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(Dix heures trente-neuf minutes)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Je voudrais aviser nos invités qui devaient être à
la commission ce matin -d'ailleurs, vous êtes tous ici - qu'une
décision vient d'être prise à l'Assemblée nationale,
disant que cette commission sera télévisée. Elle sera
retardée jusqu'à 14 heures ou à une date
ultérieure, mais elle se tiendra au salon rouge et elle sera
télévisée. On attend les directives de l'Assemblée
nationale pour savoir si nos travaux débuteront à 14 heures ou
à une date ultérieure. Merci.
Une voix: Que les gens soient disponibles.
Le Président (M. Gagnon): On vous demande de rester
disponibles, oui.
(Fin de la séance à 10 h 40)
(Onze heures vingt-deux minutes)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission élue permanente des communautés culturelles
et de l'immigration se réunit aux fins d'entendre tous les intervenants
intéressés par la Charte de la langue française.
Les membres de cette commission sont: Mme Bacon (Chomedey), M. Dean
(Prévost), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Fallu (Groulx), M.
Godin (Mercier), M. Gratton (Gatineau), Mme Lachapelle (Dorion), M. Laplante
(Bourassa), M. Leduc (Fabre), M. Ciaccia (Mont-Royal) et Mme Lavoie-Roux
(L'Acadie).
Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Fortier
(Outremont), M. Brouillet (Chomedey), M. Dupré (Saint-Hyacinthe), M.
Gauthier (Roberval), M. Lincoln (Nelligan), M. Payne (Vachon), M. Marx (D'Arcy
McGee) et M. Sirros (Laurier).
M. Brouillet: M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le
député.
M. Brouillet: ...il y a eu une erreur. Vous avez dit: Brouillet
(Chomedey). Je crois que c'est plutôt Brouillet (Chauveau) et Mme Bacon
(Chomedey).
Le Président (M. Gagnon): Je vous remercie de corriger
cette erreur.
Mme Bacon: Je voudrais remercier le député de
Chauveau. Il y a un député libéral à Laval, M. le
Président, il ne faut pas l'oublier.
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse en même temps
de cette erreur.
L'ordre du jour est d'entendre le Syndicat international des
travailleurs de l'automobile, de l'aérospatiale et de l'outillage
agricole d'Amérique, l'Association des conseils en francisation du
Québec, le Groupe interentreprises pour la gestion informatique de la
terminologie, le Conseil catholique de l'expression anglaise, la Chambre de
commerce du district de Montréal et la Chambre de commerce de la
province de Québec.
Au tout début, je voudrais m'excuser auprès des
invités que nous avions déjà hier et qui sont ici depuis
hier. La commission parlementaire devait commencer hier, à 10 heures. Il
y a eu des changements et je sais que cela a certainement causé certains
inconvénients à nos invités. Je vous remercie aussi
d'être présents aujourd'hui.
Je laisse immédiatement la parole à M. le ministre des
Communautés culturelles et de l'Immigration.
Exposés généraux M. Gérald
Godin
M. Godin: M. le Président, chers collègues
députés des deux côtés de la Chambre, mesdames et
messieurs, dès mars dernier, le gouvernement décidait de
convoquer cette commission parlementaire en vue d'inviter à une
même table les citoyens et citoyennes du Québec désireux de
dialoguer et d'échanger avec le législateur sur certains aspects
de la Charte de la langue française, six ans après son adoption.
Nous voilà, donc, aujourd'hui réunis pour écouter pendant
les trois prochaines semaines près de 70 mémoires soumis à
la commission par un éventail de groupes et de personnes
intéressés à faire connaître leur point de vue sur
la question linguistique au Québec.
En effet, plusieurs associations de salariés, centrales
syndicales, représentants des communautés culturelles, des
entreprises, des groupes et des porte-parole des institutions de la
communauté anglophone et qui reflètent sa diversité, sans
oublier des organismes voués à la défense du
français, tout autant que des citoyens venus à titre individuel,
ont manifesté leur intention de se faire entendre par les
représentants de l'institution démocratique centrale de leur
société: l'Assemblée nationale du Québec. Je les en
remercie et je leur souhaite à tous la bienvenue au nom du gouvernement
auquel j'appartiens. Après le président, je les prie aussi
d'accepter mes excuses pour les délais que certains d'entre eux ont du
subir depuis hier, délais dont les causes échappent hélas,
à notre contrôle.
La récolte d'idées, de suggestions, de recommandations que
nous allons faire ici, si l'on en fait la somme, devrait être
extrêmement riche et je m'en réjouis à un double titre: en
tant que membre de l'Assemblée nationale avec mes collègues, de
quelque côté de la Chambre qu'ils se situent, et en tant que
ministre responsable de
l'application de la Charte de la langue française.
L'objectif de cette commission est simple: poursuivre une
réflexion commune et ouverte - je répète, une
réflexion commune et ouverte - sur l'avenir linguistique du
Québec.
Dans quelque partie du monde que ce soit, dans quelque
société que ce soit, la question linguistique est un fait
fondamental qui est au coeur de la culture et des racines mêmes des
peuples, de leur histoire, de leur évolution, de leurs tourments aussi,
dans certains cas, et, fait plus important encore, de leur avenir.
C'est ainsi qu'on voit les pays les plus puissants de la terre se
préoccuper de cette question. Par exemple, les États-Unis - pour
ne pas les nommer - en sont au stade d'étudier en deuxième
lecture un projet de loi qui consacrerait l'anglais comme seule langue
officielle des États-Unis. Voilà donc un pays de plus de 225 000
000 d'habitants dont l'idiome est aujourd'hui devenu une langue sur laquelle le
soleil ne se couche jamais, voilà donc un pays riche, immense et dont
l'influence touche toutes les parties du monde qui se pose, lui aussi, la
question de son unité linguistique.
Si les représentants élus de 225 000 000
d'Américains se préoccupent de la question de leur langue
officielle, à plus forte raison les représentants élus de
6 000 000 de Québécois sont-ils justifiés de s'en
préoccuper aussi. En fait, quatre gouvernements successifs ont
étudié cette question ici même au Québec. Et l'on
peut dire d'entrée de jeu qu'au terme actuel de ce processus qui dure
depuis 20 ans la situation a passablement changé au Québec.
En effet, déjà l'histoire s'est
accélérée au point de nous faire oublier les sit-ins du
passé dans les restaurants de Montréal pour obtenir que les
serveurs et les serveuses, ainsi que le libellé des menus respectent le
français; et de nous faire oublier aussi, fait plus important encore,
les efforts des travailleurs du Québec pour voir leur langue
utilisée et respectée par leur employeur.
À la grande surprise des plus vieux, ces souvenirs paraissent si
lointains aux jeunes Québécois et Québécoises de
1983, eux qui n'ont pas été les témoins vivants de cette
époque, qu'il leur semble futile de tant tenir à se doter de lois
linguistiques. Et pourtant, ce qui fut fait alors le fut d'abord et avant tout
pour eux, pour leur éviter précisément à eux
d'avoir à répéter inlassablement et surtout vainement les
mêmes requêtes et les mêmes efforts.
Nous sommes entrés depuis 10 ans dans une nouvelle ère
linguistique. Nous sommes passés, en effet, de l'époque de la
frustration collective des francophones à l'affirmation de leur
identité propre. Aujourd'hui, le français occupe ou occupera
bientôt la place qui lui revient, sans menace pour l'anglais très
largement majoritaire ailleurs au Canada et, évidemment, sur l'ensemble
du continent nord-américain.
Ce n'est pas un processus simple, ni innocent. Ce n'est pas, non plus,
un processus qui se déroule dans l'unanimité et l'harmonie
complètes. Le croire eut été naïf. Mais, au moins,
avons-nous tenté de le faire dans un esprit de justice et de dialogue.
Tous les membres de cette commission se souviennent de la vigueur des
débats qui ont entouré l'adoption de loi 101 à
l'été de 1977. Si l'on compare les propos tenus par certains
très récemment avec ceux qu'ils tenaient il y a six ans, on se
rend compte que, dans ce domaine comme dans d'autres, il est possible que
patience et longueur de temps fassent mieux que force ni que rage.
Si l'on compare le sort qui fut réservé par les
Anglo-Québécois aux idées émises par M. William
Tetley, ex-ministre du cabinet Bourassa, à l'occasion d'une
réunion tenue à Montréal à l'époque de la
loi 22, si on compare, dis-je, ce qui se disait alors avec le contenu des
mémoires que présenteront ici "Townshippers" ou Alliance
Québec, force nous est de constater que non seulement les
mentalités ont évolué en profondeur partout au
Québec, mais encore que le principe même de la francisation du
Québec fait l'objet d'un très large consensus, même s'il
apparaît plus marqué chez les francophones et chez les allophones
que chez les anglophones. (11 h 30)
Au fond, ce que tout cela révèle, c'est que la sagesse
populaire est encore le meilleur indice de la marge de manoeuvre réelle
des gouvernements démocratiques, quels qu'ils soient, en pareille
matière. Au Québec, en effet, c'est la population qui a conduit
ses partis politiques et ses gouvernements successifs à améliorer
la place du français dans le monde du travail, aussi bien que dans
l'école publique. Deux gouvernements successifs ont été
balayés pour n'avoir pas répondu correctement aux attentes de la
population. L'un d'entre eux, entre autres, le gouvernement de l'Union
Nationale, passa de 45% du vote à moins de 10% en quelques années
faute d'avoir procédé à une lecture juste de la question
linguistique à l'époque. Nous ne jetons la pierre à
personne. Chacun d'entre eux, en effet, a travaillé, au fond, à
raffiner l'analyse de tout ce problème et des solutions à y
apporter.
Nous voilà donc réunis ici pour réfléchir
ensemble encore sur cette question. Si j'en juge par l'assistance ici
présente, aussi bien que par le nombre de mémoires qui nous ont
été soumis et qui nous seront présentés, la langue
ne laisse aucun citoyen du Québec indifférent.
Il est peut-être utile, à ce stade-ci de nos travaux, de
rappeler quelques données
élémentaires pour que nous ayons tous présent
à l'esprit le contexte global dans lequel se situe la question
linguistique au Québec. D'après les chiffres officiels du
recensement fédéral de 1981, les francophones de l'ensemble du
Canada auraient perdu 411 000 de leurs compatriotes qui vivent maintenant
essentiellement en anglais à la maison. De ce nombre, il y en aurait 106
370 au Québec. Le taux brut d'anglicisation des francophones
était plus élevé en 1981 qu'en 1971 au Canada,
évidemment, mais au Québec aussi. Bien sûr, il y a eu au
Québec une certaine francisation d'anglophones et d'allophones qui a
plus au moins compensé selon les chiffres officiels, mais la perte nette
dans l'ensemble du Canada est de un quart de million, à peu près
la population de la ville de Québec.
On mesure ainsi les effets et l'influence de la culture la plus
puissante de l'histoire de l'humanité et de la langue qui la
véhicule, l'anglais. En effet, quand on voit l'anglais, présent
partout dès qu'on sort du Québec pour quelque autre pays que ce
soit, quand on a besoin de l'anglais au Québec même pour faire
démarrer sa voiture, pour déclencher son
téléviseur, son ordinateur, son lecteur de vidéocassettes,
sa caméra, sa photocopieuse, etc., n'est-il pas inévitable que le
Québécois francophone doute de la capacité de sa propre
langue à appréhender la réalité du XXe
siècle et très bientôt celle du XXIe
siècle? Entendons-nous bien, les Anglo-Québécois sont pour
bien peu dans cette assimilation et ce n'est pas à eux qu'on doit en
imputer la responsabilité, ni à leurs institutions. Nous avons
affaire à un phénomène d'attraction qui n'est pas
exclusivement québécois, mais bien de niveau continental.
C'est ainsi que nous avons adopté, comme gouvernement, certaines
mesures dont le seul but est de protéger le Québec de
l'omniprésence et de l'omnipuissance de la culture et de la langue
majoritaire de ce continent, lesquelles constituent la seule véritable
menace pour l'avenir d'un Québec français. C'est, d'ailleurs,
exactement ce que fait le gouvernement canadien et c'est pour résister
aux mêmes pressions que le Canada a adopté lui-même au fil
des années des politiques protectionnistes dans les domaines vitaux de
la radio, de la télévision, de la presse écrite, des
périodiques et même du corps professoral universitaire. À
ce protectionnisme culturel canadien s'ajoute, dans le cas du Québec, un
protectionnisme linguistique.
Ils sont nombreux, les Anglo-Québécois historiquement
implantés au Québec et harmonieusement intégrés
à sa société, qui ont choisi
délibérément le "Québec way of life" plutôt
que l'"American way of life". Toute mesure qui concourt à
l'édification d'un Québec français ne peut ni les laisser
indifférents, ni les menacer. Bien au contraire, ces mesures les
concernent tout autant que leurs concitoyens de la majorité francophone
puisqu'elles sont de nature à préserver en Amérique du
Nord le creuset d'une culture québécoise à laquelle ils
participent aussi pleinement et solidairement qu'il leur est loisible de le
faire.
Le corollaire obligé d'une telle constatation, c'est que, si le
Québec reconnaît que l'existence d'institutions anglophones d'ici
ne menace nullement le français, il espère compter sur les
Anglo-Québécois quand il adopte des politiques ou des mesures qui
tendent à protéger les bases même de la langue et de la
culture française ici.
Deuxième constatation: on entend souvent dire que les politiques
linguistiques actuelles pénalisent les francophones plus que les
anglophones et qu'au moment même où les cours de français
pour les Anglo-Canadiens se multiplieraient à une vitesse vertigineuse
dans les provinces anglaises, le Québec serait engagé, quant
à lui, dans un processus irréversible d'unilinguisme
français.
Ce sont là des jugements qui paraissent bien superficiels. En
effet, sur les 3 682 000 bilingues recensés au Canada, le Québec
en compte 2 065 000, soit 56% du total. C'est dire qu'avec le quart seulement
de la population du Canada le Québec a plus de la moitié de ces
bilingues. De plus, parmi les bilingues québécois, 1 500 000 sont
des francophones et 371 000 sont des anglophones. J'ajoute que, depuis dix ans,
le taux de bilinguisme des francophones du Québec est passé de
25,7% à 28,7%. En fait, on peut dire que les Québécois
francophones sont probablement le peuple le plus bilingue de la
planète.
Donc, que tout le monde se rassure, l'avance du Québec dans son
ensemble et des francophones en particulier en cette matière est telle
qu'elle présuppose des efforts de rattrapage fort considérables
par quelque province que ce soit pour atteindre un niveau équivalent
à celui du Québec. D'autant plus que le système scolaire
québécois est celui qui, de tous les systèmes scolaires de
toutes les provinces canadiennes, consacre le plus grand nombre d'heures chaque
semaine à l'enseignement de la langue seconde.
Tout ce qu'il faut souhaiter par ailleurs, c'est que cet effort rapporte
au Québec les retombées économiques en vue desquelles
elles ont été consenties par la société
québécoise.
Ceci étant dit, les travaux de cette commission consistent, en ce
qui nous concerne du côté ministériel, à pratiquer
le "stop, look and listen" si cher aux compagnies de chemin de fer.
Donc, nous écouterons, nous poserons des questions, nous
évaluerons la situation à la fin des travaux et nous avons
l'intention
de soumettre à l'Assemblée nationale à la
mi-novembre les résultats de nos travaux, que nous traduirons dans des
propositions concrètes. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. Avant de
donner la parole à M. le député de Gatineau, j'aimerais
qu'on nomme un rapporteur pour cette commission. Madame?
Mme Lachapelle: M. le Président, j'aimerais proposer comme
rapporteur le député de Bourassa.
Le Président (M. Gagnon): Le député de
Bourassa? Acceptez-vous?
M. Laplante: D'accord.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Gatineau.
M. Michel Gratton
M. Gratton: Merci, M. le Président. Comme le ministre l'a
fait, nous aimerions, nous aussi, nous excuser auprès de ceux que les
difficultés techniques que nous avons connues hier ont pu retarder, vu
la décision que nous pensions avoir obtenue du gouvernement en juin
dernier, à savoir de téléviser les travaux de cette
commission. Si nous avons insisté hier, du côté de
l'Opposition, pour qu'il en soit ainsi, c'est qu'il nous apparaît, comme
pour le ministre, qu'il est utile, nécessaire et souhaitable que le plus
grand nombre possible de Québécois soient associés
à cette recherche que nous ferons en commun - comme le souhaite le
ministre pour tenter d'établir, d'identifier les changements qui
devraient être apportés à la Charte de la langue
française.
M. le Président, l'Assemblée nationale du Québec,
par le truchement de cette commission parlementaire, entreprend aujourd'hui son
troisième grand débat linguistique des dix dernières
années, débats auxquels j'ai eu personnellement l'occasion
d'assister. On me permettra sans doute de souhaiter, dès le
départ, que ce débat puisse se tenir dans un meilleur climat que
celui des deux précédents. Ayant personnellement
présidé la commission parlementaire chargée
d'étudier la loi 22 en 1974, j'admets avoir gardé un bien mauvais
souvenir des échanges passionnés et des événements
parfois disgracieux auxquels elle avait donné lieu et qui n'avaient pas
toujours été à l'honneur de notre Parlement.
Plusieurs ici se souviennent également de l'interminable
discussion qui avait entouré l'adoption de la Charte de la langue
française en 1977, alors que le gouvernement avait dû recourir
à une manoeuvre qui, au dire du premier ministre lui-même,
n'était pas la trouvaille du siècle, pour parvenir à faire
adopter son projet de loi 1, devenu la loi 101.
C'est peut-être là le plus grand mérite des lois 22
et 101, celui d'avoir réussi à faire évoluer la situation
suffisamment pour qu'aujourd'hui, à cette commission parlementaire, il
nous soit permis d'espérer pouvoir entreprendre la révision de la
législation linguistique dans un climat beaucoup plus serein.
Je tiens cependant à dire tout de suite que nous ne sommes pas
très optimistes de ce côté-ci quant aux chances de voir
cette commission en arriver à un consensus sur les amendements à
apporter à la loi 101.
Manifestement, le gouvernement lui-même n'a pas réussi
à faire le consensus parmi ses propres membres puisque, plus d'un an
après que le ministre des Communautés culturelles et de
l'Immigration et ministre responsable de l'application de la Charte de la
langue française a été chargé d'évaluer les
effets de la loi 101 et de recommander des changements à y apporter,
nous nous retrouvons aujourd'hui en commission parlementaire sans que le
gouvernement n'ait encore formulé de propositions concrètes.
Je tenterai de démontrer, à la fin de ces remarques
préliminaires, que cela résulte du fait que le gouvernement est
littéralement coincé entre deux propositions complètement
contradictoires et incompatibles.
Néanmoins, je vous assure dès maintenant, M. le
Président, que nous, dans l'Opposition, c'est avec la plus grande
ouverture d'esprit et dans le plus grand respect du point de vue de chacun que
nous contribuerons à cette recherche des changements à apporter
à la Charte de la langue française qui seraient susceptibles de
satisfaire l'objectif que nous avons toujours poursuivi, celui de promouvoir le
fait français dans le respect des droits et dans l'intérêt
de tous les Québécois. Et, de façon à bien situer
comment nous entendons nous acquitter de cette tâche, je pense qu'il est
utile que nous rappelions un certain nombre de points à l'intention des
invités qui viendront nous rencontrer et de ceux et celles qui suivront
les travaux à la télévision.
Le premier de ces points est fondamental. Le Parti libéral du
Québec a toujours cru, croit encore et croira toujours que le
gouvernement du Québec, quel qu'il soit, se doit, par tous les moyens
à sa disposition, non seulement de protéger, mais aussi de
promouvoir le fait français au Québec et même ailleurs au
Canada. À cet égard, il n'est sûrement pas inutile de
rappeler que c'est un gouvernement libéral qui, le premier, avec la loi
22, en 1974, a eu le courage de poser un geste concret pour rétablir
l'ordre normal des choses, c'est-à-
dire la primauté du français, en le proclamant la langue
officielle du Québec. Et je dis bien le courage, M. le Président,
parce que, tous le reconnaissent maintenant, le ministre l'a fait plus
tôt, la loi 22 devait constituer la principale cause de la défaite
de ce gouvernement libéral à l'élection de 1976.
Donc, nous les libéraux, n'avons de leçon de courage
à recevoir de personne quant à notre volonté, clairement
affichée dans le passé, de promouvoir le fait français au
Québec.
La deuxième chose qu'il m'apparaît important de
préciser, c'est que le Parti libéral du Québec n'a jamais
préconisé et ne préconise pas plus aujourd'hui
l'annulation, l'abrogation ou l'abolition de la loi 101. En d'autres termes, M.
le Président, le Parti libéral continue de croire qu'une
législation est encore nécessaire pour que le fait
français soit protégé, respecté, puisse
s'épanouir et ce, pour le plus grand bien des Québécois et
de tous les Canadiens.
Or, là où nous nous démarquons du Parti
québécois, c'est essentiellement sur la façon de faire.
Comme en 1974, lorsque nous avons proposé la loi 22, et comme en 1977,
lorsque nous avons refusé d'appuyer la loi 101, nous continuons de
croire qu'une législation qui assure le respect des droits de la
majorité francophone doit également respecter les droits des
minorités non francophones de même que les dispositions de la
constitution canadienne.
Déjà, en 1977, nous avions justifié notre refus
d'appuyer l'adoption de la loi 101, notamment, quant à notre conviction
que les articles de la loi touchant la langue des tribunaux et de la
Législature ne respectaient pas l'article 133 de la constitution
canadienne. Les tribunaux nous ont depuis donné raison
là-dessus.
Il en est de même en ce qui a trait aux dispositions de la loi sur
l'accès à l'école anglaise. Le gouvernement, en refusant
d'accepter la clause Canada de l'entente constitutionnelle canadienne de 1981,
que nous lui avions proposée en 1977, risque maintenant de se la faire
imposer prochainement si la Cour suprême confirme le jugement
Deschênes sur l'inconstitutionna-lité de la clause Québec
inscrite dans la loi 101. (11 h 45)
En regard du respect des droits de la minorité anglophone, un des
aspects de la charte qui est à la base d'un très grand nombre de
difficultés éprouvées pendant ses six premières
années d'application et qui mérite donc d'être
examiné en profondeur, c'est l'ambiguïté de certaines de ses
dispositions.
Prenons, à titre d'exemple, le cas de l'article 5 de la charte,
évoqué par Jean Blouin dans la revue Actualité. Rappelons
que l'article 5 se lit comme suit: "Les consommateurs de biens ou de services
ont le droit d'être informés et servis en français." Mais,
comme l'écrit M. Blouin: "À qui revient l'obligation de les
servir et de les informer en français? À la totalité du
personnel d'un commerce ou d'un organisme? Ou suffit-il de s'assurer qu'il y a
toujours quelqu'un pour répondre en français? Sous l'ancien
président de la commission, M. Maurice Forget, cette
interprétation prévalait. Maintenant, c'est moins clair."
Comme on le voit, M. le Président, la Commission de surveillance
de la langue française peut, à toutes fins utiles,
interpréter l'article 5 comme bon lui semble, selon l'humeur du moment.
Par exemple, dans le cas des soins intensifs de l'hôpital St. Mary's
à Montréal, elle a décidé, après
enquête, que le fait que 10 des 25 infirmières ne pouvaient pas
s'exprimer en français constituait une violation de la loi.
Il nous apparaît évident que cette décision
équivaut à exiger des anglophones le bilinguisme individuel
plutôt qu'institutionnel. Si cette décision ne viole pas la lettre
de la loi 101, elle nie, néanmoins, un principe que tous les
Québécois de bonne volonté reconnaissent maintenant, soit
la garantie à la communauté anglophone de son droit de diriger et
de gérer, dans sa propre langue, ses institutions de santé, de
services sociaux et d'enseignement, pour autant que ces services soient
disponibles également en français. Même si, dans le cas des
membres du Parti québécois, la reconnaissance de ce principe a
dû leur être imposée par leur chef dans un
référendum interne, il n'en demeure pas moins acquis.
Il nous semble donc qu'au minimum le gouvernement doit accorder la loi
avec ses déclarations d'intention. Si, pour lui, le droit des citoyens
d'obtenir des services en français équivaut à l'obligation
pour une institution ou un organisme anglophone d'appliquer la règle du
bilinguisme individuel, qu'il l'inscrive clairement dans la loi et qu'il cesse
de prétendre qu'il respecte le droit des anglophones à leurs
institutions propres en se cachant derrière les décisions de la
Commission de surveillance de la langue française. Autrement, il lui
sera impossible de contester l'affirmation de l'ex-président, Maurice
Forget, laquelle est endossée par bon nombre d'observateurs, à
savoir que la commission de surveillance est clairement devenue un bras
politique du gouvernement.
L'article 5 de la charte n'est pas le seul à avoir donné
lieu à des abus inexcusables de la part des divers organismes
chargés de son application. Que dire de la série d'une
cinquantaine de règlements que trois études distinctes ont
dénoncés comme étant illégaux et que Jean-Claude
Leclerc, du Devoir, a qualifiés de honteux? Comme celui-ci
l'écrivait dans un éditorial le 7 juin
1983: "...les lacunes graves et nombreuses relevées dans les
règlements édictés sous l'empire de la loi 101 sont de
nature à jeter l'inquiétude dans une partie de la population et
à discréditer la Charte de la langue française. La
question qui se pose n'est pas de savoir si des lacunes existent dans les
règlements en cause, mais pourquoi elles se sont produites et surtout
comment il se fait que le gouvernement n'y ait pas encore remédié
malgré qu'il soit parfaitement informé de cette situation depuis
plusieurs mois."
C'était en juin dernier. Quatre autres mois se sont
écoulés depuis, sans que le gouvernement ne fasse quoi que ce
soit. Au moment où notre commission est appelée à
réviser l'ensemble du dossier, le ministre responsable n'y a fait aucune
allusion dans ses remarques de tout à l'heure.
Et Jean-Claude Leclerc d'enchaîner: "Le Québec n'a aucun
intérêt à faire passer encore une fois sa
législation pour la plus mal foutue, voire la plus dangereuse du pays,
et ses juristes, pour des avocats de troisième qualité."
Faut-il ensuite se surprendre qu'à l'étranger des
personnes, incluant possiblement des investisseurs éventuels, aient une
perception du Québec à ce point mauvaise que le ministère
des Affaires intergouvernementales, récemment, a cru nécessaire
d'adopter des programmes spéciaux d'information pour contrer cette
mauvaise image du Québec, notamment à New York? Il est par
conséquent encore moins surprenant qu'ici même au Québec,
les membres de la minorité non francophone ne croient pas toujours
à la sincérité des déclarations de bonnes
intentions du gouvernement à leur égard.
Un troisième point qu'il nous semble utile de clarifier à
ce moment-ci, c'est la position du Parti libéral du Québec pour
ce qui a trait aux effets de la loi 101 sur notre économie.
Contrairement à ce que voudraient faire croire plusieurs, nous n'avons
jamais attribué exclusivement à l'ensemble de la loi 101 la fuite
de nombreux citoyens et entreprises du Québec et la dégradation
évidente du climat économique. Nous sommes malheureusement fort
conscients qu'il existe d'autres facteurs qui y contribuent, notamment la
fiscalité et l'instabilité qui découlent de l'option
indépendantiste du parti au pouvoir.
Nous sommes cependant assez réalistes pour au moins nous
interroger sur les effets réels de certaines dispositions de la charte
sur l'économie.
Au moment où le Québec traverse une crise
économique nettement plus sévère que n'importe où
ailleurs au Canada; au moment où le chômage prive des centaines de
milliers de nos concitoyens de la possibilité de gagner honorablement
leur vie; au moment où pas moins de 679 000 Québécois
vivent de prestations d'aide sociale, soit près de 400 000
ménages; au moment où les récents incidents à
Grande-Vallée, en Gaspésie, nous fournissent une illustration
malheureusement trop éloquente du degré de frustration
qu'éprouvent ceux qui en sont rendus à désespérer
de ne jamais pouvoir s'en sortir; au moment où l'avenir de toute une
génération de jeunes Québécois est mis en cause,
avons-nous le droit de jouer à l'autruche en refusant d'examiner
objectivement les conséquences pratiques de certaines dispositions de la
loi 101 et de ses règlements sur le climat nécessaire aux
investissements créateurs d'emplois? C'est pourtant ce que le
gouvernement a malheureusement fait jusqu'à maintenant. Quant à
nous, il s'agit là d'une attitude complètement irresponsable de
la part d'un parti politique, de la part d'un gouvernement.
Par exemple, quand nous constatons qu'entre 1976 et 1981, 203 035
Québécois ont quitté le Québec pour aller
s'installer ailleurs au Canada et que seulement 61 305 Canadiens sont venus
s'installer au Québec, ce qui représente une perte nette de 141
730 personnes; quand nous constatons que pas moins de 75% de cette migration
nette, soit 106 310 personnes, impliquait des anglophones, pouvons-nous
sérieusement nous empêcher de penser que les dispositions de la
charte sur l'accès à l'école anglaise en sont
peut-être au moins partiellement la cause?
Il suffit de citer la compagnie Bell Canada qui se dit prête
à augmenter son budget de recherche au Québec de 37 000 000 $
à 50 000 000 $ d'ici 1988, à condition que le gouvernement
modifie ce qu'elle appelle certains "irritants" de la loi 101 et de la
fiscalité. Comme Bell Canada l'indique, le Québec ne produit
annuellement qu'un docteur en recherche, en communication, en science physique
et de logiciel, alors qu'à elle seule, Bell en aura besoin de dix. Il
faudra donc les recruter ailleurs, principalement au Canada anglais et aux
États-Unis. Mais ces chercheurs sont une denrée rare qui se
voient offrir de hauts salaires, des avantages alléchants de toutes
parts. Pour eux, l'obligation de devoir demander la permission temporaire de
faire éduquer leurs enfants en anglais constitue un "irritant" qui peut
s'avérer suffisamment grave pour les amener à refuser de venir
chez nous.
Devant cette réalité, nous ne croyons pas, quant à
nous, que nous devions, comme le gouvernement, nous contenter de crier
spontanément au chantage. Nous pensons au contraire que nous avons
l'obligation d'examiner les possibilités d'assouplir certaines parties
de la loi sans pour autant en abandonner l'essentiel.
D'ailleurs, comment le gouvernement pourrait-il nier que les
dispositions de la loi
101 sur l'accès à l'école anglaise ne nuisent pas
aux investissements quand il vient lui-même de consentir des exemptions
à la firme américaine Bell Helicopters pour qu'elle vienne
s'installer à Mirabel? Il est par ailleurs assez étrange que nous
ne connaissions pas encore les détails exacts de cette concession du
ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Le silence du ministre des
Communautés culturelles et de l'Immigration dans ses remarques de tout
à l'heure nous laisse tout aussi perplexes. Si le gouvernement s'est
senti justifié de soustraire les employés de cette firme aux
exigences de la loi quant à l'accès de leurs enfants à
l'école anglaise, pour les convaincre de venir s'installer à
Mirabel, ne sommes-nous pas justifiés de penser, de supposer que
d'autres investisseurs potentiels aient pu ne pas venir parce qu'ils ne
bénéficiaient pas d'une exemption semblable? Nous y reviendrons
sûrement au cours de nos travaux.
Nous déplorons dès maintenant l'absence à cette
commission d'un membre du cabinet titulaire d'un ministère à
vocation économique. Nous ne sommes guère rassurés de
savoir que le ministre de l'Éducation et le ministre des Affaires
intergouvernementales pourront participer à certains de nos travaux,
alors qu'il nous semble que ce sont les ministres des Finances, de l'Industrie,
du Commerce et du Tourisme ainsi que celui du Commerce extérieur qui
pourraient, selon nous, le mieux contribuer à cet aspect de nos
débats.
En guise de conclusion, je désire rappeler à nouveau que,
comme pour le Parti québécois, il n'est pas question pour nous
non plus d'abandonner l'essentiel de la loi 101. Si j'ai exprimé
dès le début mes doutes sur la possibilité que nous
puissions nous entendre sur les amendements qu'il serait souhaitable et
possible d'apporter à la charte, c'est justement parce qu'il
m'apparaît évident que ce que nous, du Parti libéral,
considérons comme essentiel à la réalisation de notre
double objectif de promouvoir le fait français et de protéger les
intérêts économiques du Québec, nous place en
contradiction directe avec ce que le Parti québécois
considère comme essentiel à la promotion du fait français,
qu'il lie inéluctablement à la promotion de son option
indépendantiste.
Le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration ne
l'a-t-il pas dit clairement à l'Assemblée nationale en
déclarant, comme en fait foi le titre du journal La Presse du 14 mai
dernier: "Pour que l'État devienne vraiment français, il faut que
le Québec devienne indépendant"? Enfin, il ne faisait là
que confirmer plus explicitement ce que tout le monde avait compris depuis
longtemps. Comme l'écrivait Benoît Aubin dans un article
primé publié dans l'Actualité d'août 1982:
"Politiquement, la loi 101 nous laisse dans la même ambiguïté
que voici cinq ans. C'est une loi nationaliste clairement voulue, en 1977,
comme le prélude à une déclaration d'indépendance.
80% des francophones ont beau appuyer la loi, les Québécois
refusèrent, au référendum de 1980, d'aller plus loin dans
cette voie. Nous faisons toujours partie du Canada dont la constitution, tout
juste rapatriée, et la charte des droits qui l'accompagne contredisent
clairement le principe de base de la loi 101, l'unilinguisme français."
(12 heures)
Le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration
pourra toujours nous servir ses discours empreints d'émotion sur
l'avenir menacé de la francophonie en cette terre d'Amérique, sa
récente déclaration sur le sort des Franco-Manitobains nous en
dit beaucoup plus long sur le genre de patriote qu'il est vraiment. En traitant
de manoeuvre stupide et de cause perdue les tentatives amorcées pour
faire du français une langue officielle au Manitoba, il nous a fourni
une autre preuve que, pour lui, tout ce qui importe, c'est de faire
l'indépendance et à n'importe quel prix, incluant celui de
devenir l'allié circonstanciel du leader conservateur manitobain,
Sterling Lyon. Et c'est ce même ministre qui se permet de douter de la
sincérité des intentions du mouvement Alliance Québec qui
a pourtant cru plus utile, lui, d'aller appuyer officiellement les
revendications des Franco-Manitobains devant le comité de la
Législature de cette province.
M. le Président, le dilemme auquel fait face le Parti
québécois est de taille, au moment où il lui est devenu
impossible de retarder plus longtemps la révision de sa politique
linguistique. Et cela n'a jamais été plus évident
qu'à l'aube de cette commission parlementaire où, en pleine crise
économique, il doit tenter de concilier deux propositions clairement
incompatibles, comme je le disais plus tôt. D'une part, le chef du
gouvernement se dit "obsédé" par la nécessité de
créer des emplois, donc de rendre le climat plus propice aux
investissements, ce qui, de l'avis de plusieurs - et nous le verrons à
nouveau tout au long de nos travaux - nécessitera, entre autres mesures,
des assouplissements à la loi 101. D'autre part, le chef du Parti
québécois, pour protéger ses intérêts
partisans, doit tenter de satisfaire aux demandes qui lui ont été
formulées par plusieurs de ses militants à leur dernier conseil
national de raffermir plutôt que d'assouplir la charte à
l'égard de la minorité anglophone. Comment le gouvernement s'en
sortira-t-il? On le verra peut-être à cette commission.
Quant à nous, de l'Opposition, nous continuerons de miser sur la
volonté manifeste d'une majorité de nos concitoyens
québécois de voir la minorité anglophone jouir d'un
traitement plus équitable et plus réaliste dans ses rapports avec
le gouvernement et sur son désir évident de voir la Charte de la
langue française être mieux adaptée à la
réalité économique canadienne et nord-américaine.
Et si, M. le Président, comme je le crains, cette commission ne permet
pas de dégager un consensus sur l'essentiel, nous serons tout à
fait disposés à nous en remettre à la décision de
la population elle-même à l'occasion de la prochaine
élection.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.
M. Godin: Alors, je proposerais qu'on entende dès
maintenant le mémoire du Syndicat international des travailleurs de
l'automobile, de l'aérospatiale et de l'outillage agricole
d'Amérique (TUA), représenté par M. Michel Mongeau, membre
du comité de francisation de Pratt et Whitney, et M. Walter Belyea, qui
est membre du syndicat.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Chomedey.
Préliminaires
Mme Bacon: Je ne veux pas retarder indûment l'audition des
mémoires, mais j'aurais quand même une question pour le ministre,
si vous me le permettez, M. le Président, au début de cette
commission parlementaire. Le ministre nous a dit qu'il vient ici pour faire une
récolte d'idées, de suggestions, de recommandations, dans une
réflexion commune, une réflexion ouverte. "Stop, look and
listen", comme il nous le disait tantôt. Il veut bien écouter les
mémoires. J'aimerais quand même demander au ministre... Et on
retournerait peut-être, au début, à la loi 22, où
nous avons, comme gouvernement de l'époque, présenté des
propositions concrètes, ce qu'a fait aussi le gouvernement
péquiste, en 1977, lors de l'adoption de la loi 101. Le ministre a
reçu le mandat d'évaluer, de faire des recommandations au
cabinet, de proposer des amendements, de faire connaître,
évidemment, les intentions du gouvernement à ce sujet. En
décembre 1982, comme nous n'avions reçu aucune réponse
concrète de la part du gouvernement, nous avions questionné le
ministre en Chambre quant à la date du dépôt de ces
recommandations qu'il avait faites ou qu'il ferait au cabinet. Au printemps
1983, en mars, on nous a dit que la décision serait prise à ce
moment-là et qu'il ferait des recommandations au cabinet.
Je veux bien croire à la bonne foi du ministre. Il disait, dans
une récente entrevue, qu'il avait des recommandations à faire,
des amendements à proposer. Il me corrigera, et c'est pour cela que je
veux lui donner l'occasion de le faire, si ce n'est pas le cas. À la
télévision française, à Radio-Canada, à
Pierre de Maisonneuve, il disait qu'il avait décidé des
amendements qu'il présenterait au Conseil des ministres. Je crois que
Mme Lise Bissonnette a raison de dire dans son éditorial que les gens
des organismes qui viennent ici nous rencontrer et qui viennent nous
présenter leur mémoire ont besoin d'une bonne dose de foi pour se
présenter aux audiences de la commission parlementaire. Est-ce que le
ministre ne va vraiment qu'écouter, qu'entendre? Est-ce qu'il a
décidé, de son propre aveu... Il nous dit qu'il a
déjà décidé des amendements qui seraient
présentés au Conseil des ministres. Je veux bien qu'on fasse le
"stop, look and listen", mais si le ministre a déjà tout
préparé, il ne faudrait pas tout de même se moquer des gens
qui viennent ici déposer leur mémoire devant la commission
parlementaire.
Ce matin, avant le tout début de ces audiences, j'aimerais que le
ministre nous dise s'il a vraiment préparé ces amendements dans
un mémoire présenté au Conseil des ministres, ou si ce
mémoire est prêt à être présenté au
Conseil des ministres, et qu'il nous dise où il en est. Cela ne semble
pas très clair au moment où il nous présente sa
déclaration d'ouverture. Est-ce qu'il a des amendements de prêts?
Ou s'il va quand même réagir, entendre, non seulement
écouter, les mémoires qui lui seront présentés afin
de modifier peut-être les amendements qu'il a déjà
préparés ou remettre sur sa table de travail la
préparation de nouveaux amendements à la suite des audiences de
la commission parlementaire?
Le Président (M. Gagnon): Merci, Mme la
députée.
M. le ministre.
M. Godin: M. le Président, en réponse à la
question de la députée de Chomedey, très
brièvement, il n'y a pas de mémoire qui a été
soumis au Conseil des ministres qui contiendrait des amendements
éventuels à la loi 101, au moment où l'on se parle. J'ai
terminé de lire les mémoires il y a 48 heures et, dès que
j'ai terminé, j'avais déjà à l'idée un
certain nombre d'amendements que je proposerai d'ailleurs au Conseil des
ministres dans les semaines qui viennent, mais il n'y a rien de
déposé encore. Tout ce que cela indiquait, c'est qu'on peut dire
que l'ensemble des mémoires se résume à une dizaine de
points et que c'est sur dix points que la réflexion du Conseil des
ministres et du parti et du conseil des députés va se faire dans
les semaines qui viennent. Mais il n'y a aucune décision de prise. Sauf
qu'à certains égards, sur certains points, je dois
dire qu'après avoir lu les mémoires de part et d'autre,
j'ai les idées un peu plus claires que je ne les avais il y a deux
semaines.
Le Président (M. Gagnon): Mme la
députée.
Mme Bacon: Cela ne me semble pas très clair comme
position. Le ministre nous avoue quand même qu'il a préparé
des amendements pour le Conseil des ministres.
M. Godin: Vous avez mal compris. Mme Bacon: Ce n'est pas
clair.
M. Godin: J'ai dit qu'il n'y a aucun document qui a
été soumis au Conseil des ministres qui porte sur les amendements
à la loi 101 ou qui porte sur cette loi.
Mme Bacon: Vous avez déjà à l'esprit des
amendements qui pourraient être faits.
M. Godin: Déjà j'ai à l'esprit des
territoires de la loi 101, des aspects sur lesquels nous soumettrons des
recommandations au Conseil des ministres.
Mme Bacon: Est-ce que...
M. Godin: Je n'ai pas soumis mes réflexions encore au
Conseil des ministres pour une raison très simple, c'est que nous
voulons écouter les gens avant de les soumettre. C'est le rôle de
nous tous et de vous tous ici.
Mme Bacon: Je suis bien heureuse de vous l'entendre dire, M. le
Président, parce que, de la façon dont s'exprimait le ministre
à la télévision, ce n'était pas en ce sens qu'il
voulait entendre mais plutôt écouter ce qui se passait. Parce que
déjà, dans son esprit, des amendements étaient
prêts. Je veux rassurer les gens qui viendront présenter des
mémoires.
M. Godin: C'est la distinction très bysantine, à
savoir la différence qu'il y a entre écouter et entendre, qui est
faite par Mme Bissonnette. Votre question est très précise et je
crois y avoir répondu. Est-ce que le Conseil des ministres est
déjà saisi présentement de changements à la loi
101? Je vous dis: Non. Donc, cette commission a toute sa justification et toute
sa raison d'être. Tous ceux qui viennent ici, nous les interrogerons pour
préciser leur pensée et la nôtre sur certaines idées
que je peux avoir.
Mme Bacon: Une dernière question, M. le
Président.
M. Godin: Depuis que M. Lévesque m'a confié ce
dossier, j'ai l'idée de faire certains changements; autrement il ne me
l'aurait pas confié. Il l'a dit en conférence de presse il y a un
an et demi. Donc, je ne peux pas dire que j'arrive ici comme un enfant qui
vient de naître. J'ai écouté depuis un an et demi moi aussi
et même depuis six et sept ans ce qui se passe dans le Québec au
sujet de la loi 101 et, avant cela, au sujet de la loi 22. Donc, je ne peux pas
dire que j'arrive ici tabula rasa ou tête vide; j'ai déjà
un certain nombre d'idées à l'esprit comme vous en avez vous
aussi, j'imagine, à nous suggérer d'ici la fin de la
commission.
Le Président (M. Gagnon): Avant de vous donner la
parole... Est-ce que vous aviez demandé la parole à nouveau, Mme
la députée? Je voudrais vous demander de faire attention. Je n'ai
pas voulu intervenir dans le débat, mais tout de même, pour ceux
qui suivent les travaux de notre commission, il ne faudrait pas parler
ensemble.
Une voix: C'est une bonne idée.
Le Président (M. Gagnon): Alors, il faudrait faire
attention pour laisser terminer l'intervenant qui est en train de parler avant
de prendre la parole. Mme la députée de Chomedey.
Mme Bacon: Est-ce que votre ministère a
préparé ses amendements ou s'ils ne sont que dans votre
tête ou dans votre esprit?
M. Godin: J'ai demandé à chacun des organismes de
la charte: la commission de surveillance, l'Office de la langue
française, le Conseil de la langue française et la commission de
toponymie de me préparer un document qui ferait état des
modifications qu'ils souhaitent voir éventuellement apporter à la
partie de la loi qui les concerne. Mais, pour l'instant, c'est pour ma
consommation personnelle purement et simplement. Cela alimente la
réflexion. Si nous voulons arriver à l'échéance du
15 novembre, pensez-vous qu'on peut demander aux organismes en question de
produire de tels documents à quelques jours d'avis? Donc, cela fait
partie de l'ensemble des travaux qui m'ont été confiés par
le gouvernement à l'époque.
M. Ciaccia: M. le Président, brièvement...
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je ne veux pas
retarder non plus les travaux de la commission, mais je crois qu'il y a un
point assez important pour nous auquel mon collègue, le
député de Gatineau, a déjà fait allusion; c'est la
présence de ministres à mission économique à cette
commission. Est-
ce que c'est l'intention du gouvernement de s'assurer qu'au moins un
ministre de la mission économique soit présent ici? Si vous
remarquez spécialement aujourd'hui, il y a beaucoup de mémoires
qui viennent d'intervenants dans le domaine économique. Je pourrais
attirer l'attention du gouvernement sur deux cas au sujet desquels nous avons
déjà fait une représentation, dont, par exemple,
Schefferville. À l'époque, la commission était
dirigée par le ministre délégué à
l'Aménagement et au Développement régional et nous avons
demandé qu'au moins un ministre à mission économique soit
présent parce que c'était vraiment, le cas de Schefferville, un
problème économique. Ce n'était pas seulement un
problème d'aménagement du territoire. Nous voyons les
résultats. Aucun ministre à mission économique
n'était présent et rien n'est arrivé non plus à la
ville de Schefferville.
De la même façon, mon collègue de Nelligan avait
demandé durant les discussions sur la création du
ministère du Commerce extérieur que le ministre des Affaires
intergouvernementales et le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme
soient présents à la commission, parce qu'il y avait des
chevauchements dans la loi en ce qui concernait le rôle respectif des
trois ministères. Le gouvernement a refusé et on a vu par la
suite ce qui s'est produit, c'est-à-dire le chevauchement et d'autres
difficultés. Alors, par respect pour les intervenants du domaine
économique, si le gouvernement considère vraiment que cet aspect
économique est important dans son ensemble, est-ce l'intention du
gouvernement et du ministre d'inviter au moins un ministre - je ne dis pas les
trois ministres, parce que je comprends qu'ils ont d'autres devoirs - de la
mission économique à venir écouter les interventions? Il
pourrait peut-être répondre aux questions sur les aspects, les
ambiguïtés et les difficultés qui sont soulevés par
ces intervenants dans le domaine économique.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député.
M. le ministre. (12 h 15)
M. Godin: Tous les députés et les ministres du
côté du gouvernement comme, j'imagine, de votre côté
aussi sont préoccupés par la question économique
présentement. Par conséquent, il ne m'apparaît pas
nécessaire qu'ils soient présents ici puisque,
premièrement, ils auront une copie de ces mémoires;
deuxièmement, ils seront partie aux discussions qui suivront cette
commission et que leur point de vue sera certainement pris en
considération par le Conseil des ministres quand le moment viendra de
prendre une décision sur les incidences économiques de certains
aspects de la loi 101.
La loi 101 est sous la responsabilité conjointe de votre humble
serviteur et de mon collègue, M. Camille Laurin. Dans d'autres
commissions, il a également été question de la loi 101
chez certains groupes. J'en ai été informé par mes
collègues et je m'estimais suffisamment informé, après
avoir lu le journal des Débats et les mémoires qui touchaient ces
questions. Cela a fait partie de la réflexion du gouvernement à
venir jusqu'à maintenant. Donc, la réponse à votre
question, c'est non, il n'y en aura pas. Ils en seront informés
autrement.
M. Ciaccia: M. le Président, brièvement...
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: C'est malheureux parce que, de notre
côté aussi, tous les députés sont
intéressés à la situation économique, mais cela ne
nous a pas empêchés d'avoir comme représentants à
cette table des porte-parole du domaine économique. Nous sommes
conscients que c'est le ministre des Communautés culturelles et le
ministre de l'Éducation qui sont responsables de l'application de la
loi. Nous avons à cette table, outre l'Opposition, les porte-parole de
l'éducation et des communautés culturelles parce que, si on
invite le monde des affaires à venir faire des représentations
ici, je ne crois pas que ce soit suffisant que le ministre dise: Nous allons
faire des représentations auprès du ministre. Il y a la question
de la compréhension de la réalité économique et les
représentations spécifiques qui sont faites à ces
intervenants. Nous trouvons qu'il y a une lacune et je ne dirais pas un manque
de respect, mais la compréhension de la réalité
économique risque de ne pas vraiment être portée à
l'attention et comprise par le gouvernement parce que les ministres qui sont
chargés spécifiquement de la responsabilité
économique ne sont même pas ici pour écouter ces
intervenants.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député.
M. le député d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, nous avons reçu tout
dernièrement plusieurs documents produits par ou pour le Conseil de la
langue française. Certains étaient datés du mois de juin,
du mois de septembre et du mois d'octobre. Nous ne les avons reçus que
tout dernièrement et je le déplore parce que, comme vient de le
dire mon collègue, plusieurs d'entre nous s'intéressent à
l'impact de la loi 101 sur différents domaines. Nous avons voulu en
faire une étude approfondie, mais, malheureusement, certains de ces
documents ne nous ont été donnés que tout
dernièrement.
La question que j'aimerais poser au ministre est celle-ci: Y a-t-il
d'autres documents qui seront déposés ici et quand le seront-ils?
C'est bien important pour nous de savoir quelles sont les études qui ont
été faites - probablement à la demande du ministre - sur
différents sujets par le Conseil de la langue française. Si ces
études peuvent donner, à nous et au public, un éclairage
plus approfondi de la réalité linguistique du Québec, nous
aimerions en prendre connaissance le plus tôt possible.
Alors, j'aimerais avoir la confirmation du ministre qu'il y aura
peut-être d'autres mémoires et qu'ils seront déposés
probablement d'ici à demain. Est-ce que le ministre peut nous donner
cette information?
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Godin: Vous avez certains documents depuis plusieurs mois, on
a répondu effectivement ou à des commandes du ministre ou
à des travaux en cours déjà au Conseil de la langue
française. Je peux vous dire dès maintenant que la
deuxième partie du sondage de la maison Sondagex, dont M. Jean-Pierre
Proulx a fait état grâce à une fuite dernièrement
dans le Devoir, sera rendue publique au cours de la semaine. C'est dans ce
sondage qu'on voit, par exemple - c'était le titre du Devoir - que
l'adhésion de la majorité francophone du Québec à
l'affichage unilingue français est tombée en bas de la barre des
50%. Cela doit être publié d'ici quelques jours.
Deuxièmement, il y a les travaux de votre ancien collègue,
André Raynauld, commandés par le conseil qui seront rendus
publics, me dit-on, d'ici une semaine. Dès que le conseil en aura pris
connaissance, le document rédigé par M. Raynauld sera rendu
public également. Donc, avant la fin des travaux de la commission. Ce
document fait état de l'importance des francophones dans
l'économie du Québec et de l'évolution de cette importance
depuis les 2D ou 30 dernières années.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Je remercie le ministre de sa réponse, nous
aurons l'information. J'espère que ce dernier comprend que, pour nous
qui voulons poser les meilleures questions à tous ceux qui nous font des
représentations, ces documents seront d'une grande utilité. Comme
le ministre avait déjà annoncé que la commission
parlementaire se tiendrait à l'automne, j'ose espérer que
l'effort sera fait pour que nous ayons les documents le plus tôt
possible. Je déplore le fait qu'ils n'aient pas été
disponibles avant ce jour. Mais, enfin, j'accepte la réponse du
ministre. J'aimerais, si possible, avoir les détails. Peut-être
que les membres du Conseil de la langue française pourraient par
ailleurs nous donner quelques indices sur la portée de ces études
pour que nous puissions être éclairés aussitôt
qu'elles seront produites. Je vous remercie.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Godin: À la reprise des travaux, cet après-midi,
je vous donnerai la liste des études qui seront publiées dans les
jours ou les semaines qui viennent. Je vous dis dès maintenant que j'ai
insisté pour que tous ces documents soient accessibles avant le
début des travaux de la commission. Mais, pour toutes sortes de raisons
qui tiennent soit aux auteurs ou aux difficultés d'impression, cela ne
sera pas complètement terminé aujourd'hui, date qu'on avait
prévue. Dès que ce sera prêt - je vous donnerai le
détail cet après-midi - nous vous les remettrons, bien
entendu.
Le Président (M. Gagnon): Avant de vous laisser la parole,
M. le député de D'Arcy McGee, j'aimerais vous inviter à
aller le plus rapidement possible pour qu'on puisse entendre nos invités
qui sont ici depuis hier - la liste est assez longue pour aujourd'hui -quitte
à ce que ces échanges puissent se faire ultérieurement. M.
le député de D'Arcy McGee.
M. Marx: J'aimerais remercier le ministre qui a dit qu'il va
déposer, dans les prochaines heures ou les prochains jours tous les
documents qui seront publiés bientôt.
Lors de l'étude des crédits, on apprend, par exemple, que
le Conseil de la langue française fait beaucoup d'études. Il y a
d'autres organismes comme l'office qui a un service de recherche où on
fait passablement de recherches soit à l'intérieur de l'Office de
la langue française soit par contrats qu'on donne aux gens à
l'extérieur. En 1982, à l'Assemblée nationale, nous avons
adopté la loi sur l'accès à l'information. Le principe
veut que tous les Québécois aient accès à
l'information du gouvernement sauf, si c'est un secret d'État. Je sais
que vous n'avez pas beaucoup de secret d'État en ce qui concerne les
droits linguistiques. Le principe est là. Je trouve que c'est
très difficile d'avoir de l'information des organismes qui s'occupent de
droits linguistiques.
Par exemple, j'ai demandé à l'Office de la langue
française de me fournir une liste des compagnies qui ont un certificat
de francisation. J'ai eu des lettres où il y avait ce qu'on appelle du
"stallage", des tergiversations. Je n'ai jamais eu la liste sauf
après
l'intervention du ministre lors d'une commission parlementaire.
Jusqu'à maintenant très peu d'études ont été
rendues publiques soit du conseil, soit de l'Office de la langue
française. Les études les plus intéressantes ont
été rendues publiques par des fuites, par des journalistes. Dans
l'Opposition, on compte beaucoup sur les journalistes qui rendent souvent
publics des documents auxquels on ne peut pas avoir accès par des voies
normales. Par exemple, toutes les études sur les tests...
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee...
M. Marx: Oui, je conclus.
Le Président (M. Gagnon): Oui, parce qu'on est ici pour
s'informer et il y a des gens qui sont prêts à nous informer.
M. Marx: C'est cela, mais je vais formuler ma recommandation. Je
crois que ce sera aussi utile pour les députés
ministériels d'avoir ces études car cela va les aider dans leurs
questions plus tard. Par exemple, les études sur les tests, les
règlements illégaux. Cela n'a jamais été rendu
public par votre ministère, l'office ou le conseil. C'était
toujours par des fuites.
Maintenant, j'aimerais demander au ministre, si c'était possible,
de nous fournir une liste de toutes les études, les sondages qui ont
été effectués soit par le Conseil de la langue
française ou soit pour le Conseil de la langue française,
c'est-à-dire de tout ce qu'ils ont dans leurs classeurs et de tout ce
qui est dans les classeurs de l'Office de la langue française. On
aimerait avoir une liste de toutes ces études pour que ce soit possible
pour nous de demander telle ou telle étude, tel ou tel sondage,
même si ces sondages ou ces études remontent à quelques
mois ou à quelques années.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Godin: Je n'ai aucune objection, M. le député,
à vous remettre dans les prochaines heures ou journées, la liste
des études en cours présentement, aussi bien à l'office
qu'au Conseil de la langue française, avec une date éventuelle de
publication.
M. Marx: Les études antérieures, celles qui ont
déjà été effectuées?
M. Godin: Oui, oui, la liste de tous les travaux faits par
l'office et par le conseil. C'est, en principe, publié rapidement. S'il
y avait des études qui n'auraient pas été publiées,
à ma grande surprise... Celles qui existent déjà et qui
sont publiées vous seront remises d'ici à quelques jours.
M. Marx: II y a beaucoup d'études qui ne seront pas
publiées, soit par l'office, soit par le conseil. On aimerait en avoir
une photocopie. Si j'ai bien compris, vous avez dit que vous n'avez pas
d'objection à fournir une liste de toutes les études et de tous
les sondages que le conseil ou l'office ont dans leurs classeurs. C'est cela
que je veux savoir.
M. Godin: Vous aurez accès à cette
liste-là...
M. Marx: Oui, d'ici...
M. Godin: ...d'ici à la fin de la commission, d'ici
à une semaine environ.
M. Marx: Après cela, il nous sera possible de demander des
copies de ces sondages, de ces études?
Le Président (M. Gagnon): Votre réponse, M. le
ministre?
M. Godin: Certainement.
Auditions
Le Président (M. Gagnon): Merci. Là-dessus,
j'invite le premier groupe à prendre place à la table. C'est le
Syndicat international des travailleurs de l'automobile, de
l'aérospatiale et de l'outillage agricole d'Amérique.
Syndicat international des travailleurs unis de
l'automobile, de l'aérospatiale et de l'outillage agricole
d'Amérique
M. Belyea (Walter): Mon nom est
Walter Belyea et, à ma gauche, mon confrère, M. Michel
Mongeau. Pour vous situer...
Le Président (M. Gagnon): Un moment. Je vous redonnerai la
parole immédiatement après. Je crois qu'il y a une entente pour
qu'on prenne environ une heure par mémoire; sans être figés
par cette entente, on essaiera d'entendre un mémoire dans une heure en
donnant environ 20 minutes pour la présentation du mémoire et 20
minutes à chaque parti pour les questions. Allez-y.
M. Belyea: Pour vous situer dans le temps, le programme de
francisation de Pratt et Whitney a commencé en 1979. J'ai bien dit le
programme. Aujourd'hui, je me concentrerai sur trois thèmes: le premier,
l'utilisation du français comme langue de travail et des communications
internes; deuxièmement, l'utilisation du français dans les
documents de travail, notamment les manuels et les catalogues, et,
troisièmement, l'utilisation d'une terminologie française.
Je veux d'abord décrire la situation générale.
Depuis le troisième rapport d'étape, 17 des sous-divisions sont
demeurées au point mort, tandis que 22 autres ont
régressé, c'est-à-dire qu'elles accusent des retards
injustifiables pour nous. Cela veut donc dire que, depuis le 8 juillet 1982,
l'employeur n'a absolument rien fait pour favoriser l'application de la loi 101
et ce, dans un peu plus de 52% des points qu'il a lui-même soumis au
gouvernement.
Toujours dans le même ordre d'idées, certains documents,
tels les descriptions de tâches et les formulaires internes, devaient en
priorité être traduits en français. À ce jour, 24
descriptions de tâche ont été traduites sur un total de
550, dont deux seulement ont été approuvées par le bureau
du personnel, et 69 des 620 formulaires ont été traduits. Nous
avons donc des coefficients de succès de 4,36% et 11,12% respectivement.
À ce rythme, nous sommes en mesure d'espérer que les descriptions
de tâche seront traduites ici en totalité dans les 75 prochaines
années et que la traduction de ces formulaires sera finalisée
d'ici 27 ans.
Doit-on en rire ou en pleurer? Tout ce que nous sommes en mesure de
constater, M. le ministre, c'est que Pratt et Whitney ne démontre,
encore une fois, aucune intention de se conformer à la loi 101 et
continue de refuser à ses travailleurs et travailleuses le droit de
travailler dans leur langue. (12 h 30)
La langue des communications internes. L'employeur devait, au plus tard
en août 1981, avoir terminé la francisation des plaques et des
affiches ayant rapport à la sécurité. Pratt et Whitney
soutient que 75 des 300 affiches sont traduites, mais l'employeur ne cite en
aucun temps le moment où les plaquettes seront imprimées et
apposées sur la machinerie et l'équipement. Il y a au maximum 20%
de ces affiches qui sont en français après deux ans et demi de
retard. Voyez-vous, la Pratt se fiche non seulement de la loi 101, mais de la
loi 17. On parle ici de la santé et de la sécurité des
travailleurs. Quand le gouvernement prendra-t-il ses
responsabilités?
Si vous voulez avoir d'autres exemples de l'attitude de l'employeur,
regardez les fiches techniques. L'employeur dit qu'à partir d'août
1983 seules des fiches techniques françaises seront apposées sur
l'équipement. C'est vrai. Il n'appose plus de fiches. Il n'y en a pas,
c'est bien simple. Pour les fiches identifiant les pièces en cours de
production, aucune n'a été traduite. Il en va de même pour
le journal "Liaison" de Pratt et Whitney. Au lieu de s'en servir pour les cours
de français ou les lexiques, on arrête le journal. Il n'est plus
publié. Encore plus écoeurant, on défend aux
employés d'un service de la compagnie de communiquer en français
avec des employés de la compagnie dans un autre service. L'explication:
Nous sommes obligés de préciser où cela va fonctionner en
français. Donc, on le fait en anglais également. Mais là,
ils nous ont dit qu'ils étaient ouverts et coopératifs.
L'utilisation du français dans les documents. En février
et juin 1981, Pratt a embauché deux nouveaux traducteurs. Nous sommes en
1983. Qu'est-il advenu de ces traducteurs? La compagnie nous disait qu'il
fallait confier la majeure partie des travaux à des firmes de
traducteurs indépendants, et cela coûte cher. Maintenant, ils nous
disent que l'économie va mal et qu'il faut couper. Mais, voyez-vous, le
programme a commencé en 1979 et Pratt a roulé "full pin"
jusqu'à la fin de 1981. Les mises à pied, pour ceux qui ont
oublié, mais nous, nous ne l'oublions pas, sont survenues en 1982.
Ces deux traducteurs étaient occupés à la
traduction du journal Force motrice. Pour ceux qui ne connaissent pas cela,
c'est la publication de la maison mère, United Technologies, aux
États-Unis. La propagande patronale, c'est bien plus important que la
sécurité des travailleurs. Même récemment, Elvie
Smith, président de la compagnie, a tenu une conférence de presse
pour se vanter du fait que la compagnie faisait encore des profits
malgré la récession.
Comme nous l'avons déjà dit, seulement 24 des 550
descriptions de tâche ont été traduites. Mais savez-vous
l'importance de ces descriptions de tâche pour un travailleur? C'est le
seul moyen pour le travailleur de savoir ce qu'on attend de lui ou de prouver
qu'il est apte à avoir des promotions parce qu'il a déjà
fait un autre travail. En plus de refuser une nouvelle fois de procéder
à l'application de la loi 101, la compagnie préfère garder
ses employés dans l'ignorance totale. C'est peut-être pour aider
les travailleurs à apprendre l'anglais qu'ils gardent des formulaires en
anglais. Conséquemment, ils seront capables de lire plus tard leur
description de tâche, non?
Les manuels de procédure. Ici, on parle des "manufacturing
operation sheets", "assembly fabrication sheets", "quality insurance inspection
sheets", enfin tout ce qui régit les huit heures du travailleur dans
l'usine reste en anglais.
Il y certaines choses que vous pouvez faire en français chez
Pratt et Whitney, dont placoter et recevoir des avis disciplinaires.
Ici, nous voulons parler de l'entente particulière de Pratt et
Whitney avec l'Office de la langue française. Elle se résume
ainsi: Tout ce qui a trait aux procédés de production de moteurs
d'avion ne sera pas affecté par la francisation. On va donc franciser
quoi? Nous fabriquons des moteurs d'avion et non pas des barils. Cela veut dire
que les machinistes, les inspecteurs, les magasiniers, les assembleurs - et
j'en passe - ne peuvent jamais, au grand
jamais, espérer travailler en français. Et la raison qu'on
donne à tout cela est la "terminologie française". Pratt et
Whitney déclare: "Notre service de traduction se trouve dans
l'impossibilité de procéder à une revue
systématique de cette terminologie." Autrement dit, il n'existe pas de
terminologie française et, de toute façon, nous n'avons pas le
temps de nous en occuper.
Nous savons tous qu'il y a déjà eu un comité de
terminologie établi à Air Canada et que le ministre de la
Défense nationale possède des manuels en français. Mais
peut-être que, si la France lance quelques missiles Exocet sur son
siège social, Pratt et Whitney va admettre qu'il y a du français
dans l'air.
En ce qui concerne nos résolutions, à la fin de notre
mémoire, nous en présentons cinq. J'aimerais les commenter un
peu. La première résolution est que le gouvernement raffermisse
immédiatement ses positions sur l'application de la loi 101 chez notre
employeur ou tout autre employeur qui serait dans une situation similaire.
Pratt et Whitney démontre toujours une attitude entièrement
méprisante envers la loi 101. Combien de fois avons-nous vu Pratt et
Whitney faire des interventions politiques par la voie des journaux ou par des
conférences de presse dénonçant la loi 101, la situation
politique, etc. Lorsque le programme a débuté en 1979,
c'était la grande menace d'envoyer ses ingénieurs en Ontario. Que
pouvons-nous faire si le gouvernement ne fait rien? Nous sommes simplement des
travailleurs chez Pratt et Whitney. Les affiches des petits commerçants
sur le coin de la rue semblent beaucoup intéresser les journalistes.
Mais quand verrons-nous les journalistes et le gouvernement s'intéresser
à une institution comme Pratt et Whitney qui régit tous les jours
la vie de 6000 à 8000 personnes ? Quand? Certains ont
suggéré ici aujourd'hui de respecter la minorité. Je suis
bien d'accord, mais commencez par respecter la majorité.
La deuxième résolution est d'accorder un pouvoir de
négociation aux représentants syndicaux et de leur enlever ce
statut d'observateurs qu'ils ont dû respecter depuis le début de
l'implantation du programme. Il y a un corollaire: d'empêcher tout
employeur d'afficher un certificat provisoire de francisation lorsque ledit
certificat n'est pas mérité. Selon nous, ce sont les travailleurs
qui ont crié pour avoir la loi 101. Avant qu'elle soit
sanctionnée, plusieurs syndicats de la Fédération des
travailleurs du Québec (FTQ) ont mené des luttes allant
jusqu'à des grèves pour faire inclure certaines clauses dans leur
convention collective leur accordant le droit de travailler en français.
Nous avons aussi été en grève chez Pratt et Whitney durant
22 mois et nous pouvons affirmer que, si aujourd'hui il se passe certaines
choses en français chez Pratt et Whitney, c'est surtout grâce
à cette grève. Avant cette grève - et vous pouvez en
discuter avec les plus anciens dans l'usine -cela se passait à 85% en
anglais. Les contremaîtres étaient presque tous anglophones, ce
qui est même devenu problématique pour la compagnie; elle avait de
la difficulté à exercer la discipline parce que les gars ne
comprenaient pas. À la fin de la grève, tout cela a changé
un peu. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous avons le droit de
placoter en français, nous avons le droit d'avoir des avis
disciplinaires en français, mais cela arrête là.
Pour nous, c'était une risée. Des travailleurs le voient
tous les jours. Ils regardent sur les murs de l'usine et disent: Qu'est-ce que
cette affaire-là? C'est un certificat de francisation provisoire. Ils se
tournent vers leurs amis et disent: Est-ce que cela se passe en français
ici? Non, non! "Assembly fabrication sheet". C'était en anglais. Non,
non. Là, ils sont bien "wise" aujourd'hui, ils ne mettent que des
chiffres, pas d'explications. C'est simple, cela règle le
problème.
La troisième résolution qui est très importante
pour nous: dans le cas qui nous concerne, d'exiger de Pratt et Whitney Canada
Inc. que tout ce qui est relatif à la production des moteurs d'avion,
qui ne fait pas présentement partie du programme, y soit
intégré. Nous croyons fermement que c'est un droit pour tous les
travailleurs québécois d'avoir la possibilité de
travailler en français. Nous nous opposons carrément à
l'entente particulière qui a été signée avec Pratt
et Whitney qui dit, à toutes fins utiles, qu'il n'y aura pas de
francisation de tout ce qui a trait à l'assemblage, à
l'inspection et à l'usinage des moteurs. Mais voyons donc! L'usinage des
pièces, cela n'existe pas en France? Il n'y a pas d'industrie
aérospatiale en France? Les Français ne connaissent pas cela,
l'inspection? La qualité, ce n'est pas leur préoccupation comme
cela l'est pour nous?
Quand le gouvernement interviendra-t-il pour obliger la compagnie
à agir là-dessus? Nous avons des exemples où le
gouvernement a fait des démarches avec certaines compagnies. On peut
citer la compagnie Ultramar qui a su se conformer à la loi 101 avec sa
raffinerie, ici à Québec. C'est également une industrie de
haute technologie. Lors de la construction de cette raffinerie, la compagnie a
essayé dès le départ de se conformer à la loi et de
franciser les choses. Nous exigeons qu'autant soit fait pour l'industrie
aérospatiale au Québec. On dit souvent que la majorité de
l'industrie aérospatiale est au Québec. Je pense que nous ne
pouvons pas laisser des travailleurs de côté dans ce
domaine-là.
Quatrièmement: de forcer notre
employeur à respecter les échéanciers dans toutes
les sphères du programme. Nous avons démontré que Pratt et
Whitney accuse des retards allant jusqu'à deux ans et demi. Si vous avez
bien lu notre mémoire, on sort même des petits tableaux, des
graphiques qui expliquent tout cela.
Je veux seulement ajouter un petit point ici. Il faut toujours
répéter que ce ne sont pas des travailleurs de Pratt et Whitney,
mais la compagnie elle-même qui a soumis ce programme-là, avec ces
échéanciers. Maintenant, deux ans et demi plus tard,
qu'arrive-t-il? Ils ne sont pas respectés. J'ai juste une question
à poser. Il me semble qu'il existe des amendes dans la loi. Si nous
traversons sur un feu rouge, il y aura sûrement un policier pour nous
dire: Ne faites pas cela, mes petits gars. Pourquoi faire exception avec Pratt
et Whitney? À quoi cela sert de négocier des
échéanciers avec une compagnie s'ils ne sont jamais
respectés? Qu'est-ce que cela nous donne d'aller nous asseoir à
la table avec eux, de passer des heures et de se faire dire: C'était
supposé être fait pour juillet 1981, mais à cause de
l'informatique on est dans l'impossibilité de le faire? (12 h 45)
Maintenant, la dernière résolution: que la compagnie soit
dans l'obligation de fournir des cours de français durant les heures de
travail, sans frais, pour tout employé qui ne peut s'exprimer en
français. Nous disons -c'est notre position - que ce sont les
compagnies, en général, qui ont instauré l'anglicisation
du travail au Québec et non pas les travailleurs, non pas les
immigrants, non pas les anglophones. Ce sont des compagnies, surtout des
multinationales, qui amènent leurs procédés de fabrication
ici et tout cela se fait en anglais. Donc, selon nous, c'est à elles de
fournir les moyens de se franciser aux travailleurs allophones et anglophones
qui en ont besoin.
Nous pouvons donner des exemples. À la fonderie Canadian Copper
Refiners, ils ont déjà eu des cours de francisation pour les
allophones et les anglophones, sur les lieux de travail, pendant les heures de
travail. Pourquoi fait-on exception dans notre cas? Nous pensons que les
travailleurs, dans une situation où tous les moyens sont donnés
par la compagnie, que ce soient des immigrants, que ce soient des anglophones,
que ce soient des francophones, seraient capables, même très
réceptifs à se franciser. Il s'agit d'une responsabilité
qui incombe à ceux qui ont des pouvoirs économiques, à
ceux qui ont des pouvoirs de direction et d'administration d'entreprises,
notamment de compagnies. Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci beaucoup. M. le
ministre.
M. Godin: D'abord, je voudrais féliciter le syndicat
d'avoir travaillé à ce mémoire et, j'imagine, de l'avoir
soumis en assemblée pour qu'il soit endossé par la
majorité de ses membres.
Ce que le mémoire révèle et que bien des gens
ignoraient, c'est qu'il ne faut pas s'endormir sur la question de la
francisation du monde du travail au Québec. Si, bien sûr, il y a
certains secteurs, entre autres, celui des pâtes et papiers, qui ont fait
des progrès considérables, il y en a d'autres où on peut
dire qu'il y a une sorte de somnambulisme qui a frappé des entreprises.
Donc, il y a encore des secteurs d'activité industrielle au
Québec où les travailleurs laissent leur langue au vestiaire
quand ils rentrent dans l'usine, et c'est probablement le cas chez Pratt et
Whitney.
Je souligne également votre citation, M. Belyea, où vous
dites qu'on fait plus souvent état des faits spectaculaires relativement
a l'affichage de certains commerces et qu'on parle très peu souvent,
dans les médias du Québec, des droits des travailleurs qui sont
encore brimés pour ce qui touche l'usage de leur langue dans l'usine. Il
est très rare qu'on voie les organismes, dont c'est pourtant la
tâche de s'occuper de ces droits, se pencher sur cet aspect des droits
des citoyens et des citoyennes du Québec. Ce que votre mémoire
illustre également, c'est que la francisation ne peut être
réussie que si les citoyens -dans votre cas, les travailleurs et les
travailleuses de Pratt et Whitney - la veulent et y travaillent, avec les
organismes que le gouvernement a mis en place pour arriver à sa
réalisation.
Enfin, avant de passer à quelques questions que j'ai à
vous poser, ce qui se passe chez vous explique peut-être le taux
d'assimilation qui frappe les francophones au Québec. Quand,
effectivement, un travailleur ou une travailleuse francophone rentre dans son
usine, malgré la loi 101, malgré un programme de francisation
qui, semble-t-il, est fort peu respecté, et qu'il se rend compte que sa
langue ne lui sert à rien, il se dit: Pourquoi parler français et
quelle est la rentabilité du français au Québec? C'est
précisément parce qu'il y avait des doutes sur la
rentabilité du français au Québec qu'aussi bien le Parti
libéral, d'ailleurs, comme M. le député de Gatineau l'a
mentionné tout à l'heure, que nous avons pris les mesures - je ne
dis pas que ces mesures sont les plus parfaites; je ne dis pas, non plus,
qu'elles sont les plus efficaces, et votre mémoire l'illustre fort bien
- pour que le français soit, au Québec, ce que les Italiens
appellent la "lingua del pane", la langue du pain, la langue du travail. Si
nous ne réussissons pas cela dans les années qui viennent,
peut-être perdrons-nous l'essentiel, c'est-à-dire un nombre
suffisamment
important au Québec de personnes qui parlent français, ce
qui justifie l'existence même de cette communauté
différente en Amérique du Nord.
Mes questions seront de deux ordres. Premièrement, j'aimerais
demander à M. Belyea s'il a fait des recherches pour connaître la
part des subventions touchées par Pratt et Whitney provenant des deux
paliers de gouvernement pour s'établir au Québec. Ne croyez-vous
pas que l'accord des subventions devrait s'accompagner, dans le cas d'une
entreprise qui s'installe au Québec, d'un engagement ferme et
précis d'utiliser le français dans ses rapports et communications
avec ses employés?
Le Président (M. Gagnon): M. Belyea.
M. Belyea: Nous avons souvent mentionné les sommes
considérables que Pratt et Whitney a reçues en subventions. Je
peux simplement vous donner un exemple que nous trouvons fort
intéressant. Pratt et Whitney a reçu 40 000 000 $ pour construire
son édifice pour des ingénieurs. C'est un édifice avec un
toit spécial afin que les ingénieurs puissent voir, en dehors de
la cafétéria, la beauté de la rive sud, etc. En même
temps, la compagnie nous dit: Nous n'avons pas d'argent, il faut couper les
dépenses pour la traduction de textes, les manuels de procédure,
des descriptions de tâche, tout ce qui est relatif à la vie
quotidienne des travailleurs. Cette cafétéria avec son toit
spécial, cela doit valoir au moins une couple de millions de dollars.
Nous ne pouvons pas embaucher quelques traducteurs, mais on construit des
édifices comme cela, avec de grosses subventions.
Nous pouvons dire que Pratt et Whitney a reçu depuis une dizaine
d'années environ 350 000 000 $ de subventions du fédéral.
Celles du provincial ne me viennent pas à l'esprit, ne me viennent pas
à la mémoire, mais il faut quand même admettre que toutes
ces subventions proviennent des impôts. De qui? En partie des
Québécois qui paient des impôts. Or, les compagnies qui
reçoivent les bénéfices de ces subventions continuent
toujours à ignorer les conditions de travail fondamentales de n'importe
quelle personne: le droit de pouvoir parler et s'exprimer dans sa langue. Nous
pouvons simplement nous poser la question.
M. Godin: Ma deuxième question s'adresserait à M.
Mongeau. M. Mongeau, en tant que membre du comité de francisation de
l'entreprise, premièrement, y a-t-il des réunions
régulières avec des dates fixées à l'avance de
manière que tout le monde puisse être présent et se
préparer en conséquence? Est-ce que la présence syndicale
et patronale est paritaire? De quelle manière, à l'aide d'un
comité de francisation, pourrions-nous arriver à avoir des
résultats plus reluisants que ceux que nous constatons chez Pratt et
Whitney? Quel changement devrait-on faire à ces comités de
francisation pour qu'ils soient vraiment productifs et efficaces par rapport
à l'objectif que nous avons?
Le Président (M. Gagnon): M. Mongeau.
M. Mongeau (Michel): Les réunions sont sporadiques. C'est
pour signer des rapports d'étape 80% du temps ou, si les travailleurs
ont soumis des plaintes aux deux représentants syndicaux, on les
amène à la table. Les réunions convoquées par
l'entreprise sont très rares, à part celles pour signer les
rapports d'étape. Il faut que ce soient les travailleurs qui les
convoquent, les deux représentants des travailleurs. Je serais favorable
à un comité paritaire afin que les deux représentants des
travailleurs et la compagnie négocient ce programme. Les travailleurs
n'ont pas été contactés pour des négociations sur
les ententes particulières. La compagnie a brimé nos droits, dans
le fond.
M. Godin: Au fond, dois-je comprendre que vous souhaiteriez que
le gouvernement et l'Office de la langue française fassent en sorte que
les travailleurs des entreprises soient associés de plus près
à l'opération francisation et que les comités de
francisation voient leur mandat précisé et qu'ils soient
associés intimement et directement aux ententes entre l'office et
l'entreprise?
M. Mongeau: Oui, parce que c'est le droit des travailleurs. Tout
syndicat représente les travailleurs et leurs revendications et, au sein
de la francisation, on n'a pas notre mot à dire, dans le fond. On est
là comme observateurs. Souvent, on nous dit: Vous êtes là
pour observer des plaintes et c'est tout; vous n'avez pas un mot à dire
d'autre.
M. Godin: Maintenant, est-ce qu'il y a dans l'entreprise ce qu'on
pourrait appeler une forme de chantage par rapport au français? Est-ce
qu'il est déjà arrivé qu'on ait dit à des
employés: Si vous exigez du français, on va s'en aller
ailleurs?
M. Mongeau: Disons que cela n'a jamais été dit
directement aux employés, mais, via les journaux, on fait souvent
allusion à la politique de la loi 101, en disant: Si vous êtes
trop sévères, on va s'en aller ailleurs. Même avec la loi
17, ils l'ont dit récemment; cela donne trop de droits aux syndicats.
C'est là que ce n'est pas correct.
M. Godin: Si je comprends bien, malgré les 350 000 000 $
de subventions qui
viennent des taxes de l'ensemble des Canadiens, comme l'a dit M. Belyea,
cette entreprise a fort peu de respect, au fond, pour les gouvernements qui
l'ont incitée à s'établir ici et qui l'ont
subventionnée pour s'établir ici.
M. Mongeau: Oui.
M. Godin: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: Merci, M. le Président. J'aurais quelques
questions à poser à nos interlocuteurs. Je les remercie de venir
ici à cette commission nous éclairer. Je dois dire que, dans mon
cas, ayant travaillé comme ingénieur à Pratt et Whitney
quand j'étais jeune, j'imagine que c'est la raison pour laquelle on m'a
demandé d'étudier votre dossier un peu plus en profondeur. Je
dois admettre que cela fait très longtemps et que j'ai perdu contact un
peu avec la réalité que vous vivez. Ma première question,
j'aimerais la poser à M. Mongeau. Je vois, ici sur la feuille, que vous
êtes membre du comité de francisation.
M. Mongeau: Oui.
M. Fortier: M. Belyea, pourriez-vous nous dire quelle est votre
responsabilité au sein du syndicat ou au comité de francisation?
Est-ce que vous êtes membre du comité de francisation comme tel ou
si vous avez une activité au sein du syndicat plus
particulièrement?
M. Belyea: Je ne suis pas membre du comité de
francisation, mais, comme souvent le syndicat me l'a demandé, j'ai
travaillé avec certains des comités pour les aider durant des
périodes de questions un peu comme cela, agissant à titre de
porte-parole du syndicat. C'est une chose que j'ai souvent faite par le
passé.
M. Fortier: Est-ce qu'à l'intérieur du syndicat
vous avez une fonction particulière?
M. Belyea: Pas à ce moment-ci.
M. Fortier: Pas à ce moment-ci. J'aurais une autre
question. Votre troisième résolution m'a surpris, je dois
l'admettre, quand j'ai lu vos recommandations. Vous dites que la production de
moteurs d'avion présentement ne fait pas partie du programme. Pour le
peu de temps que j'ai passé chez Pratt et Whitney, je sais qu'ils
produisent des moteurs d'avion. Corrigez-moi si je me trompe. À part
produire des moteurs d'avion, à part faire de la recherche et du
développement, de l'ingénierie et l'assemblage, l'inspection et
l'usinage des moteurs d'avion, je ne connais pas beaucoup d'autres
activités qui peuvent se faire chez Pratt et Whitney. Ce serait ma
première question. Corrigez-moi si je fais erreur.
Dans un deuxième temps, vous nous dites - je pose ma question
à M. Belyea et je voudrais que vous nous le confirmiez -que l'office a
donné l'autorisation à la compagnie de ne pas inclure tout cet
aspect dans le programme de francisation. Est-ce que je comprends bien ce que
vous nous dites? Le ministre a dit: II y a beaucoup d'industries où il y
a eu des progrès. Si je comprends ce que vous nous dites et je voudrais
le comprendre d'une façon certaine, le ministre a dit: II y a des
progrès qui ont été faits ailleurs. Mais là
où il y a eu des progrès, M. le ministre, c'est parce que
l'office a exigé qu'il y ait un programme de francisation. Mais,
semble-t-il, vous avez agréé, par l'entremise de l'office, que
Pratt et Whitney ne soit pas sujette à ce programme de francisation en
ce qui touche la production des moteurs d'avion, et c'est tout ce qu'elle fait.
Est-ce que vous pourriez confirmer cela et me dire si je me trompe dans la
perception que je fais de votre mémoire?
Le Président (M. Gagnon): M. Belyea. (13 heures)
M. Belyea: Effectivement, on pourrait dire que Pratt et Whitney
ne fait que cela, produire des moteurs d'avion. Nous pouvons dire de plus, oui,
qu'effectivement le programme de francisation ne touche à peu
près rien de ce qui est fait chez Pratt et Whitney, chose qui pourrait
sembler drôle pour certaines personnes, mais qui n'est certainement pas
drôle pour les travailleurs. Comme je l'ai dit tout à l'heure, je
peux quasiment donner la liste de l'ensemble des catégories
d'employés de Pratt et Whitney pour dire que tous ces gens-là ne
sont pas affectés, ne sont pas touchés par la francisation. C'est
un peu le cas qu'on a eu. Michel pourrait donner des exemples de lettres qui
ont été envoyées, dans lesquelles il était
carrément écrit: "On regrette, mais cette partie de notre
exploitation ne fait pas partie du programme de francisation". Michel peut
probablement les retrouver.
L'autre point à ce sujet c'est que, pour nous, tout cet aspect de
la question et la décision qui a été prise par l'office,
cela ne nous concerne pas, dans le sens que nous ne pouvons rien dire. À
l'époque, c'était bien clair pour les gens qui faisaient partie
du comité: c'était la compagnie, en accord avec l'office, qui
décidait de quoi serait constitué le programme. C'est l'office
qui avait accepté l'idée que, une terminologie française
n'existant pas ou étant peu disponible à ce moment-là,
tous ces procédés seraient exclus du programme. Mais ce n'est
pas le syndicat qui a accepté cela; ce n'est pas le syndicat qui
pense que c'est comme cela qu'il faut que cela fonctionne. La décision a
été prise avec le comité de francisation au début.
Mais c'est justement cela qu'on conteste aujourd'hui. On dit que cela ne se
peut pas qu'on dise aux travailleurs de Pratt et Whitney: II y a 80% des
travailleurs qui ne peuvent jamais, au grand jamais, travailler en
français. Cela ne se peut pas.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: D'après ce que vous en savez, est-ce que c'est
une entente spéciale qu'il y avait entre le gouvernement et Pratt et
Whitney, à savoir que toute la production des moteurs d'avion ne serait
pas incluse dans le programme de francisation?
Le Président (M. Gagnon): M. Mongeau.
M. Mongeau: Je vais répondre. J'ai souvent envoyé
des lettres concernant la production et la fabrication. En particulier, une
lettre du 17 octobre 1983 - c'est la réponse de l'entreprise: "Le
programme de francisation ne touche pas aux documents reliés à la
conception, à la fabrication et à l'inspection des moteurs
d'avion et leurs composantes." Ainsi les formulaires MRD ou NCMRD doivent
être remplis en anglais. Comme la compagnie stipule les droits où
l'usage du français est requis, il va de soi qu'elle indique aussi
où l'anglais doit être utilisé. Par contre, les trois pages
du document cité font partie de l'article 4,2 du programme de
terminologie... Là, ils n'ont pas le temps de la faire, la
terminologie.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Ce que j'aimerais savoir, c'est si c'est une entente
entre la compagnie et le gouvernement lui-même, à votre
connaissance.
M. Mongeau: Oui, c'est une entente entre la compagnie et le
gouvernement, ou, plus spécifiquement, avec l'Office de la langue
française.
M. Fortier: Vous avez fait, dans votre mémoire, de
nombreux reproches et, dans la mesure où cela a été une
décision du gouvernement ou de l'office que tel et tel secteur
très importants à l'intérieur de l'usine n'étaient
pas inclus, je pense bien que c'est difficile d'en faire un reproche à
la compagnie; il y a eu une entente. Mais vous faites des reproches...
Même là où il y a eu des ententes, vous dites qu'il y a eu
des retards dilatoires. Je pense que, quant à nous, notre
collègue de Gatineau, s'est exprimé au nom de notre formation
politique... Dans la mesure où il y avait entente avec l'office et que
cette entente n'a pas été respectée, ce serait à la
compagnie de donner des explications. Ce n'est certainement pas nous qui allons
les excuser. Et je crois que vous avez tout à fait raison de dire que
c'est inacceptable. Mais dans la mesure où il n'y avait pas entente, ou
qu'il y a eu entente entre le gouvernement et l'office, vous en faites le
reproche... À ce moment-là, il faudrait que vous adressiez vos
reproches au ministre lui-même. C'est justement une décision qui a
été prise par l'office, ou par le gouvernement et pour ma part,
j'en suis fort surpris.
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, M. le
député. Comme il est 13 heures, à moins d'un consentement
de la commission, nous devons suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures.
Mais si vous êtes d'accord, on peut continuer l'audition de ce
mémoire.
M. Fortier: Je crois que oui.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Une question que j'aimerais vous poser en ce qui
concerne... Cela ne touche pas nécessairement la francisation, mais cela
pourrait nous faire comprendre la conjoncture et tout ce qui a trait à
Pratt et Whitney, les relations que vous avez à l'intérieur de la
compagnie. Je pense que nous savons tous qu'en 1974, il y a eu une grève
- je crois que c'est la grève à laquelle vous avez fait allusion
- qui a duré 22 mois. Par la suite, d'après les journaux et
d'après ce que nous en savons, les relations du travail se sont
améliorées. À part les critiques que vous faites en ce qui
concerne l'utilisation de la langue française, quel est le climat de
travail présentement? Pourriez-vous préciser si l'entente qui a
prévalu lors des dernières négociations vient à
échéance bientôt? Et est-ce que vous serez en
négociation très bientôt avec la direction de Pratt et
Whitney?
M. Belyea: Sur le premier point, je veux qu'on soit très
clair. On vient ici et on fait des reproches à tout le monde, c'est ce
qu'on vient de dire. Il y a une entente particulière avec Pratt et
Whitney. Mais nous avons très bien démontré aussi que
même le programme, si minime soit-il, que Pratt et Whitney a
accepté n'était pas respecté. On a démontré
qu'au-delà de 52% des échéances que cette compagnie a
soumises à l'Office de la langue française, Pratt et Whitney ne
les a jamais respectées et je pourrais en parler plus longuement. Tout
est là dans le mémoire. On fait un reproche non seulement
à Pratt et Whitney, non seulement au gouvernement et non
seulement à l'Office de la langue française. C'est
précisément une commission parlementaire qui va étudier la
loi 101. On dit qu'en réalité l'application de la loi laisse
à désirer non pas parce que supposément cela opprime une
minorité au Québec, mais parce que cela ne vient pas donner
justice à la majorité et nous sommes un cas vivant. C'est cela
qu'on dit dans notre mémoire et c'est cela qu'on dit ici
aujourd'hui.
Maintenant la situation actuelle. Certains journalistes peuvent conclure
que les relations sont très amicales chez Pratt et Whitney. Je crois
qu'elles ne sont pas plus amicales qu'elles ne l'étaient par le
passé, mais disons qu'il n'y a pas de guerre ouverte. Nous nous
dirigeons très prochainement vers les négociations. Sur ce point,
si nous pensons que nous sommes accrédités pour
représenter des travailleurs et veiller à leurs conditions de
travail et les aider dans tous les domaines qui les entourent au travail,
conséquemment nous pensons que la langue de travail, c'est aussi une
condition de travail et c'est justement notre devoir en tant que syndicat de
voir au respect de la majorité de nos membres dans leur langue de
travail. Nous considérons que la loi 101, c'est quelque chose qui fait
partie des conventions collectives et qui fait partie des conditions de travail
d'un travailleur parce que celui-ci doit passer huit heures par jour dans cette
usine.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: J'aimerais que vous précisiez quand vous allez
entrer en négociation. Est-ce très bientôt? Est-ce que
votre contrat qui lie le syndicat et la compagnie vient à
échéance très bientôt? Quand allez-vous venir en
négociation?
M. Belyea: En février.
M. Fortier: En février. Normalement, les
négociations devraient commencer trois ou quatre mois avant cela,
j'imagine, selon la norme.
M. Mongeau: C'est prévu pour décembre. Cela peut
aller au début de janvier.
M. Fortier: Vous avez dit que vous infligiez des blâmes au
ministre, à l'office et à la compagnie, mais en lisant votre
mémoire on trouve les termes très durs vis-à-vis de la
compagnie. Si vous voulez distribuer les blâmes également, il
faudrait aussi les adresser au ministre.
Une question que j'aimerais poser pour m'aider à comprendre vos
problèmes en ce sens. Je dois admettre que c'est très difficile
pour quiconque ne travaille pas dans l'usine comme vous de saisir la
réalité que vous vivez. On aurait peut-être voulu faire
venir et la direction et le syndicat pour avoir une meilleure idée et
ainsi mieux comprendre le problème, mais c'est l'affaire de la compagnie
de s'exprimer là-dessus. Vous parlez de certains problèmes. Ce
qui m'a frappé, c'est à la page 14, quand vous parlez de
l'unilinguisme français. Cela rejoint le cri que vous lancez en ce sens
que, semble-t-il, avec les faibles progrès qui sont faits, ce serait
difficile d'atteindre un certain niveau de francisation. Vous dites ceci: "Si
tel est le cas, comment cela se fait-il que certains membres du personnel cadre
déclarent encore aujourd'hui qu'un employé unilingue
français n'a pas à espérer gravir les échelons chez
Pratt et Whitney? Est-ce que le fait que Pratt et Whitney est une filiale de
United Technologies, que la recherche et le développement qui se font
à Montréal se font en anglais - si je comprends bien, ils ont un
permis spécial en ce sens - a présentement une entente avec
l'Office de la langue française lui permettant de faire en sorte que la
production se fasse en anglais? Je comprends bien que c'est le cas, mais dans
quelle mesure quelqu'un qui n'est pas bilingue peut-il réussir? Quel est
votre point de vue là-dessus? Est-ce qu'il est possible d'aller vers un
unilinguisme français ou quel est votre sentiment là-dessus?
M. Mongeau: D'aller vers un unilinguisme français serait
inespéré chez Pratt et Whitney. Comme vous dites, le siège
social est aux États-Unis et tout cela. Mais au moins, comme d'autres
entreprises l'ont, les services de traducteurs pourraient traduire en
français ce dont on a besoin, comme les documents de travail. C'est l'un
des points importants.
Le Président (M. Gagnon): M. Belyea.
M. Belyea: On peut citer là-dessus des choses qui sont
bien concrètes. Le conseil d'administration comporte un francophone, un
anglophone qui parle français, M. Brian Duffy. C'est la
réalité. Dans certains cas, les cadres vont nous dire: Ce n'est
pas bien facile de monter si on ne parle pas anglais, mais ne dites pas cela en
public et ne mentionnez pas notre nom. On répond: C'est correct. Alors,
on laisse tomber. On ne veut pas faire de mal à personne.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Une dernière question, M. le Président.
J'ai lu le mémoire, qui est très critique. J'aimerais avoir
l'opinion de M. Mongeau sur la lettre qui est incluse ici - et
ce sera ma dernière question - qui semble un peu contredire votre
mémoire. J'imagine que, quand vous l'avez écrite, vous aviez
quelque chose en tête, mais quand même vous dites: "Bien que la
perfection ne soit pas de ce monde, je dois me déclarer assez satisfait
des résultats obtenus car les individus impliqués se sont
montrés en général assez réceptifs à mes
propos." Comment concilier cette lettre qui vient de vous en tant que membre du
comité de francisation de Pratt et Whitney avec les critiques
très nombreuses qui sont incluses dans votre mémoire?
Le Président (M. Gagnon): M. Mongeau.
M. Mongeau: Pour vous répondre, les problèmes que
j'ai mentionnés sont maintenant réglés à la base.
Je veux dire que les problèmes faciles sont réglés en fait
d'affichage, documentaires, communications écrites au personnel. Cela se
règle, mais lorsque cela coûte une couple de dollars à
l'entreprise, comme pour la santé et la sécurité au
travail, la description de tâches, et demande de 15 000 à 20 000
heures de travail pour résoudre ce problème et qu'on est dans
l'impossibilité de le faire, on retarde toujours les
échéances pour cela. C'est alors qu'on dit que la compagnie
énonce seulement des propos.
Si vous remarquez bien, la lettre que j'ai envoyée à
l'entreprise était adressée à un contremaître en
chef. Celui-ci a osé me répondre en anglais alors que je me
plains qu'il communique avec ses employés en anglais, vous pouvez vous
apercevoir que l'entreprise n'est pas trop intéressée à
aider les employés.
M. Fortier: Je ne faisais pas allusion à cette lettre, je
l'ai vue également, je fais allusion à la lettre que vous, en
tant que membre du comité de francisation, avez envoyée à
M. Jean Demers, coordonnateur de la francisation. C'est pour cela que j'avais
de la difficulté à la comprendre parce que vous vous adressez
justement au coordonnateur de la compagnie et vous exprimez une opinion qui est
la vôtre, j'imagine. Ce n'est pas seulement un paragraphe, toute la
lettre est incluse dans le mémoire. C'est pour cela que j'essayais de
comprendre pour quelle raison vous pouviez dire cela. Est-ce que c'était
par rapport au programme de francisation existant qui a été
négocié avec l'office quand vous dites: Je suis d'accord que des
progrès se font, ou si vous faites allusion au fait que la production
des moteurs d'avion n'a pas été incluse? C'est peut-être
cet aspect qui vous fait dire maintenant que ce n'était pas
suffisant?
M. Mongeau: Dans le contexte de la lettre, ce paragraphe stipule
des choses; ensuite, je reviens avec un autre paragraphe qui dit: "Quel fut mon
étonnement et ma grande déception lorsque j'ai reçu la
réponse de M. Gagnon, contremaître en chef du département
2272, après lui avoir soumis que toute correspondance interne
échangée entre le personnel et les employés
rémunérés à l'heure devait, pour le moins,
être bilingue. Son attitude rébarbative et négative me
laisse pour le moins perplexe." Je pense que je suis assez clair; dans certains
cas et avec la base, comme les contremaîtres, on est réceptif,
c'est vrai, aux propos, mais, quand on monte plus haut, on n'est plus
réceptif.
M. Fortier: Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député. M. le député de Fabre. (13 h 15)
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Vos droits sont
brimés dans le secteur de la sécurité au travail. Vous
l'avez clairement exprimé, sauf que je voudrais que vous
précisiez un peu plus. J'ai aussi envie de demander au ministre pourquoi
il n'a pas invité à notre table le ministre du Travail, compte
tenu que la sécurité au travail est concernée et que
l'Opposition a réclamé la présence de ministres à
vocation économique. Il n'a pas cru bon d'exiger la présence du
ministre Travail, compte tenu précisément que la
sécurité au travail...
M. Fortier: Invitez-le. Mme Lavoie-Roux: Allez-y.
M. Leduc (Fabre): ...est en cause. Je voudrais savoir s'il y a eu
de la part des...
Le Président (M. Gagnon): II y a une question de
règlement.
M. Ciaccia: M. le Président, question de règlement
en vertu de l'article 99. La raison pour laquelle nous n'avons pas exigé
la présence du ministre du Travail, c'est que l'on nous a
informés que son adjoint devait être membre de cette commission.
Alors, on a cru qu'il était compétent dans ce domaine. C'est pour
cela que l'on a exigé seulement la présence des ministres a
vocation économique. Cela souligne maintenant l'importance de leur
présence, parce que j'aurais aimé voir exactement leur
réaction au mémoire des syndicats, voir exactement...
Le Président (M. Gagnon): Merci. C'était plus ou
moins une question de règlement, M. le député de
Mont-Royal.
M. le député de Fabre, je vous redonne la parole.
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je voudrais
entendre parler nos
invités de la question de la sécurité au travail,
reliée au fait qu'il y a, si j'ai bien compris, un certain nombre de
fiches techniques sur l'équipement qui ne sont pas traduites en
français et qui devraient l'être. Je voudrais aussi savoir si vous
avez des cas d'accidents du travail reliés au fait que les inscriptions
ne sont pas traduites en français.
M. Mongeau: Je ne suis pas spécialisé en
santé et en sécurité pour dire qu'à cause d'une
fiche technique il y a eu des accidents du travail, mais je peux seulement
relater des faits. S'il y a une procédure de santé et de
sécurité à respecter chez Pratt et Whitney, mais la
méthode employée pour préparer cette procédure,
c'est qu'elle part de l'anglais, est traduite et puis arrive dans les usines.
Donc, cela prend un délai de deux à trois mois avant que la
procédure de santé et sécurité apparaisse sur le
plancher pour les travailleurs. On a formulé une plainte il y a cinq ou
six mois pour les dégraisseurs. Il y avait une procédure à
respecter, le gars devait porter un masque. Cela a pris cinq ou six mois avant
d'avoir une réponse et une procédure pour les dégraisseurs
parce qu'on part de l'anglais et on traduit en français. Même des
membres du syndicat au sein du comité avaient préparé la
procédure en français. Elle était prête, il ne
restait qu'à la traduire en anglais. On a préféré
la préparer en anglais et ensuite la traduire en français avant
de l'afficher pour les dégraisseurs. Je vous cite un fait concret.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Fabre.
M. Leduc (Fabre): Là il s'agit de directives concernant la
sécurité. Dans votre mémoire, vous parlez de fiches
techniques, je crois, qui doivent apparaître sur la machinerie. Est-ce
juste?
M. Mongeau: Oui.
M. Leduc (Fabre): Ces fiches techniques, ces descriptions
concernant le fonctionnement de la machine, j'imagine, ne sont pas traduites en
français. Est-ce juste?
M. Mongeau: C'est juste. Un fiche technique disant à
l'opérateur: Avant de mettre ta pièce dans la machine, il faut
que tu l'indiques ou que tu refermes les mâchoires en conséquence,
n'est qu'en anglais... Si tu travailles sur tel appareil, fais attention
à cela, cela et cela... Pour vérifier la pression dans les
conduits, il y a un système d'inspection, des avertissements disant
qu'il ne faut pas dépasser 50 livres de pression, ainsi de suite. Tous
ces avertissements ne sont qu'en anglais.
M. Leduc (Fabre): Avez-vous porté plainte à ce
sujet?
M. Mongeau: On a déjà porté plainte. La
réponse de l'entreprise a été qu'on y travaillait et que
lorsque ce serait prêt, on nous le donnerait ou on le mettrait sur les
appareils.
M. Leduc (Fabre): Sur une autre question, vous êtes membre
du comité de francisation, vous a-t-on fourni des données sur le
nombre de personnes qui ont une bonne connaissance de la langue
française, soit au conseil d'administration ou aux différents
échelons de l'entreprise? Je pense en particulier aux cadres et aux
contremaîtres de l'entreprise. Je remarque que dans votre dossier il y a
une note d'information d'un contremaître à un employé, note
rédigée uniquement en anglais. Est-ce que c'est pratique courante
également?
M. Mongeau: Quant aux statistiques sur les contremaîtres
français, la compagnie n'a pas établi cette analyse à
cause de son problème d'informatique. Elle dit que pour le moment, ce
n'est pas tout à fait une priorité; pour elle, elle a d'autre
chose... En même temps qu'elle va tenir compte des données
linguistiques de la personne, sa connaissance du français et de
l'anglais, elle va préparer son dossier qui va entrer dans
l'informatique. C'est pour cela qu'elle avoue qu'elle a un certain retard
dû à de l'informatique. Des données concernant la
francisation des contremaîtres, on n'en a pas. On attend ce rapport avant
l'analyse de l'entreprise.
M. Leduc (Fabre): Donc en tant que membre du comité de
francisation, vous n'avez aucune donnée sur le nombre de personnes qui
ont une bonne connaissance du français aux différents
échelons de l'entreprise?
M. Mongeau: Aucune.
M. Leduc (Fabre): Quelle est le pourcentage de francophones chez
les employés de Pratt et Whitney?
M. Mongeau: Environ 80%, 85% des travailleurs sont
francophones.
M. Leduc (Fabre): Est-ce que vous êtes au courant s'il y a
eu des efforts faits pour engager des administrateurs qui parlent
français?
M. Mongeau: Je ne peux répondre sur ce point. Je ne le
sais pas.
M. Leduc (Fabre): Vous ne le savez pas non plus.
M. Mongeau: Non.
M. Leduc (Fabre): Vous êtes membre du comité de
francisation et vous n'avez pas accès à ces données qui me
semblent fondamentales pour un membre d'un comité aussi important.
Je voudrais vous demander ceci. Vous avez une résolution par
laquelle vous proposez que le gouvernement empêche tout employeur
d'afficher un certificat provisoire de francisation lorsque cedit certificat
n'est pas mérité. C'est une de vos résolutions?
M. Mongeau: Oui.
M. Leduc (Fabre): L'article 154 de la charte prévoit ceci:
"L'office peut suspendre ou annuler le certificat de toute entreprise qui ne se
conforme pas au programme de francisation qu'elle s'est engagée à
réaliser..."
Est-ce que vous auriez souhaité que l'office applique tout
simplement l'article 154, suspende ou annule le certificat de francisation qui
a été accordé à Pratt et Whitney?
M. Mongeau: Je vais répondre au sujet du certificat
provisoire. Sachant très bien qu'un certificat provisoire de
francisation est accordé à toute entreprise qui a fait accepter
son programme par l'Office de la langue française et que cedit
certificat a été accordé sans égard aux
résultats obtenus, le Syndicat des travailleurs unis de l'automobile,
local 510, demande donc qu'un amendement soit apporté à la loi
101 afin qu'aucun certificat provisoire ne soit émis puisqu'il s'agit
simplement d'une belle façade fournie par le gouvernement
derrière laquelle l'employeur peut se replier. C'est dans le sens que ce
certificat provisoire est seulement comme une étoile que tu as eue
à l'école parce que tu as fait un bon devoir, et elle est
affichée à long terme. Même si tu n'as pas de bons devoirs
par la suite, la petite étoile est toujours là. Donc je
suggérerais qu'on élimine complètement le certificat
provisoire, qu'on ait seulement un certificat de francisation quand
l'entreprise aura respecté les lois.
M. Leduc (Fabre): Une fois que l'entreprise a respecté son
programme dans une certaine mesure, un certain pourcentage qui serait à
évaluer.
M. Mongeau: C'est cela.
M. Leduc (Fabre): Je voudrais porter à votre attention
l'article 41, au chapitre de la langue du travail, où il est dit que
"L'employeur rédige dans la langue officielle les communications qu'il
adresse à son personnel. Il rédige et publie en français
les offres d'emploi ou de promotion."
Jusqu'à quel point l'employeur respecte-t-il l'article 41, qui me
semble être un des articles fondamentaux?
M. Mongeau: Pour ce qui est des communications avec le personnel,
si c'est pour t'avertir que tu n'as pas le droit d'aller à la
cafétéria ou des abus disciplinaires, c'est rédigé
en français parce qu'il veut réellement que tu le comprennes.
Mais quand vient le temps de procédures internes de l'entreprise ou des
communications disant: A partir d'aujourd'hui, vous allez faire telle chose
dans la fabrication du moteur d'avion, le patron nous amène la fameuse
excuse qu'on ne touche pas à tout ce qui est relatif à la
fabrication du moteur d'avion. Donc, arrangez-vous pour le comprendre en
anglais.
M. Belyea: De toute façon, des offres de promotion, il
n'en fait pas. Ce n'est pas affiché. Ce n'est pas un
problème.
M. Leduc (Fabre): Les offres d'emploi.
M. Belyea: Ce n'est pas affiché dans la "shop". On ne sait
jamais s'il y a un poste ouvert. Cela fait des années qu'il refuse
cela.
M. Leduc (Fabre): Je ne me souviens pas si vous avez
répondu à ma question tout à l'heure qui a trait à
l'attitude des contremaîtres. Il y a une note de service d'un
contremaître à un employé rédigée
entièrement en anglais. Il y a une note de vous portant plainte. Le
contremaître vous répond également en anglais. Est-ce que
c'est pratique courante pour des contremaîtres d'agir ainsi?
M. Mongeau: Les contremaîtres sont plus réceptifs
que le contremaître en chef. Il y a plusieurs contremaîtres
francophones, depuis la grève, car il y avait une mauvaise communication
entre l'employeur et le travailleur. Donc, à la suite de la
grève, on a pu communiquer en français verbalement avec notre
contremaître immédiat. Concernant le contremaître en chef,
il y a encore des améliorations à apporter. Sur ce point, ils
sont un peu bornés, dans le sens qu'ils ne croient pas
nécessaire... Quand je fais allusion à ma lettre, ils disent
qu'il ne faut pas être plus catholiques que le pape. Donc, cela
répond très bien.
M. Belyea: On n'a qu'à citer la lettre qui paraît
dans les annexes. "Michel, the reference memo is only preliminary information
which is part of our QAI and to my knowledge this quality insurance instruction
is written English." On a un cas assez frappant de francophones qui
communiquaient en anglais seulement pour le baver. C'est cela, Pratt,
être baveux.
Le Président (M. Gagnon): M. le député.
M. Leduc (Fabre): Une autre question, M. le Président. La
compagnie réagit à une lettre qui a été
envoyée par un membre de l'office qui a participé aux
négociations. L'employeur répond donc à l'office en
invoquant un argument pour excuser son retard. On retrouve cela dans une des
lettres en annexe. La compagnie évoque les difficultés d'ordre
économique que l'entreprise a connues. Par contre, on mentionne
également que le budget pour la francisation n'a pas été
trop coupé, heureusement.
Je voudrais vous poser deux questions. Comment réagissez-vous
devant cet argument de l'entreprise qui dit avoir des difficultés
d'ordre économique, donc qui expliquent les difficultés de
traduction, le peu de traducteurs qu'elle a également dans l'entreprise
et par contre, qui dit qu'elle n'a pas réduit son budget? En passant,
connaissez-vous le budget de francisation de Pratt et Whitney?
M. Mongeau: Je ne le sais pas, car on n'est quasiment pas
informé en tant que représentants syndicaux de ce qui se passe au
sein du comité de francisation. On nous appelle pour les rapports
d'étape parce que cela prend nos signatures, sinon ils sont
refusés par l'office. On se plaint régulièrement. C'est
à peu près tout.
Ce qui est relatif, c'est qu'ils ont sacrifié deux traducteurs
complètement pour leur journal, pour leur propagande personnelle ce qui,
normalement, aurait dû être pour traduire tout ce qui était
relatif à la santé et à la sécurité, les
procédures internes. Ils ont préféré prendre ces
deux traducteurs pour traduire un journal qui est leur outil de propagande
préféré.
M. Belyea: Je pense que l'argumentation de réduction
d'effectif ne se tient pas. Voyons donc, le programme a été
négocié en 1979. Des mises à pied ont commencé en
novembre 1981. À ma connaissance, cela fait quasiment un an et demi de
différence. Les mises à pied ont continué pendant une
période d'un an. Il y a une semaine, Elvy Smith, président de la
compagnie, annonce à haute voix, dans une conférence de presse:
Nous sommes la seule compagnie de l'aéronautique à
réaliser des profits malgré la récession. C'est
très bien, tous ces profits. Je suis bien content pour Pratt et Whitney.
Peut-être qu'ils peuvent investir un peu de ces profits à la
francisation du travail dans leur usine. On n'accepte pas l'argument que la
crise économique égale un retard dans la francisation, parce que
cela existait déjà il y a deux ans. Les dates des
échéanciers qui ont été données dans
l'annexe, ce sont des dates de 1981, surtout une série de dates
d'août 1981. Les mises à pied sont survenues en novembre 1981.
Donc, il ne faut pas prétendre qu'ils ont respecté les
échéanciers. Ils n'ont jamais respecté ces
échéanciers, car ils ne croient pas à cela. Ils
attendaient plutôt une élection.
M. Leduc (Fabre): Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député. Très rapidement, M. le député de
Nelligan. On a déjà dépassé notre heure.
Après, je donne la parole au ministre. M. le député. (13 h
30)
M. Lincoln: Sur la question de sécurité des
employés - je suis d'accord avec le député de Fabre que
c'est très important -du point de vue des étiquettes, des
affiches, de l'équipement, je vois dans la lettre de Pratt et Whitney du
8 mars qu'on dit - vous dites qu'il n'y a que 75 de ces 300 affiches qui ont
été traduites jusqu'à maintenant - à la page 3:
"Nous avons constaté, depuis, que certains messages apposés
à des machines ou autres pièces d'équipement avaient
échappé à la francisation. Cette anomalie est en voie
d'être corrigée." Est-ce que vous pouvez me dire si, depuis le 8
mars, il y a eu des corrections? Quelles ont été ces corrections?
Est-ce que cela a été fait ou non?
M. Mongeau: Pour ce qui est des 75 affiches sur 300, si vous
regardez au rapport d'étape, je vais retrouver l'endroit exact... ce
n'est pas moi qui dit qu'il y en a 75 qui ont été traduites;
c'est l'entreprise.
M. Lincoln: Je suis d'accord avec vous, je n'ai pas
contesté cela. Ce que je dis c'est que le 8 mars elle dit: "Nous avons
constaté que, depuis, certains messages apposés à des
machines ou autres pièces d'équipement avaient
échappé à la francisation." Elle reconnaissait sans doute
que cela n'était pas complet. "Cette anomalie est en voie d'être
corrigée." Du 8 mars au 20 octobre, il y a presque sept mois; que
s'est-il passé entretemps? Est-ce qu'il y a eu d'autres traductions?
Est-ce qu'il y a eu d'autres étiquettes qui ont été
traduites?
M. Mongeau: Pour répondre, le 30 juin 1983, la compagnie
remettait à l'Office de la langue française un rapport
d'étape où il était stipulé que 75% des affiches
avaient été traduites. Aujourd'hui, on en retrouve quelques-unes
mais il y a pas eu une grosse amélioration. C'est pour cela que je
stipule 20%; ces 20% représentent l'amélioration qu'il y a eue,
parce qu'auparavant il n'y en avait pas.
Le Président (M. Gagnon): Merci.
M. Lincoln: Au point de vue de la sécurité en
général, vous dites à la page 9 de votre rapport - je
pense que c'est au quatrième paragraphe - "Depuis décembre 1980,
Pratt & Whitney doit voir à la francisation des communications
destinées à l'ensemble des employés, traitant de la
sécurité, du bien-être et de la politique d'ordre
général." Vous dites: "Beaucoup de chemin doit être encore
parcouru mais à ce stade, l'employeur est, au sens le plus large de
l'expression, conforme au cheminement de cette étape."
Donc, sur la question de sécurité - ce n'est pas comme si
l'usine était insécure - il ne faudrait pas...
M. Mongeau: Les communications et l'affichage sont deux choses.
Les communications se font par mémos et l'affichage est ce qui
apparaît sur les appareils. Les communications écrites se sont
améliorées dans les domaines de la santé et de la
sécurité, mais l'affichage n'a pas changé.
M. Lincoln: Après la lettre du 8 mars de Pratt et Whitney
à l'Office de la langue française, est-ce que vous savez s'il y a
eu des négociations entre l'Office de la langue française et
Pratt et Whitney?
M. Mongeau: II y a eu une rencontre entre l'Office de la langue
française, l'entreprise et les représentants syndicaux pour nous
demander ce qu'on voulait exactement. On avait fait une plainte auprès
de l'Office de la langue française disant que cela n'avançait
pas. Dans les ententes particulières qu'il y avait pour la frabrication
du moteur d'avion, Pratt et Whitney a été catégorique: Si
vous voulez qu'on ouvre la négociation, cela ralentira le processus,
parce qu'on ne peut pas arriver; et on ne touchera jamais à ce qui est
la fabrication du moteur d'avion. Cela a été la réponse de
l'entreprise à l'Office de la langue française.
M. Lincoln: Ce dont je veux parler c'est de la lettre du 1er mars
de M. Sovran, qui a écrit à Pratt et Whitney pour lui dire
qu'elle était en retard dans son programme. Elle a répondu le 8
mars. Après le 8 mars, est-ce que vous savez s'il y a eu des suites
à ces délais?
M. Mongeau: On a eu une rencontre avec l'Office de la langue
française et l'entreprise, autour du mois de juillet 1983, pour
connaître ce que les travailleurs voulaient. La compagnie a
été catégorique: On ne touchera jamais à la
production du moteur d'avion et si on discute de quelque chose avec l'Office de
la langue française et le syndicat, ce sera pour ralentir le processus
et non pour l'accélérer.
M. Lincoln: Je voudrais poser une courte question au ministre. Je
pense que le ministre a même parlé de chantage de la compagnie: ce
sont de gros mots. Je voudrais savoir ce que l'Office de la langue
française a fait par rapport à ces lettres de Pratt et Whitney et
de l'office lui-même. Est-ce qu'on pourrait écouter M. Sovran et
lui poser quelques questions pour savoir pourquoi - si la situation est
tellement mauvaise - l'office tolère la situation, laisse le certificat
provisoire à la compagnie et n'applique pas l'article 154? On voudrait
savoir si M. Sovran pourrait répondre à une ou deux questions
afin qu'on sache ce qui se passe du côté de l'office.
Le Président (M. Gagnon): C'est bien, M. le
député de Nelligan, ce sera votre dernière question, je
présume. La parole sera au ministre pour la fin.
M. Godin: Très brièvement, j'allais intervenir -
vous lisez dans mon esprit M. le député de Nelligan - en
réponse aux questions qui viennent à l'esprit spontanément
à la suite de telles affirmations qui sont fondées.
L'entente a été signée entre l'office et Pratt et
Whitney à l'automne 1979. À ce jour, aucune des étapes a
l'entente n'a été respectée. Pratt et Whitney fait partie
des 7% ou 8% d'irréductibles ou de quasi irréductibles. Il y a
des rencontres, il y a des échanges de lettres, etc., mais les
progrès sont d'une lenteur extrême. J'ai ici sous les yeux le
dernier rapport d'étape qui date du 30 juin 1983. D'abord, je voudrais
corriger une affirmation qui a été faite. Le programme intervenu
inclut la francisation de toute la terminologie des moteurs, mais aucune des
étapes, y compris celle de septembre 1982, n'a été
réalisée, enfin aucun des travaux promis n'a été
accompli aux dates prévues; c'est non à peu près partout
dans les rapports.
Peut-on dire que, malgré tout ce qu'on a écrit, dit et lu
sur la loi 101, la loi 101 est "a tiger without teeth"? C'est la question que
le syndicat de Pratt et Whitney pose ce matin.
Il est certain que l'objectif de la loi 101 et les moyens, surtout,
consistaient à avoir recours à une incitation très forte
qui était la mise sur pied d'un office, la mise sur pied d'un service de
personnes qui vont aller négocier des programmes à
l'intérieur de toutes les entreprises du Québec de 50
employés et plus. Il y avait aussi un pari sur la bonne foi de
l'entreprise et sur sa volonté de participer et de s'intégrer
pleinement, d'autant plus dans le cas d'une entreprise qui est
subventionnée très largement par les deux niveaux de
gouvernement: 340 000 000 $ du fédéral et j'aurai les chiffres
à la reprise, à 15 heures, de la
participation du Québec au budget de développement et
d'établissement de Pratt et Whitney au Québec.
Ce que nous avons comme recours -c'est l'article 154 cité par mon
collègue de Fabre - c'est que l'office peut suspendre ou annuler le
certificat. C'est un peu comme si j'allais chez vous et que je vous enlevais
votre diplôme de médecin, de notaire ou d'avocat parce que vous
auriez violé la loi. C'est là la limite des recours que la charte
donne à l'office et au gouvernement. Nous avions, en toute bonne foi,
remarquez bien, et en tout optimisme, je dois le dire, compté sur la
participation des entreprises établies au Québec. Il y en a
environ 93% qui fonctionnent, il y en a 7% qui fonctionnent moins, Pratt et
Whitney beaucoup moins, et, dans certains cas, des entreprises ont
refusé même de se soumettre à la procédure de
délivrance d'un certificat provisoire qui accompagne l'acceptation par
elles d'un programme de francisation négocié avec l'office.
Comme membres d'une commission, préoccupés par les
plaintes, critiques et requêtes formulées par le syndicat de Pratt
et Whitney, cela nous amène, je présume, à tous nous poser
des questions sur certains aspects de la loi qui ne sont peut-être pas
assez rigoureux.
Je souhaite en tout cas que ce qui se dit ici soit entendu par Pratt et
Whitney et je souhaite que les 7% à 8% de résistants soient
incités par ce qui se dit ici - aussi bien de votre côté
que du nôtre, parce que c'est une opération qu'on veut faire
conjointement - et deviennent de bons citoyens corporatifs du Québec.
C'est un message que je leur envoie - ce qu'on appelle en anglais ou en indien
"a smoke signal" - ils devraient se conformer à la volonté
expresse des deux gouvernements qui se sont succédé au pouvoir au
Québec, le précédent et l'actuel. Il y aurait avantage
à...
M. Lincoln: Nous sommes d'accord sur les objectifs. Moi...
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le
député de Nelligan.
M. Lincoln: Nous sommes d'accord sur les objectifs. C'est que
dans l'industrie aéronautique il n'y a pas que Pratt et Whitney, il y a
Rolls Royce, il y a Aviation Electric, il y a CAE, il y a Spar Aerospace, c'est
tout un tissu de problèmes techniques. Nous, les membres de la
députation, nous entendons un côté de la médaille.
Ce que nous avons demandé, c'est si, d'ici à la fin de la
commission, nous pourrions entendre des gens comme M. Sovran, qui oeuvrent dans
ce secteur spécifique de la grande entreprise, pour savoir quelles sont
les objections que ces corporations apportent à cette question, parce
que Pratt et Whitney n'est pas la seule. C'est toute l'industrie de
l'aéronautique et comment elle se place par rapport aux autres.
Savez-vous quel est le degré de progrès de Rolls Royce, Aviation
Electric et...
M. Godin: J'aurai, M. le député de Nelligan...
M. Lincoln: Oui?
M. Godin: ... - si vous me le permettez, M. le Président -
nous aurons les renseignements en réponse à ces questions cet
après-midi, j'espère, lorsque nous entendrons M. Camille
Marchand, un employé de Pratt et Whitney, qui a également un son
de cloche à donner sur l'attitude de l'entreprise. Donc, vous aimeriez
avoir le portrait de l'ensemble de ce secteur de haute technologie par rapport
à d'autres secteurs semblables ou par rapport à d'autres
entreprises du même secteur? Vous l'aurez cet après-midi.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Très brièvement, à la suite
d'une affirmation que le ministre vient de faire au sujet de l'article 154,
vous dites que le seul moyen que pourrait prendre le gouvernement - je ne sais
pas si j'ai bien compris, vous pourrez me corriger - serait de suspendre ou
d'annuler le certificat. Ce serait l'équivalent d'enlever le certificat
d'un médecin ou d'un avocat. Mais alors, que faites-vous du titre V de
la loi Infractions et peines? On y voit des amendes de 50 $ à 1000 $
dans le cas d'une personne morale. Il y a une série de
pénalités que l'office ou le gouvernement peut imposer. Je pense
que c'est plus que d'enlever seulement le certificat de francisation. Si,
d'après vous, Pratt et Whitney traîne la patte ou bien ne veut pas
obéir à la loi, je pense que des mesures coercitives sont
incluses dans la loi, si vous voulez les appliquer.
M. Godin: J'espère ne pas avoir à y recourir. C'est
ce que j'entends...
M. Ciaccia: Moi aussi, je l'espère, mais je voulais vous
dire que...
M. Godin: ...par "smoke signal".
M. Ciaccia: Oui, oui. Très bien.
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît! M. le député de Gatineau.
M. Gratton: En terminant, pourrais-je m'associer au "smoke
signal" du ministre en remerciant M. Mongeau et M. Belyea d'être venus
nous informer de la situation chez Pratt et Whitney? La seule réaction
qui me
vient spontanément à l'esprit, c'est la suivante. Tant
mieux s'il y a seulement 8% de ce genre de compagnies au Québec.
Souhaitons que Pratt et Whitney et les autres, entendront le cri que leur lance
le ministre, auquel nous nous associons, et qu'on pourra procéder
à leur francisation. Surtout, quand on signe des contrats dans ce sens,
qu'on respecte au moins sa signature.
Le Président (M. Gagnon): Merci, messieurs. Je remercie
aussi le syndicat que vous représentez.
Nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures. Nous
entendrons alors l'Association des conseils en francisation du
Québec.
Les travaux sont suspendus jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 43)
(Reprise de la séance à 15 h 10)
Le Président (M. Gagnon): La commission élue
permanente des communautés culturelles et de l'immigration reprend ses
travaux aux fins d'entendre tous les intervenants intéressés par
la Charte de la langue française.
Lors de la suspension de nos travaux, nous avions invité
l'Association des conseils en francisation du Québec (ACFQ) à
prendre place et je demande à Mme Hélène Audette de se
présenter et de nous présenter les gens qui l'accompagnent.
M. Gratton: M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Oui M. le député
de Gatineau.
M. Gratton: Je m'excuse auprès de nos invités mais
le ministre m'indiquait plus tôt qu'il aurait peut-être une annonce
à nous faire au sujet de la séance de demain.
Le Président (M. Gagnon): Alors M. le ministre.
M. Godin: Brièvement, M. le Président,
malheureusement la séance qui était prévue pour demain
matin ne pourra pas avoir lieu parce que nos députés qui devaient
être présents avaient des engagements pris antérieurement
et n'ont pu, contrairement à ce qu'ils croyaient ce matin, s'en
défaire. Nous n'aurons donc pas le nombre requis de
députés avec le résultat que la séance de demain
est reportée à une date ultérieure. Merci M. le
Président.
M. Gratton: M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Oui M. le député
de Gatineau.
M. Gratton: À ce sujet-là, je n'irais pas
jusqu'à suggérer au ministre qu'on pourrait recruter suffisamment
de députés libéraux pour remplacer les péquistes
qui ne seront pas ici, je suis certain que cela ne le satisferait pas. On
devait entendre, demain, Bell Canada et l'Association des manufacturiers
canadiens. On devait également les entendre hier. Est-ce qu'on pourrait
au moins leur donner une indication du moment où ils seront
appelés à venir à la commission?
M. Godin: D'ici quelques instants, nous serons en mesure de leur
proposer une nouvelle date mais comme vous le savez cela entraîne
plusieurs déplacements ultérieurs. Donc, d'ici à la fin de
la journée, ce problème sera résolu avec eux.
M. Gratton: Avant 18 heures? M. Godin: Probablement.
Le Président (M. Gagnon): Donc, avant 18 heures, nous
donnerons la date à laquelle se présenteront les deux groupes qui
devaient être entendus demain. C'est bien cela?
M. Gratton: M. le Président, une seule remarque. Je
comprends bien qu'il y a eu des avatars imprévisibles et j'accepte
volontiers - de toute façon on n'a pas tellement le choix du
côté de l'Opposition -mais j'espère qu'en cours de route,
nous essaierons de maintenir le plus possible les échéanciers
prévus de façon que de chaque côté on puisse se
préparer et surtout qu'on ne fasse pas déplacer des gens
inutilement comme ce fut le cas depuis deux jours.
Le Président (M. Gagnon): Merci.
M. Godin: Tout à fait d'accord M. le député
de Gatineau.
Le Président (M. Gagnon): Alors nous commencerons
immédiatement à nous mettre à jour dans notre
échéancier pour cet après-midi et Mme Audette, je vous
recède la parole.
ACFQ
Mme Audette (Hélène): Merci! M. le
Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les
députés, il me fait plaisir, à titre de présidente,
de vous présenter les membres du conseil d'administration de
l'Association des conseils en francisation du Québec (ACFQ): Mme
Danielle Champagne, à ma gauche, conseillère; Mme Viviane Julien,
vice-présidente; M. Maurice Guérin, trésorier; M. Roger
Brockbank, secrétaire, Mme
Thérèse Dufour, vice-présidente et M. Mony
Schinasi, conseiller. J'aimerais souligner aux membres de la commission que les
intervenants délégués par le conseil d'administration
auprès de cette commission seront Mme Viviane Julien, M. Roger
Brockbank, M. Maurice Guérin et moi-même. Je demanderais à
M. Guérin de bien vouloir lire le mémoire qu'on a
présenté à la commission.
Le Président (M. Gagnon): M. Guérin.
M. Guérin (Maurice): M. le Président, c'est une
brève présentation de l'Association des conseils en francisation
du Québec.
Le Président (M. Gagnon): Voulez-vous approcher un peu
votre micro, s'il vous plaît? Merci.
M. Guérin: L'association a été fondée
en 1977 et regroupe, à titre personnel, les responsables du dossier de
la francisation dans divers organismes et entreprises. Il s'agit donc en
quelque sorte de praticiens de la francisation. L'association est née du
besoin des responsables de la francisation de se réunir pour profiter
des échanges sur leurs expériences, leurs succès, leurs
échecs, leurs problèmes aussi, leurs solutions, afin d'en arriver
à établir des méthodes de travail plus efficaces et plus
systématiques dans la gestion du dossier de la francisation.
L'ACFQ s'est également donné comme mandat de rechercher
des critères d'éthique afin de jouer un rôle
d'intermédiaire objectif entre les entreprises assujetties à la
Charte de la langue française, d'une part, et les instances et
organismes gouvernementaux responsables de l'application de la charte, d'autre
part. L'ACFQ regroupe environ 130 membres répartis dans quelque 110
entreprises, de grandes entreprises pour la plupart.
L'ACFQ a permis à ses membres de se subdiviser par secteurs et
d'étudier en profondeur les aspects de la francisation propres à
chaque secteur: commerce de détail, établissements financiers,
fabrication, etc.
L'ACFQ a organisé depuis sa fondation plus de 30 colloques,
journées d'étude, séminaires et conférences pour le
bénéfice de ses membres.
L'association a fait des représentations, préparé
des mémoires, délégué des conférenciers et
des représentants et a participé à plusieurs
congrès traitant de la francisation ou de questions connexes. Lors de
ces congrès, l'ACFQ a échangé et communiqué avec
des organismes tels que: les chambres de commerce, les associations patronales,
l'Office de la langue française, le Conseil de la langue
française, la commission de surveillance, la Banque de terminologie
du
Québec, les associations de professeurs de français,
l'Association canadienne de linguistique appliquée, la
Société des traducteurs du Québec, le Centre de
linguistique de l'entreprise et, plus récemment, le Groupe
inter-entreprises pour la gestion informatique de la terminologie. (15 h
15)
Nous tous, de l'ACFQ, avons beaucoup hésité à
présenter un mémoire devant cette commission. La francisation de
la langue du travail, du commerce et des affaires au Québec est une
tâche immense et complexe dont les ramifications et les
conséquences s'étendent presque à l'infini dans les
moindres détails quotidiens de toute l'activité
économique. L'ACFQ estime que, dans une proportion de 70%, les objectifs
de la francisation de la grande entreprise sont atteints ou en bonne voie de
l'être. C'est dire que ce qui pouvait être francisé dans un
délai prévisible et relativement court a effectivement
été francisé. En fait, pour reprendre une expression de la
loi, on constate une généralisation de l'utilisation du
français. Il reste 30%, bien sûr; mais avant de traiter de ces
30%, nous croyons qu'il y a lieu de s'arrêter à ce qui va bien,
les 70%.
Il faut être réaliste et constater le changement
remarquable qui s'est effectué, dans un temps record dans certains cas,
et depuis les quelque 15 ou 20 dernières années dans le cas des
entreprises qui ont commencé depuis longtemps à s'adapter
à la réalité québécoise. Nous croyons que le
moment est venu de féliciter toutes ces entreprises qui ont fait
l'effort de se franciser en y mettant la ferme volonté d'atteindre
l'objectif et en y consacrant les ressources humaines et financières
voulues pour ce faire, surtout dans le contexte économique des
dernières années.
Il faut également souligner la contribution des organismes
gouvernementaux qui ont apporté leur collaboration à tous ces
efforts et particulièrement ceux qui, tout en agissant selon
l'éthique professionnelle, selon leur conscience et la
fidélité à leur mandat, ont su faire preuve d'envergure,
d'intelligence et de sens des relations humaines face à
l'élément humain qu'implique nécessairement la
francisation. La Charte de la langue française n'est pas une loi comme
les autres. Elle requiert un doigté et une perception que ne requiert
pas l'application de la plupart des autres lois. Quoi qu'il en soit, les
résultats sont là et il a fallu, de part et d'autre, beaucoup de
bonne volonté pour parcourir tout ce chemin. Tenant compte de ces 70%
qui vont pour le mieux, l'ACFQ s'est demandé si, en toute
honnêteté, le fait de venir alerter la présente commission
sur les 30% qui restent ne constituait pas un risque trop grand
d'ébranler ou de faire rétrograder ce qui est
déjà acquis, tant pour les fins de l'entreprise que pour
les fins du respect et de l'application de la charte.
Mesdames et messieurs, membres de cette commission, c'est donc avec
beaucoup de circonspection et avec une certaine appréhension que nous
nous penchons sur les 30% qui clochent. Mais nous n'avons guère le
choix, en notre qualité de responsables de l'implantation de la
francisation. Nous n'avons pas le droit, en effet, de laisser croire à
qui que ce soit, et certainement pas à cette commission, que les 30%
qu'il reste à accomplir en matière de francisation
s'accompliront, avec la même régularité, le même
rythme de croisière que tout ce qui s'est fait jusqu'à
maintenant. Pour parler plus clairement et plus directement, nous croyons
qu'avec cette tranche considérable que représentent ces 30%,
l'entreprise est allée pratiquement au bout des ressources et des
possibilités de francisation dont elle a le contrôle. Les
entreprises sont pour ainsi dire à bout de souffle. Des 30% qui restent,
nous estimons qu'à peine 5% sont sous son contrôle, mais ce sont
des éléments complexes qui ne se changeront que très
lentement et sur plusieurs années. Pour le reste, ce sont soit des
éléments de francisation qui dépendent d'instances et de
facteurs extérieurs à l'entreprise, soit des lois
inhérentes au monde du commerce et des affaires auxquelles les
entreprises elles-mêmes n'ont guère le choix de se soumettre si
elles veulent remplir leur mission fondamentale au sein de l'économie,
c'est-à-dire l'efficacité et la rentabilité. Nous n'en
donnons que deux exemples que nous expliciterons d'ailleurs plus loin:
l'enseignement linguistique à l'école et le problème des
bons de commande. Nous sommes convaincus que vous tiendrez compte de notre mise
en garde et que c'est avec une grande sagesse politique que vous examinerez nos
remarques et nos observations, de même que les éléments de
solution et les quelques recommandations qui les accompagnent.
De quoi donc se composent ces 30% qui achoppent? En
réalité, on y retrouve tout ce qui ne pouvait être
prévu par la loi, tout ce qui est exigé par la loi et les
règlements sans tenir compte suffisamment de la structure d'une
entreprise, des particularités d'un secteur ou d'une industrie, des
mécanismes de fonctionnement de l'économie, de la pénurie
de main-d'oeuvre spécialisée ou de certains types de
professionnels, de l'étroite dépendance de certaines industries
et de certains services, systèmes, équipements et installations
à l'égard de l'hégémonie linguistique, culturelle,
industrielle et économique de nos voisins du Sud, des failles
énormes dans la formation linguistique en français comme en
anglais, tant pour ce qui est de l'expression verbale que de l'expression
écrite, etc. Qui dira le temps qu'il faudra y mettre: cinq ans, dix ans,
quinze ans?
Comme on le voit, s'attaquer aux 30% qui restent constitue une
tâche redoutable. Toutefois, afin d'éviter d'accorder une
importance égale à toutes nos observations, nous avons
décidé d'attirer votre attention sur trois éléments
qui nous semblent fondamentaux, pour ensuite relever d'autres aspects moins
urgents ou moins importants.
Notre association n'en est pas une de juristes, mais elle en comprend
plusieurs. À diverses reprises, surtout à l'époque de la
promulgation des règlements découlant de la charte, nous
étions consternés devant les projets de règlement que nous
avions à étudier. Cet article contredit la loi. Celui-là
la modifie. Cet autre dépasse les pouvoirs de réglementation de
l'office. Nos commentaires ont été parfois incorporés dans
des mémoires à l'Office de la langue française, parfois
présentés verbalement à l'occasion de colloques ou
d'ateliers de travail. Avec fort peu de succès, devons-nous ajouter. Ces
articles de règlement demeurent évidemment valides puisqu'ils
n'ont pas été attaqués devant les tribunaux. Ils n'en
demeurent pas moins susceptibles de l'être et leur sécurité
juridique reste en conséquence bien précaire.
Nous n'avons pas l'intention de reprendre ici les discussions
passées pour la simple et bonne raison que d'autres l'ont fait et de
façon bien détaillée. Le gouvernement, en effet, a en main
plusieurs études dont les conclusions sont que certains
éléments de la réglementation sont nettement fautifs. Ce
qui, par respect du droit et de la légalité aurait pu et dû
être évité, ce qui, pour les mêmes raisons, aurait
dû au moins être corrigé dès que porté
à l'attention du gouvernement par ses propres services reste encore
aujourd'hui source de confusion et de conflit. Nous voulons donc profiter de
cette commission pour inciter fortement le gouvernement à commander sans
délai une rigoureuse correction de ces dispositions qui ne tirent leur
légalité que de l'absence de contestation.
Sans entrer dans une discussion détaillée des textes, nous
voudrions illustrer ce qui précède d'un exemple. Cet exemple fait
ressortir la nécessité d'apporter une modification à la
loi elle-même. Le règlement permet maintenant l'utilisation d'une
raison sociale en anglais dans la version anglaise d'un texte
préparé à la fois en français et en anglais.
Ce sont sans doute les rapports annuels d'entreprises qui ont finalement
le mieux illustré les coûts additionnels qu'aurait comporté
une réglementation restrictive: il aurait fallu une version
française du rapport pour le Québec, une version anglaise avec
raison sociale anglaise pour l'extérieur du Québec et même
du Canada et en plus une
version anglaise avec raison sociale française pour les
actionnaires anglophones du Québec à qui la charte permet l'envoi
d'un rapport annuel en anglais s'ils en ont fait la demande. L'office a entendu
l'argument économique et nous avons, à ce sujet, une disposition
réglementaire réaliste.
Mais la loi, d'une façon indiscutable, ne le permet pas. Le
réalisme de la règle n'en corrige pas et n'en justifie pas
l'illégalité flagrante. Nous soumettons toutefois qu'en
l'espèce ce n'est pas le règlement qu'il faut modifier. L'office
s'est rendu à des arguments économiques qui restent valables,
faut-il le répéter, dans le contexte d'aujourd'hui. Ce qu'il faut
revoir, c'est l'article 69 de la charte, trop restrictif dans son
libellé actuel.
Nous aurions pu laisser facilement l'aspect de l'enseignement de la
langue à d'autres organismes qui sont plus près que nous du monde
de l'éducation et de l'enseignement. Toutefois, nous croyons fermement
qu'à la lumière de notre expérience pratique de
l'implantation des programmes de francisation dans les entreprises, nous sommes
en mesure d'aborder cette question sous l'angle particulier de la francisation
de la langue du travail, du commerce et des affaires. Nous sommes de plus en
plus convaincus que cette irréversibilité de la francisation,
tant souhaitée par les instances gouvernementales, passe par une
amélioration accrue et accélérée de l'enseignement
du français oral et écrit à l'école, au
collège et à l'université. Jamais, par ses propres moyens,
l'entreprise ne réussira à combler les lacunes graves
accumulées pendant toutes ces années d'études
dépourvues de toute préoccupation des notions fondamentales de
l'expression orale et écrite dans une langue, quelle qu'elle soit. Les
entreprises ne sont pas des écoles de langue, ni des écoles de
rattrapage orthographique et syntaxique. À la rigueur, l'entreprise peut
accepter une mission de perfectionnement professionnel axé sur l'acte
professionnel lui-même dans des situations réelles et pratiques,
ce que ne peuvent dispenser ni l'école, ni l'université.
L'entreprise peut également aider l'employé à parfaire les
notions et la terminologie propres au domaine d'activité de
l'entreprise, mais l'entreprise n'a pas comme rôle d'enseigner comment on
écrit les mots d'usage courant, comment on construit une phrase ou un
paragraphe, bref comment on exprime une idée, verbalement ou par
écrit, ni en français, ni en anglais. Si certaines entreprises le
font actuellement, il faut que ce soit une situation d'exception et que l'on
prenne sans délai les mesures qui s'imposent pour que l'entreprise cesse
bientôt de remplir un rôle qui appartient au ministère de
l'Éducation: l'enseignement de la langue.
Nous tenons à signaler à ce chapitre que l'on note une
aptitude sans cesse accrue des anglophones à maîtriser le
français. Un simple appel téléphonique à la
commission des écoles catholiques de Montréal nous a permis
d'apprendre que, dans le cas de la section francophone, on dispense 120 minutes
d'anglais par semaine aux élèves de cinquième et de
sixième année, l'enseignement de l'anglais étant
facultatif en quatrième année et dispensé dans quelques
écoles seulement. Au secondaire, on y enseigne 200 minutes d'anglais par
semaine à tous les élèves pendant cinq ans.
Par ailleurs, le secteur anglophone offre, dès la première
année du primaire, 200 minutes de français par semaine. Dans
trois écoles, on enseigne 400 minutes de français par semaine, de
la première à la sixième année, et 8 écoles
sur 34 offrent, outre les 200 minutes de français de la première
à la troisième année, 400 minutes de langue seconde par
semaine depuis la quatrième année. Au secondaire, on offre
à tous 250 minutes d'enseignement de la langue par semaine. Certaines
écoles offrent de plus trois matières enseignées en
français. Nous joignons en annexe un tableau pour illustrer ces
faits.
Mesdames et messieurs les membres de la commission, ce qui nous
préoccupe c'est que le francophone dans ce contexte se trouve rapidement
dépassé et déclassé systématiquement, non
seulement parce qu'on lui enseigne mal sa propre langue, mais, en plus,
l'anglophone est carrément favorisé dans l'apprentissage du
français, tant à l'école, comme on le voit, que par les
multiples occasions et facilités qu'on lui offre gracieusement et
gratuitement, dès qu'il devient un professionnel ou qu'il atteint le
marché du travail, pour parfaire encore sa connaissance du
français écrit et parlé.
Il faut être inconscient et masochiste pour ne pas se rendre
compte de ce qui commence d'ailleurs déjà à affecter
sérieusement les francophones, de plus en plus unilingues et
démunis face aux chances d'embauche, de promotion et d'avancement.
Nous croyons que le temps est révolu où il fallait
protéger l'ouvrier contre les abus d'exigences linguistiques,
c'est-à-dire de connaissance de l'anglais pour accomplir son travail. Ce
n'est plus le cas dans la plupart des entreprises au Québec. Et tant
mieux! Mais ce que l'on semble oublier, c'est que la moyenne
générale de scolarité des Québécois s'est
considérablement accrue depuis 1960. Il est devenu rare de rencontrer un
ouvrier qui n'a pas neuf ou dix ans de scolarité, sinon plus. En
conséquence, et compte tenu de l'évolution des communications et
de la tendance accrue et très saine, à notre avis, des
Québécois à rechercher un rayonnement qui déborde
le Québec, que ce soit à titre d'ouvrier
spécialisé, de professionnel, de cadre de grande entreprise ou de
PME, que
ce soit à titre d'entrepreneur à son propre compte ou que
ce soit à titre d'intérêt culturel, social ou de simples
loisirs, il s'ensuit qu'on n'a pas de raison de priver le francophone d'un
avantage dont l'on gave l'anglophone, c'est-à-dire la maîtrise
d'une langue seconde en plus de sa propre langue. (15 h 30)
Peu importent la bonne volonté et les bonnes intentions
invoquées pour expliquer ou justifier l'attitude actuelle, c'est
à notre avis un manque de vision et de réalisme criant. Et nous
manquerions à notre mission de francisateurs intégrés dans
la vie économique de Québec si nous n'attirions pas
vigoureusement l'attention sur ce point vital pour permettre aux francophones
de mériter et de conserver la juste place qui leur revient dans le monde
complexe de l'économie québécoise
nord-américaine.
Le problème des bons de commande. D'après la loi, les bons
de commande doivent être rédigés en français. C'est
sans contredit une pierre d'achoppement dans la plupart des services des achats
des entreprises. Les acheteurs constituent la clé de voûte de
l'équilibre financier d'une entreprise, pour ne pas dire une condition
de réussite et de rentabilité. Or, les acheteurs qui ont du
métier sont souvent des anglophones, étant donné les
achats à faire à l'échelle nationale ou internationale.
Ces acheteurs sont de plus en plus appuyés par des adjoints ayant une
connaissance du français et de l'anglais. Cependant, pour longtemps
encore, c'est-à-dire toute la durée de la formation
professionnelle des nouveaux éléments, les choses se passeront en
anglais et elles se passeront toujours rapidement. Le temps est un facteur
prépondérant dans ce domaine. En conséquence, sauf de
rares exceptions où les bons de commandes ne sont pas nombreux ou dans
les cas où il a été possible de les coder
entièrement, y compris la description de la marchandise, le rempli de
ces bons de commandes se fait encore souvent en anglais. Il ne faut pas oublier
également que dans l'ensemble d'un système national ou
international des achats, la relation doit s'établir avec la gestion des
stocks, l'informatique, les documents de suivi, la vérification, le
marquage etc. Les délais dans le mécanisme des commandes
entraînent une paralysie, une incohérence et une
inefficacité catastrophique des activités. Nous demandons donc
que soit exclue des articles exécutoires de la loi l'obligation de
remplir les bons de commandes en français, ceci, afin d'éviter
que la loi ne soit pas respectée, avec les conséquences qui s'y
rattachent.
Dans sa sagesse, le législateur a prévu que certains
aspects de la loi soient négociables quant aux délais ou à
l'application. Il n'est nullement question ici de proposer une modification de
ce système. Il est établi toutefois que dans certains cas, les
entreprises ayant à leur solde les représentants les plus
astucieux ou les juristes les plus habiles réussissent à faire
accepter globalement comme parfaits et irréprochables les 30% dont nous
parlions antérieurement. À notre avis, on fait le jeu de
l'autruche et on masque des problèmes réels de francisation.
D'autre part, certaines entreprises mal conseillées ou faisant
face à un négociateur de la partie gouvernementale qui se montre
particulièrement rigide et exigeant, que ce soit sur la loi, les
règlements, les ordonnances ou les simples désirs ou
préférences de la partie gouvernementale, il s'ensuit que les 30%
tout entiers sont reprochés brutalement et en bloc à l'entreprise
et même souvent, une bonne partie des 70% de l'acquis favorable de
l'entreprise est remise en question. Que faire? La question n'est pas tant de
cerner les entreprises qui semblent irréprochables et ne le sont pas,
que d'éviter que ne tourne au drame la situation des entreprises
à qui l'on reproche tout sans qu'elles ne soient ni pires ni meilleures
que bien d'autres dans l'implantation de leur programme de francisation. Le
résultat concret, bien que plus rare qu'on le croit, c'est que cette
mésentente entre l'entreprise et les responsables de l'application de la
loi peut parfois constituer un élément décisif pour
déplacer ou muter un poste, un service, voire une administration ou un
siège social. Dans la plupart des cas, c'est inutile, coûteux pour
l'entreprise et le Québec, et surtout, évitable. Il ne faut
ménager aucun effort pour rétablir le dialogue.
L'informatique. Tout s'informatise mais presque tout dans ce domaine se
conçoit, s'élabore et se distribue en anglais. Dans de telles
circonstances, il faudra beaucoup de compréhension de la part du
gouvernement, surtout quand on constate à quelle vitesse ce domaine
évolue. Il semble bien qu'il faudra s'attaquer pour le moment uniquement
à la francisation de ce qui atteint un grand nombre d'utilisateurs et
surtout à ce qui est en voie de réalisation plutôt
qu'à l'appareillage déjà existant, étant
donné la vitesse fulgurante de l'évolution de l'informatique.
La terminologie. Les lexiques et ouvrages publiés par l'Office de
la langue française ont certes rendu de bons services en matière
terminologique, à l'exception de certaines publications trop
spécialisées ou destinées à un nombre trop
restreint d'intéressés. Il faut donc continuer à publier
des lexiques, les faire connaître et en assurer une distribution plus
efficace. Toutefois, le service de consultation de l'OLF est insuffisant pour
les besoins: lignes téléphoniques toujours engagées et
lenteur du service. Plus accessible et mieux connu, ce service atteindrait ses
objectifs de dépannage
tout en introduisant du même coup une terminologie valable chez
les demandeurs qui ont souvent peu de moyens et de ressources
terminologiques.
Le stockage, le traitement et l'échange de terminologies
ponctuelles a l'aide de l'informatique préoccupent de plus en plus nos
membres. Ces derniers souhaiteraient que l'on donne à la Banque de
terminologie du Québec les moyens de devenir le serveur naturel des
entreprises qui le désirent. Pour ce faire, la BTQ devrait pouvoir
offrir, en plus des services actuels, des possibilités de stockage
personnalisé, de traitement spécialisé et d'accès
à d'autres banques de terminologie situées à
l'extérieur du Québec. Des décisions positives dans un
avenir immédiat et des mécanismes concrets dans ce sens
permettraient de favoriser le regroupement des différents secteurs de
l'entreprise en ce qui a trait à la terminologie. En plus, un tel outil
assurerait à la BTQ des apports terminologiques importants et
concrétiserait définitivement le concept de partage des
tâches terminologiques énoncé par l'office, il y a
maintenant plus de cinq ans.
Il y a consensus dans la plupart des entreprises à savoir que
l'entreprise ne devrait pas supporter seule le fardeau de faire respecter la
loi face aux fournisseurs. L'OLF et la commission de surveillance devraient
faire une campagne de sensibilisation et assurer un suivi auprès des
compagnies fautives. C'est d'autant plus important que les fournisseurs des
entreprises varient constamment. En effet, le taux de roulement des
fournisseurs est tellement fort - jusqu'à 50% en six ans dans le cas des
grands magasins - qu'il est presque impossible pour l'entreprise d'assurer le
suivi au jour le jour en matière de francisation auprès de
ceux-ci. Cela n'est d'ailleurs pas le rôle de l'entreprise.
Nous aimerions conclure en disant que, malgré la pluie de
commentaires, d'observations et de recommandations que nous venons de formuler,
nous tenons à rappeler encore que 70% des objectifs de francisation des
entreprises sont atteints. Les 30% qui restent sont coriaces et il faudra
beaucoup de patience et de réalisme pour accepter un rythme de
francisation considérablement plus lent à compter de maintenant,
puisque le plus difficile a été gardé pour la fin, ce qui
est tout à fait normal. Toutefois, si on sait y mettre l'effort voulu,
on constatera tout de même que francisation efficace et vigueur
économique ne sont pas nécessairement incompatibles, bien au
contraire.
Nous tenons à remercier tous les membres de cette commission
d'avoir bien voulu nous entendre.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Guérin.
M. le ministre.
M. Godin: Mme la Présidente, Mme Audette, M.
Guérin, et les autres membres de l'association, d'abord ce que nous
apprécions dans votre mémoire, c'est que vous êtes vraiment
des gens du terrain, qui vivez le problème et le processus de
francisation au jour le jour à l'intérieur même de la
réalité complexe d'entreprises aussi bien commerciales que de
fabrication même financières. Je retiens également une de
vos suggestions à l'égard de la Banque de terminologie du
Québec. Vous demandez que la banque ait les moyens de devenir le serveur
naturel de toute entreprise qui le désirerait.
Nous avons déjà fait savoir aux entreprises que cette
demande sera prise en considération quand la banque de terminologie fera
un changement de génération. Notre système actuel ne nous
permettrait pas de le faire mais dès que nous acquerrons un nouvel
ordinateur, un nouvel équipement plus moderne, plus adapté
à vos nouveaux besoins, nous serons en mesure de répondre
à cette question de façon favorable.
Deuxièmement vous demandez d'offrir des possibilités
d'accès à d'autres banques situées à
l'extérieur du Québec. Ce sera également possible. On
m'informe que le réseau iNet, de Bell Canada - cela se prononce "yNet"
ou "iNet", je ne sais trop -permet d'avoir accès à plusieurs
banques au moyen d'une procédure d'accès extrêmement
simplifiée. Nous envisageons donc à la Banque de terminologie du
Québec de faire partie de ce réseau.
Je retiens aussi un certain nombre de suggestions que vous faites mais
j'aurais quelques questions à vous poser sur les 30%, comme vous vous
imaginez bien. D'abord à la dernière page de votre mémoire
vous dites: "Le plus difficile a été gardé pour la fin, ce
qui est tout à fait normal." Premièrement j'aimerais savoir ce
que vous entendez par "le plus difficile". Deuxièmement j'aimerais
savoir si ces 30% se situent à la même place dans toutes les
entreprises ou si c'est relié à une entreprise qui serait de plus
haute technologie, si c'est plus facile ou plus compliqué dans le
domaine du commerce de détail. À quel moment est-ce que les 30%
font problème et quels moyens concrets nous suggéreriez-vous
d'utiliser pour résoudre ces problèmes? Est-ce que ce serait via
l'Office de la langue française, qui changerait ses ententes avec les
entreprises? Est-ce que ce serait par des campagnes d'information? De quelle
manière pourrions-nous accélérer, enfin, maintenir le
rythme de croisière actuel, qui ne vous semble pas si mauvais de toute
façon? J'aimerais avoir vos réponses là-dessus.
Également avant de vous passer la
parole je m'attarderai à votre chapitre qui touche la
bilinguisation du Québec. Les chiffres que nous avons obtenus de
Statistique Canada montrent que 1 500 000 Québécois francophones
sont bilingues alors que 334 000 Québécois anglophones,
seulement, le seraient. Je pense que - je l'ai dit dans mon discours de ce
matin - les francophones du Québec sont le peuple le plus bilingue au
monde.
Avez-vous des exemples concrets qui montreraient qu'il y a une demande
de bilingues au Québec qui ne peut être comblée
présentement ou s'il s'agit seulement de la jeune
génération qui maîtriserait moins la langue maternelle,
anglaise ou française? J'aimerais avoir des réponses à
cette question parce qu'elle contredit un peu les données que nous avons
par ailleurs et qui nous semblent scientifiquement valables.
En terminant j'aimerais vous demander si les 30% qui restent -
au-delà de la question que j'ai posée au début - tiennent
aux mentalités ou à des problèmes très concrets,
très pratiques, très pragmatiques qui pourraient être
résolus par des moyens autres que la persuasion comme on l'a vécu
ce matin dans le mémoire de Pratt et Whitney où on se rend compte
qu'il reste des cas où la loi 101 est encore extrêmement
nécessaire, sinon essentielle, pour que les Québécois
puissent travailler en français chez eux. Ce sont mes questions,
mesdames et messieurs, pour le moment.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. Guérin.
M. Guérin: Je pourrais peut-être répondre
à une ou deux questions de M. le ministre. Quant aux 30% qui restent, un
des problèmes que nous rencontrons dans la plupart de nos entreprises
naît du manque d'intérêt de la part des employés, du
manque de fierté auxquels on devrait pouvoir s'attendre. (15 h 45)
Au début de l'application de la loi 101, on a parlé d'une
résistance passive. Je crois que nous tous vivons actuellement cette
résistance passive, non pas de la part de nos employés
anglophones, mais de celle de nos employés francophones qui ont
travaillé 10, 15 ou 20 ans en anglais. Du jour au lendemain, si on leur
demande de travailler en français, ils doivent avouer - dans le cas de
cadres de niveau supérieur, cela peut être assez humiliant - ne
pas être capables de communiquer de façon
compréhensible.
Un deuxième point que j'aimerais souligner pour répondre
à M. le ministre: la connaissance du français. Vous me demandez
s'il s'agit de la jeune génération. Je crois qu'il est
très courant d'embaucher aujourd'hui des diplômés
d'université francophone - que ce soit de faculté de
génie, d'administration, enfin, dans les facultés les plus
visitées par l'entreprise - qui ont de la peine et de la
difficulté à régider un compte rendu convenablement. Ils
vont préparer une étude dans un français qui ferait
pleurer nos bonnes soeurs qui enseignaient il y a 25 ans. Je crois que je
devrais laisser la parole à d'autres de mes collègues pour ce qui
a trait aux autres points sur lesquels vous posez des questions.
Le Président (M. Gagnon): Mme Julien.
Mme Julien (Viviane): En ce qui a trait aux 30% dont on parlait
plus tôt et qui semblent créer une petite interrogation chez
certains d'entre vous, je suis d'accord avec ce que Maurice Guérin
vient...
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que vous voulez approcher
un peu votre micro s'il vous plaît?
Mme Julien: Je suis d'accord avec ce que Maurice Guérin
vient de mentionner au sujet de l'attitude des francophones. C'est un fait
qu'il y a une certaine résistance. Il y a également les aspects
qui varient d'une entreprise à l'autre, à mon avis. Les 30%
difficiles à faire ne sont pas les mêmes d'un endroit à un
autre. Ils tiennent aux difficultés techniques professionnelles et
propres à chaque entreprise. Ce n'est pas seulement une question
d'attitude, à mon avis.
M. Guérin: Je crois que dans certaines entreprises ou dans
plusieurs entreprises on a dès le départ mis l'informatique de
côté pour la garder pour la fin, car c'était un des aspects
les plus coriaces. L'identification de la machinerie en place ou qui
était en place au moment de l'adoption de la loi a, dans bien des cas,
été reportée elle aussi à la toute fin, tout
simplement parce qu'on ne disposait pas d'une terminologie qu'on commence
à peine à pouvoir utiliser. Même là, on rencontre de
grands problèmes à faire utiliser ou à faire comprendre
cette terminologie par l'ouvrier qui est dans l'usine. Nous avons
mentionné le service des achats, les problèmes des acheteurs.
C'est le problème que l'on rencontre le plus fréquemment dans la
plupart de nos entreprises. La terminologie ne venant pas des fournisseurs,
dans bien des cas, n'est pas disponible. C'est un domaine qui va prendre encore
quelques années.
M. Godin: Vous estimez, M. Guérin, que le consommateur
québécois devrait être servi en français dans tout
le territoire du Québec. Si oui, est-ce qu'il ne faut pas que la
francisation commence quelque part? Si ce n'est pas chez le fournisseur qui
serait étranger, admettons un fournisseur japonais,
à qui devrions-nous confier la tâche ou le mandat de voir
à ce qu'un consommateur qui débourse - je pense aux appareils de
télévision en couleur - entre 600 $ et 900 $ puisse acheter un
téléviseur dont les inscriptions seraient en français?
Qui, selon votre expérience du commerce au détail, devrait
être chargé de voir à ce que cet aspect de la francisation
du Québec se réalise? Est-ce que ce devrait être
laissé à n'importe qui ou s'il y aurait un niveau, un maillon de
la chaîne sur lequel on devrait précisément insister
davantage pour que nous parvenions à l'objectif?
Le Président (M. Gagnon): M. Guérin.
M. Guérin: Je préférerais laisser la
réponse à Mme Julien qui est beaucoup plus familière que
moi avec le commerce de détail.
Mme Julien: Comme on l'a mentionné dans le mémoire,
dans le commerce au détail en particulier, depuis les six
dernières années il y a au moins 50% des fournisseurs qui ont
changé. Vous pouvez vous imaginer la tâche pour un
commerçant - je ne parle pas des grands commerces, on peut parler des
plus petits qui ont des changements de fournisseurs également - qui doit
lui-même intervenir auprès de tous ses fournisseurs avec un poids
bien limité. Ce n'est pas une tâche facile et c'est parfois, dans
une certaine mesure, tout à fait impossible. Je pense que le
gouvernement devrait intervenir plus directement auprès de ces
fournisseurs, d'une part pour aider les entreprises à obtenir ce qu'on
cherche et d'autre part, pour avoir un poids beaucoup plus important comme
demandeur auprès des fournisseurs japonais que vous mentionniez tout
à l'heure, par exemple. Est-ce que cela répond à votre
question?
M. Godin: C'est dans ce sens-là que nous avons
mentionné ce matin que le ministre des Affaires intergouvernementales
aurait peut-être un rôle à jouer éventuellement dans
la poursuite des objectifs de la loi 101, à la grande surprise de mes
collègues d'en face. Je pense que cela devient beaucoup plus clair
maintenant qu'il s'agit d'une action qui a une envergure internationale. Je
vous remercie de m'avoir donné ce renseignement qui sera utile à
tout le monde.
En ce qui me concerne, M. le Président, c'est tout pour
maintenant.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier
nos invités pour le mémoire qu'ils ont soumis à cette
commis- sion parlementaire. Je vais retenir les propos tenus ce matin par le
ministre parce que nous avons une approche commune et ouverte sur l'avenir
linguistique du Québec. Je dois dire que je trouve votre mémoire
assez réaliste, très raisonnable. Je remarque que dans votre
mémoire vous soulignez le fait qu'il n'y a pas de questions de la part
des entreprises et certainement pas de ce côté-ci de la table,
relativement à la francisation, la généralisation et
l'utilisation du français. Je crois que cela est acquis, même par
le milieu économique.
Vous soulignez que depuis les vingt dernières années, les
entreprises ont commencé à s'adapter à la
réalité québécoise. Je pense que cela confirme une
étude faite en 1981 pour le Conseil de la langue française, une
étude de Vaillancourt et Lacroix selon laquelle des raisons
économiques avaient incité la plupart des entreprises à se
conformer, à se franciser. Cela avait même été
confirmé par une autre étude commanditée par le Conseil de
la langue française, Éconosult, selon laquelle très peu de
compagnies ont attendu la loi avant de commencer le processus de francisation.
Même SECOR avait trouvé que parmi les compagnies qu'ils avaient
examinées, une sur dix ne s'était pas conformée à
la loi et que les autres s'étaient conformées elles-mêmes
pour des raisons économiques. Je pense que c'était un processus
inévitable. Ce que nous cherchons aujourd'hui, je présume, c'est
de voir dans quelle mesure vous pouvez faire des recommandations pour
améliorer le climat et assainir le processus où il semble y avoir
des critiques dans certains milieux.
Je voudrais revenir à votre question des 30%. Est-ce que c'est
identifié à certains milieux plus qu'à d'autres? Est-ce
que ce sont 30% à l'échelle de toutes les entreprises? Autrement
dit, ce sont des entreprises qui, pour une raison ou une autre - la nature de
leur travail; je pense par exemple au domaine de la recherche et du
développement, aux entreprises de haute technologie - qui ont de la
difficulté à se conformer aux exigences de la loi ou du
règlement ou est-ce une généralisation à
l'échelle de toutes les entreprises?
M. Brockbank (Roger): Je peux peut-être tenter de
répondre là-dessus. Les 30%, nous les constatons pour l'ensemble
des entreprises, surtout quand on parle de grandes entreprises au
Québec. Là ou les 30% sont peut-être un peu plus
serrés, c'est dans les entreprises qui ont une technologie très
avancée ou une technologie de pointe, parce qu'elles sont souvent plus
spécialisées et on n'a pas toujours d'équivalents ailleurs
qui nous permettent facilement de franciser les secteurs névralgiques
dans ces entreprises. Mais cela
n'influe pas suffisamment sur les 30% pour que cela dégonfle ou
que cela déséquilibre complètement la proportion qu'on a
établie à 70-30.
M. Ciaccia: Ce matin, nous parlions de 7% d'irréductibles.
Je pense que c'est le chiffre que le ministre avait lancé. Est-ce que
ces 7% sont homogènes, est-ce dans des entreprises spécifiques ou
est-ce que cela se trouve dans tous les milieux? Autrement dit, ont-elles
toutes les mêmes raisons pour ne pas aller au bout de la francisation,
comme vous dites?
Le Président (M. Gagnon): M. Guérin.
M. Guérin: C'est évident qu'il y avait des
entreprises, dès le départ, qui avaient pris la décision
de ne pas se conformer, pour une raison ou pour une autre. Nous avons vu ces
entreprises dans des rapports annuels de l'Office de la langue
française. Au départ, certaines entreprises étaient
même toutes francisées, mais refusaient de se conformer.
M. Ciaccia: Ces entreprises font partie de vos 7%, comme la
Presse, par exemple, qui ne voulait pas se conformer.
M. Guérin: Ce ne sont pas nos 7%, ce sont les 7% de M. le
ministre.
Maintenant, ces entreprises n'ayant jamais eu de membres dans notre
association, c'est assez difficile pour nous de les identifier.
M. Ciaccia: Nous cherchons toujours à améliorer,
à trouver les réponses à certains problèmes qui
sont soulevés pour des raisons économiques. Nous parlons souvent
de la nécessité de la haute technologie. Est-ce que cette
industrie a des exigences différentes des autres? Au sujet de la loi
101, telle qu'elle est présentement rédigée et telle
qu'elle est présentement appliquée par les règlements de
l'Office de la langue française et la commission de surveillance,
pouvez-vous dire qu'il n'y a aucun problème, soit pour la recherche et
le développement, soit pour les entreprises de haute technologie, pour
se conformer à la loi au Québec?
Le Président (M. Gagnon): M. Guérin.
M. Guérin: En ce qui a trait aux industries de recherche
et de développement, dès le départ il ne faudrait pas
oublier que, selon moi ou d'après ce que j'ai vu, la plupart
bénéficient d'une entente particulière. Certaines ou le
grand nombre d'ententes particulières qui ont été
négociées pour la grande entreprise l'ont été au
tout début et, personnellement, je trouve que ces ententes sont loin
d'être astreignantes, comme on pourrait le laisser entendre. Elles sont
suffisamment flexibles et elles sont même très flexibles dans
certains cas, comme on a pu le voir.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Dans les dernières années, on a vu
certaines entreprises qui ont déménagé quelques-unes de
leurs activités hors du Québec. Je sais que c'est un sujet
très sensible, mais je crois qu'il faut en discuter. Je voudrais avoir
des informations de vous et peut-être une opinion. Quand on voit que CAE
Electronics a déménagé certaines de ses activités
à Ottawa - elle oeuvre encore au Québec, mais elle a
déménagé certaines activités a Ottawa et à
Toronto - que AES Data, pour la recherche et le développement, compte
sur ses filiales hors du Québec, et il y a une foule d'autres - j'essaie
maintenant d'éviter de mettre tout le blâme sur certains aspects
de la loi - est-ce que - on parlait de Pratt et Whitney, ce matin, certaines de
ses activités ont même été
déménagées en dehors du Québec - les exigences de
la loi 101, sa réglementation et son application peuvent avoir eu une
influence sur ces compagnies ou ces sociétés pour qu'elles
déménagent certaines de leurs activités? Je me limite
spécialement à la recherche, au développement et à
l'aspect de la haute technologie. (16 heures)
M. Guérin: C'est une question à laquelle il est
assez difficile de trouver une réponse. On n'est pas placés pour
être capables d'évaluer si tel laboratoire de recherche a
déménagé en raison d'une application trop intransigeante
de la loi 101. Est-ce que c'était pour des aspects économiques?
Je ne le sais pas...
M. Ciaccia: Quand vous parlez des 30%, c'est un avertissement que
vous donnez au gouvernement et à l'ensemble de la population. Vous
dites: "De quoi donc se composent-ils ces 30% qui achoppent? En
réalité, on y trouve ce qui ne pouvait être prévu
par la loi, tout ce qui est exigé par la loi." Vous parlez des
particularités d'un secteur ou d'une industrie. Auriez-vous des exemples
que vous pourriez nous donner? Vous parlez de l'étroite
dépendance de certaines industries à l'égard de
l'hégémonie linguistique et économique de nos voisins du
sud. Pourriez-vous nous donner des exemples de certaines industries qui sont
particulièrement affectées?
M. Brockbank: On pourrait donner l'exemple d'une entreprise
à caractère international que M. Fortier connaît assez
bien, je pense. Je pourrais donner l'exemple de la firme SNC, qui fait du
travail à l'échelle internationale, la firme
d'ingénieurs-
conseils, qui traite des domaines de haute technologie et qui est
appelée à fonctionner sur le plan international avec des
fournisseurs et des clients venant de différents pays. Je dirais que,
pour une bonne part, la technologie qui est développée, souvent
à la demande même des clients et selon la volonté de la
firme, ne vient pas du Québec. Les demandes viennent de
l'extérieur. Cette technologie demeure en partie ici et est en partie
exportée. Les gens qui composent les équipes qui travaillent au
développement des différentes technologies viennent d'un peu
partout dans le monde. Souvent, le vocabulaire utilisé, la langue
première des personnes impliquées, les fournisseurs avec lesquels
ils font affaires -parce qu'ils achètent au nom de - viennent de
n'importe quel pays. Il n'y a pas de connotation de dire que cela vient du
Canada ou du Québec ou d'un autre endroit. Je pense que dans ce sens,
quand on agit sur un grand rayonnement, c'est un peu normal que l'on fasse
affaires avec différents endroits et qu'on parle la langue du client.
C'est toujours ce qui se fait, ce qui va se faire encore demain et
après-demain. Je pense que c'est respecter en premier lieu le client
avec lequel on fait affaires et qui nous fait vivre. Je dirais que si on parle
dans ce sens des secteurs de pointe ou de la haute technologie, c'est souvent
ce qui se produit. Je pourrais donner des exemples de d'autres entreprises dans
les secteurs de pointe aussi qui font face au même
phénomène. Quand on traite avec des fournisseurs qui viennent de
beaucoup de pays, cela peut arriver qu'on puisse leur demander graduellement de
traiter avec le Québec en français, mais c'est une question de
temps. Si on veut être concurrentiel, si on veut attirer et
développer des compétences ici, il ne faut pas apeurer les gens.
Il faut fonctionner avec diplomatie et cela prend du temps.
M. Ciaccia: D'après vous, les postes clés dans le
domaine des affaires aujourd'hui nécessitent-ils encore de la part d'une
personne qu'elle connaisse les deux langues?
M. Guérin: Oui, absolument. Je ne dirais pas seulement les
postes clés, je dirais tous les postes qui ont à traiter d'une
façon ou de l'autre avec l'extérieur du Québec.
M. Ciaccia: Quand vous parlez de la langue d'enseignement dans
votre mémoire, vous dites qu'il semble y avoir des avantages pour les
anglophones. Dois-je interpréter vos commentaires dans le sens que la
loi 101 est plus avantageuse pour ceux qui fréquentent les écoles
anglaises au Québec si, d'après vous, ceux qui fréquentent
les écoles anglaises en sortiront bilingues - vont graduer bilingues -
connaissent mieux les deux langues? Vous venez de me dire que pour les postes
clés vous avez besoin des deux langues; est-ce que je me tromperais, et
non seulement moi parce qu'il y a beaucoup de gens qui semblent dire que cet
aspect de la loi avantage ceux qui fréquentent les écoles
anglaises? Je ne dis pas que cela avantage le secteur anglophone, non, non,
mais ceux qui fréquentent l'école anglaise?
Le Président (M. Gagnon): M. Guérin.
M. Guérin: Je crois qu'un point qu'on tient à
souligner - et on le mentionne très brièvement - c'est la
faiblesse du système éducatif actuellement au Québec.
Vous demandez si l'on favorise les écoles anglaises,
c'est-à-dire si la loi favorise les écoles anglaises. Non, c'est
que le système tel qu'il est actuellement dans l'école
française est déficient tant dans l'enseignement de la langue
maternelle que dans l'enseignement d'une langue seconde. De laisser croire
à la génération qui est actuellement à
l'école comme celle qui en sort présentement qu'elles n'auront
jamais à utiliser l'anglais dans leur cheminement de carrière,
c'est leur faire perdre énormément de chances d'avancement et
tout simplement de les leurrer. Je crois que la loi 101 ne favorise pas
l'école anglophone mais ce qu'elle fait ressortir, c'est la faiblesse du
système français.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Vos commentaires sont très importants sur ce
sujet. Seulement pour vous donner un exemple, il y a des étudiants de
différentes écoles qui viennent visiter le parlement et on
demande aux députés de les accueillir. Au mois de juin dernier,
des étudiants d'une école de Toronto, sur Avenue Road, sont venus
à Québec. On m'a demandé d'aller les accueillir et de leur
parler. J'ai tenu pour acquis que puisqu'ils venaient de Toronto, d'une
école anglaise, je devais leur parler en anglais. À mon
étonnement c'étaient des enfants de cinquième et de
sixième année - ils parlaient tous le français. Cela
faisait partie de leurs cours à cette école. Je pense que c'est
peut-être une illustration du point que vous soulevez dans votre
mémoire, qu'on peut avoir la francisation au Québec sans
éliminer la nécessité d'une autre langue, tenant compte de
la situation géographique ainsi que de la situation économique
dans laquelle nous nous trouvons.
Sur la question des règlements, vous avez dit qu'il y avait
certains règlements qui n'étaient pas...
Le Président (M. Gagnon): Si vous me le permettez, c'est
que j'ai des demandes. Il
y a d'autres membres de votre formation qui veulent intervenir et vous
avez pris pas mal de temps. Je vous laisse libre de continuer, mais il y a deux
demandes de votre côté pour intervenir.
M. Ciaccia: Alors, je poserai seulement une autre question.
Est-ce que sur la légalité des règlements, vous avez eu
connaissance de certains avis juridiques qui avaient été fournis,
soit à l'Office de la langue française, soit au gouvernement sur
l'illégalité de certaines réglementations de l'Office de
la langue française?
M. Guérin: Je crois que nous avons pu, comme tout le
monde, lire dans les journaux les communiqués qu'il y a eu à cet
effet. Plus que ça, non.
M. Ciaccia: J'aurais d'autres questions, M. le Président,
mais je pense que je vais céder à votre requête et donner
la chance à d'autres de mes collègues de poser des questions.
Le Président (M. Gagnon): C'est ça. Alors,
merci.
M. le député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Mme Audette,
Mme Julien, M. Guérin et tous les représentants de l'association,
je suis sûr que nous serions très heureux de causer longtemps avec
vous parce que vous êtes sûrement très experts en
francisation. D'ailleurs la loi 101 aura eu au moins le bon effet de
créer un certain nombre d'emplois. Cela a suscité
l'émergence d'experts en francisation. C'est une profession nouvelle,
c'est une belle profession.
Votre mémoire est bien rédigé - je tiens à
vous le dire parce que ce n'est pas toujours le cas - dans une langue
très simple et très claire. La qualité de votre
mémoire fait que je m'interroge un peu à savoir si la description
que vous faites des lacunes, des failles énormes dans la formation
linguistique en français comme en anglais n'est pas un peu excessive.
Comment se fait-il qu'on puisse encore rédiger des mémoires de si
belle qualité s'il y a des failles aussi énormes?
Je reconnais avec vous qu'il y a des failles énormes - je cite la
page 5 et vous y revenez aux pages 8 et suivantes - et on peut croire, comme
vous l'affirmez, "que cette situation dessert les francophones plus que les
anglophones et qu'il faudrait trouver un moyen de remédier à cela
si nous voulons que les francophones puissent occuper leur juste place" - je
vous cite. On sait que c'est un phénomène de civilisation, ce
n'est pas seulement une question de loi et de comportement de telle ou telle
entreprise, ce n'est même pas principalement une question de
régime scolaire, c'est un phénomène de civilisation. On
peut constater que la qualité d'expression n'est malheureusement pas une
valeur universellement reconnue, ce n'est pas très important pour la
plupart des gens. Même les gens qui soignent leur expression sont souvent
ridiculisés par des Jos connaissants qui se pensent très forts
parce qu'ils sont devenus très compétents dans une matière
donnée et eux, le culturel, ils se fichent de cela.
Ce n'est pas seulement en Amérique du Nord - on est porté
à blâmer les Américains, on les blâme de toutes
sortes de choses - en France même, ô sacrilège! les
lycéens ne savent plus, paraît-il, écrire un
français correct. Il y a donc là des phénomènes
extrêmement répandus.
En nous parlant de ces problèmes vous nous donnez des indications
sur le nombre d'heures d'enseignement et il y a un tableau en annexe à
votre mémoire où l'on traite de cela, ce qui pourrait donner
à entendre que vous pensez que la solution se trouve dans le nombre de
minutes d'enseignement. Quant à moi j'ai de forts doutes. Il me semble
que, si les failles sont telles que vous les décrivez, il y a autre
chose en cause à part la durée de cet enseignement, à part
le temps consacré par les maîtres et les élèves
à l'étude d'une langue première ou seconde; il y a quelque
chose d'autre, sûrement des questions de méthode, mais cela
dépasse l'école. Je me répète, c'est un
phénomène de civilisation.
Est-ce qu'on ne pourrait justement pas s'attendre des entreprises - vous
êtes tous engagés dans des entreprises - qu'elles n'attendent pas
les niveaux très supérieurs pour encourager les gens qu'elles
recrutent à s'intéresser aux aspects linguistiques et culturels
de la vie et à être autre chose que de simples techniciens? On
sait très bien que généralement les présidents
d'entreprises sont des gens qui s'intéressent aux choses culturelles. Il
faudrait de plus en plus qu'une chose comme la qualité d'expression
compte si on engage un commis, une secrétaire ou un technicien à
quelque niveau ou dans quelque domaine que ce soit.
À part la durée de l'enseignement - et je vous dis
qu'à mon avis ce n'est pas suffisant - comment pouvons-nous corriger ces
failles énormes que vous avez relevées?
Le Président (M. Gagnon): Vous posez la question à
Mme Audette?
Mme Audette: M. le député, vous venez simplement de
donner un très bon exemple des 30% qu'on essayait de vous illustrer tout
à l'heure. C'est une des façons avec lesquelles on pourra
compléter la francisation au Québec, entre autres en essayant
d'intéresser les gens du Québec au fait
français, à leur langue, mais ce n'est pas demain matin la
veille. Il ne faudra pas que l'office nous donne, par exemple, six mois pour
franciser le Québec. Ce que vous venez d'illustrer fait partie des 30%.
Cela prendra cinq ans, dix ans, quinze ans, ce sera la génération
qui est toute jeune ou celle qu'on réussira peut-être à
sensibiliser pas seulement au fait français, mais aussi à
l'importance d'apprendre une deuxième, une troisième, une
quatrième langue, peut-être. (16 h 15)
Pour répondre à la question du député, cela
fait bel et bien partie des 30% qu'il reste à faire et ce n'est pas
demain matin qu'on pourra l'accorder. C'est entendu, si on était tous
missionnaires dans l'âme et s'il ne fallait pas absolument travailler et
manger trois fois par jour, peut-être qu'on réussirait à le
faire en cinq ans. Mais il faut quand même ne pas oublier la
réalité économique. Pour la plupart d'entre nous,
moi-même et tous ceux qui nous accompagnent aujourd'hui - cela fait cinq
ans, six ans - nous étions présents à la première
commission parlementaire et, depuis ce temps-là, nous avons
travaillé à la francisation, toujours comme
bénévoles ou missionnaires, appelez cela comme vous voulez. C'est
peut-être avec des campagnes de sensibilisation - mais attention, pas de
n'importe quelle sorte -qu'on réussira à franciser de plus en
plus. Peut-être que, dans deux ou trois ans, on reviendra ici et on dira:
Bon, ça y est! On est francisé à 80%. Et on vous
expliquera les 20% qu'il restera. Mais le monde étant ce qu'il est, en
fait - évidemment, vous aussi avez raison - c'est une question de
civilisation, c'est une question de culture. Rome ne s'est pas bâtie en
un jour. Voilà.
M. de Bellefeuille: Vous ne prétendez pas, dans votre
mémoire, être experte en matière d'éducation. Vous
ne vous dites pas pédagogue.
Mme Audette: Pas du tout. Par contre, personnellement, j'ai une
entreprise. Je m'occupe de formation linguistique. Je ne me fais pas de
publicité; loin de là. Je me rends compte que le système
ou la loi 101, en fait, ne pénalisent pas seulement les francophones
comme tels. Faites une enquête auprès des anglophones qui sortent
des écoles. Ils ne savent pas plus écrire leur anglais puisqu'on
doit leur montrer à écrire leur anglais. On trouve des gens dans
les milieux de traduction, qui ont étudié quatre ans, trois ans
en traduction dans les universités du Québec, qui ne savent pas
écrire leur français. Comment voulez-vous demander à un
ingénieur ou à quelqu'un qui a étudié dans des
bouquins anglais de très bien s'exprimer verbalement? Encore là,
on a des chances qu'il puisse bien s'exprimer en français, mais par
écrit, c'est terrible. C'est autant le système français
que le système anglais.
M. de Bellefeuille: Donc, la critique que vous faites du
régime scolaire s'applique autant du côté anglais que du
côté français.
Mme Audette: Mais pour les besoins de la cause et les besoins du
mémoire, on cherche quand même aussi à protéger ou
à ouvrir des postes accessibles aux francophones dans l'entreprise,
puisque c'est ce qui nous concerne, finalement. On aimerait bien avoir notre
place un jour. On y arrive, mais peut-être pas aussi rapidement qu'on le
voudrait là aussi et cela fait également partie des 30% qu'il
reste à faire.
M. de Bellefeuille: Tout en ne vous prétendant pas experts
en pédagogie, vous êtes, en quelque sorte, des amateurs
éclairés puisque vous avez à faire face,
professionnellement, continuellement aux effets du régime scolaire.
Qu'est-ce qu'il faut faire? On a bien établi que ce n'est pas seulement
au régime scolaire de remédier à cela, mais le
régime scolaire a quand même des responsabilités. À
part les minutes d'enseignement, qu'est-ce que vous avez pu observer, par
exemple, par rapport aux méthodes d'enseignement?
Mme Audette: Quant aux méthodes d'enseignement, il
faudrait vraiment que je retourne aux sources. Je ne suis pas assez dans le
milieu de l'enseignement comme tel. Mais si on prend l'exemple des enfants,
j'imagine qu'une méthode vaut bien l'autre, mais c'est peut-être
le fait aussi de la télévision. Les enfants sont moins
portés à lire ou on accorde moins d'importance à cela dans
le système. On a même recommencé, même au niveau de
la maîtrise dans les universités, à recompter le nombre de
fautes d'orthographe. Le mémoire, la maîtrise comme telle
ou...
Une voix: La thèse.
Mme Audette: ...la thèse n'est pas acceptée si elle
est trop criblée de fautes. On demande à des spécialistes
de la revoir. Il s'agit d'étudiants au niveau de la maîtrise. Ils
sont dans le système d'éducation depuis 20 ans, depuis 1960,
comme on le mentionne dans notre mémoire.
M. de Bellefeuille: Ma dernière question...
Le Président (M. Gagnon): Une dernière question
très brève, parce que vous avez épuisé tout votre
temps.
M. de Bellefeuille: Je regrette. Je vais quand même poser
ma dernière question qui
est fondée sur une remarque que Mme Julien a faite à
propos des fournisseurs. Vous avez proposé que le gouvernement
intervienne auprès des fournisseurs. C'était à partir du
problème du téléviseur pour lequel on dépense une
grosse somme d'argent alors qu'on n'a même pas d'instructions en
français.
Mme Julien: C'est-à-dire qu'il nous aide, à tout le
moins.
M. de Bellefeuille: Oui, c'est cela.
Mme Julien: ...à intervenir davantage auprès des
fournisseurs; qu'il ne laisse pas toute la responsabilité à
l'entreprise comme telle d'aller chercher cette francisation -qu'il s'agisse
des modes d'emploi, de l'étiquetage ou de l'emballage - auprès
d'un fournisseur japonais ou autre, comme je l'ai mentionné
tantôt.
M. de Bellefeuille: Ma question vise à savoir si on peut,
lorsqu'on fait un examen détaillé de la loi 101, à la
lumière de six années d'expérience, arriver à
proposer à certains égards ce qu'on appelle des adoucissements,
mais, à d'autres égards, ce qu'on pourrait appeler des
durcissements de la loi.
Mme Julien: Je ne sais pas si j'appellerais cela un
durcissement.
J'appellerais cela plutôt une autre façon de fonctionner.
Si vous voulez appeler cela un durcissement, c'est une interprétation
valable.
M. de Bellefeuille: Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député. M. le député de Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, je serai aussi bref que
possible. J'avoue franchement que je regrette qu'on ne puisse pas disposer de
plus de temps pour dialoguer avec nos invités. Il me semble que c'est
là un des mémoires les mieux étoffés, les plus
réalistes et, surtout, les plus spécialisés dans le
domaine de la francisation de l'entreprise.
Je note avec plaisir des recommandations très spécifiques
que vous faites. Par exemple, j'ai notamment fait référence ce
matin aux règlements illégaux. Je n'ai pas du tout d'objection,
quand vous faites allusion au règlement concernant les raisons sociales,
à ce que vous concluiez que ce n'est pas le règlement
illégal qu'on doit amender, mais l'article 69 de la loi. Voilà un
exemple concret d'une bonne volonté qui donne un résultat que je
ne qualifierais pas, mais là on en est rendu à avoir trois
rapports financiers parce qu'on a besoin de trois raisons sociales, et c'est la
loi qui l'exige. Je suis sûr que le ministre l'aura retenu et qu'à
la mi-novembre il formulera l'amendement en conséquence. En tout cas, on
sera là pour surveiller qu'il ne l'ait pas oublié.
Il en va de même quant aux recommandations concernant les bons de
commande. Vous m'avez convaincu qu'on devra soustraire les bons de commande. On
m'a expliqué comment on peut fonctionner dans les firmes qui oeuvrent
dans tout le pays, sinon dans tout le continent et même mondialement. Je
conviens fort bien qu'on doive fournir les services et les produits et qu'on ne
puisse pas attendre. Le temps est un facteur important.
Cela étant dit, je veux vous dire aussi que, dans votre
conclusion, quand on parle des 30% qui restent à faire, je suis tout
à fait d'accord avec vous qu'il va falloir être patient et
réaliste. Vous parlez vous-même d'un rythme de francisation
considérablement plus lent à compter de maintenant, non pas parce
qu'on ne veut pas franciser jusqu'à 100% si possible, mais parce que,
justement, il s'agit de ce qui est extrêmement difficile à faire
et on ne veut pas que les effets de nos efforts sur le plan économique
viennent brimer nos intérêts.
Cela étant dit, quant à l'enseignement de la langue
seconde chez les francophones, mon cas est peut-être l'exemple que je
devrais donner. Chez nous, dans ma génération, sans vous dire mon
âge, peut-être à cause de la région où
j'habitais, les parents insistaient beaucoup pour que nous apprenions l'anglais
immédiatement.
Effectivement, j'ai dû l'apprendre de force, parce que cela ne me
tentait pas plus qu'aux autres francophones de l'apprendre à ce moment.
Par contre, j'ai réalisé très vite jusqu'à quel
point cela pouvait être un avantage de posséder une
deuxième langue puisque, dès mon engagement par une compagnie
nationale à Hull, Québec, j'ai pu assez rapidement être
promu à un poste au siège social de la compagnie à Toronto
parce que je parlais l'anglais.
Quand je constate dans les données de Statistique Canada qu'en
1981, au Québec, plus de la moitié de toutes les personnes ayant
déclaré l'anglais comme langue maternelle, en fait 53,4%,
pouvaient converser en français et en anglais, ce qui représente
une hausse de 36,7% par rapport à 1971 - donc, il y a beaucoup plus
d'anglophones, de gens qui ont l'anglais comme langue maternelle qui parlent
maintenant le français - et que je constate, par contre, que chez les
francophones, chez les gens qui ont le français comme langue maternelle,
c'est de 60,9% à 60,1% seulement qu'on a diminué la proportion de
ceux qui ne parlent pas l'anglais, entre 1971 et 1981, je me dis: Chez vos
clients ou chez les compagnies que vous représentez qui ont leur
siège social à Toronto ou en Colombie
britannique - vous en faites état, d'ailleurs, dans votre
mémoire - il y a sûrement bon nombre de francophones qui n'ont pas
une chance égale à la promotion. La question que je vous pose:
Outre la nécessité sur laquelle vous insistez de mieux enseigner
le français, est-ce qu'il y a d'autres solutions que l'incitation pour
les francophones à apprendre l'anglais comme langue seconde? Je
présume que c'est une de vos recommandations.
Le Président (M. Gagnon): M. Guérin.
M. Guérin: Peut-être que, si on avait toutes ces
réponses, on serait au ministère de l'Éducation. On ne
serait pas dans nos entreprises. On peut peut-être essayer.
M. Gratton: Pourrais-je reformuler ma question?
M. Guérin: Oui, s'il vous plaît!
M. Gratton: Est-ce que vous constatez, chez les compagnies que
vous représentez, qu'il y a plus d'anglophones qui ont réussi
à apprendre le français, qu'ils ont plus de chances de promotion
et qu'effectivement ils sont promus plus facilement que les francophones?
Mme Audette: Je pense que, là encore, il faut être
réaliste. Il faut voir un peu l'histoire de l'entreprise au
Québec. Là, je m'embarque sur un terrain glissant, j'en suis
consciente. Enfin, je vais essayer de vous dire ce que j'en pense, mais c'est
uniquement moi qui pense de cette façon, non pas les entreprises que
nous représentons. D'ailleurs, il est important de se rappeler que nous
sommes ici à titre individuel. C'est une association d'individus et nous
ne représentons pas nos entreprises. C'est très important.
À force d'essayer de convaincre les anglophones d'apprendre le
français, il va de soi que... De toute façon, ils les ont, les
postes; ils ont en grosse partie encore je ne dirai pas 30% mais au moins 70%
du capital. Je pense ne pas trop me tromper. C'est inévitable, ils
auront encore les postes, bien que dernièrement j'aie vu une
étude où on mentionnait que le nombre de francophones avait
augmenté un peu à la tête des entreprises au Québec.
Un peu. De là à vous dire quelles sont les recommandations qu'on
pourrait faire pour cela à ce moment, tout entre en ligne de compte, la
vie économique, la réalisation, la politique, enfin, vous le
savez plus que moi.
C'est pour cela que je dis que oui, le système d'éducation
est très important. Il faut aussi essayer de changer chez nos jeunes
francophones du Québec la mentalité, essayer de ne plus autant
leur répéter, comme on l'a fait au tout début de la loi
101 - il faut être conscient, on l'a dit - qu'on est au Québec et
que, de toute façon, on n'a pas besoin de l'anglais pour travailler.
Cela, on l'a dit. On était peut-être tout feu, tout flamme. Je
m'en souviens bien, à ce moment, j'étais dans une entreprise. Je
l'ai répété: L'anglais, on n'en aura plus besoin. Aux
jeunes dans les cégeps, tout cela a été
répété aussi, mais ce n'est pas la réalité
économique, ce n'est pas la réalité de la vie de
l'entreprise. On est au Québec, au Canada, dans un continent
nord-américain. Ne serait-ce que pour voyager plus tard, car tout le
monde voyage aujourd'hui. On pourrait discuter là-dessus très
longtemps, mais de là à dire que les francophones occupent
maintenant les postes, cinq ans ou six ans après la mise en place de la
loi 101, moi, personnellement, je trouve que c'est peut-être un peu
décevant. Peut-être qu'on a voulu aller trop vite aussi, et cela
fait toujours partie des 30%.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: Une dernière question très rapide, M.
le Président. Sauf erreur, il y a certains programmes de francisation
dans l'entreprise qui font qu'elles donnent des cours de français aux
anglophones. Sûrement qu'à ce moment les compagnies, comme vous le
dites, les firmes ne sont pas des écoles de langues, mais le fait
demeure qu'elles paient ces écoles de langues, et, dans la mesure
où on veut franciser et où tout le monde est d'accord, on risque
également de jouer contre l'intérêt des francophones qui,
eux, n'ont pas accès à des cours d'anglais dans la même
entreprise.
Mme Audette: J'aimerais quand même ajouter, M. le
Président, si vous le permettez, que cette année, enfin depuis
septembre - la tendance est même très forte depuis l'an dernier -
on donne de moins en moins de cours de français dans l'entreprise, mais
des cours d'anglais et on a autant d'étudiants en anglais, sinon plus,
cette année. En anglais langue seconde, en anglais écrit aussi.
Les jeunes se rendent compte lorsqu'ils sortent de l'université que,
s'ils veulent monter dans l'entreprise, ils n'ont pas le choix, ils doivent
être capables de balbutier dans la langue seconde. (16 h 30)
M. Gratton: Excellent. Je vous remercie.
Le Président (M. Gagnon): Mme Julien, vous vouliez ajouter
quelque chose, je crois?
Mme Julien: C'est ce que Mme Audette vient de dire
précisément. Justement, actuellement, on nous demande de plus en
plus de donner des cours d'anglais à nos jeunes. Ce qu'on disait dans le
mémoire,
c'est que l'entreprise ne doit pas indéfiniment être une
école de langues. On a enseigné le français; on continue
de l'enseigner. Maintenant, voilà qu'on enseigne l'anglais.
En ce qui concerne les cadres actuellement et les postes occupés
par les francophones, mon expérience m'a démontré depuis
quelques années qu'effectivement il y a eu une croisssance de cadres
francophones aux niveaux intermédiaire et même supérieur.
Il y en a davantage dans les milieux que j'ai côtoyés depuis un
certain nombre d'années. Or, je crains qu'il ne se passe exactement
l'inverse dans les années qui viendront, justement parce que les tout
jeunes, les jeunes de 15, 16 ou 17 ans qui sortent actuellement des
cégeps, qui seront nos cadres de demain, n'ont pas encore compris qu'il
faut apprendre l'anglais. Leurs aînés le savaient, eux.
Voilà.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Je m'excuse, mais juste
une remarque avant de donner la parole à quelqu'un d'autre.
Tantôt, on a mentionné que c'était dommage de ne pas avoir
plus de temps. Je suis d'accord avec cela, mais je suis ici pour essayer de
rendre justice à tous les intervenants, à tous ceux qui vont
présenter un mémoire. On m'a demandé d'essayer de faire
entendre un mémoire, avec les questions et les réponses, à
l'intérieur d'une heure. Là, on a dépassé notre
temps. Cela voudrait dire qu'éventuellement ce sont ceux qui vont venir
par la suite qui vont en souffrir... Alors, on a dépassé
d'au-delà de 20 minutes, mais la commission est maîtresse de ses
travaux. Alors, on va devoir couper les autres un peu plus. Mme la
députée de L'Acadie?
M. Gratton: M. le Président, je voudrais simplement dire
que nous convenons de tenter, dans la mesure du possible, d'encadrer nos
questions à l'intérieur d'une heure. Il me semble que, lorsqu'il
s'agit d'un organisme comme celui qui est devant nous et de la pertinence des
réponses qui nous sont fournies, on ne devrait pas s'encarcaner plus
qu'il ne faut. On fait des efforts. Moi, j'en aurais pour une journée
à jaser avec nos invités. Je ne voudrais pas, non plus, que cela
s'allonge de façon à retarder indûment tous les autres.
Mais soyons flexibles; peut-être nous rattraperons-nous un peu plus tard
dans la journée.
Le Président (M. Gagnon): Avant de laisser la parole
à Mme la députée de L'Acadie, je dois dire que j'ai eu des
demandes aussi venant de ma droite et vous êtes en déficit
actuellement sur le temps.
M. Gratton: M. le Président, me permettrez-vous de vous
dire que, quand j'ai présidé les travaux sur la loi 22, on en
était venu à jeter notre montre et à utiliser un
calendrier pour compter?
Le Président (M. Gagnon): Alors, si on me donne cette
directive-là... Mme la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je vais être
très rapide. Je vais poser toutes mes questions à la suite.
Alors, cela permettra, je pense, d'aller plus rapidement.
À la page 10 de votre mémoire, au deuxième
paragraphe, est-ce que vous avez voulu dire que, finalement, l'apprentissage du
français pour les anglophones serait meilleur que l'apprentissage du
français, langue maternelle, pour les francophones? La façon dont
c'est rédigé peut, je pense, créer cette
impression-là.
Deuxième question: vous attribuez à la qualité de
l'apprentissage du français des difficultés que vous rencontrez
dans la francisation des entreprises. Est-ce vraiment dû à la
qualité de l'apprentissage du français ou est-ce que ce ne serait
pas dû au fait que ces entreprises que vous francisez ou que vous aidez
à se franciser ont fonctionné longtemps dans la langue seconde?
Vous semblez attribuer largement à la qualité de l'apprentissage
du français les difficultés que vous rencontrez.
Troisième question: est-ce que vous faites la promotion d'un
programme d'enseignement de l'anglais, langue seconde, qui soit identique
à l'enseignement du français, langue seconde, dans les
écoles anglaises? Vous faites des comparaisons de minutes, etc. Est-ce
que vous voyez un peu la même approche pour combler cette carence dont
vous avez parlé tout à l'heure, particulièrement Mme
Julien?
Dernière question: est-ce que vous avez noté une
diminution - il semble y avoir contradiction entre vous et nous, entre nous et
le côté ministériel - du bilinguisme des employés ou
des travailleurs francophones dans l'entreprise?
Le Président (M. Gagnon): M. Guérin.
M. Guérin: Je vais commencer par les deux dernières
questions. La réponse est très simple, c'est oui dans les deux
cas. En ce qui concerne les francophones dans l'entreprise, si l'on parle de la
jeune génération, il y a une très forte baisse du
bilinguisme.
Pour l'avant-dernière question...
Mme Lavoie-Roux: L'apprentissage de l'anglais, langue
seconde.
M. Guérin: ... je crois que l'étudiant francophone
dans le système scolaire français devrait au moins avoir autant
de temps
accordé à l'apprentissage de l'anglais comme langue
seconde que les anglophones en ont pour l'apprentissage du français
comme langue seconde.
Mme Lavoie-Roux: À partir du même niveau
scolaire?
M. Guérin: À partir du début, madame.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que iriez jusqu'à parler de
l'enseignement de matières en anglais?
M. Guérin: Éventuellement. Je suis un peu comme M.
le "ministre". Moi aussi, j'ai eu la chance de faire mes études en
partie en anglais et en partie en français parce que mes parents ont
insisté.
M. Gratton: Je regrette, j'ai eu une promotion, mais pas celle de
ministre encore.
M. Guérin: M. le député, je m'excuse.
Mme Lavoie-Roux: C'est une projection. Alors, un programme
identique?
M. Guérin: Identique.
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
Mme Audette: Mme la députée, est-ce qu'on pourrait
vous demander de répéter votre première question qui
faisait référence au mémoire à la page 10?
Mme Lavoie-Roux: Oui.
Mme Audette: Je n'ai pas saisi.
Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est que vous déplorez beaucoup la
qualité de l'apprentissage du français comme langue
maternelle.
Mme Audette: Comme langue maternelle.
Mme Lavoie-Roux: Vous dites même que non seulement ceci le
pénalise, mais compte tenu que l'anglophone est carrément
favorisé dans l'apprentissage du français tant à
l'école, on a l'impression qu'à vos yeux, même
l'apprentissage du français, langue seconde chez les anglophones, serait
peut-être de qualité supérieure à l'apprentissage du
français langue maternelle chez les francophones.
Mme Audette: Nous ne nous sommes pas attardés à
aller vérifier quel genre d'enseignement les anglophones recevaient ou
la qualité de l'enseignement chez les anglophones. Nous avons
plutôt voulu illustrer, pour faire saisir aux gens de la commission, que
nous accordions beaucoup plus de temps en salle de cours, à
l'école, chez des tout jeunes à l'apprentissage du
français, langue seconde, qu'on ne l'a fait chez nous pour
l'anglais.
Mme Lavoie-Roux: En relation avec l'enseignement des langues
secondes.
Mme Audette: Voilà, des langues secondes.
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
Mme Audette: Nous n'avons pas voulu nous embarquer dans le
débat des langues maternelles parce qu'il y a pas mal de choses à
faire dans ce domaine aussi, en ce qui a trait à la qualité.
Mme Lavoie-Roux: Ma deuxième question est: Vous attribuez
beaucoup à l'apprentissage de la langue maternelle les
difficultés de francisation des entreprises. Est-ce que cela ne serait
pas dû à un autre facteur peut-être aussi important, au fait
que ces entreprises que vous francisez ont fonctionné dans la langue
anglaise pendant de nombreuses années?
M. Brockbank: M. Guérin a déjà donné
une partie de réponse tantôt sur ce sujet. Les gens ont
été tellement habitués à fonctionner en anglais
depuis nombre et nombre d'années que cela leur est très difficile
de faire le passage et de revenir à un français qui serait leur
langue première dans les documents qu'ils utilisent. C'est
peut-être cela un peu, l'apathie que les francophones ont dans les
entreprises. Quand cela fait 20 ans et 25 ans qu'ils fonctionnent avec une
terminologie anglaise, c'est très long et très difficile à
faire le transfert vers le français. C'est très long.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que cela ne pourrait pas être au
moins aussi important que la qualité de l'apprentissage du
français?
M. Brockbank: Cela entre sûrement dans les 30%. Ce sera
très long. C'est une mentalité de fond.
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Mme Audette.
Mme Audette: J'aurais aimé compléter ce que M.
Brockbank vient de dire, c'est-à-dire que cela fait partie des 30%.
D'accord, il y a le côté technique de la francisation, il y a une
tonne de documents à traduire, il y a une tonne de documents à
revoir; cela permet aux entreprises de faire un peu de ménage dans leurs
documents et tout cela.
Mais il ne faut surtout pas oublier qu'on joue aussi et même
beaucoup avec l'humain et cela, on ne le changera pas du jour au lendemain.
C'est important parce qu'on se bute constamment à cette
réalité. Ce sont des humains. On décide de faire un
traduire un manuel de 300 pages, on le fait traduire et on a une facture et
tant mieux si le directeur veut bien la payer. Mais l'humain, on ne peut pas du
jour au lendemain exiger qu'il change ses habitudes de vie, comme vient de le
mentionner Roger. Le côté humain, pour nous, dans la francisation
a été un point très important qu'on a peut-être
oublié un peu. On a voulu tout faire très vite et on s'est rendu
compte qu'il faut, quand même, des humains pour remplir ces bons de
commande et qu'il faut des humains pour jouer avec les différents
formulaires en français. Alors, le côté humain est aussi
très important.
Le Président (M. Gagnon): Merci, madame. M. le
député de Fabre.
M. Leduc (Fabre): Je reviens sur la question de l'enseignement de
la langue maternelle. Vous portez un jugement assez sévère sur
l'enseignement. Vous dites: On lui enseigne mal sa propre langue,
c'est-à-dire sa langue maternelle, la langue française. Mais ne
croyez-vous pas que cela ne dépend pas uniquement du système
d'enseignement? Le système d'enseignement a sûrement une
responsabilité, mais l'environnement nord-américain, qui est
anglophone, joue aussi un rôle important dans le fait que le jeune
francophone est défavorisé dans l'apprentissage de sa propre
langue maternelle. D'où l'importance pour l'acquisition de sa langue
maternelle de créer un environnement français au Québec,
d'où l'importance également de mettre l'accent un peu plus sur
l'enseignement de sa langue maternelle à l'école et
particulièrement au niveau primaire. Ne le croyez-vous pas?
Je vous pose la question parce que vous portez un jugement assez
sévère sur le système d'enseignement. Je ne sais pas sur
quoi vous vous basez parce que, semble-t-il, il n'y a pas d'enquête qui
vient étayer votre jugement; donc, je me pose des questions par rapport
à ce que vous affirmez. Il me semble que vous ne tenez pas suffisamment
compte de l'environnement nord-américain dans lequel évolue le
jeune francophone non seulement au Québec mais aussi à
l'extérieur du Québec.
M. Brockbank: Je pourrais répondre en partie à
cela.
Le Président (M. Gagnon): M. Brockbank.
M. Brockbank: Quand on se retrouve en entreprise et qu'on a
embauché des gens qui sortent des différentes institutions
d'enseignement, c'est là qu'on voit la très grande faiblesse de
la connaissance et de la possession de la langue, surtout si on leur demande de
rédiger un petit texte pour voir leur mode de raisonnement et comment
ils fonctionnent en français; c'est désastreux.
Dans la génération précédant la
génération actuelle qui sort des écoles, je dirais que
c'était moins faible, en tout cas c'était de meilleure
qualité. C'était aussi dans un système d'éducation
différent du système actuel. Je ne dis pas cela pour accuser le
système d'éducation actuel, mais je pense qu'il y a des
réformes de fond à apporter. Un de vos collègues
soulignait tantôt la qualité du texte qu'on a produit comme
mémoire, mais vous pouvez remarquer qu'il a été fait par
des gens qui ont eu non pas l'éducation actuelle, mais
l'éducation de la génération antérieure qui est
nettement supérieure à celle de la génération
actuelle. Il y aurait peut-être lieu de se pencher là-dessus. Si
on veut renforcer la connaissance d'une langue, il faut avoir des structures
d'éducation très fortes; c'est comme cela qu'on va la faire
respecter, il n'y a pas d'autres moyens.
M. Leduc (Fabre): Vous ne répondez tout de même pas
à ma question. Je vous ai demandé si vous ne croyez pas que
l'environnement est tout au moins aussi important que l'enseignement,
c'est-à-dire qu'on évolue dans un environnement français
pour arriver à une maîtrise suffisante de sa langue maternelle. Le
jeune Français de France évolue dans un environnement
français; quand il se promène autour de chez lui, il voit les
termes précis qu'on doit utiliser dans tel ou tel contexte. Ici, on
évolue, évidemment, dans un contexte nord-américain.
M. Brockbank: L'environnement dans lequel les gens vivent au
Québec actuellement n'est pas de plus mauvaise qualité qu'il ne
l'était il y a 20 ou 30 ans. Les gens subissaient beaucoup plus de
pression et étaient beaucoup plus envahis par la langue anglaise avant
et ils avaient un français de meilleure qualité que maintenant.
En France, c'est peut-être le phénomène inverse. Les
Français parlent de moins en moins un bon français, ils sont
envahis par... Nommez-les les sortes de langues. Dans leur vocabulaire de tous
les jours, ils utilisent de plus en plus d'anglicismes également,
même plus qu'on ne le fait ici.
M. Leduc (Fabre): J'ai un dernier commentaire.
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, M. le
député, mais Mme Julien voulait
ajouter quelque chose.
Mme Julien: C'est le même phénomène aux
États-Unis pour la langue anglaise. Actuellement, il y a un
appauvrissement notable de la langue anglaise chez les jeunes qui sortent des
écoles américaines. Si l'argument tient, je ne vois pas
très bien pourquoi ici, au Québec, on serait davantage
défavorisés sur ce plan que les Américains ne le sont chez
eux. (16 h 45)
M. Leduc (Fabre): Je suis heureux de vous entendre dire cela. Il
y a donc des difficultés également pour l'apprentissage de
l'anglais en Amérique. J'ai un autre commentaire: lorsque vous parlez du
système d'enseignement d'il y a 20 ou 30 ans, on ne parle plus du
même système d'enseignement. Actuellement, on parle d'un
système d'enseignement qui reçoit à peu près 100%
des jeunes. Auparavant, on parlait d'un système qui recevait
peut-être 15% ou 20% des jeunes qui avaient l'avantage de
fréquenter l'école jusqu'à la douzième année
ou d'aller au collège classique. On ne parle pas tout à fait du
même système. Vous en convenez?
M. Guérin: Est-ce que la quantité doit diminuer la
qualité?
M. Leduc (Fabre): Absolument pas.
Le Président (M. Gagnon): Alors, M. le
député de D'Arcy McGee, je vous permets de poser une très
courte question.
M. Marx: J'espère qu'elle sera aussi longue que celle de
l'adjoint parlementaire.
Le Président (M. Gagnon): Je vous ferai remarquer qu'il y
avait du temps à récupérer de ce côté-ci.
M. Marx: Je n'ai pas de ministre à défendre, je
vais seulement poser une question.
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, M. le
député de D'Arcy McGee. Lorsque vous comparez la longueur des
questions, je vous ferai remarquer qu'il y avait du temps a
récupérer de ce côté-ci, alors que, de votre
côté, on avait dépassé le temps. Je vais essayer
d'être juste pour les deux côtés. Je vous laisse la
parole.
M. Marx: C'est une question très courte et très
simple. À la page 6, vous avez parlé des règlements
invalides et illégaux. Il faut bien s'entendre que ce n'est pas la loi
101 qui est illégale ou invalide, ce sont les règlements. Les
règlements sont adoptés par l'office, on peut dire par le
ministre. Vraiment, c'est le ministre qui a fait adopter ces règlements
dits illégaux que le ministère de la Justice et le doyen de la
faculté de droit à l'Université de Montréal
qualifient d'invalides. Mais vous êtes dans l'entreprise et normalement
dans l'entreprise on conteste des règlements invalides. Il y a un
contentieux dans les entreprises. On conteste toutes sortes de lois: la loi 17
maintenant. Les enseignants contestent la loi 111. Il y a des avocats qui
gagnent leur vie en contestant des règlements dits invalides, devant la
cour. Ici, nous avons des règlements invalides à leur face
même. Le ministre de la Justice serait d'accord s'il était ici
aujourd'hui.
Comment expliquez-vous l'absence de contestation de ces
règlements invalides? Vous comprenez que, si personne ne conteste ces
règlements invalides, le ministre continuera d'adopter des
règlements invalides et il ne respectera pas la loi 101, parce qu'il se
dira: Personne ne me contestera, il n'est pas nécessaire que je respecte
le cadre de la loi 101. Les individus n'ont pas de ressources pour contester
ces règlements. Si ce ne sont pas les entreprises qui les contestent, le
ministre va continuer comme toujours. Il dira: Le cadre de la loi 101, ce n'est
pas important parce que personne ne va me contester. Comment expliquez-vous
cette absence de contestation?
Le Président (M. Gagnon): Mme Audette.
Mme Audette: D'abord, je ne voudrais pas vous reprendre, M. le
député, mais il y a eu beaucoup de contestations de la part de
l'entreprise. Je vais encore vous effrayer et vous faire sauter en disant que,
dans 70% des cas, l'office a tendu une oreille et nous a écoutés.
Aujourd'hui, on ne relève que quelques exemples ou quelques points de
loi. Enfin, cela prendrait peut-être des juristes plus compétents
que moi pour répondre à cela, mais il ne faut pas oublier que
c'était peut-être la première expérience de
francisation pour le monde de l'entreprise. C'était également la
première expérience pour les gens de l'office. Chaque fois que
l'on s'est rendu compte que ce n'était pas vivable, on en a
discuté et des règlements ont été amendés,
certains du moins.
M. Marx: C'est à la page 6. Ces règlements, on ne
peut pas les contester à l'office, il faut les contester devant les
tribunaux. S'il y avait une ou deux contestations devant les tribunaux...
Mme Audette: Vous parliez des règlements.
M. Marx: Oui, des règlements. Mais comment expliquez-vous
que les entreprises, qui contestent tout ce que l'on adopte ici à
l'Assemblée nationale, ne contestent pas ces règlements
invalides à leur face même devant les tribunaux?
M. Brockbank: Pour une bonne partie, certains règlements
font l'affaire des compagnies en un sens parce que cela leur donne plus de
souplesse pour appliquer la loi. Elles ne tiennent pas à les contester
absolument, pas tous en tout cas.
M. Marx: Donc, pour les règlements qui font l'affaire
d'une compagnie, vous êtes d'accord que le ministre ne respecte pas la
loi?
M. Brockbank: Non.
M. Marx: Mais c'est ce que vous dites.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee...
M. Brockbank: Ce n'est pas au sens de ne pas respecter la
loi.
Le Président (M. Gagnon): ...vous aviez une très
courte question.
M. Brockbank: Ce n'est pas au sens de ne pas respecter la loi. Ce
n'est pas tout à fait cela.
M. Marx: Un règlement invalide, alors.
M. Brockbank: C'est d'avoir plus de souplesse dans
l'interprétation et dans l'application. Mais cela n'invalide pas la loi
elle-même.
M. Marx: Non. Mais un règlement. Vous avez écrit
à la page 6...
Le Président (M. Gagnon): Merci.
M. Marx: ... "À diverses reprises, surtout à
l'époque de la promulgation des règlements découlant de la
charte, nous étions consternés devant les projets de
règlements que nous avons à étudier. Cet article contredit
la loi, celui-là la modifie, cet autre dépasse les pouvoirs de
réglementation de l'office," et ainsi de suite. Vous dites que ces
règlements sont très précaires; après, à la
page 7, vous parlez de l'absence de contestation devant les cours.
M. Brockbank: Officielle.
M. Marx: Officielle, c'est sûr. C'est officiel devant la
cour. Mais comment expliquez-vous cette absence de contestation devant les
cours par les entreprises où vous travaillez?
M. Brockbank: Je crois avoir répondu à cela en
partie.
Le Président (M. Gagnon): Je trouve que la question a
été posée à plusieurs reprises. Qui peut
répondre?
Mme Audette: Je peux ajouter tout simplement que l'entreprise, en
plus de se franciser, n'a peut-être pas toujours le temps de contester.
C'est peut-être la seule réponse que je puisse vous faire.
Écoutez, on a des lois, on essaie de les respecter, on ne les - je
cherche mon terme - contourne pas, mais quand on ne peut vivre...
M. Marx: Est-ce que vous avez peur de contester...
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député.
M. Marx: ...les règlements de l'Office de la langue
française sans avoir peur de contester les règlements de la
Commission de la santé et de la sécurité du travail?
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: C'est là la question.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de D'Arcy McGee. M. le ministre.
M. Godin: En conclusion, je constate que nous serions parfois en
présence d'un bon règlement illégal. M. le
député de D'Arcy McGee, cela fait partie des réflexions du
gouvernement et de cette commission et on la tient précisément
pour que nous voyions tous un peu plus clair là-dedans.
Maintenant, je rappellerai à tout le monde que c'est quand
même le Conseil de la langue française, ainsi que moi-même
qui avons commandé des études pour voir plus clair, aussi bien au
ministre de la Justice qu'à votre doyen à l'époque, M.
Ouellet, pour en venir à des améliorations de nos lois et
règlements. J'imagine que ce sera une des choses qui seront
étudiées de très près par le Conseil des ministres
et par le caucus dans les semaines qui viennent.
Je voudrais remercier les auteurs du mémoire fort
apprécié par tout le monde, à tel point que nous vous
avons donné plus de temps qu'à d'autres. Ce ne sera pas un
précédent, messieurs et madame de l'Opposition. Donc, je vous
remercie et soyez sûrs que nous tiendrons compte de votre mémoire
quand viendra le moment de procéder à nos modifications. Merci
beaucoup, mesdames, messieurs.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Avant de terminer, je
voudrais m'excuser auprès du député de Deux-Montagnes
à qui j'ai coupé
la parole tantôt. Je ne pensais pas que je serais obligé de
jeter ma montre; à ce moment, on respectait le temps. Merci de votre
excellent mémoire, mesdames, messieurs. J'invite maintenant...
M. Godin: M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le ministre.
M. Godin: Avant le mémoire suivant, j'aurais une question,
c'est-à-dire une réponse à donner à la question du
député de Nelligan sur l'ensemble du secteur aérospatial
au Québec. Je vous donne la liste des principales entreprises et leur
degré de conformité au programme de francisation: Héroux
Ltée, filiale de Bombardier; le programme de francisation a
été approuvé le 19 mars 1982 et ces gens se conforment
à l'échéancier. Innotech Ltée, approuvé le
19 novembre 1982; légèrement en retard. Le programme porte sur la
francisation de documents et formulaires. Aviation Electric Ltd., Aviation
Électrique Ltée, approuvé le 27 août 1980;
légèrement en retard. Formulaires et cours de français.
Canadian Aviation Electronics Ltd., approuvé le 17 juillet 1981.
Légèrement en retard. Spar Aérospatiale, approuvé
le 7 août 1981. Légèrement en retard seulement. C'est pour
les relativement bons citoyens corporatifs du Québec.
Les moins bons sont: Canadair. Très en retard. Approuvé le
6 février 1981. Rolls Royce. Très en retard. Approuvé le
15 décembre 1980. Pratt et Whitney. Également très en
retard.
Est-ce que cela répond à votre question, M. le
député de...
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre.
Maintenant, j'invite le Groupe interentreprises pour la gestion informatique de
la terminologie. M. Frenette, je crois, si vous voulez bien nous
présenter les gens qui vous accompagnent. Je vous demanderais, si
possible - je n'ai pas vu le mémoire - de le résumer à
l'intérieur de 20 minutes. Cela va?
Groupe interentreprises pour la
gestion informatique de la
terminologie
M. Frenette (Raymond): M. le Président, M. le ministre,
mesdames et messieurs les députés, membres de cette commission,
je suis donc mandaté par le GITE pour vous présenter ce
mémoire, accompagné de deux collègues qui sont
également membres du GITE. Je vous les présente
immédiatement: Mme Agnès Guitard, à ma gauche, et M.
Pierre Gagnon. Je me propose donc de vous présenter brièvement le
GITE pour ensuite traiter de l'informatisation de la terminologie et conclure
enfin avec quatre recommandations précises.
On vous a parlé de façon très
générale de la francisation et de tous les problèmes
qu'elle comporte. Maintenant, si vous le voulez, on va faire - comme ces gens
de la télévision - un gros plan sur un aspect, un des outils, et
sans doute un des plus importants de la francisation, c'est-à-dire la
recherche et la diffusion de la terminologie.
Je voudrais vous dire un petit peu qui sont les membres du GITE. Le
groupe GITE a été créé en janvier 1982. Le nom au
complet on vous l'a dit tout à l'heure, c'est Groupe interentreprises
pour la gestion informatique de la terminologie. Il compte 22 membres provenant
de 14 grandes entreprises. Cependant, aux fins du présent
mémoire, ces personnes ne représentent pas les entreprises pour
lesquelles elles travaillent. De plus, le GITE est en contact avec des
personnes oeuvrant dans quelque 60 autres entreprises qu'il consulte ou qu'il
informe de ses travaux.
Le GITE est constitué de gestionnaires, de services de
terminologie et de traduction ainsi que de terminologues.
Quels sont donc les objectifs du GITE? Groupe essentiellement de
réflexion et de travail, le GITE a pour objectifs: 1°
l'évaluation des besoins d'ensemble en matière d'automatisation
de la terminologie; 2 la définition de systèmes de gestion de
banques de terminologie conformes aux besoins, d'abord spécifiques puis
communs, des entreprises; 3 l'accès aux divers fonds terminologiques sur
une base de réciprocité.
Voici rapidement quelques réalisations du GITE. Il a
été amené à rédiger un cahier des charges.
Ce document présente les caractéristiques d'un système de
base qui permettrait aux entreprises d'automatiser les fichiers de leurs
services linguistiques. Ces fichiers serviraient non seulement au personnel
linguistique des entreprises, mais aussi à l'ensemble de leurs
employés.
En outre, le système de base ainsi développé
permettrait l'interconnexion de ces banques privées de terminologie,
assurant ainsi une consultation informatisée et réciproque.
Ce cahier des charges a été remis à 20 entreprises,
personnes ou organismes spécialisés en informatique ou en
terminologie. De ce groupe, 9 ont répondu par des propositions
concrètes.
De plus, le GITE a effectué des recherches qui lui ont permis de
recueillir des données précises, qui présentent une image
des réserves terminologiques de 43 entreprises installées au
Québec.
Le GITE est donc né du besoin de
trouver des solutions efficaces à des problèmes de gestion
terminologique en entreprise et de la nécessité de canaliser des
énergies dispersées.
Terminologie et informatisation. Dès les premiers efforts de
francisation de la langue du travail, du commerce et des affaires, la
terminologie - c'est-à-dire les mots et expressions
spécialisés, techniques et scientifiques, nécessaires
à toute communication efficace - est apparue comme étant un
élément essentiel d'un aussi vaste projet. C'est pourquoi les
traducteurs et les terminologues des secteurs public et privé se sont
résolument mis à la tâche pour établir, rassembler
et diffuser les terminologies nécessaires à la francisation. Par
ailleurs, il fallut aussi trouver un moyen rapide de collecte et de diffusion,
d'où la création de la Banque de terminologie du
Québec.
Nous sommes maintenant au seuil d'une nouvelle étape,
décisive et vitale pour la francisation de la langue du travail. En
effet, l'un des principaux obstacles à cette francisation réside
dans la complexité de la recherche terminologique et surtout dans la
difficulté d'accéder aux résultats de cette recherche,
à des fins de communication, évidemment, traduction,
rédaction, adaptation, etc. Les responsables des nombreux chantiers
terminologiques répartis dans les entreprises au Québec
constatent l'importance d'informatiser les résultats de leurs
recherches, qu'elles soient définitives ou non. Cette informatisation
faciliterait et accélérerait les recherches, les mises au point
et surtout les échanges avec les autres producteurs et utilisateurs de
terminologie. En réalité, c'est dans ces chantiers que des
terminologies sont repérées ou créées puis
implantées, échangées, adaptées et
diffusées. Bref, c'est d'abord à ce niveau que tout se passe, au
coeur même de l'activité commerciale et économique. (17
heures)
Toutefois, d'une part, ce travail s'accomplit presque toujours avec la
lenteur exaspérante des méthodes traditionnelles; d'autre part,
il appert que, selon la mission et le mandat de la BTQ, ce n'est qu'au moment
où la terminologie est au point, sûre et impeccable qu'elle peut
enfin être versée dans le fonds terminologique central. Cet
emmagasinement se fait d'ailleurs aux conditions de la BTQ et sans
nécessairement combler tous les besoins réels des utilisateurs et
des producteurs de terminologie.
Les effectifs actuels ne suffisent pas pour accomplir, dans un
délai raisonnable, ce gigantesque travail de collecte et de diffusion de
la terminologie, mais, dans le présent contexte, on ne saurait grever
davantage les budgets pour embaucher du personnel supplémentaire. Il ne
reste qu'une seule solution: fournir aux producteurs de terminologie un outil
qui les rendra plus efficaces, plus rapides et plus rentables dans
l'intérêt des communicateurs, des rédacteurs, des
traducteurs et de tous les utilisateurs de la langue en
général.
S'il faut informatiser les chantiers terminologiques du Québec,
n'y aurait-il pas lieu de réaliser cette informatisation par le biais
d'un puissant ordinateur comme celui de la Banque de terminologie du
Québec? On pourrait ainsi coordonner et harmoniser parfaitement tous les
efforts déployés au Québec en matière de recherche
et de diffusion terminologiques, mais, surtout, on constaterait une
accélération nette du processus de francisation.
Dans le vaste virage technologique amorcé au Québec, il ne
faudrait pas rater l'occasion unique qui nous est donnée de
réaliser par l'informatique l'objectif de la francisation.
La Banque de terminologie du Québec contribue de façon
concrète à l'effort de francisation en diffusant, sous diverses
formes, une grande partie de la terminologie nécessaire à cette
tâche et en faisant connaître, par sa base de données
documentaires, les répertoires terminologiques et lexicographiques
existants. Cet organisme répond à un besoin réel de la
société québécoise, besoin qui avait
été analysé par les experts de l'Office de la langue
française avant la mise en place de la BTQ. L'outil était
nécessaire. Maintenant qu'il existe, il est vraiment utile. Mais,
à l'usage, force est de constater qu'il est perfectible.
Voici donc nos recommandations: 1 Un accès universel. La
terminologie rassemblée par la Banque de terminologie du Québec
n'est pas la seule à être accessible par des moyens
électroniques; d'autres grandes banques existent au Canada et ailleurs
dans le monde. L'accès à ces bases de données paraît
nécessaire, particulièrement à la Banque de terminologie
du Secrétariat d'État. Malheureusement, peu d'entreprises au
Québec peuvent se permettre d'engager des ressources dans la
consultation des autres dictionnaires électroniques. En
conséquence, il est impérieux de mettre en place les
mécanismes qui donneront aux entreprises accès aux autres fonds
terminologiques existants, afin d'élargir encore l'assiette
terminologique sur laquelle doit s'appuyer la francisation du Québec. 2
Accès interentreprises. Plusieurs entreprises disposant de services
linguistiques souhaitent réaliser trois choses avec la BTQ, et ce
à des prix qui leur sont acceptables, bien sûr: 1 permettre
l'accès aux données qu'elles sont prêtes à diffuser
aux entreprises, aux personnes et aux organismes intéressés; 2
accéder aux fonds terminologiques d'autres entreprises avec lesquelles
elle ont des points communs, ne serait-ce que linguistiques, et 3 exploiter
seules les données qu'elles veulent réserver à
leur usage exclusif. 3° Un accès aux logiciels de traitement.
Quelques entreprises auront quand même recours à leur propre
matériel pour la gestion de leurs données terminologiques. Il
arrivera que ce matériel ne sera pas suffisamment puissant pour
effectuer certains tris et produire des lexiques, des vocabulaires ou des
listes de termes aussi facilement qu'une grande banque. Un serveur commun qui
offrirait à ces entreprises d'utiliser ses logiciels de traitement
permettrait sans doute de produire ces instruments de communication au meilleur
coût possible. 4° Compte tenu du contexte informatique existant et de
la nécessité de diffuser plus largement la terminologie, un
échange de vues pratique en ce domaine s'impose. Des mécanismes
de consultation existent déjà, tant au gouvernement que dans le
monde des affaires. Donnons pour seuls exemples: pour le gouvernement, le
Conseil de la langue française et les divers services de l'Office de la
langue française; pour le monde des affaires, l'Association des conseils
en francisation du Québec, le Centre de linguistique de l'entreprise et,
dans une certaine mesure, la Société des traducteurs du
Québec.
Ces mécanismes de consultation doivent être revus pour que
les modalités d'échange de points de vue entre la Banque de
terminologie du Québec et ses utilisateurs tiennent compte de tous les
intervenants immédiats dans le dossier, c'est-à-dire, d'une part,
des producteurs et des utilisateurs de terminologie que sont les divers
services et cabinets de traduction et de terminologie; d'autre part, du
diffuseur même qu'est la Banque de terminologie du Québec.
Les nouveaux mécanismes à mettre en place devront
être permanents et souples. Ils devront permettre d'analyser
périodiquement les besoins terminologiques des Québécois
de manière que la BTQ puisse réagir rapidement aux changements de
situation et puisse obtenir au plus tôt de ses utilisateurs la
rétroaction sans laquelle son action ne saurait être efficace.
La Banque de terminologie du Québec, donc, apparaît comme
étant un acteur naturel dans la réalisation de ces objectifs
d'informatisation des chantiers terminologiques, mais il est important qu'elle
s'intègre sans tarder à l'évolution en cours.
Bref, le fonds de la Banque de terminologie du Québec demeure un
puissant outil de francisation, mais, aujourd'hui, le contexte linguistique
ayant évolué, la solution fortement centralisée que
semblait préconiser la BTQ ne répond plus tout à fait
à tous les besoins. Il est devenu nécessaire de tenir compte de
la spécificité de chaque entreprise, de son milieu et des
terminologies qui lui sont propres.
Pour ce faire, le GITE a tenté de proposer des solutions
essentiellement pratiques tels, répétons-le, l'accès
universel, l'accès interentreprises, l'accès aux logiciels de
traitement ainsi que des mécanismes de consultation renouvelés.
Ces solutions, espérons-le, permettront de créer des liens
étroits entre le principal diffuseur de la terminologie au Québec
et ses premiers utilisateurs.
Nous tenons à vous remercier, M. le Président, ainsi que
tous les membres de la commission, d'avoir bien voulu nous entendre. C'est avec
plaisir que nous répondrons à vos questions, s'il y a lieu.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Frenette. Avant de
céder la parole au ministre, je voudrais dire - parce qu'on a
mentionné qu'on aviserait cet après-midi les groupes qu'on devait
entendre demain de la date de l'audition - qu'il y a entente avec l'Association
des manufacturiers canadiens et qu'elle devrait être ici mercredi
après-midi. Quant à Bell Canada, des communications sont
échangées actuellement pour trouver une date qui va convenir
à Bell Canada. M. le ministre.
M. Godin: Merci, Mme Guitard, M. Frenette et M. Gagnon. Je pense
effectivement et pour l'avoir vu en visitant le secteur des pâtes et
papiers à La Tuque que c'est là que j'ai constaté à
quel point il était important d'avoir la terminologie la plus
précise possible et surtout qui fasse école jusqu'à un
certain point et qui soit utilisée à la dimension de la
francophonie. Dans le domaine des pâtes et papiers, l'absence d'une
terminologie complète quoique le problème soit maintenant
résolu -empêchait les entreprises de se franciser, parce qu'elles
attendaient le terme précis en vue de l'afficher sur l'équipement
et la machinerie ainsi que dans ce qu'on appelle en bon français les
"stock rooms", c'est-à-dire les salles de pièces et
d'équipements. Donc, la terminologie est extrêmement importante
pour l'opération qui est en cours présentement au
Québec.
La première question que j'aimerais vous poser est la suivante:
Quelle serait votre évaluation de l'importance et de la qualité
de la terminologie sur ordinateur qui existe présentement au
Québec par rapport à celle d'autres pays francophones ou
même anglophones?
Le Président (M. Gagnon): M. Frenette.
M. Frenette: Je pense que je vais demander à mes
collègues de compléter, s'il y a lieu, mais je vais amorcer, en
tout cas, la réponse. Quand on parle de terminologie, je me demande s'il
y a des endroits dans le monde où on est placé dans une situation
aussi pressante que celle dans laquelle nous
sommes placés au Québec et ce, non pas seulement depuis
l'avènement de la loi 101, mais peut-être depuis plusieurs
années, sinon depuis plusieurs décennies. C'est-à-dire que
nous devons fonctionner constamment dans un feu roulant d'actions - je parle
surtout du monde de l'économie que je connais le mieux
économiques de toutes sortes. Jusqu'à maintenant, jusqu'à
tout récemment encore, les choses étaient forcément,
étant donné le contexte nord-américain et la lenteur avec
laquelle les francophones se sont mis résolument à la tâche
dans le monde de l'économie pour toutes sortes de raisons... Il semble
bien, donc, qu'on fasse face continuellement à une action
poussée, mais dans une langue qui est la langue anglaise et que nous
devons constamment traduire, adapter et rendre efficace pour que le
fonctionnement de l'économie, justement, se fasse sans heurt dans la
langue qui est une langue seconde de l'économie: le français.
C'est en train de changer. Il y a des progrès. Je crois qu'on en a
noté et les gens qui nous ont précédés vous en ont
parlé abondamment.
Il reste quand même qu'on est souvent coincé dans des
délais qui ne sont pas raisonnables pour faire une recherche
terminologique. Il y a un outil qui pointe et c'est celui de l'informatique.
À mon avis, il aurait été presque impensable de songer
à faire, dans l'économie, une langue des affaires avec le
français sans l'avènement de l'informatique. Là, il semble
y avoir certains espoirs. C'est que le traducteur, par exemple, et même
le rédacteur ou le communicateur n'ont pas le temps de faire des
recherches approfondies, mais ils ont souvent une documentation en anglais.
Donc, il reste la possibilité d'appuyer sur un bouton et de demander
l'équivalent du terme anglais qu'on a en référence, mais
on cherche un terme français.
Cependant, vous avez parlé de qualité. Je considère
que ce qui se trouve actuellement informatisé est très valable.
Je crois qu'il faut penser qu'il s'agit, encore une fois, d'une langue de
l'économie - en ce qui me concerne du moins - et que c'est une
évolution constante. Donc, dans certains cas, on n'aura pas
intérêt à faire des recherches continuelles, sauf,
peut-être, dans des domaines où l'on a une technologie de pointe
tellement avancée que les mots sont à créer. Alors
là, forcément, on va prendre le temps un peu. Mais, dans beaucoup
de cas, il y aura une certaine synonymie. Une banque de terminologie qui donne
une réponse rapide me semble justement une solution extraordinaire.
Ce que je pense aussi, c'est qu'on a tellement dépensé
d'énergie et d'argent au Québec pour la traduction et la
recherche terminologique qu'il y en a quand même résulté un
bénéfice. C'est qu'on a acquis, à mon avis, une certaine
avance - je ne dirais pas qu'elle est décisive et extraordinaire -tout
au moins en Amérique du Nord et même par rapport à
certaines entités ailleurs dans la francophonie mondiale, dont il
faudrait possiblement profiter, c'est-à-dire monnayer un peu. Je trouve
que tout ce qu'on met en branle pour franciser et pour faire fonctionner
l'économie en français au Québec a permis
d'acquérir des compétences - et là, je parle des gens -
ainsi qu'un stock terminologique important. Je m'avance peut-être un peu,
mais je me souviens de certaines conversations avec des gens de la francophonie
à l'extérieur du Québec qui nous disaient: Vous avez en
français une terminologie en affaires et même en techniques qui
nous semble parfaitement appropriée à nos besoins parce qu'elle
n'est pas trop littéraire. Elle est très pratique. Elle est
utilisable immédiatement.
Souvent - et là, je ne voudrais certainement pas lancer de
débat - dans le cas de certaines terminologies que l'on suggère
dans quelques pays d'Europe et notamment la France, la Belgique et autres, il
arrive qu'elles sont un peu à côté de notre
réalité économique nord-américaine et moins
utilisables, moins assimilables et moins faciles d'accès. Encore une
fois, je crois que nous avons une occasion de réaliser quelque chose
d'intéressant, à savoir une espèce de table tournante de
la communication où le Québec pourrait jouer un rôle,
d'abord en Amérique du Nord, mais surtout avec la francophonie et
peut-être avec certains pays d'Europe.
Ce qui m'amène à dire cela, c'est que la terminologie
attire depuis un certain temps l'attention des Américains de
façon incroyable. L'ATA - "The American Translators Association" -
regroupait, il y a quelque quinze ans, quelques membres plus ou moins
intéressés. La traduction, ce n'était pas les affaires, ce
n'était pas l'économie. Cela n'intéressait personne. Pas
plus non plus la recherche terminologique. Aujourd'hui, cette association a
pris une vigueur incroyable et on voit une présence de plus en plus
ferme et nombreuse, en qualité également, des Américains
dans les congrès traitant de terminologie, de traduction.
Il nous semble bien que cela fait probablement partie de l'ensemble
"information, communication" et que c'est pour cela que cela intéresse.
Je me demande pourquoi l'on n'essaierait pas de pousser encore un peu ce qu'on
a fait jusqu'à maintenant, mais en l'orientant de façon à
rendre des services et peut-être à les vendre à d'autres
qui pourraient avoir des besoins auxquels nous avons trouvé des
solutions ici. Est-ce trop long comme réponse? (17 h 15)
M. Godin: Je suis mauvais juge là-dedans. J'aurais une
question...
M. Gagnon (Pierre): M. le ministre... M. Godin: Oui, M.
Gagnon.
M. Gagnon (Pierre): ...j'aimerais compléter la
réponse à votre question sur l'évaluation de l'importance.
Au début de la présentation de notre mémoire, on donnait
que GITE avait effectué des recherches qui lui ont permis d'en
évaluer l'importance au Québec. Douze entreprises du CITE ont en
réserve 200 000 termes. C'est quand même un bon dictionnaire. Ces
200 000 termes croissent à un rythme d'à peu près 18 000
fiches par année. Cela vous donne une idée de la portée de
douze entreprises. Ce ne sont pas que de grandes entreprises. C'est important
de le dire.
Le deuxième volet de votre question concernait le monde.
Dernièrement, à Ottawa, la BTQ a participé à un
colloque, je crois, qui réunissait les cinq plus grandes banques de
terminologie française. Je crois que ces gens pourront vous donner avec
précision la somme totale disponible à travers les autres
banques.
M. Godin: J'imagine qu'il y a des coûts énormes
à la mise en place du système que vous proposez,
c'est-à-dire la BTQ, la Banque de terminologie du Québec,
à laquelle se grefferaient les banques de terminologie des clients
éventuellement, quitte à ce que, dans une période X, la
Banque de terminologie du Québec épure les diverses banques qui y
seraient annexées et devienne de plus en plus le dictionnaire
français accessible à tous instantanément.
Premièrement, avez-vous des données sur ce que serait le
coût de cette opération? Deuxièmement, est-ce que
l'existence d'une telle banque ne pourrait pas apporter des retombées
économiques qui compenseraient pour les coûts?
M. Gagnon (Pierre): Premièrement, évaluer
actuellement les coûts, c'est embêtant parce que l'informatique
évolue à un rythme effarant, comme on le disait plus tôt
aujourd'hui, et les prix diminuent sans cesse. Ce qu'il faut constater et
réaliser, c'est que la BTQ a déjà des outils qui peuvent
servir de base à cette construction ou à ce nouveau
système. Le marché québécois vous est acquis d'une
façon naturelle. Il faudrait tout simplement, en bon marchand, vendre le
produit, mais la BTQ ou le gouvernement pourrait offrir à l'ensemble de
l'entreprise un avantage économique qui se calculerait en
économie de temps et d'argent parce qu'à ce moment-là, on
aurait un bassin central où les entreprises pourraient entreposer leur
marchandise, mais aussi la faire partager aux autres.
J'ai souvent été partisan du partage parce que cela permet
d'éviter de dédoubler l'effort. Si, dans une entreprise, on
dépense des heures pour développer un terme et qu'on peut le
partager avec une autre entreprise, ce sont déjà des coûts
économisés. Je pense qu'à ce chapitre, vous pourriez
offrir à l'entreprise un potentiel très intéressant
d'économie de temps et d'argent dans le développement. Je crois
que cela s'inscrit bien dans cette politique du Québec de recherche et
de développement. Cela s'applique à la langue aussi.
M. Godin: Une dernière question. À votre
connaissance, est-ce que les entreprises seraient disposées à
assumer une partie des coûts de ce service dont elles se doteraient par
la BTQ?
M. Gagnon (Pierre): Les membres du
GITE ont toujours dit qu'ils étaient des partenaires raisonnables
les uns envers les autres. Je ne vois pas pourquoi ils ne tenteraient pas de
l'être aussi avec le gouvernement. Donc, à votre question je
présume un oui, mais sans m'engager.
M. Godin: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre.
M. le député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Merci, M. le Président.
M. de Bellefeuille: M. le Président, Mme Guitard a une
réponse.
Le Président (M. Gagnon): Oui, Mme Guitard.
Mme Guitard (Agnès): Pour ajouter à ce qu'on
pourrait dire, il y a certainement, de la part des entreprises, une
volonté d'assumer une partie des coûts de l'opération parce
qu'on considérerait la Banque de terminologie du Québec comme un
serveur informatique. Donc, on paierait certainement pour une partie des
services qu'on demande. Autrement dit, s'il s'agit d'espace mémoire,
même dans un ordinateur, on en acquitte la note. S'il y a du
matériel informatique qu'il faut se procurer, c'est nous qui le
fournissons, etc.
M. Godin: Donc, cela contribuerait à
accélérer le processus de francisation de l'entreprise, tôt
ou tard.
Mme Guitard: Certainement, parce que, si on a une certaine
terminologie, donc un grand bassin de terminologie disponible, à un
point particulier de l'entreprise, par exemple, un service de traduction, et
qu'on a l'intention de le diffuser partout à l'intérieur de la
compagnie, cela pourrait se faire par des terminaux, c'est-à-dire que,
dans
n'importe quel service, le Service des achats ou tout autre, où
on a besoin, à un moment précis, en situation de travail, d'une
terminologie française, on pourrait l'obtenir par terminal et moyen
informatique par le...
M. Godin: Est-ce que cela pourrait régler la question des
bons de commande, soulevée précédemment par les gens de la
francisation?
Une voix: Dans les compagnies où c'est
informatisé.
M. Marx: On n'a pas compris.
Mme Guitard: Si on admet le principe qu'on doit écrire des
choses en français dans les bons de commande, cela la résoudrait.
Mais si des personnes insistent pour que les bons de commande soient en
anglais, cela ne résout pas la question.
M. Godin: Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Je veux remercier les représentants du GITE
d'être venus ici. Je suis heureux de vous avoir entendus aujourd'hui,
parce qu'il pourrait arriver qu'on demande aux gens de revenir un autre jour,
étant donné qu'il manque des députés
ministériels.
J'ai eu l'occasion de travailler avec une banque de terminologie;
c'était Datum, à la faculté de droit de
l'Université de Montréal. C'était une des
premières, je pense, et elle a été très utile,
parce que, quand j'ai fait la traduction de l'anglais au français de la
jurisprudence constitutionnelle au Canada, j'ai utilisé cette banque de
terminologie.
Je comprends qu'il serait utile de donner suite à vos
recommandations. J'ai deux questions. Premièrement, en ce qui concerne
les coûts, quels seront-ils si on donne suite à vos
recommandations? Vous avez déjà expliqué que ce serait
l'entreprise qui paierait au moins une partie de ces coûts.
Deuxièmement, est-ce que c'est seulement une question d'augmenter la
capacité de l'ordinateur? Est-ce que cela prendra plus de personnel,
etc.?
Une voix: Personnel du gouvernement. M. Marx: Personnel du
gouvernement.
M. Frenette: J'aimerais faire allusion à une
réponse partielle qui a été donnée aujourd'hui
à ce sujet. On parlait de rendre un service pourvu qu'on ait une autre
génération d'ordinateurs. Je pense que les ordinateurs, cela
devient périmé après un certain temps et, quelquefois,
malheureusement, un peu trop rapidement. Peut-être qu'effectivement il
faudrait profiter d'une occasion possible et faire une étude de
marketing ou de commercialisation un peu de démarchage - étude
que ferait certainement, sans doute, la BTQ - avant de se lancer dans une
dépense de cet ordre; profiter du fait que cet ordinateur commence
déjà à donner des signes de faiblesse même pour les
besoins actuels de la banque, sans songer à n'importe quel autre besoin
qu'on pourrait ajouter, même le fonctionnement actuel de la banque. Je ne
veux pas me faire le porte-parole de la BTQ, mais je pense que
déjà elle éprouve certaines difficultés à
donner le service dans certains délais, ou que certains services ne
peuvent être donnés parce que l'ordinateur n'est pas
adéquat.
Donc, il faudrait peut-être, à ce moment-là, avant
d'acheter une autre génération d'ordinateurs, déterminer
quels sont les besoins et essayer de voir si on ne peut pas justement faire
payer une partie de la note en comblant les besoins qui semblent se dessiner
dans les entreprises. Même si on a dit - on l'a précisé
tout à l'heure - qu'il n'y a qu'une vingtaine de membres, il y a au
moins une soixantaine de grandes entreprises qui s'intéressent à
nos études et elles ne doivent certainement pas s'imaginer que tout va
leur tomber tout cuit dans le bec, que ça ne leur coûtera rien.
Des coûts raisonnables. Mais je pense que ce ne sera pas à nous
à prendre l'initiative de voir quels seront les coûts en question.
Je pense que cela vaudrait la peine de le faire.
M. Marx: J'espère que vous aurez la collaboration du
ministre pour donner suite à ces recommandations.
Le Président (M. Gagnon): M. Gagnon.
M. Gagnon (Pierre): Si je peux me permettre, sur ce même
sujet, M. le Président, ce n'est pas vraiment notre rôle de vous
éclairer sur les coûts. Par contre, c'est peut-être notre
rôle de vous donner une idée d'où peuvent provenir les
coûts. Vous avez mentionné que les entreprises seraient
prêtes à payer une partie de l'investissement. Ce n'est pas tout
à fait exact. Les entreprises sont prêtes à participer ou
à payer les services qui seront offerts; l'investissement serait d'abord
la responsabilité de celui à qui appartient le système
informatique de base.
Quant à l'organisation de tout cela, je crois que les
spécialistes en informatique à l'emploi du gouvernement comme
à l'emploi de la BTQ sont en très bonne position pour donner une
idée des besoins informatiques qui seront requis. Je suis certain qu'ils
ont lu le cahier des charges que nous leur avons fait parvenir qui donne une
très bonne idée des
attentes de l'ensemble des entreprises.
Il y a aussi une autre solution, qu'on aime moins en milieu
gouvernemental, mais que les entreprises croient valable; il s'agit d'une
coparticipation avec la Banque du Secrétariat d'État qui a
déjà beaucoup de chemin de fait dans cette nouvelle forme de
services aux entreprises. Je crois que c'est aussi un choix très
intéressant pour le Québec de prendre en considération
cette option. J'espère que cela vous donne...
M. Marx: J'aimerais vous poser une dernière question. Y
a-t-il danger que, si on ne fait pas cela au Québec, ce soit fait au
fédéral? Je pense que, dans le domaine juridique, cela ne s'est
pas fait au Québec. On a commencé, mais, après quelques
années, lorsqu'il y a eu un manque d'argent au Québec, un manque
de subvention du gouvernement du Québec, c'est le gouvernement
fédéral qui a pris tout le système en charge. Y a-t-il
danger ici que, si on ne s'occupe pas de ce dossier nous-mêmes, il soit
pris en charge par le fédéral?
M. Gagnon (Pierre): Notre mémoire souligne très
bien ce danger, si danger il y a, mais on peut déjà dire que le
gouvernement fédéral a une longueur d'avance sur les
infrastructures que l'on retrouve au Québec.
Le Président (M. Gagnon): Mme
Guitard.
Mme Guitard: Pour répondre à M. le
député, concernant le danger que ce soit fait par Ottawa, si la
Banque de terminologie du Québec ne prenait pas en charge ce qu'on
demande, je dirai que ce n'est pas ce danger qui semble se poser, mais
plutôt que ce ne soit ni Ottawa, ni Québec qui le fasse mais que
ce soient les entreprises qui en assument les frais. Comme on commence à
zéro, c'est ce qui nous embarrasse. J'ai l'impression que la question ne
se pose pas à savoir si cela se fera à Ottawa ou à
Québec.
M. Marx: Quand on dit au ministre qu'Ottawa va prendre cela en
charge, cela va l'encourager à faire quelque chose plus vite.
Le Président (M. Gagnon): M. Gagnon, vous vouliez ajouter
quelque chose.
M. Gagnon (Pierre): Si je peux enchaîner sur le même
sujet, j'aimerais rappeler aux membres de la commission que, depuis 1975 ou
vers ces années, l'entreprise rappelle aux deux gouvernements, autant
provincial que fédéral, qu'il faudrait de plus en plus de
collaboration à ce chapitre. Le GITE est né jusqu'à un
certain point du fait que les deux banques ou les deux gouvernements ne se
parlaient pas. L'entreprise est très près de prendre en main sa
destinée à sa façon, et ce ne sera pas
nécessairement celle préconisée par les gouvernements.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Groulx.
M. Fallu: Ma question porte sur votre troisième
recommandation. Vous suggérez que la Banque de terminologie du
Québec puisse offrir aux entreprises l'utilisation de ses logiciels de
traitement. Confirmez-vous par là que les logiciels de traitement de la
banque sont compatibles avec le travail que vous avez à faire
quotidiennement? Ne remettez-vous pas en cause les méthodes de travail,
le logiciel de la Banque de terminologie? (17 h 30)
M. Gagnon (Pierre): Tout d'abord, il faut se placer dans le
contexte. Ce que le GITE propose, c'est une solution globale où l'on
puisse retrouver des entreprises qui souhaitent entreposer leur terminologie
dans la banque centrale, mais on pourra aussi rencontrer des entreprises qui
souhaiteront garder leur terminologie chez elles, parce qu'elles ont des
possibilités d'entreposage. Celles qui vont avoir chez elles le bagage
terminologique auront probablement la possibilité d'accéder
à cette banque, de la consulter pour obtenir de l'information, mais
elles ne pourront pas traiter ces termes, par exemple, pour en faire un
vocabulaire ou un lexique. À ce moment, on souhaiterait pouvoir
transmettre, par exemple, par téléphone à la banque
centrale cette somme d'information, la faire traiter en temps
différé, la nuit, par l'ordinateur central, par les logiciels
déjà en place pour d'autres besoins du gouvernement ou de la
banque centrale et recevoir des rapports donnant les résultats
demandés. Le concept, on le retrouve dans d'autres domaines
scientifiques, par exemple, les universités vont offrir à des
entreprises l'accès à un logiciel qui fait, par exemple, le
calcul de l'éclairage d'un terrain de baseball. L'entreprise envoie les
données. Le logiciel traite les données et retourne une
réponse avec un graphique. C'est un peu ce concept qu'on propose.
M. Fallu: Donc, ce que vous souhaitez au départ, c'est la
réciprocité, mais à partir d'un logiciel qui vous serait
commun, d'un langage informatique qui vous serait commun, celui de la BTQ.
M. Gagnon (Pierre): Une méthode, dois-je dire, parce qu'on
pourrait avoir un logiciel qui est propre à un système et avoir
dans les entreprises d'autres systèmes, et, par la magie des
télécommunications, faire des échanges.
M. Fallu: ...qu'il y ait compatibilité à un moment
ou l'autre.
M. Gagnon (Pierre): C'est plus compatibilité que
similarité de logiciels.
M. Fallu: Le but de tout cela, c'est faire en sorte qu'il y ait
complémentarité d'une banque à l'autre, d'une industrie
à l'autre, et qu'il y ait le transfert par la BTQ.
M. Gagnon (Pierre): La BTQ pourrait être le chef
d'orchestre dans le présent cas.
M. Fallu: Quand vous signalez que certaines entreprises
pourraient avoir des banques qui leur seraient réservées, est-ce
que c'est en vue de préserver leur propre technologie ou quoi?
M. Gagnon (Pierre): Cet argument est valable, mais,
habituellement, c'est pour éviter des coûts de fonctionnement. Je
vous donne un exemple. Si, dans une entreprise, on entrepose de 25 000 à
30 000 fiches et qu'on a un achalandage de ce fichier assez
élevé, à ce moment, s'il faut consulter à chaque
fois la banque centrale, les coûts de communication vont augmenter. Donc,
il serait avantageux pour une entreprise comme celle-ci d'avoir chez elle
l'ensemble de ce qui lui est propre, quitte, après entente avec la BTQ,
à avoir une copie à la BTQ, mais d'abord se consulter
soi-même. Puis, lorsqu'elle s'est consultée, si elle ne trouve
pas, qu'elle aille à la BTQ. Si, par exemple, une entreprise qui est en
technologie de l'électronique a besoin d'un renseignement en finances,
elle pourrait, par exemple, aller consulter la banque centrale au niveau des
finances et collaborer, en ce qui la concerne, au niveau de la technologie.
M. Fallu: Ce n'est pas en vue de protéger ces stocks
terminologiques que ce serait fait.
M. Gagnon (Pierre): Un gros non, mais un petit oui, si je peux
m'exprimer ainsi.
M. Fallu: D'accord.
M. Gagnon (Pierre): Dans certains cas, on voudra protéger
quelques termes parce que cela touche à un procédé bien
spécial dans l'entreprise. Mais ce n'est pas l'argument fondamental.
C'est un argument faible. Il est quand même présent. Ce sont
principalement des raisons économiques qui feraient qu'on voudrait avoir
une banque chez soi. Naturellement, si les coûts d'accès au
système central sont vraiment infimes en termes de dollars,
peut-être qu'à ce moment on sera intéressé à
tout laisser au système central.
M. Fallu: Merci.
Le Président (M. Gagnon): M. Frenette, est-ce que vous
vouliez ajouter quelque chose?
M. Frenette: Cela va.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Godin: Merci, messieurs, merci, madame. Nous allons tenter de
tirer le meilleur parti possible de vos suggestions quant à l'avenir de
la BTQ et surtout de la terminologie française au Québec, dans la
mesure où elle est la base de l'opération que nous voulons mener,
d'une part, et, d'autre part, qu'il y a un marché éventuel pour
une telle banque. Merci beaucoup, encore une fois.
Le Président (M. Gagnon): Merci, madame; merci, messieurs
et merci au groupe que vous représentez.
Maintenant, j'inviterais le Conseil catholique de l'expression anglaise
à prendre place. Durant ce temps, je voudrais compléter
l'information qu'on a donnée tantôt. Le groupe Bell Canada sera
entendu jeudi le 27, à la fin de l'après-midi. Donc,
l'Association des manufacturiers canadiens viendra mercredi et Bell Canada le
jeudi 27 octobre.
M. Godin: M. le Président, si vous me le permettez?
Le Président (M. Gagnon): Oui.
M. Godin: En réponse à la question du
député de D'Arcy McGee. M. le député de D'Arcy
McGee?
Le Président (M. Gagnon): M. le député.
M. Godin: Je vous avais promis qu'avant la fin de la
présente réunion, je vous ferais parvenir la liste de tous les
travaux du Conseil de la langue française déjà
publiés, en voie de publication ou en cours présentement, et je
vous la remets dans les secondes qui suivent, ainsi qu'à tous les
membres de la commission.
M. Marx: Et vos autres promesses?
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre.
M. Marx: M. le ministre, vos autres promesses?
M. Godin: Quant à l'Office de la langue française,
nous les aurons la semaine prochaine, ces mêmes trois listes. La
Commission de surveillance, de son côté, n'a fait aucune
recherche.
M. Marx: Mais pour les publications qui n'étaient pas
publiées...
M. Godin: Tout est là.
M. Marx: ...ou les sondages qui n'étaient pas
publiés, qui n'étaient pas rendus publics?
M. Godin: Vous aurez une liste complète, M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Est-ce que ce sera possible pour nous de commander des
photocopies de ces études?
M. Godin: Tout à fait; même les originaux, si vous
voulez.
M. Marx: J'aimerais qu'ils soient gardés par l'office,
pour une autre commission qui pourrait un jour succéder à la
nôtre.
Le Président (M. Gagnon): Alors, vous avez eu votre
réponse, M. le député?
M. McLaughlin, si vous voulez nous présenter les gens qui vous
accompagnent ainsi que nous faire la lecture de votre mémoire.
Conseil catholique de l'expression anglaise
M. McLaughlin (Frank): Thank you, Mr. President. I would like to
greet you and Mr. Godin, and Ladies and Gentlemen of The Québec National
Assembly. My colleagues are Mr. Harold Thuringer, on my left, executive
director of the Council; and, on my right, Mr. Richard McConomy, who is a
member of our Board of Directors; and myself, Frank McLaughlin. I am the
Vice-President and a member of the Board of Directors of the Council.
We would like, first of all, to thank the members of this parliamentary
commission for receiving our brief and for inviting us to the hearing. We would
like to remind ourselves and, perhaps, we should try to remind one another of
the tradition of cordial generosity that has characterized the relationship
between French and English speaking catholics of this province. The English
speaking catholics have much for which to be thankful, because our brother
French citizens have encouraged us for well over a century to build up a school
system within their own French system that would satisfy our cultural,
religious, and language needs. The same can be said of the health and social
services institutions that we have been encouraged and aided in
establishing.
We present our brief in the light of six years of experience under the
Charter of the French language whose noble purpose is to promote the French
language, that is to promote the language of the majority of Quebeckers. Our
appeal is to have you, our legislators, recognize that a minority of Quebeckers
and, particularly, our community of English speaking catholics, are finding
serious obstacles in the way of our survival as a distinctive, vital member of
the new Québec.
We appeal to you for a continuation of the good will and the generosity
that has marked our relationships for many generations. Surely, your
fair-mindedness and your sense of justice will see that appropriate steps are
taken to remove the obstacles that we see as substantial impediments to our
survival as fully and enfranchised English Quebeckers.
Alors, qui sommes-nous? Le Conseil catholique de l'expression anglaise a
été fondé en 1980 par un groupe de citoyens engagés
qui essayaient de cerner les besoins et les ressources de leur
collectivité en matière de services sociaux, de santé, de
soutien aux jeunes, aux personnes âgées et à la
famille.
Le Conseil catholique de l'expression anglaise tente d'assurer la
coordination entre les divers organismes, établissements et paroisses et
de les représenter dans l'ensemble de la collectivité. Il
constitue le point de convergence pour quelque 170 000 catholiques d'expression
anglaise qui essaient de travailler de concert au maintien et à
l'édification d'une collectivité culturelle et religieuse solide
ainsi qu'à la formation d'une position et de moyens d'action communs
face aux politiques qui touchent la survie de notre collectivité.
Étant donné ce rôle, le conseil est en liaison avec de
nombreux établissements collectifs et organismes gouvernementaux.
Comme la loi 101 bouleverse profondément la collectivité
anglophone et plus particulièrement les catholiques d'expression
anglaise, nous avons élaboré une position qui s'inspire des
réactions recueillies au sein de nos citoyens par l'entremise de nos
organismes. Nous en citons quelques exemples, une liste partielle:
l'hôpital St. Mary's, le Father Dowd Home, le Mount St. Patrick, les
Services communautaires catholiques. Nous avons six commissions scolaires
catholiques avec environ 45 000 élèves catholiques anglophones,
80 écoles primaires et secondaires et 5 écoles privées, 39
paroisses sur l'île de Montréal, environ 500 prêtres et
religieuses.
Notre collectivité jouit depuis toujours de la participation
active de nombreux volontaires à ses établissements, organismes
et groupes culturels religieux et confraternels.
Bien que le conseil joue surtout un rôle
de coordination chez nous, il s'occupe aussi de lancer des ponts vers la
collectivité francophone et de s'engager à fond dans la vie
québécoise.
Pour s'acquitter de son rôle et de ses responsabilités, le
conseil a mis sur pied des comités volontaires responsables dans bien
des domaines. Vous pouvez faire la lecture de la liste.
J'en arrive à nos deux préoccupations. Nos plus grandes
préoccupations touchent les domaines de nos institutions et de la
représentation.
Si on fait un peu d'histoire, il apparaît évident que la
collectivité catholique d'expression anglaise a contribué
à la croissance et au bien-être du Québec. Les relations
entre le groupe catholique anglophone et le groupe francophone ont toujours
été productives et cordiales. Malheureusement, nous sommes
persuadés que certains éléments de la loi 101 vont
gêner notre capacité de fonctionner efficacement en tant que
collectivité.
Parlons pendant quelques minutes de nos institutions. Nos institutions
ont été fondées par les catholiques d'expression anglaise
au cours des 150 dernières années en vue de répondre aux
besoins de notre groupe. Aujourd'hui, leur caractère propre et leurs
valeurs catholiques se trouvent menacés du fait qu'elles ne sont plus
spontanément perçues comme d'expression anglaise et catholiques
et qu'il leur est de plus en plus difficile de recruter et de conserver leur
personnel catholique anglophone.
Nous devons pouvoir attirer et conserver des professionnels de haut
calibre pour que notre collectivité survive. Nous devons pouvoir
fonctionner en anglais pour servir convenablement nos membres, surtout les plus
fragiles d'entre eux comme, par exemple, les handicapés physiques ou
mentaux, les personnes âgées et nos jeunes. Nous sommes
néanmoins tout disposés à servir aussi la population
francophone et nous sommes parfaitement en mesure de le faire.
Nous croyons que l'incident linguistique survenu à
l'hôpital St. Mary's a eu un effet particulièrement négatif
sur la collectivité. Depuis ce temps, certains membres du personnel de
l'hôpital semblent plus préoccupés par la langue que par
les soins. Nous suggérons donc fortement que la loi 101 soit
modifiée comme suit: Que les établissements catholiques de langue
anglaise soient exemptés d'appliquer certains articles de la loi 101
comme, par exemple, c'est le cas dans les sièges sociaux qui ont obtenu
des statuts particuliers. Que les employés d'un établissement
anglophone aient le droit de parler anglais, de rédiger leurs rapports
en anglais et d'assurer, par le fait même, les communications internes
dans leur langue ainsi que les communications entre les divers
établissements anglophones. Que le tests de français soient
abolis et remplacés par un enseignement du français de
très haute qualité dans nos écoles. Que l'affichage
bilingue en français et dans une autre langue soit permis. Que le
gouvernement fournisse sans exception à tous les citoyens de langue
anglaise les services, les renseignements, les formules, les documents dont ils
ont besoin dans leur langue, mais, en particulier - on vous en prie - aux
membres les plus vulnérables de notre société. (17 h
45)
Ainsi, au Foyer Father Dov/d et dans les divers CLSC, il est impossible
d'obtenir des formules ou des renseignements en anglais. Pour être encore
plus précis, il est impossible d'avoir en anglais le texte des
changements apportés récemment par le conseil régional
à la politique de pension et de soins à long terme qui modifie en
profondeur tous les processus d'admission, d'évaluation et de
référence. Il va sans dire que cela nuit non seulement à
nos clients possibles, mais aussi à notre réseau de
référence des paroisses et des groupes de
bénévoles.
Il est irréaliste d'insister pour que tous les employés
d'un établissement soient bilingues - comme le fera la loi 101 en
décembre quand l'article 113f sera en vigueur - au lieu d'exiger
simplement la capacité d'offrir des services bilingues. Il s'agit
là d'une injustice fondamentale qui entraînera non seulement la
disparition de nos institutions, mais aussi la destruction du réseau
culturel et linguistique des organismes et des professionnels qui s'emploient
à secourir les autres.
Nous voulons passer à l'élément de la
représentation. Notre collectivité d'expression anglaise
désire poursuivre son engagement non pas seulement dans son milieu, mais
aussi dans les établissements de l'ensemble de la société
et au gouvernement. À l'heure actuelle, les anglophones ne sont pas
justement représentés dans la fonction publique, dans les
diverses commissions et dans les structures publiques et parapubliques.
Même la loi 27, qui vise pourtant à assurer une juste
représentation au sein des commissions de santé et des services
sociaux, du fait de sa complexité, de l'absence quasi complète de
directives en langue anglaise, du parachutage des membres de l'extérieur
ou de la nomination de membres sans qu'il ait été tenu compte de
leur engagement historique, linguistique ou religieux dans notre
collectivité, n'a fait que susciter la méfiance et réduire
à néant les établissements sains où règne la
collaboration que nous recherchons tous. De telles initiatives
découragent l'engagement et les efforts de nos bénévoles
parmi nos minorités.
Que ce soit dans les commissions gouvernementales, au conseil
régional ou au
conseil supérieur, nous sommes insuffisamment
représentés. Nous ne demandons pas mieux que de servir et de
prendre nos responsabilités, mais, pour ce faire, nous avons besoin
d'encouragement et d'ouverture de la part du gouvernement. Bien peu a
été fait pour augmenter notre taux de représentation, et
cela, malgré la création d'un bureau spécial à
cette fin.
Dans le domaine de l'éducation, nous avons jusqu'à
maintenant demandé à plusieurs reprises qu'un de nos membres
représente nos valeurs linguistiques et religieuses au conseil
supérieur. Or, à ce jour, aucune nomination n'a été
faite. Moins de 3% de la grande communauté anglophone du Québec
fait partie de la fonction publique. Bon nombre d'organismes qui s'identifient
à la collectivité anglophone ont aussi beaucoup de
difficulté à faire élire des représentants au sein
des commissions et organismes gouvernementaux.
Touchons quelques instants le domaine de l'éducation. Nous
constatons que le gouvernement envisage de conserver les commissions scolaires
linguistiques dans sa structure, mais, dans ce cas-là, à moins
que la loi 101 ne s'assouplisse assez pour permettre aux commissions de
s'identifier dans les deux langues, leur viabilité et leur force de
communication se trouveront détruites dans l'oeuf.
Ce sujet nous préoccupe tout particulièrement, comme le
fait que les commissions scolaires anglaises soient autorisées à
utiliser l'anglais et à fonctionner dans cette langue et que nous
puissions avoir droit de regard sur les programmes scolaires et religieux de
sorte qu'ils reflètent avec justesse nos valeurs linguistiques,
culturelles et religieuses. Nous estimons en outre que les étudiants
connus sous l'appellation d"'illégaux" soient amnistiés et
intégrés dans le système scolaire anglophone courant et
que, pour toutes les inscriptions futures, on applique la clause Canada.
Nous préconisons l'application d'une approche plus humaine et
d'une méthode plus efficace a la commission d'appel pour ce qui est de
l'accès à l'école anglaise. Les décisions
retardées, la démission de certains groupes de commissaires, pour
ne nommer que ces cas-là, laissent supposer que des changements
immédiats et significatifs s'imposent.
Brièvement, un mot sur le réseau des services sociaux.
Comme nous l'avons fait remarquer plus tôt, il est important, du point de
vue linguistique et culturel, de maintenir notre réseau de services. Le
gouvernement est-il disposé à assurer la conservation des
services sociaux identifiés à notre langue et à notre
culture? En termes clairs, cela veut dire que la décentralisation vers
les CLSC en même temps que le maintien d'établissements de soins
et de tables de consultation doivent tenir compte du besoin d'avoir des
représen- tants et du personnel de notre groupe linguistique.
Nous croyons que, surtout dans le cas des établissements pour
personnes âgées, pour handicapés physiques ou mentaux, la
collectivité catholique d'expression anglaise devrait contrôler
les admissions afin d'assurer que l'espace restreint qui nous est accessible
soit effectivement mis à notre disposition et que nous puissions y
offrir des services dans notre langue et en accord avec nos valeurs
religieuses.
Nous avons fait un sommaire de nos recommandations; il y a quatorze
points que nous avons regroupés un peu. Je vais simplement les citer et
je vais demander à mes collègues de faire des commentaires ou de
les développer.
Notre recommandation no 1: Qu'on reconnaisse un statut officiel à
la langue anglaise au Québec. M. McConomy aura des commentaires à
faire.
M. McConomy (Richard): It is to be remarked that in the law,
there is no mention of the English language. Our intention is to bring to your
attention and our desire is that you understand that this has given rise to at
least some of the negative impact. The recent court decisions indicate that
there is a status for English, be it the status in the courts or the status
that I am exercising now by talking to you, as members of the National
Assembly, in the English language. This status does, exist. That is confirmed
in the law.
What we are asking is that you consider seriously placing in the law
some recognition of a special historical contribution from the English
community, confirming thereby a status of the language. We are not speaking of
an equal status, but we are speaking of a status. It is there, in the law, now.
Unfortunately, the law as it is presently drafted has been bypassed by at least
one decision of the courts. It is our feeling that some attempt should be made
to at least recognize the existence of the English community and their
contribution to the history of this province. It may not be the thrust and the
priority certainly of a French language charter, but I would think that at
least a mention could be made there.
M. McLaughlin: Nous allons maintenant passer aux recommandations
2, 6 et 13 que nous avons jugé bon de regrouper. 2. "Que les
employés d'un établissement anglophone soient autorisés
à parler anglais et à écrire leurs rapports en anglais de
façon à assurer les communications internes en anglais, de
même que la communication en anglais entre les divers
établissements anglophones, c'est-à-dire le bilinguisme
institutionnel plutôt que le bilinguisme individuel et ce dans les
services sociaux et de santé ainsi que de
l'éducation."
La recommandation 6 se lit comme suit: "Que les établissements
catholiques de langue anglaise soient exemptés d'appliquer certains
articles de la loi 101, comme c'est le cas de certains sièges
sociaux."
La recommandation 13 se lit: "Que l'exemption prévue à
l'article 113f et que le délai prévu à l'article 25 soient
prolongés indéfiniment."
M. McConomy aura des commentaires à faire.
M. McConomy: Our intention in recommending these three separate
things is to bring to the notice of this commission the existence of certain
institutions inside the English community. An example that I might give is that
of a school board which consists of English teachers, English administrators
and English pupils. It seems that there is at least a feeling, in the
community, that with the coming of the month of December there will be a
necessity to communicate at least bilingually and, possibly, only in French
inside that type of institution. The law itself does not seem to be clear. The
confusions that we have heard other people come here and explain to you
concerning the questionableness of some other sections of the law, etc., is not
an issue that we wish to take up. But, certainly, we would like you to consider
being sensitive to the potential problems that would be created, should the law
follow through on 113f and let it no longer apply. We would then be putting a
burden exclusively on English institutions serving an English population to
begin communicating in both languages, if we take the example to the
extreme.
The protection that we are offered in many cases, now, is an
interpretation that says: Of course, that is not the thrust of the law, that is
not the intention of the law, but in effect, on close reading of the law, there
is a very serious problem in understanding precisely what the intentions are
and in conforming to them. So, we would be fearful as a community - and we are
- that those particular rules and regulations concerning institutions be in the
community.
Of course, those institutions dealing with the public should be expected
to deal with the public in French, to provide their services in French and to
interact in French absolutely. We do not think that this is a part of the
debate, but those institutions that have grown up inside the English community
should certainly be exempt, be it with something similar to the head offices or
simply 113f continuing through. This, we leave to you, but that is a priority
we wish to bring to you.
M. McLaughlin: Les recommandations 3 et 8 seront groupées:
3. "Que les tests de français soient abolis et remplacés par un
enseignement du français de grande qualité dans nos
écoles; 8: "Qu'un enseignement de qualité de la langue seconde
soit assuré dans les écoles.
M. Thuringer fera quelques commentaires.
M. Thuringer (Harold): Mr. Chairman, despite the improvements in
the tests that have gone on since they have been introduced - and some very
positive changes have been made - I think that, again, regarding the second
language, there should be a high quality of instruction in the schools, while
avoiding the testing completely. In fact, give that recognition to us as a
community. (18 heures)
Again, we are in no way questioning the primacy of the French language,
but are asking that there be some recognition, possibly on the basis of making
the second language instruction interesting, viable and encouraging, rather
than what can be interpreted as a negative or impeding by-testing.
M. McLaughlin: Nous avons choisi de présenter les
recommandations 5, 12 et 14. La recommandation 5 se lit comme suit: "Que le
gouvernement fournisse sans exception à tous les citoyens de langue
anglaise les services, les renseignements, les formules et les documents dont
ils ont besoin dans leur langue, mais en particulier aux membres les plus
vulnérables de notre société."
Se joint à cela la recommandation 12: "Que le gouvernement
reconnaisse et favorise que les services dans le domaine des services sociaux,
de la santé et de l'éducation soient fournis sur une base
linguistique et culturelle."
La recommandation 14: "Que la collectivité catholique
d'expression anglaise contrôle ses établissements de soins pour
les handicapés physiques ou mentaux et pour les personnes
âgées, de façon à assurer la protection de ses
valeurs linguistiques, culturelles et religieuses."
M. Thuringer dira quelques mots là-dessus.
M. Thuringer: In an effort to be brief, Mr. Chairman, I would
however like to just raise some elaboration on those three points. First of
all, it has been our experience in some of the institutions that we have
mentioned in the text where forms were not available in the English language,
particularly when we are talking about old folks homes and forms that give
access to the service network. If they are not available, that is a cutoff. It
is a kind of block to taking charge or taking the resource that is
available.
As was mentioned by Mr. McLaughlin in the presentation, in the Father
Dowd Home, we have a situation where the new changes that have been brought
about for the admissions are all in French. From the regional council, I quote:
"They are not available in English". That means, first of all, that the
procedure has changed; secondly, the parishes and our network of people that
have been making referrals are at sea and I think that is an important aspect.
If that information could be provided right off in English, so that we can get
into the system, into the francophone system but provide it in English as well,
it would be very helpful. We are not trying to - and I know this is in another
domain in health and social services - "bouleverser tout le système".
What we are saying is: Have some regard for the historical linguistic traits of
referral that have gone on between the institutions in the English community
and let them play out their role given "le grand plan" of the regional council
or of the new DSC.
Again, when we talk about admissions to our institutions, we are not
saying: Look, we want to just become a ghetto again. It is in the sense of: If
there is a place where you can pull together the elderly and there is only one
institution, let us have some role in being the catalysist that brings that
together.
M. McLaughlin: Notre recommandation no 7: "Que des efforts soient
faits pour nommer des représentants de la collectivité anglophone
au conseil de nos établissements, mais aussi dans les commissions
gouvernementales, au Conseil supérieur de l'éducation, etc.." M.
McConomy a peut-être un mot à dire.
M. McConomy: Very briefly, on the thrust of this particular
recommendation...
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, il est 18 heures et
nous devons suspendre.
M. Gratton: M. le Président. Le Président (M. Gagnon):
Oui.
M. Gratton: Je suggérerais qu'on laisse les invités
terminer leur représentation, quitte à suspendre et à les
questionner à compter de 20 heures.
M. Godin: À compter de 20 heures, on reviendrait tous ici,
M. McLaughlin, ça va?
M. McLaughlin: Très bien.
Le Président (M. Gagnon): Vous pouvez terminer votre
présentation et, après, on suspendra.
M. McConomy: Très bien. The thrust of this recommendation
is to the effect that a sensitivity be - and I guess I address both sides of
the House - with whoever is in government to realize that, in effect, there are
institutions that have gone public and that have historically and culturally
been supported by this community. They were founded, their personnel was
brought in from the community and the clientele comes from there. So, in
effect, we ask that we be sensitive to the fact that when people are being
named even to government posts, some attempt should be made to pull those
people from the community so that they still have that historical context.
That was, I think, clearly stated by Mr. McLaughlin.
M. McLaughlin: Notre recommandation no 9, M. le Président,
est la suivante: "Que les élèves illégaux soient
amnistiés et réintégrés dans le système
scolaire anglophone courant."
Rick, est-ce que tu as quelques mots à ajouter?
M. McConomy: I think that we are all quite aware of the problem
of the illegal students in the school system. We, as an English speaking
catholic council, are probably one of the few people that are placed in a
position, as parents and as concerned individuals, to speak of that particular
problem. Our school commission feels that they have to pretend that they do not
exist and our teacher groups have to sort of think that they are a mythical
problem that they cannot identify and show any statistics on.
This is a totally unacceptable situation. These are children of families
that have been in this province for fifteen or twenty years and they were
caught in the retroactive effect of this law coming into effect. I think that a
certain humanity would say that a speedy solution to that problem, one that is
really fairly wide - sweeping, should be an amnisty and it should be
unconditional. We feel it necessary for us to mention that, although it may not
be directly something that would be within the preview of this particular
commission.
M. McLaughlin: Nous avons deux autres points au no 10: "Que la
clause Canada s'applique sur-le-champ à toutes les nouvelles admissions
et qu'à l'avenir tous les gens de langue anglaise qui viendront
s'établir au Québec soient autorisés à inscrire
leurs enfants à l'école anglaise."
Quelques mots Rick?
M. McConomy: Cast our vote, to let you know where we stand on
that; I do not think that we want to get into that debate.
We have seen our school system, which had an open admission policy, very
much reduced and the potential growth really cut back, and the diminishing
numbers are becoming a very serious concern. I think that would suffice. I
really do not want to create that debate at this point.
M. McLaughlin: La recommandation 11: "Que la commission d'appel
soit rendue plus humaine et plus efficace en ce qui a trait à
l'accès à l'école anglaise et même qu'elle soit
éventuellement abolie un jour."
Pour conclure, nous croyons que, même si la prédominance de
la langue française est maintenue comme elle devrait l'être, il
faut néanmoins accorder une certaine reconnaissance à l'anglais.
Les changements que nous proposons ne modifieront en rien la philosophie de
base de la Charte de la langue française. Nous sommes, de plus,
persuadés qu'en instituant la loi 101, le gouvernement ne souhaitait pas
que cette loi contribue au démantèlement éventuel de nos
propres institutions.
La collectivité d'expression anglaise souhaite poursuivre son
engagement dans d'autres établissements collectifs et au sein du
gouvernement. En ce moment, nous estimons que nous ne sommes pas suffisamment
représentés dans la fonction publique, dans les commissions et
dans les organismes publics ou parapublics. Nous sommes disposés
à jouer un rôle actif dans ce domaine mais nous avons besoin de la
collaboration et de l'encouragement du gouvernement.
Le conseil est convaincu qu'il est essentiel de conserver, d'encourager
et de favoriser les liens historiques entre nos deux cultures. De notre
côté, nous sommes inquiets au sujet de notre capacité
à communiquer, dans l'avenir, avec nos collègues francophones et
notre gouvernement d'une manière active et significative. Comment cette
communication pourra-t-elle s'établir si nous ne sommes pas libres de
communiquer sans contrainte dans notre propre groupe linguistique?
Nous croyons qu'il est de la plus haute importance que les divers
groupes culturels du Québec se respectent mutuellement et travaillent de
concert dans une atmosphère positive. Nous croyons aussi que la
collectivité anglophone, en particulier la collectivité
catholique d'expression anglaise, doit pouvoir contrôler et alimenter le
développement de ses traits linguistiques, culturels et religieux.
Les modifications que nous proposons sont non seulement essentielles
pour la survie de nos institutions collectives, mais aussi pour l'existence
d'un Québec sain et prospère. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Sur ce, nous allons vous
inviter à revenir à 20 heures pour répondre aux questions
des membres de la commission. Je suspends nos travaux jusqu'à 20 heures
ce soir.
(Suspension de la séance à 18 h 10)
(Reprise de la séance à 20 h 05)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission élue permanente des communautés culturelles
et de l'immigration poursuit donc ses travaux afin d'entendre tous les
intervenants intéressés par la Charte de la langue
française.
Lors de la suspension de nos travaux pour l'heure du souper, nous avions
terminé l'audition du mémoire du Conseil catholique de
l'expression anglaise. La parole est à M. le ministre.
M. Godin: Merci, M. le Président. Je connais
déjà MM. McLaughlin et Thuringer, les ayant rencontrés
à plusieurs reprises. Il me fait plaisir de vous revoir et surtout de
reparler entre nous de ce qui vous préoccupe. Bonsoir aussi à M.
McConomy.
Puisque nous sommes à la veille d'accoucher ou d'aboutir par
rapport à certaines des revendications, suggestions et critiques qui
nous sont parvenues aussi bien de votre part, d'ailleurs, que d'autres groupes
que j'ai pu rencontrer depuis un an, je vous remercie d'être venus ici
nous répéter en commission parlementaire, de façon plus
officielle et plus publique encore, vos craintes relativement à l'avenir
de vos institutions anglophones.
J'aimerais vous poser un certain nombre de questions de manière
que la portée de la loi 101, en ce qui concerne vos organismes, soit
bien comprise des gens qui nous écoutent. En vertu de l'article 26 de la
loi, toutes les institutions énumérées dans votre
mémoire peuvent utiliser à la fois le français et
l'anglais dans leur dénomination et leurs communications internes,
n'est-ce pas? Is that not a fact...
M. Thuringer: Oui.
M. Godin: ...that all institutions who are under your umbrella
can use both French and English in their denomination and in their internal
communications?
M. McConomy: Est-ce que vous voulez dire qu'à l'article
26, c'est l'usage des deux langues simultanément ou si c'est l'usage de
l'une ou l'autre?
M. Godin: Les deux simultanément.
M. McConomy: Cela veut dire qu'à
l'intérieur de toutes nos institutions il s'agit d'une
communication bilingue.
M. Godin: Voilà. Donc, l'usage de l'anglais et du
français. Mais l'usage de l'anglais - puisque c'est ce qui vous
préoccupe - est autorisé par l'article 26, n'est-ce pas?
Deuxièmement, j'ai été assez étonné
de constater que, dans votre mémoire, puisque la première
institution que vous mentionnez est St. Mary's Hospital, vous ne fassiez nulle
part état de l'existence de l'institut conjoint des hôpitaux de
Montréal, The Joint...
M. McLaughlin: Hospital.
M. Godin: ...Hospital Institute, qui s'est vu confier par
l'office la responsabilité d'administrer les tests. Donc, l'Office de la
langue française a délégué aux hôpitaux
anglophones, dont St. Mary's, qui est dans votre liste, la
responsabilité d'appliquer leurs propres critères de test
linguistique. Ce modèle de fonctionnement n'est-il pas ce qui convient
et ce qui était demandé, d'ailleurs, par les hôpitaux
anglophones, dont St. Mary's? N'est-ce pas un modèle que vous endossez
pour l'avenir de l'application des articles 15 à 23? Ce Joint Institute,
trouvez-vous qu'il fonctionne bien ou si vous avez quelque commentaire à
faire sur son fonctionnement?
M. McLaughlin: Je ne pense pas que nous ayons des commentaires
à faire en ce qui a trait au fonctionnement du comité conjoint
auquel vous faites référence. Je pense qu'au point de
départ, M. le ministre, on abhorre l'idée d'un test, tout
simplement. On reconnaît le besoin d'avoir des personnes
compétentes pour répondre aux besoins de nos anglophones et nos
francophones à l'intérieur d'une institution, mais on abhorre
l'idée du test. Il me semble que c'est là le point.
M. Godin: C'est là qu'est le principe. D'accord. La
question que je me pose est la suivante. Vous reconnaissez ceci dans votre
mémoire: a certain number of the patients in your institutions are
French speaking. So, how can you be sure that they will be taken care of in
French, if you do not have any means to know the fluency in this language of
your employees?
M. McLaughlin: Long before the existence of any bill on language,
there always existed - I go back to my opening statement about the "esprit de
bonne entente", the generosity of your community towards ours over the years...
The fact is that where we have had French speaking Quebeckers in our
institutions, first of all, they have been welcome and we have always managed
to serve them in their language. I think that this is traditional.
Today, if there were some statistical measure of it, we are getting
better at it. I do not think that we or you need tests, anymore than the
English language community needs tests to insure that if I go to
"l'hôpital Sainte-Jeanne-d'Arc", they are going to look after me in
English if it is all I can speak. I go there with confidence or I go there
because of their medical reputation and I get served properly. We do not have a
testing device to insure us of that. I think we go there on the basis of their
good will and their tradition of generous service.
M. Godin: Vous dites, dans votre mémoire, que la loi 101
vous empêche de recruter le personnel anglophone catholique.
Pourriez-vous m'expliquer de quelle manière la loi 101 vous
empêche de faire ce genre de recrutement?
M. McConomy: Je crois que nous revenons à la question des
tests. Le test tel que conçu présentement, si je comprends bien,
est individuel, c'est-à-dire que chaque individu doit avoir un niveau
quelconque, ce niveau est fixé et nous passons un test pour le
vérifier. Nous disons ceci: Si nous voulons assurer des services en
langue française dans des institutions traditionnellement anglaises, ce
n'est pas en éliminant une à une les personnes qu'on met de
côté, c'est-à-dire nos anglo-catholiques, parce qu'elles ne
peuvent pas réussir un test quelconque que cela va se faire. Il s'agit
plutôt de savoir si, dans l'ensemble des choses, les services sont
accessibles en langue française.
Le test élimine de façon individuelle, tandis que le
bilinguisme institutionnel est basé sur la capacité de
l'institution de répondre en français à une demande qui
lui est formulée en français; c'est l'individu versus
l'institution. L'idée du test vise l'individu. Nous croyons qu'un
individu avec une formation adéquate pour un poste doit avoir
accès à ce poste. Cela devient une question de droit individuel,
tandis que le droit de la collectivité anglophone et francophone de
recevoir des services est un droit collectif différent de celui de
l'individu qui est visé dans les tests.
M. Godin: Présentement, est-ce que vous avez des chiffres
qui pourraient illustrer le nombre de personnes que vous auriez voulu engager
et qui ont du être mises de côté à cause de
l'application de la loi 101?
M. McLaughlin: Non. C'est une constatation que nous faisons
après une consultation de trois ans dans la communauté. C'est
notoire dans la communauté, je peux vous l'assurer. Mais
vous soumettre des statistiques, non, nous ne nous sommes pas
préparés dans ce sens-là pour notre
présentation.
M. Godin: D'accord:
M. McLaughlin: M. le ministre...
M. Godin: Oui, M. McLaughlin. Excusez-moi.
M. McLaughlin: ...sur le même point, nous n'avons pas de
statistique indiquant que nous n'avons pas pu embaucher John Smith de Toronto
afin qu'il vienne à Montréal pour être un bon
médecin ou un bon cardiologue. Mais nous avons un chapitre sur la
question des départs. Certaines de ces personnes -pour employer votre
terme - sont devenues tout à coup très mobiles et on les a
perdues, par la peur peut-être ou par le fait qu'elles n'étaient
pas prêtes à apprendre le français au point de se sentir
prêtes à subir le test. Ce sont surtout nos pertes. Il y a une
réticence extraordinaire de la part des professionnels hors
Québec à venir travailler sur notre terrain parce qu'un fardeau
additionnel leur est imposé, celui d'apprendre une autre langue. (21 h
15)
M. Godin: Dans vos recommandations, à la dernière
page, au point 5, vous dites: "que le gouvernement fournisse sans exception
à tous les citoyens de langue anglaise les services, les renseignements,
etc., mais en particulier aux membres les plus vulnérables de la
société". Nous avons contacté cet après-midi,
après avoir lu votre mémoire, le ministère des Affaires
sociales pour nous enquérir de la traduction du document sur...
M. McLaughlin: Les soins à long terme?
M. Godin: ...les pensions, la nouvelle politique. Est-ce le titre
français exact du document?
M. Thuringer: Non. Je m'excuse, M. le Président, le titre
exact c'est: Les structures sous-régionales touchant l'évaluation
et la coordination des admissions dans les réseaux d'hébergement
et de soins prolongés.
M. Godin: D'accord; Vous me donnerez une copie de ce titre exact
tout à l'heure, car j'ai téléphoné au
ministère des Affaires sociales et cela ne leur disait rien.
M. Thuringer: Oui, je vous le donnerai.
M. Godin: D'accord; Je peux m'engager dès ce soir que la
traduction, si elle n'existe pas déjà, sera faite dans les plus
brefs délais, car vous avez parfaitement raison d'exiger que ce soit
fait de cette manière.
Le Président (M. Gagnon): Oui, M. McLaughlin.
M. McLaughlin: M. le ministre, sur le même point, y
aurait-il possibilité d'élargir ce que vous venez de nous dire et
de nous donner une certaine assurance que, dorénavant, on n'aura pas
à faire la demande, mais qu'automatiquement on aura accès
à ces documents dans notre langue pour permettre leur utilisation par
notre population?
M. Godin: Dans la mesure, où le gouvernement
reconnaît, par l'article 113f, par des budgets des Affaires sociales et
de l'Éducation, l'existence d'institutions anglophones, je pense que
cela coule de source, logiquement, qu'en même temps nous leur
reconnaissions le droit d'être informées dans leur langue des
politiques de l'administration.
M. Lévesque, a déjà pris publiquement cet
engagement, d'ailleurs dans sa lettre à Alliance Québec. Il y a
des problèmes que vivent tous les gouvernements où il y a du
bilinguisme. Je m'engage, ce soir, à saisir mon collègue des
Affaires sociales de ce problème. Je suis convaincu qu'il y donnera
suite.
D'autre part, il y a la question de la représentation des
anglophones au sein de la fonction publique, parapublique et
péripubli-que. Si on se limite à la fonction publique seule, dans
la mesure où 90% de cette fonction publique se trouvent dans la ville de
Québec, il est très difficile de recruter des gens de
Montréal pour venir à Québec. Les députés
sont presque les seuls qui acceptent de s'expatrier.
M. McLaughlin: Et eux, de force. Non?
M. Godin: Cela dépend. Nous avons des chiffres de
Statistique Canada qui portent sur le pourcentage des personnes de la
communauté anglophone qui sont intégrées à la
fonction publique, parapublique et péripublique du Québec. Le
total de tous ceux qui sont issus de ce qu'on appelle les communautés
culturelles est de 17% dans l'ensemble des réseaux. La communauté
anglophone, forme, d'après Statistique Canada, 11,2% de la main-d'oeuvre
active du Québec, détient 9,8% de tous les emplois de la fonction
publique et des réseaux au Québec.
Êtes-vous d'accord avec ce que ces chiffres signifient?
Estimez-vous qu'on devrait prendre des mesures plus concrètes pour faire
en sorte que même ici à Québec, dans la fonction publique,
il y ait un nombre d'anglophones plus important ou préférez-vous
les voir dans les réseaux où c'est vraiment là qu'ils sont
en contact avec votre population? En d'autres termes, est-ce qu'un
anglophone n'est pas plus à l'aise à l'hôpital St.
Mary's qu'il ne le serait comme fonctionnaire au ministère de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme à Québec? Devrait-on
mettre l'accent sur les réseaux ou sur la fonction publique ou ne pas
tenir compte de ces divisions et y aller à fond de train?
M. McLaughlin: Je pense que cela dépend un peu de la
couleur de la bête dont on parle. Il y a des gens qui sont parfaitement
à l'aise dans le milieu francophone, que ce soit au niveau
gouvernemental ou d'affaires. Il y en a d'autres qui ne sont pas à
l'aise parce qu'ils ne peuvent pas communiquer en français. L'affaire en
est une d'attitude plutôt que de statistiques, M. le ministre. Si on lit
ce qui a été fait par notre bibliothèque nationale, en
juillet 1982 nous n'étions que 3% à peine au service du
gouvernement. D'autres vont sortir d'autres chiffres et on n'en finira plus.
Mais il s'agit de rendre le service, à notre gouvernement, attrayant
pour les non-francophones et de faire le nécessaire pour qu'ils soient
attirés vers le service du grand public.
M. Godin: En conclusion, il y a un grand nombre de vos
recommandations qui font partie de la réflexion du gouvernement depuis
un an déjà et je souhaite que, quand nos modifications seront
apportées, vous en serez satisfaits, sinon totalement, du moins
partiellement. Merci, M. McLaughlin.
M. McLaughlin: Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le
député de Nelligan.
M. Lincoln: Je pense que mon collègue de Laurier voulait
poser une question brève au ministre avant que je commence à vous
questionner.
M. Sirros: Une très courte question, M. le
Président.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Laurier.
M. Sirros: J'aimerais demander au ministre si j'ai bien entendu.
L'engagement qu'il vient de prendre de produire une traduction du document
auquel le comité a fait référence provenant du conseil
régional de la santé et des services sociaux, veut-il dire que
c'est une politique globale maintenant ou est-ce qu'il faut attendre qu'il y
ait une commission parlementaire et que les gens soulèvent une question
pour avoir une traduction de ce genre de document? Cela a été
glissé en douce et je pense que les implications sont assez
importantes.
M. Godin: M. le député de Laurier, vous êtes
silencieux depuis ce matin, que ne le demeurez-vous?
M. Sirros: Est-ce que cela vous embête que je parle, M. le
ministre?
Mme Lavoie-Roux: Cela vous embête un peu, M. le
ministre!
M. Godin: Ce n'est pas cela; c'est que je trouve que cela
détonne un peu par rapport au reste des interventions de ce matin.
Mme Lavoie-Roux: C'est très important.
M. Godin: M. le Président, ce que j'ai dit, je l'ai dit
très clairement et mes interlocuteurs m'ont entendu, m'ont compris et je
pense que M. le député de Laurier est assez intelligent aussi
pour comprendre ce que je dis quand je le dis. Ce qui est dit est dit:
M. Sirros: Ce que j'ai compris, c'est que vous vous êtes
engagé à vous assurer qu'il y aura une traduction d'un document
produit par le conseil régional concernant les placements et les soins
à long terme. Je vous demande si vous êtes en train de prendre un
engagement quant à la traduction de ces documents ou s'il faut attendre
qu'il y ait une commission parlementaire pour avoir ce genre de traduction.
C'est assez clair, je pense.
M. Godin: J'ai répondu très clairement.
M. Sirros: Je m'excuse si cela vous embête que je
parle.
M. Godin: J'ai répondu très clairement. Maintenant,
je répondrai à l'interlocuteur dans sa langue: Nai, qui veut dire
oui.
M. Sirros: "Nai" quoi? Oui, quoi?
M. Marx: II faut avoir une autre commission pour avoir une autre
traduction.
M. Sirros: Oui quoi?
Mme Lavoie-Roux: Oui quoi?
M. Godin: II m'a posé une question. J'ai répondu
oui.
Une voix: Voulez-vous l'épeler, s'il vous plaît, M.
le ministre?
M. Godin: N-a-i.
M. Sirros: Oui, nai. (Le député s'exprime dans la
langue grecque). Mais je trouve que...
Le Président (M. Gagnon): Là, il va falloir faire
attention parce que cela va être difficile d'enregistrer nos travaux. M.
le député de Laurier, vous avez la parole.
M. Sirros: M. le Président, je m'excuse, mais
c'était une question bien sérieuse. J'insiste sur le fait que ce
genre de déclaration a des implications assez importantes quant à
la planification et à la distribution des soins par le réseau
anglophone. J'aimerais bien avoir une réponse claire quant à
l'implication. Est-ce un engagement que le ministre prend quant à la
production de documents bilingues, finalement, du conseil régional ou
est-ce un "nai" qui signifie qu'il faut attendre d'avoir une commission
parlementaire pour avoir la traduction d'un document spécifique? Le
"nai" s'applique à quoi?
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Godin: Cela s'applique à la production en anglais du
document cité par M. McLaughlin et M. Thuringer.
M. Sirros: D'un seul document?
M. Godin: J'imagine qu'il y en a un grand nombre qui sont
déjà traduits. Je ne suis pas le détenteur de la liste de
tous les documents qui existent venant des ministères du gouvernement,
mais je m'engage à ce que celui qui a été mentionné
soit traduit. Je dis que la politique du gouvernement est claire
là-dessus. Les documents publics au Québec sont accessibles en
anglais à ceux qui en font la demande.
M. Sirros: Puis-je interpréter par cela que, pour tout
document dont la demande sera faite concernant en particulier les services
sociaux et de santé qui sont produits par le conseil régional,
l'engagement égal de la traduction sera pris?
M. Godin: Voulez-vous répéter votre question?
M. Sirros: Est-ce que, pour tout autre document dont la demande
sera faite, vous vous engagez à produire une traduction?
M. Godin: En principe. M. Marx: En fait, en fait! M.
Sirros: Merci beaucoup.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: J'aurais voulu passer à quelques questions qui
ont été soulevées par le ministre. Moi aussi, M. le
ministre, j'ai travaillé assez près de votre collègue du
Conseil catholique de l'expression anglaise dans différents
comités et dans différentes organisations. D'abord, le ministre
semblait faire comme une distinction entre la participation dans les
établissements anglophones et les appareils gouvernementaux. Je ne
voyais pas pourquoi il devrait y avoir une distinction. Si j'essaie de bien
comprendre ce que vous voulez exprimer - il me semble que cela a
déjà été discuté - vous parlez d'une
participation à des conseils, à des commissions gouvernementales
comme le Conseil supérieur de l'éducation. Vous croyez ne pas y
avoir de représentation. Si je comprends bien, c'est que l'un n'exclut
pas l'autre. Ce que vous voulez dire, c'est que vous désirez participer
à vos établissements, cela va de soi, mais, en plus de cela, vous
voulez aussi participer aux politiques gouvernementales à travers les
conseils d'administration et les commissions gouvernementales. Est-ce cela que
je dois comprendre?
M. McLaughlin: Mais le point de départ est que nous nous
comptons parmi les Québécois. Nous nous disons: Alors, pourquoi
ne pas participer pleinement à la vie de notre communauté? Oui,
dans les institutions où nous avons un intérêt particulier,
nous voulons certainement avoir une forme de contrôle, mais nous voulons
aussi pleinement participer à la grande vie du Québec. Rick
aurait peut-être des commentaires.
M. McConomy: Je crois qu'au point de vue historique nous sommes
un peu dans la situation où se trouvait et se trouve peut-être
encore - ce n'est certainement pas à moi de le décider, ni de le
déclarer - la population francophone par rapport au domaine des
affaires. Elle se sentait à un certain moment - si j'ai bien compris
-exclue, pas suffisamment nombreuse, etc.
Ce que nous essayons d'obtenir, c'est une attitude d'accueil et de
participation pour nos jeunes qui sortent des écoles avec une formation
linguistique et une capacité d'offrir quelque chose à la
population en général. Nous aimerions que soit pris en
considération, lorsqu'on forme des commissions et des comités,
qu'il y a, quand même, une communauté anglophone, qu'une forme de
représentation doit se faire et qu'on doit y exercer une certaine
présence. C'est un moyen d'encourager la participation. On sait
pertinemment que dans la fonction publique, depuis déjà fort
longtemps, la participation active de la communauté anglophone a
été minime; un peu comme l'aspect francophone dans le domaine des
affaires. C'est en train de changer, mais on traverse dans les deux directions.
Nous vous soulignons que c'est le désir de notre population, selon notre
compréhension, d'avoir
une part un peu plus active dans cela. En voyant les statistiques, nous
éprouvons une certaine frustration. Il ne s'agit pas de poser une action
de garantie de limites, de nombres ou un jeu de chiffres ou autre chose du
genre, mais il s'agit vraiment de tenter de créer des attitudes de
participation, de part et d'autre, et de partage.
M. Thuringer: Comme M. McLaughlin l'a mentionné, on
désire une participation plus globale. Prenons, par exemple, le bill 65
dans le domaine de l'aide sociale. Là, l'optique est de bien engager les
gens. Par contre, pour ce qui est du bill 27, qui a différents niveaux
de représentation au conseil, premièrement, les données ne
sont pas disponibles en anglais. Le temps nécessaire pour impliquer les
gens est trop court. Donc, on ne se sent pas bienvenu. On veut participer et je
pense que c'est très important que l'attitude dont on parle soit
là aussi. (20 h 30)
M. Lincoln: Très brièvement, sur la question des
documents, le ministre a parlé de l'article 26 de la loi et ce dernier
traite de documents dans "la langue officielle et une autre langue." Ce que
vous voulez dire, si je comprends bien votre pensée, c'est que deux
fonctionnaires anglophones au sein d'une institution de votre groupe devraient
pouvoir communiquer, dans les mémos, seulement en anglais, sans
traduction. Est-ce ce que vous voulez dire?
Une voix: Oui.
M. Lincoln: C'est bien ce que je comprends.
M. McConomy: J'ai donné un exemple quand on parlait des
recommandations. Dans une institution d'enseignement anglophone, entre
professeurs, entre administrateurs, entre élèves, etc., il n'y a
aucune raison de penser qu'il y a un aspect pratique à la communication
bilingue, c'est-à-dire de fournir un texte dans la langue anglaise pour
les fins pratiques et un texte...
M. Lincoln: Français.
M. McConomy: ...français pour les fins de la loi 101. Nous
constatons que l'impression laissée par la loi, telle que
présentement rédigée, c'est une exigence. Je suis
diplômé en droit et je le pratique activement. Je lis l'article 26
et il semble que ce soit les deux simultanément. Cela veut dire que,
d'un côté, tu le fais dans l'une et, de l'autre côté,
tu le fais dans l'autre.
M. Godin: Le bilinguisme.
M. McConomy: Mais je me demande si, à l'intérieur
d'une institution exclusivement anglophone, c'est une exigence qui a une
logique. Maintenant, de là, je vais à l'autre extrême:
certainement, quand on parle d'un contexte comme celui de la Commission
scolaire de Montréal, section anglaise, il n'y a aucune raison de penser
qu'on fera les deux, parce qu'il n'y a aucune logique dans cela.
M. Lincoln: Ce que vous voulez dire, c'est que vous cherchez le
bon sens.
M. McConomy: II y a des milieux qui sont exclusivement
anglophones et je ne crois pas qu'on ait vu, compris et réalisé.
De là, cette exclusivité va en diminuant et, en effet, je crois
qu'il y a une certaine sensibilité à cette tendance à
diminuer le contenu exclusivement anglophone.
M. Lincoln: I would like to ask you two final questions. We just
received today, by coincidence, this document from the Conseil de la langue
française. It is a study by Thomas Sloane on the anglophone community in
Québec and he reaches, I think, six broad conclusions. I am just going
to give you the headings of these conclusions, because the six conclusions are
seen in your own conclusions. Surely in your 14 or 15 conclusions, there are
some that are more important than others. I have seen the conclusions of Thomas
Sloane in the thinking of Alliance Québec, in the thinking of many
English organizations. I am going to tell you what they are and maybe you could
tell me whether they reflect the broad consensus of the English community at
large, which is what we are trying to establish as part of the staff here.
These are the conclusions of Thomas Sloane. The first one: Some kind of
recognition of the English language not as an official language, but some kind
of a recognition just like you say, that is, established as a language more
important than languages other than French, naturally. The second one: Some
kind of a softening of the application of the law through the comité de
surveillance. In other words, the comité de surveillance approaches the
law with much more sympathy, with much more common sense and care.
Then: Institutional bilingualism instead of just the personal,
individual bilingual nature of services, the Canada clause; the science in
French, of course, but also optionally in English and, finally, services in the
social service sector - He mentioned only the social service sector - in
English for English institutions.
I was wondering, when you take the six broad recommendations that he
makes, whether you would see those as really the
main thrust of what you are trying to do yourselves, as well as the
English community at large. I know it is a broad question.
M. McLaughlin: Let me take a first crack at it and I am sure my
colleagues will want to say something else. There is nobody in this room who
has not done a fair amount of negotiating in his life and we have put forward
fourteen points. Those are the fourteen points that we think are important for
our community. Yes, broadly speaking, the six that you mention hit on some of
the key issues, but whether or not we would want to stop there and say that is
all we are looking for, I am not sure, but we recognize in the ones that you
have read off to us certainly some of the things that we are asking for.
Rick, do you want to comment?
M. McConomy: I would not say that they stole our brief, let me be
polite just for a moment. I think the six of them are certainly reflected, I
think they are concerns of the community. I think that what we should come to
you with and say to you as a committee is that those six and the fourteen that
we have put in reflect a feeling in the community that, somehow, this law needs
some massaging and some improving. It needs some attitudes between the
communities that should improve. This is the type of thing that we think is a
priority above all else, in other words that we get an attitude of cooperation
going between us.
Je crois que c'est cela, notre message. C'est une attitude qui change
jusqu'à un certain point; ce n'est pas une attitude de "show" comme
avant, soit une de ne pas se comprendre. Il faut en prendre avantage à
ce moment-ci et tenter de créer un autre esprit de coopération.
C'est pour cela qu'on a parlé également de plusieurs autres
choses, y compris la représentation. La participation dans la vie
québécoise est très importante parce que la question de la
langue n'est qu'une partie de notre vie ensemble.
Le Président (M. Gagnon): Dernière petite
question?
M. Lincoln: Un dernier commentaire. Je voudrais poser une
question au ministre sur la conclusion 8 du rapport: "Qu'un enseignement de
qualité de la langue seconde soit assuré dans les écoles."
Je pense que cela a été dit par le Conseil catholique
d'expression anglaise, cela a été dit par les intervenants. Je
pense que deux intervenants précédents ont souligné la
chose. Je voulais relever un peu les chiffres que vous aviez donnés,
parce que je n'avais pas la parole à ce moment. Vous avez parlé
de 334 000 anglophones bilingues, je pense, et de 1 500 000 francophones
bilingues. Alors, vous avez dit: Cela montre la chose. Mais quand vous
établissez le pourcentage, vous voyez que les anglophones bilingues sont
en plus grand nombre que les francophones bilingues de la population.
Si vous regardez le rapport de Lacroix et Vaillancourt, vous allez voir
que, dans la catégorie des 15 à 24 ans, les anglophones bilingues
commencent à augmenter en nombre par rapport aux francophones bilingues.
Les francophones bilingues se retrouvent chez les gens de 35 ans et plus cela
augmente plus la population vieillit, ce qui démontre qu'on n'enseigne
pas assez la langue seconde aux francophones.
Vous parlez du Québec comme étant la population au monde
qui est la plus bilingue. Je lisais le rapport Gendron qui parlait de certains
pays où il y avait 72% de gens bilingues; pas 22%, comme vous l'avez
dit, 72%. Ce n'est pas notre cas du tout, on n'est pas le pays le plus
bilingue. Je pense que vous avez dit...
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre! À
l'ordre! M. le député de Nelligan a toujours la parole.
Après, vous aurez la parole, M. le ministre.
M. Lincoln: Excusez-moi si je vous ai mal compris; j'avais
pensé que vous aviez dit "le". Lisez le rapport Gendron, vous
verrez.
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît! M. le député de Nelligan a toujours la parole.
M. Lincoln: Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'on cite cinq,
six, sept pays; il y a peut-être des pays qu'il faudrait voir. Il
faudrait voir, par exemple, des pays bilingues comme la Hollande qui enseigne
plusieurs langues, comme la Suède, comme la Norvège, comme la
Suisse, comme l'Afrique du Sud à laquelle il fait
référence pour les 72%.
Ce que je veux vous dire, c'est qu'il y a des pays où le
bilinguisme est établi à une capacité beaucoup plus haute.
Le fait qui ressort de tout cela, c'est que, maintenant, le bilinguisme chez
les francophones est en train de diminuer pendant que le bilinguisme chez les
anglophones est en train d'augmenter chez les jeunes. Je pense que cela est un
fait très important qu'il faut souligner. Il ne faut pas faire
l'autruche et dire que cela n'existe pas. C'était le point que je
voulais soulever. Dans ces rapports, on voit clairement qu'on aura le
problème inverse avec la jeune génération grandissante.
Les jeunes anglophones deviennent de plus en plus bilingues par la force des
choses parce qu'ils vont à l'école française tandis que
les jeunes francophones deviennent de plus en plus unilingues. Je pense que le
point 8 de la conclusion se rapporte, d'après ce que je comprends,
à toute la population. Si on
pouvait se rencontrer sur un terrain où chacun comprendrait la
langue de l'autre, je pense que la commission de ce soir n'aurait pas lieu.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député. M. le ministre.
M. Godin: Oui, très brièvement. Au fond, mon
intervention visait ce matin à dire que, premièrement, de la part
du gouvernement du Québec, il n'y a aucune restriction par rapport
à l'importance du bilinguisme. Le Québec est la province
où il se donne le plus grand nombre d'heures d'enseignement de la langue
seconde au Canada. C'est la province où c'est le plus
développé. Troisièmement - ce sera mon dernier commentaire
avant de passer la parole à mon collègue de Deux-Montagnes -dans
l'état actuel des choses, le Québec a cinq fois plus de bilingues
francophones que de bilingues anglophones. Donc, vous avez peut-être
raison. S'il y a un gel des francophones bilingues en 1983, il est possible
que, dans 40 ou 50 ans, en proportion, il y ait autant d'anglophones bilingues,
mais...
M. Lincoln: Vous parlez en chiffres absolus...
M. Godin: ...au fond, si on parle d'un bassin de population, mon
cher collègue, on se rend bien compte qu'il y aura probablement toujours
cinq fois plus de francophones bilingues au Québec que d'anglophones.
Donc, la menace dont vous parlez pour les jeunes francophones du Québec
n'est pas très importante en ce qui me concerne.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le
député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Pour ne pas me
heurter au même genre de difficultés que
précédemment, je voudrais vous informer, M. le Président,
que je ferai d'abord un commentaire et, ensuite, je poserai deux séries
de questions.
Le commentaire à l'adresse de nos invités, c'est pour vous
dire, messieurs, que vous confirmez un de mes plus anciens
préjugés qui est une confiance irréductible en la nature
humaine. Je ne dirai pas que tous les problèmes sont solubles, je ne
dirai pas que les problèmes n'existent pas, mais la façon que
vous avez eue de vous présenter devant nous avec un mémoire bien
structuré et votre façon d'utiliser les deux langues est
elle-même un mémoire. Vous avez commencé en anglais pour
affirmer que c'est votre langue. Vous avez donné toutes les explications
en français pour montrer que vous acceptez que ce soit une langue de
communication indispensable au Québec et vous avez ajouté en
anglais des éléments d'explication pour rappeler une fois de plus
que votre propre langue, c'est l'anglais. Cela est un mémoire en soi.
Avec des gens qui traitent comme cela, je suis prêt à tout
discuter. Je suis prêt à aller très loin dans la recherche
d'un compromis. Voilà le commentaire.
La première série de questions est à propos du
paragraphe no 10 à la page 10 de votre mémoire. Parmi vos
recommandations que je vais vous lire: "Que la clause Canada s'applique
sur-le-champ à toutes les nouvelles admissions et qu'à l'avenir
tous les gens de langue anglaise qui viendront s'établir au
Québec soient autorisés à inscrire leurs enfants à
l'école anglaise." Je voudrais vous faire observer que, sauf erreur, ce
que vous demandez, ce n'est pas seulement la clause Canada, c'est ce qu'on
pourrait appeler la clause Monde, puisque vous dites: "Tous les gens de langue
anglaise qui viendront s'établir au Québec soient
autorisés à inscrire leurs enfants à l'école
anglaise." Si je lis bien ce que vous demandez, vous en demandez beaucoup plus
que ce que nous étions habitués à entendre. Vous en
demandez plus que ce que le Parti libéral du Québec
préconise. Vous demandez quelque chose...
M. McLaughlin: ...d'être très
généreux, je ne vous demande pas de donner vos culottes.
M. de Bellefeuille: ...je vais terminer si vous permettez. Vous
demandez quelque chose qui a, entre autres inconvénients, un
inconvénient particulièrement gênant, celui de créer
deux catégories d'immigrants: les immigrants de langue anglaise et les
autres immigrants. Vraiment, cela nous entraînerait sur un terrain
très difficile. (20 h 45)
M. McLaughlin: Est-ce que je pourrais essayer de
répondre?
M. de Bellefeuille: Oui, je vous en prie.
M. McLaughlin: C'est un manque de précision dans la langue
qui nous a amenés à le dire de cette façon. Mon
collègue va expliquer le sens de notre recommandation.
M. McConomy: J'ai déjà fait une remarque
là-dessus. Il s'est peut-être glissé dans le texte un peu
de la frustration du passé perdu, c'est-à-dire la clause mondiale
qui existait auparavant. Il existe quand même dans notre
communauté des gens qui insistent toujours pour que nous retournions
à cet état de fait. Cette idée existe parmi notre
population et il y en a qui y tiennent très fort. Nous avons dit la
clause Canada et même, par inadvertance, nous avons créé
une
confusion. Nous appuyons la clause Canada et nous croyons que c'est la
définition juste de ce qui doit se passer.
M. de BellefeuiIle: Alors vous n'en demandez pas plus que la
clause Canada?
M. McConomy: Et nous vous reflétons en même temps le
fait qu'il y a peut-être un groupe de la population qui cherche plus
large...
M. de Bellefeuille: Voilà, un peu de nostalgie, mais
essentiellement...
M. McConomy: Exactement! Oui. M. de Bellefeuille: À
propos de...
M. McConomy: La confusion est exacte, vous l'avez absolument
reconnue et nous sommes d'accord qu'elle existe dans le texte.
M. de Bellefeuille: Alors à propos de la clause Canada,
parmi les positions que l'actuel gouvernement du Québec a prises dans ce
domaine, il y en a une qui n'est pas souverainiste ni indépendantiste et
qui est même en un sens fédéraliste, c'est lorsque,
à la conférence de St. Andrew's, en 1977, le premier ministre du
Québec, M. René Lévesque, a proposé à ses
homologues des autres provinces de passer des accords de
réciprocité. C'était un peu après l'adoption de la
loi 101. Il resterait à définir le contenu de ces accords, mais
avant même que ces discussions aient eu lieu sur le contenu exact d'un
tel accord de réciprocité, les autres provinces ont dit: Non, il
n'est pas question d'accord de réciprocité. Or, c'était,
je le répète, une position qui n'était pas du tout
indépendantiste de négocier avec les autres provinces dans le
cadre fédéral ce genre d'accord. C'est une position en un sens
fédéraliste. Je considère qu'aujourd'hui, en 1983, cette
position demeure complètement valable. On est toujours dans le
régime fédéral, pourquoi ne pourrait-on pas s'entendre
avec les autres provinces pour passer des accords de réciprocité?
Je vous dis, quant à moi - je n'engage personne d'autre que moi - que si
le gouvernement de l'Ontario acceptait, comme le Nouveau-Brunswick l'a fait, le
bilinguisme officiel - le Parlement, Queen's Park, les tribunaux, les
publications gouvernementales - l'équivalent de ce dont on vient de
parler pour le Québec, je dirais que l'on est peut-être prêt
pour la clause Canada, mais tant que cela n'est pas arrivé, comment
peut-on lâcher prise et dire: Après tout ce que nous avons subi
historiquement, nous allons de nouveau lâcher prise sans que quelque
concession significative ait été faite par les autres
provinces?
M. McConomy: Je comprends très bien. Je souhaite que
toutes les négociations au sujet d'une réciprocité
quelconque réussissent, sauf que je suis un citoyen du Québec. Je
suis né ici et j'ai été élevé ici. J'ai
déjà vu le système d'admission aux écoles où
j'allais se réduire et là j'ai un peu peur qu'ayant vu qu'il
s'est réduit, maintenant c'est à Queen's Park de décider
ce que j'aurai comme droits à l'intérieur de négociations
pour la réciprocité.
Je suis absolument d'accord qu'à l'extérieur de la
province de Québec, les avantages que nous avons et que nous avons eus
ici même auparavant soient accordés dans la plus grande mesure
dans un esprit de réciprocité. Je suis d'accord à 100%,
mais c'est un peu frustrant, comme je l'ai dit, de voir que mes droits
dépendent d'une négociation avec un autre gouvernement dans
laquelle je n'ai aucune participation ni un mot à dire...
M. de Bellefeuille: Bon, c'est légitime et de bonne
guerre. Maintenez la pression et à un moment donné cela va
lâcher à quelque part. Bon. Je n'ai pas l'impression que c'est moi
qui vais proposer que nous lâchions quant à nous. Mais enfin cela
va lâcher quelque part.
M. Fortier: Vous n'allez pas à Queen's Park.
M. de Bellefeuille: M. le Président, c'est là la
fin de ma première série de questions.
M. McLaughlin: J'allais vous demander si vous étiez
prêt à prendre un engagement à lâcher. Non,
n'est-ce-pas?
M. de Bellefeuille: Non. M. McLaughlin: Pas encore.
M. de Bellefeuille: Pour la deuxième série de
questions ou deuxième question c'est beaucoup plus précis. Plus
tôt dans notre conversation, il a été question de personnes
qui vont à l'hôpital. Je reste insatisfait parce que je ne sais
toujours pas ce qu'il advient, dans votre esprit, du droit individuel du
patient à recevoir des soins dans sa langue. Est-ce que vous
considérez que ce droit, du côté francophone et du
côté anglophone, doit toujours être respecté ou si
vous fermez le yeux si dans X% des cas cela n'est pas satisfait?
M. McConomy: Notre position est très claire. Nous croyons
que chaque citoyen qui se présente à une institution
hospitalière et cherche des services dans sa langue doit les avoir dans
sa langue. Nous n'acceptons pas que ce soit l'individu qui se présente
qui
fasse partie de ce chiffre, mais que ce soit l'institution qui ait
l'engagement de fournir les services. Cela ne veut pas dire que 100% du
personnel doit être apte et capable de fournir ce service dans les deux
langues entièrement et totalement, parce que c'est un peu
exagéré dans les circonstances. L'institution doit être
capable de garantir qu'elle est en mesure de fournir ces services.
Quand quelqu'un frappe à la porte de l'hôpital St. Mary's,
il frappe à la porte d'une institution traditionnellement anglophone.
Cela fait partie d'une tradition. L'hôpital St. Mary's est parti de la
rue Dorchester, est déménagé à
Côte-des-Neiges, et tout cela. C'est la communauté anglophone
catholique qui a fait des quêtes, qui est allée chercher des
montants d'argent, qui est allée y mettre du personnel avec de grandes
traditions familiales de service et tout. Nous considérons que nous
avons bâti cette chose. L'histoire a changé et maintenant les
fonds sont fournis par le gouvernement avec nos taxes et les vôtres mais
ils sont fournis autrement. C'est devenu une chose publique. Mais les
traditions restent et demeurent. Le portrait de la clientèle reste et
demeure. L'engagement de l'institution est de s'assurer qu'une personne qui se
présente aura les services dans sa langue. Mais nous trouvons que
changer entièrement et complètement l'hôpital pour ce petit
nombre de personnes qui vont venir est un peu exagéré.
Effectivement nous considérons - et c'est la même remarque pour
les tests et tout cela -que tout ce système de franciser à 100%
une institution qui va servir plutôt notre population qu'une autre, ce
n'est pas réaliste et pratique et cela ajoute un fardeau sur notre dos
que nous trouvons excessif.
Je ne cherche pas des mots chargés mais c'est excessif de
convertir complètement ces institutions pour un principe tandis qu'au
point de vue pratique le service peut être garanti. Nous sommes confiants
qu'il peut être garanti par l'institution et non pas
nécessairement par chacun des membres du personnel.
Le Président (M. Gagnon): Oui?
M. Thuringer: Est-ce que je peux préciser un peu sur
cela?
Le Président (M. Gagnon): II faudrait aller assez
rapidement, si vous permettez, parce qu'on a réellement
dépassé...
M. Thuringer: D'accord.
Le Président (M. Gagnon): Je ne veux pas vous enlever
votre droit de parole, mais peut-être que vous pourriez aller un peu plus
rapidement.
M. Thuringer: Cela va.
Le Président (M. Gagnon): Vous avez la parole.
M. Thuringer: D'accord. Rapidement je pense que c'est une chose
dans un hôpital mais on aimerait souligner le cas des institutions pour
les personnes âgées ou des institutions pour les enfants
mésadaptés, par exemple, où la clientèle vient de
toute la province. C'est peut-être une option de voir à ce que
cette institution soit primordialement anglaise. Comprenez-vous? C'est
différent comme hôpital. C'est seulement cette petite
précision que...
M. de Bellefeuille: Oui, oui, je comprends. Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député. Mme la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. J'aurais une
question précise à vous poser sur votre troisième
recommandation voulant que les tests de français soient abolis et
remplacés par un enseignement de français de grande
qualité dans les écoles. Est-ce que, dans votre esprit, si
l'enseignement du français était suffisamment bon, les
élèves sortiraient des écoles avec une connaissance
fonctionnelle de l'anglais et il y aurait comme exigence qu'ils sortent de nos
écoles avec une connaissance du français? Est-ce que c'est
cela?
M. McLaughlin: C'est là le sens, oui.
Mme Lavoie-Roux: Cela abolirait alors la nécessité
de tests pour les professionnels.
M. McLaughlin: Je pense qu'à l'heure actuelle, la loi dit
qu'une personne de langue anglaise ne peut pas recevoir un certificat sans
être capable, à l'heure actuelle, de passer un test écrit
et oral. Si la qualité ou le niveau n'est pas suffisant, augmentons le
niveau.
Mme Lavoie-Roux: Le problème que cela soulève -
juste pour votre réflexion -c'est que si vraiment on voulait que ceci
soit en quelque sorte un substitut pour les tests à un niveau
supérieur, il faudrait peut-être que les exigences de ce test
soient plus grandes qu'elles ne le sont actuellement. Je ne suis pas
prête à dire que tous les élèves qui sortent du
secondaire ont cette maîtrise suffisante de la langue française et
en élevant les exigences pour ces examens, on pénaliserait
peut-être, jusqu'à un certain point, au niveau de l'obtention du
certificat secondaire, des élèves qui ont un peu plus de
difficulté. C'est l'embûche que j'y vois, parce que dans le fond
on veut que l'un
remplace l'autre, alors qu'il n'est exigible que pour les professionnels
qui ont une formation collégiale, universitaire, etc. Là, on
aurait à peu près les mêmes exigences, si l'un doit
remplacer l'autre, pour des étudiants de secondaire. En tout cas, je
pense qu'il faut y réfléchir avant, parce qu'il y a
peut-être ce danger.
M. McConomy: C'est plutôt de faire confiance au
système d'enseignement au lieu de penser à rehausser le niveau
d'exigences pour sortir du système de l'éducation. Quand
même, un étudiant ou une étudiante qui sort de notre
système a été soumis pendant plusieurs années
à l'enseignement de la langue. Alors, encore une fois, c'est un aspect
des tests qui devient embêtant. Où est le niveau? On a dit qu'on a
référé cela à l'institution elle-même. Est-ce
que cela veut dire que c'est disparu? Est-ce que cela veut dire que les
exigences ont été tellement basses? J'entends les histoires des
avocats qui sont allés passer les tests, qui se sont regardés en
plein visage et la seule question qu'ils se sont posée a
été: Désirez-vous vous jeter de la fenêtre? En
disant: Non, nous avons passé les tests, bonjour. Ceci est
peut-être une blague, mais quand même il y a tellement de tests
dans ce système individuel.
Mme Lavoie-Roux: II paraît que mes voisins ont mal compris.
Ce dont je parlais, c'est des examens de fin d'année de secondaire qui
pourraient être rendus plus difficiles pour permettre l'abolition des
tests au niveau universitaire qui sont prévus présentement pour
les professionnels. Mais je pense que vous aviez compris ma question.
Je vais vous poser une seule question, compte tenu de l'heure,
même si j'en aurais plusieurs à vous poser. Je sais que vous
êtes très préoccupés du maintien de vos
institutions, particulièrement dans le domaine de l'éducation et
je vais m'adresser davantage à celles du domaine de la santé et
des affaires sociales. Pourriez-vous me dire si, jusqu'à maintenant -
mettons de côté des tracasseries assez irritantes que vous avez
eues à St. Mary's - la loi 101 telle qu'elle est permet, à votre
point de vue, de maintenir le caractère de vos institutions? Et,
deuxièmement, si par hasard votre réponse est oui, est-ce que
l'application des articles 17 à 23, qui est prévue pour la fin de
décembre, viendrait compromettre le maintien de vos institutions de
santé et de services sociaux?
M. McLaughlin: À l'heure actuelle, nous voulons souligner
que le caractère de nos institutions est déjà
changé et nous avons de la misère à les reconnaître
comme étant anglaises et catholiques. C'est une réalité
qu'on constate aujourd'hui et nous avons peur qu'au 31 décembre 1983, il
y ait une autre phase qui mène éventuellement vers, non pas une
abolition de nos institutions, mais de leur caractère. Elles ne seront
plus vues comme étant anglophones et catholiques. (21 heures)
Mme Lavoie-Roux: L'obligation de l'article 46, qui interdit
à un employeur d'exiger pour l'accès à un poste la
connaissance d'une langue autre que la langue officielle, vous
apparaît-elle comme une difficulté ou, dans les faits, vous
a-t-elle déjà créé des difficultés quant au
maintien du caractère culturel de vos institutions?
M. McLaughlin: Nous avons toujours ce problème. Sans avoir
un statut quelconque pour la langue anglaise, quand on l'exige ou qu'on le
demande, on devient hors-la-loi.
Mme Lavoie-Roux: Mais vous n'avez pas eu de contestation?
M. McLaughlin: Non, à ma connaissance mais c'est un peu la
question qui a été posée par M. Marx plus tôt
aujourd'hui. Il n'y a pas eu de contestation. Dans un certain sens, on cherche
tous à comprendre les règlements. On cherche tous à
comprendre la loi elle-même, et l'application se fait plus ou moins, dans
le sens que personne n'est vraiment conscient de sa vraie portée.
Effectivement, non, nous n'avons pas eu ce problème, mais quand nous
regardons la charte des langues... A-t-on besoin... Je l'ai déjà
prouvé. Comme président des catholic Community Services on engage
des gens. A-t-on le droit de refuser une personne unilingue française?
Est-ce que, selon la loi, on a le droit de refuser de l'engager pour un poste
où on traiterait exclusivement avec des personnes de langue anglaise?
Est-ce que cela représente une discrimination illégale? Ma
première réaction, personnellement, c'est oui.
Mme Lavoie-Roux: D'accord. Je vous remercie. On aura d'autres
occasions d'en discuter.
M. McLaughlin: Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci, madame. M. le
ministre.
M. Godin: En terminant, je citerai au complet la phrase de
l'article 46: "...à moins que l'accomplissement de la tâche ne
nécessite la connaissance de cette autre langue." C'est grâce
à cette clause, M. McConomy, que vous n'avez pas eu à subir les
contrecoups de cet article, je présume. D'autre part, une
dernière question, en ce qui me concerne. Le troisième point dont
a fait mention Mme la députée de L'Acadie fait-il partie, pour
vous, des priorités de vos
recommandations?
Une voix: Le troisième point?
M. Godin: "Que les tests de français soient abolis et
remplacés par un enseignement." Vous m'avez dit tout à l'heure,
M. McConomy ou M. McLaughlin, que tout le monde ici avait une expérience
comme négociateurs. Le troisième point vous semble-t-il un point
central ou un point secondaire? ...Merci, messieurs.
M. McLaughlin: Bonsoir, M. le ministre.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Gatineau. Oui, M. le ministre. Excusez-moi.
M. Godin: Merci beaucoup. Très sérieusement, je
veux vous remercier de votre mémoire. Nous allons l'étudier avec
beaucoup de sérieux et d'attention.
Une voix: Merci infiniment.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: Je veux simplement vous remercier, messieurs, de
l'éclairage que vous nous avez fourni. Je pense qu'on constate tous
ensemble que la définition de ce qu'est une institution anglophone reste
à être précisée dans la loi, dans les
règlements et dans l'interprétation. Comme je le disais ce matin,
quand on dit que les citoyens ont droit à des services et à
l'information dans leur langue et qu'on reconnaît en même temps le
droit à la communauté anglophone de gérer et de diriger
ses propres institutions, il faut se poser la question suivante: Qu'est-ce que
c'est, une institution anglophone? Une institution où chacun des
employés est bilingue, donc, le principe du bilinguisme individuel, ou
une institution où les services sont disponibles en français,
c'est-à-dire qu'il y a suffisamment de personnes pour fournir les
services en français lorsqu'ils sont requis?
Quant à moi, vous devinez quelle est ma réponse. Il me
semble qu'une institution anglophone n'est pas une institution où chaque
individu doit être bilingue parce que, à ce moment-là, cela
devient une institution bilingue. C'est dans ce sens que je pense que le
ministre devra très sérieusement considérer les
recommandations que vous lui faites et les constatations que vous avez
portées à notre attention. Comme je le soulignais ce matin, il va
falloir préciser. Si le gouvernement décide que la garantie
à vos institutions, à la communauté anglophone, veut dire
que tout le monde doit parler les deux langues, on devra l'écrire comme
tel dans le texte de la loi. Au moins, on saura à quoi s'en tenir. En
attendant le fruit de la réflexion du ministre, je vous
réitère que nous, de l'Opposition, sommes là pour
surveiller, pour également contribuer à trouver les
accommodements qui s'imposent. Et je pense que votre contribution nous aidera
grandement dans cette démarche. Je vous remercie.
Le Président (M. Gagnon): Merci, messieurs.
J'inviterais maintenant la Chambre de commerce du district de
Montréal à prendre place.
Alors, M. Goyette, si vous voulez bien nous faire la lecture de votre
mémoire et essayer d'entrer dans le... Là, on est presque certain
de dépasser 22 heures, mais il faudrait quand même se limiter.
Chambre de commerce du district de
Montréal
M. Goyette (Pierre): M. le Président, mesdames et
messieurs les députés, mon nom est Pierre Goyette,
président de la Chambre de commerce du district de Montréal. Je
suis accompagné de M. Pierre Brunet, président du conseil de la
Chambre de commerce du district de Montréal.
Nous avons soumis le mémoire qui vous a sans doute
été transmis. Je n'ai pas l'intention de le lire, mais d'en tirer
les points importants, les points essentiels pour permettre une période
de questions par la suite.
Tout d'abord, je voudrais expliquer qu'à notre avis la langue
française se porte bien au Québec. La langue française se
porte mieux en tout cas au Québec. C'est une constatation que nous
mettons de l'avant au tout début de notre présentation.
Il y a beaucoup de personnes qui croient que la Charte de la langue
française restreint d'une manière sévère l'usage de
l'anglais et impose des complications administratives inutiles. De même,
la situation faite aux libertés linguistiques des anglophones
soulève de nombreuses inquiétudes.
Alors, le débat actuel porte essentiellement sur les compromis
dont l'objet serait d'atténuer ces problèmes tout en continuant
d'assurer au français le cadre de son épanouissement.
L'affermissement du rôle dominant des francophones dans l'économie
québécoise ne peut être passé sous silence. Et je
voudrais tout de suite indiquer que, étant la Chambre de commerce du
district de Montréal, nos préoccupations sont d'abord et avant
tout à caractère économique. Alors qu'il y a vingt ans,
l'économie québécoise et l'économie
montréalaise en particulier étaient dirigées par une
élite anglophone, l'inverse est acquis aujourd'hui. Ce sont des
francophones qui, en
très grande majorité, dirigent aujourd'hui
l'économie du Québec, sauf peut-être dans un certain nombre
de multinationales.
La Chambre de commerce du district de Montréal est consciente de
représenter la nouvelle élite économique qui a la
tâche, à Montréal, de gérer le secteur privé
de l'économie. Et les membres de notre chambre dirigent, à divers
titres, des entreprises qui oeuvrent d'abord et avant tout en français,
mais qui utilisent aussi l'anglais dans les relations économiques et
technologiques dans un contexte nord-américain. Les progrès de la
francisation et de la présence francophone résultent en bonne
partie des actions des membres de la Chambre de commerce du district de
Montréal. Peut-être en serez-vous même un peu
étonnés. De même la Chambre de commerce du district de
Montréal est-elle fière d'être étroitement
associée aux nouveaux leaders montréalais des affaires et de
refléter par ses prises de position les vues et les conceptions de cette
nouvelle élite du monde des affaires, soit dit sans trop de forfanterie
ou de fausse modestie.
Les problèmes linguistiques au Québec sont maintenant
surtout des problèmes montréalais. Et c'est à
Montréal que se retrouve l'essentiel de la communauté anglophone
du Québec. C'est aussi par Montréal que passe la majorité
des communications entre l'économie québécoise et
l'économie internationale. Toutefois, certains aspects de la
législation linguistique en vigueur soulèvent des
inquiétudes graves aux membres de la Chambre de commerce du district de
Montréal. Les éléments qui font problème nous
apparaissent peu nombreux mais leurs effets sont critiques.
En ce qui concerne les personnes, les dispositifs législatifs et
réglementaires qui posent des difficultés ont trait à la
langue d'enseignement, à l'affichage et aux institutions anglophones de
services communautaires. En ce qui a trait à la langue de travail et des
affaires, bien que le processus de francisation soit bien engagé, les
actions des organismes de réglementation tels que l'Office de la langue
française et la commission de surveillance soulèvent aussi des
inquiétudes.
Quelques mots sur la situation du français au Québec. Une
forte majorité de citoyens francophones et anglophones perçoivent
les progrès réalisés et sont d'avis que le français
marque des points, que ce soit comme langue de travail, de communication ou
d'administration. Les progrès ont été remarquables au
niveau de la langue des affaires, c'est-à-dire des transactions avec les
clients, et de la langue de travail, notamment au sein des
établissements de fabrication, de distribution et de services au
Québec. Il suffit, pour s'en convaincre, d'examiner un certain nombre
d'études dont plusieurs sur lesquelles nous nous sommes basés
proviennent des organismes créés en vertu de la Charte de la
langue française.
La présence francophone à des postes de direction s'est
élevée au cours des années pour atteindre plus de 70% dans
les établissements de fabrication et de vente et plus de 40% dans les
sièges sociaux.
La communauté francophone des affaires du Québec forme un
groupe culturel vigoureux et confiant dans l'avenir. Montréal est
devenue un centre cosmopolite biculturel où des chefs d'entreprises des
deux communautés linguistiques canadiennes se rencontrent sur un terrain
d'égalité.
Malgré les bouleversements rapides des 20 dernières
années, Montréal compte une importante minorité
linguistique de langue anglaise. Elle offre des ressources en hommes et en
entrepreneurs qui constituent un atout majeur pour le développement
économique du Québec. C'est un point important sur lequel on
s'appuie et qu'on veut encourager.
Montréal demeure toujours la ville où s'effectuent les
transferts linguistiques, pas dans le sens qui a été
utilisé dans une étude publiée la semaine dernière,
mais les transferts au point de vue de l'utilisation de la langue,
c'est-à-dire que, quand des gens de langue française veulent
transiger avec d'autres personnes de langue anglaise d'ailleurs, les
échanges de bilinguisme se font à Montréal. C'est
là que se trouve la passerelle linguistique du Québec. Il ne faut
donc pas se surprendre que la connaissance de l'anglais demeure un atout de
mobilité sociale chez les cadres.
La coexistence de deux cultures et de deux groupes linguistiques au
travail et dans la vie sociale se traduit, il va sans dire, par
d'inévitables points de friction et de tension. Je pense qu'il faut bien
le reconnaître. L'ajustement des relations entre ces deux groupes donne
naissance à des situations qui déclenchent des animosités
et des débats. En somme, les choix réalisés suscitent des
réactions inévitables. Je pense que c'est là pour y rester
si nous continuons à avoir deux cultures et deux groupes linguistiques
présents dans l'agglomération de Montréal. En fait, en
raison même de sa composition sociolinguistique, Montréal doit
être une ville de compréhension et de tolérance, où
les usages plutôt que les prescriptions viennent définir et
nuancer les rapports linguistiques.
La vaste majorité des dispositions de la loi 101 reçoivent
l'assentiment heureux ou calculé des citoyens du Québec.
Cependant, certaines dispositions appellent des modifications au nom du
réalisme ou de la volonté de bonne entente. Les ajustements qui
s'imposent ont trait, d'une part, à certaines dispositions de la charte
et, d'autre part, au fonctionnement des organismes
chargés d'appliquer les règlements afférents
à cette loi. (21 h 15)
Une première partie, l'accès à l'école
anglaise. D'abord, je voudrais souligner que, depuis l'entrée en vigueur
des deux lois, c'est-à-dire la loi 22 et la Charte de la langue
française, la fréquentation de l'école anglaise diminue au
Québec. Ce pourcentage diminuera encore au fil des années
à mesure que s'opéreront les mutations déjà
amorcées. L'anglais est toujours la langue d'enseignement
privilégiée des allophones, mais, à la maternelle, en
1981-1982, plus de 68% avaient déjà opté pour le
français. C'est tiré d'une étude de Michel Plourde, du
Conseil de la langue française.
Les enfants des citoyens canadiens qui viennent s'établir au
Québec ne peuvent, à moins d'exemptions temporaires et
incertaines peut-être, avoir accès à l'école
anglaise.
Comme recommandation, la Chambre de commerce de Montréal est
d'avis que l'accès à l'école anglaise devrait être
accordé aux enfants des anglophones des autres provinces qui
désirent s'établir au Québec. L'école anglaise
devrait néanmoins amener ces enfants à un niveau
élevé de bilinguisme grâce à un enseignement
efficace de la langue anglaise.
Une modification au chapitre de la langue d'enseignement faciliterait
largement le recrutement de personnel hautement qualifié dans les
centres de recherche et rendrait intéressantes les mutations des cadres
vers les sièges sociaux situés à Montréal. Les
conséquences démographiques d'accorder l'accès à
l'école anglaise aux enfants des Canadiens provenant des autres
provinces ne sont pas, à notre avis, de nature à rompre le nouvel
équilibre qui a été établi dans la population
scolaire au Québec. Le gouvernement du Québec peut prendre
l'initiative et décider lui-même d'élargir l'accès
à l'école anglaise. Il s'agirait d'un geste important qui
refléterait notre confiance - à nous, Québécois -
dans l'avenir. Par contre, le gouvernement du Québec peut aussi se
laisser imposer une solution juridique de l'extérieur et s'engager dans
diverses querelles juridiques, mais nous croyons que le gouvernement peut -
nous le souhaitons - par un geste de politique magnanime, reconnaître les
droits à l'école anglaise que la population francophone du
Québec a déjà elle-même reconnus, ce que nous avons
aussi trouvé lors d'un sondage que nous avons effectué plus
tôt cette année même.
L'affichage en anglais constitue un second élément
d'ajustement des interventions publiques en matière linguistique. La
Charte de la langue française exclut l'affichage commercial anglais.
L'objectif, au départ, était de créer un visage
français et de changer ainsi les attitudes des francophones et des
anglophones à l'égard de la légitimité du
français. Nous croyons que les objectifs sont atteints. La
légitimité du français, comme langue commune et d'usage au
Québec, ne fait nul doute maintenant. Les attitudes ont
changé.
Les anglophones du Québec, malheureusement, dans certains cas,
choisissent trop souvent de partir, ce qui affaiblit la collectivité
québécoise et la prive de la présence d'une
minorité dynamique et bien intégrée.
La chambre - c'est notre recommandation - est d'avis que l'affichage
bilingue devrait être reconnu là où la présence
anglophone le justifie. Les changements d'attitude vis-à-vis du
français par l'exclusion de l'anglais dans l'affichage commercial ont
été largement réalisés déjà. Il faut
donc reconnaître la réalité linguistique de
Montréal. Un large appui se dessine au sein de la population francophone
du Québec pour certaines formes d'utilisation de l'anglais dans
l'affichage, notamment, dans les endroits où la proportion d'anglophones
est élevée. Le gouvernement peut donc, par modification des
règlements actuels, procéder à des accommodements
réalistes sans pour autant réduire la prépondérance
du français au Québec.
Quant aux institutions anglophones, la communauté anglophone,
comme on vient de l'entendre par le groupe qui nous a
précédés, a créé et anime des institutions
de santé, d'éducation et de services communautaires. Ces
institutions de propriété privée ou publique se sont
toujours donné comme mission de servir d'abord une clientèle
anglophone et d'agir comme reflet des diverses facettes de ce milieu culturel.
Il importe de rappeler que ces institutions ont pour objet premier le service
aux communautés anglophones et que les francophones qui les
fréquentent devraient en être pleinement conscients. Ils le sont,
d'ailleurs.
Par conséquent, la chambre de commerce est d'avis que les
règlements afférents à la Charte de la langue
française devraient être modifiés de façon à
permettre aux institutions anglophones de fonctionner selon le modèle du
bilinguisme institutionnel qui a été expliqué tout
à l'heure.
Je pense qu'il faut abandonner l'idée de transformer les
institutions anglophones en institutions francophones. La chambre de commerce
suggère donc que le gouvernement reconnaisse la présence
d'institutions francophones et d'institutions anglophones capables de rendre
certains services dans l'autre langue.
Quant à l'usage du français comme langue de travail et les
relations avec les organismes de réglementation, la francisation des
entreprises et des organismes a été
conçue comme un processus de changement planifié. Les
objectifs de relèvement de francisation des communications et de la
présence francophone devaient être atteints non par
l'établissement de normes coercitives, mais par des programmes
spécifiques de changement organisationnel adaptés à la
situation de chaque entreprise à la suite d'une analyse linguistique.
C'était l'objectif visé en 1977. Qu'en est-il des
résultats?
Nous sommes d'avis, dans l'ensemble, que l'Office de la langue
française a engagé ses travaux dans le sens du changement
organisationnel. Mais l'examen et la confection de programmes de francisation
n'exigeaient certes pas la constitution d'un organisme aussi lourd que l'Office
de la langue française. Le cas de la Belgique est frappant. La
transformation linguistique des entreprises belges vers le flamand s'est faite
à l'aide d'une commission composée de quelques membres seulement.
L'Office de la langue française a opté pour un autre
modèle. Au lieu de se fier aux entreprises et aux mécanismes de
changement mis en place, une bureaucratie a été constituée
pour contrôler.
Le même esprit a présidé à
l'élaboration des règlements de la loi 101. La confection des
règlements a été réalisée principalement par
l'Office de la langue française. L'examen des règlements relatifs
à l'application de la loi par le ministère de la Justice du
Québec a révélé plus de 50 points où des
décisions prises dans la rédaction des règlements
faisaient problème. Le ministère de la Justice nota des
illégalités, des abus de pouvoir et des dispositions susceptibles
d'être jugées ultra vires. L'analyse de cet avis du
ministère de la Justice du Québec, compte tenu du nombre
d'irrégularités observées, ne fait aucun doute quant
à la façon abusive dont la Charte de la langue française a
été interprétée par la voie réglementaire.
L'action de l'Office de la langue française a été
dirigée surtout vers les entreprises dites anglophones. Dans ces
entreprises, les négociateurs de l'office se sentent, semble-t-il, plus
libres d'intervenir. Il est malheureux de constater que de nombreuses
entreprises anglophones se sont fait embarquer dans des programmes
irréalistes. Deux poids, deux mesures.
Quant à la commission de surveillance, qui est chargée des
questions se rapportant au défaut de respect de la charte, elle a
abordé plusieurs problèmes dans une étroite perspective.
La structure de la loi a pour effet de donner des pouvoirs
d'interprétation et d'action aux cadres de la commission de
surveillance. Le pouvoir discrétionnaire fait des fonctionnaires de la
commission de surveillance des agents contestés.
Un mode d'application plus judicieux, plus responsable et moins lourd
s'impose aux organismes de réglementation. Il incombe au ministre
responsable de procéder avec prudence au choix des personnes
appelées à les diriger. Il lui incombe également de
s'assurer de l'établissement de politiques et de pratiques
administratives propices à des styles de gestion plus ouverts et plus
orientés vers des changements sociaux. De plus, les organismes de
réglementation doivent établir leur action dans un schéma
qui tient pour acquis la présence d'une minorité anglophone
vivante. Dès lors, les prises de position deviendront plus
généreuses et plus préoccupées des nombreuses
réserves que suggère la justice.
En conclusion, de nombreux sondages d'opinion auprès de la
population québécoise indiquent clairement le désir de
changements à la Charte de la langue française. La Chambre de
commerce de Montréal a commandé un sondage effectué plus
tât cette année, au mois de mai, auprès de la population
francophone du Québec. Six sur dix de ces personnes déclaraient
que la loi devrait être adoucie alors qu'un tiers seulement soutenait
qu'elle devrait être maintenue sans modification. Au sein de la
population, le groupe qui s'oppose à des modifications à la loi
serait passé, selon un autre sondage de SORECOM, société
qui a fait le sondage pour nous en mai, d'une majorité de la population
francophone en 1981 à moins du tiers maintenant.
Plusieurs raisons expliquent ce changement d'opinion. Le motif essentiel
et fondamental est en ce sens que les francophones croient que la Charte de la
langue française a atteint ses objectifs et qu'il est temps maintenant
d'en changer les aspects dysfonctionnels. La loi a été
préparée dans l'objectif de faire du français la langue du
travail, des affaires, de l'éducation et de l'administration. Il est
maintenant largement atteint. Les conséquences économiques sur
les pertes d'emplois et les effets sociaux sur la communauté anglophone
étaient vus à l'époque comme des prix acceptables à
payer pour les objectifs visés; ils ne le sont plus maintenant.
La Chambre de commerce du district de Montréal est d'avis que le
tissu social de Montréal est en mesure d'assumer les
éléments inévitables de friction résultant de la
rencontre de deux cultures. Le Québec est rendu à une nouvelle
étape. Il s'impose maintenant de corriger les effets non voulus des
interventions de 1977. Le gouvernement du Québec est invité
à poser des gestes concrets pour rétablir les
déséquilibres créés par les interventions
linguistiques.
D'une manière plus spécifique, cela signifie que le
gouvernement du Québec doit assurer l'accès à
l'école anglaise aux enfants de tous les anglophones du Canada venant
s'installer au Québec; permettre l'affichage
là où la présence d'anglophones le justifie;
garantir aux anglophones la survie et l'épanouissement de leurs
institutions communautaires par l'application à ces institutions de la
règle du bilinguisme institutionnel et enfin, assurer, au sein des
organismes de réglementation, une gestion éclairée et
généreuse qui mise sur le changement social et respecte les
droits des minorités.
En juin dernier, la chambre établissait des orientations à
long terme pour guider ses actions dans les années qui viennent. Un de
ces grands principes est le maintien et l'affirmation du caractère
biculturel de Montréal. Montréal est et doit demeurer une grande
métropole biculturelle. Voilà une des richesses que nous devons
apprendre à exploiter. La place des francophones et du français
étant bien ancrée dans l'économie de Montréal,
là où elle doit l'être, nous pouvons tirer profit de
l'inestimable richesse qu'offre la collectivité anglophone de
Montréal. Pour ce faire, nous devons nous assurer qu'elle puisse
s'épanouir à Montréal. C'est une question, à notre
avis, de droit, de justice, de sagesse et de pragmatisme.
M. le Président, voilà un sommaire de notre mémoire
que nous vous avons soumis plus longuement il y a quelque temps.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Goyette.
M. le ministre.
M. Godin: M. Goyette et M. Brunet, merci d'abord d'être
venus nous faire part de vos suggestions, de vos recommandations et de
l'évaluation de la situation. En tant que député de la
région de Montréal, je suis d'autant plus sensible à ce
que vous dites que je peux observer de visu certains des effets des politiques
linguistiques. Je dois dire par ailleurs que j'ai une vue de Montréal
moins pessimiste que la vôtre, d'une part, à certains
égards. A d'autres égards, je suis plus pessimiste que vous. Nous
rendrons publique dans quelques jours la deuxième tranche de
l'étude d'André Raynauld et de M. Vaillancourt sur l'appartenance
des entreprises au Québec. Donc, de 1961 à 1978, les chiffres de
M. Raynauld démontrent que l'établissement sous contrôle
francophone au Québec n'a augmenté que de 47,1% qu'il
était en 1961 à 54,8% en 1978. Deuxièmement, si on se
concentre sur un des secteurs, la fabrication, pour le total, nous sommes
passés, de 1961 à 1978, de 21,7% à 27,8%. C'est la
définition qu'il y a dans le document de M. Raynauld, sa première
version aussi bien que celle-ci, pour la majorité des actionnaires
québécois francophones. Entendons-nous bien. Actionnaires, oui.
Propriété. (21 h 30)
Je dois donc dire que, malgré qu'il y ait eu effectivement une
montée frappante, pour ne pas dire fulgurante, dans certains secteurs,
des membres de la chambre de commerce et de ce que M. Parizeau appelle la
classe montante des administrateurs québécois, même si on
tient compte du fait que le Québec compte une plus grande proportion per
capita d'étudiants présentement en sciences de l'administration
que n'importe quelle province canadienne anglaise, il reste que
l'opération n'est pas terminée. J'aimerais vous poser la
question, à vous qui êtes du milieu des affaires: Est-ce que vous
croyez que la loi 101 a joué un rôle positif dans la montée
de cette classe d'administrateurs francophones au Québec?
Le Président (M. Gagnon): M. Goyette.
M. Goyette: M. le Président, je ne crois pas être en
mesure de répondre à votre question. J'attacherais fort
probablement plus d'importance à l'éducation accrue qui a
été acquise par les francophones dans les affaires. Pour ne
prendre que quelques exemples, il me semble que le développement des
écoles ou des facultés des sciences de l'administration de
Montréal et de Québec, les HEC et la faculté
d'administration de Québec, depuis 25 ans, a plus d'importance et de
poids dans la montée de cette nouvelle classe dirigeante. Il me semble
qu'il a plus de poids que les modifications linguistiques qui ont
été amenées. Les francophones qui autrefois boudaient les
écoles d'administration ou de génie ne les ont plus
boudées, en particulier depuis le début des réformes de
l'éducation au début des années soixante. Je pense que ce
sont ces personnes qui maintenant ont atteint ou sont sur le point d'atteindre
des niveaux tels qu'elles peuvent accéder à des postes de
direction.
Pour prendre un cas plus personnel pour illustrer mon point, lorsque
j'étais à l'École des Hautes Études commerciales,
en 1952, il n'y avait que 40 étudiants qui ont été
diplômés de l'École des Hautes Études commerciales.
C'est à partir du milieu des années soixante seulement que ces
écoles des sciences de l'administration ont commencé à
produire des étudiants en plus grand nombre. Je pense que c'est la
montée de ces personnes qui ont étudié les sciences
appliquées, que ce soit en génie ou en administration ou dans
d'autres disciplines, qui fait que plus de personnes maintenant accèdent
à des postes de direction.
M. Godin: Est-ce que vous iriez jusqu'à dire que la loi
101 a nui à la montée des francophones dans l'administration au
Québec?
M. Goyette: Non, je ne dirai sûrement pas cela.
M. Godin: Non plus? M. Goyette: Non.
M. Godin: Ne pensez-vous pas - peut-être quitte à le
faire ensemble, le gouvernement et vous - qu'on devrait tenter de voir les
effets économiques positifs, pour cette classe montante, des politiques
linguistiques, aussi bien la loi 22 que la loi 101? Je n'arrive pas à
croire que la francisation d'une entreprise au Québec n'a aucun effet
sur l'emploi des francophones. Cela m'apparaît peu crédible que
même au niveau supérieur de l'entreprise les lois sur la
francisation n'aient aucun effet. Cela me semblerait, enfin, assez
étonnant.
M. Goyette: II y a sans doute un effet.
M. Brunet (Pierre): Depuis dix ans, toutes ces lois ont quand
même amené un changement de climat; cela a changé le
visage. J'ai vécu des expériences personnelles de la même
façon. Alors que j'étais gouverneur de la Bourse de
Montréal, tout ce faisait en anglais dans les années 1968 et
1969; tout se fait en français maintenant. Il est vrai que tout cela a
amené une évolution au point de vue de l'expression et le visage
s'est francisé. C'est évident.
M. Godin: Deuxièmement, vous dites à la page 16 -
mais c'est un détail - que la quasi-totalité des plaintes
acheminées à la commission de surveillance se sont
révélées non fondées, alors qu'en fait c'est 20%
seulement. Pour un prochain mémoire que vous présenterez quelque
part... Juste une correction mineure.
Aux pages 17 et 18, vous attribuez à la loi 101 un effet
plutôt négatif, sinon très négatif, à
l'égard des départs d'entreprises et de sièges sociaux,
à l'égard d'une certaine désaffection du Québec, et
vous les reliez à la loi 101 à la page 17. Or, dans le cadre des
recherches qui ont été faites pour la préparation de cette
commission, j'ai ici la première page de la Presse du 13 février
1973 qui se lit ainsi: "L'exode des sièges sociaux vers l'Ontario se
poursuit." C'était en 1973, donc longtemps avant que la loi 101 soit
même dans le cerveau de quelques politiciens. Et même année
ou à peu de choses près, 1972, l'année
précédente, un titre dans le Soleil: "Bourassa - Robert - se dit
préoccupé par l'exode de services des firmes multinationales,
lors d'une rencontre avec le Conseil du patronat." Également, à
la même époque, la création d'un comité
présidé par M. Fernand Lalonde, qui était sous-ministre
aux Institutions financières et Coopératives, sur cette question.
Le rapport n'a jamais été rendu public; peut-être
n'existe-t-il pas, je ne sais pas.
Ce que je veux dire, c'est qu'il y a également une autre
étude du C.D. Howe Institute qui dit que le phénomène
existe au Québec depuis 1945, parce que le centre de l'économie
canadienne n'est pas Montréal, c'est Toronto et ce sont des
décisions qui ne tiennent pas à des décisions prises par
des dirigeants québécois, comme vous le savez très bien.
Si on avait eu le choix, on aurait décidé que ce serait
Montréal.
J'aimerais avoir vos commentaires sur cela et vous dire en terminant
que, en ce qui me concerne, un certain nombre de vos recommandations seront
prises en considération par le gouvernement. D'autre part, même au
sein des règlements des organismes que vous trouvez tatillons, il y a
quand même un certain nombre de comportements - si j'en juge par le
mémoire soumis ce matin par les employés de Pratt et Whitney - un
certain nombre d'ententes négociées avec les entreprises et
l'Office de la langue française qui sont plutôt souples et qui
donnent aux entreprises énormément de temps avant de s'adapter
à la réalité linguistique de la majorité des
travailleurs du Québec. À Pratt et Whitney, 85% des travailleurs
sont francophones; nous devons nous en préoccuper aussi en tant que
gouvernement.
Mais je vous donne les chiffres que je voulais vous donner et qui sont
inconnus; je les ai eus tout à l'heure. Ils concernent l'exemption de
l'école française obligatoire accordée par
règlement au ministère de l'Éducation. Nombre de demandes
depuis que la loi existe: 7461 demandes formulées pour des exemptions.
Le cas de Bell Helicopter n'est pas encore compté et je précise,
pour mon collègue de Gatineau qui l'a affirmé ce matin, que le
cas de Bell n'est pas exceptionnel, c'est la pratique courante. Demandes
acceptées - c'est un chiffre qui va vous intéresser - 7159
demandes acceptées. Donc, pourcentage de refus, moins de 5%. Vous avez
donc là l'illustration de la volonté du gouvernement de franciser
le Québec, bien sûr; de faire en sorte que les citoyens qui
viennent au Québec s'y établir en permanence envoient leurs
enfants à l'école française, bien sûr; mais
également la reconnaissance de problèmes particuliers
vécus dans certaines entreprises et la nécessité pour le
Québec de recruter des compétences à l'étranger,
ailleurs au Canada ou aux États-Unis, quitte à leur donner un
statut particulier au Québec. Ces chiffres expliquent peut-être
que les chiffres mentionnés dans notre dernière rencontre d'une
demande... Combien de pieds carrés de nouveaux espaces à bureaux
par année? 500 000 pieds carrés de nouveaux espaces à
bureaux dans la ville de Montréal par année... Depuis combien
d'années? Depuis quelle année, M. Brunet?
M. Brunet: Depuis 20 ans, je pense.
M. Godin: Depuis 20 ans. Peut-être que cela explique que le
Québec n'est pas aussi mal en point que certaines personnes voudraient
nous le faire croire. Donc, en gros, ce sont mes remarques, mais je vous
répète que nous nous pencherons très sérieusement
sur les quatre recommandations que vous nous faites. Merci beaucoup.
M. Goyette: Pourrais-je faire des commentaires sur cette
question?
Le Président (M. Gagnon): Oui.
M. Goyette: M. Brunet aussi voudrait faire des commentaires.
Au sujet de la première partie de votre intervention, je voudrais
souligner, à la suite de votre référence à la page
17 de notre mémoire, que les conséquences économiques, les
pertes d'emplois et les effets sociaux sur la communauté anglophone
étaient vus de cette façon à l'époque. Je replace
cela à l'année 1967 comme vous l'avez fait et non pas en tentant
de décrire une situation actuelle.
M. Godin: ...complète au fond. Ce n'est pas seulement
à partir de la loi 101 que vous avez observé ce
phénomène vous-même. Merci.
M. Goyette: Je voudrais seulement souligner aussi, sur la
question des exemptions quant à l'obligation de fréquenter une
école française qui sont accordées ou qui ont
été accordées dans une proportion de 95%, que ce sont des
mesures d'exception. On les exempte de la règle. C'est ce qui
apparaît et ce sont des exemptions temporaires. Je pense que ces deux
aspects sont assez ennuyeux et restreignent sûrement des personnes de
l'extérieur à s'engager à venir s'établir ici,
parce qu'elles seront traitées par exception et d'une façon
temporaire.
M. Brunet: Le commentaire que je voulais faire est le suivant. M.
le ministre, on s'est rencontré assez souvent pour en discuter. C'est
évident qu'on... Le hasard veut qu'on discute autour de la loi 101
aujourd'hui, mais la loi 101 n'est pas responsable de tout ce qui s'est
passé au Québec depuis 20 ans. Cette évolution a
réellement eu lieu. Nous disons qu'au point où on en est rendu,
si on croit que la reprise est quand même un peu lente, il faut mettre
tous les atouts économiques de notre côté et créer
une atmosphère différente à l'intérieur de
l'environnement économique montréalais qui représente
quand même les deux tiers de l'économie du Québec. Ce sont
des effets de perception qui sont extrêmement négatifs et - on le
sent souvent - exagérés si on prend des exemples dans certains
journaux anglais. Même la presse dans tout le Canada va exagérer
la situation, mais cette exagération amène une perception qui
devient négative. Nous disons à ce moment-là que la
responsabilité du gouvernement du Québec est de chercher à
donner des signaux positifs de façon à changer cette perception
extérieure qui devient mauvaise et qui empêche certains
investissements.
Quant à ce que vous disiez tantôt au sujet des
actionnaires, en fait, il faut comprendre aussi que les activités... Il
va y avoir des actionnaires d'un peu partout. Le gouvernement du Québec
l'a fait dans le cas de Pechiney. C'est entendu qu'à un moment
donné, pour de gros projets, il y a des avantages à avoir des
actionnaires de l'extérieur.
M. Godin: Nous sommes tout à fait d'accord, M. Brunet,
sauf que les choses changent lentement. Il est certain que tous les efforts de
tous les gouvernements avant nous, y compris le nôtre, vont dans le sens
d'assurer que l'entreprise est autant que possible indigène car, dans ce
cas-là, nous sommes sûrs que ses profits restent ici et qu'elle
n'est pas montée sur des patins à roulettes pour
déménager à l'occasion d'un coin à l'autre du pays.
Il y a plus de garanties que le Mouvement Desjardins va rester au Québec
que le Royal Trust, par exemple. (21 h 45)
M. Brunet: Oui, je comprends, mais il faut quand même
distinguer entre les activités peut-être locales et les
activités multinationales. C'est évident que, si on prend en
exemple une compagnie comme Seagram, avec son siège social à
Montréal où moins de 10% de ses ventes sont au Québec,
oeuvre dans le monde entier. C'est évident qu'elle a besoin de
transférer des gens d'un peu partout. C'est la même chose pour
l'Alcan. C'est la même chose pour... À l'inverse, une organisation
qui a commencé à Sherbrooke, comme Provigo, qui faisait à
peine $20 millions de vente il y a 15 ans, qui fait des affaires aujourd'hui
à travers l'Amérique du Nord, a besoin d'aller chercher des gens
en Californie, à New York et de les intégrer. Il y a une
réticence à venir. Alors, cela joue des deux côtés.
Il y a une modification qui se fait à l'intérieur du siège
social lorsque la compagnie roule internationalement. Et il faut accepter que
ce certain bilinguisme s'opère à l'intérieur des
entreprises.
M. Godin: En conclusion, MM. Brunet et Goyette, je suis d'accord
avec vous que le Québec a besoin de compétences et
d'investissements de l'extérieur. Depuis huit ans, il y a eu 500 000 000
$ investis par des immigrants au Québec. Nous avons nous-
mêmes recruté, pour le Musée de Montréal, un
Américain de Savannah, Georgia. Le gouvernement fédéral
voulait nous en empêcher, vous le savez très bien. Échange
de bons procédés. Il l'a accepté en fin de compte. Ce que
je veux dire par là, c'est qu'il n'est pas question de fermer le
Québec aux apports extérieurs. Il n'est pas question non plus de
faire du Québec un pays unilingue français de A à Z,
à cent pour cent; mais il est question que, proportionnellement à
ce que nous sommes ici, nous aimerions bien que notre économie
reflète un peu cette réalité, tout simplement. Je suis
certain que nous avons les mêmes objectifs. Vous avez une classe
montante, vos membres, et vous aimeriez bien qu'ils contrôlent une plus
grande part de l'économie du Québec un jour ou l'autre. C'est ce
à quoi nous travaillons présentement ensemble.
Une voix: Nous sommes prêts à partager.
M. Godin: D'accord.
La Présidente (Mme Lachapelle): Merci, M. le ministre. Mme
la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais
également remercier la Chambre de commerce du district de
Montréal pour son mémoire. Il me semble extrêmement
important, parce que c'est l'une des motivations importantes qui ont
amené le gouvernement et la pression populaire à demander une
révision de la loi 101, de voir que ce sont justement les
retombées économiques négatives ou positives de la loi
101. Et dans ce sens-là, vous reflétez probablement l'attitude
d'un grand nombre d'entreprises avec lesquelles vous travaillez et
dialoguez.
Je vous remercie d'être demeurés même ce soir, parce
que ce n'est pas la première fois qu'on vous déplace.
De toute façon, je voudrais revenir sur les statistiques,
à la page 9. Le ministre a dit que, dans 95% des cas, on a obtenu des
exemptions à ceux qui en ont fait la demande.
À votre connaissance, mises à part les statistiques du
ministre, que je ne mets pas en doute d'ailleurs, est-ce que des gens ont
refusé de revenir ici justement parce qu'ils devaient se soumettre
à cet exercice dont vous avez parlé qui est quand même une
restriction à leur liberté quant au choix de la langue
d'enseignement anglaise?
M. Brunet: En fait, c'est plus que cela. Il y a trois
problèmes, je l'ai dit plus tôt, en fonction de la perception.
Quand on demande à quelqu'un - on le vit par expérience - de
venir travailler au Québec, sa première réaction est une
question de perception de ce qu'il entend dire sur le Québec. Alors,
c'est autant une question de langue, c'est l'impression qu'il ne peut pas
s'exprimer dans sa langue, même si l'on est d'accord pour dire que c'est
faux. C'est la perception qui existe. Il y a la perception de la
fiscalité et il y a la perception d'un ensemble de choses. Alors, il y a
une vente qui est double ou triple à faire à la personne en
comparaison avec quelqu'un qu'on transférerait à Toronto. C'est
très évident. Reconnaissons ces faits-là et recommandons
des mesures qui vont faire que ça deviendra une opération de
marketing. Qu'on présente le Québec sur une base positive
plutôt que de toujours sortir des mauvaises nouvelles qui font que la
perception est négative. Le cas échéant, les autres
problèmes s'estomperont.
Mme Lavoie-Roux: Vous n'avez pas d'autres statistiques que
celles-là.
M. Brunet: Non.
Mme Lavoie-Roux: Non, d'accord.
M. Brunet: Pour répondre peut-être plus
précisément, lorsque je parlais de perception, le simple fait
d'être obligé de demander l'exemption, cela crée...
Mme Lavoie-Roux: Cela éloigne les gens.
M. Brunet: ...une réaction négative.
Mme Lavoie-Roux: À votre connaissance, est-ce qu'il est
difficile pour les personnes qui sont ici, avec cette disposition de la loi 101
qui leur permet une exemption de trois ans... Autrement dit, est-ce que le
renouvellement de cette exemption est difficile ou si c'est un problème
que vous n'avez jamais abordé?
M. Brunet: Non. En fait, on a entendu quelques exceptions. C'est
vrai que les statistiques que le ministre donne - je ne connais pas les
chiffres - prouvent que ce n'est peut-être pas tellement le
problème. Nous, c'est quand on pressent quelqu'un. Je le
répète, le problème, c'est la perception. Le fait de
demander à tous les trois ans, c'est difficile.
Mme Lavoie-Roux: Concernant l'affichage, vous recommandez que
l'affichage bilingue soit reconnu là où la présence
anglophone le justifie. Concrètement, quelle justification verriez-vous
pour appliquer le bilinguisme dans l'affichage dans certaines parties du
Québec?
M. Goyette: On n'a pas de normes précises à
indiquer pour déterminer le pourcentage de population anglophone
dans
une ville, un comté ou une région, afin d'y permettre
l'affichage. Je pense qu'on pourrait développer des normes raisonnables.
C'est à peu près le seul barème que je pourrais vous
indiquer, mais il me semble que ce serait facile de déterminer, dans
certains comtés ou dans des villes, qu'au-dessus d'un certain
pourcentage de population parlant la langue anglaise, on pourrait permettre aux
commerces qui oeuvrent dans ces régions l'affichage dans les deux
langues.
Mme Lavoie-Roux: Qu'est-ce qui vous a retenus, par exemple, de
recommander, sans retourner à un bilinguisme général,
qu'on soit plus permissif à l'endroit des gens, d'abord, pour que le
français soit la première langue avec une autre langue, sans
cette restriction reliée à des pourcentages qui peuvent varier et
parfois changer sur une période de deux ou trois ans? Comme on l'a vu
tout récemment, certaines villes ou municipalités du
Québec étaient majoritaires et, à un moment donné,
elles sont devenues minoritaires, etc. Cela créerait peut-être
plus de conflits. Quelle est la crainte que vous avez eue pour dire: On ne
demande pas un bilinguisme intégral dans l'affichage, mais de permettre
que, là où les gens le veulent... J'imagine que les gens de
Saint-Hubert, dans le comté de Kamouraska-Témiscouata, ne se
mettront pas à "bilinguiser" leur affichage. Je voudrais savoir quelle
est votre motivation en recourant à cette mesure qui me semble pouvoir
être difficile d'application, d'autant plus que des
représentations que nous avons entendues -pas ici, mais dans nos
contacts avec la population, comme vous autres d'ailleurs -indiquent que ce
n'est pas nécessairement une raison de pourcentage de population qui
exige que ce soit bilingue ou qu'il y ait une autre langue, mais c'est le fait,
par exemple, qu'on soit situé dans une région frontalière
où il y a beaucoup de va-et-vient entre, disons, les États-Unis
et le Québec ou une autre province et le Québec, des
considérations de cet ordre.
M. Brunet: En fait, on était parfaitement conscients du
problème, mais, dans notre mémoire, on voulait être polis
tout simplement. On ne voulait pas mentionner Montréal pour ne pas
blesser d'autres régions du Québec. Mais nous
considérions, à la Chambre de commerce de Montréal, que
c'était un problème prioritaire en ce qui concerne
Montréal, mais c'est évident qu'on ne voulait pas commencer
à dire qu'il y a peut-être cette région-là et
établir des normes de pourcentage. C'est quelque chose qui, en fonction
de Montréal, est une nécessité. Si cela peut se faire de
cette façon, comment définir Montréal, c'est
peut-être un autre problème. Je reconnais qu'on a tout simplement
posé le problème de cette façon et on n'a pas la solution
facile de l'établir par région ou par comté. Ce serait
peut-être un peu ridicule.
M. Goyette: Je dois dire qu'on ne voit pas beaucoup de
problème qu'à Trinité-des-Monts, dans le comté de
Rimouski, l'affichage ne soit qu'en français. Cela ne nous horripile pas
trop. Par ailleurs, dans l'agglomération de Montréal, c'est un
problème pour plusieurs de nos concitoyens.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que c'est facile d'application quand on
se réfère à des pourcentages qui peuvent varier sur une
période d'un an, deux ans, trois ans ou même davantage? À
ce moment-là, vous recréez des difficultés quand vous vous
retrouvez en bas du pourcentage. À ce moment-là, c'est tout le
climat qui... Je me demande si c'est une suggestion strictement pratique que de
se référer à une règle de pourcentage pour
décider de l'affichage dans une autre langue que le français. En
tout cas, la question est posée.
Vous faisiez allusion à la Belgique et vous disiez que là,
on a procédé avec une commission de surveillance qui
n'était composée que de quelques membres comparativement à
notre Office de la langue française avec ses différentes
composantes. Est-ce qu'il y a une explication pour cela?
M. Goyette: Je pense que l'attitude ou le modèle belge qui
a été adopté en Belgique était, au point de
départ, un modèle moins bureaucratique. C'est une question
d'attitude vis-à-vis des changements qu'on veut faire. On peut adopter
un modèle plus bureaucratique comme nous l'avons fait ici ou moins
bureaucratique, comme les Belges l'ont fait. C'est une question d'attitude.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que le fait qu'en Belgique, il y ait des
territoires totalement français et d'autres totalement flamands permet
de faire cette opération plus facilement qu'au Québec où,
finalement, c'est dans l'ensemble du territoire ou à peu près
qu'il y a ce...
M. Goyette: Je pense qu'il faut reconnaître que Bruxelles
est essentiellement la ville bilingue de la Belgique et peut-être que le
problème ne se retrouve qu'à Bruxelles, comme le problème
se retrouve en grande partie ou les problèmes se retrouvent en grande
partie à Montréal. Je pense qu'il y a une certaine similitude
dans cet aspect.
Mme Lavoie-Roux: C'est ma dernière question parce que je
sais que mes collègues veulent poser quelques questions. À la
page 15, vous faites allusion au rôle de l'office. Vous dites, d'une
part, que les entreprises francophones acceptaient mal le fait qu'on
vienne les franciser alors qu'elles fonctionnaient en français et
que, d'autre part, les entreprises anglophones, on les a embarquées dans
des programmes irréalistes; on a eu deux poids, deux mesures. Est-ce que
vous avez des exemples de ceci?
M. Goyette: M. Brunet en a de bons.
M. Brunet: En fait, si on commençait à donner des
exemples, on pourrait être ici très longtemps. C'est la
façon, l'approche quand le comité de surveillance est venu
visiter les firmes francophones. Les firmes francophones, prenons les...
Mme Lavoie-Roux: On a eu la Presse...
M. Brunet: On a eu l'histoire de la Presse, on a eu la Banque
Nationale qui se sentaient fort à l'aise de dire: Écoutez, ne
nous achalez pas parce que nous, dans le fond, on fonctionne en
français, tandis que certaines compagnies qu'on pourrait qualifier
d'anglophones se sentaient extrêmement nerveuses et, à ce moment,
étaient forcées de prendre de petites mesures plutôt que de
prendre l'attitude, par exemple, que d'autres entreprises ont prise. Ceci dit,
on reconnaît qu'il faut que cela se fasse, mais c'est de la façon
que cela s'est fait. Plutôt que d'être une opération de
promotion, une opération de marketing, pour le prendre
différemment, cela a créé une agressivité. Du
côté francophone, il y a plusieurs compagnies qui se sont permis
de dire: Ne nous achalez pas trop, on fonctionne quand même en
français et cela ne changeait pas beaucoup de choses à
l'intérieur de l'entreprise. Chez d'autres, cela a créé un
climat de nervosité.
Mme Lavoie-Roux: Vous êtes quand même très
précis quand vous dites: On les a embarquées dans des programmes
irréalistes. Là, je comprends que le climat a été
différent parce que les gens pouvaient les envoyer promener, ils se
sentaient tout à fait à l'aise, pour les raisons que vous avez
invoquées. Mais là, vous parlez de programmes irréalistes.
De quelle sorte de programmes irréalistes?
M. Brunet: Quand on va aussi loin que les genres de machineries,
par exemple, ou de cerveaux électroniques qui ne sont faits qu'à
Chicago ou qu'en Allemagne, peu importe, et qu'il faut absolument mettre une
étiquette dessus pour enlever le "on" ou le "off" de façon que ce
ne soit pas là... Je vous dis qu'il y a un paquet de choses qui ont
été abusives. Il y a une foule d'exemples comme cela. Je ne pense
pas que je vais entrer dans tous ces détails, ce serait tomber dans un
paquet d'exemples un peu ridicules. Je reviens toujours à mon point.
C'est de dire: S'il y avait moyen de réduire la mentalité
policière et de la changer par une mentalité de promotion, on
créerait déjà un meilleur climat.
Mme Lavoie-Roux: Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci, Mme la
députée de L'Acadie. M. le député de
Saint-Hyacinthe, en vous rappelant qu'il reste trois minutes à votre
formation, si on veut entrer dans le cadre d'une heure. (22 heures)
M. Dupré: Franchement, M. le Président, depuis le
matin, on n'a pas eu beaucoup de surprises. On a vu le ministre calme et tout
ouïe. Dans une première partie, on a vu le député de
Gatineau féliciter le groupe de Pratt et Whitney pour lui dire de
continuer ou, au moins, d'embarquer. Il continuait la contradiction
libérale, parce que ce sont ces mêmes gens qui étaient
à Ottawa sous la pluie pour applaudir le rapatriement de la constitution
alors que ce rapatriement faisait fi du français. Il est bien important
d'éclaircir cela.
Les autres, non plus, ne nous ont pas tellement fait de surprises. On a
vu M. Marchand qui a déposé son mémoire; on en avait pris
connaissance. Et il y a eu le conseil catholique, etc. Lorsqu'on lit votre
mémoire et qu'on s'aperçoit que vous dites que l'anglais a
été éliminé par la Charte de la langue
française et que c'est l'anglais qu'il faut maintenant protéger
au Québec, ces affirmations venant d'un groupe d'hommes et de femmes
d'affaires aussi majoritairement francophones que le vôtre, le moins
qu'on puisse dire, c'est que c'est étonnant. C'est aussi
étonnant, venant d'un organisme aussi sérieux, de lire l'histoire
du T-shirt. Je ne pense pas que l'Office de la langue française ait
jamais proposé de traduction pour ce mot et encore moins le terme
gaminette. Venant de votre part, il y avait tout de même cette
partie.
Il y a une question bien précise que je voulais vous poser,
messieurs les présidents. Vous parlez de la perception, quand vous allez
à l'extérieur pour essayer d'aller chercher des cadres, comme
vous l'avez bien dit. Ne trouvez-vous que la plupart parmi votre groupe, y
compris les journaux, font une publicité toujours négative et
toujours épeurante aux alentours de cela? J'aimerais vous entendre un
peu là-dessus. Ceux qui sont à l'extérieur ne connaissent
presque rien de la loi 101, sauf par les écrits et les lectures qu'ils
font ici et là. J'avais plusieurs questions, mais je n'ai pas beaucoup
de temps.
Le Président (M. Gagnon): M. Goyette.
M. Goyette: Sur le dernier point, j'aimerais souligner, M. le
Président, que le
COPEM, le Comité de promotion économique de
Montréal, qui est formé conjointement de la Chambre de commerce
de Montréal, que nous représentons, et du Montreal Board of
Trade, le Bureau de commerce de Montréal, a, au cours des trois
dernières années, à ses frais et aux frais de ses membres,
fait des tournées de promotion de la ville et de la région de
Montréal dans plusieurs villes canadiennes et américaines pour
inciter les gens à faire affaires chez nous, pour inciter les gens de
l'extérieur à s'installer chez nous. Ce n'est, évidemment,
pas le message que nous vous transmettons aujourd'hui que nous avons transmis
dans ces endroits. On n'est pas allé à Boston, à New York,
à Toronto, à Calgary, à Los Angeles et ailleurs où
nous sommes allés - c'est loin Los Angeles, il fallait payer nos frais -
pour leur dire: Ne venez pas vous installer chez nous parce que la loi 101
amène de sérieux embêtements. On est allé leur dire:
Venez vous installer chez nous; c'est beau, c'est gentil, c'est fin et les gens
sont bien "le fun". Je ne souscris pas beaucoup à vos remarques sur nos
efforts de promotion de la région économique de
Montréal.
M. Dupré: Vous n'êtes pas, monsieur, sans entendre
à tour de rôle le Conseil du patronat... Vous lisez certainement
les journaux comme tout le monde. C'est épeurant de venir travailler au
Québec.
Je veux revenir à la page 17 de votre mémoire où
vous dites que la loi 101 a été adoptée dans le but de
faire du français la langue de travail, des affaires, de
l'éducation et de l'administration. Vous continuez en disant:
"L'objectif est maintenant largement atteint." J'ai ici une coupure de la
Presse d'hier, le 18 octobre, où il y a une série d'offres
d'emplois. Ce ne sont pas de grandes carrières puisque cela commence
à 10 000 $. On demande à peu près partout des gens
bilingues. Lorsque vous dites dans votre mémoire que l'objectif est
maintenant atteint, si le mot "atteint" veut dire une ville de Montréal,
comme vous le souhaitez, entièrement bilingue, soit! Mais je ne pense
pas que c'est ce que vous avez laissé entendre tantôt. Vous dites
que c'est atteint et on voit ici - sur l'autre page, aussi dans la Presse - que
la technologie moderne de bureau, plus le bilinguisme égale des emplois.
Si vous avez entendu les gens ce matin, ceux de Pratt et Whitney, entre autres,
comment pouvez-vous dire dans votre mémoire que c'est atteint?
M. Goyette: Lorsqu'on dit dans notre mémoire que la langue
française se porte bien et se porte mieux au Québec, on ne l'a
pas inventé. On l'a pigé dans une étude très
récente de Michel Plourde, du Conseil de la langue française, de
novembre 1982, qui dit à la page 25: "La langue française se
porte mieux au Québec" et fait pendant une page des constatations pour
appuyer ce qu'il dit. Aussi, on a pigé dans un document de l'Office de
la langue française préparé par son directeur de la
recherche, qui dit à la page 41: "Nous avons montré qu'il y a eu
amélioration du statut du français par rapport à celui de
l'anglais". Son étude aussi était relativement récente.
Elle date du mois d'août 1982. "Le français est maintenant plus
répandu dans plusieurs domaines de la vie sociale et sa place dans la
société s'est raffermie. Tous les indices - et je termine
-opinion du public, emplois réels et adoption du français,
corroborent cette affirmation.
M. Dupré: Est-ce que vous admettez qu'il y a une nette
différence entre "amélioration" et "maintenant largement
atteint"?
M. Goyette: Pardon?
M. Dupré: Entre un objectif atteint et une
amélioration, tout de même il y a de la place.
M. Goyette: On ajoute "presque" devant; "presque largement
atteint." On peut régler pour cela.
M. Dupré: En terminant, il me paraît des plus
important que vous nous expliquiez pourquoi la chambre de commerce veut que
Montréal soit plus que la deuxième plus grande ville
française du monde, mais soit plutôt la seule ville biculturelle
au monde. Tantôt, vous avez parlé du cas de Bruxelles, entre
autres: c'est exactement séparé en deux; il y a à peu
près 70 000 Allemands en plus. Ils ne se côtoient pas. Ils vivent
séparément.
M. Goyette: Nous faisons un effort considérable à
la chambre de commerce pour que Montréal continue d'être une ville
à caractère international et d'importance internationale en
compétition non pas avec d'autres villes plus petites du Québec
et du Canada, mais avec d'autres villes internationales comme Boston, New York,
Chicago, Toronto et Los Angeles, etc. Tous nos efforts sont pour le
développement de la ville de Montréal dans ce sens-là. Un
atout majeur - on l'a souligné dans notre mémoire - est le fait
que Montréal est et doit demeurer une ville à caractère
biculturel et bilingue. Nous croyons et nous affirmons que c'est un atout et
non pas un handicap. Pour ne prendre qu'un exemple, nous
bénéficions de quatre universités à
Montréal, deux plus anglophones et deux francophones. Je pense que cet
exemple est une illustration que Montréal est et doit demeurer une ville
à caractère biculturel.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de Saint-Hyacinthe.
M. le député de Gatineau. , M. Gratton: Oui, M. le
Président. Je tâcherai d'être bref. Je voudrais faire un
commentaire qui vous inspirera peut-être d'autres commentaires,
messieurs. Vous avez parlé de la perception que l'on a du Québec
à l'extérieur. J'ai compris de vos remarques que souvent la
perception est faussée. Ce n'est pas la réalité que l'on
perçoit de l'extérieur; ce sont souvent des reportages
exagérés; on donne beaucoup d'attention à des choses
anodines. Effectivement, il y a des gens de l'extérieur qui pensent que
pour venir au Québec on doit absolument parler français et que
l'on ne peut pas parler anglais. Il y a même un membre du personnel de la
maison du Québec à New York, M. Gosselin, qui a reçu un
appel. Il disait: "I have got a call from someone who wanted to know whether it
was true that you get arrested in Montreal for speaking English".
Forcément, c'est complètement ridicule, mais le fait demeure que
la perception est là. On doit se demander pourquoi. Est-ce parce que des
gens le font exprès pour faire une mauvaise image au Québec ou
si, à l'occasion, ce n'est pas en partie dû à des aspects
tatillons de l'administration et de l'application de la loi? Par exemple, je
pense au fait que, dans les gymnases de certaines écoles anglophones du
Québec, même francophones, les organismes chargés de
l'application de la loi ont fait dépenser des fonds publics à des
commissions scolaires pour remplacer toutes les affiches qui disaient "exit"
par "sortie", parce que "exit", c'est une autre langue. Il faut bien
préciser que ce n'est pas en anglais,"exit"; c'est du latin. Mais le
fait demeure qu'on a exigé de dépenser des fonds publics pour
cela. C'est rapporté dans la presse et on en a quelle perception?
Par exemple, je ne sais trop si c'est l'Office de la langue
française qui a décidé qu'on va normaliser. On parle de
hambourgeois, on parle de racinette, on parle de gaminette, mais on parle aussi
de changer le dollar canadien pour le dollar français.
Dorénavant, le dollar au Québec, on ne l'écrit plus avec
le S et deux traits verticaux placé devant le chiffre; c'est maintenant
la norme internationale, française, bien sûr, qui exige que c'est
un S avec un trait vertical seulement après le chiffre. C'est parfait
quand on correspond avec les Français et les Belges, mais du
côté de New York, j'imagine qu'on doit se demander: Est-ce
exactement la même piastre que la nôtre? On sait que non. C'est
environ 0,20 $ de moins au taux de change actuel, mais le fait demeure
qu'encore là on crée une ambiance où les gens se
demandent: D'où sortent-ils, ceux-là?
Le ministre parlait de la souplesse des organismes vis-à-vis de
Pratt et Whitney tantôt. Je ne pouvais m'empêcher de me dire ce
matin: Si ces organismes dépensaient plus de ressources à essayer
de trouver des solutions qui ne sont pas faciles, on en convient - dans ce
domaine, la nature de l'entreprise est telle que ce n'est pas aussi facile de
franciser Pratt et Whitney que d'autres entreprises commerciales comme Eaton,
par exemple; donc, cela requiert plus d'efforts - plutôt que d'essayer de
changer toute la normalisation sur la piastre qui n'est plus la même
piastre.
Je m'excuse, mais je fais une parenthèse pour dire que c'est
tellement vrai et le gouvernement le sait tellement que le ministère des
Affaires intergouvernementales dépense des fonds publics pour contrer
cette mauvaise perception qu'on a, cette mauvaise image. À New York, par
exemple, il y a du personnel attaché uniquement à cela et on
dépense des fonds pour des campagnes de publicité pour essayer
d'amener les gens à nous percevoir comme nous sommes et non pas comme
certains voudraient le faire croire. J'abonde dans le sens que vous disiez
tantôt: Si on essaie d'attirer l'entreprise chez nous et qu'au
départ on doit défaire toute cette mauvaise perception et qu'en
plus on a la fiscalité et tous les autres désavantages, c'est
bien sûr qu'en fin de compte cela doit se traduire par moins de gens
intéressés à venir ici et à plutôt aller
ailleurs où c'est plus facile.
Dans cette ligne de pensée - on a parlé de Bell Helicopter
ce matin, le ministre y a fait référence tantôt - le fait
demeure qu'on ne sait pas encore quelle exemption on a donnée à
Bell Helicopter. Je ne veux pas qu'on fasse le débat ici ce soir, M. le
ministre, parce que j'ai l'impression qu'on remonte à six ans. Je
voudrais bien qu'on me dise en vertu de quel règlement, en vertu de
quelle disposition on peut dire à Bell Helicopter: Vous êtes une
grosse compagnie, on sait que vous voulez venir, le gouvernement
fédéral a déjà signé une entente avec vous,
bon, on vous consent cela, allez-y. Mais combien d'autres ne savent même
pas que cette possibilité d'exemption existe? En plus, quand il s'agit
de petites entreprises, on n'a même pas l'occasion de le leur dire.
Je reviens donc à ce que je disais au début: Que les
organismes chargés de l'application de la loi dépensent moins de
temps, par exemple, à envoyer des contraventions à un jeune homme
de 23 ans, à Aylmer, M. le ministre, qui a ouvert un commerce de
réparation de téléviseurs et qui a eu le malheur d'appeler
cela Aylmer TV Service. Il en est rendu à la troisième
contravention, c'est la menace d'amende et tout le reste, alors qu'apparemment
Pratt et Whitney est trois ans en retard sur son plan
de francisation.
Concentrons donc nos efforts là où cela peut donner des
résultats et essayons donc d'administrer la loi de façon plus
convenable. Sur le plan international, cela aurait peut-être l'avantage
de nous permettre d'épargner des fonds publics qu'on n'aura pas besoin
de dépenser pour essayer de contrer cette mauvaise image.
Je termine en demandant au ministre pour demain, pour plus tard, de nous
préciser quels sont les accommodements qu'on a consentis a Bell
Helicopter, en vertu de quel règlement, pour qu'on puisse en discuter
ensemble et voir si effectivement sur tout le monde qui demande une exemption
il y a seulement 5% des gens qu'on refuse. C'est peut-être le temps de se
demander: D'abord, combien n'ont pas eu l'occasion de demander l'exemption et
si, de toute façon ils l'obtiennent presque automatiquement
peut-être bien qu'on devrait changer le règlement. (22 h 15)
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: Après l'énoncé si brillant de
mon collègue, je pense que je vais être extrêmement bref. Je
voudrais revenir sur les permis temporaires, parce que je pense que c'est
important. Comme vient de le dire mon collègue de Gatineau, si on le
donne quasi automatiquement, pourquoi le garder? Mais je crois que la
réalité est un peu plus difficile que les statistiques veulent
bien le démontrer. Mon expérience personnelle l'a prouvé
quand j'étais dans votre secteur. On sait que de plus en plus, on va
aller chercher le vice-président ou le cadre supérieur, en
Ontario ou ailleurs, et, très souvent, ce dernier a une épouse
qui travaille et n'obtiendra pas de permis temporaire. Comme c'est quasiment la
norme maintenant, un couple qui travaille, l'homme et la femme ont une
carrière respective, on peut comprendre que le cadre lui-même
pourra avoir un permis temporaire, mais que l'épouse ne l'obtiendra pas.
Dans bien des cas - cela a été mon expérience personnelle
quand j'étais chez Canatom - cela a été suffisant pour
faire avorter des négociations.
J'étais pour demander à Pierre Brunet et à Pierre
Goyette si ces exemples ou ce genre de préoccupations, qui peuvent venir
de cadres ou de gens avec qui on entre en contact pour entamer des
négociations, ne sont pas suffisants pour que, justement, ils
n'acceptent pas de continuer les négociations.
M. Brunet: En fait, cela résume bien ce que je voulais
expliquer tantôt par le phénomène de perception et de
marketing. C'est évident que vous avez touché un point que je
n'ai pas mentionné, mais, comme on l'a vu tous les jours, c'est la
réaction de l'épouse. C'est un phénomène
très difficile en ce qui concerne les transferts à cause de la
perception. C'est arrivé dans bien des discussions et, dans la
majorité des cas, c'est un problème. Cela fait partie de
l'ensemble du problème de la perception.
M. Fortier: Je vais conclure là-dessus, M. le
Président, pour dire que j'avais l'occasion, au mois de juin, d'aller
à la réunion annuelle de la chambre de commerce. J'étais
délégué par mon caucus. J'oserais penser que l'an prochain
moi-même ou quelqu'un d'autre irait, mais si mon collègue de
Saint-Hyacinthe voulait venir avec nous l'an prochain pour s'informer sur le
travail de la chambre de commerce, je suis certain que cette dernière va
se faire un plaisir de lui adresser une invitation.
M. Goyette: Certainement.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député d'Outremont. M. le député de Fabre, en vous
mentionnant qu'il faudrait que ce soit très court.
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. C'est vrai que
la langue française se porte mieux au Québec, je pense qu'on vous
donne raison. Mais vous devez admettre que la situation reste fragile. Nous
avons entendu un certain nombre de mémoires aujourd'hui et il y a lieu
de souligner un certain nombre de choses. Par exemple, le fait que les
dirigeants francophones sont toujours sous-représentés dans les
grandes entreprises anglophones, c'est une réalité. Une autre
réalité, je voudrais vous signaler -parce que dans votre
mémoire vous êtes très optimistes par rapport aux objectifs
qu'on aurait atteints - que dans une enquête du Conseil de surveillance
de la langue française on signale que les allophones nouvellement
inscrits dans les cégeps préfèrent toujours l'anglais au
français dans une proportion de plus de 80%, aujourd'hui. C'est un
optimisme fragile, il faut bien l'admettre.
Des travailleurs sont venus nous dire, ce matin, qu'ils ne pouvaient pas
travailler en toute sécurité dans leur entreprise parce que
l'usine ne respecte pas le programme de francisation et que l'Office de la
langue française, que vous critiquez, est trop tolérant. Donc, il
y a des contradictions; d'un côté, des travailleurs nous disent
que l'office est trop tolérant et, de l'autre, vous dites que l'office
est trop sévère, tatillon. Alors, il faudrait peut-être
finir par trouver la vérité dans tout ce qui est dit.
Je voudrais terminer par une question à nos invités
concernant les institutions anglophones. Vous dites, à la page 12, que
les organismes anglophones devraient même pouvoir utiliser l'anglais
comme langue de travail, pourvu qu'ils puissent servir les clients en
français d'une manière adéquate.
On s'entend là-dessus. Par contre, à la page 13, vous
dites: Les francophones qui font appel aux institutions anglophones ne
devraient pas s'attendre à recevoir tous les services en
français. Est-ce qu'il n'y a pas contradiction? Il me semble que cela
n'existe pas, des demi-services en français. On doit servir la
clientèle en français, même en milieu francophone et en
milieu anglophone. On ne peut la servir adéquatement à demi.
Comment expliquez-vous cette façon? J'aimerais avoir des
éclaircissements sur votre position.
M. Goyette: M. le Président, je voudrais souligner au
départ que tous les députés de tous les partis ont
été invités à notre congrès du mois de juin.
Deuxièmement, vous dites que les allophones sont inscrits dans une
proportion de 80% au cégep. Je voudrais vous rappeler que dans notre
mémoire je soulignais tout à l'heure que 78% des allophones en
1981-1982 sont inscrits à la maternelle française et que, si les
allophones, rendus au cégep, sont inscrits dans une aussi forte
proportion dans les cégeps de langue anglaise, c'est sans doute dû
au fait des exemptions prévues à la loi 101 qui permettaient
à quelqu'un qui était déjà inscrit dans une
institution anglaise de continuer ses études dans la langue anglaise,
ainsi que ses frères et soeurs. C'est peut-être la raison. Je ne
suis pas certain, mais je me doute fort que ce soit la raison.
Prenons maintenant l'apparente contradiction entre la page 12 et la page
13 sur les services à la clientèle francophone dans les
institutions communautaires anglophones. Par exemple, il y a certains services
qu'un hospitalisé reçoit dans un hôpital; une personne
exerce une fonction qui résulte en un service à
l'hospitalisé comme des draps nets le matin, ce n'est pas
nécessaire, il me semble, que le buandier ou la buandière qui
fait le lavage soit francophone ou bilingue. Par ailleurs, je reconnais qu'il
serait très utile et même nécessaire que
l'infirmière qui lui accorde des soins quotidiennement le soit. Il y a
certains services qui ne sont pas donnés directement aux clients et qui,
il me semble, n'ont pas à être rendus dans la langue du
client.
M. Leduc (Fabre): D'accord. Merci.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, pour le mot de
la fin.
M. Godin: Oui, en conclusion, MM. Brunet et Goyette, nous allons
travailler à changer les perceptions. Merci beaucoup.
Le Président (M. Gagnon): Merci, MM. Brunet et Goyette de
la Chambre de commerce du district de Montréal.
J'invite maintenant la Chambre de commerce de la province de
Québec à prendre place. M. Létourneau.
Chambre de commerce de la province de
Québec
M. Létourneau (Jean-Paul): Bonsoir, M. le
Président.
Le Président (M. Gagnon): Bonsoir. Si vous voulez bien
vous adresser à la commission.
M. Godin: Êtes-vous en solo, M. Létourneau?
M. Létourneau: Oui, M. le Président. Excusez-moi,
j'allais dire bonne nuit. Mon nom est Jean-Paul Létourneau. Je suis le
vice-président exécutif de la Chambre de commerce de la province
de Québec. Je suis spécialement mandaté ce soir par le
bureau exécutif de notre chambre pour m'adresser à vous.
Mes premiers propos seront d'ordre technique et relatifs à la
présentation de notre mémoire. Je dois vous dire, M. le
Président, notre déception et nos protestations pour la
façon dont les responsables ministériels - je dois dire "encore
une fois" et je m'expliquerai tantôt -ont, encore une fois, traité
nos requêtes réclamant de comparaître à des jours et
heures où nos dirigeants élus étaient disponibles à
l'intérieur du calendrier de la commission. Je pense que c'est important
que je dise ces choses, parce que cela peut informer cette commission de ce qui
se passe en arrière parfois, dont probablement les membres de cette
commission ne sont pas toujours au courant, et qui peut être très
frustrant pour les témoins qui viennent ici.
Nous dénonçons avec force le fait qu'après avoir
demandé une dizaine de fois, tant auprès du Secrétariat
des commissions qu'auprès du bureau du ministre, d'être entendus
le 10 octobre ou un autre jour - le 20 octobre étant
particulièrement une date inconvenante à nos dirigeants
élus et à ceux de nos membres qui ont contribué à
préparer notre mémoire - vendredi dernier, en fin de
journée, nous apprenions que nous serions, justement, reçus
aujourd'hui le 20 octobre. Nous avons alors fait d'autres démarches pour
réclamer à nouveau un accommodement. Après tout, cette
commission a un calendrier de plusieurs jours. Rien n'y fit. De plus, hier, la
veille de la date de la comparution qui nous a été
imposée, notre bureau a été avisé à trois
reprises d'heures de comparution différentes, à savoir à
10 heures; plus tard, on nous a informés que ce serait à 14
heures et, encore plus tard, on nous a dit que c'était à 20
heures, soit à 8 heures ce soir. Comment voulez-vous, M. le
President, dans de telles circonstances, organiser une
délégation?
Notre chambre est une fédération qui regroupe plus de deux
cents chambres de commerce au Québec, lesquelles comptent près de
39 000 membres, gens d'affaires répartis partout sur le territoire du
Québec. De plus, nous avons plus de 3100 membres corporatifs, soit des
entreprises de toute taille dans tous les domaines de l'activité
économique partout au Québec. Ces données
démontrent que nous constituons le regroupement volontaire de gens
d'affaires le plus important au Québec. Au nom de ceux que nous
représentons, M. le Président, nous vous disons que nous ne
pouvons accepter ce genre de traitement. C'est abuser de la
disponibilité des gens, particulièrement de gens qui, au surplus,
acceptent volontairement et sans rémunération de se mettre au
service de leurs concitoyens pour tenter d'enrichir le débat
démocratique et d'assurer un équilibre de la
représentativité dans les grands débats publics.
C'est pourquoi, M. le Président, je suis seul devant vous ce
soir, ce 20 octobre 1983, à environ 22 h 30. De plus, je tiens à
vous dire que ces situations de bousculade et de frustration pour notre
comparution devant une commission parlementaire se répètent. Cela
peut vous surprendre que j'arrive, que je parle de cela et que je prenne du
temps pour vous en parler ce soir, mais vous devez comprendre que c'est parce
que c'est une accumulation de situations semblables. Je ne prendrai pas
beaucoup de temps; je vais simplement vous en énumérer
quelques-unes.
Le mardi 7 juin dernier, nous étions convoqués devant une
autre commission à 20 heures, devant la commission parlementaire du
travail, pour la mentionner. Nous avions rassemblé une
délégation de sept personnes qui venaient de la métropole.
Nous n'avons pas été entendus ce jour-là. On ne pouvait
nous dire, lorsque nous avons dû quitter, quand nous devrions revenir.
C'est seulement vers la fin de la journée du lendemain qu'on nous a dit
qu'il fallait revenir la journée suivante à 14 heures et,
finalement, nous avons été entendus vers 16 heures ce
jour-là.
Alors, des situations comme celles-là, je pourrais encore vous en
parler, M. le Président. La commission parlementaire de SIDBEC, par
exemple où nous avons été invités à 10
heures le matin et où nous avons commencé à
témoigner le lendemain à minuit jusqu'à 2 heures de la
nuit. Il y a d'autres situations que je pourrais vous signaler, mais je vais
terminer là. Nous ne sommes pas les seuls. Les récriminations que
je vous formule maintenant, je les ai entendues à maintes reprises de la
part d'autres groupes, et formulées en des termes beaucoup plus
sévères que ceux que j'emploie présentement. Je vous dis
toutes ces choses, M. le Président, à cause de votre mandat de
voir au bon fonctionnement des commissions parlementaires, mécanisme
auquel nous croyons. Nous pensons que la commission doit être
informée de ces situations.
Il y a, M. le Président, des abus intolérables dans la
façon dont sont traités, sous cet aspect, les témoins
devant les commissions parlementaires dont la présente, comme je viens
de le démontrer. Premièrement, ceci entraîne des pertes de
temps et d'argent incroyables. Deuxièmement, cela décourage
beaucoup de témoins sérieux de venir s'adresser à vous.
Troisièmement, cela déprécie le processus des commissions
parlementaires.
Nous avons déjà pressenti le président de
l'Assemblée nationale de ces situations. Nous lui avons
déjà offert notre collaboration pour trouver des solutions
ordonnées à ce problème. M. Richard Guay, dans une lettre
qu'il nous adressait le 11 août 1983, nous laissait entendre que la
réforme parlementaire allait apporter "une solution à ces
difficultés d'organisation afin d'éviter que l'on n'abuse de la
disponibilité des citoyens". Il est bien évident ce soir que nous
sommes encore loin de la réforme. (22 h 30)
Enfin, M. le Président, concernant la présentation de
notre mémoire aujourd'hui, le ministre responsable, M. Godin, a
déclaré, le 18 octobre, à la télévision de
Radio-Canada, qu'il avait déjà lu 80% des mémoires et que
son opinion était déjà faite. J'ai le mandat de dire ici,
M. le Président, que notre bureau exécutif a été
très déçu de cette déclaration. Cela nous
amène à douter de l'utilité du présent
débat. Je me contenterai donc de rappeler à cette commission,
parce qu'il est déjà très tard, les conclusions de notre
mémoire. Je serai sans doute forcé de limiter mes réponses
à vos questions parce que ceux qui devaient être avec moi pour y
répondre n'y sont pas, pour cause valable prévue et
annoncée aux intéressés.
Nos conclusions sont donc les suivantes. Notre analyse rapide de
l'état actuel de la question linguistique au Québec
suggère deux grandes conclusions. Premièrement, les objectifs de
la loi 101 demeurent non seulement valables, mais sont en bonne partie
réalisés. Le Québec est plus français qu'il n'a
jamais été et nul ne peut sérieusement, aujourd'hui,
prétendre que l'anglais y constitue une menace pour
l'épanouissement du français. Deuxièmement, certains
excès de la législation linguistique sont apparus dans toute leur
réalité au cours des six dernières années et il
importe aujourd'hui de les corriger. C'est dans cette perspective que la
Chambre de commerce du Québec soumet respectueusement au gouvernement
les recommandations qui suivent: premièrement, de manière
générale, modifier la législation linguistique en tenant
compte du principe que, si le français doit
naturellement prédominer au Québec, cela n'exclut pas
nécessairement l'utilisation d'autres langues; deuxièmement,
permettre l'utilisation d'une autre langue, à certaines conditions, dans
l'affichage ou les communications. L'affichage public bilingue ne devrait pas
être interdit, quitte à imposer la prédominance du texte
français. On devrait aussi permettre l'utilisation exclusive d'une autre
langue dans un message destiné à un groupe particulier. Les
communications entre des organismes anglophones comme les hôpitaux, les
commissions scolaires et les municipalités devraient pouvoir se faire en
anglais; troisièmement, assouplir les contraintes que les programmes de
francisation imposent aux entreprises; de plus, ramener sur les épaules
du plaignant le fardeau de la preuve dans l'embauche de personnes bilingues;
quatrièmement, de manière générale, ne pas
étendre aux plus petites entreprises les exigences législatives
et réglementaires actuelles; cinquièmement, redéfinir de
manière beaucoup plus restreinte les objectifs de francisation des
sièges sociaux; sixièmement, abolir l'obligation pour une
entreprise de plus de 100 employés de maintenir un comité de
francisation une fois qu'elle a obtenu un certificat permanent de francisation;
septièmement, concernant la langue d'enseignement à
l'école publique, remplacer la clause Québec par la clause
Canada; huitièmement, permettre le renouvellement de la
dérogation accordée à des personnes établies
temporairement au Québec pour envoyer leurs enfants à
l'école publique anglaise; neuvièmement, comme solution
complémentaire, faciliter, au moyen de crédits d'impôt, le
recours à l'école privée non subventionnée pour
tous ceux qui le désirent; dixièmement, clarifier les
dispositions de la loi 101 en utilisant un langage précis qui laisse le
moins de place possible à la discrétion administrative ou
à l'interférence politique; onzièmement, réduire
substantiellement le budget de 20 000 000 $ consacré à
l'application de la législation linguistique.
M. le Président, messieurs et mesdames les membres de cette
commission, je vous remercie de m'avoir écouté jusqu'ici et je
vous prie de transmettre l'objet de nos préoccupations et protestations
sur les problèmes de fonctionnement de la commission et d'accommodement
aux témoins. Nous sommes prêts, d'ailleurs, à contribuer,
parce que nous y avons longuement réfléchi, à trouver des
solutions ordonnées à ce problème. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Létourneau.
Avant de donner la parole à M. le ministre, je veux vous dire qu'en ce
qui concerne la présidence de la commission parlementaire - d'ailleurs,
vous avez reçu une lettre du président de l'Assemblée
nationale - c'est bien évident - pour ma part, j'ai
présidé un certain nombre de commissions parlementaires -
qu'à quelques reprises des groupes ont été entendus
à minuit et à une heure. Pour ce qui nous concerne, on a
essayé de respecter environ une heure par mémoire aujourd'hui. Je
ne sais pas si vous avez été ici une bonne partie de la
journée.
Il faut aussi penser que la démocratie veut que les gens aient le
droit de poser des questions, et aussi nos invités. Parfois, c'est
difficile de se limiter à une heure parce que, les débats
étant entamés, il y a des questions qui se posent de chaque
côté de la table. Normalement, si on avait pu respecter l'horaire,
vous auriez terminé à 22 heures plutôt que de commencer
à 22 h 20, comme vous l'avez mentionné. On s'en excuse et je
comprends votre état de frustration; vous pouvez être certain que
la présidence de l'Assemblée nationale va être saisie des
arguments que vous nous avez donnés tantôt.
M. Létourneau: M. le Président, je vous remercie de
cette considération et je vous signale que nous avons noté plus
récemment cette situation - disons depuis quelques mois peut-être,
peut-être un peu plus - où vraiment cela devient extrêmement
difficile et compliqué. Nous sommes de vieux routiers comme institution
devant les commissions parlementaires. D'ailleurs, une analyse faite par
l'Assemblée nationale a démontré que notre organisme est
celui qui de loin s'est présenté le plus fréquemment
devant les commissions parlementaires. Donc, merci, M. le Président, de
cette considération. Nous espérons que nous pourrons dans
l'avenir recevoir une meilleure réponse à nos sollicitations
d'accommodement.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.
M. Godin: M. Létourneau, d'abord, je tiens à vous
faire part des excuses de la partie ministérielle pour les
désagréments que peut vous causer votre convocation pour ce soir
seulement. Je suis informé qu'il y avait une entente pour que vous
comparaissiez le 20 octobre. Le premier à comparaître le 20
octobre aurait été la Chambre de commerce de la province de
Québec. C'était déjà prévu. Vous aviez
accepté, si mes renseignements sont exacts. À la suite d'une
décision de la Chambre hier, qui suivait une recommandation de
l'Opposition à laquelle nous nous sommes ralliés, nous
avons...
Mme Bacon: Un instant.
M. Godin: Ce sont des faits, Mme la députée de
Chomedey ...décidé de modifier le calendrier. Je dois vous dire
que tous les groupes voulaient passer le 26 octobre. Il y a 65 mémoires.
Dans certains cas, jusqu'à 20 échanges
téléphoniques ont dû être faits pour accommoder
certains groupes très importants. Dans le cas du vôtre, je ne
connais pas le nombre d'appels qui ont été
échangés; mais je peux vous dire que des groupes avaient
demandé de passer à la fin de la commission. Nous les avons
accommodés. Quand ils ont vu le calendrier, ils ont dit: Non, nous
voulons passer au milieu de la commission. Nous les avons accommodés. Il
y a eu des changements perpétuels pour toutes sortes de raisons avec
lesquelles vous êtes familiers. Et nous avons tenté de faire pour
le mieux, puisqu'on s'était entendu pour le 20, c'est-à-dire de
vous passer le 20, sauf qu'au lieu d'être le premier vous êtes le
dernier parce qu'hier il n'y a pas eu de séance. Je vous remercie, quand
même, d'avoir eu la patience d'accepter ces changements.
Il y a eu des négociations avec 70 groupes, y compris le
vôtre et nous avons tenté de faire pour le mieux. Il est probable
même qu'aucun de ces groupes ne sera content de la décision ultime
qui a été prise de telle date, tel jour, telle heure et surtout
du fait qu'ils doivent attendre ici. C'est comme dans un bureau de
médecin ou un bureau de député ou un bureau de ministre:
on promet de recevoir les gens à telle heure, mais parfois on donne plus
de temps qu'on ne le prévoyait parce que - le président l'a dit -
ce sont les exigences de la volonté de s'informer qui priment ici.
Je regrette les désagréments que cela a pu vous causer,
ainsi qu'à votre organisme. De toute façon, soyez convaincu d'une
chose, M. Létourneau: contrairement à ce qu'ont pu donner
à croire mes propos, que vous avez entendus le 18 octobre, il y a bien,
effectivement, une marge de manoeuvre qui reste. Votre vis-à-vis, Mme la
députée de Chomedey, m'a fait la même remarque ce matin et
je lui ai bien dit que j'étais ici pour entendre et pour écouter
tous les points de vue. Mais vous n'êtes pas sans ignorer que, les
mémoires étant remis aux membres de la commission avant qu'ils
rencontrent les groupes, j'avais quand même lu tous les mémoires,
il y a 48 heures.
Donc, à ce moment, il m'est apparu, après avoir fait le
bilan de tout ce que ces mémoires contiennent, conforme à la
vérité de dire qu'effectivement je commençais à
voir un peu plus clair que ce n'était le cas il y a un mois et que ma
vision des changements à faire à cette loi était assez
précisée. C'est un fait. Je ne jouerai pas le jeu de celui qui
n'a pas lu les mémoires et qui arrive ici comme un enfant qui vient de
naître. Mais les débats que nous avons, les débats que
l'Opposition a aussi avec nos invités et avec les gens qui veulent
témoigner ici, laissent quand même une marge de manoeuvre pour des
changements.
Pour en venir à votre mémoire maintenant, je voudrais vous
poser une question...
M. Gratton: M. le Président...
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: ...avant que le ministre pose ses questions, je n'ai
pas de question, mais j'aimerais tout de suite faire une mise au point
concernant les plaintes. Sur une question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Gagnon): C'est une question de
règlement.
M. Gratton: Tout d'abord, nous déplorons, quant à
nous, le traitement un peu cavalier dont la Chambre de commerce du
Québec a été victime. Cela n'atténuera
peut-être pas votre frustration, mais je vous dirai que nous-mêmes,
les députés de l'Assemblée nationale, sommes
également victimes de l'imprévoyance du gouvernement de ce
côté dans la planification des travaux.
Vous n'êtes pas sans savoir que la session, qui était
prévue depuis le 22 ou le 23 juin dernier pour le 18 octobre, a
été ajournée jusqu'au 15 novembre à la suite d'une
décision unilatérale du gouvernement. Non seulement
l'Assemblée n'a pas siégé, mais la commission devait se
réunir à compter d'hier. Les travaux - c'était
décidé depuis au moins le 10 juin 1983 - devaient être
télévisés. Je pourrais vous citer le leader du
gouvernement - c'était le 10 juin -à l'Assemblée
nationale. Je pourrais vous citer le premier ministre à
l'Assemblée nationale le 7 juin. Le ministre des Communautés
culturelles et de l'Immigration, M. Godin, le 7 juin, parlait lui-même de
son souhait de voir la commission parlementaire télévisée.
Mais, au gouvernement, on a oublié au cours des quatre derniers mois
d'en prévenir les services de télédiffusion des
débats. C'est ainsi qu'hier, parce que nous avons
réitéré la demande qui avait été
acceptée depuis quatre mois, on s'est retrouvé devant
l'impossibilité de siéger parce qu'on n'était pas
prêt. C'est seulement aujourd'hui qu'on se retrouve pour le début
de la commission.
L'ordre de comparution des témoins -je veux bien que ce soit
clair pour tout le monde - c'est le gouvernement qui en décide avec le
Secrétariat des commissions. Je dis, à l'intention du
président, qu'il n'y est pour rien, d'aucune façon. Je ne sais
trop si c'est le leader du gouvernement ou le ministre
responsable, mais toujours est-il que c'est le gouvernement. Pour vous
témoigner de l'embarras dans lequel on se retrouve, nous, les membres de
la commission, on en est rendu à la troisième ou quatrième
liste qu'on nous a remise aujourd'hui. On en a eu trois ou quatre hier, mais
aujourd'hui on en a eu au moins trois faisant état d'un
échéancier et d'une liste différents.
On siège présentement - il est 22 h 40 seulement parce
qu'on y consent unanimement. Le règlement nous aurait permis de dire,
à 22 heures: C'est fini, on s'en va chez nous. On vous avait
déjà assez dérangé, on a pensé accepter, de
consentement unanime, de vous entendre. Mais on le fait à des
coûts additionnels pour l'Assemblée nationale. Des deniers publics
sont dépensés à cause des ententes syndicales avec le
personnel de la télédiffusion et, parce qu'on dépasse 22
heures, ce sont des coûts additionnels. Tout cela est le résultat
de l'imprévoyance du gouvernement.
Ajoutez à cela, M. le Président, les propos du ministre
auxquels M. Létourneau a fait allusion. Il les a expliqués. On
veut bien croire à ses bonnes intentions, mais je suis sûr que la
chambre de commerce n'a pas été la seule à se demander si
sa comparution devant la commission rimait à quelque chose, compte tenu
de la déclaration de M. le ministre à la radio d'État le
18 octobre dernier.
M. le Président, la dernière liste que j'ai reçue
aujourd'hui pour le jeudi 27 octobre par exemple, fait état de sept
organismes que nous entendrons. Je vous les donne en vrac. On sait qu'à
dix heures l'organisme qui est le premier n'a pas de problème, il passe
le premier. Le jeudi 27 octobre, le premier sera le Parti
québécois de Montréal-centre. Le dernier, comme vous, qui
peut commencer à 20 heures qui, comme vous le disiez tantôt, a
déjà commencé à minuit pour terminer à deux
heures du matin, ce sera simplement Bell Canada. Ce dernier organisme devait
comparaître hier; à un moment donné, il devait
comparaître aujourd'hui et finalement il va comparaître quelque
part dans la nuit de jeudi à vendredi prochain.
(22 h 45)
Je l'ai indiqué tantôt au ministre en aparté, il va
falloir planifier un peu mieux que cela. D'abord, je trouve inacceptable que la
Chambre de commerce du district de Montréal et la Chambre de commerce de
la province de Québec soient les deux derniers invités à
cette première journée, surtout, comme l'indiquait M.
Létourneau, que l'on avait spécifiquement demandé de ne
pas comparaître le 20 octobre, soit aujourd'hui. Je ne prête pas
d'intention au gouvernement, mais je vous avoue que je suis tenté de le
faire. J'invite le ministre à demander au personnel qui s'occupe de ces
choses de faire en sorte que l'on planifie les travaux un peu plus en fonction
de nos invités, de leur désir de contribuer et de collaborer
à nos travaux, plutôt qu'en fonction des intérêts
d'un parti ou de l'autre à cette commission, parce qu'il me semble que
le travail que nous abordons de façon sérieuse mérite
d'être fait sérieusement. Si on a l'intention de nous faire
entendre la Chambre de commerce de la province de Québec à des
heures indues et Bell Canada, qui a quand même des choses à dire
quand on connaît les budgets qu'elle consacre dans la province de
Québec...
On pourrait noter le cas de la ville de Montréal qui devra
comparaître au sixième rang mardi prochain. Elle risque de se voir
bousculer, mais pas par la mauvaise volonté du président; il est
obligé de faire en sorte que l'on entende mardi prochain: un, deux,
trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix organismes dont la ville de
Montréal. Comme quelqu'un le faisait remarquer tantôt,
Montréal représente à peu près les deux tiers de
l'économie du Québec. Si on n'est pas capable de planifier un peu
mieux que cela, j'ai l'impression que la commission va rimer à rien.
J'offre toute notre collaboration au ministre pour en arriver à
nous dresser des heures de séance normales avec un ordre de comparution
qui rime à quelque chose. Quant à nous, on va tâcher
d'écourter nos questions et de collaborer dans toute la mesure du
possible... On sait qu'il y a 70 mémoires et qu'il n'y a que dix jours
de séance. Ce sera difficile et pénible; on est prêt
à faire des heures supplémentaires. Il n'y a pas de
problème. Mais il ne faut quand même pas abuser - non pas des
députés, c'est moins important - de nos invités qui,
à grands frais, après une longue préparation, se trouvent
dans la situation de M. Létourneau ce soir de nous lire
brièvement leurs recommandations et de se faire dire: On s'excuse M.
Létourneau, cela coûte trop cher de siéger à cette
heure-ci. On vous demande d'être patient. On lira votre mémoire.
Il me semble que, si on a accordé la latitude qu'on a accordée
à Pratt et Whitney ce matin, on devrait avoir au moins la même
déférence à l'égard de la Chambre de commerce de la
province de Québec.
M. Godin: M. le Président, un instant, un instant.
J'aimerais bien savoir qui a dit la citation que vient de faire M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: Laquelle?
M. Godin: Celle que vous venez de faire.
Le Président (M. Gagnon): Excusez. Comme président,
je ne crois pas avoir demandé à M. Létourneau de
résumer son
mémoire.
M. Gratton: Bien, il a eu le bon sens de le faire de
lui-même, de sa propre initiative.
M. Godin: II n'y a personne qui le lui a demandé, M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: Bien non. M. Létourneau est assez intelligent
pour savoir qu'on n'est pas pour lire un document de 45 pages à compter
de 22 h 30. Voyons donc!
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre! À
l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Godin: Je ne voudrais pas...
Le Président (M. Gagnon): M. Létourneau a eu la
gentillesse d'attendre jusqu'à cette heure-ci pour répondre
à des questions. Il ne faudrait pas le retarder encore plus sur des
questions de règlement.
M. Létourneau: Si vous me le permettez, M. le
Président...
Le Président (M. Gagnon): M. Létourneau, oui.
M. Létourneau: ...seulement un mot pour vous dire
qu'étant des habitués des commissions parlementaires, lorsqu'on
va décider de la réforme, nous sommes prêts à
collaborer parce qu'à titre de gens qui viennent souvent, qui sont
habitués à être assis à ce bout-ci de la table on
pense qu'on aurait des suggestions fort pratiques à faire qui pourraient
améliorer la situation.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.
M. Godin: Par respect pour vous, M. Létourneau, et pour
bien indiquer que je ne veux pas vous faire perdre votre temps davantage, je ne
répliquerai pas aux propos de mon collègue de Gatineau. Je ne
corrigerai pas les affirmations absolument farfelues qu'il a faites.
J'oserais poser une seule question, pour commencer en tout cas. Au point
5, vous proposez de "redéfinir de manière beaucoup plus
restreinte les objectifs de francisation dans les sièges sociaux".
N'êtes-vous pas au courant qu'il existe une entente spécifique
pour les sièges sociaux, entente qui a fait l'objet, à ma
connaissance, de fort peu de critiques de la part des sièges sociaux,
qui bénéficient, comme vous le savez, d'un statut particulier au
même titre, d'ailleurs, que les centres de recherche qui sont au
Québec rattachés à nos grandes entreprises? Alors
avez-vous entendu dire que les sièges sociaux étaient
mécontents du statut particulier dont ils bénéficient au
Québec?
M. Létourneau: M. le Président, ce dont nous
entendons parler, c'est de la situation de cadres et d'administrateurs
anglophones d'entreprises nationales ou multinationales qui ont un siège
social ici, qui se sentent malheureux. On pourrait dire qu'ils n'ont pas
raison, on pourrait se demander pourquoi ils se sentent malheureux avec toutes
les concessions qu'on a faites par rapport à l'objectif premier de la
loi, par rapport à ce que vous dites, M. le ministre, et aux
accommodements. Néanmoins, c'est une situation palpable dans certains
sièges sociaux d'entreprises à Montréal, sièges
sociaux très importants. Ces gens ne veulent pas s'exprimer; ils nous
disent cela quasiment en cachette. Ils préfèrent chercher le
premier moment opportun pour s'en aller parce qu'ils sont mal à l'aise
à cause de ce qu'ils ressentent comme une pression sur eux pour se
franciser plus qu'ils ne pensent que c'est nécessaire pour eux pour
l'exécution de leurs fonctions, par exemple.
Alors, nous avons principalement à coeur que cesse cet exode de
sièges sociaux qu'on a connu. On ne dit pas que la seule raison serait
la loi 101, mais c'en est toujours une parmi d'autres, on ne sait jamais si
c'est là la goutte d'eau qui fait déborder le verre ou si c'est
celle qui est au fond, mais c'est souvent une considération. C'est pour
cela que nous disons: Regardons-y donc encore une fois de plus près et
essayons donc de voir s'il est possible, tout en respectant l'objectif de la
loi que nous favorisons d'ailleurs, de trouver des accommodements qui feront
que nous pourrons éviter d'autres déménagements de
sièges sociaux dans l'avenir.
M. Godin: D'après ce que vous avez entendu dire par ces
personnes, est-ce qu'il s'agirait plutôt, comme le disaient vos
prédécesseurs de tout à l'heure, MM. Brunet et Goyette, de
questions de perception ou de problèmes réellement vécus
ou subis par ces personnes?
M. Létourneau: La nuance à faire, M. le
Président, entre la perception et un problème vécu, c'est
la même chose. Si on perçoit qu'on est malheureux, on est
malheureux; que voulez-vous! Même si cette personne, d'après nous,
n'aurait pas raison de l'être, si elle l'est, que voulez-vous qu'on y
fasse? C'est une situation que nous avons détectée dans plusieurs
sièges sociaux à Montréal.
M. Godin: D'accord. Au point 6, vous suggérez "d'abolir
l'obligation pour une entreprise de 100 employés et plus de maintenir un
comité de francisation une fois que le certificat de francisation
permanent
est obtenu". Dans la mesure où nous sommes informés par
des centrales syndicales et même également par des entreprises que
la révolution technologique, qui est déjà
commencée, la bureautique, la télématique, l'informatique,
etc., dans certains cas, sera implantée seulement dans les années
qui viennent, est-ce que vous ne trouvez pas que les employés d'une
entreprise ont un intérêt à continuer à voir
à ce que les futurs développements se fassent également
dans le respect des objectifs que vous partagez de la loi 101 qui sont la
francisation et, par conséquent, qu'une entreprise puisse obtenir son
certificat en 1983 et s'informatiser en 1984 ou en 1985 et que cela puisse
alors se faire dans n'importe quelle langue? Cela nous ramènerait
éventuellement au statu quo ante, "back to square one", comme on dit.
Les acquis que vous appuyez ne risqueraient-ils pas d'être perdus
éventuellement?
M. Létourneau: Pour le moment, M. le Président,
nous considérons que nous devrions, pour des raisons d'ordre pratique,
économique et d'un ordre aussi qui respecte les objectifs linguistiques,
prendre la chance de laisser les gens sur la lancée de la loi 101 une
fois qu'ils ont acquis leur certificat de permanence, ce qui signifie qu'ils
ont certainement démontré à l'office qu'ils étaient
nettement engagés, qu'ils avaient accompli des progrès sensibles
et qu'ils avaient sans doute atteint certains objectifs en matière de
francisation, objectifs acceptables par l'office. À ce moment-là,
nous disons: Économisons donc des efforts et essayons donc
d'améliorer un peu notre productivité. Prenons la chance, s'il le
faut. Nous verrons. Si cela se détériore, on pourra toujours
aviser.
M. Godin: D'accord. Point 8, renouvellement de la
dérogation. Le délai de six ans qui est présentement dans
les règlements vous semble-t-il à vous, expérience faite,
correspondre à la réalité des transferts d'un siège
social à l'autre ou de la mobilité interne dans une
entreprise?
M. Létourneau: Nous croyons qu'à partir du moment
où c'est temporaire, c'est-à-dire où c'est renouvelable -
premièrement, c'est un premier délai de trois ans - l'automatisme
du renouvellement n'est pas perçu à l'extérieur du
Québec comme étant facile. Je ne dis pas qu'il est difficile. Je
dis qu'il n'est pas perçu de façon définitive. On entend
cet avis régulièrement, particulièrement en Ontario ou
à d'autres endroits, que ce n'est pas sûr que ce soit
renouvelé la deuxième fois. Il y a, par ailleurs, d'autres
situations où des gens peuvent encore le considérer comme
temporaire, même après six ans, ici. C'est pourquoi nous parlons
d'un certain automatisme du renouvellement, tant qu'on peut considérer
la présence de la personne ici comme étant de nature
temporaire.
M. Godin: Vous n'êtes pas sans savoir, M.
Létourneau, que ces démarches sont accomplies dans 90% des cas
par l'entreprise elle-même. Donc, il n'y a pas un fardeau particulier sur
la personne qui est visée par le permis. C'est l'entreprise qui engage
qui s'engage vis-à-vis de son employé. J'ai des cas
récents. Pour l'un des frères Stastny chez les Nordiques, ce sont
les Nordiques qui ont assumé cette démarche-là et c'est
beaucoup plus facile pour eux, étant établis ici, comme,
d'ailleurs, une entreprise qui recrute à l'étranger. Donc, est-ce
que ce que vous en savez va dans le même sens que ce que j'en sais ou si
vous avez des cas plus dramatiques ou plus inacceptables?
M. Létourneau: Ce qui nous semble le plus important, c'est
qu'à l'origine, c'est-à-dire pas au moment du renouvellement,
lorsque la décision doit être prise par certaines personnes de
venir ici, on soit plus sécurisé quant à la
possibilité de ce renouvellement.
M. Godin: Mais vos renseignements sont que le fardeau de la
démarche est assumé par l'entreprise; c'est ce que vous en savez,
vous aussi.
M. Létourneau: En tout cas, je n'ai pas une perception que
c'était toujours le cas et, malheureusement, M. le Président, sur
ce point, je dois vous dire que je ne peux pas répondre
adéquatement à votre question selon les connaissances que nous
avons chez nous parce que, encore une fois, il y a des gens qui devraient
être ici qui pourraient répondre à votre question et qui
n'y sont pas.
M. Godin: D'accord. Le point 10, c'est prévu de clarifier
certaines dispositions de la loi 101 "en utilisant un langage précis qui
laisse le moins de place possible à la discrétion administrative
ou à l'interférence politique". En gros, M. Létourneau,
c'étaient les questions que j'avais à vous poser. Vous y avez
répondu à ma satisfaction et je souhaite que cet échange
vous soit aussi profitable qu'il l'a été à moi-même.
Merci beaucoup.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre.
Mme la députée de Chomedey. (23 heures)
Mme Bacon: Merci, M. le Président. Croyez bien, M.
Létourneau, qu'étant préparée à la lecture
de votre mémoire et ayant tenté de préparer des questions
pour y trouver des réponses suivant votre expérience et les
travaux que vous avez faits, j'ai aussi
une certaine frustration, je dois vous l'avouer à cette heure-ci,
d'avoir attendu aussi longtemps et d'avoir aussi changé les horaires
aujourd'hui. Je pense que c'est un peu une improvisation de préparation
des travaux de la commission que nous devons déplorer, comme aussi
l'improvisation qu'on nous sert bien souvent à l'Assemblée
nationale dans la préparation des travaux.
Je vais revenir quand même - je ne me limiterai pas aux
recommandations si vous voulez bien - à la page 2 où vous
mentionnez "que la francisation du Québec a fait des progrès et
qu'il est certes irréaliste de prétendre que le français
est aujourd'hui menacé par l'anglais au Québec." Est-ce que vous
avez des données bien spécifiques sur lesquelles vous basez cette
interprétation de la situation actuelle? On sait que, très
récemment, les travaux de Charles Castonguay qui ont été
connus contredisent un peu cette affirmation que vous faites à la page
2.
M. Létourneau: M. le Président, la perspective dans
laquelle nous faisons cette affirmation est la suivante: Le Québec
possède toute une série d'institutions: des universités,
des stations de télévision, des médias de communication,
des réseaux de communication, toute une série d'organisations de
structuration francophone qui permettent à une société de
progresser, qui font qu'à notre avis on n'a plus à avoir peur de
la continuation du fait français chez nous avec l'organisation
institutionnelle que nous avons construite et que nous possédons et le
dynamisme de ces institutions francophones dans notre milieu.
Continuer d'avoir peur dans ces conditions nous semble être un peu
de la paranoïa. Si on avait tenté, il y a 100 ans -retournons 100
ans en arrière - d'examiner la possibilité de l'expansion ou de
la survie du français au Québec - remontons en 1760 au moment de
la conquête - on aurait pu faire les pronostics les plus sombres. On
aurait pu les faire encore il y a même 50 ans seulement à
considérer la situation par rapport à ce qu'elle est aujourd'hui.
Le fait français a toujours pris de plus en plus d'importance au
Québec malgré qu'on aurait pu faire les pronostics les plus
sombres à ces époques-là.
Avec ce que nous avons maintenant, nous ne croyons pas que nous devions
continuer de craindre. Nous faisons des progrès - nous en avons
parlé avec le témoin précédent - dans notre
présence dans les milieux économiques alors que nous sommes
partis de tellement loin. Nous faisons peut-être des progrès qui
ne sont pas assez rapides, de l'avis de plusieurs, mais nous avions toute une
culture à acquérir sur le plan économique. Nous sommes en
train de l'acquérir assez rapidement et cela progresse.
C'est ce qui nous fait dire cela, madame.
Mme Bacon: D'accord. À la page 3, au sujet de l'affichage
des communications, ce qui constitue votre deuxième recommandation. On a
parlé tantôt du membership que vous représentez qui a quand
même une très grande importance au Québec. Les 39 000
membres et les 3100 membres corporatifs, je pense que ce n'est pas
négligeable quand on pense aux gens que vous représentez. Est-ce
que ces problèmes, au niveau de l'affichage, au niveau des
communications, sont un vécu de votre membership qui fait que vous
voulez en discuter aujourd'hui dans votre mémoire? Est-ce que des
représentations vous sont faites continuellement, est-ce sporadique par
exemple ou est-ce vraiment le vécu de presque chaque jour quand on
considère le nombre important de votre membership?
M. Létourneau: Madame, ce sont des complaintes, si on peut
dire. On les appelle ainsi maintenant parce que cela revient
fréquemment. Il y en a qui se demandent s'il y a quelque chose à
faire; mais ils se sentent toujours encarcanés dans cette situation
où ils trouvent que ça manque parfois de rationalité. Il y
a des commerçants francophones qui aimeraient attirer l'attention de
clients de passage, qui ne sont pas francophones, avec une affiche qui pourrait
traduire le nom d'un produit qu'ils ont à offrir. Ils ne peuvent pas le
faire. Il y a de telles situations dans ce domaine. Il m'est arrivé de
débattre longuement de cette question avec des gens qui ont beaucoup
d'expérience dans le domaine touristique et qui considèrent que
l'impossibilité d'afficher en anglais au Québec, en province, sur
des circuits où, autrefois, on voyait beaucoup de touristes
américains, leur a valu une diminution de cette clientèle qui se
sentait moins sécurisée parce qu'elle ne pouvait pas trouver
certains services aussi facilement que s'il y avait eu quelques affiches utiles
le long de leur parcours, dans leur langue.
C'est ainsi que nous le percevons. Évidemment, les gens de
Montréal ont une perception plus aiguë à cause de la
situation particulière, de l'intensité de la concentration de la
population de langue anglaise et aussi de l'intensité des visiteurs de
langue anglaise à Montréal. Mais c'est une situation, madame, qui
se répète dans la province et c'est la perception qu'en ont des
gens du domaine touristique en particulier.
Mme Bacon: Pour rester dans le domaine touristique, on a
l'exemple qui nous a été donné, celui d'un hôtel
dans la métropole qui ne peut engager des orchestres
québécois parce qu'il ne peut pas faire de la publicité en
anglais pour attirer le touriste
américain au cours de la saison estivale. Est-ce que vous avez
entendu des Québécois qui se plaignent de manquer de travail ou
qui se sentent lésés par rapport à cette application de la
loi?
M. Létourneau: Les gens ne se rendent pas toujours compte
que c'est la raison qui fait que, parfois, le tourisme diminuant, il y a moins
d'emplois dans ce domaine. Ce n'est pas toujours perçu de cette
façon par ceux qui en sont les victimes, parce qu'ils n'ont
peut-être pas la capacité de percevoir les grandes causes de la
situation qu'ils vivent. Là, on tombe dans un domaine où,
malheureusement, c'est difficile de mesurer et, encore une fois, je
déplore d'être seul à vous répondre. J'aurais
aimé être accompagné d'autres gens qui s'y connaissent
mieux que moi et qui ont examiné plus attentivement la question pour
nous aider à rédiger ce texte, mais ils ne sont pas là
malheureusement. Encore une fois, je ne peux pas aller plus loin.
Mme Bacon: Je m'excuse de vous poser des questions, M.
Létourneau, même à cette heure tardive, mais je pense que
c'est important. Il y a certaines questions importantes et on veut bien avoir
des réponses aussi.
M. Létourneau: Je m'excuse, mais je réponds dans la
mesure de ce que je sais...
Mme Bacon: D'accord.
M. Létourneau: ...et de ce que j'ai entendu par ceux qui
ont préparé ce document.
Mme Bacon: À la page 9 de votre mémoire, toujours
en le feuilletant, vous recommandez la clause Canada plutôt que la clause
Québec. Est-ce que vous avez, au cours de l'expérience de
l'application de la loi et à l'aide de vos membres, encore une fois,
découvert des cas où on s'est empêché d'avoir de la
main-d'oeuvre spécialisée ou des cadres qui refusent de venir au
Québec à cause de cette clause Québec? Est-ce que vous
avez énormément de plaintes de la part de vos membres
corporatifs, par exemple?
M. Létourneau: Nous entendons cela très
fréquemment, à Montréal en particulier. Nous l'entendons
très fréquemment. On n'a pas fait d'enquête; on n'est pas
allé voir la personne à l'extérieur qui a donné sa
réponse négative; là il faudrait faire des enquêtes
à n'en plus finir. J'imagine que les gens qui nous le disent, qui sont
des responsables que nous connaissons bien et que nous jugeons de bonne foi
n'inventent pas ces choses et ne s'arracheraient pas les cheveux à
certains moments en pensant à combien ils sont contraints par cette
disposition particulière de la loi.
Mme Bacon: D'accord. À la page 10, que j'ai trouvée
très intéressante, vous parlez d'écoles privées non
subventionnées dont l'ouverture aurait été refusée
par le ministre de l'Éducation. Je ne sais pas si le ministre des
Communautés culturelles et de l'Immigration aurait des pressions
à faire sur son collègue du ministère de
l'Éducation. Vous nous dites: En 1980, en 1981, la société
japonaise de Montréal s'est vue refuser par le ministère de
l'Éducation un permis pour ouvrir une école privée non
subventionnée. Est-ce que cela voudrait dire qu'on empêche...
C'est quand même des investissements quand on veut ouvrir une
école privée non subventionnée. Est-ce que cela voudrait
dire que le ministère de l'Éducation refuse certains
investissements pour l'ouverture d'écoles privées? Pouvez-vous
expliciter davantage?
M. Létourneau: Malheureusement, je n'ai pas
participé, je n'ai pas eu accès à l'information de base
ici, je pense que ce qui a été écrit là a
été écrit sur la connaissance de faits. Ce que j'ai vu,
moi, par ailleurs, c'est plus d'un rapport de groupes d'industriels japonais
ayant visité le Canada et ayant fait des appréciations sur la
possibilité d'implantation dans les endroits les plus favorables au
Canada pour venir faire des affaires chez nous, venir faire des
investissements. Souvent j'ai noté dans des écrits provenant du
Japon, de ces gens, qu'ils avertissaient leurs concitoyens qu'il y avait une
situation particulièrement difficile pour eux sur le plan linguistique
s'ils voulaient s'établir au Québec, sans compter d'autres
situations qu'ils ont dénotées sur le plan fiscal.
Mme Bacon: Est-ce que le ministre est au courant de ces
situations? Est-ce qu'il en a déjà discuté avec son
collègue de l'Éducation?
M. Godin: II en a été question effectivement et une
des solutions que nous avons commencé à appliquer, M.
Létourneau et Mme la députée de Chomedey, c'est celle
d'une école internationale à Montréal qui serait
accessible aux membres de ces missions ou de ces entreprises et qui
décernerait un baccalauréat international sur le modèle de
certaines villes comme Genève, New York et autres, Paris, par exemple.
C'est en train de s'implanter dans...
Mme Bacon: Est-ce que ce serait subventionné par
l'État?
M. Godin: Oui, par l'État.
Mme Bacon: Comment se fait-il que l'État accepte de
subventionner ces écoles privées, mais refuse l'implantation
d'écoles privées non subventionnées? Cela ne lui
coûterait rien à ce moment. Ce sont des investissements.
M. Godin: II faudrait poser la question au ministre de
l'Éducation.
Mme Bacon: Vous ne parlez pas suffisamment pour cela, non?
À la page 12, M. Létourneau, vous mentionnez - le ministre a
répondu tantôt, mais j'aimerais quand même revenir: La
Chambre de commerce du Québec recommande donc que les interdictions
édictées par la loi 101 soient rédigées dans un
langage clair et précis qui laisse le moins de place possible à
la discrétion administrative ou à l'intervention politique.
Est-ce que ceci réglerait vraiment le problème qui existe?
M. Létourneau: Sans doute, non, madame. C'est une
manière d'améliorer les choses, mais je doute qu'on puisse jamais
rédiger un texte de manière suffisamment hermétique ou en
prévoyant suffisamment l'avenir pour éviter tous les
problèmes. Nous demandons simplement qu'il y ait amélioration
dans ce sens le plus possible.
Mme Bacon: À la fin de votre mémoire, vous
recommandez aussi des compressions majeures dans le budget consacré
à l'application de la Charte de la langue française. Vous
mentionnez environ 20 000 000 $. Quelles seraient pour vous les
priorités pour faire de telles compressions? À quel endroit?
M. Létourneau: Je ne sais pas si je comprends bien la
question. Les priorités, où couper, ou les
priorités...
Mme Bacon: Pour faire des compressions. (23 h 15)
M. Létourneau: ...oui, des choses dont il faut surtout
s'occuper. Dans une structure comme celle de l'Office de la langue
française, comme dans tout autre structure bureaucratique, il se
bâtit avec le temps des croûtes - excusez l'expression. Il arrive
que des gens s'incrustent, se justifient une fonction et cela se passe tout
naturellement. Cela se passe partout; cela se passe particulièrement
dans le système public; cela se passe parfois aussi dans les grandes
bureaucraties privées. Alors, vient un temps où il faut donner un
coup et couper. Il y a plusieurs façons de le faire. Il y a
fondamentalement, je pense, deux approches qui sont retenues. L'une, c'est de
dire: On coupe de tant pour cent partout. Cela va faire mal ailleurs. À
certains endroits, on va couper dans des choses qu'on pourrait trouver
essentielles, mais ailleurs... Et, finalement, on s'aperçoit qu'on finit
par tout faire, même après ces coupures, parce qu'on s'est
laissé aller à un peu trop d'engraissement de la structure.
L'autre façon de faire, c'est d'être sélectif. Mais
quand on décide d'être sélectif, c'est extrêmement
difficile et on s'aperçoit que les responsables n'arrivent pas à
prendre les décisions nécessaires la plupart du temps. Certains
qui ont beaucoup de courage le font. D'autres ont beaucoup de
difficultés, cela traîne et finalement, on n'y arrive pas. Alors,
disons que pour plus d'efficacité, pour y arriver de manière plus
rapide, nous préconiserions une coupure égale partout, dans tous
les départements. Il est sûr qu'il y a des endroits où on
va couper et où ce serait plus utile de couper ailleurs. Mais
plutôt que de faire l'étude, pour être pratique, pour
être concret, pour arriver à des résultats qui nous aident
vraiment à obtenir l'efficacité et la productivité, je
pense que de couper également partout est peut-être la meilleure
chose à faire, quoique, idéalement, il faudrait le faire sur une
base sélective.
Mme Bacon: Merci.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Groulx.
M. Fallu: M. Létourneau, je ne vous ferai certainement pas
le reproche de n'avoir pas lu votre mémoire ici ce soir. Je pense que
vous nous avez précisément donné déjà un des
modèles de présentation qu'il devrait y avoir devant une
commission parlementaire. Puisque les mémoires sont déjà
déposés à l'avance, vous en faites un bref
résumé, vous présentez les conclusions; vous avez pris
exactement cinq minutes et vous nous donnez l'occasion depuis maintenant une
demi-heure, d'échanger. C'est précisément le but d'une
commission parlementaire. De cela, je vous remercie.
Votre mémoire, M. Létourneau, me semble un peu optimiste.
Il y a quelques affirmations qui ne sont pas appuyées sur des
études. À certains endroits, j'ai l'impression que la charte est
mal comprise par votre organisme. Et, à mon avis, les reproches sur la
rédaction de la charte elle-même, la rédaction formelle de
la loi, ne sont pas fondés. Enfin, on peut dire que c'est une question
de perception.
Vous réitérez, comme en 1977, l'appui à la Charte
de la langue française. Néanmoins, vous mettez en question les
moyens. Mais je suis un peu étonné car, la façon dont vous
les mettez en question, les moyens, vous arrivez à remettre des choses
de fond substantiellement en question. Sur l'affichage, notamment, sur
l'école privée
qui, d'une façon ou d'une autre finit par être une sorte de
libre choix détourné; sur la francisation de l'entreprise qu'on
devrait arrêter et qui aurait peut-être comme conséquence
que beaucoup de travailleurs n'auraient pas accès à la
francisation. Je reviens sur ces trois éléments, si vous me le
permettez, car j'aimerais connaître un peu mieux votre pensée,
notamment sur l'affichage; c'est votre recommandation no 2. Vous dites que
l'affichage public bilingue ne devrait pas être interdit, quitte à
imposer la prédominance du texte français. Vous savez fort bien
que cet énoncé nous rappelle des souvenirs anciens, celui de la
prédominance du texte français. Est-ce que c'est une
prééminence en position sur l'affiche, est-ce que c'est une
prééminence en volume de lettrage, etc.? Vous savez quel panier
de crabes cela avait soulevé à l'époque. J'imagine que ce
n'est certainement pas dans ce sens que vous voulez nous proposer des
amendements à la loi sur l'affichage. Ce serait ma première
question.
M. Létourneau: M. le Président, nous croyons que la
mentalité qui prévalait il y a quelques années, à
l'époque de l'adoption de la loi, et qui a dans une certaine mesure
amené l'adoption de la loi, a beaucoup changé,
énormément changé. Sur la lancée, avec le momentum
qu'a acquis la francisation dans l'affichage, nous doutons fort que nous
reviendrions, même en libéralisant complètement
l'affichage, aux situations que nous avons connues dans le passé. Nous
en doutons beaucoup. Les mentalités ont complètement
changé sur ce point, nous en sommes témoins tous les jours, tant
chez les anglophones que chez les francophones, parce qu'on sait qu'à
l'époque il y avait des francophones qui, pour toutes sortes de raison,
n'y voyaient rien, etc. Encore une fois nous sommes prêts a faire le pari
qu'en libéralisant sur ce plan nous ne revivrons pas les situations un
peu grotesques que nous avons eu à déplorer dans le passé
et que nous reviendrons dans un juste équilibre qui sera de nature,
surtout à ce moment-ci, sur le plan pratique, à améliorer
un peu la perception que certaines gens ont de nous de l'extérieur. Je
parle des touristes en particulier ou de gens qui pensent, qui ont l'impression
qu'ont veut être dans un ghetto francophone. Si on libéralise on
retombera dans un équilibre raisonnable. C'est notre perception de la
situation présente.
M. Fallu: Du point de vue de la perception, dans ma
deuxième question à propos de l'école, vous
suggérez qu'il y a eu des difficultés très réelles.
Je voudrais d'ailleurs dire à ceux que cela intéresse, notamment
à la suite de la question de Mme la députée de
Laval...
Le Président (M. Gagnon): De Chomedey.
M. Fallu: De tout Laval, non? Laval-sur-le-Lac seulement?
Mme Bacon: Non, non.
M. Fallu: Même pas? C'est au sud, oui?
Mme Bacon: Chomedey n'est pas dans Laval-sur-le-Lac.
M. Fallu: Selon un récent jugement de la Cour d'appel dans
l'affaire Mont-Bénilde, le ministre ne peut plus refuser à sa
discrétion d'accorder un permis d'école privée. Il y a des
normes qui existent, mais ce n'est pas totalement discrétionnaire. En
proposant ces écoles privées - je veux bien qu'on règle
des problèmes concrets - avec surtout un crédit d'impôt...
Vous avez bien dit crédit d'impôt, ce qui est énorme...
M. Létourneau: Cela dépend de sa taille et de son
importance.
M. Fallu: Vous savez combien il en coûte pour
fréquenter ces écoles privées. Il y en a une chez moi qui
vient justement d'obtenir son permis. Cela coûte de 3000 $ à 6000
$ par année. Vous arrivez à toutes fins utiles à une
nouvelle forme de libre choix. Est-ce le but visé?
M. Létourneau: Oui, M. le Président. Encore une
fois, nous ne craignons pas pour la société francophone
québécoise. Pour nous, on a dépassé le seuil de ce
besoin de protectionnisme qui a été, dans une certaine mesure,
peut-être justifié dans le passé, mais vraiment nous ne
percevons plus ce besoin.
M. Fallu: Vous avez bien dit "nous ne percevons plus", donc il
s'agit d'une question de perception.
M. Létourneau: Finalement vous savez, quand on fait des
enquêtes...
M. Fallu: Enfin, quant à la francisation...
M. Létourneau: ...sur quoi les fait-on? C'est sur des
perceptions, et Dieu sait quelles sortes de conclusions on peut tirer de toutes
sortes d'enquêtes.
M. Fallu: ...de l'entreprise, à la page 6, vous mettez en
cause essentiellement un facteur, celui du coût de la francisation.
À ce compte, êtes-vous prêts à laisser tomber la
francisation qui est nécessaire à plusieurs endroits dans de
petites entreprises? À mon avis, il en va du droit fondamental des
travailleurs de pouvoir travailler en français.
Votre seule référence est à un critère de
coût, non pas à un critère de francisation ou d'objectifs
globaux.
M. Létourneau: Encore une fois - vous allez me taxer
d'avoir des impressions, mais enfin - nous causons avec beaucoup de gens,
beaucoup de nos membres et ces questions reviennent toujours, reviennent
fréquemment. Il est sûr qu'il restera toujours dans notre
société des endroits où on pourra constater que les choses
ne vont pas comme elles devraient aller. Pour atteindre l'objectif de la loi
à 80% ou 85%, cela va aller. On peut dire qu'on peut atteindre cela
à des coûts raisonnables. Mais dès qu'on essaie d'aller
plus loin, de s'approcher des 100%, d'éviter la poche de
résistance dans cette petite entreprise ici ou dans telle autre
entreprise, finalement, si on les mettait toutes ensemble, cela constitue une
bien petite minorité. Dès qu'on essaie d'atteindre tout cela,
d'étendre partout et d'être parfait dans l'application, on
rencontre des coûts énormes, des coûts qui ne se justifient
plus même avec un excellent objectif, même en voulant
protéger des droits. On a alors la Charte des droits et libertés
qui pourrait être utilisée; on a autre chose. C'est cela que nous
voulons éviter: vouloir être tellement parfait dans l'application
de la loi, éviter la moindre petite situation déplorable ou
condamnable peut-être. Essayer d'atteindre 100%, cela devient trop
coûteux. On ne peut pas se le permettre. C'est pour cela qu'on dit: Si
vous voulez vous lancer dans les PME et les obliger à faire des
exercices qu'on a demandés aux entreprises mieux organisées,
mieux structurées, à un personnel qui pouvait se permettre les
débats, les délibérations du comité de francisation
etc. et tout ce qui entoure cela, là vraiment, j'ai l'impression que,
encore une fois, on n'a pas confiance au momentum que des attitudes et des
changements qui se produisent dans notre société vont faire.
Finalement, parmi toutes ces choses, il va rester des cas déplorables.
On ne réussira jamais avec n'importe quelle loi, de toute façon,
à les éliminer complètement. Essayons de les traiter un
à un, quand ce sera nécessaire, via d'autres lois comme la Charte
des droits et libertés. Mais n'essayons pas d'imposer à 100%,
à la perfection, chaque disposition de la loi 101.
M. Fallu: M. Létourneau, il me reste à vous
remercier de nous avoir transmis vos perceptions.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de Groulx. M. le député de Nelligan, en vous
demandant d'être le plus...
M. Lincoln: Oui, je sais, vous me l'avez demandé. M.
Létourneau, le président me dit qu'il ne nous reste pas beaucoup
de temps, mais j'aurais voulu poser deux ou trois petites questions. Tout
d'abord, la question de l'école privée. Je crois qu'il est
important de revenir là-dessus. Je pense qu'il y a un malentendu avec le
ministre sur cette question. Je connais la référence qui est
faite dans votre dossier. Je ne sais pas qui l'a écrit, mais j'ai vu le
rapport qui parle de cela. C'est un rapport de la délégation
japonaise qui est venue ici en 1981, dans laquelle il y avait 38
représentants japonais qui sont venus pour vérifier les
investissements dans tout le Canada. On parle de cela sur trois points
différents. En Alberta, on a une petite école où les
enfants japonais étudient la langue japonaise pour continuer à
préserver la langue. C'est la même chose à Toronto. Le
Nilaing Kai, qui est la société japonaise industrielle à
Montréal, le groupement japonais, a voulu instituer sa petite
école de week-end pour continuer l'enseignement du japonais. Comme les
Japonais sont des gens très légalistes qui veulent travailler
dans le cadre de la loi, ils ont demandé cette permission au
ministère de l'Éducation du Québec qui leur a
refusé cette petite école. (23 h 30)
En fait, l'école internationale ne réglera pas du tout le
cas. Ce n'étaient pas du tout des gens qui voulaient des diplômes
internationaux ou des baccalauréats. Tout ce qu'ils voulaient, c'est que
les enfants japonais puissent aller à une école privée
japonaise payée par les industriels japonais pour continuer à
préserver leur langue japonaise pendant qu'ils sont au Canada. Dans le
rapport du MITI, que je pourrais vous passer, on dit que Montréal est
une des raisons, en plus du Québec. On parle de toutes sortes de choses
dont on a discuté bien souvent: instabilité politique, etc. Mais
on parle en fait de cet empêchement de pouvoir envoyer leurs enfants
à une école privée japonaise qu'on leur a
refusée.
M. Godin: J'ai un très court commentaire à faire
qui sera peut-être utile aussi à M. Létourneau. Il y a
présentement au Québec déjà 40 écoles
semblables en 40 langues différentes que fréquentent 17 000
enfants. Mme l'ex-ministre de l'Immigration se souvient fort bien que, aussi
bien dans son temps que maintenant, le gouvernement du Québec non
seulement encourage mais subventionne ces écoles du samedi ou du
dimanche, suivant le cas. Il y a 40 de ces écoles installées dans
des écoles publiques ou dans des locaux privés, mais nous
subventionnons déjà cela. Donc, si cette demande avait
été acheminée au gouvernement de façon
précise, nous y aurions certainement donné suite.
M. Lincoln: M. le ministre, je vais vous passer...
M. Godin: M. Létourneau, si vous avez des contacts avec
les auteurs de cette demande, dites-leur qu'il y a déjà 40
groupes au Québec qui bénéficient de telles écoles
du samedi et du dimanche et que nous leur versons un total de 250 000 $ par
année pour que cela ait lieu, ce qui paie une partie des
dépenses.
M. Lincoln: Ce sera bon si la commission dénoue ces
petites choses, mais je peux vous dire que je vais passer le rapport
officiel...
M. Godin: Si c'est ce qu'ils veulent, ils l'auront.
M. Lincoln: Oui, mais le fait est qu'en 1981 ils disent qu'ils ne
l'ont pas eu. C'est une des raisons pour lesquelles nous apportons cela. C'est
écrit dans le rappport officiel.
M. Godin: D'accord!
M. Lincoln: M. Létourneau, la question des tests
professionnels, c'est une suggestion orginale que vous apportez. Vous pensez
que les corporations professionnelles devraient s'occuper des tests et les
contrôler. Auriez-vous pu nous dire un peu votre ordre de pensées?
Vous pensez parler de cela à la page 9.
M. Létourneau: Malheureusement, M. le Président,
c'est une autre question à laquelle je ne saurais répondre parce
que la personne qui, sous cet aspect particulier, a fait les consultations et
nous a rapporté les informations, n'est toujours pas là. Je suis
désolé.
M. Lincoln: J'ai une dernière petite question avant de
terminer. Il y a un de mes collègues à l'Assemblée
nationale qui me dit que dans les PME de son comté dans la Beauce, il y
a les petites corporations, de peut-être plus de 50 employés, qui
sont submergés par toutes sortes de paperasses de l'Office de la langue
française, malgré qu'elles soient des compagnies francophones.
Vous parlez des PME, auriez-vous pu nous parler brièvement de votre
expérience dans ce cas-là? Est-ce que cela se situe dans beaucoup
de cas?
M. Létourneau: Oui, cela se situe dans beaucoup de cas et
cela crée même une situation très dommageable pour
l'évolution de l'entreprise au Québec parce que nous entendons
fréquemment de nos membres qui sont dans des petites entreprises en
croissance qui sont sur le point de dépasser le seuil de 50
employés et qui se refusent à dépasser ce seuil à
cause du fardeau qu'impose la parerasserie gouvernementale dès que l'on
dépasse ce seuil. C'est un raisonnement que l'on entend assez
fréquemment. Ils vont même plutôt fractionner leurs
établissements plutôt que d'avoir des établissements de
plus grande taille ou tout simplement ils vont plafonner, parce qu'il semble
qu'il n'y a pas que la loi sur la langue qui menace de les atteindre s'ils
avaient déjà plus de 50 employés, il y a d'autres types
d'intervention gouvernementale qui semblent les atteindre beaucoup plus et
beaucoup plus fréquemment dès qu'ils dépassent ce seuil.
Donc, c'est encore là un handicap. Que voulez-vous? Je m'excuse, M. le
député, c'est leur perception et c'est celle qu'ils nous
transmettent.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président...
Le Président (M. Gagnon): Petite question.
M. Ciaccia: Pardon?
Le Président (M. Gagnon): Petite question vous m'avez
dit?
M. Ciaccia: Très brièvement.
Le Président (M. Gagnon): Très
brièvement.
M. Ciaccia: Je n'ai pas abusé aujourd'hui de mon droit de
parole, M. le Président.
M. Létourneau, je déplore le fait que vous soyez le
dernier intervenant si tard, à 23 h 30, mais je dois avouer que ce n'est
pas la première fois que cela vous arrive.
M. Létourneau: Non, monsieur.
M. Ciaccia: J'ai été moi-même témoin
d'autres invitations à la Chambre de commerce de la province de
Québec et je me dis que c'est toujours à la dernière
minute que l'on entend la chambre de commerce, tard le soir. L'impression que
j'ai, c'est qu'on ne veut pas vraiment vous entendre complètement
à des heures où les gens peuvent vous entendre parce que les
points de vue que vous avez parfois ne concordent pas tout à fait avec
ceux du gouvernement. C'est la seule conclusion que je tire.
M. Godin: Question de règlement, M. le Président.
Question de règlement.
Une voix: On vous reconnaît. M. Godin: Question de
règlement.
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, M. le
député de Mont-Royal. Question de règlement. Question de
règlement, M. le député de Mont-Royal.
M. Godin: La chambre de commerce est arrivée pour huit
heures ce matin, c'est-à-dire pour 10 heures ce matin.
Une voix: On vous reconnaît.
M. Godin: Elle était prévue pour dix heures ce
matin, la meilleure heure de la journée. Malheureusement à cause
des changements cela n'a pas été possible. Les
représentants étaient prévus pour dix heures ce matin, les
premiers.
M. Ciaccia: C'est toujours prévu comme cela mais cela
arrive...
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Mont-Royal, si vous me permettez...
M. Godin: Enfin, ne dites pas n'importe quoi.
Le Président (M. Gagnon): J'ai l'impression qu'on a
largement parlé de cela. D'ailleurs vos collègues l'ont
souligné. Il faudrait peut-être poser des questions à M.
Létourneau et ne pas revenir uniquement sur ce sujet.
M. Ciaccia: Non, M. le Président. Je pense que le point
que je fais, je le fais à ma façon et je ne pense pas que les
conclusions que je tire de cela aient été tirées par aucun
de mes collègues.
Une voix: ...
M. Ciaccia: Oui, c'est ma perception que j'ai des invitations
qu'on fait.
M. Dupré: Une petite question.
M. Ciaccia: On fait des invitations pour dix heures le matin,
mais on s'arrange toujours pour qu'ils soient entendus à 23 h 30 le
soir. Cela ne peut pas toujours être de l'imprévu ou un accident
que la Chambre de commerce de la province de Québec soit toujours
entendue à la dernière heure. Je suis en désaccord avec
mon collègue, le député de Groulx, quand il dit que la
chambre de commerce est le moyen idéal d'avoir fait un
résumé. La raison pour laquelle on a
télédiffusé cette commission c'est afin d'informer autant
de gens possible des délibérations de la commission.
J'aurais aimé que M. Létourneau puisse lire tout le
mémoire où il nous dit que les problèmes non
résolus de la loi linguistique ont, depuis, contribué à
diviser la société québécoise et à
compromettre notre croissance économique. J'aurais voulu qu'il nous
dise: "La Chambre de commerce de la province de Québec se dit heureuse
de cette évolution mais en même temps elle craint que certaines
dispositions de la loi ou de la réglementation n'aient pour effet de
marginaliser le Québec." Il y a une série d'autres affirmations
qui sont contenues dans ce mémoire de la chambre de commerce que je
crois qu'il serait très important que la population sache parce que, M.
le Président, si on est ici pour vraiment - et je pense que cela devrait
animer le reste de nos travaux parce qu'on va être ici durant dix jours
encore - apporter des modifications pour améliorer la loi, si on veut
vraiment chercher les problèmes dans la loi 101, je pense qu'il va
falloir qu'on en discute et qu'on ne donne pas l'impression qu'on veut
seulement jouer de la politique pour les fins du gouvernement et donner
seulement un point de vue et non l'autre.
Il y a de vrais problèmes qui sont soulevés ici et si on
invite ceux qui voient les vrais problèmes dans la loi concernant le
domaine économique, si on les invite comme vous faites avec Bell Canada
et comme vous avez fait avec la Chambre de commerce de Montréal et celle
de Québec, seulement un soir, vous n'aidez pas à sensibiliser la
population. Pourquoi a-t-on télédiffusé les débats?
C'est pour sensibiliser les contribuables pour qu'ils sachent vraiment, parce
que si vous voulez faire des changements à la loi il faut que ces
changements soient acceptés par la population. Et si la population
n'entend pas ce que les responsables du secteur économique, les agents
économiques ont à dire, cela va être encore une fois de
l'information biaisée, et ils n'accepteront pas les changements
nécessaires que le gouvernement devrait apporter, devrait être
prêt à apporter à la loi.
Cela souligne aussi le point que nous avons soulevé ce matin.
Nous avons devant nous la Chambre de commerce de la province de Québec
qui nous apporte des problèmes au niveau économique. On aurait
voulu avoir la réaction du ministre de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme ou un des ministres chargés d'une mission économique.
Ils ne sont pas ici. Alors c'est vraiment difficile de faire le point sur tous
les aspects économiques. Pourtant, c'est important, c'est très
important. On fait toutes sortes d'affirmations et je crois que pour informer
la population et pour avoir la réaction du gouvernement sur ces secteurs
très importants, cela aurait été plus que
nécessaire d'avoir un des ministres chargés de la mission
économique.
M. le Président, j'aurais seulement une petite question
après ces remarques et j'espère que celles-ci seront prises
en
considération par le ministre lors de la convocation d'autres
intervenants. Est-ce que... Vous avez mentionné et je pense que vous
l'aviez déjà mentionné aussi dans votre mémoire
mais cela ne fait pas partie de vos conclusions. Est-ce que vous croyez que la
loi 101 devrait s'appliquer aux entreprises de moins de 50 employés?
Présentement elle ne s'applique pas. Quel est votre point de vue sur
l'application et pour quelle raison? Selon oui ou non, est-ce que vous pourriez
nous donner une petite explication de votre point de vue?
M. Létourneau: M. le Président, plusieurs
dispositions de la loi s'appliquent déjà aux entreprises de 50
employés et moins; plusieurs dispositions y touchent. Ce à quoi
on pense, c'est aux fameux comités de francisation qui
pénètrent dans l'entreprise. Notre recommandation est très
claire. Nous ne croyons pas qu'il soit utile et opportun qu'on aille implanter
cela dans les entreprises de 50 employés et moins.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Une autre?
M. Ciaccia: Une dernière question. Quand on parle des
sièges sociaux, l'article 143 prévoit que les programmes de
francisation doivent tenir compte des relations de l'entreprise avec
l'étranger et du cas particulier des sièges sociaux
établis au Québec par des entreprises dont l'activité
s'étend hors du Québec. Cela permet au gouvernement, à
l'Office de la langue française, à la commission de surveillance
de faire toutes sortes de changements. Est-ce que vous trouvez que c'est
suffisant de prévoir tous les sièges sociaux dans un article tel
que 143? Est-ce que cela peut ouvrir la porte à des
ambiguïtés, à des incertitudes, à des
négociations différentes entre différentes compagnies?
Est-ce qu'il serait possible par un changement éventuel de la loi
d'inclure les conditions pour les sièges sociaux afin qu'il n'y ait pas
d'ambiguïté, pour que les nouveaux investisseurs aussi sachent
à quoi s'en tenir?
M. Létourneau: M. le Président, nous notons qu'il y
a des négociations sur ces choses. Toutes les entreprises ne
négocient pas de la même façon. Leurs négociateurs
ne sont pas tous également habiles à percevoir les besoins
internes de leur entreprise. Il arrive, après que les
négociations sont terminées, qu'ils soient peut-être trop
timides pour exprimer leurs besoins ou qu'ils ne sachent pas suffisamment les
évaluer. Peu importe, il arrive qu'en fin de compte, il y ait dans ces
entreprises des employés anglophones qui y travaillent - comme je l'ai
dit plus tôt dans mon témoignage - qui se sentent malheureux, car
on ne leur a pas fait assez d'espace ou on ne leur donne pas assez de chance de
respirer en anglais à leur goût. C'est ce qui nous amène
à soulever la question. Remarquez que pour aller jusqu'à vous
dire comment le projet de loi devrait être rédigé pour
trouver la solution, je dois vous admettre que cela dépasse ma
compétence.
Nous soulevons la question. Nous disons: Attention! Le gouvernement a
des experts pour regarder de plus près la situation, pour revoir la loi,
la rédiger de façon à éviter les problèmes.
Nous apportons notre contribution en vous disant que selon notre
expérience, qui résulte d'un contact fréquent avec le
milieu des affaires, voici ce que nous percevons. Ayant utilisé ce
terme, M. le Président, je mets en garde le fait que certains propos
tenus ici pendant ma déposition tendaient à
déprécier cette notion de perception. Je pense qu'une perception
recueillie et transmise de bonne foi, c'est un fait très concret. Je
pense que je ne devrais pas insister auprès de gens qui sont dans le
domaine de la politique. En matière de politique, la perception fait ou
défait un gouvernement. C'est une grande réalité. (23 h
45)
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Létourneau et
M. le député de Mont-Royal. Avant de laisser la parole au
ministre pour le mot de la fin, compte tenu qu'on a encore soulevé le
fait que vous n'avez pas lu votre mémoire, compte tenu de l'obligation
que j'ai d'essayer de mener les travaux pour que tous aient le droit de
s'exprimer, je voudrais souligner qu'on ne vous a pas demandé de ne pas
lire votre mémoire; c'est votre choix de l'avoir résumé.
Je pense que cela a fait plaisir aux gens de la commission. Je voudrais aussi
souligner aux membres de cette commission que, même si vous avez
été le dernier groupe à être entendu, on n'a pas
limité le temps puisque, actuellement, on a le plaisir de discuter avec
vous depuis une heure et vingt-trois minutes exactement. Au cours de la
journée, les deux chambres de commerce - celle qui vous a
précédé et vous-même - sont les organismes à
qui on a accordé le plus de temps. Ceci pour m'assurer que tout le monde
a la même perception que moi et que j'ai essayé, comme
président, de diriger les travaux de façon que les gens aient un
droit égal de parole.
M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je pense qu'il y a moyen d'inclure, à la
demande des intervenants - je ne sais pas si un député a ce droit
- le mémoire dans le journal des Débats intégralement
comme s'il avait été lu devant la commission.
Le Président (M. Gagnon): Sûrement.
M. Ciaccia: Je me demande si on pourrait faire cela dans le cas
du mémoire de la Chambre de commerce de la province de
Québec.
M. Godin: Unanime.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre. Oui, M.
Létourneau?
M. Létourneau: Un dernier mot simplement pour vous
remercier de votre accueil, de la façon dont vous m'avez reçu et
encore une fois regretter que les élus, les administrateurs élus
qui auraient dû être avec moi ce soir n'aient pas été
ici pour bénéficier de cet accueil comme cela aurait dû
être le cas. Merci beaucoup, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): J'aurais eu un problème;
j'aurais été obligé de couper le droit de parole aux
autres si vous aviez été trois ou quatre à répondre
aux questions. M. le ministre.
M. Godin: Nous nous estimons très bien informés par
vos propos même si vous déplorez le fait d'avoir été
seul. D'autre part, je tiens à rappeler à ceux qui ne le
sauraient pas que chaque année la Chambre de commerce de la province de
Québec - et vous êtes là d'ailleurs à chaque fois
depuis de nombreuses années - rencontre le premier ministre, les
ministres économiques et bien d'autres membres du gouvernement lors de
réunions privées qui durent fort longtemps et qui commencent
à l'heure; ils ne vous font par poireauter dans les corridors.
Merci beaucoup, M. Létourneau, de votre contribution
éclairante. Nous tenterons d'en retenir les aspects les plus utiles au
gouvernement et au Québec. Merci beaucoup.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, au nom de l'Opposition, merci
à M. Létourneau et nos excuses pour la situation dans laquelle on
l'a placé. Cela étant dit, j'aimerais demander au ministre de
nous indiquer les organismes que nous entendrons mardi.
M. Létourneau: Dois-je comprendre que je suis
libéré?
Le Président (M. Gagnon): Oui, en vous remerciant beaucoup
de votre participation.
M. le ministre, l'ordre du jour de mardi.
M. Godin: Mardi, à moins de changements qui nous seraient
imposés par les négociations que nous devons faire avec chacun
des groupes, nous entendrons mardi matin le Congrès national des
Italo-Canadiens, suivi par le Conseil des activités
italo-québécoises, ensuite M. Alexandre Sylva, le Grand Conseil
des Cris et de M. Claude Dulac. En après-midi - si nous avons le temps -
la ville de Montréal, le Comité national des anglophones du
PQ...
M. Gratton: Attendez, je suis obligé de le prendre en note
parce que c'est un changement. Le Comité...
M. Godin: ...national des anglophones du PQ.
M. Gratton: Oui.
M. Godin: Après la ville de Montréal, suivi de MM.
Gérard Brosseau, Michel Lussier, Pierre Landry, André Dupont.
Mercredi, 26 octobre, Alliance Québec, les amis du Parti
québécois qui, comme vous le savez, passent au
début...
Une voix: Cela peut changer...
M. Godin: L'Association des anglophones de l'Estrie, les
Townshippers, la cité de Côte-Saint-Luc, la ville de Hull et
l'Association des manufacturiers canadiens.
M. Gratton: Je pense que cela me convient...
M. Godin: Vous en avez assez.
M. Ciaccia: Je pense qu'il y a moyen d'inclure, à la
demande des...
M. Gratton: Je pense que cela nous convient, M. le
Président. Simplement une remarque. Aujourd'hui, si on exclut l'heure
des discours préliminaires, etc., nous avons siégé pendant
huit heures pour entendre six mémoires. À ma connaissance, il n'y
a pas eu d'abus de part et d'autre; nous avons tenté de collaborer et,
malgré tout, en atteignant ces huit heures de session, nous avons
dépassé de près de deux heures l'heure normale de
séance.
Avec la liste que vous venez de nous remettre, vous nous invitez, dans
le même nombre d'heures - en supposant que nous terminions à 22
heures, comme il serait souhaitable je pense - à entendre onze
organismes, dont la ville de Montréal qui, à mon avis, devrait
avoir certaines choses à nous dire. Je crains fortement, M. le ministre,
qu'on doive se préparer soit à siéger encore
jusqu'à des heures indues mardi prochain, ou alors peut-être
devrait-on penser à la possibilité d'ajuster notre tir. Si je
voulais prendre un autre exemple, je passerais au vendredi 28 octobre où
vous avez prévu huit organismes. Je présume qu'on devrait vouloir
terminer vendredi à 18
heures, mais pour entendre ces huit organismes - nous avons pris huit
heures pour en entendre six aujourd'hui et nous terminons à 23 h 45 -
nous devons prévoir que nous serons ici vers minuit vendredi soir.
Je veux bien que nous soyons efficaces et que nous collaborions, mais je
vous avertis d'avance qu'à un moment donné, nous serons
obligés de refuser des consentements, parce qu'il y a quand même
une limite. Ce n'est pas à nous qu'il faut faire plaisir et nous qu'il
faut tenter d'accommoder, c'est nos invités. J'invite le ministre, soit
avec le secrétariat des commissions ou autrement, à y
réfléchir, à voir s'il n'y a pas moyen de mettre un peu
d'ordre là-dedans. Je le dis et je le répète, nous sommes
là pour collaborer, dans la mesure où la collaboration peut mener
à quelque chose de sensé.
M. Godin: M. le député de Gatineau, je suis
d'accord avec vous. Nous allons tenter "to get our act together", comme on dit,
et, nous inspirant de l'expérience d'aujourd'hui, nous allons
étaler les mémoires de telle manière que les
journées ne soient pas trop longues pour vous, mais surtout, comme vous
l'avez dit, pour nos invités.
Le Président (M. Gagnon): Merci à tous et...
M. Godin: Ceci étant dit, nous tenons pour acquis que
cette liste que je vous ai donnée risque d'être modifiée
à la baisse, puisque nous procéderons à des changements,
conformément à vos demandes.
M. Gratton: Quant au nombre et pas nécessairement quant
à l'ordre, je présume.
M. Godin: Non, quant au nombre. M. Gratton: D'accord.
Le Président (M. Gagnon): Merci à tous. La
commission des communautés culturelles et de l'immigration ajourne ses
travaux au mardi 25 octobre, 10 heures.
(Fin de la séance à 23 h 53)