(Neuf heures trente-six minutes)
Le Président (M. Brodeur): Je vous demande votre attention, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la Commission de la culture ouverte et, comme à l'habituel, je demanderais au député de Mercier de bien vouloir éteindre son cellulaire, s'il vous plaît.
Donc, la commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques à l'égard du document intitulé Vers une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire: Aucun remplacement, M. le Président.
Le Président (M. Brodeur): Merci, M. le secrétaire. Donc, aujourd'hui, pour le bénéfice des collègues et de ceux qui nous écoutent à la maison, nous entendrons, ce matin, la Fédération étudiante universitaire du Québec, qui sera suivie de la Table du Maghreb, suivie de Coffret-Laurentides, et, en fin d'avant-midi, nous entendrons Mme Marie McAndrew. Cet après-midi, alors que nous changerons de salle de commission parlementaire, nous entendrons le Centre de services éducatifs d'Anjou, qui sera suivi du Commissaire à la déontologie policière, Intégration communautaire des immigrants et enfin La Ligue des Noirs du Québec.
Auditions (suite)
Donc, immédiatement j'inviterais le premier groupe à être entendu ce matin, soit la Fédération étudiante universitaire du Québec, de bien vouloir prendre place ici, en avant. Bienvenue en commission parlementaire. Oui, juste ici. Et, durant que vous vous installez, je vous explique brièvement la façon de fonctionner. Mettez-vous à l'aise. Donc, vous aurez une période de 15 minutes pour présenter votre mémoire, de la façon dont vous jugerez à propos, et ce sera suivi d'une période d'échange de 30 minutes avec les membres de la commission.
Pour le bénéfice du Journal des débats, je vous demanderais tout d'abord de vous identifier et de prendre la parole immédiatement. La parole est à vous.
Fédération étudiante universitaire
du Québec (FEUQ)
M. Bélair (Christian): Bonjour. Christian Bélair, président de la Fédération étudiante universitaire du Québec.
M. Hébert (Jules): Jules Hébert, attaché politique à la Fédération étudiante universitaire du Québec.
Le Président (M. Brodeur): Bienvenue.
M. Bélair (Christian): Donc, bonjour, Mme la ministre, bonjour, M. le Président, bonjour, membres de la commission. C'est avec grand plaisir que nous sommes ici, ce matin. Notre présentation sera très brève, un peu à l'exemple de notre document. Lorsqu'il y a eu la question des consultations sur le racisme comme tel, sur la lutte contre le racisme, nous avons fait le tour un peu des partenaires avec qui nous travaillons qui s'occupent, là, au niveau des communautés culturelles et de toutes les questions du racisme pour s'apercevoir que beaucoup d'organismes étaient des experts dans le domaine, souvent plus que nous, au niveau de la Fédération étudiante universitaire. Par contre, il y avait toujours des... il y a des points, au niveau de la fédération, que nous voulions mettre en relief, sur lesquels nous voulons mettre l'accent et qui nous concernaient de plus près, en ce qui touche l'éducation postsecondaire et les étudiants internationaux.
Essentiellement, ce que nous voulons faire remarquer aujourd'hui, c'est l'apport des étudiants internationaux dans la lutte contre le racisme et l'apport des séjours à l'étranger pour les étudiants québécois qui vont passer quelques mois à l'étranger dans le cadre de leur formation et qui reviennent ici, et, tout ce qu'ils ont appris des autres cultures, lorsqu'ils reviennent ici, dans quelle mesure ça peut prévenir tout ce qui est racisme et discrimination.
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(9 h 40)
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Vous verrez en introduction, à la page 4 de notre document, une série de recommandations que je vais énumérer brièvement. Tout d'abord, la recommandation de création d'un observatoire de l'internationalisation des études, dont la mission serait essentiellement de rassembler des données statistiques concernant les étudiants internationaux; que le gouvernement québécois adopte une politique en vue de faciliter la venue des étudiants internationaux; que le gouvernement du Québec, en collaboration avec Citoyenneté et Immigration, simplifie les procédures d'accueil et d'intégration des étudiants internationaux ? accélère par le fait même les processus de traitement des dossiers; que les étudiants internationaux inscrits aux cycles supérieurs dans les universités québécoises soient exemptés de paiement des droits de scolarité supplémentaires, couramment appelés les frais différenciés; que le gouvernement québécois, afin d'utiliser l'éducation internationale pour promouvoir la culture québécoise dans le monde, voie à étendre à d'autres pays les cas d'exemption des frais forfaitaires pour les étudiants internationaux ? donc certains pays qui sont déjà en partenariat avec le Québec; que le financement des programmes existants en matière de bourses d'excellence administrés par le Fonds québécois de la recherche sur la nature et les technologies et le Fonds de recherche sur la société et la culture destinés aux étudiants internationaux de troisième cycle et aux stagiaires postdoctoraux soient accrus; que le gouvernement québécois augmente l'offre des bourses couvrant l'ensemble des frais différenciés, particulièrement pour les étudiants internationaux et canadiens non résidents du Québec qui étudient en région ? donc question de faciliter l'intégration des étudiants internationaux aussi dans les régions québécoises, dans les régions du Québec; que chaque bureau international ait notamment les mandats suivants... donc, il y a une série de mandats, qui essentiellement concernent l'accueil et l'intégration des étudiants internationaux et souvent la promotion de la culture propre de ces étudiants et les échanges interculturels entre étudiants québécois et étudiants internationaux; que le gouvernement québécois, dans sa stratégie d'immigration, facilite et favorise l'immigration des étudiants internationaux déjà présents au Québec, entre autres en simplifiant les modalités administratives; que le gouvernement du Québec négocie avec Citoyenneté et Immigration Canada pour l'établissement d'un statut particulier pour étudiants internationaux en fin de parcours académique, en fin de programme d'études; que les universités, dans une volonté d'internationalisation de la formation et de la recherche, facilitent l'intégration dans le cheminement académique de courts séjours d'études universitaires à l'extérieur du Québec ? on parle ici de mobilité étudiante pour les étudiants québécois ? et que le ministère de l'Éducation bonifie l'enveloppe des programmes de bourses pour court séjour d'études à l'extérieur du Québec.
Donc, essentiellement c'est des recommandations, comme je disais en introduction, qui visent à favoriser la présence au Québec d'étudiants internationaux, favoriser l'accueil et l'intégration, favoriser le partage des cultures entre étudiants internationaux et étudiants québécois et, d'autre part, de favoriser pour les étudiants québécois la poursuite d'études à l'étranger, qui permet justement de connaître les cultures et, lorsqu'ils reviennent ici, d'être plus aptes à comprendre les problématiques qui sont celles du racisme qu'on peut vivre parfois. Donc, essentiellement, comme je vous disais, c'était très bref.
Maintenant, sur les campus, lorsqu'on parle de racisme, on peut parler de solutions à court terme. Lorsqu'on a fait le tour des partenaires, on s'est aperçus qu'il y avait beaucoup de recommandations, de propositions à court terme. De notre côté, au niveau de l'éducation, qui est un investissement à long terme au niveau des étudiants comme tels, qui sont les citoyens de demain, que ce soit un Québécois ou des étudiants internationaux qui vont vouloir demeurer ici, on s'aperçoit que c'est aussi un investissement à moyen et à long terme et que c'est souvent par la porte des étudiants internationaux et des étudiants québécois qu'à moyen et long terme on peut prévenir tout ce qui est racisme et les problématiques entourant le racisme.
Donc, sur ce, je passerai directement à vos question, étant donné que le mémoire est très succinct et que les points qu'on voulait faire ressortir était l'apport des étudiants internationaux et l'apport pour les étudiants québécois de voyager et d'aller s'instruire à l'étranger.
Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Mme la ministre.
Mme Thériault: Merci. Merci, M. le Président. Merci, M. Bélair et M. Hébert, d'être ici avec nous ce matin. Évidemment, les étudiants internationaux sont pour le gouvernement du Québec très importants. Vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a possiblement un étudiant sur quatre qui va décider de demeurer au Québec de façon permanente, pour y vivre. Je crois sincèrement que les deux dernières ententes qui ont été signées avec le gouvernement fédéral, que ce soit la possibilité pour les étudiants de travailler lors de leurs études ici pour une période de 20 heures en semaine et à temps plein lorsqu'ils sont entre deux sessions, le fait qu'on ait aussi signé une entente pour pouvoir permettre aux étudiants de demeurer en sol québécois, bien que ce soit un an dans la région de Montréal et deux ans ailleurs, permet quand même aux étudiants de faire leurs démarches sans ressortir du pays pour pouvoir demeurer ici.
Je pense que les étudiants internationaux peuvent enrichir de beaucoup le Québec de par leurs réseaux, leur vécu, leur culture, mais aussi le fait que ce sont des gens qui sont formés ici, qui ont évolué dans un marché québécois, entourés de jeunes Québécois et de Québécoises ? peu importe qu'ils soient de la société québécoise blanche, entre guillemets, même si je n'aime pas utiliser ce terme-là ? ainsi que nos autres étudiants. Je pense qu'on a un beau potentiel de développement, ce sont des jeunes qui ont... de par leurs études, qui maintenant sont en mesure de travailler, ils se font des amis, souvent ils vont rencontrer l'amour de leur vie aussi. Ça va leur permettre de rester ici. Je pense que c'est des voies qu'on doit privilégier, et on n'est pas le seul gouvernement, vous savez qu'il y a d'autres ententes aussi qui ont été signées ailleurs dans le Canada et qu'effectivement, sur le marché international, lorsque nos universités québécoises vont recruter les étudiants, ça nous prenait ces ententes-là pour être capables d'attirer ici notre lot d'étudiants et tirer notre épingle du jeu.
J'ai bien entendu les recommandations que vous nous faites à l'intérieur de votre mémoire. Soyez sans crainte, c'est évident qu'il y a certaines de ces recommandations-là qui doivent être soumises au ministre de l'Éducation et à la ministre responsable des Relations internationales, évidemment. Donc, c'est sûr que copie de votre mémoire sera acheminée à ces deux ministères-là, puisqu'ils sont interpellés par vos recommandations.
Et, de façon plus pratico-pratique, moi, j'aimerais savoir: Est-ce que vous travaillez dans les différentes universités, comme association, avec des associations étudiantes étrangères? Il y en a. Je sais qu'à l'Université Laval il y en a. Il y en a probablement dans d'autres universités. Est-ce que vous travaillez avec eux?
M. Bélair (Christian): Au quotidien, on travaille en étroite collaboration avec soit les associations étudiantes culturelles, donc étudiants africains, étudiants musulmans, et aussi avec les clubs étudiants, dépendant des campus. Et, dans certaines associations, autour de la table des représentants, il y a des postes qui sont alloués pour les associations culturelles ou les associations d'étudiants internationaux.
Donc, ils peuvent justement, lorsqu'on traite de dossiers de nature académique, dossiers politiques... ils vont amener leur apport justement, leurs points de vue et souvent susciter des débats très intéressants. Maintenant, sur d'autres campus où les associations comme telles ou les clubs étudiants ne sont pas autour de la table des représentants, il y a tout de même des partenariats, que ce soit directement avec l'association étudiante ou via les services aux étudiants sur les campus ou les bureaux d'étudiants internationaux, entre autres, exemple, à l'Université de Montréal, où il y a des semaines interculturelles, des semaines de la solidarité. Et là les associations étudiantes, les associations étudiantes internationales sont en lien pour monter justement des semaines. Ils vont expliquer religion, culture, différents fonctionnements et voir comment on peut collaborer.
Mme Thériault: O.K. Est-ce que, lorsqu'il y a des tensions avec différents groupes, où le contexte international peut évidemment mettre de l'avant des tensions qui peuvent se produire dans d'autres pays, qui pourraient être transposées ici, est-ce que vous les sentez dans les universités lorsque ça arrive? Et est-ce que ça occasionne des situations de discrimination ou de racisme auprès des étudiants?
M. Bélair (Christian): Je vous dirais qu'il y a certaines tensions qu'il y a pu avoir lieu dans certaines universités. On se souviendra des événements à Concordia il y a quelques années. Maintenant, c'est des tensions qui, nous espérons, s'amenuisent avec le temps d'une part parce que notre objectif, souvent, est de susciter le débat, susciter justement le partage d'idées.
Il arrive souvent... Il est arrivé, à l'Université de Montréal, dans ce que j'en connais sur ça, d'avoir des kiosques d'information et des étudiants musulmans, des étudiants juifs qui expliquent au niveau des religions comme telles, qu'il y ait des débats. Les étudiants québécois sont partie prenante de ces débats-là, et c'est souvent en faisant cet effort-là qu'on arrive justement à éviter les tensions et à faire que les uns et les autres apprennent à se connaître. Alors, à ce niveau-là, il y a déjà des bons travaux, des bons efforts de faits.
Mme Thériault: C'est évident que, lorsqu'on contribue à faire connaître sa culture, ça fait tomber des tabous et des préjugés. Et ça, ça va prévenir grandement les situations de discrimination et de racisme. Ça, je pense que c'est indéniable.
Au niveau du corps professoral, est-ce que vous jugez que les professeurs qui enseignent dans les universités sont bien formés à la diversité culturelle? Est-ce qu'ils sont... Est-ce qu'ils ont les outils pour intervenir s'il y avait des situations problématiques ou de discrimination et de racisme parmi les étudiants, peu importe la provenance des étudiants?
M. Bélair (Christian): Je crois que les professeurs, à cet égard, sont bien formés, dans l'optique où justement ils ont les moyens nécessaires au niveau de la formation ou de l'encadrement et le temps pour pouvoir le faire, se consacrer pleinement à leur formation.
Maintenant, les discussions avec les syndicats des professeurs aussi ont amené justement à voir comment s'adapter aux situations. Sur les campus universitaires aussi, les administrations sont de plus en plus préoccupées. Sur certains campus universitaires, il y a des comités justement paritaires où il y a des professeurs, des étudiants en administration pour voir comment on peut régler certaines problématiques. Je pense, entre autres, à des périodes d'examens qui peuvent avoir lieu le samedi ou le dimanche, et, pour certaines communautés religieuses, c'est impossible d'être présent, dans le respect, justement... en respect de la religion.
Maintenant, ce qui est à promouvoir, c'est que ces types de comités paritaires professeurs-étudiants-administration soient formés pour pouvoir justement discuter et voir comment on peut régler la situation et que les fonds soient alloués au niveau des bureaux des étudiants internationaux, comme je le disais tout à l'heure en présentation, pour pouvoir faire ces réflexions et cet encadrement-là.
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(9 h 50)
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Mme Thériault: J'aimerais que vous extrapoliez un peu plus sur le fait de votre neuvième recommandation, lorsque vous parlez que chaque bureau international ait notamment les mandats suivants, et l'on définit les mandats. Qu'est-ce que vous voyez exactement?
M. Bélair (Christian): Essentiellement, les bureaux des étudiants internationaux sont financés par la subvention sur les services aux étudiants. Donc, il y a là un besoin d'augmenter cette subvention, ce financement-là de manière à assurer un suivi des dossiers, un suivi des étudiants internationaux lorsqu'ils arrivent. On voit beaucoup sur les campus des étudiants internationaux qui arrivent avec aucun logement, avec les valises, tout ça, qui ont besoin d'un accueil, que ce soit pour chercher un logement, trouver, exemple, à Montréal, comment ça fonctionne. Donc, il a besoin d'un accueil des fois qui est particulier; au niveau académique, de comprendre le fonctionnement, souvent d'organiser des événements pour qu'eux puissent apprendre à connaître la culture québécoise avec les étudiants québécois. Donc, tout ce fonctionnement-là nécessite des sous.
Lorsqu'on parle du travail hors campus, qui est maintenant élargi ? et, sur ce, on en remercie le gouvernement; lorsque le travail hors campus est élargi ? à toutes les régions du Québec, incluant Montréal et Québec, ça nécessite un suivi des dossiers, ça nécessite davantage de ressources à ce niveau-là. Donc, ce qu'on demande, c'est que le financement soit accru en fonction des besoins, en fonction aussi du fait qu'il y a de plus en plus d'étudiants internationaux sur les campus, donc ça nécessite des besoins supplémentaires.
Mme Thériault: Merci.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Laurier-Dorion.
Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. MM. Bélair et Hébert, merci d'être ici avec nous ce matin. Vous apportez une autre facette à nos débats, d'autant que je suis d'accord avec vous que les liens qui peuvent se tisser avec des étudiants internationaux, que ce soit ici, au Québec, ou à l'étranger, amènent une perspective nouvelle sur l'autre, sur les cultures différentes et qui sont de plus en plus présentes au Québec. Donc, c'est un aspect important. Puis évidemment que, dans cette voie-là, c'est sûr que ça peut contribuer à lutter contre la discrimination et le racisme.
Donc, vous avez plusieurs propositions intéressantes, j'aimerais vous entendre sur plusieurs de celles-ci. J'aimerais aller sur une proposition qui, je crois, est importante pour vous, notamment, bon, on parle des étudiants internationaux bien évidemment, la proposition 4. Donc, vous parlez, bon, que les étudiants internationaux inscrits aux cycles supérieurs dans les universités québécoises soient exemptés du paiement des droits de scolarité supplémentaires.
Donc, il y a un débat qui fait cours au Québec, vous le savez, vous en êtes un acteur important, sur les droits de scolarité. Notamment, donc, on aura peut-être à faire des choix. Bon, il ne s'agit pas ici d'entrer dans le débat du gel des frais de scolarité, mais il demeure que c'est un choix de société important, puis, nous, au Parti québécois, on pense que c'est bon de privilégier cette voie.
Ceci étant, j'aimerais vous entendre sur cette proposition, puis je me demandais si vous aviez chiffré les coûts, combien ça pourrait coûter au Québec d'exempter ces droits de scolarité.
M. Bélair (Christian): Lorsqu'on parle de l'exemption des frais de scolarité différenciés pour les étudiants internationaux, donc c'est les étudiants internationaux qui paieraient les frais de scolarité que paient les Québécois, il y a, aux cycles supérieurs seulement, 30 % à 40 % de la population étudiante qui est une population d'étudiants internationaux. Cette recommandation-là fait suite aussi à une recommandation du Conseil supérieur de l'éducation qui, si ma mémoire est bonne, date de l'année dernière ou d'un an ou deux ans, qui recommandait justement une abolition des frais différenciés pour les étudiants internationaux, particulièrement en deuxième et troisième cycles. Ces étudiants internationaux qui contribuent en grande partie à la population étudiante deuxième et troisième cycles sont souvent dans les laboratoires, dans les chaires de recherche. On sait que de plus en plus, économiquement ? je vous parle économiquement ? ces chaires de recherche sont très rentables pour les universités, donc c'est un apport important au point de vue économique, mais c'est un apport important aussi au niveau de la culture de la société et de l'évolution des idées.
Maintenant, lorsqu'on sait aussi que 60 % des étudiants internationaux qui terminent aux niveaux maîtrise et doctorat vont vouloir immigrer ici, donc c'est des personnes qui vont se trouver des emplois, des emplois bien rémunérés souvent et qui, tout au long de leur vie active, vont payer des impôts, vont payer une bonne part d'impôt et assurer pour tous les Québécois, tous les citoyens une part importante de la pérennité des services publics. Donc, maintenant, de favoriser l'accueil et l'intégration, de favoriser l'accessibilité aux études pour ces étudiants internationaux ne peut être qu'un plus pour la société québécoise. Donc, c'est en ce sens.
Maintenant, au niveau de chiffrer comme tel, je ne pourrais pas vous donner de montant exact à l'heure actuelle. Par contre, les calculs sont assez simples, il suffit de prendre la part des étudiants internationaux au Québec et reprendre, exemple, deuxième, troisième cycles, 30 à 40 %, 20 % pour le premier cycle, et de faire le calcul.
Mme Lefebvre: Je lisais dans votre mémoire que, bon, dans d'autres pays, notamment au Royaume-Uni ou en Australie, la part d'étudiants internationaux était plus importante. Ici, on l'avait en chiffres, donc, j'imagine, ça aurait été intéressant de l'avoir en proportion, là, à savoir par rapport à la population québécoise puis la population aux études ici. Mais est-ce que vous avez fait des projections également sur la capacité d'attirer des nouveaux étudiants si on mettait en oeuvre des nouvelles mesures, est-ce que... bon, parce que les étudiants viennent déjà au Québec en ce moment, tout en sachant qu'ils doivent payer des frais supplémentaires. Est-ce que vous êtes capable de... Je ne sais pas. Est-ce qu'il y a une analyse actuarielle qui a été faite pour voir combien d'étudiants on pourrait accueillir de plus?
M. Bélair (Christian): Il n'y a pas une analyse actuarielle comme telle qui a été faite. Par contre, il y a clairement une volonté d'augmenter les effectifs étudiants d'étudiants internationaux pour l'apport que ça a dans nos universités, au niveau de la société puis au niveau comme tel... dans la lutte contre le racisme, comme on le dit, l'échange culturel. Maintenant, il n'y a pas de calcul actuariel qui a été fait.
Par contre, tant au niveau des frais différenciés que des bourses d'exemption pour les régions, on peut se fixer des pourcentages, on peut se fixer des objectifs, et tant aussi au niveau des bourses, des partenariats avec certains pays, comme c'est déjà avec beaucoup de pays de la Francophonie, donc d'essayer d'ouvrir les frontières pour que certains étudiants soient exemptés, lorsqu'on a justement des relations plus étroites avec ces pays-là. Je pense, entre autres, à la France.
Mme Lefebvre: Sur cette question-là d'ailleurs, sachez que, tu sais, c'est une question intéressante, puis, comme on aura à faire des choix, c'est intéressant d'entendre tous les arguments qui militent en faveur de cette orientation-là. Puis, dans ce sens-là, je me demandais, si vous aviez à plaider justement sur l'augmentation de l'offre de bourse couvrant l'ensemble des frais différenciés... votre proposition parle d'augmenter particulièrement pour les étudiants internationaux. Alors, si on avait un choix à faire, parce que les bourses sont offertes également aux étudiants québécois, donc nés ici, est-ce que ça signifie que, si une enveloppe devait être ouverte pour l'augmentation des bourses, on doit privilégier les étudiants internationaux au profit des étudiants québécois?
M. Bélair (Christian): Juste pour clarifier comme tel, on ne parle pas d'une même enveloppe, on parle de bourses d'exemption pour les étudiants internationaux, donc qui paient déjà des frais supérieurs, des frais différenciés. On ne parle pas de bourse d'études comme de bourse, là, au niveau recherche, là, deuxième, troisième cycles; on parle vraiment des bourses d'exemption pour ces étudiants-là, particulièrement les bourses d'exemption qui existent déjà pour aller en région. Donc, un étudiant international qui déciderait d'aller étudier à Rimouski, à l'Institut maritime, à ce moment-là, paie moins cher. Évidemment, ça favorise la mobilité sociale des étudiants internationaux.
Mme Lefebvre: O.K. J'aimerais maintenant... C'est très intéressant, là, comme débat. J'aimerais maintenant parler des ententes que nous avons avec l'étranger. Donc, avec la France, on a une entente particulièrement intéressante. Est-ce que... J'imagine, je ne suis pas une experte, là, de ces ententes, est-ce que... j'imagine que, pour signer une entente avec un pays, il faut que les systèmes, en quelque part, puissent être compatibles puis qu'il puisse y avoir un donnant-donnant de part et d'autre. Est-ce que vous avez identifié des pays avec lesquels on pourrait signer des ententes rapidement et qui permettent une compatibilité entre les systèmes, notamment au niveau de l'équivalence plus ou moins correspondante des frais de scolarité entre les deux? Alors, je voudrais vous entendre là-dessus.
M. Bélair (Christian): Écoutez, il y a annuellement des renouvellements d'ententes, il y a beaucoup de ces ententes qui passent par la CREPUQ, dans des systèmes comparables. C'est vérifié, c'est suivi. Au niveau de ces pays-là, c'est sûr qu'au niveau de la reconnaissance des diplômes il faut qu'il y ait des équivalents. Donc, on va souvent parler des pays d'Europe, des pays... aux États-Unis, maintenant, de plus en plus, pays d'Amérique du Sud comme tel, pays d'Afrique, aussi. Donc, ce suivi d'entente là, annuellement il y a des renouvellements d'entente qui sont faits avec les pays, comme tel.
Je peux peut-être préciser une...
Mme Lefebvre: ...je peux me permettre. Moi, j'ai participé à ces ententes-là, moi-même. Donc, il y a des ententes, oui, avec la CREPUQ, d'échanges universitaires. Mais, ici, est-ce que vous parlez d'ententes avec les universités qui permettent d'aller étudier une année, une session à l'étranger ou vous parlez vraiment d'entente comme on a avec la France, là, une entente qui est vraiment complète, qui permet d'être exempté notamment des frais de scolarité?
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(10 heures)
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M. Bélair (Christian): Au niveau d'exemption, on parle des ententes similaires avec la France, donc avec certains pays où il pourrait y avoir des collaborations plus étroites, tel la France, mais on parle aussi de favoriser la création d'ententes bilatérales entre des universités et des pays, comme c'est déjà le cas avec les ententes CREPUQ. Donc, dans les deux cas, c'est de favoriser ces ententes-là. Maintenant, les travaux se font habituellement via les comités sur les campus, via aussi les discussions qu'on a avec le ministère de l'Éducation; on fait partie de ces discussions et du suivi de ces ententes-là souvent. Et on est, je vous dirais, très à l'affût de ce qui se fait en Europe présentement entre les pays au niveau des échanges, des programmes Erasmus et de ce qui peut se faire aussi de notre côté, en Amérique du Nord.
Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Marguerite-D'Youville.
M. Moreau: M. le Président, M. Bélair, bienvenue. Bienvenue à votre collègue également. D'entrée de jeu, je veux vous dire que j'aime bien le style direct de votre mémoire. Vous allez droit au but, et essentiellement ce qui en ressort, c'est que ce qui est bon pour les étudiants, c'est bon aussi pour tout le monde, c'est-à-dire qu'on veut favoriser le rapprochement interculturel en accentuant la possibilité de recevoir des étudiants internationaux et la possibilité pour les étudiants du Québec d'aller étudier à l'international. C'est, je dirais, le fondement même des recommandations que vous faites.
Mais, moi, j'aimerais vous amener dans une perspective d'évolution. Comment vous évaluez cette situation-là? Récemment, j'ai eu le plaisir de participer à une mission interparlementaire en Haïti, pour découvrir que le premier ministre d'Haïti, M. Alexis, est un ancien étudiant à l'Université Laval et que nous avons fréquenté cette université-là au même moment, lui en agriculture, moi dans une autre faculté. Ce que j'aimerais savoir, c'est, lorsque vous avez rédigé votre mémoire et lorsque vous regardez l'évolution des choses, est-ce qu'il y a une amélioration de la situation? Parce que, des étudiants internationaux, il y en a depuis longtemps dans les universités du Québec, il y a depuis longtemps des étudiants du Québec qui étudient à l'étranger. Est-ce que vous avez constaté une amélioration ou une détérioration des choses, dans la mesure où les échanges sont concernés?
M. Bélair (Christian): Écoutez, il y a davantage d'étudiants internationaux sur nos campus. Au niveau des collaborations, je crois qu'il y en a davantage. Maintenant, au niveau des ressources comme telles, lorsqu'on parle de mobilité étudiante ou pour les étudiants québécois d'aller à l'étranger comme tel, les ressources sont toujours insuffisantes. On connaît... on parle beaucoup de mondialisation, de mobilité sociale, il y a de plus en plus d'étudiants québécois qui veulent quitter pour des séjours à l'étranger, et les sommes souvent... les bourses comme telles ne sont pas disponibles, sont insuffisantes. Ce n'est que certains étudiants qui peuvent y aller. À ce niveau-là, il y a toujours des efforts à faire.
M. Moreau: Il y a des efforts à faire, mais dans les deux cas vous constatez qu'il y a une amélioration de la situation, c'est-à-dire qu'il y a de plus en plus d'étudiants québécois qui étudient à l'international par rapport à ce qui existait dans les années soixante, soixante-dix, quatre-vingt et il y a de plus en plus d'étudiants de l'étranger qui viennent étudier au Québec. Est-ce que c'est exact?
M. Bélair (Christian): C'est exact au niveau des étudiants québécois. Toutefois, je voudrais mentionner que souvent les administrations universitaires ont fait l'effort de publiciser beaucoup des programmes de mobilité, de modifier des programmes pour permettre, dans une deuxième année, une troisième année de baccalauréat, d'aller faire une cession à l'étranger, et que maintenant, au niveau du financement, il faut aussi que ce financement au niveau gouvernemental suive pour permettre aux universités de le faire. Donc, les universités souvent ont fait des choix au niveau des administrations à même leur budget, maintenant il faut qu'au niveau du budget du gouvernement, de l'argent qui est transmis, que les sommes suivent, ce qui n'était pas toujours le cas dans les dernières années. Petit bémol sur ça.
Maintenant, pour les étudiants internationaux qui viennent ici, il y en a effectivement davantage. Maintenant, je crois qu'on peut faire davantage aussi lorsqu'on parle d'accueil et d'intégration, lorsqu'on parle de la subvention aux services aux étudiants, lorsqu'on parle de faire le suivi du dossier du travail hors campus, ça va nécessiter des sommes sur les campus; lorsqu'on parle d'organiser des événements, d'organiser des débats, tout ça nécessite des ressources, des étudiants, des personnes, des employés de soutien. Donc, il y a aussi là des besoins. Si on a une augmentation de la population étudiante, étudiante internationale, on a évidemment des besoins financiers supplémentaires.
M. Moreau: Cet aspect des choses... la fédération... pouvez-vous me dire si la fédération participe, par exemple, à la mise en place soit de débats... On a parlé tantôt de table de concertation ? j'y reviendrai, là ? dans les campus, j'ai trouvé que c'était une mesure qui était très intéressante et que je ne connaissais pas. Je vais vous demander de développer là-dessus. Mais, au niveau de l'aspect, je dirais, de la mission pédagogique de la fédération, quelles sont les actions concrètes que vous menez à l'heure actuelle pour favoriser justement le rapprochement interculturel à l'égard des étudiants universitaires qui sont au Québec?
M. Bélair (Christian): Essentiellement, au niveau de la fédération, c'est le soutien qu'on peut offrir à nos associations étudiantes. C'est des enjeux qui sont très décentralisés, qui se jouent au local, sur les campus. Je peux vous mentionner certaines actions qui sont prises par les associations étudiantes à l'Université de Montréal, l'Université Concordia, dans le cadre de la rentrée étudiante, la rentrée scolaire, des événements comme tels. C'est sûr qu'au niveau de la fédération, c'est beaucoup en soutien qu'on le fait au local parce que les étudiants sont sur les campus.
Maintenant, il n'y a rien qui est impossible de notre côté, et au contraire on est en train de voir justement quel partenariat, au niveau de la fédération comme telle, on peut faire avec d'autres organismes, que de soit au niveau justement de la solidarité ou d'autres événements qui justement sont au coeur de la lutte contre le racisme ou de la sensibilisation. Mais je vous dirais, essentiellement, c'est au local que ça joue.
M. Moreau: Vous avez parlé à quelques reprises dans vos interventions de l'Université Concordia, vous avez fait référence aux difficultés qu'il y avait eu dans les années passées, mais à l'amélioration très importante apportée par l'administration de l'université dans le rapprochement, ce qui m'amène au sujet des tables paritaires dans les campus. Vous semblez citer Concordia comme étant un bel exemple à suivre de ce qui doit se faire pour justement favoriser le rapprochement interculturel.
Justement, au niveau de ces tables paritaires dans les campus, j'aurais deux questions à vous poser. La première, vous dites: Il y a l'administration et les étudiants. Est-ce qu'effectivement on fait participer les étudiants internationaux à ces tables paritaires là, d'une part? Et, d'autre part, à l'égard du corps professoral, est-ce que vous estimez à l'heure actuelle que la participation des immigrants ou de gens d'autres origines que le Québec ou le Canada compose suffisamment le corps professoral dans les universités?
M. Bélair (Christian): Sur la question du corps professoral, je ne saurais vraiment me positionner sur ça. Je préférerais voir les chiffres comme tels et m'adresser directement aux syndicats.
M. Moreau: Mais de visu, là, ce que vous voyez, vous?
M. Bélair (Christian): De visu, on parle au niveau du corps professoral, je dirais, au niveau des chargés de cours davantage, parce qu'on a un problème au niveau du renouvellement du corps professoral, au niveau des chargés de cours, il y a beaucoup... comme je dis, davantage qu'on a d'étudiants internationaux, deuxième, troisième cycles, souvent, ces étudiants internationaux, dans la mesure du possible, on va essayer de leur donner une charge de cours ou un assistant de cours, tout ça. Donc, c'est visible comme tel, maintenant je ne saurais me prononcer davantage, je n'ai pas les chiffres.
M. Moreau: O.K. Sur les tables paritaires?
M. Bélair (Christian): Sur les tables paritaires, l'exemple de Concordia, loin de dire que c'était l'exemple parfait, parce que j'ai beaucoup parlé de l'Université de Montréal à ce niveau-là, l'Université Concordia, je parlais beaucoup plus de l'association étudiante, de ce que j'en connais, que des comités sur l'université, comités d'administration. Au niveau de l'association étudiante, les débats se font évidemment depuis les événements qu'il y a. Les clubs étudiants sont partie prenante des débats, la même chose qu'à McGill aussi. Et, lorsque vient le temps de siéger sur les comités paritaires, bien on fonctionne sur un modèle représentatif.
Donc, les décisions qui sont prises, qui sont débattues, où les étudiants internationaux sont autour de la table, c'est ces décisions-là qui vont être portées et défendues via l'administration.
M. Moreau: Merci.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Laurier-Dorion.
Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. Alors, j'aimerais vous entendre à nouveau sur l'Observatoire de l'internationalisation des études. Donc, quels sont les mandats que vous croyez que l'observatoire devrait avoir, et quels types de moyens également pour rencontrer ses objectifs et sa mission?
M. Bélair (Christian): Bien, comme tel, au niveau de la recommandation 1, sur l'observatoire, en ce qui a trait au mandat défini dans la recommandation qui est de mener des recherches de pointe sur le sujet, aider le gouvernement, les institutions universitaires, centres de recherche québécois à établir les stratégies pertinentes, donc c'est essentiellement la cueillette de données, un suivi des données comme tel, et ensuite recommandations aux institutions, au gouvernement. Donc, un observatoire qui travaillerait en étroite collaboration avec le gouvernement et les acteurs du milieu tels les étudiants et professeurs. Voilà.
Mme Lefebvre: O.K. Sur un autre aspect, proposition 10, notamment. Vous proposez que le gouvernement, dans sa stratégie d'immigration, facilite et favorise l'immigration des étudiants internationaux déjà présents au Québec entre autres en simplifiant les modalités administratives. Bon. Vous avez des bureaux internationaux dans la plupart sinon tous les campus; je me demandais, est-ce qu'ils ont identifié... est-ce que vous êtes capable d'identifier des mesures qui devraient être simplifiées, des aspects qui, demain matin, s'ils étaient modifiés, pourraient faciliter énormément la vie de ces étudiants?
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(10 h 10)
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M. Bélair (Christian): Peut-être trois choses à cet égard. Première chose, bien qu'il y ait des bureaux d'étudiants internationaux sur les campus, il y a beaucoup de procédures administratives qui ne vont pas se régler ou se discuter sur les campus, qui vont se discuter justement dans les bureaux gouvernementaux. Puis, au niveau des recommandations comme telles, je mettrais peut-être l'accent sur deux. Tout ce qui sont les coûts administratifs: il arrive souvent qu'en fin de parcours académique les étudiants ont moins de moyens qu'ils en avaient au début; peut-être maintenant un peu plus avec la possibilité de travailler hors campus. Maintenant, lorsque vient le temps de faire toutes les procédures administratives, les coûts peuvent être un blocage justement à ce processus-là.
Autre chose, la question du temps comme tel: un étudiant international peut décider à la fin de son parcours ou peut décider à la dernière minute s'il souhaite rester ici, demeurer ici, ou retourner dans son pays d'origine, et il y a une question de temps ou de délai pour pouvoir rester au Québec, le temps du processus. Donc, il y a une question d'ajustement des délais, de faciliter justement, que ce soit peut-être plus rapide, ou lorsque c'est un étudiant, qu'il y ait des mesures temporaires comme telles. Donc, je vous dirais, c'est au niveau des coûts puis c'est au niveau du délai.
Mme Lefebvre: Puis je me demandais, avec la proposition 11, est-ce que les étudiants sont membres d'un comité de négociation avec le gouvernement du Québec et du Canada afin de faciliter les démarches? Puis je me demandais si vous étiez au fait des négociations pour faciliter le prolongement du permis de travail notamment puis l'établissement du statut particulier pour les étudiants internationaux?
M. Bélair (Christian): Comme tel, de mémoire, il n'y a pas de comité, à tout le moins, qui s'est rencontré récemment. Je ne sais pas par le passé, mais ce que je vous dirais, c'est qu'essentiellement c'est des relations en bilatéral. Donc, on a travaillé étroitement avec le gouvernement du Québec l'année dernière en ce qui a trait à l'implantation du travail hors campus, pour Montréal, Québec et, il y a deux ou trois ans, pour... à travers les régions puis les régions tests; et même chose pour le gouvernement fédéral, on a travaillé en étroitement collaboration avec le gouvernement fédéral, profitant même de la campagne électorale fédérale pour faire part de nos points et obtenir justement les crédits nécessaires. Donc, il n'y a pas de comité comme tel qui siège, mais il y a une étroite collaboration.
Maintenant, cette année, en ce qui a trait au suivi du travail hors campus ? je bifurque un peu sur la question; en ce qui a trait au suivi du travail hors campus ? de notre côté, on va faire le suivi avec les bureaux étudiants internationaux, les associations sur les campus et par la suite on fera nos recommandations, s'il y a des améliorations, à l'hiver ou au cours du prochain mandat.
Mme Lefebvre: Je vous remercie, c'est extrêmement intéressant. Mon collègue de Saint-Hyacinthe avait une question pour vous.
Le Président (M. Brodeur): Pour une dernière question, M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dion: Merci, M. le Président. D'abord, je veux vous remercier d'être là, et la présentation que vous avez faite, c'est extrêmement intéressant, parce que vous parlez de quelque chose que vous touchez, potentiellement de façon régulière, à cette question-là. Et je voudrais vous interroger sur une question très pointue, qui ne remet pas en cause, là, du tout la philosophie générale: Ne craignez-vous pas qu'avec une facilitation considérable, là, offerte aux étudiants étrangers de venir étudier ici, avec des frais vraiment minimes, d'ouvrir large une porte à la situation suivante, c'est-à-dire que le Québec soit utilisé simplement comme lieu de passage, où on peut passer deux ans, trois ans, on étudie dans une université peut-être entièrement en anglais, et tout ça, et après ça ça permet d'avoir un passeport pour Los Angeles, Vancouver ou Toronto? Et, dans des cas comme ça, je ne vois pas quels bénéfices la société québécoise en retirerait. Alors, avez-vous réfléchi à cette question-là?
M. Bélair (Christian): Oui. Essentiellement, les étudiants internationaux qui viennent au Québec, même s'ils ne viennent que pour un baccalauréat, le temps de trois ans, ont un apport important pour la société québécoise, dans la lutte contre le racisme évidemment. Ces étudiants-là, le contact qu'ils ont avec les étudiants québécois, c'est qu'ils apprennent la culture québécoise, et ce qu'ils vont rapporter, que ce soit à Los Angeles ou dans leur pays d'origine, c'est un apport important.
Maintenant, ces étudiants internationaux là, comme je le disais tout à l'heure, sont de plus en plus nombreux dans nos rangs. Pour la plupart, lorsqu'ils sont aux deuxième, troisième cycles, vont souhaitez demeurer ici, mais, comme je le disais, vont s'intégrer, vont faire partie de la vie québécoise, vont devenir des citoyens à part entière et vont évidemment, comme citoyens, payer des impôts, assurer la pérennité des services.
Donc, quand on regarde les chiffres, ce n'est pas nécessairement vrai que les étudiants viennent ici, ont une formation et ensuite repartent. Et, même si tel était le cas dans certains cas, mais ce n'est pas la majorité, ça en est tout de même bénéfique pour la société québécoise dans ce qu'ils apportent comme vision, comme culture.
Maintenant, c'est un peu la même chose aussi pour les étudiants québécois qui quittent à l'étranger par la suite, suite à leurs études, qui quittent, qui vont là-bas, qui vont faire connaître la culture québécoise, qui vont entretenir des liens. C'est le cas aussi lorsque c'est le temps de développer au niveau des entreprises, au niveau des collaborations. Ce n'est pas parce qu'un étudiant québécois va s'établir pour quelques années, travailler à l'extérieur qu'il n'est plus en communication avec le Québec lorsque vient le temps de faire du commerce, lorsque vient le temps de partager et de monter des... au niveau des arts, des festivals, tout ça. Même chose pour les étudiants internationaux.
Je pense que la plupart des étudiants québécois et des étudiants internationaux qui viennent ici voient maintenant cette ouverture à laquelle on est, je pense, on est tous confrontés, ouverture des marchés, mondialisation. Et ça fait partie prenante du processus. Donc, je ne pense pas qu'il y ait... il y a beaucoup plus d'avantages qu'il y a de problèmes.
Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposons. Donc, je remercie la Fédération étudiante universitaire du Québec. Et je vais suspendre quelques instants, le temps que le prochain groupe puisse s'installer.
(Suspension de la séance à 10 h 16)
(Reprise à 10 h 19)
Le Président (M. Brodeur): Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons continuer nos travaux en recevant la Table du Maghreb. Bienvenue en commission parlementaire. Je vous rappelle les règles d'audition, qui sont bien simples. Vous avez un temps maximal ? je dis bien maximal ? de 15 minutes pour présenter votre mémoire. Vous allez voir, après 13 ou 14 minutes, que je me mettrai à gesticuler pour arriver à la conclusion.
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(10 h 20)
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Et, à la suite de ça, ce sera suivi d'une période d'échange avec les membres de la commission. Donc, pour le bénéfice du Journal des débats, je vous demanderais tout d'abord de vous identifier et de prendre la parole immédiatement pour présenter votre mémoire. La parole est à vous.
Table du Maghreb
M. Chouieb (Salim): Bonjour, mesdames et messieurs. Mon nom est Salim Chouieb. Je suis membre du Centre culturel algérien à Montréal, une association qui s'occupe de tous les nouveaux arrivants en provenance de la région du Maghreb et des gens qui sont d'origine maghrébine, les Québécois et les Québécoises qui sont d'origine maghrébine qui vivent ici. Je suis en compagnie de M. Ahmed Mahidjiba, qui est le président du Centre culturel algérien.
Aujourd'hui, nous sommes ici pour vous parler d'un phénomène qui est très, très connu, qui a été à maintes reprises étudié, analysé par les médias, par les organismes communautaires et parfois aussi par les services gouvernementaux, on parle bien sûr de racisme et de discrimination à l'endroit de la communauté maghrébine. Nous avons essayé, à travers le mémoire qu'on vous a présenté, de situer un peu le phénomène du racisme qui affecte la communauté maghrébine. Et, à la fin, nous avons aussi proposé quelques pistes de solution, des éléments que nous croyons qui pourraient peut-être devenir, dans un avenir très proche, des indices vers peut-être une sortie de crise.
Donc, pour un avant-propos un peu pour résumer la situation, comme vous le savez, les Maghrébins qui viennent ici, au Québec, ils sont, dans une majorité écrasante, des gens francophones, donc des gens qui maîtrisent la langue française ou qui n'ont pas de problème majeur avec la langue française. D'ailleurs, ils ont été sélectionnés par Immigration Québec en raison de cela, en raison du fait qu'ils maîtrisent très, très bien justement la langue française. Les gens, aussi, qui choisissent de venir vivre ici, au Québec, c'est des gens qui ont, il faut le dire, des affinités avec la culture occidentale. Donc, déjà ils choisissent le Québec parce qu'il y a des affinités avec les valeurs démocratiques du Québec et parce que, il faut bien le dire, comme vous le savez, les gens qui choisissaient, à une certaine époque, la France, comme l'Europe aujourd'hui, c'est saturé d'un point de vue de l'immigration, donc les gens choisissent le Québec en raison de la langue française. Les Maghrébins s'installent au Québec, ils ne s'installent pas à Toronto, ils ne s'installent pas à Vancouver, non pas parce que c'est loin, non pas parce que c'est différent, mais uniquement en raison de la langue française. Donc, parce qu'ils maîtrisent la langue française, ils viennent ici, au Québec.
Donc, là on a dit: Ils maîtrisent bien la langue française, ils partagent les valeurs démocratiques du Québec, et c'est pour ça qu'ils s'identifient à cette province, à ce pays, à cette nation, à ce peuple, et en même temps c'est des gens qui sont diplômés. Les gens qui viennent vivre ici, au Québec, sont considérés par les pays maghrébins comme, ce qu'on appelle là-bas, faisant partie du phénomène de la fuite des cerveaux. Donc, c'est des gens qui ont été formés par les États maghrébins, sur lesquels les États maghrébins ont dépensé beaucoup d'argent, qui ont été formés, mais, en raison des conditions sociales, parfois économiques et, il faut le dire aussi, politiques, ces gens-là décident de quitter pour venir s'installer ici parce que c'est plus stable, c'est plus sécuritaire, c'est plus... socialement, c'est plus rentable pour eux, pour élever leurs enfants, etc. Donc, c'est des gens qui sont bien formés, des universitaires, que ce soit dans le domaine technique, scientifique, philosophique, enfin social et autres, c'est des gens qui sont généralement bien instruits et bien formés.
Quand on voit tous ces éléments-là, bien on se dit qu'en principe ce serait automatique, donc cette communauté-là a toutes les raisons du monde pour réussir au Québec: ils sont francophones, ils croient aux valeurs démocratiques du Québec et ils sont bien instruits. Donc, tout porte à croire que ces gens-là devraient être une communauté bien intégrée. Malheureusement, au niveau de la réalité, c'est une autre histoire. Les Maghrébins ont beaucoup de difficultés à s'intégrer au sein de la société québécoise. Et certains chiffres mêmes du gouvernement du Québec faisaient de la communauté maghrébine, l'une des communautés, par exemple, qui était le plus sur le bien-être social, pas parce que ces gens-là sont des fainéants, non pas parce que ces gens-là trouvent dans le bien-être social leur confort et leur bonheur mais parce que justement ces gens-là n'arrivent pas à trouver du travail.
Donc, on s'est posé la question: Pourquoi cette communauté-là ne réussit pas? Et, suite surtout à des observations, à des entrevues, à des interviews, à des sondages maison qu'on a faits au sein de la communauté, surtout à Montréal, on s'est rendu compte que le terme qui revient le plus, c'est «racisme et discrimination». C'est l'explication donnée par les Maghrébins eux-mêmes quand ils essaient de nous dire, quand on leur dit: Pourquoi vous n'arrivez pas à réussir? Qu'est-ce qui se passe? Qu'est-ce qui fait que vous n'êtes pas aussi intégrés que les latinos, que les Grecs, que les Italiens, que les Juifs, que les... enfin les autres communautés qui vivent à Montréal? Bien, ils nous disent: Il y a du racisme.
Mais, maintenant, quand on pousse un peu la question: Mais pourquoi donc les Québécois ou certains segments de la population québécoise seraient racistes à votre égard?, le premier point qui sort, c'est justement la religion musulmane. Et ils nous disent que malgré que la société québécoise est une société moderne, c'est une société qui croit réellement aux valeurs démocratiques, mais au fond il reste quand même un humus culturel et religieux qui est intimement lié à la chrétienté et aux valeurs judéochrétiennes, ce qui fait que ces gens-là sont parfois, puisqu'ils appartiennent à une autre religion, ils sont considérés comme un peu une menace par rapport à la culture ambiante.
Il faut dire aussi qu'il y a des événements politiques qui ont favorisé cette discrimination par rapport à la religion. Depuis les événements de septembre 2001, il y a eu une mobilisation mondiale contre l'intégrisme et contre l'extrémisme religieux, et parfois on a assisté à une instrumentalisation de la lutte contre les terroristes, qui a atteint des niveaux et des égarements, des errements qui font qu'il y a beaucoup de généralisations, d'amalgames, etc., et, au sein de la population qui n'est pas toujours capable de faire la distinction entre un phénomène politique et le phénomène religieux, eh bien ces gens-là se retrouvent comme dans une situation où on fait le lien entre musulmans... donc on fait le raccourci: musulman égale menace. Donc, par conséquent, il est discriminé, il est un peu rejeté, il est marginalisé, et ça, ça se retrouve par exemple, on l'a déjà remarqué, où quelqu'un a envoyé un C.V. à une compagnie avec le nom, par exemple, de Mohamed Untel, et il a été refusé; il a renvoyé le même C.V. en changeant seulement son nom pour Tremblay, Robert, et il a été accepté. Et, le jour où il s'est présenté justement pour son entrevue, il a expliqué à l'employeur qu'il s'agissait bel et bien de la même personne. Et ça, ça vous montre un peu que ce phénomène de racisme et de discrimination lié à la religion ne relève pas de paranoïa, ne relève pas uniquement... ce n'est pas une exagération, c'est une réalité qui est vécue par des citoyens sur une base quotidienne.
Ce phénomène de discrimination, il faut bien le dire, ce n'est pas... parfois, dès qu'on parle de racisme, dès qu'on parle de discrimination, les gens nous disent tout le temps: Oui, mais attendez, la société québécoise est une société tolérante, c'est une société ouverte, c'est une société qui est accueillante, etc. Mais personne ne dit le contraire! Mais sauf que le racisme, c'est un phénomène universel, et, là où il y a des humains, il y a du racisme. Et donc il ne faut pas se cacher ou se barricader derrière des réponses un peu toutes faites de dire: Oui, mais nous sommes tolérants, ici, au Québec, et donc, par conséquent, il n'y a pas de racisme. C'est faux. Donc, si on commence à dire comme ça, c'est déjà faux. J'ai déjà entendu, par exemple, un ministre dire que ? pas dans ce gouvernement, mais à une certaine époque; dire que ? le Québec, c'est un peu comme une forme de république, les services qui y existent sont pour tous les citoyens. Et ça, à mon avis, c'est déjà faux, parce que les services qui existent sont réellement pour tous les citoyens, mais, si un fonctionnaire ou quelqu'un, quelque part, qui a déjà, par ignorance ou par appréhension... a peur de monsieur qui s'appelle Mohammed ou qui s'appelle Abderrahman ou Abdelkadel, etc., et il l'exclut...
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(10 h 30)
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L'idée, le racisme n'est pas au niveau des principes, n'est pas au niveau des institutions, n'est pas au niveau de la culture de l'État, le racisme est au niveau du comportement des humains, et c'est pour ça qu'il faut travailler sur le comportement des humains. On n'est pas en train de dire que les lois du Québec discriminent les Maghrébins, on n'est pas en train de dire que l'État québécois est en train de discriminer les Maghrébins, non, on est en train de dire qu'il y a des personnes, il y a des segments de la population qui, par ignorance, par mégarde, par peur, ils sont les auteurs d'actes racistes.
On a essayé de comprendre aussi, au-delà de ce phénomène de la religion... Après certaines observations, il appert que déjà les Québécois, qui vivent dans un océan de culture anglaise, ils sont, eux aussi, engagés dans une lutte quotidienne pour assurer une pérennité, pour préserver la culture française. Et parfois, parce qu'on a répété plusieurs fois, au niveau des médias ou par certains politiques, etc., que l'immigration constituait une menace pour la langue française et pour la culture française au Québec, en raison surtout de la dénatalité, etc., parce que les Québécois ne font pas d'enfants, etc., et certains rapports alarmistes disent qu'avec les flux d'immigration, avec la dénatalité, les Québécois qui ne font pas de bébés, bientôt donc la langue française va disparaître, parce que les immigrants sont présentés un peu comme des envahisseurs qui arrivent avec leur bagage culturel qui va changer le patrimoine culturel du Québec... Et ça, ça pousse les gens à se recroqueviller un peu sur eux-mêmes et à dire: Oh! Ces immigrants-là sont une menace pour nous. Donc, il faut un peu comme les exclure, etc. Et pourquoi on les exclut?, c'est parce que les Québécois eux-mêmes se sentent menacés, ils ne sont pas sûrs, un peu, de leur culture et de leur langue française. Et on le comprend, parce qu'eux-mêmes sont dans un océan, comme je l'ai dit, de culture anglo-saxonne et anglaise.
On a proposé donc des choses que ? pour faire un peu court ? que nous croyons... des choses qui pourraient un peu aider. Pour la lutte un peu systématique contre les préjugés racistes et discriminatoires, d'abord il faut établir à notre avis une liste, une liste des formes de discrimination. Parce que parfois, quand on dit discrimination, ça reste confus, ça reste un peu comme dans le général. Donc, c'est quoi, une discrimination? Est-ce que le fait de ne pas... de dire à quelqu'un: Bonjour, et puis cette personne-là qui ne répond pas, est-ce que c'est une discrimination parce qu'on est un peu plus basané ou parce que cette personne-là est fatiguée? Donc, il faut faire une liste, c'est quoi, les formes de discrimination. Pour mieux cerner justement et pour mieux répondre à ce phénomène, il faut faire une liste des formes de discrimination. Et, pour faire cette liste des formes de discrimination, je crois que nous avons besoin d'un travail très sérieux. Ce n'est pas seulement de dire: Oui, le racisme: toi, tu es Noir; moi, je suis Blanc, je ne t'aime pas et donc je te fais ça, etc. Non ? très bien. Il y a donc plein de choses à faire.
Il faut aussi à notre avis mettre à contribution les personnalités connues du Québec qui sont les acteurs, les intellectuels, et qui sont généralement très, très ouverts sur les autres cultures parce qu'ils ont voyagé, parce qu'ils... parce qu'ils ont une culture un peu différente. Donc, ils sont très ouverts, ils connaissent très, très bien les autres cultures. Et ça, c'est très important. Donc, si on met ces gens-là à contribution, vu le rôle modèle qu'ils jouent, ils peuvent avoir énormément d'influence sur ça.
Il faut aussi travailler sur l'éducation des enfants à l'école, parce que, si on prépare ces gens-là à une certaine ouverture, à une certaine curiosité par rapport aux autres, je crois que, quand les enfants grandiront, ils n'auront pas les mêmes préjugés que leurs parents. Parce que, si on se contente uniquement des documentaires qu'on peut voir à Radio-Canada, etc., ou à TVA ou à Télé-Québec, moi, je ne pense pas que ça peut réellement changer les attitudes. Parce que parfois c'est... les reportages et les documentaires qu'on peut voir à Radio-Canada, à TVA et à Télé-Québec sont eux-mêmes très teintés de racisme et de discrimination.
Je vais m'arrêter ici, M. le Président. Donc, je n'irai pas plus loin. J'imagine que, dans l'échange, on pourrait bien sûr faire... ajouter plus de détails. Et voilà. Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Vous avez un complément de... à ajouter?
M. Mahidjiba (Ahmed): Disons, oui, parce que nous somme là, on représente la Table du Maghreb, qui a été créée par le ministère. C'est vrai que c'est les membres du Centre culturel algérien qui sont là, mais on représente le travail qui a été fait par la Table du Maghreb. Et une partie des recommandations que nous proposons ont été donc faites lors du dernier colloque, qui a été donc réalisé le 6 et le 7 octobre 2005. Voilà.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la ministre.
Mme Thériault: Merci, M. le Président. Merci d'être avec nous aujourd'hui, M. Chouieb et M. Mahidjiba. Merci pour vos recommandations. Effectivement, à l'intérieur de votre mémoire, on voit que vous avez pris le soin de couvrir tous les angles qui avaient été soumis dans le document de consultation. Vous avez énormément de recommandations qui sont là. Vous avez abordé évidemment différents sujets, puis on n'a pas beaucoup de temps, on a juste 15 minutes d'échange, donc on va essayer d'aller à l'essentiel et de tirer peut-être différents points.
Vous avez parlé en début d'intervention du fait qu'il y avait des gens, du moment qu'ils changeaient le «Mohamed» pour un «Maurice», que ça faisait toute une différence au niveau de l'embauche ou au moins pour l'entrevue, là. Ça arrive partout. On en entend de plus en plus. Est-ce que vous pensez qu'au même titre que le curriculum vitae québécois dans les années quatre-vingt, où nous avons retiré la table des naissances parce que c'était jugé comme étant une mesure... un élément sur lequel les gens pouvaient faire de la discrimination, soit pour une personne jeune, une femme en âge d'avoir des enfants ou une personne qui était plus près de la retraite, est-ce que vous pensez que, dans le C.V. québécois, nous devrions faire des modifications au niveau des aménagements pour justement éviter ce genre de situation là?
M. Mahidjiba (Ahmed): Merci, Mme la ministre. Moi, avant de venir au Québec, j'étais en France, et j'ai vécu trois ans là-bas, j'ai fait des études. Et donc j'ai postulé justement pour avoir un emploi en France, mais ça n'a pas marché. Et, quand je suis arrivé ici, en 1996, la première constatation que j'ai remarquée, c'était le fait que les normes pour préparer un C.V. ne sont pas les mêmes. Donc, déjà en 1996, je trouvais quand même que le C.V. donc soumis aux normes québécoises, il est beaucoup mieux que le C.V., par exemple, en France, qui quand même impose la date de naissance, est-ce qu'on est marié ou non, etc. Mais je ne pense pas qu'on arrive au degré où on va enlever le nom du C.V. Donc, ça ne va pas fonctionner.
Je pense, on peut intervenir au niveau de l'éducation des entreprises justement pour les sensibiliser comme quoi donc les immigrants, quand ils viennent ici, ils ont un certain nombre de compétences et ils peuvent contribuer au progrès et au développement de cette entreprise et de la société. Donc, c'est un travail d'éducation qu'il faut mener et non pas, je pense, de changer ou proposer aux entreprises qu'elles acceptent des C.V. sans nom.
M. Chouieb (Salim): Moi aussi, je partage son avis. Mme la ministre, je sais que parfois, au Québec, on retrouve certaines solutions, comme changer certaines choses au niveau de la loi, etc. Moi, je dis que la loi ne peut pas à elle seule changer les mentalités. La loi, c'est vrai qu'elle peut, sur le plan technique, permettre à quelques avocats habiles de trouver des solutions çà et là, etc., mais, au niveau social, ça ne donne pas de résultat.
Ce qui est important au niveau social, c'est justement de changer les mentalités. C'est de dire que, quand on accepte que... je tiens ici, par exemple, à vous dire ce qu'a dit l'ex-président de Radio-Canada. Quand on accepte ça dans une société, quand on accepte ça dans une société, c'est grave. Il faut dire que ce genre de choses, surtout quand ça vient de quelqu'un qui se dit intellectuel, qui se dit quelqu'un qui a voyagé, etc., qui a bien compris, quand on accepte ce genre de propos dans une société comme le Québec, je ne veux pas exagérer, mais on devrait criminaliser ce genre de discours. Parce que monsieur ne sait pas le tort qu'il porte à toute en communauté en racontant une chose aussi imbécile et aussi stupide. Ce sont des propos comme ça qu'on ne peut pas régler avec des lois, mais c'est... Il faut... Et c'est pour ça que je dis qu'il faut au contraire éduquer, s'ouvrir sur la culture de l'autre pour mieux comprendre, et aussi comprendre... Je sais que le Québec, sur la scène internationale, il se bat pour dire à tous les francophones que la Francophonie n'est pas la France, que la Francophonie, c'est justement la diversité culturelle. Alors, il faudrait aussi dire aussi aux francophones du Québec que la Francophonie, c'est la diversité culturelle, qu'un francophone, il peut être aussi d'origine arabe, qu'un francophone, il peut s'exprimer en français, mais il peut véhiculer une autre idée, autre que celle qui a été inculquée par l'église, ou par la mosquée, ou par la synagogue. Donc, c'est ça qui important et qu'on ne trouve pas réellement au niveau de la société.
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(10 h 40)
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M. Mahidjiba (Ahmed): Et, parmi les formes d'éducation et les programmes que nous faisons, par exemple, au sein de la communauté ? je parle du Centre culturel algérien ? on sait qu'une grande partie de la discrimination et du racisme est basée parfois, comme l'a dit Salim tout à l'heure, sur la méfiance et sur la méconnaissance de l'autre culture. C'est pour ça, et il y a aussi un travail, un double travail que nous faisons, un travail au sein de nos concitoyens québécois de souche et un autre travail que nous menons au sein de notre communauté justement pour qu'on ne tombe pas dans la victimisation, effectivement. Donc, vous connaissez, par exemple, l'activité le Couscous de la fraternité algéro-québécoise, l'objectif de cette activité, c'était ça. Comme quoi nous sommes des immigrants, et nous sommes là pour donner aussi, pas seulement pour prendre. Et d'ailleurs nous avons une radio Internet, et, à un moment donné, un Québécois, un concitoyen québécois de souche, il nous a appelés et il a commencé à critiquer justement la communauté arabo-mulsumane, et, à un moment donné, notre animateur lui a posé la question: Est-ce que vous connaissez l'Algérie? Il a dit: Oui, oui, je connais l'Algérie. Ce n'est pas à côté du Pakistan? Vous savez, donc c'est un problème. Ils ne connaissent même pas donc l'Algérie, où elle se trouve. Donc, s'il y a des associations, s'il y a des programmes qui favorisent justement l'émergence de ces cultures au sein de la société québécoise, je pense qu'on n'aura plus de préjugés. On ne va pas régler tout le racisme, mais quand même on va essayer de diminuer davantage donc la discrimination et le racisme.
Mme Thériault: Je suis d'accord avec vous qu'évidemment il y a encore beaucoup d'ignorance, qui peut engendrer de la peur et des préjugés, des tabous peuvent engendrer du racisme puis de la discrimination. C'est important de travailler sur l'éducation des gens, c'est important de partager votre culture, parce qu'effectivement il y a des gens qui ont tendance à tout confondre. Et nous savons, vous et moi, que la majeure partie des gens qui proviennent des pays du Maghreb ont choisi le Québec aussi à cause des valeurs québécoises, vous l'avez dit tout à l'heure ici, et malheureusement on a tendance à généraliser, à tout mettre tout le monde dans le même panier. Et là je vous demanderais, parce que je suis convaincue que vous avez vu probablement une très grande différence à compter du 11 septembre, des événements du 11 septembre, des impacts que ça a pu avoir au niveau de votre communauté par rapport à la société d'accueil... j'aimerais ça que vous nous en parliez, parce que ça va permettre aussi de voir l'autre côté, et je pense que, pour le bénéfice de nos auditeurs aussi, ça peut être intéressant de voir comment vous avez vécu, vous, ça. Et est-ce qu'il y a plus de racisme, de discrimination?
M. Mahidjiba (Ahmed): Oui, tout à fait, parce qu'il y a deux époques finalement. Il y a l'époque avant 2001, 11 septembre 2001, il y a l'époque après le 11 septembre 2001. Moi, je suis venu en 1996. À vrai dire, jusqu'à maintenant d'ailleurs, je n'ai pas vécu un geste de racisme apparent vraiment franc. Donc, en 1996, j'avais des amis et trouvé de l'emploi très facilement, par exemple. Et maintenant, même s'il n'y a pas... le problème, c'est que ce qui se pose après le 11 septembre, même s'il y a des compagnies qui sont convaincues par exemple qu'un Arabe, ou un Algérien, ou un Marocain, ou un Tunisien, le fait qu'il est Maghrébin n'est pas terroriste, mais... C'est-à-dire, parce que c'est une société qui fonctionne au risque zéro, ici. Donc, tout est optimal. Même dans... on le voit... donc, dans le... etc. Donc, les compagnies, elles ne veulent pas justement engager quelqu'un qui représente un doute ou qui représente même un risque, même si elles sont convaincues qu'il n'est pas terroriste. Donc, ils prennent le risque zéro, comme ça ils ne... pas des gens.
D'ailleurs, il y a des compagnies qui, par exemple, envoient beaucoup d'informaticiens ou de techniciens, qui voyagent, par exemple, un peu partout dans l'Europe, aux États-Unis, et, justement quand il s'agit d'un Arabe, il va avoir des difficultés pour voyager. On a un cas, ça fait six mois, il a été envoyé par sa compagnie, ensuite il devait prendre l'avion pour les États-Unis, il a été refusé, il est revenu à sa compagnie; quand il est revenu, on lui a dit: Non, non, non, ce n'est pas grave, ça, c'est très simple, vous pouvez prendre une voiture, vous louez une voiture et vous allez prendre donc la route. Et, quand il a pris la route pour justement entrer aux États-Unis, il a été donc capturé parce qu'il s'agit d'une fausse déclaration. Comme s'il a fui les frontières à l'aéroport, il voulait donc esquiver cette difficulté pour entrer aux États-Unis. Donc, il a été emprisonné, et ensuite la famille nous a contactés pour intervenir. On a contacté la compagnie, des avocats... c'est très compliqué. Donc ça, c'est parmi les effets justement néfastes de l'époque du 11 septembre.
Maintenant, c'est-à-dire, même si on fait... c'est-à-dire, maintenant... avant 1996, on faisait un travail pour lutter contre la discrimination, maintenant je pense qu'on va faire quatre ou cinq fois l'effort qu'on faisait avant le 11 septembre, parce qu'il y a beaucoup de compagnies qui ne veulent pas recruter des Algériens ou des Maghrébins parce que justement ils représentent une certaine difficulté pour la compagnie. Donc, c'est effectivement... donc il y a beaucoup... nous recevons beaucoup beaucoup de cas, et ce qui est grave... c'est-à-dire, les gens, quand ils viennent, par exemple, de leur pays d'origine, le problème, il y a un noyau qui se construit au sein même de la communauté. C'est-à-dire que, s'il y a quelqu'un ou quatre ou cinq personnes qui ont vécu, par exemple, des mauvaises expériences, ils sont convaincus... toutes les personnes qui viennent, par exemple, nouvellement installées ici, ils essaient de les convaincre qu'ils ne fassent aucun effort pour s'intégrer parce que c'est une société discriminatoire, ce n'est pas la peine de faire les efforts. Et ça, c'est très grave, et nous luttons contre ça aussi. Donc, ça s'est amplifié davantage après les événements du 11 septembre, effectivement.
M. Chouieb (Salim): Juste pour vous faire un petit schéma, c'est qu'avant le 11 septembre on était, en général, comme tous les Québécois, c'est-à-dire innocents jusqu'à preuve du contraire. Après le 11 septembre, nous sommes coupables jusqu'à la preuve du contraire, et ça, ça met beaucoup de gens sur la défensive. Et quelqu'un donc qui d'habitude a des comportements... Parce que je veux vous expliquer une chose. Faire la prière, pour un musulman, c'est la chose la plus banale. Faire une prière, c'est la chose la plus banale, c'est-à-dire, ce n'est pas quelque chose... ça ne fait pas de vous quelqu'un de très religieux, etc. Vous allez dans un pays musulman, vous allez voir, à midi, des centaines de milliers de gens, des millions qui font une prière; c'est tout à fait normal, parce que le phénomène religieux est encore présent dans les pays musulmans, la pratique religieuse.
Donc, ces gens-là qui arrivent ici qui, pour eux, faire une prière, c'est banal... Et, si faire une prière, ça vous met sur une liste, ça vous met déjà sur le radar de quelqu'un, vous êtes sur la défensive, vous essayez d'expliquer un comportement qui, pour vous, est banal, mais, pour l'autre, c'est suspect, ça renvoie l'image de quelqu'un qui n'est pas intégré, ça renvoie à l'image de quelqu'un qui est différent des autres, etc., donc, j'imagine qu'au départ, déjà, vous n'êtes pas sur la même ligne de départ que les autres, quoi.
Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Mme la députée de Laurier-Dorion.
Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. M. Mahidjiba et M. Chouieb, je vous remercie d'être ici. Vous avez un mémoire extrêmement intéressant, puis votre présentation aussi. Vous avez... c'est également intéressant de vous entendre, et la franchise avec laquelle vous vous exprimez nous permet de tenir des débats importants. Vous avez des propositions qui concernent presque tous les enjeux, en passant par le logement, les médias, l'aspect social, l'emploi. Donc, je pense que les propositions que vous avez apportées seront très utiles à la rédaction de la politique.
Tout à l'heure, vous avez fait mention... puis c'est un peu en continuité avec le débat qu'on tenait sur la place de la religion, puis ça, c'est un débat que tout le monde peut partager, mais... puis il n'y a pas d'absolu dans ça. Mais, au Québec, il demeure que dans les dernières années la place de la religion a été un peu écartée, puis vous avez mentionné que c'était peut-être l'attachement aux valeurs chrétiennes qui créait un choc peut-être culturel avec la religion musulmane. Mais en même temps j'ai plus l'impression que c'est l'attachement à la laïcité qui crée peut-être un choc avec la pratique religieuse. Puis, bon, peut-être les événements du 11 septembre ont fait en sorte de le mettre en relief davantage puis de porter une attention plus importante à la pratique religieuse, qui, de toute façon, dans la sphère privée, concerne chaque individu, puis ça, je pense que... En tout cas, ça fait que j'ai plus l'impression que c'est au niveau de la laïcité. Mais bref... puis ça, on devra... puis on est de plus en plus questionné sur ça, notamment l'accommodement raisonnable dans les écoles et dans les lieux de travail.
Ceci étant dit, vous avez terminé votre présentation tout à l'heure sur la place des médias, puis l'importance de leur message, puis l'influence qu'ils peuvent avoir sur la société, puis je pense que c'est fondamental, hein? Je pense que personne, en 2006, peut nous dire que les médias n'ont pas d'impact. À votre avis, qu'est-ce qu'on pourrait faire? Qu'est-ce qu'on pourrait améliorer dans nos pratiques qui pourrait changer, changer le paradigme à cet égard-là? Puis, est-ce que vous avez des exemples concrets d'aspects qui sont terribles? Bon. Vous avez mentionné le président du conseil d'administration de Radio-Canada; je partage vos propos. Je pense que c'est des citations malheureuses qui ont un impact terrible. Puis, bon, il a offert ses excuses, puis c'est tant mieux, puis maintenant, bon, je pense qu'on peut passer à une autre étape suite à la décision prise hier. Mais j'aimerais vous entendre sur la place des médias dans notre société.
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(10 h 50)
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M. Chouieb (Salim): Justement, moi, je trouve qu'il y a un lien extraordinaire entre ce que vous avez dit: le phénomène de la laïcité et le phénomène des médias. Dans la présentation, quand on a parlé de cet humus, de ce fondement, si on veut, judéo-chrétien de la culture québécoise et occidentale, ce n'était pas uniquement sur un plan philosophique, parce qu'au niveau des médias, si vous prenez Denise Bombardier, qui se dit laïque, Lysiane Gagnon, qui se dit, elle aussi, laïque, moi, je lis des éditoriaux de ces gens-là qui même se questionnent sur l'avenir de la foi chrétienne au Québec, etc. Et ça m'étonne, moi, venant de quelqu'un de laïc, parce que quelqu'un qui est laïc, il n'est pas là pour se dire: Est-ce que la foi chrétienne va bien ou va mal? Est-ce que les musulmans sont nombreux ou moins nombreux? Du moment que la laïcité, au départ, c'est la neutralité par rapport au phénomène religieux. Mais, quand je vois ces gens-là justement prendre position contre l'islam et par la suite se poser des questions sur l'avenir de la chrétienté au Québec, je me pose des questions sur la sincérité de ces gens-là au niveau de leur laïcité.
Et, moi, comme l'a dit Ahmed tout à l'heure, au niveau du centre culturel ou même dans les autres forums et associations, ce qu'on essaie de dire aux Maghrébins, c'est: Votre religion, vous la gardez chez vous, ça appartient à la sphère privée, ne la mélangez pas à la sphère publique; la sphère publique, elle appartient à tout le monde. Donc, moi, je ne veux même pas d'accommodement par rapport à la religion. Je ne revendique pas ça. La religion, je ne suis pas là pour dire aux gens: On est arrivés, faites-nous des places pour faire des prières. Ce n'est pas ça, le problème. Ça ne pose pas de problème.
D'ailleurs, le musulman, on ne lui demande pas de faire la prière à un tel endroit sinon c'est la fin du monde; c'est faux, tout cela. Ce n'est pas ça, le problème des musulmans. Le problème des musulmans, c'est qu'ils veulent un travail, élever leurs enfants et être considérés comme des citoyens à part entière et non pas des citoyens entièrement à part. C'est tout ce qu'ils veulent.
Les gens qui nous parlent de religion, d'accommodement, et tout cela, excusez-moi, c'est vraiment du baratin. C'est essayer de parler de choses qui n'intéressent qu'une infime minorité. La majorité des gens veulent avoir accès aux mêmes services, aux mêmes droits, à la même considération et au même respect.
M. Mahidjiba (Ahmed): D'ailleurs, on est qualifiés comme immigration économique.
M. Chouieb (Salim): Oui!
Une voix: ...
M. Mahidjiba (Ahmed): J'ai dit: D'ailleurs, on est qualifiés comme une immigration économique. Les gens qui ont quitté leur pays d'origine, c'est pour travailler, pour trouver un emploi. Donc, c'est vraiment les conséquences qu'on est en train de vivre, donc c'est...
M. Chouieb (Salim): Tout à fait. Il y a...
Mme Lefebvre: Mais il demeure que, si vous dites que ce discours est celui d'une infime partie de la communauté, ou bref de personnes pratiquant la religion musulmane, il demeure que ce discours est très entendu. Puis, peut-être votre perception est celle d'une minorité, mais, pour la majorité, on dirait que c'est une perception qui est très, très, très importante. Puis ça, je pense qu'il va falloir en parler plus et plus pour démystifier tout ça, que ce soit cet aspect de la revendication mais aussi l'autre aspect, de ce que sont... ? puis là on parle de la religion musulmane, on pourrait parler d'autres religions ? pour qu'on puisse bien comprendre l'autre dans sa religion.
Puis, moi, par exemple, d'expérience, je me suis déjà fait refuser l'accès à une mosquée, ou un lieu de prière, ou un temple parce que j'étais une femme, bien que des hommes politiques, dans un même événement, ont eu droit de parole. Puis ça, c'est des choses qui sont difficiles à comprendre, puis, quant à moi, inacceptables, là, parce que, si la politique rentre au Québec, bien, je veux dire, elle se fait hommes et femmes, mais... Puis ça, ce sera important d'avoir toujours un meilleur dialogue pour qu'on puisse bien se comprendre. Puis vous dites que l'aspect religieux n'est pas si revendiqué, mais en même temps il est très présent.
M. Chouieb (Salim): Moi, je vous dis que l'aspect religieux ? et je vous le répète encore ? le problème, c'est que vous dites ce que vous entendez maintenant, c'est parce qu'il y a des gens qui veulent que l'on entende que ça. Je vous donne un exemple. Quand il y a eu la crise des caricatures, etc., moi, j'ai vu un seul imam passer pratiquement à toutes les chaînes de télévision du Québec: il est passé de TQS à TVA, à Radio-Canada, et puis c'est la même personne. Cette personne n'a été mandatée par personne pour parler au nom de tous les musulmans; ce sont les médias qui ont choisi cette personne-là et qui l'ont imposée comme porte-parole de la communauté musulmane.
Ce que vous avez vécu dans cette mosquée-là, moi, à votre place ? à votre place ? j'irais chercher les leaders de cette communauté, qui parlent justement à la télévision, cet imam-là, j'irais le chercher et je lui dirais justement de me laisser rentrer dans cette mosquée parce que c'est ça, le Québec.
C'est parce que justement, les gens, quand ils parlent de la communauté musulmane, ils essaient de présenter ça comme une tribu; c'est comme si, tous, on réfléchissait puis on pensait de la même manière, puis on a les mêmes idées, puis on a les mêmes valeurs. Ce n'est pas vrai. C'est faux. C'est faux. On n'est pas les mêmes. La communauté musulmane, il y a des Pakistanais, il y a des Philippins, il y a des hindous, il y a des Égyptiens, il y a des... Moi, je vous dis, moi, je suis d'origine algérienne et je n'ai jamais rencontré ces gens-là ailleurs qu'au Québec. Donc, ils sont musulmans comme moi, mais, moi, je n'ai jamais rencontré un Libanais en Algérie, je n'ai jamais rencontré quelqu'un qui venait du Bangladesh en Algérie. Donc, on est différents: on ne parle pas la même langue, on ne mange pas la même chose, on n'a pas les mêmes habitudes.
Donc, le fait de dire que les musulmans sont tous pareils, puis tout d'un coup il y a quelqu'un qui parle au nom de tout ce monde-là, c'est faux. Il faut aller chercher les vrais leaders et puis justement il faut favoriser ? c'est ça que je n'arrive pas à comprendre; il faut favoriser ? les gens qui tiennent un discours qui va justement dans le sens des valeurs démocratiques du Québec. Si on favorise ces gens-là, si on leur donne la possibilité de développer leur travail, ils vont devenir une source importante pour toute la communauté. Maintenant, si vous voulez rendre un imam populaire et si vous voulez faire d'un imam qui était jusque-là ignoré par tout le monde une vedette, il est tout à fait normal que les gens vont se dire: Bien, tiens, s'il passe à la télévision, ce gars-là, il peut être intelligent, quand même!
Mme Lefebvre: Puis on revient au rôle des médias, tu sais.
M. Mahidjiba (Ahmed): Bien, ce qui arrive, c'est ça. Ce que je voulais dire, c'est au niveau du choix des interlocuteurs donc, c'est ça, le problème. Parfois, on se pose la question: Quels efforts ont faits ces médias pour choisir une telle ou une telle personne? Nous, on se pose la question. Alors que, pour d'autres communautés, vous trouvez des gens qui parlent bien, qui raisonnent bien, etc., alors que, pour la communauté musulmane, on... Parfois même, moi, j'habite le même quartier... dit: Lui, c'est l'imam du quartier où j'habite, ou ce serait... Vous voyez. Donc, même les médias, ils jouent ce rôle-là. C'est comme si, par exemple, ils ne choisissent pas les personnes appropriées pour répondre justement aux questions donc appropriées. Donc, c'est ça, le problème. Même, si vous avez remarqué, dans les médias, toutes les personnes qui sont invitées, au lieu d'exposer la culture musulmane et la culture arabe, etc., ils sont toujours en défensive. Donc... en plus, l'autre aspect aussi: Aussi, même si la majorité, par exemple, comme l'a décrit Salim, il y a parfois, quand on sent qu'on est discriminé, parfois il y a une certaine provocation dans la société, on commence des fois à défendre ses valeurs aussi. Donc, voilà cette... Comme, par exemple, ce que, pour l'affaire Télé-Québec, avec le franc tireur, là, quand il a insulté la religion musulmane, tout le monde se sentait quand même concerné. Parce que, moi, personnellement, ma fille m'a donc... Moi, la personne qui travaille dans la communauté et qui dit que: Non, une partie de la discrimination est basée sur notre dos, etc., ma fille m'a dit qu'il y a une Québécoise qui a étudié avec elle lui a dit que... ses parents lui ont dit: Tu ne parles jamais avec l'Algérienne. Écoute... Donc, quand elle m'a posé cette question, je n'ai pas trouvé de réponse, parce qu'elle a été ridiculisée justement par un propos à travers une télévision publique, et ça, c'est très dangereux.
Moi, je veux dire, j'essaie... Moi, ma fille est née ici, j'essaie quand même de lui inculquer donc les valeurs québécoises, etc., l'ouverture. Alors, ma fille fait des exposés dans l'école sur justement l'Islam, etc. Et, à un moment donné, elle se sentait: Pourquoi ils me traitent comme ça? Pourquoi une telle personne, elle ne veut pas me parler pendant deux semaines? Donc, qu'est-ce qu'on a fait? Et ça, c'est très dangereux, et surtout quand ça vient d'une télévision publique. Parce que c'est vrai, quand il s'agit d'une télévision privée, on peut mettre ça sur le compte du privé. Mais, quand les gens paient leurs taxes pour être insultés, ça, c'est très grave, par exemple. Là, le gouvernement, il pourrait faire quelque chose.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Donc, nous allons passer à une question du côté ministériel, où il reste un temps de quatre minutes; quand nous reviendrons, tantôt, un peu moins de trois minutes à l'opposition. Donc, M. le député de Charlesbourg.
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(11 heures)
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M. Mercier: Merci, M. le Président. Messieurs, bienvenue à l'Assemblée nationale. Je dois vous dire que c'est plus que rafraîchissant de vous entendre. Je dirais que la franchise de votre témoignage nous amène à l'évidence, parce que vos concepts semblent si clairs, si bien expliqués, et également vos pistes de solution, qu'on se demande encore pourquoi ? et ça, je le répète souvent en introduction lors de mes interventions; on se demande souvent pourquoi ? des modèles comme vous... parce que vous vous distinguez quand même, vous venez ici présenter un mémoire au nom d'une communauté, si on veut, mais en même temps en pointant un problème précis qui est le racisme et la discrimination. On se demande encore pourquoi tant de gens qui se distinguent, comme vous, ont de la difficulté encore à faire circuler ces concepts au sein de notre population.
Et, là où le bât blesse encore ? et c'est le but de ma question, compte tenu que le temps file ? vous expliquiez tout à l'heure que le 11 septembre venait marquer une étape décisive dans le fond, l'après et l'avant 11 septembre, en ce qui concerne la discrimination et le racisme ici, au Québec, et ma question est que vous pointez dans votre mémoire, qui en passant est très bien rédigé et qui ne pointe pas seulement des problèmes de façon en silo mais plutôt de façon linéaire... Pour vous, l'éducation semble également être une façon de pouvoir rendre moins contagieux la discrimination et le racisme, mais en même temps cela relève de nos jeunes et de notre relève québécoise. Alors, selon vous, est-ce un problème générationnel ou une contagion entre certaines générations donc? Est-ce que selon vous il y a de l'espoir chez nos jeunes afin que le temps finalement fasse, comme disait Mitterrand, fasse son temps?
M. Chouieb (Salim): Merci. Je dois vous dire, pour vous et aussi pour... moi aussi, j'adore vraiment votre franchise, parce que c'est ce qui est important. Vous savez, quand on parlait d'éducation, quand j'étais à l'école, notre professeur nous disait une chose, il disait: Vous savez, quand on est à l'école, on est tous socialistes ou communistes parce qu'on est révolutionnaires, on veut changer les choses, etc. Mais, dès qu'on a notre diplôme, on devient capitalistes. Et à l'époque je riais de ce professeur-là, mais je crois qu'il a raison, il a beaucoup raison.
Donc, vous savez, les élèves, tant qu'ils sont à l'école, ils jouent ensemble, ils étudient ensemble, ils peuvent faire plein de choses ensemble, mais, dès qu'ils sortent de cette école-là, ils commencent, si vous voulez, à devenir des citoyens politiques. À ce moment-là, ils sont un peu comme repris par une culture ambiante qui les pousse à avoir des idées et à adhérer à des idées. Parce que par la suite, c'est un peu comme la concurrence, on se bat tous pour avoir un emploi, donc, quand il y a de la concurrence, on a tendance généralement à accuser l'autre concurrent d'avoir volé, d'avoir triché, etc., et puis, si cette personne-là vient de loin, bien on a toutes les raisons pour lui dire que c'est cette personne-là qui est coupable.
Donc, c'est pour ça que je dis que... C'est vrai qu'il y a de l'espoir par rapport aux jeunes, parce que le Québec est en train de changer, il est en train de changer pas uniquement au niveau de la démographie, au niveau de la culture, mais il est en train de changer par rapport à la culture générale, puisqu'il est en train d'avancer vers une culture plus universelle, des valeurs un peu plus mondiales. D'ailleurs, on voit que le mouvement altermondialiste est très, très fort ici, au Québec, etc. Mais en même temps nous disons qu'il ne faut pas dormir un peu sur ses lauriers, il faut travailler. Et je crois que le travail d'éducation est très, très, très important, parce qu'avec le travail d'éducation non seulement on empêche les gens d'avoir des attitudes racistes, mais on les pousse à devenir réellement tolérants.
Parce qu'il faut bien l'admettre aussi, il y a une différence entre être tolérant et être indifférent. Et l'indifférence, c'est le cas de beaucoup de gens. Moi, c'est ce que je dis à nos amis québécois, parce qu'ils me disent: Ah, vous savez, nous, on est tolérants, je leur dis: Non, non, non, vous êtes indifférents. C'est-à-dire vous êtes indifférents dans le sens où vous vous foutez pas mal de ce qui se passe dans la cuisine de l'autre, à condition qu'il ne vienne pas jouer dans votre cour. Mais, dès le moment où il est dans votre cour, vous n'êtes plus tolérants, vous êtes... Donc, il y a une différence indifférent et tolérant. Nous, ce qu'on veut avec ça, ce qu'on espère, c'est réellement devenir tous tolérants, c'est-à-dire c'est comprendre les autres. Puis, tolérer, ce n'est pas supporter, ce n'est pas être patient avec quelqu'un, ce n'est pas ça. La tolérance, c'est comprendre le geste de l'autre. Comme je disais tout à l'heure, une prière, c'est banal pour quelqu'un. Pour quelqu'un d'autre, ce n'est pas banal, ça signifie quelque chose, ça renvoie à une image, etc., c'est un référentiel culturel qui est différent.
Donc, l'éducation, elle est, à notre avis, extrêmement, extrêmement, extrêmement importante. Et, cette éducation-là, on peut la faire au niveau de l'école et on peut la faire, on peut s'adresser aussi, pour les adultes, c'est pour ça qu'on a axé un peu notre travail sur les médias, parce qu'on pense que les médias aujourd'hui, c'est le creuset culturel de tout le monde, c'est là où tout le monde apprennent un peu ce qui se passe dans les autres pays, c'est quoi, la culture des autres, etc. Et c'est ça qui est grave aujourd'hui.
Au niveau des médias, je ne sais pas si vous l'avez remarqué, quand il y a eu l'événement tragique au collège Dawson, tout de suite après on a vu des articles dans les médias pour dire: Attention! Il ne faut pas mettre tous les gothiques dans le même sac que cette personne-là, les gothiques sont différents, oui, mais ça va, il ne faut pas faire la généralisation, etc. Mais on n'a jamais vu ça par rapport aux musulmans. Ce qui est grave, à mon avis.
C'est-à-dire que le musulman, bien au contraire, on va voir des reportages qui vont nous montrer que le musulman c'est quelqu'un de violent, c'est quelqu'un qui va tabasser sa femme, c'est quelqu'un qui va... Moi, je vais vous donner, comme ça, une petite... pourquoi je vous dis que parfois, au niveau des lois, c'est même ridicule. J'ai parrainé ma femme, et ma femme arrive ici, donc je l'accompagne pour chercher sa carte d'assurance maladie. Et la fonctionnaire m'explique que «votre femme n'aura pas droit donc à une couverture médicale avant trois mois». «Par contre, si elle est enceinte ou si elle est victime de violence conjugale, elle aura droit à cette couverture médicale.» Je lui ai dit: Donc, vous êtes en train de me dire que, ça y est, puisqu'elle a la couverture médicale, je peux la tabasser, quoi? Je ne serai pas obligé de payer de mes poches? Donc, il y a des choses, au niveau de la culture, qui rendent la chose un peu incompréhensible. Mais c'est quoi de dire: Vous n'avez pas droit à cette couverture médicale, seulement si vous êtes enceinte ou si vous êtes victime de violence conjugale? C'est parce que quelque part vous avez compris que statistiquement les immigrants sont violents, et que c'est... C'est ça qui rend la chose un peu... C'est pour ça que je dis qu'il faut faire un travail d'éducation. Ce n'est pas vrai. Ce n'est pas vrai que tous les immigrants sont des gens honnêtes. Ce n'est pas vrai. Les immigrants sont comme tout le monde. Il y a des gens honnêtes, il y a des gens qui ne sont pas honnêtes. Il y a des gens qui sont compétents, il y a des gens qui ne sont pas compétents. Il y a des gens qui sont ouverts, d'autres qui ne sont pas ouverts. Il y a des gens qui profitent, d'autres qui ne profitent pas. C'est des gens ordinaires, comme tout le monde. C'est des humains, c'est la race humaine. Le comportement que vous avez, vous, nous l'avons, donc il n'y a absolument rien d'autre. Voilà. J'ai terminé.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Terrebonne, pour une dernière question.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup. Effectivement, votre présentation est extrêmement intéressante, les propositions dans le mémoire aussi, et je pense que votre dernière proposition vient bien situer le débat, quand vous dites, page 14: «Il y a lieu d'offrir aux immigrants des programmes de sensibilisation: À l'histoire du Québec, au poids de la tradition chrétienne et à la forte sécularisation de la société actuelle qui expliquent en grande partie les réactions négatives et le malaise suscités par la forte expression religieuse de certaines minorités sur la place publique et leurs revendications.» Il faut sensibiliser les immigrants, mais il faut aussi sensibiliser les Québécois et les Québécoises à cette réalité qu'effectivement c'est certaines minorités. Et, je pense, dans nos discours, constamment on a rappelé aussi que la... et j'y crois profondément, la très grande majorité des musulmans expriment ce que vous nous avez exprimé, mais on ne les entend pas sur la place publique. On entend exclusivement la minorité qui effectivement, au niveau de la religion, amène des réactions importantes par rapport aux Québécois, parce que, pour eux, c'est vraiment privé, et les réactions sont vives aussi... des valeurs qu'on défend d'égalité de fait entre les femmes et les hommes. Donc, c'est les deux éléments qui viennent le plus choquer, mais c'est vraiment une minorité.
Et la question que je vous pose, M. Mahidjiba ? vous êtes un excellent porte-parole de la grande majorité musulmane ? et souvent ce qu'on dit: Pourquoi on n'entend pas les leaders de cette grande majorité là? Est-ce que c'est vraiment au niveau des médias, qui vraiment ne veulent absolument pas qu'on puisse vous entendre? Et souvent ça revient, à chaque fois qu'il y a un événement, souvent ça revient: Pourquoi on n'entend pas la grande majorité des musulmans, qui sont tout à fait différents et qui effectivement sont très, très bien puis ont choisi de venir vivre ici, au Québec, pour ces valeurs-là?
M. Mahidjiba (Ahmed): ...madame, que, par expérience, c'est à cause des médias. Je vous donne un exemple. Nous, chaque année, comme j'ai dit tout à l'heure, on organise une activité, qui est très vaste, qui est... c'est des familles algériennes qui préparent des repas chauds aux sans-domicile fixe de l'Accueil Bonneau, et, à chaque année... Au fait, au Centre culturel algérien, il n'y a pas de salarié, tout le monde est bénévole. D'ailleurs, moi aussi, moi, aujourd'hui, et Salim, nous sommes bénévoles, nous avons pris des journées justement pour être présents aujourd'hui. Et nous chargeons à chaque fois des personnes pour qu'elles fassent des efforts un mois à l'avance pour inviter les médias, pour qu'ils soient présents dans cet événement. Mme la ministre, chaque année, donc elle est présente. Croyez-moi, les médias ne viennent pas.
Mais, par exemple, il y a quelques semaines seulement, le cinquième anniversaire du 11 septembre, nous avons été inondés par des sollicitations des médias pour qu'ils nous demandent justement des reportages et notre témoignage, etc. Et, les mêmes personnes, nous les avons contactées, elles ne répondent pas.
Donc, c'est comme s'il y a une mentalité sélective, c'est-à-dire, c'est comme s'ils vont nous donner du crédit si jamais ils vont couvrir le Couscous de la fraternité algéro-québécoise. Et pourtant l'objectif premier de cette activité, c'est dissiper les préjugés. C'est justement montrer un côté humain de la communauté maghrébine au sein de la société québécoise. Mais ils ne viennent pas. Mais je reçois des dizaines de messages s'il y a, par exemple, un problème.
Tout à l'heure, Salim, il a cité l'événement malheureux de Dawson. Ce jour-là, quand ils n'ont pas... au moment où ils n'ont pas su la personne, il y avait des milliers de musulmans qui faisaient des prières pour que ce ne soit pas un musulman, tellement on était...
J'avais, moi, un ami qui travaille. Il disait: J'espère qu'il ne soit pas un musulman. Il m'a gêné. Donc, juste pour vous dire que les médias jouent un grand rôle justement pour que ces gens-là soient entendus dans le public. C'est très important. Nous n'avons pas les moyens pour justement faire entendre ce que nous pensons aux gens. Mais nous le faisons à chaque fois qu'il y a, par exemple, une occasion comme aujourd'hui. Donc, c'est ça, la réalité.
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(11 h 10)
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Le Président (M. Brodeur): En conclusion.
M. Chouieb (Salim): Je vais conclure. La conclusion, je vais continuer. Donc, la réponse, ce sera la conclusion. Je crois qu'il y a une hypocrisie totale et absolue au sein des médias québécois concernant les musulmans.
Moi, j'ai déjà... On m'a déjà appelé pour intervenir au niveau des médias, à Radio-Canada, et je vais vous dire qu'est-ce qu'on me demandait: Est-ce qu'on peut, puisque, moi, je suis une télévision et, une télévision, on a besoin de visuel, est-ce qu'on peut vous filmer en train de faire votre prière?, et après on fera une... Madame, je vous le jure, je ne vous raconte pas d'histoires!
Et j'ai dit à tous ces journalistes-là: Premièrement, la prière, c'est comme faire l'amour, donc c'est intime. Je ne vais pas vous permettre de me filmer. Et, deuxièmement, les musulmans ne passent pas leur temps à faire la prière. Ils se lèvent le matin, comme tout le monde, ils ramènent les enfants à la garderie, ils vont aller au travail, ils passent toute la journée au bureau et ils retournent, le soir, fatigués, ils vont dormir, comme tout le monde. Ils ne passent pas la journée à faire la prière. Ce n'est pas vrai, ça.
Et donc les médias, je vous dis qu'il y a une hypocrisie totale par rapport aux musulmans. Pourquoi? Parce que ça renvoie à des clichés qui sont là. Et donc, eux, parfois ça les aide. Allez, oui, musulman, il faut le montrer avec turban. La femme, elle est là, elle ne parle pas, avec le voile sur la tête, puis elle est idiote puis, lui, il est violent, etc. C'est ça, l'image du musulman. Et, dès qu'ils sont en présence de quelqu'un qui n'est pas comme ça, il va... qu'est-ce qu'ils vont dire? Ah! Toi, tu n'es pas comme les autres. Mais ce n'est pas vrai, ça, «toi, tu n'es pas comme les autres». Mais qui sont les autres, etc.? Et, si vous avez remarqué, on utilise un peu des phrases génériques. C'est toujours les «on», c'est-à-dire personne, «eux», «les autres», c'est-à-dire toujours personne. Et donc on se cache derrière «on», «autres», «eux». C'est toujours au pluriel, c'est toujours renvoyé à quelqu'un qui n'est pas présent. Donc, il y a une hypocrisie totale.
Et, comme disait Ahmed tout à l'heure, ce qui est grave... Moi, quand je regarde, en France, TF1 ou, ici, TVA ou TQS, je ne m'attends pas à de l'intelligence au niveau de ces postes-là. Je vous assure, je ne m'attends pas à cela. Je ne le demande même pas. Mais, quand je suis sur Télé-Québec ou sur Radio-Canada et puis j'entends quelqu'un raconter des saloperies, je me dis: Bien, comme disent les Québécois: Un instant! Je paie, moi aussi, des taxes. Donc, c'est moi qui paie ton salaire, et puis là, le soir, j'arrive chez moi, j'ouvre ma télévision, tu es là en train de m'insulter. Mais c'est grave!
Mais donc c'est ça qu'il faut faire. Il faut trouver, au niveau du CRTC ou, je ne sais pas, moi, d'autres moyens, des façons. Je dirais même, comme on permet ici aux gens, au Parlement, de venir parler, réservez des temps d'antenne pour les communautés, pour qu'ils viennent parler, pour qu'ils viennent présenter. Je ne sais pas si le ministère, par exemple, des Communautés culturelles, s'il pouvait financer une émission qu'on appellerait Escale ethnique ou technique, ou je ne sais pas quoi, où on présenterait toutes les communautés, à Télé-Québec, sur un visage de culture.
Ce n'est pas uniquement parce qu'à chaque fois qu'on parle des arabes, on nous ramène du couscous. Ce n'est pas du couscous, mais c'est ce que je... ou bien des prières. À chaque fois qu'on nous parles des hindous, c'est le «chicken Tandori». Mais ce n'est pas vrai! Il y a d'autres choses. Donc, laissez ces gens-là parler au moins de leur... c'est-à-dire de leur culture. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Brodeur): Bien, nous vous remercions beaucoup. C'était fort intéressant. Donc, je vais suspendre quelques instants, le temps que Coffret-Laurentides puisse s'installer.
(Suspension de la séance à 11 h 14)
(Reprise à 11 h 16)
Le Président (M. Brodeur): S'il vous plaît! Nous allons continuer nos travaux, et nous accueillons Coffret-Laurentides. Donc, bienvenue en commission parlementaire. Ce n'est peut-être pas votre première expérience en commission parlementaire?
Coffret-Laurentides
Mme Chaloux (Line): Non. Je voudrais excuser l'absence de Mme Mladenka Ursulovic qui, pour des raisons professionnelles, a été retenue à Saint-Jérôme aujourd'hui, mais elle aurait bien aimé être parmi vous. Et elle vous présente toutes ses salutations.
Le Président (M. Brodeur): Parfait. Donc, je vous rappelle les règles. Vous avez un temps maximal ? je répète: maximal ? de 15 minutes pour présenter votre mémoire. Ce sera suivi d'une période d'échange avec les membres de la commission. La parole est à vous.
Mme Chaloux (Line): Bien, merci infiniment. Je suis très heureuse d'être parmi vous. Bien, la mise en contexte qu'on a présentée dans le mémoire fait en sorte de présenter ça un peu comme si on était plus du côté de la société d'accueil aujourd'hui, malgré le fait que vous savez que le Coffret travaille énormément avec les nouveaux arrivants, et on travaille beaucoup à leur intégration. Mais on est témoin depuis quelque temps d'une levée dans la population, d'une résistance à l'intégration, et il était très important pour nous de venir vous en parler.
Alors, on a une levée qui est due au fait... où les gens, de plus en plus ils s'aperçoivent qu'il y a une fragilité au niveau de l'identité québécoise. Et d'amener ainsi une politique, là, de promotion pour les droits des nouveaux arrivants, bien ça a levé, là aussi, une résistance parce que les gens considéraient que leurs droits à eux n'étaient pas toujours reconnus. Et c'est dans cet esprit-là que nous avons l'intention, là, de vous présenter les recommandations. Alors, c'est sûr qu'on observe aussi qu'on n'a pas eu à intervenir sur des situations... une montée de racisme dans les écoles, et tout ça, ce n'est pas ça, mais ce sont des cas qui, dans la région des Laurentides, se font de plus en plus sentir et qui se retrouvent de plus en plus aussi dans les journaux locaux, face à la population chinoise, qui est de plus en plus présente, face aux Juifs aussi, qui sont de plus en plus chez nous et qui ont une difficulté d'intégration.
Alors, entre autres, dans les gens avec qui on collabore... Vous savez, pour réussir à faire ce qu'on fait, on travaille avec la population et avec énormément de bénévoles. On a des interventions dans les écoles et dans les maisons de jeunes, auprès des personnes âgées, et c'est dans ces espaces-là qu'on recueille des informations qui parfois nous inquiètent et qui nous appellent à intervenir d'une nouvelle façon face à l'intégration. Et c'est ce qui nous a amenés aussi à faire les recommandations que vous retrouvez dans notre mémoire. Alors, j'aimerais ça passer tout de suite aux recommandations, peut-être que par la suite, si vous voulez d'autres explications, j'irai, mais je voulais passer tout de suite, là.
Alors, entre autres, au niveau de la première recommandation, au niveau d'un pacte social québécois, bien je pense qu'il serait très important au Québec qu'on ait, soit sous la forme d'une constitution au Québec, mais qu'on ait quand même des outils législatifs pour défendre les droits des communautés, et je pense que ça rassurerait la population puis ça permettrait aux gens d'être plus solidaires avec les gens qui arrivent et qui ont à s'intégrer à cette constitution-là. L'absence de condition et l'absence d'un droit réel des communautés fait en sorte de fragiliser de plus en plus le besoin des gens de s'identifier à leur culture québécoise.
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(11 h 20)
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Dans un deuxième temps, pour fortifier les communautés qui ont à accueillir les nouveaux arrivants, bien nous pensons qu'il est important aussi qu'il y ait une consolidation puis une fortification de l'identité de nos communautés, et c'est autour... on parlait tantôt du virage séculaire du Québec depuis la Révolution tranquille. Bien, il demeure qu'en région, dans les villages, il y a même... il y a un terme que le gouvernement a institué dernièrement, qui est la déstructuration de certains villages. Alors, quand on parle de ce langage-là, pour les gens de ces milieux-là, c'est de plus en plus inquiétant et fragilisant en même temps. Alors donc, nous, ce qu'on propose, c'est de faire en sorte de valoriser l'identité des gens dans leur collectivité et, pour ça, c'est de faire en sorte que les églises qui se vident deviennent quand même des lieux où on développe une identité collective qui va favoriser la solidarité et aider à l'intégration des nouveaux arrivants.
Au niveau des classes d'accueil, bien on considère que c'est très important qu'en région il y ait des classes d'accueil pour les nouveaux arrivants et que, dans ces classes d'accueil là, on puisse faire en sorte de favoriser l'intégration et la connaissance, là, de la culture québécoise et que, cette culture-là, les valeurs québécoises soient aussi mises en valeur auprès des jeunes Québécois. Et, pour ça, bien je remercie le gouvernement: avec la réforme qui s'en vient au niveau de l'éthique et des sciences religieuses qui va être établie dans les écoles, on travaille, nous, avec les commissions scolaires de notre région à l'application de ces mesures-là, et ça va vraiment être quelque chose qui va aider.
Ensuite, on considère aussi qu'il serait très important qu'il y ait, au niveau de la formation des gens qui vont devoir donner des prestations de service, qu'il y ait un volet sur la diversité culturelle et sur l'identité collective, pour que ces gens-là, ces intervenants-là, autant au niveau collégial qu'au niveau universitaire, aient les habilités pour intervenir en milieu multiethnique. Et finalement, considérant, là, que les organismes de soutien aux nouveaux arrivants ont un rôle très important au niveau de la dynamique locale et régionale dans ces interventions-là, bien il serait important que le ministère puisse... qu'il y ait des investissements qui soient faits pour que le financement de la mission globale des organismes soit soutenu par le ministère.
Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Mme la ministre.
Mme Thériault: Merci, M. le Président. Merci beaucoup d'être avec nous ce matin, Mme Chaloux. Je sais que le Coffret fait un travail extraordinaire dans les Laurentides. Vous êtes un des organismes sur lesquels on peut réellement compter. Je me suis sentie très, très interpellée par certaines choses que vous avez écrites dans votre mémoire. Et vous en avez fait mention notamment par rapport à certaines communautés qui se ghettoïsent et qui ne s'intègrent pas. Et ça, j'aimerais ça que vous en parliez un petit peu, parce que vous savez qu'au Québec on a fait le choix de la diversité dans nos politiques d'immigration, on a des gens qui proviennent de 165 communautés et pays différents, à Montréal évidemment, peut-être que ce n'est pas le reflet dans les Laurentides... 75, hein, dans les Laurentides c'est quand même près de la moitié, donc il y a une très grande diversité.
Et, moi, ce qui me préoccupe comme ministre, c'est que je sais très bien qu'il y a certaines communautés qui peuvent s'intégrer beaucoup plus facilement, pour nombre de raisons, qui vont s'intégrer plus facilement, et il y en a d'autres, ça va être effectivement peut-être un peu plus difficile. Sans vouloir stigmatiser une communauté plutôt qu'une autre, je pense que c'est intéressant de regarder l'angle avec lequel il y a des interventions spécifiques que l'on doit faire dans certaines communautés pour éviter la ghettoïsation. J'aimerais ça vous entendre parler là-dessus, parce que, bon, votre dernière recommandation, vous demandez plus d'argent pour les organismes pour faire votre mission, c'est correct, mais, à partir du moment où vous dites qu'il y a des communautés qui se ghettoïsent et qui se retirent, qui ne sont pas là, même si on vous donne plus d'argent, comment on va faire pour aller chercher ces communautés-là? J'ai un peu de... j'ai de l'interrogation, puis j'aimerais ça vous entendre là-dessus.
Mme Chaloux (Line): D'accord. Alors, bien sans les nommer, mais il va bien falloir les nommer...
Mme Thériault: Non. Bien, c'est comme vous voulez, là.
Mme Chaloux (Line): Écoutez, dans les Laurentides, on est une des régions où il y a, après Montréal, où il y a le plus de Juifs, entre autres, et la communauté juive, c'est une communauté qui n'a pas une aspiration d'intégration et nécessairement pas une volonté d'intégration, ce sont des gens qui vivent entre eux. Dans la ville de Boisbriand, ils ont même demandé à être indépendants de la ville pour devenir une ville juive, ce qui a été refusé, et il est très difficile d'avoir des contacts avec cette communauté-là. Même pour la majorité de la population, c'est impossible d'aller dans le village juif, dans cette communauté-là, de circuler. Nous, nous avons eu des relations avec eux il y a une dizaine d'années, en leur disant: Écoutez, on voudrait être capables de vous présenter à nos enfants, et on aimerait que vous puissiez parler de nous à vos enfants pour que, dans 50 ans, nos enfants ne se tirent pas dessus. Puis, quand on regarde la mondialisation, quand on regarde les conflits, avec quelle facilité les conflits sont généralisés sur le territoire, ça devient inquiétant, dans notre région, de voir l'augmentation de cette population-là qui ne s'intègre pas et qui pourrait, on l'a vu ailleurs, amener leur problématique au sein de nos communautés. Alors, pour nous, c'est très important de développer des contacts avec eux.
Pour ce qui est de cette communauté-là, on travaille... on a mis sur pied un comité interreligieux qui vise à collaborer et à véhiculer la valorisation de la diversité religieuse, mais encore faut-il que les interpellés puissent y participer. Alors, on a eu de la formation tout au cours de l'année ? entre autres M. Pierre Anctil, de votre ministère, là, qui était déjà chez vous, est venu chez nous donner de la formation ? et on a développé des outils pour donner de l'information et de la formation en milieu scolaire, au niveau des institutions qui ont à donner des services à ces communautés-là, mais on n'a toujours pas pu rencontrer ces gens-là. Alors, c'est sûr qu'il y a comme une barrière: on a beau travailler avec la société d'accueil, avec les éléments, mais, pour s'intégrer dans cette... pour avoir un lien significatif, c'est très difficile.
Ensuite, une des autres communautés, qui n'est pas nécessairement une communauté, mais ce sont les Chinois qui arrivent chez nous et qui ne parlent pas français; certains parlent très peu anglais. Ce sont des gens d'affaires, et ils sont vraiment en affaires, et ils réussissent bien. Ils ont acheté à peu près tous les dépanneurs de la région des Laurentides, et ils se retrouvent avec un surplus de travail, qu'on comprend, qui fait qu'ils ne vont jamais suivre les cours de français, on ne les retrouve pas dans les classes de francisation. Et eux aussi vivent un peu comme dans une exclusion, ils ne participent pas à la vie sociale. Et on s'est retrouvés, à Sainte-Adèle, avec un conflit dernièrement qui a fait la première page des journaux et où il y avait des propos très racistes envers cette communauté-là, ce qui est très dommage.
Dommage d'autant plus que je pense qu'au Québec et au Canada je ne sais pas quand on va être capables de faire un mea culpa vis-à-vis cette communauté-là, mais vous savez qu'au début du siècle passé il y avait énormément de Chinois dans nos régions qui ont participé au développement, à la construction des chemins de fer, et que les lois fédérales faisaient en sorte que ces gens-là n'avaient pas le droit de faire venir leur famille. Donc, ils ont participé au développement de nos régions, mais, pour la plupart, ils sont retournés en Chine parce qu'ils ne pouvaient pas faire venir leur famille, et on s'est retrouvé à une période où il n'y avait plus de Chinois en région, et là, tout d'un coup, ces gens-là reviennent et il y a encore une difficulté d'intégration. Moi, je pense qu'on devrait avoir une préoccupation face à l'intégration de cette communauté-là.
Mme Thériault: Est-ce que vous pensez nommément, pour cette dernière communauté, la communauté chinoise, bon, parce que vous dites: Ils n'ont pas le temps d'apprendre le français parce qu'ils travaillent... et, bon, on sait qu'ils travaillent beaucoup, est-ce que vous pensez que, s'il y avait à leur disposition les nouvelles technologies, exemple, la francisation par Internet, qu'on pense à utiliser ce nouveau mode de technologie là, ça leur permettrait de pouvoir apprendre ou avoir des notions de français à leur rythme?
Mme Chaloux (Line): Je pense qu'il faut innover, c'est certain, là, il faut trouver une nouvelle façon. Parce que, nous, on a essayé toutes sortes de choses. Là, au cégep de Saint-Jérôme, il y a 10 classes de chinois, alors il y a plus de Québécois dans notre région qui veulent apprendre le chinois que de Chinois qui veulent apprendre le français, ce qui est assez paradoxal! Et là on va essayer de travailler sur une possibilité de jumelage, alors on va essayer de jumeler, dans les 10 classes de Québécois qui veulent apprendre le chinois, de se jumeler avec des «dépanneurs» chinois pour leur apprendre le français et qu'eux apprennent le chinois.
Mme Thériault: Effectivement, c'est bon.
Mme Chaloux (Line): En tout cas, on va essayer de jouer sur les facteurs d'attraction, là, de la culture chinoise pour essayer d'apprivoiser cette communauté-là et de leur permettre, là, de développer des réseaux aussi. Parce que ça, c'est une autre réalité, c'est que ces gens-là n'ont pas nécessairement de réseau sinon le réseau par lequel ils sont arrivés chez nous, et ils n'ont pas de contact avec la communauté comme telle, et c'est un autre facteur, là, d'exclusion pour cette communauté-là.
Mme Thériault: Merci. Excellente initiative, le jumelage.
Mme Chaloux (Line): Merci.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Laurier-Dorion.
Mme Lefebvre: Mme Chaloux, bonjour. Merci d'être avec nous. J'ai plusieurs questions, et mes collègues également, pour vous. Je voudrais parler de votre première recommandation, notamment celle d'élaborer le développement d'un pacte social québécois. Donc, j'aimerais vous entendre davantage sur cette proposition, qu'est-ce que ça inclurait. Allez-y.
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(11 h 30)
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Mme Chaloux (Line): Bien, moi, je pense que le pacte social devrait être basé sur une constitution au Québec. Moi, je pense qu'il serait très important que le Québec ait une constitution pour mettre en valeur toute notre identité et toute la base sociale du Québec, et que, dans cette constitution-là, on reconnaisse le droit des communautés.
Et, quand je parle de communautés, je fais référence un peu à l'Union européenne où, dans l'Union européenne, les communautés, ce sont les pays membres de l'Union européenne. Alors, ce sont des communautés très élargies: ce n'est pas juste des communautés culturelles dont je parle ici, là, c'est des communautés réelles, des communautés... Moi, je pense que les Laurentides, c'est une communauté, que, Montréal, il y a une communauté qui est là. Il y a des communautés, il y a une façon de vivre ensemble qu'on a établie et qui doit être mise en valeur et renchérie pour que nos générations futures ne voient pas la diversité culturelle comme une embûche à développer un Québec dans lequel ils se sentent partie prenante. Et, par «droits des communautés», moi, je pense qu'on doit même aller éventuellement au niveau législatif ou dire qu'il y a des choses qui ne se font pas, dans les communautés. Autant au niveau municipal, autant au niveau régional, il y a des droits qui sont là, et on devrait respecter les gens qui ont participé au développement du Québec.
Je pense qu'une des faiblesses, si je peux dire, du Québec, c'est le fait qu'on soit si jeune et qu'on soit encore en construction. Depuis la Révolution tranquille, on est encore en train de se bâtir et en train de s'enraciner dans notre identité culturelle. Et cette identité-là, on ne peut pas... on ne peut pas ouvrir un livre puis dire: Bien, regardez, c'est ça, notre identité. Elle n'est pas assise nulle part, et, moi, je pense qu'il serait urgent qu'on puisse avoir une constitution au Québec, comme la Colombie-Britannique en a une et comme d'autres provinces éventuellement au Canada vont en avoir une aussi. Moi, je pense que c'est urgent, et ça faciliterait, pour les nouveaux arrivants, des outils d'intégration pour leur dire: Bien, c'est ça qu'on est puis c'est vers ça qu'on s'en va. Parce qu'encore là il y a comme un vide culturel. Je ne sais pas combien de fois, moi, j'ai entendu des nouveaux arrivants nous dire: Vous voulez qu'on s'intègre, mais qu'on s'intègre à quoi? Et c'est là qu'il y a un vide, à un moment donné.
Notre organisation, ça fait près de 15 ans, 16 ans qu'on travaille en intégration, et on a essayé de développer toutes sortes d'outils pour faire en sorte d'identifier la valeur culturelle du Québec. Puis je comprends que ça peut être très pointilleux de définir cette culture-là, pour ensuite dire: Bien, ce n'est pas plus, ce n'est pas moins. C'est sûr que c'est un peu avant-gardiste, là, de s'embarquer à élaborer la description de notre culture, mais il reste qu'on a des valeurs qui sont fondamentales.
Je pense, entre autres... Nous, on a développé une formation qui s'appelle les 16 piliers. Alors, c'est très local comme culture, mais ça définit, pour nous, les valeurs essentielles qui sont très importantes et auxquelles les nouveaux arrivants doivent s'intégrer. Si je vous en nomme quelques-unes, là, c'est au niveau de l'intégrité de la personne, au niveau des valeurs participatives au développement de nos communautés, la valeur de la compassion, de la coopération, de la complicité, d'être capable de démontrer qu'ici, au Québec, sur un conseil d'administration d'une école, il peut y avoir un médecin, quelqu'un qui est bénéficiaire de l'aide sociale, un syndiqué, toutes sortes de monde qui sont assis ensemble et qui ont le même statut, chose, pour certains immigrants, qui est inadmissible.
Et ça, ces valeurs-là, il faut qu'on soit capable d'en parler. C'est ça qui fait qu'on est qui on est. On parle beaucoup de solidarité, de reconnaissance, de cohérence dans nos politiques, ce qui n'est pas toujours facile à démontrer, et beaucoup de conviction. On essaie d'amener les gens à être convaincus que le Québec est un peuple qui se bâtit et qui est en respect avec les communautés qui le constituent. Je ne sais pas si ça répond à votre question?
Mme Lefebvre: Oui. Et mon collègue de Mercier va prendre la balle au bond, je crois.
M. Turp: Quelqu'un qui plaide pour une constitution du Québec, moi, je trouve ça très, très bien. Et c'est bien de savoir que quelqu'un sait que la seule province canadienne à avoir une constitution, en quelque sorte, c'est la Colombie-Britannique, parce qu'effectivement il y a une loi constitutionnelle en Colombie-Britannique.
Mais vous serez peut-être déçue d'apprendre que, dans mes échanges avec le ministre responsable des Affaires intergouvernementales canadiennes, dans une conférence qu'il a prononcée récemment, lui, il ne veut pas doter le Québec d'une constitution, même à l'intérieur du Canada. Il trouve que ce n'est pas une bonne idée, il y a des dangers, tout ça. Nous, vous le savez, on veut doter le Québec souverain d'une constitution nationale, et je vous proposerai d'ailleurs de lire un projet que j'ai rédigé, pour voir si le pacte social que vous proposez y est bien intégré. Alors, je vous donnerai une copie de cela dans les prochains jours.
Mais je voulais vous parler de votre recommandation sur le patrimoine religieux, parce que ça m'intéresse en ma qualité de porte-parole à la culture, de l'opposition officielle, et on en a beaucoup parlé ces derniers mois; il y a des gens autour de cette table qui siégeaient à la commission lorsqu'on s'est interrogé sur l'avenir du patrimoine religieux.
Et je suis quand même un petit peu surpris parce que vous suggérez de lever un moratoire qui ne me semble pas exister, d'ailleurs. Parce que, nous, on a proposé qu'il y ait un moratoire sur le patrimoine religieux, donc sur la vente des églises. Je ne crois pas qu'il y ait un tel moratoire. Est-ce qu'il y en a un sur les bâtiments patrimoniaux? Peut-être que vous pourriez nous parler de votre préoccupation, parce que je crois que l'intention qui est la vôtre est la bonne, on devrait permettre l'utilisation de bâtiments religieux pour des fins communautaires. Et je crois comprendre que votre organisme lui-même, il est logé dans une ancienne église. Alors, pourriez-vous nous expliquer et élaborer davantage sur cette deuxième proposition?
Mme Chaloux (Line): Oui. Bien, moi, je peux vous dire que c'est incontournable, je pense que le Québec doit prendre le virage séculaire au niveau de la laïcisation des églises. Dernièrement, je pense qu'on en nommait près de 250 qui vont être fermées prochainement. Et, la fermeture des églises, bien ça crée une déstabilisation au niveau de l'identité culturelle, non pas par sa valeur religieuse mais par sa valeur sociale de lieu de rassemblement. Alors, ce n'est pas nécessairement le perron de l'église qui devient le lieux privilégié pour développer notre identité culturelle, ça devient plus le sous-sol des fois ou dans la nef, les activités, mais c'est très important qu'il y ait une préoccupation. Écoutez, tous les villages du Québec ont une église et dans tous les villages du Québec il y a un espace pour développer notre identité, pour la vivre et pour permettre qu'il y ait une cohabitation entre les nouveaux arrivants qui arrivent et la communauté, la société d'accueil qui est là. C'est là, l'espace privilégié, il y en a dans tous les petits villages du Québec, et dans tous les petits villages du Québec les églises sont en péril. Alors, nous, on fait un lien direct.
Et, à Saint-Jérôme, il y a eu deux églises qui se sont... qui ont été mises en vente par la communauté, une qui a été achetée par des médecins et qui est ? depuis 1994 à peu près; et qui est ? encore en ruines et qui devra éventuellement être démolie. Et, nous, on a eu la chance de pouvoir prendre possession d'une autre église qui a été fermée et de la garder vivante. Et même, présentement, là, il y a plus de 1 400 personnes par semaine qui passent dans cette église-là et qui créent vraiment un espace où il y a une diversité culturelle et une diversité d'individus aussi qui cohabitent ensemble et qui créent un espace où ils prennent connaissance les uns des autres et qui développent une identité locale et même régionale, parce qu'on travaille sur des enjeux régionaux aussi. Et c'est assez particulier, entre autres on a... en novembre, on va récidiver, là, en organisant encore une fois la fête de la fin du Ramadan, l'Aid-El-Fitr, et, pour les musulmans, de venir dans une église fêter cet événement-là, c'est assez impressionnant, O.K.? D'une part, qu'ils acceptent d'entrer dans une église ? puis là, c'est dans la nef qu'on fait ça, là, ça ressemble un peu à ici ? et qu'il y a des danses et qu'il y a de la musique musulmane, et tout, et ça crée un espace de rapprochement interreligueux très significatif autant pour les Québécois qui créent un... qui laissent ces gens-là arriver et qui acceptent de faire connaissance avec eux que pour ces nouveaux arrivants là qui viennent et qui sont accueillis par la communauté au coeur même de leur identité. Alors, moi, je pense que les églises devraient ? les églises qui ferment; devraient ? être protégées et qu'on devrait fortifier les ressources autour de ces espaces-là.
M. Turp: Notre président, d'ailleurs, qui bien mené, très bien mené les travaux de cette commission, là, sur patrimoine religieux, va être très sensible à cet argument. Et d'ailleurs peut-être qu'on ne l'a pas suffisamment exploité, là, cet argument des églises qui deviennent des grands lieux de communautaires, mais seulement si elles peuvent être reconverties en des lieux communautaires. Et je pense que ce que l'on entend aujourd'hui, c'est assez important dans la perspective du rapprochement entre les communautés puis l'élimination du racisme et de la discrimination. Je pense que votre proposition, elle devrait nous intéresser ici, à la commission, dans un autre débat, qui est autre que celui sur le patrimoine religieux lui-même.
Le Président (M. Brodeur): On pourra y revenir, M. le député de Mercier. Mme la ministre.
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(11 h 40)
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Mme Thériault: J'aimerais peut-être vous entendre un peu plus. Vous nous avez... D'entrée de jeu, vous avez félicité le précédent gouvernement par rapport au nouveau cours d'enseignement des religions qui ... Parce qu'on était dans le sujet des religions, on va continuer. Moi, je suis partante pour dire que les religions, peu importe la religion, ont énormément de points en commun, ne serait-ce que les valeurs, les valeurs de partage, les valeurs d'équité, le don de soi, les valeurs des familles aussi qu'on va retrouver au niveau des religions comme telles. Donc, il est évident qu'un cours d'enseignement des religions devrait avoir un impact, notamment chez les enfants, parce que je suis parfaitement consciente que, lorsqu'on voit à la télévision, puisqu'on parlait de télévision un peu plus tôt, aujourd'hui, des images qui nous parviennent des quatre coins de monde, à chaque fois où il y a quelqu'un qui, au nom d'une religion, va aller s'immoler ou va aller commettre des actes terroristes, il est évident que ça a un impact sur nos enfants, qui ne comprennent pas nécessairement le lien entre qu'est-ce qui se passe dans le monde et la perception. Je pense que les parents aussi manquent d'information. Donc, je pense que ce cours-là, ça va être réellement quelque chose qui peut aider les jeunes à se comprendre, pas seulement que les jeunes, mais les différentes communautés, à se comprendre et à se rapprocher par le biais des valeurs communes que les religions, peu importe la religion, peuvent nous inspirer en tant qu'individus.
Je passerai de ce sujet-là à la formation. Vous recommandez notamment dans votre mémoire la formation des intervenants et des professionnels. À quel genre de formation vous pensez? Et vous verriez quels domaines qu'on pourrait cibler de manière plus particulière, si on avait à se mettre un échéancier dans le temps?
Mme Chaloux (Line): Moi, je pense qu'il y a énormément de domaines de formation qui devraient être concernés, puis ça partirait, là, des préposés aux bénéficiaires en passant par les services de garde, les travailleurs sociaux, les éducateurs spécialisés. Tous ceux qui ont à intervenir au niveau des familles, au niveau des écoles, au niveau de groupes, d'individus sont concernés par ce phénomène-là.
Nous, on est un organisme qui avons très régulièrement à intervenir avec la DPJ, les centres jeunesse, puis c'est à travers les services de garde, les écoles primaires, secondaires, à cause du phénomène d'ignorance des enseignants et des intervenants qui sont en poste.
Mme Thériault: Le phénomène d'ignorance de quoi?
Mme Chaloux (Line): D'ignorance par rapport à la culture de l'enfant concerné, ignorance face à des pratiques qui sont tout à fait innocentes mais qui, dans nos traditions québécoises, sont inconnues. Alors, ça devient comme des facteurs de risque pour les enfants quand, dans le fond, ça n'en est pas du tout.
Je vous donne des exemples. On a eu à intervenir maintes et maintes fois au niveau de CLSC qui, dans les suivis soit ambulatoires ou dans les suivis après une naissance, voulaient que la DPJ intervienne parce que soit l'enfant n'avait pas sa chambre puis qu'il couchait avec les parents, soit parce qu'il n'y avait pas de table dans la cuisine, soit parce qu'il n'y avait pas de divan dans le salon, pour des raisons tout à fait... qui n'avaient pas de lien avec la sécurité de l'enfant. Puis c'était par rapport à des valeurs que, nous, on considère comme incontournables mais qui dans le fond peuvent faire en sorte de favoriser le rapprochement entre les membres de la famille.
Et cette méconnaissance-là est due à l'absence complète, là, de formation, là, qui parle de la diversité culturelle et du respect. Et, moi, je pense que même les intervenants des centres jeunesse qui sont présentement en train d'intervenir devraient, eux aussi, être sensibilisés, avoir une formation. Puis on a travaillé avec des commissions scolaires pour donner de la formation aux enseignants qui sont déjà là, et c'est très difficile de permettre aux enseignants de participer à de la formation. Les gens qui se retrouvent, comme professionnels, à intervenir et qui n'ont pas eu accès à cette information-là, ça aussi, ça pourrait être important de leur donner de la formation.
Mme Thériault: ...difficile pour les enseignants d'avoir accès à cette formation-là?
Mme Chaloux (Line): Bien, parce que les seuls moments où ils pourraient faire ça, c'est pendant les journées pédagogiques, qu'ils pourraient se libérer. Nous, on a fait des... on a offert de la formation à plusieurs reprises, et il y a un, deux professeurs qui se présentent aux formations, les autres ne se présentent pas. Et ce que les directeurs d'école nous disent, c'est qu'ils vivent la même chose quand ils essaient de donner de la formation sur d'autres sujets. Il y a un manque d'engagement et de volonté d'aller chercher, de modifier leur perception qui est là. Moi, je pense que ça prendrait une décision... je ne peux pas vous dire à quel niveau, là, mais ça prendrait une décision qui dit: Là, au Québec, nos intervenants, ils vont être mieux outillés pour faire face à ces situations-là. Comment les obliger à s'ouvrir à cette différence-là?
À un moment donné, on avait une jeune Bosniaque dans une classe qui avait une difficulté d'intégration, et elle était en troisième année, et l'enseignante était incapable de dire, sur la carte, d'où elle venait. Et là, pour nous, là, c'était... on était gênés. Mais là, c'est parce qu'elle enseigne à nos enfants, elle-là, là, comment ça se fait qu'elle ne sait pas où est-ce qu'elle est, la Yougoslavie, sur la carte? Il y a un manque d'intérêt de la part de certains intervenants puis d'une volonté de s'adapter à notre réalité en 2006, là.
Mme Thériault: Pensez-vous qu'on aurait possiblement du travail à faire avec les syndicats qui travaillent avec les enseignants...
Mme Chaloux (Line): Possiblement, oui, oui, oui.
Mme Thériault: ...justement pour pouvoir mieux rattacher? Parce que je pense que ce n'est pas juste une responsabilité gouvernementale, mais aussi du professeur, des syndicats, des institutions comme telles.
Mme Chaloux (Line): Absolument, oui, absolument, le syndicat serait une porte d'entrée très intéressante.
Mme Thériault: Merci.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup, Mme Chaloux. Ma question va être sur votre sixième recommandation: «Considérant le rôle pivot des organismes de soutien aux nouveaux arrivants, il est recommandé de soutenir adéquatement l'action communautaire autonome en finançant la mission globale de ces organismes selon les paramètres du Secrétariat à l'action communautaire autonome, et ce, en veillant à réserver les fonds nécessaires lors des transferts fédéraux liés à l'intégration des immigrants.» On sait qu'effectivement il y a des transferts fédéraux qui sont faits, qui sont importants, qui ne transitent pas nécessairement par le ministère de l'Immigration, qui se retrouvent un peu partout, ni au Secrétariat à l'action communautaire autonome. Mais on a aussi une politique de reconnaissance d'action communautaire qui est très claire et qui demande à ce qu'on finance la mission globale des organismes communautaires. Et ça, c'est extrêmement important. Donc, je pense que votre proposition de réserver des fonds pour la mission globale, elle est essentielle.
Vous dites «soutenir adéquatement». Alors, soutenir adéquatement la mission globale, au niveau de votre expérience à vous, ça signifierait quoi au niveau financier, au niveau des ressources, ce serait quoi?
Mme Chaloux (Line): Moi, je pense que déjà la SACA et la table qui la présente ont fait des travaux extraordinaires en ce sens, et je suis tout à fait d'accord, nous sommes... on comprend, là, les disponibilités financières qui sont mises à profit pour les organismes communautaires. Pour un organisme comme le nôtre, moi, je pense que ça peut représenter entre 15 000 $ et 20 000 $ par année, qui permet de financer la mission de base, globale de l'organisation. Alors, ce n'est vraiment pas des montants faramineux, mais c'est des montants auxquels on n'a plus accès maintenant.
Et, moi, je pense que si on était capables, puis je comprends très bien que c'est au niveau du Conseil du trésor que les choix sont faits au niveau des transferts auprès des ministères, moi, je pense que c'est à ce niveau-là qu'il devrait y avoir des pressions de faites pour favoriser des enveloppes qui vont garantir le soutien de la mission globale des organismes qui s'occupent de l'intégration. D'autant plus que c'est devenu une priorité de soutenir l'intégration de ces gens-là et qu'il y a un côté des activités qu'on a qui ne se retrouve pas nécessairement dans des programmes auxquels on s'adresse. Alors, moi, je pense qu'il devrait y avoir comme une base pour l'ensemble des organismes qui travaillent en ce sens et qu'on puisse compter, là, sur un financement minimal.
Mme Caron: ...combien présentement?
Mme Chaloux (Line): Pour le financement global, on n'a pas d'argent.
Mme Caron: Vous n'avez rien.
Mme Chaloux (Line): Non.
Mme Caron: Et vous avez combien de personnes qui travaillent dans votre organisme?
Mme Chaloux (Line): Dépendamment des saisons, parce qu'il y a des saisons où on en a plus avec les camps de jour, on est à peu près quatre à cinq personnes.
Le Président (M. Brodeur): Si vous avez... Non? Parfait, il restait 30 secondes. Donc, je vous remercie beaucoup.
Mme Chaloux (Line): Bien, merci beaucoup.
Le Président (M. Brodeur): Merci, Mme Chaloux, c'est tout le temps dont nous disposons. Je vais suspendre quelques instants, le temps que Mme Marie McAndrew puisse s'installer.
(Suspension de la séance à 11 h 49)
(Reprise à 11 h 51)
Le Président (M. Turp): Nous reprenons nos travaux. Et j'invite donc maintenant, je peux dire, ma collègue de l'Université de Montréal, Marie McAndrew, titulaire de la Chaire des relations ethniques ? pas «etchniques», comme l'écrit notre document, il y a une petite faute d'orthographe, là ? à bien prendre la parole. Vous avez, Mme McAndrew, une période de 15 minutes, si je ne me trompe pas, 15 minutes. Et je vous invite donc à présenter vos vues des gens qui ont pu prendre connaissance de votre mémoire, et ensuite il y aura des questions de la ministre, et de ses collègues, et des députés de l'opposition officielle. À vous la parole.
Mme Marie McAndrew
Mme McAndrew (Marie): Eh bien bonjour! Je suis très, très heureuse d'être parmi vous, Disons que, moi, je suis peut-être parmi les archaïques, puisque j'étais ici en 1990, au moment de la commission parlementaire sur le premier énoncé de politique. Et, à ce moment-là, j'étais fonctionnaire, je passais des petits mémos à ma ministre et surtout à mon sous-ministre. Mais donc j'ai un sentiment un peu de découragement. Je vais sortir un peu de mon mémoire pour réagir à ce que je viens d'entendre, parce que ça me semble expliquer pourquoi dans le mémoire j'avais tellement l'impression que la politique voulait refaire la politique d'interculturel plutôt que de parler de racisme. Peut-être que je le comprends mieux maintenant en me disant que, si c'est vraiment là que la population québécoise est rendue, bien revenons en 1990.
Parce que vraiment c'est... Pourtant, on voit que c'est des personnes impliquées, et tout. Mais j'ai entendu, de ce qui a été présenté maintenant, bon, des débats qui me semblaient réglés, c'est-à-dire, par exemple, lorsqu'on parle des valeurs communes de la société québécoise, je pensais qu'elles étaient claires par le contrat moral de 1990. Et je pensais aussi qu'on avait bien compris qu'on ne pouvait pas inclure des valeurs qui nous forceraient à renvoyer les Canadiens français qui ne les respectent pas dans leurs villages respectifs de Normandie. On a fait ce débat-là pendant 15 ans, on a fait des listes d'épicerie, et le problème, c'est qu'on s'arrête toujours aux cinq, six, qui permettent de garder tout le monde.
Parce que, si on met la compassion puis l'engagement dans le développement de sa communauté, les bateaux de retour vers l'Irlande, l'Angleterre et l'Ouest de la France vont être chargés. Donc, d'une société démocratique, on ne peut pas définir les valeurs communes autres que celles qu'on est tous prêts à respecter, et généralement une société libérale, c'est assez limité. Alors, je suis un peu surprise de voir que, 15 ans après, on fait encore ce débat-là.
La deuxième chose également, la capacité qu'on a d'oublier l'histoire. Je me rappelle que Jean-Claude Germain disait que... avait fait une pièce de théâtre qui disait que le Québec était un pays dont la devise est Je m'oublie. On a parlé de la présence des Juifs, nouveaux arrivants dans les Laurentides. J'aimerais vous inciter, pour continuer à faire de la publicité pour l'Université de Montréal, de lire le roman de mon collègue Jean-Claude Charland, L'été de 1939, si vous voulez vous rappeler la présence des Juifs et des hassidim, qui date de plus de 60 ans, et comment, avant de refuser de s'intégrer, entre guillemets, ces gens-là ont d'abord été exclus, et on les a empêchés de s'intégrer.
D'autre part, tout le danger également de nommer une partie minime de la communauté comme étant toute la communauté, qui est également un des dangers, ce qu'on appelle la globalisation. J'espère que tout le monde ici est conscient que les hassidim ne sont pas la communauté juive, qu'ils ne sont pas plus considérés comme «mainstream» en Israël ou ailleurs à Montréal que dans la communauté québécoise. J'ai aussi entendu le terme «Québécois» employé comme synonyme de Canadien français, dichotomisation: les Québécois et nous, les autres. Et j'ai entendu parler de la diversité comme étant caractéristique des nouveaux arrivants, ce qui me semble quand même, là... on est rendu en 2006, là, il faudrait arrêter de dire que la diversité, même en milieu francophone, c'est une nouvelle affaire. En tout cas, je suis peut-être trop vieille, mais tout ça... Bon. Je peux le comprendre, j'ai peut-être une perspective montréalaise, mais fondamentalement, là, écoutez, la loi 101, ça va avoir 30 ans, et puis la diversité, elle existait même auparavant au Québec.
Alors, tout ça pour vous dire que, même dans un discours sur l'intégration, il est porteur de je ne sais combien de dérapages potentiels vers l'intolérance. Et donc, si on veut... et là j'arrive à mon mémoire. Je me réjouissais qu'on ait enfin décidé de discuter de racisme et de discrimination, alors qu'on a passé les 30 dernières années à discuter de langue et de conflit culturel. Et, dans les commentaires généraux que j'exprimais dans mon mémoire, ce que je disais finalement qui était un peu décevant, c'était qu'après avoir annoncé qu'on allait parler de racisme et de discrimination le document de consultation, lui, finalement nous amenait essentiellement vers refaire des perspectives interculturelles. Et là je vais très vite, mais ce que je pense finalement, et vous l'avez dans la phrase 4: «La question n'est pas de savoir si collectivement [on a] agi dans le domaine de l'interculturel depuis 15 ans ? je pense qu'on l'a fait ad nauseam ? mais [on voudrait bien] comprendre pourquoi en ? ayant agi ad nauseam depuis 15 ans là-dessus et en avoir débattu dans nos journaux, dans toutes nos instances possibles et imaginables ? pourquoi [par rapport aux] questions spécifiques [aux discriminations] et au racisme nos actions ne sont pas à la hauteur.» Et donc une chose qui me gêne un petit peu dans le mémoire, c'est: on n'a jamais fait le bilan réel de la politique de 1990 ? on a fait des bilans gouvernementaux, des listes des ministères, vous connaissez ça, les bilans annuels, les ministères font des listes de ce qu'ils ont fait, mais ce n'est pas le bilan d'une politique, évidemment ? et, comme on n'a pas fait ce bilan-là, quand on regarde les mesures, on ne nous dit pas finalement pourquoi, si on fait plus de la même chose, ça devrait marcher mieux. Parce que, pour l'essentiel de ce qui est sur la table, c'est du plus de la même chose. Ça se peut qu'en région du plus de la même chose soit souhaitable, parce qu'en fin de compte en région on en a moins fait, parce que c'était moins prioritaire. Mais, à Montréal, où on fait ça depuis 20 ans, j'aimerais que dans une seconde phase, quand on va avoir un plan d'action, qu'on m'explique, si on refait toutes les choses qu'on fait depuis 15 ans en interculturel, conflits de valeurs, formation en citoyenneté, et tout, pourquoi est-ce que la question du racisme, on ne l'a pas réglée, ou en tout cas elle est plutôt même en augmentation. Et donc c'étaient mes commentaires généraux.
Maintenant, j'allais plus particulièrement ? je sais que le temps passe ? sur la question quand même de l'école, qui est vraiment mon domaine, et j'étais un peu troublée qu'on accorde tant d'importance à ce qu'on appelle la fonction de socialisation de l'école, c'est-à-dire la fonction où elle doit produire des jeunes... pour que les jeunes soient ouverts à la diversité, et si peu à sa fonction d'égalité des chances, ou de qualification, ou de sélection, pour être plus cynique. Et il semble qu'il y a un discours dominant au Québec comme quoi la réussite scolaire des minorités ne serait pas un enjeu et que donc tout le problème se passerait au moment de l'accès au marché du travail. Ça a été relayé par les médias à cause d'une mauvaise compréhension de la statistique qui dit qu'il y a 21 % de jeunes Noirs qui ont un diplôme d'études universitaires. Mais c'est une mauvaise compréhension évidemment, parce que, même s'il y a plus de gens qui ont des diplômes universitaires, il y a infiniment moins de jeunes Noirs québécois qui ont été scolarisés chez nous qui graduent au secondaire et au cégep.
Je vous ai cité là-dedans beaucoup de chiffres, mais j'en ai d'autres. Et donc la question de la réussite scolaire de ces jeunes et de leur marginalisation a été complètement négligée dans le discours de l'interculturel. Et là je me demande si on va encore y toucher, parce que, si on revient encore sur «il faut faire des listes de valeurs communes», quand est-ce qu'on va s'occuper du degré où réellement on accomplit nos promesses d'équité, qui sont les plus simples à expliquer finalement? Les autres valeurs communes, c'est toujours un peu compliqué, mais la valeur d'équité, ça, elle se mesure. Et quand on dit, par exemple, 17 points de diplomation entre les jeunes Noirs, après sept ans, comparativement à la moyenne québécoise, et quatre élèves sur 10 qui diplôment lorsqu'on prend uniquement les Noirs créoles et les Noirs anglophones, à mon avis, si ça pouvait faire la première page des journaux plutôt que d'avoir encore un cahier spécial de La Presse qui, sans faire un scoop, s'en vient pour samedi sur la question de l'accommodement raisonnable, si on pouvait de temps en temps faire des premières pages de journaux avec ces questions-là, ça refléterait pas mal plus ce qui préoccupe les minorités.
Alors ça... j'avais une série de propositions ? vous pourrez y revenir ? qui ont été très largement partagées. Cette recherche-là, qui a été faite avec le ministère de l'Éducation, a été diffusée ? on a rencontré tous les groupes communautaires, les gens des milieux scolaires ? et qui porte essentiellement sur la question de faire un suivi du cheminement et de la diplomation chez les populations de minorités, de mieux comprendre qu'est-ce qui est en train de se passer, de voir s'il y a des facteurs où l'école contribue aux inégalités et pas seulement les reproduit, parce que c'est quand même important, et, bon, finalement, également de mieux penser l'articulation des milieux défavorisés qui sont à la fois pluriethniques. Mais vous les avez toutes, les recommandations, on pourra s'en reparler.
n(12 heures)n Finalement, dans la deuxième partie, suite à un bilan qu'on a fait sur l'éducation antiraciste en milieu francophone, je m'amène à me questionner encore une fois: le document de consultation donne l'impression qu'il se fait plein de choses dans les écoles. Ce n'est pas faux, mais il se fait plein de choses qui portent dans une perspective interculturelle large, dont la capacité à gérer la montée de l'intolérance ? et, là-dessus, je suis assez d'accord avec madame; la montée de l'intolérance ? ou la capacité à gérer le racisme est loin d'être démontrée. Et, comme les enseignants ne perçoivent pas du tout ce qui fait la spécificité d'une approche antiraciste, puisque des gens pleins de bonnes intentions sont capables, en 10 minutes, de tomber dans quatre dérives racisantes alors qu'ils viennent avec plein de bonnes intentions nous expliquer qu'est-ce qu'il faudrait faire pour mieux intégrer les immigrants, bien ça nous dit que quotidiennement en classe on peut faire de l'interculturel et du civique et produire du racisme.
J'ai un exemple très connu, un enseignant qui enseigne les droits de l'enfant dans le cadre d'un programme d'éducation à la citoyenneté ? ça, c'est une observation ethnographique qu'on a faite ? et qui commence sa leçon en disant: Sans doute, vos parents ne seront pas d'accord, et chez vous, dans vos pays d'origine, on sait que ces droits-là ne sont pas respectés, mais, je vais vous le dire, chez nous, au Québec, les droits de l'enfant, c'est sacré. Alors, voici quelqu'un qui veut faire de l'éducation civique mais qui produit de la dichotomisation, de l'essentiellisation, de la globalisation, nommez-les toutes.
Alors donc ce que notre étude montre sur l'éducation antiraciste au Québec, c'est que, si on veut faire de l'antiracisme, l'antiracisme ne va pas émerger spontanément de l'interculturel. Et il va falloir que les mots racistes soient nommés, il va falloir, dans la formation des maîtres, qu'on fait déjà énormément dans les universités... Donc, je ne sais pas où vont les enseignants de la Laurentide, mais en tout cas, nous, à l'Université de Montréal... s'ils vont à l'Université de Montréal ou à l'UQAM, on en fait, de la formation interculturelle, mais on parle essentiellement de langue et de culture, on ne parle pas d'équité, on ne parle pas de comment on mesure, est-ce qu'une école livre la marchandise face aux minorités. Et ça, donc, il va falloir un besoin de recentrement sur les questions de discrimination et de racisme et il va falloir aussi que, dans le débat, les préoccupations des groupes minoritaires qui sont des préoccupations d'équité et d'égalité, du fait qu'on ne livre pas la marchandise, aient autant d'importance que les préoccupations du groupe majoritaire qui, lui, veut toujours revenir, si on fait la liste d'épicerie de nos valeurs, etc., ça commence à être un peu redondant.
Alors fondamentalement c'était ce que je disais de manière beaucoup plus étayée dans le mémoire. Je vous ai aussi apporté les deux recherches. Et voilà, je vous remercie de votre attention.
Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Mme la ministre.
Mme Thériault: Merci, M. le Président. Merci, Mme McAndrew. Vous savez replacer des choses dans leur contexte. Je trouve très intéressante votre présentation que vous venez de nous faire. C'est sûr que le racisme et la discrimination, vous l'avez dit, il faut commencer par les nommer si on veut les identifier puis si on veut être capables de faire quelque chose avec ça. Je suis consciente que l'interculturel, les formations interculturelles, c'est une chose, le rapprochement interculturel aussi. On pourrait mieux s'en servir, oui, définitivement pour combattre le racisme et la discrimination, encore faut-il dire qu'il y a du racisme et de la discrimination ici, bien que je vais dire, comme à peu près tout le monde, que d'une manière générale le Québec est tolérant, ouvert, accueillant.
Il y a des choses qui dérangent, c'est vrai, puis je n'irai pas dire spontanément que tout le monde est raciste, ce n'est pas vrai, mais on connaît tous quelqu'un qui va dire: Moi, je ne suis pas raciste, mais. Tout le monde, toute la gang. J'ai entendu dire, durant ma tournée de sensibilisation: Oui à l'immigration, non aux Arabes. Bon.
Comme citoyens, comme citoyens, dans notre vie de tous les jours, parce qu'on dit qu'il faut changer, qu'il faut travailler sur les comportements, il faut travailler sur les gens, quand bien même qu'on met des belles politiques, l'énoncé de politique de 1990 le dit, quand bien même qu'on met des belles politiques, si le monde ne changent pas leur façon de faire ou leur façon de penser, nous, comme citoyens, M. et Mme Tout-le-monde, on ne pourra jamais enrayer le racisme et la discrimination. Qu'est-ce qu'on pourrait faire?
Mme McAndrew (Marie): Bien d'abord, moi, je tiens bien à le dire, mon problème, ce n'est pas le racisme au sens individuel du, là, 15 % de racisme «hardcore», c'est la mouvance qu'on crée dans tous les pays qui permet parfois à ce que des régimes d'extrême droite ou de droite prennent le pouvoir, c'est cette mouvance-là qui suit les swings un peu. Je lisais dans L'Actualité une dame qui, suite à ce que M. Chartrand a fait sur le voile ou la burka, je ne sais, disait: J'aimais les autres cultures avant, maintenant je ne les aime plus. Bon. Et c'est un peu ça qui est en train de se passer au Québec, ce n'est pas que les gens sont devenus racistes, c'est simplement que des petites choses sont montées en épingle comme étant représentatives de tous, en particulier, bon, le kirpan, les prières. Alors, si madame est prête à laisser tomber Maka Kotto, Luck Mervil, Lynda Thalie, enfin nommons tous les gens qui font partie de la culture québécoise, elle ne les aime plus parce qu'elle a lu un article dans L'Actualité comme quoi des femmes qui avaient un burka passaient je ne sais quel détecteur de sécurité...
C'est un peu ça qui me fait peur actuellement, ce n'est pas que le racisme tel quel augmente, mais c'est qu'il y a un swing actuellement autour des questions de l'accommodement raisonnable, où on présente des cas mineurs comme étant représentatifs, on confond le débat sur l'intégration des immigrants avec le débat sur l'accommodement raisonnable. Si, moi, demain matin, je me convertis à une secte évangélique, vous ne pourrez pas me dire de retourner chez nous. La question de l'accommodement raisonnable, on peut être d'accord ou pas sur la présence de la religion à l'école ou dans les lieux publics, mais ce n'est pas une chose de nouveaux arrivants. L'intégration ne se mesure pas à l'abandon de sa religion. J'ai entendu Joël Le Bigot l'autre matin dire: Si je comprends bien, on attend, un jour ils vont finir par changer de religion, donc c'est préoccupant que les hassidim n'aient pas encore changé, parce qu'ils sont ici depuis 150 ans, donc ils devraient avoir laissé leur religion. Il y a une confusion énorme. Je veux dire, on peut avoir des problèmes avec les groupes marginaux, mais je n'ai jamais entendu un Américain nous dire que l'existence des amish, aux États-Unis, prouvait que les intégrations des immigrants ne se passaient pas aux États-Unis. Donc, il y a un mélange entre le débat sur l'intégration des immigrants actuellement et le débat sur l'accommodement raisonnable, et donc ça, il faudrait vraiment intervenir davantage pour le clarifier.
Mais, pour le réflexe du citoyen, moi, ce qui me déprime beaucoup, beaucoup, je pensais qu'au bout de 15 ans on aurait le réflexe inclusif. Si, au minimum, chaque fois qu'il y a des conflits culturels, on pouvait avoir le réflexe démocratique qui est: le «nous» dont il est question, c'est le «nous» de tous les Québécois. Et, dans une démocratie, il n'y a que des adversaires momentanés, il n'y a pas d'ennemi. En d'autres mots, on est adversaires sur un enjeu particulier ? il y a le camp de ceux qui sont pour les mariage gai puis le camp qui sont contre le mariage gai; il y a le camp de ci, le camp de ça ? mais nos alliances sont conjoncturelles, et on n'est pas dans l'ordre de l'ennemi.
Parce que là, actuellement, ce qui est en train de se développer, c'est «nous et les autres», c'est un nous ethnique canadien français et l'ensemble des autres, et c'est comme si c'était permanent, cette histoire-là. Or, il y a autant de musulmans qui sont contre le voile ? moi, j'ai analysé en profondeur la réaction de l'opinion publique et de la presse en 1995 ? donc il y a un débat de société, mais pourquoi, à l'occasion du débat de société, on dérape et pourquoi si peu de Québécois dits canadiens français ont ce réflexe de penser le nous inclusif. Bon, il faut...
Donc, dans un sens, vous avez peut-être raison, qu'on n'en est pas encore rendus à la lutte au racisme et à la discrimination; il faut encore recommencer ce discours inclusif là. Mais les derniers mois sont préoccupants, ça, je ne vous le cacherai pas. Mais c'est ça qu'il faut travailler le plus, la redéfinition du discours inclusif, d'avoir un sentiment qu'on appartient tous à la même chose, et surtout dissocier la diversité culturelle avec les nouveaux arrivants. Écoutez, finissons-en. C'était déjà un peu vieillot en 1990, mais là, en 2006, là... Lisons les données sur la génération des enfants de la loi 101 qui sont dans L'annuaire du Québec de 2004. Écoutez, ce qui va arriver si on continue à faire ça, c'est que ceux qu'on a intégrés, à un moment donné, ils vont se désintégrer. Écoutez, moi, je serais assez tannée, là, si j'étais la génération des 30-35 ans, d'entendre ce qui se dit récemment sur nous autres, et les autres, puis, eux autres, qu'ils retournent dans leur pays s'ils ne sont pas comme nous autres, qu'à un moment donné, même si j'étais parfaitement intégrée, je ne saurais plus où...
Mme Thériault: Mais c'est vrai que c'est inquiétant pour une personne qui reste ici, une deuxième, troisième génération, entre la culture d'origine de ses parents, la culture québécoise... Bon, moi, je pense que notre identité se modifie, elle va toujours continuer à se modifier. Je pense aux jeunes enfants qui ont deux parents de deux nationalités, qui sont nés ici: c'est ça, le Québec de demain; il ne faut pas se leurrer non plus, là. On voit la diversité dans les écoles. Regardez à Montréal, le Québécois, entre guillemets, Blanc, de souche, il est minoritaire dans beaucoup d'écoles, et c'est évident que ça, ça fait que ça modifie notre société.
Puis c'est assez particulier d'entendre comme... ça, c'est notre futur... O.K., quand tu regardes les enfants, tu regardes les jeunes à l'école, c'est ça, notre futur, c'est ça, la réalité. Le Québec de demain sera composé de plusieurs cultures, puis jusqu'à un certain moment donné, là, je dis: Pourquoi on met toujours en opposition la culture québécoise par rapport aux autres identités qu'une personne peut avoir? On peut avoir deux, trois identités. Moi, je suis née à Toronto, je suis une députée du Québec, j'ai grandi au Québec, mon père est d'origine du Nouveau-Brunswick, ma mère est Québécoise, je suis Québécoise. Mais j'ai quand même des origines irlandaises quelque part, puis je suis née à Toronto, puis j'ai un père qui vient du Nouveau-Brunswick, je me sens Acadienne, mais je ne me sens pas du tout en conflit d'être Québécoise, Acadienne, Néo-Brunswickoise, puis être née en Ontario, loin de là.
Mme McAndrew (Marie): Mais c'est quand même mystérieux que c'est... Moi, je travaille avec les étudiants en formation des maîtres, je fais des listes entières de célébrités, de personnes... pas des nouveaux, nouveaux arrivants, de première ou de deuxième génération, dont l'apport à la culture québécoise est central; généralement, ils en connaissent une petite partie, ils m'en rajoutent. Mais pourtant, au moment où on débat, on débat toujours comme si le «nous» était encore un «nous» canadien français. Tu fais des listes entières, en allant de Ludmilla Chiriaeff à Luck Mervil, en passant par... bon, j'ai la liste entière, je pourrais vous le donner, mon petit jeu que je fais avec mes étudiants, mes futurs maîtres, parce que c'est en formation des maîtres, et là ils prennent conscience que, bien oui, tous ces gens-là, on les voyait comme Québécois.
Mais un des mécanismes du préjugé, qui est très connu aussi, j'aimerais vous rappeler, c'est qu'on inclut... tous les cas positifs, on les voit comme des exceptions. Sauf qu'à un moment donné, si les exceptions... s'il y a un million de personnes d'origine ethnique autre, puis il y a 900 000 exceptions, puis peut-être... même, ça peut être 950 000 exceptions puis 50 000 qui correspondent au stéréotype de ce qui n'est pas, tu sais, alors c'est problématique. Excusez, je vois que le temps passe, mais ça, c'est connu aussi, là.
C'est pour ça qu'il y a des gens qui vous disent: J'ai même des amis juifs; quand ils sont racistes, ils ne sont pas malhonnêtes, c'est un phénomène psychologique bien connu, c'est que «mes amis juifs ne sont pas comme les autres Juifs». Sauf qu'à un moment donné c'est quand même préoccupant.
n(12 h 10)nMme Thériault: ...tout à fait juste sur le principe que la majorité ne doit pas... de la minorité non plus. Tu sais, c'est sûr qu'on ne peut pas dire: Bien ça, c'est le petit groupe, puis c'est ça.
Mme McAndrew (Marie): Absolument. Excusez...
Mme Thériault: On ne peut pas faire ça. Mais vous avez une observation qui est très juste.
Le Président (M. Brodeur): Mme la députée de Laurier-Dorion.
Mme Lefebvre: Merci, Mme McAndrew, de vous être jointe à nous aujourd'hui. Votre mémoire est extrêmement intéressant d'autant qu'il touche une question qu'on n'a pas abordée, qui est l'aspect, bon, de l'éducation. Et je voulais également vous féliciter pour le lancement de la chaire sur l'éducation et les rapports ethniques. Je suis persuadée qu'il y a plusieurs travaux intéressants qui en émaneront.
Je voulais vous entendre... À la page 6, vous mentionnez, bon, que «les actions à mener en matière de lutte au racisme et à la discrimination en milieu scolaire [devraient] ? à votre avis ? être énoncées sous forme de deux grandes orientations». D'abord, vous parlez d'«assurer la réussite scolaire des jeunes des communautés culturelles et notamment des minorités racisées et, ensuite, soutenir le milieu scolaire afin que les perspectives antiracistes occupent davantage d'espace au sein des pratiques interculturelles qui y sont déjà menées», puis vous élaborez beaucoup là-dessus dans votre mémoire. J'aimerais vous entendre davantage sur les propositions afin... bon, dans un premier temps, pour améliorer la réussite scolaire.
J'ai été très surprise de lire les statistiques que vous énoncez par rapport à la réussite scolaire des jeunes, bon, soit nés ici, ou issus de l'immigration, ou des minorités visibles, parce que c'est vrai que dans le discours récent ce qui est ressorti, c'est que, bon, les taux de diplomation étaient très élevés, et on ne comprenait pas la corrélation avec des taux de chômage élevés. Donc ça, c'est une chose. Vous en avez fait mention dans votre présentation.
Mais, maintenant, pour ceux qui décrochent, on a parlé du décrochage des garçons, bon, maintenant on a une nouvelle problématique. Qu'est-ce qu'on peut faire? Quelles sont vos solutions? Vous en élaborez plusieurs dans votre mémoire, j'aimerais vous entendre pour le bénéfice de nous tous.
Mme McAndrew (Marie): Je ne voulais pas faire ça trop technique. En fait, c'est parce que les gens confondent les taux de diplomation puis les moyennes d'années de scolarité. Je peux avoir une moyenne de scolarité ou un pourcentage de gens qui ont un diplôme universitaire extrêmement élevé, mais ça ne veut pas dire que mon taux de diplomation au secondaire n'est pas bien inférieur. C'est parce que, si ma communauté est bipolarisée, je vais avoir une minorité très scolarisée, ce qui est souvent le cas des immigrants, puis une majorité qui a des problèmes.
Mais c'est sûr que ça s'améliore; ceci dit, je ne veux pas être déprimante. On voit que les jeunes qui sont nés ici réduisent le hiatus, mais il demeure quand même. Donc ça, je tiens à le dire.
Dans les propositions d'action là-dessus, on a des plans de réussite au niveau des écoles et, contrairement à certains pays, on fait des plans de réussite globaux, et on n'identifie pas toujours les sous-groupes particuliers. Or, toute la littérature sur c'est quoi, une école équitable, nous dit: Une école équitable, ce n'est pas... puis une école efficace, ce n'est pas seulement celle qui fait réussir ses moyennes, c'est celle qui fait réussir ses élèves les plus faibles. Donc, le fait d'avoir des suivis de cheminement et de diplomation... On est en train d'en faire avec le ministère de l'Éducation. On a travaillé sur la communauté noire. Là, on commence à regarder les communautés d'Asie, là, Bangladesh, Inde, Amérique latine également. On veut aussi comparer des communautés dont la rumeur veut qu'ils sont surperformants, comme les gens de l'Asie, Extrême-Asie, là, Chine et autres, alors... Mais c'est important. On pensait que le milieu n'était pas prêt. Le syndrome du Dr Mailloux, est-ce que, si on ramasse ces données-là, est-ce que ça va encourager le racisme? On l'a fait très prudemment. On a passé deux ans à disséminer les données auprès des communautés noires, et des communautés concernées, et des milieux scolaires avant d'en débattre publiquement, et jamais on n'a eu une réaction de gens que: Ah, ce n'est pas ça, la réalité. Les gens nous ont tous dit: Bien, au moins ça nous dit ce qu'on savait déjà. Sinon, le 21 % de jeunes universitaires, ça n'explique les gangs de rue à Montréal-Nord, tu sais.
Alors, dans ce sens-là, c'est important de regarder la question du racisme dans le milieu de travail, mais il faut se poser la question de l'école.
Ce qui est important aussi, c'est d'essayer de comprendre. Comme je l'ai dit, il y a probablement une grande partie de ça qui ne s'explique pas par le racisme et la discrimination, qui s'explique fondamentalement par le fait que ces jeunes-là sont plus souvent arrivés en retard, plus souvent ne parlent pas français, etc., les facteurs extérieurs. Mais il faut regarder la question de la construction des élèves, les attentes différenciées des enseignants. Il est possible que, par exemple, actuellement on ait... Le stéréotype noir n'est pas le même stéréotype que le stéréotype musulman. Le musulman est menaçant, mais on le construit rarement comme quelqu'un qui ne réussira pas à l'école, ou quoi que ce soit. Il y a peu de discours public au Québec, actuellement, contre les Noirs publiquement. Ce n'est pas une menace. Personne ne les définit comme une menace à la démocratie, ils ne sont pas hypermédiatisés ou «hypercastés» négativement ? excusez l'anglicisme ? mais c'est sûr qu'il y a une construction, qui n'est pas purement québécoise d'ailleurs, là, tu sais, qui est un peu l'historique de l'époque même de l'esclavage, bon, le Noir est bohème et aime s'amuser, il est bon vivant, il est bon en sport, etc.
Alors, il faut regarder un peu qu'est-ce qui se passe dans les salles de profs, et est-ce qu'il n'y a pas des attentes différenciées. Mais je n'accuse aucunement les enseignants de racisme. Je dis simplement que, dans l'échec scolaire, il y a une partie qu'on n'ose jamais nommer, qui doit exister, qui doit être le fait qu'on ne perçoit pas les élèves et leurs familles de la même façon.
Et ça, même en 1998, au moment de l'énoncé de politique sur l'intégration scolaire, le ministère avait essayé de mettre quelques lignes là-dessus, mais les lignes sont pour le moins, comme on dit, «eulolagiques», je ne sais plus comment on dit ça, ou en tout cas euphémiques. Mais je pense qu'il va falloir le discuter. Ou alors des phénomènes même de ce qu'on appelle le racisme systémique, c'est-à-dire finalement une mauvaise interrelation entre le milieu et l'école qui fait que certains groupes dont on dit qu'ils sont toujours absents, comme on a entendu tout à l'heure, quand on les interroge, eux autres, ils disent qu'ils ne sont pas bienvenus à l'école. Alors, le milieu scolaire déplore leur absence, puis les parents, eux autres... Alors, des fois, l'effet de miroir pourrait être intéressant. Donc, il faut comprendre cette chose-là.
Évidemment, maintenir tout ce qui est des mesures compensatoires, parce qu'évidemment, en autant qu'une grosse partie de ce que vivent les minorités racisées, c'est un problème de nouveaux arrivants puis de défavorisation, si on coupe l'ensemble des budgets de soutien à l'égalité des chances en général dans la société, on n'aidera pas ceux qui sont encore en dessous même des moyennes de ces groupes-là.
Et éventuellement il y a toutes sortes de choses à regarder également. Je l'ai mentionné rapidement, toute la question de la stratégie d'intervention en milieu défavorisé, école montréalaise, Agir autrement. C'est encore une stratégie qui avait été basée avec l'idée que la pauvreté, c'était une affaire de Canadiens-français, c'était l'est de Montréal, c'étaient les milieux homogènes qui étaient pauvres, et les milieux multiethniques, eux, étaient des milieux moyens ou moins moyens ou favorisés, ce qui a été vrai longtemps.
C'est encore vrai que la défavorisation et la multiethnicité ne coïncident pas, mais il y a des méchants endroits où ils coïncident, par exemple. Et donc repenser le soutien aux milieux défavorisés. Quand vous parlez, par exemple... Prenons comme exemple... pour le... aux parents. Dans un milieu défavorisé canadien-français, le parent est souvent en chômage ou assisté social, il a un rapport extrêmement négatif avec l'école, mais, une fois que cette... ? parce qu'il a vécu lui-même une référence négative; une fois que cette ? barrière-là va être franchie, souvent il y a une armée de mères assistées sociales prêtes à s'impliquer dans un million de projets locaux. Bon, je caricature un peu, mais prenons le cas type, O.K.?
À l'autre extrême, en milieu pluriethnique, on a souvent des gens qui valorisent extrêmement l'éducation, même défavorisés, mais qui ont deux, trois jobs, qui ne parlent pas la langue. Et donc les mesures qu'on employait pour attirer les parents défavorisés canadiens-français avec une mauvaise expérience avec l'école mais tout prêts à s'impliquer dans le quotidien sont infiniment différentes. Ça, c'est un exemple, mais il y a plein de littérature là-dessus. Mais ça, je sais que les gens essaient de travailler là-dessus, mais il faut les aider beaucoup parce que c'est là où on va assurer la réussite scolaire.
Les autres, je les ai dits rapidement. Peut-être une dernière. J'ai parlé de la recentration de la formation initiale. Ça, c'est une recommandation que je nous adresse à nous, les universités. Mais en particulier le soutien aux parents et ceux de l'immigration et un soutien qui soit axé sur la transformation de l'école.
Parce que réunir des parents pour leur faire un long discours sur qui on est et ne pas les écouter... Quand on est chercheurs, nous, et qu'on les écoute indépendamment de l'école, ce qu'on entend est très, très différent de la perception qu'ont les enseignants de pourquoi ces parents ne viennent pas à l'école, comment ils perçoivent l'éducation au Québec. Et c'est toujours assez troublant quand on peut mettre les deux discours, les deux soliloques en parallèle, parce qu'on voit souvent que c'est deux solitudes. Et ça, il y a des groupes qui font ça. Et souvent ces groupes-là, parce qu'on les trouve trop politiques s'ils font autre chose que simplement du soutien scolaire, qu'ils font, par exemple, des déclarations citoyennes... ou je pense à des organismes comme le PROMIS ou le CRTA, le Centre de ressources de la troisième avenue, qui travaillent, eux, sur un «empowerment» des parents pour en faire des citoyens actifs, bien ça, on leur dit: Non. Ça, on ne soutiendra pas ça, parce que ça, c'est trop politique. On va vous soutenir seulement si vous êtes des ateliers de devoirs, leçons. Je ne suis pas contre les ateliers de devoirs, leçons, mais la transformation, ça passe par le conflit, hein? Il y a beaucoup de femmes ici; si on prend notre expérience, les gens ont peur du conflit, mais le conflit est une façon de transformer les institutions. Et pourquoi ça va mieux en Amérique du Nord qu'en Europe? C'est parce qu'en principe, comme les gens sont citoyens, ils sont plus capables de contester les institutions, et c'est comme ça qu'on évolue.
Alors, pour moi, ça, c'est des choses importantes. Je pense que j'ai assez décrit. Pour l'autre partie, écoutez, je reviendrai s'il y a une autre question, parce que je sais que c'est un peu long. Excusez-moi, c'est l'université. C'est une tendance bien désagréable.
Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Marguerite-D'Youville.
n(12 h 20)nM. Moreau: Merci, M. le Président. Merci d'être avec nous, Mme McAndrew. Je vous sors de... j'allais dire de l'éducation, ce n'est pas vrai, je vous sors de l'enseignement, mais on reste en éducation et en pédagogie.
Ce que vous dites essentiellement, c'est: Le plus grand danger que l'on risque, c'est celui de la globalisation. Je ne sais pas si vous étiez ici lorsque la Table du Maghreb a présenté son mémoire? Ils ont fait, je dirais, un bon compte rendu de leur perception de ce que les médias font de plus mal en termes de pédagogie pour faire connaître à la population en général ce qu'est la réalité des ethnies ou enfin ce qu'est la réalité de leurs milieux à eux, là ? ils parlaient particulièrement des Maghrébins. Ce matin, on voit dans l'actualité que le premier ministre demande à une analyste du Globe and Mail de présenter ses excuses pour avoir basculé dans le fossé de la bêtise.
Moi, j'aimerais savoir, de votre perspective de chercheure dans ce domaine-là, on sait que les médias ont un rôle pédagogique très important et que, moi, j'aurais tendance à dire: souvent, malheureusement, ils influencent énormément l'opinion publique sur toutes sortes de sujets. Dans ce domaine-là, bien on a un exemple, ce matin, dans l'actualité qui est clair. Il y a quelques jours, on a avait le président du conseil d'administration de Radio-Canada qui est allé s'immoler sur la place publique après avoir présenté ses excuses et qui aujourd'hui est un sujet d'actualité mais presque d'analyse.
Comment percevez-vous le rôle qui doit exister entre l'université et la formation de ceux qui iront dans les médias plus tard pour influencer l'opinion publique et comment percevez-vous le rôle des médias justement à l'égard de ce danger de globalisation? Parce qu'encore une fois, lorsqu'on parlait, ils nous disaient: lorsqu'on a des journalistes qui appartiennent à la télévision, ils veulent avoir du visuel puis, quand ils voient un musulman, ils veulent le voir en train de prier avant de passer à l'entrevue de fond, si jamais il y a une entrevue de fond. Et peut-on échapper à ça, compte tenu qu'aujourd'hui on est dans un monde de médias et de consommation rapide où on va nous passer en boucle, toute la journée, ce qui s'est passé dans les 15 dernières minutes? Puis comment on fait pour éviter de ne surfer que sur le dessus des vagues et donc d'échapper aux dangers de la globalisation?
Mme McAndrew (Marie): Moi, je ne veux pas critiquer les médias, parce que je serais bien découragée si j'avais, comme eux ? les recherchistes m'appellent continuellement ? à écrire sur un paquet de choses qu'ils ne connaissent pas, surtout... les médias écrits, c'est un peu moins pire, mais les médias télévision et radio, c'est assez indicible.
Alors effectivement... D'abord, moi, ce qui m'effraie beaucoup, c'est le fait que c'est tous des éléments dispersés. On photographie les hassidim à la manifestation pour le Liban; on ne voit pas qu'il y a une relation entre le fait que, si les hassidim n'aiment pas l'État d'Israël, c'est de la même façon qu'ils ne veulent pas s'intégrer au Québec parce qu'ils ont un rapport négatif avec l'entièreté de ce qu'est un pouvoir étatique. Alors, une fois, c'est des bons parce qu'ils sont allés manifester pour le Liban, avec les boudins, puis, l'autre fois, c'est des méchants parce que dans leurs écoles ils ne suivent pas le curriculum québécois. Et, dans les deux cas, ce n'est pas une histoire d'intégration des immigrants, parce qu'il y a le même débat à Mea Sharim, en Israël, ou à New York, ou quoi que ce soit. Alors, c'est sûr que c'est très difficile, les médias n'ont pas le temps de penser. Et, moi, je pense que la meilleure chose qu'on puisse faire... On ne peut pas leur demander de se mettre à parler que des bonnes nouvelles. Un des problèmes évidemment, c'est que les médias sont faits pour nous dire que les avions ont eu... comme on dit, un écrasement d'avion, ils sont rarement faits pour nous mettre en première page, de nous annoncer que 99,9 % des avions ont atterri sans problème aujourd'hui.
Alors, peut-être qu'il y aurait deux choses. D'abord, on prévoit, dans la réforme, une éducation aux médias chez les jeunes. Moi, je pense que les enseignants en auraient besoin aussi, et peut-être les journalistes aussi. Vous avez parlé, Mme... ? ici, j'oublie votre nom de famille, là ? Lefebvre ? excusez ? du lancement, et c'était Dany Laferrière qui était au lancement lundi, et il nous a vraiment incité, les universitaires, en disant: Intervenez sur le langage ? c'est ce que j'ai essayé de faire tout à l'heure en pure réaction spontanée à ce que j'avais entendu; intervenez sur le langage ? dites aux gens: vous ne pouvez pas dire «eux autres», «nous autres»; vous ne pouvez pas dire «les Juifs» quand vous pensez aux hassidim; vous ne pouvez pas dire «nous» quand vous pensez à tous les Québécois puis que dans le fond vous pensez «les Canadiens français». Intervenez sur le langage et déconstruisez le langage. Bon.
Je pense que les journalistes, évidemment ils sont souvent pressés. Et, moi, j'ai eu des fois... j'ai réagi des fois à des articles de journaux, et j'avais écrit évidemment, en bonne universitaire, 5 000 mots, puis là le rédacteur m'a rappelé que c'était 800, et je dois vous dire que je me suis arraché les cheveux pour être suffisamment complexe pour être vraie mais suffisamment simple pour être comprise. En 500 mots, c'est une autre chose qu'en profondeur, mais je pense qu'il faut travailler là-dessus. Parce qu'actuellement il y a un danger, là. Je reviens sur l'accommodement parce que c'est ça, la tarte à la crème, actuellement, là, les supposés scandales de la non-intégration, récurrents, etc. C'est que dans le fond on souffre du problème inverse, au Québec, actuellement. Maintenant, on ne peut plus rien dénoncer sans être accusé d'être politiquement correct. Autrefois, c'étaient les politiquement corrects qui faisaient la censure, maintenant c'est ceux qui parlent à tort et à travers. Je n'en nommerai pas, mais il y en a... pour ne pas le nommer, un certain journal distribué gratuitement à Montréal, que je ne nommerai pas, qui parle à tort et à travers dans sa chronique, et, quoi qu'il dise, si on veut critiquer ça, on va se faire dire: Ah! C'est de la censure «politically correct».
Donc, je pense qu'il faut travailler, il y a une différence entre ? je ne suis pas pour le «politically correct», et Dieu sait que je suis pour le débat public, puis je ne pense pas que j'ai la langue de bois, chacun peut le voir ? mais il y a une différence entre dire au nom de l'anti «politically correct», on peut dire n'importe quoi et on peut employer n'importe quelle langue. Je le pardonne, entre guillemets, ou on peut le comprendre du simple citoyen, qui après tout travaille dur de 9 à 5 dans une usine ou dans... ou comme «waitress» et puis prend le temps d'écrire une lettre ouverte, comme ma madame qui dit: Maintenant, je n'aime plus les autres cultures. On ne peut pas... ces gens-là, ils ne sont pas payés pour penser puis avoir une pensée complexe.
Mais, nous, les universitaires, les élus politiques, les journalistes, oui, il y a une formation sur l'emploi du langage et qu'est-ce qu'un mot veut dire. C'est dur de faire ça en 500 mots, beaucoup plus que nous, les universitaires, qui nous étendons sur 25 pages avec toutes les nuances. Je ne jetterai pas la pierre aux médias, mais il faut le travailler. Puis, si les médias ne sont pas toujours capables de le faire parce qu'ils sont dans l'instantanéité, bien il faut au minimum assurer que cette éducation aux médias, qui est prévue dans la réforme chez les jeunes, lire un journal, voir ce que ça veut dire et également, chez les futurs maîtres, quand on lit quelque chose, qu'est-ce que ça veut dire, qu'est-ce qu'il manque... Je crois qu'il y a un petit guide aussi, qui a été fait par un Normand ? j'oublie son nom ? de l'UQAM, Guide d'autodéfense intellectuelle, qui devrait être presque une lecture obligatoire sur ce que les chiffres ne veulent pas dire, sur les syllogismes qu'on ne peut pas faire, sur les liens qu'on ne peut pas faire, qui devrait être une lecture obligatoire de tous les enseignants, de tous les journalistes, de tous les politiciens. Parce qu'actuellement la vitesse effectivement, on manie le langage, et on produit de l'exclusion, on produit du préjugé, de l'intolérance.
Puis les gens qui n'ont pas le temps, eux, de faire cette opération-là, et surtout quand ils sont en région, donc ils ne sont pas à Montréal, ils ne peuvent pas contrebalancer en se disant: Bien, écoute, moi, j'en vois tous les jours, des musulmans, puis ils ne sont pas tous à brandir je ne sais quoi... ou je suis dans le parc Kent, puis je suis allée au merveilleux Côte-des-Neiges en fête, puis j'ai vu comme ça peut être merveilleux, un quartier multiethnique. Quand on y vit, on nuance, évidemment. Mais, quand on n'y vit pas puis que notre seule capacité, c'est ces débats-là, il faut apprendre à lire les médias, puis ce n'est pas facile. Alors, oui, il faudrait aider, je pense que les journalistes auraient intérêt là-dessus.
J'ajouterais aussi: pour le Canada anglais, peut-être que ce ne serait pas mauvais. Je sais qu'en Belgique il y a des jumelages entre journalistes flamands et journalistes wallons, à travers le fonds Prince Philippe du roi Baudouin, justement parce qu'ils ont aussi cette tendance à reproduire des dérapages racistes. Ça existe aussi entre communautés majoritaires, on s'entend bien, ça n'existe pas seulement dans le rapport avec les minorités. C'est un peu long, excusez-moi, mais c'est une question tellement complexe.
Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Laurier-Dorion.
Mme Lefebvre: Merci. J'aimerais vous entendre un peu... Dernièrement, la commission scolaire de Montréal a fait un grand colloque, bref, pour faire une introspection sur ses pratiques puis aussi pour développer des pistes d'avenir. Puis, bon, la commission scolaire de Montréal évidemment n'est pas la seule commission scolaire à vivre ces dynamiques, mais on peut dire que c'est un bon modèle... bien, «un bon modèle», en fait un lieu où on vit beaucoup avec la diversité, puis je me demandais: De votre point de vue, est-ce que la commission scolaire est outillée pour faire face aux défis d'avenir? Est-ce qu'on doit avoir une approche spécifique pour Montréal, ou on doit, dans une politique, avoir, bon, une vision large? Parce que c'est sûr que, bon, au niveau du gouvernement du Québec, on a tendance à vouloir faire des politiques qui vont avoir, bon, une perspective globale et donc à travers les régions. Mais c'est définitif que Montréal vit une dynamique particulière, donc j'aimerais vous entendre là-dessus.
n(12 h 30)nMme McAndrew (Marie): Bon. D'abord, clairement, pour une politique de lutte au racisme et à la discrimination, il faut nécessairement moduler, au sens où, en région, il y a un peu de diversité, mais, pour l'essentiel, ce qu'on gère, c'est une opinion publique qui est livrée, comme on dit, à des impressions médiatiques. Il y a des gens maintenant qui ont peur de venir à Montréal, tu sais. Je rigole doucement, mais je reçois des jeunes en formation des maîtres, ça vient de Laval et de Brossard, et ils ont peut de venir à Montréal. Une partie de la formation, c'est de leur dire: Bien, allez donc vous promener dans les quartiers multiethniques pour voir que les gens vous parlent, ça parle plusieurs langues, mais notamment, surtout le français, les gens ne sont pas agressifs. On les envoie dans les organismes communautaires, ils ont peur. Et là on parle de jeunes qui ont 20, 25 ans! C'est les enfants de la loi 101, mais ils n'ont pas été... qu'est-ce que tu veux, ils étaient en région, ils ne l'ont pas vu. Alors, inutile de parler des personnes âgées.
Donc, oui, je pense que, là-dessus, le travail en région est un autre travail. Quand on entend le mémoire qu'on a entendu auparavant, c'est Montréal il y a 20 ans. Alors, c'est sûr que, oui, on ne peut pas, parce que ce n'est pas la même chose. À Montréal, on est rendu plus loin; ce n'est pas un progrès, c'est simplement que ça fait... la loi 101, c'est à Montréal qu'elle a joué, la génération cosmopolite a été produite à Montréal, elle n'a pas été produite ailleurs. Et, oui, il faut des choses spécifiques. Et, d'autre part, c'est à Montréal que se pose la question de rendre des comptes sur le mandat d'équité, parce que, là, ça fait 30 ans, et là on commence à voir les déficits scolaires, etc. Donc, la politique antiraciste, à Montréal, elle porte beaucoup plus sur l'égalité d'accès des minorités, à l'avoir vraiment, «the share part of the pie», comme on dit, leur bon morceau de la tarte, alors qu'en région on est plus encore à comprendre que le «nous» est inclusif, comprendre que ces gens-là sont là, qu'ils ne viennent pas tous de descendre du bateau, etc.
Pour en revenir à la commission scolaire de Montréal, moi, je pense qu'ils ont des atouts, des problèmes évidemment de budget, et notamment des budgets en milieu défavorisé. Je pense que le problème à Montréal est d'abord et avant tout une concentration de pauvreté. Parce que, même dans les recherches qu'on a faites, que je vous ai laissées, il y a aussi toujours 10 points de moins en diplomation à Montréal qu'ailleurs dans le Québec. Donc ça... Montréal est une zone de pauvreté. Donc, oui, ils ont des besoins particuliers. Mais il n'y a pas que la CSDM, il faut quand même rappeler que Pointe-de-l'Île et Marguerite-Bourgeoys... et que toutes ces commissions scolaires là on de très vieilles politiques.
Et là je veux terminer là-dessus. Moi, ce qui m'a laissée bouche bée... Bon, peut-être que la CSDM l'a fait volontairement pour faire un peu de capital politique, mais c'est passé dans les journaux comme: après 25 ans où on n'avait jamais rien fait sur l'intégration scolaire des immigrants, la CSDM fait une politique interculturelle. Et tout le monde pensait que c'était très nouveau, et tout le monde disait: Bravo! Enfin, la commission va s'en occuper. Alors, quelqu'un évidemment qui sait que depuis... il y a eu une politique scolaire en 1998, mais une politique gouvernementale en 1990, mais que les classes d'accueil sont là depuis 1977 et que la CSDM elle-même, qui s'appelait CECM, avait une politique dès 1989, Marguerite-Bourgeoys, là, 1980... Ça fait que, pour l'essentiel, l'appareil d'accueil des nouveaux arrivants, il est en place depuis les années quatre-vingt.
Quand je vous disais que la devise du Québec, comme disait Jean-Claude Germain, c'est un pays dont je... c'est Je m'oublie et non pas Je me souviens. C'est vraiment... bouche bée. Bon, je sais qu'il y a un effet d'âge, évidemment, quand on est dans le dossier depuis longtemps. Et ça, là je m'adresse au gouvernement: pourquoi les gens savent si peu tout ce qui a été fait, et pourquoi les gens pensent toujours qu'ils vont refaire la roue, et comment les médias ont pu nous sortir ça comme une grande nouvelle, qu'enfin on allait s'occuper des classes d'accueil, et ce n'était pas... si elles avaient dit: On va aller plus loin; ça, c'est une chose, mais ils n'ont pas dit: On va aller plus loin, ils ont dit: Ah, mon Dieu! Il y a 55 % des jeunes qui ne parlent pas français, alors on va leur offrir des cours de français. Écoutez! L'accueil existait avant la loi 101, depuis 1969 que les classes d'accueil sont là! Et ça, c'est très problématique; ça veut dire qu'il y a quelque part où la population québécoise, et même son opinion publique informée, n'a pas la moindre idée, sauf si elle est directement sur le terrain, de tout ce qui est en place depuis 30 ans au Québec. Et donc ça nourrit l'inquiétude, évidemment. Et bien sûr la CECM... la CSDM a un peu joué là-dessus. Bon, bien, ça, c'était le jeu de sa présidente, parce que... dire: c'est innovateur, c'est extraordinaire... C'est sûr que les gens du ministère de l'Éducation n'ont pas beaucoup aimé. Ils avaient comme l'impression qu'ils avaient fait quelques petites choses quand même depuis 35 ans, mais, bon, ça, c'est le jeu politique aussi.
Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposons. Nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 14 heures, cet après-midi, où nous serons au 1.38, l'édifice Pamphile-Le May.
(Suspension de la séance à 12 h 34)
(Reprise à 14 h 3)
Le Président (M. Turp): Alors, je demanderais encore une fois à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leur téléphone cellulaire. M. le Président, c'est fait? Mme la ministre, c'est fait? Mme la porte-parole, c'est fait? Très bien.
Une voix: ...
Le Président (M. Turp): Ha, ha, ha! Alors, on a des habitudes différentes, M. le Président. Je vous rappelle que le mandat de la commission est de poursuivre les auditions publiques à l'égard du document intitulé Vers une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination. Et j'invite maintenant les représentants du Centre de services éducatifs d'Anjou à nous présenter leurs vues sur ce projet de politique. Je vous rappelle que vous disposez de 20 minutes pour votre exposé, qui sera suivi d'une période de 40 minutes d'échange avec les membres de la commission. Alors, à vous la parole.
Centre de services éducatifs d'Anjou (CSEA)
Mme Maurice (Régine): Donc, c'est avec plaisir que nous sommes ici, aujourd'hui, comme citoyens et particulièrement comme membres du CSEA pour participer à cette activité démocratique. Avant même de soutenir notre mémoire, permettez-moi de vous présenter brièvement le CSEA. C'est un organisme à but non lucratif regroupant en majorité des enseignants et enseignantes du primaire et du secondaire de la région de Montréal. Nos membres sont pour la plupart d'origine haïtienne. Nous avons pour mission de promouvoir la persévérance scolaire des jeunes, promouvoir la réussite scolaire des jeunes du primaire et du secondaire, promouvoir l'intégration des jeunes d'origines diverses à la société québécoise, intervenir précocement auprès des jeunes et de leurs familles en vue de prévenir la délinquance, et ensuite promouvoir les fonctions pédagogiques et sociales d'enseignement.
Nous nous sommes donné pour objectif de soutenir sur le plan pédagogique les élèves en difficulté d'apprentissage du primaire et du secondaire. C'est donc dans ce contexte que nous voulons contribuer par notre participation à la réflexion, à l'analyse et aux délibérations sur les questions relatives à la lutte contre le racisme et la discrimination dans la société québécoise.
Soucieux de l'amélioration de la qualité de l'éducation en général, de l'enseignement en particulier, de l'encadrement des élèves démunis ou en difficulté d'apprentissage, de l'équité dans le système éducatif, les membres du comité de réflexion du CSEA, outre leur engagement bénévole auprès des jeunes en difficulté de leur famille, se prononcent régulièrement sur les sujets éducatifs d'actualité et sur les autres problématiques qui préoccupent la société québécoise. Le CSEA, dans ce mémoire sur la lutte contre le racisme et la discrimination, propose sa vision au ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles. Il entend de ce fait contribuer avec ses modestes moyens, comme il le fait depuis plusieurs années, à la réflexion sur la question de la discrimination raciale dans la société québécoise.
Donc, je passe la parole à mon collègue M. Charles qui vous exposera au nom de ses membres le point de vue du CSEA. Il vous fera part des mesures susceptibles de soutenir les initiatives existantes et celles qui peuvent favoriser l'éclosion de nouvelles pistes d'intervention. Les institutions publiques ou privées sont peu impliquées dans la gestion de la diversité et la lutte contre la discrimination. Leur engagement est toutefois capital. Mon collègue vous soumettra des propositions qui, si elles se concrétisent, sauront faire la différence auprès de ces jeunes et assurer leur plein épanouissement social et scolaire. Nous ne pouvons nous y soustraire, il y va de l'avenir du Québec.
M. Charles (Patrick): Merci, Mme Maurice. Alors, pour situer un peu ce que le CSEA a présenté, les membres ont choisi en fait de traiter de trois questions qui nous concernaient plus particulièrement, parce que le CSEA est un organisme éducatif. Donc, la première question qu'on a traitée, ce sont les mesures susceptibles de soutenir et de stimuler les initiatives existantes et l'engagement des institutions publiques ou privées qui sont donc un peu impliquées en matière de gestion de la diversité et de la lutte contre la discrimination. Ce que les membres ont noté, il y a quand même plusieurs initiatives qui existent actuellement en vue de favoriser l'engagement des immigrants de communautés ethnoculturelles. Ils ont mentionné la Loi d'accès à l'égalité en emploi. Bon, il y a certains progrès qui ont été faits suite à l'adoption de la Loi d'accès à l'égalité en emploi; on a vu que le nombre de gens des communautés ethnoculturelles dans la fonction publique a, d'une certaine façon, significativement augmenté, si on regarde sur sept, huit ans.
Et les gens du CSEA, qui sont pour la plupart des enseignants d'origine haïtienne, vivaient, comme ils le disent, avec une certaine difficulté leur condition d'être une minorité perpétuelle. Ce que les gens discutaient, c'était... dans le système démocratique, il y a une alternance politique, c'est-à-dire, un parti peut être à un moment donné majoritaire, à un moment donné ce parti-là devient minoritaire. Mais les Noirs vont rester noirs, et, s'ils sont minoritaires, ils vont rester minoritaires; ils ne seront pas majoritairement représentés dans une institution où, même des décisions qui les concernent, ils pourront avoir une influence. Donc, ils disent: Bien, il faudrait qu'il y ait un certain aménagement pour qu'on puisse se faire entendre. Parce que ce problème-là était soulevé lorsqu'il y avait des politiques, des consultations, si je peux dire, qui ont été faites dans certaines commissions scolaires sur le problème du décrochage scolaire, qui concernait principalement les Noirs, mais nous étions un groupe de profs d'origine haïtienne, mais on nous ignore. Mais ça nous concerne en tant que parents, en tant que Noirs, en tant qu'enseignants, mais ce n'était pas important de nous consulter. Donc, cette condition d'être minorité était quand même une condition, pour nous, à Montréal, particulièrement difficile, surtout lorsqu'il s'agit de politiques qui nous concernent.
n(14 h 10)n Donc, les gens exprimaient une certaine difficulté à se faire engager dans des emplois, comme on dit, intéressants, mais on reconnaît qu'il y a une difficulté, le taux de chômage n'est pas... est là. Il y a un certain nombre de gens qui ne travaillent pas, dans toutes les communautés. Normalement, on s'attendrait à avoir un taux de chômage par rapport à la moyenne, je dirais, la moyenne nationale. Mais le taux de chômage de la communauté haïtienne, ou chez les Noirs, est quand même nettement plus élevé par rapport aux autres.
Donc, les gens pensaient que les pouvoirs publics devraient créer des conditions pour faciliter, pour aider les gens qui font partie des communautés ethnoculturelles à trouver un emploi et à garder cet emploi-là. Mais tout ceci doit se faire sans négocier sur la compétence de ces gens-là. C'est-à-dire, il faut créer les conditions pour que les gens puissent se qualifier et occuper des emplois intéressants et contribuer participativement à la vie, à la société et au progrès de la société québécoise. L'autre point que les membres ont soulevé, par rapport aux gens du CSEA, c'est que cette initiative que les profs d'origine haïtienne ont prise en vue d'aider, nous pensons que cette initiative, qui vient de la base, qui vient par les gens qui sont concernés, qui est une problématique actuelle, bien nous pensons que ça doit être encouragé d'une façon plus significative. C'est sûr qu'on a reçu des subventions du ministère de l'Éducation à un moment donné, de notre député qui nous a aidés, mais nous aimerions avoir un peu plus d'encouragements, puisque l'initiative qui vient de la base, l'initiative locale par des gens qui sont concernés par une problématique est à encourager. Parce que là on pense que ça peut apporter quelque chose. Donc, les gens, comme ils le disent, ils plaident pour une plus grande ouverture d'esprit de la part de certains responsables.
Et l'autre point que les gens ont relevé, même dans le document qui nous a été envoyé, il est dit clairement qu'il n'y a pas de données, il n'y a pas suffisamment de données sur la formation, la dimension interculturelle dans les écoles et dans plusieurs domaines de la société québécoise. Donc, nous pensons qu'il y a là lieu... il y a là une possibilité de faire un effort pour justement collecter des données sur les communautés ethnoculturelles dans les différents organismes publics. Donc, je vais passer la parole à Mme Maurice pour le traitement de l'autre point.
Mme Maurice (Régine): La deuxième question que nous avons choisie, c'était de savoir quels changements seraient nécessaires dans le matériel didactique et dans les programmes scolaires aux divers ordres d'enseignement pour agir sur les préjugés, transmettre une vision juste du Québec et de sa population et favoriser le dialogue interculturel.
Bon. Au CSEA, en ce qui concerne le matériel didactique, nous pensons que ça reflète de façon assez juste le profil de la société québécoise. Mais, par exemple, au niveau de la confessionnalisation, nous pensons que ce serait bon qu'on garde une école publique et laïque. Donc ça, c'est le point de vue du CSEA.
Et ensuite, pour sensibiliser davantage un grand public et susciter une adhésion à ces objectifs, nous pensons que le... ce serait bon de financer de façon équitable, sans discrimination, toutes les écoles publiques et tous les organismes communautaires. Parce que, au CSEA, malgré tout ce que nous avons fait à date pour essayer ou bien de contacter les commissions scolaires, au CSEA, nous n'avons jamais eu de réponse positive, ne serait-ce que pour essayer d'avoir une entrevue, rencontrer quelqu'un. Alors, nous pensons que peut-être, dans ce coin-là, ce serait bon d'avoir... même s'il y a des financements, que ce soit de façon équitable pour tout le monde.
Donc, ceci dit, après toutes les démarches que nous avons faites, vu qu'il n'y a rien qui a pu aboutir, donc nous pensons donc que nous sommes donc les parents pauvres de la société québécoise en matière de financement public dans notre domaine, bien entendu. Donc, en gros, pour ce point-là, c'est ce que nous avons développé.
M. Charles (Patrick): Si vous permettez, je vais peut-être ajouter que... en parlant des changements qui seraient nécessaires, on veut mentionner l'éducation à la citoyenneté qui est prévue dans les programmes d'études. C'est un point sur lequel il faut insister. Il y a une certaine tendance à donner une importance démesurée à la mathématique, au français, mais l'éducation à la citoyenneté, nous pensons qu'on pourrait peut-être augmenter le nombre d'heures de formation dans l'éducation à la citoyenneté, parce que, quand on compare au français ou aux sciences, il y a quand même beaucoup d'heures. Donc, l'éducation à la citoyenneté est aussi importante; ça peut être une mesure qui peut aider à favoriser les rapports et à la compréhension des autres.
Et on voudrait aussi mentionner, seulement cette année, qu'on a eu le plaisir d'assister, lundi dernier, au lancement de la Chaire de recherche en éducation et les rapports ethniques, à l'Université de Montréal. Donc, l'Université de Montréal vient justement, cette semaine, de faire le lancement d'une chaire en éducation. Donc, c'est pour dire qu'il y a quand même des choses qui se font et qui pourront aider à une meilleure compréhension entre les communautés ethnoculturelles.
En ce qui concerne les changements que doit apporter un milieu scolaire pour faire en sorte que les élèves évoluent dans un endroit exempt de préjugés et de discrimination, les membres du comité de réflexion trouvent que c'était là un sujet très difficile et très complexe à traiter, mais ils ont voulu quand même attirer l'attention des membres sur la problématique qui existe à Montréal en matière d'école. Donc, les membres ont noté que plusieurs communautés ethnoculturelles à Montréal ont pratiquement développé leur propre réseau scolaire. Là on pose la question: Est-ce qu'on veut un programme d'études, à Québec, des citoyens, ou est-ce qu'on veut balkaniser l'éducation? C'est sûr que les gens peuvent toujours argumenter en gérant leur propre réseau scolaire, avec les profs qui viennent de leur communauté, les employés et leurs élèves, ils pourront les protéger; mais là c'est un argument que, moi, je trouve très difficile quand même à soutenir ? je ne parle pas de l'école républicaine en France ou ailleurs ? mais la province voisine, en Ontario, il y a que 1 % d'écoles privées; au Québec, c'est 40 %, la clientèle, donc là c'est un sujet quand même difficile.
Mais la communauté haïtienne dans son ensemble, enfin en majorité plusieurs parents se plaignent de manque du compréhension de la part des directions d'école. Et je veux mentionner que, il y a peut-être 10 ans, avant le changement qui a fait les commissions scolaires linguistiques, c'était confessionnel, il y avait la commission protestante qui avait ? des écoles ? presque à 95 % que des gens de la communauté haïtienne qui délibérément avaient choisi de fréquenter ces écoles-là, même lorsqu'ils n'étaient pas protestants. Donc, c'est à croire que là il y avait une réception et une compréhension qui étaient quand même plus grandes par rapport à d'autres commissions scolaires.
Mais ce sujet-là, comme je viens de dire, créait un environnement exempt de préjugés et de discrimination. C'est quand même un sujet difficile dans le contexte montréalais, et, pour la communauté haïtienne, qui est une communauté, de notre compréhension, pas riche, avec ses différences culturelles, avec ses problèmes, c'est difficile pour nous d'avoir les outils qu'il faut, bien développés, dans ce...
n(14 h 20)n Mais, mais les gens ont pris soin de noter qu'il y a peut-être 28 ans il y avait une équipe de recherche de l'Université de Montréal qui avait publié Le jeune Haïtien et l'école québécoise, qui avait mentionné trois éléments problématiques, qui étaient la langue ? parce que le jeune Haïtien parlait créole, il ne maîtrisait pas le français ? question de religion, question de culture, au niveau des habitudes de vie, et autre chose, qui faisaient problème pour une intégration pleine dans le système scolaire québécois. Mais, malheureusement, les jeunes Haïtiens qui avaient de la difficulté se sont vus offrir des cours de créole dans certaines commissions, PELO, Programmes d'enseignement des langues d'origine, au lieu des cours de français. Moi, je leur ai dit: Écoutez, si quelqu'un a de la difficulté à s'intégrer et à réussir dans une école où c'est le français qui est la langue de communication et la langue d'enseignement, il faudrait renforcer davantage la compréhension du français et l'enseignement du français. Là on me dit: Ah, il faut le créole! Bon. Moi, je n'ai jamais été pour le PELO, je l'ai dit, je l'ai toujours dit. Je disais que ceux qui avaient de la difficulté, c'était... pour le français, mais on leur donnait le cours de créole. Bon.
Je pense que, suite à cette recherche qui a 28 ans, c'était un signal d'alarme. Les données du ministère indiquent clairement que c'est... la communauté noire ou créole a le plus haut taux de décrochage et le plus bas taux de diplomation. Ils sont tous concentrés à Montréal. Ce que je dis, face à cette situation, il y a quand même lieu de prêter une attention spéciale à ces gens-là, quitte à leur donner, quitte à les aider d'une façon significative. C'est ce que nous pensons, pour être dans les écoles et regarder un peu ce qui se fait depuis 10, 15 ans. La plupart de nos membres sont des enseignants, et on voit ce qui se fait et on vit au quotidien toute la difficulté, la problématique du décrochage scolaire.
Donc, une façon de résumer les recommandations, c'était de dire: On souhaite que les responsables vont encourager les initiatives qui viennent de la base par les gens qui sont principalement concernés par les problématiques qu'ils vivent. Ce serait bien aussi de consulter les minorités à tout le moins pour les sujets qui les concernent. Moi, je prends l'exemple de Montréal, il y a des problèmes sur le décrochage scolaire, on n'en a jamais entendu parler. On a même approché des gens: On verra, on verra. On offre notre disponibilité, notre expertise en tant que parents et Noirs: je n'en ai jamais entendu parler. Il y a une nécessité sur la formation à la citoyenneté dans le programme scolaire; je pense que c'est aussi important que les mathématiques ou le français. Donc, ce serait de mettre un poids... un nombre de cours important sur l'éducation à la citoyenneté, qui est déjà prévu dans le programme de formation de l'école québécoise.
Le Président (M. Turp): Il vous reste deux minutes, M. Charles.
M. Charles (Patrick): Et je conclus pour deux phrases. Favoriser les recherches, faire les collectes de données et, comme exemple de l'Université de Montréal, la Chaire de recherche et d'éducation et sur les rapports ethniques, qui a quand même... elle a un outil qui pourrait apporter d'autres éléments pour éclairer les gens qui sont responsables pour intégrer les minorités ethnoculturelles. Merci.
Le Président (M. Turp): Très bien. Merci à vous deux d'avoir présenté le mémoire. J'ouvre une période d'échange et donne la parole d'abord à la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles.
Mme Thériault: Merci, M. le Président. Je vous dirais qu'également c'est la députée d'Anjou qui vous parle, puisque vous avez un organisme qui est situé dans mon comté. Mme Maurice, M. Charles, je vous remercie d'être ici aujourd'hui. Je suis très consciente du travail que vous faites. J'ai eu l'occasion d'aller visiter votre organisme, j'ai vu les enfants qui font du rattrapage scolaire la fin de semaine, qui viennent passer la journée avec vous, puis je trouve que c'est quand même... vous faites un excellent travail auprès d'eux. Vous êtes déjà des enseignants. Il est évident que de se taper une journée de plus sans être rémunérés, vous évoluez avec des enfants, vous voulez leur donner toutes les chances possibles de réussir, puis ça, je pense que vous avez beaucoup de mérite à faire ça. Donc, je pense que c'est important de le dire, parce qu'on n'a pas assez de félicitations pour les gens qui s'impliquent auprès de leur communauté, très souvent; on travaille dans l'ombre et on ne le voit pas. Donc, voici pour ça.
Vous avez parlé, à la fin de votre intervention, des recherches qui malheureusement, les recherches, les données, les études, on s'est rendu compte... C'est pour ça qu'on l'a écrit aussi dans le document de consultation: comment pouvons-nous mesurer le racisme et la discrimination et les impacts que ça peut avoir s'il n'y a pas d'étude sérieuse qui existe, s'il n'y a pas de mesure régulière qui est prise? Puis je ne dis pas qu'il n'y a pas d'études, là, il y en a, mais elles ne sont pas nécessairement faites de façon... systématiquement, de la même façon. On ne mesure pas nécessairement les mêmes choses, les données de base qu'on va prendre, ce n'est pas nécessairement les mêmes non plus. Puis on peut avoir des études qui datent de 15 ans ou de 20 ans, ou comme de presque 30 ans, avec l'étude que vous avez parlé sur le service qui était offert avec le programme PELO, ça date quand même de presque 30 ans. Et c'est comme incroyable de voir qu'il n'y a pas plus d'études qui existent.
Il est évident que, nous, lorsqu'on a fait le document de consultation, on se disait: Bien, pour être capables d'évaluer si les actions des gouvernements sont adéquates, il faut être capables de mesurer puis de se donner des cibles, des objectifs, d'être capables de quantifier pour pouvoir combattre le racisme, la discrimination, les préjugés ou autres. C'est évident que, même si on décidait de faire le travail auprès des écoles avec les jeunes, comment on est capables de mesurer ça si on ne se suit pas puis qu'on n'a pas la même base? Là, je pense que c'est important d'essayer de se donner les bons outils. Ça fait que ça, c'est une problématique qui était clairement énoncée dans le document, et c'est évident que, dans une politique de lutte pour lutter contre la discrimination puis le racisme, on va devoir mesurer le racisme et la discrimination.
Là, je dirais aussi: Il faut faire attention, parce qu'il est bien évident que, puisqu'il n'y a rien qui existe, on peut partir avec certaines données, et là, plus les gens vont savoir qu'il y a quelque chose qui existe, plus il y a de gens qui vont se manifester, et on pourrait assister à une collecte de données qui serait à la hausse, qui pourrait laisser tendre à ce qu'il y ait une hausse de discrimination et de racisme, alors que ça ne serait pas nécessairement le cas. C'est comme n'importe quel service, quand ça fait cinq ans que c'est connu, bien c'est comme si tu es victime de ton succès, jusqu'à un certain point.
Et je pense sincèrement que la participation civique et citoyenne, qu'on éduque mieux autant nos jeunes dans les écoles que les nouveaux arrivants par rapport à leurs droits, par rapport aux recours, par rapport à toutes les problématiques qu'on peut avoir en rapport avec du racisme puis de la discrimination, c'est important de le faire. Parce que, si les gens ne savent pas qu'ils ont des recours, ils ne pourront jamais les utiliser, ces recours-là.
Donc, mais j'aimerais ça peut-être que vous extrapoliez un petit peu plus sur le cours d'éducation à la citoyenneté. Qu'est-ce que vous voyez là-dedans qui pourrait aider à combattre le racisme et la discrimination? Vous êtes des professeurs, donc...
Mme Maurice (Régine): Oui! Bien, dans le fond, au moins les gens qui sont en face, ils ont une notion, ils savent, ils sont plus familiers, ils comprennent mieux la culture des gens avec qui ils font affaire. Et, moi, si je fais affaire à vous autres, que je ne comprends pas peut-être une banalité pour vous, et peut-être une énormité pour moi, mais, si, à la base, je le comprends et je le sais, donc je sais comment agir.
Donc, ce serait bon que les gens, par exemple, à la formation des maîtres, les gens qui sont les futurs enseignants au moins ont une... sont au moins conscients de ça. Quand tu as affaire à des Haïtiens, il y a des choses que, pour les Haïtiens, ils vous le disent, mais c'est rien, mais, pour vous, c'est vraiment énorme. Donc, ce serait peut-être bon de mettre... bien, je ne dis pas de mettre, je ne sais pas, trois, quatre, six cours là-dessus, mais au moins avoir un cours qui sensibilise au fond les gens face à ça.
Mme Thériault: C'est des suggestions qui ont été faites aussi par d'autres groupes et qu'on aura probablement l'occasion d'entendre encore. Parce qu'effectivement, quand on parle d'éduquer puis de sensibiliser, l'école a un rôle à jouer, que ce soit au primaire, au secondaire, au collégial ou à l'universitaire, l'école a un rôle à jouer, c'est évident. Je pense que, lorsqu'on a tous vu la CSDM qui disait qu'elle avait l'intention d'engager plus de professeurs issus des communautés culturelles parce que ces professeurs-là sont peut-être plus conscients des enjeux puis des réalités des élèves, qui peuvent être différents, bien c'est bien évident que, oui, c'est intéressant quand tu engages plus de profs issus des communautés culturelles, mais il faut penser aussi à faire de l'éducation des autres professeurs pour qu'ils puissent être conscients de cette réalité-là. Parce que c'est utopique de penser qu'on va avoir des classes parfaitement homogènes, surtout à Montréal. Donc, il est évident qu'il faut travailler là-dessus, ça, je vous l'accorde, là.
n(14 h 30)nM. Charles (Patrick): Je pourrais peut-être ajouter un point par rapport à ce que disait ma collègue. Concernant l'éducation à la citoyenneté, c'est de former, comme on dit, des citoyens qui ont aussi une ouverture sur le monde, dans le sens... Et la diversité culturelle est présente, je veux dire, est actuelle au Québec. Il y a des gens qui viennent de partout, et ces gens-là doivent avoir une conscience d'être des citoyens non seulement du Québec, mais du monde.
Mais j'ajoute qu'en éducation les repères culturels sont importants. Souvent, je dis à des collègues: Écoute, tu peux être un bon prof dans un pays X, mais, tu arrives au Québec, il faut que tu t'appropries certains éléments du milieu avant de penser à être efficace. La compétence, dans ce sens-là, n'est pas universelle, il faut comprendre le contexte du milieu, les repères, interagir avec les gens, comment ça marche. Tu peux être efficace, je ne sais pas, au Japon, je n'ai rien contre, là, je prends l'exemple, mais là on est en éducation, on fonctionne avec des gens, ce n'est pas la même chose que faire un micro. Donc, j'ai dit: L'éducation à la citoyenneté est importante, c'est dans le programme de formation de l'école québécoise, on veut former des citoyens responsables, on veut leur conscientiser de la réalité, de leurs responsabilités, de leur rôle dans la protection de l'environnement, dans la vie, mais aussi au niveau mondial. Il y a des ouvertures, il y a un environnement, il y a la mondialisation. Donc, c'est important. Si on regarde le temps qui est consacré à la formation à la citoyenneté, ça ne se compare pas au nombre d'heures à un programme de mathématiques. Je dis que c'est très important, et ceci pour tout le monde, pas uniquement pour des gens qui viennent... pour les immigrants, pas seulement pour les immigrants. Mais les immigrants aussi vont prendre le temps de comprendre qu'est-ce qui se passe au Québec, comment ça marche. Parce qu'entrer dans une école et enseigner à des gens, ce n'est pas aussi simple qu'on peut croire.
Mme Thériault: Je voudrais peut-être vous entendre sur la problématique des jeunes qui décrochent. Moi, je vais vous dire, là, au-delà de la responsabilité que j'ai en tant qu'élue, députée et ministre, là, je le vois réellement avec mon oeil de mère. J'ai un fils qui a 15 ans, il va avoir bientôt 16 ans. Et j'ai de mes amies qui ont des enfants qui ne sont pas Blancs, entre guillemets, O.K.?
J'ai une de mes amies qui est Québécoise d'origine, son mari est haïtien; ils ont eu un beau fils qui est 6 pieds deux, joueur de hockey, chocolat au lait. Il a tout, là. Il a des petites fossettes dans les joues, un superbe de bel homme. Aujourd'hui, je vais dire «un bel homme» parce qu'il est plus vieux que mon fils.
Et, malheureusement, je ne sais pas ce qui se passe... Puis là c'est peut-être plus votre «feeling» comme enseignant. Moi, il me semble qu'on échappe nos jeunes, on les échappe quelque part. Qu'est-ce qu'on devrait faire pour ne pas échapper nos jeunes? Puis je vais faire le lien avec le racisme et la discrimination. Est-ce que c'est dans les classes où on laisse les jeunes de côté, des communautés noires, parce qu'on se dit: Bien finalement il n'a peut-être pas ce qu'il faut pour pouvoir se rendre plus loin? Est-ce que c'est les préjugés des jeunes à même les classes qui vont faire qu'il y a des jeunes qui vont se mettre de côté puis qui vont décrocher?
Est-ce que c'est le fait de voir un certain taux de pauvreté dans différents quartiers de Montréal, qu'on dit: Bien, c'est quoi, mon avenir, si mes parents n'ont pas été capables de faire leur place? Est-ce que c'est ce qui a un attrait sur les jeunes, avec les gangs de rue? Il y a beaucoup de questions qui sont comme interreliées. Puis je me dis: Bien, quelque part, il faut quand même qu'il y ait... Est-ce qu'il y a des questions de racisme et de discrimination ou si c'est des questions d'incompréhension dans le système ou un système qui n'est pas adéquat?
Le Président (M. Turp): Oui. Le beau jeune homme, là, il a décroché? Est-ce qu'il a...
Mme Thériault: Ce beau jeune homme là a décroché et est retourné en formation professionnelle. En français, comme vous et moi, aucun accent, du tout, du tout. Il a un nom très francophone québécois, en plus. Et il est retourné faire la formation professionnelle comme plombier. Il était un des meilleurs de sa classe. Et, lorsque le moment du stage est arrivé, et là c'est ça qui est encore peut-être plus drôle, c'est qu'au moment où le stage est arrivé il y a une entreprise qui a dit: Bon, tu m'envoies ton meilleur, comme d'habitude. Le chargé, il dit: Oui, pas de problème, je t'envoie mon meilleur. Et, quand le jeune est arrivé, il a dit: Ah! Attendez une minute. Il a poigné son téléphone, il a appelé puis il a dit: Tu m'as envoyé ton meilleur? Oui, je t'ai envoyé mon meilleur. Ça fait que, déjà là, il y a une personne qui avait un préjugé énorme, pour commencer. Plutôt que de voir les qualifications et de se fier sur la personne avec qui il avait une relation de confiance, ça fait des années qu'il lui envoie ses meilleurs, il a eu devant lui une réaction qu'il ne s'attendait pas. Même quand il a parlé au téléphone, il n'a jamais pensé que peut-être il pouvait avoir quelqu'un d'une minorité visible devant lui. Il a juste vu: bien, peut-être qu'il ne sera pas bon, plutôt... Tu sais, puis il avait le doute. Puis ça, je me dis: C'est incroyable, là. Puis là on parle d'un jeune qui réussit, qui est parmi les meilleurs, en plus de ça, qui est revenu, qui a raccroché.
Le Président (M. Turp): Alors, un commentaire assez rapide, là. Mais on pourra y revenir aussi.
Mme Maurice (Régine): L'exemple parle de lui-même, là. On essaie aussi, nous autres, de comprendre. Parce que, quand même, dans la communauté, il y en a qui sont bons, qui... On a une petite... n'importe quelle nationalité. Donc, le travail, ce serait d'être fait auprès effectivement de ces gens-là qui font... qui acceptent les jeunes en stage, je ne sais pas, des patrons, etc., pour leur faire comprendre que, moi, je peux être aussi bon que n'importe qui d'autre. Ce n'est pas parce que je suis d'une communauté... d'une minorité, là, que... Et on a fait les mêmes cours. Je suis peut-être plus excellent que bien d'autres. Alors, le travail, ce serait peut-être à ce niveau-là qu'il faudrait vraiment le faire, le commencer au moins pour qu'ils prennent conscience que...
Le Président (M. Turp): M. Charles, vous voulez ajouter quelque chose? Et ensuite je donne la parole à notre porte-parole de l'opposition officielle.
M. Charles (Patrick): Ce que je veux dire, c'est que le taux de décrochage qui est élevé dans la communauté haïtienne, il y a plusieurs éléments qui l'expliquent. Les familles haïtiennes, pour la plupart, ne sont pas outillées pour fonctionner dans une société, je dirais, comme la société québécoise. Il y en a qui viennent pratiquement des sections rurales. Les gens n'ont pas d'idée qu'est-ce que c'est, une section rurale en Haïti. Ce n'est pas une banlieue à 100 km de la ville de Québec. Une section rurale en Haïti, une famille qui arrive avec des jeunes, qui arrive à Montréal, c'est un autre monde. C'est des gens, pour la plupart, analphabètes, qui ne savent pas lire, qui ne savent pas écrire, et les jeunes sont là, ils sont devant la télévision, ils sont laissés à eux-mêmes, d'une certaine façon. Et ce n'est pas seulement un problème de culture; c'est un problème d'outiller les gens à fonctionner d'une façon convenable.
Hier, je lisais dans La Presse: «16 membres des gangs de rue d'origine haïtienne vont être jugés dans l'édifice qui a été préparé pour les motards.» Bien, ça vient me chercher, ça vient me chercher, dans le sens que ces jeunes de gangs de rue là, ce sont, d'une certaine façon, les décrocheurs, ceux qui n'ont pas réussi à se trouver un emploi. Mais on se questionne sur ça au CSEA, c'est-à-dire qu'il y a les gens qui rentrent au Québec, une société moderne, industrialisée, il faut avoir les outils pour fonctionner convenablement... Au-delà de tous les problèmes, bien ces familles-là, elles sont complètement dépassées. C'est... En tout cas.
Le Président (M. Turp): Très bien. Merci beaucoup. Je donne la parole à la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'immigration et de communautés culturelles, la députée de Laurier-Dorion.
Mme Lefebvre: Bonjour, Mme Maurice et M. Charles. C'est très intéressant, la discussion qu'on a présentement, puis j'aimerais poursuivre dans la même veine. Est-ce que vous remarquez à cet effet des différences entre les immigrants de première et de deuxième génération quant à leur facilité à s'intégrer, là, dans le... puisqu'on parle, là, du milieu scolaire principalement? Donc, est-ce qu'il y a des approches différentes qui doivent être mises en place ou...
M. Charles (Patrick): J'ai cité une étude, qui a été faite à l'Université de Montréal, en 1979, déjà qui signalait les difficultés des jeunes d'origine haïtienne à s'intégrer d'une façon convenable dans les établissements scolaires québécois. Ça fait 28 ans. Donc, les quelques personnes immigrantes qui sont venues d'Haïti il y a 40, 50 ans, je ne sais pas si on pouvait parler de vague d'immigration, mais ça n'a absolument aucun rapport avec la masse de gens qui viennent dans les années quatre-vingt et qui, pour la plupart, n'étaient pas des intellectuels. C'étaient des gens, pour la plupart, des gens qui venaient de la campagne, des gens qui, dans certains cas, n'ont même pas fréquenté l'école en Haïti.
Alors, une personne qui arrive avec deux, trois enfants, qui n'ont pas les mêmes habitudes de vie, qui n'ont pas la même compréhension du système, qui viennent dans un autre milieu, complètement différent, sans les outils, bien, si, aujourd'hui, on voit que le taux de décrochage, comme je dis, dans la communauté haïtienne est parmi les plus élevés, eh bien les gangs de rue qui pullulent partout, moi, je veux attirer l'attention sur l'idée que ces gens-là ont besoin de considérations particulières. Ce n'est pas un Français qui rentre au Québec ou un Allemand. Ces gens-là ont des cultures qui se ressemblent, occidentalisées, et qui sont outillés, qui ont à peu près les mêmes fonctionnements. Mais quelqu'un qui vient de la campagne en Haïti, qui n'a même pas deux années de scolarité... même ceux qui ont sept années de scolarité, avec les problèmes, les années de scolarité en Haïti, c'est 40 jours d'école, ce n'est pas 200 jours d'école, donc ce n'est pas des gens qui sont outillés, ce n'est pas des gens qui sont prêts à intégrer, à fonctionner convenablement dans cette société. C'est ça qu'on est en train de dire. Donc, ces gens-là, il faut prendre en considération leur cas et établir des politiques spéciales.
n(14 h 40)nMme Lefebvre: Bien, c'est... Si je peux permettre, c'est intéressant, ce que vous mentionnez, parce que vous faites la distinction entre les différentes, bon, vagues d'immigration, comme vous l'avez dit, puis, disons, la condition sociale de ces personnes avant d'arriver ici, puis ça a un impact sur le cheminement d'intégration par la suite, puis je me demandais: est-ce que... parce que plusieurs groupes ont parlé de l'importance, puis vous en avez parlé également, de l'éducation de la citoyenneté, mais il y a aussi l'autre aspect de la formation des intervenants, que ce soient, bon, les professeurs, les enseignants, mais aussi dans le milieu de la santé, et tout ça, donc une formation à la diversité ou à l'interculturel, le terme peut être... Mais est-ce que vous avez l'impression que c'est assez documenté et assez utilisé, toutes ces nuances à travers même les communautés? Parce qu'on le remarque, il y a différents leaders dans chacune des communautés, différentes tangentes, comme dans n'importe quelle société finalement ou microsociété. Donc, c'est un facteur important, je pense.
M. Charles (Patrick): Mais je veux dire une chose. Ce n'est pas une question de période. Pourquoi aujourd'hui il y a des gens qui n'ont jamais laissé Haïti, qui rentrent ici, qui passeront inaperçus? Donc, c'est qui rentre, ce n'est pas quand. Et, à l'époque, les gens venaient, il y a 40, 50 ans, qui étaient quelques intellectuels impliqués dans la politique, qui fuyaient le régime, O.K., il y en a encore en Haïti aujourd'hui qui rentreraient ici et qui seront inaperçus.
C'est une question de classe, de culture. Parce qu'à Haïti il y a trois cultures, il y a les Occidentaux, les affranchis, mélangés un peu, et puis les Noirs, les créoles, ceux qui, comme si c'était une tribu d'Afrique, il y a trois classes qui sont quand même assez distinctes, sauf que les gens, ils tournent autour, mais ça existe. En Haïti, c'est comme ça. Bon, mettons, quelqu'un qui vient de l'occidentalisé, il y a pas de problème, il n'y a même pas de problème d'intégration. Mais quelqu'un qui vient affranchi, encore là, moins de problèmes, mais quelqu'un qui vient du groupe créole ou qui vient d'une section rurale, qui n'a jamais vu l'électricité, jamais vu un médecin, jamais été à l'école... Ça peut arriver que ces gens-là rentrent, il y en a qui vont en République dominicaine, qui rentrent, quand ils viennent, c'est tous des Haïtiens mais pas avec les mêmes ressources.
Mme Lefebvre: Dans ce sens-là, est-ce que vous croyez qu'on prend assez en considération, dans l'élaboration de nos politiques publiques, peut-être cette différence entre les... est-ce qu'on devrait plus en tenir compte?
M. Charles (Patrick): En tout cas, moi, ce que je pense, c'est que ces gens-là, ils rentrent ici, ils sont sélectionnés d'une certaine façon par les responsables, les décideurs, ceux qui les invitent ou les laissent rentrer, et, bon, si on les laisse rentrer, avec les moyens qu'ils ont, la catastrophe qu'on observe aujourd'hui... Moi, je considère que c'est une catastrophe pour la communauté haïtienne, il faut faire quelque chose. Je ne peux pas envoyer quelqu'un qu pôle Nord sans un manteau. On l'envoie crever. Il faut mettre les ressources. Il faut mettre les ressources qu'il faut pour les aider. Ça, c'est clair.
Mme Lefebvre: Il nous reste du temps, M. le Président?
Le Président (M. Turp): Il vous reste encore quatre minutes, cinq minutes.
Mme Lefebvre: Donc, à la page 1, 2 de votre mémoire, vous affirmez qu'il y a plusieurs mesures urgentes et nécessaires qui doivent être mises en place, puis, dans la même veine, je me demandais, à votre avis, si vous êtes capables d'identifier les plus grands problèmes auxquels font face les personnes haïtiennes. À la page 5, vous parlez que, bon... l'étude que vous avez fait mention précédemment... Donc, êtes-vous capable de nous identifier les plus grandes difficultés que vivent les jeunes d'origine haïtienne puis en même temps d'identifier des mesures concrètes qui pourraient aider à réduire les difficultés? Dans le milieu de l'éducation.
Mme Maurice (Régine): Moi, vu qu'on est dans l'enseignement, donc le premier gros problème, ce serait vraiment le décrochage de nos jeunes, qui n'arrivent nulle part, qui décrochent en milieu de... vraiment il y en a beaucoup qui décrochent.
Mme Lefebvre: Sur cette facette-là du décrochage scolaire, est-ce que vous avez en tête des pistes de solution, des idées qui pourraient...
M. Charles (Patrick): À ce niveau, ce que j'essaie de dire aux gens, il faut différencier les mesures. Une mesure qui est valable à Québec, ville Québec, pour des gens qui décrochent peut ne pas être la même pour des jeunes Haïtiens qui décrochent à Montréal. Cela dit, la recherche qui avait identifié la langue, religion et culture, c'étaient quelques indicateurs, je dirais, descriptifs mais aussi qui donnaient des pistes. Je reviens sur l'exemple. La langue est une problématique. Un jeune qui ne peut pas réussir la langue... La communication est en français, l'enseignement se fait en français, mais renforcez le cours de français. On donne des cours de créole! Ça, je n'ai jamais compris, au nom de PELO. J'ai dit: mais renforcez l'enseignement de la langue française, donnez 12 périodes de français au lieu de huit. Mais, non, on va à PELO, on va enseigner le créole, ça va augmenter l'estime de soi. C'est leur argument. Moi, je n'ai jamais compris.
Ce que je pense, et particulièrement à Montréal, il faut travailler à tout le moins à bien les encadrer, à leur donner des cours supplémentaires si nécessaire, à renforcer l'enseignement de la langue française, parce qu'autrement, si on ne maîtrise pas l'outil d'apprentissage, la langue dans laquelle on étudie, je ne vois pas comment on peut réussir. Donc ça, c'est des pistes qui ont été identifiées il y a 28 ans, et il y a des commissions scolaires qui ont fait le contraire. Bien, là...
Le Président (M. Turp): Il reste encore 1 min 20 s, est-ce que vous voulez qu'on l'additionne à l'autre?
Mme Lefebvre: Est-ce que le... Le parascolaire, par exemple, est-ce que c'est quelque chose qui fonctionne bien? Parce qu'on mise beaucoup là-dessus, dans les dernières années, pour contrer le fait de décrochage scolaire. Est-ce que, vous, vous avez vu des résultats?
M. Charles (Patrick): Oui. Moi, ce que je dis, c'est qu'il faut faire des interventions qui sont pertinentes. Et c'est sûr que je vois qu'il y a une tendance à un petit peu copier ou mimer ce qui se fait aux États-Unis. On va faire un gymnase de bois puis, après ça, on va faire du basket. Bon. Il y a des interventions qui visent à les garder dans les écoles, pas nécessairement à caractère académique, à les faire réussir, une nuance. Si on veut les garder dans les écoles pour qu'ils ne soient pas dans les rues, c'est une chose. Mais, si on veut renforcer l'académique, la réussite scolaire, ça, c'est autre chose. Bon. Moi, je ne suis qu'enseignant, je ne suis pas... je ne décide pas de ce que vais leur donner. Nous, au CSEA, on a fait ce qu'on pensait être utile: les faire venir après l'école et le samedi pour les aider en français, en mathématiques. Mais c'est ce qu'on fait, c'est ce qu'on pense, mais on n'est pas consultés.
Mme Lefebvre: Mais ça, c'est un autre aspect, on pourra revenir, je pense, après. Mais est-ce que vous aidez principalement les plus jeunes, du primaire, secondaire? Les deux? O.K.
M. Charles (Patrick): Et toutes les communautés sont bienvenues, hein?
Mme Lefebvre: O.K.
M. Charles (Patrick): On a des Africains, des Arabes, des Québécois et majoritairement des Haïtiens. Ce n'est pas exclusif.
Le Président (M. Turp): Merci. Alors, je redonne la parole à la ministre pour une courte période d'échange de 5 min 15 s, et l'opposition officielle reviendra ensuite.
Mme Thériault: Donc ça, moi, je pense que ça peut être aussi intéressant d'arriver avec certaines précisions, parce que là vous vous référez sur une étude qui date depuis presque 30 ans. Et c'est évident que dans les années 1980 il y a eu beaucoup de réfugiés politiques qui sont arrivés. Et là ça pouvait provenir de toutes les sections d'Haïti et non pas seulement que d'une classe sociale en particulier ou autres, ce qui n'est pas le cas présentement. Il n'y a pratiquement pas ou zéro de réfugiés qui proviennent d'Haïti. Et, moi, je vous dirais que de manière générale la grille de sélection du Québec, historiquement, dans le passé, a toujours fait en sorte que ça prenait quand même un certain minimum pour pouvoir être sélectionné par le Québec, là, au niveau de l'éducation, au niveau de la langue, etc.
Je pense qu'au niveau du programme PELO, c'est un programme qui existe encore, mais on me dit que c'est un programme qui optionnel et que normalement c'est après l'école, à la demande des parents. Et est-ce qu'il y a des... Justement, ça m'amène à la question: Est-ce qu'il n'y a pas justement des éducateurs ou des professeurs qui ont abandonné et que, plutôt que de réorienter les jeunes dans notre système scolaire, vont dire: bien, pourquoi tu ne vas pas là? Parce qu'il y a un éducateur quelque part qui a abandonné. Tu sais, plutôt que de pousser le jeune à dire: Bien, regarde, O.K., le français, c'est important, il faut que tu l'apprennes, etc. Est-ce qu'il n'y a pas des éducateurs qui abandonnent, quelque part, leur rôle, qui ne vont pas jusqu'au bout?
n(14 h 50)nM. Charles (Patrick): Moi, je... La politique PELO est une politique qui a été établie par les commissions scolaires. Moi, je travaille pour les commissions scolaires, mais je me vois difficilement me mettre en opposition avec ce qu'ils font. Mais, quand on m'invite à des organismes communautaires haïtiens qui travaillent particulièrement avec le PELO... Mes amis m'ont même dit que je n'étais pas fier de la langue créole. J'ai dit: Mais on est au Québec. Et je leur dis: Nous sommes au Québec, le premier devoir, c'est de maîtriser la langue française. D'ailleurs, ces jeunes-là, quitte à faire du temps après l'école, si j'avais le choix de le faire en français ou en créole, moi, je l'aurais fait en français. Parce que le jeune est en difficulté. Donc, la justification du PELO pour des jeunes en difficulté, je ne vois pas. À la demande des parents, moi, la plupart des parents haïtiens, puis j'ai rencontré... leur compréhension du système scolaire québécois, là, si je mets un sur 10, c'est un. Donc, commencer à réclamer des programmes dans un système qu'ils ne comprennent absolument rien, moi, je questionne ça.
Mme Thériault: Remarquez, ça peut être à la demande d'un éducateur aussi qui va suggérer aux parents qu'ils devraient faire la demande. C'est ce que j'entends par là. Parce qu'effectivement je suis d'accord avec vous, il y a beaucoup de parents qui méconnaissent le système scolaire. Les enfants peuvent dire ce qu'ils veulent aux parents, et ce sont les enfants qui vont avoir le bon bout. On nous l'a dit, c'est vrai pour la communauté haïtienne, mais c'est vrai pour d'autres communautés où les parents parlent peu le français et qu'il n'y a pas de méthode de communication. Alors, je pense, les commissions scolaires ont du travail à faire pour mieux communiquer avec les parents, pour ne pas que les parents soient à la merci des enfants, qui vont dire ce qu'ils veulent. Ça, c'est tout un autre débat.
Mais ? peut-être parce qu'il ne me reste pas beaucoup de temps, je vois qu'il ne reste même pas deux minutes pour le total de l'échange ? ce que j'aimerais entendre de vous, de par votre expérience auprès des jeunes, les jeunes que vous voyez les fins de semaine, les jeunes que vous aidez, mais les jeunes que vous avez aussi dans vos cours, est-ce que les jeunes de la communauté haïtienne disent qu'ils sont victimes de racisme ou de discrimination? Et, si oui, comment ils le vivent? Comment ça vient les chercher? Comment ils remettent en question peut-être leur appartenance au Québec?
M. Charles (Patrick): Ça, on a réfléchi là-dessus, à cette question. C'est drôle à dire, nous étions arrivés à la conclusion, lorsqu'il y a eu toute l'évolution du système éducatif au Québec, les religieux par rapport aux parents, ce qu'on connaît aujourd'hui, plusieurs réformes, ça n'a pas été conçu pour recevoir ces gens-là. Les jeunes qui arrivent, casquette, «yé man!», le système scolaire québécois, là, il n'était pas prêt à ça. Ce n'est pas que le système vise à les discriminer, sauf qu'ils entrent dans une structure, ils entrent dans une structure, on leur dit: Écoutez, la structure est comme ça. C'est un choc culturel.
Nécessairement, ils se regroupent, on les voit traîner, ils font le tour de l'école, il faut leur dire 100 fois la même chose, ils n'écoutent pas. Le système n'était pas prévu, n'était pas prêt à recevoir ces gens-là. C'est notre conclusion.
Maintenant, quant aux initiatives qui sont prises par les écoles, on est vraiment mal placés pour les critiquer, puisque nous pensons qu'une plus grande participation des gens de la communauté qui sont les éducateurs, il faut les écouter aussi, ça pourrait apporter une amélioration. Mais je dis: Est-ce qu'on prend des décisions pour les garder ou on prend des décisions pour les aider à avancer académiquement? Nuance. Ça, il faut distinguer ça.
Le Président (M. Turp): Alors, la députée de Laurier-Dorion, la députée de Terrebonne et le député de Saint-Hyacinthe vont se partager 10 minutes de questions et d'échange avec vous. Mme la députée de Laurier-Dorion.
Mme Lefebvre: Je vais y aller très rapidement parce que mes collègues ont des questions à vous poser. Vous avez insisté beaucoup dans votre mémoire, puis vous l'avez dit également à la fin de notre échange sur la concertation, vous semblez dire que vous n'êtes pas suffisamment appelés au chapitre. Est-ce que vous pouvez élaborer davantage? Est-ce que vous avez des pistes de solution? Est-ce que vous avez vu des instances décisionnelles à travers lesquelles, si vous étiez des membres actifs, vous pourriez jouer un rôle plus influent? Bref, on est ici pour mettre tout sur la table, donc je vous écoute.
Mme Maurice (Régine): Bien, comme je l'ai dit un peu brièvement, on a fait pas mal de tentatives, on a essayé de contacter des commissions scolaires, histoire de se mettre en partenariat vu qu'on fait le même travail, mais on a toujours été pas entendus, on n'a jamais eu l'occasion ne serait-ce que de rencontrer quelqu'un, quelque part, pour lui parler face à face comme on parle là. Donc, c'est toujours sur papier, nos affaires, mais on n'a jamais eu de suite à toutes nos initiatives.
M. Charles (Patrick): En fait, pour résumer un peu la démarche, moi, personnellement, à un moment donné, j'ai appelé le ministère. On m'a dit: Ah, M. Charles, les projets sont délégués aux commissions scolaires. J'ai appelé la commission scolaire: Ah, M. Charles, les budgets sont délégués aux écoles. J'ai appelé les écoles: Ah, M. Charles, le budget a été voté l'année dernière, il faut revenir cette année pour le conseil d'établissement. Le temps passe: Ah! Oui, on a changé la date. On n'a pas pu les rencontrer. Bon. Ça, c'est un exemple.
Parce que, moi, je m'étais impliqué dans cette affaire-là, enfin le CSEA, et on a rencontré des gens au ministère de l'Éducation; il y a eu M. Rabel et M. Sauthère qui ont été rencontrer des gens, on leur a offert nos disponibilités, des gens qui s'occupent de ces questions-là. On a rencontré des gens dans certaines commissions scolaires, des élus dans certains cas, des commissaires, mais ça a l'air qu'on ne connaît pas le sujet suffisamment. Donc, on a fait suffisamment de démarches dans le sens qu'on fait là aujourd'hui pour expliquer le bien-fondé de notre action. Il me semble que...
Mme Lefebvre: Bien, merci. Je pense que vous trouvez ici une oreille attentive, parce que, bon, je pense que l'objectif, c'est d'élaborer une politique qui justement prenne en compte ce qui est vécu sur le terrain pour l'améliorer. Donc, bien, merci de vos précieux commentaires, et suggestions, et recommandations. Je cède la parole à ma collègue de Terrebonne.
Le Président (M. Turp): Mme la députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Mme Maurice, M. Charles, merci infiniment. J'ai vraiment apprécié l'échange.
Comme tous les organismes de la base, hein, initiatives de la base, je pense que vous touchez aux deux éléments, l'importance qu'on tienne compte de votre expertise, hein? Vous connaissez les jeunes, vous êtes des enseignants, des enseignantes, donc vous avez une expertise, puis il faut qu'elle soit utilisée au niveau de la commission scolaire, au niveau des écoles, au niveau du ministère. Puis vous avez besoin aussi d'un soutien financier pour faire vos activités.
Vous avez dit tantôt, puis je l'ai noté vite, vite, vous avez eu une subvention du ministère de l'Éducation, une petite subvention puis un soutien dans le soutien à l'action bénévole, probablement de votre députée, là, ça doit être dans ce cadre-là. Mais vous disiez que vous aviez besoin de davantage de support. Qu'est-ce que vous avez besoin pour pouvoir remplir votre mission, outre le fait qu'il faudrait absolument que les gens vous consultent au niveau de la concertation, là, pour avoir votre expertise? Mais, est-ce qu'au niveau financier, est-ce qu'il y a des besoins particuliers?
M. Charles (Patrick): Bon, c'est sûr que de faire fonctionner un organisme à Montréal... on est logés dans un centre, dans une place d'affaires, il y a des frais, il y a un loyer, sans dire le montant, mais ce n'est pas donné. Et on reçoit des subventions que je peux situer à l'ordre de 5 % de notre budget. Donc, ce n'est pas énorme. Ce qu'on aimerait, ce serait peut-être d'avoir une subvention dans le cadre même de certains projets. Et je comprends qu'il y avait certaines difficultés qui étaient reliées à l'idée que nous étions un jeune organisme. Ah, il faut faire sa preuve, il faut attendre deux ans pour pouvoir soumissionner sur certains projets. On a compris ça, mais on est là depuis quatre ans.
En fait, je dis ça, des fois on a l'impression qu'on est écartés d'un projet sur une question de technicalité. Je ne dis pas que ce n'est pas important, mais, pour le travail qu'on fait et pour l'importance de ce travail, il me semble que, dans certains cas... des fois on parle d'accommodement raisonnable, il y a lieu de regarder ça. Des fois, pour une affaire... je ne dis pas ridicule, mais: Ah, il manque quelque chose là. Bon. Enfin, ça crée un problème, ça crée un problème, parce que, je comprends, l'argent, il n'y en a pas partout, il y a des programmes, il y a les organismes, il y a un budget, il faut être sérieux. Mais il y a des projets qu'on applique, sur lesquels on aurait droit, il me semble. Peut-être que je n'ai pas une compréhension approfondie des subtilités des choses, mais, quand même, quand je regarde les conditions et les exigences, je me dis: Bien là! En tout cas.
Le Président (M. Turp): Bien. M. le député de Saint-Hyacinthe. Et il y a environ quatre minutes pour votre échange avec nos invités.
n(15 heures)nM. Dion: Merci beaucoup. Ça, c'est vraiment très généreux de votre part. Les minutes sont comptées, que voulez-vous?
Je veux vous remercier très sincèrement de ce que vous nous avez apporté comme documents mais aussi comme exposé et comme considérations qui sont empreintes d'une longue expérience dans la vie réelle de tous les jours, avec tout ce que ça comporte de difficultés et de complexité.
Il y a beaucoup de choses qui évidemment me touchent dans ce que vous avez dit. Je veux d'abord vous dire à quel point on est... moi, en tout cas, je pense que c'est partagé par l'ensemble des gens qui sont ici, mais on est sensibles... En tout cas, en ce qui me concerne, je vais parler pour moi, je suis très sensible à votre volonté de vous impliquer dans cette problématique-là et à la nécessité que l'État apprenne parfois à être partenaire des initiatives qui viennent de la base plutôt qu'à avoir toujours à prendre les initiatives à sa place. Je pense que c'est une condition pour maximiser l'efficience des fonds qui sont alloués. Et parfois il suffit de très peu de plus ou des placements autrement pour assurer une double efficience.
Mais il y a une chose qui me préoccupe, et je voudrais avoir votre opinion là-dessus. Je ne sais pas si ma question est inspirée par du racisme inconscient, mais, si c'est le cas, vous saurez me le dire. J'ai de la difficulté... vous avez mentionné vous-même ? et je pense que vous êtes réticent à ça aussi, d'après ce que vous avez dit ? vous avez mentionné l'existence d'écoles, j'appellerais écoles ethniques ? sans donner de connotation péjorative ou autre, c'est parce que c'est la façon la plus simple de nommer les choses ? donc des écoles ethniques, et vous avez mis ça un peu en doute, et tout ça.
La question que je me pose est la suivante: Est-ce que d'avoir... de favoriser des écoles ethniques, donc de les financer, évidemment ça touche tout le problème des écoles privées, je suis conscient de ça, et il ne faut pas avoir peur d'en tenir compte. Mais est-ce que ça, ça a comme effet de favoriser l'intégration, de favoriser la rencontre entre la communauté d'accueil et les gens qui arrivent de l'immigration, de favoriser la ghettoïsation et la balkanisation de ces groupes-là, de la société? Et, en dernier lieu, est-ce que ça conduit au racisme, c'est-à-dire à une augmentation des conditions pour que se développe le racisme, ou l'inverse? Vous voyez, ça peut être l'un, ça peut être l'autre, je voudrais avoir votre opinion.
Le Président (M. Turp): Un question avec un choix de réponses multiples.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Charles (Patrick): Non. On prend les choses telles qu'elles sont. Exemple, les Grecs ont à peu près un petit réseau scolaire. Ils sont financés au montant qui est prévu par la loi, mais ils sont financés à 100 % pour faire du rapprochement interculturel. C'est public, c'est dans les journaux. Après, on dit: Ah non, on va l'enlever. Bien, c'est une réalité. Nous, les Noirs, on n'a pas de dollar pour faire du rapprochement interculturel. Attention, je n'ai pas inventé cette situation. Quand je dis, quand je dis qu'il y a des communautés qui gèrent leurs réseaux ou leurs écoles, c'est une situation de fait. Mais, si les Noirs ou les Haïtiens particulièrement, de par leur, je dirais, de par leur ? pour la plupart de ceux qui sont ici, qui ont été à l'école en Haïti; de par leur ? historique ? beaucoup ont été formés par les missionnaires québécois ? se retrouvent dans le système scolaire québécois public, moi, personnellement, je pense que ça ne devrait pas être un environnement où ces gens-là devraient subir... ou se sentir discriminés. C'est mon opinion.
Mais, quand on regarde la situation, que disent les parents? Je l'ai dit tout à l'heure. Il y a 10 ans, avant la déconfessionnalisation, on retrouvait dans les écoles protestantes un effectif à 98 % de jeunes d'origine haïtienne. Il y avait deux commissions scolaires, il y avait la commission scolaire des écoles catholiques de Montréal, c'est cette commission que j'ai toujours connue, où j'ai travaillé, et il y a la commission protestante qui était à côté. Pour x raisons, il n'y a pas d'études qui ont été faites là-dessus, primaire ou secondaire, on retrouvait toute la clientèle d'origine haïtienne concentrée dans ces écoles; c'est à croire qu'on est dans une situation de ségrégation.
M. Dion: Merci, je pense que...
Le Président (M. Turp): Le temps est écoulé, M. le député de Saint-Hyacinthe, je regrette.
M. Dion: Ah oui! On était pourtant sur une bonne piste. Merci. Merci.
Le Président (M. Turp): On le regrette tous, mais on vous remercie surtout de votre présence parmi nous. Je voudrais juste dire une chose. Vous savez, il y a quelques mois, on a pu tous voir à la télévision ce film magnifique, La classe de madame Lise.
Des voix: Madame Lise.
Le Président (M. Turp): Dans Parc-Extension. Et vous voyez jusqu'à quel point un enseignant fait une différence. Et, dans ce cas-ci, c'était une enseignante qui n'était pas issue de l'immigration. Et je pense qu'on pourra retenir de votre présence ici l'importance de l'enseignant et le fait qu'il peut ou qu'elle peut jouer un rôle très, très important pour prévenir le racisme et la discrimination dans notre société.
Alors, merci beaucoup pour votre présence. Je suspends les travaux pour quelques minutes. Et j'invite le Commissaire à la déontologie policière à prendre place avec nous.
(Suspension de la séance à 15 h 5)
(Reprise à 15 h 8)
Le Président (M. Turp): Nous reprenons nos travaux. Et je vous invite donc, M. le Commissaire ? et vous êtes accompagné de votre adjoint, je crois ? à bien vouloir nous présenter votre mémoire et vos vues sur la question qui intéresse les membres de notre commission. Et vous avez... 20 minutes? 20 minutes pour présenter votre mémoire.
Commissaire à la déontologie policière
M. Simard (Claude): Bien. Alors, d'abord, permettez-moi de vous présenter mon collaborateur, mon commissaire adjoint, Me Réjean Gauthier. Mme la ministre, M. le Président, il me fait plaisir de participer à cette commission.
Vous me permettrez dans un premier temps une brève introduction, pour par la suite passer à nos commentaires. Le Commissaire à la déontologie policière a pour constante préoccupation que les policiers du Québec soient au service de tous et qu'ils respectent leurs droits et libertés. De plus, il convient de rappeler que le système déontologique policier actuel a, entre autres, été instauré dans la foulée d'une recommandation formulée par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse suite à une enquête sur les relations entre les corps de police et les minorités ethniques et visibles.
Dans ces perspectives, le Commissaire estimait donc de son devoir de participer à cette commission. À cette fin, après une brève présentation institutionnelle, nous soumettrons un premier bilan de nos actions dans le domaine. Par ailleurs, nous avons tiré de nos expériences certaines observations dont nous ferons part pour enrichir la réflexion engagée. Enfin, nous proposerons quelques voies d'amélioration possibles pour favoriser le respect et l'exercice des droits des Québécois et Québécoises des communautés culturelles. Ici, nous espérons ultimement contribuer à l'établissement d'une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination qui pose les conditions et les moyens d'un avenir meilleur.
Très courte présentation de notre organisme. La présentation du système déontologique policier qui suit a pour objectif de donner des repères sur les institutions qui le composent, leurs caractéristiques, leurs principales modalités d'intervention et leur performance générale. Afin d'obtenir plus d'informations à ces égards, on peut par ailleurs consulter le site Internet, dont vous avez la description à la page 2.
n(15 h 10)n Le cadre institutionnel, évidemment, au niveau du système déontologique policière est sur l'application du Code de déontologie des policiers du Québec. Ce code détermine les devoirs et les normes de conduite des policiers, constables spéciaux, contrôleurs routiers dans l'exercice de leurs fonctions lorsqu'ils sont en rapport avec le public. Deux autorités de surveillance civile distinctes, autonomes et indépendantes le composent. D'abord, le Commissaire à la déontologie policière et le Comité de déontologie policière, qui est le tribunal déontologique. Le Commissaire a une mission déterminante au sein de ce système car, au terme de l'aide accordée aux citoyens pour formuler leurs plaintes, de l'examen préliminaire de celles-ci, de la conciliation des parties, de l'enquête des allégations formulées par les plaignants et de l'évaluation de la suffisance de preuve disponible pour citer un policier devant le Comité de déontologie policière, il dispose à son seul niveau de plus de 90 % du volume des plaintes dont le système déontologique est saisi. En outre, à la suite d'une citation, c'est aussi le Commissaire qui assure les représentations devant le Comité de déontologie policière et, s'il y a appel, devant la Cour du Québec.
Par ailleurs, on retiendra que le Comité de déontologie policière est pour sa part un tribunal administratif spécialisé chargé de réviser les décisions du Commissaire après enquête et de décider sur citation, à la suite d'une audience publique, si la conduite de l'intimé constitue un acte dérogatoire au code de déontologie. Le cas échéant, le comité impose une sanction. Ses décisions sur citations sont appelables à la Cour du Québec.
Les premières années d'opération du système établi en 1990 ont vite fait ressortir la lourdeur administrative et procédurale ainsi que les coûts importants engendrés par un régime de traitement des plaintes qui favorisait la judiciarisation du processus déontologique par la tenue d'enquêtes formelles et le dépôt de citations. Dans ces perspectives, le rapport Corbo, publié en 1995, incita le législateur à adopter en 1997 des mesures correctives qui ont favorisé à ces égards d'abord la célérité, une adéquation des moyens en instaurant une phase de tamisage des plaintes avant d'enclencher utilement le processus déontologique et enfin une déjudiciarisation du régime en rendant la conciliation obligatoire à l'endroit de toute plainte retenue, à moins qu'elle ne soit d'intérêt public, d'être traitée et être traitée ainsi devant le Comité de déontologie. On trouvera à l'annexe I de notre mémoire le diagramme de cheminement des plaintes.
Depuis, non seulement ces nouvelles orientations ont-elles atteint leur objectif, mais elles font également du système de déontologie policière québécois un chef de file dans ce domaine. Une simple anecdote. Nous avons rencontré, l'an passé, mon homologue de la Colombie-Britannique qui est venu nous faire une visite à Québec pour s'enquérir de notre mode de fonctionnement au niveau de la conciliation, parce que, chez lui, à Vancouver, ils étaient débordés face au nombre de plaintes qui devaient être entendues par le tribunal administratif spécialisé, alors il voulait importer chez lui notre système. Nous avons rencontré, cet été, une délégation mexicaine, nous avons rencontré une délégation italienne, qui sont fort intéressées aussi à implanter le système de la conciliation dans leur système policier.
Alors, je continue. Vous avez des statistiques évidemment à la page 4 du mémoire qui vous illustrent que plus ou mois 80 % de nos plaintes sont maintenant réglées par le Commissaire dans un horizon d'environ 90 jours. Plus ou moins 34 % des plaintes sont référées en conciliation. 84 % des dossiers transmis en conciliation ou traités en conciliation se terminent par une entente écrite entre les deux parties, entre le policier et le plaignant. Un sondage maison nous démontre que 94 % des parties impliquées dans une entente en conciliation se déclarent satisfaites du processus déontologique. Environ 4 % des plaintes donnent lieu au dépôt de citation devant le Comité de déontologie policière et sont entendues par le comité dans un débat contradictoire où, comme je l'ai dit, le Commissaire présente la preuve au soutien de la citation, et les policiers évidemment présentent une défense s'ils le jugent à propos.
Le taux de succès du Commissaire relativement aux dossiers qui vont en citation devant le comité est d'environ 47 %. On notera que la performance générale de l'institution a eu un impact positif sur l'accessibilité des citoyens au système, car le niveau des plaintes se maintient à un seuil sans précédent. Ainsi, en 2005-2006, nous avons reçu 28 % de plus de plaintes comparativement à l'année 2000-2001, pour attendre un record de 1 381 plaintes déontologiques.
Notre bilan au niveau des plaintes déontologiques qui allèguent ou qui ont à la base le racisme. Alors, dans le cadre des travaux du groupe de travail sur le profilage racial, formé de représentants ministériels et d'organismes non gouvernementaux, coprésidé par le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles et par le ministère de la Sécurité publique, le Commissaire a pris l'engagement d'établir un système de repérage des plaintes suivant des écarts à caractère raciste ou de profilage racial.
Un premier bilan ainsi a pu être présenté au groupe de travail précité le 28 juin dernier. Il couvre une période d'environ 17 mois, soit du 1er janvier 2005 au 1er juin 2006. Le Commissaire a reçu, pendant la période de référence, 86 plaintes renfermant des allégations pertinentes, c'est-à-dire de racisme ou de discrimination. Ceci représentait 4,5 % de toutes les plaintes enregistrées pour la même période, donc à peu près 1 900 plaintes, sur 1 900 plaintes.
La très grande majorité de ces plaintes ont été déposées auprès du Commissaire à la seule initiative des citoyens. Toutefois, un bon nombre, soit environ 30 %, impliquaient des organismes d'aide, de soutien et de recherche non gouvernementaux, tels le Centre de recherche-action sur les relations raciales, le CRARR, ou encore la Ligue des Noirs du Québec. Ces plaintes concernaient, pour 89,5 %, le Service de police de la ville de Montréal, SPVM; 8,12 %, d'autres corps de police municipaux, et 2,3 %, la Sûreté du Québec.
C'est dire que, bien que pour des raisons de concentration géographique, la problématique touche principalement la région de Montréal. Celle-ci peut toucher également toutes les régions du Québec. Les interventions policières à l'origine des plaintes, on a constaté que les plaintes répertoriées avaient pour origine, pour 29 %, des arrestations; 26,8 %, des interceptions au Code de sécurité routière; 25,6 %, des interpellations de personnes, et environ 18,6 % pour diverses autres raisons.
Signalons que 68 % des arrestations avaient débuté par de simples interceptions au Code de la sécurité routière ou à des interpellations de personnes qui ont dégénéré, puisque, à tort ou à raison, le citoyen visé se sentait alors souvent victime d'abus dans le cadre d'opérations dites de tolérance zéro ou de lutte à l'incivilité.
Modalités et résultats du traitement des plaintes. Bien là on constate, des 86 dossiers répertoriés, que six sont toujours en examen au bureau du Commissaire, que nous avons six dossiers qui sont actuellement en conciliation. 34 dossiers ont fait l'objet de conciliations et d'une entente entre les parties. Que nous avons 16 dossiers actuellement en enquête, c'est-à-dire que le Commissaire a jugé d'intérêt public de transmettre à son service d'enquête ces plaintes pour qu'une enquête soit effectuée, exécutée et décider par la suite si nous soumettrons au Comité de déontologie lesdits dossiers.
Nous avons fermé quatre dossiers pour absence de collaboration du plaignant. Deux dossiers ont été fermés pour... après un examen initial, et, vu l'absence manifeste de base factuelle à son soutien, nous avons fermé le dossier. Neuf dossiers ont été fermés après conciliation ou enquête, c'est-à-dire que la conciliation n'a pas réussi ou encore qu'en cours d'enquête on a constaté qu'on n'avait pas de preuves suffisantes, alors le Commissaire prend la décision de fermer les dossiers. Et nous avons trois dossiers devant le comité, c'est-à-dire des dossiers où le Commissaire a décidé de ne pas porter de plainte devant le comité, qui font l'objet d'une révision actuellement par ce tribunal. Et six dossiers ont fait l'objet de citations devant le tribunal déontologique.
On peut observer que dans l'intérêt public le Commissaire a tenu des enquêtes dans un très grand nombre de ces affaires. Toutefois, la conciliation est aussi un mode efficace de règlement non judiciaire en l'espèce. En effet, 39 % des plaintes qui ont donné lieu à un règlement en procédure de conciliation nous sont révélées par notre enquête. Enfin, avancée significative, le tribunal déontologique policier, soit le Comité de déontologie, a rendu, au printemps 2006, deux décisions importantes en matière de racisme et de profilage racial. En fait, on a accueilli les prétentions du Commissaire qu'il s'agissait de profilage racial ou de racisme. Ces deux décisions-là, je l'indique, sont actuellement en appel, alors il est très délicat pour moi d'aller commenter plus avant.
n(15 h 20)n Mais ce qui est fort étonnant, c'est qu'elles originent de la ville de Québec dans les deux cas. Alors que je vous indiquais tantôt qu'au point de vue géographique c'était Montréal qui était la plus concernée par les plaintes au niveau du racisme, nos deux décisions pour lesquelles nous avons eu gain de cause sont de la ville de Québec. Nous en avons une autre aussi qui est en appel, qui concerne le milieu autochtone sur la Côte-Nord, la Sûreté du Québec vis-à-vis... Et, comme cette commission nous disait dans son... n'en parlait pas, mais c'est pour vous dire qu'on suit également ce milieu-là.
Les observations portant conséquence sur la politique gouvernementale à intervenir. Bien, l'examen des plaintes déontologiques, plus particulièrement de celles relatives à des allégations de racisme et de profilage racial, permet des observations que le Commissaire juge impertinent de partager ici pour enrichir la réflexion engagée et confirmer certaines orientations du document de consultation qui sera discuté en commission.
D'abord ? je l'ai dit tantôt ? parce que nos statistiques le démontraient à des degrés différents, le racisme et la discrimination interpellent tous les corps de police, pas uniquement le SPVM, pas uniquement la SQ, mais tous les corps policiers. Le document de consultation qui sert d'impulsion aux travaux de cette commission rappelle à raison l'importance toute particulière des policiers en démocratie. En effet, ils font partie du quotidien, ils sont les premiers à intervenir en cas de situation problématique ou de plainte du public, détiennent une autorité en vertu de lois, et possèdent les moyens de les faire respecter, et deviennent ainsi le premier symbole l'ordre et de la justice.
Or, le comité sectoriel du milieu policier sur le profilage racial, composé de représentants de tout le milieu policier au Québec, est conscient du risque de dérapage encouru lorsqu'il reconnaît que la fonction policière, puisqu'elle fait appel à l'exercice de l'autorité, est propice aux manifestations de comportements de profilage racial ou d'autres formes de profilage illicite. Dans ce contexte, le Commissaire est d'avis que la lutte contre le racisme et la discrimination, dans un Québec qui a pour enjeu prioritaire l'édification d'une société plurielle et inclusive, doit interpeller au premier chef, certes à divers degrés suivant leur situation particulière respective, tous les corps policiers. D'ailleurs, nos statistiques, présentées précédemment, sur les plaintes en déontologie confirment que tous nos services de police sont susceptibles d'être affectés par des plaintes de racisme et ou de discrimination à l'endroit de leurs membres.
Les interventions généralement mineures qui dégénèrent. Évidemment, on l'a constaté tantôt, lorsque je vous ai parlé des statistiques. L'examen des interventions policières à l'origine des plaintes déontologiques, notamment celles relevées dans le bilan soumis plus haut, à l'égard des plaintes alléguant le racisme, révèle que ce sont des interventions généralement mineures, banales, telles de simples interceptions au Code de la sécurité routière ou des interpellations de personnes qui dégénèrent malheureusement en incidents sérieux et dommageables tant pour les citoyens que pour les policiers impliqués. L'analyse du phénomène, s'il peut s'avérer complexe, fait néanmoins ressortir le rôle primordial de l'éducation et de la sensibilisation comme modes prévention des conflits. D'emblée, cette constatation conforte à l'endroit des policiers l'un des principaux choix stratégiques de la politique gouvernementale à intervenir. Toutefois, il faut en revanche faire observer que l'exercice démontre que les citoyens sont pour leur part bien mal informés de leurs droits, mais aussi des limites de ces droits, de sorte que cet aspect de l'adéquation devrait également être pris en compte dans l'élaboration de solutions.
Enfin, soulignons que, si les opérations policières dites de tolérance zéro ou de lutte à l'incivilité ont fait leurs preuves en matière de sécurité publique, nous avons constaté au fil du traitement des plaintes que certaines modalités pourraient en être revues pour éviter des débordements fâcheux chez les citoyens qui se surprennent d'une sévérité qui leur semble soudaine, arbitraire et par conséquent excessive. Il nous est apparu que dans les communautés culturelles les dommages collatéraux étaient encore plus importants que pour le reste de la population.
La conciliation, c'est le mode d'action privilégié en déontologie, puisque la Loi sur la police nous y ? je vais aller plus rapidement; nous y ? oblige.
Le Président (M. Turp): Il vous reste quatre minutes et demie, M. le Commissaire.
M. Simard (Claude): Bien. Alors, évidemment... Or, à compter du moment où le Commissaire soumet une plainte à la conciliation ? j'ai parlé des courts délais, tantôt, de règlement ? le conciliateur dispose d'un délai de 45 jours pour mener ses travaux à terme. Cependant, le Commissaire peut autoriser une prolongation du délai prescrit et en fixer les modalités. En cas d'échec, le rapport du conciliateur... si le rapport ne permet pas de disposer de la plainte, le Commissaire pourra référer celle-ci en enquête. Cette enquête aura pour objet d'établir s'il y a matière à citation devant le tribunal déontologique. En pratique ? puis je vous l'ai dit tantôt ? 39,5 % des plaintes déonto soulevant du racisme ou du profilage racial ont été traitées avec succès en conciliation. L'audition publique et l'exemplarité lorsque sévir s'impose. Je l'ai dit tantôt, dans les cas où le Commissaire estimera d'intérêt public qu'il y ait tenue d'une enquête et citation du policier devant le comité, à ce moment-là, nous le faisons. Dans le cas précis du profilage racial ou du racisme, si on fait des comparaisons statistiques par rapport à nos dossiers généraux, c'est le double, en pourcentage, que nous envoyons en enquête, que nous estimons d'intérêt public.
En plus, il y a un rôle très éducatif. Évidemment, les décisions du comité sont communiquées à tous les corps policiers, alors il y a un rôle éducatif très important là aussi.
Je vous ai parlé des deux décisions qui émanent du district de la ville de Québec. Je n'y reviendrai pas. Je veux toucher: L'accompagnement des groupes communautaires est déterminant pour briser les barrières d'accessibilité au système.
La clé du système de surveillance civile est sans contredit l'appui et la collaboration du public. Or, dans la mesure où un citoyen ne tire généralement aucun avantage personnel de sa plainte en déontologie, nous ne pouvons à cette fin que faire appel au sens civique des plaignants et témoins pour s'assurer de leur soutien tout au long du processus. D'ailleurs, ces derniers sont malheureusement trop souvent habités d'une certaine crainte de représailles. Dans ce contexte, le Commissaire a pris attention au cours des ans de constamment développer ses services d'accueil, d'information et d'aide aux citoyens. L'impact des moyens mis de l'avant est tangible, car on note une augmentation sensible de nos activités dans ces domaines et, comme souligné plus haut, une hausse conséquente, sans précédent, du nombre de plaintes déontologiques.
Toutefois, il faut reconnaître que la contribution des organismes non gouvernementaux voués à la défense des droits et libertés sera toujours un complément important pour soutenir et accompagner les plaignants. Les 30 % de plaintes alléguant racisme des organismes non gouvernementaux d'aide, de soutien et de recherche étant impliqués sont particulièrement éloquents de la fragilité de la clientèle issue des communautés culturelles. L'accompagnement par ces organismes non gouvernementaux ou par des groupes communautaires nous apparaît donc déterminant pour briser les barrières d'accessibilité au système déontologique pour les citoyens provenant des minorités.
Les voies d'amélioration possibles pour favoriser le respect de l'exercice des droits, bien je l'ai mentionné dans mon mémoire: faire mieux connaître aux citoyens leurs droits et leurs recours, développer des services de soutien aux victimes, poursuivre une mobilisation des institutions publiques, dont les autorités policières, en vue de l'établissement de plans d'action concrets, établir des mécanismes de reddition et d'évaluation évidemment des résultats.
Et nous sommes à votre disposition pour vos commentaires et questions.
Le Président (M. Turp): Alors, merci beaucoup, M. le Commissaire. Pour un premier échange de 10 minutes, je donne la parole à la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles.
Mme Thériault: Merci, M. le Président. M. Simard, Commissaire, M. Gauthier, merci d'être avec nous. Évidemment, le Commissaire à la déontologie policière est membre du comité, vous l'avez mentionné, qui est coprésidé par le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles et la Sécurité publique, et je vous remercie de l'apport à vos travaux.
Je serais peut-être plus tentée de partir dans le... parce que j'ai plusieurs, beaucoup de questionnements, mais je sais que je ne pourrai pas tous les poser, d'autant plus que mes collègues veulent vous en poser aussi. Moi, je vous dirais, bon, là vous avez relevé qu'à Montréal il y a plus de plaintes qu'ailleurs, O.K. Je suis quasiment tentée de vous demander: Malgré l'introduction d'une notion de profilage racial, à l'École de police, depuis l'automne dernier, est-ce que les policiers, lorsqu'ils sortent, sont bien outillés pour faire face à la notion de profilage racial? Est-ce qu'ils sont conscients qu'ils ne doivent pas en faire, puis c'est quoi, du profilage racial? Puis, je vous dirais, c'est sûr que, bon, Montréal, c'est différent, tu as une gestion, tu sais, tu as une diversité culturelle que tu as, qu'on peut retrouver dans différentes régions, plus ou moins concentrée. En Outaouais, il y en a plus; au Lac, ce n'est même pas 1 %. Donc, c'est évident que, d'une place à l'autre dans la province, on n'a pas... on ne peut pas s'en aller tous égal, la même chose, là. Mais est-ce que vous pensez que les policiers sont bien outillés?
M. Simard (Claude): Évidemment, je ne porterai pas de jugement sur la formation qui est donnée à l'École nationale. Elle est quand même, je dirais, relativement nouvelle. Au niveau du profilage racial, ça doit dater de quelques années. Oui, je pense que la formation est bonne. Oui, les policiers sont bien outillés lorsqu'ils sortent de l'école. Mais il faut bien comprendre que ce sont des gens qui, comme je l'ai dit tantôt, vont agir en première ligne, lorsqu'un problème se pose à quelque part. Alors, il y a une question aussi de contrôle et de comportement de l'individu.
Il y en a plus à Montréal ? il y avait deux volets ou trois volets à votre question ? la loi du nombre fait en sorte que, bon, la majorité de l'immigration, communautés visibles, se situe à Montréal, mais nous en avons également en province, des gens qui se sont établis au Lac-Saint-Jean, sur la Côte-Nord, en Gaspésie. Alors, nous...
Une voix: À Québec.
n(15 h 30)nM. Simard (Claude): À Québec. Alors, nous avons eu des plaintes de ces différentes régions en nombre évidemment très minime. Si je vous dis... je vous parle de la Gaspésie, je pense qu'on en a eu une, alors c'est bien différent.
Au niveau de la formation, je pense que nos policiers sont bien formés, nos jeunes policiers. Profilage racial, vous me disiez: Bien, on ne sait pas quelle est la définition. Bien, c'est une action qui est posée par des personnes en autorité sans motif, sans soupçon, mais qui vise un groupe, une personne ou un groupe de personnes des communautés visibles. Alors, s'il y a eu un vol d'automobile dans la basse-ville de Québec, c'est parce que... Bon. Ça doit être des Noirs qui ont commis ça, il y a des familles de Noirs établies dans le quartier Saint-Roch, à Québec. Tu sais, c'est de réagir et de penser comme ça; c'est ça, du profilage racial.
Mme Thériault: Est-ce que vous pensez que ça pourrait être intéressant de pouvoir suivre l'évolution des plaintes que vous recevez dans les différentes régions? Je m'explique. Il est évident qu'avec la régionalisation de l'immigration les données changent assez rapidement. Comme en Outaouais, présentement les statistiques de 2001 disent qu'il y a 5,3 % de la population de l'Outaouais qui est d'origine immigrante. Mais, dans les 2005, qui vont sortir, là, comme quatre ans après, on peut pratiquement dire que c'est 10 %, parce que, sur le terrain, on le sent et on le sait. Ce serait intéressant d'être capable de suivre l'évolution sur l'augmentation des niveaux d'immigration dans les régions par rapport à la quantité de plaintes que vous pouvez recevoir, pour voir s'il y a un effet ou si c'est d'autre chose.
M. Simard (Claude): ...au niveau des statistiques, peut-être, si on avait... si Statistique Québec tient ce genre de données, je ne le sais pas. Nous, évidemment, on fonctionne... on est un organisme curatif, alors on fonctionne avec les plaintes qui entrent au bureau. Alors, je ne peux pas vous dire, moi... Il est fort possible que, dans la région de Gatineau, on ait doublé la population immigrante mais que les plaintes chez nous aient diminué. Alors, je ne peux pas... il n'y a pas d'inférence directe qu'on ne peut tirer.
On pourrait par contre, si jamais on voyait une augmentation, à Gatineau, du nombre de plaintes, aller voir s'il y a un parallèle qu'on peut faire, mais... Je ne sais pas. Réjean, est-ce que tu penses qu'on pourrait le faire? Moi, je pense...
M. Gauthier (Réjean): Vous touchez un point qui va faire sans doute l'objet de beaucoup de discussions ici, à savoir comment on arrive à très bien documenter une problématique aussi complexe. Le système de déontologie policière est en aval d'une série de situations documentables également et qui seraient de nature à pouvoir nous donner des informations précieuses vraisemblablement sur le phénomène du racisme en milieu policier. En l'occurrence, actuellement Justice Canada, à travers le système de Statistique Canada, est en train d'évaluer comment on pourrait, par exemple, être en mesure de pouvoir documenter les interventions policières en pouvant identifier celles qui ont touché des gens de communautés ethniques visibles, par rapport à celles qui touchent éventuellement...
Alors, vous voyez toute la complexité de la situation non seulement de ce que par ailleurs, nous, nous recevons en déontologie policière, mais par rapport à l'ensemble des données qui pourraient être pertinentes et nous donner un éventail d'information plus large non seulement sur la façon dont les gens sont traités par la police, mais également par le système judiciaire. Ceci dit, évidemment, le nombre de plaintes en déontologie policière, c'est beaucoup, si on regarde, par exemple, 1 381 plaintes... Simplement vous souligner qu'il y a 16 000 policiers au Québec, que des plaintes touchent plusieurs policiers et que, quand même, ça nous donne l'occasion de pouvoir demander aux policiers de rendre compte environ sur un policier sur 10 par année, ce qui est énorme en fait. L'impact... effectivement, on fait une bonne pression sur les policiers. Du nombre de ces plaintes, 86 plus particulièrement simplement pour le racisme, effectivement c'est un nombre de plaintes qui est significatif. Mais, quand on touche des questions propres à la statistique, c'est un bien petit nombre.
Ceci dit, par ailleurs, on a jugé bon actuellement, pour que ce soit un peu significatif de diviser nos statistiques par le Service de police de Montréal, qui très manifestement était un champion au niveau du monde, mais, il faut le souligner également, un champion au niveau des mesures qui sont prises pour éviter le racisme au sein du corps de police en question, il faut aussi le dire, et la Sûreté du Québec qui, elle, agit plus en région, et les corps de police municipaux. Je pense qu'effectivement cette question pourrait faire l'objet d'un examen, pourrait faire l'objet également d'une comptabilité. Mais ce qui est à craindre, c'est que le nombre ne soit pas suffisant pour vraiment, actuellement en tout cas, être en mesure de pouvoir en tirer, en déontologie policière, des données fiables et des conclusions qui pourraient permettre de soutenir des actions concrètes.
Le Président (M. Turp): M. le député de Marguerite-D'Youville a une question pour vous.
M. Moreau: Oui, bien j'en ai plusieurs. Me Simard, heureux de vous retrouver. Me Gauthier, bienvenue. Vous avez parlé beaucoup de statistiques, je vais enchaîner tout de suite là-dessus. Bon. Vous dites effectivement... de toute façon, sur un plan strictement statistique, ce n'est pas un nombre très élevé de plaintes. La question qui me brûle les lèvres ? j'ai essayé de trouver la réponse dans le mémoire, je ne l'ai pas trouvée: Est-ce qu'elle est en augmentation, cette statistique-là, ou si elle est en diminution, c'est-à-dire le nombre de plaintes fondées sur le racisme?
M. Gauthier (Réjean): Simplement vous dire: D'une part évidemment, c'est le premier exercice qu'on faisait. Jusque-là, on n'avait pas tenu de façon formelle de statistiques. Si vous voulez, par ailleurs, avoir le fruit de mes 10 ans d'expérience quant à l'orientation des plaintes en déontologie policière, on voit effectivement une certaine forme d'augmentation, qui me semble beaucoup due au fait que les groupes communautaires sont de plus en plus actifs dans le domaine. 30 % d'ailleurs des plaintes qui sont soumises par des groupes... avec le soutien de groupes communautaires, c'est énorme, parce qu'habituellement les plaintes déposées en déontologie policière, si on compare à tout l'ensemble des plaintes, c'est moins de 5 % qui sont soutenues à la fois par des groupes communautaires, des groupes de défense des droits et plus souvent qu'autrement par des avocats. Alors, vous voyez comment effectivement l'augmentation des plaintes peut être simplement être due au fait que maintenant les gens connaissent le système de déontologie policière, les groupes communautaires soutiennent les plaignants qui veulent s'adresser chez nous, et je pense aussi que l'actualité, à la fois sur les incidents qui se sont produits mais également pour faire connaître le système déontologique... sont de nature à avoir augmenté de façon assez appréciable quand même le nombre de plaintes en déontologie policière.
Le Président (M. Turp): Une minute pour vos autres questions, M. le député de Marguerite-D'Youville.
M. Moreau: La difficulté, ce n'est pas de trouver les questions, c'est de les faire entrer dans le temps qu'on a.
Le Président (M. Turp): C'est vrai. Un défi permanent en commission parlementaire.
M. Moreau: Bon, écoutez, s'il reste une minute, je sais que vous ne voulez pas... je reviendrai dans l'autre bloc. Vous n'avez pas voulu les commenter parce qu'ils sont en appel, mais j'ai essayé de voir quel était le ratio des décisions rendues par le tribunal déontologique policier qui sont en appel. Qu'est-ce que c'est? Parce que vous dites: C'est deux importantes décisions, mais je n'ai aucune idée de ce dont elles parlent.
M. Simard (Claude): Alors, au niveau des décisions rendues... juste un instant.
M. Gauthier (Réjean): C'est qu'actuellement, pour vous répondre, sur l'ensemble des dossiers dans lesquels le commissaire obtient un jugement considérant la conduite du policier dérogatoire devant le tribunal déontologique, c'est près de 80 % des dossiers qui sont portés en appel devant la Cour du Québec. Devant la Cour du Québec, à une certaine époque, la Cour du Québec intervenait assez joyeusement dans les dossiers rendus par le tribunal déontologique. Présentement, le taux de succès du Commissaire lorsqu'il se présente pour défendre ses décisions en appel devant la Cour du Québec est de l'ordre de 80 %.
M. Moreau: Mais ce n'était pas ma question.
M. Gauthier (Réjean): Je m'excuse, d'ailleurs.
Une voix: Au niveau déontologique?
Une voix: Oui.
M. Simard (Claude): J'ai deux décisions de Québec qui sont actuellement en appel, celle qui touche le milieu autochtone, sur la Côte-Nord, est également en appel. Il y en a 100 % en appel.
M. Moreau: Oui, mais je voulais dire: Quels sont les principes... lorsque vous dites «ces deux importantes décisions», quels sont les principes en matière de déontologie policière qui étaient mis en cause dans ces décisions-là et qui font l'objet d'un appel?
M. Simard (Claude): C'était le profilage racial.
M. Moreau: Ah! O.K.
M. Simard (Claude): C'était la première fois que le Commissaire soutenait devant le comité que le comportement policier était motivé...
M. Moreau: Par la couleur.
M. Simard (Claude): ...par la couleur et non par l'application de la loi.
Une voix: Bon. Voilà.
Le Président (M. Turp): M. le député de Marguerite-D'Youville.
M. Moreau: C'est parce que vous étiez parti sur les statistiques, puis vous avez pris le mot «ratio» au premier sens. O.K. C'est beau.
M. Simard (Claude): Mais la preuve n'est pas facile.
M. Moreau: Non, non, O.K.
M. Simard (Claude): Pour amener un tribunal à conclure qu'il y a eu profilage racial, ce n'est pas évident.
Le Président (M. Turp): Très bien. Alors, Mme la députée de Laurier-Dorion, qui est la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'immigration et de communautés culturelles.
n(15 h 40)nMme Lefebvre: M. le Commissaire et M. le commissaire adjoint, bienvenue. C'est très intéressant. Merci d'être ici avec nous, parce que je pense que vous jouez un rôle important dans notre système. D'ailleurs, plusieurs groupes sont venus témoigner de l'importance de faire connaître les différentes instances qui existent dans l'appareil gouvernemental qui peuvent leur être utiles. Notamment, juste ce matin, la Table du Maghreb recommandait d'informer et de sensibiliser l'ensemble des acteurs sur leurs droits et les recours possibles. Et, dans un premier temps ? c'est plus un commentaire, mais ? quand on regarde, bon, à la page 5, les statistiques et qu'on remarque qu'il y a seulement 4,5 % de toutes les plaintes enregistrées, bon, renfermant des allégations pertinentes ? parce que peut-être qu'il y en a d'autres mais qui n'ont pas été... ? concernent le racisme, je suis quand même étonnée de ce chiffre si petit. Peut-être que nous devons nous réjouir dans le fond parce que... c'est peut-être parce qu'il n'y a pas tant de cas où les personnes sont victimes de racisme, mais, à voir les recommandations des différents organismes et groupes qui sont venus devant nous depuis les derniers jours, j'ai plus l'impression que les gens ne sont pas nécessairement au courant de toutes les... leurs droits ou des opportunités qui s'offrent à eux afin de faire défendre leurs droits selon la Charte.
Et votre première recommandation, la recommandation 4.1, Faire mieux connaître aux citoyens leurs droits et recours, je pense, à cet égard, est extrêmement pertinente. Et donc nous sommes heureux d'entendre que vous êtes disposé à collaborer à tout plan d'action concerté, réseau ou initiative qui permettrait de faire mieux connaître aux citoyens leurs droits et recours, en l'occurrence en déontologie policière.
Et je vous remercie également de votre franchise en ce qui a trait à la petite recommandation qui suit, en disant que vous signalez que nous sommes à la limite de vos moyens et que faire beaucoup plus que ce que nous accomplissons déjà impliquerait qu'on doive attribuer pour ce faire de nouvelles ressources.
Donc, c'était... c'est en fait pour souligner cet aspect, qui est fondamental, je pense, si on veut s'assurer que chacun des citoyens au Québec puisse avoir recours à la loi. Je ne sais pas si vous...
M. Simard (Claude): Très brièvement pour vous dire évidemment que nous sommes un petit organisme. Nous avons... nous totalisons actuellement 35 personnes à l'oeuvre. Ça inclut le secrétariat, ça inclut le personnel d'enquête, les enquêteurs, les conciliateurs, le contentieux, l'administration et la direction de cet organisme.
Alors, vous comprendrez que nous avons aussi... Je comprends qu'on n'est pas à l'étude des crédits, mais vous comprendrez que...
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: Ça va venir.
M. Simard (Claude): Ça va venir! Nous avons un budget évidemment qui est limité et nous devons évidemment répondre d'abord à la première obligation que nous avons, c'est celle de répondre aux plaintes des citoyens et de les faire cheminer.
Malgré cela, nous nous impliquons avec les deux organismes qu'on a mentionnés, la Ligue des Noirs et le CRARR, qui sont voués à la défense des minorités. Alors, nous participons à des ateliers d'information, nous... Il y a du personnel du contentieux qui participe. Réjean y va régulièrement. Réjean est impliqué dans le sous-comité, là, des affaires policières sur le profilage racial dont a fait part Mme la ministre tout à l'heure.
Notre site Internet. Nous avons évidemment là, je pense, fait un pas de géant au niveau de la diffusion de l'information, parce que les plaintes, chez nous ? je parle des plaintes en général ? d'année en année augmentent. Et c'est, je pense, grâce à la qualité de l'information qu'on retrouve sur notre site. En plus de ça, nous distribuons ? je ne sais pas si je les ai amenés avec moi ? de petits dépliants que nous transmettons dans les postes... À tous les postes de police, nous avons des posters maintenant, un peu comme l'aide juridique, dans les postes de police, où les gens peuvent porter plainte. Et les policiers ont l'obligation de leur remettre le formulaire de plainte. Alors, on fait des efforts, mais évidemment à la hauteur de nos moyens. Si on avait plus de moyens, on en ferait plus.
Mme Lefebvre: Bien. Je suis persuadée que vous trouverez une oreille attentive ici, d'autant plus que la ministre nous a assurés que les ressources seraient au rendez-vous avec cette politique. Donc, je suis persuadée que les moyens seront au rendez-vous.
Maintenant, ma collègue porte-parole en matière de sécurité publique aurait plusieurs questions à vous poser. Donc, je lui cède la parole et puis, si on a du temps, je reviendrai pour d'autres questions tout à l'heure.
Le Président (M. Turp): Alors, Mme la députée de Prévost.
Mme Papineau: Oui. Me Simard, M. Gauthier, bonjour. Me Simard, je suis contente de vous voir aujourd'hui, parce que, lui et moi, on a eu de longues discussions sur la déontologie policière dans un autre dossier, et je lui avais... C'était en juin dernier. Je lui avais même dit que j'avais lu toutes les décisions du Comité de déontologie dans la dernière année. Alors, je dois vous dire que les décisions sont bien rendues.
M. Simard (Claude): Nos discussions nous ont fait cheminer.
Mme Papineau: Oui? C'est vrai? Bon, bien, parfait. Parfait.
Le Président (M. Turp): Elle vient de faire un beau compliment: Les décisions sont bien rendues!
Mme Papineau: Écoutez, à la page 4 de votre mémoire, au dernier paragraphe, vous dites qu'en 2005-2006 vous avez reçu 28,8 % plus de plaintes qu'en 2000-2001, pour atteindre un record de 1 381 plaintes déontologiques. Est-ce que vous êtes en mesure de nous dire que cette augmentation-là peut être due aussi au renforcement de la Loi sur la police?
M. Simard (Claude): Je crois que non.
Mme Papineau: Parce que, dans la loi, je pense qu'il y a des mesures maintenant... en tout cas beaucoup plus... Pour les policiers, là, vous ne pensez pas que c'est...
M. Simard (Claude): La délation, et tout ça, là?
Mme Papineau: Aussi.
M. Simard (Claude): Non. C'est que... Nous, ce que nous croyons, c'est qu'évidemment l'information, une meilleure information, une meilleure diffusion de l'information, l'Internet, l'accès facile à nos formulaires, à notre documentation a fait en sorte que... et les organismes. Évidemment, le travail des organismes communautaires dans le milieu nous fait connaître davantage, et de là l'augmentation. Je ne crois pas que... parce qu'évidemment ce qui va initier tout le dossier, c'est le citoyen qui va décider de porter une plainte. Alors, la loi ou le renforcement de la loi, je ne crois pas que ce soit... C'est plutôt l'information, une meilleure information.
Mme Papineau: O.K. Les chiffres qui sont là, est-ce que c'est... Cette augmentation-là, là, que ce soit en pourcentage ou en nombre, est-ce que c'est après analyse ou avant analyse?
M. Simard (Claude): Les plaintes qui rentrent chez nous.
Mme Papineau: Ah!
M. Simard (Claude): Toutes les plaintes.
Mme Papineau: Elles ne sont pas analysées.
M. Simard (Claude): Non, non, non.
Mme Papineau: Donc, de ces 1 381, il y en a plusieurs qui vont être rejetées.
M. Simard (Claude): Oui, tout à fait, bien sûr. Mais il y a...
Mme Papineau: Ah! Donc, il faut faire attention, ici, de ne pas dire que ces plaintes-là, ce sont toutes des plaintes qui vont être...
M. Simard (Claude): Qui vont être reçues, non. Mais elles sont toutes étudiées.
Mme Papineau: Elles sont toutes étudiées, mais elles ne seront pas toutes reçues.
M. Simard (Claude): Non. Mais les décisions sont rendues dans toutes les plaintes.
Mme Papineau: O.K. Et elles sont acceptées, je vous dirais, seulement dans 4,4 % des cas, c'est ce que j'ai compris.
M. Simard (Claude): Ça, c'est la partie des dossiers ou des plaintes qui vont aller devant le Comité de déontologie policière ou vont aux enquêtes.
Mme Papineau: O.K.
M. Simard (Claude): C'est une infime partie. Au niveau de la réception...
Mme Papineau: Mais, la nature de ces plaintes-là...
M. Simard (Claude): Pardon?
Mme Papineau: Par rapport aux dossiers qu'on a actuellement, la nature des plaintes, là, des 1 380... Dans les 1 381 plaintes, par rapport aux dossiers de racisme et de profilage...
M. Simard (Claude): Oui, je vais vous situer mieux que ça. Vous allez voir qu'au niveau de la période que nous avons touchée ? c'est du 1er janvier 2005 au 1er juin 2006, 17 mois ? nous avons 86 plaintes, sur cette période-là, qui concernent le racisme, sur un total d'environ 1 900 plaines.
Mme Papineau: 86 sur 1 900.
M. Simard (Claude): Ça donne 4,6 %.
Mme Papineau: O.K.
M. Simard (Claude): Parce que là, ici, on vise l'année. Vous voyez, 1 381 vise l'année 2005-2006, une période de 12 mois. Tandis que notre étude sur les plaintes alléguant racisme est une période d'environ 17 mois.
Mme Papineau: O.K. On comprendra aussi également que le policier a un rôle répressif, hein? Je pense que ça, il faut l'admettre au départ, c'est son rôle d'arrêter les gens qui sont en infraction ou en tout cas... Et vous marquez ici... vous dites que vous avez constaté, au fil du traitement des plaintes, que «certaines modalités pourraient être revues ? d'abord, premier sujet sur lequel je veux vous entendre ? pour éviter des débordements fâcheux chez les citoyens qui se surprennent d'une sévérité qui leur semble soudaine, arbitraire et par conséquent excessive». Vous avez dit tantôt que, la plupart du temps, ça commence par des arrestations ou des...
M. Simard (Claude): Oui, bien, mineures.
Mme Papineau: Sécurité routière, entre autres.
M. Simard (Claude): Oui.
Mme Papineau: Mais est-ce que c'est un problème de perception du rôle du policier, vous pensez?
M. Simard (Claude): Il y a un problème...
Mme Papineau: Ou une méconnaissance du travail de policier? Qu'est-ce que c'est qui fait que tout d'un coup...
M. Simard (Claude): Il y a une méconnaissance de la part de la population, je pense...
Mme Papineau: Du travail du policier.
M. Simard (Claude): ...de leurs droits et de la limite de leurs droits, d'abord. Quand on parlait, tantôt, par exemple, on citait, dans mon texte, la tolérance zéro, par exemple, au niveau du flânage dans le métro de Montréal. Alors, évidemment que la clientèle, une grande partie de la clientèle qui a fait l'objet d'intervention policière était de minorités visibles. Ces gens-là ne connaissaient pas leurs droits et ne connaissaient pas la limite de leurs droits. C'est-à-dire que le policier a droit de s'adresser à lui quand il pense ou a des motifs raisonnables de croire qu'une infraction au règlement municipal est commise. Tout de suite, c'est la réaction vive, et c'est souvent, de la part du policier, le miroir. Alors, je vais réagir plus fort pour tenter de t'écraser ou te calmer, et là c'est en escalade. Ce qu'on dit, nous, c'est: un meilleur contrôle de soi quand vous faites une intervention, de la part du policier, puis une meilleure information chez le citoyen de ses droits puis de la limite de ses droits.
Mme Papineau: Et c'est ce que vous entendez quand vous parlez des modalités?
M. Simard (Claude): Oui, entre autres.
Mme Papineau: Entre autres dans les petites arrestations.
M. Simard (Claude): Et c'est souvent une lumière défectueuse sur l'automobile, une plaque d'immatriculation qu'on a vérifiée puis qui ne correspond pas au modèle de la voiture, un pare-brise éclaté. Alors, c'est tout de suite la... «Tu es raciste, tu ne veux pas...» Et le policier, au lieu de prendre le temps d'expliquer, va enchérir. C'est ce qu'on constate dans nos dossiers.
n(15 h 50)nLe Président (M. Turp): Lucie, c'est terminé, la période de 10 minutes.
Mme Papineau: Déjà?
Le Président (M. Turp): Oui, déjà. Le temps passe si vite, Mme la députée de Prévost. Alors, je donne la parole, pour le parti ministériel, au député de Marguerite-D'Youville qui veut poursuivre son interrogation du Commissaire.
M. Moreau: Bien sûr. Je vais faire du millage un peu sur une remarque que vous venez de faire plus tôt, une réponse à la députée de Prévost, je pense, où vous dites travailler en collaboration avec notamment la Ligue des Noirs du Québec pour, bon... La Ligue des Noirs du Québec va être entendue cet après-midi, et je prends, à la page 5 de leur mémoire, un passage, parce que je ne voudrais pas vous laisser partir sans vous faire réagir là-dessus, parce que, moi, ça m'a vraiment fait réagir, et j'aurai des questions pour eux également.
Alors, je fais la citation de la page 5: «Au Québec, c'est la police qui enquête la police, nous avons démontré à maintes reprises que cette forme d'investigation faillit, avec la connivence et la déception, alors rien n'est fait pour corriger cette erreur. Nous avons assisté devant la Commission de l'Assemblée nationale à l'audition de la loi n° 85, et nous avons demandé que les recommandations du juge Malouf soient implantées immédiatement. Jusqu'à nos jours, cela n'a pas été fait. En effet, le vieux système reste dominant dans notre société. Bien que la police du Québec et la Commission de déontologie ne soient pas formées pour traiter des cas des dommages sérieux et les décès provoqués par des officiers de police, cette institution édentée et cruelle est souvent notre seul recours. Vous pouvez comprendre, même pour le minimum, la nécessité de l'aide juridique pour les membres de la communauté noire», et ça continue.
Comment réagissez-vous à l'idée de dire qu'il s'agit d'une institution édentée et cruelle qui constitue le seul recours? Et en même temps, puisque vous avez l'occasion de réagir à ces propos, nous dire dans quelle mesure la collaboration existe entre la communauté noire, et notamment la Ligue des Noirs du Québec, et le Commissaire.
Le Président (M. Turp): La Ligue des Noirs qui est d'ailleurs notre prochain intervenante...
Une voix: Oui, absolument.
Le Président (M. Turp): ...ou dans deux... La dernière intervenante ou l'avant-dernière, cet après-midi.
M. Simard (Claude): Je vais laisser Me Gauthier intervenir puisqu'il a les liens avec ces organismes. C'est lui qui est notre interlocuteur plus souvent qu'autrement avec M. Philip, de la Ligue des Noirs. Alors, Réjean.
M. Gauthier (Réjean): O.K. Je pense que vous avez un peu abordé la question, d'une certaine façon, tantôt. La question fondamentale de la surveillance policière implique non seulement le système de déontologie policière, qui est un organisme civil et indépendant, mais l'ensemble des autres mesures qu'on retrouve à la Loi sur la police. En l'occurrence, on sait qu'il existe, en marge du système de déontologie policière, deux autres types de contrôle a posteriori des actes policiers. Le premier, c'est ce qu'on appelle les enquêtes ministérielles, qui sont faites aussitôt qu'effectivement un incident important arrive impliquant un citoyen et un policier. Et là, à cette occasion, c'est généralement un service de police, généralement pas le même que celui qui est impliqué dans l'incident, qui va faire une enquête pour être en mesure de pouvoir effectivement déterminer si... en fait en regard, d'une part, de l'acte de sécurité publique qui était posé là, parce que c'est souvent un acte de sécurité publique qui s'est mal posé, et qui va terminer l'enquête. Donc, les enquêtes ministérielles sont faites effectivement, comme l'indique la Ligue des Noirs, par des policiers.
L'autre aspect qui est important effectivement, c'est que la loi a déterminé tout un système d'enquête assez systématique concernant les actes commis par les policiers hors et dans l'exercice de leurs fonctions. Le cas échéant, effectivement s'engage de façon à peu près automatique une enquête criminelle, et cette enquête criminelle est effectuée par un service de police, donc par des policiers.
Alors, il faut savoir distinguer ces deux bassins importants d'actes qui impliquent des policiers et qui continuent toujours, dans notre système, d'être enquêtés par des services de police.
Dans d'autres juridictions, en l'occurrence en Ontario, on a fait des choix différents, comme, par exemple, pour les actes criminels allégués à l'égard des policiers, il existe un service spécial d'investigation, et, ce service spécial d'investigation, on a mis à la tête un civil, et c'est un organisme contrôlé par des civils.
Alors, il faut savoir distinguer l'ensemble des bassins et la place de la déontologie policière dans tout ça. Je sais que c'est complexe, et même pour les gens de la Ligue des Noirs, j'en suis convaincu, ce sont des notions qui, au fil de l'actualité, sont mêlées de plusieurs nuances difficiles à faire, parce qu'en plus de ça il faut savoir qu'il y a des situations, certes pas nombreuses, dans lesquelles on va avoir en même temps une enquête ministérielle, une enquête criminelle et une plainte en déontologie policière. Donc, il y a souvent même cumul des situations. Alors, je pense que c'est beaucoup dans ce sens-là.
Évidemment, on souhaite, dans les groupes de pression, que le système déontologique puisse arriver au meilleur résultat et, en ce sens-là, on pense plus souvent qu'autrement à des condamnations de policiers. Mais, à cet égard-là ? je vois d'éminents juristes autour de la table, et ils le comprendront ? il faut être réaliste également quand on parle de poursuite, hein, ou de poursuite judiciaire, dans quelque domaine qu'elle soit, et particulièrement dans le milieu policier où la preuve est particulièrement difficile, elle est souvent complexe, elle est souvent technique.
Et, malgré le nombre qu'on peut considérer effectivement réduit, le nombre de dossiers qui sont présentés devant le tribunal déontologique, on voit qu'il y en a encore beaucoup, puisque ce n'est que dans un cas sur deux, somme toute, que le Commissaire réussit à obtenir une condamnation. Ça vous donne à peu près l'idée de toutes les nuances qu'il faut faire lorsqu'on aborde une question aussi complexe que celle-là et qu'on prend du recul par rapport à l'ensemble des autres moyens de contrôle de police. Il y a des choix à faire, il y a des choix politiques, il y a des choix administratifs, mais je pense que le Commissaire à la déontologie policière, avec les moyens qu'il a ? vous me permettrez de vous parler de mon expérience et de la passion que j'ai pour ce secteur-là ? fait un travail qui est formidable et qui actuellement, comme l'indiquait le Commissaire, est l'objet de beaucoup de convoitise de la part de bien d'autres juridictions, parce que ce qu'on fait... et des gens vous diront: Le peu qu'on fait, on le fait bien.
Le Président (M. Turp): Je pense que le Commissaire, que vous complémentez, veut parler.
M. Simard (Claude): Oui, juste pour compléter...
Le Président (M. Turp): Et il reste trois minutes et demie.
M. Simard (Claude): Merci, Réjean. Pour avoir oeuvré de l'autre côté de la clôture pendant 20 ans, comme procureur de la couronne, je dois vous dire que le système d'enquêtes policières sur des policiers fonctionne bien. Mais, comme tout le reste de la clientèle criminelle, le policier a droit au bénéfice du doute raisonnable aussi lorsqu'il est accusé en matière criminelle. Alors, il n'en a pas plus, il n'en a pas moins, d'acquittements, on est dans la moyenne du système.
M. Moreau: Et je reprends cette expression qui m'a fait sursauter: «Une institution édentée». Est-ce que vous pensez... les conséquences ? peut-être pouvez-vous nous donner, les membres de la commission ne sont pas tous au fait de ça ? quelles sont les conséquences, par exemple, d'une plainte reçue en déontologie policière?
M. Simard (Claude): Pour le policier?
M. Moreau: Oui.
M. Simard (Claude): Bien, évidemment, il sera l'objet d'une sanction.
M. Moreau: Quelle est la nature des sanctions?
M. Simard (Claude): Ah, ça peut aller de l'avis, de la réprimande jusqu'à la destitution pour les cas les plus graves. Alors, c'est sérieux et...
M. Moreau: J'avais une série de questions, que je n'aurai manifestement pas le temps de vous poser, mais une certainement qui m'apparaît incontournable. Dans la Loi de police, on prévoit que la conciliation est obligatoire, c'est mandatoire, vous n'avez pas le choix, vous devez y aller. On se rend compte à l'expérience que c'est un grand succès, quand on regarde, ne serait-ce qu'au plan statistique, là, sans entrer dans le détail factuel. Hier, on entendait la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse qui, elle, a instauré un système de médiation sur une base expérimentale pour l'instant et volontaire.
Moi, j'aimerais que vous me parliez: Est-ce que vous pensez que la conciliation du Commissaire serait aussi efficace si elle était volontaire plutôt qu'obligatoire dans la loi?
M. Simard (Claude): Elle est volontaire pour le citoyen, obligatoire pour le policier. Alors, si le citoyen m'indique, dans un délai qu'on lui alloue, qu'il ne veut pas aller en conciliation, pour des raisons que je considérerai sérieuses, mais il est fort possible que j'envoie le dossier en enquête et que le tout se termine devant le Comité de déontologie policière. Alors, le système est bon dans ce sens-là. S'il n'était volontaire que des deux côtés, je ne suis pas sûr que j'aurais autant d'efficacité, parce qu'il faudrait que, dans plusieurs situations, j'envoie le dossier en enquête pour aller devant le comité, pour finaliser le dossier, à des coûts évidemment supérieurs. Parce qu'il ne faut pas oublier qu'une partie des coûts de la conciliation et des enquêtes sont assumés par les corps policiers. Alors, si je multiplie les étapes, je multiplie évidemment la facture que l'on envoie aux municipalités ou encore à la Sûreté du Québec, alors... et à quelle étape. On ajoute une étape, et je ne suis pas sûr qu'on...
Mes statistiques me démontrent que j'ai 94 % des gens qui sortent du processus qui se disent satisfaits. Je ne dis pas qu'il faut s'asseoir sur nos lauriers puis dire que ça va bien, on se préoccupe de la clientèle, on continue à tenter de s'améliorer, mais c'est quand même pour nous un indice majeur.
M. Moreau: ...on peut se réjouir de...
n(16 heures)nM. Simard (Claude): Bien, je pense que oui. Et on s'inscrit, là-dedans, un peu dans le cadre de ce qu'on retrouve devant les tribunaux de droit commun, la médiation, on tente évidemment de dénouer les dossiers avec un conciliateur qui est un juge président, et ça se fait en matière civile, ça se fait en matière criminelle, ça se fait en première instance, ça se fait en Cour d'appel. Nous, on a innové. Le législateur a innové en mettant dans la loi que la conciliation était obligatoire.
Le Président (M. Turp): Très bien. Alors, je crois que la députée de Prévost veut poursuivre ses questions. Allez-y et gardez-moi du temps vers la fin, parce que j'aurais aussi une question pour vous.
Mme Papineau: Ah! Je vais vous en réserver beaucoup, M. le Président.
Le Président (M. Turp): Non, allez-y, Mme la députée de Prévost.
Mme Papineau: Je voulais juste bien préciser une chose. Un policier qui a une cause en déonto, automatiquement il ne peut pas aller en promotion. Il ne peut pas avoir de promotion à l'intérieur de son... quelle que soit la... parce que j'en ai lu des farfelues, là, et le policier ne pouvait pas avoir un poste, un grade même de sergent parce qu'il avait cette petite cause, ridicule en passant, qui faisait en sorte qu'il ne pouvait pas avoir de...
M. Simard (Claude): Il faut nuancer. Je viens de lire une décision qui concerne un policier de la Sûreté du Québec qui a fait l'objet d'une plainte; il y a eu une enquête, il a même fait l'objet d'une enquête criminelle en parallèle et, entre le moment où il a été sanctionné devant le comité et l'appel à la Cour du Québec, il était passé du grade de sergent à lieutenant, ou vice versa, vous m'excuserez, mais il avait eu sa promotion pendant les procédures. À la Sûreté du Québec.
Mme Papineau: Mais ce n'est pas supposé. Il me semble que ce n'était pas comme ça.
M. Simard (Claude): Bien, écoutez, moi, je l'ai lu dans la décision, parce que le policier en a fait la preuve sur sanction devant le comité, alors on l'a, comme on dit, de la bouche du cheval. Alors, il est loin d'avoir été pénalisé. Mais il y a certains corps policiers...
Mme Papineau: Ah! Je suis convaincue, parce que... Écoutez, on a justement une loi là-dessus, là, qu'on vient de passer, là, parce que justement, aussitôt qu'un policier avait une cause, quelle qu'elle soit, en déonto...
M. Simard (Claude): ...d'excuse dans la loi, pour leur permettre, après un délai de deux ans ou trois ans, d'être, permettez-moi l'expression, d'avoir un dossier blanchi, pour leur permettre d'occuper des fonctions plus importantes. Généralement, vous avez raison, sauf que je veux vous dire qu'il y a des exceptions, puis je l'ai vu dans une décision.
Mme Papineau: Généralement, c'est ça.
M. Gauthier (Réjean): Peut-être un petit mot. Ce que vous dites, vous avez totalement raison, à savoir que... et c'est même très bien, que le système déontologique, avec les petits moyens qu'il a, soit en mesure de pouvoir avoir une influence également sur la carrière. Il faut faire attention. Assez heureusement, cette disposition concernant la possibilité d'obtenir une excuse est de nature à pouvoir effectivement remettre les choses de façon plus équitable pour le policier et pour les commissaires. Parce qu'évidemment une plainte en déontologie policière constitue une espèce d'épée de Damoclès sur sa tête. Alors, c'est pour ça que, pour nous, il est important de traiter toutes les plaintes avec célérité, même celles qui procèdent en enquête, et que nos délais décisionnels après enquête sont très courts, ils sont d'une quarantaine de jours. Toujours dans l'esprit où somme toute notre service aux citoyens, il concerne à la fois les citoyens et les policiers et que cet aspect-là est un aspect important. Ça tient de la crédibilité du système de déontologie policière à l'égard des policiers, et on est très fiers, soit dit en passant, de l'impact que ça peut voir sur la carrière des policiers. Ça fait partie des éléments qui vont faire qu'un policier va y penser à deux fois avant de poser un geste, et on trouve important qu'il en soit ainsi.
Le Président (M. Turp): D'abord une question qui suit la première question de la ministre, sur la formation. Dans les plaintes qui sont portées, là, maintenant ou dans l'année de référence pour laquelle vous avez fait une étude, est-ce qu'on peut constater qu'il s'agit de plaintes contre des policiers qui ont reçu une formation, par opposition à ceux qui n'en auraient pas reçu? Donc, est-ce que la formation a un impact sur l'attitude et le comportement des forces policières?
M. Simard (Claude): On ne peut pas conclure de cette façon, pour la raison suivante: c'est qu'il y a autant de jeunes policiers que de policiers d'expérience qui peuvent être l'objet de plaintes en déontologie. Mais ce qu'on constate aussi, c'est que le corps policier qui est le plus concerné, le SPVM, a lui aussi, à l'intérieur de son propre corps policier, de la formation continue à ce niveau-là. Alors, il est difficile pour nous de dire: parce que le policier est un jeune policier qui sort, qui est fraîchement sorti de l'École de police, il y en a beaucoup moins qui font l'objet de plaintes que de policiers d'expérience. Puis, à l'école nationale, c'est peut-être un peu jeune, là, comme... Ça fait quoi, le programme, Réjean? Quelques années?
M. Gauthier (Réjean): En fait, ce qu'il faut comprendre... Puis on a été élevés un peu là-dedans. Moi, je suis déjà un vieil avocat. Donc, j'ai connu l'évolution des chartes. Mais les gens qui actuellement sont en porte dans les services de police sont des gens qui, tant au niveau du cégep, là, les techniques policières, qu'au niveau de l'École nationale de police, ont eu beaucoup d'informations sur l'application des chartes, donc pour éviter la discrimination, des choses comme ça.
Plus récemment et particulièrement pour la SPVM, qui pourtant est quelqu'un qui doit assumer un certain nombre et un bon nombre des plaintes faites en matière de racisme, on sait déjà qu'ils ont beaucoup de formation pour savoir comment traiter avec les gens des différentes communautés. Ils sont sensibilisés à ces choses-là. L'avenir, si vous me permettez de faire ce commentaire, est à la fois bien sûr de renforcer cette formation-là, la rendre la plus pratique possible.
C'est d'ailleurs un des enjeux. Pour participer à leurs travaux à titre d'observateur, c'est la hantise des policiers que d'être capable... qu'on soit capable de pouvoir leur dire dans un guide le plus précisément possible: Est-ce que je peux le faire ou est-ce que je ne peux pas le faire?, étant entendu qu'ils sentent bien qu'ils sont surveillés, qu'ils sont encadrés et qu'ils sont contrôlés.
Et c'est à cet égard-là, pour compléter ma réponse, que je vous dirais que, un, oui, ça prend plus de formation. Ça prend une meilleure sensibilisation, ça prend une sensibilisation qui va mieux s'adapter à la situation qu'ils vivent actuellement lorsqu'ils sont confrontés aux gens des communautés culturelles et particulièrement à la problématique du profilage racial, qui est complexe dans sa définition, qui est complexe dans ses applications et qui appelle souvent chez le policier quelque chose qu'ils appellent, là, le flair du limier.
Alors, il faut qu'ils apprennent que le flair du limier doit être cadré par des concepts, par des données fiables, réelles et qui vont plus que les préjugés ou les premiers éléments comme ça. C'est la complexité. Et ça prendra plus que de la formation, ça va prendre du contrôle, de l'encadrement. Et je sais que le SPVM, qui est très concerné par la question, va jusqu'à penser à l'identification et au contrôle de personnes ciblées comme étant des personnes à risque, parce que, pour leurs fonctions particulières ou pour le profil qu'ils ont déjà en déontologie et en discipline et pour les commentaires qu'ils ont. C'est aussi complexe que ça.
Le Président (M. Turp): Donc, on ne peut peut-être pas mesurer ça maintenant, on pourrait peut-être mesurer, dans quelque temps, l'impact de la formation et d'autres mesures sur les plaintes.
Alors, une autre question, c'est un petit peu plus délicat. Et je sais qu'il y a des affaires dont vous ne pouvez pas parler ou peu parler, mais je pense que ce serait important qu'on ait ici, à la commission, des exemples, là, qu'est-ce qui... Pourquoi est-ce qu'on a porté des plaintes contre des policiers récemment? Pourquoi? Qu'est-ce qu'ils ont fait? Qu'est-ce qu'ils ont dit, ces policiers, pour qu'il y ait des plaintes? Sans renseignements nominatifs, là. Mais je crois que c'est important, parce que c'est très théorique, tout ce qu'on a dit. Maintenant, moi, je voudrais savoir ce que les policiers ont dit qui justifiait des plaintes qui ont été reçues, acceptées.
n(16 h 10)nM. Simard (Claude): Vous savez, ça peut être des paroles, M. le Président, ça peut être un comportement aussi. Dans l'une des deux plaintes, je ne donnerai pas de détail précis, mais c'est un individu de minorité visible qui est intercepté, mis en état d'arrestation, amené au poste de police, dévêtu et placé dans une cellule tout près du poste d'accueil où les agents circulent, et l'individu est nu dans la cellule pendant quatre heures. Puis, quand on a demandé quelle était la nécessité de le dévêtir, on a compris qu'il fallait faire une fouille pour sa sécurité, mais, de le laisser quatre heures dans sa cellule nu alors que les policiers circulent, on a trouvé ça exagéré, puis on a pensé que ça pouvait être un motif racial, et le comité nous a donné raison là-dessus.
L'autre, c'est une dame interceptée à la conduite d'un véhicule avec ses deux enfants. Elle a fait l'objet de reportages tout récemment dans les journaux, puisqu'elle avait entrepris des recours civils contre la ville. Et c'était prescrit, parce que, bon, les procédures contre une ville se prescrivent par six mois, selon la Loi des cités et villes, alors qu'elle, les gestes dont elle avait été victime de la part des policiers remontaient, là, à quelques années. Elle est interceptée, et les deux patrouilleurs qui ont participé à l'interception, par leur attitude, leur comportement... les motifs, entre autres, c'était parce qu'elle était à la conduite d'un véhicule, qui faisait souvent l'objet de vol dans la ville de Québec, soit une Dodge Caravan ? je l'ai appris à ce moment-là, je ne savais pas que les Dodge Caravan étaient recherchées, dans la ville de Québec, à ce point-là.
Pour l'autre, c'était parce que... Bon. Il y avait eu, à Québec, le Wolf Pack qui avait fait l'objet évidemment... avait été sur la scène judiciaire pendant quelques mois. Et évidemment les deux enfants de la dame l'accompagnaient, deux adolescents, qu'elle allait reconduire, je pense, pour la partie de basketball. Alors, c'était son motif pour intercepter le véhicule, pour faire une vérification des passagers, croyant que ça pouvait être attaché au Wolf Pack. Alors, on a tenté par la suite de rattacher l'interception à l'article 636 du Code de la sécurité routière, qui permet le contrôle au hasard de conducteurs sur les voies publiques, mais le comité n'a pas embarqué là-dedans.
Alors, ce sont deux exemples où on voit que c'est la couleur qui a motivé l'intervention. On a bien essayé de camoufler par la suite le tout avec des dispositions légales, mais ça n'a pas fonctionné.
Le Président (M. Turp): Très bien.
M. Simard (Claude): C'est des exemples...
Le Président (M. Turp): Merci pour ces exemples, M. le Commissaire. M. le commissaire adjoint, merci pour votre présence devant la commission, le mémoire, je crois qu'il sera très utile aux travaux de la commission. J'ajourne nos travaux pour 15 minutes, il y a un accord entre la ministre, la porte-parole. Je suspends, pardon, pour 15 minutes, et nous allons donc revenir à... M. le secrétaire?
Le Secrétaire: 4 h 25.
Le Président (M. Turp): ...4 h 25 pour entendre le prochain groupe, qui est le groupe Intégration communautaire des immigrants. Alors, merci beaucoup, messieurs.
(Suspension de la séance à 16 h 12)
(Reprise à 16 h 27)
Le Président (M. Turp): Nous reprenons nos travaux. Et j'invite donc maintenant les représentants d'Intégration communautaire des immigrants à bien vouloir prendre la parole. Vous avez une période de 20 minutes, je crois... 15 minutes, c'est vrai, 15 minutes, et les deux partis se partageront chacun 15 minutes. Alors, à vous donc la parole. M. Lussier, Mme Lopez, bienvenue à la Commission de la culture.
Intégration communautaire
des immigrants (ICI)
Mme Lopez (Eva): Merci. Merci, M. le Président. Et je vous salue, Mme la ministre et MM. et Mmes les députés. Je vais commencer par vous faire une petite lecture de notre mémoire.
L'organisme Intégration communautaire des immigrants, installé dans la région de l'Amiante depuis 2003, possède déjà, malgré sa jeune expérience, une foule d'informations et une aptitude reconnue pour faire venir des immigrants en région et contribuer fortement à leur intégration socioéconomique. ICI a toujours invité les immigrants à venir coloniser les régions pour qu'ensemble avec la communauté d'accueil nous puissions faire du Québec d'aujourd'hui le Québec fort de demain.
Grâce à ICI, beaucoup de familles des communautés culturelles très scolarisées se sont installées sur le vaste territoire de l'Amiante et de la Beauce, changeant ainsi leur frustration par des rêves. Pour nous, l'emploi est synonyme d'intégration sociale, et l'un ne va pas sans l'autre.
L'organisme est responsable de la venue de centaines d'immigrants déjà reçus, et ce, depuis trois ans. Il vit grâce à un support financier principalement du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles et d'Emploi-Québec. L'alimentation en populations immigrantes s'effectue d'abord par les communautés installées à Montréal, Sherbrooke, Québec et en provenance directe de leur pays ou de l'Ontario. Les expériences d'installation se font dans les milieux où il y a de l'emploi, régions de Thetford Mines et de la Beauce.
Certaines familles immigrantes ont déjà été contaminées par quelques familles de bougons qui leur ont vite appris comment exploiter le système en ne travaillant pas au Québec et en vivant des contributions de bien-être social et de travaux au noir. Ils se sont très bien intégrés. Il faudrait un encouragement financier particulier pour maintenir les immigrants dans leur travail et en milieu rural, par exemple continuer à supporter leur première année en emploi par des sommes d'argent devant servir à leur établissement en région au lieu de l'aide sociale.
n(16 h 30)n Notre expérience nous démontre que le racisme et la discrimination ne sont pas l'apanage des milieux d'accueil mais se retrouvent tout autant entre immigrants et entre ceux-ci et les milieux québécois méconnus. Les principales difficultés d'intégration concernent le logement, les écoles, le travail et le milieu parfois hostile. Les attitudes de racisme et de discrimination affectent autant les Québécois que toute autre population humaine. Seule l'expérience contrôlée ou encadrée de contacts avec des populations immigrantes peut atténuer ces attitudes. Il est souhaitable que la future politique gouvernementale ne se résume pas en une campagne publicitaire dans les journaux et à la télévision contre le racisme et la discrimination, si intense et importante soit-elle, car ce n'est pas ainsi que les attitudes changent. Elles sont susceptibles de changer principalement par des relations encadrées ou contrôlées entre immigrants et Québécois. Il faut profiter des expériences positives des organismes régionaux qu'on a ici et intensifier leurs ressources humaines et financières pour avancer. En région, il y a de l'emploi, des opportunités et une communauté québécoise désireuse de nous recevoir et de travailler avec nous, à la condition que nous, communautés immigrantes, le voulions aussi.
Malheureusement, nous n'avons des emplois-cadres pour les milliers et milliers de diplômés immigrants, mais il y a des emplois, et il faut qu'eux sachent accepter et apprivoiser la réalité du Québec par rapport à leur vie professionnelle et les vraies opportunités de travail. En tant que membre des communautés culturelles, nous devons participer activement à l'essor socioéconomique du Québec, si nous voulons vivre dans un pays comme celui-ci que nous avons aujourd'hui. Il ne faut pas oublier que ce sont les travailleurs qui créent la richesse. Si le Québec continue à accueillir 40 000 immigrants par année avec de l'aide sociale ? plusieurs sont bien habitués ? et l'illusion de leur trouver un emploi-cadre dans leur domaine, affaire impossible pour des centaines, nous serons probablement une province bien peuplée mais très pauvre. Le Québec a besoin d'ouvriers et de main-d'oeuvre qualifiée, et, en tant qu'immigrants, citoyens de cette province, nous devons le comprendre, et ça, c'est du réalisme et non du racisme.
École. Je vais vous parler un peu de la situation de l'école aussi. Le premier lieu d'intégration d'immigrants en milieu rural est l'école, surtout primaire. D'où la nécessité que les milieux ruraux conservent la dernière école du village. À Sainte-Clotilde, un professeur sur trois, il parlait couramment l'espagnol. Cela a aidé grandement à l'intégration des immigrants. Ainsi, les commissions scolaires pourraient identifier les professeurs parlant d'autres langues et les attribuer en priorité aux écoles concernées. Durant la première année, le professeur avait tapissé le corridor de vocabulaire français-espagnol pour favoriser l'apprentissage des deux langues. À Noël, le spectacle des enfants, contes et chansons, a été présenté dans les trois langues: français, espagnol et anglais. Le travail d'apprentissage du français, espagnol dans l'école a été opéré sans aucune reconnaissance officielle de la commission scolaire à cet égard.
ICI a contribué grandement, par l'animation que l'organisme a suscité chez les enfants: vidéos, discussions avec les enfants, à désamorcer les attitudes racistes des jeunes Québécois. Les attitudes racistes et discriminatoires des jeunes Québécois proviennent en grande partie de leur parents et de la télévision. Le caractère sociologique de la société rurale ? relations primaires multiples et communication quasi instantanée ? a favorisé l'aplanissement des difficultés d'intégration des immigrants. L'école doit aussi prévoir l'apprentissage plus poussé de la langue française, surtout chez les adultes, et c'est malgré le fait que tous avaient déjà reçu leurs 600 ou 800 heures de français comme immigrants reçus. L'apprentissage de la langue est plus facile chez les jeunes enfants puis chez les ados et les femmes; ce sont hommes qui résistent le plus. Ce sont eux qui subissent le plus grand choc culturel en s'installant ici.
M. Lussier (Jacques): À mon tour de vous remercier de nous recevoir cet après-midi, particulièrement Mme la ministre qui était de passage dans notre région, il y a quelques semaines, et qui nous a invités fortement à vous faire une présentation.
Une voix: ...
M. Lussier (Jacques): Mais, oui, la prochaine fois, peut-être.
On s'excuse de ne pas vous avoir présenté un mémoire en bonne et due forme avec une introduction, toutes les données sociologiques, démographiques, économiques comme il se doit de faire, on n'en a pas eu le temps. Une petite anecdote, en passant, j'aimerais citer Voltaire, qui écrivait au roi Frédéric de Prusse une lettre. À l'époque, les littéraires influençaient les politiques, je ne sais pas si ça se fait encore, mais en tout cas.
Le Président (M. Turp): On l'espère.
M. Lussier (Jacques): On l'espère, hein? Il écrivait ceci: «Sire, pardonnez-moi de vous écrire une lettre si longue, car je n'ai pas eu le temps de vous en écrire une courte.» Voilà. Donc, on n'a pas eu le temps de vous rendre quelque chose de très concis, mais on s'excuse pour certaines propositions qui ont l'air un petit peu accrochées ici et là sans nécessairement avoir tout le bien-fondé par rapport à l'objet qui vous préoccupe en commission parlementaire.
Comme vous le savez, la municipalité de Sainte-Clotilde expérimente depuis deux ans l'installation et l'intégration d'une dizaine de familles d'origine colombienne dans son milieu social et dans son milieu entreprises. Quelques entreprises... dont surtout René Matériaux Composites, a fait cette expérience d'intégration en milieu de travail, quelques autres également, mais c'était la principale et la plus importante et celle qui a mis le plus de temps dans cette expérience d'intégration.
La troisième partie que je voudrais aborder avec vous concerne davantage le village dont j'étais le maire à l'époque. La municipalité avait déjà réfléchi à l'occasion de l'élaboration de deux processus de planification, un en 1998 et l'autre en 2003 ? nous sommes à la proposition 24 ? lors de la mise en place du parc rural, à la venue d'une nouvelle population. Le premier but de ces plans de développement était de garder ces jeunes au village et de faire venir de nouveaux arrivants. Je dis ça parce que souvent on m'a posé la question: Mais comment vous avez fait pour faire venir ces gens-là? Ça faisait 10 ans qu'on y pensait. Ça faisait 10 ans qu'on réfléchissait, puis on a eu plusieurs expériences qui ont avorté, et notamment avec la venue de Québécois de d'autres régions du Québec en chômage, parce qu'ils venaient seuls et non pas avec leurs familles. Alors ça, c'est zéro, ça durait quelques semaines, puis ils retournaient chez eux la mort dans l'âme. C'est comme les Gaspésiens s'ennuyant de la mer ou de leur mère, je ne sais pas trop, en tout cas ils ne revenaient pas.
L'expérience de la venue d'une population québécoise au village en provenance de régions en chômage s'est avérée un échec, car seuls les hommes venaient y travailler, je le disais à l'instant, sans leurs familles. Idem pour la venue d'immigrants à partir de leur pays d'origine, car il s'agit d'un processus trop long et compliqué. On a fait des expériences, on a essayé de faire venir des Péruviens à partir de Carrefour de l'Amérique latine, de l'Université Laval, que j'avais mis sur pied quand j'étais doyen de la faculté. Niet, zéro. Prenez-vous de bonne heure, ça prend quatre ans et demi avant de... à partir du moment où on identifie une famille au Pérou, la faire venir ici, quatre ans à quatre ans et demi.
L'identification des familles et l'accompagnement à l'accueil et l'intégration a été effectuée par l'organisme ICI. Il y a eu une opération séduction faite par la communauté, cela va de soi, visite de la municipalité et de ses usines par une vingtaine de familles, garderies familiales, lunchs, discours, on a joué le violon, on s'est montrés beaux et gentils et accueillants.
Le Président (M. Turp): Comme La grande séduction.
M. Lussier (Jacques): Exactement. Comme La grande... nous, c'est la petite, mais c'est comme La grande séduction. Ça a coïncidé d'ailleurs à l'époque où le film a sorti, on avait trouvé ça très drôle; c'est exactement ce qu'on a vécu ou à peu près. Lors de la venue d'une dizaine de familles, grande fête au village, souper d'accueil, présence des dignitaires, des responsables, des politiques, etc. Plusieurs activités furent élaborées pour accueillir les gens: carnet de bienvenue, soirées, messe en espagnol, canal télévisuel hispanophone, participation d'immigrants au bureau de direction de plusieurs associations. Tout ça, c'est des moyens pour contrer le racisme et la discrimination, soyez-en convaincus.
Les principales difficultés du village à l'intégration des immigrants proviennent de nos équipements mobiliers désuets et la quasi impossibilité de cadrer avec les programmes gouvernementaux à cet égard. Je vous dirais qu'à l'heure où on se parle les deux tiers des familles sont allées vivre dans d'autres villages autour de chez nous. La bonne nouvelle, c'est que pas un n'a quitté son emploi. Ça, c'est la bonne nouvelle. Mais nos équipements immobiliers n'étaient pas adéquats et les programmes gouvernementaux, notamment ceux de la SCHQ, ne répondent pas, absolument pas, à nos conditions à nous, les petits villages. Je vous donne juste comme exemple ? j'aime bien ça, les exemples; comme vieux professeur, on retient ça, hein, plus que les grands énoncés de principes ? un exemple: Quand on fait appel à un programme de la SCHQ pour avoir des locaux sociaux, il faut s'assurer d'avoir, pour 10 logements, 50 signatures. Êtes-vous capables de me trouver 50 signatures à Sainte-Clotilde, vous, de gens intéressés à s'installer dans 10 logements? C'est complètement stupide. On n'est pas capables de rencontrer ces exigences-là. Il y en a plein comme ça.
Les principales, bon, j'en parlais à l'instant... Notre expérience est à cet effet que plusieurs programmes gouvernementaux qui pourraient nous aider à garder ces immigrants ne sont pas adaptés aux besoins des milieux ruraux. Tous les organismes et programmes gouvernementaux québécois devraient être impliqués dans une vaste opération d'adaptation de leurs unités aux besoins du monde rural et de leur participation à la lutte contre le racisme et la discrimination. Et là c'est comme si Jacques Proulx faisait écho à ce que je dis, ou l'un ou l'autre, c'est la même chose, il en parle depuis longtemps, lui, puis il a parfaitement raison. Les dirigeants municipaux ne doivent pas se gêner pour intervenir dans la culture du milieu afin de faire taire les expressions de racisme et de discrimination effectuées par certains individus. Des ressources, surtout humaines, aideraient grandement les milieux municipaux ruraux qui ne peuvent pas se payer des experts, surtout des animateurs, pour mieux réaliser l'intégration des immigrants. C'est incroyable, ce qu'un petit maire est obligé de faire dans sa localité pour attacher toutes les ficelles qu'il faut pour garder ces gens-là en place. On n'en a pas, de personnel, on n'a pas de staff, on fait tout par nous-mêmes, hein, de A à Z.
n(16 h 40)n L'expérience de chez René Matériaux Composites, RMC, a engagé plus de 40 personnes depuis deux ans, dont la plupart sont restées en poste. Leur taux de rétention est beaucoup plus fort que celui des travailleurs québécois dans les mêmes usines. RMC a planifié, organisé, animé, géré et contrôlé la venue d'immigrants dans leurs usines. Les quelques autres entreprises du milieu qui se sont contentées d'en faire une expérience pour voir ont toutes connu des échecs à cet égard. ICI a accompagné l'entreprise et les employés de façon très personnalisée pendant un an. Parmi les immigrants, l'entreprise a sélectionné une personne parlant couramment le français et l'espagnol, et celle-ci a assisté les travailleurs dans l'usine et auprès des patrons.
Autres activités de la compagnie pour aider l'intégration des travailleurs étrangers: la traduction du manuel du personnel en espagnol; l'installation de commandes en espagnol sur la machinerie; des meetings nombreux effectués autant auprès des immigrants que des travailleurs québécois; l'intervention rapide contre toute attitude raciste ou discriminatoire; la promotion de certains travailleurs étrangers en chefs d'équipe.
Avant même que le premier immigrant traverse la porte de René Matériaux Composite, les travailleurs avaient eu trois, quatre rencontres avec la direction. On leur avait expliqué que ces gens-là ne venaient pas voler leurs jobs mais venaient les aider à se développer. C'est très différent; on préparait le terrain. Et ils l'ont fait, et le succès a été en conséquence aussi.
Et les quelques entreprises de mon milieu... il y en a eu d'autres. Sainte-Clotilde, il y a eu 150 emplois pour 600 de population; ce n'est pas les PME qui manquent. Et les autres qui se sont essayés en disant: On va aller voir, là, ça a duré trois semaines, un mois, quatre semaines.
Et c'est là que le racisme et la discrimination s'installent. Un jeune entrepreneur, entre autres, qui a eu une mauvaise expérience en est sorti frustré en disant: Oui, bien, tes immigrants, tu peux te les mettre où je pense, parce que ça n'a rien donné dans mon cas. Bon. C'est comme ça que ça se développe, le racisme, avec des expériences malheureuses, non contrôlées, comme disait Eva tantôt.
Toute cette expérience chez RMC s'est effectuée sans aucun support financier gouvernemental, l'entreprise ne se qualifiait pas pour y avoir accès. Les employés étaient trop nombreux, alors... L'entreprise croit tellement maintenant à l'avenir des travailleurs immigrants dans ses usines qu'elle a inscrit leur embauche en priorité dans le plan stratégique de la division des ressources humaines. On ne peut pas faire plus, là. L'intégration des travailleurs immigrants en usine non seulement à l'embauche, mais aussi leur maintien avec accompagnement très personnalisé, s'est effectuée avec le concours constant de ICI. L'organisme a transféré une bonne partie de son expertise, et c'est une réussite.
La grande collaboration de René Matériaux Composites a été systématique pour favoriser leur intégration. Exemple, on a même assoupli les heures de travail en usine pour favoriser l'emploi du couple et leur vie en famille. On tenait compte de ça pour faire en sorte que la famille puisse continuer à vivre de façon normale. RMC a une stratégie gagnante en favorisant l'embauche du conjoint, puis de l'ami de la famille, puis de l'ami de l'ami. C'est comme ça que ça s'est fait, et c'est comme ça que ça se tient, et c'est comme ça que les gens restent en emploi. L'intégration des immigrants a été un travail de coopération et de collaboration entre les responsables de l'entreprise, ICI et le milieu municipal.
Quatre derniers points...
Le Président (M. Turp): Il vous reste une minute.
M. Lussier (Jacques): Oui, je vais aller rapidement. Une espèce de conclusion, je pense que toute expérience d'intégration d'immigrants en milieu rural en tout cas passe par une bonne planification, organisation, direction, animation, contrôle. Essentiel autant dans le village que pour les entreprises que ça intéresse.
Deuxièmement, il faut mettre le moins d'argent possible dans les campagnes publicitaires. Puis je veux juste vous rappeler qu'il y a une campagne qui a été faite il y a quelques années pour défaire les attitudes concernant les gens sur le B.S. Moi, dans mon milieu, là, ça a augmenté les attitudes négatives envers les gens du B.S., c'est ça que ça a donné comme résultat, la campagne publicitaire qui avait passé à la télévision à l'époque. Il faut mettre surtout des ressources humaines en place pour faire en sorte que les contacts se fassent de façon plus ténue entre les différentes ethnies, entre les Québécois de souche puis les immigrants, entre, bon, toutes ces communautés-là.
Troisièmement, je dirais, l'intégration commence avant même que l'immigrant passe les douanes canadiennes. On doit être capables d'identifier leurs forces à distance, leur indiquer dans quelle région ils doivent aller, autant que possible les faire transiter vite, vite de Montréal: Deux heures, c'est assez; prends l'autobus, puis va-t'en, va-t'en en région, c'est là que ça va se passer pour eux. Dès qu'ils rentrent à Montréal, ils s'en vont dans leur gang, leur ghetto, puis ils restent là. Même les 800 heures de français devraient être faites en région, là où ça se passe.
Dernier commentaire, là je sais que c'est peut-être un peu gros, mais, moi, je crois qu'il faut en arriver à une véritable politique de colonisation du territoire québécois par les immigrants. Si on veut s'en sortir... Vous avez vu les courbes démographiques? Vous avez vu ce qui s'en vient? Si on ne fait pas ça, on est morts. Il va falloir se doter d'une politique de colonisation du territoire québécois, comme on a fait après la grande dépression...
Le Président (M. Turp): ...le curé Labelle.
M. Lussier (Jacques): Pas pareil, pas pareil pantoute, non, pas la même chose, quand même pas. Pareil comme le curé Labelle! J'espère que non!
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Turp): Ah, il utilisait les mêmes termes que vous.
M. Lussier (Jacques): Mais quelque chose de semblable, quelque chose où on va dire à ces gens-là qui sont dans les villes à ne rien foutre: Voilà, venez-vous-en en région, là où on a des ressources, là où on a du bois, là où on a de la culture inculte, venez-vous-en là et faites quelque chose de vos 10 doigts. Puis ils vont y aller. Merci.
Le Président (M. Turp): Très bien. Merci beaucoup, M. Lussier. Juste pour l'information de nos collègues, vous étiez doyen de quelle faculté ou département?
M. Lussier (Jacques): Faculté des sciences de l'administration de l'Université Laval, où j'ai fait une carrière classique de 35 ans d'enseignement et de gestion universitaire.
Le Président (M. Turp): Très bien, très bien. Ça paraît que vous êtes pédagogue.
M. Lussier (Jacques): Sainte-Clotilde est ma deuxième vie.
Le Président (M. Turp): Bon, bien alors, pour une période d'environ sept minutes, je donne la parole au parti ministériel, qui va parler à travers la voix de la députée de Bellechasse. Mme la députée de Bellechasse.
Mme Vien: Merci beaucoup, M. le Président. Quel plaisir de vous retrouver, M. Lussier et Mme Lopez! On comprend effectivement pour quelles raisons Sainte-Clotilde a tant de succès. On vous envie un peu.
Juste pour le bénéfice des gens autour de la table, ces personnes sont venues faire une présentation fort éloquente et un exemple assez probant de ce qui peut se faire aussi ailleurs, parce que c'est exportable, ce qui se fait chez eux, avec quelques nuances. Il faut avoir l'intelligence aussi d'en être très conscient.
Chez nous, nous avons un projet d'immigration à Saint-Cyprien. Vous le savez très bien, vous êtes très liés à ce projet-là. Alors, merci d'être là cet après-midi. J'ai beaucoup de questions, mais je me contenterai de quelques-unes, puisque ma collègue, Mme la ministre, aimerait vous en poser.
Une première question. À votre point n° 9, votre recommandation n° 9, vous dites: «Les attitudes de racisme et de discrimination affectent autant les Québécois que toute autre population humaine; seule l'expérience "contrôlée" de contacts avec des populations immigrantes peuvent atténuer ces attitudes.» Qu'est-ce qu'une expérience contrôlée?
Mme Lopez (Eva): Ça, c'est... «une expérience contrôlée», c'est peut-être trop, trop fort, mais c'est une expérience d'encadrement personnalisé. C'est ça qu'on a fait. On a dû sélectionner les familles par rapport aux besoins du milieu et aux besoins des entreprises.
On a sélectionné des couples qui voulaient travailler, qui voulaient ensemble être en usine, en emploi, et on avait des besoins précis par rapport à la municipalité et aux entreprises. Ça fait que ça, c'est une façon d'aider à «fitter», comme on dit, les besoins du milieu avec les communautés immigrantes qui étaient disponibles dans ce moment.
Si on vient aux attitudes de racisme et discrimination, c'est sûr qu'on va pouvoir les vivre si on ne fait pas attention à ça. Si on amène les immigrants juste à l'improviste comme ça, sans aviser les communautés, sans sentir les besoins des entreprises, par exemple, qui sont elles qui vont nous permettre l'emploi et qui vont nous fournir toutes les opportunités pour rentrer chez elles. Alors, il faut vraiment bien coordonner les activités, et c'est dans cet aspect qu'on dit: De façon contrôlée, de façon encadrée. Il faut vraiment préparer le milieu, préparer les entreprises, préparer la... même sensibiliser les immigrants à leur nouvelle réalité en région. Parce que ce n'est pas évident pour un immigrant, arriver dans une région québécoise comme ça, tout simplement.
Mme Vien: Votre mémoire... Moi, je ce que je ressens quand je lis votre mémoire, c'est que vous nous parlez beaucoup d'intégration. Effectivement, ça peut être une prémisse à l'envol justement de cette élimination, de cette discrimination et de la disparition du racisme.
Est-ce qu'actuellement vous voyez encore ce genre de traces chez vous? Parce que vous nous dites: Chez René Matériaux Composites, on a mis des choses en place. On a mis souvent des petites choses, des petites actions qui ont fait en sorte que ça a changé la donne. Au niveau de la communauté, comment ça se passe?
M. Lussier (Jacques): Je vous dirais que... Oui. Alors, moi, je situerais l'intégration d'abord à l'école, peut-être à 99 %. Les enfants, là, ça a duré quelques jours, quelques semaines, et, paf! ils se sont mêlés. Il y a eu des conflits au début. Je peux prendre le temps de vous raconter une petite histoire?
La première semaine... Imaginez qu'à l'école du village, là, il y a 50 élèves québécois, il en arrive une quinzaine de latino-américains. C'est beaucoup, là, c'est énorme. Un gros impact. La première semaine, il y a une gang de petits gars qui coincent un petit Colombien dans le coin pour dire: Toi, tu peux retourner chez vous, t'as pas d'affaire icitte! À midi, tout le monde savait ça dans le village. C'est tissé serré, un village, vous savez ça? Tout le monde savait ça. À 1 heure, les professeurs demandaient à Eva de descendre à l'école avec ses vidéos puis ses pancartes. Ils ont passé 3 heures avec les enfants à leur expliquer qu'est-ce que les Colombiens venaient faire ici, qu'est-ce qu'ils nous apportaient, etc.
Imaginez la même scène dans une école primaire dans une ville, voir. Ce serait mort là, puis là le racisme aurait fleuri comme ça ne se peut pas. C'est sûr, parce qu'on n'a pas la même connaissance, on n'a pas le même réseau. Alors, je dirais, l'intégration à l'école, presque 100 %. En usine, je la situerais à 85 %. La communauté, c'est plus long parce que ça interpelle les relations personnelles.
C'est sûr que c'est plus lent. Ça interpelle les amitiés, ça interpelle les fêtes ensemble. On en fait. Ça se communique, ça se parle. Mais c'est beaucoup plus lent.
Mme Vien: Est-ce que les petits font en sorte que ça... en fait que ça nous donne un peu d'espoir au niveau des parents?
n(16 h 50)nM. Lussier (Jacques): Si vous saviez! Moi, la plus belle récompense que je n'ai pas parfois, c'est d'entendre un petit Québécois commencer à me parler espagnol. Je m'excuse, mais il n'y a pas de cours en espagnol à l'école, là. On ne peut pas partir officiellement des programmes d'espagnol de la commission scolaire des Appalaches. Pantoute! Puis ils parlent espagnol parce qu'ils copinent ensemble, alors ils apprennent facilement. Ça, c'est l'espoir de notre village. Il est là.
Et de voir aussi... Je vous ai dit tantôt que plus de la moitié des familles vit dans d'autres villages, mais on a un programme d'insertion dans des domiciles, dans des petites maisons, pour quatre familles colombiennes qui vont s'installer bientôt, là. Et ça, ça se fait par les enfants. Les enfants ont lié des liens d'amitié entre eux. Les parents ont décidé d'aller vivre dans d'autres villages parce que les appartements sont plus modernes, sont plus beaux; les enfants sont en maudit. Là, ils parlent aux parents, disent: On va revenir Sainte-Clotilde, puis c'est là qu'on va s'établir. Vous voyez? Les liens se créent chez les enfants. Ils sont déjà là, les liens.
Mme Lopez (Eva): Et je voudrais ajouter à votre question qu'il ne faut pas s'attendre que les communautés immigrantes deviennent hyperamies avec la communauté québécoise, parce qu'entre nous-mêmes on n'est pas hyperamis!
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Lopez (Eva): Alors, c'est clair qu'il ne faut pas s'attendre à ça. Pour moi, l'intégration sociale, c'est vivre et laisser vivre. On s'intègre. On est dans le village ou dans la communauté, on est là, on fait notre part de contribution à la société. Mais je ne veux pas inviter à coucher tout le monde chez moi, et je ne veux pas coucher chez tout le monde non plus. Ça fait que c'est ça, c'est garder la distance. Ce n'est pas dramatiser avec l'intégration, il faut qu'on soit hyperamis, tricotés serré. Ça, c'est une illusion. De mon point de vue, c'est juste une illusion, et je pense qu'on peut vivre en société de façon harmonieuse et réaliste, aussi. Il faut apprendre à respecter les distances. On peut mettre le paquet dans l'intégration; si les familles immigrantes ne veulent pas s'intégrer, on perd de l'argent.
Mais c'est en douceur. Ce n'est pas bousculer ça, c'est en douceur, à travers des petites activités. C'est logique que papa et maman incitent... sont invités à participer à un comité de parents, par exemple, parce que les enfants sont à l'école. Ça, ça fait partie de l'intégration.
Mme Vien: Si vous me permettez, M. le...
Le Président (M. Turp): ...minutes, Mme la députée de Bellechasse.
Mme Vien: Ah, je sais. Un petit commentaire, un petit clin d'oeil. C'est pour ça que vous avez tant de succès. Oui, vous, M. Lussier, toute votre communauté, mais particulièrement vous, Mme Lopez, parce que vous êtes capable de nommer les choses, et de rester terre à terre, et de ne pas rendre cette opération d'immigration, d'intégration quelque chose de rose, parce que ce n'est pas toujours rose. Et vous nommez les choses, puis ça, je voulais vous féliciter pour ça. Quand vous êtes venue chez nous, vous avez dit les choses telles qu'elles sont et comment serait la situation quand nous serions rendus là, à accepter de l'immigration chez nous, et ça, ça a été grandement apprécié, parce que ça ne crée pas de fausses attentes.
Le Président (M. Turp): Très bien. Merci, Mme la députée de Bellechasse. Alors, la députée de Laurier-Dorion, à vous la parole.
Mme Lefebvre: Oui. Merci, M. le Président. Mme Lopez, M. Lussier, bonjour. C'est vraiment... Tu sais, on regarde à la télé, là, je ne sais pas quel jour, là, La petite séduction, mais, en tout cas, votre cas, je pense qu'on devrait aller visiter votre village, d'autant qu'on en a entendu parler dans les médias, mais de vous avoir là puis de connaître finalement, d'avoir le récit par ceux qui l'ont vécu, c'est encore plus enrichissant.
Il y a plein de questions qui nous viennent en tête justement, parce que le succès, on en a parlé beaucoup, plusieurs groupes sont venus nous voir, l'importance de la régionalisation, l'importance que les immigrants qui arrivent au Québec ne restent pas seulement à Montréal. Moi, je suis députée dans Laurier-Dorion. Parc-Extension, c'est le quartier le plus multiethnique, peut-être le deuxième, en tout cas je pense que c'est le premier, le plus multiethnique au Québec sinon au Canada. Et des fois je me dis, tu sais... Puis il y en a plusieurs qui sont à la recherche d'emploi, puis j'essaie de trouver des stratégies, je me dis: Comment leur faire connaître, tu sais, l'extérieur, les opportunités?
C'est sûr qu'il y en a qui nous ont parlé, bon, des régions qui vivent des problèmes de chômage, bon, et donc l'exode des gens qui sont déjà... qui vivent là et qui partent vers les grands centres pour trouver des emplois. Mais, dans des cas comme le vôtre, vous avez, je pense, agi juste à temps avant que finalement tout dépérisse, là, et donc maintenant la vitalité est revenue. Et je me demandais comment vous avez fait pour créer les premiers liens entre votre village et finalement les familles qui sont venues au début.
Mme Lopez (Eva): Bon. Premièrement, il faut aller dire aux gens de Parc-Extension: Il y a des régions, elles sont vivantes et elles existent. Parce que c'est sûr que... j'ai comme un travail de sensibilisation auprès des communautés immigrantes. Normalement, on vient de pays en voie de développement où nos campagnes nous font peur. En campagne, on n'a pas l'électricité, on n'a pas de l'eau potable, on a des difficultés. Quand on vient de l'Afrique, il faut aller chercher ça avec des petites... ou quand on vient d'Amérique du Sud, aller se procurer de l'eau, en campagne, ce n'est pas tout le temps évident. Et c'est cette image de campagne qu'on a dans nos têtes.
Alors, quand on arrive ici et que quelqu'un nous invite à venir... la première question: Est-ce qu'il y a de l'eau potable? Et est-ce que l'électricité se rend? Et qu'est-ce qu'on fait en hiver? Les gens, ils pensent qu'on est vraiment dans les mêmes situations rurales qu'on a laissées dans nos pays. Et ça, c'est parce que malheureusement, en ville, les personnes qui s'occupent des immigrants en ville ne connaissent pas nécessairement les régions. Ils connaissent l'autoroute 20, Montréal-Québec, ils s'arrêtent là, parce qu'eux- mêmes, ils ont peur d'y aller, peut-être qu'ils... Plusieurs sont d'origine rurale, mais ils ont oublié la campagne. Alors ça, c'est un obstacle de taille. Et comment je vais enseigner quelqu'un qu'il y a un monde merveilleux en campagne si je ne le connais même pas, ou si je le sous-estime, aussi?
On entend dire même par les douaniers à l'aéroport: Vous allez à Thetford Mines, mais qu'est-ce que vous allez faire là?
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Lopez (Eva): Aïe! Ça m'insulte! Non, vous savez, on dit: Mais qu'est-ce qui se passe dans ce pays? Ils sont malades. Comme on n'est pas encouragé, la population serait... le mot «coloniser», on va coloniser la province, on va aider le Québec à s'épanouir, à se créer un essor socioéconomique intéressant à partir de l'immigration. Et, imaginez, il y a des gens qui ont cru en mes affaires, ils se sont installés chez nous, ils travaillent, ils sont heureux, et eux font partie des futurs Québécois. On va oublier qu'ils étaient des immigrants, on va les oublier avec l'histoire. Mais ils écrivent la nouvelle histoire du Québec, et ça, c'est intéressant. Et c'est cet aspect de valorisation... Tu viens écrire un chapitre dans l'histoire du Québec. Viens l'écrire avec nous, on t'invite à coloniser avec nous. Et c'est une colonisation moderne.
Avant, les gens arrivaient avec des semences à patate. Maintenant, on arrive avec une capacité intellectuelle capable de faire plein de choses avec les moyens québécois. Parce qu'une chose que je regrette, c'est qu'on insiste tout le temps que le professionnel va être docteur au Québec. C'est faux, on ne peut pas prétendre que toute cette quantité de gens hyperscolarisés vont avoir un poste de cadre, ça, c'est irréaliste. Alors, on pourrait proposer une réorientation de carrière. Venez voir avec nous, on a des opportunités. À l'intérieur d'une entreprise, même si je commence comme un journalier, je peux aller loin parce que j'ai un bagage professionnel. C'est ça, mon discours. Et c'est ça qui a séduit à plusieurs familles et...
Mme Lefebvre: C'est vous, à la base, qui êtes allée recruter les familles? À deux. O.K.
Mme Lopez (Eva): Bien, c'est moi qui recrute tout le temps. Oui, oui, oui, c'est un plaisir, parce que c'est sortir les gens de leur ghetto, de leur frustration, ils sont malheureux. Pour moi, c'est un plaisir de voir qu'on aide. Plus tard, toutes ces familles sont arrivées ? et je vous dis, littéralement parlant ? avec des guenilles, avec des vieux meubles des années quarante que personne ne voulait utiliser plus, et, bon, ils sont là, mais on a... Plus tard, on voit qu'ils changent le mobilier, qu'ils s'habillent très bien, qu'ils partent en voyage à Disney World. Aïe! Ils n'auraient pas fait ça s'ils auraient resté sur l'aide sociale. Ils n'auraient pas fait ça si on ne leur aurait pas parlé. Et pourtant ils sont hyperscolarisés aussi, mais ils ont décidé que c'est un deuil. C'est insultant, se faire proposer un deuil pareil, mais il faut le faire.
Mme Lefebvre: Je pense en tout cas qu'on touche quand même une piste vraiment intéressante, parce qu'en ce moment ce qui est intéressant, c'est qu'en région ce qu'on constate, c'est que la sensibilisation est là, puis les gens se disent: Oui, je pense que pour le futur on doit aller chercher, attirer des personnes immigrantes qui vont, bon, participer à l'essor de notre petite communauté. Mais en même temps, moi, je me dis que... Puis justement je me disais: Bon. Admettons la CRE du Saguenay qui fait son plan d'action, puis tout ça, c'est bien le fun, mais, je veux dire, ça va prendre des représentants du Saguenay qui un bon jour vont débarquer dans le quartier Parc-Extension, par exemple, que, moi, je connais bien, pour eux-mêmes venir vendre leur salade puis expliquer c'est quoi qui se passe. Puis là, c'est là qu'il y a le milieu, bon, moi, d'autres personnes peuvent, tu sais, agir puis faire le lien entre tout ça puis concrétiser des expériences. Puis je pense que, vous, vous l'avez fait parce que, bon, vous aviez...
M. Lussier (Jacques): ...le milieu se soit préparé.
Mme Lefebvre: Lui-même d'abord, évidemment.
M. Lussier (Jacques): Oui, oui. Si le milieu ne le veut pas, oubliez ça, il ne se passera rien.
Mme Lefebvre: Mais en même temps, vous, vous avez une foi incommensurable, mais je pense qu'il va falloir peut-être aussi supporter des initiatives comme celles-là, parce que j'imagine que ça a pris beaucoup de grandeur d'âme et de volonté. Mais, pour qu'on puisse le réussir à l'échelle du Québec, il va peut-être falloir qu'il y ait un soutien supplémentaire qui soit accordé. Je ne le sais pas, mais en tout cas je trouve que c'est vraiment, vraiment inspirant.
n(17 heures)nLe Président (M. Turp): Alors, je donne la parole à la ministre, je crois, pour environ... un petit peu plus de sept minutes.
Mme Thériault: Merci, Mme Lopez, merci, M. Lussier, d'être ici. Ça me fait plaisir de vous revoir a nouveau. Pour avoir eu le plaisir d'aller dans votre belle région et de constater de visu le travail qui a été fait, je dois réellement vous féliciter. Vous êtes des très bons ambassadeurs de l'immigration en région. Je dirais ça comme ça. Évidemment, nous avons tous lu les articles sur Sainte-Clotilde. Bon, je pense que René Matériaux Composites fait un travail extraordinaire aussi. Ils ont bien compris que c'est à toutes les étapes du processus qu'on doit impliquer pas juste les immigrants, mais les employés aussi, si on veut prévenir la discrimination et le racisme et les préjugés.
Je vous félicite et vous remercie d'être ici. Je trouve que c'est intéressant, parce que, dans vos recommandations, vous faites réellement des recommandations à partir de votre expérience terrain, et ça, c'est intéressant, parce que je me dis qu'une politique pour lutter contre la discrimination puis le racisme, oui, on peut avoir des grandes lignes qui peuvent toucher de façon générale la population, mais on doit aussi tenir compte de la réalité des régions et de la réalité de Montréal, et, chacune des régions, c'est très différent.
Peut-être pour le bénéfice de ma collègue la députée de Laurier-Dorion, puis peut-être vous aussi, vous pourriez échanger, moi, je peux vous dire qu'au Lac-Saint-Jean, au Saguenay, il y a un organisme qui fait des missions de séduction aussi, ça s'appelle Portes Ouvertes sur le Lac, c'est un organisme qui est financé par notre ministère, parce que justement la régionalisation de l'immigration, c'est important. Puis c'est évident qu'il y a des régions qui doivent s'inspirer de ce qui a été fait dans d'autres régions puis le transposer chez eux, puis vous êtes un excellent exemple de ce qui peut être fait.
Là où j'aimerais vous entendre cette fois-ci, ce serait peut-être sur comment vous avez fait pour éviter la ghettoïsation? Parce que, bon, vous disiez: O.K. Oui, on est ouverts, c'est correct, mais, tu sais, la proximité, à un moment donné, bon, le monde ne viendront pas coucher chez nous puis je ne veux pas aller coucher ailleurs! C'est correct, là. Puis, c'est vrai, dans le fond, même tes amis, on les choisit, on prend notre temps puis on développe les amitiés comme on veut bien. Puis, tous les peuples sont pareils, ce n'est pas une question de Québécois ou autres, je pense que c'est les humains qui sont comme ça. Sauf qu'il ne faut quand même pas se leurrer, lorsqu'il y a un groupe qui arrive, qui est homogène, comme dans votre cas, il y a beaucoup de Colombiens, majoritairement des Colombiens, donc évidemment c'est facile de ghettoïser. Et, à partir du moment où les jeunes vont se tenir ensemble, ou que les parents vont vouloir seulement se tenir ensemble, là ça peut occasionner une réaction de la part de la société d'accueil. Vous avez fait comment pour éviter la ghettoïsation?
M. Lussier (Jacques): Il faut résister.
Mme Thériault: Oui, il faut résister.
M. Lussier (Jacques): Bien, d'abord refuser les opportunités qu'on nous a présentées de répondre à certains de leurs besoins en favorisant la ghettoïsation. Je vous donne l'exemple de la construction d'un HLM dans le plein centre du village, trois étages en brique rouge. J'ai demandé à l'architecte si on pouvait écrire dessus: ghetto d'un bord et HLM de l'autre, en lettres blanches peut-être pour rendre ça clair. D'abord, résistons à ce genre de bébelle là, c'est ça que je veux dire par les programmes plus adaptés à nos réalités.
Deuxièmement, présentement je vous ai parlé de quatre, cinq familles qui le projet de se construire à Sainte-Clotilde, on a tenu absolument à ce que les cinq se répartissent sur tout le village. Il n'est pas question qu'elles s'installent toutes les cinq ensemble sur la même rue. Ils vont tous dire: Bien là, les Colombiens sont là. Le ghetto, il commence là, là. Il faut éviter cela. Il faut éviter autant que possible que ces regroupements-là... Ils vont se faire quand même, les regroupements informels, ils vont se retrouver entre eux, ils vont faire des fêtes, ils vont danser la samba, puis tant mieux! Puis les Québécois vont se mêler à travers de ça, puis tant mieux! Mais évitons, évitons ce regroupement naturel là où on se retrouve... On a tous été un jour ou l'autre pris, hein, dans notre petite valise quelque part dans une ville, seuls au monde. Qu'est-ce qu'on fait? On cherche d'autres Québécois. Bien, oui, c'est sûr, on est bien entre Québécois, puis c'est correct, c'est normal. Il faut casser ça. Ils ne sont plus dans leur pays, ils sont maintenant ici. Ils sont encore de leur pays, mais ils sont maintenant d'ici, et il faut les habituer à fonctionner différemment.
Moi, c'est ce que j'appelle dans le mémoire: intervenir dans la culture. Il faut intervenir dans la culture. Il ne faut pas se gêner. Parce que, si on ne le fait pas, ils vont importer ici leurs façons de faire, leurs croyances, leurs idoles, tout ce que vous voulez, puis on va devenir quoi, nous autres? On va bientôt, là, disposer nos églises auprès de ces gens-là pour qu'eux puissent pratiquer. Wo! il faut résister à ça.
Mme Lopez (Eva): ...
M. Lussier (Jacques): Vas-y.
Mme Lopez (Eva): Bon. Et pour compléter, parmi la sensibilisation, on a cette invitation à ne pas se ghettoïser. Moi, je suis antighetto. Toute ma vie, j'ai été antighetto. Et on est capables dire aux gens: Pourquoi aller où se trouvent les édifices identifiés pour les immigrants et pour les défavorisés quand tu es capable de payer 50 $ ou 100 $ de plus pour un meilleur logement? Pourquoi tu vas te dévaloriser en te mettant toujours dans les endroits les moins chers pour épargner 100 $? Vous travaillez, les deux. C'est ça, le plaisir d'avoir un emploi et un revenu stables, c'est qu'on a la possibilité de s'installer ailleurs.
Alors, les gens, ils se mobilisent. Les gens, ils sont capables de se rencontrer pour un party une fois par année. Parce que, oublie ça, on ne se rencontre pas tout le temps. Ce n'est pas vrai qu'on est tous ensemble pour danser et pour s'amuser. Ce n'est pas nécessairement vrai, parce qu'il n'y a pas de compatibilité à l'intérieur des groupes non plus. Il y a des gens qui ne sont pas nécessairement intéressés à se créer des liens d'amitié avec les... ses confrères, avec ses concitoyens. Ils sont tout simplement intéressés à vivre en harmonie, tranquilles, en paix, et c'est tout. Mais, dans le processus de sensibilisation, on insiste beaucoup: Cherche-toi un endroit qui t'appartient, qui donne tes couleurs à toi et à ta famille, soit à côté de M. Québécois, de Mme Québécoise, que tes enfants jouent avec des petits enfants québécois.
Ça, ça fait partie de mon processus de sensibilisation et ça porte fruit. Alors, le fait de ne pas accepter qu'un édifice soit étiqueté «édifice où habitent les immigrants», ça nous a aidés énormément. C'est vrai, parce que sinon les gens, ils changent de trottoir. On le voit ici, au Québec. À la ville de Québec, on sait, la police sait que dans tel quartier, à telle adresse, on ne va pas. C'est tous des immigrants.
Les immigrants qui sortent de ces quartiers-là à faire une démarche à n'importe quel boulot, tout de suite: Ah! Où tu demeures? À telle adresse? Ah! O.K. Ils sont étiquetés. On ne peut pas se le cacher, c'est des ghettos. Ça s'appelle des ghettos. Alors, nous, on essaie de ne pas recréer les mêmes choses dans nos régions.
Mme Thériault: Merci. Il nous reste deux... une minute au total, question et réponse. Moi, j'aimerais savoir: Comme dirigeants, autant au municipal qu'à l'école, ou peu importe le palier, dans votre village, qu'est-ce que vous avez fait pour éviter ou contrer des situations de racisme ou de discrimination, des paroles blessantes qui auraient pu être prononcées par des enfants ou des adultes?
M. Lussier (Jacques): Je peux répondre en usine puis pour le village. En usine, c'est les meetings des travailleurs qu'ils ont tenus constamment. Je vais vous donner un exemple. Un midi, bon, il y a eu un Québécois qui a eu un comportement un peu raciste envers un Colombien, il a passé devant sa boîte à lunch puis il a fait: Euh! Ça pue, ça. Bon.
La direction des ressources humaines est intervenue immédiatement personnellement auprès de l'employé en question, lui expliquant que ce n'est pas parce que ça ne sent pas comme ça sent chez vous que c'est nécessairement mauvais. Bon. Ils lui ont expliqué cela. Et, quand ils ont fait un meeting, ils ont commencé à parler aux gens, en ce sens que ces gens-là ne mangent pas comme nous autres. C'est vrai. Ils ne sentent pas comme nous autres parce qu'ils ne mangent pas comme nous autres. C'est vrai. Mais ça n'empêche pas que c'est des humains comme nous autres, c'est vrai aussi. Voilà le genre de discours qu'on a tenu pour contrer les attitudes racistes au niveau de l'usine. On ne s'est pas gêné pour intervenir à chaque fois que les comportements racistes se présentaient.
Au village, c'est pareil. Vous direz bien que je suis un convaincu, bien sûr. J'essaie de convaincre mon monde puis je ne me gêne pas de leur dire. J'en ai entendu, des histoires de bonnes femmes qui passaient derrière moi: Ouais! Ça fait noir dans le village! Qu'est-ce que tu dis là, toi? Oui, bien, là, ça fait pas mal de Colombiens. Tu n'as pas fait partie de mon comité de survie de l'école, toi, il y a deux ans? Oui. Pourquoi l'école, elle vit encore aujourd'hui, là? Ah, bien, oui, c'est vrai, il y a plus de monde. Bien oui, c'est ça, grâce à eux autres, là. Ah, oui.
Des comportements comme ça, on a rencontré ça tout le temps. Il ne faut pas se gêner de dire: C'est con, ce que tu dis là. C'est cave, ce que tu fais là. Tais-toi.
Mme Thériault: Il faut le dire.
M. Lussier (Jacques): Il faut intervenir tout le temps. Bon. Évidemment, au niveau d'un village, c'est facile. On est 600. Ça fait qu'on se croise tous à peu près, tout le monde, une fois par semaine, tu sais. C'est plus facile qu'en ville. Vous vous doutez bien aussi que je suis un apôtre de la régionalisation puis de la ruralité parce que j'y crois beaucoup. J'ai vécu les deux puis je me sens très bien en milieu rural, mais enfin, c'est un autre débat, c'est un autre combat.
Le Président (M. Turp): Merci. La députée de Laurier-Dorion et, je crois, ensuite le député de Saint-Hyacinthe.
Mme Lefebvre: J'insiste, c'est vraiment exceptionnel, votre histoire. Puis je pense que le gouvernement du Québec devrait vous engager pour aller faire la promotion de ce type de système partout au Québec, parce que des villages comme le vôtre, il y en a plusieurs au Québec. Puis, en tout cas, vous faites des ambassadeurs exceptionnels, puis, en tout cas, continuez de proclamer cette belle réussite. Il faut que le plus de gens possible connaissent cette histoire puis les raisons aussi. Parce que vous les avez mentionnées puis elles sont importantes.
Le suivi avec l'entreprise, le suivi personnalisé, tout ça, c'est ça qui a été la clé. Puis vous l'avez mentionné vous-même, dans le même village, il y a eu quelques échecs. Donc, c'est important aussi que les gens comprennent que ce n'est pas par miracle ou par magie que ça se réalise. Donc... Et maintenant mon collègue de Saint-Hyacinthe...
n(17 h 10)nM. Dion: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue et merci d'être avec nous. Votre témoignage est extrêmement intéressant et extrêmement aussi, je dirais, utile, dans le sens que, face à la problématique du racisme et de l'intégration dans les milieux partout en région, on ne sait pas toujours quoi faire, hein? Plus souvent qu'autrement, on ne sait pas quoi faire, hein? Alors, vous nous apportez non seulement des recettes, mais une façon d'être. Et la façon d'être, bien, quand on n'a pas la recette, on peut peut-être la créer. Alors, je trouve ça extrêmement intéressant, ce que vous nous apportez, et je suis d'accord à peu près avec tout ce qu'il y a là-dedans.
Sauf que j'ai une petite restriction, et vous n'êtes pas obligés d'être d'accord avec moi, mais elle est au niveau de l'article... le paragraphe 38. C'est sûr que, moi, chaque fois que j'ai l'occasion de parler devant un groupe d'immigrants à Saint-Hyacinthe ? et on m'invite régulièrement aux cours de francisation, quand les gens commencent à s'exprimer plus facilement, d'autant plus que l'espagnol étant ma deuxième langue et qu'on a beaucoup, beaucoup de Colombiens chez nous, alors ça va bien ? je leur dis toujours ceci, que la langue, c'est la clé de la liberté, que tant qu'ils ne sauront pas parler ils seront à la merci d'un interprète, à la merci d'un autre, ils ne pourront pas aller voir le médecin qu'ils veulent, ils ne pourront pas aller faire leurs... Et j'essaie de les motiver à apprendre la langue et à contrôler bien la langue. Et, avec la langue, on peut trouver un autre emploi si le premier ne nous convient pas, on peut aller à une autre école, on peut changer d'appartement. On peut faire toutes sortes de choses, mais, tant qu'on est à la merci de tout, là... Bon.
Ceci étant dit, ce n'est pas si difficile d'apprendre une langue, hein? Vous le savez, vous l'avez apprise. Puis d'autant plus que le français est une langue facile, tous les Français le parlent! Alors, ceci étant dit, ceci étant dit, moi, je ne vois pas pourquoi il faut mettre sur les appareils... la machinerie industrielle, qui généralement est déjà identifiée en anglais, s'il faut en plus mettre les identifications en espagnol, puis peut-être, dans 20 ans, on mettra les identifications en français, je ne vois pas pourquoi il faut passer par là, alors que ce n'est quand même pas beaucoup de mots à apprendre, hein?
Maintenant, je veux bien croire que quelqu'un qui arrive, qui se met un petit papier pour avoir... pour deux jours, ça, c'est autre chose, là. Mais il me semble qu'apprendre les choses dans notre langue... la langue commune, il me semble que ça les aiderait, non?
M. Lussier (Jacques): Vous ouvrez une porte intéressante, puis je vais mettre un pied dedans. Ces gens-là, quand ils sont arrivés à Sainte-Clotilde, parlaient très peu français. Moi, au point de départ, je m'étais toujours dit qu'un des critères pour faire venir des immigrants, c'était de parler français. J'ai changé d'idée. En voyant ces gens-là fonctionner, ça m'a convaincu qu'on pouvait leur apprendre le français et que, bien plus important que de parler français, il fallait que ces gens-là partagent un petit peu nos valeurs.
Alors, je suis d'accord avec vous, le français est un véhicule extraordinaire, culturel, utile aussi, tout ce que vous voulez. J'en suis. Mais, pour moi, je l'ai relativisé par rapport à la problématique qu'on a vécue.
Quand à René, ses motivations pour mettre des inscriptions en espagnol, j'imagine que, «business as usual» étant ce qu'il est, ils en ont conclu que c'était plus pratique pour l'instant de bien clarifier les commandes en les inscrivant en espagnol. Pour l'instant. C'est clair que tôt ou tard ça va se traduire en français. Voilà ce que je pourrais vous répondre par rapport à ça.
Mme Lopez (Eva): Mais c'est aussi parce qu'il y a des expressions: un piton, des expressions comme ça, et, quand quelqu'un criait: Appuie sur le piton, sur le piton! Le piton, c'est quoi, un piton? On fige. Il faut le faire vite, alors on a dit: Un piton, c'est un bouton. Bien, on a marqué, en espagnol, «piton», ça veut dire telle chose. C'est ça, c'est adapter les expressions, et, en situation d'urgence, il faut qu'on soit capables d'agir rapidement.
Mais je suis avec vous pour la langue française, définitivement une des choses qu'on fait avec insistance. On a le privilège de pouvoir compter avec des cours de francisation en région, et on fonce beaucoup vers la francisation. Et je suis convaincue que préserver la langue française va passer nécessairement par la régionalisation de l'immigration, de la même manière que préserver la culture québécoise va passer par la régionalisation de l'immigration, parce que, si on a un encadrement personnalisé, ce n'est pas possible qu'on crée des ghettos à gauche et à droite et que personne veuille s'intégrer. Nécessairement, on va en être obligé à s'intégrer, à parler français, à apprendre... à comprendre que «piton», c'est «bouton» et que... Bon, en tout cas, toutes ces sortes de choses, elles vont venir avec la ruralisation. Mais pour nous la francisation est essentielle à la liberté.
Le Président (M. Turp): Ah! que c'est bien dit. Eh! que c'est donc bien dit. Continuez, M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dion: Alors, il y a une autre chose qui me préoccupe, et je ne sais pas exactement comment envisager la question, mais on parle parfois de communauté ethnique, communauté culturelle, on parle de ghetto. On parle de toutes sortes de choses. Moi, je conçois volontiers que comme immigrant on ait le goût de se retrouver avec des gens qui parlent notre langue et qui connaissent nos coutumes et qu'à la limite on se forme un petit groupe plus ou moins stable, plus stable ou moins stable, et, moi, j'assimile ces groupes-là à des groupes d'entraide. Mais assimiler ça à des communautés culturelles, je pense que c'est faire un grand pas vers la ghettoïsation. Il y a une distinction à faire entre des groupes d'entraide, qui sont là pour s'entraider le temps qu'on en a besoin, et des groupes qui acquièrent un statut quasi juridique, et ça, c'est très grave.
Mme Lopez (Eva): ...très dangereux, je pense. Et... est-ce que je peux opiner?
Le Président (M. Turp): Oui, allez-y.
Mme Lopez (Eva): Moi, je trouve ça très dangereux, parce que dans ce moment on commence à entendre que par... appuyer sur les lois et libertés, sur les droits et libertés, on commence à demander que notre quartier, notre village, notre groupe ethnique adoptent les lois de mon pays, que j'ai laissées ailleurs, mes lois, politiques que j'ai laissées ailleurs. Moi, je suis Colombienne. Chez nous, on a un problème de drogue très important. Si tous les Colombiens viendraient ici demander le droit de faire pousser plein de choses et de s'ouvrir des laboratoires de coca, je m'excuse, mais je quitterais la première parce que je ne veux pas recréer mes problèmes de mon pays ici, au Québec.
Une voix: Il y en a bien assez.
Mme Lopez (Eva): Ah bien, écoute! En plus, je veux que mes enfants qui sont nés au Québec héritent la culture québécoise, héritent les valeurs québécoises. Moi, je ne veux pas que mes enfants grandissent dans un monde qui n'a pas d'identité, parce que, si on continue à donner des identités à chaque communauté et à dire que cette communauté mérite d'avoir tout ce qu'elle veut et revendique, on n'ira pas loin, on ne sera pas «Québec», on ne s'appellera pas «Québec». Alors, moi, je trouve ça très dangereux. Je pense qu'il faut être prudent. Moi, je prends l'immigration comme quand vous m'invitez chez vous. Moi, je n'ai pas le droit à venir bouleverser tout votre ménage et à tirer toutes choses par terre. Je dois me contrôler. Je suis dans votre salon ou votre salle à manger et je vous respecte. Alors, on est chez vous, on est accueillis par vous, on a le droit à pratiquer notre religion, nos danses, notre salsa, à manger n'importe quoi chez nous, mais vous avez aussi droit à votre identité, et on a l'obligation de s'adapter à ça, de vous respecter comme peuple d'accueil et de vivre avec vous avec cette différence et avec beaucoup de respect.
Alors, c'est mon point de vue, c'est peut-être très blessant, insultant, mais c'est la réalité. Je ne suis pas chez nous. Même si je possède la citoyenneté canadienne, ce n'est pas vrai que je suis Canadienne, j'ai ma propre identité, je suis née en Colombie. Je ne suis pas Canadienne, je suis adoptée légalement...
M. Lussier (Jacques): À moitié Canadienne.
Mme Lopez (Eva): J'ai tous les droits comme citoyenne, mais ça arrête là.
Le Président (M. Turp): Mme Lopez, est-ce que vous pensez qu'un jour la municipalité de Sainte-Clotilde va avoir une mairesse d'origine colombienne?
Mme Lopez (Eva): Ah! Ça pourrait et ce serait très intéressant, mais ça ne sera pas moi.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lussier (Jacques): D'autant plus que le maire Lussier n'est plus maire. Le poste est ouvert.
Mme Lopez (Eva): En plus.
M. Dion: Vous savez que le maire d'Amos, il est l'unique... c'est un Noir d'origine haïtienne, et il est l'unique Noir à Amos, il paraît. Alors, comme quoi il y a de l'avenir.
Le Président (M. Turp): Ah! Il y en a d'autres, M. le député de Saint-Hyacinthe, apparemment qu'il y a d'autres personnes noires. Mais, M. Lussier, Mme Lopez, merci beaucoup pour votre présence devant notre commission, pour le mémoire, et je crois qu'il va inspirer les membres de cette commission dans ses travaux.
Merci. Je suspends les travaux pour quelques minutes et j'invite les représentants de la Ligue des Noirs du Québec à bien vouloir venir s'installer à la table.
(Suspension de la séance à 17 h 19)
(Reprise à 17 h 21)
Le Président (M. Turp): Alors, nous continuons nos travaux. Nous entendons le dernier groupe de la journée, la Ligue des Noirs du Québec. M. Philip, M. Dorzin, M. Latour, M. Narcisse, je vous invite à vous présenter, et vous disposez d'une période de 20 minutes pour votre présentation. Il y aura ensuite des questions du parti ministériel et de l'opposition officielle. À vous donc la parole.
La Ligue des Noirs du Québec
M. Philip (Dan): Oui. Nous avons également des rendez-vous à Montréal, et aussi avec les parcomètres. En tout cas...
Des voix: ...
M. Philip (Dan): Merci d'avoir nous invités. Ensuite, avec moi, c'est Édouard Narcisse et M. Dorzin; ils sont membres de notre conseil d'administration. Ce que nous sommes ici à présenter, c'est que nous allons regarder essentiellement la situation du profilage racial, du racisme systémique dans notre système et la discrimination.
Ce mémoire que nous avons présenté, ce n'est pas la première fois que nous sommes devant ce comité, peut-être que ce n'était pas vous autres mais d'autres. Je me souviens, quand nous étions ici, on a eu la loi n° 85, et ensuite ce que nous avons présenté, disons, il y a peut-être un bon bout de temps, mais les changements ne viennent pas. Et ce que je dirai, c'est qu'il y a un manque de volonté politique pour changer les choses. Une fois de plus, nous sommes ici, et Édouard va commencer à élaborer un peu généralement notre pensée et va présenter ce mémoire devant vous. Mais j'espère, cette fois-ci, vous allez regarder profondément ce que nous avons présenté, parce que nous allons dans une situation où nous prenons, disons, des situations et des problèmes que nous avons généralement dans la société, et aussi des rapports que nous avons, des rapports de Malouf, des rapports, des portraits, des différents rapports pour arriver à cette conclusion. Et j'espère bien que votre comité va tenir compte de ça. Édouard.
M. Narcisse (Édouard): Nous vous remercions beaucoup, tous les honorables députés qui nous ont invités, et nous voulons vous dire merci de ce que l'initiative gouvernementale, pour une fois dans l'histoire du Québec, qu'un gouvernement prend l'initiative de mettre un projet de politique contre le racisme et la discrimination raciale. C'est très rare. On a répété, on a présenté des doléances, on a présenté des faits, aucune chose n'a été faite. Je félicite vraiment, nous félicitons vraiment le gouvernement pour son initiative. Faire un projet de loi, ce n'est pas une chose facile, prendre des décisions comme ça, ce n'est pas facile, et nous apprécions grandement cela.
Vivre dans la peau d'un Noir au Québec, ce n'est pas une chose facile. Moi, j'ai vécu au Québec, ça fait 37 ans, je peux vous dire qu'est-ce que j'ai subi dans la peau d'un Noir. Pourtant, je ne me considère pas être un Noir, je me considère comme un être humain à part entière. J'ai étudié au Québec, j'ai vécu au Québec et je comprends le Québec. Mes enfants sont nés ici, et savez-vous que deux de mes enfants sont obligés de fuir le Québec à cause de la discrimination? Vous ne me croyez pas, mais ils sont obligés d'aller vivre à Vancouver parce qu'ils sont discriminés, parce qu'on les chasse, on les pourchasse, on veut même les éliminer à cause de leur peau. C'est un fait, on ne peut pas le nier.
Comme nous le disions tantôt, l'initiative gouvernementale est très, très bonne, et nous l'apprécions beaucoup dans la communauté. Je suis Haïtien d'origine, et Dan Philip vient des Caraïbes aussi; il est anglophone, mais on se met ensemble pour dire au gouvernement comment nous apprécions cette initiative-là. Ce n'est pas une flatterie, c'est une réalité. Mais aucune loi, si bonne qu'elle soit, n'est pas bonne si elle n'est pas appliquée. Comment on va faire pour l'appliquer? C'est ça, l'affaire. Parce que c'est inné, c'est ancré dans les gens, cette discrimination-là, et on ne va pas l'enlever comme ça. C'est pour cela que nous insistons à avoir une éducation. Ne pensons pas à ma génération, aux générations passées, non, ça, on ne peut rien faire; mais, dans la génération qui monte, comment on doit faire pour aider les jeunes à comprendre que les enfants ne sont pas nés avec la discrimination, c'est inculqué par les parents? Mais, s'ils sont éduqués, s'ils comprennent, il n'y aura pas de discrimination.
J'ai eu le privilège de travailler dans l'international, pour l'Organisation mondiale de la santé. J'ai visité beaucoup de pays, et ce n'est pas seulement au Québec qu'il y a ça, je ne veux pas plaindre le Québec, ce n'est pas ça que je veux dire. J'ai été en Inde, j'ai été au Madagascar, il y en a encore pire; en Inde, c'est encore pire. Ce n'est pas ce que je veux dire. Ce que nous voulons dire, c'est que nous voulons vraiment que cette loi-là ait un effet réel sur la génération montante. Moi, je sais que je m'en vais, j'ai 58 ans, je ne suis plus à l'âge de penser que je vais voir cette réalité-là. Je vous félicite encore une fois.
Ce que nous voulons dire, c'est que, dans le profilage racial qu'on vit au Québec, être Noir, automatiquement, je connais des amis qui sont médecins comme moi et qui sont obligés de faire du taxi parce qu'on ne les accepte pas. Ils sont capables de le faire, ils ont les diplômes, mais ils ne peuvent pas vivre la situation réelle. Ce n'est pas la faute à personne, je n'implique pas personne, mais la réalité est ça, c'est ça, la réalité que nous vivons. Le profilage racial est tellement fort qu'un jeune Noir ou un Noir qui possède une voiture ? juste un petit exemple, là ? de prix, automatiquement il est profilé: Qu'est-ce qu'il a fait? C'est un criminel, c'est un méchant, il faut qu'il soit condamné. Je peux citer l'exemple de mon fils qui est ingénieur, diplômé du Québec, travaillait pour Bell Canada, on est venu l'arrêter parce qu'il a loué une maison pour un autre Noir. On l'a accusé de proxénétisme. Il a été acquitté de 19 chefs d'accusation, sans aucune compensation. On a essayé même de mettre de la drogue dans sa voiture pour qu'il soit condamné. Je lui ai conseillé de laisser la province, d'aller vivre à Vancouver. Depuis huit ans, il vit là-bas et il se sent heureux, il cherche une autre vie. Parce que c'est comme s'il faut qu'on condamne le Noir, c'est ça que je ne comprends pas. Pourquoi?
Donc, en renouvelant les institutions comme vous le faites, je vous... à force de répéter, je vous félicite. Mais comment l'appliquer? C'est pour cela que nous demandons: Aidez-nous à faire une sorte d'éducation ou d'information, plutôt, je dis «d'éducation», à la population. Et cela est ancré même chez les jeunes Noirs, ils pensent qu'ils ne seront jamais acceptés. C'est faux. Si j'ai pu m'en sortir, si d'autres peuvent s'en sortir, ils peuvent s'en sortir, mais on a besoin de l'aide, on a besoin d'information.
Donc, La Ligue des Noirs aimerait être partie prenante avec vous pour aider les gens à s'informer sur la situation et qu'ils comprennent que les choses ne sont pas comme ça au Québec. Parfait. Dans l'Amérique du Nord, le Québec est le premier à faire cet avantage-là. À Toronto, jusqu'à maintenant ils ne le font pas encore. Aux États-Unis, c'est encore pire. Donc, nous tenons à vous dire merci de cette initiative, mais faites en sorte que ce soit réel, ce n'est pas un rêve, ce n'est pas une utopie. C'est ce que je voulais dire.
Le Président (M. Turp): Très bien. Alors, est-ce qu'il y a d'autres interventions et commentaires?
Une voix: Je voudrais...
n(17 h 30)nM. Philip (Dan): Juste avant votre commentaire, je dois dire qu'il y a aussi des efforts d'aider certains groupes dans la société, particulièrement dans les cas de profilage racial. Nous, à la ligue, nous travaillons avec beaucoup de gens qui ont ce problème-là, mais je suis aussi membre d'un comité de l'immigration et communautés culturelles où nous étudions des problématiques de profilage racial. Le gouvernement n'a pas même mis même un cent auprès des organismes qui sont impliqués avec les gens. C'est pour cette raison, dans notre dossier, nous parlons de la justice, mais nous n'avons pas l'accès à la justice comme tel. Autrement dit, quand les gens viennent pour déposer des plaintes, c'est nous, nous devons faire ça volontairement pour lui aider pour passer à travers certaines difficultés. Mais il n'y a rien. Mais pourtant les gens qui sont responsables pour le profilage racial, qui sont des groupes de policiers, ils ont toutes de sortes de montants pour essayer à réduire le profilage racial comme tel. Autrement dit, c'est ces gens-là qui sont responsables pour les problèmes, et c'est eux qui vont trouver des montants pour essayer à améliorer les problèmes. Et pourtant les organismes, ils n'ont rien.
Mais, dans ce comité-là, j'avais présenté cette problématique-là temps après temps, mais jamais... J'ai parlé avec M. Delorme, et on a discuté ça, il est d'accord avec moi, mais, pourtant jusqu'à présent, il n'a rien. Vous pouvez...
M. Dorzin (Jacques-Gérard): Alors...
Le Président (M. Turp): Alors, M. Dorzin, il reste 8 minutes pour votre présentation.
Une voix: Oui. O.K.
Le Président (M. Turp): Vous avez la parole.
M. Dorzin (Jacques-Gérard): O.K. Alors, je voulais dire, ce n'est vraiment pas facile de parler de racisme, de discrimination, de profilage racial. Vous savez, ce n'est pas un sujet facile à aborder. Mais vous pouvez convenir aussi avec moi que c'est une réalité qui existe vraiment dans notre société. Et on sait qu'il y a des efforts depuis qui se font aussi et pour contrer les effets néfastes du racisme. C'est vrai. Et on sait aussi qu'il y a des courants de pensée qui alimentent ce genre de pensée, ces perceptions aussi négatives de l'homme noir, etc. Mais nous pensons que... et c'est... nous ne devons pas nous stabiliser, rester seulement sur ça, aussi nous devons aller un peu plus loin, voir les efforts qui sont faits, que ce soient des commissions d'étude, que ce soient des rapports, etc., et des efforts qui essaient quand même de régulariser un petit peu les situations.
Mais on peut aussi manifester et féliciter, d'une certaine manière, cet effort qui se fait aussi dans ce gouvernement avec le dernier rapport qu'on vient de lire. Et j'ai pris connaissance du rapport, je l'ai lu, et très bien lu, et je trouve qu'il y a vraiment une certaine tendance qui se manifeste à bien vouloir changer les conditions des choses. Mais, par contre, on sait qu'il y a quand même une résistance, d'une certaine manière, de d'autres côtés, O.K., à bloquer le travail qui se fait.
Mais ce que nous voulons dire aujourd'hui, c'est qu'on voit, le désir est là, la tendance de vouloir changer les choses se manifeste, et, quand on parle d'énoncé de loi, donc je pense que ça va venir corriger beaucoup de choses. Mais, une loi, c'est bien, c'est bien, quand les gens deviennent sérieux et puis élaborent une loi pour changer une situation, c'est bien, mais je pense que c'est l'application de la loi qui est beaucoup plus importante, dans la situation qui nous préoccupe. Alors, il faudrait, après l'élaboration de cette loi sur le racisme... Parce que, vous savez, ça, ce n'est pas une affaire qui n'a pris naissance qu'aujourd'hui; ça a toujours existé, et il y a toujours des gens, O.K., qui, d'une certaine manière, alimentent ce genre de choses. On le sait, ce n'est pas caché. Mais, par contre, il y a d'autres personnes de l'autre côté qui n'aiment pas ça non plus et qui voudraient changer les choses. Alors... Mais on dit que ce qu'on aimerait, c'est la déconstruction de ce genre de pensée qui est installé dans le mental de l'autre par rapport à la perception du Noir. Alors, c'est ça qu'on aimerait au moins.
Et, dans la politique, O.K., qu'on considère une façon pour déconstruire ce construit-là, cette façon, cette perception négative de l'autre, cette perception vraiment qui le diabolise, etc. Alors, essayer de dire: Bon. On va faire en sorte qu'on change cette perception. Et, dans le rapport, on a parlé d'une campagne de sensibilisation. On a parlé et on a entendu dans les nouvelles que Mme la députée... Mme la ministre, je m'excuse...
Mme Thériault: C'est correct. Je suis députée.
M. Dorzin (Jacques-Gérard): ... ? oui, d'accord ? a commencé quand même une campagne de sensibilisation à travers le Québec, etc., et je pense que c'est une bonne chose, ça mérite d'être applaudi. Et, des actions de cette manière, je pense que ça peut aussi arriver à déconstruire vraiment ce mental et la façon, le schème l'autre. Et, dans ce sens-là, nous encourageons ce genre de travail et nous disons que, par rapport au profilage racial, il y a plein de choses qui peuvent être faites dans ce sens-là, parce que nous voyons... je travaille avec les jeunes maintenant, au niveau d'intervention, je fais aussi conseiller en emploi, vous voyez, et, même, ce qui arrive, c'est que l'on peut arriver à utiliser les services des policiers. On sait qu'il y a beaucoup d'argent qui est mis dans la formation des policiers pour préparer vraiment des experts, O.K., dans ce sens-là.
Mais les rapports que ces gens-là entretiennent avec la communauté noire fait qu'on ne peut pas réellement bénéficier de ces genres de services là, O.K., parce qu'il y a la police préventive, il y a tout ça. Donc, on aurait pu bénéficier de ça pour empêcher que nos jeunes sombrent dans la criminalité. Vous voyez?. Mais, si les rapports sont toujours tendus, et le jeune, il voit le policier comme un ennemi, il le voit, le policier, comme il le voit, donc ça veut dire qu'il n'y a pas un travail sérieux qui peut être fait, donc... Alors, je pense que, si on envisage une loi pour changer les choses, il faudrait que ce soit une réalité. Merci.
Le Président (M. Turp): Très bien. Merci, M. Dorzin. Il reste une minute. Est-ce que vous voulez conclure, M. Philip, ou est-ce que je donne la parole à la ministre?
M. Philip (Dan): Je m'en remets à vous. Vous pouvez lui donner la parole. Merci.
Le Président (M. Turp): Alors, Mme la ministre, pour une première série d'interventions.
Mme Thériault: Merci, M. le Président. Merci, messieurs, d'être ici. M. Philip, M. Dorzin et M. Narcisse, merci pour vos bons mots aussi. C'est vrai que, moi, je suis une personne qui est de nature très terre à terre. Et je ne me qualifierai pas de tête enflée, mais je vous dirais que le fait que vous avez applaudi que le gouvernement veuille se doter d'une politique pour lutter contre la discrimination, le fait que cette politique-là sera accompagnée aussi d'un plan d'action, je trouve que c'est important de le souligner, parce que jamais un gouvernement n'a été aussi loin, dans l'histoire du Québec et dans l'histoire du Canada, puisque nous sommes la première province. Peu de pays se sont dotés d'une telle politique. Je pense qu'on est rendu à une étape de notre vie où nous devons le faire.
Les problématiques que vous avez soulevées par rapport au profilage racial mais aussi la discrimination, le racisme, les préjugés, tout ça, font en sorte que, si on veut que notre société continue de se développer, si on veut que nos enfants, vos enfants puissent vivre en harmonie ensemble... Ce sont eux les futurs dirigeants de demain. Qui sait, peut-être formeront-ils même des couples, hein? Donc, ce sont eux, les nouveaux Québécois de demain, qui vont être pris avec l'héritage que, nous, on leur a laissé.
Moi, je suis très heureuse aujourd'hui qu'avec les membres de la commission, les gens qui viennent partager ici, on puisse contribuer ensemble à écrire une page de l'histoire. Parce que juste de reconnaître et de dire qu'il y a du racisme et de la discrimination, ça demande beaucoup de courage, il faut nommer les choses par leur vrai nom. Et la majeure partie des groupes qui sont venus ici n'ont pas hésité à nommer les choses par leur vrai nom. Même si les propos peuvent faire sursauter des gens sur leur chaise, au moins on peut dire que c'est de la franchise puis qu'on a des vraies réalités terrains.
n(17 h 40)n Évidemment, je voudrais profiter de l'occasion qui m'est donnée, avant de passer la parole à mes collègues, pour vous remercier du travail que vous avez fait au sein du comité qui a siégé sur... le Comité pour le profilage racial, évidemment, bien que je constate que ce comité-là a certainement encore du travail à faire. Il y a du travail qui est en évolution.
J'aimerais souligner l'apport notamment que vous avez eu dans ces travaux-là grâce à l'introduction de la notion de profilage racial... maintenant est enseignée dans les écoles. Et ça, ça découle directement du travail que vous avez fait. Puis ça, je pense que c'est intéressant de le souligner. Si ce comité-là n'avait pas vu le jour, on n'enseignerait pas à l'École de police la notion de profilage racial pour éviter que les policiers le fassent, évidemment.
Donc, je pense que la contribution que vous faites à notre société, mais aussi pour nos enfants, elle est importante. Moi, je pense qu'évidemment on ne pourra jamais totalement dissocier la question du profilage racial de la discrimination et du racisme, bien que ce soit différent. Mais ça s'inscrit quand même dans une grande famille. Et il est évident que les travaux que nous faisons aujourd'hui en commission et le plan d'action ainsi que la politique de lutte gouvernementale vont toucher les problématiques reliées à... les problématiques liées au profilage racial. Donc, je voulais vous sécuriser par ça. Et là je crois que j'ai mon collègue de Marguerite-D'Youville qui aurait une ou deux ou des questions.
Le Président (M. Turp): M. le collègue de Marguerite-D'Youville, à vous la parole. Quatre minutes.
M. Moreau: Merci, M. le Président. D'abord, je veux vous remercier pour être là. Et ne voyez pas ça comme un échange de bons procédés. Vous nous avez félicités. Moi, je veux vous féliciter à mon tour pour le ton de votre présentation.
Parce que personnellement je n'avais jamais eu le plaisir de vous rencontrer, mais j'avais lu, avant nos travaux d'aujourd'hui, votre mémoire. Et j'ai trouvé non pas que les faits qui y sont rapportés soient inexacts, mais que le ton était... était dur, très sincèrement. Et je vais vous poser des questions, mais je vais vous donner un exemple.
Parce que, bon, le profilage racial, je pense qu'il n'y a personne qui soit favorable à ça ici comme membres de la commission. Et tous, je pense, ici, quel que soit le parti représenté, visent à tout le moins présenter et faire en sorte qu'on vive dans une société qui soit extrêmement inclusive.
Mais l'inclusion ? j'ai la déformation d'être avocat de profession ? c'est synallagmatique, c'est-à-dire que ce n'est pas une voie à sens unique. Et j'ai été frappé, dans votre mémoire, de lire, à la page 2, lorsque vous parlez du renouvellement des institutions, au paragraphe 4, l'expression «vos institutions». Je cite votre mémoire: «En renouvelant vos institutions et lois...» À la page 2 du mémoire: «En renouvelant vos institutions...» C'est comme si vous vous excluiez de ces institutions-là alors que nous souhaitons que vous y soyez inclus.
Et je pense que c'est le ton de vos propos. C'est de dire: On veut être inclus, on veut être partie prenante. Et je vais vous dire, quand j'ai lu ça, le premier coup, j'ai dit: Mon Dieu Seigneur, on va avoir des échanges épistolaires. Et pourtant vous avez fait une présentation qui est extrêmement ? puis je ne veux pas insister; si c'est une coquille, ça en est une; très bien ? mais ça, ça m'a frappé.
Comme autre chose. À la page 5, suite à l'annexe, là, vous avez présenté... Après la signature du président, il y a le profil racial. À la page 5... Et je suis intervenu tantôt, lorsque les gens... Le Commissaire à la déontologie policière était avec nous. Franchement, vous lui payez la traite pas mal: vous le traitez d'«institution édentée et cruelle». Alors, moi, je dis: Il faut absolument que, dans notre... dans les rapports que nous avons tous ensemble ? «nous» inclusif ? on puisse avoir des échanges qui soient faits évidemment de façon respectueuse, ça va de soi, mais qui portent au dialogue. Et ça, ça m'a inquiété un peu.
Ma question, elle porte sur un point qui... en fait sur un sujet dont je me suis intéressé plus particulièrement, c'est la question de l'aide juridique. Il y a un an ou un peu plus d'un an, le ministre de la Justice m'avait mandaté pour revoir les critères d'aide juridique, et, pour la première fois, le comité qui a fait ces recommandations suggérait une modification des seuils d'accessibilité à l'aide juridique. Et, de fait, pour la première fois en plus de 20 ans, les seuils ont été modifiés.
Moi, je vous pose la question sous un angle très précis. Ici, vous semblez demander une accessibilité à l'aide juridique pour la communauté noire. Est-ce que vous ne pensez pas que cet angle d'analyse là amène à une forme de ghetto, parce que l'aide juridique au Québec, elle est disponible non pas sur la base de la race, mais elle est disponible sur la base du revenu et de la situation économique des individus. Et ne croyez-vous pas qu'il est souhaitable qu'il en soit ainsi?
M. Philip (Dan): Mais je peux répondre à vos questions pour dire que nous sommes au courant qu'il y a beaucoup de gens de notre communauté qui sont emprisonnés parce que l'aide juridique... des gens qui font de l'aide juridique, il n'ont pas de moyens de défendre ces gens-là adéquatement. Et souvent ces gens-là sont encouragés de plaider coupables, ensuite... Ils ne sont pas coupables, mais les avocats vont lui dire de plaider coupable... «je vais essayer d'arranger ça avec le juge». Et pourtant ces gens-là, il y a beaucoup d'eux qui ne pensent pas qu'ils vont obtenir un code criminel comme tel.
M. Moreau: Une condamnation.
M. Philip (Dan): Oui, une condamnation comme telle. Et, pour cette raison, nous disons que... même à Toronto ? vous pouvez checker ? il y a de l'aide juridique dans certaines communautés. Dans une façon qu'on peut encourager les gens, on peut aider les gens, il y a des gens, des avocats de l'aide juridique qui font leur travail, qui aident les gens, mais il y a parmi eux beaucoup qui envoient les gens en prison injustement. Je vais peut-être pour commencer par dire que notre façon de présenter ce mémoire, c'était un peu dur. Édouard a dit que, si vous viviez dans la peau de nous autres, là, vous allez être capables de mieux comprendre cette situation.
En tout cas, depuis 1987, on a eu la mort d'Anthony Griffin. Depuis ça, nous avons eu Marcellus François. Nous avons eu beaucoup d'autres, même dans le cas des gens de la communauté blanche, dit-on, Richard Barnabé et aussi Martin Suazo, qui est un asiatique. Et je vais vous demander: Depuis ce temps-là, depuis tellement de morts d'hommes, depuis, nous avons... à voir cette expérience douloureuse pour la communauté, une communauté qui est toujours en deuil, vraiment qu'est-ce qui a été fait depuis 1987 jusqu'à présent pour changer les choses, pour dire: Regardez, on a fait un certain pas? Il n'y a rien qui change les choses. Vous avez eu le rapport de Malouf, qui donne certaines précisions: comment changer pour les gens pour être capables d'avoir de justice égale comme telle. La recommandation est là toujours. Vous avez eu le rapport de Yarosky, vous n'avez rien fait. Vous avez eu le rapport de Poitras. Et dernièrement j'ai appris que quelqu'un a passé 11 ans en prison pour un meurtre qu'il n'avait pas commis. Vous avez eu ici, au Québec même, quand il y a un jeune qui était emprisonné pour des viols, pour six ans, il n'était même pas capable mentalement de commettre ces viols-là. Qu'est-ce qui est changé là? Vous dites...
Le Président (M. Turp): Alors, merci, M. Philip. Je dois donner la parole maintenant à l'opposition officielle et à sa porte-parole en matière d'immigration et de communautés culturelles, la députée de Laurier-Dorion.
n(17 h 50)nMme Lefebvre: Merci, M. le Président. M. Philip, M. Dorzin, M. Narcisse, bonjour. Pour poursuivre un peu dans la première lignée des propos de mon collègue de Marguerite-D'Youville, c'est vrai que, quand on lit votre rapport puis, juste d'entrée de jeu, quand vous mentionnez, bon: «La Ligue des Noirs du Québec a participé dans cette consultation ? là, on parle de l'autre consultation d'avant ? et, après la publication du rapport, nous avons tenu une conférence de presse, nous avons mentionné que ce rapport est la répétition des différents rapports antérieurs»... Puis aussi on lit... c'est donc une déception, d'une part, puis aussi quand on lit, bon, l'article qui suit, bon, le profilage racial, puis on lit les propos: «Pourquoi nos cris pour la justice n'ont jamais été entendus?», puis, bon, les propos également sur la police, on sent un certain... Je ne sais pas comment le qualifier, je dirais peut-être... non pas désespoir, mais en quelque part, tu sais, vous cherchez à interpeller les leaders, qu'ils soient, bon, aujourd'hui politiques puis, dans d'autres temps, que ce soit, bon, au niveau des médias, au niveau des leaders, au niveau de... dans le domaine de la culture ou de l'éducation, tout dépendant dans quelle tribune vous vous trouvez, puis c'est vrai que vos propos sont parfois peut-être un peu brusques pour ceux qui les reçoivent, puis en même temps c'est un peu brutal, mais j'ai l'impression que c'est également la réalité que vous vivez.
Puis vous disiez tout à l'heure, M. Dorzin, que ce n'est pas facile à aborder, tu sais, la question du racisme, puis ce n'est sûrement pas facile à aborder, la question du profilage racial, puis d'admettre collectivement, non pas seulement dans votre communauté ou au niveau des leaders politiques, mais d'admettre collectivement qu'il y a eu à certains égards des situations d'injustice, bon, que ce soit dans le milieu... bon, des exemples, ici, plus dans le milieu policier ou judiciaire, mais qu'il y ait eu... si on regarde... Puis, tu sais, je l'ai mentionné lorsqu'on a introduit nos travaux, qu'en matière d'intégration, puis de politique d'immigration, puis de lutte contre la discrimination, puis en ce sens de construire une société toujours plus inclusive, je pense que les gouvernements successifs ont bâti sur les acquis des administrations précédentes, puis on essaie de s'améliorer de gouvernement en gouvernement. Et donc, en prenant ça pour acquis, on se dit aujourd'hui: Bon, le gouvernement va de l'avant dans une politique de lutte contre la discrimination et le racisme, et puis vous serez heureux d'entendre que la ministre a également mentionné que les ressources seraient au rendez-vous au dépôt de cette politique, que nous attendons avec impatience également.
Et c'est sûr, tu sais, que vous mentionnez ici, tu sais, puis ça ne peut pas laisser indifférent, vous dites, bon, à la recommandation 1: «Que les membres de la communauté noire puissent avoir accès à des emplois adéquats.» Puis je poursuis: Les jeunes de la communauté noire n'ont pas de modèle à cause que leurs parents n'ont pas d'emploi. Les jeunes ne trouvent pas intérêt à faire des études quand ils voient que leurs parents, parfois avec des diplômes élevés mais qui sont des chauffeurs de taxi... On ne peut pas ne pas se sentir interpellés par ça. Puis je pense que, pour tous les membres de la commission, ici, tu sais, ça nous interpelle. Puis on se dit: Est-ce que c'est possible qu'au Québec dans le fond... parce que je pense que, tout le monde, on souhaite vivre dans une société inclusive où chacun trouve sa place.
Puis c'est pour ça qu'on a adopté une charte des droits et libertés il y a déjà plusieurs décennies puis que, dans nos textes de loi, tout est là pour, dans le fond, que l'égalité soit réelle. Mais en fin de compte on se rend compte que ce n'est pas le cas. Et donc, moi, je me sens interpellée, puis je pense que tout le monde... par ce que vous dites. Puis, quand on parle, ensuite de ça, bon, les taux de décrochage élevés puis... tu sais, c'est des situations qui viennent de loin puis qu'il faut rattraper, et je pense que l'État québécois, le gouvernement du Québec doit à ce titre agir à titre de modèle, notamment, tu sais...
Vous parlez d'exemples... Si on regarde les statistiques au niveau des taux d'emploi, que l'on n'ait pas réussi, année après année, à faire en sorte que même dans la fonction publique québécoise on ait une représentativité plus élevée, je pense que l'on doit se questionner profondément puis changer nos façons de faire. Et à cet égard-là il y a plusieurs propositions qui ont été amenées, et je pense qu'il va falloir se donner des outils plus contraignants afin de s'assurer de le réaliser.
Donc, ceci étant dit ? désolée de ce long préambule, parce qu'on est ici pour vous entendre, mais... ? je pense que c'était important de reprendre à notre compte vos propos. Est-ce que vous pensez qu'on devrait mener à ce stade-ci... Parce que c'est ça, le problème, c'est qu'on se dit: On a déjà consulté, les choses ont été dites, on doit agir. Mais est-ce que vous pensez qu'une enquête systémique, une grande enquête sur la situation actuelle, faire un bilan de ce qui s'est fait, ce qui a été réussi, devrait être menée pour pouvoir poursuivre dans le futur?
M. Philip (Dan): Bien, je pense que c'est nécessaire. C'est souhaitable d'avoir une enquête pour regarder l'ensemble des problématiques, quoi. Je ne dirai pas une enquête pour laisser les choses sous le plancher comme tel, mais une vraie enquête pour essayer à voir comment on peut changer les choses et comment on peut... Parce que nous avons cette injustice: ça passe, ça passe, et peut-être faire en sorte que les gens peuvent venir s'exprimer et voir comment nous pouvons obtenir des changements. Je pense que c'est très important pour, dit-on, essayer de corriger des choses dans notre société.
Le Président (M. Turp): Oui, monsieur...
M. Narcisse (Édouard): Narcisse.
Le Président (M. Turp): Narcisse, M. Narcisse.
M. Narcisse (Édouard): En tout cas, nous poursuivons le même objectif avec vous. L'objectif de cette loi ou bien de cette politique-là, c'est la protection de la génération future, de nos enfants, la protection du public. Mais, si le gouvernement qui protège le public lui-même ne donne pas cette protection-là en aidant ce public-là à atteindre le but... 85 % des jeunes en prison, ce sont de la communauté noire, 85 %. C'est très grave, ça. Je ne dis pas qu'ils sont innocents, ce n'est pas ça; il y en a des criminels invétérés dans les jeunes. Ce que nous voulons... C'est qu'ils sont frustrés. Vous dites dans les rapports: notre présentation est agressive. Ils sont devenus agressifs parce qu'ils se sentent rejetés, ils se sentent repoussés, diminués et délaissés. Et cela, par tous les niveaux. Que ce soit à l'école: Ce sont des Noirs, ils ne changeront jamais. Ça, c'est faux, des enfants sont des enfants.
J'ai eu le privilège de travailler avec l'école Laurier Macdonald, de travailler avec l'école James Lyng, de travailler avec les écoles sur la Rive-Sud. Il y a un grand changement dans la mentalité, ça change. C'est l'information qui manque. Ce que nous voulons, comme on disait, c'est comment nous pouvons, nous, aider le gouvernement à atteindre l'objectif qu'il fixe. C'est tout ce qu'on veut.
M. Philip (Dan): Je dois dire que, nous, à la ligue, nous participons à tous les niveaux: avec des écoles, nous travaillons avec des jeunes, et nous sommes impliqués. Et, comme la ministre, nous travaillons avec des comités de profilage racial pour essayer de changer les choses. Moi, je ne suis pas contre les institutions comme telles, mais j'aimerais avoir des institutions aussi qui sont conscientes des problématiques comme telles pour essayer de changer les choses dans l'intérêt de tous. Parce que les jeunes ne sont pas en prison parce qu'ils sont Noirs, ils sont en prison parce qu'il y a des malaises dans cette société. Et ensuite il faut changer les choses. Parce que c'est la société et la communauté noire qui sont pointées dans des situations semblables.
Le Président (M. Turp): Très bien. Merci, M. Philip. Pour un dernier échange, Mme la ministre, à peu près quatre minutes, là, un petit peu moins de quatre minutes avec nos invités.
n(18 heures)nMme Thériault: Je voudrais peut-être revenir ? merci, M. le Président ? sur ce que la députée de Laurier-Dorion a dit lorsque vous avez mentionné... lorsqu'elle a mentionné le communiqué de presse que vous avez émis lorsque nous avons annoncé cette présente consultation. Je comprends très bien que la frustration peut être cumulée chez certains groupes, notamment chez vous. Ça fait longtemps que vous attendez des actions concrètes, très longtemps, pas juste depuis trois ans, depuis qu'il y a un gouvernement libéral, ça fait très longtemps. Tous gouvernements confondus ont une responsabilité, le précédent gouvernement également, ont des responsabilités sur ce qui a été fait ou sur ce qui n'a pas été fait.
Ce que je peux vous assurer par contre, M. Philip et messieurs, c'est que, si on est réunis aujourd'hui, la consultation qui a été faite sur la pleine participation des communautés noires n'aura pas été vaine, parce que la première recommandation était que le Québec se dote d'une politique pour lutter contre le racisme et la discrimination. Et, si on est ensemble ici aujourd'hui et qu'on prend la peine d'écouter des groupes, c'est qu'on ne voulait pas faire une politique élaborée dans un bureau de ministère qui ne reflète pas la réalité de la société. Il nous apparaissait important, en tout cas moi comme ministre, il m'apparaissait important que cette politique-là et que ce plan d'action reflètent la réalité et les besoins d'aujourd'hui.
Et c'est en écoutant ce que des gens comme vous et les autres groupes... Et vous avez entendu l'autre groupe qui a passé avant vous, ils ont des belles solutions qui sont mises de l'avant; on doit profiter de cette expertise-là. Donc, il est bien évident qu'à mes yeux il me semble que c'est important qu'on puisse faire un débat public. C'est un débat social, c'est un débat de société qui s'engage. Ce n'est pas juste à nous comme gouvernement, mais à toute la société, tous les partis politiques, tous les organismes communautaires, toutes les composantes du gouvernement, les syndicats, les employeurs, tout ce qui bouge au Québec est interpellé par cette politique-là, et tout le monde doit être partie prenante. Parce qu'on aura beau faire des politiques puis mettre des plans d'action, si les principales personnes qui sont concernées et interpellées ne sont pas présentes à table pour dire comment le faire, pensez-vous qu'elles vont se sentir interpellées? Jamais. Ça fait que je pense qu'on a tous une responsabilité.
Là, la députée vient de vous poser une question: Est-ce que vous pensez qu'une enquête systémique devrait... une grande enquête devrait être faite? Elle a réclamé dès le début, dès l'ouverture, une politique déposée à l'automne. Là, elle demande une grande enquête. Je me dis: Bon, O.K., c'est correct, on peut peut-être parler des deux côtés en même temps; bon, je comprends ça, sauf qu'à quelque part je pense qu'il est temps qu'on ait des gestes positifs qui soient posés, des gestes concrets. Je pense que la consultation qu'on fait va développer sur, oui, une politique gouvernementale, mais également un plan d'action, puis il faut se donner le temps de faire un plan d'action qui a de l'allure. On ne déposera pas une pile de papiers pour déposer une pile de papiers. On va déposer quelque chose qui va répondre aux préoccupations des gens qu'on aura entendus en commission, évidemment.
M. Philip (Dan): Bien, j'espère que vous aller trouver des bons conseils dans notre mémoire.
Mme Thériault: Je n'en doute point, je n'en doute point, M. Philip. Je n'en doute point.
M. Philip (Dan): Et, de plus, si vous faites une grande consultation, peut-être qu'on peut peut-être arriver à un certain point pour intégrer l'ensemble de la société.
Mme Thériault: Bien, je vous remercie. J'entends que vous êtes très coopératif. Et, ne soyez pas inquiet, on va faire appel à vous. Merci.
M. Philip (Dan): Merci. Bonjour.
Le Président (M. Turp): Merci, M. Philip. Pour un dernier échange, la députée de Laurier-Dorion et, je crois, la députée de Terrebonne. 6 min 20 s.
Mme Lefebvre: Merci. Juste brièvement. L'idée de faire une enquête systémique n'exclut pas du tout l'idée de déposer une politique. Ça, je pense qu'on peut faire un et l'autre. De toute façon, en déposant la politique, par la suite... parce que plusieurs groupes nous ont dit qu'on pouvait également faire des bilans annuels puis... bon, donc, avant de faire un bilan, peut-être qu'on pourrait faire une enquête, là, qui nous donnerait le portrait de la situation, notamment dans le milieu scolaire, qui est une question, je pense, très préoccupante.
Mais, M. Dorzin, juste avant que notre bloc finisse, je crois que vous vouliez prendre la parole. Je ne sais pas si vous aviez un...
M. Dorzin (Jacques-Gérard): Oui. Justement, c'est par rapport à la question que le député avant, là-bas, avait posée, et puis avec votre intervention aussi. Et c'est justement parce qu'il voulait savoir si ce serait quand même pratiquer du ghetto que d'accorder, je pense, l'aide juridique à certaines personnes.
Ce que je voulais lui dire, c'est parce que les gens qui arrivent à la Ligue des Noirs, quand ils arrivent à la Ligue des Noirs, ils souffrent d'une situation vraiment précaire. C'est des employés parfois qui... du salaire minimum, et puis... ou du moins qui travaillent vraiment dans le milieu de la santé... et puis le problème, c'est parce que, quand ils arrivent, il y a quelque six, sept semaines qu'ils n'ont pas travaillé, qu'ils n'ont pas reçu de salaire, ou quoi que ce soit. Donc, ces gens-là, quand ils arrivent, on dit: Bon, O.K., votre cas mérite l'assistance d'un avocat, donc on va vous référer à ça, mais, eux, ils se retrouvent qu'ils ne travaillent pas, ils ne reçoivent rien, donc ils ne peuvent pas se procurer, se payer les services d'un avocat. Donc, c'est dans ce sens-là que M. Philip a fait cette demande-là. Donc, je ne pense pas que ce soit de la ghettoïsation. C'est peut-être juste pour pouvoir mieux servir cette clientèle-là.
Et, par rapport à...
Le Président (M. Turp): Poursuivez rapidement...
M. Dorzin (Jacques-Gérard): Oui, c'est vrai. Oui. Par rapport à l'intervention de Mme Lefebvre ? députée Lefebvre, je m'excuse ? je voudrais justement... Quand elle a demandé si on pense que vraiment une enquête sur... Comment... Je m'excuse.
Une voix: Systémique.
M. Dorzin (Jacques-Gérard): Une enquête systémique. Et, oui, je pense que ça aurait été nécessaire vraiment qu'on puisse cerner la question dans toute son ampleur, parce que, vous savez, si on veut vraiment trouver une solution durable, il ne faudrait pas qu'on néglige certaines données, vous savez. Donc, dans ce sens-là, ça pourrait nous permettre de réunir toutes les données pour décider conséquemment.
Le Président (M. Turp): Très bien. Mme la députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup, messieurs. Parmi vos recommandations, qui peuvent être utiles au niveau de la politique et du plan d'action, au point 3, vous nous parlez que pour avoir des résultats au niveau de la sensibilisation, de l'éducation, «il faut aider adéquatement les organismes et les intervenants qui font un travail de sensibilisation car, selon notre expérience, le gouvernement ne soutient pas ces organisations comme il faut». Alors, au niveau des besoins, du soutien aux organismes, c'est un soutien financier, c'est un soutien... Certains nous ont parlé aussi de l'importance d'un soutien, de tenir compte de l'expérience, de l'expertise des organismes. Est-ce que vous pouvez nous préciser un peu plus les besoins au niveau des organismes?
M. Philip (Dan): Il y a des choses... nous devons donner des conseils aux gens, et ensuite nous n'avons pas de soutien pour engager les gens pour donner des conseils. Nous faisons ça volontairement, indépendants de toutes sortes... de l'aide comme telle. Et beaucoup de gens de notre communauté... J'ai exigé les gens à donner des services volontairement. Nous sommes membres de différents comités, et pourtant il n'y a pas de soutien pour aider la ligue. Mais je suis connaissant également des soutiens qui viennent par les différents députés, et c'est pour cette raison que, chaque année, la ministre nous donnait un certain montant. Et c'est encourageant, parce que c'est un travail que nous faisons bénévolement, et d'autres personnes de l'Assemblée qui donnent un certain montant, et notre effort également. Et c'est pour cette raison ? merci ? mais je dois dire, les gens de notre communauté donnent beaucoup de services volontairement, et j'aimerais au moins avoir quelqu'un de permanent pour aider les gens qui ont des difficultés.
Le Président (M. Turp): Il reste une minute, Mme la députée de Terrebonne.
Mme Caron: Dernière question. Quelques groupes sont venus nous parler des difficultés vécues par les femmes noires, qui sont doublement discriminées; discriminées comme femmes, il y a des discriminations systémiques, et aussi comme femmes des communautés culturelles, mais comme minorité visible. Alors, au niveau de votre ligue, est-ce que vous vous êtes attardés au niveau de propositions pour aider à lutter contre ces doubles discriminations?
M. Philip (Dan): Absolument. Nous étions... une des personnes qui doit être avec nous, c'est une femme. Nous sommes très, très, très au courant des problématiques des femmes, et particulièrement des gens de notre communauté. Et nous travaillons également avec ces gens-là.
Le Président (M. Turp): Alors, M. Philip, M. Dorzin, Dr Narcisse, merci beaucoup pour votre présence, pour le mémoire et vos réponses aux questions des membres de cette commission.
Mesdames, messieurs, chers collègues, j'ajourne les travaux jusqu'à demain matin, 9 h 30, alors que la commission poursuivra dans la salle Louis-Joseph-Papineau ses travaux. Alors, merci, bonne fin de journée à tout le monde.
(Fin de la séance à 18 h 8)