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(Dix heures dix minutes)
Le Président (M. Blouin): Mesdames et messieurs les
membres de la commission, nous allons entamer les travaux de la commission des
communautés culturelles et de l'immigration, dont le mandat est
d'étudier les crédits budgétaires du ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration pour l'année
financière 1983-1984.
Je vais, d'abord, indiquer quels sont les membres et les intervenants de
cette commission. Les membres sont: MM. Cusano (Viau), Dean (Prévost),
de Bellefeuille (Deux-Montagnes), Fallu (Groulx), Godin (Mercier), Gratton
(Gatineau), Mme Lachapelle (Dorion), MM. Laplante (Bourassa), Leduc (Fabre),
Scowen (Notre-Dame-de-Grâce), Sirros (Laurier).
Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Bissonnet
(Jeanne-Mance), Brouillet (Chauveau), Dupré (Saint-Hyacinthe), Gauthier
(Roberval), Maciocia (Viger), Martel (Richelieu), Polak (Sainte-Anne),
Vaillancourt (Orford) et Vaugeois (Trois-Rivières).
Avant de céder la parole au ministre, qui aurait des remarques
préliminaires à nous faire, je souhaiterais que la commission
désigne un rapporteur.
Mme Lachapelle: Je suggère M. Patrice Laplante,
député de Bourassa.
Le Président (M. Blouin): S'il n'y a pas d'opposition, M.
Laplante, député de Bourassa, sera donc le rapporteur de cette
commission.
M. Laplante: Je peux commencer mon discours tout de suite.
Le Président (M. Blouin): Sans plus tarder, je cède
la parole au ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration,
qui nous livrera ses remarques préliminaires.
Exposés préliminaires M. Gérald
Godin
M. Godin: Merci, M. le Président. Les cahiers assez
volumineux préparés par les fonctionnaires de mon
ministère ont été distribués suffisamment tôt
cette année pour que tous les membres de la commission aient pu en
prendre amplement connaissance.
Aussi, je ne chercherai pas, dans mon discours de présentation,
à faire une revue complète de tous les événements
qui ont constitué la trame même de la vie de mon ministère
au cours de l'année écoulée. Le cahier que vous avez
devant vous a, justement, pour mission de vous renseigner sur les
activités de chacune des directions et de chacun des services de mon
ministère.
Je tenterai, plutôt, de dégager, au cours des quelques
minutes qui suivront, un bilan général de nos activités et
de nos politiques, puis je vous indiquerai comment j'envisage l'année
budgétaire qui vient de débuter.
Mais, avant que de ce faire, permettez-moi de vous présenter les
personnes qui m'accompagnent aujourd'hui au premier rang desquelles,
évidemment, Mme Juliette Barcelo, ma sous-ministre, qui a
été retenue par des avions. Également, MM. Régis
Vigneau et Roger Prud'homme, sous-ministres adjoints, Mme Micheline Lachance,
attachée de presse, M. Marcel Vaillancourt, directeur intérimaire
de la formation au ministère, M. Pierre Tremblay, directeur de
l'administration, M. Normand Lemay, chef du service financier, M. Enrico Riggi,
directeur des communications, Me Michel Jarry, responsable du service
juridique, ainsi que M. Jacques Perron, de la direction des communications.
D'ailleurs, j'attire l'attention des membres de la commission sur le
fait que nous avons de disponibles sur cette table les actes du colloque
portant sur la femme immigrée qui a eu lieu les 4, 5 et 6 juin dernier
à Montréal et également une bibliographie des
thèses et des mémoires sur les communautés culturelles et
l'immigration au Québec. La majeure partie des publications du
ministère cette année a consisté en
rééditions de documents qui avaient déjà
été déposés l'année dernière et dont
le succès nous a contraints à les rééditer
plutôt que d'en éditer de nouveaux.
Je passe maintenant à mes remarques. L'observateur impartial qui
prétendrait que la politique de l'immigration du Québec
s'articule autour de deux volets principaux ne se tromperait pas beaucoup:
d'une part, l'immigrant que l'on choisit pour nous à cause de nos
besoins économiques et, d'autre part, l'immigrant que l'on choisit pour
lui à cause de ses besoins à lui, de son dénuement ou de
sa famille. Cette façon de voir, me semble-t-il, rend compte, en effet,
de la
quasi-totalité des raisons qui nous poussent à accepter un
immigrant.
Les statistiques dont nous disposons pour l'année
écoulée en matière d'immigration nous indiquent que nous
avons reçu un total de 20 915 ressortissants étrangers. Je
voudrais préciser tout de suite que ces chiffres couvrent l'année
civile 1982 et non l'année budgétaire. Ce nombre d'immigrants
reçus au cours de l'année 1982 représente donc 17,6% du
total de l'immigration canadienne. Nous nous situons donc, pour cette
année, légèrement au-dessus de la moyenne historique
d'arrivées au Québec, soit 16,5%. Cette légère
augmentation de 1,1% semble être de nature tout à fait
conjoncturelle et tenir à des programmes non récurrents. Je
pense, en particulier, à la fin de notre programme de la
régularisation du statut des Haïtiens.
Bonjour, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Bonjour, M. le ministre.
M. Godin: J'aimerais revenir à la distinction que je viens
de faire entre l'immigration économique et l'immigration humanitaire.
L'année 1982 aura vu un rare équilibre s'établir entre ces
deux volets de notre politique, puisque nous avons accueilli 8659
indépendants et 1513 parents aidés. Donc, les personnes qui ont
été choisies en considération du critère de
l'emploi représentent 49% de notre immigration.
Si on considère, toutefois, non plus l'immigration totale, mais
les seuls travailleurs immigrants, on se rend compte qu'ils étaient 9681
à arriver au Québec en 1982 et, de ce nombre, 5649 ont
été sélectionnés en fonction des besoins du
marché du travail. Cela veut dire que 58,3% des travailleurs qui sont
venus en 1982 vivre au Québec ont été
sélectionnés parce qu'il y avait des besoins précis
valablement identifiés dans le marché de l'emploi au
Québec.
Il me semble également important d'insister sur le fait que plus
de 1000 de ces travailleurs sont venus occuper des emplois qui leur
étaient offerts par des entreprises qui ont vainement tenté,
après beaucoup d'efforts, de trouver des Québécois ou des
citoyens d'autres provinces aptes à les occuper. Quand on sait que ces
emplois, que nos entreprises québécoises ne réussissent
pas à combler par la main-d'oeuvre locale, sont dans la très
grande majorité des emplois de très haute technologie, force nous
est de reconnaître que non seulement le travailleur immigrant n'est pas
ce qu'on appelle un voleur de job, mais bien plus un créateur et un
générateur d'emplois. Par sa compétence, sa formation, il
apporte à l'industrie québécoise une technologie de pointe
et une main-d'oeuvre qui lui font défaut.
Un autre volet de cette immigration économique nous a
donné en 1982 des résultats dont nous avons tous raison
d'être satisfaits. Il s'agit du programme des immigrants investisseurs.
Au cours de l'année qui vient de s'écouler, plus de 400
investisseurs ont reçu un visa pour venir s'installer au Québec.
S'ils donnent suite à leur projet, ils apporteront avec eux plus de 100
000 000 $. Mais il est important de préciser qu'il s'agit de visas
accordés et nous n'avons pas la certitude que tous les utiliseront pour
venir au Québec, ni même au Canada. Cette donnée est tout
de même importante dans la mesure où elle révèle un
indice des mouvements à venir.
D'autres données sont, par contre, beaucoup plus certaines. Il
s'agit des cas qui se sont véritablement établis au Québec
en 1982-1983, pour lesquels des visas avaient été émis au
cours des années précédentes. Je tiens à
préciser, pour éviter toute confusion, que les chiffres que je
vous fournis quant au nombre tant de visas émis que de cas
établis ne sont pas de la spéculation, mais reposent sur une
comptabilité précise et très facilement
vérifiable.
Au cours de l'année financière qui vient de se terminer,
notre ministère a constaté l'établissement au
Québec d'environ 300 immigrants qui, avec leurs fonds personnels et des
emprunts locaux, ont investi près de 100 000 000 $. Ces investissements,
dont nous serions en mesure de vous indiquer pour chacun d'entre eux où
exactement il s'est réalisé, auront permis de créer ou,
à tout le moins, de conserver environ 1500 emplois. Ces chiffres sont
donc de 50% à 66% supérieurs à ceux que nous avions
enregistrés durant l'année précédente.
Ces résultats très positifs sont, évidemment,
reliés au grand nombre de cas en progrès relevés l'an
dernier, mais sont également dus à une recherche et à un
suivi systématiques de ces cas en progrès, afin de
déterminer leur arrivée au Québec et éventuellement
leur intégration à la vie économique. En d'autres termes,
nous avons été plus à même, au cours de cette
année, de suivre tous les cas qui étaient arrivés et qui
s'étaient installés au Québec. Comme ce suivi
systématique n'était pas possible les années
précédentes, il faut être prudent dans nos comparaisons
procentuelles d'une année à l'autre, mais un fait demeure: en
termes de chiffres absolus, nous avons assisté à une très
nette augmentation du nombre de cas établis. J'en veux pour preuve,
particulièrement, les statistiques qui nous viennent du gouvernement
fédéral. Ces statistiques, qui portent sur l'année civile
1982 et qui prennent en compte uniquement les entrepreneurs créant plus
de cinq emplois et plus, alors que nos statistiques et nos règlements
considèrent comme un entrepreneur une personne qui crée trois
emplois ou plus, ces statistiques fédérales, dis-je, nous
indiquent une très nette remontée de la part du Québec
face à l'ensemble du Canada. En effet, sur un total de 412 immigrants
entrepreneurs venus au Canada, 129 se sont installés au Québec,
soit près du tiers. Cela représente, en pourcentage par rapport
à l'ensemble canadien, une augmentation de 72% sur l'an dernier et de
près de 50% sur l'ensemble des sept dernières années.
Comme on vient de le voir, une attention tout à fait
particulière aura été accordée, au cours de
l'année qui vient de se terminer, au volet immigration
économique. Toutefois, cela n'a pas empêché le
ministère d'accorder toute l'importance qu'il requérait à
son programme d'immigration humanitaire. Les chiffres, d'ailleurs, sont
très révélateurs à ce sujet. En effet, pour
l'année 1982, nous avons accueilli 7593 personnes au titre de la
réunification de la famille et 3550 à titre de
réfugiés.
Comme nous connaissons tous bien ce programme qui permet à des
citoyens canadiens ou à des résidents permanents de faire venir
au Québec leurs proches parents sans égard à leur
possibilité d'emploi, je me contenterai de vous indiquer les principaux
pays qui étaient concernés par les demandes de parrainage que
nous avons acceptées en 1982. Il s'agit d'Haïti pour 1234
personnes, des États-Unis pour 750 personnes, du Vietnam pour 708
personnes, de l'Inde pour 247 personnes de la France pour 230 personnes, de la
Pologne pour 222 personnes, du Liban pour 187 personnes, de la Chine pour 181
personnes, de l'Italie pour 134 personnes et des Philippines pour 111
personnes. Ces dix pays représentent 50% de toutes les demandes que nous
avons acceptées.
La sélection et l'accueil des réfugiés
complètent notre volet d'immigration humanitaire. À ce chapitre,
trois principaux mouvements auront marqué l'année 1982. Le plus
important, cette année encore, demeure celui des réfugiés
indochinois. Nous avons, en effet, accueilli, en 1982, 932 Cambodgiens, 108
Laotiens et 440 Vietnamiens, pour un total de 1480 personnes. Il est à
noter que les chiffres que je viens de vous donner concernant les Vietnamiens
ne comprennent pas ceux qui ont été acceptés chez nous
à partir du programme de réunification des familles au
Vietnam.
Tel que prévu, le programme des réfugiés
indochinois aura connu une baisse importante en 1982. Cette baisse n'a rien
d'anormal, bien au contraire, puisqu'elle correspond à une importante
diminution du flot des réfugiés dans cette région du
monde. On se souviendra qu'au moment de la conférence de Genève
sur les réfugiés du Sud-Est asiatique à
l'été de 1979 le Québec s'était engagé
à accueillir environ 15 000 réfugiés. Qu'en est-il quatre
ans après, maintenant que le programme, sans être
complètement terminé, tire largement à sa fin? Depuis
cette époque, soit depuis 1979, le Québec a accueilli au total 16
683 réfugiés indochinois répartis de la sorte: 8294
Vietnamiens, 3366 Laotiens et 5023 Cambodgiens. Au regard des chiffres que je
viens de citer, je crois que c'est avec fierté que le peuple
québécois peut se dire: Mission accomplie.
Au cours de 1982, le programme d'accueil des exilés volontaires
en provenance de Pologne aura permis au Québec d'accueillir 975
Polonais. De ce nombre, 850 étaient des réfugiés qui ont
pu compter sur l'assistance active et empressée de la communauté
polonaise vivant au Québec, ainsi que sur un train de mesures d'accueil
et d'établissement mis à leur disposition par notre
ministère et par les autorités fédérales.
Je m'en voudrais enfin de ne pas dire quelques mots du programme
salvadorien que mon ministère a mis sur pied. Dès le mois de
décembre 1980, je suis intervenu auprès de mon homologue
fédéral, le ministre Lloyd Axworthy, afin que des mesures soient
prises en vue de favoriser l'accueil des ressortissants salvadoriens
touchés par les douloureux conflits qui déchiraient leur pays.
Mon collègue fédéral a bien accueilli les suggestions que
je lui faisais et il a accepté d'y donner suite dans la plupart des cas.
De mon côté, j'ai demandé à notre
représentant en poste à Mexico d'appliquer une procédure
spéciale pour l'étude des demandes qui seraient
déposées par des ressortissants salvadoriens.
C'est ainsi que, du 1er mars 1982 au 28 février 1983, 149
demandes de dérogation, en vertu de l'article 40 de notre
règlement, auront permis d'émettre un certificat de
sélection du Québec en faveur de 296 personnes de
nationalité salvadorienne. En plus de ces personnes qui n'ont pu
être admises au Québec qu'à la suite de l'utilisation de
mon pouvoir dérogatoire, un certain nombre d'autres ont
été acceptées soit à titre de
réfugiés, soit au titre de la réunification des familles.
Au total, c'est donc tout près de 500 personnes d'origine salvadorienne
qui ont été admises au Québec à titre d'immigrants
en 1982.
J'ai également eu l'occasion de fournir à mon homologue
fédéral une liste de plus de 500 personnes présentement
emprisonnées au Salvador et pour lesquelles une action bilatérale
Canada-Québec devrait être amorcée. À la suite des
discussions récentes que j'ai eues avec M. Axworthy, j'ai bon espoir
qu'un certain nombre de ces personnes vont être relâchées
par les autorités salvadoriennes pour venir au Québec
goûter à la paix et à la liberté dont elles sont
depuis trop longtemps privées.
Au cours des derniers mois, un dossier a particulièrement retenu
l'attention du ministère, celui des requérants en attente de
statut de réfugié. Depuis quelques années, en effet,
différents groupes et organismes se sont constitués avec pour
objectif la défense des intérêts des requérants au
statut de réfugié. Ces groupes ont, d'ailleurs, entrepris
diverses actions qui visent à sensibiliser l'opinion publique et le
gouvernement à une reconnaissance du droit de ces personnes.
Je veux profiter de cette réunion de la commission parlementaire
pour faire le point sur cette délicate et importante question. Au
Québec, de nombreux organismes non gouvernementaux se sont
regroupés au sein d'une table de concertation pour les
réfugiés, d'une part, et de SOS Réfugiés, d'autre
part. Mon ministère a été associé dès le
début aux travaux entrepris par ces divers mouvements de regroupement
des organismes non gouvernementaux et n'a pas hésité à
unir ses efforts aux leurs afin de trouver les solutions les plus
équitables et les plus humaines possible.
Bien qu'il n'ait pas hésité à associer sa voix
à celle des organismes non gouvernementaux pour demander au
fédéral de revoir les modalités d'étude d'une
demande de statut de réfugié déposée au Canada, mon
ministère a toujours reconnu qu'il s'agissait d'une juridiction
essentiellement fédérale. Par ailleurs, la sélection des
ressortissants étrangers qui veulent s'établir au Québec
étant de juridiction québécoise, mon ministère a
tenu à se définir une politique concernant ces cas que nous
pourrions appelé "de détresse" ou "humanitaires".
C'est donc à la lumière de cette politique
reflétée par l'article 18c de notre règlement que sont
étudiées toutes les demandes où le requérant fait
appel à des raisons humanitaires pour justifier son intention de vivre
au Québec. Cet article prévoit trois cas généraux
où le ministre peut utiliser son pouvoir dérogatoire envers une
personne se trouvant en situation de détresse.
Le premier cas vise les requérants qui ont déjà de
la famille au Québec et dont une séparation prolongée
serait source de sérieuses perturbations.
Le deuxième cas touche les personnes qui vivent depuis plusieurs
années au Québec et qui s'y sont bien intégrées ou
encore les personnes qui, à cause de leurs activités
professionnelles, économiques ou artistiques, représentent un
acquis certain pour notre société.
Le troisième cas s'adresse aux personnes dont la
sécurité physique serait menacée par emprisonnement ou
torture ou dont la vie même serait en danger si elles ne pouvaient
s'installer au Québec.
Bien entendu, les critères que nous utilisons pour étudier
les demandes qui nous sont présentées sont différents de
ceux utilisés par le gouvernement fédéral. Il s'ensuit que
bien des personnes refusées par le fédéral peuvent
être acceptées par nous pour raisons humanitaires. Cela ne
poserait guère de problème si le gouvernement
fédéral n'exigeait pas de ces personnes, acceptées par le
Québec, qu'elles quittent le territoire canadien pour aller
compléter à l'étranger les formalités
fédérales.
Vous comprendrez avec moi l'extrême difficulté que cette
exigence crée à des personnes dont le statut, par
définition, est très précaire. Pour la
quasi-totalité d'entre elles, il est impensable qu'elles obtiennent un
visa temporaire pour aller faire leurs démarches auprès d'un
consulat canadien aux États-Unis. Elles sont donc condamnées
à aller soit dans un pays qu'elles ont quitté souvent au
péril même de leur vie ou de leur intégrité
physique, soit de se trouver un tiers pays qui acceptera de les héberger
pendant les quelques mois, voire même les quelques années que
prendront les fonctionnaires fédéraux pour étudier leur
candidature que, de toute façon ils n'auront pas le droit de refuser
puisque le Québec leur aura émis un certificat de
sélection.
À plusieurs reprises et de façon très officielle
j'ai demandé à mon homologue, M. Lloyd Axworthy, que toutes les
personnes acceptées par le Québec en vertu de l'article 18c de
notre règlement voient leur dossier traité sur place,
c'est-à-dire à l'intérieur des frontières
canadiennes, par les fonctionnaires fédéraux.
Malgré de nombreux précédents,
particulièrement l'opération régularisation de statut des
Haïtiens, qui a suivi le rapport Harvey, le gouvernement
fédéral a refusé jusqu'à ce jour de donner suite
à notre requête et continue d'exiger que les personnes à
qui nous avons remis un certificat de sélection du Québec pour
raisons humanitaires aillent poursuivre à l'étranger, la plupart
du temps dans des conditions misérables, les formalités
fédérales.
Cet entêtement du fédéral est d'autant plus
incompréhensible qu'au dire même du Vérificateur
général du Canada plus de 60 000 personnes ont obtenu le droit
d'avoir leur dossier traité sur place au cours des dernières
années. Donc, les demandes formulées par le Québec
n'ajouteraient que faiblement à ce chiffre global.
Mais ce n'est pas là notre seul contentieux avec l'administration
fédérale. En effet, le 21 octobre dernier, le ministre Axworthy
m'informait - j'ai bien dit le 21 octobre dernier - que le gouvernement
fédéral cesserait de verser des allocations de subsistance aux
requérants démunis au statut de réfugié et ce,
à compter du 23 octobre. Vous avez bien compris, M. le Président.
Le
ministre fédéral nous a informés seulement 48
heures - je dis bien 48 heures - à l'avance qu'il coupait un programme
s'adressant à plusieurs centaines de personnes démunies à
tous les plans. Je ne sais si c'est cela, le fédéralisme
rentable, mais ce n'est certainement pas du fédéralisme
charitable.
J'ai alors demandé par télégramme au ministre
fédéral de décréter un moratoire d'un mois afin de
permettre la recherche en commun de solutions de rechange. Les médias
furent rapidement alertés, l'opinion publique interpellée et les
organismes mobilisés. Rien n'y fit. Le fédérai maintint sa
décision. Tout au plus, admit-il que ces personnes pourraient
bénéficier de certains programmes spéciaux de
création d'emplois et de l'aide sociale du Québec.
Il est peut-être intéressant de s'interroger un instant sur
les raisons qui ont poussé le fédéral à prendre une
telle décision. Officiellement, c'est sur la recommandation du
Vérificateur général du Canada qu'a agi le ministre
Axworthy. En effet, il semblerait que ces allocations versées uniquement
au Québec allaient à l'encontre de la réglementation
fédérale. Juridiquement, l'argument a son importance. J'ai, par
contre, de très bonnes raisons de croire que cet argument fut davantage
un prétexte. Il semble bien, en effet, que le fédéral ait
été amené à prendre cette décision
après qu'il eut constaté que sa politique d'allocation aux
requérants au statut de réfugié entraînait un
accroissement important du nombre de requérants. (10 h 30)
Au moment où plusieurs pays ferment leurs portes à ces
personnes ou, à tout le moins, resserrent leurs conditions d'admission -
par exemple, la France et l'Allemagne fédérale - le Canada
deviendrait particulièrement attrayant. Mon ministère
reconnaît qu'il y a là un problème important et que des
solutions doivent y être apportées, mais il admet moins que la
solution fédérale semble être de se décharger de
cette responsabilité sur les épaules des organismes non
gouvernementaux et des autorités du Québec.
Tout en maintenant que l'admission au Canada de ces personnes
relève de la seule compétence du fédéral, il a bien
fallu que le Québec et les organismes non gouvernementaux
québécois parent à la situation en attendant qu'une
solution globale soit trouvée en négociation avec le
fédéral. Il fut alors décidé que l'intervention
québécoise prendrait une double forme: premièrement,
participation gouvernementale à l'aide privée canalisée
par les organismes non gouvernementaux et, deuxièmement,
accessibilité à l'aide sociale moyennant certaines
conditions.
Au titre de sa participation à l'aide privée, mon
ministère a déjà versé 50 000 $ à
l'Archevêché de Montréal et une autre somme de 50 000 $
sera remise incessamment à Mgr Paul Grégoire à même
notre fonds d'aide aux réfugiés. Quant à
l'admissibilité à l'aide sociale, elle a fait l'objet de
nombreuses discussions avec les autorités du ministère de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et mon
ministère. Au terme de ces échanges de vues, il fut convenu que
les requérants au statut de réfugiés seraient admissibles
à l'aide sociale dans la mesure où ils détiendraient un
certificat de sélection du Québec, sous réserve, bien
entendu, de remplir également les autres conditions
générales du programme d'accès à l'aide sociale. Je
souligne que cette condition d'admission à l'aide sociale est
entrée en vigueur depuis quelques jours.
Les organismes non gouvernementaux, bien qu'ils comprennent logiquement
notre position, ne l'acceptent pas. En effet, ils estiment que tous les
requérants, dès leur arrivée, devraient être
admissibles à l'aide sociale. Par ailleurs, sous le leadership de
l'Archevêché de Montréal, un centre d'hébergement et
d'accueil, nommé L'Abri, a récemment été ouvert
dans l'est de Montréal.
Face à l'ensemble de ces événements, il est
impérieux que le point soit fait, que les responsabilités soient
justement réparties et que des solutions soient proposées et
mises en oeuvre. Le fédéral veut assumer seul et sans partage sa
juridiction sur ces personnes, mais voudrait nous transférer ses
responsabilités. Pour notre part, nous disons aux autorités
fédérales: Le Québec ne partagera pas vos
responsabilités sans partager également vos juridictions.
Encore une fois, je fais appel à nos homologues
fédéraux pour qu'ils acceptent que nous cherchions en commun une
solution qui ne soit pas un marché de dupes. Il est inadmissible que le
Québec verse pendant 12 ou même 24 mois des allocations d'aide
sociale à des personnes qui risquent de se voir expulser du Canada par
la suite, malgré le fait qu'elles aient été
acceptées par le Québec.
Maintenant, les illégaux. J'ai fait distribuer à tous les
membres de cette commission le document que mon ministère vient de
rendre public concernant les immigrants illégaux au Québec. Bien
qu'il soit à peu près impossible de chiffrer avec exactitude
l'importance de l'immigration illégale au Québec, nous croyons
qu'il y aurait probablement moins de 5000 résidents sans statut
établis sur le territoire québécois. Selon les
renseignements dont nous disposons, la plupart d'entre eux sont entrés
légalement au pays, principalement à titre de visiteurs ou
d'étudiants, et sont restés chez nous une fois
dépassée la période de validité de leur permis de
séjour. La très grande majorité
d'entre eux sont de jeunes célibataires possédant en
moyenne dix ans de scolarité et vivant dans les grands centres urbains.
On les retrouve dans des emplois peu valorisés et à faible
revenu, tels que l'entretien ménager, la restauration,
l'hôtellerie, le taxi et les manufactures. De par leur absence de statut,
ils sont éminemment susceptibles d'être la proie de multiples
formes d'exploitation.
Face au problème de l'immigration illégale, les pays
peuvent être tentés par des solutions extrêmes du type
amnistie générale ou déportation pour tous. Pour sa part,
le Québec privilégie les solutions intermédiaires,
empreintes d'ouverture, de générosité et aussi de
réalisme. En effet, il nous apparaît que le
phénomène de l'immigration illégale est un
phénomène permanent et qu'en conséquence il nous faut
adopter des solutions qui auront, elles aussi, un caractère permanent.
Il s'agirait donc, pour nous, d'évaluer ces dossiers cas par cas et de
leur attribuer un CSQ, s'ils répondent à nos critères.
Nous avons donc fait part au gouvernement fédéral de notre
volonté de continuer à traiter les cas de résidents sans
statut sur la base de considérations humanitaires prévues
à l'article 18c, déjà cité, de notre
règlement sur la sélection des ressortissants étrangers.
Les critères d'admissibilité retenus à l'analyse de ces
cas sont: la durée de résidence au Québec, la
présence de dépendants et de parents, le degré
d'adaptation et d'intégration et, finalement, les motifs d'ordre
humanitaire. Mais cette politique de mon ministère ne pourra s'appliquer
avec cohérence et efficacité que si nous obtenons
l'entière collaboration du fédéral.
C'est pourquoi j'ai demandé au ministre Lloyd Axworthy de nous
donner l'assurance que les résidents sans statut, qui se verront
octroyer, pour des raisons humanitaires, un certificat de sélection du
Québec, voient leur cas traité sur place sans être
obligés de quitter le pays pour déposer une demande de
résidence permanente à l'étranger. Cette approche,
à la fois généreuse et réaliste, s'inscrit dans le
cadre des politiques du Québec qui, d'un gouvernement à l'autre,
a toujours favorisé la réunification des familles, ainsi que
l'accueil des réfugiés et autres cas de détresse.
Voilà, M. le Président, qui fait le tour ou presque des
questions d'immigration ayant retenu notre attention en 1982-1983. J'aimerais
maintenant aborder l'autre dimension de mon ministère, les
communautés culturelles.
Au cours de l'année qui vient de s'écouler, mon
ministère a poursuivi sa politique de soutien et d'animation des
nombreux organismes communautaires oeuvrant auprès des immigrants et au
sein des communautés culturelles. Je tiens à souligner, encore
une fois ici, le travail remarquable réalisé par les milliers de
bénévoles de ces organismes tant au niveau de l'insertion
harmonieuse des immigrants à la société
québécoise qu'à celui du maintien et du
développement des diverses cultures d'origine représentées
au Québec, c'est-à-dire 85 cultures. À ce titre, ces
organismes, qu'ils soient issus des communautés culturelles ou de la
population québécoise de vieille souche, sont des
véritables partenaires pour mon ministère et ils jouent un
rôle essentiel quant à la réalisation de certains aspects
de sa mission. C'est pourquoi nous leur apportons un soutien financier et
technique à l'aide d'une série de programmes et d'interventions
spécifiques.
Au cours de l'année 1982-1983, un budget global de 3 171 883 $ a
été consacré à l'ensemble de ces programmes de
soutien, soit les programmes relatifs à l'accueil et à
l'adaptation, les programmes du volet communautés culturelles et, enfin,
le programme de création d'emplois temporaires.
Plus précisément, l'année 1982-1983 a vu la mise en
place et la consolidation des programmes destinés à favoriser la
promotion des cultures d'origine et l'établissement d'un dialogue
interculturel entre les communautés culturelles du Québec et la
population francophone. Ainsi, les programmes Activités des
communautés culturelles et Innovation ont permis, avec un budget de 283
297 $, d'aider près de 150 organismes à réaliser des
activités dans ce domaine, qu'il s'agisse de la présentation de
spectacles ou d'expositions, de la célébration de fêtes
traditionnelles, de la tenue de colloques, de la préparation de
publications, etc. De même, le programme Aide au fonctionnement a
apporté un soutien de base à 20 organismes auxquels il a
consacré 71 700 $, tandis que le programme Aide aux centres
communautaires a, pour sa part, contribué à la construction ou
à la rénovation de treize centres de différentes
communautés au moyen d'un budget de 468 000 $.
Par ailleurs, sept organismes se sont associés pour partager des
locaux et divers services et jeter les bases d'un centre communautaire
multiculturel qui deviendra un pôle d'animation et d'échange pour
les communautés culturelles et la population francophone du nord de
Montréal. Cette démarche a été favorisée par
le programme Locaux et services communs et des projets semblables devraient se
réaliser au cours des prochains mois dans d'autres secteurs de la ville.
Un montant de 17 000 $ a été consacré à ce
programme.
Enfin, dans le cadre du programme Aide aux médias des
communautés culturelles, mon ministère a apporté son appui
à 19 publications avec un montant de
82 500 $ et le programme des langues ethniques a soutenu l'enseignement
de quelque 34 langues d'origine, dispensé par plus de 50 organismes
à au-delà de 17 000 élèves. Ce programme a
utilisé un budget de 252 000 $.
Dans l'autre champ d'intervention, celui de l'accueil et de l'adaptation
des immigrants, nous avons soutenu le fonctionnement de base de 56 organismes
avec une somme de 863 000 $. En outre, nous avons injecté 162 600 $ dans
la réalisation de plus de 50 projets d'intervention ponctuelle dans le
même domaine. Huit organismes ont également reçu une
assistance financière leur permettant de maintenir la présence
d'un agent de liaison dans une institution du réseau du MAS, en
général les CLSC. Ce programme nous a coûté 76 800
$.
Enfin, récemment, mon ministère a participé
à l'effort gouvernemental de création d'emplois destinés
aux bénéficiaires des prestations d'aide sociale. À cette
fin, le ministère a obtenu un budget de 1 300 000 $ qui a permis la
création de 320 emplois au sein de 124 de nos organismes partenaires
répartis dans 32 communautés culturelles. Les projets
acceptés étaient d'une durée de 20 semaines et
comportaient une vaste gamme d'activités reliées à la
recherche, à l'animation, à des démarches de formation et
d'information. Je vais, d'ailleurs, profiter de l'occasion pour remercier ici
ces nombreux organismes communautaires qui ont accepté de s'associer
à mon ministère dans cet effort de création d'emplois.
Je vous donne quelques exemples de ce que ces projets ont permis de
réaliser. Les organismes d'aide aux immigrants ont pu lancer de
nouvelles activités qui favorisaient l'intégration des
immigrants: recherche de logements et de meubles à bon prix; orientation
et accompagnement dans la recherche d'emplois. Certains initient les
travailleurs domestiques aux tâches quotidiennes et les informent de
leurs droits. Les communautés culturelles organisent des expositions
artistiques, écrivent et publient des livres pour enseigner aux
écoliers la langue et la culture d'origine.
Dans la communauté juive, par exemple, outre l'aide
apportée dans la recherche d'emplois et les demandes de prêts et
bourses, on mettra sur pied des activités socioculturelles:
développement d'une collection de livres rares, expositions artistiques,
rédaction de livres pour enseigner aux écoliers la langue et la
culture d'origine. Enfin, un travail de sensibilisation des services sociaux
permettra sans doute aux membres de cette communauté de recevoir des
services plus personnalisés.
Dans la communauté chinoise, deux organismes travaillent à
faciliter l'insertion sur le marché du travail des
réfugiés du Sud-Est asiatique, des immigrants de Hong-Kong et de
Taïwan et des femmes au foyer. Un autre groupe, en vertu du même
programme, favorise l'intégration à la société
d'accueil par diverses activités de loisir et en fournissant une aide
appropriée pour résoudre des problèmes de santé et
de logement.
Dans la communauté grecque, les problèmes de l'emploi et
de la sécurité sociale mobiliseront spécialement les
énergies: recherche et diffusion de l'information, recherche d'emplois,
placement. L'aspect proprement culturel n'est pas négligé pour
autant, puisqu'on va confectionner des costumes traditionnels et enseigner le
folklore.
Dans la communauté portugaise, en plus de se préoccuper de
l'insertion sur le marché du travail, on veut renseigner les citoyens
sur les accords Québec-Portugal en matière de
sécurité sociale. Quelques organismes proposeront aussi des
activités de jour aux personnes du troisième âge. Enfin, on
mettra sur pied une bibliothèque et un bulletin d'information.
Dans la communauté italienne, divers projets permettront de
conserver et de diffuser la culture italienne: mise à jour des ouvrages
de culture populaire, expositions, bulletins d'information, archives. Un projet
de loisirs pour enfants et pour les adultes du troisième âge a
également été mis sur pied. Soulignons, enfin, qu'une
importante recherche vise à déterminer l'apport de la
communauté italienne dans l'économie du Québec.
Au sein de la communauté anglophone, des projets visant à
améliorer le contenu et la gestion du journal "The Advocate"
destiné à une clientèle anglophone, à sensibiliser
les agences de publicité sur le potentiel du marché rural
anglophone au Québec, un autre permettant à
Alliance-Québec d'obtenir un personnel supplémentaire de soutien
au plan administratif, communication, recherche et développement
communautaire, ont été accordés, entre autres.
Je ne voudrais pas terminer cette partie de mon exposé sans
évoquer deux réalisations qui ont particulièrement
marqué l'action de mon ministère au cours des douze derniers
mois. D'abord, le colloque sur la situation des femmes immigrées. Ce
colloque s'est tenu en juin dernier sous le thème: Femmes
immigrées, à nous la parole. Cette rencontre a réuni
près de 200 femmes de 32 origines ethniques, représentant 52
organismes non gouvernementaux. Ce colloque a été l'occasion pour
ces femmes d'exprimer leur vécu et de faire le point sur leur situation,
leurs aspirations et les résultats de ces échanges vont alimenter
les travaux de la table de concertation créée par mon
ministère sur la situation vécue par la femme immigrante. Il a
été suivi, il y a
quelques semaines, d'un autre colloque du même type tenu,
celui-là, dans la ville de Québec.
Je veux également parler du travail d'animation
réalisé par mon ministère dans le cadre du pavillon du
Québec, l'été dernier, à Terre des hommes. Ce
travail visait à assurer une présence des communautés
culturelles au sein de ce pavillon. De fait, 31 communautés ont
participé à cette expérience, assumant près de 150
heures d'animation, de spectacles et d'expositions fort remarqués par
les quelque 150 000 visiteurs du pavillon.
J'aimerais maintenant, M. le Président, aborder quelques
considérations démographiques et, plus particulièrement,
la question des migrations interprovinciales dont on a bien souvent
parlé ces derniers temps. En cette matière, comme dans bien
d'autres, les statistiques nous parlent un langage beaucoup plus clair et
beaucoup plus serein que les passions très facilement exacerbées
en ce domaine. Aussi, me contenterai-je de vous citer un certain nombre de
chiffres tout à fait officiels qui, pour importants et significatifs
qu'ils soient, sont très loin d'être aussi dramatiques que
certains propos pourraient nous le faire croire.
Par exemple, de 1941 à 1981, la proportion des anglophones au
Québec est passée de 14,1% à 11%, soit une diminution de
3,1% en 40 ans. Pendant la même période, la proportion des
francophones dans l'ensemble canadien est passée de 29,1% à 25%,
soit une diminution de 3,4%. Cela signifie que, pendant la même
période de 40 ans, la situation des gens de langue maternelle
française au Canada s'est davantage détériorée que
celle des personnes de langue maternelle anglaise au Québec. Toujours
pendant cette même période, la proportion des Canadiens de langue
maternelle anglaise est passée de 56,4% en 1941 à 61,3% en 1981,
soit une augmentation de 4,9%.
Je n'ai pas l'intention de me prêter à un long commentaire
de ces chiffres; il serait, du reste, peut-être un peu hasardeux de
conclure sur la seule base des données par langue maternelle. Les
résultats, selon la langue d'usage et la connaissance du français
et de l'anglais, ne sont pas encore disponibles pour le dernier recensement de
1981, mais ils le seront dans les jours à venir et ils permettront de
mieux préciser l'évolution de la situation linguistique au cours
de la dernière décennie et de raffiner encore plus les chiffres
que je viens de vous donner. (10 h 45)
Je m'en voudrais, toutefois, de quitter ce domaine de la statistique
démographique sans aborder, ne serait-ce que brièvement, la
question des départs d'anglophones du Québec vers le reste du
Canada. Plusieurs, au cours des dernières semaines, se sont
livrés, pour ne pas dire se sont abîmés, à de
nombreux et apocalyptiques commentaires concernant les 131 500 départs
d'anglophones vers le reste du Canada, enregistrés pour la
période de 1976 à 1981. Mon intention n'est pas, M. le
Président, de chercher à minimiser ces chiffres, mais
plutôt de les replacer dans une juste perspective. De 1966 à 1971,
160 400 personnes ont quitté le Québec pour aller vivre ailleurs
au Canada. De ce nombre, 99 100 étaient des anglophones. Ceci
représentait donc 62% des personnes qui sont allées vivre
ailleurs au Québec. Et, pourtant, nous n'étions pas au
gouvernement. Nos voisins d'en face, non plus, d'ailleurs, tout au moins pour
les quatre premières années de cette période.
Pour la période de 1971 à 1976, période dite du
gouvernement Bourassa, les départs furent de 145 800 dont 94 100
anglophones, soit une proportion de 65%. On note que, s'il y a eu une
légère diminution en chiffres absolus, la proportion, elle, du
nombre d'anglophones a légèrement augmenté. Qu'en est-il
pour la période la plus récente, plus près de nous, celle
où le Parti québécois était au pouvoir,
c'est-à-dire de 1976 à 1981? En termes globaux, les
départs, comme je l'ai déjà dit, furent de 203 000
personnes, dont 131 500 ont été des anglophones, soit, encore
là, 65% des départs.
En regardant de près les statistiques que je viens de vous citer,
on se rend compte que, pour les années 1966 à 1976, il y a eu, en
moyenne, 20 000 départs d'anglophones du Québec par année.
Depuis 1976 jusqu'à 1981, cette moyenne s'est établie à
environ 26 000 départs par année. Donc, par rapport aux dix
années qui ont précédé immédiatement la
venue au pouvoir du Parti québécois, nous avons assisté
à une augmentation moyenne de 6000 départs par année,
depuis que notre gouvernement est au pouvoir. Certes, ce chiffre est encore
trop important et mérite qu'on s'y attarde, mais il est bien loin
d'être aussi catastrophique qu'on a voulu le prétendre d'autant
plus que bien des facteurs d'ordre économique pourraient facilement,
à eux seuls, expliquer une telle augmentation.
Je ne voudrais pas clore ce chapitre sans dire quelques mots des
entrées au Québec en provenance des autres provinces. Elles sont
passées de 84 900 en 1966-1971 à 83 300 en 1971-1976 et à
61 300 en 1976-1981. Si nous examinons la composition linguistique de ces
entrées, nous remarquons que la proportion de francophones va en
augmentant, passant de 39% entre 1966 et 1971 à 44% entre 1971 et 1976,
pour atteindre 52% entre 1976 et 1981. Parallèlement, la proportion des
anglophones diminue, passant de 55% entre 1966 et 1971 à 50% pour la
période Bourassa et à 41% pour la période
Lévesque.
II est donc assez évident que, proportionnellement, le
Québec attire maintenant davantage de francophones canadiens que
d'anglophones. L'un des objectifs de notre politique linguistique visait
précisément à faire du Québec un foyer pour les
francophones. L'autre objectif consistait à faire passer le fardeau du
bilinguisme des épaules des francophones à celles des
anglophones. Le prix à payer pour vivre pleinement au Québec est
donc d'apprendre le français, tout comme le prix à payer pour
vivre pleinement dans d'autres provinces canadiennes, aussi bien qu'aux
États-Unis, est d'apprendre l'anglais. Il n'est donc pas
étonnant, à la suite de nos politiques linguistiques, d'assister
à de tels réalignements linguistiques. Ils étaient
prévisibles. On pourrait souhaiter qu'ils ne se produisent pas, mais
pourrait-on les empêcher?
Mon propos n'est pas de nier les motifs sociopolitiques ou
sociolinguistiques qui peuvent expliquer les migrations interprovinciales. De
tels motifs existent et c'est, justement, parce que nous en sommes conscients
que nous avons pris les moyens pour diminuer leur impact. Tous les
Québécois et toutes les Québécoises, quelle que
soit leur origine, leur langue, leur culture, leur religion ou la couleur de
leur peau, ont le même droit imprescriptible de vivre au Québec.
C'est, d'ailleurs, la reconnaissance de ce principe fondamental qui a
poussé le gouvernement auquel j'appartiens à prendre des mesures
concrètes pour permettre à toutes les communautés
culturelles non seulement de survivre, mais de se développer au
Québec. Le plan d'action des communautés culturelles, le
comité chargé de son implantation et jusqu'au nom même de
mon ministère en sont autant de preuves irréfutables.
J'ai déjà, M. le Président, presque abusé de
votre temps et de votre patience. Pourtant, je ne puis terminer ce discours
sans dresser, ne serait-ce que brièvement, un tableau faisant
état de ce qui nous attend en 1983-1984. Puis-je me permettre,
toutefois, avant que de ce faire, d'inviter les membres de la commission
à jeter un coup d'oeil dans leur cahier aux pages concernant les
colloques qui ont été organisés sur les femmes
immigrantes; aux pages sur la Direction de la formation où il est,
notamment, question de l'entente qu'avec mes collègues de la
Main-d'Oeuvre, de la Sécurité du revenu et de l'Éducation
j'ai signée au cours de l'année écoulée? Cette
entente, on l'aura deviné, porte sur la formation professionnelle des
adultes. On voudra bien également jeter un coup d'oeil sur les
statistiques concernant l'accueil des immigrants et des réfugiés
fait par notre ministère où on apprend, entre autres, qu'à
nos bureaux du 355, rue McGill, à Montréal, nous recevons 750
clients par semaine.
Ces chiffres et bien d'autres dont vous avez eu la possibilité de
prendre connaissance dans le cahier nous indiquent que le ministère de
Communautés culturelles et de l'Immigration est un véritable
ministère de services. Cette vocation de services, nous avons
l'intention de la maintenir, voire de la développer au cours de
l'année qui s'en vient.
Que nous réserve, d'ailleurs, cette nouvelle année
financière qui vient de commencer? L'un des événements
majeurs de l'année sera certainement l'adoption d'une politique de
l'immigration. Depuis plusieurs mois déjà, des comités de
travail ont été formés afin de préparer les bases
d'un texte qui deviendra la politique de l'immigration du Québec. Cette
recherche s'inscrit dans le cadre des travaux présentement en cours sur
une politique de la population et de la famille. Nous sommes en train de mettre
la dernière main à ce texte qui connaîtra une large
diffusion et autour duquel nous n'hésiterons pas à consulter le
plus largement possible toutes les personnes et tous les groupes
intéressés. Je prévois que notre projet de politique
générale de l'immigration pourra être rendu public au cours
de l'automne.
Un point fort de l'année à venir sera certainement aussi
l'analyse du rapport annuel du CIPACC. Ce rapport sera rendu public le 28
avril. Mon ministère s'attardera à en faire une analyse en
profondeur et y donnera les suites qui s'imposent. Au cours de l'année
qui vient de s'écouler, les membres du CIPACC ont été
très actifs dans de nombreux comités auxquels étaient
conviés des représentants de nombreux ministères et je ne
doute pas que, par leur dynamisme et leur implication, ils sauront nous tracer
des voies pour que les communautés culturelles occupent toute la place
qui est la leur dans la société québécoise.
De son côté, le Conseil consultatif des communautés
culturelles et de l'immigration poursuivra les réflexions
déjà amorcées cette année. Il entend porter son
attention d'une façon toute particulière sur le type de
société qui prend forme au Québec. En 1983-1984, je
prévois d'importantes négociations avec le fédéral
en matière d'adaptation et d'établissement des immigrants. Un
comité a déjà été formé; plusieurs
réunions ont eu lieu et j'ai bon espoir qu'au cours de la prochaine
année des résultats concrets seront atteints. Mais qui dit
négociations dit au moins deux partenaires. Il va de soi que la bonne
volonté doit être présente à la table des
négociations. Divers indices nous laissent, par ailleurs, croire que le
fédéral qui, jusqu'ici, semblait avoir fait de l'immigration le
champ privilégié de sa collaboration avec le Québec serait
en train de réanalyser et de réévaluer
sa politique. Voilà manifestement un dossier à suivre au
cours de l'année à venir.
En terminant mon exposé, je voudrais vous indiquer quels sont les
niveaux d'immigration que nous comptons réaliser en 1983. Nous
prévoyons accueillir au Québec 15 200 immigrants, dont 2200
réfugiés. Périodiquement, lorsque nous subissons une
récession économique, on s'interroge sur la
nécessité pour le Québec de maintenir ses activités
en matière d'immigration. Déjà, au début du
siècle, alors que le Québec maintenait des services d'immigration
en Europe depuis les années 1870, l'opinion publique conduisait les
autorités d'alors à mettre fin à de telles
activités. Par la suite, l'intérêt reprit à chaque
période de croissance économique, même si cela ne donna pas
lieu, pour autant, à la reprise d'activités dans ce secteur. En
effet, il fallut attendre le milieu des années soixante pour
réaliser que l'immigration ne correspondait pas qu'à des motifs
économiques et qu'il fallait s'en préoccuper de façon
permanente si on souhaitait en profiter lorsque les besoins en main-d'oeuvre
poussaient les entreprises à faire appel à des travailleurs
étrangers. C'est, d'ailleurs, sur la base de cette constatation que fut
créé le ministère de l'Immigration en 1968. Depuis lors,
le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration
s'efforce de développer ces programmes afin de répondre aux
objectifs économiques, démographiques, sociaux et culturels que
notre société se donne.
Certains s'interrogent sur l'utilité d'une dépense de
quelque 4 000 000 $ que l'on consacre à la sélection des
immigrants. Si l'on considère qu'il arrive au Québec chaque
année entre 15 000 et 20 000 immigrants, cela constitue donc, pour
chacun d'entre eux, une dépense variant de 200 $ à 250 $. Cela
est bien peu en regard de ce que ces nouveaux citoyens nous apportent en
retour. Si l'on songe, entre autres, qu'environ 1500 emplois ont
été, soit créés, soit conservés, grâce
à l'apport direct des immigrants investisseurs; si l'on songe
également au fait que plus de 1000 emplois très
spécialisés n'ont pu être comblés par de la main
d'oeuvre québécoise ni canadienne et qu'il nous a fallu, pour ces
emplois spécifiques, faire appel à une main-d'oeuvre
étrangère, on se rend compte que rarement un investissement a
été aussi rentable que celui que le Québec a fait au
niveau de la sélection des immigrants.
Je ne connais, quant à moi, aucun programme de création
d'emplois, tant fédéral que québécois, qui,
coûtant si peu, rapporte autant. Le fait pour le Québec
d'être le maître d'oeuvre de la sélection des immigrants
protège ses travailleurs contre une main-d'oeuvre
étrangère soit trop nombreuse, soit sélectionnée
pour des besoins existants peut-être ailleurs au Canada, mais pas au
Québec même. Mais, plus loin que ces questions d'ordre
économique, ce sont des considérations à plus long terme
et, notamment, de nature démographique qui doivent nous inciter à
maintenir un intérêt constant et permanent en matière
d'immigration. Qui ne se soucie pas, en effet, du poids relatif de notre
société au sein du continent nord-américain. N'est-il pas
également légitime de chercher à maintenir une pyramide
des âges aussi régulière que possible? Sans
prétendre, loin de là, que l'immigration puisse renverser
à elle seule les tendances de notre société
québécoise, convenons que celle-ci peut énormément
contribuer à en atténuer les effets trop subits.
Les communautés culturelles, certaines établies au
Québec depuis fort longtemps, enrichissent le Québec d'une
ouverture et de valeurs dont nous profitons tous. Pour certains, le
Québec constitue une terre d'asile où ils souhaitent partager
notre avenir. Pour d'autres, il s'agit de rejoindre ceux de leurs parents
déjà établis ici. Les uns et les autres fondent un espoir
qui atteste de notre ouverture pour l'avenir et, ce faisant, ils enrichissent
notre société des diverses tendances culturelles et sociales,
techniques et économiques qui sont le propre de notre monde
contemporain.
L'immigration, c'est non seulement le choix d'un gouvernement, mais
c'est aussi le choix de toute une société. Quelles que soient
toutes les autres difficultés qui nous entourent, il nous faut, dans la
mesure de nos moyens, demeurer réceptifs à cette dimension
internationale. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre.
La parole est maintenant au député de Gatineau.
M. Michel Gratton
M. Gratton: Merci, M. le Président. Tout d'abord,
j'aimerais remercier le ministre des renseignements qu'il nous a fournis depuis
assez longtemps, comme il l'a lui-même souligné. D'ailleurs, vous
me permettrez de dire que le ministre a la bonne habitude de communiquer un
très grand nombre de renseignements à l'Opposition, ce qui
facilite de beaucoup le travail de l'Opposition qui, comme on le sait, consiste
à poser des questions pertinentes au gouvernement, même si,
à l'occasion, les réponses ne le sont pas autant, selon notre
jugement. Le but est toujours de mieux renseigner la population, de renseigner
la population le mieux possible. Le ministre se prête très bien
à ce jeu du parlementarisme. J'irais même jusqu'à dire que
certains de ses
collègues du cabinet auraient avantage à l'imiter dans ce
sens. Ceci ne m'empêchera pas, ces remerciements faits, de vous adresser
quelques remarques préliminaires que nous détaillerons, nous de
l'Opposition, tout au cours de l'étude des crédits.
Mes remarques préliminaires, je pourrais presque les intituler de
la façon suivante: L'ouverture d'esprit du ministre des
Communautés culturelles et de l'Immigration est-elle aussi grande qu'on
le dit? Au sujet de la loi 101, il déclarait, mercredi dernier, à
l'Assemblée nationale: Quelqu'un qui ne peut plus nous sentir comme
Québécois et qui veut partir, qu'il s'en aille, on ne changera
pas d'odeur. Comme l'écrivait Vincent Prince, dans la Presse du 22
avril: "En d'autres termes, pour M. Godin, nous n'avons pas à regretter
ces départs, même si des capitaux s'en vont en même temps.
D'autres anglophones seraient prêts à venir les remplacer et eux
aussi ils auraient des capitaux à investir chez nous. Surtout ils
viendraient sans nous demander de changer quoi que ce soit à notre
législation. On aurait pensé qu'en cette période de crise
économique un ministre québécois aurait été
heureux de pouvoir compter sur le plus de capitaux possible. Au surplus, on a
l'impression qu'il emploie le qualificatif de "Québécois" dans un
contexte très restrictif. Les anglophones n'en seraient pas."
En effet, la déclaration du ministre implique que, pour lui,
comme pour son prédécesseur, le parrain de la loi 101, l'actuel
ministre de l'Éducation, le terme "Québécois" exclut les
citoyens anglophones, car, cela doit être clair, quand les statistiques
révèlent que pas moins de 106 310 anglophones ont quitté
le Québec entre 1976 et 1981 - 106 310 de plus qu'il n'en est venu,
immigration nette - il s'agit bel et bien de Québécois que le
ministre semble, lui, considérer apparemment comme ce qu'on a
appelé les autres, c'est-à-dire une classe à part. C'est
très révélateur de l'état d'esprit du ministre face
aux citoyens qui ne font pas partie de la majorité francophone et qu'il
a pourtant la responsabilité de défendre à titre de
ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, responsable de
l'application de la loi 101 depuis septembre dernier. (11 heures)
On avait, pourtant, cru à une attitude plus positive en septembre
dernier lorsque le premier ministre lui avait confié cette
responsabilité, en lui donnant le mandat précis d'évaluer
à fond les effets de la loi 101 et de faire rapport au cabinet avant la
fin de 1982. L'ex-éditorialiste du journal Le Soleil, Marcel
Pépin, écrivait à l'époque: "Que le gouvernement
veuille ou non l'admettre, il était impérieux qu'un effort soit
fait pour que la communauté anglophone du Québec reprenne un
dialogue sensé avec l'État". En parlant de la nomination du
ministre, il ajoutait: "II est généralement reconnu comme
davantage épris d'équité et de justice que d'esprit de
revanche".
M. le Président, si on en juge par les propos qu'il a tenus en
Chambre dernièrement et les longs mois qui se sont écoulés
depuis qu'il a reçu le mandat du premier ministre sans qu'il n'aboutisse
à rien de concret, il y a lieu de se demander si, au-delà des
déclarations de bonnes intentions, il existe vraiment, chez le
gouvernement, chez le ministre, une volonté réelle
d'améliorer le climat des relations avec la communauté
anglophone.
Le gouvernement avait, pourtant, promis au moment d'adopter la loi 101
d'en évaluer l'impact après cinq ans d'application et d'y
apporter les correctifs nécessaires à la lumière des
résultats concrets. Pourtant, l'automne dernier, après avoir
lui-même souhaité que le dialogue s'engage honnêtement et
ouvertement avec les anglophones, le premier ministre rabrouait les demandes
d'Alliance-Québec, détruisant ainsi les premiers gestes
sincères de conciliation que la communauté anglophone
effectuait.
Lysiane Gagnon, dans la Presse du 18 novembre dernier, notait: "Les
dirigeants actuels d'Alliance-Québec que M. Lévesque traite comme
s'ils étaient des nostalgigues perpétuant la mentalité des
anciens establishments représentent au contraire une toute nouvelle
génération avec une sensibilité bien différente,
celle de jeunes Montréalais de très vieille souche ouverts
à une bonne partie des changements provoqués par les lois 22 et
101, qui sont assez attachés au Québec pour avoir
décidé d'y rester, même si plusieurs auraient pu faire
carrière ailleurs et qui sont tous, en outre, parfaitement
bilingues."
Le gouvernement n'a pas compris que la démarche de ce groupe
d'anglophones réunis sous l'appellation d'Alliance-Québec
représentait une pensée nouvelle dans les relations qu'il voulait
entretenir avec la majorité francophone du Québec. L'attitude du
ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration
vis-à-vis d'Alliance-Québec l'automne dernier, de même que
les propos qu'il a tenus vis-à-vis du traitement que vient d'accorder la
Commission de surveillance de la langue française dans le dossier de
l'hôpital St. Mary's démontrent qu'il veut rester dans la
lignée de son prédécesseur, le ministre de
l'Éducation, c'est-à-dire une attitude vindicative et une
étroitesse d'esprit qu'on ne percevait, pourtant, pas au moment de sa
nomination.
En invitant certains Québécois anglophones à partir
s'ils ne sont pas contents, le ministre parle de 150 000 personnes qui
attendent de venir au Québec avec 100 000 000 $ d'investissements qui
sont prévus dans la machine, disait-il. C'est
difficile de suivre la logique du ministre. D'abord, les citoyens
anglophones qui partent avec leurs emplois représentent
déjà des millions de dollars en investissements. Le fait
d'accueillir des gens qui veulent supposément venir investir au
Québec ne nous justifie pas de le faire exprès pour en faire fuir
d'autres. L'un n'empêche pas l'autre, surtout au moment où le
Québec -surtout pour les jeunes - a un besoin urgent des investissements
des créateurs d'emplois.
Le ministre semble voir ces nouvelles arrivées comme une
compensation à une perte. Nous le voyons plutôt comme un ajout
à ce qui est déjà acquis, surtout que les
prévisions du ministre n'ont pas encore été
prouvées.
Quoi qu'il en soit, cette récente déclaration que tous les
éditorialistes ont condamnée est pour le moins curieuse de la
part de celui qui, de par sa fonction, doit défendre et promouvoir les
communautés culturelles. Bien sûr, il se trouve au Québec
une infime minorité de gens qui acceptent plus ou moins la loi 101 et
qui voudraient la voir disparaître. Mais, comme l'écrivait Vincent
Prince dans ce même éditorial: "On n'a sûrement pas le droit
de se moquer des inquiétudes de tous ceux qui croient voir un lien entre
la loi 101 et l'exode des anglophones. On sait que, la semaine dernière,
justement parce qu'ils se posaient de sérieuses questions à ce
sujet, les conseillers municipaux de Montréal ont été
unanimes à demander à l'administration locale de procéder
à une étude sur les effets de la loi 101 sur l'économie de
Montréal. Ces conseillers, qui appartiennent, d'ailleurs, à trois
formations politiques différentes, ne sauraient être tous
taxés de lunatiques ou d'adversaires inconditionnels de la loi 101. Non,
on ne fera pas taire les doléances en laissant entendre qu'il y a lieu
de les prendre à la légère ou que le Québec peut se
permettre facilement de perdre toujours une partie de sa population ou de ses
sièges sociaux".
Contrairement à ce que le premier ministre et le ministre de
l'Immigration tentent de laisser entendre quand nous, de l'Opposition, abordons
ce sujet, le Parti libéral du Québec a toujours été
et demeure toujours favorable au principe des droits linguistiques que doit
avoir la majorité francophone. Nous avons, d'ailleurs, nous-mêmes
mis sur pied des réformes importantes dans ce sens, notamment avec la
loi 22. Mais nous étions, à l'époque, conscients du danger
qu'une attitude intransigeante pourrait avoir sur les investissements et les
emplois dont les Québécois ont besoin. C'est pourquoi nous avons
refusé de nous cloisonner du reste du monde pour éviter de nuire
à la croissance économique et sociale que cela engendrerait.
Force nous est de constater, à l'instar de tous les observateurs
impartiaux incluant maintenant la majorité des Québécois
francophones, que certaines dispositions de la loi 101, que le ministre
lui-même qualifie d'erreur et d'excès, nous y mènent
carrément.
Le ministre, en décembre, avait déclaré à
l'Assemblée nationale qu'il annoncerait au printemps des amendements
à la loi 101. Nous sommes au printemps. Il se contente maintenant de
nous promettre une commission parlementaire seulement pour l'automne. Nous
serions plus rassurés, M. le Président, quant aux intentions du
gouvernement si cette commission parlementaire avait lieu dès les
prochaines semaines, au plus tard au cours de l'été qui vient.
Autrement, il sera difficile pour nous de ne pas conclure que, malgré
les déclarations de bonnes intentions du ministre, le gouvernement du
Parti québécois n'entend tout simplement pas toucher à la
loi 101 avant les prochaines élections, quelles que soient les
conséquences négatives d'une telle attitude sur les
investissements et la création d'emplois, sans parler des injustices
réelles dont sont victimes certaines catégories de citoyens
québécois.
Si l'attitude du ministre responsable de l'application de la loi 101
nous inquiète de plus en plus, nous ne sommes pas sans nous interroger
également sur les gestes qu'il pose à titre de responsable des
communautés ethniques ou, devrions-nous dire, sur les gestes qu'il ne
pose pas. En 1981 ce gouvernement, à peine un mois avant les
élections, sortait tambour battant son plan d'action: Autant de
façons d'être Québécois. Paradoxalement, c'est le
premier ministre qui nous disait en Chambre dernièrement que le Parti
libéral du Québec se préoccupait des communautés
culturelles surtout pour rallier leurs votes. Toujours est-il que ce plan
d'action était plein d'idées, plein de mots, plein de
déclarations de bonnes intentions, mais, depuis, très peu de
gestes concrets ont été posés. Certains organismes
représentant les groupes ethniques relèvent le fait que, sur 29
promesses qui avaient été faites au printemps de 1981, deux ans
plus tard à peine 6 ont été tenues. Selon le Comité
pour la promotion des minorités, c'est surtout au niveau de
l'intégration des minorités ethniques à la
société québécoise que le gouvernement n'a pas su
tenir ses promesses. De même, on reproche au ministre des
Communautés culturelles et de l'Immigration son silence et de ne pas
vouloir rendre public le rapport annuel du CIPACC, c'est-à-dire du
Comité d'implantation du plan d'action à l'intention des
communautés culturelles.
En mars 1981, le ministre Jacques-Yvan Morin, à ce
moment-là responsable du développement culturel, avait
échelonné sur trois ans ce plan d'action. Il affirmait que
des mesures draconiennes s'imposeraient si ce délai
n'était pas respecté. Actuellement, pour les minorités
culturelles, le gouvernement a plutôt laissé croire à une
indifférence vis-à-vis de leurs préoccupations
réelles. Le gouvernement du Parti québécois y va de
petites subventions aux différentes associations ou aux fêtes
commémoratives, actes visant à manifester une certaine sympathie
envers les minorités. En fait, le gouvernement, dans sa politique
touchant les groupes ethniques, y va pour la forme plutôt que pour le
fond.
Ce que recherchent avant tout les communautés culturelles, c'est
un respect de leurs traditions et de leur culture. C'est
l'égalité des chances dans leurs emplois. C'est d'avoir les
outils nécessaires pour faciliter leur intégration dans la
société québécoise. Le ministre des
Communautés culturelles et de l'Immigration doit respecter les promesses
de ce gouvernement, ce qu'il n'a manifestement pas fait jusqu'à
maintenant.
En terminant ces remarques préliminaires, M. le Président,
je voudrais répéter ici ce que je disais à
l'Assemblée nationale lors de mon intervention dans le débat sur
le message inaugural, le 29 mars dernier. Je le répète, parce
qu'il me semble que cela illustre la différence fondamentale qui
sépare le Parti libéral du Parti québécois dans
leur vision respective du rôle et de la place que doivent jouer et
occuper les groupes minoritaires dans la société
québécoise. Je cite la page 110 du journal des Débats: "II
est vrai que les Québécois ont toujours été
généreux et réceptifs à l'égard des
minorités. Avec raison d'ailleurs, parce que nous avons toujours
ressenti, si nous ne le comprenions pas toujours, que nous pouvions devenir
meilleurs, nous améliorer au contact de ceux qui sont différents
de nous. Malheureusement, le gouvernement actuel, avec son nationalisme
défensif et revanchard, embarrasse une majorité de nos
concitoyens, francophones, anglophones ou allophones, qui ne demandent
qu'à travailler ensemble à bâtir un Québec plus
tolérant, plus généreux, plus réceptif. "Le dernier
discours inaugural n'annonce malheureusement absolument rien qui irait dans ce
sens. Au contraire, il reste complètement muet sur le rôle que
pourraient jouer les communautés minoritaires au début de ce que
le premier ministre a qualifié de "ce temps nouveau" -qui appelait le
changement -. Comme quoi, avec le Parti québécois, plus cela
change, plus c'est pareil!"
En revanche, je dirai que je suis extrêmement fier de faire partie
d'un parti politique, d'une députation qui compte dans ses rangs des
collègues d'origine grecque, italienne, libanaise, hollandaise, juive,
écossaise, britannique et irlandaise, bref une députation qui est
à l'image de la société québécoise. S'il
nous était donné un jour de faire une campagne électorale
contre ce parti d'en face, on la ferait en plaidant, encore une fois, un
Québec pour tout le monde, un Québec où tous les citoyens
du Québec, quelle que soit leur origine ethnique, quelle que soit la
langue qu'ils parlent, seraient les bienvenus dans le parti, bienvenus dans la
société québécoise.
Je terminerai, M. le Président, en disant que le Parti
québécois aurait avantage à assurer une plus grande
présence de ces représentants des communautés culturelles
au sein de son propre parti. Cela lui éviterait sûrement plusieurs
erreurs de parcours qu'on a constatées au cours des dernières
années.
Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Gatineau. M. le ministre.
M. Godin: Je vais reprendre seulement un point de l'intervention
de mon collègue de Gatineau. Il a parlé comme si je n'avais rien
dit, comme s'il était trop préoccupé à
réviser ses notes pour écouter ce que j'avais à lui dire.
Le rapport du CIPACC sera publié dans quelques jours. Le
député de Gatineau et ses collègues seront en mesure de
vérifier si la critique faite par le Comité de promotion des
minorités est vraie critique suivant laquelle seulement six ou sept des
29 promesses auraient été remplies, auraient été
réalisées. La population et les membres de l'Assemblée
nationale seront en mesure de vérifier quels sont les faits à cet
égard. J'inviterais le député de Gatineau à prendre
son mal en patience et à voir le bilan réel, clinique, complet,
qui sera publié dans quelques jours au lieu de se fier à ce qui
semble être des à-peu-près, puisque cette critique du
Comité de promotion des minorités a été faite par
des gens qui, semble-t-il, ignorent tout des travaux du CIPACC. Et n'ont suivi
de près ni les travaux du CIPACC, ni l'action du ministère depuis
qu'il s'appelle ministère des Communautés culturelles. Quant au
reste, nous aurons l'occasion de revenir cet après-midi sur la loi 101
et ses organismes, quand les présidents des organismes seront
présents. Je répondrai plus précisément aux
questions et aux interrogations que se pose le député de Gatineau
sur cette question précise. Pour l'instant, j'aimerais m'en tenir
à ce qui touche les communautés culturelles et l'immigration. (11
h 15)
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. M. le
député de Bourassa.
M. Patrice Laplante
M. Laplante: Merci, M. le Président. Il y a des remarques
du député de Gatineau
que je ne peux pas laisser passer sous silence, surtout lorsqu'il fait
référence à la loi 22. Étant moi-même un
ancien commissaire de la CECM, lorsqu'on parle du respect des groupes
ethniques, on sait de quelle façon le gouvernement libéral du
temps, de par ses tests, a voulu faire, justement, de tous les groupes
ethniques des anglophones. On a voulu une assimilation des groupes ethniques
à la communauté anglophone du Québec. On a vécu ces
tests. On a eu beau protester énergiquement à ce moment, mais
personne d'entre vous ne s'est levé pour essayer de faire respecter ces
groupes.
J'ai vu à ce moment des requêtes des directeurs
d'école qui faisaient venir des parents tchèques dans leur bureau
pour leur faire signer des formules disant qu'ils se reconnaissaient
anglophones. J'ai vu des parents russes aussi se faire faire ces choses. C'est
comme cela que vous avez traité les groupes ethniques vers
l'assimilation au groupe anglophone du Québec. Aujourd'hui, vous jouez
à "l'à-plat-ventrisme" devant eux pour essayer de faire des
réparations à la suite de cette loi 22 qui était
inhumaine, qui divisait les familles.
Vous accusez le Parti québécois, aujourd'hui, de ne pas
avoir de députés d'origine ethnique. Dans le parti, nous avons de
nombreux membres ethniques, mais nous n'avons pas l'hypocrisie de donner de
comtés garantis. On n'a pas tous des Notre-Dame-de-Grâce, des
Westmount, des Mont-Royal pour donner des comtés garantis à des
gens, pour se donner belle figure, pour se donner belle apparence face à
la population du Québec.
M. Gratton: Les comtés garantis péquistes sont
plutôt rares.
M. Laplante: C'est la garantie du Parti libéral. On voit
comment vous fonctionnez actuellement comme parti d'Opposition à
l'Assemblée nationale. Actuellement, l'aspect constructif sur les
communautés culturelles -ne vous en vantez pas - ne vaut pas
grand-chose. Si on compare les 8% d'anglophones qu'il y a au Québec,
contrairement à la déclaration du premier ministre Davis qu'on a
vue cette semaine ou en fin de semaine, avec les 6% de francophones qu'il y a
en Ontario, je pense que les anglophones, par Alliance-Québec, s'ils
voulaient être constructifs à un moment donné et vivre avec
les Québécois et aussi de ce que les Québécois
vivent, n'avaient qu'à écouter ce que M. Davis déclarait
la semaine dernière à la télévision dans une
entrevue avec Mme Bombardier, sur l'aspect francophone de l'Ontario.
Vous verriez qu'ici au Québec on respecte les anglophones. Ceux
qui veulent rester au Québec, ils sont heureux. On est capables de vivre
avec eux à bras ouverts, mais pour autant que ce ne soit pas leur
idéologie, par exemple, d'écraser ce qui reste comme francophones
au Québec pour essayer de se sortir de leur place. S'ils veulent faire
avec les groupes ethniques du Québec une assimilation à la langue
et à la culture anglophones, je ne marche pas là-dedans parce
qu'on est la seule province ici au Canada, le Québec, où on donne
à ces communautés culturelles de l'argent, du support, justement
pour conserver leur culture. Ne cherchez cela nulle part ailleurs. En effet, la
communauté italienne - j'en ai une bonne partie dans mon comté et
j'en suis fier - ne se retrouve pas du tout avec les gens de l'Ontario. Ils
sentent que la communauté italienne en Ontario perd toute
identité, est assimilée complètement aux anglophones. Il
n'y a aucun programme pour maintenir la culture italienne en Ontario. Il faut
penser à ces choses aussi.
Regardez ce qui se passe ici au Québec avec les Grecs. Soyez
honnêtes dans ce que vous dites actuellement. Avouez que jamais un
gouvernement du Québec n'a fait ce que le Québec fait depuis
quatre ans pour les communautés culturelles. Mais vous, comme Parti
libéral, avec votre "à-plat-ventrisme" devant elles pour aller
chercher des votes, pour essayer de faire accroire que nous sommes les
méchants ici, donnez-nous les actions que vous faites actuellement pour
essayer de réunir ces groupes culturels. Vous n'en avez pas fait. Les
seules actions que vous avez faites - on l'a vu par les tests de la loi 22 -
c'est que vous avez essayé d'assimiler à la langue anglophone
tout ce qui se passait dans nos écoles. Je l'ai vécu autant au
niveau des écoles anglaises, qui étaient de la section anglaise
de la CECM, que du côté français. Vous avez essayé
par tous les moyens d'aller chercher les francophones pour essayer de les
assimiler dans les écoles anglophones. Cela a pris la loi 101. Si vous
comparez la loi 101 à la loi 22 je pense qu'il y a beaucoup plus
d'humanisme dans la loi 101 qu'il n'y en avait dans la loi 22. Je voulais faire
cette mise au point sur la déclaration du député de
Gatineau.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Bourassa.
M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Reed Scowen
M. Scowen: Merci. Je n'avais pas l'intervention d'intervenir,
mais je pense qu'il y a quelques commentaires à faire par rapport aux
déclarations du député de Bourassa. La communauté
anglophone, non francophone, si vous voulez, la question de base qu'elle se
pose, c'est de savoir jusqu'à quel point la déclaration du
député de
Bourassa représente l'opinion de la majorité francophone
du Québec. Si cette déclaration, qui était très
claire, est effectivement représentative de l'esprit de la
majorité des francophones, les minorités peuvent alors tirer
leurs conclusions. C'est une question à laquelle personne, jusqu'ici,
n'a répondu clairement.
Je veux lui signaler, premièrement, que les tests dont il parle,
je n'ai pas trouvé que c'était une façon très
habile de régler le problème très compliqué de
savoir qui est anglophone et qui ne l'est pas. Je veux simplement rappeler au
député de Bourassa que, depuis la loi 101, ce même genre de
test est imposé aux infirmières et à beaucoup d'autres
professionnels ici, exactement de la même façon...
M. Laplante: Pour les adultes, pas pour les enfants.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Bourassa, s'il vous plaît, la parole est au député de
Notre-Dame-de-Grâce!
M. Laplante: Cela ne divise pas les familles.
Le Président (M. Blouin): S'il vous plaît!
M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Ce genre de test est imposé aux
infirmières et aux autres professionnels exactement de la même
façon, avec exactement les mêmes malheurs. De plus, je pense que
le système qui a été établi par le gouvernement
actuel par la loi 101 n'est pas beaucoup mieux. Je vais vous dire comment
j'arrive à cette conclusion. J'arrive à cette conclusion pour la
même raison que je ne suis pas impressionné par tout ce que le
gouvernement a fait pour les groupes minoritaires et les communautés
culturelles. Le député a dit qu'aucun gouvernement n'avait jamais
fait autant pour les minorités culturelles que ce gouvernement. Si la
loi 101 est bien meilleure que la loi 22, si les gestes posés par ce
gouvernement sont si beaux quand on les compare avec tout ce qui a
été fait avant, comment se fait-il qu'en 1981 l'immense
majorité des groupes minoritaires a voté massivement pour le
Parti libéral, après tout ce que le Parti québécois
avait fait pour elle?
Si vous décidez que les choses que vous faites pour les
minorités sont bonnes et que les minorités disent qu'elles ne
sont pas impressionnées, il y a quelque chose qui doit vous faire
réfléchir un peu. Vous pouvez dire qu'elles ne comprennent pas,
qu'elles doivent changer leur attitude, que c'est déformé par les
libéraux. Autrement dit, vous pouvez dire qu'elles sont stupides,
qu'elles ne sont pas capables de comprendre. Je serais beaucoup plus
porté à dire: Écoutez, même si on pense que ce qu'on
fait est bon, est meilleur, il semble que, pour les personnes qui sont les plus
directement affectées ce soit pire. Donc, il faut changer quelque chose,
il faut les écouter. Je le souligne simplement parce que vous avez
parlé avec tellement de certitude des aspects bénéfiques
de la loi 101 et des gestes que vous avez posés pour les
communautés minoritaires.
Le député de Bourassa a dit, et je le cite: Les
anglophones sont heureux aujourd'hui. Je dois lui dire que c'est possible, mais
que je n'ai pas remarqué que les anglophones étaient très
heureux aujourd'hui. S'il en a une preuve quelconque, j'aimerais la voir, mais
j'ai l'impression que les anglophones aujourd'hui, en grande majorité,
sont très malheureux en raison des attitudes du gouvernement, de ses
actes et de ses déclarations. Une raison clé, c'est parce qu'on
voit le vrai visage du gouvernement dans des sorties faites d'une façon,
si vous voulez, même inconsciente, par le ministre la semaine
dernière et par le député de Bourassa il y a quelques
minutes.
M. Godin: M. le Président, question de privilège.
Je ne peux pas accepter que le député de
Notre-Dame-de-Grâce dise que...
Le Président (M. Blouin): M. le ministre, il n'y a pas de
question de privilège en commission parlementaire.
M. Godin: Comment appelle-t-on cela, alors?
Le Président (M. Blouin): Vous pourrez prendre...
M. Godin: Je vous demande une directive, parce qu'il dit que je
suis inconscient. Alors, je peux vous dire, M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce, que c'était une déclaration non pas
inconsciente ou faite par un zombie...
Le Président (M. Blouin): M. le ministre, ce que je
souhaiterais...
M. Godin: ...mais que je pensais à ce que j'ai dit, tout
simplement.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Je vais citer une autre déclaration du
député de Bourassa, tantôt, lorsqu'il a dit qu'il voulait
des Anglais qui veulent vivre avec les Québécois.
M. Laplante: C'est cela.
M. Scowen: Je veux qu'il comprenne
quelque chose. Les Anglais du Québec sont des
Québécois. Ma famille est ici depuis 200 ans sur le sol
québécois. Je pense que ce n'est pas la question que vous vouliez
accueillir les Anglais qui veulent vivre avec les Québécois. Pour
l'information du député de Bourassa, les Anglais sont des
Québécois. Moi, je suis québécois, même si
cela ne le rend pas très heureux, et je vais rester
québécois. Et, si mon odeur ne lui plaît pas, je vais
rester québécois quand même. J'ai l'intention de rester
ici, peut-être pas pour le reste de ma vie, parce que j'aime beaucoup
visiter les autres endroits du monde, mais je serai toujours
québécois. Il ne peut rien faire pour changer cela.
Malheureusement pour lui, peut-être, je vais rester
québécois. Aucune loi, aucune déclaration du gouvernement
ne peut changer cela.
Alors il n'est pas question de comparer les Anglais du Québec
avec des Québécois. C'est une erreur et je le mentionne parce que
c'est fait maintenant depuis sept ans par les gens du Parti
québécois, d'une façon répétée, et
c'est dans de petits gestes comme ceux-là que les groupes minoritaires
voient le vrai problème de vivre au Québec.
Vous avez un problème fondamental; vous avez un projet
d'indépendance basé sur une langue et un groupe ethnique. Il faut
agir en conséquence, malheureusement. M. Lévesque, le premier
ministre, a dit: II faut, pour créer cette omelette, briser quelques
oeufs. Vous allez dans cette direction d'une façon de plus en plus
claire. La question est de savoir - et j'arrive à la fin de ma
déclaration, en revenant au point de départ -quel est le
pourcentage des Québécois francophones qui approuvent et qui sont
de votre côté dans cette démarche. Si c'est la
majorité, ce n'est pas encore clair. Les tendances jusqu'à
maintenant sont un peu mêlées. Si c'est clair que la grande
majorité du Québec francophone est d'accord avec l'idée
que les Québécois sont les francophones et que, pour
l'épanouissement des Québécois francophones, il faut un
pays indépendant francophone, donc, c'est clair que les autres vont
partir. Mais j'espère de tout coeur que cette déclaration que
vous avez faite ne sera pas appuyée par la grande majorité de vos
concitoyens. Merci.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Bourassa.
M. Laplante: Je ne peux laisser passer sous silence l'article
96...
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Bourassa, je souhaiterais que, comme c'est normal dans ce genre d'introduction,
les députés qui ont d'abord demandé la parole effectuent
un premier tour de table. Si vous avez des remarques supplémentaires
à apporter, je pourrai vous redonner la parole une fois que le
député de Fabre...
M. Laplante: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Blouin): ...aura exprimé ses
opinions.
M. Michel Leduc
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. D'abord,
quelques remarques sur les commentaires du député de
Notre-Dame-de-Grâce, qui a dit quelque chose comme: On devrait
s'interroger sur le fait que les anglophones votent massivement pour le Parti
libéral. Je trouve le député de Notre-Dame-de-Grâce
assez naïf de tenir un tel raisonnement en commission parlementaire. Le
député de Notre-Dame-de-Grâce devrait savoir, lui qui est
issu du milieu anglophone, qui se dit un Québécois anglophone,
que la minorité anglophone a toujours bénéficié de
gros privilèges dans le passé. On pourrait revenir
là-dessus. C'est normal, lorsqu'on perd ses privilèges, qu'on
n'embrasse pas le gouvernement qui nous a fait perdre ces privilèges.
(11 h 30)
Je voudrais seulement apporter une remarque sur cela dans le sens
où le député de Gatineau a parlé de la loi 22 et de
la loi 101. On se souvient, lorsque le gouvernement Bourassa a adopté la
loi 22, de la réaction des anglophones face à cette loi. Beaucoup
d'anglophones ont voté contre Bourassa ou se sont abstenus de voter pour
ne pas avoir à voter pour le Parti québécois. En tous cas,
il y a eu beaucoup de réactions négatives à l'égard
du gouvernement libéral à cause, précisément, de la
loi 22. Il ne s'agissait pas à ce moment du Parti
québécois; il s'agissait du gouvernement libéral. La
réaction des anglophones n'est donc pas spécifiquement contre un
gouvernement en particulier. Elle se manifeste chaque fois qu'un certain nombre
de privilèges qu'ils ont eus dans le passé sont menacés.
C'est cela, la réalité.
Mais les principaux propos que je voudrais tenir ont trait plutôt
à ce qu'a dit le député de Gatineau en rapport avec
l'attitude du gouvernement actuel face aux communautés culturelles, aux
communautés ethniques. J'ai été choqué des propos
du député de Gatineau, quand il mentionne l'attitude du
gouvernement actuel par rapport aux communautés culturelles. Je voudrais
apporter seulement un exemple qui a trait à la région où
je vis, la région de Laval, qui compte environ 20% de groupes faisant
partie de communautés culturelles. Cette région est assez
cosmopolite. Cette année, le gouvernement du Parti
québécois a fait obtenir une école grecque, franco-grecque
pour une partie de la communauté grecque de Laval qui avait
demandé cette école à la commission scolaire locale,
école obtenue grâce à la collaboration du ministère
de
l'Éducation et du ministère des Communautés
culturelles.
J'ai eu l'occasion d'assister à l'inauguration de cette
école l'automne dernier. Lors de cette inauguration, il y avait
l'archevêque grec de Toronto, qui est responsable de toutes les
communautés grecques du Canada. Or, l'archevêque grec de Toronto
n'a jamais été un grand sympathisant du gouvernement du Parti
québécois. L'archevêque grec, à ce moment-là,
a apporté un témoignage qui m'a surpris et qui m'a fait plaisir
en même temps. D'abord, il a louangé le gouvernement actuel qui,
à cause de sa politique face aux communautés culturelles,
accordait, entre autres, des écoles aux communautés culturelles.
Quand il rapportait cette anecdote, il disait avoir rencontré le premier
ministre de l'Ontario tout récemment pour lui demander d'accorder le
même droit aux minorités culturelles de l'Ontario. Le premier
ministre de l'Ontario lui aurait signifié son refus et lui aurait dit
également que si les communautés culturelles sont insatisfaites
de la politique du gouvernement de l'Ontario, elles n'ont qu'à se
diriger vers le Québec.
Cela m'a estomaqué que l'archevêque de Toronto ait dit
cela, mais ce sont ses propos. Il y a eu beaucoup de témoins qui ont
été également étonnés de ce
témoignage qui, je pense, correspond beaucoup plus à la
réalité qu'à ce qu'a pu dire le député de
Gatineau. Ses propos visent à discréditer vraiment de
façon malhonnête et politicienne l'attitude du gouvernement actuel
par rapport aux communautés culturelles. Le simple fait d'accorder,
comme le fait le gouvernement actuel, aux communautés culturelles, des
écoles où on respecte la tradition, où on enseigne la
langue de la communauté d'origine et où on enseigne
également le français et l'anglais, je dois dire que c'est unique
au Canada, M. le député, et que cela témoigne beaucoup
plus que vos propos de l'attitude d'ouverture de l'actuel gouvernement par
rapport aux communautés culturelles. J'aimerais que vous teniez compte
de ces actions lorsque vous parlez des attitudes de l'actuel gouvernement.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Fabre.
M. le député de Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, si je reprends certains
propos qui ont été évoqués ici, ce n'est
sûrement pas dans le but de retarder les travaux. Au contraire, les
discussions que nous faisons au moment des remarques préliminaires
accéléreront d'autant l'étude des crédits au moment
où on passera aux programmes distincts. Mais je dois faire remarquer que
ce que vient de dire le député de Fabre, en parlant du vote des
anglophones que le Parti libéral aurait supposément perdu
à l'élection de 1976, à la suite de la loi 22, vient en
contradiction directe avec ce que disait il y a quelques instants son
collègue de Bourassa qui affirmait que l'effet de la loi 101, notamment
avec les tests linguistiques, visait à assimiler les non-francophones
à la majorité anglophone. Si les anglophones ont fui le Parti
libéral à l'élection de 1976, aussi massivement que le
prétend le député de Fabre, ce qui n'est pas sans avoir un
certain fond de vérité, ce n'est sûrement pas parce que les
anglophones ont perçu la loi 22 comme étant un effort
d'assimilation des émigrés à la majorité anglophone
canadienne, comme l'a évoqué le député de Bourassa.
Pour revenir à ce que disait le député de Bourassa,
notamment lorsqu'il parlait d'Alliance-Québec, j'ai pris note qu'il a
déclaré substantiellement que, si Alliance-Québec, au lieu
d'écraser ou de vouloir écraser les Québécois - et
je note tout de suite que, pour lui, un Québécois, cela n'inclut
pas les citoyens québécois qui ne sont pas francophones - voulait
discuter objectivement avec le gouvernement, cela irait beaucoup mieux.
M. le Président, parce que le député de Bourassa,
forcément, accuse les libéraux de vouloir faire de la politique
partisane avec cela, je me garderai donc de faire quelque commentaire personnel
là-dessus. Je vais seulement citer des extraits de divers
édito-riaux qui ont été écrits en novembre 1982,
à la suite de la lettre, on se le rappellera sûrement, que le
premier ministre avait adressée à Alliance-Québec en
réponse aux demandes que cet organisme avait faites à la suite
d'une invitation qui lui avait formulée par le premier ministre
lui-même d'engager un dialogue raisonnable et sincère avec la
communauté anglophone.
Je cite Lysiane Gagnon dans la Presse du 18 novembre 1982. Je pense bien
que le député de Bourassa conviendra que Lysiane Gagnon n'est pas
membre du Parti libéral, ne l'a jamais été et probablement
ne risque pas de le devenir.
Une voix: Tant mieux.
M. Gratton: Forcément, ses éditoriaux des derniers
jours au sujet du gouvernement peuvent peut-être soulever des doutes dans
l'esprit des Québécois, mais, quand je vois une journaliste comme
Lysiane Gagnon qui est reconnue être parmi les plus compétentes,
les mieux appréciées dans l'ensemble du Canada, je me dis que
cela ne peut pas strictement être renvoyé du revers de la main
comme étant une déclaration partisane libérale.
Or, voici ce qu'elle écrivait le 18 novembre 1982, à la
suite de cette réponse du premier ministre à
Alliance-Québec. Elle disait ceci en parlant du fait qu'on ne
voulait pas que le gouvernement fasse marche arrière dans sa
politique linguistique: "Mais encore faut-il dire que ce n'est pas ce
qu'Alliance-Québec demandait. Si l'organisme avait vraiment
souhaité un retour en arrière, il aurait remis en question la
francisation des entreprises, qui reste l'élément clé de
la loi 101 dans la mesure où cette vaste opération implique
qu'à moyen terme il faudra connaître le français pour
gagner sa vie au Québec." Elle disait plus loin: "Pourquoi se
scandaliser, comme le fait M. Lévesque, de ce que par suite de
l'opposition d'une partie des délégués au congrès
de fondation d'Alliance-Québec ses dirigeants ont jugé
préférable de retirer du mémoire ce qui constituait une
reconnaissance formelle de la primauté du français au
Québec? Parce qu'effectivement il y a eu des débats, il y a eu
des éléments plus radicaux au moment du congrès de
fondation d'Alliance-Québec qui prônaient, par exemple, le
"freedom of choice". La majorité n'a pas voulu s'associer à cette
démarche. C'est plutôt ce que nous connaissons comme étant
les revendications en six points d'Alliance-Québec qui ont
été reconnues."
Elle disait plus loin: "À propos d'Alliance-Québec, il y a
plus d'une réalité que le gouvernement Lévesque semble
ignorer, ignorance qui n'étonne guère quand on a constaté
de visu l'absence de tout représentant du gouvernement et de
l'administration publique au congrès de fondation
d'Alliance-Québec en mai dernier. L'organisme avait lancé une
quarantaine d'invitations dans ces milieux, mais personne n'est venu, à
l'exception du vice-président de l'Office de la langue française,
M. Jean-Guy Lavigne, et d'un autre employé de l'OLF. Il n'y avait
là aucun politicien péquiste sauf le ministre Godin mais
seulement pour le déjeuner de clôture où il était
l'orateur invité."
M. Godin: Pas du tout, M. le député; je n'ai pas
dit un mot là. J'y suis allé de mon propre chef, sans y
être invité d'aucune manière.
M. Gratton: M. le Président, je cite Mme Gagnon. Si le
ministre n'est pas d'accord, il pourra téléphoner à Mme
Gagnon.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Gatineau.
M. Godin: Pour la suite du monde... Je vous le dis à vous,
parce que vous la citez correctement, mais c'est une fausseté. De plus,
des membres de mon ministère étaient présents, ce qu'elle
ne dit pas, non plus.
M. Gratton: Je répète: "II n'y avait là
aucun..."
Le Président (M. Blouin): M. le ministre, je souhaite que
vous preniez note des commentaires que vous avez à émettre et
vous pourrez les émettre dès que vous aurez la parole.
M. le député de Gatineau.
M. Godin: Excusez-moi.
M. Gratton: "II n'y avait là aucun politicien
péquiste - je le répète - sauf le ministre Godin..." En
tout cas, le député de Bourassa n'était pas là,
c'est clair, et il l'a prouvé ce matin par ses propos, "...aucun
fonctionnaire parmi les centaines de fonctionnaires à l'emploi des trois
organismes qui s'occupent de la langue, aucun représentant des
principaux ministères concernés par les revendications de la
communauté anglaise (notamment les Affaires sociales et
l'Éducation). C'est cela, le malaise, d'enchaîner Mme Gagnon. Le
gouvernement Lévesque pourrait bien refuser, et dans plusieurs cas avec
raison, les revendications d'Alliance-Québec, mais il le ferait avec
plus de crédibilité si l'on pouvait aussi croire que le
gouvernement s'intéresse honnêtement à la question, assez,
en tout cas, pour au moins prendre la peine d'aller se renseigner à la
source."
J'ai cité dans mes remarques préliminaires un autre
passage où elle parlait des dirigeants actuels d'Alliance-Québec
qui ne sont pas des nostalgiques, d'anciens establishments. Elle
enchaînait plus loin, en parlant du congrès: "...où
flottaient aussi, autre réalité que le gouvernement refuse de
percevoir, des griefs légitimes et un ressentiment explicable et qui se
résorbera seulement si la majorité a assez de capacité
d'empathie pour comprendre que la transition est difficile pour beaucoup
d'anglophones. Mais ce sont les candidats de l'aile modérée qui
ont été élus, les délégués rejetant
sans équivoque la tendance "freedom of choice", de même que les
résolutions qui auraient risqué de jeter de l'huile sur le feu",
M. le député de Bourassa.
Elle concluait "qu'au lieu de tenir compte de cela le premier ministre
ne s'attarde qu'à chicaner Alliance-Québec sur la formulation de
telle ou telle revendication, montre qu'il a été mal
renseigné et qu'il n'a pas d'antennes dans ces milieux. Ou alors qu'il a
perdu cette sensibilité qu'il manifestait naguère à
l'endroit de la minorité anglophone... et qui s'imposerait davantage
aujourd'hui qu'auparavant, dans la mesure où cette minorité n'est
plus la minorité dominante qu'elle était à l'époque
où M. Lévesque fustigeait les partisans de l'unilinguisme.
N'est-ce pas quand on est au pouvoir qu'on doit avoir le plus de respect pour
les minorités?"
De peur qu'on n'accuse Mme Gagnon
d'avoir un parti pris, allons voir ce que disait Jacques Dumais, le 10
novembre, dans le journal Le Soleil, le titre seulement: D'une gifle aux
anglophones, à la suite de la lettre du premier ministre à
Alliance-Québec.
Michel Roy, dans le journal La Presse du 8 novembre, concluait un
éditorial intitulé Coeur et justice: "La francisation n'est pas
simplement une entreprise de raison et de pouvoir. C'est aussi une affaire de
civilisation et d'humanisme. Québec doit donc se remettre à
négocier avec une partie de son peuple en y mettant cette fois un peu
plus de coeur, un peu plus de justice." (11 h 45)
Jean-Louis Roy, dans le Devoir - ce n'est quand même pas un
libéral notoire, que je sache - du samedi 6 novembre, publiait un
éditorial qui s'intitulait: Une négociation indispensable qu'il
concluait ainsi: "Faut-il ériger un monument à cette
négociation pour en marquer la courte, la trop courte existence? Il est
impérieux qu'elle reprenne, sinon avec le gouvernement, du moins dans la
société. Le chef du gouvernement s'est lamentablement
trompé et a trompé en laissant croire depuis un an au
réaménagement de cet équilibre pour produire cette semaine
la volte-face que l'on sait. On souhaite qu'il démente cette
interprétation de ses gestes et de son écrit récents par
la reprise d'une négociation indispensable".
M. le Président, je pense qu'on a là un survol de ce qu'en
pensent des éditorialistes qui ne sont pas de la minorité
anglophone. Je pense bien qu'il n'y a personne qui va contester - que ce soit
M. Dumais, du Soleil, M. Michel Roy, de la Presse, M. Jean-Louis Roy, du Devoir
ou Mme Lysiane Gagnon, de la Presse - que ce sont des vrais
Québécois, même au sens très restrictif de la
définition qu'en donne le député de Bourassa. Et je dis,
M. le Président, que percevoir Alliance-Québec comme un groupe de
radicaux qui veulent écraser la majorité francophone pour
protéger certains establishments qui sont disparus depuis longtemps,
c'est se boucher les yeux.
Et je répète que le Parti québécois,
notamment le député de Bourassa, aurait avantage à
améliorer ses contacts et ses communications avec les porte-parole de la
communauté anglophone, notamment avec Alliance-Québec, pour bien
comprendre que leurs revendications ne portent pas sur un retour en
arrière en matière de politique linguistique au Québec,
mais bien sur certains détails de la loi 101 que le ministre des
Communautés culturelles et de l'Immigration a lui-même
qualifiés d'erreurs et d'excès et qu'il a lui-même promis
d'évaluer et de modifier, le cas échéant, dans les
meilleurs délais.
Ce que nous souhaitons de ce côté-ci, c'est qu'on ne noie
pas le poisson et qu'on finisse par aboutir. Le ministre nous a dit en
décembre dernier: Quant aux amendements à la loi 101, j'en
informerai l'Assemblée nationale au printemps. Que je sache, on est au
printemps. C'est vrai qu'il ne fait pas très beau, mais on est au
printemps 1983 et tout ce qu'on a, c'est une déclaration disant qu'il y
aura une commission parlementaire "sometime in the Fall". Eh bien, "sometime in
the Fall", cela veut dire qu'avant que la commission entende les
intéressés, avant qu'elle tire des conclusions, avant que le
gouvernement en arrive à proposer des amendements concrets à la
loi 101, on aura passé l'échéance électorale.
Je comprends le gouvernement de vouloir maintenir le peu d'appuis qu'il
lui reste. C'est sûr qu'il ne les retrouve pas chez les anglophones. Mais
si c'est là la stratégie du gouvernement, cela me surprend que le
ministre actuel des Communautés culturelles et de l'Immigration se
prête à ce jeu. Je le pensais beaucoup plus ouvert et, d'ailleurs,
je le pense encore beaucoup plus ouvert, mais on sait que la solidarité
ministérielle limite drôlement les gens à l'esprit le plus
ouvert possible.
Je ne prête pas d'intentions au ministre actuel. Je me dis que
c'est un maudit bon gars - passez-moi l'expression - il veut faire quelque
chose, mais son gouvernement ne veut pas. Il disait à la presse - je ne
sais trop quand - qu'une fuite en avant n'est pas la solution à la
situation, que, si on veut être un pays civilisé au Québec,
il va falloir s'interroger sur les vraies questions et redresser les
excès et les erreurs. Il disait même: Je suis prêt à
perdre mon siège de député si on n'est pas capables, au
gouvernement du Parti québécois, de faire face à cette
réalité. Je ne le lui souhaite pas, mais j'ai de fortes craintes
que non seulement lui, mais un bon paquet de ses collègues vont
effectivement être défaits à une élection si le
gouvernement n'apporte pas les changements qui sont nécessaires de
l'avis de tous ceux que j'ai cités tantôt.
Si on voulait m'accuser d'être partisan, M. le Président,
on me dirait sûrement: Ferme-toi, n'en parle pas parce que,
effectivement, si c'est vrai que les anglophones et les membres des
communautés minoritaires votent massivement pour le Parti libéral
parce qu'ils ne se sentent pas chez eux dans le Parti québécois,
on n'aurait pas avantage, nous de l'Opposition, présentement, à
deux ans d'une élection, d'insister pour que le gouvernement s'amende,
fasse des amendements, mais on le fait par souci de justice à
l'égard de tous les Québécois. Si le ministre - je ne
compte pas trop sur le député de Bourassa pour amener le
gouvernement à voir clair - ne réussit pas dans sa
démarche, que je vais encore - là, je vous avoue que je vais un
peu loin - considérer sincère de sa part, je
me dis: On va lui donner une dernière chance, on va
espérer que, plutôt que d'attendre à l'automne pour noyer
le poisson et retarder l'échéance le plus possible, il va
peut-être considérer la possibilité de tenir sa commission
parlementaire avant l'automne, au cours de l'été au plus tard,
même dans les prochaines semaines, si c'était possible. S'il
devait se rendre à une telle demande, je retirerais ma question
préliminaire, à savoir: Est-ce que l'ouverture d'esprit du
ministre est aussi grande qu'on le croyait?
Je vous avoue franchement que, si on continue à nous remettre du
printemps à l'automne et de l'automne au printemps l'annonce des
modifications, non pas de l'abrogation de la loi 101... Il n'y a personne qui
parle de cela, je veux que ce soit bien clair. On a tenté, à
l'Assemblée nationale, tant le premier ministre que le ministre actuel,
de faire percevoir nos questions comme étant un voeu de notre part de
faire abolir, tout simplement, la loi 101. Il n'en est pas question. Je vous
invite à lire le programme du Parti libéral du Québec pour
l'élection de 1981, qui a été entériné
à un conseil général en janvier 1982. Il n'est pas
question de la part de quiconque, même pas d'Alliance-Québec, de
dire: On veut l'abrogation pure et simple de la loi 101; on veut, tout
simplement, que ce que le ministre lui-même a qualifié
d'excès et d'erreurs qui sont contenus dans cette loi 101 soit
corrigé avant que les effets négatifs tant sur l'économie
que sur le plan des injustices qu'on crée à certains groupes
d'individus se propagent indéfiniment.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Gatineau. M. le député de
Deux-Montagnes.
M. Pierre de Bellefeuille
M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Je pense qu'il
n'est pas interdit en commission de faire des observations ou de poser des
questions sur la politique du ministère dont il s'agit. C'est ce que je
vais m'efforcer de faire, mais peut-être en raccrochant mes propos
à cette remarque du ministre à laquelle on a fait allusion,
où il était question de notre odeur. Je ne sais pas très
bien de l'odeur de qui il s'agit. Le député de
Notre-Dame-de-Grâce a aussi parlé de son odeur. Derrière ce
festival d'odeurs, il est question de migrations interprovinciales. C'est de
cela qu'il s'agit, il me semble, de citoyens d'une province qui vont vivre dans
une autre province.
J'aimerais demander au ministre s'il pourrait faire le point sur...
M. Laplante: Je m'excuse, il s'agit... Le Président (M.
Blouin): M. le député de Bourassa, est-ce une question de
règlement?
M. Laplante: C'est qu'en vertu de l'article 96 ou 100, avant de
procéder à la période des questions à la fin des
remarques préliminaires, je voudrais faire une mise au point sur les
déclarations des députés de Gatineau et de
Notre-Dame-de-Grâce.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Bourassa, je souhaiterais que, tout en respectant le principe de l'alternance,
nous terminions ce premier tour de table. Vous étiez le prochain.
M. Laplante: C'est parce qu'on commence une période de
questions actuellement.
Le Président (M. Blouin): Je vous permettrai de vous
exprimer de la façon que vous le souhaitez, mais je souhaiterais
davantage qu'on termine le premier tour de table...
M. Laplante: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Blouin): ...pour éviter que les
débats ne s'éternisent sur ce sujet brûlant.
M. Gratton: Si cela pouvait aider, on va donner notre
consentement au député de Bourassa. Je suis sûr qu'il y a
certaines choses qu'il a dites plus tôt qu'il voudrait retirer. Je pense
qu'il devrait le faire tout de suite.
Le Président (M. Blouin): Je crois que, pour la bonne
marche de nos travaux, nous permettrons au député de Bourassa de
s'exprimer à loisir dès que le député de
Deux-Montagnes et que le député de Sainte-Anne auront fait de
même. M. le député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. J'aurais
volontiers cédé mon tour, pour le moment, au député
de Bourassa, mais je m'en remets à votre sagesse bien connue. Donc,
j'aimerais que le ministre nous éclaire, nous informe sur cette question
des migrations interprovinciales. Est-ce qu'il a des renseignements sur
l'évolution de ces migrations au cours des années? Je pense que,
dans la documentation qui a été préparée, il y a
certains renseignements. Le ministre voudra peut-être nous les
présenter, les commenter. Il y a un aspect particulier des migrations
interprovinciales auquel, quant à moi, je m'intéresse: ce sont
les migrations de francophones venus d'autres provinces du Canada et qui
s'établissent au Québec, à savoir si ce type de migration
a eu tendance au cours des ans à augmenter ou à diminuer,
puisque le résultat net, c'est la soustraction de la migration
dans un sens à la migration dans l'autre sens, car il y a aussi des
Québécois francophones, on peut le supposer, qui ont
quitté le Québec au cours des années. C'est un tableau de
l'état de ces questions que j'aimerais que le ministre nous
présente.
M. Scowen: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Blouin): Oui, M. le
député.
M. Scowen: Je veux seulement mentionner que le ministre
lui-même a passé à travers tous ces chiffres en
détail dans ses commentaires préliminaires. On n'était pas
d'accord avec tout ce qu'il a dit, mais il a répondu effectivement
à la question.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous plaît! Je ne crois pas qu'il
s'agisse là d'une question de règlement. Si le
député veut revenir sur certains éléments qu'a
évoqués le ministre, c'est son droit le plus strict. Je
demanderais au ministre de répondre à la question.
M. Scowen: Je comprends. Mais si on veut faire perdre du temps
à la commission en répétant exactement les chiffres qui
ont déjà été donnés par le ministre.
Le Président (M. Blouin): II n'y a rien qui interdit cela,
M. le député.
M. Scowen: D'accord!
M. Godin: M. le Président, le député de
Deux-Montagnes était peut-être pris ailleurs au moment où
j'ai fait mes remarques préliminaires, mais les chiffres qu'il me prie
d'évoquer, je les ai livrés tout à l'heure. S'il y tient,
je pourrai les répéter, mais je préférerais qu'on
se les échange privément. Ce que je peux vous dire, c'est que le
nombre d'anglophones qui ont quitté a augmenté; que le nombre de
francophones des autres provinces qui sont entrés au Québec a
augmenté. J'ai des chiffres plus précis que je vous donnerai
privément.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre.
M. le député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Je veux remercier le ministre de la bonne
considération qu'il a donnée à ma question. Ce à
quoi je voudrais en venir, c'est évoquer la possibilité que le
gouvernement du Québec cherche à exercer une certaine influence
sur ces migrations dans le sens de favoriser et de stimuler les migrations
depuis les autres provinces vers le
Québec. Puisque nous avons maintenant un taux de croissance
très faible, un taux de croissance naturel négatif, si je ne me
trompe pas, et que nous avons un programme d'immigration qu'il y aurait lieu
à plusieurs égards d'intensifier, il me semble qu'on devrait
songer à chercher à exercer une influence sur les migrations
depuis les autres provinces vers le Québec. Autrement dit, faire du
recrutement et de la publicité pour encourager les Canadiens des autres
provinces à venir habiter au Québec, en y apportant,
évidemment, comme c'est souvent le cas pour tous les immigrants, leurs
ressources personnelles et financières.
Le Président (M. Blouin): M. le ministre.
M. Godin: M. le Président, il n'est pas question pour
l'instant que le ministère des Communautés culturelles et de
l'Immigration du Québec applique une telle politique de rapatriement, au
fond, de ce qu'on pourrait appeler par analogie les membres de la diaspora
francophone hors Québec. Par ailleurs, ce que nous constatons, c'est que
le principal facteur qui a amené des francophones hors Québec
à venir ou à revenir au Québec, c'est
précisément la loi 101, d'une part, et, d'autre part, la
découverte par ces personnes que le seul endroit en Amérique du
Nord où elles peuvent gagner leur vie en français, c'est bien le
Québec. Ce n'est pas ailleurs, parce que c'est seulement au
Québec que le français est la langue des emplois, ce que les
Italiens appellent "la lingua del pane". Dans le reste du Canada - je le
déplore, remarquez bien - malgré les efforts verbaux de M. Bill
Davis, de l'Ontario, qui donne beaucoup plus de leçons au Québec
que le Québec ne lui en donne, bien que la position relative des
francophones en Ontario soit infiniment plus triste et déplorable que
celle des anglophones ici, malgré tout, nous constatons, et ce sont des
francophones qui me l'ont dit, en Saskatchewan, en Colombie britannique, en
Alberta, en Ontario, que le français est pour eux la langue
d'après et d'avant le 9 à 5. C'est la langue qu'on parle la nuit.
C'est une langue qui n'a pas accès au jour dans ces provinces. (12
heures)
C'est la raison pour laquelle point n'est besoin de faire de campagne de
recrutement intensive. Cela saute aux yeux qu'une langue, pour être la
langue des emplois et du travail, doit être ce que le sociolinguiste,
Joshua Fishman appelle "the language of wider communication", la langue la plus
utilisée. Il n'y a qu'un coin en Amérique du Nord où le
français est le LWC. Partout ailleurs, c'est le LLC, le "language of
lesser communication", c'est-à-dire la langue du coeur, la langue qu'on
parle à la maison, au
petit déjeuner, au souper ou la nuit, mais pas le jour, parce
qu'on ne peut pas gagner sa vie en parlant français, sauf
peut-être une poignée de quelques centaines de postes à
Radio-Canada dans les Prairies ou dans les associations
canadiennes-françaises fransaskoises ou francomanitobaines, mais il n'y
a pas d'emplois à proprement dire pour les francophones hors
Québec, ni pour leurs enfants. C'est pour cela qu'ils vivent le drame -
qui explique le fort taux d'assimilation dont sont l'objet les Canadiens
français hors Québec - des parents dans ces provinces, qui est:
Est-ce que j'envoie mes enfants à l'école française,
étant, par là, fidèle à mes racines, ou si je les
envoie à l'école anglaise, étant, par là,
infidèle à mes racines, sachant très bien que, si je les
envoie à l'école française, je les condamne au
chômage? Là où il y a des écoles, ce qui n'est pas
le cas partout; et là où il y en a elles ne sont nullement, comme
au Québec, la responsabilité de commissions scolaires et de
commissaires francophones, mais de commissaires et de commissions scolaires
anglophones qui condescendent à l'occasion à faire quelques
cadeaux du prince à ces minorités. Donc, je pense que ces
facteurs étant ce qu'ils sont, point n'est pas besoin de faire une
campagne de recrutement intensive. Les faits sont nos meilleurs
alliés.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. Je
souhaiterais, puisque nous avons convenu de terminer nos travaux vers 12 h 15,
que nous puissions épuiser la liste des intervenants rapidement afin
d'entamer de façon plus directe l'étude des crédits
lorsque nous reviendrons après la période des questions.
Rapidement, M. le député de Sainte-Anne, s'il vous
plaît.
M. Maximilien Polak
M. Polak: Oui, M. le Président. J'ai juste trois courtes
questions. Pendant l'heure du lunch, le ministre, avec ses assistants, pourra
étudier cela et nous donner la réponse. Ce sont les questions
suivantes. La première fois qu'on a fait l'étude des
crédits avant l'élection de 1981, je me rappelle que j'avais
demandé au ministre - on parle maintenant de communautés
culturelles: -Est-ce que vous considérez les anglophones comme faisant
partie des communautés culturelles? Vous aviez répondu à
ce moment: C'est un peu difficile, parce que les Grecs, les Italiens, etc., et
même les Hollandais comme moi... Vous avez parlé, je me le
rappelle, de faire une contribution aux Irlandais pour leur parade, mais vous
n'êtes pas allé jusqu'à dire que les anglophones faisaient
partie des communautés culturelles. Nous sommes maintenant en 1983.
Votre pensée s'est développée plutôt dans cette
direction et vous commencez à considérer les anglophones ou la
communauté anglophone comme faisant partie des communautés
culturelles. Je note qu'il y a une aide financière de 43 800 $ aux
anglophones. J'aimerais avoir des éclaircissements là-dessus,
parce que je pense que la communauté anglophone "at large" n'aimerait
pas se voir traitée ou considérée comme faisant partie des
communautés culturelles. C'est une question.
Ma deuxième question, c'est que j'ai toujours
considéré que le ministre des Communautés culturelles et
de l'Immigration ne fonctionne pas dans le vide et que, tout de même, il
doit essayer d'influencer d'autres ministères, surtout dans les
programmes qui se touchent. Je vais donner un exemple. J'ai écrit,
c'était au mois de décembre 1982, au premier ministre - j'en ai
envoyé une copie au ministre de l'Immigration - concernant la nomination
de quelqu'un comme membre du Conseil supérieur de l'éducation.
À cette époque, il y avait énormément de demandes
de la part du conseil catholique d'expression anglaise pour nommer un
représentant de la communauté catholique d'expression anglaise,
parce que, autrement, elle n'aurait aucun représentant dans cet
organisme qui, tout de même, a l'importante tâche de conseiller le
ministre de l'Éducation. J'ai reçu une réponse du premier
ministre. J'ai reçu une réponse de vous, M. le ministre, disant
ceci: "J'ai lu avec intérêt votre lettre concernant la nomination
de M. William Bedwell..."
Je critiquais la nomination de M. Bedwell, non pas M. Bedwell comme tel;
je ne le connais pas, sauf que je pense qu'il était candidat
péquiste, mais cela n'a rien à voir. Vous m'avez répondu:
"Je prends bonne note de vos commentaires et je vous invite à le faire
de nouveau chaque fois que vous le jugerez nécessaire". Qu'est-ce que
cela veut dire? J'ai tout de même soulevé un problème
très important et j'aimerais avoir une réponse du ministre de
l'Immigration. Je pense que, vu qu'il s'agit, justement, de représenter
toutes ces minorités, c'est lui qui devrait vraiment prendre
l'initiative auprès d'autres ministères, auprès de votre
collègue, le premier ministre, pour dire: J'insiste pour qu'il y ait un
représentant de la communauté anglophone catholique qui soit
nommé. En tout cas, j'aimerais avoir un commentaire avant qu'on termine
là-dessus.
Un dernier dossier, M. le Président, très rapidement. Il
s'agit du dossier des étudiants étrangers. Encore ici, il s'agit
d'un dossier qui touche votre ministère parce que ce qui est
arrivé, c'est que - je n'ai rien à cacher là-dedans - je
connais très bien quelques gérants généraux de
lignes aériennes internationales qui ont leur siège social
à Montréal. Ce sont de très grandes compagnies qui
créent beaucoup d'emplois et
qui ont encore leur siège social à Montréal.
Ces gens ne sont pas des immigrants reçus, mais ils paient leurs
impôts à Québec et au fédéral. Ils sont
à tous points de vue traités comme des résidents, des
citoyens. Ce ne sont pas des gens qui ont un statut spécial. Ils paient
leurs impôts au fédéral et au provincial comme tout le
monde. Cependant, lorsqu'il s'agit des frais de scolarité pour leurs
enfants... J'ai un cas ici où j'ai écrit au ministre Laurin -
copie de la lettre vous a été envoyée, M. le ministre -au
début de décembre 1982. C'était le cas d'une fille d'un de
ces gérants qui doit payer des frais de scolarité de 1000 $ par
année parce qu'elle est traitée et vue comme quelqu'un de
l'étranger.
Disons, par exemple, que quelqu'un de Hong Kong envoie ses enfants
étudier à Québec. Je comprends et je suis tout à
fait d'accord qu'un tel monsieur ou une telle étudiante paie des frais
de scolarité, qu'il n'y ait aucune subvention de la bourse publique
vis-à-vis de ces enfants. Mais ici, il s'agit d'une catégorie de
gens qui ne sont pas de l'étranger, qui sont ici, travaillent ici,
paient leurs impôts ici, ont un très grand poste d'influence. Ces
gens vont dire, à un moment donné: Écoute, je pense
qu'avec tous les autres arguments qui existent on est peut-être mieux de
déménager notre siège social à Toronto et de ne pas
rester à Montréal.
M. Godin: Encore. M. Scowen doit ajouter cela à sa
liste.
M. Polak: Non parce que je parle d'un cas particulier où
tout de même... Parce que ce sont des gens qui soumettent un rapport. Un
tel monsieur, à un moment donné est appelé par son
siège social en Europe - ce sont de très grandes lignes
aériennes internationales - à donner un rapport sur la situation
québécoise. Comment pensez-vous que ce monsieur réagit
quand il doit payer 1000 $ par enfant en frais de scolarité? J'ai la
preuve ici. J'ai écrit au Dr Laurin et je dois comprendre qu'il y a une
sorte de comité interministériel qui s'occupe de cela et que
maintenant on est en train d'étudier les frais de scolarité pour
la prochaine session qui va commencer en septembre, mais je pense que la
réunion aura lieu au mois de mai. Je vous suggère fortement, M.
le ministre... Je vais être positif, je ne suis pas là pour
critiquer; je suis là pour faire quelque chose pour le bien de tout le
monde.
M. Godin: Cela nous change de vos collègues.
M. Polak: Excusez-moi, je voudrais simplement demander au
ministre qu'il prenne note de ce dossier parce que c'est un dossier très
important. Ces étudiants, il s'agit seulement d'une petite
catégorie. Cela comprend des compagnies allemandes. Il y a de
très grandes compagnies industrielles allemandes dont le siège
social est au Québec et qui rencontrent le même problème.
Qu'on regarde donc cela et que, pour peut-être 25 cas de grands
industriels, on ne les traite pas comme, par exemple, quelqu'un de Hong Kong ou
de Chine qui ferait étudier son enfant au Québec. Je suis tout
à fait d'accord qu'on paie des frais de scolarité, mais qu'une
exception soit faite pour eux, c'est possible et c'est très important.
Si, encore une fois, ici, on a une attitude négative, à un moment
donné on va perdre ces gens, ainsi que leurs compagnies. Ce sont les
trois petits problèmes que j'ai soulevés pour avoir une
réponse plus tard.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Sainte-Anne. M. le ministre.
Réplique du ministre
M. Godin: J'ai une réponse prête, je peux
répondre à tout cela maintenant, si vous êtes d'accord.
M. Polak: Ah! Parfait. M. Godin: Alors...
M. Polak: Mais de temps en temps, M. le ministre, quand vous
répondez trop vite, c'est négatif. C'est peut-être mieux de
prendre votre temps et de revenir à 15 heures avec une bonne
nouvelle.
Le Président (M. Blouin): La parole est au ministre.
M. Godin: M. le Président, à la première
question, j'avais dit, l'an dernier, que, si les anglophones, les organismes ou
les associations, les conseils anglophones demandent de
bénéficier des programmes gouvernementaux qui relèvent de
mon ministère, libre à eux de venir, mais qu'à ce moment
on les considérerait au même titre que les autres. C'est ainsi
que, depuis quelques années, mon ministère subventionne la
fête de la Saint-Patrice des Irlandais à Montréal.
D'ailleurs, dans le village de Saint-Malachie, dans le comté de
Bellechasse, si je ne me trompe, nous avons également donné un
coup de main financier aux Écossais pour organiser un concours de danses
écossaises qui regroupait les troupes de l'ensemble du Canada.
Également, malgré qu'Alliance-Québec reçoive 500
000 $ de subventions du fédéral - c'est, à mon avis,
l'association la plus subventionnée au monde; en tout cas à
Québec - il semble que ce ne soit pas assez et elle se prévaut
des programmes gouvernementaux de mon ministère. Nous lui donnons un
coup de main aussi, c'est certain.
Par ailleurs, je répondrai à votre question plus à
fond. La communauté anglaise du Québec est à la fois une
communauté culturelle, si elle le désire, et le partenaire
historique de la majorité française du Québec. Les deux
communautés ont bâti ensemble ce qui est le Québec moderne.
Nous souhaitons continuer à le faire. Cette communauté dispose au
Québec de ce que j'appellerais un "social beehive" -pour employer un
anglicisme - c'est-à-dire un ensemble d'institutions qui constituent une
société: postes de radio, musées, bibliothèques,
universités, postes de télévision, hôpitaux,
services sociaux. Nommez tout ce qui existe dans un pays comme attributs d'un
peuple, les Anglais l'ont au Québec. À ce titre, c'est une
communauté culturelle, oui, mais avec une plus-value qui lui vient de la
profondeur de ses racines au Québec et du fait que c'est ensemble qu'on
a construit cet État québécois.
Quant à votre deuxième question dans laquelle vous avez
cité une de mes lettres, il y a eu une rencontre la semaine
dernière entre MM. René Lévesque, premier ministre du
Québec, Camille Laurin, ministre de l'Éducation, ainsi que
moi-même et le conseil catholique d'expression anglaise. M. Laurin leur a
annoncé à cette occasion que la question que vous me posiez et
qui était posée à M. Lévesque allait être
résolue lors de la prochaine ronde de nominations au Conseil
supérieur de l'éducation, qui devrait avoir lieu dans quelques
mois.
Quant à la question des étudiants étrangers, s'ils
viennent ici comme étudiants, ils ne viennent pas ici comme immigrants
reçus. Par conséquent, il n'y a pas de permis de travail pour
eux. Toutefois, s'il y avait ententes - le ministère de
l'Éducation est disposé à signer de telles ententes -
entre pays pour que, par exemple, les étudiants québécois
étant étudiants en Allemagne puissent y travailler, les
étudiants allemands étudiant au Québec pourraient
également y travailler. Donc, il appartient à ces
étudiants allemands d'origine, ou néerlandais ou de quelque autre
pays que ce soit, de saisir leur député - je ne sais si cela
existe dans tous les pays dont les étudiants viennent au Québec -
de prier leur gouvernement de signer des ententes avec le ministère de
l'Éducation du Québec de manière qu'il y ait un
échange de permis de travail. Il y aurait dix permis de travail
émis par le gouvernement allemand à des étudiants
québécois étudiant en Allemagne en échange de dix
permis de travail émis à des étudiants allemands
étudiant au Québec. Nous sommes tout à fait
disposés à régler cette question entre ministères
de l'Éducation de différents pays.
Malheureusement, je dois déplorer que de telles ententes
n'existent pas pour l'instant, mais le ministère de l'Éducation,
d'après mes renseignements, serait disposé à en signer, au
même titre que nous en avons dans le domaine des échanges de frais
de scolarité. Dans certains pays, les frais de scolarité
payés par les pays s'appliquent à leurs étudiants ici et,
à l'inverse, les frais de scolarité payés par le
Québec à ses étudiants allant étudier dans un autre
pays. Il y a simplement un échange d'étudiants entre pays. Je
pense qu'il existe déjà une quinzaine d'ententes de ce genre
entre pays ou entre universités. L'Université Laval,
l'Université McGill ont des ententes avec Yale, à ma
connaissance, avec Smith College, avec l'Université du Massachusetts,
enfin avec une quinzaine d'universités américaines et de
collèges américains. Rien n'empêche de les poursuivre et de
les étendre à la question que vous posez des permis de travail
temporaires pour les étudiants étrangers ici.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre.
M. Polak: M. le Président, j'aurais seulement une
question. Je ne voudrais pas prendre le ministre par surprise, mais ce n'est
pas le problème d'embaucher, ce n'est pas une question de permis. C'est
une question de frais de scolarité. J'ai tous les détails. Je
suis peut-être mieux de laisser...
M. Godin: Pour les frais de scolarité, M. le
député, je vous répondrai - même si ce n'est pas de
mon ressort à proprement parler - que quand il y a des entendes
signées entre le ministère de l'Éducation du Québec
et le ministère de l'Éducation d'un autre pays, il n'y a pas de
frais de scolarité. De telles ententes existent, à ma
connaissance, entre au moins vingt pays et le Québec. Les frais de
scolarité payés par les étudiants étrangers de ces
pays sont les mêmes que ceux payés par les
Québécois. Est-ce que cela répond à votre question,
M. le député? (12 h 15)
M. Polak: Non, parce que cela, ce sont des cas d'étudiants
dont les parents demeurent à l'étranger. La catégorie dont
je parle, il s'agit peut-être de 25 chefs d'industries. Ce sont ces gens
qui sont au Québec et qui travaillent au Québec. Le gérant
général d'Alitalia a son bureau à Montréal. Il a
une centaine d'employés. C'est un très grand bureau. Lui, c'est
un de ces cas-là. Il est à Montréal, il paie son
impôt à la province de Québec, il paie son impôt au
gouvernement fédéral. Il n'est pas un immigrant reçu,
parce qu'il ne peut pas l'être. Il a un visa temporaire parce que la
règle de son pays ne permet pas qu'il devienne citoyen d'un autre pays.
Lui, par exemple, a un de ces enfants-là, il est
pénalisé.
M. Godin: Je pense que la question de M. le député
de Sainte-Anne, M. le Président, devrait être posée
à mon collègue du ministère de l'Éducation.
M. Polak: Oui. Avec votre concours.
M. Godin: Je suis tout à fait d'accord avec vous.
J'appuierais cette demande, mais dans la même foulée que, les
ententes existant déjà entre plusieurs pays ou plusieurs
universités, je pense qu'on pourrait avoir une politique du même
ordre pour ces personnes dont vous parlez.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre.
Très rapidement, avant d'ajourner nos travaux.
M. Gratton: J'ai demandé la parole.
Le Président (M. Blouin): Oui, le député de
Gatineau a demandé la parole sur une question de procédure.
Ensuite, nous allons ajourner nos travaux jusqu'à cet après-midi
après la période des questions. Dès notre retour, comme
convenu, le député de Bourassa aura la parole. Alors, M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: En supposant que le député de Bourassa
soit le dernier ou un des derniers à faire des remarques
préliminaires, pourrais-je savoir si on ne pourrait pas, en revenant cet
après-midi, aborder l'étude des crédits, à partir
des programmes dans l'ordre où ils sont dans le cahier, de façon
qu'on puisse avoir...
M. Godin: Aucun problème.
M. Laplante: Les remarques préliminaires dureraient encore
environ une minute à une minute et demie. Si vous voulez finir tout de
suite, il n'y a pas de problème.
M. Gratton: Vos remarques préliminaires m'inspirent
quelquefois des répliques que j'aimerais mieux faire après.
M. Laplante: Justement, elle va vous en inspirer une bonne,
celle-là, à part cela, M. le député.
M. Gratton: On va attendre à cet après-midi, M. le
Président.
Le Président (M. Blouin): Alors, M. le
député de Bourassa, au retour, pour une brève expression
d'opinion, vous aurez la parole. Ensuite, le député de
Notre-Dame-de-Grâce aura aussi l'occasion de s'exprimer succinctement, M.
le ministre également...
M. Godin: Est-ce qu'on peut laisser nos documents ici, M. le
Président?
Le Président (M. Blouin): Oui, on va les surveiller. Sur
ce, la commission des communautés culturelles et de l'immigration
ajourne ses travaux sine die.
(Suspension de la séance à 12 h 18)
(Reprise de la séance à 15 h 42)
Le Président (M. Blouin): Messieurs les membres de la
commission, je déclare ouverte cette séance de la commission des
communautés culturelles et de l'immigration. Le mandat de cette
commission est d'étudier les crédits budgétaires du
ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration pour
l'année financière 1983-1984.
Les membres de cette commission sont: MM. Cusano (Viau), Dean
(Prévost), de Bellefeuille (Deux-Montagnes), Fallu (Groulx), Godin
(Mercier), Gratton (Gatineau), Mme Lachapelle (Dorion), MM. Laplante
(Bourassa), Leduc (Fabre), Scowen (Notre-Dame-de-Grâce), Sirros
(Laurier).
Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Bissonnet
(Jeanne-Mance), Brouillet (Chauveau), Dupré (Saint-Hyacinthe), Gauthier
(Roberval), Maciocia (Viger), Martel (Richelieu), Polak (Sainte-Anne),
Vaillancourt (Orford), Vaugeois (Trois-Rivières).
Lors de l'ajournement de nos travaux, nous nous étions entendus
pour que deux députés et le ministre prennent la parole le plus
succinctement possible pour que nous terminions nos commentaires
préliminaires afin de nous attaquer plus spécifiquement à
l'étude des crédits. Alors, succinctement, s'il vous plaît.
M. le député de Bourassa, vous avez la parole.
M. Laplante: Merci, M. le Président. Le
député de Gatineau fait une affirmation avec toute la
démagogie dont il est capable de faire preuve dans une commission
parlementaire ou ailleurs, en essayant de me mettre des mots dans la bouche,
où je dirais que les anglophones ne sont pas des
Québécois. Je n'ai jamais fait une telle déclaration. Au
contraire, partout où j'ai passé, à l'Assemblée
nationale, j'ai toujours dit que l'anglophone était
québécois à part entière, que le Québec lui
appartenait autant qu'il pouvait m'appartenir. Maintenant, le
député de Gatineau n'a pas répondu à une question
que j'ai posée sur l'assimilation, par le Parti libéral, des
communautés culturelles au milieu anglophone. Je l'ai accusé de
cela. Je le répète encore. Je n'ai pas eu de réponse
là-dessus. Cela m'a tout l'air que ce serait la vérité
proprement dite. Maintenant, il a aussi posé la question, à
savoir: Pourquoi les anglophones des communautés culturelles ne
votent-ils pas pour le Parti québécois? La
réponse est simple à donner. Il faut savoir ce qui se
passe dans une campagne électorale par le tordage de bras, les
téléphones. On pourrait faire un bon débat politique
là-dessus. Vous verriez ce qui se passe dans ces
communautés...
M. Gratton: Est-ce qu'on commence tout de suite?
M. Laplante: ...avec le Parti libéral, sur l'orientation
du vote des groupes ethniques. Il y a une question que je peux lui poser aussi:
Pourquoi les francophones ne votent-ils pas pour le Parti libéral? Je
pense que c'est important pour nous aussi.
M. Gratton: On ne doit pas leur tordre assez les bras, je
suppose. Je ne sais pas.
M. Laplante: Vous pouvez vous réjouir d'être un
parti anglophone au Québec. Cela ne regarde que vous. Maintenant, il y a
des chiffres révélateurs qui pourront être donnés
cet après-midi à la période des questions. Vous vous
inquiétez beaucoup aussi de la langue de travail en milieu francophone.
Vous allez avoir des chiffres qui sont révélateurs cet
après-midi quant à l'objet principal de la loi 101 comme langue
du travail. Vous allez voir le cheminement qu'on vous donnera cet
après-midi sur la loi 101 dans le milieu du travail. Lorsque vous parlez
d'Alliance-Québec et qu'on se refuse à toucher, justement, au
point fondamental, les travailleurs du Québec en milieu de travail, vous
allez voir ce que la loi 101 a donné là-dessus. Après,
vous pourrez parler de la francisation, du chemin qu'il nous reste à
faire. Vous allez le trouver encore long, très long, d'après les
chiffres qu'on vous donnera cet après-midi. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Bourassa. Effectivement, votre intervention a
été succincte. Je donne maintenant la parole au
député de Notre-Dame-de-Grâce, qui l'avait demandée.
M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Je voulais faire une mise au point très
succincte. Le député de Deux-Montagnes, qui n'est pas ici cet
après-midi, a posé des questions ce matin concernant les chiffres
de l'immigration depuis quelques années. Le ministre a fait le point
là-dessus dans son discours et, parce que c'est un élément
important, semble-t-il, du côté ministériel, je veux
simplement faire une mise au point. On a cité quelques chiffres qui,
selon moi, ne sont pas exacts.
D'après Statistique Canada - ce ne sera pas long, M. le
Président; on parle de périodes de cinq ans, de 1971 à
1976 et de 1976 à 1981 - la perte nette interprovinciale des anglophones
est passée de 50 040 à 106 310, soit une augmentation d'environ
100%. Pour les personnes qui ne sont ni anglophones ni francophones, cette
perte nette est passée de 5455 à 17 350. Donc, pour ces personnes
qui ne sont ni anglophones ni francophones, la perte nette constitue une
augmentation d'environ 250%. Pour les francophones, pendant cette même
période, si vous ajoutez tous ceux qui sont venus de Saskatchewan et
d'Ontario et si vous soustrayez tous ceux qui sont partis, la perte nette -
parce qu'il y a une perte pour les deux périodes - est passée de
3880 à 18 060. Donc, une augmentation d'environ 450%.
En termes de pourcentage, le groupe qui a le plus quitté le
Québec pendant la période de l'application de la loi 101, si vous
voulez, pendant le régime péquiste, ce sont les francophones. Je
soumets ces chiffres parce que le ministre en a d'autres. Je connais les
sources des chiffres du ministre. Ils étaient récemment
cités dans les journaux, dans un article de M. Castonguay, de
l'Université d'Ottawa. Ce ne sont pas les mêmes que les miens
parce que - et on le sait - il existe un certain nombre de personnes sur ces
listes qui, en sortant ou en arrivant, ne s'identifie pas comme anglophone,
francophone ou autre. Certains démographes ont essayé
d'attribuer, selon leur façon à eux, ces personnes non
identifiées à trois groupes. Ils ont le droit de le faire, je ne
le nie pas. Mais les chiffres que j'ai cités sont des chiffres
précis, fournis par Statistique Canada, d'après les recensements.
En conclusion, ils démontrent que la perte, pour le groupe anglophone,
est passée de 50 000 à 100 000.
Il y en a qui vont dire que ce n'est pas important. D'autres diront que
c'est très important, mais, quand même, il y a le chiffre de 50
000 personnes qui se disaient anglophones. Le nombre de francophones est
passé d'environ 4000 à 18 000 comme perte nette pendant cette
même période. C'est aussi dans le journal des Débats. On
peut poursuivre le débat sur les chiffres si le ministre le veut, sur
ceux qu'il nous a fournis ce matin et sur les miens cet après-midi
pendant l'étude article par article, s'il le désire.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le ministre, rapidement,
s'il vous plaît.
M. Godin: Ce sont les mêmes chiffres que nous avons, M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce. Je pense qu'il n'y aura pas
de discussion là-dessus. Par ailleurs, puisque votre collègue de
Gatineau a cité Mme Lysiane Gagnon et que sa citation apparaîtra
au journal des Débats, j'aimerais bien corriger les faussetés
qu'elle a écrites.
D'abord, elle dit qu'il n'y avait pas de représentants des
ministères importants au congrès de fondation
d'Alliance-Québec. C'est faux. Il y avait le vice-président de
l'Office de la langue française. Elle l'a mentionné. Il y avait
également un représentant de notre ministère qui
était là aussi. Elle ne l'a pas mentionné. D'autre part,
elle a dit que j'étais là seulement pour le dîner et comme
orateur invité. C'est faux. J'ai passé plusieurs heures à
ce congrès et j'ai été invité à me joindre
à la table d'honneur, mais pas comme orateur. C'était M. Maldoff
qui était l'orateur. Donc, je voudrais corriger ces
faussetés.
D'autre part, un autre commentaire. Le député de
Notre-Dame-de-Grâce a affirmé que les communautés
culturelles votaient pour le Parti libéral. Je pense que c'est un fait,
mais je dois dire que ce n'est pas notre seule préoccupation à
nous et qu'on n'a jamais posé de questions aux gens, leur demandant pour
qui ils votaient. On maintient leur culture, qu'ils soient rouges,
péquistes, cailles, créditistes, unionistes, Pasok. Cela n'a
aucune importance. On ne pose pas de questions. On ne fait pas de prises de
sang. On donne des subventions aux communautés culturelles sur la valeur
et la qualité des projets qu'elles nous soumettent, point final.
M. Gratton: Nonobstant les listes.
M. Godin: Les listes? Je peux déposer, M. le
député de Gatineau, sachant que vous évoqueriez cela, un
rapport fait par la Commission des droits de la personne du Québec qui
montre précisément que, si vous comparez les notes sur
l'appartenance à un parti aux noms qui sont dans la liste et les
subventions attribuées, vous constaterez que ceux qui sont
classés comme péquistes en ont eu moins que ceux qui sont
classés comme libéraux, ce qui confirmerait bien que nous sommes
absolument naïfs en ce domaine, contrairement à vous,
peut-être. Ce ne sont pas des critères que nous utilisons.
Quant à Alliance-Québec, puisque cet organisme a
été cité à plusieurs reprises, je peux vous dire,
premièrement, que le ministère le subventionne et,
deuxièmement, qu'il y a eu au moins six rencontres entre
Alliance-Québec et celui qui vous parle depuis deux ans. Il est
consulté régulièrement sur les nominations qui peuvent
être faites d'anglophones ou d'allophones au sein d'organismes
gouvernementaux. J'ajoute que le conseil anglo-catholique du Québec a
également été consulté et - je vous l'ai dit ce
matin - il a été rencontré par M. le premier ministre
René Lévesque, M. Camille Laurin, mon collègue de
l'Éducation, et moi-même la semaine dernière. Donc, on peut
dire que les relations avec la communauté anglaise, malgré que
nous ayons des dialogues virulents à certaines occasions, est maintenu.
Nous avons nos opinions et nos positions. Elle a les siennes et nous les
respectons autant qu'elle nous respecte.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre.
M. Godin: C'est tout ce que j'avais à dire, M. le
Président, sur ce sujet.
Le Président (M. Blouin): Avant de remettre la parole au
député de Gatineau, qui aura un bref commentaire à
émettre avant que nous passions à l'étude du programme 1,
je souhaiterais que nous discutions en même temps de tous les
éléments du programme et que nous procédions ensuite,
quand nous aurons terminé cette discussion, à l'adoption de ce
programme en entier. M. le député de Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, d'abord, pour répondre
à ce que vient de dire le ministre au sujet de la préoccupation
de son ministère ou de son gouvernement vis-à-vis des
communautés culturelles, à savoir qu'il n'est pas inspiré
par des considérations partisanes, je dirai simplement que si
c'était vrai avec le ministre actuel, le moins que l'on puisse dire,
c'est qu'on peut se poser la question suivante: Pourquoi cette fameuse liste
noire dont on a révélé l'existence, il y a quelques mois,
contenait-elle autant de notations sur les affiliations politiques, sur les
affiliations sur le plan constitutionnel des personnes et des groupes qui
oeuvrent dans les communautés culturelles? Je ne prête
d'intentions à personne, mais je dirai tout simplement que, lorsque le
ministre dit: Nous ne nous préoccupons pas, nous non plus, des
communautés culturelles à des fins partisanes, je voudrais bien
que ce soit clair que, si c'est vrai pour le Parti québécois,
cela l'est d'autant plus pour le Parti libéral, parce que, que je sache,
on n'a jamais dressé de liste quelconque, nous.
M. Godin: Que vous sachiez. M. Gratton: Pardon?
M. Godin: Que je sache, comme on dit, mais il y a peut-être
des choses que vous ne savez pas.
M. Gratton: II y a sûrement des choses que je ne sais pas
dans le ministère, mais on va essayer de poser des questions pour les
savoir.
Le Président (M, Blouin): M. le député de
Gatineau, avant que nous entamions, comme convenu, l'étude des
crédits, le ministre aurait un court commentaire à vous
adresser à ce sujet précis.
M. Godin: Quant à cette liste, je vous
réfère encore une fois à l'analyse, à
l'enquête très poussée, très fouillée faite
par la Commission des droits de la personne, un organisme respectable, qui a
confirmé que cette liste n'a jamais été utilisée
par le ministère, ni sous mon prédécesseur ni sous moi.
Cette liste existe. Elle n'existait plus après sa divulgation par le
Toronto Star, je pense. Elle a été ressuscitée par la
Gazette. On a pu se rendre compte, d'après les renseignements qui
viennent des chiffres mêmes du ministère, qui sont aux comptes
publics, que cette liste n'a jamais été utilisée. Donc,
elle existe, oui, mais le danger eût été qu'elle eût
été utilisée. Comme elle ne l'a pas été, en
ce qui me concerne, la cause est entendue. Non, je vous affirme qu'elle n'a pas
été utilisée.
M. Gratton: Le premier ministre a déjà fait la
même affirmation et, à un moment donné, il a
été obligé effectivement de reconnaître que
peut-être il avait été un peu imprudent en affirmant
qu'elle n'avait jamais servi parce qu'il n'en connaissait pas l'existence
avant. On y reviendra.
M. Godin: Maintenant que nous avons, M. le Président, le
rapport de la Commission des droits de la personne, les chiffres qu'elle nous
produit, je pense qu'on ne peut plus douter ni de la parole de M.
Lévesque ni de la mienne sur cette question.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. M. le
député de Gatineau, sur l'étude des crédits du
programme 1.
Communautés culturelles et immigration
M. Gratton: De façon générale, on constate
que le ministère est l'un de ceux qui ont vu diminuer leurs
crédits pour 1983-1984. En fait, on peut noter une baisse de quelque
5,2% dans les crédits par rapport à ceux de l'an dernier. On note
que c'est particulièrement le programme 2, celui touchant la Charte de
la langue française, qui a été le plus touché avec
une baisse de l'ordre de 8,8%, alors que le secteur immigration, pour sa part,
connaît une diminution d'à peine 2% de ses crédits par
rapport à l'an dernier. L'Opposition n'a aucune espèce
d'objection à cet état de fait. Si, du côté du
personnel...
M. Godin: M. le Président, si vous me le permettez...
Le Président (M. Blouin): Je souhaiterais, M. le ministre,
que vous laissiez...
M. Godin: C'est parce que là on mélange, je dois
dire, les oranges et les citrons. Nous aurons, tout à l'heure, les gens
des quatre organismes reliés à la Charte de la langue
française, qui sont ici. J'inciterais mon collègue à se
limiter pour l'instant puisque je suis...
Le Président (M. Blouin): D'accord. Revenons donc au
programme 1, celui des communautés culturelles et de l'immigration, et
nous passerons ensuite au programme 2.
M. Gratton: J'y arrivais justement, M. le Président.
M. Godin: Si vous avez des questions sur les 2% à
l'immigration, nous pourrons vous répondre dès maintenant.
M. Gratton: Non. Donc, aux Communautés culturelles et
immigration, c'est-à-dire au programme 1, le secteur voit ses
crédits diminués de 2%, soit de 24 562 100 $ qu'ils
étaient en 1982-1983 à 24 073 100 $ cette année. Il faut
noter que ce sont les éléments adaptation des immigrants,
où il y a une baisse de 2,2%, et direction et gestion interne, où
il y a une baisse de 5,3%, qui sont les plus touchés, alors que les
autres éléments connaissent une légère
augmentation. Dans ce programme comme dans la majorité des autres
ministères, on constate une diminution des catégories traitements
et autres rémunérations due à l'application des lois 70 et
105. Je le note en passant. En ce qui a trait aux effectifs, il y a une
diminution du personnel de 2,7%. Ce sont surtout les employés
occasionnels qui sont touchés puisqu'ils diminuent de 12,3%. Les
employés permanents, pour leur part, sont majorés d'un. Je
présume que le ministre est en mesure de confirmer ces affirmations. Je
pense qu'il est important, pour les fins de la discussion, que ce soit inscrit
au journal des Débats, c'est la seule raison pour laquelle je les
cite.
M. Godin: Pas de problème. (16 heures)
M. Gratton: J'aurais eu le goût de poser des questions sur
les listes noires, mais nous y reviendrons seulement si on a le temps
après, parce qu'il y a d'autres sujets qui m'intéressent
particulièrement.
M. Godin: Vous n'avez pas encore eu vos réponses M. le
député?
M. Gratton: Non, pas à toutes mes questions.
M. Godin: Allez-y. Nous sommes là pour cela.
M. Gratton: Le jour viendra; si ce n'est pas aujourd'hui, ce sera
plus tard.
M. Godin: Ne jouez pas les martyrs, les victimes ou les
bâillonnés; nous sommes prêts à vous répondre;
nous sommes ici pour cela.
M. Gratton: Voilà, mais je suis quand même libre de
choisir les questions que je pose.
M. Godin: Alors, ne laissez pas entendre qu'on vous empêche
de parler, M. le député de Gatineau.
M. Gratton: Non, non. Je dis simplement que j'y reviendrai
personnellement, peut-être plus tard si le temps le permet. Je ne veux
pas qu'on passe tout le temps de la commission là-dessus.
Quant à moi, venons-en aux promesses non tenues du gouvernement
au sujet des immigrants. Le gouvernement du Québec rendait public, le 3
mars 1981 - comme par hasard, un mois avant les dernières
élections - un plan d'action intitulé Autant de façons
d'être Québécois. À ce moment, autant le premier
ministre que le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration
d'alors, M. Jacques-Yvan Morin, y allaient de promesses de toutes sortes
à l'égard des Néo-Québécois. Dans le Soleil
du 4 mars 1981, on relève, entre autres, que le gouvernement a
l'intention, premièrement, d'embaucher des inspectrices issues de ces
communautés afin de contrer l'exploitation des immigrants;
deuxièmement, d'afficher, dans différentes langues et sur les
lieux de travail, les lois et règlements concernant les normes minimales
de travail; troisièmement, d'aider substantiellement les petites
communautés anglophones isolées comme celle de la
Basse-Côte-Nord.
Dans la Presse du 2 mars 1981, on notait les intentions suivantes du
gouvernement - toujours en période électorale -: une politique
d'accès égale à la fonction publique au profit des
Québécois de diverses origines ethniques, ce qui englobe les
services de santé et les services sociaux; un programme d'enseignement
des langues et des sources ethniques, accès à la documentation
gouvernementale dans sa propre langue pour pouvoir mieux se renseigner sur ses
droits; embauche de différents immigrants à
Communication-Québec où l'on est en contact direct avec la
population, et, finalement, développement des centres communautaires au
service des groupes ethniques du Québec.
Pour sa part, le Devoir du 2 mars 1981 mentionnait d'autres mesures
énoncées par le premier ministre dont une assistance
financière plus substantielle aux manifestations culturelles des groupes
minoritaires; une campagne d'information destinée à rapprocher
les citoyens de souche québécoise, des
Néo-Québécois. Selon Angèle Dagenais du quotidien
Le Devoir, 29 promesses en tout avaient été formulées et
à peine six auraient été tenues.
La question que je pose au ministre, c'est: Quelles sont les intentions
du ministre, au cours de la prochaine année, quant aux 23 autres
promesses faites en 1981 et qu'il voudra sûrement respecter cette
année?
M. Godin: Encore faudrait-il...
Le Président (M. Blouin): M. le ministre.
M. Godin: ...que vous ayez la preuve qu'effectivement il n'y a
que sept promesses sur 29 ou sur 26 qui ont été tenues. Je vous
ai dit, ce matin, que le rapport du comité d'action, du CIPACC, sera
publié le 28 avril. Dans la fin de semaine qui vient, le CIPACC rend son
rapport public à l'occasion d'un colloque, et ce n'est qu'à ce
moment que la population sera informée, le rapport ayant
été déposé à la Chambre la veille. Par
conséquent, d'ici la fin de semaine, vous aurez l'occasion de voir le
portrait complet et je me sentirais en vilolation de la règle de la
primauté du Parlement que de dévoiler ce que le rapport contient
à cette commission avant qu'il soit déposé. Par ailleurs,
je peux vous dire dès aujourd'hui ce que le ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration que je dirige a fait, quant
à lui, dans le cadre des travaux du CIPACC. C'est à la note C
dans votre cahier vert, M. le député de Gatineau, au chapitre
Informations particulières. La collaboration entre le ministère
et le CIPACC; la présence des communautés culturelles au sein de
l'effectif du ministère des Communautés culturelles et de
l'Immigration; les principales mesures déjà implantées au
sein du ministère et les autres actions du ministère
menées dans le cadre du plan d'action gouvernemental.
Donc, je n'ai pas l'intention de vous lire tout ce qui est dit ici, je
vous en donne un bref résumé: "Le MCCI participe activement aux
divers groupes de travail et comités ad hoc du Comité
d'implantation du plan d'action; il délègue des
représentants à chacun de ces comités en leur demandant de
partager l'information et l'expertise qu'ils possèdent
déjà à l'égard des communautés culturelles
québécoises." Je poursuis: "Présence des
communautés culturelles au sein de l'effectif du ministère. Nous
en sommes à environ 18% des employés du ministère issus de
cesdites communautés culturelles. Quant aux principales mesures
déjà entamées au sein du ministère pour ce qui
touche le recrutement, l'embauche et aussi l'accueil des employés en
relation avec la clientèle, mentionnons que nous avons
obtenu une dérogation du Conseil du trésor afin de
recruter du personnel occasionnel parmi les membres des communautés
culturelles répondant aux besoins linguistiques du ministère.
"Deuxièmement, aider le personnel occasionnel et permanent issu de
cesdites communautés à se préparer aux examens de la
fonction publique. "Troisièmement, assurer la présence au sein de
chacune des unités de travail d'une représentation
équilibrée de représentants desdites communautés,
principalement pour les unités de travail desservant la
clientèle."
Je poursuis. "Nous informons les étudiants des COFI du rôle
de l'Office de recrutement de la fonction publique et des mécanismes de
recrutement et de sélection de la fonction publique. Nous informons
également les demandeurs d'emplois se présentant au service de la
main-d'oeuvre du ministère du rôle de ce même office et des
mêmes mécanismes. Nous avons mis sur pied des journées de
sensibilisation afin de permettre au personnel du ministère d'être
plus attentif aux particularités des communautés culturelles - en
fin de compte, j'en ai parlé ce matin, nous avons un budget d'environ 60
000 $ là-dessus - d'offrir un service à la clientèle au
ministère dans sa propre langue et de signer avec des services sociaux
dans plusieurs quartiers de la ville de Montréal et dans plusieurs
villes du Québec des ententes avec le ministère des Affaires
sociales de manière que les clientèles puissent être
servies dans leur langue: le portugais en particulier, le grec et d'autres
langues minoritaires."
Il y a plusieurs autres actions concrètes que nous avons
entamées et nous n'avons pas l'intention de freiner ou de ralentir ces
services, au contraire. De toute façon, vous connaîtrez l'ensemble
du tableau, M. le député de Gatineau, dans deux jours quand le
CIPACC rendra public son rapport, le remettra et qu'il sera
déposé à l'Assemblée nationale.
M. Gratton: Le déposerez-vous dès qu'il sera
produit?
M. Godin: Dès que je le recevrai.
M. Gratton: D'accord. M. le Président, si on parle
spécifiquement de l'accès à la fonction publique pour les
personnes d'origine ethnique, l'an dernier, le ministre avait dit -et je cite
le journal des Débats - que "malgré l'attrition de 2% dans la
fonction publique, il reste que l'État québécois va
engager cette année, dans une année très faible,
très modeste en ce qui concerne la création d'emplois, entre 2500
et 3000 nouveaux fonctionnaires. C'est à même ces 2500 à
3000 nouveaux fonctionnaires que la politique, quand elle sera
préparée par le
CIPACC et par la fonction publique, commencera à s'appliquer."
C'était le 17 avril 1982.
Forcément, comme on le sait, le CIPACC n'a pas remis son rapport.
Il le fera dans deux jours. Est-ce que cela veut dire que, pour les engagements
qui ont été faits au sein de la fonction publique au cours de la
dernière année, les recommandations du CIPACC n'étant pas
encore formulées, rien n'a été fait?
M. Godin: Ce que je peux vous dire, c'est que nous avons
tenté de mettre en application la politique d'égalité en
emploi. Nous nous sommes heurtés, comme vous le savez peut-être,
à la résistance de quelques fonctionnaires, de quelques membres
du syndicat de la fonction publique, ce qui nous a forcés à
modifier la Charte des droits et libertés de la personne du
Québec de manière que nous puissions préserver de nouveaux
emplois au sein des ministères pour les personnes appartenant aux
groupes sous-représentés, nommément les femmes, les
nouveaux citoyens du Québec, ainsi que les citoyens du Québec qui
sont de langue maternelle anglaise et également les
handicapés.
Maintenant que cet amendement a été apporté, le
ministère de la Fonction publique est présentement à
mettre en application ces programmes et nous avons fait une entente bipartite
entre Mme la ministre et moi. C'est le ministère de la Fonction publique
qui assumera cet aspect du plan d'action. Au début, c'était mon
ministère, mais, à la suite de discussions que nous avons eues au
sein du CIPACC et entre ministres, nous en sommes venus à la conclusion
que, le ministère responsable de l'emploi étant celui de Mme
LeBlanc-Bantey, il appartenait à ce ministère d'appliquer cette
politique, parce que si nous avions maintenu l'ancienne décision, en
fait, un ministère du Québec aurait été sous la
tutelle d'un autre ministère du Québec, ce qui aurait
été plutôt curieux.
Par ailleurs, nous avons eu des échanges, mon collègue de
Notre-Dame-de-Grâce et moi-même, en Chambre, il y a
déjà presque un an, ou huit mois, sur les nominations faites par
le Conseil des ministres au sein des organismes gouvernementaux. Nous sommes en
mesure de vous affirmer, à la suite du rapport de Mme Fiona Macleod,
dont le nom apparaît dans ce cahier comme étant une des
contractuelles du ministère qui a fait ce travail pour le CIPACC, que
nous en sommes présentement à 11,5% des nominations faites au
cours de l'année qui touchent des membres des communautés
culturelles du Québec et de la minorité anglophone. Donc, selon
les derniers chiffres disponibles, 11,5% des gens nommés par le Conseil
des ministres étaient
originaires d'autres pays que le Canada ou étaient de langue
maternelle anglaise et citoyens du Québec.
M. Gratton: Pour qu'on se comprenne bien, de toutes les
nominations qui relèvent des cabinets de ministres, au sein des
sociétés d'État, des organismes paragouverne-mentaux,
etc?
M. Godin: Les nominations qui échappent à l'Office
de recrutement et de sélection du personnel du Québec.
M. Gratton: Toutes? 11% de toutes ces nominations? Parmi les 2500
à 3000 employés de la fonction publique et non pas ceux qui
relèvent du Conseil des ministres pour leur nomination, le ministre
possède-t-il des données quant au nombre de personnes
émanant des communautés culturelles ou de langue maternelle
anglophone qui ont été embauchées par le gouvernement?
M. Godin: Avant de répondre à votre question, il y
a présentement, non pas 3000 ou 2500 emplois qui s'ouvrent au sein du
gouvernement, qui viennent de l'extérieur, mais bien 600 nouveaux
postes. 600 nouvelles personnes sont recrutées, à la suite des
compressions budgétaires.
M. Gratton: Non, je parle de l'an dernier. Qu'est-ce que
c'était l'an dernier?
M. Godin: C'était à peu près cela.
M. Gratton: 600 au lieu de 2500 à 3000?
M. Godin: Les nouvelles personnes entrées au sein de la
machine: 600 au cours de l'année; plus ou moins 50 par mois.
M. Gratton: C'est le ministre lui-même qui nous avait dit
2500 à 3000 l'an dernier. C'est parce qu'il y a eu des coupures
entretemps.
M. Godin: Je vous l'avais dit à cette époque. Vous
n'êtes pas sans savoir que les budgets ont été
réduits, les rentrées fiscales de tous les gouvernements
provinciaux, le fédéral inclus, au Canada ont diminué de
sorte que le Conseil du trésor a révisé en cours
d'année le nombre de nouveaux postes qui seraient créés.
Nous en sommes donc à 600.
Je peux vous dire qu'il y a présentement des dicussions au sein
du comité de la fonction publique et du CIPACC quant à la
détermination du groupe qui devrait bénéficier d'un tel
plan d'égalité en emploi. J'aimerais avoir votre avis
là-dessus, messieurs de l'Opposition. Notre recommandation consistait
à inclure toutes les personnes qui n'étaient pas nées au
Canada, plus les personnes qui étaient de langue maternelle anglaise, ou
autre que le français. La nouvelle proposition d'un comité
d'étude au sein de ce groupe viserait à exclure tous ceux qui
sont de langue maternelle française, même s'ils sont nés en
dehors du Canada. Donc, cela voudrait dire que les nouveaux citoyens du
Québec, s'ils sont belges, s'ils sont français, s'ils sont
suisses, s'ils sont libanais, donc francophones, ne seraient pas tenus en
compte quand viendrait le moment d'appliquer cette politique
d'égalité en emploi. Les discussions se poursuivent
là-dessus.
Pour répondre à votre question, en dernière
analyse, je n'ai pas de chiffre en main pour l'année qui vient de
s'écouler, mais Mme LeBlanc-Bantey déposera ces chiffres lors de
l'étude de ses crédits.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, je comprends donc qu'on a
embauché environ 600 nouveaux employés dans la fonction publique
l'an dernier.
M. Godin: 600 nouvelles têtes de pipe, 600 nouvelles
personnes.
M. Gratton: Le ministre possède-t-il quelque donnée
que ce soit sur le pourcentage des gens qui ne sont pas francophones?
M. Godin: Je n'en ai pas.
M. Gratton: Bon. On sait que le Parti québécois
nous dit souvent, en fustigeant le fédéral, que le Québec
est privé de sa juste part des investissements ou des retombées
économiques, dans quelque secteur que ce soit, du fait que nous
représentons environ 24% de la population canadienne. Au Québec,
c'est quelque 20% de Québécois qui ne sont pas de langue
maternelle française ou qui ne sont pas francophones. L'objectif que
poursuit le ministère dans l'embauche à la fonction publique
vise-t-il à assurer la présence d'une proportion égale
à celle-là à l'intérieur de la fonction publique?
(16 h 15)
M. Godin: Je pense qu'on peut l'affirmer. D'ailleurs, il y a des
travaux là-dessus qui ne couvrent pas seulement la fonction publique,
qui est à 80% et plus dans la ville de Québec. C'est le
problème que nous avons. Si nous regardons la situation dans le
réseau des affaires sociales, par exemple, ou dans le réseau de
l'éducation puisque ces réseaux sont bâtis autour des
populations, nous constatons que la présence des citoyens non
canadiens-français, si vous voulez, donc des citoyens de langue
maternelle anglaise ou autre ou qui ne sont pas nés au Canada,
serait autour de 16% dans le domaine de l'éducation; dans le domaine de
la santé et des affaires sociales, les chiffres seraient autour de 16%,
17%. Donc, dans les réseaux qui couvrent l'ensemble du Québec,
dont Montréal en particulier, la proportion est presque
respectée.
Par ailleurs, je dois dire que d'autres chiffres nous démontrent
que, dans le domaine des fonds de recherche, par exemple, celui qu'on appelle
le FCAC, soit l'action concertée - vous devez connaître cela aussi
bien que moi, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce - le
pourcentage des bénéficiaires de subventions de recherche est de
65% de personnes qui ne sont pas nées au Québec ou qui ne sont
pas de langue maternelle française. Cela illustre deux choses, en fait:
d'abord, que les nouveaux citoyens du Québec sont, en
général, des cerveaux et sont des acquis pour l'ensemble de la
société québécoise; cela illustre aussi que les
ministères, en général, font leur travail, leur boulot
très correctement en ce qui concerne l'attribution des subventions de
recherche. C'est un exemple parmi tant d'autres. Il fera partie, j'imagine, du
rapport du CIPACC qui sera déposé dans deux jours.
M. Gratton: M. le Président, le Comité pour la
promotion des minorités alléguait tout récemment, le 24
mars dernier, que seulement quelque 2,7% des postes de la fonction publique
québécoise sont occupés par des non francophones. Je
conviens que, dans certains secteurs ou certaines régions, cela peut
être beaucoup plus élevé, comme vient de l'expliquer le
ministre. Mais, quand même, de façon générale, si on
parle de 2,7%, pour rejoindre environ 16% à 20%, la question que je pose
au ministre est à savoir sur combien d'années il espère en
arriver à assurer la présence des non-francophones au sein de la
fonction publique, dans une proportion qui serait tout au moins acceptable.
Le Président (M. Blouin): M. le ministre.
M. Godin: Oui. Ce que je peux vous dire là-dessus, M. le
député de Gatineau, c'est que les chiffres que nous avons
démontrent qu'il y avait en 1966 - je cite l'étude qui a
été rendue publique, à la demande d'ailleurs du
député de Notre-Dame-de-Grâce, il y a déjà,
je pense, deux ans et demi - un pourcentage de 4,5%. En 1979, il était
baissé à 2,7%. Cela veut dire que la tendance vers la baisse a
commencé longtemps avant nous. Ce qui distingue ce que nous avons fait
de ce qui a été fait avant nous, c'est qu'avant il ne se faisait
rien et que, maintenant, il se fait quelque chose.
M. Gratton: C'est-à-dire qu'on se propose de faire quelque
chose, il ne s'est encore rien fait.
M. Godin: II se fait quelque chose, M. le député de
Gatineau. Je ne sais pas si vous avez une expérience en agriculture,
mais il faut d'abord "débroussailler", essoucher, épierrer,
labourer, engraisser, semer, arroser et récolter.
M. Gratton: Et espérer qu'il n'y ait pas de tempête
pour jeter tout cela à l'eau.
M. Godin: Par conséquent, la tempête pourrait
être la réélection du Parti libéral, si j'en juge
par le passé. Mais ce que je veux dire, c'est que, après avoir
constaté cette situation... D'ailleurs, l'attention du gouvernement
n'était pas la seule à être attirée par ces faits,
car l'attention du député de Notre-Dame-de-Grâce l'a aussi
été; je pense qu'il a été un des premiers, du
côté de l'Opposition, à souligner cette situation au
gouvernement, soit la nécessité que nous ayons ici des programmes
d'égalité en emploi, disons. C'est à la suite d'une sorte
d'entente tacite entre l'Opposition et le gouvernement que nous avons mis en
place ce programme d'égalité en emploi. Maintenant, les
résultats, je vous le dis, ne seront pas visibles en deux mois, ni en
deux ans, mais l'intention est d'arriver à cet objectif le plus
tôt possible.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Merci, M. le Président. Je voudrais poursuivre
dans le même sens que mon collègue, sur la question concernant le
CIPACC. J'ai aussi une question à poser sur les illégaux. Je ne
sais pas si c'est le même programme; sinon, je vais revenir en temps et
lieu. Juste pour poursuivre, vous avez parlé de 2500 nouveaux postes
dans la fonction publique et de votre détermination de vous assurer que
les non-francophones recevront leur juste part. Maintenant, vous nous dites que
ce n'est effectivement pas 2500 personnes mais plutôt 600 depuis un an
qui sont embauchées. Êtes-vous en mesure de nous dire combien
parmi les 600 étaient des gens de la communauté anglophone ou des
groupes minoritaires?
M. Godin: Non. Je répète ce que j'ai dit à
votre collègue: Je ne suis pas en mesure de vous donner ce chiffre. En
principe, Mme la ministre de la Fonction publique serait, elle, en mesure de
vous répondre parce que ce comité est sous sa
responsabilité exclusive, puisque, comme je le disais tout à
l'heure, cela aurait été indécent que son ministère
soit sous tutelle de mon ministère. Donc, pour des questions
élémentaires de l'organisation gouvernementale et
administrative, c'est Mme LeBlanc-Bantey qui est responsable de ce volet du
plan d'action. Je pense que c'était beaucoup plus sage d'agir ainsi,
d'autant plus qu'elle-même s'est engagée à plusieurs
reprises à voir à ce que cette partie du plan d'action qui
relève de son ministère s'applique le plus tôt
possible.
M. Scowen: Permettez-moi d'exprimer ma déception quant
à cette réponse, parce qu'il y a un an vous avez donné une
petite lueur d'espoir à la communauté anglophone en lui disant:
Je m'occupe de cela, je vais faire quelque chose. Un an après, vous nous
dites: Je ne suis pas capable de vous dire ce que j'ai fait l'année
passée; je n'ai même pas les chiffres, je ne le sais pas. Je n'ai
pas l'intention d'obtenir ces chiffres, parce que maintenant j'ai passé
la patate chaude à une autre ministre qui va disparaître
bientôt, si je comprends bien. Le ministère va disparaître,
je ne sais pas ce qui va arriver à la ministre. Maintenant, nous sommes
obligés de repartir à zéro avec une autre personne qui va
peut-être avoir le désir de faire quelque chose ou pas. Puis-je
vous demander si le CIPACC va relever dorénavant du ministère de
la Fonction publique?
M. Godin: Le CIPACC continue à relever de moi-même,
d'une part, et deuxièmement, je ne vois pas pourquoi vous êtes si
inquiet, M. le député. D'ici quelques heures ou quelques jours,
le ministère de la Fonction publique va présenter ses
crédits; la ministre sera là. Par conséquent, le monde ne
se termine pas en sortant de cette salle. Vous aurez l'occasion, d'ici quelques
heures ou quelques jours, de poser ces questions à la ministre
responsable qui, elle-même, a tenu à avoir cette
responsabilité pour les raisons que je vous ai expliquées et qui,
à mon avis, sautent aux yeux, que mon ministère ne pouvait pas
être le tuteur d'un autre ministère. Cela ne m'empêche
nullement de continuer... Il ne s'agit pas de "pass the buck"; il s'agit de
confier cela au ministère qui est le plus proche du problème, qui
est responsable de l'Office du recrutement et de la sélection du
personnel, qui est responsable des concours. Il s'agit de lui passer la
responsabilité de cette tâche. Le CIPACC, de son
côté, garde l'oeil ouvert et continue à jouer son
rôle de chien de garde quant au plan d'action.
M. Scowen: Permettez-moi de dire qu'il y a un an ce n'est pas
cela que le ministre nous a dit. Il a dit: Je vais m'occuper de cela.
M. Godin: II y a eu des changements depuis un an.
M. Scowen: Tout ce que je veux demander au ministre en terminant,
s'il a décidé ou si cela a été décidé
que dorénavant il ne s'en occupera pas, c'est au moins de nous donner
des chiffres sur ses réalisations à lui pendant ces douze
derniers mois, parce que pendant cette période, le problème
relevait de lui, non de la ministre de la Fonction publique. On
s'intéresse énormément à ce qu'il a
réalisé par rapport à ses engagements. J'imagine qu'il
sera capable d'obtenir ces chiffres dans les plus brefs délais et de
nous donner le pourcentage de ces 600 personnes embauchées dans cette
période difficile en dehors de la communauté francophone. Peut-il
s'engager, au moins, à nous fournir les chiffres sur son mandat?
M. Godin: Je vous répète, M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce, pour la troisième
fois que, premièrement, le rapport du CIPACC sera déposé
en Chambre lorsqu'il sortira des presses, de l'imprimeur, c'est-à-dire
dans deux jours, et que je violerais les privilèges de
l'Assemblée nationale en déposant ici un rapport qui n'est pas
encore déposé à la Chambre. Dans deux jours, j'imagine que
vous serez encore en assez bonne santé pour être là. Je
vous vois faire du jogging tous les matins autour du Château Frontenac.
Donc, j'imagine que vous avez le coeur assez fort pour résister encore
deux jours à l'appétit de connaître plus ce qui se passe.
D'autre part, je vous répète que, pour la partie qui
relève de moi, le rapport du CIPACC vous donnera des réponses
dans deux jours. Pour la partie qui relève maintenant de ma
collègue de la Fonction publique, elle déposera elle-même
le rapport sur la partie qui relève d'elle, qui est la fonction
publique, qui n'a pas commencé hier non plus, mais qui a commencé
il y a déjà plusieurs mois, l'automne dernier.
En conclusion, je vous dirai sur ce point que nous avons mis les wagons
sur les rails, M. le Président. Il n'y avait même pas de rails
dans le temps du régime Bourassa. Il y avait encore moins de wagons. Il
n'y avait même pas de sensibilité à ce problème.
Quand j'entends les gens d'en face qui ont été au pouvoir pendant
la majeure partie du XXe siècle au Québec... Sous leur
régime, le chiffre passe de 4,5% à 2,7% et ils nous font des
leçons. Je trouve cela presque indécent, M. le Président,
et je me voile pudiquement la face.
M. Gratton: On ne fait pas de leçons. On pose des
questions, M. le Président.
M. Scowen: M. le Président, je veux rappeler au ministre
que son parti est quand même au pouvoir depuis sept ans maintenant. C'est
peut-être de bonne guerre, d'après vous, de faire le procès
du régime Bourassa qui a été battu en 1976, mais par
rapport à
la population, je pense que ce n'est pas très impressionnant. On
a le droit de vous demander ce que vous avez fait depuis les sept
dernières années.
M. Godin: Mais vous le saurez dans deux jours!
M. Scowen: Je veux simplement poser la question suivante au
ministre, pour que ce soit très clair: Est-ce que je comprends que dans
le rapport du CIPACC, qui sera déposé dans les heures qui
viennent, on va avoir la réponse à la question que j'ai
posée, soit le pourcentage des fonctionnaires de la communauté
non francophone qui ont été embauchés parmi les 600?
Aura-t-on les chiffres que j'ai demandés au ministre dans le
rapport?
M. Godin: Vous le verrez dans deux jours.
M. Scowen: S'ils ne sont pas dans le rapport, le ministre peut-il
s'engager à nous les fournir?
M. Godin: Certainement.
M. Scowen: D'accord. Comme deuxième question, M. le
ministre, pour vous montrer à quel point mon coeur est fort et ma
capacité d'attendre énorme, je veux vous rappeler un peu les
événements du mois de juin 1982 quand j'ai rendu publique une
étude du service de recherche de l'Assemblée nationale quant au
nombre d'anglophones employés dans les régies du gouvernement du
Québec. La liste des régies est tirée du répertoire
administratif que nous avons tous. Ce n'était pas plus ni moins que ce
qu'on avait sur cette liste. Il s'agit de 120 organismes. J'ai pu constater,
parce que j'avais fait faire exactement la même étude il y a deux
ans, que le pourcentage d'anglophones avait diminué et était
passé de 4,5% à 2,1%. Je veux souligner que ce sont des
nominations faites par le gouvernement à l'extérieur des
règles de la fonction publique.
À l'époque, le ministre a essayé un peu de noyer le
poisson. Quand j'ai rendu public ce rapport, il a essayé de souligner
que c'était plein d'erreurs. Les employés du service de recherche
de l'Assemblée nationale ont été très
déçus des déclarations du ministre, parce qu'ils avaient
fait cette recherche eux-mêmes auprès de chacun des 120
organismes. Ils y sont retournés et, parmi toutes les erreurs que le
ministre prétendait exister dans le rapport, ils en ont trouvé
deux. Ils ont constaté qu'effectivement, dans le cas de la Commission
des biens culturels, le nombre de membres anglophones aurait dû se lire
un au lieu de zéro, ce qui était une erreur de transcription et
non de compilation. Il y avait une autre erreur où le nombre de membres
anglophones aurait dû se lire un au lieu de zéro au Conseil de
planification et de développement du Québec, erreur due aux
renseignements fournis par le conseil au bureau de recherche de
l'Assemblée nationale. Alors, le 12 juillet, j'ai envoyé au
premier ministre et au ministre la liste corrigée qui ne changeait pas
du tout les pourcentages; c'était effectivement de 2 sur un total de
1123. Les chiffres que j'ai soumis étaient véridiques. (16 h
30)
Quand le ministre a pris connaissance de cette étude, il a
convoqué une conférence de presse lui-même, à
laquelle il a fait deux choses: iI a présenté le tableau 1 qui
venait d'une étude qu'il disait récente, qui n'était pas
du tout une étude comparative; c'était une analyse de la
situation actuelle tirée de 103 organismes. Je répète
qu'il y en 120 dans le répertoire administratif, d'après le
groupe de la recherche à la bibliothèque de l'Assemblée
nationale. Il a dit que le pourcentage d'anglophones était de 12,8% et,
pour les autres, c'était 7,1%. Il a aussi promis à ce
moment de rendre public le rapport au complet au mois d'octobre 1982. Au mois
de janvier 1982, le ministre n'avait même pas encore respecté sa
promesse. J'ai écrit au ministre et je lui ai demandé pourquoi il
n'a pas respecté cet engagement qu'il a fait en plein milieu du
débat pour essayer de noyer le poisson. J'ai reçu une lettre...
Je m'excuse, j'ai envoyé la lettre le 24 novembre et il a répondu
le 17 décembre en disant que cela serait rendu public dans les semaines
à venir. Si je comprends bien, l'engagement de rendre public ce rapport
au mois d'octobre 1982 n'a pas été respecté et le rapport
sera rendu public environ six mois plus tard, donc la semaine prochaine.
Alors, j'ai deux questions pour le ministre: Premièrement, est-ce
qu'il peut me donner les vraies raisons pour le retard dans la publication de
ce document qui était quand même un document important qu'il a
promis de rendre public au mois d'octobre? Deuxièmement, est-ce qu'il
peut nous confirmer aujourd'hui que le tableau 1, qu'il a déposé
pendant ce débat concernant mon rapport, sera précisément,
exactement, le même tableau qui sera le fond du rapport qu'on verra? Ou
est-ce qu'il nous soumettra plutôt quelque chose qui est
changé?
La troisième question que je veux lui poser dans le même
ordre d'idées. Il y a quelques minutes, il a cité un chiffre de
11...
M. Godin: ...11,5% environ...
M. Scowen: ....11,5%. Je ne sais pas si cela représente
exactement les anglophones et les autres - ce n'est pas un chiffre que je
trouve dans les tableaux qu'il a rendus
publics au mois de juin. Est-ce que ce chiffre représente des
nominations faites par le Conseil des ministres depuis une certaine date, ou
est-ce que ce chiffre est maintenant le pourcentage du total de toutes les
personnes qui siègent dans toutes ces régies actuellement?
Autrement dit, est-ce que c'est simplement le pourcentage des nominations les
plus récentes ou est-ce que c'est le total complet de tous ceux qui
siègent actuellement?
Le Président (M. Blouin): M. le ministre.
M. Godin: Si la liste des organismes indique 103 au document de
Mme Macleod, c'est qu'il y a environ 17 organismes caducs ou inactifs dans la
liste qui apparaît dans cette espèce de registre que vous
mentionniez plus tôt. Il y a en fait presque 20 organismes qui sont
caducs et dans lesquels il n'y a plus de nominations qui se font parce qu'ils
sont rendus inactifs.
Quant à la question que vous posez: Pour quelle raison octobre,
décembre, janvier et, maintenant, aujourd'hui? C'est que je
présumais que le premier rapport du CIPACC me serait remis, prêt
à être déposé en Chambre, un an après la
création du CIPACC. C'est ce que certaines indications me permettaient
de croire, sauf que, comme il s'agissait de son premier rapport, le CIPACC a
voulu y mettre énormément de soin et procéder à des
analyses beaucoup plus approfondies qu'il ne le pensait au début, de
sorte que le rapport du CIPACC, que j'attendais en octobre, puis en
décembre, ne m'a été remis qu'au mois de
février.
J'en ai pris connaissance. Dès que je l'ai reçu, j'ai
envoyé une lettre au CIPACC, quatre jours plus tard, je pense, disant:
Veuillez faire en sorte qu'il soit publié, dans une forme qui le rende
susceptible d'être déposé à l'Assemblée
nationale, le plus tôt possible. Le délai normal d'impression d'un
rapport gouvernemental, dans ce gouvernement comme d'ailleurs au
fédéral, c'est de quelques mois. Ces lenteurs administratives
expliquent que c'est dans deux jours que, M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce, vous aurez le rapport complet avec en annexe
l'étude de Mme Fiona Macleod dont j'avais eu et cité à
l'époque certains chiffres.
Les 11,5% que j'ai cités étaient, à l'époque
- c'est peut-être plus maintenant -le chiffre total des personnes, au
sein des 1023 nominations, qui auraient pu être
bénéficiaires du programme d'égalité en emploi.
C'était le total cumulatif à la date où le rapport Macleod
m'a été montré, où j'ai pu le consulter.
Je vous répète que vous aurez tout le loisir de prendre
connaissance, dans tous ses détails, dans deux jours, du rapport
Macleod. Si j'ai parlé d'octobre, décembre, janvier etc., c'est
pour des raisons de délais administratifs, d'impression et de fignolage
fait par le Comité d'implantation du plan d'action sur son propre
rapport. C'est pour cela que lorsque j'entendais tout à l'heure votre
collègue, le député de Gatineau, citer le Comité de
promotion des minorités qui disait que "le ministre Godin avait
empêché la publication du rapport", c'est encore là une
fausseté absolue. Au contraire, dès que j'ai lu le dernier mot du
rapport, j'ai envoyé une lettre au président du CIPACC, M. Egan
Chambers, le priant de le rendre public le plus tôt possible. D'ailleurs
il sera rendu public dans deux jours. Il y aura un colloque en fin de semaine,
M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Est-ce que je peux demander au ministre comment il
peut expliquer qu'au mois de juin, quand il a rendu public ce tableau, le
nombre de personnes anglophones et autres, les personnes venant d'un autre
pays, était de 19,9% sur le tableau, et que maintenant il déclare
que ce sera 11,5%?
M. Godin: Je ne déclare pas cela. Je vous dis que dans le
document que j'ai vu à l'époque - je citais ce chiffre de
mémoire -c'était 11,5%. Si vous me dites que c'est 17%, tant
mieux! Ce n'est pas le chiffre dont je me souvenais. Nous verrons dans deux
jours, par conséquent, ce que le rapport Fiona Macleod
révèle, mais je vous ai dit que je ne vous le
révélerais pas ici puisque ce serait "a breach" dans la tradition
parlementaire, une brèche dans la tradition parlementaire, M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce, parce que le rapport sera
déposé dans deux jours.
Maintenant je ne vois pas pourquoi deux jours vous semblent si
insupportables, d'autant plus que nous pourrons nous revoir en période
de questions sur le rapport du CIPACC et le rapport Macleod. Nous pourrons nous
revoir en débat si vous le voulez; nous pourrons même avoir
n'importe quelle manière d'échanger publiquement sur les
données qui seront publiées, je vous le répète,
dans moins de 48 heures.
M. Scowen: Cependant, M. le ministre, au mois de juin vous avez
rendu public un document - c'étaient vos chiffres et vous vous en
êtes vanté - et c'était 20%. Aujourd'hui vous avez rendu
public - ce n'est pas moi qui ai donné ces chiffres, c'est vous - que ce
n'est pas 20%, mais 11,5%. Je vous demande d'expliquer comment ce chiffre a
baissé de 20% à 11% pendant une période de quelques mois.
Vous me dites: Vous verrez dans deux jours. Je pense qu'on n'aura pas de
commission parlementaire...
M. Godin: Peut-être que cela remontera
à 20% dans deux jours.
M. Scowen: Je pense que...
M. Godin: II est possible que cela remonte à 20% dans deux
jours, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Oui, et ce ne sera plus 11,5%?
M. Godin: Vous le verrez bien.
M. Scowen: Je dois vous dire que les réponses ne sont pas
très impressionnantes.
M. Godin: Les questions non plus. M. Scowen: Voyons
donc!
M. Godin: Cela fait douze fois que vous me demandez, vous et
votre collègue, comment il se fait qu'il n'est pas encore publié.
Je vous dis que c'est dans deux jours.
M. Scowen: Je vous demande... Il n'est pas question de la
publication.
M. Godin: Êtes-vous sous la tente à
oxygène?
M. Scowen: Je vous demande de concilier deux chiffres que vous
avez rendus publics, un au mois de juin 1982...
M. Godin: Je vous ai dit...
M. Scowen: ...et un autre comparable aujourd'hui, et les deux
chiffres sont différents de presque la moitié.
M. Godin: II est possible que je me sois trompé sur les
11,5%. Il est possible que ma mémoire ait fait défaut. Si tel
était le cas, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce,
et si on se rendait compte, dans deux jours, dans moins de 48 heures - qui vont
vous sembler bien longues, j'imagine, après vos soupirs - si les
chiffres étaient de 11,5%, je m'expliquerais, si je m'étais
trompé, je m'excuserais, si ma mémoire m'a fait défaut, je
m'excuserais. Est-ce que cela vous rassure?
M. Scowen: Cela me rassure sur votre politesse. Cela ne me
rassure pas sur le fond du problème. C'est le deuxième qui
m'intéresse beaucoup plus. On veut savoir ce que vous avez fait pendant
les douze derniers mois de votre mandat. C'est le moment
privilégié de le faire.
Malheureusement, les crédits sont terminés et avant que le
rapport CIPACC soit disponible, nous aurons le droit de poser des questions et
vous savez très bien que les questions et les réponses ne
comportent pas des explications approfondies.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce, le ministre a fourni une réponse à
cette question. Elle ne vous satisfait pas. Je crois voir qu'elle ne vous
satisfait pas, mais vous avez de vos collègues qui ont également
des questions à poser. Donc, si vous n'avez pas d'autre sujet, je
céderai la parole au député de Sainte-Anne, à moins
que vous ayez d'autres questions.
M. Scowen: Je conviens avec vous que ce serait peut-être
plus poli de le dégager de cette situation. Est-ce que je dois poser les
questions sur les égaux maintenant ou si vous préférez
qu'on y revienne après?
Le Président (M. Blouin): C'est dans l'autre programme, M.
le député. Nous pourrons y revenir. M. le député de
Sainte-Anne, vous avez la parole.
M. Polak: Rapidement, M. le Président. Je vois ici que le
ministère a publié un questionnaire sur l'adaptation
économique des réfugiés d'Indochine. Une autre
étude longitudinale, l'adaptation socio-économique, etc. Je
voudrais combiner ces études avec, disons, le problème de la
communauté anglophone. Le ministre a dit, ce matin, que les chiffres
vraiment... Il a cité des chiffres en retournant, comme il est dit, dans
le temps du régime libéral, et que ce n'est vraiment pas à
cause...
M. Godin: Et même Johnson.
M. Polak: Et même avant cela. Quant à l'impression
que j'ai, la connaissance personnelle que j'ai dans la communauté des
non-francophones, je ne suis pas du tout d'accord avec l'opinion du ministre.
Je crois vraiment que ces communautés ne se sentent pas à l'aise
et vraiment ne se sentent pas chez elles. Je pense que cela est très
grave. Est-ce que le ministre a déjà préparé, ou
est-ce qu'il coopère... Je sais qu'au ministère de
l'Éducation on a commencé à préparer un
questionnaire pour ceux qui quittent, l'école secondaire et le
cégep. Je pense surtout, au secteur anglophone. Vous serez surpris des
réponses qui vont être données. Je connais ces
communautés.
Venez marcher avec moi une fin de semaine, si vous voulez - on ira dans
ce centre commercial de l'ouest de la ville - et demandez aux jeunes de 19, 20
et 21 ans ce qu'ils vont faire de leur avenir? Ils vont vous dire qu'ils sont
en train de quitter la province de Québec. C'est très triste et
on va perdre vraiment. Recevoir des gens très capables et, parfois, ils
sont les meilleurs. Je pense que le gouvernement ne se rend pas compte à
quel point la situation est devenue
dangereuse. Avez-vous des questionnaires en préparation? Je n'ai
rien contre un questionnaire pour les gens du Vietnam. Je trouve ces immigrants
merveilleux comme ceux de la Hollande. Ce qui m'inquiète, c'est au sujet
de la communauté anglophone telle quelle. Très souvent, les
communautés non francophones, disons les allophones, ont les mêmes
inquiétudes que celles des anglophones et ils se disent: Si les
anglophones en place dans la province de Québec avant que j'arrive ne se
sentent pas chez eux, ne se sentent pas à l'aise, nous allons devenir
comme eux. Ils commencent à avoir la même peur. C'est cela que je
voudrais savoir. Est-ce que de telles études existent ou sont en train
d'être préparées? Est-ce qu'il y a moyen, avec le
ministère de l'Éducation, d'obtenir des renseignements directs de
ces communautés?
Ce n'est pas difficile de demander à ceux qui quittent le
cégep anglophone et demander: Qu'est-ce que vous voulez faire? Est-ce
que vous allez rester au Québec, oui ou non?
M. Godin: Je peux risquer une hypothèse, M. le
député de Sainte-Anne. Il y a effectivement des travaux qui sont
faits par le Conseil de la langue française. Ce sera l'autre bloc qui
suivra celui-ci. Déjà, je peux vous risquer une hypothèse.
Je pense que le système scolaire anglophone au Québec a
peut-être contribué à faire, des étudiants qui
sortent de ce système, des gens qui, peut-être, se voient plus
comme Nord-Américains que comme Canadiens ou qui se sentiraient
peut-être mieux en dehors du Québec. Cela aussi se peut. Je pense
aussi qu'il est possible qu'un citoyen de Montréal, qui ne lirait que la
Gazette, en retirerait peut-être un tel sentiment de martyr au
Québec qu'il songe à partir uniquement parce qu'il lit la
Gazette, indépendamment de sa situation personnelle. Par
conséquent, je pense que, par certains de ses articles alarmistes, la
Gazette contribue à chasser ses propres lecteurs. En décrivant le
Québec comme étant l'enfer, on donne le goût d'aller
à Toronto. Moi, qui ai vécu dans les deux villes, je vous dis que
j'aime mieux l'enfer à Montréal que le paradis à
Toronto.
M. Polak: Moi aussi.
M. Godin: Mais c'est un sujet que vous avez raison d'aborder. Les
travaux, entre autres, du sociologue de McGill, M. Uli Locher, et d'une de ses
collègues, dont j'oublie le nom, qui ont été
publiés par le Conseil de la langue française, il y a quelques
mois, donnent des débuts de réponse aux questions que vous posez.
Donc, c'est une préoccupation au sein du gouvernement et de ses
organismes. Nous allons en parler tout à l'heure, si vous le voulez
bien, avec des gens qui relèvent des organismes de la charte. C'est une
des préoccupations que les chercheurs québécois ont: entre
autres, l'équipe du professeur Garry Caldwell, l'Institut
québécois de recherche sur la culture, certaines
universités et le Conseil de la langue française. Nous
espérons trouver des réponses qui vont nous permettre d'appliquer
des mesures pour freiner ces départs.
M. Polak: Je vois votre entourage ici, M. le ministre. Je l'ai
compté tout à l'heure. Je pense qu'il y en a douze ou treize. Ce
sont peut-être des observateurs, mais dans votre entourage, disons les
attachés politiques, ceux qui travaillent avec vous sur une base
quotidienne, est-ce qu'il y a des anglophones parmi eux? Ceux qui sont ici et
qui observent pour vous nourrir un peu du sentiment d'inquiétude qui
existe dans la communauté. Cela serait plus important que toutes les
études que vous nous avez lancées.
M. Godin: Je pense que la réponse à cette question
est dans le cahier. Je ne sais pas si vous avez eu le temps de le lire. Si vous
regardez au chapitre Questions et réponses, la cote "R", Personnel du
cabinet et la cote "S", Contrats des professionnels, vous verrez qu'un nombre
important d'anglophones et d'allophones travaillent dans mon cabinet ou ont
travaillé comme contractuels pour le ministère, parce que je me
pose les mêmes questions que vous et parce que je dois obtenir les
mêmes éclairages que vous. Vous me demandez si j'ai une
sensibilité anglophone quelque part au ministère. Je vous
répondrai que j'ai plusieurs sensibilités; une sensibilité
grecque, une sensibilité portugaise, une sensibilité
sud-américaine et plusieurs sensibilités anglophones à
partir des travaux qu'on a fait faire par des anglophones du
ministère.
M. Polak: Je ne voudrais pas faire passer un test à tous
ceux qui sont ici, mais c'est important pour moi. Dans ce groupe qui vous
accompagne aujourd'hui, qui sont là pour écouter les questions et
les réponses, est-ce qu'il y a parmi eux un anglophone qu'on appelle "a
WASP", par exemple? Quelqu'un comme le député de
Notre-Dame-de-Grâce qui s'appelle Scowen.
M. Godin: Non. Malheureusement, on n'en a pas. On en a
cherché partout, on n'en a pas trouvé, il n'y en a qu'un.
M. Polak: Ah! Parce qu'ils ne veulent pas, c'est le
problème que vous avez...
M. Godin: II n'y en a qu'un.
M. Laplante: II a dit qu'il était Écossais, qu'il
ne voulait pas être mélangé
aux anglophones.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Bourassa.
M. Polak: Excusez-moi! Vraiment, je voudrais savoir s'il y a
quelqu'un qui est natif de cette communauté.
M. Godin: Oui. M. Egan Chambers. M. Polak: Mais il n'est
pas ici.
M. Godin: Est-ce que je peux répondre à votre
question?
M. Polak: Oui.
M. Godin: M. Egan Chambers, qui a le rang de sous-ministre au
ministère, qui a été nommé d'ailleurs à la
suite d'une consultation faite avec Alliance-Québec, nos grands amis
d'Alliance-Québec, qui m'ont eux-mêmes recommandé M. Egan
Chambers. Nous l'avons choisi. Normalement, il devrait être ici, mais il
prépare la publication du rapport - tant désiré - il
travaille jour et nuit, M. le député de Sainte-Anne, pour enfin
livrer l'enfant tant désiré à M. le député
de Notre-Dame-de-Grâce, premièrement; deuxièmement, il
travaille sur un colloque, en fin de semaine, qui visera
précisément à ventiler le contenu du rapport du CIPACC,
à le faire analyser par Mme Lysiane Gagnon, la nouvelle
héroïne du député de Gatineau, et ce sera
commenté par M. Nickauy Der Maur, le héros du
député de Notre-Dame-de-Grâce et peut-être le
vôtre aussi. Ce sera commenté par M. Pasqual Delgado, le
président du Comité de formation des minorités qui nous
dénonce et qui dénonce aussi le CIPACC, d'ailleurs, ainsi que par
une troisième personne, Mme Juanita Wesmollan Traore. Ces trois
personnes font des commentaires sur le rapport du CIPACC. Elles font des
commentaires sur la conférence de Mme Lysiane Gagnon, mais je vous dis
que tout cela donnera certainement des réponses complètes aux
interrogations du député de Notre-Dame-de-Grâce aussi bien
que celles du député de Sainte-Anne.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Sainte-Anne, en terminant.
M. Polak: M. le Président, une dernière question.
Le ministre a fait allusion tout à l'heure à la Gazette. Je ne
voudrais pas citer tous les articles de la presse francophone la semaine
dernière après votre remarque. Peut-être avez-vous vu rouge
pendant la période des questions. Je vous ai fait une remarque qui n'a
pas été bien reçue parmi les non francophones et
même dans la presse francophone, on vous critique
sévèrement. Vous n'avez qu'à lire l'Argus à ce
sujet. La dernière question que je poserai là-dessus est la
suivante: Quelle est la raison pour laquelle votre affaire ne marche pas du
tout avec les communautés non francophones? Elles n'ont aucune
confiance. Vous vous rappelez, l'année dernière, on était
ensemble à la conférence afro-asiatique. Cela aura lieu encore au
mois de mai. Il y aurait environ 23 organismes et ils ne veulent absolument
rien savoir. C'est malheureux peut-être, mais pour quelle raison y a-t-il
un tel facteur de non-confiance totale, malgré les tentatives que vous
avez faites, comme vous le dites?
Le Président (M. Blouin): M. le ministre.
M. Godin: En commentaire à votre question sur ma
réponse de l'autre jour, je vous répondrai, premièrement,
ce que Tony Curtis disait dans le film "Some like it hot": "Nobody is perfect."
Deuxièmement...
Une voix: ...
M. Godin: Tony Curtis. Vous ne vous souvenez pas de ce film?
M. Gratton: II a dit cela à Janet Leigh?
Des voix: Ah! Ah!
M. Godin: Non. Il a dit cela à Joe Brown.
M. Gratton: Cela remonte à un peu trop tôt pour
moi.
M. Godin: Tony Curtis était un travesti, M. le
député de Gatineau. Joe Brown tombe en amour avec Tony Curtis qui
lui avoue: Je ne suis pas une femme et Joe Brown lui dit: "Nobody is
perfect."
Des voix: Ah! Ah!
M. Godin: À ce même titre, M. le
député de Gatineau, moi non plus, je ne suis pas parfait, mais
pour en revenir à ce que vous dites, M. le député de
Sainte-Anne, comment se fait-il que les Anglais détestent - au fond,
c'est ce que vous posez comme question - le gouvernement...
M. Polak: Non, je n'ai pas dit "détestent". Ils ne vous
aiment pas.
M. Godin: Disons donc "ne nous aiment pas". D'accord. C'est un
problème, effectivement, considérable. C'est possible qu'ils ne
nous aiment pas parce que nous nous battons pour le français et leur
imposons le fardeau du bilinguisme. C'est possible qu'ils ne nous aiment pas
parce
qu'ils voient des étudiants francophones sortant des HEC prendre
la place des étudiants anglophones sortant de McGill avec le titre de
MBA. C'est possible qu'ils ne nous aiment pas parce qu'ils se rendent compte
que "language is money" et que la loi 101 a pour effet que "language",
maintenant, c'est le français. "Language is money, is jobs" et il y a
une période d'adaptation qu'ils doivent vivre comme nous avons
vécu, nous, une période d'anglicisation progressive
jusqu'à la loi 22, pour être généreux avec mes
collègues d'en face. Ils vivent maintenant une période de
francisation. C'était l'un ou l'autre. Nous devrons, tous ensemble,
vivre cette phase de transition. Je dirai que ce sera une belle
expérience de "survival of the fittest", comme on dit. Je suis sûr
que francophones et anglophones qui passeront à travers cette crise
économique que nous vivons et autres phénomènes
semblables, en plus de cette période d'adaptation difficile, je suis
sûr que ceux qui vont être là dans quatre, cinq ou dix ans
seront parmi les citoyens de la planète habitués à mieux
vivre ensemble, à se respecter mutuellement et à bâtir
ensemble quelque chose qui se tienne et qui ressemblerait à ce que je
souhaite de tous mes voeux, un pays et non pas un morceau de pays qu'on ne
contrôle pas.
Le Président (M. Blouin): Une brève question, M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce?
M. Godin: Mon rêve, M. le député de
Sainte-Anne...
Le Président (M. Blouin): Oui, M. le ministre.
M. Godin: ...c'est qu'il apparaisse aux anglophones ou aux
Écossais comme Reed Scowen - mon voisin de North Hatley - qu'il serait
bon pour les anglophones que le Québec soit souverain puisque
l'indépendance égalerait des emplois, alors que le
fédéralisme égale du chômage pour nous. Est-ce
clair?
M. Gratton: ... qu'il s'explique!
M. Polak: Ce n'est pas clair pour moi du tout.
Le Président (M. Blouin): M. le
député...
M. Godin: II m'a posé une question. J'y ai répondu,
M. le Président.
Le Président (M. Blouin): Très bien.
M. Polak: D'accord.
Le Président (M. Blouin): La parole est maintenant
à M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: J'ai une très courte question pour le ministre.
Je m'intéresse beaucoup à cette question de la présence
des non-francophones à l'intérieur de la fonction publique. Dans
votre ministère, vous avez 906 personnes en permanence cette
année. La prévision est d'un peu moins pour l'année
prochaine. Est-ce que vous êtes en mesure de nous dire le pourcentage et
le nombre de non-francophones au sein du ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration aujourd'hui et quand vous
êtes devenu ministre?
Le Président (M. Blouin): M. le ministre.
M. Godin: C'est 17,2% à peu près et c'est un
chiffre stable depuis deux ans et demi.
M. Scowen: C'est 17,... M. Godin: 17,44%. 17,4%.
M. Scowen: Ce n'est pas changé. Ce sont des personnes
anglophones...
M. Godin: Soit anglophones, soit des citoyens qui ne sont pas
nés au Canada.
M. Scowen: Avez-vous le nombre d'anglophones?
M. Godin: Non, il n'y a pas de ventilation.
M. Scowen: Ce n'est pas changé depuis que vous êtes
devenu ministre?
M. Godin: Non. Je réponds à votre question. On n'a
pas dans le cahier la ventilation que vous voulez entre anglophones et autres,
mais nous pouvons vous l'obtenir. J'espère que, cette fois, je pourrai
vous livrer cette réponse...
M. Scowen: Avant deux jours.
M. Godin: ...dans un délai plus court que le rapport du
CIPACC.
M. Scowen: En terminant, M. le Président, je veux juste
dire au ministre que je suis convaincu que les efforts qu'il a faits
jusqu'à maintenant pour augmenter le nombre d'anglophones au sein de la
fonction publique n'ont abouti à rien. Les propos pour l'avenir sur les
efforts qui vont se faire par la ministre de la Fonction publique, sont aussi
peu impressionnants. Je le dis parce que...
M. Godin: Vous avez eu des chiffres?
M. Scowen: ...j'ai regardé attentivement les efforts que
M. Trudeau a été obligé de faire pendant quinze ans pour
réaliser ce qu'il a réalisé et ce n'est quand même
pas beaucoup de monde, c'est encore insatisfaisant, à Ottawa. Il a
été obligé de créer une commission qui relevait de
la Chambre des communes, il a été obligé de faire des
efforts incroyables pour qu'aujourd'hui nous ayons à Ottawa un
pourcentage de francophones au sein de la fonction publique, plus ou moins, je
ne veux pas exagérer, équivalent à notre pourcentage de
population. Je pense que dans vos efforts, si vous êtes vraiment
sérieux dans votre désir de rendre justice à la
minorité ici, il faut que vous acceptiez, avec tous les obstacles
structurels que vous allez rencontrer à l'intérieur de la
fonction publique pour faire des changements, il faudrait, dis-je, que vous
acceptiez de devoir faire au moins autant que M. Trudeau a fait, parce que je
suis persuadé que les fonctionnaires francophones au Québec sont
aussi têtus que les fonctionnaires anglophones à Ottawa.
M. Godin: Remarquez bien que ce n'est pas parce que cela va
prendre plusieurs années qu'il ne faut pas commencer dès
maintenant, au contraire.
M. Scowen: C'est la meilleure façon de commencer.
M. Godin: On a confié ce mandat, comme vous le savez,
à des gens respectés et respectables de la communauté
anglophone et de quatre autres communautés, et ils ont travaillé
depuis un an avec acharnement pour mettre en place au moins les structures qui
vont permettre d'y arriver. Moi, le seul engagement que je peux prendre ici,
c'est de continuer à travailler pour y parvenir. Pensez-vous que le
gouvernement aurait créé le CIPACC avec un budget de presque un
demi-million par année uniquement pour clouer le bec à ceux qui
veulent qu'on agisse? C'est une bombe à retardement ce CIPACC, si,
effectivement, il n'y a pas de résultat. Par conséquent, le
gouvernement l'a créé et va assumer les conséquences de ce
comité, c'est-à-dire va mettre en place des programmes qui vont
nous permettre d'atteindre l'objectif. Je ne vous dis pas que ce sera demain,
M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Je suis sûr que,
vous et moi, puisque c'est un point sur lequel on s'entend, semble-t-il, nous
allons continuer à lutter pour que cela se produise. (17 heures)
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. Je
présume, M. le député de Gatineau, que votre intervention
nous permettrait de pouvoir adopter ce premier programme, s'il n'y a pas
d'autres interventions. Nous pourrions ensuite passer au second.
M. Gratton: Vous parlez du premier programme qui s'intitule
comment?
Le Président (M. Blouin): Le programme des
communautés culturelles et de l'immigration.
M. Gratton: Non, M. le Président, nous avons d'autres
questions.
Le Président (M. Blouin): Bon, d'accord. Allez-y.
M. Gratton: À l'élément qui traite du
CIPACC, le ministre, à la catégorie 1, dans son cahier vert, nous
parle d'une augmentation de 208% à la rubrique "traitements".
Pourrait-il me dire de quoi tout cela relève?
M. Godin: C'est que le mandat de la première année
n'était pas un mandat de douze mois, tandis que le mandat de la
deuxième année était un mandat de douze mois pour un plus
grand nombre de personnes. Si vous vous souvenez, le premier membre du CIPACC a
été nommé en mars 1981 et les autres ont été
nommés en octobre 1981; donc, si vous étalez cette fluctuation
sur une année budgétaire par rapport à une année
complète, cela fait déjà 1% de plus.
M. Gratton: Combien y en a-t-il de plus en nombre absolu?
M. Godin: Ils sont cinq en tout... M. Gratton: Ils
demeureront cinq...
M. Godin: ...dont quatre sont payés par le CIPACC et un
par le gouvernement, par le ministère de la Fonction publique.
M. Gratton: Donc, l'augmentation ne se retrouve pas dans le
nombre, mais dans...
M. Godin: Non, non, pas du tout, c'est...
M. Gratton: ...la durée du mandat.
M. Godin: ...l'étalement des salaires sur une
période plus longue cette année, enfin, une période de
douze mois alors que l'année précédente, c'était
beaucoup moins de mois de l'année budgétaire.
Les immigrants au travail
M. Gratton: M. le Président, si vous le voulez bien, on
pourrait aborder la situation des immigrants au travail. En janvier
dernier,
Sheila McLeod Arnopoulos relevait le fait qu'un grand nombre de femmes
immigrantes, surtout celles du tiers monde, se trouvent dans les usines non
syndiquées, telles que le textile et le vêtement. Dans ces
endroits, plusieurs gagnent moins que le salaire minimum et oeuvrent dans des
conditions qui rappellent l'Angleterre de Charles Dickens, disait-elle. C'est
un phénomène connu depuis longtemps par le gouvernement et par
les syndicats et il existe toujours. S'il y a eu de petits changements mineurs
sur le plan législatif, ils ne sont pas suffisamment importants et ces
femmes restent à la merci de leur patron. Souvent, elles ne veulent pas
déclarer leur situation de peur de représailles et ne sont pas au
fait des normes minimales de travail. Mme Arnopoulos a reproché entre
autres au gouvernement péquiste de ne montrer aucune disposition
réelle à aider les femmes qui travaillent dans les secteurs
traditionnellement réservés aux immigrants. Les autorités,
avec leurs petites subventions pour les colloques et autres activités du
genre, manifestent leur sympathie pour ce sous-prolétariat, mais c'est
pour la galerie et cela finit là.
Le gouvernement avait mentionné dans son plan d'action autant de
façons d'être Québécois qu'il faudrait trouver des
moyens supplémentaires pour arrêter cette exploitation. La
question que je pose au ministre, c'est: Est-ce que vous pouvez nous dire ce
qu'il en est de ces moyens supplémentaires qu'on a annoncés il y
a deux ans? Quels sont ces moyens supplémentaires qu'on a
implantés depuis?
Le Président (M. Blouin): M. le ministre.
M. Godin: L'article de Mme Sheila Arnopoulos a été
lu et abondamment analysé au sein du ministère parce qu'il ne
tenait pas compte d'un certain nombre de faits tout simplement, entre autres,
que le ministère a organisé les 4, 5 et 6 juin 1982, un colloque
intitulé Femmes immigrées, à nous la parole. Vous avez
peut-être eu copie des actes de ce colloque. Il y a plusieurs centaines
de résolutions qui sont sorties du colloque, acheminées à
la table de concertation qui conseille le ministère. Depuis ce temps,
nous travaillons à des mesures précises, entre autres, la
publication en plusieurs langues, sous forme de livret facile à
manipuler, des normes minimales de travail; également, il y a une
réforme qui nous permettrait de mieux protéger les travailleuses
domestiques, en leur assurant la protection des lois au Québec, au lieu
de les laisser soumises à l'exploitation de leur employeur.
Également, Mme Arnopoulos écrivait que le ministère
n'aidait nullement les regroupements ou associations de femmes immigrantes. Je
vous donnerai d'ici quelques secondes la ventilation des montants que nous
avons distribués aux organismes de femmes immigrées, de femmes
immigrantes, précisément parce que le modèle que nous
appliquons au ministère consiste plutôt à donner à
des organismes qui sont enracinés à la base dans les
problèmes et qui les vivent les moyens d'agir et de sensibiliser les
femmes immigrantes à leurs droits et, également, d'informer le
ministère sur des changements à apporter aux lois,
règlements et à tout ce qui est l'appareil réglementaire
et législatif du gouvernement. Ces chiffres s'en viennent.
Donc, par conséquent, il y a eu des décisions de prises,
il y a des événements qui ont eu lieu, il y a eu des changements
qui se sont produits et, encore là, nous croyons que la meilleure
manière de procéder consiste à s'en remettre aux femmes
qui vivent ces problèmes en subventionnant leurs propres organismes;
s'en remettre à elles pour trouver des solutions à leurs propres
problèmes.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: Donc, si je comprends bien, outre l'aide
financière que le ministère a offerte à ces personnes qui
veulent se regrouper...
M. Godin: J'ai les chiffres. Excusez-moi, M. le
député. Entre 200 000 $ et 250 000 $ de subventions ont
été accordées à des organismes pour la
défense des droits des femmes immigrantes...
Une voix: Incluant le colloque.
M. Godin: ...incluant le colloque effectivement - pour la
défense des droits du personnel domestique, à des organismes de
femmes qui servent, dirais-je, de multiplicateurs de ces données, sans
compter deux subventions de 40 000 $ au total à la CSN et à la
FTQ pour ce qui est de leur organisation de défense des droits des
travailleurs et travailleuses immigrants à l'intérieur des
structures de ces centrales.
Donc, en tout, vous avez presque 300 000 $ du budget du ministère
qui est allé précisément à la défense des
droits des travailleurs et travailleuses immigrantes au Québec.
M. Gratton: Je prends note de l'aide financière de l'ordre
de 200 000 $, 250 000 $.
M. Godin: 300 000 $ en tout, si vous comptez la CSN et la
FTQ.
M. Gratton: Oui, et je prends note également que le
ministre a dit: Nous
travaillons sur plusieurs projets précis, notamment certaines
publications.
M. Godin: ...normes minimales de travail en plusieurs langues,
les principales langues tierces parlées au Québec.
M. Gratton: Elles ne sont pas encore disponibles, si je comprends
bien?
M. Godin: C'est en voie de traduction.
M. Gratton: D'accord. Notamment, combien de postes d'inspecteurs
et d'inspectrices, par exemple, ont été créés pour
la surveillance des normes minimales de travail envers les immigrants?
M. Godin: Cela ferait partie du rapport du CIPACC.
M. Gratton: L'avez-vous lu? Quand l'avez-vous, lu ce rapport?
M. Godin: Je l'ai lu le rapport du CIPACC, mais je briserais mon
serment d'office si je vous le dévoilais ici.
M. Gratton: Mais le rapport du CIPACC dit qu'il n'y a eu
aucune...
M. Godin: Le rapport du CIPACC en parle.
M. Gratton: Oui. Ç'aurait été fort utile
d'étudier les crédits du ministère après la
publication du rapport du CIPACC.
M. Godin: À qui le dites-vous!
M. Gratton: Pourquoi ne sait-on trop à qui s'en prendre
dans l'organisation des travaux?
M. Godin: De toute façon, M. le député de
Gatineau, nous serons tous les deux ici l'année prochaine, à
moins d'un remaniement très majeur, et vous aurez l'occasion de poser
des questions sur peut-être deux rapports du CIPACC en ligne. Vous
pourriez avoir non pas six heures d'étude de crédit, mais
soixante heures, à votre goût.
M. Gratton: II n'y a rien qui me plairait plus, M. le
Président.
M. Godin: Moi aussi.
M. Scowen: J'aurai une question sur les illégaux en temps
et lieu.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
Immigrants illégaux M. Scowen: J'ai lu le texte concernant
le problème très difficile des immigrants illégaux et
j'arrive à votre politique, aux pages 46, 47 et 48. Je dois vous dire,
et je l'admets au départ, que je n'ai pas la solution. Est-ce que vous
le trouvez?
M. Godin: La mienne n'est pas paginée. Allez-y, je connais
par coeur le contenu.
M. Scowen: C'est le chapitre 5, Conclusion, mesures de
redressements, page 46.
M. Godin: Je l'ai. Allez-y.
M. Scowen: Je pense que vous proposez deux solutions que vous
qualifiez d'extrêmes, soit l'expulsion...
M. Godin: Ou l'amnistie.
M. Scowen: ...ou l'amnistie générale, et vous en
arrivez à une solution que vous appelez intérimaire, entre les
deux, solution qu'on peut appliquer avec souplesse et qui est discrète.
Je dois vous dire que cette solution ne me plaît pas, et je vais vous
dire pourquoi.
J'ai un paquet d'illégaux dans mon comté et je suis
appelé à traiter avec eux d'une façon
régulière. Oui, M. le député de Bourassa, j'ai un
paquet d'illégaux, surtout des personnes qui viennent des Caraïbes,
dans le comté de Notre-Dame-de-Grâce. Il y a environ 12 000
personnes résidant dans le comté de Notre-Dame-de-Grâce qui
sont des noirs des Caraïbes, d'après les plus récents
chiffres. Il y en a plusieurs qui sont très mal à l'aise parce
qu'ils sont illégaux eux-mêmes ou parce qu'ils ont des amis ou des
parents qui sont illégaux. C'est un problème quotidien dans le
comté. Je sais très bien que cette discrétion s'applique
si un cas est apporté, par exemple, à un député. Il
peut téléphoner au ministre, soit le ministre à Ottawa ou
le ministre d'ici, et normalement on essaie de faire quelque chose. Ce
système, pour les cas qui arrivent dans nos bureaux... Je dois admettre
que jusqu'ici le ministre a démontré une compréhension que
je trouve excellente. Cependant, ce que je constate, c'est que, si notre
politique est une politique de discrétion et que les gens ne sont pas
conscients de la possibilité qui existe de régler les cas de
cette façon, vous risquez non seulement de créer beaucoup
d'inquiétude parmi les familles qui ont avec eux une personne
illégale mais aussi d'encourager certaines actions que je trouve
malsaines. Par exemple, c'est très facile d'exploiter les personnes qui
sont dans cette situation. J'ai des cas de personnes qui ont acheté des
cartes-soleil qui ont coûté des centaines de dollars. Elles ont
changé leur nom. Je vois des personnes qui sont allées voir
certains avocats et dont les frais, pour
le conseil qu'ils donnent, sont souvent très importants. Je vois
des personnes qui ont une peur épouvantable de la police et qui
deviennent paranoïaques devant la situation dans laquelle elles se
trouvent. Alors j'aimerais que le ministre essaie de développer une
politique qui soit plus visible que celle qu'il prône dans les pages que
nous avons devant nous et qu'il essaie de développer une politique qui
dit quelque chose publiquement. Je ne parle pas d'une amnistie, j'accepte la
liste des problèmes qu'il a soulevés et qui sont causés
par une amnistie générale. Je trouve que c'est probablement
logique. Mais, entre une discrétion presque silencieuse et une amnistie
générale, on doit être capable de développer quelque
chose qui aurait le pouvoir d'informer les personnes qui sont dans cette
situation ainsi que leurs amis et parents, qui sont souvent les personnes qu'on
contacte dans un premier temps. Il faudrait leur dire que, d'une façon
générale, il existe certaines portes de sortie. Alors, j'aimerais
beaucoup que le ministre revoie les pages 48 et 49 parce que c'est une question
qui crée beaucoup de problèmes humains non seulement dans mon
comté mais un peu partout au Québec. Il doit y avoir un moyen de
sortir cette politique de l'ombre et de la rendre plus claire.
Le Président (M. Blouin): M. le ministre.
M. Godin: Je me réjouis de voir que vous vous
préoccupez de cela. Je le savais d'avance parce que nous travaillons
littéralement ensemble à certains cas. Remarquez que ce travail
que nous faisons à partir des cas qui nous sont soumis par des
députés, des organismes, des personnes ou des paroisses, ce n'est
pas la solution idéale, je suis tout à fait d'accord avec vous.
La solution que nous proposons ne serait pas une solution de ce type. Elle
consisterait à avertir, via les organismes non gouvernementaux et via
les journaux, de l'existence de cette politique à la condition qu'il y
ait une entente entre Ottawa et nous pour que cette politique puisse
s'appliquer à ce qui touche aux illégaux qui sont au
Québec. Le problème que nous avons présentement c'est
précisément, si nous ouvrons notre politique proposée,
c'est-à-dire l'analyse par les fonctionnaires professionnels du
ministère en vertu des critères connus que j'ai mentionnés
ce matin et qui relèvent de l'article 18c, il y a trois cas
généraux, les requérants qui ont déjà de la
famille au Québec et dont une séparation prolongée serait
source de sérieuses perturbations; les personnes qui vivent depuis
plusieurs années au Québec, même illégalement, et
qui s'y sont bien intégrées; les personnes qui, à cause de
leurs activités professionnelles, économiques ou artistiques,
représentent un acquis certain pour notre société et,
enfin, les personnes dont la sécurité physique serait
menacée par l'emprisonnement ou la torture ou dont la vie même
serait en danger si elles ne pouvaient s'installer au Québec. Nous, ce
sont les critères que nous appliquons. Ils s'inspirent en gros des
critères du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les
réfugiés, en gros de l'expérience du ministère, qui
existe depuis 1968 au Québec, et également d'une
expérience très concrète et très récente
dans le cas des Haïtiens. (17 h 15)
Ce que nous voulons, c'est que toutes les personnes qui n'ont pas de
statut, qui sont illégales se présentent à un
fonctionnaire du ministère. Ce fonctionnaire les évalue et
décide, seul ou après consultation avec un comité que ces
personnes devraient être acceptées au Québec, devraient
avoir un statut d'immigrant légalement reçu au Québec.
Par ailleurs notre crainte, M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce, c'est que le fédéral les retourne ou
que le fédéral exige que ces personnes quittent le Canada pour
formuler une demande officielle et là se soumettent, même si elles
répondent aux critères que j'ai mentionnés, avec les
perturbations familiales, les riques de torture, d'emprisonnement, tout ce que
j'ai mentionné, si le fédéral décide... Notre lutte
avec le fédéral, pour ne pas dire contre le
fédéral, c'est de leur dire: Nous sommes assez matures et adultes
dans notre juridiction dans le domaine de l'immigration pour que vous nous
fassiez confiance et que vous reconnaissiez que les cas que nous
déterminons nous-mêmes comme étant susceptibles d'avoir le
statut légal, vous les traitiez sur place. C'est notre position de fond.
Jusqu'à ce jour on n'a eu de réponse positive d'aucun
ministère de l'Immigration fédéral, sauf exception pour
les Haïtiens, il y a quelques années. Nous avons montré,
dans le cas des Haïtiens, que nous pouvions, en adultes, administrer aussi
bien que n'importe quel autre gouvernement une politique d'immigration
basée sur les critères que j'ai mentionnés. Je dois
même dire que ces critères, depuis lors, se sont raffinés,
ont été approfondis et s'inspirent de l'expérience que
nous avons eue avec les Haïtiens et également d'une
mini-opération qu'on a faite il y a plusieurs mois à la suite
d'un reportage de CFCF, je pense. Gordon Sinclair avait attiré
l'attention du public sur un certain nombre d'immigrants illégaux qui
venaient précisément de la Barbade et des Antilles anglaises.
Nous avons traité presque 300 cas, cas par cas, nous basant sur des
critères administrés par des professionnels, la tâche du
ministre dans ceci ne consistant qu'à signer des décisions prises
par d'autres.
M. Scowen: Si je ne m'abuse, les
personnes qui sont admises par une décision du ministre
fédéral pour des raisons humanitaires ne sont pas obligées
de quitter le pays?
M. Godin: Non, mais justement pour éviter à ces
personnes de devoir se présenter à deux ministères,
à deux adresses, répéter deux fois la même chose,
nous avons demandé au fédéral: Confiez-nous, comme vous
l'avez fait pour les Haïtiens, la tâche de faire cette
évaluation, cette détermination. Nous allons vous soumettre la
liste de ceux que nous acceptons, entérinez-la et cela marchera
très bien. Ils ne sont pas d'accord parce qu'ils se battent pour la
souveraineté, leur juridiction.
M. Scowen: Je pense qu'ils se battent avec...
M. Godin: ...au détriment des droits des
illégaux.
M. Scowen: Pour moi c'est compréhensible qu'ils se battent
pour garder un certain pouvoir décisionnel en ce qui concerne la
criminalité de l'affaire, s'il y a des gens qui ont des aspects...
M. Godin: Cela resterait.
M. Scowen: Ils doivent, quant à moi, garder cet aspect. Si
je vous ai bien compris tantât...
M. Godin: Le droit de veto ultime, nous sommes d'accord pour
qu'ils le gardent.
M. Scowen: ...vous avez dit que tous ces gens étaient
obligés actuellement de quitter le pays pour six mois avant de pouvoir
être acceptés à titre légal. Quant à moi ce
n'est pas vrai. Le problème, aujourd'hui... Ce n'est pas de cette
question que je parle. J'espère, si je vous comprends bien, que vous
avez l'intention, dans les jours qui viennent, de rendre publique une
déclaration en ce sens que les illégaux peuvent profiter d'un
certain cheminement pour régler leur statut, soit par la voie des
médias...
M. Godin: Ma seule crainte...
M. Scowen: C'est cela que je voulais.
M. Godin: ...M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce, c'est la suivante: nous avons ici une proposition
que nous faisons au gouvernement fédéral et cette proposition est
publique; elle a été publiée dans les journaux. C'est
accessible. Les ONG, comme on les appelle, les organismes non gouvernementaux
dans lesquels se retrouvent vos commettants, M. le député, sont
au courant de l'existence de cette proposition que nous faisons au
fédéral. Voici quelle est notre crainte. On dit: D'accord on a un
programme, on en fait la publicité dans les médias, la Gazette,
le Suburban, le Moniteur, le Presse, le Devoir et on reçoit 2000
personnes. Nous leur faisons passer notre questionnaire, la grille de
sélection du Québec, nous les acceptons. Si on arrive à
800 personnes acceptées sur 2000, on se retourne vers le gouvernement
fédéral et il dit: Non, on veut tout recommencer cela. Sur les
800 que nous avons sélectionnés de peine et de misère,
pour les immigrants candidats, ils n'en prennent que 400 ou 200. En plus, nous
dévoilons leur existence au pouvoir fédéral qui peut les
expulser. Par conséquent, les personnes sont craintives. Si nous avions
la garantie - que nous demandons - que le fédéral, comme il l'a
fait pour les Haïtiens, reconnaît que le Québec est un
gouvernement assez adulte dans le domaine de l'immigration, pour que sa
détermination de cas dont j'ai parlé tout à l'heure, de
cas humanitaires, est sérieuse et valable, par conséquent, le
gouvernement fédéral n'annulera pas la décision du
Québec, et nous sommes prêts à ouvrir nos portes pour
traiter les cas d'illégaux. Mais, faute d'avoir cette garantie, il ne
serait pas raisonnable de notre part de le faire autrement que sur une base de
cas par cas comme nous le faisons présentement.
M. Scowen: Je ne veux pas prolonger la discussion, mais je veux
dire, en conclusion, que je trouve que vos efforts dans cette direction sont
très louables, mais je pense que vous exagérez quand vous
demandez au gouvernement fédéral de vous donner carte blanche
pour tout le monde que vous allez approuver, parce que, en fin de compte, c'est
le gouvernement fédéral qui a la responsabilité de
regarder ces cas concernant la sécurité nationale et la
criminalité.
M. Godin: On ne touche pas à cela. Nous ne toucherions pas
à ces aspects.
M. Scowen: II faut absolument qu'il garde cet aspect du
pouvoir.
M. Godin: M. le député, santé et
sécurité, les deux critères de l'examen médical, du
contrôle médical, resteraient sous la responsabilité du
gouvernement fédéral; l'autre critère, la
sécurité de l'État, resterait également sous la
responsabilité du fédéral. Les gens en seraient
prévenus. Comme nous n'avons pu nous entendre... Au fond, ce que nous
demandons au fédéral, ce n'est pas beaucoup de choses. Nous leur
laissons le droit de veto sur la santé et la sécurité.
Nous leur demandons tout simplement d'alléger le fardeau des immigrants
illégaux, de telle manière que,
s'ils se soumettent à la grille de sélection du
Québec, ils ne seront pas obligés en plus de se soumettre
à une grille de sélection du gouvernement fédéral,
mais seulement à l'examen de la police et à l'examen
médical du fédéral. Est-ce clair?
M. Scowen: Oui, c'est raisonnable. Faites-le, allez-y!
M. Godin: C'est tout ce que nous demandons, mais on ne peut pas
le faire, le gouvernement fédéral ne veut pas.
M. Scowen: Nous sommes d'accord.
M. Godin: Je peux préciser, en terminant, le gouvernement
fédéral nous a dit...
M. Scowen: Est-ce que le fédéral a dit non?
M. Godin: Ce que M. Axworthy m'a dit, quand je l'ai
rencontré à Ottawa, il y a bientôt deux ans et demi, c'est
ceci: Soumettez-moi vos cas un par un et nous allons décider un par un.
Cela n'allège en rien le fardeau de l'immigrant. Cela allège le
mien peut-être, mais pas le fardeau de l'immigrant, parce que le ministre
peut décider, malgré que mes fonctionnaires professionnels
très sérieux aient identifié...
M. Scowen: On peut vivre même avec cela.
M. Godin: Pardon?
M. Scowen: On peut vivre même avec les deux grilles. Le
problème essentiel, c'est de faire comprendre aux immigrants que ce
recours existe. S'ils sont obligés de passer par deux grilles, ce n'est
pas pire que ce qu'ils auraient été obligés de faire s'ils
étaient venus d'une façon légale.
M. Godin: Ils le font déjà. La possibilité
existe déjà.
Le Président (M. Blouin): La parole est au
député de Fabre. Est-ce sur le même sujet?
M. Leduc (Fabre): Oui, M. le Président.
Le Président (M. Blouin): Vous avez la parole.
M. Leduc (Fabre): Oui, c'est connexe. Je voudrais que le ministre
nous fasse l'éclairage sur la question des réfugiés. En
fait, le député a touché la question des illégaux,
mais il y a la question des réfugiés en situation de
détresse. D'après ce que j'ai lu, il y aurait, chaque
année, environ 15% des immigrants qui arriveraient au Québec et
qui seraient dans une situation de détresse, ce qui représente
environ 2000, 2500 personnes. Or, en octobre dernier, on a appris que le
gouvernement fédéral avait coupé les vivres, coupé
l'aide financière accordée jusque-là à ces
réfugiés. Depuis ce temps, puisque la question a
été reprise dans les journaux plusieurs fois, nous avons appris,
par exemple, en février que 500 réfugiés ont
adressé au Haut-Commissariat des Nations Unies pour les
réfugiés une demande pour obtenir un camp de
réfugiés dans la région de Montréal. C'est assez
surprenant que des réfugiés soient amenés à
demander un tel camp au Canada. Mais la situation en est là. Le
Québec a dû prendre la relève et a dû assurer une
assistance financière à ces réfugiés depuis que le
fédéral a coupé les vivres. Depuis quelque temps, on a
appris, cependant, que le Québec avait à son tour coupé
les vivres à ces réfugiés. Je demanderais au ministre de
nous dire pourquoi le Québec est intervenu de cette façon? Ce
qu'il compte faire pour ces réfugiés? S'il y a des pourparlers
avec le gouvernement fédéral pour trouver une solution à
cette détresse?
M. Godin: Dans mon discours de ce matin, j'ai tenté de
faire le tour de cette question. Ce que je peux vous dire, c'est que nous
appliquons dans ce domaine tout simplement la politique d'immigration du
Québec. Les personnes en attente du statut de réfugié -
à bien distinguer du réfugié reconnu comme tel qui, lui,
bénéficie de l'aide gouvernementale fédérale - ce
sont les personnes qui débarquent à Mirabel et qui disent: Moi,
je suis réfugié, est-ce que vous me décernez le statut de
réfugié? Le délai est de six mois à deux ans et
demi suivant la complexité du cas, suivant le fait que la personne doit
aller en appel, doit aller en révision d'une décision, etc...
cela peut prendre jusqu'à deux ans. Ce n'est pas toujours la faute du
fédéral si cela prend deux ans. Cela peut aussi être le
résultat d'un processus d'évaluation qui est comme un chemin de
croix; mais si la personne veut se soumettre au chemin de croix, cela peut
durer deux ans pour avoir son statut de réfugié.
Donc, aux personnes en attente du statut de réfugié, le
fédéral versait une compensation financière. Ayant
constaté que cette décision avait provoqué un flot
considérable de nouveaux candidats au statut de réfugié,
une nouvelle personne en attente du statut de réfugié, ils ont
décidé de fermer le robinet jusqu'à un certain point et de
décider: Nous ne leur versons plus de compensation financière
pour la période d'attente du statut officiel et légal de
réfugié. Nous en avons été avisés, vous
savez, deux jours plus tôt. Les ONG -
Organismes et organisations non- gouvernementaux - et le Québec
se sont retrouvés avec quelques centaines de personnes qui
étaient sans aucune ressource. À ce moment, le Québec a
décidé d'assumer ses responsabilités et de leur verser
l'aide sociale, tout en réfléchissant, par ailleurs, sur une
solution qui permettrait de mettre un terme à un influx trop
considérable pour les besoins financiers du Québec aussi bien que
pour les organismes non-gouvernementaux.
Donc, notre décision a été d'exiger que ces
personnes se soumettent à la grille d'examen du Québec et soient
détentrices d'un CSQ - certificat de sélection du Québec -
auquel cas nous leur versons l'aide sociale pour toute la période
d'attente du statut de réfugié. Dès que cette
période est terminée et que le fédéral leur donne
un statut de réfugié, elles reçoivent l'aide
fédérale quand elles y ont droit. Notre position a
consisté à obliger ces personnes à venir à nos
bureaux, premièrement. Le délai est présentement de deux
mois à cause du nombre. (17 h 30)
La première décision: CSQ égale aide sociale. Quant
à la deuxième décision, l'archevêché de
Montréal ayant mis sur pied L'Abri qui loge ces gens, le
ministère versera à L'Abri, en deux versements, 100 000 $ au
cours de l'année 1982-1983 et 1983-1984, pour qu'il y ait un minimum de
services et de soins accessibles à ces personnes.
La Présidente (Mme Lachapelle): Merci. M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: Sur le même sujet, Mme la Présidente, je
pense bien que le ministre conviendra avec moi - je conviens avec lui en tout
cas - que la situation est loin d'être idéale et pendant qu'on ne
s'entend pas entre le gouvernement fédéral et le gouvernement
provincial, ce sont malheureusement ces personnes, qui sont
dénuées de toute possibilité d'obtenir même un
minimum essentiel, qui en souffrent.
Quand je constate, comme l'a fait ce matin le ministre, que pour venir
en aide à ces personnes, l'archevêché de Montréal a
dû ouvrir son centre d'accueil pour réfugiés, je constate
également que le ministère y a contribué de quelque 50 000
$, deux fois, ce qui fait 100 000 $. Mais dans le fond, je pense que nous
sommes tous d'accord pour dire que ce n'est sûrement pas là une
solution digne du Québec, digne de Montréal non plus. Bien
sûr, Mirabel est au Québec et il y a des réfugiés
qui continueront d'arriver à Mirabel qu'on le veuille ou pas. Nous
sommes placés dans une situation qui fait que où que soient les
torts, qui qu'on puisse blâmer, que ce soit le fédéral ou
le provincial, peu importe, le fait demeure qu'il y a lieu d'essayer de trouver
des solutions à cela. Un problème qui est soulevé... Le
ministre expliquait tantôt que l'aide sociale est disponible à
compter du moment où un réfugié obtient son certificat de
sélection du Québec. Mais le ministre n'ignore pas qu'il y a un
processus assez lourd pour l'obtenir et il y a une période de temps
assez considérable pour qu'une personne puisse l'obtenir
également.
M. Godin: Maintenant, c'est deux mois.
M. Gratton: Oui, c'est deux mois, cela peut aller à trois
mois, mais on exige également de ces personnes de faire deux fois
l'exercice, c'est-à-dire une fois, pour le CSQ et une autre fois, pour
le gouvernement fédéral, de répondre aux mêmes
questions. Dieu sait que ces gens ne sont pas toujours dans un état
d'esprit pour répondre à des questions du genre de leur
affiliation politique, de ce qui les amène à fuir leur pays; ils
sont déjà traumatisés au départ. Je ne connais pas
la solution, mais je me demande si elle réside dans la décision
du ministre de ne pas accorder l'aide sociale pendant cette période de
temps. Je serais tout à fait prêt à me laisser convaincre
par le ministre qu'il y a lieu d'insister de toutes les façons possibles
auprès du ministère de l'Immigration du gouvernement
fédéral; on le ferait volontiers en étant convaincu qu'on
veut régler le problème de ces personnes. Mais en attendant,
est-ce qu'on laissera perdurer cette situation encore longtemps? Cette semaine
est précisément la semaine du bénévolat. Dieu sait
qu'il y a énormément de bénévoles qui se sont
préoccupés de ces... J'ai souvent l'occasion, par exemple, par la
commission ethnique de notre parti, de rencontrer des gens qui font cela
presque à temps plein, accueillir des réfugiés d'un peu
partout, leur trouver des gîtes plus ou moins salubres et plus ou moins
acceptables. On s'échange cela entre des représentants des
ethnies différentes et on se demande quelquefois, aux réunions
qui, normalement, devraient être strictement politiques: est-ce que vous
n'auriez pas deux ou trois espaces pour accueillir de gens de notre
communauté qui nous sont arrivés comme cela?
Est-ce que le ministre ne considère pas qu'il y aurait
possibilité de revoir cette décision de ne pas accorder l'aide
sociale avant qu'on puisse obtenir ce fameux certificat?
M. Godin: Remarquez que c'est ce que demandent des organismes non
gouvernementaux, enfin une partie de ces organismes du moins. Ce qui se passe,
M. le député de Gatineau - et vous n'êtes pas sans le
savoir, j'imagine - c'est que vous dites: II y aura toujours des
réfugiés qui arriveront à Mirabel. C'est un fait. Mais qui
va
déterminer qu'une personne est ou n'est pas un
réfugié? J'arrive à New York; je dis que je viens du
Québec et que je suis un réfugié. Supposons que Reed
Scowen, déçu du PQ, décide d'aller se réfugier
à Cleveland. Il descend à Cleveland et dit: Je suis
réfugié et je veux être nourri et logé par vous. Ne
me posez pas de questions. C'est tout ou rien. Je pense que j'y ai droit. M.
Scowen ou moi, nous irions ailleurs et devrions répondre normalement
à des questions. Il serait absolument aberrant que des gouvernements qui
ont la responsabilité des fonds publics ne posent pas de questions aux
gens à qui ces gouvernements verseraient des montants d'aide sociale ou
pour toute autre forme d'aide. Ce ne serait pas sérieux, parce que vous
mettriez en place des circonstances qui pourraient mener à une situation
où un afflux considérable de faux réfugiés se
dirigerait spontanément vers un pays si généreux.
Alors, il faut déterminer qui sont les vrais ou les faux
réfugiés. M. le député de Gatineau, vous savez
qu'il y a dans plusieurs pays du monde, de la part du Canada comme du
Québec, des bureaux d'immigration. Dans certains cas, la casquette du
réfugié est utilisée comme étant un court-circuit
des procédures normales d'évaluation des immigrants. Donc, il est
absolument essentiel que, cas par cas, ces personnes soient vues. Au fond, ce
sont les mêmes critères que pour les Québécois qui
bénéficient de l'aide sociale, ils doivent répondre
à des questions. Autrement, toute personne irait à l'aide sociale
et dirait: Donnez-moi de l'aide sociale. Même un député
pourrait aller à l'aide sociale et dire: Cela me ferait 4000 $ ou 5000 $
de plus par année, pendant la période des coupures, cela me
ferait seulement une augmentation. Un professeur aurait pu y aller pour
compenser ses 20% de coupures sur trois mois. Et pas de question! No questions
is askedi Tout le monde y a droit. On y va. C'est le "party". C'est le
pique-nique. Ce ne serait pas sérieux. La même règle doit
s'appliquer à ces personnes en attente du statut de
réfugié.
Donc, puisque c'est le fédéral qui a le pouvoir de
déterminer qui est réfugié ou non, le Québec va
voir si ces personnes sont des cas de détresse ou non. S'il appert que
c'est un cas de détresse, qui a besoin de l'aide sociale, nous allons la
lui verser. Mais il faut le savoir. Cela prend six semaines. Il y a quelques
mois, cela prenait trois semaines mais, maintenant, cela prend six semaines,
parce qu'il y en a plus. Il y a des arrivées de 200 personnes par mois
à Mirabel. Donc, on ne serait pas un gouvernement sérieux et on
se ferait reprocher par vous de jeter l'argent par les fenêtres si on
versait de l'aide sociale à toute personne qui arrive à Mirabel
et qui se dirait réfugiée, sans vérifier si elle l'est
vraiment.
M. Gratton: Non, je pense bien que ce n'est pas ce qu'on
suggère au ministre. D'ailleurs, l'exemple qu'il utilise du
député de Notre-Dame-de-Grâce qui arriverait à
Cleveland, je ne lui poserais même pas de question, je le retournerais
tout simplement chez lui. Cela n'a rien à voir avec la personne en
question. Mais quand on est à Mirabel et qu'on voit des gens qui
arrivent, par exemple, du Guatemala, du Salvador, du Sri Lanka, d'endroits qui
sont loin d'être le Québec, même péquiste, le moins
qu'on puisse dire, c'est qu'on sait à quoi on a affaire. Il ne s'agit
pas du Reed Scowen de votre exemple de tout à l'heure.
M. Godin: Non, pour nous... Enfin, avez-vous terminé?
M. Gratton: Non.
M. Godin: Simplement sur le point dont vous venez de parler,
quand ces personnes viennent de pays reconnus internationalement, entre autres,
par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, El
Salvador est un "beau" cas, nous avons une entente -je l'ai citée ce
matin - avec le ministère fédéral de l'Immigration aux
termes de laquelle toute personne qui vient de El Salvador a son statut de
réfugié presque automatiquement. Nous avons ce que nous appelons
des "programmes spéciaux".
M. Gratton: Après combien de temps?
M. Godin: Ce sont des "classes désignées". Prouvez
que vous êtes d'El Salvador et c'est automatique. Pour Haïti, il y a
quelques années, c'était la même chose. Pour le Vietnam, le
Laos et le Cambodge, les "boat peoples", c'était la même chose.
Programmes spéciaux automatiques. Nous avons donc, en collaboration avec
le Haut-Commissariat aux Nations Unies, déterminé un certain
nombre de pays, d'où nous acceptons les Polonais. Les 500 à 600
Polonais de l'an dernier étaient arrivés ici en vertu d'un
programme spécial et ont bénéficié à leur
arrivée même des services gouvernementaux du fédéral
et du provincial. Mais quand ce ne sont pas des pays pour lesquels il y a des
programmes spéciaux, remarquez bien que nous avons, chez nous, des
spécialistes de la question des réfugiés qui nous disent:
Tel pays devrait bénéficier de ce statut particulier. Obtenez une
entente avec le fédéral pour y parvenir. Mais pour les cas qui
viennent de Sri Lanka, que vous avez cités, M. le député
de Gatineau, Sri Lanka, travailleurs immigrés en Allemagne... D'accord?
Ils arrivent de la République fédérale allemande et ils
ont su qu'au Québec on débarquait à Mirabel et on avait
400 $ par mois. Ils viennent à Mirabel plutôt que d'être en
chômage, de ne rien faire en
Allemagne. Dans certains cas, on découvre après que ces
gens ont des biens, ont des montants d'argent dans leurs poches. Par
conséquent, il faut les "processer", comme on dit en anglais.
M. Gratton: Justement, au sujet du "processing", le
ministre...
M. Godin: Juste un dernier détail. Nous croyons, par
ailleurs, que l'État ne doit pas être le seul intervenant. Ce que
l'archevêché fait, c'est merveilleux. La collecte de fonds que
l'archevêché fait auprès des gens charitables du
Québec, c'est merveilleux. Dans les paroisses, les quêtes qui se
font pour ces personnes, c'est merveilleux. L'abri qui est mis sur pied par
l'archevêché, cela émane de la
générosité et de la charité des citoyens du
Québec. Centraide donne un coup de main. Je pense donc qu'il doit y
avoir un éventail de personnes - pas seulement l'État
québécois ou canadien - un éventail d'organismes et de
personnes qui se dévouent spontanément pour ces personnes.
M. Gratton: Pour revenir au "processing" de ceux qui doivent
obtenir un certificat de sélection, le ministre disait tantôt: On
parle d'environ six semaines. Déjà, c'était trois semaines
mais à cause du nombre plus grand, c'est maintenant rendu à six
semaines. On reçoit des représentations à l'effet que cela
peut aller jusqu'à trois ou quatre mois. Est-ce que c'est six semaines
ou quatre mois?
M. Godin: Cela peut être trois mois; tout dépend de
la complexité du cas. Par ailleurs, pour répondre à la
pression du nombre, nous avons doublé, je pense, le nombre de
fonctionnaires qui étaient affectés au traitement de ces
dossiers.
M. Gratton: Quand cela s'est-il produit? M. Godin: Cela
date d'une semaine.
M. Gratton: C'est assez récent, mais au moins c'est
cela.
M. Godin: Au moins c'est fait, contrairement au rapport du
CIPACC. C'est fait.
M. Gratton: Oui. Je réitère au ministre l'offre que
je lui faisais tantôt à savoir que, personnellement, c'est une des
choses qui m'intéressent vivement et je serais tout à fait
disposé à user de mes contacts à Ottawa parce que j'en
ai.
M. Godin: D'accord.
M. Gratton: Ils n'apportent pas nécessairement toujours
des résultats concrets, mais je pense que si, effectivement, on a besoin
de pousser sur nos confrères d'Ottawa, on n'est pas réfractaires
à cela non plus.
M. Godin: Écoutez, vous avez lu le rapport sur les
illégaux, vous avez entendu le passage de mon discours - vous le verrez
au journal des Débats - sur les personnes en attente du statut de
réfugié. Libre à vous d'y donner suite. Je me suis souvent
demandé si vous étiez l'homme du Québec à Ottawa ou
l'homme d'Ottawa dans le Parti libéral. Ce n'est pas encore clair dans
mon esprit, d'après ce que vous dites, mais si vous avez des contacts
là-bas, usez-en pour le bien de ces personnes mal prises.
M. Gratton: Si cela peut rassurer le ministre...
M. Godin: Et on vous bénira, monsieur...
M. Gratton: Si cela peut rassurer le ministre, je ne suis l'homme
de personne, sauf de moi-même.
M. Godin: D'accord.
M. Gratton: Je n'ai pas l'habitude de me mettre à plat
ventre devant les gens, pas plus s'ils proviennent d'Ottawa que s'ils
proviennent de Québec, du Parti québécois ou du Parti
libéral.
M. Godin: On a vu cela il n'y a pas longtemps.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce. Vous avez terminé, M. le député
de Gatineau?
M. Gratton: Sur la question des réfugiés, j'avais
d'autres questions mais je pense... Je ne sais pas s'il y a d'autres questions
sur la question des réfugiés?
M. Scowen: Non, c'est encore sur les illégaux et j'avais
juste une petite suggestion à proposer. J'ai réfléchi un
peu sur ce que le ministre m'a dit et j'ai une proposition qui peut
peut-être le choquer mais au moins il pourra y
réfléchir.
M. Gratton: Sûrement.
M. Scowen: Je propose que vous continuiez de poursuivre vos
conversations avec le fédéral et si...
M. Godin: C'est ce qu'on fait.
M. Scowen: ...après une certaine période, il
n'accepte pas vos propositions, pourquoi ne pas mettre de côté
votre grille
et essayer d'obtenir une entente avec le fédéral qui va
s'occuper lui-même de ces personnes sans qu'on s'en mêle? (17 h
45)
Je suis persuadé, premièrement, que cela ne menacera pas
la spécificité du Québec parce qu'il n'y en a pas tant que
cela et la question est une question humaine. C'est le fédéral
qui leur a permis d'entrer ici, pas nous. C'est le fédéral qui
n'a pas poursuivi l'affaire après les délais légaux pour
les retourner chez eux. C'est essentiellement un problème
fédéral. Les gens qui sont ici dans cette position ne sont pas
capables de comprendre les nuances de notre système
fédéral. Je suis persuadé que si on pouvait régler
le problème en disant au fédéral: On va mettre de
côté notre grille, notre critère pour ces personnes pourvu
que vous acceptiez de mettre sur pied quelque chose de concret pour que les
gens puissent s'adresser aux fonctionnaires fédéraux ou aux
députés fédéraux et avoir une solution à
leurs problèmes, je pense qu'on rendrait un grand service à ces
gens et aux Québécois en général.
Le Président (M. Blouin): M. le ministre.
M. Godin: Remarquez que je ne voudrais pas être le ministre
de l'Immigration du Québec qui voit les pouvoirs dont il dispose
être l'objet d'un tirage de mailles. On tire une maille et, en fin de
compte, il n'y a plus de gilet du tout et on gèle comme des rats dehors.
Je pense que le Québec se bat pour avoir une politique de l'immigration
à lui depuis des années, pour des raisons que vous connaissez
certainement et qui ont été évoquées en 1968 lors
de la création du ministère, et même des années
avant par les deux partis des deux côtés de la Chambre. L'ex-chef
du Parti libéral, M. Claude Ryan, s'est réjoui, il y a
bientôt quinze ans, quand le Québec s'est doté de cette
politique. Remarquez que le fédéral joue sa partie et il voudrait
bien que le Québec recule et que soit grignotée peu à peu
cette juridiction. C'est ce que vous proposez, M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce, et je ne pense pas que vous le proposiez ou que vous
le proposeriez si jamais vous étiez de ce côté-ci de la
Chambre à ma place. Au contraire, vous agiriez exactement comme moi.
M. Scowen: Si j'étais persuadé que cette
démarche soit le début d'un effondrement de toute notre politique
de l'immigration, oui, mais si je le vois comme un petit problème humain
causé par le gouvernement fédéral qui pourrait
être... Continuez vos démarches pendant quelques semaines.
Certainement que je suis de votre côté, mais, finalement, je suis
persuadé que vous pouvez régler ce problème d'une autre
façon sans pour autant faire tout ce travail pour gagner des pouvoirs
qui sont les nôtres, même d'après la constitution. Il est
question de régler des problèmes très concrets pour
très peu de gens, mais, de toute façon, je...
M. Godin: Justement, le fédéral ayant reconnu dans
l'entente Couture-Cullen que le Québec a le pouvoir de choisir, de faire
la sélection, je pense qu'il lui appartient d'être logique. Pour
un illégal qui est au Québec, il devrait appartenir au
Québec de le sélectionner et de voir s'il correspond aux
critères reconnus internationalement et déterminés par le
Québec. Remarquez que ce que vous dites... Je ne pense pas que la
situation actuelle empêche un illégal de se présenter au
bureau d'immigration du Canada, sur Atwater, pour faire valoir sa cause,
ensuite son dossier; cette personne doit venir au Québec qui fait sa
propre évaluation. Je ne pense pas que nous devrions reculer sur
l'entente Couture-Cullen. Au contraire. L'expérience montre que le
Québec est mieux servi depuis qu'il a sa politique. Je vous ai
cité ce matin le cas de 300 immigrants investisseurs qui ont investi
l'an dernier 100 000 000 $ au Québec. Nous avions constaté par le
passé - écoutez bien cela, M. le député, cela va
vous intéresser -qu'à une certaine époque, les recruteurs
d'immigrants investisseurs du fédéral parcouraient l'Europe et
que les immigrants investisseurs s'établissaient en Colombie
britannique. On a vérifié pourquoi. Le recruteur venait de cette
province. Par conséquent, vous savez aussi bien que moi que si c'est
nous qui recrutons...
M. Scowen: Oui, je connais cela. Je suis au courant de tout
cela.
M. Godin: ...on a peut-être des chances qu'ils viennent
ici.
M. Scowen: Oui.
M. Godin: Si c'est un gars de BC qui travaille pour le
fédéral, il va aller en BC. Si c'est un gars des Maritimes ou de
l'Ontario qui travaille pour le fédéral qui va en Allemagne,
c'est sûr que l'immigrant ne sera pas au Québec avec son
investissement, mais ailleurs.
M. Scowen: D'accord, d'accord.
M. Godin: Par conséquent, si vous êtes aussi
d'accord avec nous que le développement économique du
Québec est l'apport de personnes nouvelles et de capitaux nouveaux, on
ne peut pas reculer.
M. Scowen: Votre réponse, au fond, ne me surprend pas.
M. Godin: Vous auriez fait la même, M. le
député.
Le Président (M. Blouin): Très bien. M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: Oui, une courte question, M. le Président. Une
autre des promesses de la campagne électorale du printemps 1981 touchait
l'embauche de différents immigrants à
Communication-Québec. Le ministre est-il en mesure de nous dire combien
d'agents d'information ou autres personnes ont été
embauchés, depuis avril 1981, à Communication-Québec?
M. Godin: Je reprendrai le chiffre que l'Opposition citait avec
ses doigts tout à l'heure pendant la réponse du ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.
M. Gratton: Quatre?
M. Godin: C'est cela.
M. Gratton: Depuis avril 1981 ou 1982?
M. Godin: C'est le même nombre que pour 1981.
M. Gratton: Où sont-ils localisés?
M. Godin: À Montréal.
M. Gratton: À Montréal tous les quatre.
M. Godin: Au complexe Desjardins. Là il y a justement une
personne à remplacer. Vous savez que M. Michel Yarosky et son
épouse quittent le Québec et s'en vont en Israël. Mme
Yarosky, qui travaillait à Communication-Québec, sera
remplacée dans les prochaines semaines, j'imagine.
La fermeture du COFI de Trois-Rivières
M. Gratton: Si le ministre le voulait bien, on pourrait
peut-être se transporter dans sa région natale et parler de la
régionalisation du COFI de Trois-Rivières du bureau du
ministère qui est fermé à Trois-Rivières. De
façon qu'on ne m'accuse pas de faire de la démagogie, je vais
citer quelques passages dans l'éditorial de M. Sylvio Saint-Amant en
novembre 1982.
M. Godin: Du Nouvelliste.
M. Gratton: Du Nouvelliste, justement, qui écrivait que
"le ministre Godin, une autre fois, n'a pas oublié sa ville natale. Le
bureau régional d'immigration de Trois-Rivières ne fait pas
partie de ses priorités, tout comme le COFI l'an dernier. Incidemment,
à la fermeture du COFI de
Trois-Rivières, le ministre Godin avait promis que son
ministère maintiendrait un représentant pour la région 04.
En outre, il s'était engagé à ce qu'une autre personne
soit maintenue en poste temporairement afin de venir en aide aux
immigrés à la recherche d'emploi. Ses belles promesses s'envolent
avec les dernières feuilles de l'automne". Plus loin il disait:
"Pourtant, la région Mauricie-Bois-Francs est la troisième en
importance pour l'immigration après Québec et Montréal.
Notre région est moins touchée par le chômage que l'Estrie,
ce qui suppose que chez nous nous devrions être en meilleure position que
plusieurs autres régions pour accueillir des immigrants. On se souvient
que l'an dernier le premier ministre Lévesque avait promis de mettre sur
pied une véritable politique de démétropolisation de
l'immigration et d'intégration des immigrants au Québec. La
dernière décision de M. Godin est précisément la
négation d'une telle politique". Plus loin: "Interrogé sur les
décisions de M. Godin, le député de Trois-Rivières
à l'Assemblée nationale, M. Denis Vaugeois, a dit ne rien y
comprendre, ajoutant même qu'il n'avait pas été
consulté sur la question". M. Saint-Amant, de conclure: "Le sympathique
ministre-poète doit des explications à la population de sa ville
natale et cela presse". Je lui en donne l'occasion.
M. Godin: Vous avez un très bon "clipping service" au
Parti libéral.
M. Gratton: N'est-ce pas?
M. Godin: Dans votre cahier, avez-vous l'article qui
résumait mes propos en réponse à ce que Saint-Amant
écrivait? Non.
M. Gratton: Oui, fort probablement mais j'aimerais cela que vous
le consigniez au journal des Débats.
M. Godin: Je me rends de bonne grâce à vos
"suppliques", M. le député de Gatineau. Ce qui se posait comme
problème à Trois-Rivières c'était la question de la
poule ou de l'oeuf. D'abord, nous avons fermé le COFI parce que, depuis
des mois, on le maintenait à bout de bras. Il fallait avoir un certain
nombre d'étudiants au COFI pour pouvoir justifier les dépenses de
celui-ci. Normalement on aurait dû le fermer plusieurs mois auparavant,
mais c'était Trois-Rivières, il y avait des pressions du
député à l'époque, le ministre des Affaires
culturelles, du maire de la ville, de la population, des organismes d'aide aux
immigrants. Ces gens nous disaient: Ne le fermez pas, cela augmentera, cela
reviendra, on en aura d'autres, etc. On a attendu pendant des mois et de
semaine en semaine le nombre diminuait. Là on aurait eu un COFI sans
immigrant ou avec si peu que cela ne justifiait pas un COFI.
Dans le cas de ces cours, M. le député de Gatineau, qui
n'ont pas été abandonnés, remarquez bien, on a
préféré signer un contrat avec la commission scolaire
locale qui assume les cours de français pour les immigrants, qui
n'étaient pas en nombre suffisant pour justifier un COFI.
Deuxièmement, nous nous sommes rabattus ensuite sur la solution
d'un bureau temporaire, je prends votre propre mot, pour une période de
presque un an dans l'espoir que, si jamais il y avait un autre flot
d'immigrants vers Trois-Rivières, une personne pourrait avoir un nombre
suffisant de dossiers pour justifier son salaire et même
éventuellement la réouverture du COFI, M. le député
de Gatineau. Malheureusement les choses ne se sont pas déroulées
de cette manière, pour une raison très simple. Il faut bien se
rappeler que l'ouverture d'un grand nombre de COFI dans l'ensemble du
Québec a coïncidé avec l'opération "boat people".
M. Gratton: Laquelle?
M. Godin: "Boat people". Les gens du Laos, du Cambodge et du
Vietnam qui arrivaient ici par dizaines de milliers bénéficiaient
dans l'ensemble du Québec de structures d'accueil mises sur pied par les
paroisses, les quartiers, les municipalités. Plus de 1000 personnes ont
accueilli, ont parrainé des immigrants dans diverses régions du
Québec. Des gens se sont imaginé qu'il y aurait des "boat people"
pendant 20 ans. Un jour le nombre a diminué. Je m'en réjouis, M.
le Président, parce que cela voulait dire qu'il y avait une guerre de
moins quelque part dans le monde. Si des gens aiment mieux avoir beaucoup
beaucoup de "boat people" pour ouvrir beaucoup, beaucoup de COFI à
Trois-Rivières, Dolbeau, Sherbrooke, à mon avis, ils pensent
à eux, ils ne pensent pas à ceux qui sont victimes des guerres
dont on parle.
Donc, c'était une bonne nouvelle, en fait, que la diminution du
nombre d'arrivées de "boat people" au Canada et au Québec. Cela
démontrait qu'il y en avait moins. Cela a eu des répercussions:
fermeture du COFI et fermeture du bureau temporaire à
Trois-Rivières. Par ailleurs, nous avons, à
Communication-Québec, à Trois-Rivières, une personne qui
peut administrer les dossiers de ces personnes et acheminer leurs demandes
d'information au ministère. De plus, nous avons un agent
itinérant de l'immigration au Québec qui va à
Trois-Rivières quand il y a des dossiers suffisamment importants, pour
des raisons budgétaires. Quand il entre un dossier suffisamment
important, la personne y va et revient à Montréal avec ce
dossier. De plus, je dois dire une autre chose. Notre partenaire
fédéral, dans les cas où les réfugiés ou les
personnes qui n'ont pas de moyens sont bénéficiaires d'aide
fédérale, attache l'aide à telle ville, à telle
région. Donc, si vous avez le choix en tant qu'immigrant venant du
Vietnam d'aller à Trois-Rivières, où il n'y a pas de
prestations du fédéral, ou à Sherbrooke, où il y en
a, où irez-vous? À Sherbrooke. Donc, le fédéral
essaie de concentrer des immigrants là où il y a des services
plutôt que de déconcentrer trop et de devoir démultiplier
ses services et augmenter ses dépenses. C'est en partie la cause de ce
qui s'est passé à Trois-Rivières.
M. Gratton: Donc, dois-je conclure que le ministre est tout
à fait satisfait, que les immigrants de la région de
Trois-Rivières sont bien servis par les mesures dont il vient de nous
parler?
M. Godin: J'en suis convaincu.
M. Gratton: Tant mieux pour lui. M. le Président, j'aurais
une dernière question, il reste quelques minutes. On a parlé des
COFI. On sait que le résultat net des derniers décrets augmentera
la tâche des professeurs dans les COFI. Cela risque de mettre en cause
l'efficacité de ces gens. Est-ce que le ministre a des problèmes
de ce côté?
M. Godin: Voulez-vous répéter votre question?
M. Gratton: Est-ce que le ministre entend prendre des mesures
quelconques ou s'il est tout à fait satisfait et qu'il n'y aura pas de
problèmes?
M. Godin: Non, il m'aurait beaucoup étonné,
connaissant la qualité des enseignants et enseignantes qui sont dans nos
COFI et connaissant surtout leur dévouement à la cause des
immigrants et des immigrantes, que nos enseignants et enseignantes fassent
subir aux immigrants les contrecoups des coupures de budget ou des
décisions gouvernementales. C'est bien ce qui s'est passé. Il n'y
a eu aucun effet négatif, même pas de grève. Il n'y a eu
aucun effet négatif. Donc, nous sommes en face d'un personnel enseignant
exemplaire et qui est dévoué à la cause des gens mal pris
qui viennent de plusieurs pays du monde pour s'intégrer au Québec
malgré le PQ et la loi no 101.
M. Gratton: M. le Président, il est 18 heures, est-ce
qu'on doit terminer ce soir à compter de 20 heures?
Le Président (M. Blouin): Je peux vous rappeler que cet
après-midi, à l'Assemblée nationale, lorsqu'il y a eu une
motion pour que siège cette commission, le leader de
l'Opposition a suggéré que nous puissions, afin de
compléter l'enveloppe de temps qui était prévue,
siéger de 20 heures à 21 heures et que cette motion avait
été adoptée à l'unanimité. Je propose donc
que nous suspendions nos travaux.
M. Godin: Est-ce que je peux poser une question?
Le Président (M. Blouin): Oui.
M. Godin: Est-ce qu'il y aurait moyen, M. le député
de l'Opposition, d'en terminer avec l'Immigration d'ici quelques minutes,
quitte à passer les organismes de la loi no 101...
Le Président (M. Blouin): Ce qui permettrait, si je
comprend bien, de libérer les fonctionnaires...
M. Godin: Cela permettrait de libérer les fonctionnaires
et de donner un peu d'espoir à cet aréopage qui s'inquiète
de ce qu'il adviendra d'eux et d'elles. (18 heures)
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, je pense qu'on pourrait,
à moins que mes collègues ne pensent autrement, considérer
que le programme 1 est adopté. Bien sûr, on est loin d'avoir
posé toutes les questions qu'on aurait voulu poser, mais, compte tenu
des limites de temps, nous préférerions, quant à nous,
revenir au programme 2. Est-ce que je me trompe, messieurs? On pourrait
considérer que le programme 1 est adopté, et passer, dès
la reprise à 20 heures, au programme 2.
Le Président (M. Blouin): Les cinq éléments
du programme 1, Communautés culturelles et immigration, sont
adoptés. Sur ce, je suspends les travaux jusqu'à ce soir, 20
heures.
M. Godin: Donc, si je comprends bien, l'Immigration, c'est
bouclé.
Le Président (M. Blouin): Oui, c'est cela, c'est ce que je
viens de dire, M. le ministre.
M. Godin: Je veux que tout le monde comprenne parce que...
Le Président (M. Blouin): Je présume que vous avez
compris?
M. Godin: Je n'en suis pas sûr.
Le Président (M. Blouin): Vous n'en êtes pas
sûr. Alors, je répète.
M. Godin: J'ai des doutes.
Le Président (M. Blouin): Je répète que le
programme 1, Communautés culturelles et Immigration, qui comprend cinq
éléments, est adopté et que nous passerons, à
compter de 20 heures, au programme 2, Charte de la langue française.
(Suspension de la séance à 18 h 02)
(Reprise de la séance à 20 h 06)
Le Président (M. Blouin): La commission élue
permanente des communautés culturelles et de l'immigration reprend ses
travaux aux fins d'étudier les crédits du ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration. Nous portons maintenant
notre attention sur le programe 2: Charte de la langue française, qui
contient cinq éléments. La parole est au député de
Gatineau.
Charte de la langue française
M. Gratton: Déjà, M. le Président?
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: Comme entrée en matière - on y a
touché un peu - je pense que le ministre a d'ailleurs eu l'occasion...
Oui?
Le Président (M. Blouin): Est-ce que vous
préférez attendre quelques minutes?
M. Godin: Je pourrais peut-être présenter les gens
qui m'accompagnent.
M. Gratton: Certainement.
Le Président (M. Blouin): M. le ministre.
M. Godin: À ma droite, le président de l'Office de
la langue française, M. Claude Aubin - vous êtes à ma
gauche, M. le Président - M. Pierre Laporte, directeur de la recherche
à l'Office de la langue française; M. Gaston Cholette de la
commission de surveillance; M. Jean-Yvon Houle, directeur des communications
à l'office; Mme Coulombe, de la Direction de l'administration à
l'office; M. Pierre LeBeau, directeur de la francisation; M. François
Beaudin, de la Commission de la toponomie; M. Jean-Marie Fortin, directeur de
la banque de terminologie; M. Pierre Auger, de la banque de terminologie; M.
Michel Plourde, président du Conseil de la langue française; MM.
Michel Amyot et Pierre Carrier, du Conseil de la langue française; Mme
Lise Chicoine, directrice des communications à la commission de
surveillance; M. Bernard de
Jaham, directeur des enquêtes; M. Giuseppe Turi, conseiller
juridique de la Commission de surveillance de la langue française; M.
Pierre Jolicoeur, directeur de l'inspection à la commission de
surveillance et Mme Jeanne-d'Arc Valois, des statistiques à la
Commission de la surveillance de la langue française.
À vous la parole, M. le Président.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: D'abord, je salue avec beaucoup de plaisir tous ces
gens qui oeuvrent dans le domaine linguistique en leur souhaitant de ne pas
être accaparés trop longtemps. Chose certaine, à voir le
nombre, je ne pense pas que je puisse poser même une seule question qui
pourrait relever de chacune de ces personnes. Je me limiterai donc à
poser mes questions au ministre.
On a fait référence au cours des travaux aujourd'hui - le
ministre également -à cette déclaration qu'il a faite
à l'Assemblée nationale la semaine dernière, en
complément de réponse à ce que le premier ministre nous
disait. J'avais demandé au premier ministre de nous expliquer d'abord le
silence du message inaugural sur les intentions du gouvernement quant aux
amendements qui pourraient éventuellement être apportés
à la Charte de la langue française. Il faisait valoir non pas que
je considérais ou que personne ne considérait que la loi 101
était la seule cause des départs de sièges sociaux
d'entreprises, de personnes, notamment de quelque 106 310 anglophones au cours
des années 1976 à 1981, mais bien que certaines dispositions de
la loi 101 avaient, selon l'avis de plusieurs, contribué à ces
départs. Le ministre à un moment donné a cru bon de faire
une demande, à savoir que ceux qui... Je ne voudrais pas reprendre la
revue de presse et tout ce qu'on a écrit à ce sujet, notamment,
par exemple, les réactions d'Alliance-Québec qui trouvait
inacceptables les propos du ministre, un éditorial du journal The
Gazette intitulé: "Odors of intolerance"; un éditorial du journal
La Presse sur une réplique de M. Gérald Godin signé de
Vincent Prince; un autre éditorial dans le journal Le Devoir
signé par M. Jean-Claude Leclerc: "Une odeur inquiétante"; un
article dans le journal Le Devoir, de la Presse Canadienne: "Gérald
Godin, l'homme massif des anglophones. Ils n'ont qu'à partir, on ne
changera pas d'odeur", etc.
M. Godin: Vous avez oublié le Soleil.
M. Gratton: Pardon?
M. Godin: Vous avez oublié le Soleil.
M. Gratton: Je peux bien y aller. Le Soleil disait: "Godin...
M. Godin: Des propos déplacés.
M. Gratton: Non. En tout cas, pas celui que j'ai là.
"Godin: Ceux qui ne peuvent nous sentir n'ont qu'à partir."
M. Godin: Dans quel éditorial?
M. Gratton: Dans l'éditorial... un instant.
M. Godin: Vous ne l'avez pas, celui-là? Est-ce que je
pourrais compléter votre "clipping" éventuellement?
M. Gratton: Je m'excuse. Je vais être obligé de
faire des remontrances à mon service de recherche. Je ne l'ai pas.
M. Godin: II vous en manque un bout. Incroyable.
M. Gratton: Quoi qu'il en soit, je pense que le ministre a
indiqué... J'ai cru comprendre cet après-midi qu'il nous avait
dit: On peut faire des erreurs. Tout le monde peut faire des erreurs.
M. Godin: Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit...
M. Gratton: Non, ce n'est pas cela. Alors, j'aimerais que le
ministre nous dise ce qu'il a dit et ce qu'il voudrait dire.
M. Godin: J'ai dit: "Nobody is perfect."
M. Gratton: Est-ce que le ministre pourrait s'expliquer
là-dessus? Est-ce que, lorsqu'il me dit: "Nobody is perfect", il parle
des autres et non pas de lui-même?
M. Godin: Ce n'est pas la commission sur la Baie-James ici, M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: Je peux bien poser ma question en anglais.
M. Godin: Tout ce que je vous dirai... Tout ce que je peux vous
dire, c'est que je n'ai pas de commentaires à faire en supplément
à cette réponse que je vous ai donnée à
l'Assemblée nationale.
M. Gratton: M. le Président, je ne veux pas harceler le
ministre, mais il me semble que, lorsqu'une déclaration d'un ministre
suscite autant de réactions et je lui fais grâce des... Vous avez,
en page éditoriale, des dessins...
Une voix: Des caricatures.
M. Gratton: Des caricatures, oui. Je m'excuse, le mot
m'échappait. Je lui fais grâce des caricatures, mais, lorsqu'une
déclaration d'un ministre responsable suscite des réactions
semblables, cela reflète ce que la population peut ressentir aussi comme
réaction. Ce n'est pas sans avoir un effet assez troublant auprès
de certaines personnes.
Les questions qu'on posait à l'Assemblée nationale la
semaine dernière portaient sur l'impact négatif qu'avaient pu
avoir certaines dispositions de la loi 101 sur les investissements, sur la
création d'emplois, et tout le monde reconnaît qu'on en a un grand
besoin au Québec. C'est dans ce sens que j'offre la chance au ministre
de peut-être apporter un certain éclairage. Par exemple, il peut
nous dire que c'est sur l'impulsion du moment. Personnellement, je suis
impulsif et il m'arrive à l'occasion de laisser les mots dépasser
ma pensée. Est-ce que c'est ce que le ministre a fait la semaine
dernière? J'aimerais savoir le fond de sa pensée
là-dessus.
Le Président (M. Blouin): M. le ministre.
M. Godin: Je vous ai dit, M. le député de Gatineau,
que je ne ferais aucun autre commentaire à la suite de ces propos.
Maintenant, je pense qu'il est important de situer... Il est beaucoup plus
important, en fait, de dire pourquoi les échéances que je
m'étais fixées et que j'avais annoncées à
l'Assemblée nationale quant à des changements éventuels
à la loi 101, à la Charte de la langue française, pour
quelles raisons ces échéances ont été
modifiées.
À cette question qui m'a été posée
également par vous la semaine dernière, je vais simplement
répondre qu'à l'épreuve, depuis que je suis chargé
de ce dossier, je me rends compte que, comme disent les Anglais: "There is more
to it than meets the eye". Par conséquent, pour cette raison, il y a des
travaux présentement en cours qui ne seront pas terminés avant,
dans certains cas, le 15 mai et, dans certains cas, au mois de juin et
même, dans certains cas, en septembre. Ces travaux visent à
mesurer précisément l'impact de la loi 101 sur la vie au
Québec à tous égards. On a appris aujourd'hui même
que Statistique Canada venait de publier une partie nouvelle du recensement de
1981. Ce sont des chiffres que nous n'avions pas avant aujourd'hui et qui sont
extrêmement utiles et importants pour mesurer de façon aussi
précise que possible l'impact de la loi 101 ou du moins des cinq
premières années de la loi 101. Je vous donne des chiffres quiont été publiés ce matin. Les anglophones du
Québec sont effectivement passés, de 1971 à 1981 - les
gens de langue anglaise d'usage, c'est-à-dire la langue parlée
à la maison - de 887 000 à 817 000 dans une période de dix
ans. Les personnes parlant anglais à la maison représentaient, en
pourcentage, 14,7% de la population du Québec en 1971. Ce pourcentage
est de 12,8% en 1981. Donc, il y a une baisse en pourcentage et en nombre
absolu qui confirme ce que vous disiez. Nous vous avons dit ce matin que cette
tendance existait depuis aussi longtemps que les chiffres existent dans ce
domaine, c'est-à-dire depuis 1941.
Par rapport à l'autre langue parlée au Québec, le
pourcentage du français - donc, la langue d'usage parlée à
la maison -passait de 80,8% en 1971 à 82,5% en 1981 et, en nombre
absolu, il a également augmenté, ce à quoi on pouvait
s'attendre. Ces chiffres pourraient montrer que le Québec est en train
de devenir de plus en plus francophone. Mes spécialistes au
ministère de l'Immigration, à partir des chiffres publiés
aujourd'hui par le gouvernement fédéral, me disent qu'ils
étudient le glissement linguistique des francophones du Québec
vers l'anglais et des anglophones du Québec vers le français,
donc, la capacité d'assimilation de la langue anglaise et de la langue
française au Québec. Le nombre de francophones qui, dans la
même période de dix ans, adoptent l'anglais comme langue d'usage
se chiffre par 106 000 francophones qui sont passés à l'anglais
comme langue parlée à la maison, la langue de tous les jours.
À l'inverse, les anglophones qui adoptent le français comme
langue d'usage se chiffrent par 82 000, donc 20 000 de moins. En proportion de
la population, c'est plus important du côté anglophone que
francophone, mais, en chiffre absolu, c'est 20 000 de moins.
Par ailleurs - et c'est un chiffre qui va vous intéresser aussi,
en tant qu'intéressé à l'immigration et aux
communautés culturelles - ceux qui sont de langue maternelle autre que
française ou anglaise, donc les allophones, vers quelle langue vont-ils,
au cours de la même période de dix ans? Ces chiffres sont
publiés aujourd'hui par le fédéral: vers le
français, 47 000 en dix ans; vers l'anglais, pour la même
période, 102 000, tout ceci au Québec, tout ceci sous l'empire de
la loi 22 et de la loi 101, tout ceci sous deux gouvernements, en fait, qui ont
tenté de prendre le taureau par les cornes, l'un avec la commission
Gendron, qui a été suivie par la loi 22, et l'autre avec la loi
101 qui était, en fait, des amendements majeurs à la loi 22, si
vous vous rappelez bien. Donc, on ne peut pas dire que le boulot est
complété.
D'autre part, selon des travaux faits par le Conseil de la langue
française sur le nombre de travailleurs francophones bilingues au
Québec, qui communiquent en français, 30% en 1971; 37% en 1979.
Les chiffres
seront publiés d'ici à la fin du mois de mai ainsi qu'une
enquête assez globale sur toute cette question. Les francophones
bilingues communiquant en anglais au travail, en 1979 - je le
répète - les francophones bilingues parlant l'anglais au travail,
plus de 60% en 1979. Les anglophones bilingues communiquant en français,
40%. Donc, on peut dire que le nombre de francophones bilingues dans
l'entreprise... Malgré une loi 22 qui visait à franciser le
travail au Québec et malgré une loi 101 qui est vue comme
étant infernale, le taux de "bilinguisation" ou le taux d'usage d'une
deuxième langue est de 60% pour les francophones et de 40% pour les
anglophones.
On peut donc dire que le "market place", le marché du travail au
Québec est encore de façon significative un marché du
travail où l'anglais reste la langue la plus parlée par les
bilingues francophones et anglophones. Par conséquent, on ne peut pas
dire que la loi 101 a porté tous ses fruits. De tous les chiffres que je
vous donne, ceux-ci datent de ce matin, ceux du gouvernement
fédéral. Ceux-ci m'ont été remis aujourd'hui et
font partie d'une enquête plus large qui sera publiée à la
fin de mois de mai.
Cela m'amène à demander aux gens qui font de la recherche,
aussi à l'office, au conseil, de raffiner encore plus leurs recherches
de manière que, si nous décidons de faire des modifications
à la loi 101, cela n'aille pas en sens contraire de ce que vous
souhaitiez vous-même ce matin, c'est-à-dire que le
caractère français du Québec soit garanti, soit maintenu.
Je reprends vos propres paroles. Vous avez dit ici ce matin devant le
président et nos collègues que le Parti libéral n'avait
jamais eu pour politique de défranciser le Québec, que le Parti
libéral endossait l'objectif de la francisation du Québec. Je ne
sais pas si vous partagerez mon objectif ou mes inquiétudes, mais je
peux vous dire qu'il m'apparaît que, malgré des progrès
nets, clairs et évidents, on n'a pas encore atteint le point où
la boule commencerait à rouler de l'autre côté. Tant que
nous n'aurons pas atteint ce point, M. le député de Gatineau, je
pense qu'il ne serait pas sage de faire des modifications majeures. Ceci
n'empêche pas, par ailleurs, que la réflexion se poursuive dans
les divers contentieux de l'office et du Conseil de la langue française
aussi bien qu'au ministère, ce qui n'empêche pas que la
réflexion se poursuive sur des modifications que nous pourrions faire.
Il y a déjà eu, d'ailleurs, des modifications. Vous disiez ce
matin de façon peut-être trop spontanée, pour reprendre
l'expression utilisée par vous à mon égard un peu plus
tôt, vous disiez ce matin que, malgré les engagements formels pris
par le premier ministre et par le nouveau ministre responsable de la loi 101,
il n'y avait eu aucun changement. Tel n'est pas le cas et vous le savez
très bien.
Il y a quelques semaines, l'Office de la langue française,
présidé par M. Claude Aubin, a annoncé
précisément que de nouveaux tests, à la suite de critiques
et de revendications qui émanaient du milieu anglophone, qui
émanaient même de votre collègue de D'Arcy McGee et
d'autres...
M. Marx: Des critiques même de l'office et du Conseil de la
langue française.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
D'Arcy McGee, la parole est au ministre.
M. Godin: Donc, il y avait unanimité, en quelque sorte,
pour que ces tests soient révisés de la manière suivante:
Comment les rendre plus aptes à mesurer la connaissance
appropriée du français pour tel ou tel métier? Le
résultat est très net. Le taux de succès à ces
tests a connu des bonds considérables et je pense que cela indique qu'on
était dans la bonne direction. Maintenant, dans la plupart des
États américains où il y a une population d'une autre
langue que l'anglais, il y a également des tests. Dans plusieurs
provinces anglaises du Canada, il y a également des tests. Ces tests
sont administrés ou par les ordres professionnels ou par les
registraires des corporations professionnelles. C'est une voie de solution et
nous la regardons aussi avec beaucoup d'intérêt parce que c'est
peut-être ce vers quoi on s'acheminera tôt ou tard. Mais nous
devons y aller avec beaucoup de sagesse et beaucoup de prudence. Tant que je
n'aurai pas personnellement la conviction que nous avons assez de
données en main pour faire un bilan réel et complet des effets de
la loi 22 et de la loi 101, je ne serai pas en mesure de m'engager devant mes
collègues de la Chambre et du cabinet à faire quelque changement
que ce soit.
M. Gratton: M. le Président, le moins qu'on puisse dire,
c'est que le ministre en met plus que le client que je suis en demandait. Je ne
reviendrai pas sur l'à-propos du refus du ministre de préciser
plus longuement sa déclaration de la semaine dernière quant
à l'odeur qui se dégageait par rapport à certaines
personnes du Parti québécois. Justement, c'est parce que je suis
préoccupé des efforts de francisation et de cet objectif commun
que nous avons tous de franciser le plus possible le Québec que je pose
ces questions au ministre. Je pose la question suivante au ministre: Est-ce
que, dans son esprit, à la lumière des données qu'il
possède déjà présentement, il considère que
certaines dispositions de la loi 101 puissent avoir eu et puissent continuer
d'avoir des effets négatifs sur les investissements et, par
conséquent, sur la création d'emplois au Québec? Est-ce
que
cette possibilité existe?
M. Godin: C'est ce que mon collègue Landry appellerait des
effets pervers. Remarquez que, pour avoir voyagé dans plusieurs
provinces canadiennes, et même dans ce qu'on appelle le "Eastern
sea-board" américain, c'est-à-dire tous les États
américains de la côte est, pour avoir vu des migrations du
"Eastern sea-bord" vers ce que les Américains appellent le "Sun Belt",
pour avoir vu les campagnes de presse faites par la ville de New York dans tous
les journaux américains, demandant à ses citoyens, à ses
entreprises, à ses sièges sociaux de revenir à New York,
que ce n'était pas si pire que cela, pour avoir vu des départs
massifs de Toronto vers l'Alberta à l'époque du boom du
pétrole, pour avoir vu les provinces maritimes se vider de leur jeune
génération depuis 20 ans en direction et de Montréal et de
Toronto, pour avoir vu tout récemment encore la population de la
Colombie britannique diminuer de 1% - c'était dans le reportage de
Maclean la semaine dernière sur les élections provinciales en BC
- pour avoir vu la ville de Calgary congédier massivement des gens dans
le domaine de la construction, pour avoir vu des édifices
inachevés en grand nombre à Calgary, pour avoir vu une fuite de
population de Calgary qui retourne à Toronto ou au Québec, je ne
peux pas dire que le seul facteur de ces départs au Québec est la
loi 101. Je ne peux même pas dire de façon précise, M. le
député de Gatineau, jusqu'à quel point la loi 101 a
joué un rôle.
Certaines personnes disent que c'est la fiscalité au
Québec qui détermine les départs. Or, des études
faites par l'Union des banques suisses qui comparent 200 métropoles
mondiales, Tokyo, Londres, Bruxelles, Toronto, Montréal, montrent que,
si vous prenez en considération tous les facteurs, pas seulement la
fiscalité, mais également le coût des loyers, les taxes sur
certains produits, la détaxe sur d'autres produits, l'ensemble de la
situation, Montréal et Toronto sont exactement au même niveau et,
par rapport à d'autres capitales mondiales, se situent en haut de
l'échelle pour ce qui est des avantages qu'on a à y vivre. Donc,
qu'est-ce qui détermine les départs?
Je l'ai dit dans mon discours ce matin, à compter du jour
où le français devenait la langue non seulement officielle, mais
que nous prenions la direction, comme société, de s'en aller vers
un Québec français, il était inévitable qu'il y ait
des départs, mais également des arrivées. C'est un peu mon
argumentation de l'autre jour. Le Québec, dans le passé, attirait
des gens de plus de pays anglophones et maintenant il attire des gens de plus
de pays francophones. Ce sont des gens qui sont de même niveau de
développement intellectuel que ceux du passé. Ce sont des gens
qui ont autant d'argent à investir que ceux du passé. (20 h
30)
Donc, toute décision qui vise à modifier la trame
linguistique d'une région du monde provoque des réalignements de
population, des réalignements linguistiques. Si l'Italie décide
demain que la langue officielle devient l'anglais, vous allez avoir une
modification considérable de la composition sociale de l'Italie et des
entrées des nouveaux citoyens en Italie. Nous avions assumé au
départ ces réalignements. J'en ai parlé tout à
l'heure, la période de transition que cela entraîne, certaines
personnes trouvent qu'elle n'est pas facile à passer. Mais dans d'autres
villes non plus où il n'y a pas de question linguistique. Dans la ville
de Sudbury, par exemple, on a congédié 6000 employés de
International Nickel et on en a réengagé 2000 récemment.
J'y suis allé il y a environ six mois. J'ai pu constater que la
morosité de la ville de Sudbury est plus grande que la morosité
de n'importe quelle ville du Québec, et il n'y a pas de loi 101 en
Ontario.
Mon impression, c'est que la loi 101 a servi dans plusieurs cas à
camoufler d'autres problèmes. C'était facile de faire du chantage
à la langue. C'était facile de faire du chantage linguistique sur
le dos des Québécois et de leur dire: Si vous ne respectez pas
plus notre langue maternelle anglaise, on va fouter le camp. Ils partaient
peut-être pour d'autres raisons moins avouables. Je ne pense pas qu'on
puisse identifier une seule cause de départ. Même si on
l'identifiait, je ne pense pas que les Québécois devraient
renoncer à leur spécificité pour garder un siège
social au Québec.
M. Gratton: M. le Président, le ministre est beaucoup plus
loquace à certaines occasions qu'à d'autres. Il nous dit: II n'y
a pas une seule cause au départ des entreprises et des individus au
sujet de la loi 101. C'est évident. Il n'y a jamais personne qui a
prétendu qu'il y en avait une seule. C'est un ensemble de facteurs et
tous ceux qu'a évoqués le ministre sont probablement
fondés. Je constate qu'il refuse de s'intéresser à la
question précise que je lui pose, à savoir: Est-ce que
d'après lui la loi 101 a pu avoir des impacts ou des effets
négatifs? Soit. Laissons cela de côté et posons-nous la
question suivante: Est-ce que le ministre n'est pas conscient qu'il y a des
gens au Québec, quelles que soient leurs raisons, quels que soient les
motifs qui les inspirent à faire de telles déclarations, qui
considèrent que la loi 101 y est pour quelque chose? Ce n'est
peut-être pas la principale raison, sûrement pas la seule, mais
elle y est pour quelque chose à ce climat défavorable aux
investissements et, donc, à la création d'emplois. La ville de
Montréal, la semaine
dernière ou la semaine précédente, a voté
une résolution pour demander qu'on prépare une étude sur
la chose vis-à-vis des impacts à Montréal. Le
président de Bell Canada, ici, devant la commission parlementaire des
communications, a évoqué la loi 101 comme étant une des
difficultés à recruter le personnel de recherche en
matière de haute technologie des communications. Il y a la Royal Bank,
il y a la Banque de Montréal, il y en a... On pourrait en sortir une
liste longue comme le bras. Justifié ou pas, que tout cela soit de la
foutaise, partons de cette hypothèse. Le fait demeure que la population
québécoise est quand même obligée de constater qu'il
y a des gens qui prétendent cela. Forcément, l'opinion publique
évolue selon les nouvelles, selon les déclarations qui sont
faites par des gens qui sont plus ou moins responsables, selon le cas, qui sont
motivés par différentes choses.
La chose qui me préoccupe, on l'a évoquée souvent:
Pourquoi le gouvernement de l'Union Nationale, en 1969, a-t-il adopté la
loi 63? Pourquoi le gouvernement libéral, en 1974, n'est-il pas
allé plus loin dans ses démarches avec la loi 22? Tout le monde
convient qu'une des raisons principales, c'est que la population, à ces
moments-là, n'était probablement pas prête à
accepter qu'on aille plus loin que cela. C'est tellement vrai que, dans le cas
de la loi 22, on a considéré, du côté des
minorités, qu'on était allé trop loin et il s'est produit
le phénomène qu'évoquait le député de Fabre
ce matin, à savoir que les gens ont délaissé le Parti
libéral du Québec.
Je ne pose pas la question au ministre, à savoir s'il craint pour
les résultats de la prochaine élection pour son parti. Ce n'est
pas de cela qu'on parle ici ce soir. La question que je me pose et sur laquelle
j'aimerais bien que le ministre nous dise ce qu'il en pense, c'est dans le
contexte de crise économique que l'on connaît présentement,
les espèces de championnats de chômage et d'assistés
sociaux qu'on a au Québec, et là je suis loin d'être en
train de dire que c'est à cause de la loi 101 qu'on a cette situation,
mais je dis qu'il y a des gens qui prétendent que certaines dispositions
de cette loi y sont pour quelque chose... Je prie le ministre de prendre bien
soin de noter que nous, quand on pose des questions à l'Assemblée
nationale sur cela en tant qu'Opposition, ce n'est pas pour essayer de propager
ce genre de mythe. Il y a des gens au Québec, une minorité fort
heureusement, qui pensent que la seule solution, c'est l'abrogation de la loi
101 et qu'une fois celle-ci abrogée, tous les problèmes
disparaîtraient. Nous, on n'a jamais prétendu cela; on ne
prétendra jamais cela et on ne se fait pas l'écho de cela quand
on pose des questions à l'Assemblée nationale. Je
répète que ce qui nous préoccupe, c'est qu'à un
moment donné la population, francophone comme non francophone, au
Québec en vienne à conclure qu'effectivement le gouvernement,
avec sa loi 101, contribue à cette détérioration du climat
économique et qu'en définitive cela prenne des gros changements
et que, sous la pression populaire, ce gouvernement, ou un autre qui pourra le
suivre, soit placé dans la situation de ne pas être en mesure
d'aller assez loin et de mettre en quelque sorte en péril les efforts de
francisation de ce gouvernement comme de ceux qui l'ont
précédé. Cela a peut-être l'air bien philosophique,
possiblement bien théorique tout cela, mais n'y a-t-il pas là un
danger que la perception de la population soit à ce point
déformée par la situation économique qu'on en vienne
à réclamer des changements que ni le ministre, ni nous, ni
beaucoup de gens sérieux ne souhaiteraient voir apporter en ce sens?
M. Godin: M. le député de Gatineau, le
problème que vous posez, c'est celui de déterminer la
frontière exacte de ce qui pourrait être modifié dans la
loi 101, la charte du français, et de ce qui ne devrait pas être
modifié. Je rencontre régulièrement les gens d'Alliance
Québec, les "Townshippers", les gens du Conseil catholique anglais, les
gens du "Board of Trade" de Montréal, les gens du Centre linguistique de
l'entreprise, les gens de Northern Telecom, les gens de Clarke Shipping, de
Steinberg, etc. Chacun me dit, comme vous d'ailleurs: Nous ne voulons pas
remettre en question la francisation du Québec. Nous voulons seulement
que vous fassiez quelques aménagements mineurs, en ce qui nous concerne,
qui permettraient d'améliorer le climat. Je leur demande: C'est quoi les
changements? J'en ai quatre ou cinq d'Alliance Québec; j'en ai cinq ou
six du conseil catholique, certains recoupant les autres, huit en tout; j'en ai
sept ou huit des "Townshippers", trois ou quatre qui se recoupent, nous sommes
rendus à douze; j'en ai du "Board of Trade", douze autres, cela fait
quatorze, etc.. J'arrive et je n'ai plus de loi 101. Le caractère
français du Québec, la volonté de plusieurs gouvernements
de vouloir franciser le milieu de travail au Québec se trouverait tout
simplement détruite, anéantie, abolie.
Parlons de changements mineurs. J'ai confié à des gens,
aussi bien du Conseil de la langue française que de l'office, que du
ministère chez nous, le soin de se pencher avec une attention toute
particulière sur la question de l'affichage public, sur la question du
bilinguisme des communications entre les institutions anglophones du
Québec. Quand le PSBGM écrirait ou communiquerait avec une
école anglaise qui relève d'elle ou avec une commission scolaire
anglaise de la Gaspésie,
on pourrait correspondre dans les deux langues. Cela ne porte pas
à conséquence, tellement peu qu'on peut se dire: Est-ce que cela
modifierait le fameux climat social au point que la Sun Life reviendrait au
Québec? La réponse est non. Est-ce que cela modifierait le climat
social au point que 4 000 000 000 $ - paraît-il, d'après vos
citations de cet après-midi - d'investissements reviendraient au
Québec parce qu'on aura fait ces modifications? Donc...
M. Gratton: Je m'excuse. Je m'excuse, car la citation n'est pas
de nous, elle est du collègue du ministre, qui est présentement
ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, et qui l'a faite en
1978.
M. Marx: À l'époque, il était aussi pour le
libre choix.
M. Godin: C'était avant qu'il s'ouvre les yeux.
M. Gratton: Oui, il était un partisan du "freedom of
choice" dans le temps.
M. Godin: C'était avant qu'il s'ouvre les yeux. Ce que je
peux vous dire, c'est que, même si nous faisions des concessions -je n'ai
pas encore entendu, de votre part, ce que vous entendiez par concessions - qui
n'affecteraient pas le noyau central de la francisation au Québec - je
ne sais pas ce que vous voulez dire par changements - et même si vous les
faisiez ces changements, cela modifierait-il à ce point le climat social
et le chômage diminuerait-il au Québec? Par comparaison, le
chômage, au Québec, est à 14,5%; en Colombie britannique,
pas de loi 101, il est à 14,5%. Alors, il y a peut-être d'autres
facteurs que des facteurs linguistiques.
C'est la question: Aidez-moi à déterminer la
frontière ou jusqu'où on pourrait aller trop loin ou
jusqu'où on pourrait reculer par rapport à la loi 101? Alliance
Québec, à la dernière rencontre que nous avons eue,
réclamait le bilinguisme de toute enseigne commerciale extérieure
et intérieure au Québec. Cela n'a jamais existé et c'est
pourtant ce qu'ils m'ont demandé. Alors, je me dis...
M. Gratton: Êtes-vous sûr de cela? M. Godin:
Oui. Dans une rencontre...
M. Gratton: Ce n'est pas ce qui est mentionné dans leurs
demandes écrites au premier ministre.
M. Godin: Non, mais enfin... M. Gratton: Bien oui,
mais...
M. Godin: Je peux vous dire que leurs demandes écrites
augmentent à chaque rencontre, un peu comme les lapins qui se
multliplient dès que vous tournez le dos.
M. Gratton: Est-ce que le ministre est en train de dire...
M. Godin: Par conséquent, j'ai peur qu'ils mangent toute
ma salade.
M. Gratton: ...qu'Alliance Québec ne négocie pas de
bonne foi avec le ministre?
M. Godin: Non, mais ce qui me frappe dans les demandes de
certains groupes anglophones, c'est qu'ils disent: La toponymie, le fait de
franciser tous les noms de lieux au Québec, est inacceptable. D'accord?
Alors, il y a changement sur cet aspect du mandat de la Commission de
toponymie. Dès que c'est acquis, on n'en parle plus, on met une croix
dessus, on met cela dans la banque; c'est réglé, on n'en parle
plus, ce n'est plus important. Mais au lieu de dire: Voilà une preuve de
bonne foi, de compréhension, de respect mutuel, on ajoute un point de
plus, de sorte que, sur le banc, il y a toujours le même nombre de
choses. Vous en enlevez une et ils en ajoutent une autre. On peut passer 1000
ans à se parler et il y aura toujours le même nombre de personnes
sur le banc et le résultat - je vous le répète - c'est le
principe de tirer sur la maille du gilet de laine. Vous tirez sur la maille du
chandail et on se retrouve tout nu. Cela ne m'intéresse pas que le
citoyen du Québec, qui a cru bon de faire protéger sa langue et
sa culture par plusieurs lois, se retrouve dénudé dans un
environnement anglophone qui n'est pas nécessairement hostile, mais qui
aura tendance, à la longue, à l'effacer de la carte comme
francophone.
M. Gratton: M. le Président, le ministre nous demande de
l'aider à définir quels pourraient être les accommodements
mineurs à apporter à la loi 101. Le ministre lui-même a
parlé des excès et des erreurs de la loi 101. On pourrait
peut-être commencer par cela, mais avant de commencer par cela, est-ce
que le ministre pourrait nous dire ce que sont, dans sa perception, ces
excès et ces erreurs qu'il a décelés dans la loi 101?
M. Godin: ...des exemples précis. Je pense que les tests
linguistiques tels qu'ils existaient au début ont entraîné
des effets pervers. Résultat: décisions prises par mon
prédécesseur, M. Camille Laurin, et réalisées par
le président de l'Office de la langue française qui est à
ma droite; de nouveaux tests sont appliqués et les pourcentages de
réussite sont excellents. Ils sont de beaucoup meilleurs que dans le
passé.
M. Gratton: Est-ce qu'on pourrait rester sur cet exemple?
M. Godin: Oui, d'accord.
M. Gratton: Strictement, très brièvement? Le
ministre, en nous disant qu'en amendant ces fameux tests, on a
régularisé, on a mis fin à un... Je suppose que
c'était là un des excès de la loi 101 ou une des
erreurs?
M. Godin: Cela a donné lieu à ce qu'on pourrait
appeler des excès.
M. Gratton: Bon, une simple question. Est-ce que le ministre,
à ce moment, ne reconnaît pas le bien-fondé des questions
que nous, de l'Opposition, posions à l'époque avant que les tests
soient modifiés et qui nous ont pourtant valu des accusations de "vendus
aux anglophones", de "mauvais Québécois", de la part de certains
membres de son gouvernement, notamment le premier ministre? Est-ce que... (20 h
45)
M. Godin: Non, je ne pense pas que... Vous n'êtes pas sans
savoir que le Parlement a ses règles et qu'il s'échange des coups
d'épaule pendant les parties de hockey; c'est normal, mais les gens se
donnent la main après la partie, quand la coupe Stanley est
gagnée. Ce que je veux vous dire par là, c'est que, malgré
les réactions à l'emporte-pièce qu'on peut avoir de part
et d'autre de la Chambre, il reste que - je pense que c'est ce qui
caractérise les relations entre adultes - bien des suggestions de
l'Opposition font leur chemin, comme bien des suggestions du Parti
québécois dans l'Opposition ont fait leur chemin dans la
tête des libéraux de l'époque. Donc, malgré les
bâtons élevés...
M. Gratton: ...les écarts de langage à
l'occasion...
M. Godin: ...ou les masses en l'air, ou les écarts de
langage, ou les "gagates" en l'air, comme on dit à
Trois-Rivières, il reste que des propositions, des suggestions
raisonnables trouvent une oreille attentive du côté du
gouvernement; la preuve: les tests basés non seulement sur les questions
de l'Opposition - remarquez bien - mais sur la propre réflexion du
gouvernement sur ces questions. Dès l'instant où un changement
est fait, on tourne la page et on en veut cinq autres; on en fait cinq et on en
veut encore cinq autres, ainsi de suite. Alors, on dit...
Une voix: C'est la vie...
M. Godin: ...ils ne seront jamais satisfaits. Par
conséquent...
M. Gratton: ...oui, mais la solution n'est pas de ne rien
faire...
M. Godin: ...s'ils ne seront jamais satisfaits...
M. Gratton: ...on ne fait rien...
M. Godin: Non, je dis: Séparons-nous, comme dans n'importe
quel couple. Le jour où je ne pourrai plus endurer ma conjointe ou
qu'elle ne pourra plus m'endurer, je lui dirai, comme je l'ai dit en Chambre
l'autre jour: Si tu ne peux plus me sentir, va-t'en chez toi; retourne chez ta
mère. Je pense que cela peut se faire aussi dans des
communautés.
M. Gratton: C'est cela.
M. Godin: Si on se rend compte qu'il n'y a pas d'entente possible
sur des choses qui nous paraissent à nous et à vous essentielles,
M. le député de Gatineau... Quand je vois M. Allan Singer, un
ennemi acharné de la loi 101, commencer à trouver M. Eric
Maldoff, président d'Alliance Québec, de plus en plus de son
goût, je me pose des questions sur le soi-disant caractère
modéré d'Alliance Québec.
M. Gratton: N'allez pas faire un autre écart de
langage.
M. Godin: C'est une citation de la Gazette pure et simple.
M. Gratton: Arrêtez là, je pense que vous serez
mieux.
M. Godin: C'est une citation de la Gazette pure et simple.
M. Marx: On parle des tests...
Le Président (M. Blouin): Juste un moment, M. le
député de D'Arcy McGee. Afin de nous conformer à l'article
142, je suggère que nous modifiions la liste des membres de la
commission, avec l'assentiment des membres, pour que le député de
D'Arcy McGee remplace M. Sirros, député de Laurier.
M. Marx: Je pense qu'à l'étude des crédits,
chaque député peut intervenir.
Le Président (M. Blouin): D'accord, je retire mes
paroles.
M. Marx: Juste sur les tests, si vous voulez me permettre au nom
de...
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Bourassa, est-ce que c'était sur le même sujet?
M. Laplante: Cela fait 50 minutes. Oui, c'est au sujet des
entreprises justement. J'ai eu un cas lundi qui mérite réflexion.
Il s'agit d'une compagnie de climatisation de Toronto qui vend au Québec
pour un chiffre d'affaires d'environ 3 500 000 $ par année. On est venu
se plaindre à mon bureau et aussi chez le ministre de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme, en disant que la politique d'achat du Québec
n'était pas juste. Ces gens ont seulement un bureau de vente ici; alors,
on leur a offert de venir s'installer au Québec, vu le très peu
de concurrence dans ce domaine au Québec. Or, la seule réponse
qu'ils nous ont donnée: On ne viendra pas s'installer au Québec
à cause de la loi 101. C'est la réponse de Toronto; en même
temps, on se sert de vendeurs francophones du Québec pour venir
téter cet argent et réaliser un chiffre d'affaires de 3 500 000
$. Il faut aussi réfléchir sur ces choses. Ce sont aussi les
mêmes genres de compagnies installées au Québec dans le
milieu du travail. J'aimerais poser la question au ministre: Vous avez
actuellement des données très récentes sur la francisation
en milieu de travail; ce sont des chiffres qui sont très
révélateurs...
M. Gratton: Je m'excuse, M. le Président; je m'excuse
auprès du député, mais il nous disait que c'était
sur le sujet spécifique des tests; s'il veut parler de
données...
M. Laplante: C'est parce que vous avez abordé...
M. Gratton: ...sur la francisation des entreprises...
M. Laplante: Depuis le début, M. le député,
vous avez abordé aussi le milieu du travail. On n'a pas pu revenir
là-dessus parce que vous avez suivi à peu près le
programme général. Dans le milieu du travail, je voudrais avoir
les plus récents chiffres que vous avez sur la francisation dans ce
milieu. Ce qui me préoccupe, c'est que, si on ouvre les journaux, les
demandes d'emploi qui se font, on remarque qu'il y a aujourd'hui presque une
annonce sur deux, si ce n'est pas deux sur trois, où on exige le
bilinguisme à peu près dans tout.
M. Godin: Je vous donnerai des chiffres quant au pourcentage de
réalisation des programmes de francisation de l'Office de la langue
française. Quant à la grande entreprise, nous en sommes
présentement à 88,5% de programmes approuvés. C'est bien
cela, M. le président? Par programmes approuvés, nous n'entendons
pas que 88,5% des entreprises ont complété la tâche de la
francisation, mais que 88,5% des entreprises sont en marche ou en
démarche vers une francisation à peu près totale de la
langue de travail à l'intérieur de ladite entreprise. Pour la
PME, il y a 1211 programmes approuvés. Si j'y ajoute les certificats
accordés sans programme dans une entreprise déjà
francisée, nous en sommes pour la PME à 87% de mises en marche de
l'activité complétée dans 581 cas sur 1792. Dans le
domaine de l'administration, nous en sommes à 91,26% des programmes
approuvés dont 2299 sur 3039 ont été approuvés sans
qu'il soit nécessaire d'avoir un programme. Il y a 740 desdits
programmes qui sont en voie, en cours de réalisation. Par
conséquent, on peut dire qu'effectivement, le processus est en cours ou
en marche, mais ces statistiques sont également à prendre avec
des pincettes. Nous ne connaissons pas ce qui se passe à
l'intérieur de ces entreprises et il faut prendre l'objet sous plusieurs
angles pour vérifier si vraiment l'opération francisation est
réussie. Les chiffres que je vous ai donnés tout à
l'heure, publiés...
M. Laplante: Quand je vous parlais, M. le ministre...
M. Godin: ...dans deux semaines, montrent que, chez les
travailleurs bilingues, il y a plus d'anglophones qui travaillent en anglais au
Québec que de francophones qui travaillent en français. Par
conséquent, la tâche n'est pas encore complétée.
M. Laplante: Je voudrais savoir si vous confirmez ces chiffres.
On a vu par les enquêtes de la régie qu'il y a seulement 55% de
Québécois qui peuvent travailler en français dans nos
usines. C'est une très mince évolution depuis la loi 101.
M. Godin: C'est plus important que cela.
M. Laplante: Mais c'est d'après l'étude - ce n'est
pas du rapport du gouvernement que je vous parle - de la...
M. Godin: Les chiffres que nous avons, nous, démontrent
que nous sommes rendus légèrement plus loin que ces
chiffres-là.
M. Laplante: En haut de 55%?
M. Godin: Oui.
M. Gratton: Cela ne vous dérange pas?
M. Laplante: Non, cela ne me dérange pas encore. Avez-vous
souvent des plaintes sur la francisation même?
M. Godin: Du côté des travailleurs, nous avons
reçu, de la part de gens qui ont été
congédiés parce qu'ils ne parlaient pas français ou se
sont vu refuser un emploi
parce qu'ils ne parlaient pas anglais, 43 plaintes au cours de
l'année écoulée.
M. Laplante: Comment se fait-il qu'il n'y en ait pas plus que
cela, lorsqu'on voit les journaux qui demandent un bilinguisme à peu
près partout? Y a-t-il une peur? Qu'y a-t-il?
M. Godin: Je vous ai dit que les pourcentages de bilinguisme sont
encore extrêmement élevés et c'est
précisément un des points qu'on devra éclaircir au moyen
des travaux dont j'ai parlé tout à l'heure. Dans combien
d'emplois au Québec exige-t-on le bilinguisme? Dans combien d'emplois au
Québec, même si on n'exige pas le bilinguisme, le pratique-t-on?
Ces chiffres-là, on ne les a pas encore et tant qu'on ne les aura pas,
nous ne serions pas sérieux si nous mettions un terme à
l'opération francisation ou si on modifiait en profondeur la charte.
Donc, il faut - je le répète - avoir une photographie au
millimètre près de la réalité linguistique des
entreprises au Québec avant de faire quelque modification que ce soit
dans ce domaine. Au contraire, il faut accélérer l'effort
entrepris et il faut que l'Office de la langue française continue
à négocier, à réaliser, à appliquer des
programmes de francisation.
M. Laplante: D'accord. Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Bourassa. M. le député de D'Arcy
McGee.
M. Marx: Je ne veux pas accuser le ministre pour les excès
ou les erreurs qu'on a commis quand il n'avait pas la gouverne de ces
organismes du gouvernement du Québec, mais, quand le
député de Gatineau a demandé au ministre des exemples
concernant des excès ou des erreurs de la politique linguistique du
gouvernement, il a suggéré que les tests linguistiques
étaient une de ces erreurs ou un de ces excès.
M. Godin: C'est-à-dire que l'application des anciens tests
linguistiques - entendons-nous bien - étaient peut-être un cas
où il s'est produit des abus.
M. Marx: C'est le mauvais professeur qui prend quatre ou cinq ans
pour corriger ces tests. C'est-à-dire que l'office, en 1979 et
même avant, avait une étude pour dire que ces tests étaient
injustes et ainsi de suite. Mais ce n'était pas votre faute.
Peut-être que c'était une politique d'excès et d'erreur
voulue à l'époque. Mais le ministre peut-il déposer tous
les tests de l'office qu'on a donnés aux professionnels depuis 1977?
M. Godin: Vous voulez dire, déposer...
M. Marx: ...déposer les tests, les exemplaires des
tests.
M. Godin: Non.
M. Marx: Vous ne pouvez pas?
M. Godin: Écoutez un peu! Ce que je peux vous
proposer...
M. Marx: Est-ce qu'il y a quelque chose à cacher ou...
M. Godin: Ce que je peux vous proposer...
M. Payne: Ils sont déjà
déposés...
M. Marx: I am not asking for the pinup gallery dancer, je parle
au ministre.
M. Payne: Ils sont déjà
déposés...
M. Godin: Si vous me parlez des anciens ou des nouveaux... C'est
impossible pour les nouveaux, parce qu'ils sont en application.
M. Marx: Le ministre est un homme modéré et
raisonnable - on est tous heureux d'avoir un tel ministre à la
tête de l'office et des autres organismes - mais je demande au ministre,
étant donné que nous avons maintenant une loi sur l'accès
à l'information, etc., de déposer ces tests que l'office a
donnés aux professionnels depuis 1977. Est-ce qu'il y a là
quelque chose à cacher? Pourquoi ne pas les rendre publics pour fins
d'études par des linguistes, par des historiens ou par je ne sais pas
qui...
M. Godin: Mon cher monsieur...
M. Marx: II n'y a rien à cacher dans ces tests,
étant donné qu'on ne les donne plus maintenant. On ne donne plus
ces tests aux professionnels aujourd'hui.
Le Président (M. Blouin): M. le ministre.
M. Godin: Vous parlez des anciens tests?
M. Marx: Oui. Ce sont les anciens tests depuis 1977, disons.
M. Godin: On les mettra peut-être au musée
éventuellement, mais je ne vois pas ce que cela vous donnerait de mettre
la main sur ces tests. Je peux peut-être demander l'avis du
président de l'office, de qui cela relève directement.
Je n'oserais pas donner un avis à cette
auguste assemblée; cependant je pourrais mentionner ceci: ces
tests, nous les avons fait subir à des journalistes - ils étaient
25, je crois - qui se sont portés volontaires eux-mêmes. En
sortant, ils ont tous émis ce commentaire unanime: Eh bien! ce qu'on
nous a fait passer n'était vraiment pas difficile. Évidemment, on
ne comprend pas toutes les situations.
Vous parlez des anciens tests. Ce sont les anciens tests.
M. Marx: Je suis très impressionné par cette
réponse. Maintenant, j'aimerais savoir si le ministre est prêt
à les déposer ou non. Est-il prêt à rendre publics,
ces tests que l'on ne donne plus aux professionnels aujourd'hui? Je ne peux
imaginer pourquoi le ministre ne rendrait pas ces tests publics aujourd'hui. Ce
serait utile pour l'histoire linguistique du Québec. Pourquoi pas?
Pourquoi ne pas mettre tout cela sur la table? Pourquoi encore cacher cela?
Est-ce que vous avez quelqu'un à défendre ou à
protéger?
M. Godin: II est possible, M. le député de D'Arcy
McGee, que ces tests, dans certains cas, ne soient pas tellement
éloignés des tests actuels. Par conséquent, cela pourrait
faciliter grandement la réussite des examens des seconds tests.
L'idée de base étant d'assurer aux consommateurs francophones du
Québec qu'ils pourront s'adresser dans leur langue, en français,
aux professionnels qui gagnent leur vie ici, je pense que nous devons beaucoup
plus protéger les consommateurs, dans un premier temps, que qui que ce
soit d'autre. Mais ce que je peux vous proposer, c'est d'aller les voir
à l'office, de vos propres yeux...
M. Marx: À côté d'une machine Xerox ou...
M. Godin: Non, d'aller les voir de vos propres yeux. (21
heures)
M. Marx: Je demande au ministre s'il est prêt à les
déposer. Sinon, il nous dit qu'il ne peut pas les déposer parce
qu'il a quelque chose à cacher, quelqu'un à protéger,
parce que si...
M. Godin: Non, je ne vois nullement l'intérêt, sauf
votre côté Sherlock Holmes ou Miss Marple, le personnage
célèbre d'Agatha Christie, le détective privé
d'Agatha Christie. Je ne vois pas quel intérêt le Sherlock Holmes
de D'Arcy McGee peut trouver là-dedans, sauf un intérêt
maladif pour des tests qui ne sont plus utilisés.
M. Marx: C'est parce que le ministre a dit que les tests
étaient soit excessifs, soit...
M. Godin: Je n'ai pas dit qu'ils étaient excessifs.
M. Marx: C'était abusif. J'aimerais que le ministre les
dépose pour qu'on puisse les examiner. Je ne vois pas pourquoi - chaque
ancien professeur est fier de ses anciens tests - l'office ne serait pas
fier...
M. Godin: N'êtes-vous pas procureur d'une des
infirmières dans ces causes?
Une voix: Absolument.
M. Marx: Qu'est-ce que cela a à voir avec...
M. Laplante: Des conflits d'intérêts, on est
habitué à cela.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Bourassa, s'il vous plaît!
M. Marx: Premièrement, le député de
Bourassa "thinks that he is smarter than he really is" parce que, dans
cette cause, on ne conteste pas les tests, on conteste le règlement. Je
ne vous demande pas de déposer le règlement parce que c'est
déjà public.
M. Laplante: Les tests vont être amenés en
preuve.
M. Marx: II y a une différence entre un test...
M. Godin: Vraiment, je ne vois nullement l'intérêt
qu'il y aurait à déposer ces tests, pas plus que je ne pourrais
exiger de mon professeur de mathématiques d'il y a 40 ans de me montrer
les examens qu'on passait à l'époque. Ce sera versé aux
archives, j'imagine, quand nous serons tous morts. En attendant, vous vous
contenterez de ma réponse. Peut-être qu'un jour, si Dieu vous
prête vie comme parti et si vous réussissez à vous trouver
un chef, vous serez de ce côté de la Chambre et vous agirez comme
vous l'entendrez, mais je ne pense pas qu'un professeur, puisqu'il s'agit de
test de connaissances, rende publics ses examens de l'année
précédente. Dans le même esprit, je ne vois pas pourquoi,
vraiment, vous vous acharnez à ce point sur des détails. Je ne
dis pas que les tests étaient injustes, M. le député de
D'Arcy McGee. Ce que je dis, c'est qu'il est possible que ces tests qui ont
été modifiés, après des études faites par ce
qu'on appelle des docimologues, des experts en tests... Je ne vois pas ce que
cela pourrait donner que nous les rendions publics maintenant.
M. Marx: J'aimerais dire au ministre, qui ne va pas à
l'université depuis des
années, qu'aujourd'hui on exige que le professeur dépose
ses tests et même des réponses types.
M. Godin: On voit ce que cela donne aussi!
M. Marx: Les tests de 1979 ont été corrigés
en 1983. Cela a pris quatre ans, après avoir fait des études,
ainsi de suite. J'aimerais suggérer au ministre, s'il ne veut pas les
rendre publics, de les examiner lui-même. Je peux lui assurer qu'il verra
des questions assez farfelues et stupides. Je comprends pourquoi on n'aimerait
pas les rendre publics. J'aimerais demander au ministre, dans un autre ordre
d'idées...
M. Godin: Si vous connaissez ces questions, M. le
député, vous devriez peut-être les publier dans la
Gazette.
M. Marx: Oui. Deux autres questions. Premièrement, le
ministre peut-il nous parler d'autres excès, d'autres erreurs ou si ce
sont seulement les tests? C'est parce que c'était au pluriel: "des
erreurs". Peut-il nous dresser rapidement une liste?
M. Godin: Oui. En ce qui concerne la toponymie, les
déclarations du Dr Camille Laurin à cet égard
étaient très claires. La francisation devait se faire dans le
respect de la communauté anglophone, d'une part, ainsi que des autres
communautés, les minorités linguistiques qui constituent le
Québec. Cela impliquait que les noms de rues anglais ou d'autres langues
au Québec faisaient partie du patrimoine québécois et, par
conséquent, devaient être préservés. La Commission
de toponymie avait décidé de procéder à une
francisation, ou du moins de le suggérer, très large, très
vaste de l'ensemble du Québec. Après l'avoir rencontrée et
avoir discuté longuement de cette question, nous en sommes venus
à la conclusion suivante: c'est qu'un nouveau règlement serait
publié dans la Gazette officielle qui reconnaîtrait comme valeur
patrimoniale les noms de lieux anglophones et d'autres langues du
Québec, d'une part, et d'autre part, qui ferait en sorte que tout
changement de noms de lieu devrait être fait à la demande des
citoyens et avec l'accord des citoyens, et uniquement des citoyens ou des
corporations et municipalités élues. Par conséquent, cela
mettait un terme à une inquiétude légitime de la part de
certains anglophones, les "Townshippers" en particulier, des gens de la
Gaspésie qui veulent garder Sheldrake comme nom et qui craignaient que
la Commission de toponymie ne les force... Tel n'était pas le cas, vous
le savez très bien, parce que la Commission de toponymie n'a pas le
pouvoir de changer les noms. Mais bien des médias, bien des
chroniqueurs, Nick Auf Der Maur parmi ceux-là, affirmaient dans les
journaux que la commission allait changer tous les noms anglais. Ce
n'était pas vrai. Pour rassurer ces populations, ces
régions...
M. Marx: Troisième, quatrième, cinquième,
sixième exemple d'erreur, cela reste...
M. Godin: Contentez-vous de cela pour l'instant.
M. Marx: II y en a deux. Un jour, j'ai vu le ministre à la
télévision et un journaliste lui a montré une brochure.
C'était une brochure du programme de francisation. Si je me souviens
bien, le ministre a dit: Je n'ai jamais vu cela, je ne savais pas que cela
existait. Est-ce que le ministre a maintenant pris connaissance de cette
brochure? Ou de ces brochures?
M. Godin: Oui, ce qui s'est passé, c'est qu'un des
organismes qui relève de la charte avait incité les entreprises
à demander à leurs fournisseurs non francophones, non
québécois, de leur faire parvenir toute documentation en
français qu'ils pourraient avoir, par exemple, des glossaires, dans la
mesure...
M. Marx: ...dans la lettre qu'on retrouve dans la brochure, M. le
ministre.
M. Godin: Est-ce que je peux terminer, M. le député
de D'Arcy McGee? Si vous voulez parler pendant que je parle, pourquoi
m'interrogez-vous? L'intention du législateur et de l'auteur des
règlements consistait à obtenir des entreprises
américaines, certaines faisant affaires avec des clients français
quelque part dans le monde, à obtenir d'elles des glossaires en
français là où cela existait ou tout formulaire en
français là où cela existait. C'était une
entreprise, à mon avis, une décision louable au départ,
mais cela s'est tranformé dans la rédaction en une exigence de
documentation et de formulaire en français, ce qui allait au-delà
des règlements. C'est un autre exemple que je peux vous donner de
comportement qui a été modifié.
M. Marx: D'accord.
M. Godin: Je ne vous citerai pas l'exemple des affiches
unilingues françaises au centre de ski du mont Sainte-Anne. Dès
que nous avons été prévenus que l'anglais avait
été camouflé dans les monte-pentes, les inscriptions
anglaises qui concernaient la sécurité et la santé
publique, nous avons modifié cela dans les heures qui ont suivi.
M. Marx: Peut-être que le ministre
n'est pas au courant, mais quand le ministre de l'Industrie, du
Commerce, et du Tourisme, l'ancien chef de l'Union Nationale, qui, comme le
ministre l'a dit il y a quelques minutes, s'est ouvert les yeux...
M. Godin: ...à vous aussi, M. le député de
D'Arcy McGee
M. Marx: C'est déjà fait.
M. Godin: Je n'en suis pas certain. Allez-y, continuez.
M. Marx: Quand il s'est ouvert les yeux...
M. Godin: Prouvez-le.
M. Marx: Quand il s'est ouvert les yeux sur les brochures de
l'Office de la langue française, il a dit: N'envoyez pas cela aux
compagnies américaines qui veulent s'installer ici au Québec
parce qu'elles ne viendront pas. Est-ce que le ministre est au courant de cela?
Quand le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme a vu ces
brochures, dont vous avez fait état d'une des "erreurs" ou d'un des
excès, il a dit aux personnes autour de lui: N'envoyez pas cela aux
compagnies qui veulent s'installer ici. J'aimerais poser...
M. Godin: Ce que je peux vous dire là-dessus, c'est qu'il
est sûr que le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme a
à coeur les investissements au Québec d'où qu'ils
viennent. Par ailleurs, je ne me mêlerai pas de ces formules de
recrutement d'entrepreneurs. Je ne pense pas que ce soit - il peut avoir une
opinion là-dessus - son mandat de faire des commentaires, de faire
changer des formules des organismes qui ne relèvent pas de lui.
M. Marx: Non, il n'a pas dit de changer les formules. Tout ce
qu'il a dit, c'est: N'envoyez pas cela aux gens qui veulent s'installer
ici.
M. Godin: Ce serait peut-être étonnant de vous
donner un renseignement...
M. Marx: Peut-être.
M. Godin: ...mon cher collègue. Le nombre d'entreprises
américaines qui ont envoyé, en réponse à ce
formulaire, des glossaires français, une documentation en
français, des formules en français, vous étonnerait. Il y
en a un plus grand nombre que vous ne le pensez.
M. Marx: C'est parfait, cela. Tout à fait d'accord.
M. Godin: Donc, on ne peut pas dire que ce soit, à
proprement parler, un abus.
M. Marx: Non. Je vous rapporte ce que le ministre a dit. Je n'ai
pas étudié cela à fond. J'aurais juste une ou deux
dernières questions. Y a-t-il des compagnies, des corporations, des
entreprises qui ont refusé de participer au programme de francisation de
l'office?
M. Godin: Oui.
M. Marx: Combien?
M. Godin: II y a en a un certain nombre.
M. Marx: 75? 60? 100?
M. Godin: Je ne vous dirai pas combien parce que le nombre change
tous les jours. Il y en a qui s'ouvrent les yeux tous les jours.
M. Marx: Le ministre peut-il demander au président de
l'office?
M. Godin: Est-ce que je peux répondre moi-même, M.
le député de D'Arcy McGee?
M. Marx: Oui.
M. Godin: Je suis encore ministre responsable de la charte,
n'est-ce pas? Ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a un certain nombre
d'entreprises, effectivement, qui résistent. Le président m'a
avisé qu'il ne désespérait pas, à l'office, de les
convaincre. Deuxièmement, il m'a également informé que le
nombre de ces entreprises tend à diminuer dans la mesure où, je
répète mon expression, un certain nombre d'entre elles s'ouvrent
les yeux.
M. Marx: Parfait. Combien? Quel est le nombre? 100? 200? 60?
50?
M. Godin: Cela change tous les jours. M. Marx:
Aujourd'hui.
M. Godin: Depuis cinq ans, il y en a eu moins de 25.
M. Marx: Combien de compagnies sont dans une telle situation
aujourd'hui? Y en a-t-il plus de 25? Y en a-t-il plus de 50 qui ne veulent pas
entreprendre de programme de francisation aujourd'hui?
M. Godin: II y en a moins de 25 qui n'ont pas encore donné
suite aux demandes pressantes de l'office de voir à se conformer
à la francisation.
M. Marx: Seulement 25, parfait.
M. Godin: Moins de 25.
M. Marx: Moins de 25, parfait. C'est ma dernière question:
J'ai demandé au président de l'office de bien vouloir m'envoyer
une liste des compagnies, des entreprises, des corporations avec lesquelles
l'office a un programme de francisation. J'ai écrit au président,
il me corrigera si je fais erreur. Nous avons une loi sur l'accès
à l'information; même si la loi n'est pas en vigueur aujourd'hui,
le ministre des Communications et même le premier ministre, chef du Parti
québécois, ont conseillé à tous les organismes
d'État de respecter l'esprit de la loi, même si la loi n'est pas
en vigueur. Le président m'a écrit qu'il ne pourrait pas me
donner une liste de ces entreprises. Pourquoi?
M. Godin: Cela fait partie de ce qu'on appelle le secret
industriel.
M. Marx: Si j'exige...
M. Godin: Si vous demandiez à la Raffinerie de sucre du
Québec de vous faire parvenir ses méthodes de transformation de
la betterave en sucre, je ne pense pas que vous les obtiendriez, pas plus que
les formules de raffinage de pétrole de Petro-Canada. Cela fait partie
de la vie intime des organismes publics. Pas plus la loi sur l'accès
à l'information ne vous donnerait accès à mon rapport
d'impôt, pas plus vous ne pourriez avoir le nom des entreprises qui ont
des ententes particulières avec l'office parce que cela risquerait tout
simplement de nuire au bon déroulement des travaux de l'office. (21 h
15)
M. Marx: Le ministre n'a-t-il pas vu, quand il est allé
aux postes de radio anglais ou au canal 12, que c'était affiché,
qu'il y avait un certificat, donc c'est déjà public? Au lieu de
faire le tour, parce que ce n'est pas un secret industriel, comme le ministre a
voulu le faire croire...
M. Godin: Je ne dis pas que c'est un secret industriel. Je dis
que cela s'assimile au secret industriel.
M. Marx: II y a un règlement de l'office où on
prévoit que chaque compagnie qui se francise doit afficher son
certificat.
M. Godin: Puisque vous tenez absolument à entendre la voix
mélodieuse de notre président, je vais lui passer le
microphone.
M. Marx: Avec plaisir, oui, cela va nous éviter de nous
écrire.
M. Godin: La façon de procéder de l'Office de la
langue française avec ses correspondants, les entreprises, depuis que
nous sommes dans le champ, a été de tenir confidentiels tous les
renseignements que nous obtenons de ces entreprises. C'est en raison de cette
confidentialité que nous avons eu le succès qui vous a
été relaté par le ministre tout à l'heure. Chaque
entreprise a bien confiance que nous traitons avec elle et que nous ne traitons
pas sur un tableau en entier.
Il est vrai que l'Office de la langue française décerne
des certificats qui attestent qu'une entreprise a un programme de francisation,
durant la durée du programme, et, à son terme, un certificat qui
atteste que le français a atteint le statut requis par la loi 101.
Cependant, il n'y a pas de certificat spécifique pour les ententes qui
concernent les sièges sociaux. C'est une entente en vertu de la loi
entre le siège social, l'établissement de recherche et l'Office
de la langue française.
Il me fait plaisir de dire ici que nous avons reçu 268 demandes,
qu'il y en a déjà 250 qui ont été traitées
et qu'il en restera 18 par conséquent à traiter d'ici la fin de
l'année, à moins qu'il n'y ait de nouveaux établissements
qui réclament le statut de siège social. Mais, au-delà de
cela, il ne nous est pas possible de divulguer les renseignements qui
concernent des entreprises en particulier. La liste qu'on nous a
demandée concerne des compagnies individuelles. Je comprends bien que
vous voulez la liste en entier, mais chaque compagnie est concernée par
la liste elle-même.
M. Marx: Peut-être que je me suis mal exprimé dans
la lettre. Exception faite des sièges sociaux, vous avez dit que les
autres entreprises ont des certificats qu'elles doivent afficher dans un
endroit public. Est-ce que c'est possible d'avoir la liste de ces compagnies
qui ont une entente de francisation avec l'office, exception faite des
sièges sociaux? Ce n'est pas nécessaire pour les sièges
sociaux, si je vous comprends bien, d'afficher un certificat, mais pour les
autres, oui. Une fois qu'elles doivent afficher, vous allez me dire que CFCF et
Eaton... Je ne vois pas le secret. Quand je demande une information à un
ministère et qu'on ne me répond pas, je soupçonne toutes
sortes de choses et cela m'empêche de dormir.
M. Godin: "Take a Valium" comme on dit.
M. Marx: Dans ce cas, je soupçonne plusieurs choses. Juste
pour rendre ma vie plus facile, je demande au ministre ou au président
de me faire...
M. Godin: Qu'est-ce que vous voulez avoir
précisément? Vous changez souvent et
vous revenez par des chemins différents vers des points qui
semblent être les mêmes et qui ne sont pas nécessairement
les mêmes.
M. Marx: La liste des entreprises, des compagnies visées
par...
M. Godin: ...ayant obtenu un certificat de francisation.
M. Marx: ...l'article 141, dont le règlement exige
l'affichage public du certificat.
M. Godin: D'accord. D'ici combien de temps voulez-vous avoir
cela?
M. Marx: Je donne un temps raisonnable, d'ici la fin de mon
mandat.
M. Godin: Vous enverrez votre brouette à la porte de
l'office parce qu'on me dit que c'est un document assez imposant.
M. Marx: Je vais revenir...
Le Président (M. Blouin): M. le député de
D'Arcy McGee, je dois préciser qu'il est maintenant 21 h 20 et qu'en
principe, selon l'ordre de la Chambre, nous devrions terminer nos travaux selon
ce qui a été convenu, à l'Assemblée nationale, soit
à 21 heures, ce qui est déjà dépassé, ou
encore lorsque nous aurons épuisé la période convenue
entre les partis. Cette période sera écoulée dans quinze
minutes. Je sais que d'autres députés ont des questions à
poser. Si vous êtes d'accord, je céderais la parole au
député de Vachon.
M. Marx: Le temps qu'il me reste ira au député de
Vachon qui a une question urgente.
Les examens de l'office
M. Payne: M. le Président, je pense qu'il faut mettre la
question des examens en perspective. N'est-il pas vrai, M. le ministre, que 80%
de ceux qui subissent les examens de l'office réussissent à la
première épreuve?
M. Godin: Exactement.
M. Payne: Cela est important, car, malgré toutes les
questions posées en cette Chambre, la réalité est
énormément déformée. Là où l'office a
éprouvé beaucoup de difficulté - on devrait fort bien le
savoir - c'est avec les infirmières. En ce qui concerne toutes les
autres professions, le gouvernement, depuis 1976, d'une manière
éminemment responsable, a proposé, dès le début,
d'améliorer graduellement le contenu des examens de manière que
chaque profession puisse avoir un examen spécifique pour sa propre
profession. Les corporations professionnelles ont pris un certain temps pour
préparer et tailler sur mesure ces examens. Il est normal que le
gouvernement prenne le temps pour améliorer ses examens dans ce sens. Il
y a maintenant des examens oraux exprimés, compris et écrits; je
crois que cela répond à un grand besoin de la population, c'est
ce dont je me suis aperçu lors des rencontres que j'ai eues avec des
représentants des corporations professionnelles.
En ce qui concerne les besoins spécifiques des infirmiers et des
infirmières -le ministre me corrigera s'il le faut -l'office a
adopté des mesures pédagogiques auprès des cégeps
anglophones pour préparer les cours de rattrapage, guider et conseiller
les enseignants et les directions des collèges pour préparer les
cours. Par exemple, je peux nommer le cégep Vanier et le cégep
John-Abbott qui avaient des programmes spécifiquement
préparés pour les infirmières. Je ne partage pas tout
à fait les mêmes inquiétudes que celles du
député de D'Arcy McGee. Là où j'aurais une certaine
inquiétude, ce serait au sujet de l'accessibilité des services
dans les langues autres que le français; cet aspect a été
énoncé dans le plan d'action Autant de façons d'être
Québécois. La problématique était la suivante: Une
fois qu'on établit le fait que le Québec est français,
quels sont les paramètres pour l'accessiblité des services dans
les langues autres que le français? Si je peux être constructif,
je considère que le gouvernement, pour être bien avisé,
pourrait revoir sa politique des services dans les langues autres que le
français. Je donne un exemple: En ce qui concerne nos publications
gouvernementales, il y a une disparité énorme entre les
ministères. Je crois que le ministre pourrait exercer son leadership et
sa responsabilité auprès de la Charte de la langue
française pour essayer de trouver une certaine cohérence. Je
m'explique: souvent, un ministère décide de publier un document
important dans une langue autre que le français, normalement l'anglais,
mais souvent dans d'autres langues aussi, mais, à ma connaissance -
j'aimerais avoir l'avis du ministre sur ce sujet - ne pourrait-on pas mettre la
main sur une politique avec des directives pour les ministères, à
savoir quand et quelle diffusion aurait un certain document? Par exemple, le
livre blanc, le livre vert. J'ai eu des discussions avec le ministre des
Communications et cela pourrait faire l'objet d'une concertation
intéressante et utile.
Maintenant que la loi 101 va bon train vers la francisation du
Québec, je pense qu'on peut avancer d'une étape en
améliorant nos services dans des langues autres que le
français. Il y a beaucoup de confusion dans le milieu anglophone,
à savoir quels sont les documents disponibles. On pourrait distinguer je
ne veux pas entrer ici dans une discussion technique - entre les documents
d'intérêt public dans d'autres langues comme les formulaires, les
formules qu'on complète régulièrement pour avoir
accès à certains programmes du gouvernement, soit pour
l'habitation, les bourses d'études, soit dans le domaine des services de
santé et ainsi de suite et, de l'autre côté, les documents
politiques du gouvernement, comme les livres blancs ou les livres verts.
Voilà une suggestion concrète. Le ministre aimerait
peut-être commenter d'abord là-dessus.
M. Godin: Remarquez qu'au cours des dernières semaines,
toutes les équipes de traducteurs du gouvernement ont été
conscrites par la traduction des décrets que vous connaissez, mais,
maintenant que c'est fait, je pense que ces équipes pourront revenir
à la traduction des documents importants du gouvernement. Nous ne sommes
pas tout à fait au programme 2, mon cher collègue de Vachon. Nous
sommes au programme 1 avec ce sujet, mais, si vos collègues sont
d'accord, je peux répondre à cette question.
La politique du gouvernement par rapport à l'accessibilité
aux documents et aux services dans d'autres langues s'incarne dans le plan
d'action que vous connaissez qui s'appelle Autant de façons d'être
Québécois. Déjà, le ministère de
l'Immigration et le MAS travaillent ensemble dans huit services sociaux
à l'échelle du Québec pour donner des services
précisément dans d'autres langues que le français. Nous
avons un budget chaque année d'environ 70 000 $ consacré à
ce programme. Quant aux documents, la politique générale du
gouvernement est la suivante: dès qu'un document a une importance
quelconque, il doit être traduit en anglais et être accessible dans
d'autres langues là où il y a un besoin. Par exemple, un document
au ministère de l'Immigration, qui s'appelle Investir au Québec,
existe en six langues. Les documents d'accès aux programmes
d'égalité en emploi qui relèvent de la Fonction publique,
sont également accessibles en cinq ou six langues. Certains documents du
ministère des Affaires intergouvernementales sont accessibles en six
langues. Il y a une politique qui se répand progressivement et qui va
certainement porter tous ses fruits d'ici quelques années. Donc, on peut
dire que le gouvernement, encore là, est engagé dans cette
direction systématiquement. Pour ce qui touche les livres blancs et les
documents importants du gouvernement, c'est accessible, en principe,
illico.
Le Président (M. Blouin): D'accord? M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, j'aurais une ou deux courtes
questions à poser au ministre, étant donné que la
commission tire à sa fin. Le 11 février 1983, le
député de Pontiac a adressé une lettre au ministre qui
était accompagnée d'une pétition signée par
plusieurs commerçants de la ville d'Aylmer. Cette pétition
faisait suite à une initiative du Mouvement impératif
français qui, selon les termes de la lettre de mon collègue, le
député de Pontiac, utilise la dénonciation comme mode de
vie au détriment de la formulation d'initiatives pouvant susciter
l'adhésion. Il s'agit de l'affichage qui n'est pas unilingue
français dans plusieurs entreprises commerciales d'Aylmer, une ville
frontalière où plus de 54% de la population est anglophone,
où la majorité des résidents travaille, de toute
façon, en Ontario et, par surcroît, ont d'excellentes occasions de
se procurer des biens et des services en Ontario, donc, près de leur
lieu de travail. Cette pétition demandait tout simplement au ministre
que la ville d'Aylmer soit exemptée des dispositions de la loi 101 en
matière d'affichage.
Le but de ma question n'est pas de demander au ministre de trancher la
question ce soir, à savoir si on va amender la loi 101 pour permettre de
donner satisfaction aux marchands d'Aylmer, mais bien de souligner que, depuis
le 11 février, le député de Pontiac m'a dit n'avoir
reçu aucune réponse du ministre qui, semble-t-il, se penche sur
le dossier. J'aimerais savoir si, s'étant penché sur le dossier
depuis environ deux mois et demi, il aboutira bientôt à une
décision ou tout au moins à une réponse au
député de Pontiac. (21 h 30)
M. Godin: Oui. Je suis tellement penché que j'ai peur de
tomber, M. le député de Gatineau. Je vous dirai qu'Aylmer
prétend être une municipalité dont la population est
à plus de 50% anglophone. Elle prétend cela. D'autres
renseignements indiquent qu'il n'y aurait que 30% de la population environ qui
serait anglophone. Si, effectivement, Aylmer est une ville qui est
classée comme étant anglophone, en vertu de l'article 113,
paragraphe f, de la loi 101, que votre collègue connaît aussi bien
que vous, l'affichage de la municipalité, enfin l'affichage municipal
pourrait être, lui, en deux langues.
M. Gratton: Je parle uniquement de l'affichage commercial.
M. Godin: L'affichage commercial... M. Gratton: Oui.
M. Godin: Je ne vois pas pourquoi la ville d'Aylmer
bénéficierait d'un statut particulier pour l'instant, avant que
l'ensemble de la question de l'affichage ait été
étudié par les divers organismes chargés de l'application
de la charte ainsi que par mon ministère. Donc, cela fait partie des
questions que nous nous posons quant à l'avenir de l'affichage unilingue
ou bilingue au Québec. Il n'y a donc pas de réponse
là-dessus, aujourd'hui.
M. Gratton: M. le Président, tout ce que je
suggérais au ministre était de fournir la réponse qu'il
vient de donner au député de Pontiac qui pourrait, à son
tour, en faire état aux nombreuses personnes qui se sont quand
même donné la peine de signer la pétition.
M. Godin: Je le lui ai déjà dit verbalement et elle
apparaîtra au journal des Débats d'ici quelques jours. Il pourra
donc en disposer à son gré.
M. Gratton: Bon.
M. Marx: Seulement sur cette question, d'accord?
M. Gratton: M. le Président, peut-être que mon
collègue pourrait y revenir tantôt...
M. Marx: Oui, d'accord.
Conseil de la langue française
M. Gratton: J'ai une question qui, je l'espère, ne prendra
pas beaucoup de temps non plus. Dans les documents que nous a remis le ministre
au sujet du Conseil de la langue française, on retrouve à
l'annexe X des contrats donnés à des individus. En faisant le
total de ces contrats, on s'aperçoit qu'il y en a eu, au cours du
dernier exercice financier, pour un total de 289 687,20 $ qui ont
été octroyés à plusieurs dizaines d'individus. On
en retrouve, par exemple, un certain nombre - en fait, sept - qui sont
donnés à différentes personnes pour effectuer des
études sur la situation linguistique. Par exemple, dans la
République populaire de Chine, le contrat est de 4900 $; en Suisse, au
niveau tant fédéral que cantonnal, 4800 $; en Belgique, 4900 $;
au Brésil, 4900 $; aux Nations Unies, 4900 $; en Finlande, 4900 $ et en
Haïti - je ne sais pas pourquoi - c'est un montant de 4950 $.
M. Marx: Ce sont des gens qui ne vont pas...
M. Gratton: Ce que je voudrais savoir d'abord, c'est si le
montant de 289 000 $ est à peu près le montant qu'on retrouvera
l'an prochain ou qui est prévu dans les prévisions
budgétaires pour cette année, pour ce genre de contrats
donnés à des individus? Le ministre me fait signe que oui.
M. Godin: Du même ordre.
M. Gratton: Oui. Qu'est-ce qu'on essaie...
M. Godin: Du même ordre. Maintenant, pour répondre
d'une façon plus précise à votre question sur les divers
pays mentionnés, c'est qu'il y a dans ces pays, que vous mentionniez,
coexistence de deux ou plusieurs langues. Nous voulons connaître un peu
mieux les effets de cette coexistence et également les décisions
prises par ces divers gouvernements pour assurer la survie de l'une ou l'autre
ou faire ce qu'on appelle de la "planification linguistique". Par exemple, la
Belgique - vous connaissez le cas aussi bien que moi - entre la langue flamande
et le français, il y a coexistence plus ou moins pacifique dans
certaines régions. Nous voulons savoir de quelle manière les
gouvernements planifient leur politique linguistique dans ces pays et nous
inspirer des meilleures expériences qui se font partout.
M. Gratton: Est-ce que je pourrais poser une question...
M. Godin: Et à l'inverse, remarquez bien...
M. Gratton: Oui.
M. Godin: ...informer ces pays sur ce que nous faisons ici.
M. Gratton: Oui, mais quand on parle d'effectuer une étude
sur la situation linguistique de la République populaire de Chine, par
exemple, je pense bien que ce n'est pas dans ce contrat qu'on informe la
république populaire, mais on fait une étude là-dessus.
Voici la question précise que je voudrais poser. Dans ces sept pays, il
y en a, je présume, qui ont adopté des lois linguistiques. Est-ce
qu'on en a retrouvé quelque part qui, notamment, interdisent, sous peine
d'amende l'affichage dans une autre langue que la ou les langues
officielles?
M. Godin: Je vais passer le microphone à M. Michel
Plourde, président du conseil.
Effectivement, il y a eu dans le canton de Tessin en Suisse, par
exemple, une législation analogue où il y a eu des amendes pour
affichage dans une autre langue.
M. Gratton: Dans une autre langue que laquelle? Que les trois
langues officielles?
M. Godin: Que le français et l'italien, par exemple. Mais
disons que, jusqu'ici, vous parliez de la recherche que poursuit le Conseil de
la langue française. Il s'agit de petits contrats de 4000 $ ou 4500 $
pour essayer de voir de façon claire un panorama de législation
linguistique ou de politique linguistique que nous connaissons mal et voir
comment s'applique l'aménagement linguistique dans différents
pays. Jusqu'ici, vous vous posez la question de l'affichage, c'est l'exemple
que nous avons trouvé jusqu'ici. Y en a-t-il d'autres? Est-ce qu'on en
trouvera en République populaire de Chine? La Finlande le fait. Il y
avait un autre pays que nous abandonnons pour le moment. Nous essayons de voir
la situation dans différents pays, et cela totalise à peu
près 40 000 $, quand on sait qu'une seule recherche donnée au
Québec à une maison de sondage, par exemple, à un
département d'économie ou à un département de
démographie ou de sociologie, pour faire une recherche
échantillonnée, une recherche statistique, cela coûte de 25
000 $ à 40 000 $. Avec ces petites recherches, croyons-nous, celles que
nous avons commencées avec les provinces canadiennes et avec les pays
francophones nous l'ont prouvé, de proche en proche, nous allons pouvoir
esquisser un tableau général de ce qui se fait dans le monde et
permettre à tout le monde, les hommes politiques, la population du
Québec, de mieux situer la politique linguistique du Québec et de
mieux comprendre dans l'ensemble des politiques linguistiques du monde
où se situe le Québec et si le Québec va loin, comme on
dit souvent, ou s'il est, pourrait-on dire dans la "norme internationale";
c'est aussi un effet secondaire escompté de ces recherches, en plus de
nous informer sur les politiques linguistiques de différents pays, ce
qui est très mal connu. Dans l'ensemble des recherches, vous disiez 280
000 $ en tout, c'est l'ensemble des recherches, ce ne sont pas uniquement les
recherches, ce que vous dites, c'est un petit montant à
l'intérieur.
M. Gratton: Non, je l'ai bien mentionné, en ce qui
concerne ces sept recherches, chacune était pour une somme de 4900 $ et
cela donne moins de 35 000 $. Le seul exemple qu'on a retrouvé à
ce jour, c'est dans le canton du Tessin, où il y a amende pour afficher
dans une langue autre que... Mais, si j'ai bien compris, il s'agit d'afficher
dans une langue qui serait autre que les deux langues officielles de la
Confédération helvétique.
M. Godin: C'est-à-dire que chaque canton suisse a son
aménagement linguistique particulier. Je pense que le
député de D'Arcy McGee connaît bien ces questions en droit.
Chaque canton a son habitus, son modus vivendi linguistique, et cela peut
varier d'un canton à l'autre.
M. Gratton: Mais, au Tessin en particulier, quelle est la langue
permise sur l'affichage?
M. Godin: Le français et l'italien.
M. Gratton: Les deux langues reconnues comme officielles?
M. Godin: Oui. Vous savez que l'allemand est très
répandu en Suisse et qu'il y a eu des tentatives. Dans un canton,
parfois, on a tenté d'avoir des écoles en français, de
l'affichage en français. Dans un autre canton, on a tenté d'avoir
des écoles en allemand ou de l'affichage en allemand. Si ce ne sont pas
les langues du canton, les tribunaux de la Confédération
helvétique - et là, vous avez raison - les tribunaux
fédéraux ont donné raison aux cantons sur les
règlements de protection de leur langue cantonale respective. C'est ce
qui a fait dire à certains juristes, par exemple à l'occasion du
débat constitutionnel, qu'on rapprochait parfois le cas du Québec
de certains cantons suisses.
M. Gratton: Ma prochaine question sur ce sujet s'adresse au
ministre. Pourquoi retrouve-t-on toujours ce montant de 4900 $ qui est
inférieur de 100 $ à 5000 $? Y a-t-il une raison
particulière à cela? On le retrouve non seulement dans ces sept
cas que j'ai spécifiés, mais dans un très grand nombre,
sinon la majorité des quelques dizaines...
M. Godin: Cela doit correspondre aux contrats intervenus entre la
personne et le conseil.
M. Gratton: C'est évident, mais pourquoi toujours le
même montant de 4900 $ et 4950 $? Est-ce qu'à 5000 $ ou plus, on
doit procéder autrement pour l'adjudication?
M. Godin: II faudrait demander aux fournisseurs des services la
raison pour laquelle ils se contentent de 4900 $ pour des travaux aussi
importants.
M. Gratton: Le ministre sait fort bien ce à quoi je veux
en venir. Je ne sais pas pourquoi il ne me répond pas plus
franchement.
M. Godin: Je vous réponds en autant que je peux voir.
J'imagine que, si je vends mes services à une entreprise à un
prix X ou à un bureau à un prix X, c'est le prix qui me
convient.
M. Gratton: Est-ce qu'il y a une procédure
différente pour un contrat qui dépasserait 5000 $ que pour
l'adjudication d'un contrat de moins de 5000 $?
M. Godin: Ah! Voilà une question précise. Oui,
effectivement.
M. Gratton: Est-ce que c'est là la raison pour laquelle on
retrouve autant de contrats à 4900 $?
M. Godin: II faudrait le demander à chacun des
fournisseurs.
M. Gratton: Non, je le demande aux administrateurs du
conseil...
M. Marx: Qui fixe le prix?
M. Godin: Ce sont des prix négociés, M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: On leur dit: Faites-le moi pour 4900 $ et on le fait
pour 4900 $.
M. Godin: Est-ce ma faute si la plupart des gens demandent 4900
$? Il y en a un grand nombre qui demandent plus cher que cela. Il est un fait
que, pour une dépense inférieure à 5000 $, la
procédure est plus rapide, plus expéditive. C'est peut-être
la raison qui explique le fait que ce chiffre, semble-t-il, soit
récurrent.
M. Gratton: On y reviendra plus tard, M. le Président,
à une autre occasion; j'espère que ce sera avant l'an
prochain.
Le Président (M. Blouin): Oui, ...
M. Gratton: Dans le cas d'un contrat qui porte le numéro
108-618 - à M. Gérald Martin, pour agir à titre de
conseiller en francisation pour le conseil - le montant du contrat est de 100
000 $. Est-ce qu'on peut avoir des détails sur le travail de M.
Martin?
Le Président (M. Blouin): M. le ministre, je m'excuse
d'intervenir, mais, à moins qu'il n'y ait consentement unanime de la
part des députés, je vous signale que nous avons maintenant pris
tout le temps qui nous avait été accordé,
conformément à l'ordre qui a été donné par
l'Assemblée nationale. S'il n'y a pas de consentement unanime, nous
devrons mettre fin aux travaux de la commission.
M. Gratton: Je demanderais au ministre de consentir. Quant
à moi, il y en aura au maximum pour cinq minutes; je ne peux pas
contrôler les réponses du ministre, bien sûr. Mais si vous
voulez consentir, j'ai une autre question qui portera sur la tenue de la
commission parlementaire et ce sera terminé.
M. Godin: Combien en avez-vous en tout? Je ne veux pas...
M. Marx: J'ai aussi une question, M. le ministre.
M. Godin: Vous en avez une et vous aussi, et vous?
Une voix: Non.
M. Godin: Ah! Vous m'étonnez! Alors, allez-y donc. Oui,
d'accord. Si mes collègues sont d'accord...
M. Marx: Le député de Fabre a une question.
M. Godin: M. le Président, la réponse est la
suivante: M. Gérald Martin a eu un règlement avec le gouvernement
lorsqu'il a quitté la régie. Je crois que c'est bien avant...
À l'occasion de la création du conseil, en 1977, ou un peu avant,
M. Gérald Martin, qui était à l'ancienne Régie de
la langue française, a quitté. Il y a eu un règlement avec
le gouvernement et les 10 000 $ annuels qui, je crois, lui ont
été imputés par décision et décret
ministériel ont été imputés au Conseil de la langue
française. Je pense que c'est au début de la création du
Conseil de la langue française. Ce que nous faisons, c'est que nous
utilisons les services de M. Gérald Martin. Par exemple, l'année
dernière, lorsque nous avons fait une rencontre avec les entreprises
pour voir quel était l'état de la francisation au sein des
entreprises, nous avons demandé à M. Gérald Martin de les
contacter, de tenir les réunions préliminaires, de
préparer cette rencontre, la thématique, de contacter les gens,
de faire les invitations. Donc, nous avons utilisé M. Martin au mieux de
notre connaissance, mais il s'agit d'un règlement gouvernemental.
M. Gratton: Oui, je pense que la date précise est le 18
octobre 1977. Donc, nous en aurions encore pour quatre ou cinq ans.
M. Godin: C'est cela, voilà. C'était
l'époque...
M. Gratton: Est-ce qu'il est arrivé en cours de route que
M. Martin ait rendu des services qui dépassaient...
M. Godin: Oui, mais je vous explique...
M. Gratton: ...le montant annuel de 10 000 $ et, donc, qu'il ait
été rémunéré en plus des 10 000 $?
M. Godin: Non.
(21 h 45)
L'application de la loi 101
M. Gratton: D'accord. Une dernière question, quant
à moi. On en a parlé ce matin au moment où on faisait une
espèce de survol des engagements du gouvernement. Premièrement,
en septembre dernier, on affecte au ministre la responsabilité de
surveiller l'application de la loi 101, avec mandat de faire rapport au
cabinet, avant la fin de 1982, sur l'impact réel de certaines
dispositions de la loi 101. En décembre - je crois que c'était le
18 - vous avez dit à l'Assemblée nationale, quant aux amendements
à la loi 101: On en informera l'Assemblée au printemps. Je lui
suggérais ce matin, comme simple signe de bonne volonté de sa
part, que, plutôt que d'attendre l'automne pour la tenue de cette
commission parlementaire qui a été promise par le ministre, ce
que le premier ministre a même confirmé comme engagement du
gouvernement, il serait peut-être souhaitable, du point de vue de
beaucoup de gens, notamment ceux qui sont les plus affectés par tout
cela, que cette commission ait lieu dans les meilleurs délais. Est-ce
que le ministre est prêt à considérer cela? Si oui ou si
non, pourquoi?
M. Godin: J'ai fait rapport effectivement à mes
collègues du Conseil des ministres, tel que prévu en
décembre, avant l'ajournement de Noël. Il y a eu un deuxième
rapport d'étapes lors de la réunion des ministres au mont
Sainte-Anne et nous nous sommes entendus pour attendre l'ensemble des travaux
présentement en cours aussi bien d'ailleurs les travaux qui incluraient
le recensement fédéral dont les résultats sortent chaque
semaine par les temps qui courent que les travaux en cours au service de
recherche de l'office, au service de recherche du conseil et ailleurs.
Dès que nous aurons le portrait complet de toute la question, sur toute
la question linguistique au Québec, nous serons en mesure de confirmer
la date de la tenue de cette commission parlementaire. Quant à moi, je
souhaite qu'elle ait lieu quelque part à la rentrée ou même
en septembre avant la rentrée.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. M. le
député de Fabre.
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. L'Opposition se
préoccupe beaucoup des amendements qui vont probablement paraître
un jour à la loi 101, elle se préoccupe beaucoup des questions
d'affichage, des questions de tests linguistiques.
Quant à moi, je voudrais faire part des préoccupations du
côté ministériel par rapport à la loi 101. Il ne
faudrait pas perdre de vue que l'objectif de la loi, au départ,
était la reconnaissance de la prépondérance du
français au Québec. Nos amis se comportent parfois comme si les
deux langues devaient être égales au Québec, comme si la
langue anglaise était menacée au Québec. Ceci reste
à prouver et peut-être que ce serait intéressant d'avoir un
débat sur la question.
M. le ministre parlait ce matin des francophones des autres provinces
qui parlent le français la nuit, puisque le jour, au travail, ils
doivent parler l'anglais. Ma préoccupation, M. le Président, est
de voir que, depuis les années soixante-dix, depuis 1970, l'application
des différentes lois pour la protection du français a eu des
effets, certes, mais ces lois n'ont peut-être pas eu les effets
escomptés dans le milieu francophone.
Je voudrais apporter comme témoignage un extrait d'une
conférence prononcée par M. Plourde, le président du
Conseil de la langue française. D'abord, il constatait que l'utilisation
du français a progressé de façon importante dans toutes
les communications écrites des anglophones en milieu de travail, mais
que le français demeure relativement sous-utilisé dans les
communications verbales des anglophones avec les francophones. Il ajoutait
aussi que le pourcentage des travailleurs francophones... Du côté
ministériel, c'est une préoccupation qu'on a. Mon collègue
de Bourassa posait sa question dans ce sens tout à l'heure et je reviens
sur la question, parce qu'elle est fondamentale. La loi 101 est là pour
profiter aux travailleurs et aux travailleuses francophones du
Québec.
Or on dit que le pourcentage des travailleurs francophones qui se sont
vu exiger la connaissance de l'anglais pour obtenir leur premier emploi n'a pas
diminué depuis 1970. La proportion atteint les 20% en dehors de
Montréal et dépasse les 40% pour Montréal. Par contre,
toujours dans la région de Montréal, le pourcentage des
anglophones de qui on exigeait le français n'atteint pas les 30%. Je
répète: le pourcentage des anglophones de qui on exigeait le
français n'atteint pas les 30%. Je me pose la question et je voudrais
savoir en quoi les anglophones sont menacés par l'application de la loi
101. Je parle du milieu de travail, qui me semble être un des points
majeurs de l'application de la loi 101.
Je rejoins un autre extrait du texte prononcé par M. Plourde
où il parle de dizaines de milliers d'entreprises qui emploient moins de
50 personnes. À propos de ces entreprises, M. Plourde dit ceci: "Elles
ne sont pas touchées directement par la loi. Si cette francisation ne se
fait pas dans ces entreprises, je crois que la langue du travail, la langue des
entreprises continuera d'être lourdement hypothéquée au
Québec. À mon avis, la moitié de la francisation reste
encore à faire et nous ne
sommes qu'à mi-chemin. "Ajoutons encore qu'environ 260 centres de
recherche et sièges sociaux d'entreprises continuent de fonctionner et
de travailler principalement en anglais."
Ce sont des éléments que vous ne mentionnez pas souvent de
l'autre côté. Ma question est celle-ci: M. le ministre, dans les
amendements dont vous parlez, avez-vous l'intention de commencer une entreprise
de francisation dans ces compagnies qui emploient moins de 50 personnes au
Québec, lesquelles ont été mentionnées dans le
bilan de l'application des politiques linguistiques des années
soixante-dix par M. Plourde, qui est le président du Conseil de la
langue française?
Le Président (M. Blouin): M. le ministre.
M. Godin: Parmi les aspects importants de l'action de
francisation, qui ne sont pas dans la loi 101 ni ailleurs, puisque vous
mentionnez, M. le député, les entreprises de 50 employés
et moins, d'une part, nous devrions connaître un peu mieux la composition
linguistique des employés qui y travaillent avant de prendre quelque
décision que ce soit.
Un autre aspect important qui n'a pas été mentionné
est celui des manuels scolaires. Dans les universités et les
collèges francophones du Québec, le nombre de manuels scolaires,
en anglais ou en d'autres langues que le français, atteint des
proportions assez inquiétantes. Je connais même des
étudiants unilingues français qui bloquent leurs examens dans
certaines facultés, parce que la documentation qui leur est remise par
les professeurs est uniquement en anglais. Je connais des facultés dans
le domaine des communications où 80% des manuels scolaires sont en
anglais. Cela vient en contradiction directe avec la politique linguistique
avouée du gouvernement, qui veut qu'un unilingue francophone puisse
gravir tous les échelons de sa profession au Québec.
Il faudra que nous nous penchions également sur cette question.
C'est une des raisons pour lesquelles je dis à mon collègue de
Gatineau, qui insiste pour que la commission parlementaire ait lieu le plus
tôt possible: Tant que nous n'aurons pas un inventaire complet de ce qui
se passe en ces matières, il serait prématuré et peu
sérieux de notre part, peu sage au fond de tenir la commission
parlementaire.
J'ajouterai également un domaine que j'ai déjà
abordé lors d'une rencontre avec l'Association des conseillers en
francisation, celui de l'électronique, des vidéocassettes, des
logiciels en vente au Québec. Sont-ils accessibles en français?
Le seront-ils? À quelles conditions peuvent-ils l'être? Je pense
que c'est un autre aspect fort important pour l'avenir du français dans
ce pays. Comme je n'ai pas en main présentement toutes les
données relatives à ces questions, il est trop tôt pour
m'engager sur une date ferme de la tenue de cette commission parlementaire, ni
d'ailleurs sur des amendements à la loi.
M. Leduc (Fabre): Mais vous envisagez, M. le ministre, de toucher
ces entreprises de moins de 50 personnes?
M. Godin: Oui.
M. Leduc (Fabre): Merci.
M. Marx: M. le Président.
Le Président (M. Blouin): Maintenant, le dernier
intervenant, tel que nous l'avons convenu, sera le député de
D'Arcy McGee.
Une voix: En bas de 50.
Une voix: Le dessert.
M. Scowen: En bas de 50.
M. Marx: J'aimerais remercier le président d'être
resté avec nous après le temps fixé pour cette
commission.
M. Scowen: À la maison, ce sera permis.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
D'Arcy McGee, vous avez la parole.
M. Marx: J'aimerais remercier le président pour être
resté avec nous après le temps fixé pour cette commission
et aussi le ministre d'avoir donné le feu vert pour une autre
question.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
D'Arcy McGee, le président est le serviteur de...
M. Marx: Le président est le serviteur. D'accord,
merci.
Le Président (M. Blouin): Oui.
M. Marx: Je voulais vous remercier de toute façon.
Le Président (M. Blouin): Le serviteur de
l'unanimité.
M. Marx: J'aimerais rappeler au député de Fabre,
adjoint parlementaire au ministre de l'Éducation, que les objectifs
originaux de la politique linguistique au Québec étaient
fixés dans le rapport Gendron, qui a été suivi par
d'autres gouvernements. Ce n'est
pas ce gouvernement qui a inventé le premier toute cette
politique linguistique. Si nous ne sommes pas d'accord et si nous avons des
soucis ici dans l'Opposition, ce sont les même soucis que ceux du
ministre. On veut éviter des excès et des erreurs. De temps en
temps, j'ai l'impression que le ministre qui a précédé le
ministre actuel avait une politique d'excès et d'erreurs dans
l'application de la loi 101. Je pense que le problème n'est pas
nécessairement les articles qu'on parle de changer dans la loi 101;
c'est l'application de la loi 101. Ce sont des petites affaires; ce sont des
inspecteurs qui vont demander que les gens effacent le mot anglais sur un
crayon et des stupidités comme celle-là. Mais c'est difficile de
faire venir tout le monde ici pour témoigner. C'est ce qu'on veut
éviter.
Je pense que des erreurs et des excès se trouvent souvent dans
l'interprétation de la charte par des organismes qui sont chargés
de l'appliquer. L'autre jour, j'ai eu l'occasion de commencer à lire le
rapport 1981-1982 du Conseil de la langue française. Je suis
tombé sur la page 11 où il y a tout un débat sur
l'interprétation donnée à l'article 113f, aux mots "une
langue autre que française". L'office a prétendu que le mot "une"
est un adjectif numéral et qu'il faut donc que la majorité dont
il est question dans l'article soit composée de personnes ayant comme
langue maternelle une seule et même langue, etc. Il y a tout un
développement des deux interprétations, et ainsi de suite. Quand
j'ai lu cela, je me suis dit: Bon, s'il y a un article dans la loi 101 qui
n'est pas clair, la première chose qu'on fait comme juriste, c'est
d'aller voir la version anglaise. J'ai lu la version anglaise, qui est une
version officielle, et j'ai vu qu'en anglais, c'était écrit: "A
language other than French". J'ai vite conclu, et cela ne m'a pas pris trois
pages ou je ne sais combien d'opinions de l'office, etc., de juristes qui,
peut-être, ont même eu des contrats de 4900 $, de 4999 $ parfois.
Je me suis dit: Voilà, la réponse est très simple. Le mot
"une" dans l'article 113f n'est pas un adjectif numéral. Je trouve que
c'était peut-être une interprétation excessive de l'office
qui a été corrigée, si je comprends bien, parce qu'on a
accepté une autre interprétation. Peu importe, j'arrive à
l'article 113f. Dans la lettre que vous avez écrite à la
greffière de la ville de Côte-Saint-Luc sur l'affichage que la
Régie de l'assurance automobile a envoyée... C'était quoi
le slogan?
M. Godin: Une vie, ça coûte trop... Bien se conduire
pour mieux vivre. D'ailleurs, vous devriez l'appliquer à votre propre
vie, mon cher collègue, etc.
M. Marx: Oui, c'est cela. On veut l'appliquer dans la ville de
Côte-Saint-Luc, qui est une des villes où c'est permis... Ce n'est
pas une ville "Potemkine". Savez-vous ce qu'est une ville ou un village
"Potemkine"? Non?
M. Godin: Informez-nous.
M. Marx: Oui. C'est comme l'affichage unilingue au Québec.
Quand la tzarine est allée de Moscou à Leningrad...
M. Godin: Oui, d'accord, je connais.
M. Marx: ...Potemkine, l'inspecteur général, a mis
des villages en carton au bord du chemin de fer et lorsqu'elle est
passée, elle a dit: Ah! tout va bien...
M. Godin: Mme la marquise.
M. Marx: C'est cela. C'est comme dans Côte-Saint-Luc.
Lorsqu'on passe, on peut penser: Ah! il n'y a que des francophones ou des
Canadiens français, ou des vrais Québécois; il n'y a pas
d'anglophones parce que tout ce qu'on voit, c'est en français, ou on
veut que cela soit comme cela.
M. Godin: Quelle est votre question? (22 heures)
M. Marx: Ma question, c'est cela. Vous avez écrit à
cette greffière que ce n'était pas obligatoire pour la
régie d'envoyer l'affichage bilingue parce que l'office, dans sa
sagesse, a déterminé que l'interprétation d'un article de
la loi 101 est que ce n'est pas un affichage de sécurité; je
crois que c'est l'article 22 de la loi 101. Je trouve que c'est un exemple
d'excès d'interprétation, c'est fait par des gens qui n'ont pas
de mesure. Vous avez répondu à la greffière - je n'ai pas
la lettre ici - :Si la ville veut bien afficher d'une façon bilingue, je
n'ai pas d'objection et la ville pourrait le faire...
M. Godin: ...à ses frais.
M. Marx: ...à ses frais. Je ne vois pas pourquoi mes
électeurs qui ont voté pour moi à 96% seront taxés
doublement pour un affichage bilingue que le gouvernement devrait fournir. Je
trouve cela excessif.
M. Godin: Faut-il comprendre que les gens de Côte-Saint-Luc
ne sont pas assez attachés à leur langue pour répugner
à dépenser quelques dollars pour afficher en anglais "Bien se
conduire pour mieux vivre"?
M. Marx: C'est une question de principe et cela relève des
droits et des libertés.
M. Godin: Pour m'être battu toute ma vie pour le
français, je ne comprends pas
que les gens de Côte-Saint-Luc demandent au gouvernement
provincial d'assumer le coût de leur héritage anglais. S'ils
veulent le faire, qu'ils le fassent, libres à eux! C'est ce que je dis
dans ma lettre que je peux vous citer au texte: "Nous croyons que la
fierté de parler sa langue peut s'accompagner de quelques frais et, par
conséquent, il appartient à Côte-Saint-Luc de
défrayer ces coûts."
M. Marx: Est-ce que le ministre ne trouve pas que c'est une
interprétation restrictive et un peu excessive? Si le ministre a
vraiment la gouverne, si c'est vraiment lui qui est responsable de l'office et
des autres organismes, il doit être libre de revoir ces
interprétations quand il trouve que c'est un excès ou une erreur.
Le ministre se laisse-t-il mener partout par ses fonctionnaires qui ont..
Le Président (M. Blouin): M. le député de
D'Arcy McGee...
M. Marx: Je veux que le ministre réponde.
Le Président (M. Blouin): Je vous signale cependant que
votre question a bien été entendue et que le ministre y a
répondu. À moins que le ministre n'ait des éléments
supplémentaires à y ajouter, comme nous avons déjà
convenu que nous devions terminer nos travaux rapidement...
M. Godin: J'ajoute simplement ceci. On entend dire que des gens
quitteraient le Québec parce qu'ils ne peuvent pas afficher en anglais.
Nous leur donnons l'occasion de le faire et ils la refusent. Je me demande qui
est masochiste au Québec.
Le Président (M. Blouin): Sur ce, je remercie ceux et
celles qui ont participé et collaboré aux travaux de notre
commission. Oui, M. le député de Gatineau?
M. Gratton: C'est simplement pour remercier d'abord ceux qui ont
accompagné le ministre, tant ceux qui proviennent des organismes qui
voient à l'application de la loi 101 et qui sont ici ce soir, que ceux
qui l'ont accompagné ce matin au moment où on discutait des
crédits du secteur des communautés culturelles.
Je veux remercier le ministre également de sa collaboration. Je
dois dire que nous ne sommes pas toujours satisfaits des réponses qu'il
donne à nos questions, mais je dois admettre que c'est toujours plaisant
de travailler avec lui, ce qui n'est pas nécessairement le cas avec tous
ses collègues. Je veux vous remercier, M. le Président, d'avoir
mené nos travaux de façon un peu plus distinguée et
à propos.
Le Président (M. Blouin): Sur ce, le programme 2, Charte
de la langue française, et ses cinq éléments sont-ils
adoptés?
M. Gratton: Sur division.
Le Président (M. Blouin): Sur division. La commission
élue permanente...
M. le ministre, un dernier mot.
M. Godin: Je voudrais remercier également mes
collègues, ceux qui m'appuient de leur science, également mes
collègues d'en face, critiques éclairés de tout ce que
nous faisons, ainsi que M. le Président et son équipe, ce qui
nous a permis de mener à bon port l'étude des crédits des
programmes 1 et 2 qui relèvent de mon ministère.
Le Président (M. Blouin): Sur cette meute d'éloges,
nous allons ajourner sine die les travaux de la commission élue
permanente des communautés culturelles et de l'immigration.
(Fin de la séance à 22 h 05)