(Neuf heures trente-cinq minutes)
Le Président (M. Brodeur): Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons débuter nos travaux ce matin. Donc, pour le bénéfice des gens qui sont moins familiers avec les commissions parlementaires, je vous demanderais de bien vouloir éteindre les sonneries de vos cellulaires, si jamais vous avez un cellulaire, et je rappelle le mandat de la commission, qui est de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale à l'égard du document intitulé Vers une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire: Non, M. le Président.
Auditions (suite)
Le Président (M. Brodeur): Merci. Donc, aujourd'hui, nous allons entendre, dans l'ordre suivant, pour débuter, l'Association multi-ethnique pour l'intégration des personnes handicapées, qui sont déjà installées. Bienvenue en commission parlementaire. Ce sera suivi du Centre de ressources éducatives et communautaires pour adultes, de Mme Marie-Thérèse Chicha et M. Éric Charest, et finalement le Centre d'aide à la réussite et au développement.
Donc, vous êtes... le premier groupe est déjà installé, l'Association multi-ethnique pour l'intégration des personnes handicapées. Bienvenue en commission parlementaire. Je vous rappelle brièvement les règles de la commission. Vous avez un temps maximal, je dis bien «un temps maximal», de 15 minutes pour présenter votre mémoire de la façon que vous jugez à propos, et ce sera suivi par une période d'échange avec les membres de la commission.
Donc, pour débuter et pour le bénéfice du Journal des débats, je vous demanderais tout d'abord de vous identifier et de présenter immédiatement votre mémoire. La parole est à vous.
Association multi-ethnique pour
l'intégration des personnes
handicapées (AMEIPH)
Mme Soave (Luciana): Merci. Mon nom est Luciana Soave. Je suis directrice générale de l'association. À ma gauche, Mme Teresa Peñafiel, coordonnatrice de la promotion, et, à ma droite, Raqui Wane, intervenante sociale.
Notre mémoire, il n'était pas prévu d'être un mémoire. Au début, on s'était dit qu'il y a plein d'organismes très valables qui vont discuter, présenter des mémoires concernant la discrimination et le racisme. Notre préoccupation principale, c'était celle de s'assurer que les personnes handicapées issues de l'immigration et des communautés ethnoculturelles soient entendues, en quelque sorte. Donc, on avait fait une petite lettre en soulignant que pour nous l'absence des personnes handicapées issues des communautés culturelles dans le débat contre la discrimination et le racisme, c'était déjà une discrimination, et notre petite lettre voulait exprimer ça. Et nous sommes très honorées qu'on nous ait convoquées à cette commission parlementaire. Ça démontre que le Parlement, la ministre de l'Immigration et les personnes qui sont en train de travailler pour la politique, ils prennent au sérieux le fait qu'il existe une minorité parmi les minorités qu'on ne peut plus ignorer. Alors, notre mémoire essentiellement consistait à être une voix présente. On va y revenir.
On voudrait quand même vous présenter verbalement la problématique vécue par beaucoup de personnes. Tout en étant une minorité parmi les minorités, il y en a quand même beaucoup. Nous estimons peut-être à plus que un demi-million, à travers le Québec, des personnes qui sont issues de l'immigration, qui sont d'origine ethnoculturelle, qui pourraient même être ici depuis un certain nombre d'années mais qui vivent encore une problématique multiple par l'entrecroisement des difficultés dues à la fois à la limitation fonctionnelle et aux problèmes reliés aux personnes qui ont choisi le Québec comme leur pays d'adoption.
Ces personnes vivent à la fois les difficultés linguistiques et culturelles et les problèmes d'adaptation, le deuil envers le pays qu'elles ont quitté, toutes les difficultés de savoir comment s'intégrer dans une société assez différente et, en même temps, trouver les ressources adéquates qu'elles ne connaissaient même pas peut-être dans leur pays d'origine, avec les difficultés que, souvent, elles ne connaissent même pas les types de services que le Québec offre pour les personnes qui ont des limitations. Donc, les personnes handicapées des communautés ethnoculturelles, elles sont minoritaires, mais ça ne veut pas dire qu'elles ne doivent pas être prises en considération.
n
(9 h 40)
n
L'association travaille depuis 25 ans, presque 26, pour aider ces personnes à trouver leur place dans la société et également pour faire en sorte que la société reconnaisse leur existence et adapte ses services. Nous offrons des services individuels: l'aide à l'accueil, l'orientation, l'interprétariat. Nous collaborons beaucoup avec les établissements, les CLSC, les hôpitaux, les centres de réadaptation. Nos programmes de francisation pour les personnes qui ont une déficience intellectuelle est actuellement une source très importante, même pour les centres de réadaptation qui nous réfèrent des nouveaux immigrants auxquels ils ne peuvent pas vraiment offrir des services adéquats parce qu'ils ne parlent pas la langue, et ça n'existe pas, au Québec, des cours de francisation adaptés aux nouveaux arrivants qui ont une déficience intellectuelle, non plus pour les personnes qui ont une déficience visuelle, et l'association offre ces services depuis 1991 sans aucun soutien gouvernemental.
Nous travaillons également pour sensibiliser les différents organismes, soit au niveau de la région de Montréal qu'à travers le Québec. Et premier organisme même à travers le Canada, nous avons été interpellés dans plusieurs villes canadiennes pour défendre cette problématique. Et Teresa va vous en parler aussi brièvement... son intervention même aux Nations unies, en Afrique du Sud, pour la Conférence mondiale contre la discrimination et le racisme.
Alors, je laisserai peut-être Teresa s'intégrer tout de suite.
Mme Peñafiel (Teresa): D'accord. Merci de nous prêter votre temps et votre attention. Effectivement, comme Luciana le disait, l'association travaille depuis 25 ans déjà pour justement rendre plus visible une problématique qui a été ignorée facilement, en partant par la loi fédérale sur l'immigration qui interdisait l'entrée des personnes ayant des limitations pour des raisons de coûts de services. Même si la situation s'est améliorée un peu avec les changements de lois, ça reste encore difficile pour les personnes ayant des limitations de se rendre et de faire un cheminement en tant que personne indépendante qui présente son dossier. Ce n'est pas l'objet de cette... la discussion de ce matin, mais ça met en perspective comment, en partant, la personne qui a une limitation peut se sentir mise de côté.
Ceci dit, la personne non seulement arrive avec une limitation, mais elle peut l'acquérir ici, et c'est le cas dans plusieurs des communautés plus anciennes qui ont travaillé de façon spécifique dans des métiers à risque, comme la construction et d'autres, c'est le cas de personnes qui ont eu un accident de la route, une maladie quelconque et des enfants nés des parents immigrants et qui sont nés ici, au Canada, avec une limitation. Donc, il ne faut pas mettre ça sur l'idée que c'est des gens qui vont se rendre ici seulement pour chercher des services.
Mais ces personnes ont une problématique, un spectre de problématique multiple; on parle maintenant d'une discrimination intersectorielle parce que ce n'est pas... mais vraiment une problématique multiple qui fait en sorte qu'elles ne sont jamais desservies par qui que ce soit à cause de cette espèce de dispersion de services. Une personne qui arrive est reçue par les services d'accueil, et jamais elle ne va être référée aux bons services pour personnes handicapées. À l'envers, une personne qui est dans un service pour une personne ayant des limitations rarement va être considérée dans son aspect culturel. Et ça fait en sorte que les services ne sont jamais adaptés, adéquats.
Lors de la Conférence sur la discrimination de 2001, à Durban, nous avons été le seul organisme, et non seulement du Canada, mais le seul organisme à la conférence, à avoir défendu la présence des personnes handicapées dans cette conférence, et ça a aidé à ce qui se fait actuellement, la Convention des droits des personnes handicapées.
Alors, je pense que, par nos petits moyens, on peut faire beaucoup, mais on a besoin d'un soutien et on a besoin de l'inclusion des personnes ayant des limitations dans des documents comme la politique que vous êtes en train de préparer. Nous considérons ça très, très important parce que, si les personnes handicapées sont absentes, c'est encore une fois les rayer du paysage québécois. Et ce n'est pas le nombre de personnes qui fait l'importance; je crois que c'est presque une question de valeurs du Québec que d'accueillir les gens avec toutes leurs caractéristiques.
Mme Soave (Luciana): Nous parlons beaucoup en ce moment de la révision de la politique À part... égale. Le gouvernement, l'Office des personnes handicapées sont en train de réviser la politique À part... égale. Ça veut dire que les personnes ayant des limitations doivent être à parts égales avec le reste de la population québécoise.
Et nous nous trouvons tout le temps confrontés que la... On ne reconnaît pas qu'il y a des personnes qui pourraient être à la fois des citoyens québécois d'origine ethnoculturelle et avoir également une limitation fonctionnelle. On nous renvoie tout le temps la balle: Mais le ministère de l'Immigration s'occupe de l'immigration et les personnes handicapées, c'est l'Office des personnes handicapées qui s'en occupe. Et c'est le moment, je pense que c'est le moment propice d'insister que cette politique, ce serait le premier document officiel qui inclurait, parmi les citoyens du Québec, les citoyens du Québec qui ont une limitation fonctionnelle, que ce soit physique, intellectuelle, santé mentale ou autres, mais reconnaître qu'il y a des personnes qui vivent des difficultés multiples, qui vivent une réalité multiple.
Dernièrement, nous avons organisé, dans le cadre de notre 25e anniversaire, une conférence sur l'intersectionnalité. Et c'est ressorti beaucoup, cet aspect que tout individu, à la fin, il vit des difficultés qui s'entrecroisent. On peut être une femme, une femme pauvre, une femme monoparentale, et on peut être aussi une femme noire, en fauteuil roulant, monoparentale et pauvre. Donc, le fait d'avoir une limitation s'ajoute déjà à tout ce qui sont les différents aspects que, nous tous, nous vivons, des difficultés à différents niveaux. Alors, reconnaître une difficulté de plus, c'est reconnaître une réalité.
Un point que nous voulons également souligner: que, très souvent, les personnes ayant des limitations se trouvent à être discriminées dans la société à cause de leur origine ethnoculturelle ou de leur religion, mais également à cause de leurs limitations. Et je vous présente un cas qui peut vous illustrer cet aspect. Un de nos membres, une dame d'origine... du Honduras, elle est allée à une fête organisée dans le cadre... une fête nationale du pays. Elle est arrivée parmi les premiers ? la salle était toute libre ? avec son fauteuil roulant, et s'est installée au milieu de la salle près d'une table. Puis les gens ont commencé à arriver. Ils s'assoyaient un peu partout. Quand la salle a été pleine, les gens venaient prendre les chaises de sa table pour les apporter ailleurs. Donc, dans les autres tables, au lieu de 10, ils étaient 11 ou 12, tassés. Et sa table était vide, elle, seule au milieu. Elle a eu tellement honte, elle était tellement désespérée, elle disait: Je ne savais pas quoi faire, parce que, même m'en aller, je devais déplacer tout le monde, tout le monde m'aurait regardée. Et jamais plus elle n'a participé à une activité organisée par sa communauté. Ça, c'est un exemple qui n'est pas unique mais qui est flagrant pour vous illustrer comment les personnes handicapées peuvent être discriminées dans leurs propres communautés.
Un des problèmes que nous avons rencontré très souvent, c'est quand on parle, dans une communauté: Ah oui! c'est bien bon, c'est une bonne cause, mais vraiment il n'y a pas de personnes handicapées dans notre communauté; s'il y en aurait, on vous appelle. Même quand on parle avec des organismes d'accueil des immigrants, nous faisons périodiquement des tournées, des visites pour leur rappeler s'ils ont des personnes avec des limitations qui peuvent avoir des besoins plus spécifiques: Ah! oui, oui, oui, on vous connaît; s'il y en aurait, on vous appelle. Comme j'ai dit, c'est une minorité, mais très souvent c'est une minorité que nous appelons invisible, et nous désirerions que ces personnes, même si c'est minoritaire, elles deviennent visibles, visibles dans les lois, visibles dans les politiques, visibles dans les programmes des établissements, visibles dans les services.
n
(9 h 50)
n
Mme Wane (Raqui): Puis je voudrais ajouter aussi qu'au niveau de la recherche d'emploi c'est extrêmement difficile pour les personnes ayant un handicap qui sont issues des communautés ethnoculturelles. Parce que c'est vrai qu'il y a des programmes d'aide à l'employabilité, mais ces programmes s'occupent soit des personnes ethnoculturelles, d'origine ethnoculturelle, soit des personnes ayant un handicap. Donc, à chaque fois, les organisations ne savent pas trop quoi faire avec une personne vivant une double problématique, que ce soit au niveau de la recherche d'emploi, que ce soit au niveau de l'éducation aussi. Au niveau du système universitaire, par exemple, nous avons eu à aider des personnes immigrantes au niveau de l'accompagnement parce qu'il n'y avait pas de services adéquats au sein de l'université pour s'occuper de ces personnes immigrantes là qui venaient d'arriver. Au niveau aussi de la francisation, il n'y a pas d'établissement spécifique qui donne des cours de français, de francisation à des personnes issues des communautés culturelles ayant un handicap. Donc, c'est pour cela, je pense, qu'il faudrait prendre en compte cette multiplicité de la discrimination, c'est-à-dire élaborer une politique qui prend en compte l'ensemble des discriminations et qui est destinée à un public large.
Mme Peñafiel (Teresa): J'aimerais juste, pour terminer... Je ne sais pas si...
Le Président (M. Brodeur): Il vous reste 30 secondes.
Mme Peñafiel (Teresa): Pardon?
Le Président (M. Brodeur): Il vous reste 30 secondes.
Mme Peñafiel (Teresa): Parfait.
Le Président (M. Brodeur): Un grand 30 secondes.
Mme Peñafiel (Teresa): C'est que je voudrais vous citer... Dans la page 6 du document de synthèse, vous dites que la situation exige de revoir et de repenser les pratiques dans les institutions privées et publiques, une culture organisationnelle, l'harmonisation et la cohérence des pratiques des diverses institutions. Et c'est justement ce qu'on espère obtenir par la mention des personnes handicapées issues de l'immigration. Sans ça, on va encore rester à voir du monde assis sur deux chaises, toujours.
Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Mme la ministre.
Mme Thériault: Merci, M. le Président. Merci, mesdames, d'être ici, ce matin. Mmes Soave, Peñafiel et Wane, merci d'être avec nous. Je tiens, d'entrée de jeu, à vous féliciter pour l'excellent travail que vous faites depuis 25 ans. Je considère que, si votre organisme existe depuis 25 ans, c'est parce qu'il y a des besoins, évidemment.
Je pense qu'il est important de mentionner aussi que, bien que, dans le document, il n'y ait pas eu de mention explicite concernant les personnes handicapées d'origine ethnique ou d'origine immigrante, il ne fallait pas prendre pour acquis qu'elles ne seraient pas incluses, parce qu'effectivement il y a plusieurs discriminations croisées. C'est un phénomène qui est malheureusement très peu documenté à l'heure où on se parle, comme les phénomènes de racisme aussi. Il n'y a pas de continuité dans les études qui existent. C'est des phénomènes qui sont mal connus, je dirais, au Québec.
Je voudrais vous rassurer, d'entrée de jeu, sur le principe qu'évidemment une politique qui parle de discrimination ne peut pas tenir compte des discriminations croisées, dont celles vécues par les personnes handicapées nommément. Il n'y a pas que vous évidemment, on parle aussi dans le document... on s'est fait dire: Bien, il n'y avait rien spécifiquement pour les femmes comme telles des communautés culturelles, mais il faut prendre pour acquis que les femmes aussi seront incluses dans cette politique-là. Je pense que le document se voulait un document pour pouvoir engendrer un débat. Le fait que bien que vous n'aviez pas préparé de mémoire comme tel et qu'on ait demandé à vous entendre, je pense que ça démontre l'importance de la démarche que vous avez entreprise. Je veux vous assurer sur le principe que nous vous entendons, et vous serez considérées dans cette politique-là.
Évidemment, j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, ce sera une politique gouvernementale pour lutter contre la discrimination et le racisme. Donc, nécessairement, les autres ministères seront interpellés. Il ne faut pas penser que c'est la politique du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles. Donc, les ministères seront interpellés, et plusieurs organismes seront mis à contribution également. Donc, je pense que c'est important de faire cette petite mise au point.
J'aimerais aussi ? je pense que c'est important de le souligner ? dire que votre organisme a reçu le prix Jacques-Couture, dans le cadre des Prix de la citoyenneté, pour la catégorie organismes, et le prix Jacques-Couture est un prix qui existe pour souligner le travail exceptionnel fait par un organisme au niveau de la promotion, du rapprochement interculturel. Vous êtes le lauréat 2006, donc ça démontre encore une fois la grande qualité de votre travail. Pour le bénéfice des auditeurs qui nous écoutent aussi, je pense que c'est important de le souligner.
Puisque le temps nous est compté, j'aimerais savoir... Bon, parce que vous avez parlé de la perception du public aussi. Vous nous avez conté cette histoire de la dame qui est arrivée la première, elle est installée, et le vide s'est fait autour d'elle. Je pense qu'on entend bien et on peut sentir facilement dans quel état d'âme cette personne-là pouvait se sentir malgré le fait que c'était sa communauté d'appartenance, sa communauté d'origine. Comment pensez-vous qu'on pourrait sensibiliser le grand public? Quels points particuliers sur lesquels on devrait nommément mettre l'accent pour faciliter les relations?
Mme Soave (Luciana): Tout d'abord, une reconnaissance officielle que ces personnes existent ? si on commence ? dans les lois, les programmes, les politiques, parce qu'on s'est trouvées d'autres fois, en commission parlementaire, pour la santé mentale, pour l'éducation ou pour d'autres sujets, puis on nous disait tout le temps: Mon collègue des ou ma collègue des est en train de faire un document sur les immigrants, puis, quand on allait voir les collègues, sur les immigrants, ils disaient: Mon collègue ou ma collègue de l'Éducation ou de la Santé est en train de. On aimerait bien qu'on arrête de se lancer la balle et que chaque ministère, chaque établissement, qu'il tienne compte que les personnes ne sont pas... ils ne rentrent pas dans des boîtes, là, ou ils ne s'assoient pas seulement dans une chaise.
Et on a aussi une préoccupation dans toute la réforme sur la santé et les services sociaux où on risque de voir les personnes qui tombent dans des craques. J'ai participé à la consultation d'un des 12 CSSS de Montréal, où ils ont même divisé les personnes qui ont une déficience intellectuelle entre jeunes et adultes, et il y a des consultations pour les personnes en déficience intellectuelle adultes et des consultations pour les personnes en déficience intellectuelle jeunes. Et j'ai participé, j'ai choisi d'aller dans la consultation adultes pour me trouver qu'ils étaient... aux personnes âgées. Alors, toutes les discussions étaient sur les personnes âgées. Et, chaque fois que je levais ma main, là: Et les personnes des communautés culturelles? Ah! oui, oui, oui, on va éventuellement en parler, là, mais c'est que les personnes âgées sont la majorité. Et donc on risque, dans tous les programmes qu'on est en train de faire, qu'il y ait des personnes qui tombent dans les craques, qu'ils tombent entre deux chaises. Donc, c'est important qu'il y ait des lois, des règlements, des politiques, mais également, dans les activités publiques, reconnaître qu'il y a des personnes minoritaires. C'est important, cette reconnaissance publique.
Mme Peñafiel (Teresa): Oui, si je peux ajouter. Il y a un problème de documentation de la problématique de la présence des personnes ayant des limitations. Par une question d'être poli ou je ne sais pas quoi, il y a une absence de statistiques. Et l'Office des personnes handicapées a sorti un document sur lequel il y a, pour la première fois, des statistiques qui proviennent des CLSC et qui laissent voir le nombre de personnes ayant des limitations qui sont desservies par les services sociaux et de santé qui est de loin plus élevé que ce que, nous, on croyait, mais je ne suis pas certaine non plus de comment utiliser ce type de statistiques.
Le ministère de l'Immigration, voilà deux ans de ça, avait l'inquiétude de demander, entre autres au ministère de l'Immigration fédéral, d'inscrire sur les documents, à l'arrivée, la condition, la limitation qu'une personne pouvait avoir parce qu'eux-mêmes se retrouvaient avec des problèmes, comme celui d'un monsieur qui devait être pris à l'aéroport, il voyageait de je ne sais pas quel pays, une personne, et devait se rendre en région, et il avait un billet d'autobus pour embarquer tout de suite. Malheureusement, personne ne savait que le monsieur était en fauteuil roulant, et l'autobus n'était pas accessible. Alors, c'est des situations comme celle-là qui nous laissent voir à quel point il y a un vide entre le système fédéral et provincial et que ces personnes se rendent aussi en province, en région, je dirai. Et, nous, on est un organisme provincial, on est un organisme national, et pour nous ça a été vraiment intéressant de faire une tournée par les régions les plus touchées par l'immigration et de voir à chaque fois, au début: Ah non! on n'a pas des personnes ayant des limitations ici, en région. Et par la suite il y a un organisme: Oui, j'en ai reçu, oui, on en a eu, puis ils ne savent pas quoi faire, et ce n'est pas la mauvaise volonté, c'est que c'est un phénomène qui est complexe.
Mme Thériault: Merci. On reviendra dans quelques instants.
Le Président (M. Brodeur): Mme la députée de...
Mme Thériault: Je vais laisser la parole à ma collègue.
Le Président (M. Brodeur): Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Laurier-Dorion.
n
(10 heures)
n
Mme Lefebvre: Merci beaucoup, M. le Président. Bienvenue, ce matin, en commission parlementaire, Mme Soave, Mme Peñafiel et Mme Wane. C'est très important, ce que vous êtes venues nous dire ce matin, et je pense que d'autres groupes avant vous sont venus nous parler de cette dynamique des discriminations multiples, mais la façon dont vous l'abordez et peut-être aussi du fait de la longue expérience que vous avez... Vous offrez des services depuis 25 ans, bon dans le quartier Petite-Patrie, je crois, mais, à l'échelle de Montréal et à l'échelle du Québec, vous avez même apporté votre voix au niveau international et vous avez raison que c'est parfois difficile. Puis je pense qu'il n'y a pas de mauvaise volonté, là, dans ça, de personne d'orienter finalement les personnes au bon endroit parce qu'on se dit: Bon, peut-être qu'une personne qui est handicapée, dans le fond le meilleur service qu'elle pourra recevoir, c'est définitivement du ministère de la Santé. Mais en même temps le ministère de la Santé n'a pas toutes nécessairement les compétences et les connaissances pour pouvoir répondre. Et donc le fait que vous parlez que vous êtes renvoyées d'un endroit à l'autre, puis que la balle peut être lancée entre les différents ministères... et puis, moi, je prends pour acquis qu'il n'y a pas de mauvaise volonté dans ça, mais définitivement le fait de l'inscrire au sein de la politique, je pense que ce sera vraiment important.
Il y a différents groupes qui sont venus nous mentionner qu'il aurait été intéressant que la politique de discrimination puisse toucher également, bon, la discrimination qu'on peut faire aux femmes, la discrimination qu'on peut faire aux jeunes, la discrimination qu'on peut faire à d'autres types de clientèle, ce qui est une dynamique quant à moi qui est différente parce que là on s'adresserait à une autre problématique, complètement différente. Mais là le fait d'inclure, je pense... de partir du fait que le dénominateur commun finalement est le fait d'être issu de l'immigration ou d'appartenir à une minorité visible qui... le dénominateur commun, mais, ensuite de ça, on peut attacher à ça d'autres discriminations, je pense que c'est important. À votre avis, est-ce que cette politique-là... dans quelle mesure... Vous dites que vous avez besoin d'un soutien supplémentaire et que l'on doit inscrire cette dynamique-là au sein de la politique, mais est-ce que c'est seulement de le reconnaître ou on doit aller plus loin puis apporter certaines mesures spécifiques? Vous avez parlé des mesures, bon, en employabilité qui devraient davantage être adaptées, vous avez parlé également de la francisation.
D'ailleurs, je me demandais... Par exemple, en francisation ? je suis passée d'une question à une autre, là, vous me pardonnerez, mais en francisation ? vous avez mentionné d'avoir des classes plus adaptées. Est-ce que ça signifie de faire des groupes plus restreints qui s'adressent seulement à des personnes qui pourraient être victimes de deux discriminations ou encore de seulement mieux adapter les cursus?
Bon, je viens de vous poser une question spécifique, mais d'abord, d'une façon plus globale, quel type de mesure on pourrait inclure dans la politique, au-delà de la reconnaissance qui, je pense, est un élément majeur?
Mme Soave (Luciana): Bon, la reconnaissance, c'est déjà être là, mais c'est important, prévoir des mesures. J'ai entendu, hier, un des participants. Il parlait des subventions par projets novateurs, là. Je dois dire que c'est un cauchemar pour tous les organismes communautaires, ces projets novateurs. Il fait en sorte que les organismes sont tout le temps en train de créer quelque chose pour avoir l'argent. Parce que nous avons besoin d'argent, et, les programmes solides, on n'a pas le temps de les développer ou de les faire fonctionner parce qu'il faut tout le temps innover ou trouver quelque chose de nouveau. Ça, c'est très important. C'est donner aux organismes les moyens, éventuellement. Si les établissements publics n'ont pas nécessairement les moyens de tout faire, au moins qu'on nous donne les moyens. Le ministère de l'Immigration, autrefois il nous subventionnait pour notre mission. Par la suite, ils ont commencé à subventionner par nombre de services donnés. Donc, en ce moment, nous ne recevons aucune subvention, sauf des projets novateurs de temps en temps.
Et, notre programme de francisation, nous l'avons créé parce que ça n'existait pas. On fonctionne par des dons. Et je trouverais très important de reconnaître que, quand il y a des programmes qui fonctionnent, on devrait les soutenir, indépendamment... Après un an ou deux ans, s'ils ne sont plus novateurs mais qu'ils répondent à un besoin, ce serait très important qu'on continue à les subventionner.
Mme Peñafiel (Teresa): Dans ce sens, dans ce que dit Mme Soave, c'est la flexibilité de la perception de ces services qui sont offerts supposément à tous les immigrants. Si, la francisation, le gouvernement ne peut pas l'offrir à certains groupes minoritaires et qu'ils sont offerts par, dans le cas, un organisme comme le nôtre, ce serait logique de s'attendre à avoir un soutien financier pour justement pouvoir l'offrir dans la meilleure des conditions et non pas en grattant des sous d'un côté et de l'autre.
Et l'autre chose que je trouve que c'est très important, et vous le mentionnez sur votre projet de politique, c'est l'éducation et la sensibilisation. Et, en ce sens-là, on est toujours sollicités par certains groupes qui sont aux prises avec un problème d'intégration des personnes ayant des limitations, issues des communautés culturelles, surtout les centres de réadaptation de certaines écoles. Mais il n'y a pas, comme ça avait été mentionné dans un projet de loi sur l'éducation, voilà de ça quelques années... que la formation des enseignants et la formation des travailleurs sociaux, etc., devraient inclure toutes les problématiques diverses. Jusqu'à date, il n'y a eu que l'Université McGill qui a offert un séminaire sur handicap et immigration. C'est ce type de mesure que nous considérons important parce que ça va toucher les futurs professionnels, ça va sensibiliser, et ça pourrait être un séminaire qui soit offert dans les milieux de l'éducation, dans les milieux de la médecine, dans les milieux des services sociaux et de santé. Mais il faut que quelqu'un commence à parler de cette réalité et non pas à patcher ? pardonnant l'expression ? les services qui sont offerts par des gens de bonne volonté dans les milieux et qui vont faire de leur mieux avec les moyens de bord.
Mme Lefebvre: Je vous remercie beaucoup. C'est vraiment pertinent, vos commentaires et propositions, dans ce cadre-ci. Puis je vais céder la parole à ma collègue, mais je pense qu'il faut vraiment que ce message-ci soit entendu parce que l'inquiétude, dans le fond c'est de se dire: Si cette reconnaissance-là de double et triple discrimination n'est pas reconnue au sein de cette politique-ci, qui se veut une politique de lutte contre la discrimination et le racisme, ce sera difficile ensuite de la faire reconnaître par les autres ministères. Même si la bonne volonté peut être là, je pense qu'il faut profiter du moment où on rédige une politique pour pouvoir l'inclure, et ensuite ce sera plus facile d'interpeller les autres ministères lors de la rédaction des différents plans d'action, puisque bon il s'agira d'une politique gouvernementale. Donc, merci d'être venues. S'il reste du temps, je reviendrai un peu plus tard, M. le Président.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Nelligan.
Mme James: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, Mme Soave, Mme Peñafiel et Mme Wane, merci d'être là. J'apprécie beaucoup votre présentation et les échanges que vous avez déjà faits avec la ministre ainsi qu'avec la porte-parole de l'opposition officielle. Je dois vous dire qu'évidemment j'ai beaucoup d'affinités avec le travail que vous faites. Dans une vie antérieure, je suis très familière avec les défis que font face les personnes handicapées et le fait que collectivement... Je pense que, pendant bien des années, le milieu associatif puis les organismes comme vous avez travaillé fort pour revendiquer, auprès des différents gouvernements, les services aux personnes handicapées, et ça n'a pas toujours été facile parce que je pense que collectivement, comme société, encore il y a beaucoup de stigmates associés aux personnes handicapées. Mais c'est une lutte qu'il faut continuer de faire, et soyez assurées qu'en tant que parlementaires on vous accompagne là-dessus à plusieurs niveaux.
n
(10 h 10)
n
C'est sûr que, quand on aborde la question des personnes qui font face à des discriminations multiples, le défi est surtout de le reconnaître effectivement d'une part, que ça existe, mais de voir, que ce soit dans la reconnaissance des valeurs, que ce soit dans la dispensation des services ? vous avez parlé de la francisation, vous avez parlé des différents obstacles que font face les gens issus de l'immigration et handicapés ? comment le faire. Encore là, je dis souvent que c'est un défi qu'on a collectivement, en tant que société.
Quand j'ai eu la chance de voir différents groupes, quand on a adopté la loi n° 56 sur la pleine participation des personnes handicapées, en décembre 2004, puis on a consulté tous les différents organismes du milieu associatif, l'enjeu était justement de trouver la meilleure façon de s'assurer justement qu'il y a une responsabilité transversale au niveau de tous les acteurs du gouvernement, mais qu'il y a aussi cette imputabilité-là qui va exister, de comprendre que, oui, lorsqu'on parle des personnes handicapées puis des services, c'est peut-être rattaché comme vous l'êtes, d'après ce que j'ai pu comprendre, au ministère de la Santé et des Services sociaux, mais chaque ministère, que ce soit au niveau de l'intégration à l'emploi, que ce soit au niveau de l'éducation, a ses responsabilités et doit les prendre.
Moi, je veux vous entendre par rapport à votre expérience que vivent dans le réseau ? puis par ça je veux dire OPHQ, le milieu associatif, le ministère de la Santé et des Services sociaux d'une part... Comment est-ce que les gens concrètement, surtout pour les gens qui nous écoutent... Parce qu'on peut dire que, oui, les gens issus de l'immigration et handicapés ont une discrimination à plusieurs fronts, mais, dans le réseau, est-ce que vous pouvez nous donner des exemples d'une part ou surtout des pistes de solution comment on peut corriger les obstacles que vivent les personnes et handicapées et issues de l'immigration?
Mme Soave (Luciana): Je dois dire que nous avons plus de facilité de percer le milieu québécois de souche. En général, si on travaille... Nous sommes très engagés avec différents organismes de personnes handicapées. Entre autres, nous sommes à l'origine également de la COPHAN et d'autres organismes communautaires. Malgré qu'on nous retenait: Bon, vous vous occupez de ça, puis on nous intègre dans la communauté, c'est nous qu'on parle pour ce type de personnes, mais de plus en plus, je dirais, dans les derniers quatre ou cinq ans, on trouve une ouverture où les organismes de personnes handicapées commencent à accueillir eux-mêmes des personnes issues de l'immigration, surtout si elles parlent déjà le français, pour donner les autres types de services ou, si elles ne parlent pas le français, on nous les réfère éventuellement.
Nous avons beaucoup de difficulté encore une fois, malgré que nous avons des excellentes relations avec les organismes des communautés culturelles. Et, encore là, nous sommes membres d'ACCESSS et d'autres coalitions. Mais, je l'ai dit avant et je le répète, quand on parle avec ces organismes très ouverts: Oui, on est bien conscients, là, mais il n'y a pas de personnes handicapées chez nous. Puis on découvre à la fin que, oui, il y en a, mais c'est un peu une honte de reconnaître... ou, si on les a et qu'on se trouve devant, ils n'ont pas le réflexe éventuellement de nous appeler. Le cas d'une personne qui avait un logement qui n'était pas accessible puis la personne a perdu sa mobilité, la référence, c'était d'aller en institution. Ils n'ont pas pensé: Mais as-tu pensé au transport adapté? As-tu pensé à un plan de services? Non, on ne le savait pas. Pourquoi tu n'appelles pas? On n'y a pas pensé.
Il y a quelque chose que je crois, et beaucoup d'autres pensent, que c'est également le fait de devoir... que les subventions sont en rapport aux statistiques: tant de services donnés à tant de personnes, tant d'argent. Donc, si je réfère quelqu'un, je perds de l'argent, en effet. Pour moi, c'est un peu un effet négatif que certaines personnes ont peur de référer par peur de perdre la subvention. Mais nous travaillons beaucoup. Parfois, on nous reconnaît comme les experts et parfois simplement on dit: Bon, vous êtes bien bons, là, mais, nous, on n'a rien à faire avec les personnes handicapées.
Mme James: Alors, ce que je comprends un peu de votre intervention, dans le fond ce que vous dites, c'est que c'est un peu ce qu'on a entendu des syndicats qui vont en région ou qui vont présenter des pistes de solution. Les gens vont dire d'une part: Bien, qu'est-ce que je fais avec ça? Je n'en ai pas, de Noirs, ou je n'en ai pas, de communautés culturelles. Puis les gens ne sont certainement, dans certains cas, pas prêts. Ils ne savent pas trop quoi faire. Même pour le groupe ou l'organisme qui est capable de reconnaître que, oui, ça existe, ils ne savent pas trop comment le faire. Alors, la question de trouver les outils pour les aider est importante.
Mais je vais vous donner juste une dernière petite question: Dans une éventuelle politique... Je vais prendre l'exemple de l'emploi, par exemple, parce qu'on en parle souvent par rapport à trouver des moyens, à faire en sorte qu'on va avoir un meilleur taux d'emploi chez les communautés culturelles et les immigrants. Dans une éventuelle politique, si vous avez à articuler exactement ce que vous aimeriez voir pour assurer que cet aspect-là des besoins des personnes handicapées soit là, comment vous voyez ça, surtout par rapport à la question d'emploi?
Mme Peñafiel (Teresa): Moi, je crois que le volet emploi, c'est un des volets les plus difficiles à percer. On se retrouve avec des gens, parmi les personnes ayant des limitations des communautés culturelles, très hautement qualifiés, sauf que soit qu'elles... Et là on rentre dans la même catégorie que toutes les personnes immigrantes: il y a la reconnaissance des acquis mais surtout la possibilité de se faire une expérience canadienne. On ne peut pas demander que la politique fasse un énoncé sur chaque point. Je crois que pour nous la clé de tout est dans la mention. Du moment où la personne est mentionnée, on peut l'assimiler à toutes les autres mesures. Et ce n'est pas des mesures spécifiques, mais l'adaptation, l'adéquation et la sensibilisation des personnes qui offrent les services.
Nous avons, parmi le réseau, des gens qui sont très, très bien préparés ou bien qui sont sensibilisés à cause des expériences. Mais il n'y a pas une connaissance et il n'y a pas une culture organisationnelle qui va dire: Il existe, parmi notre clientèle de CSSS, par exemple, un groupe de personnes avec des caractéristiques qui sont à risque. On peut les nommer comme ça. C'est des gens à risque justement parce que, de un, ils ne font pas appel aux services parce qu'ils ne les connaissent pas, de deux, ils ont de la difficulté à communiquer, de trois, elles sont isolées. Donc, elles n'ont pas l'arrivée d'une personne qui connaît le système, qui connaît la langue, etc.
Donc, on ne peut pas vous demander d'adapter chaque paragraphe de la loi. On ne veut pas non plus faire apparaître les personnes ayant des limitations, issues de l'immigration, comme des personnes qui ont des besoins différents. Les besoins sont les mêmes, sauf qu'il faut les adapter, et vous savez qu'il faut les adapter. Et c'est pour cela qu'il existe les services spéciaux de main-d'oeuvre, par exemple.
Alors, on n'a pas besoin de plus que ça, sauf que les services de main-d'oeuvre devraient tenir compte de certaines choses, et non pas, comme ils l'ont fait une fois, d'envoyer une madame d'origine haïtienne aveugle pour une entrevue pour un poste, et elle s'est retrouvée que le poste auquel elle pouvait postuler, c'était le triage des bonbons par couleurs. Alors là, ce n'est pas question d'être d'une communauté. Il s'agit que l'agent du service d'emploi était complètement hors de la track. Alors, ce n'est pas qu'on veut un service spécial, mais on veut une sensibilisation. Il existe des personnes ayant certaines caractéristiques.
Le Président (M. Brodeur): Mme la députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Merci beaucoup, mesdames, pour votre présentation. Oui, effectivement c'est de plus en plus documenté, même si on n'a pas toutes les statistiques fiables, que, les multiples discriminations, il y a effectivement des effets, et le cumul de ces effets augmente les obstacles. Et il est essentiel qu'on le retrouve dans cette politique-ci, mais il est essentiel qu'on le retrouve dans l'ensemble de nos politiques. On l'avait bien exprimé aussi lorsqu'on a consulté avec l'avis du Conseil du statut de la femme, pour une égalité de fait entre les femmes et les hommes. Il était très clair que les discriminations multiples amenaient des obstacles supplémentaires, mais, dans la politique comme telle, dans la vie, ce n'était pas indiqué. Donc, la commission a fait une recommandation qu'on le retrouve dans cette politique-là, et je pense qu'on doit le retrouver là aussi.
n
(10 h 20)
n
Au niveau de la mission globale, je pense que ça, c'est clair. Et là, je le répète à nouveau, on l'a dit à plusieurs fois, la politique de reconnaissance de l'action communautaire, elle est claire. Oui, il y a trois moyens de financer les organismes, mais l'objectif, la politique de reconnaissance, c'était de s'assurer que la mission globale, la mission de base des organismes, elle soit financée. Oui, il peut s'ajouter à ça des projets spécifiques, oui il peut s'ajouter à ça des innovations et il peut s'ajouter des ententes de services, mais la mission de base, la mission globale, elle doit être financée. Et ça, il faut qu'on retrouve ça dans tous les ministères. Actuellement, le ministère de l'Immigration là-dessus ne remplit pas cette condition-là de la politique de reconnaissance de l'action communautaire. Je sais que la ministre est à travailler avec des ententes administratives pour que la politique de reconnaissance de l'action communautaire s'applique dans tous les ministères, donc elle va signer des ententes avec chacun des ministères, et il faut que le ministère de l'Immigration là-dessus soit impeccable et revienne à ce que les autres ministères font: un financement de la mission globale. Sans ça, on ne peut vraiment pas atteindre les objectifs.
Vous avez parlé que vous êtes membres d'ACCESSS. Alors, je veux revenir là-dessus parce que je les ai rencontrés. Ils sont venus aussi en commission parlementaire. Ils souhaitent un protocole d'entente, un partenariat avec le ministère de la Santé, pour servir d'intermédiaires au niveau de tout ce qui touche la santé et les services sociaux. Quels sont vos liens avec ACCESSS? Est-ce que vous endossez cette demande de partenariat là? Est-ce que vous souhaitez qu'on ait une entente particulière avec vous aussi pour s'assurer d'offrir les bons services aux bonnes personnes?
Mme Soave (Luciana): Notre lien avec ACCESSS? Nous sommes membres fondateurs d'ACCESSS. Quand j'étais présidente du conseil d'administration, nous avions des pourparlers avec Mme Pauline Marois, que nous avons rencontrée ici, au Parlement, où c'était elle qui nous avait proposé qu'ACCESSS soit un organisme-conseil. Dans le gouvernement précédent, il y avait un comité qui fonctionnait plus ou moins. Donc, elle avait dit: Au lieu d'avoir un comité, ACCESSS a l'expertise et le support des organismes. Ça n'a pas été concrétisé. Je pense que oui. ACCESSS représente presque une centaine d'organismes. Il aurait assez d'expertise pour conseiller le gouvernement en matière d'immigration. Là, on n'est pas contre.
J'ai oublié la deuxième question, là.
Mme Caron: Est-ce que, vous, vous souhaitez un partenariat particulier?
Mme Soave (Luciana): Nous, nous sommes membres d'ACCESSS, mais entre-temps nous sommes un peu noyés, encore une fois. C'est une minorité parmi les minorités même là-bas. Donc, la question des personnes handicapées, je pense que nous avons une expertise spécifique. Si ça concerne les personnes handicapées, je pense que oui. Nous siégeons, nous, au conseil d'administration depuis 1997. Et c'est la présence physique. Je pense que, quand on est là, on est capable de percer. Et parfois une coalition qui a beaucoup d'intérêts à beaucoup de niveaux, parfois le spécifique, il pourrait être moins mis de l'avant. Je dirais qu'en ce qui concerne les personnes handicapées, nous serons les porte-parole, s'il y en a.
Mme Caron: Il reste très peu de temps, donc une dernière question. Pour vous aider à faciliter votre travail avec les différentes associations des différentes communautés finalement, puisque vous semblez nous dire tantôt qu'il y a plus de difficultés à ce que les différentes communautés reconnaissent qu'elles ont effectivement des personnes qui ont aussi des limitations, qu'est-ce qui pourrait vous faciliter la vie par rapport à cette problématique-là?
Mme Soave (Luciana): L'Office des personnes handicapées, selon la loi, a demandé à tous les établissements, les ministères, les municipalités de produire un plan d'accessibilité pour les personnes handicapées. Et je m'adresse à la ministre, qui est présente aujourd'hui. Le plan d'accessibilité du ministère ne tenait pas compte des personnes handicapées des communautés culturelles dans la société. C'était un plan qui s'adressait essentiellement à rendre accessible le ministère aux employés. Alors, c'est une demande plus formelle que...
D'ailleurs, j'avais déjà rencontré des fonctionnaires de deux ministères qui m'ont assurée que le nouveau plan, en 2007, éventuellement il va intégrer cet aspect. Mais c'est important. Le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles, ce n'est pas le ministère des employés du ministère, mais de la société, des immigrants qui arrivent, des personnes issues des communautés culturelles qui vivent dans la société québécoise. Alors, pour nous c'est très important que le prochain plan d'action tienne compte de la réalité comment accueillir, comment orienter.
Dans ce même document également, on parlait beaucoup de la collaboration avec les organismes subventionnés par le PANA. Nous ne sommes pas subventionné par le PANA, donc on risque que, même si nous sommes le seul organisme qui a cette expertise, n'étant pas subventionnés, on risque d'être mis de côté. Alors, j'avais demandé au fonctionnaire qui nous a rencontrés: Même si nous ne sommes pas subventionnés par le PANA, s'il vous plaît, là, rentrez-nous dans le plan d'action.
Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposons. Donc, je remercie l'Association multi-ethnique pour l'intégration des personnes handicapées.
Et je vais suspendre quelques instants, le temps que le prochain groupe puisse s'installer.
(Suspension de la séance à 10 h 27)
(Reprise à 10 h 29)
Le Président (M. Brodeur): ...nos travaux en recevant le Centre de ressources éducatives et communautaires pour adultes. Mme Ampleman, qui est la directrice, bienvenue en commission parlementaire. Et, le temps que vous vous installez, je vous rappelle brièvement les règles de la commission. Vous avez un temps maximal ? et je dis bien «maximal» parce que déjà on a pris du retard; un temps maximal ? de 15 minutes pour présenter votre mémoire, et ce sera suivi d'une période d'échange avec les membres de la commission. Donc, immédiatement, la parole est à vous.
Centre de ressources éducatives
et communautaires pour adultes (CRECA)
Mme Ampleman (Claude): Alors, un bref topo de l'organisme. Le Centre de ressources éducatives et communautaires pour adultes, le CRECA, est un centre d'éducation des adultes. Nous avons une entente de services avec le ministère de l'Immigration pour offrir des cours de francisation et, comme notre mandat premier est l'alphabétisation, nous faisons donc des formations en alphafrancisation. Donc, les personnes immigrantes qui viennent chez nous sont non seulement des personnes qui viennent d'arriver et ne parlent pas français, mais elles ont également la problématique d'être peu ou non scolarisées, donc d'être analphabètes dans leurs langues d'origine.
n
(10 h 30)
n
On vous remercie, là, de pouvoir participer à une consultation. Je pense que c'est bien. On a noté dans notre mémoire qu'on trouvait dommage la période où ça s'était fait parce qu'on a eu ça en revenant des vacances, et on avait un temps très court, et malheureusement on n'a pas pu consulter l'ensemble des membres, ce qui aurait été bien. Même avec nos étudiants, on aurait pu travailler ce projet de politique, mais ça n'a pas vraiment été possible.
Nous, on a opté sur certains points de la politique. C'est clair qu'on n'a pas parlé de tout, c'est impossible, il y en avait beaucoup. Alors, on a parlé de la question de l'intégration des personnes immigrantes dans le sens où pour nous c'était important... Nous sentons, dans notre mission de francisation, l'importance aussi de travailler à l'intégration des personnes immigrantes à la société québécoise. Ça veut dire donc de promouvoir les valeurs de la société québécoise, d'informer aussi les personnes dans quelle société elles viennent et quelle société va les accueillir. On trouve que l'éducation est vraiment très importante au niveau de pouvoir intégrer les personnes. C'est un moment privilégié.
D'autres points aussi. Lorsque la politique est arrivée au CRECA, juste peut-être pour un simple topo, nous savions que nous avions à accueillir une étudiante qui portait le niqab, ça veut dire qu'il y avait le voile presque complet, là, on ne voit que les yeux, et ça a créé beaucoup d'émoi au sein du personnel du CRECA. Ça a été très énervant: Bon, qu'est-ce que ça va amener? Bon, ça a été une période difficile. Depuis des années, on travaille avec les personnes immigrantes qui ont diverses religions.
Au CRECA, on favorise d'une part que partout dans l'école les gens parlent le français. Nous leur disons: C'est l'occasion que vous avez de parler français. Si vous vous rejoignez en petits groupes et vous parlez votre langue, vous ne vous favorisez pas l'apprentissage de la langue. Donc, on favorise beaucoup le mélange des personnes et qu'ils parlent le français partout dans l'école. Bon, les différentes religions aussi, on est habitués à ça, et on n'a jamais favorisé, je dirais, la promotion de la religion au sein de CRECA, de quelque religion que ce soit. Mais c'est des choses que nous avons vécues, c'est des choses sur lesquelles nous avons dû intervenir. Quand a su qu'on avait une personne qui portait le niqab, ça nous a beaucoup inquiétés à ce niveau-là, inquiétude, je le dis tout de suite, qui ne s'est pas révélée. Mais il reste que c'est des choses que nous vivons continuellement: des personnes de différentes religions parfois ne veulent pas travailler à côté d'un homme; bon, ne veulent pas... Donc, à chaque jour nous devons trouver des solutions. C'est des choses qui arrivent couramment.
C'est pourquoi nous considérons qu'en tout cas pour nous l'accommodement raisonnable ? et je dois dire que j'en ai beaucoup appris depuis qu'on a écrit notre mémoire sur l'accommodement raisonnable, ce que je ne connaissais pas vraiment ? mais ça nous inquiète un petit peu dans le sens où on trouve que c'est comme si chaque organisme ou individu fait face personnellement à trouver une solution dans des situations de conflit. Pour nous, on trouve que le gouvernement doit être un peu plus clair sur les valeurs de la société québécoise, et les mettre de l'avant, et ne pas mettre l'organisme ou l'individu dans la position toujours de devoir faire des ententes, que ce n'est pas toujours facile non plus. Nous sommes d'accord avec l'accommodement raisonnable dans les petites choses quotidiennes, mais en mettant quand même de l'avant beaucoup les valeurs de la société québécoise et aussi l'importance de la langue française. Ça, c'est important de continuer à le mettre de l'avant. C'est un des points sur lesquels nous avons axé notre mémoire.
L'autre était toute la question de l'accès à l'emploi. Alors, naturellement, on revient toujours à la reconnaissance des acquis, continuer les efforts là-dedans, on sait combien que c'est important. L'adaptation de la clientèle aussi au marché du travail. Il n'est suffisant de former les personnes, il n'est pas suffisant qu'ils apprennent le français, il est important qu'ils apprennent la culture d'entreprise aussi. Ce n'est pas facile et c'est une adaptation qui doit se faire tranquillement. Donc, on trouve que, ça aussi, il y a des efforts qui pourraient être faits à ce niveau-là, de reconnaître l'importance d'apprendre aux nouveaux arrivants la culture d'entreprise qu'il y a chez nous, au Québec.
La question de la volonté politique, dans le sens aussi que pour nous c'est important que... visuellement, dans la société, on voit que notre gouvernement est pour la représentation des différentes communautés culturelles. Donc, on trouve que ça prend une politique qui met de l'avant l'importance, autant chez nos politiciens que dans l'appareil politique, dans les postes d'emploi... qu'on sente vraiment qu'on est une société multiethnique. Et force est de reconnaître qu'on ne voit pas toujours, n'est-ce pas, cette réalité.
C'est la même chose pour la question des femmes. On s'est battues longtemps, on a gagné des points, mais ce n'est pas encore résolu. Il faut continuer.
La promotion auprès des employeurs et la promotion auprès des communautés, des individus, de l'importance d'accueillir des nouvelles communautés, ça, ça doit être intensifié, puisque nous intensifions le nombre d'immigrants que nous recevons.
La nécessité aussi des bilans naturellement: les efforts faits, qu'est-ce que ça a donné. Je pense qu'il faut se réajuster régulièrement et rapidement parce que sans ça on travaille des années sur des choses qui ne donnent pas des résultats.
L'autre point de notre mémoire touche particulièrement les groupes vulnérables et il touche vraiment la clientèle du CRECA, qui sont des personnes immigrantes et analphabètes. Il y a très peu d'endroits, à Montréal ou au Québec, qui se sont spécialisés en alphafrancisation. Ce n'est pas la même chose, ce n'est pas tous les professeurs qui se sont habitués avec ce type de clientèle là et qui aiment travailler avec eux. Nous avons la chance, au CRECA, d'avoir des professeurs du ministère de l'Immigration qui travaillent avec cette clientèle-là, qui aiment cette clientèle-là, et qui ont développé des outils, et qui aimeraient aussi avoir la possibilité de développer plus de matériel spécifique à cette clientèle. Donc ça, c'est très important, cet aspect-là donc de reconnaître la spécificité de l'alphafrancisation, qu'il y ait probablement d'autres lieux qu'au CRECA où ça se fait puis de développer des outils pédagogiques en rapport à ça.
Toute la question aussi du temps alloué pour la francisation au niveau... Avant, c'était trois ans, les personnes immigrantes avaient trois ans pour se franciser, sans ça elles devaient payer leurs propres cours. Maintenant, c'est rendu à cinq ans. Nous, nous disons: L'important, c'est qu'ils parlent français. Pourquoi mettre un temps? Je ne comprends pas. De plus, c'est les femmes qui sont touchées par ces restrictions-là. Il faut comprendre que les femmes immigrantes qui arrivent de pays où il y a la guerre, où il y a différentes difficultés, quand elles arrivent ici, enfin elles sont heureuses, contentes, elles sont dans un pays de paix, et ce qu'elles veulent, c'est bien vivre, et souvent ce qui arrive, c'est qu'elles tombent enceintes. Nous avons toujours, à toutes, toutes les sessions, nous avons au moins deux, trois femmes enceintes dans nos cours. Alors, ça montre vraiment cet aspect-là.
Et qu'est-ce qui arrive? Il arrive qu'elles quittent les cours de français avant la fin, et là elles s'en vont à la maison, et c'est souvent pour deux, trois, quatre ans parce qu'elles vont avoir plus qu'un enfant. Et c'est ces femmes qui sont pénalisées, qui ne sont pas francisées si on met une période à la francisation. Donc, pour nous, nous disons: Ce qui est important, c'est qu'elles parlent français. Je pense que c'est ça qui est important pour la société québécoise. Et donc enlevons-la, la période de temps, et francisons les personnes nouvelles arrivantes qui désirent être francisées. Alors, ça, pour nous, c'est important.
Et aussi la question des haltes-garderies. Soit dit en passant, les haltes-garderies, quand on a écrit ça, on n'avait pas la réponse mais on a obtenu un petit financement. C'est un début. Nous sommes très heureux parce que les haltes-garderies sont très importantes dans les organismes où on reçoit des nouveaux arrivants. On sait que les places en garderie, ça prend un an, deux ans avant de les avoir. Donc, d'avoir un espace pour faire garder ses enfants dans le lieu où on se francise, c'est important. Donc, le financement des haltes, merci, et j'espère que ça va continuer parce que c'est très important. Voilà.
Le Président (M. Mercier): Merci, Mme Ampleman. Alors, pour débuter cette période d'échange, je suis maintenant prêt à céder la parole à Mme la ministre. Alors, Mme la ministre, la parole est à vous.
Mme Thériault: Merci, M. le Président. Mme Ampleman, bienvenue parmi nous. C'est toujours un plaisir de vous revoir et d'écouter les recommandations de votre groupe. Vous êtes quand même un organisme qui existe depuis très longtemps à Montréal et vous faites un travail extraordinaire. Je pense que c'est important de le dire. Évidemment, toutes vos recommandations seront analysées avec le plus grand soin, comme tous les gens qui nous déposent des mémoires ici, en commission.
Je pense que je vais aller tout de suite avec la francisation, Mme Ampleman, si vous me le permettez. Il est évident que d'avoir haussé la limite de trois ans à cinq ans permettait justement de rejoindre une clientèle qui pouvait être plus vulnérable pendant plus longtemps, j'en conviens. Mais il faut faire attention aussi parce que, si on va sur une période de temps qui est beaucoup plus longue, légalement parlant, là, les gens vont dire: Bien, voyons donc, le gouvernement ne force pas les immigrants à apprendre le français, c'est important, il leur donne plus de temps, etc. Tu sais, il faut juste savoir bien doser.
n
(10 h 40)
n
Ça fait que je pense qu'il est important de rappeler à la population ici que les cours de francisation qui sont dispensés par le ministère de l'Immigration sont gratuits pour une période de zéro à cinq ans évidemment, mais qu'après le ministère de l'Immigration il y a quand même toute une offre de services de francisation, notamment par les commissions scolaires où la formation pour les adultes au niveau de la francisation, elle est accessible. Et je pense qu'il faudrait aussi rappeler que présentement, pour les femmes notamment ? parce qu'on sait qu'il y a des femmes qui justement, soit à cause d'une grossesse ou pour x nombre de raisons, peuvent dépasser la norme du cinq ans ? il y a de la francisation maintenant, à temps partiel, qui est disponible pour les femmes précisément, à temps partiel, même si elles vont au-delà du cinq ans justement parce qu'on était conscient que, par certaines contraintes ou choix, parce qu'on restait à la maison avec les enfants, il est important... Puis pour nous, ce qui est important, c'était de ne pas isoler encore davantage plus ces femmes-là mais au contraire les inciter à sortir.
Donc, peut-être que c'est une donnée que vous n'êtes pas au courant. Vous l'apprenez, hein?
Mme Ampleman (Claude): Oui.
Mme Thériault: Mais c'est possible. O.K. Donc, je pense que c'est important de le dire parce qu'il faut réellement essayer d'être conscient des contraintes que certaines personnes peuvent avoir par rapport à l'apprentissage du français. Mais je crois que, comme société aussi, on gagne à ce que les gens qui ont choisi de venir vivre dans une société francophone, en sachant qu'ici on parle français, que les enfants vont à l'école française... qu'il est important d'apprendre la langue aussi également.
Donc, c'est pour ça que, moi, je considère que les limites de temps, c'est correct, mais il faut toujours faire attention à une clientèle qui peut être plus... avec des caractéristiques dont on doit tenir compte, et c'est le cas chez les femmes notamment. Mais je dois vous dire que maintenant les cours à temps partiel sont accessibles aux femmes, même après cinq ans. O.K.? Donc, je pense que ça, c'est important.
Dans votre mémoire, vous avez abordé beaucoup de choses, notamment la volonté politique versus la représentation. Vous savez, les communautés culturelles ici, au Québec, 165 communautés culturelles différentes, 125 députés seulement au Parlement. Donc, je pense que c'est évident que ce serait utopique de penser que, demain matin, 100 % du Parlement pourrait être le vrai reflet de notre société évidemment, parce qu'on se demanderait toujours: Bon, le groupe majoritaire par rapport aux autres. Par contre, moi, je peux vous dire que, sur une équipe de 72 députés, nous, de notre côté, nous avons huit députés issus de différentes communautés. On a évidemment ma collègue Yolande, qui est à ma droite, la députée de Nelligan ? pardon, M. le Président ? mais il y a aussi la députée de La Pinière, le député de ? c'est parce que je connais bien leurs noms, là, il faut juste que je mette le comté, je n'ai pas le droit de les dire; le député de ? Louis-Hébert, Louis-Hébert?
Une voix: Louis-Hébert.
Mme Thériault: Le député de LaFontaine, le député de Viau, le député de Notre-Dame-de-Grâce, le ministre du Revenu sont issus de différents groupes. Donc, je pense qu'au niveau de la représentativité...
Une voix: Le ministre du Gouvernement en ligne.
Mme Thériault: Le ministre du Gouvernement en ligne, qui est d'origine française également. Là, j'exclus les origines irlandaises parce qu'on fausserait évidemment la représentativité, moi-même ayant une grand-mère 100 % Irlandaise, mais je tiens à dire que, dans notre équipe, on parle à peu près de 12 % de la représentativité des différents groupes des communautés culturelles et je suis convaincue que, dans notre parti, il y a évidemment beaucoup de place pour les gens des communautés culturelles. Je pense que c'est important. On a tenu un colloque d'ailleurs qui était formidable où les gens sont venus nous parler de leurs préoccupations et on a même une commission pour les communautés culturelles. Donc, c'est sûr que chaque parti doit faire son propre cheminement, puis vous me donnez tout simplement l'occasion de mettre en valeur ce qu'on fait à notre parti. C'est ce que je fais.
Bon, ce que je voudrais savoir, parce que vous avez parlé aussi de l'accommodement raisonnable... O.K. Vous n'êtes pas sans savoir que présentement il y a un comité qui a été mis sur pied par le ministère de l'Éducation, qui est sous la présidence de M. Bergman Fleury, qu'on appelle M. Accommodement-raisonnable, à la commission scolaire de Montréal, auquel mon ministère participe évidemment. Il y a des travaux en plus qui sont engagés à la Commission des droits de la personne et de la jeunesse versus l'accommodement raisonnable.
Ce que j'aimerais savoir, c'est peut-être plus que vous nous rappeliez les préoccupations. Parce qu'on sait que le racisme peut être fait évidemment sur une base ethnique, mais le racisme peut également exister sur une base de religion, donc j'aimerais peut-être que vous nous en parliez. Selon vous, qu'est-ce qui est dangereux? À quoi on doit faire attention pour éviter justement qu'il y ait des situations de racisme par rapport à... les religions et les accommodements raisonnables?
Le Président (M. Mercier): Alors, Mme Ampleman, simplement vous préciser que vous avez deux minutes pour répondre.
Mme Ampleman (Claude): D'accord.
Mme Thériault: Bien, si vous voulez prendre un peu plus sur le bloc, on coupera dans l'autre.
Le Président (M. Mercier): Dans l'autre bloc sûrement, oui.
Mme Thériault: Oui. Merci.
Le Président (M. Mercier): Allez-y, Mme Ampleman.
Mme Ampleman (Claude): Merci. Je peux juste dire dans le fond pourquoi on l'avait mis dans notre mémoire: des choses qu'on a vécues au CRECA où, à certains moments, on a ouvert un local parce que c'est la période de Ramadan puis que les gens, bon, c'était difficile d'aller... Il n'y avait pas d'autre endroit. La salle à manger, les gens mangent. Bon, on comprenait très, très bien. Mais ce que ça avait fait finalement, c'est de créer un lieu où les personnes d'une même religion se retrouvaient puis où ce n'était pas... Finalement, c'est devenu non accessible aux autres. Et, nous, ce qu'on trouvait, c'est qu'on manquait le bateau de l'intégration des personnes, qui fait partie de notre mandat. En ouvrant un local comme ça, les gens ne se parlaient plus entre diverses communautés, et finalement on l'a fermé, ce local-là.
Alors, c'est un peu ça. Ce n'est pas une mauvaise volonté ou nécessairement du racisme, mais c'est normal, on le ferait, nous aussi. On va ailleurs, on va se retrouver avec des Québécois: Ah! un Québécois. Bon, hein, on se retrouve, on jase ensemble. Toutes les communautés font ça, mais sauf que, quand on veut travailler, favoriser l'intégration, si on met l'accent sur les différences, on n'y arrive plus du tout. Alors ça, c'est important pour nous de ne pas le faire. Ça fait qu'au niveau de l'accommodement à date ça ne nous a pas été demandé, là. Bien, oui, ça nous a été demandé, mais on a expliqué les raisons pour lesquelles on refusait, et ça a été accepté, bon, mais on n'a pas eu à aller plus loin que ça. C'est le point.
Mais, pour nous, c'était important, cet aspect-là, puis je le sais, que ça se parle dans d'autres écoles, à l'université. Il y a des universités qui ont ouvert des locaux. Les différents points, c'est que chacun est pris... C'est pour ça, moi, le point de vue, qu'on l'a mis, l'accommodement raisonnable: Est-ce qu'on va faire du cas-par-cas, chaque personne? On a eu un cas dans la classe, il y a deux semaines, où la personne, parce que, dans cette classe-là, ça adonne comme ça cette année, on a une majorité d'hommes, cette personne-là se trouvait à côté d'un homme et refusait d'être à côté d'un homme, parce que, oui, elle peut être à côté d'un homme, mais elle ne peut pas travailler en équipe à côté d'un homme, mais ça devient problématique, son professeur est un homme aussi.
À un moment donné, il y a une limite jusqu'où on peut aller, puis c'est pour ça que, nous, on met beaucoup l'accent sur: Ici, au Québec, c'est tout le monde, hommes, femmes, on travaille ensemble, c'est l'égalité. On met beaucoup l'accent sur les valeurs du Québec parce qu'on se dit: Cette personne-là aussi, elle va être confrontée, à l'extérieur, à ces réalités-là. Donc, on ne veut pas être toujours à l'écoute puis dire oui à toutes les demandes. On veut faire attention. On essaie de voir...
Bon, c'est de l'accommodement raisonnable, mais en même temps c'est comme ça prend beaucoup, beaucoup, beaucoup de temps, je dirais, là. Plus ça va, plus, nous, on réalise qu'il y a beaucoup de temps qui est mis à des choses comme ça. Ça fait qu'on se dit: Est-ce qu'on ne pourrait pas être plus clair sur certains points? Est-ce qu'on ne pourrait pas dire: En tant que société, voici, l'espace public est laïc, ou l'espace... Ou, en tout cas, discutons-en, parce qu'on sent qu'il n'y a pas de discussion de ça. On a un peu l'impression d'avoir comme une langue de bois actuellement, hein? Ça se dit beaucoup dans les journaux. Est-ce qu'on peut parler des choses, énoncer? Ça, c'est important pour briser les malaises puis qu'on arrive tous ensemble à avoir une tête là-dessus.
Parce que, nous aussi, en tant que Québécois, là, il faut qu'on s'adapte, puis on n'est pas adaptés. Je veux dire, on ne s'adaptera pas comme ça, là. Il faut qu'on apprenne tranquillement, et c'est ce qu'on a vu au CRECA avec la nouvelle... Quand on a eu la personne avec le niqab, ça a fait des réactions monstres dans l'équipe de travail, et les gens disent: Je ne suis pas capable, je ne suis pas capable de faire face à ça, ça vient me toucher en tant que femme. Ça a amené beaucoup d'émotions. Alors, il faut gérer ces émotions-là aussi que ça amène, et ce n'est pas évident.
n
(10 h 50)
n
Mme Thériault: De là l'importance de bien communiquer avec ses équipes de travail à partir du moment où on fait face à de la diversité, parce qu'effectivement il y a des chocs des fois qu'il faut gérer. Donc, c'est important d'avoir les services requis pour pouvoir le faire. Puis, concernant les valeurs, je pense qu'on pourrait certainement parler plus de valeurs québécoises. Mais je tiens à vous dire que, depuis un an, il y a un guide qui s'appelle le guide Apprendre le Québec, qui est remis automatiquement à tous ceux qui reçoivent leurs certificats de sélection ou, sinon, lorsqu'ils arrivent ici, pour justement leur permettre de voir quelle est la réalité du Québec et se préparer avant d'arriver ici. Et on parle notamment des valeurs québécoises, qu'ici un homme est égal à une femme, bon, que les enfants, on ne les bat pas, hein, il y a la protection de la jeunesse qui existe et toutes les lois dans lesquelles on peut peut-être se perdre lorsqu'on n'est pas familier. Mais on parle beaucoup de ce qu'est le Québec et comment l'apprendre. Donc, probablement que les gens que vous avez eus dans vos groupes n'avaient pas reçu ce guide-là non plus. On aurait pu le faire auparavant, malheureusement ça vient d'arriver sur pied. Mais je pense qu'on peut toujours ajouter, améliorer et continuer le dialogue, évidemment. C'est important.
Mme Ampleman (Claude): Oui. C'est ça, c'est ça. Parce qu'il ne faut pas oublier qu'on a des analphabètes.
Mme Thériault: Oui, je suis d'accord avec vous.
Mme Ampleman (Claude): Donc, les documents sont bien beaux, là, mais ils ne sont pas accessibles.
Mme Thériault: C'est pour ça qu'il faut s'assurer de continuer le dialogue. Merci. On reviendra.
Mme Ampleman (Claude): Exact.
Le Président (M. Mercier): Merci, Mme Ampleman, pour ces précisions. Alors, je suis maintenant prêt à céder la parole à l'opposition officielle et à sa porte-parole en matière d'immigration et de communautés culturelles, la députée de Laurier-Dorion. Mme la députée, la parole est à vous.
Mme Lefebvre: Merci, M. le Président, de cette belle présentation, et, à vous, Mme Ampleman, bienvenue. Puis merci pour votre présentation dynamique et pour les recommandations que vous nous faites en cette commission parce que vous avez vraiment, ça se sent, une passion pour ce qui est du travail avec les différentes communautés puis une expertise. C'est intéressant, l'aspect que vous apportez sur l'alphafrancisation parce que c'est un aspect qu'on n'a pas du tout, du tout abordé ici puis, bon, on a été conscientisé... Notamment, la semaine dernière, il y avait les groupes en alphabétisation qui sont venus ici revendiquer...
Une voix: ...
Mme Lefebvre: ... ? ah! vous étiez là, bon; qui sont venus revendiquer ? pour un meilleur financement des groupes en alphabétisation. Puis d'ailleurs j'étais assez étonnée de voir le nombre de personnes qui dans le fond ont une connaissance, là, très, très, très minime du français et donc qu'on peut considérer comme analphabètes. Puis je pense qu'on n'en parle pas non plus assez au niveau des personnes immigrantes, parce que, bon, le Québec, on sélectionne des immigrants à l'étranger, mais on reçoit aussi et on choisit aussi des personnes, bon, en situation humanitaire, donc des personnes réfugiées qui se joignent à nous. Puis il doit y avoir, je ne sais pas les statistiques... Je ne sais pas si le ministère tient ces statistiques-là, à savoir combien de personnes immigrantes peuvent être considérées comme analphabètes, mais ce serait vraiment intéressant de l'avoir.
Et ça m'amène à vous dire qu'une de vos recommandations, qui est celle du bilan, donc de pouvoir se baser sur des statistiques, des études puis être capable de voir finalement, comme vous l'avez si bien dit, le résultat de nos efforts... C'est sûr que, nous, nous l'avons déploré, le fait qu'on n'ait pas pu avoir ça avant d'initier en fait cette commission-ci, ça aurait été un outil efficace, mais je pense que ça va aller. Dans le futur, je pense qu'on va avoir des meilleurs outils. Puis ça, ce serait un facteur à tenir en compte, d'essayer de quantifier le nombre de personnes qui pourraient être considérées analphabètes pour mettre les ressources, mettre les ressources finalement dans une approche qui est différente.
Puis, à cet égard-là, j'aimerais savoir, pour vous est-ce que c'est des programmes spécifiques? Est-ce que les personnes immigrantes dans le fond ont accès à la même allocation qu'une personne qui va en francisation dans un programme régulier?
Mme Ampleman (Claude): Oui, c'est la même chose. D'ailleurs, nous, dans le mémoire, j'ai oublié de le dire, mais on le dit aussi, qu'on considère que les personnes en alphafrancisation devraient avoir plus de temps, parce que ce n'est pas vrai que tu vas intégrer autant tes notions de francisation quand tu es une personne analphabète. C'est beaucoup plus difficile, l'apprentissage, qu'une personne instruite, c'est clair. Donc, on demande plus de temps pour les personnes.
Bon, parfois, elles ont le droit de recommencer une session, parce que c'est quatre sessions de 11 semaines, 44 semaines. Elles ont le droit de recommencer une session, mais pas plus. Et, nous, comme on fait de l'alpha au CRECA, après avoir fait l'alphafrancisation, on leur fait passer les tests pour voir s'ils peuvent s'en aller en alphabétisation pour continuer, et souvent ils sont encore trop faibles, ils ne sont pas encore assez francisés pour être capables de rentrer dans les groupes d'alphabétisation. C'est qu'on voit que c'est difficile pour une personne analphabète de se franciser, mais ça, c'est normal. Quelqu'un qui est très instruit va apprendre des langues plus facilement, va apprendre... Tout est plus facile. La culture, ça augmente la capacité d'apprentissage.
Le Président (M. Mercier): Mme la députée.
Mme Lefebvre: Bien, vous avez parfaitement raison de le soulever, puis, moi, en tout cas je pense à des gens finalement qui vivent, par exemple, dans les quartiers que, moi, je représente puis je me dis: Plusieurs d'entre eux, je serais curieuse en fait de savoir si finalement ils ont une connaissance de leurs propres langues au niveau de l'écriture, parce qu'on prend pour acquis, puisque des fois, bon, on est né ici, que finalement tout le monde sait lire puis sait écrire, puis c'est peut-être une grande méprise qu'on fait. Mais est-ce qu'il y a donc des programmes adaptés? Est-ce que vos sources de financement sont adaptés au niveau de l'alphafrancisation?
Mme Ampleman (Claude): Non. On est francisé comme les autres organismes qui font de la francisation. Ce n'est pas tellement au niveau du financement, nous, qu'on parle que peut-être avoir des possibilités pour les professeurs de développer des outils pédagogiques. Donc, ça pourrait être, oui, un financement mais du ministère à ces professeurs qui, au lieu d'enseigner, développeraient plus de matériel pédagogique spécifique à cette clientèle-là, et aussi dans la formation même des professeurs. Il faut penser que la majorité ne connaissent pas la clientèle analphabète. Donc, souvent, les professeurs, quand on a des remplaçants, ils sont surpris de leurs classes. Ils sont habitués d'enseigner de la francisation mais pas avec des analphabètes. Ils disent: Bien j'ai fait ça, ils ne comprennent pas. Non, il faut aller beaucoup plus lentement. Alors, c'est différent.
Mme Lefebvre: Donc, ce serait de développer une approche spécifique en alphafrancisation?
Mme Ampleman (Claude): Pour le ministère, pour les professeurs, oui.
Mme Lefebvre: Mais c'est un aspect fort important parce que ça n'a pas été du tout, du tout débattu, puis je dois admettre que dans le fond ça allait un peu de soi que, bon, on prenait des cours de francisation puis... Moi, en tout cas, je vous remercie de l'avoir rapporté.
Vous parlez, vous n'en avez pas discuté tout à l'heure, mais de la ghettoïsation des gangs de rue. Vous faites de la prévention. Comment on peut adapter nos méthodes afin... Vous avez parlé, bon, de l'accommodement raisonnable, de s'assurer d'une mixité sociale. Selon vous, comment favoriser une meilleure mixité sociale au niveau de l'intégration? Parce qu'on parle... bon, tu sais, il y a les différentes communautés, vous l'avez dit, c'est un réflexe normal d'essayer de se regrouper, mais de vos pratiques est-ce que c'est des fêtes interculturelles? Est-ce que ça se crée au niveau de l'habitation, du logement? C'est quoi à votre sens, les...
Mme Ampleman (Claude): Je n'ai pas la solution miracle, je dois dire, mais c'est clair qu'il faut faire attention, bon, dans l'habitation, par exemple, de s'assurer de ne pas avoir toutes les mêmes communautés dans les HLM. Je pense qu'il faut voir à la diversité. Mais je n'ai vraiment pas la solution malheureusement, là, à vous dire. C'est clair, il faut entrer en communication, il faut ? les gens, il ne faut pas qu'ils restent isolés chez eux ? donc venir à l'école, venir à des cours, pouvoir travailler. Je pense que c'est ça, hein? Je pense que, si les nouveaux arrivants arrivent à travailler et à faire vivre leurs familles, ils vont s'adapter à la société québécoise. S'ils sont rejetés, ils vont vivre en ghetto, ils vont être isolés.
Le travail, hein, c'est... Je veux dire, ils viennent ici pour bien vivre, ils viennent ici pour améliorer leur sort, et c'est ça qui est le plus important, je pense.
Le Président (M. Mercier): Merci, ça termine cette partie de bloc, mais vous avez quand même cinq minutes dans l'autre bloc. Alors, je suis maintenant prêt à retourner du côté ministériel et à entendre la députée de Nelligan. Mme la députée, il vous reste 1 min 30 s, question et réponse.
Mme James: Compte tenu du temps ? merci beaucoup, M. le Président ? puis je veux vous laisser le temps de réponse, alors je vais y aller directement au but dans le fond. On a eu la chance de vous entendre sur l'accommodement raisonnable et les efforts que doivent faire les gens, tout le monde, là pour assurer une meilleure intégration, mais j'aimerais vous entendre sur le rapprochement interculturel et le rôle que ça peut jouer au sein de votre organisme et aussi, là, au sein du milieu montréalais où la majorité de votre clientèle est servie.
Le Président (M. Mercier): Mme Ampleman, une minute.
Mme Ampleman (Claude): Bien, je pense que c'est important... Bien, on avait été choisis par le ministère. Quand le ministère de l'Immigration est venu au CRECA nous proposer des cours de francisation, c'était justement parce qu'on était un milieu qui offrait différentes choses. On avait de l'alphabétisation, on fait de l'informatique à la population en général, on a une halte-garderie, on fait de l'aide aux devoirs dans 10 écoles de notre quartier. Vous voyez, c'est assez... On est un centre d'éducation, on n'est pas juste un centre... Et ça, ça permet une meilleure intégration, je crois, parce que les étudiants, ils sont tout de suite avec d'autres personnes, des gens qui parlent bien français mais qui sont immigrants aussi, parce que notre clientèle est majoritairement, je dirais, à 98 % immigrante quand même, mais les personnes en alphabétisation, elles sont ici depuis des années et parlent français. Alors, ça permet cet échange-là, et c'était dans ce but-là qu'on avait, je crois, été ciblé par le ministère. Et je crois que c'est important effectivement, dès qu'ils arrivent, d'être dans un milieu éclaté, si je peux dire, où il y a beaucoup de choses. Excusez.
Le Président (M. Mercier): Aucun problème, Mme Ampleman. Alors, comme promis, je retourne du côté de l'opposition officielle, prêt à entendre le député de Saint-Hyacinthe. M. le député, vous avez un bloc de 5 min 30 s, temps exact.
n
(11 heures)
n
M. Dion: Merci, M. le Président. Alors, Mme Ampleman, j'ai trouvé extrêmement intéressante votre présentation, et ça fait remonter à la surface des histoires d'horreur, hein? Parce qu'il y a beaucoup de choses là-dedans. J'aurais un tas de questions, mais je vais me concentrer seulement sur une question, sur le problème le plus criant, qui est à mon avis le problème des femmes, des femmes immigrantes, et, parmi les femmes immigrantes, des femmes immigrantes illégales.
Et on a, ce matin justement, dans La Presse, un article de Katia Gagnon qui dit qu'«entre 20 000 et 40 000 femmes immigrées travaillent, au Québec, comme aides familiales. L'immense majorité d'entre elles sont en situation illégale et sont souvent honteusement exploitées par leurs employeurs.» Et ça, sans compter le très grand nombre de femmes qui travaillent dans des ateliers de couture plus ou moins souterrains et qui sont dans des situations semblables ou pires. Et on parle de situations qui s'apparentent souvent à l'esclavage: séquestration à domicile, passeports et visas confisqués, des agences de placement qui travaillent surtout en Asie et surtout aux Philippines. Enfin, on connaît un peu le problème de façon globale.
Mais ce qui est certain, c'est que ces femmes-là se retrouvent ici, et, ne connaissant pas la langue, elles sont à la merci de tout. La langue pour elles, c'est la liberté, c'est la possibilité de faire reconnaître au moins des droits minimaux. Si on ne leur donne pas la connaissance de la langue, même si on établit des droits, elles ne sont pas beaucoup plus avancées qu'avant. Alors, je fais une tentative et j'aimerais avoir votre réaction à cela: N'y aurait-il pas lieu de rendre obligatoire, sous peine de sanctions sévères pour les employeurs, les agences, rendre obligatoire une période de francisation pour toute personne qui émigre ici, ne serait-ce que pour une période de deux ans, que pour un travail temporaire ? parce que, dans le cas où c'est légal, c'est souvent la porte qui est utilisée; donc obligatoire ? et que la preuve de pouvoir communiquer en français soit préalable à toute embauche?
Mme Ampleman (Claude): Je suis parfaitement d'accord avec vous, et je dois dire aussi que, dans les cours donnés par le ministère de l'Immigration, il y a beaucoup de toute la question des droits au Québec, toute la question de l'intégration aussi. On ne fait pas juste de la francisation; la partie intégration des nouveaux arrivants touche la question des droits, et ça, c'est important.
Donc, s'assurer, oui, de la francisation qui serait obligatoire et, avec ça, de l'intégration aux droits, toute l'explication des droits des citoyens, le droit au travail, mais aussi, c'est ça, le droit d'avoir des journées de congé, puis le droit... etc., là, hein? Il faut renseigner les gens qui ne sont pas au courant, tout à fait, je trouve. Mais effectivement.... et je crois que les sanctions devraient être sévères pour empêcher ce genre de chose, parce qu'il faut voir qu'ils font beaucoup, beaucoup d'argent, hein, avec cette main-d'oeuvre à bon marché. Donc, si les sanctions sont minimes, ça va continuer.
M. Dion: Donc, vous êtes d'accord que ce qui en fait crée ce gros problème, c'est l'intérêt financier qu'ont ceux qui font le travail de recrutement là-bas, et tout ça.
Mme Ampleman (Claude): Oui. Mais la peur aussi, hein? Vous savez, les immigrants ont souvent peur, même nous autres... On participe à un programme avec la police, depuis trois ans, qui s'appelle le projet ACINA, où on jumelle des policiers avec des immigrants, et, pour les immigrants, c'est une découverte de voir que les policiers ne vont pas les assommer ou les... La force policière, pour beaucoup de personnes immigrantes, c'est une force dangereuse. Alors, les immigrants, même si vous leur enseignez des cours de français, il faut aussi qu'ils voient qu'ils ont la possibilité ici de réclamer des choses, qu'ils ont des droits. Il faut leur donner leurs droits. Il faut qu'ils aillent s'assurer que c'est bien eux qui ont leurs passeports, parce que, souvent, ces gens-là vont prendre leurs passeports. Vous voyez, c'est toute la question de... C'est une forme de violence, un peu comme la violence familiale, finalement. On rend les gens vulnérables en leur disant qu'ils n'ont pas le droit, hein? Les gens se sentent... ils ont peur et là ils se taisent. Alors, il faut réussir à briser ça.
M. Dion: Ce que je comprends, c'est que, dans l'immigration illégale de cette nature, il y a l'agence qui fait l'immigration, il y a l'immigrant ou l'immigrante elle-même et il y a l'employeur. Donc, quand on parle de sanctions sévères, j'imagine que vous êtes d'accord pour des sanctions sévères et pour l'agence et pour l'employeur, même si c'est un employeur domestique, mais pas de sanction pour l'immigrante illégale, qui, elle, quand elle est recrutée, ne connaît pas la problématique de l'immigration illégale.
Mme Ampleman (Claude): Non. De toute façon...
Le Président (M. Mercier): En conclusion, Mme Ampleman. Il ne vous reste que 30 secondes, malheureusement.
Mme Ampleman (Claude): O.K. Bon, finalement, la personne, on le sait, elle fait ça parce qu'elle veut travailler et souvent elle veut nourrir aussi sa famille dans son pays. Alors, c'est sûr que, non, on n'a pas à sanctionner.
Alors, je vous remercie de m'avoir reçue et je souhaite bonne chance à cette commission.
Le Président (M. Mercier): C'est nous qui vous remercions, Mme Ampleman, d'avoir été ici, parmi nous. Alors, je tiens à remercier le Centre de ressources éducatives et communautaires pour adultes, représenté par vous-même, Mme Ampleman.
Et j'inviterais l'autre groupe à prendre place, c'est-à-dire M. Éric Charest, doctorant de l'École de relations industrielles, Université de Montréal. Et je suspends quelques minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 5)
(Reprise à 11 h 7)
Le Président (M. Mercier): Alors, nous reprenons maintenant les travaux. Je tiens à accueillir ici, à l'Assemblée nationale, à cette commission parlementaire, M. Éric Charest, doctorant de l'École des relations industrielles, Université de Montréal. M. Charest, bienvenue. Et je tiens à vous réitérer que vous disposez d'un temps de 15 minutes afin de nous faire l'exposé de votre mémoire et de vos propos. Alors, M. Charest, la parole est à vous.
Mme Marie-Thérèse Chicha
et M. Éric Charest
M. Charest (Éric): Merci. Alors, en premier lieu, je tiens à excuser Mme Marie-Thérèse Chicha, qui devait se présenter, ce matin, aux travaux de votre commission. Malheureusement, elle a eu des empêchements qui l'ont retenue à Montréal. Alors, je vais tenter de faire de mon mieux pour exprimer nos opinions, ce matin, à la commission.
Alors, le sujet de notre mémoire traitait de la question des programmes d'accès à l'égalité en vertu de l'obligation contractuelle. Donc, c'est un type bien particulier de programmes d'accès à l'égalité. Donc, je vais tenter de vous expliquer un peu ce que sont ces programmes, et puis par la suite nous allons regarder un peu les résultats de ces programmes. Les résultats que je vais vous donner aujourd'hui, ce sont des résultats de deux recherches que nous avons faites, là, dans les dernières années. La première recherche a été faite, en 1998, par Mme Marie-Thérèse Chicha, et puis la seconde a été faite, en 2005, par Mme Chicha, M. Comlan et moi-même. Et puis nous tentions un peu de voir quelle avait été l'évolution des entreprises soumises à cette obligation contractuelle entre le premier moment puis le deuxième moment, là, si on veut.
Alors, un premier point, je crois, qui est quand même important puis qui a été souligné par plusieurs personnes jusqu'à présent, c'est la question de l'intersectionnalité des motifs de discrimination. Alors, nous, aujourd'hui, nous allons discuter... je vais discuter de groupes globaux, donc je vais parler de la question des personnes membres des minorités visibles, et puis également de cette question des personnes membres des minorités visibles mais également issues de l'immigration. Je vais laisser de côté le volet femmes. Il faut garder à l'esprit que le fait justement d'être femme vient s'additionner aux autres motifs de discrimination pour créer des situations uniques. Alors donc, il faut quand même garder ces nuances-là à l'esprit.
n
(11 h 10)
n
Donc, juste pour vous décrire rapidement le cadre législatif, là, dont je parle aujourd'hui ? donc, ce sont des choses que vous connaissez sûrement ? alors, grosso modo, en 1985, le gouvernement a légiféré en matière d'égalité en emploi en introduisant, dans la Charte des droits et libertés de la personne, un chapitre spécifique qui était consacré aux programmes d'accès à l'égalité. Ces programmes sont considérés comme étant un correctif systémique qui visait justement à régler un problème de discrimination systémique. Alors, tout au long de ma présentation, je vais quand même essayer de vraiment aborder la question dans une perspective systémique, parce que je crois qu'il est faux ou, à tout le moins, trompeur de croire qu'on va pouvoir identifier un seul acteur, dans le système, qui est responsable de la discrimination. C'est plutôt un ensemble d'acteurs qui interagissent les uns avec les autres puis qui créent des processus uniques de discrimination. Alors, il faut quand même garder toujours cette vision-là à l'esprit lorsqu'on parle des programmes d'accès à l'égalité.
Donc, l'objectif de nos programmes, c'était vraiment d'arriver à l'atteinte d'une représentation équitable des personnes discriminées sur le marché du travail, dans les entreprises. Les programmes qui m'intéressent particulièrement, ce sont les programmes qui découlent de l'obligation contractuelle, c'est-à-dire toutes ces entreprises qui obtiennent un contrat ou une subvention du gouvernement du Québec d'une valeur de 100 000 $ et plus et qui embauchent 100 personnes et plus sont soumises à cette obligation-là donc de créer, de maintenir un programme d'accès à l'égalité.
Donc, les programmes justement d'accès à l'égalité vont fixer des objectifs à la fois quantitatifs et des objectifs qualitatifs aux entreprises qui vont être assujetties. Donc, les objectifs quantitatifs visent vraiment l'atteinte d'objectifs de représentation des membres des groupes cibles dans les postes où on va diagnostiquer une sous-utilisation. Pour poser un tel diagnostic, l'entreprise va procéder à une analyse de disponibilité, c'est-à-dire on va tenter de déterminer la proportion des membres de chaque groupe cible parmi les personnes qui possèdent les compétences pour occuper les postes dans la zone de recrutement pertinente. Parallèlement à ça, l'entreprise doit faire également une analyse de ses effectifs, c'est-à-dire voir concrètement quelle est la composition de ses effectifs, donc le différentiel, la différence qu'on constate entre ce qu'il y a sur le marché, si on veut, dans la zone de recrutement versus ce qu'on a à l'interne, dans l'entreprise.
Si on s'aperçoit qu'il y a une différence entre les deux, on devrait fixer des objectifs de représentation en fonction de ça. Un point qu'il est important de mentionner puis qu'il faudrait peut-être mentionner encore et encore: les objectifs de représentation ne sont pas des quotas, ils n'ont jamais été des quotas, ne seront jamais des quotas. Il ne s'agit pas d'uniquement combler des postes avec des personnes qui ont certaines caractéristiques démographiques. Il s'agit vraiment d'aller chercher... On parle vraiment de personnes qui ont les compétences pour occuper les postes. Donc, lorsqu'on détermine des objectifs de représentation, ces objectifs-là sont déterminés uniquement en fonction des personnes qui ont les compétences pour le poste. Donc, c'est une nuance qu'il faut quand même apporter, parce qu'elle est fondamentale.
Bon, il y a également toute la question des objectifs qualitatifs, c'est-à-dire que l'entreprise doit faire une analyse du système d'emploi afin d'identifier puis d'éliminer toutes les règles, les pratiques, dans le système de gestion, qui peuvent avoir un effet discriminatoire sur les personnes.
Donc, est-ce que les PAE, qui sont liés à cette obligation contractuelle là, ont vraiment permis aux membres des minorités visibles d'atteindre l'égalité dans les entreprises qui sont assujetties à cette loi? Donc, comme je vous mentionnais, on se base sur les résultats de deux enquêtes que nous avons menées, là, pour tenter de répondre à la chose. On devrait partir normalement avec un rationnel comme quoi ces entreprises, comme elles sont astreintes à une obligation que n'ont pas l'ensemble des entreprises privées, probablement leurs résultats devraient être bien supérieurs à ce qu'on devrait observer dans les autres entreprises qui ne sont pas soumises à une pareille loi. Malheureusement, ce que nous avons observé, tant en 1998 qu'en 2005, c'est que les résultats de la politique sont très faibles, si on veut. Donc, la politique ne semble pas avoir permis vraiment l'entrée sur le marché du travail des personnes membres des minorités visibles pour atteindre, là, les objectifs fixés aux entreprises.
Donc, évidemment, si on s'aperçoit que les entreprises soumises à cette politique-là ne réussissent pas à atteindre ces objectifs-là, probablement que la situation est encore moins reluisante dans les entreprises qui ne sont pas soumises à la politique. Donc, lorsqu'on parle justement d'une faible représentation, en 1998, on s'apercevait que plus de 50 % des entreprises qui étaient soumises au programme d'accès à l'égalité constataient qu'il y avait au moins une occupation où il y avait une sous-utilisation des personnes membres des minorités visibles. Parmi ces entreprises-là, il y en avait près de 60 % qui affirmaient qu'on retrouvait sous-utilisation dans au moins cinq professions dans l'entreprise. Lorsqu'on a répété l'expérience en 2005, la plupart des entreprises s'apercevaient qu'elles avaient une comptabilité qui n'était même plus tout à fait appropriée de la chose, donc on avait cessé de faire un suivi des dossiers ou enfin c'était un suivi qui était très partiel des dossiers, ce qui était problématique.
Maintenant, concrètement, ce qu'on doit dire de tout ça, c'est que probablement très peu de personnes ont été embauchées par les entreprises en vertu de cette politique-là. En fait, seulement deux entreprises sur environ 170 à l'époque avaient reçu un certificat de mérite attestant qu'elles avaient rempli leurs obligations, ce qui était très, très peu. En 2005, la plupart des entreprises n'avaient aucune honte, entre guillemets, si on veut, à nous dire qu'elles ne faisaient pas vraiment de suivi de la chose puis que c'était un dossier qui était vraiment... qui était délaissé ou qui... Bon, c'était un dossier qui n'était pas entre les mains d'un employé, donc il n'y avait pas vraiment d'imputabilité entre les mains d'une personne de l'entreprise pour ce type de dossier là.
Donc, lorsqu'on regardait, toujours dans une perspective systémique, comme je vous disais, du côté des entreprises, les principales raisons qui étaient invoquées pour expliquer le fait qu'il y avait si peu de personnes membres des minorités visibles qui entraient dans ces entreprises-là, c'était, bon, premièrement, le fait que les personnes ne présentaient pas leurs candidatures, donc on revient toujours sur cette idée qu'ils ne se présentent pas pour travailler chez nous, et puis le deuxième élément qui ressortait, c'est que les employeurs référaient toujours à cette idée que les personnes n'avaient pas les niveaux de compétence pour occuper les occupations dans leurs entreprises, alors qu'on sait concrètement que, bon, les personnes issues de l'immigration et puis les personnes membres des minorités visibles ont des niveaux de scolarité qui sont croissants et puis qui sont en moyenne supérieurs à la population québécoise.
Donc, plus concrètement, si on regardait les systèmes de gestion, ce qu'on s'apercevait, en ce qui concernait la question du recrutement... On avait près de 60 % des entreprises qui nous affirmaient qu'elles recrutaient par biais de contacts personnels, des réseaux personnels, c'est-à-dire ce sont des employés qu'on a déjà à l'interne qui nous réfèrent d'autres employés. Évidemment, c'est une pratique qui a été dénoncée à plusieurs reprises, depuis bien longtemps, parce que, bon, c'est une pratique qui est de nature à uniquement répéter la composition démographique actuelle d'une entreprise. Donc, dans ce contexte-là, il n'est peut-être pas étonnant de voir qu'évidemment les gens ne posent pas spontanément leurs candidatures dans les entreprises si on sait que ces entreprises-là vont de toute manière utiliser les références à l'interne pour choisir les gens.
Toute la question de sélection du personnel était également problématique. On sait que c'est le principal facteur qui risque de bloquer, c'est la question de la sélection du personnel. Alors qu'on sait que c'est le principal point problématique, on s'apercevait qu'à peu près aucune entreprise n'avait révisé... ou celles qui avaient révisé avaient procédé à des changements dans leur système de sélection. Les principales façons pour choisir les employés, ça demeurait: Quelles sont les caractéristiques? Quelles sont les qualités, les compétences des personnes qui sont déjà en emploi dans ce type de profession chez nous?, sans qu'il y ait une réelle préoccupation de la nature de l'emploi puis quelles seraient les exigences, de manière factuelle, si on veut, pour recruter dans le poste en question.
Il y avait également toute la question des pratiques de promotion qui était problématique. On le découvrait, là, assez rapidement lorsqu'on était dans les entreprises. C'est-à-dire qu'on s'apercevait que les personnes membres des minorités visibles, les personnes issues de l'immigration étaient souvent cantonnées dans des postes secondaires, dans des postes subalternes, etc., où il y avait très peu de possibilités de promotion. Puis, lorsque ces personnes étaient, bon, dans les bonnes filières, entre guillemets, qui mènent vers les promotions, on s'apercevait qu'elles restaient beaucoup plus longtemps que les employés non membres des minorités visibles avant d'obtenir les promotions en question. Donc, il y avait tous ces problèmes-là qui ressortaient. Donc, encore là, très peu d'entreprises, sinon aucune, disaient qu'elles avaient révisé ou qu'elles avaient tenté d'analyser qu'est-ce qui se passait dans leur système de promotion. Donc, il n'y avait pas grand-chose qui se passait, encore là, à ce niveau-là. Ça, c'était notre acteur employeur.
Si on regarde du côté de l'État québécois, ce qu'on peut dire, c'est que, jusqu'à présent, il n'y a pas eu beaucoup de manifestations concrètes et soutenues d'une volonté politique d'assurer le succès de l'obligation contractuelle, dans le sens où, de l'aveu même de la Commission des droits de la personne, on sait qu'il y a tout un ensemble d'entreprises, qui normalement devraient être soumises à l'obligation contractuelle, qui ont échappé un peu à la chose. Donc, malgré le fait qu'elles répondent aux conditions, qu'elles devraient être soumises à la chose, elles ne le sont pas. Donc, on les laisse ainsi. Donc, évidemment, ça envoie un message puissant aux entreprises comme quoi ce sont des obligations secondaires ou des choses qui ont peu d'importance.
Un autre élément aussi qui nous amène à croire que l'État n'a pas prêché par l'exemple, c'est le fait qu'encore aujourd'hui les personnes membres des minorités visibles sont très sous-représentées dans la fonction publique québécoise. Puis, encore là, ça, ce sont des éléments qui envoient des messages aux employeurs du Québec.
Du côté de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec, sans vouloir la blâmer ou quoi que ce soit, c'était toute cette idée que, bon, ils étaient débordés, bon, surtout avec la nouvelle loi de 2001 sur les programmes d'accès à l'égalité dans les entreprises publiques... dans les organismes publics, pardon. Il s'avérait qu'il y avait un manque de ressources clair pour faire un suivi des PAE qui étaient liés à l'obligation contractuelle. Donc là, encore là, comme il y a peu de suivi, pour les employeurs, ça demeure une obligation secondaire.
n
(11 h 20)
n
Donc, grosso modo, un point qu'il faudrait encore là préciser, c'est que, malgré le fait que, dans la très grande majorité des entreprises, on voyait peu de progrès, sinon très, très peu de progrès, on avait quand même un noyau dur d'employeurs qui... eux, il y avait une réelle progression des personnes membres des minorités visibles, il y avait vraiment une atteinte, ce qui nous a amenés à s'interroger sur quels pouvaient être les facteurs de réussite de ces entreprises-là, et puis le premier facteur qui semble lié à la chose, c'est le rôle décisif que peut jouer l'implication de la haute direction, donc cette idée que nous devons avoir une haute direction qui soit sensibilisée puis qui s'implique directement pour arriver aux objectifs.
Les motivations, les principales motivations de la haute direction à s'impliquer, on pouvait en nommer deux, si on veut simplifier: la motivation commerciale, c'est-à-dire toute cette idée... Bon, imaginez, vous êtes une entreprise de services. Vous voulez conserver vos clients actuels ou vous voulez aller chercher des nouveaux clients, bien vous tentez d'envoyer une image de votre entreprise qui soit représentative de la société que vous desservez ou de la société que vous souhaitez desservir. Donc, il y a ce point-là. Il y a également cette idée justement par rapport à la motivation commerciale, c'est que les entreprises comprennent que, pour mieux servir leurs clients, il est important de les comprendre: en termes de langue, de valeurs culturelles, de besoins spécifiques. Donc, on embauche des personnes pour répondre à ce besoin-là.
La seconde motivation qui était invoquée par les entreprises qui s'étaient diversifiées, c'était la question de la motivation, de performance. De plus en plus, on s'aperçoit que des équipes de travail diversifiées semblent plus innovantes, dans le sens où il y a une réelle confrontation des points de vue. On va chercher des opinions qui étaient délaissées auparavant pour justement les inclure. On sait, par exemple, que, bon, on est une terre d'immigration, alors, évidemment, le fait d'aller chercher des employés qui ont des expériences de travail étrangères, à l'étranger, permet justement de remettre en question le statu quo, de voir des nouvelles façons de faire pour les entreprises québécoises.
Le Président (M. Mercier): M. Charest, il vous reste 30 secondes.
M. Charest (Éric): Oui, je vais conclure. Donc, un autre point justement qui était peut-être, justement, intéressant à noter, c'était toute cette question justement que les entreprises qui avaient un siège social à l'extérieur du Québec, à Toronto ou aux États-Unis, semblaient justement mieux réussir la diversification de leurs effectifs. Alors, il y avait également un point qui sortait, là, ici.
En ce qui concerne les recommandations, je vous invite à lire le mémoire que vous avez, et puis, si vous avez des questions sur la chose, je suis prêt à répondre.
Le Président (M. Mercier): Merci, M. Charest, pour cette présentation. En ce qui concerne les mémoires, évidemment tous les collègues ici, parlementaires, ont fait leurs devoirs. Alors, le mémoire est déjà lu.
Alors, tel que le dictent et le commandent les usages en commission parlementaire et la procédure, je suis prêt maintenant à céder la parole à Mme la ministre.
Mme Thériault: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Charest, merci d'être avec nous. Transmettez nos salutations à Mme Chicha. Nous aurions bien aimé l'avoir avec nous, mais vous avez fait un travail extraordinaire. Donc, je ne suis pas du tout inquiète pour la suite des échanges.
Merci pour votre mémoire. Puis ce qui est intéressant, c'est que vous abordez réellement les programmes d'accès à l'égalité à l'emploi, qui ont fait l'objet de nombreuses questions et discussions ici, depuis le début de la commission parlementaire, que ce soit par rapport au travail de la Commission des droits de la personne ou dans sa façon de l'appliquer comme tel, et le peu de résultats qui semblent se dégager.
Vous avez étudié plusieurs cas. Vous avez d'ailleurs fait votre thèse sur ce sujet-là. Donc, ce que j'aimerais entendre de vous peut-être, dans une première partie d'échange, de débat, c'est: Comment on peut corriger les lacunes du système, s'assurer d'aller peut-être plus rapidement?
M. Charest (Éric): Je vous dirais, un premier point qu'il faudrait prendre en considération, c'est peut-être un peu la façon de faire actuellement pour implanter les programmes d'accès à l'égalité. C'est-à-dire, la façon dont on procède actuellement, c'est que, bon, on va faire, comme je vous disais, la question des objectifs quantitatifs, qualitatifs puis on va faire un peu une approche... On va implanter un programme d'accès à l'égalité un peu comme on pose un tapis mur à mur, si on veut, c'est-à-dire on va passer à travers toute l'entreprise, tous les départements, on va regarder toutes les professions, les occupations, etc. Ensuite, on va passer en revue tout le système d'emploi. Le système d'emploi, c'est très complexe, là, on parle aussi bien recrutement, promotion, les avantages sociaux, formation, etc. On va donc tout passer en revue.
Puis évidemment, pour une entreprise, c'est un processus qui peut être excessivement bureaucratique, dans le sens où les entreprises n'ont pas... Lorsqu'on regarde la façon dont les entreprises font le changement organisationnel, ce n'est pas comme ça que les entreprises procèdent de manière générale. Elles vont davantage y aller par expérience pilote. Ensuite, on va vraiment regarder, on va faire une évaluation du pilote, voir comment ça se passe. Puis par la suite on va peut-être implanter dans d'autres départements, etc. Donc, c'est probablement problématique si on essaie justement de demander à une entreprise de tout changer, dans un délai même parfois assez court, l'ensemble de ses façons de faire, l'ensemble de ses procédures puis qu'on impose des objectifs quantitatifs pour l'ensemble des occupations de l'entreprise où la sous-utilisation est détectée.
Donc, c'est probablement cette lourdeur-là qui est problématique pour les entreprises. Puis d'ailleurs la majorité des entreprises qu'on a rencontrées, c'est toujours le premier élément de critique qui ressort, c'est cette idée-là. Donc, probablement que, si on veut que les programmes soient plus efficaces, il faut adapter notre façon de faire à la façon dont procèdent les entreprises. Donc, je crois que c'est un élément, là, primordial à prendre en considération, cette idée-là. Bon, ça, c'est probablement le premier élément.
Le deuxième élément, c'est toute cette idée justement de sensibiliser les employeurs à la chose. Comme on sait que le premier facteur qui vient jouer, c'est l'implication de la haute direction, bien on a un devoir immédiat de sensibiliser les gens, sensibiliser les gestionnaires à la chose. Donc ça, c'est probablement un deuxième point, là, sur lequel on peut agir.
Également, bon, il y a toute cette idée... Comme, de plus en plus, on s'aperçoit que les entreprises qui parviennent à diversifier leur main-d'oeuvre obtiennent des avantages concrets, des avantages monétaires concrets, que ce soit en améliorant leurs façons de faire, que ce soit, comme je vous disais, avec des équipes de travail plus efficaces, qui prennent en considération plus de points de vue, avec des entreprises qui sont plus représentatives de la société québécoise... donc possibilité justement de maximiser les profits pour ces entreprises-là. Donc, je veux dire, c'est sûr que notre objectif de base, c'est l'égalité d'emploi. Ceci étant dit, si on peut soumettre aux entreprises des avantages concrets commerciaux à le faire pour obtenir justement l'égalité d'emploi, bien là on quand même quelque chose de... on a quand même, peut-être, une recette gagnante, là, qui commence à se profiler, là.
Mme Thériault: Parfait. Merci. On reviendra.
Le Président (M. Mercier): Merci, Mme la ministre. Alors, j'en comprends évidemment que je cède maintenant la parole à l'opposition officielle et à sa porte-parole, Mme la députée de... Laurier-Dorion ? excusez-moi, Mme la députée. Allez-y, la parole est à vous.
Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. M. Charest, bonjour. Je vous remercie d'être ici, avec nous, ce matin, parce que vous apportez évidemment, de par le bagage académique que vous portez, une lumière sur nos travaux.
Et je voulais juste revenir à la base, là, pour peut-être le bénéfice, là, des gens qui nous écoutent, qui suivent la commission, parce que, les programmes d'accès à l'égalité, on en a parlé beaucoup, mais juste spécifier ? vous l'expliquez bien, là, rapidement à la page 5 ? que dans le fond les programmes... le gouvernement du Québec... Bon, il y a une modification ? ça a été adopté en 1980; une modification ? en 1987, qui dit que le gouvernement du Québec a adopté le programme des obligations contractuelles, sur lequel nous nous attarderons ? puis je tiens juste à le dire parce que c'est de ça qu'on discute ? et qui oblige toutes les entreprises de 100 employés et plus recevant un contrat gouvernemental ou une subvention de 100 000 $ et plus à instaurer un programme d'accès à l'égalité. Donc, c'était juste pour les gens qui suivent nos travaux, dans le fond pour bien comprendre de quoi il en retourne.
J'aimerais qu'on s'attarde sur vos recommandations. Vous avez déjà entamé la discussion avec la ministre. Donc, les constats, on les connaît. On a plus ou moins les statistiques par rapport au succès ? ou on devrait dire peut-être insuccès ? du programme. Je pense que les intentions du législateur sont bonnes, dans le sens où, bon, l'objectif est qu'on réussisse à recruter au sein des entreprises. Mais j'aimerais savoir... Bon, vous avez dit: Il y a tout l'aspect, bon, de sensibiliser les entreprises, les employeurs, la haute direction, mais en même temps qu'est-ce qui fait que la politique... Parce que, bon, vous, vous avez parlé des mesures de suivi. En fait, c'est la reddition de comptes, j'ai l'impression, qui porte aussi... qui cause problème, parce que, s'il y avait des mesures, je ne sais pas, contraignantes, s'il y avait des pénalités, notamment... Bon, on parle ici de subventions du gouvernement, est-ce que ces subventions-là sont reconduites automatiquement et donc... Bien, en tout cas, c'est sûr, c'est réévalué, mais ce que je veux dire, c'est: Qu'on ait l'atteinte ou pas des objectifs est-ce que ça change quelque chose pour la relation entreprise-gouvernement?
Bref, quant à vous, qu'est-ce qu'on devrait modifier dans cette politique-là? Parce que, moi, je pense qu'on doit modifier quelque chose, parce qu'on a bien beau se dire: Il faut se sensibiliser mutuellement, tout le monde, mais en quelque part, la vie étant ce qu'elle est, puis ça, c'est dans tous les domaines, bien le train-train finit souvent par nous rattraper, puis, avec les meilleures volontés du monde, ce n'est souvent pas assez pour arriver aux objectifs.
n
(11 h 30)
n
Donc, qu'est-ce qu'on pourrait modifier pour s'assurer que l'on atteigne les objectifs? Est-ce qu'on doit avoir des mesures contraignantes? Est-ce qu'il doit y avoir certains bonus, pénalités? Du fait de faire un bilan annuel des résultats des entreprises qui ont des PAE avec les entreprises, est-ce que ça... Je pense que ça, ce serait d'abord une première étape, là, d'être capables, à chaque année, d'évaluer les résultats. C'est sûr qu'au moins on pourrait prendre conscience, tout le monde, bien de nos succès ou de nos échecs. Ce serait déjà une chose. Mais en même temps il y a la responsabilité du gouvernement, qui fait affaire avec ces entreprises-là, de s'assurer dans le fond que ces entreprises sont de bons citoyens, bien agissent à titre de bons citoyens. Et donc vous connaissez bien toute la dynamique. Quelles seraient les modifications qu'on pourrait faire du point de vue du législateur?
Le Président (M. Mercier): ...question, M. Charest, allez-y.
M. Charest (Éric): Oui. Il y a tout un ensemble de choses justement qu'on pourrait faire, qu'on pourrait ajouter, là, pour répondre justement à votre question. Bon, évidemment, le premier point, je crois, qu'on doit mentionner, c'est toute la question de la confidentialité, dans le sens où actuellement, la façon dont la politique est faite, bon nous n'avons pas suffisamment de données. Enfin, les données sur la progression dans les entreprises sont confidentielles, donc même le législateur ne peut pas connaître justement les niveaux d'avancement dans les entreprises. Donc, évidemment, le simple fait de pouvoir lever le voile, au moins en partie, sur la chose, ça pourrait nous donner des arguments de poids justement pour voir si les entreprises qui reçoivent les contrats ou les subventions du gouvernement sont, pour reprendre votre expression, de bons citoyens corporatifs. Donc, je crois que c'est un élément, là, qui est essentiel.
Un autre élément qu'on doit prendre en considération aussi et puis qui a été très efficace dans le contexte américain... Bon, pour avoir discuté avec des collègues qui travaillent ? des collègues américains ? sur la question de l'action positive aux États-Unis, un facteur qui est très efficace, qu'on le veuille ou non, c'est la coercition. Dans la mesure où les entreprises savent qu'il y a la possibilité concrète qu'elles perdent des contrats gouvernementaux, il y a probablement un facteur qui les incite davantage justement à respecter l'obligation en question. Donc, je crois que ça, c'est également un élément essentiel: pouvoir revoir l'aspect coercition, revoir l'aspect justement confidentialité des résultats de façon à ce que le gouvernement puisse avoir justement... Ce sont des entreprises qui ont l'argent des contribuables, donc je crois qu'il est raisonnable pour nous de pouvoir faire un suivi sur ces entreprises-là, un suivi concret sur comment les choses avancent dans ces entreprises-là. Donc ça, ce sont les deux aspects davantage législatifs.
Maintenant, un autre élément... Bon, c'est sûr, j'ai beaucoup mis l'accent sur le côté de l'employeur, mais bon un élément qui est également décrit dans le mémoire puis, je crois, qui est essentiel, c'est cette idée justement d'avoir... Pour régler un problème de discrimination systémique, on a besoin d'avoir tout un ensemble d'acteurs qui agissent ensemble puis qui font chacun leur bout de chemin, si on veut. Donc, oui, l'employeur a un rôle important à jouer, oui, l'État a un rôle également très important à jouer, mais on a également besoin justement de l'expertise de la commission, puis donc il faut donner les moyens à la commission pour faire un suivi des entreprises, pour leur permettre justement de faire un suivi des entreprises et leur donner justement des exemples de bonne pratique. Parce qu'encore là, pour revenir à ce que je disais un peu plus tôt, ça peut être très intimidant pour les entreprises de changer toutes leurs façons de faire, etc. Donc, il y a cet aspect-là.
Il y a également tout l'aspect... le secteur associatif, qui sont sur le terrain, et puis, dans le secteur associatif, nous avons plusieurs personnes qui sont là pour développer l'employabilité des personnes et puis qui ont vraiment une expertise de terrain. Mais il faut aller les consulter, il faut aller chercher ces personnes-là également. Donc, toute cette idée justement, encore là: concertation, l'importance essentielle de la chose.
Mme Lefebvre: C'est vraiment intéressant, ce que vous dites. Puis bon les deux aspects que vous apportiez au début par rapport au fait... Bon, la confidentialité, c'est sûr que bon une entreprise qui va être compétitive doit quand même garder un certain secret, ou je ne sais trop, bon sur ce qui se passe à l'interne, mais en même temps il y a quand même un minimum d'information, je pense, qui pourrait être dévoilée, qui permettrait d'assurer au gouvernement un meilleur suivi. Puis je pense également qu'il va falloir y aller avec certaines mesures de coercition. Parce qu'initialement je me disais: Bon, peut-être qu'il n'y a pas assez d'entreprises qui participent au programme, donc on devrait étendre le programme. Puis là en même temps c'est de se dire: Bon, bien là, il y a déjà un bassin d'entreprises qui participent, puis ça ne fonctionne pas. Concentrons-nous sur celles-là d'abord, dans un premier temps, puis ensuite de ça, bien, on pourra voir à élargir.
Puis l'autre problème évidemment ? puis vous l'avez soulevé, puis presque tous les groupes l'ont soulevé également ? c'est la représentativité au sein de la fonction publique. C'est sûr que le gouvernement, en tant qu'employeur, doit montrer l'exemple. Ça devient un peu difficile à justifier d'exercer certaines mesures coercitives envers les entreprises indépendantes quand, soi-même, on ne respecte pas finalement les objectifs d'embauche. Donc ça, disons que bien c'est un double problème, mais je pense qu'il y a actuellement une priorité qui est mise là-dessus, puis bon, juste le fait qu'il y ait cette commission-ci, puis qu'on en discute, puis toute la question également ? bon il y aura un groupe de travail sur l'accommodement raisonnable... bref, tout l'espace qui est réservé finalement aux personnes immigrantes et minorités visibles, je pense que le débat est vraiment ? même si on y travaille depuis très longtemps, tu sais, on le voit, depuis 1980, ce programme a été mis en oeuvre, donc... mais je pense qu'on est dans un moment propice de revoir nos pratiques, que ce soit au sein de la fonction publique puis face aux entreprises.
J'aimerais poursuivre dans vos recommandations parce que c'est l'aspect que vous n'avez pas eu le temps d'aborder lors de votre présentation. Vous parlez, à la page 12, de mettre en application les PAE par étapes afin de les adapter à la réalité de chaque entreprise. J'aimerais que vous puissiez détailler davantage. Vous en avez parlé un peu, mais j'aimerais que vous alliez plus au fond des choses, sur cette proposition.
M. Charest (Éric): Oui. Bien, c'est toute cette question, un peu comme je disais justement dans la présentation, la... Bon, lorsqu'on se présente dans une entreprise puis qu'on lui demande de faire justement un changement organisationnel, il faut qu'on soit capable de présenter une façon de faire qui soit cohérente avec les façons de faire des entreprises. Bon, si je me mets dans la peau de n'importe quel employeur du Québec puis qu'on me demande, du jour au lendemain, de tout changer dans toutes mes façons de faire, dans toutes mes pratiques de gestion, qu'elles soient bonnes ou mauvaises... On ne peut pas tout changer d'un coup. Donc, c'est toute cette idée justement, être capable d'y aller département par département ou du moins être capable de focaliser sur certains groupes d'employés, par exemple sur certaines occupations où on voit vraiment des problèmes de représentation importants puis se dire: On va commencer par ça. Puis, lorsqu'on a justement des expériences positives dans les entreprises, déjà là c'est un facteur qui peut inciter par la suite à amener le changement dans d'autres départements, dans d'autres secteurs de l'entreprise.
Donc, c'est cette idée, là, un peu d'expérience positive, surtout si on considère le fait que bon, parmi les entreprises qu'on a investiguées, il y en a plusieurs qui avaient des représentations très, très faibles, générales, de personnes membres des minorités visibles. Donc, si on prend toutes les occupations, on avait des représentations qui étaient très minimes. Puis là on parle surtout des entreprises dans la région montréalaise où se concentrent la plupart des personnes membres des minorités visibles. Donc, si ces entreprises-là partent de zéro puis qu'on leur demande d'arriver à x demain, ce n'est pas nécessairement évident.
Donc, être capable justement d'y aller peut-être par départements ou par groupes d'occupation, être capable de faire entrer des noyaux durs d'individus, un certain groupe d'individus, non pas juste une personne à la fois... Parce que bon il faut comprendre que, si on demande à une seule personne d'entrer dans l'entreprise... C'est loin d'être évident, d'y aller une personne à la fois. Pensons, par exemple, aux chauffeurs d'autobus de la région de Montréal. Lorsqu'on a commencé à vouloir diversifier les effectifs, on s'est dit: On ne va pas prendre une femme à la fois comme chauffeur d'autobus. Cette pauvre femme là, elle va être entourée par des milliers d'hommes. Ça va être la fin de sa carrière. Donc, il faut y aller par petits groupes, puis c'est un peu comme ça qu'on va réussir à instaurer le changement.
Puis, par le fait justement de développer des expériences positives dans l'entreprise, les gens qui n'avaient peut-être aucune forme de contact auparavant maintenant vont être en contact avec des groupes d'individus et puis ils vont pouvoir justement combattre, entre guillemets, là, si on veut, leurs images préconçues, leurs stéréotypes qu'ils peuvent avoir par rapport aux individus de certains groupes. Donc, c'est un peu, là, à ce niveau-là, je crois qu'il faut comprendre la chose.
Le Président (M. Mercier): Il vous reste une minute, Mme la députée.
Mme Lefebvre: Ah, déjà? Sur le 15 minutes?
Le Président (M. Mercier): Déjà. Ça passe très vite.
n
(11 h 40)
n
Mme Lefebvre: Bien, juste en terminant donc, si je comprends bien, je veux dire, il y a une entente qui se fait entre une entreprise puis le gouvernement, un contrat est signé. Est-ce que les objectifs diffèrent d'entreprise en entreprise? Puis ça, est-ce que ça dépend du type d'entreprise, dans quel domaine ils oeuvrent et de la taille, finalement? Et donc ces objectifs-là, comment ils sont quantifiés? Et... Ça m'échappe, la deuxième question que j'avais pour vous. Mais donc comment sont quantifiés les objectifs? Puis ensuite de ça... Ah oui! c'est ça! C'est que donc on signe un contrat puis ensuite c'est fini?
Le Président (M. Mercier): Très, très brièvement, M. Charest, réponse.
M. Charest (Éric): Bon. Peut-être juste sur les objectifs quantitatifs, rapidement. C'est un processus qui est hautement individualisé, évidemment. Donc, on regarde dans votre zone de recrutement. Vous êtes employeur x. Voici votre zone de recrutement. Vous êtes dans la région montréalaise, par exemple. Quelles sont les occupations que vous avez dans l'entreprise? Donc, vous avez différentes formes d'ingénieurs de ci, de ça. Donc, on vous demande de faire une analyse à l'interne ? quelle est la composition de vos effectifs donc ? avec des questionnaires d'auto-identification des employés. Par la suite, on regarde dans votre zone de recrutement qu'est-ce qu'on a sur le marché. Donc, en se basant sur les données de Stats Can, de Statistique Canada, donc on sait le nombre de personnes qui ont les compétences x, on sait leurs caractéristiques sociodémographiques. Donc, on fait le différentiel entre les deux: qu'est-ce qu'il y a sur le marché, qu'est-ce que vous avez dans l'entreprise, puis c'est comme ça qu'on décrit les objectifs.
Le Président (M. Mercier): Merci, M. Charest.
Mme Lefebvre: Dernière question.
Le Président (M. Mercier): Très rapidement. Très, très, très rapidement.
Mme Lefebvre: Donc, une fois que le contrat est signé? Une fois que le contrat est signé?
M. Charest (Éric): Une fois que le contrat est signé, c'est un peu, là, ce qu'on disait tout à l'heure, dans le sens où le suivi est très limité parce qu'on n'a pas les données, on ne sait pas qu'est-ce qui va se produire par la suite.
Le Président (M. Mercier): D'accord. Merci. Alors, compte tenu que j'ai cédé une minute de plus à l'opposition officielle, vous me permettrez peut-être de faire la même chose pour le côté ministériel. Alors, Mme la députée de Nelligan, je vous cède la parole pour un temps de 9 min 30 s.
Mme James: Merci, M. le Président. Vous aurez peut-être l'occasion, dans le cadre de mes questions, de répondre à d'autres interrogations qu'aurait la députée de Laurier-Dorion. Moi, dans un premier temps, à mon tour de vous remercier pour votre présence et surtout de votre mémoire. Quand qu'on veut entamer une consultation puis aboutir à une politique, je pense que c'est important d'avoir l'input des chercheurs, compte tenu du fait qu'on veut partir d'une bonne base, de bien expliquer les choses par rapport à la façon qu'on fonctionne et de vouloir bien regarder différentes solutions par rapport à des modifications systémiques qu'on a besoin de faire dans une situation, comme tel.
La ministre le disait tantôt, également, dans le cadre de cette consultation-là, je peux vous dire qu'on a eu la chance de parler beaucoup de la question d'emploi, et les interrogations que les gens ont... c'est sûr qu'on va toujours nous parler de la question d'efficacité puis nous parler du fait que, malgré le fait qu'on a ces programmes-là et plusieurs étapes en place, on ne bouge pas assez vite, puis certainement les résultats ne sont pas au rendez-vous.
Qu'allons-nous faire pour changer ça? Ma première question, je vais vous laisser ça assez large parce que le temps va filer rapidement, puis je suis sûre que le Président n'hésitera pas à m'appeler à l'ordre à ce niveau-là, mais, lorsque vous parlez des quatre moyens, les quatre moyens: qu'un programme d'accès à l'emploi puisse être mis en place et que... Vous avez parlé et échangé avec la députée de Laurier-Dorion sur la question des contrats puis un suivi qui doit être fait. Vous avez également évoqué l'importance de la culture corporative. Ça, c'est quelque chose qui évolue beaucoup.
Quand qu'on veut entamer une possible modification législative par rapport à un programme ou le mandat de la commission, on sait que ce n'est pas quelque chose qui se fait à chaque année puis, malgré le fait que la volonté législative est là, on veut s'assurer que ça fonctionne. Comment allons-nous, dans notre démarche en tant que législateurs puis dans nos fonctions, s'assurer qu'en partant on va être capables de faire en sorte qu'on va arrimer la volonté du gouvernement et de la société en général à la culture entrepreneuriale au Québec? Vous avez parlé d'avantages commerciaux. Parce que je mets... Mettons, demain matin ? peut-être pas demain matin ? je suis chef d'entreprise. Moi, je pense que c'est le cas pour tout le monde: à la fin de tout, là, on veut s'assurer qu'on fasse de l'argent. Comment est-ce qu'on va arrimer tout ça tout en tenant compte des problématiques avec lesquelles on fait face avec nos programmes?
Le Président (M. Mercier): Alors, M. Charest, la parole est à vous.
M. Charest (Éric): Écoutez, toute cette question-là justement d'assurer un arrimage entre notre volonté d'égalité et puis un peu la culture corporative, pour reprendre vos mots, c'est toute cette idée... On parle souvent de toute cette question des pénuries des compétences, etc. Un thème qui commence à être de... qui est très présent aussi, c'est toute la question du «brain drain» depuis longtemps maintenant, la non-reconnaissance des qualifications des individus, des processus à ce niveau-là. Dans la mesure où on s'aperçoit concrètement qu'on a des pénuries de compétence mais qu'on est capricieux, entre guillemets, sur les gens qu'on accepte de prendre dans notre entreprise, il y a un coût à tout ça, dans le sens où pour les entreprises, plus le temps va passer, plus le coût de la discrimination va être élevé. Le coût de refuser certaines candidatures ou de rester dans certains bassins plutôt fermés d'individus puis de ne pas aller considérer les autres bassins de compétence, il y a un coût à ça. Puis, plus le temps va passer au Québec ? bon, ce n'est pas uniquement le cas du Québec, mais plus le temps va passer ? plus ce coût-là va devenir important parce que notre bassin traditionnel, entre guillemets, lui, il va en rétrécissant. Donc ça, c'est un peu le problème auquel on fait face.
Évidemment, le futur, ça se prépare dès maintenant, dans le sens où, si les entreprises veulent pouvoir justement répondre aux pénuries de compétence demain, c'est maintenant qu'on doit commencer à faire les changements organisationnels qui s'imposent pour pouvoir préparer ça, pour pouvoir préparer demain. Donc, il y a toute cette idée-là qu'on doit prendre en considération. Alors, lorsqu'on parle justement d'un arrimage, c'est toute cette idée justement que, concrètement, monétairement parlant, il y a un coût à toujours choisir les mêmes individus. Puis, lorsqu'on parle d'efficacité, est-ce que nous avons les entreprises les plus efficaces si on ne considère pas l'ensemble des personnes de la société québécoise pour les postes? Donc, si on se dit qu'on veut toujours avoir les personnes les plus compétentes, les plus efficaces, si on laisse de côté certains groupes d'individus en fonction de caractéristiques sociales ou démographiques, je veux dire, est-ce qu'on peut vraiment dire que c'est ce qu'on a fait concrètement? Est-ce qu'on a vraiment été choisir les plus efficaces, les plus compétents, puisqu'on en a négligé tout un groupe à la base?
Donc, lorsque je parle d'avantage monétaire concret, là, au plancher, je crois qu'on a peut-être un élément de réponse, là, ici, concrètement. Donc, c'est peut-être dès à présent... Puis bon, en réalité, «dès à présent», c'était peut-être il y a 20 ans qu'on aurait dû commencer vraiment ? bien c'est ce qu'on a tenté de faire il y a 20 ans par ailleurs ? donc justement à instaurer, là, les changements qui s'imposent.
Mme James: Je comprends de votre intervention l'importance d'assurer qu'on a ces mesures coercitives pour arriver à ça, mais c'est sûr que ça doit être composé avec des mesures de sensibilisation pour s'assurer qu'on soit là, tout en disant qu'il faut aller assez rapidement. C'est un défi, tout un défi qu'on a devant nous, collectivement.
Mais je voulais surtout prendre l'opportunité de vous poser des questions par rapport à ce qui se passe ailleurs. Vous avez mentionné, dans votre mémoire, les conseils de la diversité des entreprises à Toronto. Est-ce qu'on peut s'inspirer de ce qui se passe là-bas? Est-ce que vous pouvez nous en parler?
M. Charest (Éric): Oui. Bon, lorsqu'on parle des conseils de la diversité, les conseils de la diversité, bon on en a eu, par exemple, pour les personnes handicapées, on en a pour différents groupes d'individus, là, dans la société. C'est cette idée que vous êtes une entreprise; vous avez des personnes membres des minorités visibles, entre autres, dans votre entreprise, vous avez des personnes qui viennent de différentes cultures, des personnes issues de l'immigration, etc., donc, plutôt que d'aller... On doit aller chercher aussi les opinions à l'externe, mais pourquoi ne pas également demander aux gens qu'on a ? bon, c'est moins coûteux concrètement; pourquoi ne pas demander aux gens ? qui sont déjà chez nous, dans l'entreprise, quels sont nos défis particuliers? Parce que bon ce sont souvent nos interlocuteurs de choix, dans le sens où les barrières, le plafond de verre ou peu importent les barrières précises que ces personnes-là ont pu rencontrer dans leur carrière... je veux dire, ce sont probablement les personnes les plus aptes à nous en parler. Donc, si on a des individus dans notre entreprise qui sont membres des minorités visibles, issus de l'immigration, peu importe, je veux dire, il faut que l'entreprise soit capable d'aller chercher les opinions de ces personnes-là. Donc, on crée des conseils de la diversité.
Puis ce sont des pratiques qu'on commence à voir de plus en plus. Aux États-Unis, on a eu beaucoup d'expériences à ce sujet-là. On commence à le voir également pas mal dans le Canada anglais, dans les grandes banques canadiennes, justement pour essayer de... Parce que bon rappelez-vous que, dans le programme d'accès à l'égalité, on parlait justement des objectifs qualitatifs, donc toutes les pratiques, etc., qui peuvent être des obstacles. Bien là, si on crée des conseils de la diversité dans l'entreprise, ces personnes-là justement sont des interlocuteurs de choix pour nous permettre d'identifier quels peuvent être les problèmes concrets, là, dans l'entreprise, dans nos systèmes de gestion, par exemple. Et puis ce que la littérature nous apprend sur la chose, c'est qu'en réalité c'est plutôt efficace. Donc, demander aux individus quels sont les problèmes, c'est généralement la meilleure façon de faire.
n
(11 h 50)
n
Le Président (M. Mercier): 30 secondes, Mme la députée, pour conclure.
Mme James: Il reste 30 secondes? Je souhaitais juste savoir: Lorsque vous avez consulté les entreprises pour vos travaux, est-ce que vous avez consulté des entreprises en région? Puis quelles sont brièvement les différences que vous avez constatées par rapport à eux? Et si vous avez des propositions qu'on peut mettre en place à l'égard des entreprises en région.
Le Président (M. Mercier): Très rapidement, M. Charest. 15 secondes.
M. Charest (Éric): En 15 secondes. Lors de la seconde étude de 2005, on s'est concentrés sur la région montréalaise, dans un premier temps, qui était justement la région où se concentrent les populations issues de l'immigration et les personnes membres des minorités visibles. Donc, pour ce qui est de l'étude de 2005, je ne pourrais malheureusement pas vous faire un comparatif entre les régions et puis Montréal.
Mme James: Merci.
Le Président (M. Mercier): Alors, ceci conclut la période d'échange. Je tiens à remercier l'École des relations industrielles, Université de Montréal, et son représentant, M. Éric Charest, doctorant.
J'invite maintenant le Centre d'aide à la réussite et au développement à venir prendre place et je suspends pour quelques minutes les travaux.
(Suspension de la séance à 11 h 51)
(Reprise à 11 h 55)
Le Président (M. Brodeur): Donc, nous allons continuer nos travaux en recevant le Centre d'aide à la réussite et au développement. Donc, bienvenue en commission parlementaire. Je vous explique brièvement la règle, puisque nous avons un peu de retard. Vous avez un temps maximal de 15 minutes pour présenter votre mémoire, et ce sera suivi d'une période d'échange avec les membres de la commission. Donc, la parole est immédiatement à vous, en vous demandant, pour le bénéfice du Journal des débats, de vous identifier tout d'abord.
Centre d'aide à la réussite
et au développement (CARD)
Mme Kadima Ouamabia (Claudia Olga): Merci, M. le Président. Bonjour, Mmes et MM. les députés, toutes les personnes présentes dans la salle. Mon nom est Claudia Olga Kadima, fondatrice et coordonnatrice du Centre d'aide à la réussite et au développement, CARD, et, à ma droite, M. Jacques Jourdain, membre du conseil d'administration et chargé de cours en sciences politiques à l'Université du Québec à Montréal.
Alors, pour nous situer un peu, juste brièvement, on aimerait premièrement, je dirais, saluer l'initiative et la volonté du gouvernement de vouloir se doter de cette politique de lutte contre le racisme et la discrimination. Pour commencer, en fait j'aimerais faire comme juste une petite introduction sur CARD. Comme le nom le dit, le Centre d'aide à la réussite et au développement, nous, on veut vraiment travailler à la réussite et au développement mais principalement des jeunes et de façon générale les jeunes mais principalement les jeunes immigrants et des communautés culturelles. Mais il y a aussi que, pour aider les jeunes, on ne peut pas travailler avec les jeunes seulement. Donc, à CARD, c'est vraiment important pour nous de créer une dynamique avec les parents dans le processus de soutien aux jeunes.
Comme vous le savez, par rapport... Dans le cadre de cette commission, on parle d'une politique de lutte contre le racisme et la discrimination. Et, nous, à CARD, dans notre mémoire, on a beaucoup développé la question de l'éducation. Il y a beaucoup de personnes qui sont parlé avec beaucoup de recommandations, mais nous pensons que toutes ces recommandations ne peuvent avoir place que par l'éducation des citoyens. Évidemment, on pense aux jeunes premièrement parce que c'est notre clientèle cible, principalement parce que la jeunesse, c'est l'avenir de demain, et on pense que c'est important de travailler aussi bien avec les adultes qu'avec les jeunes. Et, quand on parle des jeunes, à CARD, on a ciblé les 10-24 ans. On pense que c'est vraiment important de travailler aussi avec les enfants déjà à partir de l'école primaire et voire même l'école maternelle.
De manière générale, vous le savez certainement, les jeunes vont vivre beaucoup de difficultés, et ces difficultés-là aussi vont être des obstacles à leur réussite parce que généralement ça va favoriser des malaises en eux, ça va freiner leur épanouissement, ça va freiner leur bien-être. Et pourtant ces éléments-là sont indispensables à leur réussite et au développement de leur plein potentiel. Ajoutez à ces difficultés-là... De façon générale, les jeunes des communautés culturelles ou les jeunes immigrants, plus ces difficultés, font face à d'autres difficultés, à savoir la discrimination, le racisme et l'exclusion auxquels ils font face. Et, comme on pense que la jeunesse est la relève de demain, tout de suite on peut voir que cette relève ou cet avenir nous semble très fragile, en ce sens que déjà, à partir de là, il y a beaucoup de préjugés, beaucoup de stéréotypes, beaucoup d'inégalités même qui animent cette jeunesse.
Alors, comment développer des outils pour vraiment outiller ces jeunes? Principalement, pour les jeunes immigrants, en parlant de l'éducation interculturelle. À CARD, on pense que c'est important d'éduquer de façon générale la société ? on en a parlé dans le mémoire ? mais aussi comment développer les moyens d'éduquer les personnes immigrantes aussi? Parce que j'ai entendu plusieurs personnes parler, et plusieurs actions qui vont se faire à caractère interculturel, généralement ça va être beaucoup plus des personnes immigrantes ou des personnes de communautés culturelles qui vont être comme plus à l'action, développer des activités. Mais comment aussi, pour les personnes immigrantes, on peut développer des actions pour les éduquer, pour favoriser leur intégration?
n
(12 heures)
n
Parce que ces parents qui ont le rôle d'éducateur de leur enfant vivent tellement de difficultés, ces sentiments de racisme, d'exclusion qu'ils ont vécus ont eu à développer en eux beaucoup de comportements et même une certaine mentalité, je dirais, une certaine culture qu'eux peuvent transmettre à leurs enfants. C'est ainsi qu'on peut voir, auprès d'un jeune immigrant, par exemple, qui va avoir des visions de grandeur, devenir, je ne sais pas, médecin, ingénieur, et parfois ce n'est pas nécessairement d'abord la société qui va commencer à être un obstacle pour ce jeune-là, mais premièrement son environnement. Tu sais, dans cette société, les personnes... Je vais, par exemple, prendre des personnes noires. Les personnes noires: Qu'est-ce que tu crois, un médecin noir? Je ne pense pas que ça va être possible. Tu es en train de rêver. C'est des leurres. Tout de suite, déjà, pour ces parents, pour avoir vécu toutes ces difficultés-là, quoique l'enfant soit né ici, quoique l'enfant soit un citoyen québécois... mais déjà, dans son environnement, il n'a pas ce soutien-là, cet appui-là. C'est ainsi qu'à CARD, nous, on pense que c'est vraiment important de travailler aussi avec... d'éduquer les parents, et on pense que l'éducation des enfants passe aussi par les... l'intégration, je voulais dire, des enfants passe aussi par l'intégration des parents.
Alors, comment développer des actions? On en a parlé dans les recommandations: on a parlé d'une vraie politique éducation interculturelle, et là on pensait dans des écoles, dans des universités, dans les paliers du gouvernement, je dirais dans toute la société, parce que c'est vraiment quelque chose où on devrait vraiment tous travailler ensemble. C'est vrai que l'intégration, pour qu'elle soit réussie, il faut que la personne se sente vraiment intégrée dans le groupe, il faut qu'on sente une certaine ouverture dans le groupe, mais ça se joue dans deux sens. C'est vrai que la personne immigrante, elle, elle a sa part à jouer, mais comment le gouvernement... ce n'est pas juste un problème du gouvernement, mais tous les citoyens de la société doivent favoriser cette intégration-là.
L'intégration est une chose qui précède la citoyenneté. Je parle de citoyenneté ici pas nécessairement comme une personne qui soit née ici ou une personne qui puisse détenir un passeport canadien, par exemple, mais, quoique tu sois né ici... Je travaille avec ces jeunes-là, étant nés ici et ayant, par exemple, la nationalité canadienne, ils ne se sentent pas pour autant citoyens canadiens, parce que leur intégration n'a pas été favorisée et ils ne vivent pas cette intégration-là. Alors, c'est vraiment important, déjà à partir des écoles, développer des actions favorisant vraiment cette ouverture-là, sensibiliser le personnel enseignant. De plus en plus... Là, je veux même saluer tout le travail que la commission scolaire de Montréal a eu à faire par rapport à sa politique d'éducation interculturelle, mais ils ont aussi vu que c'était important que le personnel enseignant, par exemple... le personnel de soutien administratif puisse également refléter la réalité des salles de classe, comment non seulement les sensibiliser à ça, mais qu'ils en soient conscients. Les personnes qui travaillent avec les jeunes, des intervenants, comment leur faire prendre conscience de cette problématique-là. C'est vraiment un problème... le problème d'intégration, que ces intervenants puissent transcender le côté choc culturel que pourraient vivre les personnes immigrantes ? ça, on en sait, on en parle, on sait qu'une personne, quand elle change de pays, de culture, il y a ce problème de choc là. Mais, vu qu'il y a une incompatibilité ou, je vais dire, un décalage dans la compréhension, dans la compréhension du sens des systèmes des valeurs entre l'intervenant et la personne immigrante, alors de là toute l'importance d'éduquer, de former ces intervenants aussi.
On parlait tantôt, mon collègue, la personne qui a précédé a parlé de l'importance de préparer l'avenir, et là il a beaucoup parlé du point de vue des employeurs, comment éduquer aussi les employeurs à cette réalité interculturelle de notre société. C'est vrai que je sais qu'il y a beaucoup de programmes au niveau du gouvernement, que ce soit le programme PRIIME... Il y a plein de programmes pour soutenir les personnes immigrantes pour leur expérience de travail, et même la reconnaissance des diplômes qui se fait, les équivalences, mais jusqu'à quel point... quel est le suivi qui se fait pour les employeurs pour qu'ils soient sensibilisés à ça, au sein même de l'équipe de travail, sensibiliser les employés à cette réalité-là? Parce qu'à CARD nous pensons que le bien-être, l'équilibre de la personne va contribuer à sa productivité, à sa réussite, à son succès, soit-elle aux études ou en milieu de travail. Donc, c'est vraiment important.
Et nous avons développé, à CARD, beaucoup d'activités, parce que les thématiques entourant la discrimination, le racisme ne sont plus étrangères en fait auprès de la population aujourd'hui. Je travaille avec les jeunes; j'ai fait des activités avec des jeunes pendant la Semaine québécoise des rencontres interculturelles. Les jeunes de 7-10 ans, ils pouvaient me définir c'est quoi, l'intégration: c'est s'intégrer, donc se sentir intégré et être accepté, que les autres soient ouverts. C'est un enfant de huit ans qui me parle de ça. C'est quoi, le racisme? L'enfant est capable de te le dire. Mais, vu que c'est vraiment tellement connu, popularisé, comment on peut transcender l'approche qui, jusqu'ici, a été mise pour aller éduquer, sensibiliser la population à cette réalité? On est vraiment en droit de se poser... et de reconnaître que le problème existe. Mais quelles sont les techniques que nous utilisons pour aller vraiment éduquer la population à cette problématique-là, que ce ne soient pas seulement des ateliers, des conférences, des tables rondes qui informent ou qui sensibilisent la population à cette réalité qu'elle connaît déjà? Mais comment, par ces actions, arriver à une prise de conscience, une responsabilisation de la population, un changement de mentalité?
C'est vrai que ce n'est pas évident de changer les mentalités des gens, mais nous pensons qu'avec des petits groupes cela est possible et faisable. Parce qu'à CARD nous organisons beaucoup d'activités dans des écoles, les maisons des jeunes, les organismes d'insertion professionnelle, les formations avec des intervenants en interculturel, en développant une approche d'action commune, et à la fin on peut voir les résultats. On a des fiches d'évaluation, des commentaires qu'on reçoit des participants, des responsables de ces organismes qui évaluent le travail fait, et eux-mêmes, ils peuvent, jour après jour, vivre ces changements. Pour exemple, on a donné une activité à Longueuil où, à la fin de l'atelier, un enfant entre 10 et 11 ans qui disait: J'ai finalement compris qu'être raciste envers l'autre, c'est être raciste envers moi-même. C'étaient juste quelques minutes pendant l'atelier, pendant le retour de l'atelier. D'autres commentaires qu'on a reçus des responsables d'organismes: On a vu qu'après votre passage les jeunes, tout de suite pendant les pauses, ils s'asseyaient par affinité, soit ethnique, mais maintenant c'est vraiment l'esprit de cohésion, c'est le groupe. On doit penser à faire des trucs interculturels, ce serait vraiment intéressant.
Alors, on a essayé de développer l'approche de CARD dans le mémoire. C'est vraiment une approche qu'on recommande, parce qu'on a quand même des fiches d'évaluation, et c'est vraiment... De plus en plus, en fait, on pense que c'est important de faire prendre conscience aux personnes, leur faire vivre, leur faire prendre conscience des conséquences que ces personnes peuvent subir après avoir subi le racisme, la discrimination ou l'exclusion. De façon générale, chaque personne, soit-elle immigrante, noire ou non, a déjà vécu probablement un acte de racisme à un niveau quel qu'il soit. Comment on s'est senti par rapport à ça? Et c'est l'approche qu'on a développée à CARD. Et ces jeunes, parfois inconsciemment, ils prennent conscience: Ah! on ne se rendait pas... On pouvait voir comment tout de suite les gens pouvaient prendre conscience et réaliser cette réalité-là et prendre des décisions par rapport à ça.
Alors, j'ai fini mon exposé. Je suis certaine que vous avez des questions. Je laisse la place aux questions.
Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Mme la ministre.
Mme Thériault: Merci, M. le Président. Mme Ouamabia, M. Jourdain, bonjour. Bienvenue parmi nous. J'ai trouvé intéressante la portion de votre exposé que j'ai pu écouter. Merci d'être avec nous. Il est évident qu'on va réellement regarder les suggestions que vous faites, parce que je pense que l'expérience que vous avez en matière d'éducation interculturelle, notamment dans les écoles, c'est important.
Beaucoup de groupes nous ont parlé également de l'importance de travailler en milieu scolaire, peu importe que ce soit primaire, secondaire, collégial, universitaire, et qu'à tous les niveaux il y a évidemment du travail à faire, puis c'est comme clair ? puisque, l'école, c'est le lieu d'éducation, c'est le lieu d'apprentissage par excellence ? qu'on a un moyen où on peut faire de l'éducation et de la prévention par rapport au racisme et à la discrimination. Donc, c'est sûr que pour nous c'est important. Comme la formation des maîtres aussi, qui a été très abordée par plusieurs groupes. Il est évident que les futurs professeurs doivent avoir également des outils dans leurs coffres à outils pour être capables d'évoluer dans un milieu qui change énormément et qui va continuer à changer.
Parce que, moi, je me souviens, lorsque j'étais sur les bancs d'école, au primaire ? on va partir du primaire... Moi, parce que j'ai grandi dans des écoles dans Rosemont, donc il est bien évident qu'on avait une certaine mixité dans nos écoles; on a été confrontés relativement très tôt avec la différence, hein, ce qui n'est pas nécessairement le cas dans des écoles qui sont beaucoup plus éloignées, qui sont plus en région, où tu n'as pas cette mixité-là. Montréal vit un phénomène. Mais je ne peux pas faire autrement que de me dire: Ça change tellement vite, c'est incroyable. Mon fils qui, lui, est adolescent aujourd'hui ? il a 16 ans ? lorsqu'il a débuté l'école, il y avait 30 nationalités dans son école, c'est beaucoup. Au Québec, on accueille en moyenne 165 communautés culturelles différentes, qui proviennent de pays différents, par année, donc il est évident qu'on a une belle mixité aussi et qui s'étend beaucoup. C'est un phénomène qui s'étend, et on voit que ça change rapidement. Donc, on sait qu'on a des actions à entreprendre pour lutter contre la discrimination puis le racisme auprès des jeunes notamment, mais de la formation des maîtres aussi, peu importe leur destination.
J'aimerais ça ? parce que vous avez parlé, dans votre mémoire, sur la stratégie éducation jeunes, intervenants et parents, puis vous préconisez le triangle finalement, parce qu'évidemment il faut intervenir sur les parents aussi; j'aimerais ça ? si vous pouviez nous donner un peu plus de précisions sur comment on pourrait... Parce que, bon, la dynamique professeurs, c'est correct; les enfants sont là; c'est la dynamique parents... Comment vous voyez ça, puis comment vous pensez qu'on pourrait inclure les parents dans cette dynamique-là?
n
(12 h 10)
n
Mme Kadima Ouamabia (Claudia Olga): Comme on a dit, en fait, on pense que... Par exemple, on ne peut pas aider le jeune sans son entourage, et l'entourage immédiat du jeune, c'est d'abord sa cellule familiale, et viennent l'école, les associations des organismes où les jeunes vont travailler. Et, quand on parle des intervenants, on ne voit pas juste intervenants comme dans des organismes, mais c'est aussi bien les milieux scolaires, les milieux de travail. Alors, comment essayer... comment être capables de créer une ceinture de sécurité autour du jeune pour qu'il soit sensibilisé et outillé pour faire face à cette réalité-là?
Il y a des jeunes que nous avons rencontrés, par exemple, qui ne sont peut-être pas nécessairement racistes, mais ils sont confrontés à cette réalité parce que, bon, à la maison, il y a une personne qui en a parlé: Moi, les personnes noires... je me suis déjà fait violenter par des personnes noires, alors les personnes noires sont des personnes racistes ou des personnes... des personnes violentes. Alors, ce jeune, il part avec ça. Tout comme, à l'inverse, tantôt, je parlais des jeunes immigrants où, pour eux: Bon, j'ai une ambition, je veux étudier, je veux devenir... je veux faire tel programme, je veux être docteur, mais déjà, dans ma cellule à moi, on me dit que ce ne sera pas possible: Dans cette société, une personne noire être médecin? Mon Dieu! on voit déjà tous ceux qui sont là avec de l'expérience et avec des diplômes qui ne travaillent pas, et tu penses que, toi... Ce sera beaucoup d'années perdues à l'école pour rien; fais autre chose.
Mais une éducation prise sur cette base-là va permettre de soutenir le jeune, va permettre d'outiller le jeune. En même temps, par exemple, au niveau scolaire, nous pensons que l'école n'est pas seulement un lieu d'apprentissage, mais aussi un lieu de développement où l'enfant apprend. Si on prend les familles immigrantes, par exemple, le niveau... par exemple, l'intégration culturelle de beaucoup de parents n'est pas réussi, surtout ceux qui ne parlent pas français. Alors, l'enfant, quand il rentre à l'école... avec maman et... les parents, leur communication se fait certainement dans la langue maternelle. Mais comment, au niveau de l'école, développer les activités aussi pour impliquer les parents, parce que c'est d'abord les parents, hein ? vous, vous êtes mère, vous le dites, Mme la ministre ? c'est d'abord aux parents que revient le rôle d'éduquer les enfants. L'école a les enfants pendant quelques mois seulement, et, pendant ces mois... les autres heures, les enfants sont à la maison et, pendant les vacances, les enfants sont à la maison. Alors, c'est important d'essayer de créer cette suite dans les interventions et s'assurer vraiment un suivi dans tout ce qu'on fait.
Mme Thériault: Beaucoup de gens nous ont parlé de campagnes de sensibilisation grand public. Est-ce que vous pensez qu'une campagne de sensibilisation axée principalement sur les parents, autant les parents d'immigrants que les parents blancs, de souche, pourrait faire une différence, entre guillemets?
Parce que vous parlez de ce que l'enfant entend dans son entourage: soit je me suis fait violenter par un Noir, etc., et il va prendre pour acquis... Bien, moi, je vais vous répéter que ce qu'on lit dans les journaux, ce qu'on entend à la radio, ce qu'on voit à la télévision, que ce soit par rapport aux gangs de rue, que ce soit par rapport... le contexte international, même les attentats du 11 septembre, beaucoup de préjugés, beaucoup d'idées préconçues sont véhiculées par rapport à certaines communautés, c'est incroyable. Comment on peut venir contrer ça? Parce qu'effectivement les parents qui n'ont jamais eu de contact avec l'autre et qui sont dans une société homogène blanche, comment pensez-vous qu'on pourrait aller travailler sur ce parent-là aussi?
Mme Kadima Ouamabia (Claudia Olga): Comme on l'a dit, si vous voyez dans les recommandations, la première fois, on a dit: développer un vrai programme éducation interculturelle dans les écoles, les universités, les milieux de travail, les organisations non gouvernementales, les divers paliers de gouvernement, bref auprès de toute la population. C'est certain que, quand on parlait d'un triangle jeunes, intervenants, famille, on voulait beaucoup plus investir, parce que, nous, comme on l'a dit, on voit l'investissement dans la jeunesse à deux niveaux: premièrement, au niveau de l'excellence pour les jeunes des communautés culturelles, les jeunes immigrants, parce que ça suppose être une intégration réussie de ces personnes, et favoriser la pleine participation des jeunes de toutes origines en assurant à chacun l'égalité des chances et le respect des différences. Et, au niveau de l'espoir, parce qu'on s'entend que c'est aux jeunes que revient l'avenir de diriger le pays, alors comment s'outiller et investir dans cette jeunesse en assurant autour de cette jeunesse une ceinture capable d'assurer sa sécurité pour prévenir le racisme et la discrimination?
En même temps, on a aussi dit qu'on ne peut pas juste éduquer le jeune, parce que le problème est là, il est présent, il est réel, il est concret, il existe. Comment faire... pour aller remédier à ce problème? À ce moment-là, on devrait travailler à tous les niveaux, au niveau de la population. La sensibilisation, c'est important, mais, encore là, on insiste: dans cette sensibilisation-là, ce ne sont pas des choses qui sont étrangères parce que les gens sont au courant du racisme, et, à la télé... de là on va même parler du rôle des médias dans l'éducation interculturelle, dans l'éducation contre le racisme, le rôle même parfois des intervenants... Je dirais, par exemple, à l'école, je vais entendre inconsciemment des intervenants, que ce soit à l'école, dans les maisons de jeunes: Non, dans nos groupes, on a des immigrants, on a des jeunes de différentes cultures, c'est intéressant, mais, quand on le dit devant le jeune immigrant, il ne se sent toujours pas intégré dans ce groupe-là. Comment développer aussi une approche non raciste pour permettre l'intégration et donner l'occasion à ces personnes de se sentir intégrées aussi dans le groupe?
Mme Thériault: Je vous remercie. On reviendra.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Laurier-Dorion.
Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. Mme Kadima Ouamabia et M. Jourdain, bonjour. Je voudrais vous féliciter pour votre présentation extrêmement intéressante et dynamique. Et ça se voit, que vous travaillez avec une grande passion, au quotidien, dans votre milieu. D'ailleurs, j'aimerais savoir où vous oeuvrez principalement: sur quel territoire, puis auprès de... C'est une petite interrogation que j'avais. Vous ne l'avez pas mentionné.
Mme Kadima Ouamabia (Claudia Olga): Nous sommes situés en fait dans le sud-ouest de Montréal, donc on travaille principalement dans le sud-ouest, mais en même temps on a eu à faire des activités à Montréal-Nord, dans la Rive-Sud, mais... Nous sommes basés dans la Rive-Sud...
Une voix: Le sud-ouest.
Mme Kadima Ouamabia (Claudia Olga): ...dans le sud-ouest de Montréal.
Mme Lefebvre: D'accord. Je vous remercie. C'est extrêmement intéressant, tout ce que vous avez dit. Puis de ce que, moi, j'en saisis puis j'en comprends, l'importance justement de poser ces actions directement auprès des jeunes mais également sur leur environnement qui... dans le fond, c'est la cellule, tu sais, c'est la cellule du jeune. Et je voudrais vous entendre sur les actions précises que vous posez. Parce que j'ai lu avec intérêt ce que vous nous avez donné en annexe, donc les évaluations des activités, puis ça transcende l'importance de l'action que vous menez auprès de ces jeunes-là. Donc, comment vous agissez? Vous avez dit que vous agissez dans les écoles, auprès des maisons de jeunes. Quels types d'actions faites-vous? Puis est-ce que c'est un partenariat qui se fait... Bon, j'imagine, un à un, vous avez bâti des alliances, donc comment vous avez bâti ces alliances-là? Puis qu'est-ce que vous faites concrètement comme actions?
Mme Kadima Ouamabia (Claudia Olga): Concrètement comme actions, on organise beaucoup d'activités dans des écoles, et dépendamment des classes, dépendamment, je dirais, des âges en fait, ça va être différentes activités. Par exemple, si on prend les jeunes de l'école maternelle, primaire jusqu'à l'âge de 10 ans, ça va être beaucoup plus sous forme de contes thématiques. Dans les contes, alors de façon générale, on va développer une thématique sur, par exemple, la discrimination et le racisme, et on va relater, par exemple, l'histoire d'une personne qui vit un problème de racisme et les conséquences sur... ce geste sur la personne. Et c'est tellement interactif et participatif que, tout au long du processus, on peut interagir avec les enfants et voir comment les enfants peuvent interagir aussi par rapport... participer dans l'échange. Et donc, parfois, on a des activités de création collective; ça va être une activité thématique sur, par exemple, diversité culturelle, avec des jeunes de 10-24 ans, où ce ne sera pas nécessairement l'animatrice de l'activité qui va être là en train d'animer ou de donner tout ce qu'il faut: c'est quoi, la diversité culturelle. Mais on va vraiment amener les jeunes à prendre conscience de c'est quoi pour eux et comment ça se vit et les mettre dans des situations pour leur... vivre, par exemple, des cas de discrimination et leur en prendre conscience.
On a eu à développer, par exemple, dans des organismes d'insertion professionnelle, comme ce sont des jeunes en réorientation professionnelle ou scolaire, des activités de diversité culturelle en contexte de travail par exemple: Pour eux, qu'est-ce que cela représente? Comment ça se vit? Dans des maisons de jeunes à Longueuil aussi. Et on a même développé une formation qu'on donne aux intervenants, une formation en relation d'aide et en intervention... communication et intervention interculturelles pour les intervenants, et jusqu'ici les commentaires que nous avons reçus sont très, très constructifs, et les gens, vraiment, voient l'importance et l'encouragement... Ils nous incitent toujours à continuer à développer les actions. Et, comme on a dit que c'est important pour nous aussi, l'éducation des parents, alors on développe beaucoup d'activités, beaucoup de rencontres thématiques, des rencontres d'échange avec les parents pour être aussi à l'écoute de leurs difficultés, parce que, pour les jeunes immigrants, les parents ne sont pas nécessairement les modèles d'intégration pour ces jeunes-là. Ils peuvent être des modèles de culture, de morale, mais pas nécessairement les modèles d'intégration dans cette société avec tout ce qu'ils vivent, et pourtant il y a beaucoup de modèles positifs.
n
(12 h 20)
n
Mme Lefebvre: C'est extrêmement intéressant. Donc, dans le fond, vous posez des actions ponctuelles dans certains milieux pour sensibiliser, puis c'est toujours dans un volet, bon, d'éducation à l'état culturel. C'est vraiment extrêmement intéressant. Puisque, en tout cas, vous semblez extrêmement dynamiques en termes de rayonnement sur le terrain, je me demandais de quelles ressources vous disposez pour mener à bien cette mission exceptionnelle que vous faites. Puis est-ce que vous êtes nombreux à mener à bien vos actions? Puis je pense que le temps file rapidement et je sais que mon collègue a une question pour vous, donc juste une réponse plutôt rapide.
Mme Kadima Ouamabia (Claudia Olga): Quelles ressources qu'on a? Ressources humaines, on en a, il y a quand même beaucoup de personnes, mais ressources financières, je veux dire, on n'en a pas du tout, en fait. Jusque-là, on travaille bénévolement, et puis ce n'est pas toujours évident d'avoir des ressources nécessaires. On peut avoir des petites subventions par-ci et là, mais c'est vraiment... On croit vraiment au projet, on croit que le problème est là et on croit que c'est important d'investir dans notre jeunesse, et nous croyons qu'avec la reconnaissance qu'on a de nos partenaires ? on a des personnes avec qui on travaille de plus en plus ? l'oiseau va faire son nid.
Et on sait aussi que ce n'est pas évident, mais on ne se rend pas compte, on parle du racisme, mais parfois, dans des programmes qui existent, il y a tellement de critères aussi, et parfois, pour les jeunes organismes, ce n'est pas toujours évident pour eux d'aller prendre des subventions dans ces programmes-là, quoiqu'il y a beaucoup d'autres programmes qui existent. Et en même temps, parfois, on va considérer l'année d'expérience de l'organisme, mais nous savons aussi qu'aux âmes bien nées la valeur n'attend pas nécessairement le nombre d'années, c'est surtout les résultats et le travail qui se fait.
Mme Lefebvre: Bien, vous êtes à la bonne tribune pour sensibiliser nos décideurs. Je pense que mon bloc est terminé. Je vais revenir par la suite avec d'autres questions.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Nelligan.
Mme James: Déjà à moi, M. le Président?
Le Président (M. Brodeur): Déjà, le temps passe tellement vite.
Mme James: Bien, tellement vite. Merci beaucoup. Bonjour, merci d'être là. Puis j'ai apprécié énormément ce que vous avez présenté puis je suis d'autant plus... très impressionnée par le fait même que je comprends que c'est seulement depuis 2006 que vous êtes incorporés et déjà vous avez entamé beaucoup de travail, puis vous avez fait votre place au sein de tous les organismes communautaires. Je veux en profiter par le fait même... Parce que le président m'indique qu'au total on a trois minutes pour notre échange, alors je vais vous laisser parler.
Vous avez l'opportunité de travailler avec les jeunes, vous avez parlé des activités, du rapprochement interculturel puis de l'importance de l'éducation. Compte tenu que vous êtes avec ces jeunes-là, la suggestion a été faite ? en fait, c'était une des recommandations qu'on a apportées dans le cadre de notre consultation des communautés noires, mais je pense que c'est quelque chose qui pourrait potentiellement être élargi... une modification au curriculum pour faire en sorte qu'on mette en valeur la contribution justement des différentes communautés ou des différents Québécois d'origine québécoise... différents Québécois d'origine... de différentes origines dans notre ? pardon, j'essaie d'aller trop rapidement... dans nos écoles. Comment est-ce que vous voyez ça puis l'importance que ça va jouer auprès de votre clientèle?
Mme Kadima Ouamabia (Claudia Olga): Premièrement, par exemple, chaque mois de février, c'est le Mois de l'histoire des Noirs, et on organise beaucoup...
Mme James: La ministre vient de déposer le projet de loi pour officiellement ? je tenais à dire ça ? le Mois de l'histoire des Noirs...
Mme Thériault: Une des recommandations.
Mme James: ...pour votre information.
Mme Kadima Ouamabia (Claudia Olga): O.K. Alors, on organise beaucoup d'activités. Déjà, dans des écoles, le mois de février dernier, on a eu à organiser beaucoup d'activités. Donc, ce sera vraiment un moyen aussi de sensibiliser à tout ce que les personnes noires ont eu à faire dans cette société. Il y a quand même beaucoup de choses qui se font, mais, de façon générale, quand on va parler des personnes noires, c'est toujours en mal. C'est vrai qu'il y a toujours pile et face, hein, en toute chose. Mais est-ce que c'est aussi possible: autant on peut dénoncer des mauvaises actions qui se font, autant encourager les bonnes actions qui se font, des bonnes choses qui se font dans la société? Il y a tellement de choses qui se font auprès des personnes noires, auprès des personnes des communautés immigrantes, comment la télé, comment la radio... Je ne sais pas. À la télé, parfois l'image qu'on présente des pays du tiers-monde, c'est toujours des pays qui ne marchent pas. Moi, à plusieurs reprises, je me suis fait demander si, en Afrique... c'est ici que j'ai appris à porter telle griffe de basket ou telle marque de basket, parce qu'ils ne s'imaginaient pas, en Afrique, avec ce qu'on voit à la télé, que c'est ça. Et je suis toujours fière de dire: Telle que je suis, je suis un produit fini de l'Afrique, ce n'est pas le Québec qui a fait de moi ce que je suis. Je suis ici seulement pendant cinq ans, alors vous comprenez que ce que j'ai, je l'ai d'où je viens.
Mais comment développer? Je pense que, quand on parle de l'éducation interculturelle, et même les médias en étant sensibilisés à ça, ça va quand même permettre de changer cette mentalité-là, cette façon de voir par des actions concrètes.
M. Jourdain (Jacques): Je pourrais me permettre de rajouter un truc. Je ne sais pas si on m'entend? Oui. On a déjà modifié des manuels scolaires au Québec qui laissaient, si vous voulez, miroiter des perspectives très sexistes à l'endroit des femmes. Alors, on pourrait faire exactement la même chose en vantant la contribution des minorités ethniques. J'imagine très bien un manuel scolaire dans lequel on voit des chercheurs d'origine arabe, asiatique qui ont découvert tel théorème, mais en même temps les enfants peuvent faire un peu de géographie et se rendre compte que tout le monde peut contribuer à l'avancement du Québec. Il faut les prendre quand ils sont petits.
Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dion: Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup de votre présence. C'est très, très stimulant de vous entendre. Et, pour aller dans le même sens que vous avez dit, monsieur, dernièrement, je pourrais dire que, même au Québec, on utilisera probablement les chiffres arabes, hein, et tout ça.
Mais, ceci étant dit, sérieusement, je voudrais souligner le rôle très étroit ou l'importance du lien parent-enfant dans l'action que vous menez. Parce que l'action auprès des enfants au niveau des écoles est sans doute incontournable. Mais, si elle ne se fait pas dans une certaine relation avec les parents, ça risque de créer des problèmes familiaux encore plus grands et de rendre le résultat final encore plus aléatoire. Alors, je trouve ça extrêmement intéressant.
Maintenant, vous parlez de rencontres interculturelles, et tout ça, donc j'imagine que... et rencontres interculturelles supposent rencontres de plusieurs cultures. Mais j'imagine que ce qui est sous-entendu, qui n'a pas été dit explicitement, c'est qu'il y a un lieu de rencontre et que le lieu de rencontre de plusieurs cultures, c'est la culture du pays d'accueil, du peuple d'accueil. Je pense que c'est ça que vous avez en tête.
Et la question que je me pose, c'est toute la question de la langue. Les jeunes arrivent ici, ils ne savent pas nécessairement la langue. Est-ce que, dans nos écoles, on donne l'attention nécessaire à la francisation des petits ou des jeunes? Est-ce qu'une attention non suffisante peut signifier un échec scolaire pour un an et tout ce qui s'ensuit? J'aimerais que vous nous parliez un peu de cet aspect-là.
Mme Kadima Ouamabia (Claudia Olga): C'est sûr que la langue... tantôt, je crois avoir effleuré ça en parlant de l'intégration, il y a l'intégration culturelle aussi. Pour des personnes immigrantes évidemment, la question de la langue va s'inscrire au niveau de l'intégration culturelle. Et pour les jeunes qui ont des problèmes de langue... De façon générale, je pense que les enfants, ils vont facilement apprendre, hein? Ils vont être dans des classes d'intégration et ils apprennent vite: la télé, les dessins animés, les bandes dessinées, et puis ça se parle vite: Je m'en fous si je fais les fautes. Mais les enfants vont facilement apprendre la langue du pays d'accueil par rapport aux parents, ça se fait facilement.
Maintenant, le problème qui est là, c'est: Avec cette question de langue, qu'est-ce qu'on en fait? Est-ce que c'est suffisant pour l'enfant, s'il parle juste la langue, s'il commence à maîtriser la langue d'accueil quand le parent, lui, n'en est pas encore rendu à ce niveau-là... On va voir des parents qui sont... qui jouent finalement, surtout dans les familles immigrantes non francophones, qui vont parfois jouer le rôle de personne-ressource, et parfois c'est un enfant de l'école primaire qui se doit maintenant, par exemple, de traduire la communication pour les parents. Alors, l'enfant n'a pas... ne jouit pas de son enfance, de son temps d'enfant, et cet enfant-là, son équilibre, son bien-être psychologique, sa concentration scolaire... je veux dire, son résultat scolaire ne peut pas être aussi positif qu'un autre enfant normal.
Voilà pourquoi on a dit que c'est vraiment important de penser aussi aux parents, parce qu'une fois que l'enfant est intégré... et même d'autres parents, dans l'aide qu'ils peuvent apporter à leurs enfants, aller même parfois participer aux activités à l'école, s'il y a déjà ce problème de langue, c'est déjà un frein. Ils ne se sentent pas nécessairement obligés d'y aller, premièrement: parce que je ne vais pas comprendre ce qu'ils vont ne dire et puis, bon, même si j'avais des idées, comment je vais les faire passer? Alors, comment créer des façons de favoriser cette intégration des parents pour être capable de parler d'une intégration réussie des jeunes, surtout qu'elle passe par celle de leurs parents?
n
(12 h 30)
n
M. Dion: C'est vraiment intéressant parce que... J'imagine qu'il y a probablement une difficulté particulière liée au fait que souvent, dans la question de l'éducation, la mère joue un rôle extrêmement important, et est-ce qu'il n'arrive pas assez souvent que les femmes n'aient pas le même accès à la francisation que les hommes? C'est une question que je pose.
Mme Kadima Ouamabia (Claudia Olga): Ça dépend, ça dépend... dépendamment des familles, et puis les réalités sont complexes aussi pour ces familles-là. Finalement, les familles immigrantes, elles vont arriver ici pour d'autres... avec l'idée, bon, d'avoir des meilleures conditions de vie donc pour... Les parents, parfois, ils vont rapidement aller sur le marché du travail, avoir de l'argent pour essayer de subvenir aux besoins de leurs familles. Et on va voir aussi d'autres familles où, bon: Toi, tu peux déjà commencer à travailler pendant que, moi, peut-être je vais faire ça, et puis on va voir comment on va... on va essayer de faire le retour après.
Mais je pense qu'en même temps, s'il y a un bon soutien et les gens sont nécessairement encadrés pour ça, développer vraiment des moyens, des actions les motivant et les encourageant dans ce sens-là, ça va beaucoup aider. Parce qu'ils sont aussi conscients... J'ai eu à travailler dans le programme du gouvernement dans un centre, à l'Université du Québec à Montréal. C'était un programme d'aide à l'intégration des nouveaux arrivants, et c'étaient des étudiants non francophones qui étudiaient à l'UQAM. On voyait la volonté de ces étudiants d'apprendre le français, ils en étaient conscients, parce que, bon... et généralement c'étaient des professionnels venus de leurs pays, mais, sans la langue, on ne peut pas travailler, comment... Donc, c'est important pour nous. On pouvait voir la volonté dans ces personnes-là et la conscience qu'ils avaient que, sans la langue, surtout au Québec, ça va être difficile pour eux de s'intégrer dans le marché du travail.
M. Dion: Merci infiniment. Et je pense que votre témoignage nous aide beaucoup à voir comment ça se passe dans le réel. Merci beaucoup.
Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposons. Donc, je remercie le Centre d'aide à la réussite et au développement et j'ajourne nos travaux à mardi 31 octobre 2006, à 9 h 30, dans cette même salle. Merci.
(Fin de la séance à 12 h 33)