L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission de la culture

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission de la culture

Version finale

37e législature, 2e session
(14 mars 2006 au 21 février 2007)

Le mardi 19 septembre 2006 - Vol. 39 N° 25

Consultation générale sur le document intitulé Vers une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-cinq minutes)

Le Président (M. Brodeur): À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la Commission de la culture ouverte. Et, comme à l'habituel, si vous avez oublié la sonnerie de vos cellulaires, je vous demanderais de l'éteindre, s'il vous plaît. La commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques à l'égard du document intitulé Vers une politique gouvernementale de lutte contre la racisme et la discrimination.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme James (Nelligan) est remplacée par M. Blackburn (Roberval) et Mme Papineau (Prévost) est remplacée par Mme Lefebvre (Laurier-Dorion).

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. le secrétaire. Donc, nous allons débuter notre deuxième journée d'auditions. Aujourd'hui, l'horaire de la journée est le suivant, pour le bénéfice de ceux qui nous écoutent à la maison. Nous allons recevoir en premier lieu le Carrefour de liaison et d'aide multiethnique, qui sera suivi de M. Michel-Salmador Louis, suivi de la Table ronde du Mois de l'histoire des Noirs et de l'Association des Camerounais du Canada. Cet après-midi, nous entendrons le Conseil des relations interculturelles, les carrefours jeunesse-emploi Ahuntsic-Bordeaux-Cartierville, Marquette, Notre-Dame-de-Grâce et l'Ouest-de-l'Île, qui seront suivis de l'Alliance des communautés culturelles pour l'égalité dans la santé et les services sociaux et finalement la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

Donc, je demanderais, pour débuter, au premier groupe de s'installer, soit le Carrefour de liaison et d'aide multiethnique. Veuillez prendre place. Je vais vous laisser quelques instants pour vous installer. Avant de débuter officiellement nos auditions pour aujourd'hui, je vous rappelle tout simplement les règles pour ce matin: vous avez un temps maximal de 15 minutes pour présenter votre mémoire et qui sera suivi d'une période d'échange avec les membres de la commission d'une période de 30 minutes. Juste un instant. Mme la ministre.

Mme Thériault: M. le Président, j'aimerais, s'il était possible, avec les événements malheureux qui ont touché beaucoup de Québécois, la semaine passée, au collège Dawson, avoir peut-être la possibilité avec mes collègues qu'on puisse consacrer une minute de silence aux victimes de cette tragédie.

Le Président (M. Brodeur): Est-ce qu'il y a consentement? Donc, nous allons observer une minute de silence.

n (9 h 37 ? 9 h 38)n

Le Président (M. Brodeur): Je vous remercie beaucoup. Nous allons donc continuer nos travaux.

Auditions (suite)

Donc, nous recevons en premier lieu le Carrefour de liaison et d'aide multiethnique. Bienvenue en commission parlementaire. Je vous expliquais tantôt les règles de présentation de votre mémoire. Je vous demanderais tout d'abord de vous identifier pour le bénéfice du Journal des débats et, immédiatement après, de présenter votre mémoire. La parole est à vous.

Carrefour de liaison et d'aide
multiethnique (CLAM)

Mme Khabar-Dembil (Élisabeth): Bonjour, M. le Président. Mon nom est Élisabeth Khabar-Dembil, je suis la directrice générale du Carrefour de liaison et d'aide multiethnique, qui est un organisme à but non lucratif qui vient en aide aux immigrants, et nous sommes installés à Parc-Extension.

Avant d'aller plus loin, j'aimerais apporter un petit correctif. Dans le mémoire, à la page 5, il y a une petite coquille qui nous a échappé, un zéro de plus. Alors, j'aimerais bien vous distribuer la page corrigée, s'il vous plaît.

n (9 h 40) n

Je ne vais pas vous faire le récit de la mission du CLAM, mais je vais y aller droit au but. Alors, je voudrais commencer par quelques exemples pour expliquer les attentes du CLAM par rapport à une politique contre le racisme et la discrimination.

Prenons le cas des programmes d'accès à l'égalité en emploi. Que ce soit pour le volet Minorités visibles ou Femmes, nous constatons que, jusqu'à l'heure actuelle, il n'y a pas eu de résultats probants. Et pourtant, pour les femmes du Québec autres que celles des minorités visibles, le Programme d'accès à l'égalité en emploi a donné des résultats probants, sauf que les femmes membres des minorités visibles en ont été écartées dans la mesure où tout au moins elles n'ont pas été ciblées, bien qu'elles fassent partie du groupe des femmes en général. Ainsi, malgré leur double appartenance: d'une part, membres des minorités visibles et, d'autre part, femmes, on constate que les programmes d'accès à l'égalité en emploi n'ont apporté aucune amélioration à la situation des femmes des minorités visibles. Cet exemple nous montre que, même en présence d'un cadre d'intervention et d'un programme effectif comme le Programme d'accès à l'égalité, on n'a pas pu améliorer la situation des femmes des minorités visibles. Et pourtant elles auraient pu en bénéficier à double titre. Que pouvons-nous tirer de cette expérience?

Premièrement, ce n'est pas parce qu'il y a un programme qu'on obtient nécessairement les résultats désirés. Deuxièmement, l'absence de mesures ciblées et quantifiables constitue toujours une lacune grave quand on est à la recherche des résultats, surtout des résultats qui devraient mener à un changement de mentalité et de comportements sociaux. Troisièmement, l'absence d'évaluation systémique de ceux qui sont censés mettre en oeuvre le programme constitue aussi une faille pour l'atteinte des résultats désirés. Enfin, quatrièmement, il est nécessaire qu'il y ait une volonté politique réelle, car le politique doit jouer un rôle double critique, soit, d'une part, celui de rendre compte publiquement des résultats à partir des engagements qu'il a pris et, d'autre part, de contrôler et de s'assurer que les gestionnaires, administrateurs et fonctionnaires mettent tout en oeuvre pour obtenir les résultats attendus.

Prenons comme autre exemple le Programme d'immersion professionnelle. Ce programme, qui fut une belle initiative et qui est toujours une belle initiative, permet aux immigrants professionnels et nouveaux arrivants de pouvoir se trouver un premier emploi, ce qui éliminerait l'expérience canadienne qu'on demande à tout nouvel arrivant. Et pourtant le nombre de places allouées à chaque organisme participant est relativement limité par rapport aux différentes personnes désireuses de se prévaloir de ce programme, car, pour un nouvel arrivant, cela reste une très belle opportunité que celle d'obtenir une réelle chance d'emploi. On peut donc constater que le Programme d'immersion professionnelle, en ne permettant pas d'accueillir un plus grand nombre, est loin de satisfaire les besoins réels autant des partenaires du milieu que des professionnels immigrants dans le besoin, en quête d'emploi. La subvention qui est octroyée est un incitatif relativement fort pour leur permettre de briser la barrière de la discrimination en emploi. Néanmoins, il n'y a pas assez de ressources pour tous. Que pouvons-nous tirer de cette expérience encore?

Premièrement, il faut préserver les programmes qui donnent des résultats et qui permettent aux membres des minorités visibles de pouvoir s'insérer vite sur le marché du travail. Deuxièmement, il est absolument nécessaire d'avoir les moyens de sa politique. En d'autres termes, il est nécessaire de consacrer les ressources budgétaires adéquates pour les programmes qui portent fruit.

L'ensemble de ces leçons tirées des expériences antérieures montrent qu'il est nécessaire d'appuyer la politique de lutte contre le racisme et la discrimination sur des bases fermes et solides, ce qui guide nos recommandations dans le cadre de l'élaboration d'une politique à venir sur la lutte contre le racisme et la discrimination.

Orientation 1: coordonner les efforts. Le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles doit investir les différents champs d'activité sociale en s'imposant un cadre d'action et en montrant l'exemple.

Le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles doit évaluer ce qui se fait en son sein et auprès des autres entités gouvernementales afin d'établir un audit de ce qui existe et établir les objectifs à viser.

Trois objectifs nous apparaissent importants qui permettront au ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles d'assurer le leadership dans ce dossier: a) les ressources que le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles et le gouvernement du Québec vont consacrer à la lutte contre le racisme et la discrimination; b) la nécessité pour le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles d'élaborer un plan d'action qui le compromet dans l'atteinte d'objectifs et des résultats ciblés, dans un échéancier réaliste; c) s'engager résolument, autant le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles que le gouvernement du Québec, à faire de la lutte contre le racisme et la discrimination un enjeu de société au même titre que la lutte contre le tabac ou autre enjeu majeur de santé.

Si le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles et le gouvernement du Québec veulent mobiliser l'ensemble des forces vives sur cet enjeu, il est nécessaire d'établir un cadre d'évaluation qui donnera l'heure juste autant aux décideurs ? partis politiques, syndicats, administrateurs, gestionnaires, chercheurs, intellectuels, groupes de pression, etc. ? qu'aux citoyens.

Le gouvernement doit retenir les priorités suivantes: a) favoriser l'insertion socioéconomique et la pleine participation de ceux qui souffrent et subissent les actes discriminatoires et de racisme, en l'occurrence les membres des minorités visibles; b) donner l'exemple en embauchant les membres des minorités visibles; c) créer un réseau de partenaires et de relais dans toutes les administrations, toutes les régions et institutions; d) raffermir ou renouveler son partenariat avec les acteurs locaux; e) faire des programmes conjoints avec les ministères à vocation économique, éducative, culturelle, santé publique et régionale. Chacun de ces programmes conjoints devrait inclure des partenaires locaux.

Orientation 2: reconnaître et contrer les préjugés et la discrimination. Il apparaît que l'emphase soit mise sur l'éducation et la sensibilisation, surtout au niveau du grand public et du milieu scolaire. Le grand public constitue une cible à privilégier, car c'est à ce niveau qu'on observe énormément de discrimination et des actes de racisme, soit au niveau du monde des adultes. Mais l'on ne peut oublier le monde éducatif, surtout aux niveaux primaire et secondaire, car ce sont les citoyens de demain et c'est à ces âges que commencent à se forger les opinions, les croyances et les préjugés.

Au niveau du grand public, nous recommandons que le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles et le gouvernement du Québec fassent, une à deux fois par année, une campagne d'information et de sensibilisation contre le racisme et les effets discriminatoires. Cette campagne d'envergure serait diffusée sur l'ensemble des canaux d'information.

Pour donner du mordant à la campagne et montrer aussi que tous les acteurs sociaux supportent cette cause, le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles et le gouvernement du Québec doivent y associer les entreprises ? petites, moyennes, grandes, publiques, parapubliques, privées, etc. ? de prendre position et de s'afficher pour la lutte contre le racisme et la discrimination.

Au niveau scolaire et en partenariat avec le ministère de l'Éducation, il est nécessaire de développer des activités structurantes qui font la promotion de la lutte contre le racisme et la discrimination. Dans le curriculum des élèves, il est nécessaire que l'enseignement reflète les principes de la société québécoise qui s'est résolument engagée à être une société exempte de discrimination.

n (9 h 50) n

Au niveau du rapprochement interculturel, le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles doit développer un relais de réseaux locaux qui seront, dans chaque quartier, des comités citoyens engagés dans la lutte contre la discrimination et le racisme. Ces comités, en lien avec les institutions locales ? églises, mosquées ou entreprises, etc. ? et les associations de quartier, pourraient réaliser les activités au niveau de leur quartier. Ces activités correspondraient à la réalité de leur milieu, aux besoins exprimés, etc. À titre d'exemple, et pardonnez-moi ce que je vais dire, en France, ils ont, une fois par année, à la fin du printemps, une journée qui réunit les résidents d'un même immeuble, qui partagent ensemble un repas, et permet aux gens d'échanger, de se connaître et parfois de lier des amitiés. De telles rencontres permettent de briser les barrières et de rapprocher les gens qui vivent dans un même lieu. Car la lutte pour le racisme et la discrimination, c'est aussi la lutte contre l'indifférence et l'ignorance.

Orientation 3: renouveler nos pratiques et nos institutions. Le renouvellement de nos pratiques et de nos institutions constitue une des actions qui est entreprise au Québec depuis fort longtemps. Pour le moment, peu de résultats ont été obtenus. Par ailleurs, nous croyons que c'est un des niveaux d'intervention pour lequel il faut consacrer beaucoup de ressources, car combattre le racisme et la discrimination, c'est de permettre aux gens de retrouver leur dignité, et retrouver sa dignité passe généralement par le travail, et de surcroît un travail à la hauteur de ses capacités, de son talent et de son expertise. À ce titre, nous croyons que le gouvernement du Québec de même que tous les organismes et sociétés qui sont sous sa responsabilité doivent résolument s'engager sur cette voie du renouvellement de leurs pratiques en vigueur. À ce titre, nous recommandons:

Que le gouvernement du Québec et l'ensemble des entreprises et sociétés d'État de même que les ministères appliquent le Programme d'accès à l'égalité pour les membres des minorités visibles;

Que les gestionnaires de ces sociétés et ceux de la fonction publique québécoise soient évalués chaque année sur les résultats qu'ils obtiennent sur ce dossier majeur;

Que chacune des entités ci-haut mentionnées présente un bilan annuel, au même titre que leur rapport financier, sur l'atteinte ou non des objectifs et cibles fixés;

Que chacune de ces entités soit soumise à la loi que l'Assemblée nationale a votée sur l'accès à l'égalité en emploi pour les membres des minorités visibles;

Que le gouvernement du Québec donne les moyens, ressources et pouvoirs à un organisme formé de personnes de la société civile pour qu'il puisse surveiller l'atteinte des résultats autant dans le public que le privé relativement à l'intégration en emploi des minorités visibles sur la base des programmes d'accès à l'égalité;

Que cet organisme puisse publier une liste, autant pour le niveau public que pour les entreprises privées, basée sur ceux qui atteignent les objectifs fixés et sont à cet égard de bons citoyens corporatifs en ce qui concerne la lutte contre la discrimination et le racisme et ceux qui ne le sont pas. La Commission des droits de la personne et de la jeunesse du Québec, qui détient cette responsabilité, a bien trop de mandats pour pouvoir s'y atteler résolument.

Le Président (M. Brodeur): Si vous pouvez conclure, s'il vous...

Mme Khabar-Dembil (Élisabeth): Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Brodeur): Ah! juste en 15 minutes juste. Merci beaucoup. Donc, je suis prêt à reconnaître, pour la première question, Mme la ministre.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Merci, Mme Dembil, d'être avec nous aujourd'hui. Vous êtes une femme très impliquée auprès de la communauté. On aura le plaisir de vous entendre une autre fois sous un autre chapeau un peu plus tard aujourd'hui. Vous êtes également une femme de terrain. Nous le savons, nous vous croisons régulièrement. En tout cas, moi, j'ai eu le plaisir de vous croiser à différentes reprises: le Mois de l'histoire des Noirs, la Semaines d'actions contre le racisme, des activités dans Parc-Extension. Vous participez beaucoup lorsqu'il y a des consultations aussi et vous êtes réellement un exemple au niveau de la participation citoyenne.

J'apprécie beaucoup les suggestions que vous faites dans votre mémoire. Et ma première question serait vis-à-vis le programme que vous avez parlé au niveau de l'immersion professionnelle. Bon. Nous savons tous que nous augmentons les niveaux d'immigration d'année en année. Est-ce que vous ne pensez pas qu'on devrait peut-être s'assurer de tenir compte que ces programmes-là, puisqu'ils sont quand même limités dans les enveloppes d'argent, puissent suivre les niveaux d'immigration?

Mme Khabar-Dembil (Élisabeth): Heureuse de vous entendre dire ça, Mme la ministre, parce que... Le programme fonctionne très bien, et ça donne aussi une certaine assurance et une certaine dignité à tout nouvel arrivant qui a accès à cet emploi-là. Et la seule chose que nous déplorons, c'est le manque de ressources et le nombre limité par organisme. C'est 20 personnes par organisme, c'est tout. Alors, vu que l'immigration, le nombre augmente, est-il possible d'ouvrir un peu ce volet-là et d'augmenter le nombre de participants qui ont le droit à ce programme-là? C'est tout ce que je demande. Mais le programme fonctionne très bien, et les entreprises qui participent avec nous, ils ne sont pas nombreux, mais c'est des gens qui croient à ce programme et qui fonctionne. Et le nombre de rétentions, Mme la ministre, vous allez être surprise aussi.

Mme Thériault: Est-ce que vous seriez portée à dire que le programme PRIIME, qui a été instauré aussi l'an passé, au printemps, peut être complémentaire au premier programme qui existe déjà?

Mme Khabar-Dembil (Élisabeth): Le programme PRIIME demande un petit... plus de travail, parce que les entreprises ne sont pas au courant, et, comme le Programme d'immersion professionnelle est un peu plus vieux, c'est nouveau, alors ça nous prendra un peu de temps pour sensibiliser les entreprises aussi, parce que ça demande un encadrement pour le nouvel arrivant. Alors, l'entreprise se sent un peu prise, disons... mal prise, disons, de dégager un individu pour s'occuper du participant. C'est la seule chose. Mais, si on a le temps de bien expliquer aux entreprises, je crois que, le résultat, vous allez être surprise aussi à long terme.

Mme Thériault: Je vais aller rapidement. Mme Dembil, je dois vous assurer de la volonté politique réelle d'aller de l'avant avec cette politique-là, avec le plan d'action. Je pense que, si nous sommes en commission aujourd'hui, c'est preuve que le sujet interpelle non seulement le gouvernement, mais la société dans son ensemble et toutes les composantes de la société. Vous avez parlé un peu plus tôt, aussi, d'un cadre d'évaluation. Comment le voyez-vous?

Mme Khabar-Dembil (Élisabeth): Le cadre d'évaluation, ces temps-ci, on parle tout le temps du mot «reddition de comptes». Pourquoi certaines personnes seraient exemptées de cette reddition de comptes? Si on parle que le problème de la lutte contre le racisme et la discrimination, c'est un problème de société, alors toute la société doit être soumise au même titre, d'égalité, à la reddition de comptes. Et, quand je demande qu'il y ait juste, disons, une évaluation, c'est simplement de savoir: Tel ministère a-t-il mis les ressources nécessaires pour, disons, contrer ce problème, oui ou non, et comment a-t-il fait? S'il a bien réussi, tant mieux, alors peut-être son exemple sera un exemple pour tout le monde. C'est ça qu'on demande, et non pas une loi azimut, là, qui, disons, obligerait tout le monde à suivre une ligne. Ce n'est pas ça, mais c'est la volonté de tout le monde qui serait mise en avant.

Mme Thériault: Est-ce que vous croyez que le Programme d'accès à l'égalité en emploi qui existe présentement dans le cadre d'une loi répond aux besoins que nous avons aujourd'hui? Est-ce que vous croyez que la Commission des droits de la personne fait un suivi adéquat de cette application de loi?

Mme Khabar-Dembil (Élisabeth): Le Programme d'accès à l'égalité, on s'est doté de ce programme pour contrer certaines inégalités. Mais, jusqu'à aujourd'hui, le Programme d'accès à l'égalité n'a pas démontré les résultats escomptés, Mme la ministre. Et je ne veux pas non plus pointer du doigt la Commission des droits de la personne, parce que ça prend tout un groupe pour faire fonctionner un programme. Donc, la Commission des droits de la personne a les bras pleins de mandats. Donc, ce que, moi, je dirais: Est-il possible de trouver un autre moyen pour évaluer ce Programme d'accès à l'égalité? On s'est doté, pour une raison spécifique, pour lutter contre l'injustice et l'inégalité dans notre société... Et on a des programmes qui devraient fonctionner, Mme la ministre. On a tout ce qu'il nous faut. Pourquoi ça ne fonctionne pas? Pourquoi ça ne fonctionne pas? En tant que société, on devrait se poser...

n (10 heures) n

Et il y a une chose aussi que vous devriez comprendre. Les communautés noires, on investit de l'argent sur nos enfants, le gouvernement du Québec investit de l'argent sur nos enfants. Et, quand cet investissement s'en va à côté et que l'Ontario, qui est juste à quelques kilomètres, Mme la ministre, découvre que nos jeunes valent quelque chose, je trouve ça malheureux que nos cerveaux du Québec s'en vont ailleurs. C'est ça qui n'est pas juste, Mme la ministre, et nous perdons en tant que société québécoise.

Le Président (M. Brodeur): Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. Mme Dembil, bonjour. On a eu l'occasion de travailler à plusieurs reprises ensemble. Je sais que vous êtes une personne et surtout un organisme extrêmement dynamique, notamment dans Parc-Extension, principalement. Vos interventions ont des échos et des résultantes concrètes pour les gens de Parc-Extension, puis je vous remercie infiniment pour le travail que vous faites. Je le sais qu'il y a plusieurs, également, bénévoles qui travaillent avec vous. Donc, félicitations puis encore merci pour tout votre travail.

J'ai plusieurs questions qui me viennent en tête. Votre mémoire est très intéressant, d'autant plus qu'il est basé sur ce que vous vivez sur le terrain. Donc, la ministre a parlé, tout à l'heure, des différents programmes, notamment. Vous parlez, bon, en connaissance de cause puis, bon, vous avez insisté beaucoup sur les budgets, les ressources évidemment pour pouvoir mener l'action. Mais je me demandais si vous êtes capable d'évaluer... Notamment, vous parliez d'un programme, bon, le Programme d'immersion professionnelle, où il y avait un certain nombre de places limitées. Est-ce que vous êtes capables d'évaluer vos besoins? Est-ce que c'est quantifiable? Comme le double, par exemple, des personnes qui auraient besoin des programmes. Ou est-ce que vous êtes capables d'évaluer ce que vous auriez besoin pour être capables d'aller au bout de votre mission?

Mme Khabar-Dembil (Élisabeth): Quand on regarde le nombre de demandes versus le nombre de placements qu'on doit faire, il y a plus de demandes, disons, que de places à combler. Mais le Programme d'immersion professionnelle, n'oubliez pas, c'était un projet pilote et qui a donné ses fruits. Ça fait plus de six ans maintenant qu'il existe. Alors donc, ça a donné des fruits. Et tout ce que nous demandons, c'est juste augmenter un peu le nombre. Et ce n'est pas des critiques négatives que j'apporte, mais c'est beaucoup plus donner un peu plus de chances à d'autres immigrants aussi.

Mme Lefebvre: Mais, si vous évaluez en fonction des gens qui cognent à votre porte, est-ce que vous avez à en refuser beaucoup?

Mme Khabar-Dembil (Élisabeth): Oui, nous recevons beaucoup. Mais n'oubliez pas aussi... Parce que c'est un programme qui demande un jumelage, hein: c'est un professionnel versus une autre entreprise. Et puis il faut solliciter aussi l'entreprise d'abord pour lui dire aussi: Nous avons tant de candidats, est-ce que vous seriez prêts à les prendre aussi? Parce que c'est deux travaux à faire: du côté de l'employeur et celui du participant. Donc, le jumelage doit fonctionner beaucoup plus que... pour arriver à un résultat positif aussi. C'est ça. Et, quand Mme la ministre parlait, tout à l'heure, du projet PRIIME, oui, le PRIIME, il est nouveau sur le terrain, mais on a du chemin à faire aussi. Mais c'est un plus aussi. Mais, moi, ce que j'aimerais ouvrir, c'est du côté du projet Immersion professionnelle: si on pouvait augmenter le nombre. C'est ça.

Mme Lefebvre: O.K. Vous avez également parlé, dans votre mémoire, des mesures de suivi pour s'assurer, là, qu'on puisse avoir les résultats de la politique. Donc, vous parlez d'un organisme formé de personnes de la société civile. Je me demandais: À votre avis, comment se ferait un peu la sélection? Est-ce que ce serait, bon, une sélection par les pairs, des gens qui gravitent dans les différents organismes? Puis quels moyens devraient être mis à la disposition de cet organisme afin qu'il puisse avoir les dents, le mordant puis avoir une influence directement dans l'appareil de l'État? Ce que je remarque, c'est qu'il y a un peu deux visions, soit un organisme indépendant qui peut juger, là, l'action gouvernementale de l'extérieur ou encore des ressources qui seraient mises dans un organisme, soit existant ou un nouveau, qui de l'intérieur aurait, disons, les tentacules assez forts puis les ressources à sa disposition afin d'influer sur l'action à travers les ministères. Donc, je voulais vous entendre là-dessus.

Mme Khabar-Dembil (Élisabeth): Pour être très objective, je préférerais que ce soit un noyau indépendant pour qu'il puisse agir et vérifier les résultats vraiment attendus de ces ministères-là. Pourquoi je dis «indépendant»? Parce que ces personnes-là n'auraient de comptes à rendre qu'à un individu haut placé quelconque, là ? je ne sais pas si ce sera un ministre ou qui que ce soit, là ? mais pour que ces personnes soient libres d'agir, et de demander, et de vérifier aussi les résultats qu'ils étaient censés atteindre, pour que le ministère aussi ou les différents ministères aient un tableau réel de la situation et puis pour qu'on puisse voir aussi si on a avancé ou si on a régressé.

Mme Lefebvre: Donc, l'importance, ce que j'en comprends, c'est vraiment l'indépendance de cet organisme ou organisation par rapport à l'État, et en même temps, par exemple, un ombudsman ou un vérificateur général peut avoir également une certaine... bien, en fait, une totale indépendance dans ses rapports et...

Mme Khabar-Dembil (Élisabeth): Peut-être. Peut-être, oui.

Mme Lefebvre: Donc, c'est l'indépendance qui est importante.

Mme Khabar-Dembil (Élisabeth): L'indépendance, oui.

Mme Lefebvre: Puis également vous mentionnez l'importance aussi qu'il y ait des personnes de la société civile. Donc, ça aussi, c'est un élément que vous jugez important.

Mme Khabar-Dembil (Élisabeth): Oui. C'est ça, oui. Si on n'implique pas la société civile, quand même ce serait très difficile de porter un jugement critique et juste parce que, quand on est impliqués en tant que société, ça veut dire que c'est notre... disons, nous rendons des comptes à nos pairs aussi.

Mme Lefebvre: O.K. Vous parlez également des partenariats avec le milieu local. Donc, je me demandais ? parce qu'il en existe actuellement avec le ministère et les organismes, donc vous insistez beaucoup sur ça: Est-ce qu'il y a des nouvelles formes de partenariat qui pourraient émerger? Est-ce que vous avez des idées en tête comment améliorer ce partenariat?

Mme Khabar-Dembil (Élisabeth): Le partenariat existe déjà sur le terrain, mais c'est beaucoup plus avec d'autres ministères. Parce que, nous, nous avons des partenariats avec le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles, mais c'est comme si les autres ministères n'étaient pas vraiment des vrais partenaires en tant que tels. Prenons le ministère de l'Éducation. Pourtant, c'est un ministère qui s'occupe des enfants de nos participants, qui sont les parents de ces enfants-là, mais il n'est jamais dans notre portrait. C'est juste pour faire participer le plus de ministères possible, si c'était possible, disons. Mais rêver n'est pas interdit, quand même.

Mme Lefebvre: O.K. Donc, en fait, une action un peu transversale à travers les ministères?

Mme Khabar-Dembil (Élisabeth): C'est ça, oui.

Mme Lefebvre: Bien. Ce que je comprends ? vous me corrigerez ? c'est que vous avez l'impression que le ministère de l'Immigration dans le fond gère en silo avec les...

Mme Khabar-Dembil (Élisabeth): Non. Je n'ai pas dit ça.

Mme Lefebvre: Non? Mais je ne le sais pas, là, je vous... je veux...

Mme Khabar-Dembil (Élisabeth): Non, non, non, je n'ai pas dit ça. C'est que j'aimerais avoir d'autres partenaires en plus du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles. Sa vocation est d'accueillir les immigrants. Mais j'aimerais voir le ministère... disons, ça, c'est mon opinion personnelle, de voir le ministère de l'Éducation participer dans certains de nos programmes.

Mme Lefebvre: Est-ce que vous apprécieriez avoir un répondant dans chacun des ministères qui s'occupe directement des questions qui touchent l'immigration et l'intégration?

Mme Khabar-Dembil (Élisabeth): Il y a des répondants dans les différents ministères, mais c'est beaucoup plus le partenariat avec l'organisme qu'on n'en a pas souvent. C'est ça.

Le Président (M. Brodeur): Mme la ministre.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Mme Dembil, je vais continuer sur ce que ma collègue vous mentionnait. Il est évident que, lorsqu'on veut se doter d'une politique gouvernementale, je dois vous réitérer la volonté politique que tous les intervenants soient mis à contribution. Il y a différents ministères qui travaillent quand même de très près avec notre ministère. Je pense, entre autres, à la Justice, la Sécurité publique, Emploi et Solidarité sociale. Il est vrai que nous gagnerions à développer des liens beaucoup plus étroits avec certains ministères, comme l'Éducation, parce qu'il est évident qu'avec l'éducation il y a du rapprochement interculturel qui est fait. Mais, oui, je pense qu'on veut réellement que tous les ministères se sentent interpellés, pas juste l'Éducation, pas juste l'Emploi et Solidarité sociale, mais la Culture, la Famille, l'Enfance, Condition féminine, les Aînés. Je pense qu'on doit réellement agir de manière très horizontale.

Et évidemment le ministère de l'Immigration est un des ministères qui travaillent en étroite collaboration avec plusieurs ministères, puisqu'on a une clientèle mais qui est interpellée par différents ministères. Donc, on est probablement un des ministères qui ne travaillent pas en silo maintenant, mais qui travaillons en collaboration avec les autres ministères pour le bien-être de notre clientèle.

n (10 h 10) n

J'aimerais revenir sur le rôle citoyen. Vous êtes une femme de terrain. Tout le monde sait que, dans Parc-Extension, si on veut parler à quelqu'un, on veut savoir quelque chose, on peut parler à Mme Dembil. On va vous retrouver là régulièrement. Vous avez parlé, dans votre mémoire, d'un comité de citoyens. Moi, j'aimerais savoir: Quel rôle donneriez-vous à ce comité-là? Est-ce que ce serait un rôle de vigilance? Est-ce que ce serait un rôle plus de sensibilisation? Dans quelle synergie ça pourrait s'appliquer, étant donné qu'à Montréal on a la réalité des arrondissements, des agglomérations, il y a des villes? En région, c'est différent de Montréal aussi. Donc, j'aimerais ça vous entendre sur la participation citoyenne.

Mme Khabar-Dembil (Élisabeth): Moi, je vais prêcher pour ma paroisse, je vais parler de Parc-Extension. Déjà, rien qu'à Parc-Extension, on a presque 80 communautés différentes. Mais, moi, ce n'est pas pour un comité de vigilance, je dirais, ce serait beaucoup plus un comité de citoyens qui travaillerait sur le rapprochement.

Mme Thériault: Rapprochement interculturel?

Mme Khabar-Dembil (Élisabeth): Surtout pour éviter l'ignorance l'un de l'autre. Parce que, dans Parc-Extension, d'abord la superficie est petite, et on se côtoie beaucoup plus, et nous avons le taux le plus élevé de mosquées ou de sites religieux dans Montréal. Mais tout ce que je demanderais, déjà que nous avons une table de quartier dans Parc-Extension, c'est de faire participer le plus de citoyens possible.

Quand on parle de citoyens aussi, il ne faut pas se leurrer, dans Parc-Extension, on a une carence de la langue française, malheureusement. C'est à ça qu'il va falloir travailler. Mais le comité doit être vraiment un comité de rapprochement et de sensibilisation dans le quartier. Ça, c'est très, très important. Déjà, notre CLSC avait commencé, il y a deux ans, un programme de sensibilisation dans les différentes langues, mais la publicité n'a pas donné fruit dans le sens qu'on voulait l'avoir. Mais malheureusement le comité de Parc-Extension Quartier en santé, on a opté beaucoup plus de faire la promotion du français que des promotions dans les langues d'origine parce que ça ne nous a pas apporté le fruit qu'on s'attendait de ces publicités-là. Et paradoxalement la promotion de la langue française a porté plus de fruits que la promotion dans les langues d'origine. Je ne sais pas pourquoi. Peut-être, on a travaillé plus, ou autre, mais cette publicité a porté fruit parce qu'on a utilisé des personnes du quartier à faire la promotion du français.

Mme Thériault: Bien, c'est évident qu'un quartier comme Parc-Ex, où il y a plus de 80 communautés culturelles différentes qui se côtoient, amène toute cette belle richesse, mais aussi beaucoup de défis à relever. Je pense que l'exemple que vous nous donnez est assez probant, ne serait-ce que la quantité de langues qui se parlent. Et vous avez raison de vous poser la question dans quelle langue on doit essayer de communiquer parce que, bon, c'est presque une tour de Babel, hein, quand on veut mettre tout le monde alentour de la table, si on veut que les gens puissent se parler. Mais effectivement je crois sincèrement qu'il faut s'attarder à travailler avec les différentes communautés qu'on a.

Parce qu'on a une mixité, on a une richesse, il y a des défis qui vont avec. Je pense que c'est important qu'entre les différentes communautés on puisse aplanir des tensions qui pourraient exister, parce qu'effectivement c'est un facteur qui est à considérer. Mais qu'on n'oublie surtout pas de faire le pont aussi avec la société d'accueil parce que je pense que c'est important aussi que les Québécois ? les Québécois de souche, entre guillemets, même si je n'aime pas bien utiliser ce terme-là ? puissent bénéficier, eux aussi, de ce qu'est la richesse de la diversité culturelle. Donc, il est évident qu'à Parc-Extension on ne vivra pas la même situation, là, qu'au Lac-Saint-Jean. Pas du tout.

Mme Khabar-Dembil (Élisabeth): Mais par contre on peut se faire servir en français à Parc-Extension, Mme la ministre. Surprenant.

Mme Thériault: Oui. Oui. Oui, je le sais. J'ai été à quelques reprises dans Parc-Extension.

Mme Khabar-Dembil (Élisabeth): Non, mais il y a d'autres personnes qui croient qu'à Parc-Extension on ne parle pas français. C'est juste pour clarifier ça.

Mme Thériault: Il me reste une petite dernière question. Bien, je ne vous poserai pas de question, je voudrais tout simplement vous remercier de votre apport à la société. Je crois qu'ensemble on va certainement écrire une belle page d'histoire, Mme Dembil. Vous avez une expertise sur le terrain qui est précieuse de par la quantité des personnes avec lesquelles vous travaillez et de par toute cette diversité qu'il y a dans Parc-Extension. C'est incroyable lorsqu'on commence à regarder dans le fin détail. Et je veux sincèrement vous remercier de votre apport et du travail que vous faites sur le terrain. Et je pense que les gens des différentes communautés qui vous côtoient sont très chanceux de pouvoir travailler avec vous. Merci de votre participation à nos travaux.

Mme Khabar-Dembil (Élisabeth): C'est moi la plus chanceuse.

Le Président (M. Brodeur): Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci. J'aimerais continuer également sur le thème, là, du français parce qu'en fait j'aimerais profiter de votre expertise. À votre avis, parce que vous avez mentionné qu'il y avait certains problèmes, là, au niveau du français, bon, de l'apprentissage, c'est quoi, les raisons? Qu'est-ce qui fait que certaines personnes ne se francisent pas ou qu'est-ce qu'on pourrait améliorer? Bon. D'un côté il y a l'offre, mais en même temps, bon, il y a la promotion des cours de français. Il y a aussi les personnes qui peut-être ne voient pas l'utilité d'apprendre le français. Mais, de votre expertise à vous, c'est quoi?

Mme Khabar-Dembil (Élisabeth): Vous savez, pour un immigrant qui arrive au Québec, il y a d'autres priorités, hein? Toujours, on croit que la priorité pour l'immigrant devait être l'apprentissage de la langue française, mais lui a d'autres priorités dans sa vie. Ça veut dire de travailler pour payer son passage ou rembourser l'argent qu'il a, disons, emprunté au pays d'origine, sinon c'est de travailler pour envoyer de l'argent à sa famille qui est restée au pays. Donc, c'est ça, disons, les priorités auxquelles il fait face, l'immigrant qui arrive dans Parc-Extension. Disons, je voudrais clarifier ça.

Et, deux, quand il est bien assis ? je mesure bien mes mots quand je dis ça ? là il va commencer à réfléchir et puis faire demi-tour, il viendrait étudier le cours de français. C'est pour ça que les cours de français le soir sont beaucoup plus populaires que les cours de français le jour, et ceux de samedi aussi. Mais par contre ce n'est pas pour négliger la langue française que l'immigrant, disons, ne se francise pas, mais c'est beaucoup plus qu'il a d'autres priorités qui sont beaucoup plus criantes que la langue. Alors, il se dit: Bon, j'ai trouvé du travail, j'ai le temps d'apprendre le français.

Mme Lefebvre: Et, de votre expérience, quand il y a une allocation qui est rattachée au cours de français, est-ce que ça augmente les chances que la personne poursuive ou complète la formation?

Mme Khabar-Dembil (Élisabeth): L'allocation est un peu un incitatif mineur dans l'apprentissage du français parce qu'aujourd'hui les immigrants ont compris que, sans le français, on ne peut pas aller loin, même ceux qui travaillent dans les manufactures, aujourd'hui, Mme la députée. Si vous venez le soir, vous allez voir le nombre de personnes qui viennent du travail directement pour le cours de français. Et, le samedi, les deux classes sont pleines à craquer. Mais, comme je vous dis, c'est question de priorité, ce n'est pas question de négligence. Et, quand je dis: Aujourd'hui, à Parc-Extension, on peut se faire servir en français, ce n'est pas pour de la rigolade que je dis ça, mais c'est du sérieux. Dans les magasins, vous allez voir, et les publicités qu'on fait dans les magasins mêmes, les gens vous répondent en français. Donc, c'est un pas de plus pour nous aussi pour dire que le français fonctionne à Parc-Extension.

Le Président (M. Brodeur): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup, Mme Dembil. Je pense que c'est extrêmement important que, partout au Québec, on puisse se faire servir en français. C'est la langue commune. Lorsqu'on retrouve autant de nationalités, évidemment, idéalement, il faudrait que le moyen de communiquer, ça devienne la langue commune. Et je comprends bien l'importance pour les personnes immigrantes de trouver un travail. Et ce que je comprends de vos propos, c'est que c'est facile de trouver un travail sans parler français dans Parc-Extension. C'est pour ça que ce n'est pas la priorité finalement au niveau de la langue. C'est qu'on peut trouver un travail sans parler français et on s'aperçoit que, oui, ce serait important, beaucoup plus tard, d'apprendre le français pour aller plus loin, comme vous disiez tantôt, là, pour aller chercher autre chose. C'est ça?

Mme Khabar-Dembil (Élisabeth): Mais je ne dis pas qu'on peut trouver du travail sans parler français, mais il y a toujours cette deuxième langue, l'anglais. Si la personne se débrouille en anglais, elle peut trouver du travail parce qu'il y a toujours communiquer avec l'employeur aussi. Mais je ne dis pas en minimisant le français que l'immigrant trouve du travail sans avoir besoin du français. J'espère que je me fais comprendre très bien.

n (10 h 20) n

Mme Caron: O.K. Je voudrais revenir au niveau des programmes d'accès à l'égalité en emploi. Vous exprimez très bien qu'au niveau des résultats, par exemple au niveau des femmes, les femmes des minorités visibles sont pénalisées. Elles ont une double appartenance, comme vous mentionnez, et en fait vous dites: Elles auraient pu en bénéficier à double titre. Mais ce qu'on s'aperçoit au niveau des résultats finalement: ce ne sont pas les femmes des minorités visibles qui en ont profité. Je pense que c'était présenté aussi par la Fédération des femmes du Québec la semaine dernière.

En fait, les femmes des minorités visibles, elles vivent non seulement une double appartenance, mais elles vivent une double discrimination, en fait. Lorsque des personnes essaient d'avoir davantage de femmes en emploi, elles vont choisir des femmes qui ne sont pas des minorités visibles. Lorsqu'ils essaient de choisir davantage de personnes immigrantes, ils vont choisir davantage des hommes immigrants. Donc, elles sont doublement discriminées.

Et, dans les corrections du programme, est-ce qu'à ce moment-là il ne faudrait pas qu'on se donne une cible pour les discriminations doubles ou multiples parfois? Parce qu'aussi, on l'a vu avec le Conseil du statut de la femme, il y a des multiples discriminations aussi. Donc, est-ce qu'il faudrait se donner des cibles aussi lorsque les personnes sont doublement discriminées?

Mme Khabar-Dembil (Élisabeth): Les cibles existent déjà, hein?

Mme Caron: Mais pour les doublement discriminées.

Mme Khabar-Dembil (Élisabeth): Oui, mais, si on respectait les cibles qu'on s'est données, Mme la députée, je crois qu'on n'aurait même pas à discuter de double discrimination ou autre. Mais c'est que le quota n'est même pas respecté, madame. Le quota qu'on s'est donné n'est pas respecté, et c'est ça. Et encore, en plus de ça, les femmes des minorités visibles sont doublement ou triplement discriminées. Donc, elles ne sont même pas dans le créneau. C'est ça. Et c'est ce correctif-là qu'on demande que ce soit apporté.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposons. Donc, je vous remercie de votre intervention.

Et je vais suspendre quelques instants, le temps que la prochaine personne puisse s'installer.

(Suspension de la séance à 10 h 22)

 

(Reprise à 10 h 23)

Le Président (M. Brodeur): Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons continuer nos travaux. Et je demanderais à M. Michel-Salmador Louis de bien vouloir s'installer, s'il vous plaît. Prenez place à la place de votre choix, sauf celle du président. Vous pouvez vous asseoir... Non, peut-être en avant, là, pour... Juste ici. Vous avez le choix entre quatre ou cinq places. Oui, parfait. C'est parfait. Donc, je vous laisse le temps de vous installer en vous rappelant quelle est la façon de fonctionner.

Nous avons un temps prescrit de 45 minutes. Vous avez un total de 15 minutes, un temps maximal de 15 minutes pour présenter votre mémoire de la façon dont vous le jugez à propos. Et, à la suite de votre présentation, il y aura période d'échange, comme vous l'avez constaté, avec les membres de la commission. Mais tout d'abord vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire. La parole est à vous. Allez-y.

M. Michel-Salmador Louis

M. Louis (Michel-Salmador): Bon. Alors, M. le Président, Mme la ministre, Mmes, MM. les commissaires, je suis tout seul, moi, pour pouvoir présenter le mémoire parce que les deux collègues qui auraient pu être avec moi sont en salle de cours maintenant, à l'UQAM et à l'Université de Sherbrooke.

Je ne vous lirai certainement pas le mémoire au complet. Je vais seulement présenter quelques points essentiels pour pouvoir favoriser les échanges par la suite. Je commence par vous dire quelque chose que vous savez déjà ou bien dont vous vous doutez: nous sommes dans une société multiculturelle. Dans cette société multiculturelle, il y a une diversité ethnique qui se fait remarquer de plus en plus, bien sûr à Montréal, mais dans certaines villes de province, Sherbrooke, Québec et ailleurs. Quand, dans une société, il y a 700 000 immigrants sur un peu plus que 7 millions d'habitants en général, donc à peu près 10 %, un peu moins de 10 %, il n'y a plus de doute que la société se multiculturalise parce qu'avec ces 700 000 immigrants il y a aussi ce qui suit: une diversité culturelle, il y a une diversité religieuse et il y a une diversité linguistique. Ça, c'est pour le nombre, c'est pour les statistiques.

Pour que je puisse parler de société multiculturelle, il y a ce que j'appelle la prise de conscience, il y a ce que j'appelle la reconnaissance et la légitimation par l'État de cette réalité et surtout la prise d'un certain nombre de mesures: des lois, des mesures légales, des mesures administratives qui sont prises tant au niveau du gouvernement qu'au niveau des municipalités, comme par exemple une politique reconnaissant et légitimant ces cultures en présence ? les cultures auraient pu exister, mais ce n'est pas le souci de l'État de s'en préoccuper ? comme par exemple des mesures qui favorisent, entre ces cultures, des relations harmonieuses, des relations respectueuses, comme par exemple la création d'un climat favorisant effectivement ces relations, aussi la promotion d'une idéologie inspiratrice d'action et de recherche ? il y en a qui auraient préféré que je dise «philosophie», je dis «idéologie» parce que, comme je l'ai déjà entendu, il faut appeler les choses par leur nom aujourd'hui ? la production d'une littérature, etc. Quand ces conditions-là existent, quand l'État s'est préoccupé d'établir, de créer ce climat dont j'ai parlé tantôt, eh bien, là, en plus du nombre, on peut parler d'une société multiculturelle.

Il faut savoir aussi que, dans une société multiculturelle, il y a un certain nombre d'enjeux, et ces enjeux-là sont inhérents, je pourrais dire, à la société multiculturelle. Partout où il existe des sociétés où coexistent des cultures différentes, eh bien, alors, ces enjeux-là sont présents, qui se traduisent par des tensions, qui se traduisent par des conflits entre les différents groupes ou entre certains groupes et même la société d'accueil. Le racisme fait partie de ces enjeux. Et c'est pour cela que nous avons trouvé importante cette consultation sur le racisme et la discrimination, de telle sorte qu'on puisse non seulement prévenir, mais faire face à un certain nombre de situations, être outillés pour pouvoir faire face à un certain nombre de situations, de manière à ne pas se laisser dépasser.

n (10 h 30) n

C'est clair et net que ce serait important de savoir qu'est-ce que c'est, une société raciste. Dans le mémoire, j'ai essayé de définir le racisme et de faire appel à un certain nombre d'autres définitions venant de chercheurs, de théoriciens. En plus du concept de base qu'est le racisme, j'ai essayé aussi de définir ce qui pourrait s'appeler une société raciste.

«...la société raciste, j'écris, est celle dans laquelle prévaut une idéologie [...] fondée sur la [...] supériorité d'une race ou d'une ethnie par rapport à d'autres, laquelle idéologie, diffusée par des voies multiples, est soutenue par des institutions, des lois, des mesures qui lui servent de courroies de transmission favorisant sa perpétuation, sa reproduction et son enracinement dans les mentalités ainsi que dans les rapports du groupe qui se croit ou se dit supérieur à celui ou ceux infériorisés ou exclus à cause de la couleur de [la] peau ou de leur hérédité biologique ou par extension à cause de leur position dans l'échelle sociale», ou même de la religion. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est l'UNESCO.

Une fois qu'on a dit ceci, c'est-à-dire qu'on a défini ce que c'est qu'une société raciste, il est bon de se demander: Est-ce que le Québec est une société raciste?, puisque nous devons... enfin nous sommes consultés sur l'éventualité d'une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination. Chaque fois que j'ai l'occasion de traiter cette question et je commence par poser la question: Notre société est-elle raciste?, vous comprenez très bien qu'à partir du moment où la question est posée toutes les oreilles sont tendues, et tout le monde attend la conclusion, savoir si je vais dire que notre société, c'est une société raciste. Et, tant que je n'ai pas conclu, les gens ne respirent pas.

Ce que je dis, en passant par-dessus un certain nombre de considérations que vous lirez: S'il faut s'en tenir aux lois, aux mesures favorisant l'intégration de la société, s'il faut s'en tenir aux déclarations d'intention, la réponse est négative parce qu'ils sont rares, les pays, à travers le monde, où les citoyens, mais l'universalité des citoyens, sont protégés par deux chartes: la charte des droits et libertés, la charte des droits de la personne et de la jeunesse. Et ces chartes-là, qu'est-ce qu'elles font? Elles bannissent expressément la discrimination sous toutes ses formes, incluant la discrimination raciale. Par ailleurs, il y a beaucoup de déclarations qui sont prises, même au niveau des municipalités, pour pouvoir arriver à créer, favoriser l'établissement de liens, de relations harmonieuses entre les citoyens, entre les groupes culturels.

Vu la définition que je vous ai donnée, je réponds tout de suite en disant que nous n'avons pas identifié de groupe dominant qui porte une idéologie racisante et qui cherche à l'imposer à toute la collectivité. Nous n'avons pas vu ça dans la société québécoise. Il n'existe pas non plus de loi ségrégationniste et intentionnellement discriminatoire. Nous ne connaissons pas de parti politique dont une condition sine qua non pour être membre est d'être Blanc, par exemple. Nous n'avons pas pu identifier de groupe ethnique, religieux ou autre qui se serait autoproclamé supérieur par rapport à d'autres tout en préconisant l'exclusion de ces derniers de la société. À partir de ces constats ou de ces non-constats, je devrais dire, il nous est impossible d'arriver à la conclusion que la société québécoise est une société raciste.

Par contre, si nous devons entreprendre l'analyse des attitudes, l'analyse des comportements, des manifestations et leur donner une signification, il deviendrait difficile de nous laver de tout soupçon. Outre les incidents quotidiens ? refus de louer un logement à un Noir, à un Arabe ou à un Latino, les réflexions de mauvais goût dont certains groupes minorisés sont les cibles, des difficultés assez éprouvantes à se faire accepter en milieu de travail par les pairs ? il existe un certain nombre de cas lourds dans lesquels, d'après plus d'un, le racisme est sans équivoque.

Par ailleurs, si les commissions et les tribunaux des droits de la personne, tant au fédéral qu'au provincial, sont si souvent saisis de cas relatifs à la violation des articles bannissant la discrimination, c'est qu'il y a sûrement, dans certains milieux de travail, dans certaines institutions, des inclinations à l'intolérance, à l'exclusion s'apparentant, dans certains cas, au racisme. D'ailleurs, devant le danger croissant que représente à ses yeux la reconnaissance des mouvements racistes, la Commission des droits de la personne du Québec appelait le législateur, en décembre 1994, lors d'une importante déclaration, à légiférer sur l'incitation à la discrimination et à en faire un délit civil, car il faut, selon elle, mettre en échec les activités des mouvements racistes et la menace qu'elles font peser sur les principes et les valeurs consacrés par la charte. Est-ce que la commission aurait fait cette intervention s'il n'y avait aucune nécessité, voire aucune urgence?

Donc, nous sommes conscients des influences que les mouvements européens aussi à forte saveur nationaliste peuvent avoir sur certains représentants de la classe politique d'ici. Évidemment, ici nous pourrions appeler à notre aide Philippe Bataille qui, dans un article bien documenté, a parlé de ce qu'on appelle le racisme institutionnel, le racisme culturel et le racisme politique. Nous n'en sommes probablement pas là.

En guise d'illustration, voici quelques incidents ou constats qui alimentent la croyance qu'il existe, au Québec, une certaine propension au racisme. Dans le domaine de l'emploi, Richard Bourhis, de l'UQAM, Madeleine Chicha, Yuho Chang, Higgins, du journal Le Soleil, ont quand même relevé des situations dans lesquelles l'évidence est là que certains groupes minorisés, certains groupes ethniques sont tout à fait défavorisés dans le domaine de l'emploi. Des barrières à l'entrée, et, s'ils arrivent à entrer à l'intérieur de la boîte, de l'entreprise, eh bien, alors, entre les employés, eh bien, alors, la vie ne leur est pas toujours facile, pour employer une expression très populaire.

Le Président (M. Turp): Il vous reste une minute pour compléter votre exposé.

M. Louis (Michel-Salmador): Une minute? Bien, je vais passer tout de suite aux suggestions que je dois vous faire.

Le Président (M. Turp): En une minute.

M. Louis (Michel-Salmador): En une minute, c'est ça. Alors, les suggestions sont les suivantes. Vu que le racisme est un problème sociétal, la politique envisagée doit interpeller toute la société, tous les échelons de la société, tous les acteurs sociaux, toutes les institutions publiques, tous les fonctionnaires, tous les niveaux du système scolaire, les médias, le sport, le cinéma. C'est structurel.

Cette politique contre le racisme et la discrimination doit être au-dessus de toute partisanerie politique. Donc, elle nécessite un large consensus social et politique, et personne ne devrait pouvoir s'y soustraire.

n (10 h 40) n

Puisqu'on met tant d'efforts à régionaliser l'immigration, eh bien, alors, on devrait aussi penser à apporter cette nouvelle, cette transformation dans toutes les régions du Québec, de telle sorte que les immigrants qui acceptent d'aller en région, eh bien, alors, ne rencontrent aucune difficulté de ce côté-là.

Le Président (M. Turp): Merci, M. Louis, de votre présentation. Je m'excuse de vous interrompre, mais le temps est écoulé. Et je fais remarquer aux membres de la commission et à la ministre que les autres suggestions se retrouvent aux pages 17 et 18 de votre mémoire. Je donne la parole au député de Charlesbourg qui, je le crois, a des questions pour vous, M. Louis.

M. Mercier: Merci, M. le Président, et merci également de me donner, de m'offrir le privilège de pouvoir poser cette première question ? je remercie également la ministre ? compte tenu que je suis un député ici, vous le savez, de la région de Québec. Et je souhaite la bienvenue à M. Louis, que je connais évidemment puisque je le rencontre à diverses occasions. Et je dois vous dire que M. Louis, M. le Président, est quelqu'un de très impliqué ici, dans la région de Québec. On n'a qu'à lire, à la signature, à la page 2 de son mémoire, évidemment tous ses titres et on s'aperçoit, on est à l'évidence même que M. Louis est quelqu'un qui s'illustre, qui s'est illustré et qui se démarque. Et on a besoin de ces gens notamment ici, dans la région de Québec, qui se démarquent et qui sont des leaders.

M. le Président, évidemment j'ai lu avec plaisir et enthousiasme ce mémoire et je dois dire à M. Louis qu'il est bien documenté et avec beaucoup de références qui encore là démontrent que M. Louis est un homme qui fait bien les choses. Et, sur ce, compte tenu qu'il nous a parlé d'une façon générale, je vous dirais, de la situation sur le racisme, j'aimerais peut-être lui poser une question plus précise concernant la région de Québec, et non seulement la région de Québec, je vous dirais, mais une question qui peut toucher les autres régions compte tenu que nous avons des parlementaires ici qui représentent d'autres régions du Québec. J'aimerais savoir de M. Louis, M. le Président, selon son expérience évidemment sur le terrain, comme le dit bien souvent Mme la ministre, en quoi la situation de la ville de Québec et de ces régions peut être différente de celle de Montréal, évidemment la métropole. Et, moi, c'est votre feed-back, si vous me permettez l'expression, que j'aimerais entendre. J'aimerais savoir quelle est la différence marquée et notable entre Québec, ces régions et la métropole?

M. Louis (Michel-Salmador): Oui, il y a certainement une différence entre la ville de Québec, la région de Québec et la région de Montréal par le seul fait que c'est à Montréal que se trouve concentrée, on le sait, tout le monde le sait, la grosse majorité de l'immigration. À Québec, nous avons un pauvre 2,9 % ? en forçant, on le met un petit peu au-dessus de 3 % ? et cela fait en sorte que la dynamique est totalement différente. Cela fait en sorte que les gens de Québec n'ont pas encore atteint le degré d'apprivoisement de la différence que les gens de Montréal ont atteint par la force des choses, étant donné que le gros de l'immigration est là. Maintenant, est-ce que cela influe sur la mentalité, sur leur disposition à accueillir l'immigration? Alors, c'est une question que je pose et qui restera posée.

Autre chose, je sais qu'il y a beaucoup d'efforts qui ont été faits, ces dernières années, à Québec pour pouvoir arriver à tenter de faire changer cette mentalité, à rendre les gens un petit peu plus disponibles à l'immigration, plus accueillants. Mais je sais aussi que ? on l'a déploré ? les efforts n'ont pas vraiment donné tout à fait les résultats escomptés.

Alors, à Montréal, par contre, encore, étant donné la composition de la population, étant donné aussi un certain nombre d'activités qui sont organisées régulièrement à Montréal et qui appellent la participation non seulement des groupes et des communautés culturelles, mais aussi de la communauté d'accueil, qui à ma connaissance répond très bien à cet appel, alors là on va dire qu'à Montréal je crois que ça devrait se poursuivre, ça devrait continuer, cette ouverture. Et, à Québec, je crois que nous avons encore beaucoup d'efforts à faire pour pouvoir arriver à ce qui pourrait s'appeler, à un moment donné, une vitesse de croisière en la matière.

Une voix: ...réponse?

M. Louis (Michel-Salmador): Oui.

M. Mercier: Alors ? M. le Président, si vous me permettez ? M. Louis, quelles seraient justement les pistes de solution particulières pour Québec et ces régions pour justement peut-être apprivoiser davantage cette différence?

M. Louis (Michel-Salmador): Je vais reprendre le mot du président, il y a un certain nombre de suggestions qui sont faites effectivement ? il y en a 12 qui sont faites ? dans le mémoire, et je crois que ? je n'ai pas tout dit, mais j'ai fait un effort pour pouvoir dire pas mal de choses ? d'après moi, on devrait mettre l'accent là-dessus de manière à pouvoir arriver à ouvrir. Parce qu'en fin de compte prenons juste les emplois. On sait que les employeurs de Québec ont certaines réticences vis-à-vis l'immigration. Alors, voilà un secteur qu'il faut travailler beaucoup de telle sorte que les employeurs de Québec soient un peu plus ouverts à l'immigration.

Le Président (M. Turp): Est-ce que vous avez...

M. Mercier: ...reste du temps, M. le...

Le Président (M. Turp): Il reste environ deux minutes.

M. Mercier: Deux minutes? Peut-être une autre question sur un autre sujet... Ou peut-être Mme la ministre, M. le Président, aurait quelque chose à rajouter?

Le Président (M. Turp): Je crois que la ministre veut prendre la parole. Mme le ministre.

Mme Thériault: Merci, M. Louis. Merci d'être là. On voit très bien que vous avez une très, très belle expertise. Comme le disait mon collègue, vous siégiez dans plusieurs organismes, à Québec. Et, lorsque je vous entends parler, vous parlez d'incidents, vous parlez de barrières. Est-ce que c'est parce que vous considérez qu'on a plus une problématique de méconnaissance et de préjugés dans notre société?

M. Louis (Michel-Salmador): J'ai entendu les deux derniers mots, mais est-ce que je...

Mme Thériault: Est-ce que vous considérez que c'est parce que nous avons plus de travail à faire au niveau des préjugés, au niveau des mentalités, au niveau de l'attitude des personnes?

M. Louis (Michel-Salmador): À Québec?

Mme Thériault: Oui.

M. Louis (Michel-Salmador): Bien, je vous dirais qu'il y a du travail à faire.

Mme Thériault: Oui?

M. Louis (Michel-Salmador): Oui. Il y a du travail à faire et il ne faut pas négliger. Il y a vraiment du travail à faire bien sûr au niveau des préjugés, un endroit que la plupart des analystes, la plupart des intervenants considèrent qu'il manque d'ouverture à Québec. Écoutez, c'est vous-même qui m'avez dit à la dernière rencontre qu'on avait eue: Il faut appeler les choses par leur nom et non pas essayer d'utiliser des paraboles. Écoutez, tout le monde dit qu'il y a un manque d'ouverture, qu'il y a un manque d'accueil à Québec. Alors, si c'est ça, il faut travailler là-dessus, il faut travailler très fort là-dessus, pour pouvoir faire tomber un certain nombre de préjugés que les gens peuvent avoir, pour pouvoir faire évoluer la mentalité et faire admettre que c'est vrai que l'immigration, c'est une valeur ajoutée au plan de la production.

C'est vrai que l'immigration peut aider à faire grimper la démographie, mais il ne faut quand même pas que ce soit stéréotypé comme ça. On regarde une personne humaine pour une personne humaine et on établit des relations avec cette personne-là parce que c'est une personne humaine qui vit avec nous, qui vit parmi nous. Et maintenant, mon Dieu, si la personne peut aider pour la production, si la personne peut aider pour la démographie, tant mieux. Parce que, si on ne fait pas ça, les gens... Ils ne sont pas tous idiots, ceux qui arrivent ici.

D'ailleurs, ça a commencé. On a fait venir des gens pour aider à faire grimper la population, mais les femmes disent: Écoute, on n'est pas plus folles que les femmes québécoises. Pourquoi on arriverait ici pour pouvoir se mettre à faire des enfants, alors qu'eux autres ils réduisent et ils ne font pas d'enfants? Alors, ils ont arrêté de faire des enfants, ils ont diminué en tout cas le quota, ce qui fait qu'en sorte on risque de se retrouver, après 10 ans, avec le même problème.

Alors, soyons réalistes, accueillons les gens comme il faut, donnons-leur du travail, considérons-les comme des personnes humaines et là, à ce moment-là, donnons-leur la place qui leur revient dans la société québécoise, parce que nous les avons invités. Et, à ce moment-là, ils vont se sentir chez eux et là ils vont pouvoir participer de tout coeur, de tout corps à l'évolution de la société québécoise.

Mme Thériault: O.K.

Le Président (M. Turp): Bien. Merci, M. Louis. Je donne la parole à la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'immigration et de communautés culturelles, la députée de Laurier-Dorion.

n (10 h 50) n

Mme Lefebvre: Bonjour, M. Michel-Salmador Louis. C'est un plaisir de vous entendre aujourd'hui. À lire votre curriculum vitae, on constate rapidement que vous avez une longue expertise en matière d'immigration, d'intégration puis de l'analyse également de tout ce qui est la dynamique et la problématique du racisme. Donc, je vous remercie beaucoup de vous joindre à nous.

J'aimerais, d'entrée de jeu, peut-être rappeler quelques propositions que vous avez faites et aller plus en profondeur dans les différentes propositions, recommandations puisqu'on n'a pas eu beaucoup de temps à la fin de votre présentation.

Donc, vous mentionnez qu'il est important de consolider, voire de renforcer le rôle de la Commission des droits de la personne, que cette politique devrait prôner la concertation, que la politique devrait être présentée comme une nécessité démocratique, que cette politique devrait préconiser et favoriser la création d'un comité spécial et une surveillance accrue des actes de racisme, une production de littérature, vous ajoutez également que cette politique devrait faire partie de la politique sociale globale du gouvernement: bref, plusieurs excellentes propositions.

J'aimerais vous entendre davantage sur quelques-unes de celles-ci, notamment votre première suggestion, qui est de s'assurer que tous les acteurs de la société soient interpellés. Je me demandais: Avez-vous une idée du meilleur moyen de s'assurer que tout le monde, au Québec, soit interpellé? Vous parlez, bon, des acteurs sociaux, des institutions publiques, des fonctionnaires, du système scolaire, des médias, tant au niveau du sport, du cinéma, du théâtre, de la télévision, de tous les échelons de la société civile. Donc, est-ce que vous pensez qu'on devrait tenir un grand sommet sur la question de l'intégration? Quelle serait à votre avis la meilleure façon, là, de s'assurer que tout le monde prenne part au débat puis que tout le monde se sente concerné, au Québec, par cette situation?

M. Louis (Michel-Salmador): Bien, les moyens, vous les avez. Quand les élections s'annoncent, on va dans tous les foyers. On va même dans les établissements scolaires pour faire campagne. On va dans toutes les régions, par le biais de la télévision, par le biais de la radio, par le biais des journaux. Enfin, tous les médias sont mis à contribution de manière à pouvoir se faire connaître. Vous êtes passée par là, vous êtes députée, hein? Pourquoi ne pas mettre à profit... Tout ce qu'on peut mettre à profit pour les élections, qu'on le mette à profit pour quelque chose d'aussi important, d'aussi structurel pour la société québécoise, la question de lutte contre le racisme et la discrimination. Alors, on les a, les moyens pour pouvoir atteindre la population mais dans sa totalité. On a les moyens d'atteindre la population dans sa totalité.

Ce qu'il faut aussi, ce n'est pas quelque chose qu'on fait, à un moment donné, de manière très intensive, à un moment donné, puis, à partir du moment où on a l'impression qu'on a rempli le verre, on arrête là. Non. C'est vraiment un travail à long terme. C'est un travail à long terme qui doit commencer dans la famille, dans les écoles et qui doit se poursuivre dans les milieux de travail et partout, quoi, hein, partout. Et utiliser tous les moyens, jusqu'aux banderoles, pour pouvoir arriver à donner cette conscience ? je parle de conscience, pas seulement la sensibilisation, mais cette conscience ? aux gens qu'il s'est passé quelque chose dans notre société.

On est en train de se multiculturaliser. Ce n'est pas mauvais, c'est très bon. À travers le monde, toutes les grandes villes et toutes les grandes sociétés sont multiculturelles, et ça arrive au Québec. C'est tant mieux. C'est la preuve qu'on fait partie vraiment de la modernité. On est une société moderne, on est une société actuelle, mais prenons les moyens pour pouvoir arriver à maintenir cette caractéristique si enviable de société ouverte, de société moderne à travers le monde. Et on a les moyens pour pouvoir le faire.

Mme Lefebvre: D'accord.

Le Président (M. Turp): Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci. Le temps file rapidement. À la page 16, vous faites mention ? puis c'est un aspect qu'on n'a pas beaucoup abordé, là, depuis le début de nos travaux ? qu'«il ne faut pas ? je vous cite ? oublier que le racisme inclut les différences religieuses par extension». Je me demandais: Dans la perspective où les différences religieuses peuvent mener à certaines incompréhensions, de votre expérience, comment on peut rendre compatible la pratique de ces différentes religions, que ce soit dans l'espace privé ou public, avec le désir de laïcité, si on veut, dans la sphère publique?

M. Louis (Michel-Salmador): Si j'avais à ma disposition, Mme la députée, une baguette magique, je vous la prêterais pour pouvoir arriver à régler tous ces problèmes-là, je dirais, toutes ces questions-là du jour au lendemain. Mais nous sommes dans le domaine symbolique. Et j'ai fait comme l'apologie de la société multiculturelle. Il faut accepter aussi que ce ne sont pas des choses qui peuvent se régler du jour au lendemain. Il faut prendre le temps qu'il faut prendre pour pouvoir arriver à commencer à constater des améliorations.

J'ai, en arrière de moi, le père de l'accommodement, quasiment ? si ce n'est pas le père, c'est le grand frère ? de l'accommodement raisonnable. Je pense que c'est une bonne voie. D'ailleurs, ça fait, je pense... le début des années quatre-vingt-dix que je l'avais invité, à Québec, à venir parler d'accommodement raisonnable parce que nous avions trouvé que le concept était à propos déjà à ce moment-là. Ça fait plusieurs années. Et je vois qu'il s'annonce encore quelque chose à Montréal prochainement: débat public sur l'accommodement raisonnable à l'UQAM. J'ai envie d'aller voir si le discours a changé, ce qu'on disait de l'accommodement, la façon qu'il fallait gérer non seulement la diversité, mais l'accommodement aussi. Je crois que c'est une bonne voie, c'est un bon créneau.

Mais c'est vrai que des fois on peut être découragé. On peut se poser la question de savoir est-ce que ça va finir par aboutir. Moi, je dis: Ne posez pas la question comme ça. Ne posez pas la question comme ça. Au contraire, constatez que nous sommes une vraie société multiculturelle, avec tout ce que cela implique, incluant les problèmes que cela pose. Il y a des religions qui ont des valeurs qui sont complètement différentes, qui sont aux antipodes, mais ça ne veut pas dire pour autant que, moi, je ne peux pas vivre avec quelqu'un qui n'est pas de la même religion que moi, en autant que je respecte cette personne-là dans ses croyances, dans ses pratiques, dans ses manières de faire. Et, si j'ai les moyens, que je suis le gouvernement, que j'ai les moyens de mettre à sa disposition un certain nombre de moyens pour qu'il puisse... Parce que nous sommes multiculturels, n'oubliez pas. On n'est pas assimilationnistes, on est intégrationnistes, on est multiculturels, on le reconnaît, on l'accepte et on fait la promotion pour. Alors, nous n'avons pas le choix, nous n'avons absolument pas le choix que d'accepter que ces gens-là soient différents les uns des autres et soient différents de nous autres.

Le Président (M. Turp): Moi, je n'ai pas le choix de vous arrêter maintenant parce que je dois donner la parole à la ministre, qui a une question pour vous.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. M. Louis, je suis heureuse de vous entendre dire que cette politique-là doit être au-dessus de toute partisanerie parce qu'effectivement, lorsqu'on parle d'une politique importante comme la lutte au racisme et à la discrimination, je pense que ce n'est pas une question d'idéologie politique, peu importe la couleur du parti que nous représentons, mais beaucoup plus une vue d'ensemble de ce que la société est et ce que la société devrait être. Donc, je suis heureuse de voir que vous voulez aussi que tous les intervenants se sentent interpellés, autant les employeurs, les syndicats, les politiciens, peu importe le parti. Toutes les composantes de la société doivent être partie prenante d'une telle politique.

Vous avez fait mention, un petit peu plus loin dans votre mémoire, par rapport au respect de l'exercice des droits, que cette politique-là devrait consolider et même renforcer le rôle de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse. J'aimerais ça vous entendre là-dessus parce qu'on aura le plaisir d'avoir la Commission des droits de la personne et de la jeunesse qui viendra à la fin de la journée. Et évidemment elle se sent interpellée par le sujet, avec raison. Beaucoup d'intervenants nous parlent de la commission. Vous, vous pensez qu'on devrait faire quoi? Et je sais que mon collègue avait une petite question au niveau de l'éducation, mais il ne nous reste pas beaucoup de temps, donc j'aimerais vous entendre sur la Commission des droits de la personne et de la jeunesse.

M. Louis (Michel-Salmador): Voulez-vous répéter la question? On va se concentrer sur la question.

n (11 heures) n

Mme Thériault: Vous dites, dans la politique, que ça devrait consolider et même renforcer le rôle de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse. De quelle façon vous voudriez qu'on renforce ou qu'on consolide le droit de la commission?

M. Louis (Michel-Salmador): Bon. Alors, écoutez, si nous avons fait cette suggestion, c'est que nous avons pensé qu'il ne fallait pas nécessairement créer une autre structure, parce que structure sur structure, ça finit par devenir lourd à un moment donné, et on finit par chevaucher puis on ne sait plus qui fait quoi. Nous considérons que la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, qui commence à être une institution assez... je ne dirai pas vieille, parce que ce n'est pas négatif, autrement dit, qui a fait ses preuves ? disons qui a fait ses preuves ? et par les interventions que cette commission-là fait, par les avis qu'elle a donnés, etc., alors nous croyons que... S'il fallait choisir parmi des institutions existantes déjà pour pouvoir assumer un rôle de premier plan dans la mise en place d'une politique gouvernementale, etc., bien nous pensons que ça pourrait être un prolongement du travail que fait déjà la Commission des droits de la personne.

Évidemment, si on crée une nouvelle structure avec un mandat qui est assez différent du mandat qu'a déjà la Commission des droits de la personne, avec un mode de fonctionnement, puis etc., qui fait en sorte que, bon, vraiment, quand on regarde les deux institutions, on dit que, bon, vraiment, c'est deux institutions complètement différentes et il n'y a pas de risque qu'ils se nuisent, enfin que les deux institutions se nuisent par le fait que, bon, il y en a un qui fait le travail de l'autre, puis l'autre qui fait le travail de l'un, bon, à ce moment-là, ça, c'est à vous autres à décider. Mais je crois que, s'il faut utiliser une institution qui est déjà créée, cette institution devrait pouvoir assumer le mandat en précisant, en intensifiant, en renforçant un peu son rôle.

Mme Thériault: Merci.

Le Président (M. Turp): M. le député de Charlesbourg, rapidement, il reste une minute.

M. Mercier: Alors, à la page 13, M. Louis, de votre mémoire, sur l'éducation, vous dites que, le racisme, soit parce qu'il n'est pas un terme facile à traiter vu sa grande complexité, etc., les enseignants n'abordent pas cette question en classe avec leurs élèves. Ici, en commission parlementaire, également lors de tournées, une solution était peut-être d'avoir une portion dans les cours où l'on enseignerait l'apport historique des Noirs au Québec, l'apport social, communautaire, technologique, etc. Est-ce que, selon vous, c'est une bonne piste de solution?

M. Louis (Michel-Salmador): Si c'est une bonne...

M. Mercier: Piste de solution justement pour enrayer ce que vous dénoncez ici, à la page 13 de votre document, sur l'éducation.

Le Président (M. Turp): En 30 secondes.

M. Louis (Michel-Salmador): Pardon?

Le Président (M. Turp): En 30 secondes.

M. Louis (Michel-Salmador): Bon. Oui, c'est une bonne piste.

M. Mercier: Et voilà.

M. Louis (Michel-Salmador): Non, non, mais, écoutez, si on parle d'histoire, il y a des acteurs dans l'histoire. Les gens qu'on laisse de côté, c'est de deux choses l'une: ou bien ils n'étaient pas acteurs ou on a décidé, pour une raison ou une autre, de les ignorer. Disons que je donne le bénéfice du doute à notre société, on n'a pas fait exprès pour les ignorer. On considère que ce sont des acteurs, et, si jusqu'à présent ils n'ont pas leur place dans l'histoire du Québec, il faudrait qu'on les réhabilite, qu'on les réintègre, qu'on leur donne leur place dans la société, et au vu et au su de tout le monde.

Le Président (M. Turp): Merci, M. Louis. Pour l'opposition officielle, le député de Saint-Hyacinthe a aussi des commentaires, une question sans doute.

M. Dion: Merci, M. le Président. Merci, M. Louis, de votre présentation qui nous fait réfléchir sur toutes sortes d'aspects de la question du racisme et de ses manifestations dans la société. J'aimerais peut-être, dans un premier temps, amener la réflexion sur un terrain particulier, dans le sens suivant, c'est que, je pense, il est assez... on constate, dans la société, de toutes sortes de façons, que l'étrangeté ou la chose qu'on ne connaît pas souvent fait peur. Bon. Et même le voisin fait peur tant qu'on n'a pas fait connaissance avec lui, quelle que soit son origine, hein? Alors donc, je me demande si parfois on ne confond pas, dans une certaine mesure, le racisme avec ce phénomène de l'étranger qu'on ne connaît pas encore et qui fait que nécessairement certaines communautés... vous parliez en particulier de la communauté de Québec, ici, qui est une communauté où l'immigration est beaucoup moins profonde qu'ailleurs, et est-ce que ça n'expliquerait pas en partie un des aspects que c'est plus difficile pour un Québécois issu de l'immigration de s'installer à Québec et encore plus difficile si la pigmentation de sa peau est différente? Parce que, si en plus de ne pas le connaître, on n'est pas habitué à la pigmentation de sa peau, puis en plus on n'est pas habitué à ses manifestations culturelles d'origine, donc la façon de sourire, de donner la main, et tout ça, alors ça fait toutes sortes de petites barrières qui font que... Est-ce que ça n'explique pas en partie cette difficulté, sans nécessairement que l'on parle de racisme à ce niveau-là?

M. Louis (Michel-Salmador): Tous ceux qui ont traité de ce problème de racisme admettent que c'est un concept difficile à manipuler. On risque toujours, effectivement, de traiter quelqu'un de raciste ou une société de raciste, alors qu'il n'en est rien. D'un autre côté aussi, nous admettrons que, pendant longtemps, on a parlé de xénophobie justement pour ne pas parler de racisme. Avant, on a parlé de peur bien sûr, la peur de l'inconnu, la peur de l'inconnu, de l'étranger, de l'étrangéité, je dirais, et là on finit quand même par s'apprivoiser. Mais le racisme, c'est une autre chose, ce n'est pas juste une question, un sentiment de peur. C'est parce que... La xénophobie aussi, hein, «xenos», «phobos», c'est la peur, c'est la peur de l'étranger. On parle de racisme, on parle d'idéologie, de quelque chose de plus profond à ce moment-là, de plus travaillé, là, de plus construit, c'est de ça qu'on parle là, maintenant.

Et je reviens encore à ma ministre qui m'avait dit: Il faut appeler les choses par leur nom. Plus longtemps qu'on va essayer de se cacher en arrière d'une terminologie tout à fait inappropriée à ce dont on veut parler, plus longtemps qu'on n'abordera pas le problème, plus longtemps qu'on n'arrivera pas à régler non plus ce qu'il faut régler. Parce qu'il y a des signes, il y a des manifestations, il y a des rejets, parfois expliqués, parfois inexpliqués, parfois c'est implicite, mais d'autres fois c'est explicite. Quand un directeur d'une boîte d'employabilité me parle et me dit que... je voudrais envoyer des stagiaires dans des entreprises et puis ensuite que l'entrepreneur répond: Tout mais pas des Arabes, tout mais pas des nègres, bon, alors là il faut réfléchir, il faut réfléchir vraiment: Est-ce qu'on va parler vraiment juste d'une question de peur et renvoyer l'analyse du problème à une date ultérieure. Mais quand on va faire face, quand on va l'aborder? Et, pendant tout ce temps-là qu'on évite de l'aborder ? Kalpana Das dit que le racisme est sournois ? il travaille en dessous comme une maladie que vous avez. Et il y a des maladies qu'on a, on ne veut pas savoir qu'on a cette maladie-là, mais on l'a quand même, on l'a, la maladie. La maladie fait son travail en dessous, jusqu'à ce qu'à un moment donné elle éclate, puis on n'est plus capable de rien faire.

Le Président (M. Turp): M. Louis, merci beaucoup. Merci pour votre contribution aux travaux de cette commission, pour les réponses aux questions de ses membres.

J'inviterais donc maintenant Mme Khabar-Dembil à revenir devant nous. Vous revenez devant nous avec un autre chapeau, puisque vous allez représenter la Table ronde du Mois de l'histoire des Noirs, et vous êtes invitée à prendre place, Mme Dembil.

Et je suspends pour quelques minutes les travaux de la commission.

(Suspension de la séance à 11 h 10)

 

(Reprise à 11 h 11)

Le Président (M. Turp): Je vous rappelle que nous entendons maintenant la Table ronde du Mois de l'histoire des Noirs, représentée par Mme Dembil. Vous avez la parole pour 15 minutes. Merci.

Table ronde du Mois de l'histoire des Noirs

Mme Khabar-Dembil (Élisabeth): Merci, M. le Président, et rebonjour. Je ne vais pas non plus m'attarder à vous expliquer ce que c'est, la Table ronde du Mois de l'histoire des Noirs, mais je vais l'abréger. Mon nom est Élisabeth Dembil. Je suis la présidente de la Table ronde du Mois de l'histoire des Noirs. La table ronde, sa mission principale est de promouvoir l'apport des communautés noires dans la société québécoise, et le mois souligne chaque année, au mois de février, l'apport des communautés noires dans l'histoire du Québec et du Canada, et c'est un moment de partage avec ses compatriotes canadiens et québécois.

Sur ce, je rentre dans le vif du sujet. Sur le point Combattre le racisme et la discrimination: un enjeu collectif et social. La société québécoise est en profonde mutation, mutation enrichie, entre autres, par les personnes d'origines immigrantes qui s'installent au Québec. Cet afflux de personnes venues d'ailleurs requiert aujourd'hui une prise de conscience collective et institutionnelle pour favoriser leur pleine intégration. Parler aujourd'hui de racisme et de discrimination n'est pas vain, car c'est une réalité que vivent différents groupes de population au Québec, et particulièrement les membres de la communauté noire. Et ces discriminations sont de toutes sortes: éducation, emploi, santé, logement, etc. Comme le souligne le document d'orientation produit par le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles, il est indéniable que ces discriminations ont un effet dommageable sur tous ceux qui subissent les conséquences de la discrimination et les affres du racisme. Or, subir les conséquences terriblement néfastes des différentes formes de discrimination et de racisme freine l'encrage des membres de la communauté noire et des autres minorités ethnoculturelles dans la société québécoise.

À cet effet, on ne peut être surpris de constater que, pour les membres de la communauté noire, la discrimination systémique dont ils sont victimes constitue à leurs yeux un des freins qui expliquent les difficultés qu'ils éprouvent à pouvoir dénicher un emploi et à pouvoir réussir leur pleine intégration sociale. Cette position est en partie appuyée sur le taux de chômage que l'on observe au niveau de la communauté en regard non seulement des autres groupes ethniques, mais aussi de l'ensemble de la population québécoise. L'ensemble des données cumulées depuis près de 20 ans montrent qu'indépendamment de la situation économique, prospérité ou récession économique, le taux de chômage des membres de la communauté noire est toujours plus élevé que celui de la population en général, et par ailleurs leur niveau d'activité est toujours plus faible que celui de la population en général, et pourtant le taux de diplômés dans ce groupe est souvent plus élevé que dans la population en général.

Ce décalage constant entre les deux groupes montre que, comparativement à d'autres, ce ne sont pas seulement les conditions économiques qui déterminent le taux de chômage des membres de la communauté noire, d'autres variables rentrent en ligne de compte, d'autant que l'emploi est le domaine d'activité pour lequel tous les actifs qui sont en âge de travailler dans une société portent un intérêt majeur. En d'autres termes, l'emploi à plusieurs égards symbolise la capacité qu'a une société à pouvoir offrir à l'ensemble de ses membres des opportunités et l'égalité des chances. Or, le vécu propre, à ce que l'on constate autant auprès des membres de la communauté noire que dans les autres groupes de minorités visibles, nous laisse croire que ce n'est pas encore le cas.

Sur le point L'urgence d'agir: le besoin d'un cadre d'intervention à la hauteur de la situation précaire que vivent certains groupes. Pour le ministère, l'énoncé et la formulation d'une politique semble être la réponse. Néanmoins, on ne peut oublier de souligner qu'à partir de la charte québécoise des droits de la personne on dispose déjà d'un cadre législatif et légal qui nous permet, en tant que société, de se prémunir contre les affres du racisme et de la discrimination, étant donné que ce sont des comportements prohibés.

En effet, combattre le racisme et la discrimination consiste à influer sur les comportements de ceux qui, à tous les échelons de la société, ont à prendre des décisions soit sur une base individuelle ou collective. Il est donc nécessaire de les influencer de telle manière que leurs décisions soient exemptes de discrimination, d'arbitraire et de racisme. Il s'agit de leur faire respecter les principes sociaux d'équité, d'égalité et de justice dont s'est dotée la société québécoise. Et le défi consiste donc à arriver à ces changements de comportements, à les provoquer, car ils sont difficiles à réaliser, étant donné qu'ils sont sociologiquement et culturellement ancrés soit dans l'imaginaire collectif ou encore entretenus sciemment ou inconsciemment par ceux qui adoptent des pratiques discriminatoires. Ainsi, combattre le racisme et la discrimination passe par la catégorisation de la forme de discrimination et de racisme prédominante qui s'exprime au Québec, en l'occurrence le racisme et la discrimination systémiques.

Comportements empreints de racisme et de discrimination dans notre société: le paradoxe du racisme au Québec. Il n'est pas étonnant de constater que la majorité des gens au Québec se déclarent contre la discrimination et le racisme. En effet, cette position commune et collective nous amène à identifier la discrimination et le racisme dont sont victimes les membres de la communauté noire et, dans une large mesure, les membres des minorités visibles: il s'agit d'un racisme systémique. Ce sont des pratiques et comportements qui sont ancrés dans nos systèmes de décision, dans nos administrations. Bref, ces pratiques que l'on ne remet plus en cause sont culturellement ancrées dans l'imaginaire collectif de ceux qui sont en situation de pouvoir.

En ce sens, la portée d'un racisme systémique est très importante et en même temps pernicieuse, car difficile à combattre. Ce n'est pas seulement du fait de l'individu, mais de l'ensemble du système. D'ailleurs, l'individu en situation de responsabilité, de pouvoir croit bien faire en agissant ainsi, car il protège le système, l'organisation, le milieu, l'entreprise, le bloc-appartements, etc., ce qui est certes paradoxal mais fait partie de la réalité de la discrimination systémique.

n (11 h 20) n

Un des défis fondamentaux devient donc: Comment élaborer une politique et un plan d'action qui en découle, sachant que le racisme et la discrimination auxquels on veut s'attaquer sont de nature systémique? D'autant plus que nos systèmes sont là pour rester, et ce n'est certainement pas demain que les mentalités vont changer. Il faut donc établir des mesures de contrainte et de contrôle. C'est ce à quoi renvoient nos recommandations.

Sur la base de notre analyse, nous croyons qu'il est important de travailler à faire sauter les verrous liés à la discrimination et au racisme systémiques en cours dans notre société. En ce sens, les recommandations que nous préconisons énoncent les principes d'action à privilégier.

Orientation 1, principes d'action: imputabilité et transparence:

Que le gouvernement du Québec et le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles prennent des engagements clairs et précis en ce qui a trait à la lutte contre le racisme et la discrimination;

Que le gouvernement du Québec et le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles élaborent un plan d'action global touchant les différentes administrations et spécifique par secteur d'activité pour mettre en oeuvre la politique élaborée sur la lutte contre le racisme et la discrimination;

Que le gouvernement du Québec et le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles identifient les porteurs de ce dossier et que ceux-ci soient publiquement connus afin qu'ils puissent être interpellés autant par les partis politiques, les syndicats, les associations et les groupes en ce qui concerne les engagements pris dans le cadre de la lutte contre le racisme et la discrimination;

Que le gouvernement du Québec et le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles fassent état périodiquement des bons coups et des échecs relativement aux actions menées dans la lutte contre le racisme et la discrimination;

Que le gouvernement du Québec et le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles puissent donner la parole sur une base périodique ? une fois l'an ? aux victimes de discrimination afin qu'elles fassent état de leur vécu et y déposent des recommandations et pistes d'action, et qu'il y ait un suivi par rapport à ces dernières.

Orientation 2, principes d'action: informer, éduquer et sévir légalement:

Que le gouvernement du Québec et le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles augmentent les ressources financières et humaines consacrées à ce dossier;

Que le gouvernement du Québec et le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles affectent des ressources aux actions innovatrices et partenariales, car c'est dans un esprit collectif que doit se faire l'éducation et la sensibilisation, en mettant ensemble autant ceux qui subissent que ceux qui pratiquent les actes discriminatoires;

Que le gouvernement du Québec et le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles appuient les partenaires du milieu qui travaillent sur ce dossier;

Que le gouvernement du Québec et le ministère de la Justice donnent un mandat aux avocats de l'aide juridique afin qu'ils puissent prendre et défendre les cas portant sur le racisme et les différentes formes de discrimination;

Que le gouvernement du Québec permette que les poursuites liées à la discrimination et au racisme puissent aller directement devant les cours civiles, sans nécessairement passer par le Tribunal des droits de la personne.

Orientation 3, principes d'action: contrôle et obligation de résultats et de moyens:

Que le gouvernement du Québec et ses différentes administrations et sociétés affiliées obtiennent les résultats attendus dans le cadre du Programme d'accès à l'égalité dédié aux membres des minorités visibles; que le gouvernement du Québec et ses composantes soient soumis à la Loi sur l'accès à l'égalité en emploi;

Que le gouvernement du Québec, les gestionnaires du gouvernement et les syndicats établissent des plans réalistes et effectifs sur l'embauche des minorités visibles dans un échéancier à déterminer et que ces plans d'embauche soient rendus publics et fassent l'objet de suivi;

Que, les mesures que le gouvernement du Québec s'impose, il en fasse autant au niveau des entreprises privées dans le cadre de la politique d'obligation contractuelle. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Turp): Alors, merci beaucoup, Mme Dembil. Alors, je donne la parole à la ministre?

Mme Thériault: Oui.

Le Président (M. Turp): La ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Merci, Mme Dembil, d'être encore devant nous, cette fois-ci dans le cadre de vos fonctions avec la Table ronde du Mois de l'histoire des Noirs. J'ai écouté bien attentivement vos propos et je dois vous dire que vous avez soumis quand même 14 recommandations, et c'est très correct, ça va nous permettre réellement d'aller dans le fond des choses. Je pense que c'est signe du travail que vous avez fait.

Dans vos propos, tout à l'heure, vous avez dit: Ce n'est pas demain que ça va changer. Et je comprends très bien que ce n'est pas demain matin, au mois de septembre 2006, que, oui, les choses vont changer le 20 septembre 2006. Sauf que j'aimerais peut-être faire un parallèle puis vous dire comment, moi, je vois ça.

Vous savez, au début du siècle, les francophones se sont battus pour pouvoir prendre leur place dans le monde des affaires, dans les instances décisionnelles, que ce soit en politique, peu importe. Aujourd'hui, nous avons des parlementaires, qui font de la politique, majoritairement d'origine francophone. Nous avons des entreprises québécoises, le Cirque du Soleil, Bombardier, que pour ne nommer ceux-là, qui sont dirigées par des Québécois francophones.

Dans les années cinquante, et un petit peu avant, après, on a fait les combats pour la place des femmes, l'égalité des femmes, la reconnaissance juridique des femmes, le droit de vote des femmes. Moi, je me souviens des manifestations dans les années soixante-dix, bien que j'étais une toute jeune fille à cette époque-là, je me souviens des manifestations des femmes, avec l'année de la femme évidemment. Et je considère que notre société a considérablement avancé. Les femmes ont l'égalité de droit, même si, dans les faits, on pourrait en parler longtemps, mais ce n'est pas l'objet de la commission. Je vous dirais que ça tend à y être. La preuve, au Conseil des ministres présentement, 40 % des sièges sont occupés par des femmes.

Et je ne peux m'empêcher de me demander: Si, au début du siècle et si lors des années cinquante, on a fait des débats de société par rapport aux francophones et aux femmes, en l'an 2000, on est rendus où on se parle de questions de discrimination, de racisme, de pleine participation, d'intégration dans notre société, que sera notre monde dans 50 ans? Imaginez le chemin que nous avons parcouru dans les 100 dernières années et ce que sera le Québec de demain dans 50 ans. Parce que ce qu'on s'apprête à faire à mon avis est essentiel pour l'évolution de notre société. Et effectivement c'est un débat de société qui s'engage au même titre qu'on a fait le débat pour la place des femmes et la place des francophones. Donc, je pense que ça démontre réellement là où le Québec est rendu dans sa façon de voir et de faire les choses.

J'aimerais vous entendre ? parce qu'on n'a pas beaucoup de temps ? j'aimerais vous entendre particulièrement sur... Parce que vous avez parlé, au début, de l'emploi, par rapport à votre point de vue sur les curriculum vitae, vous parlez de discrimination dans le système. À mon avis, et j'ai entendu beaucoup de gens me dire qu'à la base même, lorsqu'on demande d'avoir une maîtrise de l'anglais, une expérience de travail en sol québécois, des fois les noms, les langues parlées, les pays d'origine dans lesquels on va retrouver la diplomation vont faire en sorte qu'il y a des gens qui vont vivre de la discrimination. Au début des années quatre-vingt, dans nos curriculum vitae, nous avions des dates de naissance qui étaient inscrites. On les a enlevées, c'est un facteur qui était jugé discriminatoire parce qu'on pouvait refuser un jeune, une personne plus âgée, une femme qui est en âge d'avoir des enfants, toutes sortes de considérations. Est-ce qu'à votre avis, dans le curriculum québécois, celui qui est disponible présentement, ou la norme, il y a, à l'intérieur, de la discrimination systémique?

Le Président (M. Turp): Vous avez environ deux minutes pour répondre.

Mme Khabar-Dembil (Élisabeth): La discrimination, elle est toujours là, hein? Écoutez, ce n'est pas du jour au lendemain qu'on va l'éliminer, quand même, il faut être réalistes, O.K.? Et, quand on parle de discrimination qui est installée dans la culture, les gens ne sont pas nécessairement, disons, racistes, dans le sens: Je n'aime pas le noir ou je n'aime pas le bleu, là, ce n'est pas ça, le but, là, non, au contraire. Dans le mémoire du Mois de l'histoire des Noirs, moi, je parle des jeunes des communautés noires qui sont nés ici, qui ne sont pas de l'extérieur. C'est des enfants qui sont nés ici et qui ont droit autant que leurs compatriotes québécois de souche. Et c'est de ça que je parle.

n (11 h 30) n

Dans le curriculum vitae... Vous savez une chose, Mme la ministre, moi, mon rôle en tant que directrice d'un organisme, c'est mon rôle de trouver la place pour ce nouvel arrivant. Qu'il s'appelle Mohamed, qu'il s'appelle Ali ou qu'il s'appelle Charlie, peu importe, mon rôle c'est de le placer, mon rôle c'est de convaincre l'employeur qui est devant moi, de dire: Vous savez, pensez à la compétence de l'individu et non pas à son physique. C'est ça, mon rôle. Et, aujourd'hui, j'avance, les gens vont trouver que je suis optimiste, mais j'avance, et j'ai avancé aussi. Le résultat le prouve aussi.

Mais, aujourd'hui, ce que, moi, je déplore, c'est: Pourquoi perdre nos jeunes, Mme la ministre, pourquoi perdre nos jeunes quand on a toutes les dispositions nécessaires que nous avons? Tout ce qu'il y a à faire, c'est juste régler des petits problèmes, des petites virgules, comme j'appelle, dans notre société. Et donnons de la place. Oui, on a avancé, oui, les femmes ont avancé, Mme la ministre, on est arrivées loin, on est assises dans cette Assemblée, madame, mais quand même il y a du travail à faire, et j'espère que le Québec de demain sera exempt de discrimination. Et je l'espère.

Le Président (M. Turp): Merci, Mme Dembil. Je donne la parole à la porte-parole de l'opposition officielle, la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci beaucoup, M. le Président. Mme Dembil, à nouveau bonjour. C'est toujours aussi plaisant de vous entendre et puis de lire ce mémoire qui a été déposé, là, par la Table ronde du Mois de l'histoire des Noirs. D'ailleurs, c'est bien, pour nous, de pouvoir vous entendre, puisque malheureusement l'opposition officielle n'a pas pu participer à la consultation sur la participation des personnes noires.

Donc, vous avez émis plusieurs très bonnes recommandations. Sur la deuxième recommandation, sur la deuxième recommandation de la deuxième orientation, à la page 10, vous mentionnez que vous souhaitez que le gouvernement et le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles affectent plus de ressources aux actions innovatrices et partenariales et que c'est dans un esprit collectif que doit se faire l'éducation et la sensibilisation. Je me demandais... et j'aimerais que vous élaboriez davantage sur les types de partenariat que vous envisagez avec le ministère et de quelle façon ils doivent...

Mme Khabar-Dembil (Élisabeth): Il y a des actions qui sont prises par des organismes du milieu, alors on ne va pas réinventer la roue non plus et ne pas perdre de l'énergie. Moi, tout ce que je demande au gouvernement et au ministère, disons: de s'associer souvent avec les organismes du milieu, qui ont des fois des idées innovatrices, et de se l'approprier pour que la société «at large» puisse en profiter ? je m'excuse de ce mot, un anglicisme. Voilà.

Mme Lefebvre: O.K. Et, à votre troisième recommandation, concernant la première orientation cette fois, vous stipulez: Que le gouvernement et le ministère identifient les porteurs du dossier de la lutte contre le racisme et la discrimination. Je voudrais que vous élaboriez davantage sur cette proposition également. Est-ce dire que vous désirez que le gouvernement et le ministère nomment des gens qui seraient porteurs du dossier? Comment vous l'envisagez?

Mme Khabar-Dembil (Élisabeth): Moi, j'aimerais bien que le ministère clarifie, disons, qui seront les porteurs et qu'on sache à qui s'adresser si jamais il y a problème. Parce que c'est un nouveau programme qui va être mis sur pied. Est-ce que ce seront des individus ou des fonctionnaires du ministère qui vont chapeauter ce dossier-là? C'est tout ce que je veux savoir, et qu'on le sache aussi, et que le public puisse au moins s'adresser à ces personnes.

Mme Lefebvre: Donc, parce que, bon, la ministre peut être porteuse du dossier, ou encore un organisme indépendant, ou encore... J'aimerais que vous élaboriez davantage sur qui vous voyez, vous, comme porteur. Est-ce que vous parlez de personnes responsables dans chacun des ministères, ou encore au MIC, ou encore à la commission, ou encore dans un éventuel observatoire qui serait accrédité pour faire ça, ou un secrétariat? Il y a différentes options sur la table. Vous, comment vous l'identifiez?

Mme Khabar-Dembil (Élisabeth): Nous, pour la Table du Mois de l'histoire des Noirs, tout ce que nous désirons, c'est de connaître l'interlocuteur. À qui doit-on s'adresser s'il y a problème? Ça, c'est très important parce que, dans les ministères, c'est grand, c'est large, vous avez différents départements.

Le Président (M. Turp): Je vais me permettre une question, Mme Dembil. Une chose m'a surpris dans votre mémoire, c'est la recommandation 5 dans l'orientation 2, à la page 10, là, pour mes collègues. Vous recommandez que le gouvernement du Québec permette que les poursuites liées à la discrimination, au racisme puissent aller directement devant les cours civiles sans nécessairement passer par le Tribunal des droits de la personne. Alors, cette question a été évoquée lors des auditions de la semaine dernière, mais je voudrais comprendre. Parce qu'une poursuite devant une cour civile, ça suppose, à moins qu'on ait accès à l'aide juridique, des coûts qui peuvent être exorbitants, alors que, devant le Tribunal des droits de la personne, c'est gratuit ou presque, là. Alors, qu'est-ce qui vous amène à vouloir passer outre le Tribunal des droits de la personne, au bénéfice des cours civiles, plutôt que de proposer qu'il soit plus facile de saisir le Tribunal des droits de la personne? Parce qu'il est difficile de saisir le tribunal maintenant à cause de plusieurs décisions des cours supérieures. Alors, je veux comprendre la logique de cet argument à la lumière du fait que des cours civiles, ce n'est pas accessible à ceux qui n'ont pas les moyens d'avoir accès aux cours civiles.

Mme Khabar-Dembil (Élisabeth): Pourquoi nous avons parlé de l'aide juridique? C'est pour faciliter l'accessibilité aux hommes.

Le Président (M. Turp): Poursuivez.

Mme Khabar-Dembil (Élisabeth): Pourquoi nous avons proposé l'aide juridique? C'était pour avoir l'accès plus facile. Ce n'est pas parce qu'on ne croit pas au tribunal de la Commission des droits de la personne ou pour minimiser le travail de la Commission des droits de la personne. Risque à me répéter, je trouve que le temps que ça prend décourage les gens, et ce qui amène aussi aux communautés noires de ne pas croire aussi à la Commission des droits de la personne. C'est juste pour corriger ça que nous voulons que... Si, par exemple, les personnes avaient accès à l'aide juridique et pouvaient passer devant un tribunal beaucoup plus facilement que celui du tribunal de la Commission des droits de la personne, les choses seraient beaucoup plus... je dirais, meilleures. Devant la Commission des droits de la personne, ça prend du temps avant même qu'on vous réponde. Et je ne néglige pas son travail du tout. Simplement, c'est le temps, et les gens deviennent de plus en plus, aussi, non confiants au travail que fait la Commission des droits de la personne. Et c'est pour ne pas aussi donner une image négative de la Commission des droits de la personne, pour éviter ça, qu'on demande si c'était possible, disons, d'avoir accès à l'aide juridique. Quand on parle d'aide juridique aussi, ce n'est pas tout le monde qui y a accès aussi, hein? Vous connaissez la règle aussi. C'est pour ça.

Le Président (M. Turp): D'accord. Merci beaucoup. La parole est maintenant à la ministre ou à ses collègues. Mme la ministre.

Mme Thériault: Mme Dembil, je vais continuer sur ce que mon collègue vous a mentionné. Ne serait-il pas plus facile de donner les moyens nécessaires au Tribunal des droits de la personne plutôt pour accélérer le traitement des causes, des plaintes, etc., et ainsi réhabiliter sa crédibilité?

Mme Khabar-Dembil (Élisabeth): Je ne parle pas de la crédibilité de la Commission des droits de la personne. Je ne dis pas qu'ils ne font pas du bon travail. Mais c'est la lenteur. La lenteur, c'est ça qui...

Mme Thériault: On s'entend pour... On dit la même chose.

Mme Khabar-Dembil (Élisabeth): Voilà.

Mme Thériault: C'est que les gens disent que c'est trop long et...

Mme Khabar-Dembil (Élisabeth): Voilà. Et ça décourage les gens, et les gens, disons, ne se sentent pas représentés, ne se sentent pas écoutés. Pour éviter ça, s'il y avait un moyen plus rapide à la Commission des droits de la personne, on n'aurait même pas parlé de cette recommandation-là. S'il y a moyen et si c'est possible, moi, je suis pour. C'est ça. Les gens se plaignent, se plaignent. Mais, quand on propose aussi des choses, c'est parce qu'on croit que ça irait plus facilement. S'il y a d'autres moyens pour arriver au même résultat plus rapidement, je n'ai aucun problème.

n (11 h 40) n

Mme Thériault: Mais votre proposition, elle a le mérite d'être audacieuse et de voir une autre piste de solution que ce qui existe déjà. Donc, effectivement, c'est sûr que ça peut être intéressant.

J'aimerais peut-être vous entendre parce qu'avec le Mois de l'histoire des Noirs vous faites beaucoup aussi de promotion sur ce qui a été réalisé et qui malheureusement est très méconnu par les communautés noires aussi en général. Bon. Moi, je suis fière de dire que j'ai nommé la première sous-ministre noire dans l'histoire du gouvernement du Québec, au ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles. On a instauré le prix Charles-Biddle aussi. Il y a différentes actions. Bon. À tous les mois, vous mettez de l'avant une personnalité qui s'est démarquée. On a inclus, cette année, d'ailleurs, sur le site du ministère, votre personnalité du mois pour justement être capable de diffuser cette information-là et la faire connaître plus. Est-ce que vous pensez qu'on devrait en faire plus encore? Et, si oui, quoi?

Mme Khabar-Dembil (Élisabeth): On en fait déjà assez. Et je suis fière de le dire aussi que, comme vous le savez, dans le document qui a été publié par le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles concernant les communautés noires, le Mois de l'histoire des Noirs fera partie du curriculum des écoles aussi. Et je suis fière de dire aussi que nous avons deux juges. Alors, nous avons deux juges qu'il ne faut pas passer sous silence, nous avons la juge Juanita Westmoreland et Daniel Dortélus, qui sont des enfants du Québec aussi, sans oublier, Mme Juanita Westmoreland, son père était le premier avocat noir dans l'histoire du Canada et du Québec. Donc, c'est une fierté pour nous aussi.

Et notre calendrier, comme vous le voyez, Mme la ministre et M. le député aussi, c'est que c'est pour dire à nos compatriotes québécois: Nous sommes là aussi, nous avons des gens qui ont fait, qui ont marqué aussi le Québec. Et c'est important pour nous aussi que nos jeunes puissent aussi voir leurs modèles. C'est important. Et nous avons aussi des gens aussi qui sont bien placés. Le numéro deux de Bombardier aujourd'hui, c'est un homme noir d'origine africaine. Mais personne ne le sait, et c'est notre devoir, en tant que Mois de l'histoire des Noirs, de le dire: Vous savez, nous avons quelqu'un qui est haut placé là-bas aussi, c'est important. Et Mme Maryse Alcindor était directrice aussi à la Commission des droits de la personne. C'est des choses que les gens ne savent pas. Le grand public ne le sait pas. Donc, c'est le rôle du mois de dire: Voilà les gens que nous avons aussi qui ont contribué ici.

Mme Thériault: Mais je suis d'accord avec vous, ça prend des modèles positifs pour les jeunes, puisque vous parliez des jeunes de deuxième et troisième génération tout à l'heure, que certaines fois on a l'impression qu'ils perdent leurs repères et qu'il n'y a pas de place au soleil pour eux, ils ne voient pas le bout du tunnel. Par contre, moi, je dois dire que, partout où je me déplace, partout où je vais, dans les facultés, dans les universités, j'ai l'occasion de croiser des professeurs, des chercheurs, des vice-présidents, des présidents, des directeurs généraux qui sont issus des communautés noires, et il y en a plein, et j'en vois plein. Je me dis: Mais comment ça se fait que les jeunes peuvent avoir cette impression-là que, pour eux, il n'y a pas d'exemples positifs, alors que ce n'est pas le cas? Il y a Bruni Surin au niveau du sport, Joachim Alcine. Il y a plein d'exemples positifs. Au niveau de la musique la même chose, les artistes, Normand Brathwaite, nommez-les. Il y a une panoplie d'exemples positifs autant pour les jeunes de deuxième, troisième génération que pour la communauté aussi qui... justement pour casser les préjugés, casser les tabous, les idées préconçues. Franchement, on ne peut pas dire que les communautés noires n'ont pas contribué à la prospérité du Québec, loin de là.

Mme Khabar-Dembil (Élisabeth): Je suis heureuse de vous entendre dire...

Le Président (M. Turp): En 30 secondes, 30 secondes. Elle a beaucoup parlé, la ministre, là.

Mme Thériault: Je m'excuse, mais c'est important de le dire.

Le Président (M. Turp): Non, non, mais ça va.

Mme Khabar-Dembil (Élisabeth): Ce sont les médias, Mme la ministre, qui nous boudent, qui ne mettent jamais en valeur ces personnes-là quand on les met dans nos calendriers. Et malheureusement les médias aussi ne font qu'état des petites choses négatives qui arrivent dans les communautés noires, mais, quand c'est positif, on ne les voit pas du tout. Et, vous avez vu, le Mois de l'histoire des Noirs, à part vous, juste pour chercher des petites bibites, on ne met jamais l'emphase de personnalités du calendrier. C'est ça qui est malheureux, c'est ça. Mais par contre, comme vous avez dit, on a beaucoup de joyaux dans les communautés noires. Merci de vous entendre dire ça.

Le Président (M. Turp): Très bien. Alors, je veux faire un commentaire au sujet du Tribunal des droits de la personne, et ensuite le député de Saint-Hyacinthe veut vous poser une question.

Je veux revenir... L'aide juridique, je crois qu'effectivement il y a une piste intéressante, là, pour voir si on peut libéraliser les critères qui permettent d'avoir accès à l'aide juridique s'il s'agit de cas de racisme et de discrimination. Mais, votre proposition, là, au sujet du Tribunal des droits de la personne, je vous invite à y réfléchir à nouveau parce que la proposition telle qu'elle est formulée, de passer par les cours civiles, ça pourrait être une proposition, si on la mettait en oeuvre, qui irait à l'encontre de votre volonté d'accélérer les choses, parce que, devant les cours civiles, ça prend plus de temps. Et en plus on n'a pas un accès facile aux cours civiles si on n'a pas les moyens et à moins qu'on ait de l'aide juridique. Alors, peut-être que la solution, c'est plus vers le Tribunal des droits de la personne, comme la ministre l'a suggéré tout à l'heure, en permettant au tribunal de se saisir ou d'être saisi plus rapidement parce que justement la Commission des droits de la personne tarde à régler un dossier. Alors, c'est peut-être plutôt vers cela qu'on pourrait tendre comme solution. Alors, je vous invite à y réfléchir, et je donne la parole au député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, M. le Président. Merci d'être avec nous encore, madame, pour nous parler de cette problématique tellement importante. Et, avant de poser ma question, je voudrais faire juste une petite observation sur laquelle je suis convaincu que vous allez être d'accord avec moi: c'est l'importance du rôle qui a été joué, depuis une quinzaine d'années en particulier, par les artistes de couleur sur la scène québécoise. Je pense que ça a eu un impact très considérable sur la perception que les gens ont des personnes issues de l'immigration. Et c'est dans la même période de temps que je pense qu'on a vu comme une espèce d'éclatement d'une certaine difficulté à être accessible et à accueillir les immigrants. Quoi qu'il en soit, c'est une observation que je fais. Je pense qu'un artiste qui réussit comme M. Brathwaite fait autant, sinon beaucoup plus, que bien des lois et bien des choses qu'on peut faire qui en fait ne jouent pas suffisamment sur les perceptions intimes des gens.

Mais, quoi qu'il en soit, dans la réalité, souvent quelqu'un qui vient d'arriver ici va avoir des problèmes très concrets: la difficulté de se trouver un logement ? la difficulté de se trouver un emploi, vous en avez parlé longuement, mais de se trouver un logement aussi ? parce qu'ils sont de couleurs, ou ces choses-là. Comment, dans la pratique, on peut réussir à lutter contre des choses comme ça? Parce que ce n'est pas toujours avoué que c'est pour des raisons de racisme, évidemment ce n'est pas toujours évident, là, à démontrer. Comment est-ce qu'on peut, de façon concrète, lutter contre ces comportements-là?

Mme Khabar-Dembil (Élisabeth): Pour contrer ces problèmes de logement, il y a des organismes communautaires qui sont spécialisés et qui se font des relations avec des propriétaires de logements, chose que souvent on ne voit pas dans les journaux. Quand c'est positif, on ne voit jamais quelque chose de positif dans le journal, hein? Quand ça va mal, oui, vous êtes en première page. Mais il y a beaucoup d'organismes. Il y a, entre autres... Je peux nommer un organisme qui est bien connu dans Montréal, c'est le ROMEL, dont nous faisons partie, qui est là aussi pour contrer ces problèmes discriminatoires pour l'accès au logement. Et c'est un organisme aussi qui travaille beaucoup avec les locataires, et c'est via les locataires qu'on peut sensibiliser pour éviter cette discrimination.

Dans les régions, je ne crois pas qu'il y a autant de problèmes qu'à Montréal parce que les organismes qui reçoivent les réfugiés qui arrivent au Québec déjà prévoient le logement pour ces personnes-là, tandis qu'à Montréal c'est le contraire. Alors, le premier jour qu'ils arrivent, il faut trouver ceci, il faut trouver cela. Mais par contre les organismes communautaires qui s'occupent de l'accueil et d'établissement des nouveaux arrivants, en général on est très bien équipés et on travaille beaucoup, beaucoup avec les propriétaires des logements. Donc, quand on a une bonne relation avec les propriétaires de logements, ça facilite les choses. Mais, quand les choses s'enveniment, quand il y a un locataire qui fait quelque chose de travers, c'est la communauté qui paie pour. Mais, que voulez-vous, on n'y peut rien, on vit avec. C'est à nous de rebâtir notre crédibilité auprès de ce propriétaire pour lui dire que ce n'est pas tout le monde qui est pareil, hein? Mais il ne faut pas se leurrer aussi: quand on a une pénurie de logements aussi, la crise est beaucoup plus aiguë.

Le Président (M. Turp): Mme Dembil, merci beaucoup pour cette deuxième présentation et votre contribution aux travaux de cette commission ce matin. Elle est très appréciée.

Mme Khabar-Dembil (Élisabeth): Est-ce que je peux dire quelque chose?

Le Président (M. Turp): Il vous reste quelques secondes, oui.

n (11 h 50) n

Mme Khabar-Dembil (Élisabeth): Voilà, je crois que l'histoire de l'aide juridique et les avocats, je crois que vous m'avez mal comprise, mais, moi, j'y reviens toujours, on parle de la lenteur, la Commission des droits de la personne, et non pas son efficacité. C'est important qu'on le sache. Et je ne dis pas de passer outre la Commission des droits de la personne, mais c'est pour que les personnes qui sont prises avec cette discrimination raciale puissent avoir accès rapide à un tribunal. C'est ça, le but.

Le Président (M. Turp): Bien compris, bien compris.

Mme Khabar-Dembil (Élisabeth): Merci beaucoup.

Le Président (M. Turp): Alors, merci encore pour vos travaux.

Et je suspends quelques instants, en invitant le prochain groupe, l'Association des Camerounais du Canada, à bien vouloir se présenter à la table de la commission.

(Suspension de la séance à 11 h 51)

 

(Reprise à 11 h 53)

Le Président (M. Brodeur): Nous allons continuer nos travaux et nous recevons maintenant l'Association des Camerounais du Canada. Donc, bienvenue en commission parlementaire. Comme vous avez peut-être pu le constater, je vous... De toute façon, je vous réexplique les règles de la commission: vous avez un temps maximal de 15 minutes pour présenter votre mémoire ? donc, si vous me voyez gesticuler après 13 ou 14 minutes, c'est que la conclusion devrait arriver ? et ce sera suivi d'une période d'échange avec les membres de la commission.

Donc, sans plus tarder, je vous demanderais de vous identifier pour le bénéfice du Journal des débats et de présenter immédiatement votre mémoire. La parole est à vous.

Association des Camerounais du Canada (ACC)

Mme Tonye (Rachel): O.K. Merci. Moi, je suis Rachel Tonye, donc présidente de l'Association des Camerounais du Canada. Je suis accompagnée aujourd'hui par Mme Aïssatou, qui est juste en arrière, qui est vice-présidente aux communications à l'association.

Donc, avant tout, je tiens à remercier la commission de nous donner l'opportunité de pouvoir présenter notre point de vue dans ce projet que nous jugeons très important, je pense, pour l'équilibre et la survie de la communauté, et d'une cohésion dans la communauté québécoise, et pour la pleine participation des Québécois de toutes origines.

Nous avons présenté un mémoire, je crois que vous avez tous eu le soin de le lire, je n'irai pas dans les détails de tous les points, mais je vais simplement ressortir les points essentiels que nous jugeons important de présenter devant vous, aujourd'hui. Donc, nous avons suivi essentiellement le document de consultation qui nous a été présenté pour essayer de répondre... trouver des pistes de solution, parce que nous ne prétendons pas avoir des solutions complètes, mais c'est des pistes de solution que nous présentons. Donc, le premier point qui touche la coordination des efforts; le deuxième point, la reconnaissance, reconnaître déjà qu'il y a discrimination, qu'il y a des préjugés et comment s'outiller pour pouvoir y répondre; et, le troisième point, comment renouveler nos institutions pour soutenir les politiques qui vont être mises en place.

Dans un premier temps, je vous dirais que, nous, la communauté camerounaise est une communauté qui se considère comme une communauté vulnérable à trois niveaux. Dans un premier temps, c'est une communauté noire ? ça se voit; dans un deuxième temps, c'est une communauté très hétérogène, dans la mesure où elle est composée de personnes anglophones, francophones, musulmans, chrétiens, animistes provenant de différentes religions qui ont constitué l'immigration, qui ont fait de l'Afrique ce qu'elle est aujourd'hui; mais également parce qu'elle est composée également d'une clientèle de personnes très scolarisées qui ont beaucoup de difficultés à pouvoir intégrer le marché du travail dans leurs domaines de compétence. Donc, on est touchés à différents niveaux et de différentes façons dans les problématiques qui touchent l'immigration. D'un autre côté, ça peut paraître comme un handicap, mais nous jugeons que c'est également une force sur laquelle le gouvernement du Québec peut se baser pour pouvoir mobiliser rapidement, parce que, quand on a des gens très scolarisés, il ne leur manque pas beaucoup pour faire la mise à jour des connaissances pour pouvoir s'intégrer sur le marché du travail et participer pleinement.

Donc, dans un premier temps, nous jugeons que c'est essentiel et c'est très important que, dans toute politique, le gouvernement se dote d'un outil qui va jouer le rôle de veille pour identifier toutes les problématiques entourant le racisme et la discrimination, jouer le rôle de veille également pour mobiliser, pour initier les actions, pour coordonner les actions, pour également faire le portrait de la situation dans le but de pouvoir mettre en place les politiques, mais pouvoir faire le suivi également au niveau de ce qui est mis en place, mais également pouvoir éduquer la population, parce qu'on pense qu'avant tout ce n'est pas nécessairement une question de racisme, mais c'est une question d'éducation, une question de cohabitation, d'information avant toute chose. Cet organisme-là, nous l'appelons l'observatoire sur le racisme, que nous jugeons essentiel et qui va travailler en collaboration avec les structures déjà existantes. Elle ne viendrait pas duplicater, mais elle viendrait appuyer, coordonner mais également donner une direction et faire le point sur ce qui se passe. On a élaboré un peu plus en détail dans le mémoire. Je laisserais le soin plus tard, pendant les questions... s'il faut qu'on y revienne.

Dans un deuxième temps, nous avons au niveau de la stimulation... c'est ça, un autre point qui concernait: Est-ce que tout ce qui concerne le racisme doit être publicisé? Oui, ça doit être publicisé, ça doit être connu, pas dans le but de sanctionner avant tout, mais avant tout dans le but d'informer. Parce que beaucoup de gens dans la population ne sont pas conscients de ce que représente le racisme et puis l'impact que ça joue au niveau des différentes communautés, que ce soient les personnes nées ici ou des personnes immigrantes. C'est une question d'ignorance beaucoup d'après nous, et on a le devoir d'informer ces personnes-là.

n (12 heures) n

L'autre point que nous jugeons important, c'est au niveau de l'éducation et de la sensibilisation des populations. À ce niveau-là, je vous donnerais un exemple. Quand un être humain naît, peu importe la société où on naît, un enfant n'a aucun schème de valeurs préconçu. Oui, il naît avec des gènes, mais on n'a aucun schème de valeurs préconçu. Donc, moi, si j'avais été élevée et éduquée en Asie, j'aurais peut-être la peau noire, mais j'aurais une façon de faire, des schèmes de valeurs, des normes sociales reconnues qui seraient plus de quelqu'un qui vient de l'Asie ou non, d'où le rôle pour nous d'informer avant tout, une éducation de masse dont les préjugés, le racisme viennent du fait qu'on ne connaît pas l'autre. On n'est pas informés. On ne sait pas quel est l'apport des communautés culturelles ici. On ne sait pas d'où elles viennent. On ne comprend pas pourquoi on met le turban, pourquoi ils se percent l'oreille. D'après nous, tout passe par l'éducation, autant à l'école, au niveau des médias, au niveau de la police, dans ces différents points. Donc, en résumé, je vous dirai que, pour nous, c'est vraiment un grand rôle de mobilisation avant tout qui doit être mis en place pour redonner une autre image dans la communauté. Pour passer ces valeurs-là, je pense qu'au niveau du mémoire on l'a présenté à différents niveaux. Donc, si je devais ressortir les points principaux, pour nous ce serait ça.

Dans un deuxième temps, cette sensibilisation-là devrait être très, très présente au niveau des gestionnaires: Quand on parle de l'emploi, mais pourquoi je n'engage pas quelqu'un d'une autre communauté? Bien, parce que je ne sais pas, je ne suis pas certaine que cette personne-là a des compétences suffisantes pour pouvoir répondre aux besoins de l'emploi. Donc, il faudrait que les gestionnaires, ceux qui prennent des décisions en termes d'embauche aient une ouverture. Mais, l'ouverture, ils l'ont à partir du moment où ils sont confrontés à la différence. À partir du moment où ils comprennent cette différence-là, ils sont outillés pour pouvoir être sensibles, pour pouvoir détecter: Si je passe le test de sélection, est-ce qu'elles sont biaisées ou non? Le fait que cette personne-là me regarde dans les yeux ou baisse la figure, est-ce que c'est un trait culturel ou c'est parce qu'elle a un regard fuyant, donc elle n'est peut-être pas honnête? C'est tous ces éléments-là qui font que j'engage ou non une personne.

Au niveau des médias, c'est la même chose. J'entendais la dame avant nous en parler. Je ne reviendrai pas là-dessus. Quand je regarde l'émission La petite vie, est-ce que La petite vie représente le Québec d'aujourd'hui? Je dirais non. La petite vie représente un moment de l'histoire du Québec. Ce serait important, ce serait le fun d'avoir des émissions qui reflètent la société québécoise aujourd'hui, qui fait que, quand on se regarde à la télé, on se dise: Bien là, je vois la société québécoise. Ça pourrait aider beaucoup, au niveau des schèmes de valeurs, pour préparer les gens à comprendre beaucoup mieux l'implication et le rôle des communautés culturelles dans notre société.

Au niveau de la police, au niveau des médias, au niveau de la justice, je dirais que tout ce qui est ce qu'on appelle, je dirais, le terme en anglais «soft skills», non... les compétences essentielles, c'est important au niveau du savoir-être, au niveau du savoir-faire. Tous les métiers en lien avec le public sont très... ces personnes-là doivent prêter une attention particulière pour pouvoir sensibiliser ces personnes-là, pour pouvoir... Dans la police, un juge, les gens au niveau des droits de la personne, pour nous ça tourne vraiment autour de la sensibilisation de ces personnes-là, mais également de savoir choisir la bonne personne à la bonne place, parce que, toutes ces personnes-là, c'est par elles qu'on éduque.

On éduque un enfant à l'école. On l'éduque dans les médias. On l'éduque par une émission de télé, on l'éduque par un festival ou un débat qu'il entend à la radio. On l'éduque quand il arrive, quand il voit, il regarde une émission, puis là on dit: Bien là, c'est encore un immigrant puis... Je pense que c'est à partir de là. Ce n'est pas juste l'enseignant à l'école qui va éduquer. C'est un rôle qui est dévolu à chacun d'entre nous, à toutes les couches de la société. Donc, c'est pour ça que nous pensons, nous, à l'Association des Camerounais, que c'est avant tout une question d'éducation pour se réapproprier des nouvelles normes. On est dans une société plurielle, mais on vit avec différents microenvironnements à l'intérieur de chacune des communauté. Cette intervention-là doit se faire également dans les communautés culturelles pour éduquer, informer ces gens-là.

Moi, je suis au Québec depuis 19 ans. Je commence ma 20e année. Mais, le week-end dernier, je pense, j'ai assisté au festival de Côte-des-Neiges, le premier arrondissement où j'ai loué un appartement quand je me suis inscrite aux HEC, en arrivant. Donc, j'ai assisté à cette activité-là, puis le responsable de la Société d'histoire de Côte-des-Neiges nous a... On a fait un tour du quartier puis on nous a présenté Côte-des-Neiges dans l'histoire d'antan, l'évolution, et tout, et j'ai appris à aimer ce territoire-là. Pourtant, j'ai habité neuf ans à Côte-des-Neiges. Donc, après 19 ans, aujourd'hui, là j'ai eu quelque chose qui m'a permis de m'enraciner.

Donc, la sensibilisation des personnes immigrantes à la société québécoise pour qu'ils l'aiment, pour qu'ils l'apprécient, pour qu'ils le considèrent comme un nouveau chez-eux, ça, c'est un élément qui n'est peut-être pas assez fait, c'est peut-être négligé. Parce que, pour qu'on comprenne les normes d'une société, pour qu'on se les approprie puis qu'on ait le goût de partager puis de ne pas se retrouver dans notre ghetto, entre nous, bien il faudrait à ce moment-là qu'il y ait une sensibilisation à la société, à la culture, pour inviter les échanges culturels autant au niveau de la personne qui vient que des personnes qui sont là. Ça, c'est un autre élément qu'on jugeait qui était très important et que je voulais souligner en commission. Je pense qu'on le ressort à différents niveaux.

Le dernier point que je voulais souligner... Parce qu'au niveau de l'emploi on l'a élaboré beaucoup dans les documents, il y a un point également que je jugeais important pour susciter la participation des gens de communautés. Dans notre communauté, j'ai parlé d'un taux de scolarisation très élevé. Les gens, quand ils arrivent à trouver un emploi, ont beaucoup de difficultés à pouvoir avancer dans leur profession à cause du racisme, à cause du manque de confiance, à cause des problèmes de valorisation. Donc ça, ce serait important au niveau de la sensibilisation des gestionnaires pour permettre à ces personnes-là de pouvoir évoluer.

Au niveau des structures à l'interne également, j'ai parlé, par exemple, de mettre en place une politique un peu comme celle qu'on fait actuellement pour augmenter le nombre de femmes dans les conseils d'administration. Pourquoi les communautés culturelles ne pourraient pas être considérées par une telle mesure? Je pense que ce serait important parce que, quand on est dans les sphères décisionnelles, on comprend mieux, on est plus outillé pour pouvoir répondre à ce genre de problématique là.

On a parlé également de mettre en place une banque de ressources, parce que beaucoup d'institutions nous disent: Bien là, on n'atteint pas le seuil minimum requis pour engager les personnes de minorités, parce qu'on ne les voit pas, on n'est pas informé, on ne le sait pas, ils ne postulent pas. Mais ce serait peut-être intéressant, en faisant la sensibilisation, de greffer aux ressources qui existent déjà un genre de répertoire systématique qui permet que ces personnes-là s'enregistrent, de telle sorte que, bien, les compagnies auraient ou les institutions gouvernementales auraient accès à une banque de ressources, de personnes qui postulent à des emplois. Bien entendu, des programmes d'accompagnement, de soutien, d'aide à l'emploi, de comprendre comment se fait une recherche d'emploi ici, ce serait important. C'est ça.

Donc, je vois qu'on me fait des signes, je vais conclure, merci. Le dernier point par lequel je vais terminer, c'est le fait qu'on est surpris qu'il n'y ait pas assez de plaintes dans les communautés, alors que c'est des communautés qui vivent beaucoup de racisme. Je vous dirais: Avant tout, c'est une question de confiance. Si je ne suis pas certaine que ma plainte va aboutir, bien je n'ose pas le faire. Dans un premier temps, je vous dirais que c'est essentiellement ça, mais également les gens ne sont pas informés, ne sont pas outillés, ne connaissent pas les recours qu'ils ont et comment aller utiliser ces recours-là. Encore là, on revient à une question d'information, on revient à une question de sensibilisation, de travailler avec des gens, les intervenants à différents niveaux, pour informer les personnes au niveau des recours et les accompagner dans ces démarches-là. Ça peut prendre la forme de l'accès à l'aide juridique, comme je l'entendais tantôt, mais ça peut prendre différentes formes. On ne voulait pas nécessairement élaborer en détail sur ces points-là.

Donc, en gros je terminerais. Étant donné que le temps est écoulé, je vais plus laisser le soin aux autres points qu'on n'a pas touchés dans le cadre des questions, parce que je pense que vous avez parcouru le mémoire puis vous avez quand même une bonne idée de ce que nous proposions. Merci beaucoup.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Mme la ministre.

n (12 h 10) n

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Merci, Mme Tonye. Vous avez touché tous les points du document de consultation, vous avez beaucoup de pistes de solution. Merci pour votre contribution. Je vais essayer d'être brève. Parce que vous avez parlé des médias, puis ma collègue voudrait vous en entretenir.

Je vais commencer par l'organisme que vous proposez, l'espèce d'observatoire, entre guillemets, on va l'appeler comme ça. Est-ce que vous ne croyez pas que, bon... Parce que vous suggérez la création d'un observatoire pour pouvoir suivre l'évolution. Est-ce que vous ne pensez pas que les différentes instances qu'on a déjà au Québec, que ce soit le CRARR, qui est un organisme qui travaille très fort sur le terrain, que ce soit la Commission des droits de la personne, que ce soit le CRI, le Conseil en relations interculturelles, qui est l'organisme gouvernemental qui relève de mon ministère, qui sera ici, aujourd'hui, aussi... Il y a déjà différentes instances qui existent. Ne pensez-vous pas qu'on pourrait les mettre à contribution peut-être un peu plus, en modifiant, en ajoutant, en aidant...

Mme Tonye (Rachel): Je pense qu'on pourrait les mettre en contribution, mais parfois trop c'est comme pas assez. Je crois qu'on a beaucoup d'organismes, ils sont fragmentés, puis parfois la main gauche ne sait pas ce que la main droite fait, et c'est très difficile. Et parfois ils ont des missions qui ne vont pas nécessairement toutes dans le même sens. Parfois, les modes de financement, les modes d'imputabilité ne sont pas nécessairement les mêmes. C'est pour ça qu'on suggérait vraiment un organisme qui ne serait pas nécessairement un organisme formel, avec pignon sur rue, mais ça pourrait être comme un genre de commission ou de comité. Parce que je comprends également le but de ne pas multiplier les paliers d'intervention. Mais ce serait important pour pouvoir donner une direction, pour pouvoir faire une veille mais surtout s'assurer qu'on ait des objectifs réels, des livrables réels à atteindre dans un délai précis pour pouvoir faire des recours également et pouvoir surtout mener et suggérer des politiques. Parce qu'il faut un porteur et un leadership dans chaque dossier. C'est comme ça que nous voyons le rôle de cet organisme ou ce comité, appelez-le comme vous voulez, ce n'est pas une question de terminologie pour nous.

Mme Thériault: D'accord. Merci.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Bellechasse.

Mme Vien: Bonjour, chère madame. J'aurais un petit commentaire à faire, que je souhaite par ailleurs que vous puissiez vous-même commenter par la suite, et vous poser une question relativement aux médias régionaux. Vous savez, les médias régionaux vivent une situation bien particulière par rapport aux diffuseurs nationaux.

D'abord, j'avais l'impression, moi ? et vous pourrez me corriger ? que la situation s'améliorait, peut-être reste-t-il encore beaucoup de travail à faire, mais que la situation s'améliorait notamment chez nos diffuseurs, que ce soit dans les publicités, que ce soit dans les téléromans, les émissions, bon, les quotidiennes que l'on voit à la télé, à la radio. Par exemple, les musiques du monde sont de plus en plus présentes, les gens sont de plus en plus friands de ça aussi, que ce soit également dans les restaurants. Et également, dans le monde de l'information, on voit arriver des gens de couleur qui sont à l'écran, et c'est une excellente nouvelle. Est-ce que je me réjouis trop de ces avancées, c'est-à-dire est-ce que je ne suis pas un peu trop enthousiaste par rapport à ce qui se passe et que je ne suis pas consciente du travail énorme qu'il reste encore à faire? Qu'est-ce que vous me répondez là-dessus?

Mme Tonye (Rachel): Bien, c'est sûr qu'on peut toujours dire que le verre est à moitié vide ou il est à moitié plein. C'est sûr que chaque gain est quelque chose d'intéressant qu'il faut apprécier. C'est vrai que, ce que vous dites, il y a eu une grosse évolution. Quand je suis arrivée ici, il y a bientôt 20 ans, versus aujourd'hui, dans les publicités, il y a... C'est sûr qu'on a franchi un pas énorme. Mais on a encore beaucoup de chemin à faire, sinon on ne serait pas ici, aujourd'hui, vous et moi. Donc, si on est encore ici, aujourd'hui, et si on vit encore des tensions, qu'on vit... Moi, dans mon autre chapeau que je porte, je suis intervenante responsable de programmes dans un établissement collégial puis je rencontre plein de personnes qui sont à différents niveaux. Donc, on ne vivrait pas ces éléments-là. Je pense qu'on a un gros travail de sensibilisation à faire.

Moi, je me considère comme quelqu'un de pleinement intégré, pleinement structuré, dans la mesure où j'ai quand même beaucoup d'outils que peut-être certains immigrants n'ont pas. Mais je crois que, quand on essaie... Parce qu'il y a beaucoup de barrières qui sont invisibles, qu'on ne voit pas jusqu'à ce qu'on soit confronté à ça. Moi, mes collègues... J'assiste à beaucoup de comités, beaucoup de rencontres. La semaine dernière, j'étais à un colloque à Sainte-Adèle. J'étais la seule personne noire dans ce colloque-là. Je ne le vois plus, moi, mais ce n'est pas normal que ce soit comme ça. Ce n'est pas normal qu'en 2000 je sois la seule personne... la première personne qui a un poste de professionnelle dans l'institution où je suis. Ce n'est pas normal, alors qu'on a tant de compétences.

Donc, on a un travail de fond à faire, et je pense que c'est le temps de le faire maintenant. Sinon, ce serait comme un gaspillage de ressources. Et quelque part on s'assoit et on ne peut créer que de la frustration, puis la frustration qui crée une dévalorisation de la personne, qui quelque part, d'ici quelques années, peut nous amener des problèmes insoupçonnés. Puis je pense qu'on n'a pas besoin de ça. On a une société beaucoup trop agréable pour pouvoir gaspiller toutes les ressources qu'on a. Donc, c'est ça que je vous dirais: Oui, on a fait beaucoup de chemin, mais j'aimerais pouvoir, moi, quand je me présente quelque part, ne pas me poser la question de savoir... Puis on le voit, il suffisait... Si on pouvait changer, pour moi et vous, là, juste une journée, puis vous arrivez à certaines places, vous seriez surpris de ce que vous verriez. C'est juste ça.

Mme Vien: Merci. Une dernière petite question. Vous parlez, dans votre mémoire, de sensibiliser davantage le personnel des médias, également, au niveau de la programmation, de faire des efforts supplémentaires. Est-ce que vous avez réfléchi à la contribution qui pourrait provenir des médias régionaux? Parce que c'est complètement deux mondes. Est-ce que vous avez réfléchi à cette question-là sur le média régional, souvent plus petit, avec des moyens plus petits, confronté à une réalité qui est différente, par exemple, de celle de Montréal?

Mme Tonye (Rachel): Quand vous parlez de régional, région, en région ou au niveau de la localité? Juste m'éclairer.

Mme Vien: Ah! Bien, en milieu rural particulièrement.

Mme Tonye (Rachel): Ah! En milieu rural. Je vous dirais franchement: Non, je n'y ai pas réfléchi, j'aimerais bien pouvoir échanger là-dessus. En passant, dans le mémoire, on insiste de pouvoir informer les gens des populations... des immigrants pour qu'ils puissent... de nos communautés pour qu'ils s'établissent en région, parce qu'ils pourraient se plaire très bien là-bas. Non, je n'y ai pas pensé, mais ça nous ferait plaisir d'échanger là-dessus, si l'occasion se présente.

Mme Vien: Mais je comprends que les médias...

Mme Tonye (Rachel): C'est plus la réalité de Montréal pour l'instant, oui.

Mme Vien: Exactement, les médias de masse, oui, je... Merci.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. Mme Tonye, je vous remercie, c'était très enrichissant, votre présentation. D'ailleurs, votre mémoire, je dois admettre qu'il est très complet. Et vous faites le tour de nombreuses problématiques, notamment l'emploi, la sécurité sociale, la justice, la famille, la régionalisation. Et je vous remercie de vous être présentée devant nous, ce matin.

J'aimerais aborder avec vous ? on en a discuté tout à l'heure ? la question de l'observatoire sur la diversité. Je me demandais: Comment vous l'imaginez, cet organisme? Est-ce que vous l'imaginez être indépendant du gouvernement?

Mme Tonye (Rachel): Je pense qu'il devrait être indépendant du gouvernement, étant donné que le gouvernement est un employeur. Et pour l'instant je ne pense pas nécessairement... C'est sûr qu'un peu comme la commission parlementaire indépendante du gouvernement on n'est pas ici pour un parti ou un autre. D'ailleurs, l'Association des Camerounais est apolitique, et c'est la raison pour laquelle on choisit de se positionner comme ça. Et je pense que, quand on parle d'une politique d'intégration, d'immigration ou de services à la population, on ne parle pas d'un gouvernement, on ne parle pas d'une orientation politique, on parle d'une vision de société. Une vision de société devrait se mettre au-delà de ces points-là, dont une certaine neutralité, une certaine vision à long terme également, les gouvernements puis les institutions. Je pense que, la dernière fois qu'on a présenté un mémoire ici, c'était Michael Fogaing, mon prédécesseur. Aujourd'hui, c'est moi. Mais nous sommes des outils dans l'Association des Camerounais, on n'est pas l'association. C'est la même chose que je vous dirais, oui.

Mme Lefebvre: O.K. Et puis quel type d'outils vous pensez qui devraient être mis à la disposition d'un tel observatoire? Et vous parlez, bon, d'une certaine indépendance, est-ce que c'est le milieu universitaire qui devrait en avoir la charge ou...

Mme Tonye (Rachel): Non, je ne penserais pas, je ne penserais... Autant je dis que le gouvernement ne devrait pas, je ne vois pas pourquoi le milieu universitaire devrait, étant donné que c'est la même chose. Je pense qu'il faudrait vraiment...

Mme Lefebvre: Civil?

Mme Tonye (Rachel): ...qu'il y ait un certain mandat clair qui soit donné. C'est sûr que ça demande une volonté politique, et, à ce niveau-là, le gouvernement a un rôle à jouer, tout comme ça demandait une volonté politique pour mettre en place une commission pour développer une politique. Donc, on ne peut pas le dissocier de l'action politique dans l'initiation et donner la direction à ce qui est à faire, mais il faudrait effectivement s'assurer qu'elle soit un peu comme un ombudsman: ne devrait pas être au service des uns ou des autres. C'est comme ça que je le vois, comme un genre d'ombudsman institutionnel mais, dans ce cas-ci, avec des livrables, et non pas juste des recommandations, des suivis, une veille, une direction, des projets qui vont outiller autant l'individu que les institutions, autant publiques que privées, à différents niveaux.

Mme Lefebvre: O.K. Donc, l'indépendance, c'est vraiment dans le fond l'important.

n (12 h 20) n

Mme Tonye (Rachel): Ah! Bien, c'est sûr que ça va de soi qu'il faut qu'il y ait indépendance dans toutes les actions qu'on a émises, parce que, comme je dis, la sensibilisation doit se faire autant au niveau des communautés que des différentes instances. Parce qu'il ne s'agit pas ici de trouver des coupables, de dire: Bien là, les communautés culturelles sont victimes, ou: La société d'accueil est raciste. Ce n'est pas de ça qu'il s'agit. Il s'agit d'une mobilisation de tout le monde parce que tout le monde a son rôle à jouer là-dedans pour s'assurer qu'on ait une société plus équitable et plus agréable.

Mme Lefebvre: Sur un autre thème, en tout cas vous faites une proposition que je trouve particulièrement intéressante, notamment celle de la mise en place d'un programme pour faire la promotion des emplois disponibles en région, donc faire cette promotion, j'imagine, près de la métropole, où se retrouvent les plus grandes concentrations. Donc, je voulais vous mentionner que je considérais que c'était une très bonne proposition parce que, je le constate moi-même dans mon comté, par exemple dans Parc-Extension, souvent les gens n'ont peut-être pas conscience des opportunités qui peuvent exister ailleurs au Québec.

Puis, dans la même veine, à la page 7, vous proposez la mise sur pied de programmes et de mesures d'aide et d'accompagnement aux populations des groupes les plus vulnérables. J'aimerais vous entendre là-dessus. À quoi pourraient ressembler ces programmes? Est-ce que vous aviez des idées en tête, des propositions?

Mme Tonye (Rachel): C'est sûr que, comme on le disait un peu plus loin, vers la fin du document, les personnes qui sont victimes de racisme, qui sont des groupes les plus vulnérables en général, ça limite beaucoup les personnes au niveau psychologique, au niveau de leurs... Ils sont moins outillés, à ce moment-là, pour pouvoir se reprendre en main. Donc, tout ce qui est service d'accompagnement au niveau de la prise en charge de la personne qui, à ce moment-là, n'a plus tout ce qu'il faut pour pouvoir toute seule, ce serait intéressant.

Également, tout ce qui est aide, accompagnement à la recherche d'emploi, ça a l'air anodin, ça se fait actuellement, mais ça se fait de façon un peu trop, je vous dirais... Je le disais tantôt, juste de savoir, bien, quand je vais chercher un emploi, où sont les ressources dans l'emploi, les offres... Bien, oui, quand on est là-dedans... J'ai travaillé, il y a 10 ans, dans un CEDEC, moi, je le sais, mais vous n'avez pas idée du nombre de personnes qui ne le savent pas que ça existe. Il n'y a aucune promotion qui est faite là-dessus auprès des personnes, de nouveaux arrivants. Mais pas juste de nouveaux arrivants, même la personne qui est là depuis 12 ans, en général, qui allait à l'université, qui a terminé une maîtrise, un doctorat, puis là il ne sait pas qu'il y a un CLD, il ne sait pas qu'il y a un centre un peu comme celui que gère la madame qui était ici avant moi, il ne sait pas comment on fait pour aller... Parce que parfois, quand ils ne trouvent pas d'emploi, ils se replient dans des besoins de survie. Ils vont aller chercher le premier emploi qu'on leur donne. Donc, tout cet accompagnement de première ligne là que, moi, j'appellerais l'essaimage.

Et là, je pense, ce serait important d'outiller les associations à l'intérieur de ces communautés-là pour permettre aux gens de faire le pont pour les aider à participer, à aller utiliser les ressources existantes. Donc, c'est vraiment en amont des interventions qui sont faites maintenant, pas qu'elles ne sont pas efficaces, mais elles le sont quand les personnes vont les chercher. Mais l'immigration de gens, en soi c'est un pas énorme qu'on fait. Et, dépendamment d'où on se situe, quand les personnes arrivent, certaines rentrent comme réfugiés, d'autres rentrent... donc c'est important d'inciter les gens à savoir quelles sont les ressources qui sont offertes et les utiliser efficacement, en plus de sensibiliser les gens qui vont les accueillir une fois qu'ils ont fait appel à ces ressources-là.

Mme Lefebvre: Mais d'ailleurs, dans ce sens-là, moi, j'ai remarqué que, sur le terrain, à quelques occasions, il y a des intervenants, des fonctionnaires notamment du ministère de l'Immigration, qui sont présents dans certaines activités. Puis, à ce moment-là, ça permet un meilleur lien puis en tout cas une information qui se diffuse à travers soit les organisations ou les communautés. Puis, à chaque fois qu'ils ont été présents, j'ai remarqué l'importance qu'ils avaient, sur le terrain, justement pour faire la promotion des différents programmes ou des différents événements. Puis je pense que ce serait une voie à favoriser puis à accroître finalement, cette présence-là, question de faire le lien entre ce qui se fait au niveau de l'État québécois puis ce qui se vit sur le terrain.

Mme Tonye (Rachel): Oui, mais, je dirais, de façon structurée, pas, disons, dans un cadre juste de «PR», dans un événement, mais concrètement, je dirais, concrètement, dans les faits, pour que, bien, des emplois soient disponibles. Je ne sais pas, là, si je suis, moi, bien outillée pour savoir si je peux postuler dans un poste au gouvernement. On fait comment, là, pour faire ça? Je ne suis pas certaine que beaucoup de personnes dans la société le savent, même des personnes nées ici. Combien de fois celles qui viennent et qui ont une certaine compétence, dont ma formation en économie, me disent: Bien, c'est une ressource... c'est une perte énorme de main-d'oeuvre qu'on a. Ça veut dire, c'est comme si j'avais, moi, une liasse d'argent puis que je le mettais à la poubelle. Donc, j'ai une liasse de compétences disponibles, puis là, bien, je ne l'utilise pas. C'est exactement ce qu'on fait.

Donc, je dis: Le gouvernement québécois n'investit pas pour former ces personnes-là qui arrivent déjà... disons, investit pour les former une fois qu'elles sont ici, mais elles ont été formées quelque part en Europe, en Afrique, en Asie, partout. Elles sont là, on a besoin de main-d'oeuvre. J'écoutais, hier, à la radio, en allant au travail, qu'il y a une étude qui a été faite au niveau des pays de l'OCDE, je dirais, et où il y a une baisse importante au niveau du taux d'inscription au niveau collégial puis universitaire. Et on est dans une société de savoir qui a besoin de ces ressources-là pour garder une certaine compétitivité. Et, nous, on a une main-d'oeuvre qualifiée qu'on se bat, qu'on se fend d'aller chercher partout dans le monde...

Il faut voir la publicité qu'on fait à l'étranger pour vanter les mérites: Bien là, allons-y au Québec, puis là il y a de l'emploi. Puis ça crée des attentes. Là, les gens arrivent, puis il n'y a pas de cohésion puis de structure, d'où le rôle d'une structure comme l'observatoire qui va essayer de recoller tous ces morceaux-là puis redonner une direction. La bonne volonté est là, ce n'est pas une question de mauvaise volonté, mais c'est une question de planification puis de se donner une certaine direction de façon coordonnée.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Il nous reste une banque de temps de trois minutes pour le parti ministériel et de 1 min 30 s pour l'opposition. Donc, Mme la ministre.

Mme Thériault: Merci. Je continuerais sur ce que vous avez dit. Trois minutes, c'est très court, puis il me semble que j'aurais plein de choses intéressantes à vous dire. Notamment, vous avez parlé des nominations des membres des minorités visibles dans les conseils d'administration. J'aimerais préciser ici, aujourd'hui, que, lorsque la loi a été déposée, oui, nous avons parlé des femmes à 50 % sur les postes des conseils d'administration mais que les groupes cibles aussi, nommément les membres des minorités visibles, les autochtones, les personnes handicapées, doivent être représentatifs dans les sociétés d'État dorénavant, et c'est dans le projet de loi. Donc, les membres des minorités visibles n'ont pas été oubliés, au contraire elles sont partie prenante également. Nous l'avons dit, mais il faut croire que les médias quelque part n'ont pas retenu ce petit bout là, ils n'ont focussé seulement que sur les femmes.

Je reviendrai sur l'information qui est disponible. Vous savez que, depuis maintenant un an, on a ce qu'on appelle le guide Apprendre le Québec, qui parle justement de ce qu'on doit faire au niveau de la reconnaissance du diplôme étranger. Parce que vous parlez de cette richesse que nous avons, qui est à portée de main et qu'on ne tient pas compte. Je tiens à vous dire qu'il y a des travaux énormes qui ont été faits, depuis maintenant deux ans, trois ans, sur la reconnaissance du diplôme étranger. Il y a 11 ententes qui ont été signées avec des ordres professionnels. Il y a 14 ententes qui sont en négociation présentement avec d'autres ordres professionnels pour trouver les moyens d'évaluer justement l'expérience qui a été acquise dans un pays étranger, la valeur d'un diplôme à l'extérieur. Parce qu'effectivement le Québec a besoin de ressources, a besoin de main-d'oeuvre qui est qualifiée.

Vous l'avez dit, on fait la promotion du Québec en disant que nous avons des emplois à occuper. Malheureusement, dans le passé, on n'a pas attaché la réalité de pratique avec ce que nous allons chercher comme immigration qui était fortement scolarisée pour répondre à nos besoins, on a oublié d'attacher un bout. Depuis trois ans, le présent gouvernement s'affaire à attacher énormément les fils, notamment avec les ordres professionnels, pour que justement on puisse mettre à contribution cette main-d'oeuvre-là. Et il est évident qu'une politique pour lutter contre la discrimination va ajouter par-dessus pour s'assurer que tout le monde puisse avoir sa place dans notre société, parce que ce qu'on veut, c'est une société qui est égalitaire.

Donc, évidemment, toutes les recommandations que vous faites seront analysées avec beaucoup d'attention. Vous avez certainement contribué à enrichir beaucoup le débat aujourd'hui. Mais ce n'est pas fini, il y a encore des affaires à faire. On en a fait, là, mais il en reste encore.

Mme Tonye (Rachel): C'est sûr qu'il y a toujours des affaires à faire, puis l'important, c'est toujours faire une marche de plus, tout le temps. Mais, je pense, dans ce cas-ci, on a besoin de faire un bon coup de barre pour s'assurer qu'on arrive à un minimum, parce que je pense qu'on est loin du minimum encore. Il y a des efforts qui ont été faits, mais on a besoin d'atteindre un certain minimum, qui ne devrait pas être la cible, la cible ne devrait pas être le minimum.

Mme Thériault: On s'entend. Merci.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Pour une dernière question, Mme la députée de Terrebonne.

n (12 h 30) n

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, merci infiniment, Mme Tonye, pour votre mémoire, votre contribution. C'est un mémoire vraiment très, très, très complet, beaucoup de propositions. J'aime beaucoup toute la question qui touche l'accès à l'emploi, la banque électronique de compétences, ça m'apparaît extrêmement intéressant. Je vais vous poser ma question sur un sujet qu'on a moins abordé depuis qu'on a commencé la commission. Vous abordez, dans votre mémoire, la question des préjugés, des incompréhensions culturelles au niveau de l'accès puis de l'adaptation des services aux personnes, donc dans la section santé, services sociaux. Voulez-vous nous en parler un petit peu?

Mme Tonye (Rachel): C'est sûr, moi, dans une autre vie, j'étais coordonnatrice d'une association de femmes africaines, et on a beaucoup de membres. On a travaillé beaucoup avec des CLSC pour des aidants à domicile, par exemple, qui vont donner des soins aux malades. Et il arrive des drames terribles où la répartitrice est obligée de rappeler la personne parce qu'il ne veut pas être touché parce qu'on lui a envoyé une personne noire à la porte. Et ça existe encore donc à l'époque où on a une pression sur le système de santé, où on manque de ressources puis on en a besoin, donc. Et là encore c'est une question de sensibilisation, d'éducation, de compréhension.

L'immigration arrive de différentes façons également, comme je dis, et parfois les personnes n'ont pas nécessairement le physique avec cheveux attachés, tailleur. Si j'étais arrivée ici avec mon pagne africain puis tout le reste, peut-être que ça aurait fait un petit peu... Donc, la dame qui est arrivée il n'y a pas longtemps, puis il y a eu de la guerre chez elle, puis arrive avec ses enfants, elle venait de la campagne ? je caricature un peu, mais c'est un peu pour répondre ? puis qui arrive avec son pagne, son enfant attaché au dos, puis tout, et encore ça: Ah! Bien là, vous attachez comme ça, bien on le fait mieux, plus dans le ventre. Vous avez beaucoup, beaucoup de préjugés comme ça.

Je vous donne un exemple. On a un membre de la communauté camerounaise qui est tombé gravement malade l'été dernier ? il enseigne à Winnipeg, je pense. Il est venu ici en vacances puis il est tombé gravement malade. Et culturellement, pour nous, c'est important, quand quelqu'un est malade, d'aller lui rendre visite. Ce n'est surtout pas le temps de se cacher. Pour nous, c'est important d'aller rendre visite à la personne puis c'est agréable pour elle. Mais on était confrontés à un problème parce que, là, on était beaucoup trop nombreux à vouloir venir lui rendre visite, d'autant plus qu'il était dans une salle qui était aseptisée puis qu'il fallait... puis problème budgétaire, problème de gestion, et ce n'était pas facile de le faire comprendre aux intervenants.

C'est sûr que, nous, on a un pas à faire aussi, mais juste des exemples comme ça pour vous montrer que, oui, dans un cas, oui, il y a un problème budgétaire ou bien, oui, pour eux, là, juste pour un malade, bien on va vider le stock des masques à l'étage. Mais, pour nous, c'est un drame de dire: Bien là, il peut y passer, on ne peut pas passer ses derniers moments avec lui. Donc, il y en a beaucoup d'autres, des exemples comme ça qui sont... Donc, je parlais de l'enfant dans le dos, de la façon de l'allaiter ou non, de la façon dont c'est... au moment de l'accouchement, est-ce qu'on le garde avec bébé? Donc, beaucoup d'éléments comme ça qui peuvent paraître...

Mais tout est dans la manière de le faire. Donc, parfois, peut-être juste informer la personne, mais sensibiliser le personnel qui est là aussi, mais sensibiliser les personnes qui arrivent, aussi, par des activités d'éducation populaire, ça peut être juste une conférence, ça peut être une petite activité 5 à 7, donc à différents niveaux, ça peut être un petit sketch dans une émission qu'il a vue puis: Ah! Bien oui! Parce que c'est comme un effet miroir, hein, la télé, quand on la regarde. Ça devrait l'être, je suis certaine de ça.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Donc, je remercie l'Association des Camerounais du Canada.

Et je vais suspendre nos travaux jusqu'à 14 heures, cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 34)

(Reprise à 14 h 3)

Le Président (M. Brodeur): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons débuter immédiatement nos travaux pour ne pas avoir de retard d'ici 18 heures.

Donc, nous accueillons, dans un premier temps, le Conseil des relations interculturelles. Bienvenue en commission parlementaire. J'imagine que vous connaissez les règles, mais de toute façon je vous les rappelle quand même. Vous avez un temps maximal de 20 minutes pour présenter votre mémoire de la façon que vous jugez à propos, par explication ou par lecture de votre mémoire. Et, à la suite de votre présentation, qui ne dure pas plus de 20 minutes, il y aura échange avec les membres de la commission. Donc, sans plus tarder, je vous demanderais tout d'abord de vous identifier pour le bénéfice du Journal des débats, et ensuite de ça la parole est à vous. Allez-y.

Conseil des relations interculturelles (CRI)

Mme Rimok (Patricia): Alors, bonjour, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés.

Je suis Patricia Rimok du Conseil des relations interculturelles. J'en suis sa présidente. J'ai avec moi aujourd'hui deux recherchistes et qui ont participé à la rédaction de ce document. Donc, j'ai, à ma gauche, M. Ralph Rouzier et, à ma droite, Évelyne Bishisha Bashala qui m'accompagnent aujourd'hui.

Je voudrais, juste avant de commencer... Vous avez été... distribué une dernière version du document, en fait il y avait un erratum qui s'est glissé, mais on resterait sur l'ancienne copie. C'est juste pour assurer que... Il y avait des coquilles linguistiques, etc. Mais je voudrais simplement le mentionner.

Alors, encore une fois, c'est un réel plaisir de vous adresser la parole en ces lieux, à l'occasion de cette consultation en vue d'une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et les discriminations. Cette consultation instituée par la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles, Mme Lise Thériault, constitue une première dans l'histoire du Québec. Et, en mon nom personnel et au nom du Conseil des relations interculturelles, que je représente, j'appuie résolument cette initiative.

En effet, une politique gouvernementale suppose une meilleure coordination ainsi que l'amélioration de la cohérence de l'action gouvernementale. Néanmoins, la future politique de lutte contre le racisme et les discriminations devrait être l'expression d'une volonté à la fois politique et administrative ferme, d'où devraient découler des actions concrètes, à la hauteur des attentes créées.

Dans son mémoire, le Conseil des relations interculturelles ne s'est pas penché sur les nombreuses définitions entourant le racisme ou le concept de racisme, ces éléments ayant déjà été traités dans son document intitulé Les perspectives historiques sur le racisme au Québec. Le conseil a plutôt choisi de proposer une approche de gestion intégrée de lutte contre le racisme et les discriminations applicable à tous les secteurs.

Stratégiquement, le secteur de l'emploi joue un rôle fondamental dans notre mémoire, notamment parce qu'il importe d'actualiser les interventions gouvernementales visant l'intégration des immigrants à mesure que la société se diversifie dans sa composition. De fait, selon une enquête sur la diversité ethnique au Canada menée en 2002, c'est au travail où lors d'une demande d'emploi que les discriminations ou les traitements injustes se produisent le plus souvent en raison des caractéristiques ethnoculturelles. En effet, il est estimé en moyenne que 56 % des personnes, minorités visibles et non visibles, ayant déclaré en être les victimes parfois ou souvent ont cette perception. Du reste, soulignons, l'emploi procure l'estime de soi, une identité sociale et crée des occasions de rencontre, ce qui peut concourir à lutter contre les actes de racisme et de discrimination associés à l'incompréhension et l'intolérance.

Dans le cadre de cette consultation, quelques impératifs ont guidé nos recherches sur les actions à entreprendre en matière de prévention, de lutte: d'une part, le souci d'une vision intégrée prenant appui sur les recherches menées par le conseil depuis deux ans en matière de gestion de la diversité ethnoculturelle, d'autre part, les préoccupations du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles exprimées dans son document de consultation, et enfin le souci de se doter de dispositifs susceptibles d'assurer des résultats probants et durables. En ce sens, le conseil s'est inspiré des mécanismes mis sur pied par le gouvernement suédois à la suite de l'adoption de sa politique d'intégration incluant la lutte au racisme et aux discriminations et qui peuvent être adaptés au contexte québécois. Le conseil s'est également inspiré d'une initiative de l'Union européenne dénommée EQUAL, qui vise à favoriser la création et le maintien d'emplois de qualité dans un esprit d'inclusion.

Pour les fins de cette présentation, je me propose de partir des orientations proposées dans le document de consultation pour élaborer les positions du conseil. Pour ce faire, l'orientation portant sur la nécessité de renouveler les pratiques des institutions sera traitée en premier lieu et sera suivie des orientations portant sur la nécessité de coordonner les efforts et la nécessité de reconnaître et contrer les préjugés et les discriminations.

En ce qui concerne la nécessité de renouveler les pratiques de nos institutions, nous avons retenu l'idée de doter le Québec de mécanismes à la fois stratégiques, opérationnels, législatifs et institutionnels. Pour ce qui est du mécanisme stratégique, il est évident que la prochaine politique de lutte contre le racisme et les discriminations du gouvernement entend mettre en place évidemment... et en est en soi un, mécanisme. En ce qui concerne les mécanismes opérationnels, il faudrait dès maintenant prévoir un plan d'action prioritaire.

n (14 h 10) n

Par ailleurs, il serait opportun de moderniser la gestion des opérations pour mieux répondre aux nouveaux enjeux et défis de la société. À ce titre, en s'inspirant de la définition de l'analyse différenciée selon les sexes, le conseil propose d'appliquer l'analyse différenciée de la diversité ethnoculturelle comme une approche de gestion qui vise à discerner de façon préventive, lors de la conception ou de l'évaluation d'une intervention gouvernementale, les effets distincts que pourrait avoir son adoption sur les Québécois d'origine canadienne-française et ceux des minorités ethnoculturelles. Nous préconisons cette approche parce qu'elle a fait ses preuves dans l'amélioration des droits et des conditions des femmes au fil des années sous le vocable de «gender mainstreaming». Une telle approche devrait permettre notamment de dresser le portrait de la représentativité de la diversité ethnoculturelle au sein de programmes, services ou autres mesures, grâce à des données ventilées selon diverses catégories, alors immigrants, minorités visibles, etc. Le but visé est aussi d'évaluer l'impact des interventions gouvernementales déjà existantes.

Cette démarche permet aussi d'éliminer certains effets des barrières systémiques dans les interventions gouvernementales. En effet, une action gouvernementale peut sembler neutre en apparence mais présenter des effets distincts sur les Québécois d'origine canadienne-française, les personnes immigrantes ou les minorités visibles natives, à cause de caractéristiques qui les distinguent. Il peut s'agir du parcours migratoire, de la reconnaissance des acquis et des compétences, de l'accessibilité au réseau, du développement d'un sentiment d'appartenance identitaire, de la connaissance des milieux et des structures en place, du statut d'immigration, du territoire de résidence, et ainsi de suite.

Pour ce qui est des mécanismes législatifs, la Loi sur l'accès à l'égalité en emploi des organismes publics, aussi appelée la loi n° 143, institue un cadre particulier d'accès à l'égalité en emploi dans les organismes publics de 100 personnes ou plus. Cependant, cette loi ne s'applique pas aux ministères et organismes soumis à la Loi sur la fonction publique, qui en demeurent assujettis à l'article 92 de la Charte des droits et libertés de la personne. Or, dans son état actuel, cette législation n'oblige pas les ministères et organismes à faire état des mesures entreprises relativement à l'implantation des PAE.

Le conseil avait déjà suggéré au gouvernement d'assujettir l'ensemble de la fonction publique à la loi n° 143. Il semble que certains des mécanismes de cette loi posent des difficultés. C'est pourquoi le conseil propose d'apporter des changements dans quelques articles pertinents visant à corriger la situation des personnes issues de certains groupes discriminés en emploi. Les modifications suggérées aux articles de loi figurent à la page 31 et 32 de notre mémoire. Les amendements souhaités visent à renforcer la reddition de comptes afin d'accroître l'efficacité des résultats, ce qui pourrait également donner plus de crédibilité à la volonté du gouvernement de mettre en place une politique de lutte contre le racisme et les discriminations. Il pourra plus facilement convaincre des partenaires du secteur privé et de la société civile à s'engager dans ce processus.

Pour ce qui est des mécanismes institutionnels, nous croyons fermement qu'une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et les discriminations ne peut avoir de résultats concrets que si un organisme central de coordination est chargé de suivre l'avancement de ses objectifs et de suivre tout plan d'action qui pourrait en découler. Pour ce faire, le conseil propose au gouvernement de mandater un organisme pour assurer la coordination, le suivi, la promotion et l'évaluation de l'application de la politique de lutte contre le racisme et les discriminations. Cet organisme viendrait ainsi répondre directement à la préoccupation énoncée dans le document de consultation: de ne pas avoir suffisamment de données pour mesurer l'ampleur du racisme et des discriminations.

En ce qui concerne la coordination des efforts, la désignation d'un organisme de coordination permettrait d'accroître la cohérence et l'efficacité des actions mises en oeuvre tant par le gouvernement, la société civile que le secteur privé. Cet organisme, qui relèverait soit de la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles ou du premier ministre, aurait un rôle central de coordination à jouer afin que l'ensemble des acteurs unissent leurs efforts à la fois en matière de gestion de la diversité ethnoculturelle, de lutte contre le racisme et les discriminations.

Sur le plan gouvernemental, cet organisme pourrait avoir une répondante ou un répondant dans chaque ministère ou organisme gouvernemental, de la même manière qu'il existe des personnes répondantes sur les questions touchant la condition des femmes dans différents ministères et organismes. Ces personnes répondantes se regrouperaient au sein d'un comité interministériel qui relèverait d'un comité directeur responsable des orientations. Ce comité directeur serait composé de sous-ministres des organismes centraux dont l'organisme de coordination, le ministre du Conseil exécutif et du Conseil du trésor.

En réponse à une autre préoccupation soulevée dans le document de consultation, le conseil suggère ainsi que des mesures concrètes soient mises en oeuvre pour que les victimes du racisme soient reconnues, entendues et soutenues. Ainsi, le gouvernement devrait mettre sur pied une équipe d'intervenants au sein de l'organisme de coordination, qui aurait pour mandat de venir en aide aux victimes de racisme et de les soutenir. Elle pourrait, entre autres, mettre à la disposition des personnes qui estiment avoir été victimes de racisme une ligne téléphonique 1 800 offrant des services d'écoute et de référence. En plus du soutien qui serait offert aux victimes d'actes racistes, cette équipe pourrait permettre de résoudre des situations conflictuelles perçues comme du racisme mais qui peuvent aussi, parfois, relever du malentendu interculturel ou de fausses perceptions. Cette équipe de soutien aux victimes pourrait travailler étroitement avec des organismes communautaires oeuvrant auprès des personnes des minorités ethnoculturelles ainsi qu'avec ceux qui ont développé des expertises en matière de lutte contre le racisme et les discriminations.

Pour rejoindre les autres acteurs de la société, le conseil recommande au gouvernement de mandater les conférences régionales des élus afin qu'elles inscrivent à leurs agendas des priorités de lutte contre le racisme et les discriminations. Pour leur rôle de mobilisateurs des différents acteurs et de relayeurs d'information, les CRE seraient donc des interlocuteurs privilégiés de l'organisme de coordination de la politique. Les CRE étant responsables du développement économique de chaque région, cela permettrait de faire en sorte qu'une politique publique contre le racisme et les discriminations s'implante dans les structures existantes. Les CRE pourraient mobiliser les acteurs au plan local, supralocal, régional ou suprarégional ainsi que les acteurs de la société civile et du secteur privé. Cette mobilisation devrait permettre de développer des partenariats, de favoriser la participation active, d'engendrer des pratiques innovatrices, de diffuser et d'intégrer des meilleures pratiques qui pourront être partagées et/ou comparées avec celles d'autres provinces, celles du gouvernement fédéral ou des gouvernements étrangers.

Les CRE ont déjà des mécanismes de concertation. Néanmoins, elles devraient s'assurer de la présence en leur sein des organismes qui représentent les intérêts des minorités ethnoculturelles. L'organisme de coordination pourrait tout aussi bien collaborer avec des organismes sur le plan local ou supralocal, comme les centres locaux de développement ou les centres locaux d'emploi, qu'avec des mouvements sociaux ou des associations patronales. Au niveau suprarégional, il est important de mentionner que la Table Québec-Régions pourrait être un lieu d'échange entre les régions, étant donné qu'elle est composée des présidents des CRE, de la ministre des Affaires municipales et des Régions et du ministre responsable de la Capitale-Nationale. En utilisant la Table Québec-Régions comme lieu d'échange, le gouvernement pourra faire le suivi sur le terrain des actions mises de l'avant. C'est pourquoi le conseil suggère que la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles participe aux travaux de cette table lorsqu'il est question de gestion de la diversité ethnoculturelle et de lutte contre le racisme et les discriminations. Pour financer les initiatives de lutte, on pourrait se servir des fonds de développement régional, des fonds destinés aux centres locaux de développement ou autres fonds ou programmes énoncés à la page 29 de notre mémoire.

Enfin, en matière de reddition de comptes, les CRE devront remettre annuellement à la ministre des Affaires municipales et des Régions ainsi qu'à la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles un rapport d'activité ou de résultat relativement au marché du travail et à l'entreprenariat. Ce rapport serait aussi remis à l'organisme de coordination, qui pourrait, le cas échéant, faire des recommandations aux CRE et aux autres acteurs avec qui interagissent les CRE afin de les appuyer dans leur démarche. Pour sa part, l'organisme de coordination devrait aussi préparer pour le gouvernement des rapports annuels ou quinquennaux sur l'état d'avancement des objectifs de la politique.

Au niveau du gouvernement, dans la troisième orientation, reconnaître et contrer les préjugés et la discrimination, des personnes pourraient être formées dans chacun des bureaux responsables des plaintes dans les ministères et organismes gouvernementaux afin qu'elles puissent faire le croisement entre les plaintes qui concernent le racisme et les discriminations et leur propre secteur d'activité. Ces personnes feraient état de la situation aux répondants de l'organisme de coordination de leur ministère ou organisme respectif, qui devraient à leur tour transmettre leur rapport à l'organisme de coordination. Cet organisme devrait examiner les rapports et pourrait mettre à contribution l'Institut de la statistique du Québec et la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse pour la production d'analyses statistiques sur le racisme et les discriminations, ce qui permettrait de dresser un tableau plus précis de l'ampleur des phénomènes visés. Des formations touchant la lutte contre le racisme et les discriminations et la gestion de la diversité ethnoculturelle pourraient aussi être offertes dans les ministères et organismes gouvernementaux, à même le budget de formation de 1 % de leur masse salariale prévu par la Loi favorisant le développement de la formation de la main-d'oeuvre.

n (14 h 20) n

Par ailleurs, le gouvernement devrait poursuivre et intensifier son soutien aux initiatives visant le rapprochement interculturel afin d'améliorer la connaissance mutuelle des différentes communautés ethnoculturelles et de lutter contre les actes de racisme et de discrimination. Dans ce cadre, il serait opportun de consolider les activités de la Semaine d'actions contre le racisme sur les plans local, régional, national ou international. Par ailleurs, une attention particulière devrait être portée sur la sensibilisation et l'éducation dans les établissements d'enseignement dans une perspective de prévention, de lutte contre le racisme et les discriminations.

Sur le plan régional, les CRE, en collaboration avec leurs partenaires, pourraient dresser les portraits régionaux sur la diversité ethnoculturelle et mesurer le niveau d'intégration de certaines catégories sociales sur le marché du travail et en termes de participation civique ou d'appartenance à des associations. Les CRE pourraient aussi produire des portraits sur le racisme et les discriminations dans leurs territoires, avec leurs partenaires, et mesurer si ces individus se considèrent comme des victimes mais aussi mesurer le degré d'ouverture face aux minorités ethnoculturelles.

Enfin, tant les organisations publiques que privées pourraient utiliser les outils existants en matière de lutte contre le racisme et les discriminations ou de la gestion de la diversité ethnoculturelle développés par des organismes comme la Commission des droits de la personne et les droits de la jeunesse ou le Centre for Strategy & Evaluation Services aux États-Unis. Les références sur ces outils figurent dans notre mémoire, en annexe.

En conclusion, une vision intégrée de lutte contre le racisme et les discriminations par une prise en compte effective de la diversité ethnoculturelle dans les institutions permettra de régler certains problèmes résultant de ces phénomènes. En effet, il importe d'aborder la question dans tous ses aspects afin que la politique gouvernementale de lutte contre le racisme et les discriminations dépasse l'énoncé de principe pour s'inscrire résolument dans l'action.

Pour ce faire, à titre de rappel, le conseil recommande au gouvernement de se doter, en plus d'un mécanisme stratégique, par l'adoption de sa politique, de mécanismes opérationnels, telle la mise en place d'une analyse différenciée de la diversité ethnoculturelle, de mécanismes législatifs, grâce à la modification du cadre législatif en vigueur, et des mécanismes institutionnels, comme la création d'un organisme de coordination de la politique. Cet organisme de coordination devrait travailler en étroite collaboration avec les ministères et organismes gouvernementaux ainsi qu'avec les conférences régionales des élus pour rejoindre d'autres acteurs de la société.

Enfin, il importe aussi de considérer les conséquences dramatiques des situations de racisme et de discrimination sur le plan individuel et humain. En effet, pour les personnes qui en sont victimes, les séquelles des actes de racisme sont réelles et peuvent s'avérer sérieuses. C'est pourquoi le conseil invite tant les organisations publiques et privées que l'ensemble de la société, y compris les minorités ethnoculturelles, à faire du projet de lutte contre le racisme et les discriminations un projet mobilisateur et sociétal afin que toute personne puisse trouver sa place au Québec, peu importent son origine, sa langue et ses croyances religieuses. Merci.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Mme la ministre.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Mme Rimok, bienvenue. M. Rouzier et Mme Bashala, bienvenue à cette commission. J'aimerais, d'entrée de jeu, souligner que vous avez un mémoire qui est excessivement complet, qui couvre beaucoup de sujets. Et vous avez beaucoup de pistes de solution et de recommandations que vous faites au gouvernement, non seulement au ministère, mais aux autres ministères, non seulement au ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles, mais aux autres ministères qui doivent être interpellés par ces questions. Évidemment, lorsqu'on décide de se doter d'une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination, il est tout à fait logique que ce ne soit pas seulement que le ministère de l'Immigration qui se sente interpellé, mais bien tous les ministères du gouvernement.

J'aimerais peut-être vous entendre parler, parce que, bon... Notamment, vous parlez beaucoup de l'emploi, et j'aimerais beaucoup vous entendre parler là-dessus. Qu'est-ce qui fait que c'est dans l'emploi qu'on devrait majoritairement axer nos efforts? Pourquoi?

Mme Rimok (Patricia): La réponse courte, c'est qu'on n'a pas eu le temps de regarder tous les autres aspects. Mais, ceci dit, si on devait être stratégique et on devait prendre en considération en fait qu'une intégration passe par l'emploi, je pense que, si on avait une action concertée à faire, ce serait celle-là. Et historiquement je dirais aussi que la plupart des acteurs étaient beaucoup plus des acteurs sociaux et peut-être pas assez les acteurs des développements économiques, ou des CLD, ou des réseaux d'affaires, etc., et cette orientation est intéressante parce qu'elle amène de nouveaux acteurs autour de la table pour se préoccuper aussi de cette question. Donc, j'y verrais comme un équilibre entre les acteurs communautaires et sociaux et les acteurs économiques, qui pourraient faire partie aussi de l'approche d'intégration.

Je vous dirais aussi que, quand on regarde les groupes les plus vulnérables, on se retrouve avec des minorités visibles qui accusent un taux de chômage qui est le double de la moyenne nationale. Et essayons déjà de travailler sur ces écarts et peut-être que les perceptions autour de ces questions seraient peut-être minimisées.

Mme Thériault: Une des recommandations générales de votre mémoire, c'est de confier la coordination de la mise en oeuvre des éléments de la future politique à un nouvel organisme gouvernemental. Il y a d'autres gens qui sont venus nous dire aussi que ce serait intéressant de voir de quelle façon on pourrait l'appliquer. Est-ce que c'est mieux un organisme gouvernemental? Est-ce que c'est mieux un organisme qui est indépendant? Il y a différentes pistes de solution. Vous, votre avis là-dessus?

Mme Rimok (Patricia): Nous sommes ouverts à ce que le conseil puisse en fait travailler avec l'ensemble des acteurs, au niveau de l'État, qui se préoccupent de ces questions, par exemple la Commission des droits de la personne en fait une partie au niveau des droits, la déontologie policière, la CSST, les normes du travail, la Commission des relations au travail, puis j'en passe sur les autres acteurs qui sont interpellés par ces questions.

La difficulté, c'est la coordination de l'ensemble de ces éléments-là, et puis c'est plutôt là où je verrais un organisme qui soit déjà là ou qui soit bonifié. Le conseil serait ouvert lui-même à se donner un mandat plus, hein... comment on peut dire, plus corsé sur ces questions-là, nonobstant qu'il retiendrait quand même son autonomie et son indépendance sur les autres questions. Mais je pense qu'il serait intéressant de voir et d'explorer à ce que ce soit un organisme qui soit capable de coordonner en même temps et qui soit capable d'avoir, je dirais, un retour et un feed-back constants entre les relations qui peuvent exister entre ces systèmes-là et entre les acteurs principalement identifiés dans la démarche et dans notre mémoire.

Mme Thériault: Donc, vous semblez dire qu'il y a différentes actions qui sont entreprises par différentes composantes, que ce soient la Commission des droits, nous, vous, d'autres groupes, mais que finalement il n'y a pas réellement de coordination ou il n'y a pas nécessairement systématiquement une mise à jour des actions qui ont été entreprises, ou de voir de quelle façon on peut mieux concerter l'action pour ne pas réinventer la roue à chaque fois. Et, s'il y avait un organisme, que ce soit le CRI... Bon. Parce que j'entends bien qu'on pourrait peut-être modifier aussi la mission du CRI pour pouvoir lui confier un nouveau mandat. Moi, je pense qu'il y a quand même du travail qui est fait soit par la Commission des droits de la personne, par vous, un organisme comme le CRARR aussi qui a sa place dans cette politique-là. Je crois qu'il peut être intéressant aussi de voir à ne pas nécessairement réinventer la roue mais voir de quelle façon on pourrait bonifier. Donc, évidemment je reçois très bien votre commentaire à l'effet que le Conseil des relations interculturelles pourrait être appelé à avoir un rôle majeur dans le suivi d'une politique.

Je viendrais sur un autre questionnement. Lorsque vous parlez d'un réseau de répondants à l'intérieur du gouvernement, est-ce que vous pourriez être un peu plus explicite? De quelle façon vous le verriez? Est-ce que c'est au niveau de l'embauche? Est-ce que c'est au niveau des actions? Est-ce que c'est au niveau des différentes politiques ou tout simplement au niveau du suivi du plan d'action et de la politique gouvernementale?

Mme Rimok (Patricia): D'accord. Je vais laisser Évelyne vous parler de ça.

n (14 h 30) n

Mme Bishisha Bashala (Évelyne): Enchantée. Donc, au niveau des répondants, ce qu'on envisage, c'est de mettre, au niveau de chaque ministère et organisme, un répondant qui serait chargé de regarder toutes les questions qui concernent tant la lutte contre les discriminations et le racisme que tout ce qui concerne la gestion de la diversité ethnoculturelle. De quelle façon ces personnes travailleraient en fait, c'est qu'elles seraient à l'intérieur des ministères et organismes, elles pourraient relever, par exemple, du sous-ministre ou bien de la Direction des affaires juridiques. Mais elles regarderaient toutes les questions, que ce soit au niveau de l'embauche, que ce soit au niveau, par exemple, des plaintes, avec les bureaux des plaintes, que ce soit pour colliger toutes les informations qui concernent les plaintes qui concernent le racisme et les discriminations, que ce soit au niveau du nombre de personnes qui entrent et des processus d'embauche, que ce soit au niveau des programmes d'accès à l'égalité en emploi, que ce soit... Donc, toutes ces questions-là, en fait, elles feraient état à l'organisme de coordination, par l'entremise d'un comité interministériel qui serait mis en place et qui serait coordonné par l'organisme de coordination, et par la suite il y aurait un comité directeur, et nous envisageons qu'il y ait... un comité directeur qui serait composé des représentants des organismes centraux, comme le ministère du Conseil exécutif, le Conseil du trésor ainsi que l'organisme de coordination, pour permettre à ce que les éléments ou les recommandations qui émaneraient du comité interministériel soient pris en compte au niveau des autorités de chacun des ministères et organismes. C'est de cette façon-là qu'on l'envisage.

Mme Thériault: Pour votre information, il y a déjà un réseau de répondants qui existe présentement dans chacun des ministères. Il y a une personne qui a été identifiée, qui est... Et ce réseau des répondants là est sous l'égide du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles. Évidemment, on ne traite pas nécessairement toutes les questions que vous avez abordées, là, lorsqu'on parle de racisme et de programme d'égalité à l'emploi. Par contre, ça pourrait être intéressant de voir de quelle façon on pourrait bonifier et élargir le mandat de ce réseau de répondants là.

Combien de temps il nous reste, M. le Président, pour ce bloc-ci?

Le Président (M. Brodeur): Il vous reste, pour ce bloc-ci, deux minutes.

Mme Thériault: Deux minutes? O.K. Dans les différentes recommandations que vous faites, vous parlez du rôle des CRE. Est-ce que... En deux minutes... Bon. Bien que les CRE soient des partenaires privilégiés, vous n'êtes pas sans savoir qu'on a des plans d'action qui ont été signés avec eux, des ententes de régionalisation signées avec les conférences régionales des élus. L'UMQ est venue nous voir aussi la semaine passée. Moi, je vous dis d'emblée, d'office: Les municipalités doivent être interpellées puisque ce sont des acteurs privilégiés sur le terrain. On ne peut pas penser à faire une politique comme ça et ne pas interpeller les gens qui sont sur le terrain. C'est des partenaires, ils travaillent déjà avec nous. Qu'est-ce que vous voyez pour eux?

Mme Rimok (Patricia): Bien, écoutez, tout simplement, c'était d'utiliser ces mêmes structures. Vous avez déjà des ententes, il suffirait peut-être de bonifier pour y rajouter des actions ou des interventions qui toucheraient beaucoup plus la lutte aux discriminations et au racisme. C'est déjà dedans, vous avez déjà des ententes, ce ne serait pas trop compliqué de les mettre en place. Dans un deuxième temps, ça permet aussi la concertation de plusieurs différents types d'acteurs qui ont des visions et des croisements sur ces phénomènes-là qui sont très, très différents. Évidemment, le défi, c'est d'arriver à des consensus de travail, et en même temps ça développe le rapprochement et la sensibilisation autour de ces questions sur le terrain. Donc, pour nous, c'était tout simplement d'utiliser les structures qui étaient déjà mises en place et de pouvoir en fait soit mieux les définir ou simplement les mettre en exergue un petit peu plus pour en fait les nommer.

Mme Thériault: Merci.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. Mme Rimok, bonjour, merci d'être ici, M. Rouzier, Mme Bashala. J'avais noté également que votre mémoire est extrêmement complet, bien documenté, c'est vraiment un très bon mémoire. D'ailleurs, c'est très enrichissant que vous soyez allés chercher des expériences qui se sont passées à l'étranger pour aller chercher ce qu'il y a de mieux ailleurs. Je reviendrai à ces exemples.

Je voulais commencer en vous questionnant sur l'importance de modifier la législation. Donc, vous avez plusieurs propositions en ce sens-là, et puis, donc, avec évidemment, bon, les articles de loi bien précis. J'aimerais vous demander si à votre avis c'est une réelle priorité. En ce sens, si on avait, là, à déterminer un plan de match rapide, est-ce que la modification à la législation serait quelque chose à privilégier?

Mme Rimok (Patricia): Oui, je pense que oui, c'est pour ça qu'on l'a mis. Ce sont pour nous des approches... Enfin, ces articles de loi amènent aux gestionnaires de l'État, peu importe où ils se situent dans le gouvernement, à s'approprier aussi en fait de ces questions-là, et ces changements amènent beaucoup plus en fait une reddition de comptes sur les actions qui sont faites dans ce sens-là et de les rendre assujetties à un rapport annuel. Ce n'est plus juste une question d'élargir sur la loi n° 143, parce que ce sont des articles qui viennent en plus se rajouter à la fois à des changements en termes de suivi, des changements en termes de législation, des changements en termes d'opération, évidemment des fonds qui sont rattachés pour pouvoir le faire. Donc, pour nous, c'était les... pour ne pas rentrer dans une législation trop importante, ces articles de loi ne sont pas très difficiles à modifier et amènent en fait une sensibilisation plus accrue au niveau des gestionnaires responsables à l'intérieur de l'État pour pouvoir amener ces modifications.

Mme Lefebvre: D'accord. J'aurais deux questions sur le même thème. Sur la reddition de comptes, il y a des gens qui parlent de pénalités, il y en a d'autres qui parlent d'incitatifs. Est-ce que vous avez une position là-dessus? Parce que, bon, on peut mettre ces informations dans un bilan annuel, je pense que c'est un pas dans la bonne direction. Maintenant, est-ce que c'est ça qui fera vraiment la différence? Puis, deuxièmement, vous avez mentionné que, bon, les modifications à la législation impliqueraient peut-être des fonds à ajouter. Est-ce que vous êtes capable de chiffrer les investissements qui seraient nécessaires?

Mme Rimok (Patricia): On pourrait vous chiffrer le cas de la Suède, puisqu'ils l'ont chiffré, mais je serais mal à l'aise de vous dire combien ça pourrait coûter au niveau du gouvernement du Québec, puisque le principe même, c'est la coordination de beaucoup d'efforts, concertés, de plusieurs instances qui font déjà en partie le travail. La question, c'est que... qui fait... c'est-à-dire, ce n'est pas qu'on ne sait pas qui fait quoi, mais disons que, si on devait regarder l'ensemble de ce qui est fait, dans cette coordination, combien ça coûterait réellement, je pense qu'il faut s'asseoir et il faut en discuter. Je pense que ce qu'on a voulu vraiment démontrer, c'est qu'on est très sensible à la coordination des efforts et la difficulté en même temps de ces efforts. On parle en fait de l'État, mais c'est aussi un employeur, hein, c'est probablement un des plus gros au Québec. Donc, c'est toutes les opportunités et en même temps ça a toutes les contraintes.

Donc, comment amener l'ensemble des différents acteurs qui se préoccupent de ces questions-là à se parler un petit peu plus, coordonner un petit peu plus leurs efforts pour que ladite victime ou qui se sent victime n'ait pas ce ricochet de perception, de mauvaise perception sur comment l'État fonctionne, et en même temps que l'État soit capable, avant que ça prenne des proportions énormes, de pouvoir gérer soit la perception soit la plainte admissible ou pas de ces victimes, encore une fois avant que ça prenne des proportions?

Excusez-moi, Évelyne voudrait rajouter quelque chose.

Mme Lefebvre: Juste une petite précision.

Mme Rimok (Patricia): Oui, pardon.

Mme Lefebvre: Vous avez mentionné que vous étiez capable de chiffrer le cas de la Suède. Pour notre bénéfice, est-ce que c'est possible d'avoir juste une idée de proportion?

Mme Rimok (Patricia): C'était 6 millions.

Mme Lefebvre: 6 millions.

Mme Rimok (Patricia): Et ils étaient 90 personnes et, dans ces 90 personnes, au fond... c'est-à-dire, ce n'était pas un effort de coordination, ça a été centralisé là. Alors que, nous, ce qu'on propose dans le modèle québécois, c'est de laisser les gens où ils sont et simplement d'avoir un organisme de coordination. Donc, les coûts ne seraient pas les mêmes, ce n'est pas la peine de réinventer quoi que ce soit, l'idée, c'est de bonifier et de sensibiliser les acteurs concernés dans un effort de coordination concertée.

Mme Lefebvre: Vous parlez de bonifier. Bon. Par exemple, si on prenait l'exemple fictif que ce serait le Conseil des relations interculturelles, est-ce qu'il faudrait bonifier en termes de ressources humaines et de ressources financières?

Mme Rimok (Patricia): Oui.

Mme Lefebvre: Vous parlez, bon, de 90 personnes au niveau de la Suède. Est-ce que vous imaginez une structure qui serait équivalente ou dans le fond les 90 personnes, elles sont déjà un peu partout puis elles auraient seulement à se parler davantage? Puis en ce moment combien il y a d'employés au Conseil des relations interculturelles?

Mme Rimok (Patricia): On est sept.

Mme Lefebvre: Sept.

n (14 h 40) n

Mme Rimok (Patricia): Oui. Vous voulez que je vous réponde aux sept ou vous voulez que... Parce qu'en termes de bonification c'est sûr qu'à sept il n'y a pas de coordination possible, mais on n'est pas dans les 90 non plus parce qu'on n'est pas dans le cas de la Suède. Donc, ce qu'on retient du cas de la Suède, c'est un modèle qui prend en considération plusieurs actions qui permettent qu'en bout de ligne on se retrouve avec des résultats probablement plus probants. Et encore là le cas de la Suède est un exemple, mais ils n'ont pas tout réglé, là, mais ça démontre qu'après 10 ans, 11 ans de mise en application il y a des résultats qui sont probants. C'est pour ça qu'on l'a retenu, et on l'a retenu parce que ça répondait aussi aux préoccupations du ministère de l'Immigration sur la difficulté de coordination, la difficulté de reconnaître les plaintes, mais de reconnaître la viabilité ou l'admissibilité de la plainte, et en même temps d'assurer que la perception que les victimes peuvent avoir sur les systèmes ne soit pas amplifiée.

Alors, évidemment, pour le conseil, ça ne peut que bonifier, mais on est conscients que... Je veux dire, les gens sont déjà en place, ils travaillent déjà sur ces questions, simplement d'assurer qu'on se parle un petit peu plus et que ce soit plus coordonné avec certains articles de la législation qui vont permettre au fond d'assurer une meilleure reddition de comptes des acteurs, pas juste parce qu'ils l'auront mis dans leur rapport de gestion, mais parce qu'ils l'auront quantifié aussi en chiffres.

Mme Lefebvre: Si je peux me permettre, parce que l'exemple de la Suède, là, moi, j'ai lu avec beaucoup d'intérêt... Puis ce qui est très intéressant, là, je pense que tout le monde sera d'accord, c'est que, bon, on peut voir sur une longue période, donc 10 années d'efforts soutenus, puis on voit d'année en année la progression dans les politiques puis les mesures mises afin de réaliser les objectifs. Donc, ce qu'on constate, c'est que, bon, les efforts... je ne veux pas parler que d'argent, mais quand même les budgets puis les structures qui ont été mis à contribution permettent d'atteindre finalement les idéaux qui sont derrière la politique. Et donc, en ce sens-là... je ne connais pas toutes les subtilités du modèle suédois, mais est-ce que leur... c'est le secrétariat, je ne me rappelle pas, là, le nom exact...

Mme Rimok (Patricia): Le Conseil de l'intégration.

Mme Lefebvre: Le conseil. Je lisais qu'il y avait un ombudsman donc qui était, bon, indépendant de ça, je crois. Est-ce qu'il y a également là-bas une commission des droits de la personne qui agit également de façon indépendante, donc il y a toutes ces structures qui dans le fond travaillent de façon efficace et avec les ressources adéquates?

Mme Rimok (Patricia): Alors, il y avait un ministère qu'ils ont scindé, donc il y avait une partie de l'intégration qui a été ramenée à un conseil, Conseil d'intégration. Donc, on n'est pas dans la même réalité, si je peux dire, en termes du Québec. Et la réalité de la Suède, il y a une dizaine d'années, c'était qu'ils accusaient une très forte présence de discrimination et de racisme sur le territoire, ce qui fait qu'ils sont allés agressivement sur une politique de ce genre. Il est difficile, aujourd'hui, de mesurer si l'ampleur au Québec est pareille, puisqu'on n'a pas nécessairement suffisamment de mesures pour l'identifier. Donc, je serais mal à l'aise de vous dire: On va prendre le cas de la Suède puis on va, tu sais, le mettre comme directement appliqué sur le Québec. En plus de ça, au niveau du temps qui nous a été alloué pour pouvoir faire un travail, on n'est pas partis non plus ventiler toutes les bonnes pratiques qui se faisaient déjà au niveau du Québec, hein? Ce n'est pas comme s'il n'y avait rien et qu'on commençait à zéro, là, mais on n'a pas eu ce temps-là d'en faire en fait cet exercice, mais il faut le faire. Et certainement qu'il y a des choses qui sont déjà là et qui fonctionnent très bien. On en a cité une ou deux, mais on n'en a pas fait l'inventaire.

Mme Lefebvre: Donc, on a besoin d'un bon bilan.

Mme Rimok (Patricia): Un bon bilan, des bonnes pratiques, et un bon bilan de l'ensemble des acteurs qui sont déjà là et qui font déjà ce travail au niveau de l'État.

Le Président (M. Brodeur): Mme la ministre.

Mme Thériault: Merci. Je vais continuer là-dessus parce qu'évidemment... C'est sûr que le bilan est assez impressionnant sur les différentes actions qui ont été entreprises au cours des dernières années. Moi, je dirais... Bon. Je pense que le Québec est un vrai chef de file en la matière. À l'époque, lorsqu'on a négocié pour être responsables de l'intégration... Évidemment, toutes les questions d'accueil, intégration en emploi et autres interpellent fortement le gouvernement depuis de nombreuses années. Donc, il est évident qu'on a toujours su être assez innovateurs dans nos façons de faire.

Je pense qu'aujourd'hui, qu'on soit la première province canadienne aussi à se pencher sur cette question-là, ce n'est pas parce qu'on a plus de problèmes ou moins de problèmes qu'ailleurs, au contraire, là, je pense que ce n'est pas le message qu'il faut envoyer, mais plutôt le fait que, puisqu'on est responsables de l'accueil et de l'intégration et qu'il y a quand même certains indices... Puis là je dis «quand même certains indices»parce qu'il n'y a pas de mesure systématique au niveau de la discrimination, du racisme présentement, là, au Québec. Il y a quand même certains indices qui disent que nous devons aller de l'avant, qu'on doit se doter d'une politique dans un contexte mondial aussi où on sait que notamment plusieurs pays de l'Union européenne se dotent de telles politiques pour lutter contre le racisme et la discrimination. C'est sûr que ça ne peut pas faire autrement que de rendre le Québec encore plus attractif pour n'importe qui sur la scène internationale, à partir du moment où, ici, on est capables de se doter de vraies politiques pour lutter contre la discrimination et le racisme. Donc, je pense qu'on avance réellement dans la très bonne direction.

J'aimerais peut-être vous entendre parce que... Bon. Vous parlez de mettre au point des outils qui pourraient être conçus pour transformer les mentalités et les organisations. Je ferais peut-être un parallèle un peu avec l'environnement. Lorsqu'on a commencé à avoir des firmes qui étaient ISO 9000, qualité, 9000, 14000, etc., on a toutes... 9001, 9002, 9003, 9000, 14000, bon. Est-ce que vous pensez qu'on pourrait peut-être instaurer ici, au Québec, pour les entreprises, et les organismes gouvernementaux, et les ministères, une espèce d'indice à la diversité?

Mme Rimok (Patricia): Oui. Le conseil s'était penché déjà là-dessus, avait fait un premier travail avec le mouvement de la qualité, comme vous le savez, qui a beaucoup travaillé sur les principes de ISO, enfin de ce qui était un bon leadership en matière de bonnes pratiques. Je vous dirais que ça s'adresse beaucoup plus à un leadership et en même temps je vous dirais qu'il faut travailler aussi sur les organisations et les mentalités, entre les relations qui existent entre les différents départements des entreprises ou autres. Donc, oui, pour cette approche, mais en même temps il y a de la sensibilisation à faire sur ces phénomènes.

Écoutez, nous-mêmes, au niveau du conseil, je veux dire, d'aller définir et de dire qu'on est des experts dans toutes les définitions et dans toutes les pratiques qui se font, enfin qui se croisent, etc., en termes de discrimination, c'est quelque chose. Donc, je pense que ça demande, chacun dans leur milieu, de s'en approprier et de voir comment ces effets peuvent être des risques dans leur environnement si à la fois on dit qu'on veut répondre aux pénuries de main-d'oeuvre, on accroît l'immigration sur le territoire... et quels sont ces impacts-là sur les instances, sur la société civile ou sur le secteur privé. Ça va dépendre à qui on parle et de quelle manière ils ont la capacité de le gérer à l'interne. Mais il y a des outils qui se font en Europe. Il y en a aussi au Québec. Je pense au diversimètre, les approches que le SCRI fait en matière de gestion de la diversité. Donc, on commence, mais en même temps je vous dirais que ça demande aussi une coordination, un inventaire de l'ensemble des pratiques qui sont mises en place et des outils qui sont déjà disponibles. Je ne suis pas sûre que tout le monde connaît l'ensemble des outils qui sont disponibles.

Mme Thériault: Je suis d'accord avec vous. Il y a un guide qui a été lancé dernièrement par ma collègue la ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale, qui est le guide de la gestion de la diversité culturelle. Évidemment, le ministère a un service-conseil en relations interculturelles aussi, qui prend de plus en plus d'ampleur à chaque mois, je dirais. Il est évident qu'il y a des entreprises qui ont su tout de suite miser sans aucune barrière sur la richesse que représentait la diversité culturelle en entreprise. Il y a des entreprises qui ont regardé le fait qu'ils pouvaient aller développer des marchés internationaux aussi avec les réseaux que les immigrants possèdent évidemment dans leur pays d'origine. Donc, il est évident qu'il y a des belles initiatives qui sont faites, qui ne sont pas connues du tout, et qu'on gagnerait évidemment à recenser ce qui a été fait.

Maintenant, ceci étant dit, c'est sûr que, pour les plus grandes entreprises, on a des responsables de ressources humaines. On pourrait greffer à ça quelqu'un qui est responsable de la gestion de la diversité en emploi, bon, mais c'est des plus grandes entreprises, elles ont plus de ressources. Mais, pour les petites et moyennes entreprises, qu'est-ce que vous pensez comme outils? Parce qu'évidemment... Je pense notamment en région, il y a beaucoup de petites et moyennes entreprises. Il y a des pénuries de main-d'oeuvre qui sont anticipées, énormes, d'ici les deux, trois, quatre prochaines années. Et, quand bien même que le gouvernement voudrait légiférer ou tabler sur les entreprises comme telles, c'est assez difficile d'aller dans une petite entreprise où tu as quatre, cinq personnes, puis dire: Bien, tu as quelqu'un qui s'occupe des ressources humaines, c'est supposé être un spécialiste en tout, là.

n (14 h 50) n

Mme Rimok (Patricia): Vous avez raison. D'ailleurs, les PME, c'est le plus grand défi, c'est les ressources humaines, puis la gestion de la diversité est beaucoup axée sur les ressources humaines. Donc, si en même temps on veut mettre une approche qui vise des ressources qui sont difficiles pour les PME, en soi ce n'est pas la... enfin, pour les entreprises qui sont de 10 personnes et moins, c'est difficile.

Cependant, il y a déjà au niveau de certains secteurs d'emploi... où on accuse véritablement de grandes pénuries de main-d'oeuvre. Il suffirait de voir comment on peut arrimer en fait ces secteurs-là par rapport à la sélection d'immigration qui se fait, dans un premier temps, pour un rapprochement.

Deuxièmement, quand on regarde les réseaux associatifs qui regroupent en fait les entreprises indépendantes ou les PME, on remarque qu'il n'y a pas des entreprises issues, par exemple, des communautés ou des minorités visibles qu'on retrouve généralement dans leur membership. Ce serait intéressant aussi, simplement en termes de rapprochement, de faire en sorte qu'il y ait des interactions plus fortes qui se font, peut-être pour faire des partenariats, peut-être pour faire des fusions, des acquisitions, je ne sais pas, de part et d'autre. Ce n'est pas juste une question d'intégrer un immigrant nécessairement dans une petite entreprise, c'est aussi de voir quels sont d'autres types de collaboration qui pourraient se faire entre des gens qui sont déjà sur place, qui sont déjà entrepreneurs, qui font déjà un certain travail, et de voir si on peut un petit peu plus travailler sur la relation et les rapprochements de ces entreprises-là.

Mme Thériault: Vous avez tout à fait raison parce qu'effectivement j'ai le plaisir de croiser souvent la Jeune Chambre de commerce haïtienne, la Chambre de commerce haïtienne, la chambre de commerce qui existe pour les pays latinos, il y en a, l'Association des professionnels colombiens, il y a énormément d'organismes qui existent déjà qui ne sont pas nécessairement en interaction avec les autres chambres de commerce ou avec d'autres pans de la société civile. Peut-être juste vous mentionner que j'ai déjà parlé avec la Fédération des chambres de commerce avec qui on a déjà confié un premier mandat par rapport... avec de la formation chez les entrepreneurs des chambres de commerce, parce qu'on veut aller chercher la petite et moyenne entreprise, de se pencher sur un éventuel projet qu'on pourrait mettre de l'avant avec ces chambres de commerce là qui sont à caractère ethnoculturel et qui offrent d'excellentes perspectives aussi. Ça permet de voir tout le côté de l'entrepreneuriat, de l'entrepreneurship, qu'on ne connaît pas nécessairement, qui est très méconnu du grand public. Merci de votre observation.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci. J'aurais deux petites questions très, très rapides puis je souhaiterais des réponses rapides parce que mes collègues ont des questions pour vous. On a plein de questions.

Donc, vous suggérez, à la page 23, un service d'écoute et de référence sur l'exemple un peu de la ligne verte qu'il y a en France. Bref, quel type de services cette ligne d'écoute pourrait fournir? Puis, deuxièmement, on n'a pas inclus ici, dans le document de consultation, les nations autochtones. Est-ce que vous pensez qu'on aurait dû les inclure? Puis j'ai remarqué également qu'en Suède on a fait une politique de lutte à la discrimination qui incluait l'homophobie. Est-ce qu'on aurait dû aussi inclure ça, là, peut-être dans ça?

Mme Rimok (Patricia): C'est une très bonne question, ce sont des... Oui, on aurait pu rajouter l'homophobie, oui, on aurait pu rajouter les autochtones, les handicapés, on aurait pu rajouter les femmes, bon, oui, et tout se rajoute. Je pense qu'on a simplement voulu faire une proposition sur, disons, les groupes qui étaient visés par le document, nonobstant le fait qu'il y a d'autres groupes qui sont marginalisés et qui peuvent s'inclure largement dans la démarche. D'ailleurs, la proposition d'encadrement, ou de suivi, ou de législation, etc., ne vient pas contraindre, au contraire, l'ensemble des autres groupes. Ils peuvent simplement se rajouter. D'ailleurs, on le dit dans les premières pages du document que ça s'élargit. On a voulu simplement, stratégiquement, pointer l'emploi, mais on aurait pu en même temps regarder toutes les thématiques et on aurait pu regarder tous les autres groupes vulnérables sans que pour cela ça vienne mettre en conflit la position du conseil.

M. Rouzier (Ralph): Est-ce que je peux rajouter, s'il vous plaît? Dans la définition des minorités ethnoculturelles, là, on inclut les autochtones aussi et les personnes d'origine canadienne anglaise aussi.

Mme Lefebvre: O.K. Donc, le CRI l'inclut.

M. Rouzier (Ralph): Bien, c'est-à-dire, on l'inclut dans notre définition pour l'instant, oui.

Mme Lefebvre: O.K.

Le Président (M. Brodeur): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Mesdames, monsieur, merci beaucoup. Moi, je veux aborder la question de l'analyse différenciée de la diversité ethnoculturelle. Pour avoir travaillé et défendu fortement l'analyse différenciée selon les sexes, je dois dire qu'à ce jour elle n'est pas encore ? l'analyse différenciée selon les sexes ? en application dans l'ensemble des ministères, dans l'ensemble des organismes et encore moins au niveau régional. Nous avons eu la chance de faire neuf projets pilotes avec sept ministères, le rapport est déposé. On souhaite que ça se retrouve dans la future politique à la condition féminine, mais, à ce moment-ci, ce n'est pas encore là. D'ailleurs, si elle avait été en application, la loi qui a créé les CRE n'aurait pas pu voir le jour avec sa base municipale comme elle est là parce qu'automatiquement il y avait une discrimination par rapport aux femmes. Parce que c'est le secteur, au niveau municipal, où on a le moins de femmes élues. Et, si on faisait avec les CRE une analyse différenciée de la diversité ethnoculturelle, bien là il y en aurait encore moins au niveau de la création des CRE.

Alors, oui, je pense que c'est important, c'est un élément bien intéressant que vous apportez. Et est-ce que vous pensez... Est-ce qu'il y a suffisamment de documents prêts? Parce que ce à quoi on a été confrontés aussi, c'est: Comment former le plus simplement possible tous les ministères, tous les organismes, les régionaux pour que l'analyse ne soit pas pénalisante? Parce que, si ce n'est pas bien fait, ça peut être pénalisant. Alors, est-ce que vous êtes en mesure de fournir ces outils-là et cette formation-là?

Mme Rimok (Patricia): L'idée, ce n'est pas du tout de pénaliser, au contraire. L'idée au départ, c'est l'endossement et l'adhésion. Vous savez, quand on rentre dans des systèmes de gestion, vous le savez, c'est difficile de se mettre à la place du gestionnaire et de lui dire: Bon, regarde, aujourd'hui, tu vas rajouter un outil qui s'appelle la différenciation des sexes, et puis, tu sais quoi, on va te rajouter aussi maintenant la différenciation des immigrants, et puis on va te donner des sous-titres et des sous-catégories de qu'est-ce qu'on veut dire par «immigrants», etc. L'idée, ce n'est pas d'aller pointer nécessairement, c'est de pouvoir en fait essayer de comparer s'il y a en fait des éléments qui soient de discrimination systémique, et ça permet de les identifier.

Comment est-ce qu'on mettrait ces approches en place? Je pense que les CRE, dans le fait que ce soient des instances de concertation et de consultation avec évidemment différents types d'acteurs qui ont des intérêts différents chacun dans leur champ respectif, permettent aussi de mettre en place et, je dirais, d'une manière volontaire au départ... de préparer un portrait ou de faire un portrait de la situation. De la même manière que les CSSS le font au niveau de cette approche populationnelle par territoire, les CRE, c'est un petit peu ça. Il y a un territoire, il faut le développer, on se met ensemble à la fois pour le développement social, communautaire, culturel et économique.

Bon. Est-ce que, dans cette approche-là de territoire, pour améliorer le sort de l'ensemble de la collectivité, est-ce qu'on pourrait aussi se doter d'un mécanisme qui permettrait d'identifier ceux qui viennent d'ailleurs ou ceux qui sont installés qui accusent soit des problématiques de pauvreté, ou de sous-emploi, ou de sous-visibilité, etc., comme partie prenante de la vision qu'on peut se donner d'un collectif qu'on veut améliorer? Et, vous savez, dans certains secteurs, l'amélioration est importante, parce que vous avez une personne sur deux qui se déclare venir d'ailleurs. Donc, on n'est pas dans les mêmes degrés d'intensité d'un secteur à l'autre. Je pense à Mme Lefebvre, où c'est largement plus important que, par exemple ? je ne sais pas, moi ? le Saguenay, ou Trois-Rivières, ou même chez vous. Donc, les demandes et les considérations sont très différentes, disons, d'une CRE à l'autre, ou d'un CSSS à l'autre, ou d'un CLSC à l'autre, etc.

Donc, l'idée, c'est surtout d'amener une conscientisation au départ du portrait réel de ce qu'on retrouve sur le territoire et ensuite de voir d'une manière concertée comment est-ce qu'on peut faire ces approches-là pour essayer de diminuer. Et, oui, la différenciation est une façon de faire, mais en même temps il y a une collecte de données à faire, et il y a des instances qui sont très aptes à faire ce travail-là, je dirais. On pourrait venir au conseil, mais on pourrait aller à la Condition féminine. Je veux dire, il y a plusieurs acteurs, vous le savez, qui se sont déjà penchés sur une manière plus, disons, standardisée, si je peux dire, de faire ces choses-là. Donc, c'était un petit peu d'utiliser cet outil.

n(15 heures)n

Le Président (M. Brodeur): Si vous avez une courte question, une courte réponse, je vous accorde trois secondes pour une question.

Mme Caron: Merci. Justement, vous avez parlé de l'importance au niveau de tous les acteurs, au niveau de la CRE, mais, avec la création des CRE, il y a moins de place au niveau des organismes communautaires. Et je sais, parce qu'on va recevoir l'Alliance des communautés culturelles pour l'égalité dans la santé et les services sociaux... vont réclamer d'être cet acteur important qu'on va consulter au niveau des organismes communautaires. La place de ces organismes communautaires là?

Mme Rimok (Patricia): Ce qu'on propose dans notre document, c'est l'organisme de coordination et de suivi au fond qui se préoccuperait de travailler avec les CRE pour assurer que les interventions qui vont se faire sur le terrain incluent l'action communautaire et l'action économique ou l'action même syndicale. Il est certain que les acteurs dans les différentes CRE n'englobent pas 100 % de l'ensemble des acteurs d'un territoire, mais, d'une manière plus ponctuelle et spécifique autour de ces questions-là, il pourrait y avoir des collaborations. D'ailleurs, c'est pour ça qu'on a retenu un peu l'exemple de EQUAL parce que ça permettait d'intervenir à géométrie variable, si je peux dire, sur des actions concertées dans des territoires, de travailler ensemble sur ces phénomènes-là. Donc, il est évident que l'organisme de coordination et de suivi assurerait en fait qu'il y ait une équité, si je peux dire, dans les partenariats qui se feraient.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Donc, merci au Conseil des relations interculturelles. Malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposions.

Donc, je vais suspendre quelques instants, le temps que le prochain groupe puisse s'installer.

(Suspension de la séance à 15 h 2)

 

(Reprise à 15 h 3)

Le Président (M. Turp): À l'ordre, s'il vous plaît! Et ça, ça vaut pour le député de Shefford. Alors, la Commission de la culture reprend ses travaux. Nous allons maintenant entendre les carrefours jeunesse-emploi Ahuntsic-Bordeaux-Cartierville, Marquette, Notre-Dame-de-Grâce et l'Ouest-de-l'Île. Et je vous invite, messieurs, à vous présenter et à prendre la parole pour une quinzaine de minutes et présenter votre mémoire.

Carrefours jeunesse-emploi (CJE)
Ahuntsic-Bordeaux-Cartierville, Marquette,
Notre-Dame-de-Grâce et l'Ouest-de-l'Île

M. Picard (Yves): Bonjour, M. le Président, Mme la ministre, Mmes les députées et MM. les députés. Je suis Yves Picard, directeur général du Carrefour jeunesse-emploi de Marquette, je suis également directeur du Carrefour jeunesse-emploi de l'Ouest-de-l'Île. Je suis accompagné de Pierre Gingras, mon collègue directeur général du Carrefour jeunesse-emploi Ahuntsic-Bordeaux-Cartierville.

Tout d'abord, on voudrait souligner l'excellente initiative que vous avez eue de travailler sur une politique. On peut vous assurer aussi de notre collaboration dans sa mise en place. Pour nous, c'est essentiel.

Il y a en ce moment, sur le territoire de l'île de Montréal, 19 carrefours jeunesse-emploi et un vingtième verra bientôt le jour, ce qui va compléter l'offre de services sur le territoire de Montréal. Nous, on représente quatre carrefours jeunesse-emploi bien implantés, que vous avez nommés, M. le Président, en début. Bon an, mal an, on reçoit plus de 2 000 nouveaux jeunes, de 16 à 35 ans, qui font appel à nos services. On a une affluence au-delà de 5 000 jeunes. À l'image de la métropole, nos services sont fréquentés par un nombre important de jeunes adultes issus des minorités visibles. Notre financement de base est assuré par le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale, et différents partenaires, qu'ils soient privés ou publics, complètent celui-ci.

M. Gingras (Pierre): Nous entendons régulièrement des jeunes adultes... Pardon, je suis un peu loin. Nous entendons régulièrement des jeunes adultes qui fréquentent nos organismes nous dire être victimes de discrimination dans le cadre de leurs démarches pour intégrer un emploi et réaliser pleinement leur intégration socioprofessionnelle.

Considérant les difficultés réelles qu'ils rencontrent sur le marché du travail, dont, comme il a été mentionné, un taux de chômage beaucoup plus élevé que chez les autres jeunes, nous avons jugé qu'il était important, en tant que porte-parole de nos corporations et au nom de ces jeunes adultes, de vous apporter, aujourd'hui, notre modeste contribution. Les recommandations que nous vous présenterons sont issues de documents produits par les carrefours jeunesse-emploi de l'île de Montréal, de réflexions avec nos équipes de travail et avec nos conseils d'administration. Elles impliquent une diversité d'acteurs des différents secteurs et des différents ministères. En travaillant sur les trois orientations proposées par la commission dans le document de consultation, nous avons dégagé des recommandations que nous regrouperons ici en trois grands thèmes.

Premièrement, une politique avec des impacts concrets. La politique doit être accompagnée d'un cadre législatif, oui, mais aussi d'une réglementation, d'une politique de promotion de la diversité et d'un plan d'action identifiant les acteurs et les moyens impliqués.

Deuxièmement, la réalité montréalaise. Tout en admettant que le racisme et la discrimination ne sont pas limités à la réalité montréalaise évidemment, nous devons reconnaître que le nombre important de jeunes des minorités visibles et immigrants nécessite la mise en place d'un cadre spécifique pour la région.

L'importance et la complexité de la réalité montréalaise requièrent la mise en place de démarches structurantes regroupant des acteurs des différents ministères et secteurs d'activité. Le plan d'action accompagnant la politique devrait donc réserver une place spécifique à la réalité montréalaise.

M. Picard (Yves): La lutte contre le racisme et la discrimination doit s'accompagner de mesures concrètes pour soutenir les jeunes dans leurs démarches d'insertion sociale, contrer la discrimination et la pauvreté. On a retenu beaucoup la question de l'accès au logement, où, dans un contexte déjà très difficile, la situation devient problématique, voire catastrophique pour les jeunes issus de certaines communautés. Se loger dans des conditions convenables, c'est un point de départ important dans la vie, dans le cheminement vers l'autonomie, puis c'est un élément essentiel de la réussite socioéconomique des jeunes adultes. On vous a proposé des actions dans notre mémoire afin de soutenir les jeunes dans la défense de leur droit au logement sans discrimination, le développement aussi d'alternatives. Ces projets étant souvent ambitieux et coûteux, nous vous proposons aussi d'explorer le développement de cadres de financement novateurs impliquant de nouveaux partenaires.

Suite à ce petit résumé, on va maintenant attirer votre attention sur certaines recommandations en fonction de... Oh! J'en ai sauté un petit bout.

M. Gingras (Pierre): Mon collègue a sauté une page. Je reviens.

M. Picard (Yves): Il va un peu vite, le collègue.

M. Gingras (Pierre): Dans le contexte actuel, les jeunes des minorités visibles et les jeunes immigrants rencontrent des difficultés spécifiques qui compliquent leur cheminement professionnel. Tout au long du mémoire, nous avons identifié des mesures et programmes qui méritent d'être bonifiés, consolidés, développés afin d'assurer au gouvernement des impacts sur une large population dans une perspective de changement social à long terme. Trop de programmes ne sont pas accompagnés des moyens financiers suffisants et ne permettent que des actions ponctuelles à court terme. Nous recommandons de développer le financement d'activités récurrentes et permettant le déploiement d'un plan d'action structurant et porteur de changement. Pour ces jeunes, l'accès à l'emploi est un enjeu majeur. Les employeurs et les entreprises doivent être mis à contribution. Un cadre législatif et des incitatifs doivent donc venir soutenir les démarches des jeunes. Encore une fois, des mesures sont déjà en place et demandent toutefois d'être bonifiées.

Sur ce, nous désirons attirer votre attention sur quelques recommandations plus spécifiquement que nous avons présentées dans notre mémoire.

Sur l'orientation 1: coordonner les efforts, nous avons retenu une proposition des carrefours jeunesse-emploi de l'île de Montréal dans le cadre du suivi du Forum des générations. La consultation portait alors sur les difficultés d'application liées aux programmes et normes du gouvernement du Québec. Cette consultation a permis aux CJE de Montréal de mettre en lumière un portrait des réalités jeunesse démontrant le caractère spécifique de la réalité de la population jeunesse montréalaise. Nous portions une attention particulière aux difficultés d'intégration en emploi des jeunes des minorités visibles.

Nous recommandons que le gouvernement du Québec considère la spécificité de la réalité jeunesse montréalaise dans les cadres de financement rattachés à ses différents ministères et que le gouvernement mette sur pied un comité multisectoriel ayant pour mandat d'explorer, dans les différents ministères du gouvernement, le développement d'ententes de financement spécifiques. Nous tenons à vous dire que cette recommandation a été reçue de façon assez favorable à la CRE de Montréal.

n(15 h 10)n

M. Picard (Yves): Toujours dans l'orientation 1, doter le gouvernement d'une politique et de mesures législatives contre le racisme et la discrimination. Évidemment, on n'est pas des experts des lois, mais, sans cadre législatif, on pense que ça risque d'être des coups d'épée dans l'eau dans de nombreux dossiers.

On suggère aussi que le gouvernement... On recommande que le gouvernement et ses partenaires fassent une promotion accrue de la politique auprès des citoyens et des compagnies, grandes ou petites. Une des choses que mon collègue vient de souligner par rapport à la région de Montréal, quand on en parle, on se dit: Maintenant, ce serait intéressant aussi que ça se fasse à un niveau plus national aussi, cette consultation-là, puis un comité qui travaillerait sur des cadres comme ceux qu'on nous impose souvent, avec des objectifs, des échéanciers, qui sont impliqués, c'est quoi, la marchandise à livrer. Comme ça, on peut suivre l'évolution de notre politique et rendre compte à la population de l'évolution du dossier.

On a une phrase un peu ronfleuse aussi, qui est en page 6 du document: Que le gouvernement permette l'expérimentation et le développement de stratégies innovantes s'adressant aux réalités émergentes. Alors, ce qu'on veut souligner par là, c'est éviter le mur-à-mur, permettre aussi que des initiatives puissent se développer quand des situations se présentent. Dernièrement, on a vécu l'arrivée massive de nombreux citoyens libanais qui revenaient. Ça a eu des impacts majeurs dans nos communautés. Et permettre donc que, dans des situations comme ça, puissent émerger des initiatives locales pour répondre aux choses, parce qu'on est souvent confrontés aux cadres très stricts.

L'orientation 2: reconnaître et contrer les préjugés et la discrimination. Pour nous, évidemment, il faut voir les choses aussi dans une perspective plus holistique où il y a la lutte à la pauvreté qui doit toujours transcender nos actions comme société. Pour contrer l'exclusion et la discrimination, entre autres dans le logement, on pense qu'il est essentiel de continuer à maintenir le financement d'organismes qui sont voués à la défense des droits des locataires et des citoyens. On pense aussi que le fait qu'il y a beaucoup de jeunes qui vivent des difficultés plus particulières par rapport au logement, on peut s'inspirer d'initiatives intéressantes, telles que celle des Foyers de jeunes travailleurs qu'on a décrite dans notre document, qui portent fruit et qui permettent aux jeunes de commencer dans la vie sur des bases plus solides puis commencer avec d'autre monde, là, de se mettre les pieds sur le dur pour partir dans la vie. Bon. Donc, on avait la recommandation de réaffirmer notre appui aux ressources oeuvrant à la promotion et la défense des droits des victimes de discrimination face au logement.

M. Gingras (Pierre): En continuant, l'orientation 3: renouveler nos pratiques et nos institutions. Nous avons débuté cette partie par un texte sur l'accès au logement à partir de différentes données qu'on a ramassées dans les dernières années. On vous a présenté des éléments importants pour faire un portrait de la situation. Évidemment, comme il a été dit tout à l'heure, nous n'avons pas de portrait détaillé, personne, entre les mains sur la question de la discrimination. Toutefois, nous savons que l'origine culturelle, la question des minorités visibles, nous parlons, à Montréal, souvent de l'impact négatif du profilage racial chez certains jeunes... Or donc, il est toujours temps de mettre en place et de développer des mesures afin de travailler avec les jeunes. La question des jeunes et de l'emploi devient effectivement, comme il a été dit tout à l'heure, cruciale. Il existe déjà en place des activités favorisant l'immersion professionnelle spécifiquement des immigrants et des jeunes des minorités visibles. Nous considérons que ces activités doivent toujours être favorisées, qu'il y a toujours de la place au développement afin de répondre aux besoins.

M. Picard (Yves): On est actuellement dans le cadre, dans la troisième année du Défi de l'entrepreneuriat jeunesse, excellente initiative du gouvernement québécois. Depuis le tout début, je pense que, sur le territoire de l'île de Montréal, on a mis en lumière le fait qu'il y a des besoins spécifiques, dans les jeunes des communautés culturelles, qui mériteraient qu'on puisse développer et une expertise, mais aussi des actions concrètes pour s'adresser à eux, ce qui, dans le contexte actuel, n'est pas possible. Donc, on se permet de dire: Oui, effectivement, développer l'entrepreneuriat jeunesse, développer la culture entrepreneuriale chez les jeunes des communautés culturelles, pour nous, ça demanderait des ressources particulières avec des expertises particulières qu'on aimerait pouvoir mettre en place.

Poursuivre l'application du Programme d'obligation contractuelle. Pour nous, que le gouvernement du Québec supporte la mise en place d'entreprises socialement responsables sur le territoire, c'est essentiel. On parle en ce moment, dans la politique des entreprises de 100 employés et plus... On aimerait que puisse être envisagé d'aller voir vers les entreprises de 50 employés avec des évaluations d'impact, mais on pense que ça pourrait être possible d'aller vers des plus petites entreprises, parce que 100 employés et plus, sur un territoire comme celui où j'oeuvre à Lachine, entre autres, il y a peut-être 1 000 entreprises, on parle de peut-être cinq entreprises de 100 employés et plus, donc on ne rejoint pas beaucoup de monde.

Et on se dit aussi: Comme on pense qu'une politique comme ça on a insisté qu'il y ait une campagne publicitaire, qu'on soit fiers de cette politique-là puis fiers de ce qu'on est capables de faire au Québec, de nous distinguer puis de nous démarquer, on se dit que l'ensemble des entreprises pourraient être invitées aussi à avoir un programme d'accès à l'égalité. Par contre, il faut comprendre que ça a des implications dans une structure: c'est des documents légaux, c'est des politiques qui sont mises en place. Et l'expertise, chez les plus petites entreprises comme chez les membres des groupes communautaires, n'est pas accessible pour nous en ce moment. On pense à de la formation puis du soutien pour que ça puisse être mis en place. Et, comme ça, on va agir en tant que véhicule moteur aussi pour en faire la promotion auprès de d'autres... On pense que ça pourrait s'étendre après ça de façon volontaire chez beaucoup d'autres acteurs de la société civile.

M. Gingras (Pierre): Dans la même orientation, nous avons soulevé qu'il était important de poursuivre et bonifier l'implication du gouvernement dans des actions favorisant l'implantation d'immigrants en région. Nous voyons régulièrement des jeunes de différentes origines, Europe de l'Est, des jeunes Maghrébins, des jeunes de minorités visibles, face à des besoins d'emploi en région, regarder, évaluer la possibilité d'aller s'implanter en région. Nous tenons à vous dire aujourd'hui que, pour avoir suivi et accompagné des jeunes et malheureusement voir des jeunes revenir à Montréal, qu'il est important d'envisager de façon sérieuse une campagne de sensibilisation, de l'accompagnement. Il faut viser les populations, les communautés.

Ce n'est pas seulement l'emploi qui va faire qu'un jeune Maghrébin, qu'un jeune Noir africain va s'implanter dans une région et va revenir... va s'y installer et créer son propre réseau. S'il ne réussit pas à créer un réseau, il reviendra à Montréal. On l'a vécu. On a vu un jeune, cours d'histoire, Africain, s'installer à Saint-Hyacinthe, tout près de Montréal, et, après un an, deux ans, dire: Je reviens en recherche d'emploi à Montréal parce que je ne réussis pas à faire, à créer un réseau. Il faut dire que, même pour des Québécois de souche blancs, partir d'un grand centre et s'installer en région pour y faire des affaires, c'est déjà très complexe, puisque nous ne venons pas de la région, on est identifié comme étant des gens de l'extérieur. Donc, imaginez la réalité au niveau immigrants. Je vous dirais même qu'à voir les jeunes au quotidien ça prendrait une politique beaucoup plus importante pour avoir un effet à long terme que ce que nous avons actuellement avec les différents programmes.

M. Picard (Yves): Enfin, dans le cadre de sa stratégie jeunesse, le gouvernement canadien subventionne de nombreuses initiatives et des organismes porteurs de projets qui offrent l'occasion à des jeunes, nommément des jeunes immigrants récents, de participer à des projets qui vont faciliter leur intégration sociale et professionnelle. Malheureusement, il n'y a pas d'arrimage entre ce qu'on fait au Québec et ce qui se fait à Ottawa, des arrimages qui amènent des reports, qui amènent du non-traitement de dossiers, des difficultés d'arrimage dans la pratique. On s'en vient en ce moment avec la stratégie jeunesse du gouvernement du Québec, où il y a des projets importants qui vont être mis en place pour les jeunes. Et les argents qui sont demandés, entre autres, par des groupes comme nous pour soutenir les jeunes dans leur démarche sont disponibles à Ottawa pour les jeunes, mais par contre, au Québec, la capacité qu'on a peut-être de payer n'est pas au rendez-vous. S'il y avait un arrimage, je pense que toutes les stratégies qu'on met en place pourraient être plus profitables.

n(15 h 20)n

Donc, on souhaite, puisque c'est vraiment une clientèle cible pour l'État canadien... Pourquoi on ne réussirait pas à trouver façon d'arrimer nos pratiques pour que les jeunes puissent en bénéficier davantage? Pour des organismes comme nous, en ce moment, on peut vous dire, il y a... On dépose des projets. S'ils sont déposés entre janvier et le 31 mars, ils ne sont pas étudiés parce que c'est trop long dans la machine fédérale. S'ils sont déposés entre le 1er avril puis la Saint-Jean-Baptiste, ils ne sont pas étudiés parce que c'est le décret d'exclusion M-30 qui dit qu'on ne peut pas signer avec le fédéral tant qu'il n'y a pas de moratoire. C'est un enfer à vivre. Ça fait en sorte qu'il y a beaucoup d'organismes qui refusent maintenant et de déposer... puis c'est des choses qui nuisent finalement au bon déroulement d'actions auprès des jeunes. Ça vous résume un peu notre...

Le Président (M. Turp): Merci beaucoup, messieurs. Je crois que la ministre va vouloir vous poser quelques questions. À vous la parole, Mme la ministre.

Mme Thériault: Certainement. Merci, M. Picard, et merci, M. Gingras, d'avoir partagé avec nous votre expérience cet après-midi. Je trouve que c'est d'autant plus important qu'effectivement, au niveau des jeunes, on va retrouver les jeunes immigrants mais aussi les jeunes de deuxième et de troisième génération qui sont tout autant des jeunes qui veulent faire leur place sur le marché du travail. Ils veulent trouver leur place pour pouvoir se réaliser puis ils n'ont pas nécessairement tous les bons outils pour pouvoir le faire. Je considère que les carrefours jeunesse-emploi font un bon travail. Je travaille en étroite collaboration, comme la majeure partie de mes collègues ici, avec le carrefour jeunesse-emploi que j'ai à Anjou, avec Isabelle Leblond que vous devez connaître. Et évidemment on a vu assez rapidement... à chaque fois que le tissu social d'un comté se modifie, on va le voir rapidement dans les carrefours jeunesse-emploi. C'est le cas chez nous. Donc, j'imagine qu'ailleurs on le ressent rapidement. De par le 16-35 ans, vous en menez quand même pas mal large puis vous voyez beaucoup de problématiques chez les jeunes.

J'aimerais vous poser une question que vous n'avez pas abordée, qui est probablement plus sur votre feeling, puisque, bon, j'imagine que vous parlez avec des jeunes, vous faites de l'intervention, vous en voyez, des jeunes, vous faites des activités: Comment les jeunes, eux, vivent le racisme? Est-ce qu'ils vous font part qu'ils ont vécu des situations de racisme ou de discrimination? Est-ce qu'ils sont affectés par des propos, des paroles par des jeunes, soit à l'école ou dans un autre cadre? Comment les jeunes perçoivent ça? Moi, je me dis: Bon, moi, j'ai 40 ans, j'ai été dans une école où il y avait quand même une certaine mixité. Je regarde mon fils qui a 15 ans, il a commencé l'école, il y avait 20 communautés culturelles dans sa même école, et, aujourd'hui, il a 15 ans. Bien, quand il me parle de ses amis, jamais il ne va me dire qu'ils sont noirs, blancs ou jaunes, là. Pour lui, c'est un ami, il n'y a pas de différence. Les mentalités évoluent. Comment les jeunes réagissent face à ça?

M. Gingras (Pierre): Comme vous le savez, à Montréal, le côtoiement, les relations sont relativement harmonieuses au niveau de la population en général. Bon. Au niveau du carrefour jeunesse-emploi, vous avez tout à fait raison avec ce que vous disiez au début, nous, on est dans un territoire qui reçoit une immigration récente. Or donc, on suit l'arrivée des immigrants de différents groupes. Et nous sommes sur un territoire où, entre autres, nous avons de façon... je vous donne comme exemple des HLM qui sont avec des jeunes Haïtiens de deuxième, troisième génération qui vivent des situations très difficiles.

Si on est là aujourd'hui, entre autres, et nous ne sommes pas des spécialistes de la question, mais on est vraiment ici parce que, quotidiennement, je vous dirais, en travaillant avec des jeunes Haïtiens, avec des jeunes Maghrébins ? les deux exemples que je donnais tout à l'heure ? nous entendons les jeunes dire être victimes de discrimination et de racisme. Bon. Ce n'est pas une étude scientifique, ce sont leurs propos.

Ce qui commence aussi à être inquiétant, c'est des jeunes qui intègrent aussi, je vous dirais, une attitude peut-être de victimisation là-dedans et pour qui les parcours d'insertion socioprofessionnelle deviennent très complexes à partir de là. On entend très souvent des histoires et beaucoup trop souvent des histoires du genre: J'ai appelé pour un emploi, je me nomme Nassim Haddad et j'ai appelé pour déposer ma candidature, on m'a dit que le poste était complet, et Louise Bolduc appelle à côté... Et ça, on l'entend, on se le disait avant d'entrer dans la salle, on l'entend beaucoup trop souvent. On entend la même chose, à Montréal, pour ceux qui connaissent bien la réalité du logement, la réalité du logement est très complexe, on entend la même chose au niveau du logement.

Or donc, malgré une cohabitation des différents groupes qui est relativement harmonieuse, lorsqu'on parle de l'emploi, lorsqu'on parle du logement, et, bon, on a retenu l'aspect logement mais on aurait pu parler de d'autres, mais, au niveau des besoins de base, c'est vraiment essentiel, c'est une réalité qui est quotidienne, qui est régulière. Le carrefour jeunesse-emploi s'est doté d'un comité de travail au sein de sa structure sur la question de comment on travaille avec les jeunes qui se disent victimes de discrimination. Vous voyez dans le mémoire le CJE Notre-Dame-de-Grâce, dont le conseil d'administration a senti le besoin de faire une résolution spécifiquement sur la question. Or donc, oui, c'est une réalité qui est dans notre quotidien, mais pour laquelle, comme il a été dit tout à l'heure, nous n'avons pas... nous ne sommes pas capables de la chiffrer.

Mme Thériault: C'est sûr que malheureusement il n'y a pas assez d'information, il n'y a pas de documentation, il n'y a pas nécessairement de suivi dans les études précises qui ont été faites. Puis, bon, ça fait partie des pistes qu'on doit aussi regarder parce qu'il faut documenter la chose pour être bien sûrs qu'on puisse suivre l'évolution, sauf que... Pourquoi je vous ai posé cette question-là? C'est qu'évidemment, quand tu sens de la détresse chez des jeunes, puis que, bon, c'est un phénomène qui avant était moins présent, probablement parce qu'il y avait moins de jeunes des communautés culturelles aussi, il y avait moins de jeunes qui provenaient directement de l'immigration, j'en conviens... Est-ce que vous ne sentez pas un certain peut-être désespoir chez les jeunes? Puis là je vais faire une association ? qui n'est peut-être pas «politically correct», mais je vais la faire quand même ? par rapport aux événements qui se sont passés dans les banlieues parisiennes, à l'automne passé. Est-ce qu'il n'y a pas un risque que nos jeunes décrochent de la société?

M. Picard (Yves): Je vais laisser Pierre répondre, mais je voulais ajouter: Quand on entend... Chez nous, là, les jeunes, ils font des activités de groupe. On a des activités qu'on organise avec des jeunes aussi qui viennent sur une base volontaire, puis d'autres activités dans le cadre de Solidarité jeunesse ou autre. Les jeunes entre eux, ce n'est pas là qu'on sent le problème, ce n'est pas là qu'on le voit, le problème, puis ce n'est pas là qu'on l'entend, le problème. Le problème, on l'entend, c'est quand ils vont vers les générations plus vieilles.

Mme Thériault: Plus vieilles.

M. Picard (Yves): C'est quand on va dans des rendez-vous de gens d'affaires puis qu'on se fait des fois dire: Bien, moi, telle gang, j'ai eu du trouble, ça fait que... puis là ils sont tous de même. C'est aussi ça, là. Et là, quand ils reviennent, les jeunes, quand ça va faire une fois ou deux qu'ils vont, comme Pierre disait, là, mon collègue, à un moment donné, ils vont... c'est de la victimisation aussi. C'est là que ça commence à avoir des impacts importants chez eux. On travaille avec eux, et éventuellement ils vont trouver un emploi. Mais est-ce que ça va être un emploi à la hauteur de leurs aspirations? Est-ce que ça va être un emploi qu'ils vont prendre à défaut de? Ça, à la longue, ça diminue l'estime de soi puis ça fait en sorte que tout le reste s'enchaîne dans la vie qui est moins positif.

M. Gingras (Pierre): Je continue sur la question des banlieues parisiennes. Vous êtes la deuxième ministre à me poser cette question. Et je travaille dans un territoire assez chaud qui est Ahuntsic-Cartierville, Montréal-Nord à côté, Saint-Laurent, vous voyez, le centre-nord. Moi, je vous dirais: Il ne faut pas être alarmiste. Mais, lorsqu'on a des concentrations de population dans certains quartiers, où les concentrations de jeunes adultes en termes de densité de nombre sont très importantes, quand les taux de chômage sont ce que nous savons ce qu'ils sont au niveau des jeunes des communautés noires à l'heure actuelle, quand des jeunes disent, dans un atelier de groupe, dans un programme Solidarité jeunesse, que le phénomène des gangs et de la criminalité, bien c'est aussi une question de revenu, et que des jeunes Haïtiens disent: Il y a trop de jeunes conducteurs de taxi à Montréal chez les Haïtiens, oui, il y a une situation très importante et qui nécessite effectivement... Et je ne veux pas rentrer dans le plus ou moins pire comparativement, je n'ai pas les données. Mais, oui, effectivement, une politique et le déploiement d'une politique avec une grande visibilité au Québec pour ces jeunes-là est un élément très, très important et qui serait très bien reçu des gens.

Mme Thériault: Je reviendrai un peu plus tard.

Le Président (M. Turp): Je crois qu'il vous reste encore un peu de temps, Mme la ministre.

Mme Thériault: Oui? Sur mon premier bloc? Oui?

Le Président (M. Turp): Si vous voulez, sur votre premier volet.

Mme Thériault: Ah, mon Dieu! J'avais l'impression que ça avait filé à une vitesse...

Le Président (M. Turp): Il vous reste deux minutes encore...

Mme Thériault: Deux minutes! D'accord.

Le Président (M. Turp): ...presque deux minutes.

Mme Thériault: D'accord. Vous avez parlé de l'importance aussi de l'entrepreneuriat jeunesse. Je sais que, nous, comme ministère, on a conclu deux ententes: une avec le SAJE Montréal métro, une autre avec la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, parce que justement, effectivement, il y a des jeunes, qu'ils soient issus des communautés culturelles ou des minorités visibles, qui sont attirés vers l'entrepreneuriat. J'aimerais ça peut-être que vous nous donniez une piste de solution, de quelle façon on pourrait favoriser ça.

Je tiens juste à mettre la table un petit peu par contre, de dire que, si on est en consultation aujourd'hui sur une politique, c'est qu'il y a eu une première consultation: la pleine participation des communautés noires à la société québécoise. La première recommandation, c'est celle-ci, le travail qu'on fait, donc se doter d'un plan de lutte pour lutter contre le racisme. Et une des recommandations qu'on a annoncées, qu'on allait de l'avant, c'est la mise sur pied d'un chantier économique par le ministre du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation pour se pencher sur cette problématique-là. Mais j'aimerais ça peut-être vous entendre puisqu'on n'a pas encore eu de politique chez mon collègue.

n(15 h 30)n

M. Picard (Yves): C'est dans le cadre de notre mandat, dans le cadre du Défi de l'entrepreneuriat, donc au niveau de la sensibilisation. En ce moment, on rejoint les jeunes en milieu scolaire principalement ou dans certains organismes jeunesse. Par contre, le dimanche, à tel endroit, la communauté chinoise se réunit. Le jeudi, toute la communauté philippine est à tel endroit. Vous savez, les communautés se tiennent et... Pour nous, là, déjà d'avoir quitté souvent un pays, l'autre génération, bien c'est des générations, c'est... il faut être entrepreneur pour faire ça, il faut avoir le goût de relever des défis.

Alors, comment les rejoindre, ces jeunes-là, dans un milieu où ça va être bien vu aussi parce que les choses sont arrangées? Ça, ça se fait souvent en dehors du cadre standard dans lequel, nous, on est habitués de travailler. Vous comprenez, c'est d'aller vers les églises, d'aller vers les lieux où ils sont. Où sont-ils? Moi, je reste sur la rue à côté de la rue Saint-Hubert, à Montréal. Il y a beaucoup d'églises maintenant, sur la rue Saint-Hubert, dans des anciens commerces, c'est assez étonnant. Et je peux vous dire que, le vendredi soir ou le samedi, c'est plein de monde qui sortent de l'église, puis là c'est les enfants, les parents, les grands-parents, tout le monde est là. Donc, il faut aller les rejoindre aussi là où ils sont parce que, comme n'importe qui, quand on va ailleurs, on a tendance à essayer de se regrouper avec les gens de notre communauté, de nos origines. Tu sais, il y a le Chinatown, on a la Petite-Italie, tu sais, on a des quartiers où on le sait qu'il y a des plus grandes poches. Comme, sur un des territoires où je travaille, à Pierrefonds, c'est les jeunes Noirs anglophones. Dans Cloverdale, c'est ça aussi, là, c'est des HLM, des coops, puis ils sont là. Alors, pourquoi ne pas permettre d'aller les rejoindre là puis après ça...

Puis là on se dit: Il faut faire attention, en même temps. Il faut être prudent parce qu'il faut éviter... On a une recommandation qui dit: Éviter de ghettoïser les choses, tu sais. On ne fera pas, tu sais, une affaire pour tout mettre tout le temps telle gang ensemble, puis tout ça, parce qu'on a tout intérêt à ce qu'il y ait des échanges. Mais il faut d'abord aller pouvoir rejoindre les gens là où ils sont puis travailler avec eux en fonction aussi de... Parce que c'est différent. Les Chinois ne pensent pas de la même façon que les Africains, puis, tu sais, ça, c'est clair pour nous. Donc, il faut développer des choses en fonction de ça, aller les rejoindre là où ils sont.

Le Président (M. Turp): Très bien. Merci. Alors, c'est au tour de l'opposition officielle, à la députée de Laurier-Dorion, la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'immigration et de communautés culturelles.

Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. MM. Picard et Gingras, bonjour. C'est très intéressant, votre vision, puisque, bon, vous travaillez directement sur le terrain, avec les jeunes. Puis, depuis le début de ces travaux, on nous a parlé beaucoup de l'importance de l'insertion en emploi pour lutter contre les discriminations et le racisme. Vous l'avez mentionné que ce n'était pas seulement la seule voie à privilégier, mais en même temps il demeure que c'est une voie importante, je pense, alors les pistes que vous amenez sont très intéressantes.

J'aimerais ? on en a parlé un peu tout à l'heure ? parler juste un petit peu d'abord de la régionalisation. Donc, comme vous orientez vous-mêmes des jeunes vers l'emploi, est-ce que vous avez des outils qui sont mis à votre disposition afin de faire connaître les opportunités qui existent en région? Est-ce qu'il y a des partenariats entre les différents carrefours jeunesse-emploi de la région métropolitaine et ceux régionaux? Je sais, bon, que vous avez des instances, mais est-ce que ça se concrétise, là, au jour le jour, sur le terrain?

Puis enfin j'ai oublié de le mentionner, mais c'est chez nous que nous verrons naître le prochain carrefour jeunesse-emploi. Nous en sommes très, très, très heureux parce que je pense que ça peut faire une réelle différence, notamment chez les jeunes issus des minorités visibles ou issus de l'immigration.

Donc, sur la régionalisation, d'abord.

M. Gingras (Pierre): La régionalisation effectivement, oui, dans les carrefours jeunesse-emploi, de plus en plus on va retrouver de l'information qui est souvent relayée par les structures du ministère. On va retrouver de l'information sur le travail en région. Nous recevons des publicités sur: Venez telle journée, dans telle région, on accueille les gens. Bon. Ça a un impact, j'admets, relatif. Il est assez difficile pour un jeune immigrant de partir de lui-même, tout seul, comme ça. Tu viens d'arriver à Montréal, ça fait quelques mois qu'on est là, on est en train de s'installer et on part vers le Lac-Saint-Jean, disons.

Mme Lefebvre: ...

M. Gingras (Pierre): Pardon?

Mme Lefebvre: ...l'inverse existe? Est-ce que les leaders du Saguenay viennent à Montréal, dans certains milieux, pour présenter les emplois?

M. Gingras (Pierre): Pas assez, je vous dirais, pas assez. Je vous dirais... Tout à l'heure, quand je disais: Il y a des embryons, il y a des premières pistes qui sont là mais qui doivent être développées, c'est le type d'exemple. Le Carrefour jeunesse-emploi Saint-Laurent a développé un projet très intéressant en se déplaçant vers des carrefours jeunesse-emploi, mais les carrefours jeunesse-emploi de la région doivent aussi venir à Montréal.

Il faut dire qu'une conseillère en emploi à Montréal qui travaille dans Ahuntsic-Bordeaux-Cartierville ? ou dans votre territoire, madame ? la réalité multiculturelle, c'est quotidien. À Saguenay, en Abitibi, c'est beaucoup moins quotidien. C'est pratiquement inexistant pour certains conseillers. Or donc, les programmes doivent être accompagnés pour bien fonctionner, et c'est là, là, qu'il manque des maillages d'accompagnement, de suivi sur place, des régions, de venir... Les bases sont là, on reconnaît tout le monde, et les programmes sont là. Mais, pour arriver réellement, humainement, socialement à ce que des gens fassent le saut, et s'y installent, et, comme je disais tout à l'heure, ne reviennent pas après un certain temps, l'accompagnement doit être soutenu, les populations doivent être sensibilisées, doivent être formées.

Vous parliez, tout à l'heure, de formation. Bien, les gens des groupes communautaires, les gens des mairies, dans les différentes régions, doivent être formés. Il y a des régions où on entend dire: Ah, il se passe des choses intéressantes. On entend «Rimouski» parfois. Bon. On entend... où il y a des universités, souvent. C'est des territoires où ça va se développer plus facilement. Mais ce qu'on oublie, c'est de se mettre dans la peau d'un immigrant qui arrive d'Afrique, qui débarque à Montréal au mois de février, qui a de la difficulté déjà à s'intégrer, à comprendre les codes de fonctionnement. Et d'imaginer que rapidement une première solution serait un emploi en région... Je vous dirais que les conseillères en emploi rencontrent des gens qui font: Aïe! minute, là. On arrive, on s'installe, on est déjà dans une grande ville cosmopolite, avec diverses communautés culturelles, des commerces, et tout ça, c'est très difficile, à l'heure actuelle.

Mme Lefebvre: Et il y a des programmes qui ont été essayés, notamment, bon, pour des étudiants qui retournent en région. Donc, ils avaient une certaine prime ou un incitatif, par exemple, les médecins. Bon. C'est un autre cas, puis là je pense tout haut, là. Mais pas nécessairement qui pourrait être attribué seulement aux minorités visibles ou aux personnes issues de l'immigration, mais ça pourrait être envisagé, là, tu sais, dans le but de freiner l'exode des régions. Puis, on en a discuté également, dans certaines régions, tout simplement il y a des pénuries importantes d'emploi, donc ça devient difficile d'attirer des gens. Mais, dans d'autres régions, je pense que, s'il y avait des incitatifs, peut-être que certaines personnes s'y rendraient.

Dans l'orientation 1, vous mentionnez, bon, dans une de... Un aspect que vous adressez, c'est: «Que le gouvernement consolide et bonifie les programmes, activités et mesures existants au sein des différents ministères.» J'aimerais vous entendre un peu sur la revue des programmes existants selon vous, bien, disons, les plus et les moins de ces programmes qui s'adressent aux jeunes. On a parlé, ce matin, de l'efficacité de ceux-ci. En général, les programmes fonctionnent bien. Il manque de places disponibles. Votre analyse.

M. Picard (Yves): Bien, en ce moment, les programmes fonctionnent bien dans la plupart des cas. En introduction, on a dit: Il y a un problème aussi au niveau de la récurrence de certains programmes. Tu sais, on parle de choses souvent bien ponctuelles. En ce moment, un des problèmes qui est identifié aussi, sur l'île de Montréal, ils sont en train... La ville fait sa revue de programmes aussi, là, de tous ses programmes, puis tout ça, et un des constats qui semblent émerger, c'est la problématique de référence qu'on a entre les différentes structures. Donc, nous, on travaille avec Emploi-Québec principalement dans le cadre, entre autres, de... Puis, à titre d'exemple, Solidarité jeunesse, bien, en ce moment, la référence, ça ne va pas. Quand un jeune entrepreneur se présente dans un CLD puis que son plan d'affaires n'est pas prêt ou qu'il n'est pas encore prêt à aller dans les services du stage, où va-t-il? Il va se promener puis éventuellement il va trouver un carrefour jeunesse-emploi qui va peut-être l'aider à faire son pré-prédémarrage. Mais il n'a pas la référence, ce qui aurait peut-être pu lui sauver un deux ou trois mois.

Je pense qu'on a des bons programmes, on a des choses intéressantes qu'on a mises en place au Québec au fil des ans, mais souvent c'est de pouvoir être financé sur un an, deux ans, trois ans. Les employés, là, sont mobiles aussi, hein, ça fait que, si tu embauches une année, là, tu recommences. Il y a toujours la formation du personnel qu'il faut penser. Ça devient complexe.

Puis je vais rajouter quelque chose sur tout à l'heure. Dire à une personne d'aller en région quand tu n'as jamais été dans la région, c'est déjà un problème pour toi comme conseiller en emploi. Mais dire à quelqu'un d'aller en région quand, des emplois, juste autour, là, il y en a dans les parcs industriels, ce n'est pas dur de se trouver une job... Moi, j'ai un fils ? il est un peu plus vieux que le vôtre, il a 18 ans. C'en est un qui fait une job deux semaines puis: Ah, ça ne me tente plus. Il ne rentre pas. Il va revenir plus tard, il va recontinuer à travailler. De l'emploi, il y en a comme ça dans nos parcs industriels en ce moment. Ça fait qu'on va dire à quelqu'un: Il y a des pénuries en région. C'est vrai, mais il va falloir qu'il fasse tout un effort pour faire ça, alors que, des emplois disponibles, il y en a à côté. Ça fait que, tu sais, il y a toujours ça. Le défi est grand d'amener des gens à s'en aller vers les régions.

n(15 h 40)n

Mme Lefebvre: Mais, des emplois spécialisés, est-ce que c'est la même situation?

M. Gingras (Pierre): Bien, c'est que souvent, lorsqu'on parle des jeunes adultes qui vivent... Bon. Que ce soit par racisme ou discrimination ou des jeunes des minorités visibles ou des jeunes immigrants, comme on parlait tout à l'heure, la difficulté d'accès à l'emploi est très grande, et souvent le premier emploi va être un emploi qu'on appelle, dans notre jargon, alimentaire, les besoins de base.

Les régions souvent vont permettre, dans certains cas de pénurie d'emploi qu'on commence à voir poindre, des emplois spécialisés. Comme je mentionnais tout à l'heure, il y a des programmes, il y a des incitatifs, mais il manque une structure d'accompagnement assez, je dirais, assez solide, assez soutenue. Lorsque vous parliez, tout à l'heure, de la revue des programmes, effectivement on a des programmes intéressants sur place. Mais, de la même façon, on a une difficulté à pouvoir dire ? et là ça devient intéressant, dans le cadre d'une politique: Voici, avec un programme comme le PARCI ou avec un programme comme le Budget d'initiatives locales d'Emploi-Québec, qui sont des programmes intéressants, de dire: Bon, bien, au lieu d'y aller sur une activité ou sur un court terme, on inscrit ce programme-là dans un plan d'action sur trois ans, sur quatre ans. Or donc, là, on arrive avec un effet structurant et des objectifs beaucoup plus intéressants sur du court, du moyen ou du long terme. Et ça, c'est des morceaux qu'on a de la difficulté à attacher, comme effectivement entre les différents programmes, les différents projets, les différentes institutions de Montréal, d'où la proposition d'un comité intersectoriel spécifiquement sur la réalité montréalaise. Le maillage est difficile, comme mon collègue le disait.

Le Président (M. Turp): Merci. Mme la ministre.

Mme Thériault: Je vais juste faire une courte intervention, puis après ça mon collègue de Charlesbourg voudrait prendre la parole. Par rapport à la régionalisation de l'immigration, il est vrai qu'il y a des régions qui ne sont pas du tout préparées pour accueillir de l'immigration. Il y a des régions avec lesquelles il y a du travail de longues, longues années qui a été fait. Je pense, entre autres, à la région de Sherbrooke, qui se démarque tout à fait, parmi les régions, sur les avancées, les politiques du maire, même en matière d'embauche, l'argent qui a été investi au niveau de la ville dans une activité comme le Festival des traditions du monde ou le Buffet des nations. Je regarde l'Outaouais qui, sur papier, présentement a 5 point quelques pour cent de sa population... Mais c'est les chiffres de 2001. Je suis sûre que, quand le 2005 va sortir, on va être plus alentour de 10 %. Donc, c'est sûr qu'il y a des régions qui ne sont pas toutes au même niveau.

Moi, je peux juste vous dire que, de plus en plus, dans les ententes de régionalisation que nous signons, il y a des plans d'action régionale, il y a des ententes de régionalisation, il y a des ententes qui sont faites avec des municipalités également, et à chaque fois il y a toujours plus qu'un partenaire qui est interpellé. Au Saguenay?Lac-Saint-Jean, bien qu'il y ait moins de 1 % de la population qui soit issue de l'immigration, il y a quand même eu signature record de 21 partenaires signataires de l'entente, pour un montant de près de 900 000 $ ou un petit peu plus que 900 000 $.

Donc, je veux juste passer le message ? puis j'espère que les jeunes vont entendre ? qu'en région ils sont parfaitement conscients qu'aujourd'hui ils ont besoin de l'immigration pour se développer. Et toute la dynamique au niveau des ententes de régionalisation et du partenariat, c'est la preuve vivante que, s'ils veulent attirer de l'immigration, ils doivent se doter des bonnes structures, puis que leur monde soit conscient, puis on doit faire des activités pour justement démystifier l'immigration.

Donc, ça avance. Pas partout, j'en conviens, mais, au Forum des générations, il y a 11 régions qui ont dit: Nous voulons de l'immigration pour continuer à se développer. Mais vous pouvez être sûrs qu'on porte une attention spéciale, chaque fois qu'on fait une entente dans les régions, parce que c'est des ententes avec des sommes d'argent évidemment, pour être bien sûrs qu'on puisse prendre en considération les jeunes, définitivement.

Le Président (M. Turp): Très bien. M. le député de Charlesbourg pour un échange d'une durée d'environ six minutes et demie avec nos deux invités.

M. Mercier: Environ...

Le Président (M. Turp): Environ six minutes...

M. Mercier: Merci, M. le Président. Environ six minutes...

Le Président (M. Turp): Et demie.

M. Mercier: Alors, je commence immédiatement. MM. Picard et Gingras, bienvenue évidemment ici, à cette commission parlementaire, à l'Assemblée nationale du Québec. Ça a été un plaisir pour moi de lire votre document, votre mémoire parce que finalement on réalise que, bien que je sois de la région de Québec, de Charlesbourg, les problématiques sont les mêmes, qu'on soit en région, en capitale nationale ou en métropole. Et je dois vous avouer que votre mémoire relate et évoque tout le dynamisme que peut représenter un CJE comme le nôtre, par exemple. Évidemment, je me permets de pouvoir le citer, hein, CJE Charlesbourg-Chauveau. Mais j'ai notamment aimé lorsque vous avez, à la page 4, page 8 et page 15, fait état des documents que vous aviez soumis ou un document qui avait été soumis à la CRE et ensuite vous parliez, à la page 8, du 1 % de fonds de retraite aux entreprises qui pourrait être une solution finalement que vous apportez. Également, vous abordez la question du décrochage scolaire.

Toutefois, toutefois, messieurs, et peut-être un peu à ma surprise, compte tenu que, chez moi, dans mon comté, nous avons beaucoup d'interactions avec notre CJE et souvent les solutions apportées ou amenées dévient souvent ou font état de l'implication du niveau municipal ou communautaire... Vous en avez fait, tout à l'heure, brièvement état lorsque vous avez parlé des mairies lorsque la ministre vous a posé une question sur la problématique à Paris, mais j'aimerais vous entendre davantage là-dessus.

Et j'ai une autre brève question, M. le Président, si vous me permettez, ensuite sur encore ce niveau municipal. Mais j'aimerais connaître de vous, messieurs, quelles pourraient être, évidemment en ce qui vous concerne, en ce qui vous regarde, sur l'île de Montréal et ses arrondissements et tous ses territoires, quelles pourraient être les ententes ou peut-être quelles ont été les discussions que vous avez eues avec ce palier, compte tenu que c'est le palier évidemment qui souvent... peut-être de façon péjorative, mais que l'on dit le plus près du citoyen, donc qui connaît davantage les problématiques locales, alors que, les autres paliers peut-être provinciaux comme le nôtre ou fédéraux, souvent on dit qu'on est un petit peu plus loin peut-être de la réalité, ce qui n'est pas nécessairement vrai, je l'admets. Mais j'aimerais vous entendre là-dessus, messieurs. Allez-y.

M. Picard (Yves): Je travaille, entre autres, dans l'arrondissement de Lachine où je siège sur un CLD. Je pense que, sur le territoire de Montréal, on a de nombreuses CDEC aussi, puis les acteurs municipaux sont des partenaires sur ces tables-là, puis on travaille sur des plans d'action. Chez nous, on a un PALEE qui tient compte de ce qu'on émet comme recommandations, comme milieu communautaire. Puis on dit à notre municipalité, au CLD: Voici des axes sur lesquels on devrait travailler.

Si on n'a pas insisté dans le document, pour ma part c'est parce que je considère que, chez nous, en tout cas sur le territoire de Lachine, à tout le moins, là où je peux vraiment identifier, les choses se font comme elles devraient se faire, c'est-à-dire qu'on a consulté les gens. Et, quand il y avait des problématiques spécifiques sur notre territoire, elles sont maintenant inscrites dans notre PALEE, puis on travaille, tout le monde, à ce que, ces choses-là, on puisse maintenant dire: On porte des actions qu'on va pouvoir évaluer, puis, dans trois ans, on se rassoira, puis on verra si on a réglé notre problème.

Mais ils sont présents. Je vous dirais qu'ils sont présents sur des comités de scolarisation aussi bien que sur des tables de concertation. C'est une grosse machine, la ville. C'est une grosse machine, puis, à Montréal, on a vécu des choses un peu particulières, là, fusions, défusions. Moi, j'ai six, sept villes, là, dans l'Ouest-de-l'Île, plus un arrondissement. Tu sais, ça a amené beaucoup de choses. Ça fait que les politiques ne sont pas les mêmes partout, puis il y a des arrondissements qui ont des longues histoires.

Mais c'est un acteur important avec lequel je pense qu'on travaille sur le terrain. En tout cas, moi, chez nous puis chez mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce, je le sais aussi, c'est des acteurs avec lesquels on travaille main dans la main, avec la politique de lutte contre la pauvreté aussi. Les argents du Fonds de lutte qui transigent par les instances nous permettent après ça d'avoir des petites actions aussi plus locales, qui émanent des groupes communautaires, où, ensemble puis de façon concertée, on dit: On travaille sur cet aspect-là puis on y va.

M. Gingras (Pierre): Si vous permettez, j'ajouterais effectivement, oui, le palier municipal, bon, on travaille directement avec les arrondissements, avec la municipalité, mais il y a toute la question aussi de la grande île de Montréal. Tout à l'heure, les gens parlaient de la conférence régionale des élus. Dans notre mémoire, on vous ramène une recommandation qu'on avait présentée pour la mise sur place d'un comité multisectoriel en lien avec la CRE sur la réalité spécifique de Montréal. Comme vous avez dit, plusieurs problématiques qu'on retrouve à Montréal, on les retrouve ailleurs, mais on a une densité de population et un nombre de jeunes qui créent des situations criantes et des situations parfois très complexes. Et parfois des cadres de financement qui nous arrivent de Québec et qui sont faits pour l'ensemble de la population cadrent bien, mais cadreraient de façon beaucoup plus efficace si on tenait compte d'un indice de défavorisation axé sur l'immigration ou les jeunes des minorités visibles. Or donc, il y a un ajustement, mais tous les joueurs sont là, effectivement.

Le Président (M. Turp): Merci beaucoup. Alors, pour l'opposition officielle, la députée de Laurier-Dorion, qui sera suivie du député de Saint-Hyacinthe.

n(15 h 50)n

Mme Lefebvre: Merci à nouveau, M. le Président. En vous écoutant parler, ça me faisait réfléchir à la connaissance des programmes puis des organismes par, dans le fond, les clientèles cibles. Puis je me demandais si vous considériez que vous avez les ressources suffisantes pour faire la promotion des différents programmes puis des organismes. Parce que, si je regarde... Bien là, en tout cas, de mon modeste vécu, ce que je me rends compte, c'est que plus tu es informé, on dirait que plus tu vas être informé, donc plus tu t'impliques, tu vas être à même de connaître bien les programmes puis les ressources qui s'offrent à toi. Mais ceux qui ne s'impliquent pas du tout ou qui ne connaissent pas les ressources sont souvent encore plus isolés puis ils ont de la difficulté. Donc, je me demandais si vous avez les ressources suffisantes pour faire, bon, la promotion dans les institutions scolaires, mais aussi pour aller chercher les jeunes chez eux. J'imagine que ce n'est pas évident non plus, là, mais... Parce que dans le fond c'est ceux qui sont isolés le plus qu'il faut aller aider.

M. Picard (Yves): Quand on va rejoindre les jeunes les plus marginalisés, les jeunes les plus loin, c'est surtout à travers les liens de partenariat qu'on établit dans nos communautés, hein? On travaille en partenariat avec nos commissions scolaires ? on a quand même l'obligation de fréquentation scolaire ? on travaille avec les maisons de jeunes du territoire. Chez nous, on a des équipes de travailleurs de rue, de travailleurs de milieu auxquels même... J'ai de mes employés qui vont se joindre à eux une fois semaine, pendant la période estivale. Donc, on essaie, autant que faire se peut, d'aller rejoindre les jeunes là où ils sont, comme ils sont, par nos réseaux, les tables de quartier, les... C'est comme ça qu'on réussit, en travaillant avec les autres, parce qu'effectivement on ne peut pas aller frapper effectivement à toutes les portes, je pense, pour rejoindre les gens.

Puis, au début de la question, vous disiez «pour bien les informer». Mais, bien les informer, une des réalités qu'on vit, c'est... Nous, là, on est des directeurs généraux, hein? On se promène, on va dans les tables de concertation, on rencontre du monde, on va à des affaires que le comité untel organise, puis là on connaît tout ce qui se passe, supposément. Après ça, on revient à nos équipes de travail puis, blablabla, on défile ça. Mais ça en fait, de l'information à accumuler, quand ils ont déjà des «case loads»... Et là, dans notre mémoire, on a dit: Il faudrait soutenir... qu'il y ait du réseautage entre les intervenants qui sont préoccupés par ça. Sur les territoires où on travaille avec des jeunes des communautés culturelles, les jeunes immigrants, puis tout ça, pourquoi on ne pourrait pas faciliter le réseautage avec des...

On nous parle des initiatives qu'il y a à Sherbrooke. Il y en a aussi à Drummondville, j'en suis persuadé, il y en a à Trois-Rivières. Mais comment, moi, mes intervenants... On dit que, pour référer dans un CLSC, il faut faire une référence personnalisée. Et là on va référer à une région sans souvent même la connaître puis en n'ayant pas le contact direct avec les organismes qui vont éventuellement faire le suivi de notre intervention. On n'a pas ces espaces-là, je pense, en ce moment où, entre les réseaux... Tu sais, nous, on est dans le réseau de l'emploi, les carrefours jeunesse-emploi. Bien, avec le réseau des personnes qui travaillent à l'immigration puis qui sont responsables de l'implantation, tu sais, de l'accueil des gens en région, il faudrait faciliter le réseautage. On aurait tout intérêt à le faire, puis on le demande, de soutenir ça.

Mme Lefebvre: O.K. Une dernière petite question avant de céder la parole. On peut lire, à la page 14 de votre mémoire, et je vous cite: «Il faut aussi éviter qu'un jeune adulte puisse se voir refuser l'accès à des programmes d'emploi sous prétexte qu'il ait participé à des mesures en tant que minorité visible.» Donc, je suis perplexe. Est-ce que vous pouvez nous donner des exemples où des jeunes se sont vu refuser leur participation?

M. Picard (Yves): C'est plutôt des craintes.

Mme Lefebvre: O.K., c'est des craintes.

M. Gingras (Pierre): C'est plutôt une crainte. Comme on disait tout à l'heure...

Mme Lefebvre: O.K. Donc, ça ne se produit pas, heureusement.

M. Gingras (Pierre): ...pour nous, c'est un défi dans un plan d'action, dans le cadre d'une politique semblable. Comment donner des activités, offrir des activités spécifiques en fonction de besoins spécifiques ? vous parliez tout à l'heure des jeunes, de la circulation de l'information ? comment travailler avec les jeunes qui, parmi les jeunes des minorités visibles, sont les plus éloignés? Tout à l'heure, je vous donnais l'exemple des jeunes dans les HLM. Ce sont des jeunes pour lesquels actuellement la situation nécessite une intervention spécifique ciblée. Mais comment développer une intervention spécifique, et éviter la ghettoïsation, et créer des mesures pour des groupes spécifiques, mais que ça ne vienne pas en contradiction avec une mesure telle que Solidarité jeunesse? On l'apporte comme un drapeau qu'on lève. Et, tout à l'heure, on disait: Dans le cadre d'une politique discrimination, il y a des pièges. Et, je vous dirais, c'est un élément de notre réflexion qui est très présent mais face auquel on n'a pas la solution aujourd'hui.

Mme Lefebvre: O.K. Puis juste, très, très, très rapidement, à la page 16, vous parlez d'un programme avec le fédéral. Est-ce que le gouvernement actuel a réussi à rapatrier les sommes liées à la Stratégie emploi jeunesse? Non?

Le Président (M. Turp): ...parce que le député de Saint-Hyacinthe, je suis certain, a une bonne question.

Mme Lefebvre: Donc, c'est non?

M. Gingras (Pierre): Non. Les fonds sont toujours à la stratégie jeunesse du gouvernement fédéral. Il n'y a pas de passerelle entre Emploi-Québec et... Et, même si on parle... Et on vous le mentionne aujourd'hui parce que vraiment ça vise des jeunes en grande difficulté.

Mme Lefebvre: Merci.

Le Président (M. Turp): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, M. le Président. Je ne sais pas combien de temps il me reste pour...

Le Président (M. Turp): Il reste environ cinq minutes, un peu moins de cinq minutes.

M. Dion: Bon. Merci. Merci beaucoup. Alors, ça devrait être suffisant. J'ai une question à vous poser, mais avant je voudrais juste faire un petit commentaire, d'abord pour vous féliciter. Autant votre mémoire que votre présentation sont extrêmement intéressants, manifestent que vous connaissez bien votre univers, vous êtes capables d'en parler avec les nuances appropriées, et c'est très éclairant pour nous.

Je voudrais juste faire un petit commentaire en ce qui concerne la régionalisation de l'immigration. On était en commission parlementaire il y a huit ans là-dessus. Il était question de régionalisation. C'était le premier plan triennal, si je me souviens bien. Et ce n'était pas facile parce qu'on faisait face à beaucoup de préjugés antirégionalisation ou en tout cas beaucoup de prévenance: Ça ne marchera pas, ils ne connaissent pas ça.

Et en fait vous avez raison de mentionner que l'expérience en région ? et je suis de Saint-Hyacinthe, donc vous comprendrez que vous avez allumé mon intérêt tout à l'heure ? n'est pas de 100 ans. Dans la plupart des villes du Québec, il y a 10 ans, on n'avait jamais reçu des contingents d'immigrants. Quelques immigrants, oui, mais des contingents d'immigrants, jamais. Alors, l'expérience d'accueil de beaucoup d'immigrants est toute récente.

Et, chez nous, à Saint-Hyacinthe, on a deux organismes absolument qui font un travail extraordinaire et efficace: la Maison de la famille, qui s'occupe plutôt de l'accueil des familles, et le Club de recherche d'emploi, qui s'occupe plutôt de parrainer ou enfin d'ajuster la force de travail au marché du travail. Et ensuite on ne peut pas se plaindre de manquer d'emplois à Saint-Hyacinthe. On crée deux fois plus d'emplois que ceux qu'on occupe, et en général il y a beaucoup de très bons emplois dans la recherche, et tout ça. Donc, ce n'est pas au niveau des emplois non plus qu'il y a un problème. Mais c'est vrai qu'on a des... J'en connais, moi aussi, qui sont retournés à Montréal comme j'en connais qui sont venus de Montréal chez nous, remarquez bien.

Alors, je pense que la question de la régionalisation est extrêmement importante, et c'est une question d'équilibre dans la société. Je pense que l'immigration, c'est très important, mais on n'a aucun intérêt comme État à favoriser la césure, la brisure entre Montréal et les régions. Et, si on ne joue pas au niveau de l'immigration avec une certaine urgence, c'est ce qui va devenir peut-être difficile à éviter. Alors donc, on a des gestes à faire.

La question que je me pose est la suivante: Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, du côté du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles, d'améliorer le monitorage ou le parrainage des activités d'accueil en région, de faire en sorte qu'on identifie mieux les bonnes pratiques et qu'on puisse assurer le succès?

Dimanche dernier, à Saint-Hyacinthe... samedi, c'est-à-dire, au grand centre commercial, aux galeries, la ville de Saint-Hyacinthe avait des kiosques d'accueil des immigrants ou des nouveaux arrivants. Bien, il y a eu quelques nouveaux arrivants, mais pratiquement pas d'immigrants. Alors, il y a des choses qui se font, il y a beaucoup de bonne volonté, mais le succès n'est pas toujours là. Alors, est-ce qu'il n'y aurait pas plus de travail à faire du côté du ministère pour s'assurer qu'on va identifier les bonnes pratiques et qu'on va assurer un suivi dans tout ça?

Le Président (M. Turp): En une minute et demie.

M. Gingras (Pierre): Comme on mentionnait, il existe des mesures, il existe des programmes, des activités sont déjà en place, que ce soit au ministère ou dans les régions. Et, dans ce cadre-là, nous, effectivement, c'est un bon exemple quand on parle de bonifier et de développer. Les activités sont là, il y a des structures qui sont en train de se mettre en place, et, comme vous le dites, c'est tout récent. Mais on juge effectivement que, les questions d'information, d'accompagnement, de mentorat, de visites de gens des régions à Montréal et vice versa, de créer une dynamique autour de tout ça est tout à fait comme vous le dites, en regardant qu'est-ce qui fonctionne bien et qu'est-ce qui peut être développé. C'est tout à fait dans l'esprit lorsque l'on disait tout à l'heure, à la revue des programmes, qu'il y a des mesures qui existent, il y a des activités qui se font, mais que, dans le cadre d'une politique puis d'une véritable volonté de changement et d'arriver à une immigration qui se répand dans tout le Québec et qui donne l'image d'une diversité au Québec, oui, tout à fait, il y a des mesures qui sont déjà là et qui devraient être bonifiées.

Le Président (M. Turp): Alors, merci beaucoup. Merci, MM. Picard et Gingras, pour votre participation aux travaux de cette commission.

Je suspends les travaux pour quelques minutes et invite les gens de l'Alliance des communautés culturelles à bien vouloir prendre place autour de la table.

(Suspension de la séance à 16 heures)

 

(Reprise à 16 h 2)

Le Président (M. Turp): Nous voilà. La ministre est là, la... est là, nous pouvons reprendre nos travaux. Et j'invite les représentants de l'Alliance des communautés culturelles pour l'égalité dans la santé et les services sociaux, ACCESSS, à bien vouloir se présenter. Et vous disposerez de 20 minutes pour faire votre présentation orale devant la commission. À vous la parole.

Alliance des communautés culturelles
pour l'égalité dans la santé et
les services sociaux (ACCESSS)

M. Di Giovanni (Jérôme): Bonjour, mon nom est Jérôme Di Giovanni. Je suis le directeur général d'ACCESSS. Je suis accompagné par Mme Carmen Gonzalez, qui est présidente du conseil d'administration d'ACCESSS ainsi que la directrice générale de COPSI, le centre d'orientation paralégale pour les immigrants.

Nous tenons à remercier la commission d'avoir accepté notre mémoire et de nous accueillir dans le cadre de cette consultation. Depuis 2004, c'est la troisième commission que nous faisons, et, si vous regardez les comptes rendus des deux autres commissions, vous allez voir qu'on maintient une constante dans nos mémoires et dans nos présentations. ACCESSS est une fédération de plus de 90 organismes de communautés ethnoculturelles. Depuis deux ans, on a triplé de membership. C'est pour vous dire qu'il y a un besoin de regroupement et une émergence de nouvelles organisations des communautés ethnoculturelles, ça va de soi. L'immigration au Québec est en constante augmentation.

ACCESSS travaille dans le domaine de la santé et des services sociaux. Donc, on est très nichés dans ce secteur d'activité là, et c'est pour cette raison que notre mémoire, au niveau des recommandations, touche le domaine de la santé et des services sociaux. On n'a pas voulu déborder dans d'autres secteurs puisqu'il y a d'autres organisations, d'autres fédérations qui viendront vous faire des présentations dans ces secteurs-là. Et nous voulons également présenter, dans notre mémoire, un cadre de référence. Quelque part, il faut aussi se questionner sur les modes d'inclusion, de discrimination systémique et de racisme. Et, comme vous pouvez voir, dans les premières sections de notre mémoire, on tente d'énumérer et de présenter un cadre à partir duquel on pouvait en discuter et en arriver à vraiment travailler sur l'élimination du racisme et de la discrimination systémique.

Ce qu'il est important également de considérer, c'est que le Québec est en constante augmentation de l'immigration. Ce n'est plus l'immigration des années suite à la Deuxième Guerre mondiale, où ça a été plus l'Europe de l'Ouest qui arrivait. C'est maintenant une immigration de l'Europe de l'Est, de l'Afrique, de l'Asie, d'Amérique latine, donc un visage qui est complètement différent, des pratiques sociales qui sont différentes, des coutumes différentes, des rapports sociaux différents, des croyances religieuses différentes et des langues qui ne sont plus latines mais complètement différentes. Et ça, ça va être extrêmement important à considérer dans votre plan d'action.

Lorsqu'on parle de lutte contre le racisme et de discrimination systémique, on parle de trois champs d'intervention: la prévention ? et ça, c'est capital ? le redressement de la situation ? ça, c'est beaucoup plus douloureux parce que ça signifie de reconnaître qu'il y a discrimination et qu'il faut investir des ressources ? et il y a aussi l'action judiciaire, puis ça, c'est très long, au Québec, d'en arriver à accéder à l'action judiciaire. Ça signifie également que le Québec doit mettre en place ? et je souligne «doit mettre en place» ? les conditions de réussite des immigrants qu'il reçoit dans sa société. Et ça, ça va être extrêmement important parce que, lorsque les conditions de réussite ne sont pas mises en place, c'est là qu'il arrive une série de difficultés, de problèmes et de discriminations.

Le Québec... Et ça, on l'a mentionné à plusieurs reprises à beaucoup d'entre vous. Je soupçonne, même si je ne vous vois pas, qu'il y a un certain nombre de personnes qu'on a déjà rencontrées. On a toujours dit que le Québec avait les outils nécessaires pour lutter contre la discrimination et le racisme. On l'a mentionné lors de notre représentation dans le cadre du livre blanc sur la santé et les services sociaux, en réponse à la décision Chaoulli. On l'a mentionné lors de la commission de consultation sur l'inclusion des minorités visibles présidée par Mme Yolande James. Le Québec a actuellement entre les mains tous les instruments nécessaires pour lutter contre la discrimination, notamment la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, qui est une des meilleures. Il s'agit maintenant de s'assurer de bien l'appliquer, notamment la section III, article 86, sur les programmes d'accès à l'égalité, toute la section sur les droits économiques et sociaux.

Le Québec également veut intervenir sur le plan international, donc le Pacte international des droits économiques et sociaux qu'il a signé. Il faut savoir comment le Québec l'applique, quelles sont les ressources mises en place pour appliquer ce pacte-là. La convention de lutte contre toutes les formes de racisme, quelles sont les ressources? Et ça, j'aimerais bien ça que vous nous dites quelles sont les ressources que le gouvernement du Québec a investies pour appliquer tant le Pacte international sur les droits économiques et sociaux que la convention de lutte contre le racisme. Donc, on a également tous les instruments. On a une Commission des droits de la personne du Québec. On a des organismes des communautés ethnoculturelles qui interviennent dans ce domaine-là. La question qu'on pose: une politique de lutte contre la discrimination, ça viendrait possiblement ajouter quelque chose de plus, mais il faudrait voir si le gouvernement du Québec va investir les ressources nécessaires pour l'appliquer et appliquer la charte.

n(16 h 10)n

Dans une de nos sections, la section IV, Pour une inclusion sans discrimination, pour nous, si vous regardez ça, ça signifie de reconnaître que la société québécoise est en pleine transformation et mutation et de voir comment les programmes, les décisions de l'État du Québec se changent pour tenir compte de ces transformations sociodémographiques là au niveau des programmes, au niveau des services, au niveau des budgets aussi, de l'allocation des ressources, les ressources actuellement disponibles. Lorsque vous prenez une décision sur les ministères de la Santé, de l'Éducation, et ainsi de suite, est-ce qu'on tient compte du fait que la société québécoise n'est plus catholique, blanche, très chrétienne et francophile? Mais aussi il y a aussi des changements démographiques. Il faut en tenir compte. Si on n'en tient pas compte, on va continuer à gérer les programmes, à développer les programmes sans nécessairement tenir compte de ces changements démographiques là, et c'est là qu'émergent la discrimination, le racisme.

La section V, sur l'égalité de résultats, on voulait vous illustrer qu'il y a des décisions de la Cour suprême, il y a tout un argumentaire qui existe au niveau de l'accommodement et, on le voit souvent, des fausses notions sur l'accommodement raisonnable, toutes sortes d'idées qui courent. Donc, on voulait illustrer que l'accommodement par rapport aux communautés ethnoculturelles est extrêmement important, comme ça l'a été pour les femmes, lorsqu'elles ont intégré le marché du travail à partir des années soixante, soixante-dix, qui ont bouleversé toute la gestion des ressources humaines, les législations et les politiques, notamment la Loi sur l'assurance-emploi, la loi sur la santé et les services sociaux et les politiques de gestion des ressources humaines. L'accommodement devient un outil extrêmement important non pas d'exclusion, et on le voit souvent, mais un outil d'inclusion, un outil de refaçonner le cadre social de la société québécoise.

Il y a aussi toute la question de comment rendre le réseau de la santé et des services sociaux accessible, répondant aux besoins de cette nouvelle société. Nous, ce qu'on vous dit: Allez voir dans la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, allez voir dans la section III, allez voir l'article 86, qui permet la mise en oeuvre de programmes d'accès à l'égalité, qui est un instrument que la société québécoise s'est donné pour éliminer la discrimination systémique. Malheureusement, on a développé, au Québec, les programmes d'accès à l'égalité en emploi, on n'a pas touché aux autres secteurs, notamment la santé et les services sociaux, l'éducation et les services ordinairement offerts au public. Mais l'instrument est là. Il s'agit maintenant d'avoir le courage politique ? et je dis bel et bien «le courage politique» ? de l'appliquer, cet instrument-là, et de travailler en partenariat avec les organismes des communautés ethnoculturelles pour vraiment rendre le réseau de la santé et des services sociaux accessible et répondant aux besoins de cette nouvelle société québécoise. Le Programme d'accès à l'égalité en emploi, c'est un instrument de gestion, d'identification de la discrimination, de planification qui nous permet d'allouer les ressources disponibles dans un cadre équitable et égalitaire.

Sur ce, je vais passer la parole à notre présidente, Mme Gonzalez.

Mme Gonzalez (Carmen): Merci, Jérôme. Voilà, je vais continuer la présentation dans l'idée de Jérôme. ACCESSS propose d'analyser l'accès à la santé en tenant compte de la Charte des droits et libertés de la personne et, pour ça, elle estime qu'il faut implanter des programmes qui devraient comprendre des éléments comme l'analyse de la population et la disponibilité des programmes et des services, l'analyse des prestations des services, la détermination de la sous-utilisation des services existants, la détermination de l'insuffisance des programmes et services en raison des spécificités ethnoculturelles de la population et d'élaborer un plan d'action en matière d'accessibilité à la santé et de prestation des services fondées sur l'équité.

Ce que demande ACCESSS, c'est de faire vraiment la promotion d'un réseau de la santé et des services sociaux fondé sur l'équité, c'est-à-dire que les gestionnaires répartissent équitablement les ressources et que les services soient créés et dispensés selon les besoins.

Et on a parlé aussi des coûts liés à l'exclusion. Il y a un discours de l'État québécois sur la diversité de la société québécoise, mais ce discours ne se traduit pas en actions de changement et d'inclusion, et cela entraîne des coûts, des coûts qui sont très simples à évaluer précisément parce que c'est des coûts qui sont reliés à l'exclusion sociétale des communautés ethnoculturelles: les immigrants, les minorités visibles, et autres. Les composantes sont multiples et très bien connues, soit le taux de chômage des immigrants, la discrimination en emploi des minorités visibles, le taux de décrochage scolaire, la maladie, les situations de handicap, l'inadéquation des soins de santé et des services sociaux, la formation et l'expérience acquises à l'étranger non reconnues, l'obligation de refaire des études.

Et il y a des coûts pour la personne en cause, que c'est en termes de temps, de stress, de frustration, de conditions de vie familiale et argent. Pour le gouvernement, en termes de perte d'argent pour recycler les personnes ou pour refaire les mêmes études, perte engendrée par le paiement des congés de maladie entraînés par la pauvreté, aussi la perte de confiance dans le système politique local. Et il y a aussi des pertes pour la société, en termes de ressources humaines professionnelles déjà formées, pertes en termes de ces personnes, pertes en relations interculturelles qui pourraient devenir conflictuelles.

Et on a, ACCESSS et les membres d'ACCESSS, on a des questions qui se soulèvent. Comment, dans la formation du personnel du réseau, la composante ethnoculturelle est intégrée? C'est une des choses qu'on parle très souvent, très souvent. Lors des campagnes d'éducation sur la prévention des infections, des maladies, quels moyens utilisent les départements de santé publique pour rejoindre ces populations? Les répondants d'Info-Santé sont-ils capables de parler les langues maternelles des communautés ethnoculturelles, surtout celles des nouveaux arrivants? Qui est le responsable de l'application de la loi n° 143 dans le réseau de la santé et des services sociaux ainsi que dans le MSSS? Et il y a une question qu'on se fait depuis longtemps aussi, c'est: À quand les programmes d'accès à l'égalité dans le secteur de la santé et des services sociaux?

Alors, on dit qu'il ne suffit pas d'élaborer une politique. Ça relève de la pensée magique. Il faut élaborer des politiques, il faut les appliquer, et c'est un changement de culture, l'implantation de nouvelles pratiques de gestion, une nouvelle orientation de la formation du personnel et un nouveau cadre de recherche.

On peut passer au point n° 8. C'est l'inéquité d'accès aux ressources financières par les organismes communautaires des communautés ethnoculturelles. Et c'est un point que ça me touche personnellement parce que, là, je ne peux pas parler d'ACCESSS sans parler de mon organisme, COPSI. C'est vrai que toutes les communautés ethnoculturelles ont créé des espaces sociocommunautaires pour préserver leurs valeurs et coutumes traditionnelles. Et les organismes communautaires des communautés ethnoculturelles qui ont été constitués dans le but d'offrir des services d'aide à leurs membres doivent également avoir le droit de participer activement dans les programmes conçus pour améliorer l'état de santé et les conditions sociales des Québécois. Et c'est pour ça qu'on parle toujours de ça parce que les organismes communautaires qui travaillent pour les immigrants ne sont pas subventionnés assez. C'est vrai qu'on a fait, ça ne fait pas longtemps, une enquête auprès de nos membres d'ACCESSS, et la situation n'a pas changé. Ça fait des années et des années qu'on parle de ça, les organismes communautaires qui sont mal subventionnés. On travaille avec une population énorme, et nos subventions, la façon comment on pratique, il y a des cas qu'on dit: Mais, s'il y a les moyens, pourquoi on ne peut pas aller donner les services? Et on revient toujours au manque de financement de nos organismes.

Et là je peux passer au point n° 9 que c'est la participation des communautés ethnoculturelles au sein des instances du réseau de la santé et des services sociaux. Et il n'y a pratiquement pas de représentants des minorités ethniques et raciales dans les instances décisionnelles du réseau de la santé et des services sociaux. Et ACCESSS estime qu'il faut s'assurer que la composition des conseils d'administration des agences, instances locales des établissements, reflète la diversité ethnoculturelle de la population du territoire en question. L'article 133 traite de l'élection des membres du conseil d'administration d'un établissement, et ACCESSS a observé que, dans l'ancienne loi, dans le même article, la composante ethnoculturelle était présente. Mais on est inquiets de constater que, dans la nouvelle version proposée par la loi n° 83, cette particularité n'apparaît pas. ACCESSS considère qu'elle devrait continuer de s'y retrouver, compte tenu de l'importance croissante de la diversité ethnoculturelle dans la société québécoise.

Et, sur ça, je laisse Jérôme faire la conclusion de notre mémoire.

n(16 h 20)n

M. Di Giovanni (Jérôme): En conclusion, ce que nous disons, c'est que lutter contre le racisme et la discrimination, ça signifie, surtout dans le type de société dans laquelle on se trouve et on est en train de développer, ça signifie de revoir nos façons de penser. C'est un changement de société auquel on fait face, et il faut développer des ressources, il faut appuyer les ressources existantes, il faut revoir comment l'État du Québec développe ses programmes et services pour assurer une meilleure... une inclusion. La discrimination systémique, elle est vécue par l'ensemble des communautés ethnoculturelles, elle est structurelle. On n'a qu'à penser au règlement sur le délai de carence d'accès aux services de santé de trois mois pour les immigrants qui arrivent ici. On n'a qu'à penser à tout le débat qui existe depuis 20, 30 ans, au Québec, sur la reconnaissance des acquis, formation hors Québec.

Il ne s'agit pas de voter une loi, de se doter d'une politique. Ça, on est totalement d'accord. Mais il s'agit aussi d'investir les ressources nécessaires. Et on identifie, dans la conclusion, cinq piliers d'égalité qui touchent l'emploi, qui touchent l'accès aux services, qui touchent la formation des intervenants dans le réseau de la santé et des services sociaux, qui touchent la participation des communautés culturelles aux lieux décisionnels du réseau de la santé. Il ne faut pas uniquement le dire, mais aussi il faut investir, il faut s'assurer une réussite par rapport à ça.

Et la discrimination, en fin de compte, c'est aussi la responsabilité individuelle de tous et de toutes, comme Québécois et Québécoises, mais aussi c'est une responsabilité de l'ensemble de la société québécoise pour l'éliminer et c'est une responsabilité de l'État du Québec. Et, lorsqu'on parle de l'État du Québec, on parle de l'opposition officielle ainsi que du gouvernement en place.

Le Président (M. Turp): Très bien. Bien, merci beaucoup. Merci de nous rappeler à nos responsabilités de gouvernement et d'opposition officielle. Et je crois qu'au nom du gouvernement la ministre peut vous poser des questions et je crois que le député de Marguerite-Bourgeoys aura aussi des questions pour vous...

Une voix: D'Youville.

Le Président (M. Turp): D'Youville, pardon. Mme la ministre.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Merci, M. Di Giovanni, d'être ici, devant nous, aujourd'hui. Merci, Mme Gonzalez. Vous avez produit un mémoire avec beaucoup de recommandations. Je trouve intéressantes certaines de vos recommandations, évidemment. Je comprends bien que, puisque vous êtes un organisme qui oeuvrez surtout au niveau de la santé, vous vous êtes attardés particulièrement au niveau de la santé et des services sociaux parce que j'endosse et je partage certaines de vos préoccupations sur le principe qu'évidemment, puisque la composition de l'immigration au Québec a beaucoup évolué au cours des dernières années, autant la composition que l'augmentation des niveaux d'immigration fait en sorte qu'on est devant une diversité de plus en plus croissante.

Quand on parle d'une diversité, on parle d'une diversité de peuples, mais aussi une diversité de langues. On sait très bien qu'il y a de l'immigration qui est beaucoup plus vieille au Québec, qui ne parle pas nécessairement très bien ni le français ni l'anglais. Moi, j'ai l'occasion, même dans mon propre comté, d'aller rencontrer différents groupes des fois, et on se comprend en baragouinant un petit peu d'italien, un petit peu d'anglais, un petit peu de français. Et je considère que l'accès aux soins de santé, c'est un angle qu'il ne faut surtout pas négliger parce qu'évidemment, avec le vieillissement de la population, il n'y a pas juste la population québécoise blanche, de souche, qui vieillit, là, mais il y a aussi les autres groupes aussi qui vieillissent, qui peuvent avoir des besoins particuliers, notamment au niveau de la santé. Autant ceux qui vieillissent que les jeunes mères de famille qui arrivent ici, qui ont certains codes culturels, certaines mentalités, certaines habitudes qui ont été prises dans leur pays, peu importe le pays d'origine, avec les enfants ou de la manière d'allaiter, ou de tenir un enfant, ou de... il y a une multitude d'interventions qu'on peut faire qui peuvent être différentes entre ici et ailleurs, évidemment.

Donc, je pense que c'est important de se pencher sur l'accessibilité des soins de santé, définitivement. Je pense que c'est intéressant d'explorer la piste pour qu'on puisse s'assurer que les services publics qui sont offerts à la population, notamment au niveau de la santé ? je vais garder l'angle, je vais essayer de garder l'angle de la santé ? puissent répondre aux besoins des gens qui sont ici parce qu'effectivement il faut composer avec ça.

Lorsque j'ai été en Beauce, là-bas on m'a dit qu'évidemment, parce que là-bas on avait misé sur une immigration colombienne, bien il y a un surplus de Colombiens qui sont arrivés, beaucoup de jeunes familles, etc. Le CLSC a embauché une personne qui parle espagnol pour être capable de communiquer efficacement avec un groupe de la population qui était nouveau. Puis en même temps, bien, ça permet d'avoir quelqu'un qui peut aider nos nouveaux arrivants, le temps qu'ils maîtrisent le français, à pouvoir s'exprimer. Parce que c'est sûr que, le français, tu ne l'apprends pas nécessairement en arrivant ici, tout de suite, là, on s'entend. Tu peux avoir besoin du service de santé, ne serait-ce que parler à l'école pour être capable d'inscrire les enfants, ce qui fait qu'on doit, dans nos services sociaux, s'assurer qu'on puisse dispenser une offre de services qui est adéquate par rapport à la population qu'on a.

Et, puisqu'on a une population qui est composée de plus en plus de l'immigration et de différentes sortes d'immigration, différentes souches d'immigration, il est important d'essayer de faire en sorte que la prestation de services puisse refléter cette diversité-là. J'aimerais ça vous entendre là-dessus, sur la diversité de l'offre de services.

M. Di Giovanni (Jérôme): Effectivement, je crois que c'est là qu'il faut développer le plan d'action. Parce que, si vous regardez au niveau de nos recommandations, vraiment on s'est penchés sur des recommandations très concrètes.

D'une part, ce qu'on dit, c'est qu'il y a une expertise qui existe en termes d'offre de services, au niveau des organismes des communautés ethnoculturelles. C'est les services de première ligne du réseau de la santé et des services sociaux. Lorsqu'il y a immigration, les nouveaux immigrants, c'est là qu'ils arrivent en premier lieu. Deuxièmement, ce qu'on dit, c'est qu'il faut également analyser les problématiques qui existent pour en arriver à identifier, à circonscrire les problèmes d'inclusion, les problèmes d'offre de services. Et ça peut toucher au niveau du maintien à domicile des personnes âgées, vous l'avez bel et bien mentionné, Mme la ministre.

Indépendamment du moment d'arrivée des immigrants, plus qu'on vieillit, plus qu'on retourne à la langue d'origine et aux coutumes d'origine. Même si des personnes sont arrivées ici après la Deuxième Guerre mondiale ? c'est le cas de mes parents ? elles retournent à la langue d'origine, aux coutumes. Donc, lorsqu'on fait des analyses, des enquêtes, il faut tenir compte de ce facteur-là, au niveau aussi des jeunes, au niveau de la violence conjugale. Donc, là, il va être important d'avoir une offre de services qui va être capable de se moduler à ces nouvelles réalités sociodémographiques.

Et ça signifie aussi de mettre en place les conditions de réussite de cette offre de services là. Vous avez mentionné un exemple au niveau de l'embauche des communautés ethnoculturelles, et là on touche au niveau des expériences acquises hors Québec. On parle également de la formation des intervenants du milieu. Il faut que ces intervenants, ces professionnels, tant cadres que non-cadres, hein ? lorsqu'on parle des intervenants, on parle des cadres également parce que c'est les cadres qui décident des budgets et des programmes ? d'avoir une formation pour qu'ils comprennent cette réalité-là.

Ça signifie également qu'au niveau de l'allocation des ressources on tient compte de ces critères-là dans la prise de décision. Souvent, on a l'impression qu'on décide au niveau des programmes comme si on était dans les années 1970, 1980. Et malheureusement, lorsqu'on relève ces phénomènes-là, les gens disent: Oui, mais on a déjà établi les budgets, on a déjà établi les consensus, on a déjà défini les programmes, on n'est pas pour recommencer le processus. Donc, c'est là que, nous, on parle que ça prend un changement organisationnel, et ça va être extrêmement important.

Et c'est gagnant-gagnant pour tout le monde. Si on arrive à se donner une offre de services, dans la santé et les services sociaux, qui respecte ces éléments-là, c'est que les gens vont être beaucoup moins malades. Ils vont avoir le maintien à domicile beaucoup plus long. Les jeunes vont avoir des meilleurs services au niveau social. Les femmes vont avoir des meilleurs services au niveau des communautés ethnoculturelles.

Il y a un programme auquel, nous, on participe, et c'est un programme à mon avis qui est modèle, c'est-à-dire qu'on tente de convaincre le gouvernement de l'étendre à l'échelle du Québec. C'est le Programme québécois du dépistage du cancer du sein où ACCESSS est mandaté par la Direction de la santé publique de Montréal de former les intervenants, tant communautaires que du réseau, mais aussi de sensibiliser les femmes par rapport à ce programme-là. Ça a de très grands succès, mais c'est uniquement limité à Montréal.

Donc, l'offre de services, ça signifie des changements majeurs. Sinon, dans trois ans, quatre ans, cinq ans, on va toujours rediscuter de la même chose.

n(16 h 30)n

Mme Thériault: Merci de votre intervention. J'aimerais peut-être revenir sur des propos que vous avez tenus un petit peu plus tôt, M. Di Giovanni, lorsque vous avez dit: Le Québec a les outils pour lutter contre le racisme et la discrimination. Je suis d'accord avec vous qu'on a une charte des droits, on a la Commission des droits de la personne, on a un tribunal de la personne, on a des programmes d'accès à l'égalité à l'emploi. Mais malheureusement, bien que nous avions des outils à la portée de main, j'ai comme l'impression qu'il manque un bout quelque part. Comment pouvons-nous avoir tant d'outils que ça, et finalement tous les gens qu'on a eus en commission, qui sont venus nous parler, la plupart nous ont parlé d'exclusion, de discrimination au niveau de l'emploi?

Ça fait qu'il est évident que, bon, comme gouvernement responsable ou personnage politique responsable, tu dis: On a ça, mais, de l'autre côté, quand tu regardes les différentes statistiques... bien qu'on n'ait pas, et je le dis bien humblement, bien que nous n'ayons pas des études réelles constantes qui touchent le racisme, la discrimination, il y en a quelques-unes, mais ça n'a pas été fait de façon systématiquement. Tu sais, c'est comme si on a un coffre à outils, puis tout est à l'envers dedans, ou bien que les outils ne sont pas affûtés ou qu'ils sont passés date. Bien, je pense que c'est important qu'on se dise: Oui, on a des outils, mais maintenant est-ce qu'on a la bonne personne pour manier l'outil aussi? Est-ce que la responsabilité, exemple, du programme d'accès à l'emploi qui est dans la cour de la Commission des droits de la personne... Est-ce qu'ils ont les bons outils pour pouvoir l'appliquer, ce programme-là, pour le suivre comme il faut? Est-ce qu'on devrait penser peut-être à l'envoyer ailleurs, dans une autre instance?

Puis on doit se poser ces questions-là, puis ce qui m'amène à dire qu'il y a une réelle volonté politique. Si on est réunis aujourd'hui, en commission, autant le parti de l'opposition que le parti au gouvernement, c'est parce qu'on considère qu'il y a importance de parler des questions d'intégration, de discrimination, de racisme. Quand tu fais une analyse de ce qu'on a comme outils, oui, il peut y avoir des choses qui fonctionnent bien, mais il y en a d'autres qui ne marchent pas bien. Ça fait que, moi, je pense que la volonté politique, elle est là, vous le voyez, sinon on ne serait pas ici.

Puis de dire que c'est juste de la pensée magique, bien je pense que ce n'est pas de la pensée magique. Ce que vous avez déposé comme recommandations, ce que les groupes qui ont passé avant vous et ceux qui passeront après vous vont déposer comme recommandations, c'est à partir de ça que la politique sera élaborée et c'est à partir de ça qu'il y aura un plan d'action. Et, dans le plan d'action, c'est bien évident qu'il va y avoir des moyens concrets qui vont être identifiés. Est-ce qu'on aura les moyens de retenir tout ce qui nous aura été recommandé? C'est une question qu'on peut se poser, qui est tout à fait légitime. Moi, je pense que le principal, c'est qu'on soit capables d'avancer dans le bon sens puis de dire: On est conscients, oui, qu'il y a certaines problématiques et on doit relever le défi tous ensemble, pas juste nous comme membres du gouvernement ou comme membres d'un parti politique, mais c'est un défi de société. Et la beauté de la chose, c'est qu'on puisse consulter les gens ici, puisqu'on est dans une société démocratique.

Donc, je suis convaincue que certaines des pistes de solution que vous avez amenées de l'avant, dont la reconnaissance des diplômes étrangers, des programmes de stages... Je suis très heureuse de vous dire qu'avec les acupuncteurs on a signé une entente pour permettre aux acupuncteurs chinois de faire des stages ici, pour reconnaître leur expérience de travail. On a fait des avancées incroyables. On a priorisé les métiers de la santé dans la reconnaissance des diplômes étrangers parce que justement il y avait des pénuries. Donc, évidemment il y a encore du travail à faire, c'est évident. Il y a 11 ententes de signées, 14 en négociation. On sait qu'on a 50 professions régies par 45 ordres professionnels. Tu sais, il y a un «work in progress», je le dirais comme ça, qui fait qu'on est une société qui avance assez rapidement. Mais on se pose quand même les bonnes questions puis on ose penser que les gens qui viennent en commission aussi sont intéressés à trouver les bonnes solutions pour pouvoir nous aider dans notre mission, mais c'est une mission de société.

Le Président (M. Turp): Mme la ministre, le temps est épuisé. Peut-être que vous pourrez revenir tout à l'heure ou peut-être...

Mme Thériault: Un petit commentaire peut-être, oui.

Le Président (M. Turp): Commentaire rapide, M. Di Giovanni?

M. Di Giovanni (Jérôme): Un commentaire rapide. Effectivement, on a les outils, effectivement vous avez totalement raison de dire: Est-ce qu'on les applique comme il faut, ces outils-là? Est-ce qu'on les applique complètement? C'est un défi de société. La réponse à ça, bien on pourrait voir, parce qu'il y a des endroits, certains outils sont bien appliqués, d'autres pas. Au niveau des programmes d'accès à l'égalité, il faudrait voir parce qu'il y a des choses extraordinaires dans cette charte-là... ce que le Québec fait.

Par ailleurs, lorsqu'on parle de pensée magique, nous, ce qu'on veut souligner, c'est ceci: ça ne suffit pas uniquement d'élaborer une politique, ça ne suffit pas uniquement de se donner des outils, il faut investir les ressources nécessaires pour les appliquer, pour les évaluer, et il faut développer un partenariat réel avec les organismes des communautés ethnoculturelles. Et c'est de ça qu'on parle, c'est que, oui, le gouvernement du Québec est dans une chemise de force au niveau du cadre financier, ce que, nous, on dit, c'est deux choses: un, lorsqu'il se dégagera des fonds, il faudrait faire du redressement par rapport à ça au niveau des organismes communautaires, des communautés ethnoculturelles et par rapport à une inclusion, et, de deux, dans l'immédiat, les ressources disponibles actuellement, est-ce qu'elles sont bien appliquées? Est-ce qu'on tient compte du fait que cette société est en pleine mutation? Ça, je ne sais pas. Je ne suis pas convaincu encore.

Le Président (M. Turp): Très bien. Merci. Alors, je vais passer la parole à la députée de Laurier-Dorion. Il restera sept minutes pour le dernier bloc pour le parti ministériel. Alors, Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. M. Di Giovanni et Mme Gonzalez, merci d'être avec nous, aujourd'hui. Merci des recommandations, et du contenu de votre mémoire, et de votre présentation.

Je pense que vous touchez un point important qui a été peu abordé par d'autres groupes, qui est celui, bon, de l'importance, là, des services de santé. Donc, je ne peux pas m'empêcher, là, à l'écoute des commentaires de la ministre, de quand même souligner... La ministre mentionnait que, oui, la volonté était là. C'est bien évident. Je pense qu'en matière d'intégration des immigrants la volonté est là, et elle a toujours été là. Si on regarde les différents gouvernements qui se sont succédé, la volonté a toujours été là.

Puis je suis heureuse d'entendre que les ressources seront au rendez-vous lorsqu'il y aura dépôt de la politique et du plan d'action, parce que, vous le mentionnez vous-même, madame, si on regarde le financement de votre organisme et le financement de nombreux autres organismes communautaires notamment, donc les budgets du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles ont été coupés depuis quatre budgets. Donc, c'est sûr que, sur papier, l'élaboration d'une politique, c'est évidemment bien accueilli, mais évidemment que suite à ça c'est aussi la place des investissements, les crédits budgétaires qui y sont rattachés, qui montre aussi l'importance qu'on accorde à un dossier. Alors, je suis heureuse d'entendre que cette fois les sommes seront au rendez-vous.

Ceci étant dit, vous parlez, dans votre mémoire, dans les différentes recommandations, notamment la recommandation 1, donc de la notion un peu de partenariat entre votre organisme et le gouvernement. Donc, comme le partenariat est une chose qui est, selon les différents groupes qui sont venus nous rencontrer et selon vos propres dires, un élément crucial, sinon essentiel à la réussite d'une telle politique, on parle également de transversabilité, surtout que votre organisme représente plus de 90 organismes communautaires, donc est extrêmement représentatif, là, de ce qui peut se passer dans le milieu, j'aimerais, afin d'améliorer finalement nos pratiques, que vous nous parliez de votre partenariat avec le ministère de la Santé en ce qui a trait à la question, bon, des personnes issues de l'immigration, et des minorités visibles, et des communautés culturelles, si vous préférez. Donc, comment vous jugez votre partenariat? Puis quelles sont les pistes pour le futur, pour améliorer ou pour poursuivre dans la même veine?

n(16 h 40)n

M. Di Giovanni (Jérôme): Lorsqu'on vous a soumis le mémoire, on a soumis aussi une proposition de partenariat qui fut élaborée par nos membres en assemblée générale et ensuite précisée, et c'est un élément central, ce partenariat-là. Il faut le voir comme étant un élément d'une meilleure gestion du réseau de la santé et des services sociaux, une utilisation maximale des ressources disponibles, O.K., et de favoriser l'accès à la santé et aux services sociaux, c'est-à-dire à tous les programmes et services.

Ça peut paraître, pour certains, comme menaçant peut-être, je ne sais pas, je ne suis pas dans la tête de certains gestionnaires, mais, pour nous, il est important, tant pour ACCESSS, comme fédération, que pour nos organisations membres... Nos organismes membres, c'est le réseau de première ligne, c'est vraiment là où les gens arrivent, et il faut consolider ce partenariat-là. On revient toujours aux ressources parce que ça va être important: sans ressource, il ne peut pas y avoir de partenariat d'égal à égal. On peut s'asseoir dans un comité puis discuter d'une foule de problèmes, mais, en bout de piste, si on n'est pas capables d'améliorer l'accès aux services, ça ne nous a absolument rien donné. C'est une espèce de partenariat consultatif.

Et ça va être extrêmement important de le consolider et de le développer. On commence à pousser sur cette idée-là au niveau de l'État du Québec, du gouvernement, parce que, nous, on pousse sur l'idée, c'est-à-dire qu'il faut vraiment le consolider, ce partenariat-là et que ça touche plusieurs, plusieurs éléments. Ça touche la formation du personnel. Ça touche une meilleure orientation et référence au niveau des services de santé et services sociaux. Ça touche un meilleur arrimage dans des interventions communautaires, comme l'organisation de Mme Gonzalez, et les CSSS, et les CLSC. Ça touche aussi les plans d'action du gouvernement, et on peut en nommer: le plan d'action sur la santé mentale, comment tenir compte des communautés ethnoculturelles, le plan d'action de lutte contre une pandémie de grippe aviaire ? espérons que ça ne nous arrive jamais ? comment opérationnaliser ce plan d'action là au niveau des communautés ethnoculturelles. Ça touche les études qui sont faites tant sur violence conjugale, jeunes, criminalité, ainsi de suite.

Ce que, nous, on dit: Il y a une expertise qui existe, nous sommes en lien avec tout le réseau, toutes les villes du Québec où il y a de l'immigration et des organismes des communautés ethnoculturelles, et ça va être important. Et c'est une nouvelle façon de travailler avec le ministère de la Santé et des Services sociaux, avec les agences sur la santé et les services sociaux. Et il faut vraiment, à ce moment-là, en bout de piste, dire: Quand on définit des programmes, lorsqu'on développe les services, comment qu'on tient compte de ce critère-là, les communautés ethnoculturelles? Est-ce qu'on n'en tient pas compte? Lorsque les gens reçoivent de la formation, est-ce qu'ils reçoivent de la formation en termes de comment intervenir auprès des communautés ethnoculturelles? C'est quelque chose à explorer et à développer.

On n'a pas la formule magique. Nous, ce qu'on dit: Il faut qu'il y ait un partenariat public-communautaire dans le réseau de la santé pour les communautés culturelles. On a une proposition concrète sur la table, il s'agit maintenant de voir: Est-ce qu'on va avancer sur cette proposition-là pour en arriver à signer une entente de partenariat? Carmen, tu veux ajouter?

Mme Gonzalez (Carmen): Moi, je pourrais ajouter que, quand on parle de partenariat, c'est surtout aussi parler de partenariat dans une reconnaissance économique, parce que, oui, on donne les services, on ne peut pas laisser les personnes comme ça, dans la rue. Les personnes viennent à nos organismes, il faut donner les services, même si on n'a pas les ressources économiques. Alors, quand on parle de partenariat, c'est justement avoir le support du gouvernement justement pour aller vers la population. Et, quand on parle d'ACCESSS et qu'on dit l'«expertise», je pense que, dans les dernières années, il y a... surtout dans la formation, dans la formation des intervenants, quand on parle des communautés ethnoculturelles. On l'a vu tout récemment dans notre colloque, la semaine dernière, qu'il y a eu à peu près 300 participants dans notre colloque sur la violence conjugale justement parce que les personnes, les intervenants des CLSC venaient justement pour chercher le côté ethnoculturel. C'était un sujet spécifique, c'était la violence conjugale, familiale, mais c'était surtout, surtout comment intervenir avec les communautés ethnoculturelles. Alors, c'est surtout ça quand on disait nous reconnaître notre expertise, nous donner une reconnaissance économique et les ressources financières pour pouvoir fonctionner.

Mme Lefebvre: Bien, je pense que c'est bien que vous ayez déposé votre proposition. Je suis persuadée que la ministre se fera le relais face au ministre de la Santé. Sinon, j'aimerais... Il me reste...

Le Président (M. Turp): ...minute et demie.

Mme Lefebvre: Ah! Très peu de temps. Bien, peut-être que je vais prendre la minute dans le bloc suivant.

Le Président (M. Turp): Alors, est-ce que le député de... Marguerite-D'Youville est prêt à poser sa question maintenant?

M. Moreau: M. le Président, je suis toujours prêt...

Le Président (M. Turp): Vous êtes prêt.

M. Moreau: ...à poser mes questions.

Le Président (M. Turp): Alors, allez-y, démontrez-le.

M. Moreau: Merci. Et d'ailleurs je vous excuse la confusion, puisque c'est la première fois que je participe aux travaux de la commission depuis la reprise de nos travaux. Alors, M. le Président, j'en profite pour vous saluer, saluer la ministre, mes collègues, la porte-parole de l'opposition officielle, que j'ai plaisir à retrouver, les gens d'en face avec qui on a travaillé beaucoup, particulièrement le député de Saint-Hyacinthe, sur le patrimoine religieux, et saluer et souhaiter la bienvenue à Mme Gonzalez et M. Di Giovanni, et vous féliciter pour le mémoire que vous avez présenté.

Mais, comme la vérité a ses droits, M. le Président, je dirai en toute amitié à ma collègue la députée de Laurier-Dorion qu'elle a fait une affirmation qui ne m'apparaît pas corroborée par les chiffres, pour utiliser une expression parlementaire, lorsqu'elle disait que le budget de l'immigration avait été coupé dans les quatre derniers budgets, puisque, selon les chiffres que j'ai, le dernier budget a vu une augmentation des crédits de l'ordre de 6 %, avec 6,7 millions de plus répartis de la façon suivante: 4 millions en reconnaissance des acquis et 2,7 millions en francisation. Alors, simplement pour... Étant donné qu'il y a des gens qui s'intéressent à nos travaux, et probablement qu'on va lire les choses, alors je voulais au moins apporter cette précision-là et vous dire donc: Il faut simplement faire des nuances et les faire aux bons endroits.

Sur le mémoire que vous avez présenté, je vous dirai, d'entrée de jeu, que j'ai trouvé que vous aviez une approche assez sévère des gestes qui ont été posés par le gouvernement du Québec. Et j'ai compris que votre approche était sévère non seulement pour le gouvernement actuel, mais pour ceux qui nous ont précédés, alors qu'il me semble, à tout le moins, qu'on peut observer... Et c'est la question que je vais vous poser: N'observez-vous pas comme moi, bien que je ne sois pas un expert des communautés culturelles... Je représente la circonscription de Marguerite-D'Youville, qui est sur la rive sud de Montréal, en banlieue immédiate cependant. Mais j'ai eu le plaisir de découvrir que, dans ma circonscription, j'avais aussi les Amis de la culture hispanique, qui regroupait près d'une centaine d'individus. Et je me suis beaucoup intéressé à leurs travaux et à la façon dont ils s'intégraient à la société québécoise, alors qu'ils baignent dans un milieu presque entièrement francophone.

Et notamment, Mme Gonzalez, vous avez parlé tantôt de reconnaissance des acquis et du fait que les gens doivent suivre des cours, alors que les programmes sont très stricts. La présidente de l'association des Amis de la culture hispanique dans ma circonscription était une avocate au Mexique et elle doit, suivant les règlements du Barreau, suivre des cours d'appoint, et justement elle a de jeunes enfants. Et, lorsqu'elle s'est plainte de la situation en disant: Bien, écoutez, pour ma famille, c'est difficile, les contraintes que j'ai, ce qu'elle m'a dit, c'est qu'on a immédiatement adapté son horaire de cours pour tenir compte des besoins de sa famille, alors que vous semblez nous avoir indiqué le contraire.

Est-ce qu'il y aurait, selon vous, des possibilités pour qu'on puisse tempérer un peu les paroles assez dures que vous avez dans votre mémoire et dire que dans certains cas, lorsque la demande est faite, effectivement on s'adapte aux besoins des gens lorsque ceux-ci doivent suivre des cours pour la reconnaissance de leurs diplômes?

Le Président (M. Turp): Il vous reste quatre minutes pour répondre à cette courte question.

Mme Gonzalez (Carmen): O.K. Effectivement, il y a des cas qui sont pas mal réussis, effectivement. Mais on ne peut pas parler comme ça et dire que, parce qu'il y a un cas que ça marche, tout le monde est dans la même situation. Parce que, si je commence à parler de cas qui viennent à mon organisme, on serait ici pour quelques jours. C'est vrai, il y a des réussites, et c'est vrai qu'on a fait des avances, et c'est vrai surtout dans le dossier de reconnaissance de certains ordres de professionnels. Mais, dans la situation en général, c'est assez difficile pour les professionnels, pour les personnes qui arrivent ici, dans les programmes indépendants... et qu'il doit recommencer à zéro, qu'il doit commencer à faire des prêts et bourses pour continuer ses études, ses démarches. Alors, je pense que notre mémoire, ça reflète vraiment la situation.

n(16 h 50)n

M. Di Giovanni (Jérôme): Le mémoire peut paraître sévère. En tout cas, selon nous, il ne l'est pas, parce qu'on parle de discrimination et de racisme, et ce n'est pas quelque chose à la légère, quelque chose qu'on doit prendre à la légère. Et on a plus une vision globale, systémique de la chose et on parle d'exclusion structurelle. Individuellement, oui, on peut en identifier, des gens qui ont parfaitement réussi, puis, parfait, c'est des modèles, mais, nous, on a plus une vision globale et systémique, et c'est là qu'on peut être sévères, que ça peut vous paraître sévère. Et, si ça vous paraît sévère, peut-être que ça pourrait pousser la réflexion un petit peu plus loin pour savoir pourquoi que certaines prises de décision se font de telle, telle, telle façon puis que tels programmes sont élaborés de telle façon, et pourquoi telle agence de la santé et services sociaux refuse d'avoir un comité sur les communautés ethnoculturelles, pourquoi, lorsqu'on parle des difficultés de la réforme de la santé par rapport aux organisations des communautés ethnoculturelles, on n'a pas tout à fait toutes les réponses.

Moi, je crois que, si ça vous paraît sévère, c'est parce que le problème est grave et parce qu'il faut trouver des solutions systémiques. Et là ça va être extrêmement important parce que le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles a une mission transversale. Et on n'a pas voulu toucher aux autres domaines ? puis, si vous allez dans notre introduction, vers la fin, on donne des éléments par rapport aux autres secteurs ? nous, on est dans la santé. Mais aussi il faut regarder ce qui se passe dans les écoles, au niveau scolaire, qu'est-ce qui se passe au niveau de l'emploi, qu'est-ce qui se passe aux autres secteurs de la société québécoise. Il faut avoir un plan d'action global.

Et, Mme la ministre, j'espère que le ministre des Finances et le Conseil du trésor ainsi que le premier ministre vont vous appuyer parce que, lorsque vous allez déposer votre plan d'action et que vous allez pouvoir identifier les ressources nécessaires, c'est là que ça va se jouer, comment est-ce qu'on va travailler sur l'élimination du racisme et l'élimination de la discrimination systémique. Et ça va prendre des ressources, ça va prendre la mise en oeuvre de ces coffres d'outils qu'on a développés. Puis des fois c'est mal appliqué, des fois c'est bien appliqué. Puis j'ai travaillé neuf ans à la Commission des droits de la personne du Québec et j'ai toujours admiré cette charte québécoise comparativement à ce qui existe dans les autres pays et provinces.

Le Président (M. Turp): Très bien. Merci, M. Di Giovanni.

Une voix: Je pourrais dire une chose.

Le Président (M. Turp): Je dois donner la parole à la représentante de l'opposition officielle parce que le temps du parti ministériel est épuisé. Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. Ce sera plutôt bref. En fait, je voulais seulement... Le député de Marguerite-D'Youville nous a informés que le gouvernement avait investi 6 millions de dollars de plus que l'année précédente lors du dernier budget. Mais, bien que ces informations soient fondées et vraies, c'est important de mentionner que, si le budget passe de 130 à 120 millions à 100 millions puis qu'il y a une augmentation de 6 millions la dernière année, au net il y a une énorme coupure qui affecte les services voués aux personnes immigrantes. Puis, sur le terrain, notamment si on constate le financement des organismes communautaires qui aident directement les personnes immigrantes et qui aident à l'intégration, je ne pense pas qu'on puisse annoncer que ce soit une bonne nouvelle, au net, si on regarde les investissements du gouvernement du Québec en matière d'immigration, lors des derniers budgets.

Ceci étant dit, vous avez dit au passage, puis vous l'avez dit très, très rapidement, mais que l'agence des services sociaux refusait d'accorder une place à un organisme issu des communautés culturelles. Est-ce que j'ai bien compris ou...

Une voix: ...

Mme Lefebvre: Donc, est-ce que vous siégez à l'agence?

M. Di Giovanni (Jérôme): Ce qu'on veut dire, c'est qu'au niveau de la représentation... Deux choses qu'on veut dire: un, au niveau de la représentation dans les structures, il faut supporter les organismes des communautés ethnoculturelles à pouvoir nommer et se représenter dans ces structures décisionnelles là. Ça ne se fera pas d'emblée, c'est des organisations souvent qui sont une personne, notamment COPSI, deux personnes qui travaillent avec des bénévoles. Ça prend des ressources et ça prend un arrimage, une concertation entre les organisations pour maintenir, en fin de compte, une présence, pas uniquement une présence physique, mais aussi une présence de contenu. C'est ça qu'on dit. Actuellement, on n'a pas les ressources pour faire ça.

Le Président (M. Turp): Très bien. M. Di Giovanni, il y a Mme la députée de Terrebonne qui veut aussi vous poser des questions.

M. Di Giovanni (Jérôme): On voulait compléter la réponse. Non?

Mme Caron: Oui, oui, je vous permets de compléter.

Le Président (M. Turp): Oui, allez-y, allez-y.

Mme Gonzalez (Carmen): Justement, on avait approché l'agence de la santé pour faire un comité justement pour évidemment voir le financement des organismes communautaires et voir toujours le côté ethnoculturel de la société québécoise. Mais ce comité a été aboli.

M. Di Giovanni (Jérôme): C'est l'Agence de santé et services sociaux de Montréal. Et ce qu'on a proposé, c'est un comité pour regarder ? il y a 12 CSSS sur l'île de Montréal ? qu'il y ait des arrimages au niveau des projets cliniques, des arrimages au niveau de la livraison des services ? les personnes des communautés ethnoculturelles ne se trouvent pas toutes concentrées sur un CSSS, en ghetto, elles sont réparties sur tout l'ensemble du territoire de l'agence ? et de maintenir cette vision régionale là, et on a offert notre expertise. Il y a eu un plan d'action, il y a eu un calendrier de travail qui a été fait, et, par une décision, on ne comprend pas encore, le comité a été aboli.

Donc, nous, ce qu'on dit, c'est qu'il va être important qu'on établisse ce genre de partenariat là. On n'est pas là pour remplacer qui que ce soit ou pour menacer qui que ce soit. On est là pour leur dire: On a une expertise, on veut s'assurer que les Québécois, que ce soit à Montréal, à Sherbrooke ou ailleurs, aient les services en fonction de leurs besoins puis des services appropriés.

Le Président (M. Turp): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup, Mme Gonzalez, M. Di Giovanni. Moi, je pense que vos recommandations, votre mémoire est particulièrement réaliste, parce que, si on veut qu'une politique gouvernementale, peu importe la politique, et celle-là en particulier, puisse être réussie, c'est évident qu'il y a deux éléments essentiels, c'est-à-dire les ressources financières puis humaines qu'on va y mettre, c'est vrai pour toutes les politiques gouvernementales, mais aussi la reconnaissance de l'expertise des personnes qui sont liées à la politique qu'on veut mettre en place.

Quand c'est le cas d'une politique en condition féminine, c'est évident que l'expertise des groupes de femmes est essentielle pour qu'on puisse la mettre en application. Il s'agit ici d'une politique gouvernementale au niveau de la lutte au racisme ou discrimination. C'est évident que, si on ne reconnaît pas l'expertise des organismes communautaires des communautés ethnoculturelles, et vous les représentez ici ? plusieurs vont venir nous rencontrer aussi, vous en représentez 93 ? si on ne reconnaît pas cette expertise-là, on ne sera pas capables, un, de bâtir une bonne politique puis, deux, de la mettre en application, parce que votre connaissance réelle des différentes communautés ethnoculturelles, c'est la clé pour qu'on puisse être capables de mettre ça en application.

Au Québec, on défend des valeurs, des valeurs d'égalité entre les femmes et les hommes. Mais, pour que les valeurs qui sont prônées par la charte québécoise des droits et libertés de la personne soient mises en application, il faut qu'il y ait une connaissance des différentes communautés ethnoculturelles, d'une part, de la part de la société québécoise, mais il faut aussi que les différentes communautés ethnoculturelles puissent connaître ce qui existe, connaissent notre réalité, connaissent nos valeurs, connaissent notre histoire, les programmes qu'on défend, et connaissent cette nouvelle politique-là, là, qui va être mise en application. Et vous avez donc un rôle clé, autant en amont qu'en aval, pour qu'il y ait une réussite là-dessus.

Alors, moi, je pense que vos recommandations sont extrêmement importantes, extrêmement réalistes. Vous touchez aux différents créneaux au niveau des services sociaux. Votre offre de partenariat, elle m'apparaît extrêmement intéressante. Et l'exemple que vous avez donné au niveau du dépistage du cancer du sein, c'est un exemple bien concret. Moi, j'aimerais que vous nous parliez du travail que vous avez fait à ce niveau-là, au niveau de Montréal, et donc le travail important que vous pourriez faire et que vous avez offert de faire à l'ensemble du Québec. Vos résultats concrets.

n(17 heures)n

M. Di Giovanni (Jérôme): Les résultats concrets au niveau de Montréal, c'est qu'actuellement on a deux personnes qui travaillent au niveau du dépistage d'application du programme, là, la sensibilisation des femmes des communautés ethnoculturelles ainsi que la formation et la sensibilisation des intervenants. Lorsqu'on parle d'intervenants, on ne touche ici pas uniquement les infirmières ou les travailleurs communautaires, mais aussi au niveau des médecins, et on touche aussi au niveau des intervenants des organisations communautaires.

Nous, notre stratégie, c'est à deux niveaux, c'est: d'une part, on passe par l'entremise des organismes communautaires qui sont membres chez nous et autres qui ont un lien direct avec ces femmes-là; deuxièmement, on a développé une approche... Parler du cancer du sein, c'est excessivement difficile. Les gens, ils ne sont pas intéressés à en entendre parler, pour toutes sortes de raisons. Mais on a développé une approche de santé globale des femmes où on touche des ateliers tels que nutrition... La nutrition, c'est extrêmement important dans la lutte contre le cancer et c'est un facteur aussi culturel. Donc, on a des ateliers sur la nutrition, on a des ateliers sur l'ostéoporose, la ménopause, sexualité et, à travers ces ateliers-là, on arrive ensuite à parler du programme de dépistage du cancer du sein. On touche en moyenne au-delà de 1 000, 1 200... autour de 1 200 femmes à chaque année, au niveau du territoire de Montréal, parce que notre financement est uniquement pour le territoire de Montréal. Nous, notre proposition qui a été faite depuis un an, un an et demi, c'est de dire... qui est en deux niveaux: Un, peut-on avoir une approche suprarégionale, c'est-à-dire inclure Montréal, Laval, Montérégie et possiblement Lanaudière, par rapport à ce programme-là? On a les ressources, on a les outils qu'on a développés. Et, deuxièmement, peut-on avoir un mandat à l'échelle du Québec? Parce qu'il y a des femmes qui se trouvent à Sherbrooke, il y a des femmes qui se trouvent à la capitale nationale, il y a des femmes qui se trouvent à Saint-Hyacinthe, il y a des femmes qui se trouvent à Gatineau. Et, lorsqu'on parle du programme de dépistage du cancer du sein, vous savez très bien que, dans certaines cultures, on n'en discute pas, de cette partie du corps là, c'est très intime, ça a des connotations religieuses. C'est une foule d'éléments. Donc, on a développé des façons de faire pour arriver à en discuter avec les femmes et on a un très grand succès. Moi, je crois que c'est un exemple à regarder et de voir comment aller chercher ce mandat-là au niveau de la formation.

Mme Gonzalez (Carmen): Je pourrais ajouter que la formation qu'ACCESSS donne et offre aux organismes communautaires, c'est une formation qui tient compte justement des éléments de la communauté. Mais ce n'est pas seulement de ce côté-là. Il faut aussi la formation des intervenants justement pour tenir compte ? et je reviens à la même phrase ? des communautés ethnoculturelles. Et une chose, c'est les intervenants, mais autre chose, c'est aussi les femmes qui vont recevoir les services. Alors, c'est deux types ou trois types de formations différentes parce que c'est spécifique. Un intervenant d'origine québécoise de souche et un intervenant d'un organisme communautaire, l'approche, c'est différent, et ce sont des choses qu'on tient compte dans la formation. Et un organisme communautaire, qu'il soit membre ou pas membre d'ACCESSS, peut demander la formation, et on va le donner d'accord à ce qu'il demande aussi.

M. Di Giovanni (Jérôme): On est dans un mode de prévention et on est dans un mode de développement d'expertise et de transfert de cette expertise-là pour maximiser les ressources, qui sont ? totalement conscient et d'accord ? très limitées.

Le Président (M. Turp): Merci beaucoup de votre présentation devant la commission, pour votre mémoire et de nous avoir éclairés, d'avoir été sévères, vous aviez le droit de l'être.

Et je suspends donc les travaux pour quelques minutes et j'invite la délégation de la Commission des droits de la personne à bien vouloir prendre place autour de la table.

(Suspension de la séance à 17 h 3)

 

(Reprise à 17 h 5)

Le Président (M. Turp): Alors, notre dernier groupe d'intervenants aujourd'hui: la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. J'inviterais M. le président par intérim à bien vouloir prendre la parole, présenter l'imposante délégation de la commission. À vous la parole, M. Dowd.

Commission des droits de la personne
et des droits de la jeunesse (CDPDJ)

M. Dowd (Marc-André): Merci, M. le Président. Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, effectivement l'importance du sujet pour la commission, le racisme et la discrimination, justifiait amplement l'importance de notre délégation aujourd'hui. Il me fait plaisir de vous présenter...

Le Président (M. Turp): En passant, il y a aussi deux députées... il y a une ministre, deux députées femmes, il y a...

Une voix: ...

Le Président (M. Turp): Ah! Moi, j'avais compris juste MM. les députés.

M. Dowd (Marc-André): Non, non, mesdames, messieurs. Non, non.

Le Président (M. Turp): Ah!

M. Dowd (Marc-André): Oui, oui. Quand même.

Le Président (M. Turp): Bon. Bien, je n'en attendais pas moins du président par intérim de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse.

Une voix: ...

Le Président (M. Turp): Non, je pense qu'on va donner du temps au président de la commission et à ses collègues de poursuivre leur présentation.

M. Dowd (Marc-André): Merci. Alors, je suis accompagné de Me Michèle Turenne, qui est conseillère juridique à la commission; de Mme Monik Bastien, qui est directrice par intérim de la Direction des programmes d'accès à l'égalité; de Me Pierre Bosset, qui est directeur de la recherche et de la planification à la commission; et de M. Paul Eid, qui est chercheur, sociologue, à la Direction de la recherche et de la planification, qui est également l'auteur du mémoire. Les personnes qui sont autour de la table ont également contribué à la rédaction du mémoire.

Alors, évidemment la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a pour mission de veiller au respect des principes qui sont contenus dans la Charte des droits et libertés de la personne. L'article 10 de la charte québécoise interdit la discrimination fondée sur une série de 14 motifs, dont la race, la couleur, l'origine ethnique ou nationale, la langue, la religion. C'est à ce titre que nous participons, en tenant compte de nos responsabilités, à la présente commission parlementaire.

La commission se réjouit de la volonté manifestée par le gouvernement de mettre en oeuvre une politique de lutte contre le racisme et la discrimination. Cela la réjouit d'autant plus qu'elle estime qu'il incombe au gouvernement de jouer le rôle de premier plan dans le cadre de cette lutte. Il doit en être ainsi puisque cette lutte suppose l'adaptation de mesures correctrices structurelles, adaptées à un phénomène qui déborde largement le champ des responsabilités individuelles. Au-delà des nombreuses initiatives ministérielles qui ont fait oeuvre utile, il faut le dire, pour éliminer le racisme et la discrimination par le passé, il importe que le gouvernement se dote d'une stratégie de lutte globale et cohérente en la matière. Cela lui permettra de mieux encadrer et coordonner les interventions ministérielles en vue d'enrayer les mécanismes d'exclusion qui freinent la pleine participation à la société québécoise des communautés culturelles et des minorités visibles.

Mes premiers mots concerneront trois principes directeurs que nous souhaitons voir reconnaître dans le coeur même de la future politique. À quelques reprises dans le document de consultation, la discrimination est reconnue dans sa dimension systémique. Un tel angle d'analyse est au coeur de l'approche que la commission a toujours privilégiée dans le cadre de ses recherches et de ses interventions. Rappelons que, dans l'optique systémique, la discrimination n'est plus réduite à une simple intention. Elle est nourrie par l'interaction de pratiques, de décisions, de comportements individuels ou institutionnels dont les effets préjudiciables, voulus ou non, sont cumulatifs sur certains groupes, notamment les minorités ethniques ou visibles.

La commission recommande donc que la future politique reconnaisse la dimension systémique de la discrimination et spécifie que cette dimension systémique doit être prise en compte à chacune des phases d'implantation des mesures prévues par la politique. De plus, la future politique devrait reconnaître que l'existence de désavantages historiques contribue à reproduire la discrimination systémique dont souffrent aujourd'hui les minorités visibles et les communautés culturelles. Donc, c'est la perspective historique dans l'analyse de la discrimination. Et enfin la commission recommande que toute stratégie globale de lutte contre le racisme et la discrimination traite la discrimination ethnoraciale non pas isolément, mais plutôt dans ses interrelations avec les autres formes de discrimination, celles fondées, par exemple, sur le sexe, la condition sociale, le handicap, la langue, l'orientation sexuelle, etc.

n(17 h 10)n

J'aimerais parler maintenant de l'inclusion des autochtones comme groupe visé par le projet de politique. Le document de consultation annonce d'emblée que la politique de lutte contre le racisme et la discrimination ne vise pas les autochtones. La commission comprend mal que les autochtones, qui sont, avec les communautés noires, parmi les minorités les plus durement touchées par le racisme, les préjugés, l'exclusion et la discrimination, ne soient pas visés par le projet de politique à l'étude.

Toutefois, il est vrai, comme le souligne le document de consultation, que la particularité de la situation des autochtones mérite d'être prise en considération. Il importe d'abord de reconnaître que la lutte des autochtones pour le droit à l'égalité est indissociable de la reconnaissance de leurs droits territoriaux et de leur droit à l'autodétermination. Les autochtones sont en général méfiants face à la charte québécoise parce qu'ils ont le sentiment que l'exercice de leurs droits individuels, dont le droit à l'égalité, risque de compromettre leurs droits collectifs, dont celui d'administrer sur une base autonome les rapports sociaux, économiques, culturels au sein de leurs communautés.

En conséquence, sur la base de la Déclaration des droits des peuples autochtones, adoptée récemment par le Conseil des droits de l'homme des Nations unies, et sur la base de ses propres recommandations antérieures, la commission recommande que le préambule de la charte rappelle l'existence, au sein du Québec, de peuples autochtones ayant une identité propre et des droits spécifiques. La commission recommande aussi que la future politique du gouvernement indique que le Québec reconnaît, dans l'exercice de ses compétences constitutionnelles, le droit des peuples autochtones à l'autodétermination en même temps que leur droit de participer pleinement à la vie politique, économique, sociale et culturelle de la société québécoise.

Maintenant, sur les questions d'éducation et de sensibilisation dans le milieu scolaire. Depuis sa création, en 1975, la commission a fait de l'éducation aux droits et libertés en milieu scolaire un axe d'intervention prioritaire. Les sessions de formation offertes par la commission pour promouvoir les droits de la personne, notamment en milieu scolaire, tendent à combiner la sensibilisation au pluralisme culturel et l'éducation antidiscriminatoire et antiraciste. C'est pourquoi la commission estime que ces deux approches, antiraciste et interculturelle, devraient nourrir, sur un pied d'égalité, le contenu de l'enseignement dispensé dans les établissements scolaires publics. À ce sujet, la commission estime qu'il est essentiel que les cours d'éducation à la citoyenneté abordent la problématique du racisme et de la discrimination sous toutes ses formes dans le cadre d'une perspective centrée sur le principe d'égalité inscrit à la Charte des droits et libertés de la personne.

Cela dit, l'école ne peut se contenter de promouvoir des droits abstraitement sans rappeler qu'historiquement certains groupes minoritaires ou désavantagés ont souffert et souffrent encore de préjugés, d'attitudes et de comportements discriminatoires. Or, à l'heure actuelle, dans les cours, les curriculum et la formation des maîtres, le racisme et la discrimination sont plutôt présentés comme des pathologies ou des déviances individuelles. Il importe donc que l'éducation civique en milieu scolaire mette davantage l'accent sur les mécanismes systémiques qui ont contribué historiquement et qui contribuent encore aujourd'hui à rendre certains groupes plus vulnérables que d'autres à la discrimination.

Le document de consultation fait valoir à juste titre que les accommodements raisonnables en milieu scolaire suscitent parfois des réactions négatives qui à leur tour peuvent renforcer certains préjugés. Selon la commission, les réactions négatives face aux accommodements sont en partie dues à la méconnaissance et l'incompréhension. Si les médias ont largement présenté l'accommodement comme une obligation légale, ils ont moins mis l'accent en revanche sur le fait qu'une telle obligation ne s'applique que dans les limites du raisonnable. Plus globalement, le gouvernement doit insister sur le contrat moral qui lie les nouveaux arrivants à la nation québécoise. Un tel contrat établit un lien de réciprocité en vertu duquel la société d'accueil garantit aux immigrants l'exercice de leurs droits et libertés en retour d'un engagement de leur part à s'approprier et à respecter les principes démocratiques qui fondent la communauté citoyenne et que consacre la Charte des droits et libertés de la personne du Québec.

Une autre perception qu'il importe de battre en brèche, c'est que les accommodements raisonnables alimenteraient le repli communautaire des minorités ethnoreligieuses au Québec. Il faut faire valoir que les solutions judiciaires, législatives ou institutionnelles fondées sur le modèle de l'accommodement peuvent au contraire favoriser l'intégration des minorités dans le respect de leurs différences et des valeurs démocratiques inscrites dans la charte des droits. C'est pourquoi la commission recommande que soit produit, à l'intention du milieu scolaire notamment, un guide d'information sur les fondements juridiques et la fonction sociale des accommodements en milieu scolaire. La commission est disposée à participer à la réalisation et à la promotion d'un tel guide d'information.

Le document de consultation fait également remarquer que les politiques et les pratiques en matière d'accommodement ? et je cite le document ? «peuvent varier d'une commission scolaire à l'autre et d'une école à l'autre. Les pratiques en matière d'accommodement sont donc perçues comme incohérentes et fonction, en partie, de la bonne volonté des institutions.» Fin de citation.

Afin de dissiper l'impression que la gestion de la diversité culturelle se pratique dans les écoles de manière impressionniste, incohérente et au gré des décisions judiciaires, la commission recommande que le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport produise à l'intention des commissions scolaires et des écoles un guide des bonnes pratiques en matière d'accommodement raisonnable en milieu scolaire.

Concernant le marché du travail maintenant. La commission a suggéré que la future politique gouvernementale comporte en annexe une politique type de lutte contre la discrimination que les entreprises seraient encouragées à adopter et à appliquer pour leur usage interne. Une politique type devrait inclure des mesures et des stratégies non seulement destinées à éradiquer la discrimination intentionnelle au sein de l'entreprise, mais aussi à promouvoir une culture et des normes organisationnelles qui évitent d'ériger des barrières discriminatoires systémiques à l'encontre des groupes vulnérables tels que les minorités visibles, les femmes, les personnes handicapées.

Que ce soit suite à une ordonnance du Tribunal des droits de la personne, on peut penser au jugement que nous avons obtenu contre un centre maraîcher, récemment, qui imposait des conditions de travail ségréguées, un cas terrible de discrimination, ou encore ? ce qui est plus fréquent ? dans le cadre de son mandat d'implantation des programmes d'accès à l'égalité, la commission est souvent appelée à examiner les pratiques de recrutement et les systèmes d'emploi afin de modifier, par des mesures correctrices, toute règle, norme ou pratique susceptible d'alimenter la discrimination au sein des entreprises ou des organismes qui sont visés. Cependant, le travail de la commission ne peut rejoindre qu'un nombre limité d'employeurs. Il est donc urgent que le gouvernement incite et aide l'ensemble des employeurs québécois des secteurs publics mais aussi privés à réexaminer et modifier leurs pratiques en vue d'assurer à leurs employés un environnement de travail exempt de discrimination.

En conséquence, la commission recommande que soit produite à l'intention des entreprises une politique type de lutte contre le racisme et la discrimination en milieu de travail. Compte tenu de son expérience en la matière, la commission se propose de concevoir cette politique et d'agir à titre de consultant auprès des entreprises désireuses d'être assistées dans la rédaction et la mise en application d'une politique adaptée à leurs besoins spécifiques.

Concernant maintenant l'insertion en emploi. Parlons des programmes d'accès à l'égalité dans les organismes publics. Les travaux de la commission en matière d'implantation des programmes d'accès à l'égalité dans les organismes publics vont bon train, mais, compte tenu des échéanciers prévus dans la loi elle-même, il faudra attendre quelques années avant que les objectifs ne soient pleinement atteints. Puisque les données citées par le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles sur l'avancement des travaux datent de 2004 ? dans le document ? la commission a jugé bon de les mettre à jour. Nous vous avons distribué un état des résultats au 30 juin 2006, concernant l'application des programmes d'accès à l'égalité. Nous aurons certainement l'occasion d'y revenir durant la discussion, mais je vous invite à considérer ces chiffres-là comme étant les chiffres les plus actuels dont la commission dispose. D'ailleurs, dans un souci de transparence, la commission s'engage à mettre à jour, sur une base régulière, sur son site Internet, les données les plus récentes concernant la sous-représentation des différents groupes cibles dans les organismes publics. Elle commencera à agir en ce sens d'ici la fin de l'automne 2006. Nous en sommes actuellement à compléter la programmation informatique nécessaire.

Concernant maintenant les programmes d'accès à l'égalité dans la fonction publique. On le sait, la part des communautés culturelles au sein de la fonction publique est demeurée stable tout au cours de la période d'implantation, soit autour de 2 %. Cette proportion n'a pas tellement augmenté à ce jour, puisque, selon les chiffres les plus récents, les communautés culturelles représentaient 2,6 % des effectifs de la fonction publique en 2004-2005. La commission estime qu'un des facteurs qui expliquent en partie cette stagnation est l'absence de mécanismes de suivi, d'évaluation et de contrôle à toutes les étapes du processus d'implantation des PAE dans la fonction publique, soit de la fixation des objectifs jusqu'à la mise en oeuvre de mesures correctrices.

n(17 h 20)n

En conséquence, compte tenu de l'expertise et des outils méthodologiques qu'elle a élaborés en matière d'implantation des programmes d'accès à l'égalité, la commission recommande que l'article 92 de la charte soit modifié afin d'assujettir les programmes d'accès à l'égalité de la fonction publique aux mécanismes de reddition de comptes et de contrôle de la commission.

L'état de la recherche démontre que les minorités visibles sont beaucoup plus à risque que les minorités ethnoculturelles blanches de se buter à des barrières discriminatoires au cours de leur processus d'insertion en emploi. À ce titre, il y a fort à parier que les minorités visibles, en particulier les autochtones, soient sous-représentées au sein des communautés culturelles recensées dans la fonction publique. En conséquence, la commission recommande que le Conseil du trésor identifie la proportion que représentent les minorités visibles et les autochtones au sein de la fonction publique et que, le cas échéant, il établisse des objectifs de représentativité propres à ces deux groupes.

Maintenant, sur la question de la régionalisation de l'immigration. La régionalisation de l'immigration bénéficierait autant au développement des régions concernées qu'aux immigrants eux-mêmes. L'emploi étant un facteur déterminant dans le choix d'une ville d'établissement par les nouveaux arrivants, le gouvernement devrait intensifier ses efforts destinés à faciliter l'insertion professionnelle des immigrants dans les régions. À cet égard, les PAE devraient constituer, pour les nouveaux immigrants, un puissant incitatif à s'installer en dehors de Montréal, puisque les groupes cibles sont particulièrement sous-représentés au sein de la fonction publique et des organismes publics situés en région. Pourtant, le processus d'implantation des PAE en région continue de battre de l'aile faute d'un nombre suffisant de candidats appartenant aux groupes cibles.

C'est pourquoi la commission recommande que le gouvernement fasse davantage connaître aux immigrants, aux communautés culturelles, aux minorités visibles du Montréal métropolitain l'existence des programmes d'accès à l'égalité en région, notamment au moyen de campagnes ciblées relayées par les réseaux associatifs et les organismes publics qui desservent ces groupes.

Quelques mots sur la francisation des immigrants. Le français étant, au Québec, la langue commune de la vie publique, son apprentissage constitue pour les immigrants un outil essentiel pour assurer leur insertion professionnelle et leur pleine participation aux institutions de la société québécoise. Les immigrants qui ne connaissent pas le français à leur arrivée au Québec sont bien souvent dans une situation économique précaire. À l'heure actuelle, le gouvernement finance des cours de francisation par l'entremise de mesures financières incitatives, mais ces programmes et ces soutiens semblent parfois menacés. La commission aimerait souligner qu'une offre de services adéquats en matière d'intégration linguistique des immigrants suppose que ces services tiennent compte des réalités sociodémographique propres à chaque région. Ainsi, le faible poids des immigrants et leur dispersion géographique dans les régions ne devraient pas constituer un facteur restreignant leur accès à des services de francisation. De plus, les immigrants en région ne disposent pas des mêmes réseaux et des mêmes ressources qu'à Montréal pour les assister dans leur processus d'intégration. Il importe donc que le gouvernement veille à ce que ses partenaires impliqués dans la francisation en région disposent des ressources nécessaires pour faciliter, outre la francisation, l'intégration sociale, culturelle et économique des immigrants à la majorité francophone.

Dans ce contexte, la commission recommande que le gouvernement renforce les mesures d'aide financière destinées à inciter les immigrants à suivre des cours de français et tienne compte des réalités sociodémographiques régionales dans son offre de services de francisation.

En conclusion, le document de consultation du MICC jette des bases prometteuses en vue de l'adoption d'une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination. La commission a voulu insister dans sa présentation sur l'importance du rôle que le gouvernement est appelé à jouer en cette matière, car il se doit d'être le maître d'oeuvre de changements structurels qui visent à transformer en profondeur tant les institutions que les mentalités. La commission, dans la mesure de ses moyens, entend être un partenaire dynamique dans la mise en oeuvre d'une éventuelle politique de lutte contre le racisme et la discrimination. Je vous remercie.

Le Président (M. Turp): Merci, M. le président Dowd. Je donne la parole à la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. M. Dowd, M. Bosset, M. Eid, Mme Turenne, Mme Bastien, ça me fait très plaisir de vous rencontrer aujourd'hui. Pas besoin de vous dire que souvent la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse est évoquée lors des échanges de la commission, et je suis convaincue qu'il y aura aussi, durant les prochaines journées, mention souvent des responsabilités de la commission.

Je vous remercie des recommandations que vous nous avez déposées. Je pense que vous avez su étayer des recommandations qui méritent réellement la peine qu'on s'y attarde. Par contre, il y a quelques petites mises au point que je me dois de faire absolument. Au même titre que vous avez déposé vos nouvelles données, puisqu'elles n'étaient pas disponibles au moment où on a publié le document, je vais me permettre de juste porter à votre attention qu'effectivement, lorsque vous parlez du français, je comprends que vous reliez à l'allocation qui est offerte, mais je voudrais juste vous partager une donnée: en 1999, 37 % des gens qui arrivaient ici avaient une connaissance du français; en 2005, 57 % des gens qui sont arrivés avaient une connaissance du français. Donc, en à peine six ans, on a eu une augmentation de 20 % de la connaissance du français.

C'est dû en grande partie grâce à des ententes qu'on a faites, avec des alliances françaises notamment, pour que les gens puissent apprendre le français avant d'arriver ici pour ne pas retarder indûment leur inclusion dans la société. Je vous dirais qu'on a su aussi... Au cours des dernières années, de manière très récente, on a utilisé les technologies d'Internet. On a des banques d'exercices de francisation maintenant qui sont disponibles. Et les gens, lorsqu'ils reçoivent leurs certificats de sélection du Québec, en attendant le visa canadien pour pouvoir travailler, peuvent mettre cette période d'attente à profit pour parfaire leur français.

Et j'aimerais aussi vous mentionner qu'effectivement nous sommes conscients qu'en région il y a de l'éloignement. Il y a une réalité qui n'est pas la réalité de tout le monde. Par contre, c'est que, oui, c'est vrai, il peut y avoir des gens dans une région plus éloignée et qui n'a pas la masse critique pour pouvoir donner des cours de français. Je dois vous dire très honnêtement que nous regardons d'une façon assez sérieuse la francisation en ligne pour pouvoir mettre à contribution les nouveaux outils d'Internet qu'on a pour justement palier à ces problématiques-là qu'on a. Je vous ferai remarquer qu'on a eu 2,7 millions d'augmentation dans nos derniers crédits, pour l'année qui est en cours, justement parce que la francisation est au coeur des priorités. Mais il faut aussi comprendre qu'on ne peut pas donner un cours de français, un professeur avec un individu, parce qu'il y a un individu dans une région. Donc, il nous apparaît important de regarder aussi les autres pistes de solution qu'on a à portée de la main.

Je vous dirais aussi que, les régions, il y a beaucoup d'efforts qui ont été faits au niveau de la régionalisation de l'immigration. Moi, j'ai entendu l'UMQ, la semaine passée, qui parlait justement de la gestion de la diversité culturelle, qui pourrait nous aider à faire de la sensibilisation auprès des villes, notamment. Bon. Vous savez, vous gérez le Programme d'accès à l'égalité à l'emploi, il y a des villes qui sont soumises, d'autres qui ne le sont pas, tout dépendant de la taille évidemment. Il y en a qui l'appliquent, d'autres qui ne l'appliquent pas. Il y en a qui ont des gens pour l'appliquer, exemple en Outaouais. Près de 10 % de la population, c'est sûr que le bassin s'y prête. Au Saguenay, c'est impensable, il y a 1 % de la population. Donc, c'est évident qu'on est confrontés à deux réalités différentes.

Encore faut-il que tu aies un bassin pour combler des emplois. Ça, je le comprends puis j'en conviens. Par contre, je me dis: Il est vrai qu'on peut faire de la sensibilisation, notamment à Montréal, par rapport aux emplois qui sont disponibles. Encore faut-il que, dans les régions ciblées, les régions se soient dotées des bonnes infrastructures d'accueil pour pouvoir faire venir les gens. Parce qu'on l'a dit précédemment: On a beau choisir d'aller vivre à Saint-Hyacinthe, si on n'a pas les infrastructures d'accueil, les personnes risquent de repartir encore 10 fois plus déçues et de retourner à Montréal. Et peu importe la région, ce n'est pas Saint-Hyacinthe, là, c'est partout. Donc, c'est évident que c'est un défi qui est... C'est quelque chose à conjuguer autant pour nous, comme ministère, que pour les villes qui veulent répondre au Programme d'accès à l'égalité à l'emploi.

Moi, je vous parlerais peut-être d'un côté que vous n'avez pas abordé. Bon. Je vois bien toutes vos recommandations. J'en reçois certaines avec beaucoup d'enthousiasme, je le dirai comme ça. Mais j'aimerais ça aussi qu'on puisse peut-être aborder des propos que les gens nous ont tenus ici par rapport aux délais, les délais de traitement à la Commission des droits de la personne, pour savoir si une cause est recevable, la quantité de causes, si vous voulez, qui n'est pas recevable aussi. Parce qu'on nous a parlé de la crédibilité dans le processus de participation civique et citoyenne et la crédibilité qu'on devait accorder à la Commission des droits de la personne lorsque les gens se disaient: Voyons, ça n'a pas d'allure, ça prend trois ans avant d'avoir une réponse, puis tu as x nombre de plaintes seulement sur un total de... qui sont retenues. Donc, je ne sais pas si vous pourriez nous parler de ça et si évidemment... Le gouvernement, et je ne doute pas que vous ayez certainement des pistes d'action à nous proposer là-dessus, de quelle façon on pourrait vous aider à mieux remplir votre rôle, notamment sur ces questions-là parce qu'on est interpellés beaucoup?

n(17 h 30)n

M. Dowd (Marc-André): D'abord, quelques mots sur la francisation, simplement pour préciser un peu mes propos. En fait, ce qui nous était rapporté dans les régions, et vous y faites mention: l'existence de listes d'attente parce qu'on n'a pas la masse critique pour offrir le service, le cours de francisation, ou une très longue distance à parcourir parce que les distances sont longues en région. J'accueille très favorablement l'ouverture vers l'utilisation des nouvelles technologies. Je pense qu'effectivement c'est des solutions créatives et originales qu'il vaut la peine d'explorer.

Maintenant, concernant les délais d'enquête à la commission, les délais de traitement des plaintes à la commission, ce que je peux vous dire à ce sujet, c'est que... D'abord, il s'est dit beaucoup de choses sur les délais. Notre déclaration de services fixe à 15 mois le délai maximal d'enquête auquel nous nous engageons, c'est-à-dire, dans les 15 mois, de donner une réponse à l'individu sur la plainte qu'il a déposée chez nous. Le délai moyen d'enquête, à l'heure actuelle, tourne plutôt autour de 16 à 17 mois, dépendant des moments où on prend la mesure, ce qui est quand même loin du trois ou quatre ans qu'on évoque souvent. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas des dossiers où ça a pris trois ans ou quatre ans, effectivement c'est une moyenne. Donc, ça existe.

Maintenant, nous avons fait des constats très clairs, à la commission, que nous devions améliorer cette façon de traiter les plaintes, et je dois dire d'ailleurs que c'est un constat qui est partagé par l'ensemble des commissions des droits de la personne au Canada. Ce n'est pas une situation qui est propre au Québec. Pour participer à une association canadienne, je peux vous dire qu'on fait tous le même constat, et toutes les commissions ont la même pression liée à une charge de travail très élevée, un nombre très grand de plaintes et la nécessité rapidement, je dirais, d'établir, dans le dossier, est-ce que c'est un dossier dans lequel on doit investir ou non.

Et, à ce sujet-là, nous avons mis en place, et c'est un projet... je suis très heureux de la présence de Me Turenne qui participe au projet pilote que nous avons mis en place, une nouvelle façon d'accueillir les plaintes de discrimination à la commission. C'est en place depuis le 22 juillet dernier, donc c'est tout récent. Dans le fond, ce qu'on a fait, c'est de dire: Plutôt que de recevoir la plainte et d'enclencher tout de suite un processus d'enquête formel, avec une lourdeur administrative, parce qu'une enquête, ça appelle une certaine lourdeur administrative, nous avons créé une étape qu'on appelle l'évaluation préliminaire. Nous avons demandé à des professionnels chevronnés, expérimentés, avec une formation juridique dans certains cas, donc une belle équipe de travailleurs, de tout de suite, dès la réception de la plainte, regarder la plainte et communiquer avec les parties, avant même l'enquête, pour dire: Est-ce qu'il y a possibilité de régler cette question-là? Est-ce qu'il y a une incompréhension? Souvent, des fois, il y a une incompréhension qui est à la base de la plainte. Et, quand les parties se parlent, on réussit à régler le dossier.

Nous avons également ouvert sur la médiation en créant des fonctions de médiateur complètement distinctes des fonctions d'enquêteur. Il y a des personnes à la commission maintenant qui ont le statut de médiateur. Et, quand on va en médiation, l'engagement que la commission prend, c'est que ce qui est discuté en médiation reste en médiation. Donc, les parties peuvent avoir confiance dans l'intégrité du processus de médiation. Ce que je peux vous dire, c'est que, sur les plaintes qui sont envoyées en médiation au cours des dernières semaines, nous avons un taux de règlement très impressionnant. Les plaintes d'intégration scolaire, par exemple, qui se sont réglées dans des délais de quelques semaines, alors qu'habituellement ça peut prendre un an et demi, deux ans d'enquête dans ce type de dossier là, à la satisfaction et des parents et de la commission scolaire. Je prends cet exemple-là, mais on l'a dans d'autres dossiers aussi. S'il advient que la médiation n'est pas une option appropriée pour un dossier ou si les parties ne veulent pas la médiation, on cerne dès le départ quelles sont les questions qui doivent être enquêtées pour ne pas partir dans le champ, je dirais, avec une enquête très large, mais pour bien cibler le but de l'enquête. On espère que l'ensemble de ces mesures-là va nous aider à réduire de façon importante les délais de traitement de nos plaintes.

Alors, nous en sommes dans une phase d'expérimentation. C'est un projet pilote, on va en faire l'évaluation au mois de décembre prochain. Pour l'instant, je suis enthousiaste des résultats, très satisfait des résultats.

Deuxième volet, si vous me permettez, la question de la preuve de discrimination...

Le Président (M. Turp): 13 secondes. Faites-ça rapidement.

M. Dowd (Marc-André): Bien, j'ouvrirais sur la question de la preuve de discrimination en disant qu'on doit travailler très fort dans les dossiers de race-couleur. La preuve de la discrimination est souvent insidieuse et très difficile à faire. C'est pourquoi les travaux comme ceux qu'on mène sur la question du profilage racial pour nous aider à comprendre quelle est la preuve qu'on doit faire en matière de profilage racial vont nous aider, je pense, à être plus performants. 13 secondes?

Le Président (M. Turp): Merci, monsieur. C'était très, très bien.

M. Dowd (Marc-André): Merci.

Le Président (M. Turp): Alors, Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. Merci à vous tous de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse. Comme le mentionnait la ministre, on a beaucoup parlé de vos actions. C'est donc très, très enrichissant de vous avoir aujourd'hui avec nous. Donc, M. Dowd, Mme Turenne, Mme Bastien, M. Bosset et M. Eid, merci d'être avec nous aujourd'hui. J'irai rapidement parce qu'on a tous plusieurs questions à vous poser.

D'entrée de jeu, je vous demanderais: Si vous aviez à identifier votre principal défi pour, disons, la prochaine année, pour la prochaine année puis ensuite de ça sur un horizon plus long, là, tu sais, les trois, cinq prochaines années, ce serait quoi?

M. Dowd (Marc-André): Pour la prochaine année, à la commission, je dirais que c'est un défi institutionnel de réorganiser notre modèle de traitement des demandes et des plaintes. Nous avons pris acte des commentaires qui sont faits. Actuellement, on met beaucoup d'énergie dans le projet pilote. On veut s'assurer de s'ajuster, s'adapter pour arriver avec un modèle organisationnel qui soit le plus efficace possible. C'est le principal défi, je crois, auquel on s'attelle actuellement.

Mme Lefebvre: Parce qu'à la lecture de votre mémoire... qui est, soit dit en passant, très intéressant, puis vous touchez à plusieurs aspects, puis évidemment, avec l'expertise que vous avez, vous êtes confrontés évidemment à toutes les problématiques, là, que peuvent vivre les personnes. Donc, votre mémoire est très, très intéressant, et puis ce qu'on remarque, c'est que vous avez de grandes ambitions, puis ce qui est très bien en soi. Puis, bon, des commentaires, vous mentionnez que vous êtes conscients des commentaires reçus sur le fonctionnement puis sur les délais, sur le traitement. Est-ce qu'avec les ambitions que vous avez... Notamment, si je regarde à la dernière page, la page 54, bon, vous mentionnez que la commission s'engage dans ce mémoire à accentuer son rôle de prospective et de veille, de développer des nouveaux instruments de mesure et d'indicateurs, à poursuivre ses travaux d'analyse, à accentuer son travail de promotion et de coopération, de soutien auprès des groupes vulnérables, de mettre à jour régulièrement les données les plus récentes, ce que je crois être des choses extrêmement importantes, que vous faites déjà dans certains cas, et puis vous voulez aller plus loin.

Il y a différents groupes qui sont venus ici en nous disant qu'il serait peut-être opportun de créer un nouvel organisme, ou un secrétariat, ou un observatoire, bref les différentes options sont sur la table. Donc, certains groupes constatent qu'il serait peut-être opportun qu'une autre structure prenne en charge certaines choses. Vous semblez penser pouvoir effectuer ces mandats. Maintenant, est-ce que vous avez, selon vous, les ressources actuellement nécessaires afin de réaliser ces ambitions et ce mandat que vous souhaitez vous donner?

M. Dowd (Marc-André): Deux choses, deux éléments sur lesquels j'aimerais insister, le premier, c'est qu'il y a tout un pan qu'on ne prétend pas vouloir occuper, c'est la coordination des actions gouvernementales à la suite de la mise en place d'une politique. Compte tenu de notre rôle et de l'indépendance face au gouvernement, nous ne souhaitons pas et nous ne pensons pas d'ailleurs que ce serait une bonne idée que la commission assume un rôle de coordination d'actions gouvernementales. Ce n'est pas le rôle de la commission. Donc, cette question-là va devoir être répondue: Qui va assumer le rôle de coordination? On retire nos dés pour cet aspect-là.

L'autre aspect: nos engagements. Ce que je peux dire à ce sujet-là ? vous avez raison de dire qu'on est ambitieux ? ce que je peux vous dire, c'est qu'on vient de terminer un exercice de planification stratégique pour les quatre prochaines années. Ça implique de faire des choix. Alors, ce qu'on a dit dans ce mémoire, c'est qu'il y a des priorités, il y a des choses qui sont plus importantes que d'autres. On dit qu'on s'engage à faire ça. La veille sociale, ça nous apparaît fondamental. Mais ça veut dire que de notre côté il y a des choses qu'on ne fera plus. Et, dans l'offre de services actuelle de la commission, on a revu certains programmes, et il y a des choses sur lesquelles on mettait des énergies et des ressources qu'on ne fera plus. Donc, il y a des choix qui se sont faits.

Maintenant, avec l'adoption d'une nouvelle politique viennent des ressources aussi, et, si des nouveaux mandats sont donnés à la commission, bien on fera les représentations nécessaires pour que les ressources viennent en conséquence aussi des nouveaux mandats qui nous seraient donnés. Je pense que ma réponse peut être assez complète, oui.

Mme Lefebvre: Bien, en fait, à vous écouter, c'est très emballant, puis, bien, en tout cas, ce que je constate, c'est le dynamisme de la commission, puis c'est très bien.

n(17 h 40)n

Maintenant, j'aimerais... Il me reste encore du temps sur ce bloc. Vous avez parlé de la question de l'accommodement raisonnable. C'est une question très d'actualité, puis on sera de plus en plus poussés à y réfléchir collectivement, tous ensemble. Il y aura, je crois, une consultation bientôt, que vous allez effectuer vous-mêmes. Est-ce que la proposition 8 et 9... Notamment, la proposition 9 où vous, bon, recommandez que le ministère de l'Éducation produise à l'intention des commissions scolaires et des écoles un guide des bonnes pratiques en matière d'accommodement raisonnable en milieu scolaire, est-ce que vous croyez que la consultation que vous allez mener dans le fond va pouvoir mener à cet outil, donc vous allez pouvoir émettre une recommandation au ministère? Ou est-ce que vous croyez qu'une autre consultation encore devra s'effectuer afin, bien, d'arriver à produire un guide comme celui-là? Puis en même temps est-ce que c'est réaliste de penser qu'on est capables de donner des balises très strictes dans ce cas-là? Puis je comprends que... Je pense qu'ils faut donner des balises, parce qu'actuellement ? moi, je le vis notamment dans mon comté, chez moi ? c'est très difficile en ce moment, les décisions sont prises au cas par cas, puis ça peut devenir difficile, je pense, pour des directions de prendre des décisions aussi lourdes de sens et de conséquences. Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Dowd (Marc-André): Quand nous avons rendu notre décision sur le local de prières à l'École de technologie supérieure ? une décision qui a été très médiatisée ? la commission avait dit, à ce moment-là, que l'approche au cas par cas semblait globalement insatisfaisante parce qu'on avait... Et ça fait plusieurs années que la commission réclame un débat public sur la place de la religion dans l'espace public, qu'on réfléchisse ensemble. Il y a un débat social à avoir.

Maintenant, on a dit qu'on prendrait le leadership de cette réflexion-là, c'est-à-dire qu'on veut animer plusieurs milieux à réfléchir de leur côté. Alors, la forme que ça va prendre, on est en train de développer notre projet, mais je peux vous dire que ça va autant toucher le milieu de l'éducation que le milieu de la santé. Il y a des questions, par exemple le choix du sexe du médecin lorsqu'on va à un hôpital ou à une clinique, des questions comme ça, qui se posent en référant à la notion d'accommodement raisonnable. Donc, ce ne sera pas un seul lieu de discussion ou de débat, mais plusieurs initiatives, des colloques, des conférences, des recherches, c'est un ensemble de démarches qu'on veut qui se tiennent sur cette question-là. Cet ensemble de connaissances là qui devraient sortir des activités devraient permettre éventuellement au ministère de l'Éducation d'écrire un guide. On pense que c'est la responsabilité de chaque milieu de réfléchir sur comment on applique ces concepts-là d'accommodement raisonnable dans nos milieux respectifs, mais c'est évident qu'à la commission on offre notre expertise sur ces questions-là. D'ailleurs, c'est dit dans le mémoire aussi.

Mme Lefebvre: Une dernière petite question avant qu'on passe à l'autre bloc. Je me demandais, par simple curiosité en fait, si, vous, à la commission... Parce que je n'ai pas votre rapport annuel sous les yeux, mais, vous, est-ce que vous répondez aux objectifs de représentativité des personnes issues des minorités visibles et...

M. Dowd (Marc-André): À la commission même?

Mme Lefebvre: Oui.

M. Dowd (Marc-André): Nous avons un programme d'accès à l'égalité applicable à la commission. Très heureux de dire que, de façon globale, la commission a une main-d'oeuvre qui est très diversifiée. C'est d'ailleurs un commentaire qui est passé par plusieurs personnes qui viennent nous visiter. Mais je vais laisser à Monik Bastien, directrice des programmes d'accès à l'égalité, le soin de répondre à votre question sur la sous-représentation. Aussi, la commission passe la note sur l'accès à l'égalité.

Mme Lefebvre: Vous êtes combien d'employés, juste pour qu'on puisse...

Mme Bastien (Monik): Le nombre, je n'ai pas le nombre en mémoire, mais c'est autour de 165. Alors, chaque année, effectivement on regarde la composition des effectifs de la commission et on la compare à la représentation qu'on a dans les différents groupes, entre autres minorités visibles et ethniques et les autres groupes, pour voir si la représentation est en équilibre avec la représentation pour les mêmes compétences que celles qui sont demandées à la commission, et en n'oubliant pas aussi que la commission, on dit environ 160 personnes, ce n'est pas un très gros organisme où on se retrouve avec beaucoup d'effectifs. On n'a pas beaucoup d'effectifs, mais, bon an, mal an, on est, à la commission, je pense, au niveau de la représentation, assez proches de la disponibilité au fil des dernières années. Mais c'est sûr qu'il arrive certains écarts, parce que, la représentation des groupes, les gens compétents peuvent augmenter en pourcentage, et on a toujours à se comparer. Mais on suit assez bien la représentation quand on la compare au bassin de compétences. Mais il faut rester toujours vigilants pour s'assurer qu'effectivement la représentation est équitable.

Mme Lefebvre: On parle... Est-ce qu'il y a un pourcentage ou...

Mme Bastien (Monik): Je dirais de mémoire qu'on parle de quelques personnes en sous représentation à la commission. C'est des petits chiffres, c'est des noms, mais ils sont importants parce que, compte tenu du rôle qui est joué par la commission, d'avoir une représentation dans nos différents domaines, c'est pour ça qu'il faut toujours rester vigilants. Par exemple, j'y vais vraiment de mémoire, là, mais, s'il manque cinq personnes ou trois personnes représentant les minorités visibles dans les domaines que couvre la commission, c'est important que la commission soit toujours prête à être proactive puis à prendre les moyens pour aller chercher une représentation équitable. Mais je dirais plus que ça: qu'elle soit proactive pour... dans le fond elle attire déjà, mais attirer davantage les personnes qui ont toutes sortes d'expertises au niveau des différents groupes cibles.

Le Président (M. Turp): Merci.

Mme Bastien (Monik): Ça a été le cas, à la Commission des droits, d'un petit organisme, et là on doit faire des analyses assez fines pour être en mesure d'analyser la situation.

Le Président (M. Turp): Merci. Je redonne la parole à la ministre, qui veut faire un commentaire, et je crois que le député de Marguerite-D'Youville pourra prendre la parole après la ministre.

Mme Thériault: Merci. Je voulais juste préciser, parce que j'ai oublié de le faire tout à l'heure, lorsque je l'ai fait... Vous avez parlé de la question des autochtones, et je me suis dit: Il faut absolument que je parle des autochtones. Malheureusement, le temps file très vite, là, mais je voulais tout simplement préciser qu'évidemment, bien que je sois la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles, on avait pris la peine de préciser dans le document que la question des autochtones devait être considérée dans un ensemble beaucoup plus vaste et large. Et je peux vous dire que, là, j'ai fait ma tournée de sensibilisation, j'ai pu rencontrer des groupes autochtones et des gens. Et il y aura des gens qui vont venir ici aussi, en commission. Et, si nous avions eu le malheur de traiter les autochtones et les membres des minorités visibles et des immigrants sur le même pied, de comparer les premières nations avec des gens qui ont été choisis par le Québec, vous comprenez que c'est comme une drôle de situation.

Nous reconnaissons qu'il y a des problématiques particulières qui peuvent être vécues. Il est évident que tout ce qui se dit ou tout ce qui s'écrit par rapport aux communautés autochtones, c'est transmis à mon collègue le ministre responsable des Affaires autochtones pour que justement on puisse élaborer dans un ensemble, puisqu'on parle d'une politique gouvernementale, mais qu'à ce stade-ci, étant la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles, gérer des problématiques particulières, il fallait réellement s'attarder à nos communautés culturelles aussi, sans exclure toutefois les autochtones.

Le Président (M. Turp): Bien. M. le député de Marguerite-D'Youville, à vous la parole.

M. Moreau: M. le Président, je suis heureux que la ministre ait parlé avant moi parce que ce qu'elle vient de dire est très important et jette un éclairage, moi, je pense, très pertinent sur l'importance que le gouvernement apporte aux communautés, à la situation des communautés autochtones, compte tenu des remarques qui ont été faites par les gens qui sont devant nous.

Alors, bienvenue à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Félicitations, Me Dowd, pour votre présidence intérimaire. Vous montrez beaucoup de dynamisme, et, je dois vous dire, j'aimerais vous entendre... En préambule, j'aurais préféré que vous passiez avant le groupe qui vous a précédé parce que, moi, je vois à la commission une mission pédagogique importante.

Et, à la page 5 de votre mémoire, vous rappelez l'importance que vous apportez à l'optique systémique de la discrimination, et je vais me permettre de citer votre mémoire lorsque vous dites: «La discrimination constitue un ensemble cohérent de représentations sociales, de préjugés, d'attitudes, de pratiques individuelles et institutionnalisées, qui se renforcent et s'alimentent mutuellement dans un mouvement circulaire.» Alors, il y a une question donc de système, d'où l'idée de la récurrence au mouvement circulaire.

Mais je pense que, lorsqu'on doit traiter de la discrimination, et vous le faites admirablement bien, on doit éviter de tomber dans les lieux communs où... Moi, j'étais avocat en pratique privée avant, et ce que j'entendais, c'est que tout le monde avait des droits acquis: on a des droits acquis, on a des droits acquis. C'était une notion qui était chambardée partout. Et ma crainte, et je ne dis pas que ça n'existe pas, loin de moi cette idée, mais c'est que l'on ait la même approche avec ce que l'on appelle la discrimination. Or, vous en faites ici une définition qui est très précise. Et le groupe qui vous a précédé donnait comme exemple de discrimination, par exemple, le délai de carence de trois mois à l'accès à l'assurance maladie pour les immigrants. En ce qui me concerne, ça, ce n'est pas de la discrimination parce que ça n'entre pas dans la définition que vous donnez et dans l'analyse de l'approche systémique.

Alors, ma question est double. Je ne veux pas avoir une opinion juridique de la commission sur le mémoire qui a précédé, mais c'est de dire, d'une part: Est-ce que cette approche systémique là ne risque pas d'être, disons, un frein à une vision plus large de ce que pourrait être la discrimination, d'une part, et, d'autre part, quelle est, selon vous, l'importance du rôle de pédagogue, en matière de discrimination, qui est dévolu à la commission?

n(17 h 50)n

M. Dowd (Marc-André): En fait, sur la question de la discrimination systémique, on insiste beaucoup sur cet aspect-là parce que, quand on parle de discrimination, souvent les gens ont tendance à réduire le concept de discrimination ou de racisme à sa plus simple expression. Or, quand on analyse, par exemple, un système d'emploi, on se rend compte qu'il y a des pratiques qui peuvent avoir un effet d'exclure le recrutement de personnes qui viennent des communautés culturelles, par exemple le recrutement bouche à oreille. Alors, c'est bien connu que le recrutement bouche à oreille a tendance à favoriser les personnes qui appartiennent au même groupe que le recruteur. Alors, c'est quand on regarde ces pratiques-là et l'ensemble des pratiques d'un milieu de travail qu'on voit que, qu'il y ait intention ou non, le résultat est qu'il y a des barrières systémiques, systématiques qui freinent l'intégration des nouveaux arrivants des communautés culturelles. Alors, ça explique en grande partie le fait qu'on met beaucoup d'emphase sur l'approche systémique. Me Turenne, vous vouliez compléter ou...

Mme Turenne (Michèle): En fait, je suis un peu interpellée par... La situation, par exemple, de ne pas avoir accès à des soins de santé dans les trois mois de délai, je pense que des fois la politique peu paraître neutre, mais c'est de voir les conséquences que cela peut occasionner. Alors, bon, c'est sûr que, la personne immigrante qui arrive, qui n'a pas accès à ces soins de santé, on pourrait dire que, bon, c'est une limite gouvernementale. Je ne suis pas sûre que, comme vous dites, ça tomberait dans la définition systémique de la commission. Mais, si on entend par discrimination... Dans la discrimination, ce sont des exclusions, des distinctions qui peuvent avoir pour effet, en bout de piste, d'avoir des effets discriminatoires.

Alors, je ne veux pas vous répondre précisément pour nécessairement cet exemple de soins de santé. On peut prendre l'exemple d'un concours qui serait ouvert à tout le monde mais qu'on donne, pour parler du systémique... même si ce serait une action individuelle d'afficher seulement à certains endroits l'offre d'emploi, ça exclurait certaines personnes, donc il y aurait... Donc, d'avoir un souci à chaque fois que la discrimination se fait... Comme disait M. Dowd, ça peut se faire de façon très peu intentionnelle, mais, en bout de piste, on a comme conséquence d'exclure certains groupes.

M. Dowd (Marc-André): Sur la question du rôle de pédagogue, c'est essentiel, c'est fondamental dans notre travail. Je vais seulement vous donner un exemple. À la suite du jugement qu'on a obtenu contre le centre maraîcher qui imposait des conditions de travail ségréguées en fonction de la race ? les Noirs avaient des conditions de travail épouvantables à ce centre maraîcher là ? nous avons obtenu, un, une sanction du tribunal mais, deux, le fait que, de concert avec la commission, le centre maraîcher fasse une politique pour éviter la discrimination et le racisme. Or, ce projet de politique, nous avons décidé d'en faire un exemple, de partir, d'aller rencontrer des gens, par exemple de l'UPA, des associations de producteurs, en disant: Si ça se passe à cet endroit-là, ça risque de se passer ailleurs aussi. Et là c'est le rôle d'éducation et de pédagogie. Alors, on part d'une situation qui a été dénoncée et d'un travail qui est fait dans un milieu, parce que le centre maraîcher a travaillé avec nous sur la politique par la suite, et on exporte cette solution-là, et ça, je pense que ça fait partie du rôle de la commission aussi.

M. Moreau: Bien. Oui, d'ailleurs c'est une approche douce pour éviter la discrimination parce qu'on enseigne aux gens qui ne le font pas nécessairement de façon directe et planifiée ce qui doit être un comportement correct compte tenu des règles de fonctionnement que l'on s'est données dans notre société.

Vous avez identifié comme le défi le plus important ? la question de ma collègue de Laurier-Dorion ? l'organisation du traitement des plaintes donc pour viser la réduction des délais ? à l'heure actuelle, vous dites, bon, vous avez une moyenne de 17 mois ? et vous avez parlé de la médiation. D'abord, je vous félicite de ce projet pilote là et j'aimerais que vous m'en disiez plus. Est-ce que cette médiation-là, elle est obligatoire ou si elle doit être acceptée? Puis, comme il reste peu de temps, je vais vous le donner en vrac. D'abord, médiation par rapport à conciliation, est-ce que vous ne devriez pas voir si vous ne pourriez pas avoir un rôle de conciliateur? Et finalement qu'est-ce qui explique qu'alors que tous les tribunaux de première instance, dans les instances civiles, appliquent, depuis maintenant de nombreuses années, la médiation obligatoire pour réduire les délais ça ait été aussi long à la commission avant d'aller à cette expérience pilote? Mais n'y voyez pas là un reproche, c'est vraiment une question d'ordre général.

M. Dowd (Marc-André): ...la dernière partie si j'ai le temps. Non, plus sérieusement...

Le Président (M. Turp): Vous avez peu de temps. Vous avez environ une minute.

M. Dowd (Marc-André): Oui. Non, sur la médiation, c'est très important de préciser que c'est une médiation qui n'est pas obligatoire, donc les parties doivent consentir à la médiation. Et ? on a eu beaucoup de débats là-dessus à la commission ? c'est une médiation qui s'effectue dans un contexte de droits de la personne. Il y a une notion d'intérêt public qui rentre en compte dans la médiation. Nos médiateurs interviennent dans le processus de médiation pas seulement comme, je dirais, agents négociateurs, en disant: Bien, versez 3 000 $ et ça va régler le problème, mais aussi avec un souci d'éducation aux principes de la charte, donc d'expliquer aux parties, de discuter avec les parties des droits qui sont en cause. Et nous avons également prévu que tout règlement doit respecter l'intérêt public et les lignes directrices de la commission. Donc, la commission n'accepterait pas de cautionner un règlement qui irait à l'encontre de ce qu'elle estime être l'intérêt public. Alors, c'est une médiation dans un contexte tout à fait particulier, et on va avoir l'occasion d'en discuter plus longuement avec des rencontres qu'on prévoit avec les groupes communautaires prochainement.

M. Moreau: Pourquoi ne pas la rendre obligatoire?

M. Dowd (Marc-André): Il y a différents modèles qui ont été étudiés...

Le Président (M. Turp): Rapidement, l'opposition officielle veut terminer...

M. Dowd (Marc-André): Je dirais, il y a différents modèles qui ont été étudiés, et ce qui apparaissait le plus susceptible de donner des résultats, c'étaient les modèles de médiation ? elle n'est pas obligatoire ? mais où le travail des agents et l'évaluation préliminaire consistent à vendre les avantages de la médiation aux parties sans la rendre obligatoire. C'est un choix qu'on a fait.

Le Président (M. Turp): Merci, M. le président Dowd. L'opposition officielle a droit à 9 min 20 s, pour être équitable, et je constate qu'on dépasserait l'heure. J'ai besoin du consentement pour... Le consentement est accordé? Merci. Alors, notre généreuse porte-parole partage le temps avec ses collègues, et la députée de Terrebonne, le député de Saint-Hyacinthe et moi-même, nous avons des questions. Je commence.

Vous proposez et recommandez que le législateur introduise dans la charte une disposition qui interdise l'incitation publique à la discrimination, c'est à la page 19 du mémoire. J'aimerais que vous nous indiquiez l'importance de cette recommandation et j'aimerais que vous nous l'illustriez. On voit que c'est une façon d'ailleurs de mettre en oeuvre nos obligations internationales dans le pacte sur les droits civils et politiques et la convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Mais pourriez-vous, par exemple, nous donner un exemple récent d'incitation publique à la discrimination qui pourrait justement être visée par une telle disposition si on l'incluait dans la charte et l'idée du recours civil possible s'il y avait une telle incitation?

M. Bosset (Pierre): Oui. Alors, il faut bien voir que cette disposition constituant, instituant un délit civil viendrait compléter les dispositions qu'on trouve déjà dans le Code criminel du Canada, qui sont des dispositions pénales qui interdisent ce qu'on appelle la propagande haineuse. Ces dispositions pénales ont été très rarement utilisées depuis qu'elles existent, depuis 1970, pour toutes sortes de raisons, difficulté de preuve, nécessité d'obtenir une autorisation avant de pouvoir engager des poursuites, et, dans les rares cas où ces poursuites ont été utilisées, elles ont souvent, malheureusement, servi de tribune à des mouvements ou à des personnes d'extrême droite qui prêchaient ouvertement le racisme. Donc, l'expérience est mitigée. Je pense que même ceux qui étaient au départ favorables à ces modifications au Code criminel, en 1970, se rendent compte aujourd'hui qu'elles ne donnent pas beaucoup de résultats.

Alors, ce que la commission propose, c'est que ce soit, dans la charte, un délit civil d'inciter publiquement à la discrimination. Par incitation publique à la discrimination, évidemment on vise à éviter que des gens qui, entre eux, ont des conversations et émettent des opinions dans un contexte privé ne soient assujettis à cette nouvelle disposition. On ne veut pas évidemment intervenir dans ce genre de contexte. Ce qu'on vise, c'est l'incitation publique à la discrimination.

Je vous donne un exemple un peu fictif mais qui pourrait très bien se produire. Supposons que le propriétaire d'une association... le président d'une association de propriétaires de logement, dans une assemblée de ses membres, incite ses membres à ne pas louer à telle ou telle catégorie de la population, raciale par exemple, en disant: Ces gens-là sont de mauvais payeurs, ils déguerpissent, et ainsi de suite, ce serait sans doute interprété comme une incitation publique implicite, mais presque explicite, disons-le, à exercer de la discrimination dans la location d'un logement. C'est le genre de chose que la commission souhaite voir mieux balisée dans l'avenir par le biais de cette disposition.

Le Président (M. Turp): Est-ce que ça viserait, par exemple, des journalistes qui pourraient inciter à la discrimination dans leurs émissions de radio ou de télévision?

n(18 heures)n

M. Bosset (Pierre): Bon. Il faut comprendre aussi que, dans la charte, on retrouve d'autres dispositions, d'autres libertés fondamentales dont la liberté d'expression. Alors, il faudrait viser un équilibre entre les deux. On a jugé que la façon dont nous le proposions respectait un certain équilibre. Mais les tribunaux évidemment auront un rôle à jouer dans l'application au cas par cas de cette nouvelle disposition là, pour tenir compte de l'importance fondamentale qu'on donne à la liberté d'expression, et entre autres à la liberté de presse.

Le Président (M. Turp): Très bien. Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Oui. M. le Président, je ne sais pas combien il reste de temps, parce que je veux en laisser à ma...

Le Président (M. Turp): Rapidement, si vous voulez que votre collègue puisse, elle aussi, poser sa question.

M. Dion: Bien, oui. Il reste combien de temps?

Le Président (M. Turp): Il reste cinq minutes à partager en deux, donc deux minutes, environ deux minutes.

M. Dion: Très bien. Merci. D'abord, je voudrais juste faire une petite observation. J'ai cru comprendre, Mme la ministre, que, tout à l'heure, vous aviez dit qu'à Saint-Hyacinthe il n'y avait pas de mécanisme d'accueil. Alors, sans doute que j'ai mal compris, hein, et que ce n'est pas ça qui est dans...

Mme Thériault: Ce n'est pas ça que j'ai dit. J'ai juste dit qu'il y a différentes régions qui se sont dotées de structures d'accueil, comme c'est le cas à Saint-Hyacinthe, il y a des organismes de... mais il y a certaines régions qui n'en ont aucune. Exemple, lorsqu'on va à La Tuque, La Tuque, c'est très haut, c'est difficile d'avoir un cours de français, donc il faut réellement redescendre vers Shawinigan ou Trois-Rivières. Mais non, jamais dans Saint-Hyacinthe, voyons, c'est à côté de Montréal.

M. Dion: Merci, Mme la ministre.

Mme Thériault: C'est une très belle région, puis on vient de signer une entente de régionalisation.

M. Dion: Merci, Mme la ministre. Et je suis convaincu que les gens de Saint-Hyacinthe qui avaient mal compris comme moi préfèrent cette version-là.

Alors, ma question est la suivante, c'est qu'il y a quand même... La question de la francisation est une question importante parce que je pense qu'on conviendra, tout le monde, que, si on n'a pas la langue, il nous manque la clé pour être libre, parce qu'on dépend toujours d'un interprète, on dépend toujours de quelque chose. Alors, si on veut être libre dans la société québécoise, il faut connaître la langue commune. Alors ça, on s'entend là-dessus.

Mais, quand on regarde les statistiques, et là je ne vise pas une époque précise du gouvernement, là, je vise le problème en lui-même, on voit que beaucoup d'immigrants qui arrivent ici ne connaissant pas la langue n'ont pas accès au cours de francisation après quelques années. Alors, la question que je me pose... Et souvent j'imagine que ce sont surtout les femmes à domicile, ou ces choses-là, qui ont ce problème-là. Vous comprendrez que, si c'est le cas, il y a un problème de droits de la personne qui se pose gravement, parce que, si on a toutes sortes d'autres lois pour protéger l'accès à l'égalité pour les femmes, l'accès à la sécurité, si elles n'ont pas la langue, elles n'ont pas de moyen de faire valoir leurs droits.

M. Dowd (Marc-André): Sur cette question-là, je dirais, c'est toute la question de l'accès à l'égalité dans la formation. Vous parlez de la francisation, mais je l'élargis. On avait une discussion, hier, à la commission, justement en disant: On parle beaucoup de programmes d'accès à l'égalité en emploi, mais il y a toute la question aussi, avant l'emploi, de la formation, l'accès à l'égalité à la formation, et on se disait qu'il y avait matière à travailler sur ces questions-là.

Sur la question de la francisation en tant que telle, nous avons insisté dans le mémoire en disant que ça nous paraissait essentiel que le gouvernement supporte du mieux qu'il peut les services de francisation financièrement et aussi au niveau de l'organisation des services. Mais on n'est pas allés beaucoup plus loin dans notre réflexion sur ce sujet-là.

Le Président (M. Turp): Merci, M. le président. Mme la députée de Terrebonne, pour une dernière question.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, comme je veux remercier notre porte-parole de sa générosité, je vais avoir deux questions. Une, c'était celle qu'elle souhaitait pouvoir compléter: Est-ce que, pour remplir votre mission, présentement vous avez les effectifs suffisants?

Et ma question. Je suis particulièrement intéressée par ce que vous avez présenté sur le chevauchement des motifs de discrimination, j'y travaille énormément. Vous recommandez que toute stratégie globale de lutte contre le racisme et la discrimination traite le problème de la discrimination ethnoraciale non pas isolément, mais plutôt dans ses interrelations avec les autres formes de discrimination fondées notamment sur le sexe, la condition sociale, le handicap, la langue, l'orientation sexuelle. Concrètement, comment pensez-vous que la stratégie va pouvoir faire ce traitement-là non pas isolément, mais en tenant compte du chevauchement?

M. Dowd (Marc-André): Sur cet aspect-là, je vais inviter Me Turenne à répondre à cette question.

Mme Turenne (Michèle): Alors, si j'ai bien compris, par rapport à la question Programme d'accès à l'égalité en emploi à la Commission des droits de la personne?

M. Dowd (Marc-André): Non, sur l'intersectionnalité.

Mme Turenne (Michèle): Ah! sur l'intersectionnalité. Parce qu'il y avait une autre question que j'ai mal comprise. Alors, sur l'intersectionnalité, c'est le chevauchement de facteurs...

Mme Caron: ...concrètement, comment voyez-vous que la stratégie va pouvoir mettre ça en application?

M. Dowd (Marc-André): Bien, peut-être juste donner un exemple d'enquête qu'on a faite récemment où on est arrivés à un résultat qui est une mesure de redressement, c'est-à-dire éventuellement une poursuite devant le tribunal, où on a utilisé l'intersectionnalité. C'était une dame noire qui était vêtue, je dirais, de façon... pauvrement vêtue avec des sacs, des sacs d'épicerie qu'elle traînait. Bref, elle a été prise pour une mendiante et elle a fait l'objet d'une intervention, disons, assez musclée d'un service de sécurité dans un lieu public: elle a été expulsée. Alors là, on joue avec les motifs race-couleur, on joue avec les motifs condition sociale, on joue avec le motif sexe, et on se dit: Dans le fond, c'est l'ensemble de ces trois motifs-là qui a fait en sorte que l'agent de sécurité a dit: Cette femme-là, il faut qu'elle sorte d'ici, et qu'il l'a expulsée manu militari. Très concrètement, c'est ça, l'intersectionnalité. Si on avait pris chacun des motifs isolément, oui...

Mme Caron: C'est ça. Mais concrètement pour que, dans une stratégie globale, on puisse le traiter en tenant compte de ces chevauchements-là, comment on va le faire?

M. Dowd (Marc-André): On doit le reconnaître, un, dans la politique, c'est une première chose...

Mme Caron: O.K. Parce qu'on ne l'a pas dans le document, là.

M. Dowd (Marc-André): Le reconnaître, un. Également, je pense qu'il y a besoin de recherche sur la question de l'intersectionnalité, c'est-à-dire mieux explorer les liens qui existent entre deux motifs de discrimination, par le biais de la recherche. Par exemple, condition sociale et race, comment ces deux motifs-là sont-ils liés? Paul, voulais-tu compléter ou...

M. Eid (Paul): Bien, c'était simplement de dire qu'au-delà des... je crois qu'il faut... C'est une sensibilité en fait qu'il faut développer. On ne peut pas, dans la politique, couvrir tous les cas possibles où cette confluence peut survenir. Mais ce serait déjà un bon départ d'inscrire dans les principes directeurs que chaque mesure prévue dans la politique ou qui va découler de la politique doit toujours mener à ce questionnement pour voir s'il n'y a pas d'autres mécanismes discriminatoires sous-jacents qui viennent alimenter la discrimination ethnoraciale.

Puis je crois qu'exemple la condition sociale dans le cas des... On parle beaucoup des jeunes Noirs en intégration, des jeunes Noirs... à la pleine participation à la société québécoise. Je crois qu'on ne peut pas envisager cette question de discrimination que vivent les jeunes Noirs sans aussi s'attaquer aux problèmes de pauvreté chronique qui peuvent toucher ces communautés aussi et puis s'interroger sur les manières de combiner des approches qui combinent les deux, qui s'attaquent aux deux problèmes à la fois.

Le Président (M. Turp): M. le président, avez-vous une réponse à la première question, sur les effectifs?

M. Dowd (Marc-André): Bien, sur la question des effectifs...

Le Président (M. Turp): Rapidement.

M. Dowd (Marc-André): Oui. Je répondrais: Écoutez, en tant que gestionnaire public, moi, mon rôle, c'est, à partir d'un budget, de la façon la plus efficiente, de livrer les services et de remplir la mission de la commission. C'est ce que je m'emploie à faire. Maintenant, quand on parle de nouveaux mandats à la commission, quand on parle de dire, bien, il faut, dans le cadre de la politique, en faire un peu plus de ce côté-là, c'est sûr qu'il va falloir que les ressources suivent. Mais ce que je comprends, c'est qu'avec la politique viennent les ressources, alors, dépendant des mandats qui vont nous être confiés, on sera en liste pour aller chercher notre part des ressources aussi.

Le Président (M. Turp): Alors, M. le président Dowd, messieurs mesdames, merci beaucoup pour la présentation de la commission, pour son mémoire. Je suis certain qu'on aura l'occasion d'y revenir pendant nos travaux.

J'ajourne donc les travaux de la commission au mercredi 20 septembre, à 9 h 30, alors que la commission poursuivra ses auditions publiques à l'égard du document intitulé Vers une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination, dans cette même salle. Alors, bonne soirée à tout le monde.

(Fin de la séance à 18 h 9)


Document(s) associé(s) à la séance