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(Dix heures quatorze minutes)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission élue permanente des communautés culturelles
et de l'immigration se réunit aux fins de poursuivre l'audition des
mémoires et d'entendre tous les intervenants intéressés
par la Charte de la langue française.
Sont membres de cette commission Mme Bacon (Chomedey), M. Payne
(Vachon), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Fallu (Groulx), M. Godin
(Mercier), M. Gratton (Gatineau), Mme Lachapelle (Dorion), M. Laplante
(Bourassa), M. Leduc (Fabre), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Ryan
(Argenteuil).
Les intervenants sont M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Marx (D'Arcy
McGee) M. Brouillet (Chauveau), M. Dupré (Saint-Hyacinthe), M. Gauthier
(Roberval), M. Lincoln (Nelligan), M. Martel (Richelieu), Mme Lavoie-Roux
(L'Acadie), M. Fortier (Outremont). Le rapporteur est toujours M. Laplante,
député de Bourassa.
L'ordre du jour d'aujourd'hui: d'abord, nous commencerons ce matin avec
le groupe Alliance Québec. Par la suite, nous entendrons les
mémoires de la cité de Côte-Saint-Luc, de l'Association des
anglophones de l'Estrie, de l'Association des manufacturiers canadiens et celui
de la ville de Hull.
Je prie donc nos invités d'Alliance Québec de prendre
place et je demande au président, M. Maldoff, de nous présenter
les gens qui l'accompagnent.
Alliance Québec
M. Maldoff (Éric): Merci beaucoup. M. le Président,
mesdames, messieurs, membres de la commission, avant de commencer, je pense
qu'il serait poli de présenter les membres d'Alliance Québec qui
sont ici avec moi aujourd'hui. À mon extrême gauche, j'aimerais
présenter M. Charles Matheson. M. Matheson est le trésorier
d'Alliance Québec; il est comptable agréé et
associé senior de la firme Peat Marwick Mitchell, à
Montréal. Il a présidé le conseil de gestion du Montreal
Children's Hospital et il est présentement président du conseil
de la corporation du Montreal Children's Hospital. Mme Anne Usher,
secrétaire d'Alliance Québec et membre fondateur; elle fut
vice-présidente du Conseil des minorités du Québec pendant
plusieurs années. Elle est infirmière professionnelle,
possédant une solide expérience en services et en planification
communautaires pour les personnes âgées; elle est membre de la
commission administrative des services communautaires du Conseil
régional des services sociaux de Montréal et elle a
consacré cinq années comme membre du Conseil du statut de la
femme du Québec. M. Bob Dobie, membre de l'exécutif d'Alliance
Québec, élu en 1983. Il est l'ancien vice-président de
notre organisme ainsi que du Conseil des minorités du Québec. M.
Dobie joue un rôle de premier plan dans le monde de l'éducation
comme secrétaire de The Provincial Association of Catholic Teachers et
membre du conseil de direction de The English Speaking Catholic Council.
Quatrièmement, M. Michael Goldbloom. M. Goldbloom est le
vice-président d'Alliance Québec. Il est un ancien
éditorialiste du journal The Gazette. Il pratique le droit à
Montréal. Il est membre du Conseil de la Croix-Rouge canadienne et de la
Fondation canadienne des droits et de la personne.
Je m'appelle Eric Maldoff et je suis avocat à Montréal. Je
suis président d'Alliance Québec. À ma droite, M. Jeffrey
Chambers, directeur général d'Alliance Québec. Ensuite, le
Dr James Ross. Le Dr Ross est le président du conseil d'administration
d'Alliance Québec. Il a été élu lors de
l'assemblée annuelle du mois de juin 1983. Il est président
fondateur de la "Townshiper's Association" qui va se présenter
aujourd'hui. Le Dr Ross est chirurgien en chef de l'hôpital de
Sherbrooke, au Québec. Il réside dans les Cantons de l'Est depuis
longtemps. Ensuite, M. Wendell Sparks. M. Sparks est un éducateur
québécois renommé. Il est vice-président d'Alliance
Québec. Il a été élu en 1983 pour
représenter les intérêts des Québécois
d'expression anglaise qui vivent à l'extérieur de la
région métropolitaine de Montréal. M. Sparks a
occupé plusieurs postes de prestige dans le domaine de
l'éducation. Ensuite, Mme Marylee Kelley. Mme Kelley est un membre de
l'exécutif d'Alliance Québec depuis 1982. Mme Kelley est
biochimiste et elle a joué un rôle de premier plan comme
présidente des auxiliaires de l'hôpital Montreal Children's et
à l'Association des auxiliaires bénévoles des
établissements de santé du Québec.
M. le Président, devant la commission, ceux-ci sont les membres
de notre délégation aujourd'hui.
Alliance Québec est un organisme qui a été
fondé au commencement de l'année 1982. Nous avons 40 000 membres
à travers la province. Notre organisme regroupe 22 organismes
régionaux qui représentent les anglophones à travers la
province: dans la Gaspésie, le comité francophone "Social
Action", dans l'Estrie, la "Townshiper's Association". Nous avons des chapitres
membres dans toutes les régions de Montréal. Nous avons une
organisation régionale dans l'Outaouais, qui s'appelle "Outaouais
Alliance". À part cela, presque tous les organismes et institutions de
notre communauté ou qui servent notre communauté sont membres
d'Alliance Québec. Notre but, comme organisation, était de
regrouper les membres de notre communauté afin d'établir une
politique pour notre communauté, afin de décider quelles sont nos
revendications, quelle est la direction que la communauté veut suivre au
Québec. Nous sommes tous bien impliqués dans la
société québécoise et nous sommes bien
impliqués dans Alliance Québec afin de promouvoir un avenir pour
les Québécois anglophones et francophones ensemble.
Ayant présenté Alliance Québec, M. le
Président, j'aimerais commencer la lecture de notre mémoire.
Il y a plus d'un an et demi, le premier ministre du Québec a
lancé un appel public au dialogue sur la loi 101 exprimant l'espoir que
ce dialogue serait fructueux, raisonné et marqué au sceau de la
bonne foi de tous. Alliance Québec, qui depuis le début de son
existence fait preuve de son attachement à la raison et à la
bonne foi, demeure convaincue qu'une résolution équitable,
valable et productive du problème linguistique est possible au
Québec. Ce débat a trop duré: il accapare et
détourne nos énergies, engendre des frictions et cause, sur le
plan humain, des pertes et dommages considérables. Mais nous pouvons
vivre ensemble, francophones et anglophones du Québec, dans la
dignité, la sécurité et le respect mutuel. Les obstacles
ne sont pas insurmontables. Il est temps de les enlever.
Sur quoi porte le débat? Sur la nature même de la
société québécoise. En aurons-nous une vision noble
ou une vision étriquée? Deviendrons-nous une
société dynamique et attrayante, point de mire par son
excellence, protégeant la langue française et assurant son
épanouissement tout en reconnaissant la dualité linguistique de
notre histoire et en tirant tous les bénéfices possibles, ou bien
deviendrons-nous une société unilingue, cloîtrée,
isolée et timorée? Laquelle des deux fournirait à
nous-mêmes et à nos enfants l'épanouissement et la
prospérité que nous méritons? Il ne s'agit pas de
questions hypothétiques. Elles sont tout à fait terre à
terre. C'est avec un sentiment d'urgence que nous les posons. Les projections
démographiques laissent entrevoir d'ici la fin du siècle une
croissance plus lente pour le Québec que pour toute autre région
du Canada. Les Québécois s'en vont et nous ne pouvons nous
permettre de subir la continuation de ces pertes.
Il est inutile de dire avec étroitesse d'esprit que l'exode dure
depuis plusieurs décennies. Le fait demeure que les gens s'en vont,
emportant avec eux leur compétence, leurs investissements, leur emploi
et leurs racines; ce qui nous prive de leur participation historique à
la vie québécoise. La réalité est aussi que trop de
gens refusent de venir au Québec et que la loi 101 constitue une des
premières causes de ce refus. L'émigration augmente et
l'immigration diminue. Le Québec a perdu quelque 100 000 personnes
d'expression anglaise depuis 1976. Avec près de 1 000 000 de personnes
d'expression anglaise, la majorité résidant dans la région
montréalaise, mais près de 150 000 autres personnes
réparties entre la Gaspésie et l'Estrie, entre le
Bas-Saint-Laurent et l'Outaouais, le Québec est une province
d'expression anglaise plus importante que le Nouveau-Brunswick, la
Nouvelle-Écosse, l'Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve. Il
égale presque le Manitoba et la Saskatchewan. Aujourd'hui, près
des deux tiers des Québécois d'expression anglaise ont une
connaissance d'usage de la langue française.
La communauté d'expression anglaise ne constitue pas une
entité ethnique. Elle est pluraliste et diversifiée. Elle
comprend des gens d'un large éventail d'origine ethnique. C'est aussi
une communauté extrêmement diversifiée. Sur le plan
socio-économique, il y a plus de Québécois d'expression
anglaise à Verdun, Saint-Henri et Pointe Saint-Charles qu'à
Westmount. De même, la communauté d'expression française ne
constitue pas plus une entité ethnique. Des immigrants sont
arrivés d'Europe, du Vietnam, d'Afrique du Nord, d'Haïti et
d'ailleurs. C'est maintenant une communauté linguistique
extrêmement diversifiée sur le plan socio-économique et
liée par la langue française.
Par le passé, ces deux communautés linguistiques
communiquaient entre elles surtout en anglais. Aujourd'hui, et de façon
irréversible, elles le font surtout en français. C'est ensemble
que nous avons bâti cette province, ensemble que nous avons
défriché la terre, semé les fermes, moissonné les
récoltes, fondé les pêcheries, créé les
commerces et les industries, et érigé les institutions. Nous
avons fait du Québec un centre de la finance, des transports, du
textile, des pâtes et papiers, du raffinage du pétrole, de la
production et de la recherche pharmaceutique. Nous avons créé des
foyers
d'excellence de classe internationale: les universités Laval,
McGill et de Montréal; les instituts montréalais de cardiologie
et de neurologie; le monde où l'on parle le français et le monde
où l'on parle l'anglais ont tous deux constitué notre giron de
rayonnement.
Ce ne fut pas toujours facile et ce ne fut pas toujours harmonieux. Les
leçons du passé ont leur importance, mais seulement si nous nous
en servons pour construire un avenir meilleur. La bonne volonté qui,
aujourd'hui, se manifeste au Québec avec tant d'évidence
mérite d'être reconnue et utilisée.
Alliance Québec, enracinée dans la communauté
québécoise d'expression anglaise, s'applique de façon
soutenue à parler avec les Québécois d'expression
française. Ces contacts nous ont convaincus que les gens du
Québec veulent avoir confiance en la sécurité et la
vitalité de la langue française mais ne veulent pas d'une
province unilingue.
La disponibilité de services en anglais, avec les documents
nécessaires, constitue une connaissance de la réalité et
une manifestation d'équité envers près de 1 00D 000 de
personnes et non une menace pour l'avenir du français. L'existence des
institutions d'expression anglaise au service de ces gens est un fait de
l'histoire du Québec et de son développement; les
bénéfices de ces ressources ont profité à tous les
Québécois.
C'est une richesse pour le Québec et pour tous les
Québécois de pouvoir, comme il se doit, communiquer en
français avec le monde de la francophonie. C'est également une
richesse pour le Québec de pouvoir, comme il se doit aussi, communiquer
en anglais avec l'anglophonie. Le refus d'accorder à la langue anglaise
une reconnaissance, un statut et une visibilité tendant aussi à
faire du Québec une province unilingue diminue au lieu d'augmenter cette
richesse.
Le premier ministre a déclaré que rien de fondamental ne
serait modifié à la loi 101. Si les éléments
fondamentaux sont définis comme ceux destinés à
protéger la langue et la culture françaises, la porte est
réellement ouverte au dialogue. Si les éléments
fondamentaux sont définis comme incluant aussi ceux qui rabaissent
l'anglais et le rendent invisible, plaçant le Québec sur le
chemin de l'unilinguisme, un dialogue fructueux est impossible. Pourtant, un
consensus est en évolution au sein du peuple de notre province. Les
éditoriaux de la presse française et anglaise le reconnaissent;
des gens de toutes les couches de la société le reconnaissent,
mais pas le gouvernement. Ce dernier persiste dans son insensibilité. Il
promet des changements depuis longtemps, mais ces changements ne viennent pas.
Il préfère entretenir un conflit idéologique et une
dialectique stérile. L'action constructive se fait toujours
attendre.
La loi 101 a été conçue pour protéger le
français, mais on l'a utilisée pour submerger l'anglais. Six ans
ont passé et le Québec a beaucoup changé. Le temps est
venu d'évaluer ces changements non seulement à la lumière
des grands traits de l'histoire, mais aussi en fonction de leur impact sur la
vie quotidienne des Québécois: les soins de santé, les
services sociaux, l'emploi, le commerce, les services gouvernementaux, la
culture et l'éducation. (10 h 30)
Bill 101 is a law of great enormity for the English-speaking community.
It has had a massive impact on our community. The fact that we are here today
before this commission and the fact that this commission exists demonstrate the
enormous impact and importance of this law both in positive and in negative
terms to Québec society. We cannot appear before you, ladies and
gentlemen, Mr. President, and pretend that we will mention one or two items and
go home and feel that we have explained fairly and honestly the concerns of our
community. It has touched every aspect of people's daily lives, it has touched
people's feelings of security in this province. For the English-speaking
community, it has had many effects which have caused hardship and great
concern. I think that the Government is more than aware of this.
Therefore, we will proceed now, with your permission and pleasure, to
explain in each of the areas mentioned the impact of the law, the application
of the law and the recommendations that we see as necessary. We beg your
indulgence, but we believe that this is fundamental and enormously important to
the future of our community and indeed to the future of all Quebeckers.
M. Dobie (Robert): Alliance Québec reconnaît et
accepte comme normal que le français soit la principale langue de
travail au Québec. Nous croyons toutefois que ce principe doit
être respecté sans entraîner une perte d'emploi pour les
travailleurs d'expression anglaise. Ceux-ci devraient être
encouragés à demeurer au Québec et à continuer leur
contribution à la prospérité économique de notre
province.
En 1977, le gouvernement du Québec a promis que la loi 101 ne
causerait pas la perte d'un seul emploi. Il n'a pas tenu parole envers les
travailleurs de la province. Nous connaissons des gens qui, en raison de
l'application de la loi 101, ont été privés de leur moyen
de subsistance à une époque où les emplois se font rares
et où le chômage a atteint le plus haut niveau de tous les
temps.
À l'article 20 et ailleurs, la loi 101 a créé des
obstacles à l'embauche, à la promotion et à la mutation
des Québécois
d'expression anglaise dans la fonction publique.
A l'article 35, elle a limité l'accès des
Québécois d'expression anglaise à un marché de
travail de plus en plus francisé. Pourtant, c'est
précisément au travail que le travailleur pourrait
acquérir la connaissance la meilleure et la plus appropriée du
français.
Par ailleurs, les exigences administratives imposées par l'Office
de la langue française ont beaucoup moins de rapports logiques avec les
exigences professionnelles que ne stipule le texte des articles 20 et 35. Par
exemple, la commission de surveillance a récemment sommé un
établissement de justifier le fait qu'une des serveuses n'avait pas
été capable de répondre complètement en
français à une question relative au contenu nutritif de la
nourriture qu'elle vendait; on parlait de beigne.
De plus, les articles 130 et 142, qui semblaient avoir été
conçus pour assurer une certaine sécurité d'emploi, n'en
assurent en fait essentiellement aucune. Ils concernent uniquement les
personnes approchant de la retraite ou possédant de longs états
de services et stipulent simplement que les programmes de francisation doivent
prendre en considération la situation de ces personnes.
L'efficacité de garanties aussi fragiles et aussi vaguement
formulées est très limitée et s'est en fait
révélée négligeable. Si le gouvernement avait
vraiment l'intention d'accorder des garanties valables, comme l'avait
déclaré le ministre en 1977, il devrait les rendre
réelles.
Durant les dernières années, la majorité des
Québécois d'expression anglaise a fait preuve d'un réel
désir de participer pleinement en français à la vie
québécoise et au marché québécois du
travail. Ces gens méritent d'être traités avec
compréhension et ouverture d'esprit et non avec des excès
bureaucratiques. Ils ont une contribution valable à faire dans notre
société et celle-ci en a besoin. Le temps est venu de favoriser
et non de contrecarrer leur participation au marché du travail. Nous
devons employer nos ressources humaines en vue de nos grands
bénéfices économiques. Aucun citoyen au Québec ne
pourrait nier la question fondamentale du droit de l'individu au
bien-être physique et à la capacité de bien gagner sa
vie.
Malheureusement, certaines dispositions de la loi 101, ses
règlements et, plus importante encore, son application par les
organismes administratifs chargés de cette tâche ont réussi
en grande partie à miner la confiance d'un grand nombre de
Québécois d'expression anglaise à l'égard de leur
avenir dans cette province. Afin de cerner cette préoccupation avec plus
de clarté, il nous faudra commencer par examiner l'esprit dans lequel la
loi a été mise en application.
Les articles 2 à 6 de la loi 101 sont des dispositions d'ordre
déclaratoire qui énoncent des principes généraux
concernant l'utilisation de la langue française au Québec. Ces
dispositions traitent, entre autres, du droit de recevoir des services en
français de l'administration, des services de santé, des services
sociaux et des entreprises. Ces articles traitent également du droit des
travailleurs d'exercer leurs activités en français et du droit
des consommateurs d'être renseignés et servis en
français.
Étant donné le grand nombre d'organismes gouvernementaux
chargés de l'application de la loi 101 et que ceux-ci emploient des
centaines de personnes, il serait avantageux que les avis de Me Jean-Louis
Beaudoin exprimés au CLF soient incorporés à la loi 101 au
moyen d'une disposition qui fixerait clairement la nature déclaratoire
plutôt qu'exécutoire.
Les articles 14 à 29 de la loi 101 traitent des secteurs public
et parapublic, bref, les services gouvernementaux, y compris les services
municipaux, les services hospitaliers et sociaux, ainsi que de ceux d'autres
organismes dont la principale responsabilité est de fournir des services
au public. De nouveau, on relève des exemples d'un comportement
exagérément zélé de la part de ceux qui sont
chargés d'administrer la loi. L'article 15, par exemple, stipule que
l'administration doit rédiger en français ses textes et ses
documents. En vertu de l'article 89, ces textes et documents peuvent
également être rédigés en anglais. Malheureusement,
la loi 101 néglige de reconnaître la responsabilité de
l'administration, de fournir des services en anglais aux citoyens de langue
anglaise. Par conséquent, plutôt que de créer une
obligation, elle ne mentionne qu'une permission. Mais qui doit alors exercer
cette discrétion et selon quels critères?
Les organismes chargés de l'administration de la loi ne tardent
pas à répondre à ces questions. Une directive provenant
d'un cadre de l'OLF établissait les principes que devrait appliquer le
gouvernement au moment de déterminer s'il offre des documents en
anglais. Le premier principe se lit comme suit: "L'article 89 de la charte
introduit un principe d'exception. Par conséquent, l'office estime qu'il
n'y a pas lieu d'invoquer cet article pour maintenir le bilinguisme
institutionnel dans l'administration partout où l'usage exclusif de la
langue officielle n'est pas imposé par la charte." Le deuxième
principe prévoit que, "lorsqu'un groupe donné de documents a
déjà fait l'objet de directives prescrivant l'usage exclusif de
la langue officielle ou lorsque cette pratique est déjà
établie, il n'y a pas lieu de modifier cet usage". En d'autres termes,
même si la
loi autorise l'usage de l'anglais, les directives gouvernementales
internes et celles de l'OLF devraient avoir priorité sur la loi.
Le troisième principe soutenu par l'OLF est ainsi libellé:
"II n'y a pas lieu de traduire dans une autre langue que le français les
permis, les autorisations, les certificats, les enregistrements, les autres
documents de même nature ainsi que les textes et formulaires qui s'y
rapportent." Il en existe plusieurs autres dans la même veine, mais le
but est déjà clair. Ce sont des directives de ce genre qui
expliquent le mieux les difficultés inqualifiables qu'éprouvent
les Québécois de langue anglaise, depuis de nombreuses
années, lorsqu'ils essaient d'obtenir des formulaires d'immatriculation
automobile en anglais, lesquels sont théoriquement disponibles, mais
qu'on n'a jamais, semble-t-il, en nombre suffisant.
Il s'agit, hors de tout doute, de la manifestation d'une bureaucratie
qui se mêle de refaire des lois. Ces directives ne procèdent
d'aucune autorité législative. Le gouvernement n'a qu'une
solution à envisager: reconnaître la réalité sociale
du Québec et admettre que près d'un million de citoyens
québécois sont de langue anglaise. Ces personnes ne devraient pas
être obligées de se battre pour obtenir des services fondamentaux
du gouvernement. Les services destinés au public devraient être
facilement accessibles à titre de droit, et non pas accordés
selon les pouvoirs discrétionnaires exagérés de l'un ou
l'autre des fonctionnaires.
It should also be remembered that a great number of workers in
Québec are self-employed. Government plays an increasingly large role in
the daily lives of every citizen in this province. The need to receive basic
government services in our language is not just a matter of courtesy, it is
essential if self-employed English-speaking Quebeckers are to attend to their
affairs in an efficient manner.
The law allows individuals to receive government services in English.
Nonetheless, we have the case of Duncan MacDonald, sole proprietor of an
unincorporated real estate agency. He has been trying for over two years to
obtain information in English from the Commission de la santé et de la
sécurité du travail, so far without success. Despite one letter
in English indicating that he would be served in English, a series of letters
saw the commission revert to its former position of refusal. The penalties for
failure to file certain returns accumulated in the meantime, and the individual
in question was denied an apparent right under Section 15. Very recently, he
has been informed that he would get documents in English, hopefully within six
months. After two years, he is still waiting.
The question must also be asked as to the validity of distinguishing
between an unincorporated business and a small incorporated operation. David
Brown and his wife, Linda, own a small sales agency in Pointe-Claire. They are
incorporated. Because this makes them an "artificial person" within the meaning
of Section 16, they forfeited the right to receive services from the Government
in English. The result is that it has become increasingly difficult and costly
for such people to earn a living.
It is interesting to note that in areas such as Revenue, english
language services are readily available, even to those who have incorporated.
However, in areas where the Government is not receiving money, there appears to
be little will to be as accommodating.
Sections 35, 130 and 140 appear to be intended to respect the required
rights of workers. Sections 130 and 142 require francisation programs in the
private sector and in the public sector to take into account persons near
retirement and long service. Section 35 only requires professionals wishing to
enter a profession to demonstrate the appropriate knowledge of French.
In spite of this apparent intention of the Government to respect
required rights, Section 30 states that professional corporations and their
members must make their services available in French. Consequently,
professionals who are licensed and have been practising for many years are
confronted with the legal obligation, in fact retroactive, which challenges
their job security. (10 h 45)
Similarly, Section 20 of Bill 101 was drafted so as to provide
flexibility. This section required persons being hired, promoted or transferred
in the civil administration to have an appropriate knowledge of French. Once
again, the OLF could not accept flexibility. It issued a directive (fiche no
10) to every agency of the civil administration directing that it must
establish standardized language tests or send employees wishing to be hired,
promoted or transferred to take the OLF standardized language test.
Furthermore, the OLF once again exempted French-speaking Quebeckers from the
language testing requirements.
The pattern of consistently applying the law so as to severely restrict
or eliminate the use or appearance of English in the workplace may also be
found in the application of Sections 41 to 50, dealing with the language of
work.
En vertu de l'article 41, l'employeur doit rédiger en
français les communications qu'il adresse à son personnel. Il
fait de même pour les offres d'emploi et de promotion.
L'article 89 autorise l'emploi d'autres langues. Néanmoins,
l'Office de la langue
française, dans son Programme type de francisation des
entreprises comptant plus de 100 employés, sous la rubrique
Francisation-affichage interne, note que franciser signifie "en français
seulement". Certaines des affiches visées par cet objectif
d'unilinguisme comprend aussi les messages relatifs à la santé et
à la sécurité des travailleurs. L'objectif ultime de
l'Office de la langue française est clair. Bien que la loi laisse
entendre que l'anglais puisse être utilisé, l'Office de la langue
française ne l'entend pas ainsi.
On peut avoir une bonne idée de l'attitude de l'office en lisant
un document intitulé: Politiques ventilées par fiche, du
Comité d'examen des études et des programmes de francisation des
PME, c'est-à-dire des entreprises de 50 à 99 employés, qui
doivent négocier un programme de francisation avec un
représentant de l'OLF. La directive se lit comme suit: "Lorsqu'une
entreprise, au cours de la négociation, oppose aux instances du
négociateur pour que les documents soient uniquement
rédigés en français un refus basé sur les
dispositions de l'article 89 de la charte, les notes du négociateur sur
la fiche 8B devront faire état des circonstances du refus." La loi donne
à l'employeur le droit de communiquer en anglais avec ses
employés de langue anglaise. Ce droit ne devrait pas faire l'objet de
commentaires ou de restrictions de la part de l'OLF.
Il est évident que le degré de tolérance permettant
aux travailleurs de recevoir des communications en anglais de leur employeur
dépend inversement du degré de succès de l'office à
imposer son objectif d'unilinguisme. Ce résultat dépendra, par
ailleurs, davantage de l'habilité de négociation des individus
dans l'entreprise ou de celle de leurs représentants plutôt que
d'une lecture équitable de la loi. Lorsque la loi permet l'usage d'une
autre langue, la pratique administrative ne devrait en aucune façon
l'empêcher ou la restreindre.
Les articles 130 et 142 prévoient que les programmes de
francisation dans les secteurs privé et public doivent tenir compte de
la situation des personnes qui sont près de la retraite ou qui ont de
longs états de service.
Malgré le caractère impératif de ces dispositions,
souvent les programmes de francisation ne mentionnent pas ces personnes. Il ne
faut pas se surprendre si, comme résultat, plusieurs ont reçu
l'avis qu'ils devaient atteindre un certain niveau d'aisance dans l'usage du
français à l'intérieur d'un délai fixe ou risquer
de perdre leur emploi. Tout cela malgré le fait qu'ils
possédaient souvent de longs états de service. De nouveau
l'application de ces dispositions de l'OLF peut expliquer ce problème.
L'OLF a fixé des normes qui établissaient à 25 ans
d'expérience ou moins la signification de "longs états de
service" et à une période de 5 ans avant la retraite celle de
l'expression "près de la retraite". Est-ce là l'esprit
d'ouverture que le gouvernement avait promis dans l'application de la loi? Les
articles 130 et 142 devraient être amendés afin de garantir que
personne ne sera rétrogradé, muté ou
congédié dans la mise en oeuvre d'un programme de
francisation.
M. Goldbloom (Michael): Nous allons passer du domaine de l'emploi
au domaine du commerce. Alliance Québec reconnaît qu'afin
d'assurer la force permanente du français dans le contexte
nord-américain le français doit atteindre et conserver une
importance sur le plan économique. Toutefois, nous estimons que la
capacité soutenue de faire affaires en anglais aussi bien qu'en
français est un atout indispensable pour le développement futur
et la prospérité économique du Québec. La
réalité nord-américaine constitue pour le Québec
une fenêtre ouverte sur des marchés et des ressources
d'importance.
Au lieu de manifester sa confiance en la capacité des
Québécois de préserver la langue et la culture
françaises tout en faisant face aux défis de concurrence sur les
marchés mondiaux, le gouvernement s'est efforcé d'imposer des
barrières restrictives. Par exemple, l'Office de la langue
française a suggéré à certaines entreprises de
limiter le plus possible le nombre de postes requérant des relations
avec l'extérieur.
Des secteurs particuliers de l'économie, comme, par exemple, les
industries hôtelières et touristiques, ont des exigences bien
précises reliées à la nature et aux demandes de
clientèles spécifiques. Pourtant, la loi 101 obligerait toutes
les entreprises, sans considération pour leurs secteurs
d'activité, à s'adapter à un seul moule rigide. Les
attraits touristiques du Québec, par exemple, ne sont pas
favorisés par des règlements qui empêchent les hôtels
d'afficher leurs indications en anglais aussi bien qu'en français.
C'est une réalité de la vie québécoise que
les touristes qui viennent ici sont en grande majorité des gens
d'expression anglaise. La loi devrait permettre à nos entreprises et
à nos industries de répondre efficacement aux exigences de leurs
clientèles.
La loi 101 doit être amendée afin que l'affichage bilingue
soit autorisé dans la province de Québec. Alliance Québec
propose que le français continue d'être exigé, comme
à présent, mais que les autres langues soient permises en plus du
français. Il est juste d'exiger que l'affichage soit partout dans la
langue de la majorité, mais l'interdiction des autres langues constitue
une discrimination et
nuit à l'harmonie sociale. Elle nie à près de 1 000
000 de personnes le droit de constituer une présence visible dans notre
province. D'après le gouvernement, le but de la loi est de faire en
sorte que l'affichage reflète la société
québécoise. Il s'agit là d'un miroir déformant, car
il cache l'existence de près de 1 000 000 de
Québécois.
L'affichage est un symbole important, aussi bien pour la
communauté d'expression anglaise que pour la communauté
d'expression française. Nous reconnaissons l'importance de l'affichage
pour la communauté francophone. Nous avons l'impression que ce symbole
est confirmé et garanti dans toute la province par l'exigence du
français partout.
Alliance Québec ne suggère pas que l'anglais remplace le
français sur les affiches. Pour notre communauté, ce qui a une
importance symbolique, c'est le droit d'afficher en anglais à
côté du français. Lors d'une récente campagne
entreprise par Alliance Québec, des entrepreneurs de différentes
régions de la province ont, dans une proportion très majoritaire,
exprimé leur désir d'avoir le droit d'ajouter une autre langue
dans leur affichage commercial. Le sondage de SORECOM publié hier
indiquait aussi que la majorité des francophones pense que, si le
français existe sur les affiches, l'anglais devrait y être permis
aussi. Dénier ce droit équivaut à dénier aux
Québécois d'expression anglaise celui de manifester leur
présence et de communiquer entre eux dans leur propre langue. La
protection du français ne nécessite pas que la communauté
d'expression anglaise se voie nier le droit d'utiliser sa langue en public.
La limitation de l'accès aux écoles de langue anglaise
pour les enfants dont les parents sont d'expression anglaise est
continuellement mentionnée par de nombreuses entreprises comme
constituant un obstacle majeur à un recrutement efficace à
l'extérieur de la province. Le Québec ne peut rejeter les
compétences, l'expérience et les éventuels apports de
travailleurs qualifiés des autres provinces et de l'étranger. Le
système actuellement en vigueur des autorisations temporaires de trois
ans, avec possibilité de prorogation, est arbitraire et essentiellement
nocif. Il n'a pas réussi à attirer les spécialistes et les
investissements générateurs d'emplois, dont nous avons
besoin.
Nous sommes en profond désaccord avec la suggestion selon
laquelle les entreprises employant moins de 50 personnes seraient
dorénavant soumises à des programmes de francisation. Les
dépenses nécessaires seraient prohibitives, voire même
fatales pour beaucoup. L'argument de la valeur, à notre
société, d'une telle mesure n'est nullement convaincant. Il
importe de signaler que l'article 46 de la loi stipule qu'il est illégal
d'exiger la connaissance d'une langue autre que le français, à
moins que la tâche à effectuer ne requière cette
connaissance. Cela s'applique déjà à toutes les
entreprises de la province, grandes ou petites.
Sur les lieux du travail, le français signifie désormais
emploi et productivité. Le milieu des affaires sait que l'utilisation du
français comme langue courante de travail au Québec constitue le
grand bon sens commercial. De son côté, le gouvernement devrait
savoir que laisser les entreprises s'occuper de leur clientèle constitue
le gros bon sens économique.
In the field of business, the provisions of Bill 101, its regulations
and its administration create a tangle of rules, regulations and practices
which give pause to the hardiest of businesses and investors. It is a cardinal
rule of business that to make money, a business must sell its products.
Advertising is an indispensable tool for sales. Section 58 imposes the rule of
unilingual French signs and commercial advertising. Section 58 is so
restrictive that in the private sector, unlike the public sector, even signs in
other languages concerning health and safety are illegal. A sign on a
construction site warning of dynamite blasting could not legally be posted in
English or in any other language except French, if it were placed there by the
construction company.
We believe that Bill 101 is excessive when it limits the ability to post
bilingual signs for those businesses of less than five employees, as provided
for in Section 60. Even the application of Section 60 has been further
restricted by the agencies responsible for the application of the law. In spite
of a legal opinion issued by counsel to the Commission de surveillance, stating
that bilingual signs are legal both inside and outside businesses employing
less than five employees, the OLF and the Commission de surveillance have
rigourously attempted to impose French unilingualism on sides outside such
establishments. When the legal opinion in question was brought to the attention
of the puclic, the Commission de surveillance dismissed it as being merely the
opinion of one lawyer and stated that it would continue to impose French
unilingualism. It has done this with vigor, to the extent of sending "des mises
en demeure" and forms printed to look like official court summonses.
Several of the regulations in this area were found in three different
reports to be of doubtful legality and defying interpretation. Examples may be
found in Section 5d of the regulation concerning commerce, which refers to "an
elevator, a vending machine, a gasoline pump, a pinball machine or any other
similar product." To reiterate the question posed by the Justice Department in
its report on Bill 101
regulations: What can possibly be similar to those products?
Des études commanditées par le Conseil de la langue
française ont mis en évidence le fait que la francisation des
lieux de travail avait commencé bien avant la mise en vigueur de la loi
101. D'après ces enquêtes, la majeure partie de ces
transformations avait été dictée par les exigences du
marché, par une force ouvrière de mieux en mieux formée et
par le simple bon sens commercial. La législation linguistique aurait
été, somme toute, une influence secondaire. (11 heures)
II existe un large consensus voulant que ce mouvement de francisation,
dans la mesure où il constitue un reflet de notre société,
est irréversible. Toutefois, nous soumettons que les règles
tendant, sans autorité législative dans plusieurs cas, à
imposer l'unilinguisme font du tort et à notre société en
général et au secteur du commerce en particulier. Il faut
éviter la tentation de tout résoudre par loi,
réglementation et directives. Il faut plutôt faire confiance
à la dynamique inhérente à la société
québécoise et au fait que la majorité des entreprises a
compris qu'il faut répondre aux besoins de tous les membres de notre
société.
M. Chambers (Jeffrey): Services gouvernementaux. D'après
les articles 15 et 16 de la loi 101, les personnes auraient apparemment le
droit de recevoir de l'administration publique une réponse dans la
langue qu'elles auraient utilisée pour s'adresser à elle.
L'adjonction de l'article 83 autorise les administrations publiques à
traduire, sans restriction, les textes et les documents.
Toutefois, la loi n'impose pas l'obligation de traduire, pas plus
qu'elle ne fournit le moindre élément assurant que ces droits
soient respectés. En fait, tout au contraire, l'Office de la langue
française a imposé de nombreuses restrictions quant aux
catégories de documents qui peuvent ou ne peuvent pas être
traduits. Contrairement à la loi, il a fourni certaines directives aux
fonctionnaires selon lesquelles il serait inacceptable de traduire les permis,
les certificats et les enregistrements ainsi que les formules les
accompagnant.
Les municipalités qui, d'après la loi 101, font partie de
l'administration publique se sont, elles aussi, vu imposer certaines limites
à leur liberté de servir leurs contribuables. Il est vrai que
celles qui sont reconnues selon les termes de l'article 113f pourront continuer
à afficher en anglais comme en français après la date
limite du 31 novembre 1983. Nous croyons toutefois que chaque
municipalité devrait avoir la liberté de choix quant aux services
à fournir et aux documents à afficher. La qualité de
"majorité" dont il est fait état à l'article 113f est
variable et arbitraire. Une municipalité dont la population est en
proportion importante d'expression de langue anglaise devrait avoir ses
coudées franches pour exercer son bon jugement quant aux langues dans
lesquelles ses contribuables devraient être servis, à condition
que le français apparaisse partout.
It is clear that the English-speaking population of Québec is
severely under-represented in the civil service. The exact proportion is a
subject of some debate, but the bottom line is not. If English-speaking people
are to be able to participate in Québec society at every level,
restrictions such as those in Article 20 will have to be amended to allow for
affirmative action programs. Alliance Québec is striving for realistic
solutions, adapted to the reality of Quebec's demographic, economic and
socio-cultural context. People of goodwill should be allowed a longer probation
period while they acquire an appropriate level of French. Promotions should be
facilitated so that it will not take a generation for the awaiting increase at
the recruitment level to show results, that is a significant English-speaking
presence at all strata of the civil service.
French is and should be the predominant language of work in
Québec. It must, however, be recognized that certain provisions of Bill
101, and particularly their overzealous implementation, have effectively and
unnecessarily diminished the status of English in the employment and business
sectors. They have caused extensive hardships to individual members of the
English speaking community and unnecessary harm to the Québec economy.
We have all been losers as a result.
Ainsi que nous l'avons vu dans les domaines de l'emploi et des affaires,
les articles principaux de la loi concernant l'obtention des textes et des
documents gouvernementaux en anglais - articles 15 et 16 - ont
été sérieusement restreints par des directives internes.
Qu'il s'agisse de publications gouvernementales relatives au milieu d'affaires
ou s'adressant au grand public, la réponse à des demandes de
versions anglaises est souvent négative. Dans un exemple récent,
les formulaires de renouvellement du permis de conduire étaient
accompagnées, sur demande, d'une brochure anglaise expliquant comment
remplir la formule en français. Lorsque le besoin de fournir une telle
explication est admis, ce nouveau processus devient inutile. Quelles raisons
peut-on invoquer pour refuser d'ajouter tout simplement un texte anglais aux
formulaires existants? La seule qui semble exister c'est l'existence de
directives internes de l'OLF à cet égard.
A further and somewhat ironic example
involves the Québec Charter of human rights and freedoms. Sent to
every household in the province to mark the promulgation of new sections, the
document stated in French, at the back, that English versions were "disponibles
sur demande". Those citizens who could get through to the phone number provided
were informed that no such English version would be available for some time.
Whether it concerns a document of general interest, like the Charter of rights,
or the many forms or documents necessary for a citizen to fulfill his various
obligations towards the Government of the province, the end result must be met
and that result is meeting the needs of Quebec's English-speaking
population.
Les directives et pratiques administratives qui ont profondément
diminué les effets que ces articles auraient dû avoir ne devraient
jamais plus être tolérées. Les services gouvernementaux et
les documents destinés au public doivent de droit être facilement
disponibles en anglais.
L'article 57 de la loi, qui prévoit que les formulaires de
demandes d'emploi, de bons de commande, de factures, de reçus et de
quittances doivent être rédigés en français,
occasionne également des difficultés et rend moins attirant le
Québec comme lieu d'investissement.
Un grand nombre d'entreprises établies au Québec font
partie de réseaux d'envergure nationale. Leurs techniques de mise en
marché et de ventes sont reliées à ces réseaux. La
célérité et l'efficacité de ces entreprises sont
étroitement associées à leur rentabilité. Bon
nombre d'entreprises, de groupements et d'organismes, y compris les conseillers
en francisation, ont expliqué comment l'application de cette disposition
mine le potentiel du Québec à demeurer un lieu propice aux
affaires.
L'article 46 défend à un employeur d'exiger la
connaissance d'une autre langue que le français pour accéder
à un emploi, à moins que l'accomplissement de la tâche ne
l'exige. L'OLF joue un rôle d'arbitre en vertu de cet article et le
fardeau de prouver la nécessité d'une connaissance d'une langue
autre que le français incombe à l'employeur. L'OLF a
édicté des critères qui rendent extrêmement
difficile de s'acquitter du fardeau de la preuve, en vertu de l'article 46.
Exemple: Lorsque la ville de LaSalle a voulu exiger la connaissance de
l'anglais pour un poste de surveillant de parcs, l'OLF a statué que: "Le
poste de surveillant de parcs n'est pas à un niveau supérieur
dans l'organisation des services municipaux et la nature de la fonction
n'amène pas son titulaire à régler des problèmes de
grande importance dans ses contacts avec les représentants des
associations de loisirs. Les conversations qui se tiennent habituellement entre
eux concernent des questions relatives à la disponibilité et
à l'entretien des terrains et de l'équipement. Il s'agit de
conversations qui sont normalement assez brèves et cet
élément ne constitue pas l'essentiel de la tâche, mais
plutôt un aspect très accessoire." Ceci malgré le fait que
36% de la population de cette ville était d'expression anglaise et que
25 parmi les 76 associations de loisirs utilisant les parcs étaient
anglaises. Si ce n'est pas dans un tel cas qu'on peut démontrer le
besoin d'une telle connaissance, quand sera-t-il possible de le faire?
Étant donné l'attitude actuelle de l'OLF et son refus
d'admettre de nombreux cas, que le fait de répondre aux besoins de la
clientèle puisse constituer un motif valable pour exiger la connaissance
d'une autre langue, le besoin de renverser le fardeau de la preuve en vertu de
l'article 46 devient évident.
Dans ce même contexte, notons la disposition
suggérée par l'OLF pour inclusion dans les programmes de
francisation: Directives qui exigent des entreprises qu'elles s'engagent
à limiter autant que possible le nombre de postes dans l'entreprise
ayant des contacts avec l'extérieur du Québec. Il ne s'agit
guère d'un moyen pour notre société de promouvoir sa
relance économique.
Dans l'ensemble, les buts poursuivis par l'OLF à l'égard
de la francisation paraissent nets et clairs. Une directive du comité
des PME de l'OLF en dit long à ce propos, et je cite: "II est entendu
qu'au Québec, les communications écrites entre les
employés doivent être en français à la fin du
programme de francisation." Non seulement ceci nie la réalité que
constituent près de 1 000 000 de Québécois d'expression
anglaise, mais ceci nie également la place du Québec dans le
contexte nord-américain. Ceci dépasse également le besoin
de protéger et de promouvoir la langue française. Il s'agit, en
somme, d'une tentative de rendre le Québec unilingue.
Dans le domaine de l'affichage, l'article 22 de la loi 101 contient
à la fois une règle générale au soutien de
l'unilinguisme français et une importante exception concernant la
santé et la sécurité publique. Un peu de la même
façon que les articles 15 et 16, cet article n'impose jamais une
obligation. Malgré une référence implicite à savoir
que les avis concernant la santé et la sécurité doivent
être affichés en anglais, l'usage n'a pas suivi l'intention. Dans
une tentative de limiter au maximum l'envergure de cet article, l'Office de la
langue française, dans ses directives internes, a toujours exigé
la présence d'un danger immédiat.
In an opinion which shows just how much legislative intent can be
frustrated through administrative practice, one CLF lawyer went so far as to
state that the words "sortie de secours" need not be translated since the
French word "secours"
was known universally. Section 29 provides a similar general rule
concerning unilingual French road signs. The specific nature of the exception
in section 22 clearly overrides this provision. Despite that fact, road signs
such as the one to be seen on the Laurentian autoroute telling drivers to test
their brakes (Routiers, testez vos freins) remains unilingual French.
Nous ne pouvons que réitérer la question que nous
soulevions relativement aux affiches de sécurité unilingues
françaises que l'office tentait d'imposer aux entreprises qui
négociaient des programmes de francisation: qui
bénéficiera de ce genre de résistance à
répondre aux besoins de santé et de sécurité de
tous les Québécois? Même les municipalités reconnues
en vertu de 113f qui peuvent afficher en français et en anglais n'ont
pas pu obtenir d'affiches entières dans les deux langues quand ces
affiches sont fournies par le gouvernement du Québec.
In ending on the subject of Government services, we can only reiterate
the desire expressed by Mayor Drapeau yesterday and echoed in resolutions of
municipalities as diverse as Ville Saint-Laurent, Rosemere, Beaconsfield and
Verdun to see administrative barriers removed and responsibility for
determining and meeting the linguistic requirements of their constituents to be
returned to municipalities. (11 h 15)
M. Maldoff: Quant aux services des soins de santé et les
services sociaux, c'est un dossier très important pour notre
communauté. Le bien-être de l'individu est l'une des choses les
plus importantes dans une société. Les soins de santé et
les services sociaux doivent être centrés sur l'être humain
qui en est bénéficiaire. La diversité socio-culturelle et
linguistique de la population québécoise devrait, dans toute la
mesure du possible, se refléter ou, tout au moins, trouver une
sensibilité appropriée dans tous les soins de santé et les
services sociaux que nous dispensons.
S'il est important qu'un malade d'expression française puisse se
faire soigner en français, il est tout aussi important qu'un malade
d'expression anglaise puisse se faire soigner en anglais.
Alliance Québec soutient pleinement le droit de tous les
Québécois d'être soignés et servis en
français. Tous les établisssements de la communauté
d'expression anglaise souscrivent à ce principe et s'efforcent de le
mettre en pratique. Cependant, nous estimons que la responsabilité en
incombe à l'établissement plutôt qu'à chacun de ses
employés individuellement.
Cela signifie que les institutions devraient être
organisées de manière à assurer la disponibilité de
services et de soins appropriés en langue française. La loi,
telle que couramment rédigée et appliquée, impose non
seulement à chaque organisme, mais aussi à chaque personne qui y
travaille, l'obligation de dispenser des services en français. Cela
n'est pas nécessaire et ne peut servir qu'à instaurer un climat
d'incertitude et d'insécurité.
L'article 23 de la charte stipule que "Les services de santé et
les services sociaux doivent assurer que leurs services sont disponibles dans
la langue officielle". Cette disposition remet l'obligation aux institutions,
ce avec quoi nous sommes d'accord.
L'imposition des obligations linguistiques individuelles se trouve
à l'article 35 concernant les professionnels, les tests linguistiques
à l'article 30, sur les membres des ordres professionnels et à
l'article 20: Tout individu qui veut être promu ou
transféré dans l'administration civile.
Certains organismes des services de santé et de services sociaux,
incluant deux d'entre eux qui sont identifiés comme institutions
anglophones, ont été reconnus en vertu de l'article 113f, et
selon l'article 25, ont obtenu un délai prenant fin cette année
pour se conformer aux exigences de la loi. Ce délai s'applique
également à la soumission à un test linguistique pour
toute personne travaillant dans une institution.
Indépendamment de ce délai, un sondage préliminaire
effectué par SORECOM, en janvier 1983, pour le compte du Conseil de la
langue française, sous le titre de "Situation linguistique dans les
hôpitaux anglophones de la région de Montréal", concluait
que la grande majorité des patients francophones dans les hôpitaux
anglophones se considèrent bien servis dans leur langue, même sans
les dispositions qui entreront en vigueur à la fin de cette
année.
Le sondage a établi que les patients d'expression
française étaient "...généralement satisfaits des
services qu'ils reçoivent en français.
In February 1983, la Commission de surveillance, in the St. Mary's case,
sent a wave of fear and outrage through our community, when it condemned St.
Mary's Hospital because it was not satisfied with the French language
competence of 37% of the employees, while, on the other hand and at the same
time, finding that St. Mary's was able to provide service 100% of the time in
French. In condemning St. Mary's, the commission made it clear that, in its
view, the law and its application rigorously must impose individual
obligations.
Of course, the climate of fear had already begun to appear as a result
of police tactics used by the Commission de surveillance during its
investigation. Subpoenas and summonses were served by bailiffs on doctors and
nurses. Compulsory appearances by hospital staff dragged before the commission
de surveillance to account for their rendering of quality health care.
All of the trappings of a criminal proceeding without the right of the
"accused" to see the complaint or even know the identity of the "accuser". All
of this when the hospital was able to provide service 100% of the time in
French.
The individual obligations themselves have proven excessive in their
application.
In April 1977, Dr. Laurin promised that no one's job would be threatened
by Bill 101. It took a lot of pressure to get that promise but he made the
promise. The law, on the one hand, appeared to protect the acquired rights of
workers with provisions such as sections 130 and 142 which say: francisation
programs must take into account persons nearing retirement and long service of
employees. Testing the professionals was only imposed on professionals coming
into the profession after the law came into effect. Then, the law went throught
the back door and imposed the obligation retroactively on every member of the
profession to article 30 of Bill 101 which in spite of article 35 says that:
every member of the professional corporation must make his services available
in French regardless of when he was admitted to the profession. The result of
this is an experience such as that of a 57 year old nursing assistant to the
Queen Elizabeth Hospital who came to us. She had found herself compelled to
appear before the Commission de surveillance to defend against the complaint
that she had violated section 30. This woman was a survivor of the Nazi
concentration camps. She speaks several languages fluently. She had been
practising her profession in Québec for over 15 years. She has an
excellent record as a competent, qualified professional. Her French may have
been weak. But is this what the law really intented?
The needless imposition of individual linguistic obligations has also
resulted in many other cases of hardship and has encouraged apprehension.
Nous ne nous élevons pas contre la responsabilité
créée par l'article 35 pour les membres des ordres professionnels
d'avoir une connaissance appropriée du français. Toutefois, nous
ne sommes pas d'accord avec les tests linguistiques normalisés par l'OLF
aux professionnels qui ont fait leurs études en anglais au
Québec. L'éducation au Québec doit constituer un titre
valide pour le travail pour les Québécois d'expression
française et anglaise. Ceci est particulièrement vrai aux termes
de l'article 84 de la loi qui déclare qu'aucun diplôme de fin
d'études d'école secondaire ne peut être attribué
à un élève qui ne possède pas les connaissances du
français exigé par le curriculum du ministère de
l'Éducation.
Le cas de Joanne Curran, un cas bien connu, est un très bon
exemple d'une Québécoise bilingue, qui s'est fait retirer de son
travail et de son droit d'exercer sa profession comme infirmière
auxiliaire en raison de son insuccès dans des tests linguistiques. Il y
a d'autres cas semblables.
Il faudrait abolir la nécessité des examens de langue
française pour les professionnels qui ont fait leurs études ici
au Québec. Aux termes de l'article 37 et de l'article 38, une
période de temps d'un maximum de trois ans est permise à tout
professionnel venant s'établir ici au Québec. Trois ans pour
apprendre le français, au maximum. Il serait bon de le noter. Il est
bien connu que l'apprentissage d'une langue seconde demande du temps. Il faut
corriger la loi pour accorder aux personnes l'occasion d'acquérir dans
un délai raisonnable la compétence en langue française.
Faute de ce faire équivaut à priver tous les
Québécois des compétences et des talents inestimables qui
ont dans le passé apporté les contributions importantes au bien
de la société québécoise. Il serait bon de noter
que l'Office de la langue française a continué à appliquer
cette directive concernant l'application et l'imposition des tests
linguistiques sous l'empire de l'article 20. L'article 20 impose aussi les
tests linguistiques et il serait bon de noter que l'OLF a continué
à appliquer cette directive et à imposer l'application des
examens de français malgré que le Conseil de la langue
française ait produit un rapport, en 1982, établissant que la
validité de tests normalisés de français était
extrêmement douteuse. Le Conseil de la langue française constatait
que la loi exige "une connaissance appropriée" du français et que
"le niveau approprié" pourrait être très différent,
pour un même emploi. Considérons l'impact de l'imposition inutile
de cette...
Le Président (M. Gagnon): Excusez... À l'ordre!
C'est juste pour vous demander si on peut terminer la lecture du mémoire
le plus rapidement possible. Cela fait déjà une heure et quart.
Il y a beaucoup de membres de la commission qui voudraient vous interroger par
la suite. Je me demande si ce que vous apportez comme argument, vous n'aurez
pas l'occasion de le faire en réponse aux questions que vous poseront
les membres de la commission. Compte tenu qu'on devra certainement mettre fin
au mémoire à 13 heures, il resterait donc environ une heure et
demie actuellement pour que les membres de la commission puissent vous poser
des questions.
M. Maldoff: Comme vous pouvez le comprendre, cela pourrait
être un peu ennuyant pour les membres de la commission d'apprendre toute
l'histoire de l'impact de la loi. Mais, quand même, nous estimons qu'il
est important de donner une impression de la dimension de cette loi et de son
impact sur
notre communauté.
Le Président (M. Gagnon): D'accord.
M. Maldoff: Je respecte quand même votre exigence.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'on peut tout de
même vous demander d'en arriver à une conclusion pour qu'on puisse
vous poser des questions?
M. Maldoff: On va essayer de restreindre le nombre
d'exemples.
Le Président (M. Gagnon): Merci.
M. Maldoff: Notre conclusion, quant à la
responsibilité individuelle de rendre des services, est la suivante:
l'article 20 devrait être abrogé; l'article 30 devrait être
amendé en vue de décharger tous les membres d'un ordre
professionnel des obligations imposées et d'exempter tous les membres
des ordres professionnels ayant fait leurs études au Québec des
examens prévus à l'article 35; les articles 37 et 38 devraient
être amendés pour accorder un plus long délai aux
professionnels qui déménagent à Québec pour
apprendre la langue française.
En dernier lieu, il faut s'assurer, comme cela a déjà
été dit, qu'aucun employé ne sera congédié
ou muté à cause d'un manque de connaissance suffisante de la
langue française. C'est la protection des droits acquis des
travailleurs.
Le deuxième principe important dans le domaine des services
sociaux et de la santé, c'est la question des institutions anglaises.
Jusqu'à maintenant, la loi ne reconnaît pas l'existence des
institutions anglophones. La loi reconnaît les institutions sous l'empire
de l'article 113f, les institutions qui fournissent leurs services à des
personnes en majorité d'une langue autre que le français.
Premièrement, il faut se demander si ce critère est
vraiment le meilleur. Quelle est la différence entre une institution qui
est à 50% anglophone ou non francophone et une institution qui est
à 49% non francophone? On peut poser la même question sur les
distinctions à faire entre 49%, 48% et 47%. À quel point est-ce
qu'on peut dire que ce n'est pas une institution différente et
distincte? Il est bien évident qu'il faut prendre connaissance de
plusieurs autres éléments comme la relation de l'institution avec
la communauté, l'histoire, la tradition de l'institution, le personnel
et les clients. Tous ces éléments doivent être pris en
considération. (11 h 30)
Les communautés d'expression anglaise ont bâti tout un
réseau d'institutions anglaises qui sont liées par des contrats
et comptent l'une sur l'autre pour rendre le meilleur service à notre
communauté. Jusqu'à maintenant, la loi ne reconnaît pas
formellement ces réseaux. Nonobstant le caractère distinctif des
organismes d'expression anglaise, il est important de remarquer que selon la
loi 101, à la fin de cette année, la seule reconnaissance de nos
organismes de santé et de services sociaux prendrait la forme d'une
permission d'adopter une version anglaise de leur nom et d'afficher dans une
autre langue, sous réserve que la langue française serait
prédominante. C'est la seule différence. La loi 101 devrait
être modifiée pour reconnaître l'existence de nos
institutions.
Quant à la question de l'accès aux services, il faut
mentionner les promesses du ministre, M. Godin, devant l'Assemblée
nationale lorsqu'il a dit que, selon lui, la population anglaise a le droit de
recevoir les services en anglais.
He stated that the right was guaranteed that citizens were entitled to
services in their own languages. That is what the law says. We wish that was
true. Unfortunately, as Mr Cléroux, an official of the Association of
Québec hospitals, pointed out: "There is no laws which oblige French
language institutions to treat English-speaking Quebeckers in English." We
believe that this right should be recognized.
Finally, we will look at the question of administration and
communication of our institutions with respect to health and social services.
One group of articles, 15, 22, 23 and 24, deal with all communications
basically directed to the general public. They are tangled of confused
provisions dealing with signs and posters notices in communications, printing
matters, texts and documents. In each case the rules are different. Some must
be only in French, others may be bilingual, for others the French text may
predominate.
We have to put this in a context. Health and social services
institutions are there to serve the public: French-speaking and
English-speaking. To have rules which prohibit communications to the public,
the very means which inform the public as to how to get access to service, to
prohibit those from being in any language other than French, to prohibit the
use of the English language in that area in communication with the public is to
deny English-speaking Quebeckers access to their health and social services.
One considers a good example of this being the CLSC in Gaspé which
posted brochures, English and French versions of brochures at the CLSC. There
are 12 000 English-speaking people living in Gaspé. The CLSC received a
notice from the Office de la langue française saying: "Ces documents ne
doivent être disponibles dans une autre langue que française que
pour les seuls particuliers qui en font la demande. Il n'est
donc pas nécessaire d'étaler sur le présentoir tous
les documents en anglais préparés par le ministre des Affaires
sociales. J'ai d'ailleurs l'impression que s'il y en a autant, c'est justement
qu'il n'y a pas suffisamment de clientèle anglaise pour justifier cette
présentation, contraire au premier principe de la fiche
hors-série à qui veut désamorcer le bilinguisme
institutionnel au Québec. Vous voudrez bien corriger ce point en
remplaçant lesdits documents et brochures par les textes en
français." That is making services available to our community in
English.
The next area in health and social services are the questions of
internal communications within or external communications between institutions.
Comme nous l'avons mentionné, nous avons tout un réseau
d'institutions anglophones, ici au Québec, reliées par contrat,
par tradition. Selon la loi, toutes les communications entre institutions
devraient être seulement dans la langue française. Cela
m'étonne. C'est presque ridicule d'exiger qu'une institution tout
à fait anglophone écrive une lettre à une autre
institution tout à fait anglophone dans la langue française. Ce
n'est pas une reconnaissance de l'existence de notre communauté et de
nos institutions.
Je touche aussi la question des communications internes. Nous avons
notre réseau d'institutions. Selon la loi, toutes les communications
internes entre les employés, entre les départements d'une
institution devront être obligatoirement en français mais on peut
ajouter une version anglaise. Imaginez-vous deux travailleurs dans
l'hôpital St. Mary's qui sont des anglophones voulant écrire une
lettre un à l'autre; la lettre doit être rédigée en
français mais nous avons le grand droit d'ajouter une version anglaise.
Quel sera l'impact sur l'emploi dans le secteur parapublic? Quel est le message
rendu par le gouvernement? Le message est clair. Nous recommandons que, pour
les communications internes, le droit de communiquer exclusivement en anglais
entre les personnes d'expression anglaise soit reconnu dans la loi.
Deuxièmement, pour les communications externes entre les institutions,
nous recommandons que, pour les institutions anglophones, le droit de
communiquer dans la langue anglaise exclusivement soit reconnu.
Troisièmement, pour la question des renseignements au public, les
affiches, la loi devrait être amendée pour accorder la permission
d'afficher dans les autres langues et cela devrait être la
règle.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Cela va?
M. Goldbloom: Oui. Maintenant nous aimerions traiter de notre
dernier sujet qui est l'éducation. Je pense que c'est le domaine le plus
important de la loi 101.
Le Président (M. Gagnon): Cela va. On peut prendre combien
de temps pour...
M. Goldbloom: J'imagine que cela nous prendra à peu
près 20 minutes.
La question de l'accès à l'école est un des
éléments les plus importants pour la communauté de langue
anglaise.
M. Gratton: M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Oui? M. le député
de Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, je pense qu'il n'est pas...
La démonstration que fait Alliance Québec ce matin n'est pas
inutile à la bonne compréhension de la situation. Quant à
nous, si on termine à midi nous ferons les ajustements qui s'imposent
quant à la période de questions, mais je suis fort
intéressé par ce que nous disent les gens d'Alliance
Québec ce matin.
Le Président (M. Gagnon): Alors... M. Godin: M. le
Président.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Est-ce que nous allons pouvoir continuer
notre entretien avec les représentants d'Alliance Québec cet
après-midi?
Le Président (M. Gagnon): Écoutez, quand on voit
l'ordre du jour d'aujourd'hui... On avait convenu d'allouer trois heures, alors
que normalement on essaie d'entrer un mémoire à
l'intérieur d'une heure. On avait convenu d'allouer jusqu'à 13
heures, c'est-à-dire de 10 heures à 13 heures à Alliance
Québec. C'est déjà... Si vous voulez poursuivre la
discussion cet après-midi, il ne faut pas oublier que vous avez un
après-midi qui est aussi chargé et qu'il y a d'autres
invités qui sont ici.
M. Gratton: M. le Président, est-ce que je peux faire une
suggestion?
Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le député
de Gatineau. M. le ministre m'avait demandé la parole aussi. Je
m'excuse.
M. Godin: C'est pour dire que nous sommes extrêmement
intéressés aussi à entendre l'ensemble du portrait,
même si certains des aspects étaient déjà connus par
d'autres moyens, publics également. Mais je n'ai pas d'objection
à ce que vous poursuiviez votre exposé pendant un autre 20
minutes.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: Oui. Et quant à la possibilité de
revenir cet après-midi on pourrait peut-être entendre la fin de la
présentation, commencer la période de questions et
peut-être même dépasser un peu si on sent qu'on peut
libérer nos invités sans les faire revenir cet après-midi.
Nous verrons à ce moment.
Le Président (M. Gagnon): Pour autant que j'aurai la
collaboration des membres de la commission... je n'en doute pas.
Une voix: Comme toujours.
Le Président (M. Gagnon): Pour ma part, à moins
qu'on me donne d'autres directives, je partagerai le temps pour la
période de questions en deux, lorsque vous aurez terminé le
mémoire, avec les membres de la commission et il faudra s'en tenir
à ce temps-là.
Question de règlement, M. le député de Vachon.
M. Payne: Si on comprend bien, si on achève à midi
avec Alliance Québec, cela nous donne 60 minutes à partager. Je
soutiens que c'est assez peu comme temps après un mémoire de
cette importance. Je trouve que 30 minutes de chaque côté c'est
assez limité. J'aimerais proposer que ce soit une heure de chaque
côté.
Le Président (M. Gagnon): D'accord. La commission est
maîtresse de ses travaux en ce qui concerne le temps qu'on alloue
à nos invités. Tout ce que j'ai à faire respecter c'est le
droit de parole de tout le monde. Je voudrais aussi qu'on sache bien qu'il y a
d'autres invités qui viendront par la suite et qu'il ne faudra pas
brimer dans leur droit de parole.
Je suis d'accord pour qu'on se rende jusqu'à midi afin de
terminer le mémoire. Ensuite on essaiera de partager le temps de la
meilleure façon possible. Merci.
M. Goldbloom: Merci. Nous passons maintenant au domaine de
l'éducation. On avait l'intention de commencer à discuter de la
question de l'enseignement du français comme langue seconde pour notre
communauté. Je ne vais pas entrer dans les détails à cause
du temps. Je vous signale que le régime pédagogique nous concerne
beaucoup car à beaucoup de niveaux, cela peut restreindre le nombre
d'heures pour les enfants de nos écoles d'apprendre le français.
Il y a aussi des cours qui sont disponibles aux adultes nouvellement
arrivés au Québec. Ce sont des cours de français qui ne
sont pas disponibles aux adultes déjà ici.
Nous passons à la question de l'accès à
l'école. C'est au chapitre des critères d'admission à
l'école anglaise que la loi 101 paraît avoir été
spécialement conçue afin de diminuer l'importance de la
communauté de langue anglaise au Québec. Des données
récentes quant à la relation entre fréquentation scolaire,
la population dans son ensemble et le phénomène de la migration
au Québec soulignent l'importance d'une révision en profondeur de
la loi 101 dans ce domaine. Les prévisions du gouvernement touchant la
fréquentation scolaire sont loin d'avoir été
vérifiées dans les faits. La fréquentation des
écoles anglaises a connu une baisse bien plus sérieuse que celle
prévue par le gouvernement. À moins d'amender la loi, la
viabilité de la communauté de langue anglaise demeurera
sérieusement compromise. Alliance Québec maintient que tous les
gens de langue anglaise - peut importe le pays d'origine - devraient avoir
l'accès à l'école anglaise. Les données que nous
allons présenter ici indiquent clairement que de permettre à tous
les enfants de langue anglaise de fréquenter l'école dans leur
propre langue, ne menacerait en rien la communauté de langue
française. Là aussi, le sondage publié par SORECOM hier
indique que la majorité des francophones est d'accord à dire que
les anglophones qui arrivent au Québec devraient avoir le droit
d'envoyer leurs enfants à l'école anglaise.
En 1976, la population scolaire de langue anglaise représentait
16,7% de la population scolaire totale au Québec. En 1982-1983, le
secteur de langue anglaise ne représente plus que 12,7%. Selon les
dispositions de la loi 101, la fréquentation dans nos écoles
baissera à 7,1% vers l'an 2000.
De nouvelles sources d'information, qui n'étaient pas disponibles
au temps de la promulgation de la loi 101, prouvent maintenant que des facteurs
autres que les critères d'admission à l'école anglaise
assurent le maintien de nombreux élèves fréquentant les
écoles de langue française par rapport à ceux de
l'école anglaise. Un démographe dont l'autorité est
reconnue, M. Jacques Henripin, écrit dans l'Analyste en 1983: "Ayant
été l'un des premiers à me tromper, je suis bien
placé pour essayer d'en expliquer la raison. N'allons pas chercher de
midi à quatorze heures: l'erreur dans laquelle sont tombés
à peu près tous les démographes qui ont
étudié cette question, entre 1955 et 1977, tient à une
chose fort simple dont on n'a pas à avoir honte: l'ignorance d'un fait
majeur. Plus précisément il s'agit de l'absence d'informations
statistiques sur les courants migratoires entre provinces suivant la langue des
individus."
Durant les débats de la commission parlementaire sur le projet de
loi 1 à
l'époque, une autre démographe, M. Richard Joy a
démontré que le rythme des départs d'anglophones n'avait
pas cessé d'augmenter depuis quelques années. À cause de
cela, certaines des dispositions de la loi 101 n'étaient pas
nécessaires. On ne fit aucun cas de son opinion.
Une étude de M. Réjean Lachapelle, selon laquelle la
proportion des Québécois dont la langue maternelle est le
français avait augmenté par rapport au nombre des autres
Québécois entre 1971 et 1976, fut publiée mais seulement
après l'adoption de la loi 101.
En janvier 1981, le gouvernement, pour sa part, a commandé une
étude qui devait effectivement constater une réduction de 21,6%
dans le secteur anglais et une autre de 9,2% dans le réseau
français. Les auteurs du rapport étaient d'avis que la perte
nette de personnes de langue anglaise due au mouvement migratoire
équivalait à la baisse de la fréquentation scolaire
imputable à la loi 101. Le rapport notait également la tendance
accrue du nombre d'élèves éligibles à
l'école anglaise à choisir l'école française. En
1982-83 on comptait 18 000 de ces élèves dans les écoles
de langue française. Toutes ces données devraient servir de base
à la révision des critères d'admission tels que
stipulés dans la loi 101. (11 h 45)
Les prédictions du gouvernement aux effets de la loi 101 sur la
fréquentation scolaire ont été en grande partie fausses.
Le 22 juin 1977, à la commission parlementaire, le Dr Camille Laurin
déclarait: "De toute façon, même avec le projet actuel, le
projet de loi no 1, nos prévisions sont que, pour l'ensemble du
Québec, la baisse des effectifs scolaires dans le secteur anglophone ne
pourrait dépasser, dans la pire des hypothèses, le pourcentage de
34% et non pas 58% ou 80%." À ce moment-là, le Dr Laurin parlait
des prévisions pour l'année 1986-1987. Les chiffres relatifs aux
effectifs scolaires de 1976-1977 à 1983 démontrent que le secteur
anglais a déjà perdu 38%. Une étude récente,
soumise au conseil scolaire de l'île de Montréal, prévoit
que le déclin devant affecter les écoles anglaises aurait
atteint... Oui?
M. Godin: J'ai un certain problème à suivre ce que
vous dites, parce que le mémoire que nous avons depuis quelques semaines
n'est pas celui que vous nous lisez. C'est une procédure assez
inhabituelle en ce qui nous concerne, mais, depuis quelques minutes, vous lisez
un document que nous n'avons pas. Je comprends que vous avez
bénéficié d'une sorte de statut particulier ici, mais il
ne faudrait quand même pas le pousser jusqu'au point de nous donner des
renseignements dont nous n'avons pas copie. Pouvons-nous tous avoir copie du
mémoire que vous êtes en train de lire dès maintenant?
M. Goldbloom: Pour l'instant, nous n'avons pas de copies des
documents que nous lisons maintenant.
M. Godin: C'est cela qui...
M. Goldbloom: Mais ils sont tous dans les documents qui sont
préparés et que nous allons vous soumettre à la fin de la
commission.
M. Godin: M. Goldbloom. M. Goldbloom: Oui.
M. Godin: Nous avons un mémoire ici, nous avons
travaillé là-dessus et on peut dire que 60% de ce que vous avez
dit jusqu'à maintenant est dans le mémoire, mais vous avez
donné un grand nombre de cas précis avec des noms, un grand
nombre de statistiques, précises également, que nous n'avons pas.
C'est une manière de procéder qui est contraire à toute la
pratique de toute commission parlementaire ici, parce que, chaque fois que vous
dites quelque chose qui n'est pas dans le mémoire, nous sommes tenus de
faire rapidement des recherches, des enquêtes, ce qui est contraire
à la pratique des commissions parlementaires du gouvernement du
Québec et d'ailleurs de tout gouvernement où que ce soit dans le
monde. J'aimerais que nous ayons vos documents avant ou, au pire,
simultanément.
Le Président (M. Gagnon): Effectivement, c'est une
question de règlement que vous soulevez. L'habitude, la tradition veut
que, au moment où on entend des invités qui nous livrent leur
mémoire, les membres de la commission aient copie du mémoire de
façon à pouvoir suivre et même c'est censé
être remis à l'avance.
M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: Je ne crois pas qu'il existe de règlement
écrit là-dessus cependant. Je ne voudrais pas que vous confondiez
deux choses. Il y a une permission qui est donnée à ces gens de
dépasser le temps habituellement donné aux organismes, c'est une
chose. Mais je ne voudrais pas qu'on commence à faire de
l'ingérence dans le contenu de ce qui est dit. Si jamais on veut
établir une règle suivant laquelle il faudrait connaître le
contenu des interventions avant que les gens viennent ici, j'aimerais qu'elle
soit discutée expressément, parce que ce n'est pas ma
compréhension des choses.
M. Godin: M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Argenteuil, je n'ai pas parlé de règlement, j'ai dit que la
pratique, la coutume ou en tout cas dans le nombre de commissions
parlementaires que j'ai présidées jusqu'à maintenant,
alors que nous avions des invités, les mémoires étaient
remis aux membres de la commission pour pouvoir suivre l'argumentation des
invités. Je n'ai pas parlé de règlement comme tel, j'ai
parlé de la pratique en commission parlementaire.
M. Ryan: Je ne voudrais pas que cela devienne un
règlement. C'est pour cela que j'émets une réserve
très formelle à ce que ce soit interprété
au-delà de ce qui a pu exister. Je pourrais d'ailleurs citer des cas
où nous nous sommes écartés de cette pratique.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Godin: M. le Président, les règles de pratique
de cette Assemblée, que vous connaissez aussi bien que moi, sont
très claires. Comme gouvernement, nous publions un avis dans la Gazette
officielle et dans les journaux, dans certains cas, demandant aux gens de
remettre les mémoires avant telle date. Comme nous avons eu 70
mémoires qui devaient être remis avant telle date, dans
l'intérêt de la bonne compréhension des travaux de la
commission, que chacun des membres les ait avant. Il n'est pas interdit qu'un
groupe qui vient témoigner ici, en réponse à des
questions, donne des documents qui ne sont pas écrits ou qui n'existent
pas, par exemple, dont les statistiques n'ont pas été
distribuées à la commission deux ou trois semaines avant que la
commission ne siège, mais, dans le contenu du mémoire
lui-même, au stade où nous en sommes présentement, depuis
que je suis député ici et comme journaliste, pour en avoir suivi
beaucoup, les documents qui étaient lus en première phase de la
présentation étaient accessibles et disponibles aux membres de la
commission normalement avant; mais je n'exige même pas que ce soit avant.
Je veux seulement que nous ayons au moins sous les yeux ces chiffres dans la
mesure où cela met en cause certains fonctionnements ou certains aspects
de certains organismes gouvernementaux. Nous sommes ici devant une sorte de
commission dans laquelle le principe du audi alteram partem ne pourrait pas
s'appliquer, parce qu'on y dépose des documents que nous ne serions
peut-être pas en mesure de pouvoir commenter sur-le-champ. C'est le
principe que je veux défendre ici.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, je comprends d'autant mieux
le sens de l'intervention du ministre que nous avons subi le même sort
aux mains du gouvernement dans la préparation des travaux de cette
commission, en tant qu'Opposition. Ce n'est qu'au début de la
commission, jeudi dernier, au moment où on a demandé le
dépôt et la distribution de certaines études qui avaient
été effectuées par les organismes chargés de
l'application de la loi, que le ministre, fort volontairement, nous les a
offertes. Et il les a déposées aussi tard qu'hier. Il me semble
qu'on pourrait tout simplement se limiter à demander à nos
invités de ce matin de nous faire parvenir la documentation qu'ils ont
l'intention de nous laisser et de le faire immédiatement, s'ils le
veulent. Il n'y a pas de problème. Cela pourrait nous aider, mais de
là à en faire tout un plat et en faire un précédent
inouï, M. le Président, je trouve que c'est
exagéré.
Le Président (M. Gagnon): Je n'ai pas compris cela dans le
sens de faire un précédent. C'est dans le but que les membres de
la commission puissent mieux suivre l'argumentation qui est donnée. M.
Maldoff.
M. Maldoff: Nous sommes tout à fait prêts à
livrer à la commission toute la documentation qui forme la base de
l'analyse que nous présentons aujourd'hui avec toutes les
recommandations. Comme vous pouvez le comprendre, c'est une loi majeure pour
notre communauté. Je ne fais pas de gestes à la blague ici. Cela
a été un travail énorme pour moi, pour nous, de venir ici
et de vous présenter d'une manière assez raisonnable tous les
problèmes et tout l'impact de la loi. Ce que nous avons fait, c'est de
déposer notre mémoire dans lequel nous avons souligné tous
les grands principes qui, d'après nous, doivent régir notre
société québécoise. À part cela, nous avons
préparé des documents techniques détaillés sur
lesquels toutes les recommandations sont fondées. Ensuite, nous avons
préparé une présentation orale qui est une synthèse
de toutes les autres choses que nous avons. Quant aux chiffres
mentionnés au début de cette intervention, ils étaient
disponibles. Ils viennent de M. Paillé, du ministère de
l'Éducation du Québec, mais quand même, si la commission
veut avoir ces documents, nous en avons des copies ici. On peut les livrer
immédiatement, si vous le voulez.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Godin: M. le Président, je ne demande pas d'avoir
dès maintenant les 1000 pages de documents que vous avez. Cela ne me
serait d'aucune utilité. Tout ce que je
demande, c'est ceci: Est-il possible qu'on puisse faire des photocopies
du texte que M. Goldbloom et vos autres collègues ont sous les yeux -
cela aurait pu être fait ce matin, nous sommes équipés pour
cela ici - de manière que nous puissions lire en même temps que
vous et tenter de comprendre en même temps que vous.
M. Maldoff: Oui.
M. Godin: Si la commission est importante pour vous, elle l'est
beaucoup pour nous aussi. Nous sommes ici, jusqu'à un certain point,
dans une situation très bizarre où le gouvernement n'a rien en
main, alors que les gens qui viennent ici ont des documents qu'ils lisent et
qu'on aurait pu photocopier très facilement. Vous savez très bien
ce que je veux dire. Je ne voudrais pas que nos excellentes relations
jusqu'à maintenant soient gâchées par quelque incident
mineur que ce soit.
Le Président (M. Gagnon): Si vous le permettez, je pense
qu'on va voir à vous faire procurer, si je comprends bien, les
mémoires qui ont été lus tantôt. Je n'aimerais pas
qu'on perde trop de temps, parce que je sens qu'on va manquer de temps en
dernier. J'aimerais revenir à la lecture du mémoire en vous
demandant de résumer le plus possible le reste.
M. Maldoff: Nous sommes prêts à livrer à la
commission des copies de notre note sur le texte. Il a été
terminé à 2 h 30 ce matin aujourd'hui. Nous nous excusons de
n'avoir pas toutes les copies, mais nous allons les faire et les produire
immédiatement. Je dois dire aux membres de la commission que c'est
vraiment un document bilingue et qu'il y a alternance entre le français
et l'anglais; il n'y a pas de répétition de texte dans les deux
langues.
M. Godin: Merci. M. le Président, si vous me permettez...
Merci, M. le président d'Alliance Québec.
M. Maldoff: Merci, M. Godin.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. Goldbloom, vous avez
la parole.
M. Goldbloom: Je reprends le dernier point, simplement à
savoir que ce que le Conseil scolaire avait prédit - le déclin
jusqu'à 59% en 1988 - a déjà dépassé de 25%
les projections du Dr Laurin à la commission parlementaire sur la loi
101. Si le gouvernement refuse d'agir, il sera alors évident que
l'intention réelle de la loi n'était pas d'assurer la
fréquentation scolaire des écoles françaises, mais
plutôt de diminuer l'importance de celle des écoles anglaises, ce
qui entraînerait l'étouffement de la communauté de langue
anglaise. Les prédictions qui se sont révélées
justes quant à l'évolution de la fréquentation scolaire
ont maintenant été projetées plus avant. Jacques Henripin,
dans le cadre de son témoignage devant le juge en chef Jules
Deschênes, lors de la cause en 1982 touchant l'article 23 de la Charte
canadienne des droits et libertés, a prédit qu'en vertu des
dispositions de la loi 101, la fréquentation scolaire du secteur anglais
tomberait à 7,1% en l'an 2001. Si la clause Canada était retenue,
la baisse atteindrait 8,7%.
Une autre démographe, Diane Vanasse, de l'École des hautes
études commerciales, analysant deux hypothèses sur l'avenir de la
fréquentation scolaire anglaise, démontre que, selon
l'hypothèse la moins favorable pour les Québécois de
langue anglaise - scénario qui s'est révélé juste
depuis 1976 - l'application des critères selon la langue maternelle et
la clause universelle feraient que moins de 10% de la population scolaire du
Québec fréquenterait l'école anglaise en l'an 2001.
Notre recommandation est donc que le système scolaire qui dessert
la communauté de langue anglaise au Québec soit mis à la
disposition de toute personne de langue anglaise venant de n'importe où
au monde.
M. Dobie: And then, we could go on to the application of the law
as far as education is concerned. We have tons and tons of examples which I
will not bore you with, but I am sure many of the bureaucrats that you have
hired over the past years have these files. Again, the problem is exactly the
same thing as I mentioned in business. We have a body, the Appeal's Commission
for admission to English schools that was supposed to have been formed to
regulate cases of a special nature. In effect, this Appeal's Commission has
acted extremely bureaucratic and has simply applied the letter of the law. I
will give you an example. Article 73 of the law dictates the four categories of
people that are permitted to get English education. One of those is "children
of parents who have received their primary education in English in
Québec". We have a large number of people who came into Québec
when they were, I would say, eight or nine years old. They were registered into
an English school, shall we say in grade 3 or 4. They completed 3rd, 4th and
5th grades and then all the way through high school in English. When a person
applies for a certificate of eligibility, that person is refused. That person
is refused because not all the education was done. That is refused by the
bureau. Then the appeal has to be lodged and we win virtually every case in
appeal. There has been some recommendations on three occasions by the Appeal's
Commission to recognize
jurisprudence and to recognize these cases. And yet the same bureaucracy
has to go through. We have a number of cases that can be quoted whereby the
whole humanitarian efforts are not taken into consideration. Cases whereby
younger brothers and sisters cannot accompany the older brother or sister who
has received a special exemption, that older brother or sister being a
handicapped person. The younger brothers and sisters cannot accompany him, and
that is a case whereby the law is being applied very strictly. (12 heures)
We have the case also of admissions of temporary permits and then, God
knows what the regulations are because it seems that is very discretionary. As
far as temporary permits are concerned, we had some rules and regulations that
were in action until just a few weeks ago and then Bell Helicopter comes in and
all of a sudden, it seems, new applications of the law. In essence, again, we
have an application of the law that is very strict, taking into consideration
that the natural restrictions are extremely restrictive on the part of
admission to English Schools. We have that added burden to content with.
Le Président (M. Gagnon): M.
Goldbloom.
M. Goldbloom: Nous avions l'intention de parler des enfants
soi-disant "illégaux" et nous n'allons pas le faire. Je dirai simplement
que nous sommes d'accord avec les positions prises hier par le Conseil
italien.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.
M. Maldoff: Est-ce que nous pourrions finir...
Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le président.
M. Maldoff: ...notre conclusion? Le Président (M.
Gagnon): Ah bon!
M. Maldoff: II est temps que nous cessions de combattre le
passé et que nous commencions à bâtir l'avenir. Il est
temps d'avoir une vision noble du Québec. Le maintien d'une
société unique exige un effort particulier de la part de chaque
citoyen. Il en va de même de la poursuite de l'excellence. Dans le monde
d'aujourd'hui, le succès ne peut être le fruit du laisser-aller.
Nous nous devons d'avoir des objectifs réalistes et de les aborder avec
la conviction de savoir où nous allons. Nous devons être a la
hauteur des défis de la concurrence et nous devons nous munir de tous
les outils dont nous pourrions avoir besoin pour atteindre les objectifs que
nous nous sommes fixés. Notre ressource principale est notre peuple dans
la mesure de son savoir, de ses compétences et de sa motivation. Le
Québec a besoin de gens d'expression anglaise capables de bien
fonctionner en français. Alliance Québec a été
créée dans le but de leur tailler une place au coeur même
de la société québécoise.
Le Québec a besoin de gens d'expression française capables
de bien fonctionner en anglais. Les forces de l'histoire ont fait de cette
langue un outil essentiel à travers le monde entier. L'anglais n'est pas
simplement une autre langue, c'est l'une des ressources naturelles, historiques
du Québec et elle mérite une connaissance formelle dans cette
province.
Le 26 août . 1982 dans un éditorial intitulé: "La
Loi no 101, un bilan", Jean-Pierre Proulx écrivait dans le Devoir: "La
Charte de la langue française ne recouvre pas toute la
réalité québécoise. Il faut éviter à
tout prix d'en faire un nouveau mythe, une réalité sacrée,
intouchable. Car en même temps que la société se francise
elle doit demeurer attrayante aussi bien pour ceux qui y vivent que pour ceux
qui l'observent de l'extérieur. La sagesse politique consiste
précisément à bien mesurer l'impact de la pression
appliquée pour contrer les forces qui empêchent ou retardent la
réalisation d'objectifs par ailleurs pertinents et légitimes. "Il
y a cinq ans, le Québec, de par sa politique linguistique, s'est
donné des moyens vigoureux. À l'usage, il faut bien constater que
certains d'entre eux ont contribué à rendre le Québec
moins attrayant. Le temps devrait être arrivé pour ce gouvernement
de faire les ajustements nécessaires. Au premier chef, un gouvernement
confiant dans l'avenir et dans la population devrait avoir
l'honnêteté de reconnaître clairement dans la loi
l'existence de la communauté anglophone. Pour l'heure, la charte, la
relègue au rang d'une minorité ethnique. Depuis lors le
vocabulaire a évolué et elle a été mise au rang de
la plus importante des communautés culturelles. On ne pouvait pas faire
longtemps injure à l'histoire."
Le Président (M. Gagnon): Cela va.
M. Maldoff: Non, pas encore.
J'aimerais seulement mentionner nos conclusions principales. Telle
qu'elle est, la loi est trop étriquée dans sa vision de
l'actuelle réalité et du futur potentiel du Québec pour
être acceptée par tous les Québécois.
Les six années de son application ont eu un impact
irréversible sur la direction de la société
québécoise. Deux possibilités s'offrent à nous: une
glissade continue vers
une société unilingue ou la conclusion d'un nouveau
contrat social entre les Québécois d'expression française
et ceux d'expression anglaise. C'est pour la seconde de ces options qu'Alliance
Québec oeuvre depuis le début de son existence. C'est dans le
sens de cette option que nous avons répondu à l'appel au dialogue
du premier ministre. Nous nous ne recherchons pas à revenir en
arrière. Nous sommes prêts à aller en avant comme
participants de la réalité québécoise
d'aujourd'hui. Nous sommons le gouvernement de rejeter l'étroitesse
d'esprit avec laquelle la loi 101 est actuellement interprétée et
appliquée. Nous sommons le gouvernement de se rendre compte qu'un
nouveau contrat social, basé sur la protection, la vitalité et
l'épanouissement du français et sur la participation dans la
société québécoise d'une communauté
d'expression anglaise respectée, vigoureuse et vibrante est dans
l'intérêt de tous les Québécois. Nous
répétons qu'il est temps de cesser de combattre le passé
et de commencer à bâtir l'avenir ensemble.
Nos recommandations principales sont les suivantes: 1. The mandates and
procedures of agencies charged with the administration of the Charter should
require respect for the principles of natural justice and the right to use
English and other languages. 2. Les institutions d'expression anglaise
devraient être reconnues et les Québécois d'expression
anglaise devraient avoir le droit de créer, de contrôler et de
gérer leurs institutions selon les besoins en matière
d'éducation, de culture, de santé et de services sociaux. 3. Le
réseau des institutions d'expression anglaise devrait être
reconnu. 4. Les institutions d'expression anglaise devraient avoir le droit de
communiquer entre elles sur le plan interne en anglais. 5. La
responsabilité légitime de fournir des services en
français dans l'administration publique devrait reposer dans les mains
de l'institution elle-même et non être une responsabilité
personnelle de chacun des employés des institutions. 6. Les personnes
d'expression anglaise devraient avoir le droit de recevoir les services et les
communications en anglais de la part de l'administration publique. 7. Les
professionnels éduqués au Québec devraient être
exemptés des tests linguistiques. 8. Les droits acquis des travailleurs
devraient être respectés et l'apprentissage de la langue
française encouragé par l'accès au travail. 9. Les
affiches, les avis et la publicité commerciale devraient être
permis autant en français qu'en anglais.
The preamble to Bill 101 sets forth the basic purpose of the law:
whereas the National Assembly recognized that
Quebeckers wish to see the quality and influence of the French language
assured, and is resolved therefore to make of French the language of Government
and the law, as well as the normal and everyday language of work, instruction
and communications.
The preamble also goes on to recognize other facets of Quebec's social
reality, in particular, the unique role of Amerinds and Inuits of Québec
as well as the pluralistic nature of our society. And it must do so for if the
law is to serve adequately our society, it must be anchored in reality. It
must, within the parameter of its general objectives reflect the totality of
contemporary Québec if it is to be a useful and constructive instrument.
A law which attempts to ignore an important element of our social reality can
at best be an exercise in self delusion and at worst, a socially harmful and
even destructive endeavour.
Bill 101 is not however an accurate reflection of contemporary
Québec society. It presents the image of an essentially unilingual
society, an image which is at odds with the truth. For while it speaks of the
French language of the Amerinds, the Inuits and the ethnic minorities it makes
no mention in the preamble or in article 1 of the English language and the
English-speaking community. Can English-speaking Quebeckers be ignored in a
document which supports to deal with the essence of Québec.
Québec is a pluralistic society composed of two linguistic
communities. Our community, the English-speaking community is not an ethnic
entity. It is a diverse and pluralistic community, comprising people from a
wide variety of origins. It is a linguistic community. The co-existence of
these two linguistic communities, the French and the English, forms the essence
of Québec, as it is the essence of Canada. It is an historical truth
that Québec was founded on the recognition and legitimacy of both the
French and English languages and communities. This is the basis of our society,
and it has been the dominent theme of our communal life. It has a basis in our
history and in our constitution. More importantly, it is based on the reality
of contemporary Québec society.
The English-speaking community of Québec contributes to this
province through its institutional network of schools, universities, health
services, social services, through its artistic and cultural institutions. It
plays a major role in all facets of Québec life, from culture to
business.
Yet, Bill 101 ignores this linguistic duality which is the essence of
Québec society. With brutal simplicity, it ignores one of the two
linguistic communities of this province. If Bill 101 is to present an accurate
reflection of contemporary Québec, if it is to deal honestly and
adequately with
the essence of Québec, it must explicitly acknowbedge the
legitimacy of the English language. The sum total of our recommendations to
this commission represent no more and no less than a call for the formal
recognition of the legitimacy of our language and our community. That is our
tenth recommendation.
Let there be no mistake. This is not a call for a return to the past,
nor is it an attempt to reserve the burden of bilingualism. It is a call for
realism, an insistence that the distorted image of a unilingual Québec
be corrected. We fully recognize that it is infinitely more difficult to mould
a law such as Bill 101 to a complex reality than to simply ignore a portion of
that reality. Yet to do anything less is not only to insult history, but to
legate reality and deny Quebeckers the richness of our cultural diversity and
linguistic duality. Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci beaucoup.
M. le ministre, avant de vous laisser la parole, je dois dire qu'il
faudrait absolument respecter les gens qui doivent venir par la suite et qui
auront aussi le droit de se faire entendre. J'aimerais bien que l'on puisse
s'entendre pour terminer à 13 heures.
M. Godin: À moins qu'il n'y ait une entente entre les
membres de cette commission, des deux côtés.
Le Président (M. Gagnon): Je veux seulement vous dire
qu'il y a des gens qui m'ont rencontré, qui sont ici, qui devront venir
devant la commission et qui ne pourront pas remettre leurs travaux devant la
commission à demain.
M. Godin: M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le ministre.
M. Godin: Un autre point, les dix recommandations que vous venez
de nous lire, M. Maldoff, font-elles partie de la masse de documents que nous
venons d'avoir? Sont-elles dans la documentation que nous avons eue ici?
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, il y a une question
de règlement, M. le ministre.
M. le député de Vachon.
M. Payne: Cela pourrait être plus responsable si vous
pouviez stipuler maintenant le temps qu'on est prêt à allouer a
Alliance Québec. Si on dit que cela sera, par entente, cet
après-midi, il vaut mieux planifier maintenant si ce sera une heure
trente minutes, ou quarante-cinq minutes, ou un heure chacun.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'on s'entendrait
pour...
M. Payne: Le raisonnement est très simple. On a
passé deux heures d'audition très importantes et je...
Le Président (M. Gagnon): Alors, si vous êtes
prêts à faire une entente, on ne sera pas obligés de
terminer à 13 heures exactement. S'entend-on sur une heure de
période de questions, ce qui voudrait dire 13 h 15?
M. Payne: Trente minutes chacun, non?
M. Godin: Je proposerais 13 h 30, si M. le député
de Gatineau est d'accord.
Le Président (M. Gagnon): 13 h 30?
M. Gratton: M. le Président, quant à nous, si on
s'entendait pour dire: On va aller jusqu'à 13 h 30, on s'ajustera en
conséquence.
Le Président (M. Gagnon): D'abord, je vais faire respecter
le temps des deux formations pour que l'on termine à 13 h 30, mais il
faudra revenir à 15 heures pour ceux qui veulent témoigner.
M. le ministre, je m'excuse de vous avoir coupé la parole.
M. Godin: Je compte sur vous, M. Maldoff, pour me faire parvenir
les dix recommandations que vous venez de lire parce que je ne les ai pas
trouvées dans...
M. Maldoff: Je m'excuse, c'est dans l'autre cahier.
M. Godin: Ah! elles sont dans le nouveau document? D'accord!
M. Maldoff: Vous les avez. C'était déjà
livré.
M. Godin: Avec une épine en plastique noir.
M. Maldoff: C'est cela. (12 h 15)
M. Godin: Merci beaucoup. Alors, M. Matheson, Mme Usher, M.
Dobie, M. Goldbloom, M. Maldoff, M. Chambers, M. Ross, M. Sparkes et Mme
Kelley, bienvenue à l'Assemblée nationale du Québec. Nous
sommes ici pour vous écouter. Vous avez joué un rôle
central dans la décision du gouvernement de tenir cette commission.
D'entrée de jeu, je m'étonne que vous disiez, à la page 4
de votre mémoire, je pense, que
"nous sommes insensibles à ce qui se passe." Attendez au moins de
voir les résultats de cette commission avant de décider de nous
"hang before hearing us".
Je pense que vous verrez d'ici quelques semaines quelles sont les
intentions du gouvernement et c'est à ce moment-là, et à
ce moment-là seulement, que nous aurons droit à des critiques
à partir de ce que nous aurons fait ou non.
Par ailleurs, je dois rendre hommage à Alliance Québec
depuis le début de son existence, depuis sa création, pour le
sérieux de son travail et également pour les services très
importants qu'Alliance Québec rend au gouvernement en récoltant
un grand nombre de cas qui découlent de l'application de la loi 101 et
en les faisant connaître à la presse et au gouvernement de
manière que nous puissions améliorer les procédures et
règlements qui découlent de l'existence même de la loi
101.
Je m'étonne que vous ne l'ayez pas mentionné dans votre
mémoire; depuis qu'Alliance Québec existe, depuis que nous sommes
en contact, un certain nombre de changements ont été
apportés dans un certain nombre de secteurs. Pour avoir un portait
d'ensemble de l'action du gouvernement, il m'appartiendra de faire état
de ces changements qui sont venus à la suite de requêtes,
revendications, lettres ou messages de l'alliance ou d'autres groupes
anglophones reliés à l'alliance, entre autres les
Townshippers.
Dans le domaine des tests linguistiques, à la suite de certains
cas portés à la connaissance du gouvernement et à la suite
des revendications d'Alliance Québec, le gouvernement les a
modifiés. Le taux de succès obtenu par les gens soumis à
ces tests a bien montré que vos critiques étaient fondées,
mais également que le gouvernement en a tenu compte. D'ailleurs, la
réflexion sur les tests linguistiques se poursuit dans le sens que vous
nous indiquez dans votre mémoire.
Il y a quelques années, on peut dire que la communauté
anglaise du Québec était - comme on dit en latin - terra
incognita de l'ensemble des Québécois et des Canadiens.
Aujourd'hui, grâce aux recherches qui ont été faites,
grâce aux travaux d'Alliance Québec, nous nous connaissons un peu
mieux les uns les autres. Malgré des frictions dans certains cas, il y a
eu des dialogues fructueux entre Alliance Québec et des membres de ce
gouvernement, y compris le premier ministre lui-même.
Donc, l'existence d'Alliance Québec, pour le gouvernement du
Québec, est un événement important pour nous et pour
l'histoire du Québec. Nous le saluons. Par ailleurs, en toute justice
pour les organismes qui appliquent la loi 101 et ses règlements ainsi
qu'en vertu du principe audi alteram partem que vous connaissez, Me Maldoff, je
dois donner certaines explications sur des déclarations faites par l'une
ou l'autre des personnes qui vous accompagnent.
M. Dobie a cité le cas d'un examen sur la connaissance du
français par une personne qui servait des beignes. Il est sûr que,
présenté de cette façon, la commission de surveillance a
l'air d'un organisme totalement ridicule qui vérifie la qualité
des beignes dans une école. Je pense que cela illustre jusqu'à un
certain point certaines caricatures qui circulent au sujet de la commission de
surveillance.
Voici le fait. Dans une école française du Protestant
School Board of Greater Montreal, nous avons reçu à la commission
de surveillance des plaintes de la part de parents. Certaines plaintes sont
portées à la connaissance d'Alliance Québec par des
membres de la communauté anglophone. Nous n'avons aucune critique
à formuler contre ce fait qu'Alliance Québec reçoive des
plaintes des gens qui sont concernés. Je pense qu'en retour vous devez
reconnaître qu'il est normal que, si des parents francophones au
Québec ont des plaintes à formuler, ils ont également le
droit de les formuler mais il existe un lieu pour le faire et c'est la
commission de surveillance.
D'ailleurs, je poursuis l'histoire de ce cas. Les enfants francophones
unilingues étaient servis par une personne dans la
cafétéria qui ne parlait pas français. C'est le cas qu'on
m'a donné. Le cas de M. Dobie en est un beau. C'est la raison pour
laquelle j'aurais aimé avoir votre texte avant que la séance
commence aujourd'hui, de manière que nous puissions donner le droit
à l'autre partie de se faire entendre, ce qui est un principe
élémentaire de justice aussi bien pour les employés de
l'Office de la langue française ou de la commission que pour les
personnes qui ont porté plainte.
Je poursuis l'exemple d'une enquête faite par la commission de
surveillance. Cette personne a été portée à la
connaissance de la commission. L'inspecteur s'est présenté et il
l'a interrogée pour vérifier sa connaissance du français.
Les questions qu'il a posées portaient sur l'alimentation qui
était servie ce jour-là. Exemple: Comment appelez-vous ceci?
Réponse: Doughnuts. Il est sûr que cette personne a
été interrogée sur les beignes. L'interrogatoire ou les
questions visaient à vérifier sa connaissance du français
puisqu'elle avait à travailler avec des enfants francophones dans une
école française du Protestant School Board of Greater Montreal.
Je pense que, présenté dans sa vraie perspective, le cas devient
beaucoup moins caricatural qu'il ne le semblait au début.
Maintenant, vous n'avez pas mentionné dans votre mémoire
parlé - dans le mémoire écrit, oui - les modifications
faites dans le
domaine de la toponymie à la suite des demandes formulées
par Alliance Québec et par les Townshippers. Nous avons modifié
le règlement qui régissait le fonctionnement de la Commission de
toponymie du Québec. Ce règlement qui sera publié en
prépublication tiendra compte des revendications des Townshippers aussi
bien que d'Alliance Québec. Cette réglementation vise à
confirmer et à officialiser les mots, les noms de lieu utilisés
par la communauté anglophone dans les régions du Québec
où elle se trouve. Il y avait, dans le répertoire de 1969, 6000
toponymes anglais; en 1981, nous en sommes rendus à 10 000 toponymes
anglais officiels. Donc, le gouvernement a décidé de tenir compte
de vos suggestions et de vos revendications et d'appliquer la règle
élémentaire de la toponymie - règle internationale,
d'ailleurs - de la reconnaissance de l'usage dans la détermination d'un
nom officiel dans l'ensemble d'un territoire. Nous allons poursuivre dans cette
direction.
Ce que nous nous proposons de faire dans le cas où une population
voudrait changer le nom, nous songeons à une formule
référendaire d'initiative populaire. Si 10% des gens dans un
quartier ou dans une ville demandent qu'il y ait une consultation sur un nom,
que la municipalité fasse cette consultation. Le changement fondamental
est double: premièrement, reconnaître l'usage;
deuxièmement, laisser aux citoyens le soin de décider quel
devrait être le toponyme si jamais le toponyme devait être
changé.
D'autre part, à la page 12 de votre mémoire, vous faites
état du réseau des hôpitaux et des services sociaux, des
services de santé anglophones. Vous affirmez une chose qui est
contredite par le mémoire qui nous vient des hôpitaux anglophones
eux-mêmes et des services sociaux eux-mêmes. Est-ce à la
page 14? À la page 12 - pardon, M. le Président - on dit: "Les
personnes qui se présentent dans un établissement de langue
anglaise, que ce soit pour des soins, pour un emploi ou pour des
renseignements, devraient normalement s'attendre à ce que l'anglais y
soit parlé et écrit." Cela contredit le mémoire qui nous
est venu des institutions anglophones de santé qui, elles, disent
qu'elles s'engagent à ce que si un patient francophone se
présente dans un hôpital, un institut de santé ou un
service social anglophone, il peut s'attendre qu'il y ait une personne qui
puisse lui répondre en français.
M. Maldoff, vous n'êtes pas sans savoir qu'une proportion
importante de la clientèle des hôpitaux anglophones au
Québec est francophone, parce que cette clientèle, soit par
habitude, soit par tradition, soit à cause de sa situation
géographique, préfère aller dans des hôpitaux
anglophones. Cela constitue également une reconnaissance de leur
qualité par l'ensemble de la communauté du Québec, pas
seulement anglophone.
Je pense que c'est une vision un peu étriquée des choses,
pour reprendre votre propre expression. Je pense que la vision noble aurait
consisté à dire que si un patient...
Mme Lavoie-Roux: ...
M. Godin: Mme la députée de L'Acadie, vous aurez
l'occasion de parler tout à l'heure, je pense. Si vous voulez prendre la
parole, il y a un président ici qui peut vous la donner très
généreusement, vous savez!
Mme Lavoie-Roux: Je m'excuse, je voulais simplement vous dire de
lire au complet, M. le ministre.
Le Président (M. Gagnon): S'il vous plaît!
Effectivement, vous êtes déjà inscrite...
Mme Lavoie-Roux: D'accord, d'accord, je laisse la parole au
ministre.
Le Président (M. Gagnon): Vous aurez la chance de
reprendre les choses qui ne vous semblent pas correctes.
Mme Lavoie-Roux: Parfait.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, vous avez la
parole.
M. Godin: Merci, M. le Président. Je pense donc que la
position qui, des deux positions, me semble noble, c'est celle qui nous vient
de l'association des hôpitaux anglophones qui doit présenter son
mémoire d'ici quelques jours d'ailleurs.
Le point suivant, c'est la question de l'anonymat des plaintes. Il y a
une tradition judiciaire, juridique et légale dans notre système
selon laquelle toute loi à portée sociale - donc qui concerne
l'ensemble de la communauté - est ainsi faite qu'il appartient au
ministère public, au Procureur général de porter les
plaintes et non pas à la personne elle-même. La personne
elle-même délègue en quelque sorte son pouvoir au Procureur
général. Il y a peu de cas, à ma connaissance, où,
dans une situation semblable, une personne est tenue de donner son nom. Si une
personne en voiture voit circuler un chauffard qui roule à 100 milles
à l'heure, son devoir est de dénoncer le chauffard et il
appartient à la Sûreté du Québec de l'arrêter
et non pas à la personne de dire: C'est moi qui ai porté plainte.
Dans un grand nombre de lois et de statuts, aussi bien provinciaux que
fédéraux, ce principe est appliqué et reconnu. D'ailleurs,
la commission de surveillance n'a aucun pouvoir de sanction, M. Maldoff. La
commission de surveillance a entendu 15 300 plaintes depuis
qu'elle existe. Sur les 15 300 plaintes, il y a eu 33 audiences
formelles, c'est-à-dire des séances au cours desquelles les
personnes ou les organismes contre lesquels les plaintes étaient
portées ont pu se faire entendre et être accompagnés d'un
procureur s'ils le souhaitaient. Dans chaque cas, la commission demandait:
À l'origine de la plainte, est-ce que vous voulez que votre nom soit
divulgué? Et la personne pouvait refuser ou accepter.
D'ailleurs, dans le cas d'une autre loi, à la Commission des
droits de la personne du Québec, une plainte portée par une
personne peut être portée de façon anonyme; il appartient
à la personne d'accepter que son nom soit divulgué ou non. Par
conséquent, il y a un grand nombre de cas où l'anonymat du
plaignant est respecté.
Un autre exemple que je peux vous donner, c'est celui de la Loi sur la
protection de la jeunesse. Une personne qui observe que des parents battent un
enfant peut porter ce fait à la connaissance du ministère de la
Justice et elle n'a pas à se présenter à la cour pour
dire: C'est moi qui ai dénoncé le père ou la mère
qui battait son enfant.
Donc, il y a un certain nombre de lois et de statuts, canadiens et
québécois d'ailleurs, qui sont très clairs
là-dessus. (12 h 30)
Enfin, la commission, n'ayant pas le statut de tribunal, achemine les
plaintes au ministère de la Justice et, sur les 15 300 plaintes, 43
dossiers ont été transférés au ministère de
la Justice. Un nombre infime, un nombre extrêmement faible a donné
suite à des plaintes formelles du ministère de la Justice contre
une entreprise ou une personne au Québec.
Ceci étant dit, passons plutôt, non pas à des
corrections de détail, mais à ce qui est l'essentiel de la raison
pour laquelle nous sommes ici. Il y a au Québec 113 organismes de
santé qui sont classés ou reconnus comme anglophones par le
gouvernement du Québec. Il y a 98 municipalités qui ont le statut
de municipalités anglaises au Québec. Il y a 32 commissions
scolaires qui ont un statut de commissions scolaires protestantes; anglaises
à 90%, M. Dobie, à peu près? Il y a, en plus de ces 32
commissions scolaires, 35 écoles reconnues comme des écoles
anglaises au Québec. Un grand total de 278 institutions sont reconnues
comme anglaises au Québec et bénéficient d'un statut
particulier pour ce qui touche l'usage de l'anglais à l'intérieur
de leurs murs et pour ce qui touche également la reconnaissance d'un
statut officiel et institutionnel de la communauté anglaise au
Québec.
Vous souhaiteriez qu'il y ait une reconnaissance symbolique plus forte.
Mais entre une reconnaissance symbolique comme celle qui se décide
aujourd'hui même à Winnipeg et une reconnaissance de fait comme
celle-ci, l'idéal serait d'avoir les deux mais l'essentiel est d'avoir
d'abord celle-là. Il n'est pas question pour nous, M. Maldoff, de
modifier d'aucune façon cette réalité. Comme vous le dites
dans votre mémoire, si la nécessité exigeait des
institutions anglophones nouvelles, ce n'est pas exclu. Le cégep Dawson
sera regroupé et réinstallé dans des locaux historiques
à Montréal, ce qui illustre bien que, loin de vouloir confiner la
communauté anglaise du Québec dans des locaux peu adéquats
- dans lesquels d'ailleurs j'ai eu l'occasion d'aller rencontrer les
étudiants à quelques reprises; j'ai constaté
moi-même à quel point c'était inadéquat - il n'a
jamais été question pour nous de punir ou de pénaliser de
quelque façon que ce soit la communauté anglaise du
Québec. Au contraire. Nous reconnaissons totalement son droit à
ses institutions et je l'ai dit à plusieurs reprises.
Il va s'agir pour nous, à la suite de cette commission, quand
nous aurons récolté les opinions de l'ensemble des gens qui vont
venir ici, de "put our decision where our mouth has been for the past months",
c'est-à-dire d'incarner de façon concrète, dans des
amendements à la loi 101, notre volonté ou du moins la partie de
notre volonté - car il y a d'autres aspects de la loi 101 que vous
n'avez pas abordés ici et qui touchent d'autres parties de la
communauté québécoise qui touche la communauté que
vous représentez ici.
Par ailleurs, je me réjouis, M. Maldoff, que, lors de votre
présence au Manitoba, vous ayez, en tant que porte-parole de la
minorité anglaise du Québec et, par extension, porte-parole des
minorités françaises dans d'autres provinces canadiennes, dit:
"References are made from time to time to the treatment of our community in
Québec and references are made to the status of our community in
Québec and we feel that some of those representations are grossly
inaccurate and we are here to clarify any misunderstanding in that regard. For
example, statements by those who sit at the separatist government of
Québec as what thought the English-speaking population. So, let us move
to the two unilingual zone models of Canada. We are here to say "no", that is
not true; and we are still strong and vibrant a little bit under attack, but we
are still there and a million strong and we are committed to staying
there."
Et je me réjouis de cette déclaration, M. Maldoff. Elle a
été rapportée dans quelques journaux au Québec et
je pense que cela jetait une lumière un peu différente de celle
qu'on voit souvent par rapport à la vigueur de la communauté
anglaise du Québec. Personnellement, je suis beaucoup plus optimiste que
certains par rapport à la communauté anglaise du Québec.
Un certain
nombre de modifications seront apportées à la loi 101.
L'engagement est formellement pris devant vous aujourd'hui. Et ces
modifications ne vous donneront peut-être pas totalement satisfaction,
but who is ever totally satisfied? Mais elles incarneront - je le
répète - la volonté du gouvernement du Québec de
faire en sorte que, s'il y a un modèle - je le répète, le
jour du référendum à Winnipeg - s'il y a une
communauté, une province, une société au Canada qui
respecte ses minorités, nous voulons être cités en exemple.
Nous voulons surtout être un modèle qui sera suivi par d'autres
provinces et je pense à notre immense voisin, le Nouveau-Brunswick, qui
travaille dans le même sens que nous. Et nous souhaitons que, partout
où il y a une communauté française, cette
communauté bénéficie de la même liste
d'écoles, de services de santé, d'hôpitaux, de
municipalités reconnaissant leurs caractères distinctifs que les
anglophones en ont ici. Tant que nous n'aurons pas atteint pour les
minorités françaises hors Québec à ce statut
d'égalité, je ne serai pas satisfait personnellement. Merci, M.
le Président.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le
député de Gatineau.
Est-ce que vous aviez des réponses à donner?
M. Maldoff: Bien sûr, M. le Président. Le
Président (M. Gagnon): Oui.
M. Maldoff: M. le ministre a touché beaucoup de points que
nous avons soulevés dans notre texte. Je pense qu'au lieu de
répéter tout notre mémoire pour le remettre dans son
propre contexte, je vais en expliquer quelques points.
Nous n'avons jamais demandé au gouvernement du Québec
d'améliorer les tests linguistiques pour les professionnels
éduqués ici au Québec. Nous avons demandé,
dès le début, l'abolition de ces tests linguistiques pour les
professionnels, pour les Québécois. Pourquoi? Parce que nous
sommes des Québécois. Et imposer des restrictions pour notre
communauté à l'accès au monde du travail, pour les
Québécois éduqués ici au Québec, ce n'est
pas acceptable. Ayant moi-même été obligé de me
soumettre à ces tests linguistiques, je dois vous dire que c'est une
expérience humiliante que celle d'avoir vécu ici toute ma vie et
d'avoir l'obligation de me présenter devant un groupe de fonctionnaires
pour avoir la permission de travailler ici, dans ma province. C'est
inacceptable. Vous pouvez modifier les tests d'ici à la fin du monde et
ce ne sera jamais acceptable pour notre communauté. Nous ne sommes pas
des citoyens de deuxième classe.
Le deuxième point...
M. Godin: M. le Président, une sous-question, si vous me
le permettez, M. Maldoff.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Godin: Est-ce que vous pensez que ces examens de
français - donnons-leur leur vrai nom - par ailleurs, devraient
être appliqués aux nouveaux professionnels qui nous viennent
d'ailleurs dans le monde?
M. Maldoff: La question de la connaissance de la langue est un
critère normal dans plusieurs sociétés pour les
professionnels. Mais, si vous voulez dire que les anglophones du Québec
sont des gens qui viennent d'ailleurs, on se trompe.
M. Godin: M. le Président, je m'excuse, mais enfin...
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Godin: ...je n'ai pas dit cela. Ma question était
très claire, M. Maldoff. Essayons de rester calmes tous les deux. Ma
question était très claire. Il n'a jamais été
question pour moi, dans ma question, d'avoir votre opinion... Vous l'avez
déjà donnée: vous êtes contre les tests pour les
Québécois qui ont fait leurs études au Québec.
M. Maldoff: Oui.
M. Godin: Alors, nous sommes presque d'accord là-dessus.
Je vous pose la question: Pensez-vous que des examens de français pour
les professionnels qui viennent d'autres régions du monde devraient
être requis?
M. Maldoff: J'ai des inquiétudes quant à la
question d'un test normalisé. Nous avons un rapport du Conseil de la
langue française qui constate qu'il y a de grands doutes sur la question
d'un test normalisé, à savoir si telle sorte de test est le
meilleur moyen d'évaluer la compétence dans une langue. Ce que je
dis, c'est qu'il est bien raisonnable de s'assurer qu'un professionnel qui
vient ici peut servir le public. Quant aux moyens d'assurer la
compétence, je pense qu'on peut ensemble établir des
critères sensibles et humains qui vont assurer les droits des
francophones d'être servis en français et assurer que
Québec demeurera une société attrayante.
Il faut ajouter un point. Il est bien connu que le meilleur endroit pour
apprendre une langue, c'est dans le lieu de travail. Je pense qu'il faut avoir
des moyens d'accorder aux personnes qui viennent au Québec le temps
d'entrer dans les milieux dans lesquels elles peuvent apprendre le
français.
Un deuxième point sur la question du service des beignes, ce
n'était pas le PSBGM. C'était un magasin privé. La
question posée au service, c'était d'expliquer en détail
le contenu d'un beigne. J'avoue et je dois dire que la plupart des francophones
du Québec, même ceux qui travaillent dans ces maisons et qui
vendent les beignes, ne peuvent pas décrire le contenu d'un beigne.
Sur la question de la toponymie, nous sommes très heureux des
changements proposés par le gouvernement et nous l'avons
déclaré il y a quelque temps. Mais il faut dire que, parmi toutes
les revendications de notre communauté et les questions qui touchent
vraiment à la question de notre légitimité ici au
Québec, il y a deux changements qui seront accordés:
premièrement, on va changer les tests linguistiques et,
deuxièmement, on va nous laisser le droit d'avoir les noms de nos lieux.
On parle ici de l'accès aux services de santé et aux services
sociaux, de l'accès aux services gouvernementaux, de la question de la
survivance de nos institutions scolaires. Ceci est important pour la survivance
de notre communauté, c'est essentiel. Sur ces points majeurs, nous
attendons encore. Selon ce que vous avez promis aujourd'hui, M. le ministre,
j'espère qu'il y aura des amendements efficaces et adéquats. Je
dois dire clairement, au nom de notre communauté et surtout pour
Alliance Québec, qu'il faut avoir des solutions réelles et que
des changements cosmétiques qui vont donner l'apparence d'un mouvement
par le gouvernement sans régler le problème à fond ne
seront jamais acceptables.
Nous avons essayé de présenter aujourd'hui des
revendications basées sur la compréhension d'une
société, sur la vision d'une société qui
reconnaît l'importance de promouvoir et de protéger la langue
française et de respecter les droits des francophones du Québec.
Dans un tel régime, il est fort possible de protéger les droits
des anglophones du Québec et d'assurer que nous nous sentons chez nous,
ici au Québec. Le premier sondage que nous avons fait sur les questions
précises de notre politique et de nos revendications démontre
clairement que, lorsque les questions sont posées clairement... Je
comprends qu'un sondage est seulement un sondage, mais quand même, les
résultats ont été massivement en faveur de nos
revendications, même parmi les gens qui appuient le Parti
québécois, même parmi vos électeurs. La maison qui a
fait ce sondage, SORECOM, est une maison qui a été
employée à plusieurs reprises par le gouvernement pour ses
propres études.
Quant aux services de santé et aux services sociaux, ce que nous
revendiquons ici aujourd'hui, c'est le fait que l'obligation de rendre service
en français devrait être une obligation institutionnelle. Nous
tenons pour acquis que l'obligation de rendre service - il n'y a pas de doute -
devrait être disponible sans hésitation, sans doute et sans
embarras aux citoyens québécois. (12 h 45)
D'autre part, nous ne pensons pas qu'il soit nécessaire d'imposer
cette obligation à chaque employé dans une institution pour
assurer le service. C'est le sens du jugement de la commission de surveillance
dans le cas de St. Mary's quant à la décision rendue. Elle a
trouvé que, dans 100% des cas, la dame impliquée pouvait
être servie en français. Mais 37% des employés qui
étaient présents quand la dame était dans l'hôpital
n'avaient pas une connaissance du français suffisante, selon les
exigences de la commission de surveillance. Quel est le critère qu'on va
employer?
Le Président (M. Gagnon): M. Maldoff, je vous demande de
m'aider un peu parce qu'au rythme où cela va, il n'y aura plus de
membres de cette formation politique qui pourront vous poser des questions, le
temps sera écoulé. J'aimerais qu'on puisse aller le plus
rapidement possible pour permettre aux membres de la commission de vous poser
des questions.
M. Maldoff: Je vais faire de mon mieux.
Le Président (M. Gagnon): Parce que le temps est
déjà écoulé.
M. Maldoff: D'accord. La question de la procédure devant
la commission de surveillance. Très rapidement, les accusés n'ont
même pas le droit de voir les chefs d'accusation contre eux. Ils ne sont
pas avisés qu'ils peuvent avoir un avocat pour les représenter.
Pour nous, il est bien clair que ces droits devraient exister.
Le septième point, c'est la question des institutions
anglophones. La reconnaissance sous l'empire de l'article 113f est une
reconnaissance des institutions qui rendent service à une population
à majorité non francophone. Ce n'est pas une reconnaissance des
institutions anglophones du Québec, c'est une reconnaissance
administrative. Ce n'est pas un droit de reconnaissance. Nous
réitérons ici qu'il faut avoir, si la loi reflète la
réalité, une sorte de reconnaissance formelle, des garanties
formelles pour notre communauté d'avoir, de garder et de créer
ses propres institutions.
Vous avez touché un point très important pour moi
aujourd'hui, M. le ministre. C'est la question du Manitoba que vous avez
soulevée. Je dis seulement deux choses: premièrement, vous avez
dit que le gouvernement devrait être un leader pour les autres provinces
quant au traitement des minorités linguistiques. Je vais mentionner
les déclarations faites à plusieurs reprises par M. Laurin
et par vous-même, récemment, selon lesquelles Québec
devrait être aussi français que l'Ontario est anglais. Alors, la
question est: Qui est le leader au Canada maintenant? Va-t-on suivre l'Ontario
et le Manitoba ou va-t-on mener toutes les provinces et leur démontrer
comment cela peut fonctionner au Canada?
Je me souviens qu'il y a un an à peu près, nous vous avons
rencontré à votre bureau, où j'ai présenté
un "rêve"; vous avez décrit cela comme un rêve. J'ai dit que
ce serait très beau de voir le jour où vous et moi irions
ensemble au Manitoba pour lutter pour les droits des francophones hors
Québec. Je demeure toujours prêt à y aller. J'espère
que le moment va arriver où le gouvernement du Québec va faire
pareil, pas seulement en dépensant de l'argent, mais dans les gestes,
dans les actions et dans un vrai désir de promouvoir les
intérêts des francophones du Canada et l'avenir de notre pays.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.
M. Godin: J'ai seulement un détail. D'abord, je suis
allé plus souvent que vous au Manitoba, M. Maldoff. Cela fait 20 ans que
j'y vais, c'est pour cela que je pleure aujourd'hui après avoir vu la
diminution...
M. Maldoff: Ensemble.
M. Godin: ...dramatique. Dans l'article 113f, nous ne parlons pas
d'institutions anglaises parce qu'il y a au Québec, comme vous le savez,
des hôpitaux chinois, également des institutions de santé
chinoises et juives et des institutions scolaires grecques. Donc, 113f couvre
l'ensemble de cette réalité, mais, dans 113f, par le fait
même, les institutions anglophones ont un statut de droit et pas un autre
genre de statut.
M. Maldoff: C'est un statut accidentel et administratif, comme on
le dit partout dans la loi: le français et les autres langues. Par
accident, par hasard, il y a la langue anglaise ici au Québec...
Le Président (M. Gagnon): Merci.
M. Maldoff: C'est quelle sorte d'explication de notre
société?
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: Comme note positive de l'échange que viennent
d'avoir le ministre et M. Maldoff, je retiens une chose. Le ministre a dit:
Quant à l'abolition des tests linguistiques pour les
Québécois, quelle que soit leur langue, je suis presque d'accord
là-dessus. Alors, on va voir comment cela va se traduire, "presque
d'accord", au moment de la présentation des amendements.
Je ne relèverai pas non plus certaines des autres affirmations,
sauf celles où le ministre félicite Alliance Québec de la
façon dont elle a ouvert le dialogue au nom de la communauté
anglophone avec le gouvernement du Québec. Cela, il a oublié de
le mentionner, à l'invitation même du premier ministre qui avait
souhaité un tel dialogue. On se rappellera par contre qu'à la
suite de la formation d'Alliance Québec et des demandes très
spécifiques qu'elle avait formulées au lendemain de son
congrès, on avait fait le même genre de reproche que celui du
ministre ce matin - c'était presque un reproche - à Alliance
Québec: Vous ne parlez pas des tests linguistiques que l'on a
améliorés; vous ne parlez pas des aménagements que l'on a
faits quant à la toponymie. Il s'inspirait du même genre d'esprit
que celui du premier ministre qui, dans sa réponse aux demandes
précises d'Alliance Québec, lui reprochait de ne pas -la
communauté anglophone, ou en tout cas le groupe qu'elle
représente - reconnaître la primauté de la langue de la
majorité. Cette réponse du premier ministre aux demandes
d'Alliance Québec avait été qualifiée par Jacques
Dumais, dans le Soleil, d'une gifle aux anglophones. Donc, le dialogue
raisonnable, modéré, qu'on a ce matin, j'en félicite le
ministre. Son attitude est beaucoup plus réceptive que celle qu'a
démontrée le gouvernement par la voix de ses divers porte-parole,
incluant le premier ministre, jusqu'à maintenant.
Ceci dit, M. le Président, je voudrais d'abord remercier les gens
d'Alliance Québec de la présentation qu'ils nous ont faite ce
matin. Je veux leur dire que, quant à nous, nous considérons leur
mouvement très représentatif de la communauté anglophone
du Québec - je pense qu'il est important de le souligner à ce
moment-ci - laquelle accepte maintenant, et je souligne "maintenant", parce que
cela n'a pas toujours été le cas dans le passé, les
récents sondages le prouvent éloquemment, que la majorité
des anglophones reconnaît la légitimité du gouvernement du
Québec de protéger par tous les moyens possibles la langue
française au Québec.
Comme l'écrivait Mme Lysiane Gagnon dans la Presse, en novembre
1982: "Les dirigeants actuels d'Alliance Québec ne sont pas des
nostalgiques perpétuant la mentalité des anciens establishments,
mais représentent au contraire une toute nouvelle
génération avec une sensibilité bien différente,
celle de jeunes Montréalais de vieille souche ouverts à une bonne
partie des changements provoqués par les lois 22 et 101, qui sont
assez attachés au Québec pour avoir décidé
d'y rester, même si plusieurs auraient pu faire carrière ailleurs,
et qui sont tous en outre parfaitement bilingues." Marc Laurendeau
écrivait lui-même d'Alliance Québec en juillet 1982:
"Voilà un mouvement dans lequel les anglophones ne se perçoivent
plus principalement comme la branche québécoise de la grande
majorité canadienne, mais bien plutôt comme une minorité
à l'intérieur du Québec, laquelle doit s'organiser et
faire valoir elle-même ses demandes. À cet égard, on doit
reconnaître qu'Alliance-Québec exprime ses revendications d'une
manière extrêmement civilisée, exempte de fanatisme."
M. le Président, quant à nous, nous endossons cette
perception de ces deux personnes par rapport à Alliance Québec.
Nous acceptons donc les représentations que vous nous faites ce matin
comme étant le reflet fidèle des inquiétudes et des
appréhensions réelles que nos concitoyens anglophones ont pu
avoir à la suite de l'expérience vécue de six
années d'application de la loi 101. Nous considérons donc que vos
recommandations méritent d'être étudiées
sérieusement par le gouvernement au moment où il s'apprête
à proposer des modifications à la loi 101.
Cela étant dit, M. le Président, j'aurai une ou deux
questions, compte tenu du temps qui nous manque. Dans votre présentation
ce matin, dans le texte de votre mémoire et aussi par les exemples que
vous avez donnés, vous nous dites essentiellement que, selon
l'impression ou la perception que vous avez de la loi 101 et de la façon
dont on l'applique, l'objectif semble être de créer au
Québec un État unilingue français. Pourriez-vous nous
donner, succinctement bien entendu, des exemples concrets qui vous
amènent à tirer cette conclusion?
M. Maldoff: Merci, M. Gratton. Par courtoisie pour la commission,
je ne veux pas procéder à une énumération trop
longue des instances et des exemples. Je vais en citer quelques-uns. On peut
commencer par les dispositions de la loi elle-même concernant
l'affichage. La règle dans l'article 58 est: Affichage unilingue
seulement.
Deuxièmement, la question des communications par les agences de
l'administration civile, les communications externes: unilingues, seulement en
français, pas de choix. Article 69, la question des noms des
corporations: ils devront être unilingues, seulement en français
ici au Québec. On voit des programmes types - cela a été
cité dans notre présentation - de francisation qui disent que la
généralisation de l'usage du français égale l'usage
exclusif du français. Nous avons vu, dans les programmes types de
francisation... Nous avons l'exemple, dans les cahiers que nous vous avons
remis il y a quelques instants, d'une pratique de l'office. Cela veut dire
qu'il est spécifié que l'objectif du programme de francisation
est de restreindre le plus possible le nombre de postes qui communiquent avec
l'extérieur du Québec dans chaque entreprise. Vous avez le texte
parmi vos documents. Pour nous, c'est étonnant d'avoir une directive qui
a pour but d'éliminer les contacts que nos entreprises ont avec
l'extérieur du Québec.
M. Gratton: Je m'excuse, M. Maldoff, mais est-ce que c'est
à cela - j'ai des points d'interrogation... À la page 19, vous
faites référence à l'Office de la langue française
qui a suggéré à certaines entreprises de limiter le plus
possible le nombre de postes requérant des relations avec
l'extérieur, voulez-vous nous dire exactement de quoi il s'agit? Vous
dites que nous l'avons dans les documents, mais vous conviendrez que nous
n'avons pas eu le temps de les feuilleter un à un.
M. Maldoff: Je comprends bien. C'est l'appendice L à notre
cahier no 1 concernant l'emploi et les services gouvernementaux. Nous en avons
ici une copie, c'est dans les documents normalisés de l'Office de la
langue française qui touchent aux questions du programme type de
francisation que l'office veut négocier avec une entreprise. "Mesures
à prendre: Restreindre le nombre de postes qui communiquent avec les
établissements hors du Québec. Étapes d'implantation: 1.
Restreindre le plus possible le nombre de postes qui communiquent avec les
établissements hors du Québec, compte tenu des contraintes."
Quel est l'objectif de la loi? Vous pouvez le voir dans notre
cahier.
Il y a d'autres exemples. L'exemple du CLSC, en Gaspésie, qui
s'est vu interdire par l'Office de la langue française de poster ses
catalogues et brochures en anglais. Nous avons cité la lettre au cours
de notre présentation. (13 heures)
Quant à l'usage de l'article 89 qui permet, à
discrétion, l'usage d'une autre langue - disons l'anglais - l'OLF a
émis une directive à toutes les agences de l'administration
civile. Cela vise la fonction publique et tous les réseaux des
institutions parapubliques, de santé et de services sociaux. La
directive disait qu'il ne faut pas employer l'article 89, qu'il ne faut pas
élargir l'usage d'une deuxième langue disons l'anglais -
même si la loi le permet. C'est la raison pour laquelle nous avons de
grandes inquiétudes quant à la question de l'usage des autres
langues que l'anglais par discrétion et non pas par droit.
Deuxièmement, c'est la raison pour laquelle nous exigeons et nous
recommandons que les mandats des agences responsables de
l'application de la loi soient changés pour s'assurer qu'on
respecte le droit d'employer d'autres langues - disons l'anglais - quand la loi
le permet.
Le Président (M. Gagnon): Merci.
M. Gratton: M. le Président, j'arrêterai là
mes questions pour permettre à d'autres d'en poser. Je pourrais ajouter
un autre exemple dont vient de me faire part mon collègue de D'Arcy
McGee: le gouvernement - je ne sais trop de quel ministère il s'agit
-par le biais du ministère de l'Éducation, fait paraître
des annonces en français dans le journal The Gazette. Je le souligne
à titre d'illustration.
Un bref commentaire pour dire au ministre de l'Immigration que la
disposition dont on a parlé tantôt, quant aux contacts des
entreprises qui doivent être minimisés avec l'extérieur, je
pense qu'au moins le ministre du Commerce extérieur devrait
s'intéresser à la chose avec le ministre de l'Immigration.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député.
M. le député de Mont-Royal.
M. Godin: II le fait déjà.
M. Gratton: Oui, on voit cela.
M. Godin: Comment ça, M. le député de
Mont-Royal?
Le Président (M. Gagnon): On alterne, habituellement. J'ai
37 minutes et demie a partager et votre formation politique a
déjà pris 35 minutes.
M. Godin: Ce n'est pas une raison.
Le Président (M. Gagnon): On peut alterner. Il vous reste
deux minutes, M. le député de Vachon, à moins qu'il n'y
ait une autre entente.
M. Payne: Dans l'intérêt du bon sens...
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Vachon, je voudrais vous demander de faire très vite, vous avez deux
minutes et demie.
M. Payne: Je m'oppose, M. le Président. Pendant deux
heures et demie, nous avons entendu un très important mémoire et
je pense que ce serait injustifiable d'agir ainsi. Je demande une prolongation,
tout simplement.
Le Président (M. Gagnon): Bon, êtes-vous d'accord
pour la prolongation? Nous allons décider tout de suite et je vais
ajouter le temps en conséquence. Je tiens à vous affirmer qu'en
tant que président de la commission, j'ai reçu le mandat de faire
respecter le droit de parole de tout le monde. Si on veut prendre toute l'heure
du dîner, cela ne me dérange pas, mais nous devrons être ici
à 15 heures pour entendre d'autres mémoires.
M. Payne: Pourquoi invite-t-on les parlementaires à
siéger à une commission parlementaire s'ils ne peuvent pas poser
des questions? Cela n'a pas de sens. Je propose une prolongation honnête
d'une heure.
M. Godin: Si l'Opposition est d'accord, on peut aller
jusqu'à 13 h 40.
M. Gratton: L'Opposition n'a pas d'objection, M. le
Président.
Le Président (M. Gagnon): Allez-y. Jusqu'à 13 h 40.
La parole est à vous, M. le député de Vachon. On s'entend
pour siéger jusqu'à 13 h 40.
M. Payne: Merci, M. le Président. J'aimerais
féliciter Alliance Québec pour la présentation d'un
mémoire important, peut-être un des plus importants
mémoires qui aient été déposés depuis
plusieurs années touchant le fond de la loi 101. J'ai trouvé
beaucoup de points positifs dans le mémoire. Je pense que le
gouvernement devrait prendre au sérieux beaucoup des recommandations qui
concernent les communications internes, par exemple, des institutions
anglophones. Je conviens qu'il est important, si on les appelle des
institutions anglophones et si on veut leur accorder le moindrement de
crédibilité, qu'elles aient les modalités en vigueur leur
permettant de communiquer oralement ou par écrit dans la langue de leur
choix.
Quant à l'article 113f, je ne suis pas contre l'idée. Pour
moi, cela n'a pas vraiment de sens dans la même philosophie. En ce qui
concerne l'aide de l'État apportée à ceux qui voudraient
se prévaloir des cours de français langue seconde, je trouve cela
tout à fait raisonnable pour un État qui veut se doter de tous
les atouts, de toutes les possibilités de devenir un pays
français.
Je suis également d'accord que le gouvernement devrait, cinq ou
six ans après la loi 101, chercher un moyen de statuer sur la langue
anglaise au Québec. Ce n'est pas une langue comme les autres. Je ne veux
pas invoquer la discrimination, mais il y a les traditions, les histoires et
les pensées à considérer à cet égard.
En ce qui concerne l'article 60, j'avais cru, à l'époque
des auditions sur la loi 101, que l'esprit du législateur était
effectivement de permettre l'affichage dans les deux langues et à
l'intérieur et à l'extérieur des
établissements de moins de cinq employés. Je me demande
d'où vient cette interprétation, parce que, dans la loi
même, ce n'est pas clair. À mon avis, vous avez raison.
À la page 33, vous parlez de l'accès aux écoles
anglaises au Québec. Je prétends que votre affirmation est
absolument fausse. Vous dites: "L'article 73 de la loi 101 a eu un effet
rétroactif injuste sur beaucoup de familles québécoises.
Des gens qui avaient immigré ici avant l'adoption de la loi et qui
avaient déjà terminé ailleurs leur éducation
primaire, ne peuvent envoyer leurs enfants dans une école de langue
anglaise." Or, l'article 73b, si je ne m'abuse, dit: Par dérogation
à l'article 72, peuvent recevoir l'enseignement en anglais les enfants
dont le père ou la mère est, à l'adoption de la loi,
domicilié au Québec. C'est exactement le contraire. La loi permet
la dérogation pour cela. J'aimerais que vous apportiez un correctif
à votre mémoire parce que le texte de la loi est très
clair, il y a dérogation.
En ce qui concerne les tests, j'aimerais avoir vos commentaires. Vous
vous souvenez très bien qu'un gouvernement libéral a
légiféré en matière de tests. J'ai fait des
études comparatives entre la loi 22 et la loi 101. Il y a trois
différences, trois exceptions à faire. D'abord, la règle
générale demeure exactement la même, à savoir que
les corporations ou les ordres professionnels ont le droit d'octroyer les
permis par une autre loi du Québec. Cela est très important. Ce
n'est pas l'Office de la langue française, ce n'est pas le gouvernement,
mais l'ordre professionnel qui l'exige. Après avoir discuté avec
celui-ci pendant plusieurs années, il garde très jalousement son
autonomie en matière d'octroi des permis. Il insiste pour dire que ce
n'est pas le gouvernement qui octroie les permis, mais plutôt l'ordre
dont fait partie l'exigence d'une connaissance minimale de la langue
française.
J'irais un peu plus loin. Qu'est-ce que la loi 101 a apporté pour
assouplir l'application de ce qu'était la loi 22? Avec les articles 36,
37, 38, 39 et 40, on a fait en sorte qu'on puisse maintenant passer le test
deux ans avant que la personne reçoive son diplôme.
En ce qui concerne les infirmières, par exemple, j'aimerais vous
signaler, avant de demander vos commentaires, que 81% des infirmières
réussissent leur test. Le problème est bien situé avec les
infirmières auxiliaires. Il faut bien nuancer vos remarques dans ce cas
et là, c'est 62%. Pour les autres professions, c'est 88% qui
réussissent leur test.
Quelques considérations additionnelles. J'ai remarqué une
certaine contradiction dans vos remarques dans d'autres circonstances. Vous
semblez laisser croire que le problème demeure avec ceux qui viennent de
l'extérieur. Or, ce n'est pas le cas. La majorité des gens qui
vient ici de l'extérieur est proportionnellement plus
élevée à passer le test la première fois que ceux
qui sont nés ici.
Concernant la ville de Québec et les villes de l'Estrie, les gens
passent leurs tests et les réussissent à un taux beaucoup plus
élevé que ceux qui habitent Montréal. Il y a quelque chose
là-dedans.
Concernant le test, Max Yolden lui-même, nommé par le
gouvernement fédéral, a dit: Lévesque a raison, vous
savez. C'est humiliant d'avoir à légiférer en
matière de langue. Dans toutes les autres provinces, on fait passer des
tests d'anglais aux professionnels. Pouvez-vous imaginer quelqu'un qui
passerait son examen d'admission au barreau en Ontario s'il ne connaît
pas l'anglais?
Premièrement, j'aimerais avoir vos commentaires concernant
l'article 73b. Deuxièmement, en ce qui concerne les tests, c'est la
continuation d'une tradition des libéraux, il y a quelques
années.
Il faut absolument que je termine, j'imagine. C'est dommage parce qu'il
y a beaucoup d'éléments que vous avez apportés et
j'aimerais beaucoup en discuter avec vous. J'ai une autre brève
question.
M. Dobie: À l'article 73d, les gens qui sont venus ici il
y a 15 ou 20 ans et qui n'ont pas fait leur cours primaire en anglais ici, au
Québec...
M. Payne: Ce n'est pas cela que vous dites dans le texte.
M. Dobie: ...ne peuvent pas envoyer leurs enfants à
l'école anglaise.
M. Payne: Mais lisez le texte.
M. Dobie: Ils ne peuvent pas avoir un certificat
d'admissibilité. D'ailleurs, c'est exactement le cas pour environ la
moitié des illégaux.
M. Payne: Alors, lisez le texte, M. Dobie. Vous apportez une
nuance. Il s'agit alors d'une lacune.
M. Dobie: Je la clarifie tout de suite.
M. Payne: Une lacune de taille. Une autre chose...
Le Président (M. Gagnon): M. le député, on
est en train de répondre à vos questions, je pense.
M. Payne: Oui, je veux la réponse.
Le Président (M. Gagnon): C'est cela. Alors, on va laisser
nos invités répondre.
M. Dobie: ...
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que c'est
terminé?
M. Dobie: C'est très simple.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Vachon, en très peu de temps.
M. Payne: En ce qui concerne les permis de conduire, est-ce que
vous savez que le gouvernement émet les permis en langue anglaise, que
les formules existent en anglais, malgré ce que les médias, la
télévision anglaise disent souvent? C'est disponible en anglais
et c'est envoyé. Je le sais très bien, parce qu'on en a
discuté avec le gouvernement il y a 18 mois et les corrections ont
été apportées. Je pense que vous devriez admettre que,
maintenant, la situation existe où les anglophones ou ceux qui
voudraient se prévaloir de cette disposition peuvent recevoir les
formules en langue anglaise.
Le Président (M. Gagnon): M. Maldoff.
M. Maldoff: I am very happy you asked that question because it
has been a problem for the community for quite a long time. J'ai, entre les
mains, un document intitulé: It is time for you to renew your driver's
licence if you want to retain the privilege of driving. C'est un
dépliant qui explique seulement en anglais the purpose of this form.
"This form was sent to you for references purposes only to help you to complete
or correct the French form, Demande de renouvellement de permis de conduire,
which you have already received." The government is sending us brochures in
English telling us how to fill out French forms.
M. Payne: I affirm clearly that the form exists in English. Cela
existe déjà en anglais. Vous faites référence
à un dépliant explicatif. C'est vrai que cela aussi existe, mais,
soyons honnêtes, il existe une formule... Je ne sais pas si quelqu'un
peut la produire, mais cela existe.
Le Président (M. Gagnon): Merci.
M. Maldoff: I do not understand why this would be necessary
then.
M. Payne: Because that was brought in...
M. Marx: ...stupidity.
Le Président (M. Gagnon): Merci.
M. Payne: No, I will explain to you. It is because that was
brought in originally to help people to fill it in. Now, there is a formula
which exists. I am stating a fact.
Une voix: It is a fact.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de Vachon.
Il n'y aura plus de...
Une voix: D'interventions.
Le Président (M. Gagnon): Le temps qui reste appartient au
Parti libéral, parce que vous avez pris tout le temps dont vous
disposiez.
Une voix: ...négocier.
M. Godin: À l'Opposition, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): À l'Opposition. C'est
vrai, je m'en excuse. M. le député de Mont-Royal.
M. Gratton: Et on est prêt à négocier. M.
Ciaccia: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Vous êtes prêts
à négocier si...
M. Ciaccia: The questions that the Minister asked, as well as the
question that the government members are asking, seem to miss the whole point
of your presentation which is looking for a different approach to the whole
linguistic problem. The Minister mentioned that the Commission de toponymie had
increased the number of English names from 6000 to 10 000. I do not think that
we are going to solve the problem of the English-speaking community by naming
more English streets or English municipalities. The fundamental problems of the
community...
M. de Bellefeuille: Ils ne sont pas d'accord. Les libéraux
ne sont pas d'accord. C'est intéressant.
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît! (13 h 15)
M. Ciaccia: And that also the pithiness with which they approach
this problem. You have just seen another example of it. I do not think that
would provide the solutions that you are looking for. On the question of a
vision of society that you are putting forth in your document, I want to go
back as a follow-up to the question that the member for Gatineau, my colleague,
asked. Is it your contention that the right to use the English language, as
limited as it is by Bill 101, is even further restricted by the agencies
which
are administrating the law, and does the restrictive application
continue notwithstanding the representations that you may make to the agencies
and to the government?
M. Maldoff: The answer to that question unfortunately is yes, and
I think the answer demonstrates one of the fundamental problems or a problem
which has now become very fundamental in the law. When the law was adopted - I
think the member from Vachon even mentioned it - there was a certain alleged
spirit of openness. The member from Vachon mentioned that he had understood
that section 60 was to at least allow bilingual signs on small businesses
inside and outside, but somehow that it disappeared in the application. Not
only it has disappeared in the application, Me Sauriol of the "commission de
surveillance" wrote a legal opinion to the "commission de surveillance" on that
question of whether bilingual signs should be permitted outside on small
businesses. Let it be understood we do not think there should be any
restriction on what type of business should do it, but the question there was
on small businesses. Mr. Sauriol's opinion to the commission was that they were
legal, bilingual signs outside were legal. The "commission de surveillance"
reaction to that opinion was: Well, it is just our lawyer, we do not have to
pay attention to him, and they proceeded to prosecute or at least harass - let
me say "harass" is the proper word - members of our community with great vigour
for signs which are in languages other thant French, in other words
English.
There are numerous examples of where Bill 101 supposedly... When it was
brought in and sold to the population, it was explained that, because of
article 89, just because it said French was required, it did not mean that
other languages, in other words English, were not being respected, because you
could always use article 89 which permits the use of English, except where the
exclusive use of French is required.
Unfortunately, we have got numerous examples of directives from the
"Office de la langue française" to the civil service of Québec,
to all the health and social service institutions and all the parapublic
sector, directly meant to restrict as much as possible the use of article 89 to
expand the availability of material in the French language. That documentation
is in the documentation that we have provided you; you will find it in those
annexed copies of the directives from the "Office de la langue
française" and their correspondence.
Il y a l'exemple d'un CLSC de la Gaspésie où l'Office de
la langue française a demandé le retrait de tous les
dépliants et brochures de langue anglaise, même alors que
l'article 89 permet l'usage et la présentation de dépliants et de
brochures de langue anglaise autant que de langue française.
Nous avons des avis juridiques partout dans ce dossier. Cela touche
aussi le gouvernement, non pas seulement les agences qui administrent la loi.
Nous avons des avis juridiques de Me Ouellette, de l'Université de
Montréal, qui dit que plusieurs règlements sont illégaux.
Cela a été confirmé par les avis juridiques du
ministère de la Justice et cela a été confirmé une
troisième fois par le Conseil de la langue française. Qu'est-ce
que le gouvernement dit. Que les règles resteront en vigueur jusqu'au
moment où un citoyen ira en cour pour les attaquer. Le gouvernement sait
très bien que ces règlements sont tout à fait
illégaux ou douteux, mais il va quand même les appliquer.
Il y a la question de l'importance des dispositions 2 à 6 de la
Charte de la langue française. Ce sont des dispositions très
générales: le droit d'avoir les services en français, le
droit de travailler en français. Le Conseil de la langue
française a demandé l'avis de Me Beaudoin, un très grand
juriste ici au Québec, concernant l'importance de ces dispositions
très générales. Me Beaudoin a rendu son avis juridique
dans lequel il a dit que les dispositions au commencement de la loi sont des
dispositions déclaratoires non exécutoires. Il a ajouté,
parce qu'elles sont générales et que dans les autres parties de
la loi il y a des points plus précis, ce ne sont pas les articles
généraux qui s'appliquent, mais les articles plus précis
qui expliquent comment on applique les grands principes.
Qu'est-ce que le gouvernement a fait? Il a rejeté l'avis
juridique et la commission de surveillance, dans son jugement, a dit exactement
l'inverse, soit que les dispositions de la loi modifient seulement les grandes
obligations du commencement. Cela va à l'encontre de tout principe
d'interprétation juridique qui existe, mais quand même, Singer a
été condamnée.
Je peux citer exemples après exemples, sur la question de la
sécurité et de la santé où les affiches bilingues
sont permises maintenant dans la loi et de l'interprétation très
restreinte donnée par l'Office de la langue française aux mots
"sécurité" et "santé". Sur les autoroutes, il y a une
affiche qui avise les routiers de tester leurs freins. C'est unilingue
français. Extraordinaire; Est-ce que les routiers sont seulement
francophones ici au Québec et qu'est-ce qui va se passer pour les
routiers anglophones ou ceux qui viennent des États-Unis? Eux prennent
leurs propres risques quand ils entrent dans la province de Québec.
C'est étonnant.
Je peux citer d'autres exemples, mais je pense que cela explique qu'il y
a un processus systématique pour restreindre
l'usage de l'anglais, même quand la loi le permet. C'est une
question d'attitude et une question de mentalité qui va changer cela. Il
faut restreindre les mandats des agents responsables de l'application de la
loi, mais plus important que tout, le moment est venu de reconnaître le
fait anglais au Québec, la langue anglaise au Québec. Cela doit
être reconnu dans les lois.
M. Ciaccia: Juste une autre petite question. Est-ce que votre
approche ou recommandation impliquerait des changements fondamentaux dans les
organismes qui appliquent la loi? Il y en a trois maintenant: l'Office de la
langue française, la Commission de surveillance et le Conseil de la
langue française. Est-ce que votre approche demanderait des changements
assez importants dans ces trois agences?
M. Maldoff: Ce que nous proposons, c'est deux changements. Ils
sont assez radicaux. Premièrement, que ces agences devront respecter les
principes de justice naturelle. Cela veut dire le droit de savoir la nature
d'une plainte, le droit de savoir ce qui se trouve dans votre dossier, le droit
de faire des représentations pour se défendre. Audi alteram
partem. D'autres parlent de la question pour Alliance Québec de
restreindre les mandats de ces organismes, de ces agences responsables de
l'application de la loi pour assurer qu'on respecte le droit d'employer
d'autres langues, qui existe dans la loi. Cela veut dire que l'agence
responsable de l'application de la loi n'a pas le droit d'envoyer une directive
expliquant comment il faut appliquer la discrétion en vertu de l'article
89. L'article 89 dit qu'un citoyen a le choix et qu'il a le droit d'employer
une autre langue. Ce n'est pas aux agences responsables de notre gouvernement
de dire qu'on n'a pas le droit quand on a le droit.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je vais vous
poser des questions très courtes, uniquement sur les services de
santé et les services sociaux. Vous dites qu'avec l'application ou
l'obligation qui vous est faite d'appliquer les articles de 15 à 23 de
la loi à partir du mois de décembre 1983 cela provoquera
l'érosion de vos institutions. Est-ce que jusqu'à maintenant, si
ces articles-là ne devaient pas entrer en vigueur ou étaient
modifiés, la loi telle qu'elle est appliquée a fait perdre le
caractère anglophone de vos institutions? Je sais que vos institutions
se sont modifiées et qu'elles répondent maintenant aux besoins de
la population francophone; vous avez pris les mesures pour cela. Je voudrais
quand même faire la différence avec ce qui existe
présentement et les nouveaux articles qui doivent entrer en vigueur en
1983.
M. Maldoff: Si les articles de 15 à 29 relatifs à
nos institutions entrent en vigueur, cela changera radicalement le
caractère de nos institutions. Quand on voit que la commission de
surveillance veut imposer l'obligation à chaque employé d'une
institution anglophone de rendre les services en français, quand on voit
que l'intention ou la compréhension de la loi, telle que comprise par la
commission de surveillance, va jusque là, on se pose la question:
Qu'est-ce qu'une institution anglophone? On dit que deux anglophones devront
communiquer entre eux en français...
Mme Lavoie-Roux: Pas verbalement.
M. Maldoff: Pardon?
Mme Lavoie-Roux: Pas verbalement.
M. Maldoff: Pas verbalement mais par écrit.
Mme Lavoie-Roux: Oui, par écrit. On peut discuter...
M. Maldoff: Mais quand même, on nie l'identité de
cette institution. Je pense que... Ce n'est pas seulement une question...
Mme Lavoie-Roux: Je vais revenir monsieur, étant
donné que le temps est très court. S'il n'y avait pas eu, par
exemple, cette interprétation de l'Office de surveillance de la langue
française dans le cas de St. Mary's qui, de par sa décision,
semble bien indiquer qu'il s'agit d'un bilinguisme individuel et non pas
institutionnel, si on met cela de côté, est-ce que vos
institutions, jusqu'à maintenant, ont conservé leur
caractère d'institutions anglophones? C'est important que vous
répondiez à ceci, en fonction des autres articles qui,
normalement, doivent entrer en vigueur d'ici à la fin du mois de
décembre.
M. Maldoff: Si l'obligation de rendre les services en
français demeure une obligation institutionnelle - nous reconnaissons la
légitimité de cette obligation - nos institutions pourront garder
leur caractère et répondre aux besoins des francophones du
Québec.
Mme Lavoie-Roux: II y a un autre endroit où vous dites: II
est illogique - je vais le dire de mémoire - d'empêcher un
unilingue anglophone, un professionnel unilingue anglophone de travailler
à l'intérieur de nos institutions. Est-ce que, à ce
moment-là, vous feriez une différence
entre ceux qui devraient s'adresser directement à la population
et ceux qui peuvent occuper d'autres fonctions, qui n'ont pas de rapport direct
avec la population, avec les individus qui frappent à vos portes?
M. Maldoff: Ce que nous proposons quant aux professionnels c'est
un régime, selon nous, très logique, très raisonnable. Les
professionnels qui veulent entrer dans la profession maintenant, en
règle générale, devront avoir une connaissance de la
langue appropriée à la pratique de leur profession. D'autre part,
il faut avoir des règles qui vont faire que le Québec demeure une
province attrayante pour les gens ayant une expertise, une compétence
dont nous avons besoin. Cela veut dire qu'il faut avoir un régime de
permis temporaires pour les professionnels qui viennent d'ailleurs,
régime qui leur accorderait suffisamment de temps pour apprendre le
français. (13 h 30)
Troisièmement, nous estimons qu'il y a des postes qui n'ont aucun
contact avec le public. Cela peut arriver que nous ayons besoin de grands
experts et par régime d'exception, je pense que cela a du bon sens
d'accorder un droit ou une discrétion pour obtenir des permis
temporaires, quels que soient ces permis, pour laisser à un individu qui
n'a pas de contact avec le public la possibilité de travailler dans une
institution. Cela ne va pas changer le caractère de l'institution et
cela ne va pas diminuer la capacité de l'institution de rendre des
services au public en français, ce qui est un droit fondamental ici.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie. J'aurais beaucoup d'autres
questions. Je me reprendrai avec les autres groupes qui vont venir nous parler
des hôpitaux.
Le Président (M. Gagnon): Merci, madame. M. le
député de Nelligan.
M. de Bellefeuille: M. le Président...
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: ...avant que le député de
Nelligan prenne la parole, le député de Gatineau me
permettrait-il de lui poser une question?
M. Gratton: Je laisse au député de Nelligan
de...
M. de Bellefeuille: M. le député de Nelligan me
permet-il de lui poser une question?
M. Lincoln: Je suis sûr que c'est une affaire de deux
minutes, en plus.
M. de Bellefeuille: Très brièvement. M. Lincoln:
On ne va pas s'y opposer.
Le Président (M. Gagnon): Vous êtes libre d'accepter
ou de refuser.
M. Lincoln: Oui, mais si cela ne compte pas dans mon temps.
Le Président (M. Gagnon): Cela va compter dans votre
temps.
M. Lincoln: Et vous pouvez ajouter deux minutes pour donner au
député une chance de poser une question.
Le Président (M. Gagnon): On n'ajoutera plus. Il va
falloir prendre le temps aussi de...
Une voix: On vient de les perdre, nos deux minutes.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: Two brief questions, one to Mr. Goldbloom and one to
Mr. Dobie. You mentioned about the English education in Québec that the
forecasts were far lower than the actual trend showing today and I think you
mentioned a percentage in the year 2000, less than 20 years from now, about 6%,
if my memory is right. Can you tell me where you got your facts and figures
from? How many studies show these trends? And to Mr. Dobie: Mr. Dobie, you
mentioned the Bureau of English Education refuses a case and then it goes to
appeal. You seem to indicate there is a long stretch of time between the
refusal and the decision on appeal. Could you tell us what the average time is,
the average stretch of time and what is the position with the Appeal Bureau,
the number of cases that are backlog and so forth. What is the average time a
person suffers between the refusal and the appeal?
M. Dobie: As far as the Appeals Bureau, this year especially, you
have to remember that when appeals are launched is around the month of March
prior to the recess of the school year. This year especially, by the time
school started, they had only judged on eleven cases and there was a backlog of
over 200 cases. That is at the time when school started in early September.
The problem is that the recommendations that have been formulated and
given to the Minister on the functioning of the committee by former committee
members have not been given any consideration. You have to look at every case
individually. No jurisprudence is ever taken into consideration and it just
means
duplication and triplication of cases. Furthermore, I think it is a
great injustice for a large number of other cases that cannot have their case
heard because it is not just the interpretation of the law. We look at the
cases of a human social family type of cases are considered to be now within
the jurisdiction of that committee. Where those go, God knows and they are not
really treated fairly.
M. Goldbloom: As to the question of demographics a presentation
this morning was based in large measure on a report prepared by M. Jacques
Henripin. His testimony in the Canada clause case before Mr Justice Jules
Deschênes as he then was, has clearly indicate with Mr Henripin's
predictions that even with the Canada clause, we would see the population in
English schools in Québec reduced to 8,7%. We also referred to Diane
Vanasse who is a demographer at l'École des hautes études
commerciales. She predicted that if one takes the generous provision of
maternal language and universal clause and follow the trends which have been
developing over the last year, in the year 2000 the English school will only
have about 10% of the population.
M. Dobie: If I may just refer you to the Chart, I think it is
quite self-explanatory. As for the actual amount of decrease, as of last year,
the English-speaking population has decreased 38% and will decrease an
additional 59% when our minister of Education said, sometime in 1977, that the
law had alreay reached its objectives. If the law keeps on being applied as it
is, it is, in fact, almost a strangulation of the English-speaking community in
the educational system.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Merci M. le Président. Le gouvernement parle
souvent de l'intégration des anglophones qui peuvent travailler en
français dans différents ministères ou organismes de
l'État.
As far as I am concerned, the Government talks a good story but there
never seems to be any results. I might be wrong.
Depuis que j'ai été élu député, il y
a quatre ans, je sais que plusieurs personnes ont fait des demandes. J'en ai
moi-même acheminé. Ces personnes n'ont jamais été
embauchées.
Par exemple, j'ai reçu aujourd'hui une lettre très polie
du ministre m'informant qu'il ne pouvait engager telle ou telle personne. Il y
a toujours une raison. Vous savez bien que la Charte québécoise
des droits de la personne prévoit maintenant des programmes d'action
affirmative qui seront mis en place d'ici possiblement quelques mois, bien que
le gouvernement ne sera pas lié par une telle politique. D'autre part,
il y a aussi un organisme du gouvernement - je pense que c'est sous la
direction du ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration -
qu'on appelle la SIPACC.
M. Godin: Ask Mr. Chambers.
M. Marx: Cet organisme a du personnel qui dépense de
l'argent, mais je n'en connais pas encore les résultats. Ma question est
la suivante. Dans l'engagement ou l'intégration des anglophones qui
parlent le français dans les organismes du gouvernement, est-ce qu'il y
a eu du progrès? Est-ce que le gouvernement, c'est-à-dire le
ministre ici présent aujourd'hui, le député de Mercier, a
donné suite à ses promesses ou à ses déclarations
en ce sens ou s'il a simplement fait de la politique au cours de
conférences de presse sans aucun suivi?
M. Maldoff: Le seul progrès concernant le nombre
d'anglophones dans la fonction publique est dans la recherche. Je pense qu'il y
a maintenant plus d'études et plus de moyens de qualifier et de
classifier des gens dans la fonction publique qui ajoutent à la
confusion. J'ai entendu dire que, selon un rapport, il y aurait maintenant 17%
de la fonction publique du Québec qui est anglophone. Toute personne qui
a des yeux et des oreilles peut savoir que c'est faux. Cela devrait être
à peu près 2% à 4% de la fonction publique au maximum. En
concluant, j'aimerais citer une chose. Jacques Henripin, le père des
démographes du Québec a dit que l'évolution linguistique
au Québec est tout à fait rassurante pour les Canadiens
français de cette province. Elle est cependant inquiétante pour
les Anglais, surtout en ce qui concerne leurs écoles qui auront perdu,
entre 1970 et 2000, les deux tiers de leur poids relatif.
Je pense que c'est clair qu'il y a des problèmes pour notre
communauté. Je pense que c'est très clair qu'il y a un grand
consensus entre tous les Québécois sur les questions
fondamentales. Le temps est arrivé de régler les
problèmes. Il est possible d'assurer la protection de la langue
française sans nier ou détruire la communauté ou la langue
anglaise. Le moment est arrivé d'agir dans l'intérêt de
tous les Québécois.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Mme la
députée de Chomedey.
Mme Bacon: Une question très courte, M. le
Président. Dans le journal The Gazette du 26 octobre, le sondage que
vous avez fait faire par SORECOM indiquait que 71% de ceux qui avaient
répondu à la question: "Do
you believe that the Anglophones coming from outside Québec
should be able to register their children in English schools?" avaient dit oui.
Est-ce que, dans ce questionnaire, on a demandé aux gens s'ils
appartenaient à un parti politique plutôt qu'à un autre? Si
oui, est-ce que vous avez aussi les chiffres concernant ces gens-là?
M. Maldoff: Oui, nous avons les chiffres.
Mme Bacon: En un mot, est-ce que vous avez le pourcentage des
gens appartenant au Parti libéral et celui des gens appartenant au Parti
québécois, selon les réponses que vous avez?
M. Maldoff: D'accord. Parmi les gens appartenant au Parti
québécois, les réponses sont: Oui, 44%; Non, 48%. Pour le
Parti libéral du Québec, c'est: Oui, 68%; Non, 23%. Pour la
population... Excusez-moi. Je retire ces chiffres. D'accord. La question, c'est
la question de l'accès à l'école anglaise pour les
anglophones de n'importe quel endroit du monde. Le pourcentage total
était de 75% de oui. Parmi les francophones, 71,5% étaient
favorables. Parmi les électeurs du Parti québécois, il y
avait 58,5% de voix affirmatives appuyant la clause universelle; pour le Parti
libéral, il y en avait 83,3%.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Cela ne me
laisse pas beaucoup de temps, mais je voudrais quand même dire à
nos amis d'Alliance Québec que je pourrais, comme tous les autres, me
joindre au concert de félicitations et de remerciements. Cela viendrait
du coeur, mais cela ne serait pas suffisant parce qu'il y a bien d'autres
choses à dire.
Vous avez parlé, M. Maldoff, d'attitudes. Et je pense qu'au plan
des attitudes on aurait encore beaucoup de choses à se dire entre
francophones et anglophones du Québec. Vous faites état de
données selon lesquelles près des deux tiers des anglophones du
Québec ont maintenant une connaissance d'usage du français. Ce
n'est pas ce que nous disent les experts en statistiques du gouvernement
fédéral qui affirment que 53,4% des anglophones du Québec
ont une connaissance d'usage du français. Mais ce sont des questions de
chiffres. Quoi qu'il en soit, il y a une proportion qui est, selon votre propre
déclaration, supérieure au tiers des anglophones du Québec
qui n'ont pas une connaissance d'usage du français. Je considère
que cela, en soi, constitue un problème grave.
C'est une question d'attitude aussi. Par exemple, dans le domaine de la
langue du travail, nous avons constaté déjà dans nos
travaux que la francisation de la langue du travail n'a fait qu'une partie du
chemin et qu'il y a un certain nombre d'employeurs qui manifestent une attitude
qui consiste à refuser de mettre en oeuvre le programme de francisation
que ces entreprises ont elles-mêmes accepté. Là, il y a
vraiment un chemin important qu'il nous reste à parcourir avant qu'on
puisse considérer que le travail est fait.
Dans votre mémoire, il y a un passage qui m'étonne
beaucoup. C'est dans la version qu'on avait à l'avance, non dans la
version remaniée, au bas de la page 21 et en haut de la page 22,
où vous dites, à toutes fins utiles, que la francisation dans les
entreprises dans la langue du travail s'est faite par le simple bon sens
commercial et pour d'autres raisons. "La législation linguistique - je
vous cite - aurait été, somme toute, une influence secondaire."
Je vous avoue que je suis absolument en désaccord avec cela. Ce qu'on
nous a présenté devant cette commission en ce qui concerne la
langue du travail montre, au contraire, que non seulement la loi a
été insuffisante, parce qu'elle n'a pas été
pleinement respectée, mais que - j'en sors absolument convaincu - sans
la loi, nous n'aurions pas fait la moitié du chemin que nous avons
réussi à faire; et que, sans le maintien de la loi, nous ne
pourrons pas envisager de faire le chemin qui reste à parcourir en ce
qui concerne la francisation des milieux de travail. (13 h 45)
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. Maldoff.
M. Maldoff: II y a plusieurs brefs commentaires à faire.
Premièrement, les sondages et les études de Sondagex pour le
Conseil de la langue française ont démontré que 67% de
notre communauté est bilingue. On peut jouer avec les chiffres et vous
pouvez choisir les...
M. de Bellefeuille: Je vous ai cité le rencensement non
pas un sondage. Il s'agit de tous les individus.
M. Maldoff: Cela dépasse la nature et la classification
des individus encore à l'emploi. La réalité, c'est que
plus de la grande majorité de notre communauté est capable de
travailler en français.
Deuxièmement, vous avez mentionné qu'à peu
près un tiers de notre communauté ne parle pas couramment le
français. Si je comprends bien l'objet de la loi 101, c'est de
promouvoir la langue française au Québec, et de s'assurer que les
Québécois d'expression française auront le droit de vivre
et de travailler en français et d'avoir tous les
services. Le fait de dire qu'il y a un tiers des anglophones qui ne
parlent pas français suffisamment, c'est votre opinion, mais ce n'est
pas l'objet de la loi. Est-ce l'objet de la loi d'entrer dans chaque maison et
de changer les gens? L'objet de la loi, c'est de rendre la
sécurité à la communauté francophone.
L'hypothèse de votre question est que chaque anglophone devrait avoir
une grande capacité de parler français là où il y a
une menace contre les francophones. Je ne suis pas d'accord. Les francophones
ne sont pas menacés par le fait qu'il y a des unilingues anglais au
Québec.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que cela
complète?
M. le député de Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, tout simplement pour
remercier les gens d'Alliance Québec d'être venus nous rencontrer
et pour dire que nous regrettons, comme le ministre, que le temps nous ait
amenés à raccourcir nos questions. Je voudrais tout de suite
signaler que je n'adresse aucun reproche au gouvernement pour cet état
de fait ni à nos invités qui ont choisi tel genre de
présentation. C'est simplement à cause de l'importance du message
et de l'intérêt que, de chaque côté, nous vous
portons.
Merci, messieurs et mesdames.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.
M. Godin: M. le Président, en conclusion, juste quelques
corrections. Les 17% qui viennent de Statistique Canada sont pour le secteur
public québécois dans son ensemble, non pas la fonction publique.
Là, vous avez raison de dire que le résultat est moins brillant.
Par ailleurs, sans être méchant, je voudrais dire que nous
recrutons à quelques reprises et à grand renfort de travaux de
recherche pour identifier les plus compétents parmi ceux dont on a
besoin et Alliance Québec vient nous les enlever un par un. Enfin, vous
avez commencé avec Me Mulcair, nous l'avons perdu en pleurant parce
qu'il était d'une compétence extrême au Conseil de la
langue française. Si vous venez les chercher un par un, M. Maldoff, on
n'atteindra jamais l'objectif qu'on s'était fixé.
Deuxièmement, vous faites une lecture des articles qui touchent
les institutions anglophones qui ne correspondent pas tout à fait
à la réalité. Quand vous dites qu'à compter de
1984, deux personnes de langue anglaise ne pourront pas travailler,
correspondre ou communiquer en anglais dans un hôpital anglophone, je
crois que c'est faux. L'article 26 est très clair et dit que: Tout
organisme reconnu en vertu de 113f... les gens qui y travaillent peuvent
utiliser à la fois la langue officielle dans leurs communications
internes.
M. Maldoff: À la fois, qu'est-ce que cela veut dire? Des
anglophones?
M. Godin: À la fois, cela veut dire qu'ils peuvent se
parler en anglais. Vous avez parlé des conversations.
N'interprétons pas la loi de façon plus sévère
qu'elle ne l'est vraiment.
M. Maldoff, si vous me permettez, je terminerai en tant que ministre
tuteur des organismes de la loi no 101 et cela me donne un certain droit de
réplique. Quand vous serez à ma place éventuellement vous
aurez le même droit certainement. D'autre part, je dois dire que pour ce
qui touche le caractère des institutions anglophones et la grande
question du bilinguisme universel des gens qui travaillent ou du bilinguisme
des personnes qui sont en contact avec le public, l'article 20 est très
clair: "Pour être nommé, muté etc. il faut avoir de la
langue officielle une connaissance appropriée à la fonction."
Cette notion est administrée par l'Institut conjoint des hôpitaux
de Montréal dont le porte-parole est ici derrière vous, M.
Maldoff, mon vieil ami, Alex Patterson. C'est cet institut qui administre ces
tests de connaissance pour les personnes que l'institut estime avoir besoin
d'une connaissance appropriée du français. La commission de
surveillance a effectivement donné un avis qui est beaucoup plus large,
mais c'est un avis. En ce qui nous concerne, ce que nous appliquons, c'est la
loi telle qu'elle est présentement. C'est toujours l'Institut conjoint
qui applique. Un des membres de l'institut exige une note de passage de
connaissance du français de 80% alors que l'office n'exige, lui, que
55%. Alors, ce sont des faits qu'il est important de connaître.
Je termine en vous disant moi aussi merci de nous avoir fait part dans
les détails c'est important qu'on le sache - des problèmes que
pose l'application de cette loi, le fonctionnement de ces organismes, et les
règlements qui découlent de la loi. Nous sommes ici pour vous
entendre. Vous nous avez parlé; nous avons échangé de part
et d'autre. Je vous répète ce que je vous ai dit au début
à savoir qu'il y a un grand nombre de vos recommandations qui trouveront
un écho favorable au gouvernement.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. Juste un
mot...
M. Maldoff: M. le Président, je serai très bref. Le
deuxième paragraphe de l'article 20 oblige l'employeur à
soumettre les critères à l'Office de la langue française.
Le dernier mot appartient à l'agence du gouvernement. J'aimerais vous
remercier tous
pour l'audience....
M. Godin: M. Maldoff, M. Maldoff...
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Godin: ...le droit de réplique appartient quand
même au gouvernement, si vous permettez, n'est-ce pas? Quand
même...
M. Maldoff: ...à l'agence...
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre! À
l'ordre!
M. Godin: La dernière phrase appartient au gouvernement.
Ma dernière phrase sera: À l'intérieur de cette entente,
un des hôpitaux - je ne le nommerai pas, M. Patterson le connaît -
a exigé une note de passage en français de 80% alors que l'office
n'exige que 55%. D'accord?
Le Président (M. Gagnon): Un dernier mot.
M. Maldoff: Merci, mesdames et messieurs. Nous vous remercions
pour une audience très fructueuse et nous attendons des résultats
avec beaucoup d'intérêt. C'est très important pour notre
communauté.
Le Président (M. Gagnon): Pour ma part, mesdames,
messieurs, je voudrais d'abord m'excuser pour avoir été
obligé de raccourcir un peu les conversations, mais tout de même
vous faire remarquer qu'on a réussi à vous accorder tout
près de quatre heures d'échanges avec cette commission. J'en suis
très heureux. Il fallait que j'essaie de limiter le temps parce qu'il
faut aussi respecter le droit de parole des autres. Merci beaucoup de votre
présence. Je suspends nos travaux jusqu'à 15 heures
exactement.
(Suspension de la séance à 13 h 53) (Reprise de la
séance à 15 h 03)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!
La commission permanente des communautés culturelles et de
l'immigration poursuit ses travaux aux fins d'entendre tous les intervenants
intéressés par la Charte de la langue française.
Lors de la suspension des travaux, nous en étions à
inviter la cité de Côte-Saint-Luc. Je demanderais aux gens de
s'approcher et de se présenter. Me Bertrand.
Cité de Côte-Saint-Luc
M. Bertrand (Guy): M. le Président, MM. les membres de la
commission...
Le Président (M. Gagnon): J'ose croire que vous avez
quorum. Bonjour, madame.
M. Bertrand (Guy): Alors, nous avons quorum.
Le Président (M. Gagnon): Vous avez quorum?
M. Bertrand (Guy): J'ai à ma droite le maire de la
cité de Côte-Saint-Luc, M. Bernard Lang, et, à ma gauche,
le procureur de la cité de Côte-Saint-Luc, Me David
Kirshenblatt.
Au tout début, je voudrais vous dire que je ne vais pas lire le
mémoire qui vous a été remis. Cependant, je voudrais qu'il
fasse partie intégrante du préambule de mes remarques. Je vous
dis immédiatement que nous allons nous attarder à un seul
chapitre de la charte, c'est-à-dire le chapitre IV qui traite de la
langue d'administration.
Après cinq ans, il est normal que l'on s'interroge sur les effets
de cette Charte de la langue française et de voir si elle ne doit pas
subir des modifications. Ma cliente, la cité de Côte-Saint-Luc,
m'a demandé d'étudier particulièrement, comme avocat, le
chapitre IV qui traite de la langue d'administration et d'en tirer les
conclusions qui s'imposent. Comme vous le savez, c'est inscrit à
l'article 25 de la loi qu'à compter de l'année 1983, les
municipalités devront se conformer aux articles 15 à 23 de la
loi, prévoyant notamment que toutes les communications et tous les
écrits internes et externes devront être exclusivement en
français. En outre, tous leurs employés devront avoir une
connaissance appropriée du français. Sans vouloir insulter nos
législateurs, comme juriste, je vous dis, comme je le dirais à
n'importe quel tribunal, que ce chapitre n'est pas un chef-d'oeuvre de
clarté. C'est pourquoi, à juste titre, la cité de
Côte-Saint-Luc que je représente peut revendiquer l'abolition
totale et intégrale du chapitre IV et nous disons, quitte à ce
qu'il soit écrit autrement, en conformité avec l'esprit de la
charte et aussi des autres lois québécoises et surtout en biffant
les aspects - vous me permettrez, M. le Président, d'en qualifier
certains que je considère un peu loufoques - frisant
l'illégalité, les tracasseries et les agacements que l'on
retrouve dans certains articles; et je vais y revenir en détail tout
à l'heure.
Vous savez mieux que celui qui vous parle que des sondages
récents ont démontré que la majorité des citoyens
québécois ne s'opposaient pas à des modifications à
la charte du français. Ce que ma cliente, la cité de
Côte-Saint-Luc ou ses représentants -communautés
anglophones, comme vous le
savez - désire, M. le Président, c'est que le gouvernement
actuel, par un geste positif, reconnaissse la légitimité de la
communauté anglaise au Québec, ce qui n'est pas reconnu
actuellement dans la charte. La question que je vous pose est: Est-ce possible?
Est-ce souhaitable? Est-ce normal? Personnellement, je réponds que oui
et évidemment ma cliente est d'accord avec cela.
Je voudrais que nous procédions à nous poser certaines
questions et, au fur et à mesure que nous répondrons d'une
façon affirmative, peut-être atteindrons-nous ensemble les
mêmes conclusions.
La première question que je voudrais poser à cette
commission est: Est-ce que la communauté anglophone au Québec
possède des droits fondamentaux en matière linguistique? Si on ne
répond pas affirmativement à cette question, il est clair que
nous n'atteindrons jamais les mêmes conclusions. Je vous dis que,
personnellement, je réponds affirmativement non pas seulement comme
juriste, mais comme citoyen québécois. Je pense que tout le monde
connaît mes options sur le plan politique. Je dis: Oui, la
communauté anglophone possède des droits fondamentaux en
matière linguistique. Comme vous le savez, elle est formée de 700
000 Québécois qui, au dernier recensement, ont
déclaré l'anglais comme langue maternelle; elle forme donc 10% de
la population et, si vous ajoutez à cela 7% de parlant anglais, nous
nous retrouvons au Québec avec 17% de parlant anglais. Au surplus,
personne n'osera nier dans cette enceinte que la communauté anglophone
possède des droits historiques. Ces gens sont ici depuis au-delà
de 250 ans, ils possèdent donc des droits indéniables. Ils
forment au surplus une partie intégrante de la société
québécoise. Je vais plus loin, je dis qu'ils sont partie
intégrante du peuple québécois.
Le Québec aspire à être un État moderne et un
des attributs - peu importe qu'on partage l'opinion du
fédéralisme ou de l'indépendantisme - de l'État
moderne, c'est d'accepter qu'il y ait au sein d'une société une
civilisation dominante donnée. Au Québec, tout le monde s'entend
pour que le français soit majoritaire, mais avec l'apport de la
société anglophone et d'autres minorités; ce qui fait
qu'on peut dire que le peuple québécois n'est pas le peuple
français, que le Québec ne sera jamais la Suisse, que le
Québec ne sera jamais la France, que le Québec, c'est le
Québec, un territoire, un peuple en Amérique du Nord, justement
à cause du fait qu'il y a chez nous une minorité importante qui
est la minorité anglophone qui donne au Québec un statut tout
à fait particulier dans le monde.
Il y a aussi un fait que je n'ai pas besoin d'ajouter pour
répondre à cette première question; c'est que la langue
anglaise est celle qui est parlée par 98% de la population
nord-américaine. Donc, je pense que nous pouvons répondre
à cette première question en disant que la communauté
anglophone possède des droits fondamentaux en matière
linguistique.
Je passe à la deuxième question: Est-ce que ces droits
linguistiques fondamentaux de la communauté anglophone doivent
être garantis dans la Charte de la langue française? Bien
sûr que, si vous ne reconnaissez pas qu'il y a des droits fondamentaux en
matière linguistique, c'est inutile de penser d'écrire cela dans
la charte. Mais, si vous répondez oui à la première
question, il est logique, normal et fondamental que ces droits fondamentaux de
la communauté anglophone soient inscrits dans la charte au même
titre que nous avons reconnu les droits individuels des Québécois
dans une charte qui a été proclamée il n'y a pas longtemps
et dans laquelle on ne fait aucune discrimination quant à la langue,
quant à l'origine ethnique, quant au sexe, quant à la religion,
etc.
Je voudrais vous poser une troisième question. Nous avons vu
qu'il y avait des droits fondamentaux, nous avons vu que ces droits
fondamentaux doivent être inscrits dans la charte. Pourquoi? Pour qu'ils
ne soient pas discutés par l'Office de la langue française, mal
interprétés par les tribunaux ou même contestés ou
contestables devant les tribunaux. La troisième question que je voudrais
vous poser est la suivante: l'objectif de la Charte de la langue
française était-il de brimer les anglophones dans leurs droits
linguistiques ou de les priver de quelque façon que ce soit du droit de
communiquer en anglais entre eux, puisqu'on verra que le chapitre IV concerne
surtout la langue des communications au niveau de l'administration?
Évidemment, M. le ministre et tous les membres de cette commission vont
me répondre: Bien sûr que non, le but de la charte n'était
pas de brimer les droits linguistiques des anglophones, parce que l'objectif
principal de la charte était de faire du français la langue
officielle. Bravo! C'est excellent.
Mais ce n'était jamais - et on ne le retrouve nulle part - de
suspendre de quelque façon que ce soit l'usage de l'anglais chez les
anglophones. C'était, deuxièmement, de permettre à toute
personne de communiquer en français avec l'administration, mais pas de
forcer les anglophones à communiquer en français avec
l'administration. C'était, troisièmement, de donner le droit aux
travailleurs d'exercer leurs activités en français, mais jamais
d'empêcher un employeur anglophone d'embaucher un employé
anglophone. Nous verrons tout à l'heure que le chapitre IV le
spécifie clairement. C'était également et c'est
également de permettre aux consommateurs
québécois d'être informés et servis en
français partout au Québec, mais jamais d'empêcher un
anglophone d'informer un autre anglophone lorsque celui-ci le demande.
C'était aussi de permettre à ceux qui le veulent de recevoir un
enseignement en français et aussi de faire du français la langue
de la législation et de la justice.
La charte dit textuellement, M. le Président et MM. les membres
de cette commission - madame, je m'excuse - dans son préambule, que
l'objectif dont on vient de parler doit être poursuivi dans un climat de
justice et d'ouverture - on le dit textuellement - à l'égard des
minorités ethniques - donc, dans un climat de justice et d'ouverture
à l'égard des minorités ethniques - dont elle
reconnaît l'apport précieux au développement du
Québec. Ce n'est pas ma phraséologie, c'est le troisième
paragraphe du préambule. (15 h 15)
Sur ce, je voudrais vous poser une question. Est-ce que ce climat de
justice et d'ouverture à l'égard de la communauté
anglophone apparaît clairement dans la charte? Voilà la
quatrième question. Soyons francs, soyons honnêtes. Certainement
pas dans le chapitre IV. Comme juriste, je le répète, j'ai
essayé de voir cela. Je ne trouve pas que ce chapitre réponde
à la question que je pose. On ne retrouve pas ce climat de justice et
d'ouverture à l'égard de la communauté anglophone. Au
contraire, malheureusement, je dois vous dire que le chapitre IV trahit,
jusqu'à un certain point, les objectifs de la charte. C'est malheureux,
mais c'est exact. Ce chapitre IV porte atteinte aux droits fondamentaux des
anglophones en matière linguistique, entre autres le droit de
communiquer entre eux dans leur langue. Ce chapitre est l'objet de tracasseries
et, à certains égards, d'injustices. Je dois vous dire que ce
chapitre, comme francophone, ne me fait pas honneur.
Sur ce, je vous pose la cinquième question. Que fait-on de ce
chapitre-là? Avant de le voir en détail, vous pourriez
très bien dire que, jusque-là, j'exagère. J'en ferai la
démonstration plus tard. Que fait-on de ce chapitre si ce que je viens
d'énoncer est vrai? Si la cité de Côte-Saint-Luc demande
son abolition? Elle demande qu'il disparaisse. Pourquoi? Parce que sa
validité sur le plan juridique est plus que douteuse à cause des
nombreuses contradictions qu'on y retrouve, à cause de la façon
dont l'Office de la langue française l'a interprété, et
nous avons à l'appui une preuve documentaire venant de l'office. Ce
chapitre est mal rédigé. Ce chapitre est difficile à
comprendre à certains égards. Il est confus et, s'il était
en vigueur, à partir du 1er janvier 1984, ce serait malheureux - ce
n'est pas ce que vous souhaitez - mais il est clair qu'il serait
contesté devant les tribunaux sur plusieurs articles. Je ne dis pas que
c'est la cité de Côte-Saint-Luc qui va le contester. Je ne suis
pas autorisé à vous dire cela. Mais il est bien évident -
ne nous racontons pas d'histoires - que ce chapitre, à plusieurs
égards, a été contesté ailleurs, peut-être
à tort. En tout cas ici, il serait contesté.
Revenons à notre sujet: les municipalités majoritairement
anglophones. Un pourcentage de 85% de la population de Côte-Saint-Luc est
anglophone. Donc, ce chapitre ne colle pas à la réalité.
C'est pourquoi nous disons qu'il doit être réécrit,
reformulé, refait, repensé autrement, afin de respecter les
objectifs de la charte. La mise en application des articles 15 à 23 aura
pour effet de transformer Côte-Saint-Luc et d'autres municipalités
de tradition et de culture anglophones en une bureaucratie francophone,
c'est-à-dire services de traducteurs, secrétaires de traducteurs,
etc. Ce n'est pas le but visé par la charte de restreindre leur droit de
communiquer en anglais entre elles - on donnera un exemple tout à
l'heure: la cité de Côte-Saint-Luc qui voudrait écrire
à Westmount ou à Notre-Dame-de-Grâce, est obligée
d'écrire en anglais. - avec leurs citoyens, avec leurs employés
anglophones alors que, de toute façon, les anglophones, même si on
les force à s'écrire en français, continueront à
parler anglais et à être administrés par un conseil, celui
du maire Bernard Lang. À Côte-Saint-Luc, il y a neuf conseillers
et neuf sur neuf sont des anglophones. Même si on les forçait
à s'écrire en français, ils vont continuer à vivre
en anglais, à vivre leur culture, à vivre leur mentalité.
Et, si les électeurs, pour une raison ou pour une autre, décident
d'avoir un conseiller sur neuf qui soit francophone, ce sera leur
décision; mais, pour le moment, ils sont neuf sur neuf.
Donc, nous demandons - ma cliente demande l'abolition - de faire cesser
l'intervention gouvernementale dans le quotidien municipal de
Côte-Saint-Luc et d'autres municipalités anglophones, ou
majoritairement anglophones. Ce n'est pas gênant de demander cela, parce
que, de toute façon, les droits linguistiques fondamentaux sont inscrits
aux articles 2 à 6 et ne seront nullement affectés. Quand je dis
cela, je parle des droits qui garantissent à tous les citoyens
québécois d'être servis en français dans tous les
secteurs. Et on n'a pas besoin d'un chapitre comme le chapitre 4 pour forcer
l'administration à écrire en français quand le citoyen de
toute façon peut demander... Au Québec, si on regarde la charte,
le citoyen québécois peut respirer en français, il peut se
nourrir en français, il peut entendre en français, il peut
toucher du français, bref, il peut en avaler tant qu'il veut. Je me dis:
Est-ce que cela donne quelque chose maintenant d'enlever ce que
les Anglais ont, ce qu'ils veulent garder? Cela ne donne rien de plus
aux francophones. On ne pourra pas en avaler plus de français en leur en
enlevant.
Cela étant dit, j'aborde maintenant la démonstration des
griefs que l'on reproche à ce fameux chapitre IV. Tout cela est beau,
mais si j'avais tort dans la démonstration, je pense que vous me diriez:
Vous avez tout simplement prononcé des paroles qui ne sont
fondées sur rien.
Il y a trois articles du chapitre IV qui rendent exclusif l'usage du
français et les autres rendent obligatoire l'usage du français.
D'abord vous avez l'article 14 qui est la désignation des organismes.
Seule la dénomination française est permise en vertu de l'article
14. Qu'est-ce qui s'est passé à Côte-Saint-Luc en pratique?
Avant la loi 101, c'était le bilinguisme. On avait "Fire Department",
Service d'incendie; "Recreation Center", Service de loisirs; "City Engineer",
Service d'ingénieurs, etc. On a obligé Côte-Saint-Luc
à enlever "Fire Department" pour s'en tenir exclusivement à
Service d'incendie. En conformité avec l'article 14, la
désignation des organismes doit être en français, et on a
obligé à enlever "Recreation Center". Si je vis à
Côte-Saint-Luc, nous parlons toujours d'une municipalité où
c'est 85% d'anglophones et plus, qu'est-ce que cela nous fait à nous que
ces gens veuillent avoir une désignation bilingue "Recreation Center"?
Qu'est-ce que cela donne de plus aux francophones de Côte-Saint-Luc? Sauf
que cela brime les libertés des anglophones de Côte-Saint-Luc.
Cela ne dérange pas le maire, ni les conseillers qu'il y ait même
prioritaire "Le centre sportif" ou "Le centre récréatif" et,
écrit en plus petit, "Recreation Center". Mais ils ne veulent plus qu'on
les oblige à mettre une désignation unilingue.
Cela va vous faire rire, M. le Président. Si vous étudiez
le ridicule de la charte, vous allez vous rendre compte que l'affichage pour
les organismes municipaux -le paragraphe 24 - permet, en anglais on dit, "to
erect signs and posters". On pourrait installer des affiches et des posters
dans les deux langues de sorte que, théoriquement, si
Côte-Saint-Luc voulait jouer un tour demain matin à l'Office de la
langue française, elle garderait son service d'incendie en
français -parce qu'il est défendu de le mettre en anglais - mais
elle pourrait placer une belle affiche disant: "It was, before Bill 101, the
fire department" avec une flèche pour bien montrer que c'est le service
d'incendie. Ce serait permis en vertu de l'article 24 où on dit qu'on
peut afficher à la fois en français et dans une autre langue;
évidemment, on ne dit pas en anglais, mais cela suppose qu'on pourrait
le faire en anglais. Vous comprendrez que cela deviendrait un peu ridicule,
mais ce serait légal.
Si vous allez maintenant à ce qui est exclusif,
c'est-à-dire là où l'anglais est défendu. Il y a
trois articles de la loi du chapitre 4 qui défendent formellement
l'utilisation de l'anglais. L'article 16: les communications avec les autres
gouvernements et les personnes morales au Québec. On sait que, dans la
définition à l'annexe, à la fin de l'administration, les
gouvernements municipaux forment des gouvernements au sens de la loi, de sorte
que la Cité de Côte-Saint-Luc, le maire de Côte-Saint-Luc ne
peut pas écrire à son collègue de
Notre-Dame-de-Grâce, comme gouvernement municipal, en anglais. Il faut
qu'il écrive en français. Le gouvernement municipal de
Côte-Saint-Luc ne peut pas écrire en cette qualité à
un citoyen francophone, à moins que celui-ci ne le demande, en anglais;
il est obligé, si c'est une personne morale, de lui écrire en
français. Alors, cela est...
Le Président (M. Gagnon): Excusez-moi, Me Bertrand. Je
voudrais juste vous demander s'il y a possibilité d'abréger un
peu, de façon qu'on puisse entendre tous ceux qu'on a à entendre
cet après-midi. J'en profite pour répondre à une question
que vous avez posée tantôt au tout début à savoir si
le mémoire pourrait être déposé au journal des
Débats; je dois vous dire que cela ne se fait plus; par contre, toutel'argumentation que vous donnez depuis 25 minutes maintenant c'est bien
évident que c'est enregistré. Le mémoire est
déposé au Secrétariat des commissions pour que tous ceux
qui veulent le consulter puissent le faire.
M. Bertrand (Guy): M. le Président, je vais tenir compte
de vos remarques. J'en étais à vous parler de l'usage exclusif du
français. On a vu que c'était exclusif pour les communications
avec les autres gouvernements. Maintenant, vous avez l'article 17 qui dit: Le
gouvernement - donc la cité de Côte-Saint-Luc - doit utiliser
uniquement la langue officielle dans ses communications écrites entre
les organismes. Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire que le service
d'urbanisme de Côte-Saint-Luc doit écrire au service de l'aqueduc
ou je ne sais quoi en français seulement. Si ce sont deux anglophones
qui ne savent pas s'écrire en français, qu'est-ce qu'ils font? Le
maire de Côte-Saint-Luc - si vous prenez à l'article 18, où
on dit que la langue des communications internes c'est le français - le
maire de Côte-Saint-Luc réussit à parler français,
mais théoriquement, il pourrait y avoir un maire à
Côte-Saint-Luc qui ne connaîtrait pas le français: il doit
écrire à son gérant en français. C'est absolument
inacceptable. Si le législateur a voulu cela, je ne comprends pas le
législateur.
C'est aussi inacceptable, madame le
Président, que lorsque j'ai défendu la cause des gens de
l'air au Québec... Je le dis: on s'est battu jusque devant la Cour
d'appel fédérale pour contester le règlement de M. Otto
Lang qui voulait suspendre le français dans l'air, en d'autres mots,
obliger un pilote et un contrôleur francophones à se parler en
anglais au Québec. On a invoqué à ce moment des raisons
historiques: le français n'avait jamais été suspendu, sauf
entre 1840 et 1849. On a dit: C'est illégitime et illégal; vous
ne pouvez pas faire cela. Puis il y a eu un tollé de protestations au
Québec, pour les mêmes raisons que c'est illégitime de
forcer deux anglophones à s'écrire en français au
Québec dans une ville majoritairement anglophone.
Puisque vous m'avez demandé d'abréger, je dirai
qu'à l'article 22 on rend obligatoire l'affichage français. J'ai
donné tantôt des exemples montrant comme cela pouvait être
ridicule. Vous n'êtes pas obligés de partager mon point de vue. Si
Côte-Saint-Luc veut avoir du bilinguisme dans son affichage, je ne vois
pas pourquoi on ne lui laisserait pas la paix.
Il y a un article sur lequel je voudrais attirer votre attention
puisque, maintenant, nous allons parler du français obligatoire. Nous
avons vu le français exclusif, de sorte que c'est défendu
d'utiliser l'anglais; il y a aussi l'usage du français obligatoire dans
les textes de l'administration, dans les communications internes, et sur cela
je voudrais attirer votre attention sur la Charte québécoise des
droits et libertés de la personne. Personnellement, je crois que l'on
pourrait soutenir devant la cour qu'en forçant des anglophones à
s'écrire en français nous allons à l'encontre de l'article
10 de la Charte des droits et libertés de la personne qui parle de
liberté d'opinion et de liberté d'expression. Comme je comprends
cette charte, c'est que l'on a le droit d'avoir des opinions et que l'on a le
droit de les exprimer. Le sourd-muet s'exprime avec ses mains; si on lui coupe
les mains, il ne peut plus s'exprimer. Alors, l'anglophone, s'il veut
s'exprimer dans sa langue et être compris, je ne vois pas pourquoi on
l'empêcherait de parler anglais ou, pour être plus précis,
on le forcerait à écrire à un autre anglophone en
français. (15 h 30)
II y a aussi des choses que je pourrais vous souligner qui deviendraient
ridicules. À Côte-Saint-Luc, sur 150 personnes qui y travaillent,
il y en a peut-être 50 qui font des mémos chaque jour. Il faudrait
qu'elles fassent leurs mémos en français. Il y en plusieurs parmi
elles qui ne comprennent pas, c'est-à-dire qui n'écrivent pas le
français. À tout le moins, il faudrait qu'elles écrivent
les mémos dans les deux langues, ce qui est encore pis, parce que l'on
manque déjà de temps - on le sait, vous nous pressez.
Imaginez-vous, en plus d'être obligées d'écrire en
français et de se forcer, elles vont commencer par écrire cela en
anglais et traduire ensuite en français, alors qu'au Québec - et
cela n'est pas notre faute; c'est comme cela dans toutes les
sociétés - il y a des centaines de milliers d'analphabètes
qui ne sont même pas capables d'écrire le français.
Pourquoi forcerait-on des Anglais qui ont peut-être de la misère
à écrire en français? De toute façon, et j'en
parlais à M. le maire, cela sera un français
incompréhensible dans certains cas. Donc, cela n'est pas pratique ni
logique.
Si nous allions maintenant à la nomination à une fonction
administrative. Là, on touche un point important... Oui, M. le ministre,
cela ne sera pas long. A l'article 20, on dit: Pour être nommé,
promu ou muté à une fonction, il faut avoir une connaissance
appropriée du français. Ce qui veut dire que l'adjoint du
gérant à Côté-Saint-Luc, qui travaille là
depuis quinze ans, ne pourra pas être promu et muté comme
gérant en charge parce qu'il ne sait pas le français. Ce qui veut
dire que l'informaticien qui pourrait être le premier de classe à
l'Université McGill, qui aurait à contrôler un ordinateur
qui est programmé seulement en anglais, s'il était muet, il
pourrait être engagé à Côte-Saint-Luc, mais s'il est
anglais, même s'il n'a pas à parler de la journée - il n'a
qu'à pitonner - il ne peut pas être engagé. Je sais que
cela fait rire, mais c'est la vérité. C'est absolument cela s'il
n'a pas la connaissance appropriée. Ce qui veut dire qu'à ce
chapitre... J'attire l'attention des membres de la commission sur la Charte
québécoise des droits et libertés parce que je vous dis
que l'article 20 est contraire à la Charte québécoise des
droits et libertés qui dit, à l'article 16: "Nul ne peut exercer
de discrimination dans l'embauche, l'apprentissage, la durée de la
période de probation, la promotion, la mutation." Or
l'assistant-gérant, si le maire veut le nommer gérant, cela
devient discriminatoire que de dire: Tu ne peux être nommé parce
qu'on a dit à l'article 10 qu'on ne faisait pas de discrimination quant
à la langue.
Au surplus, il y a pis que cela, messieurs les législateurs. Vous
avez passé une loi qui s'appelle "L'exercice des droits des personnes
handicapées." À l'article 63 il est dit que "tout employeur
ayant, le 1er janvier 1983, un personnel de 50 salariés -ce qui veut
dire que si tu es de Côte-Saint-Luc il y en a 150 - va devoir avoir un
programme pour embaucher des handicapés avant le 1er juillet 1984." Ce
qui veut dire que la cité de Côte-Saint-Luc peut être
confrontée entre la Charte québécoise des droits et
libertés et la Charte de la langue française avec un
handicapé, par exemple, un muet ou un autre handicapé qui, lui,
ne
saurait pas l'anglais, de sorte qu'on ne pourrait pas l'engager en vertu
de la charte et il serait confronté avec une poursuite éventuelle
pour la Charte des droits et libertés. Je n'exagère en rien. Je
l'ai étudiée, avec de mes collègues et on arrive à
la même conclusion: il s'agit d'une invraisemblance.
Sur ce, Madame, je sais que vous me regardez avec des beaux yeux, avec
des yeux... Je voulais dire des yeux qui m'invitent à conclure. Je
voudrais vous dire en guise de conclusion... Je voudrais lire mes conclusions:
Sans bouleverser l'économie de la Charte de la langue française
la cité de Côte-Saint-Luc demande de reconnaître
premièrement que la population anglophone a droit à des services
en anglais. Ce n'est pas tout de le dire du bout des lèvres dans des
discours publics et politiques. Que ce soit reconnu qu'elle a droit à
des services en anglais. Deuxièmement, de reconnaître, M. le
ministre, que les organismes municipaux et scolaires dont les
administrés sont en majorité de langue anglaise comme c'est le
cas à Côte-Saint-Luc, puissent utiliser à leur choix le
français ou l'anglais dans leurs communications formelles, internes ou
externes. La même chose, Madame, pour les contrats avec les
anglophones.
Je n'en ai pas parlé, tout à l'heure, mais quand on a fait
la bataille pour les contrats français dans la ligue nationale pour les
joueurs de hockey, c'est parce qu'on trouvait indécent que Pierre
Lacroix, Michel Goulet avec Maurice Fillion, Marcel Aubut et Guy Bertrand
signent des contrats en anglais au Québec. C'est la même chose
pour les anglophones de Côte-Saint-Luc qui décideraient de signer
un contrat de déneigement avec un anglophone à la condition
évidemment - et on le spécifie - que le francophone qui voudra en
avoir une version en tout temps puisse avoir la version du contrat.
Bref c'est en gros ce que la cité de Côte-Saint-Luc voulait
vous exprimer dans son mémoire.
La Présidente (Mme Lachapelle): Merci, M. Bertrand. M. le
ministre.
M. Godin: Brièvement, Me Bertrand, M. le maire, Me
Kirshenblatt. Nous attachons de l'importance à votre mémoire
parce que, au fond, il reflète beaucoup des préoccupations qui
nous viennent des 98 municipalités anglophones du Québec. Je
reconnais avec vous, d'emblée, sans autre forme de procès ou de
patinage - comme on dit en politique - que les articles du chapitre IV
prêtent effectivement à confusion. Nous avons l'intention de faire
en sorte qu'ils soient beaucoup plus clairs et qu'ils incarnent
concrètement la volonté du gouvernement. Puisque nous
reconnaissons, par le biais de l'article 113f, des municipalités
anglophones, il est normal qu'accompagnent cette reconnaissance les droits qui
en découleraient. Par exemple, l'usage de l'anglais dans les
communications internes, dans l'affichage, l'usage de l'anglais dans la
dénomination, etc. Nous travaillerons à trouver une solution
à ce problème dans les semaines qui viennent. Dès que la
commission sera terminée, nous nous mettrons à l'oeuvre
là-dessus.
Je voudrais simplement poser une question sur l'article 24. M. le maire,
Me Bertrand ou M. le chef du contentieux de Côte-Saint-Luc, est-ce que
votre lecture de l'article 24 vous amène à croire qu'il est aboli
par l'article 25 à compter du 1er janvier 1984? Si telle était
votre interprétation, elle ne serait pas fondée,
premièrement; mais nous allons travailler à ce que ce soit plus
clair.
Deuxièmement, il me semble que l'article 20 est clair. Quand nous
disons dans cet article: "...il faut avoir de la langue officielle une
connaissance appropriée à cette fonction", Me Bertrand, comme
vous l'avez évoqué, si, après évidemment une
entente avec l'office, la municipalité estime que l'informaticien qui
travaille dans son "cubicule" avec son ordinateur n'a pas besoin de parler
français, la municipalité peut engager un unilingue anglophone ou
un bilingue - ce qui n'est pas exclu non plus ni interdit - ou même un
sourd-muet, pour reprendre votre exemple. Mais, par ailleurs, il est certain
que si chaque organisme de l'administration - en l'occurrence la ville de
Côte-Saint-Luc - établit les critères et modalités
de vérification et également détermine quel poste exige ou
non une connaissance de la langue officielle, cette décision doit
être entérinée par l'office. À ma connaissance, il y
a eu peu de cas où il y a eu des accrochages majeurs entre l'office et
les municipalités.
Donc, pour ce qui est déjà dans la loi, je pense qu'il y a
suffisamment de marge de manoeuvre pour que le caractère anglais de
Côte-Saint-Luc soit respecté. Pour ce qui n'est pas
déjà dans la loi et qui a fait l'objet de vos interventions, nous
nous penchons avec sérieux sur des solutions à ces
problèmes, de manière qu'il y ait une logique dans la loi par
rapport à la volonté que le gouvernement a exprimée.
Ce sont mes remarques, M. le Président.
M. Bertrand (Guy): Pour ce qui est de l'article 24, cela ne fait
aucun doute dans mon esprit que cet article ne disparaît pas avec
l'application des articles 15 à 23 pour la fin de l'année
1983.
Cela étant dit, ce qui a amené Côte-Saint-Luc devant
vous, ce n'est pas tellement la loi, qui est mal foutue et mal
rédigée,
c'est surtout l'interprétation qu'en a faite l'Office de la
langue française. Nous avons quatre documents ici qui illustrent que
l'Office de la langue française a contredit les conseillers juridiques
de cité de Côte-Saint-Luc, en particulier sur un article sur
lequel vous avez attiré l'attention de cette commission, à savoir
l'article 24. Par exemple, on voulait avoir des dépliants publicitaires
concernant les programmes urgences-santé du Conseil de santé et
des services sociaux de la région de Montréal, On dit: On va
envoyer cela en anglais, parce que notre population est anglaise. On dit: Au
moins, envoyez-nous des dépliants bilingues. Le conseil de santé
a répondu ceci: Malheureusement, après une dernière
vérification - parce qu'il y a beaucoup de plaidoiries - et pour faire
suite à notre conversation téléphonique, je dois vous dire
que M. Untel, conseiller, que je ne nommerai pas, à la Commission de
surveillance de la langue française, me spécifie que dans ce
cas-ci, ce n'est pas l'article 22 sur l'affichage de la loi 101, mais bien
l'article 15, une publication qui fait force. Cet article stipule qu'il n'est
pas possible de publier des dépliants bilingues. Donc, ils ont
refusé de faire parvenir des dépliants bilingues à
cité de Côte-Saint-Luc. Je voudrais, au même chapitre, vous
dire qu'à un moment donné, sitôt que cité de
Côte-Saint-Luc a voulu se prévaloir d'un programme de
sécurité routière - le 15 juin 1983 - de la Régie
de l'assurance automobile du Québec pour prévenir les gens du
danger des automobiles, etc.. Donc, elle a demandé que les affiches de
la régie "Soyons prudents", "Au Québec, on protège nos
enfants", etc., soient dans les deux langues. Je dois vous lire la lettre et je
vais vous en remettre une copie. Voici ce que l'office a dit. Je sais, M. le
ministre, que vous pourriez dire que l'office a tort. Il a ma]
interprété la loi, mais il ne faut plus que cela arrive, des
interprétations...
M. Godin: Me Bertrand, je ne vous ai rien dit encore.
M. Bertrand (Guy): D'accord, mais il ne faudrait plus que cela
arrive à l'avenir, parce que cela crée des préjudices aux
municipalités. Voici ce que l'office a dit: Objet: Affiches de la
Régie de l'assurance automobile. Un des rôles principaux de la
Régie de l'assurance automobile consiste à promouvoir la
santé et la sécurité sur les routes. Vous comprendrez par
conséquent l'importance pour la régie de diffuser ses messages de
sécurité routière au plus grand nombre possible de
citoyens et pour ce faire, d'utiliser une autre langue en plus du
français chaque fois qu'elle est autorisée à le faire."
Donc, jusqu'ici, on se dit: Parfait! On va avoir gain de cause. "En ce sens, le
fait que la régie soit dans l'impossibilité de fournir à
votre municipalité les affiches bilingues qu'elle réclame dans le
cas présent ne saurait être interprété comme un
refus de voir aux besoins de la population non francophone, mais simplement
comme le résultat de l'application de la Charte de la langue
française." Si vous me permettez, je continue: "Encore une fois, aux
fins de l'application de l'article 22 de la charte, la santé et la
sécurité publiques - parce que vous vous rappelez qu'il y a une
exception, on affiche exclusivement en français, sauf si la santé
et la sécurité sont menacées - sont
considérées comme étant en cause uniquement lorsqu'il y a
imminence de danger." En vertu de quoi l'office peut-il se permettre
d'interpréter cet article en disant de son propre chef: Nous, on pense
que c'est lorsqu'il y a imminence de danger? "Cette règle résulte
d'une entente entre les organismes de l'État et l'Office de la langue
française en vue de guider la pratique en matière d'affichage
public. En tant que partie à cette entente la régie - on voit
qu'elle le regrette - ne saurait se soustraire à cette règle et
diffuser dans une langue autre que le français des messages à
caractère préventif d'ordre général qui ne visent
pas à contrer un danger imminent."
M. Godin: Me Bertrand, sur le premier point, le principe que le
gouvernement applique, c'est que les citoyens anglophones doivent avoir
accès dans leur langue aux documents destinés aux citoyens, d'une
part. D'autre part, quant à l'affichage, cela relève des
municipalités. Donc, rien n'empêche la cité de
Côte-Saint-Luc d'afficher cette promotion de la Régie de
l'assurance automobile pour la sécurité des gens, une promotion
large qui n'avertit pas les gens d'un danger immédiat effectivement.
Rien n'interdit la municipalité de Côte-Saint-Luc, en vertu de
l'article 24, d'afficher elle-même un panneau disant: "In Cote St. Luke,
life is important", je ne sais pas quoi.
M. Bertrand (Guy): Oui, c'est vrai. Une voix: Ils vont
payer deux fois.
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre! À
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Godin: Cela a été la position adoptée par
l'office. Personnellement, je l'ai endossée parce que le principe est
l'accès des citoyens à la documentation et le principe des
municipalités, c'est que l'affichage dans les deux langues est permis
donc, Côte-Saint-Luc - en vertu de l'article 113f. Les
municipalités reconnues comme anglophones peuvent afficher en anglais si
elles le souhaitent. Donc, ma position était que si Côte-Saint-Luc
estime
important que cette publicité incitative existe en anglais, libre
à cette municipalité de faire imprimer sa publicité
à ses frais. (15 h 45)
M. Bertrand: Si vous me permettez, à la suite de votre
remarque, c'est vrai qu'elle pourrait le faire à ses frais. D'ailleurs,
selon la conclusion de la régie, on voit que la régie est
malheureuse. Dans sa lettre, dont je vous distribuerai une copie, elle est
malheureuse. Elle nous a dit: Écoutez, nous vous rappelons que la
régie n'ayant aucun pouvoir en matière de législation
linguistique, il serait souhaitable que vous vous adressiez directement
à l'Office de la langue française ou au législateur, si
vous voulez voir cela changer.
D'un autre côté, Côte-Saint-Luc ne veut pas afficher
en anglais. C'est parfait, on veut afficher en français, mais on
voudrait aussi que les 85 pour cent de la population puisse comprendre le
message. Il s'agissait d'une message un peu plus compliqué que celui que
je vous ai lu plus tôt, de sorte que ce qu'elle voulait, c'était
tout simplement un affichage bilingue. Or, comme ces gens paient des
impôts, et de gros impôts au Québec, - ils se disent:
Pourquoi n'aurions-nous pas le droit, de la part de cet organisme public qui
s'appelle la régie, d'avoir un affichage qui sera, de toute
façon, bilingue. On n'enlève rien à la charte, on
n'enlève rien au français, mais on donne un certain respect
à cette communauté.
M. Godin: Si la population de Côte-Saint-Luc est
fière de sa langue, à mon avis elle devrait faire l'effort
d'afficher en anglais elle-même.
Mme Lavoie-Roux: Ah! Puis vous le fournissez à toutes les
autres municipalités.
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Godin: M. le Président, nous le fournissons partout en
français, et les municipalités anglophones peuvent afficher en
anglais si elles le souhaitent. Nous ne le fournirons pas bilingue dans tout le
Québec, Mme la députée de L'Acadie. La municipalité
de Champlain...
Mme Lavoie-Roux: Non, mais aux municipalités anglophones
que vous reconnaissez comme telles d'après l'article 113f.
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre,
s'il-vous-plaît!
M. Godin: Ni la municipalité de Champlain, ni la
municipalité de Batiscan ou de l'ensemble du Québec ne recevront
les affiches bilingues du gouvernement du
Québec. La publicité écrite bilingue, pas de
problème, mais l'affichage sera la responsabilité des
municipalités reconnues comme anglophones par le gouvernement du
Québec. Cela reconnaît des droits, mais qu'elles les exercent, ces
droits. C'est à elles de les exercer.
Mme Lavoie-Roux: À leur frais.
M. Bertrand: M. le Président, pour répondre
à la question de M. le ministre, dans la conclusion que j'ai lue plus
tôt, nous avons bien spécifié que ceci s'adressait aux
villes où il y a une majorité d'administrés anglophones,
ce qui est, à mon sens, très différent. C'est pour cela
que je vous ai demandé au début si la charte ne devrait pas
inscrire les droits fondamentaux en matière linguistique qui
appartiennent à la communauté anglophone. Si c'est inscrit, la
question est réglée. En d'autres mots, M. le ministre, si l'on
procède à un examen et que la réponse démontre que
ces gens ont des droits fondamentaux en matière linguistique et qu'on
dit oui, cela devrait être inscrit dans la charte, le cas
échéant, le problème devient une question
d'équité pour des gens qui, de toute façon, ne demandent
rien de plus. Ils veulent seulement que les affiches, dans leur
municipalité, soient également en anglais.
À la fin, je vous demandais ceci: est-ce qu'on est prêt
à poser un geste qui, de toute façon, ne donne rien à la
communauté francophone? Non seulement cela ne donne rien, mais cela ne
nous enlève rien et, pour eux, c'est une démonstration que les
droits fondamentaux dont on parlait au début seront respectés par
un geste tangible. Cela est un exemple d'un geste tangible pour les
municipalités anglophones. Autrement, M. le ministre, on arrive à
l'exemple que je vous ai donné plus tôt. Qu'est-ce que ça
donne aux francophones d'enlever "Fire Department". Cela nous donne rien, cela
agace beaucoup la population de Côte-Saint-Luc. M. le maire pourrait vous
le confirmer. Cela fait que les francophones sont détestés pour
des insignifiances, je parle toujours des municipalités avec une
majorité d'administrés anglophones. C'est très
différent. Je sais que vous en prenez bonne note, M. le ministre.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, je ne peux concevoir que le
ministre fasse l'affirmation qu'on a entendue plus tôt à l'appui
de la décision de l'Office de la langue française. Non seulement
on se rend compte que dans le cas de ces panneaux de sécurité,
qui plaident pour la sécurité, fournis par la Régie de
l'assurance automobile... mais on s'aperçoit que la loi interdit
à la régie de
les fournir aux municipalités qui sont reconnues en vertu de
113f, donc, qui comptent une majorité de citoyens de langue anglaise, on
s'aperçoit que toute la paperasse, toutes les difficultés
administratives que les autorités d'une municipalité semblable
sont obligées d'entretenir avec l'Office de la langue française
et ce, pour en venir à quoi en termes pratiques? Pour en venir à
décider que la municipalité doit dépenser de ses propres
deniers pour avoir droit aux mêmes affichages que les autres
municipalités. Si ce n'est pas là du "tatillonnage" et du
"niaisage", comme a dit Me Bertrand, je ne sais pas ce que c'est. Quand le
ministre se cantonne dans son interprétation pour dire que c'est comme
cela que cela va être, que c'est comme cela qu'il faut que ce soit, je
vous avoue franchement que je ne suis pas très optimiste quant aux
résultats que donnera cette commission parlementaire en termes
d'amélioration, de bonification et d'élimination des irritants de
la loi 101. Vous aviez parlé d'excès et d'abus, M. le ministre.
Eh bien, c'en est un, un excès.
M. Godin: Et d'erreurs aussi.
M. Gratton: Et d'erreurs, d'irritants, de tout ce que vous
voudrez. C'est un cas flagrant. Que vous nous disiez aujourd'hui que cela ne
changera pas, ce n'est pas très rassurant.
M. le Président, c'est mon collègue de D'Arcy McGee qui
posera les questions.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier les
représentants de la ville fleurie de Côte-Saint-Luc d'être
venus faire cette présentation. Je dis "ville fleurie", parce que la
ville a déjà eu deux prix du gouvernement du Québec pour
l'aménagement.
Une voix: Dites-le avec des fleurs!
M. Marx: La présentation de Me Bertrand a
démontré que, quelle que soit la couleur d'un avocat, il peut
toujours faire une présentation objective et parler d'une façon
objective. Je dirais même cela à propos des avocats de l'Office de
la langue française et de la Commission de surveillance, parce qu'ils
ont émis des opinions objectives en disant qu'il y a un paquet de
règlements adoptés par ces organismes qui sont invalides.
Ces jours-ci, Côte-Saint-Luc me fait penser à un village
à la Potemkine. Et je vais expliquer cela. Vous avez déjà
dit que la ville de Côte-Saint-Luc a à peu près 85%
d'anglophones - peut-être seulement 5% de francophones, parce qu'il y a
des gens qui ne parlent ni l'anglais, ni le français - donc,
peut-être seulement 4% ou 5% de francophones. Mais, à cause des
règlements sur l'affichage, cela me fait penser à un village
à la Potemkine. Potemkine était l'inspecteur
général de la tsarine en Russie au dix-huitième
siècle. La tsarine allait de Moscou à Leningrad, et il avait
érigé, au bord des chemins de fer, des villages en carton. Quand
la tsarine est passée, elle a dit: "Ah, que c'est beau en Russie: tous
les paysans sont heureux, tout marche bien, tout le monde est bien
habillé".
M. Fortier: Tout le monde est beau, tout le monde est gentil.
M. Marx: C'est un peu comme cela à Côte-Saint-Luc.
Quand on passe à Côte-Saint-Luc, on peut penser qu'il n'y a pas
d'anglophones qui y habitent parce que tout est affiché en
français. Et maintenant, je vois même que, dans certaines rues
où c'était bilingue, ils ont forcé les commerçants
et les magasins à enlever les quelques mots d'anglais qui s'y
trouvaient. Donc, cela me fait penser malheureusement à un village
à la Potemkine, auquel on a déjà pensé et qu'on a
délaissé il y a deux siècles.
J'aimerais souligner que la ville de Côte-Saint-Luc a toujours
fourni des services bilingues à ses citoyens. La ville a toujours
parlé à ses citoyens francophones en français; il n'y a
pas de problème. Et même les anglophones vont exiger que ce soit
bilingue parce qu'ils trouvent cela plus normal pour cette ville. Et même
le bulletin de la ville, par exemple, est rédigé et
distribué de façon bilingue à tous les citoyens.
J'aimerais poser deux questions, peut-être même trois.
Est-ce que le maire va avoir le droit de m'écrire en anglais à
l'avenir? Ce n'est pas sûr, cela.
M. Bertrand (Guy): Si vous le demandez.
M. Marx: Bon, je fais une demande formelle. Que ce soit
enregistré au journal des Débats que j'ai demandé qu'il
m'écrive en anglais.
J'ai deux questions à poser. Premièrement, est-ce que les
contraventions, les sommations qu'on distribue dans la ville, sont en
français seulement, ou bilingues, ou quoi?
M. Lang: Elles sont bilingues.
M. Marx: Elles sont bilingues? Il y en a qui sont données
par... Quand c'est donné par le service de sécurité de la
ville, c'est bilingue? Quand c'est un policier de la
Communauté urbaine de Montréal?
M. Lang: Je n'ai jamais reçu de contravention. Je ne le
sais pas.
M. Fortier: II n'est pas ministre, lui.
M. Marx: J'ai eu des plaintes à savoir qu'il y a beaucoup
de sommations, beaucoup de contraventions qui sont émises seulement en
langue française et les gens ne les comprennent pas.
Une deuxième question sur les interprétations de la charte
par l'Office de la langue française. C'est un secret de polichinelle que
les rédacteurs de la charte n'ont pas voulu être encadrés
par les juristes. Quand on a rédigé la charte on a dit:
Même si cela n'est pas tout à fait légal, on va le mettre
dans la charte. Il y a tout un chapitre qui a été jugé
inconstitutionnel par la Cour suprême du Canada et par la Cour d'appel du
Québec, etc. On sait que lorsque les rédacteurs ont
rédigé la charte ils n'ont pas pris en considération la
légalité des articles. Si c'était un peu illégal,
ils ont laissé faire. C'est un secret de polichinelle, aujourd'hui
l'Office de la langue française rédige des règlements qui
sont plus ou moins illégaux en se disant: Qui va contester cela? Les
grandes entreprises veulent avoir de bonnes relations avec les offices qui
mettent en oeuvre des programmes de francisation. L'individu n'a pas assez
d'argent pour se présenter devant les tribunaux. Cela m'a surpris que
des villes comme Câte-Saint-Luc ou d'autres villes anglophones n'aient
pas contesté certaines interprétations de la charte
données par l'Office de la langue française ou certains
règlements qui s'appliquent.
Me Bertrand a fait une démonstration qu'il y a un certain nombre
d'articles et de règlements qui sont difficiles, sinon impossibles
à appliquer et il y en a d'autres qui sont des règlements
illégaux. On peut se fier même sur les études de l'office,
du Conseil de la langue française, etc. Cela me surprend un peu qu'il
n'y ait pas une ville qui ait contesté ces règlements de
l'office.
M. Bertrand (Guy): Si Côte-Saint-Luc avait contesté
les décisions de l'office il en aurait coûté cher en frais
et en honoraires d'avocats, à partir de la première chose qu'on a
demandée; pour obtenir le certificat de francisation, on a
demandé d'abolir -comme j'ai dit tantôt - tous les services
rédigés en anglais. On a décidé de laisser le
français seulement.
La deuxième chose, c'est qu'on a demandé à la
cité de Côte-Saint-Luc d'abolir le mot "cité" pour le
remplacer par "ville" De la sorte, l'office s'est donné le pouvoir
d'agir par délégation. Les juristes ont dit: Vous ne pouvez pas
faire cela. En vertu de quoi pouvez-vous changer une loi? C'est une
décision de 1958 du Parlement québécois changeant ville de
Câte-Saint-Luc par cité de Côte-Saint-Luc. C'est une loi du
Parlement. On a expliqué qu'autrefois cela s'appelait village de
Côte-Saint-Luc pour devenir ville de Côte-Saint-Luc et plus tard
cité de Côte-Saint-Luc. Là, l'office a reculé devant
les représentations qu'on a faites, de sorte qu'on peut tout de suite
dire qu'il s'arroge des pouvoirs qu'il n'a pas. Ce ne sont pas toutes les
municipalités qui aiment se promener devant les tribunaux ou
contester.
La même chose pour le nom des districts électoraux. Le 15
mars 1983, la Commission de toponymie a dit: Vous devez vous donner des noms de
districts électoraux. On a dit: Vous ne pouvez pas faire cela. Cela
appartient à la Loi sur les cités et villes. En fin de compte,
ils ont reculé là aussi. Ce sont deux exemples que je vous donne.
Pour les deux autres exemples que je vous ai donnés tout à
l'heure en ce qui concerne les dépliants publicitaires
d'urgences-santé qu'on a refusé de donner en français, il
est sûr que cela aurait pu être contesté devant les
tribunaux. Assez curieusement, peut-être que vous ne le savez pas, M. le
ministre, dans la lettre du Conseil régional de la santé et des
services sociaux on a dit: On ne peut pas vous l'envoyer en anglais parce que
c'est défendu par l'article 15 qui dit qu'il faut que ce soit en
français seulement. Nous n'interprétons pas cela ainsi. Ils ont
dit: Vous ne pouvez pas l'avoir. Cependant, ils ajoutent à la fin: Cet
article stipule qu'il n'est pas possible de publier ces dépliants
bilingues. Côte-Saint-Luc s'est dit: Ce sont des beaux dépliants
qu'on voudrait envoyer à tous les citoyens, les 25 000 anglophones, qui
donnent des instructions sur le plan de la santé. On ne peut pas le
faire. Cependant, ils ont ajouté ceci: "Je profite de l'occasion pour
vous faire parvenir une centaine de dépliants anglais." (16 heures)
Oui, ils ont envoyé une centaine de dépliants anglais de
sorte qu'on s'est dit: S'ils peuvent faire des dépliants anglais,
strictement en anglais, pourquoi n'en feraient-ils pas des bilingues pour les
villes dont les citoyens sont majoritairement anglophones? Cela aurait
réglé le problème. Cela a causé un problème
pour Côte-Saint-Luc. D'abord, elle n'a pas pu envoyer ce dépliant;
deuxièmement, il n'y avait pas suffisamment de dépliants anglais
et de dépliants français. La majorité ne comprenait pas le
français. Le résultat, c'est que la municipalité dit: On
aurait aimé avoir un dépliant bilingue. Ceux qui comprennent le
français liront le côté français et ceux qui
comprennent l'anglais... C'est sûr que cette décision de l'office
aurait pu être contestée mais pour des
raisons que je vous donne, toutes les municipalités n'aiment pas
se promener devant les tribunaux.
M. Marx: Le problème c'est que si personne ne conteste
l'office, il va continuer. L'office a une certaine immunité, si tout le
monde se plie à ses exigences qui ne sont pas encore, de temps en temps,
en conformité avec la loi ou même avec son propre
règlement. C'est peut-être pourquoi on a une commission.
Souhaitons que le ministre apportera certaines corrections. Peut-être
qu'il a un plus grand sens de la justice que le ministre qui l'a
précédé. Merci pour être venus aujourd'hui.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de D'Arcy McGee. M. le député de Fabre, en
vous invitant à être le plus bref possible parce qu'on a
dépassé notre temps.
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je voudrais
poser une question. À la page 5 de votre mémoire, vous faites des
commentaires qui m'étonnent un peu au sujet des bénévoles
qui travaillent pour la municipalité, en fait qui font du travail pour
la municipalité et qui, selon ce que vous dites, doivent rédiger
ou devraient rédiger leur rapport en français. Cela
m'étonne que vous fassiez ce commentaire. À quoi vous
référez-vous pour cela? Est-ce à une expérience que
vous avez vécue? Il n'y a aucun article qui parle des
bénévoles à mon sens.
M. Bertrand (Guy): Au niveau des services de loisirs, des
programmes pour personnes âgées et d'autres programmes de sport,
c'est clair qu'après la fin de décembre, toutes les personnes qui
ont un poste administratif, que ce soit un directeur des loisirs qui va se
chercher un assistant, qui travaille à toutes fins utiles
bénévolement comme assistant, devra soumettre ses mémos en
français ou en anglais, s'il le désire, en tout cas, cela devra
être dans les deux langues. Ceci aura pour effet... Je vous donne un
exemple de l'assistant-directeur du service des loisirs ou plusieurs personnes
bénévoles et personnes âgées qui ne comprennent pas
le français. Il faut quand même qu'il y ait des mémos qui
soient rédigés. On parle toujours de la langue écrite.
Nous disons que si vous attirez l'attention, si vous mettez l'emphase dans la
loi sur l'écriture plutôt que sur les services à rendre,
cela risque de mettre en danger plusieurs programmes à
Côte-Saint-Luc. Ils ont déjà eu des échos. C'est que
les gens disent: S'il faut commencer à s'écrire en
français, nous ne connaissons pas assez la langue; même si on
permet de le faire dans les deux langues, on n'est plus intéressé
à ces programmes bénévoles. C'est un peu dans ce sens que
je l'ai souligné. Évidemment, vous pouvez me dire que cela
concerne les nominations administratives.
M. Leduc (Fabre): Oui, d'accord. C'est une précision qui
est importante à faire. En ce qui concerne l'article 26, de quelle
façon suggéreriez-vous de le remplacer? Selon quelles
modalités? Cela concerne l'article au sujet des communications internes.
Donc, il y a une municipalité qui est anglophone...
M. Bertrand (Guy): Vous parlez de l'article 26?
M. Leduc (Fabre): Non, non. Mais l'article 26 traite des
communications internes.
M. Bertrand (Guy): Oui. D'abord, l'article 26 ne concerne pas les
municipalités, comme vous le savez; il concerne seulement les organismes
scolaires et les services de santé. Ce qui concerne les
municipalités au niveau des communications internes, c'est les articles
16, 17 et 18. C'est pour cela que, évidemment, quand on a demandé
l'abolition complète du chapitre... Je vous répondrai que
lorsqu'on dit à l'article 26 - même si cela ne concerne pas les
municipalités - "utiliser à la fois" le français et
l'anglais, ici, le législateur devrait amender cela, soit par voie
législative ou par voie de règlement, pour que ce soit dans l'une
ou l'autre des deux langues, parce que écrire "à la fois" en
français et en anglais, cela n'est vraiment pas pratique et cela ne
règle rien. Je répondrais quand même ici que cela peut se
faire par voie réglementaire si vous, les législateurs, disiez
par voie réglementaire que "à la fois" veut dire, par exemple,
"au choix en français ou en anglais". À l'article 27, il est dit
que c'est possible de le faire dans les centres hospitaliers. On permet au
médecin de rédiger ses dossiers en anglais, mais on dit par
exemple que si un francophone veut avoir une copie de ses dossiers, vous devrez
lui en fournir un résumé en français. Cela, c'est parfait.
La même chose pourrait s'appliquer dans les municipalités pour
permettre au maire qui est un anglophone de faire toutes ses affaires au point
de vue gouvernemental en anglais, et si un francophone de la
municipalité désire avoir une copie du dossier en
français, qu'il lui fournisse le dossier au complet en français,
quitte à le faire traduire.
M. Leduc (Fabre): Oui, mais on parle des communications internes.
Vous avez raison, cela ne s'applique pas aux municipalités. Cela
pourrait cependant s'appliquer aux municipalités,
hypothé-tiquement. Vous dites: Non, parce
qu'il y a les deux langues finalement: le français et l'anglais.
Il faudrait faire un choix. Donc, le choix se ferait en faveur de l'anglais. On
s'entend là-dessus: les communications internes se feraient donc en
anglais.
M. Bertrand (Guy): Dans les villes où il y a une
majorité d'administrés anglophones...
M. Leduc (Fabre): D'accord!
M. Bertrand (Guy): En fait, c'est la loi 22.
M. Leduc (Fabre): Oui.
M. Bertrand (Guy): La loi 22 disait cela.
M. Leduc (Fabre): Très bien. Combien avez-vous
d'employés francophones à Côte-Saint-Luc?
M. Bertrand (Guy): Sur 130 employés, c'est
moitié-moitié.
M. Leduc (Fabre): Donc, la moitié de vos employés
sont francophones à Côte-Saint-Luc. Ce qui signifie que les
communications internes devraient se faire en anglais avec les employés
francophones.
M. Bertrand (Guy): Non, au choix.
M. Leduc (Fabre): On arrive à cette conclusion.
M. Bertrand (Guy): Au choix.
M. Leduc (Fabre): Oui, mais il ne faut pas jouer sur les mots "au
choix", on parle de communications internes.
M. Bertrand (Guy): Oui.
M. Leduc (Fabre): Je vous demande si vous êtes d'accord
pour utiliser le français et l'anglais, c'est-à-dire appliquer
l'article 26, vous me dites non.
M. Bertrand (Guy): Ah! D'accord!
M. Leduc (Fabre): Donc, c'est l'anglais qui serait utilisé
avec tous les employés, y compris les employés francophones.
M. Bertrand (Guy): Actuellement, pour parler des
municipalités, puisque le ministre a dit qu'il y aurait des amendements,
il faut se référer à l'article 17 concernant les
communications internes. Communications internes en français seulement.
"Le gouvernement, (...) utilisent uniquement la langue officielle dans leurs
communications écrites entre eux." D'accord? Cela, c'est la loi
actuelle. Le maire, comme je l'ai dit tantôt, qui écrirait
à son gérant ou à un autre service de son gouvernement
municipal, actuellement, si la loi est en vigueur en décembre, n'a pas
le choix, il faut qu'il écrive en français. Si vous modifiez la
loi pour être en accord avec l'article 26, je dis que le maire pourrait
écrire en anglais, s'il le désire, et cela se pourrait que dans
un autre service, au niveau de l'aqueduc, par exemple, ce soit un directeur
francophone qui, lui, aura toujours le droit d'utiliser le français
parce que la charte stipule que le français, on peut l'utiliser partout.
De sorte que s'il écrit en français au maire, celui-ci devra
l'accepter, mais ce que le maire ne veut pas, c'est d'être forcé
d'écrire en français à tout le monde quand cela n'est pas
sa langue.
De plus, surtout ne pas mettre dans la prochaine loi que vous allez
refaire, à ce chapitre-ci, les deux langues "à la fois".
Franchement, s'il écrit une lettre, il l'écrirait en
français parce que c'est obligatoire. Il se forcerait ou il aurait un
traducteur. Incidemment, les traducteurs cela n'est pas facile à avoir.
La ville de Côte-Saint-Luc est à la recherche de traducteurs. Cela
prendrait plus d'un traducteur. Il ne peut pas avoir à son service un
traducteur à longueur de journée et ne pas en avoir dans les
autres services. Il y a des mémos qui doivent être transcrits
régulièrement pour faire partie des dossiers d'une façon
officielle. Si vous mettez les deux langues, on va se retrouver
évidemment avec l'anglais, puis là, le bonhomme va tout
simplement résumer en deux ou trois mots de français et vous
n'aurez pas plus la traduction. C'est pour cela que ce n'est pas pratique.
Tandis qu'au niveau médical, pour les dossiers dans les hôpitaux,
je pense que vous avez trouvé la formule: permettre au professionnel de
la santé d'écrire dans sa langue et au francophone d'obtenir un
résumé ou une copie.
M. Leduc (Fabre): Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, c'est tout simplement pour
dire à Me Bertrand qu'en l'écoutant plaider aussi vaillamment et
avec autant d'à-propos les changements qu'il propose à la Charte
de la langue française au nom de la cité de Côte-Saint-Luc,
je n'ai pu m'empêcher de me demander ce qui aurait pu arriver dans la
rédaction de la loi 101 si Me Bertrand avait été
élu dans Bellechasse en 1973. On ne le saura jamais, mais, en tout cas,
chose certaine, si j'étais le ministre, je vous écouterais avec
beaucoup d'attention.
M. Bertrand (Guy): En 1970. M. le maire voudrait seulement
ajouter un mot avant de terminer.
Le Président (M. Gagnon): Je vais donner la parole au
ministre et ensuite...
M. Godin: M. le maire, allez-y.
Le Président (M. Gagnon): Allez-y, M. le maire.
M. Godin: Allez-y, M. le maire.
M. Lang (Bernard): Bon après-midi, M. le Président,
M. le ministre, mesdames et messieurs. J'aimerais remercier les membres de la
commission parlementaire de nous avoir entendus aujourd'hui. Me Guy Bertrand a
exposé nos idées et notre point de vue.
Les modifications que nous proposons donneront un meilleur service
à mes concitoyens de langue anglaise, environ 23 000, ainsi qu'aux
autres municipalités anglophones et éviteront une situation
chaotique et dispendieuse. Tout ce que nous demandons est juste et raisonnable.
Nous osons croire que la commission nous appuiera et nous donnera justice.
Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le maire. M. le
ministre.
M. Godin: M. le maire, Me Kirshenblatt, Me Bertrand, en
terminant, je veux vous remercier d'être venus nous exposer les
problèmes vécus concrets. Je terminerai par une question que je
poserai à M. le maire. Si l'article 26 incluait les
municipalités, est-ce que cela réglerait une partie de votre
problème?
M. Lang: Comme je l'ai dit, cela devient très
dispendieux.
M. Godin: Mais est-ce que...
M. Lang: II faut embaucher des traducteurs pour traduire chaque
mémoire, chaque lettre qu'on écrit en anglais. Il faut les
traduire en français.
M. Godin: Merci beaucoup, M. le maire.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Je remercie la
cité de Côte-Saint-Luc pour cet excellent mémoire.
J'inviterais maintenant l'Association des anglophones de l'Estrie
à prendre place. Le temps que ces gens prennent place, je voudrais
revenir, peut-être pas sur une décision que j'ai rendue ce matin,
mais, lorsqu'on a soulevé une question de règlement par rapport
au mémoire et à l'ajout de mémoire qui est arrivé
sans que les membres de la commission parlementaire en aient une copie,
après avoir vérifié notre réglementation,
effectivement, on se rend compte que, suivant nos règlements, les
mémoires devraient être déposés au
secrétariat des commissions trente jours avant la tenue de la commission
parlementaire accompagnés d'un bref résumé. On dit:
Après ce délai, le secrétaire des commissions
parlementaires fait parvenir à chaque membre de la commission un
exemplaire des mémoires et des résumés et il convoque,
c'est-à-dire le secrétaire des commissions parlementaires, les
personnes qui ont déposé des mémoires au moins sept jours
avant la réunion où elles se feront entendre. Je pense que c'est
normal... C'est un peu dans ce sens. Je ne m'étais pas appuyé sur
le règlement, mais je me souvenais qu'on en avait déjà
discuté et que c'était normal qu'un mémoire... Cela ne
veut pas dire que c'est appliqué à la lettre en termes de jours,
mais, lorsqu'on fait lecture d'un mémoire, c'est normal qu'au moins les
membres de la commission parlementaire aient ce mémoire entre les mains.
Je ne sais pas si cela répond à la question de règlement
que vous aviez soulevée ce matin, M. le ministre.
M. Godin: En ce qui me concerne, cela répond à ma
question de façon satisfaisante.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Cela ne règle pas le problème dans mon
esprit parce que je ne voudrais pas que vous pensiez que j'accepte qu'une
personne qui vient témoigner ici ou un organisme ne peut pas faire des
changements dans le texte qu'il vous a adressé il y a un mois. S'il veut
faire des changements ou des ajouts, pourvu qu'il respecte le temps qui lui est
accordé ici, il n'y a aucune règle qui dit qu'il doit s'en tenir
au texte qu'il a soumis un mois avant. Il garde sa liberté
complète. On lui demande cela pour faciliter le travail des
parlementaires, mais je ne voudrais pas que cela implique en contrepartie un
quelconque droit de censure sur des changements qu'il veut faire lors de la
présentation, y compris des additions ou des soustractions.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre. (16 h 15)
M. Godin: Je suis parfaitement d'accord avec vous sauf que la
pratique est bien claire aussi. Dans nos règlements aussi bien que dans
la pratique, M. le député d'Argenteuil, il n'y a aucune objection
à ce qu'il y ait des changements entre le mémoire soumis il y a
un mois et, les événements étant ce qu'ils sont, cela peut
changer. Mais, même quand les amendements ou les changements sont faits,
que la personne qui
est invitée à nous rencontrer nous remette en même
temps... Je l'ai eu le texte en question, cinq minutes après que la
lecture en a été terminée. Cela aurait été
très simple que chacun des membres ici l'ait au moment où il
était lu. C'est un peu un problème technique. La pratique veut,
quand il y a des changements comme cela, quand un mémoire est
modifié, substantiellement ou non, que la nouvelle version soit remise
aux membres de la commission par respect pour l'institution, M. le
député d'Argenteuil, purement et simplement, par respect pour les
membres qui travaillent ici pendant de longues heures et également de
longs jours d'affilée. Nous voulons avoir en main tous les
renseignements. D'après la pratique que j'ai observée plusieurs
fois, quand il y a des changements, quand les invités s'assoient,
simultanément, ils font distribuer la nouvelle version par le personnel
de l'Assemblée nationale. Je n'ai aucune objection à ce qu'elle
ne soit pas conforme à la première version, mais au moins qu'on
puisse en faire la lecture et l'analyser en même temps.
M. Ryan: Oui, mais cela demeure votre opinion, cela ne fait pas
partie du règlement.
M. Godin: Cela fait partie de la pratique des commissions
parlementaires.
M. Ryan: Mais pas du règlement qui nous est
particulier.
Le Président (M. Gagnon): Excusez. Si nous appliquions le
règlement à la lettre, comme vous avez mentionné, c'est un
fait que nous pourrions refuser les changements qui auraient lieu dans un
mémoire à l'intérieur d'un certain nombre de jours. Mais,
dans la pratique des commissions parlementaires, quand les gens ont un nouveau
résumé de leur mémoire, habituellement, ils le font
circuler pour que les membres de la commission parlementaire aient en main le
mémoire qu'on est en train de lire en avant. C'est à peu
près ce que je peux vous dire sur la question de règlement.
M. le député de Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, très
brièvement. Combien de fois les ministres font une déclaration
d'ouverture à des commissions parlementaires sans même avoir la
courtoisie d'en fournir des copies à l'Opposition? Nous nous organisons
comme nous pouvons. Je conviens que, dans la mesure du possible, on doive
tenter de suivre ces règles de pratique, mais j'abonde dans le
même sens que le député d'Argenteuil; on ne doit pas en
faire une règle absolue qui pourrait brimer nos invités de leur
liberté d'expression.
Le Président (M. Gagnon): Je voulais tout simplement
corriger l'impression que j'ai pu donner ce matin par rapport à
l'interprétation de notre règlement. Ce que j'ai alors dit
n'était pas tout à fait exact et je voulais vous donner lecture
du règlement exact.
J'inviterais maintenant l'Association des anglopohones de l'Estrie
à se présenter, s'il vous plaît! Madame?
Association des anglophones de l'Estrie
Mme Goodfellow (Marjorie): Marjorie Goodfellow, je suis la
présidente et je vais présenter mes collègues. Mme Paulina
Grant, membre de notre conseil d'administration; M. Royal Orr, directeur
général de notre association, et le Dr James Ross, notre premier
président et président de notre comité sur
l'éducation.
Le Président (M. Gagnon): Bienvenue. Peut-on vous demander
de résumer le mémoire pour qu'on puisse entrer à
l'intérieur du temps qui nous est habituellement alloué?
Mme Lavoie-Roux: ...
Le Président (M. Gagnon): Oui, bien sûr, je n'ai
enlevé de temps à personne, j'ai dit: À l'intérieur
du temps que nous allouons habituellement, soit une heure par mémoire;
c'est-à-dire 20 minutes pour le résumé du mémoire
et 20 minutes pour les questions de chaque côté de la table.
Mme Goodfellow: Je vais commencer par décrire un peu notre
association. Ensuite, je vais parler de notre communauté dans les
Cantons de l'Est. Finalement, je donnerai un aperçu de notre
mémoire.
The Townshippers' Association was founded several months after the June
1979 dialogue with Dr Camille Laurin. It represents an effort by the
English-speaking community of the Eastern Townships to assume some
responsabilities for its own well being and to promote the full participation
of that community in Québec life. We want to insure a future for our
children to enable them to be full members of Québec society without the
need for total assimilation.
Since its founding, nearly 8000 citizens, who share our ideas of a
harmonious life in this region, have joined us. The English-speaking population
in our region, though small in number and distributed over a large geographical
area, has expressed its views before the Government and other decision making
bodies. We encourage the participation of our members in the life of our
region.
We have endeavoured on a continuing basis to express the needs,
interests and
concerns of English-speaking residents of the Eastern Townships before
the Government, its agencies and other groups. In this role, we have become
recognized as the principal spokesperson between the two linguistic communities
of the Eastern Townships.
The English-speaking community of the Eastern Townships is pround to
claim as its heritage and its accomplishment the settlement and early social
and economic development of our region. Many observers and residents of the
Eastern Townships, including the Minister responsible for the holding of these
hearings, have observed that the Eastern Townships are characterized by
harmonious relations between its English and French-speaking communities. The
English-speaking community of the townships has accepted this change from being
"le peuple fondateur" to "le peuple minoritaire", as Radio-Québec Estrie
has characterized it. Too often, however, our community has been seen as a once
numerous and homogeneous group of people who arrived some time between 1790 and
1850 and who have slowly but surely left for other parts of North America. Few
commentators or policymakers have appreciated the complexity of the democratic
structure of our community. In particular, few have understood the importance
of continuous and heavy immigration from other provinces and elsewhere to the
maintenance of the community life of our people. The critical role this
immigration plays has been recognized and demonstrated by researchers like
Lachapelle and Henripin in 1980. As early as 1970, an ASOPE study demographic
research - showed that fully half of the parents of children then in English
language schools were born outside Québec. Caldwell, in a 1976 study on
out migration of English-speaking high school students demonstrated that, of
this 50%, a large majority were of English mother tongue origin. To cite
another statistic, Caldwell's report to the Conseil de la langue
française demonstrates that in 1976 over 10% of the entire English
mother tongue population of Québec had arrived in this province within
the previous five years. The work of these researchers demonstrates what we, as
English-speaking Quebeckers, have known for years: that many of our
English-speaking co-citizens have come from other parts of Canada and the
English-speaking world. Indeed, the very lifeblood of our community came from
away, from outside the townships and from outside Québec.
However, while much attention has been focused on the very large number
of English mother tongue Quebeckers who have left the province since 1976, far
less time or energy has been spent on the staggering decline of immigration by
English-speaking peoples. Mireille Baillargeon recent report in 1983, sponsored
by the Conseil de la langue française, shows that the rate of entry of
English mother tongue people declined from 46 900 for the period 1966 to 1971
to 41 900 from 1971 to 1976 and then plummeted to 25 220 for the period 1976 to
1981. The long term implications of these figures are sobering. To repeat,
nearly half of the people making up a very important segment of our community,
that is those of child bearing age are either interprovincial or international
immigrants. Until relatively recently, a rather steady and appreciable annual
influx of total English-speaking immigration kept the population fairly stable.
The importance of English-speaking immigration to our communities cultural
health is only now being recognized.
Studies of English-speaking young people indicate that migration trends
in that school leaving age group hold out even less hope for a great future for
English-speakinq rural Québec. Caldwell's study of a sample of
approximately 1000 English-speaking high school students leaving school in 1971
showed that fully a third had left the province by 1976. By 1979, that figure
had raisen to 41% and by 1982, new research indicates that of those 1000
English-speaking students leaving Québec high schools in 1971 fully 50%
of those designated as "English mother tongue" have left our province. As yet,
we have no studies to indicate whether this trend continues with subsequent
graduating classes. Our sense is that it does.
The effect of this double trend of much reduced immigration and heavy
out migration of people of prime work and child bearing age is a predictable
one on our community. But while the social and cultural problems of an aging
and shrinking population are relatively apparent, far less apparent but
infinitely more destructive are the economic problems of our community. In
1976, Caldwell had already noted that: et je cite "La très grande
majorité des travailleurs anglophones, ou leur conjoint, nous ont dit
qu'ils sont persuadés que s'ils devaient perdre leur emploi actuel, ils
n'en trouveraient pas d'autre. C'est du moins, à leurs yeux, la
réalité avec laquelle il faut vivre".
This past spring, the Townshippers Association commissioned Gary
Caldwell to do a study of economic opportunities for English-speaking residents
of the Eastern Townships. Data collected during the summer show this same fear,
that of being unable to find another job, should the one currently held be
lost, is shared by the vast majority of respondents to a questionnaire on the
economic future of our community. They show further that increasingly the only
economically active English-speaking people remaining in the Eastern Twonships
are kept there in large part by ties of family or property and not because of
perceived
opportunity. Indeed, Caldwell's Study on student out migration shows
that fully 75 per cent of all the students studied with family connections in
other provinces have left Québec. People who remain within our community
without the family or personal resources to move and begin again, and even some
of those who have these things but choose to remain, are becoming less and less
confident and in a mood approaching despair.
A society where both French and English were used, although not
necessarily by every member of either linguistic group, and where francisation
was a natural process - at least in the Eastern Townships - before Bill 101,
this society has been turned on hand. In its place is one where the English
language is repressed and where many English-speaking Quebeckers find
themselves without an up-to-date copy of the game rule book. With the
francisation of life, many people in our communities have simply become cut off
from the social, cultural and economic opportunities offered to
Quebeckers. To give an example, I am certain that every member of this
commission is very well aware of the so called "bon d'emploi": a job
development program undertaken by the Provincial Government. The program has
become extremely popular and well used in the French-speaking community. The
Caldwell research indicates that among English-speaking Townshippers, fewer
than 5% of the respondents had any idea that the program existed.
English-speaking people are not being helped to the services and programs they
need. Certain ministries are attempting to improve their contacts with
English-speaking community, and I speak in particular of the ministries of
Social Affairs, Cultural Affairs and Cultural Communities, but our Association
agrees with "La Fédération des francophones hors Québec"
when it states that, et je cite: "Le développement socioculturel sans le
développement économique, c'est la folklorisation".
The comments and recommendations contained in this brief are directed
towards adjusting a linguistic balance, an adjustment which is necessary in
order to prevent the disappearance of a viable English-speaking community in
the Eastern Townships. Our comments to "La commission élue permanenente
des communautés culturelles et de l'immigration" are divided into five
categories, corresponding to the five principal areas of concerns of our
Association: participation in Québec society, job opportunities,
cultural affairs, social affairs and education.
In dealing with these concerns, we are developing positive attitudes in
the English-speaking community and encouraging it to participate fully and
harmoniously with the French speaking majority in Québec.
One of the main goal of the Association has been to encourage our
community to participate fully in the social, economic and political life in
Québec. We recognize the French fact of Québec and the desire for
the primacy of the French language. However, we share with other off-island
minority groups a belief that Bill 101 was intended in part as a solution to a
preceived demographic and linguistic inequality in Montreal, and that the rural
English-speaking community is the unintended casualty. The effects of this
language legislation have been harmful to the quality of life in our community
and are perceived as a threat to our continued existence. (16 h 30)
As well, we recognize the injustice to the English-speaking community in
la Charte de la langue française. The perception still exists that
English-speaking citizens no longer have the right to be served in their own
language. Few are aware of the distinction made between "les personnes
physiques" and "les personnes morales" in the provisions of Bill 101. As a
result, English-speaking citizens, particularly those who are unilingual,
hesitate to communicate with government and are, in effect, cut off from many
services.
If communication between government and individual citizens in English
is permissible, why then, ask our members, cannot government take a lesson from
the private sector and expedite information to citizens in English when so
requested, on an annual basis, without the need to make a new and separate
request each time? Government forms are difficult enough in one's own mother
tongue; filling out these forms in the French language often becomes a
needlessly difficult task, even for those with considerable fluency in French.
Whatever the ideal situation might be, there are many English-speaking
Quebeckers, particularly among the elderly, who do not speak French and who are
unable to learn it. This fact should be recognized and accepted.
Job opportunities. Bill 101 has had a profound effect on the working
place. We are concerned that language legislation has brought about an
unfortunate tendency to francophonisation in industry rather than a more
acceptable francisation of the work place. We fully understand the importance,
in many circumstances, of hiring someone with competence in the French
language. However, we also believe that employers are misinterpreting the
provisions of Bill 101. Language laws are poorly understood by Quebeckers and
Québec-based industries, and by extension, even less understood by
Canadian and multinational businesses. Many English-speaking groups in
Québec wonder whether the result has been that in an equal employment
situation, M. or Mme Lajeunesse
is hired rather than a Mr. or a Miss Young.
There is a feeling amongst our youth that no matter how bilingual they
may be, they will not be as equitably considered as their francophone
counterparts. It is our observation that employees often acquire second
language skills on the job. If language restrictions are used to prevent access
to the job market, in both the public and private sectors, workers will not
have this opportunity. In many cases, initial hesitation in the French language
is overcome after a period of working in the French milieu. As well, we note a
possible conflict between article 20 and article 130 in that, people with
appreciable seniority find themselves blocked from promotion. This should not
be the case.
The method of evaluating French competency used by the Office de la
langue française has been questioned on previous occasions and both the
Office and the Minister have responded by making testing procedures more
relevant to the position for which the candidate's competency is being tested.
Nonetheless, we look forward to the day when a Secondary V diploma is
recognized as adequate preparation for the Québec job market with
respect to the French language competency.
The Townshippers Association represents a population which is
predominantly rural. Some of us are descendants of the original settlers;
others have chosen to move there. Within the Eastern Townships, there are
approximately 569 280 people, about 48 260 of whom consider English to be their
mother tongue. The Eastern Townships area settled and at one time inhabited by
an English-speaking majority. A spirit of harmony and mutual respect prevailed
between the two linguistic groups, a spirit which we believe still exists
today.
In the English-speaking tradition of charity and voluntarism, our
community has established its own cultural institutions, including theaters,
museums, libraries and community centers. These institutions continue to
function for the enhancement of the cultural life of all Townshippers. Their
future existence is assured by the openess of the Eastern Townships society and
the supportiveness of all people of our region. This spirit must not be
compromised by a legislation that seeks to overcome linguistic or cultural
balance at the expense of any other cultural community.
The excessive zeal that such efforts at linguistic statibilization breed
is perhaps seen in some of the early work of the "Commission de toponymie".
In 1981 and 1982 our committee became conversant with the fied of
toponymie in Québec because it was apparent that much of the inherent
heritage in places names was in danger of being lost or had already been lost
through places name changes and translation, a process that had been
accelerated after the passing of Bill 101.
Places names are an integral part of the people's and its region's
heritage, culture and identity. They denote only a particular place or feature
but fix them within an enduring historical, political and cultural context.
This field of toponymy is not unique, nor is it a newly emerging concept. From
our researchs it is apparent that this field has come to be the prevailing
attitude of most institutions dealing with places names, whether or not such an
attitude is specifically described in those institutions, rules and
regulations.
The different language places names of Québec add tremendously to
its cultural richness. Indian, Inuit, French, English, Irish and Scottish
places names emphasize the reality of Quebec's pluralistic society and give the
province a rich toponymic depth of character. The loss of any part of this
important facet of our heritage is a serious matter, but the deliberate
obliteration of a specific part of that heritage should be an outrage to all
Quebeckers. It is clear that we must develop our sensitivity to the various
aspects at each of the cultures in Québec and recognize that other
cultures, though different, are important contributors to the richness of
Quebec's heritage and society.
The "Commission of toponymie" and minister have responded to our efforts
in this field with correctness and responsibility. The regulations governing
places name changes and the consultation that must be undertaken when a change
is contemplated have undergone intense review. Other recommendations put
forward by our associations concerning toponymy are included in the sections
recommendations.
Health and social services. In our brief to the "Commission de la
présidence du conseil et de la constitution" we recommended that every
English-speaking Canadian and every French-speaking Canadian and all native
peoples be given the right to receive health, social and judicial services in
his or her own language. We insist that every person charged with a criminal or
penal offense must have the right to a trial in English or in French. Although
this right is in no way abridged by Bill 101, it is a right which in practical
application is difficult to assert when no stenographer is available to record
proceedings in the English language. For example, in the district of St.
Francis, there is no stenographer for English language proceedings at either
the "Tribunal de la jeunesse" or the "Cour de la session de la paix". At
Superior Court there is one such individual. This situation exists in many
areas outside of Montréal and must be rectifed.
The Townshipper's Association has endeavoured to explain to its
membership the meaning and functions of such social affairs related bodies as
the CRSSS, the CSS, CLC and so on. Since most pubilicity from or about theses
bodies is conducted in the French language, much of the English-speaking
community is unaware of the many reforms that have taken place in the social
affairs sector. Language legislation in Québec must never, in spirit or
regulations, prevent effective communications between establishments and the
people they served.
Education. The Charter of the French Language requires that parents
coming to Québec who have not received English language schooling at the
elementary level in this province send their children to French language
schools. Exceptions to this requirement may be made - that is under three
years, renewable once - for temporary employed residents and for
chilfren whose medical or emotional health is threatened by enforced French
language schooling.
English-speaking parents moving to Québec often feel strongly
about providing their children with an English language education for reason
which range from a desire to educate their children in their mother tonge to a
wish not to place a burden on them by sending them to school in another
language. Restricted access to English language schooling has a number of
adverse effects on the English-speaking community in rural Québec, as
well as on the rural community as a whole. In difficult economic times,
increased investments and economic activity must be a priority for all regions
of Québec. For regions that wish to attract capital which may involve
the employment of English-speaking individuals accessible, English language
schooling is an important part of the social infrastructure that a region
provides.
In the Eastern Townships, appreciable migration and economic stimulus
continue to come as in the past from the United States. Established businesses
and industries have often look south for a specialized technical and
administrative personnel, but Bill 101 restrictions on access to education have
limited their ability to fill certain specialized positions. Other businesses
have chosen not to locate here for similar reasons, thereby adversely affecting
the economic well-being of all citizens.
Access to specialized personnel is problematic for other institutions as
well. Rural Québec is relatively small and unable to provide for all its
professional needs. Traditionally, such institutions as universities and
hospitals have depended on immigration of specialists and professionals from
elsewhere to maintain the quality of their services.
Included in this immigration are people from other English-speaking
regions of the world. This modest influx of English-speaking people could never
constitute a threat to the cultural security of French-speaking Québec
especially in rural areas. However, it is precisely this modest influx that
garantees the health of rural English language institutions and provides an
appreciable number of potential students to an English language school
system.
In order for small community schools to be viable, a sufficiently large
school population is required. English-speaking parents leaving in communities
with a small English-speaking population are often faced with the decision
whether to close their school. Maintaining a local school may mean sacrificing
the calibre and range of education options, while closure can mean long rides
for young children to the next nearest school. Loosening the restricted access
provisions of the Charter of the French language could make the difference
between forced closure and the maintenance of certain small rural schools. The
number of students involved are not great enough to affect adversely the health
of the French language school system, but they are critical for the future of
our schools.
As community schools close, the linguistic community withers. Our
community's small size and mobility are such that we must guard against
encouraging in anyway its further decline. Nor do we want to see an increased
concentration of our community in two or three English ghettos in the Eastern
Townships. We wish to be a strong community, participating in Québec
society as we are now, not huddled together looking only to one another.
The schools and structures that control them are more than a means to
educate children. The health and the very existence of the English-speaking
community in many parts of Québec depend on local schools and on the
people who are employed in the school structures and who contribute to the
leadership of the local community. Indeed, article 91 of Bill 40 acknowledges
this subordinate mission of the school. Therefore, for economic cultural and
educational reasons, we recommend that the Charter of the French language be
amended to allow access to English language schools to all those who have been
educated in English and to children one of whose parents has been educated in
English.
This provision is of a particular importance to Québec rural
English-speaking population. We further recommend that English language
institutions, such as schoolboards and schools, be allowed to communicate
internally in English provided that information required by concerned citizens
be made avalaible in French if requested.
Je n'ai aucune intention de lire toutes les recommandations. Nous serons
heureux de répondre à vos questions.
Le Président (M. Gagnon): Merci, madame. M. le
ministre.
M. Godin: Bonjour Mme Goodfellow, M. Oit, Dr Ross, Mme Grant.
C'est toujours un plaisir "to listen to you. I must say that after having been
working with you for some years now, I have come to develop a lot of respect
for what you call the non-partisan manner with which you state your case and
also the fact that when some changes are made that goes in conformity with your
requests, you acknowledge it gentlewomanly.
We have been meeting for quite some times in the past years. Et à
chaque fois, what you said to me was food for thought; again today, such is the
case. Since some of my colleagues did not have the same opportunity I had to
discuss with you, I will let them ask questions. Thank you so much.
Le Président (M. Gagnon): Mme...
Mme Lavoie-Roux: Le député d'Argen-teuil pour
commencer.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Argenteuil, vous avez la parole.
M. Ryan: Mme Goodfellow, docteur, mesdames et messieurs, c'est
aussi un plaisir pour l'Opposition de vous rencontrer. Nous avons eu l'occasion
de causer avec vous à plusieurs reprises également au cours des
dernières années. Nous souscrivons sans aucune hésitation
aux compliments que le ministre vous a adressés. En vous écoutant
et en l'entendant par la suite, je me disais que toutes ces bonnes paroles ne
changent rien à la situation qui est exposée par les
mémoires que nous entendons les uns après les autres. Une
première impression que je retiens personnellement dudit mémoire
que nous venons d'entendre, c'est que, dans la Charte de la langue
française, malgré toutes les belles paroles que le ministre
multiplie à l'occasion des séances de la commission
parlementaire, il n'y a pratiquement aucune garantie de protection pour les
droits linguistiques de la minorité anglophone. Si le ministre souscrit
au mémoire que nous venons d'entendre, il va également accepter
que l'héritage culturel de la communauté anglophone fait partie
de notre héritage commun au Québec et qu'à ce titre, il a
droit à une protection plus explicite que celle qui existe
actuellement.
Quand j'entendais Mme Goodfellow lire le mémoire, j'étais
frappé de constater les effets de la loi 101 dans les parties rurales du
Québec. Nous avons reçu beaucoup de représentations
concernant le milieu métropolitain de Montréal, mais nous en
avons reçu beaucoup moins concernant l'impact de la loi dans les milieux
ruraux. Quand j'entends ces personnes nous dire qu'il y a des personnes d'un
certain âge qui n'ont pas eu la chance de se développer au point
de vue de la connaissance de la langue française et qui n'ont même
pas accès à l'information sur des services gouvernementaux qui
les affectent directement à cause de cette discrétion tout
à fait arbitraire qui est laissée à chaque ministre de
décider s'il va y avoir des copies anglaises ou non des documents, je
trouve qu'il y a une carence qui me paraît évidente ici et
à laquelle il faudrait remédier par des normes plus explicites,
plus objectives, qui seraient inscrites dans des textes législatifs que
pourraient réclamer les citoyens pour exiger des redressements.
Je me faisais aussi la réflexion suivante sur le danger de
légiférer à partir d'en haut sans tenir compte des
situations concrètes. Il y a un passage dans le mémoire qui m'a
vivement intéressé. C'est celui où l'on dit que la
connaissance de la langue officielle s'apprend souvent, étant
donné le contexte historique dont nous émergeons tous et que nous
ne pouvons pas oublier ou effacer d'un trait de plume, sur les lieux du
travail. D'après la formulation de la loi, il faut ceci et cela, il faut
répondre aux normes de l'office ou à des normes établies
par des organismes agissant d'autorité, mais dans la pratique, pour le
petit travailleur qui veut se frayer un chemin sur le marché du travail,
il ne faut pas oublier que, souvent, il deviendra possesseur d'une
maîtrise suffisante de la langue française après avoir eu
la chance de la pratiquer sur les lieux du travail. Il faudrait que le
gouvernement pense à cet aspect également.
On pourrait continuer, mais je pense que l'on a vu clairement cet
après-midi qu'une loi comme celle-là, qui embrasse par
définition tout le territoire, pose des problèmes d'application
très sérieux dans des régions où la population des
groupes minoritaires est plus clairsemée. J'ose espérer que, dans
les propositions de modification qui seront faites, on tiendra
particulièrement compte de cet aspect.
Mme Goodfellow, you gave great importance in your presentation to the
area of education in which I am especially interested, which we have had the
time to discuss together in connection with Bill 40. In your brief today you
insisted on the very important role of these schools as a key institution for
the survival and the development of the anglophone community, particularly in
the rural areas. I think the same could be said of the urban areas as well. But
you insisted on the rural areas and I think that was your responsibility to do
so in view of your situation and your own
experience.
After that you suggested that article 73 governing admission to English
schools ought to be enlarged so as to render admission to English schools
accessible to children of parents who had an English schooling everywhere. As
you probably know, studies have shown until now that, if Bill 101 were to be
enlarged so as to make room for the so-called Canada clause applying to
children of parents who got their primary education anywhere in Canada, it
would be acceptable from a demographical point of view. It would not cause any
serious damage for the future of the French culture in the province of
Québec. But, if it would to be extended the way you suggest, there are
studies which indicate that perhaps we might return to the situation which
caused alarm amongst a lot of people a few years ago. So I wonder how you would
see that. I think the so-called universal English clause would not be
acceptable to public opinion at this stage, even the Liberal Party... It used
to have the universal clause in its program; that was changed a few years ago
and I have seen no indication of a move in a larger direction in the foreseeble
future.
I wonder if Canada clause would constitute a serious improvement from
your point of view or if it would have practically no tangible effect.
Mme Goodfellow: It certainly would have a tangible effect and we
will accept any enlargement of the access to English schooling in our area that
we can get.
Je veux citer quelques statistiques concernant la diminution du nombre
d'étudiants de langue maternelle anglaise depuis 1977. Pour notre
région incluant toutes les commissions scolaires, en 1977, nous avons eu
dans nos écoles 10 412 étudiants et élèves; en
1983-1984, c'est-à-dire l'année courante ce chiffre a
diminué à 6366, représentant une perte de 61%. C'est une
perte assez sérieuse pour nous.
M. Gary Caldwell, dans son étude: Le Québec anglophone
hors de la région de Montréal dans les années
soixante-dix, a caractérisé une telle perte comme un
effondrement. Et en 1976, c'est un pourcentage parallèle à celui
du Nord-Ouest: 61,8%. Il a même caractérisé une perte de
39,3% comme un effondrement. Alors, nous pensons que nous sommes vraiment en
situation de crise. Je vais demander à M. Ross d'ajouter quelques
mots.
M. Ross (James): Mr. President, the question from the Member from
Argenteuil is very interesting because, as Mrs. Goodfellow says, we would be
very encouraged by the Canada clause. However, we are talking about our
particular region of the Eastern Townships and we have shown, as Marjorie says,
that a 60% decrease in seven or eight years in our school population is a real
disaster and if it continues, we will not have anything left within ten to
fifteen years.
We also know, although we do not have really accurate statistics to show
it, that a large number of English-speaking people coming to our area of the
province comes from the United States and they would be totally illegal under
the Canada clause. They do not come for two or three years, they come for 10,
15 or 20 years, many people who have children already part way through the
schooling system and who either will not come because Bill 101 or, if they do,
come very reluctantly. We have had this experience, in many of our
institutions, hospitals, universities, businesses, that one main reason why it
is difficult to recruit people and specialists that we need is because of that
part of the Charter. So, where we would be encouraged by Canada clause, for our
particular region it would not help that much, because we live so close to the
United States and because, historically, there is a lot in migration and out
migration between the Eastern Townships and the United States. We really think
the Universal clause is much more important for us, speaking for our region. We
leave to you, the Legislature, to see what is best for the province.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: À propos de la langue d'affichage dans les
municipalités, je crois comprendre que vous recommandez que les
décisions en cette matière soient laissées à chaque
municipalité, indépendamment du pourcentage de la population
anglophone. Est-ce que c'est là le sens de la recommandation que vous
avez formulée?
M. Ross: Oui.
M. Ryan: Pourriez-vous expliquer pourquoi vous aimeriez que cela
se passe ainsi?
M. Orr (Royal): C'est parce que nous avons entendu parler de la
possibilité de changer la loi pour dire que, dans les
municipalités où on trouve une majorité d'anglophones, on
peut donner le droit d'afficher dans les deux langues. À notre avis, il
y a plusieurs municipalités dans notre région où on trouve
une communauté minoritaire de 10%, 15% ou 20%, mais, historiquement, il
existe une histoire d'excellentes relations entre les deux communautés.
Donc, nous pensons que c'est réellement un environnement où le
milieu linguistique est vraiment régional, c'est-à-dire
municipal. Il y a plusieurs régions dans
notre province - surtout dans notre région, pensons-nous -
où on peut trouver une forte majorité francophone qui veut donner
ce droit à ses concitoyens anglophones. Nous pensons que c'est beaucoup
plus facile pour des anglophones, dans une région comme Magog, de parler
avec leurs voisins concernant la question de l'affichage et non avec
l'Assemblée nationale, par exemple.
M. Ryan: Est-ce que je comprends bien que, d'après votre
recommandation - parce que la formulation n'est peut-être pas toujours
très claire - vous diriez: Le français est obligatoire, mais
l'usage de l'anglais pourra être décidé au jugement de
chaque municipalité et ce n'est pas le fait que la communauté
anglophone ait 48% ou 52% qui va changer le jugement que rendront les
responsables de chaque municipalité?
M. Orr: C'est cela.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Mme la
députée de Dorion.
Mme Lachapelle: Bonjour. D'abord, j'aimerais vous
féliciter d'être présents à la commission. Je pense
qu'il est très important...
Le Président (M. Gagnon): Voulez-vous rapprocher votre
micro, s'il vous plaît.
Mme Lachapelle: ...d'avoir le point de vue d'une région
autre que Montréal et Québec.
J'aimerais tout d'abord apporter un commentaire à l'introduction
de votre mémoire et vous poser d'autres questions. (17 heures)
Vous dites encourager la population anglophone à collaborer
pleinement et harmonieusement avec la majorité francophone du
Québec. Je voudrais vous rassurer; c'est ce que nous souhaitons aussi et
j'espère qu'à la suite de la lecture des nombreux
mémoires, nous apporterons des correctifs pour permettre une
harmonisation meilleure entre Québécois.
Vous avez parlé des jeunes. Je comprends que c'est une
période difficile. Les problèmes de chômage sont
très évidents, mais vous semblez nous dire que les
problèmes de chômage sont plus évidents chez les
anglophones que chez les Québécois de langue française.
Pourriez-vous nous donner des statistiques à ce sujet?
Mme Paulina Grant (Jessie): Nous n'avons pas de statistiques
à ce moment-ci, mais nous faisons une recherche qui est presque
prête. C'est selon les perceptions de notre communauté,
c'est-à-dire que les anglophones de notre région, dans l'Estrie,
croient qu'il y a un plus grand problème dans notre région pour
les anglophones. Naturellement, nous désirons avoir des statistiques
selon cette perspective. Peut-être que le gouvernement peut nous fournir
des fonds pour nous permettre de faire des recherches ou peut-être que le
gouvernement peut commencer à faire des recherches pour nous montrer que
ce n'est pas vrai pour nous.
Mme Lachapelle: C'est ce que vous attendez autour de vous, dans
votre communauté. C'est ce qui vous permet de croire que c'est
peut-être la Charte de la langue française qui bloque un peu les
anglophones pour se trouver du travail.
Mme Goodfellow: C'est une perception et surtout, c'est un
problème pour les migrations à l'extérieur de notre
région et aussi pour les migrations à l'intérieur de notre
région. Nous pouvons citer en exemple des familles. Chacun d'entre nous
a des exemples de personnes qui sont parties à cause de la loi 101. Ce
n'est pas toujours une question d'économie. Je peux citer l'exemple
d'une famille de cultivateurs avec des jeunes. Ils ont décidé que
les jeunes auraient une meilleure vie à l'extérieur à
cause de cette loi.
Mme Lachapelle: On comprend aussi à la lecture du
mémoire que vous avez une bonne proportion de personnes
âgées chez vous, dans votre région.
Mme Goodfellow: C'est cela.
Mme Lachapelle: Pourriez-vous nous fournir des données par
âge de la composition de la population?
M. Orr: En 1976, je pense que la population de plus de 65 ans
dépassait la population des moins de quinze ans. Donc, la
communauté vieillit très vite. Dans cette recherche que nous
faisons maintenant et qui sera complétée en novembre, nous allons
peut-être voir mieux, mais c'est clair dans toutes les réunions de
notre association, dans toutes les églises, dans tous les projets
publics. On va voir que la plupart des gens sont beaucoup plus vieux qu'on ne
le constate, par exemple, en Ontario ou dans une autre région rurale,
mais encore une fois, cette perception, si on demande des chiffres exacts
à un sociologue... Mais c'est clair dans chaque réunion dans
notre région que c'est une population vieillissante.
Le Président (M. Gagnon): Merci, Mme la
députée de Dorion. Mme la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je voudrais
remercier l'Association
des anglophones de l'Estrie de son mémoire. Ce n'est pas la
première fois qu'on a l'occasion de se rencontrer. On l'a eue dans
d'autres commissions parlementaires. Je veux également m'associer aux
félicitations qui vous ont été faites. J'espère,
comme le disait le député d'Argenteuil, que cela ira plus loin
qu'une simple reconnaissance verbale qui, je n'en doute pas, est très
sincère de la qualité de votre mémoire.
J'ai le plaisir, jusqu'à un certain point, de me
considérer presque des Cantons de l'Est. Je connais vraiment
l'évolution de la population anglophone dans les Cantons de l'Est. Elle
a commencé à diminuer bien avant la loi 101. Il faut quand
même le reconnaître, mais il y a une chose certaine, c'est que, si
on coupe tout ressourcement possible à cette communauté - ce qui
est le cas avec l'application de la loi 101 en ce qui touche
présentement l'éducation - vous avez tout à fait raison de
dire que c'est une question de dix ou quinze ans, finalement, avant que ce soit
extrêmement marginal. La population anglophone a d'ailleurs, pour une
grande partie déjà été assimilée à la
population francophone dans les Cantons de l'Est, dans une proportion que vous
connaissez peut-être. Il s'agit de voir des villes comme Sherbrooke,
comme East-Angus ou Coaticook qui, il y a quarante ans, avaient une population
majoritairement anglophone et qui se retrouvent avec une population anglophone
qui peut varier, selon les endroits, entre 5 et 10% pour certaines
municipalités. La ville de Sherbrooke est plus grande, mais les autres
villes ont de petites populations d'environ 3000, 4000 ou 7000 personnes. Je
pense donc que ce n'est pas de l'alarmisme que vous faites quand vous venez
dire que, si l'on n'a aucune possibilité de ressourcement, la population
anglophone des Cantons de l'Est est appelée à
disparaître.
Il y a deux points sur lesquels j'aimerais attirer l'attention du
ministre.
Le premier, c'est au sujet de la santé et des services sociaux.
Vous souhaitez recevoir un peu plus de services dans votre langue et vous
faites allusion, par exemple, au Tribunal de la jeunesse où il n'y a pas
de sténographe de langue anglaise. Là-dessus, je voudrais attirer
l'attention du ministre sur une recommandation qui est contenue dans le rapport
d'une commission parlementaire, connu sous le nom de rapport Charbonneau, un
rapport non partisan - je le fais remarquer au ministre - dans lequel il y a
une recommandation très concrète, à savoir qu'on accorde
particulièrement, si l'on veut apporter véritablement de l'aide
aux familles et aider les enfants, quelqu'un qui soit disponible dans leur
langue. Il ne s'agit pas de la langue du commerce et il ne s'agit pas de la
langue du travail, mais de donner des services à des parents qui ne
parlent peut-être pas le français ou à des enfants qui
n'ont pas encore eu l'occasion de parler français et qui se retrouvent
devant les cours. Je pense que ceci pourrait aller en ce sens. Je ferais aussi
un plaidoyer, en particulier, pour les personnes âgées qui sont
très nombreuses parce que les jeunes sont partis - comme je le disais -
même avant la loi 101 et davantage depuis la loi. Si bien que vous
retrouvez, par exemple, des foyers pour personnes âgées où
il n'y a qu'un seul anglophone. J'en ai connu un de 90 ans qui a
été admis là à 85 ans et il n'y avait aucun membre
du personnel qui parlait anglais, sauf un, qui venait faire son quart de huit
heures. Le reste du temps, cette personne-là, et tous les
pensionnaires... Je ne sais pas dans quelle mesure on peut corriger une telle
situation, mais ce sont quand même des gens... Cette personne avait
été un cultivateur de la quatrième
génération dans son secteur et elle se retrouvait, entre 85 et 90
ans, complètement perdue dans un foyer pour personnes
âgées. Je pourrais citer des situations analogues, cette fois-ci
dans Montréal. Dans ces secteurs-là, cela m'apparaît
particulièrement aigu.
Je voudrais aussi revenir d'une façon particulière sur le
problème de la toponymie. Je suis certaine que le ministre devrait
être tout à fait sensible au fait qu'on écrive North Hatley
d'une façon correcte, n'est-ce pas? Vous pouvez au moins faire corriger
cela, M. le ministre. Vous pourriez même vous engager
immédiatement à le faire.
M. Godin: M. le Président, est-ce que vous pouvez me
préciser où est l'erreur actuellement dans North Hatley?
Mme Lavoie-Roux: Apparemment, c'est qu'on l'écrit avec un
trait d'union alors qu'il devrait être écrit sans trait
d'union.
M. Godin: Non, le trait d'union a disparu il y a quelques mois
à ma demande.
Mme Lavoie-Roux: Ah, bon! C'est déjà fait.
M. Godin: D'ailleurs, c'est mentionné dans le
mémoire que Mme Goodfellow a lu.
Mme Lavoie-Roux: Elle semblait dire que Baldwin Mills et North
Hatley pourraient être écrits différemment. Moi, j'ai cru
que c'était encore un problème. Tant mieux si vous l'avez fait
corriger.
M. Fortier: C'est comme le trait d'union dans la
souveraineté-association, ils le mettent partout.
M. Godin: Elle disait très clairement... Mme
Lavoie-Roux: II me semblait que...
Le Président (M. Gagnon): On parle deux ou trois en
même temps, cela peut être plus difficile pour le journal des
Débats.
Mme la députée de L'Acadie, vous avez la parole.
Mme Lavoie-Roux: Votre demande est même exaucée. On
redonne l'orthographe correct aux noms de lieux de langue anglaise comme, par
exemple, Baldwin Mills au lieu de Baldwin-Mills, North Hatley au lieu de
North-Hatley. Alors, tant mieux si c'est fait.
Mais la question précise... Vous semblez indiquer qu'il y avait
déjà eu beaucoup de traductions de noms d'endroits et que c'est
lorsque vous avez fait des représentations que, finalement, on a
apporté des solutions qu'on juge fort appropriées. Vous avez
présenté les félicitations qui s'imposaient au ministre.
Mais, est-ce qu'on a corrigé ce qui aurait pu constituer des abus
auparavant et qui, du point de vue du patrimoine et du point de vue historique,
n'étaient pas des traductions appropriées, ou des changements
appropriés? Ou si, simplement, les mesures qu'on a prises, c'est pour
l'avenir?
Mme Goodfellow: II y a déjà eu quelques traductions
que nous trouvions malheureuses, c'est vrai. Mais M. Godin nous a assuré
que, si nous faisions une représentation à la commission, notre
cas serait étudié. Il y a même des erreurs dans les
versions de noms. Et je pense à lac Bennaly qui est écrit dans un
français incorrect. Nous avons signalé cette erreur à M.
Godin.
Je pense que M. Ross veut ajouter quelque chose concernant vos propos du
début.
M. Ross: J'ai seulement un commentaire à propos d'une
autre question qu'on a mentionnée également. C'est sur le fait
qu'avant la loi 101, la population des Cantons de l'Est - la population
anglophone -avait commencé à diminuer. C'est encore vrai
actuellement. Les chiffres de Gary Caldwell nous ont démontré
qu'il y avait eu une diminution avant 1977, dans notre population
d'étudiants, d'environ 20% sur une base de cinq ou dix ans. Mais, depuis
1977, il y a une diminution de plus de 60%, trois fois plus. Et c'est difficile
de dire exactement quel pourcentage de ce chiffre est causé par la loi
101. Mais, si vous prenez les chiffres, ils sont remarquablement
différents. Notre opinion sur ce qui se passe chez nous, par exemple,
concernant le manque d'emplois, la quantité de chômage que nous
avons...
Je peux vous donner deux exemples du problème qui, je pense, est
aussi relié à la loi 101. À l'un de nos endroits Beebe,
Stanstead, Rock Island, l'industrie principale,
Butterfield's, est fermée, du côté canadien, depuis
deux ou trois ans. Maintenant, il y a un manque d'emplois à cet endroit
de plus de 40%. Et nous avons fortement l'impression que le problème de
francisation dans l'industrie a été un facteur important pour la
fermeture ou le changement de l'industrie en Ontario. Maintenant, ce que nous
voyons à Derby Line, juste de l'autre côté de Rock Island -
à dix pieds de l'autre côté de la frontière - c'est
que Butterfield's commence à employer de plus en plus de personnes.
Mais, c'est fermé à Rock Island.
Le deuxième exemple: le problème du transfert du service
de cartographie du gouvernement fédéral dans les Cantons de
l'Est. À notre avis, on n'effectue pas ce transfert à cause de la
loi 101 et de l'accès à l'éducation.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie, Dr Ross.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Il me reste trois minutes
à partager entre le député de Vachon, le
député de Fabre et le député d'Outremont, qui
m'avaient aussi demandé la parole. M. le député de Vachon,
rapidement, s'il vous plaît.
M. Payne: II me reste une minute et demie?
Le Président (M. Gagnon): Une minute et demie environ.
Mais, il ne faudrait pas perdre de temps; il faudrait y aller tout de suite.
(17 h 15)
M. Payne: Well, what can I say? I found that the brief was
extremely informative, repeating some of the very serious preoccupations
brought before the Government for a number of years. The serious decline in the
school population particularly, which is a reflection of society at large in
the Townships. It is dramatic. It is caused by the dropping in migration and
the increase particularly in student out-migration, for sure.
It is not my conviction that the Canada clause, which is in fact the
position of the Opposition party, not ours, will change in any real significant
way the problem. The problem is specifically one of out-migration. However, in
the figures that we have compiled one has to bear in mind that, because of
article 85, the Government can give temperary permits to those coming from the
US or from other places. It is a three-year permit renewable to six years. In
fact, the figures are quite eloquent. Approximately 7461 permits have been
asked and 7159 have been granted. So, those figures are counted. Therefore,
even given that freedom to come into the school, it does not help significantly
the problem. I think that the linguistic
school commissions, the unified school boards will contribute
significantly, plus the factor of the five-year moratorium which has been
proposed. That is one proposal before the table, with Bill 40, at the
moment.
I have to ask a question and my time is out, but I would like to suggest
that we explore that and discuss it some other time more carefully, the way in
which the reformed unified school boards can in fact help somewhat the dramatic
outflow of students.
My question would be on another area. Could you envisage a way in which
the school commissions could negotiate with the professional corporations to
bring pressure to bear upon them, if necessary, to encourage them and convince
them that the school commission, along with the Ministery of Education, is in a
position to beef up the quality of those school leaving Secondary V
certificates?
I believe, at the moment, that they are pathetically poor and that the
tests given by the OLF are quite reasonable. There is something wrong somewhere
with the system, but I think that it has to be tackled - I agree with you - at
the Secondary V level. Are you interested, as an association, in meeting with
the professional corporations to put that kind of proposition on the table? If
I had the conviction that there was quality teaching and quality testing at teh
Secondary V level, I would be fully in favour of getting rid of the tests, but
it is not the case at the moment.
Mme Goodfellow: If I may, Mr. President, I would like to address
the three points you have made. I would like to challenge you on the
in-migration opinion that you have. Your opinion to the effect that
in-migration is not a serious problem, the lack of in-migration...
M. Payne: No, I said it was a very serious problem.
Mme Goodfellow: I think that not enough studies have been done
and I would hope that the Conseil de la langue française would pay some
attention to that fact.
As far as the professional permits and the corporations are concerned,
people talking together can only do good; this is the credo that we hold by.
But, I would like to see far more money being put into teaching French as a
second language in the schools. I think in some schools it is done extremely
well. In others, it is done less well. I think that the problem is, at the very
base, in the funding of that particular program. I am going to ask my
colleagues if they have any other things to add.
M. Ross: I would just like to respond regarding one part of your
comments as to the number of people who have applied for temporary permits to
send their children to English schools. The problem is that when you go out to
recrute someone - and I have done this a number of times - when they see the
situation, they do not even apply. When you interview them and you try to bring
them to your community, if they are given to understand that they must write
for a three-year temporary permit, possibly renewed once, but with the
understanding and that that is all, they will not apply. That has been our
experience a number of times. So I think the statistics you give us are
accurate, but they are not pointing out where the problem is. The problem is
that people will not come in the first place.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: Mr. Chairman, I have a very quick question to ask
Mrs. Goodfellow. It regards the statement, under job opportunities and economic
development in your document, where you say: "There is a feeling amongst our
youth that no matter how bilingual they may be, they will not be as equitably
considered as their francophone counterparts." I think that is really a
ridiculous situation; if English-speaking youth become bilingual, I would think
that together we would do the utmost to keep them here.
I have two questions. The first one is: Would you agree that that
statement is valid not only for your region, but for the whole Province of
Québec where English-speaking youth would feel that way? Secondly,
beyond the modifications that you suggest to the law, to Bill 101, and beyond
the recommendations you made for changing the regulations, would you think that
it would be proper for government spokesmen to correct some statements made in
the past which may have led English-speaking youth to believe that they have no
future in the Province of Québec?
Le Président (M. Gagnon): Cela va. Mme Goodfellow:
Yes, certainly.
M. Ross: If I may respond to that, I totally agree with what you
are saying. What we refer to, in that difference between M. Lajeunesse and Mr.
Young, is an attitude. It is extremely difficult to pick out and give you case
numbers because people do not want to complain about that. But we do have a
number of people, young teenage people, who will go not just to provincial
organizations but to federal organizations in our area, like Canada Manpower or
something else, looking for a job. They meet the lowest level of
"fonctionnaire" who is
the first person you see trying to get an interview and they are given
the attitude: We have so many French-speaking people waiting for a job, you,
Mr. Young, have not got a chance.
M. Fortier: Even if he is bilingual.
M. Ross: Even if he is bilingual. We have seen this happen a
number of times and that is probably the last time that that person tries to
look for a job in Québec. I think that is directly related to many
statements made by many members of our Government who try to put all our
problems in Québec on the fault of the old English establishment. That
attitude sifts right down to the person who, the next time he meets an
English-speaking person, greets him with a different attitude. I think it
should be changed.
M. Fortier: So you would agree with me that beyond changes to the
law, changes to the regulations, if those former statements do not correspond
to the actual policy of the Government, new statements should be made to
correct those former impressions.
M. Ross: Yes.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Oui, madame.
Mme Goodfellow: J'aurais quelque chose à ajouter. There
are several large employers who traditionally did employ English speaking youth
in our area. I am thinking of Bell Canada, but there are certainly others, so I
do not wish to put all the blame on them. Francisation programs have meant, in
our area, that they have transferred out bilingual English-speaking employees
to Ottawa specifically, another area where they need people who can speak
French, and that now, it is very difficult for an English-speaking person in
Sherbrooke or in the Eastern Townships anywhere to get a job with Bell Canada
because of the francisation program, I would assume. That is an assumption on
my part, but it is a fact that it is difficult.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.
M. Godin: Mme Goodfellow, j'ai une question à vous poser,
mais avant, un très court commentaire. Est-ce que, dans votre
évaluation du cas que vous mentionnez, M. Young et M. Lajeunesse ne
tomberaient pas sous le coup de la Commission des droits de la personne
éventuellement? Cette charte existe; elle entend des centaines de
plaintes chaque année et il y a certains cas qui sont
réglés par des décisions de la commission.
Mme Goodfellow: La charte existe, mais il faut aller faire un
rapport au tribunal à ce moment-là. Les gens deviennent
très découragés avant et se demandent si cela en vaut la
peine.
M. Marx: Pour les chauffeurs de taxi, l'article ne dit pas si
vous êtes haïtien. On ne les engage pas.
M. Godin: Excusez-moi.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, vous avez la
parole.
M. Godin: Le Parti libéral et le Parti
québécois, quand ils étaient au gouvernement,
successivement ont travaillé à raffiner la charte et à la
rédiger de manière que de tels cas ne puissent pas se produire.
J'ose espérer que, dans des cas de discrimination claire, les personnes,
de quelque région du Québec que ce soit et quelle que soit la
langue parlée, n'hésiteraient pas à avoir recours à
la charte, comme j'ai eu moi-même à le faire après les
événements d'octobre.
En terminant, je ne voudrais pas relever - comme on dit en italien, de
Rome in cauda venenum - les allusions un peu perfides de mes collègues
d'Argenteuil et de L'Acadie comme quoi "they hope that changes will follow
words".
The whole purpose of this hearing is precisely, Mrs. Goodfellow and Dr.
Ross, to listen to the people, not to announce here the decisions that we are
going to make, but in due time - that should be by mid-November - we will come
up with some news. Judging from your recommendations, I am ready to buy right
now some of these, but I will keep it a secret until the 15th of November.
Thank you so much.
Le Président (M. Gagnon): Merci, mesdames et messieurs de
l'Association des anglophones de l'Estrie. J'invite maintenant l'Association
des manufacturiers canadiens à prendre place.
Alors, M. Dessureault?
Association des manufacturiers canadiens
M. Dessureault (Claude): M. le Président, M. le ministre,
mesdames et messieurs, mon nom est Claude Dessureault, vice-président
exécutif de l'Association des manufacturiers canadiens. Ceux qui
m'accompagnent sont: M. Mario Lavoie, à ma droite, président du
comité de législation, ainsi que M. Thomas Lavoie, notre
représentant membre du comité de législation.
Avant de vous lire le mémoire, j'aimerais peut-être vous
donner une idée de ce que nous représentons comme organisme.
D'abord, nous représentons exclusivement des manufacturiers
québécois. 75% des produits manufacturés au Québec
sont fabriqués par des membres de notre association. Nous
représentons 94% de la grande entreprise et 75% de nos membres sont de
la PME. Nous représentons dix conseils d'administration répartis
dans toutes les régions du Québec. (17 h 30)
Plus de six ans se sont écoulés depuis la proclamation de
la Charte de la langue française. Les manufacturiers membres de l'AMC
ont appris à vivre avec cette législation qui a
révolutionné non seulement l'environnement de travail, mais le
commerce dans son ensemble au Québec. Notre association ne conteste pas
l'esprit de la Charte de la langue française ni ses principes
fondamentaux. Cependant, la préoccupation principale de l'AMC est et
demeure l'amélioration de la productivité et de la
compétitivité des manufacturiers. Dans ce contexte, nous devons
souligner les faiblesses de cette législation, faiblesses qui ont
causé un tort tant aux manufacturiers qu'à l'économie
québécoise en général.
Nous constatons que la plus grande difficulté en demeure une
d'interprétation. Malheureusement, la rédaction de certaines
dispositions de cette législation - et nous référons ici
particulièrement aux règlements a été pour le moins
confuse. Ces imprécisions ont donné lieu à des
interprétations divergentes, sinon opposées, qui sont source de
frustration et de coûts additionnels pour les manufacturiers.
Ce commentaire, formulé fréquemment par nos membres au
cours des dernières années, s'est illustré
particulièrement dans trois domaines bien précis: la
publicité, surtout en matière d'affichage public, catalogues et
brochures; les programmes de francisation, notamment en ce qui a trait à
leur application et, troisièmement, la langue d'enseignement pour les
enfants des employés venant de l'extérieur du Québec. Nous
commenterons chacun de ces éléments avant de vous formuler notre
demande.
Sur le plan de la publicité, le manufacturier identifie de plus
en plus le marché québécois dans son contexte
nord-américain. En conséquence, il voit l'importance, sinon la
nécessité, d'une publicité bilingue. Ceci est vrai non
seulement pour le manufacturier canadien ou étranger faisant affaires au
Québec, mais aussi pour le manufacturier québécois qui
désire percer sur le marché nord-américain. À notre
avis, une publicité bilingue minimise les coûts tout en respectant
l'esprit de la loi.
Les contraintes imposées par la loi et les complexités de
la réglementation à ce sujet découragent l'usage de
plusieurs messages publicitaires et ce, particulièrement pour le
manufacturier québécois. Par exemple, l'article 19 du
règlement sur la langue du commerce et des affaires traite de la
publicité sur les véhicules. Cette publicité peut
paraître soit en français, soit bilingue ou dans une autre langue
selon la destination habituelle du véhicule. Or, l'entreprise moderne
apporte fréquemment des changements à l'usage et aux destinations
de ses véhicules. Cette dynamique rend donc inutilisable la
publicité figurant sur ces véhicules et, par le fait même,
ces derniers. Pourquoi ne pas permettre qu'une telle publicité soit tout
simplement bilingue?
Une autre illustration de ces contraintes se retrouve au chapitre
des catalogues, brochures, dépliants et autres publications. Le
manufacturier québécois qui vise à la fois les
marchés québécois et étrangers se voit imposer des
coûts exorbitants à cause de la complexité de la
législation qui exige trois types d'imprimés.
En effet, si la publicité se fait par catalogue dans un endroit
public, celui-ci doit paraître dans une publication distincte en
français et dans une publication distincte dans une langue autre que le
français. Par ailleurs, si la publicité est effectuée hors
d'un lieu public, par la poste, par exemple, le catalogue pourrait être
alors bilingue. En conséquence, le manufacturier qui, lors d'une
campagne publicitaire, veut distribuer ses catalogues à la fois dans un
endroit public, à son établissement et par la poste doit
préparer des imprimés français, bilingues et dans une
langue autre que le français. Pourquoi ne pas permettre les publications
en français ou bilingues dans tous les cas?
Cette contrainte soulève un autre problème sérieux,
celui de la raison sociale de l'entreprise. En fait quelle version doit-on
utiliser dans les relations commerciales? Selon la catégorie de
documents - contrats, factures, bons de commande, catalogues et autres
documents - la raison sociale de l'entreprise paraîtra obligatoirement en
français, en version bilingue ou dans une autre langue que le
français. Pourquoi ne pas permettre la version française ou
bilingue dans tous les cas?
Sur le programme de francisation, l'AMC constate à regret que
certaines modalités des programmes individuels sont trop souvent
laissées à la discrétion des négociateurs de
l'Office de la langue française. Nous soulignons, toutefois, que
certains d'entre eux ont compris les contraintes pratiques et quotidiennes des
manufacturiers et ont composé avec ceux-ci des programmes qui respectent
à la fois l'esprit et la lettre de la loi. Toutefois, nous
déplorons que certaines interprétations des dispositions
législatives aient obligé des manufacturiers à apporter
des modifications à leurs pratiques ou à mettre en place des
mécanismes qui auraient été inutiles si une
interprétation raisonnable de la loi eut été
appliquée.
L'AMC ne suggère pas que tous les aspects de tous les programmes
de francisation soient réglementés strictement. Au contraire,
nous croyons fermement que la flexibilité est nécessaire afin de
négocier chaque programme avec l'entreprise visée. Toutefois, les
négociateurs devraient se consulter afin d'établir des
règles ou des guides pour certains aspects de la "francisation
appliquée", notamment au chapitre des en-têtes de lettres,
affichage interne, cartes d'affaires, manuels techniques, timbres de
caoutchouc, etc.
Pour ce qui est de la langue d'enseignement, le manufacturier
québécois est particulièrement préoccupé par
les difficultés que crée la charte pour des employés
venant de l'extérieur. Dans le contexte économique actuel et
compte tenu du virage technologique proposé par le gouvernement et
endossé par l'AMC, le manufacturier doit, dans plusieurs cas, faire
appel à des techniciens ou professionnels de l'extérieur du
Québec. Nous constatons malheureusement que la plupart de ces personnes
voient leur passage au Québec comme un stage à cause du
traitement aménagé dans la loi au titre de la langue
d'enseignement; celles-ci se considèrent comme des citoyens en transit.
En conséquence, elles ne sont pas encouragées à faire du
Québec leur domicile et ainsi à faire profiter les manufacturiers
québécois de leur expertise à long terme. Ces
personnes-ressources ont des qualités nécessaires à la
relance économique des manufacturiers québécois. À
notre avis, il est important d'éliminer les obstacles qui nuisent
à la venue au Québec de ces experts. Nous devons donc prendre
tous les moyens pour inciter ces personnes à s'établir chez nous
et contribuer positivement aux transferts technologiques nécessaires
à la relance économique.
Ce que nous demandons au législateur, M. le Président, ce
que nous demandons au gouvernement, par le biais de votre commission, c'est de
faire une concession aux manufacturiers québécois, francophones
et anglophones; c'est de faire une concession aux administrateurs francophones
et anglophones de l'entreprise manufacturière de cette province; c'est
de faire une concession aux étudiants francophones et anglophones de
cette province qui se préparent à faire carrière dans le
secteur manufacturier québécois de leur faire une concession en
éliminant, dans la réglementation et dans la mise en application
des règlements de cette loi, des irritants comme ceux que nous venons de
vous souligner.
Ce sont ces irritants parmi d'autres au Québec qui
empêchent certains manufacturiers francophones et anglophones de faire de
nouveaux investissements dans notre province. Ce sont ces irritants parmi
d'autres qui diminuent aux yeux de plusieurs manufacturiers
québécois les avantages comparatifs nécessaires pour
être plus concurrentiels au Canada et à l'étranger. Ce sont
ces irritants parmi d'autres qui empêchent l'entrée normale au
Québec d'hommes et de femmes nantis de talents et de ressources non
disponibles chez nous, mais combien nécessaires aux investissements et
à la création de nouveaux emplois, sachant, par exemple, ce que
la création d'un poste supérieur peut amener comme effet
multiplicateur sur les emplois de production et de services. Ce sont ces
irritants parmi d'autres qui ont déplacé et qui
déplaceront des sièges sociaux ou des sections de sièges
sociaux de l'entreprise manufacturière grande ou petite - vers
l'extérieur du Québec, emportant avec eux les centres majeurs de
décision aussi reconnus que des écoles ou des centres de
formation et d'entraînement professionnel sur place, des administrateurs
francophones et anglophones, des nouveaux diplômés, des
techniciens, etc.; ces déplacements étant réalisés
à des coûts directs et indirects élevés et inutiles.
Ce sont ces irritants parmi d'autres qui ont relégué et qui
relégueront certains de nos bons administrateurs québécois
qui ont décidé de demeurer au Québec dans des postes
secondaires de conseillers ou de représentants québécois
en administration, en marketing, en relations industrielles, en
législation ou en affaires publiques, bien souvent avec les titres
ronflants, mais pas toujours consolants, de président du conseil,
directeur général, vice-président et autres dans des
postes d'exécutants plutôt que dans des postes de
décideurs.
Notre conclusion, M. le Président. Depuis l'introduction de la
loi, l'AMC a participé activement à des séminaires, des
colloques, des rencontres entre l'Office de la langue française et les
manufacturiers, autant au Québec qu'à l'extérieur, en vue
de soutenir ses membres dans la mise en application des dispositions de la
charte. L'AMC continuera de jouer ce rôle au Québec. Grâce
à ces échanges et lors de la préparation de ceux
d'aujourd'hui, l'AMC a été en mesure de constater que certains
aspects de la législation créent de fortes contraintes à
l'égard des manufacturiers québécois ou étrangers
désirant s'établir dans cette province. Nous avons
illustré dans ce bref mémoire certaines contraintes de ce genre
et proposons certains assouplissements à la loi dans le but premier de
l'éclaircir pour ceux qui doivent l'appliquer quotidiennement. Ainsi,
ces changements contribueront à créer un climat plus propice au
commerce et aux affaires au Québec.
Nous vous remercions, M. le Président, de nous avoir permis de
vous souligner les aspects de la charte qui nous préoccupent et vous
assurons, M. le ministre, de notre plus
entière collaboration afin que nous puissions trouver ensemble
des solutions pratiques à ces lacunes et éliminer les irritants
le plus rapidement possible avant qu'ils soient encore plus nuisibles au
développement économique du Québec. Nous sommes
prêts à répondre à vos questions.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Dessureault. M. le
ministre.
M. Godin: M. Dessureault, M. Lavoie, merci d'être venus
nous faire part de vos observations en tant que témoins
privilégiés de ce qui se passe dans l'entreprise. Je constate
avec plaisir - je vous le dis dès maintenant - que vous affirmez que
votre association ne conteste pas, premièrement, l'esprit de la charte
ni ses principes fondamentaux et je m'en réjouis. "Nous soulignons
toutefois, dites-vous, que certains d'entre eux - je parle des
négociateurs de l'Office de la langue française - ont compris les
contraintes pratiques et quotidiennes des manufacturiers et ont composé,
avec ceux-ci, des programmes qui respectent à la fois l'esprit et la
lettre de la loi." Cette attitude est-elle le fait de programmes
récemment négociés ou si vous n'avez noté aucun
changement récent ou si ces personnes étaient des
négociateurs appliquant déjà des règles plus
pratiques au tout début des programmes de francisation?
M. Dessureault: M. le ministre, notre mémoire rejoint la
dimension des trois dernières années, particulièrement.
Tous les exemples qu'on pourrait porter à votre attention sont
très frais. Je laisserai à mes deux confrères le soin de
vous faire peut-être des commentaires additionnels.
M. Godin: Est-ce que ce sont des exemples de négociateurs
qui ont compris ou qui n'ont pas compris, d'après vous?
M. Dessureault: Pour ceux qui ont compris, on n'a pas de
problèmes. Par exemple, chez Pratt et Whitney, on vous a dit qu'il y
avait des négociateurs qui avaient compris. Il y a des programmes de
francisation qui sont en marche. Il n'y a de conflits ni d'un côté
ni de l'autre. Dans plusieurs sociétés, même chose. Mais,
dans plusieurs autres sociétés, les contraintes entraînent
particulièrement des problèmes en publicité, des
problèmes dans les programmes de formation et des problèmes dans
la langue d'enseignement. Les grands problèmes chez les grands
manufacturiers, c'est de ne pas être libres ou en mesure de
transférer des personnes qualifiées depuis l'extérieur du
Québec. Ce sont des problèmes réels, M. le ministre. On
peut vous donner des cas par centaines, de citoyens ontariens, par exemple, qui
refusent des transferts au
Québec à cause de ces irritants - ce sont des irritants
parmi d'autres - et ceux-ci entraînent des problèmes d'enfants,
des problèmes d'épouses ou de conjoints. Ce sont des refus. Ce
sont même des refus de promotions au Québec. Ce sont même
des refus de Québécois, au Québec, qui veulent des
rétrogadations en Ontario. Alors, vous avez des situations difficiles
des deux côtés. On pourrait vous livrer des centaines de cas.
C'est à faire pleurer.
M. Godin: M. Dessureault, je suis à votre disposition en
tout temps, en dehors même des heures de séance normales de cette
commission, pour que vous me fassiez part éventuellement de vos
suggestions quant à la façon dont les programmes de francisation
devraient être appliqués. Vous m'apporteriez les cas où
vous estimez que les programmes tiennent compte des contraintes pratiques et
autres. Par ailleurs, je vous inciterais, en toute amitié, à ne
pas citer Pratt et Whitney comme étant un modèle à suivre,
d'après ce que nous avons entendu ici au début de la commission.
(17 h 45)
M. Dessureault: C'est justement ce que j'essaie de corriger, M.
le ministre. Ce que vous entendez de la part de certains employés de
Pratt et Whitney, vous devriez l'entendre aussi des autres employés de
Pratt et Whitney. Je ne suis pas ici mandaté pour traiter le cas de
Pratt et Whitney, mais, parce qu'il a été cité
publiquement, je me dois, comme représentant de cet organisme dont Pratt
et Whitney est membre, de vous répéter ce que la compagnie
elle-même a dit aux médias. C'est qu'ils ont des programmes de
francisation négociés avec les représentants de l'office
et les représentants de l'office sont satisfaits de ces engagements.
M. Godin: Nous espérons alors obtenir de l'entreprise
elle-même, Pratt et Whitney, son témoignage; elle aurait
été la bienvenue si elle avait bien voulu venir ici. D'autre
part, j'obtiendrai de l'office les renseignements les plus précis
possible pour voir au milieu de quelles affirmations se situe la
vérité que nous cherchons tous ensemble.
M. Dessureault: M. le ministre, un commentaire si vous le
permettez. Quand on parle d'une société qui a de la machinerie
d'un côté et des ressources humaines de l'autre, il est bien
évident que, lorsque vous regardez l'ensemble des manufacturiers, pour
quelques-uns, les situations sont beaucoup plus difficiles. Quand au
Québec, par exemple, on manque de machinerie parce qu'elle n'est pas
manufacturée au Québec, il faut se procurer cette machinerie
à l'étranger et, quand cette machinerie entre
chez nous, il y a un article qui prévoit que, si c'est
gravé dans la machine - comme c'est le cas pour cette pièce de
machinerie qui nous filme - il y a une exception à la règle. Et,
dans certaines usines, lorsqu'il s'agit de traduire des cahiers de charges, par
exemple, qui changent tous les jours à cause de cette nouvelle
technologie et de cette nouvelle machinerie, etc., il faut comprendre que, pour
certains manufacturiers, il faut que le temps permette ces changements. Ces
changements sont faits à des coûts bien souvent exorbitants.
M. Godin: Vu. Par ailleurs, je me réjouis de voir le
succès obtenu dans certains secteurs industriels au Québec, entre
autres dans les pâtes et papiers qui ont francisé leurs
activités à 80% ou à peu près au moment où
on se parle et ce, malgré les mutations technologiques qu'eux aussi ont
vécues. À tel point qu'on se demande si le fait qu'une entreprise
soit reliée directement aux ressources naturelles du Québec n'est
pas un facteur incitatif très puissant pour se franciser alors que, si
c'est une entreprise...
M. Dessureault: Je peux vous citer des exemples, M. le ministre,
qui ont...
M. Godin: ...enfin - M. Dessureault... M. Dessureault: Je
m'excuse.
M. Godin: ...excusez-moi, je vous remets la parole illico - moins
intégrée, à la ressource naturelle qu'elle trouve ici,
comme par hasard, c'est plus lent. Donc, nous tenons compte, enfin l'office
tient compte de ces contraintes. Mais je vous rends la parole avant de vous
poser une dernière question. Allez-y.
M. Dessureault: Je m'excuse, j'allais dire qu'il est bien
sûr que certaines entreprises étaient à l'avant-garde bien
avant la loi 63, bien avant la loi 22, du côté de la francisation.
Je pourrais vous citer des cas où on avait, dans des
établissements, bien avant les années soixante, des bureaux de
traduction avec peut-être une quarantaine de traducteurs. Je peux vous
dire que, dans bien des cas, ces entreprises ont déjà
déménagé des sièges sociaux. Alors, d'un
côté, vous avez ceux qui ont pu planifier des changements; cela a
peut-être été plus facile pour quelques-uns. D'un autre
côté, vous avez ceux qui subissent les irritants, qui ne peuvent
pas faire les changements comme ils aimeraient les faire.
M. Godin: D'accord.
M. Dessureault: On n'est pas ici pour discuter des principes de
la charte, mais simplement des irritants, particulièrement dans ces
trois domaines.
M. Godin: La pratique.
M. Dessureault: Si on pouvait réussir à
éliminer ces irritants, nous serions en meilleure posture pour
défendre le Québec sur le plan économique à
l'extérieur du Québec.
M. Godin: Mais c'est un objectif que nous avons tous à
coeur, M. Dessureault. Pour avoir fait des tournées dans divers
États américains, en Europe et même ailleurs, je peux vous
en donner la certitude et la garantie.
À la page qui porte sur la publicité, une seule question.
Vous dites que, d'après le règlement, l'affichage sur les camions
de livraison de l'entreprise doit être en français ou dans une
autre langue suivant la destination habituelle du véhicule, mais que,
dans la pratique, la destination peut changer. Est-ce que, à votre
connaissance, il y a eu des pressions faites par quelque organisme que ce soit
disant: Voilà, ce camion ne va plus à la même place,
pourriez-vous, s'il vous plaît, changer votre affichage? Ou n'y a-t-il
pas une espèce de processus d'attrition? Comme le camion n'est pas
permanent, on laisse la même inscription tant qu'il n'est pas
remplacé ou tant qu'il n'est pas repeint. Ou est-ce que vous avez des
cas précis où ce serait vraiment un irritant, où,
même si la nouvelle affectation ne dure que quelques mois, on oblige
à transformer l'inscription? Ce sera ma dernière question,
messieurs.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M...
M. Lavoie (Mario): M. le ministre, si vous le permettez, je vais
tenter de répondre à cette question. Nous n'avons pas d'exemples
très précis, tel que vous le mentionnez, à savoir un
camion ou une entreprise qui aurait dû empêcher ses camions de
passer la frontière simplement parce que l'affichage était mal
fait. Ce qu'on voulait illustrer ici, c'est plutôt ceci. Voici un article
précis de la loi qui impose des obligations en regard de l'affichage
pour un camion selon sa destination, à savoir que, s'il est à
Montréal, il peut être en français; que, s'il passe
occasionnellement la frontière américaine, il peut encore
être en français ou bilingue. S'il fait
régulièrement la route des États-Unis ou de l'Ontario, il
peut être en anglais. La question qu'on s'est posée
là-dessus, c'est: Pourquoi autant de règles, pourquoi ne pas
simplifier les choses? Lorsqu'on tente d'expliquer cela à des gens de
l'extérieur, que ce soient des investisseurs, des entreprises dont le
siège social est situé à l'étranger et qu'ils ont
des flottes de camions ici, ils ont un peu de
difficulté à concevoir comment ils peuvent orchestrer de
façon flexible leurs flottes de camions à cause de choses comme
celles-là. Celui-là est un irritant, si vous voulez.
M. Godin: Cela répond à ma question, M. Lavoie.
Merci beaucoup.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Chomedey.
Mme Bacon: Merci, M. le Président. M. Dessureault, M.
Lavoie, j'aimerais tout d'abord faire remarquer le ton serein, mais combien
réaliste de votre mémoire. On voit que les gens que vous
représentez ont sûrement ensemble tenté de trouver
certaines solutions aux problèmes auxquels vous êtes
confrontés et qui font peut-être que vous ne pouvez aller jusqu'au
bout de certaines réalisations au niveau de l'Association des
manufacturiers canadiens.
Avant de parler des coûts supplémentaires aux entreprises,
parce que c'est drôlement important, je pense, pour les manufacturiers,
j'aimerais quand même, si vous le voulez, revenir à certains
irritants que vous avez mentionnés. Vous vous préoccupez de la
jeunesse québécoise. On sait que, dans les facultés
d'administration, par exemple, ou de commerce, les jeunes sont
préoccupés de se trouver un emploi par la suite. Est-ce qu'il
faudrait se dire que ce serait de plus en plus difficile pour eux de trouver
des débouchés sur le marché du travail à cause de
certains des irritants auxquels vous avez à faire face?
M. Dessureault: Certainement, face aux ambitions des jeunes qui
veulent gravir les échelons particulièrement dans le secteur
manufacturier. J'ai dit tantôt la grande ou la petite. Vous savez qu'il y
a des irritants qui forcent même nos PME à sortir de la province.
Pour les diplômés universitaires particulièrement, ainsi
que pour certains techniciens qui auraient avantage à travailler au
niveau des grands laboratoires par exemple, ce sera plus difficile.
Je peux essayer d'illustrer un peu ce que j'essaie de dire. J'ai pris
l'avion hier matin pour Toronto. Dans l'avion, les gens parlaient plus
français qu'anglais. J'ai remarqué que beaucoup de jeunes
francophones prennent l'avion pour Toronto. Où vont-ils? Sûrement
au siège social. Quoi faire? Sûrement chercher de
l'entraînement, de la formation, en même temps que remplir des
fonctions. Je me souviens d'un temps où il y avait beaucoup moins de
francophones qui prenaient l'avion ou le train pour Toronto et beaucoup plus de
francophones qui voulaient gravir les échelons dans les années
soixante, soixante-dix. On retrouvait alors au Québec des sièges
sociaux intéressants dans le secteur manufacturier, où on pouvait
gravir les échelons dans des fonctions de décideur et non pas
dans des fonctions d'exécutant. C'est au contact de ces personnes qui
ont les responsabilités de décision, particulièrement dans
un siège social, qu'on apprend le métier.
Si je recule en 1953, moi-même à Shawinigan, j'ai
été le premier Français à avoir une fonction de
surveillant. J'ai demandé à ma société et aux
société des alentours, parce que j'oeuvrais dans des associations
même à cette époque: Comment se fait-il que nous n'ayons
pas de francophones contremaîtres, surveillants dans nos usines? À
Shawinigan, en 1953, l'industrie manufacturière était
florissante. On me disait: On est allé voir les curés, les
évêques un peu partout pour leur demander s'ils connaissaient des
francophones prêts à accepter des postes de contremaître ou
de surveillant. On a fait venir des étrangers d'Irlande, d'Écosse
et d'un peu partout qui ne parlaient pas le français et ce sont eux qui
ont été les premiers contremaîtres, les premiers
surveillants dans nos usines au Québec.
En 1965, c'était changé dans beaucoup d'usines du
Québec. Si vous regardez 1965 et que vous analysez les postes de
direction dans les usines au Québec, eh bien huit sur dix sont
occupés par des francophones. Déjà, avant le bill 101, il
y avait une progression. Le bill 101 a ajouté pour les francophones une
nouvelle dimension, une nouvelle aide qu'on ne conteste pas, mais on conteste
les irritants. Et c'est là-dessus qu'on insiste ce soir. On ne fait pas
de politique, nous, mais les irritants, si on les enlevait, il n'y a pas un
parti politique qui y perdrait dans la situation économique actuelle du
Québec.
Mme Bacon: Au niveau de la concurrence, par exemple, ces
mêmes irritants, qui peuvent quand même faire mal à
l'industrie manufacturière, blessent-ils davantage les PME que la grande
industrie?
M. Dessureault: II y en a plusieurs qui sont la
propriété d'anglophones au Québec. Il y en a aussi qui
sont la propriété de francophones. Plusieurs de ces PME ont
besoin des experts dont on parlait tantôt. Ils veulent les engager aussi
dans leur entreprise, soit dans un secteur de recherche ou purement dans un
secteur de production. D'un côté, vous avez la liberté
d'acheter une machinerie de l'étranger. Si cette machinerie faisait
défaut aujourd'hui, on ferait appel à ceux qui nous l'ont vendue
pour venir la réparer ici au Québec. On n'exigerait pas qu'ils
parlent le français. Cela, c'est pour la machinerie.
On pense à la ressource humaine. On veut importer de la ressource
humaine pendant qu'il est encore temps parce que demain il n'y en aura pas de
disponible, car
chaque pays qui veut être concurrent sur le plan mondial va
s'assurer de garder sa ressource humaine chez lui. Mais il est encore temps
d'aller en chercher quelques-uns. Pendant que l'on a cette possibilité,
faisons entrer au Québec ces experts. Demandons-leur poliment
d'apprendre la langue; ils vont l'apprendre éventuellement. Cela fait 30
ans que je parle anglais et je ne suis pas encore à l'aise; je suis bien
plus à l'aise dans ma langue et je voudrais que les autres soient
traités de la même façon. Cela ne m'inquiète pas
qu'on soit majoritairement francophone au Québec et de laisser aux
anglophones le droit de parler leur langue ou le droit d'enseigner leur langue
à leurs enfants. (18 heures)
Un président d'une grande société a
été transféré il n'y a pas tellement longtemps au
Québec; il a envoyé ses enfants à l'école
privée, mais un négociateur de l'Office de la langue
française lui a dit: Si vous aviez choisi l'école publique, vous
n'auriez pas pu envoyer vos enfants a l'école française parce que
votre poste est permanent. S'il avait été temporaire, pas de
problème. M. le ministre, c'est ce genre d'irritant. C'est quoi un poste
permanent au Québec, au Canada et au monde, aujourd'hui? Cela peut
être six mois, cela peut être un an et cela peut être trois
ans, mais jamais vingt-cinq ans, jamais dix ans et jamais six ans. On vous dit
que c'est fini, les carrières de trente ans dans un même poste.
C'est incroyable. L'avenir des jeunes de demain, c'est cinq, huit ou dix
postes. Les postes permanents, c'est un an, deux ans ou trois ans. Alors,
enlever le mot "temporaire" dans la loi et le remplacer par le mot "permanent",
cela veut peut-être dire deux ans ou trois ans.
Se sentir étranger au Québec. Combien de cas avons-nous
qui pourraient vous être livrés, de personnes qui disent: Je ne
vais pas au Québec parce que le fait d'envoyer mes enfants à
l'école publique francophone, cela veut dire que je suis à la
merci de représentants du gouvernement qui décident d'abord si,
oui ou non, je peux les envoyer et, ensuite, combien de temps je peux les
envoyer. Alors, je ne suis pas intéressé à aller au
Québec. Transportez le poste à Toronto, je vais aller à
Toronto. C'est ce genre d'irritant. Ce n'est pas compliqué. C'est
simple, et c'est de la perception, en même temps que la
réalité. Moi, quand je me présente à Toronto, on me
taquine. On me dit: Merci, Montréal, d'avoir construit tous ces beaux
édifices. Et c'est rare que je vais à Toronto sans recevoir de la
part de confrères, d'amis et de collègues dans l'entreprise
privée d'abord un commentaire négatif sur le Québec
à cet effet. Je défends le Québec en Ontario. Je le
défends, mais je peux difficilement défendre les irritants, par
exemple.
M. Lavoie: M. le Président, si vous me le permettez...
Le Président (M. Gagnon): Oui, M. Lavoie.
M. Lavoie: ...j'ai deux commentaires à la question de Mme
Bacon. Ce qui me frappe en fait dans votre question, ce sont deux choses.
D'abord, il faut retenir que les petites et moyennes entreprises du
Québec sont souvent des sous-traitants de plus grandes entreprises. Vous
posez la question: Est-ce que ces irritants qui sont monnayables affectent plus
la petite et la moyenne entreprise que la grande entreprise? Je vous
répondrais: Ces irritants affectent les deux, autant les grandes
entreprises que les petites et les moyennes, mais les premières qui
tombent sont souvent les petites et les moyennes parce que, évidemment,
les coûts sont souvent plus grands pour elles alors que les marges de
profit sont plus petites. C'était mon premier commentaire.
Mon deuxième commentaire est au niveau de la concurrence. Il y a
quelques années, cela se faisait chez notre voisin, au village ou
à la ville voisine et même avec l'autre province. Aujourd'hui, ce
n'est plus cela, c'est avec Taïwan, c'est avec Hong Kong, c'est avec
l'Inde, c'est avec la France. Le plus petit manufacturier, qu'il soit au
Québec ou ailleurs, qui veut exporter ses produits pour faire un profit,
doit le faire sur un marché international, et là tous les cents
vont compter. Partout où il pourra couper, il le fera. Notre
mémoire vise ces irritants-là dans le but de rendre nos
entreprises québécoises, petites, moyennes et grandes, les plus
concurrentielles possible en minimisant les coûts le plus possible, tout
en respectant l'esprit de la loi. C'était mon deuxième
commentaire. Merci, M. le Président.
Mme Bacon: Au niveau des coûts, je regardais dans la Presse
d'aujourd'hui, on dit 42 000 000 $ pour franciser 48 entreprises. On sait que
cela a quand même amené des coûts assez considérables
dans certaines entreprises. Est-ce que vous prévoyez que ces coûts
vont aller en augmentant avec les années? On parle des irritants, mais
s'il ne se fait pas de concessions ou d'améliorations, peut-être
même des changements d'attitude de la part du législateur, est-ce
que vous prévoyez que les coûts vont aller en augmentant avec les
années?
M. Dessureault: Peut-être et peut-être pas.
Peut-être pas parce que les manufacturiers sont en crise de
liquidités depuis environ trois ans, ils n'ont pas d'argent pour
investir. Si la francisation, pour eux, représente un investissement,
cela se classe dans la même catégorie que les autres inves-
tissements. Donc, cela prend de l'argent pour investir. Ceux qui auront
de l'argent pour investir, si, pour eux, la francisation représente un
investissement, ils le feront. L'entreprise privée concurrentielle a un
objectif bien précis, celui de faire un profit et elle fera son profit
où elle trouvera le climat le plus favorable à la
réalisation de ce profit. Si, pour l'entreprise, la ressource humaine
est ce qu'il y a de plus important, elle s'occupera d'avoir une ressource
humaine dont elle pourra faire appel à tous les talents, si c'est un
francophone, à tous les talents, si c'est un anglophone, pour atteindre
l'objectif individuel et l'objectif collectif de la société
manufacturière. Si la décision est plus facile, à cause
des irritants, de placer une usine à l'extérieur du
Québec, ce sera la décision. Si c'est plus rentable pour d'autres
raisons, elle sera placée au Québec. Et si tout ce
phénomène des irritants disparaît, le Québec sera
sur un pied d'égalité avec l'Ontario, par exemple, parce que ce
sont seulement les irritants qui séparent les Ontariens des
Québécois sur le plan de l'investissement individuel et sur le
plan de l'investissement de l'entreprise.
Beaucoup d'individus qui faisaient des placements dans l'entreprise
privée au Québec, hier, refusent de le faire aujourd'hui.
Beaucoup transportent leurs biens à l'extérieur du Québec
à cause, non pas exclusivement de la loi sur la francisation, mais de
plusieurs autres irritants sur le plan de la fiscalité ou de la
réglementation autre que celle-ci. Il faudrait pouvoir éliminer
les irritants au Québec! On se répète, mais cela fait
déjà trois ans que l'on parle de cela avec le gouvernement et
avec l'Opposition. Notre but bien précis, c'est de permettre les
investissements, de permettre la création d'emplois au Québec
pour améliorer notre économie.
Le Président (M. Gagnon): Oui?
Mme Bacon: Juste en terminant, M. le Président, je pense
que le ministre a dit, au début des audiences de cette commission, que
c'était "stop, look and listen". Je pense que, si on veut créer
un climat propice au commerce et aux affaires, il n'y a pas que le ministre de
l'Immigration et des Communautés culturelles qui devra "stop, look and
listen". Il y a aussi le ministre de l'Industrie et du Commerce dont nous
déplorons l'absence. Le ministre du Commerce extérieur, par
exemple, nous aurions aimé qu'il soit aussi présent pour
écouter certains des commentaires qui sont faits. Je pense bien que le
ministre se fera le porte-parole de la commission pour leur transmettre vos
messages. Je n'ai aucune inquiétude: si certains de ces irritants
disparaissaient, il n'y aurait pas de problème pour la francisation dans
le monde des affaires.
M. Dessureault: II n'y en avait pas avant la loi 101, il ne
devrait pas y en avoir après la loi 101.
Mme Bacon: Pour ma part, je vous remercie, encore une fois, du
ton serein et réaliste de ce mémoire.
Le Président (M. Gagnon): Merci, Mme la
députée.
M. le député de Chauveau.
M. Brouillet: M. Dessureault, ce qui me frappe en premier lieu
dans votre mémoire dont nous avons reçu le texte écrit,
c'est que j'ai eu beaucoup de difficulté, à la lecture, à
établir un rapport entre les irritants que vous nous mentionnez dans
ledit rapport écrit et le jugement que vous portez en introduction,
à savoir que la loi, par ces irritants, a causé un tort
considérable aux manufacturiers et à l'économie
québécoise.
M. Dessureault: Je le retrouve très bien dans le
texte.
M. Brouillet: C'est dans votre introduction. Quand je vois les
irritants auxquels vous faites allusion dans le texte, j'ai beaucoup de
difficulté à établir un rapport de cause à
effet.
M. Dessureault: Comment se fait-il?
Le Président (M. Gagnon): On va laisser terminer M. le
député et vous aurez la parole ensuite.
M. Brouillet: Vous mentionnez ici la question de l'affichage et
de la publicité. Est-ce que ces éléments jouent un
rôle tellement considérable sur les coûts que cela peut
vraiment nous rendre non compétitifs? Par ailleurs, des études
ont été faites pour dire que le fait de travailler en
français pour des travailleurs dont la langue maternelle est le
français a plutôt tendance à accroître leur
productivité. Vous-même avez mentionné qu'après 30
ans de connaissance de l'anglais vous fonctionnez encore mieux en
français. Dans la productivité, il y a ce volet de la
productivité du travailleur. C'est bien évident qu'il y a
d'autres coûts qui interviennent. Je me demande si cet irritant de
publication unilingue et bilingue de temps en temps peut engendrer des
coûts au point de causer un tort énorme.
L'autre irritant auquel vous faites allusion, ce sont les programmes de
francisation. Là, je crois qu'il y a une porte ouverte; il est possible
qu'il y ait des coûts additionnels. Il faudrait voir, mais vous ne le
précisez pas tellement. Vous faites simplement allusion au fait que cela
a été interprété de façon plus ou moins
flexible
dans certains cas. Peut-être que certains programmes de
francisation peuvent engendrer des coûts assez considérables par
rapport à une application moins rigoureuse de la loi. Il y a
peut-être là un point.
Pour ce qui est de la langue d'enseignement, je vois que, lorsque vous
faites allusion à la langue d'enseignement, vous vous limitez aux
enfants des professionnels ou des spécialistes dont on aurait besoin
parce qu'on ne peut pas les trouver chez nous. C'est pour cette
catégorie de personnes surtout que vous réclamez un adoucissement
de la loi. Je vous dis que dans le texte, de la façon dont vous traitez
des quelques irritants que vous mentionnez, je voyais difficilement le rapport
de cause à effet avec le tort considérable causé à
l'entreprise.
Vous avez fait toute une tirade d'irritants à la fin. On n'a pas
eu le temps de les prendre. Je voyais que vous aviez à l'esprit beaucoup
plus d'irritants que ce que vous avez donné dans le texte
écrit.
M. Dessureault: J'ai ajouté irritants "parmi d'autres". Je
ne pense pas que le "parmi d'autres" soit conciliable avec la tenue de cette
commission.
M. Brouillet: Dans le cadre de la loi...
M. Dessureault: On s'en tient exclusivement aux
préoccupations des manufacturiers. Si vous me demandez de me
présenter comme citoyen du Québec, en dehors de mes fonctions de
représentant d'un organisme patronal, mais dans mes fonctions
d'entrepreneur et de chef de direction d'entreprise, je pourrais vous faire
toute une autre représentation au-delà de celle que je viens de
vous livrer.
M. Brouillet: Je ne veux pas déborder sur les irritants
qui n'auraient rien à faire avec la loi 101. Je m'en tiens exclusivement
au cadre de la loi 101.
M. Dessureault: Nous aussi.
M. Brouillet: Est-ce que les seuls irritants que vous voyez dans
le cadre de la loi 101 sont ceux que vous avez mentionnés dans votre
texte écrit?
M. Dessureault: Ce sont ceux qui préoccupent
particulièrement les manufacturiers dans les trois secteurs bien
précis de la publicité, de la langue d'enseignement et des
programmes de francisation.
Le Président (M. Gagnon): Merci.
M. Laplante: Une très, très courte question. Vous
avez fait valoir tout à l'heure que beaucoup d'industries étaient
parties du
Québec et que d'autres songeaient peut-être à partir
à cause de tous les irritants. En 1981, lorsqu'on disait à grand
renfort de publicité qu'il y avait 63 industries
québécoises qui étaient parties en dehors du
Québec, comment penser qu'en Ontario, au même moment, 1022
industries sont parties, ainsi qu'au Canada, aux États-Unis, en Alberta?
Pourquoi tant parler des 63 industries au Québec et ne pas parler des
1022 qui sont parties de l'Ontario, de la grande région de Toronto?
M. Dessureault: Parce qu'au Québec certaines entreprises
ont quitté à cause des irritants. On est bien conscient du "Go
west young man" et de la tendance vers l'Ouest. On connaît les
statistiques et on ne peut pas réfuter ce que vous dites. Seulement, en
toute connaissance de cause, on peut vous dire en toute franchise qu'il y a des
entreprises dont les sièges sociaux ont quitté le Québec
à cause d'irritants et que l'un de ces irritants a trait à la
langue de travail, a trait à la francisation, a trait à ces
commentaires qu'on vous a faits dans les trois cas bien précis.
M. Laplante: Mais l'Ontario n'a pas de loi 101.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. Dessureault: Un
commentaire.
Le Président (M. Gagnon): Je vais revenir à vous.
Un autre commentaire, M. Lavoie.
M. Lavoie: Ce sera un commentaire très rapide pour ajouter
à ce que M. Dessureault vient de dire. Il est possible qu'en Ontario il
y en ait 1000 qui soient parties, en Alberta peut-être autant. Ce que
nous déplorons, l'Association des manufacturiers du Québec, c'est
qu'on découvre qu'il y en a 63 de trop qui sont parties. Ce qu'on veut
faire, c'est trouver des solutions pour empêcher que cela arrive. Quand
on cherche les solutions, on découvre qu'il y a, dans un certain nombre
de cas, des facteurs tels ceux-ci, mais pas uniquement ceux-ci. On
reconnaît qu'en Ontario il y a d'autre chose, mais ce qu'on vous dit
c'est: Malheureusement, il y en a 63 de trop qui sont parties. (18 h 15)
Le Président (M. Gagnon): Merci.
M. Dessureault: Je pourrais peut-être ajouter ceci en
terminant...
Le Président (M. Gagnon): M.
Dessureault.
M. Dessureault: ...M. le Président.
Souvent, des hommes d'affaires de l'extérieur du Québec
nous demandent: Est-ce que nous devons aller nous installer au Québec?
Est-ce que telle chose est encore là? Est-ce que telle autre chose est
encore là? Nous disons: Oui, c'est encore là, mais cela peut
changer. C'est encore là, mais vous pouvez faire telle chose. Alors, si
nous pouvions dire: II n'y a pas d'irritants.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Outremont, pour le mot de la fin.
M. Fortier: Je conclus...
M. Lincoln: Excusez-moi, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: Je crois que je suis inscrit. M. Fortier:
Allez-y.
Le Président (M. Gagnon): Effectivement. Je m'excuse.
M. Lincoln: Ensuite, je vous laisserai le mot de la fin, mais
j'aurais voulu poser quelques questions à M. Dessureault.
Le Président (M. Gagnon): Je peux aussi vous laisser le
mot de la fin.
M. Lincoln: Non, je vais laisser le mot de la fin à mon
confrère.
Je voulais dire à M. Dessureault que j'étais très
content d'entendre son mémoire, parce que les mêmes choses que
vous dites, nous les avons dites à l'Assemblée nationale depuis
que j'y siège. Les gens qui s'occupent de la question économique
ont toujours dit la même chose, soit que les irritants causent des
départs d'entreprises, causent le manque de création d'emplois.
Mais on nous dit toujours que c'est de la démagogie libérale.
Alors, je suis très content de vous entendre dire cela parce que cela
montre que si l'Association des manufacturiers, le Conseil du patronat, Bell
Canada et toutes ces organisations nous disent la même chose, il y a
sûrement un fond de vérité quelque part.
Ce que j'ai remarqué, c'est que le mémoire que vous avez
lu n'était pas exactement celui que vous nous aviez donné; il
contenait plus de remarques. Dans le même sens que ce qu'a dit le
président, s'il était possible d'en avoir une copie, j'en serais
très content parce que, si cela ne vous gêne pas, je vais citer
vos remarques très souvent.
M. Dessureault: J'ai composé la dernière partie ce
matin. Nous vous avons envoyé un mémoire parce que nous
étions pressés de vous envoyer quelque chose qui se tenait, mais,
bien sûr, cela ne pouvait pas être complet.
M. Lincoln: II y a un des collègues qui s'est
étonné que vous ayez parlé de l'affichage et de la langue
d'enseignement comme des irritants qui auraient causé des départs
et qui auraient causé des problèmes aux industries
manufacturières au Québec.
Je vais vous poser une question sur des cas précis qui m'ont
été mentionnés parce que, dans ma région, il y a
beaucoup de manufactures et plusieurs sièges sociaux ont quitté
le Québec pour ces deux raisons. D'abord, vous avez le . problème
inverse, le problème du siège social qui est à
Montréal, dans la région de Montréal ou au Québec,
où vous avez des cadres, des ingénieurs, des spécialistes
ou des technologues qui se trouvent en Ontario, en Alberta, en Colombie
britannique ou en Amérique dans les multinationales et qui, avant de
venir ici et d'obtenir un certificat temporaire d'éducation pour leurs
enfants, sont obligés de déclarer qu'ils viennent temporairement.
Avez-vous des cas de firmes qui sont obligées de mentir, de dire que des
gens sont temporaires quand vraiment elles espéraient que ces gens ne
soient pas temporaires? Il y a ce phénomène. D'abord, il y a les
gens qui vont venir ici et qui ne veulent pas venir de façon temporaire
et on les nomme artificiellement temporaires. Je connais deux cas précis
qu'on m'avait référés. Un enfant a été
à l'école en Ontario jusqu'à l'âge de dix ans; les
parents se disent: Notre enfant va avoir treize ans et alors il aura à
s'intégrer au système français. Alors, ou bien ils ne
viennent pas, ou bien, s'ils viennent, ils viennent avec beaucoup de
répugnance. S'ils ne viennent pas, à un moment donné le
siège social se déplace pour aller rejoindre toutes ces
compétences qui quittent cette firme pour aller ailleurs. Est-ce un
diagnostic que vous rencontrez souvent?
M. Dessureault: Peut-être pas un diagnostic, mais je vais
vous relancer la situation comme ceci. Quand j'embauche un jeune sortant de
l'université, par exemple, je lui pose deux questions: Es-tu prêt
à travailler? Et la deuxième question: Es-tu prêt à
travailler n'importe où? S'il me répond à ces deux
questions, s'il a la compétence, s'il respecte les critères de la
tâche, je l'engage. Mais jamais je n'ai été en mesure,
depuis trente ans, d'offrir à quelqu'un un transfert temporaire. Jamais.
Quand je transfère quelqu'un, je lui dis: Es-tu prêt à
aller travailler à tel endroit, dans tel poste? S'il me demande pour
combien de temps: Je ne le sais pas. Cela peut être un an. Cela peut
être cinq ans. C'est dans de très rares cas que vous aurez des
transferts temporaires. Ce sera pour réaliser des tâches
bien précises pour une période bien précise, mais
normalement, dans le cours des affaires, quand vous montez dans une
hiérarchie d'entreprise privée, il n'y a aucune garantie de
temporaire ou de permanent. J'ajouterai à cela que le siège
social, contrairement au gouvernement ou au parlement, est mobile. Il est
fluide. Il peut être placé n'importe où, parce qu'il est
immatériel. Vous avez dit: II suit les gens, mais ici, au gouvernement,
on peut faire des changements dans l'édifice et il va toujours
être là. Mon usine à Shawinigan est fermée
aujourd'hui.
M. Lincoln: On parle des coûts de l'entreprise, je vais
vous donner un autre cas dans la haute technologie. Plus on devient
spécialisé, plus la question devient critique. Dans la haute
technologie, je vous cite une entreprise où environ 98% de la production
au Québec est exportée. Elle ne peut avoir au Québec, au
mieux, plus de 25% - c'est le grand maximum - de technologues, de technocrates
et d'employés spécialisés. Même si on voulait
prendre 100%, il n'y en a pas. Ces gens peuvent récolter encore 25% du
reste du Canada au mieux. Les 50% sont obligés de venir de
l'étranger. Ce chef d'entreprise, lui, pour attirer des gens qui,
à cause de l'affaire de l'éducation, etc., ne voudraient pas
venir ici - parce que la plupart sont des anglophones qui viennent de
l'Angleterre ou de l'Amérique - est obligé de les payer plus
cher. Il me dit: Ou bien on les paie plus cher et le coût de notre
production monte, ou bien on va chercher des gens de deuxième calibre,
parce qu'ils n'ont pas le choix, ils sont obligés de travailler, ils
sont contents de venir travailler dans n'importe quelle circonstance. Est-ce
que c'est quelque chose de réel? C'est un chef d'entreprise qui m'a dit
cela. Plus cela devient technologiquement avancé, plus c'est le cas,
parce qu'on n'a pas assez de cadres ici. N'est-ce pas un cas où
l'affaire de l'enseignement devient critique?
Le Président (M. Gagnon): Brièvement, s'il vous
plaît'.
M. Lincoln: Oui.
Le Président (M. Gagnon): M. Dessu-reault, avez-vous une
réponse à donner à M. le député de
Nelligan?
M. Dessureault: J'ai beaucoup de réponses. Il y a
tellement de choses qui sont soulevées; la question des
spécialistes en haute technologie, la question des techniciens à
un niveau secondaire, pas nécessairement de haut calibre, mais aussi des
techniciens qui vont mettre une machine en place, pour faire fonctionner cette
machine pendant quelque temps, pour entraîner des hommes à faire
fonctionner cette machine. Du côté de la haute technologie, vous
faites face à des besoins de ressources humaines
étrangères, non seulement au niveau supérieur, mais
quasiment à tous les niveaux.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député d'Outremont.
M. Lincoln: Non, attendez une minute, M. le Président! II
y a une autre chose bien importante. Excusez-moi, c'est quelque chose de bien
important. Je sais que le député de Bourassa a soulevé
quelque chose de très important. Il a dit qu'il y avait 1023 entreprises
qui avaient quitté l'Ontario pendant que 63 quittaient le
Québec.
M. Laplante: 1022.
M. Lincoln: 1022. Je sais que M. Aubin, le président de
l'Office de la langue française, avait dit à la radio, à
Montréal, qu'il y avait autant - il n'a pas dit 1022 -d'entreprises qui
quittaient le Québec que l'Ontario, en parlant des sièges
sociaux, des manufactures, etc. Ce que j'aurais voulu demander au
député de Bourassa, c'est de déposer la liste des 1022 qui
ont quitté l'Ontario parce que le Board of Trade de l'Ontario me dit
qu'il n'a pas de liste.
Deuxièmement, je vais souligner quelque chose, parce que des
chiffres ont été avancés. Parmi les 500 plus grosses
entreprises canadiennes dont les sièges sociaux étaient
primordialement au Québec jusqu'en 1975-1976, aujourd'hui au Canada, il
y en a 267, je pense, qui sont à Toronto, dans la région
ontarienne, contre entre 92 et 100 au Québec et à
Montréal. Si vous lisez le journal Les affaires - cela a
été publié dans le Financial Post, c'est très clair
- de septembre 1983, je pense, la même chose s'y trouve. Cela
démontre un exode des sièges sociaux et des manufactures.
Peut-être qu'il y a 1022 entreprises de une ou deux personnes qui sont
parties pour l'Alberta, mais quand on parle des grosses sociétés
qui créent des emplois, ce n'est pas le cas. Si M. le
député a une liste de ces 1023 entreprises, nous serions
enchantés de l'avoir. J'espère donc qu'elle sera
déposée à la commission.
Le Président (M. Gagnon): Je vous remercie, mais je
n'accepterai pas l'ouverture que vous faites de commencer un débat dans
ce sens-là, car ce n'est pas le mandat de la commission. Nous aurons
certainement d'autres occasions,...
M. Lincoln: Non, mais cela avait été
soulevé.
Le Président (M. Gagnon): ...comme vous le savez,
d'entreprendre un débat de ce
genre-là. Mais il y encore des invités qui sont ici et qui
viennent de Hull, à ce que je sache; je pense que c'est le cas de nos
prochains intervenants.
M. Lincoln: Avant de passer à cela, j'aimerais demander
quelque chose au ministre. Vous savez, la question de Pratt et Whitney qui a
été soulevée encore une fois aujourd'hui, cela m'a
gêné au début, parce qu'on avait vu seulement un
côté de la médaille. J'avais demandé au ministre,
à ce moment-là, si nous pourrions écouter M. Sovran, qui
avait été impliqué et qui représentait l'Office de
la langue française, pour connaître la version de l'office, ce qui
nous aurait fait voir l'autre côté de la médaille. Vous
n'avez pas répondu directement à cela. Vous m'avez promis un
rapport. Concernant les firmes en aéronautique que j'avais
mentionnées, vous m'aviez dit que Pratt et Whitney était
très en retard, que Canadair était très en retard et que
les autres suivent le pas. Et là, M. Sovran, dans une déclaration
à la presse qui a paru dans deux journaux - je pense avoir vu cela dans
la Gazette et peut-être aussi dans la Presse - dit que tout est normal
chez Pratt et Whitney. Aujourd'hui, l'Association des manufacturiers dit la
même chose. Nous avons deux côtés de la médaille. Il
y a une firme multinationale qui emploie 6500 employés...
M. Godin: Je pense que je peux vous répondre.
M. Lincoln: Mais alors il faudrait le savoir. Il aurait
peut-être été opportun d'entendre à cette commission
des gens de l'Office de la langue française, comme M. Sovran,
répondre eux-mêmes à ces questions.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Godin: M. le Président, je déposerai un rapport
circonstancié de l'office sur la négociation qui a eu lieu avec
Pratt et Whitney, avec les résultats de cette négociation et de
ce programme de francisation.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député d'Outremont pour le mot de la fin.
M. Fortier: C'est le mot de la fin pour remercier l'Association
des manufacturiers canadiens. Comme on l'évoquait plus tôt, M. le
Président, l'Association des manufacturiers canadiens se fait un plaisir
et un devoir de rencontrer le gouvernement chaque année; non seulement
le gouvernement, mais également l'Opposition. Nous sommes toujours
très contents et satisfaits de pouvoir dialoguer avec eux.
Je crois que leur témoignage me convainc davantage que les
Québécois désirent véritablement la francisation du
Québec, bien sûr; mais qu'ils veulent également que le
développement économique du Québec se fasse. La
difficulté, quelquefois, est de concilier ces deux objectifs. Ces
gens-là nous ont dit que si nous enlevions certains irritants, on
pourrait assurer le développement économique du Québec
tout en maintenant l'objectif de la francisation du Québec. Je crois que
votre témoignage est très valable et j'ose espérer qu'il
sera retenu.
Je vous remercie.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.
M. Godin: M. Dessureault, c'est un témoignage très
éloquent. En tant que Trifluvien d'origine, je connais les gens de la
Mauricie.
M. Dessureault: Vous reculez aux sources.
M. Godin: Voilà, je remonte aux sources, dans le temps de
M. le député René Hamel, dont vous vous souvenez
certainement. Donc, les gens de la Mauricie sont connus pour leur
réalisme, leur franc-parler et leur pragmatisme. Je constate que vous
êtes une incarnation vivante de ces qualités.
D'autre part, j'ai été P.-D.G. de deux PME dans ma courte
vie avant d'être élu député. Vous avez raison de
souligner qu'il y avait un grand nombre d'irritants dans certains aspects de la
loi 101, sauf que moi, en tant que P.-D.G. de deux PME successives, je dois
dire que, lorsque je voyais débarquer chez nous les gens du Revenu, je
trouvais cela irritant; lorsque je voyais débarquer chez nous les gens
de la CAT, c'était irritant; lorsque les gens de Statistique Canada ou
de Statistique Québec débarquaient pour avoir des renseignements
sur le nombre de copies vendues de tel livre - j'étais à
l'époque éditeur - cela m'irritait aussi parce que je disais:
Laissez-moi travailler, produire et créer des emplois; nous sommes ici
pour travailler et non pas pour remplir vos "maudites" formules. Sauf que,
à la réflexion, un bon citoyen corporatif doit se prêter
à un certain nombre de choses qui l'irritent et qui lui font perdre ce
qui, selon lui, est du temps précieux pour produire. On doit tenir
compte de cela.
Je terminerai mon intervention en vous posant une brève question.
Est-ce que, pa-rallèllement à l'effort de francisation - ceci a
été observé chez General Motors -l'augmentation de la
productivité qui a accompagné la francisation ne peut pas
réussir, dans certains cas, à compenser pour les
coûts que peuvent impliquer des programmes de francisation? Donc, M. le
Président, en quelques mots, ce serait donnant, donnant.
M. Dessureault: Est-ce que je peux répondre? Oui. Je
voudrais d'abord remercier M. le ministre de nous faire une liste des irritants
parmi d'autres: tous ces inspecteurs, il y en a, cela ne finit plus. Bien
souvent le petit entrepreneur n'a pas le temps de s'occuper de manufacturer.
(18 h 30)
Vous avez vécu l'expérience, elle est toujours là,
M. le ministre. Maintenant que vous êtes au gouvernement, souvenez-vous
de ces irritants et essayons de les éliminer.
Vous demandez: Est-ce que certains programmes de francisation ont
atteint les objectifs qui permettent à l'entreprise d'être plus
productive? Sûrement, mais ces mêmes entreprises, M. le ministre,
ont déposé devant vous aujourd'hui, avec les irritants qu'on vous
a mentionnés.
Pendant que, d'un côté, la francisation, ce n'est pas
mauvais, de l'autre côté, il y a des irritants qu'il faut
éliminer absolument.
M. Godin: Merci beaucoup, M. Dessureault.
Le Président (M. Gagnon): Merci à l'Association des
manufacturiers canadiens. Merci, MM. Dessureault et Lavoie.
J'inviterais maintenant les représentants de la ville de Hull.
Oui, Mme la députée de Chomedey?
Mme Bacon: M. le Président, j'aimerais demander le
consentement des membres de cette commission afin que le député
de Hull, qui est très intéressé par le prochain
mémoire, puisse être intervenant au niveau de cette commission
puisqu'il n'y était pas au début, je pense.
M. Godin: À une seule condition, c'est qu'il se rapproche
de nous plutôt que de se tenir en bout de piste. Venez donc, M. le
député.
Mme Bacon: C'est parce qu'il veut être plus près des
gens de Hull, M. le ministre.
M. Godin: Oui, mais il est toujours avec eux et il est rarement
avec nous. On commence à s'ennuyer de lui.
Le Président (M. Gagnon): Cette motion est acceptée
par les membres de la commission.
Mme Bacon: Merci.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Hull sera un des intervenants. Il sera ici pour entendre le mémoire et
poser des questions aux gens de la ville de Hull.
J'invite M. le maire Légère à nous présenter
les gens qui l'accompagnent ainsi qu'à faire la lecture de son
mémoire.
Ville de Hull
M. Légère (Michel): Merci, M. le Président.
M. le ministre, Mmes les parlementaires, MM. les députés,
à mon extrême droite nous avons M. Yvon Grégoire qui est le
maire suppléant, M. Lesage, le greffier de la ville de Hull, Me Beaudry,
conseiller juridique. A ma gauche, M. Pierre Cholette, conseiller, M. Cartier
Mignault et M. André Careau, deux conseillers de la ville de Hull. Comme
vous pouvez le constater, nous sommes une délégation qui, on
l'espère, impressionne non seulement par la quantité mais aussi
par la qualité.
Dans un premier temps, j'aimerais, au-delà du document officiel
que nous avons déjà déposé et dont une partie,
celle sur la loi 101, pourrait être annexée au
procès-verbal de cette commission, vous dire que le conseil municipal et
la population de la ville de Hull tiennent à vous remercier de
l'occasion que vous nous offrez aujourd'hui de participer à cette
commission parlementaire pour aider les membres de l'Assemblée nationale
à poursuivre leur réflexion sur les nombreuses raisons et les
divers moyens d'amender, d'assouplir et, ainsi, de bonifier la loi 101.
En comparaissant devant vous aujourd'hui, nous espérons vous
amener à constater que le conseil municipal et la population de la ville
recherchent les moyens de mieux assurer les potentiels et les dynamismes
démographiques, industriels, commerciaux et touristiques de Hull et de
l'Outaouais québécois et non de stimuler des débats
politiques.
Inscrite dans la problématique élargie de la recherche
d'un statut administratif particulier pour Hull et sa région et
tributaire de la consultation paraélectorale de novembre 1982, notre
démarche d'aujourd'hui est l'aboutissement logique et
modéré des préoccupations de la population et des
élus municipaux de Hull relativement à la législation et
à la réglementation linguistique au Québec.
Compte tenu de notre situation frontalière unique, Hull
étant au coeur d'une agglomération urbaine interprovinciale
majoritairement anglophone de près d'un demi-million d'habitants dont
près de 75% vivent hors du Québec, faite à la fois de
concurrence et d'interdépendance, et considérant que notre ville,
nos entreprises et nos commerces sont constamment à la recherche d'une
clientèle potentielle, nouvelle, majoritairement anglophone, nous
nous présentons devant vous pour réclamer divers
assouplissements à la loi 101 en matière d'affichage et de
publicité.
Comme nous l'avons fait depuis le début des années
soixante-dix avec la création de l'Office de l'identité hulloise,
le conseil municipal de la capitale régionale de l'Outaouais continue
à souhaiter que Hull reflète le caractère majoritairement
et fortement francophone de l'Outaouais québécois et
réaffirme sa volonté très ferme de ne ménager aucun
effort susceptible de lui permettre de maintenir cet objectif.
Toutefois, contrairement à certaines prétentions
alarmistes de quelques personnes et organismes, la population et nous croyons
que la tolérance dans l'affichage public et la publicité
commerciale ne fera qu'accroître notre potentiel compétitif et
notre force d'attraction en région, sans aucun risque de contamination
ou d'assimilation. Hull est une porte d'entrée très importante au
Québec. Près de 3 000 000 de personnes, chaque année, lui
jettent un regard, c'est-à-dire qu'elles visitent la ville d'Ottawa. Sur
ce nombre, 2% à 3% visitent notre ville. Des 3 000 000 de touristes, 60%
sont des Canadiens, 20% proviennent des États-Unis et 20% de pays
étrangers. Chaque matin nous recevons approximativement 20 000
fonctionnaires du gouvernement fédéral. Selon un sondage
effectué par l'Institut québécois d'opinion publique
auprès de la population d'Ottawa, de Hull, de Gatineau et d'Aylmer,
près des trois quarts désirent que la ville de Hull demeure une
ville francophone. L'idée que la ville de Hull devienne la vitrine du
Québec fait son chemin et plusieurs maires des municipalités du
Québec favorisent un tel projet.
Nous croyons que la ville de Hull a une vocation particulière.
Nous venons suggérer que la ville de Hull devienne l'instrument
privilégié du Québec pour donner à tous les
visiteurs et à tous les anglophones qui nous côtoient
quotidiennement le goût de la francophonie, le goût du
Québec. Pour ce faire, il devient essentiel d'ajuster certains
éléments de la loi 101 à notre spécificité,
à notre situation frontalière. Nous ne voulons pas devenir une
ville où, à long terme, l'élément francophone
risque d'être noyé et de disparaître. Au contraire, nous
souhaitons qu'il rayonne, qu'il soit accepté, désiré. Nous
devons prendre les mesures nécessaires pour que l'élément
anglophone qui nous visite et qui vit avec nous nous apprécie et
développe un amour pour notre culture.
Nous soumettons que la ville de Hull devienne un laboratoire où
on donnera le goût de la francophonie, le goût du Québec.
Dans cette optique, nous avons adopté la résolution suivante:
"Que demande soit faite au gouvernement du Québec d'assouplir les
règles d'application des dispositions de la loi 101 et de participer aux
travaux d'un comité composé de représentants de la ville
de Hull et du gouvernement du Québec, dont le mandat serait de
déterminer des critères d'application d'une formule acceptable
d'affichage temporaire bilingue au niveau des établissements commerciaux
et touristiques."
Il va sans dire que, pour que nous devenions un laboratoire où on
donnera le goût de la francophonie, le goût du Québec, il
faudra faire beaucoup plus que développer des mécanismes
d'accueil et favoriser un affichage temporaire bilingue. Cela ne pourra
être fait qu'avec l'aide du gouvernement du Québec qui devra y
mettre "le paquet". Je ne veux pas entrer dans le détail de ce que cela
veut dire mais si on me pose la question, il me fera plaisir d'y
répondre. Nous sommes d'avis que le fait français est à
Hull pour y rester et que notre spécificité française
n'est pas menacée, que notre volonté d'être francophones,
dynamiques et compétitifs est solidement enracinée et
farouchement implantée et que la prédominance de la
"francité hulloise" peut maintenant se "complémentariser" par un
affichage et une publicité d'accueil qui rendent Hull plus
compétitive et plus souple pour les non francophones.
Somme toute, M. le Président, en nous présentant devant
vous aujourd'hui, nous ajoutons notre voix et celle de notre population
à celle d'une majorité de Québécois et
Québécoises qui demandent à cette commission parlementaire
et à l'Assemblée nationale de préserver le
caractère culturel français de la belle province, tout en rendant
le Québec économique plus accueillant.
C'est ainsi que notre préoccupation linguistique a un
caractère essentiellement économique. J'y reviendrai tout de
suite après.
Vitrine et porte d'entrée du sud-ouest du Québec, la ville
de Hull vous demande de contribuer à la
régénérescence et au renforcement de sa structure
financière en permettant à la capitale régionale et
à l'ensemble de l'Outaouais québécois de pouvoir mieux
concurrencer la rive "ontaroise" de l'Outaouais.
Nous vous demandons donc, par des assouplissements mineurs à la
loi 101, de favoriser l'épanouissement maximal de nos potentiels
économique, démographique, industriel, commercial et touristique.
Nous sommes persuadés que les amendements consentis seront ainsi
bénéfiques pour les villes voisines et plusieurs autres
agglomérations.
Sur le caractère économique je me réfère ici
plus particulièrement à la page 34 du mémoire: "Avec la
rénovation de son centre-ville, la ville de Hull a connu un
développement important des activités commerciales et plusieurs
établissements ont été aménagés, tant dans
le domaine de la
vente au détail que dans celui de la restauration. "Selon des
analyses réalisées par la Société
d'aménagement de l'Outaouais, le centre-ville de Hull aurait un
potentiel commercial de plusieurs centaines de milliards de dollars
d'investissements. "Cependant, ce potentiel, dont les principales
clientèles visées sont les touristes et les fonctionnaires qui
travaillent au centre-ville, ne pourra être réalisé que si
nous réussissions à attirer à Hull, entre autres, des
grands magasins à rayons. "Pour justifier une décision de
s'installer à Hull, les grands magasins à rayons voudront avoir
l'assurance que l'investissement est rentable et qu'on réduira au
minimum les restrictions liées à l'usage de la langue et aux
heures d'ouverture et de fermeture des établissements commerciaux.
"Compte tenu du fait que le bassin de population du côté
québécois est en régression, ce n'est donc pas sur
l'augmentation de la population que les établissements commerciaux
peuvent s'appuyer pour justifier l'aménagement de quelques centaines de
milliers de mètres carrés d'aires commerciales additionnelles ou
pour attirer un ou des grands magasins à rayons... "Or, nous savons
qu'avec 75% de la population totale du territoire de la capitale nationale, le
côté ontarien a plus de facilité à attirer de grands
centres commerciaux et les plus grands et les plus importants magasins à
rayons".
Je peux vous faire grâce du détail qui suit, mais, selon la
SAO, nous avons un potentiel commercial qui est important et qui doit
être développé, à condition d'être en mesure
d'attirer les grands magasins et davantage le marché des fonctionnaires,
incluant évidemment la population touristique. Ce que la SAO aurait pu
dire, c'est aussi que ce potentiel ne pourra être exploité que si
nous sommes en mesure de concurrencer le côté ontarien avec
l'affichage bilingue.
Pour la ville de Hull, le secteur où on peut prévoir la
création du plus grand nombre d'emplois dans l'avenir, en dehors des
secteurs public et parapublic, est celui du commerce. Nous devons être en
mesure de satisfaire et d'attirer cette clientèle qui est
identifiée par la Société d'aménagement de
l'Outaouais. L'affichage bilingue constitue, à notre point de vue, une
reconnaissance de l'intérêt que nous avons pour cette partie
importante de la clientèle.
Si nous voulons donner un plus grand essor à notre secteur de
commerce, il nous faudra faire preuve d'une certaine tolérance en ce qui
concerne l'affichage bilingue, sans remettre en question le caractère
français de la ville de Hull, et exercer localement les pouvoirs des
heures d'ouverture et de fermeture des établissements commerciaux.
Ce serait là le sens à donner au statut particulier dont
devrait bénéficier la ville de Hull en ce qui concerne
l'affichage et les heures d'ouverture.
Le Président (M. Brouillet): Merci, M.
Légère. J'inviterais M. le ministre à prendre la
parole.
M. Godin: M. le Président, M. le maire, si vous me
permettez, je vais laisser la parole à mon collègue, le
député de Hull, de manière qu'avant d'intervenir, nous
ayons un portrait... Le vôtre, nous l'avons eu déjà et il
est très impressionnant. J'aimerais maintenant avoir l'éclairage
lumineux, très certainement, de votre ancien maire, notre
collègue, de manière que nous puissions intervenir par la suite
seulement, si vous le permettez. Êtes-vous d'accord? Merci. (18 h 45)
M. Rocheleau: Merci, M. le Président. J'ai pensé
qu'en m'approchant du ministre, je pourrais l'éclairer davantage. Je
tiens à remercier les autorités municipales de la ville de Hull,
le maire et les conseillers qui ont bien voulu se déplacer aujourd'hui
afin d'être entendus à la commission parlementaire, de même
que le conseiller juridique et le greffier municipal.
Je pense que c'est une suite logique aux nombreuses interventions que la
ville de Hull a faites au cours des dernières années, sans se
reporter à la loi 22 pour laquelle la ville de Hull avait
déposé, à ce moment-là, à l'Assemblée
nationale, un mémoire qui traitait déjà du fait
français et du comité d'identité hulloise que la ville
avait mis sur pied au cours des années 1973-1974. Nous avions alors
précédé les politiques énoncées par le
gouvernement au niveau de la francisation, tant du point de vue linguistique
que des autres points de vue.
La ville de Hull a entériné dernièrement un rapport
qui tient compte de certains éléments. On a fait appel et on a
utilisé les moyens disponibles pour effectivement demander un statut
particulier; on y traitait de différents points. J'ai cru remarquer
hier, M. le Président, que la métropole de Montréal a
aussi demandé un statut particulier. Je souhaiterais sûrement que
l'ensemble du Québec puisse avoir ce statut particulier du gouvernement
actuel afin de minimiser l'impact que cela peut créer sur
l'économie au niveau de l'éducation et dans plusieurs autres
domaines. Si la ville de Hull a cru bon de déposer un mémoire
à l'Assemblée nationale, c'est justement à la suite du
rapport qu'elle avait préparé et que j'avais déposé
aussi à l'Assemblée nationale au mois de mai dernier, qui
traitait d'un statut particulier. Je ne traiterai pas des autres points de ce
mémoire aujourd'hui étant donné qu'on se limite à
la loi 101 et à
la Charte de la langue française. Je pense que c'est un facteur
très important. On a parlé à plusieurs reprises
d'irritants et je pense que c'est un fait. Il y a plusieurs irritants
actuellement dans la loi 101 et plus particulièrement dans l'application
de ses règlements.
La ville de Hull est située, comme le maire l'a expliqué
tantôt, dans la région de la capitale nationale, à
proximité de la frontière ontarienne, où nous sommes
doublés d'une population fort importante, et plus
particulièrement anglophone, qui, tous les jours, s'échange tant
du côté québécois que du côté ontarien
depuis que la ville de Hull a bénéficié de l'impact des
investissements du gouvernement fédéral. On sait que plus de 20
000 fonctionnaires exercent leur travail du côté
québécois et que l'aspect commercial ne semble pas être
concurrentiel comme nous le souhaiterions, étant donné que du
côté de l'Ontario, plus particulièrement du
côté d'Ottawa, avec la venue de centres commerciaux comme le
centre Rideau, on y retrouve un affichage totalement bilingue et un personnel
des plus compétents au service de la clientèle, qui est aussi
bilingue. Ce que nous souhaitons et ce que nous demandons effectivement - et
des questions suivront -c'est un peu ce que tous les intervenants ont fait
valoir à cette commission, à savoir des modifications, non pas
pour abolir, reporter ou éliminer la loi 101, mais pour y apporter les
correctifs nécessaires afin d'éliminer ces formes de frustration
ou d'irritants qui causent souvent préjudice à des
municipalités comme la nôtre, c'est-à-dire une
municipalité qui a à vivre près d'une frontière et
qui a effectivement bénéficié, au point de vue de l'impact
commercial, d'une population anglophone très majoritaire.
M. le ministre, ce sont les points que j'avais à souligner.
J'aurai sûrement l'occasion, tantôt, de procéder à
certaines questions qui me préoccupent concernant le préambule
que le maire... Ou si vous voulez que je le fasse immédiatement.
Le Président (M. Brouillet): Oui, M. ledéputé de Hull. Vous pouvez passer à la période
des questions immédiatement, si vous le désirez.
M. Rocheleau: Je vous remercie, M. le Président. Je
voulais par contre souligner, pour le bénéfice de cette
commission, étant donné que j'ai déjà soumis un
rapport assez volumineux à l'Assemblée nationale au mois de mai
dernier, que le conseil municipal a adopté il y a environ un mois, un
document très important qui traite aussi d'autres
éléments. M. le Président, j'aimerais faire allusion
à l'Association touristique de l'Outaouais - l'on ne retrouve
peut-être pas cela en totalité dans l'un ou l'autre des rapports -
qui est un organisme important dans le milieu. Elle est subventionnée
à 50 pour cent par le gouvernement du Québec et à 50 pour
cent par les entreprises, commerces et associations. Or, elle a produit un
document fort intéressant, soit le résultat d'un sondage sur les
résidents de l'Outaouais québécois et les résidents
ontariens, en ce qui concerne l'aspect touristique. Je veux simplement noter un
point relativement important pour le bénéfice du ministre dans
l'examen qu'il devra faire et les recommandations qu'il fera au Conseil des
ministres et, par la suite, à une commission parlementaire ou à
l'Assemblée nationale. Dans l'Outaouais québécois,
à la suite de cette enquête, 85,2% des répondants ont
émis des opinions tenant compte que la loi 101 représentait
certains désavantages. Je vous ferai grâce de lire toutes les
interventions qui ont été faites par l'un et l'autre ainsi que du
nombre qui touchaient certains points particuliers, mais 85,2%, c'est un
pourcentage assez important qui dénote une certaine forme de frustration
ou de mépris à l'égard d'une loi qui est tout à
fait justifiable mais dont certains aspects et certains règlements
doivent être absolument changés.
J'ose espérer, M. le Président, qu'on pourra tenir compte,
dans son ensemble, des modifications qui sont souhaitables pour satisfaire non
seulement la ville de Hull mais aussi la ville de Montréal et
Côte-Saint-Luc, qui ont accepté de présenter des
mémoires. Je les remercie en passant, ainsi que tous les intervenants
tant du monde des affaires que de celui des associations qui ont
déposé à cette commission des mémoires fort
intéressants et fort importants en tenant compte des modifications qui
devraient être apportées.
Si nous avons une commission qui siège, M. le Président,
c'est sûrement parce qu'il y a des problèmes à
l'intérieur de la loi 101 à l'heure actuelle. J'ose souhaiter que
nous puissions procéder le plus rapidement possible.
En ce qui concerne les questions, M. le maire, MM. les
députés, MM. les représentants de la ville, il y a un
point qui m'a particulièrement touché, à la page 4: Nous
ne voulons pas devenir une ville où, à long terme,
l'élément francophone risque d'être noyé et de
disparaître. Au contraire, nous souhaitons qu'il rayonne, qu'il soit
accepté et désiré.
Si je me souviens bien de la petite histoire de Hull, qui a
été fondée en 1800, je pense qu'on avait un pourcentage
d'anglophones beaucoup plus important que celui que nous avons aujourd'hui. Je
ne sais pas si vous pourriez situer, pour la commission, la transformation
assez radicale que Hull a connue au point de vue de la population au niveau des
différentes ethnies.
M. Légère: En fait, vous avez entièrement
raison. Au début, la population de la ville de Hull était en
majorité anglophone. Aujourd'hui, elle est composée à 95%
de francophones.
M. Rocheleau: Alors, M. le maire, la crainte que vous semblez
émettre, est-ce ce que c'est une crainte légitime de votre
part?
M. Légère: Parce qu'il y a une population
formée d'employés du gouvernement fédéral, ensuite,
qu'il y a maintenant des personnes du côté de l'Ontario qui
viennent s'établir au Québec, à Hull, on entend dire qu'il
se pourrait que la ville devienne plus anglophone ou assimiliée. Nous
disons non; c'est le contraire qui s'est produit. Nous souhaitons que
l'élément de la francophonie rayonne effectivement et qu'il soit
accepté et désiré. C'est dans cet esprit qu'on propose
qu'il y ait une modification ou des assouplissements à la loi 101 pour
que cela devienne de plus en plus acceptable.
M. Rocheleau: Maintenant, M. le maire, on se rend compte d'un
phénomène assez particulier, non seulement dans l'Outaouais mais
plus particulièrement à Hull. Vous l'avez noté plus
tôt et j'aimerais que vous donniez des précisions
là-dessus. Le fait que la population de Hull soit en régression,
depuis les années soixante-quinze plus particulièrement, est-ce
que vous présupposez aujourd'hui que s'il y avait des changements
à apporter à la loi 101 ou à certains de ses
règlements, une affluence abondante d'anglophones pourrait nous
envahir?
M. Légère: Je pense qu'à l'heure actuelle,
nous avons déjà une certaine croissance abondante. S'il y en
avait qui venaient travailler, cela apporterait certainement de l'eau au
moulin. On sait qu'au niveau de l'attrait commercial, présentement,
puisque le côté de la ville d'Ottawa présente de plus en
plus une attitude de bilinguisme, c'est un peu le contraire qui se produit,
c'est-à-dire que nous avons des gens de chez nous qui partent pour aller
de l'autre côté. Ce qu'on veut, c'est ouvrir davantage, de sorte
que la clientèle qui se retrouve sur le côté ontarien
puisse venir chez nous.
M. Rocheleau: Un autre point m'intéresse
énormément et cela pourrait peut-être s'adresser au
conseiller Pierre Cholette qui a présidé le comité qui a
préparé la conception du rapport sur le statut particulier. C'est
peut-être un petit peu en supplément, M. le Président, pour
mentionner qu'une municipalité n'a pas nécessairement besoin de
consulter, d'aller à sa population, soit par voie de
référendum ou de plébiscite, pour se présenter
à l'Assem- blée nationale et faire valoir ses opinions, apporter
des modifications à certaines lois qui peuvent créer certaines
contraintes à certains niveaux.
Fait à noter, la ville de Hull consultait la population, en
novembre 1982, lors des élections municipales, par voie de
référendum, sur les différents éléments que
nous traitons aujourd'hui, dont la loi 101. 67% des gens se sont
prononcés en faveur d'un statut particulier et demandaient aux
autorités municipales de revendiquer, auprès du gouvernement du
Québec, des modifications à certains des points qui sont
traités à l'intérieur de la question posée à
ce moment-là.
On sait que cette forme de consultation ou de référendum a
été contestée, entre autres par la Société
nationale des Québécois et plus particulièrement par le
Parti québécois, qui a placé certaines annonces et fait
certaines formes de démagogie lors de ce référendum.
Je pense qu'il serait intéressant, M. Cholette, d'indiquer
à cette commission qu'en plus du référendum, lors du
processus du rapport que vous avez déposé et finalement
adopté, une consultation populaire a été faite
auprès des gens, c'est-à-dire que les gens pouvaient être
entendus sur les différents points que nous avons traités.
J'aimerais vous entendre là-dessus, étant donné que toute
la population avait été invitée. J'aimerais que vous nous
disiez aussi de quelle façon elle avait été
invitée.
M. Cholette (Pierre): M. le Président, M. Rocheleau,
mesdames et messieurs, nous avons, comme on l'a dit, conjointement avec
l'élection municipale, tenu un référendum sur un mandat
qu'on demandait à la population afin de négocier un statut
particulier pour la ville de Hull étant donné sa situation
géographique par rapport à l'Ontario.
Un des points du référendum concernait des
assouplissements à la loi 101, surtout en ce qui concerne l'affichage.
Conséquemment, nous avons tenu des audiences publiques pendant plusieurs
semaines, à intervalles réguliers, pour recueillir justement les
opinions de la population plus précisément sur chacun des quatre
points sur lesquels portait le référendum.
Un seul organisme et un seul individu se sont objectés à
nos revendications au sujet de la loi 101, tandis que tous les autres
organismes approuvaient nos démarches en ce sens. L'organisme qui s'est
opposé à tout changement dans l'affichage, c'est la
Société nationale des Québécois. Et on voyait
récemment dans les journaux que ledit organisme, la
Société nationale des Québécois mettait en doute,
un an après -parce que cela s'est passé en novembre - la
légitimité du référendum et de la question, donc de
notre mandat de venir demander un
statut particulier. (19 heures)
Je voudrais faire remarquer à cette commission que,
préalablement à la question référendaire, nous
avons soumis cette question non seulement à notre conseiller juridique
mais aussi à la Commission municipale et au juge Beaulieu, qui nous a
donné l'assentiment en disant que c'était une question tout
à fait légitime, tout à fait légale et que nous
pouvions procéder au référendum. Je pense que le fait de
mettre en doute la question référendaire comme telle ne valait
pas du tout et ne vaut pas encore aujourd'hui, même un an
après.
Comme je vous l'ai dit, tous les organismes que nous avons reçus
après le référendum nous ont donné leur
consentement pour qu'on procède à la demande d'adoucissements
à la loi 101 en ce qui a trait à l'affichage.
M. Rocheleau: Je vous remercie, M. Cholette. C'était
simplement pour qu'on tienne compte du fait que ce n'était pas
uniquement un sondage que nous avions fait mais qu'il s'agissait d'une
consultation qui s'était tenue à l'intérieur de
l'élection. Il y a eu suffisamment d'information traitant des
différents sujets et les différentes parties ont pu exposer leurs
idées à la population, avant que celle-ci puisse donner son
accord à une demande faite lors de ce référendum.
M. le Président, je pense que je vais laisser la parole au
ministre. J'aurai peut-être un petit commentaire plus tard, si vous le
permettez, et peut-être que mes collègues auraient certaines
questions à poser.
M. Légère: Je voudrais ajouter un
éclaircissement, M. le Président.
Le Président (M. Brouillet): Oui, M...
M. Légère: Finalement, quand on parle de la
question économique comme telle, par rapport à notre
région, on regarde tout le secteur de la haute technologie. A l'heure
actuelle, on l'appelle le Klondike parce que c'est là qu'a lieu le grand
développement des entreprises de haute technologie. Sur le
côté hullois ou le côté québécois, nous
n'avons pas d'entreprises de haute technologie, si ce n'est une ou deux petites
entreprises. Ce que nous demandons par rapport aux modifications de la loi 101
c'est de s'asseoir avec les représentants gouvernementaux pour y
apporter une espèce d'affichage bilingue qui serait acceptable pour
faire en sorte que l'élément anglophone, qu'il vienne de
Vancouver, d'Halifax ou de n'importe où ailleurs, lorsqu'il vient du
côté hullois, se sente dans un endroit qui ne lui est pas
complètement étranger. La personne qui vient d'ailleurs, souvent,
le côté québécois lui fait un peu peur. Elle n'ose
pas s'y hasarder. Nous croyons qu'avec un tel affichage et certainement autre
chose, nous pourrions lui démontrer que nous sommes un milieu qui peut
être accueillant, intéressant afin qu'elle revienne et qu'au
niveau de l'établissement d'une entreprise ce ne soit pas un milieu
totalement différent, totalement étranger.
Quant à la question de l'assimilation ou la crainte de perdre,
à long terme, notre caractère francophone, nous disons non parce
que c'est ce que nous avons de plus important comme élément
d'attraction. Nous en sommes de plus en plus conscients à la ville de
Hull, surtout vis-à-vis des 3 000 000 de touristes. On pourrait leur
dire: Écoutez, venez, il y a un affichage bilingue qui dit qu'il y a une
vente, ou des menus affichés dans les deux langues, tout en maintenant
la raison sociale francophone. Une fois à l'intérieur vous allez
vous apercevoir qu'effectivement cela vaut la peine, c'est
intéressant.
Le Président (M. Brouillet): Très bien. Je
cède maintenant la parole à M. le ministre.
M. Godin: Merci, M. le Président. Je suis
extrêmement impressionné par la volonté qui est manifeste
dans votre mémoire de résoudre les problèmes
économiques que la ville de Hull doit subir présentement. Vous
êtes en compétition avec la capitale nationale, ce n'est pas un
mince compétiteur. Le Klondike, comme vous le dites, ou ce qui s'appelle
dans certains journaux et revues de la région la "Silicone Valley"
canadienne draine effectivement énormément de gens vers la
région de la capitale fédérale et cela met le
Québec et la ville de Hull, notre partenaire privilégié
dans la région, face à un défi immense - il faut bien
employer ce mot - parce que non seulement est-ce une ville frontalière
avec tout ce que cela peut signifier, mais c'est une ville qui est
collée sur la capitale du Canada.
Du côté du Québec, vous savez que des efforts ont
été faits. Je pense entre autres à la
Société d'aménagement de l'Outaouais, je pense au projet
Mont-Sainte-Marie - qui n'est pas à Hull précisément, mais
qui peut constituer une espèce d'aimant touristique dans la
région, un attrait touristique - il y a des projets économiques
considérables aussi, entre autres, le projet CITUF, qui est dans la
Gatineau, projet de développement du bois.
Il y a donc parallèlement, au Klondike, du côté
ontarien, du côté du Québec, dans les comtés de Hull
et de Gatineau une réflexion économique qui se fait, qui est
très avancée, qui est très poussée et qui se fait
avec les élus locaux - comme vous êtes -avec les gens de tous les
partis et avec le gouvernement à chacun des ministères
concernés, pour arriver à ce que Hull et la région
avoisinante soient un pôle d'attraction. Maintenant, vous me dites que la
ville de Hull est en croissance démographique, que la population...
M. Légère: J'ai dit que nous étions en
décroissance démographique, M. le ministre.
M. Godin: En décroissance?
M. Légère: Oui, nous avions une population de 65
000 qui maintenant est rendue, selon certaines statistiques, à
approximativement 56 000.
M. Godin: À 56 000.
M. Légère: II y a évidemment une partie de
notre population qui est déménagée du côté
d'Aylmer ou du côté de Gatineau, mais nous avons aussi une forte
population qui est déménagée du côté
ontarien.
M. Godin: Donc, il y a un exode - si on peut employer ce mot - ou
une mobilité vers trois points: vers Gatineau, vers Aylmer et vers
Ottawa. C'est cela?
M. Légère: Oui, c'est cela.
M. Godin: En même temps, vous dites aussi qu'il y a quand
même un certain nombre d'Ontariens qui se sont implantés à
Hull.
M. Légère: Oui, au niveau de la construction, nous
assistons à une certaine reprise et nous nous apercevons qu'il y a un
début de retour, mais ce n'est pas à un rythme qui va compenser
pour la décroissance que nous avons subie.
M. Godin: Donc une reprise dans le domiciliaire.
M. Légère: Oui.
M. Godin: Depuis combien d'années ce
phénomène d'arrivée d'Ontariens...
M. Légère: C'est tout récent, M. le
ministre, c'est seulement depuis que la ville de Hull permet, par exemple, des
exemptions de taxes pendant trois ans...
M. Godin: D'accord.
M. Légère: ...et dans ce cas jusqu'en 1989, avec
l'aide du gouvernement du Québec.
M. Godin: Corvée-habitation, par exemple.
M. Légère: C'est exact.
M. Godin: Ce phénomène d'entrée de nouveaux
citoyens québécois venant de l'Ontario à Hull date de
quelques mois seulement aussi ou s'il est un peu plus ancien?
M. Légère: II est tout récent. M. Godin:
Tout récent? M. Légère: Tout récent.
M. Godin: Donc, il est trop tôt pour en mesurer l'impact,
la portée et l'avenir à ce moment-là.
M. Légère: Non et d'ailleurs, par rapport au nombre
total d'habitations qui auraient été construites, ce n'est pas
tellement élevé. Je pourrais vous fournir les chiffres plus
précis.
M. Godin: D'accord.
M. Légère: Mais c'est qu'il y a eu un exode
très important de notre population et, à l'heure actuelle, si on
tient compte un peu des autres éléments qui ne sont pas inscrits,
dans le cadre de la loi 101 vous allez les retrouver. On parle, entre autres,
de la fiscalité, mais effectivement il y a un exode qui est très
important.
M. Godin: On parlera de la fiscalité quand le livre vert
de M. Parizeau sera déposé. D'accord?
M. Légère: Exactement.
M. Godin: Vous serez sûrement les bienvenus pour une
deuxième fois à Québec. Oui, M. Légère?
M. Légère: Tout à l'heure, vous avez dit: II
y a des éléments importants de développement où
effectivement le gouvernement du Québec indique que notre région
est une région un peu privilégiée. Je voudrais porter
à votre attention que, par exemple, en ce qui concerne
Hydro-Québec, à l'heure actuelle, on assiste à un
démantèlement des cadres administratifs en faveur de
Saint-Jérôme. Nous avons l'Université du Québec qui,
à l'heure actuelle, devrait s'établir davantage. Nous avons une
autoroute qui n'est pas encore complétée pour nous lier avec la
région de Montréal et nous avons une faculté de droit
civil qui se trouve du côté ontarien plutôt que du
côté du Québec.
M. Godin: C'est à l'Université d'Ottawa?
M. Légère: Oui.
M. Godin: D'accord. Ce que je peux
vous dire personnellement c'est que, après avoir discuté
avec mes deux collègues, le ministre du Commerce extérieur,
Bernard Landry, qui était jusqu'à tout récemment le
ministre parrain de votre région, et avec Mme Pauline Marois, qui est la
nouvelle, il y a...
M. Rocheleau: Marraine?
M. Godin: Pardon?
M. Rocheleau: Parrain, marraine.
M. Godin: Je ne le sais pas. Enfini Elle s'en occupe, disons.
Effectivement, il y a une réflexion qui se fait dans la
région, à laquelle sont associés des membres du
gouvernement et les députés. Le mémoire soumis d'ailleurs
à l'Assemblée nationale par votre député fait son
chemin au sein de la réflexion gouvernementale. Il y a plusieurs aspects
qui devraient être touchés pour arriver à l'objectif
visé, si je comprends bien. La loi 101, puisque c'est ce dont on parle
ici...
Une voix: C'est un élément.
M. Godin: ...n'est qu'un des aspects dans la mosaïque
d'interventions que vous souhaitez, entre autres, les heures d'ouverture, pour
que ce soit en harmonie et même bénéfique au Québec
ou plus favorable au Québec qu'en Ontario, s'il y a moyen, j'imagine. La
taxe sur l'essence est aussi un facteur et il y en a d'autres qui seront
abordés dans le cadre d'une réflexion plus globale. Pour ce qui
touche la loi 101, je vais de mon côté réfléchir
à votre suggestion. Je vous ferai par ailleurs part de ma crainte. Vous
répétez à plusieurs reprises dans votre mémoire -
c'est même un leitmotiv, comme on dit dans l'opéra
wagnérien - que vous voulez que le caractère français soit
maintenu, mais que le meilleur moyen d'attirer les gens vers le
caractère français, c'est en mettant un peu de bilinguisme dans
l'affichage. Cela servirait un peu comme une mouche pour le saumon, pour les
amateurs de pêche. On attire les gens avec quelque chose et quand ils
sont rendus, on les fait se rendre compte que c'est le français qui est
la caractéristique...
M. Légère: C'est un des éléments.
M. Godin: Pardon, monsieur? Excusez-moi, M. Cholette.
M. Cholette: Je ne peux m'empêcher de faire une
réflexion.
M. Godin: Ah: Allez-y.
M. Cholette: C'est aussi beaucoup du point de vue
économique qu'on veut les attirer. Si on demande l'affichage bilingue
dans les commerces, c'est pour pouvoir offrir aux 20 000 ou 15 000 anglophones
qui viennent quotidiennement chez nous, qui ont des heures de loisirs pendant
la journée, des services et des biens dans leur langue. C'est pour cela
qu'on parle d'affichage temporaire, pour des soldes et ces choses-là,
mais c'est entendu que par ricochet les gens vont être de plus en plus
mêlés à la chose française, à la
francophonie, à la langue française s'ils magasinent chez nous,
s'ils fréquentent les restaurants et les établissements chez
nous. Mais pour qu'ils puissent entrer, pour les inviter à entrer, il
faut quand même qu'ils sachent ce qu'on a à offrir dans leur
langue. C'est ce qu'on demande.
M. Godin: D'accord, mais je voudrais poser une question à
vous ou à M. le maire. Ces 20 000 personnes, c'est assez
récemment, au fond, qu'elles ont été implantées ou
transplantées chez vous. Cela fait quelques...
M. Légère: Le processus s'est
développé depuis 1971.
M. Godin: Avez-vous l'impression qu'elles se considèrent,
qu'elles agissent, économiquement ou autrement, au point de vue des
loisirs, comme des gens de passage ou si la tendance est plutôt de
prolonger leur séjour dans votre ville pour des raisons de loisirs, pour
des raisons d'achat, de consommation ou autres?
M. Légère: II y a une évolution, M. le
ministre. J'étais en 1971 un de ceux qui travaillaient avec le
ministère de l'Environnement et nous avons traversé du
côté québécois. Au début, il y avait une
réticence à se mêler à cette nouvelle population et
à utiliser les services, que ce soit les services de la restauration ou
les autres services commerciaux. On s'est aperçu que maintenant certains
commencent à les utiliser davantage. Au lieu d'attendre une
période de douze ans comme celle de 1971 à 1983, je crois qu'on
pourrait l'accélérer en faisant en sorte que cela devienne
davantage accueillant. Lorsqu'on passe, par exemple, devant un
établissement commercial, s'il n'est pas possible d'afficher le menu
bilingue dans la vitrine, souvent on sait que c'est un restaurant, mais si on
regarde et on ne comprend pas, on passe tout droit. Comprenez-vous?
M. Godin: Je vous ferai remarquer, M. le maire, que les menus
sont bilingues en vertu de la loi 101.
M. Légère: Oui, mais on ne peut pas les afficher
à l'extérieur.
M. Godin: Je pense que cela devrait être corrigé. Je
note votre suggestion.
M. Légère: Dans le cas, par exemple, d'un salon de
coiffure, à l'heure actuelle, on ne peut pas afficher à
l'extérieur les différentes coupes. Il faut que ce soit en
français. À ce moment-là, la personne passe. Ici, c'est un
salon de coiffure, mais je ne sais pas s'il y a telle catégorie de
coupe... C'est indiqué en français et elle ne comprend pas.
Alors, elle passe tout droit. Ce qu'on souhaiterait, c'est que finalement il y
ait des accommodements semblables qui puissent se faire pour que,
tranquillement, on arrive à les insérer à
l'intérieur de notre milieu, pour qu'elle le découvre et que, par
la suite, elle dise que réellement c'est bon, que ce n'est pas si
mauvais qu'on peut l'avoir entendu dans bien des endroits. (19 h 15)
J'ai vécu un peu à Vancouver et Halifax et lorsque nous
arrivons comme Québécois ou francophones, nous sommes
considérés comme une espèce d'animal rare parce qu'on n'en
voit pas tous les jours. Ils en entendent parler de nous, par la radio, par la
télévision, par les journaux et finalement en se frottant un peu
à nous, ils constatent que nous sommes des gens comme tout le monde avec
une culture un peu différente qui vaut la peine d'être
vécue. Dans l'Outaouais québécois, on voudrait aussi
pouvoir transmettre ce message-là, par exemple, aux 3 000 000 de
touristes qui viennent. Nous nous apercevons que seulement 2% à 3%
viennent à l'heure actuelle. Pourquoi? Remarquez bien, ils nous
regardent parce qu'ils vont sur la colline parlementaire et se disent que
l'autre côté, c'est Hull, c'est effectivement francophone. Tout de
suite, il y a une espèce de crainte à traverser. Nous voudrions
pouvoir leur dire: Venez, vous découvrirez un monde que vous pourrez
apprécier. De sorte qu'ils pourront retourner avec un goût de la
francophonie, un goût du Québec. C'est pour cela que nous
demandons qu'il puisse y avoir des accommodements qui nous permettront de
réussir à atteindre ce but.
M. Godin: Je vous assure de la collaboration du gouvernement et
je termine en vous donnant un renseignement que vous devriez transmettre
à nos amis de Hull où nous savons que dans toute la région
- y compris la région ontarienne - c'est là que nous trouvons le
meilleur restaurant, la fameuse maison "Burger", connue, peut-être pas
mondialement mais pancanadiennement. Les menus peuvent être
affichés à l'extérieur dans les deux langues. Alors, ceux
qui ne les affichent qu'en une seule langue sont autorisés par
moi-même, le ministre responsable de la loi 101, à leur dire
qu'ils peuvent afficher leur menu...
M. Légère: Est-ce qu'on pourrait...
M. Godin: ...en deux langues à compter de demain
matin.
M. Légère: Ce qui signifie, M. le ministre, que cet
élément-là pourrait peut-être se traduire, par
exemple, au niveau de la coiffure.
M. Godin: Nous reparlerons de cela le 15 novembre.
M. Légère: Oui. Ce qu'on veut un peu vous laisser
comme message, c'est que par rapport à la ville de Hull, nous croyons
effectivement avoir un rôle à remplir pour tout le Québec.
Moi, j'ai fait une communication avec tous les maires sur l'idée que
nous soyons une vitrine où l'on pourrait entrer et ensuite poursuivre.
Et d'emblée, tous les gens acceptent cette idée-là. Il
faudrait la matérialiser. À ce moment-là, il faudrait que
nous le fassions aussi avec le gouvernement du Québec et c'est la raison
pour laquelle nous voudrions nous asseoir pour déterminer une
programmation qui nous permettrait de remplir cela.
M. Godin: M. le maire et vos conseillers, c'est pour cela que
nous vous avons écoutés. Merci beaucoup.
Le Président (M. Brouillet): Merci, M. le ministre.
Je donnerais la parole à M. le député de Neiligan.
Je crois que vous l'aviez demandée.
M. Lincoln: Très brièvement, j'aimerais poser une
petite question et ensuite faire une remarque.
Vous ne parlez pas des différentes facettes de la loi 101. Est-ce
que la clause Canada est un réel problème pour vous du fait que
le Québec ne reconnaisse pas aujourd'hui la clause Canada par rapport
aux gens de l'Ontario qui pourraient venir travailler à Hull et s'y
installer?
M. Légère: C'est une question que nous ne nous
sommes pas posée.
M. Lincoln: Vous n'avez donc pas pris position à ce
sujet.
M. Cholette: M. le Président, j'aurais quelque chose
à ajouter. Au cours des discussions qui ont précédé
le référendum et de celles qui ont suivi, nous avons bien
précisé que nous ne voulions pas, à titre de conseil
municipal, nous embarquer dans la discussion sur la langue d'enseignement,
préférant laisser cela aux gens qui sont dans le monde de
l'enseignement. Je peux peut-être ajouter un commentaire qui est sans
doute partagé par plusieurs d'entre nous, c'est que la clause
Canada serait souhaitable, je pense, pour la langue d'enseignement étant
donné - comme M. le maire le disait plus tôt - les
possibilités d'amener des industries de haute technologie, entre autres,
dans notre région où nous avons des parcs industriels qui s'y
prêtent. C'est un irritant de plus dont on parlait au début.
Maintenant, dans notre mémoire - et c'est pour cela que nous avons
volontairement omis d'en parler -c'est que lors du référendum,
nous voulions nous attarder au statut particulier de la ville de Hull au point
de vue économique.
Le Président (M. Brouillet): Bien, merci, M. Cholette.
M. Lincoln: Une dernière chose que j'aimerais ajouter. Ce
qui m'avait frappé, c'est que la ville de Hull a demandé un
statut particulier, je sais, au point de vue économique mais aussi
incluant la loi 101. Il y a eu aussi la ville de Montréal qui a
parlé d'un statut particulier, ainsi que Côte-Saint-Luc qui a
demandé, dans un certain sens, la suspension du chapitre IV qui
parlait...
M. Godin: ...du Québec dans son entier et le Québec
dans son entier, il y a quelques années - M. Ryan peut vous le dire - on
ne l'a jamais eu.
M. Lincoln: ...d'un genre de statut particulier. Les Cris ont
demandé un statut particulier. Peut-être que cela devrait
être un petit son de cloche qui ferait penser au ministre que beaucoup de
gens demandent un statut particulier. Vous devriez peut-être appliquer
cela à tout le Québec.
M. le ministre, un dernier mot.
M. Godin: Ce sera un statut général... M.
Lincoln: Oui, justement.
M. Godin: ...qui satisfera tout le monde.
M. Lincoln: Justement, cela devrait être pensé. Une
dernière petite remarque, M. le ministre. Je n'ai pas pu
m'empêcher de le remarquer lorsque vous avez parlé de l'affichage
comme une mouche pour le saumon. Cela m'a fait un peu mal parce que nous
venions d'écouter les gens de l'Estrie et ceux d'Alliance Québec;
peut-être que pour eux c'est plus qu'une mouche pour le saumon.
L'affichage bilingue n'est pas un appât. Ils ont demandé cela
comme une question symbolique, une question philosophique qui tient aux tripes,
quelque chose qui fait une représentativité d'une
réalité québécoise. J'espère que
c'était un mot malheureux, j'espère que l'affichage bilingue,
pour vous, n'est pas une mouche pour le saumon. Si c'est vraiment une mouche
pour le saumon, rien ne changera. J'espère donc que ce n'était
pas vraiment votre pensée.
M. Godin: M. le Président...
Le Président (M. Brouillet): M. le ministre.
M. Godin: II s'agit là d'un échange poétique
et, comme exégète de la poésie, j'ai vu mieux que
vous.
M. Lincoln: D'accord.
Le Président (M. Brouillet): M. le député de
Bourassa.
M. Laplante: Ce ne sera pas long, M. le maire. M. le
député de Hull a parlé du référendum et du
résultat: 67% pour. Lors du référendum, 55% des gens se
sont déplacés pour aller voter à l'élection
municipale. Ce qui me surprend, c'est qu'il y a seulement 42% de la population
qui s'est prononcée. Il y a un écart de près de 13%.
Pourquoi ces gens-là, en même temps qu'ils votaient pour une
chose, n'ont-ils pas voté pour l'autre?
D'autres questions, afin que vous puissiez répondre globalement.
Je voudrais avoir les questions, si c'était possible de nous les faire
parvenir. On me dit qu'il y avait cinq questions et que celles-ci
n'étaient pas séparées pour que le citoyen puisse voter
sur chacune des questions. Il fallait voter globalement. On nous dit aussi que,
parmi les questions, il y en avait qui étaient difficilement
réfutables, c'était vraiment dans l'orientation des citoyens. Je
voudrais savoir si c'est vrai. Je ne veux pas en faire une affirmation. Si oui,
je voudrais, si possible, recevoir copie des cinq questions qui ont
été posées sur lesquelles les citoyens ont
été obligés de se prononcer globalement.
M. Légère: Nous pourrons, sans problème,
vous remettre le libellé de la question de même qu'un exemplaire
du formulaire. Dans le document que nous vous avons remis - il est à la
page 2 - vous trouvez les attendus et la résolution. Finalement, pour ce
qui est de la question, la voici: Êtes-vous d'opinion de confier au
prochain conseil municipal le mandat de demander au gouvernement du
Québec d'accorder à la ville de Hull un statut particulier
à l'intérieur de la région de la Capitale nationale du
Canada? Ce statut particulier s'appliquerait aux domaines suivants: 1, 2, 3, 4,
5.
Pour ce qui est de la question des 42% par rapport aux 55%, c'est parce
que la loi relative au référendum fait en sorte que les occupants
ne pouvaient pas voter. Vous aviez 38 000 personnes susceptibles de voter
lors
de l'élection elle-même et 33 000 personnes qui
étaient susceptibles de pouvoir voter sur la question
référendaire. Vous avez donc un dénivellement d'environ
5000 personnes.
M. Laplante: Elles ont donc été obligées de
voter une seule fois sur les cinq questions.
M. Légère: Oui.
M. Laplante: Pas séparément.
M. Légère: C'est en rapport avec le principe, par
rapport à chacun des éléments de la question.
M. Laplante: Je vous remercie, M. le maire.
Le Président (M. Brouillet): Merci. Je cède la
parole à M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: Dans une étude démographique qui a
été faite par un des experts du Conseil de la langue
française, on dit qu'il y a eu une certaine évolution dans la
région chez vous qui serait de nature à constituer une raison de
prudence en matière d'assouplissements relatifs à la loi 101. M.
Paillé a fait une étude pour le Conseil de la langue
française. M. Castonguay en a fait une aussi, mais celui auquel je fais
allusion, ce n'est pas lui. Je voulais vous parler de lui aussi. M.
Paillé recommande que, dans le cas de la région de l'Outaouais,
le gouvernement ou l'Assemblée nationale, préférablement,
procède avec une prudence spéciale étant donné que
la tendance démographique n'est pas tout à fait dans la
même direction qu'ailleurs au Québec. Il y aurait une tendance
vers un accroissement du poids relatif de l'élément anglophone.
Vous nous avez dit tantôt que, à Hull, la proportion des
francophones est de 95%.
M. Légère: Oui, 95%, M. Ryan.
M. Ryan: Avez-vous des données pour la région plus
large?
M. Légère: Pour la population d'Aylmer, la
population anglophone est d'approximati-vement 45% à 48%. Il y a
là aussi une régression dans le sens que la population anglophone
antérieurement était supérieure.
Sur le côté de Gatineau, je crois qu'on parle d'environ 83%
de population francophone. Je ne pourrais pas vous citer les chiffres
concernant le passé, mais...
M. Ryan: Puisque vous en avez parlé, M. Castonguay a des
perspectives plutôt pessimistes; il sert des avertissements assez
sévères. Êtes-vous porté à souscrire à
son interprétation des données et statistiques ou si...
M. Légère: Je vais vous répondre
personnellement, M. Ryan, dans le sens qu'on doit être optimiste
vis-à-vis des éléments qui nous entourent. La population
de l'Outaouais est une population en grande majorité francophone qui
veut avoir des liens encore plus intenses avec le reste de la province et qui
veut aussi pouvoir promouvoir la culture francophone. Dans ce sens, on
développe un sentiment de fierté et, plus nous sommes fiers d'une
culture, moins nous craignons l'assimilation. Au contraire, nous levons la
tête et nous nous promenons...
M. Ryan: Je vais juste compléter ma question par une
autre. Le rapport de M. Paillé concluait finalement, en gros, que la
clause Canada pour l'ensemble du Québec ne créerait pas de
problème, mais que, dans le cas de la région de l'Outaouais, cela
pourrait constituer un danger. Si le gouvernement allait prendre une
décision de cette nature en disant: On institue la clause Canada dans
l'ensemble du Québec, sauf dans la région de l'Outaouais et en
particulier dans la région immédiate de Hull, quelle serait votre
réaction?
M. Légère: Ce serait un statut particulier.
M. Ryan: Dont vous ne voudriez pas. Est-ce que vous le
souhaiteriez?
M. Légère: Personnellement, je ne crois pas que ce
soit un problème si nous avons une communauté qui est forte; et
je pense que la communauté de la ville de Hull est une communauté
forte, qui est capable d'absorber ces éléments additionnels.
M. Ryan: Alors, vous ne souhaitez pas ce genre de statut
particulier; ce n'est pas celui que vous demandez, en tout cas.
M. Légère: Non.
Le Président (M. Brouillet): Je crois que M. Cholette
aurait quelque chose à ajouter.
M. Cholette: Oui, juste pour ajouter un élément de
réponse au député d'Argenteuil. Nous en avons parlé
un peu plus tôt: la ville de Hull, il y a 100 ans, était
constituée de 90% d'anglophones et, cette année, nous en sommes
rendus à 95% de francophones. Donc, en dedans de 100 ans, nous avons
complètement renversé les statistiques et ce, pour la
majorité des 100 ans, sans institution culturelle valable dans la ville
de Hull. Depuis ce temps, nous avons ajouté le cégep,
l'Université du Québec, le Théâtre lyrique, le
Théâtre de l'île et une foule d'institutions
qui nous aident à préserver notre culture et à la
faire progresser.
Les alarmistes, nous en parlons dans notre rapport: nous ne sommes pas
prêts à souscrire à cette théorie, surtout quand on
connaît les allégeances de M. Castonguay, qui est très
près de la Société nationale des Québécois.
C'est pour cela que je me demande pourquoi on a attaché tant
d'importance à ses relevés statistiques.
Le Président (M. Brouillet): Merci. M. le maire, avez-vous
un mot à ajouter? (19 h 30)
M. Légère: Je voudrais tout simplement ajouter que
la ville de Hull, de même que celles de Gatineau et d'Aylmer, se situe
dans un milieu où nous avons une population d'approximativement 700 000
anglophones. Nous sommes 183 000. Si nous ne nous donnons pas une fierté
vis-à-vis de notre culture et ces éléments, il est
possible que les pessimistes puissent avoir raison, mais, jusqu'à
maintenant, nous assistons au contraire. Au niveau des éléments
culturels, la ville de Hull - remarquez bien que ce n'était pas moi qui
était maire à l'époque -s'est dotée d'instruments
qui sont uniques au Québec, comme le Théâtre de
l'île, et je dois lever mon chapeau devant M. Rocheleau dans ce domaine.
Effectivement, à l'heure actuelle, nous avons des gens d'un peu partout
qui viennent et qui participent au Théâtre de l'île. Nous
avons la Maison du citoyen qui devient un instrument pour démontrer
à la population anglophone qu'il existe une communauté
francophone qui mérite d'être connue. Je ne partage pas les vues
pessimistes. Disons à notre population: Vous avez un mandat. Vous avez
une responsabilité. On vous donne les moyens, que ce soit par
l'Université du Québec, que ce soit par une route qui nous relie
à Montréal, et faites en sorte que vous en soyez fiers. Il n'y
aura pas cette assimilation dont on parle maintenant.
Le Président (M. Brouillet): Merci. Je crois que tout le
monde a pu poser des questions et obtenir les réponses
désirées. Pour les mots de la fin, j'inviterais le
député de Hull et M. le ministre.
M. Rocheleau: M. le Président, je tiens à remercier
le maire de Hull, ses conseillers ainsi que le greffier et le conseiller
juridique de la ville qui ont bien voulu accepter d'être entendus en
commission parlementaire concernant particulièrement la loi 101 et ce
qui vous préoccupe davantage au niveau de l'économie du milieu,
c'est-à-dire l'affichage. J'ose souhaiter que les revendications que la
ville de Hull a faites dans ce domaine seront retenues et que des
recommandations viendront dans les plus brefs délais de la part du
ministre responsable ainsi que de son gouvernement.
En terminant, je veux féliciter le conseil municipal de Hull
d'avoir exercé dans l'Outaouais cette forme de leadership qu'on a
toujours connue, c'est-à-dire de prendre avantage de commissions comme
celle-ci pour revendiquer pour l'ensemble de l'Outaouais des mesures
particulières afin d'aider non seulement la population, mais tout
l'essor économique du milieu.
Le Président (M. Brouillet): M. le ministre.
M. Godin: Messieurs, le dynamisme du Québec tient au
dynamisme de ses régions et je me réjouis de voir à quel
point vous avez à coeur que la région de Hull soit une locomotive
pour l'ensemble du Québec. Comptez sur nous pour mettre du charbon dans
la fournaise - pour ne plus utiliser l'image de la mouche - pour que la
locomotive Hull roule à grande vitesse le plus tôt possible vers
le développement économique le plus inespéré qu'on
puisse attendre. Merci beaucoup, M. le maire.
Le Président (M. Brouillet): Je remercie...
M. Légère: M. le ministre...
Le Président (M. Brouillet): Excusez-moi.
M. Légère: ...lorsque vous viendrez à Hull,
nous pourrons commencer à consommer cela chez Mme Burger.
M. Godin: Merci.
Le Président (M. Brouillet): Je remercie tous les
invités ainsi que les membres de la commission pour leur collaboration.
Nous ajournons les travaux à demain matin, 10 heures.
(Fin de la séance à 19 h 33)