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(Seize heures trente-trois minutes)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission permanente des communautés culturelles et de
l'immigration se réunit aux fins d'étudier, article par article,
le projet de loi 57, Loi modifiant la Charte de la langue française.
Sont membres de cette commission: M. Lincoln (Nelligan), M. Dupré
(Saint-Hyacinthe), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Fallu (Groulx), M.
Godin (Mercier), M. Gratton (Gatineau), Mme Lachapelle (Dorion), M. Laplante
(Bourassa), M. Leduc (Fabre), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Sirros
(Laurier).
Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Bissonnet
(Jeanne-Mance), M. Brouillet (Chauveau), M. Gauthier (Roberval), M. Maciocia
(Viger), M. Martel (Richelieu), M. Polak (Sainte-Anne), M. Vaillancourt
(Orford), M. Vaugeois (Trois-Rivières).
À ce moment-ci, j'aimerais avoir une proposition pour le
rapporteur de cette commission. Oui, Mme la députée de
Dorion.
Mme Lachapelle: M. le Président, je propose M. de
Bellefeuille, député de Deux-Montagnes.
Le Président (M. Gagnon): Le député de
Deux-Montagnes sera le rapporteur de la commission. Merci. M. le ministre,
avez-vous quelques remarques à faire sur l'ensemble de la loi?
M. Godin: Tout ce que j'ai à dire, M. le Président,
c'est ceci: Depuis que la commission a siégé, depuis que le
projet de loi 57 a été déposé, il y a eu un certain
nombre de rencontres et de discussions avec certains groupes. C'est ainsi qu'il
y aura -j'avise tout de suite mon collègue, le député de
Nelligan - un certain nombre de papillons qui modifieront le projet de loi 57
et je vous les déposerai. Vous avez déjà reçu une
liasse de tels papillons. J'ai l'intention de les déposer dans leur
forme finale au fur et à mesure qu'on étudiera les articles.
Est-ce que mes collègues de ce côté-ci ont reçu la
même liasse?
Mme Lachapelle: Non.
M. Leduc (Fabre): Cela semble la même...
M. Godin: Oui, c'est la liasse, première version.
Une voix: II y a une deuxième version?
M. Godin: Chaque fois qu'il y aura un papillon, je le
déposerai en plusieurs copies ici. Alors, il y en avait de prévu
pour vous... Peut-on faire une copie de la liasse de M. Leduc pour mes
collègues de ce côté-ci? Je les ai fait distribuer à
vos bureaux, au moment où on siégeait. Il est possible qu'ils
soient dans la pile de documents. On va vous en faire faire des copies illico,
M. le député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Quelle est la différence entre ce que
le député de Fabre a en main et ce que le député de
Nelligan a en main?
Modification au préambule
M. Godin: II n'y a aucune différence entre ce que le
député de Nelligan et ce que M. Leduc ont en main, et ce que vous
aurez aussi. Cela va?
Alors, M. le Président, je dépose un premier papillon qui
porte sur le préambule -les copies s'en viennent dans quelques instants.
C'est à la photocopie. Je vais vous le lire, M. le Président.
"Préambule. Insérer avant l'article 1 du projet de loi 57,
l'article suivant qui portera le numéro 0.1: Le préambule de la
Charte de la langue française (L.R.Q., chapitre C-11) est modifié
par le remplacement du troisième alinéa par le suivant:
"L'Assemblée nationale entend poursuivre cet objectif dans un esprit de
justice et d'ouverture, dans le respect des institutions de la
communauté anglo-québécoise et celui des minorités
ethniques, dont elle reconnaît l'apport précieux au
développement du Québec."
Les copies s'en viennent.
Le Président (M. Gagnon): Adopté? Est-ce que cette
modification au préambule est adoptée?
M. Lincoln: Non, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: En attendant que mon
collègue range ses papiers, notre position a toujours
été que, si on modifie le préambule sans réellement
modifier ce que le préambule est supposé désigner, on n'a
pas fait grand-chose. On peut dire beaucoup de choses dans le préambule,
qu'on reconnaît les communautés anglo-québécoises et
ethniques, mais si on ne fait rien par rapport aux descriptions qui sont dans
la loi elle-même... Par exemple on ne parle même pas de la langue
anglaise. On est sans doute censé reconnaître le fait même
d'une communauté anglo-québécoise, on ne parle même
pas de la langue anglaise; la seule référence c'est "une autre
langue", comme s'ils disaient on parle l'espéranto, le yiddish ou le
chinois.
On ne fait rien, à l'article 20, on se pose beaucoup de questions
sur les amendements qui réellement ne règlent rien à la
situation. À l'affichage, s'il y a quelque chose, on reviendra en
arrière. On fait de la discrimination par rapport aux boutiques
ethniques, de produits spécialisés, et les autres
commerçants. Sur la clause Canada, encore, on n'a pas
réglé le problème fondamental. Alors pour nous, les
changements que vous apportez au préambule, c'est purement factice parce
que cela ne démontre aucune volonté de changer les choses
réelles dans la loi elle-même. On peut dire beaucoup de choses
dans le préambule, si on n'exprime pas ce que la loi elle-même
devrait changer. Les préambules, ce n'est pas cela qui est
décidé devant les tribunaux, ce n'est pas cela qui est
décidé quand il y a des cas d'espèce qui se posent.
Quant à nous, on trouve que tout le changement du
préambule, si les autres choses fondamentales qu'on demande de changer
ne le sont pas, le préambule ne veut rien dire. Mon collègue
voudrait ajouter quelque chose.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: M. le Président. Je m'excuse d'abord
d'être arrivé en retard. Je présume que le ministre nous a
indiqué ce qui motive la présentation de cet amendement.
M. Godin: Pas encore.
M. Gratton: Pas encore? Alors on souhaiterait l'entendre...
M. Godin: D'accord.
M. Gratton: ...de façon à pouvoir nous laisser
convaincre, ce dont je doute énormément, soit dit en passant.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Godin: Je vais tenter quand même cette mission
impossible, M. le député de Gatineau, M. le Président. Je
pense que la loi 101 ne porte pas sur les droits à proprement dire de la
communauté anglaise du Québec, mais porte sur ses institutions et
sur le respect du caractère historique et patrimonial, je dirais. Cela
fait partie de l'héritage de la communauté anglaise du
Québec et de l'héritage du Québec dans son ensemble. La
loi 101 visait précisément à s'assurer que ces
institutions soient reconnues dans la loi. C'est ainsi qu'à plusieurs
endroits dans la loi 101 et dans la loi 57 on fait référence aux
institutions anglophones que nous avons regroupées sous l'article 113 de
la loi au paragraphe f) dudit article.
Comme c'est sur ces institutions que la loi 101 porte, il nous est
apparu important de préciser au préambule que le gouvernement
avait l'intention d'incarner dans la loi le respect desdites institutions de la
communauté anglo-québécoise.
Il y a eu, bien sûr, des demandes de reconnaître des droits
à la communauté anglo-québécoise, mais je pense que
ce serait dans une charte des droits que de telles mentions devraient
apparaître. D'ailleurs, la Charte des droits et libertés de la
personne reconnaît des droits à tous les citoyens du
Québec, peu importe leur langue, leur origine, leur religion et leur
pratique sexuelle. Donc, les Anglo-Québécois sont
protégés par la Charte des droits et libertés de la
personne dans son ensemble.
Par ailleurs, certains de mes collègues et certains
collègues de l'Opposition ont suggéré que, de façon
plus solennelle que cela ne l'est présentement, cette communauté
anglo-québécoise soit reconnue. Je pense que cela devrait figurer
bien davantage dans ce que l'on pourrait appeler une constitution du
Québec rédigée par le peuple du Québec; que c'est
dans une telle constitution donc que ces droits devraient apparaître
plutôt que dans la Charte de la langue française, pour ce qui
touche la communauté anglo-québécoise, ce qui porte sur
les institutions de cette communauté.
C'est la raison pour laquelle, pour l'instant, nous ne mentionnons au
préambule que le respect des institutions de la communauté
anglo-québécoise et point autre chose.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, le moins que l'on puisse
dire, c'est que le gouvernement ou le ministre demeure fidèle à
lui-même et à l'habitude du gouvernement de la fuite en avant.
Quand on nous parle d'enchâsser les droits de la communauté
anglo-québécoise dans une charte quelconque, je présume
que ce sera éventuellement après
l'accession à la souveraineté. Mais peu importe, on a ici
une Charte de la langue française qui reconnaît explicitement
l'existence tout au moins de minorités ethniques. Peu importe les
termes, on sait ce que cela veut dire.
Le gouvernement inclut là-dedans, comme une des
communautés culturelles, la communauté
anglo-québécoise. Par le fait même, il se trouve à
dire officiellement dans les textes de loi que la communauté
québécoise d'expression anglaise est une de ces minorités
ethniques. C'est ce que l'on fait, dans le fond.
Au moment où on est appelé à modifier, le
gouvernement parle d'irritants. Quant à moi, dans plusieurs cas, il ne
s'agit pas d'irritants que nous étions appelés à
éliminer de la Charte de la langue française, mais nettement
d'injustices et de situations intolérables à l'égard de
certains citoyens.
Au moment donc où on est censé faire ce travail,
voilà que le gouvernement nous propose de reconnaître dans le
préambule de la loi - et j'imagine qu'on le fait dans le
préambule de la loi parce que, justement, on veut éviter de le
faire dans le texte, dans les articles de la loi - les institutions
anglophones.
Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de remonter au
déluge et de faire état du fait que cette même
reconnaissance du droit de la communauté québécoise
d'expression anglaise à ses propres institutions avait été
nié dans un premier temps par un vote des congressistes, des militants,
des membres du Parti québécois à un congrès
général.
Quand le ministre nous dit aujourd'hui: "Eh bien, cela pourra venir,
cette reconnaissance, dans une charte des droits...
M. de Bellefeuiile: Ce n'était pas un congrès,
c'était un conseil...
M. Gratton: Congrès ou conseil national, peu importe.
M. de Bellefeuiile: Vous parlez...
M. Gratton: D'ailleurs, c'est un congrès
général parce que c'est là-dessus qu'a porté
finalement le référendum interne. Que je sache, en tout cas,
c'est au référendum interne... (16 h 45)
M. de Bellefeuiile: Non, non. Historiquement...
M. Gratton: Bon, vous me corrigerez après. En tout cas, je
me fais fort de ne pas connaître tous les dédales de
l'évolution de la pensée du Parti québécois en
matière linguistique.
M. Godin: Parce qu'on en a une.
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Gratton: Oui, vous en avez une et on constate comment elle est
constante et elle a cela de constant, M. le Président, qu'on veut
tenter...
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse. Si vous permettez,
M. le député.
M. de Bellefeuille: Oui.
Le Président (M. Gagnon): Juste au tout début de la
commission, compte tenu de la salle dans laquelle on est, je demanderais aux
membres de la commission d'essayer de ne pas parler en même temps, parce
que cela rend la situation extrêmement difficile pour le journal des
Débats.
M. Gratton: Ah oui!
Le Président (M. Gagnon): Je vous donnerai la parole au
fur et à mesure, mais un à la fois, s'il vous plaît! M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: Si je comprends bien, c'est moi qui ai la parole.
Le Président (M. Gagnon): C'est cela.
M. Gratton: Je disais donc, M. le Président, qu'il y a de
la constance dans les idées au Parti québécois, sauf
qu'à l'occasion on tente de faire croire aux citoyens
québécois que ce qu'on fait est différent de ce qu'on
voudrait que la population pense. Je pense que c'est exactement ce qu'on fait
avec cet amendement que nous propose le ministre au préambule.
Le ministre lui-même avait clairement indiqué que, quant
à lui, la loi 101 devait accorder une reconnaissance quelconque à
la communauté québécoise d'expression anglaise. Il le
reconnaît en faisant signe de la tête. D'ailleurs, les journaux et
les médias en ont fait état. D'ailleurs, à
l'Assemblée nationale, on a posé des questions au premier
ministre à ce sujet. Il a refusé de s'engager parce que, comme le
ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, j'imagine il
n'était pas encore parvenu à convaincre d'autres membres du
cabinet du bien-fondé d'une telle reconnaissance.
On a cru pendant un certain temps, surtout à la suite des
manifestations d'intérêt dont le ministre faisait preuve
auprès de la communauté anglophone, qu'il reviendrait à la
charge. On a toujours cru à la sincérité du ministre
lorsqu'il nous exprimait le désir de faire réellement un travail
complet et honnête avec les amendements à la loi 101.
M. le Président, je vais vous dire
franchement que j'aurais préféré que le ministre ne
nous présente pas du tout d'amendement au préambule plutôt
que de nous présenter une espèce de demi-mesure comme celle qu'il
nous présente. Il nous a tout le temps parlé, et c'est d'ailleurs
la demande, que je sache, personne ne lui a jamais demandé qu'on inclue
dans le préambule de la Charte de la langue française la
reconnaissance des institutions anglophones. Ce qu'on a demandé, tant de
la part d'Alliance Québec que de tous les autres organismes qui se sont
exprimés sur la question, c'était une reconnaissance de la
communauté elle-même, de l'existence de la communauté. Ce
n'est pas du tout ce que fait l'amendement du ministre.
On a l'impression que, finalement, ce que veulent faire le gouvernement
et le ministre en nous présentant cet amendement au préambule,
c'est peut-être de faire croire ce que certains ont cru dans la
communauté d'expression anglaise au moment du dépôt du
projet de loi 57, c'est-à-dire qu'on faisait un pas dans la bonne
direction. Quand on y gratte le moindrement, M. le Président, on
s'aperçoit que tel n'est pas du tout le cas.
Quant à nous, le ministre a semblé nous reprocher de ne
pas avoir de pensée sur le plan linguistique. Je pense que c'est -comme
il le dirait lui-même - un "cheap shot", parce que le ministre a reconnu
combien de fois que c'est le Parti libéral du Québec qui a
été le premier à légiférer en matière
de langue et ce, avec des risques, quant à nous?
On ne peut en dire autant du Parti québécois. En faisant
consacrer le français comme langue officielle du Québec, on a
payé le prix. On a maintenu et nous maintenons toujours qu'il faut une
loi au Québec pour protéger et promouvoir la langue
française. On maintient aussi que cela doit se faire dans le respect des
droits de l'ensemble des citoyens québécois, qu'ils soient de la
majorité ou des minorités. En particulier, on pense que la
communauté québécoise d'expression anglaise, avec sa
contribution à l'histoire, à la société,
mérite plus qu'une espèce de semi-reconnaissance à ses
institutions dans le préambule d'une loi, alors que, lorsqu'on va au
fond de la loi, on s'aperçoit que cette reconnaissance n'est même
pas consacrée par les articles du projet de loi.
En conséquence, quant à nous, on n'a pas peur de se
mouiller et de dire exactement ce qu'on fait. J'aimerais vous proposer un
amendement qui serait le suivant... Soit dit en passant, je n'en ai pas
parlé, n'est-il pas quelque peu significatif qu'après un an et
demi de travail où le ministre a le mandat de revoir la portée
des effets réels de la loi 101 et de recommander les amendements qu'on
doit y apporter, après une commission parlementaire où une
soixantaine d'organismes sont venus se faire entendre, après je ne sais
combien de réunions du cabinet où, semble-t-il, tout allait pour
le mieux dans le meilleur des mondes... C'est l'unité la plus parfaite
au sein du Parti québécois. On sait, par exemple, que le
député de Vachon est très solidaire de ses
collègues là-dessus. M. le Président, on accouche de quoi?
D'un projet de loi 57 qui nous a été déposé
à l'état de brouillon, il y a environ deux semaines, auquel on
nous annonçait déjà un amendement dès la
journée de son dépôt, auquel le ministre a
déposé d'autres amendements. Comme il s'agit d'une loi qui
amende, ce sont donc des sous-amendements. Je suis prêt à parier
qu'il nous déposera des "sous-sous-amendements" avant que nous ayons
terminé nos travaux. Tout cela pour faire quoi? Presque rien. Dans les
faits, on ne fait même pas disparaître les irritants qui existent
déjà dans la loi et les injustices.
Donc, M. le Président, j'y reviens. Je propose le sous-amendement
suivant. Vous me guiderez, à savoir s'il s'agit d'un
"sous-sous-amendement" ou d'un sous-amendement. J'ai l'impression que
tantôt, on sera sous sous sous, beaucoup plus loin. Le tout se lit comme
suit: Que l'amendement à l'article 0.1 soit modifié en
retranchant dans la septième ligne les mots "des institutions" et en
remplaçant le mot "anglo-québécois" par les mots
"québécois d'expression anglaise". L'amendement amendé se
lirait comme suit: L'Assemblée nationale entend poursuivre cet objectif
dans un esprit de justice et d'ouverture, dans le respect de la
communauté québécoise d'expression anglaise et celui des
minorités ethniques dont elle reconnaît l'apport précieux
au développement du Québec.
Si on n'est pas capable de voter pour cela ici, à
l'Assemblée nationale du Québec, je crains fort que...
M. de Bellefeuille: Non, québécoise.
M. Gratton: De la communauté québécoise.
Oui, d'accord.
M. de Bellefeuille: C'est un autre "sous-sous-amendement"?
M. Gratton: Non, l'amendement amendé se lirait comme suit:
C'est bien "québécoise", mon idée. M. le Président,
je termine donc en disant que si, du côté du gouvernement, on
n'est pas prêt à voter en faveur de cette motion, on aura au moins
le mérite d'avoir amené le gouvernement à se
prononcer.
Le Président (M. Gagnon): L'amendement à
l'amendement du ministre qui forme l'article 0.1 est recevable. Le
député de Deux-Montagnes a demandé la parole.
M. de Bellefeuille: Je la cède au ministre car c'est lui
qui doit avoir le premier le droit de parole.
Une voix: Vous seriez tenté de voter avec nous
là-dessus.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Godin: M. le Président, je n'ai pas l'intention de
répéter mon argumentation de tout à l'heure. Je vais juste
corriger, en commençant, une phrase que mon collègue de Gatineau
a prononcée. C'est précisément parce que nous
considérons la minorité anglo-québécoise comme
étant différente des minorités ethniques que nous avons
modifié le préambule, d'une part. D'autre part, nous tenons
à l'expresssion "les institutions de la communauté
anglo-québécoise" pour une raison très simple.
M. Gratton: Elles existent.
M. Godin: La loi 101 porte sur les institutions de la
communauté anglo-québécoise et elle reconnaît le
statut très particulier de ces institutions. J'ai d'autres papillons qui
s'en viennent.
M. Gratton: On s'en doutait.
M. Godin: M. le député de Gatineau, James Joyce a
pris quatorze ans à écrire Finnegans Wake. Il n'y a pas un auteur
petit ou grand qui... Dans le mot littérature, il y a les mots "lit" et
"rature". Donc, on rature et on recommence. On cherche la formule la plus
précise. Je ne suis pas au fait des discussions qui ont
précédé l'adoption de la loi 22 dans sa version finale
mais je suis convaincu que tout bon législateur, comme un forgeron, au
fond, va revenir soumettre ses propositions aux groupes qui sont venus en
commission parlementaire. Il va les soumettre à ses collègues,
les soumettre au Conseil des ministres, les soumettre ici, à
l'Opposition, lors de l'étude article par article. Après avoir
fait le tour de ce que je pourrais appeler l'exercice au complet, nous
n'entendons pas voter en faveur du sous-amendement proposé par le Parti
libéral. D'autant plus qu'aux articles 20 et 23 des modifications seront
déposées bientôt qui vont montrer, à la satisfaction
de nos collègues des deux côtés de la Chambre, l'intention
du gouvernement d'incarner dans la loi 101 elle-même, l'intention de
respecter les institutions anglo-québécoises et de faire en sorte
qu'elles restent anglo-québécoises, qu'elles continuent à
parler anglais et qu'elles ne parlent français que pour la partie qui
touche les contacts avec l'administration et pour la partie qui touche la
clientèle, les patients francophones. Les amendements qui s'en viennent
seront une incarnation, les amendements à 20 et 23, de la volonté
gouvernementale qui découlera du sens même du préambule.
C'est la raison pour laquelle nous voterons contre le sous-amendement du
député de Gatineau.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le
député de Nelligan.
M. Lincoln: Vraiment, M. le ministre, on ne vous comprend pas du
tout. Dans le préambule, vous parlez de consacrer la reconnaissance de
la communauté d'expression anglaise par rapport à la loi 101.
Vous voulez restreindre cela aux institutions, mais c'est la négation
même de tout le principe pour lequel on se bat. Vous dites que la loi 101
fait référence aux institutions, mais il y a beaucoup plus que
cela. La clause Canada ne vise pas les institutions, l'affichage, elle
s'adresse aux citoyens; c'est l'expression même de leur communauté
en général. Dire que vous allez restreindre le préambule
aux institutions, c'est dire que toute la vie de la communauté, son
symbolisme, sa réalité, sa façon de s'exprimer et
même ce que vous recherchez pour la communauté majoritaire du
Québec, c'est-à-dire un point d'expression, une traduction de son
existence, c'est restreindre la chose tout à fait parce que la loi 101
va beaucoup plus loin que les institutions.
Plus avant, vous avez parlé des droits de la personne, par
exemple. Vous dites ne pas vouloir consacrer les droits dans le
préambule parce que les droits, cela se consacre dans la Charte des
droits et libertés de la personne du Québec. En fait, la
Commission des droits de la personne du Québec a dit au ministre tout
à fait clairement que, justement, les droits de la personne du
Québec reconnaissent que l'équité a été
enfreinte, par exemple, dans des clauses relatant l'affichage. C'est ce qu'elle
dit, c'est la Commission des droits de la personne elle-même qui vous le
dit. C'est sûrement un intervenant très important.
Si, par exemple, vous vous basez sur la Charte des droits et
libertés de la personne pour votre argumentation, il y a beaucoup
d'intervenants, par exemple, la Commission des droits de la personne, qui se
posent de sérieuses questions. Restreindre sans donner aux
institutions... Vous revenez en arrière. Vous manquez le bateau
complètement. Vous manquez tout à fait fondamentalement
d'écouter ce que la communauté anglophone a voulu vous dire. Je
pense que vous avez raté votre coup complètement en essayant de
restreindre cela à une affaire d'institutions. Cela va beaucoup plus
loin que cela.
Le Président (M. Gagnon): Cela va, M. le
député de Nelligan? M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: M. le Président, je ne sais pas s'il y
a là matière à très long débat. Pour ce qui
est de la notion d'institution, je partage l'avis du ministre. Je pense que la
loi, qui est la Charte de la langue française, manifeste le respect des
institutions de la communauté dont il s'agit. C'est d'ailleurs par ce
biais que la loi délimite en quelque sorte la place faite à la
collectivité anglophone du Québec. Alors cela me paraît,
par conséquent, tout à fait conforme à l'économie
de la loi, comme on dit, de faire allusion aux institutions. (17 heures)
Quant à l'autre changement que le député de
Gatineau nous propose, de remplacer le mot "anglo-québécoise" par
les mots "québécoise d'expression anglaise", cela, je pense
que...
M. Godin: ...tu parles l'anglais... étant bilingue...
M. de Bellefeuille: Bien oui, mais alors tu es
Anglo-Québécois aussi. Mais là, M. le ministre, vous me
confirmez dans mon idée que le député de Gatineau a
peut-être raison là-dessus.
M. Gratton: Ah!
M. de Bellefeuille: Car si vous me dites que,
Anglo-Québécois, veut dire ethniquement Anglais, ce n'est
sûrement pas cela qu'on veut dire, parce que cela exclut les Ecossais,
les Irlandais et tous les autres anglophones qui ne sont pas Anglais. Alors, ce
que l'on veut dire c'est anglophones. Et la façon gentille de dire cela
dans un texte de loi c'est: Québécois d'expression anglaise.
M. Gratton: Voilà!
M. de Bellefeuille: Québécoise, puisque c'est la
communauté.
M. Lincoln: Vous avez compris.
M. de Bellefeuille: Pour ce changement-là, je me
rallierais volontiers. Mais je pense qu'il est important de maintenir le
libellé quant aux institutions; je crois que c'est un libellé qui
est très précis.
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, juste avant de
donner la parole, probablement au ministre... M. le député de
Mont-Royal, vous m'aviez demandé la parole et M. le député
de Vachon aussi m'avait demandé la parole. Alors, je remarque...
Non...
Bon, ce que je voudrais avoir, à ce moment-ci, c'est la
permission de la commission pour que M. le député de Mont-
Royal soit intervenant à la place du député de
Viger et M. le député de Vachon à la place du
député de Chauveau. Il n'y a pas d'objection à cela?
Des voix: Consentement.
Le Président (M. Gagnon): À la place de M. Sirros?
Vous voulez dire que vous voulez vous faire accepter comme membre de la
commission?
M. Gratton: Oui, c'est cela.
Le Président (M. Gagnon): À la place de M. Sirros.
Voilà. Alors, qui m'avait demandé la parole? M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je voulais seulement demander au ministre: Pourquoi
voulez-vous limiter votre reconnaissance seulement aux institutions? Pourquoi
vous opposeriez-vous à dire: Le gouvernement est prêt à
reconnaître l'apport précieux non seulement des institutions, mais
de la communauté? Il me semble que, premièrement, c'est plus
généreux; juridiquement, cela a totalement un autre aspect. Quand
vous parlez seulement des institutions, vous êtes limitatif, vous
n'incluez pas tous les autres aspects, par exemple, des droits contenus dans la
charte des droits de la personne, la question de l'affichage... On n'est pas
encore arrivé au point, à cet article-ci, où on vous
demande de changer l'article sur l'affichage, mais certainement cela peut
ouvrir la porte à cela. Cela n'a rien à voir aux institutions.
Dans l'avenir, vous pourriez changer l'affichage, vous pourriez changer dans le
domaine de l'éducation, la clause Canada, qui ne se rapporte pas
strictement aux institutions. Alors, je demanderais au ministre: Quelle
objection aurait-il, spécialement après ses déclarations,
quand il dit qu'il faudrait reconnaître le fait anglais dans la loi 101?
Je pense que la reconnaissance du fait anglais se réfère
plutôt à une reconnaissance de la communauté. Cela, c'est
le premier point.
Le deuxième point, je crois que le député de
Deux-Montagnes a souligné la différence entre
Anglo-Québécois et la communauté anglaise, que la
communauté québécoise d'expression anglaise, cela comprend
plus que seulement les Anglo-Saxons. Il peut y avoir tout autre membre...
Mme Lavoie-Roux: Comme la communauté francophone comprend
autre chose.
M. Ciaccia: Alors, je pense que cela serait plus exact et plus
généreux de dire la communauté québécoise
d'expression anglaise, dans le respect de la communauté
québécoise, plutôt que de le limiter aux
institutions de la communauté anglo-québécoise.
Le Président (M. Paré): M. le ministre, est-ce que
vous voulez répliquer?
M. Godin: Oui, M. le Président. Du fait d'avoir un
léger retard et dont je ne vous tiens pas rigueur, M. le
député de Mont-Royal, vous me forcez à reprendre un peu
les arguments que j'ai livrés plus tôt à votre
collègue de Gatineau.
La loi 101 reconnaît, en vertu de l'article 113, paragraphe f),
les institutions anglophones. Ce que nous voulons, et j'annonce les papillons
à l'article 20 et à l'article 23 qui seront déposés
au fur et à mesure, ce sont trois changements. D'abord d'un changement
au préambule qui parle d'institutions; un changement à l'article
20 qui visera à exempter les services de santé et les services
sociaux reconnus par 113, paragraphe f) de l'application de l'article 20, ce
qui correspond à une demande pressante de la communauté
anglo-québécoise et plus précisément des
porte-parole des services de santé et des services sociaux anglophones
du Québec reconnus en vertu de 113f. L'article 20, nouvelle version, les
exemptera de son application.
Et, quand on parle d'institutions, c'est parce que la loi 101 porte sur
les institutions qui sont les municipalités, les services de
santé, les services sociaux, les organismes scolaires et les
écoles anglaises. Donc, en ouvrant la clause Canada, cela serait couvert
par les écoles anglaises. Ce sont les écoles anglaises et les
commissions scolaires anglaises qui vont incarner la clause Canada si jamais la
Cour suprême nous l'imposait ou si nous décidions d'en faire une
partie de notre loi linguistique.
Donc, c'est parce que je pense que cela n'appartient pas à une
charte sur la langue française qui accorde un statut particulier aux
institutions anglo-québécoises historiques, traditionnelles qui
ont été fondées, mises sur pied et établies aux
frais, d'ailleurs, de cette communauté anglo-québécoise
qui inclut, à ma connaissance, les Britanniques, les Écossais,
les Irlandais, donc nos partenaires historiques et anciens qui ont des droits
qui datent d'un siècle et plus. Ce sont ces institutions que nous
voulons reconnaître par la loi 101 et que 113f incarne et
reconnaît.
C'est la raison pour laquelle, pour une question de cohérence, au
fond, et de concordance, nous avons décidé de modifier deux ou
trois articles dans la loi 101 qui reconnaît exactement un statut
particulier aux institutions anglo-québécoises à 113f. Et,
en toute cohérence, dans le préambule de la charte, nous ouvrons
une reconnaissance qui n'y était pas dans le passé. Nous ouvrons
une reconnaissance aux institutions de la communauté
anglo-québécoise et aux institutions seulement parce que la
communauté comme telle sera reconnue, elle est déjà
reconnue; comme tous ses membres, par la Charte des droits et libertés
de la personne.
Deuxièmement, je reviens à une idée chère
à mon collègue de Vachon, qui aurait souhaité que cela
soit dans le préambule de la loi 101 mais je maintiens - et je suis
d'accord en cela avec mes collègues du Conseil des ministres et du
conseil des députés - qu'il devrait y avoir une constitution
québécoise, ce qu'on pourrait appeler en anglais un
"Québec Bill" et c'est dans ce "Québec Bill" que nous
reconnaîtrions la communauté d'expression anglaise du
Québec, les communautés culturelles, les Amérindiens et
les Inuits.
Et si l'on prend, par analogie, la référence aux
Amérindiens et aux Inuits, on ne les évoque que pour ce qui
touche l'application de la loi 101, M. le Président on ne les
évoque pas en général avec l'envergure des droits dont ils
disposent ici. On les évoque en référence à ce que
nous disons à leur sujet dans la loi 101 et cela est tout à fait
en cohérence et en concordance que nous ne mentionnions que les
institutions de la communauté anglo-québécoise.
M. Ciaccia: Dans la loi 101, je ne crois pas qu'il y ait une
clause qui dise que le préambule fait partie de la loi.
M. Godin: Vous m'avez... Une voix: Non.
M. Ciaccia: Cela veut dire que ce que vous écrivez dans le
préambule est sans effet de toute façon.
M. Godin: C'est à dire que vous aurez l'effet, M. le
Président, si vous me le permettez...
M. Ciaccia: II n'y a pas d'effet juridique parce que cela ne fait
pas partie de la loi, vous venez juste de me le confirmer. Je pense que vous
êtes...
M. Godin: Vous aurez l'effet, M. le député de
Mont-Royal, dans les papillons que je déposerai au fur et à
mesure, les papillons qui porteront sur les articles 20 et 23.
M. Gratton: M. le Président, question de
règlement.
M. Godin: Sauf que le préambule sert aux tribunaux
à interpréter au sens de la loi même si...
M. Gratton: M. le Président.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Gatineau.
M. Gratton: Je m'excuse, mais c'est une question de
règlement ou de procédure. Est-ce que le ministre pourrait nous
fournir ces papillons immédiatement de façon qu'on puisse
demander à notre personnel d'en faire l'analyse pour ne pas que cela
nous arrive comme un cheveu sur la soupe.
M. Godin: Je ne les ai pas moi-même. Dès qu'ils
seront prêts - ils me viennent de juristes de Montréal - ils
seront vus par des juristes ici pour la "finishing touch", pour le coup de
pinceau final. Dès que je les aurai, je les remettrai à mes
collègues, je n'en ai pas de copie sous les yeux. Tout ce que j'ai,
c'est mon intention, M. le Président, dont je vous fais part ici et elle
se retrouvera dans les articles en question dès que nous serons rendus
à l'étude de ces articles.
M. Gratton: M. le Président, on me permettra
sûrement de dire que nous, les intentions du ministre, on sait qu'elles
sont bonnes. D'ailleurs la voie de l'enfer est pavée de bonnes
intentions, le ministre est le premier à le savoir. Malheureusement, il
est arrivé à au moins trois reprises que ses intentions ne soient
pas traduites dans les textes de loi. On veut bien croire qu'un jour cela va
finir par aboutir, mais je suggère au ministre qu'il est quasiment temps
parce que, quand on va être sorti de la commission parlementaire, il va
être trop tard pour dire: Ce n'est pas cela que je voulais faire, je
voulais faire autre chose. Il y a une limite à la bonne foi qu'on est
prêt à afficher à l'égard du ministre mais le
gouvernement, je vous le dis tout de suite, je ne crois pas à sa bonne
foi. Mais au moins le ministre, il nous dit avoir des bonnes intentions mais
qu'un jour, il aboutisse avec quelque chose qui traduise ses intentions dans
les faits.
M. Godin: Quand nous en serons là, mon cher
collègue, vous aurez, et si possible avant...
M. Gratton: À la condition que la tempête
n'empêche pas les juristes de se rendre à Québec.
M. Godin:... si possible avant, je m'y engage...
M. Gratton: Franchement, si cela n'est pas de l'improvisation, M.
le ministre.
M. Godin: Non, ce n'est pas de l'improvisation, c'est un
processus de création. Peut-être n'êtes-vous pas très
familier avec cela, n'étant pas un poète de la même
envergure que M. Honoré Mercier ou d'autres, mais...
M. Gratton: Que Dieu m'en gardel
M. Godin: ...c'est un processus de création, de
réflexion et de consultation, M. le député de Gatineau. Et
j'ai consulté en fin de semaine un certain nombre de personnes du milieu
hospitalier anglophone, et j'arrive ce matin...
Mme Lavoie-Roux: Un papillon.
M. Godin: ...avec un papillon tout simplement.
M. Gratton: Un papillon ou papillon ou papillon.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Vachon, vous m'aviez demandé la parole.
M. Gratton: Je m'excuse, j'ai interrompu. Est-ce que mon
collègue avait fini?
Le Président (M. Paré): Est-ce que vous aviez
terminé, M. le député de Mont-Royal?
M. Ciaccia: Oui. Je voulais seulement ajouter à la suite
des arguments du ministre, que le préambule, c'est seulement un voeu,
qui exprime certaines intentions du gouvernement qui n'ont pas de
conséquence juridique. Je pense bien que le gouvernement pourrait plus
généreusement exprimer l'intention d'une reconnaissance de la
communauté anglophone. Le même argument, vous pourrez l'apporter
après et dire que vous n'aviez pas l'intention, quand vous allez venir
avec votre "Québec Bill", si jamais cela arrive. J'ai mes doutes que
cela va arriver.
M. Godin: M. le député, on y travaillera
ensemble.
M. Ciaccia: Je pense bien qu'à ce moment, vous allez - si
ce n'est pas vous, cela peut être un autre ministre qui va être en
charge de cette loi - dire: L'intention de l'Assemblée nationale,
c'était de poursuivre l'objectif, les institutions. Alors, on va nous
donner cet argument pour encore réduire votre "Québec Bill"
tandis que vous avez l'occasion maintenant vraiment d'ouvrir la porte, cela n'a
pas de conséquence dans la loi. Que vous disiez le respect des
institutions ou que vous disiez le respect de la communauté
québécoise d'expression anglaise, cela n'a absolument aucun effet
juridique même dans l'interprétation de la loi parce que ce sont
des clauses spécifiques. Mais au moins, cela montrerait un peu plus de
générosité d'esprit et plus tard, quand on viendra
à discuter d'autres lois, on pourra toujours dire que c'était
l'intention du gouvernement d'avoir cette reconnaissance et
de ne pas la limiter, de procéder d'une façon très
restrictive. (17 h 15)
M. Godin: Un dernier mot là-dessus, M. le
Président, si vous me permettez. La communauté
anglo-québécoise est multiple, est diverse. Elle a des droits et
une histoire mais je pense qu'il faut, dans la loi 101, donner un statut
particulier à ces institutions de la communauté
anglo-québécoise. Si on dit "la communauté" c'est plus
vague. Vous me dites que c'est plus généreux mais je pense que
c'est plus vague et que cela ne donne en rien des garanties quant aux
institutions elles-mêmes. Il y a d'autres lieux, d'autres lois, d'autres
circonstances juridiques où la communauté
anglo-québécoise est reconnue au Québec, mais je dis que
la loi 101, en vertu de l'article 113, paragraphe f) donne un statut
très particulier aux institutions de la communauté
anglo-québécoise - je le répète - qui font partie
du patrimoine du Québec et, à ma connaissance, il n'y a pas
d'autres lieux juridiques sur lesquels nous nous pencherions dans les mois qui
viennent de s'écouler ou qui s'écouleront qui nous permettront de
préciser avec autant de fermeté notre intention de
reconnaître et de respecter les institutions de la communauté
anglo-québécoise, M. le Président.
M. Ciaccia: Je suis d'accord avec vous que c'est l'article 113,
paragraphe f) qui donne cette reconnaissance et non le préambule. C'est
pour cela que dans le préambule vous pourriez élargir un peu
l'intention du gouvernement. La reconnaissance de l'institution, ce n'est pas
le préambule. Que vous incluiez ou non cette clause dans le
préambule, vous avez quand même l'article 113, paragraphe f). Le
but du préambule c'est de donner une sorte d'intention pour l'avenir. La
reconnaissance des institutions se trouve dans la loi et vous pourriez vous
permettre d'inclure une reconnaissance plus large. C'est une espèce de
"statement of intentions".
M. Godin: Oui, mais un dernier mot avant que le président
ne passe la parole à nos collègues. C'est pour fonder l'article
113, paragraphe f) que nous avons un changement au préambule aux yeux
des cours, des tribunaux et de quiconque prendra connaissance de cette loi et
l'appliquera. J'ai terminé, M. le Président.
Le Président (M. Paré) Mme la députée
de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je voudrais
appuyer l'amendement proposé par mon collègue de Gatineau.
J'écoute le ministre et j'ai l'impression que si on s'en tient à
ses intentions... Je me demande pourquoi il n'a pas simplement modifié
le paragraphe f) parce que dans le fond...
M. Godin: L'article 113, paragraphe f).
Mme Lavoie-Roux: L'article 113, paragraphe f), pardon. Parce que
vos intentions, c'est déjà mieux par rapport à ce qui
existait, mais elles ne vont pas au-delà de dire: II y a des services de
santé municipaux, organismes scolaires, etc, qui sont de langue anglaise
ou qui appartiennent à la communauté anglophone. Je pense qu'on a
établi entre nous que la communauté anglophone est plus large que
- comment le désignez-vous dans votre amendement?
l'anglo-québécois. Dans le fond, vous ne voulez pas vraiment,
dans ce projet de loi-ci, avoir une reconnaissance véritable de la
communauté anglophone.
C'était assez amusant de vous entendre dire tout à
l'heure: "Les institutions anglophones font partie de notre patrimoine." On a
l'impression que vous dites: Les églises protestantes qui se dessinent
tout le long de la Gaspésie, qu'on voit sur tous les pics sont des
pierres, cela fait partie du patrimoine. Est-ce que vous concevez qu'une
communauté c'est autre chose que son patrimoine? C'est aussi quelque
chose de dynamique, c'est aussi quelque chose de vivant, c'est quelque chose
qui doit se développer et, en la restreignant uniquement à la
reconnaissance des institutions mais non pas à la communauté
d'expression anglaise au Québec, vous lui donnez quand même un
sens très restrictif. Je ne sais pas si notre plaidoyer sera utile mais
je voudrais comprendre quelles sont les résistances du gouvernement
à dire, sauf que cela devienne une question de principe pour lui, il ne
faut absolument pas reconnaître la communauté anglophone mais on
est bien prêt à reconnaître ses pierres, l'Université
McGill, etc.
M. Godin: Les personnes, madame. Mme Lavoie-Roux:
Bien...
M. Godin: Les personnes qui travaillent dans ces institutions,
qui les ont fondées et dont on voit les photos et les tableaux sur tous
les murs de ces institutions.
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais il y en a d'autres qui vont les
perpétuer...
M. Godin: Oui, c'est ça.
Mme Lavoie-Roux: ...et ces gens-là existent dans le
Québec présentement. Le fondateur de McGill, il y a une belle
photo à l'Université McGill... Je pense que des gens
perpétuent cela, qu'ils sont partie de l'ensemble du Québec, la
population du Québec et c'est comme si vous ne vouliez
pas admettre cela dans votre préambule.
Dans le fond, si vous vous en tenez uniquement à ce que vous
appelez les institutions comme étant du patrimoine ou, enfin, si vous
élaborez strictement sur l'article 113f, vous auriez dû mettre
votre amendement là. Il n'a pas une envergure très grande,
puisqu'il se limite strictement à la vie de la communauté
anglophone comme une vie reliée à des institutions.
Il y a même des endroits où il y a des communautés
anglophones qui n'ont pas d'institutions. Je connais des villes au
Québec... Il y a plusieurs petites villes dans les Cantons de l'Est,
parce que je suis plus familière avec cette région, vous la
connaissez vous-même, où il y a des anglophones,
généralement d'origine écossaise, anglaise ou irlandaise,
qui n'ont pas d'institutions comme telles, mais qui sont présents dans
la communauté. Ces gens-là vivent, leur vie n'est pas
reliée strictement à des institutions.
Il semble y avoir une résistance presque de principe chez le
gouvernement à reconnaître la communauté anglophone comme
étant un ensemble dynamique, participant à la vie du
Québec, évoluant avec le Québec, enrichissant et
continuant d'enrichir le Québec. C'est là-dessus que vous semblez
accrocher, M. le ministre.
En tout cas, M. le Président, dans ce sens-là, je pense
que si on veut garder les institutions dans le préambule, il aurait
fallu mettre "et des institutions et de la communauté anglophone". Il
aurait fallu mettre les deux. Si on veut mettre dans le préambule une
protection des institutions ou une reconnaissance des institutions, on le met,
mais on met en même temps une reconnaissance de la communauté
d'expression anglaise au Québec. Je pense que cela devrait contenir les
deux éléments.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Non, M. le Président, je cède
la parole au député de Vachon qui l'a demandée avant
moi.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Vachon...
Une voix: Qui ne l'avait...
Le Président (M. Paré): ...est-ce que vous aviez
demandé la parole?
M. Payne: En réalité, je ne l'ai jamais
demandée, mais je la prendrai.
M. de Bellefeuille: Personne n'est parfait.
M. Payne: Non, mais, effectivement, trois députés
ont mentionné mon nom.
M. de Bellefeuille: Voulez-vous m'inscrire après lui?
M. Godin: Est-ce que le député de Vachon est
inscrit?
Une voix: Oui, oui.
M. Payne: Pour le procès-verbal, j'aimerais être
très clair et corriger légèrement ce que le ministre a
laissé entendre tout à l'heure. Personnellement, je n'ai jamais
laissé entendre qu'une simple reconnaissance de la communauté
anglo-québécoise dans le préambule au projet de loi 57
répondrait à mes préoccupations. Je n'entrerai pas dans
les détails tout de suite. J'avais plutôt invoqué que ces
droits devraient être reconnus dans une charte des droits linguistiques,
mais une véritable charte qui, elle, aurait un statut et une valeur
égale à ce qui est contenu dans la constitution canadienne, mais
on reviendra là-dessus au cours de la troisième lecture.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: M. le Président, j'ai
écouté attentivement tous nos collègues et je suis
toujours du même avis qu'il y a la moitié du sous-amendement du
député de Gatineau qui me serait acceptable. La moitié qui
ne m'est pas acceptable, c'est lorsqu'il veut supprimer les mots "des
institutions", parce que, comme le ministre l'a expliqué, c'est une
question de cohérence à l'intérieur de la loi.
Cependant, pour ce qui est du remplacement de l'expression
"anglo-québécoise" par les mots "québécoise
d'expression anglaise", je suis toujours d'accord avec le député
de Gatineau que cela représenterait une amélioration, parce qu'il
me semble que l'expression "anglo-québécoise" détonne dans
un texte juridique. C'est du jargon. Ce n'est pas une langue très pure
que de parler de Franco-Québécois, de Franco-Ontariens ou de
Franco...
Une voix: Fransaskois.
M. de BeUefeuiUe: ...oui, chaque communauté a le droit de
s'inventer son nom, mais ce n'est pas cela qu'on met justement. Ce n'est pas
cela qu'on met dans le texte de loi. Dans le texte de loi, il faut mettre
quelque chose de plus conventionnel, de plus classique comme formulation, et
aussi quelque chose qui n'est pas ambigu. Or, à mon avis, l'expression
"anglo-québécoise" est ambiguë. Est-ce les gens qui parlent
l'anglais ou si ce sont les Anglais, comme distincts des Ecossais, des
Irlandais ou des
autres personnes pouvant parler anglais?
Je ne comprends pas pourquoi le ministre ne veut pas dissiper cette
ambiguïté en se ralliant à l'expression
"québécoise d'expression anglaise". Est-ce qu'il y aurait des
Québécois d'expression anglaise qui ne sont pas des
Anglo-Québécois? Est-ce qu'il y aurait des gens que nous ne
voudrions pas couvrir du parapluie de ce préambule? Si c'est le cas, je
m'y opposerais. Par ce libellé, je pense que nous voulons viser tous les
Québécois d'expression anglaise.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Nelligan.
M. Lincoln: M. le ministre, je pense qu'il n'y a rien à
ajouter sur cette question, qui est importante, mais l'autre, celle de la
reconnaissance de la communauté, l'est encore beaucoup plus. Si on
regarde le préambule original de la loi 101, comme il est maintenant, si
vous regardez toutes les références qui sont faites aux
minorités ethniques, les Amérindiens et les Inuits, on ne parle
jamais ici d'institutions. En fait, d'après ce que nous comprenons, ce
que vous essayez de corriger dans l'amendement que vous apportez au
préambule, c'est justement d'apporter une reconnaissance à la
communauté anglaise qui a été presque oubliée, qui
a été englobée avec les communautés ethniques et
à laquelle il n'y a aucune référence dans la loi.
C'est justement ce que tous les intervenants de la communauté
anglophone vous ont dit à la commission. Ils ont dit: Écoutez, la
loi 101 c'est comme si on nous époussetait sous le tapis. Il n'y a
aucune reconnaissance de la langue. On ne parle pas du tout de la langue. On
parle des autres langues. Il n'y a aucun mot par rapport aux anglophones. On
parle même de communauté anglo-québécoise.
Si vous regardez le préambule existant: "L'Assemblée
nationale entend poursuivre cet objectif d'un climat de justice et d'ouverture
à l'égard des minorités ethniques". On ne parle pas des
institutions des minorités ethniques, on parle des communautés en
général. Le préambule est clair. Cela voulait signifier
qu'on parlait des communautés en général. Pourquoi
changez-vous la chose dans votre amendement, lorsque vous voulez amener la
communauté, faire une reconnaissance spécifique de la
communauté d'expression anglaise? Vous changez le libellé.
Lorsque vous parlez de la communauté d'expression anglaise, vous changez
le libellé et vous apportez la question des institutions, ce qui n'est
pas du tout le cas dans le préambule original.
En fait, le préambule original semble indiquer que c'était
vraiment beaucoup plus large. Par exemple, si vous parlez des institutions, je
vous ai posé la question avant l'affichage: Est-ce que cela a trait aux
institutions? C'est l'une des clauses les plus importantes selon la
communauté anglophone, selon tous les intervenants de la loi 101 qui les
avait eues beaucoup plus de la Commission des droits de la personne.
L'affichage a trait au citoyen lui-même, cela n'a pas trait à une
institution. C'est le citoyen qui cherche cela, l'individu qui pourrait avoir
un commerce ou quoi d'autre, l'affichage commercial. C'est un exemple typique.
Vous parlez de la clause Canada comme impliquant les institutions, mais il faut
renverser la chose. Nous voyons la clause Canada comme impliquant l'institution
éducatrice, c'est sûr, mais beaucoup plus le citoyen qui demande
que son fils y reçoive une éducation. C'est tout à fait
différent. La perspective est beaucoup plus importante du point de vue
du citoyen qui essaie de se faire reconnaître selon la clause Canada
plutôt que selon le milieu institutionnel qui veut l'appliquer.
Si on prend cela du point de vue de l'équité, du point de
vue du droit de la personne, c'est sûrement beaucoup plus important, si
vous voulez souligner le droit de la personne, d'inclure cela dans un climat
beaucoup plus large. Comme l'a suggéré ma collègue de
L'Acadie, si vous mettez les institutions et la communauté, à ce
moment, cela fait les deux. Si vous voulez reconnaître les institutions,
mettez donc les institutions et la communauté. Mais, si vous ne mettez
que les institutions, vous oubliez tous les citoyens qui sont affectés
par la loi 101 peut-être plus encore que les institutions, parce que
c'est le citoyen qui demande des services, c'est le citoyen qui demande de
l'affichage, c'est le citoyen qui veut la clause Canada. On oublie
sûrement la question fondamentale. D'après moi, c'est beaucoup
plus important que même l'autre, qui est importante en soi.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Gatineau.
M. Godin: Attendez un peu, M. le Président.
Le Président (M. Paré): Oui. M. le ministre.
M. Godin: En vertu du principe de l'alternance, je serais
prêt à me rallier partiellement à l'amendement de
l'Opposition et à reconnaître que les mots "de la
communauté québécoise d'expression anglaise" disent mieux
ce qu'ils veulent dire que "la communauté
anglo-québécoise", ce qui m'amènerait à proposer
que l'amendement amendé se lise comme suit: "L'Assemblée
nationale entend poursuivre cet objectif dans un esprit de justice et
d'ouverture...
M. Gratton: M. le Président, je ne veux pas me formaliser,
mais je ne pense pas que ce soit possible de procéder de cette
façon.
Le Président (M. Paré): Non... M. Gratton:
On lira après.
M. Godin: En tout cas, on n'est pas des juristes.
M. Gratton: Non, mais...
M. Godin: ...entre nous pour...
Mme Lavoie-Roux: On en discutera après. On
s'occupera...
M. Godin: J'ai des choses à ajouter. L'esprit de justice
et d'ouverture, Mme la députée de L'Acadie...
Mme Lavoie-Roux: Oui.
(17 h 30)
M. Godin: Et vous, M. le député de Nelligan, cela
s'applique à tous les citoyens du Québec qui ne sont pas
francophones, nés francophones. C'est ce que cela veut dire. Cela veut
dire que cela s'applique... on veut que le respect des autres soit dans le
préambule de la charte: dans le respect des institutions de la
communauté québécoise d'expression anglaise.
Donc, j'achèterais la moitié de votre amendement; mais je
tiendrais à mon institution, parce qu'il me semble que la
cohérence de la loi va dans ce sens.
Mme Lavoie-Roux: Mais pourquoi ne pas laisser les institutions et
la communauté québécoise d'expression anglaise?
M. Godin: Je vous l'ai dit tout à l'heure.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Gatineau.
M. Gratton: D'abord sur une question de règlement. Je
conviens que le ministre... Je ne veux pas qu'on s'en formalise non plus, mais
comme on discute présentement d'un amendement ou d'un sous-amendement
à l'amendement, le règlement nous interdit de procéder
comme le ministre nous le suggère. Donc, on devrait disposer de
l'amendement, que je maintiens. Le ministre probablement ne me demande pas mon
consentement pour biffer une partie de mon amendement. Car, dans le fond ce que
le député de Deux-Montagnes et le ministre reconnaissent, c'est
que le vocabulaire serait mieux si on employait l'expression "communauté
québécoise d'expression anglaise". Le fond de mon amendement, ce
n'est pas cela du tout.
Le fond de l'amendement que je propose vise à faire
reconnaître la communauté. J'espère qu'on ne me pense pas
assez perdu dans mes papiers pour s'imaginer qu'en disant: "I pay 1250 $ on
your deal, will you sell for 1200 $?". Il ne s'agit pas de négocier
là-dessus. On est pour la reconnaissance de la communauté
anglophone ou on ne l'est pas.
Quant à moi, j'aurais une couple de questions à poser au
ministre là-dessus. Il nous dit: On inscrit dans le préambule la
reconnaissance des institutions anglophones parce qu'on confirme ce qui existe
déjà dans l'article 113f. A-t-il eu connaissance, au cours des
six années de l'application de la loi, qu'il y ait eu problème
dans l'application de l'article 113f et de tous les articles qui en
découlent, parce qu'on n'avait pas l'inclusion de ce que nous propose
l'amendement du ministre dans le préambule?
Est-ce que cela a fait problème que, dans le préambule, on
n'ait pas retrouvé ce que le ministre veut maintenant y inscrire,
c'est-à-dire la reconnaissance des institutions anglophones?
M. Godin: Oui...
Le Président (M. Paré): M. le ministre.
M. Godin: ...dans l'interprétation de l'article 20, dont
on a parlé longuement en commission parlementaire. L'article 20 a
été interprété comme devant bilinguiser toutes les
institutions anglo-québécoises, alors que l'intention du
gouvernement était de s'assurer que les services soient disponibles,
comme le dit l'article 23. C'est la raison pour laquelle il m'est apparu
essentiel de préciser, dans le respect des institutions de la
communauté anglo-québécoise ou de la communauté
d'expression anglaise, pour que toute personne qui a à
interpréter la loi, soit dans ses fonctions, soit à d'autres
titres, sache très clairement que l'intention du gouvernement est de
s'assurer que les institutions anglophones reconnues en vertu de l'article 113
f doivent fournir des services à leur clientèle francophone en
français, mais ne doivent pas totalement devenir bilingues. Elles
doivent rester... C'est la demande d'Alliance Québec dont certains des
porte-parole sont ici présents, c'est la demande des hôpitaux
anglophones; c'est la demande de bien des gens. Si ces institutions deviennent
totalement bilingues, du laveur de plancher jusqu'au directeur
général, ce ne sont plus des institutions anglaises. Donc, pour
que ce soit bien clair que nous voulons incarner le caractère anglais de
ces institutions, qui ne seraient bilingues que pour ce qui touche les rapports
avec l'administration et avec les clients francophones, grâce à la
clarification donnée au préambule, nous allons pouvoir mieux
fonder la portée de l'article 113f, les
amendements à l'article 20 et les amendements à l'article
23 que je déposerai d'ici quelques minutes.
M. Gratton: M. le Président.
M. Godin: Est-ce que cela répond à votre question,
madame?
M. Gratton: C'est moi qui ai posé la question.
Le Président (M. Paré): Oui.
M. Gratton: M. le Président, je comprends donc la
réponse du ministre: lorsqu'il a fait une déclaration la semaine
dernière, à savoir qu'il n'avait pas dit son dernier mot sur la
question de reconnaître la communauté anglophone, ce qu'on aurait
dû lire de ses déclarations, c'est des institutions de la
communauté anglophone dont il parlait, et non de la communauté
comme telle. Là, je veux que le ministre y réfléchisse
comme il faut. Est-ce qu'il se satisfait, lui, de l'amendement qu'il propose?
Est-ce que cela répond à ce qu'il disait vouloir rechercher comme
objectif la semaine dernière, lorsqu'il a fait ses déclarations
que je vais retrouver immédiatement?
M. Godin: C'est-à-dire cet amendement plus l'amendement
à l'article 20 et l'amendement à l'article 23 vont aller
exactement là où, dans mon esprit, nous devions aller dans la
reconnaissance des institutions de la communauté
québécoise d'expression anglaise.
Mme Lavoie-Roux: Non pas dans la reconnaissance de la
communauté anglophone. Simplement de...
M. Gratton: Je m'excuse mais le ministre disait qu'il faudrait
reconnaître le fait anglais dans la loi 101. Est-ce qu'il voulait dire
qu'il fallait reconnaître le fait anglais seulement dans ses
institutions?
M. Godin: Le fait anglais, c'est d'abord...
M. Gratton: Quelle était l'intention du ministre la
semaine dernière?
M. Godin: Je ne voudrais pas demander à mon
collègue de se référer à la cassette...
M. Gratton: Voulez-vous qu'on sorte le journal des
Débats?
M. Godin: ...mais, en ce qui me concerne, le fait anglais, c'est
en grande partie, pour ce qui touche la loi 101 - je ne parle pas pour
l'ensemble des lois du gouvernement, je ne parle pas pour le budget du
MAS qui va verser environ 100 000 000 $ par année aux
institutions hospitalières et aux services sociaux anglophones, je ne
parle pas de la reconnaissance qui est donnée dans la loi sur
l'éducation qui va verser 95 000 000 $ à l'Université
McGill seule et je ne parle pas du reste. Donc, le fait anglais, en ce qui
concerne la loi 101 dont je suis le parrain pour la partie qui n'est pas du
domaine de l'éducation, nous le reconnaîtrons grâce d'abord
au préambule et ensuite aux amendements aux articles 20 et 23.
Également le bilinguisme, enfin tout ce qui touche les
institutions de la communauté anglophone et le recours à
l'anglais dans leur fonctionnement interne, le recours au français dans
les rapports avec l'administration, le recours au français dans les
rapports avec la clientèle francophone et le recours aux deux langues
pour leur contact avec leurs employés. Enfin, le recours à la
langue de leur choix pour le contact entre deux employés entre eux. Pour
moi, c'est cela reconnaître le fait anglais pour ce qui touche la loi
101, M. le député de Gatineau.
M. Gratton: Et vous voyez pourquoi on s'inquiète quand le
ministre nous parle des intentions qu'il a vis-à-vis de la loi 101 et
son désir de la bonifier, d'en éliminer non seulement les
irritants mais toutes les autres incongruités qu'on y retrouve? C'est
que ses intentions ne se traduisent pas toujours par les mêmes textes,
selon qu'on se trouve d'une semaine à l'autre et qu'il a passé
devant le cabinet des ministres ou pas.
C'est cela qu'on ne peut pas accepter, nous, comme méthode, de
nous dire, ce que fait le ministre: Faites-moi confiance, mon intention, c'est
cela. Vous allez voir, tout va bien aller. Les mots du texte - finalement,
c'est presque cela qu'il nous dit - cela ne veut presque rien dire.
Quand Michel Roy écrivait dans la Presse du mercredi 23 novembre,
sous le titre "L'excellent projet...
M. Godin: Cela vous a fait mal, hein!
M. Gratton: Je ne veux pas accuser le ministre de
démagogie, mais l'avez-vous lu pour dire cela? Le projet dont il
parlait, c'était le projet du ministre. M. le Président. Je vais
lui lire au long pour qu'il comprenne une fois pour toutes. "La plus
récente déclaration de Gérald Godin à la
Presse...
M. Godin: Non, non, ne portez pas atteinte à mon
orgueil...
M. Gratton: ...fût-elle inachevée, ne doit pas
passer inaperçue. Le correspondant parlementaire Louis Falardeau qui
l'interrogeait à ce sujet lundi disait: Le
ministre des Communautés culturelles a en effet annoncé
que le gouvernement, au-delà des propositions d'amendements qu'il a
rendu publiques ces jours derniers - cela c'est au-delà du projet de loi
57 - songe aussi à apporter au préambule de la Charte de la
langue française une modification ou plutôt un additif dont la
portée serait considérable. L'apport de la communauté
anglophone à la société québécoise serait
souligné et le droit à la gestion de ses institutions
formellement reconnu, de même que la loi cautionne déjà les
droits des Amérindiens et des Inuits à leur langue et à
leur culture. L'apport de la communauté anglophone à la
société québécoise serait souligné."
Est-ce que l'apport de la communauté anglophone à la
société québécoise se limite à ses
institutions? Si c'est cela que le ministre nous dit, c'est parfait! Il traduit
son intention dans son amendement, mais, moi, je considère que la
communauté anglophone, par son apport, dépasse les institutions
anglophones qu'on retrouve sur le territoire québécois. Je suis
certain que le ministre le croit aussi.
M. le Président, on n'est quand même pas pour rester ici
à n'en plus finir pour essayer de convaincre le ministre. Il est
déjà convaincu, j'en suis persuadé. Le ministre nous a dit
qu'il pensait comme nous, la semaine dernière. Sauf que le cabinet de
ministres ne lui a pas donné raison, n'a pas suivi... Bien, il pourra me
faire tous les signes de tête qu'il voudra, M. le Président. Si le
ministre est en train de me dire que son amendement au préambule, il n'y
a pensé qu'à la veille du débat de deuxième lecture
qui a commencé la semaine dernière, alors que le projet de loi
était déposé depuis déjà deux semaines, et
qu'il y a pensé parce que tout à coup il a été
informé de difficultés qu'on a eues dans l'application de
l'article 113f, le ministre fera croire cela à quelqu'un d'autre
qu'à moi. Quand les gens du secteur des institutions
hospitalières, des commissions scolaires sont venus devant la commission
parlementaire, est-ce qu'on a entendu, est-ce qu'ils nous ont dit, du
côté du gouvernement... On nous a dit: On veut une reconnaissance
de l'existence de la communauté.
M. Leduc (Fabre): C'est ce qu'on fait.
M. Gratton: Le député de Fabre d'enchaîner:
c'est ce qu'on fait. M. le Président, je n'ai pas l'intention d'insister
là-dessus. Peut-être, par contre, le ministre pourrait-il me dire
s'il considère, dans le préambule et dans ce qu'il nous propose
comme amendement que les minorités ethniques dont il s'agit, pour lui
englobent également la communauté québécoise
d'expression anglaise?
M. Godin: Est-ce que je peux répondre, M. le
Président?
Le Président (M. Paré): Oui, M. le ministre, la
parole est à vous.
M. Godin: Si la formule les eut inclus, je n'aurais pas senti le
besoin de les ajouter comme je le fais maintenant.
M. Gratton: Je ne parle pas des institutions, je parle de la
communauté.
M. Godin: Pour moi, les communautés ethniques c'est un
groupe de 80 nationalités qui vivent au Québec depuis moins de
temps que la communauté anglo-québécoise et, par
conséquent, il y a des différences de fond entre les deux. Les
minorités ethniques, à ma connaissance, ont fort peu
d'institutions aussi anciennes et aussi importantes que les institutions de la
communauté anglo-québécoise dont elles disposent ici et
qui ont été établies par elles. C'est très
différent en ce qui me concerne. Sauf, que c'est le lieu. La Charte de
la langue française parle de la langue et elle reconnaît qu'une
langue autre que le français doit être utilisée dans les
institutions anglo-québécoises. Pourquoi n'a-ton pas
mentionné la langue anglaise et toute autre langue dans chacun des
articles qui portent sur d'autres institutions? C'est parce qu'il y a des
institutions dans plusieurs langues au Québec. Le député
de Mont-Royal le sait, le député de Vachon le sait aussi. Il y a
d'autres institutions non francophones au Québec que les institutions
anglo-québécoises. Nous tenons à donner un statut
particulier aux institutions de la communauté
anglo-québécoise et surtout à la langue et aux langues
qu'elles peuvent utiliser dans leur fonctionnement, à l'intérieur
de leurs murs.
M. Gratton: Je déduis de la réponse du ministre que
l'expresssion "des minorités ethniques" n'inclut pas la
communauté québécoise d'expression anglaise.
M. Godin: Non.
M. Gratton: Le ministre reconnaît lui-même qu'il y a
des institutions d'autres langues que l'anglais. Il conviendra que le
préambule n'en fait pas état non plus d'aucune
façon, ni avant ni après son amendement.
M. Godin: Non, vous avez raison.
M. Gratton: Donc, on reconnaît les minorités
ethniques. Par contre, on ne reconnaît pas nécessairement
spécifiquement leurs institutions parce qu'on se dit que cela est
déjà inclus dans la reconnaissance des minorités ethniques
comme telle.
M. Godin: Voilà.
M. Gratton: Par contre, quand il s'agit de la principale
minorité, c'est-à-dire celle d'expression anglaise, on dit qu'on
veut limiter cela à leurs institutions. Ce n'est pas cela qu'on veut
faire. Qu'est-ce qu'on veut faire exactement?
M. Godin: Vous interprétez...
M. Gratton: Je vous pose la question.
M. Godin: Vous interprétez en restreignant les intentions
du gouvernement.
Mme Lavoie-Roux: ...remplace...
M. Godin: Vous avez le droit de les interpréter comme vous
le voulez.
M. Gratton: Je vous pose la question à savoir où on
reconnaît la communauté d'expression anglaise?
Mme Lavoie-Roux: À titre d'institution...
M. Gratton: Je parle par le biais de ses institutions.
M. Godin: Oui.
M. Gratton: Pourquoi, dans le cas des minorités ethniques,
le fait-on par le biais de la communauté elle-même et dans le cas
des communautés anglaises le fait-on par leurs institutions? Ce serait
certainement plus simple de faire tout simplement la même chose dans les
deux cas. Vous voyez bien que cela ne tient pas debout votre affaire.
M. Godin: C'est votre opinion.
M. Gratton: Je dis publiquement que cela ne tient pas debout.
M. Godin: Vous allez voter contre.
M. Gratton: Non, on discute de mon amendement. C'est vous qui
allez voter contre la reconnaissance de la communauté d'expression
anglaise au Québec.
M. Godin: Cela va différer du mien.
Le Président (M. Paré): Est-ce que vous avez
terminé M. le député de Gatineau?
M. Gratton: M. le Président, j'ai l'impression que c'est
un dialogue de sourds. Je conviens que le ministre n'a pas les mains libres
là-dedans. Je trouve qu'essentiellement, il se défend bien mal
quand il tente de nous faire croire... En fait, la question que je me pose
c'est pourquoi il a présenté son amendement? S'il me dit que
c'est uniquement dans le but de régulariser les difficultés ou
d'aplanir les difficultés qu'on a rencontrées dans l'application
de 113f dans le passé...
M. Godin: Et des articles 20 et 23. (17 h 45)
M. Gratton: Et des articles 20 et 23. Peu importe, on n'a pas
besoin de l'inclure dans le préambule. On n'a qu'à amender les
articles 20 et 23.
Une voix: C'est cela que cela veut dire.
M. Gratton: Si c'est cela que voulait faire le ministre, il
aurait simplement à amender les articles 20 et 23 dont il est question.
Mais non! Tout à coup, il a rencontré des gens, il a senti qu'on
s'apercevait que dans la version révisée de la loi 101 il n'y
avait aucune espèce de reconnaissance de la communauté
d'expression anglaise. Pendant un bon bout de temps d'ailleurs, il y a des gens
qui s'y sont fait prendre; il y a des gens de la communauté anglophone
qui ont pensé qu'effectivement, ce que proposait l'amendement du
ministre, c'était la reconnaissance de l'existence d'une
communauté d'expression anglaise au Québec. Il vient maintenant
nous dire que non. Est-ce qu'il est prêt à reconnaître que
ces institutions sont leurs institutions, mais pour le moment les
minorités ethniques... Voyez l'incongruité de la chose. On pourra
effectivement avoir quelqu'un des Indes, de la Chine, du Japon, qui
déménagera au Québec et qui viendra se greffer à
une minorité ethnique dont les droits ou dont l'existence sont
déjà reconnus dans la Charte de la langue française. Si le
pauvre bonhomme a le malheur d'arriver d'une province canadienne anglophone, de
la Grande-Bretagne ou de l'Irlande, s'il est donc d'expression anglaise, tout
ce qu'on lui reconnaît, c'est d'être membre d'une communauté
qui a droit à ses institutions, mais dont l'existence ne doit figurer
nulle part. Quand on sait que la communauté d'expression anglaise est
là depuis toujours, qu'elle a contribué de façon marquante
à la vie, à la société, à la formation et
à l'évolution de notre société, la seule conclusion
qu'on peut tirer du refus du ministre - il voit clair, il n'y a pas de soin
là-dessus, mais d'accepter de l'inscrire dans le texte de loi - c'est
qu'il est prisonnier de la dialectique de son parti, de son gouvernement qui
doit tenter de faire croire que ce qui existe dans les faits n'existe pas pour
eux. Il nous dit: N'ayez crainte parce qu'on réglera cela dans une
charte des droits de la communauté anglophone éventuelle...
M. Godin: ...constitution...
M. Gratton: ...dans la constitution du Québec.
Mme Lavoie-Roux: ...dans la loi fondementale du pays.
M. Gratton: Oui, dans la loi fondamentale du pays...
M. Godin: C'est la meilleure place.
M. Gratton: Alors que les mêmes instances du même
parti ont déjà adopté une résolution à
savoir qu'on devait nier le droit à la communauté anglophone
quant à la garantie à ses institutions. On a dû tenir un
référendum interne. Le chef a dû menacer de
démissionner pour le faire reconnaître. Bien oui! C'est cela qu'il
a fait.
Le député de Deux-Montagnes ne l'a pas repris tantôt
à votre demande parce qu'il sait que c'est vrai. Bon, alors qu'il me
corrige.
M. de Bellefeuille: Ce n'est pas pour cela. C'est parce qu'on
n'est pas ici pour discuter de cela.
M. Gratton: Bien non! Corrigez-moi! Vous prétendez que je
fais erreur, corrigez-moi!
M. Godin: Corrigez-le, M. le député de
Deux-Montagnes.
Le Président (M. Paré): Avez-vous terminé,
M. le député de Gatineau?
M. Gratton: Non, je n'ai pas terminé, mais là, je
veux qu'on me corrige de l'autre côté.
M. de Bellefeuille: Sur ce à quoi vous faites allusion, M.
le député de Gatineau, c'est l'adoption ou le rejet, enfin une
décision prise par un conseil national du Parti québécois.
Ultérieurement, effectivement, cette question a refait surface au moment
de ce que les journalistes ont appelé le "renérendum". Mais il
n'y avait pas de lien direct parce que - cela n'était plus au conseil
national, c'était au congrès national qui est l'instance la plus
élevée, l'instance suprême - la question n'a pas fait
l'objet d'un débat à ce congrès national. Il est
arrivé que le président du parti voulait obtenir certaines
assurances quant à lui, mais il n'y a pas eu de débat à ce
congrès sur cette question.
M. Gratton: Non, on sait qu'il n'y a pas eu de débat qui a
entouré le "renérendum". Cela a été: "Tu marches ou
bien..." D'ailleurs, on reconnaît le droit au chef de s'imposer. Je n'ai
pas l'impression qu'il réussirait aussi bien cette fois-ci, n'est-ce
pas, M. le député de Deux-Montagnes?
M. de Bellefeuille: Je n'en sais absolument rien, M. le
député de Gatineau. Puisque le président m'a donné
la parole, je voudrais tenter une dernière fois de voir si on ne
pourrait pas s'entendre sur cette notion d'institution. L'expression "le fait
anglais" a été utilisée tout à l'heure à
plusieurs reprises. Certains membres de la commission ont observé qu'il
n'y a pas seulement le fait anglais au Québec, il y a, par exemple, le
fait italien, il y a le fait polonais, il y a le fait portuguais, il y a le
fait grec...
M. Godin: II y a 80 faits.
M. de Bellefeuille: Comme dit le ministre, il y a 80 faits. Il y
en a qu'on connaît mieux que d'autres. Dans certains cas...
M. Godin: Et pour cause!
M. de Bellefeuille: Et pour cause oui. Je suis marié
à un fait...
M. Godin: À une institution.
M. de Bellefeuille: Oui, en l'occurrence, la communauté
d'origine polonaise. Je sais que cette communauté a des institutions. Le
fait polonais comporte un certain nombre d'institutions. Cependant, nos lois
sont ainsi faites qu'elles ne donnent pas à ces institutions de la
communauté polonaise la reconnaissance que la loi 101 comporte pour les
institutions de la communauté d'expression anglaise. C'est ça la
réalité. Peut-être qu'un jour, notre société
et d'autres sociétés auront évolué à tel
point que les institutions de tous les faits linguistiques ou culturels ou
ethniques seront toutes reconnues par une quelconque éventuelle charte
des droits ou constitution, mais on n'en est pas là.
On en est à voir quels sont les mécanismes relatifs aux
questions de langue et, comme il y a un grand nombre de faits culturels,
ethniques et linguistiques dans la société
québécoise, nous notons dans le préambule qu'à part
la préséance du français proclamé langue officielle
du Québec, il y a des institutions dont nous reconnaissons non seulement
l'existence mais auxquelles nous reconnaissons certains privilèges,
certains avantages qui ne sont pas le fait des autres communautés
minoritaires ou enfin d'une culture autre que française.
Je crois que cela correspond à l'économie de la loi et que
cela correspond à la réalité de la société
québécoise de noter dans le préambule que cette loi, cette
charte
du français manifeste le respect de l'Assemblée nationale
- il s'agit de l'Assemblée nationale - pour les institutions de la
communauté québécoise d'expression anglaise. Je pense que
c'est ça le plus exact. Si on veut autre chose, si on veut faire de la
littérature au sujet des diverses modalités que pourrait prendre
la reconnaissance du fait anglais, cela me paraît superflu, à
cause de la nature de ce texte de loi et à cause du but de ce
préambule. Voilà.
Le Président (M. Paré): Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je veux simplement dire
qu'on ne peut pas mettre en doute la bonne foi de nos collègues, mais il
m'apparaît très clair qu'alors que, dans le préambule, vous
reconnaissez, comme le signalait mon collègue de Nelligan, les
Amérindiens, à juste titre, et les communautés
culturelles, comment les appelez-vous? les groupes ethniques...
M. Godin: Les minorités ethniques.
Mme Lavoie-Roux: Les minorités ethniques...
M. Ciaccia: Les Inuits.
Mme Lavoie-Roux: ...vous n'êtes pas prêts à le
faire pour la communauté anglophone, sauf de reconnaître ses
institutions. Il y a évidemment un blocage, je ne sais pas si ce sont
les politiques émotives du gouvernement, mais cela semble trop gros pour
ne pas réaliser qu'on reconnaît vos institutions... D'ailleurs il
faudrait que le ministre se replace - il était peut-être au
débat de la loi 101 - dans le contexte dans lequel cela s'est fait. Il
se rappellera qu'à ce moment-là, on sentait dans la loi 101 un
désir non pas d'anéantir - le gouvernement en était
incapable - mais...
Une voix: C'est méchant...
Mme Lavoie-Roux: Pardon? C'est méchant, de ma part, mais
c'était quand même ça. Donc, on sentait un désir de
rendre complètement invisible la communauté anglophone.
M. Gratton: Ce n'est pas méchant, c'est vrai.
Mme Lavoie-Roux: C'était d'ailleurs fort amusant. Je pense
que le seul endroit où il y a peut-être le mot "anglophone", c'est
dans la langue d'enseignement, à un moment donné. Oui, il y a le
mot "anglophone" là.
M. Ciaccia: Oui, il y a le mot anglais.
Mme Lavoie-Roux: C'était la seule place où on
retrouvait le mot "anglophone".
M. Ciaccia: La langue anglaise.
Mme Lavoie-Roux: La langue anglaise. Au moins, l'anglais
c'était une langue. C'était une grosse reconnaissance dans le
temps.
M. Ciaccia: Ils n'avaient pas le choix.
Mme Lavoie-Roux: Quand vous vous replacez strictement dans le
contexte de la Charte de la langue française, telle qu'elle était
en 1977, pour réfléchir sur des amendements ou nous faire croire
qu'il y a une évolution dans votre pensée, etc., il y a un petit
peu d'évolution, je l'admets.
M. Godin: Merci.
Mme Lavoie-Roux: II reste que, quant à la
communauté anglophone, vous voulez encore la restreindre le plus
possible. Et quand on parle du "fait anglais", juste les mots fait anglais,
dans l'histoire du Québec, dans l'histoire du Canada comme dans celle de
tous les pays, on peut toujours retrouver des faits de tel groupe ou de telle
race, qui sont arrivés même avant bien d'autres. Le fait pour moi,
c'est juste une constatation d'une chose qui est plutôt statique qui est
là, qu'on ne peut pas ignorer parce qu'il y a quelque chose qui nous le
rappelle. C'est la différence entre le fait anglais et des institutions,
tel que vous semblez l'entendre, et la reconnaissance d'une communauté
-comme je le disais tout à l'heure - dans le sens d'une
communauté à qui on dit, à l'intérieur de certaines
règles qui nous apparaissent importantes pour les francophones: il reste
qu'on vous reconnaît comme quelque chose de vivant et de dynamique et on
ne veut restreindre ce dynamisme, on ne veut pas l'anéantir ou quoi que
ce soit.
Si vous vous en souvenez, si vous vous replacez dans le contexte
où la loi 101 a été discutée, il n'y avait pas de
place pour la communauté anglophone. Évidemment, on disait: les
institutions sont là, mais c'était bien difficile de dire: les
institutions n'existent plus. Il fallait au moins faire preuve d'un certain
réalisme. Mais dans l'esprit du parrain de la loi 101 - parce que cela
faisait partie de sa grande thérapie - il fallait surtout convaincre les
francophones que les Anglais avaient existé mais que désormais,
c'était nous qui les contrôlions, on pouvait les mesurer, on
pouvait... C'est vraiment dans ce contexte que la loi 101 s'est
discutée. Je ne sais pas si le ministre le reconnaîtrait, le
ministre du temps, pas
vous. C'est pour cela que c'est difficile de comprendre votre
obstination à dire: On reconnaît des institutions, on
reconnaît les Inuits, on reconnaît les communautés ethniques
mais surtout, il ne faut pas reconnaître la communauté anglophone
comme étant une communauté composée d'individus et non pas
uniquement de bâtiments. Je n'ai plus rien à dire.
M. Godin: Juste un petit commentaire.
Le Président (M. Paré): Oui, M. le ministre.
Mme Lavoie-Roux: On ne veut pas faire de "filibuster".
M. Godin: Peut-être pour l'information de collègues
des deux côtés. Le préambule de la loi 22...
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Godin: ...ne comprenait aucune reconnaissance ni de la
communauté anglaise, ni de ses institutions, ni de ses droits, ni
d'aucune minorité ethnique au Québec. On n'en parlait même
pas, pas un mot. Nous, on dit...
M. Gratton: On le faisait dans les articles.
Mme Lavoie-Roux: Dans les articles ils y étaient, par
exemple.
M. Gratton: L'affichage bilingue.
Mme Lavoie-Roux: Ils y étaient dans les articles.
M. Ciaccia: Cela s'en vient aussi dans les articles 20 et 23.
M. Gratton: Le Crédit social aussi cela s'en vient mais
cela ne vient pas vite. C'est écrit sur les roches partout le long de la
route chez nous. Le Crédit social s'en vient.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Gatineau...
M. Ciaccia: Ce que vous faites avec la loi, c'est pour des
raisons politiques, soyez honnêtes pour le dire. Pour des raisons
politiques, vous voulez dire...
M. Godin: Bien non.
M. Ciaccia: ...on reconnaît les communautés
ethniques. Vous êtes convaincus dans votre tête que la
communauté anglophone, c'est perdu et que vous ne l'aurez jamais. Alors,
vous dites: non, on ne la reconnaît pas. Vous pouvez le dire et c'est
exactement cela. Vous donnez une reconnaissance des communautés
ethniques, des minorités ethniques, des Amérindiens, des Inuits,
mais vous ne reconnaissez pas la communauté anglophone. Tous les autres
arguments que vous donnez quant aux institutions, ce sont des arguments que
vous donnez, mais les conséquences, c'est pour des raisons politiques
que vous faites cela.
Le Président (M. Paré): Donc, est-ce qu'on est
prêt à voter sur le sous-amendement?
M. Gratton: Non, M. le Président. On va laisser le
ministre y réfléchir durant l'heure du dîner.
Mme Lavoie-Roux: Tout à coup, des fois.
M. Gratton: Peut-être en viendra-t-il à des
meilleurs sentiments surtout si c'est une personne...
Mme Lavoie-Roux: Parce que ses intentions sont bonnes.
Le Président (M. Paré): Sur ces mots, comme il est
18 heures, les travaux sont suspendus jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 17 h 59)
(Reprise de la séance à 20 h 17)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre! La commission
permanente des communautés culturelles et de l'immigration poursuit ses
travaux aux fins d'étudier article par article le projet de loi 57, Loi
modifiant la Charte de la langue française.
À la suspension de nos travaux, nous étions en train de
discuter une motion de sous-amendement du député de Gatineau
à une motion d'amendement du ministre. Mais, comme ce n'est pas moi qui
présidais à ce moment-là, je me demande qui avait la
parole.
M. Godin: C'est l'Opposition.
Le Président (M. Gagnon): C'était M. le
député de Gatineau, en vous rappelant que, d'après les
notes que j'ai ici, vous avez déjà dépassé votre
temps.
M. Gratton: Oui, bien, je terminerai, M. le Président,
là-dessus, très brièvement.
Une voix: Le député de Mont-Royal n'a pas
dépassé son temps.
M. Gratton: Mon collègue de Mont-Royal n'a pas
dépassé son temps.
Le Président (M. Gagnon): II a seulement cinq minutes de
faites.
M. Gratton: Si on me le permet, M. le Président, je
voudrais rappeler, d'abord, que le sous-amendement qu'on présente visait
et vise toujours à consacrer la reconnaissance de l'existence de la
communauté québécoise d'expression anglaise, dans le
préambule.
Bien entendu, on a compris des explications que nous a fournies le
ministre cet après-midi que, pour le gouvernement, il n'est pas question
d'essayer d'être cohérent dans le préambule. On note que,
dans le cas des communautés ethniques ou des minorités ethniques,
aussi bien que des Amérindiens, on reconnaît spécifiquement
qu'ils existent. Dans le cas de la communauté d'expression anglaise, on
préfère ne pas reconnaître qu'elle existe, mais simplement
faire allusion à ses institutions. C'est le choix que le gouvernement a
fait et on ne le commentera pas plus longuement sauf pour rappeler ce
qu'écrivait Michel Roy dans l'éditorial qu'il signait dans le
journal La Presse, le 23 novembre 1983. J'en ai cité un certain passage;
j'aimerais conclure en citant le reste, soit ce qui suit: "M. Godin, sans
apporter plus de précision, a simplement dit qu'il est, quant à
lui, partisan de l'inscription dans la charte d'une reconnaissance formelle de
la communauté anglophone. Une telle démarche, si le gouvernement
avait le courage de l'accomplir, aurait dans le contexte actuel du
Québec un poids énorme d'ordre moral, social et psychologique.
Cette reconnaissance, symbole de justice, exprimerait une réalité
incontestable et de la part de ce gouvernement, traduirait une volonté
de réconciliation avec une communauté dont il tend à
ignorer l'existence dans la loi votée en 1977."
J'ouvre une parenthèse, M. le Président, pour dire qu'en
1983, six ans plus tard, c'est toujours la même situation quant au
gouvernement. Je poursuis: "Ainsi modifié, le préambule de la
charte contribuerait à réaliser entre la communauté
minoritaire et la communauté majoritaire ce contrat social que le groupe
Alliance Québec souhaite passer pour mettre fin aux frustrations et aux
confrontations." Tout ce que je souhaite, c'est que M. Michel Roy, de la
Presse, nous fasse part éventuellement de ses commentaires et des ses
observations à la suite de l'introduction de l'amendement que nous
propose le ministre et surtout à la suite du refus du ministre et du
gouvernement d'endosser le sous-amendement que nous discutons
présentement. Quant à moi, je suis prêt à prendre le
vote, mais je pense que mon collègue de Mont-Royal a quelque chose
à ajouter.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je voudrais seulement dire ceci au ministre. Il est
clair que, d'après votre amendement, vous donnez une plus grande
reconnaissance aux minorités ethniques que vous n'en donnez à la
communauté anglophone du Québec. Si vous croyez qu'en ce faisant
vous allez obtenir plus d'appui dans les communautés ethniques, je
voudrais vous faire une mise en garde, parce que les communautés
minoritaires au Québec sont vraiment solidaires. Une communauté
ethnique, qu'elle soit italienne, portugaise, grecque, est très
soucieuse des droits des autres minorités et, si elle voit dans votre
projet de loi qu'une autre minorité ne reçoit pas la
reconnaissance qu'elle aurait vraiment le droit de recevoir, cela ne sera pas
un gain pour vous dans cette communauté. Ce sera même l'inverse.
Elle se sentira elle-même lésée parce que, si vous
êtes capable d'aller contre une minorité aujourd'hui, demain, vous
serez capable de ne pas la reconnaître ou, si vous ne reconnaissez pas
une minorité aujourd'hui, demain, cela pourra en être une
autre.
Je me souviens que quand le Congresso est venu à la commission
parlementaire faire sa présentation, il défendait les droits
minoritaires des anglophones et un des députés, celui de
Bourassa, a dit: Comment, vous êtes des Italo-Canadiens et vous
défendez les droits des anglophones! Le député de Bourassa
ne pouvait pas comprendre qu'une minorité se porte à la
défense d'une autre minorité. Cela semblait le
dépasser.
Je voudrais vous expliquer que chaque attaque ou chaque manque de
reconnaissance à une minorité est perçu par les autres
minorités comme une possibilité de manque de reconnaissance pour
elles-mêmes. Plutôt que d'obtenir plus d'appui chez ces
minorités, c'est l'inverse. Je vous suggérerais, M. le ministre,
de prendre en considération cet aspect. Si jamais quelqu'un - pas
vous, peut-être - dans votre gouvernement pense gagner des avantages
politiques dans certaines minorités par cette tactique, je ne pense pas
que cela va réussir. La meilleure façon d'obtenir l'appui de
toutes les minorités, c'est de vraiment leur donner la même
reconnaissance, de les mettre sur un pied d'égalité et de ne pas
dire: Les minorités ethniques, oui, mais seulement les institutions
anglophones. Les Amérindiens, oui. Les Inuits, oui, mais seulement les
institutions d'une autre. Je ne pense pas que ce soit vraiment la façon
d'agir pour le gouvernement et cela n'améliore pas vraiment le climat
dans toutes ces différentes communautés.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? Est-ce que le
sous-amendement sera adopté?
M. Gratton: Un vote nominal, M. le Président. On voudrait
éviter que le ministre
de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme ne puisse nous faire le jeu
de passe-passe qu'il a tenté de nous faire...
Le Président (M. Gagnon): J'appelle donc le vote sur le
sous-amendement du député de Gatineau.
M. le député de Nelligan?
M. Lincoln: Pour l'amendement.
Le Président (M. Gagnon): Pour le sous-amendement.
M. Lincoln: Pour le sous-amendement, pardon.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Saint-Hyacinthe? M. le député de Deux-Montagnes?
M. de Bellefeuille: Contre, M. le Président.
Une voix: À moitié contre.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Groulx? M. le député de Mercier?
M. Godin: Contre.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Gatineau?
M. Gratton: Pour.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Dorion.
Mme Lachapelle: Contre.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Bourassa? M. le député de Fabre?
M. Leduc (Fabre): Contre.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
L'Acadie? M. le député de Mont-Royal?
M. Ciaccia: Pour.
Mme Lavoie-Roux: Pour. Ils ne m'ont pas appelée.
M. Gratton: Est-ce que le gouvernement est battu, M. le
Président? Est-ce qu'on vote dans le moment?
Le Président (M. Gagnon): On vote actuellement.
M. Gratton: Est-ce que c'est terminé?
Le Président (M. Gagnon): Le compte est de 4 à 4.
Donc, le président va se prévaloir de son droit de vote et il
sera contre.
M. Gratton: On commence bien mal les travaux, M. le
Président.
Le Président (M. Gagnon): Alors, je reviens donc à
l'amendement du ministre. L'amendement se lit comme suit: Insérer avant
l'article 1 du projet de loi l'article suivant: "0.1 Le préambule de la
Charte de la langue française (L.R.Q., chapitre C-11) est modifié
par le remplacement du troisième alinéa par le suivant:
"L'Assemblée nationale entend poursuivre cet objectif dans un esprit de
justice et d'ouverture, dans le respect des institutions de la
communauté anglo-québécoise et celui des minorités
ethniques, dont elle reconnaît l'apport précieux au
développement du Québec."
Est-on prêt à prendre le vote sur l'amendement du
ministre?
Est-ce que quelqu'un a demandé la parole sur l'amendement ou si
c'est terminé?
M. Godin: Je demande le vote, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Le vote?
M. Gratton: Je ne veux pas indiquer au gouvernement comment faire
son travail, mais j'avais compris que le ministre et le député de
Deux-Montagnes avaient un sous-amendement à apporter à leur
amendement. S'ils ne veulent pas le faire, on va le faire pour eux, mais il me
semble qu'ils devraient commencer par faire leur "job" eux-mêmes.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Deux-Montagnes, vous avez un sous-amendement?
M. de Bellefeuille: M. le Président, je propose un
sous-amendement. C'est une suggestion. Que l'expression
"anglo-québécoise" soit remplacée par l'expression
"québécoise d'expression anglaise".
Le Président (M. Gagnon): Alors, votre sous-amendement est
à la quatrième ligne. On remplacerait l'expression
"anglo-québécoise" par l'expression "québécoise
d'expression anglaise". Est-ce cela?
M. Godin: M. le Président, dois-je comprendre que
l'amendement se lirait comme suit: "L'Assemblée nationale entend
poursuivre cet objectif dans un esprit de justice et d'ouverture, dans le
respect des institutions de la communauté québécoise
d'expression anglaise - est-ce bien cela, M. le député de
Deux-Montagnes? - et celui des minorités ethniques, dont elle
reconnaît l'apport précieux au développement du
Québec."
M. de Bellefeuille: C'est cela. M. Godin: C'est cela?
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Godin: Alors, nous demandons que le vote soit pris. Nous
n'avons pas d'intervention à faire là-dessus.
Le Président (M. Gagnon): A-t-on besoin de prendre le
vote, M. le député de Gatineau?
M. Gratton: Sur le sous-amendement, M. le Président?
Le Président (M. Gagnon): Sur le sous-amendement.
M. Gratton: Quant à nous, nous sommes favorables à
l'adoption du sous-amendement.
Le Président (M. Gagnon): Donc, le sous-amendement est
adopté. Sur l'amendement tel qu'amendé?
M. Gratton: M. le Président, quant à nous, on ne
veut surtout pas s'associer à cette démarche du gouvernement et
on vous prie d'inscrire notre dissidence.
Le Président (M. Gagnon): Or, ce qui veut dire que
l'amendement du ministre tel que sous-amendé est adopté...
M. Gratton: Sur division. Des voix: Sur division.
Le Président (M. Gagnon): ...sur division.
J'appelle donc l'article 1.
M. Godin: Non, M. le Président. Je m'excuse, il y aura un
papillon. Avant l'article 1 du projet, il y aura l'article 0.2.
M. Gratton: Est-ce la première, la deuxième ou la
troisième série de papillons, M. le Président?
M. Godin: C'est celle qu'on vient de vous distribuer.
M. Gratton: Est-ce qu'on peut les numéroter? Ce serait
plus facile.
M. Godin: L'article 0.2.
M. Gratton: L'article 0.2. Non, la série de papillons.
Vous aviez des papillons la journée du dépôt du projet de
loi, cela pourrait être la série A; la série B pourrait
être celle que vous avez déposée la journée de la
deuxième lecture, jeudi dernier; la série C pourrait être
celle que vous venez de nous remettre et on verra pour le reste de l'alphabet
au cours de la journée.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, si voulez faire
la lecture et expliquer votre amendement 0.2.
M. Godin: L'article 0.2 consisterait à insérer,
avant l'article 1 du projet de loi 57, l'article suivant: "0.2. L'article 20 de
cette charte est modifié par l'addition de l'alinéa suivant: "Le
présent article est sans effet dans les services de santé et les
services sociaux reconnus en vertu du paragraphe f de l'article 113 qui
appliquent les mesures approuvées par l'office suivant le
troisième alinéa à l'article 23." (20 h 30)
M. Gratton: M. le Président, je suis incapable de me
comprendre dans cette série d'amendements. Je suggère qu'on
suspende. Si vous voulez qu'on fasse un travail convenable et que vous voulez
le faire tout de suite, cela va prendre énormément de temps.
M. Godin: Est-ce que vous avez votre Charte de la langue
française sous les yeux, M. le député?
M. Gratton: Oui. J'ai aussi vos trois séries
d'amendements.
M. Godin: Vous pouvez jeter les autres, M. le
député. Cela va me donner une leçon, M. le
député. Je vous ai dit l'autre jour: Je vous remets une copie qui
n'est pas finale, qui n'est pas terminée. Je vous en remettrai une autre
lors de l'étude article par article. Vous m'avez dit: D'accord, pas de
chicane, je ne vous dirai pas que c'est de la cochonnerie, de la poltronnerie.
Je vois que, malgré cet engagement verbal que vous avez pris, vous
êtes retombé dans votre piège habituel de nous apprendre
à nous méfier de vous. Si c'est la façon dont vous voulez
travailler dans cette Chambre, on va la retenir, la leçon, M. le
député de Gatineau. Après vous avoir remis, il y a une
semaine ou quelques jours enfin, les amendements et vous avoir dit que ce
n'était pas dans l'état final, que j'avais d'autres modifications
à faire, que ce n'était pas dans l'état classique
où cela devait être déposé en commission, vous
m'avez dit: D'accord, je ne ferai pas de show là-dessus. Maintenant,
vous faites un show. Si vous voulez gâter la sauce, on va la gâter
ensemble, M. le Président.
M. Gratton: Sur la question, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, je vais
tâcher de rester calme. Ce n'est pas facile avec le ministre. Je
veux bien qu'on me prête toutes sortes d'intentions, toutes sortes
d'engagements. Ce à quoi je me suis engagé auprès du
ministre au moment de la deuxième lecture, c'est à ne pas
commenter l'état des amendements qu'il déposait à ce
moment-là. S'il veut dire par là qu'on doit s'engager à ne
pas critiquer sa façon de procéder d'ici à ce qu'il
réussisse à trouver un moyen de traduire ses intentions dans un
texte de loi qui est conforme à ses intentions, on n'a pas le temps de
faire cela, M. le Président, car Noël s'en vient à grands
pas.
Quant à moi, M. le Président, je refuse totalement
l'improvisation, le manque de sérieux du gouvernement et du ministre
dans la préparation de ce projet de loi. Cela fait six ans que vous
êtes en train de l'étudier et d'essayer d'arriver à quelque
chose d'acceptable. Si vous n'êtes pas capables de vous entendre entre
vous, ne demandez pas à l'Opposition de régler le problème
pour vous. Quant à moi, M. le Président, je n'accepte absolument
pas les reproches du ministre. Qu'il pense ce qu'il voudra de ma façon
de procéder, il devra au moins admettre que je n'ai pas fait de
promesse, d'engagement à l'égard de quiconque. S'il veut
étudier ces espèces de torchons d'amendements à sa
façon, il le fera seul. Quant à nous, on lui suggère de
suspendre l'étude des articles 20 et 23, car on n'a même pas eu le
temps de le lire, son maudit amendement!
Des voix: Ah!
M. Godin: Je viens de vous le lire.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Gratton: Le ministre a quelque chose à dire?
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Fabre, vous avez demandé la parole.
M. Leduc (Fabre): Je voulais simplement souligner que ce n'est
pas tellement parlementaire, les termes employés par le
député de Gatineau.
Mme Lavoie-Roux: Vous n'avez jamais entendu les
députés de votre côté!
M. Gratton: Vous parlez de l'amendement à l'article
20?
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. de Bellefeuille: Non, vous avez raison, Mme la
députée!
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît! M. le ministre.
M. Godin: Dois-je comprendre que l'Opposition demande que nous
suspendions les articles qui modifient les articles 20 et 23 et que nous
passions aux suivants?
M. Gratton: Oui. Est-ce que cela vous dérange
beaucoup...
M. Godin: Je suis tout à fait d'accord, M. le
député.
M. Gratton: ...qu'on veuille savoir ce qu'on fait ici? Si cela ne
vous dérange pas trop, je vous remercie.
M. Godin: Je pensais qu'ils étaient clairs, mais, enfin,
si vous pensez qu'ils ne le sont pas.
M. Gratton: Ils sont clairs comme vos intentions.
M. Godin: Revenons...
Le Président (M. Gagnon): On va tenter de parler seulement
un à la fois, s'il vous plaît, parce qu'on a toujours le
même problème vu que nous sommes dans la même salle. C'est
pour faciliter le travail de tout le monde.
M. Godin: Ceci étant dit, M. le Président, je
demande que nous revenions à l'article 1 de la loi 57 qui se
réfère à 22.1: "Dans les municipalités, etc."
Le Président (M. Gagnon): Cela veut dire que les
amendements que vous avez apportés sont suspendus pour le moment.
M. Godin: Pour les articles 20 et 23 uniquement, si j'ai bien
compris mon collègue.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: Ces nouveaux papillons ne sont pas complets. Il faut
prendre quelques-uns de ces papillons qui changent les autres, mais revenir aux
anciens. Peut-être qu'on aurait pu faire une espèce de jeu complet
de ce que vous avez en vue pour les amendements finals.
M. Godin: Excusez-moi. Ce que vous avez eu, la semaine
dernière, comme papillons est totalement...
Mme Lavoie-Roux: C'est caduc. M. Godin: ...caduc.
Mme Lavoie-Roux: On n'y touche plus.
M. Godin: Ce que je vous ai remis, à titre amical, la
semaine dernière, cela devient caduc. Je vous remets aujourd'hui une
nouvelle liasse d'amendements.
M. Gratton: M. le ministre, permettez-moi de vous dire que, quand
vous parlez...
M. Godin: Est-ce qu'il a la parole?
M. Gratton: II les a quand même déposés
à l'Assemblée nationale.
Le Président (M. Gagnon): Allez-y, M. le ministre, vous
avez la parole.
M. Godin: J'ai l'article 22.1 et, avec 22.1, je remets une
modification, un papillon pour la version anglaise du projet de loi 57.
M. Lincoln: M. le ministre, je veux vous poser une
question...
M. Godin: Allez-y!
M. Lincoln: ...pour que cela soit clair. Il y a trois liasses
d'amendements que vous avez déposées. Celle que vous nous avez
donnée qui était brochée ensemble, c'est la
première. La deuxième était un groupe d'amendements qu'on
a eus plus tôt, ceci, et, ensuite, il y a la troisième que vous
nous avez donnée ce soir. Il faut, pour compléter la
troisième, aller à la deuxième, n'est-ce pas?
M. Godin: Montrez-moi ce que vous appelez votre deuxième,
parce que je ne crois pas que ce soit la même deuxième.
M. Lincoln: C'est celle-là. Non, c'est à nous,
celle-là.
M. Godin: Ne me montrez pas vos documents, surtout! M. le
député de Nelligan, est-ce que vous avez une liasse qui est
à vous et une qui vient de nous? Ah bon! Donc, il n'y a que deux liasses
qui viennent de nous, la troisième liasse vient de vous.
M. Lincoln: II y a deux liasses.
M. Godin: Ce serait peut-être bon que l'Opposition
s'entende entre elle aussi. J'en ai remis deux, M. le député de
Nelligan. J'ai remis deux liasses; une la semaine dernière et une
aujourd'hui. Celle qui est valable, c'est celle d'aujourd'hui. D'accord? Point
final! La troisième, cela vient de vous autres.
M. Lincoln: Tout à l'heure, vous avez cité des
articles. Vous avez dit: Les articles 20 et 23, on les oublie.
Une voix: Dans la nouvelle liasse. M. Lincoln: Dans la
nouvelle liasse.
M. de Bellefeuille: Avez-vous des copies de ce dont vous parlez,
22.1, en anglais?
M. Lincoln: L'article 22.1. C'est cela.
M. Godin: La liasse anglaise, est-ce que tout le monde l'a eue,
madame?
Une voix: C'est la liasse complète, ici.
M. Godin: Non, mais la liasse anglaise, est-ce que tout le monde
l'a eue? On va la distribuer.
M. Lincoln: C'est ce qui m'a embrouillé, parce que vous
avez cité l'article 22.1 et je ne trouvais pas cela dedans. C'est cela
que je voulais.
M. Godin: On va suspendre pour cinq minutes, si vous le
permettez.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'on peut suspendre pour
cinq minutes? Vous allez avoir l'ensemble des amendements.
M. Gratton: Je pourrais peut-être me permettre de dire
que...
(Suspension de la séance à 20 h 38)
(Reprise de la séance à 20 h 41)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît! On recommence maintenant et je demanderais au ministre d'expliquer
l'amendement à l'article 1 qui touche l'article 22.1.
Voies de communication
M. Godin: À l'article 1, tout d'abord, M. le
Président, je dépose un amendement qui modifie la version
anglaise de la loi et qui remplace le mot "hallowed" par le mot "sanctioned"
qui traduisait le mot français "consacrer". C'est parce que le mot
"hallowed" s'applique à la consécration des hosties et des objets
du culte, tandis que "consacrer", dans le sens de la loi 57 ici, voulait dire
"sanctionner". À qui remets-je ce document?
Le Président (M. Gagnon): C'est bien, je l'ai.
M. Godin: C'est noté?
Le Président (M. Gagnon): Cela va, oui. Alors, est-ce que
cet amendement est adopté? M. le député de Nelligan.
M. Lincoln: Est-ce que vous avez une copie de la version anglaise
mise à jour?
M. Godin: Voulez-vous distribuer une copie en anglais à
tout le monde, madame?
M. Lincoln: On travaille seulement en français au Parti
libéral.
Le Président (M. Gagnon): S'il vous plaît!
M. Godin: C'est pour donner au mot "consacrer" le même sens
qu'en français.
Le Président (M. Gagnon): Alors, cet amendement est-il
adopté?
M. Gratton: Je n'en sais rien, je ne l'ai pas vu encore.
Une voix: "Sanctioned by..."
M. Gratton: Oui, d'accord.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? Adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Gagnon): Article 1?
M. Godin: Je le lis, M. le Président?
Le Président (M. Gagnon): Oui.
M. Godin: "Dans les municipalités, on peut, pour la
désignation d'une voie de communication, utiliser, avec un terme
générique français, un terme spécifique autre qu'un
terme français s'il est consacré par l'usage ou si son
utilisation présente un intérêt certain en raison de sa
valeur culturelle ou historique."
Au fond, cela vise à inscrire dans la loi 101, M. le
Président, ce que j'appellerais un nouvel esprit de la part de la
Commission de toponymie. La Commission de typonymie, dans son rapport de
l'année dernière, s'était donné pour mandat de
renommer le Québec au complet, de donner des noms français
à un grand nombre de lieux, de municipalités de rues ou de voies
de communication. À la suite des représentations qui ont
été faites par les organismes anglophones de la Gaspésie,
des Cantons de l'Est et de la zone montréalaise, un changement de
philosophie a été communiqué à la Commission de
toponymie de manière que ces noms anglais ou d'une autre langue,
d'ailleurs, aussi bien inuite qu'amérindienne - car le problème
se posait aussi - soient consacrés par la Commission de toponymie.
L'article 22.1 en question donne force de loi à ce changement de
politique.
Il s'accompagnera, par ailleurs, dans le règlement de la
Commission de toponymie à être publié bientôt
à la Gazette officielle, d'une procédure que devront utiliser les
citoyens pour changer le nom de leur municipalité ou de leurs rues,
s'ils le désirent, par voie de référendum. Donc, ce serait
la population qui déciderait de modifier ou non le nom de sa
municipalité ou le nom de ses rues.
D'autre part, la Commission de toponymie pourrait suggérer, dans
une telle campagne référendaire ou autre, des noms qui lui
sembleraient plus conformes à la langue française ou en vertu de
toute autre norme ou critère qu'on pourrait utiliser. (20 h 45)
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre.
M. Gratton: Une question, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: Est-ce que cela permettrait de désigner par un
nom anglais une autoroute sur le territoire d'une municipalité reconnue
en vertu de l'article 113f?
M. Godin: Oui. En fait, ce que la loi dit, c'est qu'une
municipalité désignée en vertu de l'article 113f peut
afficher à la fois "rue Maple" et "Maple street". Et si c'est la ville
de Montréal, cela serait rue "Maple Wood", tout court. Mais la
municipalité anglophone selon l'article 113f, elle, pourrait avoir le
nom de rue dans les deux langues, c'est-à-dire rue "Maple" et "Maple
street".
M. Gratton: Oui, mais j'ai parlé d'une autoroute.
M. Godin: Une autoroute, qui aurait un nom consacré par
l'usage ou un nom dont l'utilisation présente un intérêt
certain en raison de sa valeur culturelle ou historique, pourrait porter le nom
de "John F. Kennedy". Prenons un nom propre; donnez-moi un exemple.
M. Gratton: Gatineau. "Gatineau Valley" ou "Vallée de la
Gatineau".
M. Godin: Si la coutume veut que l'autoroute de la vallée
de la Gatineau s'appelle l'autoroute "Gatineau Valley", il n'y aura pas
d'objection effectivement si cela répond au sens de l'article 22. Si
l'usage - je ne connais pas suffisamment votre région -est d'appeler
autoroute "Gatineau Valley" l'autoroute en question, elle pourrait être
effectivement confirmée par l'article 22.1.
Le Président (M. Gagnon): Cela va. L'article 1 est
adopté?
Mme Lavoie-Roux: Non.
Le Président (M. Gagnon): Non. Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: J'aimerais qu'on me dise dans quelle mesure on a
utilisé une langue autre que le français lorsque la santé
ou la sécurité publique l'exigeait, c'est-à-dire est-ce
qu'une autre langue a été utilisée? Il y avait une
disposition qui permettait, là où la
sécurité...
M. Godin: Elle est encore là, la disposition.
Mme Lavoie-Roux: Oui, je ne dis pas qu'elle n'y est pas, mais je
voudrais savoir dans combien de cas a-t-on dû utiliser une langue autre
que le français pour des raisons de santé ou de
sécurité.
M. Godin: Les cas depuis cinq ans? Mme Lavoie-Roux:
Oui.
M. Godin: Je pourrais vous sortir cela. Je n'ai pas cela par
coeur, mais je pourrais passer la commande à des gens de mon cabinet qui
pourraient vous dire cela d'ici 24 heures ou 48 heures.
Mme Lavoie-Roux: Je voudrais savoir si l'on a été
très très restrictif ou pas. Peut-être que plusieurs
d'entre vous l'ont vu, mais, grosso modo, entre Sainte-Adèle et
Sainte-Agathe, il y avait une partie de route sur laquelle on n'appliquait pas
de sel pour des raisons d'écologie. Probablement qu'on le fait encore
aujourd'hui.
M. Godin: Dans les Cantons de l'Est aussi, d'ailleurs.
Mme Lavoie-Roux: Oui. Évidemment, il y a de grandes
affiches pour dire: Pour des raisons écologiques, soyez prudents. Je ne
connais pas les termes exacts, cela fait peut-être deux ans que je n'ai
pas vu cela. Mais on avait dit que cela avait créé des
inconvénients. Est-ce que ces choses ont été
corrigées? C'est ma question.
M. Godin: À ma connaissance, oui, parce que le ministre
des Transports, informé par moi et probablement par certains de vos
collègues de l'Opposition, a fait modifier en conséquence les
panneaux. Mais je vais, quand même, m'enquérir dès demain
de la situation à cet égard et je vous donnerai une
réponse en Chambre le plus tôt possible.
Mme Lavoie-Roux: J'aimerais connaître globablement les
endroits ou les circonstances où l'on a jugé à
propos...
M. Godin: ...d'autoriser les deux langues.
Mme Lavoie-Roux: Oui. Dans combien de cas s'est-on servi des
dispositions de l'article 22?
M. Godin: D'accord.
Le Président (M. Gagnon): L'article 1 est-il
adopté?
M. Lincoln: Non, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: Je voudrais demander au ministre pourquoi on se
restreint aux voies de communication. Pourquoi n'allez-vous pas plus loin?
Est-ce qu'il y a une raison? Vous dites: "Dans les municipalités, on
peut, pour la désignation d'une voie de communication..." Est-ce qu'il y
a une raison quelconque pour que cela s'arrête aux voies de
communication?
M. Godin: C'est parce que c'étaient les voies de
communication qui étaient l'objet de la francisation. Il n'est pas
question des noms de villes ou de villages parce que cela appartient à
la municipalité. "Seule la municipalité peut décider de
changer de nom". Mais pour les voies de communication, il y avait une
opération menée par la Commission de toponymie qui visait
à franciser et c'est à cette opération que nous venons
mettre un frein, à la demande des citoyens de ces municipalités
pour leur donner à eux le pouvoir de décider. La loi 57 et la loi
101 ne s'appliquent pas aux municipalités. Les noms des
municipalités sont déterminés par les municipalités
elles-mêmes; seule la population - c'est déjà dans la Loi
sur les cités et villes - par voie de référendum, peut
décider de changer le nom de la municipalité.
M. Lincoln: Qu'est-ce qui est arrivé à la ville de
Mont-Royal? Il y avait eu tout un débat là-dessus, à
Westmount, etc.
M. Godin: L'ancienne loi 101, qui est toujours en application,
précisait que les organismes municipaux ne pouvaient avoir qu'un nom
français. La loi 57 modifie cet article de la loi 101 et inclut les
municipalités anglophones au même titre, d'ailleurs, que ce qui
était déjà couvert par la loi 101: les services de
santé, les services sociaux, les services scolaires et les
écoles. Les municipalités avaient été exclues, mais
nous les ajoutons à l'article qui donne le droit d'avoir un nom
bilingue. Donc, maintenant les municipalités auront ce droit. Vous vous
souvenez de la déclaration du
maire Dawson, de "Town of Mont-Royal", quand la loi 57 est sortie; il
s'est déclaré très heureux de voir qu'il pourrait garder
le nom anglais de sa ville avec le nom français.
Mme Lavoie-Roux: On a fait cela pour le maire Drapeau.
M. Godin: Donc, c'est la loi 57 qui autorise maintenant the "Town
of Mont-Royal", parallèlement à ville Mont-Royal.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: Quand on dit: "Dans les municipalités, on
peut, pour la désignation d'une voie de communication..." de qui
parle-t-on, quand on dit "on"?
M. Godin: C'est la municipalité.
M. Gratton: C'est la municipalité. Pourquoi ne dit-on pas
"une municipalité"? Pourquoi ne dirait-on pas, par exemple: "Une
municipalité peut, pour la désignation d'une voie de
communication, utiliser avec un terme générique français
etc"? Vous pouvez le faire, si c'est ce qu'on veut dire.
M. Godin: "Une municipalité peut, pour la
désignation d'une voie de communication..." Est-ce que mes
collègues de ce côté-ci sont d'accord?
Mme Lachapelle: Oui.
M. Godin: Vous faites un amendement, monsieur?
M. Gratton: Si vous voulez.
M. Godin: Les municipalités peuvent ou une
municipalité peut... Parce que c'est seulement une municipalité
qui peut en même temps.
Le Président (M. Gagnon): L'amendement serait de retirer
"dans les municipalités...
M. Godin: De remplacer "dans les" par "une".
Le Président (M. Gagnon): ...et de dire "une
municipalité peut". C'est cela? Cet amendement est le suivant: "Une
municipalité peut"...
M. Godin: Peut, c'est cela.
Le Président (M. Gagnon): ...à la place de "dans
les municipalités, on peut".
M. Godin: C'est cela.
Le Président (M. Gagnon): Cet amendement est-il
adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Gagnon): L'article 1, tel
qu'amendé, est adopté.
M. Lincoln: M. le Président, j'aurais voulu demander si le
ministre peut m'expliquer pourquoi il doit ajouter les mots "s'il est
consacré par l'usage ou si..." C'est encore une preuve claire d'un
fardeau qu'on laisse aux municipalités de prouver la chose. C'est tout
à fait subjectif qu'on décide, qu'on interprète si quelque
chose a une valeur culturelle ou historique ou un valeur d'usage. Ce sera
encore une discussion tout à fait subjective pour décider si, en
fait, c'est le cas ou non. Est-ce que c'est décidé par la
Commission de protection de la langue française ou par une cour? Qui va
décider si un nom a une valeur culturelle, historique ou traditionnelle?
Je voudrais faire un amendement qui se lirait comme suit: "Une
municipalité peut, pour la désignation d'une voie de
communication, utiliser avec un terme générique français
un terme spécifique autre qu'un terme français." C'est cela.
M. Godin: That is it. Bien non. Il y a deux paramètres
là-dedans. Il y a, d'abord, "consacré par l'usage": ce sont les
noms qui existent déjà, les noms dont on peut retracer la place
dans l'histoire, d'une part. D'autre part, pour les nouvelles rues, les futures
municipalités qui voudraient utiliser un terme spécifique autre
qu'un terme français pourraient le faire en raison de la valeur
culturelle ou historique de ce nom-là.
M. Lincoln: Oui, mais...
M. Godin: Supposons qu'on décide de donner le nom de
Giovanni Caboto à une rue. Il n'y a pas, à ma connaissance, de
rue Giovanni Caboto - le découvreur, paraît-il, de Terre-Neuve et
d'une partie du Canada -pour l'instant dans nulle ville au Québec. Donc,
en raison de sa valeur historique, le nom pourrait être choisi,
même s'il n'est pas en français. La valeur culturelle, ça
pourrait être la rue Dante, comme il y en a une. Il pourrait y en avoir
une à Saint-Léonard. Donc, il faut prévoir, mais il faut
qu'il y ait dans la loi - autrement, c'est l'arbitraire absolu - des raisons.
Autrement, vous allez nous reprocher de laisser, encore une fois, à je
ne sais pas qui le soin de décider.
Nous disons qu'il y a deux critères: "consacré par
l'usage", ce qui me semble aller de soi, et, pour l'avenir, des noms pourraient
être choisis en raison de leur valeur culturelle ou historique pour des
rues.
M. Lincoln: Je voudrais soulever le
point suivant. Par exemple, dans mon coin, il y a toutes sortes de noms.
Selon la subjectivité de la ville elle-même, celle-ci pourrait
décider, parce qu'elle a des attaches avec des Anglo-Saxons, de donner
le nom de Doner Road à une rue à cause d'un contexte culturel ou
historique quelconque. À ce moment-là, qui décide si c'est
vraiment culturel ou historique? Ce sera encore un autre sujet de débats
et de disputes. Pourquoi ne pas laisser à la municipalité le
choix de décider?
M. Godin: II m'a semblé plus sage d'encadrer cela
précisément pour protéger les noms consacrés par
l'usage, pour qu'on voie dans nos municipalités et dans nos rues qui ne
sont pas encore aménagées des noms non français, des
spécifiques non français qui aient une valeur culturelle ou
historique. Nous voulons précisément donner la chance au
multiculturalisme existant d'être consacré et aussi à celui
qui se manifesterait dans les futures voies de communication qui n'existent pas
encore. Il faut donner des critères. Il ne faut pas laisser cela
à l'arbitraire absolu. Nous voulons avoir des critères, nous en
avons trois.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Viger.
M. Maciocia: M. le ministre, qui va décider? Admettons que
Godin, c'est un nom allemand - c'est un député aujourd'hui - qui
va décider demain si c'est un nom historique ou qui a une valeur
culturelle, etc?
M. Godin: La municipalité. Nous voulons indiquer aux
municipalités, M. le député, que les noms de rue...
À Saint-Lambert, par exemple, la rue Elm, il y avait des gens qui
voulaient que cela s'appelle rue de l'Orme. Nous avons gardé rue Elm
qui, d'ailleurs, vient d'un mot latin, "ulmus" et d'un mot italien, "ulmo". En
anglais, c'est "elm" et en français c'est "orme", c'est la même
racine. Donc, nous voulons dire que ce qui est consacré par l'usage,
elles peuvent le garder, mais à l'avenir, pour qu'il n'y ait pas que des
noms français dans toutes les rues de toutes les villes du
Québec, nous voulons ouvrir deux portes: valeur culturelle et valeur
historique. Est-ce que cela va?
Le Président (M. Gagnon): Cela va?
M. Godin: C'est ainsi qu'on aura peut-être une rue Maciocia
dans votre comté.
Le Président (M. Gagnon): L'article 1, tel
qu'amendé, est-il adopté?
M. Gratton: Adopté.
Le Président (M. Gagnon): Adopté.
M. Maciocia: C'est pour cela que je voulais m'enquérir de
la spécification.
Le Président (M. Gagnon): J'appelle l'article 2.
M. Godin: C'est-à-dire que nous avons l'article 1.1 qui
correspond à l'article 23 de la loi 101 et que nous avons suspendu.
D'accord? L'article 2: "L'article 25 de cette charte est abrogé." Est-ce
que cela va?
Le Président (M. Gagnon): Adopté?
M. Gratton: Adopté.
Le Président (M. Gagnon): Adopté.
M. Godin: L'article 3?
Le Président (M. Gagnon): J'appelle l'article 3. M. le
ministre.
M. Gratton: Je voudrais qu'on le suspende.
M. Godin: L'article 26 est suspendu.
Le Président (M. Gagnon): L'article 3 est le suivant:
"L'article 26 de cette charte est remplacé par le suivant:..."
M. Godin: Voulez-vous qu'on le lise ou qu'on le suspende
immédiatement, M. le Président?
M. Gratton: Je suggérerais qu'on le suspende. Cela fait
partie de l'ensemble des articles et on pourrait regarder cela ensemble.
M. Godin: D'accord.
Le Président (M. Gagnon): L'article 3 est suspendu.
J'appelle l'article 4. M. le ministre.
M. Godin: Papillon.
Mme Lavoie-Roux: II y a un papillon. On n'est pas satisfait,
même avec le papillon.
M. Godin: Encore là, cela fait partie du paquet, les
articles 20, 23, 26 et 28. On suspend tout cela.
Mme Lavoie-Roux: C'est ce que je disais tout à l'heure.
D'accord.
Le Président (M. Gagnon): L'article 4 est suspendu?
M. Godin: Oui.
Le Président (M. Gagnon): On va
arriver vite à la fin du projet de loi. M. Godin: On va
revenir souvent.
Le Président (M. Gagnon): J'appelle l'article 5. M. le
ministre. (21 heures)
M. Godin: Je dépose un amendement, pour la version
anglaise, que je lis: "La version anglaise de l'article 30.1
édicté par l'article 5 est modifiée par le remplacement,
dans la première ligne, du mot "if" par le mot "when". Avez-vous copie
de l'amendement, du papillon de la version anglaise, M. le
Président?
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'amendement à
l'article 5, la version anglaise du projet de loi, est adopté?
M. Lincoln: Un instant, M. le Président, qu'on se retrouve
dans les paperasses.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? Est-ce que l'amendement
est adopté?
M. Godin: L'amendement, oui.
Le Président (M. Gagnon): L'amendement à l'article
5 est adopté. Article 6? L'article 5...
M. Gratton: Non, non. L'article 5 n'est pas adopté.
L'amendement est adopté.
M. Godin: Ah! Excusez.
Le Président (M. Gagnon): L'amendement est adopté.
L'article 5?
M. Gratton: Je voudrais savoir ce qu'on vise à faire avec
l'article 5. Obliger un médecin qui voudrait faire assumer les frais de
traduction à une personne à qui il fournit un service... Il ne
peut pas les transmettre à son patient ou à son client, quoi?
M. Godin: Non. Ce que cela vise... Vous vous souvenez
peut-être du jugement Sutton, du jugement rendu dans la cause
portée par un patient contre le Dr Sutton.
M. Gratton: Oui, oui.
M. Godin: Le jugement avait dit: Le patient était
allé voir un médecin du nom de Sutton et, après les
examens, après la rédaction des documents d'accompagnement, des
diagnostics, des analyses, etc., le citoyen en question est allé devant
la Commission de la santé et de la sécurité du travail du
Québec, la CSST. Il a voulu remettre à la CSST un document en
français. Le Dr Sutton a dit qu'il était prêt à
remettre un document en français à son patient à condition
que les frais de traduction de 86 $ soient aux frais du patient. Le Dr Sutton
est allé devant les tribunaux et a eu gain de cause parce que le juge a
dit: C'était à vous de le demander avant. Si vous l'aviez
demandé avant, le Dr Sutton aurait été tenu de vous le
donner.
Donc, nous voulons bien préciser pour les consommateurs de soins
au Québec, sans intervenir non plus dans les rapports privés d'un
patient avec un professionnel, nous voulons que la loi soit claire et dise
qu'une personne qui va voir un médecin qui n'est pas de sa langue exige
d'entrée de jeu, dès le départ: Je veux avoir mon
diagnostic et mes documents d'accompagnement dans la langue X ou dans la langue
Y.
M. Gratton: Où retrouve-t-on cette obligation qu'on fait
à la personne de le demander avant? Qu'est-ce qui m'empêchera,
avec le nouveau libellé de l'article 5, d'aller voir un professionnel
anglophone, de ne pas faire la demande d'avoir les documents dans ma
langue...
M. Godin: Rien du tout.
M. Gratton: ...et de revenir seulement à la suite d'un
rapport quelconque et d'exiger qu'il soit traduit?
M. Godin: Vous ne pourrez pas. M. Gratton: Je ne pourrai
pas. M. Godin: Non.
M. Gratton: Par contre, le professionnel en question sera tenu
par l'article 5 de me le fournir à ses frais.
M. Godin: Si vous le demandez avant.
M. Gratton: Mais où retrouve-t-on cela de le demander
avant?
M. Godin: Avant qu'ils ne le rédigent.
M. Gratton: En fait la demande avant qu'ils ne le
rédigent. D'accord.
M. Godin: D'accord?
M. Gratton: Oui. Je m'excuse.
Le Président (M. Gagnon): L'article 5 est-il
adopté?
M. Gratton: Oui, adopté.
Le Président (M. Gagnon): Adopté. L'article 5 de la
version anglaise... C'est cela? On avait une modification à la version
anglaise, n'est-ce pas? Pardon?
M. Dupré: II y a une question de
preuve là-dedans. Il n'y a pas de témoin. Je ne sais pas,
mais cela demande...
Le Président (M. Gagnon): L'article 5 de la version
anglaise qui a été amendé différemment est
adopté?
M. Gratton: Un instant. Le député de
Saint-Hyacinthe a une objection.
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse. M. le
député de Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: Avant qu'ils ne le rédigent. Encore une
fois, cela va être une question de preuve. Cela va être qui? Si
vous allez voir un médecin, vous êtes seul avec lui. Comment
allez-vous faire pour faire la preuve que vous l'avez demandé si le
médecin, une fois qu'il est rédigé, ne veut pas vous le
faire?
M. Godin: J'imagine que, si cela devait aboutir devant un
tribunal, la même preuve serait faite que dans l'affaire Sutton. Sous
serment, le patient a dit: Je n'ai pas demandé le document en
français au début. S'il avait dit l'avoir demandé au
début, il l'aurait eu. C'est donc l'affirmation sous serment qui fait
foi de tout. C'est là la preuve devant le tribunal. On ne fera pas
signer d'affidavit avant, dans le bureau du médecin, sous serment sur la
Bible, que je veux l'avoir en français.
M. Dupré: Si cela est demandé par écrit,
cela fait un peu plus de démarches pour celui qui le demande, mais cela
lui apporte une certaine sécurité parce que là, c'est la
parole du médecin, de l'avocat ou de l'autre professionnel contre la
parole du client.
M. Godin: M. le Président. Le Président (M.
Gagnon): Oui.
M. Dupré: Soit que ce soit précisé ou tout
simplement qu'on l'enlève, mais il doit le remettre en français
ou, si on laisse cela vague comme cela, soit qu'on enlève "avant qu'ils
ne le rédigent, cela veut dire que, rédigé ou pas, la
personne a droit à sa copie en français.
M. Godin: Oui, mais on nous dit que la preuve, enfin, un client
ou un patient pourrait exiger une lettre de son professionnel comme quoi il lui
a bien demandé en français de lui remettre les documents. Mais
j'aurais plutôt tendance à me fier à la bonne foi des
parties et au témoignage sous serment, si jamais cela devait se
produire, du patient qui dirait: J'ai demandé ceci en français.
C'est le juge qui décidera de la crédibilité des
témoins. On peut difficilement aller plus loin que cela, M. le
député de Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: On peut l'enlever tout simplement.
M. Godin: Si on l'enlève, à ce moment-là, on
risque de se retrouver devant d'autres cas Sutton. C'est ce qu'on veut
éviter.
La loi a une portée pédagogique. Elle vise à
informer les consommateurs de soins et de services du Québec qu'ils ont
droit que le professionnel leur envoie leur documentation en français
à condition qu'ils le demandent avant. Il leur appartiendra à eux
de déterminer la confiance qu'ils ont dans leur médecin, notaire
ou avocat, soit de se fier à leur parole, soit exiger d'eux qu'ils
mettent cela par écrit. C'est à eux d'évaluer. Vous avez
assez d'expérience dans ces affaires pour savoir que, si vous êtes
patient ou client et que vous demandez que le médecin vous donne cela
par écrit, eh bien, vous le demanderez, si vous estimez que vous en avez
besoin comme preuve.
M. Dupré: Je comprends qu'il n'y a rien qui les
empêche en plus de le faire par écrit. Le plus l'emporte sur le
moins, mais...
M. Godin: Enfin, on a estimé qu'on laissait quand
même la liberté au consommateur, au patient, au client, d'exiger
ou non. S'il l'exige, il va l'avoir; s'il ne l'exige pas, il n'a pas le droit
de l'avoir en français. Donc, c'est à lui de choisir un autre
médecin, un autre avocat ou un autre notaire, s'il le veut.
M. Dupré: Je trouve cela vague: "Avant qu'ils ne le
rédigent", si on le demande.
M. Godin: Non, mais c'est dès la première visite,
M. le député. C'est ce que cela veut dire. Cela veut dire que,
dorénavant, tout ce que vous faites pour moi, c'est dans telle
langue.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? L'article 5 est
adopté. L'article 5 de la version anglaise, tel qu'amendé, est
adopté. Cela va? Article 6?
Ordres professionnels
M. Gratton: Pourrais-je suggérer au ministre qu'on prenne
les articles paragraphe par paragraphe, surtout...
Le Président (M. Gagnon): Article 6?
M. Godin: À l'article 6, vous avez un papillon, n'est-ce
pas?
Le Président (M. Gagnon): Oui.
M. Godin: L'article 6 porte sur l'article 35 qui porte - je
résume - sur l'abolition des tests, d'une part, à partir de telle
date, qui est inscrite au projet de loi et, d'autre part, sur l'exemption
desdits tests à un étudiant du secteur anglais, s'il a suivi
depuis et à compter du secondaire et jusqu'à l'université
et même après trois ans d'un enseignement d'un niveau secondaire
ou postsecondaire en français.
M. le Président, je vais lire le nouveau: "L'article 35 est
remplacé par le suivant, et je lis le papillon: "Les ordres
professionnels ne peuvent délivrer de permis qu'à des personnes
qui ont de la langue officielle une connaissance appropriée à
l'exercice de leur profession."
M. Gratton: Cela, M. le Président, c'est le texte
intégral de la loi 101.
M. Godin: C'est cela. C'est exactement une reproduction de la loi
101.
M. Gratton: D'accord!
M. Godin: D'autre part: "Une personne - et cela c'est nouveau -
est réputée avoir cette connaissance si elle a suivi, à
temps plein, au moins trois années d'enseignement de niveau secondaire
ou postsecondaire dispensé en français...
M. Lincoln: C'est ce que vous avez ajouté.
M. Godin: C'était dans les règlements et on l'a
intégré à la loi.
Le Président (M. Gagnon): Pour les fins du journal des
Débats, j'aimerais que le ministre lise le paragraphe au complet avant
qu'on l'interrompe, parce que là ce sera difficile à
comprendre.
M. Godin: Je reprends l'alinéa 2, M. le Président,
de l'article 6: "Une personne est réputée avoir cette
connaissance si elle a suivi, à temps plein, au moins trois
années d'enseignement de niveau secondaire ou postsecondaire
dispensé en français ou si, à compter de l'année
scolaire 1985-1986, elle obtient au Québec un certificat d'études
secondaires. "Dans les autres cas, une personne doit obtenir une attestation
délivrée par l'Office de la langue française ou
définie comme équivalente par règlement de l'office.
"L'office peut, par règlement - cela est...
Le Président (M. Gagnon): Allez-y.
M. Godin: Je lis, d'accord. "L'office peut, par règlement,
fixer les modalités et les conditions de délivrance d'une
attestation, pourvoir à la constitution d'un comité d'examen et
à son mode de fonctionnement et établir des critères et un
mode d'évaluation de la connaissance du français
appropriée à l'exercice d'une profession ou d'une
catégorie de professions."
En fait, ce que cela veut dire, c'est que les tests de français
pour les professionnels sont abolis pour toute personne qui possède
trois années d'études secondaires ou postsecondaires en
français, peu importe l'endroit.
Mme Lavoie-Roux: Si ses études sont faites en Ontario, par
exemple.
M. Godin: Oui, si c'est une institution dont le diplôme est
reconnu comme ayant une équivalence au Québec. Cela couvre
déjà plus de vingt pays européens, africains,
universités américaines, etc. Donc, ce qui est dans les ententes
du ministère de l'Éducation du Québec et du
ministère de l'Éducation d'autres pays ou provinces.
Deuxièmement, pour toute personne qui obtiendra, à partir
de l'année scolaire 1985-1986, un certificat d'études secondaires
au Québec. Donc, c'est pour reconnaître qu'à la fin de
l'année scolaire 1986, les cours de français dans le
système scolaire anglais du Québec seront de qualité
suffisante pour exempter les étudiants de ce système de tout test
ultérieur dans l'avenir.
Le paragraphe 3 est pour valider les règlements qui avaient
été qualifiés d'invalides par certaines études,
avec lesquelles Me Brière qui est ici présent est fort familier,
certaines études du doyen de la faculté de droit de
l'Université de Montréal, M. Ouellette, certaines études
du ministère de la Justice du Québec et certaines études
d'un comité créé et dont faisaient partie des gens du
Conseil de la langue française ainsi que quelqu'un de mon cabinet.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que cela va? Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je pense que mon collègue de Gatineau va
revenir sur l'ensemble de la proposition. Je voulais vous demander dans quelle
mesure les ordres professionnels faisaient des exceptions pour les
professionnels qui oeuvrent auprès des communautés
amérindiennes. Il y a des dispositions pour la langue d'enseignement.
Pour les ordres professionnels, est-ce qu'il y a des dispositions
prévues?
M. Godin: II y a une exemption dans un des papillons que vous
avez et qui dit que toutes les personnes qui travaillent dans une
réserve, comme les chauffeurs de taxi, les professeurs, les
infirmières, ne sont pas sujettes à un test de connaissance
du
français.
Mme Lavoie-Roux: Les professionnels aussi.
M. Godin: Oui, tout le monde.
Mme Lavoie-Roux: Tout le monde qui réside dans une
réserve.
M. Godin: On va y arriver en temps et lieu.
Mme Lavoie-Roux: Avant, cela n'existait pas.
M. Godin: Non, c'est nouveau. Mme Lavoie-Roux: C'est
important.
M. Godin: C'est dans les articles 15.1, 15.2, 15.3.
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
M. Godin: On y reviendra tout à l'heure.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: Un instant, s'il vous plaît, M. le
Président. Une question dans un moment. Est-ce que la
réglementation actuelle prévoyait une exemption pour les
personnes qui comptaient trois années de fréquentation à
temps plein au secondaire ou après le secondaire?
M. Godin: Les règlements prévoyaient cela.
M. Gratton: Vous l'inscrivez dans la loi. M. Godin: C'est
cela.
M. Gratton: Donc, il n'y a plus de problème pour ceux qui
ne feraient pas de secondaire ici mais qui auraient fait trois années
optionnelles de postsecondaire.
M. Godin: C'est cela. (21 h 15)
M. Gratton: M. le Président, quant à nous...
M. Godin: C'était - excusez-moi, M. le
député - le règlement 2, règlement sur la
connaissance de la langue officielle; c'était l'article 2 dudit
règlement qui est maintenant dans la loi; c'était pour lui donner
plus de force.
M. Gratton: Quant à nous, on sait bien ce qu'il en
adviendra, mais on voudrait quand même que cela soit clair. Il me semble
qu'on ne sait pas trop pourquoi on attend l'année scolaire 1985-1986.
Semble-t-il que l'enseignement du français, je suppose, dans les
écoles anglaises, va être tellement amélioré d'ici
là qu'on pourra exempter des gens de subir un test à ce moment et
pas avant. Quant à nous, il nous semble qu'il y a longtemps que cela
devrait exister et, en fait, cela existe. Par conséquent, j'aimerais
proposer le sous-amendement suivant: Que le deuxième alinéa du
paragraphe 35 de l'article 6 soit modifié en retranchant, aux
quatrième et cinquième lignes, les mots "à compter de
l'année scolaire 1985-1986".
Cela voudrait dire, à toutes fins utiles, que c'est dès
maintenant, c'est-à-dire dès l'an prochain, que les personnes qui
auraient trois ans d'études au niveau secondaire ou postsecondaire... Je
veux dire qu'à compter de la prochaine année scolaire, les
personnes qui obtiendraient au Québec un certificat d'études
secondaires seraient exemptées des tests.
Le Président (M. Gagnon): Cette motion de sous-amendement
est recevable. M. le ministre.
M. Godin: M. le Président, avant de faire un commentaire
sur cela, je ferai remarquer au député de Gatineau, mon
collègue, que je ne lance pas les hauts cris du fait de recevoir graine
à graine, morceau par morceau, sa liasse d'amendements. Je les lis en
toute bonne foi et je ne lui reproche pas de se livrer à des
poltronneries ou à des actions de dernière seconde, etc.
Après avoir lu le sous-amendement, grâce aux
méthodes de lecture "Evelyn Wood", je puis dès maintenant dire
que nous serons contre pour une raison très simple, M. le
Président. C'est que, vérification faite, certaines commissions
scolaires et certaines écoles anglaises, même dans certaines
commissions scolaires, donnent un enseignement de la langue seconde, en
l'occurrence le français, qui est excellent, mais, de l'avis des experts
du ministère de l'Éducation, ce n'est qu'à la fin de
l'année scolaire 1985-1986, ou à partir du début plus
précisément, puisque l'année scolaire commence en
septembre 1985, ce n'est qu'à compter de septembre 1985 que les cours
seront universellement, dans chacune des écoles anglaises, dans chacune
des commissions scolaires anglaises, seront d'une qualité telle que nous
pourrons exempter des tests les gens qui entreront à l'école en
septembre 1985.
D'autre part, il s'agit également de protéger
l'étudiant qui sort de ces écoles parce que les exigences du
français aujourd'hui, de la part des employeurs, sont telles que ce
serait rendre un mauvais
service à l'écolier, l'étudiant, qui sort de
certaines de ces écoles, que d'exiger de lui, dès maintenant,
c'est-à-dire que de l'exempter dès maintenant des tests puisque
certaines expériences qui ont été portées à
mon attention sont que les gens sortent du secondaire avec un diplôme de
connaissance du français qui ne correspond pas du tout aux exigences des
employeurs actuellement. C'est pour les protéger que nous voulons
prolonger d'un an, c'est-à-dire jusqu'à septembre 1985,
l'obligation des tests pour ceux qui sortiront plus tard d'un cours technique
ou d'un cours universitaire.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: La sollicitude du ministre à l'endroit de ces
pauvres diplômés de l'école secondaire anglophone qu'il
veut protéger, c'est malheureux qu'il ne la partage pas pour les
diplômés des écoles secondaires francophones puisque,
eux-mêmes, s'ils devaient subir des tests, auraient probablement encore
plus de difficulté que certains élèves anglophones,
certains diplômés anglophones, à les subir.
M. le Président, je ne m'attendais pas que le gouvernement
accepte le sous-amendement, mais on le maintient.
Je dirais simplement au ministre, quand il nous parle de la façon
de procéder, qu'il devrait peut-être comprendre que nous ne sommes
pas le gouvernement. Nous n'avons pas écrit le projet de loi 57. Nous
n'avons pas non plus déposer le projet de loi 57 en catastrophe. Nous
n'avons pas fourni une première liasse ni une deuxième liasse
d'amendements. On s'attendait que le gouvernement fasse son travail
convenablement. On espérait même ne pas être obligé
de faire quelque amendement que ce soit. Malheureusement, parce que le travail
est incomplet, nous ne pouvions pas les faire avant. On ne peut pas
déposer des amendements.
J'ai choisi de le faire quand ce serait complet, quand on saurait ce
qu'on fait. Le ministre aurait dû faire la même chose, j'ai
l'impression que cela l'aurait mieux servi. Quoi qu'il en soit, quant à
nous, nous sommes prêts à disposer de l'article 6.
Le Président (M. Gagnon): D'abord, le sous-amendement de
M. le député de
Gatineau, si j'ai bien compris, est refusé. Refusé...
M. Gratton: Sur division.
Le Président (M. Gagnon): Sur division.
L'amendement...
M. Godin: Le papillon...
Le Président (M. Gagnon): Le papillon, c'est-à-dire
le nouvel article 6, du ministre est-il adopté?
M. Gratton: Non, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Vous avez dit que étiez
prêt à disposer de l'article 6.
M. Gratton: Oui, on va en disposer, mais quand...
Le Président (M. Gagnon): Ah bon!
M. Gratton: ...vous aurez appelé le vote nominal.
Le Président (M. Gagnon): Ah bon! Alors, vous êtes
prêts à voter?
M. Gratton: Oui.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Nelligan?
M. Lincoln: Contre.
Le Président (M. Gagnon): Contre. M. le
député de Saint-Hyacinthe?
M. Dupré: Contre l'article au complet? M. Godin:
Non.
M. Dupré: Pour.
M. Gratton: Oui, oui, vous êtes contre. Faites-moi
confiance, vous êtes contre.
M. Dupré: Cela doit être pour d'abord, M. le
Président.
Le Président (M. Gagnon): On vote sur le nouvel article 6,
sur le papillon que vous avez. M. le député de Saint-Hyacinthe
est pour. M. le député de Deux-Montagnes?
M. de Bellefeuille: Pour.
Le Président (M. Gagnon): Pour. M. le député
de Groulx... M. le député de Mercier?
M. Godin: Pour.
Le Président (M. Gagnon): Pour. M. le député
de Gatineau?
M. Gratton: Contre.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Dorion?
Mme Lachapelle: Pour.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Fabre?
M. Leduc (Fabre): Pour.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
L'Acadie?
Mme Lavoie-Roux: Contre.
Le Président (M. Gagnon): Le député de
Mont-Royal n'y est pas.
Mme Lavoie-Roux: II y a quelque chose qui m'intrigue...
Le Président (M. Gagnon): Oui.
Mme Lavoie-Roux: Tantôt, on a voté quatre contre
quatre. C'étaient ces quatre mêmes personnes qui étaient
là. Comment se fait-il que vous ayez eu quatre votes?
Le Président (M. Gagnon): Non, tantôt le
député de...
Mme Lavoie-Roux: II y en a un qui n'y était pas, mais ce
sont ces quatre qui ont voté et on est arrivé quatre à
quatre, et là, je vois que le député de Deux-Montagnes n'a
pas le droit de vote...
M. de Bellefeuille: Oui, oui, j'ai le droit de vote.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
Le Président (M. Gagnon): Oui, oui, il vient de voter.
M. de Bellefeuille: Je vous remercie de votre sollicitude, Mme la
députée.
Le Président (M. Gagnon): Ne me faites pas peur, vous
là!
M. de Bellefeuille: Je n'ai pas eu l'avantage de voter dans le
même sens que vous.
Une voix: Vous voulez l'exclure?
Mme Lavoie-Roux: Pardon?
Une voix: Vous voulez l'exclure?
Mme Lavoie-Roux: Non, non.
Le Président (M. Gagnon): L'article 6 est-il
adopté?
Mme Lavoie-Roux: Non. Excusez. Avant qu'il soit adopté,
vous m'avez dit tout à l'heure dans un papillon que vous aviez mis que
vos gens des réserves étaient exemptés. Je ne le retrouve
pas dans les papillons.
M. Godin: C'est à 15.1, 15.2 et 15.3.
Le Président (M. Gagnon): II a été
adopté à cinq contre trois. L'article 7?
M. Godin: L'article 7 se lit comme suit...
Mme Lavoie-Roux: Excusez-moi, M. le...
M. Godin: Le paragraphe a de l'article 40...
Mme Lavoie-Roux: On y reviendra.
M. Godin: On sera à l'article 15 tout à
l'heure.
Mme Lavoie-Roux: C'est cela.
Le Président (M. Gagnon): L'article 7?
M. Godin: Je vais lire l'article 40, tel qu'il apparaît
à l'article 7: L'article 40 de cette charte est remplacé par le
suivant: "Les ordres professionnels peuvent, avec l'autorisation
préalable de l'Office de la langue française, délivrer un
permis spécial à des personnes qui sont déclarées
aptes à exercer leur profession sans avoir du français une
connaissance appropriée au sens de l'article 35. "L'autorisation
prévue au premier alinéa est accordée par l'Office de la
langue française - c'est ici que vient le papillon que tout le monde a
eu tout à l'heure: "a. lorsque de l'avis du ministre des Affaires
sociales, la délivrance d'un permis spécial est nécessaire
pour assurer l'accessibilité des services de santé et des
services sociaux dans un établissement situé dans une
région éloignée; - pour le b, nous revenons à
l'article 57 original: b. lorsque des raisons d'ordre scientifique ou
technologique l'exigent."
Dans le cas prévu par le paragraphe b du deuxième
alinéa, le permis autorise son détenteur à exercer sa
profession exclusivement pour le compte d'un seul employeur dans une fonction
ne l'amenant pas à traiter avec le public. L'article 35...
Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le député
de Gatineau.
M. Gratton: Peut-être...
M. Godin: En fait, ce que cet article 40 permet de
résoudre comme problème, M. le Président, ce sont des cas
- il y en a eu quatre ou cinq peut-être depuis six ans - où, dans
des villages anglophones de la Côte-Nord ou à l'île
d'Entrée, qui est une île habitée à 100% par des
anglophones aux Îles-de-la-Madeleine, les seules personnes disponibles
pour aller travailler dans ces villages et ces régions-là et
désireuses d'y aller étaient des personnes qui ne parlaient
que l'anglais. L'office a dû faire des contorsions pour
réussir à leur accorder l'autorisation d'y aller et donc de
donner des services de santé ou des services sociaux dans ces
régions éloignées. La loi 57 permettrait de
résoudre ce genre de problème.
Quant au reste, M. le Président, c'est le même
régime qui existait auparavant dans la loi 101. Cela permet le
recrutement de professionnels, de chercheurs, de scientifiques, de scientistes
pour répondre aux besoins des centres de recherche, des hôpitaux,
des entreprises qui ont besoin de tels chercheurs et qui, n'ayant aucun contact
avec le public, n'ont pas à parler nécessairement le
français.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, est-ce que le ministre peut
nous expliquer pourquoi on a jugé nécessaire de durcir la loi
à cet égard-là?
M. Godin: De quelle manière durcissons-nous, M. le
Président?
M. Gratton: Dans l'article 40 de la loi 101 telle qu'elle
existait avant d'être amendée...
M. Godin: Oui.
M. Gratton: ...c'était beaucoup plus large. On disait:
"Dans le cas où l'intérêt public le justifie...
M. Godin: Oui.
M. Gratton: ...les ordres professionnels peuvent, etc." On
précise dans le projet de loi 57 que c'est spécifiquement dans le
cas des affaires sociales, dans le cas de science et technologie et en plus le
papillon que le ministre nous présente spécifie que, dans le cas
des affaires sociales, c'est seulement dans les régions
éloignées. Je présume que c'est parce qu'il a dû y
avoir des problèmes suscités par l'article 40 dans le
passé. J'aimerais savoir de quoi il s'agissait.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: M. le Président, pendant que le
ministre se prépare à répondre à la question du
député de Gatineau, je voudrais lui poser une question qui est
peut-être reliée de près à celle du
député de Gatineau. Dans le texte de la Charte de la langue
française, à l'article 40, on parle de "personnes
déjà autorisées à exercer leur profession en vertu
des lois d'une autre province ou d'un autre pays."
Cette notion n'apparaît pas dans le nouveau texte. On parle de
quelque chose qui est tout à fait différent. On parle maintenant
de "personnes qui sont déclarées aptes à exercer leur
profession sans avoir du français une connaissance appropriée au
sens de l'article 35." Pourquoi a-t-on remplacé une notion par
l'autre?
Le Président (M. Gagnon): II y a deux questions, M. le
ministre. (21 h 30)
M. Godin: Au fond, nous voulions assouplir et préciser,
mais je ne me battrai pas comme un "bulldog" déchaîné pour
aller à l'encontre de ce que disait l'article 40
précédent, si vous estimez qu'on devrait réinsérer
la notion d'intérêt public. La seule explication que je vous
donnerais, c'est la suivante: Cela oblige les entreprises à recruter
d'abord au Québec. C'est pour protéger, en fait, les experts, les
scientifiques, les techniciens francophones du Québec, que nous voulons
restreindre un peu la portée de l'article 40. Parce qu'on s'est rendu
compte que souvent certaines entreprises prenaient la voie de la
facilité et allaient directement à l'étranger sans
s'enquérir d'abord s'ils pouvaient trouver ici des personnes qui
pourraient remplir le poste. Mais, en même temps, on a élargi en
ajoutant les services de santé et les services sociaux.
M. Gratton: ...ajouté les raisons d'ordre scientifique et
technologique.
M. Godin: On l'avait déjà avant.
M. Gratton: ...la notion d'intérêt public.
M. Godin: On l'avait déjà avant.
Mme Lavoie-Roux: Vous l'aviez dans les règlements.
M. Gratton: Vous l'aviez peut-être dans les
règlements, mais vous ne l'aviez pas dans la loi.
M. Godin: Excusez-moi, une dernière note.
L'intérêt public pour nous, cela signifiait trois choses: des
raisons d'ordre scientifique, des raisons d'ordre technologique et des raisons
d'accessibilité à des services de santé et des services
sociaux. L'intérêt public pour nous, dans la pratique,
c'était cela. Donc, on l'a précisé de manière que,
pour tout autre cas, on recrute d'abord ici, s'il y a moyen.
M. Gratton: Mais vous avez quand même créé le
problème que soulève le député de Deux-Montagnes,
à savoir que, par exemple, un membre de l'Ordre des ingénieurs de
l'Ontario avait, en vertu de
l'ancien article 40, la possibilité d'exercer sa profession au
Québec à condition qu'il exerce son travail exclusivement pour le
compte d'un seul employeur dans une fonction ne l'amenant pas à traiter
avec le public. Dorénavant, il ne pourra pas, à moins que ce ne
soit un travail qui réponde à la notion d'intérêt
public ou des deux alinéas que vous avez là. De plus, c'est que
vous avez restreint passablement la notion d'intérêt public.
M. Godin: Oui.
M. Gratton: Et moi, je préférerais de loin voir
l'ancien article que le présent à condition qu'on m'assure que,
effectivement, dans la définition d'intérêt public, la
raison d'ordre scientifique ou technologique existe réellement. Parce
qu'on sait que cela peut devenir de plus en plus d'intérêt public
pour le Québec d'accueillir ces gens-là.
M. Godin: En fait, cela se basait... Nous voulions
préciser - si vous permettez, cela ne sera pas long, M. le
député de Deux-Montagnes, je reviendrai à votre argument
de tout à l'heure - que l'expérience de six ans nous a
amenés à conclure que l'intérêt public ne
s'était appliqué que dans des raisons d'ordre scientifique,
technologique et d'accessibilité aux services de santé et aux
services sociaux lorsque cela le justifiait.
Donc, on a voulu le préciser parce que c'était la
pratique. Mais c'est un des effets, en fait, de l'application de la loi pendant
six ans. On sait maintenant beaucoup mieux où on s'en va. Et je ne
voudrais pas que vous perdiez de vue le point que j'ai soulevé, M. le
député de Gatineau, c'est-à-dire que nous voulons que le
recrutement se fasse d'abord au Québec, le recrutement de francophones
qui nous coûtent des fortunes en formation de toutes sortes.
C'était pour resserrer un peu les écrous.
Maintenant, dans votre intervention, M. le député de
Deux-Montagnes, vous aimeriez que nous rajoutions la notion de personnes
déjà détentrices, en fait, d'un diplôme ou d'un
permis de pratiquer la profession en vertu des lois d'une autre province ou
d'un autre pays. Vous aimeriez que nous "réinsersions"...
M. de Bellefeuille: Bien, je vous demandais, M. le
ministre...
M. Godin: ...réinsérions, devrais-je dire...
M. de Bellefeuille: ...pourquoi nous avions remplacé une
notion par l'autre. Et je constate que, si je lis bien l'article 40 de la loi,
dans son état actuel, il y a quelque chose là qui cloche. Parce
qu'on pourrait avoir un membre d'une profession, qui serait autorisé,
disons, en vertu des lois de la France ou de la Belgique et qui, dans
l'intérêt public, recevrait le permis restrictif et on lui
interdirait de rencontrer le public soi-disant parce qu'il ne parle pas
français. Or, il s'agirait d'un francophone.
M. Godin: Excusez-moi, mais cela ne s'applique pas à eux
puisqu'ils parlent français. Cela s'applique uniquement à ceux
qui ne parlent pas français.
M. de Bellefeuille: Bien oui, c'est cela, c'est qu'il y a
toujours cette confusion entre les deux notions, notion de membre d'une
profession qui a eu son diplôme ailleurs et membre d'une profession qui
ne parle pas le français. On fait comme si c'était la même
chose. Or, de toute évidence, ce n'est pas la même chose.
M. Godin: M. le Président, quand on dit
déclarées aptes: Elles seront déclarées aptes par
les ordres professionnels québécois. L'office, au fond,
reçoit un citoyen...
M. de Bellefeuille: Oui.
M. Godin: ...un citoyen lui dit: Je suis apte, je suis
déclaré apte par la corporation des... Enfin, on appelle cela
l'Ordre des architectes maintenant, l'Ordre des médecins, etc. Je suis
déclaré apte - et voici, en vertu d'une équivalence de
diplôme ou en vertu d'un séjour que j'ai fait ici dans
l'hôpital, dans le cas d'un médecin - à pratiquer ma
profession et je parle français. L'article 40 ne s'applique pas. Je ne
parle pas français, l'article 40 s'applique, à la condition
qu'une, deux, trois, quatre conditions soient remplies.
M. de Bellefeuille: Cela veut dire qu'on laisse tomber la clause
touchant les personnes déjà autorisées à exercer
leur profession en vertu des lois d'une autre province ou d'un autre pays. Cela
disparaît de la loi.
M. Godin: Cela est remplacé par "déclarées
aptes" par leur ordre professionnel.
M. de Bellefeuille: Oui.
M. Maciocia: Attendez un peu.
M. Godin: En fait, cela est la même chose.
Le Président (M. Gagnon): Cela va?
M. de Bellefeuille: Je ne sais pas, j'ai l'impression qu'il y a
peut-être encore quelque chose qui n'est pas complètement clair.
Il peut être d'intérêt public, pour des raisons qui n'ont
rien à voir avec les
considérations linguistiques, d'accorder un permis restrictif ou
autre, mais il n'est peut-être pas de la compétence de la loi 57
de régler ce problème. On se trouve à fermer une porte que
la loi 101 ouvrait.
M. Godin: De quelle porte parlez-vous?
M. de Bellefeuille: La porte qui s'applique non pas à des
personnes qui n'ont pas du français une connaissance appropriée,
mais à des personnes qui sont autorisées à exercer leur
profession en vertu des lois d'une autre province ou d'un autre pays.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Godin: La porte est la même, parce que ces personnes
sont déclarées aptes par leur ordre. Au fond, ce que nous
faisons, M. le député de Deux-Montagnes, c'est que nous remettons
aux ordres professionnels la responsabilité de voir à la gouverne
de leurs propres membres, de quelque pays qu'ils viennent, et il y a des
règles qui relèvent des ordres et non pas de l'Office de la
langue française. Donc on remet là ou cela doit aller le travail
de vérification des diplômes, le travail de vérification de
la qualité des cours à un pays d'origine. Vous savez qu'il y a
dans chaque ordre un bureau qui évalue l'enseignement de tel ou tel
pays, c'est aux ordres à faire cela, ce n'est pas à l'Office.
Nous remettons aux ordres cette responsabilité qui aurait dû
être la leur depuis le début.
M. de Bellefeuille: M. le Président, je ne suis pas
sûr si je suis d'accord avec le ministre sur ce point, parce que j'aime
bien qu'il y ait une loi quelque part qui permette, au nom de
l'intérêt public, d'ouvrir au besoin cette porte, étant
donné qu'on peut facilement imaginer que les corporations
professionnelles peuvent avoir un comportement corporatiste et protectionniste
et fermer indûment la porte à des personnes déjà
autorisées à exercer leur profession en vertu des lois d'une
autre province ou d'un autre pays. Je répète que ce n'est pas un
problème de langue et, par conséquent, il est peut-être
normal que cela ne figure plus dans la Charte de la langue française,
mais je regrette, à première vue, la disparition de cette porte,
parce que je ne suis pas prêt à faire confiance comme cela,
aveuglément et complètement, aux corporations professionnelles
qui, pour employer le mot que vous venez d'employer, M. le ministre, peuvent
faire preuve d'une forme protectionniste de corporatisme.
M. Godin: Alors, je veux vous préciser, M. le
député de Deux-Montagnes, si vous le permettez, M. le
Président, que, dans le passé, l'office ne délivrait pas
plus de permis lui-même à des professionnels qu'il ne peut le
faire maintenant. Il s'enquérait auprès des ordres si cette
personne pouvait exercer sa profession ici. Seul, l'ordre est autorisé
à émettre le permis de pratiquer et pas l'office. Donc, nous ne
faisons que mettre le fardeau là où il doit aller. Dans la
rédaction ancienne de la loi 101, on avait l'impression que
c'était l'office qui délivrait le permis aux personnes etc.,
déclarées aptes en vertu des lois, mais, en fait, qu'est-ce que
faisait l'office? Il disait à l'ordre: Voici M. Pierre de Bellefeuille,
qui arrive ici; il est architecte, il vient de Belgique, est-ce que je peux lui
accorder son permis? C'était l'ordre qui décidait, après
avoir évalué, contacté ses collègues en Belgique
et, effectivement vérifié s'il le détient.
Par ailleurs, quant à la question de l'intérêt
public, je ne me battrai pas dans les corridors du parlement pour ne pas
revenir à la formulation ancienne "dans les cas où
l'intérêt public le justifie". Cela ne me gênerait pas de
l'ajouter. Cela me gênerait de redonner à l'office une
responsabilité qui appartient aux ordres et qui a toujours appartenu aux
ordres. L'office n'a jamais eu le pouvoir d'accorder le permis à des
gens qui n'avaient pas déjà obtenu l'aval de leur ordre
professionnel au Québec.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
L'Acadie. M. le député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Si vous permettez. Je ne vois pas de
changement par rapport au rôle respectif des ordres professionnels et de
l'Office de la langue française puisque, dans les deux textes, on parle
d'autorisation préalable de l'Office de la langue française. Dans
les deux cas, il y a autorisation préalable de l'Office de la langue
française.
Une voix: Vous avez bien raison.
M. de Bellefeuille: Mais je ne vais pas m'entêter
là-dessus, M. le Président. De toute évidence, le
problème soulevé par la disparition de cette partie de l'article
40 qui est dans la loi actuelle relève d'un autre domaine. C'est le
domaine des ordres professionnels. Peut-être que le ministre consentira
à signaler à son collègue responsable des ordres
professionnels qu'il y a une clause touchant les personnes autorisées en
vertu des lois d'une autre province et d'un autre pays qui disparaît de
la loi 101. Il faudra peut-être trouver une autre loi à laquelle
l'incorporer à un moment opportun.
M. Godin: Entendons-nous, M. le Président, si vous le
permettez. L'article 40, ancien et nouveau, ne s'appliquait que dans
les cas où la connaissance du français n'était pas
acquise. L'intervention des ordres professionnels s'appliquait aux
non-francophones aptes à exercer leur profession et reconnus comme tels
par les ordres. L'office n'intervient que dans le cas d'ignorance du
français.
M. de Bellefeuille: Le ministre pourra-t-il justifier son
affirmation d'offrir un libellé de l'article 40 actuel? Je ne vois
là aucune allusion à la connaissance de la langue
française.
M. Godin: Cela se réfère à l'article 35. M.
le député de Deux-Montagnes, l'office ne peut intervenir que dans
le cas de méconnaissance du français. De par la loi, dans aucun
autre cas l'office n'est appelé à intervenir.
M. le député de Deux-Montagnes, nous sommes dans le
chapitre V qui s'intitule: La langue des organismes parapublics. Vous ne
trouverez donc pas à chaque article la référence de la
connaissance appropriée du français, mais c'est implicite, cela
va de soi.
En d'autres termes, si un ingénieur belge francophone ou
français ou suisse vient ici, l'office ne se pose pas de question sur sa
capacité de faire son métier. Seul l'ordre le fait. L'office
n'intervient que si l'ordre lui dit: II n'a pas de connaissance du
français, mais on a besoin de lui, tel employeur a besoin de lui.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: J'ai deux questions. La première a
déjà été touchée quand mon collègue
de Gatineau a parlé de l'aspect beaucoup plus restrictif du nouvel
article 40. Il l'a signalé surtout en relation avec le premier
paragraphe "où l'intérêt public le justifie". Je pense que
le deuxième paragraphe se trouve à sauter également,
n'est-ce pas? "Exercer leur profession". C'est ce dont le député
de Deux-Montagnes parlait: Mais ce permis restrictif autorise son
détenteur à exercer sa profession exclusivement pour le compte
d'un seul employeur dans une fonction ne l'amenant pas à traiter avec le
public. Ceci se trouve à disparaître.
M. Godin: Non.
Une voix: Non, cela ne disparaît pas.
M. Godin: Vous l'avez en haut de la page 7 du projet de loi
57.
Mme Lavoie-Roux: Bon.
M. Godin: Avez-vous votre projet de loi 57, madame?
Une voix: Page 7.
Mme Lavoie-Roux: Me voilà avec l'anglais maintenant. On en
a assez.
Une voix: ...reste comme cela. C'est seulement le paragraphe a
qui change.
Mme Lavoie-Roux: D'accord. Si le problème n'y est pas, il
n'y est pas.
Dans le paragraphe a, lorsque de l'avis du ministre des Affaires
sociales, la délivrance d'un permis est nécessaire pour assurer
l'accessibilité des services de santé et des services
sociaux."
M. Godin: C'est l'ancien paragraphe a. Il y a un nouveau a dans
votre...
Le Président (M. Gagnon): Vous avez un amendement.
Mme Lavoie-Roux: C'est cela. Dans un établissement
situé dans une région éloignée.
M. Godin: C'est cela. D'accord.
Mme Lavoie-Roux: Là, c'est restrictif.
M. Godin: Oui, oui. Volontairement. (21 h 45)
Mme Lavoie-Roux: C'est plus restrictif que cela ne
l'était.
M. Godin: Oui.
Mme Lavoie-Roux: Je comprends mal la justification. Par exemple,
il peut arriver qu'au Royal Victoria, et j'en ai entendu parler à
l'Institut neurologique, où il y avait un problème
d'anesthésiste. Un anesthésiste, à ma connaissance, n'a
pas beaucoup de contact avec le public, en tout cas, ceux que j'ai connus.
C'était à Montréal. Là, vous le limitez aux
régions éloignées. Alors, je me demande si vous ne
créez pas des problèmes. De plus, si vous vous souvenez des
représentations qui nous avaient été faites par le
comité conjoint...
M. Godin: L'Institut conjoint des hôpitaux anglophones.
Mme Lavoie-Roux: Oui, l'Institut conjoint des hôpitaux
anglophones, il avait signalé que souvent il était obligé
de se priver. Est-ce qu'il tomberait dans la catégorie d'ordre
scientifique? Je ne le sais pas. Je ne le crois pas d'un médecin qui
aurait une spécialité intéressante, peut-être du
côté de la chirurgie ou autrement. Je trouve qu'il n'est pas
couvert par le b.
M. Godin: II tombe dans b.
Mme Lavoie-Roux: II tombe dans b?
M. Godin: Tout à fait.
Mme Lavoie-Roux: On va en revenir au premier sur les
régions éloignées qui est limitatif.
M. Godin: Oui.
Mme Lavoie-Roux: Je pense qu'on a là une restriction
inutile.
M. Godin: C'est-à-dire que...
Mme Lavoie-Roux: De toute façon, il faut qu'ils fassent la
preuve qu'on en a vraiment besoin, comme dans le cas des anesthésistes.
Mais décider que c'est uniquement dans les régions
éloignées, je sais à quoi le ministre... C'est le cas
auquel vous avez fait allusion.
M. Godin: Île d'Entrée.
Mme Lavoie-Roux: Cela va leur faciliter les choses. Mais je me
demande si on ne pourrait pas le mettre un peu moins restrictif. Qu'est-ce que
c'est qu'une région éloignée? Cela a été
déterminé par la loi 27, les régions
éloignées. Alors, cela veut dire que, même les Cantons de
l'Est, ce n'est pas une région éloignée, et
Trois-Rivières non plus. C'est vraiment la Côte-Nord, l'Abitibi et
la Gaspésie.
M. Godin: Dans les éléments... Mme Lavoie-Roux:
Oui, mais...
M. Godin: Non, mais je pense que l'expérience de six ans
n'est quand même pas à oublier. L'expérience de six ans,
c'est qu'il y a eu trois cas où le a se serait appliqué et qu'on
n'a pas pu l'appliquer faute d'avoir un a que nous avons ici
présentement. C'est pour résoudre ces problèmes. Tous les
autres cas qui m'ont été mentionnés, c'étaient des
cas abstraits et inventés de toutes pièces qui n'avaient
été observés ou connus de personne dans le territoire
habité du Québec. Mais je serais prêt à ajouter:
"Les ordres professionnels peuvent, dans l'intérêt public, avec
l'autorisation préalable de l'office, délivrer un permis
spécial."
Si la notion d'intérêt public vous semble fondamental.
Mme Lavoie-Roux: Couvrirait cela, oui.
M. Godin: Parce que, disons-nous bien une chose, c'est qu'il y a
eu très peu de cas, premièrement, et, deuxièmement, les
cas d'ordre scientifique et technologique sans contact avec le public, il y en
a eu un certain nombre qui ont tous été acceptés. Donc, la
loi ne change rien par rapport à ceux-là.
Mme Lavoie-Roux: Le besoin d'un anesthésiste dans un
hôpital anglais de Montréal, est-ce que ce serait
accepté?
M. Godin: Des raisons d'ordre scientifique?
Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas nécessairement d'ordre
scientifique. On a besoin d'un praticien. Un anesthésiste, ce n'est pas
nécessairement...
M. Godin: Eh bien, c'est un savant. Une voix:
Technologique.
Mme Lavoie-Roux: Si vous élargissez la notion de savant
à tout cela, on est tous des savants peut-être bien, des
députés savants.
M. Godin: Pas moi, en tout cas, certainement pas.
M. de Bellefeuille: C'est un intuitif. Mme Lavoie-Roux:
Oui.
M. Godin: Je pense que le b nous permettra de résoudre le
problème.
Mme Lavoie-Roux: Je ne pense pas.
M. Godin: En tout cas.
Mme Lavoie-Roux: C'est votre...
M. Laplante: Voulez-vous dire qu'en pratique, cela prête
à...
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, M. le
député de Bourassa.
M. Godin: Avec l'intérêt public, madame, on
règle le problème.
M. Laplante: Oui.
Mme Lavoie-Roux: Oui, oui.
M. Laplante: C'est pour cela que je vous le demande.
Mme Lavoie-Roux: D'accord!
M. Godin: On n'a pas eu de cas en six ans, de toute façon,
de ce que vous mentionnez qu'on n'a pas pu résoudre. Les seuls cas qu'on
n'a pas...
Mme Lavoie-Roux: Vous allez laisser l'intérêt
public?
M. Godin: Oui.
Le Président (M. Gagnon): Nous avons deux amendements dont
nous discutons en
même temps. On discutait sur l'amendement à a. Cet
amendement est-il adopté?
M. Lincoln: Attendez! J'ai envie de demander au ministre s'il lui
semble que l'idée de toute l'affaire, c'est d'essayer d'améliorer
la loi 101. Quand on regarde l'article 40 de la loi 101, comme l'a
souligné mon collègue de Gatineau, si vous regardez l'amendement
à l'article 40 que vous avez apporté à l'article 7,
seulement le premier paragraphe, avant de regarder l'autorisation prévue
au premier alinéa, etc., le premier paragraphe seulement... Si vous
comparez le premier paragraphe au présent article 40 de la loi 101 en
faisant abstraction de tout ce qui suit, il me semble qu'à ce
moment-là ce serait un pas en avant.
Ce qui arrive dans ce premier paragraphe de l'article 40, c'est que vous
changez le permis restrictif pour le permis spécial, c'est
sûrement une amélioration. Réellement l'article 40 vous
donne toute la flexibilité que vous aviez avant, car cela doit se faire
avec l'autorisation préalable de l'Office de la langue française,
de toute façon. Quand vous ajoutez votre notion du ministère des
Affaires sociales, que ce soit un permis pour les régions
éloignées ou non, si vous ajoutez les régions
éloignées, cela restreint encore beaucoup plus. Après
cela, "d'ordre scientifique ou technologique", ce sera une discussion à
savoir si c'est médical, scientifique ou technologique. En plus de cela,
dans le dernier paragraphe, vous apportez la notion que, dans le paragraphe b
du deuxième alinéa, "le permis autorise son détenteur
à exercer sa profession exclusivement pour le compte d'un seul employeur
dans une fonction ne l'amenant pas à traiter avec le public."
Je peux vous dire en connaissance de cause qu'il y a beaucoup
d'industries technologiques qui ne peuvent même pas trouver plus de 25%
de leurs employés au Québec parce qu'ils n'ont pas la
compétence; elles sont obligées de les faire venir d'ailleurs.
Dire à ces gens-là qu'ils ne peuvent pas traiter avec le public
dans des cas où certaines industries exportent 98%... Dans le cas
spécifique dont je vous parle, d'une grosse industrie technologique, par
exemple on a CAE Electronics et c'est un cas typique, ils importent presque 75%
de leurs technologues et ces gens traitent avec le public parce qu'il n'y en a
pas d'autres. Il faut bien qu'ils traitent avec le public; leur public, c'est
pour 98% des Américains, des Allemands et des firmes du monde
entier.
Avez-vous besoin d'aller ajouter à tout cela? Si vous ajoutez le
paragraphe a et le paragraphe b, vous excluez des professionnels dans le monde
de la musique, de l'art, de la culture, de l'économie, des finances dont
on pourrait avoir un besoin spécifique à n'importe quel moment.
Si vous preniez le premier paragraphe que vous avez inscrit dans votre
amendement à la loi 57, cela vous donnerait toutes ces latitudes; et en
même temps, il faut que cela se fasse avec l'autorisation de l'Office de
la langue française. En quoi avez-vous besoin d'ajouter les paragraphes
a et b, qui restreignent cela à des professions spécifiques? Dans
le cas de la science et de la technologie, qu'on veut protéger et
où on cherche des compétences, ils n'ont pas le droit de traiter
avec le public. C'est un non-sens complet.
Si on importe quelqu'un d'Allemagne ou des États-Unis qui a une
compétence spéciale en technologie II, il traite avec un public
qui peut être francophone, anglophone. C'est un public très
spécialisé qui a besoin de cette compétence pour acheter
la matière qu'on essaie de lui vendre. S'il n'y a pas de gens qui ont
cette compétence pour traiter avec le public, qui va le faire? Ce public
va aller acheter ailleurs.
Il me semble qu'il y a tellement de professions où on a besoin de
cette exception à l'article 40. C'est pourquoi c'était inscrit
d'une façon assez large dans l'article 40. Si vous mettez, dans votre
premier paragraphe que vous suggérez à l'article 57, "dans
l'intérêt public, les autres professionnels peuvent, etc.", je
crois que ce premier paragraphe solutionnerait tout votre problème.
Ajouter tout le reste ne fait que le restreindre et causer toutes sortes de
problèmes additionnels que vous n'aviez même pas avant.
C'était déjà difficile; maintenant vous faites cela encore
plus difficile.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Tout à l'heure, quand le ministre m'a dit
que, si je mets l'intérêt public... Votre problème pour
l'anesthésiste, pour prendre celui-là, ne se pose pas. Vous aviez
l'intérêt public et vous ajoutez le a parce que vous dites que le
problème s'est posé dans trois cas pour ces gens qui voulaient
aller dans des régions éloignées. Je ne vois pas comment
il existe pour un et qu'il n'existe pas pour l'autre. Puisque cela demandait
des contorsions quand vous aviez uniquement l'article tel quel, que vous sentez
le besoin d'ajouter a et que vous le limitez aux régions
éloignées, je ne comprends pas pourquoi cela ne créera pas
de problème quand il ne s'agira pas d'une région
éloignée, même avec l'insertion de l'intérêt
public.
Honnêtement, M. le Président, je ne comprends vraiment pas
la restriction à la région éloignée parce que, de
toute façon, ils doivent faire la preuve qu'il y a un besoin
réel, que l'intérêt public est là. J'ai de la
difficulté à saisir l'objectif de la région
éloignée.
M. Godin: Notre objectif est très clair, Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Si elle vaut pour cela, elle vaut pour tous les
autres. Si elle vaut pour les médecins des régions
éloignées, elle vaut pour les médecins de partout, si on
en a besoin.
M. Godin: Bien oui.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Godin: Au fond, il n'y a pas eu de difficulté de
regroupement dans les régions, dans les grandes villes...
Mme Lavoie-Roux: Bien, ce n'est pas ce que les gens sont venus
nous dire ici.
M. Godin: On n'a peut-être pas entendu les mêmes
témoignagnes, Mme la députée.
Mme Lavoie-Roux: Bien, voyons!
M. Godin: Quand l'Institut conjoint est venu témoigner, il
m'est apparu très clairement qu'il n'y a pas eu de problèmes tels
que ceux que vous soulevez pour les hôpitaux...
Mme Lavoie-Roux: Bien, je vais sortir mon mémoire.
M. Godin: ...de Montréal, d'une part. Premièrement,
nous voulons qu'une priorité soit accordée aux professionnels qui
parlent les deux langues. Cela se réfère d'ailleurs à
l'article 23 qu'on vient de modifier. Nous voulons que les professionnels en
contact avec le public, parlent leur langue, que ce soit le français ou
l'anglais, Mme la députée de L'Acadie, c'est
élémentaire.
Si on ouvre dans tout le Québec le paragraphe a nouvelle formule,
on va se retrouver avec des demandes nombreuses de certaines institutions
anglaises de Montréal, de Québec ou d'ailleurs, nous demandant
des permis spéciaux alors qu'elles n'auront pas fait l'effort de
s'informer s'il n'y a pas, au Québec, de médecins anglophones qui
parlent aussi le français, s'il n'y a pas des techniciens anglophones
qui parlent français. Nous voulons que celui qui a fait l'effort
d'apprendre la deuxième langue ait une avance sur les autres pour avoir
un emploi de ce type dans une ville comme Montréal.
N'est-ce pas que nous avons raison de faire cela, Mme la
députée de L'Acadie?
Mme Lavoie-Roux: Oui, je suis d'accord avec vous.
M. Godin: Bon, c'est cela qui est le principe de la loi 101.
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais il reste qu'on nous a signalé
que, dans certains cas, cela les avait privés de médecins
spécialisés qui pouvaient vraiment apporter quelque chose qui
était bon pour l'établissement lui-même et qui pouvait
éventuellement avoir aussi des répercussions sur l'ensemble des
services de santé. Vous pensez que le paragraphe b va les couvrir.
M. Godin: Le paragraphe b est correct. Si cette personne vient
ici et qu'effectivement, au début, ses raisons d'ordre scientifique ou
technologique font qu'elle n'a aucun contact avec le public, il n'y a pas de
problème. Si, d'aventure, elle devait étendre son action, elle
devra aller suivre des cours de français, dans l'application de
l'article 28, nouvelle formule, que vous avez en main...
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Godin: Parce que nous voulons que les patients francophones
puissent se faire expliquer par leur médecin expert, spécialiste,
dans leur langue, les raisons pour lesquelles il leur enlève telle ou
telle partie de leur corps, par exemple, à la suite de tel ou tel
examen. Il me semble que c'est élémentaire.
Mme Lavoie-Roux: À la page 4 du mémoire de
l'Institut conjoint, on dit: C'est de bilinguisme institutionnel qu'il doit
s'agir, sans quoi nous nous voyons menacés de perdre...
M. Godin: Vous l'avez cela...
Mme Lavoie-Roux: ...de nombreux médecins
réputés dans le monde de la recherche scientifique...
M. Godin: C'est cela.
Mme Lavoie-Roux: ...ainsi que plusieurs spécialistes de
tout premier plan en diverses techniques médicales, ce qui
entraînerait de graves contraintes. Là, ils sont couverts par le
paragraphe b, à votre point de vue.
M. Godin: C'est cela, oui.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: J'aurais voulu apporter un amendement parce que c'est
peut-être votre point de vue, M. le ministre...
M. Godin: Allez-y, allez-y!
M. Lincoln: ...mais le fait est qu'en ce qui a trait aux raisons
d'ordre scientifique et technologique, ces gens n'ont même pas le
droit de traiter avec le public. Mon amendement serait ainsi: 7.
L'article 40 de cette charte est remplacé par le suivant: "Dans les cas
où l'intérêt public le justifie, les ordres professionnels
peuvent, avec l'autorisation préalable de l'Office de la langue
française, délivrer un permis spécial à des
personnes qui sont déclarées aptes à exercer leur
profession sans avoir du français une connaissance appropriée au
sens de l'article 35." Point, à la ligne.
M. Godin: C'est cela.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que vous avez votre
amendement?
M. Lincoln: C'est...
M. de Bellefeuille: M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le député
de Deux-Montagnes. (22 heures)
M. de Bellefeuille: Je voudrais demander au député
de Nelligan si, dans son sous-amendement, il conserve la notion qui est
exprimée dans le dernier alinéa de l'article 7. "Dans le cas
prévu par le paragraphe b du deuxième alinéa, le permis
autorise son détenteur à exercer sa profession exclusivement pour
le compte d'un seul employeur dans une fonction ne l'amenant pas à
traiter avec le public."
M. Lincoln: Je vous l'ai expliqué, je vais expliquer cela
à M. le ministre. Dans le cas de b, cela parle de science et de
technologie. Alors, dans le cas de b cela n'a pas de sens. Parce que je peux
vous donner des exemples concrets de firmes avec lesquelles j'ai discuté
de la question. Le problème ici, c'est qu'on ne trouve pas assez de
scientifiques et de technologues. On n'en a pas assez au Québec. La
moyenne maximale, c'est 25% qu'elles peuvent trouver au Québec, au grand
maximum. Elles importent 75% de ces compétences de l'extérieur
parce qu'on n'en a pas assez ici. Dire, par exemple, à ces mêmes
scientifiques et technologues qu'on fait venir - peut-être qu'ils sont
Allemands, peut-être qu'ils sont Américains, peut-être
qu'ils sont Britanniques ou autres - qu'ils n'ont pas le droit de traiter avec
le public, un public qui, dans le cas... Par exemple, vous avez des firmes - je
vous donne un cas typique que je connais très bien, le président
le confirmera demain matin - une firme vend 98% de son produit à
l'étranger; son public, cela peut être un public qui n'est pas ici
nécessairement, c'est un public irlandais, c'est un public anglais,
c'est un public allemand, c'est un public chinois. Et ces gens-là
traitent avec le public. C'est un fait. On ne peut pas les empêcher de
traiter avec le public parce que le public veut traiter avec eux. On les fait
venir parce qu'on n'en a pas d'autres.
Si, demain matin, on restreint cette possibilité que ces gens
viennent ici et traitent de leurs compétences avec le public parce
qu'ils sont essentiels à la marche de l'affaire, à ce
moment-là, on n'aura plus ces scientifiques et ces technologues. On a
besoin d'eux précisément pour traiter de toutes les
matières avec le public. S'il y a des francophones qui traitent avec
eux, à ce moment-là, c'est le personnel francophone qui traite
avec eux.
Mais dans des cas, par exemple, où vous avez... Je vous donne le
cas de CAE parce qu'eux m'ont permis de citer leur cas. J'ai discuté
longuement de cela avec le président. Il m'a dit: Écoutez, dans
le cas où, par exemple - il vend des simulateurs pour l'industrie de
l'aviation dans le monde entier - des Japonais viennent acheter un simulateur
ici, ils vont traiter avec l'expert dans cette matière, qu'il soit
Américain, Anglais ou quoi que ce soit. Eux, ils
préféreraient avoir plus de Québécois à
l'intérieur de leur entreprise parce que c'est bien mieux pour eux,
c'est beaucoup plus rentable et cela coûte moins cher. Mais il n'y en a
pas assez. Alors si, demain matin, on dit: Faites venir ces gens, on va vous
donner un permis spécial, mais, en même temps, ils n'ont pas le
droit de traiter avec le public, comment cette industrie...
Alors, je suggérerais, M. le député, de revenir
à l'article 40 de la loi 101 d'avant; on disait: Dans
l'intérêt public, l'office a l'autorisation. Celui-là est
bien mieux formulé que si on prenait seulement le premier paragraphe de
l'amendement et qu'on disait: Dans le cas où l'intérêt
public le justifie. Il y aura besoin pour la firme de prouver que
l'intérêt public le justifie. Il a besoin de l'autorisation de
l'Office de la langue française. Alors, on a toutes les
"safeguards"...
Des voix: Les garanties.
M. Lincoln: ...garanties dont vous avez besoin. Il faudrait qu'il
justifie l'intérêt public. Il faudra que l'Office de la langue
française donne l'autorisation. Pourquoi, à ce moment-là,
avez-vous besoin de restreindre cela? Peut-être qu'on a besoin d'autres
professionnels, des musiciens, des économistes, des investisseurs, ou
des ingénieurs spéciaux. Alors, on spécifie cela à
la médecine dans les régions éloignées et aux
scientifiques et technologues qui ne peuvent pas avoir affaire au public. Mais
souvent ils pourraient peut-être avoir affaire au public. Prenez
l'ingénieur qu'on prend... Je connais des ingénieurs pakistanais
et indiens qui travaillent pour Spar Aerospace. Si demain matin, ils ont besoin
de traiter avec la NASA, ils vont traiter avec leur public, c'est
cela leur public?
M. Godin: Bien non.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Lincoln: Le public n'est pas désigné comme un
public francophone, M. le ministre.
M. Godin: Non, c'est le public du Québec dont on parle
là.
M. Lincoln: Bien oui, c'est du public du Québec.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Godin: Là, je pense qu'on a une réponse à
votre préoccupation, M. le député de Nelligan. Dans
l'article 144, qu'on va étudier dans quelque temps, page 10 de la loi
57, l'article 54 de la charte actuelle est remplacé par le suivant:
"L'application des programmes de francisation à l'intérieur des
sièges sociaux et des centres de recherche peut faire l'objet d'ententes
particulières avec l'office afin de permettre l'utilisation d'une autre
langue que le français comme langue de fonctionnement." Cela signifie
que dans le fonctionnement de Spar Aerospace, s'ils doivent rencontrer une
clientèle qui vient de n'importe quel pays que ce soit, ils peuvent
parler une langue autre que le français. Donc, vous êtes couvert.
Vous direz cela à votre ami président dès ce soir, si vous
pouvez le rejoindre avant minuit; vous lui direz qu'il peut, en vertu de 144,
nouvelle version dans la loi 57, tout à fait résoudre le
problème que vous soulevez.
M. Lincoln: M. le ministre, excusez-moi. Ce n'est pas aussi
simple que cela. Quand vous parlez de public, vous parlez naturellement du
public québécois. Je suis entièrement d'accord.
M. Godin: Clientèle québécoise.
M. Lincoln: Clientèle québécoise. Mais la
clientèle québécoise, les intervenants étrangers,
la clientèle étrangère ne vient pas transiger par
elle-même, elle transige à travers des agences, elle transige
à travers un public québécois qui agit en son nom. Les
réunions ne se feront pas comme si les gens d'Allemagne ou de Chine
arrivaient seuls. Il y a des gens d'ici qui sont des Québécois,
qui transigent avec l'agence. Si vous allez mettre là-dedans... Par
exemple, dans le cas prévu par le paragraphe b du deuxième
alinéa: Le permis autorise son détenteur, etc., pour le compte
d'un seul employeur dans une fonction ne l'amenant pas à traiter avec le
public. Qui va définir ce que c'est? Il y aura une contradiction avec
l'autre.
Une voix: L'article 144.
M. Lincoln: Oui, l'article 144, mais pourquoi mettez-vous cela
là-dedans? Si vous avez expliqué la chose à l'article
144... Vous avez l'article 40, le premier paragraphe seulement. Qu'est-ce qui
vous empêche de faire tout le reste de facto sans avoir à citer
ces choses? Cela vous donne toute cette autorisation.
M. Godin: Je vous ai expliqué pourquoi tout à
l'heure. Je l'ai expliqué à votre collègue de L'Acadie qui
m'a semblé opiner du bonnet en tout cas. Une des raisons d'être de
la loi 101, c'était précisément de faire en sorte que le
scientifique, le professionnel, le technicien, d'où qu'il vienne dans le
monde, mais à plus forte raison s'il est au Québec, s'il parle
français et anglais, il a plus de chance d'avoir un emploi que s'il ne
parle que l'anglais. Par ailleurs, pour laisser le Québec ouvert sur le
monde, nous modifions l'article 144 qui permet aux sièges sociaux de
fonctionner dans une langue autre que le français, ainsi qu'aux centres
de recherche. Si Spar Aerospace dont vous parlez est un centre de recherche, il
peut fonctionner en anglais.
M. Lincoln: Ce n'est pas un centre de recherche. Si on vous parle
d'une industrie manufacturière qui vend de la marchandise, des produits,
qui traite avec un public tous les jours, ce sont des industries très
spécialisées. Si vous prenez les industries de micro-ordinateurs
et toutes sortes d'industries comme cela, elles sont obligées d'avoir
des technologues à l'étranger qui traitent avec un public tous
les jours.
Ce que je veux vous dire, c'est que, si vous aviez seulement le premier
paragraphe, avant de recevoir ces gens ici, ces industries auront à
prouver que c'est dans l'intérêt public, dans l'amendement que je
vous ai suggéré, comme c'est le cas dans la loi 101 maintenant.
Elles devront ensuite à avoir l'autorisation de l'Office de la langue
française. Vous avez toutes les garanties que vous voulez sans avoir
à ajouter tout le reste.
M. Godin: Une question. Est-ce que ces personnes dont vous parlez
sont membres d'un ordre professionnel?
M. Lincoln: Bien oui! Ce sont des ingénieurs, ce sont des
scientifiques, ce sont des membres d'ordres professionnels, mais qui, avant
d'arriver ici, auront besoin d'un permis spécial, parce que c'est de
cela que cela traite, n'est-ce pas? D'abord, vous aurez à prouver, comme
c'est le cas aujourd'hui,
que c'est dans l'intérêt public. Donc, l'Office de la
langue française est impliqué automatiquement. L'Office de la
langue française a donné l'autorisation. Ce qu'on essaie de vous
suggérer, c'est que l'article 40, déjà, avait des
modalités de contrôle. Maintenant, au lieu de l'assouplir en
mettant des mots... Par exemple, un permis restrictif est un permis
spécial, ce qui est un adoucissement. Vous avez adouci cela par le
premier paragraphe. Pourquoi avez-vous besoin d'ajouter tout le reste? Il
resterait encore beaucoup plus.
M. Godin: Est-ce que c'est une entreprise de 50 employés
et moins?
M. Lincoln: C'est une entreprise de beaucoup plus de 50
employés.
M. Godin: II n'y a personne dans cette grande entreprise qui peut
interpréter en français ou qui travaille en français et
qui peut expliquer le fonctionnement de...
M. Lincoln: J'aurais pu...
M. Godin: Si elle a 50 employés et plus, elle a
déjà un programme de francisation...
M. Lincoln: Oui, elle a un programme de francisation.
M. Godin: ...qui tient compte de la réalité que
vous décrivez, qui tient compte du fait qu'un certain nombre de
personnes doivent travailler en français, un certain nombre de personnes
peuvent travailler en anglais. J'aimerais - je suis disposé à
suspendre l'article 40 - que vous m'apportiez le nom de l'entreprise, à
titre confidentiel, pour que je vérifie auprès de l'office si,
effectivement, ce problème s'est posé, quelle solution il y a
trouvée et qu'on modifie éventuellement...
M. Lincoln: Avant qu'on suspende, j'ai envie de vous poser une
question.
M. Godin: Non, qu'on suspende l'article 40, pas la
séance.
M. Lincoln: Oui, l'article 40. Ce dont on parle, ce sont des
professionnels qui appartiennent à un ordre professionnel, n'est-ce
pas?
M. Godin: D'accord.
M. Lincoln: Vous, vous voulez restreindre cela aux
médecins qui travaillent dans les régions
éloignées, aux scientifiques, aux technologues. Je dis que cela
pourrait aller beaucoup plus loin. Ce pourrait être un grand musicien qui
est membre d'une corporation professionnelle reconnue au Québec, ce
pourrait être un dentiste, ce pourrait être toutes sortes de gens
dont on a besoin ici, pas seulement dans les régions
éloignées, mais peut-être à Montréal ou dans
une industrie clé. Ce que je veux vous dire...
M. Godin: Vous, si je comprends bien, vous seriez d'accord pour
qu'on revienne à l'article 40 original.
M. Lincoln: Avec cette modification à l'article 40
original en prenant seulement le mot à mot que vous-même avez
suggéré dans votre amendement à l'article 40. Si vous
regardez votre propre amendement à la loi 57, ce que je vous
suggère, c'est qu'on y ajoute: "dans les cas où
l'intérêt public le justifie".
M. Godin: Pouvez-vous me faire une copie de cela pour que je
puisse le regarder cette nuit avec mes conseillers?
M. Lincoln: Oui, avec plaisir. M. Godin: D'accord:
Le Président (M. Gagnon): Y a-t-il d'autres interventions
sur l'article 40? Est-ce qu'on suspend l'article 40? L'article 7,
c'est-à-dire.
M. Godin: En ce qui concerne mon collègue...
Le Président (M. Gagnon): Au complet?
M. Godin: Mais il y a peut-être d'autres interventions sur
l'article 7.
Le Président (M. Gagnon): Mais, si on le suspend, on
reprendra les interventions. J'ai un problème actuellement. J'ai
l'impression d'avoir trois amendements. Je voudrais savoir si... Il y a un
premier amendement que j'ai inscrit et c'était: "dans
l'intérêt public". Je ne me souviens pas qui avait proposé
cet amendement.
C'était le ministre. Est-ce qu'on retire cet amendement?
M. Godin: Non.
M. de BeUefeuille: On lirait...
M. Gratton: M. le Président, je suggérerais que,
lorsque le ministre va étudier la proposition...
M. Godin: Qu'on intègre tout cela.
M. Gratton: ...s'il ne l'accepte pas, il va sûrement...
M. Godin: Vendu.
Le Président (M. Gagnon): Alors, on le laisse comme tel et
les trois amendements seront discutés en même temps.
M. Godin: Vendu. L'article 8 est suspendu, M. le
Président.
Le Président (M. Gagnon); L'article 7 est donc
suspendu.
M. Godin: L'article 8 aussi.
M. Gratton: Est-ce qu'on peut savoir pourquoi?
M. Godin: Oui. C'est l'alinéa 2. La Commission des valeurs
mobilières demande de retravailler cet alinéa de manière
à préciser le principe et les exceptions nombreuses dont elle
entend se prévaloir.
M. de Bellefeuille: C'était dans son mémoire,
cela?
M. Godin: Oui. Dans son mémoire, il n'était
question que du principe. On a inscrit le principe à la loi et le
lendemain, ces gens nous ont appelés pour nous dire: N'allez pas trop
vite, il y a des exceptions qu'il faut prévoir. Donc, on s'est
trouvé pris entre...
Le Président (M. Gagnon): L'article 8 est suspendu.
M. Godin: Oui, M. le Président.
Affichage public et publicité
commerciale
Le Président (M. Gagnon): L'article 9? M. Gratton:
Adopté. Non, je m'excuse.
Le Président (M. Gagnon): Adopté. Est-ce que
l'article 9 est adopté?
Une voix: Oui.
M. Gratton: Voyons donc!
Une voix: II n'y a rien là.
M. Lincoln: Tu as raison, il n'y a rien là. C'est
certain.
M. Gratton: Le ministre veut sûrement nous expliquer ce
qu'il a voulu faire avec l'amendement qu'il apporte à l'article 58 qui
touche l'affichage public et la publicité commerciale.
M. Godin: Que voulez-vous savoir, monsieur?
M. Gratton: Ce que vous faites.
M. Godin: Ce que j'ai derrière la tête? Alors, en
fait, l'Office de la langue française a vu ses règlements battus
en brèche, entre autres, celui sur la langue du commerce et des
affaires. À l'usage, le gouvernement s'est rendu compte que l'article 58
de la Charte de la langue française ne permettait pas la souplesse
requise pour tenir compte de la diversité et de la réalité
commerciale dans une ville comme Montréal et dans une province comme le
Québec. Alors, pour habiliter le règlement administré par
l'office, qui s'appelle Règlement sur la langue du commerce et des
affaires, nous modifions l'article 58 de la charte en y insérant
l'alinéa 2 qui se lit ainsi, et je lis l'article au complet:
"L'affichage public et la publicité commerciale se font uniquement dans
la langue officielle.
Alinéa 2: "Toutefois, dans les cas et suivant les conditions ou
les circonstances prévues par règlement de l'Office de la langue
française, l'affichage public et la publicité commerciale peuvent
être faits à la fois en français et dans une autre langue
ou uniquement dans une autre langue".
C'est pour habiliter le règlement qui autorisait le recours
à des catalogues et des dépliants uniquement en anglais
parallèlement à des catalogues et des dépliants uniquement
en français et à des catalogues et des dépliants dans les
deux langues. L'office avait autorisé l'impression de catalogues
uniquement en anglais, à la demande de certains commerçants mais
il n'avait pas le droit légal de le faire. Ceci lui donne le droit
légal de le faire, M. le Président. (22 h 15)
M. Gratton: M. le Président, je dois comprendre qu'en fait
le deuxième alinéa le permet à l'Office de la langue
française, mais on sait que tous les règlements sont
approuvés par le gouvernement. On peut tout simplement faire à
peu près n'importe quoi en ce qui touche l'affichage.
M. Godin: Non. M. Gratton: Non.
M. Godin: Ce que cela autorise c'est la pratique qui se fait
depuis cinq ans dans le monde commercial et des affaires à
Montréal, c'est qu'un rapport annuel des entreprises peut être
bilingue, c'est-à-dire français et anglais, peut être
seulement en français ou seulement en anglais. C'est l'office qui
encadre, si vous le voulez, les exceptions qui sont au chapitre XI du volume
des règlements de l'office. Cela vise à simplifier la vie des
commerçants et entreprises commerciales de Montréal.
M. Gratton: Qu'est-ce qui empêche le gouvernement d'adopter
un règlement qui permettrait un affichage bilingue pour les
entreprises de plus de 4 employés en vertu de l'article 58?
Où dans la loi retrouve-t-on l'impossibilité pour le gouvernement
de procéder comme tel?
M. Godin: Dans 60.
M. Gratton: Vous voulez dire dans la loi 101.
M. Godin: C'est l'office qui va déterminer les causes des
permis à partir de son règlement qui est ici, et je
présume que vous en avez une copie avec vous.
M. Gratton: Je comprends.
M. Godin: Je vais vous donner un exemple précis. La
publicité de la Gazette, celle de CJAD, c'est le huitième
règlement de ce chapitre. L'affichage public et la publicité
commerciale affichée relatifs à une publication peuvent se faire
à la fois en français et dans une ou plusieurs des langues de ce
produit. Ce règlement est maintenant validé par cet article.
M. Gratton: Je comprends fort bien que vous validez par le biais
de l'article 9 du projet de loi 57 ce qui avait été jugé
invalide...
M. Godin: À la suite de l'affaire McKenna, dont on attend
encore le jugement.
M. Gratton: Cela ne pose aucune restriction à d'autres
règlements qui pourraient être proposés par l'office et
approuvés par le gouvernement pour faire d'autres exceptions.
M. Godin: Effectivement.
M. Gratton: Cela ne les limite pas.
M. Godin: Non.
M. Gratton: Ce que j'essaie de faire dire au ministre - si ce
n'est pas cela que la loi permet il va nous le dire - c'est que finalement le
gouvernement, par le biais du deuxième alinéa de l'article 9,
c'est-à-dire l'article 58, inscrit dans la loi 101 la possibilité
d'adopter des règlements qui pourraient en quelque sorte permettre
l'affichage bilingue presque dans n'importe quelle circonstance.
M. Godin: Vous avez raison.
M. Gratton: Dans ce sens-là - je reviens à ce que
j'ai déjà dit - le gouvernement plutôt, que de trancher et
d'inscrire dans la loi les dispositions sur l'affichage et la publicité
commerciale, a préféré se conserver le pouvoir
discrétionnaire, arbitraire de le faire par règlement. Est-ce que
je me trompe?
M. Godin: Vous vous trompez.
M. Gratton: Vous allez m'expliquer comment.
M. Godin: En fait, je ne suis pas pour vous lire au complet les
20 articles du règlement sur la langue du commerce et des affaires
mais...
M. Gratton: Je m'excuse, M. le ministre, mais le règlement
dont vous me parlez est un règlement et non pas une loi. On n'a pas
besoin de faire appel à l'Assemblée nationale pour le changer. Il
peut être changé par simple décret du jour au lendemain. Ce
que je voudrais savoir c'est où dans la loi on obtient cette garantie
que le ministre semble vouloir nous fournir que c'est seulement ce qui existe
déjà qui est validé par l'article 58 et que ce ne peut pas
être d'autre chose à venir.
M. Godin: II n'est pas question pour l'instant de modifier le
règlement qui découle de l'article 58, M. le
député. C'est ma réponse.
M. Gratton: Je comprends que ce n'est pas votre intention, M. le
ministre. Cela me surprendrait bien gros que ce soit l'intention du
gouvernement actuel. Sait-on jamais, s'il fallait qu'un mauvais gouvernement
autre que le vôtre...
M. Godin: Lequel pensez-vous?
M. Gratton: ...prenne le pouvoir. Je ne sais pas
Unité-Québec, l'Union Nationale, le Crédit social, les
péquistes. Marcel Léger, on ne sait jamais où il va se
retrouver.
Mme Lavoie-Roux: Si cela ne marche pas là-bas, il va
revenir ici.
M. Gratton: Justement, on ne légifère pas en
fonction du gouvernement actuel. Il n'est pas éternel.
M. Godin: M. le député de Gatineau, nous serons
jugés sur les règlements que nous ferons à partir de cet
alinéa et tout autre gouvernement sera jugé à partir des
règlements qu'il fera à partir de l'alinéa en
question.
M. Gratton: Je trouve cela extrêmement curieux.
M. Godin: Est-ce que cela répond à votre
question?
M. Gratton: Cela répond à ma question,
mais c'est loin de me satisfaire au point de vue de la rigueur
législative.
Est-ce que j'ai la parole M. le Président?
Le Président (M. Gagnon): Oui, vous avez la parole.
M. Gratton: Le député de Bourassa, il a donc le don
de me faire perdre...
M. le Président, on se comprend bien: dans le cas de l'affichage,
n'importe quel gouvernement, quel qu'il soit, l'actuel, le prochain, un
gouvernement ultérieur, pourra en quelque sorte, par exemple, retourner
à l'affichage bilingue intégral partout sur le territoire du
Québec uniquement à partir d'un règlement.
M. Godin: De toute façon, M. le député de
Gatineau, que ce soit le règlement ou la loi, un gouvernement peut faire
ce qu'il veut s'il a l'appui de la Chambre.
M. Gratton: Mais M. le ministre est sûrement assez
sérieux, s'il veut l'être pour deux secondes, il connaît
sûrement la différence entre un règlement et une loi. La
loi exige tout le processus et toute la démarche qu'on fait
présentement, c'est-à-dire un projet de loi, première
lecture, deuxième lecture et troisième lecture. C'est
scruté par la population. Enfin, il y a des organismes, même il y
a une commission parlementaire qui a siégé dans ce cas-ci,
environ une soixantaine d'organismes sont venus s'exprimer. Bon! Il y en a 27
sur 40 qui ont dit: on préférerait voir de l'affichage qui ne
serait pas unilingue français, il y en a 13 qui ont dit non.
Le gouvernement, finalement, est en train de dire à ceux qui
disaient qu'il faut que cela demeure unilingue français, notamment le
collègue-auteur Yves Beauchemin, je pense...
M. Godin: Et l'autre collègue-lecteur Irving Layton...
M. Gratton: Oui. On est en train de leur dire, à tous
deux, qu'ils ont raison. Alliance Québec a raison. Tous ceux qui ont
réclamé le bilinguisme dans l'affichage ont raison. Tout le monde
a raison, parce que finalement tout ce qu'on fait dans le projet de loi 57, on
se donne la possibilité de plaire à tout le monde. Sauf qu'on
sait qu'on ne peut plaire à tous; on ne peut plaire à celui qui
veut que l'affichage soit unilingue...
M. Godin: Cela vous déplaît?
M. Gratton: ...l'affichage soit unilingue français...
M. Godin: II n'y a qu'à vous qu'on ne plaît pas,
quoi, si je comprends bien?
M. Gratton M. le Président, est-ce qu'on va me laisser
terminer?
Le Président (M. Gagnon): Vous avez toujours la parole, M.
le député de Gatineau.
M. Gratton: On essaie de faire croire à celui qui pense
qu'il serait souhaitable de permettre l'affichage bilingue, on lui dit: cela
aussi c'est réglé, ce sera réglé. Sauf, M. le
Président, que dans la loi tout ce qu'on retrouve, c'est un pouvoir de
réglementation. C'est dans ce sens que j'ai dit que c'est une
poltronnerie le projet de loi 57. Outre la question de l'accès à
l'école anglaise, il y avait ce chapitre de la loi, ces dispositions de
la loi qui faisaient problème et qui ont fait, par exemple, l'objet d'un
mémoire fort étoffé de la Commission des droits de la
personne.
On peut maintenant dire à la Commission des droits de la
personne: allez en toute quiétude, en toute paix parce que le
gouvernement a réglé votre problème. La brimade à
l'endroit du droit d'expression des citoyens, c'est réglé, parce
que l'article 58 permettrait maintenant au gouvernement de réglementer
cela. Mais le gouvernement décidera quand il le voudra
réglementer.
M. le Président, c'est tout à fait inacceptable de la part
d'un gouvernement qui dit vouloir régler les problèmes.
Je dirai au ministre que, au moins dans le cas des petites entreprises
de 4 employés et moins, il y avait certaines dispositions qui
étaient clairement identifiées. Maintenant, par le biais de
l'article 58, on pourra changer tout cela. Il y avait, notamment, des
conseillers juridiques de l'Office de la langue française qui disaient
que l'interprétation qu'on devait donner de l'article 62...
M. Godin: L'article 60...
M. Gratton: Non, l'article 62. Je parle des entreprises... c'est
plutôt l'article 60 -quand on disait "dans l'entreprise" cela pouvait
vouloir dire à l'extérieur également. Le ministre en est
fort conscient. Et là, on pourra, par un règlement en vertu de
l'article 58, dire: en dedans, en dehors, sur les côtés, sur les
bords, sur le dessus et finalement n'importe où. On ne devrait
peut-être pas s'en offusquer et on ne s'en offusquerait pas, M. le
Président, si dans les nombreuses déclarations que le ministre a
faites il n'avait pas indiqué qu'il trouverait une façon de
répondre aux attentes de la population. Or, il devra au moins admettre
que ce qu'il fait, c'est qu'il se donne un pouvoir de réglementer pour,
éventuellement, donner satisfaction à quelqu'un. Mais moi
j'invite M. Yves Beauchemin, dont le témoignage a tant ému le
ministre, à
s'interroger sur la portée de l'article 58 tel qu'il est
rédigé dans le projet de loi 57, et à nous dire s'il est
très satisfait de constater que, dorénavant, ce n'est pas la loi
101, ce n'est pas la Charte de la langue française qui garantit
l'unilinguisme dans l'affichage qu'il réclame et qu'il considère
comme essentiel à la survie de la langue française au
Québec, mais que c'est simplement le pouvoir discrétionnaire d'un
gouvernement, du gouvernement actuel ou d'un autre gouvernement. J'ai
l'impression que M. Beauchemin serait peut-être moins heureux de la
décision du ministre et du libellé de l'article 58.
M. Godin: Est-ce que je dois comprendre que vous suggérez
qu'on fasse sauter l'alinéa 2?
M. Gratton: Pas du tout, M. le Président.
M. Godin: Ah bon!
M. Gratton: J'aurais souhaité que le ministre fasse ses
devoirs et qu'il nous dise...
M. Godin: Ah! D'accord. Je pensais que vous étiez
contre.
M. Gratton: ...où il va le permettre.
M. Godin: Ce serait dans le règlement no 9 qui porte sur
la langue du commerce et des affaires. Ce règlement existe
présentement. Certains aspects du règlement n'étaient pas
valides, même s'ils répondaient à des besoins fortement
ressentis par certaines institutions commerciales. Nous avons donc
décidé de le rendre valide. Vous avez raison de dire qu'en
principe, cela peut ouvrir la porte à l'affichage bilingue dans tout le
Québec. Vous avez raison de dire qu'en principe c'est ce que cela
pourrait avoir comme résultat, sauf qu'il n'est pas dans les intentions
du gouvernement de modifier le règlement en question pour aller dans
cette direction.
M. Gratton: M. le Président, quand le ministre me
dit...
M. Godin: D'autant plus, M. le député de Gatineau,
que vous savez très bien qu'à la rentrée de février
ou mars prochain, tous les règlements seront soumis à une
commission parlementaire nouvelle et que ces règlements feront l'objet
de la même étude en profondeur que les amendements que nous avons
sous les yeux présentement en commission parlementaire ici.
M. Gratton: En vertu de quoi? De la réforme
parlementaire?
M. Godin: En vertu de la réforme parlementaire.
M. Gratton: Qui a "pété au fret" hier, au cas
où le ministre ne le saurait pas.
Depuis vendredi dernier, c'est dans l'air parce que le gouvernement
s'oppose...
M. Godin: II n'y a plus de consensus. M. Gratton: Cela ne
marche plus.
M. Godin: En tout cas, de toute façon...
M. Gratton: C'est pour vous démontrer que, quand vous me
dites qu'en février ou mars... Vous ne serez peut-être même
plus là comme gouvernement. Quand on adopte une loi, on ne doit
pas...
Une voix: Tant pis pour vous!
M. Gratton: ...légiférer en fonction de...
Une voix: On perdrait un bon gouvernement.
M. Gratton: ...Pierre, Jean, Jacques: ce sera peut-être
là et il y aura peut-être une réforme de telle chose. Il
faut légiférer en fonction de ce que l'on connaît. Je veux
bien accepter tout de suite, d'emblée, que le gouvernement n'a pas
l'intention de toucher aux règlements pour le moment, mais le
gouvernement a déjà changé d'idée. Le gouvernement
a déjà eu un préjugé favorable à l'endroit
des travailleurs. On a vu ce qu'il a fait avec la loi 101 l'an dernier. Vous ne
voulez pas qu'on vous en fasse une liste longue comme le bras de ces intentions
du gouvernement qui ont été trahies par ce même
gouvernement à la lumière de développements,
d'évolution probablement normale.
Tout ce que je voudrais que le ministre reconnaisse, c'est
qu'effectivement il ne règle absolument rien dans le projet de loi. Il
valide ses règlements actuels, mais, en plus de les valider, il se
permet d'en faire d'autres qui peuvent aller dans les deux sens, soit dans le
sens d'un durcissement des dispositions sur l'affichage comme dans le sens de
l'assouplissement. Il vient nous dire à nous: Vous devriez être
heureux, regardez donc comment le bon gouvernement, avec les meilleures
intentions du monde, légifère bien. Je regrette, je ne peux pas
accepter cela.
M. Godin: Non...
Le Président (M. Gagnon): M. le
député...
M. Godin: Excusez-moi, M. le député de Gatineau.
Est-ce que vous aviez quelque
chose à...
Le Président (M. Gagnon): Non, le député de
Fabre avait demandé la parole.
M. Godin: Ah bon! On va laisser parler le député de
Fabre.
M. Leduc (Fabre): Je suis un peu d'accord avec le
député de Gatineau, sauf que par rapport à l'article 58
existant dans la charte, je ne vois pas de différence. Je me dis donc
qu'il n'y a vraiment pas... Mais non, c'est déjà...
M. Godin: ...58..
M. Leduc (Fabre): ...sous réserve de l'article 58 dans la
charte et sous réserve des exceptions prévues par la loi ou par
les règlements de l'Office de la langue française. Donc, toute la
latitude était laissée à l'office auparavant. Autrement
dit, l'article 9 de la loi 57 ne modifie pas, finalement, l'article 58 de la
charte. Il n'y a pas de modification. Je suis un peu d'accord avec vous,
c'est-à-dire qu'il y a peut-être trop de latitude qui est
laissée à l'office; par contre, depuis six ans, on ne peut pas
dire que l'office a abusé de son pouvoir à cet égard. Si
le ministre nous rassure en disant qu'il se limite aux neuf règlements,
c'est cela, cela ne va pas plus loin que cela. (22 h 30)
M. Godin: C'est cela, point.
M. Leduc (Fabre): Donc, je pense que cela précise les
questions que vous soulevez et que je trouve pertinentes, remarquez. Mais le
règlement 9 précise la réponse, en tout cas, qu'on se pose
tous par rapport à cet arbitraire qui est laissé à
l'Office de la langue française.
M. Gratton: Je ne sais si le député de Fabre est
avocat, mais moi, je ne le suis pas. J'ai eu le même réflexe que
lui quand j'ai vu cela. Je me suis demandé en quoi le nouvel article 58
changeait quelque chose. Le ministre vient de nous le dire et il y a de savants
juristes qui m'ont répété la même chose. J'imagine
que c'est ce que fait le ministre, il répète ce que ses juristes
lui disent là-dessus...
M. Godin: Exactement.
M. Gratton: ...que dans le règlement 9,
présentement, il y a certaines dispositions qui ne sont pas valides, qui
ne sont pas légales en fonction du libellé de l'article 58 actuel
et c'est pourquoi il l'amende. Je vous vois faire...
M. Leduc (Fabre): C'est peut-être ce que je veux
comprendre.
M. Gratton: Alors, moi, je me dis que ces gens-là sont
tellement brillants qu'ils doivent être plus brillants que moi et qu'ils
se comprennent. Justement, en se comprenant et en validant cela, ils valident
également, selon ce que le ministre vient de me dire, n'importe quel
autre règlement qu'on pourrait faire. Et je trouve cela...
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Deux-Montagnes. Aviez-vous terminé, M. le député de
Fabre?
M. Leduc (Fabre): Tout d'abord, je voudrais savoir si les
juristes disent que le nouvel article 58 qui est à l'article 9 de la loi
57, est plus précis et valide certains règlements; j'aimerais
qu'on obtienne réponse à cela. Est-ce que c'est le cas? Si oui,
qu'est-ce que cela valide comme règlement?
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Godin: Au fond, le seul changement, et j'aimerais que mon
collègue de Gatineau tende l'oreille, ne serait-ce qu'une des
deux...
M. Gratton: J'entends seulement d'une. M. Godin:
Passez-moi celle-là. Une voix: Celle de gauche.
M. Godin: Ce que cela valide, M. le député de
Fabre, c'est tout simplement ceci dans les règlements, c'est que nous
estimons important qu'une entreprise commerciale ait une publication en
français seulement -d'accord? - non bilingue, et en anglais seulement.
Ce qui n'était pas possible, dans l'ancienne loi, c'est qu'une
publication puisse être en anglais seulement. Le point précis que
cela résout, c'est celui-là: Que dorénavant, la
publication française obligatoire, accompagnée d'une publication
anglaise non obligatoire, soit permise, mais que partout - et cela, c'est dans
une autre partie de la loi - où l'anglais est présent, il faut
que le français soit présent. Le français peut être
seul ou accompagné de l'anglais, mais jamais l'anglais seul.
Une voix: C'est cela.
M. Godin: Et ce que nous voulons éviter, c'est que toute
la documentation soit bilingue. D'accord? Parce que celui ou celle qui ne veut
que le français, peut ne recevoir que le français, et que celui
qui ne veut que l'anglais prenne l'anglais.
D'autant plus que d'après les chiffres que nous avons obtenus de
trois imprimeurs, M. le député de Fabre, pour les publications,
disons, de 50 pages - 50 000 exemplaires de
50 pages en anglais, 50 000 exemplaires de 50 pages en français
ou la publication bilingue qui fait cent pages - cela coûte plus cher
pour une publication bilingue de cent pages, anglais-français, que pour
l'édition séparée...
M. Leduc (Fabre): Mais, voyons.
M. Godin: ...50. Trois imprimeurs à Montréal nous
ont confirmé cela, M. le député. Alors, l'argument
économique ne tenait pas debout. Ce que nous voulons, c'est que,
côte à côte, parallèlement, en tout temps, il y ait
français et anglais.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Deux-Montagnes... M. le député de Fabre. Je m'excuse encore, M.
le député de Deux-Montagnes.
M. Leduc (Fabre): Est-ce que cela ne supposait pas un amendement
à la loi quelque part?
M. Godin: Oui, cela supposait l'amendement que vous avez ici.
Toutefois, l'affichage public et la publicité commerciale peuvent
être faits à la fois en français et dans une autre langue
ou uniquement dans une autre langue. C'est cela qui n'était pas dans la
loi précédemment. C'est là qu'est le véritable
article nouveau.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Compte tenu de l'explication que le ministre
vient de donner quant aux différences entre le nouvel article 58 et
l'ancien article 58, il me semble que le député de Gatineau devra
reconnaître qu'il s'agit d'un adoucissement de la loi, d'un
élargissement de la loi et que, par conséquent, il peut
difficilement s'y opposer.
M. Gratton: M. le Président, je le voudrais bien, moi.
C'est un adoucissement dans la mesure où le ministre qui sera
éternel, je le suppose, comme son gouvernement, nous donnera toutes les
garanties que le règlement actuel ne sera amendé ni dans un sens
ni dans l'autre. S'il est amendé, il va être assoupli, d'accord!
C'est un assouplissement. Mais si, par le biais de l'article 58, le
gouvernement décide qu'il n'y a plus de règlement qui permette
quelque exception que ce soit, à ce moment, c'est un durcissement. Je
vous avoue qu'on n'a pas l'intention d'en discuter jusqu'à demain matin,
cela ne réglera absolument rien. On sait que le ministre est
coulé dans le béton là-dessus et qu'il n'a pas
réussi à convaincre ses collègues du cabinet de faire
autre chose que de se donner un pouvoir réglementaire. Je dis simplement
au député de Deux-Montagnes, au député de Fabre et
au député de Saint-Hyacinthe que, bien sûr, quand vous
serez au cabinet - et je vous souhaite de l'être au plus sacrant avant
qu'il soit trop tard - vous aurez peut être l'occasion de discuter...
M. Godin: Est-ce que vous y êtes déjà
allé, M. le député?
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre!
M. Gratton: Non.
M. Godin: Cela paraît.
M. Gratton: Cela paraît certain. Je ne voudrais surtout pas
être dans votre cas non plus.
M. Godin: Le Québec s'en porterait plus mal si vous
l'aviez été.
Le Président (M. Gagnon): La pertinence.
M. Gratton: Si vous y étiez, MM. les
députés, vous auriez peut être l'occasion de rediscuter de
la question de l'affichage mais cela est fini. Avec l'article 58 tel quel,
c'est le cabinet qui décidera, il y aura un décret publié
à la Gazette officielle et on en prendra tous connaissance en même
temps.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'article 9 est
adopté?
M. Gratton: Sur division, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): L'article 9 est adopté
sur division. J'appelle l'article 10. Avant d'entreprendre l'article 10, j'ai
le goût de vous donner cinq minutes de congé pour qu'on puisse
ventiler un peu la salle. On va suspendre les travaux pour cinq à dix
minutes.
(Suspension de la séance à 22 h 37)
(Reprise de la séance à 22 h 51)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
L'article 10, M. le ministre.
M. Godin: Oui. J'avais un papillon. Une voix: Anglais ou
français?
M. Godin: Anglais.
Une voix: On est à la chasse aux papillons.
Le Président (M. Gagnon): La version anglaise de l'article
62 édicté par l'article 10 est modifiée.
M. Gratton: Un instant, M. le ministre, c'est qu'on n'a pas
tellement de place.
M. Godin: Oui, c'est étroit un peu, ces tables.
M. Gratton: Je ne sais pas si c'est à la mesure du
prestige du ministre, mais je suggérerais de demander au leader qu'il
nous envoie à une autre table parce qu'on a beaucoup de documents.
M. Godin: Moi, je suis un jeune homme modeste. Je vise beaucoup
plus votre confort à vous de l'Opposition et celui de mes
collègues qui vont travailler de longues heures que le mien propre.
M. Gratton: Oui, c'est évident. Vous-même, vos
documents ne sont pas très propres. Faites donc vos amendements.
M. Godin: Je suis prêt à les comparer aux
vôtres.
La version anglaise de l'articlg 62 édicté par l'article
10 est modifiée: 1 par le remplacement, dans la première ligne du
premier alinéa, du mot "inside" par le mot "in";
M. Gratton: Adopté.
M. Godin: 2°, par le remplacement, dans la première
ligne du deuxième alinéa, du mot "outside" par les mots "on the
outside".
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que cet amendement est
adopté?
M. Gratton: Un instant. "On the outside". J'ai l'impression que
vous voulez dire "on the outside of establishments".
M. Godin: C'est cela.
M. Gratton: Mais vous n'avez pas le mot "of" dans votre
amendement.
M. Godin: Oui, il manque quelque chose. Un instant.
M. Gratton: Alors, papillon. Ultime papillon.
M. Godin: Est-ce que vous avez un filet à papillons, M. le
député de Gatineau?
M. Gratton: Je n'en ai pas un assez grand pour attraper le
ministre.
M. Godin: Excusez-moi, M. le Président.
C'est la version anglaise de l'article 10. C'est la version qui n'a
aucune signification, de toute façon.
Vous avez raison, "on the outside of". Est-ce que vous nous autorisez
à ajouter "of" au papillon, M. le député de Gatineau?
M. Gratton: Je vous en cède la paternité.
Le Président (M. Gagnon): Voilà: Cet amendement est
adopté. À l'article 10.
M. Gratton: Est-ce qu'on peut demander au ministre de nous
expliquer les fondements juridiques qui lui ont inspiré cet
amendement?
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Gratton: En français, s'il vous plaît!
M. Godin: Je reconnais bien en vous le fils du directeur du
Droit, M. le député de Gatineau. Le français et les droits
des francophones aux frontières du Québec et de l'Ontario.
M. Gratton: N'est-ce pas?
M. Godin: L'homme inspiré qui m'a, d'ailleurs,
inspiré dans ma jeunesse. Je parle de votre père, bien
sûr.
Article 62: "Dans les établissements spécialisés
dans la vente de produits typiques d'une nation étrangère ou d'un
groupe ethnique particulier - M. le Président, je lis l'article - on
peut afficher à la fois en français et dans la langue de cette
nation ou de ce groupe ethnique. "On peut afficher de la même
façon à l'extérieur de tels établissements. "Le
deuxième alinéa ne s'applique pas aux établissements
spécialisés dans la vente de produits utilisés ou
consommés au Québec de façon aussi courante que des
produits non typiques d'une nation étrangère ou d'un groupe
ethnique particulier".
Ce que nous voulons préciser, c'est que par
"établissements spécialisés dans la vente de produits
typiques", nous entendons restaurants italiens, restaurants portugais,
restaurants grecs. Nous entendons épiceries vietnamiennes,
épiceries chinoises, restaurant chinois; établissement
spécialisé, par exemple, dans la vente - à ma
connaissance, il y en a un à Montréal, un à Toronto, un
à Vancouver - des produits aux couleurs des clans écossais. Il y
en a un près de Beaver Hall, coin de Dorchester. Nous entendons
également des magasins spécialisés dans la vente de Irish
linen, par exemple.
Donc, un magasin qui serait spécialisé dans la vente de
produits qui viennent d'un autre pays peut afficher à
l'extérieur, à la
fois en français et dans la langue de cet autre pays ou en
français et dans la langue d'un groupe ethnique particulier qui vendrait
des produits de son pays ou des produits qui émanent de sa culture ou de
sa cuisine, mais culture au sens large.
M. Gratton: J'avais compris cela, mais ce que je veux que le
ministre nous dise, c'est pourquoi ce n'était pas permis ou pas aussi
permis avant que maintenant avec l'amendement? Pourquoi a-t-on jugé
nécessaire d'amender l'article 62 qui existait déjà?
M. Godin: C'est pour reconnaître le caractère
multiculturel.
M. Gratton: Mais il était déjà reconnu dans
l'article 62 de la loi.
M. Godin: Uniquement pour l'intérieur.
M. Gratton: Oui, oui. C'est ce que je veux vous faire dire.
M. Godin: Uniquement pour l'affichage à
l'intérieur. Aujourd'hui, nous permettons l'affichage à
l'extérieur.
M. Gratton: Bon. C'est le deuxième alinéa.
M. Godin: Oui.
M. Gratton: La permission de le faire à
l'extérieur, c'est le deuxième alinéa.
M. Godin: Oui, monsieur.
M. Gratton: Le troisième alinéa, lui, c'est pour
faire quoi?
M. Godin: Le troisième alinéa est pour
éviter que les marchands de hot dogs et de hamburgers ne
prétendent qu'il s'agit là d'une cuisine ethnique
américaine et que, par conséquent, ils peuvent afficher en
français et en anglais à l'extérieur.
M. Gratton: Qui va faire cette distinction?
M. Godin: J'imagine que ce seront les tribunaux. Les exemples que
nous aurons à donner aux tribunaux sont précisément que
les hot dogs et les hamburgers étant aussi répandus que les
"beans", les fèves au lard du Québec ou la tourtière ou le
"cipâte" du Lac-Saint-Jean, dont le chroniqueur André Arthur a
dit, pis que pendre dernièrement à son émission de radio,
nous voulons que seuls les produits typiques puissent être
annoncés dans les deux langues à l'extérieur, mais pas les
produits aussi répandus au Québec que la soupe au pois.
Une voix: Le plum-pudding.
M. Gratton: Les saunas finlandais.
Mme Lavoie-Roux: Le plum-pudding, cela va.
M. Ciaccia: Le rosbif.
M. Godin: Le plum-pudding.
M. Ciaccia: Le rosbif, lui?
Mme Lavoie-Roux: Le Yorkshire pudding aussi.
M. Godin: Si vous avez un établissement
spécialisé dans la vente de produits typiquement anglais...
Une voix: Pas les smoked meat.
M. Godin: Typiquement anglais. Par spécialisés,
j'entends qu'il y aurait deux ou trois restaurants au Québec - j'en
connais un: Aux Anglais, rue Saint-Laurent - qui pourraient afficher à
la fois en français et en anglais à l'extérieur.
M. Gratton: Est-ce qu'un pub est suffisamment...
M. Godin: Oui, typique.
M. Gratton: ...typique pour afficher?
M. Godin: Oui, monsieur.
M. Gratton: À ce moment, qui va définir le pub? Qui
va nous dire...
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Godin: C'est la loi.
M. Gratton: La loi ne le dit pas, elle.
M. Godin: Bien oui. Quand on parle d'établissements
spécialisés, il me semble que c'est clair. Établissements
spécialisés dans la vente de produits typiques d'une nation
étrangère. J'ai vérifié au dictionnaire le sens du
mot "typique". On dit: Exemple: musique typique: la samba est une musique
typiquement sud-américaine. C'est ce que "typique" veut dire. Cela veut
dire que cela représente un groupe, une communauté, une partie de
l'hémisphère nord ou sud du globe.
M. Gratton: M. le ministre. M. Godin: Oui.
M. Gratton: Qu'est-ce qui vous empêchait d'inclure
l'ensemble des dispositions à l'article 62 dans votre fameux
règlement que vous pourriez adopter, en vertu de l'article
58?
M. Godin: Nous voulons que le multiculturalisme propre au
Québec paraisse dans la loi.
M. Gratton: C'est la seule raison? Je demande au ministre si
c'est la seule raison.
M. Godin: Oui, oui.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
L'Acadie. Après, ce sera au député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Est-ce que ce sera à mon tour
éventuellement?
Mme Lavoie-Roux: Ah bien! II l'a sûrement demandé
avant moi. Vas-y, vas-y, vas-y.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Mont-Royal, immédiatement.
Mme Lavoie-Roux: Non, non. Je me demandais si, par exemple, un
magasin qui se spécialiserait dans... Tiens je vais vous en parler, vous
le connaissez. Comment s'appelait-il? Près de Massawippi. Vous savez ce
que je veux dire. Il vendait seulement des choses écossaises et
anglaises.
M. Godin: Oui, oui.
Mme Lavoie-Roux: Comment s'appelait-il? Ils viennent juste de
fermer.
M. Godin: Bien, il y en avait un à Lennoxville, the
Scottish Woolens.
Mme Lavoie-Roux: Oui, oui. Il y a the Scottish Woolens et il y en
avait un autre à Massawippi. Le nom m'échappe. Pourtant, j'y suis
allée bien souvent.
M. Godin: II pourrait, effectivement. Mme Lavoie-Roux: II
pourrait. M. Godin: Effectivement.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? M. le
député de Mont-Royal. (23 heures)
M. Ciaccia: M. le Président, dans la première
partie de l'article 62, vous dites maintenant qu'on peut afficher à
l'extérieur de tels établissements pour des produits ethniques.
Mais si on regarde le libellé de l'article 62 présentement,
est-ce que vous aviez des opinions juridiques à savoir que, dans les
établissements de moins de quatre employés ou même dans les
établissements spécialisés dans la vente de produits
typiques de nations étrangères, de groupes ethniques, vous
pouviez afficher même à l'extérieur?
M. Godin: Oui. Nous avions - vous avez raison de poser la
question, M. le député de Mont-Royal - deux séries
d'opinions. D'accord? Et ma propre position, depuis un an et demi, a
changé sur ce point-là, après avoir pris connaissance de
l'ensemble du dossier. Mon opinion personnelle était que nous devions
interpréter le "dans" comme signifiant également à
l'extérieur.
Par ailleurs, après avoir pris connaissance du fait que 300 000
commerces au Québec comptent quatre employés et moins, je me suis
dit: Nous allons revenir à la situation d'avant la loi 101 et, par
conséquent, nous allons causer les mêmes problèmes qui ont
amené la loi 63, la loi 22, la loi 101.
M. Ciaccia: Bon. Alors...
M. Godin: C'est cela, la réalité.
M. Ciaccia: ...si vous aviez une telle opinion...
M. Godin: Oui.
M. Ciaccia: ...l'amendement que vous faites n'ajoute rien,
premièrement, pour les groupes ethniques, parce qu'ils l'avaient, ce
droit-là, avant votre amendement.
M. Godin: Non. Vous me permettrez...
M. Ciaccia: Bien oui. Quand vous dites: Dans les
établissements...
M. Godin: ...de répondre ceci.
M. Ciaccia: Laissez-moi finir, si vous me permettez.
M. Godin: Bien, vous m'avez posé une question.
M. Ciaccia: Oui, mais je n'ai pas fini de la poser.
M. Godin: Ah, vous avez plusieurs volets.
M. Ciaccia: Ah, j'ai plusieurs volets, commentaires,
"revolets".
M. Godin: Alors, ouvrez tous vos volets. J'espère qu'il
n'y en a pas autant qu'entre les deux pièces. Ouvrez tous vos volets et
on vous répondra un par un.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je vais faire quelques
commentaires et, après cela, vous pourrez répondre.
M. Godin: D'accord. Pouvez-vous me répéter votre
première question pour que je la note?
Une voix: Oui, il va la répéter.
M. Ciaccia: Dans les groupes ethniques, les établissements
ethniques, votre amendement ne change vraiment rien parce que ce que vous leur
donnez le droit de faire maintenant, ils l'avaient auparavant. Vous dites "dans
l'établissement, mais, si vous avez une vitrine, vous mettez l'enseigne
dans la vitrine en dedans; cela se voit en dehors, évidemment, mais
c'est dans l'établissement.
M. Gratton: À moins que la vitre ne soit sale.
M. Ciaccia: À moins que la vitre ne soit...
M. Gratton: Soit sale!
M. Ciaccia: Oui, ou bien à moins que ce ne soit
complètement fermé et qu'il n'y ait pas de vitre.
Une voix: En brique.
M. Ciaccia: Oui.
M. Gratton: En brique.
M. Ciaccia: On voit qu'il est tard le soir!
M. Godin: Ce n'est pas moi qui vous mets les bois dans les
roues.
M. Gratton: Ce n'est pas le ministre qui parle là,
non?
Le Président (M. Gagnon): Oui, actuellement.
M. Ciaccia: Cette partie-là de l'article n'ajoute rien aux
droits que ces établissements avaient.
M. Godin: Point d'interrogation?
M. Ciaccia: C'est un commentaire et une question.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Godin: Vous voulez que je réponde dès
maintenant?
M. Ciaccia: Oui, d'accord, répondez dès maintenant
et je continuerai après.
M. Godin: Bon, ce que cela change, c'est que cela légalise
une situation, car on avait deux opinions juridiques qui se contredisaient. M.
le député de Mont-Royal, vous êtes avocat, vous savez
très bien comment fonctionnent les juristes; ils conseillent, ils
interprètent, ils analysent et c'est un juge qui tranche. Maintenant,
pour éviter toute confusion, nous avons cru bon de donner, de
façon claire et précise dans la loi, au lieu de laisser cette
question, disons, dans l'incertitude ou dans la confusion, le droit à
ces commerces d'afficher en français et dans la langue de leur pays
d'origine, ou dans la langue des produits du pays d'où ils viennent.
M. Ciaccia: Maintenant, dans l'actuel article 62, ils avaient ce
droit-là. Vous dites que vous le légalisez, mais le droit
existait. Maintenant, vous arrivez avec un alinéa à l'article 62
qui réduit ce droit-là. Dans l'actuel article 62, on dit: "Dans
les établissements spécialisés dans la vente de produits
typiques d'une nation étrangère ou d'un groupe ethnique
particulier, on peut afficher à la fois en français et dans la
langue de cette nation ou de ce groupe ethnique." S'il y avait une vitrine,
cela pouvait se faire légalement à l'intérieur, même
si cela se voyait en dehors.
Maintenant, vous arrivez et vous ajoutez un troisième
alinéa où vous dites: Mais le droit que vous aviez, vous, les
groupes ethniques, d'afficher dans votre établissement, dans votre
langue, que ce soit l'italien, le grec, le portugais, ne s'appliquera pas si
les produits que vous utilisez ou consommez au Québec sont
consommés "de façon aussi courante que des produits non typiques
d'une nation étrangère". Là, il va falloir commencer
à interpréter.
Vous dites que vous voulez clarifier la loi parce que vous aviez deux
opinions juridiques. Quelqu'un va pouvoir vous donner pas deux, mais 75
opinions juridiques sur l'article 3. Ils vont vous en donner une pour chaque
communauté ethnique parce que vous dites que cela peut être
interprété de la façon suivante: Des souvlakis, c'est
consommé au Québec de façon aussi courante que des
produits non typiques parce que tout le monde mange des souvlakis.
Une voix: Du spaghetti ou de la pizza.
M. de Bellefeuille: Une bonne pizza québécoise.
M. Ciaccia: Mais le restaurateur grec ne pourra pas afficher dans
une autre langue. Il faudra qu'il affiche seulement en français.
Une voix: II peut.
M. Ciaccia: Mais non. M. Godin: En grec.
M. Ciaccia: II ne pourra pas afficher en grec parce que c'est un
produit qui est courant. On pourrait appliquer cela à plusieurs autres
produits. Premièrement, vous donnez l'impression de donner plus de
droits et de légaliser avec la main gauche; avec la main droite - ou
vice versa - vous retirez ce droit. Cela peut porter à confusion.
Qu'est-ce que cela veut dire? Il y aussi une question de frais, de
dépenses. Un restaurateur va mettre une enseigne dans une autre langue
et, ensuite, la Commission de surveillance va venir lui dire: Ah, non. Il faut
que tu enlèves cette enseigne parce que ce produit est consommé
au Québec de façon aussi courante que les produits non
typiques.
Franchement, ne trouvez-vous pas que vous ajoutez à la
tracasserie, à la complication? Je ne vois vraiment pas comment vous
clarifiez la loi ou comment vous ajoutez aux droits de ceux qui sont
affectés.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? M. le ministre.
M. Godin: Quand vous dites que cela ne change rien, M. le
député de Mont-Royal, vous exagérez un peu. Au fond, vous
avez raison de dire que, quand il y avait une affiche en vitrine vue de
l'extérieur, cela ne s'appliquait pas. Mais l'affichage au-dessus de la
vitrine, l'affichage de l'enseigne, comme on en voit à Québec et
dans certains quartiers de Montréal, qui était suspendue
au-dessus du trottoir, il était interdit avant que cet affichage soit
dans une autre langue que le français. Avec cet article 62, c'est
maintenant permis. Ce sera permis dès que vous l'aurez adopté en
Chambre, dès que nous l'aurons adopté puisque vous allez voter
contre, d'une part. D'autre part, le troisième alinéa vise
à éliminer les hot dogs et les hamburgers. Point final.
M. Ciaccia: Ce n'est pas ce que vous dites. Pourquoi ne
dites-vous pas hot dogs et hamburgers? Dites: Vous n'avez pas le droit
d'écrire hot dogs et hamburgers, plutôt que d'avoir une
description, un libellé comme celui-ci. Même un avocat va vous
donner toutes sortes d'opinions différentes. Vous ne facilitez pas
l'application de la loi pour le pauvre petit restaurateur qui doit
décider: Est-ce que j'ai le droit, oui ou non? Est-ce que mon produit
est typique, consommé au Québec de la même façon?
Vous ouvrez la porte à l'abus. Lui va mettre une enseigne...
Mme Lavoie-Roux: On ne pourra plus afficher hamburger.
M. Ciaccia: On reviendra aux hamburgers, au rosbif, à la
"Boston cream pie". "It boggles the mind". Vous ouvrez la porte à des
choses ici qui sont vraiment incroyables. Vous incluez cela dans un projet de
loi. Je ne sais comment traduire "boggles the mind" en français.
M. Gratton: Cela défie l'imagination, M. le
député. Complètement.
M. Ciaccia: On reviendra à hot dogs et hamburgers
après. L'objection que je soulève: cela crée de la
confusion, ce n'est pas clair, cela peut pénaliser le restaurateur qui,
lui, pense qu'il a le droit de mettre une enseigne dans une autre langue. Cela
complique la loi et cela peut même être interprété
dans le sens de réduire les droits qu'il avait auparavant. Parce
qu'auparavant il avait le droit de le faire dans l'établissement.
Là, vous légalisez cela, mais vous dites: Peut-être que
vous n'avez pas le droit dans certains cas. Quelle est la
nécessité de rendre la loi aussi compliquée et aussi
harcelante?
M. Gratton: Est-ce que le ministre me permettrait de lui dire
que, quand on parle de hamburgers et de hot dogs, de toute façon, ce
n'est pas considéré comme des produits d'une nation
étrangère.
Une voix: Américain.
M. Gratton: Bien, voyons donc!
M. Godin: C'est pour éviter que tous les snack-bars du
coin de la rue, dans tous les villages du Québec, sous prétexte
qu'ils vendent des hot dogs et des hamburgers, puissent prétendre: Je
vends de la cuisine typiquement américaine, inventée aux
États-Unis. C'est bien connu que les hot dogs sont une invention
américaine.
M. Ciaccia: Au St. Louis Fair.
M. Godin: Du moins, cela a été popularisé
là-bas.
M. Ciaccia: Cela a été inventé en 1904 au
St. Louis Fair.
M. Godin: C'est pour que seuls les établissements
spécialisés dans la vente de produits typiques à une
nation étrangère puissent le faire et non pas n'importe qui,
alléguant qu'il vend des hot dogs ou des hamburgers. C'est
américain, donc j'affiche en anglais. C'est pour éviter cela.
M. Gratton: Vous dites que les hot dogs et les hamburgers, c'est
américain. Le "fish and chips"?
M. Godin: C'est anglais.
M. Gratton: C'est anglais, oui. Alors, on pourrait afficher "fish
and chips".
Mme Lavoie-Roux: Le fish and chips, c'est correct.
M. Gratton: Le restaurant de "fish and chips", c'est permis.
Une voix: Le "Kentucky fried chicken"?
M. Godin: Si c'est un établissement
spécialisé dans la vente de la cuisine anglaise.
M. Gratton: De "fish and chips". M. Lincoln: Ah bon!
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Mont-Royal.
M. Gratton: Est-ce que je peux vous aider, M. le
député?
M. Ciaccia: S'il vous plaît! Le ministre ne semble pas
m'aider. Peut-être que vous, mon collègue, vous pouvez
m'aider.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, ce ne sera pas long. Je
voudrais simplement essayer de comprendre la discrimination que le ministre
veut exercer à l'égard des hamburgers et des hot dogs. Cela veut
dire qu'eux devront afficher chiens chauds et hambourgeois?
M. Godin: Non, non, il faut que cela s'appelle Chez Ti-Mine.
Mme Lavoie-Roux: Oui? Mais est-ce qu'il peut écrire: Chez
Ti-Mine, hamburgers, hot dogs?
M. Godin: Oui, oui.
Mme Lavoie-Roux: II peut afficher "Hamburgers et hot dogs chez
Ti-Mine".
M. Gratton: Ti-Mine, fish and chips. M. Godin: Et non pas
Boby's Place.
M. de Bellefeuille: II peut afficher "Les meilleurs hot dogs en
ville".
Mme Lavoie-Roux: Cela, c'est correct? M. de Bellefeuille:
Ah oui!
Mme Lavoie-Roux: D'accord!
Une voix: Même si ce n'est pas vrai.
M. de Bellefeuille: Cela, c'est un autre problème.
M. Godin: Le Roi du hot dog et non pas The King of Hot Dog.
Mme Lavoie-Roux: La Reine des patates frites.
Une voix: La Reine de la patate.
M. Godin: D'ailleurs, les seules familles royales qu'on a eues au
Québec, c'était dans le secteur des patates frites.
Une voix: II y avait le Royal Burger aussi.
M. Godin: Oui, mais c'est nouveau. Dans mon temps, il y avait la
duchesse, le baron, le roi, la reine.
M. Gratton: Ah oui.
M. Godin: C'était héréditaire.
M. Gratton: Ah oui?
M. Godin: C'étaient des gens de sang bleu, mon cher
collègue de Gatineau. À Shawinigan, Grand-Mère,
c'étaient des familles royales également qui s'étaient
lancées dans les frites.
M. Gratton: Ah oui! On en apprend tous les jours.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Mont-Royal, aviez-vous terminé?
M. Gratton: Je voudrais l'aider avant.
M. Ciaccia: Si le ministre ne veut pas m'aider, mon
collègue va m'aider.
M. Gratton: M. le Président, on peut en rire, mais c'est
en attendant d'en pleurer. Il me semble qu'on comprend fort bien que le
gouvernement ait voulu clarifier la permission qu'on accorde à ces
organismes ou à ces entreprises...
Une voix: Établissements.
M. Gratton: ...à ces établissements d'afficher
à l'extérieur, parce qu'il semblait y avoir un problème.
Comme le député de Mont-Royal l'a fait valoir, le
troisième alinéa vient, au contraire, limiter la portée de
ce que le ministre prétend prévoir faire. Je propose donc
l'amendement suivant...
M. Godin: Est-ce qu'on peut en avoir une copie?
M. Gratton: Oui. Je peux le lire quand même, non? Je vous
le passe tout de suite après.
M. Godin: Est-ce qu'on peut en avoir une copie avant?
M. Gratton: Cela s'en vient. Vous allez voir que ce ne sera pas
compliqué à lire. Je propose que le paragraphe 62 de l'article 10
soit modifié en retranchant le troisième alinéa de
façon à éliminer le plus possible l'arbitraire et la
bureaucratie. On a beau en rire ici, mais, quand on pense qu'il sera permis,
par exemple, à un établissement d'afficher "fish and chips" et
que l'autre à côté ne pourra pas s'afficher, je ne sais pas
trop de quelle façon...
M. Lincoln: Fox. Une voix: Merci.
M. Gratton: ...j'ai l'impression qu'on va, encore là,
quand on parle d'irritants et de tracasseries, aller dans le sens d'en
créer de nouveaux. Il me semble que la culture française ne sera
pas en péril si le troisième paragraphe de l'article 62 tombe.
Qu'en pensez-vous, M. le député de Mont-Royal?
M. Ciaccia: Je suis entièrement d'accord avec vous, mon
cher collègue. À moins qu'on n'ait cet amendement, la seule
conclusion qu'on peut tirer de votre article 10, c'est qu'au lieu d'assouplir
la loi vous durcissez la loi. C'est un durcissement, parce que cette
restriction n'existe pas maintenant, vous l'ajoutez. N'oubliez pas que les gens
que vous affectez, ce sont des gens qui ne peuvent pas vraiment se
défendre contre un tel article de la loi.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Godin: On est prêts à voter, M. le
Président.
M. Gratton: Avez-vous une idée de la façon dont
vous allez voter ou si vous voulez nous surprendre?
M. Godin: C'est un suspense jusqu'à la dernière
seconde.
M. Gratton: C'est incroyable. Mme Lavoie-Roux: Vote
nominal. M. Gratton: Vous le rejetez?
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que cette motion
d'amendement est acceptée?
Mme Lavoie-Roux: Vote nominal.
Une voix: Contre.
Le Président (M. Gagnon): Elle est rejetée.
Voulez-vous le vote nominal?
M. Gratton: Absolument!
Mme Lavoie-Roux: Absolument! (23 h 15)
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Nelligan?
M. Lincoln: Pour.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Saint-Hyacinthe?
M. Dupré: Contre.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Deux-Montagnes?
M. de Bellefeuille: Contre.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Mercier?
M. Godin: Contre.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Gatineau?
M. Gratton: Pour.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Dorion?
Mme Lachapelle: Contre.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Fabre?
M. Leduc (Fabre): Contre.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
L'Acadie?
Mme Lavoie-Roux: Pour.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Mont-Royal?
M. Ciaccia: Pour.
Le Président (M. Gagnon): Cet amendement est rejeté
à cinq contre quatre.
Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas fort.
M. Gratton: La série noire se continue.
M. Godin: C'est bien cela.
Une voix: My God!
Le Président (M. Gagnon): Nous
revenons à l'article 10. Est-ce que l'article 10 est
adopté?
M. Gratton: Sur division.
Le Président (M. Gagnon): Adopté sur division.
Article 11?
M. Ciaccia: Sur division pour démontrer notre
dissidence.
M. Gratton: On pourrait peut-être le faire sur double
division.
Le Président (M. Gagnon): Article 11?
M. Godin: M. le Président, j'ai un papillon, un amendement
que je vais vous lire.
M. Gratton: Un instant, papillon.
Le Président (M. Gagnon): II y a deux papillons à
l'article 11, soit un français et un anglais.
M. Gratton: Un papillon bilingue. M. Godin: Oui,
monsieur.
M. Gratton: Est-ce permis en vertu de la charte?
M. Godin: C'est permis en vertu de la constitution canadienne et
des lois du pays.
M. Gratton: J'ai l'anglais.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre. D'abord,
l'anglais.
M. Godin: On va se limiter à l'anglais. M. Gratton:
J'ai encore l'anglais.
M. Godin: La version anglaise de l'article 11 est modifiée
par le remplacement, dans la première ligne du troisième
alinéa de l'article 68 des mots "In texts or documents" par les mots
"When texts or documents are". 1° par l'insertion d'une virgule dans la
première ligne du deuxième alinéa de l'article 68
édicté par l'article 11, après le mot documents, et par la
suppression dans la deuxième ligne de cet alinéa de la
virgule.
M. Lincoln: Vous êtes très audacieux, M. le
ministre. C'est une audace fantastique.
M. Godin: Peut-être que vous n'êtes pas aussi
près des prescriptions de l'Académie française que
certains de vos collègues. Une virgule, des fois, vous savez que cela
peut changer...
M. Gratton: Surtout dans un texte anglais. J'aime bien la
citation de l'Académie française. Une virgule, en anglais, c'est
"comma".
Le Président (M. Gagnon): Allez-y, M. le ministre.
M. Godin: J'espère que vous ne tomberez pas dans le "coma"
ce soir.
Article 11. Le premier alinéa que l'article 11 vise à
ajouter à l'article 68 de la charte est modifié par l'insertion
dans la première ligne, après le mot "imprimés", d'une
virgule.
Le Président (M. Gagnon): Vous êtes à
l'amendement en français à l'article 11.
M. Gratton: En français.
Le Président (M. Gagnon): D'abord, est-ce que l'amendement
en anglais de l'article 11 est adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Gagnon): Adopté?
Mme Lavoie-Roux: On confie cela au député de
Nelligan.
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Gagnon): Adopté.
M. Lincoln: "Une virgule", je lisais le texte français.
C'est le français d'abord au Québec.
Mme Lachapelle: Vous auriez crié si on n'avait pas fait
une version anglaise.
M. Lincoln: Oui.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'il est adopté,
l'amendement à la version anglaise?
M. Gratton: Oui, adopté.
Le Président (M. Gagnon): Adopté. L'amendement
à la version française, M. le ministre. Vous l'aviez
tantôt.
M. Godin: On vient d'en disposer. Je vais vous le lire: Le
premier alinéa que l'article 11 vise à ajouter à l'article
68 de la charte est modifié par l'insertion dans la première
ligne, après le mot "imprimés", d'une virgule. Si ce n'est pas du
courage, M. le député de Nelligan...
M. Lincoln: Ah oui! Vous en avez.
M. Godin: ...dites-moi ce que c'est
immédiatement.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que cet amendement est
adopté?
M. Gratton: L'amendement, oui.
Le Président (M. Gagnon): L'amendement est
adopté.
M. Gratton: C'est seulement une virgule, pas deux.
M. Godin: Non, non, c'est seulement une.
Mme Lavoie-Roux: "...dans les documents imprimés...
M. Godin: Au prix que les virgules nous coûtent, M. le
député...
Mme Lavoie-Roux: ...et dans les documents visés par
l'article 57".
M. Godin: ...on va en mettre le moins possible.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'article 11, tel
qu'amendé, est adopté?
M. Gratton: Maintenant qu'il a été amendé,
j'ai presque l'intention de vous dire que oui, sauf que je voudrais bien que le
ministre nous confirme que, finalement, ce qu'on fait à l'article 11,
c'est simplement valider les règlements qui auraient été
jugés possiblement...
M. Godin: Vous avez tout compris comme d'habitude, M. le
député.
Le Président (M. Gagnon): L'article 11 est adopté.
L'article 12?
M. de Bellefeuille: L'article 11.1, M. le Président.
M. Godin: II y a un papillon, M. le Président, à
l'article 11.1.
Le Président (M. Gagnon): Oh! Excusez, l'article 11.1.
M. de BeUefeuille: Un papillon français.
M. Godin: On vous comprend, M. le Président. Je me permets
de vous le lire.
Le Président (M. Gagnon): Oui, allez donc, M. le
ministre.
M. Gratton: M. le Président, est-ce qu'on me le
permettrait?
M. Godin: Excusez!
M. Gratton: L'absence du député d'Argenteuil
m'amènerait à vous suggérer qu'on suspende les articles
qui touchent la langue de l'enseignement...
M. Godin: Aucun problème!
M. Gratton: ...de façon à lui permettre de les
lire.
M. Godin: De les lire, oui, tout à fait d'accord.
Le Président (M. Gagnon): Cela va?
M. de Bellefeuille: Quand doit-il revenir?
M. Gratton: II sera sûrement ici pour la prochaine
séance de la commission, on s'y engage.
Le Président (M. Gagnon): L'article 11.1 est suspendu.
M. de Bellefeuille: Suspendu.
Le Président (M. Gagnon): L'article 12?
M. Godin: II est aussi sur l'éducation. Alors, ce serait
la même chose.
Le Président (M. Gagnon): Alors, il sera suspendu
aussi.
Une voix: Oui.
M. Godin: Nous sommes dans l'éducation jusqu'à
15.1, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): L'article 13 sera suspendu
aussi. Les articles 14 et 15 sont suspendus. L'article 15.1 est un amendement
et il sera aussi suspendu. C'est cela?
L'inuttituut
M. Godin: Cela porte sur la langue inuttituut et sur
l'application de la convention. Nous rejoignons une préoccupation de ma
collègue de L'Acadie quant aux dérogations dont pourraient
bénéficier les infirmières, les professionnels, tout
détenteur de permis résidant ou ayant résidé dans
une réserve.
Mme Lavoie-Roux: C'est à l'article 15.1?
M. Godin: 15.1, 15.2 et 15.3. Est-ce que je vous les lis, M. le
Président?
Le Président (M. Gagnon): S'il vous plaît.
M. Godin: C'est ainsi libellé: Insérer dans le
projet de loi 57, après l'article 15, les suivants: "15.1 L'article 87
de cette charte est remplacé par le suivant: "87. Rien dans la
présente loi n'empêche l'usage de la langue amérindienne
dans l'enseignement dispensé aux Amérindiens ou de l'inuttituut
dans l'enseignement dispensé aux Inuits." En fait, cela vise à
ajouter à la langue amérindienne la langue inuttituut, à
la suite d'un engagement formel pris ici en commission parlementaire, il y a
quelques semaines, par le premier ministre.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que je pourrais poser une question au
ministre?
M. Godin: Certainement.
Mme Lavoie-Roux: C'était, évidemment, pour
permettre la mobilité entre les Inuits qui étaient surtout
à Terre-Neuve...
M. Godin: C'est à l'article 15.2. Vous parlez de l'article
suivant.
Mme Lavoie-Roux: Oui, d'accord.
M. Godin: Dans la première version de la loi 101, on avait
malencontreusement oublié d'inscrire...
M. Lincoln: Les Anglais et les Inuits. M. Gratton: ...les
Anglais et les Inuits.
M. Godin: L'article 87 se lisait: "Rien dans la présente
loi n'empêche l'usage d'une langue amérindienne dans
l'enseignement dispensé aux Amérindiens." On avait oublié
de mentionner la langue des Inuits, qui est l'inuttituut, ainsi que le peuple.
Nous réparons cet oubli à l'article 15.1.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: C'était une omission dans la loi 101
originalement. Ce n'est pas un engagement du premier ministre; c'est un
engagement qui était inclus dans l'entente de la Baie James que les
Amérindiens et les Cris pouvaient continuer à étudier en
anglais dans les écoles qui existaient, mais qu'on pouvait aussi
enseigner le cri, la langue amérindienne. Les Inuits pouvaient aussi
avoir le droit à leur inuttituut. C'est pour légaliser une
omission...
M. Godin: ...qui découle de la charte, mais le premier
ministre s'était engagé à...
M. Ciaccia: À rectifier cela.
M. Godin: ...rectifier cela.
Le Président (M. Gagnon): Alors, l'article 15.1 est
adopté? Adopté. Article 15.2? M. le ministre.
M. Godin: L'article 15.2 touche ce que ma collègue
évoquait tout à l'heure. "L'article 88 de cette charte est
modifié en retranchant à la fin du quatrième alinéa
les mots "admissibles aux bénéfices de la convention." Cela
signifie que l'alinéa en question se lirait de la façon suivante:
"Avec l'aide du " ministère de l'Éducation, la commission
scolaire crie - je lis la loi 101 -et la commission scolaire Kativik prennent
les mesures nécessaires afin que les articles 72 à 86
s'appliquent aux enfants dont les parents ne sont pas des Cris ou des
Inuits..." C'est pour couvrir précisément les personnes dont vous
faisiez état, Mme la députée de L'Acadie, qui viennent
d'une autre région du Canada ou même des États-Unis,
d'ailleurs. La mobilité amérindienne et inuite est totale sur le
continent nord-américain et nous voulons incarner cette mobilité
dans cet article. Cela va?
Mme Lavoie-Roux: Je veux être sûre de bien
comprendre. Est-ce qu'il n'y aurait pas le problème aussi de ces enfants
qui venaient d'une autre province, particulièrement de Terre-Neuve et
des Territoires du Nord-Ouest?
M. Ciaccia: Les Territoires du Nord-Ouest.
Mme Lavoie-Roux: II me semblait qu'il y avait le problème
que ces enfants pouvaient avoir été éduqués aussi
en anglais dans ces provinces.
M. Godin: C'est cela.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'il leur sera loisible
maintenant...
M. Godin: Oui.
Mme Lavoie-Roux: ...de pouvoir continuer en anglais?
M. Godin: Oui.
Mme Lavoie-Roux: Bon.
M. Godin: C'est précisément ce que cela
règle.
Mme Lavoie-Roux: Bon, si cela le règle, je prends votre
parole.
Le Président (M. Gagnon): L'article 15.2 est
adopté? Adopté.
Une voix: C'est l'intention du ministre, madame.
Le Président (M. Gagnon): Article 15.3?
M. Godin: Je vous le lis: "L'article 97 de cette charte est
modifié par l'addition de l'alinéa suivant: - l'article 97 se
lisait jusqu'à aujourd'hui: "Les réserves indiennes ne sont pas
soumises à la présente loi." Le gouvernement fixe par
règlement les cas, les conditions et les circonstances où un
organisme mentionné à l'annexe - document que connaît bien
mon collègue de Mont-Royal - est autorisé à déroger
à l'application d'une ou de plusieurs dispositions de la présente
loi à l'égard d'une personne qui réside ou a
résidé sur une réserve." Cela fonde le pouvoir du
gouvernement du Québec de couvrir les cas dont ma collègue de
L'Acadie a parlé tout à l'heure pour ce qui touche les
professionnels, les infirmières, toute personne, en fait, qui a besoin
d'un permis, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Une toute petite question de la même
importance que les virgules. Est-ce que ce ne serait pas plus français
si on disait "dans une réserve" plutôt que "sur une
réserve"?
M. Godin: Oui. Si mes collègues de l'Opposition sont
d'accord, je suis disposé à ajouter ce mini-papillon. À
moins que M. Ciaccia, qui est un expert dans ces questions-là...
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Sur une réserve.
M. Godin: Sur une réserve ou dans une réserve?
Une voix: Sur est un anglicisme.
M. Godin: Avant de passer à votre intervention, est-ce que
"dans une réserve", d'après votre expérience, cela
correspond plus à la réalité que "sur une réserve",
qui me semble un anglicisme?
Mme Lavoie-Roux: "On". M. Ciaccia: "On a reserve". Une
voix: "Within".
M. Ciaccia: "Within, on". "On the reserve".
M. Godin: Bien, en français c'est "dans".
Une voix: Dans une réserve, il me semble.
M. Godin: Dans une réserve.
Le Président (M. Gagnon): Alors, à la place de
"sur", on lira "dans une réserve".
M. Godin: D'accord? C'est noté.
M. Lincoln: M. le ministre, permettez-moi une question. L'article
97 dit: "Les réserves indiennes ne sont pas soumises à la
présente loi." Est-ce que cela ne restreint pas cet article 97? Est-ce
que vous pouvez expliquer exactement quel but vous avez en ajoutant cela? Cela
veut dire que, maintenant, les réserves ne sont pas soumises à la
présente loi. Comment? Elles ont une flexibilité, les
réserves indiennes, par rapport à la loi 101. Tandis que
là, vous amenez un pouvoir de règlement pour le gouvernement qui
avant n'existait pas.
M. Godin: C'est à la demande même des Indiens, des
Inuits.
M. Ciaccia: Vous parlez de l'article 15.3?
Le Président (M. Gagnon): L'article 15.3. (23 h 30)
M. Godin: Oui, c'est que dans certains cas les ordres
professionnels ont refusé d'émettre des permis à des
infirmières anglophones qui travaillaient dans la réserve de
Kahnawake, se fondant sur la connaissance obligatoire du français pour
toute personne qui pratique la science infirmière au Québec. Pour
couvrir les besoins des réserves, à la demande des
communautés indiennes et inuites, on a ajouté cela pour qu'on
puisse informer les ordres professionnels que toute personne - le
règlement viendra dans les prochaines semaines - qui travaille dans une
réserve soit exemptée de l'application de la charte.
M. Lincoln: Est-ce que je peux vous poser une question? Puisque,
dans la loi originale, la loi 101, les réserves indiennes
n'étaient pas incluses dans la loi, comment est-ce qu'on pouvait
empêcher de donner des permis et des certifications professionnelles
à ces gens-là, puisque la loi 101 ne s'appliquait pas à
eux? C'est cela que je ne peux pas comprendre puisque cela ne s'appliquait pas.
Comment est-ce qu'on pouvait avoir le pouvoir de décider si on donnait
ou ne donnait pas, puisque les réserves indiennes ne s'appliquaient pas
dans la loi?
M. Godin: Pour éviter, M. le député, que
dans l'avenir des organismes s'autorisent du fait que l'article 97 ne
s'applique qu'aux réserves indiennes et pas nécessairement aux
gens qui viennent de l'extérieur des réserves pour y pratiquer
leur profession, pour éviter que quelqu'un dise: Oui, mais un
médecin n'est pas un membre de la réserve indienne. La loi
était interprétée de telle manière que les membres
de la réserve indienne, les membres de la bande, les membres
bénéficiaires de la convention, ces personnes, elles, ne
tombaient pas sous le coup de la loi 101, mais qu'une personne qui rendait un
service à ces personnes, elle, pouvait tomber sous le coup de la loi
101. C'est pour éviter cela. Déjà, le bureau du SAGMAI,
sous les ordres du premier ministre, travaille à un règlement qui
va autoriser des dérogations pour les infirmières, les chauffeurs
de taxi, enfin les cas qu'on m'a donnés, les médecins et les
personnes de ce type-là.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Avez-vous couvert la situation qui avait
été soulevée en commission parlementaire sur les
autochtones, où un enfant dans une réserve indienne va aller
à l'école à l'extérieur de sa réserve? Cet
enfant a été à l'école anglaise dans sa
réserve indienne et il veut continuer ses études dans des
écoles anglaises. D'après la présente loi, il n'aurait pas
le droit de poursuivre ses études dans des écoles anglaises.
M. Godin: C'est 15.3 aussi.
Mme Lavoie-Roux: "Qui réside ou a résidé
dans une réserve".
M. Godin: L'article 15.3 vise à régler les
problèmes...
M. Ciaccia: C'est par règlement.
M. Godin: ...soulignés. Oui, c'est cela.
M. Ciaccia: Ce n'est pas un droit que vous leur accordez. Vous
dites "Le gouvernement fixe par règlement les cas, les conditions."
M. Godin: C'est cela. En fait, ce qu'on veut régler, c'est
précisément le problème des élèves
amérindiens ayant reçu légalement l'enseignement primaire
en anglais ou une partie dans la réserve et qui quittent la
réserve pour poursuivre leurs études à l'extérieur.
Certains d'entre eux pourraient être jugés non admissibles
à l'enseignement en anglais, le règlement les rendra admissibles
à l'enseignement en anglais. C'est l'engagement pris par le premier
ministre devant les autochtones. De même, les autochtones qui
résident dans la réserve ou à l'extérieur de la
réserve et qui exercent une profession ou activité dans la
réserve, pourraient être...
M. Ciaccia: La seule chose qu'on pourrait dire...
M. Godin: ...sauf le nouveau paragraphe, soumis à certains
articles de la loi.
M. Ciaccia: La seule chose qu'on pourrait dire, c'est que
là, vous retenez le droit par règlement.
M. Godin: C'est cela.
M. Ciaccia: Vous pourriez changer le règlement. Ce n'est
pas un droit que vous accordez...
M. Godin: Non.
M. Ciaccia: ...de rigueur dans la loi. Aujourd'hui, cela fait
votre affaire...
M. Godin: Bien, cela fait notre affaire...
M. Ciaccia: ...que la réglementation aille de cette
façon.
M. Godin: Nous serons jugés sur nos décisions, M.
le député.
M. Ciaccia: Pardon?
M. Godin: Nous serons jugés sur nos décisions, dans
deux ans.
M. Gratton: Même sur celles que vous n'avez pas prises.
M. Lincoln: ...tous les jours.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que...
M. Godin: C'est tous les quatre ans, M. le député,
grâce à Dieu.
M. Gratton: Même si des fois, cela prend cinq ans.
M. Ciaccia: Ces gens-là n'ont pas de représentation
à l'Assemblée nationale.
M. Godin: C'est un autre problème qui n'est pas du ressort
de la loi...
M. Ciaccia: Bien oui, mais c'est pour cela. Ne dites pas que vous
allez être jugés sur vos décisions. Ces gens-là
n'ont pas de représentation.
Mme Lavoie-Roux: II nous annonce que
cela va aller dans cinq ans. Je ne savais pas qu'il était au
comité de stratégie.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que, d'abord,
l'amendement à l'article 15.3 est adopté, c'est-à-dire
à l'effet de remplacer "sur" pour "dans". C'est adopté cela?
M. Gratton: Oui.
Le Président (M. Gagnon): Et est-ce que l'article 15.3 tel
qu'amendé est adopté?
M. de Bellefeuille: Mais bien sûr.
Le Président (M. Gagnon): Adopté. Article 16?
M. de Bellefeuille: L'article 16 de la charte est remplacé
par le suivant. Dois-je le lire, M. le Président?
M. Godin: Ce n'est pas nécessaire. M. Gratton:
Non.
M. Godin: Vous voulez savoir les raisons pour lesquelles...
M. Gratton: On le sait. On se demande si vous avez les
mêmes raisons que nous.
M. Godin: Oui. L'Office de la langue française normalise
des termes. Ces gens en sont rendus à quelques centaines de termes
normalisés présentement et l'ancienne loi faisait obligation,
dans l'affichage public en particulier, d'utiliser le terme normalisé.
Nous avons estimé que c'était abusif dans la mesure où un
grammairien ou un membre de l'Académie française - si cher
à mon collègue de Nelligan - ayant décidé qu'on
doit traduire condominium par copropriété indivise, une personne
qui utilisait condominium dans une affiche publique pouvait être enjoint
de changer son affiche. Si elle refusait, elle pouvait se voir imposer une
amende; si elle refusait de payer l'amende, elle pouvait se voir emprisonner.
Donc, nous avons estimé que c'était aller trop loin et nous
allons réduire l'emploi des termes normalisés à
l'administration et à ses fournisseurs, escomptant que, par effet
d'entraînement, les termes normalisés se répandent si les
citoyens jugent à propos de les utiliser.
M. Gratton: Dans l'affichage public. Dans le fond, ce que j'ai
compris, effectivement, le seul changement, c'est qu'on restreint la
portée d'utilisation de ces termes normalisés à
l'affichage de l'administration et on pourra traduire maintenant, "shopping
center" par centre commercial ou centre d'achat, ce qui n'était pas
permis en vertu de l'article 16 tel qu'il existait.
M. Godin: C'est-à-dire que l'article 118, en fait...
M. Gratton: L'article 118, pardon.
M. Godin: ...prescrivait que "shopping" center" ne pouvait se
traduire que par une seule expression, faute de quoi il y avait
pénalité. Là, on dit qu'une traduction même
incorrecte serait autorisée.
M. Gratton: C'était une ingérence bureaucratique
tout à fait tatillonne, irritante et superflue.
Le Président (M. Gagnon): L'article 16 est-il
adopté?
M. Godin: Si je conclus, vous êtes contre l'article
118.
M. Gratton: Non, pour une fois que je suis en faveur,
permettez-moi de l'adopter.
Le Président (M. Gagnon): Adopté. J'appelle
l'article 17.
M. Godin: L'article 17. Les deux articles qui suivent se
rapportent à la Commission de toponymie. L'article 123 obligeait le
gouvernement à nommer, au conseil d'administration de la Commission de
toponymie, sept personnes dont quatre au moins faisaient partie du personnel
permanent de l'Office de la langue française. Nous avons réduit
à une seule le nombre de personnes qui devra siéger au sein de
l'Office de la langue française, premièrement.
Deuxièmement, la première version de l'article 101 ne mettait
aucune limite au mandat des membres de la Commission de toponymie; nous avons
fixé un mandat de cinq ans.
La raison de ce changement, c'est pour permettre au gouvernement de
nommer à la Commission de toponymie des personnes qui vont
représenter les communautés inuites et amérindiennes, la
communauté anglo-québécoise ou...
Mme Lavoie-Roux: La communauté d'expression anglaise.
M. Godin: "English speaking", comme dirait mon ami Jeffery
Chambers. C'est bien cela, "English speaking community" et les
communautés culturelles.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'article 17 est
adopté?
M. Gratton: Adopté. Une voix: Adopté.
Le Président (M. Gagnon): Adopté. J'appelle
l'article 18, M. le ministre.
Rapport d'un organisme sur sa situation
linguistique
M. Godin: L'article 18. Je consulte les avis de mes juristes.
Oui, c'est que la loi 101 portait une date à l'article 131 qui disait
ceci: Les organismes doivent présenter à l'office, avant le 31
décembre 1978, un rapport etc., ce qui donnait à croire que tout
organisme de l'administration qui avait vu le jour après le 31
décembre 1978 n'était pas assujetti aux règles de
l'office. Donc, cet article permet de prévoir ce qui adviendra des
organismes qui ont vu le jour après 1978 et jusqu'à la fin des
temps.
M. Gratton: M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): L'article... Oui, M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, il est évident qu'au
moment où la loi a été adoptée, en 1977, il
était nécessaire d'établir qu'à compter d'une date
quelconque, c'est-à-dire en l'occurrence jusqu'au 31 décembre
1978, ces rapports sur l'état de la situation seraient fournis. Cette
date est passée et maintenant, depuis 1977, ce sont les règles,
l'ensemble des règles, des dispositions de la loi qui s'appliquent
à tout organisme, qu'il soit ancien ou nouveau.
M. Godin: Oui.
M. Gratton: Je ne vois réellement pas la
nécessité de l'article 18. Puisque toutes les entreprises ou tous
les organismes de l'administration doivent se conformer à l'ensemble des
dispositions qui les touchent, aux dispositions de la loi 101 qui les
concernent, pourquoi est-il nécessaire qu'on maintienne cette obligation
de faire rapport de ces activités, l'analyse de la situation
linguistique et tout le reste?
M. Godin: Parce qu'il pourrait fort bien se faire que, par
exemple, un nouveau service de santé en vertu de l'article 113 f, par
exemple, voie le jour. Vous avez les articles 20 et 23, nouvelle version, que
nous avons remis tout à l'heure. Nous voulons nous assurer que ces
nouveaux organismes tombent sous le coup de la loi, qu'ils soumettent à
l'Office de la langue française un programme...
M. Gratton: Cela va de soi.
M. Godin: C'est votre interprétation.
M. Gratton: Cela va de soi que les nouveaux organismes sont
assujettis à la loi 101, comme tous les autres.
M. Godin: Non. Enfin, d'après la lecture que les gens de
l'office et les juristes ont fait de l'article 131, ancienne version, ancienne
manière, il y avait un doute, il y avait un risque que, cette date
étant mentionnée à l'article, tout organisme qui verrait
le jour après cette date ne soit pas assujetti à l'office.
M. Gratton: J'ai toujours pensé...
M. Godin: Moi aussi, M. le député de Gatineau.
M. Gratton: Quoi? La même chose que moi?
M. Godin: Mais ce n'est pas ce que les juristes pensent.
M. Gratton: Pourquoi ne les mettez-vous pas au pas une fois pour
toutes?
M. Godin: Écoutez, je suis bien prêt à mettre
au pas n'importe qui, à commencer par vous.
M. Gratton: Ah bien! Là, vous allez avoir plus de
difficulté.
M. Godin: C'est pour plus de sûreté. C'est ce qu'on
appelle un beau cas de ceinture et bretelles.
M. Gratton: Sauf que la ceinture et les bretelles vont pour la
même paire de culottes qui est celle de l'Office de la langue
française. Il me semble que, compte tenu de ce qu'on s'est fait dire en
commission parlementaire sur la façon de l'office de traiter ces choses,
elle a déjà suffisamment de pain sur la planche quand on parle de
la francisation dans le domaine du travail et tout le reste. Je ne vois
réellement pas pourquoi elle serait appelée à examiner des
rapports d'organismes qui, de toute façon, doivent se conformer à
la loi. Si les organismes ne s'y conforment pas, cela va résulter en des
plaintes qui vont être jugées et l'office pourra émettre
des directives. Quant à nous, on va voter contre l'adoption de l'article
18 parce qu'on le trouve superflu et je souhaiterais que...
M. Godin: Vous pouvez le croire.
Mme Lavoie-Roux: On va faire un amendement pour l'abroger, M. le
Président.
M. Godin: Pour?
Une voix: C'est là une bonne idée.
Mme Lavoie-Roux: Pour l'abroger.
M. Godin: On va voter contre.
Mme Lavoie-Roux: Après ce que vous venez de dire...
M. Gratton: Nous faisons un amendement pour abroger l'article
18.
Le Président (M. Gagnon): Vous faites un amendement.
M. Gratton: C'est Mme la députée qui...
Le Président (M. Gagnon): Pour abroger l'article 18.
M. Godin: Est-ce qu'on peut avoir un texte quelconque?
Une voix: Oui.
M. Gratton: On vous l'écrit.
Mme Lavoie-Roux: Que l'article...
Une voix: Voulez-vous vous approcher? On va vous l'écrire
quelque part.
Mme Lavoie-Roux: Que l'article 18 soit abrogé.
M. Godin: Ah! D'accord. On demande le vote.
Le Président (M. Gagnon): Alors... M. Godin: Nous
sommes contre.
Le Président (M. Gagnon): II est rejeté sur
division. C'est cela? Voulez-vous avoir le vote nominal?
Mme Lavoie-Roux: Vote nominal.
Une voix: Je ne sais pas. Je demande à l'auteur de...
Une voix: S'il vous plaît. Mme Lavoie-Roux:
Nominal.
Une voix: Ah bon!
Une voix: Vous allez voir que c'est important.
M. Gratton: II ne restera pas grand temps pour parler des
articles 20 et 23...
M. Lincoln: Peut-être. Le député de
Deux-Montagnes est un positif et un constructif...
M. Gratton: Cela peut nous mener loin.
Mme Lavoie-Roux: ...il changera d'idée.
M. Gratton: Vous ne voyez pas le piège qu'on vous
tend.
Le Président (M. Gagnon): Sur l'amendement de Mme la
députée de L'Acadie. M. le député de Nelligan?
M. Lincoln: Je suis pour.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Saint-Hyacinthe?
Une voix: II n'est pas là.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Deux-Montagnes?
M. de Bellefeuille: Contre, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Groulx?
M. Fallu: Contre.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Mercier?
M. Godin: Contre. Quelle question!
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Gatineau?
M. Gratton: Pour.
Le Président (M. Gagnon): Mme la député de
Dorion?
Mme Lachapelle: Contre.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Bourassa? M. le député de Fabre?
M. Leduc (Fabre): Contre.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
L'Acadie?
Mme Lavoie-Roux: Pour.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Mont-Royal?
M. Ciaccia: Pour.
Le Président (M. Gagnon): Alors, l'amendement est
rejeté à quatre contre cinq. (23 h 45)
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, on dirait qu'il y a eu
un ordre ou une directive de donnée par le parti ministériel de
toujours être cinq de l'autre côté. Ils se remplacent
à tour de rôle, mais ils ne participent pas
vraiment à la commission.
Le Président (M. Gagnon): Je vous ferai remarquer que ceux
que je nomme sont membres de la commission.
Mme Lavoie-Roux: Ah oui, je suis d'accord avec vous. Je ne parle
pas des quatre premiers, je parle toujours du cinquième qui fait la
navette.
Une voix: Procès d'intention.
M. de Bellefeuille: Chacun de nos collègues nous est d'un
grand renfort moral.
Mme Lavoie-Roux: S'il y en avait un de nous qui partait, cela
permettrait à l'un de ceux-là de s'en aller.
Le Président (M. Gagnon): Donc, j'en conclus que l'article
18 est adopté sur division.
M. Gratton: Adopté sur division. M. Lincoln: Sur
division.
Mme Lavoie-Roux: C'est la première fois qu'on vous voit.
Vous avez fait un discours tout ce temps-là?
Le Président (M. Gagnon): Article 19, M. le
député de Groulx. M. le ministre.
M. Godin: L'article 19 modifie l'article 134 de la charte et se
lit de la façon suivante: "134. Aucune poursuite ne peut être
intentée sans l'autorisation expresse de l'office contre un organisme de
l'administration, pour une infraction aux articles 26, 28 ou 131 commise avant
le 1er janvier 1985."
M. Gratton: Pourquoi?
M. Godin: Parce qu'il peut arriver que la commission de
surveillance soit saisie d'une plainte contre un organisme qui a
déjà une entente ou un programme de francisation avec l'office et
que l'office dise à la commission de surveillance: Dans le cas qui nous
occupe, il n'y a pas de poursuite parce que nous estimons que l'organisme en
question a fait sa part. Elle est en train de se franciser, donc la plainte
n'est pas fondée par rapport au programme que nous avons adopté
touchant cet organisme.
C'est uniquement pour que, dans le même orchestre, la partie des
cordes s'entende avec les cuivres, pour employer une image musicale.
Mme Lavoie-Roux: Mais pourquoi la date?
Une voix: Mais pourquoi la date du 1er janvier 1985?
M. Godin: C'est parce qu'il y a un délai à
l'article 133. Il y a un délai qui dit dans la charte, dans la loi 101:
pour une période d'un an ou plus, délai dont la ville de
Montréal bénéficie pour la francisation de ses plaques
odonymiques, comme on les appelle, c'est-à-dire les plaques de noms de
rues. Donc, cela nous mène à la fin de 1985. C'est la raison pour
laquelle nous mentionnons cette date comme étant la date...
M. Gratton: Dans le cas de l'hôpital St. Mary's, est-ce que
cela change quelque chose à la situation?
M. Godin: Dans le cas de St. Mary's, non.
M. Gratton: II est toujours possible que le ministre de la
Justice décide de poursuivre.
M. Godin: Je n'ai aucun commentaire. Je ne peux pas
répondre à cette question. Oui, oui, c'est toujours possible.
M. Gratton: Ce que je veux dire, c'est que l'article 19 ne
viendra pas changer quoi que ce soit à cela.
M. Godin: Non, parce qu'il n'est pas rétroactif.
Le Président (M. Gagnon): L'article 19 est-il
adopté?
Mme Lavoie-Roux: Oui.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: À l'article 19, vous mentionnez qu'aucune
poursuite ne peut être intentée sans l'autorisation de l'office et
vous mentionnez les infractions aux articles 26 et 28. Est-ce qu'il y a des
infractions aux articles 26 et 28? Cela semble être des clauses
permissives. Les infractions ne seraient-elles pas plutôt aux articles
17, 18 et 22?
M. Godin: Les articles ont été suspendus. À
l'époque, vous étiez à une autre commission ou à
une autre assemblée.
M. Ciaccia: Oui, ils ont été suspendus, mais...
M. Gratton: M. le Président, je suggérerais qu'on
suspende celui-là aussi.
M. Lincoln: Pas de problème.
Le Président (M. Gagnon): L'article 19 est suspendu.
L'article 20 est-il adopté?
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Gratton: Quant à moi, oui.
Le Président (M. Gagnon): Adopté. Article 21?
M. Godin: Un instant! Il y a un papillon.
M. Gratton: On est où?
Le Président (M. Gagnon): À l'article 21, page
10.
M. Gratton: Est-ce qu'on peut revenir à l'article 20, M.
le Président? Je m'excuse, mais on allait un peu trop vite.
Le Président (M. Gagnon): Oui, à l'article 20. On
rouvre l'article 20.
M. Gratton: Oui, s'il vous plaît. Je pense qu'il serait
utile que le ministre nous explique quelles sont les raisons.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Godin: Ce sont des questions d'actualisation de l'article
136.
M. Gratton: L'article 136 dit que les entreprises employant 50
personnes ou plus doivent, à compter de la date
déterminée, conformément à l'article 152,
posséder un certificat de francisation émis par l'office.
M. Godin: Si vous allez à l'article 152, je vais regarder
ce que cela dit: L'office peut, par règlement, établir des
catégories. Il s'agit tout simplement de le mettre à jour.
M. Gratton: Est-ce que ce n'est pas... M. Godin: Cela n'a
aucune portée...
M. Gratton: Cela perpétue le rôle de l'office dans
ce domaine-là, un peu comme on le disait tantôt. On peut
comprendre pourquoi c'était nécessaire dans le passé, pour
les entreprises qui étaient déjà en place, de se conformer
aux dispositions de la loi et d'en fournir la preuve pour une date
donnée.
M. Godin: Oui.
M. Gratton: À compter de maintenant, puisqu'on arrive au
31 décembre 1983, les entreprises qui ne sont pas déjà
ici, lorsqu'elles viendront s'installer, vont automatiquement devoir se
conformer aux dispositions de la loi.
M. Godin: C'est votre interprétation.
M. Gratton: Ce n'est pas aussi la vôtre?
M. Godin: Non, pas nécessairement.
M. Gratton: Cela veut dire qu'il y a des entreprises qui
pourraient venir s'installer au Québec et qui ne seraient pas
assujetties aux dispositions de la loi 101.
M. Godin: Elles le seraient précisément, si on
faisait les changements qu'on propose ici.
M. Lincoln: Mais si la date est dépassée.
M. Godin: Si vous ne faites pas ce changement, une entreprise qui
ouvrirait ses portes après le 31 décembre 1983 pourrait
échapper à la juridiction de l'office, en vertu de l'article
152.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Nous avons rouvert les discussions sur
l'article 20. Pourquoi est-ce qu'on ne remplace pas la date par une autre date,
plutôt que de la supprimer?
M. Godin: C'est parce que nous devons prévoir l'avenir, M.
le député de Deux-Montagnes. Dans le cas de Pechiney, par
exemple, ou d'un Pechiney 2 qui s'ouvrirait dans cinq ans, nous ne voulons pas
nous retrouver devant le même problème que nous pose aujourd'hui
l'actuel article 136. Donc, on prévoit que, si une entreprise qui est
ici n'a pas de plan de francisation, l'office peut négocier avec cette
entreprise dudit plan.
M. Ciaccia: M. le ministre.
M. Godin: La francisation n'est pas une opération qui va
se terminer à la fin de l'année, M. le Président. C'est
une opération qui va se poursuivre.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Si ce que vous dites est exact, pourquoi avez-vous
mis une date au début?
M. Godin: La première fois?
M. Ciaccia: Oui. Vous n'aviez pas l'intention que cela se
termine. Vous deviez avoir d'autres stipulations dans la loi 101. Pourquoi
avez-vous mis une date?
M. Godin: C'est parce qu'il y avait à ce moment-là
la nécessité de rattraper le temps perdu et de concentrer sur
cinq ou six ans une opération considérable qui a
nécessité des fonds considérables. D'ailleurs, c'est dans
la même foulée des fonds de la régie et du personnel de la
régie de la langue française auxquels ont fait écho
récemment en Chambre les députés de l'Opposition. Ils ont
même fait l'éloge de cette régie. Ce travail de rattrapage
a obligé l'office et la loi 101 à préciser qu'en moins de
cinq ans l'essentiel du boulot devrait être fait. On s'est fixé
une date pour resserrer un peu la période de temps dans laquelle cela
devait se faire. Maintenant que cette période est terminée et que
90% des entreprises présentement établies au Québec sont
en voie de se franciser, il n'est plus nécessaire d'avoir une date
d'échéance à la loi.
Ce que nous prévoyons, c'est de donner le pouvoir à
l'office, dans l'avenir, d'intervenir auprès d'une nouvelle entreprise
qui n'aurait pas de plan de francisation.
M. Ciaccia: II y a quelque chose que je ne comprends pas dans la
date. Vous avez, par exemple, la langue du travail, les articles 41 à
50; ceux-ci s'appliquent, il n'y a pas de limite de date. Est-ce que ce n'est
pas cela les obligations de communiquer en français, d'adresser les
communications personnelles en français et tout le reste?
M. Godin: Les articles que vous évoquez s'appliquent
à l'ensemble des rapports entre employeurs et employés. Tandis
que l'article que vous évoquez s'applique à un groupe
d'entreprises de 50 employés et plus.
M. Ciaccia: Redites-moi ce que vous avez dit.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'article 20 est
adopté?
M. Gratton: Adopté. Une voix: Adopté.
Le Président (M. Gagnon): Adopté. J'appelle
l'article 21. Est-ce que l'article 21 est adopté avec le papillon?
M. Godin: Un instant!
Le Président (M. Gagnon): Le nouvel article 21 est-il
adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Gagnon): Adopté. Est-ce que
l'article 22 est également adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Gagnon): Adopté. J'appelle
l'article 23.
M. Gratton: Est-ce qu'on pourrait ajourner les travaux à
demain?
Le Président (M. Gagnon): La commission des
communautés culturelles et de l'immigration ajourne ses travaux sine
die.
(Fin de la séance à 23 h 57)