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Version finale

37e législature, 2e session
(14 mars 2006 au 21 février 2007)

Le mercredi 27 septembre 2006 - Vol. 39 N° 29

Consultation générale sur le document intitulé Vers une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-cinq minutes)

Le Président (M. Brodeur): Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons débuter nos travaux. Donc, comme à l'habituel, pour ceux qui ont des cellulaires, et il y en a plusieurs qui en ont, bien vouloir éteindre vos sonneries, s'il vous plaît.

La commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques à l'égard du document intitulé Vers une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Mercier (Charlesbourg) est remplacé par M. Bernier (Montmorency) et M. Turp (Mercier) est remplacé par Mme Lefebvre (Laurier-Dorion).

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. le secrétaire. Donc, pour le bénéfice des membres de la commission ainsi que des gens qui nous regardent à la maison, dans l'horaire d'aujourd'hui, nous entendrons, pour débuter, M. Paul Morin et Mme Justine Pori, qui sont déjà installés. Bienvenue en commission parlementaire. Ce sera suivi de Actions interculturelles de développement et d'éducation, AIDE; suivi de Tohu, La Cité des arts du cirque; et finalement, ce matin, nous entendrons le collège de Rosemont. Cet après-midi, nous entendrons le Conseil musulman de Montréal, suivi du Centre culturel islamique de Québec, la ville de Sherbrooke et le Congrès juif canadien.

Auditions (suite)

Donc, nous sommes prêts à débuter nos auditions pour ce matin et nous accueillons M. Morin et Mme Pori. Bienvenue en commission parlementaire. Je vous explique brièvement les règles de la commission. Vous avez un temps maximal de 15 minutes pour présenter votre mémoire de la façon dont vous jugez à propos, et ce sera suivi par une période d'échange avec les membres de la commission. Donc, sans plus tarder, la parole est à vous.

M. Paul Morin et Mme Justine Pori

M. Morin (Paul): Merci, M. le Président. Donc, MM. et Mmes les députés, on va simplement lire le court mémoire qu'on a présenté. Simplement me présenter: donc je suis professeur au Département de service social de l'Université de Sherbrooke, et Mme Pori est étudiante au même département. Je tiens à préciser que Mme Pori et sa famille ont été accueillies ici, comme réfugiés au Québec, en 2003, et que Mme Pori était travailleuse sociale au Congo-Brazzaville.

Donc, depuis deux ans déjà, nous travaillons en équipe afin de mieux saisir et d'influer sur la réalité d'un milieu de vie spécifique mais combien crucial pour l'intégration des communautés culturelles dans une perspective d'égalité des chances, celui des habitations à loyer modique, HLM, sur le territoire de la municipalité de Sherbrooke, en Estrie, l'une des régions privilégiées par le MICC pour la régionalisation des immigrants et des réfugiés. Un changement majeur dans la population résidente en milieu HLM s'est en effet produit à Sherbrooke dans la dernière décennie; une nouvelle cohabitation interculturelle s'est installée à demeure. Au moment où, en vertu des principes de solidarité internationale, le Québec accueille une proportion de plus en plus importante de personnes réfugiées, la question des services à ces personnes de même que de leur intégration se pose selon nous de façon aiguë.

Nous possédons une expertise quant à ce milieu de vie et, sur cette base, nous voulons partager avec vous nos préoccupations et réflexions quant au document de consultation Vers une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination. Notre démonstration se basera essentiellement sur la situation sherbrookoise, mais nous estimons que celle-ci soulève des questions primordiales qui interpellent l'ensemble de la société québécoise. Avant de présenter cette étude de cas, nous allons d'abord situer celui-ci en regard de notre cadre théorique: le logement comme facteur déterminant dans l'intégration des réfugiés et des immigrants.

Le logement constitue un déterminant social crucial quant à la qualité de vie et de bien-être des personnes. L'accès à un logement adéquat et abordable établit les circonstances et/ou les opportunités d'accessibilité à d'autres supports réseaux formels et informels. Selon la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, il est le point d'insertion dans un ensemble plus vaste: le logement situe les individus dans un environnement, souvent un quartier avec ses services, ses écoles, les possibilités qu'il offre d'accéder au travail, à une société élargie.

Pour les personnes exclues de la sphère économique, le logement constitue le mode d'inscription privilégiée dans un plus vaste réseau et de ce fait représente l'un des éléments clés de toute politique sociale visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Le logement peut donc être un facilitateur de l'intégration dans une nouvelle société en procurant un habitat permettant aux réfugiés et aux nouveaux immigrants de reconstruire leur identité personnelle et culturelle et ainsi faciliter la construction d'un nouveau chez-soi d'une communauté d'appartenance. Ce nouvel habitat influence profondément l'adaptation et les chances d'une vie meilleure dans la société d'accueil. Le logement représente donc la première étape essentielle dans le processus d'intégration et d'inclusion postmigratoire dans la société d'accueil.

Le logement social peut faciliter ce processus en réduisant le temps de transition et en réduisant les coûts à long terme pour la société d'accueil dans des secteurs comme la santé, l'éducation, la sécurité du revenu et l'assurance-emploi. L'accès à un logement modique constitue ainsi pour bien des familles immigrées une nécessité, compte tenu que plusieurs d'entre elles ont des familles nombreuses et qu'il y a présentement une pénurie de logements locatifs accessibles financièrement à ces personnes.

n (9 h 40) n

Le projet de consultation est un document ambitieux qui a plusieurs mérites, dont celui de viser la cohérence et la synergie de l'action gouvernementale et de la société civile, notamment quant à l'accès à l'emploi, afin de mettre un terme au racisme et à la discrimination dans notre société. Toutefois, nous ne pouvons que constater qu'un fait objectif est, à toutes fins pratiques, évacué du document: le logement social de type HLM occupe une place de plus en plus importante dans le processus d'intégration sociale des personnes issues des communautés culturelles dans les grands centres urbains comme Montréal, Québec, Laval, Longueuil, mais aussi dans des villes comme Gatineau et Sherbrooke. Nous avons été ainsi fort surpris de constater la quasi-absence du milieu HLM de ce document de consultation, alors que ce mode d'habiter comme vecteur d'intégration des communautés culturelles dans la société québécoise représente un enjeu majeur.

Il y a bien un paragraphe en page 39 du document sur ce milieu de vie, mais celui-ci n'est pas significatif selon nous et ne contribue pas à la compréhension des tensions sociales inhérentes à ce milieu. De plus, ce paragraphe est relié à l'orientation 2: Reconnaître et contrer les préjugés et la discrimination. Il devrait plutôt être selon nous relié à l'orientation 1: Coordonner les efforts. Il y a bien des manifestations de racisme en milieu HLM dû à des individus, mais ce serait une erreur de cibler ces événements malheureux en les extrayant de leur contexte: il s'agit d'un milieu de vie issu de politiques sociales et normé par un ensemble de pratiques administratives. Divers paliers de responsabilité y sont impliqués: le ministère des Affaires sociales et des Régions du Québec, la Société d'habitation du Québec et les offices municipaux d'habitation, par exemple.

Le milieu HLM, particulièrement celui où résident les familles, représente un milieu de vie qui en principe devrait constituer un tremplin pour une vie meilleure, puisqu'il réfère à des logements sociaux où les coûts financiers sont limités à 25 % du revenu. Or, il s'agit plutôt d'un endroit où l'on retrouve nombre de problèmes sociaux qui, cumulés, contribuent à inscrire ces lieux dans un processus d'exclusion sociale. Dès 1991, un avis du Conseil des communautés culturelles et de l'immigration, dans l'une des rares productions québécoises sur la thématique du logement et des communautés culturelles, faisait le constat suivant: «En raison des conditions d'admissibilité dans ce type de logement s'y concentrent les ménages pauvres, dont certains connaissent des problèmes d'isolement, de délinquance, de toxicomanie. Les gens qui habitent les HLM sont donc parfois catégorisés et dévalorisés et se retrouvent dans un environnement peu favorable. Les membres des communautés culturelles qui habitent les HLM subissent la même dévalorisation, mais, dans leur cas, cette dévalorisation a tendance à s'étendre à la communauté culturelle à laquelle ils appartiennent et à renforcer les stéréotypes et les préjugés négatifs à leur égard.»

Selon nous, ce milieu de vie où sévit plus souvent qu'autrement une logique de méfiance entre résidents peut être assimilé à une trappe sociale. Il s'agit d'un terme générique pour décrire un nombre de situations stratégiques dans lesquelles le comportement des acteurs sociaux est déterminé par l'évaluation des actions futures des autres. La logique de la situation peut être décrite comme suit: «La situation est d'une telle nature que chacun y gagne si chacun choisit de coopérer. Mais il devient inutile de choisir de coopérer si les gens n'ont pas confiance que presque tout le monde coopérera car la finalité est subordonnée à la coopération de presque tout le monde. La non-coopération peut devenir alors un choix rationnel lorsque les personnes n'ont pas confiance que les autres vont aussi coopérer. Conclusion: Une coopération efficiente pour des fins communes peut seulement se concrétiser si les gens ont confiance que la grande majorité des gens vont aussi choisir de coopérer. En l'absence d'une telle confiance, la trappe sociale va se refermer sur eux de façon inexorable. À ce moment-là, advient alors un état de fait pire pour chacun, et ce, même si chacun réalise que tous y profiteraient en choisissant de coopérer.»

Il est donc pertinent de se demander si nous n'avons pas accentué le caractère marginal et stigmatisant de ces habitations sociales, et ce, au détriment de ces résidents, dont les personnes issues des communautés culturelles, ce qui peut alors avoir une influence déterminante sur leur parcours de vie.

L'étude de cas: l'Office municipal d'habitation de Sherbrooke. Selon les données disponibles 2001, 4,6 % de la population de Sherbrooke est composée de personnes issues des communautés culturelles, dont 40 % de minorités visibles. Une particularité de cette immigration provient du fait qu'elle était composée en majorité, jusqu'à très récemment, de personnes réfugiées, principalement de la Colombie, de l'Afghanistan et de l'ex-Yougoslavie. Notre présentation de la situation dans le milieu des habitations modiques de Sherbrooke se basera essentiellement sur les données et réflexions issues de deux recherches. Nous avons d'abord réalisé, en 2005, un état de situation socioéconomique des résidents et résidentes, puis nous sommes à documenter présentement les effets des associations de résidents en milieu HLM.

L'OMHS gère 2 123 unités HLM, dont 1 052 pour les familles et 1 071 pour les aînés. En 2000, le taux de mobilité était de 20 % et de seulement 5 % en 2005. À cette même date, il y avait 1 100 personnes en attente pour un HLM. Et là, ici, vous avez une série de statistiques qui sont assez parlantes par rapport aux personnes qui vivent en milieu HLM. Et j'attire particulièrement votre attention sur le fait que 83 % de la population immigrante en HLM à Sherbrooke est issue des personnes réfugiées.

Selon la variable du sexe, on retrouve, dans la population immigrante, plus de femmes que d'hommes. Bon, l'écart est moins grand entre les Québécois de souche et l'homme... Ici, peut-être attirer votre attention sur le fait qu'il s'agit également d'une population jeune, et même fort jeune, puisque 51 % de cette population immigrante se situe dans le groupe d'âge des 0-19 ans. Comme il n'y a pratiquement pas de personnes immigrantes dans les HLM pour personnes âgées, à Sherbrooke ? c'est différent à Montréal ? cela donne une idée de la concentration que l'on retrouve dans certains immeubles pour les familles. Par exemple, trois immeubles sont habités en majorité par des personnes immigrantes, et cinq habitations où résident seulement des familles atteignent un taux de 45 % de personnes issues des communautés culturelles. Il importe également de signaler que 35... presque 40 % de la population immigrante y habite depuis cinq ans et moins. Bon, finalement, peut-être au niveau... un point sur la question de l'emploi. Donc, 59,2 % des ménages composés de personnes des communautés culturelles reçoivent des prestations de la sécurité du revenu, donc ce qui est très parlant par rapport à la question de l'enjeu de l'intégration au travail.

Donc, ces données sont fort explicites. Elles permettent d'établir hors de tout doute une tendance lourde en milieu familles. Plusieurs familles accueillies comme réfugiées à Sherbrooke depuis une décennie et moins résident maintenant en milieu HLM dans cette famille. Les grands logements sont ainsi de plus en plus occupés par celles-ci, ce qui n'est pas sans causer des frustrations et des tensions avec les familles québécoises de souche.

Afin d'enrichir cette description de la population visée par l'étude, nous avons également réalisé des entrevues auprès des locataires afin de faire ressortir les problèmes et les besoins des communautés culturelles en milieu HLM. C'est dans cette optique que nous avons ciblé deux unités de logement.

Et je passe la parole à Mme Pori.

Mme Pori (Justine): L'unité de logement n° 5 a 46 logements occupés par autant de familles. Dans cette unité de logement située dans un creux, les maisons sont collées les unes aux autres, rendant ainsi les espaces verts, les parterres et les cours extérieures presque inexistants. Combinés les uns aux autres, ces éléments caractéristiques des logements de l'unité n° 5 rendent les conditions de vie de ces grandes familles assez difficiles. La densité dans ce bloc de logements est très forte et s'explique par la présence de forts logements lorsqu'on s'y trouve dans un cinq-chambres ou sept-chambres.

Contrairement à l'unité de logement n° 5, l'unité de logement n° 17 compte huit immeubles où sont répartis 126 logements, dont 42 pour les aînés, les personnes âgées, et 84 pour les familles. Ces complexes immobiliers sont plus traditionnels, donc davantage des logements de type duplex, triplex ou quadruplex. Ils sont munis d'une salle de lavage commune et d'une salle communautaire et aussi comprennent des aménagements pour des personnes âgées et en fauteuil roulant.

À partir de la population de ces deux unités de logement, nous avons ciblé au hasard 30 locataires parmi les chefs de famille, soit 15 par unité de logement. 17 ont répondu positivement aux lettres de sollicitation. La réalisation de l'étude s'est faite par des observations ponctuelles à domicile et par des entrevues semi-dirigées. L'entrevue d'une durée de 30 minutes a été menée auprès de 17 personnes, dont 11 femmes et six hommes, ayant accepté d'être interrogées. Dans deux familles, les deux parents ont participé à l'étude. Le recrutement reflète la diversité ethnoculturelle des unités de logement choisies dans lesquelles on retrouve quatre Africains de la République démocratique du Congo, du Rwanda et du Maroc, trois Européens de la Serbie et de la Bosnie, deux Latino-Américains du Nicaragua et du Salvador, trois Asiatiques du Cambodge et de l'Afghanistan et cinq Québécois.

Des 17 familles, 10 tirent leurs revenus des prestations d'aide sociale, et les sept autres vivent sous le seuil de faibles revenus tel que le détermine le Conseil national du bien-être social. En dehors de trois locataires en emploi à plein temps et une personne âgée retraitée, 13 répondants sont à la recherche d'emploi. On y trouve 12 familles monoparentales et cinq familles biparentales.

À la question sur l'évaluation du coût du loyer, tous les répondants reconnaissent que le coût du logement de l'office n'est pas dispendieux, comparativement au coût mensuel de logement privé. Si et seulement si on ne travaille pas, puisque, selon le règlement en vigueur, le coût du loyer augmente graduellement durant les trois premières années de travail pour atteindre par la suite le prix d'un logement sur le marché locatif.

En réponse à la question de savoir s'ils rencontrent des problèmes de cohabitation, les huit familles résidentes à l'habitation n° 5 ont soulevé trois difficultés relatives à la cohabitation. Premièrement, le fait qu'il existe des conflits relationnels de longue date liés à la cohabitation entre quelques résidents qui sont allés jusqu'en justice. Deuxièmement, la difficulté de faire confiance au voisin, alors qu'on ne le connaît pas ou pas assez. Troisièmement, c'est l'isolement, chacun est chez soi pour éviter les problèmes; l'on adopte alors des stratégies d'évitement, comme le repli communautaire au sein de sa communauté d'origine.

n(9 h 50)n

Ces propos des personnes interviewées laissent entrevoir qu'ils ne se font pas assez confiance dans l'unité de logement suite à des conflits antérieurs ou latents. Les propos des locataires interviewés des deux unités de logement présentent une similitude quant aux problèmes sociaux rencontrés, à savoir: la pauvreté arrive en tête, suivie de l'isolement. Si on compare toutefois les deux unités de logement, les locataires de l'unité de logement n° 5, bien qu'évitant des conflits, vivent dans un climat de tension. Celui-ci a pour origine l'addition de plusieurs facteurs: des logements contigus, une forte concentration des familles nombreuses, une proximité résidentielle des personnes à faibles revenus et les multiples difficultés d'intégration entre ces différentes communautés.

La présence d'interactions positives entre les enfants des diverses communautés constitue selon nous une composante importante des forces de cette communauté locale. Cette force peut être considérée comme un avantage majeur quand on connaît les difficultés relationnelles des adultes de cette unité de logement.

L'association des résidents comme lieu d'intégration. Notre recherche en cours sur les effets des associations des résidents en milieu HLM constitue le deuxième support à ce mémoire. Nous utiliserons, pour les fins de cette présentation, les données recueillies lors des entrevues individuelles auprès de sept résidents et résidentes qui venaient de mettre sur pied, en 2005, une association de locataires dans une habitation familles OMH. Nous utiliserons ici les données directement liées à notre présentation. Les difficultés de cohabitation entre les différentes cultures sont nettement ressorties dans leurs propos quant aux problèmes vécus dans leur milieu d'habitation.

«D'un côté, tu as les Québécois ? selon les dires de certains ? et, de l'autre côté, les personnes immigrantes qui ne se mélangent pas et qui ne vont pas se parler. C'est dommage parce qu'on peut apprendre des autres cultures; les autres aussi veulent apprendre de la nôtre. Il y aurait peut-être plus de tolérance et moins de racisme. Il y a du racisme dans la cour; ça se voit par les gestes, par les paroles méchantes.» Ça, c'est une personne interviewée...

Le Président (M. Brodeur): Madame, je vous prierais de conclure, s'il vous plaît, parce que votre temps est écoulé.

Mme Pori (Justine): O.K. Je vais dans ce cas repartir sur les...

Le Président (M. Brodeur): Ou vous pouvez peut-être continuer à l'intérieur de la période d'échange...

Mme Pori (Justine): O.K.

Le Président (M. Brodeur): Oui. Peut-être... On va commencer immédiatement la période d'échange. Comme ça, si vous voulez ajouter quelque chose sur votre mémoire, il n'y a aucun problème. Mme la ministre.

Mme Thériault: Oui, merci, M. le Président. M. Morin, Mme Pori, merci d'être avec nous ce matin, merci pour votre mémoire. Évidemment, le logement a été mentionné dans le mémoire, peut-être pas HLM ou les logements sociaux comme vous l'auriez voulu, d'après ce que laisse entendre votre mémoire, mais il est évident qu'on ne pourra pas, dans une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination, ne pas tenir compte du tout de la dimension logement. J'entends bien que les HLM et les logements sociaux abordables, d'après vos recommandations, doivent être partie prenante de cette politique-là. Je voudrais vous rassurer sur le principe, qu'on n'a pas du tout voulu évacuer la question des logements abordables dans le document comme tel. Si on est réunis ici, aujourd'hui, c'est justement pour pouvoir écouter les points de vue et avoir des pistes de solution, vos préoccupations, pour que la politique puisse réellement répondre aux demandes et aux aspirations de notre société. Donc, merci d'être là.

J'aimerais, parce que vous disiez, Mme Pori... On vous a interrompue dans une citation qui était à mon avis très importante. Vous avez commencé... vous disiez: «Il y a du racisme dans la cour; cela se voit par des gestes, des paroles...» Est-ce que vous voudriez continuer? Parce qu'à mon avis il est évident que l'éducation, la sensibilisation notamment auprès des enfants... Parce que vous parlez des cours, donc j'imagine qu'il doit y avoir des enfants qui sont impliqués. Je ne nie pas qu'il peut y avoir des parents aussi; souvent, les enfants vont reproduire le comportement des parents. Mais j'aimerais bien que vous terminiez, je vais vous donner l'occasion de le terminer, puis après ça on reviendra sur le rapprochement peut-être ou les associations de locataires.

Mme Pori (Justine): Je vais peut-être lire. «Les relations sont plates, comme on le dit aux Québécois; ce n'est pas facile de vivre dans un milieu où les gens qui ne vous connaissent pas et ne vous comprennent pas... Il y a beaucoup d'indifférence. Les relations de bon voisinage, on les remarque par contre parmi les gens d'une même communauté culturelle.»

«Cela n'a pas d'allure; les gens ne se parlent pas. Il y a beaucoup d'indifférence, des clans. Les enfants, ça va bien. Pourquoi, les autres, on ne peut pas faire pareil?»

Ça, c'est les dires un peu des personnes interviewées... Un instant.

Effectivement, dans le milieu HLM, on ne peut pas nier la portée du racisme. Dans le milieu HLM ça se manifeste auprès des enfants, et les adultes reprennent le relais ensuite. Parce que le plus souvent c'est à l'issue des conflits entre enfants qu'il y a la manifestation de ce racisme, et puis les parents aussi s'ingèrent un peu, chacun tirant de leur bord, de son côté. Mais ça commence le plus souvent par les enfants et puis ça se répercute au niveau des adultes.

Mme Thériault: Dans les mesures que vous proposez, vous demandez de miser sur les associations de résidents pour agir comme catalyseurs permettant de briser les barrières entre les cultures et créer un sentiment d'appartenance en milieu de HLM. J'entends bien ce que vous dites aussi. Je sais que, nous, on a déjà financé des projets dans le cadre du programme PARCI pour que justement la mixité de certains HLM avec la cohabitation par rapport aux Québécois, entre guillemets, de souche et les différentes communautés puisse se faire... des activités de rapprochement interculturel pour justement qu'on puisse mieux connaître l'autre qui est notre voisin, parce que malheureusement ? je suis d'accord avec vous... Même si on est des voisins, ça ne veut pas dire qu'on se parle. Des fois, on ne se regarde pas. Il pourrait arriver un drame chez notre voisin, puis on n'en serait même pas conscient. Donc, évidemment, il y a la possibilité de déposer des demandes dans le cadre du programme PARCI, avec des critères évidemment, puisque c'est un programme qui est normé. Mais je sais également que ma collègue la ministre des Affaires municipales, qui est aussi responsable de l'habitation, la ministre de la Famille et moi-même allouons des sommes d'argent, avec la Société d'habitation du Québec, dans le cadre du programme PAICS, P-A-I-C-S. Donc, évidemment, je crois que le rapprochement est très important.

Mais ne croyez-vous pas qu'il devrait y avoir aussi de la sensibilisation qui pourrait être faite ailleurs pour justement éviter que ce soit une problématique juste de HLM, style à l'école, exemple?

M. Morin (Paul): Bien, écoutez, nous, effectivement, on peut imaginer de la sensibilisation ailleurs. Mais, bon, nous, notre expertise, elle est vraiment ciblée sur le milieu HLM et, bon, on laisse à d'autres le soin d'aller plus au niveau de la sensibilisation.

Et un point majeur sur lequel je veux revenir, Mme la ministre, c'est le fait que c'est un milieu en principe qui devrait être favorisé au niveau du logement parce que les gens ne paient que 25 %. Et notre argumentaire est à l'effet que c'est une trappe sociale et que, si on veut faire en sorte que les HLM ne soient plus une trappe sociale... ce n'est pas encore la France ici, mais je vous dis qu'il y a des tensions fortes et qu'on ne peut pas agir sur ce milieu-là, qui est éminemment normé, s'il n'y a pas des actions gouvernementales à tous les niveaux, et particulièrement ciblées sur les offices municipaux d'habitation.

Et, nous, notre point, c'est que, oui, il y a du racisme entre individus en milieu HLM, mais qu'il y a une entreprise publique qui s'appelle un office municipal d'habitation où les gens de la municipalité sont fortement impliqués de par les... certains conseillers qui y siègent, comme à Sherbrooke, par exemple, et ça prend un office qui soit particulièrement attentif à ce qui se déroule dans ce milieu-là. Les offices le disent, ils ne gèrent pas juste des portes puis du béton. Ils sont là au niveau des relations entre les personnes. Et c'est malheureux à dire, mais ce n'est pas tous les offices qui ont pris ce virage-là. Et, je vous le dis, à Sherbrooke, le virage est en train de se prendre graduellement, mais on ne peut pas dire... Selon nous, il y a du rattrapage à faire important au niveau de l'office de Sherbrooke, et c'est ça qui fait en sorte que c'est structurel. Et, oui, c'est beau, la sensibilisation, mais il faut agir au niveau de l'institution elle-même parce que, s'il y a une logique de méfiance entre l'OMH et les locataires, ça va avoir un effet direct sur les relations entre voisins. Et ça, c'est un enjeu majeur. Et Justine, pour avoir fait un état de situation cet été, à l'office de Sherbrooke, pourrait vous en parler en long et en large.

Mme Thériault: On aura l'occasion d'entendre la ville de Sherbrooke aussi, après midi. Donc, on pourra certainement faire le lien par rapport avec le logement.

Vous avez abordé le point de la régionalisation de l'immigration. Évidemment, oui, les régions sont partantes pour avoir accès aux programmes, accès à la dynamique qu'est l'immigration, faire venir des gens dans leur région. Encore faut-il que les régions, les villes particulièrement, sont interpellées, doivent se donner les infrastructures pour pouvoir bien accueillir et intégrer nos concitoyens qui choisissent les régions, quand ils choisissent les régions évidemment. Donc, je pense qu'on aura l'occasion de parler aussi, cet après-midi, avec la ville de Sherbrooke par rapport à ça.

Vous, comme professeur, M. Morin, ce que j'aimerais savoir, c'est: Est-ce que vous considérez que la possibilité que le gouvernement rende public périodiquement un bilan sur le racisme et la discrimination est pertinente? Et quelle donnée qui est reliée à votre champ d'intérêt serait pertinente également?

n(10 heures)n

M. Morin (Paul): Oui, effectivement, je pense qu'on peut imaginer qu'un tel bilan serait un ajout, serait un apport à la compréhension de certaines situations. Oui, je pense qu'on peut effectivement l'imaginer. La difficulté, là, par rapport ? vite comme ça, à brûle-pourpoint; par rapport ? à mon champ d'expertise ou à notre champ d'expertise, pardon... Bon, c'est sûr qu'on pourrait imaginer, par exemple, là, de demander aux offices municipaux d'habitation de donner des indications par rapport aux manifestations de racisme qu'ils peuvent retrouver dans leurs milieux. Mais je vous avoue, là, que... Oui, ça peut être un indicateur, là, mais le danger là-dedans, selon moi ? bon, moi, je suis sociologue de formation, là ? c'est toujours le danger de ce qu'on appelle en anglais «blaming the victim», là, blâmer la victime, là.

Moi, je crains qu'en focalisant sur des incidents fort malheureux, on en convient, on perde de vue le contexte, contexte encore une fois qu'on a parlé dans notre mémoire, contexte de promiscuité, contexte de cohabitation forcée entre communautés. Et ce qu'il faut comprendre, là, bon, à Sherbrooke, il y a encore cohabitation en milieu famille entre Québécois de souche et communautés culturelles, mais, à Montréal, par exemple, où... Je vous donnerais un exemple. Récemment, j'étais à ville Saint-Laurent. En milieu famille, un HLM à ville Saint-Laurent, c'est 100 % communautés culturelles. Vous n'avez même plus de cohabitation entre ce qu'on appelle Québécois de souche et communautés culturelles, c'est strictement entre communautés culturelles. Bon.

C'est sûr que, là, on prêche pour notre paroisse, mais il faut comprendre ce qu'est un milieu HLM: c'est un milieu qui est éminemment stigmatisé dans notre société, et, dès 1991, encore une fois il y avait eu un avis là-dessus, et, nous, ce qu'on déplore, c'est le peu d'intérêt, le peu d'intérêt qu'on accorde à ce milieu-là. Et, dans une perspective encore une fois de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, on ne peut pas mettre à l'écart la question HLM, et particulièrement par rapport à l'intégration des communautés culturelles.

Le fait peut-être que je voudrais que Justine amène... Parce qu'encore une fois, Justine, elle connaît éminemment bien ce milieu-là, ayant elle-même été réfugiée accueillie au Québec et qui a été amenée vers Sherbrooke. Bon, peut-être que, toi, Justine, tu peux peut-être parler un peu plus de justement comment c'est vécu par des personnes réfugiées à Sherbrooke, le fait de vivre en HLM.

Mme Pori (Justine): Bon, le fait de vivre dans un milieu HLM ? effectivement on a trouvé un beau thème ? ça ressemble plus ou moins à une trappe sociale. Au départ, on se dit: On cherche un logement, et puis le plus modique, c'est celui-là qu'on trouve. Mais on se rend compte que le voisinage, il n'y a pas de liens de voisinage, il n'y a pas de collaboration, on ne se parle pas, chacun est chez soi. Ce qui fait qu'au lieu d'aller... si tu cherches une intégration, au lieu de s'ouvrir, tu vas dans un milieu où tu t'enfermes. Et voilà pourquoi, nous, on a beaucoup plus parlé de repli. Donc, c'est les communautés qui se replient entre elles pour favoriser l'intégration, alors qu'au départ on se dit que le milieu devait favoriser l'ouverture et l'intégration, mais par contre le milieu, c'est beaucoup plus perçu comme si tu te retrouves vraiment dans une trappe où le milieu n'est pas aidant pour toi, par rapport à celui qui est resté dans le logement locatif privé où il y a les voisins, il y a des gens avec lesquels ils vont parler, parce que c'est un autre milieu quand même. Le milieu HLM est plus vraiment fermé, donc ce qui fait que, par rapport à l'intégration, ce n'est vraiment pas un milieu d'intégration, c'est plutôt un milieu de lutte contre la pauvreté, mais pas d'intégration. C'est ça que je...

M. Morin (Paul): Par exemple, pour prendre un terme, là, on parle beaucoup de capital social. Bon, le capital social se définit par les relations qu'il y a entre les individus, si je résume, là, un peu grossièrement. Mais justement, les personnes des communautés culturelles qui se retrouvent en milieu HLM, le capital social, il est très faible: ils vont rencontrer des gens de d'autres communautés culturelles ou des Québécois de souche où leur capital social, leur réseau de relations, il est très faible, il est à l'intérieur du milieu HLM. Donc, ils ne sont pas capables de se sortir de ce milieu-là et d'avoir des contacts.

Vous savez comme moi, la vie en société, c'est une question de contacts. Votre contact en milieu HLM, il est très mince: c'est des gens autour de vous qui vous ressemblent, et, si vous voulez essayer de progresser dans l'échelle sociale, c'est très, très difficile. C'est en ce sens-là qu'on parle que, nous, la métaphore de la trappe sociale, en lien avec justement la question des réseaux sociaux et du capital social, nous semble éminemment parlante.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Il va rester deux minutes au côté ministériel. Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. Je vous remercie d'être avec nous, ce matin. C'est extrêmement intéressant. La situation du logement en général est une situation très importante, je pense, pour l'intégration au sein d'une société, puis que ce soit d'une personne immigrante ou de quelconque individu. Bien, sur la situation particulière des HLM, je me demandais votre perception. Vous en avez glissé mot dans votre présentation, mais, entre les HLM dits familiaux, donc où on retrouve les familles, et ceux des personnes âgées, ma perception est que les milieux famille sont plus sensibles, j'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Morin (Paul): Plus sensibles dans l'optique... en termes de problèmes sociaux, c'est ce que vous dites? Écoutez, c'est sûr qu'en milieu famille vous avez une concentration, là, importante, un cumul de problèmes sociaux, là, qui s'inscrivent dans une chaîne de reproduction de la pauvreté. Ça, c'est clair et net. Puis, bon, par rapport à Sherbrooke, la différence au niveau des communautés culturelles, ce n'est pas comme à Montréal. À Montréal, vous avez déjà plusieurs HLM aînés où vous retrouvez des gens issus des communautés culturelles. Donc, c'est une question d'ancienneté.

Mais il faut comprendre, là, qu'il y a des enjeux importants au niveau des HLM aînés, par exemple toute la question de l'isolement. Bon. À Montréal, par exemple, l'office de Montréal a décidé que toutes les personnes âgées de 75 ans et plus seraient vues au moins une fois par année. Et, bon, Justine peut en parler aussi, à Sherbrooke, dans l'état de situation, ça a énormément ressorti, cette question-là de l'isolement des aînés. Parce qu'entre autres, on pourrait dire, c'est irrationnel, mais ils craignent, s'ils manifestent qu'ils sont en perte d'autonomie ou en légère perte d'autonomie, d'être obligés de quitter. Donc, ils préfèrent attendre, attendre, attendre, et ils doivent compter sur des voisins pour les aider. Donc, c'est une situation qui est différente mais avec des enjeux importants aussi au niveau du vivre-ensemble.

Mme Pori (Justine): Oui, effectivement, les grandes problématiques, on les rencontre dans les milieux famille. Mais les personnes aînées aussi, ils vivent les problématiques qui sont propres à leur âge. Donc, le plus souvent on retrouve le vieillissement et puis toutes les difficultés liées à la perte d'autonomie, et le fait surtout de ne pas le dénoncer, ils ne veulent pas dire qu'ils sont en perte d'autonomie. Donc, c'est des gens qui se refusent, comme M. Paul Morin vient de le dire, pour des raisons irrationnelles, d'être mis dans des logements... enfin dans les CHSLD, d'être en perte d'autonomie. Cela crée des situations où vous rencontrez des personnes âgées dans des situations assez difficiles, qui ont peur surtout d'être placées. Cela laisse aussi à désirer que le problème d'isolement, ce n'est pas l'isolement propre à leur milieu mais l'isolement propre à leurs familles qui ne les soutiennent pas. Donc, c'est, je dirais, tel que... Par rapport aux personnes âgées, ils vivent beaucoup plus des situations en lien avec l'isolement mais en lien aussi avec leur perte d'autonomie. C'est beaucoup plus ça. Ça, c'est plus la pauvreté. Bon, vous comprenez que c'est vraiment un mélange de tout, parce que la pauvreté, ce n'est pas seulement auprès des familles, mais, auprès des personnes âgées aussi, nous avons la pauvreté.

Mme Lefebvre: Dans votre mémoire, vous faites beaucoup référence aux comités de résidents. De ce que je vois, moi... Je représente un comté de Montréal puis j'ai l'impression que les comités de résidents sont beaucoup laissés à eux-mêmes. Donc, dans certains HLM, si le comité de résidents est très dynamique et donc va de l'avant cogner aux portes des différents résidents, ça crée une vie plus dynamique, puis je pense qu'ils réussissent à résoudre plusieurs dynamiques ou problématiques ensemble, mais, dans d'autres milieux où les comités sont moins dynamiques, ça crée parfois des problèmes ou encore, à l'intérieur même des comités de résidents, il peut y avoir, bon, bien, des problèmes, là, ou des tensions, c'est ça. Donc, je me demandais... Bon, il y a des agents de l'office qui se promènent, bon, dans les différents HLM, mais j'ai l'impression qu'ils ne sont pas si... bien, en tout cas, qu'il n'y a peut-être pas assez de ressources à cet égard-là. J'aimerais vous entendre là-dessus.

Vous parlez de partenariat avec les organismes communautaires également. Je sais que ça se fait un peu, mais, puisque c'est quelque chose que vous avez beaucoup abordé, l'importance de ces comités, j'aimerais que vous développiez un peu sur nos meilleures pratiques. Qu'est-ce qu'on devrait privilégier?

n(10 h 10)n

M. Morin (Paul): Oui, bien, je vais commencer. Je vais passer par rapport à Justine. Écoutez, donc, très brièvement, bon, comme chercheurs, on a fait un inventaire analytique des pratiques d'action communautaire en milieu HLM pour l'ensemble du Québec. Ce qui ressort, c'est qu'effectivement le travail des associations de locataires en milieu HLM est fort important, mais effectivement il y a une question de manque de ressources au niveau des offices.

Mais, au-delà de la question du manque de ressources, moi, ce que je veux insister par rapport aux offices, c'est la question de la culture organisationnelle de l'office, parce que vous avez des offices... Si je prends, par exemple, ici, dans la région de Québec, l'exemple de Lévis, qu'on donne souvent en exemple, ou Trois-Rivières, qui sont des OMH qui ont fait énormément puis qui n'ont pas eu vraiment beaucoup de nouveaux argents, mais, à l'intérieur de la boîte, on a réussi à créer une culture qui fait en sorte qu'on est proche des locataires, on va les voir, on les écoute et on est près d'eux. Donc, dans ce sens-là, il y a une synergie créatrice entre les associations de résidents et l'entreprise publique qui est l'office. Et, bon, à Sherbrooke, il y a encore pas mal de millage à faire pour qu'on en soit là.

Donc, oui, effectivement, les associations de locataires ont besoin d'être appuyées financièrement. Mais ils ont aussi besoin d'avoir un fort support de l'office qui est le propriétaire, et, s'il y a un antagonisme ou il y a peu d'intérêt qui est manifesté pour l'action communautaire de la part de l'office, bien on a des situations à mon avis comme on a à Sherbrooke présentement.

Mme Lefebvre: Mais c'est surtout, aussi, j'ai l'impression, d'avoir aussi un intervenant neutre, qui n'est pas non plus dans le milieu puis qui peut aussi faire des arbitrages.

M. Morin (Paul): Bien là, ça, c'est le rôle des organismes communautaires. Mais, à Sherbrooke, très peu d'organismes communautaires interviennent en milieu HLM, là, quelques-uns, c'est...

Mme Pori (Justine): Les organismes communautaires interviennent un peu, mais c'est vraiment des actions ciblées seulement. Alors, nous, on voudrait des actions d'ensemble telles que lutter contre le racisme ou faire la sensibilisation contre le racisme; c'est des actions d'ensemble. Mais, si c'est des actions au cas par cas, ça ne résout pas la même chose. Parce que, jusqu'à présent, aucun organisme communautaire au niveau de Sherbrooke n'a eu le mandat d'intervenir dans le milieu HLM. Donc, c'est pour vous dire que le milieu HLM, si on ose le dire, il est plus ou moins laissé à lui-même.

Mme Lefebvre: Non, c'est très intéressant. J'aimerais... Si on reprend l'ensemble de vos recommandations puis selon votre expérience, est-ce que vous seriez capables de nous illustrer le modèle d'habitation idéal? Est-ce que c'est des petites habitations? Est-ce que, tu sais... Bref, tu sais, si on avait à se l'imaginer, est-ce que ce serait, je ne sais pas, moi, 10 logements, mélanger aînés avec familles, avec un intervenant communautaire et quelqu'un du CLSC? En tout cas, je ne sais pas, là, mais l'illustrer.

M. Morin (Paul): Bien, tu sais, effectivement, on peut.... C'est sûr que la concentration de personnes défavorisées dans un même lieu et dans un lieu aussi qui parfois est lui-même périphérique, il faut voir... Bon, il faut voir aussi... Il y a quelques HLM, par exemple, à Sherbrooke qui sont littéralement dans un creux, là. Donc, il y a au niveau spatial, tu sais, on est aussi à l'écart, donc ça accentue le stigma. Donc, il faut...

Pour faire ça, bref, ça prend un lieu d'habitation qui soit inclusif. Donc, ça, pour nous, ça, c'est clair, il y a différentes modalités pour qu'il soit inclusif. Il y a la question de la mixité. Ce n'est pas pour rien qu'on a mis une recommandation concernant la question de la mixité sociale. Ça, c'est directement en lien avec la question de la trappe sociale. Ce que les recherches démontrent, c'est que, si on a une mixité sociale en milieu HLM, donc pas juste des personnes qui sont sur la sécurité du revenu mais aussi des gens qui travaillent et qui peuvent rester là longtemps puis ne pas voir leurs loyers augmenter, ça allège l'effet de trappe sociale. Ça permet en sorte d'avoir effectivement une véritable communauté où vous avez des gens qui ont différentes potentialités.

Il y en a, des potentialités en milieu HLM, mais, pour revenir, pour être très clair avec votre question, ça prend un milieu inclusif, un milieu qui favorise justement le développement des potentialités, et, pour ça, ça prend une mixité sociale. On ne l'a pas, à l'heure actuelle, la mixité sociale, toutes les recherches le démontrent au Québec. Il y a eu, avec les années, une concentration de problèmes sociaux en milieu HLM, particulièrement famille. Et encore une fois, ici, au Québec, ce n'est pas la France, mais il y a une tendance extrêmement... une tendance, là, qui se dessine clairement, et, je vous le dis, il y a péril en la demeure si on n'intervient pas de façon claire et nette en milieu HLM, particulièrement famille. Puis, en lien direct avec la question de l'intégration des communautés culturelles, il y a vraiment quelque chose à faire en milieu HLM, et il faut le faire, sinon, au niveau de la société québécoise, on va se retrouver avec des problèmes ici, dans 10, 15 ans, puis on va encore disserter sur le racisme et l'inclusion des communautés culturelles. Le milieu HLM est un milieu stratégique où on devrait justement agir rapidement.

Le Président (M. Brodeur): Mme la ministre, pour une...

Mme Thériault: Non, le député de Montmorency.

Le Président (M. Brodeur): M. le député de Montmorency, pour une courte question et une courte réponse.

M. Bernier: Merci, M. le Président. M. Morin, je ne veux pas discuter nécessairement ce qui regarde vos éléments au niveau des HLM, mais ce que je veux vous emmener, c'est sur une autre forme d'habitation qui existe dans différentes municipalités peut-être de plus petite taille. Je viens du monde municipal et j'ai eu l'occasion de siéger sur les conseils, et, nous, dans la municipalité où on était, la décision avait été d'aider financièrement les familles, de subventionner des logements précis, qui ne sont pas dans des HLM mais qui sont dans la collectivité, c'est-à-dire qu'on ciblait des logements, et, à ce moment-là, on les aidait financièrement. O.K. Bon. Selon vous, est-ce que des personnes qui ont la possibilité d'obtenir ces habitations-là, ces logements-là ont plus de facilité dans la qualité de leur vie et dans l'intégration que ce que vous mentionnez comme problématique? Est-ce que c'est une solution par rapport à l'intégration des personnes immigrantes au sein de notre société?

M. Morin (Paul): Moi, je pense que c'est un élément de solution. Il y a plusieurs solutions, mais effectivement le fait de demeurer dans un logement sur le marché privé locatif et d'être relativement anonyme, en soi ça ne veut pas dire que cette famille immigrante là va être nécessairement mieux intégrée, mais je pense que c'est un point de départ intéressant. Compte tenu de la situation actuelle en milieu HLM, oui, effectivement, c'est une solution intéressante, oui.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Bien, justement, il existe un programme, l'allocation-logement, qui permet à des personnes de recevoir une certaine allocation pour pouvoir demeurer dans des logements autres qu'un HLM. Est-ce que ce programme-là devrait être indexé? Je sais que ça fait longtemps qu'il ne l'a pas été. Est-ce que c'est des pistes de solution, là, pour aider les gens à rester...

M. Morin (Paul): Oui, tout à fait. Effectivement, on peut imaginer cette piste de solution là. Est-ce que ça veut dire pour autant qu'on devrait cesser de construire des logements de type HLM? Je ne pense pas. Je pense que les recherches démontrent que ça prend une variété de solutions, autant celles que vous venez de nommer que le logement de type HLM. Mais, nous, on s'inscrit dans cette variété de solutions là. Mais encore faut-il effectivement que, si on développe du milieu HLM, ce soit du milieu HLM inclusif et intégrateur, et non pas ce que l'on vit actuellement, qui a ni queue ni tête, particulièrement au niveau de ce qu'on appelle les grands ensembles au Québec, qui sont... Encore une fois, ce n'est pas la France, ce n'est pas les Barres, mais il y a du travail social à faire éminemment.

Mme Lefebvre: Mais en tout cas ? juste en terminant, parce que mon collègue a une question ? moi, je partage absolument votre propos sur l'urgence d'agir. En tout cas, étant moi-même dans la métropole, je pense vraiment que, dans certains milieux, il pourrait y avoir rapidement, si on n'agit pas, des conséquences graves pour le futur. Puis, moi, je pense que ce qu'on a entendu depuis deux semaines, ici, nous interpelle beaucoup sur ces aspects-là.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, M. le Président. Merci, madame monsieur, de venir nous entretenir. Et je dois vous dire que j'ai trouvé extrêmement intéressant votre document de même que votre présentation. Je pense que vous présentez une construction, je dirais, conceptuelle de ce que serait une solution globale à partir des gens eux-mêmes jusqu'à la structure formelle des HLM, et tout ça. J'y vois deux difficultés concrètes. La première, c'est au niveau de... Vous faites appel au leadership de la Société d'habitation du Québec, et ma perception jusqu'à aujourd'hui, qui va peut-être changer après votre réaction, c'est que le leadership de la Société d'habitation du Québec, c'est un leadership purement économique et que, cette problématique-là, j'ai comme de la difficulté à comprendre qu'ils soient équipés pour y faire face.

La deuxième question que je me pose est la suivante, c'est que, dans les comités de résidents ou les... Le problème qui risque de se poser, c'est que, si les gens se méfient les uns des autres, pour des raisons culturelles et autres, le danger est très fort que le comité soit noyauté par un très petit groupe qui s'en sert pour se protéger, puisqu'il se méfie, et, deuxièmement, qui s'en sert pour se valoriser aussi, puisqu'il est dans un milieu dévalorisé. Alors, on est dans deux culs-de-sac, il me semble, difficiles. Qu'est-ce que vous répondez à cela?

n(10 h 20)n

M. Morin (Paul): Peut-être sur la SHQ, et Justine pourra aller sur la question de la méfiance. Bien, écoutez, la SHQ a un leadership à exercer en matière, là, d'action communautaire. Dans le cahier de charges de la Société d'habitation du Québec, que chaque office a... bien qui s'adresse particulièrement aux offices importants, il y a des aspects qui concernent l'action communautaire. Donc, je pense qu'au niveau de la Société d'habitation du Québec il y a un intérêt plus grand qu'auparavant par rapport à la question de l'action communautaire en milieu HLM.

Ceci étant dit, ce n'est pas la SHQ qui décide du montant d'argent qui est alloué au programme PAIC et, bon, ce n'est pas avec, je pense, 500 000 $ par année qu'on va régler les problèmes sociaux en milieu HLM. Le programme PAIC est tout à fait intéressant mais quand même relativement limité par rapport à l'ampleur des problèmes sociaux en milieu HLM. Donc, oui, je pense que la SHQ a un mandat qu'elle exerce ? peut-être qu'elle pourrait l'exercer plus, là, on pourrait en discuter ? au niveau de l'action communautaire. Mais elle est quand même partie prenante, là, elle est dans le décor. Sur la question du noyautage, bien c'est un enjeu important. Justine.

Mme Pori (Justine): Oui. C'est vrai qu'il y a de la méfiance même dans les comités de résidents, c'est vrai, on le reconnaît, parce que... Cela s'explique d'abord par le fait que le milieu HLM, c'est un milieu qui est beaucoup stigmatisé, beaucoup étiqueté. Donc, déjà, c'est un milieu que, dès que tu y vis, tu es déjà stigmatisé, et ceux qui prennent quand même le courage de s'organiser pour en encadrer d'autres sont aussi victimes de cette stigmatisation-là.

Mais on n'oublie pas que, dans le milieu HLM, c'est du monde qui y vit et il y a des forces, et, nous, c'est un peu sur ces forces-là qu'on veut tabler. Il y a des forces, il y a des gens qui veulent que ça change et il y a des leaders, je pense... dans chaque milieu, je dirais qu'il y a des leaders potentiels, et c'est avec ces forces-là, je pense, qu'on peut travailler pour que ça change. Mais je sais que la méfiance existera toujours. Mais, s'il y a des leaders... Il y a des exemples qu'on a tels que les associations de Lévis, des locataires de Lévis. Eux, ils sont assez dynamiques. Ils ont réussi vraiment à s'en charger, à enlever cette méfiance les uns des autres, à se parler ? et je sais qu'il y a des modèles, il y a des exemples de réussite quand même des associations de locataires ? et je pense qu'on peut prendre ce modèle-là comme exemple et puis l'intégrer dans tous les milieux HLM, mais sans pour autant qu'on n'en ôtera pas les préjugés dont sont victimes toutes les populations qui sont logées en milieu HLM.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposons. Donc, merci à M. Morin et Mme Pori. Donc, je vais suspendre quelques instants pour que le groupe AIDE puisse s'installer.

(Suspension de la séance à 10 h 23)

(Reprise à 10 h 24)

Le Président (M. Bernier): Je vous prierais, s'il vous plaît, de prendre place, de façon à ne pas accumuler trop de retard. Donc, je souhaite bienvenue à l'Actions interculturelles de développement et d'éducation, ou de l'AIDE. Donc, M. Mohamed Soulami, M. François Faucher et Mme Gertrude Cardoso, bienvenue. Il me fait grand plaisir de vous accueillir ce matin, à la commission culturelle.

La façon de procéder: vous avez 15 minutes pour faire votre présentation; par la suite, de façon à pouvoir s'assurer de rentrer dans nos temps et de donner toute l'opportunité aux groupes subséquents, il y aura deux blocs de sept minutes pour chacun des groupes composant le groupe parlementaire du gouvernement et le groupe de l'opposition. Donc, la parole est à vous, allez-y.

Actions interculturelles de
développement et d'éducation inc. (AIDE)

M. Soulami (Mohamed): Merci, M. le Président. Mme la ministre, Mmes et MM. les députés et membres de la commission, merci de nous accueillir aujourd'hui, là, pour présenter notre mémoire que nous avons déposé dans le cadre de cette consultation. Au départ, nous souhaitons bien sûr féliciter le gouvernement pour cette initiative de lancer une consultation pour le développement d'une politique d'action contre le racisme et la discrimination.

Vous avez présenté mes collègues: Mme Gertrude Cardoso, qui représente le conseil d'administration, et M. François Faucher, qui est gestionnaire de projets en alphabétisation technologique puis en gestion de la diversité. Je vous prie aussi d'excuser notre président, M. François Godbout, qui voulait être avec nous aujourd'hui, sauf... bien, il reçoit une mission du Brésil, donc il ne pouvait pas vraiment se déplacer pour venir ici, à Québec.

Notre organisme, qui existe actuellement depuis 18 ans, Actions interculturelles, est né par le souhait d'une dizaine d'étudiants de l'Université de Sherbrooke d'organiser des activités de rapprochement interculturel. La base était de faire partager cette richesse qui existe dans notre société entre tout le monde, cette richesse qui est méconnue. À partir de là est né cet organisme qui a actuellement 18 ans. Nous agissons, comme, dans le document, nous l'avons présenté succinctement, dans différents secteurs, d'un côté avec des activités et des actions de sensibilisation et d'éducation interculturelle autant dans le milieu scolaire, dans des organismes communautaires, dans des entreprises, et par des activités pour des grands publics, comme le Mois de l'histoire des Noirs, la Semaine d'action contre le racisme, des activités dans le cadre de la Semaine québécoise des rencontres interculturelles, etc., tout le long de l'année.

Aussi, nous avons un secteur d'intervention pour soutenir des acteurs qui veulent savoir comment faire pour gérer la diversité. Nous avons actuellement un projet qui est en cours pour intervenir dans des entreprises, et de faire le diagnostic avec les entreprises, et de les soutenir pour avoir un plan d'action concret en fonction de leurs besoins dans l'entreprise, et ce, avec des professionnels qui sont diplômés en psychologie interculturelle de l'Université de Sherbrooke; et le troisième secteur qui est l'alphabétisation technologique pour aider à éliminer un peu le fossé numérique qui crée encore plus d'exclusion, qui peut créer plus d'exclusion aussi pour différentes personnes.

D'un côté, pour la population en général, on profite de ces occasions pour faire aussi de la sensibilisation à la connaissance et le rapprochement interculturel par le biais de l'Internet. On sait maintenant qu'on peut facilement, par Internet, avoir des réponses à des questions qu'on se pose, alors qu'il y a 20 ans, si on avait une question sur une culture, bien il fallait aller dans une bibliothèque, essayer de trouver des références, etc. Ça prend pas mal plus de temps. Donc, c'est un outil qui permet un véritable rapprochement aussi, et ça permet aussi d'aider les personnes immigrantes nouvellement arrivées à se doter aussi de ces outils pour pouvoir accéder au marché du travail.

Pour cette consultation, nous souhaitons d'un côté, bien sûr, remercier le gouvernement pour ce qu'il a fait et ce qu'il fait déjà maintenant comme actions en vue de l'intégration des personnes immigrantes dans la société. Et nous souhaitons aussi préciser, et ça, c'est un pas qui est vraiment vers l'avant, préciser comme quoi il y a un besoin urgent et majeur d'avoir une politique accompagnée d'un plan d'action concret pour lutter contre le racisme et la discrimination, et donc cette initiative devrait être aussi associée avec des moyens de réalisation qui sont importants pour faire en sorte qu'on élimine tous les aspects de discrimination et de racisme dans notre société.

n(10 h 30)n

Je ne veux pas relire toutes les mesures que nous avons mises dans le document, je pense que vous les avez lues, mais on voudrait peut-être insister sur quelques éléments. Premièrement, la Commission des droits de la personne. Je pense qu'il y a eu plusieurs interventions ici, devant vous, à l'effet que, la Commission des droits de la personne, souvent il y a des retards importants dans l'analyse des dossiers, autant pour l'application de la Loi d'accès à l'égalité que pour des interventions de la commission pour le respect de la Charte des droits et libertés. Donc, il y a un besoin à notre avis de faire une révision du mandat de la commission et de la doter aussi des ressources nécessaires pour pouvoir agir comme il faut pour réaliser sa mission.

Si je vous donne un exemple, à Sherbrooke, il y a une personne qui travaille à la Commission des droits de la personne. Il y a des cas ? et on a mis des articles dans le document; il y a des cas ? qui nous interpellent beaucoup, des cas qui sont concrets. On est au courant de beaucoup plus de cas que ça. Et donc, quand il y a des dossiers qui sont déposés à la commission puis ça peut durer, excusez-moi le terme, traîner pendant quelques années, bien les gens finalement n'ont plus confiance dans la commission, puis parfois le dossier, il est fermé, puis ils n'ont même pas l'information exacte, le pourquoi le dossier est fermé.

Si vous me permettez, il y a même un cas... je ne peux pas mentionner les personnes exactement, mais une personne qui a étudié pendant trois ans, qui a réussi tous ses cours, qui a fait trois stages. Elle est arrivée à la dernière année, avec le dernier stage, et il y a eu, à notre avis et à leur avis aussi, un cas de discrimination, et elle a été exprès, disons, tassée du programme. Elle a déposé un dossier à la Commission des droits de la personne, puis, après deux ans, tout ce qu'on lui a demandé, de retourner refaire un autre stage. Et ça, c'est un cas concret qui peut même être témoigné... Cette famille a quitté carrément la province pour aller dans une autre province. Et, quand ils ont fait une partie de l'enquête, ils ont trouvé que, dans la même formation, il y a eu d'autres cas aussi de personnes immigrantes qui ont subi des mêmes actions.

Donc, alors ça, ça nous interpelle. On voit dans l'article qu'il y a une famille qui a été agressée et que la réaction, rapidement, des services de police, c'est que ce n'est pas un cas de racisme. Pourtant, la famille par la suite, le lendemain, il y a un article qui précise que, oui, il y avait aussi des insultes racistes contre cette personne-là, contre cette famille. Et c'étaient un monsieur avec sa femme et son enfant qui sa baladaient tranquillement devant un parc. Et la femme, elle est enceinte. Imaginons, pendant juste une petite minute, là, s'il vous plaît, imaginons un peu cette famille, comment elle vit ce moment-là, comment ce moment devient gravé dans sa tête. Bien, ce qui est malheureux, c'est que cette famille n'ose pas porter plainte parce qu'elle a peur. C'est ça qui est malheureux. Et ils vont vivre avec ça pendant combien de temps, marqués? Là, maintenant, heureusement, bon, maintenant, les personnes sont poursuivies. Donc, il y a 13 chefs d'accusation contre les personnes qui les ont agressés, mais il n'empêche que c'est un cas concret.

Deuxième cas que j'amènerai, on voit l'autre article: Des athlètes déçus à l'Université de Sherbrooke, un entraîneur qui a été écarté. Puis, dans l'article, on dit bien: parce qu'il ne parle pas bien français. Pourtant, avec cet entraîneur, l'équipe Vert & Or a avancé plus, et c'est ce qui est mentionné dans l'article. Je peux vous dire que, nous, on n'a pas fait une enquête là-dessus. Nous n'avons pas ni le mandat, ni la mission, ni les moyens aussi de suivre... mais ces gens-là ont besoin d'un soutien. Il n'y a aucun organisme qui a le mandat de soutenir ces personnes-là. La commission, c'est un tribunal, donc elle doit décider sur des cas, mais il n'y a aucun organisme qui peut donner un soutien à ça.

Alors ça, c'est en ce qui concerne la Commission des droits de la personne et de la jeunesse. Je pense que c'est une commission qui doit... bon, le mandat révisé, mais qu'elle doit avoir aussi les moyens nécessaires pour pouvoir réaliser son mandat.

Je ne passerai pas sur toutes les mesures, mais nous pensons qu'au niveau du rapprochement interculturel il est majeur d'insister beaucoup sur l'éducation au rapprochement interculturel. Nous pensons que des programmes qui encouragent la création de comités interculturels bénévoles, autant dans des écoles que dans des quartiers ou même des HLM... Comme l'ont dit nos collègues, nos concitoyens qui sont venus tout à l'heure, effectivement, dans les HLM, il y a urgence d'agir. Ils ne sont pas au courant de ça, mais nous avons actuellement un projet avec la ville de Sherbrooke pour faire une étude sur les unités de voisinage en général, HLM en particulier, et nous nous orientons, toujours en collaboration avec l'Université de Sherbrooke, le département de psychologie interculturelle, nous nous orientons vers un forum au printemps prochain, pour consolider l'information que nous aurons sortie à partir de cette étude, là, puis de voir les mesures nécessaires pour aller de l'avant là-dedans.

Donc, pour ce qui est d'autres mesures, comme pour l'accès à l'emploi, je vais céder la parole à mon collègue, François Faucher, qui va vous présenter quelques cas.

M. Faucher (François): Pour les questions d'emploi, actuellement, moi, je gère un programme pilote du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles qui tente de sensibiliser et d'aider les entreprises à gérer la diversité culturelle qui est, dans le cas d'une région, un contexte un peu spécial. Les régions, à la différence de Montréal, ne sentent pas actuellement d'une façon aussi pressante la pénurie de main-d'oeuvre et d'autre part sont beaucoup moins habituées à avoir des immigrants près de chez eux, spécialement comme dans le cas de Montréal. Alors, ce qu'on sent, c'est que l'économie des régions a été en grande partie, dans le cas de l'Estrie en tout cas, développée sur des PME qui comptaient sur une main-d'oeuvre familiale et locale. Actuellement, cette main-d'oeuvre-là n'est plus disponible. Les jeunes vont de plus en plus à l'université ou au cégep et, par la suite, s'orientent vers les centres économiques plus forts. Et il commence à y avoir une pénurie, mais elle est moins sentie. C'est surtout une sensibilisation qui l'a retardée.

Et ce qui est important et ce qu'on perçoit, c'est que les préjugés continuent d'exister beaucoup au niveau des entreprises et que c'est nécessaire de travailler directement avec les entreprises. Mais c'est aussi nécessaire, de plus en plus, d'inclure, au niveau de l'éducation et de la formation, une formation à l'interculturel et au rapprochement interculturel parce que, même si les plus grandes entreprises sont ouvertes au monde et commencent à comprendre beaucoup plus la dynamique multinationale, internationale, les plus petites entreprises continuent d'être en retard là-dessus, et surtout leur clientèle n'est pas toujours prête.

Si on regarde le cas des entreprises, par exemple, en ingénierie, l'Ordre des ingénieurs a avancé plus au niveau de la reconnaissance des acquis, mais la clientèle n'est pas toujours prête. Et c'est vrai dans d'autres secteurs aussi, où l'image des entreprises qui ont avancé plus pour refléter une société pluraliste est parfois retardée.

Le Président (M. Bernier): Une minute, s'il vous plaît, M. Faucher. Vos propos sont intéressants, mais il vous reste une minute pour conclure.

M. Faucher (François): Oui. Nous, ce qu'on pense, c'est qu'il faudrait que des programmes comme le PRIIME soient aussi élargis à d'autres secteurs qui travaillent plus dans le domaine de l'éducation, par exemple des secteurs comme les organismes sans but lucratif, les organismes communautaires, qui sont exclus du PRIIME, donc une mesure d'Emploi-Québec pour intégrer les immigrants, et qu'en même temps, au niveau... Excusez-moi, vous m'avez déconcentré un peu.

Le Président (M. Bernier): Vous aurez l'opportunité de revenir avec la période des questions.

n(10 h 40)n

M. Faucher (François): Oui. O.K. En même temps, ce qu'on sent, c'est que, quand les gens sont victimes ou se sentent victimes de discrimination, ils ont besoin d'avoir des ressources beaucoup plus faciles d'accès, ce que mon directeur soulignait, autant au niveau de la commission qu'au niveau des ressources policières, où la tendance continue de nier et de dire: Il n'y a pas de problème de discrimination ou il y en a très peu. Merci.

Le Président (M. Bernier): Écoutez, bien sûr, vous savez, l'objectif n'est pas de vous déstabiliser, mais l'objectif est d'assurer...

M. Faucher (François): Non, non, je comprends parfaitement...

Le Président (M. Bernier): ...d'assurer les disponibilités de temps pour tous les intervenants. Donc, nous allons immédiatement passer à la période d'échange avec les parlementaires. Donc, je donne la parole immédiatement à la ministre, là, pour un premier bloc de sept minutes.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Soulami. Bonjour, Mme Cardoso, M. Faucher. Merci d'être avec nous ce matin. Merci pour votre mémoire. Vous avez un mémoire qui est assez étoffé, qui a réellement couvert tous les axes qui avaient été privilégiés dans le document de consultation. Vous déposez d'ailleurs 30 recommandations, donc on voit le sérieux du travail et l'expertise aussi que vous avez développée sur le terrain, qui vous amène à être capables de faire des interventions dans différents axes qui avaient été retenus par le ministère, dans le document de consultation.

Évidemment, bon, le temps est très court, donc je vais essayer d'être assez brève dans mes propos pour vous laisser le temps de parler. Vous avez parlé de la formation, M. Faucher, par rapport aux gestionnaires dans les entreprises. J'aimerais ça vous entendre un peu plus là-dedans parce qu'effectivement, moi, je crois sincèrement que, même si un propriétaire d'entreprise ou le président d'une entreprise va décider d'ouvrir son entreprise à la diversité culturelle, encore faut-il que ce soit fait de manière cohérente et harmonieuse parce que, oui, il y a les gens qui embauchent, il y a les gens qui sont en position de commande, mais tu as aussi l'employé et les employés qui travaillent à l'intérieur d'une entreprise. On a eu, la semaine passée, un groupe de Beauce qui nous a vanté les mérites de chez Matériaux René Composites, et je suis sûre que vous êtes au courant du travail qui s'est fait là-bas. Comment voyez-vous la contribution des entreprises pour justement faciliter l'intégration? Comment voyez-vous ça?

M. Faucher (François): Les entreprises, d'une façon générale, ont ? et je pense que c'est une caractéristique peut-être de la région ? l'impression d'être relativement accueillantes et souples pour l'embauche d'employés. Donc, elles n'opposeront pas directement des objections à employer des personnes immigrantes. Sauf qu'ils vont vouloir s'assurer à tout prix de la qualité du français, et ça, là-dessus, il y a beaucoup d'entreprises qui continuent de croire qu'un immigrant qui arrive a besoin assez souvent de plus de français que la francisation de base. Alors, sur cet aspect-là, c'est une réclamation assez courante. Et par la suite il y a aussi toute l'adaptation à la culture d'entreprise dans une entreprise québécoise, et spécialement dans une entreprise PME. Là, à ce moment-là, c'est un milieu relativement fermé. Pas fermé dans le sens qui est rébarbatif, mais c'est un type d'entreprise qui fonctionne avec une petite gang, avec un groupe plus tissé serré, et donc l'intégration exige des aménagements.

Alors, nous, ce qu'on essaie, c'est d'aider les entreprises à réduire les biais culturels, à les aider aussi à comprendre comment recruter, comment faciliter l'intégration. Et je pense que ça donne des résultats mais qu'en même temps ça prend plus que ça. Et actuellement c'est pour ça que, nous, on recommande que le PRIIME, un, peut-être soit rapproché des organismes en interculturel, ceux qui placent les immigrants et ceux qui travaillent dans le rapprochement interculturel. Si on pouvait, par exemple, offrir aux entreprises un peu plus de ressources pour intégrer les immigrants... Je pense que ça va être nécessaire parce que la pénurie n'est pas encore sentie. Quand la pénurie va être plus sentie, peut-être que les gens vont comprendre, là, à ce moment-là: il faut qu'ils fassent l'effort ou qu'ils aillent un peu plus rapidement.

L'autre chose, c'est évidemment: dès que les entreprises dépassent 300 employés, là, à ce moment-là, ça devient beaucoup plus intéressant d'engager des gens qui connaissent d'autres langues, qui connaissent d'autres pays, d'autres cultures.

Mme Thériault: O.K. Par contre, il faut être conscients que le programme PRIIME, c'est un nouveau programme qui a été mis sur pied justement pour aider les petites et moyennes entreprises parce que ce sont elles qui sont favorisées par ce programme-là et que c'est de l'argent qui provient des immigrants investisseurs, du fonds des immigrants des investisseurs. Donc, c'est réellement des intérêts qui sont générés. Et il est évident qu'on ne peut pas non plus changer la vocation de ce projet-là, d'autant plus que, l'an passé, on a fait tous les placements, et c'est un programme qui remporte beaucoup de succès, particulièrement dans les régions. Parce que justement, avec ce programme-là, au-delà de la subvention salariale, il y a des mesures d'accompagnement que les entreprises peuvent se prévaloir, dont la francisation aussi, le fait de jumeler une personne ou d'avoir une personne responsable dans l'entreprise pour aider l'intégration et gérer. Donc, il est évident qu'on ne voudrait pas déshabiller Pierre pour habiller Jacques non plus, d'autant plus que c'est un programme qui remporte un très vif succès.

M. Faucher (François): Non. Nous, on considère que le programme PRIIME, c'est un excellent programme, et c'est pour ça que peut-être qu'il faut voir de quelle façon il pourrait être élargi ou amélioré. Par contre, vous savez que la situation des régions continue à être difficile. Une région comme l'Estrie a perdu énormément d'emplois au cours des deux dernières années, avec le textile, avec des entreprises qui sont plus traditionnelles. Alors là, c'est toute une restructuration économique qui doit intégrer aussi les ressources que peut apporter et qu'apporte à long terme l'immigration avec une expérience, un point de vue différent.

M. Soulami (Mohamed): Vous permettez? Effectivement, l'élargissement du programme ou le développement d'un programme similaire qui peut s'adresser à d'autres milieux, on peut penser même aussi dans des institutions... Il y a eu une expérience ici, à Québec, qui à notre connaissance a connu un vif succès, mais ce n'était pas dans le cadre du programme PRIIME, mais c'était avec la ville de Sherbrooke, puis il y a eu un programme de placement de personnes immigrantes qui, par la suite, sont restées dans des emplois.

Donc, peut-être soit l'élargissement ou le développement d'un programme similaire, mais qui s'adresse aux grandes entreprises, qui s'adresse aux organismes communautaires, aux institutions. Prenons l'exemple ? on le dit dans le mémoire ? des médias, par exemple. Bien, avoir des personnes qui travaillent à l'intérieur des médias, ils vont faire eux-mêmes la sensibilisation auprès de leurs collègues de travail et ils vont avoir un impact sur une ouverture un peu plus grande. Je pense aussi que ce serait bien que ce programme-là... de voir de quelle façon... Nous, on encourage là-dedans qu'il y ait, une fois une personne placée dans une entreprise, un processus de jumelage avec une autre personne qui est déjà dans l'entreprise qui fait partie du programme, carrément. Parce que, le jumelage avec une autre personne, souvent ce jumelage professionnel à l'intérieur de l'entreprise souvent fait en sorte d'éliminer tous les autres obstacles qui peuvent être créés pour les personnes pour rester à l'emploi.

Il y a eu des cas. Il n'y en a pas beaucoup. C'est vrai que le programme a des résultats très intéressants, mais il y a eu quand même des cas où les personnes ont quitté après trois, quatre, cinq semaines. Et donc c'est ces cas-là, malheureux, là... bon ce serait bien un peu de l'éviter.

Le Président (M. Bernier): Merci, M. Soulami. Donc, nous allons maintenant passer à un premier bloc du côté de l'opposition. Donc, la parole est à la députée de Laurier-Dorion, porte-parole officielle en cette matière...

Mme Lefebvre: D'immigration et des communautés culturelles.

Le Président (M. Bernier): ...pour un premier bloc de sept minutes.

Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. M. Soulami, M. Faucher et Mme Cardoso, bonjour et bienvenue ici, en commission parlementaire, à l'Assemblée nationale, chez vous. Votre mémoire est très intéressant. Vous avez d'ailleurs plusieurs, plusieurs propositions concrètes qui pourront certainement inspirer le gouvernement dans la rédaction de sa politique et la mise en oeuvre du plan d'action. Donc, je vous remercie du travail que vous avez effectué pour le bénéfice de cette commission.

Vous avez parlé, bon, de l'importance de l'emploi au niveau de l'intégration puis dans la lutte contre la discrimination et le racisme, et ça a été abordé par beaucoup d'organismes. Le fait de combattre les inégalités socioéconomiques finalement avait un lien direct de cause à effet sur la situation et la perception ensuite des citoyens. Donc, je trouve que votre proposition sur le programme PRIIME notamment... Parce que vous avez une autre proposition, que vous avez moins développée, mais de l'étendre également aux médias. Donc, j'aimerais vous entendre sur ça, sur le rôle des médias, sur l'influence que ça peut avoir dans une région comme la vôtre ou dans un ensemble plus grand comme celui du Québec puis des mesures de rapprochement qui pourraient être mises en oeuvre avec ce milieu-là, avec les propositions que vous avez.

n(10 h 50)n

M. Soulami (Mohamed): C'est une très bonne question et c'est une question qui mériterait énormément de discussions et d'échanges. Le rôle des médias, on le connaît tous, et il est majeur et extrêmement important. C'est même un rôle d'influence et d'éducation au niveau de la société. Et c'est pour cela que de voir et de faire en sorte que même les médias soient très bien informés eux-mêmes, qu'ils aient des ressources d'information qui leur permettent de bien répondre, ça, au niveau de la société, c'est très important. Puis qu'il y ait une sensibilisation même à l'intérieur des médias, c'est extrêmement important.

Comment faire ça? Est-ce que c'est vraiment par une mesure, une grande mesure gouvernementale que ça peut se faire? Ça m'étonnerait. Mais par contre veiller à ce qu'il y ait, à l'intérieur même des médias ? je parle de ça ? des ambassadeurs de la diversité, des personnes qui elles-mêmes sont conscientes de ça, qui sont en contact avec des communautés ? ils peuvent être en contact avec ce qui se passe dans la communauté, ce que vivent les communautés ? bien ils vont transmettre ça au reste des personnes. Et c'est pour ça pour nous, qu'il y ait un programme PRIIME, qu'il y ait un autre programme, ce n'est pas le nom du programme qui est important, mais plutôt qu'il y ait une façon de s'assurer d'une plus grande intégration des personnes des communautés culturelles, des Québécois des communautés culturelles à l'intérieur même des médias, puis de les sensibiliser beaucoup à cette réalité serait important.

De par du gouvernement, nous pensons ? on l'a mis ici aussi ? que ce serait très important de lancer une campagne de sensibilisation du public «at large», de sensibilisation à cette richesse que nous avons ici et qu'on n'en profite même pas, hein? Il y a une grande richesse qui est là et en termes de diversité culturelle, en termes de développement culturel, mais c'est aussi une grande richesse qui n'est pas utilisée.

On mentionne ici, par exemple, l'étude du Conference Board qui indique clairement que... Il y a eu une étude, puis, chaque année, le manque de reconnaissance des diplômes et des compétences engendre 3,5 à 5 milliards de dollars de pertes par année, au Canada. Donc, c'est très important. Donc, c'est comme si on plante des graines dans une terre, mais la terre n'est pas encore bien prête pour accueillir ces graines-là. Il y a des parties qui sont prêtes puis d'autres parties qui ne sont pas prêtes. Puis parfois, bien, on oublie d'arroser, donc ce qui fait qu'il y a des graines qui poussent puis qui peuvent donner des fleurs, puis d'autres qui ne le font pas.

Donc, je pense que, oui, il y a un rôle important pour les médias. Il faudrait qu'il y ait des personnes qui sont à l'interne parce que, eux, ils vont faire aussi le travail de sensibilisation.

Mme Lefebvre: Moi, je pense que c'est une excellente, une excellente proposition qui permet à la fois de jumeler la sensibilisation du milieu et aussi de favoriser finalement l'insertion en emploi. Parce qu'on le sait, vous l'avez dit vous-mêmes, dans le fond c'est souvent la première expérience de travail qui est difficile à acquérir, mais, une fois qu'on a le pied dans l'entreprise ou dans l'organisation, ensuite c'est plus facile puis ça permet de lutter contre certains préjugés qui sont là depuis longtemps. Donc, en tout cas, proposition intéressante. La ministre disait qu'il n'était pas question de déshabiller Paul pour habiller Pierre, puis je pense qu'elle a raison en ce sens où le programme actuellement donne des résultats. Mais c'est vrai qu'il y aurait peut-être possibilité de l'élargir, notamment aux organismes communautaires, à la grande entreprise puis aux médias. Je pense que c'est une excellente proposition.

Je voudrais vous entendre sur la mesure 20. Je suis plutôt surprise. La proposition 20, c'est: «La mise en application réelle du programme de rapprochement interculturel dans les écoles annoncé par le gouvernement en janvier 2005.» Donc, bien, j'aimerais que vous parliez de la proposition puis des initiatives de votre milieu, où on en est sur cette question-là.

M. Soulami (Mohamed): Bien, je pense que, dans les écoles, dans les écoles du Québec, c'est un des milieux dans lequel il y a le plus d'actions qui se font. Nous pensons qu'il faudrait qu'il y ait encore plus. On sait que la politique d'éducation interculturelle du ministère de l'Éducation, elle est pas mal plus appliquée à Montréal. Et souvent on a comme une impression comme quoi que bon, dans les régions, il n'y a pas beaucoup de personnes immigrantes et donc il n'y a pas besoin de moyens, et de mesures concrètes, et d'actions concrètes pour cette sensibilisation. Il ne faut pas qu'on attende de voir, par exemple ? je donne l'exemple de Sherbrooke, qu'on connaît beaucoup ? que juste les articles du mois d'août, là, qu'on vous a donnés, qu'il y en ait beaucoup, d'articles comme ça, pour agir. Vaut mieux prévenir que guérir par la suite.

Et la prévention, elle est, d'un côté, à court terme mais, de l'autre côté, aussi à moyen et long terme. Et, dans les écoles, c'est pour ça qu'on parle de ça. Donc, il faut qu'il y ait des moyens qui aident des organismes à intervenir dans les écoles. Nous, on essaie de faire ce qu'on peut. Il y a d'autres organismes, avec lesquels on a un partenariat, qui essaient aussi de faire ce qu'ils peuvent. Mais souvent on a des programmes qui sont limités dans le temps, qui sont pour une courte période, et par la suite, bien, on perd l'expertise qui est développée. On engage quelqu'un qui va travailler pendant trois mois puis après, bien, on n'a pas les moyens de le payer. Et ce n'est pas juste notre cas, c'est le cas aussi d'autres organismes, la même chose. O.K. Je pense que...

Le Président (M. Bernier): Alors, merci, merci de votre réponse. Nous allons passer au deuxième bloc qui est pour un bloc de six minutes, du côté gouvernemental. Donc, c'est le député de Marguerite-D'Youville qui a la parole.

M. Moreau: Merci, M. le Président. Alors, M. Soulami, M. Faucher, Mme Cardoso, à mon tour de vous souhaiter la bienvenue, vous féliciter pour le travail que vous avez fait pour le bénéfice des travaux de cette commission.

M. Soulami, ma question s'adressera sans aucun doute à vous puisque vous n'avez pas cru bon, à juste titre, de relire l'ensemble des recommandations, en disant: Bon, les membres de la commission en ont pris connaissance. Mais vous en avez souligné une, et la première que vous avez soulignée, je l'ai bien notée, c'était les délais d'analyse des plaintes à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

La semaine dernière ? et, je ne sais pas, vous avez probablement suivi les travaux de notre commission; la semaine dernière ? on a reçu la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, et le président intérimaire nous disait que ? alors deux fois plutôt qu'une; que ? selon lui, il disposait des ressources nécessaires mais qu'il fallait revoir, pour la question des délais, les manières de faire de la commission. Et, nous disait-il, il avait mis sur pied une expérience pilote de conciliation qui jusqu'à maintenant, semble-t-il, porte fruit, dans la mesure où il demande aux parties de s'asseoir avec un conciliateur pour essayer de les rapprocher et de voir quelle solution peut être apportée à un problème, et donc avec un taux de satisfaction assez élevé, ce qui aurait pour effet de raccourcir de façon notable les délais qui, le confessait-il, excédaient, là, je crois, 16 mois.

La semaine dernière également, nous avons accueilli le Commissaire à la déontologie policière qui nous expliquait que, dans la Loi de police, la médiation était obligatoire, en ce sens où, lorsque la victime demande la médiation, le policier n'a pas le choix de dire oui ou non, il doit s'asseoir en médiation. Et il nous établissait des statistiques qui montrent de façon très éloquente que la médiation, là, est un outil absolument extraordinaire pour accélérer le processus et arriver à des conclusions qui soient favorables aux parties.

Vous avez plutôt suggéré, dans votre mémoire, de donner des moyens additionnels, probablement en termes d'effectifs, quoique ce ne soit pas précisé, là, de façon définitive. J'aimerais vous entendre sur votre appréciation a priori de l'expérience pilote que met sur pied la Commission des droits de la personne. Et quelle est votre perception de la conciliation comme étant une mesure pour justement accélérer et favoriser le règlement des plaintes soumises à la commission?

n(11 heures)n

M. Soulami (Mohamed): Oui, j'ai écouté la présentation du mémoire de la Commission des droits de la personne. Ce que je pourrais dire, c'est que, bon, oui, la réconciliation ou la médiation peuvent être des mesures assez intéressantes. Je ne suis pas un spécialiste de la Commission des droits de la personne, donc je ne peux pas vraiment juger directement de cette mesure puis je ne l'ai pas étudiée à fond pour pouvoir dire, mais je pense que ça devrait être une bonne chose. Nous, on agit d'une façon un peu large, c'est-à-dire qu'il y a des plaintes à la commission puis que les dossiers restent pendant plusieurs années. Alors, s'ils restent là pendant plusieurs années, puis finalement les gens, ils n'ont pas une réponse ou un soutien pour faire valoir leurs droits, bien ça nous questionne. Puis si c'est juste un cas, ou deux cas, ou trois cas, bien on dirait: Bon, bien, c'est peut-être plus ces cas-là qui sont assez particuliers. Mais, quand il y a plusieurs cas, bien là ça commence à questionner un peu l'efficacité de la commission. Est-ce que la commission est efficace? On est pour la commission, mais est-ce qu'elle est efficace? C'est pour ça qu'on dit qu'il faut réviser le mandat. Est-ce que c'est à la commission de faire de la formation plutôt que de faire analyses, enquêtes et décisions sur des dossiers qui influencent la vie de personnes pendant des années? Le cas dont je vous parle, ça fait huit ans qu'il s'est passé. Les personnes, elles sont à l'extérieur.

M. Moreau: Qu'est-ce que vous en pensez, justement, de la question du mandat? Vous suggérez que le mandat soit revu pour scinder le mandat de la commission, ou selon vous il serait préférable qu'un autre organisme fasse les enquêtes, ou que la commission ait un rôle beaucoup plus quasi judiciaire de faire les enquêtes?

M. Soulami (Mohamed): La partie promotion et formation, je pense que ce n'est pas obligatoire qu'elle soit faite au niveau de la commission. Il peut y avoir un autre organe qui fait la formation. Mais par contre la commission pourrait agir sur des dossiers pour régler des dossiers. J'ai sorti un peu... C'est vrai qu'on n'a pas beaucoup le temps pour rentrer dans chaque dossier, mais je vous invite à lire le rapport annuel de la commission de 2004-2005. Puis il y a une révision des processus d'activité de la commission. Moi, ça m'interpelle quand je lis un paragraphe: «Essentiellement, l'objectif de la commission est de réaffirmer, dans l'exercice de sa mission, de ses mandats et de ses fonctions, son leadership en matière de promotion des droits.» Ça, c'est le premier objectif.

Le Président (M. Bernier): 30 secondes.

M. Soulami (Mohamed): Et «elle vise également à rendre plus efficaces et accessibles les recours prévus par la Charte» des droits et libertés. Donc, moi, ça me questionne: Est-ce que c'est le leadership de la commission qui est important ou la justice des personnes qui est importante?

Deuxième élément, il y a une institution qui a pris les devants pour faire un examen dans le cadre de l'application de la Loi d'accès à l'égalité, pour faire un examen, et voir son effectif, et le présenter à la commission. Bien, c'est une institution qui veut aller de l'avant, puis ça fait deux ans que le dossier est déposé. Ils n'ont pas encore de réponse. Moi, ça me questionne.

Le Président (M. Bernier): Alors, merci, M. Soulami. Nous allons donc passer au deuxième bloc du côté gouvernemental, donc à la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'immigration et de communautés culturelles. Mme la députée de Laurier-Dorion, la parole est à vous pour un bloc de six minutes.

Mme Lefebvre: Merci. Bien, je voulais poursuivre sur cette discussion sur la Commission des droits de la personne, puis ma collègue députée de Prévost aurait des questions pour vous, ensuite. En fait, je n'ai pas le verbatim ici des propos des personnes qui sont venues de la commission, mais ma perception était que... Lorsqu'on leur avait demandé s'ils avaient les moyens suffisants pour assumer leur mission, en fait la réponse a plus été qu'à titre de porte-parole, devant nous, à ce moment-là, leur rôle à eux n'était pas de juger s'ils avaient ou pas les moyens, mais plutôt de gérer et de remplir leur mission avec les moyens qu'ils avaient. Et donc ils laissaient un peu à d'autres le soin de juger si, oui ou non, la commission était effective. Et ils ont ajouté de plus que, si des nouvelles missions devaient être accordées à la commission, qu'évidemment des ressources supplémentaires devaient être ajoutées. Je ne sais pas si vous aviez terminé votre explication sur cet aspect-là, sinon ma collègue a des questions.

Puis, moi, je suis d'accord avec vous que, si des cas comme ceux que vous avez présentés aujourd'hui existent, puis vous n'êtes pas le seul organisme ou groupe à être venu nous entretenir sur ces situations qui parfois montrent... Ce qui a été beaucoup discuté, c'est non pas l'efficience, à strictement parler, de la commission, mais surtout le fait que... Bien, en fait, c'est l'efficience, oui, parce qu'il manque de ressources. Donc, la commission fait bien son travail, mais des fois c'est trop, trop long, puis les dossiers ne sont pas faits dans les temps prescrits, ce qui cause finalement un préjudice aux personnes. Donc...

M. Soulami (Mohamed): ...dire, peut-être...

Une voix: ...

M. Soulami (Mohamed): Excusez. Non? Bien, ce que je peux dire, c'est sûr qu'on n'a pas toutes les données nécessaires pour juger du travail fait par la commission. Nous, on se base plus sur de l'information de l'extérieur, mais, quand il y a un dossier qui est déposé, puis ça prend deux, trois ans avant qu'il y ait une réponse, bien pour nous, là, il y a un problème. C'est où est-ce qu'il est, le problème? Est-ce que c'est le manque de ressources financières et ressources humaines? Est-ce que c'est une question d'efficacité de travail? Je ne sais pas. J'ai le tableau ici de l'effectif de la commission à Sherbrooke. Il y a une personne professionnelle et une personne personnel de bureau. Alors, je ne sais pas, mais, à Sherbrooke, est-ce que c'est suffisant? Bien, si le président de la commission dit que c'est suffisant, je pense qu'il faut qu'à Sherbrooke les dossiers aboutissent. C'est ça, l'objectif, là. C'est comme un tribunal. Si les dossiers n'aboutissent pas, là, il y a un problème. Donc, il faut que les dossiers aboutissent à des règlements réels, et non pas juste «dossier fermé» parce qu'on considère qu'il manque un papier peut-être. Les statistiques dans le rapport, on peut les analyser peut-être, mais on les analyse de l'extérieur aussi.

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme la députée de Prévost.

Mme Papineau: Oui. Bonjour, madame, messieurs. Dans plusieurs mémoires, les forces policières sont interpellées en matière de racisme et de discrimination, et vous parlez de la Commission des droits et libertés. Mais vous savez que le citoyen qui est lésé peut aussi se présenter, faire une plainte devant le Comité en déontologie policière. Et ce comité est venu devant nous. Et il a, si je ne me trompe pas, c'est 45 jours pour rendre une décision dans une plainte comme ça. Et souvent ce sont les organismes communautaires qui aident le citoyen à justement monter sa plainte, présenter sa plainte devant le comité de déonto. Et je remarque que, dans votre mémoire, vous dites qu'il devrait y avoir plus d'agents de la paix. Le 2,4 % de 2000-2001, est-ce que c'est à Sherbrooke ou si c'est dans l'ensemble du Québec, les statistiques que vous mettez là?

Une voix: C'est du Québec.

Mme Papineau: C'est du Québec. Donc, j'imagine que, dans l'Estrie ou dans la ville de Sherbrooke, les policiers...

Une voix: ...

Mme Papineau: Pardon?

M. Soulami (Mohamed): On manque de statistiques. Je pense que c'est un élément...

Mme Papineau: Non. Oui, mais ce que je veux dire, c'est que probablement qu'il n'y a pas beaucoup de policiers des communautés culturelles à la ville de Sherbrooke, j'imagine.

Une voix: Non.

Mme Papineau: Mais pensez-vous que vraiment ça fait une différence qu'un policier... Je me demande si vraiment le fait qu'un policier soit de communauté culturelle fasse la différence, par exemple, par rapport au... Pourquoi est-ce qu'un policier blanc, de souche, n'aurait pas aussi une belle approche avec les communautés culturelles?

Le Président (M. Bernier): ...minute pour répondre à la question.

M. Soulami (Mohamed): O.K. Bon, je peux... Bien, si vous me...

Mme Papineau: ...déonto, oubliez-le pas.

M. Soulami (Mohamed): Pardon?

Mme Papineau: Le Comité de déontologie vraiment pour les organismes communautaires, je trouve que c'est une belle façon de présenter les plaintes. C'est eux qui peuvent aider les citoyens à présenter la plainte au comité de déonto.

M. Soulami (Mohamed): O.K. Ce que je pourrais dire, c'est que, nous, on ne l'a pas regardé de cet angle-là. Ce n'est pas parce qu'un policier est blanc qu'il ne serait pas compétent pour pouvoir intervenir, non, pas du tout dans ce sens-là, mais plutôt parce que les agents de la paix, c'est un des secteurs de la fonction publique qui a connu une diminution de représentativité. Mais, quand il y a des personnes des communautés culturelles qui sont intégrées dans n'importe quel milieu, eux, ils sont des ambassadeurs de la diversité, eux, ils vont aider leurs collègues aussi à comprendre des cultures, comprendre ce qui se passe. Ils vont les aider, mais c'est que les milieux doivent être représentatifs. La fonction publique doit être représentative de ce qui est dans la société, mais justement le corps policier également devrait être représentatif parce que ça enrichirait tout le monde, je pense. C'est plus dans ce sens-là que de dire: Mais un policier qui est blanc va pouvoir faire aussi son travail à condition qu'il ait l'information nécessaire, de savoir un peu... bon, bien, comprendre quelques aspects de certaines cultures...

n(11 h 10)n

Le Président (M. Bernier): Merci, M. Soulami, merci, monsieur... Je suis peut-être sévère, mais c'est la seule façon de préserver le temps et le droit des groupes qui suivent. On vous remercie de votre présentation, Actions interculturelles de développement et d'éducation, et un excellent mémoire. Donc, au nom des membres de la commission, merci de votre travail.

J'inviterais donc le groupe suivant, La Cité des arts du cirque, à prendre place immédiatement. Merci.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bernier): Je vous inviterais à prendre place. Nous allons reprendre les travaux immédiatement. Donc, nous recevons Tohu, La Cité des arts du cirque. Donc, je vous invite à vous présenter. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, et par la suite nous procéderons à des échanges avec les groupes parlementaires. Nous aurons deux blocs de 12 minutes pour chacun des groupes. Merci. Donc, je vous invite à prendre la parole.

Tohu, La Cité des arts du cirque

M. Brunelle (Charles-Mathieu): Merci, M. le Président. Merci, Mme la ministre. Mmes et MM. les parlementaires, députés, merci de nous accueillir et puis félicitations pour cette initiative. On n'a pas la prétention d'être des experts bien sûr au niveau de la lutte au racisme, mais ce qu'on est venus faire ici, c'est un peu témoigner d'une expérience, même si ce n'est pas commun d'essayer de développer un échange puis un dialogue pour un peu partager l'expérience qu'on a en tout cas dans notre quartier, à Montréal, à Saint-Michel.

La Tohu est un organisme sans but lucratif qui a été fondé par l'ensemble du milieu cirque du Québec. Et ce qu'on voulait un peu souligner en commençant comme ça, c'est que la culture peut jouer un rôle excessivement important à notre avis au niveau de l'intégration, au niveau de la pleine participation des citoyens, au niveau de l'identité aussi d'un peuple. On est venus parler de sens et de valeurs, et pour nous c'est un peu la prémisse que l'on doit considérer quand on parle de lutte au racisme.

Un organisme donc qui a développé la plus large concentration d'infrastructures de cirque au monde. Un projet qui regroupe aussi des organismes sans but lucratif, des organismes à but lucratif, des organismes privés, qui est multisectoriel, qui est multipartenarial, qui par ailleurs s'est donné comme mission de contribuer à la transformation du troisième plus grand site d'enfouissement en Amérique du Nord en parcs, en collaboration avec la ville de Montréal, et qui d'autre part a décidé de revitaliser ou de contribuer à la revitalisation du quartier Saint-Michel à Montréal, quartier qui est composé de 65 communautés culturelles différentes. Dans notre modeste mémoire, il y a des statistiques qui vous informent que la plupart des jeunes ne terminent pas l'école, pour ceux qui y vont.

Et la question qu'on s'est posée, c'est: Comment installer une appropriation? Quand on développe, mettons, un microcosme qu'on essaie de développer, qui est une cité, comment créer l'appropriation? L'appropriation pour nous, elle avait un sens à trois niveaux. Un, c'est le travail que l'on fait, que l'on va en dialogue, en allant vers les gens, là où ils sont. Quand on parle d'«empowerment»? je ne connais pas le mot en français, excusez-moi, mais ? la capacité de donner la plateforme et le droit de parole aux autres, c'est d'aller vers les autres. Donc, un travail in extenso, je dirais, le plus présent dans les préoccupations de développement des communautés.

Ensuite, au niveau de l'emploi ? là, je ne sais pas si je devrais dire ça au salon rouge, mais en tout cas ? nous, la façon qu'on l'a fait, c'est qu'on a décidé que ? il est rouge, hein? Je vais le dire quand même; nous, ce qu'on a fait c'est ? pour créer l'appropriation, c'est: dans le fond toutes les personnes qui travaillent sur le site, dans la communauté, qui travaillent avec le public viennent de la communauté Saint-Michel. Alors, malheureusement, si vous ne venez pas de la communauté Saint-Michel, chers parlementaires, vous ne pouvez pas travailler chez nous au niveau de l'accueil et du travail avec le public. Pourquoi? Parce que dans le fond, quand tu travailles et tu travailles avec les gens qui viennent de chez vous, qui sont tes cousins, qui sont tes frères, il y a un sens d'appropriation qui s'installe.

Et là ça nous a amenés dans toute une démarche qui est une démarche un peu complexe, qui est après ça les ressources que l'on donne et la place que l'on donne dans un cadre comme le nôtre, qui est souvent à temps partiel, oÙ certains de ces emplois sont à temps partiel. Ça prend un encadrement spécifique, ça prend des psychoéducateurs. Après ça, ça prend une expertise spéciale pour les cadres qui encadrent ces gens-là. Alors, après ça, on parle de psychologues organisationnels pour aider les gens à faire des évaluations d'employés qui ne sont pas engagés sur les mêmes bases.

En fait, ce qu'on veut témoigner comme expérience, c'est un peu cette capacité que l'on souhaite, dans toutes les instances décisionnelles, de se doter et aussi d'être accompagné, d'interdépendance. Ça prend un engagement de tous, autant de l'entreprise privée que du gouvernement.

Dans notre expérience aussi, à ce titre-là, le rôle de la culture est très important. En dehors de la programmation que l'on fait spécifiquement pour avoir un sens encore une fois pour les communautés culturelles du quartier en termes de programmation, on a décidé de produire un événement. Et on s'est posé la question: Comment on peut créer une culture ensemble? Parce qu'évidemment le problème que l'on va faire face, c'est quelle va être la culture québécoise de demain matin et dans 20 ans. C'est quoi, cette culture? Elle va être finalement composée et créée par l'ensemble des personnes qui habitent le territoire. On prend ça comme prémisse de départ. Et on s'est dit: Bon, qu'est-ce qui unit les 65 communautés culturelles du quartier Saint-Michel? Quel est le point commun? Il y en a beaucoup, et le premier point commun sur lequel on s'est concentrés, c'est le feu, et de là est née l'idée de la Falla, qui est une fête populaire, est aussi une célébration qui a comme objectif de créer un rassemblement de l'ensemble des communautés, de créer une célébration. Mais d'autant plus cette fête est construite et créée par l'ensemble des gens de la communauté et accompagnée par ces gens-là.

Dans notre cas, on prend 10 jeunes qui sont en marge de la société. Parce que, quand on parle de lutte au racisme, il y a différentes gradations, bien sûr. Il y a des personnes qui ne sont pas dans la société. Il y a des personnes qui essaient d'entrer dans leur premier emploi, des personnes qui sont en décrochage scolaire. Nous, on est en marge. On est vraiment plus proches de la frange, je dirais, extrême, qui sont les jeunes qui ne sont pas encore du tout... ne font pas partie de nous. On fait le recrutement en même temps que les gangs de rue, dans notre quartier. Alors, il y a une forte compétition qu'on espère gagner, généralement. Et cette Falla-là est réalisée par les jeunes qui font partie de cette frange-là. Après, ils ont la possibilité d'être intégrés à l'emploi à temps partiel et après à temps plein, si les emplois sont sûrs.

Quelques recommandations que l'on a, avec ma collaboratrice Julie Jodoin... Je pense que tout le monde probablement vous a dit ça, au niveau de l'emploi, c'est fondamental. Il y a une réflexion importante au niveau de l'emploi; la capacité de l'emploi mais, je dirais, la pérennité. Quand on parlait de pérennité, c'est-à-dire un suivi, un programme avec une reddition de comptes précise bien sûr, mais aussi avec une souplesse. Les délais de six mois, trois mois, quatre mois ? pas la même personne, pas deux fois, tu ne peux pas revenir, entre 18 et 35 ? sont vraiment des empêcheurs de tourner en rond. Il faut qu'on puisse suivre le jeune du moment où il rentre jusqu'au moment où finalement il accroche. Et, comme dans toute addiction, ou dans la vie, ou même dans la vie de couple, ou dans la vie en général, on accroche puis on décroche. À un moment donné, on finit par accrocher finalement ou on finit par décrocher complètement. Mais il n'y a pas un délai de grâce dans ça, dans l'équilibre humain. Ça peut prendre six mois, ça peut prendre un an. Et ça, cette souplesse-là, nous, elle nous semble fondamentale dans n'importe quel programme non pas pour créer une dépendance des gens qui bénéficient de ces programmes-là, mais pour au moins s'assurer que, par les redditions de comptes et par la vérification de ces programmes-là, bon on s'assure que c'est un succès.

D'autre part, je dirais, il serait intéressant de voir ? et puis ça, on ne l'a pas marqué, mais il serait intéressant ? de non seulement... que ça aille dans les deux sens, c'est-à-dire de réfléchir, et d'avoir des programmes... de mettre à contribution, je crois, non seulement le ministère de la Culture, mais les acteurs, les institutions culturelles, et de voir comment, collectivement, les institutions culturelles aussi peuvent jouer un rôle fondamental, et d'être audacieux aussi, de se servir d'audace et de modèles, de ne pas avoir peur non plus d'être différents dans nos approches.

C'est sûr que toute cette problématique-là va nous changer, nous aussi, hein? Et, quand on parle de lutte au racisme, nous aussi, tout le monde en fait partie. Tout le monde finalement contribue et fait partie de ce changement-là. Voilà. Moi, je peux même procéder aux questions.

n(11 h 20)n

Le Président (M. Bernier): Alors, je vous remercie donc, M. Brunelle et Mme Jodoin. Nous allons donc passer aux échanges avec les parlementaires. Donc, je vais donner la parole à la ministre pour un premier bloc. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Mme Jodoin, M. Brunelle, bienvenue parmi nous, ce matin. Merci pour votre témoignage. Évidemment, votre mémoire, nous l'avons tous lu.

Je voudrais, d'emblée de jeu, dire que je suis toujours agréablement surprise par le beau travail qui se fait par la Tohu. J'ai eu l'occasion d'aller rencontrer les gens chez vous, j'ai vu la Falla puisque j'ai passé quelques heures en compagnie des jeunes, et il est vrai que, dans le quartier Saint-Michel particulièrement, il y a une dynamique qui est assez particulière. Et je pense que c'est important de vous donner les félicitations qui vous reviennent parce qu'il y a un travail extraordinaire qui se fait avec les jeunes de votre secteur, et vous êtes un acteur principal dans le fait que les jeunes puissent essayer de raccrocher à la société. Parce que vous avez dit dans votre intervention aussi qu'il y a des jeunes qui décrochent de l'école, il y a des jeunes qui ne sont pas nécessairement en emploi, mais vous allez chercher les jeunes qui sont à l'extrême. Donc, on comprend bien que ce sont des jeunes qui sont décrochés socialement. On va dire ça comme ça. Et il est évident que, moi, je pense que, lorsqu'un jeune peut vivre de la discrimination, du racisme, des préjugés, il y a un enchaînement, là, qui se fait et il y a une escalade dans sa descente aux enfers, si vous voulez, là. Donc, je pense que c'est important qu'on puisse essayer de voir de quelle manière on peut lutter contre le racisme et la discrimination.

Vous faites un lien avec la culture. Vous êtes le premier organisme qu'on entend parler de culture comme telle. Effectivement, bon, c'est sûr que, quand on parle de rapprochement interculturel, on peut parler des activités culturelles aussi. Mais, vous, vous faites un lien direct avec le ministère de la Culture. Je veux vous dire que c'est sûr que c'est une politique gouvernementale qui sera déposée avec un plan d'action qui va interpeller les autres ministères et non pas juste le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles, et, à mon humble avis, il est essentiel que le ministère de la Culture soit associé à ce plan d'action là et la politique gouvernementale aussi.

Vous avez abordé aussi le monde de la culture, les autres instances que le ministère de la Culture. Bon, il y a des gens qui sont venus nous dire que la SODEC pourrait donner des crédits d'impôt. On a parlé de télévision aussi, du rôle que les médias peuvent jouer. On a parlé que la SODEC pourrait donner des crédits d'impôt nommément dans, exemple, des téléromans, lorsque les producteurs pourraient avoir un nombre x de personnes issues des communautés culturelles, pour mieux représenter ce qu'est le Québec d'aujourd'hui. Quel autre type d'exemple vous pensez qu'on pourrait associer à la culture pour lutter contre la discrimination et le racisme?

Mme Jodoin (Julie): Bien ? oui, je peux y aller? ? en fait, c'est-à-dire, nous, on trouve que, la culture, il y a deux aspects à ça. Il y a l'aspect de la diversité culturelle, laisser place à une meilleure représentativité des artistes issus des communautés culturelles par nos activités, mais il y a aussi un autre volet qui est vraiment l'appropriation. On veut favoriser en fait une espèce d'émulation artistique dans le quartier Saint-Michel, que les gens participent, qu'ils prennent en charge leur propre culture. Donc, il y a l'aspect donc diversité culturelle comme telle mais aussi développer des habitudes de fréquentation chez les membres issus de communautés culturelles. Ils n'ont pas nécessairement les habitudes d'assister aux activités dans les lieux de diffusion proprement dits. Puis, en offrant des activités gratuites, comme ce qu'on fait, nous, à la Tohu, ça facilite un peu les habitudes de fréquentation culturelle.

M. Brunelle (Charles-Mathieu): L'autre chose que j'ajouterais, c'est la préoccupation que les institutions culturelles doivent avoir aussi à ouvrir pour une réalité culturelle qui change. On n'a pas tous les mêmes pratiques culturelles, alors il y a une adaptation qui doit être faite. Il y a des institutions culturelles qui manifestement pourraient démontrer non seulement dans la première ligne... de voir, quand on est accueilli par une mosaïque... Je parle surtout sur le territoire de Montréal, que je connais, et cette réalité-là est plus spécifique à Montréal, à ma connaissance. Et ça pourrait être fait des deux façons: un, au niveau de la culture de ce qui est présenté, une réflexion en termes de: Quelle va être la transformation de la culture québécoise avec cette nouvelle réalité là? La culture va changer, donc il y a une conscientisation qui doit être facilitée, et un accompagnement des institutions culturelles, et plus largement non seulement au niveau de l'emploi et de la diversité, mais aussi de la pratique de ce qu'on fait.

Mme Jodoin (Julie): Je pense aussi qu'on a besoin de manifestions plus visibles, des grands projets comme celui de la Falla, une manifestation d'envergure qui vienne vraiment positionner... que ce soit Montréal ou le Québec, comme un joyau de la diversité culturelle, d'avoir des événements à grande visibilité pour valoriser en fait l'apport créatif des communautés culturelles.

Mme Thériault: Bien, je pense que vous posez une question qui est totalement juste. C'est: Quelle sera la culture québécoise dans 20 ans? Définitivement, je pense que c'est une question qui interpelle beaucoup de gens parce qu'on sait très bien que notre culture s'est modifiée aussi au cours des années, sous toutes les influences qui ont influencé nos ancêtres. On va dire ça comme ça. Mais c'est évident qu'au niveau de l'avenir notre culture va être appelée à être modifiée de par le métissage, définitivement. Ça fait que la question est pertinente et mérite d'être posée.

Parce qu'effectivement, oui, il y a des grandes démonstrations ? exemple, bon, moi, je fais référence au Festival du monde arabe ? pour justement qu'on puisse ouvrir sur la culture des autres aussi, mais, dans la majeure partie des événements dits humoristiques, exemple les galas Juste pour Rire, de plus en plus, on va retrouver des humoristes qui proviennent des communautés culturelles, qui vont rire ou aller à l'extrême, dans certaines situations, pour justement faire prendre conscience de cette nouvelle réalité là. Puis, voilà 15 ans, des humoristes des communautés culturelles, en tout cas des minorités visibles, il n'y en avait comme pratiquement pas, alors qu'aujourd'hui à peu près tous les galas en ont. Donc, il est évident que la culture se modifie.

On reviendra. Merci.

Le Président (M. Bernier): Alors, merci, Mme la ministre. La parole est maintenant au groupe parlementaire composant l'opposition, là. C'est la députée de Laurier-Dorion, porte-parole officielle en matière d'immigration et de communautés culturelles.

Mme Lefebvre: Merci beaucoup, M. le Président. Mme Jodoin, M. Brunelle, bonjour. Je connais bien les activités de la Tohu. Malheureusement, je ne représente pas le quartier de Saint-Michel, mais on regarde tous d'un oeil très attentif ce que vous faites. Et puis, pour le secteur et puis pour Montréal, pour le Québec, je pense, aussi, de façon plus globale, la Tohu est source de fierté parce que c'est une initiative qui a des impacts réels dans un quartier sensible, vous en faites mention vous-mêmes, qui... À mon sens, c'est des quartiers qui ont été parfois un peu oubliés, je trouve. Puis en tout cas votre action est extrêmement appréciée dans le milieu, je le sais, et c'est vraiment... Je trouve que vous avez bien fait de venir nous parler de votre expérience.

Il y a un autre groupe qui est venu nous parler de l'expérience... ? on en a parlé ce matin, mais ? le village de Sainte-Clothilde, qui ont, eux aussi, une approche personnalisée puis qui a permis à des familles colombiennes de s'établir dans leur village. Puis on parlait que c'était en quelque part une petite séduction, en ce sens où, bon, les familles sont de plus en plus nombreuses. Puis ce que vous faites dans Saint-Michel, c'est un peu ça, une petite séduction à votre façon puis... En tout cas, poursuivez votre excellent travail.

Et, comme on parlait tout à l'heure, l'importance de votre action pour les jeunes de Saint-Michel, les familles, pour le quartier, mais aussi l'influence que vous pouvez avoir par la crédibilité du nom de la Tohu, puis l'association évidemment avec le Cirque du Soleil, mais l'influence que vous pouvez avoir dans le milieu culturel, à proprement parler, pour changer aussi les visions, la perception de notre culture nouvelle... Donc, en tout cas, votre travail est excessivement important.

Je voulais vous entendre ? vous n'en avez pas trop fait mention tout à l'heure, mais ? sur les liens que vous avez avec le milieu, donc avec les organismes communautaires, avec les écoles. Comment vous faites votre recrutement? Comment vous faites le rapprochement avec les jeunes? Et puis est-ce que vous avez aussi ? ce matin, on parlait aussi de l'importance du logement, donc les HLM où se regroupent plusieurs familles immigrantes; si vous avez ? des liens aussi avec ça?

M. Brunelle (Charles-Mathieu): Même si ça ne fait que deux ans qu'on est ouverts au public, on existe depuis sept ans. Alors, on a bâti des liens, avant d'ouvrir, avec la plupart des groupes communautaires ? je pense que l'Alliance haïtienne était ici hier ou avant-hier ? la plupart des groupes communautaires, Vivre Saint-Michel en santé, les radios communautaires, les écoles, Jean-François-Perrault entre autres, plus spécifiquement, et beaucoup aussi avec, je dirais, la police locale et de Montréal qui nous... Alors, je veux dire, c'est un réseau qu'on a développé, qui nous a permis d'une part de comprendre un peu la problématique, et de nous rapprocher, et de pouvoir identifier les jeunes un peu.

Quand on est en recrutement avec les groupes communautaires et avec les écoles, on arrive à cibler et orienter, et après ça il y a une formation spécifique qui se fait avec ces jeunes-là. C'était... Je ne me souviens plus de votre question en fait, bien modestement.

n(11 h 30)n

Mme Lefebvre: Bien, en fait, c'est ça, c'était les liens que vous pouvez créer avec le milieu puis aussi, c'est ça, de quelle façon... Est-ce qu'il y avait des campagnes de sensibilisation? Parce que c'est sûr qu'il y a les jeunes qui participent pour l'été, par exemple, sur le projet de la Falla, puis après qui peuvent continuer avec vous, mais en même temps, au-delà de ça, il y a le modèle aussi, d'après moi, qui a créé la Tohu puis un potentiel dans l'imaginaire de ces jeunes-là. Puis comment vous faites pour diffuser finalement votre action?

M. Brunelle (Charles-Mathieu): En fait, une des choses qui manquent plus spécifiquement, je dirais, bon, dans le réseau qu'on a développé: la capacité de donner de l'emploi à temps partiel aux jeunes. C'est sûr que, s'il y avait un réseau plus large de salles de diffusion, ils ont un diplôme avec le conseil québécois de formation en ressources humaines en tourisme, donc facilement ils pourraient travailler ailleurs. Alors, ce qu'on aimerait, c'est qu'il y ait un réseau avec d'autres institutions ou d'autres entreprises culturelles qui pourraient prendre le relais à partir de là. Donc, l'interdépendance pour nous est importante parce que, ces jeunes-là, il n'y a pas juste du temps partiel, ça prendrait éventuellement du temps plein. C'est une gradation d'accompagnement et de vigilance pour voir, au moment où ils pourraient finalement redécrocher, comment pouvoir finalement les accompagner, et peut-être même à plus long terme avec d'autres. Ça, c'est une réalité qui commence à être importante.

Pour ce qui est de la réalité des HLM du quartier Saint-Michel plus spécifiquement, il y a quelques jeunes, quand on travaille avec la Falla, qui viennent de ce coin-là. Mais là, je veux dire, c'est une problématique, je dirais, qui nous dépasse.

Mme Lefebvre: O.K. Je vais céder la parole à mon collègue, puis je reviendrai s'il reste du temps.

Le Président (M. Bernier): Alors, M. le député de Saint-Hyacinthe, la parole est à vous, vous avez encore un bloc de 2 min 30 s.

M. Dion: Merci, M. le... Combien de temps?

Le Président (M. Bernier): 2 min 30 s dans ce premier bloc.

M. Dion: Puis après ça on aura d'autres moments?

Le Président (M. Bernier): Oui.

M. Dion: Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup, madame, monsieur, de venir nous parler de la Tohu. C'est extrêmement intéressant ce que j'ai lu et ce que j'ai entendu de votre bouche. Et je me sens très près, je connaissais seulement l'existence de la Tohu, mais pas plus, et je me sens très près de cela, et j'ai l'impression que les gens... moi, je suis député de Saint-Hyacinthe et j'ai l'impression que ce que vous faites à Saint-Michel est du genre de chose qui pourrait être extrêmement intéressante chez nous. Évidemment, on ne pourrait pas faire la Tohu chez nous, puisque c'est réservé à Saint-Michel, mais on pourrait peut-être faire la Bohu, ça ferait un tohu-bohu très créateur et d'où pourrait jaillir la lumière quand on y mettra le feu.

Une voix: ...

M. Dion: Comme vous l'avez expliqué. Mais, ceci étant dit, j'aimerais ça que vous me parliez davantage de la Tohu. En termes très concrets, comment ça se fait? Puis, si vous n'avez pas le temps de terminer, bien on continuera dans la deuxième partie l'explication de ça.

Mme Lefebvre: Bien, on peut peut-être le prendre tout de suite?

Le Président (M. Bernier): On peut les laisser terminer, et, à ce moment-là, on reviendra ajuster le temps.

M. Dion: Oui? O.K. Bon, j'aimerais que vous m'expliquiez donc comment vous procédez dans le concret, quelle est la participation des gens, des jeunes, des moins jeunes, des gens de couleur ou des francophones de cultures traditionnelles. C'est un peu toute cette problématique-là et cette... Comment vous le faites dans le concret? Comment vous procédez?

M. Brunelle (Charles-Mathieu): D'abord, ça va nous faire plaisir de vous aider à en faire une à Saint-Hyacinthe, si le cas s'avérait nécessaire. On discute avec Washington, et Ottawa, et Miami, pour vous dire que ce n'est pas un modèle qui s'exporte comme tel mais qui s'adapte. En fait, on parle de développement durable. Le cirque rencontre la terre, rencontre l'humain. C'est des préoccupations qu'il y a dans toutes les cultures. Donc, il y a des problématiques au niveau de la culture, c'est que les zones franches, à mesure que nos centres-villes grandissent, ils rencontrent les HLM, puis ils rencontrent les autoroutes, puis ils rencontrent les sites d'enfouissement. Cette problématique-là, elle est dans toutes les villes occidentales. Et tout le monde... Quand on parle d'une réflexion en termes de villes créatives, il y a des gens et des universitaires à travers la planète qui se posent cette question-là. Le rôle de la culture, on l'a vu à Barcelone, on l'a vu à Yokohama, on le voit ailleurs en Asie. Il y a cette réflexion-là de voir quel est le rôle de la culture aussi dans la paix sociale et en sécurité publique. Bref, nous, de façon concrète... Je voulais juste prendre la porte de Saint-Hyacinthe pour l'amener un peu ailleurs pour vous montrer que c'était possible.

L'autre chose, la façon dont on travaille, concrètement, c'est qu'on a, en termes... La première et la force de la crédibilité au niveau de l'action que l'on a, c'est l'emploi. Alors, comment ça fonctionne? Tout le personnel qu'on a de besoin, et je dirais même professionnel... Il y a un jeune qui était dans un métier à gauche, mettons ? pas au niveau politique mais au niveau social ? mettons très à gauche, et finalement est devenu assistant-gérant de la salle de spectacle chez nous. Cette gradation-là, cet accompagnement-là se fait du premier jour. On va, on emploie, on engage dans le quartier, si les personnes n'ont pas la capacité mais ont, après une évaluation, le potentiel, il y a une formation spécifique. Pour les personnes qui sont un peu plus en marge ou qui ne sont pas à l'école, mettons que c'est un temps partiel, mettons que c'est des gens qui veulent réintégrer la société, il y a un psychoéducateur, chez nous, à temps plein, qui les accompagne, qui les accompagne aussi le soir quand ils accueillent le public. On peut accueillir le public puis, à un moment donné, avoir comme une faiblesse psychologique ou avoir besoin d'un coaching spécifique, qui n'est pas lié à l'emploi mais qui est lié à son estime personnelle. Cette personne-là est là durant l'emploi. Le CQRHT nous a permis de développer une formation spécifique en tourisme qui pour eux, après ça, est transférable dans une autre expérience en lieu public: guide. Il pourrait travailler dans les grands parcs de Montréal comme guide ou ailleurs comme guide, à Hydro-Québec comme guide, éventuellement, c'était le choix.

Et la dernière tranche de ça, c'est ce que je parlais tantôt, c'est l'importance d'avoir après ça, au niveau organisationnel, un psychologue, parce qu'on n'est pas équipés, nous tous, pour travailler à ces différents niveaux là. On n'a pas cette formation-là nécessairement, et là, au niveau des cadres qui encadrent ce processus-là, il y a des difficultés au niveau des systèmes d'évaluation: Comment on évalue quelqu'un qui est lui-même dans un processus d'insertion, dans la performance du travail, par rapport à quelqu'un qui n'est pas dans cette situation-là, qui travaille dans un bureau? Alors, on a, au niveau des ressources humaines, des complexités, je dirais, qui des fois demandent à un psychologue organisationnel d'accompagner puis de dire: Écoute, dans ton cas, par exemple, pour encadrer ces différentes évaluations là, j'élaborerais comme ça, puis il y a une discussion qui se fait.

Alors, il y a la personne à l'emploi, il y a la formation, après ça il y a des personnes qui encadrent qui ont besoin d'être accompagnées. Si on voulait traduire ce modèle-là dans une entreprise privée... Je crois que, la résistance de l'entreprise privée, parce qu'on en parle dans le quartier Saint-Michel, il est là, le problème. Le problème, il est dans la capacité d'accompagner les gens qui assurent ce processus en intégration.

Le Président (M. Bernier): Alors, merci. Nous allons donc revenir avec le groupe parlementaire composant le gouvernement. Donc, c'est maintenant la députée de Nelligan qui a la parole pour un bloc de 7 min 40 s.

Mme James: Merci, M. le Président. Bonjour et merci beaucoup d'être là. Je suis très impressionnée par le travail que vous faites. En lisant votre mémoire puis en vous écoutant ce matin, j'essayais d'identifier la clé de votre succès, hein, de voir... Bon, on a l'occasion, au courant de cette consultation-là, d'entendre beaucoup de groupes avec de bonnes recommandations, mais, en vous écoutant puis en regardant le travail que vous faites avec les jeunes, vous avez vraiment réussi. Je vous en félicite.

Mais la première question qui me vient à l'esprit, c'est de savoir: Bon, bien, comment vous faites? Vous avez expliqué un peu le cheminement puis comment est-ce que ça fonctionne, mais, je me dis, au-delà de ça ? puis vous allez comprendre pourquoi je vous pose la question ? c'est de dire: Vous avez quand même réussi à cibler sur une clientèle, dans un quartier précis, puis vous avez réussi de vraiment suivre vos jeunes puis de les accompagner, vous avez parlé tantôt de s'assurer qu'ils vont s'approprier le milieu. Tout ça, c'est des éléments évidemment qui ont contribué au fait que vous êtes en mesure d'avoir beaucoup de succès. Mais la raison pour laquelle que je veux vous entendre sur ce que vous pensez, fait en sorte que vous êtes là puis que vous êtes capables de déjà avoir un très bon bilan, c'est parce que je me demande si cette expérience, ce type de chose que vous faites pourrait être transférée à d'autres milieux.

Mme Jodoin (Julie): Oui, ça peut être transféré ailleurs, mais il faut aussi admettre... Parce que, oui, on est très fiers de ces initiatives-là qu'on a mises en oeuvre, mais il faut quand même dire que c'est difficile, c'est difficile gérer ce type de programme là, mettre en place les outils pour faire le suivi avec les jeunes, trouver le financement adapté. Parce qu'on s'entend, là, que c'est un peu hors normes, on ne correspond pas aux programmes offerts par le gouvernement actuellement, les subventions salariales, on n'y est pas admissibles. On est un peu dans une zone grise, si vous voulez, alors c'est difficile pour un organisme dont le mandat premier est le cirque quand même, il faut le dire, de soutenir ces initiatives-là sans soutien de bailleurs de fonds. Donc, c'est une lutte de tous les instants puis qu'il faut toujours recommencer, année après année, pour garder en vie, si vous voulez, les initiatives qu'on a développées.

n(11 h 40)n

Mme James: Compte tenu du fait que vous avez parlé de ça justement, quel serait le moyen? Je pense que le gouvernement, entre autres, devrait soutenir, ainsi que les autres partenaires aussi. Puis j'aimerais vous entendre sur qui sont les autres partenaires importants à votre réussite. Je comprends que c'est nouveau, hein, vous innovez, puis c'est très bien. Comment est-ce que vous pensez que le gouvernement, dans ses services, dans la façon qu'on dispense nos services, pourrait mieux vous servir pour faire en sorte que ce soit moins difficile pour vous de faire votre travail sur le terrain?

Mme Jodoin (Julie): La première chose que je voudrais dire, c'est... Bon, vous aviez parlé, tout à l'heure, d'une collaboration interministérielle, puis pour ça, nous, ce serait vraiment... nous, on accueille ça vraiment avec beaucoup d'enthousiasme, parce que ce qu'on fait touche l'emploi, touche la culture, touche l'immigration. Donc ça, c'est vraiment le premier aspect, là, sur lequel je voudrais insister.

Ensuite, pour le financement, bon, élaborer des programmes adaptés, on n'a pas en tout cas l'expertise, là, pour critiquer nécessairement les programmes qui sont en place. Il faudrait participer davantage, là, au processus puis réfléchir là-dessus. Moi, en fait je n'ai pas de solution au financement comme tel, là.

Mme James: Au niveau des partenaires, est-ce que... Je suis députée à l'ouest de l'île, mais quand même, à l'est de Montréal, je sais très bien qu'il y a beaucoup d'organismes communautaires qui travaillent avec notamment les communautés haïtiennes, qui ont une représentation assez importante à Saint-Michel. Est-ce que vous collaborez avec eux? Comment est-ce que ça se passe? Et, compte tenu que vous êtes relativement nouveaux, là, je crois que c'est bien deux ans depuis que vous êtes là, comment est-ce que vous avez fait votre place? Puis est-ce que ça se passe très bien au niveau de cette collaboration-là?

M. Brunelle (Charles-Mathieu): On a des différents partenaires. Je dirais, au niveau financier, juste pour vous dire: SSQ, qui est notre partenaire principal privé, je dirais, que tout le monde connaît bien ici, est rentré chez nous, c'est-à-dire nous accompagne, à cause de la préoccupation qu'on a d'une revitalisation du quartier Saint-Michel. Lui, il avait la même préoccupation, à Québec, de revitalisation. Et dans le fond c'est inscrit dans le code génétique de SSQ. Alors, dans les partenariats, on cherche le code génétique. Bien sûr, le Cirque du Soleil en est un depuis le premier jour, et d'autres.

Et la même façon que le quartier... Il faut spécifier que le quartier Saint-Michel est une vieille âme en termes de mobilisation communautaire. Ils ont fermé la carrière Miron. Il y a toute une tradition de... ? après ça, ils ont vécu avec les déchets. Et il y a une tradition là de fédérations, de groupes communautaires, et on a pu, au fil des ans, développer, je dirais, des liens de confiance avec l'ensemble des communautés, plus spécifiquement avec la communauté haïtienne et la communauté latino-américaine. On a réussi à développer un dialogue. Ça, c'est par la présence partout et constante de toutes les réflexions qu'il y a en termes de développement local. Ça, on est là à tout, la CEDEC, membre de la CEDEC, jusqu'au CLD, en passant par tous les groupes communautaires, et la seule chose dans laquelle on n'est pas présents, pour toutes sortes de bonnes ou mauvaises raisons, c'est les lieux de culte. Mais, sinon, tout ce qui est réflexion commune, on est là, sur l'enjeu développement urbain, etc.

Pour répondre à votre question de comment on pense que c'est exportable, je vous dirais qu'on est tellement surpris, modestement, on est tellement surpris de l'accueil qu'on se demande comment ça se fait que ce n'est pas fait ailleurs. C'est-à-dire on trouve ça tellement, tu sais... Parce qu'on le fait de façon un peu organique et naïve, mais on se demande comment ça se fait que ce n'est pas fait ailleurs et que le même processus... Je suis sûr que, si quelqu'un d'autre disait: Je n'engage que les gens du quartier, éventuellement ça ferait des problèmes inverses, oui, mais comment se fait-il qu'on n'est pas capable encore... je ne dirais pas qu'on n'est pas capable, que ce n'est pas... c'est peut-être parce qu'on ne l'a pas fait. Mais on souhaite effectivement... c'est pour ça que des propositions d'avoir ce type de réflexion ailleurs nous sourient beaucoup, parce qu'on aimerait ça contaminer d'autres, oui.

Le Président (M. Bernier): 30 secondes.

M. Moreau: Ah bien, 30 secondes. Moi, je vous dirais, je fais le même parallèle que nos collègues ont fait avec Sainte-Clothilde en disant: Je crois qu'une partie de votre succès est liée au fait que vous preniez une petite bouchée à la fois, c'est-à-dire que vous le concentriez sur un milieu qui est défini. Dans votre cas, c'est le quartier. Puis je voyais la citation de M. Zéphyr, là, un de vos chefs d'équipe, qui, lui aussi, parle du quartier.

Vous n'aurez peut-être pas le temps de le faire, mais je partage votre préoccupation de dire: Il faut faire attention, quand on intègre des programmes de soutien, pour éviter que ça contamine le succès que vous avez en créant une dépendance. Malheureusement, je n'ai pas le temps de vous entendre là-dessus, mais je pense que je traduis bien votre idée en disant: Ce n'est pas nécessairement créateur de dépendance, mais il faut faire attention là-dessus.

Le Président (M. Bernier): Merci, M. le député. Donc, nous allons revenir pour un bloc de 3 min 30 s avec le député de Saint-Hyacinthe. La parole est à vous.

M. Dion: Merci, M. le Président. Alors, vous voyez, vous êtes étonnés de voir que les gens y mettent tellement d'intérêt et que ça ne se fasse pas déjà ailleurs, mais je pense bien que, pour réussir une chose comme celle-là, il faut trois choses: il faut d'abord une bonne idée, vous l'avez eue; deuxièmement, un réseau, vous l'avez; il faut troisièmement de l'argent. Où prenez-vous l'argent?

M. Brunelle (Charles-Mathieu): Bonne question. Je dirais qu'on a un partenariat qui est assez solide et qui dure depuis sept ans maintenant. Je n'ose pas employer le terme public-privé, mais c'est vraiment ça, c'est-à-dire que c'est public-privé-social: le gouvernement du Québec bien sûr, et les bailleurs de fonds privés, et le public qui achète des billets. Parce qu'il y a quand même des spectacles... il y a quand même 250 000 personnes qui sont venues chez nous depuis qu'on est ouverts. Alors, c'est un multiple des trois, alors c'est vraiment les trois.

M. Dion: Donc, le pilier de votre idée, c'est l'emploi, c'est le fait de créer des emplois qui fait que ça fonctionne. Est-ce que c'est ça?

M. Brunelle (Charles-Mathieu): En fait, le point de départ de tout ça, c'était de créer une cité des arts du cirque. On a, au Québec, la plus grande cité des arts du cirque au monde, qui se trouve à être initiée par une entreprise qui a un grand succès non seulement économique et culturel, qui est un fleuron pour tout le monde. C'était la base, c'était de créer et de répondre à un Silicon Valley, si vous voulez, une intégration de la formation jusqu'à la production cirque québécoise pour maintenir l'avantage. Et ça se trouve à être vrai, c'est-à-dire que la croissance du Cirque du Soleil et d'autres cirques à travers le monde illustre la spécificité, l'audace que l'on a dans ce milieu-là. Et par ailleurs, nous, on a poursuivi non seulement la structuration du milieu cirque, mais on s'est concentrés sur, comme je disais tantôt, le développement du parc et la revitalisation du quartier.

Donc, l'emploi rayonne, et je pense qu'une des réponses, c'est qu'il y a de l'espoir, c'est-à-dire que la culture est source d'espoir, source de modèle aussi, beaucoup de jeunes s'identifient à la culture. Et là c'est peut-être ça qui donne cette aura, qui est en fait l'expression cirque, qui permet finalement la revitalisation ou la lutte au racisme. C'est peut-être là la clé.

Le Président (M. Bernier): Alors, il vous reste une minute.

M. Dion: Il me reste une minute? Ah! bien, c'est fantastique, il nous reste une minute. Vous savez, on a toujours des problèmes de temps et on a été tellement captivés par votre idée qu'on a oublié qu'on était dans le temps, dans le temps. Et là il me reste 30 secondes pour vous remercier. Je pense que vous avez semé un germe qui va aider beaucoup de gens à réfléchir. Parce que c'est beaucoup plus que simplement une mécanique autour du Cirque du Soleil, comme vous venez de l'expliquer ? vous avez profité d'une situation concrète ? mais c'est l'idée derrière qui, elle, peut s'adapter. Peut-être qu'on ne peut pas avoir tous des Cirque du Soleil dans notre cour, là, mais l'idée elle-même, elle est porteuse parce qu'il s'agit de puiser dans la culture locale. Je vous remercie infiniment.

Le Président (M. Bernier): Alors, je vous remercie, M. Brunelle et Mme Jodoin, de votre présentation. Donc, la Tohu, La Cité des arts du cirque, c'était une excellente présentation. Merci beaucoup.

J'invite donc immédiatement le collège de Rosemont à prendre place. Et je suspends les travaux pour cette période.

(Suspension de la séance à 11 h 49)

 

(Reprise à 11 h 50)

Le Président (M. Bernier): Nous allons reprendre nos travaux. Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! J'inviterais donc le collège de Rosemont à prendre la parole et je vous invite également à vous présenter pour fins d'identification. Donc, la parole est à vous pour un bloc de 15 minutes.

Collège de Rosemont

Mme Hanigan (Patricia): Merci, M. le Président. Alors, je me présente. Mon nom est Patricia Hanigan. Je suis la directrice générale du collège de Rosemont. Et je vous présente mes collaborateurs: à ma droite, M. Habib El-Hage, qui est agent d'intervention sociale au collège de Rosemont; à ma gauche, Mme Édith Massicotte, qui est directrice des études; et M. Jean-Marc Létourneau, qui est adjoint à la vie étudiante au collège de Rosemont.

Alors, M. le Président, Mme la ministre, distingués parlementaires, merci de cette invitation à venir vous rencontrer. Nous avons entendu les gens de la Tohu il y a quelques minutes, et ils vous parlaient de l'importance de la culture. Nous, on vient vous parler de l'importance de l'éducation, et la raison pour laquelle nous avons tenu à venir vous rencontrer aujourd'hui, c'est qu'on considère que l'éducation est l'arme la plus importante et la plus percutante pour contrer le racisme et la discrimination. Il y a une particularité dans le rôle des écoles, des maisons d'enseignement, de façon générale, en ce qui a trait à l'intégration scolaire, et à l'éducation interculturelle, et, de façon générale, à la lutte contre le racisme, c'est qu'on est en quelque sorte un processus en boucle. Alors, non seulement, comme établissement public, on a à rendre un service et adapter nos services, mais notre service, c'est d'aider la population à s'intégrer à la société. Alors, on a donc un double rôle ou un rôle en boucle d'accueillir, d'intégrer et de préparer à l'intégration.

Les commentaires et les propositions qu'on vous fait aujourd'hui, on va vous les faire parvenir la semaine prochaine, donc un mémoire plus détaillé.

Alors, permettez-moi quelques mots pour vous présenter le collège de Rosemont. C'est un établissement public d'enseignement postsecondaire, donc d'enseignement supérieur. On offre quatre programmes préuniversitaires et 11 programmes techniques. Une de nos particularités, c'est qu'on offre plusieurs programmes dans le domaine de la santé, et donc on prépare des gens à intervenir dans les centres hospitaliers et, de façon générale, à offrir des services dans le monde de la santé. On a plusieurs programmes qui sont offerts uniquement dans notre collège.

Le collège de Rosemont, c'est un collège urbain de taille moyenne. On accueille environ 2 500 étudiants à l'enseignement régulier, dont la moitié est issue de communautés culturelles, entre 325 et 500 adultes en formation continue, dont environ 80 % est issu de groupes ethnoculturels, et on reçoit, à chaque année, environ 160 immigrants en francisation, et, en plus de cette population étudiante, on reçoit l'équivalent de 2 500 étudiants à temps complet en formation à distance. Alors, cette particularité, je pense que nous sommes le collège, le collège francophone, qui accueille la plus grande concentration multiethnique, et c'est une situation qui est en évolution. En 2002, 41 % de notre population appartenait à des groupes ethnoculturels, et, en 2005, on est rendus à 50 %. Alors, je pense que c'est à la fois le reflet de l'évolution de la société, mais c'est aussi, et nous en sommes fiers, le reflet de notre adaptation à cette clientèle variée.

Alors, c'est ce dont j'aimerais vous parler maintenant: comment nous avons pris en charge, au collège de Rosemont, cette diversité culturelle. Alors, dans la foulée de la politique gouvernementale, qui a été adoptée à la fin des années quatre-vingt-dix, d'intégration scolaire et d'éducation interculturelle, le collège de Rosemont s'est doté d'une politique similaire en 2002. Alors, à l'époque, comme je vous le disais tantôt, 40 % de notre population étudiante appartenait à une communauté ethnoculturelle, elle provenait de 80 pays différents, 44 langues différentes étaient parlées à la maison. Alors, la politique que nous avons adoptée à ce moment-là reposait sur trois axes, trois grands axes d'intervention. Alors: premier axe, l'accueil et l'intégration des étudiants des communautés; deuxièmement, la gestion de la diversité culturelle, donc prévenir et intervenir; et, troisièmement, formation et éducation interculturelles.

Il y avait également un certain nombre de déclarations de principes. Il y avait une déclaration de principes à l'intérieur de notre politique. Je vais vous énoncer les principaux principes qui ont été adoptés par la communauté. Donc, le collège de Rosemont reconnaît la nécessité d'accueillir et d'intégrer de façon harmonieuse les étudiants des communautés ethnoculturelles. Le collège de Rosemont réprouve tout harcèlement, tout déni de droit, toute conduite raciste, discriminatoire, toute violence prenant appui sur des croyances ou des prescriptions religieuses, culturelles, ethniques. Le collège valorise l'éducation aux droits et lutte contre toute forme de discrimination. Troisième principe, l'éducation interculturelle auprès du personnel et des étudiants du collège de Rosemont ainsi que son développement sont basés sur les principes suivants: la promotion de l'égalité des chances, la maîtrise du français langue commune de la vie publique et l'éducation à la citoyenneté dans un contexte pluraliste.

Alors, notre politique contenait, pour chacun des axes d'intervention, des objectifs et des actions. Alors, cette politique qui a été adoptée en 2002, on a essayé d'en tracer les grandes lignes d'un bilan quatre ans plus tard. Alors, c'est ce dont je vais vous parler maintenant: donc, quatre ans plus tard, quelles sont les réalisations qu'on peut constater.

D'une part, première action, on a mis sur pied un comité de suivi pour veiller à la mise en oeuvre de cette politique. Et une action qui... et je vais céder la parole à M. El-Hage pour vous en parler, on a créé un poste permanent d'intervenant social chargé de plusieurs activités. Alors, je vais lui laisser la parole pour vous parler des principales réalisations qui ont été faites dans son mandat, depuis quatre ans.

M. El-Hage (Habib): Bonjour, M. le Président. Bonjour, Mme la ministre, Mmes les députées et MM. les députés. Alors, rapidement, les actions que, depuis quatre ans ou cinq ans même, on a développées au collège de Rosemont s'articulent comme suit, je les ai catégorisées en quatre catégories principales, la première étant le développement des outils. Mis à part la politique d'intégration scolaire et d'éducation interculturelle, on a développé aussi des outils qui favorisaient la connaissance de nos étudiants et aussi de comprendre davantage les difficultés qu'ils peuvent en avoir, de comprendre aussi les valeurs et les comportements qu'ils peuvent avoir dans notre communauté collégiale.

Ensuite, deuxième catégorie, accueil et intégration. On a, depuis quatre ans, développé et toujours amélioré nos façons d'accueillir et d'aller de l'avant, toujours dans cette catégorie-là, que ce soit par des activités, par exemple, de jumelage interculturel ou aller directement accueillir des personnes, que ce soient les étudiants, qu'ils soient en cours de francisation ou en intégration au début de la session, donc aller leur parler, aller leur dire qu'est-ce qu'on fait ici et parler des mesures de lutte contre les discriminations et le racisme, le harcèlement également, et comme quoi ici il y a des instances de proximité qui sont disponibles à leur égard.

Troisième catégorie, troisième point, prévention et intervention, et donc non seulement sensibiliser seulement, donc aller parler aux étudiants, aller parler au personnel, parler au personnel de l'institution, mais aussi l'intervention. J'ai parlé tantôt de l'intervention de proximité. Mais aussi on a ciblé davantage, on a amélioré les modèles d'intervention. On a inclus, par exemple, la médiation interculturelle comme modèle d'intervention et aussi l'intervention interculturelle auprès des étudiants mais aussi auprès du personnel, auprès de tout le monde finalement, comme moyen d'intervention mais aussi comme moyen d'intégration, il faut dire. Et là où c'est la spécificité, c'est que l'intervention psychosociale est un élément important à retenir dans les méthodes et dans les moyens d'intégration.

Et finalement, lorsqu'on parle de formation interculturelle, et donc former, inciter les... inviter le personnel à aussi offrir des formations et aussi former, que ce soit au niveau de la gestion des cadres, ou du personnel, ou des étudiants également à ce que c'est, la formation interculturelle, à ce que c'est, l'éducation à la citoyenneté également. Et aussi la gestion des accommodements raisonnables qu'on a inclus, qu'on tient toujours au collège. Alors, très rapidement.

n(12 heures)n

Mme Hanigan (Patricia): Merci. Je vais poursuivre avec d'autres réalisations. Alors, depuis 2000, depuis l'an 2000, nous accueillons des classes de francisation. À l'origine, on avait deux classes, deux groupes que nous accueillions; on est rendus à huit. Et ce qui est particulier ? et on pourra y revenir un peu plus tard ? c'est comment les liens sont tissés serré entre le service... entre l'intervenant social, les classes de francisation et comment l'exemple de nouveaux arrivants qui viennent apprendre le français cohabite avec nos étudiants de l'enseignement régulier. Il y a des jumelages qui se font, il y a des activités qui se font, dans le quartier Rosemont, d'intégration. La cohabitation de tout ce monde aussi à la cafétéria fait en sorte qu'on enseigne aux uns, aux autres la tolérance et l'échange.

Ce qui est particulier au collège de Rosemont également, c'est que ces deux services sont intégrés à la vie étudiante, au secteur de la vie étudiante, et donc les responsables de ces services-là font partie de l'équipe de M. Létourneau et donc teintent toute l'approche de notre intervention sur la vie étudiante. Donc, quand on planifie nos activités du secteur de la vie étudiante, ces gens-là font partie de l'équipe, et cela teinte nos activités culturelles, sportives et de façon générale la vie du collège de Rosemont. Alors, du côté de la vie étudiante, ce sont nos principales activités.

Du côté des programmes, il y a plusieurs éléments aussi qui sont mis en oeuvre. Évidemment, l'éducation interculturelle passe par une internationalisation de la formation, et on a plusieurs exemples aussi de programmes qui ont été ajustés et d'enseignants qui ont été sensibilisés à la dimension interculturelle.

Il y a des partenariats qui sont développés également, notamment avec des ordres professionnels dans le domaine de la santé, pour favoriser la mise à jour des connaissances des personnes formées à l'étranger. Alors, à cet égard-là, on travaille beaucoup avec le Regroupement des collèges de Montréal, le RCMM, qui travaille à l'élaboration et à la mise sur pied d'un guichet unique de reconnaissance des acquis, et, par notre service, notre direction du cégep à distance, on organise... on est en train de mettre sur pied la formation manquante pour les immigrants. Alors, nous sommes très actifs dans ce domaine-là, du côté des programmes. Et c'est sûr qu'on pourrait faire davantage, puis on va y revenir tantôt, sur les moyens qui pourraient nous aider à faire davantage de ce côté-là.

Il y a des interventions importantes aussi qui sont faites pour améliorer la maîtrise du français. On vous disait tantôt que, dans notre population étudiante, 44 langues sont parlées à la maison. C'est donc dire que le français n'est pas nécessairement ni la langue principale, ni la langue seconde de nos étudiants. Et on avait même constaté que nos étudiants avaient une difficulté un peu plus grande de réussite à l'épreuve uniforme de français. Alors, on a mis énormément de mesures, et ça fait partie de notre plan stratégique au collège et des voies d'action qu'on privilégie, d'améliorer la maîtrise du français. Et le retard qu'on avait dans la réussite a été diminué de moitié. Donc, on est sur la bonne voie pour améliorer la maîtrise du français.

Autre réalisation. Il y a évidemment, dans la vie d'un collège comme dans tout organisme public, des devoirs que nous devons faire comme programme d'accès à l'égalité à l'emploi ou une politique pour contrer le harcèlement. Ce qui nous caractérise, c'est que nous l'avons fait en nous basant sur l'expérience, l'expertise qu'on a dans le domaine de la lutte au racisme et à la discrimination. Ainsi, dans notre programme d'accès à l'égalité à l'emploi, on a identifié plusieurs sous-systèmes à corriger pour favoriser une embauche plus importante de minorités visibles et culturelles. On a des données très parcellaires en ce moment sur les résultats obtenus, mais ils sont encourageants.

Et, en ce qui a trait à notre programme contre le harcèlement et la violence, notons que les activités de sensibilisation et de formation qu'on a consacrées à cette politique identifient spécifiquement le racisme comme motif de harcèlement. Alors, on annonce notre programme et on met un message qui dit que le racisme est une des formes les plus graves de harcèlement et de violence. Et, après un an de mise en vigueur de ce programme, nous considérons que la politique livre ses fruits... plutôt le programme livre ses fruits puisque quelques cas de racisme ont été signalés. Et ça nous donne une indication. On n'a pas encore de mesures très précises, mais ça nous donne, à tout le moins, une indication qu'il y a une connaissance et qu'il y a une utilisation de ce programme par la population étudiante et par les représentants des communautés.

Alors, vous comprendrez, M. le Président, que nous avons été très satisfaits de voir le projet de politique gouvernementale et satisfaits des trois grandes orientations que vous proposez parce qu'elles rejoignent beaucoup, et elles rejoignent plusieurs de nos préoccupations. Donc, on est satisfaits de voir le partenariat que suppose votre première intervention. Quand on parle de coordonner nos efforts, je pense que c'est ce que l'on fait beaucoup au collège de Rosemont, que l'on fait aussi avec des partenaires à l'interne mais aussi à l'externe, et qu'on pense qu'on doit continuellement développer.

Vous proposez également de mieux connaître, et de mesurer les phénomènes, et de continuer de combattre les préjugés parce qu'effectivement l'information concrète n'est pas toujours au rendez-vous. On connaît beaucoup d'histoires de cas, on n'a pas énormément d'informations chiffrées. Alors, c'est une des voies d'action que nous avons retenues pour soutenir la réussite de nos étudiants, de mieux connaître les caractéristiques de notre population. Alors, dernièrement, on faisait un sondage auprès de nos étudiants pour constater que, par exemple, la valeur accordée à l'éducation était souvent plus importante chez les représentants des communautés culturelles. Par contre, ils consacrent moins de temps aux études. Alors, comment, comme maison d'éducation, allons-nous intervenir là-dessus? Ça fait partie des défis. Est-ce que j'ai déjà écoulé mon temps, M. le Président?

Le Président (M. Bernier): Vous avez déjà écoulé votre temps, Mme Hanigan, on vous remercie infiniment. Vous allez pouvoir continuer dans les échanges avec les députés, avec les parlementaires. Donc, immédiatement, je donne la parole à la ministre pour débuter ces échanges.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Merci, Mme Hanigan, d'être avec nous ce matin. Mme Massicotte, M. Létourneau et M. El-Hage, merci de nous faire partager votre expérience. Évidemment, on va attendre avec beaucoup d'impatience votre mémoire parce que ça nous permettra certainement d'analyser plus en profondeur. Vous comprendrez que 45 minutes, incluant votre présentation et les échanges, c'est très court, évidemment. Je suis particulièrement heureuse que le collège de Rosemont, qui dessert beaucoup de jeunes du comté d'Anjou parce que c'est un collège qui est dans l'est de Montréal, se soit doté de telles politiques parce que c'est quand même impressionnant de voir que votre clientèle s'est transformée en à peine trois ans de 41 % à 50 %, et j'ose imaginer qu'il ne doit pas y avoir beaucoup de facteurs indicateurs qui vous disent que ça va se résorber, là. Au contraire, ça devrait certainement continuer. J'imagine que, dans les écoles primaires et secondaires, on sent déjà une tendance de voir que ces jeunes-là qui vont sortir de l'école évidemment sont les jeunes qui composeront la population collégiale des collèges de demain, à Montréal plus précisément. Et je me suis posé comme question spontanément: Est-ce que les autres collèges à Montréal ont développé des politiques comme ce que vous avez mis sur pied?

Mme Hanigan (Patricia): Écoutez, je pense que nous sommes le premier collège ou parmi les premiers collèges à l'avoir fait, on nous reconnaît volontiers ? d'ailleurs, nous allons être invités au congrès sur l'innovation dans les cégeps ? c'est une des caractéristiques qui est ressortie comme étant un fleuron du collège de Rosemont. Je pense que les collèges et principalement les collèges montréalais se préoccupent de cette question-là, à l'heure actuelle, parce qu'ils reçoivent de plus en plus de communautés. Dans le secteur anglophone, c'est une réalité qui est connue depuis plus longtemps que du côté francophone, donc il y a déjà des pas de faits de ce côté-là.

Mme Thériault: C'est sûr que l'est de Montréal, ça change, là, mais ce n'est pas la même réalité que Parc-Extension, c'est évident, là, et l'est a toujours été reconnu comme étant une portion de la ville très blanche et très francophone. Vous et moi savons que ce n'est plus vrai, je le vois dans mon comté, j'imagine qu'au collège c'est la même chose, vos statistiques le démontrent.

Il y avait la commission scolaire de Montréal qui a déposé une politique, après consultation, qui envisageait aussi d'avoir plus d'intervenants et plus de professeurs issus des communautés culturelles. Au collège de Rosemont, votre portion de professeurs, c'est quoi?

Mme Hanigan (Patricia): On a fait le recensement, on a des objectifs à augmenter comme plusieurs organisations. Alors, quand je vous parlais de résultats parcellaires encourageants à l'automne, je me suis informée cette semaine, on a embauché neuf nouveaux enseignants. Il y en a deux qui sont arrivés par les mécanismes de mise en disponibilité, donc on a véritablement embauché sept personnes, il y en a deux qui proviennent de communautés visibles et ethnoculturelles. Donc, je dirais deux sur sept dans les nouvelles embauches. Au total, on a... Je ne les connais pas de mémoire, là, mais on a des données, on a un rattrapage à faire comme plusieurs établissements.

Mme Thériault: Oui, O.K. Oui, j'imagine. C'est ça, c'est parce que je me dis, sachant que les jeunes, ils vont graduer et...

n(12 h 10)n

Mme Hanigan (Patricia): Oui. Mais en fait ce que je vous disais tantôt, c'est qu'on a identifié plusieurs sous-systèmes qu'il nous faut travailler pour favoriser l'embauche. Alors, d'abord, les descriptions de postes, alors on est en train de revoir toutes les descriptions de tâches, annoncer, faire nos affichages, dire sur nos affichages que nous avons un programme d'accès à l'égalité. On le fait systématiquement sur tous nos concours. On fait partie de portails pancanadiens également et on va afficher auprès d'organismes. Donc, les différents sous-systèmes, là, sont examinés pour éviter toute forme de discrimination et pour encourager le recrutement de représentants des communautés ethnoculturelles.

Mme Thériault: Une petite question pour vous: Est-ce que les étudiants qui sont dans vos statistiques comme étant issus de l'immigration... Est-ce que vous avez des données pour être capables de vous dire si c'est des jeunes de deuxième ou de troisième génération ou des jeunes qui sont arrivés... Et y a-t-il une différence dans l'attitude des deux catégories de jeunes? Et y a-t-il une différence, envers la population blanche de souche, entre une deuxième ou troisième génération ou quelqu'un qui vient d'arriver ou que ça ne fait pas si longtemps que ça?

M. El-Hage (Habib): Je peux répondre, Mme la ministre. Oui, en effet, il y a une différence. On a remarqué, par exemple, concernant le lieu de naissance, une augmentation au collège. 45,5 % ont déclaré être nés au Canada en 2006 comparativement à 40 % en 2002. Donc, une augmentation de deuxième génération présentement.

Par rapport au comportement, par exemple, ce qu'on remarque, c'est dans la catégorie Emploi, lorsqu'on parle si les étudiants travaillent, on remarque que c'est pareil chez les communautés, les étudiants issus de communautés et les étudiants, comme on dit, québécois dits de souche, c'est 70 % chez les Québécois dits de souche versus 65 %. Ce n'est pas beaucoup. Mais lorsqu'on demande combien d'heures vous travaillez? Alors là, c'est en nombre d'heures, c'est très élevé, par exemple, par rapport à lorsqu'on parle d'étudiants de deuxième génération. On parle, par exemple, de 56,2 % qui travaillent 20 heures et plus versus 31,5 % chez les Québécois, par exemple, de souche. Alors, c'est presque, je dirais, 45 %, ou un peu plus, en nombre d'heures. Et, lorsqu'on regarde dans certaines communautés, c'est encore plus, et, lorsqu'on regarde chez les femmes de deuxième génération, c'est encore plus, les femmes travaillent plus que les gars de deuxième génération.

Mme Thériault: Vous allez joindre cette étude-là à votre mémoire? Je pense, pour le bénéfice, que ça pourrait être intéressant. Et je pense que j'ai quasiment le goût de terminer mon intervention en vous disant que je suis d'accord, moi aussi, que l'éducation est l'arme la plus percutante pour lutter contre la discrimination et le racisme. Lorsqu'on reviendra, j'ai comme l'impression que mes collègues... J'ai vu le député de Marguerite-D'Youville prendre des notes, il va certainement vouloir vous poser des questions. Merci.

Le Président (M. Bernier): Alors, merci, Mme la ministre. Nous allons donc passer au groupe parlementaire de l'opposition avec la députée de Laurier-Dorion, porte-parole de l'opposition officielle en matière d'immigration et de communautés culturelles. La parole est à vous, Mme la députée.

Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. Merci à vous tous de l'équipe du collège Rosemont. Je connais bien le collège Rosemont, mon frère fréquente, à ce jour, votre collège. Donc, je vous remercie d'être venus présenter ce mémoire ici. Je pense que vous apportez des aspects fort intéressants, notamment sur toute la gestion organisationnelle qui a dû dans le fond se transformer au fil des années avec, bon, la transformation, bien, du Québec, finalement, de notre société. Puis c'est intéressant, l'étude que vous avez menée auprès de votre population étudiante pour savoir un peu la provenance des caractéristiques socioculturelles de ceux-ci.

Je me demandais donc... parce que c'est ça qui est toujours un peu difficile, c'est de se dire jusqu'à quel point... Dans le fond, tu sais, quelqu'un, un jeune qui est né ici, est-ce qu'on le considère encore comme une personne immigrante ou... Bon. C'est sûr qu'elle est considérée comme minorité visible, puis, dans Statistique Canada, puis quand on fait le recensement, c'est aussi la propre perception de la personne, comment elle-même s'identifie. Donc, ce serait intéressant de pouvoir analyser votre étude pour voir un peu la méthodologie, et tout ça, pour bien comprendre.

Parce que dans le fond vous disiez que vous évaluez à environ 50 % des jeunes qui sont issus soit de l'immigration ou ayant un profil ethnoculturel ou une minorité visible, mais avec l'autre chiffre que vous avez mentionné, 45 % nés ici, donc, dans le fond, ça fait 25 % de jeunes qui sont nés à l'étranger, ce qui est quand même considérable, là, soit dit en passant. Donc, c'est vraiment intéressant, puis ça permet d'adapter les approches. Puis, sur les heures de travail, ça aussi, d'un point de vue plus global, peu importe la situation du jeune, les heures de travail travaillées ont une influence directe, je pense, sur la réussite scolaire. En tout cas, c'est un aspect fort intéressant que nous avons tous hâte de pouvoir analyser.

Je me demandais... Vous avez parlé, tout à l'heure, de la formation du personnel et des professeurs. Est-ce que, cette formation-là, elle est obligatoire? Et puis comment ça fonctionne?

Mme Massicotte (Édith): Il y a une partie de la formation qui s'inscrit dans les activités de formation pédagogique qui sont offertes aux enseignants, alors que ce soit lors des journées pédagogiques, où les enseignants particulièrement, le personnel professionnel aussi peut participer. On en a eu une, il y a deux ans, sur la religion et les accommodements raisonnables, alors ça a suscité des débats. Et on a aussi des programmes de formation pour les enseignants ou des cours pour les enseignants s'ils veulent s'inscrire, soit par le biais de PERFORMA, ou des activités beaucoup plus sur mesure selon les situations rencontrées.

Mme Lefebvre: ...plus ou moins combien du personnel à la fois de soutien administratif puis professoral, le pourcentage de personnes qui auraient pu suivre les formations?

Mme Massicotte (Édith): Bien, dans les journées pédagogiques, c'est la très, très grande majorité des enseignants, du personnel professionnel, personnel de soutien aussi, mais évidemment il y a encore... le collège continue toujours, donc il y a quand même le personnel qui peut se libérer pour aller à ces activités-là. Dans les autres, on peut faire un estimé selon les besoins, selon les demandes, et c'est souvent M. El-Hage qui va intervenir justement, qui va donner une formation un peu plus pointue.

Mme Lefebvre: Vous l'avez abordé brièvement, mais c'est sûr que la question, bon, de l'accommodement, c'est une question qui suscite de l'intérêt puis, on le voit, qu'on est amené, de plus en plus, à discuter en tant que société. Est-ce que vous avez des exemples? Comment vous réussissez à gérer le tout, vous, au collège Rosemont?

M. El-Hage (Habib): Bien, en fait, il y a une place où c'est identifié comme étant... répondant sur cette question-là, c'est le bureau... le volet interculturel de la vie étudiante. Donc, c'est moi qui est en charge présentement. Et, lorsqu'il y a des demandes soit de la part des étudiants ou des membres du personnel également, alors je suis la référence dans cette question-là, et là on essaie de négocier comment ou quoi, à quelle heure, etc. Donc, grosso modo, jusqu'à maintenant, ça va très bien. Les mesures d'accommodement, on essaie aussi de distinguer qu'est-ce qui peut être de l'accommodement et qu'est-ce qui ne rentre pas dans l'accommodement. Alors, ça aussi, les enseignants m'invitent à aller expliquer, former, dire, mais qu'est-ce qui peut ressortir de ce concept-là, qu'est-ce qui peut faire partie de ce concept et qu'est-ce qui ne l'est pas de ce concept-là, alors...

Mme Lefebvre: Mais ça va un peu dans le sens où vous avez, tout à l'heure, pendant votre présentation, parlé des moyens qui pourraient vous aider à toujours progresser, toujours faire mieux. Est-ce que je peux vous donner un peu de temps pour en discuter? Parce qu'on n'a pas eu le temps tout à l'heure. Donc, c'est ça, quels moyens pourraient être mis à votre disposition afin d'améliorer vos pratiques? Puis, sur l'accommodement, est-ce que vous sentez que vous êtes assez outillés pour faire face à ces nouvelles réalités?

Mme Hanigan (Patricia): Merci de cette occasion. On développera davantage, dans le mémoire, cette partie-là. Mais, premier élément, je pense qu'il faut réaffirmer l'importance de l'enseignement supérieur et particulièrement la place, l'apport important des cégeps, plus particulièrement par l'apport de la formation générale. On offre cette possibilité-là à tous nos étudiants donc de suivre 26 unités et presque un an de formation générale qui vise une triple finalité: de développer un fonds culturel commun, de développer des habiletés et de développer des attitudes. Alors, quand on parle de fonds culturel, de fonds culturel commun, je pense que c'est un fonds culturel commun qu'on saurait qu'il faudrait revisiter.

À l'heure actuelle, le ministère de l'Éducation a entrepris de revoir les devis de la formation générale. Mais je pense que, dans un éventuel plan d'action, ce serait important de s'assurer que soient inclus, à l'intérieur de la formation générale, les aspects qui touchent l'éducation aux droits et qui ouvrent davantage.

À l'heure actuelle, les enseignants, dans la formation générale, ont de la place pour donner des formations là-dessus, mais ça relève d'un choix. Alors, si on insistait davantage sur l'ouverture à la diversité et le développement d'attitudes, bon, qu'on est dans un contexte d'une société plurielle et pluraliste, il y aurait peut-être un développement à faire de ce côté-là.

n(12 h 20)n

Mme Lefebvre: Bien, je pense qu'on va revenir, puisque le temps...

Mme Hanigan (Patricia): Oui, c'était ma première piste, mais nous en avions deux autres.

Une voix: Il en reste quelques-unes.

Mme Lefebvre: Ah! bien, on reviendra.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Moreau: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue aux représentants du collège de Rosemont. J'ai fait une blague à ma collègue et je vais vous la faire aussi. C'est rare, moi, j'ai été étudiant et je n'ai jamais pu dire aux gens de la direction, leur faire un petit reproche parce que leurs travaux étaient remis en retard. Je vous le fais à l'égard de votre mémoire, et ça fera plaisir à vos étudiants si jamais ils entendent nos travaux. Mais sérieusement je vais vous dire que la qualité de la présentation que vous avez faite verbalement, ce matin, compense en partie le mémoire, mais qu'on aura hâte de lire parce qu'il y a des éléments statistiques que je n'ai pas pu tout prendre en note, mais il y a des éléments vraiment intéressants à l'égard des statistiques dont vous nous avez fait part ce matin.

J'ai bien suivi les quatre axes sur lesquels vous avez insisté, là, au niveau de la politique. Premièrement, le développement des outils pour connaître et comprendre les étudiants, l'accueil et l'intégration, la prévention et l'intervention, et la formation du personnel.

J'ai aussi compris qu'il y avait eu quelques cas de racisme qui avaient été signalés. Ma question serait double, et je ne sais pas qui de vous serait mieux habilité pour y répondre, sentez-vous bien à l'aise. D'abord, au niveau de l'intervention, dans le troisième volet, quelle est la façon utilisée pour intervenir? Et, deuxièmement, à l'égard des cas de racisme qui ont été signalés, de quelle façon avez-vous géré ces cas-là a posteriori?

M. El-Hage (Habib): Alors, depuis un an, on a un programme de lutte contre le harcèlement et la violence au collège et, là-dedans, sur la question du harcèlement, le harcèlement racial également, on a trouvé que c'est un excellent moyen justement de combattre ou de lutter contre le racisme. Depuis la session passée, donc depuis janvier passé, qu'on mise sur la promotion de ce programme-là et qu'on invite soit les étudiants, les membres du personnel à en prendre connaissance mais aussi à diriger, à savoir qui prend cette question-là en charge. Je pense que la promotion de ce programme-là a permis d'avoir beaucoup de demandes d'intervention. Et, à l'intérieur de ces demandes d'intervention soit sur le harcèlement psychologique, soit sur le harcèlement sexuel ou le harcèlement racial également, on a reçu des plaintes, on a reçu des demandes d'intervention dans ces cas-là. Et...

M. Moreau: Je m'excuse, qui touchaient la relation personnel du collège-étudiant, ou étudiant-étudiant, ou personnel-personnel?

M. El-Hage (Habib): Les données qu'on a, c'était étudiant-personnel. Alors, c'était sur cette question-là. Et justement, à l'étude de ces cas-là, il s'avère... On avait trois cas. Il s'avère qu'il n'y avait pas matière, lors de l'enquête, à continuer parce que ce n'était pas du harcèlement racial, par exemple. Alors, il y avait de ça aussi. Et on s'est alerté, on s'est dit: Bon, pourquoi, dans ce cas-là, l'étudiant, par exemple, pensait que c'était du harcèlement ou du racisme tandis que ça ne l'était pas, selon ce qu'on a comme données, ce que la loi nous dit, ce qu'on sait sur le racisme? Et, là-dessus, on a procédé, la session passée... j'ai commencé à former davantage, à travailler sur la question de la victimisation, qu'est-ce que le racisme, etc. Donc, on sent que parfois la question du racisme est mal comprise, et il a fallu procéder à une éducation là-dessus. Tout n'est pas du racisme, et c'est ce qu'on dit, ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas de racisme ? on a eu des interventions lors de cas de racisme également ? mais tout n'est pas du racisme dans ces cas-là, et il faut être vigilants et faire attention à ce qui est racisme, à ce qui est harcèlement, à ce qui est du droit de l'enseignant, par exemple, de faire, etc.

M. Moreau: Mais dites-vous que toutes les plaintes qui ont été faites, tous les signalements qui ont été faits vous ont conduits à considérer, après analyse, que ce n'étaient pas finalement des cas de racisme?

M. El-Hage (Habib): Pas de racisme, exactement.

M. Moreau: Bon. Alors, vous avez... Et, moi, ce que j'aimerais savoir, c'est: Quel est le processus suivi? Alors, vous avez conclu finalement que c'était quoi, que c'était de la maladresse? Mais comment vous vous êtes rendus à cette conclusion-là? Qui siège? Comment ça fonctionne?

M. El-Hage (Habib): Bien, le comité sur le harcèlement, nous sommes cinq personnes, nous représentons tout le collège, donc syndicat de professeurs, professionnels de soutien, le collège et les cadres également. Et, à l'intérieur de ce comité, bien il y a le coordonnateur, je suis en charge de ce comité-là, et on est formés à intervenir et à analyser, à faire des enquêtes sur les questions qui touchent le harcèlement, les différentes formes de harcèlement, y compris le racisme.

Alors, en premier temps, on reçoit la personne, on l'écoute, on essaie de dégager ce qui est des faits, ce qui est de... les faits objectifs des faits subjectifs également, et on essaie de... on demande à la personne de formuler une plainte écrite et qu'on puisse l'étudier et l'analyser. Bon. Ça, c'est en premier temps.

S'il y a matière à continuer, bien on continue. On ouvre une enquête s'il y a matière. On va rencontrer l'autre personne, on va écouter la version de l'autre personne, donc ? parce qu'il n'y a pas juste une version, il y a une autre version ? et voir, bon, qu'est-ce que ça veut dire, pourquoi ça a été fait comme ça, est-ce qu'il y avait matière à ce qu'on dise: Bien, c'est du racisme, ou c'est du harcèlement psychologique, ou c'est autre, et, par la suite, voir comment on peut faire une médiation ? parce que, lorsqu'on parle du comité contre le harcèlement, on parle du processus alternatif ? et procéder à une médiation s'il y a lieu. Alors, c'est le processus du comité, qu'on utilise.

M. Moreau: Merci beaucoup.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci. Le temps s'écoule rapidement. Je veux vous laisser du temps pour nous faire état de vos recommandations et propositions.

Mais, juste avant, hier on a reçu un organisme... en fait, non, le syndicat des professeurs de français du gouvernement du Québec. Donc, vous nous avez dit, dans votre présentation, que vous offrez des cours de francisation au sein du collège Rosemont. C'est une bonne nouvelle. D'ailleurs, quand nous avions transformé les COFI en carrefours d'intégration, l'objectif, c'était de favoriser une meilleure mixité sociale en offrant les cours de français dans certains établissements scolaires. Puis, dans votre présentation, vous avez mentionné que la cohabitation entre les nouveaux arrivants puis les étudiants qui font le profil régulier se faisait très bien, puis notamment, au service à la vie étudiante, il y avait eu des adaptations également. Donc, c'est une excellente nouvelle, parce qu'hier c'était un peu décourageant d'entendre les représentants justement qui nous mentionnaient que trop souvent les classes de francisation étaient dans un état terrible, et que plusieurs institutions, peut-être pas de façon intentionnelle, mais mettaient les classes de francisation dans un recoin ? en tout cas, c'est ce qu'on a pu s'imaginer ? avec des classes qui n'avaient pas d'air climatisé et pas de fenêtre qui s'ouvrait. Bref, c'est une situation qui nous a beaucoup interpellés, puis je pense que c'est une situation qu'on doit corriger rapidement. Alors, je voulais juste souligner que j'avais été heureuse et interpellée par le fait que la cohabitation se fait bien au collège. Donc ça, c'est d'une part.

Et maintenant, bien, je voulais vous donner l'opportunité de parler de quelques-unes de vos propositions qui pourraient faciliter votre action face à la lutte aux discriminations et au racisme.

n(12 h 30)n

M. Létourneau (Jean-Marc): Je voudrais juste peut-être enchaîner sur la francisation. Alors, chez nous, c'est vrai que c'est une particularité. Ça ne relève pas, comme bien d'autres endroits, de la formation continue, mais de la vie étudiante. Puis, nous, c'est important d'inclure les gens qui participent à ces cours-là au déroulement normal du collège, et, en ce sens-là, on se caractérise par différentes activités qui sont propres à nous. On a des activités... Dans les séances d'accueil, par exemple, on les informe, les étudiants, sur les politiques qu'on a, entre autres la politique sur le racisme, sur le harcèlement, nos programmes. On a des aspects au niveau de la régionalisation. On aide les gens à s'intégrer peut-être, éventuellement, à des régions. Alors ça, c'est des choses qui sont... On fait même du jumelage de groupes. Alors, on prend des groupes d'étudiants du régulier, on fait un jumelage avec des étudiants de la francisation pour les aider à se familiariser. Enfin, il y a différentes choses comme ça qu'on fait, qui sont propres à nous, puis ça, c'est une des choses qu'on voulait souligner.

C'est qu'on pense que ce serait important de faire connaître, de diffuser les succès puis les réussites des interventions qui sont réalisées dans les différents milieux, notamment en éducation, et de le souligner en présentant les actions dans l'aspect très concret des choses. Et souvent c'est méconnu. Alors, nous, on trouvait que c'était important de le faire.

Puis on croyait aussi... On est convaincus qu'il faille valoriser puis maintenir une attitude d'ouverture face à ces situations-là. Le racisme, ça exclut. Nous, on veut inclure. Et on pense qu'il ne faut surtout pas fermer la porte au débat et... Bref, laisser dire les choses.

Mme Lefebvre: Je trouve que votre exemple devrait être suivi partout au Québec parce que c'est clair que, bon, dans les démarches d'intégration... On en a beaucoup discuté ici, dans cette commission, mais, comme on parlait, la lutte aux inégalités socioéconomiques, l'intégration, se familiariser également avec la culture québécoise et avec les mécanismes...

Vous parliez tout à l'heure, dans l'embauche du personnel, que ce soit du corps professoral ou du personnel administratif ou de soutien, mais de modifier nos approches, notamment dans la diffusion des offres d'emploi. Ça a été dit par d'autres groupes, mais souvent ce qu'on se rend compte c'est qu'au-delà des compétences, bon, ce qui est tout un aspect vraiment difficile, là, se faire reconnaître les compétences et les acquis obtenus à l'étranger, mais il y a aussi de bien connaître le réseau puis de savoir à quelles portes cogner puis... Donc, cet aspect-là, c'est extrêmement important.

Donc, vous pouvez, avec les quelques minutes qui nous restent, peut-être...

Mme Massicotte (Édith): Alors, je pourrais peut-être poursuivre sur une autre voie d'intervention qu'on souhaiterait pouvoir suivre davantage. On a parlé tout à l'heure que le collège de Rosemont offrait des programmes dans le secteur de la santé, des programmes qui mènent à des professions qui sont réglementées par les ordres professionnels.

Alors, on voudrait pouvoir poursuivre la formation des immigrants scolarisés, c'est-à-dire leur adaptation au marché du travail québécois. Je sais, Mme la ministre, que vous avez cette préoccupation-là de pouvoir développer cette formation-là. Mais ce qu'on voudrait faire entendre aujourd'hui, c'est, nous, avoir la capacité de l'offrir, la formation.

Une fois qu'on a développé la formation, il faut que, par les mécanismes de financement, on soit capable d'offrir cette formation à la clientèle. Ici, ça passe par le biais de financement à la formation continue. On sait qu'on est déjà extrêmement à l'étroit dans ce qui nous est octroyé. Donc, je pense que, pour nous, notre volonté de développer la formation est là, mais on veut aussi pouvoir offrir cette formation par le biais d'un financement adéquat.

Mme Lefebvre: Quand vous dites: Être capable de l'offrir...

Mme Massicotte (Édith): On développe la formation. C'est-à-dire qu'il y a du financement, on le sait, qui est offert pour pouvoir développer les cours, développer la formation qui est manquante. Mais, une fois qu'elle est développée, cette formation manquante, il faut pouvoir la dispenser.

Mme Lefebvre: Vous n'êtes pas capables actuellement.

Mme Massicotte (Édith): Et, pour la dispenser, bien il faut avoir un financement qui soit adéquat. Si on le fait via notre financement qui nous est octroyé par la formation continue, ça devient... il faut faire un choix difficile: qu'est-ce qu'on enlève pour pouvoir scolariser ces immigrants?

Mme Lefebvre: Vous êtes capables d'évaluer les ressources manquantes?

Mme Hanigan (Patricia): Ce que j'aimerais ajouter, c'est qu'on constate qu'il y a beaucoup d'efforts qui se font. Il y a plusieurs programmes qui ont été mis sur pied, notamment en soins infirmiers. Nous, on participe à des travaux en ce moment en inhalothérapie.

C'est qu'au fond il y a des actions qui sont prises. Ce qu'on souhaite, c'est que ce soient des actions accélérées pour qu'on puisse y répondre et contribuer à lever des obstacles aussi dans cette réalisation-là. Vous savez, quand on met sur pied ces différents programmes, c'est autant du travail auprès des ordres professionnels, des centres hospitaliers qui reçoivent les nouveaux immigrants et auprès de nos enseignants aussi.

Alors, je pense que ce serait important, du côté du ministère de l'Immigration, de valoriser et de bien informer ces différents milieux de la valeur des diplômes acquis à l'étranger. Et je pense que ça contribuerait aussi à accepter que les programmes soient de nature différente de ceux qui sont offerts au régulier. Et peut-être favoriser des programmes d'échange entre enseignants pour que nos enseignants puissent voir comment les nouveaux arrivants sont formés ailleurs et qu'on puisse recevoir des professeurs qui enseignent ailleurs, donc favoriser cet échange-là pour ensuite favoriser la diversification des offres de formation.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposons. Donc, merci au collège de Rosemont.

Et nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 14 heures, cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 36)

 

(Reprise à 14 h 7)

Le Président (M. Moreau): À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de la culture reprend ses travaux. Je demanderais encore une fois à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Je vous rappelle que le mandat de la commission est de poursuivre les auditions publiques à l'égard du document intitulé Vers une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination. Et nous entendrons, en reprise de séance, le Conseil musulman de Montréal. I understand that the representatives of the Muslim Council of Montréal are present. Please, take place.

I understand, Sir, that you don't understand and you don't speak French, so feel free to give your exposé in English. And I remind you that you have 20 minutes for your exposé, and then there will be a 40-minute exchange with the members of the Commission. So, welcome to the National Assembly. Please present yourself, and we're listening to you.

Conseil musulman de Montréal (CMM)

M. Elmenyawi (Salam): Thank you, Mr. President. My name is Salam Elmenyawi. I am the president of the Muslim Council of Montréal. I would like to start first for thanking you, Mr. President, and for all the members of the Commission as well as the Mme Minister of Immigration, for inviting me here to be able to share some of our views with you. It is very important for all of us to have this exchange, and I think it is historical in Québec's history. This kind of exchanges, I think, will be quite instrumental in having a much better future for all of us. I thank you again.

Today, I would like first to come to say, as a proud Quebecker, proud of being in this country for some 34 years, living here and enjoying a very good life, I have seen that the vast majority of Quebeckers are very good people, and they have been very supportive to Muslims in most of the times that we have been facing hard situations. And this is also something that is unique about Québec, which is also having something like the Charter of Rights and Freedoms, which, for example, does not exist in France and in Europe but we have it here in Québec, that does protect the rights of the minorities and the rights of all to be able to live together within this kind of harmonial way. Québec has its way and has its... It is certainly distinct in the way it does go about its situations, and I think today is one of those situations that we would like to reflect on.

n(14 h 10)n

Before I talk about discrimination or racism, which is also the part that unfortunately we cannot hide and we cannot go away from, and this is part of the reason we would have to exchange together to see how we can reach the middle of the way to be able to address those issues, I would like first to give a quick brief of the making of the Muslim community in Québec. The Muslim community, they may sometimes look at that they think it is a mosaic, it is just a one specific block: they think in the same way, they talk the same way, they act in the same way, with the same person that represents them, which is absolutely not the Muslim community. There are Muslims here, in Québec, from almost about every nation, including Québec, and that makes a quite a bit of a different diversity of a community that has, from everywhere around the world, people that make this community. They also have different believes, different faiths, different ways of approaching the way they live by within this province.

There is about 175,000 Muslims in Québec today. The 2001 Canadian census indicated that Muslims in Québec were about 108. It was the fastest growing community in Québec, as well as in the world in fact, and, believe it or not, without the use of the sword. This community is being growing very vividly, out to 242% every 10 years. That makes us, today, about 175,000 and, by the year 2011, we will about 260,000 Muslims within Québec, and it will make us the second denomination in Québec after Catholics.

There's something unique about this community, that the average age of Muslims is 28 years, while the population at large average age is 40 years of age. That tells you that the community is young and it has a natural pyramid that the larger number of the community, they are rather children that are growing, that they would make the future of this province and that they will be working very hard to bring out the making of a very successful province within Canada.

It is important for us, as we reflect on that, that, as the community grows very fast, resources do not grow as fast, and the needs of the community are there, and, because of that, we do have difficulties, difficulties sometimes in the way we do represent ourselves. So, it's not always that the complaints or the problems that are coming at us just because someone else from outside is talking. Most of the time is lack of communication and most of the time is a problem of representation that sometimes does not make it in the proper way.

We have, in Montréal alone, close to about 70 places of prayers. There's an average of about 400 to 500 people attend those places every Friday, listen to their imams. There are as close to about 30,000 persons come to pray in their mosques among Muslims in Montréal. Having to know that mostly males that attend to the Friday prayers, that would represent very closely 50,000 to 60,000 Muslims. And, if you look at the families at large, you can grow the number to about 70,000 that are reachable, every Friday, by their imams. They do respect their mosques and their institutions, and they certainly do come for an advice and, when there's need and when there's trouble, they certainly come on to chat with us and they try to talk to us about that.

Because of that, we have a very unique situation to reflect in some of these problems that we are facing, and I cannot profess that the Muslim Council of Montréal or any specific islamic organization or institution talks in the name of all Muslims, but certainly we do represent quite a number of the many streams among the Muslim community.

Right after September 11th, we have had a very hard time, a wave of backlash that was directed against the Muslim community, something that we didn't expect nor were we prepared for it. Since that time, we have had a go at it with mostly the media, with the political institutions, with the services within Québec, as much as of course that this was happening all around the world, and I would like to devolve a few minutes at the end of my brief in relation to some of these issues.

I know you have heard it from people before me and I am willing to engage you in some of the issues of discrimination and in the suffering that Muslim women, for example, would face under the pretention, for example, that they are oppressed because they have hijab.

While I'm mentioning this, I'd like first to also thank the Minister for Immigration who did visit our mosques, and also Elsie Lefebvre, and also for the Minister of Immigration for opening her doors for us all the time, to be able to talk and engage in many of those issues. But she came in, and she visited the mosques, and she has exchanged with those persons who are looked at as being oppressed, oppressed and depressed, just because they have a scarf on their head. This is of course that this kind of reflection went quite a bit in a very strong way within Québec society, again as much as within the whole Western world, not something unique of Québec. But maybe there is a little bit more because this also associates with religion, and, as we know, religion has a very special consideration within our province here. And this is, I think, part of our problems, and this is where I would like to focus.

Though there are lots of employment problems that we are facing among immigrants and people who are having high degrees and good certificates and are not able to find good jobs, and though there are also problems with people going looking for apartments to rent, and they're being discriminated against, an issue that today the laws, the existing laws, can handle, if the Human Rights Commission would move on on much faster speed and having a little bit more resources, then certainly some of these issues would be handled much better. But we also have that issue of religious discrimination that is paramount, and I think part of the documents which I recommend you very highly and the documents that were drawn to ask us to make this kind of exchange, that it was for me something that is an excellent representation of the way we would like to see Quebeckers go and the way we like to see Québec position be.

In this document, something quite interesting is striking, a statement that really did affect me very strongly. It says that discrimination and prejudices sometimes are caused because of ignorance, and I do agree with that, but it also says that the fact that somebody is ignorant of his neighbors, is ignorant of those that share the same space within the same air, breathe the same air with them ? in this province, they have an obligation among themselves to live among others ? the mere fact that they don't know could institute racism and discrimination, according to the document. This is a level that I think very enlightened and very strong in language. And I think we should, in accommodation of this, go forward and make sure that our society is well educated.

One of the points that I have seen in the document, that I think need a little bit of adjustment, is the use of labels like islamophobia, like integrism, like fundamentalism, is to try to define those expressions, those labels before we use them liberally. There are many Muslims who consider themselves fundamentals, but in a good sense, in the sense of being religious, in the sense of following the text which no one should have any fear about this text. If we know Islam very well and if we know the text very well, then we would know that this would guide people to do better, and to respect their neighbors, and to do to others what they'd like them to do to them.

But, if we look at those very specific labels that we see today, I think they sometimes become a misnomer, they become sometimes a misrepresentation of reality and they do harm people as we use the words Islamist, fundamentalist, fanatics, radicals, all used in synonyms. Sometimes, I'm called, in the media, Islamist. So does Osama Bin Laden, is called Islamist, and I don't know what does this mean. And I don't understand how could we, for example, be able to live in a society where we label each others without knowing what those labels mean.

n(14 h 20)n

So, I think it is an obligation upon ourselves today to ponder over those labels, and to make sure that, when we would use them, we use them properly, not to damage, and defame, and slander a whole community, and its leaders, and the people among those communities just because somebody is going to use this label one day with some terminology and another with some different terminology. For example, if I would like to challenge someone using a label like this against me and take him to court, all of a sudden, that label will just mean that this is just because I go to pray in the mosque, so I become an Islamist, or just because I respect sharia. And this is by itself an issue that I'd like also to touch on. So, the issue of definition, I think, was one of the points that we would like to relate to very strongly.

The other issue that brings us to having difficulties... which is the media. I'm leaving all other issues of course for my colleagues and others that will be talking about it. I have read some of the briefs, which is really very good, that comes from the Bar Association to insure justice and to have justice open for everyone when they have problems and they are disturbed about some issues, but also CRARR brief which was certainly one that gave too many examples and will show some of these good issues. And I'm sure some of my brothers that stood in front of the commission earlier and those that would be standing in front of the commission after me would be also addressing some of these issues.

But the media issue, I think, is a key for us fighting and eradicating racism and discrimination within our society. If we don't have a society's will represented within what we read, and what we print, and what we talk about, we will all suffer, we will feel the pain, and those that have xenophobia, and islamophobia, and whatever kind of racism that they harbor, they would manifest this within this kind of outlets like the media. Something must be done.

I know, whenever we talk to politicians about the media, it causes an issue right away because certainly the fear of curbing freedom of expression. I'm not here to talk about curbing any freedom of expression. Everybody should be able to talk, but everybody should be accountable for what they say, and how they say it within our society, and for the consequences of what they say. There has to be this kind of accountability. There has to be an access for people who are being the underdog, who are being attacked by the media to be able to respond back.

Why the media have freedom of expression? When I came from Egypt to this country, I thought I'm coming for a country where I will be able to have this kind of freedom of expression, and exercise it, and live free within the boundaries of Canada. When I came here, I realized that really not everybody has a freedom of expression. It is only journalists who would be able to talk and cut and paste some of what we say. And many of them are very good and honest and they do a good job. The problem is, it takes only one, or two, or three that does cause an unbelievable damage. But, later on, actually, I realized that even sometimes the journalists do not have the freedom of expression. It's much more the owners of the newspapers and those that are in the top directing the paper, in which direction it goes.

So, I think this is a very serious issue when we relate to the freedom of expression, that we must respect and give an equal access to freedom of expression, not an exclusivity, that freedom of expression is only in the hands of those that have the pen or are holding the camera. We have suffered quite a bit. Just as recently as a program from Zone libre, for example, attacking one of our mosques that was visited by many and open to everyone all the time. And they came up with something saying that somebody suspicious infiltrated the mosque. Just recall that the speech of the imam which is recorded and sold for a $1 every week for anybody to walk in, and buy it, and pick it up, that does not need an infiltration, that whatever they say is open and public, that they are trying to do their best at having accessibility. To try to catch a small mistake here or there and run away with it does not constitute correction of society and does not constitute working. No balance. The person never confronted with what is being happening in the mosque. The person never gave his views to what was said in this program right before the program was put together. This is a very serious issue that shows the lack of checks and balances within our freedom of expression and within or society and what we do and how we do it.

The question of sharia is a typical example... presented to the members of the commission, the question of sharia where no one has asked for it. And I was personally one of those that have engaged people in explaining. And, as more I explain, more I get misquoted, and more things should be taken away from the process, as we talk about tribunals similar to those that the Jewish and the Christians are having today to take the guilt content, not to relate to any civil issues or issues relating to the Civil Law... But the guilt content of divorce, for example, was never explained properly to people, was never addressed by anyone. But in the meantime we never requested any Islamic tribunals, but unfortunately we see a resolution coming from the House of Commons, from the National Assembly, that relates to a rejection of Islamic tribunals. Calling specifically Islam isn't by itself a statement that Islam is not compatible with our society, when in fact Islam, Christianity and Judaism, they all come from the same source, they all have the same ideas, the same teachings and seeking the same results. So, I think it is very, very important for us that we must do something about some of these issues.

I know my time is coming closer and I would like to relate to some of these issues.

Le Président (M. Moreau): You still have a little bit more than 2 minutes.

M. Elmenyawi (Salam): Right. I have a few issues that may take a little bit more than those few minutes, but let me try to sum it up. That we have, through this exchange... We cannot talk about everything here as we relate to them. Some of this is actually an issue of passion for me and for many of my community, an issue that our aspirations are missing from the representation within Québec, from the workers that represent us within the Parliament or within the city or within all these places we are hoping and aiming to see Muslims working everywhere, and become part of this society, and be able to exchange. I'm hoping to see the youth taken care of and being accommodated not to damage their psychic as they grow up, as they hear themselves, and their peers, and their institutions attacked without a response just because we don't have enough resources to go and have an interlocutory judgment against someone.

So, I think we need your help and we're seeking this help as we make the penalty of those that commit this kind of hate crimes... to pay very severely for it, to make sure that journalists will be held accountable for what they say, that they have to have their ethics, and journalistic integrity must be respected at all times, whether through an ombudsman... Even, we did approach the Ombudsman, but things don't work, don't get on, so that people will hear our voice fast enough to respond to some of these things. We would like to see legal aid improved in situations where people do need aid to protect themselves and defend their work and defend their position within society, those that are being underdog. We would like to see more exchanges within Québec society that we'd like to be able to talk together and go forward from there.

Le Président (M. Bernier): Thank you very much, Sir, for your collaboration. Now, we will move to the exchange with the members of the commission. And, to begin those exchanges, I will ask the Minister to start what she has to say.

Mme Thériault: Thank you, thank you, Mr. Elmenyawi. I'm very happy to see you here today, I think it's important. You know, our Parliament is the place where the people have to say what they have to say. And I think we make that commission because we know the problem about the racism and discrimination. It's a sensitive problem, it's a sensitive thing, and it's very delicate.

n(14 h 30)n

And I'm very affected about what did you say about the young, because it's real. The Muslim people, it's young people, and they have the right to have their own place in our society because our society is the society of the young Muslims too and all the young people in the different cultural communities. I had the occasion to meet you in the mosque, I met the men and the woman. And I think, it's sure, about the religion, one fact is, all the religions: Catholic, Muslim, Protestant or any else religion, have some shared values. We have values about peace, about tolerance, about family, and I think, in each religion, we have a beautiful thing on that and we have to share it.

And when I passed to the mosque and I met the woman, specially the woman, I had the occasion to talk with her, and it's sure it affects my way to see, O.K.? Because, it's sure, when we don't know something, we have some «préjugés», we have some thinking and maybe it's not real. And the best way to have the truth, it's go in the mosque, talk with the people, see the woman. And I met a Quebecker, a woman Quebecker, and she's converted about Muslim religion, and she had a very beautiful value.

And, it's sure, when we see what is passed in that world in 2006, we see about the war, we see about terrorism, and it's sure we are influenced about what we see and what we hear. And you're right when you say the media have a role about what they pass at the television or in the newspaper.

And I'd like to know: How do you think the media can play a positive role for the cultural communities? Would you say that the media give a wrong image of your community, particularly? And how do you think we can better the situation with the media?

Le Président (M. Moreau): Mr. Elmenyawi.

M. Elmenyawi (Salam): Yes. The media certainly does give... Not all the media. I must say I have had a very good experience, right after September 11th, by a number of media outlets that gave me a chance to present the opinion of our community, and it was quoted verbatim. And it did help alleviate many of the problems. I also thank the media for carrying our stand in relation to the cartoons and carrying our stand in relation to the terrorist activities in Canada when we stood up there. And they also conveyed our message directly, as is, to everyone.

Those situations, I think, media... I cannot really ignore their help and I have to thank them for that. But ? but ? we have a long way to go with the media where we are completely absent. Just go into the editorial room and look at the media if you find any Muslim there that can do it.

And I think the publisher of The Gazette, Mr. Goldbloom, at one time, told me that, when he came to work at The Gazette, he used to be as a Jewish inside The Gazette that did not have any Jew, that people were insulting him even when he was standing right next to them, that they didn't even know that he is a Jewish, that they didn't recognize, just don't take it into consideration.

It was a time when racism was a bit higher at the time. Today, Jews and others of course have a much better position within our society. But Muslims are being in the fringe, being marginalized, being outside. So, I think the medias have also to look at the share of hiring Muslims within their editorial rooms to be able to understand Islam.

They also have to understand that the Muslims are not all the same. We have sometimes Muslims who go and attack our institutions in much harsher ways. Some of the biggest criticisms we receive are from other Muslims. But that doesn't necessarily mean they are right or doesn't necessarily mean that some of the messages they convey are proper and correct.

Some... is said right inside the Parliament, under parliamentary protection, that... If this was said outside, probably a court of proceedings would have taken place. Insulting the imams and accusing us of beeing conspiring to eradicate democracy from Québec, which is something... a really very, very serious accusation.

This is being published in the media without taking our views sometimes, without getting a fair balance. This is very difficult. Yes, the media would have the responsibility, and I'm calling on them today to follow this responsibility and give us a fair share. There are many articles that have been taking place in The Gazette, in La Presse, in Le Devoir, in the Journal de Montréal, a number of other media outlets that, I think, at second thought, they should have been able to really look at it much better, to look at also the best interest. They have an obligation, within our society, for the best interest of the society.

But also we should have programs here, a set of programs to empower organizations, civil society to be able to stand up and hold the media accountable for what they do. And instead of us putting more rules over the media, which is certainly unacceptable within our society, I think rather we should empower those organizations to be able to answer back and to be able to stand up for that which is wrong, to be able to speak loud, and also we should put some rules to just allow that some of this information will be the best to people.

Le Président (M. Moreau): That's what you were referring to, responsibility, when you talked about media in your previous exposé. That's what I understand.

M. Elmenyawi (Salam): Exactly, exactly.

Le Président (M. Moreau): Mrs. Minister.

Mme Thériault: You speak about ignorance towards cultural communities. How do you think that we can educate people better? What means shall be taken?

M. Elmenyawi (Salam): There are three different stages in education for people. Number one, for our future, which comes right at our children, all of them, Muslims and non-Muslims, all Québec children. We have to approach them, we have to teach them. This is our future. If we don't get there and do it, as you mentioned earlier about the youth... After September 11th, I had the chance to sit down with some close to 40, 50 of them. We sat together on the floor, in the mosque, to talk about the problems we are facing, and some of them came to me almost with tears in their eyes, saying: Uncle, they tell you to go back come, so you may have some places to go to, because you were born in a different place that you are familiar with, but we were born here, we have no other place to go. Where will we go? This kind of harmful language must stop. And, I think, by having the education within our school system, designing proper programs with the exchange and the collaboration of Muslims and working out some of these programs, we'll work very good for our future.

But still we have problems currently, and sometimes some of those that have problems today are very difficult to convince that the ideas and the false stereotypes they harbor about Muslims are wrong. It's just very difficult. But the public education comes through the media again or through private media and programs that will bring people to do it. Some problems were mentioned in CRARR submission relating to empowering youth in universities to go out and have conferences and to bring people to talk and share and have town houses to speak, and exchange, and ask questions about Islam. The only problem that is happening is we're not talking together. When we talk, when we explain ourselves to each others, believe me, most of this xenophobia and most of these problems will go away.

The third level, and I think this is a very special level, we should have a kind of sensitization, a kind of informational sessions, and booklets, and special meetings with judges, with police officers, with the Parliament, which is very, very important, and I think it is one-on-one. And I think, Madam Minister, you did offer this to the Muslim community, and we will take you at it for coming here. The Muslim community will be coming, a good representation from them will be coming to the Parliament here, to the National Assembly and be able to meet one-on-one with the Members of the Parliament and be able to talk to them in French. And I am sorry that...

With my part, we used to say: If you happen to be a woman in the '70s, '80s, and if you're Black, and if you're poor, then this is the maximum multiple discrimination. Well, in my situation here, that I'm a male now, which is those that have discrimination, I am a Muslim, I am an Arab and I don't speak French, so I think this is getting it. But I have to say I have enjoyed my stay, and my living, and my life in Québec. It's a beautiful place, and I did not feel discrimination whatsoever. However, I do face people who are victim of discrimination almost weekly, and that's the problem.

Le Président (M. Moreau): Thank you very much. This will conclude the first block. I will now recognize the spokesperson of the Official Opposition, the MNA for Laurier-Dorion, which is the spokesperson in immigration and cultural community matters.

Mme Lefebvre: Bonjour, M. Elmenyawi. As I said before, I will speak in French, because it's my first language, and the discussion is too important, and I want to express myself the best way. Donc, je vais demander à M. le Président si c'est possible de traduire mes propos, dans la mesure du possible.

Le Président (M. Moreau): Oui. I'll try to do my best.

Mme Lefebvre: J'en suis persuadée. Merci. Je voudrais vous remercier d'être ici, avec nous, puisque je sais que vous avez une connaissance élargie de la communauté et puis également des différents leaders, comme vous le mentionniez, et des imams. On peut...

n(14 h 40)n

Le Président (M. Moreau): She thanks you for being here and she recognizes your understanding of the Muslim community and your knowledge about the imams and the people of the community.

Mme Lefebvre: Et puis je voulais aussi souligner le fait que, quand il y a eu la controverse entourant les événements autour des caricatures du prophète, la gestion des événements ici, au Québec, a été bien réalisée. Et je voulais souligner aussi le fait que vous ayez ouvert les mosquées au grand public, par des journées portes ouvertes, afin de pouvoir dialoguer d'une meilleure façon, là, ensemble, pour bien comprendre la situation. Puis ça a été très, très apprécié.

Le Président (M. Moreau): She wants to underline and, I think, I would say, congratulate you for the way you opened the mosques to the population and she appreciates the way you handled the situation after the crisis created by the «caricatures», how would you say...

Une voix: Caricatures.

Le Président (M. Moreau): ...caricatures of the prophet, cartoons about the prophet.

Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. Et, sur cette question des... vous avez mentionné l'importance du dialogue entre les communautés, vous avez dit qu'on ne parlait pas assez ensemble et que, quand on se parle, finalement on finit par se comprendre, puis les différences se réduisent et les tensions s'apaisent. Et je me demandais si cette initiative d'ouvrir les mosquées, des journées portes ouvertes, si, ça, c'était quelque chose que vous faites. Je sais que vous l'avez déjà fait dans le passé, mais je me demandais si c'est quelque chose qui se fait couramment puis en fait si les mosquées sont ouvertes au public tout le temps.

Le Président (M. Moreau): O.K. She thinks that... she agrees with you to the fact that it is important to maintain a dialogue between the communities, the Muslim community and other communities. And once again she wants to underline the fact that you opened the mosques to other communities. And she's wondering if it's been done on a regular basis, the fact to open the mosques to the communities. And what do you think should be done in that respect for the future?

Mme Lefebvre: Puis si finalement les mosquées étaient ouvertes tout le temps. Est-ce que c'est une pratique courante?

Le Président (M. Moreau): Are the mosques always open to the other communities or as a general matter? Aux autres communautés ou de façon générale? Elsie.

Mme Lefebvre: Oh! À moi, pardon. Bien, non, à tous les citoyens, peu importe la confession.

Le Président (M. Moreau): Are the mosques always open to all citizens who want to get in?

M. Elmenyawi (Salam): Absolutely. The mosques, our mosques are always open, all the time, even if you go there at five o'clock in the morning, you will find them open, and people there praying and they will welcome you. And I would like to take this opportunity to thank you again for visiting us at our mosques. You're very nice, you came, you stayed a long time with us, you exchanged very sincerely, you're very serious about your visit, and we really appreciated that. There was a lot of exchanges and people in the mosque loved it. Our youngsters were very happy to see their politicians being able to come and visit and exchange with them, and thus show respect.

And our mosques are always open. Not only that, just before the Holy Month of Ramadan, which started Saturday and Sunday this week, I have sent a brief release out inviting people to join us, and not only to visit and talk, but to eat with us at sunset as we break the fast, and you are all invited to come and join with us, and specifically at the mosque in your riding, there, at 7220 Hutchison. They have what we call breakfast or breaking the fast, a dinner kind of thing there, and they will be very happy to meet you there and have exchanges, as... our neighbors, and that's, I think, the key.

We asked them, as the Pope said, to try to engage in a frank and sincere discussion and, yes, I want to take this from him and say: We are open for these frank and sincere discussions all the time and we don't have any hidden place, it is open for everyone to visit, and nobody needs to come to infiltrate us, you don't need a specialist for infiltration. But actually the bookstore is open, you can come and look at the books and, if you find something wrong, just let us know. We'll be very glad to correct, and this is part of those kinds of exchanges as well.

Le Président (M. Moreau): When you entertain dialogue, you mean invitation. We thank you for that invitation. And when we maintain dialogue, it's not necessary to make infiltration. Just to answer to your invitation, and we thank you.

M. Elmenyawi (Salam): You're welcome.

Mme Lefebvre: Ça me permet de... j'ai oublié de le dire, d'entrée de jeu, mais de vous souhaiter un heureux ramadan. Je sais que... Puis à vous et à tous les citoyens québécois qui, pendant ces journées qui viendront, feront le ramadan.

Il me reste encore du temps, donc maintenant je voudrais... Vous avez parlé de l'importance, dans votre mémoire, de la participation des organisations de la communauté musulmane. Je me demandais, de votre expérience, comment s'assurer de la meilleure participation des organisations de la communauté musulmane, comment s'assurer également que la voix de toute la communauté soit entendue. On a eu des dialogues précédemment avec d'autres organisations de la communauté musulmane qui nous ont fait part de l'importance d'avoir une voix diversifiée à travers la communauté. Donc, je voulais vous entendre sur cette question-là.

Le Président (M. Moreau): She would like to hear you about the way that should be implemented to make sure that the members of the Muslim community will participate in the dialogue between the community.

Mme Lefebvre: Oui, bien, c'est la proposition 2.4.

Le Président (M. Moreau): And you have a proposition, it's proposition 2.4, page 9 of you memoir, the French version: the participation of the organisms of the Muslim community in the search for a solution to specific problems. She wants to hear more about it.

M. Elmenyawi (Salam): We, of course, would like to have members of the representatives of the Muslim community to be engaged directly in any of the processes that will be worked out to formulate a policy, to go forward from here, but also we would like to have meetings, from time to time, with the representations from the Government as well as from the National Assembly, to be able to reach with the Muslim community an exchange about any ideas.

I actually... In this specific point, it relates also to one situation, when the motion was taken on the sharia... I wish... I'm sorry to get back to this again, and of course this is an issue that still needs to be... that has to be settled one way or another. And I'm sure there is something being worked out in other sites to try to resolve this issue. But, when this took place, there was no consultation, there was no question raised for Muslims to come and respond to the National Assembly Members. The National Assembly received information only from one person who introduced this motion, without any input from experts within Québec at large or experts from within the Muslim community to be able to make representations to what was really happening. A situation like this can cause lots of problems and it would make us take actions that we might regret. And I think this is part of the exchange.

But, under the Muslim Council of Montréal, and there are many other organizations also very active in Québec, we have a very large number of mosques, and this is not about the imams coming and giving their views, those views are formulated and worked out within different mosques which run mostly democratically, which are different seats of an islamic value, but it still has what you call consultation within the people, that reflects with the grass roots of the mosques and brings representation. There is no way, in any other organization, you'll be able to reach the grass roots of Muslims like you would do by coming to us and trying to communicate and engage the community. You may not be always talking to us, but you will be put in touch with those that will be able to engage you in many of those issues.

So, I think we need this kind of consultation to go through it. And also I've proposed in the past, and I think I can mention it again to the Minister for Immigration, that we can have like a committee to be formed, something to form some representation from within the Muslim community that from time to time, when there is issues that are serious, that need immediate attention, that they can reach out and they can talk to them and therefore they can inseminate this information within the Muslim community later on.

Le Président (M. Moreau): Thank you very much. We will now move to the third block, and I will recognize the MNA for Nelligan. She's the parliamentary assistant to the Minister of Immigration and Cultural Communities.

n(14 h 50)n

Mme James: Thank you very much, Mr. President. Hello and welcome. Thank you for being here. I have so much to say and of course so little time, but I wanted to start off by telling you that I was, I am very moved by what you're saying and by your presentation, and I'll tell you why. It reminds me of what our goal is here as legislators. And the difficulty and the importance of this commission that we're doing here today and for the past couple of weeks and the weeks to come. You know, we have opportunities to look at a lot of things, at restructuring and services that are given to a number of things. But when we talk about issues such as discrimination and racism, it's touchy because we're talking about humans. We're talking about human nature, we're talking about our feelings and our rapport with each other as humans, which is not an easy thing to talk about and it's not necessarily an easy thing to legislate about either.

But I think you have said, and you'll agree with me, that it's important for us as a community, not only as a government and as legislators but as people, to have the discussion and to say what we really think even if it does offend. Because we have everything on the table, and you've done that so well. So, I think you've given us even more energy to continue on with what you're doing, so I wanted to be able to tell you that first.

I guess my first question to you would be... You know, you started your presentation talking about the charter and the role that it plays, and that here, in Québec, that we are tolerant people as a community, and this is true, and the role that the charter plays. I agree with you wholeheartedly when we think back to when it was Robert Bourassa's Government that adopted the charter and what that means to us. But a lot of people will agree that the constant struggle is to make... whether it's a charter, whether it's a law that recognizes that we're all equal and that we should be treated the same and that, as a society, racism, discrimination, we do not allow it.

Yet it still happens, right? We've moved forward, we recognize the fact that we've made significant improvement because we work hard at it, we work hard at saying: This is what we represent and this is not acceptable to us. And so here we are in another moment in time where we're stopping and saying: We need to evaluate and see what we can change to move forward.

So, I guess my question to be is here: For you to help us out as we have this task to make sure... As we build on this «politique», as we build on what this policy is going to be, how do we make sure that those values that will be included, that we believe in are gonna truly impact positively the community in terms of changing people's mind? How can we make sure that we do that?

M. Elmenyawi (Salam): That's a very good question. And I think there is a responsibility as well on the Muslim community, in relation to this, that we get to engage the process. And this is part of what the Muslim Council of Montréal does, which is integration as well within our society.

But the responsibility goes both ways in here. We're gonna have to have a follow-up, we're gonna have to be able to inform the people of their rights, we're gonna have to make sure that justice delayed is justice denied. Therefore, we should not delay justice, that we have to have enough resources to empower the institutions that will be able to advance those causes. We're gonna have to remove the idea like you have a right not to speak, for example, to the police, but if you have your lawyer, then you are guilty. This same idea was coming out again from the same person that introduced sharia, it comes out that if we use the Charter of Rights, it means we are actually abusing it, not using it. And it means we get to be second-class citizens. Not to use the Charter, not to use it for the reason that we are good citizens, like to be nice, don't make trouble, stay on the side. And so, in order for us to move forward, you can make as many laws as you want, if we don't have the education in both sides ? people should know their rights and they should know their obligations within the society, and they should work together for integration, one that is a smart integration, one that is... one that has respect, that can respect everyone within the society ? I think we'll have a problem.

Just to remind you. In a quick quote that was made by Franklin Roosevelt, he said once: «No democracy...» I'm saying, what we're doing here is very important for the Muslim community, but it is very important for the Québec community at large. It's not only about the Muslim community, and this is why I want to emphasize this point. It's not about us, it's about all of us. And it says: «No democracy can long survive which does not accept as fundamental to its very existence the recognition of the rights of minorities.»

Mme James: Good quote.

M. Elmenyawi (Salam): And for that I congratulate you to be the Member of the National Assembly, I now encourage you very much, but this is... Again, I congratulate you for being here, because this is put to our face as Quebeckers, and this is the beauty of what Québec is, as a tolerant, diverse society that accepts everyone. And the vast majority of Quebeckers are so good. It is the small, very vocal group that causes all this damage. And one case of discrimination or racism or prejudice is one too many. But we have in fact too many today that are very vocal. So, we must stop giving them the podium. We must stop giving them the microphone. We must stop... They can talk. They can have the freedom of expression but not at the price of damaging our lives and the advancement of Québec. And the fact that we have a very bright future for all of us with the ways we have been working at it in the past, it can only tell that we can have a very bright future to come. So, I think it is very, very important for us to work very sincerely at all these issues and to try to get to this education as soon as possible.

Mme James: Thank you.

Le Président (M. Moreau): One minute remaining on your part.

Mme James: What?

Le Président (M. Moreau): I'm sorry.

Mme James: One minute. O.K. So, I'm going to speed talk. You mentioned education as an important tool. Just now to make sure that that happens, I always think back to the time when we were in «les garderies», you know, and you'd look at children playing, nobody makes a distinction between whether the child is a Muslim, or white, or black, or whatever background that they come from. But there comes a time when you learn that racism or discrimination are valued. And I don't want... We talked about the media, either it was... Sure, the media has an important role to play, but I think that it's a societal thing, and we have to be able to address all of the players in that. And I guess, as my mother always says, you start with you first. Right?

So, tell me a little bit about how you see whether it'll be through modification in the curriculum that we get to make sure that the knowledge... You mentioned Muslim women and the hijab, and the significance of that, and people not knowing what that means. How can we make sure, in our schools and in our society, that young people growing up know the truth? So, whenever they hear things that are not true, they'll be able to be well equipped to be able to do that.

And I'll just ask you, just one second, follow-up question. With respect to your idea of forming a committee that would advise the Government with respect to your advance that would happen, that would be an advisor to the Government with respect to issues that could occur in the committee. You know, there are a lot of different committees that are created, I understand. There are a lot of different committees ? this is important; there are a lot of different committees ? that are created for different roles, but how do you see this one working practically and being effective? That's all. Thank you.

Le Président (M. Moreau): Now, your challenge, Sir, is to answer that very important question, that one-minute question in 30 seconds.

M. Elmenyawi (Salam): I had an idea. There was a very good journalist ? I can search for his name, if you give me three minutes, but I will just skip that for a second ? who asked to get this diversity. He's a journalist on one of the... in the media. I think he had a very smart idea, I think the Minister for Immigration should have an award for a journalist that can bring people together, something like a $50,000, $100,000 prize award. So, this is the kind of thing. Freedom of expression, leave it. But those that can help to bring this kind of thing, I think we should give them the award of the good job that they are doing.

As to the education, of course it is the environment that makes us and makes us who we are. And, of course, it is the responsibility of all of us. And we are the mirror of ourselves. If we look at somebody else within our society, we're looking at our own mirror. And I think therefore it is very important, this kind of exchanges. We have the experts to look at the curriculum. We have experts from within the Muslim community, all you have to do is just ask, and we'll be there to help and work with you and review some of this information.

I would wish to give you some stories about how people felt. But, of course, I have to...

Le Président (M. Moreau): Your time is up.

M. Elmenyawi (Salam): ...yield the floor.

n(15 heures)n

Le Président (M. Moreau): But I can reassure you. In a quick survey, two out of two members of the media agree with your suggestion.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Elmenyawi (Salam): That's the first time we are all agreed together.

Le Président (M. Moreau): I will now move to the Opposition now and the MNA for Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. Il me reste peu de temps. D'ailleurs, je voulais souligner que les journaux, les médias, notamment cette fin de semaine, il y avait un long papier, chronique sur la religion musulmane qui permet aussi, à nous tous, de mieux comprendre, là.

Et puis d'ailleurs, M. le Président, vous avez oublié de féliciter monsieur pour le ramadan tout à l'heure, ça fait que pourrez le dire.

Le Président (M. Moreau): Yes. The Member for Laurier-Dorion, on her former intervention...

Mme Lefebvre: Bien, en notre nom collectif.

Le Président (M. Moreau): ...wish you happy Ramadan, and I forgot to translate. So, it's my mistake. I'm sorry.

M. Elmenyawi (Salam): That's...

Mme Lefebvre: Mais le président fait très, très bien ça, ma traduction.

Un aspect. Tout à l'heure, vous avez parlé de l'importance des médias, de façon importante. Vous parlez également, dans votre mémoire, des médias communautaires; il en existe plusieurs à Montréal, au Québec, au Canada. Je me demandais si, dans cette optique de rapprochement interculturel, plusieurs de ces médias souvent sont seulement dans une seule langue, soit l'ourdou, l'arabe, ou peu importe, si ce ne serait pas bien de promouvoir aussi que ces journaux puissent être bilingues, notamment dans la langue d'origine des membres de la communauté de ces journaux, puis, bon, au Québec, en français. Comme ça, ça pourrait nous permettre, à ceux qui ne comprennent pas ces langues-là, de pouvoir aussi suivre les débats qui se tiennent au sein des communautés. En tout cas, je pense que ce serait intéressant.

Le Président (M. Moreau): You told us earlier about the importance of the media as part of the education and information and the maintaining of the dialogue between the communities. There's a lot of community media that exist but which are unilingual, like Arabic or... and she's wondering about what you think of the idea of having those media bilingual or translated in French in order to share more easily what really happens within the community.

M. Elmenyawi (Salam): Again, the Muslim community, the Islamic world is made out of maybe 300 millions Arabs, but, the rest of the 1.5 billion, they are non-Arabs and they have all kinds of different languages. Because of that, the same representation is here... though we have more people from North Africa than any other places, being «Francophonie», and, because of that, you'll find that the community newspapers within our community, they are bilingual, maybe trilingual. So, Arabic may be added, but there is English and French most of the time, in some of them. Some, yes, may not be.

However, the problem is, even if you change the language, this kind of media targets Muslims. It tells me what I already want to hear and it tells me what I already know. And it has a function, it has very important work to do and has a very important obligation to fulfill, but it does not address what the non-Muslim need to know. The non-Muslim need to understand and to learn about us, and about passion, and about understandings of things, and about our hopes for the future. So, this is not really represented properly there.

However, I appreciate your request today, because in fact I was again asking... Toward Social Harmony, the report Toward Social Harmony, that I have asked on it... that we should also empower those community newspapers and community media, also some radio stations that maybe only submit for one hour or two hours, but, if we can empower them, then they may be able to go more further and give better services by giving them some kind of subvention and help them to stand on their feet. And, when they do, then they will be able to speak and do the same like other community newspapers which became open, such as The Suburban and other media.

Mme Lefebvre: Il me reste du temps pour une dernière question?

Le Président (M. Moreau): Oui.

Mme Lefebvre: Le temps passe rapidement. Tout à l'heure, dans votre présentation, vous nous avez fait part qu'il y a environ 30 000 personnes plus ou moins, dites-moi si je me trompe, musulmans, qui font la prière chaque vendredi. J'ai moi-même été assez impressionnée quand... Bon, j'ai été élue, bon, il y a deux ans. Oui, j'allais Parc-Extension avant ça, mais j'ai été plus sensibilisée à ça depuis quelques... bien quelques mois, années. Et je me demandais comment ? c'est une question de curiosité; comment ? ces personnes font pour concilier ces ? bien, je ne sais pas comment dire, mais ? obligations religieuses avec le travail, si la conciliation se faisait bien avec les employeurs. C'est négocié, j'imagine, au cas par cas. Parce que je sais qu'il y a plusieurs... certaines personnes viennent de très loin pour pouvoir, par exemple, prier dans Parc-Extension ou... Bon, je sais qu'il y a plusieurs lieux de prière partout à Montréal et au Québec. Mais je sais qu'il y a certaines personnes qui ont un attachement précis à certaines mosquées, donc se déplacent, puis je me demandais comment, comment ça se conciliait dans la vie de tous les jours?

Le Président (M. Moreau): You told us that, if she recollects correctly, 30 000 people were praying every Friday, and she was very impressed with what she discovered when she went to visit the community. And she was wondering how those people conciliate their working obligations with their religious duty.

M. Elmenyawi (Salam): Yes. Believe it or not, our religion is very easy. It sounds like too many rituals and too many things to do, but it teaches you management. And it teaches you management of time, because you have to pray five times a day, as much as you eat three times a day, and you do manage this very well, and you have too many snacks in-between, to still also have the prayers just a few minutes you take of your time. Many people do find places of accommodation. And I think this is what I also touched on, in my brief, in relation to reasonable accommodation: that I think we have to be very careful in allowing reasonable accommodation to deteriorate. And I think we have to follow... The silent majority of Quebeckers have been very happy for the accommodations. I have been instrumental, in the last 10, 15 years, in establishing places of prayer, at Dawson College, at Champlain College, at Vanier College, at Concordia University, at McGill University ? unfortunately, lately, we lost that ? and many other places. And it was all done just through communication and discussion with people, and they always were open, and they always accommodated Muslims, and people felt loyal to those institutions, and they worked very hard at it. As well, what we don't hear here most of the time and what we don't read in the media is, when there is a problem that the Muslims can't solve... themselves to solve directly with the people. And unfortunately these are all very good stories that must be told.

Like, I must say, if I mentioned today a name, I would say simply for example... Call Center. They have very good arrangements for the people. So, they find something positive about the fact that Muslims need to pray. So, Muslims will agree to go to work at lunch time, but they will take the one hour. At 1:00 o'clock, they will take the time to pray and come back. So, everybody is happy, everybody else is having their lunch, and Muslims are working. And, when Muslims come in, they go to... when they come in, Muslims will go to have their prayers. So, this has been working very, very well.

Last week, at McGill University again, I had a question relating to the fact that interns, who are medical interns that go out and work in hospitals, whether or not they should allow them to take days off on their religious holidays because of their patient-doctor relationship. We said: Sure.

And this is again a time where Muslim holidays sometimes differ than Jewish holidays, than Christian holidays. And this kind of exchange is part of something that is positive for all of us to work on. But you saw, about some 300 000 mostly young people of the age of 20, 25, 30 that fill the mosques, especially this place that is filled with youth that are very dedicated to go and pray, but, at the same time, very respectful for one another and very respectful of the society where they live. And I think this is a very important message: that we all have to understand that Islam is compatible with our society, and yes, we can do. Today, I'm fasting, though I travelled from Montréal to come here. I have prayers, so it becomes easy for me, I can only shorten the prayer. I can pray together, at certain times, very quickly, on the side of the road, and I can keep going. And I think this is all part of how good it is...

Le Président (M. Moreau): Thank you very much. This will conclude our discussion with you today. On behalf of the Minister and the colleagues of the commission, I would like to thank you very much for being with us this afternoon. And we wish you a safe trip back home. Thank you.

M. Elmenyawi (Salam): Thank you very much.

Le Président (M. Moreau): Je vais suspendre les travaux quelques instants et demander au Centre culturel islamique de Québec de prendre place.

(Suspension de la séance à 15 h 10)

 

(Reprise à 15 h 11)

Le Président (M. Moreau): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous allons reprendre nos travaux, et nous accueillons le Centre culturel islamique de Québec. Alors, je vous rappelle que vous disposez de 20 minutes pour votre exposé, qui sera suivi d'une période de 40 minutes d'échange avec les membres de la commission.

Évidemment, j'indique aux membres de la commission que nous avons accumulé un peu de retard. Et je compte sur votre discipline, de part et d'autre, pour que nous puissions le reprendre. Alors, je demanderais aux invités de bien vouloir se présenter et de procéder immédiatement avec leur exposé.

Centre culturel islamique de Québec (CCIQ)

M. Loukili (Abderahim): Bonjour, M. le Président. Je commence, donc. Je m'appelle Abderahim Loukili. Je suis président d'une compagnie en technologies de l'information, et, comme bénévole, j'assure la présidence du Centre islamique de Québec.

Mme Kessani (Ilhem): Bonjour. Je suis Ilhem Kessani. Je suis la directrice des affaires externes au Centre culturel islamique de Québec.

Mme Boulmerka (Amira): Bonjour... membre de la direction des affaires externes du Centre culturel islamique de Québec.

M. Fathallah (Habib): Bonjour. Habib Fathallah. Je suis chercheur à l'Université Laval présentement, puis bénévole, directeur de la communication au Centre culturel islamique de Québec.

M. Labidi (Saber): Bonjour, M. le Président. Moi, c'est Saber Labidi. Je suis étudiant en médecine, troisième année. Je suis également impliqué dans la vie étudiante, que ce soit au niveau des relations étudiantes ou la CADEUL à l'Université Laval et également au niveau de l'Université Laval. Donc, en gros, c'est ça.

Le Président (M. Moreau): Merci. Alors, allez-y.

M. Loukili (Abderahim): M. Brodeur, président de la Commission de la culture, député de Shefford, Mme Lise Thériault, ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles, Mme Elsie Lefebvre, porte-parole de l'opposition officielle et députée de Laurier-Dorion, distingués membres de la commission, le nombre de musulmans de la région de la Capitale-Nationale est estimé à à peu près 7 000 personnes. Cette communauté est constituée de près de 12 ethnies d'origines différentes. Les principales caractéristiques de cette communauté sont un haut niveau de scolarisation et d'instruction et la bonne connaissance de la langue française.

En effet, plus de 55 % de cette communauté détiennent un diplôme universitaire ou plus. Le Centre culturel islamique de Québec est le seul organisme communautaire musulman de la région de la Capitale-Nationale. Il existe depuis 1985, et ça fait plusieurs années qu'il agit pour le rapprochement interculturel ainsi que pour l'épanouissement et l'intégration harmonieuse de ses membres à la société d'accueil.

L'action du CCIQ émane de sa vision basée sur le fait que le phénomène d'immigration au Québec implique certainement un changement aidant la société québécoise. Et, comme pour n'importe quel autre type d'organisation qui vit un changement, ce changement doit être géré. Au CCIQ, nous oeuvrons, déjà depuis plusieurs années, pour que ce changement se fasse de façon harmonieuse, et nous croyons que c'est possible. Et, dans ce sens, nous nous réjouissons et nous tenons à féliciter le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles pour la mise en oeuvre de cet exercice de consultation Vers une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination.

M. le Président, après cette mise en contexte, je vais céder la parole à ma collègue Ilhem, qui a chapeauté ce dossier au sein du CCIQ et qui va vous présenter les points soulevés dans notre mémoire et les recommandations que nous faisons.

Mme Kessani (Ilhem): Bonjour, M. le Président, bonjour, Mme la ministre, bonjour, membres de la commission. Nous sommes, ici présents, aujourd'hui, pour mettre la lumière sur les aspects et les effets du racisme et de la discrimination tels qu'ils sont vécus par la communauté musulmane vivant à Québec.

On va entamer cette présentation par quelques faits vécus par des membres de la communauté musulmane qui témoignent d'actes de discrimination. Ensuite, on va présenter la problématique du racisme tel qu'il est vécu aussi par la communauté musulmane. Enfin, on va cheminer par proposition de quelques pistes d'action pour endiguer ce phénomène qui est le racisme.

Donc, comme on le sait tous, le racisme touche les différentes facettes de la société, à savoir les femmes, les jeunes, les employeurs, etc. Donc, on va citer quelques exemples pour témoigner de ce phénomène. Je vais céder la parole à Mme Boulmerka pour nous parler du cas du racisme qui touche la femme musulmane ici, à Québec.

Mme Boulmerka (Amira): Merci, Ilhem. Bonjour, mesdames et messieurs. En fait, avant de vous citer ce témoignage-là dont on vous a parlé, je tiens d'abord à vous exprimer que je suis une femme musulmane, et je ne me sens pas, je ne me considère pas comme étant une victime de ce que je vais vous citer par la suite. O.K.? Je me sens comme partenaire, une partenaire qui va permettre de changer les choses, et d'améliorer, et d'arranger tout ce que je vais vous relater.

Je considère que, si un employeur a décidé de ne pas retenir, même, pas faire appel à mes compétences, il ne sait pas ce qu'il perd, et, si quelqu'un refuse de m'entendre, il passe à côté d'une opportunité et d'une chance d'enrichissement.

Le témoignage. Je fais partie de l'équipe de bénévoles du Centre culturel islamique de Québec. On fait appel à nous pour des présentations, pour répondre à des questions concernant notre religion, souvent. Une fois, on m'a référé une personne du diocèse qui demandait à avoir une femme musulmane qui porte le foulard, qui pourrait parler à un public féminin de sa condition de femme dans cette religion-là. Donc, on me l'a référée.

On se parle au téléphone, moi et cette dame du diocèse. Elle me pose certaines questions, mais, avant de me poser les questions, elle introduit en me disant: Nous approchons du 8 mars, nous allons organiser une activité pour des femmes catholiques. Nous allons avoir environ 400 jeunes femmes dans le public, et nous aimerions que vous veniez leur parler de votre religion, de votre vie. Quelques questions, elle me pose quelques questions au téléphone concernant ma religion, concernant ma vie de famille avec mon mari, concernant la charia, concernant le Coran, concernant beaucoup de choses. Elle me pose des questions, puis je lui explique, puis je lui parle.

Le fait que je lui réponde à ses questions, et puis qu'elle sente que je ne suis pas une femme opprimée ni soumise, et que je suis tout à fait épanouie, puis que j'ai la possibilité de vivre ma vie au même titre que n'importe quelle autre femme québécoise, que j'ai un mari qui est très prévenant, puis que j'ai la possibilité, la latitude de choisir pour moi-même, ça, ça ne rejoint pas trop ce qu'elle avait dans la tête concernant l'islam et la femme en Islam. Au bout d'une demi-heure de questions, une demi-heure de réponses, madame me répond: Je préférerais que vous oubliiez cette invitation, vous ne faites pas notre affaire, ce n'est pas vous que nous cherchons, donc je ferai appel à une autre personne. Donc, voilà.

Ce que je lui avais suggéré à la fin de notre entretien, j'ai dit: Vous êtes libre de choisir vos invités, mais ce que je pourrais au moins vous suggérer, c'est de prendre les deux versions, de proposer à votre auditoire les deux versions de la chose, puis à elles de choisir ou de se faire leur propre idée. Non, merci, vous ne faites pas l'affaire. Au revoir. Donc, c'est cela. C'est ce que je voulais vous relater, hormis d'autres situations, mais celle-ci, je trouve qu'elle est assez parlante.

Mme Kessani (Ilhem): Bon, comme vous avez constaté, c'est que, bon, la femme musulmane, vraiment, elle vit des situations difficiles à cause de sa confession, et bon ça, ça concerne la femme musulmane. On va voir d'autres témoignages qui touchent d'autres souches de la société. On a avec nous Saber, qui est étudiant en médecine. Donc, il va nous parler de son témoignage en tant que jeune musulman.

n(15 h 20)n

M. Labidi (Saber): Merci encore. Donc, moi, je vais vous mettre en contexte. Je suis Québécois, je me considère entièrement Québécois, quoique je suis né en Tunisie, je suis donc d'origine tunisienne. Je suis arrivé ici à l'âge de sept ans, mes parents sont venus faire des études supérieures ici, et on a décidé de rester parce qu'on aimait ça. C'est aussi simple que ça. Ça, c'est le contexte.

Le contexte plus scolaire. J'ai fait mon primaire ici, j'ai fait mon secondaire, mon cégep et mon université. Quand je dis ici, c'est la région de la Capitale-Nationale, que j'aime beaucoup. Voilà. Donc, en fait, entre le cégep et l'université, je m'affairais à lancer mes demandes d'admission en médecine. Vous savez que ce n'est pas facile, et donc il est de coutume que tous les étudiants qui convoitent un poste en médecine appliquent dans les quatre facultés québécoises, ce que j'ai fait. À Montréal: je suis arrivé à Montréal, ils m'avaient convoqué en entrevue parce que j'avais des notes pour pouvoir faire une entrevue avec les gens, avec cette université-là, et puis en fait c'étaient deux médecins ? de mémoire, c'étaient un psychiatre et un médecin de famille. En fait, ça a duré 45 minutes, ils ont commencé par me poser des questions qui étaient tout à fait pertinentes, et, tout d'un coup, les questions sont devenues de moins en moins pertinentes, à mon sens. Et je vais vous expliquer finalement c'est quoi, ces questions-là.

On m'a demandé, entre autres, qu'est-ce que je pensais... Bon, en fait, d'abord, ils ont commencé par me demander de quelle origine j'étais. Donc, je leur ai dit que j'étais d'origine arabe. Et puis apparemment ils ont fait un amalgame, le facile amalgame de l'arabe terroriste, et donc finalement ils m'ont posé, à savoir: Qu'est-ce que tu penses du terrorisme? Qu'est-ce que tu penses du 11 septembre, le fameux 11 septembre? Qu'est-ce que tu penses de la mort du cheikh Yassine, qui était décédé quelques semaines avant? Qu'est-ce que tu penses du rapport nord-sud? Et donc finalement ces questions-là étaient pour le moins agaçantes, troublantes, voire même dérangeantes.

Ceci étant dit, j'ai répondu aux questions avec tout le... je pense que j'ai gardé un sang-froid. J'ai répondu aux questions en disant tout simplement qu'il y avait une rupture du dialogue. Donc, j'ai donné mon opinion sur le contexte, qu'il y avait cette rupture de dialogue entre le nord et le sud, surtout entre le Moyen-Orient, le Proche-Orient, les musulmans, la culture arabomusulmane et l'Occident, ce que je trouvais tout à fait déplorable. Je connais parfaitement les deux cultures, et je trouve qu'il y a actuellement rupture de dialogue, ce que j'ai expliqué. Et le résultat... la résultante de tout cela...

Également, j'ai fait mes entrevues également à Laval. Laval, il faut dire que c'est très différent. C'est beaucoup plus objectif, beaucoup moins subjectif qu'à Montréal, où il y a une entrevue, là, où on essaie de questionner l'étudiant. Et puis la résultante fut qu'à Laval j'ai été accepté parmi les premiers, et, à Montréal, j'ai été mis sur une liste d'attente, ce qui m'a... bien enfin pas vraiment surpris, je vous avouerais, là, compte tenu des questions que je me suis fait poser.

Donc, en gros, c'est ça, le témoignage que je voulais amener. Simplement dire... Après l'épine, la fleur, comme on dit. Je pense qu'il y a une démarcation importante à faire et je tiens à la faire en tant que membre de la communauté, en tant que jeune membre de la communauté. Je pense qu'il y a une ouverture maintenant, de plus en plus, chez les jeunes. Je pense que les jeunes sont beaucoup plus ouverts que leurs parents. Je pense que les gens qui sont plus dans... baby-boomers en l'occurrence sont effectivement... ils ont cette fermeture-là, je pense qu'il y a beaucoup de discrimination qui règne encore. Mais je pense qu'au point de vue des jeunes, il y a une ouverture vraiment importante et intéressante, et je pense qu'il faut capitaliser là-dessus, et surtout ne pas s'asseoir sur ses lauriers, et continuer dans cette voie finalement. Voilà, ce fut mon témoignage.

Mme Kessani (Ilhem): Merci pour le témoignage. Donc, ceci dit, ça prouve que même les jeunes de la communauté musulmane n'échappent pas à ce phénomène. On va aussi avoir un autre témoignage. Il est relié cette fois-ci aux instances publiques. Donc, on va avoir le témoignage de M. Habib Fathallah en tant qu'employeur.

M. Fathallah (Habib): Bonjour. Bon, mon nom, c'est Habib Fathallah. Ça fait une douzaine d'années que je suis à Québec. Je suis venu pour faire une maîtrise à l'Université Laval. J'ai fait une maîtrise et un doctorat. J'ai terminé à la fin 1999. J'ai parti mon entreprise privée à l'époque où le marché financier était très bon pour les télécoms ? c'est mon domaine. J'ai eu quelques années de très, très beaux succès ici, dans la région de Québec, puis j'étais évidemment dans une situation de recruter une personne. C'est une dame musulmane qui a nom et prénom 100 % québécois. Donc, au téléphone, elle a l'accent 100 % québécois. On ne peut pas avoir un doute sur l'origine de cette dame. Cette dame-là, elle est musulmane, elle porte le foulard. Puis ça fait plusieurs années qu'elle était sans emploi, puis, moi, j'ai décidé de l'engager.

Donc, puisqu'elle était sans emploi pour plusieurs années, elle a reçu une admission, de la part d'Emploi-Québec, pour une subvention de 30 % à peu près de son salaire. Donc, elle était admise, mais tout était fait par téléphone. Sa première journée d'emploi ? c'est la pratique d'Emploi-Québec ? un représentant d'Emploi-Québec vient à la compagnie pour rencontrer l'employée et rencontrer l'employeur. Donc, le monsieur est venu, d'Emploi-Québec. Il a rencontré la dame, bon. Après ça, il est venu me voir, il m'a dit: Mais elle porte quelque chose sur la tête. Je lui ai dit: Oui, j'ai vu ça. Mais il m'a dit: Tu sais, tu n'es pas obligé de la garder, hein? Ça, c'est un fonctionnaire d'Emploi-Québec, son premier job, l'objectif de son recrutement. Pourquoi? C'est pour placer des gens sans emploi. Il m'encourage en tant qu'employeur. Il n'a pas eu le recul de 30 secondes de voir mon visage encore un peu mieux pour voir que je suis musulman. Donc, c'est une personne.

Et, moi, ce que je veux souligner ici, ce sont les fonctionnaires. Et je tiens le gouvernement, en tant que responsable, premier responsable de cette affaire. Ce sont les fonctionnaires, ce sont les preneurs de décision qui manquent de formation, qui manquent d'ouverture. Il y a du travail énorme à faire auprès de ces gens-là. C'est eux qui décident. Ce n'est pas les lois qui décident et ce n'est pas le Parlement qui décide d'engager quelqu'un. C'est eux qui décident. Donc, je crois, c'est de la formation. C'est leur éduquer un certain esprit d'ouverture, un certain esprit de se dissocier de l'héritage et regarder les personnes en tant que compétences à évaluer pour un poste donné. Fin de témoignage. Merci.

Mme Kessani (Ilhem): Bon, je vous remercie pour ce témoignage. Ça, ça va nous mener à traiter la problématique, donc, telle qu'elle est vécue par la communauté musulmane.

Donc, comme on le sait, beaucoup de musulmans vivent des incidents désagréables à cause du racisme et de la discrimination engendrés principalement par des préjugés qui ne cessent de croître dans la société, à cause des événements qui se déroulent actuellement dans le monde.

Donc, ces préjugés, généralement ils s'alimentent par l'ignorance des fois et d'autres fois par la non-acceptation de l'autre, de sa culture ou bien de sa confession. Des fois, par exemple, on pense que la femme musulmane est soumise, ou bon le foulard lui est imposé, des fois qu'elle n'est pas qualifiée, qu'elle n'a pas un bon niveau d'éducation, alors que c'est faux.

Bon, généralement aussi, on n'accepte pas que les autres pensent d'une façon différente que nous, comme vient de le mentionner dans son témoignage Amira. Ces préjugés sont majoritairement véhiculés par les médias. Donc, ces médias stigmatisent le plus souvent l'Islam et les musulmans et les associent aux différents problèmes qui se déroulent dans le monde.

Ces préjugés créent des failles immenses, il faut le noter. Ils créent des failles immenses entre les musulmans et leur société d'accueil, et ces failles deviennent de plus en plus grandes que ces préjugés s'intensifient, et donc ce qui crée un climat de peur et de haine de part et d'autre de la société. Donc, ces comportements haineux n'épargnent pas aussi les jeunes de la communauté musulmane qui fréquentent les milieux scolaires, donc qui sont la relève de demain. Mais il faut noter qu'il faut veiller à ce que le racisme ne soit pas un phénomène contagieux qui se transmet d'une génération à une autre. Ça, en ce qui concerne la problématique.

On a proposé quelques pistes d'action afin... ça veut dire de contourner ce problème, d'après notre vision. Donc, on a résumé ces pistes d'action sous forme de trois grands axes. C'est: former, informer et réformer. Donc, premièrement, il s'agit de former les acteurs et les preneurs de décision, dans les différentes instances gouvernementales, à dépasser les apparences et à miser plus sur les compétences des nouveaux arrivants. Donc, dans ce cas-ci, la sélection devrait se faire non pas sur les apparences des gens, leur habit ou bien leur nom, mais plus sur leurs compétences et leurs capacités. Il faut aussi former les éducateurs et acteurs en milieu scolaire à mieux gérer la diversité dans leur milieu, et cela, à partir d'un âge précoce. Donc, il faut prohiber les injures et les mauvais propos entre enfants en milieu scolaire.

Deuxièmement, je pense qu'il faut aussi informer et sensibiliser les gens de la société québécoise via des activités interculturelles variées pour mieux connaître les différentes cultures et donc mieux les comprendre et les accepter. Bon, en l'occurrence, ce qui va se dérouler dans les jours qui viennent, la semaine interculturelle ici, à Québec, donc je pense que c'est une très bonne initiative, ça rapproche les gens de différentes souches, c'est-à-dire différentes cultures. Donc, des activités aussi variées que celle-là pourront aider beaucoup pour faire connaître les différentes cultures de la société québécoise.

n(15 h 30)n

On a proposé aussi d'informer, sensibiliser les gens de la société québécoise des répercussions de la discrimination sur toutes les souches de la société. Ça veut dire non seulement de la part des minorités visibles, mais aussi de l'autre part de la société qui va rater bien sûr des occasions en n'embauchant pas, par exemple, les personnes qui sont capables, qui sont aptes, qui sont qualifiées. Donc, on a proposé d'utiliser des capsules, par exemple, de sensibilisation, donc ça veut dire sur la télé, dans les radios, etc., pour sensibiliser les gens.

Finalement, parmi les pistes d'action, on a proposé de mettre en place une agence gouvernementale, genre un observatoire, pour faire le suivi et le contrôle, dont le rôle serait de sensibiliser les gens à accepter les autres, à dépasser les différences, et de faire des enquêtes sur les actes racistes qui surviennent dans les instances publiques, et finalement de coordonner les efforts, de surveiller et de promouvoir, ça veut dire la diversité de la société. Merci.

Le Président (M. Moreau): Merci beaucoup. Vous avez respecté religieusement le temps qui vous était imparti. Nous allons commencer le bloc d'échange, et je suis prêt à reconnaître immédiatement Mme la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Bonjour à vous. MM. Loukili, Fathallah, Labidi, Mme Kessani et Mme Boulmerka, merci d'être avec nous, merci d'avoir partagé vos expériences. Je suis convaincue que, pour les gens qui nous écoutent, qu'il y en a qui ont été surpris que ça puisse arriver. J'espère que les médias ont écouté aussi, parce qu'on se fait demander: Oui, mais est-ce que vous croyez sincèrement que les Québécois soient racistes? Et il y a des gens qui doutent qu'on ait des problèmes, dans notre société, à propos de racisme et de discrimination.

Je trouve malheureux, et ça doit certainement vous laisser un goût très amer aux trois, parce qu'effectivement je pense que c'est dommage qu'on veuille biaiser, madame, lorsque vous nous avez si clairement exprimé que vous ne pouviez pas aller faire le témoignage parce que vous ne correspondiez pas à ce qu'on voulait entendre. Je trouve bien que vous nous relatiez cet événement-là aujourd'hui, parce que ça permet réellement de voir que, oui, des fois on véhicule, ou notre société véhicule des stéréotypes et... Mais je ne peux pas m'empêcher de trouver ça troublant quand même de savoir qu'un groupe de femmes a fait ça, alors que normalement on doit montrer les deux côtés de la médaille, à tout le moins, comme vous l'avez suggéré.

Vous, le jeune médecin étudiant, je vous avoue que ça me fait toujours un pincement au coeur quand j'entends des histoires comme ça de jeunes. Vous êtes arrivé ici, vous aviez sept ans. Donc, il est évident que, oui, vous vous sentez Québécois aussi, hein? Avec vos amis, vous n'avez jamais fait la différence à savoir qui étaient Québécois et qui ne l'étaient pas, vous avez grandi ici. On le voit très bien aussi dans votre façon de parler. Aussi, vous n'avez pas d'accent, sinon peut-être un petit accent de Québec, pour une fille de Montréal comme moi, et je trouve bien malheureux...

Une voix: ...

Mme Thériault: Bien non, mais ce n'est pas vous qui avez l'accent, c'est moi qui a l'accent, diront les gens de Québec. Mais je trouve bien malheureux l'aventure que vous avez vécue, parce qu'effectivement je considère que les médecins n'auraient certainement pas dû poser des questions qui n'avaient absolument aucun rapport avec le cursus scolaire, ou votre formation, ou vos aspirations à devenir médecin. De là, je me demande s'il y a des recours qui existent pour ça, mais effectivement c'est la parole de deux contre la vôtre. Donc, c'est assez difficile à prouver.

Vous, monsieur, je dois vous dire que je reste surprise, et je me sens fortement interpellée, de là l'importance de travailler en collaboration avec les différents ministères, qu'une politique ne soit pas une politique du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles, mais réellement une politique gouvernementale, pour s'assurer que chacun des ministères devra apporter sa contribution ? pas «pourra», «devra» apporter sa contribution. Je trouve déplorable que ce soit un fonctionnaire, qui, sa mission première, est chargé de réintégrer les gens en emploi et de les mettre sur le marché du travail, qui ait essayé de vous décourager de ne pas employer cette dame-là sous prétexte qu'elle portait le hidjab.

Ce qui me fait penser qu'évidemment puisque l'actuelle ministre responsable de l'Emploi et de la Solidarité sociale a été ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles avant moi, je peux vous dire qu'elle a un côté très, très sensible à tout ce qui s'appelle l'intégration des gens qui ont été choisis par le Québec et qui ont choisi le Québec en milieu de travail, parce que vous avez décidé sciemment de laisser ce que vous aviez dans votre pays pour venir vivre une vie nouvelle ici en croyant, à tout le moins, que vous pourriez certainement mener une vie meilleure ici, et que vos enfants la mèneraient aussi. Donc, je suis convaincue que ma collègue aura certainement beaucoup d'écho dans vos propos, et vos propos seront portés à son attention également.

Maintenant, c'est sûr que, dans le temps, je ne sais pas si c'est récemment, si ça fait quatre ans, si ça fait six ans, je n'ai aucune idée, mais soyez certains que ce que vous nous avez partagé, cet après-midi, comme témoignage, ne fait que renforcer la nécessité que le Québec se dote d'une politique.

Donc, évidemment, j'aurais certainement quelques petites questions pour vous, et je vais laisser du temps à mon collègue qui est de la Capitale-Nationale, donc qui devra certainement entendre des choses de vous, et qui n'a pas d'accent, lui, puisqu'il est de Québec.

Vous avez déposé plusieurs recommandations à l'intérieur de votre document, merci beaucoup. Il est évident que tout ce que vous recommandez sera bien analysé, comme toutes les recommandations qui sont déposées évidemment. Donc, ce qui m'amène à parler des campagnes de sensibilisation puis une éducation plus large au public. Que ce soient les femmes, les groupes de femmes que vous approchez, que ce soit le fonctionnaire qui a travaillé avec vous, que ce soit le médecin, est-ce que vous pensez que, s'il y avait une campagne de sensibilisation qui serait menée auprès du grand public, ça pourrait aider, dans un premier temps? Et après ça on reviendra avec de la sensibilisation auprès des fonctionnaires de l'État qui sont placés dans des situations comme responsables de l'emploi ou les gens qui sont à Emploi-Québec. Je ne sais pas qui...

Le Président (M. Moreau): Qui répond aux questions?

Mme Thériault: ...qui veut répondre.

M. Loukili (Abderahim): Je prendrai la parole. Oui, effectivement, certainement, là, un programme de sensibilisation contribuera de façon évidente, là, disons, à régler un certain nombre de problèmes, parce qu'il y a comme une méconnaissance, là, disons, là, de tout ce qui concerne l'islam et les musulmans. Tout ce que les gens connaissent, là, c'est ce qui est en général véhiculé à travers les médias, puis je peux vous assurer, puis vous serez d'accord avec moi, que les médias ne véhiculent pas grand-chose, là, à ce sujet-là. En général, là, c'est-à-dire, ils parlent de... ils utilisent, là, une terminologie, là, qui n'a jamais été ni définie, que personne ne connaît, là. Donc, tout le monde, là, va recourir, là, de façon, là, comme abusive au terme «charia», alors qu'il ne connaît pas ce que c'est, au terme «djihad», alors qu'il ne sait pas ce que c'est. Puis, pour un reportage, là, de trois minutes, là, il va passer deux minutes avec des photos de Ben Laden, plus une minute, là, sur le sujet proprement dit.

Alors, déjà là, donc, ceci n'aide pas, disons, à sensibiliser, là, je dirais, la population au message, là, c'est-à-dire, là, ou bien du vécu, là, de l'islam et des musulmans. Nous pensons, là, que les musulmans, disons, là, qui sont citoyens québécois et canadiens ne sont pas nécessairement ou bien ne doivent pas répondre, là, des gestes, là, de tout ce qui se passe ailleurs dans le monde, là, à n'importe quel moment. C'est-à-dire, nous, on est un organisme communautaire qui travaille ici, dans la réalité, dans le contexte et dans le terrain québécois, puis je ne vois pas, disons, pourquoi est-ce qu'on est interpellés à chaque fois pour répondre à des questions, là, de telle chose, là, qui est arrivée en Afghanistan, au Liban, là, en Europe, là. Je pense, là, que, si on veut avancer, il faut que, comme société, là, qu'on soit sensibilisés, là, qu'en priorité, là, qu'on regarde, là, les choses, là, qui nous concernent ici puis qui nous permettent, là, disons, là, de cohabiter harmonieusement, puis de se compléter, puis d'aller de l'avant.

Le Président (M. Moreau): M. Loukili, ça complète le premier bloc. Je vais maintenant reconnaître la députée de Laurier-Dorion, porte-parole de l'opposition officielle en matière d'immigration et de communautés culturelles.

n(15 h 40)n

Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. Bonjour à vous tous. Bienvenue ici, à l'Assemblée nationale. Votre mémoire est très complet, puis merci aussi de nous avoir exprimé dans le fond, en exemples concrets, des réalités que vous pouvez vivre, parce que souvent c'est illustrer les situations qui nous permet de vraiment saisir l'ampleur de ce qui peut être vécu et ressenti quand on vit ces situations-là. Puis c'est souvent aussi... Tu sais, on a eu la discussion ici, sur le fait... bon, que nous soyons en train de discuter d'une politique sur le racisme et la discrimination, c'est d'admettre qu'il y en a. Et, pendant longtemps, je pense, il y a beaucoup de gens qui disent: Ah, bien non, ce n'est pas ici, ça va bien, puis tout ça. Je pense que, le Québec, d'une façon générale, ça va assez bien, mais on peut toujours être meilleurs, puis je ne pense pas qu'au Québec on soit un petit village gaulois qui est à l'abri de tout. Puis vous avez démontré, par vos exemples, qu'il existe ici des situations d'injustice, de racisme où des préjugés sont encore très présents. Donc, merci pour votre présentation.

J'aimerais avoir votre perception de la situation à Québec. Moi, je représente un comté à Montréal, notamment le quartier Parc-Extension, qui est un quartier très, très multiethnique où l'usage, où la connaissance du français n'est pas toujours... bien, en fait, où pas tous les citoyens maîtrisent le français et/ou l'anglais, et donc ça, ça apporte des dynamiques particulières. J'imagine que les membres que vous représentez, puisque vous vivez à Québec, qui est un milieu beaucoup plus francophone, parlent le français donc. Et on a parlé avec d'autres groupes et organismes de la barrière de la langue qui peut être difficile à certains égards dans une intégration. Mais ici, quelle est à votre avis votre perception de ce qui se passe ici, dans la région de Québec, puis quelles sont les principales barrières? Vous avez parlé, bon, de barrières à l'emploi, mais, si on regarde la dynamique régionale, qu'est-ce qu'on pourrait améliorer? Vous avez parlé, bon, de sensibilisation, de capsules télé, radio. Il va y avoir la semaine des relations interculturelles ? là, je n'ai peut-être pas le bon nom ? mais je trouve que c'est des initiatives importantes mais en même temps, souvent, les communautés se regroupent entre elles pour célébrer la diversité, mais aussi c'est important d'être capable de célébrer la diversité, tout le monde ensemble finalement, pour prendre connaissance... Donc, j'aimerais vous entendre sur la situation ici...

Le Président (M. Moreau): Allez-y.

Mme Lefebvre: ...puis les plus grands défis dans le fond pour la région.

M. Fathallah (Habib): Merci beaucoup. Ici, à Québec, moi, je pense que c'est sûr que la population est beaucoup plus homogène comme Québécois de souche. Donc, moi, je parle... par exemple, moi, mon épouse, elle porte le foulard, puis, lorsqu'on s'en va au centre d'achats... lorsque j'y vais tout seul, je suis plus tranquille parce que les gens ne me regardent pas fréquemment, alors avec mon épouse, bien les regards sont très différents, puis je constate complètement la différence. Avec mon épouse qui porte le foulard, c'est encore quelque chose de pas commun à Québec, et encore moins commun trouver une femme qui porte le foulard et qui travaille. Moi, je ne suis jamais allé à une caisse Desjardins, par exemple, où je trouve une femme qui porte le foulard. Pourtant, les caisses Desjardins font partie des employeurs les plus importants dans la région, après le gouvernement. Je ne connais pas non plus des femmes qui portent le foulard qui travaillent au gouvernement. Je ne connais pas toutes les femmes non plus.

Moi, je crois qu'il y a une question d'image, une question d'image qui est l'image que la population a de cette tranche de la société qui s'appelle des musulmans, des immigrants musulmans. Il y a une image extrêmement négative qui est dans l'esprit des gens que ce soit qu'ils soient fonctionnaires, qu'ils soient enseignants. Moi, dû à mon implication au niveau du Centre culturel islamique de Québec, je reçois plein de commentaires. Un enseignant de morale qui dit, par exemple, aux étudiants, aux élèves à l'âge de 10 ans, qui leur dit que la femme musulmane dans un pays musulman, si elle ne porte pas le foulard, elle est tuée, sera tuée. Je ne sais pas si vous vous êtes rendus en Tunisie, au Maroc, en Algérie, en Égypte, en tout cas plein de pays, là? Moi, je pense que c'est de loin de démontrer une réalité, et ça, c'est un enseignant de morale.

Je prends l'exemple, par exemple... Et, moi, je pointe les médias comme les premiers responsables de cette projection d'image. Moi, je crois qu'on voit très souvent une information filtrée de la réalité des musulmans. Les médias, par exemple, juste cette semaine et la semaine passée, le 23 septembre, il y avait une école musulmane, on note à Ottawa, qui a été brûlée. Personne n'en parle. Radio-Canada, dans une petite ligne, elle a passé une fois ou deux, je n'ai pas réussi à la voir. Personne n'en parle. Alors, dans d'autres communautés, ce n'est pas le même traitement. Six jours avant, il y a une mosquée qui a été vandalisée, le 13 septembre exactement, à Winnipeg ? si je n'ai pas cherché intensivement dans Internet ? ce n'est pas l'information qui circule. Alors, peu importe ce qui se passe pour d'autres communautés ou pour... alors, ça passe, ça fait la manchette. Pourquoi ce silence vis-à-vis les musulmans? Lorsque le musulman est victime, on n'en parle jamais.

Et là je reviens au niveau des écoles. Moi, j'ai une fille qui a six ans, qui est rentrée à l'école cette année, sa première année. J'ai un gars qui a trois ans, qui est à la garderie. Et on n'est pas une personne consciente de l'état de discrimination qui existe... J'ai peur pour mes enfants. J'ai peur pour ma fille et pour mon gars que présentement, peut-être ils ne constatent pas la différence de traitement de leur professeur, peut-être ils sont sujets de discrimination, mais ils ne sont pas conscients parce qu'ils sont encore jeunes. Mais, à l'âge de 12 ans ou l'âge de 15 ans, peut-être mon enfant, il va me regarder, puis là aux yeux il me dit: Pourquoi tu as choisi de me faire vivre ici pour que je réalise aujourd'hui que je suis différent par rapport aux autres? Et c'est là où je reviens à la nécessité que le gouvernement prend des mécanismes et prend des décisions pour éduquer même les enseignants et éduquer les intervenants sociaux sur la nouvelle réalité et la diversité. C'est très important. Ce n'est pas juste les fonctionnaires, c'est aussi les enseignants. C'est très, très important de faire ce job pour l'avenir. Malgré tout, je tiens à préciser que j'aime bien la vie à Québec, mais on est là quand même pour mentionner les problèmes.

Le Président (M. Moreau): Alors, ça complète le deuxième bloc. Nous allons maintenant passer au côté ministériel, et je reconnaîtrais pour une question le député de Montmorency.

M. Bernier: Merci, M. le Président. Donc, premièrement, bienvenue, et je suis fort heureux de vous retrouver ici, messieurs. Bien sûr, député de Montmorency, donc vous devinez que j'ai un comté qui représente ici, dans la Capitale-Nationale, et j'en suis fort heureux, et vous remarquez que je n'ai pas d'accent. Merci.

Écoutez, vous avez livré plusieurs sujets. Sur un, moi, que je veux intervenir, c'est au niveau des ministères et organismes du gouvernement du Québec. J'ai été 28 ans dans la fonction publique du Québec, j'ai travaillé dans différents ministères et organismes avant d'être élu député de Montmorency. J'ai donc eu à travailler beaucoup auprès des gens de la fonction publique. J'ai également travaillé, au niveau du bureau de comté, à recevoir des gens qui vivent des problématiques par rapport à des organismes du gouvernement ou par rapport à des éléments de la société. Et, en ce qui nous concerne, ce que j'ai constaté dans ces 28 années, effectivement il y a eu une progression par rapport à la sensibilisation et par rapport aux règlements, au niveau de la fonction publique du Québec, dans la façon d'opérer. Il y a également des programmes de formation qui sont donnés aux personnels qui sont en intervention directement avec le public. Vous avez mentionné un cas tout à l'heure, et malheureusement on ne contrôle pas toutes les personnes, et c'est pour ça d'ailleurs que le gouvernement veut faire une politique. On doit poursuivre, on doit répéter, on doit recommencer. C'est le même principe qu'en politique, il faut répéter toujours les choses si on veut que les gens les comprennent, quand on a un message à livrer.

n(15 h 50)n

Donc, en ce qui regarde la fonction publique, ce que j'ai constaté cependant au cours des années, quand on parle de concours de recrutement, ces choses-là sont devenues, si on veut, non... Quand un concours a lieu, les personnes ne sont même pas identifiées, ce sont des numéros. Donc, à ce moment-là, il n'y a pas de discrimination possible lorsque les gens passent les concours, passent les examens, de façon à respecter ces choses-là. Il y a par la suite le processus d'intégration à l'intérieur des ministères et des organismes. Et bien sûr ce sont des hommes et des femmes qui, avec toute la bonne volonté et toute la sensibilité qui doivent être données, on doit certainement mettre en place ? et, sur ça, la ministre actuelle est très sensible à ça ? à l'intérieur des ministères et des organismes et selon la grosseur des organismes aussi, mettre en place, à l'intérieur des directions des ressources humaines, des mesures pour aider, pour supporter ces gens-là. Mais je dois vous dire qu'il y a plusieurs personnes, au sein de la fonction publique, de religion musulmane qui ont atteint des niveaux de gestionnaires très élevés, très élevés, que ce soit à Revenu Québec, que ce soit à la CSST, ce sont des organismes qui respectent la diversité. Mais les cas isolés, malheureusement on ne peut pas tous les empêcher. Donc, c'est pour ça qu'il faut poursuivre dans ce sens-là. O.K.

Il y a également, selon moi, un travail aussi au niveau de la collectivité qui doit être fait. Vous avez parlé beaucoup d'une intervention du gouvernement du Québec. Mais il y a également, dans notre société, les syndicats, les groupes communautaires ou toute autre organisation. Oui, le gouvernement a son rôle à jouer, et c'est notre rôle en tant qu'élus et en tant que députés de s'assurer... Moi, quand je fais une activité dans Montmorency, surtout à l'approche de la semaine des communautés culturelles, je sensibilise les gens parce que c'est une société où on a besoin de personnes qui, par choix, décident de devenir Québécois. Et il faut encourager les gens, il faut les informer, mais même là, même si on y va par des programmes de télévision, ou des programmes radio, ou de la publicité dans les journaux, rien ne vaut le contact humain.

Moi, j'aimerais vous entendre en ce qui regarde le travail de démarchage ou le travail de sensibilisation qu'un organisme comme le vôtre... et je suis extrêmement heureux que vous soyez présents dans la collectivité ici, dans la capitale. De quelle façon un travail de démarchage, de coordination pourrait se faire auprès... je vous donne... de groupes, que ce soient des clubs d'âge d'or, que ce soient des regroupements communautaires, ces choses-là, pour présenter, pour présenter réellement vos aspirations et nos aspirations à tous et de s'intégrer réellement dans cette collectivité québécoise.

Le Président (M. Moreau): Alors, 2 min 15 s.

M. Loukili (Abderahim): Le CCIQ, il a un certain nombre, là, d'activités, là, ou bien de... c'est-à-dire il a des programmes de sensibilisation, là, qu'il mène, là, tout au long de chaque année. Alors, juste, là, pour vous donner un exemple, le nombre de groupes d'étudiants, par exemple, qu'on reçoit ou bien d'élèves, là, qui viennent de cégeps ou d'écoles qu'on reçoit ou bien chez qui on se déplace dépasse 20 à 25 groupes par année. Alors, comme par exemple, récemment on a reçu des groupes qui sont formés en techniques policières, d'autres en soins infirmiers, puis je pense, là, c'est-à-dire, là, on n'attend pas après le gouvernement, disons, pour faire, là, des pas qu'on peut faire. Ce qu'on attend du gouvernement, là, c'est qu'il joue, là, comme un rôle de coordonnateur entre les différents intervenants puis pour nous ouvrir la porte, là, où c'est un peu difficile, là, disons, là, d'y accéder.

Le Président (M. Moreau): Merci, M. Loukili. Il vous reste à peu près une minute. Est-ce que vous voulez faire un dernier commentaire?

Mme Thériault: Oui. Moi, je ferais un dernier commentaire sur le fait... vous posez la question s'il y avait des femmes qui portaient le hidjab? Je peux vous confirmer qu'il y en a qui le portent dans la fonction publique; elles ne sont peut-être pas sur les services de première ligne. Mais, moi, j'ai vu, j'ai croisé, je connais, j'ai dans mon ministère également des femmes qui portent le hidjab. Et je suis d'accord avec vous également sur l'importance du rôle des professeurs parce qu'effectivement les professeurs ont un rôle d'éducation, et on doit mieux les préparer. Il y a des gens qui sont même venus nous dire ici que, pour la formation des futurs maîtres, on devrait instaurer des notions de gestion de diversité culturelle pour que justement les futurs professeurs soient mieux formés à ce qu'est le Québec d'aujourd'hui et ce qu'il sera demain évidemment.

Mme Boulmerka (Amira): ...s'il vous plaît.

Le Président (M. Moreau): Oui.

Mme Boulmerka (Amira): Merci. En fait, je tenais absolument à dire, en réponse à ce que vous avez dit au départ de votre intervention, vous avez dit que vous pensez que nous avons un goût amer, ce n'est pas le cas. Nous n'avons pas de goût amer. Nous apprécions énormément notre vécu ici avec la société québécoise. Deuxième point que j'aimerais vraiment apporter, c'est que ce qui serait important, comme vous venez de le citer, c'est qu'on travaille de concert. J'ai eu l'occasion de travailler avec certains organismes communautaires où qu'ils parlent d'immigrants, qui ont une clientèle immigrante où, dans l'instance décisionnelle ou dans les administrateurs, il n'y avait aucun immigrant. Ils décidaient, ils faisaient... ils mettaient en place des programmes, mettaient en place des activités, faisaient des choses pour des immigrants, alors qu'ils ne savent pas quel est le besoin réel.

Le Président (M. Moreau): Merci. Ça complète le bloc d'échange avec le côté ministériel. Je reconnais maintenant, pour la suite des choses, la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Oui. Je vais y aller très rapidement, parce que mes collègues ont des questions pour vous. On parle de la formation puis de la sensibilisation, mais c'est juste un petit commentaire. Je pense que c'est important, très, très important les exemples que vous avez donnés sur des personnes qui travaillent dans la fonction publique, et je pense que c'est terrible, puis, tout le monde, tu sais, on est tous d'accord pour dénoncer ces cas-là. J'ose espérer que c'est une minorité de personnes qui portent encore des jugements comme ceux-là.

Puis par contre je trouve que c'est important aussi des deux côtés. C'est sûr que, bon, la société d'accueil, entre guillemets, doit...je pense, a sa plus grande part de responsabilité dans ça, mais en même temps c'est aussi important, de part et d'autre, de bien connaître, tu sais, l'histoire, bon, de la culture, bon, musulmane puis de l'islam pour la société d'accueil, mais, vice versa, aussi ce qui s'est fait au Québec.

Puis par rapport à la religion, il y a aussi tout l'aspect de la laïcité qui est un principe très important pour, bon, les Québécois. Et c'est sûr que ça, j'ai l'impression des fois que c'est difficile un peu de cerner, à savoir est-ce que c'est vraiment ce principe ou cette valeur importante qui est la laïcité qui peut choquer quand on voit le port du voile, qui est un symbole apparent finalement, parce que, je veux dire... ou encore le couteau sikh, quand il n'était pas...

Le Président (M. Moreau): Le kirpan.

Mme Lefebvre: Le kirpan, oui, quand il n'était pas visible dans le fond, c'est quand les gens ont su que plusieurs personnes le portaient que ça a suscité un émoi, mais avant ça on en parlait peu ou pas. Et donc ça, c'est un aspect important, puis je pense que ça mérite aussi qu'on réfléchisse. Puis, tu sais, quand on parle du dialogue aussi, l'importance.

Tu sais, moi, je suis allée au Maroc l'été dernier, puis je n'étais pas voilée, puis je me suis fait regarder beaucoup et beaucoup, mais j'étais consciente du fait que la majorité des gens finalement étaient voilés, puis que dans le fond c'était un choc pour eux de me voir non voilée. Et donc, tu sais, il y a ça aussi, mais sans exclure tout l'autre aspect qui est vraiment du racisme, de la discrimination, des préjugés non fondés, puis tout ça. Mais, tu sais, c'est... en tout cas, c'est une situation très délicate qui nécessite beaucoup de dialogue.

Et j'espère, en terminant, que vous serez partie prenante des Fêtes du 400e anniversaire qui se dérouleront ici, dans la Capitale-Nationale, puis que vous aurez votre voix à cet égard. Donc, je laisse la parole à mes collègues.

Le Président (M. Moreau): Alors, comme vous me laissez le choix, Mme la députée de Laurier-Dorion, je vais discriminer en faveur de la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Bien, est-ce qu'ils avaient quelque chose à répondre?

Le Président (M. Moreau): Mais peut-être que les gens veulent intervenir, oui.

Mme Caron: Voulez-vous répondre à ma collègue?

Le Président (M. Moreau): Voulez-vous intervenir sur la question ou le commentaire de la députée de Laurier-Dorion?

Mme Boulmerka (Amira): Un mot, s'il vous plaît.

Le Président (M. Moreau): Oui, allez-y.

Mme Boulmerka (Amira): Quand... au haut du choix pour venir au Québec ? je reviens sur la laïcité puis les aspects religieux, n'est-ce pas ? au moment du choix, moi et mon mari, quand on a choisi où est-ce qu'on voulait se rendre, quand on a décidé, on a choisi Québec. C'est parce qu'on nous avait dit et on nous avait annoncé qu'il y avait la liberté du culte et de la religion, qu'on pouvait, dans le respect d'autrui, espérer un respect, et c'était la raison. Donc, si nous respectons et que nous n'agressons pas, proprement dit, on ne voit pas la problématique du fait que j'ai un... je montre ma religion, que j'ai un indice, enfin que ce soit visible puis que ça puisse déranger. Je ne vois pas en quoi ça pourrait déranger, le fait que je montre que je sois musulmane à partir du moment que ça ne concerne que ma propre personne. Je ne pense pas que ça atteigne la valeur ou le principe de laïcité, ça me concerne individuellement et personnellement. Donc, je pense qu'on a à apprendre ensemble à vivre ensemble et à s'apprécier. C'est ce que j'aimerais, qu'on apprenne à s'apprécier, de ne pas rester méfiants l'un vis-à-vis de l'autre, mais à trouver que l'autre a de belles valeurs aussi. Merci.

Le Président (M. Moreau): Merci, Mme Boulmerka. Vous souhaitez intervenir aussi?

n(16 heures)n

M. Labidi (Saber): Vous parlez de la notion de laïcité, c'est une notion qui est extrêmement discutée actuellement, surtout en France, en l'occurrence. La laïcité, je pense que l'espace doit être laïque, je pense, l'espace social dans lequel on vit doit être laïque, mais les gens, eux, ne le sont pas forcément. En fait, même l'athéisme est une religion. Donc, les gens, je pense, ne sont pas laïques. L'espace, lui, doit être laïque. Et je pense que, dans cet espace laïque, il doit régner un certain respect entre les gens. Puis je pense que ce que vous amenez, c'est extrêmement pertinent, parce qu'il y a un vocable qui dit: L'inconnu fait toujours peur. Et donc c'est pour ça qu'il y a des yeux qui se jettent sur cet inconnu-là pour essayer de scruter, pour essayer de voir qui il est. Donc, c'est pour ça finalement qu'il y a des recommandations pour dire: Écoutez, il faut informer les gens. Je pense qu'on gagne à montrer aux gens les cultures, à mettre en lumière ces cultures-là. Et je pense que finalement tout le phénomène de discrimination et de racisme va disparaître finalement en informant les gens et en démystifiant les cultures.

Le Président (M. Moreau): Et donc vous dites qu'on ne doit pas interpréter un regard comme étant un geste raciste nécessairement, mais peut-être un geste de curiosité ou de recherche, de questionnement. C'est ça? Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Exact. Alors, merci beaucoup d'être venus nous présenter votre mémoire. Pour continuer un peu sur le sujet que ma collègue avait abordé, je pense que le fait de... les symboles religieux touchent beaucoup plus présentement les Québécois et les Québécoises, parce qu'ils ont eu la volonté, au niveau des écoles, qu'il n'y en ait plus, en fait. Et on leur a dit, pendant des années, à quel point c'était important s'ils voulaient accueillir l'ensemble du monde, l'ensemble des communautés qui venaient au Québec, que c'était important que nos écoles ne soient plus religieuses puis n'aient plus de symboles religieux. Ça arrive au même moment, et donc pour eux c'est un peu... Souvent, les remarques qu'on se fait dire, c'est comme si, bien, nous, on nous a demandé de sortir la religion des écoles, et d'autres religions y entrent, et c'est parce que ça arrive au même moment. Et je pense que ça, on l'entend beaucoup à cause de ça.

Moi, je crois beaucoup, au niveau de l'intégration, à l'importance des organismes communautaires. Plusieurs sont venus nous dire que les organismes communautaires, dont vous êtes, c'est comme le premier port d'attache, la première porte d'entrée pour créer des liens dans la communauté. Dans vos propositions, il y a des éléments superimportants, je pense, par exemple, favoriser l'accès aux loyers, des services, être capables de faire un pont avec les nouveaux arrivants. Et je pense que les organismes communautaires sont bien équipés pour le faire.

Mais est-ce que, dans vos organismes, vous faites aussi ce que disait ma collègue? Est-ce que, dans vos organismes, vous en profitez pour expliquer à ceux qui participent à vos activités un peu l'histoire de la société québécoise? Est-ce que ça se fait aussi? Parce que plusieurs sont venus nous dire l'importance qu'il y ait réciprocité. Oui, il faut qu'on ait des campagnes de sensibilisation pour qu'on connaisse mieux les différentes communautés, mais est-ce que, de votre côté, il y a des activités pour qu'ils connaissent mieux la communauté d'accueil?

Le Président (M. Moreau): Ce sera la dernière réponse pour conclure nos échanges cet après-midi.

M. Loukili (Abderahim): Nous faisons ce que nous pouvons dans les circonstances. Vous comprenez qu'on est un organisme qui est formé de bénévoles, avec des moyens assez restreints. Donc, je pense, là, qu'en tout cas, là, selon les priorités, là, qu'on détermine, nous, de notre point de vue puis selon notre perspective, on alloue un petit peu, là, les efforts, là, que ce soit de nos bénévoles ou bien des ressources que nous avons.

Mais c'est clair, là, que, comme on a dit puis on a répété, que l'aide, là, par exemple, du gouvernement, là, sur ça, là, bon, serait d'un grand secours puis d'une grande aide, de façon... on ne peut pas le sous-estimer. Donc, parce que, les activités, là, qu'on mène, là, en général, il y a un programme assez riche, assez varié, mais c'est très rare, là, qu'on va comme arriver à vraiment, là, le mettre en oeuvre au complet avec, là, les ressources qu'on a.

Puis le... c'est-à-dire, là, le côté que vous avez amené, là, à savoir, là, former, là, les nouveaux immigrants, disons, à la citoyenneté québécoise, là, on voit ça très bien, dans notre action, former. Donc, je rappelle, c'est toujours former, former absolument, là, les personnes ici, là, c'est-à-dire de la société d'accueil, mais de l'autre côté aussi, là. Les immigrants, ils doivent être formés pour connaître leurs droits, connaître leurs obligations, connaître un minimum, là, disons, là, de la culture ou de l'histoire, là, du Québec. Parce que... c'est-à-dire... puis ce n'est pas difficile, il y a certaines entreprises, par exemple certaines grandes organisations qui ont déjà commencé des programmes comme ça.

Le Président (M. Moreau): Merci. Alors, M. Loukili, Mme Kessani, Mme Boulmerka, M. Fathallah et M. Labidi, merci beaucoup d'avoir échangé avec nous cet après-midi. Bien, je n'ai pas besoin de vous souhaiter un bon retour à la maison, vous êtes tous de Québec. Alors, ça devrait se faire normalement. Bon retour à Québec.

Et je suspends nos travaux pour 10 minutes. Nous reprendrons à 16 h 12.

(Suspension de la séance à 16 h 5)

 

(Reprise à 16 h 16)

Le Président (M. Moreau): ...s'il vous plaît! Alors, nous allons reprendre nos travaux. Et j'inviterais les représentants de la ville de Sherbrooke à bien vouloir prendre place pour nous présenter leur mémoire. Je vous rappelle que vous disposez de 20 minutes pour votre exposé, et nous suivrons l'exposé d'une période d'échange avec les membres de la commission. Et je rappellerais aux personnes présentes de bien vouloir s'assurer d'éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires. Merci. Si vous voulez vous présenter.

Ville de Sherbrooke

M. Boisvert (Pierre): Alors, Pierre Boisvert, je suis conseiller municipal et aussi président du comité des relations interculturelles et de la diversité à ville de Sherbrooke, qui d'ailleurs est un comité... Sherbrooke a 200 ans, et c'est la première fois, depuis 200 ans, qu'un pareil comité a été mis sur pied. Et évidemment les politiciens, en tout cas à Sherbrooke, je ne sais pas à Québec ou à Montréal, mais on se fait beaucoup aider par des gens qui sont à la permanence. Et j'ai avec moi Marie-Laure Pillette, qui est conseillère à la vie communautaire, mais responsable du dossier, là, de la gestion de la diversité à la ville de Sherbrooke.

Mme la ministre, M. le Président, Mmes et MM. les députés, quand on a eu votre proposition de politique de lutte contre le racisme et la discrimination, notre première réaction a été de s'interroger un petit peu ? avant même de l'avoir lue évidemment; de s'interroger un peu ? sur le titre dans la mesure où les mots eux-mêmes: «lutte»«racisme», bon, «discrimination», dans une moindre mesure, mais sur trois mots, il y en a deux qui nous questionnent. Je vais quand même passer au questionnement préalable à ça ? je l'oubliais, il va falloir que je suive mes notes davantage. Mais il y a déjà une politique sur l'immigration ici, au Québec. Elle est fort bien faite d'ailleurs, et plusieurs de ses thèmes traitent de la gestion de la diversité, ou en tout cas de l'acceptation, ou de la promotion de la diversité. Donc, quel était le besoin d'une politique qui va prendre une partie d'une autre politique pour l'appliquer.

n(16 h 20)n

On s'aperçoit, à vous écouter et à discuter aussi entre nous, qu'il y a peut-être le concept que vous ayez une politique qui serve de parapluie ou qui soit une politique parapluie par rapport aux autres d'où... et plutôt transversale ou horizontale que verticale, en supposant que la politique d'immigration était verticale, ce qui n'était pas ce qu'on nous avait dit de toute façon, mais... Mais disons que le racisme et la discrimination est un sujet qui préoccupe tout le monde davantage, j'imagine, que le restant de la politique d'immigration. Que ce soit un enjeu suffisamment important pour mériter une politique par elle-même, bravo! puis que ça concerne tous les ministères, bravo! deux fois. Mais, si ça concerne plusieurs ministères, puis vous allez comprendre tout de suite l'objet de mon interrogation, est-ce qu'une promotion de la diversité qui inclurait, oui, évidemment les personnes issues de l'immigration, les minorités visibles, mais également les handicapés, les aînés, les femmes, tous les gens qui peuvent se considérer comme faisant partie de la diversité, et, à ce moment-là, beaucoup plus facile à être accepté par tous les ministères, en disant: Bien, c'est ça qu'on fait, de la gestion de la diversité. Beaucoup plus positif aussi que la lutte contre le racisme.

D'ailleurs, dans la première partie de notre diagnostic, à Sherbrooke, on a eu une certaine discussion sur les termes, mais on s'est aperçu, à force d'en discuter, que le mot «racisme», «racisme» ou «raciste», une personne, ça avait une connotation qui était beaucoup plus profonde, beaucoup plus ancrée, souvent fondée sur des notions historiques qui étaient liées soit au colonialisme, soit à d'autres formes d'assujettissements d'un peuple vis-à-vis un autre. On a beau penser que, oui, dans l'histoire du Québec, il y a déjà eu, et on peut le retrouver, dans les années... je ne me souviens pas si c'est 1700 ou 1800, certains exemples d'esclavage, certains exemples de situations qui pourraient penser que le Québec était colonialiste, mais c'est vraiment mineur et ce n'est vraiment pas... La plupart des Québécois, si on leur posait les questions, ne sauraient pas du tout de quoi on parle. Ce qu'on saurait cependant, c'est qu'un peuple soumettant ou étant soumis, les Québécois en général se sont beaucoup plus considérés comme étant soumis que soumettant d'autres peuples. Donc que, nous, on soit racistes, historiquement on aurait de la difficulté à se justifier en tout cas sur ces bases-là.

Et ça nous amène à l'essentiel. Votre politique a pour but de guérir un mal ou des maux, mais en tout cas un mal, mais, si on identifie mal ? pas bien en tout cas ? le mal dont on parle, le remède ne sera pas le bon remède. Pour le racisme, c'est un remède de cheval. Pour la diversité, c'est un autre genre de remède dont les ? comment je pourrais dire ça? ? effets secondaires sont beaucoup moins désastreux, en tout cas beaucoup moins pénibles. Pour nous, donc, on voit ça comme... c'est vraiment une politique.

Et d'ailleurs quand on la lit, la politique, quand on se familiarise avec la politique, on s'aperçoit que c'est vraiment une politique de promotion de la diversité, sauf certains exemples. Oui, il y en a, du racisme, à Sherbrooke, c'est bien sûr, mais c'est marginal, c'est une minorité. On ne fait pas des lois, on ne fait pas des règles pour gérer les marginaux. Ils sont déjà gérés. D'ailleurs, on a des règles en masse, puis ça n'empêche pas les accidents. On a des règles pour l'alcool au volant, puis ça n'empêche pas qu'à tous les jours, dans les journaux, on en trouve qui... Mais la règle est là quand même. Donc, on ne va jamais empêcher les incidents à caractère... on veut bien les appeler «à caractère raciste». Et je ne suis pas certain qu'on aide la population en disant: Bien, en utilisant le mot «raciste», tout le monde va comprendre. Bien, va comprendre, ça dépend, là. Je pense qu'en utilisant «diversité», on ne sera pas plus nono non plus, moins renseigné ou moins capable de comprendre.

Mais si je prends l'exemple de notre diagnostic en disant: Bien, la vaste majorité des Sherbrookois sont pleins de préjugés, et je n'ai pas de difficulté à le dire tel quel, ils sont pleins de préjugés. Pourquoi? Par ignorance. Donc, le mal, c'est le préjugé, et la cause, c'est l'ignorance. Bien, si on connaît la cause, ça va très bien pour trouver le remède. Le remède à l'ignorance, c'est l'information. Il faut que la commission, il faut que le gouvernement, il faut que les gens qui décident comment adresser un mal, comme, dans ce cas-là, la discrimination ou les préjugés, il faut trouver des mécanismes, et tous les mécanismes sont bons. J'en ai plusieurs. Ceux qui existent déjà, il faut les continuer. À Sherbrooke ? d'ailleurs, on remercie beaucoup la ministre d'avoir participé, mais ? on a le Festival des traditions du monde, on a le Buffet des nations ? encore une fois, merci. Et d'ailleurs la présence ministérielle et du gouvernement, à Sherbrooke, est très importante pour promouvoir justement la diversité pour qu'ils viennent dire: Oui, nous que vous avez choisis, vous avez élus, on vous dit, là, ça, c'est bien, c'est bien, mais il faut aller plus loin que ça. Une fois qu'on se dit que les événements, que les organismes qu'on a sur place font bien le travail, et qu'est-ce qu'on peut faire davantage... Et c'est là que viennent nos suggestions.

Vous avez un groupe captif ? d'ailleurs, l'exemple a été donné par le groupe qui nous précédait; vous avez un groupe captif ? autant dans le gouvernement, ici, mais dans les divers ministères, que vous pouvez contrôler par de la règle interne, là, des directives internes. Donc, d'informer ces gens-là ? puis il y en a beaucoup à Sherbrooke qui viennent du gouvernement, autant québécois que fédéral, bien, déjà; d'informer ces gens-là ? avec des sessions régulières bien montées pour lesquelles les gens ressortent stimulés, pleins d'entrain, qui peuvent servir de porte-parole d'ailleurs, ça commence déjà bien. Mais ça, c'est contrôlable immédiatement.

Il y a d'autres groupes... puis ça irait jusque dans les écoles. Si on n'était pas capables de changer les gens qu'on a présentement, ce serait un moindre mal si déjà on préparait la génération future. Et là-dessus je pense qu'on parle à des gens déjà convaincus, pour vous avoir entendus là-dessus, les écoles, les écoles, les écoles, les jeunes, à fréquenter des jeunes de partout pas seulement de toutes les races, mais aussi handicapés, pas handicapés, femmes, garçons, etc. À un moment donné, ça va devenir que les parents auront bon... voyons, auront beau leur dire ? j'aurais besoin d'un peu d'eau, peux-tu m'en donner ? auront beau dire qu'ils sont comme ci, ils sont comme ça, de l'avoir vécu, ça enlève toutes ces mauvaises perceptions là, ces préjugés-là. Donc, l'école, c'est bien important, là. C'est aussi gouvernemental, c'est aussi contrôlable, c'est quelque chose qui peut venir de l'interne.

Les autres institutions, bien, si je parle de la municipalité d'ailleurs, on a aussi une clientèle captive. Il faut absolument que tous les fonctionnaires ? si on peut les appeler comme ça ? élus... D'ailleurs, on a eu des sessions de formation, Dr Proulx et compagnie qui donnent d'excellentes formations et qui nous apprennent à gérer beaucoup plus que simplement la question de l'immigration, mais également la question des gens venus d'ailleurs. C'est pour ça que c'est important. C'est pour ça que c'est essentiel et ça passe beaucoup mieux que de vouloir dire: On essaie de combattre le racisme. On va vous donner des cours, aux élus municipaux de Sherbrooke. Ils vont dire: Wo! De dire, par exemple, on va gérer la diversité, ça va bien, ça passe bien.

Au-delà de ces groupes qu'on peut appeler, là, captifs, qu'on peut contrôler, il y a les groupes... par exemple, les employeurs. Vous avez des lois présentement qui forcent, par exemple, à un pourcentage qui va au culturel quand on construit, pourcentage pour la formation, bien, s'il y a 2 % qui va à la formation, pourquoi qu'il n'y aurait pas 0,5 de ce 2 % là qui irait à une formation mais liée à la gestion de la diversité, à tout ce qui s'appelle la promotion de la diversité. Ça existe déjà, là. Et de le faire, ça peut se faire par des lois, donc celle-là, mais ça peut se faire aussi par des incitatifs. C'est sûr que vous avez le programme Prime et d'autres programmes qui sont disponibles là-dessus, mais il ne faut pas arrêter là, il ne faut pas... il faut... Et ce qui est probablement le plus important, ce n'est pas de forcer les gens à avoir une formation, mais il faut que les formateurs, ce soient des gens qui passent le message. Parce que de s'asseoir à l'école, ou dans des bancs d'école, ou d'écouter, mais de sortir de là... et plutôt frustrés que... ça n'a pas aidé.

Donc, vous avez raison d'encourager des institutions comme l'Université de Sherbrooke, des organismes comme Actions interculturelles qui préparent, qui vont préparer le champ pour les gens qui sont appelés à gérer la diversité. Et, nos employeurs, on a la chance que c'est eux qui s'occupent du temps que leurs employés utilisent.

Donc, c'est certain qu'on peut toucher tout le pourcentage de la population qui est sur le marché du travail, dans un espace de temps donné, et ça va nous rapprocher du 100 %. Parce que la communication, l'information qu'on veut donner pour enlever l'ignorance face à la diversité, bien il faut que tout le monde l'entende, il faut que tout le monde la vive. Et en ayant accès au marché du travail comme on l'a, ça nous permet de le faire.

n(16 h 30)n

Il y a aussi les organismes à but non lucratif qui sont reconnus par les villes en général, mais j'imagine par les gouvernements aussi, et pour lesquels on a des ententes. Je parle aux centres communautaires, je parle même aux organismes comme l'AFEAS, les Chevaliers de Colomb, l'âge d'or, peu importe, bien nos ententes ou chaque dollar qu'on donne à ces organismes-là, on peut avoir une entente avec eux qui prévoit, par exemple, la possibilité d'accueillir des conférenciers, de faire des visites dans certains lieux qui justement favoriseraient la gestion de la diversité. Pour nous, ces étapes-là sont faciles, mais c'en n'est qu'une, une partie. Ça, c'est la notion humaine. Il y a aussi la notion... on veut laisser... On ne veut pas que ce soit un feu de paille, que ça se passe aujourd'hui, en 2006, mais qu'en 2009, en 2010 tout soit oublié.

Pour nous, ça prend d'autres aménagements, si on peut dire. Ce qui manque peut-être dans une ville d'une certaine grosseur comme Sherbrooke, on a déjà un lac des Nations, mais on n'a pas de pavillon des nations. On n'a pas de site qui peut servir de symbole mais aussi de lieu de rassemblement pour stimuler les gens. Ceux qui font du sport ont des gymnases, ceux qui font d'autres activités ont d'autres lieux, ou les gens qui sont intéressés par... et ceux qui sont curieux, ou simplement pour servir, comme un musée, d'endroit où les gens peuvent se rencontrer pour voir... et je ne parle pas du musée au sens qu'on veut dire c'est de ça qu'on parlait en 2006, mais vraiment d'agora, de centre. Et, plutôt que de saupoudrer à tous les organismes de l'argent, si on pouvait en garder pour qu'il y ait des choses qui demeurent et qui servent à préparer l'avenir, c'est probablement le genre de dépenses qui pourraient être fort intéressantes. D'ailleurs, je pense que ça a déjà été fait, sinon pensé, autant à Montréal qu'à Québec, et, s'ils ne sont pas sur le point de le faire ailleurs, c'est une question de temps.

Donc, la qualité de vie passe par l'harmonie, passe par l'absence de préjugés, par les connaissances versus l'ignorance. Je pense aussi que le message est un message positif, que le titre qu'on donne n'est peut-être pas aussi positif qu'on voudrait qu'il le soit. Ce serait peut-être une occasion de partir dans le bon sens que d'en tout cas faire la promotion de la diversité, et on en a besoin dans tout. On donnait l'exemple, à un moment donné, qu'il y a des personnes qui se présentent, que ce soit dans les écoles, que ce soit dans les commerces...

Ça, c'est une autre chose. Pourquoi, dans un dépanneur, l'employeur ne veut pas engager une personne au comptoir qui est, par exemple, une minorité visible? C'est parce qu'on lui demande de sacrifier potentiellement, potentiellement, son commerce pour une idée. Lui, il dit: Si ça diminue ma clientèle, vous ne pouvez pas me l'imposer, parce que mon but premier, quand j'ai pris une licence pour un dépanneur, c'était évidemment de le faire à profit. Ce qu'il faut faire, c'est qu'on s'habitue à changer la mentalité de ces gens-là en voyant dans les banques, en voyant dans les dépanneurs, en voyant un peu partout des gens qui justement représentent ou qui sont des minorités visibles. Et c'est important qu'est-ce qu'il nous mentionnait un peu avant, c'est en les voyant et ce n'est pas juste en entendant le gouvernement municipal, que je représente, parler en bien de la diversité, mais, quand ils voient qu'on a des personnes noires, des personnes arabes, des personnes qui connaissent et qui sachent... ? c'est plus facile à Sherbrooke, puisqu'il y a moins de monde ? mais qui sont des immigrants, c'est plus facile à ce moment-là, pour eux, de croire en ce qu'on dit. J'arrête là-dessus, même si j'ai peut-être d'autre temps, là.

Le Président (M. Moreau): Ah! vous avez encore trois minutes et demie à peu près. Ça va? Ça complète? Alors, merci, M. Boisvert. Nous allons commencer donc tout de suite la période d'échange avec les membres de cette commission, et je reconnais, pour débuter nos échanges, Mme la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Merci, Mme Pillette, merci, M. Boisvert, d'être avec nous. Ça me fait toujours un grand plaisir de rencontrer les gens de Sherbrooke. Je l'ai dit lorsque j'ai été dans votre région, au mois d'août, et je tiens à le redire encore, Sherbrooke est la ville à citer en exemple au Québec, en matière de gestion de la diversité culturelle, la relation interculturelle, l'intégration des immigrants. Vous êtes uniques en votre genre, et je tiens à vous féliciter pour toutes les initiatives qui sont faites chez vous. Je sais que vous y croyez.

M. Boisvert (Pierre): ...les citoyens, là. Je ne le prends pas personnel. Excusez.

Mme Thériault: Non. Mais d'ailleurs, dans votre mémoire, vous avez couvert tous les axes qui étaient dans le document de consultation, donc c'est preuve que vous avez quand même fait l'exercice de regarder le document de consultation, de voir ce qu'on pourrait faire de mieux pour que les gens s'intègrent. Je comprends très bien ce que vous dites par rapport au terme qui peut vous sembler un peu fort. C'est vrai que peut-être «préjugé», c'est beaucoup moins fort que «racisme» et «discrimination», qui viennent chercher les gens, et ils se sentent interpellés par ça.

Moi, je vais vous dire, on a quand même 119 mémoires qui ont été déposés, des groupes qui veulent se faire entendre ici. Ça suscite beaucoup, beaucoup de discussions, les travaux qu'on est en train de faire, puis je trouve ça très sain que ce soit un débat de société qui s'engage. Je vous dirais d'avance que, bien que je constate que la société québécoise est en général tolérante, ouverte et accueillante, nous avons quand même du travail à faire. Il se peut qu'il y ait des individus qui se sentent interpellés. Je pense que le but du document de consultation, c'était d'interpeller les gens, que ce soient des individus en tant qu'individus, que ce soient les groupes communautaires, les différents pans de la société, les syndicats, les employeurs. Les villes sont des partenaires privilégiés. Le gouvernement est également interpellé par ses façons de faire. Je crois sincèrement que, lorsqu'on entend ce que les gens nous disent...

On a eu des témoignages de d'autres groupes qui ont passé avant vous, sur des situations de discrimination qui sont flagrantes. Évidemment, ce n'est pas la vie courante, on le sait, ce n'est pas la vie courante. Mais vous savez comme moi qu'à chaque fois qu'il y a quelque chose qui est sensationnel ça fait toujours la nouvelle, hein? Ça fait la nouvelle comme telle, et on a tendance à penser que c'est toute une catégorie de personnes qui est comme ça. Moi, je vous dirais, d'entrée de jeu, que je connais beaucoup de gens qui vont me dire: Moi, je ne suis pas raciste mais. On connaît tous quelqu'un qui va dire: Moi, je ne suis pas raciste mais. Mais, oui à l'immigration, non aux musulmans. Tu sais, bon, il y a plein de clichés comme ça que je pourrais vous répéter, mais je vais me limiter.

Et vous avez raison de dire également que l'éducation, que ce soit la formation qui peut être faite auprès des adultes en gestion de la diversité culturelle, que ce soit ce qui est fait au niveau des enfants, puisque c'est notre avenir, il y a des belles initiatives. Et votre ville est probablement un petit coin du Québec qui est bien en avance sur la balance de la province, parce que vous avez su très tôt prendre des initiatives. Le Festival des traditions du monde, ça fait longtemps que ça existe. Le Buffet des nations, la même chose. Vous êtes une ville avec laquelle on a une entente, hein? Vous êtes un partenaire privilégié du ministère. Votre maire a pris l'engagement, à la dernière campagne électorale, que sa fonction publique serait plus représentative de la population. Donc, si vous avez 4 % d'immigrants, il y aura 4 % dans les postes de la fonction publique, d'après ce que j'ai lu ? 10 %? 6 %, d'accord. Donc, vous voyez, Sherbrooke est en avance dans beaucoup de villes.

Il n'y a pas une autre ville au Québec qui a pris un engagement de dire: Parce qu'on veut refléter la population qu'on a, nous prenons l'engagement, comme élus municipaux, de refléter cette diversité-là au sein de notre propre fonction publique municipale, alors que pourtant il y a d'autres régions qui ont 10 % d'immigration. Je comprends qu'au Saguenay ce n'est pas 1 %, là, mais, en Outaouais, c'est 10 %, à Montréal, c'est 25 % de la population du Québec, peut-être plus. Tu sais, ça monte, ça monte. À toutes les années, ça monte, là, mais, si on regarde les statistiques de 2001...

Donc, il est évident qu'une politique comme ça, on ne peut pas arriver puis dire: Bien, on va appliquer quelque chose unilatéralement pour toutes les villes, exemple, parce qu'on n'a pas le même contexte. Il n'y a pas le même bassin non plus. Il n'y a pas nécessairement le même besoin. Lorsqu'on parle, dans les écoles de Montréal... Juste les cégeps, tout à l'heure, qu'on a eus un peu plus tôt, nous disaient qu'eux avaient comme 50 % de leurs étudiants qui étaient issus d'une minorité visible, immigration, communauté culturelle. C'est un cégep à Montréal, là, dans l'est de Montréal. Ce n'est même pas un cégep anglophone. Donc, c'est dire qu'il y a quand même une certaine gestion de la diversité culturelle.

Je conviens avec vous que peut-être ça aurait été plus positif d'avoir «gestion de la diversité culturelle». Ce que je peux vous dire, c'est que, dans le plan d'action, le plan d'action, lui... Parce qu'il y aura une politique, pas une loi mais une politique gouvernementale, pour lutter contre le racisme et la discrimination, et il y aura un plan d'action dans lequel on va retrouver des actions nommément pour les ministères, sur x nombre d'années, etc. Lui, il aura certainement un titre beaucoup plus positif, puisque c'est un plan d'action. Mais je dois vous dire que, dans beaucoup de régions, beaucoup de groupes qu'on a rencontrés, eux, étaient très heureux qu'on nomme un chat un chat, tu sais, puis je pense que c'est important de faire le vrai débat ici. Puis, je vous le dis, là, Sherbrooke, vous n'êtes pas comme ailleurs au Québec non plus. Vous ne vivez probablement pas la même situation non plus que dans les autres régions, parce que la ville a une réelle volonté politique d'intégrer tous ses citoyens dans sa participation. Donc, évidemment, vous êtes peut-être un cas qui est à part. Mais je comprends bien ce que vous dites.

n(16 h 40)n

C'est sûr qu'une politique pour lutter contre la discrimination... Comme ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles, on ne peut pas nier le fait qu'il y a des jeunes issus de certaines communautés qui vivent des problématiques. Il y a certaines communautés qui sont stigmatisées, qui sont plus pointées du doigt, et c'est une réalité. Moi, quand j'entends qu'on a enlevé le nom de Mohamed puis qu'on a mis Maurice Tremblay pour que ce jeune-là puisse avoir une entrevue, ça me fait toujours sourciller. Mais c'est la réalité, tu sais. Ça fait que c'est sûr que juste d'ouvrir le débat, ça permet un questionnement profond.

Puis je comprends votre réaction parce qu'à Sherbrooke c'est différent, puis c'est tout à votre honneur parce que ça fait longtemps que vous travaillez sur vos relations interculturelles puis votre gestion de la diversité culturelle, puis je ne peux que vous en féliciter. D'ailleurs, j'aurai l'occasion de retourner à Sherbrooke, la semaine prochaine, puisque vous avez même des prix que vous remettez. Et, dans le cadre de la Semaine québécoise des rencontres interculturelles, vous allez faire votre remise de prix; ça me fera plaisir d'être avec vous encore. Mais c'est la preuve que, vous, dans votre ville, dans votre région, vous avez su bien, bien miser sur cette gestion de la diversité culturelle là. Mais les bonnes pratiques que vous avez déjà peuvent servir d'exemple dans d'autres régions. Donc, c'est la raison pour laquelle j'ai fait un prélude qui est aussi long ? parce que, là, on me fait des signes.

Mais j'aimerais savoir, parce que, dans votre mémoire, vous avez parlé d'incitatifs financiers pour rallier les partenaires du milieu des affaires à la lutte contre le racisme: Qu'est-ce que vous envisagez ou qu'est-ce que vous avez en tête? À quel type d'incitatifs faites-vous référence?

Le Président (M. Moreau): En une minute, M. Boisvert.

Mme Thériault: Désolée.

M. Boisvert (Pierre): Pas de problème. Il en existe déjà, j'ai parlé du programme PRIME, mais ce n'est pas suffisant. C'est qu'on dit: Bon, bien, si tu veux avoir quelqu'un, on peut t'aider, mais il faut se rendre là. Avant qu'il dise: Je veux avoir quelqu'un, il faut peut-être qu'on l'ait convaincu que ce serait une bonne chose pour lui d'avoir ce quelqu'un-là. Donc, les conférences qui sont données... Par exemple, Mme Guadalupe Vento donne des conférences. Pendant trois heures, on est hypnotisé par ce qu'elle va dire. C'est une Cubaine de 30 ans d'expérience... ou qui est arrivée chez nous il y a 30 ans et qui nous explique c'est quoi, le peuple québécois, et c'est quoi... Et on ne peut pas parler de tous les restes... des peuples du monde, mais elle parle surtout des peuples qui viennent du Sud plutôt que du Nord. Et on voit les deux, pourquoi les deux ne se comprennent pas, des exemples en quantité industrielle. Et, quand les gens sortent de là, tout d'un coup leur perception de la diversité est complètement différente, elle est changée. Mais ces gens-là, il faut les engager, il faut les payer, il faut les encourager, il faut en développer d'autres ? une, ce n'est pas assez ? d'où le besoin d'avoir la possibilité, par exemple, pour les chambres de commerce, de dire: On va vous le faire venir mais gratuitement, ou les entreprises de 100 personnes et plus, etc., d'où les besoins en tout cas à caractère financier.

Le Président (M. Moreau): Merci, M. Boisvert. Je vais maintenant céder la parole à la députée de Laurier-Dorion, porte-parole de l'opposition officielle en matière d'immigration et de communautés culturelles.

Mme Lefebvre: Bien, merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup d'être ici, avec nous, cet après-midi. Vous dites, à la page 7, dans votre mémoire: «Ce faisant, la ville de Sherbrooke a choisi d'aller au-delà de ses responsabilités traditionnelles pour jouer un rôle de chef de file, d'accompagnateur, de facilitateur et de référence pour l'accueil[,] l'intégration des personnes immigrantes.» Mais juste le fait que vous soyez ici, devant nous, cet après-midi, le prouve. Quelques villes se sont présentées ou se présenteront devant nous, mais que vous vous ayez senti interpellés par le débat, bien je pense que c'est un grand pas dans la bonne direction, puis ça montre qu'on travaille partout au Québec à faciliter l'intégration puis la diversité.

Quant au débat sur le fait d'une politique de promotion de la diversité ou du racisme, je pense qu'une n'exclut pas l'autre, dans le sens où la dynamique de racisme et de discrimination en est une en soi, puis maintenant, de faire la promotion de la diversité, je pense que c'est quelque chose d'inévitable par ailleurs, mais c'est bien que vous l'ayez souligné. Je me demandais... Puisque vous êtes ici, devant nous, c'est que... Bon. Vous avez mentionné également que vous avez adopté, bon, une politique à la ville, et j'aimerais...

M. Boisvert (Pierre): Si vous voulez, on en a des copies.

Mme Lefebvre: Ah! Bon, parfait. Vous pourrez le déposer ici, ça nous fera plaisir d'en prendre connaissance. Ah! on l'a déjà?

M. Boisvert (Pierre): C'est celle qui se vend le mieux à la ville de Sherbrooke. On a été obligés d'en faire une deuxième édition.

Mme Lefebvre: Bon, bien, tant mieux qu'elle soit si populaire. Et je voudrais vous entendre sur vos meilleures pratiques, les réalisations qui vous rendent les plus fiers. Tout à l'heure, vous avez parlé, bon, d'activités qui se déroulaient à la ville de Sherbrooke, qui sont peut-être indépendantes, là, de l'administration municipale en soi, mais notamment, bon, le Buffet des nations, puis ça, je trouvais que c'étaient des idées originales qui permettaient de faire la promotion de la diversité mais d'une façon conviviale. Et donc je voulais vous entendre sur vos meilleures pratiques. Est-ce que les employés de la ville suivent des formations en éducation interculturelle? Est-ce que... Bref, parlez-nous un peu de ce que vous faites chez vous.

M. Boisvert (Pierre): Bien, vous avez déjà touché le point sur... Bien, le Festival des traditions du monde, on en est particulièrement fiers. C'est gros. On est contents d'ailleurs que le ministère l'ait reconnu, que la ministre soit venu nous visiter à deux reprises, on apprécie beaucoup. Il y a aussi le Buffet des nations. C'est unique. C'est le Service d'aide aux néo-Canadiens qui met sur pied, dans deux gymnases, au cégep, un buffet où plus de 36 mets de différentes nations... préparés et servis par des bénévoles. C'est unique, c'est spectaculaire, c'est gros. Mais c'est important parce que ça développe un sentiment. Si la classe des gens... Ce sont, dans les deux cas... Le premier repas du Festival des traditions du monde, c'est sous un chapiteau et ça réunit 1 000 personnes. On comprend que c'est des personnes qui ont les moyens de payer le 100 $, 150 $ du couvert que ça coûte. Donc, c'est des gens qui donnent le ton pour le restant de la population plus tard. Si ces gens disent: Oui, oui, je vais aller là, c'est bon, c'est excellent, ça, autant au buffet qu'au festival. La classe dirigeante après ça donne le ton pour le restant de la population, et ça va bien.

Et vous avez aussi raison pour la deuxième partie. On a commencé, l'an passé, c'est en 2005, à donner de la formation d'abord à ceux qui doivent prendre des décisions. Comment ils vont pouvoir prendre des décisions sur la promotion de la diversité s'ils ne savent pas de quoi on parle? Et ils ont accepté un lac-à-l'épaule. Le quart de toute la programmation était à la promotion de la diversité, et tout le monde se posait la question: On a tellement de sujets importants à discuter dans une ville... C'est surtout lié au béton, là, il faut comprendre. C'est quand même des sujets... On le voit avec l'eau, avec l'assainissement, avec tous les problèmes environnementaux, etc. Qu'ils prennent la peine et qu'au départ ils soient un petit peu questionnés: Voyons, y a-tu quelqu'un qui a des idées bizarres?, mais, après qu'ils aient eu la formation, réalisent: C'était important. Mais ça a été fait dans trois de nos services: la police, Hydro-Sherbrooke et la vie communautaire, le Service sports, loisirs et vie communautaire. On les a ciblés, mais ça va être important.

Et, si on trouve que c'est bien pour nous, on trouve que c'est bien pour tout le monde, il faut absolument que tout le monde ait accès à ces informations-là sur la diversité, la formation de la diversité, sur comment on peut s'enrichir de ceux qui viennent de partout ailleurs. Et ils ont du monde qui sont comme nos frères des fois, qu'on est choqués avec, là. La gestion de la diversité, ce n'est pas tout d'un coup de changer, puis ils sont parfaits, là. Ils sont des humains comme nous autres, ça fait qu'ils ont les mêmes défauts, les mêmes qualités. Mais il faut que les défauts et les qualités dépassent l'épiderme, la couleur de la peau, il faut que les défauts, les qualités concernent des sujets sérieux. Ce n'est pas le sexe qui fait qu'une personne pense bien ou pense mal, ce n'est pas son âge. Mais évidemment, avec plus d'expérience, tu as plus de chances d'avoir un certain degré de sagesse, mais, les jeunes, ça ne les empêche pas d'avoir des idées non plus. Donc, il faut apprendre à connaître les gens qui... S'ils se déplacent en chaise roulante, ça ne les empêche pas non plus de contribuer à la société, et c'est la même chose pour nos personnes venues d'ailleurs. Mais on a beaucoup de choses à apprendre.

Mme Lefebvre: Non, mais c'est vraiment extrêmement intéressant puis, bien, c'est d'autant plus stimulant de voir que, tu sais, l'initiative vient de l'administration municipale même puis de ses leaders politiques également, qui ont eu la volonté de mettre de l'avant des politiques.

Ce matin, on a reçu un organisme qui traite... non, pas un organisme, en fait un professeur de l'Université de Sherbrooke, qui a fait une analyse assez intéressante sur...

M. Boisvert (Pierre): Le Pr Morin, une sommité, quelqu'un de bien, avec Mme Pori.

n(16 h 50)n

Mme Lefebvre: ... ? exactement ? la gestion du logement puis, bon, la situation dans les HLM, puis on était... en fait parce qu'il analysait la situation, il connaissait un peu moins la situation à Montréal puisqu'il s'est concentré sur la situation à Sherbrooke. Mais il amenait une facette importante donc du développement, dans le fond, d'une ville puis des relations aussi avec l'Office municipal d'habitation de Sherbrooke. Puis en fait je voulais juste faire le relais avec la discussion de ce matin, mais ce serait peut-être intéressant que vous...

M. Boisvert (Pierre): On est en lien très étroit...

Mme Lefebvre: C'est ça. Puis surtout sur la...

M. Boisvert (Pierre): ...malgré que ça ne vous donne pas l'impression, là...

Mme Lefebvre: Non, non, pas du tout. Mais il parlait de l'importance du milieu communautaire à l'intérieur du fonctionnement.

M. Boisvert (Pierre): On est d'accord qu'il y a un problème, on est tous d'accord qu'il y a un problème. C'est juste: on n'identifie pas le même problème et, dépendant du problème, on n'identifie pas les mêmes solutions. Que des gens se méprennent pour des raisons x, qui sont peut-être liées à l'histoire, tout ce qui venait de l'étranger était épeurant, donc on a développé des réflexes de se méfier des étrangers, est-ce que c'est mauvais? Regarde, c'est naturel. Mauvais ou pas mauvais, je ne sais pas. À un temps dans l'histoire, probablement que c'était bon, ça empêchait de subir des problèmes assez avancés. Mais aujourd'hui on a besoin de l'information pour compenser, et on aurait besoin de plus que l'information si nous étions racistes. L'information ne suffirait pas à changer nos comportements. C'est pour ça que je dis: C'est peut-être un bonne idée de viser à la bonne place.

Mme Lefebvre: Mais en tout cas je pense que mon temps est écoulé pour ce bloc-ci...

Le Président (M. Moreau): Il reste une minute.

Mme Lefebvre: ...mais c'est extrêmement positif de réaliser que la discussion est bien entamée dans la ville de Sherbrooke puis que tout le monde se sent bien interpellé. Ce matin, on a eu droit à une présentation d'un prof d'université. Plus tôt, il y avait un autre organisme aussi qui provenait de la région de l'Estrie. Et vous qui clôturez aujourd'hui pour la région. En tout cas, c'est de bon augure pour l'avenir.

M. Boisvert (Pierre): Est-ce que vous permettez à Mme Pillette de dire quelques mots?

Mme Pillette (Marie-Laure): Oui. Je voulais ajouter. Vous demandiez les réalisations que nous avons faites à Sherbrooke. Il y a, entre autres, vous savez, l'engagement du maire d'atteindre le 6 % du personnel qui serait issu des communautés culturelles. Ça ne se fait pas comme ça, ce n'est pas la pensée magique et il y a un travail que... M. Boisvert en a parlé aussi, un peu, il y a un travail beaucoup à l'interne qui se fait au niveau des ressources humaines. Une personne travaille à temps plein, premièrement, à faire le diagnostic sur les pratiques actuelles au niveau de l'engagement, la dotation, etc., et à voir comment on pourrait renouveler ces pratiques-là. Parce que ce n'est pas juste d'engager des personnes issues de communautés culturelles, mais c'est aussi adapter nos façons de fonctionner aussi à ces personnes-là, une fois qu'elles seront intégrées dans l'appareil municipal.

Et je voulais ajouter aussi concernant les réalisations, c'est qu'on entendait les personnes qui sont passées avant nous et qui parlaient beaucoup de la manière dont sont rapportées les choses dans les médias, et, bon, c'est sûr que, chez nous, on vit ça aussi, cette espèce de code de couleurs, là, qui apparaît à chaque fois qu'il y a un méfait, c'est comme s'il fallait se sentir obligés de donner la couleur de la peau ou etc., alors que, les bons coups, bien là on n'en parle pas. Nous, on a une entente avec un média de Sherbrooke où on fait paraître, une fois par mois, une page entière qui est réservée aux communautés culturelles pour montrer tout l'apport de ces communautés culturelles chez nous, alors, que ce soient des immigrants qui ont bâti des entreprises et qui ont créé des jobs pour des Québécois de souche, que ce soient des artistes, que ce soient des chercheurs. Au centre hospitalier de l'Université de Sherbrooke, il se fait un travail là extraordinaire, et on a beaucoup de chercheurs dont on ne parle souvent pas qui sont derrière et qui sont à la base de découvertes qui sont...

M. Boisvert (Pierre): Ils révolutionnent le monde, ce n'est pas compliqué.

Mme Pillette (Marie-Laure): C'est ça. Alors, on essaie de faire connaître tout ça parce qu'on s'aperçoit que souvent ce qui est pris pour du racisme, c'est du préjugé, mais vraiment. C'est sûr que les méfaits, les méfaits sont les mêmes, c'est la discrimination, mais on s'aperçoit que les gens ne connaissent pas du tout, du tout.

Concernant M. Morin et Mme Pori... Oui?

Le Président (M. Moreau): ...parce que là vous êtes déjà dans le...

Mme Pillette (Marie-Laure): Excusez-moi. Dans l'autre question.

Le Président (M. Moreau): ...bloc suivant de l'opposition.

Mme Pillette (Marie-Laure): O.K. Excusez-moi. J'ai terminé pour ça.

Le Président (M. Moreau): Très bien. Alors, Mme la ministre, pour le dernier bloc avec le parti ministériel.

Mme Thériault: Merci. Moi, je vais rester sur votre code de couleurs parce que, dans votre mémoire, à la page 18, vous parlez du rôle des médias et vous dites: «L'utilisation du code de couleurs souvent présente dans les médias contribue fortement à encourager cette logique du filtre culturel. Plusieurs forums ont été organisés sur le traitement de l'information susceptible de causer préjudice aux communautés culturelles. Le code de déontologie de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec se doit de poursuivre sa réflexion sur ses pratiques. Le contexte de l'élaboration d'une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination peut constituer un élément déclencheur et facilitateur.»

J'aimerais peut-être savoir de vous qu'est-ce qui s'est dégagé des forums qui ont été organisés. Parce qu'effectivement, le code des couleurs, vous êtes le premier groupe à parler nommément d'un code de couleurs. Beaucoup de gens remettent en cause l'impartialité des médias dans le traitement de la nouvelle, que ce soit télé, radio, journaux, peu importe, là. Je vous dirais que, je pense, il n'y a pas une journée sans qu'on n'entende pas parler des médias ici, ou presque. Donc, j'aimerais bien que vous nous inspiriez sur les forums qui ont été organisés, si c'est un forum qui est organisé dans la ville de Sherbrooke. Est-ce que ça a donné des résultats concrets?

M. Boisvert (Pierre): Je vais laisser Mme Pillette... Mais ça a été apporté aussi quand on a eu la consultation publique, le 13 mai, où il y avait une centaine de personnes et il y a deux ans également, juste avant d'écrire la politique d'accueil et d'intégration des personnes immigrantes, les gens considèrent que, vous, mais nous aussi, comme gouvernements, on peut contrôler les médias. Si c'était le cas...

Mme Thériault: Si c'était le cas, on serait très heureux, hein?

M. Boisvert (Pierre): Oui, c'est ça. Moi, ce que j'essaie de dire, c'est que d'une part on peut adopter une position comme on le fait, nous, en ayant une page ? et on la contrôle, cette page-là ? c'est qu'on est plus actifs que passifs à la chose. C'est une chose. Ça n'empêchera pas que, l'éthique, les responsables de l'éthique pour les journalistes aient du travail à faire, mais on ne le contrôle pas, ça. On peut espérer qu'ils vont embarquer et les encourager, mais je ne pense pas qu'on puisse réglementer là-dessus. En tout cas, bravo si vous êtes capables, mais je ne le vois pas.

Mais il y a la réaction des gens. Les médias écrivent ce que les gens veulent lire parce que les médias sont là pour faire une piastre. Ce n'est pas compliqué, là. Donc, si, les gens, par ignorance, on est capable de leur en passer une vite qui est spectaculaire, bien, regarde, là, ça va vendre des journaux. Tu peux mettre en première page qu'il y a des Noirs qui ont été battus, ou des femmes noires, ou des femmes enceintes noires, c'est encore plus spectaculaire. Là, ça va se vendre, c'est bien sûr, là, c'est ça que les gens veulent lire.

Mais c'est à nous de corriger l'ignorance et de s'assurer qu'il va y avoir autant de lettres au lecteur... Malgré que ça peut être une source de revenus aussi de dire: Si tout le monde réagit, puis on a 100 000 réponses au lecteur, ça veut dire qu'on a bien fait de publier l'article. Mais il y a une façon de dire que, la population, ce qu'elle recherche, c'est ce qui est correct, c'est de la bonne information, de l'information crédible puis de l'information qui montre que même les journaux sont capables de faire la promotion de la diversité. On ne voit plus si souvent que ça des articles qui vont dénigrer les personnes handicapées, ou les femmes, ou les homosexuels, ou les aînés. Tu sais, on n'en voit... Pourquoi? Parce que la société est rendue qu'elle ne tolère plus qu'on commence à parler en mal de certaines diversités. C'est juste qu'on en ajoute pour toutes les avoir.

Mme Thériault: Je suis contente de vous entendre que vous avez décidé d'agir, que vous ne vous êtes pas fiés sur eux pour rapporter les choses parce qu'effectivement, malheureusement, quand il y a des bonnes choses qui se font, ce n'est pas ça qui fait la une des nouvelles, vous avez tout à fait raison. Ça a toujours été, hein? Le Journal de Montréal, pourquoi il s'appelle Le Journal de Montréal et il est si populaire que ça? Tout le monde sait que, M. Péladeau, ce qui a fait son succès, c'est les trois X... c'est les trois S: le sale, le sexe et le sport, évidemment qui est très sensationnel. Donc, évidemment, c'est sûr que, je pense, ce n'est pas des choses qui peuvent se changer du jour au lendemain.

n(17 heures)n

Mais je pense qu'on a quand même la possibilité d'ouvrir des ponts de discussion avec les journalistes. Je sais que, nous, au ministère, on travaille, maintenant depuis deux ans, avec Télé-Québec, dans un événement qui s'appelle Télédiversité, où on invite justement les journalistes à venir nous rencontrer pour démystifier certaines communautés. Je sais que la dernière rencontre qu'on a faite au printemps, on a travaillé nommément sur la perception des gens de la communauté musulmane, de l'impact que ça pouvait avoir dans la population en général. Donc, c'est sûr que les médias, les journalistes qui se sentent interpellés par la question, ça permet d'avoir un autre côté de la médaille, si vous voulez. Mais il y a du travail qui se fait. Mais c'est évident qu'on voudrait certainement tous être capables de contrôler ce qui va s'écrire dans les médias, hein, mais ce n'est pas de même que ça marche, ça a l'air, puis c'est bien correct aussi.

Je pense que ce n'est pas de contrôler, mais de s'assurer que l'information qui est publiée est la plus juste possible pour qu'on puisse voir justement les deux côtés de la médaille et non pas juste un côté, parce que malheureusement, il faut le dire, les gens sont influencés par ce qu'ils lisent, ce qu'ils voient et ce qu'ils entendent. Donc, effectivement, quand on va rapporter une chose seulement, avec juste un côté de la médaille, là on risque d'entretenir des préjugés puis de les renforcer, et ça, c'est dangereux parce que ça, ça peut mener sur de la discrimination. Un parent qui va dire à un enfant: Regarde, c'est écrit dans le journal, je te l'avais dit, bien ça a une influence, là, tu sais. Donc, c'est sûr qu'on est conscients que c'est une question qui est sensible, puisque ça a été relevé beaucoup dans nos choses. Est-ce qu'il reste du temps?

Le Président (M. Moreau): Oui, il vous reste trois minutes.

Mme Thériault: Trois minutes. Bon, j'ai le député de Montmorency qui voulait faire une intervention. Donc, je vais lui laisser la parole.

Le Président (M. Moreau): Alors, M. le député de Montmorency.

Mme Thériault: Je m'excuse pour le trois minutes.

M. Bernier: Je vous écoutais avec sagesse, Mme la ministre, dans votre présentation, fort intéressante d'ailleurs, en ce qui regarde les médias. Mais, comme vous le mentionnez, les deux côtés de la médaille sont importants. Il y a une façon de présenter la nouvelle, et je pense, et je crois également qu'en ce qui regarde ce qu'on appelle les quotidiens locaux ils ont une certaine importance pour qu'ils puissent faire valoir, parce que localement... comme, on voit, chez vous, vous travaillez beaucoup localement par rapport à votre collectivité, et faire valoir ces personnes-là, faire valoir les bons coups et être capables de faire les reportages en conséquence.

Je veux juste revenir au travail que vous faites au niveau municipal. Bon, la ville de Sherbrooke, c'est quand même une ville d'importance. Québec, Montréal, bon, Drummondville, ce sont toutes des villes d'importance. Mais, quand on vient dans des municipalités de plus petite taille, bien là les moyens, les capacités sont différents. Donc, il y a également un rôle de politicien local ? parce que, cher collègue, vous êtes un collègue au niveau... quand même vous êtes un élu. Donc, moi, je travaille beaucoup avec mes collègues les maires, et les élus municipaux, et les conseillers, et c'est à ceux-ci à porter la nouvelle dans bien des cas, parce que les fonctionnaires sont limités au strict minimum. Donc, ces gens-là ont besoin d'information et de formation, O.K.?

Est-ce que la ville de Sherbrooke participe lors de congrès? On sait que, cette fin de semaine ? sans faire de publicité ? il y a un congrès important, au niveau des municipalités, qui a lieu ici, à Québec. Est-ce que vous participez à des séances de travail, séances d'information pour aider justement le monde municipal, où on trouve moins de capacités au niveau ressources pour aider les élus dans cette approche?

M. Boisvert (Pierre): Je ne sais pas à quoi vous faites référence quant à la fin de semaine. Je sais que notre maire étant président de l'Union des municipalités du Québec, s'il y a quelque chose qui se fait, il est normalement très bien informé. Mais c'est un des commentaires que j'avais fait justement à Mme Thériault, quand j'avais dit qu'il nous manque peut-être... Comme il existe dans d'autres domaines, que ce soit l'urbanisme, que ce soit l'environnement, que ce soit la famille, il y a des organismes provinciaux qui justement aident les gens à comparer ce qu'ils font, mais aussi à nous dire qu'est-ce qui se fait de nouveau, et surtout, dans le cas de la famille, à donner une nouvelle énergie aux responsables des questions famille. Mais il devrait y avoir la même chose pour la question de la diversité puis de l'immigration en particulier, et, si vous connaissez un organisme, bien vous en connaissez plus que moi, parce que je n'en connais aucun. Et, oui, ça va être différent si on vient de Montréal, Québec, Sherbrooke, j'en suis conscient, mais il y a quand même des choses qui sont semblables. La diversité, c'est la diversité, et, les bons conférenciers, bien on se les arrache, ça, c'est sûr. Mais, si vous en connaissez, ça va nous faire plaisir de...

M. Bernier: ...la Fédération des municipalités du Québec qui tient son congrès en fin de semaine, ici, à Québec.

M. Boisvert (Pierre): O.K., oui. L'autre fédération.

M. Bernier: L'autre fédération.

Le Président (M. Moreau): Merci, M. Boisvert. Ah! c'est ça, c'est le dialogue interculturel entre les deux unions municipales.

M. Boisvert (Pierre): C'est ça.

Le Président (M. Moreau): La Commission de la culture, ça sert à tout, vous savez. Vous avez même un de vos élus qui est... un de vos commettants qui est derrière vous, de Sherbrooke.

Alors, pour un dernier bloc d'échange de sept minutes, je reconnais maintenant notre collègue le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, madame, bonjour, monsieur. Évidemment, c'est avec beaucoup d'intérêt que j'ai écouté ce que vous nous avez dit et que j'ai lu aussi votre document. J'ai deux questions à vous poser et je vais essayer d'aller rapidement dans les questions parce que, si ça va vite dans la réponse à la première, j'aurai le temps de poser la deuxième.

Alors, la question. Ma perception, c'est que le message global que vous nous envoyez, c'est que l'efficacité de tout ce qu'on entreprend ou de la politique à venir sera plus grande si on centre l'action sur la promotion de la diversité, la question du racisme arrivant comme soit un corollaire ou une conséquence qui viendra ou une caractéristique des conséquences de cette promotion de la diversité. Évidemment, je suis à l'aise avec cette perception-là, mais est-ce que j'ai bien compris?

M. Boisvert (Pierre): Vous avez très bien compris.

M. Dion: Merci. Alors, j'ai une deuxième question, la deuxième va être un peu plus complexe à répondre. Vous parlez beaucoup de la consolidation... de la promotion de la diversité, et on entend toutes sortes de choses par rapport à la réalité de l'immigration au Québec. On entend toutes sortes d'expressions comme: les communautés culturelles, les communautés ethniques, les communautés racisées, ou je ne sais pas trop quoi, beaucoup de choses, les groupes culturels. Alors, peut-on voir, penser en même temps la promotion de la diversité et en même temps doit-on affirmer... Est-ce que ça veut dire qu'on affirme et on consolide l'existence de groupes culturels, avec le danger d'un confinement éventuel et d'une ghettoïsation, ou s'il faut plutôt consolider, travailler à consolider l'identification à la société québécoise? Y a-t-il une contradiction entre les deux? Qu'est-ce que vous pourriez nous dire là-dessus?

M. Boisvert (Pierre): Oui puis non. On nous a dit que la communauté québécoise, en tout cas c'est comme ça que c'est perçu à Sherbrooke, on voulait intégrer et non pas assimiler. Donc, si vous voulez assimiler, bien tout le monde doit ressembler au modèle québécois; si vous voulez intégrer, bien chacun met de l'eau dans son vin. Et c'est comme ça qu'on peut avoir des supermarchés avec beaucoup plus de diversité qu'on n'a jamais eue depuis les 30 dernières années et c'est comme ça qu'on peut avoir toutes sortes de modèles, que ce soient des modèles de consommation ? on est bien forts là-dessus en Amérique du Nord ? ou simplement des modèles de musique, des modèles de culture, des modèles de diversité que la plupart des gens aujourd'hui trouveraient difficiles de délaisser.

Donc, oui, on a changé, on a changé selon moi pour le mieux. Seulement pour le mieux, c'est impossible, il y a toujours des effets négatifs à tout ce qu'on fait. Mais, moi, je pense que, quand vous avez énuméré communautés culturelles, etc., il y avait aussi une appellation Québécois de souche. Regarde, c'est toutes des appellations. On va être obligés de vivre avec parce que, tant qu'on ne trouvera pas de plus «politically correct», on va prendre ceux-là. Mais la personne qui arrive nécessairement s'adapte à une grosse partie de notre culture, et, si elle apporte des choses qui sont intéressantes aux gens qui l'entourent, bien ce qu'elle apporte, les gens vont le prendre aussi. Chez nous, on joue à la pétanque. Regarde, quand j'étais jeune, je ne connaissais même pas ça, là. C'est parce que le voisin est Français. Bon, bien, tu sais, c'est correct, on aime ça, c'est une occasion de se réunir, et la pétanque, c'est une excuse. Ce n'est pas grave qu'est-ce qu'on fait. Avant ça, on jouait aux fers, par exemple. Mais, bon, c'est un petit peu plus compliqué, j'imagine, c'est plus facile de jouer à la pétanque de façon mixte qu'aux fers.

M. Dion: Quand il s'agit des personnes individuelles de tel ou tel pays, ou de telle ou telle culture, ou de telle ou telle langue, ça ne pose pas de problème. La question: Est-ce que... et j'aimerais peut-être... Je ne sais pas, il n'y a peut-être pas de réponse à ma question, vous savez, hein, mais est-ce qu'il y a intérêt à consolider les groupes culturels en tant que tels, à leur donner, je ne sais pas, certaines reconnaissances formelles, et tout ça? La question est un peu là, quand on regarde à moyen et à long terme. Ça ne veut pas dire ne pas respecter les gens, mais...

M. Boisvert (Pierre): Moi, je n'ai pas de problème au fait que les gens s'expriment. On a une communauté serbe chez nous qui ont un club, et qui se réunissent, et qui ont gardé... D'ailleurs, leurs jeunes font des danses folkloriques, puis, pour la quantité de Serbes qu'il y a là, c'est remarquable ce qu'ils font avec leurs jeunes. On a commencé le soccer. Est-ce que c'est parce qu'on a consolidé certaines communautés ou d'autres? Avant ça, c'était le baseball à Sherbrooke. Là, on est obligés de tout transformer nos terrains. Mais c'est correct, c'est bien. Est-ce que c'est parce que...

n(17 h 10)n

On ne veut pas consolider pour enraciner, on veut consolider pour que l'expression de la culture soit une expression vraie et non pas plastique. On veut consolider parce qu'on est conscients que, la richesse, on ne veut pas la perdre, un peu comme quand on crée des musées ou d'autres installations. Mais tout est dans l'intention. Si, dans ce cas-là, c'est pour que la culture vienne nous enrichir davantage, oui, on va consolider. Si c'est pour créer des ghettos, bien, non, on ne le fera pas. Je ne sais pas comment...

M. Dion: Merci beaucoup. Ça répond à mes questions. Merci, monsieur.

Le Président (M. Moreau): Mme la députée de Terrebonne, il vous reste 1 min 15 s environ.

Mme Caron: Parfait. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, merci beaucoup de votre présentation, puis surtout félicitations pour la mise en place, en 2007, de votre politique d'accueil, d'intégration des personnes immigrantes.

Moi, je vais revenir à une de vos recommandations. En page 18, vous parlez de l'importance des indicateurs de mesure. Il est bien évident que tout plan d'action devra avoir des indicateurs pour qu'on puisse avoir une reddition de comptes puis qu'on ait des mécanismes pour mesurer les résultats. De votre côté, pour mettre en place votre politique, est-ce que vous vous êtes donné aussi des indicateurs? Vous avez parlé d'un indicateur au niveau de la fonction publique, du côté municipal, mais est-ce que vous vous êtes donné des indicateurs pour chacun des actes, chacune des orientations?

M. Boisvert (Pierre): Oui, et c'est assez facile à calculer aussi. Il y en a qui ne peuvent pas le calculer, mais il y en a beaucoup, comme l'effet... mais le 6 %, c'est très important dans les ressources humaines puis, Mme Pillette en parlait, c'est énorme comme commande. Moi, je pense qu'on n'y arrivera pas, mais, si on arrive à 5,5 %, qui va se plaindre, tu sais, si on n'arrive pas à 6 %? C'est pour ça que je dis: Ce n'est pas grave si on est ambitieux, l'important, c'est de le faire et d'aller aussi loin que ça. Mais c'est la même chose, les cours, les sessions de formation qui sont données, ça ne va pas aller en diminuant et ça va couvrir de plus en plus de notre personnel. La politique vise d'abord l'appareil gouvernemental parce que c'est sur celui-là qu'on peut influencer davantage, mais on va essayer de mesurer... Si Statistique Canada peut nous donner les résultats de l'enquête qu'ils ont menée cet été avant 2009, on va peut-être pouvoir dire si on peut s'améliorer. Par exemple, sur l'emploi, s'il y a plus de personnes issues de l'immigration qui ont réussi... J'ai oublié de le mentionner tantôt, mais on a eu un film qui a été tourné à Sherbrooke pendant sept ans, Les Élias et les Petrov...

Le Président (M. Moreau): En conclusion, M. Boisvert, parce que mes statistiques m'indiquent que notre temps est écoulé.

M. Boisvert (Pierre): Oui. Bien, il nous disait que le problème, ce n'était pas d'être bien reçu chez nous, c'est: tant qu'il n'y aura pas d'intégration économique, il n'y aura pas d'intégration. Donc, tout ce que vous faites, nous, il faut qu'on mesure ça, entre autres l'intégration économique, mais il y a beaucoup d'autres possibilités ou nombre d'événements.

Le Président (M. Moreau): Merci beaucoup, M. Boisvert, Mme Pillette. Je suspends nos travaux. Je remercie les représentants de la ville de Sherbrooke et j'inviterais dès à présent le Congrès juif canadien à bien vouloir prendre place, puisque, dès la reprise, nous les entendrons.

(Suspension de la séance à 17 h 13)

 

(Reprise à 17 h 15)

Le Président (M. Moreau): ...s'il vous plaît! Alors, nous allons reprendre nos travaux. Je reçois maintenant... La commission reçoit maintenant les membres du Congrès juif canadien. Je vous invite à prendre place immédiatement et je vous rappelle que vous disposez de 20 minutes pour votre exposé, que cet exposé sera suivi d'une période d'échange avec les membres de la commission et que nous devrons ajourner nos travaux, tel que prévu, à 18 heures. Alors, sans plus tarder, je vous inviterais à vous présenter, présenter les gens qui vous accompagnent, et nous sommes disposés à vous écouter.

Congrès juif canadien (CJC)

M. Bergman (Michael): Merci beaucoup. Mme la ministre, M. le président de la commission, députés, mesdames messieurs. Je suis Me Michael Bergman. Je suis membre de l'exécutif du Congrès juif canadien, région de Québec. J'ai avec moi, à ma droite, notre président, Me Jeffrey Boro; l'autre côté, à sa droite, Mme Daria Kapnik; et notre directeur exécutif, Me Joachim Normand.

Merci pour la chance de vous présenter notre mémoire. La communauté juive était présente ici, dans le Québec, depuis presque 200 ans. Nous avons des racines profondes, nous sommes très branchés avec tous les aspects de la vie du Québec, soit la vie sociale, la vie politique, la vie d'affaires, les valeurs que nous avons ensemble parmi tous les Québécois et Québécoises. Mais malheureusement, depuis 200 ans, il reste toujours un antisémitisme ici, dans notre société, qui reste toujours puissant, qui reste toujours bien enraciné dans notre coutume, soit du Québec, même, en partie, partout en Amérique du Nord. Mais, pour nous, la communauté juive du Québec, nous pensons que, depuis les dernières années, il y a une résurgence de l'antisémitisme ici. Ce n'est pas un préjudice, la discrimination traditionnelle, c'est de plus en plus une question de l'image de l'exclusion sur la scène de débats publics. C'est l'exclusion d'une communauté qui est bien impliquée... qui sont des bâtisseurs du Québec.

Et comment, et pourquoi, qu'est-ce que c'est, les nouveaux faits qui ont donné ce monstre et un lot de souffrances? Je pense, premièrement, il y a une question que, malgré nos efforts et l'effort de la société québécoise d'intégrer tous les gens de n'importe quel antécédent, de n'importe quel héritage, il y a un échec important. De plus en plus, notre société québécoise est définie... est un défi par la présence de plus en plus des immigrants des communautés culturelles diverses, avec des coutumes diverses, avec des religions et des pratiques diverses qui ne sont pas liées avec la tradition chrétienne ou judéo-chrétienne, et je pense qu'il y a une réaction importante des Québécois et Québécoises à l'encontre de ce défi.

n(17 h 20)n

De plus en plus, nous trouvons, dans nos médias, que, chaque fois qu'il y a un événement, ou une crise, ou quelque chose qui implique les Juifs, soit l'affaire des écoles juives, soit l'affaire de CLSC pour les Juifs, soit l'affaire de d'autres choses, soit le Moyen-Orient, on a soudainement une grande présence dans les médias d'une image d'une communauté qui est exclusive, qui semblait être à la marge du Québec, qui semblait être, d'après la vieille terminologie, une communauté qui justifiait sa présence ou un certain contrôle depuis les fantaisies des antisémites.

Il faut combattre le racisme et la discrimination. Mais les mots, les débats, les discours, les considérations, comme cette consultation aujourd'hui, même s'ils sont bel et bien importants ? il faut avoir toujours un débat, un discours et une intimité entre les gens ? mais il faut passer des paroles à l'action. Ce n'est pas la première fois que nous avons déposé un mémoire devant cette commission. Ce n'est pas la première fois qu'il y a une consultation avec les mêmes thèmes, grosso modo, comme vous avez aujourd'hui et dans les prochains jours. Il y a, année par année, dessiné pour dessiné, le même genre de processus. Même parmi nous ? et, moi, j'étais président d'un comité, en commission, pour faire notre mémoire ? il y a des gens qui m'ont dit: Pourquoi faire ça? C'est inutile. Nous avons déjà déposé maintes fois des mémoires avec les mêmes thèmes, avec les mêmes recommandations, grosso modo, qu'est-ce c'est, la différence aujourd'hui? Et pour de plus en plus de nos membres de la communauté juive et, je pense, aussi parmi toutes les communautés culturelles... Et les mots communautés culturelles, je pense, sont mal faits, parce que nous sommes vraiment, tous et toutes, des Québécois, Québécoises. Quand on dit: Il y a des communautés culturelles, ça veut dire qu'il existe des Québécois et d'autres gens qui sont des Québécois avec un adjectif, et ce n'est pas ça. Ça, c'est le mur qu'on construit, qui scie en deux notre société.

Il faut passer à l'action. Premièrement, où sont tous les membres des communautés minoritaires parmi nous, ici, dans cet édifice? Il n'y en a pas beaucoup. Même dans les instances politiques, municipales, fédérales, n'importe quel niveau, il n'y en a pas beaucoup. Si on veut rassembler tout le monde québécois, il faut avoir des leaders qui siègent parmi vous. Dans cet édifice parlementaire, qui est vraiment la colonne de notre vie politique de Québec, où sont les communautés minoritaires? Où sont les communautés minoritaires dans la fonction publique? Ça, c'est un grand débat.

Chaque gouvernement promet la même chose. Chaque gouvernement, soit le PLQ soit PQ, dit: Il faut améliorer, augmenter le nombre des communautés minoritaires parmi la fonction publique du Québec, ne serait-ce toujours d'accroître 2 %, 3 %. C'est de même depuis 30 ans, 40 ans qu'on dit la même chose. Comment voulez-vous que les Québécois des communautés minoritaires pourraient participer dans la vie du Québec? Et comment on pourrait avoir les Québécois majoritaires pour comprendre les minoritaires s'il n'y a pas de gens quand on frappe à la porte d'Emploi-Québec ou de la Société de l'assurance automobile du Québec? Ça, c'est la première porte régulière qui branche les citoyens et notre encadrement social politique. Mais toujours il n'y a rien.

Comment peut-on avoir un premier pas contre l'intégration si nous avons des leaders politiques qui marchent dans une affaire de politique étrangère avec le drapeau du Hezbollah, dans les rues de Montréal? Qu'est-ce que c'est, le message pour les Québécois, Québécoises qui ne comprennent pas ces choses? Qu'est-ce que c'est, le message quand on lit, dans un autre journal, La Presse, un très grand sondage international, qu'entre 47 % et 60 % des Québécois sont opposés qu'on ait un prof, dans une école, qui porte soit une kippa, soit un hidjab, soit un turban, soit d'autre chose? Qu'est-ce que c'est, le message? Si nous ne sommes pas prudents, on peut glisser facilement sur la fameuse banane, vers les problèmes de l'Europe et même de la France, parce que, s'il n'existe pas d'intégration et un niveau de confort pour les communautés minoritaires, qu'est-ce qu'on peut faire?

Nous avons ici, au Québec, une politique importante, c'est d'avoir des immigrants qui parlent français. Ça, c'est un atout important. Pas question. Mais est-ce un atout d'avoir juste des immigrants qui parlent français ou des immigrants qui peuvent participer, avec nos valeurs, dans notre société, comme des pleins membres de cette société? Mais ça, c'est un atout que nous n'avons pas jusqu'à maintenant, que nous n'avons pas réussi.

Quand j'ai vu les médias québécois dans les derniers mois, nous avons, jour par jour, sur la première page, toutes les photos, tous les articles, c'est les affaires du Moyen-Orient. C'est vrai, c'est important pour nos médias de faire un reportage sur ces choses. Mais, de plus en plus, ces reportages semblent n'être pas nécessairement un reportage sur le Moyen-Orient et les politiques très compliquées et très difficiles, mais un reportage sur le fait qu'il existe une culture ou une communauté juive qui semble être contre le monde, qui implique d'autres communautés juives ici, au Québec, sans distinction qu'il existe une politique étrangère et d'autre chose ici, parmi nous.

Nous, nous n'avons pas importé les problèmes et les conflits internationaux soit ici, au Québec, même au Canada. Le fait que Québec est une région, une terre paisible et peut-être passive, ça, c'est une bonne chose. Sauf que, si nous voulons caractériser une communauté aussi, parmi nous, comme des agresseurs, ça, c'est autre chose. Ce n'est pas une grande surprise qu'il y a un sondage qui dit: Si on a un prof qui porte la kippa ? qui est le petit chapeau des Juifs religieux ? presque 50 personnes, la moitié des gens sondés, disent: Je suis opposé à ça. Mon fils puis ma petite fille, je ne veux pas exposer mes jeunes à ces choses. Où est le message?

n(17 h 30)n

C'est pourquoi une de nos recommandations, c'est d'avoir une résolution de cette Assemblée contre toute forme de racisme, de discrimination, d'antisémitisme, de discrimination contre les musulmans, les minorités visibles. Il faut faire un premier pas qui est une démonstration, pour tout le Québec, que les instances officielles et leaders du Québec sont opposés à la discrimination, que nous sommes une grande famille malgré notre héritage qui pourrait être différent, malgré les questions de religion, malgré la politique étrangère. Je doute que, si on passe, par voyage, en région de Québec, et je n'aime pas les mots «région de Québec» parce que pour moi il n'y a pas une grande distinction entre la métropole de Montréal et les autres parties du Québec, mais, si on passe par cette région, je doute qu'il y ait beaucoup de gens qui comprennent très bien qu'est-ce que c'est, un Juif, qu'est-ce que c'est, un musulman, qu'est-ce que c'est, un Noir, qu'est-ce que c'est, un Chinois, d'où provient l'instruction de ces gens. C'est des images dans la télé, et franchement les images dans la télé sont de plus en plus négatives. Avec les Juifs, on répète les mêmes fantaisies qui existaient dans les années vingt, ou trente, ou quarante, qu'il y a des gens avec beaucoup d'argent, beaucoup de quelque chose.

Il faut passer à l'action, sinon d'où provient notre société québécoise? Je sais, pour les plus grands leaders du Québec, l'aspect le plus important, c'est l'avenir du Québec comme une région, comme une terre, comme un coeur, comme un Français en Amérique du Nord. Ça, c'est vrai. Ça, c'est une attitude qu'on peut prendre pour acquis. Mais il y a une deuxième priorité: Où allez-vous s'il y a toujours des distinctions entre les Québécois? Qu'est-ce que c'est, les valeurs fondamentales du Québec? C'est vrai, c'est la démocratie, c'est la liberté, mais ça, c'est des thèmes généraux. Les valeurs du Québec, le respect, je le trouve moi-même parmi mes voyages, et je suis né au Québec. Mes très grands-parents sont arrivés ici, dans la ville de Québec, en 1840... 14. J'ai des racines très profondes. Mais, si nous ne sommes pas une famille parce que la marque de commerce du Québec: Québec est une famille, une grande famille. Nous vivons dans un grand village. Nos portes sont ouvertes. Notre âme, c'est l'âme de tous nos participants qui ont choisi d'être Québécois, qui ont choisi d'être ici, qui ont choisi de vivre dans le milieu français et francophone avec des valeurs importantes. Je n'ai aucun problème de vous dire: S'il y a aujourd'hui... l'année 1800, je pourrais être peut-être un voyageur ou peut-être un coureur des bois. Peut-être ce serait intéressant pour moi parce que je n'ai aucune idée comment on peut... tu sais, avec un canot... Ça, c'est une autre chose. Mais c'est ça, la priorité pour les leaders et les Québécois parce que sinon...

La France semble être un extrême, et peut-être c'est vrai, mais qui a causé cet extrémisme à la France? C'est l'exclusion, c'est l'idée qu'on puisse faire des critiques et laisser des communautés minoritaires à la marge de notre société, que nous pouvons faire des symboles négatifs des gens parce que nous ne comprenons pas qu'est-ce que c'est. Il faut passer à l'action. Merci.

Le Président (M. Brodeur): Il vous reste une minute, si vous voulez compléter. Parfait. On peut passer immédiatement à la période d'échange avec les membres de la commission. Donc, Mme la ministre.

Mme Thériault: Oui, merci, M. le Président. Merci, M. Moro, M. Normand, M. Bergman, Mme Kapnik, d'être ici, avec nous, aujourd'hui. M. Moro, salutations. Ça fait longtemps que je ne vous avais pas vu, il me fait plaisir de vous revoir.

M. Bergman, j'ai écouté avec beaucoup, beaucoup d'attention ce que vous nous avez dit, évidemment comme tous les parlementaires qui sont ici, et j'aurais certainement plusieurs commentaires à faire lorsque vous remettez en cause la volonté politique finalement, lorsque vous dites: Bien, il est temps d'agir. Moi, je pense que, si on est ici, c'est justement parce qu'on veut réellement passer de la parole aux actes.

Dans le document de consultation que nous avons mis en circulation, il est important pour nous d'interpeller tous les acteurs de la société civile, mais vous remarquerez que le gouvernement aussi est interpellé lorsqu'on parle d'intégrer la pluralité à l'intérieur de nos services publics, lorsqu'on parle de se doter d'une politique gouvernementale, donc, ce qui veut dire, qui interpelle tous les ministères pour lutter contre le racisme et la discrimination.

Vous avez dit au début de votre intervention que ce n'est pas la première fois que vous venez en commission. Moi, j'aimerais vous dire que c'est la première fois qu'il y a un gouvernement qui va aussi loin dans l'histoire du Québec, de doter le Québec d'une politique pour lutter contre la discrimination et le racisme, qui sera assortie d'un plan d'action, non seulement dans l'histoire du Québec, mais dans l'histoire du Canada aussi. Et sachez qu'il y a peu de pays dans le monde qui se sont dotés d'une telle politique. Donc, je crois qu'on est rendus réellement à une autre étape. Dans le document de consultation, on faisait état des différentes étapes qui nous amenaient à aujourd'hui, je crois qu'il y a importance de le faire. Bon, vous avez parlé de ce qui se passe en France par rapport à ici. Vous avez parlé des Québécois, que nous sommes tous des Québécois, je suis d'accord avec vous, nous sommes tous des Québécois. Mais, de l'autre côté, il faut être réalistes aussi, il y a des Québécois qui sont ici, peu importe que ce soient des immigrants ou des jeunes de deuxième et troisième génération, qui font face à certaines difficultés de par la couleur de leur peau, leurs origines, et ça, c'est problématique et ça va devenir encore plus problématique si on ne fait rien maintenant pour régler cette situation-là.

Dans votre présentation aussi, vous avez parlé de la volonté politique et où sont les gens qui représentent la communauté. Si vous étiez passé ce matin, vous auriez vu notre collègue la députée de Nelligan qui était ici, qui, comme vous le savez, est de la communauté noire anglophone. Nous avons eu pendant de longues années Christos Sirros avec nous, qui était de la communauté grecque. Nous avons deux députés dans notre équipe qui sont d'origine italienne, que ce soit le député de Viau ou le député de LaFontaine. Il y a évidemment notre collègue de D'Arcy-McGee, qui est membre de votre communauté. Dans la communauté arabe, nous avons notre députée de La Pinière ainsi que le député de Louis-Hébert. Et nous avons un autre député qui est né en France, celui-là, le député de Verdun. Donc, vous comprendrez que, de notre côté, nous sommes 71, 72 députés dans notre équipe, on a sept députés qui sont issus d'une autre communauté. Pour nous, ça fait un score de 10 %. Peut-être qu'on peut en avoir plus, j'en conviens, je suis d'accord avec vous, mais présentement on ne peut pas dire qu'on ne donne pas l'exemple et qu'on ne veut pas intégrer dans notre équipe quand, de tout temps, le Parti libéral du Québec a toujours fait une place et consacré une place aux différentes communautés à l'intérieur de ses équipes.

Vous avez parlé... Dans les sous-ministres, j'ai eu le plaisir de nommer la première femme sous-ministre d'origine haïtienne qui dirige mon ministère, Mme Alcindor. Dans la fonction publique, lorsqu'on est arrivés, au niveau de l'engagement, O.K., parce que c'est sûr que le taux de représentativité dans la fonction publique, c'est un chiffre, mais tu as aussi les postes qui sont comblés à chaque année, le taux d'engagement dans la fonction publique entre 2003 et 2006, le printemps 2006, est passé de 4 % à 14 %, parce que la présidente du Conseil du trésor veille au grain lorsqu'il est temps de remplacer les postes dans la fonction publique dans un contexte où on remplace un poste sur la fonction publique sur deux seulement.

Et, avant de terminer et de vous envoyer la question, j'aimerais attirer votre attention à la page 4 de votre mémoire, le dernier paragraphe, en bas. Vous avez écrit: «Au cours d'une réunion entre l'honorable Lise Thériault, le président du Congrès juif canadien, région du Québec, le président du Congrès national des Italo-Canadiens et des représentants des communautés sikhes, ce prétexte a été invoqué pour justifier l'absence notoire dans les cours provinciales de juges issus de minorités culturelles.» Juste auparavant, vous dites: «Trop souvent, le gouvernement tente de faire porter aux minorités elles-mêmes la responsabilité de l'échec de la mise en oeuvre de ses politiques. Le manque de candidats qualifiés issus des minorités [visibles] semble être le prétexte de prédilection des gouvernements.»

n(17 h 40)n

Je voudrais juste, pour bien mettre les choses en contexte, rappeler que, lors de cette fameuse rencontre là, il n'y avait pas seulement que les trois représentants qui sont nommés dans le mémoire, mais qu'il y avait plutôt 35 représentants de différentes communautés, c'était 35 leaders des différentes communautés culturelles. Je venais d'arriver en poste. Et je suis désolée si mes propos vous ont laissé cette impression-là, et je pense que c'est important de corriger le tir. Je n'ai jamais voulu dire que vous n'étiez pas qualifié, au contraire, sauf qu'il faut quand même être conscient que les compétences des gens, c'est un critère qui sera toujours décisionnel.

Nous sommes les premiers à dire que nous devons avoir, dans notre fonction publique, plus de diversité. C'est écrit noir sur blanc dans le document de consultation. Donc, je pense qu'il y a un mea culpa qui est fait là. Ce n'est pas notre gouvernement plus que le gouvernement précédent ou tous les gouvernements confondus dans les 50 dernières années. Je crois qu'en 2006 on est rendu à faire un débat de société sur la place de tous les Québécois, mais il y a, il y a, et il faut le dire, il y a des lacunes, et il y a malheureusement, dans le système, des choses qui ne fonctionnent pas. C'est pour ça que, dans le document, on a parlé de discrimination systémique. Est-ce qu'il y a des choses, est-ce qu'il y a des procédures, à certains endroits, qui font qu'il y a de la discrimination systémique? Probablement. Et c'est pour ça qu'on veut se doter d'une politique, pour obliger toutes les composantes du gouvernement, toutes les composantes de la société à faire en sorte qu'on puisse éliminer cet état de fait qu'on vit aujourd'hui. Mais je veux vous rassurer, il n'est aucunement question ici de faire deux types de citoyens, puis d'avoir des citoyens québécois puis des citoyens de seconde zone, mais force est de constater qu'il y a certaines problématiques qui sont vécues par des communautés, notamment les minorités visibles: le taux de chômage, les chiffres parlent d'eux-mêmes. Donc, on doit dire: Bien, il y a quelque chose qui ne marche pas quelque part dans notre société.

J'aimerais peut-être vous entendre sur la motion que vous parlez parce que... Bon, je comprends bien que nous pourrions faire une motion à l'Assemblée nationale pour justement éliminer toute la... pour condamner explicitement l'antisémitisme, le racisme, l'islamophobie et les autres manifestations d'intolérance à l'endroit d'individus, et ce, indépendamment de leur origine ethnique, leur couleur, le sexe, la religion, l'orientation, etc. Je comprends la motion, mais il y a déjà une motion qui existe, au mois de mars, où on condamne déjà toute forme de discrimination. Il me semble qu'une politique de lutte gouvernementale assortie d'un plan d'action, c'est beaucoup plus fort et ça va beaucoup plus loin qu'une motion. J'aimerais vous entendre à ce sujet. Et je m'excuse si le préambule a été long, mais il m'apparaissait important de faire...

M. Bergman (Michael): Je ne nie pas que, vous, les députés sont de bonne foi, et c'est certain qu'on peut dire qu'il y a un ou deux, ou quatre ou cinq, ou six ou 10 des députés qui sont d'origine des communautés culturelles. Mais, devant la face publique, devant les Québécois, devant l'audience des journaux, où est l'image du Québec comme une société qui rassemble tous les gens de n'importe quel héritage? Il n'y a presque rien.

Si vous voulez faire quelque chose, il faut commencer avec, oui, une motion. Deuxièmement, je pense, d'après ce qu'on comprend de votre ministre, vous avez besoin de beaucoup plus d'argent. Où sont les budgets pour votre ministre? Vous avez dollar par dollar, piastre par piastre, vous n'avez presque rien. J'imagine que les frais de cette consultation, si c'est lié avec votre ministre, va déborder complètement votre budget.

Mme Thériault: Non, c'est assumé par l'Assemblée nationale.

M. Bergman (Michael): Heureusement. Vous avez une politique, et, quand je dis «vous», je dis...

Mme Thériault: Le gouvernement.

M. Bergman (Michael): ...tous les députés... Affichez, vous, cette politique dans chaque école, dans chaque institution publique; assurez que vos fonctionnaires comprennent bien cette politique. Ça, c'est les vrais premiers pas pour une vraie politique contre la discrimination et le racisme. Où est l'implication de nos communautés visibles, minoritaires, dans les médias? Où sont les ministres pour dire que les profs, n'importe s'ils sont des profs laïques, avec une kippa, avec un hidjab, avec un turban, avec n'importe quoi pour enseigner dans nos écoles? Où est ça? Ce leadership, il faut en faire la démonstration, parce que je n'ai aucun doute qu'au fond les Québécois sont ouverts. Mais ouverts à quoi? Il faut comprendre qu'est-ce que c'est l'ouverture pour ouvrir la porte qui est présente devant nous. Et il y a l'absence quasi totale, sauf des annonces intéressantes.

Pour la communauté juive, l'affaire des écoles juives, on trouve une foule de caricatures dans La Presse, Le Journal de Montréal, n'importe, Le Soleil, contre la communauté juive. Souvenez-vous, et quelqu'un m'a dit aujourd'hui que, si on entre les mots, «l'affaire des écoles juives» dans l'Internet, on peut avoir peut-être une centaine de réponses immédiates, et il semble que même il y a des débats qui n'ont rien à faire avec les écoles juives, qui impliquent les écoles juives, comme exemple. C'est quelque chose. Qu'est-ce que c'est, le message? L'affaire des écoles juives, ce n'est pas une affaire d'écoles juives, c'est la question de financement des écoles privées religieuses qui implique n'importe qui, soit catholique, juif, musulman, etc. Mais qu'est-ce que c'est, le message, si on parle toujours des Juifs, des Juifs, des Juifs? Ça veut dire... Pour la plupart des Québécois, un Juif, ça, c'est un gars qui est à la marge de notre société, qui cherche des choses mystères. Ça, c'est des images qui proviennent des années trente, que, moi, je pensais qu'elles sont presque caduques, parmi mes voisins, et ma ville, et ma société, mais semblait soudainement trouver ses racines. Ça, c'est la réalité. Les beaux mots, les mots merveilleux, ça, c'est important, mais ce n'est pas le règlement du dossier.

Mme Thériault: Non, je suis d'accord que les mots sont importants, mais je pense qu'on le constate, à peu près tous les groupes. En tout cas, cette semaine, on en a entendu parler, le groupe avant vous aussi, ils ont parlé beaucoup de la responsabilité des médias, définitivement, dans leur manière de couvrir, sauf que vous savez comme moi que les médias... qui peut dire aux médias quoi dire ou écrire? Et c'est malheureux parce qu'effectivement on aurait pu certainement choisir d'autres termes qui n'auraient pas contribué à stigmatiser notamment votre communauté. Je pense que je n'ai plus de temps, M. le Président, hein?

Le Président (M. Brodeur): Non, vous n'avez plus de temps.

Mme Thériault: Tout est passé?

Le Président (M. Brodeur): Tout est passé.

Mme Thériault: D'accord. Merci. Merci de votre présence.

Le Président (M. Brodeur): Donc, nous sommes maintenant à Mme la députée de Laurier-Dorion.

n(17 h 50)n

Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. M. Bergman, M. Moro, M. Normand et Mme Kapnik, bonjour. Merci d'être venus nous entretenir et du mémoire volumineux et bien documenté que vous nous avez soumis. Vous touchez des aspects fort importants. D'ailleurs, vous faites bien de mentionner que la communauté juive fait partie intrinsèque de l'histoire du Québec, puisque, depuis plus de 200 ans, elle oeuvre dans toutes les sphères: politique, sociale, économique, culturelle, et j'en passe. Et j'aime aussi votre optimisme tout de même, malgré ce que vous avez élaboré dans votre présentation et les aspects que l'on doit collectivement améliorer afin que tout le monde puisse trouver sa place dans cette société, puisse être assuré d'une pleine participation, votre optimisme à savoir que le peuple québécois en général, vous le percevez comme ouvert, et donc, finalement, on peut travailler ensemble à trouver des consensus puis arriver à un équilibre qui permet à tout le monde de bien s'épanouir.

Sur la fin de la discussion avec la ministre, vous parlez de l'usage des mots, qui est extrêmement important. Puis, dans votre troisième recommandation, puis vous en avez fait mention lors de votre présentation, vous parlez de l'importance du choix des mots, notamment de la nouvelle tendance, bon, Québécois issus de l'immigration ou communautés culturelles, et vous parlez de l'importance dans le fond d'être inclusif et d'appeler... dans le fond, de considérer tout le monde comme des Québécois, ce que je partage absolument comme propos. D'ailleurs, le précédent gouvernement avait essayé une méthode ou en tout cas une vision en changeant le nom et la mission du ministère, en l'appelant «Immigration et Relations avec les citoyens». C'était une option qui avait été mise de l'avant. Puis on continue, bon, d'évoluer.

Maintenant, je me demandais... Quand vous avez parlé, vous avez parlé de la majorité québécoise et de la minorité québécoise. Est-ce que c'est en ces termes-là qu'on devrait qualifier les minorités? En tout cas, je voudrais vous entendre sur les façons d'être le plus inclusif possible.

M. Bergman (Michael): Je sais qu'il y a une tendance importante de parler des minorités et je sais que, parmi nous, il y a une tendance de qualifier n'importe qui: soit il y a des anglophones, francophones, fédéralistes, souverainistes, Grecs, Italiens, quelque chose. Il semble que nous avons cette bizarre maladie que tout le monde doit avoir un nom spécial ou une qualification spéciale. Laissez tomber ces mots. Il y a juste des Québécois, point. L'importance de nos mots est... Il faut durcir le message: Il existe uniquement des Québécois, vraiment avec d'autres gens, des points de vue, d'héritages, n'importe quoi, mais il y a des Québécois, point. Aux États-Unis, une partie des Américains: espagnols, francophones, anglophones, c'est juste des Américains, point. Mais il faut avoir la même chose ici. Mais il faut dresser le bilan que, s'il existe une égalité parmi nous, même s'il y a une diversité de richesse, il faut dire: Toi, moi, nous sommes des Québécois.

Mme Lefebvre: Mais je partage même votre propos. Mais, à ce moment-là, comment on fait pour qualifier la spécificité? Ou on ne la qualifie pas du tout?

M. Bergman (Michael): Parce que nous avons tendance de parler de n'importe quel sujet, qu'il existe des gens qualifiés, il faut être très prudent avec ces mots. Je sais pourquoi il y a une telle tendance, parce que le fameux débat entre le Québec et le Canada, etc., mais ça, c'est une autre affaire. La question de l'encadrement, de structure, de: Qu'est-ce que c'est, le fédéralisme? Est-ce une bonne chose?, ça, ça n'a rien à faire avec le débat parmi nous. On parle parmi nous, nous sommes Québécois, et au fond il faut comprendre notre richesse, mais aussi le fait que, si quelqu'un porte une kippa, si quelqu'un porte un chapeau noir ou un habit noir ou pose des gestes religieux qui semblent être un peu étranges, ça, ça ne fait rien, parce que le Québec est capable de comprendre ces gens. Et, aujourd'hui, ce n'est pas nécessairement le cas. Moi, oui, je suis optimiste, mais je vous ai dit: S'il n'y a pas d'action qui commence aujourd'hui, s'il n'y a pas de démarche faite concrètement, notre avenir, c'est l'avenir de... France, et ça, c'est choquant, mais c'est vrai.

Mme Lefebvre: Bien, allez-y. Est-ce que vous vouliez prendre la parole? Non?

M. Boro (Jeffrey K.): Non, mais je peux ajouter parce que nous parlons de la lutte contre le racisme et la discrimination, nous parlons des groupes minoritaires. Mais il faut dire que ce qui se passe, là, mondialement, ça doit être une alerte pour nous, ici, dans la province de Québec. Il faut intégrer nos immigrants et il faut... Comme quelqu'un a dit, le monsieur de Sherbrooke, puis avant, ce n'est pas l'assimilation, mais c'est... parce que le problème des immigrants va devenir le problème de tout le Québec, dans le sens que... Si nous regardons peut-être à Montréal, le cas des personnes de peau noire, les jeunes entre l'âge de 18 et 30 ans, le taux de chômage est épouvantable, c'est au-delà de 30 %. Et vous ne pouvez pas me faire croire que ces gens-là ne sont pas aussi intelligents que nous autres, ne sont pas instruits comme nous autres, puis ils restent en chômage. Si nous ne faisons pas des efforts pour intégrer ces gens-là, pour les aider d'avoir des emplois, à un moment donné on va avoir des rébellions ici, et c'est grave. C'est ça que je pense. Je ne parle pas, là, du cas des Juifs puis je ne parle pas du cas des Chinois, je parle, là, de tous les Québécois qui sont mis à part, mis à côté et ne sont pas acceptés, on s'en va vers les problèmes sérieux. Et c'est pour ça que c'est très, très, très important, cette commission que vous avez ici. Et il faut vraiment qu'à la fin de cette commission nous passions à l'action, pas pour les groupes minoritaires, mais pour tous les Québécois.

Mme Lefebvre: Je partage votre propos. D'ailleurs, passer à l'action, dans votre présentation, M. Bergman, vous l'avez répété à plusieurs reprises, puis... en tout cas, ça a été bien entendu de notre part.

Tout à l'heure, vous avez parlé de la motion qui était, à votre avis, importante d'adopter. Mais je me demandais: Dans la Charte des droits et libertés de la personne, dans le fond, la lutte contre les discriminations, puis le principe d'égalité est formellement établi, puis vous ne pensez pas qu'à l'intérieur de la charte on a déjà les éléments plutôt que de faire une motion qui va justement stigmatiser certains aspects? On a essayé d'adopter... Oui, allez-y.

M. Boro (Jeffrey K.): Oui. O.K. Ce que je pense, c'est que, comme toute campagne électorale, là, quand un parti part pour l'élection, ils ont un slogan, ils ont quelque chose, là, pour partir leur affaire et bâtir quelque chose là-dessus, et de redire les choses qui sont dans la charte de la personne, qui sont des choses que nous vivons à tous les jours, et, à partir de là, passer à l'action avec cette résolution. Bon, on a passé la résolution, oui, c'est dans la charte, mais maintenant voici notre programme. Comme dans une élection, il faut le vendre, et, si on n'est pas capable de le vendre, bien on va être vraiment malheureux dans 25 ans. C'est ça que je vous dis.

n(18 heures)n

M. Bergman (Michael): Je veux ajouter quelque chose. C'est vrai que nous avons une charte québécoise de la liberté, c'est vrai que nous avons des moyens, des procédures juridiques, mais le règlement, la vraie solution, ce n'est pas devant les tribunaux, c'est sur les tribunes sociopolitiques. Je sais qu'ici, soit dans le Québec soit dans le Canada, il y a tendance à dire: O.K., intentez des actions en justice, passez, vous, quelques années devant le tribunal, et réglez, vous, vos problèmes, il y a des chartes, il y a des lois, il y a un code civil, tous ces genres de... C'est vrai, on a des décisions importantes des tribunaux du Québec, mais ce n'est pas le moyen efficace de biffer la discrimination. La discrimination est une lutte jour par jour sur la scène des médias et la scène sociopolitique. L'objectif d'une action en justice, ce serait de chercher un règlement parce qu'il y a un échec. Ce n'est pas socioculturel et politique, c'est la dernière réponse, la dernière instance, ça ne règle rien.

Mme Lefebvre: Il me reste encore du temps, M. le Président? Face au rapprochement interculturel, qui est une solution, vous avez plusieurs recommandations qui parlent de l'éducation, de l'importance que le ministère de l'Éducation entreprenne certaines démarches. Donc, dans les écoles jeunes, c'est souvent un lieu... en tout cas, d'autres groupes sont venus nous parler de l'importance de créer des liens enfants. Pour le rapprochement interculturel, quelles seraient les meilleures méthodes à adopter afin, dans le fond, d'arriver à la résultante qui est celle de combattre la différence et de se rapprocher?

M. Bergman (Michael): Il faut avoir des cours, des leçons...

Mme Lefebvre: Bien, pardon, j'ai dit «combattre la différence». Ce n'est pas ce que je voulais dire. Je suis fatiguée, ce n'est pas ça que je voulais dire. C'est en fait de s'assurer de mieux «connaître» la différence. C'est ce que je voulais dire, c'est important.

M. Bergman (Michael): J'ai une bonne idée. Laissons-nous... Prenez quelque chose, le sondage dans La Presse. Il faut avoir, dans chaque école, dans chaque année des étudiants, un prof avec une kippa, avec un hidjab et un turban, qui explique devant nos jeunes qu'est-ce que c'est, une kippa, pourquoi on porte une kippa, un hidjab ou d'autre chose, pour des mots que je peux vous enseigner d'une façon laïque, ou ce qu'il est, ou civique. Même si je porte une kippa... Moi, ma kippa n'a rien à faire avec ma connaissance et mes liens avec vous. Ce serait quelque chose de privé. Si je prends ce que je dois apporter pour signifier les liens avec mon héritage, mais ça n'a rien fait avec le fait que je suis votre prof. Et je suis bien sûr qu'après quelques années, si chaque jeune Québécois ou Québécoise a une telle expérience, on va améliorer le problème grandement.

Mme Lefebvre: En conclusion, est-ce que vous avez une dernière recommandation à faire aux membres de cette commission, en quittant?

M. Bergman (Michael): Vous avez une autre recommandation ici, je n'ai aucun doute que vous avez plusieurs recommandations. Peut-être c'est les mêmes thèmes, sinon les mêmes précisions. Parmi tous les groupes, les regroupements de n'importe quel présenteur, il faut conclure avec une résolution. Pour faire l'action, il faut que le gouvernement présente au public et à l'Assemblée un plan d'action concret. Il faut que les députés de n'importe quelle formation politique reflètent un désir immédiat de combattre la discrimination dans tous ses moyens et toutes ses modalités.

Mme Lefebvre: Je vous remercie.

M. Bergman (Michael): Merci.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Donc, merci au Congrès juif canadien. Merci de votre intéressant mémoire.

Et je vais ajourner nos travaux à demain matin, 9 h 30, dans cette même salle.

(Fin de la séance à 18 h 4)


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