(Neuf heures trente-six minutes)
Le Président (M. Brodeur): Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons continuer nos travaux. Et, comme à l'habituel, si jamais vous avez un cellulaire sur vous dont la sonnerie est ouverte, de bien vouloir l'éteindre, s'il vous plaît.
Donc, la commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques à l'égard du document intitulé Vers une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination. M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Mercier (Charlesbourg) est remplacé par M. Bernier (Montmorency) et M. Turp (Mercier) est remplacé par Mme Lefebvre (Laurier-Dorion).
Le Président (M. Brodeur): Merci, M. le secrétaire. Donc, aujourd'hui, nous allons recevoir plusieurs groupes pour le bénéfice des parlementaires et de ceux qui nous écoutent à la maison. Nous allons recevoir, pour débuter, ce matin, le Réseau des entrepreneurs et professionnels africains; ce sera suivi d'Alliance théâtrale haïtienne Trans-Art 2000, Centre de service et d'intégration des minorités culturelles et Association musicale de JS; ce sera suivi de club Sino-Québec de la Rive-Sud et Service à la famille chinoise du Grand Montréal; et, pour terminer l'avant-midi, nous recevrons M. James Archibald.
Cet après-midi, nous allons débuter avec le Centre international des femmes, Québec; le Syndicat des professeurs de l'État du Québec; qui sera suivi du Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel; suivi de M. Michel Anthony Galvez; et finalement M. Lamine Foura et M. Rachid Raffa, qui termineront notre journée jusqu'à 18 heures.
Auditions (suite)
Donc, habituellement, j'invite le premier groupe à s'installer, vous êtes déjà installés, je vous en remercie beaucoup. Donc, nous recevons le Réseau des entrepreneurs et professionnels africains comme premier groupe. Je vous explique brièvement les règles de la commission parlementaire. Vous avez un temps maximal de 15 minutes, et je dis bien 15 minutes, le temps maximal, pour présenter votre mémoire de la façon dont vous jugez à propos, et ce sera suivi d'une période d'échange avec les membres de la commission.
Donc, pour débuter, je vous demanderais de vous identifier pour le bénéfice du Journal des débats et, ensuite de ça, de procéder immédiatement à la présentation de votre mémoire. La parole est à vous.
Réseau des entrepreneurs et
professionnels africains (REPAF)
M. Ambourhouet-Bigmann (Magloire): Je voulais savoir: Le débat dure combien de temps à peu près, le temps de débattre?
Le Président (M. Brodeur): 30 minutes, 15 minutes de chaque côté...
M. Ambourhouet-Bigmann (Magloire): 15-15? O.K., d'accord. Parfait.
Le Président (M. Brodeur): Donc, vous avez 15 minutes de présentation, plus un 30 minutes d'échange. Parfait? Allez-y.
M. Ambourhouet-Bigmann (Magloire): Je me présente tout d'abord, Ambourhouet-Bigmann, Magloire. Et, avec M. Miko, nous représentons le REPAF ce matin.
Mmes, MM. les députés, distingués invités, mesdames, messieurs, le Réseau des entrepreneurs et professionnels africains, REPAF, est heureux de participer à la consultation provinciale portant sur la discrimination et le racisme. Rapidement, le REPAF compte présentement 170 membres qui constituent une mosaïque culturelle et a été créé en 2005, l'année dernière.
À travers ma personne donc, le REPAF donc vous livre ses commentaires et propositions. Nous allons commencer par l'état des lieux, et, dans un deuxième temps, M. Miko présentera nos recommandations.
n(9 h 40)n Alors, s'agissant de l'état des lieux, au niveau du REPAF, nous relevons trois temps forts. Tout d'abord, nous partons du principe que la reconnaissance des préjugés et la lutte contre les préjugés et la discrimination doit être un point sur lequel il faudrait travailler. Comment se manifeste cette reconnaissance des préjugés? Déjà, au niveau de l'embauche, l'écart pendant l'embauche à la fonction publique et dans les sociétés d'État existe toujours de manière flagrante entre Québécois de souche et ceux issus de communautés culturelles. Bon. Un seul chiffre: on retient qu'il y a 2,9 %, toutes origines confondues, de membres de communautés culturelles comptabilisés à la fonction publique en 2005.
L'autre deuxième point fort a trait au rapprochement interculturel. Alors, le document qui nous a été remis par le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles laisse entendre que, parce qu'il n'y a pas d'émeute comme il y en a en Angleterre ? on en voit en Angleterre, aux États-Unis et en France; laisse entendre donc ? ce document-là préparé par le ministère de l'Immigration, qu'il n'y aurait pas de crise au Québec. Pourtant, il nous faut rappeler que le taux de chômage au sein des minorités culturelles est le double de celui de la population en général, il nous faut rappeler que les écarts salariaux sont toujours aussi importants entre membres issus de minorités culturelles et ceux du groupe majoritaire.
Enfin, au niveau du REPAF, on reconnaît que le système juridique et la volonté politique pour contrer la discrimination et le racisme... on se rend compte plutôt que tout ce qui a été mis en place, si vous voulez, par le gouvernement existe mais ne suffit pas, ne suffit pas à empêcher les inégalités sur le plan professionnel, économique et social. Mesdames et messieurs, nous pensons donc, au niveau du REPAF, que le rapprochement interculturel se mesurera en termes d'accès non discriminatoire au travail, au logement, aux services publics et privés, sans égard à la couleur de la peau, à l'origine ethnique et à la langue maternelle.
Alors, le dernier point en rapport avec l'état et la situation que nous faisons au REPAF évidemment tient à l'emploi et à l'insertion économique. Le gouvernement du Québec a son propre programme d'accès à l'égalité à l'emploi depuis 1990. Toutefois, on relève que, bien que l'État soit le plus gros employeur, donc l'État ne donne pas... le gouvernement plutôt ne donne pas l'exemple en matière d'accès à l'égalité de l'emploi. Je reviens au fameux chiffre de tout à l'heure: 2,9 % de membres de communautés culturelles présentes à la fonction publique, quand ces mêmes communautés culturelles représentent plus de 12 % de la population active. Alors, voilà pour ce qu'il en est de l'état des lieux, et je vais passer la parole à M. Miko pour les recommandations.
M. Miko (Vincent): Oui. Bonjour, messieurs dames. Mon nom est Vincent Miko.
Alors, les recommandations. Bien, à bien des égards, comme vous l'avez suivi il y a un instant, le Québec démontre, en matière de lutte contre le racisme et la discrimination, un certain nombre de lacunes. Alors, ces manques handicapent lourdement le quotidien de certains membres appartenant à des communautés culturelles, et plus particulièrement celles qualifiées de minorités visibles. Plus que jamais des dispositions s'imposent pour remédier aux nombreux handicaps liés à la réalisation des champs d'activité suivants. Alors, nos propositions, il y en a six. On insiste sur ces six. Il y en a certainement un certain... Il y en a probablement beaucoup plus, mais celles-là nous paraissent, en tant que REPAF, Réseau d'entrepreneurs et de professionnels, les plus significatives.
Alors, il y a la création d'une instance de suivi des recommandations; deuxièmement, la présence, dans les conseils d'administration des sociétés d'État, de membres de communautés culturelles; troisièmement, l'objectif des 12 % de représentativité des membres des communautés culturelles dans la fonction publique; quatrièmement, des campagnes de sensibilisation de lutte contre le racisme et la discrimination ? probablement, ça revient souvent; cinquièmement, l'imputabilité des gestionnaires du gouvernement et des sociétés d'État; sixièmement, le financement des entreprises avec des critères plus adéquats. Je vais revenir point par point.
Alors, premier point, qui était la création d'une instance de suivi des recommandations. Il doit y avoir, de notre point de vue, pour finalité de présenter un suivi périodique de la portée de l'efficacité sur le terrain des mesures de lutte contre le racisme et contre la discrimination. Cette instance, au sein de laquelle siégeraient, entre autres, des membres issus de diverses communautés culturelles, sera le gardien de l'application des recommandations. Cette tâche peut être allouée à une structure déjà existante, avec un mandat clair et des règles d'autonomie qui en facilitent l'application et garantissent l'intégrité et la confiance.
Alors, le deuxième point, la présence, dans les conseils d'administration des sociétés d'État, de membres de communautés culturelles. Alors, produire un texte de loi ici annonçant que 25 % des membres du conseil d'administration d'une société d'État, publique ou parapublique, soient constitués des membres des minorités visibles. Alors, la récente loi relative au quota de 50 % réservé aux femmes dans le même cas pourrait servir de référence. Comme chacun sait, les conseils d'administration sont au centre de décisions majeures d'orientation des organisations, qu'elles soient publiques ou privées. Cette recommandation ne ferait que mettre en exergue des talents souvent ignorés ou oubliés des membres des communautés visées.
Alors, le troisième point, l'objectif des 12 % de représentativité des membres des communautés culturelles dans la fonction publique. L'État doit donner l'exemple comme promoteur de l'équité en matière d'emploi. Alors, nous réclamons la pleine application des programmes et mesures d'accès à l'égalité à l'emploi dans la fonction publique. Aussi, l'État ne devrait retenir, pour un poste proposé, que les candidatures de membres issus des communautés culturelles une fois sur quatre alors, pour atteindre effectivement les 12 % de représentativité desdites communautés. Par conséquent, le taux d'embauche de 25 % ne devrait s'appliquer qu'aux membres des communautés culturelles pour un temps déterminé, et ce, afin de rattraper l'inacceptable retard déjà accumulé depuis 1990.
Quatrième point, quatrième recommandation, faire des campagnes de sensibilisation contre le racisme et la discrimination. On en voit déjà, je ne vais pas m'étendre là-dessus.
Cinquième point, l'imputabilité des gestionnaires du gouvernement et des sociétés d'État. Créer des processus clairs d'imputabilité au niveau des fonctionnaires et gestionnaires du gouvernement et des sociétés d'État. Par exemple, les revues de performance et la réception des bonus à la fin de l'année doivent être clairement rattachées à l'atteinte de cet objectif stratégique du gouvernement.
Sixième point, et non des moindres, le financement des entreprises avec des critères plus adéquats. Assurer une meilleure canalisation des demandes de financement des entreprises créées par des membres des communautés visées en révisant certains critères injustement pénalisants, par exemple majorer la limite d'âge de 35 ans imposée aux demandeurs de financement souhaitant créer une ou plusieurs entreprises. La limite d'âge pourrait être relevée à 45 ans et pénaliserait d'autant moins les minorités culturelles. En effet, plusieurs des entrepreneurs potentiels qui immigrent au Canada sont déjà atteints par la limite d'âge retenue jusqu'ici.
Mesdames et messieurs, voilà les points que nous voulions partager avec vous, les recommandations que nous souhaitions porter à votre connaissance.
Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Mme la ministre.
n(9 h 50)nMme Thériault: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Miko, M. Bigmann. Merci d'être avec nous ce matin. Je vais revenir sur vos recommandations, parce que, comme vous le savez, 15 minutes, ça passe très rapidement, surtout qu'on le fait en blocs de deux fois sept minutes. Dans vos recommandations, évidemment vous suggérez la création d'une instance de suivi des recommandations. Vous la voyez comment, cette instance-là?
M. Ambourhouet-Bigmann (Magloire): Écoutez, c'est une instance... D'abord, pour faire comprendre, là, dans le document qu'on vous a remis, on dit qu'elle pourrait s'adjoindre à une structure déjà existante. Bon. Donc, vous avez peut-être quelque chose dans ce sens au sein de votre ministère. Le problème qu'il y a, qu'on souligne au REPAF, c'est qu'il serait préférable d'y associer également, en nombre qui compte, quoi, des membres issus de diverses communautés culturelles. C'est juste ça. Donc, s'il n'y a rien au niveau du ministère, ce dont je doute, dans ce cas-là, il faudrait carrément la créer.
Mme Thériault: Mais présentement il y a un organisme qui relève du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles, c'est le Conseil des relations interculturelles, qui est composé majoritairement de membres issus des communautés culturelles. Le CRI est venu ici se faire entendre, en commission. C'est un organisme qui est mandaté pour conseiller le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles.
Par contre, il nous suggérait aussi le suivi, comme beaucoup d'organismes nous suggèrent un suivi. Il est évident que, lorsqu'on se dotera d'une politique, et ce qui sera accompagné d'un plan d'action, nous allons devoir effectuer un suivi. Est-ce que ce sera fait par un organe qui existe déjà? Est-ce que ce sera fait par le ministère? Il y a des gens qui demandaient la création d'une autre instance aussi. Je pense que ce sont des questions qui méritent encore d'être débattues, évidemment, parce qu'on est à peu près à la moitié des consultations. Mais il est évident qu'on va devoir s'assurer qu'il y ait un suivi serré sur les recommandations et la planification qu'il y aura dans le plan d'action.
Vous parlez de la présence, dans les conseils d'administration des sociétés d'État, des membres des communautés culturelles. Je dois vous dire que, lorsque le projet de gouvernance des sociétés d'État a été déposé, qui faisait état nommément que, d'ici trois ans, les sociétés d'État devraient avoir 50 % de femmes dans leurs conseils d'administration, il y a également une chose qui est passée inaperçue, parce qu'on n'a relevé que les femmes malheureusement, mais les sociétés d'État doivent aussi s'assurer que leurs membres de conseils d'administration représentent, dans une proportion de 25 %, les groupes cibles du gouvernement, donc s'y mentionne nommément les membres issus des minorités visibles, les handicapés, les autochtones. Donc, il va y avoir, sur les conseils d'administration des sociétés d'État, une représentativité beaucoup plus accrue des membres qui sont issus des minorités visibles ou des communautés culturelles. Donc, ça, je tenais à vous le dire parce que je pense que c'est important.
Parce que, lorsque vous dites que «l'absence des membres des communautés culturelles dans les conseils d'administration confirme certains préjugés tout en favorisant l'élaboration d'un message volontairement orienté: le savoir, la compétence et le professionnalisme seraient l'apanage exclusif des citoyens du groupe majoritaire! Cette perception doit être corrigée», donc, éventuellement, j'imagine, avec le plan que les sociétés d'État ont, donc d'ici trois ans, on devrait avoir une meilleure représentativité sur les membres des conseils d'administration des sociétés d'État. Oui?
M. Miko (Vincent): Vous avez dit trois ans, c'est bien cela?
Mme Thériault: Oui.
M. Miko (Vincent): Donc, vous vous êtes donné un échéancier. C'est très intéressant parce que c'est un des points sur lequel le REPAF insiste énormément. Pour pouvoir avoir des résultats tangibles et concrets, il est essentiel, et c'est peut-être aussi dans le complément de la création d'une instance de suivi des recommandations, que cette instance-là fasse un suivi au niveau, disons, de s'assurer que les échéanciers voulus, souhaités soient respectés. Donc, c'était très important, le trois ans, pour nous, du point de vue du REPAF.
Mme Thériault: Je suis d'accord avec vous. Je crois qu'on doit baliser dans le temps certaines actions à poser. C'est sûr que, lorsqu'on veut entreprendre des actions, il serait utopique de penser que, la première année, toutes les actions seraient en place et qu'on verrait immédiatement les résultats. On sait très bien que ça prend quelquefois quelques années. Donc, lorsqu'on veut se doter d'un plan, toujours faut-il réfléchir ce plan-là, l'élaborer, le mettre en place, avoir les gens aussi qui s'en occupent, etc. Donc, évidemment, on ne peut pas changer en six mois, là, ça, c'est clair. Et je pense que, pour la gouvernance des sociétés d'État, si on se donne trois ans pour atteindre des groupes cibles, que ce soient les femmes ou les autres groupes cibles, le 25 %, bien il est évident que, lorsqu'on veut entreprendre des actions, on doit mettre une limite dans le temps, définitivement. Oui?
M. Ambourhouet-Bigmann (Magloire): Oui. Je voudrais aller dans le sens de ce que disait Miko, là. Pourquoi, au niveau du REPAF, on a retenu, comme premier point, la créance de l'instance de suivi, c'est que justement, malgré ce qu'il y avait présentement, on n'a pas l'impression, au niveau des minorités culturelles, que des avancées se fassent, en tenant compte des statistiques. Par exemple, lorsqu'on voit le travail qui a été fait au niveau du ministère, on s'aperçoit que, depuis 1990, si je ne me trompe, au niveau des ministères, des décisions avaient été prises, toute une législation justement en faveur de ce resserrement de l'écart qu'il y avait au niveau de l'emploi et que, 15 ans après, les résultats ne sont pas là. C'est pour ça qu'au niveau du REPAF on parlait de création d'une instance de suivi ou renforcer ce qu'il y a. C'était juste pour ça.
Mme Thériault: Je suis d'accord avec vous. C'est sûr qu'on a une loi sur l'accès à l'égalité à l'emploi. Moi, je peux vous dire que, même si les statistiques de 2005 démontrent que les minorités visibles sont de 2,9 % dans la fonction publique, ce que je peux vous dire, c'est qu'il est évident que chacun des organismes gouvernementaux est assujetti à la Loi d'accès à l'égalité à l'emploi. Il y a un exercice de suivi qui est fait avec la Commission des droits de la personne et de la jeunesse. Mais par contre j'aimerais apporter votre attention sur l'embauche qui est faite par le gouvernement du Québec. Vous savez que présentement il n'y a seulement qu'un poste sur deux, dans la fonction publique, qui est remplacé, et la présidente du Conseil du trésor, c'est elle qui autorise les embauches pour tous les ministères, O.K., et présentement le taux d'embauche est passé de 4 %, en 2003, à 14 %, et là je vous parle du taux d'embauche. Donc, il est évident que le taux d'embauche est une donnée qui peut être réduite dans la masse de la fonction publique, parce que la fonction publique, c'est beaucoup plus que juste les ministères. Il y a quand même 25 ministères qui existent présentement. Ça n'inclut pas évidemment les commissions scolaires, les hôpitaux, etc., là. Quand je parle de l'embauche dans la fonction publique, c'est réellement ce qui est sous l'égide des ministères comme tels.
Donc, il y a des avancées qui sont faites. Il y a une réelle volonté d'aller plus loin également. Donc, je ne peux que vous dire que, lorsqu'on parle que nos membres des communautés culturelles soient plus visibles dans la fonction publique, lorsqu'on parle des services qui vont répondre à ce qu'est notre population, qui est plus représentatif de notre population, il faut se demander comment on peut faire en sorte que, dans nos hôpitaux, dans les CLSC, dans les écoles, il y ait une meilleure représentativité des membres des minorités visibles, des gens des communautés culturelles pour pouvoir refléter le pluralisme de notre société, alors que ce n'est pas le cas présentement, j'en conviens.
Là, je vais revenir plus tard parce qu'on va manquer de temps. Je vois le président qui me fait des signes.
M. Ambourhouet-Bigmann (Magloire): Merci.
Le Président (M. Brodeur): Oui, parce qu'elle est trop loin pour un coup de pied, mais... Mme la députée de Laurier-Dorion.
Mme Lefebvre: Bonjour, messieurs du Réseau des entrepreneurs et professionnels africains. M. Miko et Bigmann, bonjour au nom de l'opposition officielle. C'est un plaisir de vous avoir parmi nous, ce matin. Donc, on démarre la semaine en bonne compagnie avec vous.
J'ai lu avec beaucoup d'intérêt votre mémoire. Et d'ailleurs c'est une initiative récente, puisque votre organisme a été créé en 2005. Donc, nous nous imaginons que c'est parce que vous avez ressenti le besoin de vous regrouper afin de trouver des solutions aux problèmes que vous identifiez dans le mémoire. Puis c'est d'autant plus intéressant qu'aujourd'hui, bien, vous avez l'occasion d'apporter votre voix d'une façon formelle ici même, à l'Assemblée nationale. Donc, bienvenue chez vous.
Alors, bien, d'entrée de jeu, j'aimerais, avant de sauter, là, aux recommandations à proprement parler, j'aimerais revenir sur la situation générale de votre mémoire. Vous élaborez les constats puis, bon, votre vision un peu de la situation, puis je dois admettre que vous portez un jugement plutôt sévère sur la situation telle que vécue actuellement, ici.
Je me demandais, à la page 4, vous indiquez que... je me demandais... en fait j'aimerais vous entendre sur l'affirmation suivante: que les orientations du document, telles que proposées, sont à votre avis dépassées. Donc, c'est sérieux. Donc, je voudrais vous entendre sur ça.
n(10 heures)nM. Ambourhouet-Bigmann (Magloire): Oui. En fait, nous apprécions le fait que vous ayez été interpellée par le terme «dépassées». C'est à dessein qu'on l'a utilisé, on tenait à titiller ceux qui allaient nous écouter, passez-moi le terme, et c'est juste pour faire passer ce message: au niveau des communautés culturelles, on relève comme une forme de lassitude en se disant: On a l'impression qu'en face on ne fait pas ce qu'il faut pour que les choses changent, on a l'impression qu'en face... Vous voyez, il y a toute une série de termes qui ont été utilisés, on parle de sensibiliser, d'évaluer, de stimuler, de favoriser, d'impliquer. Au niveau des communautés, on dit: Ce sont des voeux de politiciens, passez-moi le terme. Alors, je tenais à vous le rappeler, c'est juste pour que... On a le devoir de vous faire comprendre que ce n'est pas de... je ne peux pas vous dire de la lassitude, mais c'est comme s'il commençait à y avoir un peu de suspicion s'agissant de la volonté réelle de passer aux actes et d'en venir aux conclusions. Voilà, c'est plutôt ça. Et c'est à dessein justement que vous avez un terme comme celui-là, et il y en a peut-être un ou deux autres qui ont peut-être dû vous...
M. Miko (Vincent): Si je puis me permettre de compléter, chère madame, c'était une interpellation, n'est-ce pas? Comme vous le savez, il y a des données théoriques partout, souvent écrites. Mais passer de la théorie à la pratique, ça, c'est une autre paire de manches. Alors, lorsque ce passage met un certain temps ou met très longtemps, l'impatience s'installe, et parfois des petits excès peuvent se présenter ça et là. C'est une simple interpellation.
Mme Lefebvre: Ça m'amène à vous parler de votre recommandation 5, donc l'imputabilité des gestionnaires du gouvernement et des sociétés d'État...
M. Miko (Vincent): Ça, c'est un point qui nous tenait particulièrement à coeur.
Mme Lefebvre: ...puis de la recommandation 1, la création d'une instance de suivi des recommandations. Donc, je pense qu'il y a une volonté réelle d'assurer le suivi de ces politiques. Il y aura un plan d'action qui sera déposé suite à cette politique. Donc, à votre avis... Bon. Parce qu'on a parlé de la Charte des droits et libertés adoptée depuis 1975, de nombreuses politiques, puis force est de constater que, notamment au niveau de l'emploi, on n'a pas atteint les objectifs fixés. Donc, en termes de reddition de comptes, par exemple, est-ce que vous avez des suggestions afin de trouver des solutions qui soient les plus efficaces possible? Par exemple, est-ce que vous pensez que les gestionnaires devraient être pénalisés ou plutôt qu'on devrait leur offrir des bonus s'ils atteignent les objectifs? Est-ce que vous avez réfléchi à quels types de mécanismes on peut faire pour s'assurer que les gens soient réellement imputables et puis qu'on arrive aux résultats et aux objectifs?
M. Miko (Vincent): En fait, pour répondre à cette... c'est vrai que c'est une de nos préoccupations essentielles, hein, puisque nous savons bien que la motivation aussi bien que la sanction, entre guillemets, sont des vecteurs importants pour le fonctionnement de n'importe quelle institution. Alors, pour pouvoir vous répondre de manière précise, ce serait extrêmement difficile, il faudrait que nous bénéficiions déjà, que nous ayons à notre disposition les données en vigueur dans les institutions en question.
Existe-t-il des mécanismes, par exemple, pour censurer, ou pour sanctionner éventuellement, ou bien pour encourager dans le cadre de l'exercice des fonctions? Il en existe. Si on avait les détails là-dessus, on pourrait éventuellement élaborer pour voir s'il faut augmenter la coercition en ce qui concerne le problème qui nous réunit aujourd'hui ou bien s'il faut inventer d'autres mécanismes pour favoriser les choses. Donc, pour des exemples, c'est certain qu'on pourrait dire, hein, de manière, disons, assez directe, que, si vous atteignez tel chiffre à la fin d'un exercice, eh bien vous aurez droit à une promotion, par exemple, et que, si vous n'atteignez pas tel chiffre, eh bien vous aurez droit à une sanction. Voilà. Ça, c'est pour faire les choses d'une manière tout à fait carrée. Mais c'est sûr qu'il nous faudrait entrer dans le détail des possibilités, aussi bien des sanctions que des bonifications, pour répondre avec précision.
Mme Lefebvre: Il me reste encore du temps? Vous, en tant qu'organisme, vous offrez des services à vos membres. Je me demandais... de peut-être nous faire part un peu de ce que vous faites directement au sein de votre communauté et comment vous pourriez être supportés davantage, quel type de partenariat ou comment le gouvernement du Québec... S'il y avait du travail à faire en collaboration, quel type finalement de partenariat pourrait être accentué, si tel et le cas?
M. Ambourhouet-Bigmann (Magloire): Enfin, on vous a répondu, mais je voulais aller dans le contexte un petit peu dans le sens de votre seconde interpellation, là, et vous dire qu'en fait, s'agissant de cette fameuse imputabilité ou responsabilité dévolue à X ou à Y, il faut que les choses soient très claires. Au REPAF, les membres ont compris et savent bien que ce n'est pas le ministre, ce n'est pas le directeur général qui décident de tout et que très souvent, s'agissant de l'embauche, c'est un gestionnaire ou quelqu'un qui dit oui ou non pour un dossier. Voilà. Voilà pourquoi on parle de tenter de valoriser, de pénaliser le responsable ou de le récompenser en quelque sorte. Voilà. Ça, c'est le premier point.
Toujours dans cet esprit, et j'insiste pour revenir, pourquoi on a mis en premier point cette création de structure, bien sûr il y a les résultats qu'on recherche, mais le plus important, même quand les résultats ne sont pas atteints, c'est que ceux à qui on destine le mieux, s'agissant de ces résultats, sachent ce qui se passe, et, quand les gens savent ce qui se passe, ils comprennent beaucoup mieux ce qu'il y a, et, quand ils comprennent mieux ce qu'il y a, il y a moins de ressentiment. On n'en est pas là, au Québec, je pense, mais on a vécu ailleurs, en France et ailleurs, je sais qu'il y a beaucoup plus de ressentiment chez des gens et même, il faut dire les choses, dans nos pays d'Afrique, quand vous êtes l'autre. Le problème, c'est qu'il faudrait pouvoir créer une structure qui fasse... qu'on fasse sentir aux populations locales, aux Québécois de souche que l'autre n'est pas toujours que l'autre. L'autre, l'étranger ne devrait pas l'être tout le temps aux yeux des gens et sentir que, quel que soit le lieu où il va, il y a toujours... bon, quand je parle de lieu, je parle de quelque chose de concret comme au niveau du travail, au niveau de la recherche d'un logement, des choses comme ça, ils ne sentent pas qu'à chaque fois on lui renvoie cette image d'altérité. L'autre devrait cesser d'être constamment l'autre, même s'il ne tient pas à se dépouiller à ce point-là. Donc, voilà.
S'agissant maintenant de ce qui se fait au REPAF, je suis beaucoup moins... Le REPAF, on a surtout affaire à des entrepreneurs, à de jeunes cadres qui sont ingénieurs, etc., bon, et, dans ce contexte, le REPAF a d'abord été créé pour aider des jeunes, des gens issus de communautés culturelles pour avoir un emploi, pour ne pas être isolés et, si vous voulez, le REPAF joue surtout... a surtout pour rôle premier, là, dans le premier temps, de servir de réseau, avec des activités, etc. Donc, on a des étudiants, on a... oh! quelques étudiants, ils ne sont pas nombreux. Il y a bien sûr des professionnels, et il n'y a pas que des professionnels, j'allais dire, qui viennent d'Afrique ou d'ailleurs, hein? On a les Asiatiques, des choses comme ça. C'est pour vous dire. Je ne sais pas si j'ai répondu.
n(10 h 10)nM. Miko (Vincent): Je peux compléter, hein, en vous donnant certains éléments. Donc, c'est un organisme multidisciplinaire, hein, à but non lucratif. Donc, effectivement je rebondis sur ce qui m'a paru être une proposition de votre part, à savoir vous dire dans quelle mesure vous pourriez éventuellement intervenir dans notre fonctionnement pour l'améliorer dans le cadre... en fait pour que nous puissions également, dans notre action, disons, permettre d'atteindre toujours davantage, encore mieux, les objectifs qui nous réunissent ici. Alors, c'est un vecteur de promotion de l'excellence de l'entrepreneuriat et du professionnalisme, de comment on cultive des habitudes de réseautage d'affaires comme outil incontournable de développement professionnel et de création de valeurs pour les entreprises. On crée et on développe un réseau de professionnels, d'entrepreneurs et de leaders. On favorise l'épanouissement. On encourage l'intégration dans toutes les sphères des activités économiques et on veut accroître l'influence de nos membres dans l'essor du milieu dans lequel nous évoluons tous, c'est-à-dire le Québec en l'occurrence.
Et une des façons, pour répondre à votre question, pour aider le REPAF à travailler, ce serait, par exemple, d'utiliser le REPAF comme instrument pour canaliser un certain nombre de propositions qui émanent de ces 25 ministères, ou autre, n'est-ce pas? Pourquoi? Parce que notre spécificité nous permet peut-être de mieux acheminer cette information auprès des nôtres, puisque nous savons que pour... À certains égards, l'information est disponible pour beaucoup de choses, mais on ne comprend pas pourquoi est-ce que cette information parfois n'arrive pas au destinataire. Donc ça, c'est une façon de faire.
Nous pourrions également envisager un partenariat pour faciliter le financement des projets de certains membres, ou des membres de la communauté au sens large, ou des membres du REPAF qui butent malheureusement contre les réalités économiques et que, si vous voulez financer un projet, il faut aller voir le banquier, et, quand vous allez voir le banquier, évidemment il va vous demander un certain nombre de garanties, mises à part la viabilité ou la qualité de votre projet, hein? Si on considère que le projet est bon, il va vous demander un certain nombre de garanties. Ces garanties-là ne sont pas toujours disponibles, pour toutes les raisons qu'on peut imaginer. Alors, il faudrait qu'on puisse travailler ensemble pour trouver des mécanismes de facilitation d'accès. Parce que le problème, en fin de compte, il est économique. Tant que les minorités visibles se trouveront à ce niveau de dégradation économique ? évidemment, c'est une boucle, c'est le serpent qui se mord la queue ? on ne pourra pas avancer. Il faudrait donc trouver des mécanismes pour casser la logique, et en ce sens on peut travailler, aussi bien le gouvernement que le REPAF, pour aller dans le sens d'offrir des opportunités de financement. Donc, voilà deux exemples.
Mme Lefebvre: Je vous remercie beaucoup. Mon temps est déjà écoulé. Le temps passe trop vite en bonne compagnie.
Le Président (M. Brodeur): Une courte question, courte réponse.
Mme Lefebvre: Bien, juste en terminant: Est-ce que vous considérez que vous avez les ressources suffisantes pour accomplir ce mandat puis ce partenariat potentiel avec...
M. Miko (Vincent): Nous sommes financés par des fonds qui émanent en fait des cotisations des membres, donc évidemment... Et en plus nous sommes là depuis une année, donc le financement qui aurait pu découler des activités en une année, on n'en a pas fait encore des masses. Donc, on peut dire, ce que vous avez pressenti, c'est que nous n'avons pas d'énormes moyens. Et effectivement, si l'opportunité est donnée au gouvernement de nous apporter un soutien dans le sens de ce que nous souhaitons réaliser ensemble, eh bien ce sera le bienvenu.
Le Président (M. Brodeur): Mme la ministre.
Mme Thériault: Merci, M. le Président. Pour votre information, il y a des programmes qui existent au ministère. Si vous allez sur le site Internet du ministère, notamment dans le programme des relations avec les citoyens, il est possible de déposer des projets, de faire des demandes de financement. Je vous invite à aller voir le site Internet. Évidemment, ce sont des projets qui sont normés, donc il y a des critères, et on doit être en mesure de répondre à ces critères-là. Mais évidemment les projets sont examinés de façon minutieuse, et, si le projet que vous déposez satisfait aux critères qui sont en vigueur, évidemment il y aura possibilité d'aller chercher du financement pour vous aider à tenir certaines activités.
J'aimerais revenir dans le mémoire, parce que ma collègue Mme James veut aussi discuter avec vous, mais j'aimerais revenir brièvement sur l'approche interculturelle, parce que vous semblez penser... En tout cas, le mémoire laisse entendre que c'est pratiquement inutile d'organiser des activités pour faciliter le rapprochement interculturel, des activités sociales. Je ne sais pas si c'est moi qui l'ai mal interprété, bon. Parce que vous axez plus sur l'emploi. Moi, je conviens qu'il y a peut-être des termes qui se répètent depuis plusieurs années, oui. Par contre, il me semble qu'on doit encore éduquer, sensibiliser nos jeunes particulièrement, les parents aussi, donc les activités de rapprochement interculturel sont importantes dans notre société. Ça nous permet quand même de découvrir l'autre évidemment, de s'ouvrir mentalement, de faire tomber des tabous, des préjugés. Donc, j'aimerais peut-être vous entendre un petit peu là-dessus, parce que le ton du mémoire laissait entendre que les activités de rapprochement interculturel, comme la Semaine québécoise de rencontres interculturelles, qui s'en vient, semblaient un peu futiles et qu'on serait mieux de mettre nos priorités au niveau de l'emploi.
M. Miko (Vincent): Oui, merci, merci de nous donner l'opportunité de clarifier ce qui apparemment est un malentendu. Alors, si on vous a donné l'impression de ne pas trop insister là-dessus, ce n'est pas parce que nous pensons que cela n'est pas important. Bien au contraire, c'est d'abord d'une importance capitale, mais en plus, dans l'ensemble des choses à faire, c'est peut-être à ce niveau-là que le plus a été fait, et par conséquent, nous, nous essayons d'être pragmatiques et nous essayons d'aller à l'essentiel, et c'est uniquement pour cela que nous ne nous sommes pas appesantis sur cet aspect-là, uniquement. Mais, sinon, il y a plutôt à dire un grand bravo pour ce volet particulier.
Mme Thériault: Je veux juste vous rassurer: si on est assis ici, aujourd'hui, en commission, c'est parce qu'il y a une réelle volonté politique d'aller de l'avant. Bien qu'on ait des mécanismes, la Loi d'accès à égalité à l'emploi, la Commission des droits de la personne, on est conscients qu'il y a des lacunes. Lorsqu'on regarde les statistiques ? vous avez fait état des statistiques des jeunes ? au niveau du chômage, on se rend compte que, oui, effectivement, il y a une problématique dans notre société, et on doit s'y attaquer sérieusement. Et, moi, je considère que d'écouter ce que les groupes ont à nous dire, de voir les pistes de solution de ces groupes-là pour se doter d'une vraie politique et ensuite d'un plan d'action, je pense, c'est la meilleure des choses qu'on a à faire. Plutôt que de concocter une politique et des plans d'action dans les bureaux des ministres, je considère que c'est important d'aller consulter les gens sur le terrain. C'est pour ça que vous êtes ici, aujourd'hui. Merci.
M. Miko (Vincent): C'est nous qui vous remercions, madame, et vous avez parfaitement dit exactement ce que nous pensons, nous aussi, et nous vous remercions particulièrement de l'opportunité que vous nous avez donnée de pouvoir nous exprimer en direct avec vous, de pouvoir mieux saisir la préoccupation effectivement que vous avez tous et chacun sur la problématique effectivement qui nous a réunis aujourd'hui. Merci infiniment.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Nelligan.
Mme James: Alors, merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, monsieur. C'est avec énormément de plaisir que je vous retrouve ici, lors de cette commission importante. Le président m'indique qu'il me reste juste trois minutes, alors je vais essayer d'y aller direct au but, si vous me permettez.
J'ai lu, tel qu'a fait la ministre et les collègues, avec beaucoup d'intérêt votre mémoire, puis je vous en félicite, vous avez fait des recommandations qui sont très bien formulées et très bien articulées. Peut-être, le premier volet de ma question va être sur la question... Je vais faire un peu de pouce sur ce que disait la ministre sur le rapprochement interculturel ainsi que sur les mesures de sensibilisation.
Lorsque nous sommes partis, mes collègues et moi, l'automne dernier, lors de la tournée qu'on a faite, une consultation sur les communautés noires, on a parlé beaucoup de la question d'emploi. Je voulais simplement citer votre réaction d'une part sur le fait... Parce qu'on revient souvent sur la question de reddition de comptes et sur des mesures d'action que certains jugeraient d'assez coercitives. Ce qu'on nous disait, puis je veux vous entendre là-dessus, c'est que, oui, ce serait important ? on est rendus là, malgré les avancées qui ont été faites ? on aimerait voir... on n'a pas encore une fonction publique qui est représentative de la société québécoise... l'importance, puis vous avez touché là-dessus il y a quelques instants, d'associer ces mesures-là avec des mesures de sensibilisation pour en arriver à une situation où on va être en mesure de non seulement embaucher les gens des communautés culturelles, mais d'assurer que ces gens-là vont être capables de bien rester et de travailler dans un environnement qui va être bien pour eux.
n(10 h 20)n Le deuxième volet de ma question va toucher... parce que je tenais absolument à vous en parler parce que j'ai noté que vous suggérez de passer de 35 ans à 45 ans l'âge minimum pour avoir accès aux programmes d'entreprises pour les jeunes. Vous savez qu'une des recommandations que nous avions faites lors de notre consultation sur la communauté noire, c'était de faire un chantier économique pour développer des mesures pour pouvoir mieux soutenir les communautés à cet égard-là, et le ministre du Développement économique et de l'Innovation a pris l'engagement de faire suite à ça. Alors, je pense que c'était peut-être une belle tribune pour vous pour justement nous expliquer le pourquoi que vous pensez que c'est très important et comment que ça va toucher et aider les immigrants, tel que vous le dites dans votre mémoire, à avoir accès à ces programmes-là.
M. Ambourhouet-Bigmann (Magloire): Vous dites que vous ne comprenez pas pourquoi on parle de 35 à 45 ans?
Mme James: Je veux vous entendre a priori sur le 35 à 45 ans.
M. Ambourhouet-Bigmann (Magloire): Bien, c'est parce que très souvent les gens qui immigrent, il y en a qui ont déjà 41, 42, 43 ans, c'est ça, qui ont plus de 35 ans. Il y en a qui ont plus de 35 ans et qui veulent se lancer dans les affaires, mais, puisque la limite d'âge est fixée à 35 ans pour pouvoir bénéficier de crédits et autres, ils sont pénalisés. C'était juste ça, il y a...
Mme James: Est-ce que vous avez... Je ne sais pas si, dans votre travail... Je ne l'ai pas vu dans le mémoire, est-ce que vous avez des statistiques pour montrer le nombre d'immigrants qui...
M. Ambourhouet-Bigmann (Magloire): Au niveau du REPAF, d'ailleurs qui est bien placé pour ça parce qu'on a des gens qui ont eu à vivre cette situation, c'est même d'eux, je peux vous le dire tout de suite, cette sixième recommandation... On rédigeait... Ils ont dit: Ah non, non, non, il y en a eu tant, tant, tant qui ont eu.... il y en a tellement qui ont eu ce problème. Apparemment, dans le milieu, certains ont été pénalisés, mais ça doit bien... De toutes les façons, je puis vous le dire, j'ai bien l'impression que de plus en plus de gens immigrent et ont bien plus de 35 ans, ont 35 ans ou dans ces eaux-là, en général.
Le Président (M. Brodeur): Malheureusement, Mme la députée, c'est tout le temps dont nous disposons.
Mme James: Ah! Malheureusement. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Brodeur): Excusez-moi. Donc, je vous remercie, je vous remercie beaucoup d'avoir présenté votre mémoire en commission. Donc, merci au Réseau des entrepreneurs et professionnels africains. Et je vais suspendre quelques instants, le temps que le prochain groupe puisse s'installer.
(Suspension de la séance à 10 h 23)
(Reprise à 10 h 25)
Le Président (M. Brodeur): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons continuer nos travaux. Donc, nous allons entendre M. James Archibald, qui était prévu pour un peu plus tard, mais, étant donné qu'il est déjà ici, je lui demanderais de s'installer.
Donc, bienvenue en commission parlementaire. Pendant que vous vous installez, je vous rappelle brièvement les règles de présentation de votre mémoire. Comme vous avez vu auparavant, vous avez un temps maximal de 15 minutes pour présenter votre mémoire, et ce sera suivi par la suite d'une période d'échange avec les membres de la commission.
Donc, lorsque vous serez prêt, vous me ferez signe, et donc la parole sera à vous. Et je répète, pour les gens qui nous écoutent, que M. Archibald était prévu pour un peu plus tard, pour 11 h 45, mais nous l'écoutons immédiatement. Donc, la parole est à vous.
M. James Archibald
M. Archibald (James): Merci, M. le Président. Je m'excuse, je m'organise un peu. Bon. Alors, M. le Président, Mme la ministre, Mmes les députées, M. le député, je me présente d'abord. Je suis enseignant-chercheur rattaché à l'Université McGill, à l'Unité de formation en traduction. Et je tiens à préciser que le mémoire que j'ai présenté représente une recherche personnelle, donc un point de vue individuel, et non pas le point de vue officiel de l'université. Il est important de préciser ce point.
Donc, la perspective que je présente ici est une perspective d'un chercheur intéressé à la question de la langue, à la question de l'immigration et aux rapports entre ces deux. En tant que traductologue en fait, je réfléchis à haute voix sur la question de la langue plus particulièrement, mais en général sur la question de l'intégration et des rapports entre l'intégration et le phénomène du racisme et des discriminations.
Je tiens tout d'abord à rendre hommage à la ministre et au gouvernement d'avoir eu la témérité ou le courage de présenter un document de consultation de ce type parce que les problèmes soulevés dans le document, les problèmes soulevés dans notre société sont en effet réels et parfois posent des problématiques aiguës. On peut donc faire à la fois une critique positive et une critique négative du document. J'essaie de présenter ici un point de vue relativement objectif de façon à pouvoir sortir les choses en clair. Alors, j'espère que ma critique sera perçue, de part et d'autre, comme une critique positive à l'endroit d'un gouvernement qui cherche à articuler une politique gouvernementale qui permettra à toute la société québécoise de lutter contre le fléau du racisme et des discriminations.
n(10 h 30)n Il est évident, et c'est un point que j'ai bien fait remarquer dans le mémoire, qu'il y a un certain nombre de valeurs de base de la société québécoise qui nous permettent d'envisager ce débat, cette discussion sur le racisme et les discriminations. Le Québec est d'abord un État de langue française qui met en priorité le rôle et la valeur de la langue dans ses institutions et dans toutes ses actions. Par ailleurs, c'est un gouvernement qui épouse des procédures démocratiques et qui fait preuve d'ouverture aux autres dans le respect des droits et dans le respect des libertés de tous les citoyens. Si bien que l'objectif à atteindre, je crois, dans une telle politique, c'est ce que l'on appelait autrefois, au ministère des Relations avec les citoyens, qui a été rebaptisé sous un nouveau nom, le mieux vivre-ensemble, le mieux-vivre ensemble qui permet d'intégrer des citoyens, quelle que soit leur origine, et qui nous permet aussi de passer outre les obstacles qui existent dans notre société, qui empêchent en fait la pleine intégration de tous les citoyens dans les activités de l'État.
Donc, il était important de concevoir dans cette enceinte des stratégies, des grandes stratégies de lutte contre ce phénomène. La ministre a reconnu en fait, dans son document et dans les débats qui ont eu lieu dans cette enceinte, le fait qu'il existe en fait des discriminations au Québec, qu'il existe un certain racisme, et c'est notre rôle de trouver un moyen de lutter contre. Malgré les quelques différends qui se sont exprimés sur ce plan-là, je crois qu'il était important, n'est-ce pas, de voir comment on peut travailler contre la marginalisation de certains groupes dans notre société.
Cela dit, l'analyse que j'en ai faite est une analyse de linguiste qui s'intéresse au discours politique, non pas au discours officiel d'un ministre ou de tel autre, etc., mais au phénomène général du discours politique. Et, pour déconstruire en fait ce discours politique, il était important aussi de faire une analyse du lexique, donc une analyse lexicale des textes que l'on présente, et chercher, à l'intérieur de ces textes, les mots par une analyse raisonnée et systématique des textes, ce qui nous dévoile en fait ce que l'on appelle des cadres de pensée, des cadres de pensée qui évoluent dans le temps. Donc, on s'intéresse à la diachronie de ces cadres de pensée, et aussi la synchronie de ces états d'âme, si vous voulez, ce qui existe actuellement sur le terrain. Donc, pour ce faire, normalement nous faisons un questionnement sur un corpus et un corpus restreint qui existe en fait ici sous forme de document de consultation. On se rend compte d'ailleurs, dans l'analyse du discours politique, que tout discours politique est propagandiste, non pas dans le sens négatif du terme, mais dans le sens positif du terme, parce que le discours propose une analyse, propose une discussion, propose un échange sur un ton positif. Et en fait cette méthodologie relève de ce qu'on appelle la lexicologie politique, lexicologie politique qui est née en fait à la fin des années soixante, plus précisément en 1968, et qui trouve ses racines dans les travaux de Jean Dubois, de Simone Bonnafous et de Peter Newmark du côté anglophone.
L'étude en fait nous permet de faire une lexicométrie d'un texte, c'est-à-dire de voir combien de fois certains termes reviennent dans le texte, et je cite Simone Bonnafous pour tirer au clair cette notion. Elle dit ceci: «La lexicométrie se donne comme objectif d'analyser de façon exhaustive, objective et systématique le vocabulaire d'un corpus clos.» Or, le document de consultation constitue en fait un corpus clos. À l'intérieur de ce corpus, on retrouve un certain nombre de ce que nous avons appelé des politèmes. Évidemment, si vous cherchez dans le grand dictionnaire de l'Office québécois de la langue française, vous n'allez pas trouver ce terme. C'est un néologisme en fait, qui a été créé très récemment, utilisé par un certain nombre de chercheurs, qui dénote en fait des termes qui représentent des catégories politiques à débattre. Or, la discrimination, c'est une catégorie politique à débattre: Comment on va en fait faire face à cette question-là?
À l'intérieur de cette analyse-là, on peut également regarder le langage structuré, c'est-à-dire les rapports grammaticaux de certains mots dans un texte, qui nous dévoile en fait les relations stratégiques entre les scripteurs d'un texte et les lecteurs ou les personnes visées, ce qui nous démontre en fait que les textes représentent une dynamique, comme ce document de consultation, et une dynamique qui engage les membres de la société à débattre autour d'un certain nombre de politèmes, ou de concepts, ou de catégories politiques. C'est aussi, par le biais de la consultation, une courroie de transmission de valeurs, de valeurs qui sont enracinées dans la société.
Dans le texte lui-même, on dit que ? j'ai relevé deux fois cette expression, en fait ? «de nos jours», on va examiner autre chose. C'est-à-dire que nous nous retrouvons à un tournant dans notre histoire. Il y a un certain nombre d'acquis, et ces acquis sont le résultant en fait du travail de tous les partis sans parti pris, n'est-ce pas, parce que tout le monde a intérêt à bâtir une société égalitaire où le racisme et les discriminations n'ont pas de place.
Cependant, dans ce texte, il y a un certain nombre de notions transmises sur le plan diachronique qui semblent un peu problématiques. Il y a d'abord cette notion de communauté culturelle ou le terme de communauté qui revient régulièrement. Je comprends très bien l'aspect positif de ce terme. Par contre, comme j'ai soulevé dans le texte, c'est une façon parfois insidieuse de dire que: Il y a nous, il y a les autres. Il y a des gens qui font partie des communautés culturelles, il y a des gens qui sont issus des communautés culturelles, et, malgré les générations d'établissement sur le territoire, on rattache toujours ces citoyens à ces communautés culturelles. Donc, on peut se demander s'il y a, même dans l'appareil de l'État, une sorte de discrimination qui se fait parce que certaines personnes sont différentes, certaines personnes se trouvent, par le fait même d'être rattachées à une communauté, à l'extérieur de l'ensemble des citoyens, l'ensemble de ce groupe de tous les citoyens.
Alors, évidemment, puisque l'une des valeurs de base de la société québécoise est précisément la langue, je crois qu'en fait la langue est un moyen d'assurer une meilleure intégration de tous les citoyens, une meilleure intégration sur le plan du travail, sur le plan des services, etc. ? je n'ai pas besoin de vous réciter la liste. Et donc, dans cette édification de la société québécoise sans discrimination, le gouvernement dit, par l'analyse lexicale du texte, que c'est la responsabilité des autres de le faire. Je sais pertinemment à la surface que le gouvernement prend ses responsabilités. Par contre, quand on psychanalyse, si vous voulez, le texte, on peut se demander si le gouvernement agit vraiment en conséquence des déclarations qui se retrouvent dans le texte.
Donc, malgré ce qui s'est passé dans d'autres mémoires, je n'ai pas présenté de recommandation précise. Et, comme j'ai dit dans mon introduction, c'était une réflexion. Je m'excuse, c'est la maladie du prof, quoi. Mais enfin peut-être que cette réflexion peut vous aider un peu à décortiquer les choses. Je retiens quand même l'orientation n° 3, parce que c'est là, je crois, où le gouvernement peut vraiment agir de façon conséquente en améliorant nos institutions et nos pratiques, pour citer le document, de façon à mieux intégrer les gens dans la grande société québécoise et de façon à promouvoir un mieux-vivre ensemble, pour ainsi dire.
n(10 h 40)n Ça me rappelle en fait une commission qui s'est tenue en France, il y a des années et des années de cela, sur la nationalité, toute la question de l'intégration des immigrés dans la nationalité, dans la nation. Et l'une des personnes qui s'est présentée devant cette commission était le professeur Adi Steg, et qui a dit très clairement dans son intervention que le grand moteur, si vous voulez, de l'intégration en France était l'école communale. Évidemment, on parle de l'époque où l'école communale existait toujours. Et puis on a interrogé le professeur Steg en lui disant: Pourquoi l'école communale a marché? Il a répondu: Parce que j'y ai appris à jouer aux billes. Ce n'est pas parce qu'il a appris le français à l'école, étant d'origine polonaise, mais il a appris à jouer avec ses copains dans la cour de l'école dans la langue nationale. Il a appris à jouer comme un égal.
Le Président (M. Bernier): M. Archibald, je ne veux pas vous bousculer.
M. Archibald (James): Je termine.
Le Président (M. Bernier): Vous avez environ une minute pour terminer.
M. Archibald (James): Alors, toute cette réflexion porte sur la façon dont on finit par arriver à créer cette société, intégrer les gens dans la société. Et je termine en disant qu'il y a un certain nombre de problèmes auxquels il faudrait peut-être faire face: Quel est le rôle en fait des communautés culturelles dans le Québec d'avenir? Quel est le rôle des membres associés à ces communautés? Comment est-ce que nous allons pouvoir exiger de la part de tous les Québécois une meilleure maîtrise de la langue nationale pour mieux assurer leur intégration dans les professions, dans le milieu de travail, etc.? Est-ce qu'il y a moyen aussi de revisiter l'entente Canada-Québec en ce qui concerne cette discrimination en fait systémique qui se trouve... et j'ai cité un exemple dans le texte. Et est-ce qu'il faudrait revoir la structure même du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles avec toutes ces questions-là en tête?
Donc, je conclus sur cette note-là et je réponds... en fait, je vais essayer de répondre à vos questions.
Le Président (M. Bernier): Oui, vous aurez l'occasion de poursuivre vos points, vos éléments. Donc, nous allons maintenant passer à la période des questions des parlementaires représentant le gouvernement et des parlementaires représentant l'opposition. Nous allons débuter, pour une période d'environ sept à huit minutes, avec Mme la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles. Donc, la parole est à vous, Mme la ministre.
Mme Thériault: Merci, M. le Président. Merci, M. Archibald, d'être avec nous ce matin. Vous êtes un linguiste, on se rend compte quelle importance... et le poids des mots que l'on choisit. Vous l'avez réellement minutieusement analysé, je vais le dire comme ça. Moi, d'entrée de jeu, je vous remercie de saluer l'initiative du gouvernement. Je crois que, si nous avons réellement une responsabilité collective présentement et qu'il y a un débat de société qui s'engage, vous posez d'excellentes questions par rapport au rôle des communautés culturelles à jouer dans un Québec de demain. Et je tiens à vous mentionner que, si nous sommes assis ici, en commission parlementaire, c'est qu'il me semblait important que les gens puissent en débattre ensemble, au-delà de la partisanerie, partis politiques confondus. Vous avez raison de dire qu'il y a eu, au fil des ans, des initiatives qui se sont succédé, d'un gouvernement à l'autre, et que nous avons tous à coeur l'intégration des gens qui choisissent le Québec et qui sont choisis par le Québec.
Moi, je vous dirais que ce qui m'anime, c'est probablement l'égalité des chances, je considère que nos concitoyens, qu'ils soient issus de la première génération ou même de deuxième ou troisième génération... les statistiques sont inquiétantes. Je crois que le gouvernement a réellement voulu qu'on se pose les vraies questions et que tous ceux qui pouvaient avoir un morceau du casse-tête, si vous voulez, puissent venir l'imbriquer. Je ne prétends pas qu'on a les solutions parfaites à toutes les problématiques, loin de là. Je pense que l'opinion des chercheurs, elle est importante. Je pense que l'opinion de l'opposition, des groupes communautaires, c'est important aussi, des syndicats, des employeurs, des entrepreneurs et des différents organismes gouvernementaux qui se sentent interpellés par les questions. On a eu 119 dépôts de mémoires, donc je crois que ça démontre le grand intérêt que suscite cette commission, alors que, lorsqu'on consulte pour les niveaux d'immigration, on a à peine 80 mémoires. Donc, on voit tout de suite là que c'est une question qui a suscité une réaction auprès de notre communauté.
J'aimerais faire une petite différence, par exemple, lorsque vous dites que le terme qu'on a employé par rapport...avec les communautés culturelles, qui démontre le «nous» et le «eux», comme si on avait voulu faire une ligne, moi, je vais vous dire... C'est sûr que ce n'est pas évident de catégoriser les gens, par contre je crois que nos gens qui ont choisi le Québec sont fiers aussi d'appartenir à leurs communautés, ils sont fiers de leurs origines, ils sont fiers de leurs cultures et ils veulent les conserver. Vous savez, en France, on a nié et on nie encore l'existence des communautés culturelles, on refuse de parler de communautés culturelles, et regardez, 20, 25, 30 ans après, les résultats. Moi, je pense qu'on doit quand même reconnaître qu'il y a des différences dans notre société. Évidemment, bon... Oui, je comprends qu'à un certain moment donné les différences vont devoir s'amenuiser aussi, c'est évident. Moi, mon fils ne fait absolument aucune différence entre un ami... Un ami, c'est un ami. Qu'il soit Blanc, qu'il soit Noir, qu'il soit Mexicain, qu'il soit d'origine asiatique, pour lui, c'est un ami. J'ai un cousin qui a marié une jeune fille d'origine chinoise, il a trois enfants. Ce sont des Québécois qui ont plusieurs cultures.
Par contre, on ne peut pas nier qu'il y a des difficultés qui se posent à nous. Donc, il faut réellement essayer de faire cette différence-là, sinon on noie dans le tas de la population... et on ne peut pas nier qu'il y a des différences. Donc, évidemment, je comprends que le choix des mots dans le document, vous l'avez certainement analysé sous votre angle de chercheur, mais je pense que c'est important aussi de reconnaître que notre société, elle est pluraliste, et il y a des différences, et qu'effectivement il y a des groupes qui peuvent ne pas vivre de discrimination du tout, mais qu'il y a d'autres communautés ? d'autres groupes ? qui, elles, peuvent vivre différentes formes de discrimination pour différentes raisons.
J'aimerais vous entendre parler concernant la discrimination linguistique, parce que vous avez soulevé, dans votre mémoire, cette question-là, et j'aimerais peut-être savoir quelle sorte de bilan, vous, vous en faites, de la discrimination linguistique au Québec. Et je vous pose la question pas juste avec un angle anglophone, francophone, là, et ce n'est pas l'angle du tout que j'ai en tête, mais plutôt par rapport à la langue, par rapport à l'apprentissage du français, par rapport aux accents, que ce soit asiatique, que ce soit latino-américain, que ce soit l'accent européen, par rapport aux accents. Quelle sorte de bilan vous faites par rapport à la discrimination linguistique?
M. Archibald (James): Je m'excuse de mon accent.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Thériault: Il ne faut pas s'excuser.
M. Archibald (James): Non, sérieusement, sérieusement. Je suis... en fait, de formation, je suis un descriptiviste, donc ça veut dire qu'un descriptiviste regarde un texte, ou un échange, un discours, etc., sans idée préconçue, et on prend les choses comme elles sont, point à la ligne, n'est-ce pas? Cependant, il faut reconnaître que tout le monde n'a pas cette même mentalité, n'est-ce pas?
Alors, j'ai fait exprès, j'aurais pu choisir 1 000 exemples différents. Mais enfin j'ai vécu deux expériences intéressantes. Puisque vous parlez de vos enfants, je vais parler de mes expériences personnelles.
Une expérience. Je siège au bureau de l'un des ordres professionnels au Québec, et l'une des choses que nous faisons régulièrement, c'est de reconnaître des équivalences de formation, etc. Donc, j'ai cité l'exemple d'une brave immigrante française arrivée au Québec et qui n'a pas pu se présenter... Bon, enfin, elle a pu se présenter, mais elle n'a pas pu réussir un examen d'équivalence de formation parce que toute la bibliographie utilisée à l'université où elle devait suivre ses cours était en anglais, ce qui n'est dans le fond pas très étonnant parce que nous sommes en Amérique du Nord, nous sommes en fait des Nord-Américains qui vivent en français, etc., et il y a une sorte de courroie de transmission, culture, contenu, science, etc. Mais, quand elle arrivée ici, elle avait l'impression qu'elle arrivait dans une société entièrement de langue française et qu'elle pouvait exercer tous ses droits en français. Et la pauvre, elle avait vendu son appart à Paris, elle a fait déménager toute la famille ici, etc., et puis elle se trouve dans la malheureuse situation où elle ne peut pas exercer. Donc, finalement, elle aurait pu régler ce problème autrement ? entre nous ? mais elle a pris cela en grief, elle a plié bagage puis elle est repartie, n'est-ce pas? Donc, nous avons perdu une immigrante professionnelle qui aurait pu vraiment contribuer de façon considérable à la société québécoise. C'est dommage, mais ça existe, et ça fait partie en fait de ce qu'on appelle une discrimination systémique...n(10 h 50)n Alors, je me suis dit: Bon, en revoyant l'ancien accord Cullen-Couture, qui existait, n'est-ce pas, à l'époque, pourquoi un immigrant qui arrive au Québec n'a pas aussi le droit à l'apprentissage de l'anglais, puisque l'anglais fait partie de notre monde, il fait partie en fait de notre économie nord-américaine? Et, si la personne, elle est marginalisée parce qu'elle ne connaît pas suffisamment l'anglais pour exercer sa profession, pourquoi ne pas lui donner la chance? Donc, je crois qu'il faut revenir sur des questions fondamentales comme cela, dans ce sens-là. Ça, c'est un exemple.
L'autre exemple, c'est l'exemple que j'ai cité du New York Times en fait pour montrer que cette question de linguicisme, ce n'est pas une question qui est propre au Québec, ça existe partout dans le monde, n'est-ce pas? Et, quand vous parliez... Il y a plein d'études, par exemple, sur les équipes de travail multinationales, où des gens parlant avec des accents différents, avec des expériences culturelles différentes, etc., ont du mal à s'intégrer dans une équipe de travail. Donc, l'industrie est interpellée en même temps, les syndicats sont interpellés dans ce dossier, etc. Donc, c'est un dossier excessivement compliqué, où il faut prendre du recul, il faut vraiment constater ce qui se passe dans le milieu, et puis, ensuite, essayer de trouver des moyens ponctuels de régler certains problèmes, sinon structurels. J'espère que j'ai répondu un peu.
Mme Thériault: Merci.
Le Président (M. Bernier): Alors, merci, M. Archibald. Nous allons donc passer maintenant au groupe parlementaire de l'opposition. Nous allons donc donner la parole à la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'immigration et de communautés culturelles, Mme la députée de Laurier-Dorion. Donc, la parole est à vous, Mme la députée.
Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. M. Archibald, bonjour. C'est vraiment intéressant, l'analyse que vous faites. Vous êtes un des seuls qui se soit présenté ici, à cette commission, avec une analyse qu'on voit peu souvent mais qui est fort révélatrice en fait des orientations que l'on peut prendre ici, au gouvernement. Puis on remarque que les choix terminologiques en fait peuvent paraître arbitraires, dans certains cas, pour plusieurs citoyens, mais qu'en réalité on remarque que ces choix reflètent des choix stratégiques qui peuvent avoir des conséquences importantes sur l'orientation de plusieurs politiques. Puis, en terminant votre présentation, vous avez parlé des perspectives futures qu'amène une analyse comme celle que vous avez faite dans ce cas-ci.
D'une part, par curiosité, je me demandais si vous aviez, dans le passé, analysé d'autres documents de ce type pour voir s'il y a une différence entre les orientations qui ont été prises par le passé et qui pourraient être prises maintenant. Puis j'aimerais vous entendre également sur... Bien, on va y aller d'abord avec cette question-ci. Je reviendrai.
M. Archibald (James): Bon, brièvement. Je pourrais encore une fois vous raconter ma vie, mais pour... Enfin, depuis le début, quand le MRI a commencé à étudier la question des plans d'immigration, etc., j'ai pris l'habitude d'analyser ces documents et de venir ici, à la salle du Conseil, pour vous présenter un peu mes idées parfois un peu farfelues, mais enfin des idées qui résultent en fait de cette analyse. Je suis un fervent partisan de l'intégration linguistique et j'ai beaucoup travaillé dans ce champ.
Alors, quand j'ai vu ce document pour la première fois, je lisais en même temps un traité qui s'appelle Les mots de l'immigration. Alors, sans faire de jeu de mots, évidemment j'ai dit: Bon, la discrimination, c'est quand même une méchante affaire. Et j'ai dit: Bon, c'est un mal de société, en fait. Alors, il y a un petit jeu de mots dans le choix du titre, Les mots de l'immigration. Et la méthodologie est intéressante dans la mesure où personne ne nie les bonnes intentions des scripteurs de textes politiques de ce genre-là: tout le monde est gentil, tout le monde est beau, tout le monde est fin, etc., et on veut les bonnes choses pour la société.
Par contre, la langue que nous utilisons est un héritage et cette langue est une courroie de transmission d'attitudes qui sont à la fois cognitives et behaviorales, qui finissent par avoir un effet sur notre comportement. Or, j'ai dit: Bien, cherchons un peu le dessous de cet argument-là par le biais de la langue, essayons de voir ce qu'on dit vraiment à l'intérieur de tout cela. Et c'est un peu la méthodologie, si bien que j'arrive à la conclusion qu'il y a en effet une hiérarchie, c'est ce que Claude Hagege appelle le non-dit des textes, n'est-ce pas? Donc, le non-dit de ce texte-là, c'est qu'il y a une hiérarchie de gens qui vivent sur le territoire du Québec, allant du citoyen de souche jusqu'à l'immigrant fraîchement débarqué, qui arrive, qui essaie de se frayer un chemin sur le territoire de notre société. Et donc il faut voir: Est-ce que l'État a en effet la même perspective d'intervention vis-à-vis de tous ces citoyens-là ou de tous ces citoyens futurs, ce que j'appelais des citoyens futuribles, n'est-ce pas, et comment est-ce qu'on peut agir de façon à pouvoir garantir leurs droits?
Donc, parallèlement à cela, je travaille, depuis un certain temps, avec un organisme en France qui s'appelle le FASILD. Donc, c'est un organisme qui lutte contre les discriminations. La tendance, en France, c'est d'utiliser le terme «les discriminations», parce que les discriminations sont palpables, on les voit, on les sent, tandis que ce texte ici parle plutôt à l'abstrait de la discrimination, comme une notion abstraite. Mais en fait tout le monde, tout un chacun vit une sorte de discrimination qui est réelle. Alors, il y a une tendance, lorsqu'on parle de l'abstraction trop, de tomber dans une sorte d'angélisme, n'est-ce pas, qui nie la réalité. Et l'analyse que j'en ai faite était en fait un effort de ramener ce texte sur terre.
Évidemment, il y a plein d'exemples cités dans le texte, mais, sur le plan de l'histoire des mentalités, je crois que c'est important de faire ce rappel. J'espère que ça explique un petit peu le point de vue.
Le Président (M. Bernier): Alors, Mme la députée, vous pouvez poursuivre.
Mme Lefebvre: Il me reste combien de temps?
Le Président (M. Bernier): Il vous reste environ trois minutes à faire.
Mme Lefebvre: Trois minutes. O.K. Bien, c'est intéressant, ce que vous dites. Donc, est-ce que vous recommandez que l'on modifie un peu le document pour parler des discriminations... bien, de «les discriminations»?
M. Archibald (James): Si je pouvais refaire le monde... Je dirais oui, ce serait peut-être utile de refaire le document en parlant des discriminations de façon beaucoup plus précise. Ce que j'aurais aussi aimé voir, ce serait au moins un aperçu d'une stratégie gouvernementale pour renforcer en fait l'intégration linguistique des gens, parce que l'intégration par la langue est super importante dans une société telle que celle-ci, et donc... À l'heure actuelle, nous avons fait deux colloques, l'année dernière, sur cette problématique: un colloque qui s'est tenu à Paris III, pour regarder l'aspect français d'intégration, c'est un français hexagonal, et nous avons tenu exactement le même colloque ici, au Québec, de façon à voir comment est-ce qu'on envisage le même type de problématique ici. Et ce qui était intéressant, c'est que le FASILD en particulier fait la promotion de ce qu'on appelle le droit à la langue.
Donc, si je prends l'exemple de cette immigrante française qui arrive ici et qui ne maîtrise pas l'anglais, est-ce qu'elle a le droit, en tant que citoyenne futurible, d'apprendre l'anglais pour mieux s'intégrer dans une économie nord-américaine? Il ne s'agit pas de prouver sa maîtrise du français, parce qu'elle maîtrise très bien le français, ça, ce n'est pas un problème. Par contre, elle n'arrive pas à gagner son pain à cause de ce genre de situation là.
Et puis la question, par exemple, de l'intégration des jeunes issus des communautés culturelles, qui sont doublement discriminés, parfois à la troisième génération, pour des raisons simplement linguistiques, je trouve... J'ai écrit un article dans Le français dans le monde, il y a quelques mois de cela, qui dit clairement qu'il est très important de mieux intégrer les professionnels sur le plan de la langue, au Québec, pour mieux garantir la protection du public. Je ne vais pas m'étendre là-dessus, mais c'est important. Est-ce que nous avons les moyens suffisamment corsés actuellement, sur le plan gouvernemental, pour assurer la protection du public sur ce plan-là? Parce que la connaissance de la langue, c'est une compétence professionnelle: si vous allez parler avec vos collègues, si vous allez traiter des patients, recevoir des clients, faire une... suivre des cours de perfectionnement professionnel, etc. Donc, c'est important.
Le Président (M. Bernier): Alors, M. Archibald, si vous permettez, nous allons maintenant retourner au groupe parlementaire du gouvernement. Il vous reste 6 min 10 s. Nous allons débuter avec la députée de Nelligan. Alors, la parole est à vous.
n(11 heures)nMme James: Merci, M. le Président. Bonjour, monsieur. Merci beaucoup. Je trouve fort intéressant ce que vous posez. Je pense que, quand on fait le tour de l'ordre du jour puis des différents mémoires, vous avez vraiment fait une analyse particulière, très différente par rapport aux autres mémoires qui nous ont été présentés, et c'est fort apprécié.
J'aurais évidemment aussi quelques questions à vous poser, mais j'aimerais revenir sur la discussion que vous aviez justement avec l'opposition par rapport à «la discrimination» et «les discriminations». En vous entendant, j'aurais juste quelques précisions à vous poser par rapport... Moi, la façon que je comprends ça, tel que rédigé dans le document: nous, au Québec, quand on dit «la discrimination», on ne dit pas «la discrimination» pour nier qu'il y a plusieurs autres motifs. D'ailleurs, quand on regarde la jurisprudence, que ce soit la charte, d'autant plus les différentes causes qui peuvent se retrouver devant nos tribunaux, on voit qu'il y a plusieurs motifs qui se trouvent à être la base derrière le mot «la discrimination».
Alors, j'aimerais, dans un premier temps, vous entendre sur cette différence-là au niveau de la discrimination, donc cette reconnaissance que nous faisons, au Québec, de dire qu'une personne peut vivre plusieurs discriminations en même temps, hein, une personne, que ce soit au niveau linguistique et au niveau ethnique, que ce soit l'orientation sexuelle, nommez-les ? je pense qu'on les a nommées. Et je comprends très bien que vous voulez voir ajoutée la discrimination linguistique parmi ceux-là. Alors ça, c'est la première question. Ce serait de faire cette distinction-là par rapport à qu'est-ce que ça amène au niveau d'une meilleure reconnaissance de cette discrimination-là au Québec d'avoir ce changement-là.
M. Archibald (James): Alors, il est bien évident que le français tel qu'utilisé au Canada et au Québec suit un certain nombre de règles, n'est-ce pas, et, quand on fait une analyse des textes juridiques, etc., on se rend compte que le terme «la discrimination», au singulier, est utilisé couramment, «at large», comme on dit en bon français.
Par contre, pour venir au terme lui-même, nous faisons tous de la discrimination dans la mesure où on sépare les choses, on fait la distinction, etc., et ce n'est pas nécessairement mauvais. Donc, parfois, c'est important de discriminer la droite et la gauche, n'est-ce pas? Donc, ça fait partie de la nature humaine. Et donc, si, dans la littérature, on trouve le terme «les discriminations», c'est pour bien indiquer que le terme «la discrimination» a fini par prendre un sens péjoratif, tandis qu'en fait il y a le terme «discrimination» ayant un sens positif. Donc, ne nions pas le fait que la discrimination est parfois positive, en fait. Et donc, dans le discours politique, si on revient sur «les discriminations», là on revient beaucoup plus souvent sur l'aspect péjoratif de ce qu'on appelle, dans les textes juridiques, «la discrimination». Et c'est pour ça que je voulais faire la distinction, pour ramener un peu cette notion de la part des choses entre le positif et le négatif.
Mme James: O.K. Mais vous voyez...
M. Archibald (James): Je ne cherche pas querelle. Simplement, j'essaie de clarifier.
Mme James: Oui, oui. Non. J'apprécie énormément. Et vous voyez ce changement-là au niveau juridique ou au niveau de nos chartes, au niveau d'une politique? Est-ce que vous pensez que ça va amener...
M. Archibald (James): J'espère que... Enfin, je ne vous recommande surtout pas d'ouvrir la charte parce que ce serait bien trop compliqué. Mais je crois qu'il faut se rendre compte, dans l'application des droits et des... même des privilèges des gens, qu'il y a cette distinction sur le plan linguistique et qu'il ne faut pas toujours penser à la discrimination comme étant quelque chose de négatif.
Mme James: O.K. Sur un autre ordre d'idées, quand vous avez parlé justement d'une personne qui émigre au Québec et qui souhaite justement apprendre l'anglais pour ses compétences professionnelles, vous avez parlé de cette discrimination linguistique lors de votre échange. Mais la question que je vous pose: Vous ne pensez peut-être pas que c'est plus une question peut-être d'accès à des services qu'une discrimination?
M. Archibald (James): On peut éliminer les discriminations en donnant un meilleur accès aux services, ni plus ni moins. Donc, si, par exemple, j'arrive au Québec et je ne connais pas un traître mot d'anglais et je veux quand même travailler dans un secteur où j'ai besoin de travailler avec des collègues au Canada anglais, aux États-Unis ou en Grande-Bretagne, etc., parce que notre économie s'éclate sur ce plan-là, j'ai besoin de l'anglais pour pouvoir justement gagner mon pain quotidien. Donc, est-ce que, comme immigrant, j'ai le droit à la langue, le droit de demander au gouvernement de m'aider dans cet apprentissage qui va me permettre de m'intégrer dans une économie nord-américaine où l'anglais est une réalité sur le terrain? Je ne dis pas qu'il faut le faire, que le gouvernement doive avoir une nouveau budget de quelques millions de dollars pour le faire. Par contre, il faut se poser la question.
Le Président (M. Bernier): Alors, merci, M. Archibald. Le temps disponible au niveau de la partie gouvernementale est maintenant terminé, nous allons donc passer au groupe en tant qu'opposition. Vous avez 6 min 25 s à votre disposition. Donc, la parole est à la députée de Laurier-Dorion.
Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. Donc, on n'a pas beaucoup de temps, le temps file rapidement. Mais juste pour conclure sur ce thème-là. Donc, de votre point de vue, parce que les ressources sont limitées, alors si on doit privilégier... Bien, à votre avis, qu'est-ce qu'on doit privilégier? Est-ce qu'on doit privilégier ceux qui maîtrisent le français mais qui voudraient, souhaiteraient apprendre l'anglais dans le contexte québécois ou ceux... Parce que plusieurs groupes sont venus nous rencontrer et nous ont mentionné que plusieurs membres de leur communauté ne maîtrisaient pas le français même si parfois réussissaient à avoir accès à l'emploi. Tout à l'heure, nous allons accueillir le Centre à la famille chinoise du Grand Montréal, puis, dans leurs statistiques, ils nous indiquent que 50 % de la communauté vivant au Québec ne parle ni le français ni l'anglais, donc dans les deux cas. Alors, si on avait à privilégier entre les deux, à votre avis, qu'est-ce qui est préférable?
M. Archibald (James): Je reviens à mon histoire d'Adi Steg. Pourquoi Adi Steg a pu s'intégrer et devenir professeur d'université et puis vraiment faire partie de la civilisation, de la culture de l'État? Parce qu'il a fait l'école communale. Et je crois qu'il faudrait revisiter notre politique d'éducation nationale, et il y a beaucoup de gens que je connais dans mon entourage qui vont peut-être m'écorcher pour cela, mais, puisque le français est au coeur du débat au Québec et puisque le français est absolument nécessaire pour assurer une pérennité de cette société, est absolument nécessaire pour protéger le public, je crois qu'il faudrait hausser carrément nos exigences sur le plan de l'apprentissage du français au niveau scolaire, au niveau des professions, et avoir des exigences beaucoup plus corsées que l'on a actuellement. Vous lirez mon article dans Le français dans le monde, et je n'y vais pas très doucement. Et je crois qu'il y a lieu de revisiter cette question.
Moi, je sais que ni l'un ni l'autre des partis au gouvernement ne voudraient probablement ouvrir cette boîte de Pandore, mais je crois que, comme société, c'est très important de se poser cette question-là parce que, sans atteindre les niveaux de maîtrise et de connaissance suffisante de la langue, on risque le pire en fait. Et le texte du mémoire en fait, enfin le texte du document de consultation soulève aussi la problématique de la connaissance insuffisante. Malheureusement, les termes «suffisant», «insuffisant», «maîtrise», etc., aucun de ces termes n'est... pas suffisamment bien défini dans les textes réglementaires ou dans les textes de loi. Et puis demandez à quelqu'un à l'OQLF qu'est-ce que ça veut dire, «maîtriser le français», qu'est-ce que ça veut dire, «avoir une connaissance suffisante» ou «avoir une connaissance appropriée de la langue pour l'exercice de sa profession», et vous allez avoir des réponses pleines de vacuité, en fait. C'est la réalité.
n(11 h 10)nMme Lefebvre: C'est extrêmement intéressant, puis j'aimerais avoir le temps d'en parler pendant des heures, mais j'ai une autre question qui me vient en tête. Dans la conclusion de votre présentation, vous parlez des perspectives d'avenir suite à l'analyse linguistique de ce document, vous parlez qu'on pourrait même aller jusqu'à revoir la structure du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles.
M. Archibald (James): Tout à fait.
Mme Lefebvre: Je voudrais vous entendre sur cette question-là. Puis quelles seraient à votre avis d'autres opportunités ou d'autres hypothèses, avenues à envisager?
Le Président (M. Bernier): En une minute et demie, M. Archibald, s'il vous plaît.
M. Archibald (James): Une thèse en une minute et demie. Enfin, je dis rapidement simplement que, ma foi, ce n'est pas du communautarisme, mais l'État semble promouvoir des distinctions, des séparations, des ségrégations, des discriminations presque étatiques. Et je crois que la structure même de ce ministère est à revoir dans la mesure où nous devons faire tout pour intégrer ces nouveaux arrivants dans un Québec uni et pluriel qui reconnaisse des associations, mais qui ne distingue pas entre telle ou telle catégorie de citoyens. Je crois que tout le monde doit être sur un même pied d'égalité. Et pour reprendre l'expression d'Adi Steg, tout le monde doit apprendre à jouer aux billes ensemble en français.
Mme Lefebvre: Puis ça m'amène... juste en terminant, il y a beaucoup de questionnement sur l'utilisation des termes «Québécois», «Québécoise», «issu de l'immigration», «immigrant», «immigré», «communauté culturelle». Le Parti québécois au gouvernement avait choisi d'utiliser «Immigration et Relations avec les citoyens», donc en incluant toutes sortes de catégories de citoyens. J'aimerais vous entendre là-dessus, votre perception.
M. Archibald (James): Bien, je suis partisan... enfin, je ne suis... j'essaie d'être apolitique dans tout cela, mais je suis tout à fait partisan d'un État laïque, d'un État laïque qui donne le même traitement à tout le monde, n'est-ce pas? Et, si on est un État laïque de langue française, il faut que tout le monde ait accès au français à un même niveau avec les mêmes exigences. Et, puisqu'on est en Amérique du Nord, et jusqu'à nouvel ordre on fait partie de la fédération canadienne, on a aussi le droit d'assurer à tous ces citoyens la possibilité d'avoir une compétence suffisante de la deuxième langue officielle du Canada et la langue d'affaires d'Amérique du Nord.
Le Président (M. Bernier): Alors, merci, M. Archibald, le temps est déjà écoulé. Donc, au nom des membres de la Commission de la culture et en mon nom, il me fait plaisir de vous remercier de votre présentation. Et j'invite donc... on reprend donc le groupe suivant, soit l'Alliance théâtrale haïtienne, Trans-Art 2000, à prendre place immédiatement dans le but de respecter notre agenda et notre horaire. Merci, M. Archibald. Je suspends pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 11 h 13)
(Reprise à 11 h 18)
Le Président (M. Bernier): Nous allons reprendre nos travaux immédiatement dans le but de respecter notre agenda. Alors, bienvenue au groupe de l'Alliance théâtrale haïtienne, Trans-Art 2000. Dans le but justement d'entrer dans les temps définis, nous vous accordons 15 minutes pour votre présentation, et chacun des groupes parlementaires représentant le gouvernement et l'opposition auront 12 minutes, deux blocs de six minutes chaque, pour poser des questions. Donc, allez-y immédiatement, je vous en prie, vous pouvez vous présenter, messieurs.
Alliance théâtrale haïtienne, Trans-Art 2000,
Centre de service et d'intégration des minorités
culturelles et Association musicale de JS (AMJ)
M. Dorzin (Jacques-Gérard): Oui. Je voudrais, au nom des quatre organismes qui ont déposé ce mémoire, vous saluer et féliciter aussi la Commission de la culture qui a préparé un très bon travail sur...
Le Président (M. Bernier): Je vous demanderais cependant de vous identifier, s'il vous plaît, pour les fins d'enregistrement, de vous présenter.
M. Dorzin (Jacques-Gérard): Je suis Jacques-Gérard Dorzin. Je suis coordonnateur de l'organisme Centre de service et d'intégration des communautés culturelles.
M. Victor (Éternel): Oui. Alliance théâtrale... Mon nom, c'est Éternel Victor, directeur de l'Alliance théâtrale haïtienne.
M. Turcotte (Vincent): Bonjour. Mon nom est Vincent Turcotte. Je suis comédien et je collabore fréquemment avec l'Alliance théâtrale haïtienne.
M. Mead (Peterson): Bonjour. Mon nom est Peterson Mead. Je suis agent de communications pour Trans-Art 2000.
Le Président (M. Bernier): Alors, allez-y, monsieur.
n(11 h 20)nM. Dorzin (Jacques-Gérard): Oui, justement, je disais... Alors, je voudrais remercier... je veux vous remercier d'abord de l'importance rattachée au rapport que nous avons déposé et aussi féliciter la Commission de la culture qui a produit ce rapport. Alors, notre but, dans ce mémoire, était pour alimenter le débat sur le racisme, bien entendu, parce que, nous autres, c'est ça qui nous préoccupe dans... qui plus nous préoccupe dans ce rapport. Alors, nous avons constaté que ce rapport a fait un effort énorme, est allé un peu plus loin en parlant de politique antiraciste et antidiscriminatoire. Et alors, à ce niveau, on dit: Bon, ce serait peut-être bien une fois qu'on puisse participer au débat pour essayer de résoudre une fois pour toutes ce problème que nous savons très complexe et très vaste.
Pour la présentation du rapport, je vais vous passer M. Victor, qui va vous faire un bref résumé du mémoire que nous avons déposé, et après, moi, je vais vous lire les recommandations que nous avons faites, et puis le représentant de Trans-Art va vous parler de ce que Trans-Art fait dans le sens de la lutte contre le racisme, et puis Vincent, notre comédien, il va aussi... il a un point de vue à placer à ce niveau. Donc, je passe à Victor.
M. Victor (Éternel): Oui. Bon, je dirais que le rapport Vers une politique... c'est-à-dire le travail de la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles est si tellement important, et c'est pourquoi que les quatre organismes ont décidé vraiment de produire ce rapport. Cependant, nous avons dit, dans le rapport aussi pour combattre le racisme et la discrimination, il faudrait quand bien même aller à l'origine, et surtout nous avons mis l'accent vraiment sur le racisme contre les Noirs. Nous avons fait référence aussi à certaines idéologies, à certaines pensées, dans le passé, alors qui vraiment... et qui sont à la base du racisme contre les Noirs et le racisme... et contre les Noirs et la discrimination. Donc, nous avons parlé de l'idéologie chrétienne aussi, donc qu'il ne faut pas négliger le christianisme. Nous avons parlé aussi, donc, de l'interprétation abusive de la théorie de Darwin aussi bien, donc, qu'on a essayé d'appliquer pour démontrer scientifiquement que les Noirs étaient inférieurs aux autres races.
Donc, dans ce cas, nous avons dit aussi qu'actuellement, que ce soit le pays et la société d'accueil... donc il y a une mouvance démographique actuellement dans le monde, partout, et, avec cette mouvance démographique que nous avons pu constater dans le monde, et le Québec n'y échappe pas, alors c'est la raison pour laquelle nous avons jugé nécessaire une politique vraiment antiraciste et antidiscriminatoire pour faire place à la diversité, pour faire place à tout le monde... est quand même tout à fait nécessaire. Donc, là encore, nous avons mis l'accent sur la tradition politique même du Québec, la tradition de lutte politique qu'on a même au Québec pour faire avancer cette politique antiraciste et antidiscriminatoire. Alors, nous espérons, avec cette tradition politique que nous avons connue... elle va être aussi tout à fait utilisée pour mettre fin au racisme et à la discrimination et surtout contre la communauté noire au Québec.
Alors, c'est dans cet esprit-là que nous avons décidé de produire ce rapport pour appuyer vraiment le travail de la ministre qui a publié le rapport Vers une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination, juin 2006. Alors, dans ce cas-ci, nous, les quatre organismes qui ont produit ce rapport vont continuer dans cette démarche pour mettre fin au racisme et à la discrimination.
M. Dorzin (Jacques-Gérard): Alors, Vincent, je crois, a quelques mots à dire. M. Vincent.
M. Turcotte (Vincent): Alors, bonjour. Merci de nous recevoir aujourd'hui. En tant que comédien, je crois que c'est important de divertir les gens, mais c'est aussi important de passer un message social à travers nos pièces de théâtre ou nos films; c'est pour ça que, moi, je m'implique avec l'Alliance théâtrale haïtienne.
La lutte contre le racisme m'a toujours beaucoup tenu à coeur, et c'est pour ça que j'aimerais attirer votre attention sur Vers la recherche de solutions, à la fin du manifeste. Il y en a deux, moi, qui me parlent particulièrement.
La numéro 4: «Encourager, à l'école, la lecture d'ouvrages "intéressant" des gens issus des communautés culturelles visibles...» C'est sûr que ça fait une couple d'années que je suis sorti du primaire et du secondaire, mais je n'ai aucun souvenir d'avoir lu quelque chose des communautés culturelles visibles, que ce soit au primaire ou au secondaire. Bon, je pense que c'est important qu'on puisse lire des ouvrages québécois, oui, mais, si on nous faisait découvrir des écrits venant des communautés culturelles, ce serait vraiment quelque chose qui pourrait nous ouvrir, et puis... C'est ça, je me rappelle qu'au cégep on m'avait fait lire du théâtre noir américain, ça, je m'en souviens, mais, avant le cégep, je n'avais jamais rien lu des communautés culturelles. Donc, je pense que c'est important de s'y attarder.
Et le point n° 7, évidemment: «Imposer des mesures efficaces face aux organismes publics et parapublics, [que ce soient entreprises privées, entreprises publiques, institutions privées, institutions publiques,] qui refusent de se conformer à la Charte québécoise des droits et libertés...» Bon, ce n'est peut-être pas quelque chose qui est facile à faire, j'en conviens, mais je ne peux pas croire que, rendu en 2006, il y ait encore des gens qui empêchent des communautés culturelles d'obtenir des emplois. Parce qu'on sait très bien qu'il y a encore des patrons qui s'attardent à la couleur de la peau, à la religion, aux habitudes de vie, etc. Donc, c'est ça, je vous invite à regarder ça attentivement. Merci.
M. Mead (Peterson): Donc, moi, comme j'avais dit dès le début, mon nom est Peterson Mead, je représente l'organisme Trans-Art 2000. Trans-Art 2000 est un organisme qui oeuvre dans les arts de la scène, donc le théâtre, la danse et le chant. Premièrement, moi, je suis là en tant que jeune... Pour faire suite à ce que les autres ont dit, un peu pour aller dans la même lignée, donc le racisme... Il faut dire qu'en tant que jeune j'affronte aussi ce phénomène-là, disons, à Montréal.
Et puis, au Trans-Art, je travaille avec la responsable, la coordonnatrice, Mme Elsie Daphnis, qui n'est pas ici. Donc, je travaille avec elle en collaboration pour aider les autres jeunes. Aussi, il faut dire que, Trans-Art, on travaille non pas seulement avec des jeunes Noirs, mais on travaille avec tous les jeunes Québécois, Montréalais aussi. Donc, on travaille, que ce soit aux niveaux éducation, sensibilisation, dans toutes les lignées qui ont un rapport avec les arts de la scène. Bien, c'est ça, notre but et travail au Trans-Art 2000.
Moi, je voulais aussi qu'on pense à l'avenir du Québec parce que, je dois dire, si on parle de racisme, peut-être qu'il fut un temps c'était plus dur, mais, avec les démarches qui ont été faites, que ce soit dans les communautés culturelles et aussi avec les Québécois, je vois qu'il y a un travail aussi qui a été fait. Parce que, si, aujourd'hui, on est ici et puis on a le droit de parole, de s'asseoir en compagnie des ministres, des gens d'affaires, bien il faut dire qu'il y a un travail qui commence. Donc, moi, je suis très fier et très content d'être là, ce matin, pour pouvoir partager ce que je ressens à l'intérieur de moi au nom de Trans-Art 2000.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Y a-t-il une autre intervention?
M. Dorzin (Jacques-Gérard): Donc, justement, ce serait pour peut-être présenter toutes les recommandations, les autres recommandations qu'on avait prises.
Premièrement, c'est de prendre connaissance... dans le mémoire, on a dit: «Prendre connaissance des études et des travaux importants de différentes commissions et comités de travail qui ont permis de comprendre l'état de la situation, des besoins et des problèmes auxquels les communautés culturelles visibles font face, pour être capable d'élaborer des politiques sociales efficaces contre le racisme et la discrimination.»n(11 h 30)n Donc, on a aussi: «Créer une commission...» Donc, alors, dans le rapport qu'on a lu, on a constaté une faiblesse, là, de certaines commissions existantes, comme la Commission des droits de la personne et tant d'autres, et c'est mentionné dans le rapport.
Donc, si on a constaté cette faiblesse, il faudrait, si, eux, ils ont fait échec, faut-il bien qu'on pense à autre chose, à autre solution, comme la création d'une commission composée en grande partie des communautés culturelles visibles, en collaboration avec le gouvernement. Cette commission doit avoir l'autorité et la marge de manoeuvre nécessaires pour veiller au respect et à l'application des lois adoptées.
Donc, alors, c'est compte tenu de l'échec de certaines commissions existantes. Donc, alors, à ce moment, on dit qu'il faut impliquer plus de monde pour pouvoir arriver vraiment à faire ce travail, pour que le travail puisse être plus concret. Parce que justement, si certaines personnes de la communauté puissent s'impliquer, donc on est sûr que le travail est quand même... les autorités vont être informées, O.K., s'il y a une certaine négligence, etc. Donc, alors, c'est à ce niveau-là qu'on aimerait une grande participation des gens des communautés culturelles.
Et aussi on demande d'élaborer des politiques sociales visant à encourager la publication des manuscrits des gens issus des communautés culturelles visibles afin d'aider la population à prendre connaissance de sa réalité plurielle et à s'adapter à des personnages et des écrits pouvant contribuer à la déconstruction des mythes idéologiques du racisme et de la discrimination.
Ça, cette recommandation constituerait une porte ouverte sur l'autre connaissance parce que, pour vivre ensemble, comprendre, il faut qu'on puisse se connaître, mieux connaître, connaître l'autre pour pouvoir aussi l'accepter. Alors, si on fait cette démarche, je suis sûr qu'il va y avoir quand même un peu de changement dans la perception de l'autre.
Cela dit, Vincent a déjà lu la quatrième. C'est: «Encourager, à l'école, la lecture d'ouvrages "intéressants" des gens issus des communautés culturelles visibles afin de sensibiliser les enfants à d'autres réalités, les mettant en contact avec les mythes, les cultures, les modes de vie...» C'est presque à peu près la même chose qu'on vient de dire, O.K.? Donc, alors, c'est ça: la porte ouverte sur l'autre.
Cinquième recommandation...
Le Président (M. Brodeur): Je vous demanderais, s'il vous plaît, de conclure parce que le temps est écoulé. En quelques secondes. On pourrait peut-être y revenir à la période d'échange.
M. Dorzin (Jacques-Gérard): Bon. Parfait.
Le Président (M. Brodeur): Parfait. Donc, on va passer immédiatement à la période d'échange avec Mme la ministre.
Mme Thériault: Merci, M. le Président. Merci, messieurs, d'être ici aujourd'hui. Je trouve ça intéressant de voir que vous avez regroupé vos organismes pour venir nous rencontrer ce matin. J'ai jeté un coup d'oeil aussi sur la pièce de théâtre qui était jointe au mémoire et je ne peux m'empêcher de penser que ça prend beaucoup d'humour pour écrire une pièce comme ça, mais que dans le fond on n'est peut-être pas si loin de la réalité. On va dire ça comme ça. Donc, merci d'être avec nous ce matin.
Dans vos recommandations ? parce que le président va nous couper notre temps ? vous parlez d'«élaborer des politiques sociales [qui visent] à encourager la publication des manuscrits des gens issus des communautés culturelles visibles afin d'aider la population à prendre connaissance»... La semaine passée, il y a des gens qui sont venus nous voir, qui parlaient justement de la nécessité que, dans les émissions de télévision, ça puisse mieux refléter le pluralisme de notre société, quitte à donner des crédits d'impôt de la SODEC pour la production d'émissions. Est-ce que vous avez envisagé quelque chose comme ça pour qu'on puisse inciter à publier plus de manuels qui sont issus des minorités visibles?
M. Dorzin (Jacques-Gérard): Bon, est-ce que tu commences?
Mme Thériault: C'est la recommandation 3 que vous avez faite.
M. Dorzin (Jacques-Gérard): C'est la publication.
M. Victor (Éternel): Ah! O.K. Donc, je crois qu'encourager la publication de manuscrits de gens issus de communautés culturelles va permettre aussi aux jeunes de notre société de connaître l'autre et de s'ouvrir également à l'autre. Donc, ça peut se faire de diverses manières. Tout d'abord, donc, le manuel scolaire est tout à fait important aussi pour encourager ces jeunes-là à lire et à connaître l'autre, même au niveau cégep, également. Donc, il devrait y avoir des ouvrages lus par nos jeunes qui vont à l'université. Ça va être la même chose. Donc, ça va permettre à ces jeunes-là vraiment de s'ouvrir et de connaître l'autre. Ce n'est pas seulement au niveau des manuels scolaires. Même au niveau collégial aussi, il faut qu'il y ait cette exigence-là. Et même à l'université, ça doit être... Bon, à l'université, ça change un peu quand bien même, mais au collège, c'est tout à fait important aussi.
Mme Thériault: J'aimerais aussi peut-être vous entendre sur votre deuxième recommandation. Vous demandez de «créer une commission composée en grande partie des communautés culturelles visibles en collaboration avec le gouvernement. Cette commission doit avoir l'autorité et la marge de manoeuvre nécessaires pour veiller au respect et à l'application des lois adoptées.» Est-ce que vous trouvez que c'est parce que la Commission des droits de la personne et de la jeunesse ne remplit peut-être pas tout à fait la mission?
M. Dorzin (Jacques-Gérard): Bon, justement, dans le rapport, nous avons lu qu'on a constaté qu'il y a une faiblesse. On a même suggéré, dans le rapport, O.K., une réforme en profondeur de la Commission des droits de la personne. Donc, si on suggère une réforme en profondeur, ça veut dire qu'il y a quelque chose qui ne va pas. Et ça, c'est sûr que donc cette commission a fait échec, si on comprend bien. Donc, alors, dans ce sens-là, il faudrait penser à une solution, une autre solution qui pourrait être une alternative, quoi. C'est peut-être impliquer plus de membres des communautés culturelles ou peut-être veiller à quelque chose. On se demande peut-être pourquoi est-ce que ça n'a pas marché. Parce que c'est une institution vraiment sérieuse. Quand on parle de la Commission des droits de la personne, tout le monde prend ça au sérieux. Mais, quand, dans le rapport, on a lu que, O.K., il y a quand même une faiblesse, on recommande une réforme en profondeur, donc ça, ça nous suscite quand même des questions.
Mme Thériault: On reviendra, M. le Président. Merci.
Le Président (M. Brodeur): Mme la députée de Laurier-Dorion.
Mme Lefebvre: Le temps passe très vite. Merci, M. Dorzin, M. Victor, M. Mead, M. Turcotte. C'est dommage que Mme Elsie Daphnis ne se soit pas jointe à nous. C'est rare que j'ai l'occasion de rencontrer quelqu'un qui porte mon prénom. Mais, ceci dit, merci pour votre mémoire, c'est très intéressant.
J'aimerais, d'entrée de jeu, parce que le temps nous est court, rappeler un constat général que vous posez. Je vous cite. Vous dites: «...au cours des années soixante-dix, la préoccupation égalitaire chez les Québécois, en matière d'accessibilité à la santé et aux services sociaux, est à l'origine de nombreux changements. On y trouve la commission Castonguay, la création des CLSC afin de pouvoir servir la population dans son milieu naturel. Plus tard, le Québec, préoccupé par l'arrivée d'immigrants de diverses origines ethniques au pays, commande le rapport Prud'Homme revendiquant l'accessibilité des services sociaux aux minorités visibles, qui, traditionnellement, était orientée en fonction des deux groupes dominants: francophones et anglophones ? André Jacob. Puis on ne peut oublier la fameuse Charte québécoise des droits et libertés de la personne, adoptée en 1975, qui est à la base des inspirations des nouvelles politiques sociales du Québec.» Vous poursuivez: «Vers 1980, au relancement de la lutte contre les inégalités sociales, surtout dans le domaine des services sociaux, on voit l'apparition sans précédent d'une série de déclarations, de commissions, de comités et de lois, par exemple: la Déclaration du gouvernement du Québec sur les relations interethniques et interraciales [en] 1980, [la] commission Deschênes [en] 1982, [le] Comité d'implantation du plan d'action à l'intention des communautés culturelles ? 1982, 1984 ? Comité de travail sur l'accessibilité des services sociaux aux communautés culturelles ? 1985 ? commission Sirros ? 1987 ? commission Rochon ? 1988 ? Loi sur la fonction publique adoptée dans les années quatre-vingt pour assurer l'accès équitable aux membres des communautés culturelles, etc.» Je vous cite. Fermez les guillemets.
À la page suivante, un peu plus loin, vous dites: «Ce disant, la charte québécoise des droits et libertés de la personne, si chère à la population, a deux poids et deux mesures; elle est foulée aux pieds quand il s'agit [des] droits des communautés culturelles visibles.» À la page suivante, vous dites: «La déception est tous azimuts, au point que le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles envisage de soumettre au gouvernement un plan d'action concret et objectif pour lutter contre le racisme et la discrimination.»n(11 h 40)n Donc, vos propos sont assez clairs, et je sens chez vous un certain, je dirais, d'une part découragement, mais en même temps, lorsqu'on vous écoute, un grand optimisme pour l'avenir. Vous êtes ici, en commission, vous avez fait une présentation très dynamique, exposé ce que vous faites concrètement dans votre quotidien, au sein de vos organismes respectifs. Et donc je voudrais vous entendre sur les perspectives. Vous avez des recommandations claires, notamment, bon, une commission. La ministre en a parlé. Vous mentionnez de prendre connaissance des études et des travaux importants des différentes commissions. Bref, ce que j'en comprends, c'est de faire un meilleur suivi de ce qui existe déjà, des meilleures pratiques, puis dans le fond d'ajouter une reddition de comptes qui soit effective afin qu'on puisse dans le fond prendre ce qu'on a déjà comme législation, comme charte, puis le mettre de façon effective... Donc, je voudrais vous entendre sur ce constat un peu pessimiste dans le fond qui, en 2006, nous donne les résultats que l'on connaît puis j'aimerais vous entendre sur votre priorisation. S'il y avait une, deux, trois actions à faire demain matin, quelles seraient-elles?
M. Dorzin (Jacques-Gérard): Il faut dire qu'il y a eu de bonnes actions avant qui ont été faites, et justement c'est pour ça qu'on recommande d'aller le voir. Parce qu'il y a la loi pour le respect de l'égalité des chances, il y a d'autres lois. On a cité une commission qui a parlé qu'entre... c'est l'Église qui était quand même... gouvernait... Tous les services étaient quand même, je pense, décernés par l'Église des années soixante. Alors, je pense que le Québec a ? comment on dit ça, déjà? oui, a ? fait un pas en renversant l'ordre des choses... Ils ont changé à ce que tout le monde puisse... Parce que c'était quand même sur une base confessionnelle et puis il fallait être catholique, etc. Quand on était protestant, on ne pouvait pas bénéficier de services, etc. Alors, à un certain moment, le Québec a pris la grande décision de changer le cours des choses pour donner satisfaction à tout le monde. Et, si le Québec l'a fait à cette période-là, on est confiants que le Québec peut encore faire de grands pas dans ce sens pour changer l'ordre des choses, pour que notre société avance. Alors, c'est dans ce sens-là.
On dit que certaines décisions, comme le respect, O.K., aux employés... d'engager un pourcentage donné des membres des communautés culturelles, ça n'a pas été respecté. Il y a des études qui l'ont montré. Il y a d'autres formes de racisme ? excusez-moi, je n'aime pas trop le mot, mais quand même, de toute façon, il faut le dire ? donc, alors, qui ont été manifestées. Alors, c'est là que nous disons qu'il y a plein de choses qui ont été faites, mais ce rapport a retenu notre attention spécialement parce qu'il parle d'une politique de lutte contre le racisme. Ah, on voit que, là, dans ce rapport, on va loin. Et c'est ça. On attend aussi l'énoncé politique pour voir dans quelle mesure que ça va quand même changer, renverser l'ordre des choses.
Je ne sais pas si tu veux renchérir.
Une voix: ...
Le Président (M. Brodeur): Parfait. Mme la députée de Nelligan. Oups!
M. Dorzin (Jacques-Gérard): Mon collègue veut renchérir.
Le Président (M. Brodeur): Allez-y.
M. Dorzin (Jacques-Gérard): Il veut renchérir, oui.
M. Victor (Éternel): Oui. Et puis nous espérons aussi, avec la tradition de lutte qu'on a, au Québec, contre les inégalités sociales, alors nous nous attendons aussi que la politique qui sera adoptée va avoir la population même québécoise pour lutter contre le racisme et la discrimination. Ça, vraiment c'est tout à fait important parce que, quand on a regardé vraiment les efforts faits par le peuple québécois pour être là, aujourd'hui, en si peu d'années, donc je crois aussi qu'il est aussi important pour montrer vraiment qu'on pourrait aller encore de l'avant avec les autres communautés culturelles visibles qui sont ici pour faire place à ces gens-là.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Nelligan.
Mme James: Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, messieurs. Merci d'être là et de participer à cette commission. Je vous écoutais et l'échange que vous venez de faire avec l'opposition officielle et je vous dirais que, dans un premier temps, la première chose qui me vient à l'esprit, c'est que je partage aussi avec vous, compte tenu de l'histoire, l'urgence de vouloir s'assurer de regarder la situation de la discrimination au Québec. Et je pense que c'est un bon moment aussi de noter que nous allons être la première... Il n'y a pas une autre province au Canada qui se dotera d'une politique de lutte contre le racisme. Je pense que c'est important de prendre, compte tenu de l'importance de ce sujet et l'impact que ça aura sur les Québécois d'aujourd'hui et à l'avenir, de prendre le temps, tel qu'on l'a fait, de prendre le temps de bien regarder, de discuter des enjeux, pour se doter d'une politique qui va vraiment refléter les besoins de la population québécoise.
Je dis ça parce que c'est important. On a la tendance des fois de vouloir dire: C'est ça qu'il faut faire, et demain matin il faut arriver à ça, puis on va arriver à une solution. Je pense que c'est important de ne pas baliser l'exercice qu'on fait maintenant, de parler des solutions à long terme, et c'est ce qu'on fait. Puis encore je vous félicite pour la participation et pour le mémoire que vous avez apportés.
Je sais que j'ai seulement quatre minutes, mais je veux en profiter, compte tenu du fait que vous venez d'un milieu assez important, c'est-à-dire le milieu culturel. Je veux vous entendre notamment sur ce que vous pensez... sur l'influence, hein, que vous avez, qu'on peut faire pour assurer une meilleure représentativité. C'est une question qui revient souvent. Je la pose très ouvertement parce que je crois que ? vous l'avez déjà dit ? le contexte a beaucoup changé, hein, les dernières années. Mais aujourd'hui, en 2006, vous avez fait allusion aussi au fait que, tout au long de votre éducation ? puis «éducation» au sens large, au niveau scolaire mais parascolaire aussi ? vous n'avez pas eu la chance d'entendre beaucoup des artistes ou des Québécois de différentes origines qui auraient participé à l'évolution du Québec. Comment, concrètement... Quelles sont les recommandations que vous pourriez nous faire, que le gouvernement, entre autres partenaires, pourrait faire pour assurer cette meilleure représentativité là?
M. Turcotte (Vincent): Vous demandiez au niveau de l'influence. Parce que souvent, quand je joue avec l'alliance, étant Blanc, on me donne le rôle de bourreau de service. Donc, je me dis: Si je fais bien mon travail...
Des voix: ...
M. Turcotte (Vincent): Non, mais c'est tout à fait normal. Mais je me dis: Si je fais bien mon travail... Des fois, il y a des gens qui sont à cheval entre l'acceptation et les préjugés raciaux. Ils ne savent pas trop où ils se retrouvent là-dedans parce qu'il y en a qui n'ont pas vraiment d'opinion précise. Des fois, ils peuvent pencher d'un côté, des fois ils peuvent pencher de l'autre. Puis, moi, je me dis: Une pièce comme celle-là ? Au-delà de la peau, qui a été écrite par Éternel Victor ? s'il y a une personne qui vient voir la pièce, qui était justement à cheval entre les deux puis qui dit: Voyons donc, ça n'a pas de bon sens, ce qui se passe!, bien notre travail va avoir été fait. Donc, au niveau de l'influence, c'est ça que j'aurais à dire. Et puis, bon, je ne sais pas si...
M. Victor (Éternel): Je dirais aussi qu'au niveau de l'influence nous sommes tout à fait conscients que ce travail demande beaucoup d'appuis. Ce n'est pas un travail si facile de combattre un sujet aussi controversé que le racisme, aussi... que le racisme ou du moins aussi complexe. Donc, à ce niveau-là, il est tout à fait de notre devoir de mobiliser également notre communauté ou du moins les communautés noires pour appuyer cette politique ou du moins pour appuyer l'initiative bon qu'on est en train de prendre contre le racisme, contre la discrimination. C'est un travail de tout le monde, c'est sûr. Donc là, nous allons faire le mieux de notre part vraiment pour appuyer ce travail-là.
M. Dorzin (Jacques-Gérard): Et on pourrait aussi, d'une certaine manière, par des outils, outils d'intervention audiovisuels, O.K., pouvoir permettre aux gens de s'extérioriser et donner leur perception des choses, etc. Et puis aussi des concours de musique de jeunes, etc., parce qu'il y a des groupes de jeunes qui rappent, etc. Donc, on pourrait changer le sens... Parfois, il y a des mauvais messages qui sont envoyés, etc., mais on peut utiliser les jeunes, la musique des jeunes aussi comme outil pour faire ce travail aussi. Donc, on peut encourager la promotion ou bien comme la compétition de musiques de jeunes, des affaires comme ça. Il y a plein de moyens qu'on peut utiliser pour le faire.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Laurier-Dorion.
n(11 h 50)nMme Lefebvre: Merci, M. le Président. Bien, j'aimerais poursuivre un peu dans la voie de vos actions quotidiennes. En vous écoutant parler, j'ai l'impression de vous avoir finalement déjà vu dans votre pièce de théâtre, et ces expériences-là, je pense, sont enrichissantes à la fois pour les personnes immigrantes ou des minorités visibles mais aussi pour les personnes de la société d'accueil parce que ça permet de pouvoir voir les deux côtés de la médaille, la perception de l'un et de l'autre. Et à ce titre est-ce que vous considérez que l'on investit suffisamment dans la prévention? Bien, dans la prévention mais sous toutes ses formes. Bon, on en a parlé beaucoup, c'est médiatisé, l'aspect des gangs de rue par exemple, mais il y a aussi bon par des événements culturels, le théâtre. Ça permet de prévenir certains comportements et ça va un peu aussi avec votre recommandation 6 qui est de «soutenir financièrement les organismes des communautés culturelles visibles en vue de recruter des gens qualifiés».
Parce que, moi, je suis plutôt inquiète parce que dans le fond on a parlé aussi des immigrants de première et de deuxième génération, et ce qu'on constate aujourd'hui, c'est que, même dans la deuxième génération, il subsiste encore certaines problématiques. Et donc, puisque les niveaux d'immigration augmentent d'année en année... Collectivement, au Québec, on a fait ce choix qui est positif mais qu'on doit bien assumer afin de s'assurer que chacun des citoyens puisse trouver sa place dans cette nouvelle société. Donc, les croissances de l'immigration ont été de 25 % dans les cinq dernières années, tandis que les budgets ont été coupés de 30 % dans les quatre derniers budgets, au ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles. Donc, c'est une situation qui, moi, m'inquiète, et donc je voulais savoir si à votre avis on investit suffisamment dans la prévention et si vous considérez que les organismes sont suffisamment financés.
M. Victor (Éternel): Je dirais que nous les connaissons tout à fait très bien. Tous les organismes communautaires sont mal subventionnés pour faire le travail qu'ils sont en train de faire et même pour demander le travail qu'ils sont en train de faire. Ils sont mal subventionnés pour ça. Parfois, nous n'avons même pas assez d'argent vraiment pour travailler avec des gens qualifiés. Parfois, c'est avec des bénévoles qu'on a pu faire ce travail-là. Et puis, d'après l'expérience qu'on a sur le terrain et surtout en rapport avec la pièce de théâtre ou du moins la création théâtrale, lorsque, par exemple, nous avons réuni à peu près 15 à 10 jeunes sur une table de différentes cultures pour discuter ou bien pour produire une pièce de théâtre, c'est de là aussi que nous avons pu voir vraiment l'importance et l'ampleur même du problème raciste. Parce que ces jeunes-là vont échanger entre eux et ils vont créer tout d'abord leurs propres personnages, soit en fonction de leurs cultures, en fonction de leurs vécus, en fonction de leurs histoires. Et ce travail-là bon peut être fait à peu près dans une période de six mois, quatre mois, et puis, après ce travail-là, c'est terminé. Nous ne pouvons même pas continuer avec un autre groupe, avec d'autres jeunes parce que la subvention s'est limitée là.
Donc, de cette façon-là, je dirais que vraiment le travail de prévention est quand même nécessaire au lieu de prôner la répression. Donc, en mettant plus d'argent sur la répression, quand bien même... je crois que ça n'aide pas le problème comme il faut. Il serait mieux quand bien même de voir la prévention avant de regarder vers la répression. Ça, c'est tout à fait important.
Le Président (M. Brodeur): Malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposons. Donc, je vous remercie de votre présentation.
Et je vais suspendre quelques instants, le temps que le prochain groupe puisse s'installer. Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 55)
(Reprise à 11 h 56)
Le Président (M. Brodeur): À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous allons continuer nos travaux. Et je demanderais au club Sino-Québec de la Rive-Sud et Service à la famille chinoise du Grand Montréal de bien vouloir s'installer, s'il vous plaît. Bienvenue en commission parlementaire.
Donc, pendant que vous vous installez, je vous explique brièvement les règles de la commission. Vous avez un temps maximal de 15 minutes ? et je dis bien «temps maximal», donc vous allez me voir gesticuler après 13, 14 minutes pour la conclusion, si jamais ce n'est pas terminé ? et ce sera suivi par une période d'échange, là, avec les membres de la commission. Donc, immédiatement, je vous demanderais de vous identifier pour le bénéfice du Journal des débats et de procéder immédiatement à la présentation de votre mémoire. La parole est à vous.
Centre Sino-Québec de la Rive-Sud et Service
à la famille chinoise du Grand Montréal
Mme Li (Xixi): Bonjour. Merci beaucoup de nous recevoir ici et de nous écouter. Mon nom est Xixi Li. Je suis la directrice du Centre Sino-Québec de la Rive-Sud et la directrice par intérim du Service à la famille chinoise.
M. Nolet (Frédérick): Bonjour. Je m'appelle Frédérick Nolet et je suis agent de recherche au Centre Sino-Québec de la Rive-Sud.
Mme Chafoya (Judith): Judith Chafoya, assistante à la direction du Service à la famille chinoise du Grand Montréal.
Le Président (M. Brodeur): Bienvenue. Allez-y.
Mme Li (Xixi): Premièrement, je veux féliciter pour cette activité, pour consultation... la lutte contre le racisme pour la communauté culturelle. Donc, selon notre mémoire, on a des analyses puis on a des recommandations.
Premièrement, je vais commencer par parler du profil de la communauté chinoise. Donc, vous voyez, il y en a à peu près 600 000 Chinois maintenant au Québec...
Une voix: 63 000.
Mme Li (Xixi): 63 000, oui. Puis plus de 70 % sont nés en dehors du Canada. Ça veut dire que ce sont de toute la première génération. Pourquoi on arrive dans cette situation? Parce que, depuis longtemps, on est discriminés par la loi. Parce qu'on est venus ici, ça fait 105 ans, puis le premier groupe de Chinois, ils sont arrivés pour faire le chemin de fer. Après, ils ont été obligés de payer la taxe d'entrée pour venir au Canada. Après, le gouvernement, il a sorti une loi, «act» pour l'exclusion des Chinois. Donc, depuis 50, 60 ans, il n'y a rien de Chinois arrivés jusqu'aux années de 1980. Puis le Canada a commencé d'ouvrir les portes pour les Chinois.
C'est à cause de cette réalité, notre communauté, on est tous de la première génération. Puis, comparé avec les autres communautés, comme juive ou italienne, on a moins de support comme les autres, on a moins de structures comme les autres. Ils sont tous de première génération. Ils sont venus. Ils ont tous des problèmes eux-mêmes: la famille, la langue, l'éducation, l'emploi.
n(12 heures)n Puis en plus, en Chine, on n'a pas de service social comme tel. Ici, notre service social, c'est notre famille, nos amis. Mais, quand les nouveaux arrivants, ils sont arrivés ici, il n'y en a pas, de famille, il n'y en a pas, des amis. Donc, il est tombé dans une place noire. Il ne peut rien chercher. Donc, dans ce moment-là, le Service à la famille chinoise et Centre Sino-Québec ont joué un grand rôle pour aider notre clientèle.
Et, vous voyez, depuis les dernières cinq années, les Chinois, la communauté des immigrants chinois, c'est toujours la plus nombreuse au Québec, mais, dans le même temps, les ressources pour le Service à la famille chinoise, ou Centre Sino-Québec, en général pour la communauté chinoise n'ont pas augmenté. Et, vous voyez, la communauté chinoise, on est la plus âgée, comparée avec les autres communautés, puis on est plus scolarisés que les autres communautés, mais en réalité, au niveau de l'employabilité, on a moins d'emplois, puis les taux de chômage sont plus supérieurs que les autres communautés.
Parler de problématique de linguistique. À peu près 50 % des Chinois, ils ne parlent pas français ni anglais. Donc, ça, c'est une réalité. Ils ne peuvent pas chercher l'aide aux autres réseaux de services publics et les autres organismes. C'est une barrière pour la communauté chinoise au niveau des services sociaux et santé. Comme j'ai déjà mentionné à Mme la ministre qu'on a toujours référé nos clients au CLSC, puis le CLSC, il a référé nos clients chez nous puis ils ont demandé au gouvernement de nous donner des ressources. Le gouvernement a toujours dit qu'on ne voulait pas doubler les services. Mais maintenant c'est ce qu'on a trouvé, c'est qu'il n'y en a pas, de services, pour nos clients. On n'a pas d'accessibilité.
Puis ce que nous, notre... Parler de notre philosophie, de notre action, de Service à la famille chinoise et Centre Sino-Québec. On veut écouter les besoins de notre client, des nouveaux arrivants, valoriser ses connaissances puis diffuser l'information parce qu'il ne peut pas avoir l'accès auprès des services publics.
Puis ce que... notre recommandation pour le gouvernement... Parce que, comme le gouvernement peut implanter des programmes personnalisés... Parce qu'on parlait d'égalité. L'égalité, ça... Mais on devrait considérer le spécifique de chaque communauté comme le spécifique de la communauté chinoise. On est plus vulnérables que les autres communautés.
Et, au niveau de l'employabilité, je vais vous donner des exemples. Il y en a un programme qui existe dans notre centre, depuis neuf ans, puis ça nous a aidés à faire beaucoup de placements pour notre clientèle. Mais, depuis la dernière semaine, on a eu le programme qui s'appelle Immersion professionnelle, puis il n'existe plus. Puis je me suis demandé c'est quoi, la stratégie du gouvernement, au niveau de l'intégration pour les nouveaux arrivants. Donc... Parce que, pour l'intégration, on parlait d'intégration économique, culturelle, sociale, puis beaucoup de nos arrivants chinois, ils ont de la difficulté de trouver de l'emploi. Donc, je ne vois pas que le gouvernement, il a une stratégie ou la vision pour le long terme, pour l'intégration des nouveaux arrivants. Si on a décidé, à cause de la démographie, à cause du vieillissement de la population, si le gouvernement a décidé de recevoir des immigrants asiatiques ou chinois, il devrait avoir une vision ou planification à long terme pour intégrer ces groupes de gens. Oui. C'est tout.
Le Président (M. Brodeur): Est-ce que vous voulez qu'on passe à la période d'échange ou vous avez une autre intervention?
Mme Chafoya (Judith): Peut-être seulement dire que, moi, je travaille depuis cinq ans au Service à la famille chinoise. Étant immigrante moi-même et pas d'origine chinoise, en principe et à plusieurs égards, ça peut paraître différent, le mélange de deux cultures dans une seule personne qui a passé toute la période d'intégration plus ou moins difficile. Donc, moi, mon témoignage ce serait, étant au centre de la communauté chinoise, de dire à quel point c'est touchant quand les nouveaux arrivants viennent demander des services au niveau social, au niveau de la santé, au niveau de l'employabilité, puis qu'ils ne maîtrisent pas encore la langue française ou anglaise, et qu'ils sont très diplômés en Chine, puis qu'ils ont très peu d'espoir de pouvoir toucher un emploi à court terme, ce qui les met dans un désespoir assez difficile, que je peux comprendre aussi par ma même nature d'immigrante.
De l'autre côté, il y a aussi la question de l'approche linguistique. Pour les autres, ce n'est pas évident qu'ils vont réussir à bien maîtriser la langue dans une courte période de six, sept mois. C'est beaucoup plus difficile. Puis il faudrait revoir peut-être leur formation. C'est sûr qu'on ne peut pas faire de programme pour chaque nationalité ou pour chaque origine ethnique, mais il faut bien comprendre qu'il y en a, des personnes ou des groupes qui peuvent avoir beaucoup plus de problèmes à s'intégrer linguistiquement à cause des difficultés des paramètres des langues. Il faudrait tenir compte de ce détail-là.
Et l'autre aussi, c'est tenir compte du parcours que ces immigrants font. Des fois, il faut passer par deux, trois pays avant d'arriver au Québec, avant d'arriver au Canada. C'est que c'est très difficile pour une personne de s'intégrer à court terme ou à moyen terme. Donc, il faut prévoir peut-être une période beaucoup plus longue d'intégration et ne pas prendre pour acquis que la personne devrait être intégrée en trois à cinq ans, peut-être prendre de nouvelles mesures par rapport à cette conception d'intégration.
Et, dans les stratégies locales pour construire la diversité, dans le mémoire, on avait parlé des activités visant la sensibilisation et les changements d'attitude par rapport à la valeur de la diversité et des méthodes utilisées. Un exemple, le Service à la famille chinoise offre, parmi le programme PARCI qui est subventionné par le MICC, des programmes de sensibilisation aux intervenants, différents intervenants, dans les milieux scolaire, social, gouvernemental, paragouvernemental, et c'est dommage que des fois on n'en a pas... même pas trois personnes qui assistent à des cours qui sont axés sur la formation de cette diversité culturelle qui devrait être comprise pour justement pouvoir répondre d'une meilleure façon aux besoins de la clientèle qu'ils vont desservir.
Bon, la formation et l'éducation interculturelles, ça devrait être obligatoire pour tous les intervenants, mais au sens préventif, tel que les confrères haïtiens l'ont mentionné. Ça devrait être plutôt un programme d'harmonisation de bas âge, à la garderie, pour pouvoir comprendre et mieux harmoniser l'intégration entre les différents groupes.
Dans la promotion de pratiques de recrutement équitable, c'est sûr que la langue, ce serait toujours un atout. Alors, on aimerait avoir cette égalité des chances, de pouvoir dire: On a des cours adaptés aux besoins des immigrants en technique ou en profession, donc par domaine, pour pouvoir dire qu'on répond à cette exigence.
n(12 h 10)n Et, dernièrement, l'intégration des actions visant des groupes spécifiques dans des stratégies de développement du territoire. C'est sûr qu'au quartier chinois il y en a, par exemple, 200 aînés qui habitent dans des chambres en haut des commerces et des restaurants du quartier chinois, qui n'ont pas vraiment accès à la santé, qui sont très isolés. Pourquoi? Parce qu'ils ne parlent pas aucune des deux langues et parce qu'ils sont très isolés, puis il n'ont pas les ressources qui vont vraiment les toucher. Donc, peut-être ce serait juste d'harmoniser une stratégie qui puisse prendre conscience de toute cette difficulté.
Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Malheureusement, c'est tout le temps que nous disposons pour la présentation. Peut-être que vous pourriez ajouter des choses lors de l'échange avec les membres de la commission. Et nous allons débuter par Mme la ministre.
Mme Thériault: Merci, M. le Président. Merci d'être avec nous ce matin pour nous faire partager votre expérience, Mme Li, M. Nolet, Mme Chafoya. Vous avez touché beaucoup de sujets. Malheureusement, on n'aura pas le temps d'aborder tous les sujets que vous avez touchés, mais je pense que c'est important peut-être de faire quelques petites mises au point.
Vous avez parlé au niveau de la francisation comme telle où vous préconisez d'aller sur plus de temps de cours que le 33 semaines qui est actuellement. Là où je m'interroge, c'est votre affirmation. La semaine passée, on avait un groupe qui disait exactement le contraire. C'est que les gens, pour eux, ce qui était la priorité, c'était de trouver un emploi et, après, d'apprendre le français. Donc, évidemment, on voit que ce sont deux positions qui sont très différentes.
Et, pour votre information, à l'époque, lorsque les cours étaient d'une période de 40 semaines plutôt que de 33 semaines, il y avait énormément d'abandons au bout de la 29e semaine. Et à peu près tous les étudiants qui ont passé dans les cours de francisation étaient très heureux de pouvoir apprendre le français d'une manière beaucoup plus accélérée pour pouvoir aller plus rapidement sur le marché du travail. Donc, évidemment, ce sont deux affirmations qui sont totalement à l'opposé, qui m'interpellent et qui me questionnent. Parce que bon, moi, je connais beaucoup de gens qui ont passé dans la francisation et qui sont très heureux, qui sont en emploi aujourd'hui. Est-ce que, les gens, la priorité, c'est d'apprendre le français? Est-ce que c'est de se trouver un emploi? Je pense que tout est possible.
Évidemment, c'est sûr que la francisation ne se fait plus aujourd'hui comme elle se faisait à l'époque. Je pense qu'on essaie de tenir compte aussi des nouvelles technologies, ne serait-ce que les gens savent avant d'arriver ici, un, que c'est une société francophone. Ils ont la possibilité de prendre des cours de français dans leurs pays d'origine parce qu'il y a des ententes qui ont été signées avec des alliances françaises. Il y a des banques d'exercices de francisation sur le site Internet, donc ils peuvent commencer l'apprentissage du français avant même leur arrivée au pays. Et présentement on est en train d'envisager de la francisation en ligne pour que justement les gens qui font le choix d'aller travailler avant d'aller apprendre le français puissent de par eux-mêmes avoir une autre possibilité qui s'offre à eux. Évidemment, je ne parle pas des cours qui sont offerts au niveau du ministère de l'Éducation ou dans les commissions scolaires ou qui sont offerts par Emploi-Québec. Je ne parle que de l'offre de francisation qui est faite par mon ministère. Donc, évidemment, c'est sûr que je me sens interpellée.
Bon, vous parlez d'une stratégie d'intégration des communautés culturelles à plus long terme. Il y a quand même 165 pays ici, il y a des gens qui proviennent de 165 communautés différentes. Est-ce que vous êtes en train de me dire qu'on doit privilégier une approche sur le principe que chacune des communautés doit rester dans sa communauté pour avoir des services? Vous comprendrez qu'évidemment... Bon, je comprends que le centre de Service à la famille chinoise est réellement spécialisé auprès de la clientèle chinoise, mais, tu sais, si on fait ça dans chacune des communautés, on va avoir 165 communautés. Moi, j'ai l'impression qu'on risque beaucoup plus d'encourager les ghettos comme ça que si on essaie de travailler ensemble. Est-ce que la solution ne passerait pas, à tout le moins, pour vous aider à développer des nouvelles activités, d'aller vers une ouverture vers d'autres communautés aussi?
Mme Li (Xixi): Oui. O.K. Tout à fait. On a essayé de développer des liens avec les autres communautés, comme Mme Chafoya tantôt a mentionné, pour avoir des conférences interculturelles, pour attirer les agents de services publics, CLSC, de venir, de comprendre les différentes cultures, mais on voit les barrières. Souvent, comme on disait, que, nous, on n'a pas de services, on référait nos clients ailleurs. Mais ailleurs il n'y en a pas, de ressources adéquates aux besoins de nos clients. Ce n'est pas que nous, on veut tous prendre nos clients dans notre centre, mais, s'il n'y en a pas, de services ailleurs, qu'est-ce que les clients vont faire? Parce qu'on voit souvent, l'agent du gouvernement, quand il va donner des ressources, il va dire: Oh, on devrait donner à tout le monde; ce n'est pas à vos clients. Mais, quand il y a une problématique, il toujours venir nous voir: Pourquoi, le Service de la famille chinoise, vous ne voulez pas aider votre client? Ça, c'est votre communauté. Mais il joue dans deux côtés. Comme on reçoit beaucoup d'appels de CLSC, puis ils réfèrent des clients chez nous, mais on ne sait pas comment ça se fait.
Au niveau de la francisation, je vais faire mon commentaire. Moi, j'ai appris mon français ici, au Québec, comme immigrante de la première génération. Quand j'ai appris le français, j'ai déjà donné mes commentaires ? je pense qu'à ce moment-là il y en a des consultations du MICC aussi ? puis j'ai dit que le français on apprend au COFI, ce n'est pas vraiment... c'est pour nous d'aller plus loin, d'avoir un métier comme médecin ou comme avocat. C'est vraiment... c'est un français pour la vie. C'est: Tu peux chercher un logement, tu peux aller à l'épicerie. Même pour chez le médecin, ça ne marche pas. Donc, ça fait 15 ans que je vis ici, au Québec, je ne vois pas la formule de COFI changer beaucoup.
Mme Thériault: Mais pourtant, vous, ça fait 15 ans, puis vous avez pris votre cours de français, mais les COFI n'existent plus maintenant. C'est le précédent gouvernement qui avait décidé que les immigrants puissent prendre leurs cours dans les cégeps, les universités, avec des partenaires sur le terrain. Et c'est apprécié. Les jeunes aiment cette formule-là aussi. Je dois vous dire que possiblement, voilà 15 ans, il n'y avait pas de cours de français sur mesure, mais présentement il y en a. Et il s'en fait même avec les ordres professionnels pour justement faciliter l'intégration, le passage du test à l'Office de la langue française. Donc, il y a une société qui évolue, évidemment.
Là où je m'interroge, c'est parce que ça fait deux fois que vous parlez de l'offre de services par rapport à ce que les gens ne sont pas capables de se faire desservir. Vous me corrigerez si je me trompe, mais, moi, j'étais comme sous l'impression que, parce qu'il y a un hôpital chinois, à Montréal, les gens pouvaient avoir quand même un certain nombre de services au niveau de la santé. Et on entend souvent dire... et on l'a entendu la semaine passée aussi ou voilà deux semaines. Il y a un groupe qui est venu nous rencontrer en nous mentionnant que la communauté chinoise ne veut pas nécessairement apprendre le français, qu'elle parle en anglais entre elle, elle est capable d'évoluer, les services sont disponibles en anglais aussi. J'aimerais ça vous entendre là-dessus parce que c'est des propos qui m'ont fait réagir.
Mme Li (Xixi): L'Hôpital chinois, ce n'est pas vraiment un hôpital. C'est un logement social pour les personnes aînées puis handicapées. Ce n'est pas un hôpital comme d'autres. Premièrement.
La deuxième... au niveau de l'anglais, parce que, c'est sûr, l'anglais, c'est la première langue étrangère en Chine. Il y en a beaucoup de gens qui fonctionnent en anglais. Mais sauf que je devrais dire que notre communauté comme les nouveaux arrivants, ils essaient fort d'apprendre le français comme moi. Quand je suis ailleurs, j'ai toujours essayé de parler français, mais les gens ont toujours essayé de me répondre en anglais. Ça, c'est peut-être un préjugé...
Mme Thériault: Mauvais réflexe.
Mme Li (Xixi): Mais je vais vous donner un exemple. Mettez-vous en Chine pour six mois ou neuf mois. 40 semaines de chinois, est-ce que vous pensez que vous pouvez fonctionner avec ce chinois pour trouver l'emploi comme député ou comme fonctionnaire? Ce n'est pas évident. Donc ça, c'est ce que j'ai trouvé que... Peut-être que je suis trop critique, mais on ne voit pas beaucoup de changements. Mais il y en a, des changements, c'est positif. Mais on voulait que ça change plus rapide possible parce que les gens, ils n'ont pas le temps de perdre 10 ans pour attendre le changement de gouvernement. Ça, c'est une chose. Parce que, nous, on travaille proche de notre clientèle. On connaît bien les besoins puis on voulait que les immigrants chinois ou asiatiques, tous les immigrants soient très bien intégrés dans la société québécoise.
Mme Thériault: Est-ce qu'il me reste du temps, M. le Président?
Le Président (M. Brodeur): On n'aura pas trop de temps.
Mme Thériault: On n'aura pas trop de temps? Une petite dernière question ou non?
n(12 h 20)nLe Président (M. Brodeur): Bien, si vous voulez prendre tout l'ensemble de votre banque de temps, vous pouvez le prendre immédiatement. Sinon, il va vous rester quelques minutes seulement.
Mme Thériault: On va garder les quelques minutes, alors.
Le Président (M. Brodeur): Parfait. Donc, Mme la députée de Laurier-Dorion.
Mme Lefebvre: Merci à vous, du club Sino-Québec de la Rive-Sud et Service à la famille chinoise du Grand Montréal. Mme Xixi Li, Mme Chafoya, M. Nolet, bonjour. J'ai passé un agréable moment en votre compagnie, samedi dernier, pour le lancement des festivités du 30e anniversaire du Service à la famille chinoise. Donc, j'espère que vous allez avoir une année remplie de succès. Je vous encourage à poursuivre votre bon travail auprès de votre communauté. Et heureuse d'entendre également que vous avez de plus en plus de partenariats avec d'autres communautés puis également que vous prenez bien votre place ici, dans la société québécoise.
Votre mémoire est très intéressant. Puis ça met en perspective la réalité qui est la vôtre. Et c'est assez étonnant de constater qu'il y a environ ? c'est 60 000, je crois, que vous avez dit... personnes d'origine chinoise au Québec, puis 30 000 environ ne parleraient ni le français ni l'anglais. Je me demandais, est-ce que vous êtes capables d'identifier les principales raisons pour lesquelles il n'y a pas de connaissance de la langue? Parce qu'il y a quand même, tu sais, au niveau de... C'est de la réunification familiale ou...
Mme Li (Xixi): Souvent, c'est parce que les Chinois, leur priorité quand ils sont arrivés ici, c'est l'employabilité. Il va essayer de trouver de l'emploi. Même s'il a une formation en Chine, une maîtrise, ou s'il est ingénieur en Chine, ça ne le dérange pas de trouver de l'emploi tout de suite. Peut-être, ça, c'est une possibilité de... des gens. Quand il prend un métier comme tel, il va continuer, puis le... Parce que, pour la francisation, la période d'admissibilité, c'est cinq ans. Il a passé ce cinq ans d'avoir des chances d'étudier le français gratuit, puis il va continuer comme ça.
Une autre chose, c'est... il y en a beaucoup de femmes, elles devraient prendre soin des enfants. Elles pas capables participer au cours de francisation. Il y en a beaucoup de gens, je voyais, ils... Comme, dans notre centre, il est venu trois fois puis il est toujours dans le même niveau. Ce n'est pas qu'il ne voulait pas. C'est tellement difficile. Le français est tellement éloigné de la langue chinoise. Ça, c'est différents éléments identifiés. Peut-être qu'il y en a d'autres choses. On n'est pas...
M. Nolet (Frédérick): 30 % de la communauté ont 45 ans et plus. Je ne pense pas qu'il y ait de problème dans l'apprentissage du français avec les plus jeunes. Mais, si la majorité est âgée, peut-être c'est plus difficile pour eux autres parce que leur culture est chinoise, leur langue est chinoise, puis...
Mme Lefebvre: ...une différence entre les différentes vagues d'immigration, finalement.
M. Nolet (Frédérick): Sûrement.
Mme Lefebvre: Donc, est-ce que présentement, les vagues d'immigration plus récentes, les gens ont une meilleure maîtrise?
M. Nolet (Frédérick): Oui. Puis les jeunes Chinois sont dans le système d'éducation québécois, là. Ça fait que je pense plus que cette problématique-là concerne les personnes âgées puis l'accès aux services de santé et... Comme, tout à l'heure, on parlait santé. Mais, juste le renouvellement de la carte d'assurance maladie, les personnes âgées ne le savent pas, là, qu'ils peuvent se présenter à l'hôpital. Mais ils n'ont pas de carte. Puis ils veulent expliquer leur problème, mais ils ne sont pas capables de communiquer avec l'infirmière. Ça, c'est une situation, tu sais, qu'on aimerait peut-être savoir qu'est-ce qu'on fait dans cette situation, tu sais, avec cette personne, par exemple.
Mme Lefebvre: Vous avez parlé, tout à l'heure, de l'approche pour les cours de francisation. La ministre a mentionné avec raison que les COFI ont été remplacés par des carrefours d'intégration. Puis je suis heureuse d'entendre que la ministre considère que plusieurs personnes aiment cette nouvelle formule. Et donc vous semblez par contre attester du fait que ce n'est peut-être pas, dans tous les cas, la meilleure façon de rejoindre certaines personnes de la communauté chinoise. Est-ce qu'il y a des initiatives ad hoc ou des expériences que vous avez eues qui ont été couronnées de succès? Est-ce qu'il y a certaines alternatives qui devraient être privilégiées? Parce que je suis assez d'accord avec le fait que c'est important d'avoir des programmes qui s'adressent à tout le monde puis question d'avoir une plus grande mixité sociale. Mais par contre j'aimerais vous entendre sur vos expériences par le passé puis comment vous fonctionnez.
Mme Li (Xixi): Le Service à la famille chinoise, dans le passé, il a été subventionné par Patrimoine Canada pour regrouper une douzaine d'ingénieurs qui venaient de la Chine pour donner le cours de français juste pour préparer l'examen pour passer l'Ordre d'ingénieurs. Ce n'est pas mal bien réussi. Quand même, c'est à peu près un an de programme, et après on n'a plus de cette subvention puis...
Mme Lefebvre: C'est Patrimoine Canada qui subventionnait pour des cours de français?
Mme Li (Xixi): Oui. Pour ce programme, pour aider les gens à passer l'Ordre d'ingénieurs. Mais, si on a une autre ressource, on peut toujours regrouper des gens pour préparer... passer... comme l'Ordre d'infirmières, des choses comme ça. Mais ça fait déjà sept ans, je croyais, ce programme.
Mme Lefebvre: Mais est-ce qu'en ce moment vous avez des ententes? Vous parlez, dans votre mémoire, là, de l'importance de mettre en oeuvre une stratégie locale. Vous situez cette stratégie. Mais est-ce que vous pouvez élaborer davantage sur la façon dont on pourrait mettre en oeuvre les partenariats, les partenariats que vous avez actuellement avec le ministère de l'Immigration ou encore de l'Éducation? Comment on pourrait améliorer nos pratiques, si tel est le cas?
Mme Li (Xixi): Premièrement, c'est toujours... je devrais dire qu'on en manque de ressources. Même ça fait 30 ans on donne le service dans notre communauté, et puis on a beaucoup d'idées, on a, comme innovateurs, innovatrices, écrit beaucoup de demandes de subvention. Mais souvent, si on n'a pas de ressources, on ne peut pas réaliser notre activité. Ce que, nous, on va présenter au ministère de l'Immigration, c'est pour notre projet PARCI parce qu'on voit, il y en a beaucoup de difficultés de notre client à communiquer avec les écoles, puis ça cause beaucoup de problèmes dans l'école à cause de la mentalité. La langue, c'est différent en Chine. Le système d'éducation, ce n'est pas le même. On veut envoyer notre agent travailler dans différentes écoles, cibler des écoles qui sont plus problématiques, travailler là-bas pour faire proche entre les clients et l'école, aider la compréhension.
Mme Lefebvre: Vous estimez que vous offrez des services à environ combien de personnes par année?
Mme Li (Xixi): Qu'est-ce que vous... services de quel...
Mme Lefebvre: Bien, en fait, vos deux organismes, vous estimez que vous... Au sein de la communauté... Êtes-vous capables de...
Mme Chafoya (Judith): Pour cette année, on avait calculé environ 18 000 personnes qui sont venues chercher des services. On reçoit environ 50 appels par jour de différents milieux, de l'école, des intervenants psychosociaux, des travailleurs sociaux, des psychologues, des médecins, des entreprises, toutes sortes d'appels. On est sollicités pour différentes sortes de services.
Et peut-être juste dire que le plus important pour un immigrant, c'est l'emploi, c'est sûr, mais sauf que la langue est une barrière pour que ce travailleur-là puisse s'intégrer pleinement au marché du travail. Et ce n'est pas qu'il n'y a pas d'efforts qui sont faits. Il y a beaucoup d'efforts. Moi, je suis le produit de cet effort-là. Je ne parlais pas français chez moi. Je l'ai appris ici. Je suis contente. Je ne le parle pas à l'excellence, mais je me débrouille assez bien...
Une voix: ...votre français.
Mme Chafoya (Judith): ...et je suis contente de cela. Ce n'est pas qu'il n'y a pas d'effort qui se fait, c'est fait. Mais sauf que, moi, je me mets à la place d'un Chinois et je sais que c'est difficile pour un Chinois d'apprendre la langue. Donc, il faudrait plutôt aller peut-être vers la sorte de programmes, des cours sur mesure. Je sais que ça se fait déjà. On est en train de le faire avec les aides familiales. Si on pourrait les aider pour sortir de l'avance en infirmière, en technique pour les ingénieurs, comme on reprend le programme, ce seraient peut-être des bonnes sorties. Ce n'est pas qu'on veut un traitement spécial pour les Chinois, mais c'est juste que les difficultés sont vraiment réelles. C'est ça.
Le Président (M. Brodeur): Merci. On a le temps encore pour une courte question de chaque côté. Mme la ministre.
n(12 h 30)nMme Thériault: Merci. Par rapport à la difficulté d'avoir des services du gouvernement, est-ce que vous ne pensez pas que justement l'objectif qu'on vise, d'intégrer le pluralisme dans les prestations de services des services gouvernementaux... Que ce soit à l'école, que ce soit dans les hôpitaux, que ce soient les infirmières, les médecins, peu importent les services gouvernementaux, on se rend compte que la représentativité des communautés culturelles au sein de toutes les branches de la fonction publique est finalement très faible. Donc, vous ne pensez pas que, si nous avions des médecins, des infirmières, des professeurs qui étaient d'origine chinoise, ça pourrait faciliter grandement la compréhension lorsque les gens ont des services puis qu'ils ne savent pas exactement? Je veux bien croire que la francisation, c'est un service, c'est un fait, là, mais j'ai beaucoup de difficultés à concevoir qu'une personne qui a 70 ans, qui a besoin de services dans le système de la santé va être capable d'apprendre le français, alors que c'est une langue qui est très difficile à apprendre pour la communauté chinoise. Alors, je voudrais vous entendre sur le fait qu'on veuille... que, dans nos services publics, il y a un meilleur reflet de la représentativité qu'on a donc, nécessairement, des gens issus des communautés culturelles, et de la communauté chinoise notamment.
M. Nolet (Frédérick): C'est vrai qu'il y aurait un travail à faire là-dessus, là, mais c'est que finalement la conséquence, c'est sur l'établissement définitif, ils vont s'en aller. C'est ça, il y aurait un travail justement à donner un accès aux Chinois à des professions comme vous venez de nommer, parce qu'économiquement ils sont un peu enfermés dans l'enclave ethnique du quartier: restauration, commerce de détail, fabrication. Là, je n'ai pas de solution, mais c'est vrai qu'il y aurait un travail à faire là-dessus, car, sinon, c'est sur l'établissement que ça a une conséquence, ils vont partir. Puis la donnée qui est intéressante là-dessus, c'est sur les gens d'affaires. Je n'ai pas les chiffres exacts, mais, pour l'ensemble des gens d'affaires, je pense, c'est 35 % qui vont rester ? je pense, c'était pour la Montérégie ? qui vont s'établir, mais, dans le cas des investisseurs asiatiques, c'était 25 %. Donc, les trois quarts s'en vont.
Mme Thériault: ...Vancouver.
M. Nolet (Frédérick): Oui, c'est ça. Bon, c'était ça un peu que j'avais à dire, là.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Pour une dernière question, Mme la députée de Laurier-Dorion... Mme la députée de Prévost.
Mme Papineau: Oui. Moi, je voudrais savoir: les personnes... le 50 %, là, qui ne parlent ni anglais ni français, ce sont des gens qui sont ici en vertu de la réunification familiale ou...
Mme Li (Xixi): On n'a pas de statistique. Il y en a de familial. Il y en a beaucoup indépendants aussi. Il y en a de familial comme le mari qui fait la demande, puis la femme le suit, il y en a beaucoup. Puis il y en beaucoup d'indépendants; il a appris le... j'ai déjà dit, il a appris l'anglais en Chine, à l'école, mais ça ne veut pas dire que ça peut fonctionner tout de suite quand il arrive ici. Parce que, moi, j'ai une formation en lettres, en linguistique, en Chine, quatre ans, quand je suis arrivée au Canada, j'ai trouvé que l'anglais que j'ai appris en Chine, ce n'est pas le même que les gens parlaient ici. Je ne peux que répondre au téléphone. Puis ça me prend un an, deux ans, je vais améliorer... Je me suis améliorée avec...
Mme Papineau: Donc, en fait ce sont surtout des immigrants investisseurs de la communauté chinoise.
M. Nolet (Frédérick): J'ai la donnée ici, là, de l'Institut de la statistique. C'est des immigrants indépendants, 60 %, presque deux tiers. Donc, je pense... Je ne sais pas l'âge, là, mais ça doit être des jeunes peut-être, avec des qualifications. Non?
Mme Thériault: Normalement, les indépendants, c'est des jeunes, parce que le critère âge va faire qu'ils vont marquer des points. S'ils ne parlent pas français, il faut qu'ils aient des notions d'anglais. Donc, c'est nécessairement, par définition, des personnes qui sont relativement jeunes ou c'est de la réunification familiale, une personne qui était déjà ici et que, là, il y a quelqu'un qui est venu les rejoindre. Mais il faut faire la nuance parce qu'il y a différentes catégories. Les immigrants investisseurs, il y en a, mais ce n'est pas la grande proportion de la communauté chinoise, là. Il doit certainement y avoir de la réunification familiale parce que, dans la catégorie des indépendants, ce sont des gens qui sont relativement jeunes.
Le Président (M. Brodeur): Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Prévost.
Mme Papineau: Ma préoccupation, c'était que les personnes qui sont ici et qui ne parlent ni anglais ni français, moi, je pensais... En tout cas, je suis d'accord avec la ministre, ça doit être de la réunification familiale, de un, parce qu'il y a un des critères, lorsqu'une personne immigre au Québec en tout cas, c'est une connaissance du français, et le fait qu'il y a la moitié de la population ou presque de la communauté chinoise qui ne parle ni français ni anglais, j'imagine que c'est de la réunification familiale. Moi, je pense que c'est... C'est pour ça que je voulais que vous me confirmiez, mais vous semblez me dire que non. Vous semblez me dire que c'est...
M. Nolet (Frédérick): ...la donnée, je ne le sais pas. Mais je voudrais peut-être juste ajouter que ce qui cause peut-être un problème dans le cadre d'une lutte contre le racisme, c'est le cumul de handicaps. Déjà là, on part avec un problème linguistique. Si en plus les compétences professionnelles ne sont pas reconnues puis si on met le racisme ou la discrimination à cause de la couleur de la peau, bien là l'individu, il ne se sent pas bien dans sa peau, il ne se sent pas bien dans sa tête. Tu sais, c'est ça, là, dans le cadre d'une politique sur le racisme, je pense qu'il faudrait peut-être travailler sur le cumul de handicaps pour la communauté chinoise.
Mme Papineau: Mais ma préoccupation, c'était... Justement pour aider la communauté chinoise, j'aurais pensé que l'apprentissage du français aurait aidé. Je comprends que le français, c'est une langue quand même qui est assez difficile à apprendre, tout comme le chinois, vous en conviendrez, je pense que c'est une langue qui est assez difficile, mais je me serais attendue à ce que les gens qui immigrent ici, en tout cas des communautés chinoises, il n'y en ait pas la moitié qui ne parle non seulement le français, mais l'anglais non plus. C'est pour ça que je trouve... Je voulais vous entendre là-dessus, mais enfin c'est le constat qu'on fait.
Le Président (M. Brodeur): En conclusion, avant une demande, Mme la ministre.
Mme Thériault: ...cet après-midi, lorsqu'on reviendra, on déposera les statistiques par rapport à la communauté chinoise, avec les groupes d'âge, maîtrise de la langue, etc. Donc, ça permettra certainement d'éclairer plus le débat, parce qu'il se peut que, puisqu'ils travaillent beaucoup avec de la famille, il y ait une catégorie qui soit échappée complètement. Donc, on déposera les statistiques.
Le Président (M. Brodeur): En conclusion, la parole est à vous.
Mme Li (Xixi): O.K. O.K. Parce que ça, c'est parler de la valeur du Chinois, parce qu'il met beaucoup l'accent pour la famille. Souvent, nos arrivants... On a trouvé que, quand il est arrivé, quand il est bien installé, il va parrainer les parents, venir ici. Comme les parents sont souvent dans la soixantaine, ils ne peuvent pas fonctionner avec... Ça, c'est un phénomène. Mais pour... oui, parce que de plus en plus de gens font ça. Parce que je sais qu'il y en a de nombreux, de parents, que vous pouvez parrainer de chaque communauté, puis, notre communauté, on a toujours dépassé notre limite. La liste d'attente, c'est pour 10 ans, puis des autres communautés, comme latino, il y a une centaine de parents que vous pouvez parrainer chaque année puis il y en a juste une vingtaine de parents venus ici.
Ça peut être d'autres phénomènes, parce qu'à notre centre il y en a, des parents qui subissent la violence dans la famille, par les enfants. Ils ne savaient pas, il y en a, des services disponibles pour eux autres. Souvent, il y en a, des enfants qui parrainent les parents venus ici parce que ça fait longtemps que des familles qui sont séparées, quand il est réuni ensemble, ce n'est pas facile de vivre ensemble.
Le Président (M. Brodeur): Malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposons. Je vous remercie de votre passage en commission parlementaire. Et je vais suspendre nos travaux jusqu'à 14 heures, cet après-midi. Vous pouvez laisser vos choses ici, si vous le désirez.
(Suspension de la séance à 12 h 39)
(Reprise à 14 h 4)
Le Président (M. Brodeur): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons continuer nos consultations et, cet après-midi, nous allons recevoir en premier lieu le Centre international des femmes. Je vous demanderais immédiatement de vous installer à l'avant.
Donc, bienvenue en commission parlementaire. Donc, je vous explique brièvement la procédure à suivre. Vous avez un temps alloué de 20 minutes pour présenter votre mémoire, de la façon dont vous jugez à propos, et, si jamais vous voulez vous approcher du 20 minutes, vous allez voir le président vous donner le signal qu'il faudra conclure, et ce sera suivi par une période d'échange avec les membres de la commission. Donc, immédiatement, la parole est à vous.
Centre international des femmes, Québec (CIFQ)
Mme Kaache (Bouchra): Merci beaucoup, M. le Président. Mme la ministre de l'Immigration, MM. Mmes les députés, il me fait plaisir, aujourd'hui, de m'adresser à vous au nom de tous les membres du Centre international des femmes, Québec, dont quelques membres et clientes sont présentes ici, avec moi, aujourd'hui. Et nous tenons de prime abord de vous remercier de nous avoir donné l'occasion de nous exprimer sur ce sujet fort intéressant pour la démocratie au Québec, comme ça l'a toujours été. Et nous vous remercions encore une fois de nous avoir donné l'occasion aussi de présenter ce mémoire devant vous. On va procéder aujourd'hui d'une manière: puisque c'est 20 minutes, c'est sûr qu'on n'aura pas le temps de lire notre mémoire, qui se résume en 16 pages, donc je vais me contenter ici de présenter juste les grandes lignes.
De prime abord, certainement, je commencerai par présenter le Centre international des femmes, qui est un organisme à but non lucratif, un organisme qui a été créé depuis 25 ans. D'ailleurs, cette année, au mois de mars, on a fêté les 25 ans, sous la présidence d'honneur de Mme Lise Thériault, ministre de l'Immigration, pour marquer le coup des 25 ans de services auprès des communautés culturelles. Ces 25 ans... c'est-à-dire l'idée de base de l'organisme était partie de femmes québécoises et de femmes immigrantes qui avaient touché, sur le terrain, un besoin immense d'un organisme de services pour les femmes des communautés culturelles et, bien évidemment, leurs familles.
Depuis 25 ans, le Centre international des femmes a, bien entendu, développé divers services, divers projets. Aujourd'hui, je vais vous résumer les services que le Centre international des femmes présente, et la première chose qui ressort, c'est le rapprochement interculturel et le rapprochement interculturel qui se présente sous forme d'activités, rencontres favorisant le rapprochement interculturel entres les Québécois de souche et les communautés culturelles.
Le Centre international des femmes présente aussi la prévention de la violence conjugale, des conseils paralégaux pour des femmes immigrantes. Nous faisons aussi: la sensibilisation, l'accompagnement et de l'interprétariat dans le domaine de la santé et des services sociaux, parce que, comme vous le savez certainement, plusieurs immigrants qui sont allophones, qui arrivent ici, au Québec, ils ont besoin d'un service adéquat d'interprétariat à leur arrivée pour pouvoir bénéficier d'une panoplie de services que la société d'accueil offre.
Et, bien évidemment, parmi les services qu'offre aussi le Centre international des femmes, nous offrons l'intégration linguistique et culturelle tout au long des 25 années. Le dernier des projets que nous présentons, c'est un projet qui s'appelle Apprends-moi ta langue, qui est financé par le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles et qui favorise adéquatement et concrètement, sur le terrain, qu'une femme immigrante prenne contact avec une femme québécoise pour pratiquer la langue française d'une part, briser son isolement et puis, bien évidemment, élargir son réseau social.
Je vais prendre aussi quelques minutes pour parler, entre autres, du profil de la clientèle qui fréquente notre organisme. Le profil de la clientèle, c'est des femmes principalement des communautés culturelles avec leurs familles, c'est-à-dire le Centre international des femmes, annuellement il offre au-delà de 2 000 services à des femmes, ces services qui ne sortent pas du registre que je viens de citer.
Les réalisations du Centre international des femmes sont nombreuses. On peut le résumer sous forme de publications, c'est-à-dire le Centre international des femmes dépose déjà, au niveau de la Bibliothèque nationale, plusieurs documents, entre autres, je cite le dernier, c'est un document de 2006 qui s'appelle Perceptions de la violence familiale dans les milieux ethnoculturels de Québec. C'est une étude exploratoire et analyse des besoins en prévention, et ça, toujours pour mieux connaître la clientèle.
Les partenaires du Centre international des femmes sont nombreux. Comme je viens de citer... Tout à l'heure, j'ai cité le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles, mais je n'omettrai guère de mentionner aussi notre bailleur de fonds, qui est l'Agence de la santé et des services sociaux de la Capitale-Nationale, c'est-à-dire c'est cette organisation qui donne le financement de base de l'organisme. Bien évidemment, ce financement, il est complété par des projets développés avec d'autres instances du gouvernement du Québec, entre autres le Secrétariat à la condition féminine, et tant d'autres.
n(14 h 10)n Là, je passerai directement au sujet lié à notre consultation, c'est-à-dire des données concernant la discrimination et le racisme auprès des communautés culturelles. De prime abord, je tiens à mentionner que le Centre international des femmes va vous présenter ici des propositions et des recommandations au gouvernement québécois. Ces recommandations, elles portent notamment sur divers aspects de lutte contre le racisme.
Durant les 25 ans d'existence du Centre international des femmes ? et même les pionnières avant moi-même et avant mes collègues présentes ici, avant moi ? il y a beaucoup d'évolution qui a eu lieu, c'est-à-dire les immigrants qui sont arrivés depuis 40 ans ou 30 ans, ils voient qu'il y a une évolution au niveau de la société québécoise. Il y a une ouverture certes, le Centre international des femmes le voit concrètement à travers le projet Apprends-moi ta langue, parce que nous voyons l'initiative des individus qui veulent s'ouvrir, connaître de nouvelles cultures. Et ça, bien évidemment, ça ne nous donne que de l'espoir, au Centre international des femmes et ses membres, parce qu'il nous laisse croire qu'il y a place à rendre encore la société québécoise... qui est déjà, bien évidemment, ouverte sur la différence, la rendre encore plurielle, ce qu'elle est déjà.
Le racisme. Le document du Centre international des femmes essaie de définir un peu le racisme en se basant sur un ouvrage qui s'appelle... qui parle du racisme au Canada, et, selon cet auteur, Henry, il classe le racisme en trois rubriques: le racisme individuel, c'est-à-dire le racisme qui est lié à des individus, suivi de racisme institutionnel et systémique et par la suite le racisme culturel et idéologique. Nous, de notre part, nous allons nous concentrer sur les orientations et les choix que le Centre international des femmes recommande.
D'abord, l'orientation, la première orientation, ce serait de coordonner les efforts et, comme choix stratégique, ce serait d'évaluer et mesurer la discrimination. Quand on parle d'évaluer et mesurer la discrimination, c'est-à-dire que le gouvernement doit connaître plus profondément le fonctionnement du racisme dans une société postmoderne comme la nôtre. Cette connaissance approfondie devrait servir de point de départ pour un énoncé de politique, parce qu'il ne suffit plus de travailler à partir de la présence ou de l'absence du racisme, tel qu'il apparaît habituellement; les blagues, le langage injurieux et les agressions physiques figurent parmi les indicateurs du racisme. Et il est important de poursuivre l'étude et les solutions proposées pour le racisme structurel et systémique dont il a été question, c'est-à-dire, autrement dit, la nouvelle politique gouvernementale doit rendre compte de l'importance entre la différenciation et la notion d'altérité.
Et la première recommandation à ce sujet, du Centre international des femmes, c'est d'encourager les personnes des communautés culturelles à déposer des plaintes à caractère raciste devant une commission autonome de citoyens, les soutenir dans ces démarches et présenter périodiquement un bilan détaillé sur les cas traités et l'état d'avancement des plaintes.
La deuxième recommandation du Centre international des femmes, elle concerne l'orientation 2, c'est-à-dire reconnaître et contrer les préjugés et la discrimination, et le choix stratégique, ce serait d'éduquer et la sensibilisation. Et, dans ce cadre, la recommandation serait d'organiser une campagne nationale de sensibilisation et d'information sur l'importance de l'immigration, son apport à l'histoire du Québec, ses conséquences ? démographiques, économiques ? positives sur les conditions de vie des Québécois, tout en rappelant la gravité des actes racistes et xénophobes.
La recommandation 3, dans le même cadre, c'est-à-dire de l'orientation 2, c'est d'adapter les manuels scolaires et la vie culturelle aux réalités de la société plurielle qui est le Québec.
L'orientation 3, c'est de renouveler nos pratiques et nos institutions. Le choix stratégique, c'est: intégrer le pluralisme dans la prestation des services publics.
La recommandation formulée à ce sujet, c'est de tenir compte de l'expertise des organismes des communautés culturelles qui pourraient servir à titre d'assistants ou en tant qu'interprètes pour mieux desservir les communautés culturelles en liaison avec leurs spécificités. Et ça, cet élément, il ressort principalement de notre expertise aussi sur le terrain, par ailleurs comme tous les autres, parce qu'on voit des fois qu'il peut y avoir, pour certains professionnels, une incompréhension du référent culturel de certains clients, et ça, des fois ça peut créer des stéréotypes et des préjugés. C'est-à-dire, si ces personnes, ces professionnels, ils sont sensibilisés, ils comprennent mieux l'origine de ces clients, un bout de travail... un bout de chemin serait déjà fait.
Le temps qu'il va me rester, je vais le mettre principalement sur la problématique des femmes des minorités visibles, et on a choisi les femmes des minorités visibles, puisque, bien entendu, elles font partie de la clientèle majoritaire du Centre international des femmes, et, d'après le document de consultation, nous voyons qu'elles font partie d'une clientèle cible.
«[Pour] les femmes des communautés culturelles, en particulier les femmes immigrantes ? et je cite le document de consultation ? appartenant aux minorités visibles ou chefs de famille monoparentale, [elles] vivent souvent de multiples discriminations. Ainsi, elles sont désavantagées sur le marché du travail en raison des difficultés de conciliation entre la famille et le travail et par leur concentration [sur] des ghettos d'emploi féminins où leurs compétences et leur valeur sont encore parfois peu reconnues et moins bien rémunérées. Leur accès aux services des centres de la petite enfance peut être difficile lorsqu'elles ont des emplois atypiques. Concilier famille et travail est un défi important pour les femmes chefs de famille monoparentale.» Nous vous avouons que, ce passage qui est pris du document de consultation, nous trouvons qu'il résume pas mal bien la problématique, c'est-à-dire, ce que nous allons rajouter, qui serait des recommandations, ils vont dans le même sens que ce document de consultation. Et là je passe directement pour mentionner que la conciliation travail-famille est certes un problème pour les femmes des minorités visibles, mais elle est, bien entendu, aussi un problème de société, qui ne concerne pas uniquement les femmes immigrantes.
La cinquième recommandation à ce sujet, ce serait: revoir la situation des femmes immigrantes qui ont un diplôme universitaire au-delà de la maîtrise mais sont sous-payées ou encore au chômage et proposer des mesures concrètes pour contrer leurs obstacles à l'emploi.
La recommandation 6: s'assurer que les services de garde sont accessibles pour les femmes des communautés culturelles au même titre que leurs consoeurs québécoises, qui sont avantagées par le réseau social. Et, cette recommandation 6, nous nous basons sur un article... plutôt un cahier du journal Le Soleil, qui a paru, je pense, l'hiver dernier ? excusez-moi, je n'ai pas le détail de l'article ? qui a démontré, selon un sondage, une étude sur le terrain, que, pour avoir accès à un service de garde, le réseau ? même pour les personnes québécoises; le réseau ? facilite de trouver une place pour les Québécois eux-mêmes. Bien, imaginez pour une personne, une femme immigrante qui arrive ici, qui n'a pas de réseau, des fois trouver une place en milieu de garde, c'est un vrai problème.
La recommandation 7, c'est: s'assurer que l'État joue son rôle de chef de file dans le domaine de l'emploi en donnant l'exemple dans le recrutement des femmes des minorités visibles. Les entreprises du milieu privé suivront le modèle par la suite.
Et la huitième et dernière recommandation, c'est bien entendu de poursuivre la politique actuelle visant à nommer des représentants des communautés culturelles au sein des instances décisionnelles, ce qui se fait déjà. Nous félicitons déjà ce qui se fait et puis nous recommandons vivement qu'il y ait une poursuite parce que ça va donner l'occasion à des personnes de voir des modèles des communautés culturelles qui agissent.
Et, comme conclusion, je dirais que ce mémoire, bien évidemment, il ne s'arrête pas sur tous les aspects, parce que le Centre international des femmes s'est concentré sur son mandat en tant que tel. Nous sommes conscientes qu'il y a plusieurs instances, plusieurs organisations dans le milieu que vous avez déjà écoutées et qui ont touché à d'autres problématiques. Merci pour votre attention.
Le Président (M. Bernier): Alors, merci, Mme Kaache. Nous allons donc passer maintenant à la période d'échange avec les représentants du gouvernement et les représentants de l'opposition. Nous allons procéder à deux blocs de 20 minutes, quatre parties de 10 minutes. Donc, j'inviterais la ministre à entamer la discussion.
Mme Thériault: Merci. Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Kaache. Ça me fait plaisir de vous revoir aujourd'hui. J'apprécie aussi le fait que vous soyez entourée de vos consoeurs. Certaines d'entre elles, j'ai eu l'occasion de les voir au mois de mars.
n(14 h 20)n Je vous félicite pour le mémoire que vous nous avez déposé. Je suis bien heureuse que vous avez choisi d'aborder précisément l'angle des femmes immigrantes parce qu'il est vrai que les femmes immigrantes peuvent être confrontées à des doubles ou triples situations de discrimination ou de préjugé. Donc, merci d'être avec nous. Merci de partager avec nous votre expérience aussi. Je suis convaincue que l'expérience terrain... Vous savez, l'exercice d'une commission parlementaire, la beauté de la chose, c'est qu'on peut profiter de l'expérience qui se vit dans certaines régions. Évidemment, je ne prétends pas qu'on peut transposer les modèles tout partout en région, mais il y a quand même certaines notions de base d'expérience qui peuvent être grandement utiles pour les autres régions que la Capitale-Nationale, puisque vous y oeuvrez particulièrement. Merci d'être avec nous, donc.
J'irai dans votre dernière recommandation, où vous dites ? la huitième, pardon, c'est ça, c'est la dernière; où vous dites: «Poursuivre la politique actuelle visant à nommer des représentants des communautés culturelles au sein des instances décisionnelles.» Est-ce que vous parlez par rapport à la CRE, la région de Québec ou si vous parlez de la notion où, dans les sociétés d'État, le mode de gouvernance, on a décrété que tous les organismes et sociétés d'État devraient, d'ici trois ans, avoir une représentation de 50 % de femmes, mais également... Chose qui n'a pas été reprise ou presque pas mentionnée, c'était le fait que les groupes cibles aussi, donc on parle des minorités visibles, des personnes handicapées, les autochtones, puissent être considérés dans l'atteinte des objectifs. Donc, je voulais savoir: Un, est-ce que vous parlez de ce chemin-là qui a été parcouru dernièrement ou si vous parlez de d'autres types d'instances décisionnelles où... Exemple, la CRE pourrait peut-être s'être dotée d'un poste dédié spécifiquement pour les communautés culturelles.
Le Président (M. Bernier): Allez-y, Mme Kaache, la parole est à vous.
Mme Kaache (Bouchra): La recommandation, Mme la ministre, elle va dans le sens déjà de ce qui a été, ce qui se fait déjà, c'est-à-dire les sociétés d'État, etc. Mais en plus... Parce que, même, il faut reconnaître que les personnes, des fois, quand elles arrivent, ce n'est pas tout le monde qui peut accéder à des postes décisionnels rapidement avant de comprendre le système démocratique ici. Et, dans ce cadre justement, le Centre international des femmes développe un projet qu'il appelle Femmes immigrantes et démocratie, ou exercice démocratique, dans le cadre... avec le programme À égalité pour décider, pour préparer ces personnes à agir au niveau des instances décisionnelles. Et, quand on parle d'instances décisionnelles, ça part du petit conseil de quartier, ça part du conseil scolaire, ça part du conseil d'administration de sa caisse jusqu'à aller aux instances qui sont plus hautes, c'est-à-dire, lorsqu'on parle, bien évidemment, c'est tranquillement préparer ces personnes à être représentatives de la même manière qu'ils sont représentés au sein de la population.
Mme Thériault: Présentement, il n'y a que les sociétés d'État qui sont assujetties à cette obligation-là. Est-ce que vous verriez d'un bon oeil, exemple, les conseils d'administration des cégeps, nommément... Cégeps, universités, souvent, lorsqu'on vient pour faire la composition de ces conseils d'administration, doivent être représentants, exemple: deux représentants du corps professoral, deux des professionnels, bon, du personnel technique, des étudiants, des représentants socioéconomiques, etc. Dans les cégeps notamment, le gouvernement peut, sur recommandation des gens du milieu évidemment, faire des nominations, mais il y a beaucoup de nominations où le gouvernement n'a absolument aucune emprise parce que ce sont les membres des corps professoraux, les membres des syndicats, les étudiants qui vont eux-mêmes choisir leurs représentants. Donc, à ce moment-là, il est évident que, si le gouvernement voudrait aller plus loin au niveau de la représentation des membres des minorités visibles ou des communautés culturelles sur d'autres instances décisionnelles... Comment pensez-vous que le gouvernement ou les autres acteurs, que ce soient les professeurs, syndicats, les étudiants, devraient être interpellés par la participation civique des membres des communautés culturelles dans des instances décisionnelles?
Mme Kaache (Bouchra): Je pense, Mme la ministre, que ce ne serait pas une mauvaise idée d'essayer d'intégrer ces personnes dans ces instances parce que l'intégration, ça ne va pas se faire... C'est-à-dire, si on attend, des fois c'est comme attendre les syndicats et tout, des fois ça peut être long et difficile. Donc, s'il y a une intervention gouvernementale, peut-être, ça peut faciliter le travail.
Mme Thériault: Concernant les femmes, les femmes particulièrement, vous avez une des recommandations ici qui parle nommément de «la situation des femmes immigrantes qui ont un diplôme universitaire au-delà de la maîtrise mais sont sous-payées ou encore au chômage et proposer des mesures concrètes pour contrer leurs obstacles à l'emploi». Vous n'êtes pas sans savoir que présentement on travaille sur la reconnaissance du diplôme étranger. Il y a eu beaucoup de chemin qui a été parcouru dans les trois dernières années. Cette année, nous avons reçu 4 millions supplémentaires dans nos crédits pour justement accélérer l'entente de signatures. Il y a déjà 11 ententes qui ont été signées avec différents ordres professionnels; il y en a 14 autres qui sont en négociation. Autre le fait d'avoir permis aux ordres professionnels d'émettre différentes catégories de permis et de faire de la place pour nos citoyens qui ont été choisis par le Québec, qu'est-ce que vous pensez, comme mesures, qu'on devrait mettre de l'avant pour faciliter la reconnaissance de la diplomation des femmes?
Mme Kaache (Bouchra): Cette information d'ailleurs, je tiens peut-être à mentionner là-dessus qu'il y a une étude, ça s'appelle Des nouvelles d'elles, du Conseil du statut de la femme, où il y a une étude sur la situation des femmes immigrantes, avec des données statistiques qui démontrent que ces personnes, ces femmes qui ont... la majorité des femmes immigrantes... Parce que, l'immigration féminine, on peut dire qu'elle a changé de visage; il y a de plus en plus de femmes immigrantes qui sont diplômées, et on les voit même sur le terrain, contrairement à ce qui se passait il y a quelques années.
Effectivement, comme vous venez de le mentionner, on ne peut que se féliciter du chemin parcouru jusqu'à présent pour les diplômes, la reconnaissance des diplômes. On voit ce qui se passe par rapport aux ingénieurs, entre autres, et il y a d'autres corps de métiers qui arrivent petit à petit. Mais il y a un autre aspect qui est plus alarmant à notre sens, c'est: il y a des personnes qui sont diplômées d'ici, de l'Université Laval, par exemple, qui ont du mal. Et ça, je vous avoue que c'est une information certaine que j'ai eue de l'université, une collègue qui enseigne aux sciences infirmières qui, elle-même, prend le téléphone, elle-même, pour trouver ? elle m'avait avoué, elle était presque au bout du désespoir; pour trouver ? des stages pour des étudiants provenant des communautés culturelles. C'est-à-dire: des étudiants de communautés culturelles en sciences infirmières, ils ont du mal à trouver rien qu'un stage, et, comme je vous l'ai dit, c'est du monde qui a des diplômes d'ici.
La solution, je vous avoue, Mme la ministre, qu'on est... On vous amène ici la problématique, on n'est pas en mesure franchement d'apporter la solution. Mais nous sommes certains que vous avez les moyens de le faire.
Mme Thériault: Est-ce que vous pensez qu'on ne devrait pas avoir de la sensibilisation de faite auprès des personnels justement, les personnes qui sont en situation d'autorité par rapport à l'embauche? Parce qu'effectivement ce que vous mentionnez, ça arrive. Je ne remets pas du tout en doute vos paroles. Moi, je pense que, très souvent, il peut y avoir une méconnaissance aussi des codes culturels, il peut y avoir des préjugés. Est-ce que c'est de la discrimination, du racisme, des préjugés, une méconnaissance? Bon, c'est délicat de tracer la ligne au bon endroit, j'en conviens. Mais, s'il y avait de la formation qui était dispensée aux personnes qui justement sont responsables de l'embauche, notamment au sein de l'appareil gouvernemental, est-ce que vous pensez que ça pourrait contrer?
Mme Kaache (Bouchra): La sensibilisation, bien évidemment c'est un bon outil, et puis c'est un outil qui a été utilisé depuis déjà quelques années, et, parmi les recommandations du Centre international, nous parlons justement d'une campagne de sensibilisation nationale, ça veut dire pas seulement destiné à une organisation d'autres... parce que la campagne de sensibilisation nationale pourrait éventuellement sensibiliser toutes les personnes à l'utilité de l'immigration et à son importance aussi économique. Il faut que le monde se rende compte que ça économise au pays, un immigrant qui arrive déjà tout prêt, qui est prêt à travailler. C'est de l'économie d'argent.
Mme Thériault: Je suis d'accord avec vous. Mais là où je me sens doublement peut-être interpellée, ce sont les étudiants et les étudiantes qui sont finissants d'une université, ou d'un cégep, ou d'une institution québécoise qui, parce qu'ils sont d'une communauté culturelle x, ne trouvent pas leur place sur le marché du travail. À mon avis, c'est totalement inacceptable. Et, bon, au-delà d'une campagne de sensibilisation, j'entends bien qu'une campagne de sensibilisation peut faire un travail sur la masse, mais ne pensez-vous pas que pour les personnes qui, eux, embauchent... une espèce de formation sur la gestion de la diversité culturelle, de la réalité du milieu dans lequel les gens oeuvrent?
Maintenant, il est bien évident que, voilà 15 ans, dans la région de Québec, il y avait beaucoup moins d'immigrants qu'il y en a aujourd'hui. Dans les cinq prochaines années, il va y en avoir beaucoup plus qu'il y en a aujourd'hui. Donc, évidemment il faut quand même se préparer, il faut être conscient de ça aussi, là. Donc, il me semble que les personnes qui sont en poste, qui peuvent engager celles qui sont responsables des ressources humaines finalement gagneraient à avoir une formation pour être prêtes à la gestion de la diversité culturelle et même de la sensibilisation auprès du milieu de travail comme tel, là.
n(14 h 30)n On a reçu, en commission, le groupe ICI, qui est un organisme que vous devez certainement connaître, Mme Lopez qui nous a fait part de l'expérience de René Matériaux Composites qui, eux, ont fait appel à une main-d'oeuvre colombienne et qui se sont assurés, à toutes les étapes, non seulement les personnes qui embauchent, non seulement la direction... Parce que la direction peut bien décider, mais, si, dans l'équipe de travail, on met les gens de côté, on ne réglera pas le problème de l'intégration en emploi, là. Donc, il est évident que de travailler sur ce côté-là peut simplifier aussi de beaucoup l'intégration des gens.
Mme Kaache (Bouchra): Tout à fait. Bien, jusqu'à maintenant, déjà...
Le Président (M. Bernier): Courte réponse, Mme Kaache, avant de passer du côté de l'opposition.
Mme Kaache (Bouchra): Parfait. Je peux finir?
Le Président (M. Bernier): Oui.
Mme Kaache (Bouchra): Juste pour dire, c'est sûr, ce qui se fait déjà, comme je mentionnais au début du mémoire, c'est déjà bon. Et puis nous sommes confiants que ce qui va arriver encore, il y a place à amélioration. Nous sommes confiants, nous avons beaucoup d'espoir que, d'ici cinq ans, d'ici 10 ans, ça va être encore, ce mémoire, peut-être, un souvenir comme d'amélioration.
Le Président (M. Bernier): Alors, merci. Donc, nous allons donc passer du côté de l'opposition. Donc, je vais demander à la porte-parole officielle de l'opposition en matière d'immigration et de communautés culturelles, la députée de Laurier-Dorion, de débuter les échanges.
Mme Lefebvre: Merci beaucoup, M. le Président. Mme Kaache, merci d'être avec nous. Vous avez un mémoire fort intéressant, la vision de celle de nombreuses femmes, bref, qui cherchent à améliorer leur situation. Donc, je vous remercie d'être ici, du travail également que vous faites quotidiennement.
J'aimerais commencer ? j'ai plusieurs questions; mais ? sur l'employabilité, donc les discussions que vous aviez un peu avec la ministre. Dans le fond, il y a différents groupes de femmes qui sont venus nous interpeller, puis ils nous ont mentionné que certains programmes existants... Notamment, vous avez parlé des femmes qui ont des formations acquises ici même, au Québec, qui ont de la difficulté à insérer le marché de l'emploi. Puis il y a aussi toutes celles qui se joignent à nous, donc qui ont acquis des formations et des compétences à l'étranger, donc qui souhaitent s'insérer dans le marché de l'emploi. Puis ce qu'on nous a mentionné, c'est que plusieurs programmes étaient mal adaptés, notamment sur les critères d'admissibilité, bon, sur les années des programmes où les personnes sont admissibles, s'ils sont ici depuis au moins deux ans ou cinq ans, en tout cas tout dépendant des programmes. J'aimerais vous entendre là-dessus. Est-ce que vous considérez que ces critères devraient être modifiés et adaptés en fonction de la situation que vivent certaines femmes?
Mme Kaache (Bouchra): Je vous avoue de prime abord que l'employabilité, ce n'est pas vraiment notre champ d'action direct. Donc, je vous avoue que je les céderai certainement... Il y a d'autres organismes qui agissent directement sur l'emploi qui pourraient parler mieux que moi là-dessus. Toutefois, puisqu'on aborde ce sujet, je rajouterai un élément qui ressort de notre expertise sur le terrain. Comme je viens de mentionner et comme c'est décrit dans le document du Conseil du statut de la femme, Des nouvelles d'elles, on voit que le profil de l'immigration féminine a changé, ça veut dire: il y a de plus en plus de femmes qui sont diplômées, et, si on voit la réalité des marchés...
Et ça, je vous parle aussi d'une expérience concrète parce que dernièrement, depuis cet été, Emploi-Québec nous disait qu'il y avait des places justement dédiées juste pour des femmes immigrantes. Mais, si on regarde la réalité de ces emplois, ça peut être dans la restauration, ça peut être, par exemple, dans l'agriculture, et des fois, nous, on voit le profil de notre clientèle, c'est du monde qui a des fois des diplômes en médecine, du monde qui a des diplômes... des ingénieurs, sans vouloir aucunement dire qu'il y a un sous-métier, ou quoi que ce soit, des fois c'est du monde qui a besoin de temps d'abord pour accepter de faire d'autre travail.
Et puis il ne faut pas oublier aussi que ces personnes, souvent ils viennent de culture où la notion de travail est différente. Ça veut dire: le monde, il est formaté, si j'ose dire, pour travailler directement dans le domaine d'étude, il voit d'un autre oeil. Tandis qu'ici, par exemple, le Québécois moyen, en général on va trouver quelqu'un peut-être qui a une formation dans une discipline, mais, s'il a la chance de travailler dans un autre domaine, il va accepter de le faire, ce qui n'est pas le cas nécessairement, des fois, pour les immigrants. Donc, ça prend des fois plus de temps avant d'accepter cette réalité au niveau de l'emploi. Donc, c'est tout ce que j'aurais à rajouter sur cet emploi. Et, comme je l'ai dit, les organismes qui agissent sur le terrain, peut-être ils seraient mieux outillés que nous pour développer cette problématique.
Mme Lefebvre: Bien, c'est très intéressant. J'aimerais, à ce moment-là, vous parler de votre recommandation n° 1, qui est celle d'encourager les personnes des communautés culturelles à déposer des plaintes à caractère raciste devant une commission autonome de citoyens. Donc, vous suggérez une commission autonome de citoyens. J'aimerais vous entendre un peu: Qu'est-ce que vous entendez par là? Quel mandat cette commission pourrait avoir?
Mme Kaache (Bouchra): Ça peut être une commission formée de citoyens, comme le comité, par exemple, des usagers dans les hôpitaux. À titre d'exemple, ça veut dire, on s'est inspirés un peu de ce modèle. Donc, ça peut être des individus qui sont nommés par le gouvernement, qui sont aussi, peut-être, élus par les citoyens pour les représenter par rapport à ce dossier. Et ça, peut-être, éventuellement, ça va encourager les personnes à déposer des plaintes, lorsqu'il s'agit de discrimination, soit dans le milieu du travail ou autres, ou du logement par exemple ? parce qu'il faut dire aussi qu'il y a des fois des problématiques là-dessus ? pour formuler leurs problèmes. Et puis que cette commission autonome en quelque sorte rende compte à la société, genre, une fois par année, il y ait un rapport annuel où on voit quels types de problèmes se sont présentés et comment ils ont été traités. Ça va donner un peu un baromètre pour le gouvernement de savoir, de mieux adapter les politiques de lutte contre le racisme.
Mme Lefebvre: Parce qu'actuellement il y a la Commission des droits de la personne et de la jeunesse qui dans le fond joue un peu ce rôle-là, et le tribunal également. Donc, c'est sûr que des discussions qu'on a eues avec différents groupes, puis surtout des groupes qui ont beaucoup à travailler en lien avec la commission, bon, le constat est plutôt général, à savoir qu'il faudrait améliorer l'efficience de la commission, peut-être modifier les pratiques. La commission est venue siéger ici, la semaine dernière, puis ils étaient très optimistes quant à un nouveau plan d'action puis à modifier un peu ses modes de fonctionnement. Ceci étant, j'ai l'impression qu'il faudrait peut-être ajouter des ressources à la Commission des droits de la personne. Mais vous ne pensez pas qu'on pourrait transformer peut-être la commission pour incorporer peut-être une voix citoyenne plus forte à l'intérieur de celle-ci? Ou vous pensez que ça prend deux structures, là, vraiment distinctes?
Mme Kaache (Bouchra): En vous écoutant, je vous avoue que, sur le tas, je vois plus que ça peut être inséré dans l'instance déjà existante mais tout en restant comme quelque chose d'autonome, c'est-à-dire qui va être administrativement, et tout, géré par la Commission des droits de la personne mais que, cette commission, sa spécialité, c'est vraiment le problème lié au racisme, entre autres.
Mme Lefebvre: O.K. Donc, est-ce que vous avez eu affaire à la Commission des droits de la personne? Est-ce que vous avez été satisfaite?
Mme Kaache (Bouchra): Je vous avoue qu'annuellement ils viennent faire de la sensibilisation auprès de notre clientèle, parce que nous croyons que la lutte contre le racisme, elle commence d'abord par la sensibilisation de la clientèle, parce que plus les clients, ils sont au courant de leurs droits, ils sont un acteur aussi. Ça veut dire, le racisme, ce n'est pas juste la personne qui est raciste, la personne aussi qui subit, elle peut faire quelque chose, parce que, si elle connaît ses droits, elle va mieux agir. Je cite à titre d'exemple lorsqu'il y a un problème au niveau d'un logement ou quoi que ce soit, nous disons aux personnes: Voilà, il y a une instance ici, vous pouvez vous adresser pour avoir votre droit.
Mme Lefebvre: Il y a beaucoup d'organismes et de groupes qui sont venus nous entretenir sur peut-être une modification de l'approche gouvernementale en ce qui a trait à une meilleure transversalité de l'action gouvernementale face aux groupes ou aux personnes. Donc, vous, puisque vous êtes, bon, un... Bien, vous vous dénommez Centre international des femmes, mais vous êtes un groupe, bon, principalement de femmes. Vous avez mentionné que vous avez des relations privilégiées avec tout ce qui est le Conseil du statut de la femme et le secrétariat, et tout ça. Et également vous avez un deuxième mandat, qui est celui des minorités visibles, ou femmes immigrantes, ou d'origines diverses, de différentes générations. Donc, de votre expérience à vous, est-ce que vous pensez qu'il y a certaines passerelles qui pourraient être ajoutées, modifiées afin de faciliter dans le fond les relations entre votre organisme et les personnes que vous desservez et le gouvernement?
Mme Kaache (Bouchra): Excusez-moi, je n'ai pas bien saisi votre question.
n(14 h 40)nMme Lefebvre: Mais en fait c'est que l'importance... C'est parce que, bon, il y a des organismes qui travaillent en employabilité, il y a des groupes qui travaillent avec les femmes, il y a des groupes qui travaillent avec les personnes immigrantes, mais en fait tout ça finit par se regrouper parce qu'une même personne peut vivre différentes dynamiques, notamment face à l'emploi, et ça, ça touche d'ailleurs les différentes discriminations. Donc, on a mentionné que les femmes pouvaient être doublement discriminées du fait d'être minorité visible et femme face à l'emploi, par exemple.
Donc, l'idée, c'est d'améliorer nos modes de gouvernance afin de pouvoir répondre plus efficacement aux différents aspects. Puis ce qu'on nous a mentionné, c'est qu'à certains égards des fois on a l'impression qu'on ne se parle pas entre ministères. Puis il y a des programmes qui sont liés pour les femmes, par exemple, et d'autres pour l'emploi, et d'autres programmes... Par exemple, si on parle de francisation, la francisation se fait également par le ministère de l'Éducation. Donc, est-ce que vous pensez qu'on pourrait améliorer ces pratiques-là au niveau de l'appareil gouvernemental?
Mme Kaache (Bouchra): Je vous avoue que, selon notre expérience du terrain, ce que vous êtes en train de décrire, on ne l'a pas observé sur le terrain, ça veut dire, on ne l'a pas vu. Parce que, si j'ai bien saisi votre question, s'il y a un dédoublement un peu au niveau de ce qui est fait au niveau des ministères, on ne le voit pas réellement. Je ne sais pas s'il y a d'autres organismes qui voient ça. Parce que, de notre part, quand on travaille sur la problématique des femmes en tant que telle ou bien de l'immigration, c'est des choses qui sont liées, et puis, s'il y a plusieurs organismes qui s'en occupent, c'est dans le sens de la complémentarité et pas du dédoublement. Et nous optons aussi... nous travaillons aussi dans ce sens.
Mme Lefebvre: Puis est-ce que vous pensez qu'il serait opportun ? parce que différents groupes ont fait la proposition, j'aimerais vous entendre là-dessus ? de créer, par exemple, un secrétariat qui, lui, aurait une vision de tout ce qui peut se faire pour avoir finalement... pour pouvoir assurer une meilleure reddition des comptes? On a parlé de l'État comme ? puis, vous, vous en avez parlé ? modèle. Donc, si on atteint les objectifs, notamment au niveau de la représentativité dans la fonction publique, au niveau des emplois, ça peut avoir une incidence positive ensuite au niveau de la société en général. Donc, force est de constater que les objectifs n'ont pas été rencontrés au niveau, par exemple, de la représentativité au niveau de la fonction publique. Donc, est-ce que vous pensez qu'un secrétariat, par exemple, qui aurait une vision globale pourrait être une bonne idée?
Mme Kaache (Bouchra): Un secrétariat qui aurait une vision globale, moi, ça me paraît difficilement réalisable pour la simple et unique raison que les problématiques sont très diverses. Et puis, même les problématiques... Nous, en tant qu'organisme qui agit sur le terrain, nous avons du mal à savoir à l'année, à l'avance, qu'est-ce qu'il y aurait comme problématique, parce que la clientèle, elle n'est pas la même: elle ne cesse d'évoluer, elle change. Et même le visage de l'immigration, il change selon les pays d'origine des immigrants. Donc, avoir même un secrétariat qui serait au courant de la problématique, ce sera difficile parce que la problématique, elle évolue et elle change.
Le Président (M. Bernier): Alors, je vous remercie. Donc, nous allons passer au deuxième bloc du côté des membres du gouvernement et nous allons poursuivre avec la députée de Nelligan pour un bloc de huit minutes.
Mme James: Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour et bienvenue. Merci pour être là. J'aime bien tout ce que vous avez dit à date et j'ai bien hâte de continuer l'échange avec vous.
Je vais saisir l'occasion, compte tenu que vous êtes un organisme qui avez une mission avec plusieurs mandats, une des choses que j'ai appréciées dans votre présentation, c'est qu'au niveau de votre discours et dans le contenu de votre mémoire vous faites très attention d'apporter des nuances et les différences qui existent pour la femme immigrante et pour la femme minorité visible qui serait peut-être une deuxième ou troisième génération, que souvent on entend que les gens vont peut-être accuser, que ce soit le gouvernement ou la société en général, de ne pas apporter cette distinction assez importante.
Compte tenu de votre expertise, j'aimerais vous entendre, d'une part, davantage là-dessus, par rapport aux besoins que vous voyez ou que vous avez pu observer, différents, entre ces deux clientèles-là, si je peux dire ainsi, et si vous avez des suggestions à apporter à l'égard de comment est-ce que l'action gouvernementale devrait agir, des changements qu'on pourrait apporter dans la façon qu'on voit les choses.
Mme Kaache (Bouchra): Juste pour m'assurer que j'ai bien compris votre question, votre question, elle touche principalement les personnes des minorités visibles, c'est-à-dire qui peuvent être deuxième ou troisième génération. J'ai bien compris?
Mme James: Oui, vous avez bien saisi.
Mme Kaache (Bouchra): Je vous avoue que, ces personnes-là, on n'agit pas directement sur ces personnes, ça veut dire, elles peuvent être membres, participer aux activités, mais, au niveau des besoins, elles ne viennent pas vraiment nous voir parce que, les services qu'on offre, on offre principalement à des personnes qui viennent d'arriver, qui ont besoin d'une aide spéciale pour l'intégration à la société québécoise. Donc, une personne de deuxième ou troisième génération, elle peut éventuellement... je ne dis pas qu'elle n'aurait pas de besoin, mais certainement elle aura peut-être plus tendance à aller dans d'autres organisations, et elle vient éventuellement, aussi, vers nous, mais ce n'est pas vraiment le gros de l'organisme.
Mais je suis consciente qu'effectivement il peut y avoir des difficultés. Quand je parle de difficultés, c'est-à-dire des personnes qui se posent la question, on les voit des fois, par exemple, ils disent: Mais, moi, je suis ici, je suis né ici, comment ça se fait, on me pose la question encore d'où est-ce que je viens? Je viens de Québec. Je suis né ici, à Québec. J'ai fait mes études à Québec. C'est, comment on dirait... Je pense que ça prendrait aussi une sensibilisation pour que le monde se rende compte que le Québécois, ce n'est plus... Maintenant, le Québécois peut être asiatique, il peut être noir, il peut être un peu de tout. C'est le Québec vraiment multiculturel. Et puis je pense que l'intitulé de la dernière exposition qu'on a vue récemment ? on a reçu des e-mails; Mille et un visages, je pense; c'est ça ? c'est un beau titre pour refléter la réalité, en quelque sorte.
Mme James: D'accord. Et peut-être aussi où ça peut rejoindre votre clientèle, cette frustration que peut vivre une personne qui a suivi ses études ici et qui a à faire face à des obstacles au niveau de sa capacité d'aller chercher un emploi... vient chercher, rejoint un peu ce que peut vivre la personne immigrante que d'un coup on lui dit... Bon, j'arrive au Québec, alors j'ai peut-être besoin d'aller chercher une formation de plus, vous en avez parlé tout à l'heure, et cette personne-là va chercher des études supérieures, dans plusieurs cas, tel que vous l'avez indiqué, à l'Université Laval, ou que ce soit à McGill, l'Université de Montréal, ou n'importe où au Québec, et par la suite, tout en s'attendant à avoir cette reconnaissance-là par un emploi, ils ne réussissent pas. Il y a une frustration qui vient de là. Où je veux en venir, c'est de dire que la question de cette sensibilisation-là qui doit se faire par tout le monde, vous l'avez mentionné, est très importante.
Mais si vous êtes capable de peut-être nous parler un peu plus de l'accompagnement de plus qu'on pourrait donner à cette personne-là qui doit vivre ça, qui a eu à vivre ça. C'est sûr qu'idéalement on ne veut pas que ça se passe, mais, rendu là, comment est-ce que, vous, dans votre expérience, vous vivez avec ça, avec une personne qui... Bon, une fois que c'est rendu, comment est-ce que vous faites pour l'accompagner? Et qu'est-ce que, nous, on peut faire de plus pour les aider?
Mme Kaache (Bouchra): De prime abord, la personne qui est au stade de la recherche d'emploi en tant que telle, elle va se rendre... ça veut dire, on va référer, parce qu'on est un organisme... On n'offre pas tous les services possibles et imaginables, bien évidemment. On travaille en collaboration avec des partenaires qui complètent un peu notre mission, c'est-à-dire, la personne qui est au stade de la recherche d'emploi, elle va être référée à un organisme qui s'occupe directement, qui va lui faire de l'accompagnement adéquat pour atteindre cet objectif.
Mme James: Dans un autre ordre d'idées, lorsque je regardais votre mémoire, j'ai constaté que vous avez parlé de l'importance d'accorder plus d'importance aux formes subtiles de racisme dans les causes judiciaires. Quand vous dites ça, est-ce que vous pouvez nous expliquer un peu plus, est-ce que vous parlez des formes systémiques? Et comment est-ce qu'on peut... Parce qu'on nous reproche souvent que, bon, lorsqu'on attend que ce soit au niveau de la Commission des droits de la personne, que ce soit dans nos tribunaux en général, ça n'avance peut-être pas aussi vite qu'on le souhaiterait. Pourquoi avez-vous choisi ce moyen et que voulez-vous dire par les «formes de racisme subtiles»?
Mme Kaache (Bouchra): Les formes de racisme subtiles, et ça, c'est un extrait, je vous avoue que c'est un extrait d'un document sur la démocratie au Canada, en général, et ça résume très bien la problématique...
Une voix: ...
Le Président (M. Bernier): Allez-y, Mme la directrice.
Mme James: ...temps. Allez-y.
n(14 h 50)nMme Kaache (Bouchra): Oui, oui. Ça résume la problématique un peu du racisme en général. Donc, en général, quand on parle de racisme subtil, ça peut être par des blagues, ça peut être par des personnes qui peuvent, dans des espaces publics, la télévision ou les médias, dénigrer ou dire des mots sur une couleur, sur une religion, etc. C'est ça, le racisme subtil.
Mme James: Les sanctions que vous voyez au niveau... Vous dites qu'on devrait accorder plus de poids, au niveau judiciaire, à ça. Comment est-ce que vous voyez ça dans notre système actuel?
Mme Kaache (Bouchra): Parce qu'actuellement tout ce qu'on voit, par exemple, si quelqu'un dit, avance des propos racistes, ne serait-ce qu'à la télévision ou dans les médias, en général la personne peut perdre éventuellement son travail, son emploi. C'est une bonne sanction déjà, en soi, jusqu'à présent.
Mme James: Des dommages punitifs exemplaires peut-être?
Mme Kaache (Bouchra): Éventuellement.
Le Président (M. Bernier): Alors, merci, c'est ce qui termine le bloc de questions de la partie gouvernementale. Nous allons donc retourner du côté de l'opposition, pour une période de 8 min 20 s, donc un bloc qui vous est accordé. Donc, Mme la députée de Laurier-Dorion, la parole est à vous.
Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. J'aimerais, bon, tout de suite sauter à la recommandation 6. Elle se décline comme suit: «S'assurer que les services de garde sont accessibles pour les femmes des communautés culturelles au même titre que leurs consoeurs québécoises qui sont avantagées par le réseau social.» Vous en avez fait mention tout à l'heure, lors de votre présentation. J'aimerais avoir plus d'information là-dessus. Est-ce que vous considérez qu'il y a une discrimination à cet égard-là ou c'est simplement parce qu'il manque de places?
Mme Kaache (Bouchra): Le manque de places, certes c'est un problème social en tant que tel. Mais, nous, le constat, comme j'ai expliqué lors du mémoire, c'est qu'il y avait un dossier dans le journal Le Soleil, l'hiver dernier, qui démontrait clairement, par un sondage, une étude, que, quand on n'a pas un réseau, pour un Québécois... je dis bien: Pour les Québécois de souche qui n'ont pas un réseau social, ils ont plus de mal à trouver une place en garderie. Donc, nous, la réflexion qu'on a faite est la suivante: si un Québécois de souche a du mal à trouver de la place dans une garderie parce qu'il n'a pas de réseau social, on imagine une immigrante qui n'a pas du tout de réseau social comment ça va être pour elle. C'était notre démarche.
Mme Lefebvre: Bien, je trouve ça assez surprenant, d'une part, que ce soit vrai pour, bien, comme vous dites, les Québécois dits de souche parce que mon impression, c'est que les places en garderie sont accordées selon une liste d'attente, et donc, qu'il y ait des manques de places en garderie, ça, je vous l'accorde, les investissements ne sont pas suffisants, mais, deuxièmement, par contre, qu'il y ait... En tout cas, qu'il puisse y avoir une différence, en tout cas je trouve ça vraiment surprenant puis je pense qu'on devrait peut-être faire une petite enquête là-dessous.
Mme Kaache (Bouchra): C'est pour ça que c'est bien mentionné «s'assurer que les services», c'est-à-dire, on n'a aucun élément pour dire qu'il y a un problème quelconque, c'est juste une réflexion qu'on a menée comme quoi, si des Québécoises de souche qui n'ont pas de réseau social ne peuvent trouver de place, donc on aimerait bien s'assurer que les Québécoises des minorités visibles ou les femmes immigrantes est-ce qu'ils ont accès à ce service adéquatement, tout simplement.
Mme Lefebvre: Je vais céder la parole à...
Le Président (M. Bernier): Donc, nous donnons maintenant la parole à la députée de Prévost.
Mme Papineau: Non, ça va être le député de...
Le Président (M. Bernier): Ah! le député de Saint-Hyacinthe. Ah! bien, oui, M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dion: Merci, M. le Président. Merci, M. le Président. Alors, je vous remercie beaucoup, et c'est sûr que nous avons un grand intérêt à connaître la façon dont vous analysez la problématique, parce que c'est une problématique extrêmement complexe, qui fait appel autant à des réalités objectives qu'à des réalités très subjectives et propres à chaque culture et même à chaque personne.
Mais, si on en reste exactement sur le plan objectif de la question qui a été posée avant moi, on dit: C'est un problème pour les immigrantes et les immigrants, évidemment, en général de trouver des places en garderie, et vous avez très bien mentionné que, si c'est déjà difficile pour les Québécois francophones qui sont dans le milieu depuis toujours d'en trouver, des places, donc c'est difficile pour vous. C'est sûr qu'au point de départ, quand on a lancé un développement accéléré des places en garderie, on voulait privilégier les milieux les plus démunis. Mais on s'est rendu compte après coup que les milieux les plus démunis sont démunis aussi face à ça, c'est-à-dire, ils sont démunis face à la nécessité ou à la façon de procéder pour trouver une place en garderie, ce qui fait que, quand ils arrivent à la garderie, elle est pleine. Bon, évidemment, ce n'est pas un absolu, mais, la problématique, vous l'avez bien décrite.
On a plus ou moins 350 000... un peu plus, 400 000 enfants ou plus, au Québec, en âge d'être dans les garderies. On a officiellement 200 000 places. Il en manque théoriquement 200 000, bien j'exagère un peu, là, c'est peut-être 150 000, mais, dans les 160 000. On sait qu'il y a un nombre appréciable d'enfants qui sont gardés par leurs parents chez eux, et c'est un choix de famille. Donc, ce n'est pas 150 000 qu'il manque, c'est un peu moins. On sait qu'il y en a quelques-uns qui sont gardés, un nombre appréciable, par des amis, des parents, tout ça. Mais, chez nous, à Saint-Hyacinthe, où on a à peu près un peu plus de 1 000 places en garderie, dans le réseau, on a des listes d'attente pour un peu plus de 1 000 places. Donc, peut-être que c'est pire qu'ailleurs.
Mais le problème du nombre de places me semble être une réalité, vous ne pensez pas, pour répondre aux besoins des immigrantes, c'est-à-dire les immigrantes et les immigrants sont dans la catégorie, comme vous avez dit, des gens, des Québécois qui ont le plus de difficulté à avoir de places. Or, si les places sont toujours pleines et qu'il manque d'espace, et il y a des listes d'attente, bien on peut penser que de toute façon les immigrantes et les immigrants seront, pour longtemps encore, pénalisés. Alors, vous ne pensez pas que mathématiquement il manque nécessairement un nombre important de places en garderie?
Mme Kaache (Bouchra): Comme je vous ai dit, là, je ne pourrai conforter laquelle des hypothèses est la plus plausible parce que, nous, on est partis d'un dossier spécial qui a été au Soleil, on s'est dit: Peut-être, c'est-à-dire, ce n'est qu'une enquête sur le terrain qui va démontrer réellement est-ce que c'est un manque de place ou bien s'il y a d'autres éléments qui rentrent en jeu.
M. Dion: Merci. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bernier): C'est tout, M. le député de Saint-Hyacinthe? Est-ce que Mme la députée de Prévost...
Mme Papineau: Oui.
Le Président (M. Bernier): Oui? Donc, c'est à vous la parole, Mme la députée de Prévost.
Mme Papineau: Bonjour, madame. Je vais aller à votre recommandation 7 où vous dites: «S'assurer que l'État joue son rôle de chef de file dans le domaine de l'emploi en donnant l'exemple dans le recrutement de femmes [de] minorités visibles.» Bon, même globalement, c'est juste 2,9 % d'immigrants qui font partie de la fonction publique, et là je ne parle pas juste de femmes, je parle d'hommes et femmes. Mais vous dites: «Les entreprises du milieu privé suivront le modèle par la suite.» Qu'est-ce qui vous fait dire ça?
Mme Kaache (Bouchra): C'est l'espoir, madame. C'est-à-dire, nous croyons que, si le gouvernement donne le modèle, peut-être, c'est une manière de sensibilisation envers le privé et, c'est sûr, comme je l'ai dit, c'est... Quand je dis «l'espoir», c'est vraiment l'espoir parce que nous croyons que ça va servir de modèle.
Mme Papineau: Bien, moi, je vais vous dire, à un moment... la semaine dernière, il y a un groupe qui est justement venu nous voir, puis il nous a dit qu'il fallait conscientiser justement les gens d'affaires à l'embauche d'immigrants. Cependant, moi, je me souviens d'avoir reçu, ici même, dans ce salon, la Chambre de commerce de Québec, qui se disait ouverte et qui se disait, bon, prête à embaucher des immigrants. Sauf que ce même groupe qui est venu la semaine passée, moi, je lui ai demandé... je suis allée les voir et je leur ai dit: Avez-vous une complicité avec la chambre... Parce que vous êtes de Québec, je pense, hein?
Mme Kaache (Bouchra): Oui.
Mme Papineau: Avez-vous une complicité avec la Chambre de commerce? Et on m'a carrément dit: Non. Mais, vous, est-ce que vous avez une complicité ou en tout cas avez-vous approché la Chambre de commerce de Québec, je dis bien «de Québec», de la ville de Québec, pour justement les conscientiser à l'embauche de personnes immigrantes?
Le Président (M. Bernier): Vous avez 30 secondes pour répondre, Mme Kaache.
Mme Kaache (Bouchra): Oui. Nous travaillons de très près avec la Chambre de commerce de Québec. On fait des activités de sensibilisation ensemble. Et même, dernièrement, par exemple, pour la sélection d'immigrants du monde, là, le prix, le Centre international des femmes a été déjà invité pour siéger au comité de sélection des personnes.
Le Président (M. Bernier): Alors, je vous remercie, Mme Kaache. Donc, je remercie les représentants du Centre national des femmes de Québec de sa participation à la commission culturelle. Donc, au nom des membres et en mon nom personnel, merci. J'inviterais donc maintenant les représentants du Syndicat des professeurs de l'État du Québec à prendre place, s'il vous plaît. Et je suspends pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 15 heures)
(Reprise à 15 h 2)
Le Président (M. Bernier): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux. Donc, nous recevons le Syndicat des professeurs de l'État du Québec, représenté par MM. Luc Perron, Paul Morissette et Mme Angelina Philip. Le fonctionnement est le suivant. Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation. Par la suite, le groupe parlementaire composant le gouvernement... représentant le gouvernement aura également 20 minutes, ainsi que 20 minutes du côté de l'opposition. Donc, je vous invite à vous présenter lorsque vous prenez la parole, pour les fins d'enregistrement. Et je vous remets immédiatement... Je vous prie de débuter immédiatement votre présentation. Merci beaucoup.
Syndicat des professeurs
de l'État du Québec (SPEQ)
M. Perron (Luc): Merci, M. le Président. Mon nom est Luc Perron. J'assume les nobles fonctions de la présidence du Syndicat, comme vous l'avez mentionné, des professeurs de l'État du Québec, dénomination qui nous avait été accordée par l'honorable Jean Lesage, en 1965. Alors, derrière moi ? je vous demande d'exercer votre imagination ? nous avons une trentaine d'immigrés qui sont sur les chaises arrière, parce que vous avez ici, à Québec, bien sûr, si vous voulez, un centre de services de francisation, mais on leur a demandé de s'abstenir de se présenter tout simplement parce que la formation est importante, puis l'apprentissage du français, c'est quelque chose d'exigeant, et on leur a dit aussi: La conciliation de l'apprentissage du français avec leur famille, c'est encore plus important. Mais sachez qu'ils auraient aimé vous rencontrer et qu'ils auraient aimé venir vous saluer, mais on s'est dit: On ne le fera pas.
Alors, je vais laisser mes deux collègues se présenter. Alors, je vais demander à Angelina de se présenter.
Mme Philip (Angelina): Bonjour. Je m'appelle Angelina Philip et je viens de Moldavie, c'est un pays de l'ex-Union soviétique, où j'ai travaillé, pendant deux ans, comme médecin gynécologue et, le dernier an et demi, comme directeur exécutive dans une société non gouvernementale de planning familial. Ici, je suis depuis sept mois et maintenant je suis en francisation.
M. Perron (Luc): Merci, Angelina. Je demanderais à Paul aussi de se présenter.
M. Morissette (Paul): Alors, bonjour. Je m'appelle Paul Morissette. Je suis secrétaire au Syndicat des professeurs de l'État du Québec et professeur auprès des immigrants depuis une vingtaine d'années, et, depuis les quatre dernières années, à l'Université du Québec en Outaouais. Angelina, ici présente, est une de mes étudiantes actuellement. C'est la raison pour laquelle elle parle aussi bien français.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Bernier): On n'en doute pas, M. le professeur. On n'en doute pas, de vos qualités d'enseignant.
M. Perron (Luc): La modestie. O.K. Alors, sans plus tarder, dans le mémoire comme tel, ce que nous avons l'intention de vous présenter, c'est une invitation, si vous voulez, tout à fait polie et cordiale, je dirais, pour modifier la culture organisationnelle du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles à l'égard de ces professeurs qui ont la noble tâche bien sûr d'intégrer les immigrants, les milliers d'immigrants qui nous arrivent au Québec, là, à tous les ans, alors en sol québécois. Alors, c'est un peu, si vous voulez, le but central de notre présentation.
Alors, comme vous l'avez, je vais le parcourir rapidement. Vous l'avez lu, vous l'avez apprécié, tout ça, puis on va se soumettre bien sûr à l'ensemble de vos questions.
Actuellement, il y a 400 spécialistes de l'intégration en français des immigrés, qui ont oeuvré à l'insertion de plus de 8 000 arrivants en 2005-2006. Alors, nous situons, nous, les membres du syndicat, notre travail, au sein du MICC, à l'échelle humaine, dans la perspective d'un bien-vivre au Québec, où la paix sociale constitue toujours un but, nous le pensons, du politique. Nous voulons illustrer brièvement les impacts de notre travail à maintenir et à développer à travers l'accueil fait aux immigrés pour qu'ils puissent s'établir et travailler en français. Nous vous déposons des suggestions pour augmenter cette intégration inclusive favorable à la participation citoyenne.
Notre premier sous-titre, La modestie du regard des yeux, ne veut tout simplement que mentionner que nous sommes évidemment favorables à la Francophonie internationale, mais nous pensons qu'elle doit se concilier avec le fait français en sol québécois. Alors, ça veut dire en deux mots que Montréal... on devrait pouvoir, à l'échelle du Grand Montréal, s'exprimer en français partout et surtout au niveau du travail.
Nous pensons qu'il n'y a pas d'idée tolérante mais seulement des comportements tolérants. Alors, c'est pour ça que, dans le mémoire, nous privilégions le mot «xénophobie». Alors, on ne veut pas parler volontairement de racisme ? et ça, écoutez, j'ai le défaut d'être enseignant dans ma vie récente ? et on calcule que le mot «xénophobie» n'a pas cette charge qu'on dit polysémique, si vous voulez, en termes de plusieurs sens, qui génère des fois des petites tensions qui ne sont pas utiles avant d'aborder même la notion. Donc, on utilise volontairement le mot «xénophobie» pour exprimer cette défiance du groupe d'ordre comportemental vis-à-vis de l'étranger, tant pour celui déjà là, celui qui accueille, que pour celui qui arrive, c'est-à-dire les immigrés, car l'étranger demeurera toujours un élément, même au Québec, conflictuel dans notre société.
L'autre sous-titre, on attire votre attention sur L'utilité socioaffective de la porte conviviale, tout simplement à savoir que les professeurs sont en constante interaction avec les immigrés, et, à ce moment-là, nous connaissons bien sûr leur besoin langagier et d'intégration. En 1993, si on remonte un peu, il y a eu des réformes, une réforme qui malheureusement s'est soldée par une sorte d'échec dans le sens qu'elle privilégiait seulement une vision administrative au détriment, pensons-nous, d'une vision d'abord andragogique. On avait osé réduire le temps d'enseignement, qui est indispensable dans le parcours de l'immigrant en sol québécois, de 20 % des périodes d'enseignement. C'est comme si on demandait à un jeune de six ans, si vous voulez, de patiner comme quelqu'un qui en a 15 ans. Alors, c'est évident que l'immigré, tout comme le Québécois, pour apprendre une langue étrangère, ça prend un certain temps. Alors, en ce sens-là, on calcule que la réforme administrative a été manquée. Ce que nous vous disons, c'est que la porte d'entrée conviviale entre l'immigré et sa société d'accueil, le Québec, lorsqu'elle est franchie dans un des 88 lieux... Alors, ce matin et puis hier, j'ai regardé effectivement où nous sommes dans Lieux d'enseignement. On est rendu, et puis le chiffre est intéressant parce qu'il va être très facile à retenir pour des gens de cette commission, nous sommes rendus dispersés à l'intérieur de 101 lieux. Donc, à ce moment-là, il y a un bon lien à faire avec 1977. Alors, nous sommes tant dans les universités, dans les cégeps, dans les commissions scolaires, dans les organisations à but non lucratif, actuellement. Et on assure à ce moment-là, à travers ces lieux où on a des immigrants, alors on assure à la personne immigrante de pouvoir entrevoir son établissement en français à l'intérieur de l'année qui suit.
Puis là j'attire votre attention sur les études que nous vous avons déjà soumises antérieurement, aux gens qui étaient là, des études de Jean Renaud, qui n'est pas un syndiqué chez nous, mais qui est un professeur émérite, si vous voulez, à l'Université de Montréal, qui disait, lui, en 1992, que les gens qui passaient par les maisons d'enseignement où nos professeurs enseignent avaient sept fois plus de chances de s'établir en français en sol québécois, et ça, c'est excessivement important que vous le reteniez. Ça veut dire que la porte d'entrée conviviale que constituent nos classes actuellement du MICC fait en sorte que nos immigrants, lorsqu'ils passent le 33 semaines, le risque qu'ils travaillent dans la première année en français, il est très grand, et c'est un beau risque.
En somme, est-ce qu'un Québec français, ça deviendra un objectif linguistique politique? Alors, nous pensons évidemment que, sur la place publique, il n'y a aucun député qui peut dire que ce n'est pas un objectif politique.
n(15 h 10)n Alors, j'en suis rendu à la page 5. Nous vous levons des signaux qu'à Montréal, Gatineau, nos immigrés qui viennent dans les classes du MICC en arrachent par la suite pour travailler en français. Alors, à ce moment-là, il faut concilier la politique officielle du français au Québec avec la perspective intégrationniste, à savoir celle qui passe par le marché du travail. Rappelons cette banalité que l'intégration, selon nous, à travers les immigrants qui sont dans nos classes dépend en très grande partie de l'emploi. Et nous maintenons le pourcentage que 70 sur 100 de nos stagiaires ? donc par rapport à nos 8 000 ? veulent d'abord et avant tout travailler. C'est ça qu'ils veulent faire. Il y en a 20 % qui veulent s'insérer dans le circuit des études et puis il y en a 10 % qui y sont pour des rapports sociaux, c'est-à-dire en harmonie avec notre belle culture véhiculée par le français.
À la page suivante, nous vous disons, à la page 6: Si l'objectif de la Charte de la langue française est de donner une plus grande place au français dans une perspective intégrationniste, la réalité est parfois tout autre. En effet, force est de constater que les allophones qui choisissent la langue française ou ceux qui ont été dirigés vers les cours de francisation sont souvent, malheureusement, discriminés au niveau de l'emploi par rapport à ceux qui choisissent l'anglais. La langue française demeure un plus, bien sûr, mais trop fréquemment seule la langue anglaise est considérée, selon le corps enseignant du MICC, est considérée essentielle dans la recherche d'un emploi. Il s'agit selon nous, malheureusement, d'une discrimination fondée sur la langue.
À la page suivante, nous vous disons qu'au Québec, à Montréal et en Outaouais particulièrement, la langue de l'emploi chez les immigrés semble être malheureusement l'anglais. Or, quand un francophone à plusieurs reprises ne réussit pas à se faire servir dans sa langue dans des commerces tenus par des immigrants, il en ressort avec un sentiment d'insécurité: son patrimoine linguistique est mis en péril par la présence de ces étrangers. Et ça, nous ne le voulons pas de part et d'autre.
À la page 8, on vous dit: Pour aider l'intégration, il faut que les immigrés qui ne parlent pas anglais puissent se trouver un travail. L'apprentissage d'une langue seconde ou d'une langue étrangère pour nos immigrés est déjà un travail colossal, et nous ne devrions pas exiger d'eux l'apprentissage d'une troisième langue pour qu'ils puissent gagner leur vie.
S'il faut prioritairement redonner sa juste place à la langue française, il faudrait aussi remettre en avant-plan certaines de nos valeurs fondamentales. Nous ne nions nullement l'importance de respecter les libertés individuelles, mais pouvons-nous aller jusqu'au point de voir disparaître nos propres valeurs sociétales? Alors, selon nous, il existe des valeurs que nous devrions défendre à tout prix. La laïcité, par exemple, devrait être valorisée en évitant toutefois de tomber dans des lignes de conduite totales et en cherchant respectueusement des accommodements raisonnables.
La nation québécoise se caractérise par une langue, des institutions, une histoire à laquelle tous peuvent se joindre. Le gouvernement devrait aussi orienter sérieusement ses efforts vers une pleine participation des immigrés à cette belle vie citoyenne qu'ils revendiquent aussi.
Alors, malgré l'environnement humain où l'usage de l'anglais constitue l'attraction dans différentes sphères d'activité ? le travail en particulier ? le MICC, par ses 400 professeurs, aide l'immigré à se familiariser avec son territoire d'accueil.
J'en suis rendu à la page 10, où nous parlons de l'échelle humaine. Nous maintenons que le territoire exprime que chacun de nous sommes nés dans une tradition, dans un groupe déterminé, tant l'accueillant que l'accueilli. Alors, le prof entre en interaction culturelle avec les immigrés et diverses ethnies. La culture est continuellement en évolution en ce sens qu'elle s'enrichit de nouveaux éléments ? par le contact avec d'autres cultures ? lesquels sont filtrés par l'acquis et le contexte. Puis, moi, j'ai eu la chance d'amener Angelina de Montréal jusqu'ici, puis on a eu un parcours de trois heures en voiture parce que j'ai respecté les limites, et j'ai beaucoup appris sur la Moldavie. Mais, en dehors de cette commission, ça me fera vraiment plaisir de vous dire ce que j'ai retenu. Et c'est une région qui mérite d'être visitée. Je t'en remercie.
L'échelle humaine nous oblige à considérer cette dimension interactive, non à travers des prismes de l'activité économique, du cosmopolitisme, de l'humanité ou de principes universels, mais bien sûr à travers une rencontre socioaffective, émotive, trop souvent remisée. On s'imagine que nos immigrés qui arrivent au Québec sont comme, si vous voulez, des automates. Ils ne sont pas enracinés dans notre culture. Alors, effectivement, ils sont déracinés, et c'est excessivement difficile. Et cette dimension socioaffective là, on ne peut pas la mettre de côté. L'exemple que je vous ai donné, qui est bref, c'est qu'une gestionnaire ou un gestionnaire, si vous voulez, avait fait en sorte de laisser un petit papier à un immigré en lui disant: Écoute, fais bien le ménage. Mais il avait oublié de vérifier que l'immigré ne savait pas lire. Alors, c'est un exemple tout simplement qu'il ne faut pas minimiser la rencontre socioaffective avec nos immigrés.
Nous mentionnons que le MICC discrimine les immigrés lorsque le ministère met sur une liste d'attente les immigrés avant d'ouvrir des classes... au lieu de les ouvrir plutôt; découpe indûment le travail du professeur, entre le professeur et le moniteur, que j'expliquerai très brièvement; qu'il oblige l'apprentissage dans des locaux insalubres, et ça, hier, j'ai eu une rencontre de l'ensemble de mes neuf sections locales qui regroupent les professeurs de ce réseau au MICC, et je suis dans l'obligation malheureusement ? j'aurais aimé vous dire autre chose... mais qu'en bien des endroits que je ne vous nommerai pas, c'est des endroits où des gens autres n'aimeraient pas, si vous voulez, être soumis à un apprentissage d'une langue étrangère. Et ça ne se fait pas. Et c'est ce qui m'amène à dire malheureusement que, des fois, on les considère comme étant des gens de seconde zone, ce qui ne devrait en aucune façon se faire.
On dit que le ministère malheureusement minimise l'apport des compétences ? que j'expliquerai brièvement ? puis qu'il installe des murs bureaucratiques, là, dans ses rapports avec ses enseignants, puis qu'il filtre à l'occasion des besoins des professeurs, si vous voulez, en médiatisant par autres choses qui ne sont pas nécessairement utiles dans le parcours de l'immigrant en apprentissage d'une langue étrangère. Alors, nous vous demandons qu'il y ait moins de discrimination bien sûr à l'échelle humaine, et puis ça signifie l'apport de solutions et de réformes au niveau des activités interactives où elles se passent.
Alors, l'intégration ? je cite M. Corbo ? c'est un processus... je sais que ça vient en contradiction avec la fonction publique où on gère par les résultats, mais l'intégration, c'est l'affaire d'une vie, c'est vraiment continuellement, c'est tout le temps, c'est toujours, si vous voulez, dans un passage, et le résultat qui, sur le plan politique, selon nous, se manifeste, c'est la paix civile. Et ça, nos immigrés nous le font voir rapidement.
À la page 13, je vous mentionne un échec. Je vous fais grâce de ça. C'était malheureusement dans le comté... dans une circonscription qui est bien connue ici, mais on voulait faire d'une usine, si vous voulez, comme telle, la francisation de 3 000 immigrants par jour dans un quartier qui n'est pas encore tout à fait, à mon sens, francophone ou ouvert tout simplement à l'usage du fait français. Donc, je parle de Parc-Extension. C'est ce que vous trouvez à la page 13.
À la page 14, nous vous mentionnons qu'il existe des cégeps ou des endroits où nous sommes actuellement qui nous permettent effectivement d'anticiper des réussites au niveau d'un maillage entre les immigrés et les populations régulières étudiantes, et, en ce sens-là, on vous demanderait de mettre la main sur ces bonnes expériences là et les multiplier, tout en soulignant que, dans beaucoup d'endroits, malheureusement, il n'existe pas de ces maillages dans la réalité quotidienne, ça n'existe que sur papier. Juste pour vous donner un exemple, dans certains cégeps par exemple, c'est dans des pavillons qui sont complètement éloignés, où personne ne voudrait enseigner, et puis nos professeurs, eux, évidemment intègrent en français nos immigrants dans ces endroits-là. Donc, il n'y a aucun maillage avec la population, si vous voulez, régulière.
La discrimination à échelle humaine, on vous le mentionne.
Les listes d'attente, écoutez, c'est de l'information qui est un peu informelle, bien sûr. On n'a pas, nous, accès à l'ensemble de cette information, mais on vous dit que, dans des endroits, à partir de ce que les gens nous disent, c'est qu'il y a des gens en attente, puis malheureusement les gens qui sont en attente, c'est contraire aux études savantes de M. Renaud, parce que, s'ils sont en attente, ils vont faire autre chose. Nos immigrés qui arrivent, ils veulent s'investir le plus tôt possible, ils veulent participer le plus tôt possible, et puis, si on ne leur donne pas la possibilité de s'introduire ou de s'insérer dans un réseau d'apprentissage du français, bien ils vont faire autre chose, et l'autre chose, c'est peut-être de partir, c'est peut-être d'aller dans le réseau anglophone, tout simplement. Alors, ce qu'on dit, c'est que l'actuelle gestion des listes d'attente s'avère discriminatoire face à l'absence d'égalité de chances de vivre en français dans l'année qui suit.
Le hiatus dans le travail d'intégration, à la page 16, c'est toute une forme de travail qui est partagée entre le professeur et le moniteur. Tout simplement, ce qu'on dit là-dedans, à la page 16, en bas, rapidement, on dit que le travail départagé entre le professeur et le moniteur réussit à faire illusion d'un travail d'équipe. Ça, on aimerait beaucoup qu'on se penche là-dessus. C'est que l'intervention professorale versus 19 immigrés ou 19 immigrants, ça se fait sur son parcours en entier. Alors, de le découper, si vous voulez, artificiellement avec une autre personne, lorsqu'il n'y a pas de jonction entre les différentes activités, on se dit qu'il y a comme, si vous voulez, une diminution de l'intervention. Puis 33 semaines, laissez-moi vous dire que ce n'est pas long pour vraiment maîtriser les rudiments de cette belle langue de Molière.
Alors, à la page 16, ce qu'on vous mentionne, c'est que la première francisation, elle est fondamentalement importante. Je pense que tout le monde la reconnaît. On vous donne des exemples de témoignages que je vous avais apportés en 1991, à cette commission, avec des gens différents, mais on vous disait pourquoi c'était important, cette première francisation, puis de quelle manière ça se fait. Ce n'est pas le syndicat qui parle, mais c'est rapporté par des gens, des témoignages d'immigrants qui ont passé, à l'époque, à travers les COFI.
À la page 17, on dit que la vision administrative actuelle déprécie l'interaction professionnelle de l'intervention globale du professeur, étant donné ce découpage artificiel et inutile. Alors, c'est ce qu'on vous mentionne au niveau de cela. Donc, je vais passer à l'autre.
n(15 h 20)n Ce qui est important comme solution, à la page 18, ce qu'on vous dit, c'est: de recréer l'intervention des professeurs durant 30 heures au lieu de la départager 20 heures-10 heures ? 20 heures le professeur, 10 heures le moniteur ? par semaine ne ferait que diminuer cette discrimination, nous pensons, administrative. Elle est contraire à une intervention andragogique des professeurs puis elle va au détriment des besoins des immigrés qui veulent au plus tôt, si vous voulez, se débrouiller dans cette belle langue et s'intégrer en sol québécois.
La discrimination avec son voisin de palier, ça ne veut que dire que, pour les professeurs, actuellement on ne reconnaît pas leur expérience lorsqu'on les embauche. Alors, on a des gens, si vous voulez, d'origines ethniques différentes de la nôtre, et ça fait en sorte qu'ils enseignent chez nous, ou même des gens du Québec qui enseignent chez nous maintenant, depuis 2001, on ne reconnaît pas leur expérience. On est content que ce soient des professeurs de 15 ans d'expérience, mais, à l'embauche, on ne reconnaît aucune année d'expérience. Alors, c'est évident que ce n'est pas ce qu'on appelle un petit coup de... une reconnaissance. Pour nous, c'est un déni de reconnaissance comme tel à l'embauche. Et d'autant plus qu'on a beaucoup de professeurs occasionnels. Les deux tiers de nos enseignants, lorsqu'on parle de 400, sont des professeurs à statut occasionnel, et puis on ne reconnaît pas, si vous voulez, une priorité d'embauche en fonction de l'expérience cumulée à l'intérieur de nos classes. Alors, ça aussi, on calcule ? puis les professeurs calculent ? qu'effectivement c'est un déni de reconnaissance. On pourrait appeler ça, dans le cadre de cette commission bien sûr, une discrimination qui n'est absolument pas utile.
À la page 20, on vous parle de la discrimination par une allocation déficiente de ressources. Alors, c'est évident qu'en 2006 ? puis je l'ai validé, hier, auprès des neuf sections, comme je vous disais, des neuf représentants des centres de services Immigration Québec, où nous sommes ? le ministère accepte l'intégration dans certains lieux de travail défavorables aux immigrés.
Moi, quand j'ai enseigné au Rwanda, je vais vous dire bien honnêtement, j'étais dans une petite hutte et j'étais très content. J'étais très content, comme Québécois, d'être au diapason des gens où j'étais. Mais, quand nos immigrés arrivent ici, leur donner des classes qui sont les moins, si vous voulez, habilitantes pour la formation puis l'apprentissage d'une langue, nous calculons que c'est une discrimination qui n'est absolument pas utile. Alors, vous comprendrez que je parle par euphémisme lorsque je vous dis qu'il y a des classes qui sont insalubres.
L'exemple que je vous donne est fort simple. C'est un exemple qui n'est pas coûteux. Je fais juste dire: Mettez un gestionnaire dans une classe avec 18 immigrés, parce que le maximum c'est 19, mettez-le avec 18 immigrés...
Le Président (M. Bernier): ...il vous reste une minute pour conclure.
M. Perron (Luc): ... ? parfait ? avec 18 immigrés, qu'il passe juste une journée, puis vous allez voir qu'il va vous donner... il va lui-même, si vous voulez, être un allié pour faire en sorte que les classes soient meilleures, soient plus salubres.
Alors, l'impact du personnel enseignant, bien ça, je pense que vous le savez comme tel. Les réformes qu'on a déplorées, 1993, 2000, 2004, je pourrai y revenir si vous nous posez des questions à cet effet-là. On vous dit qu'actuellement vous pouvez repousser toute la xénophobie dans la mesure de nos moyens si effectivement on se donne davantage de moyens, et nous sommes là pour cela. On ne pense pas que ce sont les immigrés eux-mêmes et seuls qui doivent assumer l'avenir d'un Québec français.
Le Président (M. Bernier): Donc...
M. Perron (Luc): Dans la conclusion, on dit que vous avez le leadership qui est suffisant pour faire en sorte que le Québec soit français puis la grande région de Montréal. On vous met en alerte. On donne des signaux qui sont précis par rapport à des pays, comme les Pays-Bas et le Danemark, par rapport à des écoles ethnoreligieuses où c'est dans leur langue d'origine. Ce n'est pas ce qu'on veut. Je pense que ce serait un mauvais moyen.
Le Président (M. Bernier): Donc, je vous...
M. Perron (Luc): Puis on vous donne une petite leçon gratuite au niveau de c'est quoi, la polémologie, c'est-à-dire une crise. Si l'intervention politique ne fait pas en sorte de réunir, de réunifier des groupes qui sont distincts, malheureusement ça peut faire une absence de paix civile.
Le Président (M. Bernier): Vous aurez certainement l'occasion de revenir à vos propos très intéressants, M. Perron.
M. Perron (Luc): Merci.
Le Président (M. Bernier): Nous allons passer maintenant à cette deuxième étape. Donc, chacun des groupes parlementaires composant le gouvernement et composant l'opposition ont chacun 20 minutes pour procéder à leurs échanges. Nous allons avoir deux blocs de 10 minutes chacun. Donc, j'invite donc la ministre à débuter le premier bloc en ce qui regarde la partie gouvernementale.
Mme Thériault: Merci, M. le Président. M. Perron, bonjour. M. Morissette, Mme Philip, merci d'être avec nous, aujourd'hui, en commission. Avant d'aller directement à vous, M. Perron ? j'espère que vous ne m'en voudrez pas, M. Morissette, je vais pouvoir tester un peu votre enseignement du français ? j'aimerais poser une question à Mme Philip. Donc, Mme Philip, ça fait sept mois que vous êtes ici, au Québec.
Mme Philip (Angelina): Oui, ça fait sept mois.
Mme Thériault: Oui. Ça fait combien de temps... Pendant combien de temps vous avez attendu avant de prendre un cours de français?
Mme Philip (Angelina): Ça fait quatre mois.
Mme Thériault: Quatre mois que vous êtes en cours présentement?
Mme Philip (Angelina): Oui, en francisation.
Mme Thériault: O.K. Donc, vous avez attendu un délai de trois mois avant de...
Mme Philip (Angelina): Oui, oui.
Mme Thériault: ...prendre un cours de français. Et à quel niveau vous étiez? En premier, deuxième ou troisième niveau pour le français?
Mme Philip (Angelina): Maintenant, je suis en dernier, c'est avancé.
Mme Thériault: O.K. Mais vous avez commencé sur le premier niveau, comme débutant.
Mme Philip (Angelina): Le deuxième.
Une voix: Tu as commencé au deuxième.
Mme Thériault: Le deuxième, d'accord.
Mme Philip (Angelina): Le deuxième, intermédiaire.
Mme Thériault: Donc, vous aviez des notions de français avant d'arriver ici, au Québec?
Mme Philip (Angelina): Oui, parce que je viens d'un pays francophone.
Mme Thériault: Oui. Parfait. Merci. M. Morissette, vous avez fait un bon travail. Je trouve ça intéressant de voir le degré de maîtrise de madame. Félicitations! Je pense que je vais en profiter aussi, M. Perron ? je pense que je le dis régulièrement: Moi, je considère que je suis une ministre qui est privilégiée parce que les gens qui travaillent au ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles, dans l'équipe de fonctionnaires qui m'entoure, mais aussi les professeurs, sont des gens qui sont animés par une cause qui est très noble. Et je pense qu'on ne le dit pas assez souvent. On ne vous félicite pas assez souvent pour l'excellence du travail. J'ai eu l'occasion de rencontrer des professeurs, lorsque je me promène, que je fais différentes rencontres, et je sais que les professeurs s'investissent à 200 % parce qu'ils croient réellement à l'importance de parler français ici et de bien le montrer aux gens. Donc, je pense que c'est important de vous dire qu'on apprécie le travail que vous faites également, parce qu'on ne le dit pas assez souvent.
J'aimerais aussi mentionner qu'évidemment je pense que tous au gouvernement considèrent la langue française comme étant un élément central de l'identité québécoise, et c'est évident que le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles met en oeuvre une offre de services, si vous voulez, complète, presque complète, où on va pouvoir avoir des cours à temps complet, des cours à temps partiel. Il y a maintenant des centres d'autoapprentissage du français aussi qui existent. Il y a des banques d'exercices de francisation qui sont disponibles sur Internet. On envisage aussi de la francisation par Internet avec les nouvelles technologies.
Je comprends bien que vous avez dit, M. Perron, que la priorité des gens, c'est de pouvoir travailler ici, au Québec. Je suis d'accord avec vous que l'intégration, il y a deux façons de la voir: c'est soit on parle français, et on peut travailler, et on va s'intégrer ou on travaille parce qu'on a besoin de revenus, évidemment, et on doit apprendre la langue. Moi, je considère qu'autant l'insertion en emploi que l'apprentissage du français sont deux facteurs déterminants dans l'intégration d'une société.
Et il est intéressant de voir... qu'on regarde au-delà du travail que vous faites, pas parce que je veux minimiser le travail que vous faites, là, loin de là, vous faites un excellent travail, je pense que c'est important aussi de s'assurer que les gens qui arrivent ici et qui doivent apprendre le français... Évidemment, ce n'est pas tout le monde qui peut aller prendre un cours de français en partant, il y en a qui ont l'obligation de travailler, donc... Ça, c'est le dilemme qu'on a, c'est: Qu'est-ce qu'on fait? Est-ce qu'on les laisse travailler sans qu'ils aient appris la langue française en se disant: Bien, ils l'apprendront plus tard à leur rythme? Ça, je pense que j'aimerais ça vous entendre là-dessus. Parce que je comprends l'importance de la langue française, sauf que comment faire pour dire: Bien non, vous ne pouvez pas travailler, vous devez obligatoirement passer par le français? Est-ce que c'est ce que vous préconisez et est-ce que c'est ça qu'il faudrait faire?
M. Perron (Luc): Très rapidement. D'abord, je vous remercie, au nom de l'ensemble des 400 professeurs, de la reconnaissance que vous faites publiquement de l'excellence de leur travail.
Ceci étant dit, je dois quand même vous mentionner qu'il y a un environnement ? et j'utilise un adjectif un petit peu sévère, mais c'est juste pour être plus rapide; un environnement ? hostile à leur, je dirais, à leur travail, tant sur le plan administratif par, si vous voulez, une multiplication de contrôles qui vraiment les dépossèdent un petit peu de l'interaction, si vous voulez, constructive avec les besoins d'engager les immigrants, d'une part.
Puis l'autre, actuellement, que je dois vous dire en termes d'environnement hostile, c'est que nos technologies par rapport à l'usage, par exemple, de l'ordinateur ou différents usages, même des techniques qu'on devrait utiliser en classe, on est, sans parodier bien sûr les gens d'où ils viennent ou sans... en tout cas, c'est une notion de sous-développement. Honnêtement, là, je veux dire, ça fait vraiment pitié. Puis là-dedans, les locaux à certains endroits, là, puis... je vous emmènerai en visiter quelques-uns, puis vous allez voir. Bon, ça, c'est vraiment, c'est vraiment...
L'autre affaire que j'aimerais vous mentionner, c'est la notion de confiance. C'est-à-dire que c'est la solution. C'est-à-dire que nos gens sont là depuis longtemps. Alors, si on pouvait miser davantage sur leurs compétences puis avoir confiance un peu en leurs compétences, aller même vérifier ce qu'ils font, on n'a aucune problème, ça résoudrait beaucoup de problèmes.
Maintenant, par rapport... Puis la durée comme telle, évidemment, il ne faut pas que je l'oublie, dans le sens que c'est 1 000 heures généralement qu'on devrait au moins astreindre l'enseignant en interaction avec ces immigrés en classe, puis actuellement, c'est 660. Mais ça, on pourra y revenir, je trouve que la durée est trop courte.
Maintenant, oui, à votre question, c'est fondamental que la première francisation, c'est-à-dire dès qu'ils arrivent au Québec... il faut absolument permettre aux gens qui sont allophones, aux gens qui n'ont pas la maîtrise, aux gens qui n'ont pas la connaissance de cette langue-là de s'initier le plus tôt possible, si vous voulez, en classe, aux rudiments de la langue. Et ça, c'est mieux la formule à temps plein. Ça, ce n'est pas moi qui le disais, c'est M. Renaud. Comme je vous l'ai dit, il n'a pas sa carte syndicale. M. Renaud le disait: C'est un facteur de succès. Dès que les gens embarquent dans le réseau francophone par l'apprentissage en français, dès la première année ? c'est lui qui le disait ? ça donne l'opportunité et la possibilité à ces gens-là de se trouver un travail en français. Et ça, c'est très, très, très intéressant au niveau, si vous voulez, là, vraiment en termes de résultat, en termes d'impact par rapport à ce parcours-là.
Puis Paul peut peut-être compléter, si tu le veux, par rapport à la première francisation.
n(15 h 30)nM. Morissette (Paul): Moi, ce que j'aimerais beaucoup mentionner, c'est que... Moi, je travaille avec des être humains et puis je suis toujours déchiré entre, comment je dirais ça, mon affection pour ma langue maternelle et puis mon affection pour les étudiants pour lesquels je travaille. Et on le réalise, qu'à la fin les étudiants constatent que la langue française, pour trouver un bon emploi, ce n'est pas suffisant, ce n'est vraiment pas suffisant, il faut parler trois langues au Québec pour avoir un emploi convenable. Et, moi, je communique beaucoup avec mes étudiants par Internet, même après qu'ils ont quitté la classe pour savoir qu'est-ce qu'il se passe, puis tout ça.
Le dernier cas que j'ai eu, par exemple, c'est une madame d'origine chinoise, très francophile, qui a appris le français, et puis tout ça, mais qui ne parlait pas anglais. Elle est ingénieure. C'est assez rare, une madame chinoise ingénieure, qui ne parle pas anglais. Elle ne parlait pas anglais. Et, quand elle a fini son cours, elle a trouvé un emploi pour faire les ménages dans des chambres d'hôtels, six jours par semaine. Puis elle me disait: Je veux prendre des cours d'anglais mais je suis trop épuisée, je ne suis pas capable; quand j'ai fini mes journées puis j'ai une journée de congé par semaine, je ne suis pas capable. Elle est retournée en Chine. Elle est retournée en Chine, il n'y a pas d'espoir. Et ça, c'est des cas que je vois, je ne dirais pas toujours, mais que je vois assez souvent. Et très, très honnêtement, si j'étais un immigrant en Outaouais ou à Montréal et que j'avais une famille à faire vivre et que je saurais ce que je sais maintenant, j'apprendrais d'abord l'anglais.
Mme Thériault: C'est un constat particulier. Mais j'aimerais qu'on reste sur l'anglais, puis, après ça, je reviendrai peut-être au niveau des cours, des locaux, des classes que vous parliez, je pense que c'est important aussi, mais on va manquer de temps. Quand vous parlez de l'anglais, bon, que l'apprentissage d'une deuxième, d'une troisième langue... même pas l'apprentissage, la maîtrise dans le fond, est-ce que c'est dans le secteur public? Est-ce que c'est dans le secteur privé? Est-ce que vous avez l'impression que c'est un faux-fuyant, que les gens vont exiger une connaissance de l'anglais pour ne pas embaucher les gens? Parce qu'il y a la réalité qui est une chose puis il y a aussi: Ah! bien, vous ne parlez pas assez bien l'anglais, je ne peux pas vous engager.
M. Morissette (Paul): Ce que nous constatons souvent même, Mme Thériault, c'est que, si vous venez chez nous, à Gatineau, à n'importe quel temps, faire le tour des commerces où il y a des immigrants qui travaillent en public, qui ne parlent pas français mais qui parlent anglais, du côté du Québec, et... Si vous voulez commander des mets chinois, commander de la pizza, aller acheter des vêtements dans les magasins, c'est l'anglais. Et les immigrants nous le disent. Après quelques mois, ils le réalisent: Paul, est-ce que vraiment le français est utile? Sûr, c'est utile, oui, c'est un plus; le français est un plus, oui, sauf que ceux qui réussissent le mieux, ce sont ceux qui parlent les trois langues, et je trouve que ça prend de l'expansion de plus en plus. Ça fait 20 ans que je travaille à l'immigration, avec les immigrants, et je ne sais pas qu'est-ce qui se passe, mais ça devient de plus en plus évident et de plus en plus fort. L'attraction de la langue anglaise est de plus en plus forte auprès de nos immigrants.
Mme Thériault: C'est l'influence de l'Ontario à côté ou la mondialisation...
M. Morissette (Paul): Oui, mais il y a Montréal...
Mme Thériault: ...ou l'américanisation?
M. Morissette (Paul): Il y a Montréal... l'influence de l'Ontario aussi, oui, il y a beaucoup de... En ce moment, il y a beaucoup de Canadiens anglais, de Franco-Ontariens qui déménagent du côté du Québec. Soit dit en passant, les Franco-Ontariens, c'est les grands promoteurs de la langue anglaise. Mais à Montréal aussi, à Montréal aussi, on le constate, parce que je parle quand même avec mes collègues de travail à Montréal, et on me dit la même chose.
Le Président (M. Bernier): Alors, je vous remercie. Oui, Mme la ministre, vous aurez l'occasion de revenir. On va maintenant passer au bloc du côté... de la partie de l'opposition. Donc, la parole est à la porte-parole de l'opposition en matière d'immigration et de communautés culturelles, Mme la députée de Laurier-Dorion. La parole est à vous pour 10 minutes.
Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. M. Perron, M. Morissette et Mme Philip, bonjour. Merci pour votre mémoire. Également, au nom de l'opposition, je vous remercie aussi pour l'excellent travail que vous faites. Vous savez, je suis députée de Laurier-Dorion, donc du quartier Parc-Extension, puis je constate à tous les jours l'importance pour ces personnes immigrantes d'apprendre le français puis la difficulté également que cela peut imposer à des personnes qui, comme vous l'avez dit, ont dans le fond souvent pour premier espoir d'être capables de survivre, finalement, tu sais. C'est la survie dans le fond qui dicte les premières actions à l'arrivée ici, au Québec, puis ce serait la même chose ailleurs dans le monde, donc d'où l'importance, je pense, de faciliter d'autant plus les... de faciliter dans le fond l'accès à ces cours de français puis s'assurer que rapidement on peut y avoir accès avec également... Bon, vous êtes professeur au ministère de l'Immigration, donc les étudiants que vous avez sont ceux qui bénéficient d'une allocation. Ce n'est pas le cas...
Une voix: ...
Mme Lefebvre: Ah! O.K. Donc, ce n'est pas le cas pour tous les immigrants. On pourra peut-être en reparler tout à l'heure, de cet aspect-là.
La question qui était soulevée sur l'attrait, l'attraction de la langue anglaise, c'est quelque chose d'extrêmement important, je pense. Bien, si on a du temps, j'aimerais y revenir plus tard parce que, dans le fond, ce que vous nous dites, c'est que le Québec s'anglicise finalement, puisque, si l'anglais devient, disons, plus attrayant, puis si... Parce que l'affirmation que vous avez faite est plutôt grave, est plutôt lourde de sens, dans le sens où vous conseilleriez à certaines personnes d'apprendre l'anglais plutôt que le français d'abord. Disons que c'est matière à réflexion.
Une voix: Ce n'est pas ça qu'il fait...
Mme Lefebvre: Non, non, mais...
M. Morissette (Paul): Je ne vais pas leur conseiller... C'est pour ça, je suis un peu déchiré par mon attachement à ma langue maternelle et mon attachement à des êtres humains avec qui je travaille pendant 33 semaines. Non, je ne leur recommande pas... Je ne sais pas trop... je suis mal à l'aise, disons. Et on en discute, on devient quand même assez camarades, et on en discute même avec Angelina, et tout ça. Je ne peux pas leur dire: Non, non, apprenez l'anglais. Je leur explique la situation, puis tout ça. Mais ils savent, je les mets au courant, je suis honnête avec eux, que, oui, c'est plus difficile.
Mme Lefebvre: Mais qu'au Québec on soit confronté à ce choix-là, si on est citoyen ici, c'est quand même quelque chose.
M. Morissette (Paul): Mais il y a une loi 101, il y a une loi 101, il me semble. Il me semble que c'est l'article 46 qui dit que, bon, pour travailler, on ne doit pas exiger d'autre langue que la langue française, mais on ne l'applique pas.
Mme Lefebvre: On pourrait discuter de cette question-là très, très, très longuement. D'ailleurs, il y a eu des états généraux, puis on en a parlé abondamment, puis je pense que c'est une question qui demeure encore aujourd'hui, en 2006, très d'actualité, puis je pense qu'on sera appelé à en discuter beaucoup dans le futur.
J'aimerais vous entendre... Bon, depuis cinq ans, il y a une hausse marquée de l'immigration, 25 % environ, depuis les cinq dernières années. C'est 44 000, environ, personnes que le Québec a reçues l'an dernier, puis ce sera la même chose pour les années qui viennent. Vous avez parlé, bon, de la situation... Si on lit ici, à la page 11: «Oui, le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles ? cordonnier mal chaussé ? discrimine les immigrés lorsque le ministère les met sur une liste d'attente au lieu d'ouvrir des classes; découpe indûment le travail du professeur; oblige l'apprentissage dans des locaux insalubres; affaiblit le partenariat des institutions qui logent les classes; minimise l'apport des compétences de son corps professoral dans la réponse aux besoins langagiers des immigrés-apprenants; installe des murs bureaucratiques ? multiplication de papier, de directives, d'intermédiaires à petits pouvoirs hiérarchiques ? devant les professeurs au détriment de la mission sociale; filtre cavalièrement les besoins des professeurs diminuant leur engagement à faire des liens avec le programme du cours, à déterminer les objectifs, à établir des stratégies d'enseignement et à définir les démarches et le matériel didactique appropriés.» C'est assez terrible comme constat, de mon point de vue. J'aimerais vous entendre plus en profondeur sur ça. Les niveaux d'immigration augmentent. Est-ce que vous pensez que les ressources allouées à tout ce qui englobe la francisation sont suffisantes?
n(15 h 40)nM. Perron (Luc): C'est certain, les ressources ne sont pas suffisantes. Je veux dire, si on regarde... c'est autour de 46,8 millions ou dans ce coin-là, 48 millions, c'est certain que... Pour vous donner un exemple récent, en 1991, le Québec a comblé les besoins... ou a reçu en tout cas en immigration 51 000 immigrants, alors c'est plus que maintenant. Puis, je veux dire, bon, il y avait l'argent aussi du fédéral qui était là, mais on a réussi à donner des services, là, qui répondaient aux besoins.
Actuellement, c'est évident que l'ensemble de l'enveloppe ne le permet pas comme tel. Il y aurait lieu effectivement, encore une fois, d'augmenter ces services-là. On rejoint à peine peut-être 25 % ou 30 % de la population allophone qui vient aux COFI actuellement... excusez le lapsus, mais qui vient au niveau des centres de francisation. Alors, c'est évident, je pense que c'est insuffisant. Mais, d'une part, c'est peut-être aussi que les argents investis avec les prix que le ministère paie pour chacune des classes chez des partenaires, bien ce sont des prix qui sont assez importants. Nous, ce qu'on demande, c'est que... Bon, ils sont dans l'obligation sans doute de payer, c'est des espaces qui méritent un certain coût. Mais, ceci étant, le ministère pourrait être un petit peu plus vigilant pour que les classes qui nous soient prêtées pour l'apprentissage du français, bien ce soient des locaux convenables, ce soient des locaux aussi qui méritent, si vous voulez, là... ce sont des lieux qui seraient plus salubres, des lieux qui conviendraient davantage, et la même chose tant au niveau de certaines universités, de certains cégeps, de certaines commissions scolaires que des organismes communautaires, tant dans le temps-partiel que dans le temps-plein.
Quand nous parlons des listes d'attente, c'est évident qu'on n'a pas, nous, accès à de l'information privilégiée, c'est des gens des fois qui s'échappent dans certains lieux, ça fait qu'on a des bribes d'information, et, dans certains endroits, malheureusement, semble-t-il qu'il y a des gens qui sont en attente. Alors, à ce moment-là, c'est une de nos... de notre vocation, c'est d'ouvrir des classes un peu tout le temps, sauf qu'on demande au ministère de les ouvrir toutes ensemble. Parce que c'est aux 11 semaines, on est capable d'attendre parfois, dépendant de l'arrivée des gens, de les ouvrir pour tenir compte effectivement de l'offre de travail, qu'elle soit le mieux répartie possible entre les professeurs qui sont disponibles.
Quand on parle du découpage indu du travail du professeur, c'est que c'est quelque chose de fondamentalement important qui peut sembler, pour des gens totalement extérieurs à l'apprentissage, comme étant une sorte de banalité. C'est un découpage qui est essentiellement administratif, c'est-à-dire qu'on donne au professeur une tâche de 20 périodes-semaine puis on donne en même temps à un moniteur une tâche de 10 périodes par semaine. Le moniteur fait de son mieux, bien sûr. Sauf que c'est un découpage qui est artificiel, qui ne tient pas compte de l'ensemble des activités, lorsqu'on parle d'intégration, que le professeur doit assumer lui-même dans le parcours de formation de l'immigré en classe. C'est-à-dire qu'on se trouve à minimiser, à ce moment-là, un ensemble d'activités qui font en sorte que ça vient... ça vient approfondir les éléments, je dirais, de formation linguistique qui sont donnés en classe ou les codes qui sont donnés en classe, et ça, à ce moment-là, c'est un petit peu selon nous une sorte de gaspillage, là, comme tel. Il y aurait d'autres avenues, on pourrait en discuter bien sûr, d'autres avenues qui à notre sens répondraient davantage mais vraiment en réponse aux besoins langagiers des immigrants tels qu'ils sont.
Alors, c'est un petit peu ça qu'on veut souligner au niveau du découpage. Alors, il y a une illusion, là, d'un travail d'équipe qui n'existe mais absolument pas, et nos professeurs malheureusement se trouvent à donner partiellement un travail, alors qu'il y aurait moyen de donner davantage. Parce que c'est difficile, apprendre une langue. On a juste à, nous autres mêmes, se situer dans une situation d'apprentissage du chinois, par exemple, alors c'est évident qu'à ce moment-là on comprendrait peut-être davantage.
Quand on parle de locaux insalubres, bien là vous allez me permettre d'être discret. On ne peut pas vous étaler ici, en public, si vous voulez, des endroits, sauf que je pense que les gens n'ont qu'à faire une visite des lieux. Et puis même je peux accompagner des gens à faire certaines visites des lieux, puis on va s'apercevoir qu'il y a des endroits où c'est tout à fait irrespirable. Par exemple, pour vous illustrer gentiment, vous avez une toilette, par exemple, avec une chasse d'eau qui fonctionne à peine, puis là vous avez presque 60 étudiants. Alors, vous allez comprendre que ce sont des adultes normaux, tout comme n'importe quel adulte sur la planète, et puis qu'on a certains besoins, et puis là il y a quelque chose qui ne fonctionne pas. Alors, vous n'avez pas ça généralement dans une école, si vous voulez, comme tel. Alors, je vous un donne un exemple, là, qui parle, mais il y en a d'autres, là, qui sont moins directs.
Quand on parle d'affaiblir le partenariat des institutions, c'est que les institutions comme telles qui nous reçoivent, il y en a qui sont vraiment, si vous voulez, très coopératives. Il y en a vraiment, des gens qui sont affectés à l'encadrement des professeurs puis à l'encadrement des immigrants qui donnent des services de très haute qualité, sauf que, dans ces grosses institutions des fois cossues un peu, bien il y a d'autres services aussi qui entrent en ligne de compte.
Prenons juste un exemple pour illustrer encore une fois. Vous avez des cégeps qui ont besoin de rénovation. Alors, c'est évident que les rénovations, ils ne les feront pas durant l'année. Ils vont le faire durant l'été. Or, nous, on donne des cours durant l'été; il n'y a pas d'arrêt. Alors, durant l'été, si, à toutes les fois que vous tentez de parler, parce que c'est sur l'approche, si vous voulez, communicative, donc il y a une interaction langagière, bien là vous avez toujours du bruit partout, alors c'est évident que c'est des conditions... Puis vous avez de la chaleur, enfin toutes sortes de conditions, si vous voulez, qui rendent que... je dirais, la formation ou l'apprentissage est difficile. Vous n'auriez pas ça pour des classes dites, mettons, normales, en d'autres temps. Alors ça, ça ne fait qu'illustrer. Ce n'est pas de la mauvaise volonté, mais il y a quelque chose qui se fait.
Vous avez des endroits où l'air climatisé, c'est seulement au premier. Puis, au deuxième, vu que c'est les classes pour les immigrés, bien il n'y a pas d'air climatisé. Les gens sont capables de supporter ça, là. On se dit: Bon, écoute, on... Puis, moi-même, je suis capable de supporter l'absence d'air climatisé. Ceci étant dit, pourquoi créer des locaux qui soient un petit peu moins cossus que d'autres? Vous avez de l'outillage que les gens ont et qui ne fonctionne pas. On leur dit: Utilisez telle, telle, telle cassette, puis, je veux dire, les appareils sont vraiment déficients. Ça, c'est des corrections qui peuvent se faire, là, si vous voulez. Mais on les dit depuis un certain temps, mais je suis certain qu'on va le faire. Je suis optimiste, moi, je veux dire, je suis un optimiste, parce que je ne serais pas là depuis aussi longtemps. Je pense toujours que le fait français stimule tout le monde puis je pense toujours que les gens qui ont un contact direct avec les immigrés, comme la madame qui nous précède, le réseau, là, bien, dès qu'ils l'ont, ce contact-là, ils ne peuvent plus s'en passer, et c'est ça qui est extraordinaire.
Puis, quand on parle de minimiser les compétences, bien on l'a dit tantôt, il y a de l'expérience que les gens ont, ils viennent enseigner avec 15 ans d'expérience, on ne leur reconnaît aucune expérience. Alors, c'est de la vivisection qui est tout à fait inacceptable. Mais par ailleurs on est content qu'un professeur ait 15 ans d'expérience pour enseigner à des immigrés. Parce que quelqu'un qui enseigne le français qui n'est pas... comme langue étrangère ou qui est habitué d'enseigner la littérature, l'enseigner à un groupe d'immigrés, pauvre lui, après deux mois, là, je veux dire... disons qu'il retourne à sa retraite si c'est un retraité. Mais ce n'est pas toujours comme ça que ça se passe, malheureusement. Il y en a qui vont essayer de faire des efforts...
Ceci étant dit, les murs bureaucratiques, c'est tout simplement que, nous, actuellement, dans ce réseau-là, on a bien sûr un programme général, mais les gens actuellement, par autonomie puis professionnalisme, on a une marge de manoeuvre qui fait en sorte de répondre vraiment aux gens. On a des professeurs qui savent chanter. Ha! demandez-moi pas de chanter, là, mais qui savent chanter. Donc, ils vont entrer avec leur groupe... s'ils veulent, par la chanson, apprendre mieux, ils vont le faire. Donc, il y a des habilités qui particularisent, si vous voulez, l'enseignement. Et ça, quand on veut malheureusement imposer une sorte de programme uniforme, bien là c'est évident qu'on en perd, si vous voulez, vraiment, je dirais, des habilités qui, elles, viennent diminuer, si vous voulez, ce parcours très important de première francisation de l'immigrant chez nous. Alors, c'est un petit peu ça qu'on entendait par cela. Puis de la filtration, c'est un petit peu ça aussi.
Le Président (M. Brodeur): Si vous me permettez, M. Perron, on est prêt à passer à une question de Mme la ministre.
Mme Thériault: Merci, M. le Président.
Une voix: ...
Le Président (M. Brodeur): Les gens de mon comté sont toujours les bienvenus ici, en commission parlementaire.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Perron (Luc): C'est vrai qu'on a un très, très beau comté. Ceci étant dit, le SERY, à Granby, ça va très bien. Puis nos immigrants, on a des Afghans qui s'intègrent très, très bien ? vous seriez émerveillés ? dans une ville qui était très rébarbative et très conservatrice, et ça, je vous le dis. Mais actuellement il y a un travail qui se fait, puis ce n'est pas seulement durant la Semaine de la citoyenneté, ça se fait toutes les 52 semaines. C'est ça, de l'intégration.
Mme Thériault: Je le sais, j'ai eu l'occasion d'aller à Granby déjà faire une annonce là-bas, et les ententes de régionalisation, les plans d'action donnent d'excellents résultats dans les régions, j'en conviens.
M. Perron, vous me permettrez, en parlant des locaux insalubres... Moi, je vous invite à communiquer directement avec la sous-ministre adjointe qui est responsable de la francisation, parce que... Bon, il y a une différence entre un local qui est non conforme et un local qui est insalubre. Je comprends que les organismes communautaires, les cégeps, les universités ont des normes dans lesquelles ils doivent se conformer, qu'il y a des inspections qui sont faites régulièrement pour s'assurer que surtout les organismes communautaires se conforment à certains standards. Il me semble que ce n'est pas un minimum non plus d'exiger qu'un professeur puisse avoir un bureau à sa disposition, qu'il y ait du matériel, que ce soit la photocopieuse, qui soit mis à leur disposition.
Donc, moi, ce qu'on me dit, c'est qu'il y a des inspections qui sont faites régulièrement pour s'assurer que les organismes soient conformes aux normes qui doivent être en vigueur. Je ne nie pas cependant qu'il pourrait y avoir peut-être un cas problématique quelque part ou deux. De là à dire que c'est à peu près tout partout, je suis sûre que ce n'est pas ça que vous voulez dire. Donc, je vous invite, à chaque fois que cette situation-là est portée à votre attention par vos professeurs, de rentrer en communication avec la sous-ministre qui est responsable, parce que je pense que c'est important pour les étudiants. Moi, je pense qu'autant les enfants que les adultes doivent avoir un environnement stimulant si on veut qu'ils apprennent et qu'ils apprennent bien. Mais je n'ai pas beaucoup de temps, mais je voulais juste que vous soyez conscient de ça. La porte est toujours ouverte, ça fait que gênez-vous pas.
Vous comprendrez qu'il y a beaucoup de choses que vous avez soulevées aussi que je n'aborderai pas nécessairement parce que je pense que la commission n'est pas la place pour négocier. C'est bien évident que vous êtes le syndicat des professeurs. Je pense qu'il y a des voies...
M. Perron (Luc): ...
Mme Thériault: Pardon?
M. Perron (Luc): Négocier en français, c'est correct. C'est la place qui n'est pas...
n(15 h 50)nMme Thériault: Non, négocier en français, c'est correct, là, je n'ai pas de problème avec ça, sauf qu'il est bien évident que, comme syndicat représentant les professeurs, bien il y a certains sujets que je me permettrai de ne pas nécessairement aborder ici, en commission.
Il est vrai qu'il peut y avoir des listes d'attente, j'en conviens. De là à dire qu'on est nous-mêmes un cordonnier mal chaussé et qu'on fait de la discrimination, écoutez, vous savez comme moi qu'on ne peut pas partir des cours de français avec cinq élèves à l'intérieur non plus. Puis il faut prendre les chiffres dans un contexte très correct aussi. L'élève qui vous accompagne a dit qu'elle avait attendu trois mois. Peut-être aurait-elle pu attendre moins longtemps, j'en conviens. Il y a le contexte de l'été aussi qui fait que souvent on ne peut pas remplir les classes, vous le savez comme moi.
Il va y avoir une autre série de cours qui va partir au mois d'octobre, et on va bonifier l'offre justement pour pouvoir baisser, parce qu'on a été chercher des crédits supplémentaires cette année pour faire face à nos défis qu'on a au niveau de la francisation. Mais il faut aussi être conscient qu'il y a une diversification de l'offre de francisation, là. Il y a des gens qui veulent prendre des cours de français sur mesure. On le voit beaucoup chez les gens qui sont fortement scolarisés aussi, qui ont besoin de ce type de service là pour justement pouvoir aller chercher le permis de l'Office de la langue française pour pouvoir aller passer des examens à l'ordre. Et, de plus en plus, on diversifie l'offre au niveau de la francisation pour que justement ça puisse répondre aussi aux besoins particuliers des gens.
Si je regarde les statistiques qu'on a, en 2001-2002, on est passé de 15 000 personnes qui ont reçu une offre de francisation, là, peu importe si c'est à temps plein, régulier, temps partiel, sur mesure, etc., puis, en 2005-2006, on a offert pour 20 000 personnes qui sont passées au total, ou 20 000 interventions, ça fait qu'il y a quand même une augmentation qui est faite. En même temps, je pense que c'est particulier, parce qu'il faut prendre aussi le contexte. Dans les statistiques qu'on nous donne, on nous dit qu'en 2000 il y avait 45 % des gens qui étaient admis ici qui avaient une connaissance du français, en 2000, alors qu'en 2005 on parle de 57 %. En 1999, c'est à peu près 37 %, en 1998-1999. Ça fait que c'est sûr que les gens arrivent ici avec une connaissance supérieure du français qu'ils avaient moins fin quatre-vingt-dix, début 2000. Je comprends nécessairement que ce n'est pas tous des gens qui sont parfaitement fonctionnels dans un français, mais il y en a qui ont quand même des bases de français, qui fait qu'on doit modifier l'offre de français, qu'on doit l'ajuster puis faire appel aux nouvelles technologies aussi.
M. Perron (Luc): Très rapidement. Je prends au vol bien sûr l'invitation que vous faites pour Mme Wells, je pense ? c'est celle-là que vous mentionniez. Mais juste pour vous illustrer très rapidement: Est-il normal que, durant l'été, par exemple, lorsque, dans un cégep, les classes ont des fenêtres, les fameuses classes avec des fenêtres ne soient occupées, au début de l'année scolaire, que par les classes régulières et puis que nos professeurs, avec nos immigrés, dans des classes qui sont tout à fait étroites, qui peuvent être, en termes de mesures, peu confortables parce que la proximité fait que les gens se parlent quasiment coude à coude... mais dans des classes sans fenêtre? C'est des exemples qu'on a beaucoup de cet ordre-là.
Alors, ce que je veux dire sur le plan de la prévention, c'est que la zone de confort, elle doit être autant pour nos immigrés en situation de travail. Imaginez-vous, vous êtes six heures dans un local fermé. Alors ça, c'est des situations que même des étudiants ne toléreraient pas. Moi, je serais président d'une association étudiante, ça ne marcherait pas longtemps. Mais, pour nos immigrés, bien... bon, pourquoi le faire? Alors, c'est ça. Puis on ne veut pas qu'ils sortent avec des pancartes tout de suite, mais c'est des situations comme celle-là.
Alors, sur une base comparative, je vous dis, dans bien des endroits, les locaux, je ne veux pas vous les nommer, mais les locaux, on n'a qu'à les voir, puis je le dirai bien sûr à votre sous-ministre, on n'a qu'à les voir, puis elle va être surprise, si vous voulez, vraiment de l'absence d'une comparaison de confort par rapport à ça, et ça, c'est malheureux.
Au niveau de la bonification de l'offre que vous parlez, on vous demande formellement de faire ce que nous faisons. Vous voulez attirer, me sensibiliser, me rendre conscient, puis je tente aussi qu'on le fasse de façon bilatérale. Nous vous demandons formellement de ne pas déshumaniser le premier contact avec les immigrés qui arrivent en sol québécois. Actuellement, l'administration fait en sorte de créer des médiations de papier, des médiations à travers des techniques, Internet et autres, qui font en sorte de repousser, d'exercer un repoussoir invitant pour aller se franciser, et ça, c'est tout à fait déplorable. Nos gens qui arrivent... Pensons à nous qui arrivons dans un pays; on est totalement nouveaux. Le contact d'une première personne, ça ne se remplace pas, et ça, c'est fondamental. Et ça, si on veut le remplacer par du papier, écoutez, c'est... même si c'est timbré, l'envoi, ça n'a pas de sens. À notre sens, ce n'est pas correct.
Puis l'autre notion sur laquelle je veux absolument qu'on se sensibilise mutuellement, c'est au niveau du nombre d'immigrés. C'est évident que 57 % ou 50 % de francophones, lorsqu'on en a 48 000 qui arrivent ou 50 000 qui arrivent par rapport, si vous voulez, à un chiffre plus petit avec 30 000 immigrants, c'est différent. Alors, le nombre d'allophones actuellement qui ne connaissent pas le français, en nombre absolu, c'est un nombre qui est important, et, en ce sens-là, on rejoint... Quand vous disiez 12 000, 15 000, même, personnes, c'est des personnes... Moi, je regarde dans des papiers qu'on a formellement venant des gens en face de nous, dans nos rapports patronaux-syndicaux, en 2004-2005, complétés, c'était 8 000 personnes, 8 000 immigrants, mais peut-être que ça correspondait à une statistique de 12 000, parce qu'il y en a plusieurs qui vont prendre des cours puis ils vont aller dans différents stages. Et ça, c'est important.
Mais, si c'est vraiment... puis je pense que c'est ça, c'est pour ça que, nous, on a avancé le chiffre de 8 000, on a été très, très, très précis... Mais c'est parce qu'il y en a d'autres qu'on ne rejoint pas. Et ça, encore là, c'est malheureux. On a rejoint, entre 1990 et 2000, dans nos classes, c'était à peu près 400 000, mais... Il y a eu 400 000 immigrants qui sont arrivés au Québec, mais c'est important, on ne les rejoint pas tous. Alors, il faut continuer, si vous voulez, à bonifier ce service-là parce que ceux qu'on ne rejoint pas, on l'a dit tantôt, c'est des gens responsables, c'est des gens qui ont hâte de participer, c'est des gens qui ont hâte de s'investir, ils ont hâte de travailler. Ils vont aller peut-être dans un autre réseau qui est peut-être plus facilitant au niveau d'une autre langue. M. Renaud le disait, ça. Il a dit: Que l'immigré arrive au Québec... Puis ça, ce n'est pas nous, encore une fois. Mais il a dit: Que l'immigré arrivepuis s'en aille dans le réseau francophone ou anglophone, ça lui importe peu. Mais, nous, on a intérêt à ce qu'il vienne dans le réseau francophone, je pense. On a un parti pris pour ça. Je ne suis pas juste en conflit d'intérêts, là, je ne suis pas en négociation, là.
Mme Thériault: Non, mais il reste peut-être juste 15 secondes avant que le président me coupe, je veux juste vous dire que c'est évident que les chiffres, on fait toujours attention parce que... Oui, c'est vrai que les niveaux d'immigration augmentent. Les différentes catégories vont venir influencer; plus il y a de gens qui sont dans la catégorie économique, plus ils ont de connaissances du français. Il est vrai que, dans le regroupement familial... bon, les femmes, on peut les perdre plus facilement dedans le réseau, puis il y a évidemment tous les chiffres des enfants aussi qui font partie du total mais qui rentrent dans les écoles. Puis je veux vous dire qu'à chaque fois que je regarde des chiffres je fais toujours attention de bien regarder les chiffres dans son ensemble parce que je sais que ça peut être très trompeur. Merci.
Le Président (M. Brodeur): Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Laurier-Dorion.
Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. Je vais y aller rapidement parce qu'on a beaucoup de questions, mes collègues et moi, puis le temps file, il nous reste à peine huit minutes. J'étais assez surprise tout à l'heure, dans l'échange avec la ministre... La ministre a mentionné qu'on ne peut pas partir des classes avec cinq personnes. Je me dis que, dans cette volonté de vouloir régionaliser de plus en plus l'immigration puis de faire en sorte qu'on puisse avoir de l'immigration un peu partout en région... C'est sûr que, dans toutes les régions, il n'y aura pas un nombre équivalent de personnes, et donc c'est possible qu'on puisse se retrouver dans des situations... des villes ou des villages où le nombre de personnes qui ont besoin de francisation pourrait être restreint, puis, à ce moment-là, si on a des balises qui sont peut-être trop formelles, on peut peut-être se priver, je pense, d'offrir un service à quelqu'un qui en a besoin, d'autant que, même si ce n'est qu'une seule personne qui se francise, je pense que c'est important, puisqu'une personne qui ne maîtrise pas le français, on en a... Ça fait plusieurs organismes qu'on rencontre, puis on se rend compte des difficultés par la suite que peuvent vivre ces personnes-là pour ensuite des années nombreuses dans leur vie ici, au Québec. Donc, je pense que, même pour une seule personne, on devrait s'assurer de pouvoir offrir des cours de français le plus rapidement possible. Et, sur ce, mon collègue de Saint-Hyacinthe a plusieurs questions pour vous, puis, s'il y a du temps, bien je reviendrai.
Le Président (M. Brodeur): M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dion: Merci, M. le Président. Alors, merci à vous, du Syndicat des enseignants de l'État du Québec... des professeurs, hein, de l'État du Québec. Oui, c'est bien. Je suis très heureux que vous soyez là. J'ai lu vraiment à fond votre document et je suis impressionné par... pas seulement par la phraséologie mais toute la réflexion qu'il y a dans ce document-là et qui est une réflexion qui est basée sur le vécu quotidien de vos enseignants, des membres de votre syndicat, et c'est très important pour nous.
Je joins ma voix à celle du ministre pour souligner toute l'admiration que j'ai pour le travail que vous faites, qui est un travail très difficile, probablement un travail gratifiant aussi parce que c'est extrêmement intéressant de pouvoir accueillir des gens et les aider à s'insérer dans la société québécoise, mais qui demande beaucoup de dévouement et de compétence professionnelle, ce dont vous faites preuve. Alors, je vous en remercie au nom de la société québécoise.
Et je suis quand même très... j'avoue que c'est scandaleux, ce que vous avez raconté concernant l'exigence abusive du français pour avoir un emploi.
Des voix: De l'anglais.
M. Dion: De l'anglais. J'aimerais qu'on ait une étude là-dessus pour déterminer où le bât blesse. Est-ce que c'est dans les institutions d'État, du public, que ce soit municipal, commission scolaire, les hôpitaux ou l'État du Québec ou c'est plus l'entreprise privée? Dans quelle mesure? Et où est-ce que... est-ce qu'il y a moyen de savoir de façon plus pointue où est le problème pour pouvoir le régler?
Et, deuxièmement, est-ce que c'est l'effet d'employeurs dans le privé, anglophones ou francophones, parce que ce n'est pas... on ne peut pas dire d'avance que c'est l'un ou l'autre. Et comment on pourrait faire face à cette question-là? Je pense que c'est des questions auxquelles on devrait pouvoir répondre afin de pouvoir trouver des solutions.
n(16 heures)n Est-ce qu'il y a des plaintes qui ont été faites à cet effet en vertu de l'article 46 de la loi et comment réagit l'Office de la langue française par rapport à ça? Par exemple, on a le cas de l'entente plus ou moins tacite, plus ou moins signée entre Hydro-Québec et l'Office de la langue française à l'effet qu'ils peuvent engager 25 %... exiger le bilinguisme dans 25 % de leurs employés aux communications, alors qu'on sait très bien qu'ils n'ont pas besoin de ça. Alors, il y a toutes sortes de choses. Et j'ai une lettre, une réponse du vice-président d'Hydro-Québec à cet effet, qui me raconte des histoires plus ou moins fondées, que je sais qu'elles sont contestées par les gens qui sont à l'intérieur de la boîte. Alors, il y a toute une problématique importante et grave, qui n'est pas simple à régler, et je vous remercie de dénoncer la partie qui vous concerne.
Cependant, je voudrais vous poser une question très simple. Moi, je connais des gens qui, cet été, à la fin de l'été, donc au mois d'août, déjà étaient arrivés au Québec depuis plus d'un mois et qui me disaient... très heureux de me dire qu'ils pourraient entrer dans le cours de français en janvier. Totalement inadmissible! D'ailleurs, vous faites la démonstration dans votre document. C'est totalement inadmissible. Je comprends qu'il y a toutes sortes de bonnes raisons: il n'y a pas assez de monde, tout ça, mais, quand on sait le peu d'importance, en termes de chiffres, de l'investissement dans la francisation par rapport aux conséquences de la non-francisation sur toute la société, des conséquences qui vont se manifester dans cinq ans, dans 15 ans, dans 25 ans, des conséquences graves pour la société, alors je pense que ça ? puis là je ne m'en prends pas à la ministre de l'Immigration, je m'en prends à nous, comme société et comme État ? il faut faire une réflexion là-dessus. C'est trop important pour qu'on dise: Ah, ça dépend d'un tel ou d'un tel. Je pense que c'est une question très importante et je vous demande de nous aider à faire cette réflexion-là.
Je voudrais cependant vous poser une question très précise parce que c'est vous qu'on veut entendre. 8 000 immigrés dans vos classes, c'est beaucoup, mais, quand on sait qu'il y a 40 000 immigrés qui arrivent plus ou moins par année, moyenne, ça fait 20 %. On dit qu'il y en a à peu près 50 % ou un peu plus qui savent le français quand ils arrivent. Ça ne veut pas dire qu'ils ont des cours concernant l'histoire du Québec, la culture au Québec. Ça, c'est une autre histoire à laquelle il faudrait s'attaquer. Mais il en resterait plus ou moins 25 000 en gros qui n'ont pas accès aux cours de français. C'est beaucoup, ça. Et, dans ces 25 000 là, qu'est-ce qui se passe? J'ai lu, j'ai vu des statistiques. Il y a environ...
Une voix: ...
M. Dion: Oui, oui, il peut y avoir des enfants. Il peut y avoir des personnes âgées aussi de plus de 80 ans. C'est sûr qu'il y a... Je pense que... Mais j'ai lu des statistiques ? et malheureusement je ne les retrouve pas présentement ? il y a un an, qui disaient... Les statistiques étaient à l'effet que la moitié des immigrants qui arrivent au Québec sans connaître le français n'ont pas accès à la francisation. Et ça, je ne dis pas: C'est à tel moment, ou tel moment, ou tel moment. Ce n'est pas ça qui m'intéresse, moi. Moi, ce qui m'intéresse, c'est le problème et comment on peut le résoudre. Alors, c'est pour ça que... Qu'est-ce qu'il faudrait faire pour diminuer ces listes d'attente?
Le Président (M. Brodeur): La question aura duré 6 min 36 s. La réponse devra être de 1 min 20 s.
M. Perron (Luc): Merci. La première remarque par rapport au nombre d'étudiants. C'est évident qu'actuellement la gestion administrative est obnubilée par un chiffre. Dans la convention, il est marqué: un maximum de 19. Alors, c'est évident que, commencer avec cinq ou avec un, ça peut paraître dispendieux. Puis effectivement, si c'est une approche qui est plus à travers l'humain, donc qui veut s'insérer socioéconomiquement dans une région, bien peut-être qu'effectivement c'est rentable, même trois, ou quatre, ou cinq. Mais je ne veux pas nécessairement tomber là-dedans.
Mais ce que je trouve abominable, c'est qu'il y ait beaucoup de classes où on commence actuellement avec 25 inscrits. Alors, 25 inscrits... Des immigrés, c'est des gens comme nous, hein? Je peux vous en parler longtemps. C'est des gens comme nous. Donc, ça veut dire que j'arrive à 25 dans une classe où il y a 18 bureaux ou 19 bureaux. Alors, il y en a déjà qui vont s'en aller parce qu'ils estiment que ça ne devrait pas fonctionner. Alors ça, c'est un geste administratif à notre sens qui rebute déjà des gens qui aimeraient s'intégrer.
Puis là-dedans il y a des exemples qui sont tragiques, que je vais vous dire en privé, ici. Dans une certaine région que je ne nomme pas, c'est qu'il y a même des industries, lorsqu'il y a des immigrés qui arrivent en région, qui vont les prendre puis qui disent: Nous, on va vous former. Et ils ne les forment pas en français, ils les forment à l'ouvrage. Puis, même s'il ne connaît pas les rudiments d'une langue, il est content qu'il travaille pour eux. Et il travaille jusqu'à temps qu'il s'aperçoive qu'il n'est pas un travailleur, si vous voulez, avec les normes, je dirais, là, c'est-à-dire qu'on l'exploite. Une fois qu'il réalise qu'il est dans une situation, si vous voulez, qu'on ne ferait pas avec d'autres, sur une base comparative avec des gens de la région, alors là, évidemment, ce n'est pas quelqu'un qui nous aime, à long terme. Puis ça, là, on ferait la même chose à sa place. Et malheureusement ça existe.
La première réponse à votre grande question, c'est que c'est le travail qui est important. Alors, le travail, tant et aussi longtemps que l'État ne fera pas en sorte d'obliger les entreprises... Puis il faudrait créer plus de réseautage interentreprises. Il faudrait nous permettre d'entrer davantage dans les entreprises. Il faudrait faciliter vraiment l'apprentissage du français dans les entreprises. Et ça, là-dedans, le ministère a reculé ces dernières années, malheureusement, en termes d'offensive par rapport à une insertion ou par rapport à une francisation et intégration en entreprise. Ça, je pense qu'à Montréal en tout cas c'est fondamentalement important.
Il y a des bons exemples. Il y a des corporations professionnelles qui s'obligent, lorsque des anglophones viennent ici, à avoir des traductions en anglais puis, lorsqu'ils vont dans l'Ouest, à avoir des traductions en français. C'est des bons exemples. Mais vous avez totalement raison de dire que, le «nous» français ou francophone québécois, souvent on est à-plat-ventristes par rapport à l'extérieur. Alors, c'est souvent nous qui ne donnons pas l'exemple.
Lorsque, par exemple... Je vous donne l'exemple de L'Industrielle, qui n'exigeront pas que la personne aille chercher des rudiments de la langue française avant qu'elle travaille chez eux. Alors, c'est évident que c'est un mauvais exemple. Malheureusement, ça existe, là, à une certaine échelle, dans les régions puis même bien sûr à Montréal, et ça, c'est malheureux.
Donc, je pense qu'il faut plutôt là-dedans, dans une réponse sensée, civiliser nos contradictions. Moi, je n'ai aucune gêne à ce que mes fils... Mon dernier parle portugais, anglais, français. Là, il veut apprendre l'allemand pour se détendre. Il étudie au Brésil. Mais, ceci étant, je pense que c'est correct. Mais, quand il vient ici, c'est le fun qu'il s'exprime en français puis c'est le fun qu'on puisse parler français. Puis on n'a pas, comme langue commune, à hésiter en aucune façon, dans l'ensemble des sphères d'activité, y compris celle du travail, de valoriser le français. Et ça commence par nous, et vous en avez qui le font. On ne se sert pas assez des bons exemples de gens qui le font.
Le Président (M. Brodeur): M. Perron, je vous demanderais de conclure, s'il vous plaît, parce qu'il ne nous reste plus de temps.
M. Perron (Luc): Paul va conclure.
M. Morissette (Paul): Bien, pas vraiment conclure parce que tantôt je voulais... Mon président n'est pas toujours très discipliné. Je voulais prendre la parole, mais je n'ai pas eu le temps. Il parle beaucoup.
Je trouve aussi souvent qu'on a des étudiants... Nos étudiants sont souvent considérés comme de seconde zone, et ils le sentent. Moi, je me souviens, une des raisons principales pour lesquelles on a fermé les COFI, c'était de l'immersion, envoyer des immigrants dans des... avec des étudiants québécois de souche, et puis tout ça. Et, quand on parle, à Gatineau par exemple, qu'on a des étudiants au cégep de Gatineau, il faut s'entendre. Le cégep de Gatineau, nos étudiants sont à l'école Reboul. Ils ne sont pas du tout avec les étudiants du cégep. Ils sont complètement isolés sur le bord d'une autoroute. Et il n'y a pas d'étudiants. C'est des immigrants qui sont là. Et c'est la formation continue. De temps en temps, une semaine, les infirmières, l'autre semaine, c'est... Mais ils ne sont pas au cégep de Gatineau réellement.
Le Président (M. Brodeur): M. Morissette, M. Perron, Mme Philip, malheureusement c'est tout le temps dont nous disposons. Donc, merci, pour votre présentation.
Et je vais suspendre quelques instants, le temps que le prochain groupe puisse s'installer.
(Suspension de la séance à 16 h 8)
(Reprise à 16 h 9)
Le Président (M. Brodeur): À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous allons continuer nos travaux. Et je demanderais au Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel, les CALACS, de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît. Bienvenue en commission parlementaire.
Donc, je vous explique brièvement les règles, que vous connaissez probablement. Donc, vous avez un temps maximal de 20 minutes pour faire la présentation de votre mémoire ? donc, je dis bien «un temps maximal»; vous allez voir que, si vous approchez le 20 minutes, je vais commencer à gesticuler ? et ce sera suivi d'une période d'échange avec les membres de la commission. Donc, pour débuter, pour le bénéfice du Journal des débats, je vous demanderais de vous identifier et de présenter immédiatement votre mémoire. La parole est à vous.
Regroupement québécois des centres d'aide et de
lutte contre les agressions à caractère sexuel
(Regroupement québécois des CALACS)
Mme Barbal i Rodoreda (Pilar): Bonjour, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les membres de la commission. J'inclus aussi les personnes au secrétariat qui, dans toutes les démarches administratives, ont tenu à nous accompagner. C'est avec beaucoup d'intérêt que nous venons présenter notre mémoire comme porte-parole du regroupement des CALACS. Alors, mon prénom est Pilar. Mon nom de famille, c'est Barbal i Rodoreda. Et ma collègue, c'est Michèle Roy.
n(16 h 10)n Alors, nous venons présenter un mémoire qui porte sur le racisme, le sexisme et les effets de leur intersection, que c'est les agressions sexuelles...
Une voix: ...
Une voix: Ça va.
Mme Barbal i Rodoreda (Pilar): ...de violences sexuelles spécifiques et les effets dévastateurs sur les femmes. Donc, j'espère que, même si c'est tard dans la journée, on pourra retenir votre attention, compte tenu de l'importance du sujet puis son lien étroit avec le racisme et la lutte contre la discrimination.
Simplement vous dire que le regroupement des CALACS, c'est un regroupement provincial de 26 centres à l'ampleur du Québec qui, depuis 30 ans, s'occupe de femmes violentées sexuellement, à partir de trois volets, que c'est: avant tout, la promotion et la prévention; deuxièmement, c'est toute la question de défense des droits, de respect des droits de ces femmes; et, troisièmement, l'aide et l'accompagnement de ces femmes.
Parmi les femmes qui sont dans nos centres, évidemment il y a les femmes de communautés culturelles, les femmes de minorités visibles et les femmes immigrantes. On tient à vous dire que, depuis l'année 2000, le regroupement des CALACS et les 26 centres du Québec se sont engagés dans un processus d'inclusion des femmes des groupes minoritaires, des femmes les plus discriminées, entre lesquelles se trouvent effectivement les femmes immigrantes, des communautés culturelles et des groupes racisés. Cet engagement collectif évidemment nous a portées à travailler sur différentes stratégies, à apporter des changements importants dans notre façon de faire, tant individuelle que collective.
Nous voudrons, avant de commencer, saluer l'initiative d'une politique. Nous sommes très bien placées parce qu'en matière d'agression sexuelle on a juste des orientations. Donc, on est très, très contentes que ce soit une politique et on tient à saluer l'initiative. On tient aussi à saluer le fait que, dans le document, fort clair, fort intéressant, il y a vraiment la volonté de parcourir les différents lieux où peut s'exprimer le racisme. Donc, vraiment, on a été vraiment touchées par la volonté de cette lutte.
Nous croyons que vous avez pris lecture, connaissance de notre mémoire, donc on va seulement mettre en lumière quelques faits saillants dans notre présentation. D'abord, moi, je vais aborder l'intersection du sexisme et du racisme, toute la question de la vulnérabilité des femmes, et ma collègue Michèle Roy va parler des orientations en matière d'agression sexuelle, de la prostitution et du trafic, et enfin, toutes les deux, on va apporter des recommandations.
Alors, j'aimerais vous dire que, même si on aborde quelques sujets, il y a d'autres sujets extrêmement importants, comme c'est l'emploi, comme c'est d'autres domaines, la francisation, etc., mais, nous, on va rester centrées sur notre mission, que c'est effectivement la lutte contre la violence sexuelle.
En même temps que nous saluons la politique, nous le disons aussi avec un grand regret. Le premier grand regret qu'on a, c'est qu'à la page 5 on trouve déjà de dire que c'est une politique qui s'adresse particulièrement aux femmes immigrantes ou aux femmes des minorités visibles, femmes des groupes racialisés, mais qu'elle ne s'adresse pas aux femmes autochtones, bien qu'elles pourront bénéficier des effets de cette politique. On est extrêmement désolées parce que pour nous le racisme, il y en a un, de racisme: les femmes autochtones, les femmes des premières nations, sont les premières femmes qui sont touchées par ça. Et, comme femmes immigrantes, on est très, très préoccupées par le fait que les femmes des premières nations du pays qui nous a accueillies soient en ce moment comme laissées en attente.
Deuxièmement, on est très préoccupées aussi parce que le document est très silencieux par rapport à toute la question de sexisme et la sexospécificité du racisme, donc la différence et toutes les spécificités que prend le racisme quand il s'agit des femmes.
Troisièmement, on est préoccupées aussi par le silence autour de tous les programmes d'immigration et que, parfois, certains d'entre eux jouent un rôle important dans la discrimination des femmes.
Et, quatrièmement, la question du trafic et de la prostitution, où effectivement le document n'en parle pas beaucoup, alors que la prostitution et le trafic sont vraiment des produits du racisme et du sexisme. Donc, on tient à vous souligner le regret qu'on a à ces sujets-là. Puis, dans le document, on ne trouve non plus aucune mention particulière sur quels moyens on compte mettre en place pour effectivement rendre la politique et le plan d'action... sur le terrain.
Quant au sexisme, j'aimerais vous dire ? vous le voyez dans le mémoire ? qu'en faisant un copier-coller sur la définition du racisme, le sexisme, c'est effectivement l'infériorisation des femmes les empêchant de toute participation à la société, au plan politique, au plan économique, au plan social, parce qu'elles sont des femmes, de la même façon qu'on fait avec les personnes qui sont des groupes ethnoculturels, des groupes racisés. On les met à l'écart, on les infériorise. Donc, vous voyez, le racisme et le sexisme, ils ont en commun que ce sont deux systèmes de domination et d'oppression. Et, quand il y a une intersection entre ces deux systèmes, effectivement les femmes en subissent les effets. Un des effets les plus néfastes, ce sont les violences sexuelles.
J'aimerais aussi attirer votre attention, quand on parle de sexisme, sur ce que c'est, la sexualité racialisée. Actuellement, quand on parle de racisme, la notion anthropomorphique du racisme, tout ce qui est les caractéristiques physiques de la personne, on ne les entend plus, sauf dans le domaine de la relation sexuelle. Encore, les femmes des groupes racialisés, les femmes de minorités visibles, on a toutes sortes de représentations sexuelles de ces femmes, sous forme de fantasmes, sous forme de stéréotypes, sous forme de préjugés qui font que tout est valable pour les agresser sexuellement. Ces stéréotypes, ces préjugés sont véhiculés par les médias, sont véhiculés dans les milieux de travail, aussi dans les écoles.
Et on sait que, quand une femme est agressée sexuellement, les conséquences, les effets sur sa vie, puisqu'on touche directement à son intégrité, parfois durent pendant des années. Puis ça peut prendre différentes formes, comme la dépression, les douleurs, le retard scolaire. Mais je tiens à vous dire que, quand ces symptômes ou ces conséquences-là sont chez les jeunes filles immigrantes, par exemple, chez les jeunes filles de communautés culturelles, souvent on va dire: Ah, c'est parce qu'elle est immigrante, c'est parce que son système scolaire était différent du nôtre. Elle ne suit pas bien, elle n'est pas bien intégrée. C'est un défaut d'intégration. Vous voyez? Donc, beaucoup déjà pour les femmes «at large», c'est difficile de reconnaître tous les effets des agressions sexuelles, mais, quand ça touche les femmes dont nous parlons, c'est très, très difficile que ces femmes-là reçoivent de l'aide appropriée rapidement.
On sait aussi qu'autour de la violence sexuelle il y a toute la notion de vulnérabilité. On est un peu frileuses avec ces termes, je vous dirais, parce qu'on sait que la vulnérabilité, c'est un terme emprunté de la santé et que c'est pour mentionner la prédisposition d'une personne à subir un dommage, que ce soit pour des raisons d'ordre génétique, d'ordre biologique ou d'ordre psychosocial. Pour nous, c'est extrêmement important d'ajouter, dedans, toutes les considérations d'ordre politique, comment les différents programmes d'immigration rendent les femmes vulnérables. Ce n'est pas que nous, les femmes immigrantes, soyons naturellement vulnérables. Oui, il y a peut-être certaines caractéristiques personnelles. Oui, il y a certains éléments du parcours migratoire, mais il y a aussi certains éléments d'ordre politique qui font que nous devenons vulnérables.
Par exemple, le Programme d'aides familiales. Les femmes qui sont destinées à ce programme-là sont dans des maisons. Elles travaillent dans des conditions qui ne respectent aucunement les normes du travail, dans des conditions souvent d'exploitation. Souvent, ces droits ne sont pas respectés, et souvent elles sont victimes de violence sexuelle. On parle des travailleuses immigrantes, que c'est la même chose. Ou les travailleuses qui travaillent dans les campagnes à récolter des fruits à l'été, les travailleuses temporaires, c'est le même cas. Donc, j'aimerais attirer votre attention que, quand on parle de la vulnérabilité puis qu'on dit: Les femmes immigrantes sont vulnérables, la première question à se poser: Comment les politiques que nous mettons en place rendent ces femmes vulnérables?
n(16 h 20)n Ça fait que cette partie, je pense, très succinctement, c'était la partie que je souhaitais vous présenter, de tenir toujours compte, quand on parle des agressions sexuelles... On peut les visualiser comme une toile d'araignée, une toile d'araignée que c'est tout un contexte de violence qu'on met en place. Dans le cas des femmes immigrantes, par exemple, c'est tout le processus migratoire: dans leur pays de référence, pendant le processus de migration, une fois rendues ici. C'est toute une toile où beaucoup d'éléments sont mis en place pour que l'agression sexuelle se produise, que ce serait le noeud de la toile d'araignée. Et l'araignée, ça nous permettrait de visualiser la femme qui est prise là-dedans.
Donc, voilà. Si vous voulez plus de détails, de démonstrations de comment les médias traitent les femmes des groupes de différentes origines culturelles, à la page 7, vous avez le tirage d'un média montréalais qui vous permet de voir tout ce qui tourne autour de la prostitution, tout ce qui tourne autour du sexisme, mais particulièrement comment sont traitées les femmes de certaines communautés. Je pourrais vous en apporter d'autres, car ce sont tous... les femmes peut-être des pays africains, ou d'autres. Donc, voilà, c'est... Pour l'instant, je passe la parole à ma collègue.
Mme Roy (Michèle): Je vais continuer. On vous l'a dit, on est des organismes qui travaillons contre la violence sexuelle. Nous sommes dotés, depuis l'an 2000, d'un plan d'action gouvernemental en matière d'agressions sexuelles. Ce plan d'action là vient à échéance bientôt, le premier plan d'action qui avait été mis en place. Donc, dans ce plan d'action là, une des remarques qu'on a faites déjà depuis un bon moment, c'est qu'il tenait très, très peu compte des enjeux liés à la discrimination et au racisme, autant dans l'analyse de la problématique que dans les moyens qui doivent être mis en place pour justement pallier aux impacts de la discrimination et du racisme.
Ce plan d'action là vient à échéance cette année, doit être renouvelé... enfin, ne doit pas être renouvelé, mais le gouvernement nous annonce qu'il souhaite faire un deuxième plan d'action. On trouve que c'est important que ce second plan d'action là prenne vraiment en compte l'intersection entre le sexisme et le racisme, que ça traverse l'ensemble des mesures qui vont être prises dans les différents ministères qui sont préoccupés par ça, dans les différents organismes, et tout.
Puis je vais prendre deux exemples précis. Par exemple, quand, dans votre document, on reconnaît que, dans le système médical comme dans l'ensemble des systèmes sociaux, il y a du racisme, il y a de la méconnaissance, par exemple, quand on sait que, dans l'application actuelle du plan d'action, on a beaucoup misé sur ce qu'on appelle les centres désignés, c'est-à-dire que, quand une femme est victime d'agression, qu'elle aille dans un centre médical déterminé pour passer la trousse médicolégale pour faire des prélèvements, et tout, on peut imaginer ce que ça représente pour une femme ou une adolescente qui vient d'une communauté racialisée, par exemple, ou victime de discrimination, si le personnel médical qui est là n'est pas sensibilisé autant à la violence sexuelle qu'à l'impact du racisme ou de la discrimination, au contexte dans lequel cette femme ou cette fille-là vit, par exemple, à comment, quand le personnel policier, par exemple, auprès de qui elle devrait porter plainte ou que sa famille doit l'accompagner dans le processus policier... ce que ça représente pour des gens qui ont eu affaire avec la police dans un autre pays où le traitement policier ou judiciaire était très épeurant ou très discriminatoire, etc., puis comment ils risquent de rencontrer la même chose, sous d'autres variantes, ici, moins évidentes peut-être mais parfois sous-entendues. Alors, c'est important que, dans les mesures qu'on met en place, on tienne compte du fait de l'intersection de ces enjeux-là et qu'on en...
Un autre exemple, par exemple, c'est qu'il y a des femmes qui s'adresseraient à l'appareil médical ou judiciaire, qui voudraient aller en procès, ou etc. Beaucoup de femmes ne maîtrisent pas la langue forcément, surtout si elles sont arrivées depuis peu de temps, ou des adolescentes, et ça prend souvent la nécessité d'une interprète. Mais il faut que cette interprète-là non seulement maîtrise la langue mais maîtrise aussi une connaissance et de la problématique de la violence sexuelle puis aussi du contexte dans lequel cette femme-là ou cette jeune-là évolue: comment, par exemple, le fait de parler de violence sexuelle dans certaines communautés, ça peut être très difficile à cause de l'impact sur la communauté; comment des femmes sont préoccupées, parce que le système judiciaire traduit du racisme, de porter plainte contre quelqu'un de leur communauté parce que ça va augmenter le racisme envers la communauté dans son ensemble, par exemple. Alors, c'est important pour nous que le second plan d'action tienne compte de ça. Dans les recommandations, on reviendra sur la nécessité que les groupes pertinents soient associés à ça.
Un autre point sur lequel, on vous l'a dit, on était... On n'a pas beaucoup développé sur la question des orientations parce qu'on sait qu'il y a une démarche de consultation qui va avoir lieu, mais le constat qu'on fait sur le premier plan d'action nous alerte déjà sur ce qui va venir.
Un autre aspect qui n'a pas été pris en compte dans le document de consultation pour lequel vous nous entendez, c'est toute la question de la prostitution et du trafic ou de la traite des personnes. Selon nous, la prostitution et la traite, c'est vraiment des lieux d'expression micro et macro du racisme, du sexisme puis de la violence. Et, pour nous, c'est important, comme organisation, qu'on prenne ça en compte, qu'on le prenne en compte dans l'analyse de ce que c'est, la prostitution et le trafic, au Québec, parce que ça existe ici, parce qu'autant la traite que le trafic... On sait que la traite des êtres humains se fait majoritairement en vue de l'industrie du sexe, de la prostitution sous toutes ses formes, pas exclusivement celles-là qui se retrouvent au coin de la rue, mais celles-là qui se retrouvent dans les bars de danseuses, dans les agences d'escortes et compagnie.
C'est important donc qu'on tienne compte... Actuellement, on entend beaucoup de discours autour de l'hypersexualisation, par exemple, des jeunes filles, et tout, ou de la publicité sexiste, mais pour nous, c'est un continuum de la violence et de l'exploitation sexuelle qui s'exerce contre les femmes et les filles, et il faut faire des liens entre tous ces éléments-là, par exemple.
Puis de ça, actuellement, si on parle de racisme et de discrimination au Québec, il faut reconnaître que les personnes qui sont dans l'industrie du sexe proviennent majoritairement ou des pays du Sud, ou de l'Est, ou les pays où il y a eu des guerres ou des conflits, où les femmes ont été obligées de s'exiler, où on va aller les chercher aussi parce qu'elles fournissent une main-d'oeuvre à bon marché pour l'industrie du sexe, par exemple ? et ça existe ici aussi ? puis qu'on utilise les stéréotypes, par exemple dans les sites pornographiques, et tout, sur les femmes de ces différentes communautés là.
C'est important que le gouvernement québécois exerce un leadership au plan canadien par rapport à ces questions-là, parce qu'on sait bien que ça ne se règle pas strictement au plan québécois, qu'il y a des règles là-dedans, il y a des lois, qui sont régies par le Code criminel canadien, qui nous mettent en lien avec l'ensemble des autres provinces canadiennes et le gouvernement fédéral. Puis on souhaite que le gouvernement québécois exerce un leadership certain sur ces questions-là pour soulever le débat, pour amener la prise de conscience autour de l'impact du racisme.
Puis on parle aussi, dans les communautés qui sont visées... C'est sûr que les femmes des premières nations sont très visées et très pénalisées par l'industrie du sexe et par la traite dont elles sont les victimes importantes dans l'ensemble du Canada, d'une région à l'autre du Canada, et tout. Qu'on pense aux femmes qui sont disparues dans les provinces de l'Ouest, aux femmes qui ont été tuées à Vancouver, par exemple. C'étaient beaucoup des femmes des premières nations, qui étaient dans la prostitution puis qui ont été, à ce titre-là, visées et, dans certains cas, carrément tuées ou disparu.
Je pense que c'est important donc qu'on prenne en compte les enjeux de prostitution et de traite, dans une future politique en matière de lutte contre le racisme et la discrimination, et qu'on les prenne en compte pour l'ensemble des groupes visés.
Si on va rapidement sur les recommandations pour lesquelles on souhaite vraiment... On a fait plusieurs recommandations. Elles sont dans notre document. Elles sont reprises à la fin. On va insister plus sur quatre recommandations qu'on trouve importantes aujourd'hui. L'importance vraiment que, dans une politique, on fasse un lien indissociable entre le sexisme et le racisme; qu'on fasse une analyse et une prise en compte de comment le racisme affecte différemment les hommes et les femmes et comment il y a des enjeux qui concernent spécifiquement les femmes qui doivent être traités.
C'est important aussi que la lutte contre le racisme traverse le futur plan d'action gouvernemental contre la violence sexuelle, comme la violence conjugale et d'autres formes de violence.
C'est important, sur la question de la pornographie et de la traite, que le gouvernement québécois, tous partis confondus, propose un débat social sur la question de la prostitution comme un enjeu de violence contre les femmes, comme un enjeu d'expression du racisme aussi et s'assure du même coup, dès maintenant, de la protection de la sécurité et du respect des droits des personnes qui sont dans la prostitution, que nous considérons comme des victimes d'un système d'exploitation sexuelle.
Et finalement que, dès maintenant aussi, le gouvernement québécois s'assure que les programmes d'immigration pour lesquels il a une responsabilité ici permettent vraiment la sécurité, respectent la sécurité et respectent aussi les droits des femmes immigrantes, qu'elles soient dans un statut temporaire, ou en attente de statut, ou comme réfugiées, ou comme résidentes permanentes, et tout, que vraiment on s'assure que les programmes soient sécuritaires pour les femmes. On a donné quelques exemples tantôt. Puis parler des exemples, par exemple, des travailleuses domestiques ou travailleuses agricoles. Il y en a plein d'autres. On pourrait développer davantage.
Mme Barbal i Rodoreda (Pilar): Il nous apparaît globalement que peut-être le temps des études, peut-être le temps des recherches, des comités, des commissions commence à être révolu peut-être et que c'est le temps de mettre de l'avant un plan d'action qui vraiment apporte un changement dans la lutte contre le racisme et la discrimination.
Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Merci. Mme la ministre.
n(16 h 30)nMme Thériault: Merci, M. le Président. Merci, Mme Turcotte, d'être avec nous ce matin, cet après-midi, pardon, Mme Rodoreda, d'être là. Merci pour votre témoignage.
J'aimerais, d'entrée de jeu, vous dire qu'il est évident que, si on est assis ici, ensemble, aujourd'hui, c'est que le gouvernement, et non pas le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles... mais que c'est bien le gouvernement du Québec qui va se doter d'une politique pour lutter contre le discrimination et le racisme. Ce sera une politique gouvernementale, donc qui devra interpeller tous les ministères, pas seulement que nous, O.K.? Je pense que c'est important de vous le préciser peut-être.
Si on a choisi la voie de la commission, c'est qu'on pense sincèrement que c'est un débat qui doit s'élever au-dessus de la partisanerie. Donc, ce n'est pas pour rien que les gens du Parti québécois sont associés aussi à la démarche. Nous, comme Parti libéral... moi, je considère que c'est important de le faire. Je pense que c'est un débat de société qui s'engage, qui n'interpelle pas que seulement les politiciens, mais toute la société. Que ce soient les entrepreneurs, que ce soient les syndicats, que ce soient les organismes communautaires, que ce soient les différents organismes gouvernementaux qui oeuvrent... toutes les composantes de la société doivent être interpellées par ce débat-là.
Évidemment, je vous dirais, d'entrée de jeu, que, si on est ici, c'est parce qu'il y a eu une autorisation dans les comités ministériels, qui a dit oui, évidemment. Donc, je pense que mes collègues sont aussi conscients des efforts que ça va demander quand on va déposer cette politique pour lutter contre la discrimination et le racisme. Tout le monde sait également qu'il y aura le plan d'action qui suivra. Évidemment, si on veut réellement avoir une politique qui a du bon sens et qui a des dents, c'est important de se doter d'un plan d'action. Est-ce qu'il sera sur une période de deux ans, trois ans, cinq ans? Je pense qu'il est un peu trop tôt pour le dire aussi. Je veux que le débat se fasse réellement très sereinement et que les gens viennent nous exprimer ici leurs points de vue. Mais il est évident qu'un plan d'action, ce serait utopique un peu de penser que, dans six mois, tout serait complètement changé, ne serait-ce que d'aborder l'angle de la pluralité dans l'offre de services du gouvernement québécois, ou, exemple, au niveau des écoles, ou dans le milieu de la santé. Encore faut-il qu'on ait eu le temps de parler, qu'on ait un plan, puis qu'on dise: O.K., parfait. Voici, je vais embaucher. Ça ne se fait pas du jour au lendemain, là, c'est clair.
Je vous dirais, d'entrée de jeu, qu'il est évident que pour moi, comme ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles, toutes les femmes qui peuvent être victimes de violence, c'est intolérable au Québec. Je crois qu'on doit lutter contre ça, qu'on soit une femme des communautés culturelles, une femme autochtone ou une femme... on est des femmes, carrément. Donc, il est évident qu'il faut tenir compte... Je vous dirais que, puisque le plan d'action de lutte contre les agressions sexuelles est en... Vous êtes à la rédaction du deuxième plan, m'avez-vous dit? Je crois qu'il faut savoir profiter du bon timing, entre guillemets, pour pouvoir inclure la notion de discrimination et de racisme dans ce document-là afin que ça reflète beaucoup mieux la réalité.
Vous avez parlé des femmes autochtones. Je ne voudrais pas tenir sous silence les femmes autochtones. À mon avis, moi, je vais vous dire sincèrement, j'ai un gros problème à considérer les femmes des premières nations sur le même pied qu'un immigrant. Je m'explique, quand je dis ça, pour ne pas que ça semble péjoratif. Je suis convaincue, et pour avoir discuté avec des autochtones, que, si on avait dit aux autochtones, quand on parle de discrimination puis de racisme: On va vous inclure avec les membres des communautés culturelles, les immigrants, on aurait eu droit à un tollé de protestation de la part des premières nations, qui sont un peuple fondateur du Canada, du Québec.
Donc, vous comprendrez que les revendications des autochtones, même si on reconnaît qu'ils peuvent vivre des situations de discrimination, de racisme, de préjugés, que ce soit à l'égard du logement, de l'emploi ou d'autres domaines, les revendications des autochtones peuvent être liées aussi à d'autres revendications qui sont historiques. Vous comprendrez que, puisque je suis la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles, il m'apparaissait important de ne pas minimiser les situations de discrimination qui pouvaient être vécues par les autochtones. C'est la raison pour laquelle on en parle. S'il y a des autochtones qui veulent venir en parler, c'est correct. On a rencontré des groupes lors de la tournée de sensibilisation. Différents groupes nous ont parlé aussi. On entend bien, on lit bien les recommandations. Vous pouvez être assurées que, mon collègue le ministre qui est responsable du Secrétariat des affaires autochtones, il y a un étroit suivi qui est fait entre son cabinet et mon cabinet, donc il est au courant de ce qui se dit ici. Parce que je ne voudrais pas vous laisser sur une mauvaise impression.
Je vous dirais que c'est évident que, lorsqu'on parle de traite, de prostitution, oui, ça peut interpeller évidemment les femmes immigrantes. On en est conscients. Il y a des revendications d'ailleurs qui ont été faites. C'est une des raisons pour lesquelles on a travaillé avec nommément l'Association des aides familiales immigrantes. Depuis l'an passé, on a octroyé une subvention salariale avec cette association-là pour justement s'assurer que les femmes immigrantes qui pouvaient être placées dans une situation de vulnérabilité, ne connaissant pas nécessairement leurs droits, et qui pouvaient être exploitées, soit financièrement ou sexuellement, puissent avoir un organisme qui s'occupe d'elles ou qui surveille en tout cas pour être bien sûr que ces situations-là d'abus n'arrivent pas ici.
Bon, ceci étant dit, il est évident que, la discrimination, on peut réellement l'interpréter... Bon, vous avez fait un lien direct avec sexisme et discrimination. Vous me permettrez évidemment, parce qu'il y a une commission qui a déjà siégé sur l'égalité des femmes et des hommes, de ne peut-être pas approfondir ce morceau-là avec vous, comme tel, mais je voudrais plus vous entendre par rapport à des situations de discrimination dont les femmes immigrantes ont été victimes, qui vous ont interpellées ou que vous avez été mises au courant. Qu'est-ce qu'on devrait faire? Qu'est-ce qu'on peut faire? Je vous donne une baguette magique, là, je vous donne une baguette magique, O.K.? Qu'est-ce qu'on peut mettre dans la politique qui va contrer...
Mme Barbal i Rodoreda (Pilar): Qu'est-ce que... Vous pouvez répéter la question? Parce que je ne vous ai pas entendue.
Mme Thériault: Oui. Je vous donne une baguette magique. Vous avez certainement des femmes qui ont porté à votre attention des problématiques de discrimination ou de racisme, des femmes immigrantes, notamment? Oui?
Mme Barbal i Rodoreda (Pilar): Par exemple, on...
Mme Thériault: Donc, je vous donne une baguette magique, aujourd'hui, puis je vous dis: Qu'est-ce que vous pouvez nous suggérer qu'on pourrait mettre dans le plan d'action et qui va contrer de la discrimination ou du racisme fait auprès des femmes immigrantes dont vous vous occupez?
Mme Barbal i Rodoreda (Pilar): Bien, il m'apparaît, par exemple, qu'une des choses qu'on pourrait faire, c'est avoir une vue plus d'ensemble de c'est quoi, l'immigration, au Québec. Nous, on a fait, dans le cadre de notre travail, une tournée de formation dans toutes les régions du Québec, et ce qui apparaît flagrant, c'est que le pourquoi les immigrants ou les immigrantes, on est ici, les différents programmes d'accueil d'immigrants sont complètement méconnus, les différences de statut d'immigration sont complètement méconnues. Alors, peut-être donner une meilleure connaissance de...
Mme Thériault: Est-ce que vous parlez que c'est méconnu par les femmes immigrantes ou c'est méconnu dans la société?
Mme Barbal i Rodoreda (Pilar): La population en général qui accueille, qui est dans le pays d'accueil.
Mme Thériault: Parce que c'est différent, là, lorsqu'on parle des femmes qui ne connaissent pas les services qui sont offerts ou on parle de la population qui ne connaissent pas l'immigration. C'est différent.
Mme Barbal i Rodoreda (Pilar): Les deux choses, là. C'est-à-dire la population qui peut poser des comportements ou des attitudes discriminatoires. Peut-être, certains ne le font pas de mauvaise foi. C'est simplement par méconnaissance. Ils ne connaissent pas le pourquoi les immigrants et les immigrantes, on est appelés au Québec, c'est quoi, les différences de statut d'immigration, comment il est, le processus migratoire. Donc, il y a une méconnaissance là-dessus.
Mme Thériault: ...immigration pure.
Mme Barbal i Rodoreda (Pilar): C'est de la part de la population. Et de la part des femmes elles-mêmes, peut-être il y a aussi une méconnaissance de comment...
Mme Thériault: Les droits. Les droits.
Mme Barbal i Rodoreda (Pilar): ...faire respecter leurs droits, quelles sont les ressources auxquelles on a accès et surtout de l'accompagnement soutenu et permanent pendant son cheminement.
Mme Thériault: Merci. Je vous entends. On va revenir parce que, là, il faut aller de l'autre côté. On va revenir. Merci.
Une voix: O.K. Merci.
Le Président (M. Brodeur): Mme la députée de Laurier-Dorion.
Mme Lefebvre: Merci...
Mme Barbal i Rodoreda (Pilar): Peut-être...
Mme Lefebvre: Oups!
Mme Barbal i Rodoreda (Pilar): Permettez-moi, M. le Président. J'aurais besoin que vous parliez un peu plus haut pour que je puisse vous entendre.
Le Président (M. Brodeur): Oui. Je disais donc: Mme la députée de Laurier-Dorion, la parole est à vous.
Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. Mme Rodoreda et Mme Roy, merci d'être ici. C'est fort intéressant que vous ayez contribué à cette commission sur... bien ces travaux sur la lutte au racisme et à la discrimination. C'est définitif que les femmes que vous représentez peuvent être victimes de différentes discriminations et de graves problèmes. Il y avait d'ailleurs récemment un reportage intéressant, sur notre télévision d'État, sur la situation des femmes qui vivent la violence, puis ça porte à une grande réflexion sur les conditions dans lesquelles elles peuvent vivre pour des années longues.
J'aimerais vous entendre sur les victimes... en fait les aides familiales. Donc, vous avez une recommandation qui traite de cette question, notamment «que soient mises en place de réelles mesures de protection pour les aides familiales». J'aimerais vous entendre sur le type de mesures qui pourraient être prises, mises en oeuvre et expliquer un peu plus quelle est la situation qui est vécue par ces femmes.
n(16 h 40)nMme Roy (Michèle): Oui. Bien, peut-être juste pour donner quelques exemples, par exemple, le fait que les aides familiales, au Québec, soient, par le programme qui est prévu, obligées de rester chez leur employeur, O.K., et qu'elles doivent rester chez le même employeur pendant 24 mois pour être éligibles, pour pouvoir faire leurs démarches d'immigration, ça rend certaines complètement piégées par ledit employeur. Et, si, parce qu'il se passe des situations irrégulières, il se passe de l'exploitation financière, ou sexuelle, ou autre, puis que cette personne-là désire quitter cet employeur-là, il faut qu'elle recommence les démarches pour trouver un autre... et sans la possibilité... Son 24 mois, là, il se trouve à recommencer à zéro, par exemple. Ça, c'est problématique, le fait de devoir rester chez l'employeur.
Il y a certains employeurs ? puis on le sait ? qui confisquent les papiers des femmes, et elles n'ont pas de papiers pour circuler librement à l'extérieur, et tout. Ça se fait sous toutes sortes de couverts, là. Ils ne vont pas dire carrément: Je te confisque tes papiers, bien sûr, mais: Pour plus de sécurité, pour m'assurer de ci, de ça... Alors, les femmes se retrouvent sans leurs propres papiers d'identité par rapport à ça, par exemple. Il y a des femmes qui passent leurs journées avec des petits enfants, qui ne sont pas en contact avec d'autres femmes à l'extérieur, chez qui on désapprouve le fait qu'elles soient en contact avec... ou qu'on surveille pour s'assurer qu'elles ne soient pas trop en contact avec d'autres femmes adultes, soit de la communauté d'accueil ou d'autres femmes de leur pays d'origine, par exemple, de façon à éviter qu'elles se montent la tête, etc. Là, on pourrait vous donner des exemples de toutes sortes de situations comme ça.
Et c'est sûr que le simple fait d'être informé de ses droits ne fait pas automatiquement, quand on est dans une situation de dépendance, qu'on peut s'en prévaloir. Oui, je peux savoir que théoriquement, dans le pays, ici, mon employeur n'a pas le droit de retenir mes papiers, mais, si ça risque de compromettre ma possibilité de démarche d'immigration que d'aller me chicaner avec lui pour qu'il me redonne mes papiers ou de dire: Je souhaiterais pouvoir bénéficier de mon congé... On a vu des femmes qui travaillaient vraiment, là, des heures incroyables dans la même semaine, alors que la loi prévoit un maximum d'heures, par exemple, de disponibilité et de travail. Mais tout ça, si on n'est pas appuyé puis s'il n'y a pas de protection... Les femmes, oui, connaissent leurs droits. On peut financer un programme d'information sur les droits, si on n'a pas de moyen pour s'assurer d'être en sécurité quand on les fait respecter...
De l'accompagnement. Qu'on reconnaisse le droit pour ces personnes-là, quand elles vont, par exemple, porter plainte contre monsieur X pour ceci, d'être accompagnées par une personne. Nous autres, on accompagne les femmes qui ont été victimes de violence sexuelle, de viol, d'inceste, d'attouchements, etc., et, la majorité des situations, encore, les policiers, les procureurs refusent qu'on rentre dans le même bureau avec la femme. Il y a des femmes qui, de se retrouver seules devant un ou deux hommes qu'elles ne connaissent pas pour parler de situations où vraiment il y a eu une attaque à leur intimité, à leur vécu, là, ce n'est pas simple.
Mme Lefebvre: ...de façon générale, là, dans tous les types de cas.
Mme Roy (Michèle): De façon générale. Imaginez-vous qu'en plus votre statut est précaire, que vous êtes sur un programme dont vous ne connaissez pas toutes les balises, que vous maîtrisez mal la langue puis que vous ne savez pas où ça peut aboutir, bien c'en est, des formes de discrimination. Puis, quand on tente de séparer le fait que c'est des femmes du fait que c'est des femmes immigrantes ou que le racisme, il s'exercerait sans tenir compte du fait du sexisme, c'en est, des impacts.
Il n'y a pas beaucoup d'hommes qui vont avoir à porter plainte auprès des policiers pour des attouchements commis contre eux, des attouchements sexuels commis contre eux. Je ne dis pas que ça n'arrive jamais, mais, parmi les hommes immigrants, ce n'est pas le même rapport à cet enjeu-là, c'est clair. Je ne suis pas en train de dire que ça n'existe jamais que des hommes ou des enfants garçons soient victimes de violence sexuelle, mais ce n'est pas vrai que ça a le même impact, ce n'est pas vrai que les hommes et les femmes doivent correspondre aux mêmes standards, aux mêmes normes par rapport à ça aussi puis dans leurs communautés d'accueil.
Ça fait que, quand des femmes se retrouvent isolées, pas capables d'en parler dans leurs milieux parce qu'elles sont susceptibles ou de se faire rapidement... que la nouvelle va courir... Par exemple, une femme dans une petite communauté donnée, si elle dit: Il m'est arrivé telle agression sexuelle, puis que tout le monde va dire: Aïe! qu'est-ce que tu as fait? Pourquoi tu étais là? Ta, ta, ta!, bon, etc. ? comme on était dans un village, il y a 15 ans, au Québec, là, ce n'est pas différent ? ça peut être très problématique, par exemple. Ça fait que c'est difficile pour nous de... C'est pour ça, je pense, qu'on ne veut pas dissocier le fait d'être femme et le fait d'être femme, par exemple, de communauté culturelle. C'est intimement lié puis ça a un impact. Vraiment, ça se croise puis ça se multiplie, les impacts.
Mme Lefebvre: ...programme-là... Moi, je ne suis pas très au fait, là, de ce programme, mais je le trouve de prime abord assez particulier. Mais je vais réserver mon jugement. Je vais m'informer davantage sur ça. Mais est-ce que ça touche... est-ce qu'il y a beaucoup de femmes ou de personnes qui appliquent sur ce programme à chaque année? Puis, en proportion, je veux dire, êtes-vous capables d'identifier s'il y a beaucoup d'abus ou si c'est quand même relativement mineur?
Mme Barbal i Rodoreda (Pilar): Si ma mémoire ne me fait pas défaut, ce qui se pourrait, mais je pense me rappeler que, dans l'année 2005, ils avaient prévu, dans le ministère de l'Immigration, de rentrer 200 personnes dans le Programme d'aides familiales. Et en plus c'était comme si c'étaient des genres... ils disaient de programmes pour les aides familiales, mais comme si c'était au masculin. Donc, le masculin prenait le dessus du féminin. Sauf que ces employés, c'est des femmes. Ça fait que, pour l'année 2005, encore une fois de mémoire, c'étaient 200 personnes nouvelles.
Mme Lefebvre: Je trouve ça assez... En tout cas, il faudrait avoir peut-être en tout cas une discussion plus large sur ce dossier-là, mais c'est sûr que ça crée des situations un peu délicates, là. Il faudrait peut-être encadrer de façon plus stricte ce travail de ces personnes, surtout, comme vous dites, que, comme ces personnes n'ont pas, bien, un statut qui est finalement égal en droit, là, puisque bon elles n'ont pas une citoyenneté, de prime abord il faudrait peut-être s'assurer justement d'assurer un suivi plus formel et plus proche avec ces femmes, bien ces gens mais principalement femmes.
Mme Barbal i Rodoreda (Pilar): Mais vous nous posez la question?
Mme Lefebvre: Parce que, là, vous parlez des mesures, mais concrètement est-ce qu'il faudrait... Qu'est-ce qu'il faudrait faire, concrètement?
Mme Barbal i Rodoreda (Pilar): Bien, par exemple, il m'apparaît que ce serait obligatoire pour les employeurs d'accomplir un minimum de normes de sécurité, de protection des femmes, les normes du travail qui s'appliqueraient quant au nombre d'heures, par exemple, de travail, une surveillance effectivement assez restreinte. Financer adéquatement les groupes qui travaillent pour soutenir et accompagner ces femmes. Parce qu'il y a des groupes qui les accompagnent, qui les soutiennent, mais, quand vous regardez le financement de ces groupes, il est inférieur à la moyenne des groupes de femmes. Et je pense que Mme Chouakri, de la Fédération des femmes du Québec, s'est entretenue largement avec vous sur ce sujet-là. Il y a un document aussi d'une étude qu'ils avaient faite. Donc, financer adéquatement les groupes qui accompagnent, qui soutiennent ces femmes et aussi, c'est-à-dire, de prévoir des pénalités ou des redditions de comptes auprès de ces employeurs. Notamment, ces employeurs sont souvent des personnes aisées, de classe économique aisée, donc je pense qu'il y a une question aussi de classe sociale qui entre en ligne de compte.
Puis j'attire votre attention sur le fait que la majorité de... une grosse proportion de ces femmes-là, ce sont des infirmières diplômées et que, pendant qu'elles sont en tant qu'aides familiales, on les empêche souvent de faire des études pour trouver les équivalences de leurs diplômes des Philippines, bien qu'en Philippines elles ont largement prouvé leurs compétences, de façon qu'une fois terminées les deux années chez l'employeur elles sont dans l'impossibilité de se trouver du travail dans notre milieu parce que leur diplôme de soins infirmiers n'a pas eu les équivalences.
Donc, voyez-vous, c'est aussi ça, de permettre effectivement que ces femmes puissent étudier ou trouver l'équivalence du diplôme, de donner l'espace... Il y a plusieurs de ces femmes qui viennent avec leurs enfants, donc de prévoir que ces femmes puissent aussi, tout en travaillant, jouer leur rôle de mère, pas être monopolisées par des heures et des heures de travail, de façon qu'elles ne peuvent pas s'occuper parfois de leurs enfants.
Alors, je pense que, si ces simples mesures qu'on vient de nommer, elles seraient prises en compte, je pense qu'il y aurait un grand avancement dans les droits de ces femmes, leur sécurité et leur intégrité.
Mme Lefebvre: En tout cas, je trouve... Là, le temps file, puis donc je vais céder la parole, puis je reviendrai. Mais en tout cas je trouve ça très, très, très troublant, cette situation.
Mme Barbal i Rodoreda (Pilar): ...on l'a dit au début du document, dans le Regroupement des CALACS, il y a plusieurs femmes immigrantes, de minorités visibles, de groupes racialisés qui sont des travailleuses militantes, des femmes violentées sexuellement. Parmi certaines des minorités visibles, il y en a une en particulier qui devrait être, aujourd'hui, avec nous, mais elle a été dans l'impossibilité de nous accompagner. Donc, je dirais que vraiment c'est beaucoup en groupe qu'on a rédigé ce mémoire et que vraiment c'est beaucoup la voix de ces femmes et de toutes nous autres que vous entendez.
Mme Lefebvre: Je vous remercie. Je vais revenir.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la ministre.
n(16 h 50)nMme Thériault: Merci, M. le Président. Je pense que c'est important de juste peut-être replacer un peu les choses dans leur contexte. J'aimerais préciser...
Mme Barbal i Rodoreda (Pilar): Mme la ministre, j'aurais besoin ? je le répète, M. le Président; j'aurais besoin ? que vous parlez fort parce que je ne vous entends pas.
Mme Thériault: Oui. Excusez-moi.
Mme Barbal i Rodoreda (Pilar): Je comprends très bien le français, mais je ne vous entends pas.
Mme Thériault: Oui. Non, vous n'entendez pas. Excusez-moi. Non, je pense que ce serait important de replacer différentes choses dans leur contexte. Pour commencer, le programme des aides familiales est un programme qui existe au Canada depuis 1960. Donc, ce n'est pas quelque chose de récent, ce n'est pas un phénomène récent non plus. Tous gouvernements confondus, on a toujours eu des aides familiales résidentes qui étaient là. Les vraies normes cependant, par contre, là, ce qu'il faut dire, c'est que ça prend 24 mois de travail pendant trois ans. Il n'y a pas de norme ou de nombre limite pour un employeur, donc une personne peut changer d'employeur s'il y a un problème.
Et j'aimerais signaler que, depuis septembre passé, donc en 2005, nous avons, nous, au ministère de l'Immigration, financé... on a fait une entente de partenariat avec l'Association des aides familiales du Québec pour justement les aider à mieux travailler et de protéger cette clientèle-là qui pouvait être exploitée, j'en conviens. Donc, présentement, ce qu'on fait: il y a eu la création et la tenue d'un registre pour faire connaître la situation en emploi des participantes au programme, ce qui permet de les suivre, la réalisation de séances d'information sur le programme, les obligations de l'employeur, les normes du travail et les possibilités de participation à des activités de francisation. Ça, c'est nouveau, là, ça n'existait pas avant septembre l'an passé ? évidemment, le temps que l'association mette les mesures en place ? mais ça existe maintenant. Après ça, il y a un service-conseil pour assurer un meilleur respect de leurs conditions de travail. Donc, l'association a été mandatée pour pouvoir travailler auprès des résidentes familiales. Et il y a un service d'aide à l'emploi et de soutien en matière de placement pour celles qui se retrouvent sans emploi. Parce qu'il était là, le problème, aussi. Donc, c'est un organisme qui est financé par notre ministère depuis l'an passé. Nous avons reconduit le financement encore cette année.
Donc, je pense que c'est important, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent mais aussi pour l'opposition, de voir qu'il y a quand même certaines mesures qui ont été mises de l'avant. Récemment, j'en conviens, mais, à tout le moins, c'est une problématique qui a été portée à notre attention. Donc, nous nous en occupons, je pense que c'est important de le dire. Puis ? c'est parce qu'il y a d'autres choses en plus avec ça, puis je ne les vois pas ? on dit qu'on a mis des mesures aussi dans notre plan d'action, O.K., qui dit qu'on a un programme de visite auprès des employeurs pour s'assurer du bien-fondé des offres d'emploi et du respect des exigences du programme ? ça, c'est une responsabilité qu'on a ? un examen attentif des demandes provenant de certains employeurs, des consultants dont les pratiques, dans le cadre du programme, apparaissent douteuses. Donc ça, on est très vigilants sur les demandes qui peuvent passer par ce programme-là.
Et on a même mis, à partir du mois de septembre 2004, des frais de 175 $ pour l'évaluation de la demande de l'employeur, quand il y a du recrutement qui se fait, pour responsabiliser les employeurs, aussi pour éviter qu'il y ait abus puis qu'on dise: Bon, ça ne coûte rien, «go!», c'est un bar ouvert. Puis, O.K., si elle ne fait pas mon affaire, on la retournera.
Je pense que c'est important de dire qu'il y a quand même des choses qui se font pour justement s'assurer que ces femmes-là puissent avoir droit à vivre dignement. Et, dans les statistiques... Excusez-moi, je pense que j'ai tassé un papier que je n'aurais peut-être pas dû. Parce qu'on se demandait combien de personnes étaient admises ici. Dans ce programme-là, l'an passé, il y a eu 800 quelques personnes qui ont été admises sur le territoire. Et dans les résidentes permanentes, donc ce qui veut dire techniquement quelqu'un qui aura pu avoir fait trois ans et demander à être résident permanent, si on regarde les statistiques, en 2005, il y a eu 413 personnes au Québec qui ont demandé... Donc, le 413 personnes au Québec, c'est 413, là, 205. Si vous remontez quatre ans auparavant, là, O.K., 205, en 2001, il y avait 465 personnes qui travaillaient ici comme aides familiales résidentes. Donc, vous voyez qu'il y a quand même beaucoup de personnes qui ont demandé une résidence permanente après et qui ont été admises, lorsqu'on regarde les chiffres et qu'on décale de quatre ans.
Donc, c'était juste pour faire une petite mise au point sur les programmes qui existent. Et j'aimerais rappeler que c'est un programme du gouvernement fédéral. Donc, même si c'est un programme du gouvernement fédéral, on s'assure que la portion, au niveau de l'immigration, qui touche le Québec, qu'on prenne nos responsabilités et qu'on puisse protéger aussi le droit des femmes évidemment pour tout ce qui s'appelle la... excusez-moi, là, j'ai un petit blanc de mémoire ? tout ce qui peut s'apparenter à de l'abus des femmes, qu'on puisse réellement dire: Le gouvernement du Québec prend ses responsabilités en la matière.
Je m'excuse, j'ai probablement pris tout le temps, mais c'est parce que ça m'apparaissait important de faire une mise au point parce que c'est un programme qui n'est pas beaucoup connu non plus. C'est une nouvelle mesure qui a été mise en place et ça sécurise certainement mes collègues de l'autre côté. Excusez-moi.
Le Président (M. Brodeur): Pour un court commentaire avant de passer à l'opposition.
Mme Roy (Michèle): Je pense qu'on peut dire aussi que, parmi probablement les 400 quelques femmes qui ont demandé leur statut, il y en a sûrement plusieurs qui ont fait leurs 24 mois dans des conditions pas forcément acceptables pour pouvoir au moins gagner la possibilité de demander leur statut. Je suis consciente qu'il y a des choses qui ont été faites, on le sait. Mais on sait aussi que, des fois, il y a des femmes qui acceptent de payer un très lourd tribut pour pouvoir se rendre au bout du programme malheureusement puis qu'elles ne vont pas dénoncer pendant ces 24 mois là de façon à pouvoir se rendre éligibles à quelque chose. C'est dommage. Je suis d'accord qu'il y a des choses qui ont été faites, mais... C'est ça.
Puis peut-être qu'on voulait aussi revenir sur la question des femmes autochtones. Quand on a dit qu'on était déçues que... on n'est pas en train de dire que, le racisme que vivent les femmes autochtones, qu'on veut le mettre sur le même pied et que c'est la même chose, et tout. On n'a jamais considéré ça. On est aussi conscientes que les femmes autochtones ne veulent pas toujours être assimilées à une espèce de grand tout tout pareil. En même temps, on veut redire qu'au Québec il y a du racisme qui s'exerce contre les premières nations, et particulièrement contre les femmes, et que c'est important d'en tenir compte... contre les femmes autochtones.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Laurier-Dorion.
Mme Lefebvre: Bien, pour poursuivre ce que vous dites, le racisme et la discrimination, de toute façon il me semble qu'une politique qui toucherait ça devrait toucher toutes les personnes au Québec qui sont victimes de racisme et de discrimination, là, peu importe qu'elles soient des premières nations ou immigrantes.
Mais, juste pour clore, parce que mon collègue a beaucoup de questions pour vous, puis le temps file rapidement, sur le programme d'aides familiales, comme la ministre a mentionné ? je suis heureuse qu'elle ait donné plus d'informations sur le programme ? bien c'est un programme qui date de 1960. C'est sûr qu'il est reconduit... bon géré par le gouvernement fédéral. C'est sûr que c'est un peu difficile... en tout cas ça semble difficile pour le Québec de pouvoir influer sur ce type de programme et... En tout cas, je me demande si notre voix est bien entendue, à Ottawa, face à ça. Mais c'est sûr que je pense qu'en 2006 on devrait se requestionner sur l'opportunité de valoriser ce type d'immigration. Mais, comme je le disais tout à l'heure, je vais réserver mon jugement, là, mais de prime abord il me semble que c'est assez curieux.
Puis en tout cas je vous remercie de la présentation que vous avez faite puis en tout cas de la lumière que vous apportez sur la situation que vivent beaucoup de femmes. Alors, mon collègue...
Le Président (M. Brodeur): M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dion: Merci, M. le Président. Merci, mesdames, de venir nous aider à voir clair dans toute cette question si complexe. Et j'apprécie les différentes interventions que vous avez faites au sujet des autochtones, non pas parce qu'ils sont plus ou moins victimes de racisme, mais parce qu'ils font partie de la problématique, et ce serait se fermer les yeux que d'oublier ça. Et, d'une certaine façon, non seulement ils font partie de la problématique, mais nous formons tous partie de la problématique. J'admets qu'il y a déjà, comme l'a dit ? et je m'en réjouis; comme l'a dit ? Mme la ministre, il y a déjà un travail systématique entre le ministère de l'Immigration et le ministère des Affaires autochtones ? je crois que c'est comme ça qu'il s'appelle ? mais peut-être qu'il faudrait aller au-delà de ça et peut-être trouver une façon de formaliser ça d'une façon plus claire, cette collaboration, pour qu'il soit bien clair que la lutte au racisme et à la discrimination n'est pas la question d'un ministère mais la question de l'État. C'est une question d'État.
n(17 heures)n Et je voudrais, à partir de cela, revenir sur des choses qui ont été mentionnées par vous, tout à l'heure ? mais je n'en connais pas l'envergure, et peut-être que vous pouvez m'aider à en voir un peu plus l'envergure ? toute la question de la venue ici, au Québec, de femmes comme aides familiales ou pour toutes sortes d'autres fonctions, couturières peut-être ou parfois même pour des fins de prostitution très claires, comme c'est arrivé il y a un an et demi, je pense, où on a déclaré qu'il y avait des contingents importants de jeunes dames de Roumanie qui pouvaient entrer au Canada comme soit travailleuses temporaires ou permanentes, mais parce qu'elles avaient un emploi dans l'industrie du sexe. Et j'avais été atterré d'entendre, à ce moment-là, la ministre dire: Bien, vous savez, on a de la demande, et il y a de l'emploi, donc il faut fournir le marché. Vraiment, j'étais tombé en bas de ma chaise, même s'il n'y avait pas de chaise à ce moment-là, parce que c'est incroyable le message que ça envoie à l'ensemble de la société. Qu'il y ait de l'industrie du sexe, on le sait. Ça existe depuis tous les temps, on le sait. Mais est-ce que c'est une raison pour minimiser l'importance de l'impact de ce commerce-là sur la vie concrète des femmes? Quand on ajoute au problème d'être immigrant, donc d'avoir à s'adapter et à s'intégrer à une société, le fait d'être classé dans cette industrie-là, et, si par malheur vous y ajoutez les problèmes de séropositivité, ça devient assez lourd à porter. Et il est important, comme société, qu'on réagisse de façon assez... qu'on trouve des vraies solutions, et rapidement, à cela.
J'aimerais vous poser une question précise. Moi, on me dit qu'il existe des ateliers, je dirais, qui ne sont pas très connus du public, qui ne sont pas connus du public, mais des ateliers où on rassemble volontiers des nombres assez importants de personnes, de femmes immigrantes, pour leur faire faire de la couture à raison de 3 $ l'heure plus ou moins, pendant des heures interminables, et que ça, ça passe à travers les mois et les années, et qu'on ne réussit pas à mettre un terme à ça. Est-ce que ça existe encore? Avez-vous connaissance de cela?
Le Président (M. Brodeur): En conclusion.
Mme Barbal i Rodoreda (Pilar): Effectivement, il y a des femmes qui travaillent dans des conditions... dans des ateliers de couture, dans des ateliers, pendant des heures indéterminées. Effectivement, il y a des femmes qui travaillent dans la manufacture, dans des conditions qui ne seraient pas nécessairement les meilleures, où leurs droits ne sont pas nécessairement respectés, et que les abus sexuels y sont fréquents. Oui, ça existe.
Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposons. Donc, je vous remercie énormément pour votre présentation.
Et je vais suspendre quelques instants, le temps que M. Galvez puisse s'installer. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 3)
(Reprise à 17 h 5)
Le Président (M. Brodeur): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons continuer nos travaux.
Document déposé
Et, avant d'entendre M. Galvez, je crois que, Mme la ministre, vous avez un document à déposer à la commission?
Mme Thériault: Je voudrais déposer, M. le Président, le Portrait statistique de la population d'origine ethnique chinoise, recensée au Québec en 2001. Donc, ce sont toutes les statistiques. Également, la fiche les Immigrants nés en Chine, admis au Québec de 2001 à 2005, qui est détaillée par groupes d'âge, sexes, hommes, femmes, connaissant le français, etc., et Population immigrée née en Chine, recensée en 2001 au Québec.
Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Le document est déposé. Donc, nous sommes prêts à entendre M. Galvez. Bienvenue en commission parlementaire.
M. Michael Galvez
M. Galvez (Michael): Bonjour.
Le Président (M. Brodeur): Je vous explique très brièvement les règles de la commission. Vous avez un temps maximal de 10 minutes pour faire votre présentation, et ce sera suivi par un échange avec les membres de la commission. La parole est à vous.
M. Galvez (Michael): Merci, M. le Président. M. le Président, Mme la ministre, MM. Mmes les députés, je suis très content d'être parmi vous aujourd'hui. Je vais essayer d'être le plus bref possible dans ma présentation, vu que je n'ai que 10 minutes et au total une demi-heure, pour donner le plus de temps possible au débat. Je sais que vous avez tous lu mon mémoire.
Une précision tout de même: je suis donc président de l'Association Immigrant-Québec, qui est basée à Montréal, et vice-président de l'Union des Français à l'étranger, qui est une association qui a plus de 25 000 membres dans 147 pays, mais je présente le mémoire, aujourd'hui, à titre d'individu pour la bonne et simple raison que, lorsque nous avons réfléchi en groupe au travail que représentait ce mémoire, on voulait éviter d'être devant la commission et de n'avoir à discuter que ? enfin, c'était une crainte qu'on avait ? de budget, de: Est-ce qu'on est suffisamment financés? Comment ça se passe? Donc, on s'est dit: Voilà, on va le faire à titre individuel. C'est moi qui vais le présenter, mais les deux associations, même si elles ne sont pas là, ont participé à cette réflexion.
Donc, rapidement, le mémoire se base sur un peu ce qui s'est passé en France, ces 30 dernières années, et surtout, je dirais, les deux, trois dernières années qui ont fait que le drapeau français a souvent été à la une des informations, mais pas que pour des bonnes choses, n'est-ce pas? La France, c'est un très beau pays. La France a une culture républicaine très, très importante. Mais on a aussi un passé dont on a du mal à se défaire, un passé avec l'esclavagisme, un passé avec les colonies. Et il y a beaucoup de Français et de Françaises issus de l'immigration qui en souffrent, beaucoup de Français pure laine, de Français qui n'ont jamais quitté la métropole, l'Hexagone, qui aussi ont un problème de communication là-dessus.
Et, en réfléchissant sur ce qui s'est passé les 30 dernières années, par rapport à ça, par rapport aux questions... par rapport à la décolonisation, au retour des Français des colonies dans la métropole, à l'arrivée massive de ces immigrants, mais qui avaient un passeport français, qui effectivement étaient nés et avaient grandi en Algérie, mais étaient Français, point barre... Ça commençait là, ça s'arrêtait là. Mais effectivement ils étaient plus basanés, ils étaient noirs, ils habitent la Guadeloupe. Mais ils sont Français.
Ça a donné un mouvement, ça a donné une petite prise de conscience, dans les années soixante-dix, soixante-douze, avec les premières lois de lutte contre la discrimination. Ça a donné la construction de HLM sur les anciens bidonvilles, qui ont d'abord été occupés par les Français des bidonvilles, et ceux qui arrivaient, et ensuite par les immigrants. Pourquoi? Parce que les HLM, bon, bien, c'est loyer modique, modéré. O.K., mais un Français qui revient des colonies, bon, bien, lui, il était surdiplômé, il retrouvait une job, un emploi facilement, en France, et il était remplacé par un immigrant qui, lui, venait en tant que main-d'oeuvre. C'était un ouvrier. On avait besoin d'ouvriers, on a fait venir nos ouvriers des anciennes colonies. Mais l'ouvrier, ensuite il n'en est plus sorti, du HLM. Il a vécu là, sa famille est venue le rejoindre, ses enfants ont grandi là. Et ça a donné peu à peu ? et, attention, je ne veux pas être restrictif, hein, j'essaie de schématiser pour aller vite ? les conflits qu'on a pu connaître dans les trois dernières années entre Français. Parce que tous ceux qui se battaient dans la rue, qui se battaient à la télé, toutes ces violences qu'on a pu voir, c'étaient des violences entre Français.
n(17 h 10)n De cette réflexion, je me suis un peu interrogé sur le Québec, le Québec que, moi, j'ai découvert, il y a quelques années, en tant qu'immigrant. Je suis venu ici, j'ai posé mes sacs. J'ai une société, j'essaie de travailler avec le Québec, j'aime le Québec. Si j'y suis, c'est que je l'ai choisi, hein? Personne ne m'a poussé à venir ici. Personne n'est allé me récupérer chez moi. J'entends dire beaucoup de choses sur le MRI et les méthodes de recrutement des immigrants, le choix des immigrants; moi, j'ai choisi le Québec. Je suis venu, je suis très content d'être ici.
Mais je me suis interrogé un peu sur ce Québec que je découvrais avec des yeux neufs, sur ces Québécois avec qui je travaille. Dans ma société et dans les différentes associations que je suis, on a des Juifs pratiquants, des musulmans. Alors, en ce moment, je vois dans la presse, tous les jours quasiment, l'accommodement raisonnable, qu'est-ce qu'on en fait, qu'est-ce qu'on n'en fait pas, les femmes voilées. Donc, sur ce Québec qui s'interroge, j'ai trouvé un parallèle, que je peux défendre mais qui n'est pas forcément une vérité, mais entre ce Québec d'aujourd'hui et la France d'il y a 30 ans, la France des années soixante-dix, qui disait: On a besoin d'immigrants, on fait des choses, on veut des immigrants, mais, avec un début de prise de conscience... années soixante-douze, de: Holà! on les a, on veut les intégrer, ils sont là, ils sont heureux, mais comment... est-ce qu'on n'est pas en train de devenir racistes? Comment se comporte la société québécoise? Comment se comportent ces Québécois entre eux, ces nouveaux Québécois et ces anciens Québécois?
À partir de là, j'ai tiré une liste de recommandations. Je ne vais pas toutes vous les lire, elles sont à la fin du mémoire, mais il y a bien sûr l'éducation, la régionalisation de l'immigration. J'ai entendu tout à l'heure, quand je suis arrivé, je pense que c'était M. le député de Saint-Hyacinthe qui parlait avec le groupe... Il y a un groupe qui est passé vers 15 heures, où ça parlait un peu de régionalisation. Je n'ai pas entendu le débat, donc j'imagine que je ne suis pas le seul à l'avoir dit, mais je suis prêt encore à en parler. J'insiste dessus. Pour moi, c'est un point important. Et surtout, surtout, l'interculturel. À mon niveau d'individu, mais aussi en tant que président et vice-président d'associations avec beaucoup de monde, je peux vous dire que l'interculturel est la clé de toute réussite d'intégration. Avec bien sûr l'emploi. Et pour moi l'emploi passerait par la régionalisation.
M. le Président, j'ai terminé et je vous rends la parole.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la ministre.
Mme Thériault: Merci, M. le Président. J'essaierai d'être brève parce qu'on n'a pas beaucoup de temps pour nos échanges, mais merci d'être ici, avec nous. Merci du mémoire que vous avez déposé. Il y a beaucoup de recommandations dedans qui sont très intéressantes, notamment le C.V. à numéro. J'apprécie que vous l'ayez mis parce que bon, ici, c'est une notion qui n'est pas très courante, mais je sais qu'en France il y a eu un grand débat là-dessus, des entreprises qui l'utilisent aussi. J'aimerais peut-être vous entendre là-dessus.
Mais, avant de vous donner la parole, je pense que c'est important aussi de dire que le Québec d'aujourd'hui à mon avis est un Québec qui est quand même très, très ouvert, inclusif, ouvert sur le monde, qui aime la diversité. Moi, je vous dirais que, comme ministre responsable de l'Immigration et des Communautés culturelles, il m'apparaissait important de parler de racisme, de discrimination, de préjugés lorsqu'on voit certaines difficultés auxquelles nos jeunes sont confrontés, surtout de deuxième, troisième génération. Parce qu'on peut clairement dire qu'un immigrant peut avoir des problèmes d'intégration, peut être confronté à des situations qui ne seront pas nécessairement les mêmes qu'un jeune de deuxième et de troisième génération. Et évidemment il est facile, à ce moment-ci, lorsqu'on regarde les jeunes de deuxième et de troisième génération, de faire le lien avec ce qu'on a vu dans les banlieues parisiennes.
Je vous dirais qu'évidemment je pense qu'on regarde avec beaucoup d'attention ce qui se passe ailleurs, chez vous comme dans d'autres pays ? bien pas chez vous, mais en France, puisque vous avez choisi ici, évidemment ? en France comme dans d'autres pays, ce qui se passe. Je pense que le Québec est un leader en matière d'intégration, d'accueil. On a beaucoup de politiques, on est réellement des précurseurs en la matière, les gens regardent ce que nous faisons. Et c'est sûr que je ne veux pas faire le parallèle parce que vous savez comme moi que, l'histoire de la France, son historique, son passé colonisateur, les pieds-noirs, la guerre d'Algérie, il y a tellement de facteurs qui sont venus influencer, c'est un cumul d'événements finalement qui a fait qu'il s'est passé ce qui se passait à l'automne. Mais je vous dirais également qu'il est évident qu'on se doit d'être attentifs, et que ce que nous allons poser comme politique, au printemps, ce qui viendra avec le plan d'action, aura un impact certain chez nos jeunes de deuxième et de troisième génération, et qu'on est sensibles au contexte mondial, évidemment.
Donc, peut-être si vous pouvez répondre à ma question par rapport au C.V. avec le numéro.
M. Galvez (Michael): Mme la ministre, une précision avant de répondre au niveau du C.V. Un des parallèles que j'aime faire entre le Québec d'aujourd'hui et la France d'il y a 30 ans ? je parle au niveau des mentalités, hein, nulle part ailleurs, qu'on soit bien d'accord ? au niveau de ce petit début que je sens ici, c'est que, par exemple, il me semble évident, moi, qu'au Québec, jusque dans les années soixante-dix, on peut dire que globalement il y avait un petit problème avec les anglophones ou il y avait un petit problème au niveau de ce qu'on appelle la culture, là. Il s'est passé quelque chose dans la Révolution tranquille, et on a établi un fait francophone, on a établi le français. Bon, donc, il y a eu la loi 101. Je ne vais pas encore revenir sur toutes les polémiques du moment, mais il s'est passé quelque chose qui a donné le Québec moderne dans lequel nous vivons tous.
Mais ça ? et je le cite dans le mémoire notamment quand je cite M. Godbout, qui est quelqu'un que je ne connais personnellement absolument pas, mais que je lis ? on sent qu'il commence à y avoir des réflexions sur cette idée de nation, de culture, qu'il faut qu'on dise: Les immigrants arrivent par tribus avec leurs langues ? et je ne fais que le citer ? ils ont des soucoupes à leurs fenêtres pour écouter Al-Jazira, etc. Je dis: Attention, là! C'est bien, la liberté de la presse, mais attention où est-ce qu'on met les pieds. Quand on commence à avoir des réflexions comme ça, venant de la part d'intellectuels... Et, je vous dis, je ne le connais pas. Je le considère comme un intellectuel parce qu'il écrit beaucoup, mais attention où est-ce qu'on met les pieds, là.
Sur le C.V. anonyme, personnellement, j'y crois beaucoup. J'y crois beaucoup parce que, notamment, le petit test que j'ai fait avec 10 personnes, dans mon mémoire, hein ? 10 personnes, on sait ce que ça vaut au niveau statistique, mais quand même ? quand on voyait Parc-Extension, une adresse à Parc-Extension, les gens disaient: C'est sûrement un Pakistanais anglophone; il ne doit pas parler un mot de français, celui-là. On imaginait déjà le type avec son turban parce qu'ils sont tous comme ça à Parc-Extension. Westmount, alors là on ne disait pas: C'est le riche anglophone. On ne savait pas trop, Westmount, mais il était sûrement anglophone, celui-là aussi. Outremont, oui, Outremont, il est Juif. Ah! c'est peut-être aussi un riche homme d'affaires francophone, etc.
Si on met en place un système, ça doit être impulsé par le gouvernement. Ça doit être obligatoire qu'il y ait une personne-ressource dans les entreprises ? après je ne peux pas, moi, vous dire exactement comment le mettre en place, mais une personne-ressource ? qui soit là pour réceptionner les C.V. et les rendre anonymes, faire que les candidats qui viennent à l'entretien sont recrutés uniquement sur leur expérience, et ensuite on voit leurs qualités. Ça n'éliminera pas toute discrimination à l'embauche, mais ça fera qu'un employeur, quand il se retrouve avec 50 personnes dans une salle d'attente, dont 30 ou 40 issues des communautés culturelles, ce sera beaucoup plus dur pour lui, s'il veut embaucher, je ne sais pas, 20 personnes, de ne prendre que 20 Blancs parce qu'il ne pourra pas matériellement.
Donc, c'est juste d'expliquer aux gens que ça a un intérêt pour redynamiser un peu, remotiver les immigrants, faire qu'ils aient envie d'envoyer les C.V., faire qu'ils recroient dans cette société québécoise que vous défendez. Ce n'est pas plus compliqué que ça à ce niveau-là, dire: Regardez, envoyez votre C.V., vous aurez les mêmes chances que le Québécois pure laine, pure chose, qu'on l'appelle comme on veut, Mme la ministre.
Mme Thériault: Merci. Ma collègue désirait vous poser des questions, et, puisque nous sommes ici, en commission, suite à sa première recommandation, je vais lui passer la parole.
Le Président (M. Brodeur): Mme la députée de Nelligan.
Mme James: Merci, Mme la ministre, M. le Président. Bonjour et bienvenue. Écoutez, j'ai lu avec beaucoup d'intérêt votre mémoire pour plusieurs raisons. Je dois vous dire que, cet été, j'ai eu la chance d'être à Paris, d'être en France, dans le cadre d'une mission, et on a rencontré plusieurs représentants du gouvernement qui ont pu m'éclairer sur la position de la France par rapport à non seulement les événements de l'automne dernier... Je pense qu'on met énormément d'attention sur cet événement-là ? et c'en est un ? mais vous l'avez très bien dit et écrit, que c'est un événement qui s'est passé suite à plusieurs choses qui y ont contribué.
Je souhaitais, dans un premier temps, vous poser une question par rapport aux différences. J'ai été fascinée par plusieurs rencontres que j'ai eues, mais ce qu'on m'expliquait, c'est qu'en France il n'y a aucune statistique qui se fait par rapport à bon des communautés culturelles, minorités visibles. En France, un Français, c'est un Français. Ça se reflète même dans la Constitution puis bon ça va à l'encontre de ces valeurs-là de reconnaître ça. Mais je pense que vous êtes d'accord avec moi, lorsqu'on regarde les événements de l'automne dernier entre autres, que peut-être que cette vision-là, où on n'a pas voulu reconnaître qu'il y a des différences malgré que nous sommes tous Français, qu'il y a des différences parmi ça... Est-ce que vous pensez qu'ici, au Québec ? c'est une question très générale, là, que je vous pose ? qu'on est sur la bonne voie en justement s'assurant, avec une ministre, une très bonne ministre, un ministère des Communautés culturelles où on s'assure de regarder avec ces statistiques-là, reconnaître les difficultés que certaines minorités puissent vivre, que c'est important de continuer dans cette veine-là, en s'assurant d'arriver à une meilleure égalité? Je ne sais pas si c'est votre position par rapport à ça, compte tenu que maintenant vous êtes au Québec puis vous avez un peu l'expérience des deux places.
n(17 h 20)nM. Galvez (Michael): Merci de votre question. Mon avis sur le Québec, ce serait que, sur l'autoroute de l'intégration, vous êtes leaders, vous êtes les premiers, vous êtes la première voiture, vous êtes la voiture de tête. Là-dessus, moi, j'en suis intimement convaincu. Maintenant, c'est mon expérience, là, c'est mon avis, mais faites attention parce que, derrière, là, vous avez une caravane d'immigrants. Alors, n'allez pas trop vite parce qu'on se prend un mur; ne ralentissez pas parce qu'ils vont vous doubler et vous allez perdre le contrôle sur le convoi. C'est tout ce que je peux dire sur le Québec en général.
Mais, sur la France, vous avez soulevé un point très intéressant sur le fait français que, moi, j'appelle un peu le fait québécois. Mais, le fait français, on est tous Français, hein, comme j'ai dit, point barre. Ça commence là, ça s'arrête là, on est tous Français. Parce qu'en France, pour être Français ? je ne parle pas d'un point de vue législatif, là, la loi, on la laisse où elle est, mais ? on adhère à des valeurs. C'est ça. C'est la république. Est Français celui qui adhère aux valeurs de la république.
Mais le problème, c'est que certaines personnes y ont moins adhéré une fois, comme je le dis, que l'ascenseur social ne marchait plus. Pourquoi est-ce que, moi, je vais adhérer aux valeurs d'une république qui m'explique que, toute ma vie, je vais la passer entre trois murs d'un HLM, même si ce n'est pas la volonté de la république? Il faut être bien honnête. On peut faire de la politique, là, mais tous les gouvernements, une fois qu'ils sont au pouvoir, ils essaient d'aider tous les habitants, mais il y en a qui ont plus de problèmes que d'autres, et c'est à ce moment-là que ça a commencé à cafouiller, dû au lourd passif.
Et, je vous dis, la loi, là, la loi sur l'immigration, en France, je pense qu'elle a été... Je pense que je l'ai mis dans mon mémoire, mais excusez-moi si je me trompe. Mais je pense qu'elle a été modifiée 37 fois en 30 ans, O.K.? Il n'y a pas eu 37 gouvernements en 30 ans. Quand le même gouvernement modifie quatre ou cinq fois la même loi, on peut commencer à se dire qu'il y a un problème quelque part.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Malheureusement, c'est tout le temps que le parti ministériel possède. Mme la députée de Laurier-Dorion.
Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. Bien, je vous remercie pour votre mémoire. C'est bien, comme on l'a mentionné, de pouvoir dans le fond bâtir sur les expériences qui ont été vécues, que ce soit ici ou ailleurs.
Je vais aller rapidement parce qu'on n'a pas beaucoup de temps, donc je laisserai tomber les préambules, mais j'aimerais vous entendre... Vous parlez de l'importance de l'interculturel, et on a parlé beaucoup aussi... différents groupes sont venus nous parler bon, tu sais, du communautarisme. Il semble que ce soit un peu inévitable du fait que bon, quand on se retrouve à l'étranger, que ce soit... Par exemple, moi, comme Québécoise, si je me retrouve à l'étranger, j'aurai sûrement ce sentiment d'aller rejoindre des compatriotes québécois. Donc, comment arriver à une plus grande mixité sociale, une mixité également entre les cultures puis s'assurer que... Je ne sais pas si... Bon, l'exemple de la France, ce n'est peut-être pas le meilleur, mais ici, au Québec...
Vous parliez, tout à l'heure, des clichés par rapport à différents quartiers de Montréal. Il demeure que c'est vrai que ce sont des clichés, mais, si on regarde les statistiques par rapport notamment à un quartier comme Parc-Extension, que je connais bien, il demeure que c'est un quartier qui est très, très, très multiethnique. Et le quartier Côte-des-Neiges pourrait être qualifié un peu de façon similaire. Et donc on remarque que, dans la réalité des choses, que ce soit le regroupement par communautés d'une part, mais également le regroupement... bien de différentes communautés finalement ou de personnes immigrantes, que ce soit de première, deuxième génération, on le retrouve si on fait l'analyse démographique, par exemple, de la ville de Montréal. Je n'ai pas fait d'étude à savoir si c'est positif ou négatif. Vous semblez dire que c'est préférable de miser sur une approche plus... bref de favoriser la régionalisation notamment, pas seulement l'immigration à Montréal, mais, même sur le territoire montréalais, il y a des concentrations. Donc, j'aimerais vous entendre à savoir si vous avez des pistes de solution pour...
M. Galvez (Michael): Mme la députée, j'ai habité un an Parc-Extension avant d'habiter un an Côte-des-Neiges, dans mon petit processus à Montréal, et en tout cas Parc-Extension, oui, il y a beaucoup d'ethnies. Je devais être probablement le seul Français de ma rue, là, mais ça ne m'a jamais posé de problème.
Mais, chose amusante, ma blonde, qui est Québécoise... Alors, pour la petite histoire, j'ai commencé par habiter dans le Village. Je n'avais rien demandé, j'ai posé mes sacs. Je ne vous demanderai pas combien de fois on m'a demandé si j'étais gai, O.K.? Parc-Extension, ma blonde québécoise qui me dit: Aïe, aïe, aïe! il y a les gangs là-bas! Hein? De quoi tu me parles? Vous, vous dites non. Ma blonde québécoise, elle n'est pas plus bête qu'une autre. Elle n'avait jamais vécu là-bas. Au contraire, c'est quelqu'un de très, très bien informé. Mais il y a eu ce petit cliché. Elle ne m'a pas empêché d'y aller, elle est venue avec moi, on a habité ensemble, ça s'est très bien passé. Mais, pendant une seconde, elle a eu ce stress. Donc, ils ont la dent dure, les clichés. Il faut faire très attention avec ça.
L'interculturel justement... parce qu'en bon Français et même Corse d'origine ? hein, on est un peu les Québécois de la France par certains côtés, là, un peu plus violents à la limite ? quand je suis arrivé ici, j'ai cherché l'Association des Corses de Montréal. Je l'ai trouvée, je m'y suis inscrit, j'étais heureux. Il y avait plein de Corses. On parlait corse, on parlait de la Corse. Ensuite, l'Union des Français. Je m'y suis inscrit, je suis heureux, je suis avec plein de Français. Bon, bien, maintenant, globalement, je fréquente peut-être 80 % de non-Français et un petit 10 % de Corses irréductibles et 10 % de Français. Pourquoi et qu'est-ce qui a fait que j'ai fait ça? C'est qu'à mon sens, quand on parle de culture, ça doit être sur un pied d'égalité. Et j'essaie de faire très attention à ce que je dis. Pour moi, la culture québécoise existe, mais n'est aucunement supérieure à une autre culture. J'aimerais qu'on le fasse en France. Ah! j'aimerais. Et on y travaille. On y travaille. On avance là-dessus.
Et c'est comme ça que j'envisage l'interculturel, c'est-à-dire dire aux Québécois que l'Haïtien d'à côté, ce n'est pas juste le membre d'un gang. C'est quelqu'un qui fait de la peinture, qui aime la musique, qui aime l'art comme ce Québécois. Et de dire à l'Haïtien que le Québécois d'à côté, ce n'est pas juste quelqu'un qui va le regarder avec un oeil comme ça en disant: Holà! d'où il sort? Est-ce qu'il va m'agresser? Non, non, non. Lui aussi va participer à la même fête. Moi, j'adorerais, quand je vois des fêtes québécoises, quand... Je veux dire, il y a les fêtes irlandaises, il y a tout. J'aimerais voir les fêtes de tous les pays et de voir toutes les couleurs qui y participent. Et ça a été réussi cette année. Je le dis dans mon mémoire. Parc Jean-Drapeau, 12 000 personnes, toutes les cultures.
Mme Lefebvre: Pardon, mais la fête nationale du Québec, c'est un bel exemple, je pense, où... Bien, on a la parade. La parade, je ne sais même plus si elle a lieu parce que je crois que les budgets ont été coupés beaucoup. Mais, je veux dire, autrefois, il y avait une immense parade sur la rue Sherbrooke, puis c'était une des grandes fiertés, dans le fond, de tous les Québécois que cette parade-là reflète la diversité du Québec et des Québécois.
M. Galvez (Michael): Oui. Justement, la fête du Québec, cette année, je n'ai pas pu y participer. Je travaillais, là. Parce que, moi, j'ai une maison d'édition dans le privé, puis il y a des moments où je n'ai pas le choix. J'aurais préféré aller faire la fête. Et je me suis pris un commentaire d'un Québécois justement à qui j'ai dit: Bien, j'ai travaillé hier. Bien oui, mais, toi, tu es Français; effectivement, ça ne te concernait pas. Bien oui, mais c'est intéressant. Ce n'est pas tous les Québécois, ce n'est pas lui. Mais, non, ce n'est pas parce que je suis Français que la fête du Québec ne m'intéresse pas. Là, il y a les 400 ans de Québec qui arrivent. Il y a quelques jours, j'étais ici, j'ai fait des belles rencontres avec des gens pour prévoir ça, parce que je fais des guides touristiques, je fais beaucoup de choses. Eh bien, croyez-moi, j'en ai entendu quelques-uns me dire: De toute façon, les gens de Montréal, ils ne viendraient pas, plus précisément les immigrants, parce que ça n'allait pas les concerner. Effectivement, là, si on ne met que des Blancs avec un gros accent québécois bien pur, bien dur, à la télé, qui disent: Venez ici, bien ils ne vont pas venir. Si on dit: C'est votre culture aussi, la culture québécoise, elle vous a accueillis, ça va devenir la vôtre, mais la vôtre est aussi la nôtre, je suis certain qu'on aura tout le monde qui va se bouger.
Mme Lefebvre: En tout cas, sur ça, moi personnellement, lors de la fête nationale du Québec, j'ai célébré en partie dans Parc-Extension. Je me suis fait dire à plusieurs reprises: Ah, Mme la députée, bonne fête du Québec! par des citoyens québécois en fait qui sont ici depuis cinq, 10 ans puis qui malheureusement ne se sentent pas encore interpellés comme Québécois, puis c'est malheureux. Et je pense qu'on devrait d'ailleurs dans... Oui, c'est important de partager les cultures qui viennent du monde, mais en même temps de faire une meilleure promotion de ce qu'est la culture québécoise, qui est celle finalement d'un peu tout le monde aussi, puis de faire comprendre à des personnes comme ça, qui ne se sentent pas encore Québécois, que dans le fond la culture québécoise, bien ça fait partie... Tu sais, je veux dire, si, lui, il n'était pas ici, ce ne serait pas la culture québécoise. En tout cas, c'est difficile à exprimer, là, mais...
Une question importante. Vous êtes d'origine française, vous êtes maintenant citoyen québécois. La France a décidé récemment d'adopter une position forte sur la laïcité dans le milieu scolaire. Je me demandais comment ça a été perçu de votre point de vue puis si c'est quelque chose qui favorise le rapprochement et qui peut lutter contre la discrimination et le racisme ou si c'est quelque chose qui va dans le sens inverse.
n(17 h 30)nM. Galvez (Michael): Là, on met les pieds dans l'accommodement raisonnable. La France est laïque. On a coupé la tête aux rois, on a viré l'Église. On est laïques, ça y est maintenant, c'est réglé. Le seul problème, c'est qu'on est laïques catholiques, hein? Donc, celui qui a une petite croix, là, O.K., ça, c'est le fun, ça, ce n'est pas grave. Celui qui vient avec quelque chose un peu circulaire sur la tête, on dit: Qu'est-ce qu'il fait, celui-là, là? Qu'est-ce que c'est, ça?
Donc, la laïcité à la française, on en rediscute, on s'interroge dessus. Mais on a une volonté ? et c'est ça que je veux souligner ? effectivement de défendre la laïcité parce que de dire aux gens, la laïcité s'opposant à la religion... c'est de dire aux gens justement: La laïcité ne s'oppose pas à la religion. On est tous égaux. Quand tu rentres chez toi, si tu veux prier, «let's go». Quand tu veux faire ça, «let's go». On peut essayer de s'entendre. Oui, moi, j'ai des musulmans avec qui je travaille. Bon, bien, même, ils m'ont dit: Non, moi, il n'y a pas de problème au niveau des horaires parce que je peux rattraper mes prières le soir. Mais on peut s'entendre, on peut en parler.
Donc, la position sur la laïcité, je vous dis, c'est l'accommodement raisonnable. Il faut y réfléchir. Moi, Michael Galvez, je suis a priori pour, mais une vraie laïcité, là, pas une laïcité à la catho. Mais c'est un terrain glissant, là. Il faut être vraiment très clair. C'est-à-dire qu'on ne peut pas dire: Il faut accommoder tout et tout le monde, parce que, dans ce cas-là, c'est humain, chacun va avoir une raison de s'accommoder, là. Pourquoi est-ce qu'un tel, il a droit de faire ça, et l'autre, il n'a pas le droit de faire ça? Pourquoi est-ce qu'un Québécois, il n'a pas droit de prendre une pause, alors qu'un autre a le droit de prendre une pause? On va droit au mur. À tout accommoder, on va droit au mur. Mais, en disant «il faut accommoder», il faut se comprendre. Et on revient sur l'interculturel. Il faut connaître la culture de l'autre, savoir que pour lui c'est important, mais ce n'est pas un symbole, c'est-à-dire que ce n'est pas un symbole contre toi, ce qu'il fait.
Moi, ce que j'aime au Québec, ce que j'ai adoré au Québec, c'est de voir qu'on pouvait avoir une salle pour l'université ? je n'ai pas fait d'études ici, mais j'ai fréquenté des gens qui étaient à l'université ? pour faire la fête pour les cinq ans de l'association X, Y, où tout le monde buvait, tout le monde rigolait. C'était génial. J'ai dit: Oui, oui, j'ai dit, ça, en France, là, on n'y est pas encore arrivés, c'est un peu plus dur, là. J'ai adoré voir les choses comme la fierté gaie, tout ça, cette ouverture d'esprit, cette volonté de dire: Allez-y, exprimez-vous, on est là, on sera avec vous dans la rue. Mais, si on autorise un homme à se balader avec un string, les fesses à l'air et sautiller sur un char parce qu'il est gai, mais qu'on dit à une femme, parce qu'elle porte un voile: Toi, ce n'est pas bien, toi... Lui, il a le droit. Lui, il s'exprime, lui; toi, tu ne t'exprimes pas, toi, tu es une victime, et on va te l'expliquer que tu es une victime. Attention où on va... Voilà, Mme la députée.
Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposons malgré l'intérêt que vous soulevez. Donc, je vous remercie.
Et je vais suspendre quelques instants, le temps que notre prochain groupe s'installe.
(Suspension de la séance à 17 h 32)
(Reprise à 17 h 33)
Le Président (M. Brodeur): Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons continuer nos travaux. Et je demanderais à MM. Foura et Raffa de bien vouloir s'installer ici, devant nous. Bienvenue en commission parlementaire. Donc, je vous explique brièvement les règles de la commission, que vous connaissez peut-être. Vous avez un temps maximal de 10 minutes pour présenter votre mémoire ? c'est très court, oui ? et ce sera suivi d'une période d'échange avec les membres de la commission. Je vous demanderais tout d'abord de vous identifier pour le bénéfice du Journal des débats, puisque vous êtes plus qu'un, et ensuite de prendre la parole, et présenter immédiatement votre mémoire. La parole est à vous.
MM. Lamine Foura et Rachid Raffa
M. Raffa (Rachid): Salam aleikum, mesdames et messieurs. M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, merci de nous accueillir alors dans cette enceinte. Mon nom est Rachid Raffa. Je suis Algéro-Québécois, au Québec depuis bientôt 32 hivers, et je travaille au ministère des Transports du Québec, et je suis impliqué dans la communauté musulmane de Québec ainsi que dans d'autres organismes. Je siège au conseil d'administration de la Ligue des droits et libertés du Québec, à la Table Maghreb. Vous avez déjà eu un mémoire de cette table auquel on a collaboré. Et je tiens à vous remercier de nous recevoir. Parce qu'il y a deux ans, je pense, sur les niveaux d'immigration, on ne m'a pas permis de m'exprimer ici, et je tiens à le souligner et à le déplorer. Alors, j'en suis d'autant plus content.
D'abord, je préfère vous avertir que... Bon, je pense que vous avez lu notre mémoire. Je pense que vos travaux, les travaux de la commission, ne seront utiles que dans la mesure où il y aura une volonté réelle politique de régler le problème de la discrimination, du racisme et de l'exclusion. Si cette question n'est pas réglée avec une volonté politique réelle, on aura peut-être fait une consultation de trop parce que les études existent, des données existent, et on attend toujours la manifestation d'une réelle volonté de l'État québécois.
Ce qui est dévastateur pour les victimes du racisme, de l'exclusion et de la discrimination, particulièrement en emploi, peut s'avérer d'autant plus destructeur que ça peut être légué comme héritage aux enfants de ces propres victimes. Imaginez le Québec que l'on se prépare, avec plusieurs solitudes, plusieurs vitesses, avec des fractures ethniques, socioéconomiques et religieuses, voire des affrontements intercommunautaires.
D'ailleurs, je voudrais soulever un point qui ne figure pas dans notre mémoire, le phénomène des gangs de rue, pour lequel on vient d'annoncer des fonds pour lutter contre ce symptôme. Je dis bien «symptôme» parce qu'une des raisons de l'éclatement de ce phénomène, c'est justement l'exclusion et le racisme contre lequel on ne lutte pas. On ne s'attaque pas aux causes du problème, aux racines du problème, mais aux symptômes. Le tout répressif ne va pas servir à grand-chose. Il peut même être contre-productif.
Vous avez vu, à la lecture de notre mémoire, que nous nous en tenons peut-être un peu trop à la responsabilité de l'État. C'est un mémoire qui essaie de faire ressortir une perception qui existe dans les groupes les plus vulnérables de la société québécoise, à savoir les Noirs, les Arabes et les musulmans, une perception tenace qui fait que des gens croient qu'il existe un racisme institutionnel. Et c'est la raison pour laquelle vous avez, dans notre mémoire, en première partie, toute une liste de problèmes dont je me limiterai à citer quelques-uns, notamment sur le plan religieux.
Il est inadmissible qu'un État démocratique et laïque, c'est-à-dire neutre vis-à-vis de toutes les religions, commette de graves erreurs comme celle qui a failli avantager les écoles privées juives en matière de financement, tout comme la sous-traitance de la sélection d'immigrants par certaines communautés influentes, les Juifs et les ismaéliens par exemple.
Toujours sur le plan religieux, notre Assemblée nationale a, dans un geste d'une rare unanimité, passé une motion sur l'arbitrage familial islamique sans se soucier de son inutilité au regard de l'interdiction formelle contenue dans notre Code civil et encore moins du fait qu'un tel vote ostracisait la seule communauté musulmane. Si motion il devait y avoir, il aurait fallu une motion qui condamne tout arbitrage religieux en matière familiale, qui de toute façon est interdit par le Code civil.
Autre chose, les communautés musulmanes sont déjà victimes de la montée des imams, et les institutions publiques, tant fédérales que provinciales, y donnent une importance démesurée au détriment des leaders des différentes communautés. On est en train d'instituer des interlocuteurs avec les imams, et le ministère de l'Immigration n'échappe malheureusement pas à cette tendance.
De la même manière, je n'insisterai pas sur le fait que le gouvernement a toujours failli à atteindre son propre objectif de recrutement, dans la fonction publique et le secteur parapublic, d'un certain nombre de gens d'origine dite étrangère. Il y a un malaise. Il y a un malaise chez les Noirs, il y a un malaise chez les Arabo-Berbères québécois et chez les Québécois de religion musulmane, qui se sentent parfois non acceptés par leurs propres institutions. On a beau dire qu'il s'agit là d'incidents regrettables, que l'intention n'était pas d'exclure, que la loi est la même pour tous, la perception contraire peut être tenace et renforcer un appel du ghetto dans un contexte qui, vous le savez, après le 11 septembre 2001, a aggravé les difficultés d'être citoyen de plein droit et de plein exercice.
L'État québécois est interpellé en tant que tel, en soi, mais aussi du fait qu'il a le devoir de veiller à la paix sociale, à préserver et à promouvoir l'égalité des chances et à donner l'exemple à l'ensemble du corps social, et notamment au secteur privé, en matière d'emploi parce qu'il a les moyens d'agir sur ce corps social. Encore faut-il qu'il affiche une volonté politique claire et la traduise dans la réalité.
Je céderai la parole à mon ami Lamine Foura pour la partie recommandations.
n(17 h 40)nM. Foura (Lamine): M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, donc merci de nous avoir donné l'occasion d'exprimer notre point de vue sur cette consultation. Je me présente, mon nom, c'est Lamine Foura. Je suis ingénieur de formation, ingénieur après avoir parcouru le parcours du combattant parce qu'on ne peut pas être facilement ingénieur au Québec, si on a un diplôme à l'étranger. Je travaille dans une compagnie en aéronautique et je suis animateur d'émissions de télé et de radio communautaire à Montréal.
En guise de contribution positive à la réflexion globale sur les pistes de solution, nous allons présenter trois pistes de solution. Vous allez voir qu'on focusse surtout sur la responsabilité du gouvernement parce qu'on considère que le gouvernement a failli à plusieurs reprises pour contrer la question du racisme au Québec.
La première piste, c'est une piste de prévention et une piste de la pédagogie à travers un premier point qui consiste à élargir et à rendre durables les programmes de sensibilisation à la diversité culturelle au Québec. À titre d'exemple, suite à notre mémoire, dans tous les courriers que j'ai reçus, c'était «Mme Lamine Foura». Parce qu'on doit être conscients que des noms qui se terminent avec «e» peuvent être masculins dans d'autres cultures, juste à titre d'exemple où il faudra renforcer cette diversité multiculturelle pour que, premièrement, les institutions de l'État soient sensibilisées à cette diversité et la société québécoise, d'une façon générale, soit de plus en plus sensibilisée.
D'autre part, il faudra mettre en place des programmes efficaces à l'accès à l'emploi. À ce niveau-là, on peut rentrer dans un débat théorique en parlant des entreprises privées, mais pour nous, déjà si l'État s'engage à mettre en place des programmes concrets, avec imputabilité, au niveau des institutions, donc de la fonction publique provinciale et municipale, et aussi au niveau du parapublic, je pense que la question de l'emploi au sein des communautés culturelles pourra être énormément résolue.
Un troisième point, c'est sensibiliser les nouveaux arrivants par rapport à leurs droits en organisant des cycles de formation pour leur montrer leurs droits. Parce que, si les textes et les lois existent et que les gens concernés, les victimes du racisme, ne sont pas sensibilisés, on ne pense pas que ces lois vont servir à quelque chose.
Un dernier point qui est très, très important, c'est l'élimination de toute initiative étatique inéquitable. On ne peut pas, et l'État ne peut pas demander au privé, par exemple, de recruter, d'être équitable envers les immigrants et en même temps cet État lui-même n'est pas équitable envers les communautés culturelles. Et on a un exemple flagrant. C'est la tentative du gouvernement actuel de financer des écoles d'une certaine communauté à 100 % au moment où les écoles musulmanes, à titre d'exemple, ne sont même pas financées. Il y a une seule école primaire, sur toutes les écoles musulmanes, qui est financée et on parle du financement de 60 % qui est donné à toutes les écoles privées. En même temps que toutes les écoles musulmanes font des efforts pour avoir un financement, le gouvernement a tenté de financer une communauté à 100 %.
Dans la deuxième piste, qui concerne la vigilance et la répression, on demande un renforcement de la vigilance à l'égard des propos, des comportements et des gestes raciaux, surtout au niveau des médias. Aujourd'hui, comment demander à un immigrant qui, lui, est un contribuable et qui paie ses impôts... qu'un média qui est financé par l'État puisse insulter sa religion, comment peut-on demander à cette personne-là de se sentir faisant partie de la société québécoise?
Un deuxième point, il faudra revaloriser par des ressources humaines et financières, dans la mesure du possible, la mission et le rôle de la Commission des droits de la personne, qui devrait être dissociée, pour être plus efficace, de la Commission des droits de la jeunesse, vu que les problèmes de la jeunesse sont donc plus ou moins différents sur la question droits de la personne.
Par rapport au dernier point qui concerne l'adhésion à la culture commune, on trouve qu'aujourd'hui un des problèmes qui peut se poser, c'est le retour du comportement de l'immigration d'une façon générale sur le racisme. Donc, le comportement qui peut différencier certaines cultures de la culture québécoise peut créer le racisme. À travers ce point, je pense que l'État a l'obligation de prendre des positions claires entre la question entre le multiculturalisme canadien et l'interculturalisme québécois. Cette ambiguïté renforce un comportement qui peut générer un racisme au sein de la société.
Et, à la fin, il faudra insister sur une chose: c'est que seul un engagement clair de l'État va aider à faire reculer le racisme au Québec. Et merci.
Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Mme la ministre.
Mme Thériault: Merci, M. le Président. M. Foura, M. Raffa, merci d'être avec nous aujourd'hui. J'ai bien lu votre mémoire. Je comprends votre scepticisme aussi. Je comprends votre scepticisme. Je comprends que vous soyez désillusionnés. Je comprends à travers les propos que vous tenez dans votre mémoire, qui est à la fois dur et peut-être avec un parti pris, mais je comprends, je comprends. Il est évident que, lorsque vous soulevez une consultation de plus, vous vous demandez ce que ça va apporter et si une politique va réellement changer les choses. Et vous vous le demandez avec raison; il y a beaucoup de consultations qui ont été faites par le passé. Je voudrais peut-être juste vous mentionner qu'il y a eu deux consultations qui ont été menées par rapport à la reconnaissance des diplômes étrangers et les métiers régis non réglementés, puis 70 % des recommandations à l'intérieur du document qui a été produit par M. Bazergui sont présentement en application. 70 %. Le rapport a été déposé en décembre 2005. Ça ne fait pas un an encore.
Je comprends que vous êtes sceptiques mais je me dois absolument de vous dire que, lorsque le gouvernement décide qu'un dossier est prioritaire et qu'il a à coeur la réussite d'un dossier, il y a une question aussi de volonté politique. Et je peux vous assurer que, de ce côté-ci de la Chambre et évidemment de l'autre côté, puisque nous sommes réunis et qu'on ne fait pas de partisanerie, il y a une volonté politique d'aller de l'avant avec une politique pour lutter contre le racisme et la discrimination.
J'aimerais aussi vous réitérer que cette recommandation-là émane d'une autre consultation, il est vrai. Lorsque ma collègue la députée de Nelligan ici présente s'est penchée sur la pleine participation des communautés noires à la société québécoise, les statistiques étaient déjà effrayantes et alarmantes. Elle a remis un rapport dans lequel il y a 35 recommandations. Au dépôt du rapport, on a annoncé qu'on allait de l'avant avec trois des recommandations sans prendre le temps de les analyser, parce qu'elles nous apparaissaient importantes, dont la première recommandation que le Québec se dote d'une politique pour lutter contre le racisme et la discrimination. C'est pour ça qu'on est ensemble ici, aujourd'hui.
Là, la deuxième recommandation que nous avons annoncée, avec laquelle on allait de l'avant: le ministère du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation va mettre sur pied un chantier économique pour voir de quelle façon les minorités visibles pourront être mises à contribution dans le développement économique, l'entrepreneurship. On l'a annoncé.
On a annoncé aussi qu'on irait de l'avant avec nos entreprises qui sont exemplaires, si vous voulez, de par leur intégration, dans leurs équipes de travail, de la gestion de la diversité culturelle. À l'automne, on annoncera quelque chose aussi là-dessus.
Le rapport a été déposé au mois d'avril, on est au mois de septembre et on est en commission ici. Fallait-il toujours préparer un document avant de se rencontrer, que les gens puissent se faire une tête sur le document. Je crois que la volonté politique, elle y est. Il faut se rappeler que, si on est en commission, bien c'est parce qu'on a fait le tour déjà, ailleurs, dans les autres instances. Mes collègues savent que je suis ici et sont conscients que c'est une politique gouvernementale.
Donc, quant à la volonté politique, une consultation de plus, je pense que, là, ce qu'on est en train de faire, c'est de se dire: Plutôt que nous, au ministère, on fasse une politique, qu'on la dépose puis qu'on vous demande: Vous en pensez quoi?, on a pensé demander aux gens: On va faire une politique, vous voulez quoi, dans votre politique? Quels moyens on peut se donner, dans un plan d'action, pour s'assurer que la politique fonctionne? À mon avis, c'est la meilleure façon de pouvoir procéder. Ça permet également à tous les gens de se sentir interpellés, l'opposition, le gouvernement, les syndicats, les entreprises, les groupes communautaires et les citoyens aussi, puisqu'ils sont interpellés.
Je comprends que peut-être il y a certaines décisions qui ont peut-être pu vous choquer dans le passé, qui vous font réagir fortement. Vous êtes très critiques envers la fonction publique. Vous savez comme moi que, la fonction publique, la présidente du Conseil du trésor peut avoir une portion de contrôle, je dirais, sur l'embauche que nous faisons présentement comme membres du gouvernement, mais elle n'a absolument aucune prise sur les commissions scolaires, aucune prise sur les cégeps, les universités, les centres d'hébergement de soins de longue durée, les hôpitaux, les CLSC. Donc, la consultation qu'on fait présentement va permettre de se donner des outils pour avoir des prises. Parce que, moi, je suis fière de dire, comme membre du gouvernement libéral: Quand on est arrivés au pouvoir, le taux d'embauche était à peu près 4 %. Présentement, le taux d'embauche est à 14,3 %, et ça, c'est grâce à la complicité de la présidente du Conseil du trésor, qui autorise les embauches.
Donc, il y a des progrès qui se font. Il y a encore beaucoup à faire probablement, j'en conviens. Je ne suis pas responsable des frustrations qui ont été cumulées pendant des années, et des années, et des années, tous gouvernements confondus. La seule chose que je peux vous dire, c'est que, si on est ici, aujourd'hui, c'est parce que les choses changent et qu'il y a une réelle volonté d'aller de l'avant.
Je m'excuse, j'ai probablement pris tout le temps, M. le Président.
Le Président (M. Brodeur): Non, il reste quelques minutes encore, seulement.
n(17 h 50)nMme Thériault: Il va rester quelques minutes, donc je vais vous laisser le temps de répondre. Mais je voudrais que vous soyez convaincus que, de notre côté, il ne fait aucun doute que le gouvernement est très sérieux dans sa démarche qu'il a entreprise.
M. Raffa (Rachid): Mme la ministre, en ce qui concerne les ordres professionnels, on s'attendait à beaucoup plus. Ce qui se dit dans les paroisses, c'est que la montagne a accouché d'une souris. Nous connaissons M. Bazergui. Nous avons travaillé avec lui d'ailleurs à la Table Maghreb. Il y a plus grave: des immigrants diplômés d'ici qui ne trouvent pas de travail. Montréal et Québec détiennent le record fabuleux des plus grands diplômés comme chauffeurs de taxi peut-être de la planète.
En ce qui concerne la fonction publique, je sais de quoi je parle. Je suis un professionnel de la fonction publique et j'ai eu à voir des choses dans les concours. Donc, vous avez des jurys qui n'ont aucune, mais aucune, aucune, absolument aucune notion d'interculturalité, ou de multiculturalité, ou d'ouverture, au contraire. Il y a de quoi être choqué. Il n'y a pas de programme de sensibilisation à la diversité dans la fonction publique.
Mme Thériault: ...vous proposez pour augmenter la représentation des membres des communautés culturelles?
M. Raffa (Rachid): Il faut sensibiliser. Il faut sensibiliser les gens dans les appareils d'État.
Mme Thériault: Mais, plutôt que de dénoncer, il faudrait le proposer parce que présentement on est en mode solution.
M. Raffa (Rachid): C'est proposé. C'est proposé.
Mme Thériault: C'est ça.
M. Raffa (Rachid): Moi, j'ai eu l'odieux, comme je le dis, de faire un peu le procès de ce qui se passe. Mon ami Foura, nous avons fait l'effort de faire des propositions précises.
Autre chose, pour la motion dont on ne parle pas, la motion de l'Assemblée nationale, unanime, qui n'ostracise que les Musulmans, a fait des dégâts épouvantables, vous n'avez jamais répondu à mes lettres. Le premier ministre non plus. Tous les chefs de parti n'ont jamais répondu. Il a fallu que je me batte pour avoir le moindre accusé de réception. Dans ma communauté, les gens me disent: As-tu eu une réponse? Je leur dis non, et ça renforce la perception de racisme institutionnel contre lequel je lutte.
M. Foura (Lamine): Moi, je veux revenir sur la question de la reconnaissance des diplômes. Je suis ingénieur au Québec. Donc, j'ai parcouru... Je suis très impliqué dans la communauté. On me disait, au début, au ministère, même partout, on me disait: C'est l'ordre. Il est indépendant. Je passe toutes les étapes puis je passe mon examen de déontologie. J'apprends ? je dois apprendre les lois ? non, que l'ordre n'est pas indépendant. C'est le gouvernement qui décide. Donc, aujourd'hui, le projet de loi, si vraiment ça correspond à 70 %, j'ai vraiment des réserves sur la recommandation parce qu'il y a un problème de base: on traite des immigrants permanents pour faciliter les diplômes temporaires. Au fond, la seule facilité que le projet de loi a apportée, c'est les projets temporaires, c'est les diplômes... c'est les permis temporaires. Il a un petit peu attaqué des problèmes superficiels, mais par contre, le fond des problèmes, je pense qu'il est encore là. Un autre problème par rapport à notre frustration par rapport au racisme, on sait très bien que la communauté maghrébine a atteint un taux de chômage de 25 %, et ça, on le connaît depuis trois, quatre ans. La réaction du gouvernement, c'est quoi? C'est limiter l'immigration à travers le projet n° 53 qui s'est basé sur des faux chiffres. Parce qu'aujourd'hui il s'avère que c'étaient des faux chiffres sur lesquels le projet de loi n° 53... qui va limiter l'immigration par bassins géographiques parce qu'il y avait beaucoup de Maghrébins. Donc, au lieu de résoudre le problème du racisme ici et la discrimination, on élimine... on ramène moins de Maghrébins malgré qu'eux permettent au Québec d'atteindre le taux d'immigrants francophones que le Québec vise. Et merci.
Le Président (M. Brodeur): Il vous reste quelques secondes, Mme la ministre.
Mme Thériault: Oui. Merci, M. le Président. J'entends bien ce que vous dites. Je pense que le projet de loi n° 53, c'est une malinterprétation. Le Québec a décidé de diversifier son immigration, et c'est tout à fait correct, et je crois que c'était normal de le faire.
Quant au projet de loi... pas le projet de loi mais la motion qui a été votée à l'unanimité, je la rappellerai ici et je vais vous dire ce que j'ai déjà eu l'occasion de dire à la communauté musulmane, tous les parlementaires, femmes, hommes, les trois partis politiques confondus, ce que nous avions en tête lorsque la motion a été votée à l'unanimité, c'était la protection des femmes et des enfants parce qu'ici, au Québec, une femme et un enfant, c'est égal à un homme. Donc, vous pouvez certainement peut-être ne pas être d'accord avec la façon que ça a été fait, peut-être que ça vous a choqués, mais n'empêche que tous les parlementaires ? et vous voyez les hochements de tête de l'autre côté; tous les parlementaires ? ce qu'ils avaient en tête, c'était de protéger les femmes et les enfants parce qu'ici une femme et un enfant est égal à un homme.
M. Raffa (Rachid): ...regrette infiniment.
M. Foura (Lamine): Attends, attends, attends. Juste une mention très importante, les deux personnes que vous avez en face de vous, c'est des personnes qui, publiquement... on s'est opposés aux tribunaux islamiques. Ce qui est problématique, Mme la ministre, vu que vous aurez le débat sur ce sujet, c'est que votre cabinet, après la motion, a convoqué des personnes qui, elles, ont demandé les tribunaux. Et vous avez écarté toutes les associations laïques de la communauté musulmane en convoquant les religieux parce qu'ils vous ont envoyé une lettre. Merci.
Le Président (M. Brodeur): Mme la députée de Laurier-Dorion...
M. Foura (Lamine): Et on s'oppose clairement. Nous, on s'oppose clairement aux tribunaux islamiques au Québec. Et on l'a dit clairement avant la motion et on le dit après la motion. Le problème, c'est que le gouvernement a poussé pour la motion et après il est allé rencontrer des gens qui ont demandé les tribunaux islamiques au Québec.
Le Président (M. Brodeur): Mme la députée de Laurier-Dorion.
Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. M. Foura et M. Raffa, merci de vous être présentés et du dépôt de votre mémoire que nous avons lu avec beaucoup d'attention.
C'est évident que ce que vous écrivez dans votre mémoire puis les faits que vous relatez sur certaines situations que vous considérez injustes portent à réflexion parce que dans le fond, que vous l'ayez écrit ou encore que vous soyez devant nous, aujourd'hui, pour nous en faire mention, ça montre, je pense, que personne ne peut rester indifférent à ça, puisque ça montre un degré d'impatience sur des résultats que nous devons atteindre collectivement.
Tout à l'heure, la ministre a mentionné qu'elle n'était pas responsable de toutes ces années où l'État québécois a pris un retard face, par exemple ? elle n'a pas dit ça, mais, moi, je le dis; par exemple ? à la représentativité dans la fonction publique. C'est bien évident que la ministre devant nous n'est pas responsable de cette situation à elle seule, et, je veux dire, la situation que l'on vit aujourd'hui, c'est basé sur 400 ans d'histoire puis, d'une certaine façon, sur 50 ans de politiques plus récentes où il y a eu des grandes transformations dans l'État québécois, et d'ailleurs d'une situation aussi plus récente encore où les niveaux d'immigration ont augmenté d'année en année. Puis c'est sûr que la communauté arabo-musulmane, maghrébine, qui est une immigration plus récente puis qu'on a été recruter à l'étranger, notamment pour ses grandes compétences et puis sa scolarisation, peut vivre une frustration importante du fait que dans le fond l'idéal rêvé à l'étranger ne se retrouve pas nécessairement à l'arrivée ici, puis je pense que tout le monde est très sensible à ça. C'est d'ailleurs pour cette raison-là que nous sommes réunis aujourd'hui, pour tenter de lutter contre la discrimination et le racisme.
Ceci étant dit, je suis d'accord avec vous que, par moments, il peut être très, très frustrant... Puis les premiers mots qui sont inscrits sur votre mémoire, c'est: «Une consultation de plus?» Mais je dois vous dire que ça a été ma première réflexion, dans le sens où on a fait beaucoup de consultations, on connaît la situation. Je pense qu'on ne peut jamais trop consulter parce que c'est important de pouvoir entendre la voix de tous et chacun. Mais en même temps il y a des actions concrètes qui peuvent être prises. Puis, si on regarde depuis trois ans, le budget du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles a été coupé de façon importante. Je pense que les besoins sont là.
Quand on parlait de la consultation sur les communautés noires, à l'étude des crédits, le gouvernement nous a dit que des sommes n'allaient pas être débloquées pour répondre aux recommandations très directes de ce comité-là. Nous sommes ici, aujourd'hui, parce que c'était une des recommandations du rapport sur les communautés noires, mais ce n'est pas des ressources de plus qui ont été investies sur le terrain pour les personnes immigrantes ou minorités visibles, puis ça, je pense que c'est urgent qu'il y en ait. La ministre nous a assuré qu'il y aurait un plan d'action qui serait déposé suite à cette politique, puis on l'attend avec beaucoup, beaucoup, beaucoup d'intérêt. Je suis sûre que c'est la même chose de votre côté.
Donc, juste pour vous dire que nous comprenons en fait ce sentiment, puis je pense qu'il faut agir assez rapidement parce que, oui, si on fait le choix de l'immigration, il faut aussi faire le choix de s'assurer que chacun des citoyens qui vit ici puisse vivre de façon à s'épanouir pleinement au sein de cette société.
Je voulais juste ajouter un petit bémol. Dans votre mémoire, vous dites que tous les chefs des partis politiques siégeant à l'Assemblée nationale ne vous ont pas répondu concernant la motion. J'ai ici deux communications du bureau du chef... bien de la chef de l'opposition officielle par intérim, Louise Harel, qui a répondu en date du 29 novembre 2005 et une deuxième...
Une voix: ...
Mme Lefebvre: Pardon?
n(18 heures)nM. Raffa (Rachid): Qui a accusé réception, on n'a pas répondu sur le fond.
Mme Lefebvre: Accusé réception pour la première le 29 novembre 2005, mais ici j'ai une communication du 16 décembre 2005, écrite de sa main, qui n'est pas...
M. Raffa (Rachid): Personnel, ça.
Mme Lefebvre: Bien, je veux dire, c'est signé quand même...
M. Raffa (Rachid): Oui, mais elle me l'a envoyée à titre personnel.
Mme Lefebvre: Mais quand même...
M. Raffa (Rachid): J'ai des députés qui m'ont fait part de...
M. Dion: M. le Président, est-ce que ce serait possible qu'on comprenne ce qui se passe? Parce que, là, on s'interrompt, et là, moi, je ne sais plus où est-ce qu'on est rendus. Est-ce qu'on pourrait permettre à la députée de dire ce qu'elle a à dire?
Le Président (M. Brodeur): Parfait. D'ailleurs, est-ce que vous voulez déposer ce document-là?
Une voix: Non, c'est une lettre personnelle.
Le Président (M. Brodeur): C'est personnel? Donc, passons à une autre étape. Continuez, Mme la députée.
Mme Lefebvre: Alors donc, voilà. Puis c'est mentionné, dans ce document, qu'il aurait été plus judicieux d'affirmer, comme vous le dites, notre opposition à toute forme d'arbitrage religieux. Donc, voilà pour cette question.
Maintenant, vous faites référence, dans votre document, bon, à plusieurs situations. Vous avez parlé de la reconnaissance des diplômes. Je suis d'accord avec vous que c'est un pas dans la bonne direction, mais, encore là, on s'attendait à beaucoup plus. Je pense que des actions devront être mises en oeuvre rapidement, plus d'actions. Je ne sais pas si vous avez en tête des suggestions pour ce qui est de cette question de reconnaissance des diplômes puis d'insertion en emploi.
M. Foura (Lamine): Sur la question de reconnaissance de diplôme, c'est qu'aujourd'hui l'État québécois se retrouve incohérent. C'est que, je donne à titre d'exemple, j'arrive avec un diplôme d'ingénieur à Montréal, je m'inscris à l'École polytechnique; pour pouvoir s'inscrire en maîtrise, il y a des conditions, on m'accepte; quelqu'un qui a un diplôme de l'École polytechnique ne sera pas accepté parce qu'il n'a pas la note nécessaire. Je termine mon doctorat à l'École polytechnique, je vais commencer à enseigner une matière; j'enseigne à des ingénieurs qui, eux, seront dans l'ordre, mais, moi, je ne peux pas être dans l'ordre et, si je veux être dans l'ordre, je vais passer un examen sur le module que j'enseigne. Il y a quelque chose qui ne va pas. On peut mettre 1 000 commissions, mais, si, à la fin de la journée, on garde cette incohérence, je dis...
Il y a trois niveaux d'équivalence: il y a le ministère de l'Immigration qui présente une comparaison des diplômes; il y a l'ordre qui décide sur une base qui est propre à l'ordre; et il y a les universités qui, eux, délivrent des diplômes qui sont acceptés par l'ordre. Il y a une incohérence dans le système. Et toutes ces propositions-là ont été discutées avec la commission une fois qu'elle est passée à la Table du Maghreb; on n'a rien retrouvé en tout cas au niveau du projet de loi qui a été déposé au début de l'été.
Le Président (M. Brodeur): Il reste quelques secondes pour une dernière question.
Mme Lefebvre: Bien, M. le Président, je ne crois pas qu'on ait eu le même temps que...
Le Président (M. Brodeur): Non, il vous reste justement, là, une minute et quelques.
M. Foura (Lamine): Si je peux dire un mot?
Le Président (M. Brodeur): Oui?
M. Foura (Lamine): Des frustrations peuvent apparaître dans notre mémoire et notre expression. Ce qu'on veut dire, c'est: à titre personnel, on est bien intégrés, mais on essaie d'exprimer ce que les gens pensent à Jean-Talon, à Côte-des-Neiges. Et, pour éviter d'avoir ce qui est arrivé à l'automne passé, en France, je pense qu'il y a du travail à faire. Je pense qu'on peut écouter beaucoup de bonnes choses d'associations subventionnées, parce qu'elles sont subventionnées, mais la réalité des choses sur le terrain se passe dans les quartiers où il y a beaucoup d'immigrants qui sont très frustrés.
Le Président (M. Brodeur): Oui, monsieur, en complément de réponse.
M. Raffa (Rachid): S'il vous plaît, je voudrais une petite réplique tout à fait gentille. «Une consultation de plus», il y a un point d'interrogation. Ça, vous ne l'avez pas signalé, personne ne l'a signalé, c'est dommage. Et, si nous croyions que c'était une consultation de plus, nous ne serions pas devant vous. Vous avez devant vous deux personnes qui, de l'intérieur de la communauté, travaillent contre les ghettos. De grâce, donnez-nous de l'aide pour contrer le ghetto, pour dire aux gens qu'il n'y a pas un racisme institutionnel.
Alors, chaque fois qu'il y a un phénomène comme le financement des écoles juives, comme la motion, c'est des reculs. C'est très difficile pour nous, depuis le 11 septembre, de continuer à travailler, c'est le mythe de Sisyphe, et chaque fois c'est détruit par des événements internationaux comme le 11 septembre, les attentats de Londres, de Madrid. Mais, de l'intérieur de nos institutions, c'est inacceptable. C'est pour ça qu'il y a un cri du coeur là-dedans. Il n'y a pas qu'un cri du coeur, il y a des recommandations. S'il vous plaît, aidez-nous parce que nous ne voulons pas que nos enfants vivent dans des ghettos, nous ne voulons pas qu'il y ait une deuxième France des banlieues dans ce pays. De grâce, travaillons sur les raisons et non sur les symptômes. Sur les symptômes aussi, les gangs de rue, il faut lutter, il faut être intraitables, mais il faut aller au-delà et en deçà et lutter contre la frustration des parents qui est transmise aux enfants.
Mme Lefebvre: Je vous remercie infiniment. Je pense que... Bien, je pense que votre message a été entendu puis je pense que c'est la volonté de tous ici de créer une société harmonieuse où chacun pourra trouver sa place. Donc, merci.
Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Je vous remercie tous les deux et je vais suspendre... c'est-à-dire ajourner nos travaux à demain matin, 9 h 30.
(Fin de la séance à 18 h 5)