et, de la même manière que Claude Ryan s'est tenu debout, il a dit: Je n'aurai pas besoin d'une clause «nonobstant», je vais régler mon problème avec la décision des Nations unies dans le dossier de l'affichage, mais je vais maintenir mon bout pour préserver le visage français du Québec... Ça, c'est quelque chose qui a été maintenu. Personne ne l'a contesté. Personne. Même les compagnies puissantes qui... Parce que les exceptions qui existaient continuent pour les activités culturelles, et ainsi de suite. Mais, d'une manière générale, quand quelqu'un débarque au Québec et il longe l'autoroute du Souvenir de l'aéroport Dorval au centre-ville, bien il va voir un affichage en langue française; ça va être sa première indication que ça se passe en français ici au Québec.
M. Curzi: Donc, on en revient à dire: Quelqu'un qui est francophone ou allophone est admissible au système scolaire francophone, qu'il soit privé ou public. Quelqu'un qui est anglophone est admissible au système scolaire anglophone, qu'il soit public ou qu'il soit privé. Et on pourrait prévoir et respecter les articles 76 et 76.1, comme vous le dites.
**(16 h 30)**M. Mulcair (Thomas J.): Oui, mais il y a une nuance qu'il faut faire entre 23.(1)a et 23.(1)b. La clause de la langue maternelle n'est jamais entrée en vigueur au Québec. Et aucun gouvernement, ni libéral ni péquiste, ne l'a jamais mise en vigueur. C'est là où la Cour suprême a la témérité d'affirmer que ça représente un compromis. C'est extraordinaire, ce raisonnement-là. En imposant une charte des droits contre la volonté du Québec dans un domaine exclusif de compétence provinciale, comme ils l'ont fait en 1982, mais en n'enfonçant dans la gorge qu'une des deux dispositions au Québec, ils ont la témérité de dire que c'est un compromis: Je t'en ai enfoncé rien qu'un des deux; l'autre, je te laisse ton choix. C'est extraordinaire comme raisonnement. Et ça, c'est M. Bastarache qui dit ça à chaque fois qu'il regarde cette disposition-là.
Non, il n'y a pas eu de compromis là-dedans, hein, qu'on soit très clairs: ça a été imposé de force par le fédéral dans un domaine exclusif de compétence du Québec, l'éducation. Et c'est à cause de ça qu'on est encore en train d'en discuter aujourd'hui. Donc, presque 30 ans plus tard, les règles pourtant claires qui avaient été là, qui auraient pu être peaufinées, bien, à chaque fois qu'on revient là-dessus, c'est à cause de ça. Et le Québec doit continuer à se tenir debout dans ce dossier-là parce qu'il y va de la toute première importance en termes de maintenir la balance, l'équilibre démolinguistique, mais aussi pour envoyer un signal.
M. Curzi, vous vous souvenez comme moi du projet de loi que mon collègue et ami Yvon Godin, de Bathurst, a proposé à la Chambre des communes pour le bilinguisme des juges. C'est la même Cour suprême, hein, où on entend la juge en chef entonner devant les avocats: Can you please slow down? Judge Rothstein is having trouble listening to the translators. Alors, on a des juges qui ne sont même pas capables de comprendre les arguments dans l'autre langue.
Et vous savez ce qui est en train de se passer à la Cour suprême? On a les meilleurs plaideurs francophones du Québec... Parce que le temps est très restreint à la Cour suprême, hein? Tu n'as pas plus de temps qu'un autre parce qu'eux ils sont en train d'écouter la traduction. Les meilleurs plaideurs francophones au Québec commencent à plaider en anglais à la Cour suprême parce qu'ils savent qu'ils vont perdre du temps.
Alors ça, c'est le bilinguisme version ottawaienne. Je peux vous dire que, comme quelqu'un qui a grandi avec la Loi sur les langues officielles, j'ai toujours pensé qu'il existait du bilinguisme à Ottawa. Il n'y en a pas. Comme un des vos collègues a déjà dit en boutade: Il existe effectivement deux langues à Ottawa, l'anglais et le français traduit en anglais. Ça, c'est les deux langues qui existent à Ottawa.
Alors, qu'on se détrompe, il n'y a personne qui va nous faire de fleur, personne qui va nous faire des faveurs. Regardez, ce jugement-là vaut la peine; c'est une leçon d'histoire du Canada, ce jugement-là. Parce que, du bout des lèvres -- hein, en anglais, on a la même expression, «paying lip service», du bout des lèvres -- on parle, on envoie des fleurs, on dit: C'est tellement important de protéger la langue française, puis on dit: Pas question -- et ils le disent trois fois; pas une, trois fois -- pas question d'avoir le libre accès, le libre choix pour l'école anglaise, mais c'est ce qu'ils font, c'est ce qu'ils font si on les laisse faire.
Mais la méthode Ryan-Laurin nous ferait dire: Le minimum que je dois faire, c'est de répondre à leur seule préoccupation. Ils m'ont dit qu'il est interdit d'interdire toute considération de l'école publique non subventionnée. C'est juste à ça que je vais m'attacher. Pas de grille d'analyse. Hasta la vista, on se revoit devant les instances, Tribunal administratif du Québec, le cas échéant, au cas par cas. On va vous présumer que vous rencontrez les critères si vous rencontrez les critères stricts, puis on va vous ajouter un ou deux cas -- j'en ai donné un, il peut y en avoir d'autres -- pas plus. Sinon, on est en train de se mettre le fardeau sur les épaules, un fardeau qui devrait incomber aux parents qui veulent contourner la loi 101. Parce qu'il n'y a jamais eu de problème dans l'application au ministère de l'Éducation. Puis le cas par cas que, nous, on voyait, puis il ne faut jamais perdre ça de vue, le cas par cas, ce sont des êtres humains.
Puis si je peux me permettre de dire que, dans le projet de loi n° 104, il y a eu une erreur, et c'était une erreur au plan humain. 104, pour ce qui est de l'école privée non subventionnée, c'était largement nécessaire parce qu'on est déjà rendus à plusieurs milliers. Mais c'était le petit bout où on avait dit que les frères et soeurs de ceux qui étaient... Parce qu'il faut comprendre que c'est des causes graves d'ordre humanitaire et familial, et c'est donné au compte-goutte comme exception, quelques cas par année. Et il faut les avoir vécus, ces cas-là, c'est des êtres humains, c'est des familles... Les familles, aujourd'hui, ce n'est pas «mom and dad» puis les trois enfants, c'est compliqué, c'est recomposé, c'est...
Alors, il faut comprendre que c'est toujours des cas humains. Si on part avec ce principe-là, on va toujours trouver une solution. On va se dire: Bien non, on ne peut pas dire... Une fois que tu as dit que c'est humain, et grave, et humanitaire, on ne va pas dire aux frères et soeurs qu'ils ne peuvent pas être à l'école pour l'aider. Idem pour les enfants qui ont des difficultés graves d'apprentissage. Regardez bien la définition contenue dans le règlement. C'est des cas de difficultés graves d'apprentissage. Donc, si les parents veulent mettre un frère ou une soeur avec pour les accompagner, pour les quelques cas que ça représente par année, pas de problème. Mais les écoles passerelles, ce n'est pas quelques cas par année, on est rendus à plusieurs milliers de personnes non, par ailleurs, admissibles à l'école anglaise qui la fréquentent.
Donc, je vous ai donné l'historique: les écoles illégales, M. Ryan a réglé en 1985. De 1977 à 1985, ça a existé. Il a réglé, il a fermé la porte à double tour, personne ne s'est réessayé à cause des peines. Idem ici. On devrait répondre à la Cour suprême pour les quelques cas qui peuvent exister, mais fermer la porte à double tour. Des peines plus sévères déjà prévues au terme de la législation proposée permettent de suggérer d'y aller directement sur les questions du financement de ces écoles-là si jamais ils divaguent et ils commencent à essayer de créer des cas.
Parce que, même si la Charte de la langue française prévoit depuis le tout début qu'un certificat d'admissibilité délivré suite à une fraude... C'est l'article 77 qui dit qu'«une déclaration d'admissibilité obtenue par fraude ou sur le fondement d'une fausse représentation est nulle de nullité absolue». Dans les années que j'ai siégé là-dessus, j'ai vu deux cas comme ça, donc c'est très rare. Mais il ne faut pas qu'on... On va encore se faire mettre devant le fait accompli, comme pour les écoles... Les écoles passerelles vont devenir comme les écoles illégales. Ils vont dire: Mais tu ne peux pas pénaliser l'enfant, comme si le fait d'étudier en français est une pénalité inacceptable. Mais c'était à quoi on a eu à faire face la dernière fois.
Et je me permets de terminer en disant ceci: Pour avoir vécu l'époque de l'Union nationale, où c'était la liberté de choix, j'ai... 1974, projet de loi 22, les libéraux présentent un projet de loi où des enfants de cinq ans sont en train de subir des tests linguistiques. Je me souviens, c'était à la télé, des enfants en train de pleurer. On arrive en 1977, ça avait le mérite d'être clair, objectif, tout le monde connaissait les règles du jeu. 1982, on arrive avec une charte qui soit-disant est tout aussi objective puis, oups! depuis lors, ça glisse vers la subjectivité la plus totale. Et c'est ça qui est inadmissible ici.
Alors, il faut remettre le génie dans la bouteille, il faut mettre un bon bouchon dessus. Il faut dire: C'est ça qui continue à être la loi au Québec. On va répondre de minimis au jugement de la Cour suprême certainement pas de la manière qu'on en train de faire ici parce que ces nombreuses, nombreuses, nombreuses pages de règlements proposés constituent ni plus ni moins le Google Map pour contourner la Charte de la langue française.
M. Curzi: M. Mulcair, je pense que je n'ai pas besoin de vous demander votre avis sur notre position, puis je ne suis même pas certain que vous ayez vraiment beaucoup d'efforts à déployer sur la suggestion de M. Bernard. Merci.
Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie. Merci, M. Mulcair, de nous avoir donné la position du Nouveau Parti démocratique. Merci, Mme Turgeon.
Alors, je vais suspendre pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 16 h 37)
(Reprise à 16 h 44)
Le Président (M. Marsan): Alors, nous reprenons nos travaux. Et il nous fait plaisir d'accueillir les représentants de l'Union des artistes, représentée ici par M. Raymond Legault. Et je vais vous demander de nous présenter les gens qui vous accompagnent et de poursuivre avec une présentation d'environ 15 minutes. Alors, la parole est à vous, M. Legault.
Union des artistes (UDA)
M. Legault (Raymond): Merci. La personne qui m'accompagne est François Ferland. François Ferland occupe la position de directeur général à l'Union des artistes.
Alors, merci. Merci de nous permettre de vous présenter la position de l'Union des artistes concernant le projet de loi n° 103.
L'Union des artistes est un syndicat professionnel qui a été fondé en 1937, représentant les artistes oeuvrant en français partout au Canada; plus de 7 500 membres actifs, 4 350 membres stagiaires en font partie. L'Union des artistes a pour mission l'identification, l'étude, la défense et le développement des intérêts économiques, sociaux et moraux des artistes. Elle gère aujourd'hui une cinquantaine d'ententes collectives couvrant les secteurs des annonces commerciales, du cinéma, du disque, du doublage, de la scène et de la télévision. L'Union des artistes est membre de la Fédération internationale des acteurs et du Conseil québécois des ressources humaines en culture, et l'union représente les interprètes oeuvrant en français depuis plus de 70 ans.
Le contexte de notre intervention. Notre langue est fondamentalement outil de culture et d'identité collective. De fait, quelles que soient leurs options politiques, les Québécois francophones ressentent profondément que la langue française est une partie d'eux-mêmes, un bien précieux qu'ils ne veulent pas perdre car ils auraient le sentiment de perdre leur âme. Le français est la sève des racines de notre histoire et l'élément essentiel de notre existence collective. Nous vivons sur un continent très massivement anglophone -- je pense qu'on n'a pas besoin de le démontrer -- et l'usage du français définit notre rapport au monde.
Pour l'Union des artistes et la très grande majorité de ses membres, la langue française est directement liée à notre pain et à notre beurre. Nous ne croyons pas avoir besoin d'expliciter cette affirmation.
Cela dit, défendre et promouvoir l'usage du français ne se fait pas dans l'abstrait. Notre langue exprime les réalités économiques, sociales et culturelles dans lesquelles nous vivons. Elle s'incarne dans les oeuvres artistiques, littéraires, philosophiques et scientifiques que nous produisons, et défendre le français au Québec, c'est donc défendre le droit d'exprimer notre histoire, notre réalité actuelle et notre culture, et, pour l'Union des artistes, c'est en plus défendre son droit au travail.
L'Union des artistes a été de tous les débats et de tous les combats, dès avant l'adoption de la Charte de la langue française, pour que le français occupe au Québec la place qui lui revient: langue de l'éducation, du travail, de l'affichage, langue publique commune à tous les Québécois. Il ne fait aucun doute pour nous que l'adoption de la charte a eu des après extrêmement positifs et qu'il demeure absolument nécessaire de conserver une législation linguistique complète et vigoureuse pour maintenir ces acquis, étant donné notre situation en Amérique du Nord.
Si nous voulons préserver et promouvoir notre langue, celle-là même qui contribue à façonner notre identité, nous devons faire disparaître les écoles passerelles et refuser ce que le gouvernement nous propose, soit la possibilité, pour des parents fortunés, d'acheter un droit constitutionnel. Nous devons en plus, comme peuple francophone, renforcer la loi 101.
Quand nous défendons notre langue et notre culture contre l'hégémonie d'une seule langue, ce sont toutes les langues et les cultures du monde que nous défendons, conformément à la convention sur la défense et la promotion de l'expression des diversités culturelles dont le Québec s'est fait un ardent défenseur. C'est dans cette perspective globale que se situe notre intervention.
La loi n° 103. Soyons clairs, cette loi ne vise qu'à confirmer le droit à l'existence des écoles passerelles. Elle contient même quelques acrobaties que nous devons dénoncer. Que valent les affirmations de grands principes consensuels puisqu'il sera facile d'y déroger par simple voie de règlement ministériel? L'inscription de droits, comme celui de recevoir son éducation en français, est-elle une façon d'occulter le fait qu'on n'en impose pas l'obligation?
Nous ne voulons pas détailler davantage puisqu'il est clair pour l'Union des artistes que la loi n° 103 devrait être retirée et remplacée par une loi renforçant la loi 101 et comportant l'obligation pour les enfants d'immigrants de recevoir leur éducation en français, que ce soit à l'école publique ou dans les écoles privées subventionnées.
Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas écrit dans son projet de loi: «Considérant que le français est la langue officielle du Québec et qu'il constitue l'élément fondamental de son patrimoine culturel et de sa cohésion sociale», plutôt que d'écrire: «Considérant que le français est la langue officielle du Québec et qu'il constitue un élément fondamental de son patrimoine culturel et de sa cohésion sociale»? Y en a-t-il d'autres, éléments?
Pourquoi le gouvernement a-t-il prévu que «toute personne a le droit de recevoir cette instruction en français»? De deux choses l'une: le gouvernement cherche-t-il à occulter le fait qu'il ne rende pas obligatoire la fréquentation de l'école française ou croit-il sincèrement que la situation du français s'est tellement détériorée au Québec qu'il faut maintenant garantir ce droit à tous les citoyens? Si telle est son analyse, il a le devoir de nous en informer clairement, de retirer la loi n° 103, de renforcer la loi 101 et de rendre obligatoire, pour tous les enfants d'immigrants, la fréquentation d'écoles françaises.
**(16 h 50)** Il faudrait aussi ajouter là où il se doit que l'école publique et les écoles privées subventionnées doivent, d'abord, favoriser un meilleur apprentissage de la langue française et, ensuite, que l'apprentissage d'une ou d'autres langues doit se faire à l'école française.
La qualité de la langue. Il nous apparaît cependant incontournable de nous prononcer sur la qualité de l'enseignement du français parlé et écrit au Québec. Peut-on se targuer de reconnaître, comme le gouvernement le fait dans son projet de loi, que «les droits et libertés énoncés dans la présente charte sont interprétés en tenant compte du fait que le français est la langue officielle du Québec et de l'importance d'en assurer la pérennité», sans en même temps s'engager à ce que les élèves qui terminent leur primaire puis leur secondaire auront une connaissance complète du français et s'assurer que le passage au collégial sera conditionnel à la réussite d'un véritable test venant attester que l'apprentissage a été complété et que l'élève maîtrise le français standard?
Le français standard n'est-il pas notre code commun pour faciliter nos échanges, au Québec même comme dans toute la francophonie, et nous donner accès à toute la culture francophone? À cet égard, il faut revaloriser le français standard et favoriser son appropriation par tous les Québécois. Le français standard n'est pas une langue de riches, une langue de snobs, ni la langue des Français; c'est notre langue et notre premier outil de communication. C'est l'outil d'une expression bien articulée, qui nous permet d'exprimer et de communiquer toutes nos émotions, toutes nos idées et de saisir toutes les nuances parlées et écrites de la culture et de la pensée du monde.
Cette revalorisation est une responsabilité de l'ensemble de la société, alors que la maîtrise et l'appropriation du français standard relèvent d'abord de la responsabilité de l'école et du ministère de l'Éducation. Et nous croyons que la lecture et l'écriture, de même que l'expression orale, sous toutes leurs formes, doivent être rendues attrayantes, encouragées et bien enseignées. Il nous semble évident que les textes de nos grands auteurs de romans, de chansons, de poèmes, de théâtre, des textes qui prennent en référence ce que nous sommes, la réalité de notre territoire, notre environnement, notre quotidien et celui de nos ancêtres pourraient rendre beaucoup plus attrayant cet apprentissage de notre langue. Le maillage art, culture, éducation ne fait-il pas aussi partie de la solution?
Nous croyons que c'est cette maîtrise qui, une fois assurée, nous permet de jouer avec le langage, d'en explorer toutes les possibilités, toutes les richesses, les particularismes et même d'en défier les règles et les normes pour renouveler l'expression de notre culture. Nous croyons aussi que plus nous posséderons notre langue, plus nous la parlerons avec fierté, et plus les nouveaux Québécois auront du respect pour notre langue et pour nous-mêmes. Personne n'est attiré par la médiocrité et, le cas échéant, nous n'aurons que nous à blâmer.
Mais ce n'est pas qu'une question de langue. Voyons, pour une fois, la réalité en face. Les services d'éducation préscolaire ont pour but de favoriser le développement intégral de l'élève par l'acquisition d'attitudes et de compétences qui faciliteront la réussite de ses parcours scolaires et personnels, et de lui permettre de s'intégrer graduellement dans la société. Les services d'enseignement primaire ont pour but de permettre le développement intégral de l'élève et son insertion dans la société par des apprentissages fondamentaux qui contribueront au développement progressif de son autonomie et qui lui permettront d'accéder au savoir proposé à l'enseignement secondaire. Les services d'enseignement secondaire ont pour but de poursuivre le développement intégral de l'élève, de favoriser son insertion sociale et de faciliter son orientation personnelle et professionnelle. Ils complètent et consolident la formation de base de l'élève en vue d'obtenir un diplôme d'études secondaires ou une autre qualification et, le cas échéant, de poursuivre des études supérieures.
De quelle société parlons-nous, sinon de la société québécoise, majoritairement francophone, dont la seule langue officielle est le français?
Tout au long du cursus scolaire, du primaire jusqu'à la fin du collégial, et particulièrement en ce qui concerne le collégial, «la formation générale commune [...] permet [aux élèves et] aux étudiants de s'initier suffisamment à la littérature française et aux divers contextes sociaux et historiques l'ayant circonscrite pour que les futurs citoyens, quel que soit le reste de leur formation, apprécient la culture, la littérature et la langue française».
Nous répétons que le primaire et le secondaire complètent et consolident la formation de base de l'élève en vue d'obtenir un diplôme d'études secondaires ou d'autres qualifications et, le cas échéant, de poursuivre des études supérieures.
Toujours selon M. Gill, le cours collégial de littérature française «donne à la société québécoise l'occasion de diffuser un ciment culturel, un dénominateur commun par lequel nous pouvons arriver à nous comprendre, à échanger. Où donc les étudiants du collégial apprendront-ils l'histoire du Québec et les oeuvres littéraires fondatrices de son identité[...]?
«Du côté anglophone, c'est le désert en ce qui a trait à la transmission des fondements de la littérature, de la culture québécoise et de l'histoire.» Est-ce cela que nous voulons? Est-ce là la meilleure façon d'assurer une plus grande cohésion sociale? Poser la question, c'est, selon nous, y répondre.
En conclusion, notre message est clair: notre langue est l'élément fondamental de notre identité comme peuple, élément sans lequel notre peuple et notre culture seraient anglophones. Il ne faut donc et d'aucune façon amoindrir la portée de la loi 101 et de la Charte de la langue française, car elles ont été et continueront d'être de formidables instruments de défense et de promotion de notre langue, le français.
L'Union des artistes vous demande donc: un, de retirer votre projet de loi n° 103; de renforcer la loi 101 en y inscrivant l'obligation, pour tous les enfants d'immigrants, de fréquenter l'école française; d'ajouter, là où il se doit, que l'école publique et les écoles privées subventionnées doivent d'abord favoriser un meilleur apprentissage de la langue française, et ensuite que l'apprentissage d'une ou d'autres langues doit se faire à l'école française.
Il s'agit là du projet de société le plus fondamental que nous puissions réaliser, puisqu'il touche aux racines de ce «vouloir-vivre collectif» dont parlait René Lévesque et à notre existence même en tant que peuple, comme l'a aussi écrit M. Michel Seymour, professeur au Département de philosophie de l'Université de Montréal: «...la Charte de la langue française est une condition du "vivre ensemble" et non du "survivre-ensemble"...» Pour s'ouvrir sur le monde, il faut d'abord s'assumer pour ce que nous sommes, des francophones, des Québécois, avec une identité, une culture, un territoire, des institutions qui nous sont propres. S'ouvrir sur le monde, c'est s'ouvrir à toutes les langues et à toutes les cultures. Merci.
Le Président (M. Marsan): Merci, M. Legault, président de l'Union des artistes. Je cède la parole immédiatement à Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine pour débuter nos échanges.
Mme St-Pierre: Merci. Bienvenue à Québec. J'espère que vous avez fait un beau voyage. C'est intéressant de vous entendre bien sûr parce que vous êtes un homme passionné et puis on connaît votre amour de la langue française, et, de notre côté aussi, nous sommes des amoureux de la langue française.
Vous dites «rendre obligatoire, pour tous les enfants d'immigrants, la fréquentation de l'école française», O.K.? Donc, est-ce que... J'imagine que ce n'est pas ce que vous voulez dire, mais je voudrais quand même que vous le clarifiez. Est-ce que ça voudrait dire, pour vous, que les enfants de parents francophones qui fréquentent des écoles privées non subventionnées pourraient le faire? Puis on l'interdirait uniquement pour les enfants d'immigrants?
Une voix: ...
M. Legault (Raymond): Pardon? Non, ce n'est pas...
Mme St-Pierre: Ce n'est pas ça que vous voulez dire.
M. Legault (Raymond): Non, non. Excusez. Non.
Mme St-Pierre: C'est parce que vous avez parlé beaucoup des immigrants dans votre exposé, mais vous avez... C'est parce que les écoles privées non subventionnées anglophones reçoivent trois types de clientèle: la clientèle anglophone bien sûr, la clientèle allophone et une assez importante clientèle francophone. Alors, c'est pour ça que je voulais vraiment que vous clarifiiez votre intervention là-dessus parce que je comprenais que vous parliez beaucoup des enfants d'immigrants.
M. Legault (Raymond): Oui. Mais c'est le cas. Je veux dire, notre position, c'est par... Notre position là-dessus, quand on accepte d'immigrer dans un pays et qu'on sait que ce pays-là est la langue française, donc c'est pour les immigrants. Ça ne traduit pas notre position par rapport aux...
Mme St-Pierre: Parce qu'il y a... Dans plusieurs... Dans certains cas... Bien, enfin, dans plusieurs cas, les derniers cas, là, dont on a entendu parler dans les médias, il y avait 10 familles... 10 enfants, c'étaient neuf familles, huit familles qui étaient des familles francophones. Alors, c'est pour ça que c'est quand même important de voir qu'il y a quand même des parents francophones qui fréquentent les écoles privées non subventionnées. Donc, dans votre esprit, ce serait appliquer la loi 101 aux école privées non subventionnées?
M. Legault (Raymond): Oui.
Mme St-Pierre: O.K. Vous n'avez pas parlé de la clause dérogatoire.
M. Legault (Raymond): Sur les moyens pour y arriver puis sur la façon d'écrire... Je ne suis pas un juriste et je ne pense pas... je n'ai pas la prétention de l'être. Est-ce qu'une clause dérogatoire serait une façon d'écrire? Je pense qu'il y a, j'imagine -- j'ai beaucoup d'imagination, je suis un artiste -- moyen de libeller un texte qui...
Mme St-Pierre: ...imaginer.
**(17 heures)**M. Legault (Raymond): ... pourrait amener une... qui nécessiterait... voyons, qui ne nécessiterait pas l'obligation d'avoir une clause dérogatoire. Est-ce que...
Je trouve ça délicat, comme question, parce qu'en même temps on se retrouve avec une Charte canadienne des droits et libertés, où le mot «langue» n'apparaît pas nécessairement -- en tout cas textuellement, ce qui ne veut pas dire qu'il est exclu, mais en même temps il me semble que ça n'apparaît pas -- qui prend une décision très, très juridique. Et corrigez-moi si je trompe, mais l'application, c'est plus sur les moyens. En fait, ce n'est pas contre la loi 101, c'est contre les moyens qu'avait pris la loi 101... la loi n° 104, que les juristes ont tranché.
Alors, si, dans le libellé de ce texte-là, il y aurait moyen de trouver autre chose sans avoir recours à la clause dérogatoire... Mais là je ne suis pas un expert, moi, j'essaie juste de comprendre avec ce qu'on a comme éléments de... puis on n'a pas mis d'avocat là-dessus ni de constitutionnaliste pour savoir s'il y aurait lieu de mettre ça dans une autre forme ou dans un autre article.
Mme St-Pierre: En fait, plusieurs experts, dont Me Eugénie Brouillet, qui est, d'après ce qu'on a lu dans les journaux, une des personnes qui a été consultée par le Parti québécois sur cette question... Je cite, 13 mars 2010, elle dit: «...comme les contestations sont prévisibles, le gouvernement n'aurait que le choix d'appliquer la clause dérogatoire d'emblée...» Alors, c'est Me Eugénie Brouillet. Et d'autres spécialistes aussi nous disent ça.
Une voix: ...
Mme St-Pierre: Pardon?
Une voix: Professeure à Laval.
Mme St-Pierre: Alors, elle est professeure à l'Université Laval. Donc, c'est clair, je pense, que, pour plusieurs experts, plusieurs constitutionnalistes, il faudrait aller vers ça avec ce que ça comporte, selon notre point de vue et celui... -- hier, il y avait quand même M. Bernard qui disait la même chose que nous -- comme conséquences sur la réputation du Québec par rapport à la scène internationale et aussi l'esprit de la loi 101 où M. Laurin et M. Lévesque avaient voulu garder cet espace de liberté dans la 101.
Je voudrais aussi vous parler d'une autre chose que vous avez dite, vous avez parlé des... j'ai compris que vous aviez parlé aussi de l'enseignement collégial et que, pour avoir accès à l'enseignement collégial, il faudrait qu'un étudiant fasse la preuve qu'il maîtrise bien son français, enfin qu'il y ait des tests pour dire qu'il maîtrise bien le français pour pouvoir avoir accès à l'enseignement collégial anglophone. Est-ce que c'est ça que vous avez dit?
M. Legault (Raymond): Anglophone, non.
Mme St-Pierre: Non?
M. Legault (Raymond): Ce n'est pas ça qu'on dit.
Mme St-Pierre: Parce que vous avez parlé de test de français.
M. Legault (Raymond): Non, ce n'est pas ça qu'on dit.
Mme St-Pierre: O.K. Est-ce que vous êtes en faveur d'appliquer également la loi 101 dans les collèges?
M. Legault (Raymond): Contrairement à une conversation qu'on a eue hier où je vous disais que non, oui, on veut que ça s'applique aussi au cégep, au collégial.
Mme St-Pierre: Donc, vous voudriez que le projet de loi... que la loi sur laquelle nous sommes en train de travailler, ça soit du primaire au collégial.
M. Legault (Raymond): Oui. Jusqu'à la fin.
Mme St-Pierre: À la fin du collégial.
M. Legault (Raymond): Oui.
Mme St-Pierre: Et que ça s'applique aux écoles privées non subventionnées?
M. Legault (Raymond): Oui.
Mme St-Pierre: Voilà. O.K. Je voudrais parler à M. Ferland. Est-ce que je peux poser des questions à M. Ferland?
Une voix: ...
Mme St-Pierre: Vous êtes un ancien chef de cabinet, je pense -- vous me corrigerez si je me trompe -- de Mme Diane Lemieux, qui était ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française en 2002. Vous avez été au coeur des débats qui ont dû avoir lieu dans les bureaux. Bien sûr, vous allez peut-être me dire que vous avez quand même une certaine confidentialité à respecter, mais il reste que, pour la population, c'est quand même intéressant de savoir que, lorsqu'on est vis-à-vis ce dossier-là, il y a des discussions, puis on ne prend pas des décisions sur un coin de table. J'imagine que vous avez été témoin de ça aussi, alors vous avez dû être placés devant cette possibilité d'appliquer la loi 101 aux écoles privées non subventionnées en 2002, oui?
M. Ferland (François): Vous voulez que je réponde?
Mme St-Pierre: Oui.
M. Ferland (François): Je vais vous répondre. mais vous comprendrez que je ne réponds pas comme directeur général de l'Union des artistes, puis tout ce que je vais dire, ça n'engage pas l'Union des artistes.
Mme St-Pierre: C'est votre passé qui m'intéresse.
M. Ferland (François): Je vais vous parler largement de mon passé. Oui, effectivement, vous avez raison, j'ai été directeur de cabinet de la ministre qui était à l'époque responsable de la Charte de la langue française, Mme Lemieux, et puis, oui, nous avons travaillé sur un projet de loi qui s'est appelé le projet de loi n° 104 à l'époque. On va se rappeler par contre, puis on va mettre le projet de loi n° 104 en contexte, que ce projet de loi là est devenu nécessaire suite aux états généraux sur la langue française qui étaient présidés par M. Larose et puis, bon, pendant... Bon. Mais on a suivi, puis je n'ai pas suivi seulement que les modifications au projet de loi, j'ai suivi aussi les états généraux sur la langue française. Et puis il y a un consensus quand même qui se... dans les différents mémoires qui ont été déposés à la commission Larose, aux états généraux, sur toute la question qui nous préoccupe aujourd'hui aussi, sur une brèche qui existerait, comment on peut colmater cette brèche-là. C'est clair que, bon, bien, suite aux consultations, puis je pense qu'il y a eu un large consensus, il fallait effectivement colmater cette brèche-là, ce qu'on a fait.
Il faut voir aussi, dans le projet de loi qui avait été déposé à l'époque, qui visait aussi, bon, beaucoup d'aspects, là, hein, de la charte, nommément sur le regroupement des organismes de la langue, puis etc., et puis on a travaillé... D'ailleurs, vous pouvez poser des questions sur mon passé à votre sous-ministre qui est juste à votre droite. On a travaillé beaucoup à l'époque avec un jeune professionnel, Me Gosselin, sur cette question-là, puis on a essayé de trouver...
Mme St-Pierre: ...le dire, lui, c'est pour ça.
M. Ferland (François): Pardon?
Mme St-Pierre: Il ne peut pas me le dire.
M. Ferland (François): Ah! Et puis effectivement on a travaillé pour trouver comment on peut colmater et puis il nous semble... Puis, à l'époque, il faut voir les consultations qu'on avait faites, tout le monde semblait d'accord que, oui, on pouvait colmater cette brèche-là avec les modifications qu'on a apportées dans la loi. Force nous est de constater qu'on a eu tort un peu, parce que ça a été contesté.
Tantôt, mon président, il disait: Bon, bien, ce n'est pas l'article comme tel qui a été contesté, mais toute son application. Et puis ce que la Cour suprême nous dit, c'est de trouver des moyens comment on peut appliquer ça.
Mme St-Pierre: Mais ma question est: Le scénario d'appliquer la loi 101 aux écoles privées non subventionnées, l'aviez-vous analysé?
M. Ferland (François): Oui, on l'avait analysé.
Mme St-Pierre: Et pourquoi vous ne l'avez pas fait?
M. Ferland (François): On a essayé d'aller chercher un consensus, puis il nous semblait là, qu'on pouvait atteindre... Parce que, nous, ce qu'on visait, c'est d'atteindre l'objectif, de colmater, puis ce qu'on visait, là, c'est le respect de la loi 101.
Mme St-Pierre: O.K. Aller chercher un consensus chez les anglophones, là?
M. Ferland (François): On est allés le chercher aussi auprès du parti de l'opposition à l'époque parce qu'on va se souvenir que, quand même, cette loi-là, elle a été adoptée à la...
Mme St-Pierre: À l'unanimité.
M. Ferland (François): ...pas à la majorité, à l'unanimité.
Mme St-Pierre: Unanimité, oui.
M. Ferland (François): Aujourd'hui, quand je regarde la contestation sur le projet de loi n° 103, je ne suis pas sûr que votre projet de loi, il va être adopté à l'unanimité.
Mme St-Pierre: Moi non plus.
M. Ferland (François): Mais on visait quand même ça. Et puis c'est pour ça qu'on a pris ce chemin-là.
Mme St-Pierre: Mais est-ce que vous aviez analysé politiquement les dangers... enfin les conséquences, ne parlons pas des dangers, mais les conséquences d'appliquer la loi 101 aux écoles privées non subventionnées et d'y ajouter une clause dérogatoire?
M. Ferland (François): Ça, je ne peux pas vraiment répondre à ça parce que, s'il y a eu ces analyses-là, c'est au Conseil des ministres. Puis, vous savez, ce qui se passe au Conseil des ministres, habituellement c'est plutôt secret.
Mme St-Pierre: Oui.
M. Ferland (François): Moi, c'est plutôt sur l'application, comment on a travaillé à l'époque avec le ministre Dumas... le sous-ministre Dumas, excusez, et avec ces jeunes professionnels très, très compétents. Et puis c'est le chemin qui nous a été proposé, on a travaillé sur ça. Mais, pour ce qui est des analyses politiques au Conseil des ministres, je ne pourrais pas répondre, puis je ne répondrais pas pour ma ministre.
Mme St-Pierre: Non, non. Je parle du cabinet, je parle de votre cabinet. O.K.
M. Ferland (François): Non. On peut avoir eu des discussions dans le privé, la ministre et moi et certaines personnes, mais ça, ça va rester privé.
Mme St-Pierre: D'accord. Vous avez tout à fait raison. C'est pour ça... C'est important de revenir là-dessus, quand même, parce qu'il faut savoir comment ça se passe dans l'esprit des gens dans le passé pour faire un certain historique. Parce qu'on a une certaine expérience avec la loi 101, vous le savez, puis comment M. Laurin l'a conçue puis comment M. Lévesque réfléchissait là-dessus -- c'est important de savoir comment les gens ont réfléchi là-dessus -- puis M. Ryan, après le blâme des Nations unies, qui est arrivé avec la proposition de la loi n° 86 sur la prépondérance du français... Quand même, à un moment donné, c'est sûr qu'on aimerait bien que ce ne soit pas contesté, que ce soit contesté le moins possible, mais, bon, il semble qu'on n'est jamais à l'abri de contestations.
Alors, sur la question des cégeps, M. Legault, est-ce qu'un enfant rendu à l'âge presque adulte -- c'est M. Parizeau d'ailleurs qui l'a dit -- peut... n'a pas le... est-ce qu'il n'a pas, en fait, la maturité pour prendre lui-même la décision sur la continuité de sa formation? C'est-à-dire, il arrive presque à l'âge adulte, il a 16, 17 ans, bon, 18, c'est l'âge adulte, pour... Est-ce que ce serait aller un peu trop loin?
M. Legault (Raymond): Là, on parle de qui, là?
Mme St-Pierre: On parle des étudiants de cégep.
M. Legault (Raymond): C'est parce que, moi, je fais une... Non, non. Je fais une différence entre un enfant d'immigrant puis un enfant dont la langue maternelle est le français.
Mme St-Pierre: Oui. O.K.
**(17 h 10)**M. Legault (Raymond): Je pense qu'un enfant dont la langue maternelle est le français... va toujours rester une langue maternelle, donc il va toujours avoir un attachement à sa langue. Et, même s'il allait au cégep, je ne suis pas certain que nécessairement ça veut dire qu'il va décrocher, qu'il ne va pas continuer à parler français. Or, du côté d'un enfant immigrant, c'est là où, moi, j'ai un peu plus de problèmes. L'attachement à la langue, il ne l'a pas. Je veux dire, ce n'est pas quelque chose qu'il a automatiquement, c'est quelque chose qu'il accepte par choix en venant ici au Québec, bien par... en tout cas, il devrait pouvoir choisir ça, si on fait ce choix-là, nous autres mêmes, je veux dire, de dire que ce n'est pas une langue... c'est une langue qu'il va avoir apprise un peu par obligation pour intégrer la société dans laquelle il s'en vient. Qu'il fasse son primaire, son secondaire dans une école francophone, ça peut aller, et j'ai l'impression que c'est après, au niveau... pour ce qui est du cégep que, là, ça... je ne pense pas que ça résout... que ça va faire que ça va confirmer son engagement, au contraire, il va peut-être s'en aller carrément du côté anglophone.
Mais je n'ai pas d'étude sérieuse ni d'analyse psychologique là-dessus, je fais juste penser qu'en général, quand quelqu'un a un attachement à sa langue, il va continuer, même s'il faisait son cégep en anglais. Là, je parle d'un francophone. Par contre, un immigrant...
Et ce n'est pas facile à résoudre comme question. Donc, moi, je me dis: Bien, toute l'éducation devrait se rendre jusqu'à la fin du cégep, jusqu'à la fin du collégial en français, d'autant plus qu'il existe... Il y a aussi le fait que, je veux dire, cette éducation-là est payée par l'ensemble du Québec. Donc, il me semble que, je veux dire, si tu vas chercher quelque chose de gratuit, tu devrais au moins faire le cheminement dans la langue, et là c'est un choix politique.
Mme St-Pierre: Sur les autres aspects de notre projet de loi, on parle de l'obligation pour les universités et collèges de rendre compte de leurs politiques linguistiques. C'est un élément qui avait été mis dans la loi n° 104. Mais on oblige les collèges et universités à avoir une politique, on ne les oblige pas à rendre des comptes. Alors là, nous, on va plus loin, on veut que les universités et collèges rendent des comptes.
On a entendu des témoignages assez éloquents ce matin là-dessus. Les amendes sont augmentées, on ouvre la Charte des droits et libertés. Là-dessus, vous aviez tout à l'heure un certain questionnement par rapport à la Charte des droits et libertés et notre volonté de parler de la question du droit de l'apprentissage du français. Est-ce que vous voyez d'un bon oeil ces autres mesures qui font que le projet de loi n° 103 est quand même un projet de loi qui ne traite pas uniquement des écoles passerelles mais qui traite l'ensemble de la situation?
M. Legault (Raymond): Vivant à Montréal, je vous dirais oui. Parce qu'une des problématiques, et je pense qu'il faut avoir été dans les rues de Montréal pour se rendre compte à quel point ça s'anglicise, peut-être que, dans les chiffres, c'est... Il me semble que, dans les chiffres, c'est le cas, mais il me semble qu'aussi dans la pratique, c'est aussi le cas. Alors, si les universités, et ces gens-là fréquentent particulièrement... et sont particulièrement présents au coeur de Montréal, s'il y avait une politique linguistique ou en tout cas une... ce que vous avez dit tantôt, je ne me rappelle plus du terme que vous avez choisi, là, c'est-à-dire une politique linguistique des universités...
Mme St-Pierre: Avec reddition de comptes.
M. Legault (Raymond): ...qui permettait de sensibiliser puis de dire: Regardez, vous êtes quand même... je pense que ça serait une bonne chose.
Mme St-Pierre: Bien, il y a ça, mais ce qu'il n'y a pas dans la loi, c'est de dire aux universités et aux collèges: Vous allez nous dire périodiquement quelles sont les actions que vous posez, quelles sont les améliorations que vous faites et, en fait, rendre obligatoire le fait qu'elles doivent rendre des comptes; c'est ça qu'on veut ajouter présentement dans le projet de loi.
M. Legault (Raymond): Non, mais, dans ce sens-là, c'est sûr que tout ce qui peut faire la promotion du français... Parce que là on parle plus d'une mesure qui ferait que les universités seraient d'une certaine façon obligées de rendre compte de mesures positives à l'endroit de la langue française...
Mme St-Pierre: Promotion.
M. Legault (Raymond): ...donc, ça fait la promotion auprès d'un milieu anglophone qui, dans certains... puis je ne pense pas dans tous les cas, mais dans certains cas ils peuvent être rébarbatifs mais d'une façon, je pense... de façon générale. Ça dépend des cas. En tout cas, je ne me lancerai pas plus loin que ça dans...
Mme St-Pierre: Parce que vous recommandez de le rejeter en bloc. C'est pour ça que j'essaie de voir, bien, il y a peut-être des choses qui, à votre avis, sont quand même intéressantes dans le projet de loi qu'on propose, comme l'ouverture de la Charte des droits et libertés, comme l'augmentation des amendes, le fait qu'on demande aux universités de rendre des comptes. C'est pour ça que vous avez dit: On demande le retrait du projet de loi n° 103.
M. Legault (Raymond): Oui, mais le retrait du projet de loi n° 103, ce n'est pas nécessairement le retrait de tous les articles du projet de loi n° 103.
Mme St-Pierre: O.K.
M. Legault (Raymond): Je veux dire, on peut très bien demander le retrait du projet de loi parce qu'il y a eu certain... Mais il y a quand même des éléments qu'on peut conserver. Là, si, sur un des aspects de la loi n° 103 qui est proposée ou qui est déposée, il y a des éléments qui sont positifs, je dis... Mais «un retrait de», il faut le comprendre dans son sens large et non pas dans la particularité de chacun de ses articles.
Mme St-Pierre: J'ai juste une dernière question encore pour M. Ferland. Le rapport Larose prévoyait que des organismes, l'Office québécois de la langue française et le Conseil supérieur de la langue et tous ces organismes-là, devraient faire partie, devraient être soumis... devraient être un peu l'équivalent, si vous voulez, du Vérificateur général, devraient être quelque chose, une instance qui relèverait de l'Assemblée nationale. Pourquoi on n'a pas tenu compte de cet aspect-là, vous en souvenez-vous?
M. Ferland (François): Je vais vous dire candidement: Non, je ne m'en souviens pas du tout.
Mme St-Pierre: O.K. Parfait.
M. Ferland (François): Je sais qu'il y a eu beaucoup, beaucoup de discussions: Est-ce qu'on va avoir un seul... je pense que Jacques Gosselin pourrait plus vous répondre, est-ce qu'il devrait y avoir un seul organisme, plusieurs ou deux puis... et pourquoi, là, que ça, ça n'a pas été...
Mme St-Pierre: Parce que le rapport Larose est quand même très clair là-dessus, là, tous une... Puis c'est le rapport Larose qui avait quand même été commandé par le gouvernement.
M. Lemay: M. le Président, oui. J'aurais... Je pense que c'est l'article 2 sur la pertinence. On a une des organisations les plus importantes au Québec et, moi... Le passé des gens peut être, à la rigueur, intéressant, là, mais, si la ministre veut avoir toutes ces informations-là, elle a tous les fonctionnaires de son ministère autour d'elle qui peuvent l'informer de tout ça.
Moi, ce que je veux savoir, c'est ce que l'Union des artistes pense du projet de loi que nous avons devant nous et non pas le passé professionnel ou autre des gens qui sont devant nous, M. le Président.
Le Président (M. Marsan): La règle de pertinence est appliquée dans son sens large lorsque nous avons des auditions, et c'est l'interprétation qui a été faite dans les us et coutumes. Je vous remercie et je redonne la parole à Mme la ministre.
Mme St-Pierre: Alors, de toute façon, je n'ai plus de question. Mais ce que je veux dire aussi, c'est, M. le Président, moi, ma compréhension d'une commission parlementaire qui amène les gens à déposer des mémoires, c'est aussi d'être capables d'aller chercher des informations dont on a besoin pour nous éclairer davantage. Et je pense que les questions, quand elles touchent la langue, sont très, très pertinentes. Je ne pose pas mes questions sur les marques de voiture, là, je parle de questions sur la langue, et notre projet de loi parle de la langue, alors voilà. Si monsieur n'aime pas mes questions, là, c'est une autre affaire.
Le Président (M. Marsan): M. le député de Lévis, en terminant.
M. Lehouillier: Très rapidement, depuis l'adoption de la Charte de la langue française en 1977 et, moi, pour moi, c'est un point fondamental, il a toujours été possible de fréquenter une école anglaise privée non subventionnée. Me Louis Bernard est venu nous expliquer hier, il nous a dit: Ça, c'est l'espace de liberté que la loi 101 a conservé. En 1996, M. Lucien Bouchard a réitéré la même chose en disant: Il ne faut pas utiliser la clause dérogatoire, il faut vraiment trouver d'autres solutions. C'est ce qu'on tente de faire ici, au niveau de la commission parlementaire.
Alors, pourquoi faudrait-il changer ce cap-là aujourd'hui, là, par rapport à... Pourquoi faudrait-il changer ce cap-là puisqu'il existe d'autres solutions que celle de finalement suspendre les droits?
M. Legault (Raymond): Là, je ne comprends pas votre définition de «suspendre les droits».
M. Lehouillier: Bien, c'est parce que la Charte de la langue française, là, elle permettait la fréquentation des écoles anglaises non subventionnées, pourquoi maintenant on l'enlèverait?
M. Legault (Raymond): À quelques exceptions près, je veux dire, ce que la... À quelques exceptions près, si quelqu'un comme immigrant vient ici, au Québec dont la langue, la langue officielle est le français, il me semble que ce choix-là devrait être un choix intrinsèque. C'est-à-dire que, si tu fais le choix de venir au Québec, à quelques exceptions près... Je ne parle pas de gens qui pourraient venir occuper des contrats pendant trois ou quatre ans. Ils devraient faire le choix aussi. Il y a tout le reste de l'Amérique du Nord, je veux dire, qui leur garantit des écoles anglophones. Il me semble qu'au Québec, je veux dire, si on fait le choix et qu'on dit que la langue française est la langue officielle du Québec, pour quelqu'un qui fait ce choix-là, il devrait automatiquement prendre l'engagement que ses enfants devraient et... pas lui, mais ses enfants devraient être éduqués en français. Et je vais aller plus loin que ça, c'est même pour quelqu'un qui viendrait d'Angleterre.
M. Lehouillier: Donc, vous ne reconnaissez aucun libre choix au départ, c'est ça que je comprends?
M. Legault (Raymond): Oui, il a son libre choix. Il y a le reste de l'Amérique du Nord.
M. Lehouillier: O.K.
**(17 h 20)**M. Legault (Raymond): O.K.? Il a le libre choix, il peut aller ailleurs, là. Je veux dire, il n'est pas obligé de venir au Québec, il peut aller n'importe où ailleurs. Mais, au Québec, je veux dire, c'est en français. Et je pense que c'est de cette façon-là donc qu'on peut défendre et faire la promotion de la langue française. Sinon, je veux dire, il va arriver de plus en plus de déséquilibre et ce qui risque d'arriver, comme ce qu'on constate à Montréal en ce moment où de plus en plus... et là il n'a pas le choix, là. Je veux dire, de plus en plus, je veux dire, les allophones... Je peux les comprendre, je veux dire, quand on vit dans un continent nord-américain et qu'on n'a pas un attachement à notre langue maternelle, c'est plus facile de s'en aller du côté anglophone que d'aller du côté francophone.
Le Président (M. Marsan): Je vous remercie. Ça termine notre échange avec la partie ministérielle. Je vais céder la parole au député de Borduas, porte-parole de l'opposition officielle en matière de la langue. M. le député.
M. Curzi: Merci, M. le Président. M. Legault, bonjour. M. Ferland, bonjour. On se connaît bien, alors, bon.
Moi, M. Legault, ce que je voudrais savoir... Dans le fond, Raymond, je pense que ce qui est intéressant aussi dans l'apport de l'Union des artistes, puis ça fait partie des premières lignes du mémoire, c'est que, pour l'Union des artistes, puis j'en sais quelque chose, c'est la défense de son travail. Par définition, l'Union des artistes a juridiction sur le travail qui se fait en français, donc le français, c'est une condition fondamentale d'existence même pour l'Union des artistes puis, en ce sens-là, il y a... Moi, j'aimerais savoir... Et là je pose les questions parce que je ne suis plus à l'Union des artistes, et donc je me dis: Est-ce qu'il y a quelque chose de perceptible dans les activités de l'union qui reflète ce qu'on sent quand on est extérieur et qu'on va vers la ville, la grande région de Montréal? Est-ce que les changements qui sont en train de s'opérer sur la scène culturelle témoignent de cette espèce de... ce que d'autres groupes nous ont dit, sur une certaine anglicisation? Est-ce qu'il y a des choses qui vous permettent d'étayer ça ou de le réfuter?
M. Legault (Raymond): Bien, je n'ai pas de statistique là-dessus, mais effectivement ce qu'on... il y a plusieurs francophones qui vont chanter en anglais, ça, je veux dire, je pense qu'on est tout... il y a comme aussi une habitude d'écouter... Mais je vous dirais qu'au fil du temps... Et, veux veux pas, même sur le contenu canadien qu'on voit à la télévision ou qu'on peut entendre à la radio, même si les quotas sont restés les mêmes ou n'ont pas tellement bougé que ce soit du côté de la télévision ou que ce soit du côté de la radio, ce qu'on note, c'est qu'il y a un déplacement de la chanson francophone vers des heures de moins grande écoute ou encore avec du contenu en français qui... et le résultat, et je pense ici à la surimpression vocale de séries américaines, c'est-à-dire de séries plus de... je ne me rappelle même plus du titre, là, où ils dansent tous et ils sont tous très bons, où on voit la surimpression vocale en français, mais on entend toujours... donc l'omniprésence de... L'anglais en tout cas dans la région de Montréal, et même à la télévision, est de plus en plus présent. Est-ce que ça se traduit en moins de travail? Non.
M. Curzi: Il n'y a pas de diminution...
M. Legault (Raymond): Il y a autant de... Je veux dire, dans les revenus générés pour l'ensemble des membres de l'Union des artistes, il n'y a pas moins de travail.
Maintenant, est-ce que ça vient, je ne sais pas, du doublage, est-ce que ça vient d'autres lieux ou si ça vient du fait que l'Union des artistes représente de plus en plus d'artistes, donc, à ce moment-là, on a de plus en plus de revenus sur l'ensemble des membres à l'Union des artistes? Je n'ai pas de chiffre là-dessus parce que, si les revenus de l'union ont augmenté avec le temps, donc en théorie ça veut dire plus de travail, ça veut... c'est parce qu'on est allés chercher... Je veux dire, les directeurs de plateau avant n'étaient pas là...
M. Curzi: Plus de juridictions.
M. Legault (Raymond): Il y a d'autres juridictions qu'on a occupées qui n'étaient pas présentes auparavant. Donc, tout ce que je peux voir, puis là c'est ma perception, elle est aussi bonne que la vôtre ou celle de n'importe qui, c'est qu'il y a des jeunes francophones qui vont essayer de percer le marché anglophone en développant d'abord des chansons et du matériel anglophones. Est-ce que ça fonctionne? Dans certains cas oui, dans d'autre cas non. Ce n'est pas magique.
Est-ce que c'est récent ou est-ce que ça a déjà existé? Je pense que ça a déjà existé auparavant. Il y a eu des périodes où est-ce qu'il y a une recrudescence de ce côté-là. Je suis très ambivalent. Je n'ai pas une réponse claire là-dessus et je n'ai pas de chiffre à donner de façon claire: est-ce que ça a bougé, favorisé?
M. Curzi: Il y a, par exemple, certaines études, puis il y en a une qui vient d'être révélée, d'être révélée publiquement, c'est celle de l'institut de la recherche, c'est une francophone, là...
M. Legault (Raymond): Où là c'est clair.
M. Curzi: C'est frappant: au niveau de la consommation culturelle, là, il y a vraiment un déplacement.
Puis, lorsque vous parlez des cégeps... et puis c'est sûr que, moi aussi, je pense que c'est une question à considérer. On voit que le transfert du système français, francophone d'enseignement, vers le système anglophone a une très forte influence sur la consommation culturelle. Les allophones et les francophones, tout le monde majoritairement consomme de plus en plus de culture qui relève de la culture anglophone, tu sais, plus en anglais, il y a ça.
Il y a aussi, dans le rapport qu'on avait publié sur Le Grand Montréal s'anglicise, on avait constaté avec une certaine stupéfaction, dans le fond... non, pas stupéfaction, les chiffres sont là, ce n'était pas stupéfiant, c'était juste...
Il y a comme à peu près 30 % maintenant de la clientèle potentielle de la grande région de Montréal allophone dont la langue d'origine n'est pas le français mais qui ne sont pas des anglophones, là, qui sont des allophones, tu sais, dont la langue maternelle est autre, ni français ni anglais, et c'est un bassin majeur, dont les habitudes de consommation semblent ne pas être... ne sont pas exactement les mêmes que celles des francophones et ne sont pas du tout les mêmes que celles des anglophones. Il y a un partage là encore.
Ma question, c'est... Parce que c'est une chose sur laquelle on a essayé de travailler, je me souviens, quand j'y ai été, à l'union, c'est: À l'intérieur des membres de l'Union des artistes, est-ce qu'il y a une présence notable des gens qui, disons, ont des origines diverses? Est-ce qu'il y a une diversité culturelle forte au niveau des membres de l'Union des artistes? Est-ce que ça a augmenté au cours des dernières années et est-ce que ce n'est pas, là... Est-ce que ça ne pourrait pas être un des indicateurs de notre présence à l'intérieur des autres communautés?
M. Legault (Raymond): Oui, ça a augmenté, il y a plus de membres qu'il y en avait. Dernièrement, j'essayais de voir un peu quelle était la place qui était faite aux autres groupes, communautés ethniques, peut-être au membership puis par rapport à leur présence au sein de la population. Donc, il faut comprendre, là, qu'à l'Union des artistes ce sont des... je veux dire, la raison d'être, c'est... Ils vont forcément travailler dans un marché francophone, à l'exception des danseurs... oui, c'est ça, les danseurs, peut-être quelques metteurs en scène, là, mais, de façon générale, c'est forcément des gens qui doivent parler français, puisque, je veux dire, notre juridiction est francophone, on ne représente des artistes que du côté francophone. Donc, oui, il y a eu une augmentation.
Est-ce que c'est proportionnel aux gens, aux différents groupes qui existent au Québec, ça, je n'ai pas fait de parallèle. Mais, oui, ça a augmenté. Et là ça fait à peu près un an et demi que j'ai vu ces chiffres-là, là, je crois que c'est aux alentours de... entre 5 % et 7 %. Je ne peux pas être plus précis que ça, mais je le fais sortir par groupes.
Maintenant, quels types de rôle ils occupent? Est-ce que leur présence est plus des premiers rôles, des seconds rôles, des troisièmes rôles, je serais incapable de vous le dire, je ne peux pas aller de façon plus précise là-dessus mais entre 5 % et 7 %, donc, des différents groupes composent le membership de l'Union des artistes. Est-ce que c'est clair? Donc, 5 % à 7 % des membres actifs de l'union des 7 600 membres seraient des gens des différents groupes, communautés ethniques.
M. Curzi: Et il y a... On n'a pas abordé cette question... Bien, il y a des gens qui l'ont abordée puis vous venez d'en parler: dans le fond, au niveau musical, on sent bien qu'il y a comme un glissement -- qu'on comprend, là, du côté des artistes, c'est la volonté de réussir -- surtout avec la transformation des droits d'auteur, donc ça devient complexe de gagner sa vie dans cet univers-là. Mais est-ce qu'à votre avis, par exemple, l'environnement musical sonore généralisé au Québec qui m'apparaît en tout cas, là, comme individu, souvent anglophone, est-ce que c'est quelque chose qui se traduit encore là dans la grille de revenus de la société Artisti qui, elle, perçoit des droits pour les artistes interprètes francophones? Est-ce que vous êtes en mesure de... Vous n'êtes pas en mesure de distinguer ça?
M. Legault (Raymond): Bien, c'est-à-dire que je ne pense pas que ce soit, là, une question de langue, je pense que c'est beaucoup plus le type de support qui est utilisé, bon, pour... En tout cas, Artisti, là, il y a deux types de revenus: il y a les revenus qui viennent des radios privées, donc un pourcentage des revenus publicitaires qui est redistribué entre les producteurs et les artistes, et une autre partie vient de la copie privée, la copie privée étant des redevances versées sur les CD vierges et sur... excusez, là, je suis très technique...
M. Curzi: ...spécialistes, je pense, hein?
M. Legault (Raymond): ...mais le CD vierge, et tout ça. Donc, il n'y a pas de lien avec ça. La diminution des revenus, oui, elle est réelle du côté des redevances versus la copie privée, mais elle n'est pas nécessairement due au fait que des artistes iraient du côté anglophone plus que francophone, puisque Artisti, et sans égard à la langue, on peut représenter des artistes anglophones, des musiciens donc...
M. Curzi: C'est vrai, c'est vrai, il n'y a pas moyen de distinguer. Monsieur mon collègue...
Le Président (M. Marsan): M. le député de Drummond.
**(17 h 30)**M. Blanchet: Monsieur, je ne serai pas technique du tout. Il y a 1 000 façons de le dire, mais, bon, les arts et les artistes sont les véhicules de l'âme d'une culture. Et c'est une belle occasion de parler avec clarté, de parler, mettons, utilisons l'image de parler d'une façon qui vienne du coeur, ce qui est le contraire de dire une chose et d'en écrire une autre dans un projet de loi.
J'ai remarqué que, parmi les gens qui s'objectaient au fondement même de restreindre l'usage à l'école passerelle, les gens venaient ici et nous disaient, nous parlaient comme si la loi 101 telle qu'adoptée en 1977, c'était un bon consensus, puis on n'était pas contre ça personne, puis personne n'a dit que ça avait été une période troublante et difficile, aujourd'hui c'est un consensus bien admis. Donc, des années plus tard, des choses extrêmement contestées deviennent passablement consensuelles. Or, est-ce qu'un consensus clair au sein d'une société comme l'était la loi n° 104 ne devrait pas avoir préséance sur la volonté politique, fut-elle exprimée par une cour, fut-elle exprimée par la Cour suprême? Est-ce que ce n'est pas le devoir solennel de l'État québécois de s'assurer que c'est la volonté de la population québécoise qui soit réalisée, quitte à recourir à la clause «nonobstant» sans hésiter pour ce faire?
M. Legault (Raymond): Regarde, je vais répéter un peu ce que j'ai dit: Oui, je pense qu'ils devraient... autant que possible les lois devraient refléter un consensus clair. Il y a beaucoup de choses dont vous parlez... Moi, je ne suis pas un expert en écriture de lois. Est-ce que la clause «nonobstant» est la meilleure façon d'y parvenir, moi, je pense que c'est le dernier recours.
Je pense qu'à partir du moment où il y a un consensus, à partir du moment... Puis là c'est une volonté politique, et une volonté politique ne peut se traduire qu'à condition qu'elle corresponde à ce qu'un consensus... un consensus n'étant pas nécessairement une unanimité. Je veux dire, il y a un choix politique à faire. Il y a un choix politique: Est-ce que nous voulons, oui ou non? Puis, moi, quand j'entends que le Québec s'est donné comme langue officielle le français, je pense qu'il faut qu'il y ait une conséquence à ça, c'est-à-dire dans l'application. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a plus d'école anglaise, ça ne veut pas dire que ceux qui sont déjà là, je veux dire, ne peuvent pas profiter, mais il y a un choix qui fait que, pour la langue française, on va faire des choix qui vont et protéger et promouvoir cette langue-là, quitte à ce que, des fois, il y ait certaine... mon Dieu, que ça soit plus coercitif dans...
Il y a plusieurs pays dans le monde où la question ne se pose même pas. Il n'y a qu'ici au Québec où la question se pose. Je veux dire, il y a même des provinces dans le reste du Canada où la question ne se pose même pas. Il n'y a qu'ici au Québec où ça se pose. Je comprends qu'il y a une communauté anglophone, et il ne s'agit pas de dire: Désolés, à partir de demain matin, tous les enfants vont à l'école française, ce n'est pas ça, mais, moi, je pense qu'on a un devoir par rapport à la langue française, si on veut qu'elle continue puis si on veut que ça prenne tout son sens, qu'il y ait des mesures qui soient prises pour dire aux gens: Si vous venez ici, c'est en français.
Est-ce qu'il faut aller recourir jusqu'à la clause dérogatoire pour ça? Moi, j'aimerais mieux pas, mais je pense qu'à un moment donné, s'il n'y a pas d'autre choix, il va falloir en arriver là, quitte à ce que, je veux dire, le voisin d'à côté nous dise: Bien, tu n'as pas le droit de faire ça, puis je fais... Oui, je comprends parfaitement que, dans votre réalité, vous trouverez ça effrayant, mais là on ne suspend pas l'ensemble des libertés individuelles, je veux dire, on parle de la langue, on ne parle pas des religions, on ne parle pas, tu sais... Je pense qu'on est très accommodants au Québec.
Et je vais terminer là-dessus, un message: ce que je constate, c'est qu'il y a plusieurs francophones qui n'ont même pas la fierté de leur propre langue, et ça, je trouve ça bien plus dommageable des fois que d'autres situations. Moi, quand je me retrouve dans plusieurs rencontres internationales, il y a toujours du monde qui traduit, et chacun peut s'exprimer dans sa propre langue, sauf dans des cas où c'est clairement identifié: Ceci est un groupe anglophone. Si je veux aller là et je veux avoir des informations, je vais devoir parler anglais ou m'arranger pour que quelqu'un puisse parler anglais à ma place si je ne sens pas que je suis capable de rendre les nuances de ma pensée. Par contre, il y a beaucoup d'autres endroits où on se retrouve 10, 15 personnes autour de la table, dont 10 francophones, et là on parle anglais, et ça, je trouve ça extrêmement dommageable aussi.
Évidemment, il n'y a pas de loi qui peut garantir ça, mais on dirait que, depuis quelques années, le fait de parler français, on s'accommode, on fait attention, on ne veut pas brimer personne, on ne veut pas passer pour ci, on ne veut pas... on veut éviter que d'autres puissent penser ça de nous autres. Ça mène, à un moment donné, à ne plus faire grand-chose puis à ne plus se battre pour ce qu'on croit et ce à quoi on est attachés. Évidemment, si on n'y est pas attachés puis si l'ensemble de la population québécoise n'est pas attachée à la langue française, la dynamique change complètement. Mais, à partir du moment où on est attachés à notre langue et on est attachés à cette culture-là et surtout beaucoup plus à ce que notre culture est, puisque ce que la langue française amène comme façon d'être, façon de penser, façon de sentir, façon de voir le monde... là, je pense qu'il y a des choix à faire, et ces choix-là peuvent comporter certains, comment je dirais, inconforts de la part de certaines personnes qui voudraient avoir toutes les libertés, tous les choix, faire étudier leurs enfants en anglais, peu importe ce qui se passe après. Puis je le comprends, ça, puis je comprends qu'on peut être chatouilleux là-dessus, mais je pense qu'il y a des choix à faire. Et je ne suis pas un expert, et je comprends la difficulté d'écrire dans des textes de loi quelque chose qui veut correspondre à nos aspirations puis aux aspirations consensuelles qui pourraient se dégager. C'est-u clair?
M. Blanchet: C'est suffisant. Merci beaucoup.
Une voix: C'est très bon, Raymond.
M. Blanchet: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Marsan): Oui. M. le député de Sainte-Marie--Saint-Jacques.
M. Lemay: Très rapidement. Ce n'est pas une question, c'est un commentaire.
Une voix: Sur mon passé?
M. Lemay: Non, non, non, sur votre avenir.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lemay: Ce que j'aime -- c'est un commentaire, M. le Président -- c'est que l'Union des artistes, avec la vision justement, la sensibilité artistique qui est la leur, a amené le chapitre V et, moi, je retiens ça beaucoup pour l'avenir, parce qu'effectivement ce n'est pas juste une question de langue.
Quand le cours d'histoire du Québec va littéralement disparaître du réseau collégial... C'est le cas, il y a une étude qui a été faite là-dessus il y a quelques années, il n'y a plus de cours d'histoire obligatoire au cégep, histoire du Québec, littérature... Vous le soulignez bien, je pense qu'effectivement il y a le projet de loi n° 103 qu'on va travailler sur les prochaines semaines, mais je pense qu'il y a une réflexion à tout le moins à faire beaucoup plus large.
Et je trouve qu'avec votre document, à la page 5, vous amenez une réflexion aussi intéressante que c'est... la langue, c'est une âme, c'est une façon de s'exprimer, de penser, bien sûr, mais c'est beaucoup plus large que ça. Et, si le système d'éducation, le système de santé n'est pas nécessairement à la hauteur des exigences qu'on se donne, je pense qu'il y a une réflexion à faire de ce côté-là ici, et vous l'amenez également dans votre document, et ça, je trouve ça intéressant.
Au-delà du débat linguistique, bien qu'important lui-même, mais c'est... ça dépasse beaucoup, c'est effectivement la littérature, c'est l'enseignement de l'histoire, c'est la connaissance de tout ça, et ça, là-dessus, je pense qu'on a effectivement de la réflexion à faire de ce côté-là. Merci de nous l'avoir souligné.
Le Président (M. Marsan): Oui, absolument.
M. Legault (Raymond): Je sais que ce n'est pas une question mais dernier commentaire: moi, ça fait deux étés que je vais à Caraquet, du côté du Nouveau-Brunswick, et c'est assez étonnant la vitalité, la fierté de ces gens-là à la fois pour leur histoire, à la fois pour leur langue. Et, je veux dire, tu rentres dans un magasin, les gens te parlent en français, et je trouve que ça nous manque par bout. Mais François voulait rajouter quelque chose?
M. Ferland (François): Non. On m'a arrêté sur mon passé. Je vais parler juste un petit peu du passé, de mon passé. Je vais terminer, ça va être très, très bref. Vous savez que, bon, bien, Mme Lemieux était députée de Bourget. Bourget, c'est le comté de Camille Laurin, et puis Camille Laurin s'était présenté en 1998 puis on lui a découvert un cancer et puis c'est là que Mme Lemieux est rentrée. Et puis, bon, M. Laurin quand même, malgré, là, qu'il était très malade, il avait quand même un héritage à livrer.
J'ai eu l'occasion de souper avec lui à quelques occasions qu'il nous parlait du comté de Bourget. Il nous parlait... il nous a parlé... Parce que, moi, c'est quelqu'un que j'ai toujours admiré, le Dr Laurin, justement pour les batailles qu'il a faites, pour les consensus qu'il a voulu aller chercher. Et puis, à un moment donné, il m'a dit: M. Ferland, il dit, même si on vous dit: Ce n'est pas grave, ce n'est pas grave, il dit, la langue, il faut la protéger comme ses yeux, puis il faut y travailler puis il faut continuellement avoir les gardes levées parce que, il dit, si vous saviez les batailles que j'ai menées puis, il dit, il vous en reste encore.
Puis, à l'époque, on n'était même pas au ministère, on était Travail et... Bien, bon, quand tu as été élu, c'était Travail et Emploi -- M. Marsan, on s'est rencontrés là -- mais c'est... Il a dit: Il faut continuer. Puis c'est un peu ça, le message de l'union: Il faut continuer à se battre. Et puis, pour nous, les écoles passerelles, c'est une façon de baisser la garde. Puis le Dr Laurin m'avait dit: Ne baisse jamais la garde. C'est un peu ça, mon message du passé.
Le Président (M. Marsan): Alors, merci. Merci, M. Legault, M. Ferland, pour nous avoir donné la position de l'Union des artistes sur la loi n° 103.
La commission ajourne ses travaux au vendredi 10 septembre, à 9 h 30, afin de poursuivre son mandat. Alors, bon retour.
(Fin de la séance à 17 h 40)