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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le mardi 13 décembre 1983 - Vol. 27 N° 199

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de loi 57 - Loi modifiant la Charte de la langue française


Journal des débats

 

(Vingt heures vingt-sept minutes)

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre! La commission des communautés culturelles et de l'immigration se réunit aux fins d'étudier, article par article, le projet de loi 57, Loi modifiant la Charte de la langue française. Les membres sont: M. Lincoln (Nelligan), M. Dupré (Saint-Hyacinthe), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Laurin (Bourget), M. Godin (Mercier), M. Gratton (Gatineau), Mme Lachapelle (Dorion), M. Laplante (Bourassa), M. Leduc (Fabre), M. Ryan (Argenteuil), M. Bourbeau (Laporte).

Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Brouillet (Chauveau), M. Gauthier (Roberval), M. Maciocia (Viger), M. Martel (Richelieu), M. Polak (Sainte-Anne), M. Vaillancourt (Orford), M. Vaugeois (Trois-Rivières).

Lors de l'ajournement de nos travaux, nous étions rendus à l'article 23...

M. Godin: L'article 21.

Le Président (M. Gagnon): ...les articles 21 et 22 avaient été adoptés, M. le ministre.

M. Godin: Parfait.

Francisation des entreprises

Le Président (M. Gagnon): Nous en étions rendus à l'article 23. M. le ministre.

M. Godin: À l'article 23, nous remplaçons l'article 139 actuel par un nouveau 139 qui se lirait ainsi: "Une entreprise soumise à l'obligation de posséder un certificat de francisation doit, dans les délais fixés par règlement, s'inscrire auprès de l'office." La modification est la suivante: c'est que, jadis, dans l'ancienne loi 101, nous disions qu'une entreprise soumise à cette obligation obtenait un certificat de francisation et qu'à la fin de l'application de son plan de francisation, nous lui décernions un certificat de francisation. Donc, pour établir la distinction entre le document de départ et celui de la fin, nous modifions l'article 139. C'est en fait, parce qu'il y avait deux sortes de certificat. Il y avait le certificat de francisation d'entreprise non francisée et un certificat de francisation d'entreprise francisée. Alors, cela règle ce problème.

Le Président (M. Gagnon): Cela implique le nouvel article 23? (20 h 30)

M. Godin: Cela implique l'article 23, oui.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que le nouvel article 23 est adopté?

M. Gratton: M. le Président, le ministre pourrait-il confirmer ou infirmer...

Une voix: Est-ce les trompettes de Jéricho?

M. Laplante: C'est pour vous arrêter de parler.

M. Gratton: Comme le député de Bourassa le dit, chaque fois que j'ouvre la bouche, on entend le choeur. Je ne sais pas ce que cela veut dire.

Le Président (M. Gagnon): On leur a demandé de se taire.

M. Gratton: Merci, M. le Président; vous et moi, on se connaît.

M. Godin: Je voudrais préciser un point, j'ai retrouvé mes notes explicatives. Auparavant, il y avait la notion de certificat provisoire. C'est ce qu'on remplace par une inscription auprès de l'office, purement et simplement.

M. Gratton: Mais pourquoi éliminer les certificats provisoires pour ces entreprises qui n'avaient pas encore arrêté leur programme de francisation?

M. Godin: Parce qu'elles n'étaient pas certifiées. Nous trouvons que l'idée de certificat provisoire ne correspondait pas à la réalité; maintenant, elles sont inscrites, le processus est en cours et nous leur remettons un véritable certificat à la fin.

M. Gratton: C'est quoi, le problème qu'on a vécu dans le passé?

M. Godin: II n'y a aucun problème, en fait. La seule raison derrière cela, c'est pour que les mots disent bien ce qu'ils doivent dire et ce qu'ils veulent dire. Une inscription à l'office marque le début du processus de francisation et le début des négociations pour

en arriver à signer une entente avec l'office. Ce n'est pas un certificat. Le certificat, lui...

M. Gratton: Je comprends cela.

M. Godin: ...est émis à la fin du processus. Tout ce qu'on fait, c'est changer un mot afin qu'il y ait une inscription à l'office et que cette inscription marque le début du plan de francisation.

M. Gratton: J'imagine qu'on doit déjà prévoir un règlement qui va régir ce processus, indiquer qui et comment vont s'inscrire...

M. Godin: II suffit de s'inscrire.

M. Gratton: J'imagine que des fonctionnaires vont devoir recevoir ces inscriptions et les transmettre à la machine.

M. Godin: Ce sont les mêmes fonctionnaires qui sont déjà là.

M. Gratton: Vous êtes bien sûr de cela?

M. Godin: Les mêmes fonctionnaires qui, avant, délivraient un certificat provisoire de francisation vont maintenant inscrire dans les archives, dans les dossiers de l'office, le nom de l'entreprise et vont prendre contact avec l'entreprise, vont l'amener à adopter un plan de francisation. Le certificat, qui signifie "certifié", comme vous le savez, sera remis au terme du processus de francisation.

M. Gratton: II n'y aura plus de certificat provisoire d'aucune sorte?

M. Godin: Non, mais il y aura une inscription.

M. Gratton: Le seul fait de s'inscrire auprès de l'office...

M. Godin: ...tiendra lieu...

M. Gratton: ...tiendra lieu de certificat provisoire.

M. Godin: Oui.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'article 23 sera adopté?

M. Gratton: Oui, sauf que je dirai au ministre que je ne vois pas quel irritant on élimine avec cela.

M. Godin: II n'est pas question d'irritant, c'est une précision dans les termes.

Le Président (M. Gagnon): L'article 23 est adopté. Article 24?

M. Gratton: Espérons que cela n'en introduit pas un autre, un nouveau.

Le Président (M. Gagnon): Article 24?

M. Gratton: Oui, c'est purement technique, adopté.

Le Président (M. Gagnon): Article 24, adopté. Article 25?

M. Godin: L'article 25 vise à étendre aux centres de recherche les critères pris en considération par l'Office de la langue française jusqu'à tout récemment pour donner aux sièges sociaux le pouvoir de bénéficier d'un plan de francisation beaucoup plus large que normalement et, donc, pour permettre l'utilisation d'une autre langue dans le fonctionnement des centres de recherche, comme nous le faisions avant pour les sièges sociaux. C'est donc un statut linguistique particulier qui existait pour les sièges sociaux et que nous étendons aux centres de recherche.

Le Président (M. Gagnon): L'article 25 sera-t-il adopté?

M. Gratton: Oui.

Le Président (M. Gagnon): Adopté. Article 26?

M. Godin: À l'article 26, j'ai un papillon à déposer en ce qui touche la version anglaise.

M. Gratton: L'avons-nous ou si nous ne l'avons pas?

Le Président (M. Gagnon): Que vous avez...

M. Gratton: Ah, la version anglaise!

Le Président (M. Gagnon): ...ou que vous devriez avoir.

M. Gratton: Ah, oui! C'est facile, une version anglaise, vous allez voir, cela va aller vite.

M. Godin: Je lis: "La version anglaise de l'article 144 édicté par l'article 26 est modifiée par le remplacement, dans la deuxième ligne du deuxième alinéa, du mot "regulated" par les mots "dealt with".

M. Gratton: Un instant, M. le ministre.

M. de Bellefeuille: C'est excellent!

M. Godin: En tant que linguiste ou bien

bilinguiste...

M. de Bellefeuille: C'est plus anglais. M. Gratton: À la deuxième ligne...

Le Président (M. Gagnon): L'amendement...

M. Godin: Un instant!

M. Gratton: Quelle aberration! Je comprends.

Une voix: Adopté?

Le Président (M. Gagnon): L'amendement à l'article 26 de la version anglaise est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Gagnon): L'article 26 de la version anglaise tel qu'amendé est adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Gagnon): Adopté.

M. Gratton: Je ne pense pas qu'on adopte la version anglaise...

M. Godin: Non, on adopte l'amendement.

Le Président (M. Gagnon): Le fait que l'article est amendé.

M. Godin: On adopterait ensuite l'article.

Le Président (M. Gagnon): L'article 26...

M. Godin: Si on lit bien l'article 26, il permet, pour les sièges sociaux et les centres de recherche, que des ententes particulières interviennent entre l'office et lesdits sièges sociaux ou centres de recherche pour qu'une autre langue que le français puisse être utilisée dans le fonctionnement de ces centres de recherche. Dans le passé, les sièges sociaux bénéficiaient d'une telle exemption. Nous donnons le même privilège aux centres de recherche. Jusqu'à tout récemment, c'était par le règlement...

M. Gratton: Oui.

M. Godin: ...que les centres de recherche étaient couverts. Nous les avions assimilés, aux termes de l'application de la loi, aux sièges sociaux. Mais, maintenant, pour que ce soit clair, expérience faite et à la suite des demandes des organismes d'affaires du Québec, nous avons décidé d'accorder aux centres de recherche la même exemption.

M. Gratton: C'est aussi parce que le ministère de la Justice avait jugé que le règlement pouvait peut-être être illégal.

M. Godin: Pouvait peut-être être illégal.

M. Gratton: Oui, mais...

M. Godin: Mais il n'a fait l'objet d'aucune contestation.

M. Gratton: Vous êtes en train de le consacrer et il n'y aura plus de problème. Dans le fond, ce n'est plus un assouplissement de la loi, c'est plutôt un durcissement pour ceux qui jugent de ces choses en ces termes. Êtes-vous d'accord?

M. Godin: Non, ce n'est pas un durcissement, c'est l'inscription dans la loi d'une volonté déjà connue et déjà incarnée dans un règlement...

M. Gratton: ...un règlement.

M. Godin: ...c'est une volonté d'assouplissement qui date déjà de quelques années.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'article 26 est adopté?

M. Godin: Nous avions assoupli le règlement, nous assouplissons maintenant la loi.

M. Gratton: Voyons donc! On ne perdra pas de temps là-dessus, plus personne ne vous prend au sérieux quand vous parlez de cela.

M. Godin: D'accord.

Le Président (M. Gagnon): L'article 26 est adopté sur division. J'appelle l'article 27.

M. Godin: Je ne vous dirai pas que c'est réciproque, M. le député de Gatineau. J'ai trop de respect pour vous pour tenir de telles propositions.

M. Gratton: Mon cher M. le ministre... Une voix: C'était trop bien parti!

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre! J'appelle l'article 27.

M. Godin: C'est lui qui a commencé.

Le Président (M. Gagnon): L'article 27, M. le ministre.

M. Leduc (Fabre): Adopté.

M. Gratton: Oui, oui. Quant à nous, cela fait partie de l'article.

Le Président (M. Gagnon): Tout l'article 26 est adopté.

M. Gratton: Le papillon, la série... Je pense que le ministre va continuer comme cela. En tout cas.

M. Godin: Article 27?

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'article 27 est adopté?

M. Godin: Je pourrais peut-être donner des explications pour la gouverne de mon excellent ami, le député de Gatineau, et mon collègue de Deux-Montagnes.

Une voix: Est-ce qu'on a le droit d'écouter?

M. Godin: Si vous voulez.

Le Président (M. Gagnon): Cela s'adresse aux membres de la commission maintenant.

M. Godin: Et au président aussi. M. Bourbeau: Sans discrimination.

M. Godin: L'article 146 de la charte est modifié, 1° par la suppression, dans la deuxième ligne, des mots "avant le 30 novembre 1977". Pour les mêmes raisons qu'hier, M. le Président, il s'agissait d'actualiser l'article en question parce que certains juristes - je ne dis pas que c'était unanime - estimaient que cela pouvait exclure toute entreprise venue au monde ou créée après le 3D novembre 1977.

Par ailleurs, l'alinéa suivant est plus important et je poursuis ma lecture: 2 par l'addition de l'alinéa suivant: "Le comité de francisation doit se réunir au moins trois fois par année."

Ceci fait suite à des requêtes et demandes formulées en commission parlementaire par le mouvement syndical, qui se plaignait que, dans certaines entreprises, le comité de francisation ne se réunissait à peu près jamais. Pour s'assurer que ce comité de francisation serait vivant, actif et dynamique et contribuerait donc à franciser l'entreprise, nous nous sommes entendus pour fixer à trois le nombre minimal de réunions chaque année.

Le Président (M. Gagnon): L'article 27...

M. Gratton: M. le Président...

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Gatineau.

M. Gratton: ...de façon que je demeure toujours dans les bonnes grâces du ministre -ce n'est pas que cela m'importe le moins du monde, mais, étant donné que je vois surtout le ministre de l'Éducation arriver, on voudrait commencer sur le bon pied - je me contenterai de vous lire ce que le Centre de linguistique de l'entreprise nous fait comme commentaires sur l'article 27. Inutile de revenir sur la compétence du Centre de linguistique de l'entreprise pour se prononcer sur ce genre de choses...

M. Godin: M. le Président, est-ce le même texte que celui que vous avez lu en fin de session?

M. Gratton: Non. L'autre jour, j'en ai lu des extraits. On parlait du principe, je vous ai donc parlé des conclusions, de l'idée générale.

M. Godin: Ce n'est pas fort.

M. Gratton: Mais là, on parle de l'article 27. Je vais vous lire le bout de la lettre du centre, qui touche l'article 27 et que je n'ai pas lu.

M. Godin: D'accord.

M. Gratton: Parce que je ne suis pas au gouvernement, je ne me répète donc pas inutilement. Voici ce que dit le Centre de linguistique.

Le Président (M. Gagnon): Vous avez toujours la parole, M. le député.

M. Gratton: J'aimerais souligner que c'est à notre demande que le Centre de linguistique de l'entreprise avait formulé un certain nombre de commentaires, puisqu'on se disait, quant à nous, que, compte tenu des coûts que représente la francisation de l'entreprise, la francisation du monde du travail - et nous sommes parmi les premiers à souhaiter que cela se fasse - nous sommes cependant assez réalistes pour nous demander à l'occasion si l'objectif visé de franciser le plus possible le monde du travail on l'atteint de la façon la plus efficace par le biais des amendements que nous présente le ministre. On a demandé au Centre de linguistique de l'entreprise de le commenter et voici ce qu'on lit au sujet de l'article 27.

M. Laplante: Je m'excuse, mais c'est dans quel rapport?

Une voix: C'est une lettre.

M. Gratton: C'est une lettre que j'ai reçue. En fait, elle est adressée... Voulez-vous...

M. Godin: Peut-on en avoir des copies?

M. Gratton: Elle est de M. Michel Guillot, qui est directeur général du Centre de linguistique de l'entreprise.

M. Laplante: Elle vient de...

M. Gratton: C'est une lettre datée du 29 novembre 1983 adressée à Mme Line Béland, du bureau de recherche du Parti libéral du Québec.

M. Laplante: C'était juste pour vous faire répéter.

M. Gratton: Oui. C'est parce que, de cette façon-là, il faut bien qu'il s'adresse à celui qui lui pose la question. Le gouvernement ne semble pas intéressé. On lit ceci: "Au deuxième paragraphe, par l'addition de l'alinéa suivant: "Le comité de francisation doit se réunir au moins trois fois par année", cette exigence représente une ingérence supplémentaire du gouvernement dans la gestion de l'entreprise, puisque la tendance naturelle des entreprises en bonne voie de francisation sera inverse. Plus une entreprise se francisera, moins le rôle et le besoin du comité seront nécessaires. Nous craignons en outre que cette disposition supplémentaire n'amène les fonctionnaires de l'Office de la langue française à exiger ensuite que les ordres du jour et les procès-verbaux des délibérations des comités lui soient soumis comme cela s'est vu depuis 1977 chaque fois qu'apparaissait une nouvelle disposition réglementaire. L'objectif de la loi étant de susciter une évolution dans toutes les entreprises, l'obligation de tenir trois réunions par année s'avérera très vite arbitraire."

Le ministre, même s'il ne partage pas le point de vue du Centre de linguistique de l'entreprise, devra admettre que c'est très pertinent et qu'effectivement, les représentations que contient cette lettre mériteraient que le gouvernement s'y attarde un peu plus, parce que l'objectif visé est très louable, sauf qu'on a l'impression qu'on choisit le mauvais moyen pour l'atteindre.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: M. le Président, en réponse aux observations du député de Gatineau, je voudrais vous rappeler que, parmi les gens qui se sont présentés devant nous durant l'audience de la commission parlementaire, plusieurs organismes hautement responsables nous ont signalé qu'il y avait lieu de resserrer le mécanisme des comités de francisation et d'assurer à ces comités une action plus efficace et une plus grande régularité dans leurs réunions. C'est une observation qui nous a été faite à plusieurs reprises et je pense qu'en introduisant cette notion dans la loi, nous ne faisons que nous conformer aux meilleures opinions que nous avons reçues. Bien sûr, cela peut représenter pour ces comités une obligation supplémentaire, mais l'obligation ne doit quand même pas être exagérée. Il s'agit de se réunir trois fois par année. Je pense qu'attendre qu'un comité se réunisse au moins trois fois par année, ce n'est sûrement pas une attente excessive et, si je cédais à mon instinct, M. le Président, je serais presque tenté de proposer un sous-amendement pour remplacer le mot "trois" par le mot "quatre". Deux réunions entre le temps des fêtes et l'été et deux réunions entre l'été et le temps des fêtes, ce ne serait pas une charge de travail excessive pour ces comités. (20 h 45)

M. Gratton: Bien oui, M. le député!

M. de Bellefeuille: Mais, puisque le ministre et ses conseillers, dans leur sagesse, ont jugé que trois, c'était suffisant, je me rallie volontiers.

M. Godin: En fait, le chiffre "trois" tient à la suite des discussions que nous avons eues avec certains porte-parole des centrales syndicales. D'ailleurs, assez curieusement, cela leur est apparu suffisant. Il est même assez curieux de voir la réaction de certaines entreprises. Lors d'une rencontre récente avec des entreprises en voie de francisation, l'une d'elles m'a dit: Pourquoi inscrivez-vous cela, parce que nous, nous nous réunissons quatre fois par année? J'ai dit: Pourquoi me reprochez-vous d'en inscrire trois quand vous en faites déjà quatre? On m'a dit: Cela nous gêne plus.

Il y a des oublis peut-être, ceux ou celles que j'appellerais les têtes dures et dont le député de Gatineau a entendu les...

M. Gratton: Je pensais que vous alliez dire que le député de Gatineau en est une.

M. Godin: Vous l'êtes aussi, mais je ne l'ai pas dit dans mes propos.

M. Gratton: Merci.

M. Godin: Certains sont venus nous souligner ici à quel point, semble-t-il, vous aviez écouté avec beaucoup d'intérêt et d'attention leurs témoignages. Pratt et Whitney et d'autres se sont plaints que les comités de francisation étaient à peu près

morts dans ces entreprises. Ceci vise à les ranimer, à les raviver. Il ne s'agit pas pour nous d'imposer un fardeau à celles qui le font déjà, puisqu'elles se réunissent plus de trois fois par année, mais, pour celles qui ne le font pas, à mon avis, il m'est apparu nécessaire d'associer les travailleurs à ce travail de francisation, parce que nous pensons que c'est d'eux que cela doit venir et que nous devons les y associer si nous voulons que cela se fasse de la meilleure manière possible.

M. Gratton: M. le Président, pour répondre au ministre, je devrai cette fois répéter le bout que j'ai cité à l'Assemblée nationale de cette lettre du Centre linguistique des entreprises qui disait ceci: "Au cours des six dernières années, l'expérience nous a largement démontré que les comités de francisation ne sont pas le meilleur agent d'entraînement de francisation dans l'entreprise. Les attitudes que nous avons observées de la part des comités vont de l'indifférence la plus complète - cela, règle générale - à l'utilisation, beaucoup plus rarement, du dossier de la francisation pour faire valoir d'autres revendications."

Le ministre a dit que j'ai été fort impressionné par le témoignage du syndicat de Pratt et Whitney, j'ai également dit en deuxième lecture que, probablement, c'est dans la deuxième catégorie, ceux pour qui le dossier de la francisation sert à faire valoir d'autres revendications, que je plaçais justement le syndicat de Pratt et Whitney.

Cela étant dit, M. le Président, ce n'est pas une objection de principe, mais on dit: On veut franciser l'entreprise. On veut franciser le milieu du travail et voici que les gens qui les représentent et qui font la francisation dans les plus importantes entreprises - je pense qu'on nous a dit qu'il y avait 200 000 employés ou travailleurs québécois qui travaillent dans ces entreprises - viennent nous dire: Vous n'atteignez pas l'objectif. Vous venez nous faire d'autres tracasseries. On conclut, en fin de compte -là, je cite afin qu'on ne m'accuse pas de faire de l'interprétation, en parlant des nouvelles dispositions - en disant "qu'elles seront cependant interprétées comme un léger irritant supplémentaire introduit dans l'administration de la loi".

Nous avions pensé que le but de notre démarche était de faire le contraire. On s'aperçoit que le gouvernement s'entête à en ajouter un autre. Soit, c'est le voeu du gouvernement, il est majoritaire.

M. Godin: Remarquez...

M. de Bellefeuille: Je suis heureux que le député de Gatineau se rallie. J'allais lui faire observer que, parmi les gens qui ont beaucoup travaillé à la francisation des entreprises et qui sont venus nous présenter le fruit de leur sagesse, il y avait aussi l'Association des conseillers en francisation dont les représentants nous ont dit, au contraire, qu'il y avait dans ce travail de francisation 30% d'incompressible qui représentait des années et des années d'efforts qu'il faudrait maintenir. Je pense que c'est là justement le rôle de ces comités de continuer ce travail.

M. Gratton: M. le Président, pour en arriver à régler le problème dans 30% des cas, on va imposer un irritant de plus à 70% de ceux qui justement ont montré de la bonne volonté et se sont pliés à la loi. C'est là qu'on voit qu'on s'en va à l'envers. Quant à nous, on vous fera remarquer, si on parle de témoignages, qu'il y a la FTQ, qui est probablement la mieux placée, du côté syndical, pour parler au nom des employés de ces entreprises dont on parle, c'est-à-dire dans le secteur privé. Parce que cela va bien dans le secteur public, on dit que c'est le gouvernement qui paie de toute façon; quel que soit le jugement qu'on porte là-dessus, cela vaut ce que cela vaut.

Mais, dans le secteur privé, quand ces gens nous disent: N'oublions pas - comme le Centre de linguistique de l'entreprise nous l'a dit dans son mémoire - que les 425 $ par employé que la francisation a coûté, cela est un coût supplémentaire pour faire affaires au Québec. Il n'y a personne qui dit que c'est trop, mais on a droit de se demander, par exemple, si cela ne pourrait pas être un peu moins. Quand on se pose la question, on se demande comment nous pourrions réduire ces coûts. Je vous dis qu'avec l'article 27, vous ne réduirez pas les coûts, vous allez les augmenter. C'est tout ce qu'on dit. Et la FTQ, et j'y reviens, M. le Président, n'a jamais demandé qu'on introduise ces changements à la loi 101. Au contraire, la FTQ nous a dit: On peut très bien et beaucoup mieux réussir la francisation dans l'entreprise à condition qu'on applique les dispositions qui existent déjà. Je pense que cela est à la page 19 du mémoire de la FTQ. Si vous voulez, je pourrai vous le sortir, mais c'est ce que la FTQ nous disait.

Il y a peut-être d'autres gens qui sont venus dire - comme le syndicat de Pratt et Withney - quelque chose de différent, mais, justement, ces gens sont dans les 7% ou 8% d'irréductibles dont parlait le ministre, ils sont dans les 30% dont le député parle et qui sont réfractaires un peu moins, mais il y a les 70% à qui on impose encore ces tracasseries et qui méritaient mieux, il me semble.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Gratton: Est-ce qu'on a le droit de

fumer, M. le Président?

Le Président (M. Gagnon): La salle est moins pleine que cet après-midi.

M. Godin: Je tiens absolument à ajouter une chose aux propos de mon collègue de Gatineau. On présente la francisation comme représentant des coûts à l'entreprise. On ne présente jamais la francisation comme faisant partie de l'ergonomie, c'est-à-dire des moyens d'améliorer la qualité de vie et la qualité des rapports entre employés et employeur dans une usine. Dans une usine où la culture linguistique, la langue de l'employé est respectée, l'employé se sent davantage chez lui, travaille mieux, travaille plus et la productivité augmente. Il y a une étude d'Éconosult qui le prouve et cela annule largement la productivité accrue, le sentiment d'appartenance dans une entreprise. M. le député d'Argenteuil, comme moi d'ailleurs, nous avons été dans des petites entreprises, lui dans une un peu plus grosse que la mienne, plus ancienne et qui, d'ailleurs, a survécu dans son cas, le Devoir, et je peux vous dire que, dans l'entreprise où j'ai été pendant cinq ans, les rapports entre les employés et l'employeur étaient la clé du succès de l'entreprise. D'accord? Par conséquent...

M. Gratton: ...francisation...

M. Godin: ...la francisation et le comité de francisation et la participation des travailleurs avec les représentants des employeurs dans un comité qui vise à reconnaître la langue des gens qui y travaillent, c'est un investissement très rentable et les 0,05% ou les 3% que cela coûte de profits sur une seule année, cela est compensé largement, tout le monde est d'accord là-dessus, et je ne comprends pas que le député de Gatineau revienne avec cet argument qui ne résiste pas à l'examen plus longtemps que le temps de le dire ici.

M. Gratton: Franchement, M. le Président...

Le Président (M. Gagnon): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, le texte actuel de la loi ne prévoit aucune obligation de réunion?

M. Godin: Non.

M. Ryan: Là, je comprends la réaction du gouvernement de vouloir que cet article de la loi signifie quelque chose. Je trouve qu'en mettant trois réunions obligatoires par année, le gouvernement exagère grandement. Si vous mettiez une réunion obligatoire par année, je comprendrais. C'est la règle normale qu'on suit dans un grand nombre d'organismes, d'ailleurs, la loi prévoit au moins une réunion par année. Je vais vous dire pourquoi. C'est parce que, dans une entreprise, le fonctionnement de tous les comités paritaires que vous pouvez avoir est conditionné par le climat qui existe dans les relations entre le syndicat et l'employeur sur un ensemble de questions que nul ne peut prévoir d'avance.

Quand les relations sont bloquées sur un ou deux points particuliers entre le syndicat et l'employeur et, comme le disait le député de Gatineau tantôt, que ces points se révèlent fondés, cette réunion-ci est requise par la loi, complètement en dehors du cadre des relations syndicales, qui est déjà extrêmement exigeant pour un employeur. Vous, vous n'avez pas eu d'employés syndiqués.

M. Godin: Oui, j'en ai eu. On s'en reparlera, si vous le voulez.

M. Ryan: Le Parti québécois a mis tout le monde dehors.

M. Godin: Pardon?

M. Ryan: Étiez-vous encore là quand ils ont mis tout le monde dehors, M. Parizeau et compagnie?

M. Godin: Vous parlez là du Jour?

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre! M. Ryan, vous avez la parole.

M. Ryan: Ce que je vous dis, quand...

M. Godin: ...pas les deux canards boiteux!

M. Ryan: Très bien dit. Les deux ont connu le même sorti Ce que je vous dis, c'est que, quand les relations sont tendues au sujet d'un problème qui peut exister, quel qu'il soit, ce peut être une sanction qui a été prise contre un employé, ce peut être un article qui donne lieu à des interprétations contradictoires, un article des conventions collectives. À ce moment-là, il n'y a rien qui peut marcher.

Si vous avez des réunions qui sont obligatoires à ce niveau-ci, à ce moment, ça peut ajouter à la tension dans l'entreprise, ajouter à l'impression d'échec, parce que, même si le reste du climat n'est pas bon, ces réunions, même si le législateur les requiert, ne donneront pas grand-chose.

Je ne sais pas si vous ne seriez pas mieux de commencer par une réunion par année. Moi, je vois qu'avec trois, il faut que l'employeur les planifie d'avance; il y en a d'autres. Il y en a pour la santé et la

sécurité au travail. C'est un gros paquet d'obligations, ça aussi. Il y a toutes ces autres affaires.

Vous parliez de petites et moyennes entreprises. Ce que le syndicat ignore souvent, c'est que les décisions devraient y être prises par une ou deux personnes. Il faut qu'elles décident à ce niveau-ci, à ce niveau-là et, en plus, il faut qu'elles fassent fonctionner l'entreprise. Par conséquent, s'il m'était permis de proposer un amendement, si mon collègue de Gatineau n'y a pas d'objection, j'aimerais mieux qu'on mette une réunion obligatoire par année. Cela n'empêche pas qu'il y en ait trois, si c'est voulu. Si ça va très bien, surtout durant les périodes d'implantation ou de vérification d'un programme, ils vont décider de se réunir plus souvent et je pense que c'est très bien.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Godin: Juste un dernier mot sur ceci. Les rapports-progrès - je ne sais s'il y a un mot français pour cela - les rapports d'étape que l'office exige des employeurs, souvent d'ailleurs après entente avec l'employeur, s'étendent, pour certains secteurs d'entreprises, sur six mois, d'autres sur quatre mois, d'autres sur un an et ce nombre de réunions, trois fois par année est basé sur la pratique déjà en cours et sur le fait que l'employeur, enfin la compagnie, l'entreprise, doit soumettre à l'office un tel rapport, et nous voulons que le comité se réunisse avant la remise dudit rapport à l'office tout simplement.

Le Président (M. Gagnon): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: II faut bien se rendre compte de la manière dont cela se passe concrètement. Si on met sur pied un comité de cette nature, le syndicat, en général, va insister pour avoir un porte-parole. Il faut prévoir des règles de fonctionnement. Ce n'est pas prévu dans la loi. Là, il va dire: On insiste pour que ce soit six réunions par année. Pour d'autres, ce sera deux, et pour d'autres, une. Dans la mesure où cela se règle par la voie de la négociation entre les parties intéressées, il n'y a aucun problème.

Si elles ont un problème de francisation qui doit être mis en route ou qui soit en cours, elles peuvent, à ce moment, dire que ça va leur prendre une réunion par mois, pendant toute la période, et ce sera excellent.

Ces trois réunions par année dans la loi, je trouve que c'est fort, honnêtement.

Le Président (M. Gagnon): J'aurais une suggestion à vous faire. Est-ce que vous êtes prêts à adopter l'article 27 ou si vous voulez encore en discuter?

Une voix: Le député de Laporte... M. Gratton: On va en disposer.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'article 27 est adopté? M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: On a une motion d'amendement, si je ne m'abuse.

Le Président (M. Gagnon): Je n'ai pas reçu de motion d'amendement jusqu'à présent.

M. Gratton: M. le Président, on peut vous l'écrire.

M. Ryan: On veut remplacer le mot "trois" par le mot "un".

Le Président (M. Gagnon): À ce moment-là, la motion est "une".

M. Gratton: Une.

M. Ryan: Excusez-moi, M. le député de Deux-Montagnes.

Le Président (M. Gagnon): Ce que j'aurais à vous suggérer, c'est qu'on puisse revenir à l'article 27. Maintenant que le ministre de l'Éducation est arrivé, on pourrait reprendre l'article 11.1, qui a été suspendu.

M. Gratton: Si on pouvait régler 27 avant.

Le Président (M. Gagnon): Article 27?

M. Gratton: II semble qu'autrement, on va devoir tout recommencer.

Le Président (M. Gagnon): Sur l'amendement au 2e paragraphe "le comité de francisation doit se réunir... trois fois par année", on voudrait modifier le mot "trois" par le mot "un". C'est ça?

Des voix: Une.

Le Président (M. Gagnon): Une fois par année.

M. Godin: Nous sommes prêts à voter.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, êtes-vous prêt à voter?

M. Ryan: Adopté.

M. de Bellefeuille: M. le Président,

vous avez omis de lire les mots "au moins" qui sont inscrits, n'est-ce pas?

Le Président (M. Gagnon): Effectivement.

M. de Bellefeuille: "Se réunir au moins une fois par année."

M. Gratton: Au moins une fois par année. (21 heures)

Le Président (M. Gagnon): Au moins "une" fois par année à la place de "trois" fois par année. Adopté?

M. Gratton: Adopté.

M. Godin: Non, non, non.

M. Gratton: Non?

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Godin: Nous demandons le vote.

M. de Bellefeuille: Sur cette motion.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que cette motion d'amendement est adoptée?

M. Gratton: Oui, adopté, M. le Président.

M. Godin: Non, non, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Non, elle n'est pas adoptée. Est-ce que vous demandez le vote nominal?

M. Gratton: Je pense que le ministre l'a fait.

Le Président (M. Gagnon): Oui?

M. Godin: Non, on est prêt à voter.

Le Président (M. Gagnon): Alors, rejeté sur division ou si on prend le vote nominal?

M. Gratton: Mais non, M. le Président, on ne sait même pas combien, de l'autre côté, ont le droit de vote. Je demande un vote nominal. On va voir si on a quorum.

Le Président (M. Gagnon): Donc, vote nominal.

Le député de Nelligan?

Le député de Saint-Hyacinthe?

M. Dupré: Rejeté.

Le Président (M. Gagnon): II est contre. Le député de Deux-Montagnes?

M. de Bellefeuille: Contre.

Le Président (M. Gagnon): II est contre. Le député de Bourget?

M. Laurin: Contre.

Le Président (M. Gagnon): Le député de Mercier?

M. Godin: Contre.

Le Président (M. Gagnon): Le député de Gatineau?

M. Gratton: Pour.

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Dorion?

Le député de Bourassa? Le député de Fabre?

M. Leduc (Fabre): Contre.

Le Président (M. Gagnon): Le député d'Argenteuil?

M. Ryan: Pour.

Le Président (M. Gagnon): Le député de Laporte?

M. Bourbeau: Pour.

Le Président (M. Gagnon): La motion d'amendement est rejetée à 5 voix contre 3.

Une voix: C'est un jour triste.

Une voix: C'est une victoire morale.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'article 27 est adopté?

Une voix: Adopté.

Une voix: Sur division.

M. Bourbeau: J'ai une question, M. le Président; j'ai demandé la parole il y a dix minutes, allez-vous me reconnaître?

Le Président (M. Gagnon): Effectivement, j'avais reconnu votre droit de parole, M. le député de Laporte. Vous avez une question à poser au ministre?

M. Bourbeau: Oui, au ministre. Qu'est-ce qui va se passer, M. le ministre, si le comité de francisation ne se réunit pas trois fois par année? Est-ce qu'il y aura des sanctions?

M. Godin: Non.

M. Bourbeau: En pratique, vous pouvez

quand même contrôler. Comment? Qu'allez-vous faire, s'il ne se réunit pas?

M. Ryan: Vous ne donnerez pas les subventions?

M. Godin: S'il ne se réunit pas, l'office a le pouvoir de rendre publics les noms des entreprises et de dire: Voici une entreprise qui ne respecte pas la langue française au Québec.

M. Bourbeau: Mais non, elle ne respecte pas tout simplement l'obligation de se réunir trois fois par année.

M. Godin: II pourra dire: Voilà une entreprise qui ne respecte pas la Charte de la langue française au Québec.

M. Bourbeau: Ah bon! elle ne respecte pas la charte. Est-ce qu'on peut révoquer son permis?

M. Godin: Oui, effectivement, s'il y avait récidive, s'il y avait délinquance, s'il y avait entêtement inexplicable, l'office peut effectivement révoquer un certificat de francisation.

M. Bourbeau: Est-ce qu'on exige qu'il y ait des procès-verbaux de ces réunions?

M. Godin: Ce n'est couvert ni par les règlements, ni par la loi.

M. Bourbeau: Comment pouvez-vous savoir s'il y a effectivement eu des réunions du comité de francisation si personne ne fait de procès-verbal? Est-ce par témoignage?

M. Ryan: II doit faire enquête?

M. Godin: Dans les rapports d'étape que font les entreprises à l'office, en vertu de l'entente qui intervient entre l'office et l'entreprise en question, le rapport d'étape mentionne qu'une réunion a eu lieu à telle date. C'est la manière dont l'office peut le vérifier: l'office exige des entreprises des rapports d'étape.

Le Président (M. Gagnon): Cela va? De toute façon, l'article 27, nous en avons disposé. Nous revenons donc au ministre de l'Éducation, à l'article 11.1.

M. le ministre.

Langue de l'enseignement

M. Laurin: L'article 11.1 a pour but...

M. Gratton: Un instant, M. le Président. Je m'excuse, M. le ministre.

Le Président (M. Gagnon): Avez-vous une question?

M. Gratton: Est-ce l'article 3 du projet de loi?

Le Président (M. Gagnon): C'est l'article 11. L'article 11 a été adopté et il y avait un amendement à l'article 11.1.

M. Gratton: Oui, mais on avait également... D'accord.

Le Président (M. Gagnon): Cela va? M. le ministre.

M. Laurin: L'amendement vise à résoudre un conflit qui opposait le bureau d'admissibilité et la commission d'appel. Le bureau d'admissibilité avait interprété l'article de la charte comme devant signifier que le père ou la mère de l'enfant qui demandait son admissibilité devait avoir reçu la totalité de son enseignement primaire en anglais, mais la commission d'appel en jugeait souvent, pour ne pas dire presque toujours, autrement. En fait, elle renversait les jugements du bureau d'admissibilité, lorsqu'elle était convaincue que le père ou la mère avait reçu en anglais la majeure partie de son enseignement au Québec.

En face de cette difficulté ou de cette divergence d'interprétation, le conflit s'est retrouvé devant les tribunaux et le juge Deschênes a rendu un jugement, à un moment donné, à savoir que l'article de la charte devait signifier que le père ou la mère de l'enfant devait avoir reçu la totalité de son enseignement au Québec en anglais. Évidemment, c'était un jugement de poids quand on connaît la réputation du juge Deschênes, mais les deux organismes ont quand même continué, par la suite, à soutenir leur point de vue.

Comme la charte ne le spécifiait pas ou qu'elle pouvait prêter à diverses interprétations, le gouvernement ne pouvait pas, par règlement, changer ou trancher le conflit. Nous profitons de l'occasion pour trancher ce conflit et nous disons donc maintenant que, conformément à ce qu'avait toujours soutenu la commission d'appel et conformément à l'esprit qui avait présidé à la rédaction de l'article en 1977, ce qui est visé, c'est que le père ou la mère a reçu, pendant qu'il était au Québec, la majeure partie de son enseignement en langue anglaise. C'est donc une interprétation qui est à l'avantage d'un très grand nombre de clients ou d'usagers, si l'on peut me pardonner ce terme, qui pensaient qu'étant au Québec et ayant reçu la totalité de l'enseignement au Québec en anglais ils étaient admissibles à l'école anglaise. Nous tranchons donc cette divergence d'opinion en leur faveur.

Le Président (M. Gagnon): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, avant qu'on passe au paragraphe dont vient de traiter le ministre, un amendement s'imposerait aux toutes premières lignes de l'article 73 de la loi. Je voudrais donc le proposer à l'attention du gouvernement. Cependant, avant de le proposer, je vais le suggérer. On fera peut-être des remarques qui feraient voir que...

Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, M. le député d'Argenteuil. À quel article du projet de loi 57 faites-vous allusion?

M. Ryan: C'est à l'article 11.1 du projet de loi 57 qui vise l'article 73.

M. Gratton: C'est cela.

Le Président (M. Gagnon): Effectivement. C'est bien cela.

M. Ryan: Dans le préambule de l'article 73, il est écrit: "Par dérogation à l'article 72, peuvent recevoir l'enseignement en anglais, à la demande de leur père et de leur mère." Il me semble que ce serait plus logique, plus simple et plus juste aussi d'écrire "de leur père ou de leur mère". Le gouvernement nous a déjà dit lui-même qu'il était conscient des situations extrêmement diverses qui se présentent aujourd'hui dans les foyers. On n'est plus dans la situation d'autrefois où toutes les actions importantes se faisaient en conjugaison par les deux conjoints. Il me semble qu'ici c'est causer des problèmes d'interprétation inutiles et peut-être même vexatoires aux organismes chargés de l'application de la loi, ainsi qu'aux parents et aux enfants. S'il était écrit "de leur père ou de leur mère", ce serait infiniment préférable, à mon point de vue.

Je ne sais pas si le gouvernement serait prêt à apporter un amendement à l'article 73 dans ce sens-là.

M. Laurin: Non, M. le Président, parce que, même si ce que dit le député d'Argenteuil peut avoir un certain fondement dans le cas où nous avons affaire à des foyers désunis ou à des foyers séparés, il reste qu'accepter cette suggestion pourrait créer d'autres conflits, d'autres problèmes. Pour ne pas en créer d'autres, justement, sur une matière comme celle-là, nous préférons que ce soit avec l'assentiment commun des deux parents que cet article s'applique, donc par une décision conjointe des deux parents.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Si vous me le permettez, on pourrait signaler au député d'Argenteuil que l'article 73 est suivi de l'article 74...

M. Laurin: Oui, aussi.

M. de Bellefeuille: ...qui prévoit le cas des enfants à la charge d'un seul des parents.

M. Laurin: Ou à la charge d'un tuteur. M. de Bellefeuille: Ou d'un tuteur.

M. Ryan: Cela ne répond pas complètement à l'objection que j'ai soulevée, loin de là. Il arrive que des enfants soient à la charge de leurs deux parents et qu'une situation comme celle qu'imposent les deux premières lignes de l'article 73 soit injustement vexatoire pour la famille, pour l'enfant et pour les parents aussi. Vous savez très bien que le degré de responsabilité active des parents dans un foyer est loin d'être toujours le même. Il peut arriver qu'une décision, dans une situation comme celle-ci, s'impose dans un contexte où les relations sont plus difficiles entre le père et la mère.

Je voyais le ministre agiter, encore une fois, l'épouvantail de la peur des problèmes. C'est évident, il va toujours y en avoir, des problèmes, M. le ministre. Il faudrait, au moins, que vous ayez la décence de nous dire quelle sorte de problèmes vous entrevoyez. Vous ne pouvez pas nous demander de vous dire oui seulement parce que vous avez dit: Je vois des problèmes à l'horizon.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Laurin: Si les deux parents ne s'entendent pas, cela va être un conflit de plus entre eux. Donc, c'est pour les éviter que nous préférons que ceci soit une décision conjointe des deux parents...

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Laurin: ...pour ne pas ajouter à leur hargne respective.

M. Dupré: M. le ministre, même si c'est de moins en moins fréquent, lorsqu'on parle de la majeure partie de l'enseignement primaire au Québec, parfois, il y a des immigrations forcées comme les "boat people" ou des groupes semblables qui arrivent en masse. Est-ce que cela veut dire que les parents de ces enfants pourraient peut-être faire seulement un an d'école primaire en français?

M. Laurin: Cela s'applique plutôt à des situations antérieures, puisque, là, on parle des parents.

M. Dupré: Oui.

M. Laurin: Le cas s'est présenté souvent, par exemple, d'un parent qui est venu au Québec bien avant la loi 101 et qui, en vertu d'habitus ou en vertu de traditions, dès qu'il a touché le sol québécois, envoyait son enfant, par exemple, qui était en cinquième année, à l'école anglaise. Donc, il avait passé deux années à l'école anglaise, mais les deux années qu'il avait passées à l'enseignement primaire étaient dans une école anglaise, ce qui montrait bien qu'à l'époque le parent avait choisi la communauté anglophone. C'est ce que la loi 101 voulait respecter, le sentiment d'appartenance et le sentiment d'identité qu'à l'époque le parent avait décidé d'avoir envers l'une ou l'autre communauté. C'est pour cela que la phrase est rédigée comme ceci: "...constitue la majeure partie de l'enseignement primaire reçu au Québec."

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Une question au ministre. Qu'arrive-t-il dans un cas où un enfant est né de père inconnu, d'un enfant illégitime, si la mère a fait son cours primaire en anglais? Que faites-vous dans un cas semblable, si la mère demande l'admission à l'école anglaise et que le père est absolument inconnu?

M. Laurin: Je pense qu'à ce moment-là c'est l'article 74 qui s'applique. Habituellement, ces enfants ont des tuteurs, des parents adoptifs.

M. Bourbeau: S'il n'y a pas de tuteur, s'il y a seulement la mère qui est tutrice?

M. Laurin: II est à la charge d'un seul de ses parents.

M. Godin: C'est l'article 74. M. Laurin: C'est 74.

M. Bourbeau: II pourrait avoir accès à l'école anglaise.

M. Laurin: C'est cela.

Le Président (M. Gagnon): L'article 11.1 est-il adopté?

M. Ryan: M. le Président...

Le Président (M. Gagnon): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: ...on vous fait une proposition d'amendement qui se lirait ainsi: Qu'à la deuxième ligne de l'article 73, après les mots "à la demande de leur père", le mot "et" soit remplacé par le mot "ou".

M. Laurin: Pour les raisons déjà données, M. le Président, nous ne pouvons pas accepter cet amendement.

M. Ryan: M. le Président, je m'excuse. Je pense que j'avais la parole. C'est moi qui ai proposé l'amendement.

M. Laurin: Effectivement.

Le Président (M. Gagnon): Vous avez la parole, M. le député d'Argenteuil. Je voudrais recevoir votre amendement.

M. Ryan: C'est une courte question. Il y en a de plus longues qui s'en viennent.

M. le Président, cela peut sembler un peu amusant de présenter un amendement comme celui-ci, mais je pense qu'il est important que ce soit fait, ne serait-ce que pour donner au gouvernement l'occasion de montrer la faiblesse des arguments sur lesquels il s'appuie trop souvent quand nous discutons des questions relatives à la politique linguistique. Voici un amendement qui procède d'un souci de réalisme assez élémentaire, qui me semble dicté, d'ailleurs, par les données les plus évidentes de la situation des foyers aujourd'hui et qui permettrait de faire montre d'une plus grande souplesse.

Il est évident que, quand on dit "de leur père ou de leur mère", dans les foyers où les choses vont très bien, cela ne fera aucune espèce de différence. Cela pourra être le père qui se présentera, cela pourra être la mère, cela pourra être les deux ensemble, mais l'un ou l'autre ou les deux ensemble se présenteront après accord mutuel, ce qui est la règle générale qu'on souhaiterait voir exister partout. Mais, là où des tensions existent, il n'est pas nécessaire qu'elles soient parvenues jusqu'au stade de la rupture du foyer, de la séparation ou du divorce pour qu'il puisse arriver un besoin de souplesse plus grande dans la loi, surtout sur une question comme celle-ci. C'est l'objectif que veut atteindre servir l'amendement que j'ai proposé et j'espère que le gouvernement voudra y penser une dernière fois. (21 h 15)

Le Président (M. Gagnon): Je déclare donc l'amendement recevable.

M. Gratton: C'est déjà quelque chose.

Le Président (M. Gagnon): C'est déjà quelque chose, M. le député de Gatineau. M. le ministre.

M. Laurin: Je ne vois pas, M. le Président, pourquoi, dans le doute, l'avantage irait à l'école anglaise. Je pense que c'est tout à fait normal que, dans le doute, l'avantage aille à l'école française, en plus de l'autre argument que j'utilisais qu'il ne faut pas multiplier les occasions de divergence entre les pères et les mères.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Gatineau, avant de vous laisser la parole, je peux vous dire que, comme président, cela me fait toujours plaisir de déclarer des amendements recevables lorsqu'ils sont recevables. M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Je ne sais pas si c'est un à zéro pour vous, M. le Président, mais on ne reprendra pas cela. Je pense que c'est typique. Le député d'Argenteuil le disait tantôt. Il valait la peine qu'il présente son amendement simplement pour entendre le ministre nous dire, finalement, que son refus à la proposition d'amendement, c'était pour qu'on favorise ou qu'on agisse à l'avantage des écoles françaises plutôt que des écoles anglaises. Il me semble que ce n'est pas des écoles qu'il faut se préoccuper, c'est des enfants, des gens qui sont impliqués, des citoyens, des humains, des personnes. Mais non, le ministre reste cantonné dans sa vision des choses et il décide que, c'est l'école française face à l'école anglaise, c'est un conflit continuel, bien sûr, et le bon gouvernement paternaliste doit décider lequel des deux doit en profiter, et au diable les enfants, au diable les parents, au diable tout le reste! Cela importe peu, parce que, dans le schème général des choses, il faut que ce soit soit l'école anglaise, soit l'école française qui y gagne.

M. le Président, je pense qu'avec seulement cette démonstration de la façon de penser du ministre et du gouvernement on est déjà passablement plus avancé. D'ailleurs, en fait, on n'est pas plus avancé, on le sait depuis longtemps, mais on l'a entendu le dire très clairement.

M. Ryan: Mais on donne toujours le bénéfice du doute. C'est une nouvelle démonstration.

Le Président (M. Gagnon): Avez-vous des choses à ajouter, M. le ministre?

M. Laurin: Le député de Gatineau montre son...

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre!

M. Laurin: ...évident parti-pris, lorsqu'il y a quelque doute ou quelque divergence possible, pour l'école anglaise.

M. Gratton: Non, pour le citoyen.

M. Laurin: II me permettra de respecter l'école de la majorité.

M. Gratton: ...et pour l'étudiant.

Le Président (M. Gagnon): M. le député d'Argenteuil.

M. Gratton: Vous et moi, je pense qu'on n'aura pas grand chance de s'entendre.

Le Président (M. Gagnon): Après le député d'Argenteuil. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je voudrais ajouter un argument, c'est-à-dire une considération. Un argument, je ne suis pas trop fort là-dessus. J'entendais le ministre nous dire: Dans les cas de doute, il faut donner le bénéfice du doute à l'école française. Je dirai au ministre que je trouve assez affreuse cette déclaration et très inhumaine. Je vous donne un cas concret. Supposons que, dans un foyer, il y a un conjoint de langue française et un conjoint de langue anglaise qui ne s'entendent pas très bien. Il arrive que ce soit le conjoint de langue anglaise qui s'occupe vraiment de l'éducation de l'enfant et qui soit apte à faire les démarches voulues pour obtenir son admission à l'école anglaise. Dans ce cas, vous allez donner le bénéfice du doute à l'école française, à votre abstraction...

Une voix: C'est cela.

M. Ryan: ...sans considération pour le bien concret, le bien vécu du foyer concerné. J'en suis scandalisé.

M. Laurin: Ce que dit le député d'Argenteuil est une pure hypothèse. De toute façon, ce n'était pas inclus dans son amendement.

Le Président (M. Gagnon): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, je répète les considérations que je viens de formuler. Je pense que le ministre ne doit pas avoir compris, parce que...

M. Laurin: J'ai très bien compris.

M. Ryan: ...c'est parfaitement compris dans l'amendement que j'ai proposé. Des dénégations qui ne reposent sur aucun fondement, je pense que c'est notre devoir de les relever chaque fois qu'elles sont là. C'est parfaitement compris dans l'amendement que j'ai proposé. Je pense justement à des situations comme celle-là.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député d'Argenteuil. M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: M. le Président, je prendrai une expression un peu étonnante, qui est tombée plusieurs fois de la bouche de notre leader parlementaire. Je pense que le député d'Argenteuil s'est "autopeluredebana-nisé", parce qu'il complique indûment la situation. J'étais d'accord avec lui tant qu'il n'invoquait pas une question d'hypothétique rivalité entre l'école française et l'école anglaise.

J'appuierais l'amendement du député d'Argenteuil si on était d'accord pour le ramener à des dimensions beaucoup plus simples. Au simple plan de la vie de famille, il vient un moment dans l'année où quelqu'un doit s'occuper d'aller inscrire l'enfant à l'école. Je ne sais pas s'il est anglophone ou francophone, je ne sais pas s'il préfère l'école anglaise ou l'école française, je ne sais pas où il a reçu son instruction, mais, un des deux parents, de consentement mutuel, avec ou sans chicane - c'est normal qu'il y en ait ou qu'il n'y en ait pas - va inscrire l'enfant à l'école. Il arrive là et il se fait dire: Ah! Il faut que le formulaire soit signé aussi par votre conjoint. Je trouve que c'est un emmerdement excessif, inutile, qui n'apporte rien à personne.

Si on n'en fait pas une question de préférence pour l'école française ou pour l'école anglaise, je pense que le député d'Argenteuil a raison et qu'il y a là, comme le dirait le premier ministre Trudeau, une ingérence de l'État. "The State has no room in the bedrooms of the nation". Si les parents s'entendent ou ne s'entendent pas, ce n'est pas l'affaire de l'État, ce n'est pas l'affaire du gouvernement. Entre eux, avec ou sans chicane, il arrive qu'il y en a un qui va mener l'enfant à l'école et qui l'inscrit. Sa signature devrait suffire. Autrement, on complique la vie des gens pour rien.

Le Président (M. Gagnon): M. le député d'Argenteuil. Après, ce sera au député de Fabre.

M. Ryan: Même si j'accepte très bien les remarques que vient de faire le député des Deux-Montagnes, je voudrais simplement lui rappeler que j'ai répondu à un argument qui avait été soulevé par le ministre lui-même.

M. de Bellefeuille: Vous dites que c'est lui qui a commencé!

M. Ryan: C'est vrai, regardez le dossier.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): II est évident que le député d'Argenteuil n'a pas fait cet amendement pour simplifier le formulaire ou pour rendre la vie plus simple aux gens, mais bien pour donner l'avantage au parent qui veut inscrire l'enfant à l'école anglaise. Je me mets à la place de l'autre personne qui, lui ou elle, voudrait le voir inscrire à l'école française. Comment, M. le Président, le député va-t-il régler le problème? Le problème se complique et il me semble que l'article actuel simplifie les choses, demande l'unité.

Le Président (M. Gagnon): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, je voudrais signaler au député de Fabre que je pensais, d'abord et avant tout, au bien de l'enfant. Je pense qu'il faut que ces problèmes se résolvent pour le plus grand bien de l'enfant dans un climat d'harmonie, dans un climat de respect de situations concrètes qui peuvent varier infiniment, avec le minimum de complications administratives. Je ne pensais pas du tout à faire gagner la mère sur le père. Dans ces questions, en général, vous admettrez avec moi, sur la foi de l'expérience, que le rôle de la mère est décisif dans 80% des cas. Je pense qu'il faut penser à la mère de manière spéciale également et je le fais sans aucune gêne. Rappelons-nous tous qui est allé inscrire l'enfant dans nos foyers respectifs. Moi, j'en ai cinq qui sont passés par les écoles et je ne suis jamais allé en inscrire un à l'école, je le confesse humblement. Je n'aurais pas voulu que mon veto - je n'étais pas assis tranquillement chez moi, j'étais ailleurs, remarquez bien, je travaillais - empêche ces choses de marcher, comme le disait le député de Deux-Montagnes tantôt. Je pense, d'abord et avant tout, au bien de l'enfant. Je ne veux pas faire un tribunal matrimonial déguisé avec cet article, soyez sans inquiétude.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dupré: Je voudrais juste que le député de Fabre nous explique un peu plus de quelle manière cela va favoriser l'anglophone par rapport au francophone.

M. Gratton: M. le Président, je ne comprends pas trop bien une question et une réponse entre deux députés au pouvoir.

M. Dupré: Est-ce que je peux l'adresser au ministre?

Le Président (M. Gagnon): Habituellement, M. le député de Saint-Hyacinthe, les questions s'adressent au

ministre.

M. Dupré: Je comprends, mais je veux avoir des explications sur la déclaration qu'il vient de faire.

M. Gratton: Faites comme nous quand le député ne répond pas.

Une voix: Mais c'est l'adjoint parlementaire!

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Dupré: Cela me surprend que vous vous opposiez à cela, si je n'ai pas de réponse suffisante.

M. Gratton: Je ne m'oppose pas à cela.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Saint-Hyacinthe, est-ce que vous pourriez répéter votre question pour le ministre?

M. Dupré: Je voudrais savoir, avec plus de détails, de quelle manière cela favorise les anglophones par rapport aux francophones.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Laurin: Je dis simplement ce que je disais au début. Pour une décision comme celle-là, pour ne pas provoquer des conflits inutiles, il me semble préférable que le père et la mère s'entendent en ce qui concerne la demande qu'ils doivent faire.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Fabre.

M. Gratton: Êtes-vous satisfait, M. le député?

M. Leduc (Fabre): Prenons l'hypothèse où la mère veut envoyer l'enfant à l'école française alors que le père veut l'envoyer à l'école anglaise; selon l'hypothèse du député d'Argenteuil, c'est le père qui aurait raison; le père qui veut envoyer l'enfant à l'école anglaise aurait raison.

Des voix: Bien non.

M. Leduc (Fabre): Bien oui, puisque c'est "ou". L'amendement remplace "et" par "ou". Donc, le père, qui veut envoyer l'enfant à l'école anglaise, aurait raison sur la mère qui veut envoyer l'enfant à l'école française. Si ce n'est pas cela, il faudrait que le député d'Argenteuil nous l'explique. Mais le "ou" dit que c'est un ou l'autre.

M. Gratton: Mais si c'est la mère qui fait la demande d'inscription...

M. Leduc (Fabre): Non, je m'excuse, il faut lire la phrase au complet. "Peuvent recevoir l'enseignement en anglais, à la demande de leur père ou de leur mère." Si on acceptait l'amendement du député, cela veut dire que, si le père veut envoyer l'enfant à l'école anglaise, il décide. C'est donc la personne qui décide d'envoyer l'enfant à l'école anglaise qui a raison. Dans l'hypothèse évoquée, ce serait le père; et la mère, qui veut envoyer le même enfant à l'école française, aurait tort. C'est comme cela qu'il faut comprendre l'amendement. Donc, dans ce sens-là, cela favorise l'école anglaise.

Le Président (M. Gagnon): Le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, je trouve que l'on donne à ces deux lignes-là un contenu qui va bien au-delà de ce qu'il faut raisonnablement envisager. L'article 73 est déjà rempli de sauvegardes de toutes sortes. On en a vu, d'ailleurs, les résultats, à l'aide des statistiques publiées sur l'admission à l'école anglaise depuis cinq ans. C'est un article qui vise à ce que les problèmes soumis à l'attention des personnes désignées par le ministre pour vérifier l'admissibilité des enfants à l'enseignement en anglais, autant que de la commission d'appel, se règlent de la manière la plus objective possible par la vérification d'un certificat d'études.

Alors, cette démarche-ci, qui est inscrite au début, est surtout administrative. On vous dit: Pour une fois, simplifiez-la donc au maximum, ne prenez donc pas le risque d'imposer des difficultés administratives inutiles qui pourraient même être coûteuses aux parents de ces enfants. C'est tout ce que cela veut dire. Cela ne leur donne pas de pouvoir spécial.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: M. le Président, nous sommes bloqués sur deux conjonctions: la conjonction "et" et la conjonction "ou". L'argumentation du ministre et de son adjoint parlementaire, il me semble, devrait porter plutôt sur la conjonction "ou" qui se trouve dans le sous-alinéa a: les enfants dont le père ou la mère a reçu au Québec l'enseignement primaire en anglais. Là, il est vrai que cela favorise, en un sens, l'école anglaise. Dans les cas où il y a un parent qui a fait une partie de son école primaire en anglais, alors que l'autre parent a fait son école primaire en français, cela permet à cette famille-là de se prévaloir des droits de l'école anglaise. Alors, cette conjonction-là, dans ce sous-alinéa a, on peut dire qu'elle favorise l'école anglaise.

Mais l'autre conjonction, la première, celle qui est à la deuxième ligne, "à la demande de leur père et de leur mère", il faut vraiment se torturer les méninges pour voir que là on favorise l'école anglaise, parce qu'il s'agit de la demande.

Une voix: Ils ont du "fun".

M. de Bellefeuille: II s'agit de la demande. Il ne s'agit pas des critères pour savoir si les gens ont droit à l'école anglaise; il s'agit de la demande.

Une voix: C'est cela.

M. de Bellefeuille: Alors, là, vraiment, je pense qu'on bloque pour rien. Si vous voulez favoriser l'école française, mettez le "et": le père et la mère, dans le sous-alinéa a. Là, vous allez favoriser l'école française.

M. Gratton: Parfait, mais...

M. de Bellefeuille: Mais, pour la demande, non.

M. Gratton: ...pas tout de suite. M. de Bellefeuille: Vraiment!

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): M. le Président, il me semble qu'une demande - c'est clair, je pense qu'on s'entend, ce n'est pas nécessaire de sortir le dictionnaire - doit être faite par les deux, par les parents. Le "et" en fait une condition, M. le député, et c'est dans ce sens-là qu'il m'apparaît que ce n'est pas pour rien que le député veut introduire son amendement. Si c'était une simple formalité, je pense que l'amendement n'aurait pas vu le jour.

Le Président (M. Gagnon): Le député d'Argenteuil. (21 h 30)

M. Ryan: Je voudrais simplement vous rappeler que, dans les rapports habituels de la famille avec l'école, on se contente toujours de la signature ou de l'intervention de l'un des deux parents. Si un billet est signé au nom de l'enfant, on ne demandera pas, si le père l'a signé, que la mère le signe aussi.

M. Gratton: Jamais.

M. Ryan: On comprend l'expression de la volonté de l'un, de l'opinion de l'un comme la réalité; cela règle le problème. On ne vient pas faire d'enquête sur les relations entre le père et la mère. C'est quelque chose d'exceptionnel et de discrétionnaire ici, qu'on tient à porter à votre attention. Cela a l'air curieux. M. le député de Deux-Montagnes, vous aviez raison de dire que, quand le ministre s'oppose à cela, il s'y oppose pour rien. Nous demandons une amélioration qui a son importance.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre. Après quoi, comme on a fait le tour de la table, on devrait demander le vote.

M. Laurin: Je voudrais rappeler que, dans le paragraphe a, s'il y a le mot "ou", c'est parce que c'est un fait vérifiable. Qu'un père ou une mère ait fait ses études à une école anglaise ou non anglaise, c'est un fait qui est vérifiable, alors que ce que le député d'Argenteuil veut modifier concerne la demande, comme le disait le député de Fabre. C'est une question d'autorité; qui détient l'autorité, en somme? Dans l'économie de notre droit civil, chacun des deux parents détient l'autorité d'une façon égale. S'il y a un désaccord entre les deux parents, les deux parents peuvent toujours s'adresser aux tribunaux pour savoir, selon le tribunal, qui a préséance sur l'autre. Dans l'économie de notre droit civil, le père et la mère excercent tous les deux l'autorité à un titre égal et c'est précisément à cause de cela, pour respecter cette économie de notre droit civil, que nous avons demandé que la décision soit conjointe.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Est-ce que cela veut dire, pour reprendre l'expression du ministre, que dans l'économie de notre droit civil, en toute matière prévue par nos lois, un des deux parents ne peut agir au nom des deux en aucune circonstance? Cela me paraît tout à fait absurde.

Le Président (M. Gagnon): Je pense qu'on a fait le tour de la table et qu'il serait temps de demander le vote sur la motion de sous-amendement du député d'Argenteuil. Je demanderais au député d'Argenteuil de relire cette motion d'amendement.

M. Ryan: Vous n'abusez aucunement de nous en demandant le vote maintenant.

Le Président (M. Gagnon): M. le député d'Argenteuil, voulez-vous relire cette motion, s'il vous plaît?

M. Ryan: Que, à la deuxième ligne de l'article 73, après les mots "à la demande de leur père", le mot "et" soit remplacé par le mot "ou".

Le Président (M. Gagnon): Merci. Est-ce que cette motion sera adoptée?

M. Gratton: Vote nominal.

Le Président (M. Gagnon): Vote nominal.

M. le député de Nelligan?

M. le député de Saint-Hyacinthe?

M. Dupré: Contre.

Le Président (M. Gagnon): Contre. M. le député de Deux-Montagnes?

M. de Bellefeuille: Pour.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Bourget?

M. Laurin: Contre.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Mercier?

M. le député de Gatineau?

M. Gratton: Pour.

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Dorion?

M. le député de Bourassa?

M. Laplante: Contre.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Fabre?

M. Leduc (Fabre): Contre.

Le Président (M. Gagnon): M. le député d'Argenteuil?

M. Ryan: Pour.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Laporte?

M. Bourbeau: Favorable.

Le Président (M. Gagnon): Encore une fois, le président va devoir voter.

Des voix: C'est 4-3.

Des voix: Non, 4-4.

Le Président (M. Gagnon): C'est 4-4, avec le vote du député de Deux-Montagnes. Donc, le président va voter contre.

M. Gratton: Le contraire m'aurait surpris.

Une voix: C'est épouvantable, cette partisanerie! C'est effrayant! C'est honteux!

M. Bourbeau: C'est une victoire morale pour nous.

M. de Bellefeuille: C'est une question qu'on tranche à son mérite, quoi, comme on peut. C'est, d'ailleurs, le président qui va la trancher.

M. Gratton: C'est déjà fait.

M. de Bellefeuille: II l'a tranchée comment?

M. Gratton: Comme ce matin, il est toujours du même bord.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Gatineau, je n'accepterai pas cela. Je ne veux pas que vous fassiez allusion à ce matin; ce matin, j'ai fait mon travail au meilleur de ma connaissance, comme je l'ai toujours fait.

M. Gratton: Oui, vous avez voté du côté du gouvernement.

Le Président (M. Gagnon): Actuellement, je suis obligé de voter - je n'aime pas voter en commission parlementaire - suivant ma conscience.

M. Gratton: M. le Président, vous n'êtes pas obligé de vous justifier de voter avec le gouvernement; le contraire me surprendrait.

Le Président (M. Gagnon): Je ne me justifie pas; je réponds simplement à la remarque que vous venez de faire; vous l'avez faite plusieurs fois, d'ailleurs.

M. Gratton: Oui, mais vous votez toujours du côté du gouvernement, il faut bien que je fasse la même remarque.

M. le Président, pourrais-je soulever une question de règlement?

Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le député.

M. Gratton: Ce n'est pas une question de règlement, mais simplement une observation. Le gouvernement aurait avantage à demander à certains de ses députés d'être présents ici à la commission parlementaire. On dit que c'est très important, la loi 101, pour le parti au pouvoir. Il me semble que celui-ci devrait s'assurer qu'il a suffisamment de députés ici à la commission pour ne pas avoir à recourir au vote du président pour trancher les questions.

Le Président (M. Gagnon): Effectivement, j'accepte votre remarque parce que c'est un fait que présider et être obligé de trancher la question, ce n'est pas

facile. Si les députés étaient plus nombreux, je ne serais pas obligé de voter.

On revient à l'article 11.1. Est-ce qu'il est adopté?

M. Gratton: Non, non, M. le Président.

M. Ryan: Non, il y a beaucoup d'amendements.

Le Président (M. Gagnon): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Oui, j'ai un amendement à proposer à l'alinéa a, que je communiquerai tantôt. Je vais d'abord exposer le problème.

En vertu du changement qui est proposé dans le projet 57, de la dernière version des amendements que nous avons reçue hier, comme le ministre l'a expliqué tantôt, l'article 73, alinéa a, se lirait comme suit: "les enfants dont le père ou la mère a reçu un enseignement primaire en anglais au Québec, pourvu que cet enseignement constitue la majeure partie de l'enseignement primaire reçu au Québec".

Je voudrais, tout de suite, prévenir le ministre que la dernière partie qui a été ajoutée par le gouvernement dans la toute dernière forme que revêt l'amendement ne pose pas de difficulté spéciale pour nous. Ce n'est pas l'idéal dans la conception que nous nous faisons de ces choses, mais mieux vaut qu'une personne ayant reçu la majeure partie de son enseignement primaire en anglais puisse envoyer son enfant à l'école anglaise que le régime actuel en vertu duquel un parent pourrait avoir fréquenté l'école anglaise pendant cinq ans, l'école française pendant un an et se voir empêché, en raison des interprétations qui ont eu cours depuis l'institution de la loi 101, d'envoyer ses enfants à l'école anglaise. Par conséquent, de ce point de vue, cela ne pose pas de problème majeur pour nous et ce sont des modifications pour lesquelles nous serons heureux de voter tantôt.

Cet article pose un problème beaucoup plus grave, beaucoup plus fondamental qui requiert, de notre part, un amendement que vous comprendrez facilement. L'article, tel qu'il est modifié par le gouvernement, maintient, à toutes fins utiles, la "clause Québec" en ce qui touche les critères objectifs d'admissibilité à l'école anglaise. Ce que je dis se relie à d'autres modifications proposées plus loin, mais je pense que le débat doit être fait maintenant. Nous avons demandé, depuis des années, que des modifications soient apportées à la loi 101, non pas des modifications dont l'application relèverait uniquement du bon plaisir réglementaire du prince, mais des modifications qui seraient inscrites dans le texte objectif de la loi et qui garantiraient l'accès à l'école anglaise pour les enfants de parents ayant reçu leur formation primaire en anglais au Québec ou dans une autre province canadienne.

Nous demandons ce changement pour de très nombreuses raisons que moi personnellement et d'autres de mes collègues avons eu l'occasion d'énoncer lors du débat de deuxième lecture sur le projet de loi. Je pense qu'il faut les reprendre ici parce que, dans le débat de deuxième lecture, nous devions nécessairement nous attaquer à l'ensemble du projet de loi et ce n'était pas possible d'aller dans des considérations plus détaillées qui s'imposent quand on veut justifier une chose comme celle-là.

Le député de Bourassa est parti. J'essayais de l'endormir. Il disait tantôt qu'il aimait écouter le ministre et le député d'Argenteuil parce que cela facilite son sommeil.

Une voix: On va l'envoyer chercher pour le vote.

M. Ryan: L'expérience des cinq dernières années, M. le Président, a montré, au dire des démographes qui sont les conseillers du gouvernement, que l'application de la loi 101 a donné lieu à une réduction importante des effectifs de l'école anglaise et à une augmentation substantielle des effectifs de l'école française au Québec. Les projections les plus sérieuses établies tant par les démographes du gouvernement que par les autorités du Conseil scolaire de l'île de Montréal...

M. Dupré: Voilà! Il nous a entendus à travers les portes.

M. Ryan: On avait besoin d'une caisse de résonance sympathique.

Le Président (M. Gagnon): M. le député d'Argenteuil, vous avez toujours la parole.

M. Ryan: Merci. L'expérience des cinq dernières années a montré, en très grande partie en raison de l'impact de la loi 101, que le pourcentage des enfants inscrits aux écoles françaises a augmenté considérablement au Québec, tandis que celui des enfants qui sont inscrits aux écoles anglaises a diminué très sensiblement. Cette modification de la situation est particulièrement marquée au niveau élémentaire, au niveau primaire et moins marquée au niveau secondaire pour des raisons que vous comprendrez facilement: la loi 101 n'a pas eu d'impact sur les enfants qui sont aujourd'hui au niveau secondaire; elle en aura au cours des prochaines années. La loi 101 a eu de l'impact sur les enfants qui sont encore au niveau primaire. Elle est en application depuis six ans.

Les démographes prévoient qu'au cours

des cinq prochaines années, si rien ne change, le pourcentage des enfants inscrits aux écoles françaises sera considérablement supérieur au pourcentage des francophones dans l'ensemble de la population du Québec. Vice versa, par conséquent, le pourcentage des enfants inscrits aux écoles anglaises continuera de diminuer. Il faut trouver une ligne de démarcation raisonnable quelque part. Comme nous vivons dans un pays qui s'appelle le Canada, pays à propos duquel les citoyens du Québec ont eu l'occasion d'exprimer leur opinion à l'occasion du référendum sur l'avenir constitutionnel tenu le 20 mai 1980, il nous semble absolument raisonnable qu'à l'intérieur de ce pays les enfants qui parlent l'une des deux langues officielles du pays, si elle est minoritaire dans une province donnée, puissent avoir accès à l'enseignement public dans leur langue. Il nous semble que c'est une conséquence qui découle logiquement de la décision qui a été prise par le peuple québécois en mai 1980...

M. Dupré: Le 20 mai.

M. Ryan: Le 20 mai 1980, oui, oui. Je l'ai mentionnée tantôt, je ne voulais pas répéter la date. Donc, cette décision devrait valoir tant que nous sommes dans le régime fédéral canadien.

Une autre raison qui plaide dans ce sens, c'est que, même si, à l'Assemblée nationale, pour des raisons qui étaient très valables par ailleurs, nous nous sommes opposés à la manière dont a été adoptée la charte constitutionnelle canadienne.

Merci. Là, je vais parler avec confiance.

Le Président (M. Gagnon): Si vous voulez prendre le vote tout de suite, je vote avec vous.

M. Ryan: Nous avons dans la charte constitutionnelle canadienne une disposition garantissant que, partout au Canada, "les citoyens canadiens qui ont reçu leur instruction, au niveau primaire, en français ou en anglais au Canada et qui résident dans une province où la langue dans laquelle ils ont reçu cette instruction est celle de la minorité francophone ou anglophone de la province ont, dans l'un ou l'autre cas, le droit d'y faire instruire leurs enfants, aux niveaux primaire et secondaire, dans cette langue."

Ce critère est étroitement emprunté au critère de la fréquentation scolaire des parents. À cet égard, il est excellent et je pense qu'il traduit assez bien... Laissons faire les autres parties de l'article 23 de la charte constitutionnelle qui peuvent donner lieu à un débat. Cela fait partie de la loi fondamentale du pays.

J'entendais le premier ministre du Québec me répondre ce matin à l'Assemblée nationale: Vous vous occupez trop de la forme; occupez-vous donc un peu plus du fond. Dieu sait que c'est exactement l'argument qui a été employé par Ottawa, par le gouvernement fédéral, pour justifier la manière dont il a procédé dans cette chose-ci. Que de fois ne m'a-t-on point dit: Ne vous inquiétez pas, sur le fond, vous êtes d'accord avec ceci; ne vous occupez pas de la forme, c'est secondaire. Je disais dans ce temps-là au gouvernement fédéral et je le dis aujourd'hui au premier ministre du Québec, à propos d'une autre question: La forme est parfois aussi importante que le fond parce que, dans la forme qu'on choisit d'adopter pour faire cheminer une décision, il y a souvent des principes très importants impliqués. (21 h 45)

Je ferme la parenthèse là-dessus et je reviens à notre thème. Le rapport que le démographe - je pense que son nom est Michel Paillé - a soumis au gouvernement sur l'impact éventuel de l'adoption de la "clause Canada" a établi très clairement qu'il n'y a aucune espèce de danger de ce côté-là, mais il a fait une réserve. Il a dit que, dans le cas de l'Outaouais, il pourrait y avoir un danger. Le cas de l'Outaouais - le député de Gatineau le connaît mieux que moi - je crois qu'on pourrait considérer que c'est un cas particulier qu'il conviendrait au moins de discuter de manière détaillée. Il y a des données démographiques qui justifient une considération particulière. Cela pourrait être examiné dans un climat serein et constructif.

Mais, pour le reste du Québec, je dis au gouvernement qu'on est en pleine situation d'abus de pouvoir avec une clause comme celle qu'on veut maintenir après tout ce qui s'est fait au cours des cinq dernières années, après les meilleurs enseignements reçus des responsables du système scolaire, tant à Montréal qu'au niveau québécois, tant au niveau des démographes qui sont à l'emploi officiel du gouvernement qu'à celui de ceux qui, comme Jacques Henripin, par exemple, parlent en professionnels indépendants du gouvernement. Il me semble qu'il y a une question de noblesse également.

Je sais qu'un peu plus tard on nous parlera de réciprocité. Nous ferons le débat sur la réciprocité à propos de l'article 15 du projet de loi. Je ne pense pas que ce soit le moment de le faire, mais je vous préviens, M. le Président, que je vous soumettrai tantôt un amendement. Je pense même que je vais vous le soumettre tout de suite.

Le Président (M. Gagnon): Allez donc, M. le député.

M. Ryan: L'amendement se lirait comme suit. Je vais vous le lire. Ensuite, je

vais vous communiquer le feuillet: "Qu'à l'alinéa a de l'article 73... J'espère que le ministre ne me regardait pas parce que j'avais la charte canadienne dans les mains et non la charte québécoise. Je ne voudrais pas qu'il interprète cela comme une espèce d'aveu freudien de quoi que ce soit.

M. Godin: C'est déjà fait.

M. Ryan: Je la tiens toujours près de moi, parce que c'est un document...

M. Dupré: On vous l'a envoyée par la poste parce que vous n'étiez pas là.

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre! À l'ordre! M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Cela fait partie de mon dossier sur la langue. Je pense que c'est normal. Qu'à l'alinéa a de l'article 73 les mots "ou dans une autre province canadienne" soient ajoutés après les mots "au Québec", à la troisième ligne.

M. de Bellefeuille: M. le Président, c'est à l'article 73 tel qu'édicté par l'article 11.1, n'est-ce pas?

M. Ryan: Exactement. Je pense que nous sommes en plein dans le sujet.

Le Président (M. Gagnon): Y aurait-il moyen de lire le nouvel article tel qu'amendé?

M. Ryan: Oui. "L'article 73 de cette charte est modifié par le remplacement des paragraphes a et b par les suivants: "a Les enfants dont le père ou la mère a reçu un enseignement primaire en anglais au Québec ou dans une autre province canadienne, pourvu que cet enseignement constitue la majeure partie de l'enseignement primaire reçu au Québec ou dans une autre province canadienne." Il faudrait ajouter cela à ce moment-ci parce qu'autrement cela n'aurait pas de sens.

M. Dupré: Cela ressemble à la "clause Canada".

M. Ryan: C'est ce qu'on veut, exactement. Je viens de parler depuis un quart d'heure en faveur de la "clause Canada". J'espère que le député de Saint-Hyacinthe...

Une voix: On n'était pas sûr.

Une voix: II n'a pas compris.

M. Ryan: ...ne sera pas surpris qu'on ait trouvé le moyen de l'incorporer dans un amendement qui nous paraît tout à fait raisonnable. Avez-vous objection à ce que les deux mots que j'ajouterais à la fin soient dans la même proposition d'amendement ou si vous voulez que j'en fasse un autre amendement?

Une voix: Les deux mots?

M. Ryan: "Ou dans une autre province canadienne", à la fin également. Je pense que cela devrait aller dans la même proposition d'amendement. Avez-vous une objection?

M. de Bellefeuille: Les six mots.

M. Ryan: Six mots déjà. Cela va vite. Dans les deux cas, les mots "au Québec" seraient suivis des mots "ou dans une autre province canadienne", à la ligne trois et à la ligne six.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Laurin: M. le Président, je ne peux pas dire que je suis très étonné de l'amendement que présente le député d'Argenteuil. Je l'attendais depuis longtemps. Ce n'est pas seulement d'aujourd'hui qu'il l'annonce, mais il nous l'annonce depuis plusieurs années.

Il invoque, évidemment, le fait que le Québec fait partie de la Confédération canadienne et que, le 20 mai dernier, la population du Québec a signifié sa volonté de rester dans la fédération canadienne. Mais, même si le Québec a manifesté son intention de rester dans la fédération canadienne, il demeure, cependant, que les Québécois, dans leur majorité, en tout cas francophone, ont toujours l'impression, pour ne pas dire la certitude, d'être non seulement un peuple fondateur, mais un peuple qui, concentré au Québec a son identité, son sentiment d'appartenance, forme une société avec ses valeurs, sa langue, sa culture, son mode d'organisation sociale particulier et entend bien garder, préserver, cultiver, promouvoir, développer cette identité, cette culture.

Je rappelle aussi au député d'Argenteuil que c'est dans ce même Canada qu'en 1966, 1967, 1968, 1969 les Québécois, du moins les Québécois francophones, non seulement voyaient leur situation linguistique se détériorer en général au Québec et en particulier à Montréal, mais voyaient en même temps le pourcentage des gens inscrits à l'école anglaise augmenter d'une façon très rapide, du fait que cette école anglaise intégrait à 85% ou à 90% tous les nouveaux arrivants, qu'ils viennent des autres pays ou qu'ils viennent des autres provinces, même si une bonne partie de ces immigrants n'appartenait pas à des peuples anglophones comme les Américains, les Britanniques, les

Australiens ou les Néo-Zélandais. C'était l'époque où nous voyions les enfants de familles italiennes, grecques, turques - je pourrais continuer toute la nomenclature -s'intégrer à l'école anglaise, parce que le Canada était majoritairement anglophone, parce que le pouvoir fédéral, par sa bureaucratie, en tout cas, sa fonction publique, était très majoritairement anglophone et privilégiait d'une façon marquée la culture anglophone. C'est l'époque où l'on voyait, par exemple, que les élèves inscrits dans les écoles de la commission des écoles protestantes du Grand-Montréal étaient non anglophones en majorité. C'est même encore vrai aujourd'hui, puisque les dernières statistiques révèlent que, dans les écoles anglo-protestantes, la proportion d'anglophones est minoritaire par rapport aux enfants d'allégeance allophone.

C'est à l'époque, justement, où l'on voyait cette situation s'aggraver, empirer au fil des années que les francophones, en tout cas, ont réagi avec fierté en même temps qu'avec angoisse et ont senti le besoin d'améliorer leur situation linguistique par voie législative. Dans un premier essai, on a eu la loi 63 qui était loin de corriger la situation. Il y a eu ensuite la loi 22 qui était pleine de bonnes intentions, mais qui, en raison du critère qui avait été choisi, s'est avérée inapplicable et odieuse du fait qu'elle recourait à des tests qui étaient administrés aux enfants. Lorsque le Parti québécois est arrivé au pouvoir, évidemment, nous avons véritablement redressé la situation et nous avons fait en sorte que tous les nouveaux arrivants au Québec intègrent l'école de la majorité. Depuis ce temps, effectivement, la situation s'est redressée, puisque nous voyons maintenant que 67% des nouveaux arrivants allophones ont intégré l'école française, ce qui est tout à fait normal. Même aujourd'hui, on peut dire que, malgré le déclin qu'a signalé le député d'Argenteuil, la proportion d'anglophones dans les écoles anglaises est encore supérieure à la proportion d'anglophones d'origine dans les écoles anglaises du Québec. On peut donc dire que, même avec la loi 101, après six ans d'application, nous n'avons pas encore réussi à redresser, à normaliser la situation et que, même aujourd'hui, la société anglophone en tant que telle continue d'avoir un statut supérieur à celui que lui mériteraient ses effectifs.

Le député d'Argenteuil a fait grand état de l'amélioration qui s'est effectuée au fil des années. C'est sûr que la situation s'est améliorée. Mais il a fait aussi état des pertes considérables, sérieuses, qu'a subies l'école anglophone au Québec, particulièrement à Montréal. Il a répété, après bien d'autres députés de son parti, que nous avons assisté, à Montréal, dans les écoles anglophones, à une véritable saignée. Il rappelle les statistiques probablement qui nous ont été apportées à la commission parlementaire, où la Fédération des commissions scolaires protestantes, ainsi que la Commission des écoles protestantes du Grand-Montréal ont dit qu'au cours des dernières années les effectifs des écoles anglaises ont baissé d'une façon beaucoup plus considérable que ceux des écoles françaises. À l'époque, j'ai ramené dans une juste perspective ces diminutions respectives et j'ai fait valoir que l'écart dans les clientèles des écoles francophones et anglophones n'était pas aussi considérable qu'on l'avait manifesté, m'appuyant en cela sur une étude statistique, basée sur les chiffres réels, qui avait été faite par le service de démographie de la Commission des écoles catholiques de Montréal.

Je veux bien admettre, cependant, qu'il y a eu une réduction sérieuse des effectifs dans les écoles anglaises de Montréal. Le député d'Argenteuil l'attribue, je l'écoutais, en grande partie à la loi 101. Je ne crois pas que ce soit juste d'attribuer principalement à ce facteur une réduction aussi substantielle d'effectifs. Je pense qu'on peut s'appuyer sur toutes les analyses qui ont été faites depuis cinq ou six ans et affirmer que, si les effectifs des écoles anglaises ont diminué tellement considérablement au cours des quatre ou cinq dernières années, c'est dû à un très grand nombre de facteurs. D'abord, l'arrivée du Parti québécois au pouvoir avec la réputation qu'avait le Parti québécois, avec la peur que cela inspirait à une grande partie de la population anglophone qui ne connaissait pas vraiment le Parti québécois et qui manifestait à son égard des appréhensions extrêmes. Il y avait, en même temps, la peur de la population anglophone vis-à-vis d'un Parti québécois qui avait inscrit à son programme l'indépendance du Québec. Comme on sait que la quasi-totalité de la population anglophone du Québec résiste beaucoup à cette idée d'indépendance, n'en voit pas les avantages et exagère ses inconvénients, il ne fait pas de doute que l'arrivée au pouvoir de ce parti, en 1976, et la réélection de ce parti en 1981 ont accru fortement les appréhensions, les craintes que le Québec, avec le Parti québécois au pouvoir, réalisât son indépendance. Plusieurs anglophones - les journaux ont été pleins de ces témoignages - en ont tiré la conclusion qu'il valait mieux pour eux ne pas rester au Québec; ils ne voulaient pas s'y acclimater, ils ne voulaient pas apprendre la langue de la majorité et ils préféraient, pour des fins de facilité, pour des fins de confort, déménager leurs pénates dans une autre province unilingue anglaise où ils n'auraient aucune de ces difficultés d'adaptation qu'ils auraient à connaître au Québec dont la

destinée avait changé. (22 heures)

II y a eu un autre facteur que tous les journaux ont mentionné aussi, c'est la crise économique ou la récession économique que nous avons connue et qui a pu amener, comme cela arrive chaque fois que le Québec connaît des périodes difficiles sur le plan économique, plusieurs anglophones, beaucoup plus mobiles du fait qu'ils se sentent à l'aise d'un océan à l'autre, à tenter leur chance ailleurs dans une autre province.

Il y a eu enfin, un dernier facteur qui est celui de la diminution de la natalité dans la population anglophone aussi bien que dans la population francophone et ceci, d'ailleurs, compte pour une part assez importante de la réduction des effectifs. Je pense donc que, lorsque le député d'Argenteuil attribue principalement à la loi 101 la réduction des effectifs qu'ont connue les écoles anglaises, c'est là une exagération; c'est là centrer le débat sur un seul aspect, sur un seul élément, alors qu'on sait très bien qu'il y en a eu plusieurs.

Où en est-on maintenant? Je pense que les statistiques montrent, encore une fois, comme je l'ai dit tout à l'heure, que l'écart n'est pas aussi considérable et, d'autre part, que, si les effectifs des écoles anglophones ont diminué, c'est en raison de ces départs plus nombreux que d'habitude au cours des trois ou quatre dernières années, mais qui affaiblissent, évidemment, le pouvoir de la minorité anglophone d'envoyer des effectifs aussi nombreux qu'auparavant à ses écoles.

Il reste, cependant, que même actuellement on ne peut pas dire que la situation est complètement corrigée, qu'elle est complètement redressée. Si nous acceptions l'amendement du député d'Argenteuil, nous courrions le risque, assez rapidement au cours des années qui viennent, de voir les mêmes causes produire les mêmes effets. Et c'est, d'ailleurs, la raison pour laquelle le gouvernement fédéral a inclus dans sa charte cette "clause Canada" qui a pour but de redresser la situation dans le sens des intérêts de la majorité anglophone du pays et de la minorité anglophone du Québec.

Nous avons dit, à l'époque, que nous ne pouvions pas accepter cette "clause Canada" pour bien des raisons: d'abord, parce que c'est une entorse à la compétence exclusive du Québec en matière d'éducation; c'est également une entorse au droit qu'a ce peuple fondateur de déterminer ses orientations culturelles, de maintenir son sentiment d'appartenance à une culture qui est la sienne et qui a ses lettres de noblesse et ses lettres de grandeur. Et nous ne voulons pas, au Québec, revoir dans l'avenir ou même prendre la chance de revoir dans l'avenir les mêmes phénomènes que ceux que nous avons eu tant de peine à redresser.

Quant aux statistiques, avec tout le respect que j'ai pour M. Henripin, il reste que ses prévisions optimistes sont basées sur des facteurs ou sur des hypothèses qui peuvent très bien ne pas s'avérer exactes. Si, par exemple, comme M. Henripin le dit, la situation économique connaissait d'autres crises au Québec, il est possible que les anglophones se trouveraient à nouveau assez mobiles et iraient dans les autres provinces, alors que si, au contraire, le Québec continuait sa remontée économique, il est possible que ceci amènerait un afflux plus grand d'anglophones des autres provinces. Par ailleurs, je pense qu'il nous faut considérer également que la situation actuelle où les allophones s'intègrent - et ils commencent à en voir les avantages de plus en plus grands - en plus grand nombre dans les écoles francophones est à l'avantage des allophones aussi bien que des écoles francophones du Québec et je ne vois pas pourquoi nous renoncerions à cet avantage.

Par ailleurs, le député d'Argenteuil s'est bien gardé de citer dans la "clause Canada" un certain article 23 b) qui, lui, permettrait même aux citoyens du Québec d'envoyer pour quelque temps - une semaine ou deux semaines ou deux mois ou trois mois - leurs enfants à l'école anglaise dans une autre province, ce qui leur donnerait le droit d'y revenir et, cette fois, de s'inscrire à l'école anglaise. C'est un risque que nous ne voulons pas courir.

Enfin, je pense que le député d'Argenteuil ne s'est pas rendu compte que, dans son amendement, il va beaucoup plus loin que la "clause Canada" puisque, au moins, la "clause Canada" restreint le droit à l'école anglaise aux citoyens canadiens alors que, dans son amendement, le député d'Argenteuil ne mentionne en aucune façon cette limite ou cette caractéristique de la citoyenneté canadienne et donc, en conséquence, il ouvrirait l'accès à l'école anglaise à un nombre beaucoup plus grand de Canadiens ou d'immigrants que même la "clause Canada" de la Loi constitutionnelle fédérale ne l'autoriserait.

Pour toutes ces raisons, M. le Président, je ne peux pas accepter l'amendement de M. le député d'Argenteuil.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je pense qu'il s'impose de faire un certain nombre de mises au point à la suite de ce qu'a dit le ministre. D'abord, j'ai remarqué que, suivant sa tendance filandreuse bien connue...

M. Laurin: Cela allait bien. Pourquoi employer des expressions comme cela?

Une voix: Ce n'est pas gentil. Filandreuse: ce n'est pas parlementaire.

M. Ryan: C'est parfaitement parlementaire. C'est de l'analyse logique. Il a fait glisser le sens que j'ai dit.

M. Laurin: C'est une épithète.

M. Ryan: J'ai dit, en grande partie à cause de la loi 101, en grande partie. Ce peut être 35%, 40%, 60%. Vous traduisez et vous dites "principalement".

M. Laurin: Habituellement, c'est au moins 51%.

M. Ryan: II n'y a aucune définition du dictionnaire qui va justifier ça. Une chose que je pourrais vous dire, c'est qu'on pourrait décomposer les raisons qui expliquent le déclin de l'école anglaise...

M. Laurin: Vous n'aviez pas parlé des autres raisons. Les autres raisons, vous ne les aviez pas mentionnées.

M. Ryan: Bien au contraire, j'ai dit qu'il y en avait beaucoup d'autres qui ont été mentionnées par les démographes dont j'ai vu les études. Même si les démographes énumèrent dix raisons, les juxtaposent l'une à côté de l'autre, cela ne veut pas dire que l'une de ces raisons n'a pas eu beaucoup d'influence sur les autres également. On n'a pas d'études actuellement, M. le ministre, pour permettre de tirer quelque conclusion que ce soit. Il faut s'exprimer prudemment là-dedans. Quand j'en ai parlé, j'ai suivi de très près ce qui a été dit par les démographes qui ont examiné la situation, à savoir que le facteur de la loi 101, dans la mesure où il est vérifiable, est celui des facteurs qui a été le plus important. Cela étant dit, on peut passer à d'autres points.

Je voudrais corriger une chose que vous avez dite à maintes reprises à propos du glissement des effectifs scolaires dans l'île de Montréal. Cela fait plusieurs fois que j'entends le ministre affirmer que le même phénomène s'est à peu près produit tant du côté français que du côté anglais.

M. Godin: Quel ministre?

M. Ryan: Le ministre de l'Éducation.

M. Godin: En fait, moi aussi, j'ai dit ça.

M. Ryan: Cela fait bien des fois que j'entends le ministre faire cette affirmation et je la considère fausse. Et je vais en faire la démonstration à l'aide des données qui me sont fournies par le Conseil scolaire de l'île de Montréal.

Dans les données qui ont été colligées et publiées il y a quelque temps par le Conseil scolaire de l'île de Montréal résumant l'évolution des effectifs scolaires à Montréal pour la période de 1970 à 1982 et dressant ensuite des perspectives, des projections pour la période à venir, voici ce qu'on dit pour la période de 1976 à 1982: pendant cette période, les inscriptions aux écoles françaises sur l'île de Montréal, dans les commissions scolaires de l'île de Montréal, ont chuté de 87 242 à 70 460, soit une diminution de 19%, à peu près 16 782. Les inscriptions aux écoles anglaises ont chuté de 62 103 à 32 184, soit une chute de 29 919 ou 48%. 19% du côté francophone, 48% du côté anglophone au niveau primaire. C'est le seul dont on puisse parler sérieusement quand on parle de l'impact de la loi 101, c'est évident que si on prend les effectifs au niveau secondaire, la chute n'a pas été du même ordre pour une raison que j'ai donnée tantôt d'ailleurs. C'est que la loi 101 n'aura ses effets sur cette clientèle scolaire qu'au cours des cinq prochaines années. N'importe qui qui sait compter jusqu'à six ou sept doit se rendre compte de cette évidence. C'est pour cela que quand on regarde les chiffres au niveau secondaire, la différence est beaucoup moins grande et si on amalgame tous ces chiffres dans un même portrait uniforme, le pourcentage va encore diminuer. Ce qui est significatif, ce qui parle un langage clair, je pense que c'est l'évolution des données en ce qui touche le niveau primaire.

De ce côté, pour être bien sûr que ce soit clair, je voudrais citer quelques passages de l'étude qui a été faite pour le gouvernement par M. Michel Paillé, agent de recherche à la Direction des études et recherches au Conseil de la langue française. Je vais vous citer quelques extraits de cette étude, car tout le monde n'a pas eu l'occasion de la lire au complet: "Dans l'ensemble - c'est M. Paillé qui parle et non pas moi - l'importance relative du secteur francophone n'a cessé de décroître jusqu'à l'année scolaire 1976-1977."

Une voix: Une bonne annnée.

M. Ryan: De ce côté, le gouvernement peut revendiquer des mérites, que je lui accorderai volontiers d'ailleurs, "mais depuis la sanction de la Charte de la langue française, le secteur de l'enseignement de la langue française a régulièrement augmenté: de 83,4% qu'il était en 1976-1977, il accueillait l'an dernier (1982-1983) 87,5% des écoliers des réseaux public et privé subventionné". D'ailleurs, le ministre se souvient très bien que lors de l'étude des crédits, à la commission parlementaire de l'éducation, son ministère avait déposé des statistiques qui parlaient dans le même sens

et sur lesquelles, à l'époque, nous avions attiré son attention.

Le démographe Paillé continue: "Compte tenu des tendances observées depuis l'entrée en vigueur de la loi 101, l'avenir du français comme langue d'enseignement est nettement assuré. Tout au cours de la présente décennie et au début de la prochaine, l'importance relative du secteur francophone des réseaux public et privé subventionné continuera d'augmenter. D'année en année, de moins en moins d'écoliers sont reconnus admissibles à recevoir leur enseignement dans la langue de la minorité anglophone en vertu des modalités transitoires de la loi 101. Lorsque ces modalités transitoires seront périmées, comment se répartiront les effectifs etc."

On en vient à ceci: Si les choses continuent au rythme où nous sommes partis, les estimations du Conseil scolaire de l'île de Montréal, pour 1993-1994, prévoient une proportion d'écoliers à l'école française qui se situerait entre 91,1% et 91,8% dans l'île de Montréal, alors que la population, tout compte fait, est à peu près de deux tiers, un tiers au point de vue linguistique, en gros. C'est toujours ce qu'on a dit.

M. Laurin: Les allophones, ce ne sont pas des Anglais.

M. Ryan: Oui, mais depuis le début du siècle, c'est comme ça. M. le ministre, j'espère que vous n'allez pas juger de la langue d'une personne d'après son nom. Tantôt, je vous écoutais parler et les données que vous affirmiez se référaient à l'origine ethnique, finalement. Quand on regarde la langue véritablement parlée, il faut oublier le nom d'une personne, à un moment donné. Quand cela fait 15, 20 ou 50 ans qu'elle est passée dans une famille linguistique, on peut bien faire des poèmes et des élégies là-dessus, mais c'est un fait brutal.

M. Godin: À l'ordre, à l'ordre! Ne parlez pas en mal de la poésie ici.

M. Ryan: Très bien, je n'attaquais pas vos poèmes en particulier, M. le ministre, soyez bien rassuré.

M. Godin: Ce ne sont pas tellement les miens qui me préoccupent que la poésie dans son ensemble.

M. Ryan: Je pense qu'il faut quand même reconnaître qu'il y en a beaucoup plus que ceux qui portent un nom anglais, irlandais ou écossais qui sont des anglophones de facto, de fait, qu'on le veuille ou non. De ce point de vue, je pense que les proportions que nous annonce le démographe Michel Paillé vont bien au-delà de ce qu'on pouvait entrevoir au début même de l'application de la loi 101.

Il continue: La mise en oeuvre de la "clause Canada" - parce qu'il s'est prononcé là-dessus, ce qui m'a agréablement étonné -"L'élargissement du lieu des études primaires du père ou de la mère à l'ensemble du Canada plutôt qu'au Québec seulement ne compromettrait pas l'avenir du français comme langue d'enseignement au Québec. Même si une telle mesure modifiait vraisemblablement la répartition linguistique des immigrants en provenance des autres provinces canadiennes, la proportion des écoliers inscrits au secteur français d'enseignement ne retomberait sûrement pas au niveau antérieur à la Charte de la langue française. Il se pourrait même, qu'après une baisse de cette proportion, lors d'une première année d'application de la "clause Canada", on assiste ensuite à une augmentation" de la proportion des élèves de langue française, "quoique moins rapidement et jusqu'à un maximum moins élevé que si la "clause Québec" était maintenue intégralement."

Là, il fait son exception pour la région de l'Outaouais dont nous avons parlé tantôt et il ajoute que les prospectives que nous avons dressées invitent "à penser qu'un élargissement des modalités d'accès à l'enseignement en anglais pourrait éviter à la minorité anglophone une réduction trop forte des effectifs de ses écoles sans compromettre pour autant l'avenir du français comme langue d'enseignement."

Je ne sais pas quelle est la philosophie du gouvernement. J'ai assisté à une commission parlementaire avec le ministre ces jours derniers et le ministre se souviendra qu'une délégation, qui s'est présentée à la commission parlementaire, a félicité le ministre de l'Éducation...

Une voix: Tant mieux.

M. Ryan: ...de recourir abondamment à la consultation, mais elle lui a exprimé seulement une critique, c'est qu'il n'en tient à peu près jamais compte. (22 h 15)

Une voix: Ce devait être un libéral.

Une voix: Ce n'est pas vrai.

M. Ryan: C'était une délégation d'enseignants...

M. Gratton: Ce n'est pas fin mais c'est vrai.

M. Ryan: ...qui a d'ailleurs été écoutée avec beaucoup de courtoisie par le ministre. On doit lui donner son mérite de ce point de vue-là.

M. Gratton: II est patient.

M. Ryan: II écoute, mais il ne comprend pas. Il doit y avoir des motifs... Quand le gouvernement engage des experts, on paie les salaires de ces gens-là... Il y a des gens qui sont financés dans leurs travaux à même les fonds publics. Ils arrivent à des constatations, des conclusions dont je dois reconnaître qu'elles ont du bon sens.

Une voix: Merci.

M. Ryan: Ils aimeraient beaucoup qu'on en tienne compte quand on fait des modifications à la loi. Cela fait sept ans qu'on est sous ce régime-là. Les chiffres que j'ai évoqués tantôt en provenance du Conseil scolaire de l'île de Montréal établissent clairement qu'il y a un problème de réduction draconienne des effectifs de l'école anglaise qui constitue une menace pour la survie de cette communauté.

Je me dis qu'il me semble que rétablir un peu l'équilibre, tenir compte de la préférence politique profonde du peuple québécois telle qu'exprimée il y a peu de temps, il y a trois ans, je ne pense pas que cela mettrait en péril quoi que ce soit. Je pense que ce serait une oeuvre de justice et d'équité dans le domaine linguistique.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que la motion d'amendement du député d'Argenteuil est adoptée?

M. Dupré: J'ai demandé la parole.

Le Président (M. Gagnon): Sur l'amendement? M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dupré: Je voudrais que ce soit bien clair. Si j'ai bien compris vous dites après les mots "Québec et dans les autres provinces du Canada".

Le Président (M. Gagnon): Oui, canadiennes.

M. Dupré: Je ne sais pas si c'est une erreur de sa part ou s'il voulait exclure le Québec du Canada parce qu'il aurait fallu lire: "Un enseignement primaire en anglais au Canada." Cela aurait réglé le problème.

M. Ryan: C'est une question...

Le Président (M. Gagnon): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: ...de formulation, cela ne fera rien. J'aime mieux qu'on mette "au Québec d'abord"...

M. Dupré: Par votre formulation est-ce que vous excluez le Québec du Canada?

M. Ryan: Pas du tout. Ou dans une autre... Le mot "autre" est très important.

M. Dupré: C'est cela que je voudrais savoir dans un premier temps.

Le Président (M. Gagnon): Attention, il ne faudrait pas parler ensemble. On va laisser parler le député de Saint-Hyacinthe et vous pourrez y répondre.

M. Dupré: Lorsque vous parlez de la baisse de 42%...

Le Président (M. Gagnon): Je voulais vous faire remarquer ceci, M. le député de Saint-Hyacinthe. Si j'ai bien lu l'amendement proposé par le député d'Argenteuil, on dit "au Québec ou dans une autre province canadienne". C'est cela? Ce n'est pas "et" c'est "ou dans une autre province canadienne".

M. Dupré: M. le Président, lorsque le député d'Argenteuil parle des 42% ou 48%... Est-ce 42% ou 48%? Il me semble que j'ai entendu 42% si ma mémoire est bonne.

Une voix: C'est 48%.

M. Dupré: 48%, cela ne comprend pas seulement les anglophones mais les anglophones y compris les Italiens... C'est cela.

M. Ryan: Ce sont les effectifs... Je vais vous laisser finir et je répondrai après.

M. Dupré: Oui. Qui vont présentement à l'école anglaise. C'est cela? D'accord.

M. Ryan: M. le Président...

Le Président (M. Gagnon): M. le député d'Argenteuil, si vous me permettez, il y a quelques personnes qui m'ont demandé la parole. On pourrait peut-être répondre à...

M. Ryan: C'est une précision si vous me permettez, cela va éviter que je revienne tantôt.

Le Président (M. Gagnon): Cela va.

M. Ryan: Le ministre a dit que j'avais parlé de "père ou de mère" au lieu de "citoyen canadien". Je voudrais lui dire que s'il faisait un sous-amendement à mon amendement je l'accepterais volontiers. Il n'y aura pas de débat entre nous là-dessus.

Le Président (M. Gagnon): Cela va? M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: M. le Président, je serai très bref. Je tiens à dire toute ma satisfaction de constater que le ministre de l'Éducation et député de Bourget, connu auprès de la population québécoise comme le père de la Charte de la langue officielle du Québec, le français, manifeste une très ferme détermination à s'opposer irréductiblement à l'introduction de la "clause Canada" dans cette charte.

Le Président (M. Gagnon): Cela va? M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, je pense que le député de Deux-Montagnes a compris la même chose que moi. Je dirai cependant qu'on peut quand même, sinon s'en surprendre, tout au moins dire qu'on n'est pas d'accord avec le ministre. S'il n'y avait que les libéraux qui n'étaient pas d'accord avec le ministre, ce ne serait peut-être pas tellement significatif pour le ministre, pour le gouvernement, mais je pense qu'il est inutile de rappeler que parmi les organismes qui sont venus témoigner devant la commission parlementaire, une quarantaine se sont prononcés sur le sujet de l'accès à l'école anglaise et que parmi ces quarante il y en avait une bonne majorité - je pense que c'était 24 à 26 - qui favorisait la "clause Canada". Dans certains cas c'était un minimum.

Quand le ministre disait que la vaste majorité des francophones québécois n'est pas d'avis qu'on doive élargir la possibilité d'avoir accès à l'école anglaise, je ne sais où il prend ses renseignements. Il me semble que c'est extrêmement clair dans les sondages qui ont été publiés tout récemment, notamment celui de SORECOM effectué, je pense, en septembre ou octobre dernier. Ces sondages démontrent clairement que non seulement une majorité de francophones au Québec est favorable à la "clause Canada" mais que, quand on le décortique, même une majorité de Québécois francophones qui ont voté pour le Parti québécois à la dernière élection... Je pense que c'est 59% de ceux qui ont avoué - et pas toujours avec gaieté de coeur, en l'occurrence - avoir voté...

Une voix: Reconnu.

M. Gratton: Non, "avoué". Moi, je choisis mes mots. Je dis bien "avoué avoir voté pour le Parti québécois en 1981". 59% de ces gens-là se disent favorables à la "clause Canada". 62% de ceux qui avaient voté oui au référendum de mai 1980 - on peut présumer que les 60% qui ont voté non étaient d'accord - sont également d'accord avec la "clause Canada". Cela commence à faire pas mal de monde. Cela commence à faire, je pense, un portrait assez clair de ce que la population pense. On pourrait s'imaginer, si, dans le milieu familial du ministre, il y avait unanimité, on pourrait se dire: C'est parce qu'il reste trop près de sa famille, mais même le frère du ministre trouve que la "clause Canada", ce n'est pas assez et il parle même du libre choix, de la clause universelle. On va sûrement me rétorquer de l'autre côté: Oh oui, mais parmi les organismes qui sont venus dire cela, il y a les chambres de commerce, il y a les gens qui se préoccupent des viles choses économiques.

Une voix: Non, non!

M. Gratton: M. le Président, il y en avait effectivement parmi ceux-là mais il y avait également la CEQ, la Centrale de l'enseignement du Québec qui, dans son mémoire, nous disait, par exemple: Quant à nous, nous estimons que les droits que nous sommes disposés à reconnaître chez nous ne devraient pas être conditionnels à ce qui se passe ailleurs. Le droit à l'enseignement en langue anglaise ne constitue certes pas un droit fondamental de la personne humaine. Là où il est reconnu, il ne peut se définir qu'en tenant compte du contexte sociopolitique et démo-linguistique global de la société particulière au sein de laquelle il s'exerce. Il s'agit toutefois d'un droit très important et c'est à une minorité québécoise que nous le reconnaissons. Non seulement un tel droit ne doit-il pas faire l'objet d'aucun marchandage interprovincial, mais notre législation doit éviter toutes les apparences que telle puisse être la volonté du peuple québécois ou de son Assemblée nationale. Et la CEQ poursuit: Si toutefois nous avons l'intention d'étendre cette accessibilité aux enfants dont les parents ont fait leurs études primaires dans une autre province du Canada, qu'on le fasse sans marchandage et qu'on établisse cette accessibilité comme un droit. Compte tenu de ce que nous connaissons présentement de l'évolution de la situation relative du français comme langue d'enseignement au cours des dernières années, nous pensons qu'une telle extension ne mettrait pas en danger la communauté francophone dans un avenir prévisible. Et il me semble que... Le député d'Argenteuil en a fait la démonstration. Il aurait pu citer Richard Joy, Jacques Henripin, Michel Paillé et combien d'autres démographes. Bien sûr, on ne pourra pas citer Charles Castonguay, mais combien d'autres démographes sérieux ont fait la preuve que la "clause Canada" n'aurait aucune espèce d'impact, ne comporterait aucune espèce de danger du genre de celui qu'évoque le ministre comme épouvantail pour refuser d'accepter la "clause Canada". Je répéterai ce que je dis souvent, parce que malheureusement, j'ai l'impression qu'on doit répéter - le ministre est fort fidèle à sa cassette et il nous force à

utiliser les nôtres - que la seule justification qu'on puisse voir au refus du gouvernement d'accepter la "clause Canada", c'est évidemment que c'est incompatible avec son option fondamentale. Il se doit à tout prix de se faire imposer la "clause Canada" par la Cour suprême de façon à crier au viol...

Une voix: Ah non!

M. Gratton: Oui, oui. C'est déjà ce qu'on a fait depuis fort longtemps, ce qu'on entend continuer de faire et on préfère le faire. On préfère se faire...

Une voix: ...

M. Gratton: Que dit-il là?

Le Président (M. Gagnon): Vous avez la parole, M. le député.

M. Gratton: Oui, mais il me dérange, M. le Président, quand il me parle comme cela.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Gatineau, vous avez la parole.

M. Gratton: Oui, mais parce qu'on n'a pas les mêmes idées, cela ne veut pas dire qu'on doit être impoli l'un envers l'autre et s'interrompre.

Une voix: Ce n'est pas...

M. Gratton: Oui, vous m'interrompez quand je parle. Ce n'est pas gentil.

Une voix: Excusez-moi, excusez-moi!

M. Gratton: Ce n'est pas gentil. Ne le faites plus. M. le Président, je termine en disant tout simplement que le gouvernement est fidèle à lui-même. Je préférerais de loin, par exemple, qu'il nous dise clairement quelles sont ses intentions. On les connaît. Tout le monde les connaît finalement. Dans la population, vous ne bernez plus personne, M. le ministre. Tout le monde vous connaît pour ce que vous êtes, reconnaît quels sont vos objectifs et ne croit plus nécessairement aux entourloupettes dont vous entourez votre argumentation pour vous figer dans le ciment, dans le statu quo vis-à-vis de l'accès à l'école anglaise, ce que nous regrettons profondément, M. le Président.

Quant à nous, il nous a semblé - je remercie le député d'Argenteuil de l'avoir fait - essentiel d'inscrire notre volonté ferme de respecter la constitution canadienne, même si nous n'y avons pas participé, et nous pensons que ce serait là répondre au voeu d'une vaste majorité des citoyens québécois, même si on veut considérer exclusivement ceux qui sont de langue française, et que le gouvernement manque encore une fois le bateau en refusant l'amendement du député d'Argenteuil.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député de Gatineau. M. le député de Fabre, en vous faisant remarquer qu'un de mes voeux, comme président de commission parlementaire, ce serait qu'on puisse avancer. Nous sommes encore à l'article 11.1, le même article qu'on a entamé à 20 heures ce soir. M. le député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): M. le Président, je pense qu'il s'agit d'un amendement fort important.

Une voix: Absolument.

M. Leduc (Fabre): II faut prendre le temps d'en parler un peu.

Une voix: ...

M. Leduc (Fabre): Exactement. J'entendais le député de Gatineau nous dire: C'est parce que vous êtes indépendantistes, etc., que vous maintenez la "clause Québec", que vous refusez la "clause Canada". Je ne sais pas si le député de Gatineau connaît le Droit; sûrement qu'il le connaît ce journal qui vient de sa région.

M. de Bellefeuille: Son père en était d'ailleurs " le directeur. Aurèle Gratton en a été directeur.

M. Leduc (Fabre): Je ne pense pas que ce soit un député...

M. Gratton: Le député de Deux-Montagnes en a été un des chevronnés journalistes pendant un certain temps, jusqu'à ce qu'il s'égare je ne sais pas trop où.

M. Leduc (Fabre): Exactement.

M. de Bellefeuille: On est en pays de connaissance.

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! M. le député de Fabre, vous avez la parole.

M. Leduc (Fabre): Je ne pense pas que le journal soit reconnu comme un journal indépendantiste. Ce journal a écrit un article qui remonte au mois de novembre, le 23 novembre précisément, sous la plume d'Alain Dexter, qui s'intitulait "Parlons de réciprocité", où le journaliste s'oppose même à la clause ou à l'article que le gouvernement veut introduire comme amendement à la charte. Il s'y oppose non pas au nom de la "clause Canada", mais il s'y oppose, parce qu'il trouve que le

gouvernement du Québec va trop loin. Une voix: ...

M. Leduc (Fabre): Oui, c'est exactement ce qu'il dit. Le gouvernement du Québec est trop généreux, dit-il, dans les amendements qu'il veut introduire à la charte du français. Je ne citerai pas tout l'article, mais il y a un argument qui me frappe. Il me semble qu'on n'en tient pas suffisamment compte de l'autre côté. C'est précisément celui de la réciprocité. M. le député d'Argenteuil, il me semble que la question de la réciprocité est un élément important. Le journaliste nous rappelle qu'à l'extérieur du Québec, sauf au Nouveau-Brunswick - encore là, on peut en discuter -la minorité francophone n'a pas les mêmes services que le Québec offre à sa minorité anglophone. Seulement un simple paragraphe va nous situer: "En Ontario, il faut se battre pour obtenir une école française (Souvenez-vous des crises scolaires de Sturgeon Falls, de Cornwall, d'Essex, de Penetang, pour ne nommer que celles-là). Il faut aussi se battre pour conserver ses droits acquis en matière d'établissements scolaires (La présente crise scolaire de Sudbury constitue un bel exemple)." Tout l'article est bâti à partir d'exemples concrets qui démontrent que le Québec est extrêmement généreux à l'égard de sa minorité. (22 h 30)

Ce n'est pas nous, M. le Président, qui le disons, ce sont des Franco-Ontariens qui nous rappellent et qui vous rappellent également, en tant que Québécois, que vous avez une responsabilité aussi à l'égard de ces minorités. Dans cet article, il dit au gouvernement: N'allez pas trop loin. M. le député d'Argenteuil, sa générosité va jusqu'à vouloir introduire dans la charte la "clause Canada". Sans tenir compte de nos minorités, on veut ouvrir toutes les écoles - enfin, pas toutes les écoles - mais on veut ouvrir à tous les citoyens canadiens, à tout le moins, la possibilité de fréquenter les écoles anglaises au Québec. Alors, cela m'apparaît inacceptable et je ne comprends pas que le député d'Argenteuil n'ait pas parlé de cette situation.

Deuxième chose que je veux dire, M. le Président, c'est qu'il y a une étude quand même assez sérieuse qui a été faite, celle d'Albert Côté, économiste et démographe au Conseil scolaire de l'île de Montréal, qui nous rappelle, premièrement, que c'est la dénatalité qui constitue le premier facteur du déclin de la population anglophone du Québec. C'est vrai qu'en 1988 il nous rappelle - c'est vrai, il y a certains arguments que vous avez dits qui sont vrais - que le secteur scolaire anglophone aurait perdu 64% de sa clientèle de 1970. Mais, M. le député, les francophones auront perdu, eux, à la CECM, 44% de leur clientèle.

M. Côté ajoute: Les deux secteurs auront encaissé une perte de 51% de la clientèle par rapport à 1970, à cause de la baisse de la natalité, pas à cause de la loi 101. Et il nous rappelle ceci: En 1973 -donc, avant l'adoption de la loi 101 - quelle était la clientèle anglophone, qui fréquentait le secteur anglophone de la CECM? 12% de la clientèle parlait français à la maison, 20% l'anglais, 45% l'italien et 17% d'autres langues. Cela, c'était avant la loi 101. Voilà la composition du secteur anglophone. Et la loi 101 est en train de ramener cela à une proportion qui respecte la proportion des anglophones au Québec. Alors, il faudrait que le député soit plus convaincant s'il veut qu'on adopte la "clause Canada", en tout cas de notre côté; il me semble que, de son côté, il devrait tenir compte de ces arguments.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député de Fabre. M. le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration.

M. Godin: Oui, je pense qu'on peut effectivement donner des chiffres, comme l'a fait le député d'Argenteuil, comme je pourrais le faire moi-même, qui montrent...

M. Gratton: Le ministre l'a fait tantôt.

M. Godin: ...qu'il y a eu une baisse considérable de la fréquentation du secteur anglais. Par ailleurs, la baisse était considérable dans le secteur français avant la loi 101. La loi 101 a atteint son but, d'une part.

D'autre part, je pense que ce qui est en jeu et ce qui est en cause, ce n'est pas tellement des chiffres que des principes, qui sont dans le British North America Act qui a confié aux provinces, en 1867, après de longs débats qui se sont étalés sur deux ans, de 1865 à 1867... Et je ne suis pas sûr que les délégués de ce qu'on appelait à l'époque le Canada East - parce que le Québec n'existait plus - à cette conférence de Charlottetown, en 1865, suivie de celle de Québec en 1866, auraient accepté d'adhérer au BNA Act s'ils ne s'étaient pas vu confier la gestion de leur système scolaire. Ce qui est en cause, c'est que le système scolaire relève des provinces; c'est une compétence provinciale, c'est une compétence, en ce qui nous concerne, du peuple québécois. Et tout "infringement", pour employer un mot qui est familier aux mandarins fédéraux, toute brèche dans cette compétence du Québec serait un reniement, serait une trahison à l'égard des raisons qui ont fait adhérer le Québec, le Canada East de l'époque, de 1865-1867, au BNA Act. C'est pour cela que je m'étonne de voir un ardent défenseur de la constitution canadienne comme le député d'Argenteuil se

déguiser en anarchoconstitutionnaliste, avec son collègue de Gatineau. Littéralement, nous sommes devant deux anarcho-constitutionna-listes qui sont pour une sorte d'anarchie, qui disent que, à la faveur d'un coup de force perpétré par neuf provinces et un gouvernement fédéral contre le Québec en cette matière, nous devrions renoncer aux compétences provinciales uniquement parce que neuf provinces et un gouvernement central ont décidé que nous n'y avons plus droit, à cette compétence provinciale. C'est la raison pour laquelle nous refusons l'application de la "clause Canada" en cette matière au Québec.

Deuxièmement, je pense qu'il est important qu'il y ait un gouvernement quelque part dans le Canada qui se soucie des institutions des minorités francophones hors Québec. À ma connaissance, le gouvernement qui s'en soucie le plus et qui prend des moyens concrets pour parvenir à doter nos frères et soeurs des provinces anglaises, c'est le Québec et la réciprocité va dans ce sens. L'amendement proposé par mon collègue et parrainé par moi va dans ce sens. Tout ce que nous avons fait et dit depuis des années va dans ce sens. Nous voulons doter les minorités françaises hors Québec d'institutions. J'ai dit publiquement que les francophones du Manitoba étaient perdus à moins que cette minorité n'ait des institutions. À défaut de telles institutions, je crois que cela est perdu. Car il ne suffit pas de s'appeler Aubuchon au Manitoba pour survivre comme francophone. Il faut avoir des écoles, des services sociaux, des hôpitaux, des services en français; à défaut de quoi, je crois que la cause est perdue. Il restera, bien sûr, des héros méconnus, ignorés, méprisés de l'extérieur, des personnes qui continueront à parler français à la maison mais sans une masse critique de francophones dans une province anglaise, une masse critique qui s'accompagnera, grâce aux efforts du Québec, d'institutions, ces groupes sont perdus et c'est parce que nous savons qu'ils sont perdus que nous nous battons pour la réciprocité.

Il n'est pas question pour nous - ce n'est pas une question de faire de la politique avec cela - de renoncer premièrement, à la compétence exclusive des provinces en ces matières d'éducation; deuxièmement, il n'est pas question non plus de renoncer à nos efforts pour que soient dotées, dans ces provinces de plus en plus lointaines au plan affectif aussi bien que linguistique, ces communautés soeurs d'institutions. C'est le sens de la proposition de Saint. Andrews et c'est le sens de l'amendement qui est devant nos yeux. C'est la raison pour laquelle je voterai contre la proposition du député d'Argenteuil parce qu'elle va dans le sens de la renonciation au BNA Act. Elle va dans le sens d'un abandon de nos communautés francophones hors Québec.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je pense que j'éprouve l'obligation de répondre au ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration qui ne semble pas avoir compris la perspective exacte dans laquelle se situe...

Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'on peut vous demander d'approcher un peu votre micro, M. le député, si possible?

M. Ryan: ...l'amendement proposé. Il entendait s'inquiéter d'un délit d'anarcho-constitutionnalisme qui serait à la source de l'amendement que nous proposons. Je pense que c'est une inquiétude qui est excessive et sans fondement. Ce que nous proposons, c'est que l'Assemblée nationale du Québec exerce ses prérogatives souveraines de manière complètement libre, sous sa seule motion à elle, en faveur de la "clause Canada". La meilleure preuve que je puisse en donner au ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration - je pense qu'il acceptera cet argument - c'est que nous soutenons cette position depuis bien avant l'adoption de la charte constitutionnelle fédérale des droits.

Le ministre sait très bien que le Parti libéral du Québec défend cette position depuis au moins cinq ans. Elle a été adoptée en congrès régulier avant même la dernière élection provinciale, en 1981. Malheureusement, elle a été adoptée juste avant l'élection, nous n'avons pas eu le temps de dissiper, au cours de la campagne, toutes les faussetés que répandait le parti gouvernemental à ce sujet. Il nous a accusés de tous les maux dans ce domaine sans même nous faire la justice élémentaire de présenter notre proposition pour ce qu'elle était, c'est-à-dire, une proposition fort modérée dont l'impact éventuel serait très limité, au dire mêmes des propres conseillers du gouvernement. Par conséquent, il n'est pas question d'abandon de pouvoirs au gouvernement fédéral, de renonciation aux prérogatives souveraines de l'Assemblée nationale du Québec. Il est question d'exercer ses prérogatives dans un esprit un peu plus large, d'une manière un peu plus réaliste et d'une façon davantage conforme à la volonté véritable de la population qui s'est exprimée à maintes reprises là-dessus, y compris à l'occasion d'enquêtes d'opinions dont faisait mention tantôt le député de Gatineau et à l'occasion de nombreux mémoires que nous avons entendus à la commission parlementaire.

Par conséquent, sur ce plan, je pense que les propos du ministre dépassent infiniment... C'est une bonne logique qui

ramène l'honnêteté intellectuelle justifiable. Que le ministre dise qu'il est en désaccord avec nous, je le conçois parfaitement. Mais, moi-même, me faire accuser d'anarcho-cons-titutionnaliste, je pense que c'est "summa injuria". C'est le sommet de l'injure parce que j'ai payé bien cher pour demander que la constitution soit respectée tout le temps, sans m'occuper des conséquences qui en découleraient, et soutenu, je pense, les convictions là-dessus. Je pense que le dossier parle par lui-même. En tout cas, ça ne m'empêchera pas de dormir tantôt, pas du tout.

M. Godin: ...va corriger cela.

M. Ryan: Deuxièmement, je pense que c'est important de relever l'argument du ministre. Le ministre dit que maintenir une politique comme celle que le gouvernement veut instaurer, avec les amendements qu'il propose à la loi 101, est une façon plus efficace d'aider les minorités francophones à l'extérieur du Québec. Je ne peux pas être d'accord avec le ministre là-dessus. Je crois que la politique trop raide du gouvernement québécois a été un facteur d'éloignement plutôt que de rapprochement. Le ministre lui-même a tenu, à l'occasion du problème manitobain, des propos regrettables dont j'ai pu mesurer l'impact négatif quand je suis allé au Manitoba dans le même temps. Je pense qu'au premier ministre il est arrivé de tenir aussi des propos de cette sorte.

Il me semble qu'on devrait avoir une politique plus efficace dans ce domaine. Je ne prétends pas à une politique miraculeuse. Je sais bien qu'il y a un travail d'éducation d'opinion à faire dans le reste du pays et c'est quelque chose qui n'est pas une tâche facile, qui va prendre énormément de temps. Je ne pense pas nourrir trop d'illusions à ce sujet même si ma foi profonde demeure du côté de cette option. Je suis très conscient des obstacles historiques, sociologiques.

Je pense que l'adoption de la "clause Canada", étant donné surtout qu'elle ne comporte pas de danger véritable pour le Québec, serait une façon bien plus efficace pour le Québec de reprendre en main son rôle historique de protecteur des minorités francophones en dehors du Québec et de leader de toutes les provinces en matière du traitement des minorités. Je pense que cette position historique que nous avons perdue ces dernières années, et assez lamentablement à mon point de vue, nous devons la restaurer. On ne peut pas être dans un pays et ne pas y être en même temps. Cela est le dilemme du Parti québécois, un dilemme d'où je ne sais comment vous vous sortirez éventuellement, mais je pense qu'il va falloir que vous fassiez quelque chose parce que, là, ça coûte cher à tout le monde. Nous, nous disons: Nous avons fait le choix d'être dans ce pays. Moi, il y a des gouvernements que je n'aime pas dans le pays canadien. Il y a des dirigeants dont je ne partage pas les opinions. Je me dis: Mon choix est pour ce pays, alors j'y suis, j'accepte certains corollaires qui en découlent. Le problème du gouvernement est qu'il veut nous présenter des mesures législatives qui s'inspirent plutôt d'une philosophie qui est la sienne - je le comprends - qui n'est pas celle que le public a approuvée quand il l'a élu. Là, il y a un problème de logique pour vous autres dont je souhaiterais voir la solution mais dont je vous sais actuellement incapables pour une telle raison.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député d'Argenteuil. M. le député de Bourassa.

M. Laplante: ...encore à la commission.

Le Président (M. Gagnon): C'est que je n'avais pas inscrit votre nom comme intervenant.

M. Laplante: Quelques mots seulement. C'est que la position de M. le député d'Argenteuil me surprend et m'effraie. Elle me surprend dans le sens que, lui-même, de son aveu, est allé à Ottawa négocier la "clause Canada" pour le "Canada Act". Tout de suite après, le député de Gatineau, qui n'a pas participé au "Canada Act" - c'est une preuve de participation, ça! - a assisté à son triomphe le jour de la proclamation... Ce qui me surprend dans l'article que le ministre propose actuellement, c'est justement l'article Canada que vous avez là, s'il l'a très bien regardé. (22 h 45)

Une voix: Le ministre?

M. Laplante: Oui, l'amendement qui est là. C'est que, étape par étape, on commence par le Nouveau-Brunswick, cela pourrait s'appliquer ensuite à l'Ontario par décret. Il y a des décrets au bout de cela. En somme, tout le Canada, la minute qu'il se pliera à la demande du Québec pour protéger nos minorités francophones dans les autres provinces automatiquement, il pourrait y avoir reconnaissance sans négociation avec elles, seulement de par leur loi. À ce moment, la "clause Canada" serait incluse dans le "Canada Act".

Concernant l'article 133, si on avait voulu une justice, dans les négociations que vous avez faites avec le gouvernement central, sur ce "Canada Act", pourquoi n'y a-t-il pas eu un échange à ce moment pour que cet article s'applique partout au Canada si vous y croyez au Canada autant que cela? Ce sont les questions que je me pose.

D'autant plus, lorsque M. le député d'Argenteuil dit que... Ce qui m'effraie, c'est

lorsqu'il pleure sur le sort des 87,5% de francophones qu'il y aurait actuellement dans la population scolaire contre environ 13% d'anglophones. Pour moi, cette proportion qu'on a ici au Québec au point de vue de la communauté anglophone, est une juste proportion qui est ramenée aujourd'hui. Il me semble qu'il faut penser à cela.

Je me souviens, lors de la loi 22, un de nos députés était à ce moment - il est libéral à la Commission des écoles catholiques de Montréal. À ce moment, du côté anglophone, lorsqu'on luttait contre la loi 22, il demandait une seule chose sur les tests. Il disait: On est Québécois, on veut que nos familles soient respectées, on ne veut rien savoir du reste du Canada et des autres pays parce que l'on vit actuellement au Québec. Hors Québec, on ne veut rien savoir de cela. La raison était simple, il disait: On ne connaît pas les gens qui vont venir ici, on n'est pas pour se faire de la peine pour eux, on n'est pas pour se battre pour eux, on ne les connaît pas. C'est l'argumentation d'une de vos députés, la députée de L'Acadie, à laquelle moi-même j'ai concouru; moi-même je me suis rangé du côté anglophone à ce moment pour me battre contre les tests, contre la loi 22.

Il y a 40 mémoires qui ont été présentés ici dont, apparemment, 20 ou 24 prônent la "clause Canada". Ce qu'on retrouve encore, c'est du protectionnisme du Canada anglais qui se trouve au fond de tout cela. Aujourd'hui, on n'entend plus dire: Donnez-nous satisfaction à Québec, on essaie de défendre la cause des gens qui ne vivent même pas ici, qui ne participent pas à notre économie, qui ne participent pas à notre culture. C'est ce qu'on fait, en somme. On ouvre une porte par l'amendement que le ministre a voulu apporter dans cette "clause Canada". En fin de compte, avec l'article 133, si toutes les provinces l'acceptent, protéger nos minorités, automatiquement, il est dedans, mais laissez-nous faire un chemin pour forcer les autres provinces, leur demander de faire ce que le Québec fait en élargissement et en respect de ces minorités.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Une courte intervention, parce que vous avez déjà pris vos vingt minutes. Après, je demanderai le vote sur l'amendement. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Ce sera sur d'autres aspects. Le Président (M. Gagnon): C'est cela.

M. Ryan: Je dois faire des rectifications parce que cela fait plusieurs intervenants, du côté gouvernemental, qui font allusion à la charte constitutionnelle des droits du Canada, au rôle que j'aurais joué dans la mise au point de certains amendements. Il y en a été question tantôt, même indirectement. Je pense que je dois rectifier des faits.

D'abord, si le Québec a l"'opting out" en ce qui concerne l'article 23.1a de la charte constitutionnelle des droits, c'est-à-dire l'"opting out" en ce qui concerne la fréquentation de l'école d'après la langue maternelle, le critère qui avait été trouvé, je pense qu'on le doit en grande partie à l'intervention que j'ai faite à ce moment parce que cela n'était pas formulé comme cela. Il n'y avait pas d'"opting out" pour... N'oubliez pas qu'il n'y avait pas de gouvernement au Québec à ce moment. Le gouvernement boudait dans son coin et vous vous rappelez, il y avait les drapeaux qui flottaient en berne sur l'édifice du parlement. Il n'y avait plus rien qui se faisait. Moi, je me suis dit en désespoir de cause: il faut qu'il y ait quelqu'un quand même pour sauver les meubles. Je pense que vous devez, à la justice historique, reconnaître qu'on a gagné ce point-là.

Deuxièmement, la définition restrictive de la "clause Canada" qui est dans la charte constitutionnelle canadienne, est fondée sur le critère de la fréquentation de l'école primaire, par les parents. Là encore, c'est une contribution qui a été faite - je pense pouvoir dire en toute vérité - par celui qui vous parle. Cela restreint considérablement. Si ce n'avait pas été de ces interventions, on se trouverait avec la "clause Canada" générale avec le danger que cette clause soit imposée par un jugement de la Cour suprême dans quelque temps d'une manière à peu près définitive, tant qu'on reste sous le régime fédéral actuel. Il est important de noter ces choses.

Dans la charte constitutionnelle, il y a l'article 23.2 qui crée un problème, assez limité quand même. On l'a beaucoup exagéré. Celui-là, nous avons demandé qu'il n'y soit point. Ils l'ont gardé quand même. On n'avait pas de pouvoir. On était de l'Opposition de sa Majesté. Ce n'est pas d'autre chose que cela. On n'était même pas un gouvernement et on a obtenu beaucoup plus que le gouvernement actuel du Québec.

Je vous rappelle ces faits en toute amitié pour que vous ne m'attribuiez pas des choses dont je ne fus point responsable.

M. Laplante: C'étaient vos frères.

M. Ryan: Je regrette infiniment, M. le Président, je n'accepte pas du tout cette remarque. Le temps où j'ai dirigé le Parti libéral du Québec, c'était un parti complètement indépendant de l'autre. Je regrette infiniment.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'amendement du député d'Argenteuil à l'article 11.1 qui serait à l'effet d'ajouter

après le mot "Québec" à la troisième ligne "ou dans une autre province canadienne" et après le mot "Québec" à la sixième ligne "ou dans une autre province canadienne" est adopté?

Des voix: Non, rejeté.

M. Ryan: Un vote nominal, M. le Président. Il y a peut-être un désaccord entre les deux ministres. On ne sait jamais.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Nelligan.

M. Godin: Ne comptez pas là-dessus. M. Lincoln: Pour l'amendement.

Le Président (M. Gagnon): ...Nelligan, pour. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dupré: Contre.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Contre.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Bourget.

M. Laurin: Contre.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Mercier.

M. Godin: Contre.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Pour.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Contre.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): Contre.

Le Président (M. Gagnon): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Pour.

Le Président (M. Gagnon): L'amendement est rejeté à 6 contre 3. Est-ce que l'article 11.1 est adopté?

M. Gratton: Non, M. le Président. M. Laurin: Sur division.

M. Gratton: Non. M. le ministre. Une voix: Rejeté sur division. M. Laurin: Adopté sur division.

Le Président (M. Gagnon): Adopté sur division?

M. Gratton: Non. M. le député d'Argenteuil, avez-vous autre chose à 11.1?

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'article 11.1est adopté?

M. Ryan: Sur division.

Le Président (M. Gagnon): J'appelle l'article 12.

M. Ryan: Excusez. On est encore à 11, M. le Président. Attendez un petit peu. On est à b. On vient de passer a.

Le Président (M. Gagnon): J'ai voté l'article au complet. Vous vouliez peut-être prendre paragraphe par paragraphe.

M. Ryan: Bien oui, c'est évident.

Le Président (M. Gagnon): Alors ce qu'on vient d'adopter sur division, c'est le paragraphe a.

M. Ryan: Oui.

Le Président (M. Gagnon): D'abord ce dont je viens de demander l'adoption, c'est le paragraphe a de l'article 11.1?

M. Ryan: C'est ce que je trouve.

Le Président (M. Gagnon): Celui-là est adopté sur division.

Une voix: Oui.

Le Président (M. Gagnon): Le paragraphe A est adopté sur division. Passons au paragraphe b. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Non. Quelque chose de différent, M. le Président. Nous ne voulons pas faire le débat qui a été fait à ce propos. Nous pourrions bien le recommencer mais ce n'est pas notre intention, pas la mienne en tout cas. Ce que je voudrais proposer est un amendement à la fin qui se lirait comme ceci, et je vous expliquerai pourquoi: "les enfants dont le père ou la mère est, le 26 août 1977, domicilié au Québec, qui a reçu" - il faut que je retrouve votre...

Le Président (M. Gagnon): Hors du Québec.

M. Godin: En toute gracieuseté.

Le Président (M. Gagnon): Je vous remercie, M. le ministre.

M. Ryan: "...hors du Québec un enseignement primaire en anglais pourvu que cet enseignement constitue la majeure partie de l'enseignement primaire reçu hors du Québec".

Et là ce que je voulais proposer, c'est un amendement qui ajouterait les mots "ou au Québec" à la fin de l'alinéa après "hors du Québec".

Le Président (M. Gagnon): Après "hors du Québec", les mots "ou au Québec".

M. Ryan: Pour les raisons suivantes. Oui, "hors Québec ou au Québec" parce qu'il peut arriver que cette personne ait reçu une partie de son enseignement primaire hors du Québec, une partie au Québec même. Si on fait le total pour savoir où elle a reçu la majeure partie de l'enseignement primaire en anglais, il faudrait pouvoir compter les années qui ont été faites au Québec également. Je pense que cela clarifierait l'article.

Le Président (M. Gagnon): Cela va? M. le ministre. Votre amendement serait d'ajouter, après, à la dernière ligne après "hors du Québec" "ou au Québec".

M. Ryan: C'est cela.

M. Laurin: On ne peut pas accepter cela, M. le Président, parce que c'est incompatible, b s'adresse aux parents qui étaient domiciliés au Québec le 26 août 1977 et qui ont fait leurs études en anglais hors du Québec. Donc, on ne peut pas ajouter après "hors du Québec" "ou au Québec" parce qu'au Québec, c'est prévu dans le paragraphe a et non pas dans le paragraphe b. Donc, on ne peut pas accepter cet amendement.

M. Ryan: M. le Président, vous me permettrez de poser la difficulté de nouveau. Si ce parent a reçu une partie de son enseignement primaire en dehors du Québec et une partie au Québec...

M. Laurin: Mais non, c'est exclu par la troisième ligne: "a reçu hors du Québec".

M. Ryan: Dans le premier alinéa, un enseignement, il peut en avoir reçu un au Québec aussi.

M. Laurin: Mais non, "et a reçu, hors du Québec, l'enseignement primaire en anglais".

M. Ryan: Oui, mais vous ne dites pas tout son enseignement primaire en anglais. Supposons qu'il a reçu trois ans de sa formation primaire hors du Québec, cela s'applique à lui, ça. Les trois années qu'il a faites au Québec, où les situez-vous?

M. de Bellefeuille: C'est dans a. Le Président (M. Gagnon): Cela va? M. Ryan: Très bien.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que vous retirez votre amendement?

M. Ryan: Je le retire.

Le Président (M. Gagnon): Vous retirez votre amendement. Est-ce que le paragraphe b est adopté?

M. Ryan: Sur division.

Le Président (M. Gagnon): Adopté sur division. Donc, l'article 11.1 est adopté sur division.

M. Ryan: II y en a un autre à e qui est très important.

Le Président (M. Gagnon): Ajouter le mot "et"...

M. Ryan: Nous allons soumettre un amendement, M. le Président.

M. Laurin: C'est-à-dire que la charte n'est pas changée. Les amendements portaient sur a et b, donc, dans la loi, il reste le c et d.

Une voix: c et d demeurent.

Le Président (M. Gagnon): Vous avez un amendement. Oui, M. le député d'Argenteuil...

M. Ryan: Un amendement.

Le Président (M. Gagnon): Au paragraphe e de la charte, c'est cela?

M. Laurin: Au paragraphe c.

Le Président (M. Gagnon): Au paragraphe c de la charte.

M. Ryan: L'article se lirait comme suit.

M. de Bellefeuille: Quel paragraphe?

M. Ryan: e.

Le Président (M. Gagnon): Entendons-nous! Est-ce que c'est c? Non, c'est un ajout.

M. Ryan: C'est e.

M. Laurin: Ce sera un ajout.

M. Ryan: C'est cela.

M. Laurin: Un nouvel article. Un nouveau paragraphe. Un nouvel alinéa.

M. Ryan: Un nouvel alinéa, "e) Les enfants dont le père ou la mère est, le 26 août 1977, domicilié au Québec et dont l'admission à l'école anglaise se justifie à titre exceptionnel...

M. Laurin: Et dont quoi?

M. Ryan: ...et dont l'admission à l'école anglaise se justifie à titre exceptionnel pour des motifs sérieux d'ordre familial, culturel ou humanitaire, au jugement de la commission d'appel."

Le Président (M. Gagnon): Avez-vous votre amendement, M. le député? (23 heures)

M. Ryan: Oui, on va vous le remettre dans une seconde, M. le Président. Je voudrais vous expliquer le sens de cet amendement. Au cours, des derniers mois, je me suis penché sur le problème des élèves qui fréquentent illégalement les écoles anglaises dans l'agglomération de Montréal. J'ai abordé le problème en partant, comme à peu près tout le monde, du postulat voulant que ces enfants soient dans une situation illégale, dont il importait de les tirer dans les meilleurs délais et de la manière la plus honorable et surtout la plus propice à leur épanouissement.

Mon premier mouvement a été d'étudier la composition de ce groupe d'élèves qu'on appelle les élèves illégaux. Je ne savais pas exactement en quoi consistait la composition de ce groupe. Je me suis renseigné de la manière la plus réaliste et la plus honnête possible, et j'ai fait les constatations suivantes. J'ai constaté qu'une partie significative du groupe des élèves dits illégaux est formée d'enfants dont les parents fréquentèrent naguère pendant une période plus ou moins longue les anciennes écoles bilingues de la Commission des écoles catholiques de Montréal. Avant de s'inscrire volontairement à ces écoles bilingues, ces personnes avaient antérieurement fréquenté l'école anglaise. Elles avaient ainsi, bien avant l'adoption de lois linguistiques au Québec, fait montre de bonne volonté devant la menace que constituait alors la fréquentation massive de l'école anglaise par les immigrants. Mais les écoles bilingues, pour les fins de l'application de la loi 101, ont été classifiées comme des écoles françaises. Il suffit que les parents aient fréquenté l'une de ces écoles pendant un an seulement, aux termes de la loi actuelle, pour que leurs enfants soient tenus, par la loi 101, de fréquenter l'école française. On aboutit ainsi au paradoxe suivant: Parce que leurs parents et leurs familles firent montre d'ouverture d'esprit, les anciens élèves des écoles bilingues doivent aujourd'hui, sous l'empire de la loi 101, inscrire leurs enfants à l'école française, tandis que leurs anciens condisciples, demeurés à l'école anglaise à l'époque, peuvent librement inscrire leurs enfants à l'école anglaise. Cela est un premier groupe qui comprend à peu près le tiers des enfants dits illégaux. Il suffirait, pour résoudre ce problème - je ne propose pas d'amendement à propos de celui-ci - que l'interprétation donnée aux critères de la fréquentation scolaire dans les règlements soit plus réaliste et, à mon point de vue, plus équitable et qu'on considère que la fréquentation des écoles bilingues à l'époque puisse être considérée, si les parents présentent une demande dans ce sens, comme une fréquentation de l'école anglaise. Cela réglerait ce problème qui, d'ailleurs, n'existe plus parce que ces écoles n'existent plus depuis déjà un bon nombre d'années.

J'ai constaté ensuite qu'une autre partie des illégaux est constituée d'enfants de parents qui lors de l'entrée en vigueur de la loi 101 étaient intégrés à toutes fins utiles à la communauté anglophone, mais ne pouvaient pas, pour diverses raisons, satisfaire aux critères de la fréquentation de l'école primaire anglaise au Québec. On trouve parmi ces parents des parents qui reçurent leur formation secondaire, collégiale ou universitaire au Québec, après avoir reçu l'enseignement primaire dans leur pays et dans leur langue d'origine; des parents qui vinrent au Québec à un âge où ils s'intégrèrent directement au marché du travail, sans passer par l'école primaire au Québec; finalement, des parents qui fréquentèrent l'école primaire au Québec, en tout ou en partie, mais dont toute la formation et l'expérience professionnelle, familiale et sociale se firent par la suite principalement en anglais. Ces parents, pour la plupart, se considéraient de fait comme intégrés dans la communauté anglophone. Mais contre toute raison objective, le critère de fréquentation obligatoire de l'école primaire anglaise, qui de sa nature même est un critère rétroactif, qu'on doit donc employer avec énormément de circonspection, vient nier cette réalité. Environ 500 illégaux, m'a-t-on rapporté, se rattachent à cette catégorie. Le cheminement culturel et social suivi par leurs parents explique l'âpreté et la persévérance avec laquelle ces derniers ont consenti à des sacrifices et à des risques très lourds pour envoyer leurs enfants à l'école anglaise. La politique instaurant la loi 101 introduisait en outre un changement majeur de nature rétroactive dans la pratique suivie jusque là. Ces parents eurent l'impression, à tort ou à raison, qu'un

contrat avait été brisé. J'ai essayé par tous les moyens honnêtement disponibles de chercher des solutions raisonnables à ce problème. Je ne pense pas que la solution de l'amnistie, la "blanket amnesty", l'amnistie aveugle, soit une solution raisonnable parce que cela équivaudrait, pour le prince, à dire: Vous avez mal agi, je vous donne la grâce du pardon, ne recommencez plus.

Le problème des élèves illégaux est beaucoup plus complexe, si on veut comprendre la vraie situation et surtout si on veut se mettre dans la peau de ces gens qui ne sont pas des criminels, quoi qu'on ait dit à leur sujet du côté gouvernemental à maintes reprises. J'en suis venu à la conclusion que la meilleure solution serait d'avoir une clause comme celle-ci dans la loi 101 qui donnerait à la commission d'appel une certaine latitude pour disposer avec équité, justice et réalisme des cas qui ne peuvent pas tomber littéralement sous le coup du critère de la fréquentation de l'école primaire. Je pense que nous devons admettre, si nous ne sommes pas des primaires, que le critère de la fréquentation de l'école primaire est un critère en soi extrêmement limitatif, extrêmement de nature à créer des décisions comme cela. À la longue, quand ça fera deux générations que cela s'appliquera, ce sera un critère qui sera devenu mécanique, qui ne donnera pas lieu à des situations... Mais dans la période de transition où nous nous sommes trouvés, il a eu, aux yeux de plusieurs, un effet rétroactif odieux qui explique l'émergence de cette catégorie d'élèves dans les écoles anglaises qu'on appelle les élèves illégaux.

Je rappelle au gouvernement qu'il a eu sept ans pour régler ce problème. Il fut un temps, qui ne l'est plus maintenant depuis déjà quelque temps, où il était un gouvernement fort, où il avait l'autorité morale voulue pour régler le problème franchement et directement; il l'a laissé pourrir, il a laissé s'accumuler année après année des situations absolument inhumaines et je trouve qu'une clause comme celle-ci, sans ouvrir la porte à des décisions qui mettraient en danger l'avenir culturel du Québec, ouvrirait la porte à une équité plus grande, à un réalisme plus acceptable dans l'application concrète de la loi 101. C'est dans cet esprit que j'invite le gouvernement à accepter cet amendement.

Le Président (M. Gagnon): M. le député d'Argenteuil, lorsque vous dites "ajouter à l'article 73", il faudrait ajouter "de la Charte de la langue française le paragraphe suivant".

M. Ryan: Oui.

M. Laurin: Pourriez-vous le relire, M. le Président?

Le Président (M. Gagnon): Oui, "ajouter à l'article 73 de la charte le paragraphe suivant". Cela deviendrait le paragraphe e, si j'ai bien compris: "les enfants dont le père ou la mère est, le 26 août 1977, domicilié au Québec et dont l'admission à l'école anglaise se justifie à titre exceptionnel, pour des motifs sérieux d'ordre familial, culturel ou humanitaire, au jugement de la commission d'appel". C'est cela?

M. le ministre.

M. Laurin: Là aussi, je ne suis pas surpris de l'amendement du député d'Argenteuil, je l'attendais, il m'en avait prévenu à quelques reprises, soit épistolairement, soit verbalement. Malheureusement, je ne pourrai pas, encore une fois, céder à son invite. Je voudrais d'abord réfuter son argument que le gouvernement a eu sept ans pour régler ce problème et ne l'a pas réglé. Comme si c'était uniquement la faute du gouvernement si ce problème n'a pas été réglé. D'abord, quand une loi est adoptée par l'Assemblée nationale, il est bien évident que tous les citoyens doivent s'y conformer. Il faut attendre un certain temps avant de voir si les citoyens s'y conforment. Effectivement, il y a eu certaines tentatives, après quelque temps, de la part de certaines commissions scolaires pour se soustraire à l'application de la loi. Elles l'ont fait ouvertement, catégoriquement, résolument; par les voies normales, elles ont décidé de ne pas obéir à la loi et elles ont porté leur cause devant les tribunaux. C'est le cas de la Commission scolaire des écoles protestantes du grand Montréal, par exemple. C'était la façon de le faire.

Les cours de la commission scolaire protestante ont débuté et, par la suite, la commission scolaire protestante s'est pliée à la loi et l'a observée, mais c'est quand même survenu deux ans plus tard. En attendant ce règlement, évidemment, le gouvernement ne pouvait pas intervenir d'une façon trop cavalière justement parce que nous ne savions pas ce que la cour allait dire.

Je rappelle aussi que si le gouvernement n'est pas intervenu d'une façon plus forte, c'est qu'il avait précisément choisi d'éviter cette méthode forte; en particulier, il n'avait pas prévu de faire observer la loi en utilisant la force policière pour aller identifier les enfants dans les écoles et pour les en sortir manu militari. Je pense que c'était là une réaction très humaine de notre part parce que nous voulions protéger les enfants contre le traumatisme que cela pouvait signifier pour eux. En l'occurrence, ne pouvant utiliser cette façon de faire, nous avons dû utiliser les autres moyens que nous permettait la loi: d'abord la persuation, les appels à

l'observance d'une loi adoptée légitimement par un Parlement démocratique. Ces efforts, encore une fois, se sont avérés vains.

Une troisième tentative a été faite quand nous avons demandé à la Commission de surveillance de la langue française de s'enquérir du phénomène, de tenter de faire pression auprès des organismes coupables de la non-observance de la loi et de voir à ce que la loi soit respectée. La commission de surveillance a rencontré à plusieurs reprises la CECM, la Commission des écoles catholiques de Montréal, où l'on retrouvait, dans le secteur anglais, la plupart des délinquants. La CECM, par les avis de son contentieux, nous a fait savoir qu'elle ne pouvait ni identifier les délinquants ni surtout utiliser les moyens qui auraient permis l'observance de la loi, mais cela a pris encore un certain temps. Plusieurs tentatives ont été faites et elles se sont avérées inefficaces. C'est par la suite que le gouvernement a dû convoquer une commission d'enquête, dont il a chargé Me Aquin, pour identifier plus clairement le problème et pour suggérer au gouvernement des tentatives de solution. C'était en 1981, la quatrième tentative, quatre ans après l'adoption de la loi. Donc, le gouvernement n'avait pas perdu son temps puisque c'était là sa quatrième tentative.

Le rapport Aquin nous a fait des recommandations qui demandaient l'intégration à l'école française, mais en offrant à cette communauté qui avait choisi de ne pas observer la loi certaines mesures de soutien. Ces mesures ont été refusées par les élèves en question. Il n'est peut-être pas étonnant que ces mesures n'aient pas été acceptées par les communautés en question parce que, par ailleurs, les principaux des écoles anglophones et l'Association des enseignants catholiques anglophones avaient fait savoir par toutes sortes de moyens à cette communauté qu'ils étaient prêts, nonobstant la loi, à les accepter dans leurs écoles et à leur faire un régime spécial en vertu duquel l'enseignement serait non seulement dispensé, mais reconnu par des examens appropriés. Ces élèves pourraient passer d'une année à l'autre et même passer du primaire au secondaire par un réseau de complicité qui s'est instauré au niveau de ce secteur anglophone. Donc, on peut comprendre que les enfants et, surtout les parents aient pensé utiliser ce système qui leur permettait de contourner la loi.

M. le Président, il y a eu cinq tentatives de la part du gouvernement dont les résultats, bien sûr, ont été peu efficaces en ce sens que 300 ou 400 élèves seulement ont fini par choisir d'observer la loi encore une fois adoptée par le Parlement national. Je dois donc dire que si le problème n'a pas été réglé, ce n'est pas la faute du gouvernement qui a fait quatre et même cinq tentatives pour régler le problème. S'il n'a pas été réglé, c'est parce que les parents de ces enfants ont choisi de ne pas obéir à la loi, encouragés en cela par des principaux et des enseignants dont on aurait souhaité que leur connaissance et leur observance du régime démocratique et des lois auraient été plus aiguës et plus respectueuses puisqu'ils ont enseigné aux enfants, dans leurs classes, le respect des normes sociales et démocratiques qui prévalent dans notre société québécoise.

Donc, je récuse entièrement et résolument le reproche que nous fait ici le député d'Argenteuil. Au contraire, je pense que nous avons fait preuve de volonté, mais en même temps d'humanisme pour ne pas ajouter aux traumatismes déjà subis par ces enfants, ceux qu'auraient provoqués des interventions plus vigoureuses de notre part.

Maintenant, revenons au fond du problème. Je pense que le premier argument qu'invoque le député d'Argenteuil n'est que partiellement vrai. Il est vrai qu'il y avait des écoles bilingues avant 1977 mais, lorsque la loi a été adoptée, le bureau d'admissibilité a déclaré, a statué que certaines écoles bilingues qui se situaient dans des secteurs anglophones des commissions scolaires de l'île de Montréal pouvaient être classées comme des écoles anglaises. Je dirais même que la plupart des écoles bilingues qui existaient à l'époque ont été jugées, par le bureau d'admissibilité, comme appartenant au secteur anglophone. (23 h 15)

Peu d'élèves ont donc été refusés parce qu'ils avaient étudié dans les écoles bilingues. Il y a à peine deux cas où un doute s'est élevé, c'est l'école Notre-Dame-de-la-Défense et une autre école dont je ne me rappelle plus le nom; mais on ne peut pas juger que les enfants qui ont fréquenté ces écoles constituent le tiers des cohortes clandestines. Je mets en question ce chiffre, d'autant plus que, même dans le cas d'une de ces écoles, la commission d'appel a, dans quelques cas, rendu un jugement favorable à l'admissibilité en anglais en raison d'autres facteurs qui ont pu être invoqués. Je suis quand même prêt à regarder ce problème des écoles bilingues encore de plus près, lorsqu'il sera question d'amender nos règlements; mais encore une fois, je pense que les prétentions de la communauté en question sont plus fortes que ce que la vérité permettrait d'affirmer.

Venons-en au deuxième cas que nous soumet le député d'Argenteuil. Il parle de parents intégrés à la communauté anglophone mais qui ne pouvaient satisfaire aux critères de la loi 101 parce que, par exemple, ils auraient pu faire leurs études primaires en italien ou en grec dans leur pays d'origine et que, lorsqu'ils sont arrivés au pays, ils ont commencé immédiatement leurs études au

secondaire en anglais. Nous avons longuement discuté de ce critère lors de l'adoption de la loi 101. Devions-nous ajouter au mot "primaire" le mot "secondaire" à cet article 73? Après de très longues discussions, nous avons décidé qu'il valait mieux utiliser simplement le critère de l'école primaire, parce que c'est celui-là qui dessine véritablement l'orientation culturelle ou linguistique: c'est quand un enfant fait ses études au primaire dans une langue que ses parents décident véritablement de l'orientation linguistique ou culturelle et du sentiment d'appartenance qui doivent prévaloir dans l'avenir. Si nous avions adopté le critère du secondaire, cela aurait été contraire à l'esprit même du principe que nous avions adopté à l'époque.

Deuxièmement, il se trouvait beaucoup d'autres parents n'appartenant pas à cette communauté, à ces cohortes devenues clandestines qui avaient fait leurs études primaires soit en turc, soit en quelque autre langue dans leur pays d'origine, qui se sont pliés à la loi, qui ont observé la loi, qui ont donc choisi de se plier à une loi adoptée encore une fois légitimement par un Parlement démocratique. Accepter maintenant, tant d'années après, de consentir un traitement de faveur à ceux qui ont choisi de ne pas observer la loi équivaudrait à passer une sorte de jugement rétroactif sur ceux qui ont choisi d'observer la loi, et ce serait ouvrir la porte à toutes sortes de demandes de leur part tout, à fait justifiées, en ce sens qu'ils auraient eu droit et donc qu'ils ont droit et qu'ils auront droit, du moins pour leurs enfants, à l'avenir, de fréquenter l'école anglaise. Je pense que ce serait là un déni de justice que nous ne pouvons pas accepter. Car, encore une fois, beaucoup d'autres qui étaient dans les mêmes conditions se sont pliés à la loi et on ne peut pas, d'une certaine façon, les pénaliser par un jugement rétroactif que nous pourrions porter sur ceux qui ont choisi de ne pas obéir à la loi.

Troisièmement, je voudrais aussi ajouter que la plupart, un bon nombre en tout cas, de ces cohortes clandestines ne se qualifient pas pour l'école anglaise, en vertu même de la "clause Canada", en vertu même des trois alinéas de la "clause Canada", du Canada Bill, puisque le Canada Bill a retenu le critère de l'école primaire, a ajouté le critère de l'école maternelle et ajoute un critère de fréquentation épisodique à une école anglaise et qu'en vertu de ces trois facteurs, bon nombre de ces cohortes clandestines ne se qualifient pas, même en vertu de la "clause Canada", à l'école anglaise.

Je suis contre l'amendement, M. le Président, pour une autre raison, parce que formuler un article dans ces termes, c'est-à-dire dont l'admission se justifie à titre exceptionnel pour des motifs sérieux d'ordre familial, culturel ou humanitaire, c'est là inviter à l'arbitraire. Ce n'est pas là un critère vérifiable. Ce n'est pas là un critère que l'on puisse véritablement appliquer, parce que c'est tellement large, c'est tellement vague, c'est tellement flou, c'est tellement imprécis que cela équivaudrait à faire peser un poids trop lourd sur l'entendement ou la capacité décisionnelle de juges ou d'arbitres qui seraient appelés à en être saisis et à prendre une décision juste, en l'occurrence.

Enfin, je me demande pourquoi on ajoute dans cet amendement "au jugement de la commission d'appel". Pourquoi passer outre à la première instance que la charte définit très bien, c'est-à-dire le bureau d'admissibilité? Est-ce parce que la commission d'appel a été beaucoup plus libérale dans les jugements qu'elle a rendus sur les cas d'admissibilité? Est-ce parce que la commission d'appel a jugé admissibles 800 cas ou à peu près qui avaient été refusés par le bureau d'admissibilité? Est-ce parce qu'on est convaincu qu'avec la commission d'appel on a un meilleur allié de l'école anglaise que le bureau d'admissibilité? Je ne sais pas. Je ne veux pas faire un procès d'intention au député d'Argenteuil, mais pour toutes ces raisons, aussi bien sur le fond que sur la forme de l'amendement, je ne vois pas comment nous pourrions accepter l'amendement du député d'Argenteuil.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je pense que le ministre adopte une ligne de conduite qui lui est caractéristique depuis de nombreuses années. C'est une ligne de conduite insensée, indifférente aux implications humaines des politiques gouvernementales, passive et stagnante devant des situations qui requièrent une attention du gouvernement.

Je reviens à la situation des enfants illégaux. Le ministre n'a pas le droit de prétendre que le gouvernement n'est pas responsable du pourrissement de cette situation. C'était sa loi. C'étaient les conséquences de sa loi. C'était sa responsabilité de faire en sorte que la situation soit redressée d'une manière ou de l'autre. Il ne l'a pas fait. Il a fui sa responsabilité et il continue de le faire ce soir. Je tiens à ce qu'on ait un bon examen de ce dossier pour que les choses soient claires devant le public.

Un autre exemple de l'indifférence du gouvernement et de son insensibilité, c'est la lenteur du gouvernement à réagir. Je me souviens que le premier ministre avait dit à l'Assemblée nationale au mois de juin: Nous avons reçu des propositions, nous allons les examiner. Nous avions insisté à l'époque pour qu'une réponse soit donnée à ces propositions avant l'ouverture de l'année scolaire

suivante, qui allait commencer, comme tout le monde le sait, au mois de septembre. Il n'y a rien eu de l'été. Le gouvernement n'a rien fait de l'été. On cherchait à les joindre et il y avait à peine quelques ministres qui étaient au travail. Il n'y a rien eu de l'été, aucune réaction. Tout l'automne a passé. Aucune réaction. Là, on se fait dire ce soir, à la veille de Noël: Statu quo ante. On ne change pas d'un iota. La lettre de la loi demeure la lettre de la loi, un point, c'est tout. Je trouve cela fantastique. La situation est là, criante, devant nos yeux. Il suffit d'ouvrir les yeux pour s'en rendre compte et, de ce point de vue, je déplore profondément cette espèce de refus incompréhensible du gouvernement de comprendre une chose élémentaire, à savoir que le critère de la fréquentation de l'école primaire par les parents comportait des conséquences rétroactives injustes dans bien des cas et incapables de tenir compte de toute la réalité humaine qui allait être affectée par cette loi. C'est ce qu'on demande de redresser. C'est que cette espèce de résidu de situations humaines dont ce critère, interprété littéralement et étroitement, comme il l'a été par les fonctionnaires du ministre, soit interprétée d'une manière un peu plus large.

De ce point de vue, je m'aperçois qu'on a une réponse de pierre - avec un "p" minuscule, évidemment, parce que l'autre aurait été plus compréhensif - qui me désole profondément, parce que moi-même j'ai investi une partie considérable de mon énergie à chercher une solution juste et réaliste à ce problème-là. Je m'aperçois qu'on n'est pas plus avancé, après un an de recherche, qu'on ne l'était au début. Je constate surtout que le ministre n'a pas une once de suggestion pratique et constructive à apporter pour faire avancer la recherche d'une solution. Je trouve cela lamentable comme échec d'un gouvernement et d'un ministre, je trouve cela pitoyable.

Maintenant, je reprends quelques-uns des arguments qui nous ont été apportés au sujet des élèves qui ont fréquenté naguère les écoles bilingues. Le ministre nous dit: II n'y en a pas tellement. Justement, qu'est-ce qu'il attend, si cela dépendait uniquement de lui de modifier le règlement, pour que cette affaire-là soit interprétée d'une manière plus souple? Ce ne serait pas la fin du monde. Je lui dis qu'il y en a au moins une couple de centaines qui tombent dans cette catégorie-là, d'après les renseignements qu'on m'a donnés. Je ne demande pas que ce soit résolu par un changement à la loi. Je pense que cela pourrait se régler par un changement du règlement. Je n'en suis pas absolument sûr, remarquez bien, mais je trouve que voici un cas clair. On a tourné autour tantôt. Voir si on règle ça par le fait qu'il était à Saint-Léonard ou à Westmount!

Cela ne change absolument rien au problème. Le ministre a invoqué le secteur géographique tantôt, absolument extrinsèque à la nature du problème que l'on discute.

Au sujet de la deuxième catégorie d'élèves dits illégaux, le ministre a emprunté un raccourci facile. Il a dit: On a retenu le critère de la fréquentation d'écoles primaires. C'est très bien, mais ce n'est pas de ça qu'on discute. On dit: II y a toutes sortes d'autres cas, c'est une composante. Qu'un immigrant soit arrivé ici et que ses enfants soient d'âge à fréquenter l'école secondaire, c'est un élément. Il y en a d'autres qui n'étaient même pas d'âge à aller à l'école et ils se sont inscrits tout de suite dans le marché du travail. Il y a beaucoup d'autres cas, des alliances, des mariages qui ont donné lieu à des situations extrêmement complexes. Tout ça: école primaire, vous n'étiez pas là, bonsoir la visite. Je trouve ça formidable. Franchement, je n'en reviens pas.

Ensuite, on dit qu'il y en a un bon nombre qui ne seraient même pas admissibles suivant la "clause Canada" du Canada Bill. M. le ministre, vous avez raison et vous savez très bien que, dans le rapport que j'ai préparé, j'écrivais que ces enfants devraient être retournés à l'école française, que, dans ce cas-là, il ne devrait pas y avoir d'hésitation, justement, parce que voici une clause dont ils étaient bien avertis, quand même, voici une tendance politique très importante - même si elle n'est pas au pouvoir actuellement - dont ils avaient été informés de maintes et maintes manières. Ceux qui ont voulu affronter la loi directement, à l'encontre même de la "clause Canada" de la charte canadienne des droits, je pense qu'ils devraient être retournés à l'école anglaise. Je l'ai dit franchement dans les recommandations que j'ai faites.

Je crois avoir compris que les porte-parole autorisés de la communauté anglophone qui sont plus immédiatement concernés par ces choses, avaient accepté de souscrire à cette recommandation. Ils ont dit: Si on a un "package deal", si on règle tout le problème, on va régler celui-là aussi dans ce sens-là. Je pense qu'on aurait pu avoir un règlement qui aurait été intéressant, justement, pour tout le monde.

À la fin, le ministre dit qu'il donne ça à la commission d'appel. Je vais vous dire franchement, si vous aimez mieux qu'on le mette à l'autre niveau, je n'en ferai pas de casus belli mais j'ai mis la commission d'appel et je vais vous dire pourquoi. C'est justement pour que la loi continue de s'appliquer suivant le critère de la fréquentation de l'école primaire, au niveau administratif, au niveau du bureau d'admissibilité; on n'ouvre pas la porte trop grande de ce côté-là et on laisse à la commission d'appel, pour des recours spéciaux, une latitude un peu plus large.

Finalement, dans la plupart des lois, ça finit comme ça. Vous avez un impôt que vous n'avez pas payé, vous êtes pris par la gorge. À un moment donné, un juge vous dit: Tu vas payer tant. Des fois, ce n'est pas le montant intégral. L'amende va varier de l'un à l'autre. Il y a une marge de discrétion laissée aux organismes judiciaires ou quasi judiciaires dans l'application d'à peu près toutes les lois. Un a fait un délit, il va accrocher 30 jours de prison, l'autre va accrocher trois ans. Des fois, on se demande ce qu'il y a en fin de compte. Justement, cela ne peut pas être mécanique comme vous le voulez. C'est ça que je voudrais que vous compreniez une fois pour toutes.

On mettait ça à la commission d'appel et vous avez apporté un argument à l'appui de ma thèse. Vous dites: La commission d'appel a été plus large que les fonctionnaires. God be blessed that it was a little more liberal. Je pense que c'est un bienfait précieux qu'on ait eu une commission d'appel qui a voulu être un petit peu plus généreuse, un petit peu plus humaine et Dieu sait que vous ne lui avez pas facilité les choses. Elle n'avait même pas les moyens qu'il aurait fallu pour travailler. Combien avez-vous pris de temps pour nommer des commissaires? Encore la dernière fois, vous les avez nommés sans même consulter la communauté intéressée. Je trouve que ce sont des façons de procéder qui témoignent d'un mépris profond ou d'une incompréhension totale. Je vous laisse le choix, M. le ministre, et je m'aperçois que vous ne comprenez pas grand-chose là-dedans. Je suis très sévère, mais très, très blessé. (23 h 30)

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Laurin: M. le Président, je voudrais dire que, même si le député multiplie les épithètes et les invectives à mon endroit, il reste que les arguments que j'ai utilisés gardent malgré tout toute leur force parce qu'il faut toujours penser à l'impact qu'aura telle ou telle attitude que nous avons ou geste que nous posons sur ceux qui ont choisi d'obéir à la loi et surtout ceux qui s'y sont conformés et qui pourraient être pénalisés ou qui pourraient être justifiés de revenir après plusieurs années à la charge pour faire reconnaître un droit qu'à l'époque ils croyaient ne pas avoir. C'est quand même un argument important que les arguments du député d'Argenteuil n'affaiblissent en aucune façon. Il dit dans sa contre-argumentation qu'il est d'accord avec moi qu'un certain nombre de cohortes clandestines ne se qualifient pas à l'école anglaise, même en vertu de la "clause Canada".

M. Ryan: ...

M. Laurin: II le reconnaît et il dit qu'elles devraient réintégrer l'école française. Mais pourtant son amendement n'en parle aucunement. Non seulement son amendement n'en parle aucunement, mais, si on le prend au pied de la lettre, tous les clandestins, même non admissibles à la "clause Canada", pourraient se réclamer de cet amendement pour demander d'être admis à l'école anglaise parce que, encore une fois, les termes utilisés sont tellement larges, sont tellement flous, sont tellement imprécis que n'importe qui, au fond, pourrait demander de voir étudié son cas quant à l'admissibilité à l'école anglaise.

Et, enfin, il y a un autre aspect également, que ne n'ai pas souligné tout à l'heure, mais que j'ajoute cette fois-ci. Il faut se rappeler le jugement Deschênes sur le chapitre VIII de la Charte de la langue française. Ce chapitre VIII, évidemment, couvrait plusieurs articles, mais, en même temps, il y avait une plainte d'une commission scolaire qui présentait le cas d'un certain nombre d'élèves qui avaient, avant le jugement, par erreur, été admis à l'école anglaise et qui, par la suite, l'erreur ayant été corrigée, avaient dû réintégrer l'école française. Eh bien, le juge Deschênes a dit: En vertu de la clause 23 du Canada Bill, du fait que ces élèves n'avaient passé que quelques jours à l'école anglaise, même si c'était par erreur, ils avaient acquis le droit d'aller à l'école anglaise. Ne serait-ce pas le cas de toutes ces cohortes clandestines qui, avant que la Cour suprême nous impose son jugement, pourraient fréquenter l'école française. Même s'ils n'y avaient pas droit, du seul fait qu'ils y sont, cela leur donnerait le droit, à eux et à leurs enfants, de la fréquenter pour tout l'avenir possible, envisageable. Cela aussi, c'est un autre argument auquel il faut penser avant de poser un geste qui, encore une fois, pourrait engager l'avenir pour une période indéterminée.

Il est vrai que j'ai accordé une très grande attention aux suggestions du député d'Argenteuil, je les ai étudiées longuement avec certains de mes collègues. Mais c'est justement parce que les remèdes qu'il nous suggérait pour corriger la situation, ou s'avéraient trop arbitraires, ou s'avéraient "pénalisants" d'une manière excessive pour ceux qui avaient choisi d'observer la loi, ou ne tenaient pas compte de la responsabilité de certains principaux d'école, de certains enseignants, ou parce qu'ils se heurtaient à certains obstacles comme ceux que j'ai mentionnés, et en particulier le jugement Deschênes qui a été rendu il y a plusieurs mois, que nous n'avons pu les retenir. Et, s'il faut régler le problème, il faudra utiliser d'autres méthodes ou d'autres façons que celles que nous propose le député d'Argenteuil.

Le Président (M. Gagnon): M. le député d'Argenteuil, très brièvement.

M. Ryan: J'écoute le ministre, M. le Président, et je constate qu'il est d'un immobilisme renversant. Il nous dit, d'un côté: Je ne veux pas accepter les suggestions qui sont faites en vue d'apporter une solution à ce problème-là; de l'autre côté, il ne veut pas utiliser l'appareil de la loi...

M. Laurin: L'appareil de la police.

M. Ryan: Mais l'appareil de la loi, cela comprend l'appareil de la police; c'est cela qu'il faut que vous appreniez aussi.

M. Laurin: On ne l'avait pas mis dans la loi.

M. Ryan: Une loi trop sévère, il faut que vous soyez assez logique pour aller jusqu'au bout de vos erreurs. C'est là que vous montrez le caractère absurde et arbitraire de votre loi. Vous n'êtes même pas capable de l'appliquer par des moyens réguliers. Je trouve que c'est un illogisme. Le gouvernement est assis entre deux chaises, sous l'inspiration du ministre de l'Éducation dans ce domaine, qui n'est pas capable de redresser la situation par des moyens humains, qui ne veut pas la redresser par d'autres moyens. Il a choisi de laisser pourrir une situation. C'est l'attitude la plus indécente qu'on puisse trouver de la part d'un gouvernement, cette attitude qui consiste à dire: On va laisser pourrir cela, qu'ils s'arrangent avec leurs problèmes, qu'ils paient pour; en fin de compte, ce sont eux qui ont voulu ça, alors qu'ils s'arrangent avec leurs problèmes.

M. le Président, je dois vous signaler que, quand on me parle comme cela - il y a des gens du côté gouvernemental qui m'ont parlé comme cela, encore ces jours-ci - c'est sur la tête de ces enfants qu'on parle. C'est l'avenir de ces enfants dont on dit "qu'ils s'arrangent avec leurs problèmes". Chose que l'on ne doit pas oublier - c'est la considération première que j'ai à l'esprit -c'est que les enfants ne sont pas responsables des décisions de leurs parents, que les adultes ont prises à leur sujet. Les enfants qui sont aujourd'hui en troisième, quatrième et cinquième année d'école primaire n'ont pas décidé d'aller là. Ce sont leurs parents, pour toutes sortes de raisons que, moi, j'ai essayé de comprendre, que je n'approuve pas sur toute la ligne, que je ne justifie pas, qui ont pris des décisions concernant leurs enfants. Les enfants sont aujourd'hui dans le bain.

On vous dit: Vous avez essayé l'autre méthode, vous avez nommé un commissaire d'enquête. Je n'ai rien contre M. Aquin personnellement. J'ai lu son rapport. Il y a une chose qu'il a oublié de faire, il a oublié de s'interroger sur la composition de ce groupe. Il est passé tout de suite à la directive du ministre: Dis-moi comment je vais faire pour les passer de l'autre bord. Il a proposé des solutions. Les gens ont dit: C'est bien de valeur, mais on n'en veut pas.

Je dis au ministre qu'il me semble que l'on devrait ensemble penser au bien de ces enfants, se fixer un délai. Le ministre ne veut pas de l'amendement. Je regrette infiniment. Je trouve que c'est un amendement que l'on aurait pu discuter. Les termes, c'est bien secondaire. On peut choisir un mot plutôt que l'autre. Ce n'est pas la fin du monde. Mais il n'en veut pas. C'est évident qu'il n'en veut pas. Il n'a produit aucune idée constructive sur ce sujet depuis qu'il est ministre de l'Éducation. Auparavant, il était superviseur de l'autre.

Je me dis: Essayons de nous entendre, de trouver un délai et de dire que, dans l'espace de trois mois, il faut régler ce problème une fois pour toutes et qu'on marche dans la propreté, l'honnêteté et aussi la légalité. Je suis pour la légalité, peut-être plus que le ministre quand il était dans l'Opposition d'ailleurs. Je n'ai jamais encouragé des bandits qui causaient des millions de dollars de dommages, avec qui le gouvernement s'assoyait pour régler des problèmes à l'amiable pendant qu'à ces pauvres enfants, il disait: Arrangez-vous avec vos problèmes, on ne touche pas à cela, nous. Ce genre de justice, franchement, j'en reviens et je trouve que, comme Québécois, on mérite mieux. C'est ça que je demande.

M. Laurin: M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Laurin: Croyez-vous que le sort de milliers d'enfants qui ont intégré l'école française depuis cinq ans ou six ans et qui étaient exactement dans la même situation que ces cohortes clandestines soit tellement tragique? Après des difficultés d'adaptation normales que rencontrent tous ceux d'ailleurs qui vont s'installer dans un autre pays et que nos francophones ont connues à la puissance n dans les autres provinces, croyez-vous que ce soit tellement tragique? Les exemples que nous avons et les enquêtes que nous avons faites montrent au contraire qu'avec les mesures de soutien que nous avons apportées, de transition, de passage, la très grande majorité de ces milliers d'enfants qui étaient dans la même situation, qui ont intégré l'école française, se sont très bien comportés après quelque temps et au contraire, on a vu, assez rapidement, les avantages qu'il y avait à aller à l'école de la majorité, à apprendre la langue de la majorité et à pouvoir ainsi s'intégrer plus facilement dans

le tissu communautaire québécois pour le plus grand bénéfice de leurs conditions de vie et de leurs conditions de travail. Il ne faudrait quand même pas exagérer en considérant comme une catastrophe le fait, pour ces élèves, d'avoir été obligés, en observant les lois du pays, d'aller étudier, d'aller faire leurs études primaires à l'école française. Je pense qu'il ne faut quand même pas exagérer à cet égard.

M. Gratton: M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Gatineau. M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Ne pourrait-on pas voter?

M. Gratton: Oui, on votera tantôt. Vous me permettrez sûrement, M. le député de Deux-Montagnes, de dire brièvement qu'on m'avait dit - parce que c'est la première fois que j'ai l'occasion d'être en commission parlementaire avec le ministre de l'Éducation - qu'il était un peu spécial dans sa façon de traiter des problèmes, de traiter de l'argumentation logique qu'on pouvait lui présenter.

J'ai écouté très attentivement l'échange qu'il vient d'avoir avec le député d'Argenteuil et je vous avoue franchement que je suis complètement renversé. Ce qu'on m'avait dit n'arrivait pas au dixième de ce que j'entends ici. J'ai bien l'impression que ceux qui ont abandonné la partie depuis fort longtemps, je les comprends, je sympathise avec eux et j'admire le courage du député d'Argenteuil de continuer de tenter de faire comprendre le bon sens.

Je note d'ailleurs, et c'est probablement très pertinent, que le ministre est seul à se défendre là-dedans. Il m'aurait énormément surpris que le député de Deux-Montagnes, entre autres, vienne l'appuyer dans sa...

M. de Bellefeuille: Ah ça, laissez, laissez! J'ai l'habitude M. le Président, de dire ce que je pense. Je n'ai pas besoin du député de Gatineau pour le faire à ma place.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Je ne fais absolument rien dire au député de Deux-Montagnes. Je note qu'il n'a rien dit et je pense que son silence est très significatif. Voilà.

M. de Bellefeuille: C'est à cause de l'éloquence combinée des députés de Bourget et d'Argenteuil.

M. Gratton: Oui. Alors, là-dessus, M. le Président, je n'ai pas autre chose à dire.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que la motion d'amendement du député d'Argenteuil sera adoptée?

M. Ryan: M. le Président, avant que vous demandiez le vote, je ne veux pas que vous vous en tiriez comme cela. J'ai des questions à poser au ministre.

Le Président (M. Gagnon): Ah bon! Alors...

M. Ryan: Qu'est-ce qu'il entend faire pour régler ce problème? Là, il nous dit que la solution...

Le Président (M. Gagnon): M. le député d'Argenteuil...

M. Ryan: Qu'est-ce qu'il entend faire?

Le Président (M. Gagnon): ...je veux seulement vous dire que je ne veux pas m'en tirer. Je suis ici pour vous donner la parole. Vous n'avez qu'à le demander et je vous donne la parole.

M. Ryan: Je l'apprécie. En tout cas, je lui pose cette question: Qu'est-ce qu'il entend faire...

M. Laurin: J'ai déjà répondu.

M. Ryan: ...ici et maintenant pour régler le problème...

M. Laurin: Ici et maintenant, rien. Ici et maintenant, rien.

M. Ryan: ...puis dans l'avenir très prochain?

M. Laurin: Pour l'avenir, je vous ai dit que nous continuerons d'étudier certains des aspects, mais j'ai déjà répondu en disant que les solutions que suggère le député d'Argenteuil ne sont pas acceptables, donc il faudra en trouver d'autres.

M. Ryan: Comment le ministre explique-t-il l'inaction totale dans laquelle il est demeuré depuis un an dans ce problème-là?

M. Laurin: Ce n'est pas une inaction totale. C'est un problème difficile et les solutions qu'on nous suggère ne sont pas acceptables. Donc, il faudra en trouver d'autres...

M. Ryan: Mais, qu'est-ce que le gouvernement...

M. Laurin: ...et nous essaierons d'en

trouver d'autres.

M. Ryan: Mais, qu'est-ce que le gouvernement a fait depuis un an? Pouvez-nous le résumer? J'ai l'impression que c'est une réponse qui ne prendra pas beaucoup de temps.

M. Laurin: Depuis un an, j'ai étudié vos recommandations que je ne trouve pas acceptables et il faudra en trouver d'autres.

M. Ryan: Donc, vous n'avez rien fait d'autre. Très bien, cela me suffit.

M. Gratton: Vous, vous n'avez rien fait. M. Ryan: Je suis satisfait.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'amendement... Êtes-vous prêts à passer au vote? Est-ce que l'amendement du député d'Argenteuil sera adopté?

M. Lincoln: Vote nominal.

M. Gratton: Là, on va voir ce que le député de Deux-Montagnes va faire.

Le Président (M. Gagnon): Le député de...

M. Ryan: M. le Président, s'il vous plaît, est-ce qu'on pourrait en donner lecture?

Le Président (M. Gagnon): Absolument, oui. Ajouter à l'article 73 de la charte le paragraphe suivant: "e) Les enfants dont le père ou la mère est, le 26 août 1977, domicilié au Québec et dont l'admission à l'école...

Une voix: Anglaise.

Le Président (M. Gagnon): ...anglaise se justifie à titre exceptionnel pour des motifs sérieux d'ordre familial, culturel ou humanitaire, au jugement de la commission d'appel." C'est cela?

Une voix: C'est cela.

Le Président (M. Gagnon): J'appelle le vote. M. le député de Nelligan?

M. Lincoln: Pour.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Saint-Hyacinthe?

M. Dupré: Contre.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Deux-Montagnes?

M. de Bellefeuille: Contre.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Bourget?

M. Laurin: Contre.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Mercier? M. le député de Gatineau?

M. Gratton: Pour.

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Dorion?

Mme Lachapelle: Contre.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Bourassa?

M. Laplante: Cela me fait de la peine, mais c'est contre.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Fabre?

M. Leduc (Fabre): Contre.

Le Président (M. Gagnon): M. le député d'Argenteuil?

M. Ryan: Pour.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Laporte?

La motion est rejetée à six contre trois.

M. de Bellefeuille: M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Avant que nous passions à l'article suivant, je voudrais vous poser une toute petite question de règlement, à savoir si le privilège de distribuer à l'avance le papillon relatif à un amendement à venir est réservé aux ministres, aux membres de l'Exécutif, ou s'il appartient à tous les membres de la commission.

Le Président (M. Gagnon): Sur cette question de règlement, je ne crois pas que ce soit réservé aux ministres ou...

M. de Bellefeuille: Bon, alors si vous voulez m'autoriser...

Le Président (M. Gagnon): Je pense que tous les députés qui ont...

M. de Bellefeuille: ...à faire distribuer cet amendement à venir.

Le Président (M. Gagnon): Vous avez un

amendement à faire distribuer? On va le faire.

M. de Bellefeuille: Pour permettre aux membres de la commission de méditer, la nuit portant conseil. Parce qu'à la cadence accélérée de nos travaux, nous n'y parviendrons vraisemblablement pas cette nuit. (23 h 45)

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'article 11.1 est adopté?

M. Gratton: Sur division.

Le Président (M. Gagnon): Adopté sur division. J'appelle l'article 12. M. le ministre. Est-ce que l'article 12 est adopté?

M. Ryan: Non, j'attendais les explications du ministre. S'il n'en a pas à donner, j'ai une intervention à faire.

M. Laurin: L'explication est très simple, dans la loi 101, nous n'avions pas prévu de délai pour les appels, mais toutes les lois prévoient un délai pour les appels et il convenait d'en indiquer un.

Le Président (M. Gagnon): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: J'apprécie qu'on introduise une modification comme celle-là, mais je trouve que la période de 30 jours accordée pour l'inscription d'un appel est trop brève, une période de 60 jours serait plus humaine, encore une fois, et tiendrait compte davantage de la situation.

M. Laurin: D'accord, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Cette motion d'amendement, changer les 30 jours pour 60 jours, est adopté?

Une voix: Adopté.

M. Ryan: M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Adopté. À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: II y a toujours une ou deux bebelles comme cela vers la fin qui ne changent absolument rien à l'orientation générale du débat. J'apprécie le geste du ministre sur ce point précis. Je voudrais au moins vous expliquer l'actuel amendement, ne serait-ce que pour qu'on l'ait dans le dossier.

Dans le cas d'une famille qui doit prendre la décision de s'adresser à l'appareil d'appel institué par le gouvernement, un appel qui fonctionne, jusqu'à maintenant, sans règles de procédure trop bien connues, sans qu'on sache même si on aura la chance d'aller s'expliquer ou non, avec la crainte aussi que, peut-être, son action pourra donner lieu à des enquêtes, tout cela demande des consultation élaborées. Il faut penser que, souvent, les foyers en cause ne sont pas familiarisés avec l'appareil juridique et administratif qu'ont les foyers de vieilles traditions québécoises élevés, en somme -j'allais dire - à observer et à ne pas toujours observer les lois. Ce ne sont pas seulement les illégaux qui n'observent pas les lois, Dieu sait combien il y en a qui passent à côté. Plus tu as de l'argent, plus cela est facile.

M. le Président, je pense que 60 jours, cela sera plus humain, le ministre a compris, je n'insiste pas là-dessus.

M. Laurin: Nous avions inséré le chiffre habituel dans toutes les lois, cela est 30 jours, mais je me rends de bonne grâce aux arguments invoqués par le député d'Argenteuil.

Le Président (M. Gagnon): L'article 12 tel qu'amendé sera adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Gagnon): Adopté. J'appelle l'article 13.

M. Ryan: M. le Président, il y a plusieurs modifications que je vais avoir à proposer là-dessus.

M. de Bellefeuille: Cela répond un peu à vos interrogations.

M. Ryan: Quoi donc?

M. de Bellefeuille: L'article 13.

M. Ryan: À l'article 13, M. le Président...

Le Président (M. Gagnon): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: ...je ne sais pas si le ministre a quelque chose à dire, mais il a la préséance.

M. Laurin: Oui, là aussi, nous avions prévu, dans la loi 101, d'ajouter ce paragraphe qui est ajouté à toutes les lois que nous adoptons. Donc, cela est simplement pour rendre la charte conforme à toutes les autres lois que nous avons adoptées dans le passé. Si le député d'Argenteuil se surprend, sauf du pouvoir d'ordonner l'enprisonnement, c'est, là aussi, une clause qui apparaît dans plusieurs autres articles. Ce n'est pas dans tous les cas que nous faisons cette exclusion, mais nous le faisons dans la plupart des cas. Donc, cela

est simplement une addition conforme à l'usage qui se répand de plus en plus pour les lois adoptées par l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Gagnon): Juste avant, vous me permettrez, pour les fins du journal des Débats, de revenir à l'article 12. Cela est allé tellement vite à l'article 12 que je crois avoir oublié de faire lecture de l'amendement du député d'Argenteuil. Cela avait pour but de remplacer, à l'article 12, les mots "30 jours" par "60 jours".

M. Laurin: Par le chiffre "60".

Le Président (M. Gagnon): Par le chiffre "60", oui. L'article 13 est-il adopté?

M. Ryan: Non, M. le Président. J'aurais d'abord un amendement à proposer à l'article 83 tel qu'il est formulé dans le texte actuel de la loi. Je vais vous lire le texte de la loi et vous allez comprendre la portée de l'amendement que je propose. Ensuite, je pourrai vous le remettre en bonne et due forme. "Une commission d'appel est instituée pour entendre l'appel prévu à l'article 82. Cette commission est formée de trois membres nommés par le gouvernement." L'amendement que je propose vient après les mots "est formée de trois membres nommés par le gouvernement" et là on ajouterait "à la suite de consultations auprès des commissions scolaires, des associations professionnelles, des syndicats et des comités d'école ou des comités de parents concernés."

Oui, mais c'est cela, la consultation. On ne peut laisser aucun de ces groupes de côté, je pense. Ces mots viendraient s'ajouter à la fin de la deuxième phrase de l'article 83 actuel. M. le Président...

Le Président (M. Gagnon): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: ...voici les raisons qui motivent la présentation de cet amendement. La commission d'appel en matière d'instruction à l'école anglaise vise surtout des cas impliquant des foyers d'origine autre que française ou anglaise, des foyers par conséquent dont la venue au Québec ne remonte pas très loin dans le passé, des foyers qui ont des problèmes humains très sérieux en ce qui concerne leur intégration dans ce que j'appellerais le courant principal de la vie communautaire. Ils présentent leur enfant au bureau d'admissibilité. L'enfant se voit opposer un refus d'admission à l'école anglaise. Très bien. Le bureau d'admissibilité fait son travail. La loi leur donne un recours en appel. Il faudrait que cet appel puisse être entendu par une commission ou un tribunal dont une garantie de compréhension et de sympathie pour le problème de ces gens soit très solidement établie, très solidement vérifiée avant leur nomination. Jusqu'à maintenant, on a eu l'impression dans certains cas que les nominations avaient été faites sans considération suffisante pour ces facteurs humains. En inscrivant dans la loi l'obligation pour le gouvernement de procéder à des consultations préalables, nous ne lui enlevons aucunement son pouvoir de nomination, qui lui revient, mais nous subordonnons l'exercice de ce pouvoir à une démarche prudente qui vise à assurer des décisions plus judicieuses, en fin de compte.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député. M. le ministre.

M. Laurin: Je voudrais d'abord signaler, M. le Président, que, dans cette commission d'appel, il y a presque toujours eu un allophone, justement, pour bien se rendre compte que les décisions qui touchaient souvent les allophones pouvaient ou même devaient être entendues par des gens qui comprenaient les problèmes des allophones. Il y a eu aussi à quelques reprises des anglophones, pour la même raison. Donc, je ne crois pas que le gouvernement n'ait nommé que des gens qui pouvaient ne pas comprendre la situation des cas dont ils avaient à juger.

Deuxièmement, il m'apparaît difficile d'accepter l'amendement du député d'Argenteuil, étant donné d'abord que c'est une commission d'appel de caractère quasi judiciaire et que cela n'est pas conforme aux habitudes suivies habituellement par les gouvernements quand ils nomment des membres d'une commission quasi judiciaire et surtout, troisièmement, parce que la consultation que prévoit l'amendement serait quasi inapplicable en ce sens qu'elle demanderait une consultation qui s'éterniserait dans le temps puisqu'il faudrait consulter tous les organismes que mentionne l'amendement, c'est-à-dire, à la limite, 3000 comités d'école, 250 commissions scolaires, 250 comités de parents et un très grand nombre de syndicats. Je pense que la commission d'appel, et le député le reconnaissait lui-même, a rendu des jugements marqués au coin du bon sens et de l'humanité, et je pense qu'en gardant le texte de l'article tel qu'il est, on s'assure que les jugements de la commission d'appel seront toujours de la même façon marqués au coin de la même humanité et du même bon sens.

Le Président (M. Gagnon): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, je suis prêt à convenir avec le ministre que ce serait peut-être un peu lourd d'application. D'ailleurs, il exagère grandement la portée

des complications éventuelles quand il dit qu'il faudrait consulter 3000... Il n'a pas dit conseils d'école, je lui en sais gré, parce que sa fameuse loi 40 est loin d'être adoptée...

M. Laurin: Non.

M. Ryan: ...il a dit des comités d'école. Il sait très bien que ce problème-là ne vise pas 3000 écoles. Cela vise un certain nombre d'écoles dans la région de Montréal; il n'y a pas de problème en dehors de la région de Montréal, dans un sens. On en a quelques-uns dans des régions que je connais, mais les gens ne vous en parlent pas et ce n'est pas moi qui vais vous en parler, cela marche très bien.

Vous savez, surtout pour les organismes limités par conséquent à Montréal, le syndicat qui regroupe tous les enseignants de la région de Montréal pourrait facilement tenir lieu d'organisme consulté, de même que les quelques commissions scolaires qui sont impliquées; il y en a sept ou huit en tout, je pense. Mais cela pourrait très bien être remplacé après avoir procédé à des consultations auprès des milieux compétents en la matière. C'est une chose qui donnerait une latitude au gouvernement. Je ne veux pas créer des complications bureaucratiques inutiles pour les petites nominations, qui restent quand même d'une importance limitée. Je ne veux pas qu'on mette un appareil plus compliqué que celui qui préside au choix des juges de la Cour suprême.

Maintenant, je signale au ministre, en contrepartie de ce qu'il a dit, que, pour la nomination des juges, le gouvernement procède à des consultations institutionnalisées, avec la profession juridique. Cela n'entame en aucune manière l'autorité dont doivent être revêtues ces nominations. Je pense que cela permet de faire des nominations avec un peu plus de discernement et de sagesse. Au Québec, le processus n'a pas été institutionnalisé dans des lois, à ma connaissance, mais il a été institutionnalisé d'une manière quand même assez formelle pour que le ministre de la Justice en tire gloire, et je ne pense pas que le gouvernement s'abaisserait en mettant une disposition de consultation au chapitre de la commission d'appel, surtout au souvenir des situations mauvaises qui ont surgi au cours des dernières années. Je pense que ce serait de nature à montrer que cela peut être un début très modeste d'un changement d'orientation qui s'impose de toute évidence.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député d'Argenteuil. À cette heure-ci, à moins d'avoir l'unanimité de cette commission pour qu'on poursuive nos travaux, je suis obligé d'ajourner cette commission sine die.

M. Gratton: Est-ce qu'on est prêts à...

M. Godin: Non, nous ne sommes pas prêts.

M. Gratton: D'accord.

Le Président (M. Gagnon): Donc, bonne nuit à tout le monde.

(Fin de la séance à 23 h 58)

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