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(Dix heures douze minutes)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! La commission élue
permanente des communautés culturelles et de l'immigration se
réunit afin de poursuivre l'audition de tous les intervenants
intéressés par la Charte de la langue française.
L'ordre du jour est le suivant: la ville de Montréal, le
Congrès national des Italo-Canadiens, le Conseil des activités
italo-québécoises, le Grand conseil des Cris, M. Alexander Silva,
M. André Dupont, M. Pierre Landry, M. Gérard Brosseau, M. Michel
Lussier et M. Claude Dulac.
Sont membres de cette commission: Mme Bacon (Chomedey), M. Dean
(Prévost), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Fallu (Groulx), M.
Godin (Mercier), M. Gratton (Gatineau), M. Payne (Vachon), M. Laplante
(Bourassa), M. Leduc (Fabre), M. Ciaccia (Mont-Royal) et M. Ryan
(Argenteuil).
Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Fortier
(Outremont), M. Brouillet (Chauveau), M. Dupré (Saint-Hyacinthe), M.
Gauthier (Roberval), M. Lincoln (Nelligan), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M.
Sirros (Laurier) et M. Vaugeois (Trois-Rivières).
Le rapporteur de cette commission est M. Laplante (Bourassa).
J'inviterais immédiatement...
Motion proposant que la commission accorde
son appui aux Franco-Manitobains
M. Gratton: M. le Président...
Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le député
de Gatineau.
M. Gratton: ...me permettrait-on, avant d'inviter les
représentants de la ville de Montréal à venir nous
présenter leur mémoire, de faire une brève intervention et
solliciter le consentement unanime de la commission pour présenter une
motion?
Le jeudi 20 octobre, à Montréal, le président de la
Société franco-manitobaine, M. Léo Robert, et le
président de la Fédération des francophones hors
Québec, M. Léo Létourneau, lançaient une campagne
de financement et de solidarité en collaboration avec la
Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal pour appuyer la
lutte entreprise pour la reconnaissance du français au
Manitoba. Comme M. Létourneau l'indiquait en conférence de
presse, jeudi, il s'agit d'une lutte qui doit se situer au-delà des
considérations politiques. Elle doit dépasser nos options
politiques à chacun, sans pour cela les nier. Je voudrais donc, M. le
Président, avec le consentement unanime des membres de la commission,
présenter la motion suivante que nous pourrions débattre
très brièvement en utilisant seulement quelques minutes chacun de
chaque côté pour ensuite l'adopter unanimement, si possible.
Compte tenu du mandat de cette commission qui consiste, en quelque
sorte, à rechercher les meilleurs moyens pour continuer de
protéger et de promouvoir la langue française au Québec et
ailleurs au Canada et compte tenu que l'Assemblée nationale ne
siège pas présentement, il me semble qu'il serait indiqué
que cette commission adopte cette motion, que je lis à l'instant
même: "Que cette commission apporte son appui moral aux
Franco-Manitobains dans leur lutte pour la reconnaissance du français au
Manitoba et suggère aux Québécois et au gouvernement
québécois d'appuyer financièrement cette lutte."
Cela va?
M. Godin: Cela va très bien.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.
Une voix: Est-ce qu'on pourrait avoir...?
M. Gratton: Oui, M. le Président, on pourra en distribuer
des copies.
M. Godin: En tant que parrain de la motion, c'est vous qui
intervenez maintenant sur la résolution?
M. Gratton: Oui, je voudrais intervenir pour à peine trois
minutes.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que vous voulez
intervenir sur la recevabilité ou si...
M. Gratton: Non, non, nous sommes unanimes de ce
côté-ci.
Le Président (M. Gagnon): C'est unanime. Cela va. Alors,
M. le député de Gatineau.
M. Michel Gratton
M. Gratton: Alors, tout en remerciant les membres de la
commission d'avoir consenti à ce qu'on présente cette motion,
j'aimerais simplement dire, M. le Président, que nous savons que le
gouvernement du Manitoba a présenté un projet pour donner au
français un statut officiel dans cette province et pour donner à
ses 30 000 francophones un certain nombre de services dans leur langue; et que
ce projet du gouvernement manitobain rencontre une opposition farouche de la
part, entre autres, du chef conservateur, Sterling Lyon.
À la veille même du référendum qui est
prévu dans la ville de Winnipeg pour demain sur la question, il me
semble que c'est le devoir de cette commission d'exprimer la solidarité
de l'Assemblée nationale du Québec pour nos frères
franco-manitobains. Il est vrai, comme certains l'ont souligné, que la
communauté franco-manitobaine ne compte que pour 4 pour cent de la
population de cette province. Mais faut-il pour autant l'abandonner à
son sort? Nous, les Québécois francophones, ne constituons que 2
pour cent de la population en Amérique du Nord et nous sommes pourtant
unanimes à penser que le gouvernement du Québec est
justifié de légiférer et de consacrer des ressources
importantes à la protection et à la promotion du fait
français, non seulement au Québec mais également ailleurs
au Canada. De la même façon que les gouvernements successifs du
Québec ont sollicité l'appui de la France, par exemple, dans ses
efforts dans le domaine de la langue, il est tout à fait normal que les
Franco-Manitobains se tournent vers le Québec au moment où ils
sont, il faut l'avouer, en bonne position pour négocier la
reconnaissance de leurs droits linguistiques. Tant et aussi longtemps que les
Franco-Manitobains choisiront de se battre, nous n'avons qu'une chose à
faire, il me semble, c'est de les appuyer. C'est pourquoi je souhaite que les
membres de la commission soient unanimes à appuyer cette motion.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Gratton. M. le
ministre.
M. Gérald Godin
M. Godin: M. le Président, c'est avec empressement que
j'appuierai cette proposition ou plutôt cette résolution qui
émane du député de Gatineau. Sans être toutefois
dupe; ces concessions viennent tard et elles suivent en fait une série
de coups mortels donnés a cette communauté française du
Canada. Sans être dupe; il est possible que certaines personnes
responsables de ce dossier accordent par exemple, à Louis Riel, un
pardon après qu'il ait été pendu et enterré depuis
près d'un siècle. Nous appuyons fortement, pour ne pas dire
passionnément, la lutte des Franco-Manitobains comme celle du
français partout, mais en trouvant que c'est bien tard. Nous sommes
très tristes de constater que les Franco-Manitobains, qui étaient
dans une proportion de 50% de la population lors de leur entrée dans la
Confédération canadienne, ne forment plus maintenant que 3% de la
population du Manitoba.
Nous souhaitons que partout où il existe une communauté
française digne de ce nom en nombre, qui a atteint une masse critique,
chacun des gouvernements du Canada accorde à cette communauté les
mêmes institutions dont jouissent la minorité anglaise au
Québec et la minorité française au Nouveau-Brunswick. Je
ne citerai pas le nom de la province que je vise en disant ces mots, je suis
sûr que ceux qui sont visés se reconnaîtront. Nous nous
joignons de ce côté-ci, avec empressement, à la
résolution de l'Opposition.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre.
M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: Je ne suis pas pressé. Le Président (M.
Gagnon): Cela va?
M. Ryan: Je veux parler, mais pas nécessairement le
premier.
Le Président (M. Gagnon): Allez-y, M. le ministre. Je
crois qu'il y a eu une entente.
M. Godin: M. le député d'Argenteuil, il y a eu une
espèce d'entente tacite pour qu'il n'y ait que deux intervenants sur
cette résolution, deux intervenants en tout sur cette résolution,
un par côté.
Le Président (M. Gagnon): II ne faut pas oublier non plus
notre ordre du jour; nous avons plusieurs invités à entendre.
Est-ce que cela veut dire que cette motion est acceptée? Oui, M. le
député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Pour l'information de la commission, je tiens
à signaler que je n'étais pas au courant de cette entente, je
n'ai pas l'intention d'intervenir, puisque le ministre appuie la motion; s'il
ne l'avait pas fait, je serais intervenu. Je ne suis au courant d'aucune
entente. Cela ne m'étonnerait pas que d'autres députés ne
soient pas non plus au courant d'une entente.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: Est-ce qu'on me permettrait de répéter
ce que j'ai dit au début? J'ai proposé que le débat soit
limité et qu'on puisse l'adopter unanimement, si possible, dans les
meilleurs délais de façon à ne pas retarder indûment
la comparution de nos invités. M. le député d'Argenteuil
n'étant pas présent à ce moment-là, cela explique
qu'il veuille intervenir. Je suis sûr qu'on pourrait lui permettre
d'intervenir très brièvement.
M. Godin: M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Gratton: Je m'en reporte à votre décision, M. le
Président.
M. Godin: Pouvons-nous nous entendre afin qu'il y ait un
intervenant de plus de chaque côté, brièvement?
M. Gratton: D'accord, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? M. le
député d'Argenteuil.
M. Claude Ryan
M. Ryan: Merci, M. le Président. J'étais
particulièrement intéressé à intervenir sur cette
question parce que la semaine dernière j'ai eu l'occasion de me rendre
à Winnipeg et à Saint-Boniface pour une série de
conférences qu'on m'avait demandé de faire à
l'Université de Winnipeg. J'ai profité de cette occasion pour
prendre contact avec les groupes francophones de Winnipeg et de Saint-Boniface
afin de m'enquérir de la situation créée par la
récente entente entre le gouvernement manitobain et le groupe
franco-manitobain puis ensuite le fameux référendum qui doit
avoir lieu sous les auspices de la ville de Winnipeg d'ici à quelques
heures.
J'ai examiné la situation sous tous ses aspects. Je suis
allé là-bas avec un esprit ouvert, n'étant pas sûr
à l'avance que la solution proposée par le gouvernement
manitobain était la meilleure.
Après avoir entendu les différents points de vue, j'en
suis venu aux conclusions suivantes. Si nous sommes devant une situation
extrêmement complexe au Manitoba aujourd'hui, c'est parce que pendant
près d'un siècle la Législature et le gouvernement de
cette province ont nié aux francophones du Manitoba des droits que leur
garantissait la Loi constitutionnelle manitobaine de 1870. Si, après le
jugement que la Cour suprême a rendu en 1979, les autorités
gouvernementales avaient manifesté plus d'empressement qu'elles ne l'ont
fait à s'acquitter de leurs obligations consti- tutionnelles en
plénitude, il n'aurait probablement pas été
nécessaire de recourir au moyen qu'on envisage maintenant, qui est un
moyen assez complexe et assez lourd d'implications, au point qu'on a
été obligé de présenter déjà
plusieurs modifications au projet gouvernemental initial.
Je voudrais prévenir certaines personnes, surtout du
côté gouvernemental. Il est facile de se solidariser avec des
mouvements - la Société Saint-Jean-Baptiste l'a fait l'autre jour
- mais je pense que lorsqu'on pose un geste comme celui-là, il faut
être prêt à la réciproque également. Ce qu'on
demande pour d'autres, il faut être prêt à l'accepter
soi-même dans son propre comportement. C'est dans cet esprit-là
qu'après avoir entendu tous les points de vue là-bas - y compris
celui de mon bon ami, M. Georges Forest, qui préférerait qu'on
suive la voie judiciaire, avec de très bons arguments à l'appui
de sa position - et pris connaissance de la situation concrète, j'en
suis venu à la conclusion que l'accord proposé par le
gouvernement du Manitoba et la Société franco-manitobaine est
encore la meilleure solution pratique dans les circonstances.
C'est pourquoi, à l'issue de mon séjour là-bas,
j'ai fait une contribution financière personnelle à la cause des
Franco-Manitobains. C'est pourquoi j'étais très heureux de voir
mon collègue de Gatineau présenter cette motion que j'appuie de
tout coeur.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député d'Argenteuil. M. le député de Vachon.
M. David Payne
M. Payne: II me fait plaisir d'appuyer la motion, M. le
Président, parce que je considère que c'est le rôle de tout
gouvernement québécois d'appuyer sans équivoque l'effort
de nos minorités hors Québec et, le cas échéant,
les minorités francophones. Je pense que ce devrait être
appuyé sans équivoque parce qu'on ne ne peut plus se fier, si
jamais c'était possible, au gouvernement d'Ottawa pour protéger
nos minorités linguistiques.
Je pense que l'appui traditionnel et financier du gouvernement du
Québec aux Franco-Manitobains confirme cette volonté politique du
gouvernement du Québec de toujours apporter un appui plus que moral, aux
minorités francophones. Je pense que c'est plus important maintenant que
jamais. Aussi, force est de constater que ce n'est pas, à mon avis, par
le judiciaire que les droits des minorités vont être
respectés au Québec ou ailleurs, mais plutôt par la
volonté politique et, le cas échéant, par le gouvernement
du Manitoba, comme ici, au Québec, par l'Assemblée nationale.
Pour cette raison, je pense que la motion devrait être
adoptée tout de suite, à l'unanimité.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Gatineau.
M. Michel Gratton (réplique)
M. Gratton: En guise de réplique, très
brièvement, M. le Président, j'aimerais d'abord remercier le
ministre, le député d'Argenteuil, le député de
Vachon et également tous les membres de la commission qui, j'en suis
sûr, auraient voulu contribuer à ce débat, mais, compte
tenu des circonstances, je les remercie d'appuyer cette motion.
Il me semble que c'est le minimum qu'on puisse faire en tant que
parlementaires québécois et j'aimerais, par le biais des
caméras de télévision, inviter les Québécois
à appuyer non seulement moralement, mais financièrement cette
lutte que mènent nos frères franco-manitobains, tout en
souhaitant que le président de l'Assemblée nationale accorde
toute la diffusion possible à cette motion que nous adoptons à
l'unanimité.
Je conclurai en citant ce qu'écrivait Pierre Tremblay, dans un
éditorial du 20 septembre dernier, dans le journal Le Droit, d'Ottawa,
et qui disait des Franco-Manitobains: "Ils ont eu cette constance de vouloir
s'affirmer dans les conditions les plus hostiles. Maintenant, le vent tourne en
leur faveur. Ils ont autant le droit de désirer, de combattre, de
rêver d'une égalité à laquelle nous,
Québécois et Canadiens français, n'avons jamais
renoncé." Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de Gatineau.
Maintenant, je demanderais au premier groupe ce matin, la ville de
Montréal, de s'approcher de la table et je demanderais au maire, M. Jean
Drapeau, de nous présenter les gens qui l'accompagnent.
Auditions Ville de Montréal
M. Drapeau (Jean): M. le Président, à tous les
membres de cette commission et au président, au nom de la ville de
Montréal, j'exprime nos respects. Il nous est agréable de tenter
de croire que nous pourrions être utiles au cours des travaux de cette
commission. Je donnerai d'abord lecture du mémoire.
Bien que la compétence législative en ce qui concerne la
promotion et la protection de la langue française au Québec ne
soit pas une matière de juridiction proprement municipale - et c'est
pourquoi nous nous sommes toujours montrés réservés
à l'endroit des différentes législations linguistiques -
les effets de telles législations, tant sur l'économie
montréalaise que sur la qualité des services dispensés par
la ville, ne sauraient nous laisser indifférents.
Nous sommes bien conscients de la passion et de l'effervescence sociale
que ces législations ont provoquées dans le passé, car nos
rues ont souvent été le théâtre de désordres
qui ont, à certains moments, vicié le climat économique et
social de Montréal.
Comme c'était son devoir, la ville de Montréal s'est
conformée à toutes les lois adoptées en matière
linguistique.
Cette obéissance n'a cependant pas été aveugle.
Chaque fois que des situations nous apparaissaient comme le fruit
d'interprétations fautives ou exagérées, ou qu'on ne
semblait pas tenir suffisamment compte de certains aspects de la
réalité montréalaise, nous avons fait les
représentations qui s'imposaient.
Ici, j'ouvre une parenthèse pour présenter mes
collaborateurs: mon collègue, M. Pierre Lorange, vice-président
du comité exécutif; Me Jules Allard, adjoint au chef du
contentieux de la ville de Montréal qui était, dès le
début de l'application de la loi, le gardien de l'ampoule sacrée
quant à l'application de la loi dans les services municipaux, et M.
Drolet, qui a été nommé dès le début par le
comité exécutif le coordonnateur chargé de l'application
de la loi, afin d'éviter le plus possible des problèmes. (10 h
30)
Après plus de cinq années d'application de la Charte de la
langue française à Montréal, il convenait que le conseil
municipal et le comité exécutif de la ville s'interrogent sur les
effets d'une telle loi sur la santé économique de Montréal
et la qualité des services offerts à ses contribuables. À
la suite d'une résolution adoptée par le conseil municipal
à son assemblée d'avril 1983, le comité exécutif de
la ville a présenté un rapport qui situe la perspective dans
laquelle nous considérons les effets de certains aspects de la loi 101
sur la santé économique de la ville de Montréal.
Nous rappelons que la conjonction de plusieurs facteurs a
contribué à affaiblir la santé économique du
Québec, en général, et de Montréal, en particulier,
et qu'on ne saurait attribuer à la seule loi 101 tous les maux qui ont
pu affliger notre société au cours des dernières
années.
Ce qu'il y a de certain, c'est que cette loi, peut-être moins par
son contenu que par l'interprétation qu'on en a faite et l'impression
d'agressivité à l'égard des autres cultures qui en a
été ressentie, n'a pas dans l'ensemble contribué à
attirer les investissements ou les professionnels de
l'extérieur, à conserver certaines entreprises à
Montréal ou à accroître la richesse collective des
Québécois. Telle est notre conviction profonde.
À ce stade de l'évolution de la société
québécoise, nous croyons que le moment est venu d'apporter
certains changements à la loi 101 s'il est vrai que l'on veut assurer la
relance économique du Québec et favoriser l'essor industriel et
commercial de la région métropolitaine. En 1983, personne ne
conteste le droit des Québécois à l'affirmation de la
primauté de la langue française au Québec. Personne, non
plus, ne pense sérieusement que la culture française soit
réellement en danger au Québec.
Tout en réaffirmant le droit de la majorité d'expression
française à la promotion et à la protection de sa culture,
nous croyons que ce droit pourrait s'exercer avec autant d'efficacité
dans un climat de plus grande compréhension envers la communauté
anglophone et les divers groupes allophones. Il faut admettre une fois pour
toutes que la mesquinerie et les règlements de compte historiques
pourraient avoir pour effet de sous-estimer le fait français en
Amérique du Nord, de faire table rase de chapitres marquants de
l'histoire de ce fait et, à la fierté légitime et
féconde qui se détache de l'histoire, de substituer une superbe
exécrable et stérilisante.
C'est plutôt dans cet esprit de fierté légitime et
féconde que la ville de Montréal croit que certains
assouplissements à la Charte de la langue française sont
souhaitables et ce dans les domaines suivants:
L'usage du français dans l'affichage commercial ne doit pas
être toujours exclusif d'une autre langue. Les règles relatives
à l'affichage commercial doivent respecter davantage des
réalités historiques, d'ordre ethnique et culturel, partout
où elles se manifestent et dans la mesure où leur reconnaissance
n'affaiblira pas la culture française, favorisant ainsi la
vitalité d'une multitude de commerces.
La langue de l'enseignement et des professions. La ville insiste
à nouveau sur les points de vue qu'elle a fait valoir à cet
égard, lors du sommet économique de 1981, savoir: les conditions
d'accès à l'école anglaise pour les Anglo-Canadiens venant
des autres provinces devraient être moins restrictives; et les
règles relatives à la connaissance du français,
imposées aux professionnels non francophones recrutés à
l'extérieur du Québec devraient être assouplies.
La langue de promotion économique et touristique de
Montréal. L'envergure internationale de plusieurs activités ou
événements qui se déroulent chaque année à
Montréal et l'importance des projets d'investissements susceptibles de
se manifester commandent à la ville de produire un certain nombre de
publications de haute qualité. Aucune autre municipalité au
Québec ne se trouve dans une situation comparable à celle de
Montréal. Les règles actuelles préconisées par
l'Office de la langue française sur l'unilinguisme français ou
anglais des publications et leur distribution en versions
séparées doivent être assouplies. L'expérience
démontre qu'un contrôle parfait et constant des moyens de
distribution est impossible et que la présente politique heurte autant
des francophones que des anglophones. Dans les cas où elle s'impose,
l'édition bilingue de certaines de nos publications supprimerait cette
situation et aurait pour effet de diminuer les coûts.
La langue de l'administration. Lorsque la ville fait l'acquisition de
certains produits ou équipements, elle demande toujours que les
renseignements relatifs à leur usage lui soient fournis en
français. Or, il se trouve que des manuels ou des notices de mode
d'emploi de certains équipements ne sont pas toujours disponibles en
français. L'affirmation du droit absolu de l'employé de
travailler en français, dans certains cas, peut finir par
représenter pour la ville un accroissement important des dépenses
publiques ou même entraîner la privation de certains services,
produits ou équipements nécessaires. Pour ces motifs, tout en
réaffirmant le principe du droit de travailler en français, la
loi devrait accorder à la ville une certaine flexibilité en cette
matière.
La langue des services. Considérant que dans certains secteurs de
la ville, on compte une population non francophone parfois supérieure en
nombre à celle de certaines municipalités avoisinantes dans
lesquelles la population est majoritairement anglophone et où, en
conséquence, un affichage bilingue est permis, la ville est d'avis
qu'elle doit pouvoir afficher certains renseignements dans une langue autre que
le français dans les locaux administratifs de ces secteurs
(bibliothèques, bureaux des affaires sociales, centres de loisirs et
autres) sans craindre qu'il en résulte un affaiblissement du
français. Nous ne voyons pas pourquoi il serait interdit d'afficher en
langue française et dans une autre langue certains renseignements
destinés au public concernant une activité sociale, sportive ou
culturelle, organisée dans un secteur où elle peut
intéresser des citoyens majoritairement non francophones.
En matière d'exigences linguistiques dans le recrutement du
personnel, la ville demande à retrouver la liberté qu'elle a
déjà eue et à ne plus devoir se soumettre aux
décisions d'un autre organisme lorsqu'elle estime qu'un candidat
à une fonction doit avoir une connaissance minimale d'une langue autre
que le français afin de mieux servir les citoyens et d'éviter des
frictions inutiles.
À cet égard, la juridiction qu'exerce
l'Office de la langue française dans ce domaine pourrait finir
par constituer une entrave à une bonne gestion des ressources humaines
de la ville.
La ville devrait, en certains cas, pouvoir décider de publier des
documents administratifs bilingues lorsque l'efficacité des
communications l'exige pour en faciliter la compréhension à
l'usager.
En ce qui a trait à la signalisation routière, la ville
fait déjà largement usage de pictogrammes. Toutefois, les
renseignements à l'adresse des automobilistes sur les panneaux de
stationnement ou aux abords d'un chantier de construction ne peuvent pas
toujours être facilement compris de tous nos visiteurs. Il en
résulte des tracasseries inutiles, des ennuis et même des dangers
qui pourraient être évités si, encore une fois, la
règle actuelle était adoucie.
Les propositions que nous venons de présenter n'impliquent pas
une remise en question de la Charte de la langue française. Les
assouplissements suggérés n'ont pas pour but d'affaiblir le
statut de la culture française au Québec. Ils pourraient avoir,
au contraire, des conséquences bénéfiques dont les
principales seraient de lever l'hypothèque psychologique qui pèse
actuellement sur l'économie montréalaise et de redonner à
la ville la souplesse dont elle a besoin pour continuer de fournir à
l'ensemble de ses citoyens la même qualité de services.
La francisation des services de la ville est d'ailleurs une
réalité depuis plus de 20 ans et n'a pas eu besoin de loi pour
s'accomplir.
En cette année mondiale des communications et lorsqu'on
considère l'appui non équivoque que le gouvernement du
Québec a apporté à cet événement,
l'importance des communications ne doit pas se limiter à la
quincaillerie. Les communications doivent servir la personne avant tout.
À cet égard, la loi 101, en dressant des barrières
psychologiques entre des groupes de notre société, a fait
obstacle aux communications entre citoyens. Nous proposons la suppression de
ces barrières.
De par sa situation géographique en Amérique du Nord, la
société québécoise se doit d'affirmer sa
spécificité culturelle, mais sans bravade ni exclusivisisme.
Pour sa part, à titre de deuxième ville française
du monde, Montréal a besoin de continuer de s'affirmer comme ville
à vocation internationale et, comme métropole du Québec et
du Canada, qu'on lui reconnaisse la souplesse nécessaire en
matière linguistique.
Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Drapeau.
M. le ministre.
M. Godin: M. le maire, les trois experts ou
vice-présidents du comité exécutif qui vous
accompagnent... merci d'abord de nous faire part de votre expérience
comme maire de la ville qui a été surtout l'objet de
l'opération visée par la loi 101. Tout le monde sait, ici au
Québec, que vous avez contribué plus que quiconque à faire
de Montréal une locomotive économique, culturelle et du
français aussi au Québec. Il est sûr aussi que
Montréal doit rester - vous le dites dans votre mémoire en
d'autres mots - la métropole de l'Amérique française et
non pas de l'Amérique bilingue. Je pense que c'est important qu'on se le
dise d'entrée de jeu.
D'autre part, le défi pour le Québec et pour
Montréal, qui constitue la moitié du Québec, en fait,
c'est que ce qui s'est passé au Québec depuis dix ans...
D'ailleurs un journaliste montréalais anglophone le disait fort bien,
Gerald Clark, l'auteur d'un livre remarquable sur la ville de Montréal;
je cite un titre de la Gazette sur son livre Montreal dying? No, just
changing." Je pense donc que la ville de Montréal, et le Québec
d'ailleurs, mais plus la ville de Montréal, à cause de sa
situation démographique particulière et sa composition
linguistique et ethnique - a été au coeur de ce changement. Il
était inévitable que cela ne se fasse pas - je l'ai dit dans mon
discours d'ouverture - de façon innocente ou dans l'harmonie
complète. C'était inévitable. Tout changement amène
des réalignements et certains coups d'épaule, comme dans une
bonne partie de hockey ou de football. Donc, c'était
inévitable.
Si on regarde les chiffres, on se rend compte que, malgré tout ce
qu'on a pu dire de Montréal, la situation reste fort bonne. Je vais vous
donner des chiffres qui se rapportent au tourisme, Montréal
étant, on peut dire, la Mecque touristique du Québec, et qui nous
viennent de Statistique Canada pour la période de 1977 à 1981.
Nombre de citoyens américains entrés au Québec, en Ontario
et au Canada en voiture pour y séjourner 24 heures ou plus: au
Québec, une augmentation de 2,3%; en Ontario, une diminution de 4%; au
Canada, une diminution de 3,5%.
Le nombre de voyageurs en provenance d'outre-mer: au Québec, il a
diminué de 1%; en Ontario, de 11% et, au Canada, de 7,9%. Donc, on peut
dire que malgré tout ce qu'on a pu dire sur ce qui se passait au
Québec... Au-delà de la loi et au-delà de ce que le
gouvernement fait, ce qui en a été dit a joué un
rôle très important; ce qui en a été dit ailleurs
par les médias a peut-être joué un rôle plus
important que la loi elle-même. Je voudrais seulement vous donner un
exemple, M. le maire. Dans un journal de Toronto... Quand je dis que ce n'est
pas innocent, l'Ontario et la ville de Toronto se servent de tous les moyens
pour convaincre
les gens de s'installer chez eux. Ils ont utilisé la loi 101
à fond de train, la présentant comme beaucoup plus rigide et
stricte qu'elle n'était, pour attirer les investisseurs, les personnes
et les entreprises en Ontario. Il y a quelques mois, dans le Toronto Star, on
parlait des effets de la loi 101 sur l'économie de la ville de
Montréal. On illustrait cet article d'une photo que je vous
présente ici. C'est l'ancien magasin Dominion ou Steinberg de la rue
Sainte-Catherine entre les rues Guy et Saint-Mathieu ou Saint-Marc. Je me suis
fait photographier à Toronto il y a quelques jours; c'est une photo
semblable qui permet de montrer que dans n'importe quelle ville
nord-américaine, aujourd'hui, il y a des édifices en
rénovation, des édifices masqués. Et le journal de Toronto
prend bien soin de dire que l'année 1980 a vu la valeur de permis de
construction, dans la ville de Montréal, dans votre ville, M. le maire,
et grâce à vous en particulier, atteindre le sommet de 1 000 000
000 $, ce qui est un sommet sans précédent dans l'histoire de la
ville de Montréal, en chiffres réels, en chiffres relatifs et en
chiffres absolus. (10 h 45)
Tout ceci se fait à une époque où, soi-disant, la
ville de Montréal "was going down the drain", comme on disait. Ce qui se
passe chez vous à Montréal et ce qui se passe dans l'ensemble du
Québec, c'est un nouveau défi. On peut arriver, d'ici à
peu de temps, à démontrer que le fait que Montréal soit
Montréal, une ville où le français est présent
partout, une ville qui ressemble à la province dont elle fait partie,
c'est un acquis, c'est un avantage pour cette ville et non pas un
empêchement, un problème et un aspect négatif. Au
contraire, c'est un aspect très positif. C'est cela le défi, au
fond. Autrement, n'eût été de la loi 22 et de la loi 101,
on se serait endormis sur ce que j'appellerais, pour caricaturer un peu, la
pente franco-manitobaine puisqu'on l'a évoquer ce matin.
Je préfère que l'on mette l'accent, que l'on tourne la
perspective de façon différente et que l'on en arrive à
s'assurer que Montréal sera la métropole de l'Amérique
française. Son avenir est là. Sa force économique et
culturelle est là et non pas dans un bilinguisme universel.
Par ailleurs, je note encore une fois que les suggestions que vous
faites sont très pragmatiques et concrètes. La suggestion que
vous faites sur l'affichage commercial proprement dit, nous nous pencherons sur
cette question avec sympathie dans la mesure où nous croyons que
Montréal, étant une ville multiethnique, ce caractère doit
être présent à Montréal de manière qu'en
quelque sorte... Je l'ai déjà dit d'ailleurs dans un discours
à la communauté chinoise, à Montréal, on fait le
tour du monde en métro; en métro, on passe de la Chine, à
l'Italie et au Portugal. Donc, il faut que ce soit évident publiquement
et que ce soit dans les rues que l'on s'en rende compte. Il faut
également qu'on puisse dire que l'on est aussi en Amérique du
Nord à Montréal. Donc, nous nous pencherons avec sympathie sur
cet aspect de votre proposition.
L'autre aspect: la langue d'enseignement et des professions. Encore
là, notre proposition de la réciprocité qui date de
quelques années déjà, c'est-à-dire de s'entendre
entre provinces - parce que c'est une juridiction provinciale - entre
ministères de l'Éducation des provinces - la langue
d'enseignement est une question qui relève du ministère de
l'Éducation et non pas de quelque autre ordre de ministère ou de
gouvernement - cette proposition tient toujours. Nous souhaitons pouvoir en
arriver à des solutions concrètes dans ce secteur.
La langue de l'administration: La loi 101 et la pratique qui
découle de la loi 101 sont fort claires là-dessus.
L'administration dans son ensemble, donc la ville de Montréal, non pas
peut mais est tenue de donner à ses citoyens anglophones qui en font la
demande la documentation en anglais. La ville de Montréal le fait, comme
le gouvernement du Québec le fait d'ailleurs de plus en plus et a
l'intention d'universaliser cette pratique qui s'inspire au fond du respect des
citoyens qui constituent le partenaire essentiel des francophones au
Québec.
Alors, en gros, M. le maire, vous avez aussi abordé la question
de documents publicitaires de la ville. Vous souhaitez que dans certains cas,
le bilinguisme soit autorisé. C'est aussi une de vos suggestions que
nous allons prendre en considération quand viendra le moment, d'ici
quelques jours, à la fin de la commission, d'en arriver à un
consensus avec mes collègues du Conseil des ministres et du Conseil des
députés sur toutes ces questions.
En conclusion, je vous remercie encore, M. le maire, d'être venu
nous faire part de votre expérience qui est la plus longue comme maire
et comme homme politique au Québec et qui, par conséquent, vous
donne une espèce de rôle de mage pour ce qui concerne les autres
niveaux gouvernementaux au Québec. Donc, merci encore et soyez bien
sûr que nous prendrons avec beaucoup de sérieux les suggestions
que vous nous faites ce matin.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le
maire.
M. Drapeau: M. le ministre, je vous remercie des reconnaissances
que vous avez exprimées à la ville de Montréal dans
certains domaines. Je souligne avec intérêt la formule que
Montréal est la métropole de l'Amérique française
et entend bien le
demeurer, mais sans devenir nécessairement la métropole de
l'Amérique bilingue. Je réitère la conclusion du
mémoire: Pour continuer de jouer son rôle, elle sera
métropole de l'Amérique française dans la mesure où
elle sera métropole, et elle sera métropole dans la mesure
où elle pourra compter sur la vie économique. Ce serait manquer
à mon rôle que de taire que la vie économique, en dehors de
toute statistique, a ressenti de mauvais effets de certains aspects de la loi
101, encore plus de la forme de son application et surtout encore plus des
propos, des déclarations et de l'atmosphère qu'elle a
créée.
Il ne fait aucun doute que des déclarations allaient beaucoup
plus loin que la loi. On s'est aperçu, entre le début de
l'application et aujourd'hui que les interprétations ne sont pas tout
à fait aussi restrictives parfois. Mais il faut bien admettre que le mal
a été fait depuis le début. Si aujourd'hui il y a plus de
réceptivité ou une interprétation un petit peu plus
réaliste dans certains cas, le mal qui a été fait a
été fait.
Quant aux statistiques qui démontrent qu'il y a eu plus de
touristes à Montréal - je veux bien le croire - pour savoir si
vraiment la situation est telle qu'on n'a pas à s'en occuper, il
faudrait réussir ce qu'on ne peut pas: savoir quels seraient les
chiffres s'il n'y avait pas eu la loi 101 et surtout tout ce qui a
enveloppé la loi 101, les déclarations qui ont été
faites. Là je suis peut-être un peu obligé de sortir du
texte du mémoire de la ville, mais l'expérience que j'ai acquise
au poste que j'occupe me porte à informer les membres de la commission
que j'ai été l'objet de beaucoup de confidences, par la force des
circonstances.
Les visiteurs à Montréal qui venaient d'autres pays,
d'Europe ou d'autres continents, même d'Amérique avaient
été atteints par la publicité vraiment néfaste
faite autour de la loi 101, publicité qui était favorisée
par les expressions employées. Je veux bien croire que cela
dépassait les textes, mais c'est cela qui servait à faire des
titres et à faire des histoires. J'ai dû accepter qu'on me fasse
des confidences sur le ralentissement, le freinage que cela entraînait en
certains milieux. Je ne peux mettre cela de côté et je ne peux le
taire puisque le gouvernement nous a invités à venir dire ce que
nous avions à dire.
Cela est moins dans les statistiques mais heureusement le Québec
continue d'être le Québec et Montréal continue d'être
Montréal dans l'Amérique. Quand on compare Montréal
à d'autres grandes villes du Canada, qu'on étudie, dans un grand
rayon de 50, 100, 200, 300, 400 kilomètres, le chiffre de population et
qu'on fait des comparaisons, je n'hésite pas à dire que si
Montréal, au point de vue de sa population - non seulement de la ville,
de la population qui y couche, mais du grand bassin de population
économique et au-delà - jouissait du même chiffre que
d'autres grandes villes canadiennes, eh bien, Montréal serait de loin en
avant parce que tous les facteurs sont là pour assurer cela, comme les
facteurs au moment où il n'y avait pas de loi 101, il y a bien des
décennies et même des siècles.
Il y a des facteurs naturels qui jouent en faveur de Montréal et
qui expliquent ce que Montréal est devenue, avec les moyens du bord
pendant longtemps. Il y a donc une tendance naturelle à faire que
même encore aujourd'hui Montréal se situe - et nous en sommes
fiers - à un niveau élevé comparativement non seulement
aux villes canadiennes mais aux villes américaines,
nord-américaines. Qu'est-ce que ce serait si tous les
éléments qui manquent y étaient ou si des frais y
étaient enlevés? C'est cela qui m'intéresse de savoir:
quelle vitesse on peut atteindre si on enlève les freins? Qu'est-ce
qu'on peut avoir si tout le monde concourt? Je ne peux pas m'empêcher de
dire que l'expérience que j'ai acquise au cours d'un peu plus d'un quart
de siècle dans la vie publique et dans la vie linguistique me porte
à affirmer absolument catégoriquement que j'avais saisi une nette
différence entre la période 1954 à 1957, mon premier
mandat, et la période 1960 et les années qui ont suivi.
De 1954 à 1957, je dois avouer que presque toutes les lettres que
je recevais, comme maire, de présidents de sociétés, de
présidents de banques, de présidents de grandes institutions
étaient en langue anglaise. En 1960, quand j'ai été
réélu, je me suis aperçu que nombreuses étaient les
lettres qui me venaient des mêmes personnes ou de leurs successeurs dans
la fonction qu'ils occupaient et qu'elles étaient écrites en
français. Qu'est-ce qui s'est passé? Je ne le sais pas. Je
constate qu'il y avait un courant d'acceptation de la langue française
à Montréal au point de recourir à quelqu'un pour
écrire une lettre en français et la signer. C'est mon
expérience personnelle. La ville a procédé - je le dis
dans le mémoire -avant la loi 101 à une francisation graduelle
à laquelle nos compatriotes d'autres origines n'ont fait aucun obstacle.
Cela, c'est l'expérience pratique. C'est pourquoi personnellement
j'ajoute ce témoignage au mémoire officiel de la ville. Je crois
que l'action que le gouvernement visait par sa loi 101 peut - et là, je
retourne à une expression du mémoire - s'atteindre sans le climat
d'agressivité qui a été créé par des
déclarations, des articles, des sautes d'humeur.
Il ne faut pas l'oublier, il y a des déclarations qui vont
beaucoup trop loin. Cela nous vaut des questions. Et ensuite on dit: le maire
ne se prononçait pas sur la
question. C'est vrai que je ne me suis pas prononcé souvent sur
la question, pas publiquement. Je me suis prononcé à titre
personnel dans des conversations privées avec beaucoup de monde et
même des ministres. Je me suis prononcé publiquement dans les
endroits où il fallait que je me prononce, car c'était au nom de
la ville. Par exemple, au Sommet économique de 1981, nous n'avons pas
caché la vérité. Nous avons préparé un
mémoire pour dire ce que nous suggérions. Nous avons fait un
rapport au conseil en août cette année. Nous sommes ici.
Peut-être que c'était pour rester fidèle à mon style
de ne parler que lorsque j'ai quelque chose à dire et de le dire
là où il faut le dire. Je crois que c'est ici qu'il faut le
dire.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Godin: Je reviendrai sur vos propos après avoir
laissé la parole à mes collègues de la commission.
Merci.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, au nom de l'Opposition,
j'aimerais d'abord remercier M. le maire et ceux qui l'accompagnent
d'être venus faire leur devoir en quelque sorte: comme vient de
l'exprimer M. le maire, venir dire ce que l'administration de la ville de
Montréal perçoit quant à l'application de la loi 101 par
rapport aux intérêts des citoyens de la ville de Montréal -
intérêts d'ordre économique - et également par
rapport à la qualité des services que la ville doit fournir
à ses contribuables, à ses commettants. (11 heures)
Je me permets un bref commentaire, M. le Président. Quand le
ministre dit que la perception qu'on a à l'extérieur est souvent
faussée pour toutes sortes de raisons... On dit: à Toronto, ils
n'ont pas avantage à promouvoir la ville de Montréal; donc, les
médias rapportent des choses qui sont souvent exagérées.
J'en conviens. C'est un fait que tant à Toronto, à Vancouver et
à New York - on en a parlé jeudi dernier - il y a une perception
qui souvent ne repose pas sur la réalité des faits.
Malheureusement, force nous est de reconnaître que la perception est
là, qu'à tort ou à raison elle influe sur les
décisions des investisseurs, des personnes qui seraient susceptibles de
venir nous visiter et que, qu'on le veuille ou non, on en subit les contrecoups
négatifs. Je suis content d'entendre M. le maire, qui est en position
privilégiée pour pouvoir l'évaluer -on sait qu'il
rencontre énormément de gens de partout à travers le monde
- venir témoigner de sa perception des choses par rapport à ce
qu'on voit à l'extérieur. Je dis que, dans la mesure où il
nous est possible en tant que législateurs d'éliminer ces
tracasseries, ces applications tatillonnes de la loi - parce que le
mémoire réfère non pas surtout au contenu de la loi, mais
aux abus, aux excès dans son application - dans la mesure où on
peut bonifier la chose, ce sont tous les Québécois et, bien
sûr, au premier titre les Montréalais qui en profiteront.
Je m'arrête là, M. le Président. Comme vous le
savez, M. le maire, il y a plusieurs membres de notre députation qui
représentent des comtés de Montréal; je les laisserai
entamer la période de questions avec vous en commençant non pas
par un député de Montréal, mais bien par un autre
Montréalais bien connu, le député d'Argenteuil.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, il me fait grandement plaisir de
pouvoir dialoguer avec les autorités de la ville de Montréal sur
ce sujet très important de la loi 101. Je voudrais signaler, tout
d'abord, un point qui a été mentionné par le maire de
Montréal et qui m'apparaît capital. Le mouvement d'affirmation
française de Montréal avait commencé bien avant l'adoption
de la loi 101 et même avant l'adoption de la loi 22 et le principal
artisan de ce mouvement d'affirmation a été le maire actuel de
Montréal. Il m'est arrivé d'avoir des critiques à adresser
à M. le maire sur d'autres sujets, mais sur ce point-ci j'ai
constaté, dès son premier passage au pouvoir entre 1954 et 1957,
qu'il avait imprimé un mouvement irréversible, surtout à
l'administration de la ville de Montréal, dans le sens de l'affirmation
du fait français. Je pense que le maire de Montréal avait raison
de signaler ce matin que, par voie d'implication, si dans tous les secteurs on
avait agi avec autant de vigueur pour affirmer positivement le fait
français, on aurait pu facilement se dispenser d'un grand nombre de
contraintes souvent artificielles découlant d'une loi comme la loi
101.
J'ai remarqué aussi, à la lecture du mémoire de la
ville de Montréal, une sorte de climat qui est très important. Je
pense que cela comporte un message important pour le gouvernement. Je ne suis
pas sûr que le ministre l'a bien compris, si j'ai écouté
son intervention avec la capacité de compréhension qu'il fallait.
Je pense qu'il y a un jugement sévère qui est porté dans
le mémoire de la ville de Montréal sur certaines
conséquences de la loi 101. Quand les autorités de la ville de
Montréal affirment, par exemple, que cette loi-là,
peut-être moins par son contenu que par l'interprétation qu'on en
a faite - on y reviendra - et l'impression d'agressivité qui
en a été ressentie, n'a pas, dans l'ensemble,
contribué à attirer les investissements ou les professionnels de
l'extérieur, à conserver certaines entreprises à
Montréal, à accroître la richesse collective des
Québécois; quand on nous dit plus loin que cette loi a
contribué à ériger des barrières entre les
catégories de citoyens, qu'elle a rendu plus difficiles les
communications entre les citoyens et quand on parle plus loin de la
nécessité de lever l'hypothèque psychologique que cette
loi contribue à faire peser sur l'atmosphère économique de
Montréal, il me semble qu'il y a là un avertissement en
provenance des autorités d'une ville à qui on n'a pas de
reproches à adresser au chapitre du laxisme en matière
linguistique. Il me semble qu'il y a des avertissements que l'autorité
politique doit accueillir avec une grande ouverture.
Je voulais souligner ces points pour que ce soit bien clair que nous, du
côté de l'Opposition, avons été très
attentifs à ces remarques non par une espèce de masochisme ou de
souci d'avoir raison contre le gouvernement, mais parce que la santé de
l'économie nous intéresse tous et nous savons tous qu'il y a
beaucoup d'autres biens qui ne peuvent pas être atteints si le sous-sol
de la santé économique n'est pas d'abord garanti.
Je voudrais poser une première question à M. le maire de
Montréal. Dans votre mémoire, vous dites que vous êtes
intervenu chaque fois que des représentations s'imposaient. Vous avez
ajouté ensuite que, au cours des dernières années, vous
l'avez fait publiquement d'une manière peu fréquente. Vous avez
évoqué le sommet économique de Montréal en 1981 et,
plus récemment, la discussion qui a eu lieu à la suite de la
présentation d'un mémoire qu'on vous avait demandé au
conseil municipal sur cette question. Y a-t-il d'autres représentations
que la ville de Montréal a faites au cours des sept dernières
années? Cela fait, quand même, sept ans que la loi 101 est en
vigueur, qu'elle est appliquée d'une certaine manière. Y a-t-il
d'autres représentations que la ville de Montréal aurait faites?
Vous avez parlé de représentations de caractère
privé. Avez-vous surtout eu l'impression que ces représentations
donnaient des résultats ou que cela allait s'accumuler dans une
espèce de banque de réactions dont, éventuellement, on
pourrait voir les fruits?
M. Drapeau: Comme il ne s'agissait pas de représentations
à titre officiel, il est difficile de faire la relation entre la
conversation et le résultat. Surtout que les représentations
étaient faites ou par Me Allard ou par M. Drolet qui, étant
chargés de l'application de la loi, trouvaient des difficultés
dont ils s'entretenaient avec les autorités, les organismes
chargés de l'application de la loi. Graduellement, il y a eu une
compréhension plutôt dans les faits. Dans certains cas, qui
concernent peut-être moins la ville, j'ai cru comprendre de
l'extérieur que les interprétations vont même parfois
au-delà de ce que veut dire la loi, mais comme c'est dans le bon sens on
applaudit.
Comme ce à quoi je pense ne concerne pas la ville de
Montréal, je ne veux pas ouvrir le débat en dehors du
mémoire. Mais, étant donné que nous voulions dès le
début donner l'exemple qu'il faut obéir à la loi, nous ne
pouvions pas engager de débat. Nous avons donc désigné un
avocat du contentieux qui était chargé d'examiner la loi, ses
règles et de conseiller tous les directeurs de service. Le coordonnateur
qui a été nommé par le comité exécutif, M.
Drolet, a été chargé d'être en communication avec
tous les services afin que l'application de la loi cause le moins d'irritation
possible; non pas la supprimer, mais la réduire. Dans une certaine
mesure, cela donnait des résultats. Je ne peux pas dire que cela a
donné des résultats quant à la loi parce qu'elle n'a pas
été modifiée, mais je crois que oui, quant à
l'application, dans certains cas - je ne prendrai pas le mérite d'en
être la cause -cela a peut-être aidé.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Ce qui nous intéresse spécialement, ce
sont les suggestions que la ville présente en vue d'améliorations
possibles au régime actuel. Il y a quelques sujets qui
m'intéressent spécialement et sur lesquels je voudrais attirer
votre attention: la langue de l'affichage commercial en particulier. Vous dites
que les règles relatives à l'affichage commercial devraient
respecter davantage les réalités historiques d'ordre ethnique et
culturel partout où elles se manifestent, dans la mesure où leur
reconnaissance n'affaiblira pas la culture française. Je voudrais vous
poser une double question là-dessus. Premièrement, comment cela
pourrait-il se réaliser, et pouvez-vous expliquer ceci de manière
plus concrète? Deuxièmement, est-ce que cette suggestion
entraînerait des modifications à la loi? Dans votre
mémoire, nous avons l'impression que vous dites: Si la loi était
appliquée de manière plus souple, cela aiderait beaucoup, alors
que, quand on lit les suggestions, nous avons plutôt l'impression que
vous demandez aussi certaines modifications à la loi. Dans ce cas
précis, êtes-vous d'avis qu'il faudrait que la loi soit
modifiée et dans quel sens?
M. Drapeau: L'article 58 dit: "Sous réserve des exceptions
prévues par la loi ou par les règles de l'Office de la langue
française, l'affichage public et la publicité
commerciale se font uniquement dans la langue officielle." S'il faut
aller jusqu'à des exceptions à prévoir dans la loi,
allons-y. S'il suffit de règlements de l'Office de la langue
française, cela aura le même effet. Nous avons eu l'impression ou
la conviction que, dans l'application des règles, l'Office de la langue
française et les organismes chargés de l'application de cette loi
pourraient se rendre compte de certaines réalités et
éviter de prouver que le mieux peut parfois être l'ennemi du bien.
L'interprétation trop bonne de la loi, dans un sens, peut
entraîner des problèmes qui pourraient amener des circonstances
nuisibles à la loi elle-même. Si on veut protéger la loi,
il faut peut-être ouvrir des vannes ou plutôt des soupapes -pas des
vannes - quant à l'application et l'atténuer. Personne - j'en ai
la certitude -ne poursuivrait l'office, le ministère ou le gouvernement
parce que l'interprétation de la loi ou les règles de l'office
sont appliquées trop largement.
M. Ryan: Trouvez-vous que c'est de la bonne législation,
M. le maire, que vous ayez un article qui dit que l'affichage et la
publicité commerciale se font uniquement dans la langue officielle et,
ensuite, que le texte de la loi prévoie que des règlements de
l'office pourraient chambarder cet ordre? Ne serait-il pas mieux, en bonne
législation, que soient clairement indiqués dans la loi les cas
où on devrait tenir compte des réalités dont parle votre
mémoire?
M. Drapeau: J'ai soulevé cet aspect tout à l'heure
en disant que c'est tout ce qui entoure la loi qui rend la tâche encore
plus difficile et crée des difficultés qui causent des
préjudices à la ville de Montréal. Il n'est pas toujours
facile - et je serais prêt à laisser Me Allard vous faire part de
ses expériences juridiques - de savoir si cela dépend de la loi
ou si cela dépend de la règle. Faudrait-il modifier la loi ou la
règle pourrait-elle être adaptée? Je demanderais à
Me Allard de vous faire part un peu de son expérience quant à
l'application au plan juridique.
Le Président (M. Gagnon): Me Allard.
M. Allard (Jules): Au plan juridique, on a eu à un moment
donné à vivre avec la règle de l'affichage de la ville
elle-même. Selon la loi, il n'y a aucune exception prévue.
L'affichage doit être unilingue. Or, la ville elle-même dirige
certains services comme Terre des hommes, le Jardin botanique et le
Planétarium Dow. Ce sont des endroits qui sont largement
fréquentés par des touristes et qui reçoivent parfois -en
ce qui a trait, en tout cas, à Terre des hommes - la participation
d'autres pays. On a dû recourir à différents
expédients, par exemple, le règlement sur la langue du commerce
et des affaires, pour trouver le moyen de faire un peu un affichage qui
s'accordait avec la réalité qu'on vivait là. Même si
probablement les gens de l'office n'étaient pas convaincus que ce
règlement pouvait s'appliquer à un organisme de l'administration
comme la ville, d'un commun accord, nous avions convenus à ce
moment-là que nous pouvions le faire. C'est un exemple de
représentations que nous avons faites au nom de la ville qui ont
reçu une attention -je dois le dire - sympathique de la part de
l'office.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Argenteuil, avez-vous terminé?
M. Ryan: Non, une dernière question. Pour que la ville
puisse s'acquitter au mieux de ses obligations envers ses citoyens, vous faites
une série de suggestions demandant qu'elle dispose d'une marge de
souplesse plus grande. Par exemple, lorsqu'il s'agit du recrutement du
personnel ou des promotions, vous demandez que la ville soit moins soumise
à la tutelle, pour ainsi dire, de l'Office de la langue
française. Je pense que dans ce cas-ci vous demandez un amendement
à la loi. Je crois que c'est l'article 20 de la loi qui est directement
visé par votre suggestion. (11 h 15)
Mme Lavoie-Roux: 46.
M. Ryan: 44 et 46, ce sont des articles de la loi qui sont
directement visés, si je comprends bien. Est-ce que, pour que la ville
soit parfaitement à l'aise pour fonctionner, vous pourriez
résumer les modifications qu'il incomberait d'apporter à la
loi?
M. Drapeau: Je crois qu'il ne faudrait pas tenir, par exemple,
à la proportion de francophones, d'anglophones ou d'allophones pour
certains services, certains employés. Par exemple, si quelqu'un offre
ses services comme inspecteur dans une catégorie quelconque de travaux,
il est bien sûr que, si la ville ne peut engager d'inspecteurs bilingues
qu'en proportion du bilinguisme de la ville, c'est un sophisme parce que
l'inspecteur se déplace, va d'un quartier à l'autre. Alors, il
peut être dans un quartier à 90% francophone, mais avoir un cas
d'anglophone à régler. Il faut donc qu'il parle l'anglais. Il
faut qu'il soit qualifié comme bilingue.
Il y a de ces règles-là qui ont causé des
problèmes à la ville. Il est sans doute difficile ici - et cela
ne doit pas être notre rôle - de refaire la loi, mais je
n'hésite pas à dire que j'offre la collaboration de la ville de
Montréal, lorsque la commission ou le ministère étudiera
l'à-propos de certaines
modifications, pour travailler en comité, et sous tout le secret
professionnel et parlementaire qu'il faut, afin de s'assurer que de
l'expérience puisse encore se distiller au bénéfice des
études qui seraient faites pour en arriver, avec certaines modifications
à la loi lorsque cela doit être la loi ou aux règles quand
cela doit être les règles et à l'interprétation ou
aux directives quand cela doit être de l'interprétation ou des
directives. Tel que cela fut appliqué jusqu'à présent, il
n'était pas facile - je crois que tout le monde en conviendra - de
savoir si c'est à cause de la loi dans tous les cas ou à cause
des règles ou de l'interprétation.
Je réitérerais qu'il faudrait bien que, après ces
séances de la commission, les déclarations qui se rapportent
à la loi 101, dans un cas comme dans l'autre - là, je ne vise pas
un cas plus qu'un autre ou une partie plus qu'une autre - s'expriment dans une
atmosphère plus sereine. Je crois que déjà cela
faciliterait beaucoup le travail du gouvernement pour peut-être modifier
sa loi, ses règlements ou ses interprétations. Je saluerais comme
un grand service rendu à la ville de Montréal - puisque je me
limite à ce territoire - que cette commission poursuive des travaux qui
clarifient l'atmosphère et qui chassent la pollution qui se respire
à Montréal et même à l'étranger. On m'envoie
des coupures de presse, des coupures de magasines qui se publient dans d'autres
pays et dans d'autres villes et on me demande: Répondez donc à
cela. Que faites-vous? Je ne peux pas répondre. Ce sont des articles qui
sont écrits en reprenant des articles ou parfois simplement des titres
d'articles qui sont publiés au Québec ou au Canada et qui,
finalement, trouvent leur place dans des journaux ou dans des magazines. Cela
ne sert pas du tout, du tout la vie économique du Québec.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le maire.
M. le ministre.
M. Godin: Sur le sujet abordé par mon collègue
d'Argenteuil, je conclus de vos propos, Me Allard, qu'il y a eu,
premièrement, entente avec l'Office pour la publicité de Terre
des hommes.
M. Allard: Bien sûr, cela n'a peut-être pas
été toujours possible dans tous les domaines, mais dans
celui-là, oui.
M. Godin: Dans ce cas, cela s'est fait. Deuxièmement, par
rapport à la question posée par mon collègue d'Argenteuil,
je lui rappellerai l'article 20 de la loi: "Pour être nommé,
muté (...) dans l'administration -donc, la ville de Montréal - il
faut avoir de la langue officielle une connaissance appropriée à
cette fonction". L'article 46 précise encore plus: "II est interdit
à un employeur d'exiger pour l'accès à un emploi ou
à un poste la connaissance d'une langue autre que la langue officielle -
donc, de n'importe quelle autre langue - à moins que l'accomplissement
de la tâche ne nécessite la connaissance de cette autre
langue".
Prenons le cas récent des policiers du Service de police de la
ville de Montréal, comme ceux de la Sûreté du
Québec. S'il y avait, dans certains quartiers de la ville, certains
postes ou certaines fonctions de policiers de la Sûreté du
Québec qui requerraient la nécessité de connaître
une autre langue que le français, la loi prévoit ces cas, M. le
maire, M. le député d'Argenteuil et M. le Président. Il
n'y a rien d'illégal dans le fait d'en tenir compte dans la pratique. Je
voudrais que ce soit clair pour tout le monde que c'est possible dans la
pratique. Je crois qu'il y a un commentaire de Me Allard.
M. Ryan: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Argenteuil, question de règlement.
M. Ryan: Je ne suis pas sûr que le ministre a bien compris
la question qui a été posée par la ville de
Montréal dans son mémoire.
Une voix: II n'est pas intelligent, le ministre.
M. Ryan: La ville de Montréal dit que la juridiction
excessive que l'Office de la langue française exerce dans ce domaine
pourrait finir par devenir une entrave. C'est presque une manière
indirecte de dire que cela l'a peut-être déjà
été. C'est là-dessus, je pense, qu'elle a fait une
suggestion demandant que ce soit un peu détendu.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Me Allard.
M. Allard: Oui, cela peut devenir une entrave dans la mesure
où, en compartimentant les secteurs de la ville, on se trouve à
geler les effectifs des employés en proportion de francophones
unilingues ou bilingues français-anglais. On empêche ainsi toute
possibilité de transfert d'employés selon les besoins. Il y a des
employés qui prennent leur retraite, il y en a qui démissionnent.
Pour continuer d'offrir des services à la population, il faut pouvoir
déplacer un employé qui travaille dans un secteur de la ville
pour l'envoyer dans un autre. Cette règle qu'applique l'Office de la
langue française peut, à la longue, devenir extrêmement
contraignante au plan administratif.
Nous avons, quand même, trouvé un peu pénible, comme
employeurs, d'avoir à aller défendre - c'est un de mes
collègues qui a défendu le dossier - le point de vue voulant
qu'un pompier qui oeuvre sur le territoire de la ville de Montréal doit
pouvoir s'exprimer dans les deux langues. Comment pourra-t-il se faire
comprendre des gens qu'il va rencontrer sur les lieux d'un sinistre, de ceux
à qui il va donner des instructions, comment pourra-t-il contrôler
les foules s'il s'adresse à des gens qui ne parlent pas français,
qui ne parlent qu'anglais? Même chose si le pompier est appelé
à aller secourir quelqu'un qui tente de se suicider. Il a fallu qu'on en
fasse la démonstration. La loi dit que l'employeur a le fardeau de la
preuve. Bizarrement, ce qui nous a aidés, ce fut le témoignage du
syndicat dans cette cause.
Mais dans une autre cause que nous avons eue avec l'office, dans le cas
des agents d'aide sociale, donc des gens qui ont des contacts réguliers
avec le public, on a appliqué, cette fois, la fameuse règle dont
il s'agit. L'employé francophone unilingue français engagé
ne pourra pas être transféré dans le bureau de Hingston
où la clientèle de langue anglaise est de 56,69%, dans le
quartier de Côte-des-Neiges où elle est de 51,2%, dans
Pointe-Saint-Charles où elle est de 32,62%, et dans Saint-Jacques
où elle est de 29,28%. Ce sont des secteurs où, advenant des
mutations d'employés, on voit notre marge de manoeuvre passablement
réduite. Ce n'est qu'à titre d'exemple.
M. Godin: Nous notons les difficultés d'application de
certains aspects. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Avant de vous donner la
parole, M. le député de Vachon, je voudrais faire remarquer aux
membres de la commission, sans vouloir vous enlever le droit de poser des
questions, que j'ai encore sept intervenants et que nous avons
déjà dépassé l'heure allouée.
M. le député de Vachon.
M. Payne: J'ai trouvé le mémoire constructif parce
que cela donne l'occasion de voir l'applicabilité de la loi. Le
mémoire est basé sur un certain nombre de postulats et de
vérités. À mon avis, il y a une vérité
très importante. Vous dites: "Cette loi, peut-être moins par son
contenu que par l'interprétation qu'on en a faite et l'impression
d'agressivité à l'égard des autres cultures qui en a
été ressentie, n'a pas dans l'ensemble contribué..." C'est
souvent par interprétation de la loi que les conséquences
néfastes sont les plus évidentes.
Par contre, vous affirmez au début, avec raison, le droit des
travailleurs de fonctionner dans la langue française; c'était
à la page 4. Plus tard, à la page 9, vous dites: "L'affirmation
du droit absolu d'un employé de travailler en français, dans
certains cas, peut finir par représenter pour la ville un accroissement
important des dépenses publiques." Je considère que dans un
projet de loi de ce genre-là il y a toujours des droits
généraux, mais pas de droits absolus tels quels.
La loi 101, selon ma compréhension, est pleine d'exception aux
règles. Que ce soit au chapitre de la langue d'enseignement, de
l'affichage pour les communautés culturelles, des séjours
temporaires pour les hommes ou les femmes d'affaires qui viennent de partout et
désirent envoyer leurs enfants à l'école anglaise. Le
problème, vous l'avez bien mentionné dans votre mémoire,
arrive lorsque les droits généraux sont en incompatibilité
ou en contradiction, in situ, avec les droits d'exception.
Je pense que la page 9 de votre mémoire en serait justement un
exemple, mais je suis déçu que vous n'entriez pas plus dans les
détails avec des propositions concrètes pour rendre la loi plus
compréhensible et plus applicable. Je m'explique. Lorsque vous dites:
"L'affirmation du droit absolu" j'ajoute mes réserves: pour moi, le
droit absolu n'existe pas dans ce monde et sûrement pas dans la loi 101
qui est pleine d'exceptions. Si c'était vrai, cependant, quel droit
pouvez-vous accorder au Québécois francophone qui veut travailler
dans sa langue? Quelle exception apporteriez-vous à cette règle
générale de la loi, d'abord?
Deuxièmement, j'aimerais souligner l'article 40 - si je me
souviens bien - qui donne déjà aux professions - qui ont bien
tenu à nous signaler, lors des discussions sur les lois 101 et 1,
l'importance pour elles de la conserver - leur autonomie en matière
d'exercice de leur profession. L'article 40 est très catégorique:
il laisse la possibilité d'avoir le permis restrictif. Il y en a qui
diront que c'est toujours restrictif, qu'il y a trop de restrictions dans la
loi 101. Mais dès que vous avez les droits généraux et,
par conséquent, par la suite, les exceptions, c'est bien sûr que
tout permis qui en découle est restrictif. Cette permission est
autorisée par la loi elle-même. De quelle manière
pouvez-vous amender cette permission restrictive pour la rendre plus compatible
avec votre affirmation de la page 9 lorsque vous parlez de l'affirmation du
droit absolu? (11 h 30)
Je répète ce que le ministre a dit tout à l'heure.
La loi 101 est très explicite en ce qui concerne la possibilité
pour quelqu'un de travailler dans une langue autre que le français. Si,
par exemple, la description de tâche de quelqu'un qui travaille à
la ville de Montréal l'exige, bien sûr l'employeur peut exiger
qu'il utilise une langue autre que le français. Mais les nuances que
vous avez
apportées par la suite nous éclairent un peu plus. Le
problème en est plutôt un de transfert entre services, si j'ai
bien compris. Mais le problème demeure: de quelle manière
pouvez-vous amender le projet de loi pour que, justement, vous puissiez
éviter ces dépenses publiques? Ici, on arrive aux points et aux
virgules parce qu'il faut être très explicite quand on
rédige un règlement. Est-ce que vous avez une suggestion?
M. Drapeau: Je crois que, si la loi était aussi claire
qu'elle le paraît à M. le député, la commission ne
siégerait pas. Cela m'a rassuré d'entendre que la loi est
très claire et qu'elle est bourrée d'exceptions. Je crois que
cela ne justifierait pas alors la commission; M. le ministre s'en serait tenu
à la loi et aux nombreuses exceptions dont elle est bourrée et il
n'aurait demandé l'aide de personne.
Je réitère que la loi n'est pas bourrée de tant
d'exceptions; elle est catégorique. Les exceptions peuvent venir surtout
des interprétations. Je réitère que la loi et les
règles ont été interprétées trop longtemps
d'une façon exclusive et restrictive et que l'impression et la
conviction qui en restent, cela ne se change pas simplement à regarder
la même loi ou le même texte. Le travail de la commission ou du
ministère, ce sera de trouver comment dire les mêmes choses de
façon à les préciser et non plus laisser
l'interprétation régler le cas. Il est sûrement possible de
préciser maintenant qu'à peu près tous les cas se sont
présentés et que tous les problèmes sont connus. Je
soumets bien respectueusement qu'il ne suffit pas de dire: Ah bien, ça,
déjà la loi le permet; déjà la règle le
permet. Si la conviction générale, c'est que cela ne le permet
pas, on ne réussira pas à convaincre les gens que la même
loi le permet après tant d'années d'application.
Je crois que - pour employer une expression consacrée - pour
enlever les irritants inutiles, il faudrait peut-être passer la loi dans
le tordeur et montrer que c'est presque du linge tout neuf qui est sur la
corde. C'est ma conviction profonde, parce que, psychologiquement, on ne pourra
pas changer l'impression et même la conviction que non seulement les
anglophones, mais que beaucoup de francophones ont. C'est pourquoi nous avons
vu à mettre dans le mémoire que cette affirmation, si elle
continue à se faire dans le sens qu'elle se fait, va desservir la
grandeur du fait français en Amérique. Quand on est obligé
d'avoir des militaires pour garder une place, c'est parce qu'elle est en
danger.
Je réitère ce qui est dans le mémoire: personne ne
pourra sérieusement croire que la langue française ou la culture
française est plus en danger en 1983 qu'elle l'est devenue à
partir de 1760. Pendant un siècle, il n'y a eu aucune communication avec
la France et on sait jusqu'à quel point on ne pouvait rien imprimer en
langue française à ce moment-là. Pendant 100 ans, cela
veut dire cinq générations au moins et puis on est encore ici, on
représente un peuple et on a un gouvernement. Alors, croire ou affirmer
qu'actuellement la langue française, la culture française, le
peuple francophone est plus en danger qu'il l'a été ou qu'il est
en danger par rapport à ce qu'il a déjà été,
je soumets respectueusement que non.
C'est pourquoi cette affirmation de travailler en français, cela
peut se faire et cela s'est fait à Montréal avant l'adoption de
la loi 101. Je vais donner un exemple. Pour la construction du métro, un
accord d'assistance technique a été conclu avec la RATP. À
partir de ce moment-là, tout a été préparé
en langue française, même les mesures qui étaient des
mesures centigrades avant que cela fasse l'objet d'une loi et avant qu'il en
soit question ici. Alors, tous les ouvriers se sont mis à employer des
mots français pour des instruments de travail, des mesures, des travaux,
des pièces de matériaux et l'habitude s'est prise. Ce fut la
même chose à l'occasion de la construction du parc olympique. J'ai
fait l'expérience sur place, demandant à certains
employés: Comment appeliez-vous cela avant? Combien de fois
l'employé se tournait vers un compagnon de travail et demandait: Eh
Jos., comment appelait-on cela avant? C'est par la pratique. Si on me demande
ce que j'ai à suggérer, c'est de favoriser le plus possible que
tous les instruments soient indiqués sur les plans pour que l'ouvrier
l'apprenne non pas dans un lexique où on dit: Ne dites pas, mais dites -
souvent, on retient le "ne dites pas" et on oublie l'autre - mais par la
pratique. La ville de Montréal a cru en cela. Il serait de beaucoup
préférable de stimuler la volonté par des moyens à
la portée de la main, une éducation de facto qui n'est pas dans
un livre.
Ma conviction - je ne sais si la formule sera parlementaire mais, je
l'espère - c'est que la religion, la langue et l'amour ne peuvent pas
être imposés principalement par une loi. Il faut d'abord la
volonté. Tant que nos ancêtres ont eu la volonté, ils ont
résisté et ils nous ont permis d'avoir un État chez nous.
Il n'y avait pas de loi qui précisait cela à ce moment-là.
C'est par la volonté qu'on l'a eu; c'est par la volonté qu'on
continuera de l'avoir en continuant de comprendre ceux qui vivent avec nous.
Qu'on le veuille ou non, on vit sur un continent où on représente
6 000 000 de parlant français contre 250 000 000 de parlant anglais ou
d'autres langues. Il faut tenir compte de cette réalité. Nos
ouvriers et nos travailleurs de bureau doivent avoir accès tous les
jours aux mots qu'ils emploient et non pas seulement recevoir Le bon
français au
bureau.
La qualité de la langue est un problème tel qu'à
Montréal on a créé un poste de commissaire à la
qualité de la langue française. On a un agent de liaison dans
chaque service qui travaille avec ce commissaire à la qualité de
la langue. Ce n'est pas pour se battre pour la langue contre une autre langue;
c'est pour la qualité. Les représentants de chaque service qui
travaillent avec le commissaire ressentent maintenant un goût
marqué. La contamination se fait dans le bon sens du mot et de plus en
plus nombreux sont ceux qui trouvent que c'est bien de bien parler le
français. Quand une langue doit être parlée, que ce soit le
français, l'anglais, l'allemand, l'italien, l'espagnol ou n'importe
quelle langue, elle mérite d'être bien parlée. Nous
croyons, là encore, que c'est en facilitant la qualité de la
langue qu'on va fortifier la volonté de la parler sans faire rire de
soi. Quand c'est plus facile de prendre l'expression anglaise parce qu'on ne
connaît pas l'expression française, cela fait mal au
français.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Vachon.
M. Payne: J'aurais seulement une question à poser.
J'aimerais revenir à la charge parce qu'à la page 7, lorsque vous
parlez des professionnels, c'est bien inscrit: "Les règles relatives
à la connaissance du français, imposées aux professionnels
non francophones recrutés à l'extérieur du Québec,
devraient être assouplies". Dans l'article 40 de la loi, c'est
très clair, on dit: "Dans les cas où l'intérêt
public le justifie, les ordres professionnels peuvent délivrer un permis
restrictif aux personnes déjà autorisées à exercer
leur profession en vertu des lois d'une autre province ou d'un autre pays."
Cela a été préparé après consultation et
discussion avec les corporations professionnelles.
Je reviens à ma question, elle est très simple: De quelle
manière pouvez-vous amender cette exception permise par la loi? Comment
pouvez-vous explicitement, mot pour mot, changer la réglementation ou la
loi de manière que cela puisse arriver en conformité avec ce que
vous voulez?
M. Drapeau: II faudrait peut-être faire ce que l'Office de
la langue française fait quand elle délivre le permis. Elle
interprète les mots "l'intérêt public le justifie".
M. Payne: Non, c'est la corporation qui le délivre. C'est
la corporation qui est effectivement responsable du permis.
M. Drapeau: Oui, mais celui qui le délivre, c'est
l'office, avec l'autorisation préalable.
M. Payne: Oui, mais cela vient de la profession.
M. Drapeau: S'il n'y a pas d'autorisation préalable, la
corporation ne le peut pas, l'ordre ne peut pas le délivrer. Alors,
celui qui a le dernier mot, c'est l'office. L'office doit constater que c'est
un cas où l'intérêt public le justifie. Il faudrait tendre
à justifier dans quel cas l'intérêt public le justifie afin
de ne pas laisser dans l'incertitude le professionnel qui viendrait ici. Voyant
que l'intérêt public va être justifié dans la mesure
où l'Office de la langue française dira que l'ordre professionnel
ne s'est pas trompé, de facto, il ne le fait pas, il ne vient pas. Il y
a des précisions à apporter. Là où c'est
laissé à des interprétations ou à des
appréciations par d'autres, que la loi et que les règles le
disent afin que, si on veut étudier un problème, on ait le texte
et qu'on l'interprète. Il est facile à interpréter; il dit
clairement les cas. Il n'y a pas un seul cas donné dans la loi,
même à titre d'exemple, où l'intérêt le
justifie. La loi devrait préciser cela. On va voir. Si elle ne le
précise pas, cela va être la même situation. À ce
moment, comme le sens de la loi, c'est de rendre cela plus difficile, on ne
peut pas blâmer le professionnel de croire que l'interprétation
est d'abord contre lui. Il a le devoir de faire la preuve.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de Vachon et M. le maire. Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je voudrais
remercier la ville de Montréal et particulièrement M. le maire de
son témoignage. Je pense que celui-ci a beaucoup de poids parce que,
comme le signalait le député d'Argenteuil tout à l'heure,
vous avez toujours été extrêmement conscient du visage
français de Montréal, de la vie française à
Montréal. Quand vous mentionnez, à la fin de votre
mémoire, que depuis 20 ans vous avez procédé à la
francisation de l'administration de la ville de Montréal sans heurt,
sans blesser qui que ce soit, je pense que c'est là peut-être la
meilleure démonstration qu'à bien des égards la
volonté politique des gens a plus d'effet, des fois, que des lois qui
ont des côtés très tatillons, comme c'est le cas pour
plusieurs aspects de la loi 101. C'est juste une petite remarque pour le
député de Vachon. Je serais inquiet à sa place de penser
que la loi 101 a tellement d'exceptions parce qu'une loi, si tel est le cas,
qui a tellement d'exceptions, on peut se poser des questions sur sa
qualité. Enfin, il semble que tout le monde ne concourt pas
nécessairement à son
appréciation dans ce sens.
J'aimerais demander au maire de Montréal quelles sont les
statistiques qu'il a sur la composition culturelle de Montréal à
l'heure actuelle?
Le Président (M. Gagnon): M. le maire.
M. Drapeau: Chez les employés ou dans la population?
Mme Lavoie-Roux: Dans la population, parce que votre plaidoyer
est dans le sens de répondre aux besoins de différents groupes
culturels dans la ville de Montréal.
M. Drapeau: Dans la population, il semble bien qu'actuellement le
chiffre le plus près de la vérité, c'est 66% de
francophones, 13% d'anglophones et 21% d'hallophones.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie. Vous avez parlé des
coûts qu'impliquait la double traduction, si je puis dire, de documents
touristiques, de dépliants touristiques ou même peut-être de
certaines directives administratives, etc. Est-ce que vous avez fait une
évaluation des coûts du fait que vous ne pouvez pas, dans bien des
occasions, les produire sur un même dépliant ou dans une
même brochure, mais que vous devez répondre à des demandes
venant d'un groupe ou de l'autre?
M. Drapeau: Non, il ne s'agissait pas de monter un dossier; donc,
nous n'avons pas de statistiques exactes sur les coûts. M. Drolet, qui,
tout en étant coordonnateur de l'application de la loi, est
chargé des travaux d'imprimerie qui sont exécutés à
l'atelier de la ville de Montréal, pourrait nous dire, par exemple, dans
quel cas le fait qu'une brochure ou qu'une circulaire ne peut pas être
bilingue peut représenter - et en quoi -des coûts additionnels.
(11 h 45)
M. Drolet (André): Voici, madame. Plus
spécifiquement pour des publications à caractère
promotionnel, par exemple d'ordre touristique, on utilise, évidemment,
des publications relativement complexes qui exigent souvent le
procédé quatre couleurs. Évidemment, dans ces
cas-là, on doit reprendre deux fois tous les travaux, et de composition,
et de montage, et de photolithographie, et d'impression, pour produire deux
documents. Il est évident que cela multiplie les coûts par deux.
Découlent aussi de cela des problèmes de distribution qui,
forcément, ne sont pas palpables en termes d'argent, mais qui exigent
une attention permanente de la part des employés de la ville qui sont,
par exemple, situés dans des kiosques touristiques et qui doivent
s'assurer de la disponibilité de l'une et de l'autre des versions comme
le demande la loi.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'en dehors des documents de promotion
touristique il y a beaucoup d'autres documents qui doivent être traduits,
par exemple à l'intérieur des maisons de la culture, touchant des
directives?
M. Drapeau: Si on me permet de répondre. Dans un cas qui
paraît anodin, simplement afin de prévenir de porte en porte
qu'à partir de tel jour les éboueurs passeront en avant
plutôt que dans la ruelle, l'information ne peut pas être bilingue.
Alors, il y a des francophones qui reçoivent l'avis en anglais et
d'autres qui le reçoivent en français. Qu'est-ce que cela peut
représenter? Ce sont des ennuis, des irritants qui n'aident pas au
service. Et parfois, comme M. Drolet l'a dit, il faut en faire plus, au cas
où on en aurait besoin de plus. Mais on ne sait pas toujours - enfin, le
service ne sait pas toujours - combien cela en prend, et ceux qui en font la
distribution ne savent pas toujours à qui les remettre en
français ou en anglais. Il y a une perte considérable.
Mme Lavoie-Roux: J'aimerais demander à Me Allard si vous
avez eu des contestations en fonction de l'article 46 de la loi.
M. Allard: Vous voulez dire en ce qui a trait à des
exigences de bilinguisme lors du recrutement?
Mme Lavoie-Roux: Où vous avez été
obligé de faire la preuve que vous aviez besoin d'un employé
bilingue.
M. Allard: Oui, nous avons eu, je crois, cinq causes devant
l'office. J'ai mentionné tout à l'heure celle des pompiers. Nous
en avons eu deux qui intéressaient des employés, des agents de
bien-être social; nous en avons eu une qui concernait une
bibliothécaire et une autre qui intéressait un
contremaître. Après avoir eu trois décisions successives
à l'occasion desquelles l'office a donné tort à la ville,
alors que, d'une fois à l'autre, l'office nous faisait sentir qu'il
avait déjà tranché la question, qu'il souhaitait que la
ville comprenne une fois pour toutes, évidemment, nous avons dû
adapter nos directives en matière de recrutement à cette
philosophie qu'avait l'office.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.
Le Président (M. Gagnon): Merci, madame. M. le
député de Fabre.
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le
Président. M. le maire, je voudrais vous remercier
également du contenu de votre mémoire. Je pense qu'il y a
beaucoup de matière, beaucoup à réfléchir.
Je voudrais faire porter ma réflexion sur un aspect que vous
développez à la page 3 de votre mémoire et qui me semble
pas mal important. Vous dites: "C'est moins par son contenu que par
l'interprétation qu'on en a faite et l'impression
d'agressivité...". Donc, je reviens un peu sur cet aspect que vous avez
développé tout à l'heure: ce n'est pas tellement le
contenu de la loi. Vous semblez dire, en tout cas si je me fie à ce qui
est écrit ici, que le contenu de la loi, on peut vivre avec. On peut
s'accommoder du contenu de la loi; c'est ce que vous dites ici.
Par ailleurs, il semble y avoir une certaine ambiguïté,
parce qu'un peu plus loin, quand vous faites des propositions, on a un peu
l'impression que vous réclamez un statut bilingue pour Montréal.
Entendons-nous sur le statut bilingue, c'est dans le sens où on accorde
un certain nombre d'exceptions à l'article 113f pour des
municipalités où il y a une majorité d'anglophones. Est-ce
juste? Est-ce qu'on peut dire que c'est ce que vous souhaiteriez?
M. Drapeau: Le paragraphe dit bien: "peut-être moins par
son contenu". On ne l'affirme pas. Sachant qu'on venait faire des
représentations ici, on s'attendait bien que dans certains cas on puisse
nous répondre: Cela ne dépend pas de la loi, ce n'est pas cela
dans la loi. On a dit: Peut-être moins par son contenu que par
l'interprétation de la loi. Nous ne disons pas qu'on peut vivre avec la
loi. On va continuer de vivre avec elle, si elle n'est pas changée, nous
y sommes obligés. Mais cela va continuer d'être au
détriment de Montréal. C'est pourquoi nous demandons d'apporter
des modifications. Si c'est à la loi, que ce soit à la loi; si
c'est aux règles, que ce soit aux règles. Mais nous serions
beaucoup plus à l'aise et cela épargnerait beaucoup de temps
d'application et des sommes d'argent si c'était mieux
précisé dans la loi. Je soumets qu'avec plusieurs années
d'expérience d'application le gouvernement peut recevoir une liste des
cas où il faut préciser pour éliminer le plus possible de
cas laissés à l'appréciation d'un autre.
C'est pourquoi, pour revenir au cas de l'emploi à la ville de
Montréal, nous demandons que celle-ci puisse revenir à la
souplesse qu'elle avait en décidant, elle, dans quel cas les citoyens de
Montréal seront mieux servis par un employé bilingue et dans quel
cas l'employé sera mieux servi plus tard. En effet s'il est unilingue,
la promotion suivante, il ne pourra peut-être pas l'obtenir parce qu'il
n'est pas bilingue. Là, il y a une promotion qui lui sera refusée
parce qu'il n'est pas bilingue, mais l'office reconnaîtra qu'il faut
être bilingue. Alors, si c'est laissé à la ville, celle-ci
n'a pas abusé dans le passé. Son service du personnel est mieux
placé que quiconque pour savoir comment rendre des services aux citoyens
dans l'une ou l'autre langue. Cela ne se règle pas par la proportion de
l'ensemble de la population.
Je crois avoir répondu à la question de M. le
député. Le "peut-être" est là pour prévenir
que, si certaines difficultés ne sont pas causées par la loi,
alors c'est causé par les interprétations.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le maire.
M. Leduc (Fabre): La deuxième partie de ma question
concerne l'affichage. On a l'impression que vous souhaiteriez un statut
bilingue pour la ville de Montréal, un statut qui est accordé
à certaines municipalités dans le cadre de l'article 113f,
municipalités qui comprennent une majorité anglophone.
M. Drapeau: Comme il est dit dans le mémoire, il y a des
secteurs de la ville où la population est beaucoup plus grande que celle
de certaines villes de banlieue où il y a du bilinguisme
autorisé. Nous demandons qu'on trouve une formule pour permettre au
moins ce qu'on peut avoir dans une ville de banlieue et qu'on ne peut pas avoir
dans la ville de Montréal. Nous ne sommes pas idiots à ce point
que nous allons mettre du bilinguisme partout, même quand ce n'est pas
utile. Si dans une paroisse ou dans un secteur il n'y a que des anglophones, on
mettra du français et de l'anglais. S'il n'y a que des francophones,
peut-être qu'il n'y aura pas d'anglais. S'il y a des Anglais qui sont
intéressés par ce qui se présente à la Maison de la
culture ou à la bibliothèque ou à l'installation sportive,
ce sera le rôle de la ville et les services dans le but de rendre service
aux citoyens leur feront savoir ce qui se passe dans leur langue, le
français ou l'anglais. On sait qu'à Montréal il y a ou
bien des Italiens ou bien des Grecs en majorité. Alors, ce ne devrait
pas être défendu d'aller jusqu'à trois langues dans
certains cas.
M. Leduc (Fabre:) D'accord. Si je comprends bien, vous
demanderiez que la ville soit libre, que cela ne soit pas
réglementé.
M. Drapeau: Je réponds oui, d'abord. Si, à
l'application, l'Office de la langue française a des raisons de se
plaindre au gouvernement, ce dernier pourra encore modifier la situation. Mais
je ne crois pas que la loi 101 et les règles de l'office aient
été rendues nécessaires à cause des abus
pratiqués par l'administration de Montréal en
matière linguistique, ni dans un sens ni dans l'autre. Si
à Montréal cela redevenait la liberté de l'administration
municipale de fournir les meilleurs services possible aux citoyens dans la
langue qu'ils comprennent le mieux ou qu'ils comprennent exclusivement, en
français ou en anglais et, dans certains cas, même dans une
troisième langue, nous pourrions vivre cette expérience et le
gouvernement aussi. Ce serait drôlement favorable dans l'ensemble des
villes et des pays où l'on cesserait de dire qu'à
Montréal, si on ne comprend pas le français, on est aussi bien de
ne pas y aller.
M. le ministre a cité des statistiques sur les touristes qui
viennent, mais il y a des touristes qui ne viennent pas à cause de cela.
On ne sait pas le nombre, mais on sait qu'il y a des gens qui pensent à
cela. Je lis des articles dans des magazines de tourismes; je pourrai vous en
envoyer des photocopies, M. le ministre, mais je ne vous apprendrai rien, vous
les avez tous.
M. Leduc (Fabre): Dans votre publicité qui s'adresse
à l'extérieur du Québec, parlez-vous de la loi 101 et
comment la présentez-vous?
M. Drapeau: Si je...
M. Leduc (Fabre): Dans votre publicité à
l'extérieur du Québec qui s'adresse aux anglophones?
M. Drapeau: On ne parle pas de la loi 101.
M. Leduc (Fabre): Vous n'en parlez pas. Comment
présentez-vous alors le visage français de Montréal
à l'extérieur?
M. Drapeau: D'abord, Montréal est de plus en plus connue
par les événements internationaux qui ont eu lieu à
Montréal, par les grands congrès internationaux qui ont lieu
à Montréal. Montréal est connue comme une ville
francophone beaucoup plus qu'elle ne l'était il y a 20 ou 25 ans. Toute
notre publicité qui est faite en français sert en français
là où elle sert. Nous répondons en français. Je
dois dire qu'il y a même des lettres que je reçois de
Français de France qui me sont écrites en anglais et je leur
réponds en français. C'est arrivé plus d'une fois.
M. Leduc (Fabre): Mais selon ce que vous me dites, lorsque les
gens de l'extérieur viennent au Québec - on pense,
évidemment, aux Américains, et aux Canadiens anglais -ils
s'attendent à trouver un visage français, une ville
française, donc à ce que l'affichage soit en français.
M. Drapeau: Les gens s'attendent à trouver une ville
francophone. De là à dire qu'ils s'attendent que l'affichage soit
en français exclusivement, je mentirais si je disais que c'est ce
à quoi ils s'attendent. Quand on va en France et qu'on visite certains
quartiers, on voit même de l'Arabe à la devanture de certains
magasins ou de restaurants et tout. Je ne crois pas que, nulle part, il y ait
des gens qui croient qu'à Montréal il n'y aura que du
français. Mais il y a les journalistes étrangers qui, reprenant
certaines erreurs, volontaires ou non, certaines exagérations,
volontaires ou non, partent de Montréal ou du Québec,
écrivent des articles qui tendent à répandre que si on ne
connaît pas le français, on a de la difficulté à
Montréal, alors qu'on n'en a pas de difficulté à
Montréal. Des congrès internationaux, il y en a eu à
l'occasion de l'inauguration du Palais des congrès, et j'ai
rencontré spécialement des organisateurs de congrès dont
certains n'étaient jamais venus. Ils étaient heureux de ce qu'ils
trouvaient. Cela défaisait l'impression qu'ils avaient à la
lecture de ce qu'ils lisent. C'est cela. Il s'agit de détruire cette
mauvaise impression.
M. Leduc (Fabre): Mauvaise impression qui est cultivée
souvent par les médias à l'extérieur du Québec.
Une voix: À l'intérieur aussi.
M. Leduc (Fabre): À l'intérieur également,
mais on parle maintenant pour le public extérieur au Québec. Il
me semble qu'il y a des points dans votre mémoire où vous -
excusez - allez assez loin. Par exemple, dans le cas de la signalisation
routière, vous dites que la ville fait largement usage de pictogrammes.
Les pictogrammes sont des symboles internationaux. Par contre, vous voudriez
qu'il y ait du bilinguisme dans les affiches. Vous dites: II en résulte
des tracasseries inutiles, des ennuis et même des dangers; par contre,
dans le cas des dangers, la ville est autorisée à afficher
'bilingue", selon l'article 22. Donc, il me semble que la loi est suffisamment
souple dans un cas comme celui de l'affichage, que vous mentionnez à la
page 8, qui s'adresse aux automobilistes sur les panneaux de stationnement ou
aux abords d'un chantier de construction. Pourtant, vous exigez encore
là le bilinguisme. (12 heures)
M. Drapeau: Donner des signaux par des pictogrammes, c'est
facile, mais c'est très court. S'il faut donner des explications, cela
ne se donne pas par des pictogrammes. Il y a des explications à donner
sur certains panneaux. Quand il s'agit d'un danger évident, on peut
obtenir la permission, mais tous les dangers ne sont pas évidents. Pour
prévenir un danger, s'il s'agit de dynamite, il
y a moyen de donner les explications, très bien! mais, dans
certains cas, pour prévenir un danger, cela prend des explications. Cela
ne se fait pas par des pictogrammes. Ce que la ville de Montréal faisait
avant, depuis longtemps, cela ne menaçait pas la culture
française. Nous demandons de revenir à la souplesse que la ville
de Montréal avait avant. Je crois que, des deux côtés de la
présidence, on reconnaîtra qu'à Montréal, c'est vrai
que, bien avant la loi 101, il s'est fait une refrancisation.
Je vais donner un cas précis qu'à peu près personne
ne connaît. Toutes les plaques de noms de rues à Montréal
ont été changées pour des plaques à la
française, en ce sens que, si c'était avenue Papineau, de l'autre
côté de la plaque, c'était Papineau Avenue. Tout cela a
été changé et je dois dire que nous l'avons fait avec la
coopération de Montréalais anglophones qui le favorisaient. Vous
n'avez pas lu un article qui se plaignait que la ville de Montréal
était en train... Cela a pris quelque temps parce qu'il a fallu attendre
graduellement les nouvelles plaques et les plaques qu'il fallait remplacer.
Elles étaient volées ou abîmées. Je crois que c'est
terminé à l'échelle de la ville. Il n'y a personne qui
s'est plaint.
Il y a 1000 façons de franciser une ville sans sonner les
trompettes pour réveiller tout le monde. Alors, nous demandons la
même souplesse que celle que nous avions pour continuer à faire de
Montréal ce que tous les Montréalais, même anglophones,
acceptent. Pour le Canada tout entier, c'est une contribution que
Montréal soit non seulement une métropole de l'Amérique
française, mais une métropole internationale francophone. On ne
peut pas être vraiment une métropole internationale si on refuse
d'admettre qu'il peut y avoir une autre langue qui s'exprime aussi,
visuellement ou d'une façon sonore, parce qu'il y a une population qui
le justifie.
M. Leduc (Fabre): M. le maire, on reste quand même avec
cette impression que vous voulez que Montréal ne soit pas soumise
à la loi 101. Vous parlez tout le temps de souplesse, mais, dans vos
explications, on a nettement l'impression que vous dites que Montréal
n'a pas besoin de tel article ou de tel règlement. Cette souplesse que
vous réclamez revient à dire: Laissez-nous prendre nos
décisions. On est assez grands pour les prendre. On n'a pas besoin de la
loi 101. Est-ce que je me trompe?
M. Drapeau: C'est presque cela.
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le maire.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de Fabre.
Avant de donner la parole au député de
Mont-Royal, j'aimerais dire que je reconnaîtrai par la suite les
députés de Deux-Montagnes, d'Outremont, de Chauveau et de
Nelligan. Cela vous donne un peu l'ordre de grandeur. On va passer la
matinée avec nos invités actuels.
M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M. le maire, dans
votre mémoire, vous parlez des investissements et de la situation
économique à Montréal. Plus spécifiquement, vous
parlez de la connaissance du français imposée aux professionnels
non francophones recrutés à l'extérieur du Québec
qui devrait être assouplie. L'Association des directeurs de centres de
recherche industrielle du Québec avait préparé un
mémoire pour le gouvernement. En 1977, il y avait 1188 professionnels
dans cette association dont 35% venaient du Québec, 20% du reste du
Canada et 45% des États-Unis. D'après les discussions que vous
avez peut-être eues avec des dirigeants d'entreprises, est-ce que la loi
101 telle qu'elle est présentement rédigée et
appliquée cause des problèmes pour ce secteur de
l'économie? Parce que c'est un secteur de l'économie qui comporte
non seulement les emplois créés par les chercheurs, mais cela a
des implications, des retombées économiques dans d'autres
secteurs. C'est un effet multipliant.
Est-ce que vous avez parlé à des gens du milieu pour voir
l'effet de la loi 101 sur ce secteur très sensible? Est-ce que c'est
plus difficile de faire venir les gens de tout le monde, d'autres pays? Est-ce
que cela décourage les investissements? Est-ce qu'il y a eu des
départs de certaines entreprises dans ce secteur, dans ce domaine? Si la
loi n'est pas amendée, d'après les discussions, d'après
votre perception, quelles en seraient les conséquences pour l'avenir de
Montréal et du Québec?
M. Drapeau: Je ne voudrais pas répondre par du
ouï-dire. Mais à la question très précise: Est-ce
qu'il y a eu des départs à cause de cela? je pourrais dire que
tous les départs ne sont pas à cause de cela, n'ont pas la
même cause. Je pense que c'est un peu comme... Les décisions
à prendre dans les compagnies à ce moment étaient
peut-être comparables à des fruits qui mûrissent et, pendant
cette période, il faut éviter qu'il y ait des coups de vent parce
que le fruit tombe avant d'être mûr. Alors, je crois qu'il y a des
décisions de quitter le Québec et de quitter Montréal,
notamment, qui ont été prises plus rapidement en invoquant la loi
101 et en craignant tous les effets de la tempête qui
s'annonçait.
J'ai pu constater qu'il y a des gens qui, dès qu'il commence
à venter, ferment les fenêtres parce qu'ils se disent: On va avoir
de la pluie. C'est peut-être du ouï-dire,
mais, d'après des conversations, des confidences de gens, de
sociétés qui commençaient à envisager la
possibilité d'aller ailleurs et dont la décision a
été hâtée à cause de l'idée qu'ils se
faisaient, étant donné les difficultés qu'ils avaient et
qui les induisaient à envisager de partir, en ajoutant les nouvelles
difficultés linguistiques, cela leur arrachait la décision.
Je ne peux donner de statistiques parce que je ne suis pas
documenté pour ces statistiques et il est difficile d'en avoir
exactement le nombre. Mais je dois bien dire que - oui, j'en ai entendu des
confidences -cela ne les avait pas rassurés, à savoir qu'ils
pouvaient envisager l'avenir avec assurance puisque la récession... Il y
a peut-être eu un mauvais concours de circonstances. La loi 101 aurait
été adoptée à un moment où on aurait
été au départ d'une montée en affaires, elle
n'aurait peut-être pas eu les mêmes conséquences. Que cela a
eu l'effet d'un coup de vent qui a fait tomber les fruits avant d'être
mûrs, là-dessus, je suis obligé de répondre oui.
M. Ciaccia: M. le maire, votre opinion semble être
confirmée par le mémoire que l'Association des directeurs de
centres de recherche industrielle du Québec a envoyé au ministre
Laurin, le 30 juin 1979, sur le thème: Pour une politique
québécoise de la recherche scientifique et de la consultation.
Ces gens ont porté à l'attention du gouvernement un peu les
mêmes craintes et les mêmes réticences sur certains aspects
que vous venez de souligner quant aux professionnels non francophones qui
viennent d'en dehors du Québec.
Dans un autre ordre d'idées, le ministre a semblé parler
d'une métropole, dire que Montréal était la
métropole de l'Amérique française. Si je vous comprends
bien, le rôle que vous voyez pour Montréal va au-delà
d'être seulement la métropole de l'Amérique
française, parce que Montréal étant la ville la plus
populeuse en Amérique du Nord pour ce qui est des francophones, je pense
qu'elle pourrait rester la métropole de l'Amérique
française. Même si on perdait d'autres activités
économiques, elle resterait toujours la métropole de
l'Amérique française. Ce ne serait pas la Nouvelle-Orléans
qui deviendrait la métropole de l'Amérique française. On
pourrait perdre une autre portion de 200 000 personnes à Montréal
et on resterait la métropole de l'Amérique française.
Maintenant, le rôle que vous voyez pour Montréal. Je pense
que c'est un rôle assez noble - si on peut dire - assez important non
seulement pour les Montréalais, mais pour tout le Québec, car les
taxes et les investissements qui arrivent à Montréal servent
à défrayer d'autres dépenses du gouvernement du
Québec dans tout le Québec. Est-ce que la loi 101, telle qu'elle
est présentement rédigée et appliquée, va
compromettre le rôle international francophone de Montréal?
M. Drapeau: Tant qu'il y aura chez les Montréalais la
volonté d'être francophones, Montréal restera francophone.
Je ne peux pas dire que cela va empêcher Montréal de s'affirmer au
plan international comme ville francophone. Peut-être que, dans 50 ou 100
ans, on ne sait pas ce qui va arriver avec l'immigration... Est-ce que la
proportion des Canadiens français restera ce qu'elle est? Je ne le sais
pas. Dans le moment, cela ne peut pas empêcher Montréal
d'être une métropole internationale, au moment où on se
parle. S'il devait y avoir une conviction à l'étranger
qu'à Montréal on est en perpétuel conflit linguistique,
cela ne pourrait pas aider.
M. Ciaccia: Alors, ce danger existe maintenant. Je présume
que c'est une des raisons pour lesquelles vous faites vos recommandations
aujourd'hui: que Montréal puisse conserver sa vocation internationale et
son rôle de métropole du Québec et du Canada, qu'elle ne
joue pas un rôle limité. Merci.
M. Drapeau: Montréal a un rôle à jouer comme
métropole internationale. Elle va continuer de le jouer dans la mesure
où on cessera d'associer au mot "Montréal" le mot "chicane". La
chicane, le désordre ne peuvent pas favoriser le développement
sous n'importe quelle forme.
M. Ciaccia: Est-ce qu'il faut plus que seulement éviter
des chicanes? Est-ce qu'il faut aussi faire certains changements dans
l'application de la loi 101 pour que Montréal maintienne cette
vocation?
M. Drapeau: C'est cela que je dis quand j'utilise le mot
"chicane". C'est l'impression que cela donne: que la loi 101 est la cause
d'oppositions constantes au plan linguistique. Si on précise les choses
et que cela cesse d'être l'impression projetée à
l'étranger, cela servira à Montréal.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Je pense que
nous avons tous beaucoup de plaisir à écouter M. Jean Drapeau,
qui est un "debater" redoutable et qui nous présente un mémoire
fondé sur une très vigoureuse logique, logique fondée sur
un postulat qui a déjà été relevé par des
intervenants précédents et qu'on retrouve à la page 4 du
mémoire. Ce postulat est: "Personne non plus ne pense
sérieusement que la culture française soit réellement
en
danger au Québec." Si c'est là le postulat à partir
duquel on examine la loi 101, on doit effectivement non seulement proposer
plusieurs modifications à cette loi, mais demander quasiment d'en
être dispensé. M. le maire, si j'ai bien compris, ce que vous
demandez quasiment, c'est d'être dispensé de l'application de la
loi.
Il se trouve, M. le maire, que je pense que votre postulat est
insuffisant. Il ne suffit pas de savoir si la langue et la culture
françaises sont en danger au Québec - je ne suis pas absolument
sûr qu'elles ne le soient pas - mais il faudrait aussi savoir si elles
sont victimes de brimades. Votre mémoire n'y fait guère allusion.
Nous avons pu constater, par exemple - non pas pour ce qui est de la langue de
l'administration qui est votre principale préoccupation, mais pour ce
qui est de la langue du travail - par les mémoires que nous avons
entendus à cette commission - en particulier dans le cas du syndicat des
travailleurs de Pratt et Whitney - qu'il y a des cas - ce n'est pas le seul cas
- où le français est victime de brimades. Il n'y a pas d'autres
mots qui correspondent à la situation. Quand, M. le maire, vous parlez
de conflits linguistiques, de chicanes, de désordres, je me demande qui
est à l'origine, qui est responsable, qui est coupable de ces conflits,
de ces chicanes et de ces désordres. Je ne pense qu'on doive dire, qu'on
doive conclure que c'est la majorité francophone ou les lois qu'elle a
souhaité faire adopter par l'Assemblée nationale qui soient les
seules responsables de cet état de choses. Il y a d'autres gens qui sont
aussi responsables des conflits, des chicanes et des désordres et la loi
est là pour chercher à faire en sorte que le français ne
soit plus victime de ces brimades qui, elles aussi, sont cause de conflits, de
chicanes et de désordres. C'est la base, c'est le postulat de base; je
ne sais pas s'il est très utile de reprendre tout le débat
à partir de cela.
(12 h 15)
Je voudrais plus particulièrement vous demander, vous qui nous
dites que, dès le début, vous avez contribué
vous-même - je reconnais que cela est vrai - à un très fort
mouvement de francisation de la ville de Montréal, sans attendre la loi
22, ni la loi 101, dont vous dites que vous n'avez guère eu besoin, je
voudrais vous demander si vous ne reconnaîtriez pas, quand même,
sans renoncer à votre thèse, que la loi 101 vous a donné
un sérieux coup de main, peut-être, en particulier, sous l'aspect
de la langue de l'affichage; un sérieux coup de main pour ce qui est du
visage français de Montréal. Je crois qu'on pourrait
reconnaître que la loi 101 a contribué puissamment à rendre
plus français le visage de Montréal, sans pour autant
prétendre que les aspects de la loi relatifs à l'affichage sont
infrangibles et ne doivent, en aucune façon, être modifiés.
Ce n'est pas cela; il faut modifier cela aussi. Mais, pour l'essentiel, est-ce
que la loi, à cet égard-là, ne vous a pas donné un
sérieux coup de main?
M. Drapeau: Elle a donné un coup de main dans un sens et
elle a nui dans l'autre sens. Cela a été plus difficile dans un
sens et plus facile dans l'autre. On ne peut pas dire... Nous avons dit que la
loi 101 ne doit pas être condamnée pour tous les maux qui existent
au pays, dans le Québec ou à Montréal. Cela serait
vraiment simplifier plus que le bon sens ne le permet. Il y avait un courant de
commencé qui se faisait sans tambour ni trompette et auquel les
anglophones participaient, quelques-uns en toute connaissance de cause et
d'autres en l'acceptant. Maintenant, on peut dire que, par la loi 101, il y en
a - et j'en connais, des amis, des gens que je connais - qui sont anglophones,
qui étaient extrêmement sympathiques à tout ce qui pouvait
être francophone et qui, aujourd'hui, affichent leurs couleurs un peu
plus en anglais. Ils ont le droit de le faire, mais avant ils allaient au
delà de ce qu'ils avaient le droit de faire ou l'obligation de faire;
ils étaient spontanément sympathiques et réceptifs. Je
constate chez des amis qu'ils le sont moins parce qu'ils n'aiment pas
l'atmosphère. La loi a pu aider et elle a pu nuire aussi. Quand le
saurons-nous? Je ne le sais pas; c'est une question psychologique qui joue un
rôle extrêmement important. Je ne peux pas dire autrement, c'est
comme cela que je le vis.
M. de Bellefeuille: Merci, M. le maire.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député. M. le député d'Outremont.
M. Fortier: M. le maire, je crois que votre mémoire vient
à point, non seulement parce que vous avez fait la promotion du fait
français à Montréal et au Québec - vous voulez que
Montréal soit et demeure la métropole internationale - mais
également parce que vous vous préoccupez beaucoup de
développement économique.
Nous avons tous noté votre présence assidue aux
assemblées annuelles de la Chambre de commerce de Montréal, en
particulier, et au moment où on se pose des questions au Québec
et que le gouvernement se pose des questions sur ce qu'on devrait faire
collectivement pour créer de l'emploi et assurer le développement
économique, je crois que votre présence ici peut nous porter
à trouver quelques solutions.
À ce sujet, vous venez de le dire -votre mémoire est
très clair là-dessus - vous n'imputez pas uniquement à la
loi 101 - loin de là - tous les maux qui ont affligé le
Québec sur le plan économique, mais vous dites quand même,
à la page 2, que cela n'a
pas aidé: "Cela n'a pas contribué à attirer les
investissements ou les professionnels de l'extérieur." Sans parler des
départs, mais ce n'est pas là qu'est mon point, c'est
plutôt le développement économique, l'attirance de nouveaux
investissements. Vous parlez dans votre mémoire du tourisme, qui est une
industrie qui peut favoriser l'emploi; certains emplois à temps plein,
mais beaucoup d'emplois à temps partiel. Dans le passé, nous
avons parlé de sièges sociaux, mon collègue de Mont-Royal
parlait des centres de recherche, mais on sait que, pour la masse de la
population, ce qui est plus important, c'est le secteur de la fabrication et le
secteur industriel. Justement, hier, dans le Devoir, il y avait une analyse
d'un de nos collègues de la recherche, Ghislain Fortin, qui disait:
"Montréal se relève mal de la récession." On parlait de la
chute dramatique de l'emploi dans le domaine de la fabrication.
Alors, le développement économique se traduit en termes
d'emplois pour des gens qui sont en chômage et, sans imputer tout le
blâme - loin de là et ce n'est pas non plus ma suggestion -
à la loi 101, est-ce que quand même, dans le domaine des
investissements, dans le domaine de la fabrication, qui est un domaine un peu
ignoré parce que le tourisme, les sièges sociaux ou la recherche
et le développement, c'est toujours plus glorieux d'en parler. Mais,
dans le domaine de la fabrication, qui apporte des emplois à l'ouvrier
moyen, est-ce que, pour Montréal, cet aspect de la langue a eu un effet
et, au moment où le gouvernement cherche des moyens pour favoriser
l'emploi, ne croyez-vous pas que cet aspect devrait être pris en
considération d'une façon sérieuse? Même sans dire
qu'elle a eu tout l'impact, est-ce qu'elle a eu un certain impact et est-ce
qu'on devrait prendre en considération la question de l'emploi lorsqu'on
pense à apporter des amendements ou des modifications à la loi
101?
M. Drapeau: Je dirais que, dans tous les domaines, la loi 101 a
agi d'une façon un peu sournoise. Elle a eu des effets un peu comme
quand on répand de l'eau quelque part et que l'eau cherche des voies
pour pénétrer. Alors, le climat général de
difficultés économiques favorisait les explications faciles. La
loi 101, dans certains cas, a été une explication facile; l'eau
s'était rendue jusque-là. Dans d'autres cas, cela n'a pas
fonctionné. Encore une fois, à cause des circonstances
économiques difficiles, tout était nuisible, quand cela n'aidait
pas. Et c'est pourquoi nous avons dit d'une façon assez claire: II est
certain que cela n'a pas aidé, au moment où on avait besoin de
toute l'aide possible. Si, à la souque à la corde, deux
équipes d'égale force tirent sur le câble et qu'il y en a
un qui, au lieu de tirer avec son équipe, tire dans l'autre sens, cela
compte, si les deux sont absolument de même force. Dans le moment, la loi
101 n'a pas pu aider. Cela a compliqué, je crois, le travail du
gouvernement qui voulait, aussi bien que l'Opposition et tout le Parlement,
faciliter le plus possible la vie économique. Cela ne la facilitait
pas.
M. Fortier: Mais, si je comprends bien l'ensemble de votre
mémoire où vous suggérez certains amendements quant
à l'administration de la loi pour la ville de Montréal comme
telle - vous venez de dire que des amendements pourraient faciliter les choses
dans l'avenir et vous avez parlé d'un déblocage psychologique, je
pense bien - si j'interprète bien vos paroles, vous dites qu'une
modification bien faite de la loi pourrait non seulement faciliter
l'administration de la loi chez vous en tant qu'administrateur de la loi - vous
parlez des employés de la ville - mais, sur le plan économique,
cela aurait un facteur déterminant pour passer un message à ceux
du Québec et à ceux de l'extérieur du Canada qui, à
tort ou à raison, ont une mauvaise perception de Montréal. Dans
ce sens, ce que vous dites, c'est que ce déblocage psychologique serait
un facteur important pour favoriser l'emploi à l'avenir.
M. Drapeau: Certainement, parce que, encore une fois, dans
certains milieux, on a tellement utilisé la loi 101, souvent à
tort, que, si c'est corrigé, ils ne pourront plus l'utiliser. S'ils ne
peuvent l'utiliser, cela ne pourra pas faire mal. C'est cela.
M. Fortier: Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député. M. le député de Chauveau.
M. Brouillet: Merci, M. le Président. Je commencerais mon
intervention par la dernière phrase que vous venez de prononcer. Si
j'interprète bien l'ensemble de votre exposé et la réponse
aux questions, je crois que ce qui est important, c'est qu'il y ait des
corrections, beaucoup moins que la nature des corrections. Vous
établissez votre thèse pour justifier des modifications sur le
fait qu'il y a un blocage psychologique qui est le résultat d'une
perception de la loi, laquelle perception a été engendrée
par de la publicité qui n'était pas toujours fidèle
à ce qu'était la loi. Il me semble important de bien saisir le
sens de votre intervention parce que nous, nous devrons nous prononcer non pas
exclusivement sur des perceptions, mais sur le contenu de la loi. Et il ne
faudrait pas tenir pour acquis que, entre la perception qui engendre des
inconvénients de
toutes sortes... On a parlé de barrières psychologiques.
Sur le plan social, on a parlé de fuites des investissements. Ce sont
des effets. Ce qui est important pour nous, c'est de bien prendre conscience
que ces effets sont peut-être beaucoup plus les effets de la perception
de la loi que ceux de la loi comme telle. Et nous, comme législateurs,
nous aurons à nous prononcer sur le contenu de la loi, quitte ensuite
à nous dire que nous avons aussi une tâche psychologique. Nous
devrons nous organiser, dans l'avenir, pour que la loi, telle qu'elle est
rédigée, puisse être bien perçue exactement telle
qu'elle est dans son contenu. Parce que, si l'on ne fait pas ces distinctions
entre la loi et la perception qui engendre des inconvénients -perception
qui n'est pas fidèle à ce qu'est la loi - on peut partir en peur
et dire qu'il faut changer beaucoup de choses là-dedans, et allons-y! en
croyant que c'est le contenu de la loi qui est responsable des effets que vous
avez mentionnés.
Il faudrait peut-être me dire si mon interprétation de ce
que vous avez énoncé plus tôt est assez fidèle.
Avant de vous céder la parole, je reviendrai sur certains points.
Vous avez dit que certaines personnes croyaient qu'on ne pouvait pas vivre
à Montréal si l'on ne connaissait que la langue française
et, en réalité, c'est faux. Les gens sont venus et ont dit: Bien
au contraire, même si l'on ne connaît pas la langue
française, on peut très bien se débrouiller. C'est donc
une confirmation que c'est la perception qui est très souvent la cause
de barrières psychologiques et de fuites d'investissements. Ceci dit, je
reviendrai aussi sur un autre point.
Je sais bien que certains membres autour de cette table auraient bien
aimé vous faire dire que la loi était la cause des fuites
d'investissements et tout ça. Vous avez très bien nuancé
à chaque fois que la question vous était posée en disant:
Écoutez, il y a une conjoncture économique difficile et il y a
beaucoup de ces gens qui étaient sur le point de partir. Cela, vous
l'avez bien énoncé plusieurs fois: Ils étaient sur le
point de partir. Et, finalement, cela fut peut-être la goutte qui a fait
déborder le vase et ils ont allégué, à ce
moment-là, que la loi, c'était tout. On partait à cause de
la loi. En réalité, cela a été une belle occasion
pour eux de se faire excuser du départ, si vous voulez. Quand on oeuvre
dans un milieu depuis des générations, quand on vit avec les
travailleurs du milieu, c'est toujours gênant de s'en aller. Quand on est
en présence d'un homme politique - vous avez dit avoir eu beaucoup de
confidences tantôt - on n'aime pas à lui dire qu'on quitte, qu'on
va s'établir ailleurs, dans une autre province. C'est gênant;
alors, il faut s'excuser; c'est normal, je pense. Il faut excuser le
départ et la loi 101 a été pour beaucoup l'excuse du
départ et non pas la raison du départ, à mon sens.
Maintenant, dans la poursuite de cette logique, est-ce qu'on peut
légiférer en fonction d'une conjoncture économique? Je
suis prêt à admettre que cela a pu être la goutte qui fait
déborder le vase, étant donné qu'il y avait tellement de
difficultés, d'autres facteurs dans certains secteurs de
l'économie. La loi 101 était un petit tiraillement de plus. Cela
a peut-être été l'excuse ou la goutte, le prétexte
pour se faire excuser du départ. Mais est-ce qu'on peut vraiment se
servir de cela pour dire: On va légiférer en fonction d'une
conjoncture économique? Quand on légifère, on
légifère pour plus que deux ou trois ans de crise
économique. C'est la question que je me pose et j'aimerais avoir votre
opinion. (12 h 30)
Deuxièmement, est-ce qu'on peut légiférer en
fonction d'hommes politiques qui ont bien fait leur devoir jusqu'à ce
jour sur le plan de la protection du français? Vous demandez quasiment
l'exclusion pour la ville de Montréal. C'est vrai, je reconnais avec
tout le monde les efforts considérables qui ont été faits
et, si tous les hommes politiques, toutes les administrations, toutes les
compagnies et les corporations avaient fait ce que la ville de Montréal
a pu faire sous votre administration, on n'aurait pas eu besoin de la loi.
On ne peut pas inversement dire: Parce que le maire de Montréal a
fait son devoir, on ne doit pas légiférer. Cela impliquerait que
tous les autres le font. L'histoire nous prouve que tous les hommes politiques
n'ont pas fait leur devoir, que toutes les compagnies, toutes les
administrations n'ont pas fait leur devoir, et encore aujourd'hui, on a
signalé des cas tantôt.
Nous sommes devant le fait de devoir légiférer ou modifier
une législation, mais pour l'ensemble. Il faut tenir compte de la
situation globale. Je verrais mal qu'on puisse faire un cas d'exception
simplement pour une ville parce que l'administration, qui est toujours
temporaire... Cela se prolonge dans votre cas et nous en sommes très
heureux.
Je crois qu'il faut légiférer non pas en tenant compte du
mouvement des hommes qui sont en place momentanément, mais en tenant
compte de l'ensemble d'une situation pour une plus grande
pérennité, je pense bien, des institutions et des hommes qui sont
en place pour un temps donné. Ce sont mes observations.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le maire.
M. Drapeau: Je vais prendre trois points: la perception de la
loi. Je n'ai pas dit qu'il n'y avait que la perception de la loi. J'ai dit: II
y a la perception de la loi, mais il y a la loi elle-même qui n'aurait
pas
été l'objet d'une telle perception s'il n'y avait pas eu
dedans des éléments à caractère agressif. Il faut
bien dire que, quand on regarde dans la loi, il n'y a pas que de l'affirmation
positive, il y a de l'exclusion. Or, sur le continent nord-américain,
nos voisins au sud du 45e n'aimeraient pas beaucoup l'idée et, quand ils
lisent ce qui s'écrit ici, ils comprennent difficilement qu'il puisse y
avoir une idée d'exclusion.
Il y a l'affirmation du français et l'exclusion de l'anglais. Il
y a deux perceptions dans la loi. Que la perception de l'exclusion se soit
répandue plus vite que celle de l'affirmation du français, c'est
indéniable, mais il y a cette perception d'exclusion de l'anglais. Cela
aussi est indéniable.
Je dis qu'il faudrait que cela soit corrigé parce que, si c'est
une perception -et j'en viens à répondre à votre question
-au point de vue de la loi, il faudrait la corriger pour qu'elle ne soit plus
perceptible comme cela, enlever cette image qu'elle projette que l'anglais est
exclu.
Je crois qu'il y a possibilité d'affirmer la protection et la
promotion du français en association. On parle, fort heureusement, les
deux langues qui permettent de voyager dans le monde entier et de ne jamais
avoir à coucher dehors ou à se coucher sans souper. Dans certains
pays, c'est différent. Ils parlent une langue tellement exclusive qu'en
dehors de leur pays, ils ne sont pas compris. Nous avons l'avantage, même
dans le Québec, de pratiquer, même si on ne l'a pas appris
à l'école, et de finir par apprendre deux langues qui sont
infiniment utiles et qui sont parmi les langues les plus parlées dans le
monde.
Ce n'est pas seulement nos concitoyens anglophones de chez nous qu'on
atteint par cette perception d'exclusion de l'anglais. Tous ceux qui, dans le
monde entier, parlent anglais ne peuvent pas accepter l'idée que
l'anglais sera exclu d'un pays par un gouvernement. Cela ne s'accepte pas et
c'est ce qui crée finalement ce climat que l'anglophonie n'est pas
bienvenue au Québec. Cela peut être exagéré, mais,
quand la psychologie et le sentiment entrent dans une réaction, on ne
sait pas jusqu'où cela ira; mais c'est une réalité.
Que nos concitoyens anglophones de Montréal - je me limiterai
à Montréal -aient sur place cette image qui n'est pas totalement
fausse... On ne peut pas dire que c'est totalement faux, ce n'est pas
totalement faux. Cette réaction ou cette perception qu'ils ont n'est pas
entièrement fausse. Tout à l'heure, j'ai dit que ce n'est pas
seulement la loi 101, mais ce n'est pas non plus seulement la
dépression, la récession économique. Quand il y a
plusieurs éléments défavorables qui s'unissent, cela rend
la tâche plus difficile et notre vie économique s'en ressent.
Deuxièmement, c'est vrai qu'il y avait des compagnies qui
étaient sur le point de partir. J'ai dit qu'elles étudiaient la
question non pas de partir pour partir, mais, voyant précisément
cette difficulté économique qui s'en venait, elles essayaient de
trouver comment réduire leurs coûts de fonctionnement et où
aller pour que cela coûte moins cher. C'est là que le vent s'est
levé et elles ont cessé de fouiller pour trouver d'autres
solutions. Elles ont dit: Si, en plus, nous avons des frais pour nous adapter
à cette nouvelle loi, ce n'est pas le temps d'ajouter des frais; nous
cherchons une formule pour les réduire.
J'écris tellement mal que je n'ai pas retrouvé ma
troisième note.
M. Brouillet: L'exception pour la ville de Montréal.
M. Drapeau: Pardon?
M. Brouillet: II reste un point, l'exception pour la ville de
Montréal.
M. Drapeau: Oui, l'exclusion de Montréal. J'ai
répondu tout à l'heure que c'est presque cela et je serais
prêt à négocier...
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Drapeau: ...pour que, dans la loi, il y ait un chapitre qui
prévoit les cas de Montréal et, dans les cas de frontière,
qu'on laisse décider Montréal. Puisque la loi serait l'objet de
plus de précisions, qu'on fasse un chapitre pour Montréal, parce
que, si Québec n'est pas une province comme les autres, Montréal
n'est pas une ville comme les autres à l'intérieur du
Québec. Il faut tenir compte de cette réalité. Il y a
suffisamment de cas connus et de problèmes qui ont été
étudiés jusqu'à présent pour prévoir un
chapitre qui s'applique dans toutes les villes du Québec qui comptent
plus de 1 000 000 d'habitants!
Des voix: Ah! Ah! Ah!
Le Président (M. Gagnon): Merci.
Mme Bacon: M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Chomedey.
Mme Bacon: Je sais que le député de Nelligan a des
questions à poser, mais, si vous me le permettez, parce que ma question
fait tellement suite aux interventions du député de Chauveau,
même s'il a parlé de la présence momentanée de 25
ans de M. le maire, j'aimerais quand même poser
ma question si mes collègues y consentent.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée, je
vais vous le permettre sûrement, mais j'en profite pour demander que les
questions soient les plus brèves possible...
Mme Bacon: Ce sera très bref.
Le Président (M. Gagnon): ...de même que les
réponses, parce qu'on a réellement dépassé le temps
alloué. Mme la députée de Chomedey.
Mme Bacon: M. le Président, ma question ne sera pas
précédée de remarques. Je voulais justement mentionner la
présence momentanée de 25 ans de M. le maire, comme disait M. le
député de Chauveau. Est-ce que vous iriez aussi loin, M. le
maire, que de préconiser la création d'un office
montréalais qui serait sous la responsabilité de la ville de
Montréal et où siégerait, par exemple, un
représentant du gouvernement qui aurait cette délégation
des pouvoirs que le gouvernement donnerait à la ville de
Montréal...
Une voix: Semblable à celle de l'office.
Mme Bacon: ...semblable à celle de l'Office de la langue
française?
M. Drapeau: C'est une formule que je n'exclus pas. Si c'est celle
qui semble la meilleure, je ne l'exclus pas.
Mme Bacon: Vous êtes prêt à la
négocier. Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci, Mme la
députée. M. le député de Nelligan.
M. Lincoln: M. le Président, tout d'abord, je vais
profiter de mon droit de parole pour apporter une correction à ce que
j'ai dit jeudi, lors de la présentation du mémoire de la Chambre
de commerce de la province de Québec, au sujet des écoles
japonaises. Je dois faire amende honorable à l'honorable ministre. Il
avait dit qu'on avait le droit, effectivement, à Montréal,
d'avoir des écoles durant le week-end, des écoles du dimanche. En
fait, il a raison parce que j'ai relu le mémoire des investisseurs
japonais et ils disent: II n'existe aucun système scolaire japonais
à temps plein au Canada, mais des écoles dispensant un
enseignement complémentaire à Toronto, à Montréal,
à Saskatoon, etc. Donc, il avait raison. Je fais amende honorable.
Cependant, ce que la Chambre de commerce de la province de Québec a dit
est bien vrai. Ce dont elle parlait, c'était d'une école
japonaise et j'ai pensé avoir lu une école du dimanche. Alors,
les Japonais, se référant aux écoles qu'ils voudraient
implanter ici, afin de continuer à donner une éducation japonaise
à leurs enfants, disent: Dans ce contexte, la société
japonaise de Montréal, Niking Kai, a demandé sans succès
la création d'une école japonaise à temps plein en 1980 et
1981. La société a présenté cette demande pour la
troisième fois cette année. On dit: II n'existe aucune
difficulté de ce genre à Calgary, en Alberta, mais le
problème tient du coût élevé de la
fréquentation de l'école japonaise. J'espère que le
ministre va appuyer la demande des Japonais pour permettre des investissements
ici.
Mes remarques, après m'être excusé...
Le Président (M. Gagnon): Oui, question de
règlement.
M. Fallu: Non.
Le Président (M. Gagnon): Voulez-vous qu'on vous...
Était-ce bien la réponse?
M. Godin: Non, c'était seulement un commentaire concernant
votre commentaire.
Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le député
de Groulx.
M. Fallu: Un commentaire extrêmement rapide, puisque c'est
moi qui vous avais donné la réplique, M. le député.
Je vous avais rappelé également, a ce moment-là,
qu'à la suite d'un jugement de la Cour d'appel, le ministre ne pouvait
plus prendre sur sa propre responsabilité de ne plus autoriser ce type
d'école. Je pense que l'information n'a pas tellement circulé au
Québec, mais il est utile de la connaître.
M. Lincoln: Ce que je veux vous dire, c'est que les investisseurs
japonais constatent que le type d'école peut exister en Alberta et ne
peut pas exister à Montréal. C'est une chose qui nous
différencie. Peut-être qu'il faudrait considérer cela et
amender la loi en conséquence.
M. le ministre, ayant fait...
M. Godin: Ce que nous voulons préciser, M. le
Président, parce que c'est important pour l'économie de la ville
dont le maire est ici, la ville dont la province n'est pas un enfant, c'est
que, le jugement ayant été rendu, une demande formulée par
le groupe dont vous parlez sera dorénavant recevable par le
ministère de l'Éducation.
M. Lincoln: J'espère que vous allez pousser cette demande
le plus tôt possible, parce que justement cela fut constaté en
1982.
M. Godin: D'accord.
M. Lincoln: Pour apporter une seconde précision, M. le
ministre, cette fois-ci, je pense que vous avez cité des chiffres
touristiques en établissant que la loi 101 n'a eu aucun effet sur le
tourisme. Le maire de Montréal vous a demandé des statistiques.
Cela veut dire beaucoup de choses, parce qu'on pourrait parler de cela un peu.
On pourrait comparer le nombre de cardiaques à
l'Île-du-Prince-Édouard à ceux de l'État de New
York. On pourrait dire: Les pourcentages sont différents. On pourrait
parler du taux de pollution à l'Île-du-Prince-Édouard et de
celui de New York. On pourrait avoir des pourcentages variés. Il faut
voir les chiffres dont on parle.
Votre collègue, le ministre du Tourisme, de la Chasse et de la
Pêche, a cité les mêmes chiffres que vous presque
textuellement aujourd'hui, les 2,3% d'augmentation au Québec, la
diminution de 4% en Ontario, mais ce qu'il faut voir, ce sont les chiffres. On
est en train de comparer les pommes aux oranges. Je veux vous citer des
chiffres de Statistique Canada. Les entrées de gens en automobile au
Québec, en 1982, venant des États-Unis, sont de 847 000, en
chiffres ronds, 847 880 en tout. C'est vrai, cela augmente de... Excusez-moi,
M. le Président, mais c'est bien important, le ministre a donné
ces chiffres. Je compte les relever.
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, M. le
député de Nelligan, je ne conteste pas l'importance de cela, et
je sais que vous aurez l'occasion d'en reparler. Nous avons ici comme
invités actuellement les représentants de la ville de
Montréal. D'autres personnes attendent aussi pour donner leur point de
vue. J'aimerais qu'on termine la discussion avec la ville de
Montréal.
M. Lincoln: Je vais le demander à la ville de
Montréal...
Le Président (M. Gagnon): Ah bon!
M. Lincoln: ...puisque le maire a dit lui-même qu'il ne
connaissait pas les chiffres. C'est bien important pour la ville. Je vais poser
la question au maire. M. le maire, êtes-vous au courant que, selon les
chiffres donnés par le ministre, il y a eu une augmentation au
Québec de 19 000 personnes venant des États-Unis, en automobile?
Par contre, il y a eu justement une diminution par rapport à celles qui
se rendaient en Ontario. Mais 4 733 000 Américains se rendaient en
Ontario en automobile, six fois plus. Là, c'est jouer avec les chiffres.
Ce que le ministre n'a pas dit non plus, c'est que 600 000 personnes sont
venues au Québec et que, pendant ce temps, presque 2 000 000 de
personnes, 1 926 000, sont allées en Ontario autrement qu'en automobile.
(12 h 45)
Le total de personnes venant d'autres pays que les États-Unis, au
Québec, il y en a eu 368 000, mais 884 000 en Ontario. Au total, 1 800
000 personnes sont venues au Québec pendant que 7 544 000 se sont
rendues en Ontario. C'est dire qu'on parle de choses tout à fait
différentes, c'est-à-dire que le pourcentage est beaucoup plus
petit au Québec, qu'il y a une plus petite proportion. En fait, c'est
souligné dans ce rapport statistique que je voudrais déposer
devant la commission, parce que cela démontre bien clairement que nous
sommes tellement en retard sur l'Ontario que les statistiques et les
pourcentages du Québec en seront naturellement beaucoup plus
affectés, parce que c'est une beaucoup plus petite proportion de gens.
En fait, cela confirme un peu ce que vous dites. Nous avons eu l'occasion de
rencontrer M. Allard, un collègue et moi-même, un des membres de
l'exécutif de l'Association des hôteliers du Québec, qui
nous disait - justement, il soulignait la même chose que vous; c'est lui
qui nous a donné ces deux documents qui montraient ce que M. Drolet
disait - Voilà un document qui est publié par Québec et
envoyé à l'étranger, un en français, un en anglais.
La seule différence, ce sont deux petites pages explicatives au
début et les titres. Tout le reste est exactement pareil. Il disait la
même chose que vous.
La seconde chose qu'il faisait ressortir, c'était la question de
l'affichage intérieur dans les hôtels. Est-ce que vous êtes
au courant, par exemple, que, si un artiste étranger vient ici au
Québec, dans un hôtel, si c'est un artiste de langue anglaise
comme Dean Martin, l'hôtel a le droit d'afficher en anglais en plus du
français, mais que, si c'est un artiste français ou espagnol, par
exemple, Julio Iglesias, il n'a pas le droit d'avoir l'anglais? Est-ce que cela
a été porté à votre attention?
M. Allard: Non, c'est la première fois que j'entends
parler de cette règle particulière à l'hôtellerie.
Je dois dire que la Charte de la langue française impose des
règles différentes selon que vous êtes un organisme de
l'administration ou que vous êtes dans le monde des affaires.
M. Lincoln: Est-ce qu'il y a eu des représentations de la
part de l'institut de l'hôtellerie et du Conseil du tourisme à la
ville de Montréal par rapport à l'affichage, par rapport à
la loi 101? Est-ce que vous avez reçu, M. le maire ou M. Allard, des
représentations privées ou publiques? Le Conseil du tourisme a
fait plusieurs représentations.
M. Drapeau: Les représentations qui se
feraient dans des cas comme ceux-là, je suis pas mal sûr
que ce serait à la chambre de commerce, au Board of Trade, dans un
milieu réceptif à accumuler ces diverses situations pour formuler
ensuite une prise de position ici ou ailleurs, non pas auprès de la
ville. Je crois que, dans ces situations, les gens qui les vivent savent que la
ville ne peut faire autre chose qu'obéir à la loi elle-même
et que suggérer des modifications. Je conclus qu'ils passent
plutôt par les voies ordinaires des affaires.
M. Lincoln: Dernière question. Quand vous parlez de
l'affichage, par exemple, aux abords du Québec, aux abords de
Montréal, en anglais, des panneaux explicatifs, est-ce que vous parlez
surtout du tourisme, des Américains ou des gens de langue anglaise qui
viennent au Québec et qui voudraient recevoir la même courtoisie,
par exemple, que celle que les Américains démontrent dans les
États du Nord-Est?
M. Drapeau: Je pense bien que, dans les États voisins du
Québec, les marchands qui font de la publicité, de l'affichage en
français, le font avec l'arrière-pensée d'attirer les
clients francophones. Je crois qu'également les marchands du
Québec qui veulent attirer la clientèle anglophone
américaine pourraient avoir le droit de s'adresser à eux dans
leur langue pour être compris.
M. Lincoln: Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député. M. le député de Laurier, vous m'aviez
demandé une très courte question.
M. Sirros: Ce serait très court, M. le Président,
sans préambule, sans rien. M. le maire, vous avez parlé
d'hypothèque psychologique, de barrière psychologique, de
perception négative que la loi 101 laisse percevoir. Est-ce que, selon
vous, le fait que la loi 101 dans sa rédaction fait quasiment tout pour
éviter même de prononcer le mot "anglais", sauf, je pense,
à l'exception du chapitre sur l'enseignement, c'est le genre de fait qui
permet à des personnes de dégager l'impression qu'ils ont que, si
on ne parle pas français, comme vous l'avez dit tout à l'heure,
on ne peut pas se débrouiller à Montréal? C'est une des
choses qui m'avaient frappé, dans la rédaction de la loi, que
l'anglais comme langue en Amérique du Nord, au Québec, est
réduit dans la rédaction au même rang que n'importe quelle
autre communauté culturelle finalement.
M. Drapeau: J'ai dit tout à l'heure qu'il y avait
l'exclusion de l'anglais. Je crois que le mot "anglais" est même exclu de
la loi. On parle d'une autre langue. Le mot "anglais" est exclu. On ne fait pas
référence au mot "anglais". C'est bien sûr que pas
seulement les anglophones d'ici, mais ceux de l'étranger voudraient...
Et il y en a, j'en suis sûr, qui regardent: les consuls qui sont ici, qui
viennent de bien des pays, qui lisent la loi parce qu'ils sont obligés
parfois de renseigner leur pays qui demande un rapport sur la situation. Ils
sont bien obligés de conclure que, dans la loi, on ne parle pas du mot
"anglais"; le mot "anglais" n'y est pas. Alors, c'est bien sûr qu'il y a
un sentiment fondé que c'est une exclusion de l'anglais. Alors, toutes
ces choses auraient pu être dites autrement et pourraient encore
être dites autrement, de façon a faire moins mal. Vous savez, il y
a des traitements qui sont douloureux, mais on préfère toujours
les traitements non douloureux.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.
M. Godin: Alors, M. le maire, merci de votre intervention et des
réponses aux questions assez serrées qu'on vous a posées.
Je vous en poserai une dernière, en ce qui me concerne, avant de
conclure. Si je comprends bien, le point sur lequel vous voudriez qu'il y ait
une négociation, au fond, ce serait sur l'entente intervenue entre la
ville de Montréal et l'Office de la langue française. Cette
entente couvre les cas dont vous faisiez état tout à l'heure, Me
Allard, sur le transfert d'un employé d'un poste à un autre. Il
semble qu'il y ait des accrochages. Par ailleurs, je retiens - et c'est un
chiffre qui me frappe - qu'en six ans d'existence, il n'y a eu que cinq cas qui
ont fait l'objet de litige, ce qui est une moyenne de moins d'un cas par
année.
M. Allard: C'est parce que nous nous sommes
conformés...
M. Godin: Pardon?
M. Allard: C'est parce que nous nous sommes conformés, M.
le ministre.
M. Godin: Mais, vous vous êtes conformés en
respectant les articles 20 et 40 de la loi 101 qui disent bien que c'est la
ville qui détermine, d'après un programme qu'elle a
négocié avec l'office, quelle langue est requise pour tel poste.
C'est la ville qui administre déjà cette entente et l'office
n'intervient pas, proprio motu, dans la façon dont la ville fonctionne
avec ses employés. L'office n'intervient que quand une plainte est
portée à sa connaissance par un de vos employés; cela,
vous le savez. Et je constate que, puisqu'il y a moins d'une plainte par
année, la ville se comporte de façon exemplaire avec ses
employés, du moins pour ce qui touche cet aspect, M. le maire.
M. Drapeau: La ville avait le devoir de donner l'exemple de
l'obéissance...
M. Godin: Mais, au fond, ce sont...
M. Drapeau: ... mais on n'a pas manqué l'occasion de venir
vous dire que, s'il y avait moyen de nous libérer de certaines
obéissances, ce serait à l'avantage de Montréal, ce serait
à l'avantage du Québec et de nos compatriotes anglophones.
M. Godin: D'accord. Maintenant, je constate quand même
qu'en six ans, il y a seulement cinq de vos employés qui ont
estimé que leur droit à travailler en français
n'était pas tout à fait respecté dans certains cas. Cinq
en six ans, ce n'est pas une moyenne qui me semble dramatique, quant à
moi. Maintenant, je suis d'accord avec vous -vous l'avez suggéré,
M. le maire - pour qu'il y ait une espèce de rencontre pour distiller
-je reprends votre mot - une meilleure entente avec l'office. Je n'ai aucune
objection, au contraire.
Maintenant, pour conclure... Parce que, au fond, il faut arrêter
de répéter que français égale difficultés
économiques, que français égale chômage, que
français égale misère. C'est très pervers, cet
alliage, qui n'est pas fait par vous, qui n'est fait par personne ici non plus,
je tiens à le dire, ou presque pas. On a dit aux Québécois
depuis 30 ans: "Soyez bilingues, vous allez travailler": il y a 56% des
bilingues canadiens au Québec et le chômage est resté au
même niveau.
Il y a eu des campagnes incitatives - la loi 22 de notre
prédécesseur - évoquées par M. Bill Tetley, ancien
ministre du cabinet Bourassa, des campagnes d'incitation aux entreprises
à respecter la langue de leurs employés. Et sur 500 entreprises,
même pas 6, je pense, avaient répondu favorablement à une
demande de "gentle persuasion". C'est ce qui a amené le gouvernement du
Québec, sous la pression de sa population, des centrales syndicales, du
mouvement des travailleurs organisés, à agir. Il était
inévitable qu'il y aurait des frictions puisque, la "gentle persuasion"
n'ayant rien donné, on ne pouvait pas attendre l'éternité
pour que nos partenaires économiques réagissent. Je vous citerai
la phrase du poète André Frènaud:
"L'éternité, c'est long, surtout vers la fin."
D'autre part, les chiffres sont importants aussi. Statistique Canada
nous dit que, depuis plus de dix ans, de 1971 à 1981, le marché
du travail du Québec a été plus dynamique que celui de
l'Ontario, malgré tout. Donc, il ne faut pas non plus battre sa coulpe
parce qu'on a affirmé qu'on était Français et
différents du reste du continent nord-américain et toujours se
sentir coupables comme des pensionnaires à qui le maître
d'école dit: Attention, pas trop de français parce qu'on s'en va!
Attention, pas trop vite le français, parce que vous allez payer pour!
Ce n'est pas la mentalité à la ville de Montréal, et vous
l'avez prouvé plusieurs fois. Il est important de dire à ceux qui
nous entendent et qui nous écoutent qu'il faut se sortir de
l'idée cette équation que français égale
chômage. On n'est plus français au Québec, on est bilingue
et on chôme encore, plus que dans bien des provinces canadiennes. Par
ailleurs, moins qu'au Michigan. L'État des "majors" de l'automobile
américaine chôme plus aujourd'hui à cause de la crise
économique, non pas à cause de la loi linguistique parce que ces
gens n'en n'ont pas là-bas. Ils chôment plus à cause de la
crise économique que le Québec ne chôme depuis deux ans.
Les Maritimes ont toujours chômé plus et il n'y a pas là de
loi linguistique. Il faudrait tenter de mettre les choses en perspective.
Les chiffres sur le tourisme. M. le maire, je comprends que certains
humoristes vous ont suggéré de transporter à
Montréal les chutes Niagara pour augmenter le nombre d'Américains
qui viennent ici. C'est un projet qui ne vous laissera sûrement pas
indifférent, mais qui est un peu compliqué.
Il y a des facteurs que je répéterai pour la gouverne de
mon collègue de Nelligan. Le nombre de nuitées passées au
Québec, en Ontario et au Canada par des visiteurs d'outre-mer, de la
période de 1977 à 1981, chiffres de Statistique Canada, des
non-Canadiens a augmenté au Québec de 74,9% dans cinq ans. En
Ontario, 19%. Au Canada, 48%. Donc, notre performance sur le plan touristique
est remarquable. Il est possible que des gens viennent au Québec parce
que c'est français précisément. Il est possible que des
gens de Cleveland aimeraient bien voir un peu de français dans leur vie,
d'exotisme. Les gens du Palais des congrès me confirment aussi que ceux
qui viennent visiter le palais que nous avons bâti ensemble, les trois
niveaux de gouvernement... Ce Palais des congrès revitalisera encore
plus Montréal. On parle d'un hôtel qui sera construit dans les
parages de ce Palais des congrès. Le nombre de visiteurs d'outre-mer
ayant séjourné 24 heures ou plus au Québec -
sûrement à Montréal - au Québec a augmenté en
cinq ans - les cinq ans de la loi 101 - de 54%, en Ontario de 37%, donc moins,
et au Canada de 50%. Donc, nous sommes au-dessus de la moyenne canadienne dans
ce secteur. Le nombre de nuitées passées au Québec, en
Ontario et au Canada par des visiteurs américains: au Québec,
depuis cinq ans, il a augmenté de 14,6%. En Ontario, le nombre a
diminué de 11,5%. Au Canada, le nombre a diminué de 1,9%. Nous
sommes au-dessus de la moyenne canadienne. Nos affaires ne vont pas si mal dans
ce secteur.
Quant aux visiteurs américains, 24
heures ou plus depuis cinq ans, le nombre a augmenté de 8,7% au
Québec; en Ontario, il a diminué de 5,9% et au Canada, il a
diminué de 4%. Donc le portrait global n'est pas si mauvais. Vous me
dites: Enlevons les freins pour voir ce que cela donnera. Je suis d'accord avec
vous. C'est ce pourquoi cette commission a été convoquée
en mars dernier. Nous voulons identifier les "irritants" avec ceux qui les ont
observés ou qui les ont subis. Nous voulons changer des perceptions.
Nous voulons être sûrs que ce blocage psychologique, qui a
été créé en grande partie par la loi et surtout par
ce qu'on en a dit et ce qu'on en a fait... J'ai illustré avec une photo
tout à l'heure ce qu'on disait de nous à Toronto. Ces gens n'ont
pas intérêt à ce que Montréal reprenne la
"pâle". Par ailleurs, il faut dire aussi que la Bourse de Toronto a
dépassé celle de Montréal en 1948, longtemps avant vous et
longtemps avant moi. Il y a eu des facteurs autres qui ont joué, je ne
dis pas au détriment de Montréal, mais qui ont joué pour
Toronto, certainement. Mais, malgré tout cela, d'autres chiffres
démontrent qu'aujourd'hui, on flotte. Même que la Chambre de
commerce de Montréal nous disait l'autre jour: II y a eu chaque
année une demande supplémentaire de 500 000 pieds carrés
d'espaces à bureaux à Montréal depuis vingt ans. Il y a
peu de villes canadiennes - je pense même qu'il n'y en a pas une - qui
peuvent prétendre avoir connu une telle croissance de la demande de
métrage -puisque l'on parle du système métrique
aujourd'hui - en mètres carrés pour de l'espace à bureaux
à Montréal. (13 heures)
Lorsque l'on a regardé, en 1980-1981, sortir littéralement
de terre ces nouveaux édifices que vous voyez de votre bureau de
l'hôtel de ville et que je vois du mien, du ministère de
l'Immigration, la plupart, très beaux d'ailleurs, beaucoup plus beaux
que les anciens, en pleine période où Montréal devait
être au plus bas - c'est dans cette période-là, en
1980-1981, que Montréal a atteint 1 000 000 000 $ d'investissements
nouveaux dans le domaine immobilier - je me dis que, si on n'avait pas eu ce
frein, où en serions-nous? Mais jusqu'à quel point faut-il
enlever le frein? Comment trouver le point d'équilibre avec la
nécessité que les francophones du Québec puissent vivre et
travailler en français dans le respect? Il n'y a pas d'exclusion de
l'anglais dans la loi 101; au contraire, il y a une reconnaissance de fait des
droits des anglophones. Pas seulement des anglophones; quand on dit: toute
autre langue, il y a 80 groupes ethniques à Montréal. La ville de
Montréal elle-même est aux prises avec un problème de
surdéveloppement de l'économie ethnique à Montréal.
Vous avez des pétitions sur votre bureau de Montréalais qui
disent: Empêchez- les de s'étendre dans notre quartier, les
restaurants ethniques.
Donc, il y a des secteurs de l'économie où cela n'a pas
dormi. C'est une réalité économique - économique,
je dis bien -centrale dans la vie de Montréal, depuis dix ans, dont
personne ne parle, mais on a l'impression que les communautés
portugaise, italienne, dont les représentants sont ici, et grecque n'ont
pas subi la crise et ont développé et investi plus que jamais.
Comme si eux, ayant subi d'autres crises - des vraies celles-là -
trouvaient ici que, malgré nos petites chicanes de famille... De quoi
les Québécois francophones et anglophones se plaignent-ils
puisqu'il se développe ici une économie du tiers Québec,
une économie des communautés culturelles qui apporte en taxes
à la ville de Montréal, et au Québec d'ailleurs, des
retombées fabuleuses des investissements de 500 000 000 $ depuis dix ans
par les immigrants investisseurs au Québec et à
Montréal?
Donc, je suis - peut-être pas autant que vous, M. le maire -
très optimiste quant à l'avenir de votre ville. La coexistence
des deux langues, mais fortes l'une et l'autre, dans une réalité
qui correspond à la réalité statistique: 80% francophone,
10% culturelle ethnique et 10% anglophone, qu'elle se reflète
également dans la ville. C'est ce que nous tenterons de réaliser
grâce à vos conseils sages et judicieux. Merci beaucoup, M.
le maire.
Le Président (M. Gagnon): Merci beaucoup, M. le
ministre.
À ce moment-ci, je dois demander à la commission de
dépasser l'heure de quelques minutes. D'ailleurs, on l'a fait
déjà de quelques minutes. J'aurais le goût de donner la
parole à M. le député de Gatineau et de vous garder pour
le mot de la fin, M. le maire. Cela va?
M. le député de Gatineau.
M. Gratton: Merci, M. le Président. Brièvement,
inutile de vous dire, M. le maire, que l'on aurait encore beaucoup de questions
et que nous souhaiterions pouvoir dialoguer, mais, les contraintes du temps
étant ce qu'elles sont, nous devrons terminer maintenant votre visite
avec nous. J'aimerais vous dire que je retiens, quant à moi, deux
éléments de votre intervention. D'abord, compte tenu de tout
ce que vous avez fait vous-même à titre de premier magistrat
de la ville de Montréal pour promouvoir le fait français à
Montréal, je retiens la suggestion ou l'offre de collaboration que vous
avez faite, tant au gouvernement qu'aux membres de la commission, de participer
à une rédaction des amendements à la loi 101 qui
pourraient le mieux permettre à la ville de Montréal de fournir
les meilleurs services à ses citoyens au meilleur coût possible
et
aussi enrayer le plus possible les difficultés ou les effets
négatifs que, possiblement, certaines dispositions de la loi 101 peuvent
avoir sur l'économie de Montréal. Quand on constate que
l'économie de Montréal, ce sont les deux tiers de
l'économie du Québec, cela vaut la peine de retenir votre
suggestion.
Quant à nous, nous souhaitons fort que le gouvernement fasse
appel aux services de la ville de Montréal et nous, de l'Opposition,
dans la mesure où nous serons appelés à scruter les
intentions du gouvernement, nous tâcherons de nous prévaloir de
cette offre.
Je retiens également, M. le maire, la suggestion que vous nous
faite à tous, des deux côtés de la table, de surveiller les
déclarations que nous faisons sur la question linguistique qui, souvent,
alimentent les reportages et les articles de journaux de Montréal et du
Québec, qui projettent une image telle que cela nous prive
peut-être de la venue non seulement de touristes, mais d'investisseurs
éventuels, et qui ne sont pas de nature, donc, à contribuer
à la relance économique que nous souhaitons tous, surtout dans
les moments difficiles que nous traversons présentement.
Contrairement à ce que disait le ministre tantôt, j'ai
l'impression qu'on commence à s'en rendre compte au gouvernement. Le
ministre dit que, pour certaines gens, français égale
chômage. Ce n'est pas le cas ici; ce n'est encore le cas de personne ici
à la commission. J'ai voulu que ce soit bien clair dès les
remarques préliminaires que j'ai faites à la commission jeudi
dernier.
Quant à nous, il n'a jamais été quesion de penser
que la loi 101 était l'unique facteur qui contribuait au climat
défavorable aux investissements créateurs d'emplois. On a
même reconnu que, malheureusement, il y en avait beaucoup d'autres qui
relevaient du gouvernement du Québec. Mais on pense qu'il serait
complètement irresponsable pour quiconque, et encore plus pour un
gouvernement, de jouer à l'autruche et de refuser d'examiner
objectivement quels sont les effets, possiblement négatifs, qui
découlent de l'application de la loi 101 sur l'économie. Votre
témoignage de ce matin nous apporte un certain éclairage
là-dessus. Le gouvernement lui-même en est conscient puisque, pour
permettre à Bell Helicopter de venir s'installer à Mirabel, on a
non seulement consenti une exception à la loi, mais en fait une
exception à l'exception. On sait qu'il y a déjà un
règlement qui fait exception dans le cas de l'accès à
l'école anglaise pour les personnes qui viennent s'installer de
façon temporaire au Québec. Semble-t-il - je dis semble-t-il
parce qu'on n'a pas encore réussi à obtenir les détails
pertinents là-dessus - qu'on aurait consenti aux employés de Bell
Helicopter que le règlement qui prévoit cette exemption soit
modifié dans ce cas spécifique.
Comme vous le disiez vous-même tantôt, M. le maire, il n'est
pas question ici de tenter de démontrer combien de personnes sont venues
et quel pourcentage cela représente, mais il serait, selon nous, tout
à fait irresponsable de ne pas au moins nous poser la question suivante:
Combien ne sont pas venus à cause de certaines dispositions de la loi
101?
Je termine en vous disant merci infiniment pour l'éclairage que
vous apportez à la commission; merci pour vos suggestions très
constructives. Je dois vous dire, au départ, qu'avec les suggestions et
recommandations que l'on retrouve dans votre mémoire, vous ralliez
à l'Opposition presque à l'ensemble sinon à chacune
d'elles. Quant à nous, on continuera à faire le travail qui nous
est dévolu par le sort des dernières élections,
c'est-à-dire surveiller le gouvernement, malgré que cela ne soit
pas toujours aussi facile que certains le pensent. Merci, M. le maire.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député. M. le maire.
M. Drapeau: II me reste à remercier tous les membres de la
commission, M. le Président et M. le ministre, de leur accueil vraiment
sympathique. J'aurais voulu que l'éclairage se fasse encore plus
complet. Je suis sûr qu'il est resté des questions en suspens. Je
réitère l'invitation de ne pas hésiter, M. le ministre,
dans tous les cas où vos collaborateurs voudraient examiner quelle
pourrait être la réaction à tel ou tel amendement. Mes
collaborateurs, ceux d'ici et ceux qui sont restés au travail à
Montréal, et moi-même, nous sommes à votre disposition.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Drapeau.
M. Lorange (Pierre): M. le Président... Le
Président (M. Gagnon): Oui.
M. Lorange: ...me permettriez-vous une petite intervention pour
souligner l'importance historique que représente un 25 octobre dans la
vie de M. le maire? Il n'y a pas seulement sa façon brillante de
défendre le mémoire de la ville de Montréal, mais c'est
aussi un 25 octobre, celui de 1954, qu'il a été élu pour
la première fois à la tête de l'administration
municipale.
Le Président (M. Gagnon): Alors... M. Godin: M. le
Président...
Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le ministre.
M. Godin: ...ce n'est pas un hasard si M. le maire est ici
aujourd'hui, on le savait. Merci beaucoup.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le maire et les gens
qui vous accompagnent, pour ce mémoire de la ville de
Montréal.
A 15 heures, nous inviterons le Congrès national des
Italo-Canadiens. Je suspends donc nos travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 10)
(Reprise de la séance à 15 h 09)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission des communautés culturelles et de l'immigration
poursuit ses travaux aux fins d'entendre tous les intervenants
intéressés par la Charte de la langue française. Lors de
la suspension de nos travaux pour le dîner, nous étions à
inviter le Congrès national des Italo-Canadiens. Je vous prie donc de
prendre place à la table, s'il vous plaît!
Congrès national des Italo-Canadiens
M. Godin: M. le Président...
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Godin: ...avant que mes amis du congrès prennent place,
j'aimerais remettre aux membres de la commission, à la demande du
député de D'Arcy McGee, la liste des rapports de recherche faits
par l'Office de la langue française, à la demande de
l'Opposition. Je pense que ce document a été distribué ou
le sera dans les secondes qui suivent. C'était une demande de
l'Opposition et nous y donnons suite. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: Quelqu'un m'indiquait que l'étude
d'André Raynauld serait déposée aujourd'hui. Est-ce que le
ministre peut nous confirmer qu'elle sera déposée?
M. Godin: Avant 17 heures. M. Fortier: Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. Antonio Sciascia, si
vous voulez nous présenter les gens qui vous accompagnent, s'il vous
plaît, et nous faire la lecture de votre mémoire en tentant de le
résumer en 20 minutes, environ.
M. Sciascia (Antonio): M. le Président, distingués
membres de la commission, permettez-moi, avant tout, de vous présenter
les membres du comité du Congrès national des Italo-Canadiens,
qui ont eu la tâche de préparer et de vous présenter le
mémoire qui se trouve devant vous cet après-midi. À ma
gauche, M. Donato Taddeo, qui est le premier vice-président du
congrès national et aussi le président du comité; suivant
M. Taddeo, il y a Me Antonio de Michele, qui est le premier
vice-président de la CIBA. La CIBA est l'Association des gens d'affaires
italo-canadiens au Québec. A ma droite, M. Filippo Salvatore, qui est le
secrétaire du congrès; ensuite, Mme Giovanna Allegra, aussi
membre du conseil d'administration du congrès et représentante de
la section des jeunes du congrès et, en dernier, M. Vincent Mercadante,
qui est membre du comité.
À ce stade, M. le Président, j'aimerais vous dire quelques
mots sur la représentativité du congrès. Le congrès
est un organisme communautaire à but non lucratif et apolitique qui
regroupe la grande majorité des associations et organismes
communautaires. Lorsqu'on parle d'associations, on parle, évidemment,
des associations qui sont très actives dans des activités qui
touchent de près la communauté italienne du Québec. On a
aussi au sein du congrès des représentants de quelque six
syndicats dont un bon nombre des syndiqués sont d'origine italienne.
Nous avons aussi des gens qui représentent le peuple; ils sont
élus lors d'une élection générale qui a lieu tous
les deux ans à travers le Québec et ils représentent plus
ou moins des Italiens de toutes les régions du Québec. Par la
suite, tous les Italiens majeurs sont de plein droit membres du congrès.
Donc, nous sommes ici, M. le Président, comme interlocuteurs
privilégiés et représentatifs de la communauté
italienne du Québec.
Nous avons une histoire sur laquelle j'attire votre attention dans le
préambule du mémoire qui vous a été
présenté. Le congrès a déjà pris position en
matière linguistique au Québec et cela date du début des
problèmes linguistiques. Je ne voudrais quand même pas
répéter toutes les études que nous avons
déjà présentées devant les diverses commissions
parlementaires, ainsi que devant les divers ministres des divers
gouvernements.
Nous voulons, par contre, réitérer notre position sur le
fait français au Québec. Le Congrès national des
Italo-Canadiens de la région de Québec croit qu'il n'y a aucun
doute que le Québec, peuplé à 80% de citoyens de souche
française, constitue le foyer national des francophones du Canada. En
conséquence, le gouvernement du Québec est le premier responsable
du maintien et du développement de l'identité culturelle des
francophones.
Par ailleurs, il est indéniable que le français est devenu
la langue commune de tous les Québécois indépendamment de
leurs origines. C'est pourquoi nous croyons que le temps est arrivé pour
le gouvernement du Québec de modifier sa politique et, par
conséquent, la Charte de la langue française. Si le gouvernement
a convoqué une commission parlementaire, nous croyons que le même
gouvernement croit qu'il est nécessaire d'apporter des changements
favorables à toute la communauté québécoise. Nous
sommes convaincus que la majorité des Québécois sont
favorables à un assouplissement de la charte. Le temps, donc, est
à l'ouverture et au dialogue avec les autres.
M. le Président, le congrès a demandé de vous
rencontrer afin de vous faire part d'une série de modifications qui,
selon nous, pourraient rendre la Charte de la langue française plus en
harmonie avec le présent et l'avenir du Québec. Notre
intervention se divise en sept parties. J'attire votre attention sur la page 3
de notre mémoire car des représentants de ces comités vont
me suivre et vous faire des représentations sur chaque point
mentionné dans cette page du mémoire.
Je crois, M. le Président, que si le congrès a cru bon
faire aujourd'hui ces quelques recommandations que nous allons entendre
bientôt, c'est qu'il est convaincu qu'elles tiennent compte de la
nouvelle réalité québécoise de plus en plus
ouverte, tolérante, internationaliste, tout en restant
profondément québécoise. Nos recommandations sont
également l'expression de la volonté de l'immense majorité
des quelque 250 000 Québécois, fiers de leur propre origine
italienne. Nous sommes convaincus que les membres de la commission
parlementaire sauront accueillir nos recommandations avec la même
ouverture d'esprit qui nous a animés lors de la rédaction de ce
mémoire. Vous avez, M. le Président, messieurs et mesdames les
membres de la commission, une tâche historique à accomplir:
modifier la Charte de la langue française de façon qu'elle soit
acceptable par tous les Québécois de façon à
contribuer à cimenter l'harmonie de toutes les composantes de notre
société.
Je donne maintenant la parole à M. Donato Taddeo qui vous parlera
de l'aspect éducation, du problème qui existe actuellement pour
ce qui est des enfants qui se trouvent dans le secteur anglophone. M.
Taddeo.
M. Taddeo (Donato): Merci, M. le Président. Les membres de
la commission, trouveront à la page 4 le premier volet du chapitre sur
la langue d'enseignement, que nous avons cru bon de situer dans un certain
historique. Il faut jeter un coup d'oeil sur le passé et
reconnaître le fait que le débat linguistique qui s'est
déroulé de 1967 et 1977 s'est surtout fait au frais des
communautés ethniques et surtout de la communauté italienne. Au
lieu de garder un sentiment d'amertume en songeant, par exemple, au malentendu
de Saint-Léonard en 1968, nous préférons, au contraire,
regarder vers l'avenir, tout en souhaitant que la leçon historique
tirée des incompréhensions du passé nous évite, en
tant que citoyens d'une même société, de
répéter les mêmes erreurs. Nous tenons à
réaffirmer ce que nous avons toujours dit dans le passé, à
savoir que la communauté italienne du Québec tient à la
connaissance des deux langues officielles du pays, tout en reconnaissant que le
Québec est une province foncièrement française.
À la page 5, j'aimerais souligner que nous n'avons jamais
refusé l'intégration a la société française
de cette province. Si nous avons refusé d'accéder à
l'école française, ce n'est pas parce que nous voulions nous
angliciser; nous préférions une école qui, à cause
des événements historiques pendant la période de 1948
à 1968, était devenue beaucoup plus à l'image de la
communauté italienne qu'une école anglaise dans son sens
strict.
À la page 6, vous trouverez la première de nos
recommandations, celle qui a trait à l'admissibilité à
l'école anglaise. Les critères sont clairs tels qu'ils sont
définis dans la loi. Les fonctionnaires, semble-t-il, reçoivent
leurs directives du ministre de l'Éducation et font obéir
à la lettre au texte de la loi. Quant à nous, ce dirigisme
bureaucratique exclut toute souplesse et la possibilité d'exceptions
pour des raisons humanitaires ou par simple bon sens. Si vous voulez, nous
pourrons vous en donner des exemples lors de la période des
questions.
Quant à l'élément B), qui traite des enfants qui ne
sont pas officiellement inscrits à l'école anglaise et qu'on
appelle des illégaux, je dirige votre attention surtout à la page
8, deuxième paragraphe. Le rapport Aquin établit à entre
1200 et 1600 le nombre d'enfants qui fréquentent "illégalement" -
entre guillemets - l'école anglaise, ce qui ne fait que 0,1% de la
population scolaire du Québec formée de 1 200 000
élèves. Notre question est: L'intégration dans le
système scolaire de langue anglaise de ces enfants changera-t-elle lasociété québécoise? Ce que nous demandons pour
eux, c'est l'amnistie. Par amnistie, nous entendons le fait de permettre
à ces enfants, y compris les frères et soeurs de ces enfants,
conformément à l'esprit de la loi 101, d'être inscrits
officiellement dans les écoles qu'ils fréquentent
présentement.
En effet, nous ne pouvons accepter l'argument que, ce faisant,
l'État se compromettrait devant ceux et celles qui ont obéi
à la loi et qui ont inscrit leurs enfants
à l'école française. Cette logique
empêcherait à jamais le gouvernement de poser un geste
exceptionnel afin de mieux servir les intérêts de la
société. À quoi bon permettre que cette solution continue?
Notre communauté n'a-t-elle pas assez porté le fardeau du conflit
linguistique depuis quinze ans? Les précédents existent,
c'est-à-dire amnistie totale pour les immigrants illégaux,
amnistie totale pour des syndicats qui ont enfreint la loi. Après tout,
ces enfants et leurs parents ne sont pas passibles d'actes criminels. Nous ne
pouvons pas comprendre vraiment les motifs qui empêchent le gouvernement
d'accorder une amnistie totale à ces étudiants soi-disant
illégaux.
À la page 10, nous parlons pour la nième fois de
l'enseignement de l'anglais, langue seconde. C'est un thème qui rejoint
les principes de la communauté italienne, compte tenu que nous avons
toujours prôné l'apprentissage des deux langues et cela, depuis
bon nombre d'années. Ceux de la CECM qui sont autour de la table se
souviennent de l'histoire des écoles Notre-Dame-de-la-Défense et
Saint-Philippe-Bénizi et leur popularité au sein de la
communauté italienne. Ils se souviennent aussi des débats quant
à l'enseignement de la langue seconde à la CECM dans les
années soixante-dix. Ce qu'on peut constater aujourd'hui, c'est que ce
débat n'a fait aucun progrès et quant à nous, il est
important non seulement pour notre communauté, mais pour toute la
communauté québécoise que l'école française
enseigne l'anglais comme langue seconde d'une façon valable. En effet,
on parle d'un Québec de plus en plus sensibilisé vers le virage
technologique et compte tenu de l'importance de l'anglais comme "lingua franca"
des disciplines qui font partie de ce virage technologique, nous croyons qu'il
convient à l'État de s'assurer que les enfants qui sortent de
l'école possèdent une connaissance de cette langue afin de
pouvoir bien transiger dans cette discipline. Il y a une erreur de frappe
à la page 10: "...surtout si l'on tient compte que l'anglais est", non
pas "Roi né", mais "Koinè"... "Koinè" est un mot grec qui
était le mot de passage dans le monde ancien, quand le grec était
la langue commune.
À ce chapitre, nous parlons de la clause Canada pour plus ou
moins les mêmes raisons qui ont été exposées ce
matin. Nous croyons que cette clause permettrait l'application du droit
à la mobilité de tous les Canadiens dans n'importe quelle des dix
provinces. Nous croyons que l'équilibre linguistique et
démographique ne sera nullement affecté par l'insertion d'une
telle clause dans la Charte de la langue française. À toutes fins
utiles, la clause Canada nous apparaît conforme à l'esprit de
l'article 86 de la charte qui dit: "Le gouvernement peut faire des
règlements pour étendre l'application de l'article 73 aux
personnes visées pour une entente de réciprocité conclue
entre le gouvernement du Québec et le gouvernement d'une autre
province." Merci, M. le Président.
M. Sciascia: M. le Président, avant de passer au prochain
interlocuteur, je voudrais souligner une mention faite par M. Taddeo au sujet
de l'intégration de notre communauté. C'est en effet la
communauté la plus intégrée au Québec. Pour vous
démontrer vraiment cet aspect d'intégration de notre
communauté, j'inviterais les membres de cette commission ainsi que toute
la population du Québec à visiter notre Ita-lexporama qui a lieu
justement cette fin de semaine les 28, 39 et 30 octobre au Palais des
congrès, M. le ministre, et qui démontre vraiment
l'intégration de notre communauté et l'apport économique,
culturel et social de la communauté italienne au Québec. Je
cède maintenant la parole à M. Filippo Salvatore qui parlera
plutôt de l'aspect social et culturel de la présentation.
Le Président (M. Gagnon): M. Salvatore.
M. Salvatore (Filippo): Merci, M. le Président. Membres
distingués de la commission parlementaire, mon intervention portera
surtout sur deux aspects: le caractère pénal des infractions
à la loi 101 et les droits linguistiques des minorités
culturelles au Québec. Je vous prie donc de regarder le mémoire
à la page 14 parce que c'est l'aspect que je vais souligner.
La charte prévoit des sanctions pénales pour toute
personne qui contrevient à l'une de ses dispositions. Dans une
société désormais francophone et qui se veut ouverte au
monde, il nous apparaît anormal qu'une personne qui ne respecte pas la
charte soit considérée comme un criminel, justement parce que
dans aucun pays démocratique de telles sanctions ne sont prévues.
Par ailleurs, si l'immense majorité de la population se conforme
à la charte, ce n'est pas par crainte des sanctions pénales
prévues mais plutôt parce que le Québec est devenu
naturellement francophone. L'article 208 de la charte, qui prévoit la
possibilité que soient enlevées ou détruites des affiches
bilingues, par exemple en français et en italien, est tout à fait
inadmissible dans une société démocratique.
Nous recommandons donc que le titre V en entier de la charte, qui
s'intitule "Infractions et peines", soit abrogé.
Par ailleurs, nous croyons qu'il y a trop d'organismes qui s'occupent de
l'application de la charte. Un seul organisme, administré par des
personnes compétentes, prudentes et représentatives de la
mosaïque humaine du Québec, serait plus que suffisant en
l'occurrence, surtout en temps de crise
économique et de restrictions budgétaires. Tout le monde
sait, évidemment, qu'il y a trois organismes qui s'occupent de
l'application de la loi 101, soit l'office, le conseil et la commission de
surveillance.
Je vous renvoie maintenant à la partie 7 de notre mémoire,
à la page 16, qui s'intitule "Droits linguistiques des minorités
culturelles".
Au Québec, où le français est désormais la
langue commune des Québécois, les problèmes linguistiques
concernent autant les communautés culturelles anglophones qu'allophones.
Or, sauf exception, les droits linguistiques des groupes minoritaires ne sont
ni reconnus, ni protégés par la charte ou par toute autre loi
québécoise. Les Québécois de souche
française qui, depuis la colonisation, se battent pour la sauvegarde et
la promotion de leur langue devraient être très sensibles à
notre plaidoyer en faveur des langues minoritaires.
Ce n'est pas ici l'endroit idéal pour discuter dans les moindres
détails la façon dont le gouvernement devrait reconnaître
et promouvoir les droits linguistiques et les droits des minorités au
Québec. Toutefois, nous demandons au gouvernement qu'il proclame
officiellement dans la Charte de la langue française la reconnaissance
des droits linguistiques des minorités. Ainsi, l'utilisation du
français dans tous les domaines de la vie sociale au Québec ne
pourra pas affecter l'existence de ces droits.
Je tiens à rappeler que le Congrès national des
Italo-Canadiens, région de Québec, en tant qu'organisme
représentatif de la communauté culturelle d'origine italienne,
épouse depuis longtemps cette optique et est prêt à
collaborer dès maintenant avec le gouvernement pour établir les
modalités d'application de cette recommandation.
Je repasse la parole au président.
M. Sciascia: J'inviterais maintenant Me Antonio de Michele
à vous parler de l'impact économique de la loi 101 sur notre
communauté.
M. de Michele (Antonio): M. le ministre, MM. les membres de la
commission, j'aimerais avant tout vous remercier de me permettre de vous
adresser quelques mots. Le premier signe d'un gouvernement démocratique
est l'occasion qu'il donne à ses électeurs de critiquer ses actes
et gestes. Il y a différentes sortes de critiques que nous pouvons
formuler: il y a les critiques négatives et les critiques positives. La
critique est valable pour autant que les gens qui la reçoivent savent en
profiter.
En tant que premier vice-président d'une association de gens
d'affaires d'origine italienne au Québec, laquelle, en passant, regroupe
au-delà de 500 membres seulement dans la région de
Montréal, on m'a demandé aujourd'hui de vous adresser quelques
mots sur l'aspect économique de la loi 101, la Charte de la langue
française. En tant que professionnel, je me dois de formuler une
objection stricte à l'endroit des tests linguistiques que la loi impose
à nos finissants professionnels. Nous trouvons aberrant que quiconque,
quelque gouvernement que ce soit, oblige, après trois, quatre ou cinq
années d'études en français au sein d'une
communauté qui se veut francophone, qui est francophone - affirmer autre
chose, le Québec étant un État francophone, ce serait tout
à fait illogique - une personne, parce que son nom de famille n'est pas
à consonnance francophone, à passer des tests linguistiques.
Personnellement je le prends comme une insulte. Heureusement je n'ai pas eu
à passer un tel test à la fin de mes études. Par contre,
plusieurs de mes amis, plusieurs de mes collègues se voient dans
l'obligation de se soumettre à une dernière guillotine avant de
pouvoir honorablement gagner leur vie. (15 h 30)
Les critères sont variés. Ils sont plus souvent
qu'autrement basés strictement sur le nom de famille. Peu importe que ce
soit un ressortissant du Québec ou un ressortissant étranger, le
test est là. Si on veut résoudre le problème je propose
respectueusement que c'est à la source qu'on doit le
résoudre.
Je me souviens encore, lors de mon passage à l'Université
de Montréal, alors que tous nos cours étaient en français,
90% de nos volumes étaient en anglais. Il est tout à fait
illogique, après trois ans, quatre ans ou cinq ans d'études dans
une institution francophone d'obliger un finissant à passer un test
linguistique.
Tous ceux que nous perdons, messieurs, c'est un investissement que notre
province a, ni plus ni moins, jeté à travers les fenêtres.
Vous savez mieux que quiconque combien le Québec perd pour chaque
professionnel qui nous quitte. Vous savez mieux que quiconque combien
d'investissements cela coûte à la province pour former un
professionnel.
En ce qui concerne l'impact économique de la loi 101,
permettez-moi de vous citer dans l'autre langue "The name of the game is
money". En tant que commerçant, en tant qu'homme d'affaires, mon but
premier est de pouvoir communiquer. Si je ne peux communiquer avec la personne
qui me fait face, si je ne peux communiquer avec la personne que je sollicite,
je ne peux pas faire affaires avec cette personne. Si elle ne me comprend pas,
si je ne la comprends pas, il est impossible de pouvoir transiger.
Je l'ai dit tantôt et je le répète, le Québec
est francophone. Vouloir affirmer le contraire serait une erreur
grossière. Par contre, au stade où nous sommes rendus
aujourd'hui, est-il vraiment nécessaire d'imposer des
règlements et la loi que nous sommes venus ici vous expliquer ce
matin?
Toute loi est adoptée, est mise en vigueur en fonction d'une
société existante. Toute société existante
évolue. Ses lois doivent évoluer en conséquence. Si ses
lois n'évoluent pas en conséquence de l'évolution de la
société, elles deviennent aberrantes, déprimantes. C'est
le rôle du gouvernement de voir à ce que ses lois suivent le
progrès de sa société. Autrement, M. le Président,
nous devenons une société fermée. Si nous ne pouvons
communiquer avec la réalité économique qui existe non
seulement autour de nous au Canada mais également en Amérique du
Nord, nous nous enfermons sur nous-mêmes. À court ou à long
terme, cela veut dire un suicide économique. Dans le rapport que nous
vous avons soumis aux pages 12 et 15 on fait état de ce que je viens de
vous présenter.
M. Sciascia: M. le Président, en ce qui a trait à
l'affichage je dois vous dire que ce que nous proposons c'est de pouvoir
afficher aussi dans notre langue. C'est ce qu'on vous demande, M. le
Président, et c'est ce qu'on demande aux membres de cette commission, de
modifier certaines parties de cette loi et appliquer le bon sens. Je vais vous
donner quelques exemples qui, selon nous, sont entièrement contre le bon
sens. C'est illogique, par exemple, qu'un commerçant italien soit
obligé d'afficher exclusivement en français alors qu'il dessert,
dans certains quartiers de Montréal, une clientèle strictement ou
en grande partie italienne. Le petit commerçant, au coin de la rue, qui
voudrait afficher ses produits, doit le faire exclusivement en français
alors que 99% de sa clientèle est italienne ou d'origine italienne.
Je vais vous donner un exemple éclatant. Nous avons une seule
banque italienne à Montréal, la Fiducie canadienne italienne.
C'est ce qu'on appelle une banque et cette dernière a été
forcée d'enlever son nom en italien et de s'afficher uniquement en
français. Nous trouvons que la seule banque italienne qui dessert la
communauté italienne devrait avoir le privilège de s'afficher en
italien ainsi qu'en français.
Voici un autre exemple flagrant. Nous avons vu des banques francophones
ou des banques internationales afficher des enseignes qui indiquaient: "Qui si
parla italiano", parce que ce sont des banques qui transigent avec un fort
pourcentage de clientèle italienne. Ces banques ont été
forcées d'enlever cette affiche qui indiquait à la
clientèle qu'il y avait un service en italien. C'est ce qu'on voudrait
souligner à cette commission. Il faudrait éliminer ce non-sens
qui crée de la tension, de la friction entre les groupes.
Je vais maintenant vous parler de l'aspect éducatif. Je ne
voudrais pas faire l'histoire de l'aspect linguistique au Québec, mais
la communauté italienne, comme disait M. Taddeo, a été la
communauté victime des lois linguistiques au Québec. À un
moment donné, il y a eu une loi qui, du jour au lendemain, a voulu
changer une histoire vieille de 20 à 30 ans. Cette loi n'a pas
prévu une période de transition. Nous avons une situation
paradoxale. Nous avons des parents qui ont été instruits presque
entièrement ici en anglais, nous avons des professeurs qui enseignent
dans des écoles anglaises et ces mêmes personnes, tout à
coup, n'ont pas le droit d'envoyer leurs enfants à l'école
où ils enseignent. Cela crée des frictions. Cela crée des
situations de non-sens. Nous avons dit à maintes reprises que la loi
aurait dû prévoir une période de transition afin de
permettre à tous les Québécois de s'y adapter. C'est un
non-sens que, par exemple, mon frère aîné ait le droit
d'envoyer ses enfants à l'école anglaise, parce qu'il a
été chanceux que ses enfants aient déjà
commencé l'école en anglais, et que, par contre, moi qui fais
partie de la même famille, si mes enfants commencent l'école
après l'entrée en vigueur de ladite loi, je n'aie pas le
même droit que mon frère. C'est la situation qu'on a essayé
assez souvent de soulever auprès des diverses commissions parlementaires
et c'est, en effet, cet aspect rétroactif de la loi dont nous voulons
que cette commission prenne connaissance.
Je voudrais souligner qu'il serait désastreux à ce
moment-ci de l'histoire d'envisager un transfert d'un système scolaire
à un autre de ces enfants qui, aujourd'hui, se trouvent en grande partie
en sixième ou septième année. Je pense que vous avez quand
même, rattachée à votre mémoire, une opinion
d'experts qui fait le point sur l'impact qu'un transfert pourrait avoir sur
l'enfant qui a reçu une instruction six ou sept ans dans un
système bien défini. Je dis "bien défini", parce que, dans
ce système, 99% des élèves sont de la même origine;
ce sont des élèves qui proviennent d'une environnement familial
à peu près semblable. Ce ne sont pas des écoles où
il y a une participation d'anglophones. On les appelle des écoles
anglophones, mais il faudrait analyser les chiffres des étudiants qui
vont dans ces écoles. Vous serez déçu, parce qu'il n'y a
pas ou peu d'anglophones qui vont dans ces écoles. Vous devriez aussi
savoir que, dans ce système, la présence des enfants que vous
avez appelés "illégaux" n'existe plus, c'est-à-dire qu'il
n'y a pratiquement plus d'élèves qui entrent dans ce
système. D'ici à cinq ou dix ans, le phénomène des
enfants illégaux n'existera plus. Nous devons quand même trouver
une solution pour résoudre le problème de ces enfants qui se
trouvent dans ce système en cachette, qui se sentent
vraiment les victimes de la loi 101.
Lorsqu'on parle de droits linguistiques, nous voudrions aussi avoir le
droit de communiquer avec des groupes d'origine italienne dans notre langue.
Vous êtes vraiment le groupe qui devrait comprendre que nous aussi, les
Italiens, voulons conserver notre langue d'origine, notre culture. Nous sommes
très fiers de notre culture italienne. Ce que nous demandons à
cette commission, c'est de reconnaître en effet qu'il existe au
Québec, comme le disait le ministre tantôt, 80 groupes ethniques
qui veulent aussi conserver leurs origines, leur culture sans pour autant
s'empêcher de s'intégrer à la culture francophone du
Québec. Il n'y a pas de conflit, il n'y a pas de contraste. Vous verrez
que la grande majorité de la communauté italienne s'est bien
intrégrée ici au Québec. Nous vous demandons d'avoir une
certaine souplesse dans la loi afin d'éviter les frictions, afin
d'éviter ce qu'on appelait ce matin les irritants. Nous sommes
prêts, M. le Président, à répondre à vos
questions.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Sciascia. M. le
ministre.
M. Godin: M. le Président, M. Antonio Sciascia, que je
rencontre toutes les semaines ou à peu près, et tous ceux qui
vous accompagnent, vous avez d'abord raison de dire que la communauté
italienne a été un peu prise entre l'arbre et l'écorce
dans la question linguistique depuis quelques années au Québec,
et on se souviendra que la loi 63 avait justement eu, dans la ville de "San
Leonardo", qui est une ville plus italienne peut-être que Milan, des
effets sociaux extrêmement désagréables pour tout le monde
à l'époque. Vous êtes mieux placés que n'importe
quelle communauté pour mesurer à quel point la question
linguistique, pour les francophones du Québec, est une question
délicate et qui va au coeur de leurs inquiétudes quant à
leur avenir dans un continent qui n'est guère francophone et encore
moins italien. Par ailleurs, je dois dire, à propos de certains passages
de votre mémoire où vous dites que les autres langues que le
français ne sont pas reconnues dans la charte, qu'au contraire, chaque
fois que nous disons "toute autre langue" ou "une autre langue", cela couvre
précisément les 80 langues dont nous parlons.
La communauté italienne du Québec, d'ailleurs, a retenu sa
langue maternelle italienne plus fortement que toute autre communauté
italienne du continent nord-américain. On peut donc dire que dans cette
province de Québec, dans ce petit territoire, au fond, il y a quand
même eu, j'imagine, puisque les résultats sont là pour le
démontrer, un environnement propice au développement de
l'italianité de ces Québécois qui sont venus de l'Italie
depuis quelques générations et de leurs descendants ici au
Québec. Je dois dire aussi que des 40 groupes, des 40 communautés
culturelles qui, dans les écoles du samedi, suivent des cours dans leur
langue maternelle, la communauté italienne est celle qui est la plus
nombreuse à suivre ces cours qui permettent aux enfants italiens du
Québec de garder leur langue, leur culture, d'apprendre l'histoire de
leur pays, etc. La contribution de la communauté italienne est la plus
importante et la contribution du gouvernement à ce programme - qui va
à la communauté italienne - est également la plus
importante. Il y a 5000 élèves sur 17 000, je pense, qui suivent
des cours semblables. Le budget global de ce ministère que je dirige
pour l'enseignement des langues des communautés culturelles aux
écoles du samedi, qui était de 60 000 $ en 1972-1973, à
l'époque de mon prédécesseur, Mme la députée
de Chomedey, est maintenant rendu à 250 000 $ par année. Le
nombre d'élèves est passé de 7900 en 1972-1973 à 18
000.
Donc, nous n'avons, au fond, que poursuivi dans la voie tracée
par Mme Bacon, qui à l'époque était ministre de
l'Immigration, et ses collègues qui l'ont précédée
ou suivi à ce poste. Je trouve assez étonnant, M. Sciascia, que
ces faits, qui sont connus de votre part aussi bien que de la nôtre, la
vitalité, de dynamisme des Italiens de Montréal et du
Québec, vous n'en fassiez pas écho. (15 h 45)
II y a également Italexporama dont vous avez parlé. Le
gouvernement du Québec, depuis le début, est associé
à cette exposition qui prend tellement d'ampleur que vous voilà
maintenant sortis d'une salle trop petite à la Place Bonaventure et
transférés dans notre Palais des congrès à tous,
Montréalais et Québécois, qui pourra accueillir encore
plus de monde pour voir la vitalité et le dynamisme de cette
communauté. Je disais ce matin au maire Drapeau, vous étiez ici,
que j'ai l'impression depuis, quelques années, que s'il y a au
Québec des groupes qui ont agi, se sont comportés comme s'il n'y
avait pas de crise économique au Québec c'étaient bien les
Italiens, en particulier, qui ont continué à développer
leurs entreprises, à développer leurs restaurants, à
développer leurs activités économiques et à
créer un autre dynamisme économique dans l'ensemble du
Québec. Donc, on peut dire que vous avez été, pendant
toute cette période, des modèles pour l'ensemble des
Québécois, pour l'ensemble des communautés du
Québec.
Je n'ai pas la même lecture sombre qui semble se dégager de
votre mémoire. Et, je voudrais dire à M. de Michele que, quand
vous dites que les tests s'appliquent seulement à ceux qui ont un nom
à consonance bizarre ou étrangère, c'est
complètement faux. Cela s'applique en vertu de la
fréquentation ou non du secteur anglophone. C'est ainsi qu'un ancien
collègue, M. Oswald Parent, a été soumis à ces
tests, ce qui illustre bien qu'ils ne sont nullement discriminatoires, mais
qu'ils s'appliquent uniquement à ceux qui n'ont pas suivi au
Québec des cours dans des commmissions scolaires de langue
française.
Par ailleurs, sur ce point précis, M. de Michele, je vous dirai
ceci: C'est l'un des points - celui de l'application ou de l'exemption de ces
tests aux étudiants qui sortiraient du secteur anglais en ayant
réussi un examen de français - sur lesquels le gouvernement va se
pencher avec énormément d'attention. La décision du
gouvernement de demander à l'office de vérifier quelques
années plus tard si ses propres examens de français dans le
secteur anglais sont valides me semble, à première vue, un peu
illogique, un peu contradictoire. Puisque la responsabilité est entre
les mains du ministère de l'Éducation, c'est à lui de
faire son travail proprement; non pas à un autre organisme de
vérifier quelques années après. Donc, sans vous annoncer
de changement, sans même vous dire qu'il y en aura, je vous dis que c'est
l'un des points sur lesquels le gouvernement se penchera avec
énormément d'attention dans les semaines qui viennent, dès
après cette commission parlementaire.
D'autre part, les banques, M. le président, ne sont pas soumises
à la loi 101. Les banques relèvent de la loi
fédérale et peuvent échapper à toute application de
la loi 101. Alors, par conséquent, une banque qui s'afficherait Trust
hellénique canadien, ou Canado Hellenic Trust - ou, en grec, je ne sais
pas comment on dit cela - peut le faire. Une banque peut afficher dans la
langue de sa clientèle.
Je vous demanderais votre opinion également, M. le
président, sur l'article 62 de la loi 101 qui porte sur les
établissements spécialisés dans la vente de produits
typiques d'une nation étrangère, ou d'un groupe ethnique
particulier. La loi dit que l'on peut afficher à la fois en
français et dans la langue de cette nation, ou de ce groupe ethnique.
Est-ce que cet article de la loi actuelle, qui date de six ans
déjà, ne permet pas précisément à la
communauté italienne de faire part, de montrer à l'ensemble des
Québécois qui ne sont pas italiens leur présence ici d'une
part, mais également de rejoindre leur clientèle italophone? Mon
expérience personnelle, dans votre communauté et dans les
nombreux restaurants italiens que je fréquente, et dans les nombreux
commerces italiens d'ailleurs il n'y a pas seulement des restaurants, il y a
beaucoup d'autres genres de commerces - j'ai rarement entendu dire que la loi
101, à cause de cet article, avait provoqué des problèmes
de la gravité de ceux que vous évoquez.
En terminant, vous dites, M. de Michele, que "The name of the game is
money". Nous sommes d'accord avec cela, jusqu'à un certain point, pour
tout ce qui est commercial, pour tout ce qui est fabrication, pour tout ce qui
est industrie et commerce, nous sommes d'accord avec ce principe. Dans le
domaine culturel, mon ami le poète Filippo Salvatore, constatera
peut-être comme moi que dans nos domaines respectifs de publication de
poèmes "the name of the game is not always money".
Est-ce que vous voulez me dire par là que la loi vous interdit de
communiquer en italien avec votre clientèle italophone? Est-ce que la
loi vous interdit d'envoyer des catalogues, des dépliants, de la
publicité en italien à votre clientèle anglophone et
d'avoir dans votre établissement commercial des dépliants
italiens? À ma connaissance, les règlements ne l'interdisent
nullement. À ma connaissance la loi ne l'interdit nullement. J'aimerais
que vous me précisiez dans quelles circonstances vous avez
observé que la loi 101 vous empêchait de procéder à
une publicité qui s'adresse à vos clientèles italienne ou
autres? La clientèle qui va chez vous n'est pas seulement italophone.
Toute autre langue est permise pour ce qui est de la publicité
commerciale, imprimée, distribuée dans les lieux commerciaux ou
expédiée par la poste.
Avant de conclure j'aimerais que vous me donniez une réponse
à cette question.
M. de Michele: Lorsque j'ai fait mon affirmation, M. le ministre,
je ne faisais pas nécessairement référence à la
communauté italienne comme telle, puisqu'il n'y a rien qui nous
empêche de communiquer entre deux commerçants italiens en italien.
Par contre, vous devez certainement être au courant qu'une loi existe et
que les règlements existent. Je faisais surtout allusion au secteur
anglophone. À toutes fins utiles, présentement l'affichage
anglophone au Québec est inexistant ou impossible. D'ailleurs, M. le
maire, ce matin, a clairement indiqué la situation de la ville de
Montréal qui représente au-delà de 50% de
l'économie du Québec. C'est dans ce sens également.
J'ai fait également référence à l'Office de
la langue française qui applique en partie la loi 101. J'ai eu un cas
particulier il y a quelques années. Vous êtes sans doute au
courant qu'il existe des marques de commerce qui ne peuvent pas être
traduites. Il y a des noms qui ne peuvent pas être traduits de l'anglais
au français. Il y a quelques années l'Office de la langue
française nous avait demandé - là je parle d'une
expérience tout à fait personnelle. Vous devez connaître la
chaîne d'hôtels
Seaway qui existait. C'est une marque internationale comme les Holiday
Inn et les Hilton et les autres, qui, à ce moment, par
l'interprétation donnée par l'Office de la langue
française, devait changer son nom pour "Hôtel-Motel Voie
Maritime". Personne ne connaît ce nom. C'est la même chose que si
on change le nom des Holiday Inn pour l'"Auberge des vacances". L'impact
économique que cela peut avoir en ce qui a trait au domaine touristique
peut être désastreux.
M. le ministre, ce matin on a donné des chiffres en ce qui
concerne le tourisme au Québec en démontrant que le tourisme au
Québec contrairement aux autres régions du Canada a
augmenté et que nous sommes en avance sur la moyenne
générale du Canada. Peut-être. Mais en fonction de la
performance du dollar canadien par rapport au dollar américain, depuis
les deux dernières années, ne seriez-vous pas d'accord pour dire:
Etant donné l'attrait culturel, l'attrait francophone du Québec,
que ces chiffres auraient du être de loin et de beaucoup
supérieurs aux résultats donnés? Si dans un État
comme les États-Unis d'Amérique on se fait une gloire de dire
qu'ils ont une ville francophone comme cela a été
mentionné ce matin, la Nouvelle-Orléans, nous, au Québec,
l'industrie touristique devrait être une des industries premières.
Si on veut attirer ces personnes il faut être en mesure de les
accueillir. Si elles viennent ici et elles se trouvent dans un labyrinthe,
puisqu'on ne peut pas s'attendre que ces gens parlent le français. On
veut les accueillir, on veut communiquer avec eux. On veut qu'ils reviennent.
D'où l'importance de l'affichage non pas seulement au sens strictement
commercial mais l'affichage en général. On veut communiquer avec
ces gens, on veut les attirer, on veut leur argent. C'est à nous
à les attirer. C'est à nous à voir à ce que, quand
ils viennent chez nous, ils nous comprennent. Autrement, ils ne reviendront
pas. Aussi bien déménager Montréal à Niagara Falls
comme on le disait ce matin, chose qui est impossible.
M. Godin: C'est le contraire que je proposais: qu'on amène
Niagara Falls à Montréal.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Godin: Une dernière intervention avant de donner la
parole à M. Antonio Sciascia, qui a un commentaire à faire sur
mes propos.
En tant que ministère des Communautés culturelles et de
l'Immigration, nous avons chez nous un service des immigrants investisseurs qui
nous met en contact avec des investisseurs d'une cinquantaine de pays.
Laissez-moi vous dire, Me de Michele, qu'un grand nombre de citoyens de
pays européens qui viennent ici nous disent: On est tellement bien ici,
il n'y a pas de règlements, par rapport à ce qu'ils ont dans leur
pays d'origine: la Grèce, l'Italie, l'Allemagne, la France, la Belgique,
la Suisse. Nous pensons qu'on a des règlements comme ce n'est pas
possible, des tombereaux de règlements. Mais un paysan, un cultivateur
français ou belge qui débarque ici se trouve presque, quant
à lui, dans le paradis par rapport à la réglementation
qu'il y a dans certains pays d'Europe, les problèmes du marché
commun et d'autres semblables.
Je pense qu'on peut citer la phrase célèbre de Daniel
Johnson, père, qui disait: "Quand je me regarde, je me désole,
mais, quand je me compare, je me console." C'est le témoignage qui nous
vient des immigrants qui investissent ici. Je vous répète qu'en
huit ans il y a eu 500 000 000 $ qui ont été investis par les
immigrants investisseurs au Québec qui ont créé des
emplois, même en période de crise, alors que tout le monde, enfin
bien des gens dans certaines communautés parlaient de partir. Beaucoup
arrivaient et décidaient de venir ici parce qu'ils savaient qu'il y
avait ici, dans le cas des Italiens, une communauté italienne forte dans
laquelle ils pourraient trouver une espèce d'environnement favorable au
maintien de leur propre culture, tout en étant en Amérique du
Nord, tout en étant là où le dynamisme économique
se trouve. Ils choisissaient le Québec en connaissance de cause, comme
ils le font depuis que la loi 101 existe. Ceux qui viennent ici savent à
quoi ils s'engagent au point de vue scolaire et à d'autres points de
vue.
Votre communauté a été un partenaire essentiel du
développement économique du Québec depuis de nombreuses
années. Pour ces raisons, nous allons nous pencher avec une attention
particulière sur les recommandations faites dans votre mémoire;
aussi bien sur ce qui touche les tests et sur ce qui touche les illégaux
que sur ce qui touche les sept points abordés dans votre mémoire.
Nous espérons qu'à la fin de cette commission nous saurons donner
satisfaction à quelques-unes de vos recommandations.
Je vous redonne la parole, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Sciascia.
M. Sciascia: M. le Président, M. le ministre, vous avez
soulevé tellement de questions, il serait pratiquement impossible de
vous répondre. Vous avez parlé de la performance
économique de la communauté italienne du Québec. Je dois
vous dire que les Italiens ne quittent pas facilement. Je
dois peut-être répondre de la même façon que
le maire, M. Drapeau, l'a fait ce matin, d'une façon très
brillante. Imaginez-vous, s'il n'y avait pas eu cet irritant de la loi 101,
quel aurait été le résultat. On vous dit: II y a eu du
progrès. Nous sommes tout à fait d'accord avec cela. Mais, par
contre, vous devez parler à nos hommes d'affaires italiens pour voir
exactement ce qu'ils pensent des aspects de la loi 101 dont on vous a fait part
ce matin.
Je crois, M. le Président, qu'il faut quand même apporter
certains assouplissements à cette loi afin de prendre en
considération les opinions de ces hommes d'affaires qui ont tellement
collaboré à l'économie du Québec. Vous avez
parlé aussi... Je voudrais faire des corrections, lorsqu'on parle du
trust italien, ce n'est pas une banque, cela ne relève pas du
gouvernement fédéral, c'est une charte provinciale. L'affichage,
c'est autre chose, c'est aussi une exclusivité de la province et non pas
du fédéral. Je voudrais apporter ces corrections.
Vous avez parlé de la communication entre les Italiens, mais vous
parlez de deux choses différentes. On peut très bien communiquer
en faisant imprimer des brochures strictement en italien et les distribuer dans
les magasins, mais on ne fait pas allusion à cela. On fait allusion
à l'affichage public qu'on ne peut pas faire dans les deux langues. Il y
a des exceptions dans la loi lorsque l'on parle des associations ou des groupes
culturels. Mais on ne parle pas de cela, M. le ministre, on parle des
commerçants qui veulent vendre leurs produits à des
consommateurs. (16 heures)
Vous avez mentionné aussi l'article 62. M. Salvatore veut dire un
mot à ce sujet.
Le Président (M. Gagnon): M. Salvatore.
M. Salvatore: M. le ministre, en tant que poète, cela me
fait plaisir de voir qu'un ministre peut devenir poète au
Québec.
M. Godin: À votre tour maintenant, la prochaine fois.
M. Salvatore: Donc, j'ai encore espoir dans ce pays, dans cette
province de Québec, puisqu'un poète peut devenir ministre.
Cependant, je tiens à vous faire remarquer deux choses: En fait, vous
n'avez pas mentionné seulement les articles 61 et 62, mais aussi 59 et
60; il y a quatre exceptions à l'article 58. Or, que dit l'article 58?
La charte interdit l'utilisation d'une langue autre dans l'affichage public.
Évidemment, quelles sont les exceptions? Il y en a deux. À
l'article 61, il y a l'exception qui limite à l'affichage, aux
activités culturelles, à laquelle Me Sciascia faisait
référence tandis que l'article 62 permet l'affichage dans une
langue étrangère ou autre dans les établissements
spécialisés en produits ethniques. Voilà donc le sens des
exceptions. Mais même à l'article 62, il y a une exception
à l'exception en fait, encore plus spécifique, parce que
l'affichage est permis à l'intérieur. Quand vous dites "dans",
selon l'interprétation donnée, cela signifie à
l'intérieur et non pas à l'extérieur. Je me suis rendu
compte de la vérité de cette interprétation en allant
à Saint-Léonard. Qu'ai-je vu au coin de Jean-Talon et Viau? Maman
Rosa Pizzeria. Savez-vous comment on a épelé "mamma"? Maman, pas
Mamma Rosa. C'est un établissement qui sert des produits ethniques: la
pizza évidemment, mais puisque probablement il y a plus que trois
employés, on est obligé, selon la loi, d'afficher en
français seulement. Voilà le type de tracasseries auxquelles nous
faisons référence, M. le ministre... M. le Président,
excusez-moi si je ne suis pas l'étiquette.
J'aimerais aussi faire une sorte de distinction entre ce que l'on
appelle leur propre langue. Évidemment, il faut tenir compte du contexte
dans lequel se trouve une communauté. La communauté italienne est
au Québec depuis deux, trois et même quatre
générations, dans certains cas. Donc, il faut quand même
faire une distinction entre les membres de cette communauté. Quand on
dit leur propre langue, on peut se référer aux gens qui sont
arrivés ici il y a une génération et dont l'italien est la
langue maternelle; par contre, il y a des gens de la deuxième ou de la
troisième génération qui, eux, choisissent librement
l'anglais comme langue maternelle. Le recensement de 1981 a
démontré justement qu'il y a eu une baisse au sein de la
communauté italienne d'à peu près 10 000 personnes parce
que depuis une décennie, il y a un nombre de plus en plus important de
gens d'origine italienne qui ont déclaré l'anglais ou le
français comme langue maternelle. Cela dépend. Donc, quand on se
sert de l'expression "leur propre langue", selon moi, cela devrait signifier la
langue librement choisie, non seulement la langue, mais les langues, parce que
je tiens à souligner que de toutes les communautés culturelles du
Québec, la communauté italienne est celle qui probablement, en
termes de pourcentage, est la plus bilingue -à nouveau je vous
réfère au recensement de 1981. Donc prétendre que la
communauté italienne s'anglicise ou qu'elle refuse de se servir du
français comme langue d'usage, c'est faux. C'est l'image que certains
médias d'information ont voulu corroborer, mais, selon nous, ce n'est
pas aux organismes du gouvernement de dire: Puisque vous avez un nom d'origine
italienne, vous êtes de langue maternelle italienne. Ce serait une sorte
de dirigisme que nous n'acceptons pas, parce que l'on peut avoir un nom grec,
italien,
arménien ou n'importe quoi et déclarer: La langue d'usage
chez moi est l'anglais, donc je déclare que l'anglais est ma langue
maternelle.
Il y a des cas comme celui-là sur lesquels je voulais attirer
votre attention. Voilà.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Merci, M. le ministre. M.
le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je veux remercier le
Congrès national des Italo-Canadiens pour son mémoire. C'est une
tâche assez difficile pour une minorité que de présenter
son point de vue, ses préoccupations et d'essayer de les faire
comprendre par les autres éléments de la société,
parce qu'on a toujours le problème culturel, les traditions, les usages,
les problèmes et les expériences qui sont vécus dans la
minorité. Ce n'est pas toujours facile d'essayer de traduire ces
problèmes pour qu'ils soient compris par les autres
éléments de la société, par la majorité. Je
voudrais féliciter les membres du congrès pour avoir entrepris
cette tâche, qui est assez difficile.
Le ministre, M. le Président - et je dois essayer de clarifier
certains des points qu'il a soulevés avant de passer aux questions que
je voudrais poser à nos invités - souvent au cours de la
journée a fait des affirmations. Je présume qu'il ne s'attend pas
qu'on le corrige. Parfois si on ne le corrige pas, cela peut laisser une
mauvaise impression, de fausses impressions ou des impressions incorrectes. Je
pense bien que le ministre ne le fait pas volontairement. Il le fait
d'après les renseignements qu'il a.
Quand le ministre affirme que la communauté italienne a
conservé sa langue plus que toute autre communauté italienne du
continent et quand il mentionne les investissements de la communauté
italienne au Québec, je me demande où il prend ses données
et je me demande aussi s'il sait... Cela, ce sont des articles de presse. On
pourra vous en montrer d'autres. J'aurais cru que vous auriez peut-être
eu une étude...
M. Godin: Montrez-les. Montrez-les.
M. Ciaccia: Non, mais quand on parle des investissements on dit:
Bon, la communauté italienne au Québec, vous faites du
progrès, etc., je pense que c'est un secret de polichinelle que la
communauté italienne au Québec n'a pas eu la croissance de la
communauté italienne, par exemple, de l'Ontario. Pourtant, au
Québec, la communauté italienne est beaucoup plus vieille. Elle
est une des communautés les plus anciennes au Canada, mais la croissance
des immigrants se fait à Toronto. Quand on parle d'investissements,
c'est beau de parler de petits restaurants qui agrandissent ou qui ouvrent
leurs portes, de plus en plus nombreux, d'autres petits commerces de
commerçants italiens, mais il faut aussi regarder les grandes
entreprises d'origine italienne et les difficultés qu'elles ont avec la
loi 101, tout en voulant franciser leur entreprise, tout en voulant se
conformer à la loi 101, les difficultés qu'elles ont pour attirer
d'autres capitaux, d'autres investissements. Elles ont les difficultés -
ce n'est pas parce qu'elles sont d'origine italienne - que la chambre de
commerce est venue souligner, les difficultés que le maire de
Montréal est venu souligner ce matin, les mêmes.
À un moment donné, il y a des problèmes communs. Ce
n'est pas parce que c'est la communauté italienne qui les
soulève; ce sont des problèmes qui existent dans l'ensemble de la
population. Il ne s'agit pas de tomber dans le piège du ministre sur la
question de langue, de dire: Le français équivaut au
chômage et l'anglais équivaut... Pas du tout. Ce n'est pas du tout
ce qu'on dit, mais qu'il y a des difficultés qui causent des
problèmes. C'est là le seul but. Il ne faudrait pas les
éviter. Il ne faudrait pas essayer de détourner les discussions
pour faire dire des choses que ni les intervenants, ni les membres de ce
côté-ci de la table de la commission parlementaire ne disent.
Voici ma première question à M. Sciascia ou à un
autre intervenant membre du Congrès national des Italo-canadiens. Vous
avez soulevé une série de problèmes. Est-ce que ce sont
des problèmes qui affectent particulièrement la communauté
italienne, ou est-ce que ce sont d'autres problèmes? Pourquoi, à
ce moment-ci, avez-vous soulevé ces problèmes? Si je remarque les
autres mémoires que vous avez soumis à des commissions
parlementaires sur d'autres législations linguistiques, ils
étaient plutôt d'ordre général. Cette fois-ci ils
sont assez spécifiques.
M. Sciascia: M. le Président, je crois que le temps est
vraiment venu de prendre position. Nous avons le Québec à coeur.
Nous souhaitons le progrès économique, social et culturel du
Québec. Le congrès, dans le passé, a toujours pris
position pour protéger et défendre les intérêts de
la communauté italienne. À ce moment-ci de l'histoire du
Québec, tous les points que nous soulevons dans notre mémoire
touchent directement l'intérêt de la communauté italienne.
Par exemple, si on parle des enfants victimes de la loi 101, de la question de
l'affichage et de tous les points soulevés dans notre mémoire, ce
sont tous des points qui sont devenus assez importants et qui troublent notre
communauté. Ce n'est pas nécessairement, M. le
député de Mont-Royal, qu'ils touchent et troublent seulement la
communauté italienne. Je pense qu'en général
ce sont des problèmes qui touchent à peu près
toutes les autres communautés ethniques dans le Québec.
Personnellement, on a des relations très étroites avec les
autres groupes ethniques. Nous sommes en train de travailler ensemble sur
d'autres projets avec les groupes ethniques, surtout le projet du gouvernement
en ce qui a trait à l'égalité en emploi. Nous sommes en
train d'organiser tous les groupes ethniques minoritaires afin de prendre une
position commune sur ce sujet. Je me rends compte que les problèmes que
nous avons soulevés existent pour toutes les communautés
ethniques minoritaires au Québec. C'est pour cela que le congrès,
à ce stade-ci, a décidé d'aller au-delà de
simplement prendre une position sur la question linguistique, sur la question
des victimes de la loi 101, les enfants.
M. Ciaccia: Sur la question des soi-disant illégaux, si je
comprends bien, votre position est de demander l'amnistie pour ces enfants.
Est-ce que je comprends bien que si la loi n'avait pas eu d'effet
rétroactif, autrement dit si la loi avait explicité qu'elle
s'appliquerait à tous ceux d'origine italienne, grecque, qui viendraient
au Québec après que la loi eut été
promulguée, dans ce cas il n'y aurait pas eu de problème des
illégaux?
M. Sciascia: Je réfère la question à M.
Taddeo.
M. Taddeo: II y a deux volets. Premièrement, on ne
s'entend pas sur le thème rétroactif. C'est un mot qui fait
partie du débat linguistique depuis 1970. Vous n'avez qu'à jeter
un coup d'oeil sur le mémoire de la CSN à la commission Gendron
qui, en 1970, demandait à la commission d'adopter une politique
linguistique en ce qui avait trait à l'éducation mais qui
demandait d'une façon spéciale que la loi ne soit pas
rétroactive, c'est-à-dire qu'elle n'affecte pas les enfants, de
quelque origine qu'ils soient, qui habitaient le Québec au moment de son
adoption. En 1974 le mot rétroactif est revenu à la surface mais
pas avec la même interprétation. Mais si on tient cette
interprétation de rétroactivité, par le sondage qu'on a
fait l'an dernier il est évident- que, parmi les soi-disant
illégaux, 100% sont nés au Québec c'est-à-dire
qu'ils sont des citoyens québécois et canadiens. Leurs familles
sont ici à 40% depuis 10 ans. Ajoutez à cela 15% qui sont ici
depuis au moins 15 ans, c'est-à-dire que parmi les familles qui ont des
enfants à l'école anglaise non officiellement inscrits, 70% des
familles sont ici au Québec depuis au moins 10 ans, sinon plus. Quant
à nous, ces familles ont écopé des conséquences
psychologiques surtout et sociologiques de l'application des lois
linguistiques, les lois 22 et 101. En ce qui nous concerne, ce débat est
clos. Les écoles anglaises, à notre connaissance, n'acceptent
plus d'enfants "illégaux" depuis trois ans. Ce que nous demandons c'est
que, pour ceux qui sont là depuis trois ans ou depuis sept ans, le
gouvernement fasse ce qu'il a fait par le passé, c'est-à-dire
accorder à ces enfants l'amnistie totale.
Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le député
de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Deux autres questions, si le président me le
permet. Est-ce qu'il y a d'autres difficultés? Par exemple, selon
l'article 80 de la loi, les enfants présentant des difficultés
graves d'apprentissage doivent être exemptés de l'application du
présent chapitre. Le gouvernement peut, par règlement,
définir les catégories d'enfants visées à
l'alinéa précédent. Est-ce que cet article cause des
problèmes dans la communauté?
M. Taddeo: Vous avez cet article et l'article 73 qui posent des
problèmes dans la façon de les appliquer. Il ne faut pas
être un génie pour comprendre qu'on peut appliquer une loi de deux
façons, soit une façon rigide ou une façon humaine et
souple.
Vous avez autour de la table deux personnes qui étaient
commissaires à la CECM, en 1974-1975, lorsqu'une loi beaucoup plus
difficile d'application a été mise en vigueur, soit la loi 22.
Les critères d'admission étaient l'accès à
l'école anglaise pour ceux qui avaient une connaissance suffisante de
l'anglais. La CECM, avec l'accord des deux personnes qui sont là, a
décidé de faire venir devant elle les enfants avec leur famille,
afin de constater si oui ou non l'enfant possédait une connaissance
adéquate de la langue d'enseignement et constatait si oui ou non les
enfants avaient des frères ou des soeurs à l'école
anglaise. C'est une façon souple et humaine d'appliquer une loi.
En ce qui a trait à la loi 101, vous avez des gens qui
travaillent pour le ministère de l'Éducation, qui
reçoivent un formulaire. Si le formulaire indique que l'enfant ou les
parents n'ont pas fait six ans d'études à
l'élémentaire au Québec, c'est fini, final; allez en
appel. Il n'y a aucun effort pour appliquer la loi avec souplesse et ouverture
d'esprit.
En effet, l'article 83, si vous avez dans une famille, un enfant qui a
une anomalie, la situation est la suivante: on accorde à l'enfant la
permission de fréquenter l'école anglaise parce que l'enfant
souffre de difficultés d'apprentissage, mais ses frères ou soeurs
qui pourraient l'aider à l'école anglaise, eux, qui sont normaux
mais qui ne répondent pas aux autres critères de la loi,
doivent fréquenter l'école française.
M. Ciaccia: On revient à un vieux problème de
division dans les familles.
M. Taddeo: C'est la division de la famille avec l'enfant qui a
des difficultés d'apprentissage à l'école anglaise et ceux
qui ne l'ont pas et qui sont à l'école française.
Le Président (M. Gagnon): Merci.
M. Salvatore: Un autre exemple, M. Ciaccia. Prenez ma famille. Ma
soeur cadette, qui est arrivée ici très jeune, a
fréquenté l'école élémentaire anglaise
à l'époque et ses enfants ont le droit de fréquenter
l'école anglaise. Moi, puisque j'étais un peu plus
âgé et que je n'ai pas fréquenté toute
l'école élémentaire au Québec, je n'ai pas le
droit. Donc, il y a une division de la famille. Quand mes enfants et les
enfants de ma soeur se réunissent chez nous, c'est vraiment une sorte de
tour de Babel, parce qu'on ne sait pas dans quelle langue on doit communiquer.
D'habitude nous communiquons dans notre dialecte maternel, mais s'ils doivent
communiquer dans une des langues officielles du pays, c'est vraiment
impossible, parce que mes enfants parlent le français et les enfants de
ma soeur parlent l'anglais. C'est un exemple typique des effets
rétroactifs de la loi 101.
M. Ciaccia: M. Salvatore, quand vous avez dit qu'il y a encore
espoir quand un poète peut devenir ministre, vous, comme poète,
dans quelle langue écrivez-vous vos poèmes?
M. Fortier: En jouai ou en français?
M. Salvatore: J'écris en français, en anglais et en
italien, dans les trois langues.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Bourassa, en vous rappelant qu'il reste très peu
de temps à votre formation politique.
M. Laplante: Merci, M. le Président. Je voudrais souhaiter
la bienvenue aux membres du congrès que je connais bien. Vous savez sans
doute que j'ai une importante population de votre communauté dans mon
comté et j'ai appris à connaître la communauté
italienne bien avant d'être député. D'ailleurs, avec M.
Taddeo, je pense qu'on s'était sensibilisé, au temps où
nous étions commissaires d'écoles, justement à la loi 22
où il y avait une discrimination. Il n'y avait pas de respect de la
famille par les tests. Il y avait une division de la famille à ce
moment-là et on avait fait équipe ensemble pour essayer d'avoir
à juste titre ce que je crois encore aujourd'hui une amélioration
à la loi 22.
M. le député de Mont-Royal parlait tout à l'heure
d'économie, que les gens avaient peut-être peur d'investir, mais
l'effet qui se produit dans la communauté italienne chez nous, c'est
que, dans le plus dur de la crise qu'on vient de passer, un seul homme
d'affaires de la communauté italienne a investi pour 50 000 000 $ de
construction chez nous, dans le plus dur de tout. Le temps était des
plus risqués. Je peux lui rendre hommage. Il a bien planifié.
Actuellement, il serait prêt à réinvestir 100 000 000 $ si
on avait des terrains à lui fournir dans Montréal-Nord.
Malheureusement, la ville est presque entièrement construite. On n'a pas
d'autres terrains à lui offrir pour garder cet investisseur chez
nous.
Passons maintenant aux questions. Vous dites en quoi la Charte de la
langue française a eu des conséquences particulières sur
vous, la communauté d'origine italienne. Vous semblez croire que votre
communauté a été traitée de façon
différente des autres dans l'application de la charte lorsque vous
déclarez à la page 3: "La loi 101 est une loi très
puissante qui est parfois appliquée sur un groupe particulier avec un
esprit vindicatif." Si je vous donne comme référence une
institution de votre communauté que vous connaissez très bien,
l'hôpital Santa Cabrini, qui a reçu son certificat de francisation
et qui fonctionne aujourd'hui en français et en italien, ne serait-ce
pas une preuve du contraire actuellement?
M. Sciascia: Lorsque vous faites allusion à ce paragraphe
de notre mémoire, le groupe visé n'est pas nécessairement
la communauté italienne. Lorsqu'on parle de l'interprétation de
la loi d'une façon puissante, on fait surtout allusion dans ce
paragraphe à la manière dont cette loi a été
appliquée lorsqu'on parle du groupe anglophone, par exemple. Je crois
que, dans l'interprétation et dans l'application de cette loi, il y a eu
une injustice flagrante dans la manière avec laquelle les
représentants de l'office ont procédé à
l'enlèvement de l'affichage en anglais. Je dois vous dire, M. Laplante,
que les mêmes personnes n'ont pas procédé de la même
manière avec la communauté italienne. D'un côté,
nous en sommes fiers, mais nous avons peur que cette manière d'agir
puisse aussi se propager dans les autres communautés. C'est pour cette
raison que lorsque nous faisons allusion à la manière dont cette
loi a été appliquée, avec un esprit de vengeance
vis-à-vis d'un certain groupe en particulier, nous ne voulons pas dire
le groupe italien du Québec. L'allusion que nous faisons dans ce
paragraphe concerne justement le groupe anglophone.
M. Laplante: Cela ne m'entre pas dans la tête, un
mémoire du Congrès national des
Italo-Canadiens qui vient prendre la défense des droits culturels
de la communauté italienne et qui élargit jusque-là.
M. Sciascia: Je vous donne comme référence ce qui
se produit actuellement au Manitoba.
M. Laplante: Comme on n'a pas tellement de...
Le Président (M. Gagnon): Excusez-moi, M. le
député. On va laisser M. Sciascia...
M. Sciascia: M. Laplante, tous les groupes minoritaires sont
à la défense de la communauté francophone de Winnipeg.
Vous savez cela, n'est-ce pas? Ne vous étonnez pas si les autres groupes
ethniques, à un moment donné, se sentent visés par la
manière dont la loi est appliquée vis-à-vis d'un groupe en
particulier. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous n'avons pas
mentionné le mot "anglais", mais on s'attendait naturellement à
une question sur ce paragraphe.
M. Laplante: Vous recommandez aussi l'abolition du chapitre V -
oui, il pourra enchaîner après - de la charte qui traite des
infractions. Pourriez-vous, en tout cas, me dire par quelles garanties la loi
serait respectée, ce qu'on peut faire s'il n'y a pas de peine encourue
pour la non-application de la loi? Vous la remplacez par quoi?
M. Salvatore: Voilà. Je faisais référence
à l'article 208. En fait, les sanctions appliquées par la
Commission de surveillance de la langue française, légalement
parlant, ne sont pas pénales mais civiles. Je tiens bien à faire
la distinction. Par contre, étrangement, on retrouve l'article 208, au
paragraphe qui s'intitule "Infractions et Peines", n'est-ce-pas?
M. Laplante: D'accord.
M. Salvatore: Or, je ne connais pas la logique du
législateur. Si les sanctions ne sont pénales, pourquoi avoir
inséré ces articles dans le paragraphe qui s'intitule
"Infractions et Peines"? Une erreur de définition me semble donc avoir
été commise par le législateur, d'un côté.
D'accord?
M. Laplante: En somme, vous êtes d'accord pour qu'il y ait
des sanctions quand même.
M. Sciascia: M. Laplante, la solution que nous avons - je n'ai
pas compris votre question plus tôt, je m'en excuse - c'est ce que nous
allons vous suggérer. Si vous voulez éviter les sanctions
pénales, il faut prendre connaissance de la Loi sur la protection du
consommateur. Vous verrez qu'il est prévu dans cette loi un recours pour
l'exécution du jugement comme nous en avons un dans le droit civil,
c'est-à-dire par la saisie des meubles ou par la saisie des salaires, au
lieu d'incarcérer les gens qui refusent de payer une amende suite
à une infraction à la loi 101. Cela nous semblerait plus humain
que la sanction soit civile plutôt que pénale, tel que
prévu dans la loi 101.
M. Laplante: D'accord.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de Bourassa.
M. Laplante: Bien, une couple-Le Président (M. Gagnon):
Bien, une couple, je vous ferai remarquer qu'on a dépassé
largement le temps, M. le député de Bourassa, et d'autres m'ont
demandé la parole.
M. Laplante: Encore une.
Le Président (M. Gagnon): Seulement une très
courte.
M. Laplante: Vous attribuez à certains articles de la
charte - notamment à ceux qui traitent de la langue de l'affichage
public, de l'enseignement, des exigences linguistiques pour les membres des
ordres professionnels -le fait d'avoir empiré la situation
économique du Québec. C'est le texte que vous donnez. J'aimerais,
à la suite de ces affirmations, que vous nous en fassiez la preuve.
Actuellement, s'il y avait eu absence de la loi 101, est-ce que cela aurait
empêché le Québec de subir une crise économique qui
s'est d'ailleurs manifestée un peu partout dans le monde? Avez-vous des
chiffres à nous fournir là-dessus?
M. Sciascia: La question me semble très
hypothétique. Je ne voudrais même pas répondre à une
telle question.
M. Laplante: Oui, mais vous la posez dans un cadre
hypothétique aussi. C'est pour cela que je vous demande des chiffres
là-dessus. Qu'est-ce qui vous fait dire cela?
M. Sciascia: C'est justement. Je pense que le président
est très pressé à cause du temps.
Le Président (M. Gagnon): Oui.
M. Sciascia: On pourrait se parler après la
présentation du mémoire.
Le Président (M. Gagnon): Vous aurez l'occasion d'y
revenir. Je vais donner la parole à Mme la députée de
Chomedey.
Mme Bacon: M. le Président, je vais essayer d'être
assez brève. Vous indiquez, M. Sciascia, que vos recommandations
à cette commission parlementaire sont d'ordre général mais
il me semble qu'on doive être d'accord que c'est assez spécifique
dans les recommandations que vous nous faites. À la page 5 de votre
mémoire, vous indiquez qu'il faudrait en fait presque réduire
l'appareil bureaucratique et je pense que cela revient dans d'autres sections
de votre mémoire. Est-ce que vous avez là-dessus une
recommandation bien spécifique à faire? Est-ce qu'il y a une
branche de l'appareil bureaucratique qui, selon vous, devrait
disparaître?
M. Sciascia: Je pense que presque tous nos organismes, nous en
avions six je pense, s'occupent de l'application de la loi 101. Et, ce que nous
préférions, c'est que dans les organismes où des gens en
place sont déjà tenus de faire appliquer les diverses lois ou
divers règlements, le gouvernement devrait considérer de laisser
à ces organismes le devoir de suivre l'application de la loi 101. (16 h
30)
En principe, nous ne croyons pas qu'il soit nécessaire d'avoir,
par exemple, une Commission de la langue française ou d'avoir des
inspecteurs qui se promènent partout et qui créent cet esprit de
friction entre les groupes. C'est, je crois, la seule loi au Québec dans
laquelle on prévoit une espèce de bureau de surveillance, un
strict contrôle de certaines activités des
Québécois. Je pense que c'est choquant pour les
Québécois en général; je pense que c'est choquant
surtout - on représente les Italiens - pour les Italiens. (16 h 30)
Voici ce que nous suggérons, pour plaire au gouvernement. Si
c'est trop demander d'abolir ces divers organismes, qu'on n'en garde qu'un. On
va ainsi économiser de l'argent. On se plaint de la crise
économique. Nous suggérons donc un organisme qui verrait à
ce que le fait français au Québec soit respecté.
Le Président (M. Gagnon): M. Salvatore, vous aviez
demandé la parole.
M. Salvatore: Oui, j'aimerais préciser davantage la
pensée de Me Sciascia et dire qu'actuellement, il y a trois organismes
qui s'occupent de l'application de la loi 101: l'Office de la langue
française, le Conseil de la langue française et la Commission de
surveillance de la langue française. J'ai moi-même fait partie
pendant deux ans du Conseil de la langue française. Il est
composé de douze personnes qui doivent voir à l'application de la
loi, qui doivent veiller à la qualité de la langue
française au Québec. L'élément inacceptable dans
toute cette histoire reste la Commission de surveillance de la langue
française.
Je tiens à rappeler les chicanes internes qui ont eu lieu au sein
de cet organisme. Il y avait une différence entre
l'interprétation que le président de la Commission de
surveillance de la langue française donnait de son rôle et le
rôle que les commissaires enquêteurs s'étaient donné.
Les commissaires enquêteurs voulaient recueillir les plaintes des
citoyens pour faire une sorte de gestapo civile. Eux, une fois qu'ils
recevaient la plainte, pouvaient mettre au mur les petits commerçants
qui ne respectaient pas à la lettre la loi 101. Je crois que dans un
pays démocratique un tel fonctionnement est absolument inacceptable. La
Commission de surveillance de la langue française, étant
donné l'affirmation péremptoire du fait français, est
désormais inutile; donc, il faudrait l'éliminer.
En ce qui concerne le Conseil de la langue française, je me
demande quelle est l'utilité de ce conseil, en toute
sincérité. Ce conseil fait des recommandations au ministre et,
très souvent, les recommandations que le conseil formule ou qui sont
formulées par des spécialistes qu'il engage tendent à
être assez biaisées, dans une optique politique spécifique,
c'est-à-dire qu'on prend la loi 101 comme une espèce de vache
sacrée. Tout ce qui se passe autour, dans la société, qui
ne se rattache pas de façon précise aux modalités de la
loi 101, est considéré comme un anathème. Très
souvent, même les études que le Conseil de la langue
française fait faire par des experts... Je pense, par exemple, aux
derniers sondages, aux dernières études faites par Claude
Castonguay. En toute sincérité, si on veut être vraiment
sérieux dans la façon d'interpréter les données, on
ne peut arriver à des conclusions aussi absurdes - j'ai
hésité à employer ce mot - que celles auxquelles M.
Castonguay est arrivé. Si le Conseil de la langue française
arrive avec des études de ce niveau intellectuel, de cette
validité scientifique, je me demande quelle est l'utilité de ce
conseil.
Mme Bacon: M. le Président, juste quelques questions. Au
chapitre de l'admissibilité à l'école anglaise, vous
indiquez que pour toute loi il doit y avoir une période de transition.
Est-ce que vous aviez envisagé cette période?
Le Président (M. Gagnon): M. Sciascia.
Mme Bacon: Pourriez-vous préciser cela?
M. Taddeo: Quant à nous, la période de transition,
elle est plus ou moins révolue. Elle s'appliquerait surtout aux enfants
qui se trouvent actuellement dans des écoles
anglaises, non officiellement inscrits. Je crois que la
communauté connaît la situation depuis 1975. Ceux qui ont pu et
voulu s'adapter l'ont fait. J'aimerais qu'on puisse fermer ce chapitre dans
l'histoire du Québec et de notre communauté en accordant
l'amnistie aux enfants qui sont actuellement dans les écoles
anglaises.
Une voix: On doit dire aussi... Mme Bacon: Juste...
Le Président (M. Gagnon): Si vous voulez, il faudrait
tenter d'être un peu plus court dans les réponses; on a
réellement dépassé notre temps et il y a d'autres groupes
à entendre.
M. Sciascia.
Mme Bacon: Mes questions ne sont pas longues, M. le
Président.
Le Président (M. Gagnon): Non, les questions ne sont pas
trop longues.
M. Sciascia: Pour répondre à la même
question, je voudrais dire aussi que ce serait une occasion excellente pour ce
gouvernement de démontrer l'ouverture dont vous parlez assez souvent, M.
le ministre, et dont vous avez fait preuve assez souvent par votre
participation au sein des communautés culturelles.
En effet les frères et soeurs qui restent encore, qui ne font pas
partie du système scolaire, nous avons fait un sondage l'année
dernière et il en restait environ 90. La période de transition
est désormais caduque parce que pour ces enfants qui sont
déjà dans le système, ainsi que leurs frères et
soeurs qui ne sont pas encore dans le système - il y en a à peu
près 90 - une amnistie générale est accordée. Si
leur statut est réglé le problème des soi-disant
illégaux est réglé. Je dois souligner au gouvernement
qu'il a déjà démontré une espèce de
générosité dans le cas des immigrants illégaux au
Québec lorsque, il y a quelques années, il a accordé une
amnistie générale. Il y a aussi le cas du saccage des syndicats
à qui le gouvernement a aussi accordé une amnistie. Le
gouvernement a refusé de porter plainte au criminel.
Pourquoi, dans le cas des enfants qui sont strictement des victimes, qui
n'ont aucune faute dans toute cette histoire parce que la faute se trouve
ailleurs, cette réticence à régler ce problème qui
persiste maintenant depuis sept ans?
Mme Bacon: Une dernière question très courte, M. le
Président. Au chapitre de l'enseignement de l'anglais langue seconde,
par exemple, est-ce que vous préconisez l'enseignement de la langue
seconde à la première, deuxième, troisième ou
quatrième année? Pourriez-vous nous dire comment vous envisagez
cela?
M. Taddeo: C'est un débat qui existe au moins depuis 1924,
si vous lisez les procès-verbaux de la CECM. Je doute que je puisse le
résoudre aujourd'hui. Il s'agit surtout d'un enseignement de
qualité, c'est-à-dire de s'assurer que les gens qui enseignent
l'anglais langue seconde, tant aux secteurs élémentaire que
secondaire de la CECM, soient qualifiés.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Merci Mme la
députée de Chomedy. M. le député de Gatineau.
M. Gratton: Je veux simplement remercier les membres du
Congrès national des Italo-Canadiens de leur contribution à nos
travaux. Soyez assurés que, nonobstant le fait que le temps ne nous
permet pas de vous poser toutes les questions que nous aimerions vous poser, il
est certain que les contacts entre nous demeureront ce qu'ils ont toujours
été pour le plus grand bien non seulement de votre
communauté mais de l'ensemble de la société
québécoise.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de Gatineau. M. le ministre.
M. Godin: Deux très brèves choses, M. Sciascia.
J'ai vu des gens qui se promenaient avec ce collant: C'était en Italie.
Il y a un poste de radio à Milan qui s'appelle le poste 101. Je pensais
que les Italiens de Montréal avaient décidé, de retour
chez eux ou de passage en vacances chez eux, de faire la publicité d'une
loi du gouvernement du Québec. Mais il n'en était rien. Cela
m'aurait beaucoup surpris d'ailleurs.
Deuxièmement, ma soeur Mireille a épousé M. Harry
Jennings et elle s'appelle maintenant Mrs Harry Jennings. Ses enfants sont
bilingues, les miens le sont aussi dans deux systèmes scolaires
différents, l'un français et l'autre anglais. Quand nous nous
voyons aux fêtes il n'y a pas de tension ni de traumatisme dont je puisse
faire état ici. Je voulais juste vous dire cela comme expérience
personnelle d'une famille qui prie, qui est unie et qui parle plusieurs
langues. Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci au Congrès national
des Italo-Canadiens de votre participation à cette commission.
M. Sciascia: Merci, M. le Président et merci aux membres
de cette commission.
Le Président (M. Gagnon): Merci beaucoup. J'invite
maintenant le Conseil des
activités italo-québécoises.
Vous êtes M. Luigi Galante?
Conseil des activités
italo-québécoises
M. Galante (Luigi): C'est cela. Mon nom est Luigi Galante et
j'aimerais présenter tout d'abord M. Adrien Lemelin, trésorier du
Conseil des activités italo-québécoises, et M. Carmine
Ciccarelli, membre du Conseil des activités
italo-québécoises,
M. le Président, je représente une association qui a pour
but d'harmoniser les rapports entre Québécois francophones et
italophones et d'intensifier les échanges entre eux.
Conscients de l'importance du débat pour notre
société en général, pour nos membres en
particulier, puisque ces derniers sont issus en grande majorité des
communautés italienne et française, nous avons
décidé de nous présenter devant cette commission pour
exposer notre opinion.
Depuis notre incorporation en 1981, nos activités dans les
communautés italienne et française nous ont permis de constater
qu'une grande partie des citoyens de ces deux communautés partagent les
positions que nous vous présentons aujourd'hui.
Comme association, nous avons concentré nos efforts dans la
cité de Saint-Léonard, en banlieue de Montréal. Nous
croyons avoir fait oeuvre utile en participant à plusieurs
activités. Par exemple: le projet d'alphabétisation Alpha et le
marathon de Saint-Léonard. Nous avons aussi réalisé
différents projets. En particulier, nous avons organisé dans
notre municipalité les festivités de la fête nationale du
Québec en 1982 et 1983. Cette occasion de rapprochement entre nos deux
communautés a permis à des milliers de Québécois
francophones et italophones de fraterniser tout en s'amusant ferme. Le grand
succès remporté par la fête, cette année, a valu
à notre organisme une résolution unanime de félicitations
de la part du conseil municipal de Saint-Léonard.
Nous croyons que cet événement illustre
l'amélioration du climat entre les deux grandes communautés
depuis quelques années et souligne le contraste entre la situation
actuelle et celle qui prévalait il n'y a pas si longtemps.
Bien sûr, Saint-Léonard rappelle aux yeux de plusieurs
Québécois les conflits qui amenèrent tout d'abord la loi
63, la loi 22 et, enfin, la loi 101. Saint-Léonard représentait
le fer de lance de certains intérêts anglophones dans leur combat
contre les francophones et je n'hésite pas à dire que nous avons
été, à l'époque, le jouet de forces qui nous
dépassaient et d'intérêts qui n'étaient pas les
nôtres.
Dans les années cinquante et soixante, c'est un fait que la
plupart des immigrants de toutes origines s'anglicisèrent. La
communauté francophone n'est cependant pas sans responsabilités
dans cette évolution: le laisser-faire de ses dirigeants politiques a
pesé très lourd dans cette tendance. La langue de travail a
également joué un rôle majeur. Mais il faut aussi rappeler
la manie qu'avaient et qu'ont encore beaucoup de Québécois
d'utiliser systématiquement l'anglais dans leurs rapports avec les
anglophones et les membres des autres minorités. Finalement, le
bilinguisme du gouvernement québécois à cette
époque et l'affichage commercial bilingue ont eu un impact fatal, car
ils installaient un doute dans notre esprit quant au caractère et
à l'avenir linguistique du Québec et quant à la
volonté des Québécois eux-mêmes de vivre en
français. En cas de doute, on choisit l'éventualité la
plus sûre et, comme l'anglais est la langue du reste de l'Amérique
du Nord, il est bien évident de conclure.
La loi 22 fut une tentative bien intentionnée, mais
extrêmement maladroite de corriger le problème. Les tests
linguistiques dont plusieurs intervenants avant moi ont fait mention
étaient odieux pour tout le monde et créèrent beaucoup
d'injustice et de traumatisme dans notre communauté. La loi permettait
aussi l'usage général de l'anglais, à côté du
français, dans l'affichage. Donc, encore une fois, le doute subsistait
pour tout immigrant qui arrivait au Québec.
La loi 101 est venue corriger ces deux défauts majeurs. La clause
Québec place toutes les familles qui arrivent au Québec sur un
pied d'égalité, alors que la loi 22 créait plusieurs
catégories de citoyens.
M. Godin: La loi 22.
M. Galante: Oui, la loi 22. La réciprocité fut
offerte aux autres provinces. Le gouvernement québécois a fait
transformer la clause Québec, qui exigeait qu'au moins un des parents
ait lui-même fait ses études élémentaires en anglais
au Québec, en une clause Canada dont on parle abondamment et qui exige
qu'un des parents ait fait ses études élémentaires en
anglais au Canada. Cette offre conciliante du Québec fut rejetée.
Avec la loi 101, un mouvement qui était timide au début et qui
s'est accentué avec la réélection du présent
gouvernement, laquelle confirmait le choix linguistique des
Québécois, s'est amorcé dans la communauté
italienne. La langue de travail étant maintenant le français, ils
choisiraient le français, ils choisiraient le français, parce
qu'ils se doteraient de la clef dont tout citoyen désireux de vivre au
Québec aurait besoin. (16 h 45)
II faut maintenant passer à la primauté du
français, et ceci, un grand nombre de la
communauté italienne l'a fait ou s'apprête à le
faire. Quant à nous, du Conseil des activités
italo-québécoises Inc., nous l'avons fait, et je crois que notre
position aujourd'hui découle de ce principe.
Voici nos recommandations. La Charte de la langue française
proclame le droit des Québécois à être servis en
français et à travailler dans cette langue. Nous croyons que ceci
devrait être maintenu, mais le critère s'appliquant au
"degré de connaissance" requis pour les institutions publiques à
clientèle majoritairement anglophone devrait s'inscrire dans la
tradition tolérante qui a caractérisé jusqu'ici
l'application de la charte.
Nous faisons appel, M. le Président, à la même
générosité pour les travailleurs dont l'avenir
professionnel pourrait être menacé, parce qu'ils n'ont pu, dans
les délais de cinq ans prévus par la loi, apprendre suffisamment
le français. Nous croyons qu'une prolongation des délais servira
beaucoup mieux les buts visés par la charte qu'une application rigide de
la loi.
Nous aimerions aussi que la communauté italienne puisse
être mieux représentée dans les secteurs public et
parapublic. Nous savons que dans le plan d'action actuel pour les
communautés culturelles, un chapitre est consacré à ce
sujet, mais nous aimerions qu'une amélioration concrète notable
puisse être enregistrée.
Quant à l'essentiel de la loi 101, n'y touchons pas
présentement quant à son contenu et quant à l'essentiel,
mais restons souples dans son application, prolongeons les
échéanciers, protégeons les emplois là où
ils pourraient être menacés, restons fermes sur les principes et
soyons humains quant à leur application.
Il ne faut surtout pas toucher à l'article du chapitre premier
qui proclame que le français est la seule langue officielle du
Québec, ni à celui sur l'affichage qui donne au Québec un
visage français et non pas bilingue, car les acquis dans la
communauté sont extrêmement fragiles - je pourrais vous donner
beaucoup d'exemples -et la moindre hésitation au stade actuel ferait que
des milliers de Québécois d'origine italienne s'interrogeraient
sur la volonté bien arrêtée des Québécois
francophones de faire du Québec un Québec
irrémédiablement français.
Nous aurions pu revoir la loi chapitre par chapitre, article par article
et y apporter nos commentaires, mais nous avons préféré
manifester notre appui à l'ensemble de la Charte de la langue
française qui, d'après nous, est garante de la paix sociale au
Québec.
Voilà, M. le Président, l'essentiel de notre position.
L'avenir de la francisation reste fragile à ce stade-ci. Il faut
être déterminé à maintenir et à
développer le caractère français du Québec et,
d'après nous, la Charte de la langue française est la
manifestation tangible de cette volonté. Il faut que nos enfants - c'est
très important pour nous - puissent être certains que, s'ils
choisissent le français aujourd'hui - plusieurs d'entre eux ont eu une
transition à faire -ce ne sera pas seulement l'outil indispensable pour
maintenant, mais aussi pour l'avenir.
Les rapports de force en Amérique du Nord sont tels qu'il faudra
toujours rester vigilant.
M. le Président, 27 années de vie au Québec m'ont
convaincu que la majorité québécoise peut être
accueillante et généreuse envers ses minorités, mais je
suis également convaincu qu'elle le restera uniquement si elle est
rassurée quant à sa propre survie et son propre
épanouissement.
Nous vous remercions d'avoir bien voulu nous entendre et nous vous
prions d'agréer, M. le Président, mesdames et messieurs,
l'assurance de notre considération.
Le Président (M. Laplante): Merci, M. Galante. M. le
ministre.
M. Godin: M. le président du Conseil des activités
italo-québécoises, MM. Lemelin et Ciccarelli, merci de nous faire
part de vos expériences en tant que témoins
privilégiés et, je dirais, témoins qui ont
été au centre de la question linguistique au Québec,
depuis 27 ans que vous êtes ici, M. Galante, ainsi que vos deux
compagnons.
Première question: après avoir vécu les trois lois
linguistiques, les lois 63, 22 et 101, après avoir vécu cette
transformation de l'intérieur même de la communauté
italienne, diriez-vous que nous avons atteint présentement un climat de
relative paix linguistique dans les rapports des Italiens entre eux et ceux
qu'ils ont avec la majorité francophone ou anglophone?
M. Galante: Je dirais, tout d'abord, que si on replace tout cela
dans son contexte, il y a eu une évolution à l'intérieur
de la communauté. D'ailleurs, vous êtes en mesure tout le monde de
vous rendre compte, à partir des déclarations de ceux qui nous
ont précédés, que maintenant le français est acquis
dans la communauté italienne. Maintenant, au niveau de la loi 101,
j'aurais aimé que les messieurs qui nous ont
précédés, qui ont amené le fait, par exemple, qu'il
y a des études présentement qui disent que de transférer
les enfants aux écoles françaises peut leur causer des
problèmes, je suis bien conscient de cela. Ce que j'aurais aimé,
c'est que les mêmes organismes, peut-être avant d'encourager d'une
certaine façon ces enfants à s'inscrire illégalement dans
les écoles, fassent aussi des études en disant: Quelles sont
les
conséquences de l'acte que nous posons présentement?
Si vous me demandez mon opinion personnelle concernant les enfants
illégalement inscrits - c'est une opinion bien personnelle - je suis
d'accord présentement pour le faire à cause, en fin de compte, de
certains précédents qui sont arrivés dans la
société québécoise. Je me demande s'il n'aurait pas
fallu, à ce moment, que la communauté prenne vraiment ses
responsabilités et fasse ces études à ce moment. Je suis
d'accord qu'il aurait peut-être fallu qu'il y ait une période de
transition nécessaire pour l'application de la loi 101. Je dis que
présentement, oui, il y a une paix relative à l'intérieur
de la communauté italienne en ce qui concerne surtout ce sujet.
M. Godin: On peut dire que d'une étape à l'autre,
on a appris à mieux digérer le problème dans sa
réalité et que la solution 101, sans être parfaite, est
peut-être celle qui a amené le plus de
sérénité dans le climat linguistique au Québec.
M. Galante: D'une façon générale, oui, M. le
ministre.
M. Godin: J'interprète vos propos comme cela.
Deuxième question: Est-ce que vous avez des renseignements quant au
nombre de parents italiens qui, ayant droit au libre choix de l'école
anglaise ou française à cause de leur date d'arrivée ici,
ont quand même choisi d'envoyer leurs enfants à l'école
française depuis quatre, cinq ans?
M. Galante: Je n'ai pas de statistiques précises, mais il
y en a quand même un certain nombre.
M. Godin: À votre connaissance, il y a un certain nombre
de personnes qui, même ayant le libre choix, ont choisi l'école
française.
M. Galante: Oui, c'est cela. C'est un mouvement qui a tendance
à s'accentuer.
M. Godin: À s'accentuer aussi. Dernière question:
Vous dites, à la page 4 de votre mémoire, que s'il y avait la
moindre hésitation gouvernementale au stade actuel d'évolution de
cette situation linguistique, des milliers de Québécois d'origine
italienne s'interrogeraient sur la volonté bien arrêtée des
Québécois francophones de faire du Québec un Québec
irrémédiablement français. Est-ce que je dois comprendre
que la détermination du gouvernement, en fait, a montré que la
question était réglée et que s'il y avait flottement, on
pourrait assister à de nouvelles fidélités, si vous voulez
- si on tient pour acquis, d'après ce que nous a dit M. Sciascia et son
groupe avant vous, et vous maintenant, que pour les
Italo-Québécois maintenant, le français est un fait acquis
ou du moins l'accès au français ou la décision d'aller
vers le français est un fait acquis -et qu'il pourrait y avoir des
réorientations ou des révisions d'attitude de la part des
familles italiennes?
M. Galante: Oui. Il faut comprendre que pour la grande
majorité des familles italiennes, du moins parlons du stade
d'immigration qui me regarde, on venait non pas au Québec, même
pas au Canada, oserais-je dire, mais on venait plutôt en Amérique
du Nord. Pour les Européens, de ce temps-là, l'Amérique
c'était, enfin, pas seulement pour les Italiens - j'ai l'impression pour
une grande majorité d'Européens c'était l'Amérique.
Le symbole était anglais. Quand ils sont arrivés ici, il y a eu
une évolution dans la société québécoise qui
a fait que les Français, les francophones ont réalisé que
c'était une société qui était peut-être en
danger jusqu'à un certain point. A ce moment, ils se sont donné
des mesures pour affirmer leur identité.
L'Italien, lui, qui était venu ici s'était doté et
avait doté ses enfants de l'outil, à ce moment, pour justement
réussir économiquement dans le nouveau pays qui l'avait
accueilli. À ce moment, l'outil, comme je le dis dans le mémoire,
c'était l'anglais. Donc, je ne blâme aucunement mes compatriotes
italophones d'avoir choisi dans le passé l'anglais. Il y avait aussi une
part de responsabilité. Si je vous donne mon cas personnel, dans ma
famille, à part moi, les autres sont allés à
l'école anglaise. Il y avait une part de responsabilité aussi. Il
y avait un manque d'accueil de la part de la société francophone
en ce qui concerne les immigrants. On tenait pour acquis que les immigrants
s'en allaient du côté anglais. Mon père, quand il a
réalisé cela, il a envoyé le reste de la famille, à
l'école anglaise.
Maintenant, quand on parle de traumatisme, il ne faut pas
exagérer. Ma soeur a des enfants et j'ai des enfants; ma soeur a
envoyé les siens à l'école anglaise et les miens à
l'école française. Je veux dire, il n'y a pas de problème
majeur. Je veux bien croire que cela cause certains petits problèmes;
ils sont d'après moi, d'ordre mineur.
Ce que je dis actuellement, c'est que si la société
québécoise francophone a décidé de prendre en main
sa propre identité. Il ne faut aucunement hésiter, parce que,
à ce moment-là, tous les Italiens qui, présentement, ont
choisi le français, parce que c'est l'outil pour réussir au
Québec, vont se poser des questions. Ils vont se dire: Est-ce que c'est
vrai seulement pour cinq ans, huit ans, dix ans? Ou si c'est vrai que si on
veut vivre au Québec et si on veut que nos enfants
réussissent au Québec, c'est le français qu'il faut
choisir.
Maintenant, dans mon mémoire, je dis aussi qu'il faut être
généreux pour tous les Italiens qui ont eu à subir un
fait: ils sont arrivés ici et ont été pris un peu entre
l'arbre et l'écorce. Je suis d'accord pour dire que, finalement, il
aurait peut-être fallu prévoir une période de transition
pour qu'ils s'adaptent. Cela a été un peu... Mais je dis:
À ce stade-ci, restons très souples quant à l'application
de la loi, mais restons rigides quant à l'essentiel en disant qu'au
Québec, si quelqu'un veut réussir, cela va être en
français. Après cela, on votera pour que l'anglais soit bien
enseigné, parce qu'on est conscient aussi de l'importance de l'anglais.
À ce stade-ci, j'ai l'impression qu'il faut rester ferme au niveau des
principes. Je pense que c'est l'essentiel du mémoire, M. le
ministre.
M. Godin: En conclusion, M. Galante -ce sera ma dernière
question, M. le Président - on peut dire que l'attrait de
l'Amérique anglaise que vous avez évoqué au début
et qui est parfaitement compréhensible pour tout Européen qui
débarque ici, cet attrait reste de toute manière et que cela fait
des fidélités fragiles dans la mesure où le bloc, la masse
critique continentale est anglaise. Donc, il faut le moins possible le bouger
sur l'essentiel.
M. Galante: C'est exact, M. le ministre.
Le Président (M. Laplante): Merci, M. le ministre. M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais remercier le
Conseil des activités italo-québécoises pour son
mémoire et son apport d'un certain point de vue à l'attention de
la commission. Vous parlez de la langue d'affichage qui devrait demeurer le
français. Est-ce que je dois comprendre que les commerçants
d'origine italienne - prenons l'exemple des commerces de la rue Jean-Talon,
à Saint-Léonard - ne devraient pas avoir le droit d'afficher
publiquement en italien, en dehors de leur commerce, pour leur clientèle
italienne? Est-ce que c'est votre position?
M. Galante: Disons que c'est un débat qui a
peut-être été la partie de notre mémoire qui a
créé... Au départ, j'avais l'impression qu'il fallait le
permettre; surtout l'italien, parce qu'on parle de l'italien ici. J'ai encore
l'impression que, jusqu'à un certain point, il faudra peut-être le
permettre dans l'avenir. Mais je dis qu'à ce stade-ci, nous-mêmes,
à un moment donné, notre élan de
générosité est bien compréhensible parce que,
étant minoritaires, on veut que tout le monde soit
généreux et on a tendance nous-mêmes à être
généreux. Mais, finalement, on a réalisé que c'est
le nombre de fois qui est très important, où on dit d'une
façon subconsciente aux gens qu'ici c'est un pays bilingue, d'accord?
Alors, si on met les deux, on dit: D'accord, c'est bilingue. Si c'est bilingue,
qu'est-ce que vous pensez qu'un immigrant va choisir? Il va choisir l'anglais,
parce que c'est un attrait qui est tout à fait naturel actuellement.
Dans un deuxième temps, si vous me posez la même question d'ici
quelques années, ma réponse sera peut-être
différente.
M. Ciaccia: Mais aujourd'hui, vous seriez contre l'affichage en
italien en plus du français? Je tiens pour acquis qu'il va y avoir
l'affichage en français...
M. Galante: Si vous parlez de l'italien, non. Je serais
absolument... Je serais favorable à ce qu'il y ait l'italien en plus du
français.
M. Ciaccia: Vous permettriez l'affichage en italien et en
français...
M. Galante: Oui, oui.
M. Ciaccia: ...à Saint-Léonard?
M. Galante: Oui.
M. Ciaccia: Mais vous ne permettriez pas l'affichage en anglais
et en français sur la rue Crescent?
M. Galante: C'est-à-dire qu'actuellement, je n'ai pas
l'impression que l'italien, à ce stade-ci, pourrait, d'une façon
ou d'une autre, convaincre une grande majorité d'immigrants
arrivés à Montréal que c'est la langue qu'ils devraient
choisir. Si c'est cela que vous voulez avoir comme réponse.
M. Ciaccia: Non, ce n'est pas cela que je demande. Je parle
strictement en termes de permission d'affichage. La loi 101 est très
claire; votre mémoire est très clair. Je vous demande si vous
permettriez à un commerçant italien d'afficher, en plus du
français - et mettons le français en position primordiale - en
italien sur la rue Jean-Talon, à Saint-Léonard?
M. Galante: Vous venez de mentionner vous-même, j'ai
l'impression, dans votre prémisse, que si je mentionne cela,
automatiquement vous faites le lien avec l'anglais. C'est cela que vous voulez
que je dise? (17 heures)
M. Ciaccia: Non, non. Je veux savoir
ce que vous faites de l'italien et ensuite on ira à l'anglais, au
portugais; on prendra les autres langues.
M. Galante: Pour répondre d'une façon logique, il
faudrait que je réponde non, même si, de par ma nature, j'aurais
tendance à répondre oui.
M. Ciaccia: Vous ne permettriez pas l'italien sur l'affichage
à Saint-Léonard.
M. Galante: Oui, je permettrais l'italien.
M. Ciaccia: Mais vous ne permettriez pas l'anglais sur la rue
Crescent? Vous pouvez le dire, nous sommes en démocratie. J'essaie de
voir la logique de la chose.
M. Galante: Dans un stade ultérieur, comme je dirais. Si
vous me posez la question présentement, pour être logique et pour
être un peu juste, je serai obligé de répondre non. Mais je
dis que, dans un temps ultérieur, peut-être que j'aurais tendance
à répondre oui. C'est cela.
M. Ciaccia: J'ai compris votre réponse.
Pour les soi-disant illégaux, vous avez donné votre point
de vue. Est-ce que vous appuierez la demande du Congrès des
Italo-Canadiens d'accorder une amnistie aux soi-disant illégaux?
M. Galante: Je peux répondre à titre personnel.
J'ai déjà répondu tantôt et j'ai dit oui.
M. Ciaccia: Lorsque vous parlez de la tradition tolérante
qui a caractérisé jusqu'ici l'application de la charte, à
la page 3 de votre mémoire, est-ce que vous considérez cela comme
une tradition tolérante dans l'application de la charte quand une
commission de surveillance oblige un commerçant à enlever
l'enseigne "Merry Christmas" dans sa vitrine? Est-ce que vous trouvez que c'est
tolérant cette approche?
M. Godin: M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Godin: M. le Président, cela n'a jamais
été fait. "Merry Christmas" est un message religieux, et cela n'a
jamais été fait.
M. Ciaccia: Bien.
M. Godin: C'est permis par les règlements. Il y a
peut-être d'autres exemples qui seraient vrais, mais celui-ci ne l'est
pas.
M. Ciaccia: Je vais attendre que le député de
Gatineau revienne ici parce qu'il a un exemple où cela a
été fait dans sa région.
M. Godin: Non, pas par des organismes gouvernementaux.
M. Ciaccia: II y a le cas de Joan Coran qui s'exprimait en
français, dont les supérieurs étaient satisfaits du
travail qu'elle faisait, mais qui a échoué à son examen.
Trouvez-vous cela tolérant? Est-ce une application rationnelle?
M. Galante: J'ai l'impression que, si vous les prenez cas par
cas, cela relève très souvent de la personne qui est en train
d'appliquer la loi, cela relève de tellement de choses. Je sais que, si
on prend le cas des personnes illégalement inscrites dans les
écoles, je n'ai pas l'impression que cela a été
trop...
M. Ciaccia: Je ne parle pas précisément des
écoles.
M. Galante: C'est cela que j'essaie de vous dire. Vous me parlez
de porter un jugement global sur toute une loi et vous m'amenez des cas
très précis où, si c'est moi qui avais appliqué la
loi, peut-être que je l'aurais appliquée d'une façon
différente. Il doit y avoir un certain nombre de cas que vous avez en
main et qui ont causé des frictions.
M. Ciaccia: Lorsque vous dites que la Charte de la langue
française est garante de la paix sociale au Québec... Ce matin,
le maire de Montréal a déposé un mémoire et, dans
un résumé de celui-ci, il a dit: À cet égard, la
loi 101, en dressant des barrières psychologiques entre des groupes de
notre société, a fait obstacle aux communications entre citoyens.
Nous proposons la suppression de ces barrières. Comment pourriez-vous
concilier cette déclaration du maire sur les effets de la loi avec votre
affirmation que la loi elle-même est garante de la paix sociale?
M. Galante: Dans le mémoire, c'est ma perception
personnelle. M. Drapeau, dans son mémoire, a peut-être des faits
et des statistiques dont je n'ai pas eu connaissance et qui lui ont permis
d'affirmer ce qu'il a affirmé. On n'a pas fait de statistiques
précises, on n'a pas fait de sondages. C'est tout simplement une
impression par rapport à ce que j'ai connu dans le passé, surtout
lors de l'introduction du projet de loi 63. Je considère que c'est
relativement stable par rapport à ce temps. C'est ce que je veux
dire.
M. Ciaccia: Une dernière question.
Vous dites que la plupart des immigrants de toutes origines
s'anglicisaient. Vous dites que la communauté francophone n'est
cependant pas sans responsabilité. Vous identifiez spécifiquement
le laisser-faire de ses dirigeants politiques. N'y avait-il pas vraiment une
autre raison pour laquelle les jeunes immigrants allaient aux écoles
anglophones? C'était qu'on leur refusait l'accès aux
écoles francophones, soit pour des raisons religieuses... Par exemple,
la communauté grecque qui était orthodoxe et dans laquelle les
Juifs de la communauté juive qui n'étaient pas catholiques
étaient refusés, même s'ils parlaient français.
Même dans la communauté italienne, on refusait l'admission aux
écoles françaises parce que ces jeunes n'avaient pas une
connaissance suffisante du français. Est-ce que ce serait une autre.
M. Galante: Pour être franc, il y a un certain nombre de
ces cas. Mais j'ai l'impression qu'on les a peut-être un peu
poussés. Oui, il y a quelques cas qui sont arrivés dans le
passé, c'est sûr.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de Mont-Royal. M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. M. Galante,
c'est avec beaucoup d'intérêt que nous avons pris connaissance de
votre mémoire. Je crois que vous manifestez une excellente connaissance
de l'histoire des relations entre les Québécois francophones et
les Québécois d'autres origines. Je crois que vous avez tout
à fait raison de rappeler que, dans le passé, les
Québécois francophones n'étaient pas assez accueillants
envers les immigrants. Cela tient à des raisons que vous avez comprises,
je crois, c'est-à-dire à une espèce
d'insécurité dont nous cherchons justement aujourd'hui à
nous dégager. Vous écrivez, avec raison, dans votre
mémoire que la majorité québécoise peut être
accueillante et généreuse envers ses minorités. Nous
souhaitons que cela se réalise par tous les moyens, y compris
l'application de notre loi linguistique.
Je voudrais vous poser deux questions. La première, c'est
à propos d'un rappel que vous faites à la page 3 de votre
mémoire. Vous rappelez que le gouvernement du Québec avait offert
aux gouvernements des autres provinces, en 1977, des accords de
réciprocité. Vous rappelez également que cette offre
conciliante du Québec fut rejetée. Je voudrais vous demander
aujourd'hui, six ans plus tard, à un moment où beaucoup de gens
préconisent le remplacement de ce qu'on appelle la clause Québec
dans la loi 101 par la clause qu'on appelle clause Canada: Quel est votre
propre sentiment? Est-ce que nous devrions opter pour la clause Canada ou
maintenir plutôt cette offre d'accord de réciprocité? Et
non seulement maintenir l'offre, mais peut-être se montrer un peu plus
entreprenant et entamer des pourparlers avec les autres provinces pour voir si
on ne pourrait pas en arriver à s'entendre sur une
réciprocité?
M. Galante: Personnellement, j'aurais plutôt tendance
à opter pour la deuxième partie de votre argument, de proposer
aux autres provinces un accord de réciprocité.
M. de Bellefeuille: Merci. Ma deuxième question, c'est
à propos de la langue de travail. Nous avons pu constater que la loi 101
n'est pas universellement respectée dans le domaine de la langue de
travail. L'autre jour, on nous a donné des renseignements assez
détaillés sur un certain nombre d'entreprises qui sont en retard
quant à la mise en oeuvre de leurs programmes de francisation, des
programmes qu'elles ont elles-mêmes acceptés. Je voudrais vous
demander: Qu'est-ce qu'il faut faire? Il y a un certain nombre d'entreprises
qui se fichent un peu de la loi et qui se fichent un peu de choses que vous
considérez fondamentales puisque vous dites que la Charte de la langue
française est garante de la paix sociale au Québec. C'est
extrêmement important si on la considère comme cela. Qu'est-ce
qu'il faut faire par rapport à ce défaut d'application de la loi,
à ce manque de respect de la loi de la part d'une certaine proportion
des entreprises? Sévir? Si oui, comment? Ou avez-vous un autre
moyen?
M. Galante: Je dirais que, présentement, c'est quand
même une période où il y a de la résistance, c'est
normal. Je veux dire que ce qu'il faut tout simplement, c'est que, si toutes
les personnalités politiques démontraient une volonté bien
arrêtée de poursuivre ce qui a été commencé,
j'ai l'impression que le problème se réglerait de
lui-même.
M. de Bellefeuille: Si toutes les personnalités politiques
manifestaient une volonté de faire respecter la loi, donc une
espèce d'unanimité générale entre les
parties...
M. Galante: Exact.
M. de Bellefeuille: ...non pas sur des clauses
particulières, mais sur l'idée fondamentale que la loi, tant
qu'elle n'est pas changée, doit être respectée.
M. Galante: Exactement, monsieur.
M. de Bellefeuille: Merci. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de Deux-Montagnes.
M. le député de Gatineau.
M. Gratton: M. le député de Laurier avait des
questions, je pense, mais je vois qu'il a dû s'absenter. En l'occurrence,
quant à nous, on vous remercie, messieurs du Conseil des
activités italo-québécoises.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.
M. Godin: Je vous remercie, messieurs, de nous avoir fait part
d'un témoignage vécu sur la question linguistique au
Québec. Merci beaucoup.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Galante. Merci aussi
à ceux qui vous accompagnent.
Maintenant, je veux inviter le Grand Conseil des Cris à prendre
place, s'il vous plaît. Alors, M. Billy Diamond, est-ce cela?
Grand Conseil des Cris
M. Diamond (BiUy): Oui.
Le Président (M. Gagnon): Si vous voulez bien nous
présenter la personne qui vous accompagne.
M. Diamond: Mr. Chairman, I am going to have to speak to you in
the only language that I can communicate in with you. I am sure that you do not
understand the other language that I can use, which is Cree. So, I will use the
language that I often use in my line of work and that is English. We regret
that we have to speak to you in English, but historical factors permit us only
to communicate with you in English.
The Grand Council of the Crees of Québec represents the Crees of
James Bay and the Crees living in Northern Québec. The Crees are the
direct descendants of one of the great Indian nations of North America, are a
founding people of Québec and our first nation in Québec.
The Crees possess a distinct and vibrant culture which is intimately
related to the traditional activities of hunting, fishing and trapping. They
work with the environment and situation, and not against it.
The Crees number approximately 8500 persons distributed among eight Cree
Indian bands. The Cree villages are situated along the East Coast of James Bay
and in the interior South of James Bay. Along with this brief, we have
submitted a map outlining the territories that we speak of.
The portion of Québec inhabited by the Crees did not become a
part of what is now the Province of Québec until 1898 and 1912. An
agreement known as the James Bay and Northern Québec Agreement was
concluded between the Crees of Québec and the Government of
Québec on November 11, 1975. All provincial legislations to put the
agreement into force and into effect were substantially adopted by the National
Assembly in June of 1978.
The James Bay and Northern Québec Agreement was the climax of a
long and intensive struggle by the Cree and Inuit people of Northern
Québec to preserve their way of life and to have their rights as the
aboriginal occupants of a large part of Northern Québec recognized and
respected.
The James Bay and Northern Québec Agreement was approved by
federal and provincial legislation. It is, in a legal sense, an agreement
between nations and now has become a constitutional document, it is a charter
of Cree rights. (17 h 15)
The Agreement is a complex document and covers a wide range of subject
matters. However, the essence of the Agreement is to provide for the
development and betterment of the Cree communities and culture. A great deal of
control is given to the individual communities to allow them to develop at
their own pace and pursuing goals which they have established.
The preservation of the Cree way of life is a cornerstone of the James
Bay and Northern Québec Agreement and is highlighted significantly in
specific sections of the Agreement dealing with local government, education,
health, and economic and social development.
The Government of Québec, when it executed this agreement,
recognized the specific and unique situation of the Crees of Northern
Québec and undertook both by the letter and spirit of the Agreement to
specifically give effect to this commitment.
The Agreement is highlighted by Section 16 dealing with the creation of
a school board for the Cree people, the Cree School Board, which has been set
up under provincial legislation and which provides education to Crees and
non-Crees within the Cree communities and the Cree School Board
municipality.
The special powers of the Cree School Board provide for large native
involvement in its activities, provide for Cree control of the objectives of
the board, provide for the selection of courses, textbooks and teaching
material appropriate for the Crees. To develop courses, textbooks and material
designed to preserve and transmit the language and culture of the native people
only highlights the specific intent of the Agreement to preserve and develop
Cree culture.
When Bill 1, and later Bill 101, was
presented to the National Assembly for consideration, the Crees made a
presentation to inform the National Assembly committee considering this
proposed legislation of their position.
We highlighted the fact that the application of Bill 1, and later Bill
101, in its entirety to the Crees would constitute an obstacle to the
implementation of the James Bay and Northern Québec Agreement and,
legally, would likely constitute a breach.
There was a recognition by the Government of the specific status of the
Cree people of Québec, particularly, the overall intent of the Crees to
provide for, in a general program of education, the introduction of French and
English as teaching languages within the system, the whole compatible with the
use of Cree.
We highlighted that it was only for historical reasons that the practice
in the Cree communities was that the languages of instruction were Cree and
English, but undertook to institute French as an effective teaching language.
This has been done. Sections 88, 95, 96 and 97 of Bill 101 reflect this
commitment by the Crees of Québec and the recognition by Québec
of their unique situation.
A second point which was highlighted before the commission was that the
James Bay and Northern Québec Agreement provided for a variety of
administrative bodies having extensive responsibilities in many diverse fields
of activities.
These bodies, when dealing with the Crees, basically had to use the Cree
and English languages at the present time because of the factual situation in
the communities. There was a commitment once again to introduce the French
language in the activities of these entities. Again, the commission and the
Government recognized the unique situation of the Crees of Québec and
Sections 95 and 96 are proof to this effect.
The Crees can state to the commission that, to date, they have been
meeting their part of the bargain regarding the special situation of the Crees
under the Charter of the French Language.
The reason for the presentation at this time, however, is because of
specific difficulties which have arisen with respect to the implementation of
the Charter. Some of these difficulties are more administrative, but they are
important enough that the commission should be made aware of them.
A first problem deals with the application of the Charter to non-Cree
individuals within the jurisdiction of the Cree School Board.
A particular case has arisen where a young francophone child of seven,
living in the Cree community of Wemindji, was refused accreditation for courses
he took at the Cree School Board facility in the community, giving education in
the English language, because his family had not been educated in the English
language.
The incredible situation which developed was that this young child
either had to be sent to a student hostel in a community four hundred miles
away for eight months of the year to receive French education, the Cree School
Board had to build a school solely for this one francophone student in the
community of Wemindji or the family would have to move away from the community
in order to allow for the education of their son.
The literal interpretation of the provisions of the Charter in such a
case provided for a ridiculous situation which apparently may be repeated in
other cases. From a humane and social point of view, it is essential that the
commission look at obvious situations where the literal application of the
provisions of the Charter should not be applied.
A second difficulty relates to both the activities of the Cree School
Board and the other Cree entities contemplated by the James Bay and Northern
Québec Agreement. Although the Charter does not apply to them in most
situations, they are faced with the difficult task of being Cree or English
bodies and understanding these languages, but receiving documentation from
the
Government of Québec and its agencies only in the French
language.
It is submitted that necessary steps should be taken in order to provide
for essential translation facilities either to allow documents which are sent
to be translated before they are received or to allow the board and entities to
have translation facilities for themselves. This, of course, would apply until
the entities or commissions have developed the ability to use French as an
effective working language with Cree and, perhaps, English.
A third matter which relates to the mandate of this commission is the
special status that should be given by the Government of Québec to the
Cree language and to native languages generally.
The Charter of the French language was adopted in order to preserve and
allow for the flourishing of the French language, but the provisions of the
James Bay and Northern Québec Agreement and the special recognition of
the importance of the Cree language in the Charter, as well as commitments by
the Government, point to the necessity of setting up a special charter for the
Cree language and, by implication, for other native languages in the province.
This charter should provide for the growth, preservation and development of all
native languages in Québec, the first and founding cultures.
In respect to the Crees, this charter should relate to the specific
situation of the Cree language in the James Bay territory and the special
regime which has been set up under the Charter and under the James Bay and
Northern Québec Agreement.
It should also provide for the enhancement and growth of this language,
allowing for a development with respect to toponomy, grammar and the more
extensive use of this language among a founding people of the province.
We have done extensive work in preparing a proposal for the formal
establishment of this charter, setting up a commission to deal with its
implementation and setting specific goals and projects to be followed. We are
prepared to submit them to you at your convenience.
This last suggestion is entirely consistent with the policy of the
Government to support native languages and the commitments of the Premier of
Québec in this regard. In fact, Camille Laurin, the Québec
Minister of Education, gave a formal undertaking to provide the Crees with all
possible assistance in order to develop the Cree language. This particular
commitment is highlighted in the magazine called Rencontre, which is this
magazine here.
As a last point, Mr. President, it should be highlighted that the
Government of Québec is now in the process of reviewing its obligations
under the James Bay and Northern Québec Agreement and its commitments
towards the Cree people.
It is essential that the spirit of this review be followed in the
deliberations by this committee regarding the provisions of the Charter of the
French Language. As in the case of all social legislation, it is important that
the legislation not only provide for specific rules with respect to a subject,
but also provide that they be humanely and properly applied.
Mr. Chairman, I would like to thank you for giving us the chance to
present this brief to you. I am now prepared to answer any questions along with
my colleague, Philippe Awashish, Vice-Chairman and Executive Chief of the Grand
Council of the Crees of Québec and a member of the personnel from our
Québec office, Miss Laura Moses.
M. Godin: Donnez-moi la parole, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Godin: Merci. Chief Billy Diamond, Vice-Chairman Awashish, Mme
Moses, it is an honor and a pleasure for us to listen to you here. I would like
to try myself at a few words in Cree, just to check my accent.
(S'exprime dans la langue crie).
This being said, it simply means, for those who do not have the
privilege of knowing a few Cree words...
M. Diamond: Merci beaucoup, M. le ministre.
M. Godin: (S'exprime dans la langue crie).
M. de Bellefeuille: Allez-vous nous donner
l'interprétation?
M. Godin: Chief Billy Diamond, as I said, we are glad to listen
to you here today because your situation in the history of Québec is
central. You were here long before our ancestors even thought about coming
here. At that time, you did not have any Immigration Department, so we were all
considered on the same level as any newcomer here.
Your brief, in fact, reminds us of some of the problems that you are
dealing with and some of the problems that Bill 101 has been trying to solve by
giving the Native people of this province a special status. The intention is
still there and I am very favorable to the idea of having a charter of the
Native languages of Québec. I guess that this proposal, which I will
myself transmit to my Premier, Mr. Lévesque - who is now preparing for
that meeting with the Native people - goes exactly alongside the thinking of
the Government as far as that is concerned.
We want the Native groups in Québec not only to keep their
culture, but to develop it to make sure that their children speak these
languages and also have a knowledge as wide-ranging as possible of the culture,
the very deep culture of the Cree nation in this part of the world. I know,
after having seen some of the documentaries made with your people, after having
read some of the textbooks written by your people, the very precious culture
that you represent here in Québec. Also, one of the lessons that I am
drawing for myself is that, in your literature, in your culture, there are many
lessons that could be useful to the White man. We will try and make that
culture known not only by the Cree people themselves, but by as great a number
of citizens of Québec as possible.
I also would like to tell you that you have submitted a brief in front
of another commission a few years ago; you did it in the Cree language, with an
interpreter, and that same offer could have been made to you for this hearing,
if you had wanted to resort to it. We would have been ready to use an
interpreter to translate your brief into French from the Cree language. (17 h
30)
To come back to your brief, on page 6, you mention a specific case which
was solved, I think, as soon as it was known by the Department of Education. In
fact, article 88 is precisely concerned with that kind of problem and the
Department of Education with your help, the Cree School Board and the Kativik
School Board, has to work to implement needed measures or needed decisions to
make sure that the children whose parents are neither Cree nor Inuit be
admissible to the benefits of the Convention.
You mention, on page 7, the problem of access to documents of the
Québec Government in the language which you understand, the English
language. It is, in fact, in 1979 that the SAGMAI sent in each Department of
the Government of Québec a note asking that one and each document sent
to you be made available in English. So, the order was given. It has not yet
reached the point where one and each of the documents we are sending you - and
God knows that they are numerous... The goal has not been reached yet, but we
are in the process of achieving it.
One of the other aspects that you mention is the fact that you want to
have more of the French language in your operations. My Department has been in
contact with the Office de la langue française and together with you - I
am taking into account your suggestions - we will give that job to someone, to
one of the employees of the Office de la langue française so as to make
sure that the transition period is made in full harmony with your needs.
My final point, Chief Billy Diamond, concerns the question of toponymy.
We are very proud of the fact that thousands and thousands of lakes, rivers,
creeks, places and spots in Québec were first named - not to say
baptized - by the Cree nation. In fact, as of now, 1000 of these Cree words are
a part of the official toponymy of Québec. All these names were given to
these places and spots in accordance with the council of which you are the
chief. We have the intention of adding 2000 more names and of making official
other names designed by you because they are the names that you, yourselves,
have been using for millenaries, in some cases, in that part of the world.
You can count on us to respect the fact that you are the people who give
these names to these places in Québec. We want these names to become the
official names of these places. Since it has been for so long Cree territory,
we intend it to remain so for as long as Québec exists. It will be in
the official cartography. It will be there for your children and the children
of your grandchildren. It will be there to remind them of that fact; not only
for the Cree children, but also for the children all over
Québec, all over Canada and, in fact, all over the world, because
these official maps will become the maps that people from anywhere in the world
will have to consult when they want to know where is where in
Québec.
So, you can count on our full collaboration, Chief Billy Diamond. We
will work together, as we have been doing for the past years, to make sure that
the Cree nation is not only respected, here in Québec, but gets to full
bloom.
Thank you so much.
Le Président (M. Gagnon): M. Diamond.
M. Diamond: Mr. Chairman, Mr. Minister, when the first White men
arrived on the very shores of this river, they came in with their ships and
when the first Indian went to meet with them, the Indian said: Go back, go
back. That, Mr. Minister, was our Immigration Department. He meant to say: Come
to the shore. That was our Immigration Department, what you referred to and I
hope that is not the intention in today's dealings with the Native people in
this province. We are very proud of the fact that we are one of the individual
nations in Québec that can find a formula which is compatible with our
way of working in responding to the many departments of the Government of
Québec.
I just want to respond to a few things that you have indicated in our
brief. The first one was in respect to the francophone child in the Cree
community of Wemindji. The parents of that child were our teachers, who are
employed by the Cree School Board, and they wanted their son to be educated in
the only school that was available, that is the English speaking school or the
Cree School Board facilities. In all our facilities and in all our schools, the
first three grades are taught in Cree and then the parent has to write to
decide if it should be pursued in English or in French. Then, Cree is taught
throughout elementary and secondary school as a subject. But this particular
situation arose when the parents were educated in the French language as their
first language and the child, in following the regulations of Bill 101 and its
Charter, had to have francophone education. It is unfortunate that this had to
happen but as Chairman of the Cree School Board, I have not been advised as to
whether this has been settled yet. I intend to look into it; I know that the
Cree School Board is meeting today and tomorrow, in my own community of Rupert
House, and I will monitor the situation from here. So, there was an example
that we wanted to highlight in respect to the literal interpretation of the
Charter.
However, we do have other problems and that is in respect to the
application of
the Charter to other Indians who come not only from the Province of
Québec, but from across Canada who are employed with one of the Cree
entities. They have children as well and basically, their upbringing the
English school system. They do have problems when they enter the Cree
territory. It is our hope that these problems can be solved.
The same can be said with teachers who are married to registered nurses
who come from outside the Province of Québec. These nurses cannot
practice their profession once they are in the Province of Québec
without passing the French language tests via the Québec Order of
Nurses. It is unfortunate, but these are registered nurses in Chisasibi, where
there is a hospital, who cannot practice nursing because of that particular
Charter.
You refer to page 17 of our brief, in respect to access to Québec
documents. I agree with you that SAGMAI has written a directive, that
communication with the Cree entities, in particular with the village
corporations and the landholding corporations who have responsibility over
categories 1-B and 1-B special lands, which are under provincial jurisdiction,
be done in this manner, but it is for that reason that many of the village
corporations are behind in their submission of annual reports, in their
submission of financial records because the communications are still in French.
Many of the bands, in fact all of the bands are still operating in the French
language. We hope that can be corrected through the review of the James Bay and
Northern Québec Agreement which is presently being undertaken.
In respect to the development of a Cree Language Commission, we had made
a presentation on the development of the Cree Language Commission. We see the
Cree Language Commission not only for the purpose of developing the Cree
language, as the Cree way of life has changed drastically since the signing of
the James Bay and Northern Québec Agreement. We know that there is a
world outside of the James Bay Territory and we have to communicate with that
world; we have to live with that reality, we have to do business with that
world.
For instance, there are words in Cree to describe compound interest or
some of the many technical terminologies that you have in the French language
or in the English language, so the development of the Cree language is
uppermost in our minds. It is not only to develop the Cree language, but to
monitor the Cree language and to make sure that the Cree language is being used
by the various Cree entities.
The James Bay and Northern Québec Agreement created many
entities; the Cree Regional Authority was set up for the administration of the
Cree activities and for the implementation of the James Bay Agreement, the Cree
School Board, the Cree Health Board. As a result of the agreement, the Crees
have set up their own companies as well: the Cree Construction Company, the
Cree Housing Corporation, Air Creebec. All these entities must be influenced to
use the Cree language in their everyday operations as well as the various local
governments.
So the intent is to have a Cree Language Commission that will be
attached to a university in the Province of Québec and for that Cree
Language Commission to have a research body that can be called on as an
institute. That research body would have its own staff, Cree linguists and
researchers, people that can develop the various pedagogical material that is
needed not only in the Cree School Board, but in the various entities as well,
because we are going through a period of training not only for our own
children, but for many of the people who are now starting to take control of
their own affairs.
You refer more specifically to the French Language Charter in respect to
what can be done in the transition period. I would like to concur with you that
we do have an agreement between the Crees and the Government of Québec;
it establishes a transitional period where - by the Crees can, in X number of
years, operate efficiently in the francophone language.
As a result of the various legislations to put the agreement into
effect, as a result of getting special rights for the Crees in Bill 101, the
Crees did not stop there. In fact, the Crees are moving and progressing towards
having a totally francophone operation. However, that will take a number of
years.
In our various companies most of our staff members, perhaps with the
exception of the leadership and the Cree managers, are bilingual and most of
the positions that we advertise are bilingual. Most of our transactions and
requests for tenders, for the various projects that we have in the Cree
territory, are done in the French language. (17 h 45)
So, in essence, the Crees have come a long way since the last time you
saw us here, in 1977 I believe. During this transitional period, the idea was
that the Crees, together with the Government of Québec, come up with a
formula on how to develop that transitional period. We have agreed, with the
officials of SAGMAI, to develop a survey to find out the francophone language
needs of our various entities, to find out where they are in respect to the
franconisation of the various entities and to develop what their needs are.
We want to develop this survey and we have agreed to develop this survey
in
consultation with the Office de la langue française. From this
survey, we will determine a schedule calendar that will put the transitional
period into effect. We do not know how long this transitional period will last.
It may take 10, 15 or 20 years, but we intend to put it into effect. So, we are
moving ahead, but our problem is that it is going to cost dollars, it is going
to cost a lot of money to set up the Cree Language Commission, dollars that the
Crees have.
I know for a fact that many people in the Province of Québec and
many people in this room probably think that the Crees are very rich. Well, the
Crees are not very rich. The Crees have managed their money very well and are
using their money for future generations and for community purposes. They are
advancing quite a bit of their money as bridge financing in respect to
community development for housing and housing infrastructures and projects such
as that.
So, it is going to take a lot of financial resources, technical
resources and human resources coming from the Government of Québec and,
perhaps, coming from the Office de la langue française. We are ready to
proceed in that matter and we are just as proud as you are with the toponymy of
the area. We are proud of the fact that we were able to work together to
develop the Cree names of the various geographical spots in our territory and
it is in this pride that we want to proceed.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Good afternoon, Chief
Billy Diamond. This month is going to mark the 10th anniversary of the
commencement of negotiations for the James Bay Agreement. It seems that we
cannot lose sight of each other. I was wondering, when your Department of
Immigration told the White man not to come to Québec and we came anyway,
what would have happened if your Department of Education had enacted your own
Bill 101. Would we always be speaking Cree today?
M. Diamond: I think my colleague Max Gros-Louis could answer that
question. It might be Huron, but I always tell him that the Hurons came from
Georgian Bay; so he is also an immigrant.
M. Ciaccia: Chief Billy Diamond is one of the chief architects of
the James Bay Agreement and there were some provisions in that agreement which
have been explained, partially, as to the intent, the objectives with respect
to the Cree people, to their way of life and to their rights and obligations
within the James Bay and
Northern Québec Territory.
In addition to some of the problems that you have raised concerning the
application of Bill 101 and the James Bay Agreement, I think there was a
provision in the agreement that, if there was an inconsistency between the
agreement and any legislation enacted either by the federal or provincial
government, the provisions of the agreement would prevail. Have you had
occasion to invoke that provision or has that been respected by the Government
in its administration and application of Bill 101?
M. Diamond: Mr. Chairman, the Member for Mount-Royal referred to
the 10th anniversary of the starting of the negotiations of the James Bay and
Northern Québec Agreement. I just want to remind him that a certain
leader of a certain political party wants to build phase 2 of the James Bay
hydroelectric project. So, he may start another 10 years of negotiations if he
proceeds with that project.
M. Ciaccia: Billy, if you look at the agreement, you will find
that there are provisions for that. So, I think that all the negotiations are
over and I think the atmosphere within the territory has changed sensibly.
M. Diamond: The provisions are there, in the James Bay and
Northern Québec Agreement, for discussions to continue. I just hope that
the Government of Québec will tell its Crown corporations that they need
Cree consent with respect to future development.
With respect to the application of the language provision in Section 16
of the James Bay and Northern Québec Agreement, we are always faced with
having to refer to the James Bay and Northern Québec Agreement and we
are always faced with the fact that we have to use the special rights of the
Crees not only in the agreement, but in the Charter as well. So, it is almost
an everyday occurrence that we have to remind officials in the various
department, that the Crees, basically, are exempt from the application of Bill
101 in their territory.
It is unfortunate but, during the negotiation of Bill 101, we did have a
broader exemption, an exemption to the entire Province of Québec. We
would have preferred and we still would like to see that exemption reinstated,
because we are now in the situation where we are quite universal in respect to
our own developments. We do not keep ourselves only within that particular
territory, we have an office in Québec City and we have an office in
Montreal, for instance. We would hope that those offices could also be provided
with the exemption. We do a lot of business in the City of
Montreal, because it is the business community, it is the financial
center of the Province of Québec. Almost on a daily basis, we have to
refer to Bill 101, we have to refer to Section 16010 of the James Bay and
Northern Québec Agreement to remind people in the Government that the
Crees have special language rights.
The parents in the Cree School Board Municipality have exercised those
rights; they want their children educated in the Cree language in the first
three grades. That is always under review by the Council of Commissioners, but
it is the parents who basically decide how they wish to educate their children,
whether in English or in French. For instance, I have a son who goes to an
English school and I have another son who goes to a French school. Both my wife
and I have discussed the situation and that is what the kids have agreed to as
well. Hopefully, they will be able to manage and help each other.
Incidentally, many of our children who do follow the elementary and
secondary schooling in the Waswanipi Area, Rupert House, Mistassini, Great
Whale and Chisasibi are trilingual. They come out of the system, even if the
system, is not complete, even if we have had many difficulties with the quality
of education, speaking French, English and Cree.
M. Ciaccia: You mentioned certain problems of your school board
and, I take it, your municipal government bodies; do you have any problems with
your health services?
M. Diamond: The Cree School Board and the Municipal Corporation
set up under the agreement have problems in communicating with the various
departments. For instances, many of the budget submissions are done in French,
but the Council of Commissioners operates in English because it is composed of
nine Crees and their second language is English. It will be a while before we
have a francophone school commissioner. But our staff is able to cope, is able
to use the French language because our staff in the Cree School Board is
bilingual.
With respect to health services, the local nursing stations and the
patient services are operating basically in the Cree language. They use Cree
translators. They use Cree community health workers. They use local Cree staff
but the qualified nurses, the qualified doctors and the professionals who visit
the territory from the various health centers in Montreal or Québec are
usually bilingual.
The operation of the hospital in Chisasibi and the senior operations of
the various nursing stations in the James Bay Territory are French speaking.
The problem arises when we have to find a registered nurse or when a registered
nurse living in one of the Cree communities is from Ontario, for example. She
cannot practice nursing because she has to pass the French language test and
undergo the procedures with the Québec Order of Nurses.
The same has arisen in one occasion with a Cree who was a fully
qualified engineer, a Cree person from Waswanipi who received his engineering
degree at the University of Waterloo. He was admitted to the Ontario Order of
Engineers, but could not, when he returned home to Waswanipi, practice
engineering because he was not a member of the Québec Order of
Engineers. Subsequently, he had to go through a lot of bureaucractic handling
to get his papers from that particular order. It took him several years before
he was admitted to the Québec Order of Engineers and he was admitted on
the basis that he was exempted from the application of Bill 101. He is now able
to practice engineering in the Cree communities.
M. Ciaccia: Are you suggesting that there should be a blanket
exception? There seem to be so many exceptions, in Bill 101, that are
applicable or that should be applicable, in the James Bay Agreement. Are you
suggesting that there should be a blanket exception, that it does not apply to
the Crees or do you have some specific proposals to make, with respect to all
of the different areas that you have mentioned?
M. Diamond: What I would suggest is that there be a blanket
exception until we are able to determine together the transitional period,
those X number of years, that it will take the various entities to be totally
efficient in the French language.
M. Ciaccia: Thank you very much and I hope that we do not have to
renegotiate the James Bay Agreement for the Phase 2, if it ever takes
place.
Le Président (M. Payne): It is six o'clock. Mr.
Awashish?
M. Awashish (Philippe): Thank you, Mr. Chairman.
Le Président (M. Payne): Very briefly, because it is six
o'clock, unless this Assembly consents to continue for a few minutes? (18
heures)
M. Godin: Would you agree to another fifteen minutes, or would
you...
Le Président (M. Payne): Unless the wish of the committee
would be to meet you again and take it up again, Chief Diamond,
at eight o'clock, for a short time.
M. Godin: On a une grosse soirée.
M. Fortier: That is all right.
Le Président (M. Payne): Fifteen minutes? OK.
M. Fortier: We need just a few minutes.
M. Awashish: Thank you, Mr. Chairman, and members of this
commission. I just want to clarify what the intentions of the Crees are. Chief
Diamond has stated the position of the Crees very eloquently. We share the
objectives, of course, with the Government of Québec, of promoting the
use of the French language as we have come to realize that we have to cope with
the political and social reality of Québec.
By the same token, we do have a unique situation where, as Native
people, we happen to be isolated up North where the Federal Government has
provided and has been responsible for our education. It is for that reason that
we have been speaking English as a second language. As far as the Crees are
concerned, the transitional period that is contemplated in Bill 101 began when
this particular law was proclaimed.
Since the proclamation of this law, we have not been idle. Chief Diamond
has stated that we have taken measures to introduce the use of French within
our Cree communities, within the territory and also within our own
institutions. There are French language instruction programs in the Cree School
Board; we have initiated French language programs for adults; we have
considered the use of French within our own institutions and we have promoted
the use of that language amongst the employees. We are concerned with the
gradual introduction of French within our own institutions, within our own
communities and our territories. The Cree School Board obviously needs more
human resources, financial resources to assist, to promote the use of French
within our territories and also, of course, to promote the use of the Cree
language.
In our dealings with the Government of Québec, we have to be
practical in the use of the English language. For example, there is the
Hunting, Fishing and Trapping Coordinating Committee that is established by the
James Bay and Northern Québec Agreement on the enabling laws. That
particular committee has responsibility over management and supervision of the
wildlife resources within the territory. There are five parties within that
committee, the five parties being the Federal Government, the
Québec Government, the Crees, the Inuits and the Naskapees.
In the deliberations of that committee, in coming up with
recommendations to the appropriate governments, we do have to be practical and
use the English language. In that committee, there is a possibility of using
five languages. Of course, each party wishes to speak in its own mother tongue
but that would certainly be very cumbersome and, as practical administrators
and to some extent politicians, we simply have to communicate in English for
the time being. Until such time as the Crees are able to operate efficiently
and effectively in French, we will have to be practical and give some special
consideration to the Crees and the other Native parties that are involved with
the proper implementation of the James Bay and Northern Québec
Agreement.
Le Président (M. Payne): The Member for Outremont, very
briefly.
M. Fortier: Just a quick question to Chief Billy Diamond. I
believe that part of the James Bay Agreement states that the James Bay
Development Corporation has a role to play. The Minister for Energy and
Resources has announced that this corporation would be abolished, its role
would be modified. You also mentioned yourself that there are some negotiations
going on. My first question is the following: Does this announcement or the
fact that the Government intends to liquidate this corporation have any impact
on you at the moment? Could this have an impact in the future?
M. Diamond: We were informed that the James Bay Development
Corporation will remain intact and will not be abolished for the purposes of
the application of the James Bay and Northern Québec Agreement because
they are one of the signatories of that agreement. Their role or their size may
diminish but they will still be there. That is what we were told.
M. Fortier: Thank you very much.
M. Ciaccia: What is the language of communication with the other
Native communities in Canada?
M. Diamond: What is the language of communication...?
M. Ciaccia: ...between the Crees and the other Native communities
in Canada.
M. Diamond: It is English, including the Native communities in
Québec.
Le Président (M. Payne): If I could
invite the Member for Gatineau to add some concluding remarks.
M. Gratton: Chief Billy Diamond, very simply, I would like to
thank you in the name of those members of the committee who do not have the
expertise of our colleague for Mont-Royal with regard to the Cree community. We
wish to thank you very much for providing us with a much better insight into
the very unique situation that the Cree people are faced with regarding the
application of the Charter of the French Language.
In our opinion, the more unique the situation, the more efforts must be
made by the legislators to insure the application of our laws, while taking
into consideration these specificities. Thank you very much.
M. Diamond: Mr. Chairman, Mr. Minister, on behalf of the Crees, I
want to state the fairness that you have displayed in hearing us. I hope that
something will develop as a result of our presentation. We are also very proud
of the fact that we are citizens of Québec. We say that we are not
Québécois, we are "Creebecois". Thank you.
Le Président (M. Payne): Just one moment, please, Chief
Billy, if I could invite the Minister of Cultural Communities for two
words.
M. Godin: Just two words. About the implementation of the French
language, let me tell you that your cruising speed will be our cruising
speed.
Secondly, I am very satisfied to see, as a writer, that a group of your
people, along with people from the Université du Québec à
Montréal, are working to create new Cree words to describe new
realities. That is a very stimulating prospect for any community, to establish
new words. I wish you good luck in that respect too and I hope that one day or
the other, you will be in a position to teach us a few more words describing
compound interests and things like that which could be useful for any
government in the dire streak that we are experiencing. Thank you so much.
M. Diamond: Thank you.
Le Président (M. Payne): Very briefly, Chief Billy
Diamond, I was asked to sit in the chair a few minutes ago, so I missed the
opportunity to exchange with you. In the name of the committee, I would like to
say that it is very good to see you again after a number of years. We hope that
it continues. We will take up the meeting again at 8 o'clock. Mr. Minister.
M. Godin: Avant la suspension, je fais distribuer
présentement le rapport Raynauld-Vaillancourt, tel que promis. On a une
heure et dix minutes de retard, M. le député d'Outremont,
veuillez m'en excuser. Je rappelle, à la demande du président du
Conseil de la langue française, que ce document est un premier jet,
qu'il est présentement à l'étude au Conseil de la langue
française et qu'il est possible qu'il y ait des corrections mineures, ou
de style ou de présentation, avant sa publication officielle. Donc,
c'est une prépublication.
Le Président (M. Payne): Merci, Chief Billy Diamond.
La commission est suspendue jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 10)
(Reprise de la séance à 20 h 09)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission des communautés culturelles et de l'immigration
poursuit ses travaux aux fins d'entendre tous les intervenants
intéressés par la Charte de la langue française.
Lorsque nous avons suspendu nos travaux, nous étions à
inviter M. Alexander Silva, que j'invite à prendre place
immédiatement et à nous faire la lecture de son
mémoire.
M. Godin: M. le Président, avant de...
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Godin: Si vous me permettez, avant de commencer. À
trois reprises déjà on a fait état d'un cas cité
par votre nouveau chef du parti suivant lequel des spectacles donnés par
des Américains à Montréal pourraient être
affichés dans deux langues tandis que des spectacles annoncés par
des artistes francophones ne le pourraient pas.
Je vous renvoie au chapitre des règlements qui porte sur la
langue du commerce et des affaires, à la page 2-380, article 8:
"L'affichage public et la publicité commerciale affichée relatifs
à un spectacle, un discours, un cours, un séminaire, une
conférence, une émission de radio et de télévision
ou à toute activité culturelle ou éducative de même
nature - mais en ce qui nous concerne c'est surtout relatif à un
spectacle - peuvent se faire - affichage public et publicité commerciale
- à la fois en français et dans une ou plusieurs langues."
Par conséquent si vous avez le cas précis j'aimerais
être saisi de ce dossier car il me semble que la loi et les
règlements tels qu'ils existent présentement permettent
à tout spectacle présenté à Montréal
d'afficher en français et en plusieurs langues. Donc j'aimerais bien que
le cas précis soit porté à notre attention de
manière que nous puissions éclaircir le cas, si
nécessaire. Merci beaucoup.
M. Lincoln: Très brièvement, M. le ministre.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: Ce n'était pas une référence
à notre présent chef du Parti libéral. C'était une
référence qui était venue... Je l'ai citée
aujourd'hui, c'était un membre de l'exécutif de l'Association des
hôteliers qu'un collègue, M. le député de Viger, et
moi avons rencontré il y a peut-être trois mois au cours d'un
débat. C'est en mai 1983 qu'on l'a rencontré, avant le
débat sur le tourisme. C'est lui qui nous a fait cette
représentation. Alors je vais le contacter pour savoir quels sont les
faits exacts parce qu'il nous a dit que cela s'est passé; il nous a
même cité l'exemple que j'ai donné aujourd'hui. C'est lui
qui m'en a parlé. Je vais lui demander de communiquer avec vous à
votre bureau.
M. Godin: M. le député, je compte sur vous pour
m'en informer mais si j'ai cité M. Bourassa c'est qu'il a
évoqué ce cas à deux reprises dans des émissions de
télévision que j'ai vues...
M. Lincoln: Oui, je pense.
M. Godin: Comme je m'y intéresse de près,
j'aimerais qu'on ait les faits pour pouvoir intervenir le plus tôt
possible de manière que...
M. Lincoln: Certainement.
M. Godin: ...cette apparente injustice soit corrigée dans
les plus brefs délais. Merci, M. le Président.
M. Alexander Silva
Le Président (M. Gagnon): M. Silva, si vous voulez vous
présenter. Vous êtes avec M. Joseph Sagaria. C'est cela?
M. Silva (Alexander): C'est cela.
Le Président (M. Gagnon): Si vous voulez nous faire la
lecture de votre mémoire, en vous souhaitant la bienvenue.
M. Silva: Certainement, M. le Président. Pour commencer,
j'aimerais vous remercier de cette occasion qui nous est donnée
de...
Le Président (M. Gagnon): Voulez-vous approcher votre
micro, s'il vous plaît?
M. Silva: D'abord, j'aimerais remercier la commission
parlementaire pour l'occasion qu'elle nous fournit de nous exprimer sur la loi
101. Nous n'appartenons à aucun organisme à but non lucratif
reconnu, nous sommes ici comme individus et nous sommes ici pour relater ce que
nous avons perçu par expérience personnelle dans notre vie
quotidienne.
Une voix: Pourriez-vous parler plus fort, s'il vous
plaît?
M. Silva: Oui, certainement. Pour commencer, M. le
Président, mesdames et messieurs, comme anglophone je ne suis pas venu
ici pour détruire, mais pour donner un avis constructif, car je ne suis
pas aveugle et je suis conscient de la popularité de la loi 101. Une loi
qui ressort du besoin fondamental de la défense de la langue de
Molière, de Dumas, de Balzac, d'Yves Thériault, Roch Carrier et
on pourrait en ajouter. Il y a aussi le besoin de défendre cette
même culture en Amérique du Nord, qui fait du Québec un
endroit où on a une joie de vivre malgré la crise
économique qui traverse ce continent.
Voulant vous épargner une longue dissertation sur les raisons des
politiques linguistiques au Québec, passées, présentes et
même futures, car elles sont bien claires et lucides pour des gens bien
intentionnés et de raison, j'aimerais témoigner de certaines
modifications qui pourraient nous permettre d'intégrer ceux qui ont
l'intérêt du Québec à coeur et qui acceptent le
Québec comme province de langue française et ceux qui songent
à un retour aux situations passées.
Alors, pour faciliter l'ajustement à la loi 101 aux conditions
existantes, je propose, non pas un changement de loi en lui-même, mais un
agrandissement de latitude dans son application à travers des directives
dans trois cas bien spécifiques. 1. Les examens de compétence de
la langue française pour les professionnels doivent être
maintenus, car ils permettent aux gradués d'institutions anglophones
d'avoir une connaissance de base de la langue française dont être
capables de travailler n'importe où au Québec. 2. La clause
d'affichage pour les petits commerces et entreprises familiales comme prescrit
par la loi doit rester, mais, pour des cas où l'affichage
extérieur se présente seulement en anglais, c'est-à-dire
non seulement en contravention à la loi 101, mais aussi à la loi
22, une certaine souplesse doit s'appliquer, tenant compte de la
solidité financière des propriétaires, mais ils doivent le
changer car avec un temps de grâce suffisamment long, il n'y a pas
d'excuse.
Pour des commerces à affichage bilingue du même genre, on
devrait poursuivre la même politique d'avertissement. Comme vous le
savez, les seules poursuites judiciaires ont été contre des
propriétaires avec affichage unilingue anglais, après
avertissement. (20 h 15)
Le troisième point se réfère à
l'admissibilité à l'école anglaise pour des enfants de
familles immigrantes.
A) La loi prévoit que les enfants de ces familles sont admis dans
des écoles anglophones si un des parents a complété son
éducation de base en anglais au Québec. Les comités
d'appel ont été créés et ils ont résolu
beaucoup de cas épineux.
B) i) La loi permet que des frères et des soeurs
d'étudiants ayant passé l'examen de la loi 22 soient admissibles
à l'école anglaise. ii) Dans plusieurs cas, la loi 101 a
facilité l'harmonie et a amené une cohérence dans
l'éducation d'enfants de familles immigrantes. Exemple, une famille
nucléaire, c'est-à-dire les parents et deux enfants, arrive au
Québec. L'enfant plus vieux qui a fait ses études a une
connaissance de base en anglais, tandis que le plus jeune ne l'a pas; le plus
vieux est admis dans l'école anglaise, l'autre échoue l'examen et
doit aller dans une école française. Ces cas ne se sont pas
produits seulement avec de nouveaux arrivants, mais aussi avec des familles
demeurant ici au Québec depuis plusieurs années. iii) La loi
prévoit que les enfants de parents appelés à travailler au
Québec peuvent étudier en anglais selon certaines conditions.
Cela doit continuer.
C) Les conditions d'admissibilité aux écoles anglaises
pour les nouveaux arrivés sont très désirables, surtout
pour ceux d'origine latine car pour ceux-ci leurs langues maternelles se
ressemblent et sont même identiques quant aux structures grammaticales;
en toute logique elles sont désirables du point de vue
académique, ce qui peut confirmer les résultats provinciaux
d'examens au secondaire IV et secondaire V d'écoles anglaises à
haute proportion ethnique.
En concluant, ceux qui conseillent à certains parents une
pareille action d'inscrire leurs enfants dans des écoles anglaises ou
à suivre illégalement - sans guillemets - des cours n'ont pas en
vue le meilleur intérêt des enfants, mais se servent d'eux comme
d'un outil politique, surtout avec des parents bien intentionnés, ce qui
est une honte. Comment on peut faire sa vie sur le dos d'actions
exécrables comme telles et vivre en paix avec soi-même va
au-delà de ma compréhension, et je me passerai d'autres
commentaires. C'est à la population d'en juger.
J'aimerais terminer en vous disant qu'en raison de la situation
géographique et de la position démographique dans ce continent,
l'enseignement du français dans les écoles anglaises devrait
être approfondi et vice versa.
Je vous remercie de votre attention en vous laissant savoir que je suis
prêt à vous donner des informations supplémentaires
nécessaires et à répondre à vos questions.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Silva. M. le
ministre.
M. Godin: M. Silva. J'aurais deux courtes questions. Au point un,
vous dites que les examens de compétence en langue française pour
les professionnels devraient être maintenus. Si les diplômés
anglophones des écoles anglaises du Québec détiennent un
diplôme de connaissance du français, s'ils réussissent
l'examen de français qu'ils doivent subir à la fin de leur cours
secondaire, estimez-vous que même dans ces cas, les examens de l'Office
de la langue française devraient s'appliquer à eux quand ils
auront atteints l'âge de pratiquer leur profession ou leur métier
au Québec?
M. Silva: Vous posez une question, laissez-moi voir si je la
comprends bien. Disons qu'un étudiant anglophone termine ses
études universitaires...
M. Godin: Non, secondaires.
M. Silva: ...secondaires. Selon mon expérience personnelle
et selon ce qu'on peut constater - je pense que les études peuvent aussi
en donner - l'enseignement du français dans les écoles
anglophones est pitoyable et vice versa alors qu'on pourrait l'approfondir et
avoir des pédagogues compétents. Dans le décalage... Je
pense que ce ne serait pas suffisant dans la plupart des cas.
M. Godin: M. Silva, deuxième question, la dernière
en ce qui me concerne. À la page 2, au paragraphe B)ii, vous donnez
l'exemple, entre parenthèses, d'une famille de deux enfants qui arrive
au Québec, l'enfant plus vieux, etc. Est-ce que vous vous
référez ici à la situation telle qu'elle est
présentement ou à ce qu'elle était auparavant parce que
vous dites que la loi 101 a réglé ce problème?
M. Silva: C'est telle qu'elle était. Ici, je me
réfère à des cas qui sont concernés par la loi 22
qui ont été un peu disparates. L'exemple, c'est moi ici
présent. Je suis arrivé ici en 1975. J'avais fait mes
études secondaires en Europe. Je parlais le portugais qui est ma langue
maternelle et le français comme langue seconde. J'ai aussi appris
l'anglais. Lorsque je suis arrivé ici, je ne m'occupais pas trop de
politique linguistique,
c'est-à-dire pas trop de politique en général ici
au Québec. J'ai changé par la suite, mais j'ai passé
l'examen de la loi 22. Cela aurait pu passer comme cela et j'aurais pu
fréquenter une école française, mais j'ai dit: Pourquoi
n'essaierais-je pas d'aller dans une école anglaise? Très bien!
Mais ma soeur avait six ans et n'avait donc pas commencé à
étudier. Elle ne savait parler ni le français ni l'anglais. Elle
n'a donc pu poursuivre ses études ici et elle a décidé de
s'en aller dans une école française. Elle est maintenant
polyglotte comme moi.
M. Godin: Si je comprends bien, l'ancien régime provoquait
également des situations comme celles qui ont été
décrites plus tôt par le Congrès national des
Italo-Canadiens. Dans une même famille, un enfant fréquentait un
système et l'autre fréquentait l'autre système.
M. Silva: Pourrais-je faire un commentaire sur cela?
M. Godin: Oui.
M. Silva: Quant à moi, la question de la langue pour un
polyglotte ne présente pas de gros problèmes. C'est quand
même un peu ridicule pour les gens qui viennent ici comme immigrants ou
qui parlent plus de deux langues. Lorsque nous sommes arrivés ici, on
lisait les problèmes qu'il y a eu concernant la loi 22. C'était
un problème émotionnel. Cela n'en dit pas suffisamment pour bien
exprimer les raisons et je ne puis pas vraiment identifier le problème.
C'est plutôt émotionnel. Il y a des raisons politiques et
culturelles pour expliquer cela. Mais concernant les directives de ma maison,
il n'y a pas eu de grand problème. Le problème a
été que lorsque j'arrivais le soir, comme je voulais
améliorer mon anglais, je voulais écouter la station CBC et ma
soeur prenait Radio-Canada au même moment. Cela a été un
problème mais cela s'est passé et il n'y a pas eu de grand
problème. Je vous ai donné un exemple de choses qui n'ont pas
beaucoup de sens.
M. Godin: Merci, M. Silva. M. Silva: II n'y a pas de
quoi.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Nelligan.
M. Lincoln: Quelques brèves questions, M. Silva. Je
voulais vous demander, puisque vous êtes polyglotte et que vous avez
l'expérience des langues, puisque ce sont les Portuguais qui ont
répandu la langue dans plusieurs coins du monde, si vous pensez qu'il
est vraiment nécessaire d'adopter une législation linguistique en
tant que principe.
Par exemple, ce matin, le maire Drapeau a dit qu'une langue se transmet
par le bon vouloir d'une population de l'exprimer. Pensez-vous qu'on ait besoin
d'une législation linguistique d'abord et, ensuite, d'une
législation linguistique très forte comme celle-ci?
M. Silva: Je vais répondre à votre question avec
beaucoup d'attention parce que vous avez fait un commentaire sur une
législation linguistique forte. Je vais donc faire attention à ma
réponse. Comme question de principe, si on parle de pays
indépendants, je dirais non; on a tous les outils pour contrôler
les communications, l'éducation, c'est complètement
indépendant. Ici ce n'est pas le cas, ce palier législatif est en
concurrence avec un autre palier législatif au sujet des communications
de ce XXIe siècle. Elles seront beaucoup plus sophistiquées et,
alors, pour un groupe culturel, une nation culturelle minoritaire dans un
continent si large, anglophone - les anglophones ne sont pas en majorité
sur le continent nord-américain, comme vous le savez, ce sont les gens
de langue espagnole...
Le Président (M. Gagnon): M. Silva, je m'excuse, mais il
va falloir que je vous demande de terminer.
M. Silva: D'accord. Ma réponse est: Oui, en principe, on
n'en aurait pas besoin si c'était un pays indépendant; comme ce
n'est pas le cas et que c'est une province, elle doit se soumettre à
d'autres juridictions, à d'autres paliers gouvernementaux, je dirais,
moi aussi, que c'est peut-être un besoin. Nous ne sommes que 6 000 000
sur un continent comprenant plus de 200 000 000 de gens. C'est tout.
M. de Bellefeuille: On va faire l'indépendance...
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Nelligan.
M. Lincoln: À la page no 2. On aurait pu discuter le cas
de Goa et de Macao contre la Chine, par exemple, 1 000 000 000 de Chinois.
M. Silva: On pourrait dire que le portugais n'est presque pas
parlé aujourd'hui.
M. Lincoln: Écoutez! On va vous poser une question
concernant la page 2 de votre mémoire...
M. Silva: Certainement.
M. Lincoln: ...sur la clause sur l'affichage. Vous dites: "Comme
vous le savez, les seules poursuites judiciaires ont
été contre des propriétaires avec affichage
unilingue anglais après avertissement", et vous parlez de la loi 22. Si
ma mémoire me sert bien, la loi 22 permettait un affichage dans une
autre langue aussi, optionnellement, n'est-ce pas?
M. Silva: Oui.
M. Lincoln: C'est-à-dire qu'on pouvait afficher en
français mais avec une autre langue. Voulez-vous dire que vous
préférez le système de la loi 101 qui insiste sur
l'affichage unilingue, ou si vous dites que vous étiez d'accord avec la
loi 22? Je ne suis pas trop sûr de ce que vous voulez dire.
M. Silva: Non. Ce que je dis, c'est que je pense que l'affichage
bilingue... Est-ce que vous voulez dire anglais et français ou quelques
autres langues?
M. Lincoln: Anglais et français ou quelques autres
langues.
M. Silva: Bilingue, ce n'est pas nécessairement
français et anglais.
M. Lincoln: Oui, nous sommes tout à fait d'accord.
M. Silva: Je dirais que les cas d'exception prévus par la
loi sont, dans beaucoup de cas, suffisants. Ce que je veux dire, c'est que je
pense que vous ne mettez pas ici en doute le fait que les deux seules
poursuites aient été faites pour des cas d'unilinguisme,
d'affichage en anglais. Vous ne contestez pas cela.
M. Lincoln: À l'exception des poursuites, dans le cas du
West Island, à Pointe-Claire, il y a eu des enquêtes sur 63
commerces, on a essayé de faire la guerre à 63 petits
commerçants pour des affichages avec des mots comme "wool"? Est-ce que
vous êtes d'accord avec cela?
M. Silva: Je vais répondre en deux volets.
Premièrement, je pense que l'Office de la langue française
s'attaque aux cas où il y a d'abord un affichage unilingue anglais. Il
n'est même pas bilingue dans plusieurs cas, quand on se promène
dans le West Island. Pour l'affichage bilingue, il n'y a pas eu de
problème; il y a eu des avertissements dans certains cas. Disons que
pour des commerces qui sont spécifiques à une communauté,
je pense qu'on devrait avoir un affichage bilingue. Pour des commerces
familiaux de cinq personnes et moins, comme j'en ai parlé, cela est
permis à l'intérieur. Je ne vois pas de problème pour le
moment. Peut-être que dans un avenir rapproché, si la situation
est différente, la loi sera différente aussi.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député. Merci, M. Silva, de votre présentation.
M. Silva: Pourrais-je faire un commentaire?
Le Président (M. Gagnon): Oui.
M. Silva: J'ai remarqué une chose. J'ai regardé les
présentations de jeudi dernier et ce qui m'a frappé, c'est un
civisme impeccable, caractéristique de cette commission au cours des
présentations. Même si on avait des opinions différentes,
on n'a pas vu ce qu'on a vu dans les années antérieures où
ce n'était pas le cas. C'est toujours...
Le Président (M. Gagnon): Merci beaucoup.
M. Godin: M. Sagaria, merci beaucoup.
Le Président (M. Gagnon): J'invite maintenant M.
André Dupont. M. André Dupont, veuillez prendre place, s'il vous
plaît!
Une voix: Quel mémoire?
Le Président (M. Gagnon): Mémoire no 49.
M. Dupont, en vous souhaitant la bienvenue, je vous demande de faire la
lecture de votre mémoire, s'il vous plaît!
M. André Dupont
M. Dupont (André): Je veux d'abord vous remercier de tenir
cette commission qui, à mon avis, est très importante. C'est un
honneur pour moi que d'y présenter mon point de vue.
Je commencerais en soulignant que, si on a beaucoup parlé, par
exemple, au sujet de la Charte de la langue française, de l'accès
aux écoles et, finalement, de l'aspect quantitatif de l'utilisation de
l'anglais et du français, à ma connaissance, on n'aborde presque
jamais dans ce débat la question de la qualité du français
utilisé couramment au Québec. C'est principalement à ce
point de vue que je vais m'attarder, si vous le voulez bien, dans les quatre
points principaux que je vais aborder rapidement.
Le principal point que je veux mettre en lumière, c'est ce que je
crois être une anglicisation croissante qui s'effectue au Québec
par les médias et par la publicité. Pour ne pas faire trop
théorique, je vais d'abord commencer, si vous le voulez bien, par
certains exemples qui démontreront que la situation est importante et
réelle et qu'elle est urgente. Il y a trois sortes de fautes qu'on
retrouve souvent à la télévision,
par exemple. Ce sont surtout les affiches et la publicité sous
toutes ses formes que je vise. Il y a, ce que j'appellerais des fautes de
terminologie de lexique, des fautes de syntaxe et des fautes contre l'esprit de
la langue française.
Je vais d'abord vous souligner des fautes du genre terminologique. Je
vous souligne que ce sont des fautes qu'on entend couramment. J'essaie de vous
convaincre que ce sont des choses extrêmement répandues. On entend
des expressions comme "la conservation de l'énergie" alors qu'on devrait
dire "l'économie de l'énergie". Conserver l'énergie, ce
serait facile, il suffirait de ne pas en consommer du tout; on la conserverait
entièrement. Il ne s'agit jamais de la conserver, il s'agit de
l'économiser le plus possible, et pourtant tout le monde parle
couramment de conservation d'énergie, n'est-ce pas? (20 h 30)
On entend beaucoup, préparer un rapport, préparer un
mémoire. Si ces choses étaient seulement préparées,
elles ne verraient jamais le jour ou presque, enfin, elles ne seraient jamais
terminées. Il ne s'agit pas de les préparer, il s'agit de les
rédiger. On rédige un rapport, on rédige sa
déclaration d'impôt, on peut l'écrire, on peut la
détailler, on peut la concevoir, la créer, mais seulement la
préparer cela ne mène pas bien loin. D'accord? Pourtant, je suis
sûr que tous ceux ici qui vous apportent des mémoires, qui vous
présentent des mémoires doivent couramment dire qu'ils l'ont
préparé et c'est ce qu'on entend en ce moment à coeur de
jour; il y a des tas de gens qui préparent des tas de choses et
pourtant, c'est un anglicisme flagrant. En anglais, on dit, "prepare".
On parle de contrôler la pollution alors qu'il s'agit de
l'éliminer, des tours quand il s'agit d'agences de voyages ou de visites
touristiques. Il y a même des marques de commerce, des marques d'agences
de voyages, par exemple, Unitours ou des choses comme cela, mais cela est un
anglicisme flagrant, cela n'a jamais voulu dire cela en français. Il n'y
a pas de rapport entre le mot tour et l'idée d'une agence de voyages
sinon des expressions comme faire un tour en ville, ou faire le tour de quelque
chose. À Montréal, il y a un autobus qui s'appelle "tour de
ville". C'est très mauvais comme expression. On peut faire le tour de la
ville, d'accord. Voyez-vous, c'est qu'il y a de faux amis sur le plan
linguistique, comme on les appelle, et on glisse facilement d'un terme anglais
à une mauvaise expression en français. Je passe vite
là.
Maintenant, des fautes de syntaxe. Je pense à des tas de
publicité où on saute l'article. Par exemple: Voyageur.
Normalement, en français, il faut lier les choses, toutes les
expressions employées. On devrait mettre l'article; prenez "Le Voyageur"
puisqu'on a personnifié avec un V, ce qui est bien. "Tapis
métropolitains vous offrent" au lieu de "Les tapis métropolitains
vous offrent". Des exemples comme cela, il y en a énormément,
mais je vais vous en trouver des plus parlants.
À la frontière du Québec et de l'Ontario, il y a
une affiche qui dit: "Québec vous souhaite la bienvenue". C'est "le
Québec", normalement, qu'on devrait lire alors que juste de l'autre
côté, en Ontario, précisément, c'est bien
écrit "L'Ontario vous souhaite la bienvenue". "Aux habits Sorel". "Les
habits Sorel", devrait lire l'enseigne. "Ce plan devrait permettre à
Pêcheurs Unis". Mais c'est affreux, cette expression-là! Devrait
permettre "aux" Pêcheurs Unis. Le français est une langue qui
exige d'être logique. Tout doit être lié,
enchaîné, même dans les tableaux, quand on rédige des
tableaux en français, on doit le plus possible rédiger en faisant
des phrases complètes, en respectant la ponctuation. Toutes nos lois
sont rédigées avec des points virgules à la fin de chaque
paragraphe, chaque alinéa et on remplace le dernier point virgule par un
"et".
Du français qui se tient bien, qui se lit bien et qui s'entend
bieni On en est venu à se faire lessiver le cerveau tous les jours, tous
les soirs par des horreurs, des barbarismes et, finalement, du petit
nègre. C'est là la question que je soulève, est-ce qu'on
veut continuer à entendre du petit nègre ou est-ce qu'on veut
entendre du français? C'est la question fondamentale que je voulais
soulever.
Contre l'esprit de la langue française, dernière
catégorie d'expression que je voulais souligner, il y a des choses comme
la Labatt bleue. C'est ma favorite, celle-là. Au début, il y a
très peu de gens qui ont remarqué que la Labatt bleue, quand
c'est sorti, il manquait le "e" à la fin. J'ai envoyé une lettre;
je ne sais pas si c'est à cause de cela qu'ils l'ont modifié,
mais maintenant, ils ont ajouté le "e". Voyez-vous, il y a des gens...
Il y a une fausse croyance au Québec qui veut qu'un nom propre, cela
s'écrit n'importe comment. C'est un nom propre, c'est invariable; c'est
vrai, la grammaire nous dit cela. Mais, cela ne veut pas dire qu'on peut
l'écrire n'importe comment, non plus, quand on crée une marque,
un nom. C'est évident que le reste de l'expression du slogan, "bleu,
c'est fameux". Voyez-vous, dans l'ensemble de l'expression, il n'y avait rien
de féminin. Ce qui est d'abord assez formidable à faire, pour
quelque chose qui est féminin, une bière. Bleu: b-l-e-u, c'est
fameux; "c" apostrophe, c'est neutre, c'est un pronom démonstratif;
"fameux", au masculin. Si on ne se doutait pas qu'il s'agit d'une bière,
on ne le devinerait pas du tout. Voyez-vous? Ensuite, c'est tout à
fait
impersonnel au sujet d'une bière. Alors, l'ensemble de la
construction pêche directement contre l'esprit de la langue
française. Cela n'a ni queue, ni tête, une affaire pareille. Il y
a des exemples comme cela; c'est mon malin plaisir d'en relever à la
télévision. Je pense que je vais vous faire grâce des
autres exemples.
Je souligne rapidement, trois autres points, qui me frappent. C'est que,
au sujet de l'enseignement public au Québec - je sais qu'on a tout
entendu à ce sujet - j'aimerais que, au bout du compte, on garde bien
à l'esprit que, dans toutes les sociétés, dans la plupart
des sociétés au monde, c'est la langue de la majorité qui
est celle qui est utilisée dans l'enseignement public. C'est pourtant
simple. Est-ce que c'est trop simple comme critère? C'est
l'évidence, à mon avis. Et je ne sais pas pourquoi on cherche de
midi à quatorze heures. On est souple au Québec; on a fait des
concessions. Mais, au bout du compte, je crois que c'est la normalité
qui est exprimée par ce critère, celui de la majorité, et
qu'on devrait y revenir constamment, comme à un barème, comme
à un étalon. Tous les autres accommodements, d'accord on peut en
faire, mais ce ne sont que des accommodements par rapport au critère de
base qui lui, est patent, à mon avis.
Le troisième point qui me frappe et qui m'horripile
personnellement, c'est d'entendre les journalistes anglophones dans les
médias interviewer les francophones en anglais. Cela me renverse. Et
cela me renverse pour deux raisons: d'abord que les journalistes anglophones
n'aient pas la décence peut-être de savoir le français
s'ils oeuvrent au Québec; s'ils le savent, de ne pas l'utiliser quand
ils interviewent des francophones. Et enfin, de ne pas se rendre compte qu'ils
humilient des francophones en leur demandant de s'exprimer dans une langue qui
n'est pas leur langue maternelle. Il faut une certaine dose de cynisme pour
pratiquer une telle politique de façon quotidienne, courante. Et il se
trouve toujours des francophones pour se présenter a leur micro et
montrer qu'ils savent parler anglais. C'est pitoyable comme situation. Je ne
connais pas bien des endroits au monde où cela se passe comme cela. Il
faut une sacrée dose de masochisme pour tolérer des situations
comme cela.
Il y a une grande confusion au Québec entre ce qui est la langue
première et la langue seconde; cela dit - c'est une opinion personnelle
- d'une façon sociolinguistique, je dirais. Quelqu'un qui ferait une
analyse de société, comme un anthropologue qui viendrait ici et
qui étudierait les moeurs de ces gens, trouverait étonnant qu'un
si grand nombre de personnes s'interrogent constamment sur les langues qu'elles
parlent au lieu de parler une langue... comme un mécanicien prend son
coffre à outils avant de réparer une auto. Il n'examine pas sa
clé anglaise ou son tournevis pour se demander s'ils sont en bon
état. Il prend ses outils et travaille. Ici, pour la culture
personnelle, que des tas de gens souhaitent parler plusieurs langues ou toutes
les langues du monde, on ne connaît personne sur cette planète qui
serait contre ce principe. Mais quand il s'agit de la langue qui est
parlée par une société, c'est autre chose. Ce n'est plus
la culture personnelle qui est en cause, il s'agit de se demander quelle langue
prévaut dans cette société, dans ce groupement humain.
La dernière chose: si, dans les médias -j'y reviens - il y
a un si mauvais français qui est couramment employé, entre
autres, dans la domaine sportif, quoi faire? C'est une grande question. Il y a
des filtres ou des freins naturels qui ont échoué. Normalement,
la population aurait dû se révolter contre ce français si
mauvais qu'on entend couramment sur les ondes. Il semble que non puisqu'elle
adopte, répand et diffuse elle-même des tas d'expressions
fautives. Il y aurait eu les médias eux-mêmes qui auraient pu
être des freins et des filtres naturels, mais les stations de radio, de
télévision qui même parfois ont des services de
linguistique chez elles, ne réussissent pas - cela est évident
-à freiner cette inondation de mauvais langage. Qu'est-ce qui reste
comme solution? Est-ce qu'on va modifier la loi 101 pour exiger que la
qualité du français soit respectée, soit appliquée?
C'est une possibilité. Est-ce que les organismes en place, la commission
de surveillance, l'OLF, le conseil, devraient y veiller normalement d'une
façon générale peut-être par leur mandat, mais en
pratique, je pense qu'ils ne réussissent pas ou... Est-ce qu'on va
congédier les commentateurs des médias qui ne veulent pas
s'amender? Je pose la question. Voilà! Le problème est là.
Il est posé et il faudrait y trouver une solution, à mon
avis.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Dupont. M. le
ministre.
M. Godin: Merci, M. Dupont. Vos remarques et propos sont
notés. Merci bien.
Le Président (M. Gagnon): Merci beaucoup. *
M. Dupont: Cela me fait plaisir.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Je remercie M. Dupont pour son
mémoire. M. Dupont, vous vous présentez devant nous comme
traducteur professionnel.
M. Dupont: C'est exact, oui.
M. de Bellefeuille: Je trouve vos observations sur la langue
très pertinentes. On pourrait ajouter d'innombrables exemples à
votre liste. Je voudrais en ajouter seulement un, parce que je trouve que c'est
la plus idiote des fautes répandues: l'adverbe "définitivement"
employé dans le sens de certainement.
M. Dupont: Absolument aussi.
M. de Bellefeuille: C'est une faute idiote, parce que ce que les
gens veulent dire, ce n'est pas définitivement, ils veulent traduire
"definitely". Si on traduit le mot "definitely", c'est "définiment".
Comme indéfiniment existe, il serait légitime de dire
"définiment", mais définitivement, cela veut dire toute autre
chose.
Cela dit, je voudrais vous proposer une réorientation de votre
carrière. Ne pourriez-vous pas faire ce genre de travail dans un
important média d'information? Cela existe. Il y a par exemple la revue
de la Fédération professionnelle des journalistes du
Québec qui s'appelle...
Une voix: Médium.
M. de Bellefeuille: Média, un médium, c'est autre
chose. C'est pour les magiciens.
Une voix: Ah bon!
M. de Bellefeuille: ...Le "30" et qui a un petit bloc dans chaque
numéro où on signale quelques fautes courantes. À
Radio-Canada on s'efforce de parler un langage très châtié,
à tel point que l'on n'emploie pas un verbe vulgaire comme
"prévoir", on "anticipe". Cela ne veut pas dire la même chose,
mais on s'en fiche pas mal, cela fait mieux de dire "anticiper" plutôt
que "prévoir". Mais à Radio-Canada il y a quand même
fréquemment des observations sur la langue qui ont, je pense, une
certaine valeur et une certaine influence sur la population...
M. Dupont: À la radio?
M. de Bellefeuille: Oui, à la radio. Alors, il me semble
que vous devriez essayer de convaincre un journal important ou une station de
radio ou de télévision de vous faire faire une chronique sur la
langue. Je crois que vous pourriez la rendre très vivante et que cela
vaudrait la peine.
M. Dupont: Me permettez-vous une impression? (20 h 45)
Le Président (M. Gagnon): Oui, M. Dupont.
M. Dupont: Je suis d'accord avec vous, M. de Bellefeuille, pour
dire qu'il y aurait beaucoup de choses à faire, mais en même
temps, voyez-vous, il faut plutôt essayer d'intervenir au bon moment, au
bon endroit et de la bonne façon. Cela en serait une très bonne,
bien sûr, mais je crois que ce qui compte ce n'est pas de poser des
sparadraps - comme on dit en français - sur un bobo, ce qui me
préoccupe plutôt, c'est d'endiguer ce que je considère
être une inondation. La différence que je fais, c'est que l'on
peut faire toutes les campagnes du bon parler français que l'on veut,
cela ne change rien au fait que la tradition verbale naturelle au sein d'une
population devrait normalement suffire. Mais on a affaire, dans le cas des
médias, à un haut-parleur qui domine la foule en un sens et qui a
une puissance de pénétration tellement supérieure que
c'est une intervention négative qu'il faudrait faire,
c'est-à-dire mettre une digue pour stopper ce raz-de-marée;
autrement toutes les petites interventions ponctuelles sont inutiles et
vouées à l'échec.
C'est pour cela que je considère que c'est très important.
On pourra dire que les médias, la liberté d'expression, il ne
faut pas intervenir, et tout cela, mais eux ont le pouvoir d'intervenir et,
d'une certaine façon, dans un sens indu sur l'évolution de la
langue au sein d'une société. À mon avis c'est ce qui
justifierait une intervention d'une nature autre, quitte à brimer tant
soit peu la supposée liberté d'expression qui, de toute
façon, est déjà brimée par ailleurs par d'autres
interventions qui, elles aussi, sont sans doute justifiées.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Juste un mot rapide, M. Dupont. Je comprends votre souci
et je le partage largement. Au chapitre des moyens j'ai des grands doutes sur
les méthodes que vous proposez. Je crois que cela nous conduirait
très rapidement à un régime autoritaire en matière
linguistique. Je me demande si vous ne seriez pas mieux de chercher à
améliorer le travail d'éducation à tous les niveaux de
manière que les résultats en fin de compte soient meilleurs. Dans
votre système, c'est la régie ou l'Office de la langue
française qui va tout décider au bout de la ligne.
J'ai eu le cas récemment - je vous raconte cela - d'une de mes
proches qui est à l'université. Elle avait un désaccord
avec son professeur qui lui avait mis une mauvaise note sur une question de
linguistique. Elle est allée vérifier à des sources
très autorisées, documentaires, et c'est le professeur qui avait
tort. Il ne voulait pas l'admettre et il a dit: On va téléphoner
à l'Office de la langue française. C'est
parfaitement ridicule. Je pense qu'il faut que vous admettiez que si on
s'embarquait dans un système comme celui-là... L'homme public
quand il répond à des questions va prendre ses
responsabilités et il me semble qu'il va répondre dans la langue
qu'il jugera opportun d'utiliser, quitte à subir les sanctions de
l'opinion.
Il me semble que la logique de votre texte conduit à un
régime de plus en plus autoritaire. Je vous demande encore une fois si
vous ne devriez pas plutôt envisager la perspective d'un travail
d'éducation en profondeur, plus long mais qui produirait
éventuellement des fruits plus intéressants; plus libre
aussi.
M. Dupont: D'abord je ne fais pas que proposer des solutions, je
les cherche. Deuxièmement, je dirais que les méthodes naturelles,
celles dont vous parlez, ont déjà cours et on voit le
résultat. Disons que je suis devant un problème et je cherche une
solution. Je ne dis pas que je la tiens, mais ce que je suis tenté
d'affirmer c'est que les solutions déjà en place en somme sont
inefficaces. Il faudrait songer à autre chose.
M. Ryan: Oui. J'ajouterai seulement une chose si vous me
permettez. Je ne suis pas de votre opinion quant au diagnostic que vous portez.
Je considère, dans l'ensemble, ayant longuement observé ces
choses, qu'il y a une amélioration générale de la
qualité de la langue parlée et écrite au Québec. On
pourrait discuter de cela très longtemps ensemble, mais je voudrais
simplement que nous nous quittions, vous ayant entendu dire par quelqu'un que
votre opinion n'était pas nécessairement partagée en
matière de diagnostic.
M. Dupont: Oui. L'été passé il y a eu un
congrès sur le français qui s'est tenu à l'hôtel
Méridien où les gens concluaient effectivement que le
français s'était beaucoup amélioré depuis des
années. Il y a cela et il y a aussi l'inverse. Je pense qu'il y a deux
mouvements en sens inverse qui se produisent. C'est un fait que les
médias ont diffusé un meilleur français - on est d'accord
là-dessus - mais en même temps il faut se rappeler que le
français moyen parlé par les Québécois était
excellent. Par exemple, le jouai était circonscrit à
Montréal, paraît-il. Il paraît qu'on en situe l'origine dans
une partie de l'île de Montréal. Par ailleurs, en ce moment il y a
de plus en plus de jeunes à qui c'est indifférent de parler
anglais ou français. On en connaît, on en voit de plus en plus.
Moi-même, dans un ascenseur, j'ai entendu deux Québécoises,
en descendant treize étages, se parler anglais et, en arrivant en bas,
je me suis rendu compte que c'étaient des Québécoises
francophones. Quelle ne fut ma surprise! Ce sont des choses qu'on ne voyait pas
avant.
M. Ryan: Pensez-vous que c'est en donnant plus d'autorité
à l'Office de la langue française que vous allez faire
naître le goût de la langue et de la culture françaises chez
ces jeunes?
M. Dupont: II faudrait bien voir quelle sorte d'intervention. Il
ne s'agit pas d'intervenir dans le parler de chacun. Mais je dis que les
personnes qui travaillent pour les médias, elles ne sont pas des
personnes au sens d'une personne parmi la foule, elles sont des multiplicateurs
qui tiennent un haut-parleur dans leurs mains. D'eux, nous sommes en droit je
pense, comme société, d'exiger un français d'une
qualité bien supérieure, impeccable. C'est là mon point de
vue.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Dupont, de votre
mémoire. Maintenant j'inviterais M. Pierre Landry.
M. Godin: Merci, M. Dupont.
Le Président (M. Gagnon): Excusez-moi, M. le ministre.
Vous aviez...
M. Godin: Cela va.
Le Président (M. Gagnon): M. Landry, compte tenu de
l'heure assez avancée - c'est le mémoire que j'ai entre les mains
ici - je vais vous demander, s'il vous plaît, de le résumer en
quelque dix ou quinze minutes.
M. Pierre Landry
M. Landry (Pierre): J'avais prévu lire un texte à
caractère historique, qui me permettait de me définir au
départ, et de définir la question de la langue au Québec.
Si vous me permettez, je vais le lire; cela ne devrait pas prendre plus de cinq
minutes. Après cela, on comprendra mieux pourquoi je propose une
radicalisation de la loi en ce qui concerne la langue au Québec.
Je désire d'abord m'identifier comme Canadien d'avant la
conquête, tout simplement pour vous dire que de 1608 à 1759 nous
avons toujours parlé une seule langue au Québec, c'est le
français. Il n'y a jamais personne qui s'est plaint du fait que nous
parlions seulement français.
C'est à partir du 13 septembre 1759 que des problèmes
linguistiques se sont posés au Canada. C'est en ce jour du 13 septembre
1759 que des étrangers, des Britanniques, se sont établis chez
nous par la force militaire et nous ont imposé une langue
étrangère, l'anglais. Depuis la conquête britannique, les
Canadiens d'autrefois et les Québécois d'aujourd'hui ont dû
regagner pacifiquement, au prix de combats quotidiens, ce qu'ils avaient perdu
par la force des armes dans
une bataille qui ne dura que quinze minutes. Il y a eu l'Acte de
Québec, en 1774, l'Acte constitutionnel en 1791. En 1840, l'Acte d'union
devait casser les reins des Canadiens d'avant la conquête qui avaient
osé se soulever contre l'occupant britannique en 1837 et 1838.
En 1867 la constitution du Canada britannique est imposée
à la population du Québec sans qu'elle soit consultée. Le
BNAA garantit alors à la minorité anglaise des droits
égaux à ceux de la majorité française, alors que
dans les trois provinces anglaises incluses dans le Canada de 1867, il n'y
avait aucune protection assurée aux francophones.
Par la suite, à tour de rôle, chacune des provinces
anglaises a légiféré pour faire disparaître sa
minorité française. En 1864, les Acadiens de la
Nouvelle-Écosse perdent leurs écoles. En 1871, une loi du
Nouveau-Brunswick supprime les écoles catholiques et défend
l'enseignement du français dans les écoles. En 1877, le
gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard légifère
dans le même sens. En 1890, le gouvernement du Manitoba abolit les
écoles françaises et interdit l'enseignement du français
dans les écoles. En 1892, le Conseil des Territoires du Nord-Ouest, sous
juridiction fédérale, interdit lui aussi l'enseignement de la
langue française. En 1905, lors de la création des deux nouvelles
provinces de la Saskatchewan et de 1'Alberta, aucun droit n'est reconnu aux
Canadiens-Français. En 1912, le Keewatin, sous juridiction
fédérale, supprime les écoles confessionnelles et interdit
l'enseignement du français sur son territoire. En 1912, le gouvernement
de l'Ontario publie le règlement 17. Pendant tout ce temps, le
gouvernement fédéral a eu une politique d'immigration qui a
toujours favorisé l'anglicisation de chacune des provinces, même
du Québec. Ce qui fait que les francophones se sont
débrouillés comme ils ont pu au Québec et aussi dans les
provinces canadiennes. Dans les autres provinces canadiennes, cela a
été plutôt mal.
En résumé, je voudrais dire que le Canada britannique
s'est bâti par la force militaire, politique et économique sur le
dos des Canadiens d'avant la conquête. Le résultat aujourd'hui,
c'est que la moitié des Canadiens français des provinces
anglaises est assimilée. Il y a au moins 700 000 Canadiens
français qui sont devenus des Anglais aujourd'hui. En 1976, le Parti
québécois a été élu en grande partie
à cause des problèmes linguistiques mal réglés par
les libéraux de Québec - la loi 22 - et par les libéraux
d'Ottawa - la question des gens de l'air.
Le 26 août 1977, la loi 101 entrait en vigueur. Elle devait
permettre à long terme à la population française du
Québec de se sentir enfin chez elle partout sur son territoire national.
Or, qu'en est-il aujourd'hui, en 1983, de la situation de la langue
française au Québec? Selon les études faites par le
Conseil de la langue française et les résultats qu'on a pu en
lire dans les journaux, il n'y a pratiquement pas eu de gains faits par la
langue française depuis l'adoption de la loi 101. L'anglais continue de
s'affirmer comme langue de la domination économique d'une
minorité bien nantie. Quand je vais à Montréal, je me sens
encore étranger, parce que je suis habitué de vivre dans une
ville entièrement française et je ne me sens vraiment pas chez
moi à Montréal et dans d'autres régions où on
entend encore beaucoup parler anglais.
Ce qui m'amène à demander au gouvernement du Parti
québécois d'opter enfin pour l'unilinguisme français dans
une nouvelle loi qui pourrait s'appeler la loi 303. C'est l'observation du
milieu nord-américain dans lequel la nation canadienne d'avant la
conquête devenue la nation québécoise d'aujourd'hui doit et
devra s'épanouir. Elle devra faire face à une population de 240
000 000 de Nord-Américains, alors que nous sommes 6 000 000. Ces 240 000
000 de Nord-Américains ont la possibilité de vivre dans 50
États des États-Unis et dans neuf provinces au Canada. Le seul
territoire sur lequel peuvent vivre en français les Canadiens d'avant la
conquête, c'est le Québec. Je considère qu'on n'a
strictement aucun choix sur le plan linguistique que de légiférer
dans le sens de l'unilinguisme de façon à nous assurer une vie
normale qui nous permette de vivre chaque instant de la journée en
français comme un "Étatsunien" va vivre en anglais chaque seconde
de sa vie quotidienne.
Si on se raccroche au Québec et qu'on analyse les
résultats du recensement fédéral de 1981, on
s'aperçoit qu'il y a 82% de la population qui est francophone ou
d'origine française et il y a à peine 11% d'anglophones ou
d'origine anglaise. À venir jusqu'à maintenant, ce 11% de la
population est toujours parvenu à imposer sa loi, ses normes ou son mode
de vie à l'immense majorité de la population française.
Cela m'apparaît plus qu'anormal et je trouve étrange que le
gouvernement du Parti québécois songe à ramollir la loi
101, alors qu'elle n'a pas encore obtenu les résultats que l'on
escomptait sûrement déjà, en 1977, lorsqu'on a
adopté la loi. Ce que je conseille au Parti québécois,
c'est d'opter pour l'unilinguisme français. Je comprends qu'il y ait des
problèmes constitutionnels qui obligeront le gouvernement à faire
des accommodements à cette politique éventuelle de l'unilinguisme
mais je lui demande quand même, tenant compte de la Charte canadienne, de
radicaliser tous les articles de la loi 101 qui peuvent l'être sans qu'il
y ait d'obstruction juridique. (21 heures)
Je demanderais aux libéraux qui, sans
doute, voudront faire de la politique de cette question-là, de
songer aux francophones de l'Ontario et de favoriser un gel des
privilèges actuels de la minorité anglaise jusqu'à ce que
la minorité française de l'Ontario reçoive le même
traitement que les anglophones au Québec. Lorsque ce sera gagné
en Ontario, ils pourront revenir au Québec et pourront essayer d'obtenir
au pair chaque élément nouveau que les francophones pourront
gagner en Ontario.
Le texte que j'ai proposé, c'est une révision de la loi
101 dans le sens de l'unilinguisme français. Il y a possibilité
de revoir chacune des parties mais si vous en avez fait la lecture, vous aurez
compris qu'il n'y a pas beaucoup de modifications, sauf que l'utilisation de la
langue officielle dans tous les articles existants de la loi 101 devient
exclusive.
Le Président (M. Gagnon): Je vous remercie. M. le
ministre.
M. Godin: M. Landry, j'ai une brève question. Si l'on
reconnaît l'existence d'une menace pour le français au
Québec, une menace qui vient du poids de l'anglais sur le continent
nord-américain, est-ce qu'on ne peut pas aussi reconnaître qu'il y
a ici, pour des raisons historiques, une minorité anglophone qui a
bâti ses institutions et que ce n'est pas cette minorité de 11%
qui représente une menace pour le français au Québec?
Donc, une loi linguistique doit tenir compte de ces deux facteurs-là,
c'est-à-dire prendre des mesures qui protégeraient, qui
protégeront et qui protègent déjà le
français mais contre ses ennemis réels ou contre ce qui la menace
réellement et non pas contre la présence au Québec
d'institutions anglophones qui sont historiques et qui font partie du
patrimoine social et économique du Québec.
M. Landry (Pierre): Je suis bien d'accord pour admettre que la
menace vient des États-Unis mais il reste quand même que la
minorité anglaise est également une menace puisque,
concrètement, ce que l'on côtoie en dehors des médias, ce
sont des individus. Les individus que l'on rencontre quotidiennement sont des
membres de la communauté anglaise du Québec. Alors, il est bien
clair qu'ils véhiculent dans leur vie quotidienne l'idée que la
langue anglaise est encore prédominante au Québec. L'influence en
provenance des États-Unis va venir par les programmes qu'on voit
à la télévision, dans ce que transmet le cinéma ou
encore lorsque les Québécois voyagent aux États-Unis. La
présence de la minorité anglaise est bien concrète en ce
sens que chaque jour, ce sont les gens que l'on entend parler anglais, non
seulement dans la rue mais qui vont nous obliger - dans certains milieux -
à parler anglais. Il y a beaucoup de Québécois qui sont,
encore aujourd'hui, obligés de parler anglais pour travailler. Le
problème ne vient donc pas des États-Unis. En ce qui concerne la
langue de travail, le problème est posé concrètement par
des gens de Montréal ou d'autres régions qui imposent la langue
anglaise aux travailleurs.
M. Godin: Merci, M. Landry. Vos suggestions sont
notées.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: M. le Président. Je veux simplement remercier
M. Landry d'être venu exprimer son point de vue. Je ne lui cacherai pas
qu'on ne le partage pas mais on lui reconnaît le droit de l'exprimer.
Nous le remercions d'en avoir saisi la commission.
Le Président (M. Gagnon): Merci beaucoup, M. Landry. Cela
va.
J'inviterais maintenant M. Gérard Brosseau à prendre
place.
M. Gérard Brosseau
M. Brosseau: M. le Président, Mesdames, Messieurs,
distingués membres de la commission, une question préliminaire,
si vous me le permettez. J'aimerais savoir, M. le Président, si nous
sommes ici nantis de l'immunité parlementaire.
Le Président (M. Gagnon): Non.
M. Brosseau: Je n'ai pas compris votre réponse.
Le Président (M. Gagnon): Non.
M. Brosseau: Cette précision apportée, je continue.
À vrai dire, il n'y a qu'une manière de régler la question
linguistique au Québec, il n'y en a qu'une seule: c'est
l'indépendance politique et nationale du Québec, la
souveraineté nationale. Il est bien certain qu'en fin de compte, seule
notre indépendance politique, seule la plénitude du pouvoir
politique nous permettra de régler la question nationale au
Québec. Cependant, d'ici cette indépendance politique que je
désire tant, il y aurait un moyen, étant donné que
l'indépendance politique n'est pas pour 6 heures demain matin, nous
allons y arriver tantôt.
Indépendantiste québécois depuis les
premières heures du mouvement contemporain, soit depuis 1957, parce
qu'il y en a eu d'autres avant notre époque, il m'est difficile de
croire, mesdames et messieurs, que je puisse me retrouver de nouveau en cette
année 1983, comme ce fut le cas en 1977, devant une commission
parlementaire
dans le but de quémander l'officialisation réelle et
exclusive de la langue française ici, au Québec même.
Aujourd'hui, après ma journée, j'aurais
préféré m'en aller chez moi avec ma femme et mes six
enfants, mais j'ai un devoir de québécois à accomplir, et
je ne serai pas rendu chez moi avant 2 heures ou 3 heures cette nuit. Mais cela
vaut le coup, je serai sur la ligne de feu aussi longtemps que ce sera
nécessaire.
Une voix: Bravo!
M. Brosseau: À mon avis, le gouvernement du Québec
a le devoir impérieux non pas d'amender la loi 101 dans le sens d'un
quelconque recul, si minime soit-il, mais bien de l'amender dans le sens de la
fermeté. En effet, notre gouvernement - là, je veux souligner ce
qui s'en vient - se doit de ne pas commettre l'erreur tragique de ne pas
apercevoir les véritables visées d'Alliance Québec, cet
organisme qui veut regrouper tous les "anglophones" - entre guillemets - dans
le but d'en venir à neutraliser complètement la loi 101 et de
replacer ainsi le Québec sur la voie de l'anglicisation en douce.
Notre gouvernement a la tâche impérieuse de dissiper - je
le souligne aussi -le malentendu fondamental qu'Alliance Québec tente
désespérément de perpétuer et qui consiste à
parler de "deux" - entre guillemets - communautés linguistiques au
Québec. Il n'y a pas de nation sans assimilation. En 1840, nous avons eu
Lord Durham, ici, qui a dit cela, mais dans une autre langue. J'en suis un Lord
Durham, moi, mais dans le sens contraire. Il n'y a pas de nation sans
assimilation. Il ne saurait y avoir de nation québécoise, ni
maintenant ni demain, sans le phénomène de l'assimilation
graduelle de nos minorités. Une minorité ne peut demeurer
éternellement une minorité. Qu'on n'aille pas me dire que nous
sommes une minorité en Amérique du Nord, la question n'est pas
là.
J'entends déjà des gens qui vont dire: Ne sommes-nous pas
une minorité en Amérique du Nord? C'est faux. Le Québec
est un territoire juridiquement délimité, ayant une institution
gouvernementale à lui; par conséquent, il faut une seule langue
officielle nationale et territoriale. La question linguistique, M. le
Président, c'est une question territoriale, c'est un problème
territorial qui appelle une solution territoriale. Le destin des anglophones du
Québec, c'est un destin québécois, donc francophone. S'ils
décident de rester au Québec et s'ils ne peuvent en supporter
même l'idée, ils doivent, en toute logique, prendre les
dispositions nécessaires en vue de quitter le Québec. S'ils ne
peuvent pas nous sentir, qu'ils foutent le camp. Le ministre
Godin a eu raison de dire que nous ne changerons pas d'odeur. Vous avez
bien fait, M. Godin, mais vous n'avez pas encore assez de poigne.
Le destin des anglophones du Québec est le même que celui
des francophones des provinces anglaises. Je répète que le destin
des anglophones du Québec, c'est le même que celui des
francophones des provinces anglaises. L'assimilation à la langue
majoritaire, je juge cela drôlement important également. Je pense,
M. le Président, que l'époque de la duperie, du mensonge doit
prendre fin bientôt si nous ne voulons pas nous retrouver dans une autre
Irlande. À moins de vouloir continuer, de part et d'autre, dans la voie
de l'hypocrisie, de la duperie et du mensonge, ce qui ne manquerait pas de nous
mener éventuellement à de très graves affrontements, la
solution territoriale est la seule valable tout simplement parce qu'elle est la
seule applicable. Je ne suis pas un extrémiste. Je suis l'homme le moins
raciste de la terre. Je ne suis que normal. L'unilinguisme territorial. En
Suisse française, c'est en français. Je ne suis jamais
allé en Europe de ma vie, mais je connais bien ma géographie
politique et physique. En Suisse française, c'est en français. En
Suisse allemande, c'est en allemand. En Suisse italienne, c'est en italien. En
Belgique française, c'est en français. En Belgique flamande,
c'est en flamand.
Voici, à mon avis, M. le Président, dans quel sens
très précis le gouvernement du Québec doit amender la loi
101 s'il est vrai qu'il tient absolument à l'amender. Je ne sais pas
quelle maladie il a d'être tenté d'amender la loi 101 dans le sens
de la mollesse, mais je le prie de remarquer que nous allons le ramener
à la réalité. Si le gouvernement tient à amender la
loi 101, il doit le faire sous la forme d'une nouvelle loi, la loi 1, dont
voici un court essai de rédaction, M. le Président: "À
compter de 0 h 01, à telle date, la langue française devient la
seule langue officielle, nationale et territoriale du Québec, par tout
le territoire québécois, et ce dans toutes les sphères de
l'activité nationale sans en excepter aucune." Francophones,
anglophones, allophones et tout ce maudit "phone-là", ce serait fini.
C'est de la folie, de la folie furieuse. Il n'y a que nous, les
Québécois, qui pensons de cette manière. (21 h 15)
La langue est une question territoriale et cette nouvelle loi doit
évidemment signifier automatiquement - c'est là que j'arrive
à ma solution temporaire - la destruction - le gouvernement actuel en
aura-t-il le courage? - unilatérale ou non -on nous parlera
d'"unilatéralisme" à Ottawa -du mortel article 133 et du non
moins mortel article 23 de la maudite constitution
fédérale, deux articles très
précisément destinés à entraver, à
empêcher l'évolution linguistique et politique du Québec.
Il faut nous révolter contre cela. La nouvelle loi que je propose, la
loi 1, doit aussi avoir pour effet d'abolir automatiquement le réseau
d'enseignement public anglophone du Québec, cette bête noire
extrêmement dangereuse, et d'instaurer un seul et même grand
réseau d'enseignement public francophone, de l'élémentaire
à l'université, avec l'enseignement obligatoire et efficace d'une
ou de deux langues étrangères, dont la langue anglaise en raison
du contexte nord-américain. Il ne s'agit pas de ne pas apprendre de
langues étrangères. En plus de parler le français, je
parle couramment anglais et passablement l'espagnol. J'ai quelques notions
d'une ou deux autres langues. Il ne s'agit pas de ne pas connaître une
langue étrangère, il faudrait cesser de mêler les
cartes.
Sur le plan linguistique, le gouvernement du Québec n'a plus le
choix, M. le Président. Il doit afficher une fermeté absolument
inébranlable en réalisant, en dépit de tous les obstacles,
la francisation intégrale du territoire québécois, et ce,
quelles que soient les réactions juridiques d'Ottawa. Dans les
circonstances, le politique a nette préséance sur le juridique.
C'est une question de vie ou de mort. Si le feu est à votre maison, ce
n'est pas par politesse pour quiconque que vous ne défoncerez pas la
porte; vous allez la défoncer, que ce soit permis ou non. C'est la
même chose pour nous. Le politique a préséance sur le
juridique. Il faut que le gouvernement du Québec se tienne debout.
N'allez pas nous parler, messieurs du gouvernement, de faire des
assouplissements à la loi 101. Au contraire, il faut renforcer la loi
101. Il faut une loi musclée, c'est le mot; il faut une loi qui a des
dents. Les hypocrites d'Alliance Québec, pensez-vous qu'il vont vous
donner la main, si vous faites des assouplissements à la loi 101? Loin
de là, ils vont rire de vous et ils vont vous demander autre chose,
autre chose et encore autre chose, jusqu'au moment où vous n'aurez plus
rien à leur donner. La minorité...
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre! À
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Brosseau: ...anglophone du Québec n'aura de cesse que
le jour où elle nous aura assimilés complètement,
n'oubliez pas cela.
Le gouvernement du Québec n'a rien à craindre, un nombre
de plus en plus grand de Québécois vont l'approuver sur le plan
linguistique. Il n'a qu'à se tenir debout. Mais je remarque une chose
avec énormément d'amertume. Je suis militant
indépendantiste depuis le moment où j'étais dans la
vingtaine. Nous étions peut-être 25 jeunes gens quand nous avons
commencé au Québec, vers 1956-1957. Savez-vous ce que
l'abbé Lionel Groulx, pour qui j'ai une admiration sans borne et que
Ryan déteste à mort -n'est-ce pas, Claude Ryan? - nous a dit? Il
nous a dit: Vous autres, les gars qui voulez... Claude Ryan moins que
quiconque...
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, M. Brosseau; ici,
on interpelle les gens de la commission par le nom du comté qu'ils
représentent.
M. Brosseau: Nous en aurions, des comptes à régler,
M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Ce ne sera pas l'endroit, si
vous voulez. Exprimez votre opinion. Tout le monde vous a laissé libre
d'exprimer votre opinion. Cela va en rester là.
M. Brosseau: L'abbé Lionel Groulx nous avait dit ceci: Les
gars, rappelez-vous une chose... Je l'avais déjà remarqué
à ce moment, même avant qu'il le dise, mais cela m'a convaincu
davantage. Et combien les faits me l'ont toujours prouvé! L'abbé
Groulx nous a dit: Les gars, vous qui voulez une émancipation de plus en
plus grande pour le Québec, rappelez-vous bien que ce sont vos propres
compatriotes qui vous mettront des bois dans les roues. Nous en avons eu un
exemple cet après-midi par Drapeau le vire-capot, ci-devant maire de
Montréal-en-Haut. M. le Président, j'achève.
Le Président (M. Gagnon): M. Brosseau, oui, vous allez
terminer, mais...
M. Brosseau: M. le Président, j'achève.
Le Président (M. Gagnon): M. Brosseau, c'est moi qui
dirige l'assemblée. Alors, s'il vous plaît, vous allez donner
votre point de vue sur la question de l'heure, qui est d'entendre tous les
intervenants intéressés par la Charte de la langue
française.
M. Brosseau: C'est cela.
Le Président (M. Gagnon): Vous allez vous contenter de
donner votre point de vue et de répondre, par la suite, aux questions,
si questions il y a.
M. Brosseau: Oui, je me mets à votre place et je vous
comprends, remarquez. C'est vous qui avez le volant dans les mains et vous
faites bien de le tenir.
Le Président (M. Gagnon): Je vois cela.
M. Brosseau: Une minorité, je le disais tantôt - je
vais conclure - ne peut demeurer une minorité indéfiniment,
éternellement. Il
est illogique voire immoral qu'une minorité sur un territoire
juridiquement délimité demeure indéfiniment une
minorité. Elle doit nécessairement s'assimiler à la
majorité.
Une dernière remarque, M. le Président: le
non-règlement de la question linguistique au Québec exerce une
action paralysante sur tout ce que nous faisons, sur tout ce que nous
entreprenons, au plan politique et social, au plan économique. C'est une
tragédie, et la tragédie est ici même à
Québec. Tous nos gouvernements qui se sont succédé -
merci, monsieur; les libéraux sont commodes des fois, vous savez -
à Québec, presque tous, exception faite peut-être du
gouvernement d'Honoré Mercier et de celui de M. René
Lévesque, tous les gouvernements nous ont lamentablement trahis. Il
faut, ici au gouvernement du Québec, que la trahison cesse. Il faut que
le gouvernement du Québec se tienne debout.
Nous n'avons qu'un pouvoir, nous ici en Amérique du Nord, et
c'est le gouvernement du Québec. Si le gouvernement du Québec ne
se tient pas debout, qui va se tenir debout?
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.
M. Godin: M. Brosseau, merci d'être venu nous faire part de
vos opinions. Elles ont l'avantage d'être extrêmement claires et de
ne pas tellement souffrir la réplique. C'est la raison pour laquelle je
me contenterai de digérer votre mémoire sans vous poser d'autres
questions. Merci beaucoup.
Le Président (M. Gagnon): Pas de questions? Alors, on vous
remercie infiniment, M. Gérard Brosseau.
Maintenant, j'invite M. Michel Lussier à venir prendre place,
s'il vous plaît. M. Lussier, si vous voulez nous faire la lecture de
votre mémoire, s'il vous plaît.
M. Michel Lussier
M. Lussier (Michel): Merci, M. le Président. Étant
donné l'heure tardive, je vais tenter d'être bref. Je vais vous
signaler en premier lieu que c'est ma première expérience
à une commission parlementaire. Vous excuserez un peu mon manque de
professionnalisme ou mon manque d'habitude. Je vais procéder à la
lecture de mon mémoire.
À notre avis, le fait d'avoir accordé la tenue d'une
commission parlementaire sur la Charte de la langue française
démontre un esprit de faiblesse et de conciliation de la part du
gouvernement. Devant la volonté de remettre en question certains
articles dits irritants, certaines questions me sont venues à l'esprit.
Je me suis demandé pourquoi la conciliation alors que, depuis six ans,
les francophones du Québec doivent mener un combat permanent pour
justifier la protection de leur langue? Pourquoi répondre aux pressions
des adversaires de la loi 101 quand ces derniers ont tout simplement
refusé de respecter notre langue? Pourquoi se dire que l'on s'est
peut-être trompé quand la loi 101 est l'objet de la plus grande
campagne de désobéissance civile qu'ait jamais connue le
Québec? Qui nous donne le droit d'offrir une tribune publique à
des personnes et à des groupes qui se présentent comme des
héros de la lutte pour la survie des contrevenants à la loi 101?
Je suis poli en disant "contrevenants"; on pourrait peut-être dire
"criminels", parce qu'un acte a été commis.
Il ne faut pas se faire d'illusion. Quel que soit le niveau de notre
esprit de conciliation, quoi que nous donnions aux anglophones en
matière linguistique, ils ne seront satisfaits que lorsque le libre
choix sera rétabli. Et encore, ce ne sera probablement pas assez, tant
que l'on parlera français au Québec. Il faut aussi se rappeler
que, tant et aussi longtemps que le Québec ne sera pas bilingue, M.
Trudeau à Ottawa ne dormira pas bien sur ses deux oreilles. Un bon
matin, une fois la question du Manitoba réglée, notre
croisé ou notre redresseur de torts national se préparera pour
une autre croisade. Seulement, cette fois, il ne s'agira pas de l'Ontario ou de
la Nouvelle-Écosse, mais bien du Québec. Faire du Québec
une province bilingue, voilà sûrement le rêve de M.
Trudeau.
En 1977, pour la première fois de l'histoire, un gouvernement
donnait - ou plutôt rendait - aux francophones du Québec le droit
légitime de pouvoir vivre, travailler, s'informer et être
administrés en français. La loi 101, telle qu'on la connaît
aujourd'hui, deviendra rapidement la loi la plus populaire du gouvernement. Et,
malgré les années qui ont passé depuis son adoption, elle
recueille toujours un appui largement majoritaire auprès des
francophones du Québec.
Malgré sa popularité certaine, la loi 101 est victime
d'attaques continuelles. Ces attaques, qui ressemblent plus à une
résistance organisée, sont dirigées par un adversaire
puissant, riche et fort. D'ailleurs, sa résistance est forte et
variée. Et pour citer les paroles de la Société
Saint-Jean-Baptiste de Montréal: "Tantôt - en parlant de la
résistance - elle prend la forme d'un appel révérencieux
aux tribunaux; tantôt, elle prend celle d'un recours à
l'illégalité. Tantôt, elle se fonde sur les traditions et
les droits acquis; tantôt, elle n'hésite pas à bousculer
les traditions et les droits acquis, allant même jusqu'à modifier
- unilatéralement - la constitution. Tantôt, elle se dit nationale
québécoise; tantôt, elle se rappelle sa véritable
nature, constate qu'elle est un élément d'un vaste ensemble
impérial et elle
court alors chercher appui et confort à Ottawa, Toronto, et
même à Londres. Tantôt, elle se montre amicale; tantôt
elle recourt à la propagande haineuse, au mensonge éhonté
de l'assimilation du patriotisme québécois aux crimes du Ku Klux
Klan, du Dr Goebbels, et pourquoi pas - on allait l'oublier - de Joseph Staline
lui-même."
Les attaques continuelles qu'a connues la loi 101 depuis six ans font
souvent croire que les francophones sont en train d'éliminer la
minorité anglaise du Québec. Pourtant, la Commission
Pepin-Robarts avait décerné au Québec un certificat de
bonnes moeurs et cela avec des termes qui laissaient peu de place à la
discussion: "Ainsi avons-nous la preuve, au Québec, que les droits de la
communauté anglophone peuvent être protégés et que
les gouvernements de cette province sont tout à fait capables de
réconcilier l'intérêt de la majorité et les
préoccupations de la minorité."
Devant cette situation contradictoire, devant les attaques souvent
injustifiées contre la loi 101 et la Charte de la langue
française, n'est-il pas bon de se demander si ces activités de
sabotage n'auraient pas nui au projet de francisation du Québec tel
qu'entrepris en 1977 par le présent gouvernement?
Dans les minutes qui suivent, nous tenterons de voir si le
français est bel et bien la langue de travail au Québec; s'il y a
eu renversement du phénomène assimilateur que connaissaient les
francophones il n'y a pas si longtemps. Nous tenterons aussi de voir si le
Québec a désormais un visage français et si cette
situation est irréversible ou si elle peut être ramenée
comme avant, au moindre changement de gouvernement.
Finalement, nous nous attarderons sur l'attitude de certains
médias et groupements qui s'entêtent à refuser le fait
français du Québec et qui, par le fait même, nuisent
à l'évolution normale de nos deux communautés, car il ne
fait aucun doute que cet état de guerre nuit à notre
société.
Le visage français du Québec. Depuis l'adoption de la loi
101, le Québec a certainement pris un visage français à
caractère irréversible. À travers la province, on peut
voir des centaines d'affiches en français, des milliers de compagnies
qui s'affichent en français ainsi qu'une vision globale d'un
caractère absolument francophone pour le plus grand territoire
français du monde. La publicité que l'on reçoit par la
poste est désormais en français ainsi que la plupart des
catalogues et brochures décrivant produits ou services. (21 h 30)
Cependant, malgré le fait que le Québec soit
définitivement sur la bonne voie pour atteindre un niveau de
francisation encore jamais égalé, il reste encore de nombreux
commerces ou compagnies avec pignon sur rue qui s'obstinent à aller
contre la loi. À Montréal, par exemple, on pourrait donner
l'exemple de la rue du Parc, "Park Avenue", cela se dit tout seul. Il y en a
d'autres aussi qu'on pourrait nommer. Certains ont cru devoir agir en
"irréductibles Gaulois" - on pourrait peut-être remplacer
"Gaulois" par "Anglo-Saxon", mais en tout cas - pour faire une campagne de
survie des affiches anglaises. On a tous connu M. Allan Singer ou, plus
récemment, le fleuriste McKenna à Montréal. D'autres
ignorent totalement la loi et conservent leurs affiches anglaises. On peut
facilement en dénombrer des centaines seulement à Montréal
qui sont dans l'illégalité et personne ne semble rien y
faire.
Il peut être compréhensible et même
préférable que la loi soit mise de côté durant la
crise économique. Après tout, n'est-il pas
préférable de conserver des emplois? Mais comment expliquer que
des corporations publiques, telles les villes de Montréal, Outremont,
Westmount, Mont-Royal, aient toujours des "stop" unilingues, des "Fifth
Avenue", des "Sherbrooke Street" à la tonne? Cela pour en venir à
la constatation que, malgré le fait que le Québec soit sur la
bonne voie en ce qui concerne la francisation, il est important de rappeler
qu'il reste encore beaucoup de chemin à faire.
On pourrait peut-être aussi rappeler -un petit point en terminant
cette section -les nombreux commerçants qui ont renversé leurs
panneaux d'affichage, qui les ont tournés de bord ou encore qui ont mis
du ruban gommé - on pourrait dire du "tape" -sur les noms anglophones
qui étaient interdits d'après la loi, pour en faire une affiche
pleinement légale. C'est très légal, mais, au point de vue
esthétique, cela paraît très mauvais. On dirait qu'ils
attendent strictement la prochaine élection.
Le français dans le monde du travail. Au niveau du monde du
travail, c'est désormais accepté. Le français a fait des
pas de géant. Cependant, le travailleur qui oeuvre dans une entreprise
à charte fédérale n'a pas les mêmes
privilèges que celui qui travaille dans une boîte
québécoise. Il en est de même pour le travailleur de la
petite entreprise familiale qui doit souvent se résigner à
travailler en anglais parce que cela s'est toujours fait comme cela et que,
d'ailleurs, le patron ne comprend pas un traître mot de français
ou bien ne désire tout simplement pas le parler. Des exemples, on
pourrait en donner là aussi.
Un autre problème semble se développer et prendre des
proportions assez immenses. Il est très facile aujourd'hui de se faire
assimiler dans une grande entreprise qui autrefois fonctionnait en anglais et
qui aujourd'hui tente de fonctionner en français. Premièrement,
on nous dira que, pour gravir
les échelons, il faut parler l'anglais parce que les grands
patrons qui sont à Toronto ne comprennent pas le français.
Souvent aussi, les entreprises ont traduit leurs brochures et les documents
divers, les documents internes, mais voilà, la traduction est tellement
exécrable que mieux vaut utiliser le document en anglais qui est bien
souvent plus facile à comprendre.
On n'a qu'à rappeler, dernièrement encore, la traduction
d'un mode d'emploi pour un certain appareil téléphonique qu'on a
vu dans le Journal de Montréal récemment. Cela faisait
pitié. Ces problèmes sont ceux de milliers de
Québécois. Il serait donc bon de pouvoir dire que l'entreprise
québécoise est francisée, mais cela est vrai seulement sur
papier pour une vaste majorité de firmes. Il y a peut-être de
grands mauvais citoyens corporatifs, mais au moins les travailleurs de ces
mauvais citoyens corporatifs avaient des recours et ils ont pu venir s'exprimer
ici. Pour ce qui est des petits mauvais citoyens corporatifs, les travailleurs
sont laissés pour compte, sans recours, à part une loi qui, trop
souvent, n'est pas respectée.
Le troisième et dernier point: l'attaque permanente contre le
français au Québec. Depuis le début de la francisation au
Québec avec la mise en application de la loi 101, les
Québécois qui croient en cette politique se voient
confrontés à un ennemi très puissant: les médias
anglophones.
Sans compter les tentatives de sabotage contre la loi 101 dont on a pu
voir les effets avec divers jugements de cour, sans compter les actes de
désobéissance civile pratiquement encouragés par "certains
groupements de défense des droits des anglophones", les
Québécois doivent affronter une publicité négative
et mensongère diffusée par les médias anglophones.
Alors qu'à tous les deux jours, le gouvernement légitime
du Québec se fait traiter de membre du Ku Klux Klan, de gouvernement
stalinien ou pire, de régime nazi, à l'étranger, des
journalistes s'en donnent à coeur joie pour projeter une image
franchement négative de la politique linguistique du Québec.
À titre d'exemple, on pourrait citer l'article paru dans le
Jerusalem Post, en février 1982, qui faisait allusion aux souffrances
des Juifs montréalais au sein de la société
antisémite du Québec. Bien que dénoncé par
plusieurs organismes, il n'en demeure pas moins que le mal avait
été fait.
Un autre exemple de la politique de sabotage contre la loi 101.
Récemment, en juillet 1983, Mordecai Richler se servait des cercles
journalistiques les plus influents pour accuser le gouvernement
québécois d'avoir condamné à la stagnation la
métropole en votant la loi 101.
Selon M. Gosselin, délégué du Québec
à New York, l'idée fausse que les Américains se font du
Québec est aberrante. À titre d'exemple, M. Gosselin cite
certains appels de personnes qui désiraient savoir s'il était
vrai que l'on pouvait être arrêté à Montréal
pour avoir parlé l'anglais. Une autre personne réclamait une
photo d'un policier en uniforme chargé de faire respecter la loi 101.
Pour conclure, M. Gosselin signale qu'à New York, on n'entend jamais
parler des aspects positifs de la législation, mais seulement que les
Québécois sont des nazis et des racistes.
Plus près de chez nous, The Gazette foisonne d'idées et
d'articles les plus bizarres les uns que les autres. Ainsi, il nous est
régulièrement possible de prendre connaissance d'articles ou de
caricatures qui sont des plus mensongers pour les Québécois de
langue française. Des exemples, on n'a qu'à ouvrir le journal
à tous les deux jours et on en a un. À plus d'une reprise, des
articles parus dans la Gazette ont du être démentis par le Devoir,
ou d'autres journaux, à cause de la fausseté des
déclarations.
Je me demande et je demande aux membres de la commission: Est-ce
là une situation normale?
Je recommande donc, à la suite de ce mémoire,
premièrement, que les municipalités soient forcées
d'accélérer leurs programmes de francisation en ce qui concerne
la signalisation routière; deuxièmement, qu'aucun changement ne
soit fait dans la loi en ce qui concerne l'affichage public;
troisièmement, que la loi soit ajustée pour forcer davantage la
francisation de la petite entreprise et que cette dernière soit
guidée pour faire en sorte que le processus s'effectue de façon
régulière; quatrièmement, que quiconque contrevient aux
règlements de la loi soit poursuivi immédiatement;
cinquièmement, qu'un plus grand contrôle existe au niveau des
grandes compagnies pour empêcher que des problèmes se
créent comme on en a vu la semaine dernière chez Pratt et
Whitney; sixièmement, qu'une résolution provenant de
l'Assemblée nationale soit envoyée à M. Trudeau et ses
comparses pour leur rappeler le caractère strictement unilingue
francophone du Québec; qu'on le lui rappelle, il a peut-être
besoin d'un rafraîchissement de mémoire; septièmement, que
des moyens soient mis en place dans le but d'améliorer la diffusion et
la compréhension de la Charte de la langue française;
huitièmement, qu'une campagne de valorisation du français comme
langue de travail soit entreprise dans les plus brefs délais;
neuvièmement, que la clause Québec en matière
d'éducation soit conservée; dixiè-mement, que ceux que
l'on appelle les illégaux soient réintégrés dans le
système de l'éducation francophone dans les plus brefs
délais, parce que les parents de ces enfants jouent avec leur
avenir.
Je veux vous remercier, messieurs, de
m'avoir écouté.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Lussier.
M. le ministre.
M. Godin: M. Lussier, je veux vous féliciter d'abord pour
la tenue et la qualité de votre mémoire. Vous avez vraiment
présenté un portrait complet de la propagande qui entoure la loi
101. Je vais passer la parole à mon collègue Patrice Laplante, vu
que le temps se fait de plus en plus serré.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Bourassa.
M. Laplante: Merci, M. le Président. D'abord, je veux vous
remercier à mon tour du mémoire que vous avez voulu apporter.
Dans l'avant-propos, vous dites: "A notre avis, le fait d'avoir ordonné
une commission parlementaire sur la Charte de la langue française
démontre un esprit de faiblesse et de conciliation de la part du
gouvernement." Si on fait un retour en 1977, lors de l'adoption, au mois
d'août, de la loi 101, déjà le premier ministre avait
promis - une promesse assez catégorique - qu'après cinq ans il
rouvrirait la loi 101, sans promettre de rouvrir les articles, mais du moins de
regarder le fonctionnement de la loi 101 pendant ces années pour voir
s'il y avait lieu de faire des amendements à la loi. C'est pourquoi
aujourd'hui, a l'usage, on peut voir les irritants qu'il peut y avoir dans la
loi 101 parce qu'il ne faut pas non plus se présenter comme Dieu le
père, dire qu'on a fait une loi parfaite et qu'on ne lui touche plus. Je
pense que les intentions de cette commission parlementaire sont bonnes
d'essayer de détecter à peu près tous les irritants qu'il
peut y avoir, de les analyser et d'amender s'il y a des amendements à
faire.
Mais il y a une question qui me tracasse un peu, votre mémoire
étant dur mais réaliste. La seule question que j'aurais à
vous poser sur votre mémoire se rapporte à la recommandation no
10. Vous dites: "Que les illégaux soient réintégrés
dans le système d'éducation francophone dans les plus brefs
délais." C'est une tâche très difficile. C'est qu'on a
promis aussi que l'État policier ne serait pas dans les écoles.
Il ne faudrait pas envoyer la police chercher les enfants à domicile ou
aller faire un tri dans les écoles. Mais par quel moyen, même avec
le rapport Aquin qui est sorti et a été refusé,
favoriseriez-vous l'intégration des illégaux dans le milieu
francophone?
M. Lussier: M. le député de Bourassa,
premièrement il faudrait se rappeler qu'à l'heure actuelle ces
enfants sont en train de perdre leur avenir. Cela fait au moins six ans qu'ils
sont dans le système anglophone. Dans quelques années ils auront
les examens du ministère à passer, et ces enfants ne seront
inscrits nulle part, ils n'existeront nulle part. Ce seront des fantômes.
Je ne sais pas comment on pourrait appeler cela. Il serait peut-être bon
que, d'une part, on fasse une campagne d'éducation envers les parents de
ces enfants pour leur dire à quoi ils feront face dans un avenir
proche.
Il serait peut-être bon de rappeler qu'il y a aussi un syndicat en
arrière de cela. Il y a un syndicat qui protège ces enfants. Il
serait peut-être bon qu'on dénonce ce syndicat et aussi qu'on
rappelle au syndicat qu'il joue avec l'avenir de certains enfants. Il y en a
qui parlent de 1100, d'autres de 1600 enfants. C'est du monde. Ceux qui ont une
formation complète ont déjà de la difficulté
à se trouver de l'emploi à l'heure actuelle. Les enfants qui
n'existeront pas, qui n'auront pas de diplôme, qui n'auront absolument
rien auront probablement gâché douze ou treize ans de leur vie.
Comment feront-ils pour se trouver un emploi?
Ma première tentative serait d'essayer d'informer,
d'éduquer les parents et le syndicat pour tenter de
réintégrer les enfants dans le système auquel ils seraient
censés appartenir.
M. Laplante: II faut être sensible à cela un petit
peu - pas un petit peu mais beaucoup - il reste que ce sont des enfants de six
à dix ans qui n'ont eu aucun mot à dire dans cette histoire.
M. Lussier: Justement, M. le député. Ces enfants ne
savent pas à quoi ils ont affaire à l'heure actuelle.
Étant donné qu'ils sont jeunes, la réintégration
dans le système francophone sera de beaucoup simplifiée. Leur
formation étant encore très réduite à l'heure
actuelle, ce sera moins difficile pour eux d'apprendre une autre langue qui
sera une langue seconde à ce moment, étant donné que les
familles parlent probablement toutes l'anglais à la maison. Ce sera
beaucoup plus facile de les réintégrer immédiatement et
non dans quinze ans, quand il sera trop tard.
M. Laplante: D'accord. Merci, M. Lussier.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de Bourassa. Mme la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier
M. Lussier qui a pris la peine de venir présenter un mémoire
devant cette commission et qui est fort préoccupé des
conséquences que pourraient avoir des amendements que le
gouvernement apporterait à la loi 101. (21 h 45)
Je pense que vous avez vous-même reconnu que la loi 101 avait fait
beaucoup pour la francisation de l'entreprise, l'affirmation du
caractère français du Québec et ainsi de suite. Vous
semblez convaincu que, si elle est amendée de quelque façon que
ce soit, nous allons retourner aux années cinquante.
Êtes-vous conscient que, quand même, dans les sondages qui
ont été faits assez récemment et qui ont été
rendus publics, une majorité de francophones est favorable à des
modifications? Je ne vous citerai que deux points, parce que c'est le seul
tableau que j'aie devant moi. Il y a peut-être d'autres points sur
lesquels on accepterait aussi des modifications, mais, particulièrement
en ce qui a trait à la langue d'enseignement, 62% des francophones
seraient plutôt d'accord pour permettre aux anglophones des autres
provinces d'envoyer leurs enfants à l'école anglaise, enfin ce
qu'on appelle la clause Canada, et 32% seraient en désaccord. Les autres
6% n'ont pas d'opinion, mais, en tout cas, c'est 62% par rapport à 32%,
et là je ne parle que des francophones. Si j'ajoutais les
non-francophones, on arriverait évidemment à des totaux beaucoup
plus élevés.
La même chose pour la loi 101. Devrait-elle être
modifiée pour permettre l'affichage bilingue? Plutôt d'accord
toujours chez les francophones - 64%; plutôt en désaccord,
33%.
Est-ce que vous ne croyez pas que ceci est le résultat du fait
que la loi 101 a eu des conséquences positives sur la francisation au
Québec, sur le visage français du Québec et que, à
ce moment-ci, les Québécois se sentent plus à l'aise,
même si, au travail, on l'a vu l'autre jour, il y a encore des
progrès à faire, on l'a vu dans le cas de Pratt et Whitney et
probablement dans le cas des 30% d'entreprises où il reste encore du
travail à faire? C'étaient les conseils en francisation des
entreprises qui sont venus nous donner ces chiffres. Ne croyez-vous pas que des
amendements devraient être apportés? Que, dans le sens où
une majorité de la population francophone - j'insiste là-dessus -
est prête à les accepter et les souhaite, ce soit un signe que
justement on se sent plus en sécurité au Québec et qu'on
peut élargir ou amender une loi qui... Là-dessus il faudrait
peut-être faire un autre sondage, mais je pense que ceci le traduit d'une
certaine façon. On a trouvé que, dans son application, à
certains égards, la loi était peut-être trop tatillonne,
trop rigide et que, dans le fond, au lieu de perpétuer ou de continuer
l'image de générosité et de tolérance des
Québécois, somme toute, elle amoindrissait cette image. Vous avez
les résultats que vous avez fort bien décrits et qui sont
exagérés à bien des égards quand vous parlez de la
publicité qu'on nous fait à New York ou ailleurs. Il y a
plusieurs des témoins qui sont venus devant nous qui l'ont
relevé, et je pense qu'il n'y a personne ici qui n'ait admis qu'il y
avait eu de larges exagérations, particulièrement en dehors du
Québec et du Canada.
Ne croyez-vous pas qu'à ce moment-ci vous pourriez conserver
quand même au Québec ce visage français que la
majorité des francophones désirent, veulent, dans le travail,
dans l'entreprise, etc., et que, en même temps, on ferait du
Québec une société où peut-être on pourrait
mieux s'accepter les uns les autres et corriger cette image qui nous fait du
tort? Je pense qu'il y a plusieurs personnes qui sont venues le dire ici,
même des gens qui sont très convaincus des bienfaits de la loi
101. Pour vous, apporter certains amendements à la loi 101, est-ce tout
à fait irréconciliable avec un Québec qui demeure
français, mais qui fait une place plus généreuse et plus
réaliste aux autres communautés et particulièrement
à la communauté anglophone du Québec?
Le Président (M. Gagnon): M. Lussier.
M. Lussier: Mme la députée de L'Acadie, je vais
tenter de regrouper cela un peu; il y a plusieurs questions.
Quand vous dites que la majorité des francophones serait d'accord
avec certaines modifications de la loi au niveau de l'enseignement, pour
imposer la clause Canada, je suis bien sceptique là-dessus, parce que
j'ai toujours considéré le Québec, finalement, comme
n'étant pas une partie intégrante du Canada à cause de
notre caractère très différencié aux niveaux
culturel, linguistique et même social. Donc, je serais très
porté à être contre le fait d'imposer la clause Canada. Je
le vois dans ce sens-là. Je regardais justement en fin de semaine dans
la Presse. Il y avait une annonce ou une publicité de Bell Helicopter
qui cherche des ingénieurs, qui a commencé à recruter des
ingénieurs pour l'usine qu'elle vient établir au Québec.
Les ingénieurs qu'elle va recruter et qui vont être appelés
à travailler pour cette compagnie vont devoir passer un an à Fort
Worth au Texas pour une formation. Si elle recrute 1000 ingénieurs -
c'est un chiffre bien hypothétique - et que, sur ces 1000, il y en a 800
qui sont francophones, j'aimerais savoir si ces francophones qui vont
déménager là avec leur famille vont être capables
d'avoir une école française pour leurs enfants. J'ai bien des
doutes là-dessus. Je le vois dans le même sens. Si je
déménage en Espagne avec ma famille, je suis obligé de me
débrouiller en espagnol et d'apprendre cette langue. C'est dans le
même sens que je le vois. Étant donné notre
différence, le fait qu'on
est tellement différent des autres provinces, je ne verrais pas
pourquoi on devrait imposer la clause Canada au Québec.
Mme Lavoie-Roux: Si vous me permettez de vous interrompre
à ce moment-ci... D'abord, ce n'est peut-être pas "imposer", mais
"permettre" la clause Canada. Car la loi 101, comme la loi 22, faisait du
français la langue d'enseignement, mais elle prévoyait des
dérogations pour une situation qui est une situation historique. Quand
vous comparez le Québec au Texas ou à l'Espagne, je pense qu'on
est dans un contexte historique différent. Il reste qu'ici, même
si vous le permettez, il y a un grand nombre d'anglophones qui pourraient
envoyer leurs enfants à l'école anglaise et qui les envoient
à l'école française. Ils font le choix de l'école
française. Même si ceci facilitait la venue ici
d'ingénieurs ou de techniciens dont on a besoin, personne n'est
obligé d'envoyer son enfant à l'école anglaise. Il reste
toujours l'école française et l'enseignement public est
français au Québec avec des dérogations, compte tenu du
contexte historique. Je ne suis pas sûre que ce soit tout à fait
exact de faire une comparaison avec les États-Unis qui, eux, ont eu une
autre politique qui a été la...
M. Lussier: Je fais la comparaison dans le même sens, dans
l'ensemble...
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse. Vu qu'il nous reste
environ huit minutes et qu'on a un autre groupe à entendre, j'aimerais
que vous ayez la réponse la plus courte possible pour qu'on puisse
entendre le prochain intervenant.
Mme Lavoie-Roux: C'est ma faute. J'ai posé une longue
question.
M. Lussier: Merci, M. le Président. Pour répondre
à la question de Mme la députée de L'Acadie, ce que je
veux dire, c'est que je vois le Canada et le Québec comme deux ensembles
politiques totalement différents, deux ensembles géopolitiques.
C'est une opinion personnelle de dire que je suis contre le fait d'accorder la
clause Canada. Il s'agira pour la commission à ce moment-là de
voir, en tâtant le pouls des citoyens, ce qu'elle doit faire.
Pour répondre à votre autre question, la majorité
des francophones qui serait pour l'affichage bilingue... J'aurais tendance
à être pour l'affichage bilingue, mais il faudrait que ce soit
dans le même sens. Je ne veux pas réduire les anglophones, mais
les amener au même niveau que les communautés ethniques, qui ont
le droit d'afficher en français d'une façon
prééminente et ensuite d'afficher dans leur langue.
Mme Lavoie-Roux: Ils n'ont pas le droit, sauf à
l'intérieur de leurs établissements quand ils ont plus ou moins
de quatre travailleurs.
M. Lussier: Je m'excuse. Je me suis trompé.
Mme Lavoie-Roux: C'est...
M. Lussier: C'est dans ce sens-là que je le verrais.
L'affichage anglophone à l'extérieur, je suis contre. On se
promène à Montréal encore aujourd'hui et c'est en anglais
que cela se passe dans plusieurs quartiers de la ville de Montréal, dans
beaucoup de quartiers de la ville de Montréal. Je considère cela
comme un problème. Je suis chez nous. Je regarde une pancarte et c'est
écrit: "Harold Sweat shirts". On dirait que je suis dans un autre pays
ou dans une autre province. C'est mon impression personnelle.
Le Président (M. Gagnon): Je vous remercie, M. Lussier, de
ce mémoire.
M. Lussier: Je vous remercie.
Le Président (M. Gagnon): J'invite maintenant M. Claude
Dulac.
Une voix: Mon nom est...
Le Président (M. Gagnon): Vous n'êtes pas M. Claude
Dulac?
Une voix: D'accord. J'ai mal compris. Vous avez dit Claude
Dulac?
Le Président (M. Gagnon): C'est cela.
M. Dulac (Claude): Bonsoir, mesdames et messieurs.
Le Président (M. Gagnon): Je vais vous demander de
résumer le plus possible, parce que vous savez qu'on doit terminer
à 22 heures. C'est malheureux, il ne vous reste pas beaucoup de temps;
mais tentons de résumer, s'il vous plaît.
M. Dulac: C'est parce que j'aimerais bien exprimer mon
idée.
Le Président (M. Gagnon): Oui.
M. Dulac: Est-ce que quinze minutes, c'est trop ou c'est
passable?
Le Président (M. Gagnon): Cela va. M. Claude
Dulac
M. Dulac: Ce rapport ne vise que la minorité de langue
anglaise d'origine
britannique et exclut les allophones. D'ailleurs, si certains allophones
ont choisi, par égarement, la langue anglaise à la suite de
renseignements erronés des anglophones ou des fonctionnaires aux
ambassades canadiennes, dommage, les Québécois ne sont
engagés d'aucune manière envers eux. Si les immigrants
allophones, nouveaux ou anciens, choisissent ou ont choisi l'anglais, ils
devront en subir les conséquences et se préparer à
apprendre le français. C'est urgent de le faire. S'ils tiennent à
l'anglais, eh bieni le reste du Canada, c'est anglophone, le reste de
l'Amérique et, si ce n'est pas suffisant, l'Afrique du Sud.
En adoptant des mesures claires, que le Québec règle la
question une fois pour toutes. Voyons ce qui arrive lorsqu'on veut
émigrer dans des pays multilingues. En Suisse, vous choisissez votre
canton et sa langue. Même si le fonctionnaire vous a induit en erreur, si
vous êtes français, essayez d'avoir des écoles et des
services en français dans le secteur allemand. Pourquoi ces
émigrants ne se plaignent-ils pas là-bas? Parce que les
règles sont plus précises et qu'il n'y a pas non plus
d'échappatoires. Si vous n'êtes pas satisfaits, vous
émigrez ailleurs. Et en Belgique, c'est la même chose. Si vous
êtes Québécois, francophones et immigrés dans le
secteur néerlandais en Belgique, demanderez-vous des écoles et
des services en français? La tolérance des Flamands a des
limites, vous allez vous en apercevoir.
Nous, au Québec, béatement, on vous tolère alors
que nulle part ailleurs on ne le fait. En Israël, l'immigrant qui
s'installe en Israël n'a qu'à bien se tenir. S'il demande des
écoles ou des services en arabe, croyez-vous qu'on tolérerait des
illégaux et l'affichage en arabe à Tel-Aviv? La question ne se
pose même pas.
En guise de conclusion sur cet aparté, l'immigrant - qui qu'il
soit - en choisissant le Québec, devrait choisir le français
comme il choisit l'anglais lorsqu'il va dans le reste du Canada. Pourquoi
l'immigrant viendrait-il nous imposer une langue étrangère au
Québec? Et là, je vise particulièrement aussi la
communauté d'origine juive au Québec. Dernièrement, on
s'est permis des commentaires à l'égard d'un ex-premier ministre
du Québec lesquels étaient outrageux, je pense, dans une
synagogue à Montréal. Il suffirait de rappeler que ces
gens-là veulent défendre des anglophones du Québec et ils
se rendent un mauvais service.
En 1934, M. Mackenzie King avait dit: II n'entrera aucun Juif au Canada,
alors que les Allemands voulaient expulser les Juifs. Le Canada, en ce
temps-là, aurait probablement eu de la place pour un ou deux millions de
Juifs et l'on n'aurait pas eu à participer indirectement à ce
génocide là-bas.
Nous nous sommes aussi interrogés sur l'origine de ces Anglais au
Québec depuis l'occupation britannique. À chaque époque de
cette présence, on peut se demander si nous, comme
Québécois, voulions avoir ces gens-là. Entre 1760 et 1763,
l'occupant anglais n'étant pas complètement satisfait de notre
défaite et ses humiliations, s'est acharné à tout
détruire dans des objectifs purement civils. Est-ce que des maisons, des
récoltes, des bâtiments de ferme étaient des objectifs
militaires? Je ne pense pas. La guerre était finie. Ce n'étaient
pas des installations militaires. D'autres bassesses aussi viles et inutiles
ont été faites par les habits rouges. En passant, est-ce que la
couleur est semblable à celle du drapeau du Canada?
Donc, la première vague de peuplement a été faite
de soldats et de tout ce qui croupit avec les soldats. Nos ancêtres ont
répondu: Ces Anglais-là, nous n'en voulons pas. Par la suite,
l'immigration étant insuffisante, les britanniques acceptaient tout: des
mercenaires, des marchands sans scrupules, des repris de justice, des victimes
de l'intolérance religieuse; cela peut aller. Les Anglais ont même
nommé un juge élargi d'une prison anglaise. Vous pouvez
vérifier si cela existe. Ces Anglais, nous n'en voulions pas.
Une anecdote nous rappelle même qu'un bateau rempli à
craquer des descendants des survivants du génocide anglais en Irlande
-en passant, la moitié de la population de l'Irlande a été
tuée par les Anglais - a été mis en quarantaine par les
Anglais sur une île, sans aucune ressource. Ils étaient
voués à une mort certaine. Ce sont les Québécois
qui ont défié les ordres des Anglais, qui les ont nourris et qui
les ont soignés au péril de leur vie. Par contre, l'anecdote ne
nous dit pas si ces Irlandais, pour mieux nous remercier, ont choisi la langue
anglaise en signe de gratitude envers les Québécois. Ces Anglais,
nous n'en voulions pas.
Plus tard, l'armée anglaise nous a imposé les loyalistes
au bout du fusil. Nous n'avions pas le choix, nos fermes auraient
été brûlées et les conséquences que
l'occupant nous aurait fait subir. Lors d'un récent voyage au Vermont,
un Américain m'a confié, je traduis: Vous savez, les loyalistes,
pour nous Américains ou résidents des États-Unis,
c'était le fond de la poubelle. Les loyalistes refusaient la
libération des États-Unis de l'Angleterre. C'étaient des
déserteurs, des traîtres, des collaborateurs -on sait ce que sont
des collaborateurs - des pilleurs associés à l'armée
anglaise. Nous avons purgé notre pays de ces traîtres et, à
la même occasion, vidé nos prisons. Les "Canadians" n'ont jamais
vu la différence, ils les ont accueillis à bras ouverts. Le
gouverneur anglais leur a donné de l'argent et les a installés
sur d'immenses terres, Haldimand en particulier, alors qu'on refusait de vendre
des terres aux Québécois qui
avaient atteint les limites du territoire. On peut consulter Madeleine
Ferron et Robert Cliche, dans: Les Beaucerons, ces insoumis, pour
vérifier ces assertions. Les loyalistes se sont également
installés en Gaspésie, dans les Cantons de l'Est et dans la
région de Sorel. (22 heures)
Les endroits où ils se sont installés portent encore les
noms des dégénérés de la famille royale anglaise et
des gouverneurs militaires, tout ce fatras. Quand nous
débarrasserons-nous des Dufferin, des Dorchester, des Craig, des
Sherbrooke, et j'en passe? Est-ce honteux d'avoir sur nos cartes
électorales les noms de Wolfe, de Dorchester, etc.? Des noms, cela se
change, et rapidement! Vous savez, quand le général de Gaulle a
dit, à Montréal, que le Québec devrait être libre,
le lendemain, les citoyens de la ville d'Ottawa ont changé le nom de la
rue de Gaulle. J'ai l'impression que nous aurions pu faire un peu plus
rapidement ces changements.
Injustice suprême, nous avons dû racheter ces terres des
Anglais par la suite. La seule trace de leur présence dans certains cas
est un cimetière à l'abandon. Certains diront que nous avons
été plus fortunés que les Acadiens ou les
Amérindiens du Nouveau-Brunswick. Cette fois, les Anglais ne les ont pas
déportés comme en 1755, ils se sont contentés de les
repousser comme du bétail à l'intérieur des terres. Les
loyalistes se sont installés sur ces terres qui avaient
été développées. Les historiens nous diront que
cela aurait pu être pis: le génocide des Beotuks par les Anglais
à Terre-Neuve.
La résistance du peuple a toujours été constante de
1759 jusqu'à maintenant. Depuis la menace d'une libération
américaine - je retourne dans l'histoire - les Anglais ont adouci les
conditions de l'occupation, du moins en apparence, au Québec. Mais,
lorsque les Québécois ont choisi une façon
démocratique, ont résolu de s'affirmer et de réclamer un
gouvernement responsable - qu'il suffise de penser aux 92 résolutions
des gens élus par le Québec les patriotes, les "Vigilants",
c'est-à-dire les ancêtres d'Alliance Québec qu'on subit
présentement, ont été armés et aidés par le
gouvernement militaire anglais. Les "Vigilants" harcelaient les Fils de la
liberté. À cette époque, ç'aurait été
un crime contre l'humanité anglaise de laisser les nôtres
s'assumer par eux-mêmes, en 1834. Le pays n'était pas assez
peuplé d'Anglais.
À la suite de la répression sanglante par les "habits
rouges" - de la même couleur que le drapeau du Canada - des Colborne, en
1837-1838, on a maté les patriotes québécois. L'Anglais,
non satisfait de sa victoire, a continué...
Le Président (M. Gagnon): M. Dulac...
M. Dulac: Je m'en viens.
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, mais,
sincèrement, on est là pour écouter des interventions sur
la Charte de la langue française. J'ai l'impression qu'on en est bien
loin. J'aimerais vous demander de résumer pour en arriver à vos
conclusions le plus vite possible.
M. Dulac: Ce que je veux dire par là, finalement, c'est
que ces anglophones, avec qui on fait affaire présentement, sont
peut-être des descendants de ces gens-là. On ne nous a pas
donné de chance quand on était en majorité, donc, qu'on ne
les traite pas injustement, mais qu'on les traite de la même façon
qu'eux, en majorité, traitent les Canadiens français dans le
reste du Canada, pas plus ni moins. La question de tolérer des
illégaux dans les écoles, c'est se rendre un mauvais service. Si
ces gens ne sont pas satisfaits des lois du Québec, ils peuvent
émigrer.
Je vais sauter aux recommandations. On nous présente des
solutions de dupes comme le Manitoba bilingue. On pourrait dire aux
anglophones: Voulez-vous avoir des lois bilingues en 1995? Voulez-vous des
institutions bilingues en 1995? La Confédération, cela a
été un autre marché de dupes, la garantie des commissions
scolaires confessionnelles, dernièrement, la clause Canada. La clause
Canada, qu'est-ce que cela veut dire? Pouvez-vous envoyer votre enfant dans une
école française à Terre-Neuve, à
l'Île-du-Prince-Édouard, en Alberta? En Alberta, oui, dans
certains cas. En Colombie britannique? Très peu.
L'attitude de la minorité anglophone du Québec a
été de préserver la race anglaise comme les Africains du
Sud. 10% de la population veut imposer sa loi à 90% de la population.
Est-ce normal d'avoir trois universités de langue anglaise à
Montréal avec une clientèle qui se compose de 30% de vrais
Anglais alors que les nôtres sont refusés? C'est une injustice par
rapport aux nôtres; il n'y a pas de place cette année dans les
cégeps francophones ou anglophones.
Je passe à autre chose: les hôpitaux. Est-ce
justifié? Pour donner un cas concret, il y a une communauté
protestante qui a son siège social aux États-Unis et qui a
décidé de faire d'un sanctuaire religieux anglophone un
sanctuaire francophone parce qu'il restait 30 Anglais et 100 francophones. On a
dit: Les Anglais, on les transportera dans un autre. Cette institution
américaine a eu plus de courage que le gouvernement du Québec.
S'il restait 20 Anglais au Jeffery Hale, un hôpital de Québec,
l'hôpital serait toujours de langue anglaise.
Je vais passer aux recommandations, parce que c'est assez important.
Donner des institutions aux anglophones selon le
pourcentage qu'ils représentent au niveau de l'ensemble du
Québec ou des régions; s'ils en ont plus que les francophones
hors Québec, tant mieux. St. Mary's pourrait devenir l'hôpital
Sainte-Marie, en français. J'aime bien Nelson, mais Sainte-Marie, je
n'aime pas cela. Concordia, pour une université, Concorde. Ce serait
dans l'ordre des choses. Il n'y a pas la clientèle scolaire pour le
justifier. Il y a quelque chose qui aurait été fait depuis 1976
et qui est facile.
En affaires, vous avez besoin d'un permis; vous avez besoin d'un
enregistrement. Que l'octroi de tout permis, licence, numéro de taxe ou
d'employeur ne soit accordé qu'à la condition que le demandeur
démontre qu'il satisfait aux exigences d'affichage, d'utilisation de
raison sociale et que son personnel peut s'exprimer en français. Si vous
ouvrez un bar au Québec et si vous n'avez pas de raison sociale
française, essayez d'avoir votre permis d'alcool. Est-ce que McKenna
serait encore en activité présentement si, en 1976, on avait pris
ce règlement? Est-ce que Singer serait encore en train de nous niaiser
devant la Cour supérieure si on avait pris ce règlement? Ce n'est
pas possible de contester une décision administrative. Si on adoptait ce
règlement-là demain, dans six mois, vous verriez l'affichage
anglais à Montréal complètement changé. De toute
façon, on sait que, lorsqu'on va devant la Cour supérieure, qui
est un dépotoir de patroneux fédéraux, la décision
penche toujours du même côté. C'est comme la Cour
suprême du Canada.
En tant que Québécois, nous avons aussi une
responsabilité. Ce n'est pas seulement au gouvernement à prendre
des décisions. Nous avons un devoir de boycotter toute entreprise qui ne
respecte pas l'unilinguisme français au Québec: plus d'annonce
dans la Gazette, CFCF, CJAD, boycott des établissements qui...
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que vous en êtes
rendu à vos recommandations?
M. Dulac: Oui.
Le Président (M. Gagnon): II faut abréger le plus
possible.
M. Oulac: D'accord. Je vais passer pardessus celles-là,
parce qu'elles sont secondaires. Une solution d'entente réciproque de
province à province relativement aux services offerts dans la langue de
la minorité, telle la proposition de 1978; pas de clause Canada. Cette
proposition pourrait même être adoptée au Parlement. Si
l'Ontario ne veut pas le faire, qu'on laisse la loi sur la tablette.
Les anglophones veulent un assouplissement sur les tests de langue de
l'office. Voici une solution qui nous permettrait de revoir cela.
Évidemment, il serait impensable de laisser aux institutions anglophones
la correction de leurs propres tests puisque tout le monde réussirait et
personne ne parlerait français. Exemple, les 1000 heures de cours suivis
par un anglophone au Québec et qui ne peut pas s'exprimer, sauf
exception, en français. Les tests de français seraient
administrés et corrigés par des fonctionnaires du gouvernement.
Évidemment, sans l'attestation de ces cours, il serait impossible
d'aller de l'avant. Par exemple, si vous arrivez à la fin du cours
primaire et que vous ne réussissez pas le test de français, c'est
dommage. Vous ne continuerez pas tant que vous n'aurez pas réussi votre
test de français. C'est la même chose à la fin du
secondaire. C'est la même chose à la fin du cégep. Vous
verriez que la francisation du Québec serait rapide.
Les étudiants détenant des diplômes étrangers
et voulant accéder au secteur de l'enseignement anglophone devraient
passer des tests. Cela se fait en Ontario. Quand je suis allé faire des
études en Ontario, on m'a fait passer un test pour savoir si je parlais
anglais, à l'Université d'Ottawa, même si mes cours
étaient en français. Pourquoi ne ferait-on pas cela aux
anglophones? S'ils viennent à l'Université McGill ou à
l'Université Concordia, s'ils viennent de Hong Kong, qu'ils passent donc
un test pour démontrer qu'ils connaissent un peu le français;
autrement, qu'ils aillent faire leurs études en Ontario. Si c'est bon
pour les francophones qui vont en Ontario, pourquoi cela ne serait-il pas bon
pour les Anglais qui viennent à l'Université McGill? S'ils ne
sont pas capables de réussir le test, c'est dommage...
Aussi, la loi 101 devrait être étendue pour englober les
collèges, les universités et les autres organismes sans but
lucratif qui échappent à la loi, et il y en a beaucoup.
Prévoir également des structures de frais de scolarité,
c'est-à-dire qu'il y ait une parité entre les droits de
scolarité au Québec et ceux des universités
américaines, et la même chose pour les collèges. S'il en
coûte 12 000 $, quelqu'un de Hong Kong choisirait peut-être
plutôt l'Université de Toronto, et tant mieux pour nous, parce que
ensuite ces gens-là nous quittent et déblatèrent contre
nous.
Aussi, on peut proposer l'adoption de mesures de redressement progressif
dans les entreprises de plus de 30 employés en défendant le droit
au travail des groupes victimes de la discrimination. En fait, nous, en tant
que Québécois, sommes victimes de cette discrimination. Ainsi,
90% des postes devraient être réservés aux francophones, y
compris un pourcentage attribué aux minorités visées, tels
les femmes, les Noirs, les autres. On peut quand même laisser, par
rapport à 10% de la population anglophone
qui subsiste, un nombre correspondant de postes qui pourraient
être réservés à ces anglophones de souche
britannique, puisqu'ils sont là.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Dulac.
M. le ministre.
M. Godin: Merci, M. Dulac. Nous lirons votre mémoire de
façon complète et nous en tiendrons compte.
Le Président (M. Gagnon): Merci de votre
mémoire.
Les travaux de la commission sont ajournés à demain, 10
heures.
(Fin de la séance à 22 h 10)