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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le jeudi 26 janvier 2006 - Vol. 38 N° 65

Consultation générale sur le patrimoine religieux du Québec


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Table des matières

Auditions (suite)

Mémoires déposés

Remarques finales

Autres intervenants

 
Mme Diane Legault, présidente suppléante
Mme Dominique Vien
M. Pierre Moreau
* M. Jocelyn Groulx, Fondation du patrimoine religieux du Québec
* M. Robert J. Koffend, idem
* M. Philippe de Maupeou, idem
* M. Jean Tremblay, idem
* M. Denis Marsolais, CNQ
* M. François Frenette, idem
* M. Charles Garnier, FQM
* M. Guy Charland, idem
* M. André Bourassa, OAQ
* M. Jean-Pierre Dumont, idem
* M. Pierre Beaupré, idem
* M. Ollivier Hubert, SCHEC
* Mme Brigitte Caulier, CIEQ
* M. Marc Vallières, IHAF
* Mme Pascale Caron, Fondation Saint-Roch de Québec
* Mme Marguerite La Rochelle, idem
* M. Réal Grenier, idem
* M. Martin Yelle, FQAO
* Témoins interrogés par les membres de la commission
 

Journal des débats

(Neuf heures trente-cinq minutes)

Le Président (M. Brodeur): Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la Commission de la culture ouverte, et je demande, comme à l'habituel, aux gens qui ont des cellulaires de bien vouloir fermer la sonnerie, s'il vous plaît.

Donc, je répète le mandat de la commission. Le mandat de la commission est de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le patrimoine religieux du Québec.

Tout d'abord, je voudrais à nouveau vous souhaiter la bienvenue pour cette dernière journée d'auditions, qui sera suivie de travaux, j'imagine, forts intéressants et importants de la commission.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Turp (Mercier) remplace Mme Caron (Terrebonne).

Le Président (M. Brodeur): Merci. Donc, aujourd'hui, nous aurons le plaisir de recevoir, premièrement, ce matin, la Fondation du patrimoine religieux du Québec, qui sont déjà installés ? je vous salue; M. Ernest Caparros, professeur émérite de l'Université d'Ottawa; et la Chambre des notaires du Québec. Cet après-midi, nous entendrons la Fédération québécoise des municipalités, l'Ordre des architectes du Québec, des représentants de la Société canadienne d'histoire de l'Église catholique, de l'Institut d'histoire de l'Amérique française et du Centre interuniversitaire d'études québécoises de l'Université Laval. Nous entendrons également la Fondation Saint-Roch de Québec et finalement la Fédération québécoise des amis de l'orgue.

Donc, bienvenue en commission parlementaire. Je sais que vous avez suivi de façon assidue les travaux de la commission, donc je vous rappelle tout simplement le processus que vous savez sûrement. Vous avez une période maximale de 20 minutes pour présenter votre mémoire, et, lorsque ce sera rendu à 18 ou 19 minutes, vous allez voir le président s'agiter. Et, à la suite de cette présentation, il y aura une période d'échange entre les membres de la commission.

Auditions (suite)

Donc, la parole est à vous, mais je vous demanderais d'abord de vous identifier pour le bénéfice du Journal des débats et d'y aller de la présentation de votre mémoire.

Fondation du patrimoine religieux du Québec

M. Groulx (Jocelyn): Jocelyn Groulx, directeur à la Fondation du patrimoine religieux.

M. Koffend (Robert J.): Robert Koffend, président de la fondation.

M. de Maupeou (Philippe): Philippe de Maupeou, vice-président de la fondation.

M. Tremblay (Jean): Jean Tremblay, président de la Table de concertation 02, Québec?Chaudière-Appalaches.

Le Président (M. Brodeur): Bienvenue. Allez-y.

M. Koffend (Robert J.): Je voudrais d'abord remercier M. le député Bernard Brodeur et les membres de la Commission parlementaire de la culture d'offrir à la Fondation du patrimoine religieux du Québec la possibilité de se faire entendre sur un sujet qui la préoccupe vivement: la préservation et la mise en valeur du patrimoine religieux québécois.

La Fondation du patrimoine religieux du Québec partage la définition du «patrimoine religieux» énoncée par la Commission des biens culturels du Québec: «Sont considérés comme faisant partie du patrimoine religieux les biens immobiliers, mobiliers ou archivistiques qui correspondent à l'ensemble des [paramètres] suivants:

«Ils appartiennent ou ont appartenu à une Église ou Tradition, ou ils lui sont reliés ou l'ont été dans le passé, l'Église ou la Tradition en cause étant représentée par l'une ou l'autre de ses composantes: fabrique paroissiale, communauté religieuse, diocèse, consistoire, etc.

«Ils ont été, selon le cas, construits, fabriqués ou acquis en vue de l'une ou l'autre des fonctions inhérentes ou corollaires à la mission religieuse, institutionnelle ou sociale de leur [propriété] ? culte, résidence, enseignement, soins aux personnes, subsistance, villégiature ? ou [bien] à des fins de témoignage.»

Et très important: «Ils ont une valeur patrimoniale.»

Aux yeux de la fondation, le patrimoine religieux québécois apparaît comme un patrimoine fondateur, si l'on considère que la préoccupation religieuse et les établissements religieux ont été présents dès l'origine de la société québécoise. Dans l'ensemble de notre patrimoine culturel, il est le plus universel, le plus diversifié, le plus riche. Il est également le plus visible et le plus répandu sur le territoire. Il constitue une expression majeure de la culture québécoise et un élément important de notre identité, exprimant les valeurs sociales, éthiques et philosophiques de notre société.

Dans le cadre du Programme de soutien à la restauration du patrimoine religieux, la fondation a centré son action sur les édifices religieux construits avant 1945 et encore utilisés à des fins religieuses. Mais ses préoccupations englobent l'ensemble du patrimoine religieux et notamment les éléments de ce patrimoine qui ne sont plus utilisés.

n(9 h 40)n

Par ailleurs, la fondation inclut dans sa définition du patrimoine religieux non seulement les lieux du culte: les églises, les temples, synagogues, chapelles, qui en constituent l'élément majeur, mais aussi les presbytères, les couvents et monastères, les chapelles des écoles, collèges, hôpitaux et pensionnats religieux; les cimetières, les croix de chemin; les oeuvres d'art, le mobilier, les orgues, les vitraux, l'orfèvrerie; les vêtements sacerdotaux, les livres, les archives documentaires et photographiques; les sites patrimoniaux, les paysages urbains et ruraux.

La fondation reconnaît enfin que le patrimoine religieux fait partie de l'ensemble plus vaste que constitue le patrimoine québécois et qu'il ne peut en être dissocié, pas plus que du paysage naturel, du village, du site urbain dont il fait partie ni de la société dont il est issu et qu'il marque de son empreinte.

La fondation estime que la valeur de ce patrimoine repose sur cinq grands critères: l'intérêt architectural, l'intérêt historique, l'intérêt artistique, l'intérêt paysager et le rôle social et culturel.

L'ensemble des lieux du culte patrimoniaux du Québec présentent un intérêt architectural à l'échelle internationale tant par l'originalité de leur inspiration et la qualité de leur construction que par la diversité des options architecturales qu'ils expriment.

La rareté et l'ancienneté de certains lieux du culte leur confèrent une valeur historique exceptionnelle. Le caractère symbolique de certains monuments, leur rôle dans une communauté peuvent également contribuer à cette valeur. Plus généralement, l'ensemble des lieux du culte patrimoniaux présentent un intérêt historique parce que, dans leur diversité architecturale, ils témoignent de près de 300 ans d'histoire religieuse, sociale et culturelle au Québec.

Bien davantage que les édifices civils, les églises, presbytères, couvents et monastères constituent des ensembles créés par nos meilleurs artistes. La qualité des aménagements intérieurs, des peintures, des sculptures, du mobilier, des vitraux, de l'orfèvrerie, des tissus, des grandes orgues produites localement contribue à cette valeur artistique qui fait du lieu du culte patrimonial une oeuvre d'art totale. Qui plus est, les lieux du culte témoignent aussi, bien souvent, de savoir-faire artisanaux aujourd'hui menacés.

Les églises sont une composante majeure du paysage rural et urbain québécois. C'est autour d'elles que se sont développés les villages et les quartiers urbains. Encore aujourd'hui, leurs clochers jouent un rôle de repère géographique.

Lieux de rassemblement des collectivités, de dispensation des services communautaires aux plus démunis et de diffusion des créations culturelles, les lieux du culte du Québec constituent le ciment des collectivités locales et le symbole de leur cohésion et de leur existence même.

Enfin, il apparaît évident que, si tous ces chefs-d'oeuvre existent, c'est que ceux qui les ont construits, propriétaires d'alors et d'aujourd'hui, avaient bel et bien l'expertise et la compétence nécessaires pour les réaliser.

Malgré tout le travail accompli au cours des 10 dernières années, la problématique globale du patrimoine religieux demeure préoccupante: le nombre de fidèles a diminué au cours des ans, et les propriétaires n'ont souvent plus les moyens d'assumer seuls l'entretien de leur lieu du culte. De plus, la population ayant quitté les quartiers centraux des grandes villes pour les quartiers périphériques ou la banlieue, de grandes églises d'intérêt patrimonial se trouvent souvent sous-utilisées au centre, et rien n'indique que le mouvement actuel de retour en ville se traduira par un regain d'activité de ces lieux du culte.

Le Québec fait face à un nombre croissant d'édifices religieux excédentaires, une tendance qui devrait se poursuivre au cours des prochaines années. La fermeture de lieux du culte n'est pas un phénomène récent. Toutefois, cette situation a commencé à prendre de l'ampleur au cours des années soixante-dix et elle touche les différentes traditions religieuses.

Les compilations que la fondation a effectuées auprès des différentes traditions religieuses nous révèlent que, depuis la fin des années soixante, il y a eu plus de 250 fermetures de lieux de culte. Cette compilation recense les nombreuses églises qui ont changé de propriétaires mais qui servent toujours au culte, les lieux de culte recyclés en d'autres fonctions ainsi que les bâtiments fermés ou démolis.

Jusqu'au milieu des années quatre-vingt-dix, on recense davantage de fermetures de lieux du culte d'autres traditions religieuses que catholique, principalement des églises anglicanes, presbytériennes et unies. Depuis, nous observons que ce sont majoritairement des églises catholiques qui ferment leurs portes. De plus, il est intéressant de constater que près de la moitié des églises recensées dans cette compilation sont des bâtiments construits entre 1945 et aujourd'hui.

Si, au début des années soixante-dix, on observe une vingtaine de démolitions d'églises, surtout à Montréal ainsi qu'au Bas-Saint-Laurent et en Gaspésie, fermetures de villages même, ce phénomène a largement diminué au profil du recyclage.

Quelques cas anciens d'églises recyclées ont été répertoriés. Par exemple, l'ancien temple Wesley et l'ancienne chapelle Holy Trinity, situés dans le Vieux-Québec, ont été respectivement transformés en salle de l'Institut canadien, en 1946, et en théâtre du Conservatoire d'art dramatique, en 1960. Depuis, le phénomène s'est amplifié, et on recense, au Québec, de nombreux exemples de recyclages de lieux de culte. De nombreuses églises accueillent maintenant des fonctions de bibliothèque, de salle de spectacle, de centre communautaire, de plateau sportif, etc. Et on a repéré la revue Architecture-Québec, le numéro de mai 2005, pour cette constatation.

Par ailleurs, les informations recueillies sur une cinquantaine de transactions ont établi que le produit total de ces ventes de lieux du culte s'élève à quelque 15 millions de dollars, soit une moyenne de 300 000 $ par transaction. Ce montant représente le produit brut des ventes. Or, la plupart des églises mises en vente l'ont été parce que leurs opérations étaient déficitaires et qu'elles avaient une dette accumulée qu'il faudra de toute façon payer. Donc, le 300 000 $, c'est un montant qui, comme je répète, est un montant brut et non pas net.

Il n'y a pas de solution simple et universelle, et c'est pourquoi nous avons établi une hiérarchie, hiérarchie de solutions pour ces églises, allant des plus souhaitables aux moins souhaitables:

La première solution: laisser le lieu ouvert au culte, ce qui est compatible avec la location du sous-sol à des organismes sociaux et la tenue d'activités culturelles dans le lieu du culte lui-même. Le maintien de l'activité cultuelle, quand il est possible, garantit que le patrimoine demeure vivant.

Partager l'usage du lieu du culte entre plusieurs communautés ou traditions. À la lumière des informations recueillies lors de l'inventaire des lieux du culte du Québec, 51 lieux du culte sont utilisés par plus d'une tradition religieuse, et ce chiffre est augmenté sensiblement depuis l'inventaire.

Céder le lieu de culte à une autre tradition capable d'en conserver la vocation et d'en assumer l'entretien. Toujours selon l'inventaire, il existe 274 lieux de culte qui sont utilisés par une autre tradition religieuse que la tradition fondatrice;

n(9 h 50)n

Voir à une mise en valeur touristique, applicable à certains lieux de culte, c'est ce qui est appliqué, par exemple, à la basilique Notre-Dame de Montréal et à la cathédrale Notre-Dame de Québec. Cette solution, largement adoptée en Europe, peut requérir des investissements, notamment en matière d'éclairage extérieur et d'aménagement paysager. Elle nécessite la présence de gardiens ou, mieux encore, de guides, et la production d'une documentation adéquate.

Considérer le recyclage partiel: conversion du presbytère, du sous-sol ou de bâtiments annexes pour accueillir une activité lucrative. Il faut citer, à titre d'exemple, l'église Sacré-Coeur, à Montréal, qui loue des espaces au CLSC, ce qui lui permet d'assurer son équilibre financier.

Créer un lieu polyvalent, culte et autre fonction, par des aménagements permanents. C'est le cas de Wesley United Church, à Montréal, où la fonction d'origine cohabite maintenant avec deux centres de la petite enfance et des organismes communautaires. Songer à une mise en veilleuse. L'église est fermée, les oeuvres d'art et le mobilier en sont protégés ou retirés. L'église Notre-Dame-de-Grâce, à Québec, est un exemple de mise en veilleuse, jusqu'à ce qu'une solution permanente soit trouvée.

Effectuer un recyclage complet, de préférence, en respectant la compatibilité des fonctions prévues avec la fonction d'origine et en assurant la préservation des caractéristiques architecturales, des volumes intérieurs et des décors majeurs. On peut apprécier le recyclage de l'ancienne église Saint-Esprit, aujourd'hui occupée par l'École de cirque de Québec, ou l'ancienne église Saint-Germain, devenue Musée régional de Rimouski. La conversion en condominiums dont il n'existe que deux cas à Montréal et un à Québec remplit difficilement cette condition de compatibilité.

Si aucune autre solution n'est possible, envisager la démolition. Cette solution ne doit être envisagée qu'en dernier recours et après avoir consulté la collectivité concernée. La démolition annoncée de l'église Saint-Julien, à Lachute, stigmatise de nouveau cette solution de dernier recours.

Créée en 1995, la Fondation du patrimoine religieux est une corporation privée sans but lucratif, à caractère multiconfessionnel, qui oeuvre à l'échelle du Québec. Lors de sa création, le ministère de la Culture et des Communications lui confia le mandat de gérer le Programme de soutien à la restauration du patrimoine religieux. Ce programme vise à soutenir financièrement les initiatives en vue de la restauration d'édifices du patrimoine religieux, le volet I, ainsi que du mobilier et des oeuvres d'art d'intérêt patrimonial, le volet II, qu'ils renferment.

Dans le cadre de la fondation, les différentes traditions religieuses travaillent de concert, en partenariat et en collaboration étroite avec les propriétaires, les collectivités locales et l'État québécois. La fondation se compose de 11 tables régionales réunissant architectes, historiens d'art, professeurs d'art, experts en art sacré, représentants laïques ou cléricaux officiellement nommés par les traditions propriétaires d'édifices religieux patrimoniaux ainsi que de représentants du ministère de la Culture et des Communications. La fondation a également créé des comités spécialisés. Le comité du volet II est composé d'experts venant d'institutions muséales réputées et il est chargé de sélectionner les dossiers de restauration d'oeuvres d'art et de biens mobiliers. Le comité des orgues réunit des experts des grandes écoles de musique du Québec et il conseille les tables régionales sur les projets de restauration des orgues.

Ce dialogue multiconfessionnel assure et certifie que les projets soient axés sur les questions patrimoniales, esthétiques, historiques et environnementales plutôt que sur des questions cultuelles, et ça, c'est un point très, très important, je crois. Cette collaboration présente un exemple frappant d'une politique de solidarité croissante de la part des traditions religieuses à maintenir une position forte dans la restauration et la protection de l'intégrité architecturale de leurs biens immobiliers. Cette force morale unie est d'autant plus remarquable dans un contexte où les tensions et conflits politiques mondiaux prennent souvent une dimension religieuse, même lorsqu'ils se reflètent à l'échelle locale. Cependant, l'objet de la fondation et de ses travaux est patrimonial, et l'aide qui lui est fournie n'est pas une aide à telle ou telle tradition religieuse mais bien un soutien au patrimoine religieux immobilier et mobilier qui constitue une richesse pour l'ensemble de notre société.

Après 10 ans d'opération, la formule originale développée par le gouvernement du Québec et la fondation apparaît bénéfique tant sur le plan de l'engagement social des communautés et des échanges interconfessionnels que sur le plan économique. Et là nous avons cité un nombre considérable de retombées de plusieurs ordres, que vous allez pouvoir trouver dans votre texte. Mais c'est important quand même de noter qu'à l'échelle du Québec on évalue à 2 500 le nombre d'emplois directs et indirects créés grâce aux sommes investies. En outre, la participation gouvernementale a entraîné des investissements privés de 65 millions de dollars, ceci sans compter de nombreux projets de restauration réalisés sans l'appui financier du programme.

Je dois citer l'importance de l'inventaire des lieux du culte du Québec. La phase I a été réalisée en 2003 et a permis d'inventorier 2 751 édifices cultuels ouverts ou fermés depuis peu. Cet inventaire inclut seulement des églises, les lieux de culte de traditions, les chapelles, les oratoires, les sanctuaires et les lieux de pèlerinage... Il est à noter que cette limite temporelle de 1975 a été fixée selon certaines pratiques qui établissent un délai de 30 ans avant d'intégrer la production architecturale dans un inventaire patrimonial national. Et puis je vous invite à regarder le reste de cet aspect-là, puisque je suis à court de temps, et puis je pense qu'il faut tout simplement citer l'importance du défi de la conservation des édifices religieux patrimoniaux. Si nous perdons cet aspect de notre patrimoine national, je crois que notre culture en général va être beaucoup amoindrie.

Et j'aurais voulu prendre un peu de temps de discuter les propositions, ça ne m'est pas permis...

Le Président (M. Brodeur): On va en discuter lors de nos discussions. On en discutera sûrement lors de nos discussions...

M. Koffend (Robert J.): Exactement, alors donc...

Le Président (M. Brodeur): ...dans les prochaines minutes.

M. Koffend (Robert J.): Exact. Alors, voilà, messieurs, mesdames.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup.

M. Koffend (Robert J.): Je vous en prie.

Le Président (M. Brodeur): Merci de votre présentation et merci aussi de vos présences assidues lors de nos travaux. Ce fut très apprécié des membres de la commission qui d'ailleurs entame sa dernière journée d'auditions. Et la Commission de la culture est imprégnée de l'année du patrimoine religieux, tellement imprégnée de l'année du patrimoine religieux qu'on a maintenant un cardinal comme secrétaire.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Brodeur): Comme première question...

Une voix: D'ailleurs, il porte le rouge.

Le Président (M. Brodeur): Oui, il porte le rouge. Comme première question... Nous avons reçu, bien, deux copies de votre mémoire. Vous avez envoyé une copie de votre mémoire modifié il y a quelque temps, et j'ai noté une différence peut-être fondamentale, mais je désire vous entendre là-dessus.

Vous aviez, dans votre premier mémoire, non amendé, que vous nous aviez envoyé, vous nous référiez... aux propositions, justement, dans vos propositions, vous disiez que vous proposiez que des partenariats élargis entre le gouvernement, la fondation, les municipalités concernées, les autorités religieuses concernées, diocèses, consistoires, fabriques, congrégations, et le milieu soient renforcés pour permettre la sauvegarde des édifices religieux patrimoniaux excédentaires. Entre parenthèses, et c'est là que je souligne les mots qui sont entre parenthèses, un organisme indépendant pourrait être créé sur le modèle de la fondation ou inspiré du Churches Conservation Trust britannique. Et je constate dans votre mémoire amendé, si on peut l'appeler de cette façon-là, qu'il y a un silence sur cette version proposée de création d'une fiducie. Que vaut ce silence? Est-ce que votre opinion s'est modifiée ou a changé au cours des derniers mois ou vous préconisez encore la possibilité de la création d'une fiducie inspirée du trust britannique? Quelle est votre position définitive à ce sujet-là?

n(10 heures)n

M. Koffend (Robert J.): Je crois que, s'il y a un silence là-dedans, c'est justement parce que nous attendons un rapport, ce serait peut-être un peu trop tôt pour que nous nous prononcions là-dessus, parce qu'il y a justement un rapport qui va sortir bientôt sur l'étude qui a été faite justement sur ce principe et ce projet-là.

Ceci étant dit, l'idée d'une participation, n'est-ce pas, dans un genre de fiducie ou, disons, un genre de fondation financière, si je peux dire ? faire la séparation entre la fondation religieuse et une fondation financière ? nous croyons que c'est encore très, très valable. La question de fiducie même, dans le contexte de l'étude qui est en train de se terminer, et le rapport sera fait bientôt, si on est silencieux là-dessus, c'est parce qu'on voudrait entendre le rapport même avant de se prononcer. D'ailleurs, on a participé activement dans cette étude-là. Donc, ce serait prématuré, je pense, de se prononcer là-dessus, mais on n'est pas contre du tout, du principe, et certainement nous sommes très favorables... pas favorables, mais nous trouvons que c'est absolument nécessaire qu'il y ait un partenariat, PPP, n'est-ce pas, très important.

Mais j'invite mes collègues peut-être à ajouter quelque chose là-dessus. Jocelyn, est-ce que...

M. Groulx (Jocelyn): L'étude qui se fait actuellement nous a permis également de nous ouvrir les yeux sur différentes fiducies qui existent. Là, on avait noté un exemple en Angleterre, mais ça nous a permis de nous ouvrir les yeux sur la diversité des fiducies qui existent, autant en Angleterre, aux États-Unis, en Australie, et de voir que c'est un modèle intéressant mais qui est très variable.

L'exemple qu'on avait noté était une fiducie de biens excédentaires ou qui est propriétaire de plus de 300 bâtiments, donc qui est très axée vers la propriété. Il y a d'autres types de fiducies qui sont davantage axées vers des aides, études de faisabilité, partenariats, pour trouver des solutions, et qui sont moins axées vers des aspects de propriété.

Alors, actuellement, je pense que... de là un peu notre silence là-dessus, c'est que nous sommes en réflexion justement sur cette fiducie-là, tout en étant convaincus que c'est un élément essentiel dans la suite des choses.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Avant de donner la chance à un de mes collègues de poser une première question, vous devinez que je vais vous poser une question sur l'inventaire. Il y a eu de nombreuses critiques ou plusieurs critiques qui ont été faites au cours des travaux de la commission sur l'inventaire de la Fondation du patrimoine religieux. Et vous dites, dans vos propositions, de «poursuivre et compléter ? surtout, j'ai souligné le mot "compléter" ? [des] inventaires sur le patrimoine religieux immobilier et mobilier». Le mot «compléter» voudrait-il dire que l'inventaire du patrimoine immobilier n'était pas terminé ou signifie-t-il qu'il faut passer au patrimoine mobilier quand vous parlez de compléter l'inventaire? Donc, qu'est-ce que vous répondez surtout aux critiques que nous avons entendues au cours des deniers mois concernant l'inventaire de la Fondation du patrimoine?

M. Koffend (Robert J.): D'abord, je pense que les critiques, si ma mémoire est bonne, les critiques s'adressaient surtout à la méthodologie, et c'était une préoccupation, tout au long de cet exercice-là, la méthodologie, car il y a différentes méthodologies, et il fallait essayer de marier, si vous voulez, cette méthodologie. Et les personnes qui ont vivement critiqué l'inventaire, c'était surtout sur une méthodologie qu'elles préconisaient, qui n'était pas nécessairement celle qu'on a universellement appliquée au sein de la fondation. Je crois que c'était vraiment ça, le sens de la critique.

Parce que le travail, le résultat du travail... Je crois qu'on ne peut pas critiquer le résultat du travail, ça a été un travail immense et ça a été un travail très minutieux, et c'est un travail qui a évoqué beaucoup de discussions autour des endroits individuels. Mais, si je ne me trompe pas, c'était vraiment la question de la méthodologie qui a évoqué des critiques. Et c'est un peu comme les critiques, n'est-ce pas, de musique ou d'oeuvres d'art: il y a différentes opinions et différentes expressions de ces opinions-là. C'est un peu ça. Alors, on a essayé de marier ces différentes opinions tant qu'on pouvait, et je pense qu'on a réussi pas mal d'ailleurs parce qu'à la fin il y a eu quand même un très large sens des consensus, même parmi ceux qui étaient contre la méthodologie, mais au sujet des résultats.

Puis là encore j'invite Jocelyn à dire quelque chose parce que c'était vraiment son oeuvre, et je dois le féliciter d'avoir réalisé cette oeuvre-là, c'est lui qui était le directeur général de cette oeuvre-là, et je suis très reconnaissant.

M. Groulx (Jocelyn): Oui. Il y a eu des commentaires par rapport à la deuxième phase de l'inventaire qui est l'évaluation patrimoniale. Parce que de toute évidence il faut reconnaître la pertinence de cet exercice-là qui a été fait pendant deux ans, les résultats, la pertinence des informations recueillies qui sont essentielles et que vous pouvez retrouver d'ailleurs, maintenant, dans un site Internet, une base de données qui est essentielle à la bonne compréhension des lieux de culte au Québec.

Alors, oui, à la deuxième phase, on a réuni, au sein de différents groupes régionaux, des experts, des représentants de tables régionales, des représentants municipaux, du gouvernement, et, oui, particulièrement à Montréal, où on a réuni différents experts. Il y a eu des divergences d'opinions sur la façon d'évaluer les lieux de culte. Mais le travail s'est fait malgré tout de façon consensuelle pour en arriver au résultat que l'on a aujourd'hui.

Et on parlait de compléter l'inventaire parce que nous n'avons pas fait l'évaluation patrimoniale des lieux de culte construits entre 1945 et 1975 qui constituent un patrimoine important, plus de 1 000 bâtiments au Québec. On pense également à tout le patrimoine immobilier des communautés religieuses, il y a certains inventaires qui ont été faits à Montréal, à Québec, mais il y aurait lieu de compléter ces inventaires-là. Et évidemment il y a tout le patrimoine mobilier dont plusieurs groupes ont parlé, là, l'importance de réaliser ces inventaires-là.

Le Président (M. Brodeur): Dans vos recommandations également, vous insistez, à un endroit, sur réformer le système fiscal pour permettre justement la facilité des projets culturels. Dans quel sens vous nous parlez du régime fiscal? Est-ce que c'est dans le sens de permettre des déductions de taxes municipales, dans le sens de permettre à des donateurs éventuels de pouvoir profiter d'un régime fiscal pour encourager justement le mécénat dans l'esprit d'une création possible d'une fiducie pour encourager les gens à investir dans ces travaux-là sur le patrimoine religieux? Ou quel est le sens que vous donnez à une réforme du système fiscal telle que mentionnée dans vos propositions à l'item 5?

M. Groulx (Jocelyn): Les deux aspects sont évidemment très plausibles. Maintenant, c'est sûr que l'on a été frappés par le recyclage de certains lieux de culte qui ont été transformés pour accueillir soit des fonctions communautaires ou culturelles et qui ont connu des difficultés financières dès le départ suite au recyclage, dû au fait particulièrement de l'imposition des taxes municipales qui venaient, là, constituer un poids important dans leur budget de fonctionnement. Alors ça, c'est sûr que c'est un aspect qui est à regarder attentivement parce que ça constitue un frein important au recyclage dans des fonctions communautaires et culturelles qui constituent des fonctions, d'après nous, qui sont à privilégier quand on parle de recyclage de lieux de culte.

Le Président (M. Brodeur): Mme la députée de Bellechasse.

Mme Vien: Merci, M. le Président. Une question très, très rapide demandant une réponse tout aussi rapide, parce que je pense que le temps file assez rapidement. Il y a différents critères, hein, qui ont été élaborés et que les citoyens sont venus partager avec nous. Entre autres, il y avait ce sentiment d'appartenance, d'appropriation, étant relié à des souvenirs que les citoyens avaient et entretenaient par rapport à des événements qu'ils avaient vécus dans leur église, soit le baptême, le mariage, etc., et plusieurs d'entre eux ont mis vraiment en tête de liste ce critère-là, donc, de sentiment d'appartenance.

n(10 h 10)n

Comment ? je sais que M. Groulx était là à toutes nos rencontres ? vous recevez ce genre de commentaire là, de critère là, quand on sait que vous bénéficiez... en fait, vous avez à gérer une enveloppe de quand même plusieurs millions de dollars, mais avec des critères très précis. Ce critère dont je vous parle se situe à quel endroit dans l'échelle qui vous guide pour décider, par exemple, quelle église ou quelle communauté pourra bénéficier d'un montant d'argent?

M. Groulx (Jocelyn): C'est sûr que le sentiment d'appartenance, il est important quand on parle de conservation du patrimoine religieux bâti, parce qu'il est nécessaire à la mobilisation. Quand on privilégie de subventionner telle ou telle église, il est sûr qu'il est essentiel qu'il y ait une communauté, une communauté qui participe activement, qui vienne appuyer financièrement cette église-là, et c'est en ce sens-là qu'il me semble important de l'intégrer à l'intérieur de ça, de cette vision-là. Mais c'est sûr qu'en même temps c'est un élément qui est... quand on regarde dans un portrait global à l'échelle du Québec, il est difficile de quantifier, d'objectiver ce sentiment d'appartenance parce qu'il est présent partout, tout le monde tient à conserver son... C'est un élément qui est souvent fondamental, et, lorsque ce ne sont pas des fidèles, ce sont des citoyens qui souhaitent dans le fond appuyer leur église.

Mme Vien: Oui. Je ne sais pas si j'ai encore le temps, M. le Président...

Le Président (M. Brodeur): Vous avez le temps, madame.

Mme Vien: ...mais c'est que des citoyens ont mis vraiment en opposition, là, mais vraiment très fortement, à dire: Oui, il y a la valeur patrimoniale, c'est bien intéressant, là, mais, nous, ce n'est pas ça, là, c'est une autre valeur, c'est d'autres valeurs qui entrent en ligne de compte. Je le sais, je le vis chez nous, et je sais que les collègues le vivent chez eux aussi, c'est un problème absolument extraordinaire, hein?

M. de Maupeou (Philippe): Si je peux me permettre...

Mme Vien: Puis les gens sont venus nous le dire ici à moult reprises.

M. de Maupeou (Philippe): Oui. Si je peux me permettre, je pense que... Bon. On connaît tous, dans nos différentes traditions... Moi, je représente... je fais partie de la tradition catholique, et c'est sûr qu'à Montréal on a vu, dans certains cas, des situations très problématiques parce qu'on... J'ai un de mes confrères qui a voulu avancer dans un secteur, trois églises, essayer de choisir laquelle il fallait... il fallait bien en mettre une de côté, mais... Il voulait concerter la population, mais c'était l'esprit de clocher qui jouait. Puis on le comprend, hein? Je veux dire, moi-même, je suis en charge de deux églises, et il faut en laisser une; dans ce cas-là, c'est la moins patrimoniale, mais c'est sûr qu'aussi c'est la moins dynamique. Mais en même temps, même si ça peut paraître simple sur papier puis en regardant les choses froidement, il y a des êtres humains derrière ça et il s'agit de les soigner puis de prendre le temps. Et on s'est aperçu que là où ça faisait le plus de problèmes, c'est quand on bousculait les gens, qu'on voulait aller trop vite et qu'on ne respectait pas une espèce de deuil qu'il faut accomplir de certains bâtiments.

Alors, c'est sûr que le... je parle pour la tradition catholique. On a mis en tête de liste, je dirais, comme préoccupation, sans éliminer les autres, mais en tête de liste le dynamisme pastoral d'une paroisse, d'un lieu, pour assurer que le lieu demeure. Ce qui ne veut pas dire qu'on ne considère pas l'aspect patrimonial comme important, puis toute l'appropriation. Mais je pense que, dans l'ensemble des cas... Moi, je ne connais pas une paroisse, pas une église où il n'y a pas un sentiment d'appropriation de la population. C'est universel. Alors, c'est sûr, quand on décide de se départir d'une église, il y a toujours des grincements de dents et de la tristesse, mais je pense que c'est vraiment un accompagnement dans le deuil qui se fait à ce moment-là. Et, moi, je le fais avec beaucoup de délicatesse parce que je sais qu'il concerter, regarder la situation puis se donner y a des grandes sensibilités, des souvenirs incroyables, il y a des lieux... Mais je pense aussi qu'il faut, dans ces cas-là, il faut vraiment jouer le rôle... la transparence, se le temps de vivre ce... je dirais, ce deuil, oui, c'est vraiment un deuil.

M. Koffend (Robert J.): Je crois aussi que... je me permets d'ajouter...

Mme Vien: Allez-y.

M. Koffend (Robert J.): Pour nous, à la fondation, il faut vraiment... il faut qu'on fasse bien attention de tirer la ligne entre justement l'idée cultuelle et l'idée culturelle. Je crois qu'il faut qu'on fasse bien attention. Mais je crois que la question d'appartenance... Je crois qu'il est de plus en plus important, le défi, n'est-ce pas, à une paroisse, etc., c'est que le fait que le patrimoine soit en danger ? et je crois que c'est le cas ? évoque de plus en plus de fidélité parmi les fidèles. Les gens qui restent sont beaucoup plus portés maintenant à vraiment travailler pour leur paroisse et pour leur congrégation, le cas échéant, qu'avant. Quand il y avait beaucoup de gens, ce n'était pas si important si on participait vraiment ou non. Enfin, on y allait puis on payait ses dîmes, etc. Là, aujourd'hui, les gens qui sont membres des traditions et qui ont des biens patrimoniaux, ils sont beaucoup plus fervents envers leur bien patrimonial qu'avant parce que c'est en danger. Alors donc, l'appartenance, de ce côté-là, je trouve, est très importante.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Tout en reconnaissant le droit de parole du député de Mercier, je souligne que nous prenons bonne note que vous avez recommandé d'élargir le mandat de la fondation. Donc, M. le député de Mercier.

M. Turp: Merci, M. le Président. D'abord, merci d'être là en cette dernière journée des auditions publiques de la commission. D'être là à la dernière journée, ça vous permet sans doute de tenir compte, comme vous semblez l'avoir fait dans le mémoire que vous nous avez présenté, de tout ce qui a été dit devant cette commission, et on a dit beaucoup de choses, on a entendu beaucoup de choses et entendu des gens formuler de nombreuses propositions et recommandations.

Vous avez suivi les travaux de très près. M. Groulx a été là constamment. M. le président Koffend, vous vous êtes joint à nous souvent, également. Et on vous remercie d'avoir pris le temps de participer, d'assister à nos travaux, parce que ça donnait à ces travaux une crédibilité. Si la Fondation du patrimoine religieux s'intéresse aux travaux de notre commission, c'est qu'il y a peut-être une importance pour le Parlement de s'intéresser lui-même au patrimoine, comme en font foi nos travaux.

Le mémoire est très utile, je crois, pour la suite des choses. Vous nous présentez un constat de la situation. Une chose, par exemple, dont vous nous informez ? c'est peut-être... ça met fin à un cliché ? c'est que de toute évidence il y a moins d'églises qui ferment, maintenant. Il y a eu une époque où on a fermé des églises, on a détruit des églises, et là il y a quelque chose qui s'est passé, parce qu'on n'en ferme plus, ou moins, on en démolit moins, et donc peut-être même la création de la fondation a eu comme résultat de sensibiliser les gens à leur patrimoine. Et je crois que tout le monde s'entend que ça doit continuer dans ce sens-là. Et donc les constats, les tableaux, les graphes que vous nous avez présentés sont très, très utiles pour la suite de nos travaux, et je vous en remercie au nom de l'opposition officielle.

Vous nous présentez aussi une hiérarchie de solutions, à la page 6. Ça aussi, ça nous décrit bien l'état des choses et qu'est-ce que l'on a fait à ce jour pour préserver et mettre en valeur le patrimoine. Et, moi, j'invite les membres de notre commission, là, dans la réflexion qu'on doit continuer, à bien prendre en compte cette description des solutions.

Mais bien sûr ce qui nous intéresse maintenant, c'est vos propositions. Vous en avez formulé 12, comme les 12 apôtres. Ah! Mais ça, c'est une tradition religieuse sur les nombreuses traditions que vous rassemblez à la fondation, parce qu'elle est multiconfessionnelle, comme vous nous le rappelez, et elle est un lieu, comme vous le suggérez également, où l'oecuménisme a vraiment sa place dans la façon de penser l'avenir du patrimoine religieux au Québec, sous tous ses angles. Et je m'intéresse à trois de vos propositions, et je veux vous poser des questions sur leur contenu et leur portée.

n(10 h 20)n

En fait, il y a une proposition que vous ne faites pas mais qui est implicite dans tout ce que vous dites, c'est l'avenir de votre propre fondation, et j'aimerais qu'on essaie de dire les vraies choses. Je sais que vous êtes dans une position délicate, là, mais est-ce que l'on peut penser que la fondation devrait continuer d'exister ou devrait être... Si nous choisissions, par exemple, une fiducie nationale, est-ce que la fondation devrait devenir cette fiducie? Est-ce qu'il devrait y avoir une continuité? Ce qui a été fait jusqu'à présent ne devrait pas être balayé du revers de la main, parce qu'il y a quelque chose et, si on décide de faire autre chose, de s'inspirer, par exemple, du modèle britannique pour la fiducie, est-ce que c'est la fondation qui devrait avoir le mandat de devenir la fiducie, de faire en sorte que ce qui a été fait doit continuer, même si elle doit changer de forme?

Alors ça, c'est la première question. Je sais... peut-être que c'est difficile pour vous de répondre à ça, mais pourquoi pas? Pourquoi pas? Dites donc les choses comme vous le pensez devant les parlementaires, là. Ce n'est pas le gouvernement ici, c'est le Parlement. Et, moi, j'aimerais bien savoir l'état de votre réflexion sur ça parce que je suis certain que ça a été une de vos préoccupations majeures des derniers mois.

La deuxième chose, c'est sur les engagements financiers. Vous avez deux propositions, c'est les deux premières. On voit bien que l'argent compte, là. Vous dites, dans votre première proposition, que vous voulez des engagements financiers à long terme et ensuite vous dites, j'imagine, d'une certaine façon, que... une formule de financement à long terme garanti pourrait être les bénéfices d'une loterie, comme au Royaume-Uni avec le Heritage Lottery Fund, ou des crédits récupérés de la taxe de vente et de la taxe sur les produits et services. Alors, j'aimerais vous entendre un peu plus sur cette proposition précise et peut-être nous dire est-ce que vous pouvez nous évaluer quels seraient les besoins de la fondation fiducie. Est-ce qu'on pourrait évaluer, dans le temps, combien on devrait investir dans le patrimoine religieux pour guider les gouvernements, qui vont venir, dans leurs dépenses?

Et la troisième et dernière question porte sur le moratoire que vous proposez parce que, dans votre recommandation n° 4, vous suggérez d'«instaurer une politique favorisant, en priorité, la réutilisation ou le recyclage d'édifices patrimoniaux, civils et religieux, avant de construire de nouveaux édifices». Vous n'utilisez pas le mot «moratoire», il a été utilisé à plusieurs reprises devant nous, y compris par le cardinal Turcotte et d'autres. Est-ce que je comprends que la fondation souhaiterait que notre commission propose qu'un moratoire soit établi au Québec, ou dans la capitale nationale, à Montréal, ou ailleurs, pour assurer que les bâtiments religieux patrimoniaux puissent être utilisés pour des fins publiques plutôt que l'État ou les municipalités construisent des nouveaux édifices?

Alors, ce sont mes trois questions. J'en aurais beaucoup d'autres. Mes deux collègues, je pense, pourront poser les leurs. Je vous remercie de l'intérêt que vous avez eu pour les travaux de cette commission et j'espère que vous pourrez répondre à ces questions.

M. Koffend (Robert J.): Pour répondre, disons, brutalement à votre question, oui, je crois que la fondation est la formation idéale pour, disons, l'avenir, si vous voulez, d'une fiducie, si fiducie elle sera. Je crois que la fondation est l'organisme tout à fait appelé à continuer son mandat et à développer son mandat. Si vous regardez la fondation au moment de sa création, en 1995, et si vous la regardez aujourd'hui, on voit qu'il y a eu une évolution. Et ce que nous discutons maintenant, c'est tout simplement, je crois, une évolution naturelle de la fondation face à l'intérêt et du Parlement et du peuple général. Alors donc, la réponse à votre première question: Oui, je crois que la fondation est l'organisme appelé à continuer à développer dans le sens de la volonté qui sera exprimée actuellement par ces études et ces recommandations.

La question de long terme, la deuxième, la deuxième question, c'est très important. Pensez à un commerce, à un commerce qui ne sait pas, d'une année à l'autre, quelle possibilité ils ont de planifier, de développer, etc. Alors, c'est comme si on existait d'année en année, point final, c'est ça. On ne sait jamais ce qui va arriver l'année prochaine. Et ça, c'est très important quand on... Ça coûte de l'argent de ne pas savoir ce qu'on va faire. Ça coûte de l'argent. Parce que, si on a un projet, un grand projet qui va prendre trois ans pour réaliser systématiquement et puis de façon logique au point de vue construction, architecture, enfin tout le reste et si on ne sait pas si, l'année prochaine, on aurait un cent à donner à ce projet-là, comment pensez-vous qu'on peut vraiment planifier la restauration logique, n'est-ce pas, d'un site?

Et nous croyons qu'il y a un montant de base qui est très nécessaire à long terme. Au-delà de ce montant de base, là on négocie, parce qu'il y a tel ou tel projet qui va exiger un montant énorme ou moins... Enfin, c'est... Mais il faudrait un montant de base, comme pour l'opération du gouvernement. On sait qu'il faut payer des salaires, il faut... il y a tous ces frais fixes et ces frais de base. Mais, pour la fondation, on existe d'une année à l'autre, comme ça. Et il faut négocier chaque cent. Et je comprends le sens de cela, mais je crois qu'il faut que ça change. Il faudrait qu'il y ait un montant de base sur lequel on peut compter pour les projets qui vont prendre plus qu'un an à réaliser, à réaliser comme il faudrait le faire. Donc ça, c'est la réponse à la deuxième question.

En ce qui concerne le montant de base, dans les dollars d'aujourd'hui... enfin, le montant de base, vous avez demandé: Combien d'argent faudrait-il pour répondre aux besoins les plus urgents? Dans les dollars d'aujourd'hui, il faudrait vraiment, logiquement, qu'il y ait un montant de 20 millions par an disponible pour répondre, à ce moment-ci, aux besoins. Je crois que, si on crée ce genre de base là, ce genre de disponibilité là, le montant ne va pas augmenter avec les années, parce que, lorsqu'on crée un système d'entretien, ça coûte beaucoup moins cher d'entretenir les choses que de les réparer, de les restaurer, etc. Donc, quand je parle de 20 millions à ce moment-ci, c'est un montant qui va durer des années, mais qui ne va pas augmenter sensiblement, parce que ça coûtera moins cher d'entretien et de maintenir que de faire ces restaurations et ces réparations. Ça, c'est la troisième, la question de... la troisième question.

En ce qui concerne ça, je demanderai à Jocelyn de répondre à la question, si vous voulez, d'abri fiscal, si je peux dire cela.

M. Groulx (Jocelyn): Bien, on n'a pas utilisé le mot «moratoire», mais on aurait pu l'utiliser aussi. C'est l'idée... Écoutez, le ministère de la Culture est appelé à intervenir autant sur des projets de restauration d'édifices religieux ou autres, autant pour des besoins en bibliothèques, en salles de spectacle. Alors, il est sollicité sur ces deux côtés-là. Je pense qu'il est temps pour le ministère, mais ça peut s'appliquer de façon plus vaste, là... à réfléchir, à créer des liens entre ces deux besoins-là pour évidemment diminuer les... s'assurer que les budgets qui sont accordés répondent à ces deux exigences-là. Et l'idée peut s'appliquer autant pour les besoins civils que les besoins religieux, on en a déjà eu écho dans d'autres mémoires, mais il est à penser qu'on devrait utiliser les bâtiments existants, qu'ils soient religieux ou civils, plutôt que de penser à en construire des nouveaux.

Le Président (M. Brodeur): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, M. le Président. Je vous remercie d'être là. J'ai déjà eu la chance de travailler avec le patrimoine religieux à une autre époque, il y a un certain... au début de la fondation, et je connais un peu, quand même relativement bien tout le travail extraordinaire qui a été fait et malgré un tas de difficultés.

n(10 h 30)n

Et je dois souligner en passant la qualité de la question de mon collègue de Mercier, tout à l'heure, qui a vraiment circonscrit la problématique en ce qui vous concerne. Et j'aimerais peut-être aller un peu plus loin. C'est peut-être un peu... Enfin, vous jugerez vous-même si la question est pertinente, mais... Par nécessité, l'influence de la structure de l'Église, surtout catholique, mais les autres aussi, des autres traditions, sur la fondation était dominante, ce qui était normal dans les circonstances, je pense, dans le travail qui a été accompli, et un excellent travail. Si on regarde vers l'avant et qu'on dit: Ce qu'il faut protéger, c'est le patrimoine, donc c'est plutôt la valeur culturelle, patrimoniale, historique et la valeur de l'appropriation par la communauté de base, qui n'est pas nécessairement religieuse ou d'inspiration religieuse, bien qu'elle le soit le plus souvent. Il y a une espèce de... Est-ce qu'il n'y a pas lieu d'aller vers évidemment une structure plus laïque ou enfin civile? Et comment voyez-vous le passage, si jamais c'était la fondation qui devenait cette institution-là, comment se ferait le passage pour assurer un passage le plus harmonieux possible et une continuité en donnant le caractère vraiment laïque à cette fondation-là, ou à cette fiducie, ou à cette régie?

M. Koffend (Robert J.): Bon. D'abord, si je peux citer la situation actuelle, vous avez un président de la fondation qui est protestant, pour commencer, première fois, qui est laïque, la première fois. Alors, nous bougeons dans cette direction-là sans pression d'une fiducie quelconque, etc. C'est l'évolution normale que suit la fondation, et je parle toujours de cette évolution parce que, depuis certainement les cinq dernières années que j'étais associé, il y a une évolution assez remarquable, dans mon opinion. Alors, je ne vois pas de problème de ce côté-là.

Le laïcisme, si vous voulez, de la fondation se fait, mais ce serait ridicule de nier l'intérêt des propriétaires. Alors, je crois qu'encore une fois la fondation a trouvé très bien, comment dirais-je, une voie mitoyenne qui est très utile et qui était très consensuelle. On ne nie pas du tout le côté religieux, si je peux dire cela, mais par contre nous nous rendons compte que notre rôle n'est pas de supporter une religion ou une autre, ou une tradition ou une autre. Notre rôle, c'est de protéger les lieux, n'est-ce pas, qui sont occupés et dont ces traditions-là sont propriétaires.

Alors, je ne vois pas de conflit, je ne vois pas de changement radical dans ce sens-là, si j'ai bien répondu à votre question.

M. Dion: Alors, juste pour préciser un peu ma question, ce que je vois dans ce que vous dites, c'est beaucoup de volonté et même une certaine expérience de continuité, et tout ça, mais ce qui m'intéresse, c'est au niveau de la structure, quel changement il faudrait faire dans la structure pour assurer cette continuité-là. Et en même temps l'autre aspect que je n'ai pas touché tout à l'heure, c'est comment rattacher ça de façon très concrète aux communautés locales ou à la mobilisation locale. Parce qu'une fondation ou une structure nationale, c'est nécessaire sans doute, mais dans quelle mesure ça ne risque pas d'être un peu loin du réel et de créer des difficultés sur le terrain?

M. Koffend (Robert J.): Il est sûr et certain que nous allons avoir besoin d'appuis et de connaissances, si je peux dire, financières s'il y a une évolution dans ce sens-là. Et ça, c'est tout à fait normal. Lorsqu'une compagnie a besoin d'expertise, elle va la chercher, ça ne veut pas dire qu'il faut changer la compagnie pour chercher l'expertise. Ça, c'est un côté. Quelle était l'autre partie de votre question?

M. Dion: Bien, la difficulté ou le danger qu'il y a d'avoir une fiducie ou une fondation nationale qui risque d'être loin du terrain local où se fait la mobilisation de la communauté locale.

M. Koffend (Robert J.): Ah! O.K. D'accord. Je crois que l'un n'a rien à faire avec l'autre, je me permets de dire cela, c'est-à-dire que la mobilisation de la collectivité, ça, c'est certainement quelque chose que... pas seulement la fondation, pas seulement la fondation, mais les autres organismes qui sont intéressés dans le patrimoine et dans, comment dirais-je, la communauté, la collectivité locale. C'est un besoin en commun de tous, ce n'est pas seulement nous. Mais nous faisons partie de ce mouvement-là.

C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles, surtout à ce moment-ci, à la table de Montréal, nous commençons maintenant à faire partie d'autres associations, d'autres mouvements qui sont intéressés dans le patrimoine et dans la collectivité. Et l'inverse, nous avons invité, par exemple, la ville de Montréal de faire partie de notre table de Montréal. Nous avons invité l'Université Concordia de faire partie maintenant de la table de Montréal. Nous avons des représentants de l'Université de Montréal. Alors, je crois que c'est ça, la réponse, et c'est un effort universel qui doit se faire pas seulement de la part de la fondation, mais en concurrence... ou plutôt en concours, je dois dire, avec tous les autres organismes qui s'intéressent au patrimoine et à la vitalité culturelle. Est-ce que ça répond à votre question?

M. Dion: Bien, le temps est écoulé, je pense...

Le Président (M. Brodeur): De toute façon, c'est tout le temps dont nous disposons. Sûrement que, s'il y a des questions ou d'autres interventions, on peut se rejoindre assez facilement. Donc, je vous remercie de votre présentation et je vais suspendre quelques instants, le temps que M. Ernest Caparros puisse s'installer.

(Suspension de la séance à 10 h 36)

 

(Reprise à 10 h 40)

Le Président (M. Brodeur): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons continuer nos travaux, et j'invite M. Ernest Caparros, professeur émérite à l'Université d'Ottawa...

Une voix: Émérite!

Le Président (M. Brodeur): ... ? oui ? à s'installer. Bienvenue en commission parlementaire. Donc, je vous rappelle brièvement la procédure, c'est assez simple. Comme vous l'avez constaté tantôt, vous avez un temps maximal de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, et ce sera suivi par une période d'échange avec les membres de la commission. En même temps, je vais vous dire, c'est un honneur pour nous de recevoir un professeur aussi bien reconnu, et d'ailleurs vous m'avez déjà enseigné à l'Université Laval, à l'époque, il y a quelques années. Donc, la parole est à vous immédiatement.

M. Ernest Caparros et M. Claude Wilson

M. Caparros (Ernest): Merci beaucoup. J'ai été touché par votre invitation, puisque c'est votre ancien secrétaire, M. Painchaud, qui est allé à ma recherche par un courriel, en m'invitant à me présenter devant vous à Gatineau. Mais à l'époque j'étais déjà à Montréal et en même temps dans ces moments où j'étais particulièrement occupé avec trois congrès en ligne dans l'espace de cinq semaines. Alors, j'ai dit: Un peu plus tard; et finalement on vient aujourd'hui.

J'ai invité avec moi M. Claude Wilson, que les juristes connaissent à titre d'éditeur mais qui ne vient pas...

Une voix: ...

M. Caparros (Ernest): ... ? c'est ça ? mais qui ne vient pas ici à ce titre-là, mais à titre de président de l'assemblée de fabrique de la paroisse de Saint-Joseph-de-Chambly, parce que j'ai voulu m'associer quelqu'un qui était sur le terrain et qui pouvait effectivement apporter des points de vue qui pour moi ne sont pas connus. C'est toujours les problèmes des théoriciens, on nous dit qu'on est toujours en train de pelleter des nuages, sauf que dans certains cas on pellette d'autres choses que des nuages.

Alors, mon texte vous est parvenu, par conséquent je ne vous le lirai pas et je vous fais grâce de l'introduction, et le texte est divisé: d'un côté, dans les paramètres historiques; l'autre, c'est les paramètres de l'ordonnancement canonique; et finalement celui de l'ordonnancement de l'État; et à la fin j'ai un appendice que j'ai ajouté, avec quelques suggestions.

Par rapport aux paramètres historiques, je le mentionne simplement parce que, quand on pense aux modèles d'autres pays, je pense que c'est important de garder la perspective historique de comment, dans ces différents pays, les églises ont changé de mains, et il y a en particulier des pays comme l'Angleterre, comme la France, comme l'Italie, comme le Mexique, en partie l'Espagne et autres pays où elles ont changé de mains mais non pas parce qu'elles ont été légalement achetées, mais parce qu'elles ont été illégalement appropriées par d'autres organismes. Parce qu'au fond, quand on parle de la France, on est en train de fêter les centenaires de la loi des cultes, mais on a aussi fêté, il n'y a pas longtemps, le tricentenaire de la Révolution, que c'était là où les églises étaient passées à l'État, et sans aucune compensation, que je sache. Au moins, ce n'étaient pas des compensations publiques. Alors, quand on pense à ces modèles, il faut bien se rendre compte que, dans certains cas, ce qui s'est produit, c'est une révolution plus ou moins anticatholique, et que l'État ou d'autres institutions se sont approprié de ces églises, et que finalement, suite à une certaine accalmie de l'effervescence révolutionnaire, on a fini par trouver des moyens de faire un financement pour ces églises-là qui avaient changé de mains.

Ces événements se sont produits en Europe, se sont produits dans certains pays américains. Ce n'est pas ce qui s'est produit ici, chez nous, où on a toujours eu une attitude de collaboration très efficace, une séparation très claire et une collaboration très efficace entre les églises et l'État, avec des ententes qui ont toujours été bénéfiques, je pense, pour tout le monde. Alors, à ce point de vue, quand on cherche des modèles, on doit aussi penser, je pense, à cette situation où la relation entre les deux institutions... les deux ou les plusieurs parce qu'évidemment, quand on parle d'églises, on doit parler de toutes.

Alors, par rapport au droit canonique, je ne vous dirai rien. Au fond, une bonne partie de ce que j'ai présenté dans mon texte vous est connue par la Loi des fabriques. Car en réalité la Loi des fabriques m'apparaît, m'est toujours apparue... et c'est pour ça que j'ai vanté cette Loi des fabriques dans plusieurs congrès internationaux comme un modèle de collaboration dans laquelle l'État prend des éléments du droit canonique pour les faire siens. Là, ce n'est plus du droit canonique, c'est le droit de l'État. En fait, de la même façon qu'on s'est inspiré de la loi suisse, du code suisse pour les lois internationales privées dans les codes civils, on s'est inspiré très fortement du droit canonique pour la Loi des fabriques et pour la Loi des évêques, un, l'État s'appropriant ces systèmes, qui est une façon très classique de faire du droit comparé.

Si on touche davantage le droit de l'État comme tel, c'est là où, je pense, se manifestent plus ces principes sous-jacents qui sont là et qui reflètent cette réception du droit canonique. J'ai parlé à un moment donné... Plusieurs d'entre vous se rappellent peut-être de l'affaire de L'Ange-Gardien où j'ai utilisé le terme «civilizatio»? parce qu'en droit canonique on connaît le contraire, «canonizatio» ? c'est que le droit canonique réfère au droit de l'État pour les contrats, les testaments, sans plus, et, dans les codes civils en particulier, il y a un certain nombre de références. Maintenant, là, celles qui restent, c'est aux choses hors commerce, ce qui est un terme suffisamment générique pour inclure aussi les choses sacrées, qui ont toujours été hors commerce depuis le temps des Romains et même depuis le temps des Grecs. Mais on a un certain nombre d'éléments aussi bien dans les codes civils ? maintenant du Québec moins, mais encore ? que dans les codes de procédure, et les tribunaux ont reconnu, jusqu'à la Cour suprême, qu'on devait, dans certains cas, pour régler les litiges dans le droit de l'État, avoir recours au droit canonique, comme, pour régler des litiges en droit international privé, on a recours au droit de l'autre pays en respectant les contextes concrets de notre pays.

Alors, ça veut dire que cette «civilizatio» est là et que c'est ça qui avait donné lieu à la première Loi des fabriques, du moins d'après les recherches que j'ai faites, qui remonte à 1791. Alors, déjà en 1791, c'était là. Et, depuis ce moment, on a trouvé, dans toutes ces lois, un système très spécifique qui permettait aux fabriques d'obtenir les fonds nécessaires pour la construction et l'entretien des églises. Ça, c'est la tradition du Québec. Une tradition qui s'est maintenue jusqu'en 1981, où cette section de la Loi des fabriques a été abrogée.

Donc, effectivement, si on pense à ce qui a été le système québécois et ce qui a permis au Québec d'avoir toutes ces églises de tant de valeur, c'est précisément que, dans la Loi des fabriques, il était reconnu depuis le départ que les catholiques, et seulement les catholiques, devaient contribuer à la construction et à l'entretien de ces églises et qu'ils pouvaient même... C'est la section qui a été abrogée. J'ai réussi à aller chercher la photocopie de la loi de 1978, dans laquelle la section IX sur les cotisations d'église établissait les procédures qu'il fallait suivre pour éventuellement établir ces cotisations pour couvrir les dépenses extraordinaires: qui devait intervenir, comment pouvait-on le faire, et il y avait même des recours judiciaires. En fait, c'était tout parfaitement établi pour qu'on respecte les droits de tout le monde. Alors, c'est cela qui s'est produit.

Évidemment, des fois, on se pose des questions à l'effet de savoir si le fait que les différentes personnes aient contribué, d'une façon volontaire ou obligatoire, ça ne donne pas une propriété à ces personnes. Ce qui m'apparaît, au point de vue juridique, comme complètement inapplicable. Ça n'a aucun sens de prétendre que le peuple est propriétaire parce qu'il a contribué, comme on n'est pas propriétaire des routes, comme on n'est pas propriétaire de l'hôtel de ville, comme on n'est pas propriétaire... et que, quand on fait un don, les dons qu'on fait... Alors, à ce point de vue, ce n'est pas tellement une objection majeure.

n(10 h 50)n

D'un autre côté, je pense que, quand on pense à l'État laïque, il faut bien se rendre compte qu'il y a différents modèles d'États laïques. Le modèle français de jadis était un modèle agressif, contre. Le modèle actuel en France, c'est un modèle qui est plus conciliant. Il y a en fait de nombreuses études, je vous en cite quelques-unes, dans lesquelles on a établi comment effectivement on s'est déplacé de l'un à l'autre et qu'on peut parfaitement vivre dans un État laïque mais dans un État laïque où il y a une collaboration plutôt qu'une agressivité.

Finalement, vous avez lu probablement les quelques mots que j'ai dits à propos de l'utilisation du terme «patrimoine» et comment j'ai été surpris de la terminologie dans certains des paragraphes de votre rapport. Il faut dire que ça m'avait même... En fait, ce qu'il y a ici, c'est une cinquième version fort adoucie, parce que, quand je l'ai lu au départ, je me disais: Mais ça n'a pas de sens qu'une commission de l'Assemblée nationale puisse dire de telles choses au point de vue du... en fait en déformant de telle façon la notion de droit de propriété. Je vous avoue que ça m'avait navré parce qu'au fond, ayant enseigné le droit de propriété pendant de nombreuses années, quand je vois des choses comme ça ? je ne savais pas qui l'avait rédigé, heureusement ? mais je me pose toujours des questions quant à savoir si ce seraient des anciens étudiants qui n'ont pas bien réussi mon cours.

Alors, pour arriver au concret des propositions que j'ai faites, comme vous voyez, et ça rejoint d'une certaine façon ce qu'on vient de nous dire par rapport au besoin d'un fonds permanent pour le fonctionnement, il y a plusieurs modes de financement qui existent dans plusieurs pays européens, qui permettent de distraire un petit pourcentage des impôts déjà payés aux activités d'entretien des lieux de culte ou d'autres questions de nature sociale ou culturelle. Ce n'est pas nécessairement une surtaxe mais, tenant compte à peu près de ce qu'on destine à ces fins, on pourrait dire: Bon, ça correspond à 0,5 %, et, ces 0,5 %, les contribuables déterminent s'ils veulent les donner à l'église catholique, à l'église anglicane, à l'église telle autre, ou à la Croix-Rouge, ou à Oxfam, et ces montants-là sont par la suite versés aux différents organismes.

Quand j'ai discuté de cela au congrès sur le patrimoine religieux, à Montréal, avec un expert de Boston, il m'a dit: Mon cher, t'es perdu, c'est très professoral, mais ça ne marchera pas parce que les politiciens n'auront pas la possibilité de donner des subventions et de se faire des photos. C'est ça qu'il m'a répondu. C'est ça qu'il m'a dit, hein, quelqu'un qui avait été en charge du patrimoine à Boston pendant de nombreuses années. C'est sûr qu'une façon de procéder qui est automatique est quand même plus certaine, peut régler tous ces problèmes-là, mais éventuellement peut avoir d'autres conséquences. Il me reste à peu près cinq minutes, et je veux demander à M. Wilson de nous apporter quelques éléments concrets pour par la suite discuter à votre guise.

M. Wilson (Claude): D'abord merci, M. Caparros, de m'avoir invité, parce que j'avais déjà rencontré ma députée sur le sujet au mois d'août et j'avais envoyé d'ailleurs à la commission parlementaire un texte, un sommaire de ce qu'on peut penser et le pourquoi je suis content d'intervenir, puis je vous remercie d'accepter que j'intervienne. Moi, je veux vous donner une position au ras le sol, comme on dit. Je suis à la fabrique de la paroisse Saint-Joseph-de-Chambly depuis cinq ans, président depuis le mois d'août. Je parle en mon nom personnel, mais je vous donne quand même des données qui appartiennent à la fabrique.

Chambly, tout le monde connaît, je pense. On ne parlera pas du caractère historique de cette ville-là, tout le monde connaît le fort de Chambly, l'environnement de Chambly. Et notre plus belle église est située aux abords du bassin puis elle est classée D dans l'inventaire ? alors c'est juste pour vous donner une idée, tout à l'heure on parlait des méthodes de classification ? et les autres églises que nous avons ? nous avons trois lieux de culte ? les deux autres sont 1945 et plus.

La situation de Chambly, au niveau du culte, je parle bien en ce moment, c'est que la situation de Chambly, c'est une ville périphérique à Montréal, à à peine 25 minutes de Montréal, qui connaît un peu une situation différente de ce qu'on connaît à Montréal, c'est-à-dire que les gens qui sortent de Montréal, ils s'en viennent sur la rive sud ? je pense que M. Turp, il connaît ça aussi ? et, nous autres, on a quand même une église vivante, avec environ 800 personnes hebdomadairement qui viennent aux lieux de culte, qui est quand même plus que n'importe quel événement qui peut se passer dans cette ville-là.

Nous avons une école, depuis la déconfessionnalisation, nous avons pris les choses en main, nous avons une école de catéchèse qui a 450 inscriptions annuellement. Ça fait qu'il y a beaucoup, beaucoup de jeunes, contrairement à d'autres églises à Montréal ou ailleurs... Je n'ai pas fait le tour, là, je parle... c'est pour ça que je vous dis que je parle de mon patelin au ras le sol. Sauf que le problème que l'on a en tant qu'administrateurs: il faut faire des pirouettes continuellement, trouver des nouveaux moyens de financement continuellement, et ça, ça dure depuis un certain temps. Je pense que Mme Léger pourrait témoigner de ce que son père a fait pour les paroisses de Montréal dans le temps, le système des enveloppes d'ailleurs qu'on se sert encore, mais qui, un peu comme la dîme...

Une voix: ...

M. Wilson (Claude): Oui.

Une voix: ...

M. Wilson (Claude): Non, non. Le système des enveloppes dans les paroisses, peut-être que les gens ne savent pas ça, peut-être que les gens ne savent pas ça, mais c'est Marcel Léger qui avait mis ça au point dans le temps, avant qu'il soit en politique, hein, disons-le bien. Et c'est des nouveaux moyens de financement qui ont été mis au point dans les 40 dernières années, parce que la dîme, la dîme, cette espèce d'outil qui a servi à construire ces églises-là... Il ne faut pas l'oublier, hein? Je regardais une église comme la cocathédrale de Longueuil, que tout le monde connaît, qui a été construite et payée en deux ans avec 600 familles. Payée parce que, dans ce temps-là, en droit canon ? Ernest, tu me reprendras ? il fallait, avant qu'elle soit sacrée, qu'elle soit complètement payée. Donc, c'est sûr qu'on n'a plus la même ferveur aujourd'hui. Si on avait la même ferveur, on ne serait pas ici personne, on ne serait pas ici pour...

Mais je pense qu'il faut trouver... Ce qu'il faut trouver... Nous autres, à Chambly, je regarde sur cinq ans, si on fait des rénovations, entendons-nous, là, pas des gros travaux de rénovation, réparer la couverture parce que ça coule, des choses comme ça qu'il faut faire, je pense, l'entretien minimal que l'on doit faire à un immeuble, si on fait ça, on se ramasse avec un déficit opérationnel d'environ 50 000 $ par année. J'ai pris ce déficit-là, je l'ai ramené en pourcentage ? toujours au ras le sol ? sur les budgets de nos deux villes, Chambly et Carignan ? c'est disponible sur Internet, vous pouvez vérifier ? en pourcentage, j'ai pris ce montant-là, c'est à peu près 3/10 de 1 % du budget consacré aux loisirs et culture, j'ai remis ça sur mon compte de taxes, ça me faisait un beau 15 $ par année, mais là au moins on entretenait.

On n'allait peut-être pas aussi loin que la fondation... Puis c'est pour ça, là, je pense qu'il y a de la place pour tout le monde dans ce dossier-là. La fondation, je pense qu'elle s'est dotée d'outils pour les immeubles à caractère plus historique. C'est pour ça que je vous disais: Nous, à Chambly, on n'a pas d'immeuble... on pourrait en avoir, mais l'église a passé au feu malheureusement, elle a été reconstruite, donc elle n'a pas gardé tout son caractère historique complet. C'est pourquoi qu'on a la cote D. Puis je ne mets pas en doute la cote qu'on lui a mise, là, mais je vous dis que ça nous met dans une position où on va attendre longtemps après des fonds, puis pourtant on en a besoin. C'est à peu près tout ce que j'ai à vous dire, mais c'est une vision, je pense qu'on est...

Ah oui! Puis il y a une autre chose. Cet été, je suis allé en Allemagne, dans le cadre des Journées mondiales de la jeunesse, et je me suis permis de regarder qu'est-ce qui se passait là-bas ? au ras le sol encore. Bien, les Allemands, ils ont un système, moi, que je trouve formidable ? et d'ailleurs ils ont réglé leurs problèmes de CPE avec ça ? parce que le financement est attribué par confession. Il y a une taxe, une taxe ou un impôt, qui est redistribuée au prorata des confessions religieuses. Naturellement, c'est les luthériens, en Allemagne, qui obtiennent la plus grosse part du magot. Et ils entretiennent et l'église et les... ils appellent ça les centres pour la jeunesse, là, les «garden»... en tout cas, peu importe le mot, ils entretiennent les garderies, qui sont équivalents à peu près de nos CPE ici, à même ces fonds-là.

n(11 heures)n

Là, pourquoi je vous vante un peu l'administration des fabriques, c'est parce que, n'oubliez jamais une chose, dites-vous qu'il y a eu des gens quand même qui ont été assez bons en administration, dans le passé, pour avoir construit, maintenu, avec peu d'argent, depuis environ 40 ans, ces lieux-là debout, avec peine et misère dans certains cas. Mais il ne faut pas oublier qu'on n'est pas encore... Nous autres, on a encore un fonds pour faire encore trois ans sans problème, même avec un déficit. On répare parce que ne pas réparer, c'est détruire à la longue. Mais on ne pourra pas toujours continuer de cette façon-là, si on n'a pas une situation qui donnerait un financement récurrent, récurrent puis sans trop d'administration au-dessus, s'il vous plaît. Je pense que les bénévole, ça coûte moins cher. Tu sais, au Québec, on en a en quantité puis de compétence.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup.

M. Wilson (Claude): C'est tout ce que j'avais...

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. Wilson, M. Caparros. Je tiens à souligner que notre document de consultation tenait absolument à susciter le débat. Je vois que ça a fonctionné.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Brodeur): Tout d'abord, bienvenue, puis félicitations pour votre présentation. Je vous demanderais peut-être... Souvent, j'ai demandé ça à des gens qui venaient présenter leurs mémoires, de se mettre en situation, de se placer dans la peau des membres de la commission qui devront se réunir, j'imagine, à maintes reprises pour arriver à une solution ou à au moins des objectifs communs, soit de protéger le patrimoine bâti, entre autres, notamment le patrimoine bâti, et à la suite, pour arriver à protéger le patrimoine bâti, nous devrons établir... On a parlé beaucoup de droit de propriété, mais la question est... Puis il y a plusieurs professeurs d'université, entre autres M. Noppen, qui suggèrent jusqu'à la nationalisation des églises, là. C'est une position entre autres...

M. Caparros (Ernest): ...on fête le tricentenaire... on a fêté le tricentenaire de la nationalisation en France.

Le Président (M. Brodeur): C'est ça. Donc, pour nous, est-ce que la protection du patrimoine bâti devrait passer obligatoirement par ? je parle entre guillemets ? une altération du droit de propriété en imposant des charges sur des cessions de patrimoine bâti religieux pour leur permettre de protéger l'intégrité de ce patrimoine-là? Est-ce que vous croyez que ça passe par cette altération-là du droit fondamental de propriété?

M. Caparros (Ernest): À mon avis, nationaliser, pour employer un terme très «politically correct», pour l'appropriation des biens d'autrui, en termes de droit administratif, on parle d'expropriation avec compensation ? c'est un peu cela qui s'est produit à l'époque des écoles et des hôpitaux, là, je n'ai pas, là, tous les détails ? mais procéder à un transfert sans aucune compensation... En France, ce qui s'est fait, c'était ça. En France, ce qui s'est fait, là... En fait, si on veut parler en termes corrects, juridiques, ce qui s'est fait, c'est le vol. Parlons clair, là, en fait on va s'entendre. Et aller à la nationalisation... Évidemment, en France, il y a des gens qui disent: Oui, mais c'est l'État qui paie pour ça. Au Mexique aussi, c'est l'État qui paie pour ça, ils ont pris toutes les églises. Bon. Pendant un certain temps, elles étaient fermées, elles ont été dans... Il y a certains pays dans l'Est où ça s'est fait aussi comme ça. Alors, la nationalisation pour des édifices qui sont destinés à une activité qui n'est pas une activité universelle m'apparaît comme un peu contradictoire.

On est en train de parler qu'il faut respecter la dimension laïque de l'État, et j'en suis, j'en suis, et j'en suis plutôt dans cette laïcité-collaboration qui a existé toujours au Québec plutôt que dans la laïcité-séparation ou exclusion qui a existé en France. Pourquoi? Parce qu'ici ça a bien marché. En France, ça a fini par marcher, mais il ne faut pas oublier qu'en France, suite à cela, les départements assument toutes les dépenses des cathédrales et les municipalités assument toutes les dépenses des églises. Ça va coûter plus cher. Ça va coûter plus cher parce qu'il va y avoir plus de personnes à engager, selon les termes de la fonction publique, qui... c'est une fonction... ça fonctionne très bien parce qu'entre autres choses c'est quelque chose où on reconnaît le travail de ces personnes, ils sont bien payés. Les bénévoles coûtent moins cher. Il faut dire que des fois ils ne font pas les choses aussi bien, là, mais, dans bien des cas, ils le font.

Donc, moi, précisément parce qu'il y a un problème, là, de maintien de ces revenus, c'est pour ça que j'ai mentionné ce qui a existé dans les lois des fabriques depuis le tout début. C'est vous, génériquement, là, c'est le Parlement, l'Assemblée nationale qui a occis cette procédure en 1981. Je ne connais pas les détails. Je n'ai pas réussi à aller soulever toutes les pierres, parce qu'entre autres cas ce n'est pas trop facile, là, parce que, ce qui s'est fait, il y a des choses qui sont publiques puis il y a d'autres choses qu'on ne trouve pas dans les débats. Mais à mon avis ce n'est pas ce que...

Il faut, je pense, distinguer, il y a certaines dimensions patrimoniales, et je pense qu'à ce point de vue il y a des organismes qui sont en train de collaborer avec le ministère de la Culture et qui font des belles choses, mais il y a aussi le pain et le beurre du monde ordinaire qui continue à croire, qui continue à vouloir rendre culte à Dieu, puis il continue à avoir besoin des endroits pour ça. Dans certains pays africains, on met une tente puis on célèbre la messe à l'extérieur, puis il n'y a pas de problème, là, mais ici on ne peut pas faire ça. Alors, à cause de ça, nationalisation, c'est un point de vue qui est, je pense, plutôt...

Écoutez, j'étais au colloque ? et je pense que M. Turp était là aussi ? puis il y a eu une petite bataille assez intellectuelle, assez intéressante entre Mme Morisset et moi. Pourquoi? Parce que c'est deux points de vue complètement différents, deux points de départ complètement différents. Moi, je parle de la tradition du Québec. Moi, je parle de ce qu'au Québec ça a toujours été fait. Eux, ils parlent de ce qui a été fait en France, dans une révolution anticatholique. Bon. Moi, je ne me reconnais pas là-dedans au Québec, je ne me reconnais pas là-dedans, il n'y en a jamais eu, une telle façon de procéder au Québec.

Alors, si on veut s'aligner sur ce qui n'est pas dans nos traditions, correct, mais à mon avis nos traditions sont là, elles sont claires. Pas seulement au Québec, parce que les taxes... Moi, j'ai été en Ontario pendant longtemps. Les taxes municipales, c'était par confession religieuse, une partie de la taxe allait aux écoles catholiques ou aux écoles protestantes. Alors, à ce point de vue, il me semble que... C'est pour ça que je tenais à vous le dire qu'en tant que parlementaires, là, l'avenue de trouver une façon de canaliser un petit pourcentage de ce que chaque contribuable paie pour pouvoir le remettre aux organismes pertinents, ça réglerait énormément de problèmes dans tout cela. Je ne sais pas si tu voulais ajouter quelque chose?

M. Wilson (Claude): Moi, peut-être, je peux donner une autre version ? au ras le sol encore une fois ? puis je me suis mis dans la peau des politiciens qui sont en avant de moi ? je n'ai pas beaucoup d'expérience politique, mais j'ai fait un peu de politique municipale et je vous comprends: Comment vendre à la population l'idée qu'on va percevoir une taxe régulière pour remettre à des confessions religieuses au Québec? Bon. Bien, je vais vous poser une question: Est-ce que la même population vous demande combien de gens entrent au théâtre par année? Combien de gens vont dans les musées par année? Quel est le pourcentage qui utilise ces lieux-là?

J'ai été administrateur d'un théâtre d'été, monsieur, puis, si on n'a pas de subvention, on crève, c'est impossible. Et les églises, contrairement... puis là je ne veux pas dire... Je ne suis pas contre les arts de la scène, puis je ne suis pas contre ça. Puis même, moi, je serais pour qu'on augmente des fois ces budgets-là. Politiquement, ce n'est jamais bien vu, mais en tout cas. C'est pour vous dire que ça se défend parce que les églises, en plus c'est gratuit, c'est gratuit, n'importe qui peut y entrer, puis il n'y a pas personne qui va demander: As-tu ta badge anglicane, catholique? Puis je suis entré dans différentes confessions, puis c'est gratuit, les églises. Ça fait qu'à ce moment-là... Puis c'est un patrimoine. Je pense, quand on parle de patrimoine, il faut dépasser juste le bâti, les objets. C'est un patrimoine, la chrétienté au Québec, qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, on a encore des valeurs très fortes qui nous animent ici. La justice, la charité, puis «name it», c'est des valeurs qui nous abritent encore, puis, même si on s'est éloigné du clocher, ça habite encore plusieurs personnes.

Le Président (M. Brodeur): Courte question avant de passer à mon collègue de Marguerite-D'Youville, qui a terriblement hâte d'intervenir. Tout simplement pour une question stricte de protection ? je m'adresse à M. Caparros ? protection du patrimoine bâti, devrait-on grever de servitudes ces propriétés-là afin que, s'il y a des transferts de propriété qui sont faits, le respect de ce patrimoine-là soit respecté?

n(11 h 10)n

M. Caparros (Ernest): Écoutez, c'est une des questions qu'on discute surtout en droit canonique. Un des congrès, c'était à Saskatoon, en droit canonique, j'avais une communication sur cela, puis c'est toute la problématique de comment peut-on protéger que, lorsqu'on transfère un édifice qui a été destiné au culte, après on ne fait pas avec ça quelque chose qui n'a pas d'allure, qui est ce que le droit canonique exige? Ça, c'est sûr qu'à plusieurs reprises, dans le transfert de propriété, je pense que les fabriques, avec le soutien du diocèse respectif, ont essayé d'établir des contrats dans lesquels il y avait certaines limitations quant à l'utilisation. Mais on sait que, dans notre droit du Québec, cette protection n'est pas permanente. On peut l'imposer au premier propriétaire, mais par la suite c'est très difficile à maintenir.

Une servitude? Peut-être, peut-être. Peut-être qu'on pourrait établir une servitude de façon à ce que cet édifice-là reste toujours dans un circuit de services à la communauté. Ça, je suis en train de vous répondre à brûle-pourpoint, là, sans y avoir réfléchi, là, mais c'est une possibilité.

Le Président (M. Brodeur): La protection des pierres, des vitraux, des oeuvres d'art qui se trouvent à l'intérieur.

M. Caparros (Ernest): Oui. Remarquez que, dans beaucoup de cas, du moins je pense que c'est dans tous les diocèses, lorsqu'on décide de désaffecter une église au culte, avant de procéder, on essaie toujours... en fait, la première étape, c'est essayer de voir si une autre communauté religieuse peut s'en servir, etc. Si on est sur le point de procéder à la vente, alors, à ce moment, souvent, pour ne pas dire toujours, les autres paroisses sont invitées à aller voir s'il y a quelque chose là-bas qui les intéresse, puis il y en a une qui achète le tabernacle, puis une autre qui achète des vitraux, puis il y en a en fait... et on enlève tout ce qu'il y a de valeur artistique pour la mettre dans d'autres églises. Évidemment, ça fait que celle-là qui pouvait avoir une valeur avec tout cet ensemble est complètement dépouillée, mais c'est un peu...

M. Wilson (Claude): Mais, peut-être pour répondre à cette question-là, dans le diocèse Saint-Jean-de-Longueuil, nous, on ne peut pas toucher à aucune... on n'a pas touché à aucune oeuvre d'art sans avoir l'approbation du diocèse. Puis il y a un comité d'art sacré qui est dirigé par une historienne de l'art, et on ne peut pas toucher à aucune oeuvre d'art dans nos églises sans avoir la permission du diocèse. Ça, c'est nouveau peut-être depuis une dizaine d'années.

Le Président (M. Brodeur): M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Moreau: Merci, M. le Président. Je vous préviens tout de suite, il nous reste neuf minutes. Alors, je ne sais pas comment vous allez faire, mais si vous pouvez juste raccourcir les...

M. Caparros (Ernest): Soyez brefs dans vos questions.

M. Moreau: Bien, oui, soyez brefs dans vos réponses. J'ai fait le tour... D'abord, j'apprécie beaucoup le texte que vous avez fait, et vous confirmez ce qui à prime abord peut être l'opinion d'un juriste. Moi, j'ai fait 22 ans de droit administratif et je comprends que la théorie de Mme Morisset, elle est basée sur une approche qui est urbanistique mais qui n'a aucun fondement juridique dans notre droit. Et en fait vous rejoignez l'opinion de Laurier Turgeon, l'opinion de la Faculté de théologie de l'Université Laval de même que l'opinion du Regroupement des archivistes religieux dans le document que vous nous suggérez.

Maintenant, ce que je comprends, avec la collection Wilson & Lafleur, je suis allé faire des lectures dans le Code de droit canonique, et je comprends que, pour arriver à cette conclusion-là, vous partez de la Loi sur les fabriques de 1791. Vous dites: Il y a une évolution, il y a une réceptivité extrêmement grande du droit québécois, c'est-à-dire des préceptes du droit canonique dans le droit québécois, et vous référez au canon 22, je pense, qui donne une ouverture au droit supplétif de l'État lorsque le droit canonique ne pourvoit pas à l'exercice du droit de propriété.

Cependant, lorsqu'on examine l'évolution de la Loi sur les fabriques, vous l'avez mentionné dans votre intervention, particulièrement par l'abrogation du chapitre IX, par le fait de la décision qui a été rendue, confirmée par la Cour d'appel et le refus du droit d'appel par la Cour suprême dans l'affaire de L'Ange-Gardien, qui était basée sur l'article 22.17 du Code civil du Bas-Canada, on se rend compte qu'il y a une détérioration du droit civil à l'égard de la reconnaissance du droit de propriété, c'est-à-dire qu'on tombe dans une imprécision: 22.17 ne trouve plus son pendant dans le Code civil du Québec; tout au plus, on peut référer à l'article 28.76, sur les choses hors commerce, mais qui n'est pas une référence spécifique, et à l'article 553 du Code de procédure civile, sur l'insaisissabilité ? j'ai bien suivi votre leçon.

Est-ce que vous êtes d'opinion que, pour assurer une meilleure protection du droit de propriété, il y aurait lieu, pour le législateur québécois, d'intervenir et de faire une précision à la Loi sur les fabriques pour éviter que des discussions par des universitaires tout aussi autorisés que M. Noppen puis Mme Morisset viennent encore, là, occuper inutilement le plancher sur la reconnaissance du droit de propriété de l'Église à l'égard des biens?

M. Caparros (Ernest): Écoutez, la référence précise qui n'existe pas, ce n'est pas absolument nécessaire. Le droit civil n'a pas besoin, comme les lois de common law, d'avoir toute une terminologie précise, les principes s'appliquent, il y a les principes sous-jacents. D'accord? Maintenant, si on peut clarifier cela... C'est quand même assez clair dans la Loi des fabriques. La seule question, c'est que... Vous le savez comme moi, la pire discussion juridique qu'on peut avoir, c'est avec des gens qui ne sont pas juristes et qui ont lu une loi, parce qu'ils l'interprètent, mais ils l'interprètent sans avoir une formation juridique. Alors, les mots ne veulent pas dire la même chose. Parce que je n'ai pas entendu tout ce que vous avez entendu et je vous félicite d'avoir eu tout le courage que vous avez de passer tant de temps à entendre des choses, mais je peux vous dire que, si vous sentez que c'est nécessaire, faites.

M. Moreau: Votre opinion, c'est que ce ne le serait pas...

M. Caparros (Ernest): Mon opinion, c'est que la Loi des fabriques, je pense qu'elle dit très clairement qui est propriétaire, et vous le citez dans votre rapport, d'ailleurs. Ce qui m'a semblé contradictoire dans votre rapport, c'est que, d'un côté, vous disiez qu'elle n'était pas propriétaire, puis, après, vous citiez l'article dans lequel on dit clairement que c'est la fabrique qui est propriétaire. Qu'on puisse préciser davantage, si vous voulez, par rapport aux choses hors commerce, dans le Code civil, peut-être, peut-être, ça pourrait... Mais l'énumération, ce n'est pas toujours nécessaire dans un code civil.

M. Moreau: Et c'est parfois risqué.

M. Caparros (Ernest): Et c'est parfois risqué.

M. Moreau: Ma deuxième question serait à M. Wilson. Vous avez parlé, bon, de recourir au droit fiscal municipal pour avoir une appropriation, dans la taxe municipale, une appropriation spécifique à l'entretien des bâtiments. Vous nous avez parlé, bon, que, sans égard aux personnes qui fréquentent les théâtres, on pourrait avoir la même réflexion à l'égard de la taxe scolaire qui entretient des écoles alors que tous n'ont pas des enfants qui fréquentent les écoles.

Maintenant, ce sur quoi j'aimerais vous entendre: il y a des gens qui sont passés, hier, notamment Héritage Montréal, qui semblaient un petit peu frileux avec le fait que les lois fiscales reconnaissent déjà des avantages aux biens qui appartiennent à l'Église en donnant des exemptions, notamment dans la Loi sur la fiscalité municipale. Est-ce que vous pensez qu'il devrait y avoir une obligation, pour l'Église, d'entretien de son patrimoine, là, du patrimoine dont elle est propriétaire pour compenser l'avantage fiscal qui lui est conféré par la loi?

M. Wilson (Claude): Bien, écoutez, d'abord, ce n'est pas une proposition, là, je me suis tenu au ras le sol de ce que je connaissais, je suis allé voir les budgets dans mes municipalités, mais je pense que ça pourrait être assujetti à une obligation que ces argents-là n'aillent pas au culte. Ça, je vis très bien avec ça, là, que ces argents-là soient attribués au maintien des immeubles, oui. Je peux répéter: Ça pourrait être assujetti à ce que ces montants-là qui seraient pris à même une taxation municipale soient attribués au maintien et à l'entretien des immeubles du patrimoine et qu'aucun sou ne puisse être pris pour le culte, dans aucune confession. Ça, je pense qu'il faudrait s'entendre là-dessus.

Parce que, moi, je n'ai pas de problème avec le culte, je n'ai aucun problème. Je peux vous montrer mon budget, il n'y en a pas, de problème. Le problème, c'est abriter le culte et surtout abriter le culte dans des vieux immeubles. Puis même on pourrait ne pas en avoir, de problème, parce qu'où est située l'église Saint-Joseph actuellement, il y a des preneurs, il y a des preneurs en masse, et ça vaut 3 millions à l'évaluation municipale. Puis, avec ce 3 millions là, on peut se trouver un autre lieu mieux isolé, plus confortable, sans problème pour le culte. C'est juste pour vous donner une idée, là.

Le Président (M. Brodeur): M. le député de Mercier.

M. Turp: Alors, merci, M. le Président. Et merci, M. Caparros, de venir enfin, mais c'est à cause de nous, on vous gardait pour la fin, là. Et on a beaucoup parlé de vos travaux, de votre communication, là, au colloque de l'automne dernier. Comme vous l'avez fait remarquer, j'étais là, et c'était très, très important pour moi ? et, je pense, je le faisais aussi pour la commission, Nicole était là, je crois, au premier jour du colloque ? de placer les choses comme elles devraient l'être quand on est un État de droit: dans un État de droit, on respecte le droit.

Et soyez sans crainte, là, parce que, vous qui craigniez puis lisiez, dans ce document-là, des affirmations qui manifestaient une lame de fond antijuridique et déformatrice, c'est les propos que...

n(11 h 20)n

M. Caparros (Ernest): Que j'ai utilisés.

M. Turp: ...vous tenez dans votre mémoire, bien, là, il y a trois juristes ici, dans cette commission-là: il y a un président qui est notaire, il y a deux députés des deux partis qui sont des juristes, des avocats et qui ont le souci d'assurer que le droit sera bien compris dans le rapport, l'État du droit sera bien compris. Et, s'il faut changer le droit, parce qu'encore faut-il penser que les législateurs que nous sommes peuvent changer le droit, l'État du droit, puis s'ils veulent changer l'État du droit de propriété, ils devront avoir le souci de penser que, si on nationalise ou si on fait quelque chose, bien il faut que la nationalisation et l'expropriation soient pour des fins publiques, avec la compensation. Bien, on va avoir ce souci de la rigueur et du respect du droit dans l'État de droit qu'est le Québec.

En même temps, je pense qu'on peut vous rassurer, là. Vous terminez votre rapport en disant: «Veut-on vraiment dépouiller l'Église catholique de ses lieux de culte, du moins des lieux de culte les plus beaux?»«On veut votre bien et on va finir par l'avoir!» Je crois que, dans cette commission ? et on n'a pas encore délibéré sur la question ? il n'y a aucune intention de dépouiller quelconque tradition religieuse de ses biens, que ce soit l'Église catholique, les Églises protestantes, les biens des autres cultes. Je crois qu'on a ce souci-là. Et, s'il y a des universitaires ou d'autres qui pensent autrement ? ils ont eu l'occasion d'être entendus par cette commission, et je crois que c'est important d'entendre des gens qui ont une vision différente ? nous demandent de changer le droit parce qu'ils ne croient pas au droit de propriété, ne veulent pas y croire ou veulent exproprier, avec ou sans compensation, qu'ils proposent au législateur de le faire. Mais en tout cas vous avez raison, et votre présence ici nous amène à dire des choses comme elles doivent être dites: Il y a un droit, il faut le respecter, puis, s'il faut le changer, il faut le faire dans le respect du droit.

Alors, moi, ce qui m'intéresse aussi beaucoup dans votre façon de présenter les choses, c'est la notion de laïcité-collaboration. Et, moi, je veux nous inviter, là, quand on va avoir terminé ces travaux, et on va devoir réfléchir au contenu de notre rapport et de nos recommandations, à penser l'avenir du patrimoine religieux en ces termes: la laïcité-collaboration, parce que je crois que, comme vous l'avez dit, c'est ça qui a prévalu, au moment où nous nous parlons. Je pense que c'est même un devoir de l'État pour respecter lui-même les chartes. Notre charte québécoise, là, elle dit qu'il y a la liberté de religion, et est-ce que la liberté de religion peut être respectée par l'État seulement en s'abstenant de faire quelque chose ou plutôt en proposant des mesures et en adoptant des lois, des programmes qui visent à favoriser l'exercice de cette liberté de religion, y compris de la manifester, parce que c'est une façon d'exercer cette liberté?

Et là je crois que vous pouvez nous éclairer sur ce que veut dire la laïcité-collaboration dans le domaine du patrimoine religieux, et même au-delà. Parce que je crois que c'est là notre défi au plan de la laïcité. C'est que, dans l'État laïque qu'est le Québec, ou qu'il devient progressivement, comment faire bien les choses en matière de patrimoine? Et là-dessus guidez-nous, guidez-nous. Moi, je voudrais vous entendre sur cette laïcité-collaboration en matière de patrimoine religieux: Comment devrait-elle s'articuler? Est-ce qu'on devrait adopter une loi? Est-ce qu'on devrait... Est-ce que nos programmes pour préserver le patrimoine doivent se préoccuper seulement de la propriété? Comment ne pas s'ingérer indûment dans cette liberté des cultes? Mais qu'est-ce qu'on doit faire, sans s'ingérer, pour en favoriser l'expression?

M. Caparros (Ernest): Écoutez, je vous remercie de vos paroles. En fait, vous savez, je n'ai pas trop modifié ma communication ? puisque vous étiez là ? pour une raison très simple: parce que l'invitation que j'avais eue de votre ancien secrétaire, c'était précisément dans le contexte de ce colloque-là. Alors, je l'ai laissé là, et de toute évidence il y a certaines des phrases qui étaient là qui étaient adressées davantage aux autres tendances du colloque qu'à vous, mais je les ai quand même laissées, en partie aussi parce qu'il y a un petit point d'humour que j'ai toujours utilisé dans mes enseignements.

Quant à la laïcité-collaboration, ce que je dis dans mon texte, ce que j'ai trouvé, c'est que la laïcité-collaboration, c'est ce que j'ai trouvé dans le système juridique du Québec: ce que j'ai trouvé dans la Loi des fabriques, ce que j'ai trouvé dans la Loi des évêques, ce que j'ai trouvé dans des références auparavant plus explicites dans le Code civil du Bas-Canada, maintenant moins explicites dans le Code civil du Québec, mais toujours dans le Code de procédure. Ça, c'est des manifestations de la laïcité-collaboration. Laïcité-collaboration est celle qui n'est pas là pour harnacher le phénomène religieux, mais pour favoriser son épanouissement, pour permettre aux différents cultes de se développer selon ce qu'ils sont, évidemment toujours à l'intérieur du système de l'État de droit que nous avons. Mais c'est ça, la laïcité-collaboration.

Et ce qui est fascinant: c'est là où la France est en train de se rendre. Je vous cite l'article de Mme Badevant, qui était dans un congrès des droits comparés où j'avais présidé ces séances-là, et, elle, elle explique un peu toute l'évolution qui s'est produite en France. Bon. Moi, c'est ça que j'avais trouvé ici depuis le départ. J'avais été fasciné en fait... un cours que j'avais suivi avec le juge Mayrand, à la maîtrise, à Montréal, il y a en fait une couple d'années, là, et j'avais fait un travail sur l'article 127 de l'ancien Code civil du Bas-Canada, qui reconnaissait les empêchements du mariage. Ça se trouve encore dans notre code. Les ministres du culte ne peuvent jamais être obligés à célébrer à l'encontre de leurs convictions. Alors, il y a beaucoup de manifestations de la laïcité-collaboration dans notre système juridique.

Des fois, quand j'expliquais les principes sous-jacents à mes étudiants, je leur parlais du... Le principe comme tel, on ne le voit pas, il n'est pas formulé nulle part. Mais on trouve les champignons qui poussent à différents moments: on les trouve dans la Loi des fabriques, on les trouve dans la Loi sur les évêques, on les trouve dans le Code de procédure civile, on les trouve dans certains articles du Code civil. Alors, effectivement... On les trouve aussi dans les façons dont, par exemple, les dons qui sont faits peuvent être... En fait, ce n'est pas seulement pour le phénomène religieux, c'est aussi pour d'autres oeuvres de charité qu'on peut déduire de ses propres impôts.

Alors, la laïcité-collaboration, c'est un état d'esprit, par rapport au système législatif, dans lequel on n'essaie pas de harnacher le phénomène religieux, on n'essaie pas de le contrôler, on essaie d'établir la possibilité qu'il puisse s'épanouir selon son état.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Effectivement, votre contribution est fort importante et intéressante, évidemment. Mais, moi, je trouve qu'il y a beaucoup de juristes, ici, on va faire un peu de compensation, un peu de compensation.

n(11 h 30)n

Je suis mal à l'aise malgré tout, particulièrement pour tout l'usage de nos églises et la participation citoyenne des églises. Je ne mets aucunement en question... J'abonde complètement dans le sens de mon collègue aussi, sur la propriété, vous faites la démonstration très clairement. Même si je pense que le droit canonique n'évolue peut-être pas aussi vite que le droit civil, évidemment ? je pense qu'on constate tout ça ? il n'en demeure pas moins qu'on a... Il y a beaucoup de citoyens qui sont venus s'exprimer ici tout le long, et, moi ? je n'ai peut-être pas le sens de l'humour, ce matin, aussi développé que d'autres ? je trouve que... Il y a des citoyens puis il y a des communautés locales qui sont venus s'exprimer effectivement et s'approprient, plusieurs d'entre eux, cette propriété-là, et vous faites la démonstration, je pense, que ça, ce n'est pas à ce niveau-là.

Mais il n'en reste pas moins que, quand vous parlez entre autres de perception de pourcentages d'impôt, d'impôt sur les individus, je comprends toute la démonstration, M. Wilson, que vous faites, puis, bon, je pourrais dire: La conscience sociale et religieuse dans le fond... ou plutôt des citoyens face à l'apport de tout leur patrimoine, ça, c'est une chose. Mais il reste que, moi, j'ai le sentiment que les citoyens sont interpellés souvent quand il y a un problème de toit, quand il y a un problème quelque part au niveau de l'église. Et, quand souvent certaines ont été abandonnées, même si la propriété est de l'Église, il n'en reste pas moins qu'il y a des citoyens qui s'insurgent contre toute la façon que les choses se font, contre le fait qu'ils se retrouvent, à la fin, à savoir que leur église va être fusionnée, à savoir que, bon, il faut qu'ils paient quelque part quelque chose, des chiffres faramineux pour aider à ce que leur église ne soit pas fermée, qui viennent nous dire que l'évêque du diocèse leur dit: Bien, écoutez, c'est notre propriété puis c'est comme ça, on fait la fusion puis qu'ils n'ont plus rien à dire.

Alors, je peux comprendre qu'on vienne exprimer que la propriété est de l'Église. Mais j'ai beaucoup de difficultés aussi que, lorsqu'il y a problème, la solution, particulièrement financière, c'est d'aller rechercher l'impôt des citoyens. Même si l'idée est peut-être intéressante, là, je ne mets pas en cause ça. Mais je me mets dans la peau des citoyens et puis des gens qui sont soit pratiquants ou soit qui sont sur les fabriques. Les administrateurs de fabriques sont souvent... et même les prêtres de certaines églises sont souvent en porte-à-faux entre les citoyens des paroisses et ce que l'évêque ou le diocèse décide. Bon. Peut-être qu'à Chambly vous avez une... ça va peut-être bien. Mais ce n'est pas ce que beaucoup de gens sont venus nous dire en commission, où ça ne va pas nécessairement bien et ils se sentent désappropriés de leurs églises, même si ça ne leur appartient pas tel quel.

Moi, je trouve qu'il y a un problème quand même entre l'appropriation des citoyens et des paroissiens face à leur église, et là on le voit parce qu'il y a des problématiques, et ce que vous nous apportez, qui fait qu'effectivement... en voulant dire: Fermons les choses, la propriété est l'Église puis le droit canonique a quand même été intégré facilement dans nos lois québécoises. Alors, je ne sais pas ce que vous répondez à ça.

M. Wilson (Claude): Je peux répondre. Mme Léger, je voudrais juste relever certaines choses. Je ne sais pas dans quel diocèse ça se passe, mais dans le diocèse Saint-Jean?Longueuil... Et, je pense, les directives sont à peu près les mêmes partout. Il n'y a aucune église qui ne peut se fermer... La décision de fermer une église ne peut se prendre sans une assemblée de paroissiens. Et encore une fois on ne vous demandera pas la couleur de votre veston pour rentrer à une assemblée de paroissiens puis on ne vous demandera pas si vous avez payé votre dîme ou pas pour y assister. Ça fait que ça, là...

Mme Léger: L'évêque a quand même le droit lui-même... il a un droit de veto.

M. Wilson (Claude): Non, non, non.

Mme Léger: Bien, en tout cas, il a...

M. Wilson (Claude): Non, c'est l'assemblée des paroissiens qui a le premier mot sur la fermeture d'une église.

Mme Léger: D'accord, le premier mot. Mais le dernier mot?

Une voix: Le dernier, c'est l'évêque.

Mme Léger: Le dernier, c'est l'évêque.

M. Wilson (Claude): Bien, c'est l'évêque, après un processus, après un processus de consultation.

Mme Léger: O.K. Mais vous lirez, M. Wilson, les comités de citoyens, ce qu'ils sont venus nous dire. Je vous parle...

M. Wilson (Claude): Oui, mais des comités de citoyens, on en voit aussi. Mais dites leur donc, à votre comité de citoyens, demain matin, que vous vous appropriez de l'église, que vous mettez des fonctionnaires pour administrer ça puis que ça va coûter x taxes par année. Dites-leur ça, demain matin, s'ils vont être prêts à payer. Actuellement, notre problème, en tant que marguilliers, là, c'est qu'on a à peine... avec 25 000 de population, on a de la misère à aller chercher 1 000 contributions. C'est ça, notre problème de marguilliers. Ce n'est pas un problème...

On veut bien les entretenir, nos lieux. On voudrait bien mettre tout ce qu'il faut mettre pour respecter l'environnement historique et patrimonial. On n'a pas les moyens. Et ça, là, écoutez, c'est des gens qui sont assis là. Je suis un citoyen, moi aussi, là, je suis un citoyen bénévole qui met son temps, depuis cinq ans, dans cette entreprise-là. J'y crois. Mais, écoutez, je n'ai rien, moi... si les gens veulent venir participer davantage. On n'en a pas, de problème, demain matin, si tout le monde participe. On n'en pas, de fermeture d'église, pas nécessairement au culte, mais à l'entretien des églises.

M. Caparros (Ernest): Si vous permettez...

Le Président (M. Brodeur): Oui.

Une voix: Pas trop longtemps parce que...

M. Caparros (Ernest): Non, deux mots, là, simplement. La procédure qui est suivie normalement dure environ un an avant que la décision finale soit prise. Qu'effectivement il puisse y avoir des gens mécontents... M. Philippe de Maupeou disait tantôt comment il essayait de faire vivre le deuil aux gens. C'est sûr que, quand il y a un changement fondamental, notamment des fusions, ça provoque toujours beaucoup de mécontentement. On l'a vu au Québec, à notre niveau, comment les fusions ont provoqué beaucoup de mécontentement aussi.

Et ça ne veut pas dire que, quand il y a une décision qui est prise après une étude sérieuse, on ne doit pas aller de l'avant, même si tout le monde n'est pas d'accord. Et c'est souvent ceux qui ne sont pas d'accord qui provoquent toute une série de réponses qui puissent être un peu troublantes. Écoutez, on l'a quand même vécu, au point de vue politique, au municipal, là. Et ce n'est pas que ça n'a pas été fait sérieusement puis ça n'a pas été fait avec études. Mais ça, quand on change la façon de procéder à un groupe, il y en a toujours quelques-uns qui préfèrent toujours marcher au même pas, parce que, l'autre pas, ils ne l'aiment pas.

Alors, je pense qu'il faut évaluer les protestations en tenant compte de toutes les démarches qui sont faites et en tenant compte que de toute façon il va y avoir toujours des mécontents. Et je pense que, dans le municipal, ça a été très clair.

M. Wilson (Claude): Vous avez, dans vos mémoire, le mémoire ? je viens de leur mettre la main dessus, là ? de l'archidiocèse catholique de Montréal, le «Processus et acteurs des réaménagements pastoraux». Je peux vous lire ce que j'ai lu ici, là: «En 2000, le diocèse a amorcé une réflexion de concert avec les paroisses afin d'étudier leur situation quant à leur vitalité et à leur viabilité. Le constat est clair: des réaménagements pastoraux sont et seront nécessaires afin de permettre aux paroisses de mieux remplir leur mission. L'évêque ne force ni les dissolutions ni les regroupements de paroisses et n'a pas, comme l'ont laissé entendre plusieurs, une liste des églises qui seront fermées ou non. L'évêque est à l'écoute des paroissiens et des paroissiennes dans leurs volontés exprimées par l'entremise de leur assemblée de paroissiens.» C'est d'ailleurs ce qui se passe dans tous les diocèses.

Première étape: «Pendant une période pouvant aller jusqu'à un an, l'administration...» Bien, je vais laisser peut-être... Vous l'avez de toute façon, dans les mémoires.

Une voix: On l'a entendu.

M. Wilson (Claude): Oui.

Le Président (M. Brodeur): Pour une courte question, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, M. le Président. Juste, je pense que vous avez, M. Caparros, expliqué très bien la question du droit, l'état du droit actuel. Et je pense que ça a été fait de façon que c'est assez difficile de ne pas être d'accord. Je pense que tout le monde va être d'accord avec ça.

Mais il y a, vous conviendrez avec moi, que le droit, c'est indispensable, mais que le sentiment de légitimité d'une chose est aussi indispensable dans la réalité de la vie quotidienne, et que le droit doit traduire cette légitimité-là, et qu'à partir du moment où il y a un sentiment d'illégitimité qui se répand peut-être faut-il modifier le droit. Parce que, si l'administration du droit fait partie du droit, je ne pense pas charrier en disant que l'administration de la justice fait partie de la justice, crée ce sentiment de justice. Bon. Et je pense que, vous, vous avez ouvert la porte, ou en tout cas vous ne l'avez pas fermée, à cette chose-là.

Et notre collègue de Mercier a exprimé dans... a verbalisé dans quel contexte et avec quel esprit ça doit être saisi. Dans la pratique ? et je pense de là vient le cri du coeur de ma collègue ? dans la pratique, et vous l'avez évoqué un peu, tout à l'heure, comment faire ça, comment faire ça pour que l'éventuelle fondation, ou fiducie, ou régie qui permettra d'assurer la continuité soit vraiment à l'écoute de la base de la fabrique telle qu'elle existe aujourd'hui ou telle qu'elle devrait exister dans un nouveau droit?

M. Caparros (Ernest): En fait, moi, je n'ai pas proposé de façon générale une procédure pour qu'il y ait une fiducie ou une fondation. Moi, ce que j'ai proposé, c'est une avenue possible à étudier, et, moi, je n'ai jamais été fiscaliste, les lois fiscales, ça m'a toujours fait beaucoup des... mal au coeur, là, mais la possibilité d'étudier une façon de fournir un budget régulier, récurrent à tous les cultes pour que leurs églises ne soient pas prises dans des situations pénibles.

n(11 h 40)n

Et ça, comment va-t-on être collé au terrain? C'est parce que cet argent arrive au terrain. Il ne passe pas par 50 étapes de distribution et d'évaluation. Il y a une procédure à trouver, et ça, c'est à vous à la trouver. Et on dit: C'est un pourcentage de 0,03 de 0,001, il faut... Et là cet argent-là est distribué au prorata de la population catholique, au prorata de la population, et à ce moment vous êtes... Plus collé au terrain que ça, c'est impossible parce qu'il n'y a pas d'autres intermédiaires qui interviennent pour décider qui a besoin de ça. On sait que telle paroisse a tant de milliers de catholiques, ça lui arrive un montant de x, et elle sait que c'est le montant qui va lui arriver à tous les ans.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Il reste 58 secondes au parti ministériel, donc question et réponse dans 58 secondes.

M. Moreau: Donc, sur l'aliénation des biens, sur l'aliénation des biens, pour les biens meubles, on peut adopter un règlement épiscopal. Vous dites que dans tous les cas ? et je réfère à une réponse de M. Wilson ? les gens doivent être consultés. Est-ce que c'est le canon 1292 où on dit: L'évêque diocésain lui-même a besoin du consentement de toutes ces personnes pour aliéner des biens du diocèse? Un, est-ce que c'est le 1292? Et, deux, est-ce que ça a préséance sur les dispositions de la Loi sur les fabriques?

M. Caparros (Ernest): La Loi sur les fabriques accueille le droit canonique mais ne l'abroge pas. L'évêque doit suivre le droit canonique. Il se sert de la Loi des fabriques pour civiliser, pour mettre en termes de droit civil les décisions qu'il a prises en droit canonique.

M. Moreau: Et, s'il n'a pas le consentement prévu à 1292, là on pourrait contester la disposition d'un bien fait par l'évêque?

M. Caparros (Ernest): Oui, oui.

M. Moreau: Merci.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Merci, M. Caparros, M. Wilson.

Je vais suspendre quelques instants, le temps que la Chambre des notaires puisse s'installer.

(Suspension de la séance à 11 h 42)

 

(Reprise à 11 h 45)

Le Président (M. Brodeur): À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous allons continuer nos travaux en recevant la Chambre des notaires du Québec. Donc, bienvenue, Me Marsolais, bienvenue, Me Frenette ? mes anciens professeurs se succèdent ici. Donc, vous êtes familiers des commissions parlementaires, donc sans besoin de vous expliquer davantage comment ça fonctionne, vous avez un temps maximal de 20 minutes pour faire la présentation de votre mémoire, et, lorsque vous me verrez gesticuler, vers 18 ou 19 minutes, je vous prierais de conclure. Donc, la parole est à vous.

Chambre des notaires du Québec (CNQ)

M. Marsolais (Denis): Merci, M. le Président. D'abord, d'entrée de jeu, on doit s'excuser, parce qu'encore une fois deux juristes devant vous, Mme Léger, et par surcroît un professeur universitaire, alors on s'excuse, Me Moreau, pour...

Une voix: ...

M. Marsolais (Denis): Plus sérieusement, d'abord, laissez-moi vous présenter la personne qui m'accompagne: Me François Frenette, professeur émérite de l'Université Laval, spécialiste particulièrement en droit sur les fiducies...

Une voix: Des biens.

M. Marsolais (Denis): ...et des biens, et plein d'autres matières, mais particulièrement en fiducies et en biens. Et, quant à moi, mon nom est Denis Marsolais et je suis président de la Chambre des notaires du Québec.

Alors, la Chambre des notaires du Québec est heureuse de participer aujourd'hui à la consultation générale sur le patrimoine religieux du Québec. Préoccupée par l'avenir du patrimoine religieux du Québec, cette commission heureusement a pris l'initiative d'examiner la question au fond en sollicitant le point de vue des personnes intéressées par le sort de ce qui constitue l'apanage de la pratique religieuse au Québec, et ce, depuis le XVIIe siècle. Elle a d'ailleurs produit un document qui soulève et qui pose trois questions qui résument en quelque sorte toute la problématique, savoir: Que conserver? Comment le conserver? Et surtout qui le conservera? Nous tenterons de répondre à ces trois questions.

La protection du patrimoine est pour ainsi dire un attribut de la pratique notariale. Je m'explique. C'est largement à son enseigne que la profession s'exerce. Bien que l'expertise développée est axée en premier lieu sur la protection du patrimoine privé, il paraît néanmoins indéniable que le savoir-faire acquis et les techniques juridiques éprouvées au fil des années peuvent contribuer utilement à la solution du problème relatif à la protection du patrimoine à la fois religieux et collectif. C'est sous cet angle et dans un souci de partage des connaissances, d'habiletés développées par la Chambre des notaires qu'elle entend avec vous partager ses réflexions.

Alors, notre mémoire suit la même dynamique, la même proposition de questionnement que la commission. Donc, c'est divisé en trois parties, et on tentera de répondre aux trois questionnements qui ont été soulevés.

D'abord, que conserver? D'entrée de jeu, la chambre ne se reconnaît aucune compétence particulière quant au choix des moyens techniques permettant de retenir, parmi tous les biens meubles et immeubles associés au culte religieux, ceux dont la sauvegarde et la mise en valeur s'imposent. Elle choisit plutôt de mettre de l'avant un modus operandi qui sert d'ailleurs de pierre angulaire à notre présentation, à savoir: fonder le dénouement de la problématique exclusivement sur l'intérêt public. Cet intérêt public se situe tant dans l'importance culturelle et historique du patrimoine religieux du Québec, au plan de son identité collective, que dans la menace de sa disparition graduelle en raison d'une certaine désaffection pour le culte, les vocations religieuses et, par voie de conséquence, pour le sort des biens et d'usages leur appartenant.

Cela étant vu comme étant urgent, il est impératif de ne pas chercher à réinventer la roue, plutôt s'en tenir pour lors aux critères de choix qui président actuellement aussi bien à la reconnaissance et au classement de biens culturels qu'à l'établissement d'un arrondissement historique par une municipalité, par exemple, suivant la Loi sur les biens culturels.

En effet, retenir la Loi sur les biens culturels comme premier instrument de sélection des biens méritant conservation et mise en valeur a pour avantage de faire appel à un mécanisme connu et prêt à usage. Cette technique identifie clairement, d'une part, l'autorité compétente en matière de sélection et, d'autre part, les moyens à sa disposition pour y parvenir, sans pour autant que l'intérêt particulier puisse l'emporter sur l'intérêt général. Nombre de querelles seront ainsi évitées, et surtout un temps précieux sera sauvé.

n(11 h 50)n

Il n'y a toutefois pas lieu de croire que tous les biens à caractère religieux bénéficiant d'une telle protection quelconque doivent être automatiquement conservés. Une révision est souhaitable. Parmi les nouveaux et les anciens biens sélectionnés, ce ne sont que les plus représentatifs dans leur genre, voire espèce, qui doivent avoir un droit acquis à la pérennité. Des résiliations de reconnaissances, des déclassements et des abrogations de règlement s'ensuivront forcément. Ces biens formeront le patrimoine emblématique de tout le passé historique et culturel de la pratique du culte au Québec et constitueront en quelque sorte la matière première à partir de laquelle tout peut être expliqué et, au besoin, reconstruit ou refaçonné.

Ajouté à l'application de la loi, ce facteur supplémentaire de discrimination qu'est la correspondance à un prototype permet, d'une part, de prendre en compte les ressources limitées de l'État et des autorités locales et, d'autre part, de juger de la nature aussi bien que de la profondeur des besoins en matière de protection de patrimoine religieux.

Maintenant, qui le conservera? L'identité des personnes responsables de la sauvegarde et de la valorisation des biens à caractère religieux dont la disposition doit être évitée est une question qui transcende celle de la propriété de ces biens sans en être complètement étrangère. Les biens à caractère religieux reconnus ou classés faisant partie du domaine de l'État sont et doivent, quant à leur survie et leur mise en valeur, demeurer sous la pleine et entière responsabilité de l'État tant qu'ils n'auront pas été aliénés dans le respect de la loi. Il en est de même pour la municipalité à l'égard des bien de son domaine public qui sont des monuments historiques cités.

Le fardeau de la responsabilité au chapitre de la conservation et de la mise en valeur doit toutefois être partagé, selon nous, entre l'autorité publique concernée et la fabrique ou communauté religieuse à qui ces biens appartiennent quand ces derniers servent encore à l'exercice du culte. La responsabilité incombant à la fabrique et à la communauté religieuse est consécutive à la propriété et au rôle d'emploi qu'elles ont assigné à leurs biens. Celle de l'autorité publique, État ou municipalité, découle du poids qu'ils font peser sur les propriétaires de ces biens en les qualifiant de manière à réduire la liberté d'action associée à leur droit de propriété.

Cette situation commande de laisser à la fabrique et à la communauté religieuse pleine et entière responsabilité au niveau des biens en questions, avec tous les coûts et les frais afférents: entretien d'usage, réparations mineures, réparations majeures, travaux de restauration requis en raison du défaut d'entretien, assurances, etc. L'État ou la municipalité doit pour sa part être tenu de contribuer, sur une base régulière, à un pourcentage x des seuls coûts et frais directement liés à la conservation et la mise en valeur. Pareille contribution est déjà prévue aux articles 51e et 97 de la Loi sur les biens culturels, mais à notre avis elle doit être obligatoire et récurrente. La politique de partage des responsabilités proposée n'exclut évidemment pas que l'État ou la municipalité puisse faire davantage financièrement, mais il n'y aurait pas d'obligation stricte de leur part à cet effet.

La règle de partage des responsabilités qui vient d'être énoncée devrait être maintenue lorsque la fabrique ou la communauté religieuse refuse de se départir de ses biens reconnus, classés ou cités qui auraient été désaffectés ou désacralisés. Il faut alors présumer en effet que la fabrique ou la communauté religieuse dispose encore de moyens lui permettant d'assurer l'avenir de tels biens. Partant, l'État ou la municipalité n'a pas à verser davantage que sa contribution proportionnelle aux frais de conservation et de mise en valeur.

Cette règle de partage devrait être également appliquée lorsqu'un individu ou société est propriétaire d'un ou plusieurs biens culturels à caractère religieux ayant fait l'objet ? toujours ? d'une reconnaissance, d'un classement ou d'une citation, et ce, parce que cette situation est identique à la précédente, sauf pour ce qui a trait au bassin des personnes de qui une aide peut être sollicitée.

À dire vrai, la question de l'identité de la personne, de l'organisme ou de l'institution imputable en matière de sauvegarde et de mise en valeur des biens à caractère religieux se pose surtout dans le cas où les propriétaires souhaitent en disposer. Souvent, ces derniers n'ont plus les moyens, malgré l'aide financière et technique déjà reçue, de sauver ces biens d'une disparition ou d'une dégradation aussi prochaine que certaine. Dans ces cas, l'État ou les municipalités ne disposent pas vraiment de moyens légaux qui leur permettraient de vérifier à la fois l'état, les intentions et les finances de l'acheteur de ces biens. L'État bénéficie tout au plus, dès l'avis de mise en vente d'un bien culturel reconnu, de l'occasion de s'en porter lui-même acquéreur. Il ne dispose pas toutefois de cette opportunité d'achat pour ce qui a trait à un bien classé. Il en est de même pour une municipalité concernant un monument historique cité.

Cette situation devrait être corrigée par des amendements législatifs permettant une vérification préalable de tous les aspects du dossier de l'acquéreur potentiel avec faculté, pour l'État ou la municipalité, de donner son aval à une telle transaction pour en assurer la pérennité du bien transmis. En cas d'insatisfaction sur les chances du bien à pouvoir continuer de s'inscrire dans le temps, l'un ou l'autre pourrait s'en porter acquéreur pour trouver ensuite une solution d'avenir durable. Sans modification législative en ce sens, les autorités publiques resteront toujours à la remorque des événements. Ils en demeureront soumis à des pressions pour acquérir de gré à gré ou réparer les pots cassés par voie d'expropriation avant d'avoir eu vraiment l'opportunité de vérifier les possibilités du marché.

Pour terminer cette partie, ajoutons qu'à notre avis la survie des biens à caractère religieux qui ne font ou qui ne feront pas l'objet d'une reconnaissance, d'un classement ou d'une citation en vertu de la Loi sur les biens culturels incombe entièrement, à notre avis, et exclusivement à ceux qui sont propriétaires de ces biens. Ne pouvant compter sur l'aide de l'État autrement que par un effet de sa bonté au cours d'une année abondante, ces propriétaires pourront toujours solliciter, par toute voie et forme légale reconnue, la complicité et le soutien de personnes partageant leur attachement et leur vision d'avenir à l'égard de ces éléments particuliers du patrimoine religieux du Québec. Mais cela appartient à eux et non pas à l'État.

Maintenant, la dernière partie et la dernière question qui a été soulevée suite à votre invitation, qui est la plus difficile de résoudre: Comment le conserver, ce patrimoine religieux? Il tombe sous le sens qu'il n'existe pas un, mais plusieurs moyens capables d'assurer la pérennité des biens à caractère religieux. L'efficacité de ces moyens, relativement bien connus et dont aucun ne saurait être négligé a priori, varie selon non seulement l'état et la nature du bien dans chaque cas, mais aussi des contingences espace-temps dans lesquelles s'inscrit l'opération de sauvetage. Pris individuellement, aucun de ces moyens n'est d'habitude en mesure de garantir le résultat escompté. C'est plutôt l'agencement d'un certain nombre d'entre eux, en fonction des particularités d'un cas de figure faisant problème, qui permet, la plupart du temps, d'espérer un dénouement heureux et surtout durable.

Il serait fastidieux de discourir sur chacune des approches ou sur chacun des instruments déjà employés pour faire recette en matière de conservation ou de mise en valeur d'un bien à caractère religieux. Les pistes suggérées participent toutes à l'idée que la prévention est toujours de mise et que le transitoire doit souvent précéder le définitif, que la volonté de fossiliser un bien dans son état et son cadre d'origine est souvent plus nuisible qu'utile, et enfin que l'État ou les municipalités n'ont pas forcément vocation à collectionner et détenir en permanence des biens immobiliers notamment dont les propriétaires n'en veulent plus en raison de la lourdeur des charges qu'ils représentent. Tout est là, à mon avis.

Commençons avec les biens à caractère religieux reconnus ou classés appartenant aux fabriques ou communautés religieuses et servant encore au culte, voire n'y servant plus mais où la volonté de s'en départir est absente. Ces institutions devraient être assujetties à l'obligation stricte de constituer un fonds de prévoyance au même titre qu'il existe un fonds de prévoyance en matière de copropriété. La subvention régulière de l'État, déjà discutée précédemment, devra être obligatoirement versée à ce fonds afin de rattraper le retard accumulé et de le garnir suffisamment pour l'avenir. Fabriques et communautés religieuses devraient s'astreindre à une ou plusieurs collectes auprès des fidèles et du public en général. Si elles se prêtent sérieusement à l'exercice, l'État pourrait de son côté consentir au paiement d'une somme unique en sus de sa contribution récurrente au fonds de prévoyance. Enfin, les sommes d'argent en provenance de toutes sources devraient être versées prioritairement au fonds de prévoyance des immeubles et aux collections de biens meubles que fabriques et communautés prévoient aliéner dans un proche avenir.

n(12 heures)n

Cette même règle de droit et de conduite devrait s'appliquer, selon nous, aux particuliers qui sont ou seront propriétaires de biens du même type et, mutatis mutandis, d'un monument historique cité faisant partie du patrimoine religieux. L'État et les municipalités devraient par surcroît avoir la possibilité déjà mentionnée de vérifier à leur satisfaction les tenants et aboutissants de tout transfert éminent d'un bien à caractère religieux reconnu classé et, en cas d'insatisfaction, de prendre la transaction à leur compte. Advenant ce cas, les biens en question seraient transférés à une fiducie qu'on qualifie d'utilité sociale, préalablement constituée par l'État ou la municipalité pour recevoir les biens du même type leur appartenant et tous les autres par la suite.

Cette fiducie ? et je vous laisserai le loisir de poser toutes les questions pertinentes à Me Frenette sur cette fiducie ? aura pour but de détenir ces biens le temps nécessaire ? ce n'est pas une détention des biens à tout jamais, là ? à la mise en place d'un montage matériel et financier apte à permettre leur disposition en faveur d'une ou plusieurs personnes, dans les conditions assurant leur survie. Un des éléments de ce montage serait la mise sur pied immédiate d'un fonds de dotation à même les sommes d'argent provenant de toutes sources, État et acquéreurs éventuels y compris, et suivant les proportions arrêtées par les fiduciaires.

Le deuxième élément du montage serait le choix de l'usage le plus approprié à la sauvegarde de ces biens, en privilégiant évidemment une destination favorable à l'occupation des lieux et, autant que faire se peut, à l'accès du public. Les fiduciaires auraient évidemment pour tâches de structurer le financement et de fignoler les conditions relatives à la cession éventuelle des biens, en comptant sur l'existence d'incitatifs fiscaux et d'exemptions de taxes aussi nombreux que possible, sans exclure l'accès à des programmes spéciaux de soutien. Donc, inciter la population à contribuer, par des incitatifs fiscaux.

En fait, la mise en place d'une fiducie sociale, dans ce contexte, favorisera non seulement l'émergence de solutions durables taillées à la mesure de chaque cas problème, mais évitera surtout à l'État et aux municipalités de se retrouver avec un parc et la gestion d'un parc immobilier important ou des collections de biens meubles en surabondance.

La fiducie d'utilité privée, qui diffère légèrement de celle d'utilité sociale, pourrait rendre aux biens à caractère religieux ne présentant pas un intérêt public des services analogues à ceux déjà mentionnés. Il est douteux cependant que l'accès à des leviers fiscaux, selon nous, puisse, sauf exception, avoir une assise légitime.

Au terme de notre présentation, peu ou rien n'a été dit sur une plus large participation du public dans la marche des événements entourant le sort du patrimoine religieux du Québec, on en est conscients. S'il s'agit de biens dont la conservation présente un intérêt public et dont le sort doit être scellé dans le respect de la démarche que nous avons suggérée, cette participation doit demeurer au niveau du conseil donné et de l'opinion librement exprimée, avec obligation, pour les autorités compétentes et les fiduciaires désignés, de solliciter cette forme de collaboration.

Pour les autres biens, l'intervention au niveau décisionnel ne devrait pas être exclue, bien au contraire. À cette fin, par exemple, non seulement le rôle de l'assemblée des paroissiens, en vertu de la Loi sur les fabriques, devrait être considérablement élargi dans tous les cas, mais les marguilliers devraient également avoir le pouvoir de disposer eux-mêmes d'un certain nombre d'affaires importantes sans avoir à solliciter au préalable ou à obtenir a posteriori l'assentiment de l'évêque. Comme il est question de patrimoine collectif, l'heure est incontestablement à la révision et la réécriture, selon nous, de la Loi sur les fabriques, toujours dans l'intérêt du public.

Avant de clore nos propos, soulignons qu'il est vain d'espérer des solutions durables en matière de protection du patrimoine religieux, au Québec, sans que des efforts importants, constants et novateurs soient faits pour expliquer à la présente génération et aux suivantes pourquoi la transmission de l'héritage est si essentielle.

Je vous remercie de votre attention, et nous sommes maintenant disponibles à répondre à vos questions, plus particulièrement Me Frenette, qui a été l'auteur du mémoire que vous avez reçu. Je vous remercie.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Merci de cette présentation fort intéressante. Avant de passer à mon collègue de Marguerite-D'Youville, qui a déjà plusieurs questions d'ordre juridique, j'ai une question préalable justement à ces questions, puisque votre mémoire suppose, je crois, suppose que la commission devrait suggérer aux autorités gouvernementales de citer, de faire un inventaire total et de citer tout ce qu'elle veut garder. Donc, il y a 4 000 bâtiments au Québec si on parle simplement de biens immobiliers. Est-ce que nous devons débuter notre processus, si on veut arriver à votre proposition, débuter ce processus en faisant l'inventaire complet de ce qu'on veut absolument préserver? Est-ce que ce sera la prémisse à la réalisation de votre suggestion?

M. Marsolais (Denis): Me Frenette.

M. Frenette (François): La Loi sur les biens culturels prévoit déjà que l'inventaire des biens qui méritent d'être classés ou reconnus doit être fait. Alors, s'il y a eu du retard d'accumulé, c'est une chose. Alors, est-ce qu'on devrait combler ce retard avant de commencer à régler le problème? Pas forcément. Parce que, si on tient compte que la Loi sur les biens culturels, par le biais du classement et de la reconnaissance, permet de faire un tri, il ne faut pas oublier le deuxième critère qui a été avancé par la Chambre des notaires, à savoir qu'on a besoin d'une grille supplémentaire où on ne retiendrait que ce qui est vraiment caractéristique dans un genre particulier ou dans une espèce particulière. Je ne sais pas, moi, si on a 52 églises déjà classées ? je dis ça par pure hypothèse ? qui sont toutes de la même période et à peu près du même style, bien peut-être qu'on n'en a pas besoin de 52, même si elles sont déjà classées.

Alors, je pense que, de façon... il pourrait y avoir des opérations parallèles: parachèvement de l'inventaire ? ça a déjà été commencé, je pense ? mais pas juste par le biais du travail que le ministre fait et par le biais de la Commission des biens culturels, mais également par d'autres institutions qui ont été créées dans la région, mais en même temps je pense qu'on pourrait commencer à regarder ce qui a déjà été classé, de manière à voir, si on accepte ce deuxième critère, s'il n'y a pas un deuxième choix qui pourrait déjà être fait, ou en tout cas les biens seraient comme revus en vue d'une décision définitive plus tard, ce qui serait déjà beaucoup. Alors, les deux opérations pourraient probablement se terminer au même moment. Mais je pense que, comme le président de la Commission de la culture le fait savoir dans son document de l'été dernier, il y a urgence. Alors, ce n'est pas dans 10 ans que ce doit être terminé, ça, ce n'est pas dans 15 ans, c'est bientôt.

Le Président (M. Brodeur): La Fondation du patrimoine religieux, comme ils l'ont dit ce matin et qui a été contesté par certains, possède présentement un inventaire, là, relativement complet de tous ces lieux-là, sauf que les monuments cités, c'est une partie plutôt faible de l'ensemble des bâtiments qui fait l'objet de nos consultations depuis plusieurs mois, et certains se plaignent justement que plusieurs églises n'ont pas été protégées correctement malgré leur valeur patrimoniale. Quand on parle de valeur patrimoniale, on peut s'étendre à plusieurs, plusieurs critères, là.

Deuxième question, avant de passer à mon collègue de Marguerite-D'Youville. On peut penser que, pour les biens mobiliers... L'avis de dénonciation pourrait être utile pour surveiller l'aliénation de biens immobiliers, mais, pour les biens mobiliers, avez-vous réfléchi à une façon précise de procéder à une protection quelconque de l'aliénation, de la disparition de ces biens mobiliers là, entre autres vers les États-Unis? Plusieurs témoins nous ont dit qu'il y avait présentement plusieurs biens mobiliers qui étaient partis vers les États-Unis. Y a-t-il un moyen quelconque, juridique, d'arriver à une dénonciation concernant les biens mobiliers?

M. Frenette (François): Je pense que ce qui est présenté dans le mémoire de la chambre comme un perfectionnement qu'on pourrait apporter concernant les biens classés s'applique tant aux biens meubles qu'au biens immeubles, là. C'est déjà prévu, pour les biens qui ont fait l'objet d'une reconnaissance, qu'il doit y avoir dénonciation de l'aliénation au préalable. Mais, là où la chambre estime qu'on devrait aller plus loin, c'est non seulement pour les biens culturels, là, ou les biens reconnus, mais également pour les biens classés, mais c'est avant même... Après la dénonciation, on devrait avoir cette étape supplémentaire qui est postérieure à simplement dire au ministre: Oui, oui, oui, je veux vendre. C'est: À qui? À quelles conditions? Alors, ça pourrait s'appliquer tant aux biens meubles qu'aux immeubles. Tout propriétaire d'un bien classé ou reconnu devrait avoir l'obligation non seulement de dénoncer son intention de vendre, mais également celle des conditions afférentes de la personne intéressée à acheter, toutes les conditions monétaires, financières et ce qu'il veut en faire.

n(12 h 10)n

M. Marsolais (Denis): Pour que le ministre soit en position de juger de l'éventuelle pérennité de cet objet-là, qu'il soit meuble ou immeuble, là. Est-ce que l'éventuel acquéreur l'achète pour le démolir, lorsqu'on parle d'un immeuble? Est-ce qu'il l'achète pour... Donc, ça pourrait assurer le fait que le patrimoine religieux pourrait être conservé. Ça, c'est une chose.

D'autre part, dans un monde idéal, on ne devrait pas avoir à déterminer quel bien doit être conservé par rapport à tel autre. On devrait tous les conserver. Mais nous ne sommes pas, malheureusement, dans un monde idéal, et c'est la raison pour laquelle, je pense, il vaut mieux avoir une approche réaliste et peut-être politiquement un peu plus difficile, hein, mais il vaut mieux être réaliste puis dire: On ne pourra pas conserver l'ensemble des églises au Québec, surtout si, comme Me Frenette le mentionnait, il y a, parmi les églises, dans le patrimoine actuel, il y a peut-être, je ne sais pas, moi, de façon tout à fait hypothétique, une dizaine d'églises qui se ressemblent, de la même époque, le même style, etc. Peut-être que la décision va être plus difficile à prendre de choisir une ou deux églises à conserver puis dire: On va mettre nos énergies et surtout nos sous dans la préservation de ce type de bâtiment plutôt qu'un autre. Mais encore une fois ce n'est que d'avoir une approche plus réaliste.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Moreau: Merci, M. le Président. C'est toujours un plaisir d'accueillir le président de la Chambre des notaires, particulièrement lorsqu'il est question de discuter de la situation des biens meubles et immeubles ? les notaires sont là au premier chapitre ? et Me Frenette, un autre professeur de l'Université Laval. Je ne sais pas si c'est parce qu'on parle de patrimoine religieux et que l'Université Laval est la seule qui détient une charte papale, on a plus de professeurs de l'Université Laval. Ils se rapprochent peut-être plus du religieux. Mais c'est toujours très agréable d'avoir des gens du corps professoral de l'Université Laval et ça nous rappelle de bons souvenirs.

Je fais du millage un peu sur la dernière question du président. Et là on parle des biens classés, hein, on fait... Vous avez une approche assez cartésienne, alors on va y aller comme ça, parlons des biens classés. Quelle serait la conséquence de ce que vous suggérez, c'est-à-dire de permettre à l'État, au ministre par exemple, de s'enquérir des conditions de l'acquéreur éventuel, de la situation juridique ? vous allez plus loin ? économique de l'acquéreur éventuel, si ce droit-là n'est pas accompagné ? et l'expression n'est pas juste ? d'une espèce de droit de suite? Parce que, moi, je pourrais être l'acquéreur éventuel, avoir, au plan financier, un très bon dossier, avoir, au plan de mon objectif immédiat, un objectif qui correspond aux critères ou aux visions du ministre sur le bien classé, mais par la suite le revendre à un tiers ou encore vivre une situation économique qui se dégrade et finalement qui aurait des conséquences, alors que j'en suis toujours le propriétaire, qui iraient à l'encontre de la protection que vous suggérez.

M. Frenette (François): Bien, je pense... Comment je pourrais dire, là? Simplement le fait d'introduire un droit de suite ne règle rien parce que, lorsqu'on a mentionné, il y a quelques instants, que tout projet d'aliénation doit être dénoncé et le ministre doit avoir également, par l'entremise des personnes qui l'assistent, la possibilité de vérifier les intentions de l'acheteur et ses moyens, ça, ça ne change rien au fait que le bien demeure soit classé soit reconnu, et la loi continue de s'appliquer pleinement quant à ce qu'il est permis ou interdit de faire avec ce bien-là. Et, s'il est classé ou s'il est reconnu, bénéficie d'une reconnaissance dès l'abord, en vertu des articles 15 et 24, là, c'est prévu qu'il est d'intérêt public qu'il doit être conservé.

Et, si éventuellement, effectivement, il y a une aliénation, le bien ne change pas de qualification. Le nouvel acquéreur subit des difficultés d'ordre financier, il veut s'en départir d'une manière quelconque, il va avoir l'obligation encore là de dénoncer ses intentions de vente, de révéler où il veut s'en aller. Et, si on juge qu'il y a péril, entre en ligne, à ce moment-là, le transfert dans la fiducie d'utilité sociale où le fiduciaire n'accumulera pas ad vitam aeternam les biens en question, meubles ou immeubles, mais il va chercher une solution viable, pérenne, en matière de conservation, trouver un nouvel acquéreur, peut-être trouver une nouvelle utilité, etc., mais toujours en ayant à l'esprit que le bien demeure un bien classé, reconnu en vertu de la Loi sur les biens culturels, protégé déjà par bon nombre de dispositions qui sont là.

M. Moreau: Et dans votre esprit ce transfert à la fiducie pourrait s'opérer même en l'absence d'une intention de transaction. Dans le cas où le propriétaire du bien voit sa situation économique se détériorer, on pourrait avoir la saisine du bien par la fiducie lorsqu'un risque de perte ou de détérioration est constaté.

M. Frenette (François): Bien, je pense que... Un instant. Avant que le fiduciaire puisse prétendre, relativement à un bien qui n'est pas encore transféré dans son patrimoine, qu'il y aurait un droit de saisie, c'est peut-être aller trop loin. Déjà, la personne n'est pas autorisée à aliéner, sans même tenir compte de ce qu'on n'est pas autorisé à aliéner, pour un bien reconnu, sans d'abord avertir. Alors, si, au ministère, on ne fait pas le travail, bien ça, c'est une autre histoire. Alors, après ça, est-ce qu'on est capable de récupérer des biens? Il est toujours possible d'aller le rechercher par voie d'une expropriation ou par d'autres moyens.

M. Moreau: Sans saisie.

M. Frenette (François): Sans saisir. Sans saisir.

M. Marsolais (Denis): Et de toute façon la personne qui possède un bien, et qui n'a pas les moyens de l'entretenir, et que ce bien-là se détériore aura tout avantage à dénoncer au ministre son intention de se départir de ce bien-là, plutôt que... Bien, il va perdre une valeur financière, donc elle va le dénoncer aussitôt constatant son incapacité, et là le ministre pourra se porter acquéreur, s'il le juge opportun.

M. Moreau: Conséquent avec l'approche pratique.

M. Marsolais (Denis): Tout à fait.

M. Moreau: O.K. Maintenant, parlons des autres biens. Là, on a votre opinion sur les biens classés. Pour les autres biens, j'essaie de suivre votre raisonnement dans le chapitre Qui le conservera? Vous dites... Vous ne remettez pas en question le droit de propriété. Vous êtes d'accord avec l'opinion du Pr Caparros qui dit: Bon, ça appartient... étant que c'est un lieu de culte, l'obligation de l'entretenir doit appartenir à son propriétaire. Et, seulement lorsqu'on a des biens classés, bien là vous dites: Il y a un pourcentage qui appartient à l'État. Donc, vous mettez en lien, là, la Loi sur les biens culturels et vous dites: Voici la façon dont les choses doivent fonctionner.

Quand vous arrivez à la question de la fiducie, et là, moi, il y a une phrase qui m'a frappé, là, à la page 11 de votre mémoire, vous dites: «...l'État et les municipalités n'ont pas forcément vocation à collectionner et détenir à demeure des biens, immobiliers notamment, dont les propriétaires ne veulent plus en raison de la lourdeur des charges qu'ils représentent.»

Dans l'opinion de la chambre, cette fiducie, là, elle ne deviendrait pas détentrice ? je pense que c'est l'expression qu'on doit utiliser pour un fiduciaire ? d'un grand nombre de biens, mais ce serait... Dans le fond, vous ne voulez pas en faire une vitrine de collectionneur. Vous dites: A priori, ça appartient au propriétaire, l'obligation de les entretenir, et, patrimoine religieux ou pas, on ne doit pas commencer à en faire une grande collection parce que ce n'est pas la vocation première de l'État, puis ce n'est pas la vocation première, puis on ne doit pas utiliser les deniers publics pour faire une vitrine de collection. Et ça, c'est votre approche pragmatique, et donc, en ce sens-là, vous dites: La fiducie, là, son rôle ou l'étendue des biens sur lesquels elle aurait juridiction serait relativement et devrait être maintenue relativement faible. Est-ce que je comprends bien cette approche?

M. Frenette (François): Pourriez-vous répéter votre dernière phrase?

M. Moreau: C'est-à-dire que ce que la fiducie finalement va détenir, ça va être peu de choses mais des choses de très grande valeur de protection, plutôt que de devenir une espèce de lieu commun de collection à partir du moment où ces biens-là ne sont plus utilisés par leurs propriétaires d'origine.

M. Frenette (François): La fiducie d'utilité sociale, tel que le mémoire le préconise, c'est comme un véhicule de transit, si vous voulez. Il est certain que des biens qui appartiennent déjà à l'État, par exemple des biens culturels classés, reconnus, etc., on peut les placer dans les musées ou on peut en faire des sites qui sont ouverts au public, déjà. Bon. Mais ceux qui n'appartiennent pas à l'État et qui méritent d'être conservés, suivant les critères prévus à la Loi sur les biens culturels, bien, à ce moment-là, on ne peut pas créer 36 musées pour en accueillir plus, surtout si on répète les mêmes choses. Puis en même temps, bien, l'État a déjà rempli son rôle en étant lui-même propriétaire de certains biens.

Alors, tout ce qui arrive pour le reste, là, c'est en surabondance, et l'État ne devrait pas être considéré comme étant tout simplement... Si vous n'êtes pas capables de vous occuper de vos biens, envoyez-les à l'État, hein? Si vous n'êtes pas capables, pour des raisons x, notamment probablement beaucoup d'imprévoyance, en tout cas tous les... Je ne veux pas revenir sur toutes les raisons qui font qu'il y a des difficultés aujourd'hui, on les connaît, alors ça ne donne rien de jeter la pierre. Le fait est qu'il y a des difficultés de conservation, et on ne doit pas avoir en tête, comme solution, que c'est l'État qui va tout absorber. L'État devrait être capable de prévoir des mécanismes pour absorber temporairement ces biens-là et les diriger ensuite à l'avenir avec des moyens aptes à assurer cet avenir-là et cette survie-là.

n(10 h 20)n

Et donc la fiducie d'utilité sociale, c'est un véhicule transitoire où on dit: Bon, bien, ce n'est pas dans la poche du gouvernement, ou dans le patrimoine, ou dans le portefeuille du gouvernement, c'est dans cette fiducie-là. Le fiduciaire, il n'est pas là pour faire grossir sa fiducie, il est là pour trouver une solution à ce bien-là. C'est d'assurer sa destination. Et les fiducies sont, au Code civil, des techniques juridiques à but, elles visent un but... On a des fiducies personnelles, pour le bien-être personnel d'une personne, des fiducies d'intérêt privé ? placements ou autre, ça pourrait être ça ? puis il y a des fiducies d'utilisation sociale à caractère plus général. Alors, c'est, nous semble-t-il, un véhicule idéal non pas pour encore, je le répète, accumuler, mais faire en sorte que tout le monde participe, notamment les propriétaires, avec l'aide, le soutien et les moyens qu'on peut aller chercher également, mais pas tout le temps, à l'État.

M. Marsolais (Denis): On a parlé de surabondance des biens, dans le cas du patrimoine religieux, surtout, je vous dirais, au niveau de la pertinence de bien classer les biens et de choisir des biens qui soient sous le joug de la Loi sur les biens culturels. C'est là où on a dit: Ce n'est pas le rôle... puis ce n'est pas une façon de faire en sorte de conserver tous les biens. On va privilégier des biens, on va avoir un éventail de biens qui va correspondre à l'apanage du patrimoine religieux, qui va bien représenter notre histoire à ce niveau-là, mais on va quand même choisir des biens. Et c'est là surtout, à ce moment-là surtout, dans le mémoire, je pense, où on a parlé de surabondance. L'utilité de la fiducie va être là pour reprendre les biens, dans le cas où les acquéreurs éventuels ou un organisme veut s'en départir, n'a pas d'acquéreur, va trouver des solutions pour le remettre dans le domaine privé, mais pas pour le conserver à des fins publiques.

Le Président (M. Brodeur): Oui. Me Frenette.

M. Frenette (François): Complément d'information sur ça. Il est certain que la fameuse fiducie d'utilité sociale, en soi, ce n'est pas une garantie que tout va bien aller. Il ne faut pas oublier le reste, là: contribution ou établissement d'un fonds de prévoyance, fonds de dotation. Puis après ça, bien, c'est le travail que va faire le ou les fiduciaires. Mais c'est tout ça combiné qui augmente les chances d'assurer la survie de ces biens-là.

Le Président (M. Brodeur): Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger: Oui. Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Merci beaucoup de votre mémoire. Moi, j'aimerais poursuivre dans la fiducie, là. D'abord, dans toute la problématique du patrimoine religieux, là, qu'on vit, dans le fond vous suggérez quand même qu'il est souhaitable, dans la situation telle quelle, qu'il y ait une fiducie d'une part et qu'elle soit plutôt d'utilité sociale. Parce que vous avez fait la distinction, tout à l'heure, un peu, utilité sociale mais toute la partie aussi utilité privée. J'aimerais que vous soyez plus explicites dans sa composition, sa mission, son financement, de cette fiducie-là, d'une part. Bon. La discussion avec le député, particulièrement sur le... peut-être plus que cette fiducie soit plutôt un véhicule transitoire, donc davantage assurer plutôt la destination, je me pose des questions, je fais le lien, là, avec, dans votre mémoire, toute la dimension d'intérêt public. Parce que c'est quand même la base, je pourrais dire, de toute la réflexion et les commentaires que vous apportez aujourd'hui. Mais, l'intérêt public, est-ce qu'à travers tout ça c'est l'État qui le caractérise, l'intérêt public? Comment vous voyez toute la participation citoyenne autant au niveau de la fiducie, autant au niveau de l'intérêt public et autant, dans votre conclusion, sur les formes de collaboration que vous y voyez? Je mets beaucoup de choses, là, mais c'est pour faire le lien.

M. Frenette (François): Merci. Disons dès le départ que, si le mémoire de la chambre a comme pierre angulaire l'intérêt public, c'est parce que la Commission de la culture a elle-même invoqué l'intérêt public. Ensuite, si c'est la pierre angulaire, c'est également parce que la conservation des biens composant le patrimoine religieux correspond aux définitions qu'on trouve à l'article 1 de la Loi sur les biens culturels et que deux formes de sauvegarde ou de conservation sont basées sur l'intérêt public. Alors, la chambre a assis son mémoire sur l'intérêt public, mais ce n'est pas à elle à déterminer ce qu'est l'intérêt public. Lorsqu'on indique, aux articles 15 et 24 de la Loi sur les biens culturels, qu'un bien peut être reconnu par le ministre et, quand il est reconnu, c'est parce qu'il est d'intérêt public de le conserver, bien je pense que c'est assez difficile pour nous de dire, la chambre, comment le ministre va trouver comment il va justifier son intérêt public. C'est son problème, et puis il a déjà à le faire.

Pour votre deuxième partie de la question: Mais quelle serait la participation du public, d'une façon ou l'autre, dans le rôle que la fiducie peut exercer?, bien je pense peut-être que ce n'est pas suffisamment mis en exergue dans le mémoire. Mais il est certain que le ou les fiduciaires, parce que ça va être une tâche énorme, ça, je doute qu'un seul puisse le faire... Il y aura probablement... Je vois idéalement trois fiduciaires, à tout le moins, avec un personnel à leur disposition. Je pense qu'au départ il va falloir la créer, cette fiducie. Elle va se faire par le transfert de biens que l'État détient actuellement ? peut-être que ça prend juste deux, trois biens, un calice ou n'importe quoi, juste pour la partir ? et puis, une fois qu'elle est établie, après ça elle peut recevoir ce que des particuliers ou des institutions religieuses ne sont plus en mesure de conserver. Mais, avant...

Mme Léger: Vous ne voyez rien que les bâtiments?

M. Frenette (François): Non, non. Meubles et immeubles.

Mme Léger: Meubles et...

M. Frenette (François): Meubles et immeubles. Mais, avant que le fiduciaire décide que telle transaction, avec telle personne, pour l'aliénation de ce bien-là, dans telles conditions, avec telle vocation pour l'avenir ? je ne sais pas, moi, dire: On va transformer telle église en foyer d'accueil, si c'était possible, une autre fois, ça peut être un type de copropriété, d'autre chose, n'importe quoi ? je pense qu'il faut lui imposer une obligation de consultation, de consulter le milieu environnant. Ça ne lui donne rien de consulter la province. Si l'église est située dans la paroisse de Saint-Glinglin, on va consulter les gens de Saint-Glinglin. Je pense que cette obligation-là devrait lui être imposée dans la charte constitutive de la fiducie. Je ne sais pas si ça répond suffisamment à votre question?

Mme Léger: Mais vous avez élaboré qui pour la fiducie? Vous avez parlé de trois personnes. Lesquelles voyez-vous? Et je veux faire le lien avec le rôle de la Fondation, telle quelle, du patrimoine.

M. Frenette (François): Bien, je pense que la... De la fondation qui existe actuellement? Oui. Elle n'est pas détentrice de biens, elle n'a pas pour fonction de détenir de biens. Elle avait pour fonction d'identifier, d'énumérer, de classer et de faire l'inventaire, etc. Elle peut continuer à faire son oeuvre. La fiducie vise autre chose. Elle vise à régler le problème qui survient, pièce à pièce, à chaque fois qu'un propriétaire d'un bien reconnu ou classé n'est plus à même d'être capable de le conserver. Alors, qu'il y ait d'autres institutions autour qui s'occupent du patrimoine religieux, pas de problème. Cette fondation-là pourrait elle-même décider, si elle le veut, d'acquérir certains biens, classés ou non, je ne le sais pas, mais il ne faudrait pas confondre les rôles. La fondation a déjà sa charte, j'imagine, ou son document constitutif qui lui dit qu'est-ce qu'elle a le droit de faire, puis je ne pense pas qu'on envisage la même chose. Ce n'est pas la même problématique qui est envisagée.

Par les fiduciaires... Je dis «trois», je pense que... Un fiduciaire, c'est un administrateur du bien d'autrui. Alors, je pense que ça prend des administrateurs chevronnés, qui connaissent tous les rouages de la finance, du recyclement des biens meubles et immeubles, qui ont des entrées un peu partout, et puis qui sont imaginatifs, et puis dont la formation peut être en administration, en droit, en sociologie. Il n'y a pas de... Mais il faut qu'il soit d'abord et avant tout un bon administrateur, conscient de ce qu'il doit faire avec le bien, c'est-à-dire ne pas s'asseoir dessus, faire en sorte qu'on trouve à le recycler dans la communauté. Ça ne donne rien d'avoir des biens qui ne servent à personne. Il faut qu'ils servent à quelqu'un.

M. Marsolais (Denis): Dans le fond, le fiduciaire est plus un gestionnaire, dans ce cadre-là, qu'un expert en objets religieux par exemple.

Le Président (M. Brodeur): Avant de continuer, Mme la députée, j'ai besoin d'un consentement pour dépasser l'heure, imposée par la Chambre, de 12 h 30. Est-ce qu'il y a consentement?

Des voix: Consentement.

Le Président (M. Brodeur): Parfait.

Mme Léger: Je veux juste revenir sur la Loi sur les fabriques. Vous avez parlé un petit peu de modifier... en tout cas le rôle des marguilliers devrait être plus élargi, tel quel. Est-ce que, dans la Loi sur les fabriques, vous trouvez qu'il faut la refaire au complet? Je veux dire, vous avez dit: La réviser... la réécriture de la Loi sur les fabriques. Est-ce qu'il y a des choses plus précises que vous voulez...

M. Frenette (François): C'est très simple, dans le fond. Ce n'est pas... D'abord, je n'ai pas entendu l'intervention de mon ex-collègue, Ernest Caparros, mais je pense qu'il a démontré ou a tenté de démontrer ? c'était assez facile à mon avis ? que les propriétaires des biens étaient la fabrique. Bon. Alors, si on regarde la Loi sur les fabriques, il y a du bon dans ça, il y avait des choses intéressantes. Mais je pense que c'est le reflet d'une époque un peu révolue où on avait l'impression que les paroissiens n'étaient pas à même... ne disposaient pas des moyens ou de l'intelligence qu'il fallait pour décider eux-mêmes de l'avenir des biens de la fabrique. Et c'est toujours l'évêque, hein? Alors, je pense qu'on a évolué, au Québec, un petit peu et je pense que l'évêque pourrait avoir un rôle consultatif au lieu d'avoir un rôle décisionnel.

Et il suffit d'aller aux articles où on mentionne les pouvoirs de l'évêque, 16... 18 et suivants par exemple, puis au lieu d'avoir: «Toute fabrique a les pouvoirs, droits et privilèges des corporations[...]; elle peut spécialement pour [des] fins...» puis faire... etc., on a juste à enlever qu'ils doivent avoir l'autorisation préalable de l'évêque. Vous enlevez ça, vous lui laissez une voix consultative. Il faut toujours qu'ils consultent l'évêque. Mais ce sont les marguilliers qui vont décider, après qu'ils auront fait une consultation auprès de l'assemblée des paroissiens. Il me semble qu'ils sont assez adultes et matures pour prendre des décisions comme ça, et l'évêque, avec son expérience, pourra dire: Bien, écoutez, il faut faire attention à ci, il ne faut pas oublier ça. Très bien, mais la décision...

Mme Léger: ...conflit avec le droit canonique, ça?

M. Frenette (François): Bien...

Mme Léger: Vous n'êtes pas un spécialiste du droit canonique, là, mais...

M. Frenette (François): Mon problème n'est pas avec le droit canonique, puis je pense que la question de savoir si l'évêque doit consulter avant, bien, lui-même, il ira consulter avant de donner sa propre consultation. Je veux dire, je pense qu'on ne devrait pas s'enfarger dans les fleurs du tapis.

M. Marsolais (Denis): Toujours sur le droit de propriété, je pense que ça a été clairement établi, c'est à la fabrique. Donc, ça devrait être les organes de cette fabrique-là, le démembrement de cette fabrique-là, qui devraient être en mesure de décider de disposer, de conserver, d'entretenir, d'une façon ou d'une autre, les objets dont ils sont propriétaires. Sinon, on vient un peu entacher le droit de propriété au Québec.

Mme Léger: Et est-ce que la composition de la fabrique... Parce que, là, il y a des administrateurs, il y a des gens qui sont venus nous suggérer que ce soit plus élargi aux paroissiens, là.

M. Frenette (François): Juste avant, on va reculer d'une case. Il est certain que, si la loi était amendée simplement pour faire en sorte que l'évêque ait un pouvoir consultatif, bien là je ne pense pas qu'on puisse prétendre après ça que c'est contre... qu'il y a un arrimage qui n'est pas complet avec le droit canonique. Le droit canonique va devoir se ranger. Je pense que, quand le législateur parle, c'est ça qui va l'emporter, ce n'est pas le droit canonique.

Deuxième chose, est-ce qu'il devrait y avoir plus de marguilliers? Bien ça, c'est très difficile à dire. Il faut prendre en compte que les pratiquants ou les personnes qui pratiquent encore, qui exercent leur religion et qui suivent les offices de toutes sortes sont en nombre réduit. Alors, c'est très difficile de dire: On va augmenter de façon systématique ? il faudrait y réfléchir ? le nombre des marguilliers parce qu'on a peur que peut-être qu'une petite clique pourrait contrôler. Il faut d'abord s'assurer qu'il y ait toujours consultation de l'assemblée des paroissiens.

Une voix: C'est ça. C'est l'assemblée des paroissiens qui...

M. Frenette (François): Et la décision viendra par la suite par les marguilliers qui sont les administrateurs de la fabrique qui, elle, est propriétaire des biens.

Mme Léger: On parle de citoyens, mais on parle aussi d'organismes ou des gens du monde de la culture, ou des gens du patrimoine qui trouvaient intéressant de participer dans le conseil de la fabrique.

M. Frenette (François): Parfait, ça. Oui.

Mme Léger: Alors, je ne parle pas juste de citoyens, là, je parle aussi d'organisations.

M. Frenette (François): Oui. La participation, pas de problème, je pense qu'il faut l'encourager. C'est avec des échanges, des discussions que finalement les choses arrivent à être mieux perçues. Mais, à un moment donné, il y a une décision qui doit être prise, puis je ne pense pas qu'elle puisse être prise en grande assemblée délibérante, là, de 57 personnes.

Le Président (M. Brodeur): Oui, allez-y.

M. Dion: Merci beaucoup, M. le Président. Je vous remercie de votre présentation. Avec ce que vous nous apportez et ce qui nous a été apporté, cet avant-midi, par les autres, avec tous ces concepts-là, on a pas mal d'instruments de travail pour faire un bout de chemin, je pense. Dans la pratique, évidemment il y a toujours le problème que, pour revenir à ce que vous disiez juste avant que je prenne la parole, la fabrique et les marguilliers ont la propriété, donc la responsabilité d'assurer le bien et sa conservation, et tout ça. Mais les marguilliers, le problème qu'ils ont, c'est un problème d'argent, et les marguilliers n'ont pas de pouvoir de taxation. Alors, évidemment, on peut dire: Bien, qu'ils transfèrent ça à leur fiducie. Maintenant, évidemment, ce n'est pas si simple non plus. Et puis je suis vraiment très sensible à ce que vous avez expliqué à l'effet qu'on ne devrait pas créer une fiducie qui soit un immense hangar pour tout conserver ce qui existe. Bon. Et je pense qu'on partage en général cette perception-là.

Alors, dans ce contexte-là, dans le projet de former une fiducie, devrait-il y avoir un lien particulier, pas seulement avec la fabrique, mais avec la municipalité locale, pour assurer qu'une partie de la responsabilité de la fabrique qu'elle n'est pas capable de remplir parce qu'elle n'a pas de pouvoir de taxation soit assumée obligatoirement, obligatoirement, au moins de façon transitoire, par la municipalité locale?

M. Frenette (François): Je ne suis pas certain d'avoir bien compris votre question, alors je vais vous dire ce que j'en perçois. Si le bien classé ou reconnu n'a pas été transféré encore à la fiducie d'utilité sociale, je ne vois pas de nécessité de lien de travail quelconque, là, avec la fabrique, là. Le problème n'est pas encore dans le panier des fiduciaires, le problème est encore entier entre les administrateurs de la fabrique. Je comprends qu'ils ont des difficultés, notamment parce qu'ils n'ont pas de pouvoir de taxation et qu'en plus les collectes de toutes sortes donnent des résultats de plus en plus faibles. Mais je pense que la fiducie ne devrait pas être associée à ça de manière à croire qu'il y a des argents dans la fiducie qui pourraient être avancés. Nous ne percevons pas le rôle de la fiducie à ce stade-là.

Je pense que, s'il y a déjà des difficultés pour assurer la conservation, bien il doit d'abord y avoir une prise de conscience de qu'est-ce qu'on peut faire à l'échelle locale. Quels sont les moyens? Est-ce qu'on est capables de passer à travers? Et, si le constat, c'est: Oui, on va faire un nouveau bingo, on va faire une nouvelle collecte, ou on va trouver un nouveau bienfaiteur, ou je ne sais pas quoi, tant mieux. Mais, si on ne peut pas, bien je pense que ce n'est pas... je n'envisage pas que la fiducie ? puis je ne veux pas me prononcer, là, sur qui d'autre devrait le faire ? devrait avancer de l'argent à des fabriques pour assurer la conservation. Il y a déjà de prévu qu'il doit y avoir un fonds de prévoyance de prévu dans tous les cas déjà, et ce fonds-là serait alimenté en partie par l'État. Alors ça, ça devrait répondre à la question, et c'est par ce biais-là que les choses devraient arriver, et non pas par le biais d'une contribution venant de la fiducie d'utilité publique.

M. Dion: Et ça, pour toutes les fabriques du Québec?

M. Frenette (François): Non, non. L'approche qui est envisagée, c'est un fonds de prévoyance pour tous les biens classés ou reconnus. L'argent ne va pas à la fabrique. L'argent va en fonction... dans le fonds qui est prévu pour la conservation de biens identifiés, pas dans les coffres de la fabrique, où on va avoir de la difficulté à suivre l'argent puis à savoir si effectivement il a servi aux fins pour lesquelles il y a eu des déboursés. Les problèmes de la fabrique, c'est une chose. Les problèmes de conservation des biens appartenant à la fabrique, c'est autre chose.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Malheureusement, c'est tout le temps que nous avons. On vous remercie de votre intervention. D'ailleurs, comme vous voyez, vous avez déjà suscité la réflexion.

Donc, je vais ajourner nos travaux à 14 heures, cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 39)

 

(Reprise à 14 h 9)

Le Président (M. Brodeur): Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Si vous voulez bien fermer les portes, qu'on les attrape vivants.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Brodeur): Donc, nous allons continuer nos travaux. Et nous allons accueillir en premier lieu la Fédération québécoise des municipalités. Donc, je les invite à prendre place. M. Garnier et M. Charland, n'est-ce pas? Bienvenue en commission parlementaire. J'imagine que vous avez déjà déposé des mémoires en commission parlementaire? Oui? Donc, je vous explique brièvement la façon dont on procède. Vous avez un temps maximal de 20 minutes pour présenter votre mémoire de la façon que vous jugerez à propos. Et, si jamais vous vous rendez à 18, 19 minutes, vous allez voir le président gesticuler pour vous faire signe qu'il faut conclure. Et, à la suite de ça, il y aura une période d'échange avec les membres de la commission.

n(14 h 10)n

Donc, je vous demanderais tout d'abord, pour le bénéfice du Journal des débats, de vous identifier et de procéder immédiatement à la présentation de votre mémoire. La parole est à vous.

Fédération québécoise
des municipalités (FQM)

M. Garnier (Charles): Bonjour, M. le Président, membres de la commission, mon nom est Charles Garnier. Je suis préfet élu au suffrage universel de la MRC des Pays-d'en-Haut. Je suis également vice-président de la Fédération québécoise des municipalités. Et je suis accompagné de M. Guy Charland, qui est conseiller en recherche et politique et responsable de ce dossier à la Fédération québécoise des municipalités.

Permettez-moi d'abord de remercier les membres de la Commission de la culture de l'opportunité qui m'est offerte de soumettre les commentaires de la Fédération québécoise des municipalités sur le patrimoine religieux du Québec. La sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine religieux est une question qui intéresse et implique au premier chef bon nombre de nos membres.

La FQM est une association qui regroupe plus de 915 municipalités et la presque totalité des MRC. Elle représente plus de 7 000 maires, préfets et conseillers municipaux, qui ont été élus par plus de 3 millions de nos concitoyens, vivant sur la plus grande partie du territoire habitable. Dans le cadre de sa mission, elle joue un rôle stratégique d'influence auprès des instances politiques et des acteurs socioéconomiques afin d'assurer l'occupation dynamique du territoire québécois.

La FQM étant la porte-parole de la majorité des élus locaux et régionaux du Québec, elle est beaucoup plus qu'un lobby d'intérêts particuliers, et ses élus sont en grande partie issus du monde rural, où se trouve une partie importante du patrimoine religieux québécois.

La commission souhaite que ses travaux suscitent une mobilisation et une concertation des acteurs concernés dans la définition de solutions face à l'ampleur des besoins et des défis posés au patrimoine religieux. Elle entend aborder sa réflexion sous l'angle de la préservation du patrimoine collectif et d'un partage des responsabilités. La FQM souhaite participer à ces travaux et espère enrichir... en présentant le point de vue et la réalité des municipalités, qui sont des actrices de premier plan dans ce dossier.

Le document de consultation de la commission fait état d'au moins 4 000 bâtiments culturels et ensembles institutionnels à vocation religieuse ou sociale au Québec. A priori, quelque 222 lieux de culte et presbytères font l'objet d'une protection en vertu de la Loi sur les biens culturels. L'ethnologue Jean Simard, dans son livre Le Québec pour terrain ? Itinéraire d'un missionnaire du patrimoine religieux, retrace près de 3 000 églises catholiques ou protestantes, presque autant de presbytères et de cimetières. Il y dénombre plus de 1 100 couvents, monastères, hôpitaux et collèges, sans compter les écoles de rang. Enfin, il a recensé, dans le Québec, autour de 3 000 croix de chemin et calvaires, en plus d'un millier de chapelles et d'oratoires.

La préservation de ce patrimoine pose un défi de taille auquel nous, Québécois, nous devons de répondre. Or, les moyens financiers pour le relever manquent cruellement. Ni l'État, ni les municipalités, ni la population n'ont les moyens de tout conserver. C'est-à-dire que des choix sont à faire.

J'aborderai donc, au cours de ma présentation, la place de la municipalité dans la protection et la gestion du patrimoine religieux ainsi que la question du financement pour la préservation du patrimoine bâti. Je précise à ce sujet que, bien qu'il existe d'autres types de patrimoine, mobilier, archivistique et immatériel, la FQM comprend que les municipalités rurales sont davantage sollicitées par le milieu pour protéger et mettre en valeur les biens immobiliers de proximité et certains biens meubles, tels que les croix de chemin, calvaires et cimetières. Très diversifié, le patrimoine québécois comprend de grandes catégories de thèmes, de biens et de territoires. À ce sujet, le Répertoire des biens culturels et arrondissements du Québec contient une abondante documentation à l'instar d'autres publications, d'études et de collections. Les intervenants, dans ce domaine, sont nombreux.

Le ministère de la Culture et des Communications y consacre des ressources pour assurer sa conservation. En outre, il a mis en place divers programmes de soutien au recyclage ou à la restauration du patrimoine religieux. Le ministère a fait appel à la Fondation du patrimoine religieux du Québec pour l'appuyer, ce qui lui a permis de consentir quelque 135 millions de dollars à la restauration. Depuis 1972, la Commission des biens culturels du Québec, qui a remplacé la Commission des monuments historiques, veille à la conservation des biens culturels et donne des avis à la ministre. À tout cela s'ajoute la Loi sur les biens culturels, pièce maîtresse de l'intervention de l'État dans la reconnaissance ou le classement des biens immobiliers.

À titre d'intervenant au niveau local, il y a aussi la municipalité. Le cadre législatif lui confère le pouvoir d'adopter des politiques culturelles et du patrimoine, d'affecter le territoire pour y préserver le patrimoine bâti et paysager, d'assujettir la délivrance d'un permis de construction à l'approbation de plans relatifs à l'implantation et à l'architecture des constructions, de prescrire des mesures relatives à l'entretien des bâtiments et, depuis 1986, de citer un monument ou de constituer en site du patrimoine leur territoire. Peu de municipalités se sont prévalues, à ce jour, de ce droit, notamment, constate-t-on, parce qu'elles ne possèdent généralement ni les moyens techniques et financiers ni les compétences permanentes qui leur permettraient d'intervenir dans la protection et la mise en valeur de leur patrimoine. Par ailleurs, soulignons que de nombreux efforts ont été consentis par le milieu municipal pour promouvoir le patrimoine depuis près de sept ans. C'est ainsi que l'on dénombre environ une centaine d'animateurs-coordonnateurs, appuyés financièrement par le ministère de la Culture et regroupés dans le réseau Villes et villages d'art et de patrimoine. Enfin, rappelons que le ministère peut soutenir les municipalités pour des projets en patrimoine.

Malgré le flux de politiques, de règlements et de programmes de soutien, le lexique du ministère ne comprend pas encore de politique du patrimoine culturel. Pourtant, en 1987 s'est tenu un premier chantier en vue de l'élaboration d'une politique du patrimoine. La proposition du Groupe-conseil sur la Politique du patrimoine culturel déposée en 2000 attend toujours sa reconnaissance formelle.

La FQM croit que la Commission de la culture aurait dû mettre l'emphase sur l'émergence d'une telle politique comme complément à la politique culturelle du Québec, plutôt que de s'attarder à un des vecteurs du patrimoine. Nous pensons à une politique qui situerait les grandes orientations de l'État en matière de préservation et de mise en valeur du patrimoine culturel, religieux, paysager et autre, et qui identifierait la part des différents intervenants concernés par la politique, dont les instances municipales. Cette politique devrait également être assortie des conditions d'intégration architecturale lors du recyclage d'un bien immobilier. Finalement, cette politique édicterait par règlement les critères servant à la reconnaissance patrimoniale d'un bien matériel ou immatériel.

Ainsi, la Fédération québécoise des municipalités recommande à la commission que le ministère de la Culture et des Communications se dote prioritairement d'une politique du patrimoine culturel au Québec et mette en oeuvre un plan d'action visant notamment le patrimoine religieux; recommande à la Commission de la culture de requérir du ministère de la Culture et des Communications que la politique du patrimoine culturel fasse une place importante aux schémas d'aménagement des MRC en matière de planification, d'aménagement et de protection du patrimoine local.

De plus en plus de municipalités adoptent une politique culturelle et diversifient leur action en faveur de la culture et du patrimoine. À toutes ces politiques s'ajoutent les ententes de développement culturel entre le ministère et les municipalités locales ou la MRC. Cette mesure est privilégiée par le ministère depuis 1992, puisque l'entente englobe tous les aspects de la culture. Elle nécessite au préalable une politique culturelle. À notre connaissance, il existe plus de 60 de ces ententes.

n(14 h 20)n

La FQM encourage ses membres à agir précisément sur la culture et le patrimoine par l'adoption de politiques, la signature d'ententes de développement ou la mise en oeuvre d'une stratégie de développement du plein potentiel de la culture comme axe d'intervention économique ou social pour la communauté. Toutefois, nous devons rappeler à la commission que les ententes de développement ne peuvent et ne doivent pas déresponsabiliser l'État ni faire l'objet d'un délestage de responsabilités vers les municipalités. De même, une politique du patrimoine ne peut partager ou fractionner des responsabilités de gestionnaire du patrimoine entre l'État et la municipalité ou entre la MRC et la municipalité locale sans une acceptation commune. Aussi, la FQM signale son ouverture à aborder la question du partage de responsabilités dans la mesure où l'État l'intégrerait à un processus de décentralisation afin de répondre aux impératifs de l'occupation dynamique du territoire. Est-il utile de préciser que les ressources financières suffisantes et appropriées à l'exercice de nouvelles responsabilités municipales devraient alors être au rendez-vous?

Au plan national, la commission doit interpréter cette réflexion comme étant la volonté du pouvoir municipal d'engager un franc dialogue sur les responsabilités partagées en matière de culture et de patrimoine. Par ailleurs, la FQM ne nie pas que l'effort du milieu municipal soit nécessaire localement. Cependant, il se doit d'être le reflet de la volonté politique et d'un consensus du milieu auquel contribuent les élus.

À moins d'une décentralisation négociée, la FQM propose de miser sur les ententes de développement d'une durée de trois à cinq ans qui se fonderaient sur des préoccupations et des objectifs respectifs, tout en s'avérant être un moyen souple de concertation et de collaboration de gouvernement à municipalité.

Ainsi, la Fédération québécoise des municipalités recommande à la Commission de la culture d'insérer son approche dans la démarche initiée par la FQM dans le projet de loi-cadre sur la décentralisation; recommande également à la Commission de la culture que le ministère de la Culture et des Communications fasse la promotion, auprès des municipalités locales et des MRC, des ententes de développement pour protéger, mettre en valeur et faire connaître le patrimoine sous toutes ses formes; recommande à la Commission de la culture que le ministère de la Culture et des Communications mette en place un programme de soutien particulier consacré au patrimoine dans le cadre des ententes de développement pour faciliter la gestion du patrimoine local.

Il existe de nombreuses mesures d'aide gouvernementale directe quant à la possession ou aux interventions sur un bâtiment patrimonial et à la mise en valeur du patrimoine bâti. Citons le Soutien à la restauration du patrimoine religieux, au recyclage des édifices religieux patrimoniaux, à la Revitalisation des vieux quartiers, ainsi qu'aux municipalités pour des projets en patrimoine, et à la restauration des biens culturels. S'ajoute à cela la réduction de la taxe foncière pour les propriétaires qui ne bénéficient pas déjà d'une réduction d'impôt foncier. En complément de ces mesures, une municipalité peut accorder une aide financière pour la conservation, l'entretien, la restauration et la mise en valeur d'un monument historique cité en vertu de la Loi sur les biens culturels.

La Commission des biens culturels du Québec a publié, en mars 2003, un rapport sur les modes de financement du patrimoine bâti. Elle conclut, d'une part, que les modes de financement du patrimoine bâti sont nombreux, et variés, et généralement assumés par l'État. D'autre part, elle constate que la seule mesure fiscale, la réduction des impôts financiers, offre des avantages se limitant à un maximum de 50 % de la valeur des impôts financiers pour les seuls bâtiments classés. Outre ces modes de financement conventionnels, le rapport aborde des mesures alternatives conventionnelles de financement, dont le parrainage, les dons en nature, le partenariat, les concessions en matière de zonage et la corvée basée sur des échanges de services et de bons procédés. Pour la FQM, ces mesures dites alternatives méritent d'être substantiellement analysées.

Par ailleurs, le rapport de la Commission des biens culturels du Québec confirme qu'il n'existe aucun avantage fiscal pour les interventions sur un bâtiment patrimonial ni sur la mise en valeur du patrimoine bâti. La commission devrait investir ce champ. Quant au ministère de la Culture et des Communications, il devrait bonifier le programme Soutien aux municipalités pour des projets en patrimoine, volet 1, et poursuivre les ententes au-delà du délai imparti pour le programme Villes et villages d'art et de patrimoine avec les municipalités locales et les MRC.

La possession, l'intervention et la mise en valeur du patrimoine bâti s'appuient sur une aide gouvernementale directe. Cette aide doit être modulée en fonction des programmes et des enjeux les concernant. Toutefois, la FQM incite la commission à s'inspirer des initiatives étrangères pour suggérer des pistes de solutions proactives. La littérature européenne, particulièrement celle de la France, nous indique que les dispositions concernant le patrimoine religieux sont incluses dans celles sur le patrimoine culturel en général. On ne fait pas de différence entre l'héritage religieux et laïque pour ce qui est de la protection du patrimoine. Ainsi, est classé monument historique tout bien mobilier ou immobilier qui rencontre les critères prévus à cet effet. La responsabilité incombe à 100 % au propriétaire du bâtiment, que ce soit l'État, une collectivité locale ou un particulier. Malgré cette responsabilité quant à l'entretien des monuments historiques, d'importantes subventions et des programmes d'aide existent pour appuyer les propriétaires. De façon générale, les communes assumeraient le quart des coûts d'entretien des monuments historiques. L'exemple français pourrait peut-être inspirer les travaux de la commission.

En matière de financement, la Fédération québécoise des municipalités recommande une révision des programmes existants en matière de patrimoine, notamment le patrimoine religieux, afin de corriger les disparités, et une recherche de nouvelles sources de financement en complément des programmes existants. La fédération recommande d'examiner, à la lumière des expériences étrangères, des mesures fiscales qui faciliteraient l'intervention et la mise en valeur du patrimoine immobilier. La FQM recommande de maintenir le programme Villes et villages d'art et de patrimoine au-delà des six ans prévus au programme, dans une perspective de mise en valeur du patrimoine, dont le patrimoine religieux.

En résumé, comme le démontre le mémoire de la FQM, les programmes d'aide gouvernementale directe sont nombreux, mais ils doivent être révisés pour harmoniser les trois axes du patrimoine immobilier: possession, intervention et mise en valeur du patrimoine matériel et immatériel. D'une part, l'État doit demeurer le gestionnaire du patrimoine, notamment le patrimoine religieux, et en définir les grandes orientations. D'autre part, il doit favoriser toutes les formes de partenariat dans l'atteinte de ses objectifs. Ce partenariat avec la municipalité devrait transiger préalablement par l'entente de développement culturel. À ce titre, la FQM considère que le programme Villes et village d'art et de patrimoine pourrait être une solution à la pérennité du programme par la conclusion d'une telle entente. C'est une piste qui mérite d'être explorée, mais il faut assurer d'abord le maintien du programme au-delà du terme des six ans, puisque nous pensons que les efforts consentis depuis plus de sept ans pour la mise en valeur de la culture et du patrimoine seraient réduits à néant en plusieurs milieux. La FQM prêche pour cette mesure, puisqu'elle a permis l'émergence de plusieurs politiques culturelles dans les municipalités locales et MRC du Québec et d'ententes de développement culturel.

Somme toute, il n'est pas dans l'intention de la FQM d'aborder la question des responsabilités partagées en matière de gestion du patrimoine, à moins que l'État engage un véritable dialogue dans le cadre du projet de décentralisation, tel qu'il s'y était engagé dans le cadre du Forum des générations tenu à l'automne 2004. Néanmoins, l'État devrait se doter d'une politique sectorielle en vue de discriminer le patrimoine matériel et immatériel à classer, à préserver et à mettre en valeur. Ce défi est de taille, mais annonciateur des partenariats à définir et de la révision des programmes de soutien. La FQM entend participer aux consultations dans la mesure où les politiques, mesures fiscales et programmes de soutien auront un impact sur les municipalités et, par voie de conséquence, sur le fardeau fiscal des contribuables.

Alors, voilà, M. le Président, le mémoire que la FQM désirait présenter à la Commission de la culture. Je vous remercie de m'avoir entendu.

n(14 h 30)n

Le Président (M. Brodeur): Nous vous remercions également pour cette bonne présentation et la contribution que vous apportez à la réflexion de la commission parlementaire. Vous savez que, souvent et presque tout le temps, c'est l'argent qui est le nerf de la guerre, donc, lorsqu'on parle de protection du patrimoine religieux, il est fort probable et même très probable que la commission recommande des modes de financement pour la conservation de ce patrimoine-là. Naturellement, on sait très bien que les paliers de gouvernement ont des capacités limitées. J'imagine que vos membres également vous diront que, oui, ils sont prêts peut-être à donner un coup de main, mais dans une certaine mesure, pour le financement ou l'aide à la restauration ou la conservation du patrimoine.

Vous avez parlé abondamment de mesures fiscales. On en a parlé ce matin... hier plutôt, dans nos travaux, de mesures fiscales, en ce qui concerne un palier de gouvernement particulièrement, le gouvernement québécois. Mais, en ce qui concerne les mesures fiscales concernant les municipalités, j'aimerais savoir, selon ce que vous pensez et selon ce que vos membres peuvent penser des mesures qui pourraient aider à conserver ce patrimoine-là: Est-ce que vous pensez que l'unanimité de vos membres, ou non la grande majorité, ou la FQM elle-même recommanderaient des mesures qui seraient des exemptions de taxes pour favoriser la conservation de ce patrimoine religieux là, puisque tout d'abord... Donnons un exemple. Présentement, les églises ne paient pas de taxes, et, les recycler dans le privé, peut-on penser encore que, si nous favorisons la conservation d'un patrimoine important, d'un témoin de l'histoire, que les mêmes exemptions pourraient demeurer? Est-ce que vous seriez d'accord avec une telle proposition venant de la commission parlementaire?

M. Garnier (Charles): Je ne parlerais pas d'unanimité, M. le Président, parce que, vous savez, le Québec des régions, c'est grand. On a des petites municipalités qui sont peut-être moins en santé financière que certaines autres villes. Ce n'est pas partout pareil. Moi, chez nous, j'habite une région qui est peut-être plus avantagée que peut-être la Côte-Nord ou la Gaspésie. Il y a des efforts qui sont faits pour aider la conservation, la rénovation d'une église. Même nos élus s'y impliquent, travaillent pour peut-être des levées de fonds, contribuent à travers les différents budgets. Je ne vous dirais pas que... je ne pourrais pas m'avancer à savoir si vraiment il y aurait un consensus, en termes fiscaux, là, général. Il faudrait analyser, approfondir la question pour aller plus avant avec ça.

Le Président (M. Brodeur): Parfait. Et on parle aussi... bien, évidemment, lorsqu'on va parler de protection du patrimoine religieux, peut-être penserons-nous aussi à des critères, un programme avec des critères précis pour la protection de ce patrimoine-là. Est-ce que vous croyez également que les municipalités pourraient être partenaires dans l'application des critères de protection ou est-ce que ce serait le devoir d'un organisme gouvernemental seul ou un organisme qui pourrait avoir des mesures qui seraient partagées autant avec les municipalités que le gouvernement central pour faire appliquer des critères de protection à d'éventuels bâtiments d'ordre religieux?

M. Garnier (Charles): Comme on le dit, M. le Président, dans notre mémoire, là, on est prêts à collaborer avec le gouvernement dans la recherche de solutions. Il est bien évident qu'on parle depuis plusieurs années, depuis plus de 30 ans, au Québec, de décentralisation. Moi, ça fait longtemps, ça fait des années que je suis en politique, ça fait des années que je voudrais y croire, à la décentralisation. Je commence à y croire un peu moins, là, pour être bien franc. Je veux bien, moi, que les municipalités, que nos membres s'impliquent, là, dans des responsabilités qui seraient déléguées par le biais de la décentralisation, mais il faudrait que les enveloppes viennent avec, que les sous viennent avec pour s'avancer là-dedans.

Le Président (M. Brodeur): ...toujours croire. Plusieurs des témoins qui sont passés ici étaient, pour la plupart, des croyants, d'ailleurs.

Pour une prochaine question, Mme la députée de Bellechasse. Je crois qu'elle est prête pour une première question.

Mme Vien: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais ça vous entendre plus avant sur... Vous m'entendez mal, monsieur? J'aimerais vous entendre davantage sur ce que vous avez dit dans la lecture de votre document, en fait dans la présentation que vous en avez faite, quand vous dites: On n'est pas sûrs ? je le dis dans mes mots, là ? finalement que la cible de la Commission de la culture était la bonne, de s'occuper du patrimoine religieux plutôt que de s'occuper d'une politique du patrimoine culturel. Est-ce que j'ai bien saisi? C'est bien ce que vous avez dit?

M. Garnier (Charles): Si vous permettez, là, M. Charland est avec moi puis il est beaucoup plus familier avec le dossier.

Mme Vien: Je vous permets.

M. Garnier (Charles): Vous lui demanderez de vous analyser ça.

Mme Vien: Écoutez, je ne suis pas surprise nécessairement d'entendre ça, mais, nous, il y avait quand même un caractère urgent, hein? C'est la raison pour laquelle, chacun des parlementaires ici présents, on a décidé de se pencher sur cette question-là, parce que nous sommes constamment interpellés par nos citoyens dans chacune de nos municipalités, municipalités qui contiennent inévitablement un clocher. Alors, on a voulu se pencher rapidement et de façon urgente sur cette question-là. Alors, d'après vous, on a fait fausse route? Ce n'est pas ça qu'on aurait dû faire?

M. Charland (Guy): Ce que nous mentionnons, à l'intérieur: C'est un vecteur, le patrimoine religieux. Donc, c'est un secteur de l'ensemble du patrimoine. Le milieu municipal et les communautés en général sont investis maintenant de part et d'autre également à travers l'ensemble de la protection du patrimoine bâti, également du patrimoine naturel, du patrimoine paysager. C'est devenu maintenant un ensemble. Ce n'est plus une chose plus particulièrement à l'égard d'un objet. Et c'est dans ce sens-là qu'on interpelle la commission à l'effet de peut-être maintenant... de regarder globalement la chose, bien que nous constatons aussi, dans nos propres communautés rurales, la difficulté de maintenir, entre autres, les églises. Les presbytères en général, on trouve assez rapidement des vocations, compte tenu du type de bâtiment: parfois du logement social, parfois des couettes et cafés, et ainsi de suite. On trouve une certaine vocation. L'église, dans un milieu rural, lorsqu'il y a 400, 500, 600 personnes, une communauté ne peut pas trouver une façon de maintenir ce type de bâtiment là. Mais en même temps la municipalité, le conseil municipal reçoit aussi d'autres demandes de protection. C'est la raison pour laquelle on dit essentiellement: La commission aurait dû regarder globalement l'ensemble du patrimoine et y trouver la niche par rapport à ça, en considérant qu'il y a une urgence là mais aussi une urgence à la protection du patrimoine naturel et aussi il y a également sur le paysage.

Mme Vien: Merci de la réponse. Je vois que vous faites un lien assez serré, hein, entre une future politique du patrimoine culturel et un schéma d'aménagement d'une municipalité. C'est exact?

Une voix: Oui.

Mme Vien: Je me réfère à la MRC de Bellechasse qui, je pense, a été une des premières au Québec à insérer une politique culturelle à l'intérieur de son schéma d'aménagement. Quand vous faites le lien entre les deux aspects, là, c'est-à-dire schéma d'aménagement et une future politique du patrimoine culturel, comment vous arrimez ça ensemble? Qu'est-ce que vous voulez nous dire exactement? Qu'est-ce que ça devrait contenir? Qu'est-ce qu'on devrait faire?

M. Garnier (Charles): Je pense, madame, là, présentement... Vous me parlez de l'exemple de Bellechasse qui a introduit, là, sa politique culturelle à l'intérieur de son schéma. Ce n'est pas obligatoire présentement, ce n'est pas imposé. Moi, je pense qu'on devrait l'imposer, que ça fasse partie de notre schéma d'aménagement, pour aller de l'avant au niveau de nos municipalités.

Mme Vien: À ce moment-là, évidemment, les municipalités, on comprend qu'elles se lient, hein, qu'elles prennent action, qu'elles... Ce n'est pas juste de l'écrire, là, il va falloir qu'il y ait des actions, des préoccupations.

M. Garnier (Charles): Il faudrait qu'il y ait une directive au niveau des MRC parce que les schémas d'aménagement relèvent de nos MRC. C'est dans ce sens-là, là.

Mme Vien: Une petite question rapide pour vous, avant de passer la parole à mes collègues d'en face. On est contents de vous voir là, aujourd'hui, puis je donne le crédit au député de Mercier, qui a souvent relevé, durant nos consultations, que les municipalités ? parce qu'on a fait des consultations sur le terrain ? étaient peu représentées. Souvenons-nous, hein, qu'on s'en faisait la remarque.

Une voix: ...Trois-Rivières. Trois-Rivières, surtout.

Mme Vien: Oui, c'est ça. Et vous avez dit, d'entrée de jeu, M. Garnier, que les municipalités étaient des actrices de premier plan dans tout le paysage culturel. Comment vous expliquez ça, que les municipalités se soient senties peut-être si peu concernées ? on ne peut pas plaider l'ignorance, c'était bien annoncé ? qu'il n'y ait pas eu cette espèce d'impulsion municipale pour venir nous rencontrer? Est-ce qu'il y a... c'est une méconnaissance? Et pourtant vous nous dites, là, qu'elles se sentent très concernées, puis on ne les a pas vues beaucoup.

M. Garnier (Charles): Vous ne les avez pas vues à la commission.

Mme Vien: Oui, oui, c'est ça, lors de nos tournées.

M. Garnier (Charles): Mais ce qu'on dit, dans le mémoire, c'est que les municipalités se sentent très concernées par tout ce qui est patrimonial et pour une bonne raison: c'est que c'est chez eux que ça se passe. Moi, chez nous, j'ai une municipalité où on ne conçoit pas que l'église qui est là puisse disparaître. Elle fait partie du paysage. Ce n'est pas une question de religion, là, c'est un monument que tout le monde est d'accord à conserver, qu'on soit athée ou pas. Puis je peux vous dire que les élus non seulement vont contribuer, par exemple à une levée de fonds pour essayer de rénover ou de sauver le patrimoine en question, et ils vont s'impliquer également à travers les finances de leur municipalité. Moi, j'ai eu l'occasion, à l'époque que j'étais maire à Saint-Sauveur, de donner 50 000 $ dans le budget de la municipalité pour la rénovation de l'église, au rythme de 10 000 $ par année pendant cinq ans. Donc, il y a une implication vraiment au niveau des élus, mais jusqu'à une certaine limite, et ce n'est pas partout pareil.

n(14 h 40)n

C'est certain que chez nous, Côte-Nord, Gaspésie, ça peut être différent. Vous avez des petits villages de 300, 400 âmes qui ont peut-être une belle église, dans leur centre, qui a été bâtie il y a 100 ans. Ils voudraient bien la garder, mais ils n'ont pas les moyens de la garder puis ils n'ont surtout pas les moyens de l'entretenir parce que tout d'abord il faut lui trouver une vocation. On vient d'en acheter une, petite chapelle, là, nous, pour 1 $. Ça n'a pas coûté cher, 1 $, sauf qu'il a fallu lui trouver une vocation avant. L'acheter pour 1 $, c'est une chose, mais après ça l'entretenir, la rénover ? parce qu'il a fallu la rénover, elle était en mauvais état ? mettre des sous pour la rénover, l'entretenir, bien il fallait lui trouver une vocation. On en a trouvé une, vocation, même une double vocation, à la fois communautaire et la même chapelle sert en même temps de halte touristique pour les skieurs de fond. Chez nous, ça s'est fait, mais je ne peux pas vous dire que c'est partout au Québec que ça puisse se faire. Donc, nos petites municipalités vont devoir avoir l'aide de l'État beaucoup plus que d'autres municipalités, c'est évident.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, M. le Président. Je veux d'abord souligner l'importance de votre présence ici. Voyez-vous, c'est la dernière journée de nos travaux. Ça dit assez à quel point nous accordons beaucoup d'importance à votre point de vue parce qu'on est à l'étape où on fait nos synthèses de tout ce qu'on a entendu et on essaie de placer les concepts à la bonne place pour trouver des solutions qui soient porteuses pour l'avenir. Alors, je vous remercie donc d'être là.

Ce que j'ai compris, dans votre exposé, c'est que, si, d'une part, vous êtes prévenus contre le fait que l'État pourrait se délester entre vos mains du problème ? réglez ça, vous autres, on refile une patate chaude ? vous n'êtes pas pour ça. Par contre, vous êtes tout à fait ouverts à l'idée que la question de la préservation du patrimoine culturel fasse partie obligatoirement d'un schéma d'aménagement. Donc, vous ne vous soustrayez pas du tout à cette responsabilité-là, bien au contraire.

La question qui me préoccupe, dans un premier temps, c'est celle-ci. C'est que, face à la multiplicité des temples locaux ou... Pas seulement les temples parce qu'il y a autre chose dans le patrimoine culturel et religieux. Je ne fais pas nécessairement référence au patrimoine culturel uniquement parce qu'on est... la commission a comme objectif d'étudier la question du patrimoine religieux, mais on se comprend que le patrimoine religieux, c'est un des aspects du patrimoine culturel et peut-être le plus important du point de vue historique. Mais on est tout à fait ouverts à l'idée qu'une politique serait peut-être plutôt une politique du patrimoine culturel qui engloberait celle du patrimoine religieux. En tout cas, c'est ma perception, en tout cas.

Mais la question que je me pose est la suivante. Actuellement, ces bâtiments-là appartiennent à quelqu'un, appartiennent à la fabrique. Les fabriques, théoriquement, sont administrées par des marguilliers qui sont des gens de la place, qui sont des contribuables au niveau municipal. L'ouverture de la municipalité ou enfin de l'ensemble des municipalités à prendre une responsabilité me semble absolument fondamentale parce que, si on veut faire quelque chose à long terme qui porte et que ce ne soit pas seulement un bon coup ici et un bon coup là, mais une politique globale et continue, il faut s'assurer qu'il y ait une institution qui est dotée de continuité par sa structure même qui va en assumer la responsabilité. Alors, comment voyez-vous les relations, dans le cas d'une petite municipalité de 1 000, de 500, 1 500 personnes donc, comme il y en a de 700 à 800 au Québec, la relation entre les marguilliers et la responsabilité qu'aurait le pouvoir municipal local d'assurer la préservation de ce patrimoine religieux dans les cas problématiques?

M. Garnier (Charles): Bonne question. Je pense que...

Une voix: ...

M. Garnier (Charles): C'est ça. Là, je n'avais pas...

Une voix: ...la bonne réponse, là.

M. Garnier (Charles): Je ne vous avais pas vu venir avec cette question-là, mais je pense qu'il va falloir faire des choix, hein? Moi, je suis allé en Europe, puis c'est sûr que j'ai été estomaqué par certaines conservations patrimoniales qui ont été faites, religieux, églises et autres, là-bas, sauf qu'ils partent de beaucoup plus loin que nous autres, là. Mais, si on veut se rendre là, nous autres, dans 200, 300 ans, il faudrait commencer aujourd'hui. Mais il va falloir qu'on en fasse, des choix. Je vous parlais, tout à l'heure, des petites municipalités. Là, vous me parlez, bon, de l'impact d'une fabrique avec la municipalité, par exemple, qui voudrait rénover. Je ne le sais pas. Je vais être bien franc, je ne le sais pas, comment on pourrait faire ça. Je ne sais pas si, toi, tu as une suggestion à faire, là?

M. Charland (Guy): En fait, je m'en réfère toujours à la Loi sur les fabriques. Et, vous le savez, ce sont dans le fond des gestionnaires, les gestionnaires de l'église. Mais, au-dessus du gestionnaire de l'église, il y a l'archevêché. Et il y a quand même un certain nombre d'expériences locales. Je pourrais vous citer ou faire venir à la barre, comme on dirait, le maire de Saint-Venant-de-Paquette, M. Roland Lavigne, qui vous parlerait probablement des démêlés entre la municipalité, les citoyens et l'archevêché pour prendre en main l'église. Et, pour ceux qui ont visité particulièrement l'Estrie, la région de Coaticook et particulièrement ce petit village de 107 personnes, ils vont voir que les gens ont sauvé cette église-là, et c'est devenu maintenant presque un repaire pour les gens de l'écologie et de l'environnement au Québec.

Ceci dit, je pense qu'il y a une problématique très claire, au niveau de la Loi sur les fabriques, pour permettre suffisamment aux gens qui ont cette gestion-là des églises d'entamer de vraies discussions avec la communauté. Mais en même temps faut-il considérer que, parmi les marguilliers, il y a aussi des élus locaux qui occupent aussi cette fonction de bénévole à deux endroits, sinon trois, quatre endroits dans la municipalité.

Mais somme toute il va falloir, dans un contexte... il va falloir qu'il y ait aussi l'ouverture suffisante, de par cette loi-là, de consacrer dans le fond les ouvertures possibles entre la communauté et la paroisse, sachant qu'en milieu rural la paroisse ne ressemble pas, souvent, à la municipalité. Donc, dans une certaine mesure, dans certains cas, on fait appel à la municipalité pour prendre en charge une église dont le territoire dépasse nettement les limites municipales. Ça, c'est un problème auquel on est confronté, localement parlant, d'assumer une partie à partir de nos deniers publics, alors que la paroisse excède nos limites territoriales.

M. Dion: Mais dans la pratique je pense que le problème qui se pose, c'est qu'à partir du moment où, d'un point de vue de l'église, cultuel, du culte à rendre, il n'y a plus de nécessité de ce temple-là parce qu'il n'y a plus personne qui y va, ou il y a peut-être encore une certaine nécessité, mais il n'y a plus de capacité de maintenir ces édifices-là en bon état, c'est là que le bât blesse. Il peut y avoir quelques personnes, dans la communauté, pratiquants ou pas, qui soient très intéressées à conserver ce monument. Il se peut que la municipalité soit très intéressée mais que l'évêché ou ce qu'il reste de marguilliers disent: Écoutez, nous autres, on n'y peut rien, on n'y peut plus rien, on ne peut même plus l'entretenir, on ne peut plus la chauffer, on ne peut plus assurer de mettre un terme aux infiltrations d'eau, et tout ça. Alors, on fait quoi? Quelle serait la mécanique qui permettrait, à ce moment-là, à la municipalité d'assurer, au moins sur une base transitoire, ce qu'il faut pour avoir le temps de décider qu'est-ce qu'on fait avec?

M. Garnier (Charles): Une période de transition, autrement dit, où la municipalité assurerait, là, un entretien minimal pour décider justement, suite à un inventaire, qu'est-ce qu'on garde ou qu'est-ce qu'on ne garde pas. C'est ça que vous voulez dire?

M. Dion: Oui, c'est ça.

M. Garnier (Charles): Oui.

M. Dion: Vous seriez ouverts à ce qu'en confiant la responsabilité, du point de vue dont vous avez parlé tout à l'heure, de l'aménagement, disons la responsabilité d'assurer la continuité, dans la mesure du possible, d'un patrimoine religieux, que la municipalité ait donc une responsabilité, même à certains égards financière, pour une période donnée, en attendant de trouver une utilité quelconque et un sort définitif à cet édifice-là?

M. Garnier (Charles): Et peut-être une vocation aussi utile.

M. Dion: Une vocation.

M. Garnier (Charles): Je pense que c'est là peut-être qu'est la clé du succès dans la rénovation. C'est beau de rénover un bâtiment, d'y mettre des sous, mais ça prend également des sous pour l'entretenir. Et, si vous n'avez pas une vocation à donner à ce bâtiment-là, en termes de revenus ou autres... Parce que ce n'est pas nécessairement en termes de revenus qu'il faut calculer ça. Mais, si le bâtiment donne des services à votre population, bien indirectement il sert à quelque chose, et ça vaut la peine d'y investir des sous.

M. Dion: Et vous accepteriez qu'une structure légale donne cette responsabilité à la municipalité d'assurer, au moins de façon transitoire, la conservation du bien pour en trouver une utilisation justifiée dans le milieu?

M. Garnier (Charles): On accepterait de regarder ça de façon très attentive et d'être partie prenante.

M. Dion: Merci beaucoup. Je pense que je vais laisser un peu de temps parce que j'ai des collègues qui veulent... Ils ont beaucoup de questions à vous poser, alors je vais leur laisser un peu de temps.

Le Président (M. Brodeur): Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

n(14 h 50)n

Mme Léger: Merci. Merci. Bonjour, messieurs. Effectivement, pour faire suite à ce que notre collègue nous disait, d'en face et d'à côté, pour un mandat d'initiative, ce n'est pas si mal. Évidemment, les élus, lors de nos... Parce que nous avons circulé... une des premières presque, au Québec, qu'une commission parlementaire officielle comme celle-là puisse avoir été en région et un peu partout, au Québec, effectivement, les élus... Parce qu'il y a quelques municipalités qui sont venues nous présenter un mémoire ou s'exprimer devant la commission, mais pas vraiment beaucoup d'élus. Parce qu'il peut y avoir quelques municipalités, mais pas nécessairement les élus. Alors, mon collègue de Mercier à chaque fois a interrogé les gens pourquoi qu'il n'y avait pas nécessairement... Pourquoi votre élu n'est pas venu ou que la personne responsable, s'il y avait au moins une personne responsable du dossier culturel, au moins, en tout cas, tout au moins...

Alors ça, c'est sûr que dans... à part des aspects de financement et de décentralisation, là, qui sont absolument importants dans l'ensemble de la dynamique québécoise, même si le dossier n'a jamais été vraiment réglé, puis que vous n'avez plus d'espoir, de ce que vous avez pu dire tout à l'heure, quel est le leitmotiv des municipalités pour qu'il y ait de l'intérêt qui puisse être porté sur le patrimoine religieux, tel quel? Alors, est-ce que ça prend vraiment... Mon interrogation, si vous pouvez me dire, ça prend peut-être une de vos paroisses ou vos paroissiens qui viennent cogner à la porte de la municipalité, mais vous ne croyez pas que, dans cette étude de tout ce patrimoine religieux au Québec et tous les objectifs de cette commission-ci, est-ce que vous ne voyez pas des solutions qui peuvent être intéressantes au niveau des MRC, d'une part?

Je fais un lien avec la MRC de La Mitis, qui sont vraiment venus en grand groupe ? ça nous a beaucoup impressionnés, et on a été très contents ? où ils ont déjà une politique de patrimoine, par la politique du patrimoine culturel, mais particulièrement ils ont développé celle du patrimoine religieux. Et, même si le Québec n'a pas sa propre politique encore et que beaucoup de personnes nous en ont parlé, qu'est-ce qui vous... pourquoi l'ensemble des municipalités n'a pas cette possibilité-là de faire cette politique-là? Est-ce que la FQM ne pourrait pas donner ce genre d'initiative, ou de directive, ou de... bon, en tout cas, de dire aux municipalités que c'est important, à ce moment-ci, lors de ce drame qu'on vit maintenant, d'avoir des politiques de patrimoine qui sont plutôt régionales?

M. Garnier (Charles): Je pense, madame, que c'est une question de sensibilisation. Puis je crois qu'à ce niveau-là nos agents, là, VVAP, Villes et villages d'art et de patrimoine, font un travail de sensibilisation très important, puis on en voit les résultats. Vous avez présentement une trentaine de nos MRC qui ont déjà adopté une politique culturelle. C'est un grand pas de l'avant vers la culture et vers le patrimoine aussi. Nous autres, chez nous, non seulement la politique vient d'être adoptée, notre politique culturelle, mais on est en train de faire un inventaire de notre patrimoine, de nos bâtiments, et je peux vous dire que ça sensibilise les gens. On en parle...

Mme Léger: Chez vous, dans votre MRC?

M. Garnier (Charles): Oui.

Mme Léger: O.K.

M. Garnier (Charles): Mais, remarquez, je vous donne l'exemple de chez nous. On est toujours portés à parler de chez nous, là, mais je ne suis pas tout seul dans ce... je suis loin d'être le premier, c'est déjà fait ailleurs. Je peux vous dire qu'il y en a une trentaine présentement au Québec qui vont de l'avant avec ça. Il y a encore du chemin à faire, il y a encore du travail à faire, mais je pense que c'est de plus en plus... la culture et le patrimoine, je pense que les gens sont de plus...

Mme Léger: ...excusez, on se pose la question: Une trentaine de MRC...

M. Garnier (Charles): Oui.

Mme Léger: ...ou une trentaine de paroisses?

M. Garnier (Charles): De MRC.

Mme Léger: Une trentaine de MRC? Il n'y a pas de municipalités, là?

M. Garnier (Charles): J'ai dit quoi? Je m'excuse.

Mme Léger: Non, non, je pense que vous avez dit MRC, mais on est surpris.

M. Garnier (Charles): Non, non, une trentaine de MRC.

Une voix: Heureusement surpris.

Mme Léger: Heureusement, oui, effectivement. Heureusement surpris.

M. Garnier (Charles): Heureusement? Heureusement surpris?

Mme Léger: Donc le tiers.

M. Garnier (Charles): D'accord. Je ne sais pas si tu avais... Peut-être ajouter quelque chose?

M. Charland (Guy): Bon. Bien, je pense qu'il faut comprendre, d'abord et avant tout... On vous a mentionné, dans le mémoire, souvent l'incapacité financière, administrative, logistique, technique d'une municipalité locale. Lorsque vous avez une population de 500 ou 600, vous avez, dans l'organisation municipale, généralement un secrétaire-trésorier qui fait fonction d'à peu près toutes les fonctions, quelquefois un inspecteur et quelques autres personnes. On ne dispose pas d'outils pour répondre. Souvent, les municipalités rurales vont se retourner vis-à-vis de la MRC pour que celle-ci puisse dans le fond répondre, d'une certaine mesure, à leur incapacité de se doter d'outils, là, et l'outil va devenir un outil qui va être panlocal, et c'est comme ça qu'actuellement, avec le réseau des Villes et villages d'art et de patrimoine, on a réussi à faire ce genre de mouvement là de sensibilisation à travers les animateurs-coordonnateurs.

Donc, le milieu rural est naturellement porté à travailler pour qu'on ait ce qu'on appelle une consistance plus territoriale dans la protection parce que tout le monde, les uns des autres dans le fond est interdépendant, et c'est de même que ça se véhicule et surtout depuis 2001, principalement. On l'a senti depuis 2001. La raison pour laquelle 2001? Parce que c'est à ce moment-là que la loi a permis, entre autres, aux MRC de se doter d'une politique de développement culturel, ce qui n'était pas une des compétences des MRC. Donc, depuis 2001, on a senti ce mouvement-là, mais on le sent parce que la loi l'autorise, mais aussi on le sent parce qu'il y a une volonté politique. Et cette volonté-là transige par le fait que des gens mettent de l'argent sur la table pour se donner des animateurs-coordonnateurs, et ça, c'est une espèce d'effet boomerang. Donc, on ne peut pas demander nécessairement à chacune d'entre elles d'avoir une politique, mais on peut s'assurer qu'elles sont concernées par une politique à caractère territorial.

Mme Léger: M. le Président, est-ce que c'est possible, si M. Garnier le permettrait, qu'on puisse... que vous puissiez nous déposer quelques-unes de ces politiques-là, de certaines MRC, que vous considérez intéressantes? On pourrait en avoir quatre, cinq en tout cas, au moins, qu'on puisse... Parce qu'on n'en a pas eu beaucoup qui ont été déposées de... Il en a été déposé quelques-unes, là, mais pas vraiment...

M. Garnier (Charles): Ça va nous faire...

Mme Léger: Nous donner quelques exemples différents, là, peut-être ça pourrait donner quel genre d'outil on...

M. Garnier (Charles): Ça va nous faire plaisir. Ça va nous faire plaisir, madame.

Une voix: ...

Mme Léger: Hein?

Une voix: ...

Mme Léger: Rivière-du-Loup puis Montréal que nous avons, c'est ça. Je pensais qu'on en avait plus que ça...

M. Garnier (Charles): Ça va nous faire plaisir, madame, par le biais de la FQM, de vous faire parvenir ces documents-là.

Mme Léger: Ça fait qu'on a celle de Rivière-du-Loup... bien de la MRC de La Mitis, puis Rivière-du-Loup effectivement, la ville elle-même, et puis celle de Montréal. Ce serait intéressant, si vous le permettez.

Le Président (M. Brodeur): ...parvenir vos documents à la Commission de la culture.

Mme Léger: Merci.

Une voix: D'accord.

Le Président (M. Brodeur): M. le député de Mercier.

M. Turp: Juste un moment. Je ne voudrais pas que vous pensiez que toutes les municipalités se sont abstenues de venir devant la commission. Mais ce qui nous a surpris parfois, c'est qu'une grande ville comme Trois-Rivières ne se présente pas devant la commission. Moi, je souligne ça, puis, le lendemain matin, dans le journal, dans Le Nouvelliste, on apprend que: Ah! Oui, mais on n'a pas beaucoup le temps pour ça puis on est tellement occupés, on a tellement d'autres choses plus importantes à faire. Alors, là, ça lance un message mais vraiment un très, très mauvais message aux autres élus puis à l'administration municipale. Et donc il y a un contraste entre les MRC comme celle de La Mitis, là, où il y a une sensibilité si grande puis une ville puis qui vient nous dire qu'en plus, si on a un port méthanier, là, nous, il y a plein d'argent résultant de cet investissement que, nous, on va investir en culture puis on va investir dans le patrimoine.

Alors, là, je pense qu'effectivement, comme le soulignait la députée de Pointe-aux-Trembles, une fédération comme la vôtre, vous avez aussi votre responsabilité de sensibiliser les municipalités à l'importance du patrimoine, du patrimoine religieux entre autres, parce que je crois ? et on va en délibérer là-dessus ? que les municipalités ont un rôle, un rôle tellement important dans la suite des choses. Pour réussir, réussir à mettre en valeur le patrimoine religieux, les municipalités ont un rôle fondamental. Plusieurs personnes sont venues nous parler des municipalités, exiger ? on l'a encore entendu ce matin ? que les municipalités soient au centre des décisions qui vont être prises sur l'avenir du patrimoine religieux. Alors, c'est peut-être juste une façon pour vous dire: On compte sur vous, là, on compte sur votre fédération pour dire aux gens qui font du bon travail: C'est formidable; mais aux autres: Suivez l'exemple.

M. Garnier (Charles): C'est bien, ce que vous nous dites, là, mais j'aimerais peut-être vous souligner que nous, à la FQM, on a pris le temps de venir vous voir, au nom évidemment de nos 900 municipalités. Trois-Rivières n'est pas membre chez nous. La différence...

M. Turp: ...ils ont fait sécession, là...

M. Garnier (Charles): Trois-Rivières est membre avec l'UMQ. Mais tout ça pour vous dire qu'il y a quand même une différence à observer, là, entre les petites municipalités qu'on représente puis des grosses villes comme Trois-Rivières. Des villes comme Trois-Rivières, Sherbrooke, enfin Québec, vous avez une structure importante puis vous pouvez avoir les sous pour vraiment aller de l'avant dans la culture et le patrimoine. C'est plus compliqué, c'est plus difficile pour les petites municipalités, et c'est là que les petites municipalités, pour réussir, doivent se regrouper autour d'une MRC. D'ailleurs, vous savez, la question des compétences, en matière de culture et de patrimoine, ce n'est pas une compétence obligatoire de MRC, sauf que de plus en plus, à travers les agents ruraux... les agents, excusez, VVAP, on voit que les municipalités donnent des délégations de compétence à la MRC pour dire: Bien, occupe-toi-z-en, de la culture, occupe-toi-z-en, du patrimoine. Chez nous, c'est ce qui arrive. Puis pourquoi pas? Les petites municipalités, individuellement, n'ont pas des moyens, sauf qu'autour d'une MRC renforcée, aidée, bien il y a peut-être moyen de faire de quoi.

n(15 heures)n

M. Turp: Les petites municipalités et les MRC ont donné l'exemple aux grandes villes. Montréal a maintenant une politique de développement culturel, mais c'est bien après celle que s'est donnée la MRC de Mitis puis la ville de Rivière-du-Loup. Québec par ailleurs a toujours eu, en tout cas sous l'administration du maire L'Allier, un très, très grand souci pour le patrimoine et le patrimoine religieux.

Alors donc, vous voyez, vous voyez jusqu'à quel point ce que vous pouvez réussir... y compris réussir en termes d'influence sur les villes comme Trois-Rivières, ou Québec, ou Montréal? Et on compte sur vous. En tout cas, moi, je pense que vous pouvez jouer un rôle très, très important dans la préservation de notre patrimoine et du patrimoine religieux.

M. Garnier (Charles): Merci.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposons. Donc, je remercie la Fédération québécoise des municipalités.

Et je vais suspendre quelques instants, le temps que l'Ordre des architectes du Québec puisse s'installer.

(Suspension de la séance à 15 h 1)

 

(Reprise à 15 h 3)

La Présidente (Mme Legault): Alors, chers collègues, nous reprenons nos travaux. Et nous sommes heureux d'accueillir l'Ordre des architectes du Québec. M. Bourassa, le président, vous allez présenter, présenter vos collègues qui vous accompagnent. Vous disposez d'une période de 20 minutes pour faire l'exposé de votre mémoire, et puis cette présentation-là va être suivie d'un échange, de part et d'autre, d'une vingtaine de minutes. Alors, nous sommes à votre écoute.

Ordre des architectes du Québec (OAQ)

M. Bourassa (André): Merci, Mme la Présidente. Alors, je vais d'abord laisser mes collègues ici présents se présenter.

M. Dumont (Jean-Pierre): Bonjour. Jean-Pierre Dumont, avocat et secrétaire de l'Ordre des architectes.

M. Beaupré (Pierre): Pierre Beaupré, ancien président de l'ordre.

M. Bourassa (André): Donc, je suis André Bourassa. Pierre Beaupré, fort modeste, omet de souligner à quel point il a été... il est encore impliqué comme architecte, particulièrement dans des travaux de restauration de bâtiments religieux. Et lui-même a gagné des prix récemment à cet égard-là.

Et, pour ma part, aussi, je me présente ici avec bien sûr ce chapeau d'architecte que je porte avec beaucoup de fierté et aussi ? peut-être ça vous fera plaisir ? avec un plus modeste chapeau d'élu municipal dans une petite municipalité du Québec. Donc, ça vous fera un élu de plus dans vos écoutes. Et j'ai été particulièrement sensible à ce que j'ai entendu précédemment de la part de la Fédération des municipalités du Québec et de vos propos. Et j'ai aussi, je dois dire, intervenu à plusieurs reprises dans la transformation de bâtiments à caractère religieux, dans la restauration de bâtiments à caractère religieux et même, à titre de promoteur privé, dans la transformation d'un ensemble conventuel. De sorte qu'il y a beaucoup d'aspects, tant au niveau municipal qu'architectural, qui nous touchent dans le sujet qui est abordé ici.

Notre propos n'a pas pour but évidemment de vous relire le mémoire que nous vous avons déjà présenté, plutôt de l'enrichir, de compléter par certains commentaires et certaines mises en situation plus spécifiques.

Donc, évidemment, l'Ordre des architectes compte 2 700 quelques membres au Québec et plus de 900 stagiaires, de sorte qu'il se considère privilégié de pouvoir intervenir lors des présentes audiences, et nous vous en remercions beaucoup.

Le thème principal que nous abordons maintenant sera plutôt de voir comment on peut développer une structure d'aide et de motivation, structure d'aide et de motivation, vous le comprendrez, basée sur l'expérience acquise déjà et sur une expertise qui existe mais avec laquelle on a énormément de difficultés à ce qu'elle soit bien diffusée. Il existe énormément de savoir-faire en matière de patrimoine religieux, mais en même temps la diffusion de ce savoir-faire là est loin d'être évidente. Évidemment, l'Ordre des architectes peut intervenir, peut aider à intervenir mais ne peut pas faire tout ce travail de diffusion seul.

Vous avez sûrement entendu ce jeu de mot, bon ou pas bon, plus qu'une fois lors de vos présentations: Est-ce que la question du patrimoine religieux et, pour être plus exact, est-ce que la question du patrimoine architectural se présente comme un problème de vocation à ces immeubles-là? Je vous dirais que, pire qu'un problème de vocation, ce sera une fausse vocation qu'on attribuera à un immeuble.

Vous avez, tout à l'heure, entendu... Il a été ici question d'exemples de bâtiments dans les petites municipalités. Évidemment, Québec, Montréal sont des secteurs très concernés par le patrimoine religieux, mais les petites municipalités aussi. Or, très souvent, on a tendance à attribuer à certaines églises des vocations artificielles et qu'elles ne peuvent pas économiquement supporter au fil du temps. Une église qui, dans un petit village, serait, par exemple, transformée en un centre d'interprétation xyz, si tous les villages transforment leurs églises en centre d'interprétation xyz, bien, à un moment donné, il n'y a pas d'achalandage suffisant, si ce n'est pas... Il n'y a pas que des Vieux-Montréal et des Vieux-Québec sur le plan touristique au Québec. Donc, c'est pour ça que je vous dis: Faire attention particulièrement aux fausses vocations.

J'en profite aussi pour faire un lien avec une précédente commission parlementaire toute récente, où nous étions présents, c'est-à-dire celle sur le développement durable, pour souligner quand même à quel point il y a un lien entre ces deux aspects de pérennité de patrimoine architectural et de développement durable. Vous aurez sûrement beaucoup de plaisir à en jaser entre collègues, mais ce n'est pas des tiroirs qui sont résolument distincts l'un de l'autre, je vous l'assure. On a une grand leçon à montrer sur le plan des valeur humaines dans cette pérennité de patrimoine architectural par rapport à ces valeurs de prêt-à-porter, prêt-à-jeter qui sont transposées, depuis une trentaine d'années, dans notre société, puis pas juste au Québec évidemment, en Amérique du Nord au grand complet.

Donc, parmi les thèmes qui sont soulignés dans la commande que votre commission a suscitée, c'est-à-dire, on a à parler de critères d'évaluation: Doit-on ou ne doit-on pas avoir des critères d'évaluation? Oui, on peut avoir des critères d'évaluation, certainement, mais à condition d'y ajouter les valeurs d'une collectivité à l'ensemble du Québec, peut-être, mais, de façon plus spécifique, de façon régionale aussi. La valeur d'un bâtiment religieux en Abitibi ne sera pas considérée de la même façon que la valeur d'un bâtiment religieux dans le Vieux-Québec ou au Saguenay?Lac-Saint-Jean, par exemple. Il y a des critères différents, plus spécifiques qui s'ajouteront dans ces secteurs-là, bien qu'il y ait place à des critères de base. Le résultat sera forcément variable selon les régions aussi.

n(15 h 10)n

La mise en valeur d'un bâtiment, d'un patrimoine architectural pourra passer, par exemple, par la préservation pure et simple d'un bâtiment. C'est déjà mieux que rien. Mais un bâtiment préservé sans réel usage, sans réelle vocation n'est pas voué à un avenir très prometteur parce qu'on se lassera de simplement l'entretenir. Certains bâtiments présenteront une rénovation, une nouvelle vocation à travers un traitement architectural très audacieux; peut-être. D'autres fois, ce sera un traitement architectural beaucoup plus conservateur; peut-être aussi. Il n'y a pas qu'une seule belle façon de faire, il n'y a pas qu'une seule couleur dans les belles fleurs du jardin. Il en est de même pour la mise en valeur des bâtiments architecturaux, des bâtiments à caractère religieux qu'on a en ce moment.

Il y aura une sélection à faire, vous en avez aussi parlé dans les textes préparatoires. Je le mettrais au présent: il y a une sélection qui se fait déjà, une sélection qui se fait par la qualité du bâtiment ou une sélection qui se fait par le marché économique où on se situe. Qu'est-ce qui doit précéder l'un à l'autre? Est-ce que c'est le marché qui doit faire la sélection des immeubles ou si ce sont des critères de sélection qui doivent faire cette sélection?

Ce qu'il est important de savoir, c'est que, dans certains cas, en ce moment, c'est des critères architecturaux qui président à la sélection et, d'autres fois, ce sont des critères économiques. Il y a des bâtiments à caractère religieux qui sont en ce moment obsolètes, et laissés à l'abandon, et facilement détruits par la suite, tout simplement parce qu'on n'y trouve pas d'usage ou d'autres fois parce que la valeur économique n'y trouve pas son compte. Il faut vivre avec cette réalité-là aussi.

Est-ce qu'on aura, est-ce qu'on doit envisager des outils législatifs réglementaires? C'est clair que, si on ne veut que travailler l'aspect du patrimoine religieux par des aspects réglementaires et législatifs, on court à un échec direct. Je pense qu'il faut susciter autrement que par les seuls aspects réglementaires.

Je vous donnerais ici un exemple récent dans ma pratique: un ensemble de couvent extrêmement intéressant, je vous dirais, situé dans une ville d'importance moyenne, et à maintes reprises des projets ont été présentés pour trouver une nouvelle vocation à ce couvent, puisque les religieuses voulaient le vendre. À chaque fois, la municipalité refusait les projets, parce que, sur le plan de l'intégration architecturale ? et je n'étais pas concerné comme architecte, je vous l'assure ? la ville trouvait que ce bâtiment n'était pas mis en valeur convenablement. Or, un jour, les religieuses sont arrivées en demandant un permis de démolition pour leur couvent, en disant: S'il n'y a rien d'assez beau pour vous, nous, on veut vendre le terrain, puisqu'on ne trouve pas à vendre notre couvent parce que vous êtes trop exigeants.

Je veux juste exprimer que le mieux peut être parfois l'ennemi du bien et dans la question de patrimoine architectural comme dans maintes autres choses. Alors, il faut faire attention. Si ce n'avait été que de la réglementation municipale, à ce moment-là, ce bâtiment qu'on voulait à tout prix protéger aurait été, aujourd'hui, démoli. C'est ce qui a sonné une cloche à la municipalité, puis ils ont dit: Peut-être qu'on en demande un petit peu trop. Alors, ils ont accepté, suite à ça, un projet de mise en valeur et de rénovation et une nouvelle vocation à cet ensemble conventuel. C'était extrêmement important. Alors, c'est juste pour vous illustrer à quel point le règlement peut être une lame à deux tranchants s'il n'est pas appliqué avec jugement et discernement. Ce sont des mots clés dans cette matière.

Bien entendu, il s'agit de voir aussi par rapport à ce que vous avez mentionné, la notion d'urgence, comment on situe l'urgence dans la question du patrimoine architectural aujourd'hui. Nous, ce qu'on dit, c'est qu'au cours des deux prochaines années l'emphase devrait être mise de façon très grande pour poursuivre l'animation, les colloques sur l'établissement de critères à l'intention des fabriques, à l'intention des municipalités. Est-ce qu'on doit travailler par-dessus la tête des fabriques? Est-ce qu'on doit travailler en marge des fabriques? Je pense que, que ce soit le secteur privé, ou que ce soit les fabriques, ou peu importe, on doit travailler avec toutes les forces vives qu'on peut. Alors, c'est pour ça qu'on insiste sur le fait que l'animation et la diffusion, dans ces aspects-là, aujourd'hui, c'est très important.

Je vous entendais parler avec les gens de la Fédération des municipalités. Je vous assure que, dans nos municipalités, on doit absolument faire suivre énormément de formations pour nos élus municipaux, pour nos pompiers, pour nos responsables de l'eau potable, pour nos responsables de l'épuration des eaux, pour nos directrices et directeurs généraux. Ils sont toujours en formation ou à peu près. Puis c'est correct, hein, je ne discute pas ça. Mais pourquoi qu'il n'y aurait pas davantage de formation, d'information puis de diffusion, à ce moment-ci, d'expertise puis d'exemples comment tel et tel projet ont été faits, pourquoi ça a été fait comme ça, pourquoi autrement, comment on considère la maçonnerie des églises?

Il y a des fortunes, malgré tout le manque d'argent qu'on peut déplorer en ce moment, il y a des fortunes qui sont investies sur les bâtiments religieux en ce moment de mauvaise façon parce que les responsables, les gestionnaires des immeubles le font le mieux qu'ils peuvent avec la connaissance qu'ils ont ? et je ne porte pas de jugement ? cependant il y a des fortunes qui sont investies de façon plus ou moins adéquates parce qu'on fait encore une fois ce qu'on peut sans toujours requérir à l'expertise qu'il faudrait.

Le deuxième point, donc, pour ces deux prochaines années, c'est de poursuivre encore une fois l'animation, puis des colloques, puis tout ce qu'on peut comme partage d'expériences vécues par les architectes qui ont travaillé avec d'autres intervenants complémentaires sur la restauration de bâtiments religieux, sur les nouvelles vocations, sur les différents types de transformation. C'est bien sûr que la valeur économique d'un immeuble en condos, dans une église, de sept étages sur la rue Saint-Laurent, ce n'est pas la même chose que la transformation d'une église dans un village de 1 500 personnes, hein? C'est des contextes différents qui appellent des solutions différentes. Bien, il y a une expertise de base, sur certains types de bâtiments, qu'il ne faudrait pas omettre.

Donc, il n'y a pas de préservation, il n'y a pas de mise en valeur envisageable sans qu'il n'y ait de projet, de projet approprié attribuable à ce bâtiment-là. Pour qu'il y ait un projet, il faut qu'il y ait des considérations économiques, aussi.

Donc, entre autres éléments qu'on amène à votre suggestion: de considérer les justes valeurs d'évaluation aux bâtiments. Parce qu'en ce moment il y a énormément de bâtiments qui sont évalués à des millions et qui se vendent quelques centaines de milliers de dollars. Ce qui fait qu'on arrive avec, en partant, des taxes de mutation qui sont pharaoniques et qui handicapent la mise en valeur du projet. Parce qu'à chaque fois qu'on a à mettre des fausses restrictions économiques, bien, c'est que, si la transformation de l'immeuble n'est pas rentable, on le vend pour le terrain. C'est à ça... Donc, la juste valeur d'évaluation, ça demeure quelque chose d'extrêmement important. Évidemment, tant que ça reste un bâtiment qui est détenu par une communauté religieuse, ce n'est pas grave. Il y a des en-lieu de taxes et puis on vit bien avec ça. Mais ça, il y aurait une correction à faire là-dessus.

D'autre part, insister, parce que ce n'est pas tout à fait la même chose dans toutes les régions du Québec, insister en faveur d'une souplesse et d'un discernement dans l'application des codes, l'objectif étant toujours de maintenir la sécurité du public, c'est clair, mais quand même de faire attention parce que les codes appliqués sans discernement peuvent être vraiment destructeurs de patrimoine de façon très importante. Et je vous rappelle que, n'eût été d'une mise aux normes, de modifications dans les codes il y a une dizaine d'années, à peu près tous les bâtiments de quatre étages en bois auraient été détruits, parce qu'il n'y a aucune vocation qu'on pouvait y trouver, ils étaient à l'encontre des codes à ce moment-là. Mais il y aurait aujourd'hui, pour une nouvelle génération de transformation de bâtiments à caractère religieux, il y aurait encore des adaptations aux codes qui seraient nécessaires. Puis encore une fois ça peut se faire. Il y a beaucoup d'exemples qui existent de situations qui ont été très, très bien gérées, mais malheureusement ce n'est pas comme ça partout au Québec.

Donc, il faut comprendre aussi que, si on réfère encore au contexte des plus petites municipalités ? on a parlé des presbytères, tout à l'heure, qui se transforment plus aisément, les églises, c'est différent ? bien, en même temps, je vous rappelle que la collaboration, au niveau des municipalités, s'est assez bien faite, dans les plus petites municipalités, pour la préservation des écoles de village. Les municipalités ont été très impliquées à cet égard-là, puis je ne vois pas pourquoi il n'en serait pas de même par rapport aux bâtiments religieux, dans la mesure de leurs moyens, bien sûr.

Un point particulier aussi à faire attention, c'est l'annonce de subventions. Quand l'annonce de subventions peut être... Les subventions comme telles peuvent être extrêmement bénéfiques, c'est certain, je ne discute pas ça. Néanmoins, dans certains cas, ce qu'on a vu, c'est que l'annonce de subventions, de programmes de subventions très largement annoncés et avec des enveloppes raisonnablement réduites, ça crée une attitude attentiste chez les gens. Et, au lieu de développer une initiative pour faire quelque chose d'imaginatif avec les ressources qu'on a, bien on attend l'année d'après la nouvelle enveloppe de subventions, puis l'année d'après la nouvelle enveloppe de subventions, et de fil en aiguille, comme ça, on n'avance pas, on n'imagine pas; on n'est pas proactif mais on est attentif. Alors, parfois, les programmes de subventions vont à l'encontre des objectifs qui sont visés. Mais encore une fois l'enfer étant parfois pavé de bonnes intentions.

Je céderais la parole à Pierre Beaupré, qui va expliquer comment les architectes sont extrêmement concernés et comment l'Ordre des architectes peut être un collaborateur dans le partage d'expertise.

n(15 h 20)n

M. Beaupré (Pierre): Merci, M. le président. Donc, nous, les architectes, historiquement, nous sommes responsables de la construction d'une bonne partie des biens d'Église. Nous sommes donc en quelque sorte à l'origine du problème auquel on fait face aujourd'hui. Mais nous sommes aussi collaborateurs éventuels à la solution de ce problème, c'est-à-dire, en partie tout au moins, à la restauration des immeubles qui, après une longue durée de vie, doivent être restaurés, doivent être réparés, doivent poursuivre leur vie, puisqu'on considère que l'ensemble du patrimoine religieux au Québec est un ensemble cohérent, un ensemble qui a un sens pour l'ensemble du paysage québécois et que, sans nécessairement viser à conserver toutes les églises, l'ensemble que constituent les églises, une bonne partie d'entre elles rythment le paysage du Québec et font en sorte que ce paysage-là a une spécificité que n'a pas un paysage analogue en d'autres provinces ou en d'autres pays.

Donc, nous, les architectes, nous sommes au Québec 2 700 architectes, d'une certaine façon dispersés ou tout au moins répartis sur l'ensemble du territoire, et nous disposons d'un ensemble de ressources qui malheureusement sont peu utilisées par manque d'un réseau ou d'une place d'échange. C'est-à-dire que l'ensemble des architectes ou chacun des architectes individuellement connaît ou acquiert graduellement, au cours de sa vie, au cours de sa pratique, un ensemble de connaissances ou d'expertises, mais il y a peu de place pour les échanges et la mise en commun de ces expertises-là.

Et, dans le cas du patrimoine religieux, il y aurait peut-être une occasion de trouver une plage d'échange, un réseau qui permette aux architectes de mettre en commun une partie de leurs savoirs, de leurs acquis au cours de leur pratique dans le domaine de la restauration, ce savoir qui permettrait d'enrichir les inventaires auxquels on a fait allusion de multiples fois depuis le début de la tenue de cette consultation, inventaires qui pourraient permettre d'évaluer l'intérêt relatif de chacune des églises du Québec; aussi pour permettre de constituer un savoir sur l'architecture patrimoniale, un savoir technique, un savoir architectural qui permette de mettre en commun des ressources donc de connaissances, pour aussi apporter des informations au niveau architectural, au niveau technique aux administrateurs de paroisse, qui sont au moins aussi isolés que le sont les architectes dans leur pratique partout dans le Québec et qui pourraient bénéficier d'une mise en commun d'un certain nombre de connaissances et de ressources; et pour disperser, donc pour dispenser l'ensemble de connaissances techniques au plus grand nombre d'intervenants possible et participer ainsi à un effort collectif de réflexion sur l'avenir des biens d'église. Donc... Oui?

La Présidente (Mme Legault): ...je vais vous inviter à conclure.

M. Beaupré (Pierre): J'en arrive à conclure que...

La Présidente (Mme Legault): Oh! Merci.

M. Beaupré (Pierre): ...effectivement l'Ordre des architectes souhaiterait que soit mis en place un réseau ou une place d'information où les architectes pourraient participer, pourraient intégrer leurs connaissances à celles de leurs collègues, lequel réseau ou lequel lieu d'échange pourrait s'articuler autour de la Fondation du patrimoine religieux, qui a déjà une assez grande expertise et une assez grande expérience dans le domaine, avec l'aide évidemment, aussi, du ministère, pour que se constitue ce savoir.

La Présidente (Mme Legault): Je vous remercie beaucoup, M. Bourassa, M. Beaupré. Alors, on débute la période d'échange. Mme la députée de Bellechasse, vous avez la parole.

Mme Vien: Oui. Quelques petites questions, monsieur... d'abord, M. Bourassa, ça s'adresse à vous, puis je vais vous demander très candidement de nous éclairer sur une question bien précise.

Mardi matin, il y a un groupe qui s'est présenté devant nous et qui nous mettait au parfum du fait que le Code du bâtiment, là, est tellement sévère quand vient le temps de faire des restaurations ou des rénovations dans des vieux bâtiments ? en l'occurrence des églises, par exemple ? que finalement c'est pratiquement impossible, là, de faire les travaux parce que ça coûte trop cher, c'est trop compliqué. Ils nous disaient: En France, c'est une situation qui est différente. Et, quand on a posé la question à ce monsieur: Bien, expliquez nous ça un peu, ça nous intéresse, c'est quoi exactement, la situation? Parce que, là, on sait très bien, et vous le savez vous aussi, vous êtes dans le domaine, quand il faut se mettre aux normes, à partir du moment où on touche à la structure, une vieille structure, bien là il faut mettre la main dans nos poches, trouver des sous, puis c'est compliqué. Tantôt, vous avez fait allusion justement aux codes, vous avez fait allusion à ce genre de choses là. C'est quoi, la situation, actuellement, vous qui avez une expérience au niveau des bâtiments religieux?

M. Bourassa (André): Je ne peux pas vous donner une situation qui va refléter toutes les situations de bâtiments. Ce qu'on peut juste vous dire, c'est que c'est normal qu'il y ait une mise aux normes. Cependant, par exemple, si vous avez un ancien couvent puis que vous avez des lambris de bois similaires à ce qu'on a ici, dans les corridors principaux, bien on pourra vous dire, par exemple, que l'indice de propagation des flammes de ces matériaux-là est trop élevé par rapport à ce qui est requis aujourd'hui. Ça nous est arrivé dans certains cas, on a demandé l'application de vernis ignifugeant, puis, dans le cas provincial où on était, on n'a pas voulu l'accepter. Alors, ça fait que les lambris de bois qui font partie intégrante de bâtiments anciens doivent être enlevés, à ce moment-là. Ça, c'est un exemple parmi d'autres, mais il y en aurait pour plus que... beaucoup de jours.

Ce qui est un peu vexant, c'est qu'il y a des bureaux régionaux de la Régie du bâtiment, ou enfin ce qui en tient lieu, qui appliquent ces normes-là, qui vont appliquer les règlements différemment un peu d'un lieu à un autre ou d'une région à l'autre. Alors, ça fait qu'il y a des régions qu'on est très bien servi par ces critères et puis par l'application des codes, d'autres, beaucoup moins bien. Mais, de façon générale, en fonction, comme je vous disais... Ce qui s'en vient, ce sera beaucoup plus des transformations d'églises ? on peut s'y attendre ? que des transformations de presbytères. Les gens, avant, vous l'ont bien décrit, puis c'est assez juste, les presbytères... hein, on fait une fromagerie en ce moment dans un ancien presbytère, les vocations ont été assez facilement trouvées et facilement transformables.

Mais les églises, ça va être différent. Ça va vraiment nécessiter des adaptations, je pense, par rapport ne serait-ce qu'au niveau de la hauteur des bâtiments. Quand on a une église qui est assez haute et qui est en ossature de bois, il y aura des adaptations à faire, puis d'adapter les exigences du code en conséquence, tout le temps en respectant les objectifs de base de sécurité du public. On ne chipote pas là-dessus. L'objectif, il reste le même. Mais la façon d'atteindre un objectif, il n'y en a pas qu'une. Or, comme c'est normal, on peut... le code illustre un certain nombre de recettes, et puis c'est correct, on ne discute pas ça non plus. Mais il faut adapter les recettes au nouveau contexte qui s'en vient bientôt. Voilà. Oui, il y a de quoi à faire.

Mme Vien: Donc, il faut amener un peu plus de souplesse, c'est ce que je comprends?

M. Bourassa (André): Absolument. Il faut que les objectifs soient respectés mais appliqués d'une façon différente.

M. Beaupré (Pierre): Il y a parfois aussi un certain arbitraire dans l'interprétation du code. Et, comme le disait un de mes anciens professeurs, le code est un art d'interprétation et il faut... Mais il y a quand même une évolution aussi dans les codes. Le code qui nous arrive bientôt, le nouveau Code du bâtiment, va laisser beaucoup plus de place d'ailleurs à l'interprétation par des spécialistes. Donc, on peut s'attendre à ce qu'il y ait une plus grande souplesse, et ce serait hautement souhaitable qu'il en soit ainsi. Mais il est aussi souhaitable que les inspecteurs qui auront à interpréter toutes les dispositions du code aient aussi une formation et une certaine sensibilité. Et je pense donc qu'au niveau non seulement de la rédaction du code, mais de la façon dont il est interprété par les inspecteurs, il y a un travail de formation, et c'est évidemment de la responsabilité du gouvernement.

M. Bourassa (André): Quand on dit de briser l'isolement, c'est briser cet isolement-là aussi, là, dans chaque portion de territoire. Parce que c'est très, très difficile.

Mme Vien: Vous avez raison, je pense que ça demande une sensibilité particulière, là, quand vient le temps d'interpréter le code ou quand les serviteurs de l'État viennent pour émettre des permis, ou quoi que ce soit, qu'ils aient cette sensibilité-là: qu'on a affaire à un patrimoine religieux, et qui peut être très vieux, et qui a des particularités très spéciales, puis qu'on ne peut pas mettre nécessairement... bon, O.K., vous comprenez ce que je veux dire, avec des matériaux très modernes, il faut faire attention à ça.

M. Bourassa (André): Oui, tout à fait.

Mme Vien: J'aimerais avoir votre opinion sur le travail effectué, depuis une dizaine d'années maintenant, de la Fondation du patrimoine religieux.

M. Bourassa (André): De ce que j'en ai vu, encore une fois je ne peux pas vous donner une appréciation de tout ce que je n'ai pas vu; mais, de ce que j'en ai vu, c'est sûr que c'est un travail important. On est rendu, je crois, à une étape de diffusion puis de mise en commun justement de cette expérience de la Fondation du patrimoine. On est rendu à une autre étape, je pense. Mais ça a été un travail extrêmement important. Mais imaginez tout ce qui s'est fait, tous les projets qui se sont faits dans ça. Il y a eu des bons coups, des moins bons coups, c'est normal. Mais l'important maintenant, c'est de profiter de cette expérience-là puis de voir quelles sont les solutions qu'on peut le plus porter de l'avant parmi ce qui a été fait qui a été subventionné par la Fondation du patrimoine, bien sûr.

M. Beaupré (Pierre): Un des éléments importants, je pense, de l'action de la Fondation du patrimoine, c'est qu'elle repose beaucoup sur l'action bénévole. Évidemment, l'action bénévole n'est pas une panacée, ne peut pas résoudre tous les problèmes, il ne faut pas s'imaginer que tout tient au bénévolat. Mais, autant les gens qui administrent les paroisses que les gens de la fondation, que les tables régionales de la fondation ont bien fonctionné parce qu'il y avait des gens qui étaient dédiés et qui avaient une certaine foi, si on peut dire, dans leur mission de protéger le patrimoine. Et ils ont investi, à ce moment-là, beaucoup d'énergie de façon gratuite, finalement. Et je crois que c'est un des éléments qui fait qu'il y a eu... Par rapport aux argents investis, il nous semble y avoir eu un bon rapport entre ce qui a été investi et les résultats.

n(15 h 30)n

M. Bourassa (André): Et ça a été un message que les communautés ont bien reçu. Encore une fois, il y aurait eu place à infiniment plus de subventions, mais quand même c'est un message qui a été reçu à l'effet qu'il y a quelqu'un, à quelque part, dans les gouvernements, qui était sensible à la continuité du patrimoine architectural, puis ça, c'est un message qui a été entendu. Encore une fois, maintenant, il faut voir comment on peut faire encore plus.

Mme Vien: Mais en faire plus, vous pensez à quoi? Vous devez avoir une idée, vous avez dû réfléchir à la question. Qu'est-ce qu'on devrait faire de plus et comment on devrait le faire?

M. Bourassa (André): Oui. Bien, c'est pour ça que ce qu'on pense qui manque le plus maintenant, c'est le partage puis la diffusion d'information. Vous avez mentionné que vous êtes allés sur le terrain. On en est très contents. Je peux vous dire que les gouvernements, que ce soit à Québec ou à Ottawa, quand ils ont de la diffusion d'information à faire, par exemple, pour... je reviens aux formations sur l'eau potable ou quand on veut consulter les architectes sur les nouveaux codes d'efficacité énergétique, on va sur le terrain. Mais là, maintenant, il faut aller sur le terrain. Puis il y a eu récemment un colloque ? auquel je ne pouvais pas aller ? qui était très intéressant, mais il faut maintenant qu'il y ait de la formation, qu'on approche les fabriques.

Les fabriques, encore une fois ce ne sont pas des gestionnaires d'immeubles en général qui se parlent beaucoup entre eux, ils sont isolés. Il faut les mettre en commun, il faut donner des pistes de solution. Je vous donne encore comme exemple... je parlais avec mes collègues récemment des municipalités où on fusionne trois paroisses, par exemple. C'est le fun, on fusionne trois paroisses, on appelle l'ensemble des trois paroisses d'un seul nom, mais on garde trois bâtiments. Les trois bâtiments sont encore là. Puis ce qu'on a constaté souvent, nous... En tout cas, personnellement, comme architecte, ce que j'ai pu constater auprès de maints conseils de fabrique, c'est qu'on porte à bout de bras les églises jusqu'à l'extrême limite. On a de la difficulté à accepter avant que le bâtiment soit trop détérioré ou que toutes les finances soient absolument exsangues... Après avoir fait tous les soupers spaghetti du monde puis toutes les campagnes de levée de fonds du monde, quand on n'a plus les moyens du tout, bien là on est pressé de vendre, là on est pressé, puis ce n'est pas là qu'on obtient le mieux, puis ce n'est pas là qu'on fait les meilleures décisions. O.K.?

Mme Vien: Les meilleures affaires. O.K.

M. Bourassa (André): Si les fabriques acceptaient, trois ans d'avance, de dire: Maintenant, pour les trois prochaines années, ce qu'on regarde, c'est quel est le meilleur projet qu'on peut faire pour mettre en valeur notre bâtiment, ce serait sympathique. Mais c'est rare. Moi, je n'en ai pas vu, de mise en situation comme ça. J'ai vu beaucoup plus la dernière limite, le dernier retranchement. Puis, dans certains cas, j'ai vu aussi des municipalités qui avaient acquis, d'une façon ou d'une autre, un bâtiment religieux comme ça puis qui étaient pris avec une patate chaude. Ils n'avaient pas d'exemple, ne savaient pas quoi faire, blablabla. Donc, il faut qu'ils aient l'occasion de partager avec d'autres leurs questionnements puis qu'il y ait des solutions, qu'il y ait des exemples de solutions. Mais encore une fois on ne fera pas des centres d'interprétation sur tous les villages. Ça, ce n'est pas vrai, ça.

Mme Vien: Merci, monsieur.

La Présidente (Mme Legault): En complément, si vous me permettez, je vous entends, M. Bourassa, puis je me demande comment les architectes peuvent mettre davantage, à ce moment-là, leur expertise au service des élus municipaux, et tout ça. Qu'est-ce que vous voyez comme façon de faire?

M. Bourassa (André): Bien, c'est pour ça qu'on mentionnait d'organiser davantage, davantage, davantage de colloques, de monter une formation spécifique à l'intention des élus municipaux puis des fabriques, un Rues principales peut-être du patrimoine architectural, pourquoi pas, hein? Vous connaissez la fondation Rues principales qui a fait un travail, dans beaucoup de petites villes, assez remarquable, merci. Là, il faut aller sur le terrain. En fait, c'est ce qu'on suggère le plus.

De notre côté, on serait prêts à faire un appel auprès de nos membres pour que nos membres sortent les plans d'église qu'ils ont, qu'ils sortent les beaux exemples qu'ils ont. Évidemment, chaque projet qui aura été fait par des architectes, réalisé ou pas, c'est des projets spécifiques dans des contextes spécifiques. Mais, si on peut les diffuser davantage, ça va aider, je pense, énormément, mais dans les municipalités, chez nos responsables de fabrique. Imaginez que les objectifs de ce genre de formation là sont multiples. Il y a un premier objectif, normalement, dans une situation comme ça, avant de parler des immeubles puis des réalisations, il y a un premier objectif de maillage. Ça a beau être des petites municipalités, je peux vous dire que le conseil de fabrique, le conseil municipal, des fois il y a des têtes communes, mais pas tout le temps, et puis des fois ça se mêle, des fois ça ne se mêle pas. Alors, de les amener dans une formation, de voir différentes réalisations...

Comme Rues principales le fait d'ailleurs quand ils vont dans des petites municipalités pour offrir leurs services puis susciter l'adhésion des marchands ou des intervenants d'une rue principale quelconque. Je pense qu'ils ont développé une bonne animation. Ça fait que c'est pour ça que, si... Vous vous rappelez, on parlait d'animation. Bien ça, c'est important, là, quelqu'un qui est capable de faire lever, puis de faire arrimer, puis faire qu'avec un plus un on fasse davantage que deux.

Mme Vien: ...pourraient s'occuper de ça?

M. Bourassa (André): En partie, sûrement, sûrement.

La Présidente (Mme Legault): Merci. Alors, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs.

Une voix: Bonjour.

Mme Léger: Très intéressants, votre expertise et effectivement tout votre rapport, là, par rapport à tout ce qui est restauration, d'une part. Mais j'ai beaucoup apprécié votre mémoire.

J'ai quelques commentaires mais surtout quelques questions. D'abord, toute la partie de sensibilisation, là, autant aux municipalités puis aux travailleurs, mais c'est évident que tout le patrimoine religieux, quand on regarde toute la commission ? et on s'est déplacés à travers le Québec, bien, en tout cas, pas partout, mais on a essayé de se déplacer le plus qu'on pouvait ? il y a quand même une belle sensibilité, là. Les gens, il y a beaucoup d'acteurs qui sont venus s'exprimer ici, devant la commission. Effectivement, il ne faut pas que ça demeure simplement aux leaders, ou aux organisations, ou aux personnes intéressées, il faut que ça aille jusqu'aux citoyens pour qu'il y ait un impact important.

Je veux juste vous rappeler que c'est une initiative de la commission parlementaire, pas nécessairement du gouvernement, parce que ce qu'on aura à faire... parce que c'est l'Assemblée nationale, d'une part, les commissions parlementaires, et on aura à faire des recommandations au gouvernement en place présentement. Petite nuance là, simple.

Dans la page 3, vous parlez particulièrement que beaucoup des architectes ont conçu les églises particulièrement après 1945, et vous écrivez que ça échappe à la notion actuelle du bien patrimoine, mais qui sont des oeuvres majeures dans la définition de la modernité du Québec. Avez-vous quelque chose à nous apporter à ce niveau-là? Parce que c'est sûr que c'est tout avant 1945. Mon collègue de Saint-Hyacinthe a souvent, au début des commissions, posé cette question-là, mais là on l'a un petit peu oubliée aussi à travers...

M. Bourassa (André): Je suis très content que vous abordiez ce sujet-là, puisque...

Mme Léger: J'en ai deux, trois autres, alors je ne sais pas si on va avoir le temps, là.

M. Bourassa (André): O.K. Quand notre temps était terminé, cet aspect-là que je voulais soulever vite, bon, je n'avais pas le temps de le soulever. Merci de me donner l'opportunité. C'est qu'évidemment on a tendance à dire que les choses de nos parents sont des choses démodées dont on se débarrasse facilement, et les choses de nos grands-parents ont plus de valeur, ont un caractère patrimonial très mignon, très coquet, et tout ce que vous voudrez. Il en est de même malheureusement de nos églises: les églises les plus récentes, c'est celles qu'on aurait tendance à larguer beaucoup plus facilement que les églises les plus anciennes. Or, dans les églises récentes, il y en a plusieurs qui sont vraiment d'une qualité architecturale remarquable. Donc, il ne faut pas les oublier.

C'est sûr, encore une fois, si on compare une région à l'autre, la modernité des églises de la région du Saguenay?Lac-Saint-Jean, par exemple, a pris d'autres formes architecturales que les églises plus contemporaines de l'Abitibi. C'est un contexte différent de colonisation, d'industrialisation, c'est complètement différent l'un à l'autre. Mais est-ce que ça veut dire qu'un côté a de la valeur, l'autre côté n'en a pas? Pas du tout. Il faut vraiment se pencher là-dessus parce que, si on n'y pense pas maintenant, quand elles seront détruites, il sera trop tard. Vraiment important.

Mme Léger: J'aborderais avec vous... Au niveau de l'attribution des fonds tels quels, vous avez parlé de la fondation, tout ça, vous indiquez à la page 5, je crois, 5, un certain manque de clarté dans la logique d'attribution des fonds de tel ou tel immeuble. Est-ce que vous pouvez expliquer davantage sur ça?

Et toute la partie de documentation dont les architectes... Vous avez une panoplie de documents que vous avez accumulés, des plans des immeubles, bon, etc., et vous indiquez dans votre mémoire que c'est une richesse extraordinaire que vous avez entre les mains. Avez-vous eu déjà des discussions avec les archivistes? Parce qu'on a eu plusieurs archivistes qui sont venus, autant le Regroupement des archivistes religieux que les archivistes tels quels, qui sont très, très minutieux de la chose, ils sont venus nous apporter beaucoup d'éléments au niveau de la conservation de tous les documents. Bon. Ce sont vos documents évidemment, là. Comment vous voyez, dans la conservation de documents comme ceux-là... Parce qu'il faut quand même dire que ce que vous nous apportez, c'est que c'est aussi que ça complète l'information d'une église ou d'un bâtiment d'église, le moindrement qu'il y aurait encore davantage de restauration à faire, que c'est important d'avoir cette mémoire-là de ce qui s'est fait tout le long des années et que vous avez entre les mains.

M. Bourassa (André): Bon. Je vais répondre à votre deuxième question d'abord, puis je laisserai Pierre...

Mme Léger: ...question.

n(15 h 40)n

M. Bourassa (André): Je laisserai Pierre répondre à la question du manque de clarté par rapport à l'attribution des fonds, à l'occasion en tout cas, dans la fondation. Pour ce qui est de la question des documents qui existent dans les firmes d'architecture, imaginez-vous donc que ? quel timing ? juste en décembre dernier, nous avons... pas publié mais enfin terminé la rédaction et lancé ce qu'on appelle notre guide d'archivage des documents d'architecture. Dans la dernière année, j'ai travaillé là-dessus avec d'autres collègues architectes et des gens du Centre canadien d'architecture, que vous connaissez peut-être comme évidemment institution remarquable au niveau de la pérennité des documents d'architecture, pour que les architectes soient le plus conscients possible de l'importance de garder certains documents et de la manière de les garder aussi. Parce que je vous rappelle que, sur le plan légal, on a des tonnes et des tonnes de documents à archiver, qu'on doit garder pour certaines raisons. Or, souvent les documents les plus intéressants, c'est-à-dire les études préliminaires, les plans de couleurs et tout ça, sont les documents qui sont largués le plus vite parce qu'ils n'ont pas servi à la construction.

Mais, à ce moment-ci, je ne vous cache pas que ni le Centre canadien d'architecture et encore moins l'Ordre des architectes n'avons les ressources pour constituer un centre de documents relatifs aux bâtiments religieux. Mais c'est vrai que, si on veut parler d'inventaire, si on veut parler de critères, d'avoir une place centrale pour archiver les documents comme ça, ce serait extrêmement important, d'autant plus que beaucoup de ces archives-là sont détruites parce qu'il n'existe pas une très forte tradition, dans les firmes d'architecture, de continuité, là, de bureau de père en fils ou d'associé en associé. Il y en a, des bureaux comme ça, mais il n'y en a pas tant que ça. Donc, beaucoup de documents sont détruits, manque de continuité.

Mme Léger: Donc, à ce moment-ci, lorsqu'on se parle, beaucoup de bureaux d'architectes à travers le Québec ont des informations très pertinentes et importantes...

M. Bourassa (André): Sûr.

Mme Léger: ...sur des bâtisses et des monuments absolument splendides...

M. Bourassa (André): Énormément.

Mme Léger: ...et qui pourraient être utiles pour archiver tous ces documents-là.

M. Bourassa (André): Absolument. Imaginez une église de 1956, par exemple, bon, je pense à certaines qui sont très éloquentes, on est un peu à la limite, là. Les firmes d'architectes où sont entreposés ces plans-là, c'est limite. Est-ce qu'ils seront conservés? Est-ce qu'ils seront détruits? On est au jour J par rapport à toute une génération de bâtiments. Donc, oui, il y aurait vraiment lieu de s'en occuper, mais c'est qu'encore une fois ça prend un centre pour ça.

Mme Léger: Vous n'avez pas fait de discussion avec les archivistes, peu importent les... avec l'Association des archivistes du Québec?

M. Bourassa (André): Bien, c'est-à-dire que les Archives nationales... Parce que le document dont je vous parlais tout à l'heure, notre guide des archives, on l'a préparé avec les Archives, avec le concours très apprécié et très important des Archives nationales du Québec. Alors, c'est sûr que les Archives nationales du Québec ne peuvent pas prendre en charge ces documents-là à ce moment-ci, à moins que, de la part de l'État, ils aient un mandat spécifique. Mais je ne crois pas qu'à ce moment-ci ils peuvent le faire.

Mme Léger: On fait bien de m'indiquer qu'il y a des centres d'archives privés, en région, qui peuvent conserver ces archives. Est-ce que vous êtes au courant de ça?

M. Bourassa (André): Oui, il y en a. Il y a des centres d'archives privés accrédités aussi qui peuvent s'occuper de ça. Mais ça ne nous donnera pas quand même le caractère répertorié forcément de tous ces documents-là.

Mme Léger: Non. Au moins, on peut quand même, au moins, conserver les documents...

M. Bourassa (André): C'est sûr.

Mme Léger: ...que de les retrouver aux vidanges, là.

M. Bourassa (André): Mais, eux aussi, ils seront confrontés à la question de ressources, parce que, si tous les bureaux d'architectes se libèrent des plans d'église qu'ils ont, tassez-vous de là, ce sera une avalanche! Pierre.

M. Beaupré (Pierre): Simplement dire, ajouter à ça aussi que d'expérience on doit réaliser que les fabriques, les églises ont souvent eu tendance à négliger la conservation des documents ou les ont conservés sous des formats qui se détériorent, de sorte que parfois il reste bien peu de choses des documents qui ont été utilisés pour la construction des églises.

Pour revenir à la première question que vous posiez, c'est-à-dire le fait qu'on constate ou on relève un certain manque de clarté dans la logique, c'est surtout pour souligner le fait que la fondation a, nous semble-t-il, fonctionné ou attribué ses fonds ou ses subventions en fonction des demandes qui leur parvenaient sans avoir peut-être un programme général d'intervention, sans reposer non plus sur... sans se reposer sur un inventaire assez complet et assez bien constitué de l'ensemble des biens religieux au Québec. Ça a été mentionné par d'autres avant nous que, cet inventaire, la fondation l'a mis sur pied en même temps qu'elle subventionnait ou qu'elle collaborait à certains travaux. Cet inventaire, il existe, il est d'ailleurs accessible sur Internet, mais ça demeure un inventaire qui est un peu superficiel et auquel il manque probablement une certaine profondeur et surtout les éléments qui permettraient éventuellement la hiérarchisation de la qualité patrimoniale ou de l'intérêt patrimonial des biens d'Église.

Mme Léger: Merci.

La Présidente (Mme Legault): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, Mme la Présidente. C'est extrêmement intéressant de vous entendre. On voit que vous êtes des gens qui vivez bien dans la réalité non seulement matérielle, mais communautaire des gens qui vous consultent, et tout ça, et c'est sûr que votre profession est à ce prix aussi, hein? Si les gens ne se sentent pas accueillis, ils vont essayer de contourner l'architecte, c'est sûr.

Alors, je pense, votre message était très intéressant au niveau du code aussi, ça redonne confiance, parce qu'un certain nombre de bâtiments qui ont un certain âge ont été, à toutes fins pratiques, abandonnés ou les propriétaires les ont laissé aller parce qu'ils disaient: On n'a pas le moyen de mettre ça aux normes, tout simplement. Et ce que vous nous avez rapporté, tout à l'heure, à l'effet de toute une boiserie qui a été enlevée parce que ça ne correspondait pas aux normes, aussi bien enlever l'édifice, à ce moment-là, hein, parce que ça fait partie de la dimension patrimoniale, ces boiseries-là, j'imagine, potentiellement en tout cas. Alors, je pense, c'est des messages qui sont extrêmement intéressants.

Là où j'ai été un peu plus surpris, c'est quand vous avez parlé des églises avec la possibilité de transformer ces grands espaces en plusieurs étages. Là aussi, je pense que c'est plus la réutilisation d'une coquille vide que la conservation d'un patrimoine.

M. Bourassa (André): Si je peux me permettre...

M. Dion: Oui.

M. Bourassa (André): ...on a parlé évidemment, on a parlé beaucoup de notre présentation aujourd'hui, et je vous relaterais un exemple récent qui m'a concerné très personnellement. Justement, pour pouvoir préserver l'entièreté d'un volume architectural d'une ancienne chapelle ? pas très ancienne, mais quand même ? on n'a pas intervenu, on n'a pas fait de plancher dedans, et ça faisait partie de notre démarche d'architecte, c'était clair, c'était dans un objectif de préserver ce lieu-là, qui était un lieu signifiant pour les gens qui habitaient autour. Or, ça a eu cet effet, que je n'avais pas prévu, que, bien que le chemin de croix ait été enlevé, bien que la peinture et tout plein d'éléments de décor et de mobilier aient été refaits, il y avait une trop grande proximité de temps, quelqu'un ne pouvait pas se sentir là dans son salon s'il avait été là à des funérailles, et à un mariage, et etc., à d'autres événements très lourds de sens dans sa vie.

Il peut arriver, je ne vous dis pas que c'est universel, mais il peut arriver que la fragmentation de volume soit quand même quelque chose qui soit indiqué, qui se fasse bien, dépendant de la valeur du bâtiment, parce qu'il y a des bâtiments qui n'ont pas, au niveau architecture, la même valeur. Mais, même quand on ne le fait pas, je peux juste vous mentionner que ça peut avoir des effets qu'on n'avait pas prévus. Alors, peut-être, si c'était à refaire, que je referais un peu plus d'interventions fortes, étant donné que les gens qui vivaient là après la transformation étaient des gens qui avaient fréquenté le lieu comme un lieu de culte. Alors, parfois, ça peut être indiqué, mais ça ne veut pas dire que c'est indiqué tout le temps.

Un bâtiment qui aurait une très haute valeur patrimoniale, une très grande histoire au niveau de l'architecture, je ne pense pas qu'il y a personne qui va aller proposer une fragmentation des volumes dedans. Il y a des bâtiments qui, il faut le dire, sont plus banals que d'autres. Ce qui ne veut pas dire encore une fois que ça va être systématiquement une approche ou l'autre. Mais on ne peut pas, à ce moment-ci, faire de choix qui sont des choix universels. Maintenons des objectifs et faisons attention aux recettes.

M. Beaupré (Pierre): Peut-être ajouter à ceci que, dans une église, il y a plusieurs éléments qui constituent sa valeur patrimoniale: il y a sa présence dans la ville, sa présence symbolique, et il y a aussi son volume et son décor intérieur qui peuvent avoir ou ne pas avoir de valeur patrimoniale, et, dans le cas d'un vaste volume qui n'aurait aucune... qui n'aurait que le volume comme valeur, il est peut-être indiqué... Pour sauvegarder ce qui est une présence physique importante dans la ville, il est peut-être indiqué ou il pourrait être indiqué de subdiviser même s'il y a une contradiction apparente entre l'indication d'une valeur publique à ce bâtiment-là et la privatisation des espaces ensuite, à l'intérieur. Mais je pense qu'il faut être nuancé dans chaque décision qu'on prend, et c'est en fonction vraiment de chacun des cas d'espèce qu'on rencontre qu'on doit prendre une décision.

n(15 h 50)n

M. Bourassa (André): L'exemple que je vous relaterais, vous l'avez peut-être déjà entendu, mais, en Angleterre, dans une question de patrimoine religieux, on a statué qu'une telle chapelle sur le haut d'une colline, dans un endroit, dans une campagne bucolique, magnifique, tatata, pour l'aspect paysager du contexte, c'était une chapelle à conserver. Il n'y avait pas de gens qui la fréquentaient, il y en avait trop, il n'y avait rien d'autre qui justifiait sa conservation que l'habitude, sa silhouette dans le paysage. On l'a réutilisée pour installer un transformateur électrique. Alors, ça faisait quoi? Ça faisait que sa fonction pour laquelle elle était le plus reconnue, un repère dans le paysage, est demeurée. Ça a fait quoi aussi? Ça a fait qu'à qui, vous pensez, est allé l'entretien extérieur du bâtiment? Probablement à la compagnie d'électricité. Ce qui fait qu'on a un apport de fonds qui n'est pas négligeable pour l'entretien de cette silhouette architecturale. Et ça ne veut pas dire que c'est perdant, ça veut dire que, si on avait laissé peut-être le bâtiment sans vocation aucune, là, il n'y aurait eu personne pour l'entretenir, et là, là, sa survie était en danger.

M. Dion: Merci beaucoup. Je pense que c'est très intéressant. J'aurais une dernière question à vous poser, qui est plus globale. C'est qu'on a parlé beaucoup, pour assurer la conservation la meilleure possible des différents éléments du patrimoine national, régional ou local, on a suggéré la mise en place d'une fiducie qui aurait cette fonction soit de conservation temporaire ou soit définitive, selon ceux qui en ont parlé. Et comment voyez-vous ça et comment voyez-vous l'articulation d'une fiducie qui serait nationale ou qui serait régionale avec la mobilisation des communautés locales autour d'un élément du patrimoine religieux?

M. Bourassa (André): Oui. Sans connaître le long et le large de cette proposition, je vous dirais que c'est en regard de ça particulièrement qu'on mentionnait tantôt l'importance de faire appel, dans les solutions, peut-être à des solutions sur une période de transition de deux, trois ans, mais de ne rejeter aucune force vive en ce moment. Si on vous a mentionné tantôt que malheureusement, dans beaucoup de conseils de fabrique, on pouvait, par exemple, attendre trop avant d'avoir des solutions de nouvelle vocation à l'immeuble, etc., ça ne veut pas dire que c'est tous des conseils de fabrique comme ça. Mais, si on vous a dit que ce n'était pas toujours la meilleure gestion qui en était faite, il reste que c'est une gestion qui est bénévole, c'est une gestion qui est bien intentionnée, et c'est vraiment mieux que pas de gestion du tout. Et puis on n'aurait pas les moyens de payer des fonctionnaires ou des gestionnaires partout, à tous crins, pour s'occuper de l'ensemble de ce patrimoine-là, même sur une base temporaire. Ce seraient des sommes pharaoniques. Donc, je pense que, de façon intermédiaire, j'insiste plus sur le rassemblement des forces, sur la diffusion des connaissances pour trouver des solutions que sur quoi que ce soit d'autre.

M. Dion: Merci beaucoup. Et c'est assez étonnant de voir que des spécialistes des formes s'intéressent autant à la diffusion et à l'animation, mais c'est très logique. Merci.

La Présidente (Mme Legault): Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger: Oui. Je suis en réflexion un peu avec le Code du bâtiment. Je voudrais revenir sur le Code du bâtiment, là. Vous avez parlé, tout à l'heure, dans le Code du bâtiment, bon, de certaines difficultés d'assouplissement, là, puis de la différence d'une région à l'autre. Vous avez parlé d'arbitrage. Quel est selon vous...

M. Bourassa (André): D'arbitraire.

Mme Léger: Ah! Je... Vous êtes sûr que vous n'avez pas dit «arbitrage»?

M. Beaupré (Pierre): Je pense qu'on a parlé d'arbitraire dans l'application de certaines dispositions du code selon... mais évidemment selon l'inspecteur qui en faisait l'arbitrage, finalement.

Mme Léger: O.K. Bon. Alors, c'est beau.

M. Bourassa (André): Il y a quand même des comités qui sont chargés de faire des fois une interprétation, à Québec, là, une interprétation plus spécifique sur un cas donné. Il reste qu'ils n'ont pas une grande marge de manoeuvre. Ils ne font...

Mme Léger: De qui vous parlez quand vous dites ça?

M. Bourassa (André): Je veux dire, au niveau de l'application des codes et quand...

Mme Léger: Oui, mais vous parlez de comités, de qui vous parlez?

M. Bourassa (André): Comment il s'appelle, le comité? Pas le comité de révision, mais il y a des gens qui se penchent spécifiquement...

Mme Léger: Ah! Au ministère?

M. Bourassa (André): ... ? oui, c'est ça ? sur les cas difficiles.

Mme Léger: Ah! O.K. Non, non, je pensais...

M. Bourassa (André): O.K.

Mme Léger: Je pensais au niveau des architectes.

M. Bourassa (André): Sur les cas plus...

Mme Léger: Oui, oui, d'accord. Oui.

M. Bourassa (André): ...qui demandent une interprétation justement. Or, ils n'ont pas, dans leur mandat, à ma connaissance, de tenir compte du fait que c'est un bâtiment religieux patrimonial ou pas. La valeur du bâtiment n'entre pas dans les critères, comprenez-vous? Alors, c'est leur seul mandat, puis c'est normal, on le conçoit bien, là, c'est la sécurité du public. Mais qu'il n'y ait pas de caractère particulier, dans ce travail-là, attribué au fait que le bâtiment est patrimonial, c'est un peu dommage. Et je peux vous dire qu'à ce moment-là, selon que c'est un promoteur privé ou selon que c'est un bâtiment qui est destiné à un ministère ou au gouvernement, ça fera une différence sur l'interprétation, malheureusement. C'est ce qu'on a pu constater: lorsqu'on a besoin d'interprétations rapides et qui vont dans un sens donné, on l'a beaucoup plus facilement si c'est destiné à un organisme public ou parapublic que si c'est destiné à un promoteur privé.

La Présidente (Mme Legault): Merci beaucoup. Alors, M. Bourassa, M. Beaupré, Me Dumont, je vous remercie beaucoup, au nom de mes collègues, pour votre participation puis vos propos très éclairants pour la commission. Merci.

Alors, j'invite les membres de la Société canadienne d'histoire de l'Église catholique, de l'Institut d'histoire de l'Amérique française et du Centre universitaire d'études québécoises de l'Université Laval de s'approcher et de prendre place. Merci.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Legault): Alors, bonjour, mesdames messieurs. Je vous remercie d'être là. Nous allons débuter. Vous allez débuter évidemment en vous présentant. Peut-être que M. Hubert pourra commencer, présenter les personnes qui l'accompagnent, et puis une période d'échange va donc s'amorcer, qui va durer une vingtaine de minutes, la période d'échange sera suivie... et votre présentation, pardon, sera suivie d'une période d'échange entre les collègues, partagée également en période de 20 minutes aussi. Alors, on vous écoute pour votre présentation.

Centre d'histoire des régulations sociales (CHRS),
Centre interuniversitaire d'études québécoises (CIEQ),
Centre interuniversitaire d'études sur les lettres,
les arts et les traditions (CELAT),
Chaire de recherche du Canada en histoire
et économie politique du Québec contemporain,
Chaire de recherche du Canada en patrimoine,
Groupe d'histoire de Montréal (GHM),
Institut d'histoire de l'Amérique française (IHAF)
et Société canadienne d'histoire
de l'Église catholique (SCHEC)

M. Hubert (Ollivier): Très bien, merci, et bonsoir. Mesdames messieurs, je vais vous présenter les membres qui sont là, autour de moi, ce soir: Marc Vallières, à ma droite, est professeur d'histoire à l'Université Laval et président de l'Institut d'histoire de l'Amérique française; Mélanie Lanouette, à l'extrême, à ma gauche, est membre du conseil exécutif de la Société canadienne d'histoire de l'Église catholique et aussi travaille au Centre interuniversitaire d'études québécoises de l'Université Laval; immédiatement à ma gauche, Brigitte Caulier est directrice du Centre interuniversitaire d'études québécoises et professeure d'histoire au Département d'histoire, donc, de l'Université Laval; et moi-même, Ollivier Hubert, je suis professeur d'histoire à l'Université de Montréal et président de la Société canadienne d'histoire de l'Église catholique.

Au mois de septembre dernier, un certain nombre d'organismes, associations, centres et groupes de recherche parmi ceux que je viens de vous présenter et d'autres également vous ont communiqué un mémoire intitulé Le sort des archives religieuses au Québec: les historiens sont inquiets. Cette commission étudie la question du patrimoine religieux du Québec, elle devra faire des recommandations au ministère qui seront décisives pour l'avenir de ce patrimoine. Or, il nous a semblé que les archives avaient été sinon ignorées, du moins modestement intégrées au débat et aux initiatives. L'attention a été en priorité dirigée vers le patrimoine immobilier et artistique, et très secondairement vers le patrimoine archivistique. Trop souvent, de plus, on avait l'impression que, lorsqu'il était question de documents, on pensait avant tout à quelques trésors rares et précieux conservés dans quelques bâtiments eux-mêmes en péril. Nous croyons que cette consultation doit être l'occasion d'élargir la perspective pour inclure l'ensemble des archives religieuses, toutes confessions, toutes périodes, toutes institutions confondues, dans la notion de patrimoine religieux du Québec et qu'ainsi les archives soient considérées comme un élément clé dans la réflexion, tout aussi important que les bâtiments et les autres catégories matérielles à caractère patrimonial.

n(16 heures)n

Cette réflexion est urgente, elle est cruciale parce que nous avons affaire à quelque chose de fragile, de simples feuilles de papier pour beaucoup. Elle est décisive parce qu'elle concerne, au bout du compte, le caractère plus ou moins juste, plus ou moins profond, plus ou moins pertinent de la représentation de nous-mêmes que nous allons être en mesure d'élaborer dans le futur. En effet, comme vous l'explique, de manière très détaillée, le rapport soumis devant cette commission par l'Association des archivistes du Québec, certaines archives religieuses sont dans un état actuel de grande vulnérabilité. Pendant des siècles, dans les paroisses, dans les diocèses, dans les communautés religieuses, dans les institutions rattachées aux différentes confessions religieuses du Québec, des personnes de grande valeur ont travaillé à la préservation d'un patrimoine archivistique exceptionnel. Nous disposons ainsi d'une richesse documentaire que nous envient, ou nous envieraient s'ils la connaissaient, de nombreuses communautés scientifiques dans le monde, et il y a là très largement les matériaux qu'utilisent les historiens actuellement et qu'utiliseront les historiens du futur pour écrire une histoire du Québec qui rende compte avec finesse de la complexité de l'itinéraire de notre collectivité. Or, les mêmes causes produisant les mêmes effets, ce trésor de papier est tout aussi menacé que les bâtiments et les oeuvres d'art. Le personnel religieux est vieillissant et de moins en moins nombreux. Dans les paroisses, dans les diocèses, les communautés, les ressources, plus rares, sont tout naturellement dirigées en priorité vers les charges administratives, les besoins caritatifs, les responsabilités pastorales.

Les églises sont généralement des institutions qui s'occupent remarquablement bien de leurs archives. Cependant, nous sentons bien qu'actuellement les temps sont durs. Des décisions doivent être prises, des archives seront regroupées, déplacées, réparties. Cela doit se faire dans les meilleures conditions, en s'assurant qu'aucun document d'importance ne soit détruit, en s'assurant que les conditions de préservation soient adéquates, en s'assurant que les archives soient accessibles, ce qui signifie qu'elles doivent demeurer au Québec et, si possible, au sein même des régions de leur sédimentation initiale.

La situation est bel et bien inquiétante. Elle l'est peut-être même davantage que dans le cas du patrimoine immobilier. En effet, un bâtiment est une entité tangible, d'emblée investie par le regard public, qui a tendance à se l'approprier. Les archives au contraire sont dispersées, soustraites aux regards, méconnues en général de l'opinion et même, souvent, des institutions qui les ont produites elles-mêmes. Les archives sont des traces très discrètes, trop discrètes peut-être, et donc elles sont toujours menacées par l'effacement, le plus souvent involontaire. Et pourtant elles sont excessivement précieuses et utiles.

Les historiens, peut-être beaucoup plus que d'autres, savent pourquoi les archives religieuses doivent être protégées. Au Québec, la discipline historique, la profession d'historien et d'historienne est caractérisée par son remarquable dynamisme. L'histoire est une science humaine et, en tant que telle, elle pose au passé des questions toujours neuves, elle s'impose des protocoles de recherche rigoureux, et, au fondement de cette pratique, il y a l'archive. C'est sur le document que repose l'enquête.

La première condition d'une histoire de qualité réside dans la qualité de la documentation elle-même. C'est par la lecture de nouvelles archives, par l'application de questionnaires nouveaux à des archives connues et revisitées qu'avancent notre discipline et le savoir commun sur le passé. L'histoire qui se produit ici a acquis une reconnaissance internationale dans le domaine de la recherche de haut niveau. Les travaux réalisés par les savants du Québec sont connus et diffusés à travers le monde et reconnus pour leur qualité et leur pertinence. Or, ce succès est en partie dû au fait que nous avons la chance de posséder une documentation supérieurement bien préservée. Cela ne compte pas pour rien dans la réussite de notre discipline.

Nous avons bénéficié d'une histoire, comparativement à de nombreux endroits dans le monde, relativement calme, exempte en particulier de conflits armés sur le territoire ou de révolutions politiques, événements qui sont, on le sait, responsables de la destruction de nombreux documents. Néanmoins, nous vivons en ce moment une mutation importante de notre société, dans la mesure où les églises instituées, qui ont été si longtemps au coeur de notre vie sociale, s'éclipsent progressivement. Nous avons l'occasion de bien négocier cette transformation. Faisons en sorte que la mémoire de cette expérience religieuse et sociale soit transmise malgré les changements actuels.

Comme historiens, nous devons réagir lorsque nous sentons la richesse documentaire compromise. Nous devons collectivement, pouvoir public, chercheurs, archivistes, autorités religieuses, ensemble, tout faire pour préserver les archives que nous possédons et organiser les choses pour sauver aussi les archives qui sont produites en ce moment afin de les rendre disponibles aux générations suivantes d'historiens.

Voici donc une première grande raison qui concerne avant tout la discipline elle-même mais qui déjà ne doit pas vous être indifférente. Mais il existe un second motif fondamental pour lequel le patrimoine archivistique religieux doit être protégé de toute urgence. Nous pensons que la force et la vitalité d'une société reposent en partie sur sa capacité à bien se penser, à bien se représenter, notamment dans une certaine continuité. Il s'agit de la qualité du rapport au passé. Les historiens estiment avoir le devoir de livrer à la collectivité une histoire qui soit riche, plurielle, fine, informée, rationnellement constituée. Or, pour des raisons historiques justement, les églises ont joué, au Québec, un rôle tout à fait fondamental dans la structuration de la société. Ce n'est pas pour rien que les archives religieuses constituent, avec les archives gouvernementales et judiciaires, le plus imposant ensemble documentaire archivistique au Québec.

En d'autres termes, impossible d'écrire une bonne histoire du Québec, qu'elle soit économique, institutionnelle, mentalitaire, sociabilitaire, politique, environnementale, culturelle, démographique, sociale, matérielle ou religieuse, bien évidemment, sans investir les archives religieuses. Ainsi, si l'histoire du Québec est aujourd'hui mieux connue qu'il y a 50 ans, on le doit en bonne partie à la fréquentation des archives religieuses. Et il reste tellement à faire non seulement pour éclairer notre passé lointain, mais encore pour décrire les transformations considérables qu'a connues le Québec des dernières décennies. Et il faudra encore, dans le futur, expliquer les changements que nous vivons aujourd'hui, grâce aux archives que nous produisons en notre temps. La conservation du patrimoine archivistique religieux participe pleinement et largement à cette logique.

Mais quel est précisément l'état des lieux? Il reste difficile à définir, à mesurer, à préciser. Il faut se fier à des expériences particulières accumulées. Depuis des années, les historiens fréquentent assidûment les archives religieuses. Ils sont généralement très bien reçus. Nous avons tous rencontré, dans notre carrière, des archivistes, religieux ou laïques, compétents et dévoués. Cette relation personnelle qui peut s'établir entre l'archiviste et le chercheur est une donnée fondamentale de notre métier.

Les archivistes et les autorités religieuses comprennent généralement la mission des historiens, et ils comprennent que nous nous conformons à une rigoureuse éthique professionnelle qui nous oblige et garantit la qualité de nos travaux, méthodes, transparence, quête du savoir plutôt que goût de la polémique, connaissances plutôt que politique. De leur côté, les historiens comprennent facilement qu'ils ont affaire à des archives privées. Ils comprennent que des restrictions soient, lorsque cela est justifié, imposées à la liberté de consulter. Les difficultés rencontrées sont le plus souvent d'un autre ordre. Elles relèvent du sous-financement de la conservation, du traitement et de la consultation.

Depuis quelques années, de nouvelles complications sont venues s'ajouter aux limitations habituelles. Les institutions religieuses ont moins de ressources financières et humaines. Certains historiens ont déjà fait l'expérience de consultations tarifées à l'heure, de l'accroissement substantiel des frais exigés pour les services liés à la recherche, quand ils ou elles ne se heurtent pas à une porte close. Cette évolution est bien compréhensible: les charges sont énormes et les revenus décroissent. Dans certains cas, les conditions sont excellentes, dans d'autres, elles sont impossibles. Certes, il existe de nombreuses initiatives récentes qui vont dans un sens très favorable. Par exemple, certains diocèses ont commencé à penser à accueillir, dans des locaux bien aménagés, les archives diocésaines ou les archives des paroisses qui ferment. Par exemple, certaines communautés religieuses ont réuni les archives de leurs différentes maisons en un lieu valorisé. La Fondation du patrimoine religieux a sans doute insuffisamment investi ce champ d'action, mais elle demeure un modèle de partenariat entre pouvoir public et églises qui peut être intéressant.

Au fond, la prise de conscience est bien là, elle est profonde et sincère, mais les besoins demeurent très importants. La situation est précaire, et la période transitoire est dangereuse. Toutes les archives religieuses doivent être préservées dans des locaux adaptés, classées, gardées par du personnel qualifié, mises à la disposition des chercheurs dans le respect de la volonté des propriétaires. Cela signifie qu'un investissement financier significatif doit être consenti. Le ministère de la Culture et des Communications lui-même, ou par le canal d'une fondation, devrait veiller à ce que des sommes soient dévolues à des actions stratégiques. On peut penser à un inventaire, un état des lieux qui permettrait de mieux savoir où nous en sommes, à l'aménagement de lieux de conservation et de consultation adéquats. Certains édifices religieux, lieux de culte ou autres pourraient être transformés en centres d'archives. Surtout, des sommes devraient aller à l'engagement d'archivistes professionnels qualifiés.

Pour conclure, l'histoire du Québec est un champ de recherche dynamique et hautement professionnalisé. La communauté des savants, historiens et historiennes exprime devant vous son inquiétude. Tandis que le problème important de l'avenir des lieux de culte occupe l'essentiel des préoccupations, les historiens et historiennes craignent, en complète solidarité avec leurs collègues archivistes, qu'on ne songe pas à mettre à l'abri de la destruction et à portée d'une lecture experte les traces léguées par le passé et confiées jusqu'ici aux soins des institutions religieuses.

n(16 h 10)n

Les historiens et historiennes font quotidiennement le constat d'un manque de ressources humaines et financières qui met en péril les documents eux-mêmes et rend leur consultation difficile, sinon, dans certains cas, impossible. De plus, anticipant les conséquences de la baisse de la pratique et des vocations dans les Églises traditionnelles, ils craignent que certaines archives religieuses du Québec ne soient dispersées ou dilapidées.

Or, les archives religieuses constituent et constitueront, pour des générations futures de chercheurs, des matériaux essentiels pour bien comprendre non seulement l'histoire religieuse, mais aussi l'histoire sociale, économique, culturelle, politique et intellectuelle du Québec. Il en va donc de la qualité du rapport que les Québécois et les Québécoises pourront entretenir avec leur passé et par conséquent de la manière dont ils seront en mesure de se déterminer en tant que citoyens et citoyennes.

Les historiens et historiennes du Québec font trois recommandations: premièrement, que les archives religieuses soient considérées comme patrimoine collectif des Québécois et des Québécoises. Par là, nous ne nous prononçons nullement sur le statut juridique des documents. Nous voulons dire que le soutien de l'État à la conservation des archives religieuses est justifié par le rôle social très étendu que les Églises ont assumé au cours de l'histoire. L'histoire que racontent les archives religieuses du Québec est largement celle de notre collectivité. À ce titre, les meilleurs moyens devraient être mis en oeuvre pour en assurer la sauvegarde et la diffusion; deuxièmement, qu'un groupe de travail réunissant des archivistes, des chercheurs ainsi que des représentants de l'État et des Églises élabore une stratégie nationale pour assurer la préservation et l'accessibilité des archives religieuses du Québec; et enfin que l'on conduise, sous la supervision de ce groupe de travail, une enquête visant à établir un portrait détaillé de la situation des archives religieuses au Québec.

Voilà qui met fin à notre présentation, qui résume notre rapport. Et puis on est bien sûr tout à fait disposés à entendre vos commentaires et questions.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Je voudrais tout d'abord m'excuser de mon absence momentanée. Donc, je suis heureux d'être de retour parmi vous.

On a beaucoup parlé d'archives, particulièrement hier et également à quelques reprises lors de nos tournées. Je me souviens du Saguenay, par exemple, où quelques groupes nous ont parlé énormément d'archives religieuses. Ma question est très simple: Je sais que nous devrons discuter d'archives, entre autres d'archives religieuses, est-ce qu'à votre avis nous devrions inclure, suggérer d'inclure dans la loi les archives religieuses au même titre que les autres monuments bâtis et le mobilier religieux et que ça devienne une part entière de cet héritage-là et qui doit être gardé ensemble avec des archives, peut-être gardé à part les autres archives dans les centres d'archives nationaux, les centres d'archives régionaux? Est-ce qu'on doit faire une part spéciale, un endroit spécial pour conserver ces archives-là, avec une loi afférente qui tient compte de ces archives-là comme d'autres héritages religieux du Québec?

M. Hubert (Ollivier): Je pense que le sens de notre présentation, c'est effectivement l'inclusion des archives religieuses dans la notion de patrimoine religieux.

Le Président (M. Brodeur): Qui devrait coordonner ces centres d'archives là, le gouvernement du Québec ou un partenariat qui pourrait être autre?

M. Hubert (Ollivier): Je pense qu'actuellement ces archives sont des documents privés, et donc il peut y avoir un autre arrangement que sous la forme d'un partenariat entre les propriétaires de ces archives et ceux qui seront chargés de veiller à la conservation. Et évidemment, en tant qu'historiens, le point qui nous préoccupe le plus, c'est l'accessibilité de ces documents, hein? Alors, ils doivent être conservés et rendus accessibles. Les moyens actuellement qu'ont les communautés religieuses et les Églises sont insuffisants pour assurer des fois, même, la conservation et le plus souvent la consultation.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger: Oui, merci. C'est assez incroyable, le regroupement de tout ce monde-là pour faire d'abord le mémoire, en tout cas de venir déposer le mémoire, d'une part. Merci beaucoup.

Deux aspects. D'abord, dans la conclusion, d'une part vous préconisez de mettre sur pied un groupe de travail particulièrement, en tout cas, pour réunir les archivistes tels quels avec vous, mais vous mettez aussi les représentants de l'État et de l'Église mais sur l'aspect vraiment... l'aspect de préservation et d'accessibilité des archives. Pouvez-vous m'élaborer un petit peu qu'est-ce que vous entendez par «un groupe de travail»? Quel serait son mandat particulièrement? Quelle serait sa mission?

Mme Caulier (Brigitte): Je pense que, dans un premier temps, on est à une étape, je dirais, pendant... Moi, personnellement, je suis professeure d'histoire socioreligieuse du Québec et, je dirais, dans les derniers 20 ans, j'ai vu évoluer la situation, je dirais: d'une attitude, de la part des institutions religieuses, quelque peu, je dirais, repliées sur elles-mêmes, institution par institution, et, au fur et à mesure des difficultés croissantes des institutions, que ce soient les institutions paroissiales, les communautés religieuses, on a vu progressivement se développer des initiatives pour essayer de voir la situation d'une façon plus globale, en particulier dans le cadre diocésain. Donc, je pense que la situation est mûre pour que le point soit fait à l'échelle de la province.

C'est sûr, comme le disait mon collègue, juridiquement, ce sont des archives privées. Mais en même temps elles touchent tellement la vie de l'ensemble de la société québécoise, la vie publique de la société québécoise qu'elles ont un statut, je dirais, mémoriel très particulier, et, de ce point de vue là, je pense qu'on ne peut pas imaginer qu'on laisse, je dirais, des initiatives privées, des fois de désespoir... Moi, j'ai vu des fonds d'archives brûler, hein? La communauté religieuse ferme, la chaudière est à côté. Puis on en a brûlé, des archives, hein, parce que la maison ferme, je veux dire. Certaines communautés se sont donné des politiques de rapatriement de leurs dossiers. Mais donc on perd une information très importante et qui vient en complément, de plus.

Quand on parlait du patrimoine bâti, je veux dire, comment comprendre le rôle historique d'une église quand on n'a plus toutes ces traces archivistiques qui nous disent comment on a vécu dans cette communauté, comment la paroisse s'est développée, qu'est-ce qui s'y est passé, les associations, la vie caritative? Donc, j'ai le sentiment qu'on arrive à une étape où la concertation est possible et qu'effectivement, même si le statut de ces archives est privé, il faut un partenariat qui intègre l'État, les Églises ? et je dis «les Églises» parce que, pour moi, il ne s'agit pas uniquement de l'Église catholique, il s'agit de toutes les institutions des différentes religions présentes au Québec ? pour arriver à des solutions... je ne pense pas qu'il faille et que ce soit le rêve parfait d'imaginer des archives nationales religieuses du Québec, hein, mais arriver à des solutions assez souples, qui peuvent être à l'échelle régionale, qui permettraient de centraliser des fonds très importants qui, sinon, vont disparaître.

C'est très facile de jeter des boîtes. C'est plus délicat de démolir une église, c'est plus visible.

Mme Léger: Oui. Bien, votre propos, dans le fond votre mémoire l'indique clairement. Toute la partie, là, des archives, là, c'est comme très, très clair.

Je veux revenir à... La plupart des historiens... C'est intéressant, votre apport par rapport à la commission parlementaire sur le document de consultation, que vous venez, aujourd'hui, faire des témoignages à ce niveau-là. Vous parlez, à la page 5 de votre document: «...on commence à peine à saisir l'ampleur de la dimension religieuse dans la construction de notre identité collective, à approfondir les multiples facettes, tant religieuses que laïques, de cette présence dans notre passé comme dans le présent qui en est résulté.»

n(16 h 20)n

Bon. Il y a quelques groupes qui sont venus nous parler de tout l'impact du patrimoine religieux, puis toute son histoire, et puis souvent comment on oublie l'impact de ces bâtiments mais aussi, particulièrement, de tous les documents religieux. Voulez-vous davantage... Parce qu'on termine notre commission aujourd'hui, par rapport à toutes les audiences, et ce serait intéressant que les gens d'histoire puissent nous conclure davantage sur dans le fond cette dimension religieuse en construction de notre identité collective, davantage l'élaborer, ce que vous voulez dire.

Puis j'imagine ? je fais le lien parce que, ce matin, on parlait du film qui s'en vient, le Code Da Vinci, là ? que les historiens... et particulièrement je voyais M. Hubert, vous êtes le président de la Société canadienne d'histoire de l'Église catholique, c'est évident que sûrement ça fait partie de ce qui s'en vient dans vos intérêts, là, de voir la suite des choses.

M. Hubert (Ollivier): Moi, je dirais qu'il y a deux dimensions, pour répondre à votre question, que je voudrais souligner. Les églises, bon, si on remonte au temps de la Nouvelle-France, elles ont été largement dotées par l'État pour assumer certaines fonctions qui, aujourd'hui, sont largement entre les mains de l'État, je pense en particulier à l'éducation et puis à ce qu'on appellerait aujourd'hui la santé et services sociaux. Elles ont géré, comment dire, un patrimoine territorial très important, qui leur apportait des fonds, qui leur a permis d'assurer ces services collectifs. De ce fait-là, dans les archives religieuses, c'est un peu la dimension sur laquelle on voulait insister aussi dans le mémoire, il y a évidemment tout ce qui concerne l'histoire proprement religieuse du Québec, mais il y a largement l'histoire du Québec en général, et c'est-à-dire l'histoire du système d'éducation, l'histoire de la santé, l'histoire de l'économie du Québec, l'histoire politique du Québec, etc.

Deuxièmement, il est évident que le Québec, en ce sens-là, ne fait pas exception, partout en occident, la religion a été une dimension fondatrice, non seulement un produit de spiritualité individuelle, ça, c'est toujours comme ça de nos jours, mais ça a été également un facteur de cohésion sociale, hein? Et c'est cette dimension de la vie sociale communautaire qu'on peut aussi rechercher dans les archives. L'histoire par le passé était plus ancrée vers l'histoire des élites, l'histoire des relations entre les évêques et les premiers ministres, et puis, depuis 30 ans, on fait beaucoup plus l'histoire finalement du peuple, hein, dans toutes ses dimensions. Et les archives religieuses sont très, très riches pour faire cette histoire-là, enfin je dirais même qu'elles sont tout à fait irremplaçables, essentielles, hein?

Et enfin la dernière dimension sur laquelle j'insisterais, c'est que nous avons connu, au Québec, donc, depuis les années, on va dire, soixante, une mutation très importante. Les églises se sont vidées, et, jusqu'à un certain point, la commission elle-même est le résultat de cette évolution très importante: s'il n'y avait pas eu cette baisse de la pratique, on ne serait pas confronté à l'ensemble des problèmes... et des vocations religieuses, à l'ensemble des problèmes qui en découlent, notamment le fait que les bâtiments, bien il faut leur trouver une nouvelle vocation. Mais ça aussi, ça devra être documenté. Ça commence à être documenté aujourd'hui. Qu'est-ce qui s'est passé? Comment une population a décroché, si vous voulez, d'un ensemble de pratiques et de croyances qui étaient communes auparavant? Et ça devra l'être, interprété, par les historiens du futur. Ça, c'est une dimension qui me paraît tout à fait essentielle.

Alors, nous pensons à nous, mais nous pensons aussi à nos collègues que nous ne connaissons pas encore, qui vont nous suivre dans la carrière et qui auront besoin des matériaux de l'histoire religieuse pour comprendre ce qui s'est passé. Voilà.

Mme Caulier (Brigitte): Ce qui est important aussi, si vous me permettez, c'est que, je dirais, il ne s'agit pas uniquement de satisfaire notre propre curiosité professionnelle, mais c'est que les travaux qui sont issus de ces recherches nourrissent aussi la réflexion de la société sur son passé, sur sa culture, sur ses origines. Donc, en cela, c'est tout à fait précieux et, je dirais, dans l'éducation à la citoyenneté, c'est un élément fort important.

Mme Léger: Est-ce que vous trouvez que la société est assez sensible à la dimension du patrimoine religieux et à son avenir?

Mme Caulier (Brigitte): Je pense qu'elle pourrait l'être plus encore. Mais j'irais même plus largement que cela parce que c'est... On pourrait aussi parler du patrimoine scolaire, etc., c'est une dimension, je pense, qu'il faut tout à fait valoriser dans la société québécoise.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Mercier.

M. Turp: Merci beaucoup pour votre contribution, là, et tout ce travail collégial qu'ont fait ces centres. Les archives religieuses, comme vous l'avez souligné, c'est des archives privées, et, dans la loi sur... c'est maintenant Bibliothèque et Archives nationales, là, depuis les amendements de l'automne dernier, je n'ai pas le texte avec moi, mais il me semble que l'article 21 de l'ancienne Loi des archives nationales était repris dans la loi antérieure: «Le ministre est chargé de promouvoir la conservation et l'accessibilité des archives privées.» Alors, on voit, là, que c'est un devoir de promotion seulement.

Et, votre proposition, là, qui vise à ce que ces archives religieuses soient considérées comme le patrimoine collectif des Québécoises et des Québécois, j'essaie de voir comment on pourrait le faire et quel rôle le ministre ou la ministre devrait avoir parce que... Est-ce que ça passe par là? Vous dites: On ne veut pas qu'il soit nationalisé. Comment devrait-on agir pour assurer que ne se posent pas des gestes comme ceux qu'on vient d'évoquer avec nous? Est-ce qu'on doit donner des pouvoirs additionnels au ministre? Est-ce que l'on doit faire autre chose pour le classement des archives? Comment concrètement faire les choses, là? J'essaie de voir si on devrait peut-être, même, proposer des amendements à la loi sur Bibliothèque et Archives nationales qui concernent les archives privées religieuses, à cause de l'importance que vous leur donnez et que tous ceux qui se présentent devant nous donnent à ces archives-là. Alors, pouvez-vous nous lancer sur des pistes concrètes, là, de comment agir sur les archives religieuses?

M. Vallières (Marc): Je pourrais peut-être ajouter que les archives privées ont été en bonne partie recueillies et sont recueillies couramment par les Archives nationales comme fonds d'archives privés. Des archives d'entreprises, d'institutions, d'associations de toute nature font l'objet d'une préservation par les Archives nationales ou par les centres d'archives régionaux, et tout ça.

M. Turp: Ça, c'est quand on les dépose ou on les verse.

M. Vallières (Marc): On les verse, et ils deviennent accessibles aux chercheurs. Pendant des décennies, les archives religieuses n'ont jamais posé de problème, puisqu'elles étaient déjà bien gérées, conservées avec grande fidélité par les institutions religieuses, qui y consacraient des ressources, et cette conservation s'est étendue sur plusieurs siècles, alors que d'autres types d'archives étaient beaucoup plus difficiles, très aléatoires dans leur préservation et dans leur accessibilité aux chercheurs.

Et là ce que le mémoire indique, c'est que c'est peut-être le temps de réfléchir sur ce qu'on avait pris pour acquis, que les archives religieuses seraient soutenues, maintenues sans intervention, et que, là, c'est peut-être le temps de commencer à coordonner cette préservation avec les institutions religieuses de façon à s'assurer que ça se poursuive, et que ça se poursuive dans des conditions qui permettent leur conservation à long terme.

M. Turp: Mais, moi, je vous demande d'être peut-être un peu plus concret. Parce que, dans vos propositions, vous dites: Faire un groupe de travail et une enquête nationale, mais vous ne pouvez pas déjà nous indiquer... Est-ce qu'il faut donner à un ministre plus de pouvoir pour les archives religieuses à cause de leur importance déjà? Parce que, là, on a l'occasion, nous, ici, là, de proposer quelque chose au gouvernement, qui pourrait même comprendre des modifications législatives, puis, si on attend les résultats du groupe de travail et puis de l'enquête, qui est peut-être nécessaire pour les travaux de son groupe, là on va peut-être faire quelque chose dans quelques années seulement, alors que, là, on a peut-être l'occasion de faire quelque chose plus rapidement, peut-être à cause de l'urgence aussi de la situation.

n(16 h 30)n

M. Hubert (Ollivier): La raison pour laquelle vous nous trouvez prudents ? parce que nous sommes prudents ? c'est qu'il convient de, je crois, ne pas brusquer les choses ? parce qu'on a été témoins de destruction de documents ? parce qu'il y a peut-être des autorités religieuses, à tort ou à raison, sur certains dossiers, qui peuvent croire qu'il y a un danger finalement à être dépossédées ou à se sentir dépossédées, ou ça peut même être, comment dire, une question presque identitaire de se sentir dépossédées de leurs documents. Alors, je crois qu'il faut agir en la matière avec... C'est pour ça que notre mémoire reste assez général, et je pense qu'il faut passer par une phase que je dirais d'autoconviction pour que les autorités religieuses sentent aussi le besoin... qu'elles seront aidées dans la conservation sur place des documents et qu'en même temps ça se fera dans le respect de leur volonté par rapport à ces archives-là.

Alors, il y a forcément une phase de négociation, et c'est pour ça que nous avons imaginé que ça ne pourrait pas se faire sans qu'il y ait cette concertation, finalement un groupe qui serait de travail et de discussion, hein, sur l'avenir des archives religieuses.

M. Turp: Je pense, mon collègue Dion... Mais en même temps je veux juste faire un court commentaire, Léandre. Vous savez, on a assisté à la destruction du patrimoine mobilier et immobilier, et c'est peut-être parce qu'on a tardé à agir. Et là je crois que... j'espère en tout cas que la situation est maîtrisée. Il se ferme moins d'églises, il s'en détruit moins maintenant. Mais est-ce qu'il n'y a pas un danger à attendre quelques années encore les résultats des travaux de ce groupe et de l'enquête qui doit précéder et nourrir les travaux de ce groupe? Est-ce qu'on ne devrait pas être soucieux de faire quelque chose et de proposer quelque chose immédiatement, là, à la lumière de l'état des connaissances et des inquiétudes que vous avez ? et que vous n'êtes pas les seuls à avoir ? au sujet du danger qu'il y a à ne pas agir maintenant s'agissant des archives? Mais c'est un commentaire, hein? Je voudrais que mon collègue ait le temps de vous poser ses questions.

Le Président (M. Brodeur): M. le député de Saint-Hyacinthe, oui.

M. Dion: De toute façon, je m'insère absolument dans ce qui vient d'être dit là, et je comprends très bien la prévention que vous pouvez avoir face à ce qui pourrait être perçu ou que je reçois, moi, comme un certain autoritarisme de l'État dans un domaine particulier, ce qui est toujours un danger. Bon.

Mais, en tenant compte de ça, je pense que ce n'est pas à ça qu'on pense. En tout cas, ça ne semble pas être... ce n'est pas la pensée dominante en tout cas parmi nous, là. Ce que nous cherchons, c'est plutôt un lieu d'insertion ou une terre d'accueil pour les archives, de telle sorte que, les archives, on ne les détruise pas et, deuxièmement, on ne les envoie pas n'importe où. Parce qu'on est conscients que les archives sont indispensables, parce que, sans archives, on est dans la préhistoire ou dans l'anecdote, mais on n'est pas dans l'histoire. Donc, on ne peut pas interpréter l'histoire sans archives.

M. Turp: C'est bien dit, ça.

M. Dion:. Alors, je pense que vous allez partager mon point de vue. C'est bien, comme vous... hein? Bon. Mais, ceci étant dit, donc on est bien convaincus de l'importance de la chose. Je pense qu'on partage tous cette chose-là. Maintenant, vous avez été très prévenus contre ? du moins, si j'ai bien interprété ce que j'ai entendu ? un centre national d'archives qui prendrait tout ça et qui dirait: Nous, on va vous régler ça. Je pense que ce n'est pas votre perception prioritaire. Peut-être serait-ce l'occasion justement, à ce moment-ci, de valoriser les centres d'archives régionaux.

Mais, ceci étant dit, des archives, c'est utile dans la mesure où ça peut être consulté, et on ne peut pas consulter n'importe quelle archive. D'ailleurs, on a une loi là-dessus, sur les informations privées ou ces choses-là. Bon. Mais, si on ne peut pas consulter des archives, elles sont inutiles, elles sont comme non existantes. Donc, il faut trouver un chemin entre toutes ces choses-là pour assurer la conservation et assurer la consultation, le moment venu, de ces archives-là. Donc, non seulement les conserver, mais savoir qu'elles existent.

Alors, vous n'avez pas une suggestion un peu plus précise qui nous aiderait à trouver le filon qui ferait que les communautés religieuses ou les paroisses se sentiraient respectées, mais qu'il y aurait en même temps ce lieu d'accueil pour les archives, qui serait un lieu à certains égards obligatoire, le cas échéant, et non pas contre la volonté des dépositaires actuels de leurs archives?

Mme Caulier (Brigitte): Non, je pense que, dans la mesure où... À mon avis, ce n'est pas du tout... ce n'est pas impensable. Mais je pense qu'il va y avoir une démarche, je dirais, d'acclimatation auprès des autorités religieuses pour arriver à un partenariat qu'ils puissent, je dirais, considérer comme tout à fait respectueux.

Et, bon, on l'a vu dans certains pays, je pense, en entendant parler d'un centre provincial, je pensais à ce qui se passe en Belgique, où la communauté flamande, au travers de la KADOC, réunit absolument toutes les archives avec un calendrier de versement tout à fait strict. Mais c'est l'Église catholique elle-même qui a établi le processus dans un ancien monastère, et une paroisse ferme, tout s'en va, je dirais, livré sur camion, déchargé et traité dans le mois qui vient. Tout arrive là.

Mais là on parle d'une entreprise, je dirais, qui est restée celle de l'Église catholique de Flandre. Je pense que nous sommes dans un autre contexte et que l'Église, si l'on prend l'Église catholique du Québec, n'a pas ces moyens-là de rassembler. Et puis le pays n'a pas non plus les mêmes dimensions que la Belgique, que la petite Belgique. Mais personnellement je trouverais intéressant qu'on arrive effectivement à un positionnement plus important de l'État face à ces archives, mais dans une négociation, je dirais, dans un partenariat respectueux.

M. Turp: Alors donc, qu'est-ce qu'il faut retenir et ne pas retenir de l'expérience de la KADOC, d'ailleurs que nos collègues vont voir dans une mission, là, de la commission dans quelques jours? Qu'est-ce qu'il faut retenir et ne pas retenir de cette expérience?

Mme Caulier (Brigitte): C'est une expérience qui est totalement privée, hein, c'est l'institution religieuse qui s'est donné ce moyen-là. C'est, je dirais, d'une efficacité extraordinaire, hein, parce qu'ils drainent absolument toutes les archives religieuses. Donc, quand on veut étudier le catholicisme flamand, on descend à la KADOC et on travaille là. Et c'est mis à la disposition donc des chercheurs. J'allais dire: C'est leurs archives nationales flamandes catholiques, pour comparer.

M. Turp: Et vous nous dites que l'Église catholique ici, au Québec, n'est pas disposée à faire ça, n'a pas les moyens de faire ça...

Mme Caulier (Brigitte): Pour l'instant, de...

M. Turp: ...ou aurait besoin du soutien de l'État pour faire cela si... ou elle le ferait si elle avait le soutien de l'État? Le savez-vous?

Mme Caulier (Brigitte): Disons qu'à ma connaissance actuellement les perspectives sont plus régionales ou diocésaines que nationales.

M. Hubert (Ollivier): Et il y a la question aussi des communautés religieuses. Les communautés religieuses peuvent avoir leur propre logique, où il peut paraître plus spontané, pour eux, d'envoyer les archives, quand la dernière maison va fermer au Québec, à la maison mère qui se trouve en Europe plutôt qu'elles restent au Québec. Et ça, c'est quelque chose... c'est un des soucis majeurs qu'il y a derrière ce... Parce qu'on anticipe. Parce que je pense qu'il faut y penser avant d'en arriver là.

Mme Caulier (Brigitte): Ça peut être en Haïti aussi.

M. Hubert (Ollivier): Ça peut être...

Mme Caulier (Brigitte): Ça peut être en Colombie, ça peut être dans différents pays, hein?

M. Hubert (Ollivier): Et là on se retrouverait avec des documents qui sont nécessaires à la construction de l'histoire du Québec et qu'il faudrait, je dirais, presque comme dans des temps coloniaux, aller chercher dans les métropoles. Alors, ce serait vraiment catastrophique, hein?

Alors, ce qui se passe, c'est que ces communautés ont plusieurs maisons, puis il y en a de moins en moins, puis il n'en reste plus qu'une, alors finalement les archives suivent, se retrouvent à la maison centrale. Mais, quand les derniers locataires vont disparaître, qu'est-ce qui va se passer?

Mme Caulier (Brigitte): Mais on a eu des expériences très importantes dans le domaine... Si on pense aux Frères des écoles chrétiennes, qui ont réuni à Sainte-Dorothée l'ensemble de leurs archives, ils ont fondé un centre tout à fait fonctionnel et accueillant pour les chercheurs, regroupant tout, hein, y compris, bon, les archives qui étaient à Québec. Tout est centralisé.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Malheureusement, le temps est écoulé. On vous remercie de vos interventions, et on a pris beaucoup de notes, ici. Merci.

Je vais suspendre quelques instants, le temps que la Fondation Saint-Roch de Québec s'installe.

(Suspension de la séance à 16 h 40)

 

(Reprise à 16 h 42)

Le Président (M. Brodeur): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons continuer nos travaux. Nous accueillons la Fondation Saint-Roch de Québec. Bienvenue en commission parlementaire. Je vous explique brièvement les règles qui nous régissent: vous avez un temps maximal de 10 minutes pour présenter votre mémoire de la façon dont vous jugez à propos, et ce sera suivi par une période d'échange avec les membres de la commission. Et pour débuter, pour le bénéfice du Journal des débats, je vous demanderais de vous identifier, s'il vous plaît, et, immédiatement à la suite de vos identifications, de prendre la parole pour votre présentation. La parole est à vous.

Fondation Saint-Roch de Québec

Mme Caron (Pascale): Pascale Caron, je suis conseillère en recherche et développement à la Caisse d'économie solidaire Desjardins et secrétaire-trésorière de la Fondation Saint-Roch.

Mme La Rochelle (Marguerite): Marguerite La Rochelle, directrice de la fondation.

M. Grenier (Réal): Réal Grenier, je suis curé à Notre-Dame-de-Saint-Roch et vice-président de la Fondation Saint-Roch.

Alors, d'abord, vous dire un petit peu pour quelles raisons nous avons tenu à comparaître devant la commission. D'abord, en raison de ce que nous sommes et de nos objectifs comme fondation: la Fondation Saint-Roch de Québec est une entreprise sans but lucratif vouée à l'aide des plus démunis. Et le patrimoine architectural représente un potentiel important pour servir la communauté sur les plans économique, social et culturel, de sorte que redonner vie à ce patrimoine, le rendre utile à la communauté est un des objectifs essentiels de la fondation.

Le contexte économique et social invite les organismes d'aide à se multiplier. Plus que jamais, les groupes communautaires constituent un véritable moteur d'une économie solidaire bénéfique pour le milieu auquel ils appartiennent. Plusieurs de ces organismes sont actuellement contraints de composer avec la problématique majeure que représente pour eux le manque de locaux. De sorte que la mise en valeur et une meilleure utilisation des édifices clés du patrimoine architectural religieux s'inscrivent en force dans la ligne de conduite que s'est fixée la fondation de Québec pour répondre adéquatement aux besoins exprimés par la communauté.

La fondation appuie les initiatives communautaires, les projets d'économie sociale et solidaires du milieu. Pour réaliser sa mission, la fondation se donne aussi comme objectif de favoriser, de développer des partenariats entre les différents acteurs du milieu, de faciliter la coordination de projets innovateurs, de soutenir et d'aider la recherche de financement et d'expertise professionnelle.

Donc, c'est en vertu de nos objectifs que nous sommes ici et à cause aussi d'une certaine expertise concrète. La Fondation Saint-Roch a été associée à la reconversion partielle d'une église, au cours des dernières années, cette option ayant été préférée à sa fermeture. Par contre, nous avons dû abandonner certaines transformations dans cette église, privant ainsi, de ce fait, la fabrique de revenus supplémentaires à cause des normes exigées, lesquelles s'avèrent parfois mal adaptées à la réalité du bâtiment. Cette église accueille actuellement des groupes communautaires, culturels, des groupes d'entraide tout en servant de lieu de culte à deux dénominations religieuses. Nous croyons cette expérience pertinente compte tenu des interrogations de la commission, et nous espérons ainsi contribuer à la réflexion de ses membres.

Notre première recommandation, donc. La Fondation Saint-Roch propose un partenariat public-communautés nouveau genre entre l'État, les municipalités, les communautés locales et les communautés de foi. Selon nous, il serait souhaitable que les partenaires, s'ils le veulent, puissent partager l'usage, la propriété et la gestion d'un bien immeuble. Il n'est donc pas question dans notre proposition de tout refiler à l'État.

Notre réflexion s'appuie sur le caractère à la fois privé et public des églises. Même si elles appartiennent actuellement à leurs communautés de foi, les églises sont aussi des biens de caractère public. En effet, l'État et les municipalités y ont également contribué de près et de loin, en évitant aux fabriques, par exemple, de payer des taxes, en déduisant leurs dons de l'impôt des particuliers ou encore en offrant des services comme la protection incendie.

D'autre part, l'église a apporté des services à l'État civil. On peut dire que la société civile associative est souvent née à l'église. Faut-il rappeler que c'est dans les sous-sols d'église que sont nées les caisses populaires, l'un des plus beaux fleurons de l'économie québécoise? Même si, aujourd'hui, les églises sont moins fréquentées par leurs fidèles, elles demeurent un lieu de socialisation, d'identification et d'appartenance.

Le rôle de l'église demeure central dans les quartiers urbains et il est encore plus essentiel en milieu rural. C'est tellement vrai que, lorsqu'on ferme l'église et l'école, souvent il n'y a plus de village ou de paroisse. Par contre, leur propriété doit être repensée. Ainsi, si la fabrique décide de fermer l'église pour la démolir ou la transformer en condos, on assistera souvent à une levée de boucliers de la communauté et du voisinage qui généralement ne veulent pas perdre le lieu de rassemblement et d'identité que représente l'église.

Trop fréquemment cependant la communauté locale ne contribuera pas à la survie financière de l'église si elle n'est pas en même temps une communauté de foi. Tant que les deux communautés étaient les mêmes, il y a plusieurs décennies, cela ne posait pas problème. Sauf que la situation peut devenir intenable lorsque la survie de ce patrimoine repose sur les épaules d'une petite communauté de foi où la pratique religieuse n'est le fait, par exemple, que de 5 % à 10 % des membres d'une communauté civile.

De là notre deuxième recommandation. Selon notre réflexion, si l'État et/ou la municipalité ne considère pas que l'église possède une valeur patrimoniale ou artistique intrinsèque, si la communauté civile ne considère pas que l'église locale vaut la peine d'être préservée comme lieu de rassemblement et d'activité et qu'elle n'est pas prête à contribuer financièrement, il y a lieu de considérer qu'un tel édifice ne vaut peut-être pas la peine d'être préservé. Cela doit, à tout le moins, être considéré parmi les éléments de réflexion entourant le quoi préserver. Donc, pas question de tout refiler à l'État ni de tout conserver à tout prix.

Le préjugé que nous aimerions en premier lieu dissiper, c'est l'idée que le problème des églises n'est pas celui de l'État ni de la municipalité mais bien celui des seules autorités religieuses ou des conseils de fabrique. Nous pouvons affirmer hors de tout doute que la majorité des communautés de foi supportent les organismes communautaires en prêtant ou en louant à un coût très en deçà de la valeur du marché les espaces de leurs églises. Faut-il rappeler que ce n'est pas le rôle des communautés de foi de subventionner la société civile pour des responsabilités qui relèvent bien davantage de l'école, de l'État, de la municipalité ou du secteur associatif? L'association actuelle ne peut plus perdurer. Les communautés de foi abdiqueront de plus en plus cette responsabilité en réclamant un nouveau partenariat. Il ne s'agit pas de fermer les églises dans la précipitation, mais plutôt de saisir l'État de l'urgence d'agir.

n(16 h 50)n

On ne peut laisser une fabrique prendre seule une décision dans la précipitation parce qu'elle se retrouve tout à coup avec des travaux de réfection majeurs. D'où notre troisième recommandation qui, avec la quatrième et la cinquième, est au coeur de notre mémoire. Avant d'envisager la fermeture d'une église, la formule d'une fondation, d'une fiducie ou d'un trust à l'anglaise qui prendrait la relève pendant une période pouvant aller jusqu'à cinq ans pourrait être envisagée pour faciliter cette transition, le temps de trouver des solutions. Cela soulagerait les fabriques d'un entretien qu'elles ne sont plus en mesure d'assurer, en autant évidemment qu'elles assument leurs quotes-parts des frais reliés au culte.

Pour financer l'opération, on pourrait récupérer, par exemple, les comptes inactifs des institutions financières et 50 % des héritages non réclamés, comme le fait la Fondation du patrimoine en France. Ces fonds pourraient être cédés aux sociétés à but non lucratif formées en vue de réorienter le patrimoine architectural religieux. On pourrait ainsi envisager une solution où quatre partenaires y trouveraient leur compte: l'État, la municipalité, la communauté de foi et la communauté locale, les frais d'entretien étant répartis selon une formule de quotes-parts fondée sur l'utilisation. Pour mettre sur pied un tel organisme de gestion, la fabrique bien sûr devrait faire une cession de biens et l'évêché, l'accepter.

Notre cinquième recommandation. Cela signifie également que l'Assemblée nationale devra probablement modifier la Loi des cités et villes, sinon le changement de propriété pourrait amener la municipalité à prélever des taxes ou en-lieu de taxes qui mettraient en péril la viabilité de la nouvelle société. Les services religieux devraient continuer à y être dispensés.

La Fondation Saint-Roch aimerait également attirer l'attention des partenaires sur le caractère mal adapté de certaines normes liées aux bâtiments actuellement imposées sitôt que l'on tente de modifier l'usage des lieux. C'est notre sixième recommandation. En conséquence, la Fondation Saint-Roch de Québec recommande que de telles normes s'appliquent différemment si on ne modifie pas fondamentalement les édifices existants.

Notre septième recommandation porte sur la mise en valeur des églises. Nous croyons que la plupart des églises du Québec mériteraient d'être mises en valeur. Construites à une époque où elles faisaient appel à des architectes, des artistes et des orfèvres de classe mondiale, avec des matériaux nobles souvent importés de l'extérieur, les églises recèlent des trésors qui devraient être valorisés ne serait-ce qu'en planifiant des visites scolaires ou touristiques. Autrement, c'est tout un pan important de notre histoire et de notre patrimoine qui risque de disparaître dans l'indifférence générale.

Concernant les propriétés conventuelles, nous croyons important de faciliter le passage et la reconversion des immeubles et espaces conventuels à des fins communautaires et civiles afin que leur usage demeure utile à la communauté. Il faudrait que les communautés religieuses y trouvent la sécurité financière recherchée par la cession de leurs propriétés tout en partageant une partie de leurs profits avec la communauté locale.

Voilà ce qui résume notre mémoire. Nous sommes maintenant à votre disposition pour bien sûr des commentaires, des questions, des éclaircissements.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Merci de votre présentation et de vous être déplacés pour enrichir notre réflexion. Et on a parlé beaucoup, particulièrement ce matin, de fiducie, et vous avez repris dans votre mémoire le thème de la fiducie. Et j'ai bien écouté votre explication, mais j'aimerais avoir quelques éclaircissements... quelques éclaircissements. Parce que vous avez parlé d'une fiducie qui pourrait permettre en quelque sorte un espace-temps qui serait indéfini, et vous indiquez que, pendant cette période-là, nous pourrions continuer à y donner les cérémonies du culte en même temps, à la condition que l'église paie sa part de l'utilisation, des frais. Souvent, j'ai utilisé l'expression «me faire l'avocat du diable», mais, devant un curé, je fais attention quand même à ce que je dis.

Une voix: ...

Le Président (M. Brodeur): Deux curés. Il y en a un qui nous suit en arrière, il nous a à l'oeil. Donc, si je me fais cet avocat du diable là, est-ce que je pourrais penser que c'est une... ça pourrait être une solution déguisée pour faire... occuper une église et se la faire financer par la fiducie en question en se dégageant de l'ensemble des coûts qu'elle pourrait engendrer à la condition que c'est seulement le culte qui occupe l'église? En fin de compte, on pourrait se voir devant une situation où il y aurait un délestage d'église à la fiducie, ce qui permettrait à la paroisse même de respirer. Donc, est-ce que c'est... je peux comprendre qu'il y aurait peut-être une façon différente de faire les choses, ou c'est ce que j'ai compris, cette chose-là pourrait arriver, à ce moment-là, avec ce type de fiducie là?

Mme Caron (Pascale): Je crois que l'idée, c'est... ce qu'on constate, c'est qu'aujourd'hui les conseils de fabrique ne sont plus en mesure ? et on l'a vu beaucoup sur la ville de Québec ? d'assumer, pour certains, l'entretien des églises, donc il faut trouver une solution.

C'est l'expérience de la Fondation Saint-Roch, où effectivement... Elle a été mise sur pied, au départ, essentiellement pour s'occuper de l'église Saint-Roch de Québec mais également de l'église Notre-Dame-de-Jacques-Cartier, pour éviter... Quand on voit qu'il n'y a plus que, je crois, de mémoire, 200... ? enfin, Réal le dira ? il y a à peu près 200 personnes qui pratiquent le culte, si vous connaissez les deux églises, en particulier l'église Saint-Roch, ça fait un espace énorme pour mettre 200 personnes dedans. Donc, si on se dit que le conseil de fabrique n'est plus capable d'en assurer l'entretien, qui va s'en occuper?

Alors, effectivement, une des solutions, c'est de dire: Il faut trouver un organisme intermédiaire qui va pouvoir prendre en charge cet entretien et, en particulier quand il y a de plus en plus de cas de recyclage ou de reconversion, d'être capable de ne pas faire ça dans la précipitation. Alors, pourquoi proposer une fiducie ou une fondation qui deviendrait... En fait, on propose carrément que la propriété soit cédée, mais ce n'est pas un à organisme privé. C'est bien un organisme à but non lucratif qui serait le garant de l'intérêt collectif.

Donc, l'idée, c'est de dire: Il y a un patrimoine collectif, aujourd'hui, qui appartient à des communautés, on pourrait dire, privées; préservons ce patrimoine collectif en le donnant à des organisme à but non lucratif dont on pourrait imaginer... On a imaginé déjà, sur Jacques-Cartier ou Saint-Roch, qu'on pourrait faire une coopérative de solidarité ou un OBNL avec différents partenaires qui seraient intéressés à partager cette propriété et l'entretien de l'église.

Le Président (M. Brodeur): Est-ce qu'on doit penser qu'il y aura autant de fiducies qu'il y aura de paroisses en difficulté?

Mme Caron (Pascale): On n'est peut-être pas allés jusque-là. On pourrait imaginer qu'il n'y en ait qu'une. Ce serait peut-être... ou qu'il y en ait une par grande région du Québec. Vous devez l'entendre à mon accent, je suis française d'origine. En France, il y a ce qu'on appelle les chantiers diocésains qui s'occupent de ces réfections d'églises, et tout. Ils sont rattachés à chaque association diocésaine. Donc, je pense que, là, on pourrait imaginer différentes formules. C'est évident qu'une fiducie par église, ça me paraîtrait peut-être, quand même, beaucoup. Une fiducie par ville ou par région administrative, pourquoi pas?

Parce que l'intérêt aussi, c'est de créer une espèce de tronc commun. Et, s'il y a des sommes effectivement, si on peut imaginer qu'on dotera un fonds à cette fiducie, elle pourrait intervenir sur différentes églises à la fois et non pas sur juste une ou deux, compte tenu qu'on sait très bien que malheureusement, dans les prochaines années, le nombre d'églises sur lesquelles va se poser le problème va grandir. Donc, on ne peut pas raisonner église par église, il faut trouver un moyen d'être capable en tout cas de contrer ce que j'ai entendu tout à l'heure. Effectivement, je pense qu'il y a eu un choc sur Québec quand Notre-Dame-du-Chemin a été mise par terre. Je pense que plus personne ne voulait ça. Donc, aujourd'hui, c'est de se dire: Beaucoup de conseils de fabriques ont des problèmes; n'attendons pas trop longtemps pour mettre en place un système qui va permettre en tout cas de trouver les solutions.

L'expérience de Notre-Dame-de-Jacques-Cartier est très intéressante puisqu'on a gardé effectivement un espace pour le culte, et que les espaces latéraux sont utilisés par des organismes culturels ou des organismes communautaires, et que là on a inventé ce fameux partenariat, si on peut dire, en tout cas, puisque beaucoup de partenaires sont intervenus pour aider un peu au recyclage de cette église, que ce soient donc l'État, bien, par le biais du ministère de la Culture, la ville de Québec, de mémoire, la Fondation du patrimoine religieux, le centre local de développement, la fabrique et la fondation. Et c'est en mettant tout ce monde-là autour de la même table en réfléchissant qu'on a réussi, aujourd'hui, à préserver l'église Notre-Dame-de-Jacques-Cartier à la fois au culte et en même temps à la redonner à la communauté. Donc, voilà un peu l'objet de notre présentation.

Le Président (M. Brodeur): D'ailleurs, je vous informe que certains membres de la commission seront en France dans quelques jours, justement, là, pour prendre connaissance de ce qui est fait là-bas.

Mme Caron (Pascale): Oui. Bien, je pense que... J'ai été longtemps, dans une ancienne vie, conseillère économique au diocèse de Savoie, et effectivement la même question se posait, même si la problématique n'est pas la même, puisqu'en France c'est l'État qui est propriétaire ou les municipalités sont propriétaires des biens cultuels. Mais ils se sont retrouvés dans les mêmes problèmes de financement, et donc le... En tout cas, l'expérience des chantiers diocésains, je pense que ce serait intéressant d'aller voir ça, parce qu'effectivement c'est un moyen... Bien là, c'est plus pour les réfections majeures ou les recyclages, mais ça permet effectivement... quand on enlève le poids de ces gros travaux et qu'on ne laisse plus que la gestion courante, on vient de sérieusement diminuer la complexité en tout cas pour conserver ce patrimoine religieux.

Le Président (M. Brodeur): Courte question, pour permettre à la députée de Bellechasse d'en poser une aussi, parce que le temps passe très rapidement. Vous avez parlé brièvement des méthodes de financement de cette fiducie-là, parlé, entre autres, de successions en déshérence, qui sont dévolues aujourd'hui, je pense, au Fonds consolidé du revenu. Parce que les besoins sont énormes dans ces fiducies-là. Est-ce que vous pouvez peut-être m'imager, là, de façon succincte et concrète, le mode de financement que vous suggérez là? Et comment prévoyez-vous que ça pourrait rapporter, ça, au fonds fiduciaire?

n(17 heures)n

Mme Caron (Pascale): Bien, c'est sûr qu'il faut trouver un moyen de créer les fonds, donc il faut aller chercher l'argent, effectivement. Une des propositions, mais on n'a pas élaboré plus que ça, mais on a pensé, on s'est dit: Bon, aller chercher les comptes inactifs des institutions financières ou chercher 50 % des héritages. C'est évident qu'après... c'est pour ça que ne faire que des petites fiducies, ça ne me paraît pas très, très pratique. Un montant important va être évidemment placé et les intérêts devraient peut-être... en tout cas, les intérêts, s'ils sont sur des fonds relativement importants, devraient permettre une partie du financement.

Par ailleurs, on peut peut-être imaginer ? ça, ça se fait, je veux dire, dans d'autres pays ? des levées de fonds spéciales, et souvent il y a un incitatif fiscal effectivement attaché à ça, mais une levée de fonds spéciale pour la conservation d'un patrimoine, ça se pratique dans d'autres endroits. Mais c'est évident que la grosse partie de ces fiducies, elles auraient également des revenus tirés de la gestion de ce patrimoine. Donc, tous les utilisateurs dans les églises, je veux dire... Notre-Dame-de-Jacques-Cartier, c'est bien évident que les organismes communautaires et culturels paient un loyer, donc il y a des revenus qui arrivent pour l'entretien courant, et il faudrait effectivement imaginer une dotation initiale, effectivement, assez importante compte tenu du problème, qui, tout en étant placée, générerait suffisamment d'intérêts pour programmer aussi dans le temps cette conservation du patrimoine. Alors ça, c'est un gros travail parce qu'effectivement est-ce qu'on a beaucoup de temps devant nous? Certaines églises commencent à perdre beaucoup de leur valeur, malheureusement, architecturale. Mais en tout cas commençons.

Le Président (M. Brodeur): Mme la députée de Bellechasse.

Mme Vien: Merci. Alors, je serai brève, et soyez touchants, parce qu'on n'a pas beaucoup de temps. Vous parlez de 50 % des héritages non réclamés qui pourraient faire partie de cette dotation du fonds. Pourquoi pas 100 %? Pourquoi 50 %?

Mme Caron (Pascale): Ah! Je pense qu'on a mis cette norme parce que je pense qu'actuellement il devrait... on sait qu'ils partent... Marguerite, tu le sais peut-être? Non?

Mme La Rochelle (Marguerite): C'est que ce qu'on a appris finalement, dans les héritages non réclamés, finalement, c'est uniquement le montant de 500 $ qu'on pourrait... parce que j'ai appris dernièrement, après le dépôt de notre mémoire, que les héritages, après 10 ans... étaient prescrits seulement après 10 ans et seulement pour les montants de 500 $, alors que tous les montants supérieurs à 500 $, c'est à vie, les ayants droit peuvent les récupérer en tout temps. Alors, c'est sûr que ça change un peu notre perspective à ce moment-là. Oui, c'est vrai qu'on pourrait prendre le 100 % des 500 $.

Mme Vien: Ça change le nombre de zéros, hein, après la virgule, hein, c'est ça?

Mme La Rochelle (Marguerite): Oui, énormément.

Mme Vien: Rapidement. On a parlé devant des architectes, aujourd'hui, de ce Code du bâtiment qui pourrait causer problème, d'autres personnes sont venues nous dire exactement la même chose: Quand vient le temps de faire des réparations, des transformations, des reconversions, bien, c'est bien de valeur, mais il faut mettre ça aux normes du jour, au goût du jour, ça coûte des sous puis des fois ça dévisage complètement le bâtiment. Vous avez eu connaissance de ce genre de... parce que vous en parlez dans votre mémoire. Quelques exemples, madame, parce qu'on n'a pas beaucoup de temps.

Mme La Rochelle (Marguerite): En particulier à Jacques-Cartier, parce que c'est celui qu'on connaît le mieux, le projet original n'a pas pu être terminé parce que... On avait imaginé, sous les jubés, faire des bureaux et, dans les jubés, tout en les laissant ouverts pour ne pas dénaturer le bâtiment, on avait imaginé des ateliers d'artistes. Alors, si on a du culte et puis avoir 200 personnes qui vont à la messe, dans le jubé il n'y a aucun problème. À partir du moment où on installe 10 artistes, c'est dangereux, il faut faire un mur coupe-feu qui traverse le mur et on dénature toute l'église. Et on se prive avec ça de... c'est ce qui nous empêche d'arriver à la rentabilité complète du bâtiment. Ce qu'on ne va pas chercher... Le 12 000, 15 000 de location qu'on ne va pas chercher nous empêche d'arriver à la rentabilité complète du bâtiment.

Mme Vien: Ce que vous nous dites finalement, aujourd'hui, c'est de dire: Bon, bien, pour des travaux très spécifiques, par exemple, de patrimoine, patrimoniaux, qui touchent le patrimoine en fait, il faudrait qu'il y ait des assouplissements, hein...

Mme La Rochelle (Marguerite): Je pense.

Mme Vien: ...des cas d'exception. O.K. Merci.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Mercier.

M. Turp: Merci beaucoup. D'abord, merci d'être là. On n'a pas eu... on a eu quelques fondations du type de la vôtre, mais il n'y en a pas autant que ça, au Québec, hein, des fondations comme celle que vous avez mise sur pied, et c'est intéressant d'avoir votre perspective. Saint-Roch, de toute évidence, s'intéresse à l'avenir du patrimoine religieux parce que... je ne me rappelle plus quel rôle avait la fondation dans l'organisation de cette belle soirée, là, l'automne dernier. C'était la fondation, hein?

Mme La Rochelle (Marguerite): C'était l'instigateur avec le CIEQ et l'Université Laval.

M. Turp: C'est ça. Alors, vous nous avez offert une belle soirée. Je me rappelle très bien de ces présentations que nous avions entendues, du débat qui a suivi. Le président de la Commission des biens culturels, qui connaît bien cette église et votre fondation, avait pu intervenir et dire ce qu'il pensait ouvertement, librement de l'avenir du patrimoine religieux. Et merci d'avoir donc contribué de cette façon au débat sur l'avenir du patrimoine religieux, puis un débat auquel vous participez aujourd'hui. Vous éclairez donc notre commission sur les vues de votre fondation sur cet avenir.

Et là on a beaucoup de travail, là. C'est presque terminé, les auditions. Mais ce que vous venez de nous proposer était parfois original, et notamment sur cette question des fiducies. Parce qu'on a entendu beaucoup de gens: C'est populaire, c'est à la mode. Ah! Il y a une grande fiducie au Royaume-Uni, on devrait faire comme ça, ça a l'air à fonctionner. Il y en a d'autres aussi qui nous ont dit: O.K., d'accord, une fiducie nationale, mais des fiducies régionales. On a entendu ça d'abord en Outaouais, rappelez-vous, c'est la première fois, puis ensuite dans le Saguenay. Et là des fiducies locales peut-être, ou des corporations sociales, comme vous les désignez.

En fait, ça s'inscrit dans un débat qu'on a commencé à avoir, puis j'ai poursuivi, moi, tout à l'heure, avec les notaires de la Chambre des notaires, sur qu'est-ce qui arrive quand une communauté dit: Regardez, là, je ne peux plus assumer les responsabilités que je voudrais continuer d'assumer parce que je n'en ai plus les moyens. Alors, qu'est-ce qu'on fait avec ce bien qui devient ainsi excédentaire? Est-ce qu'on doit le retourner à une fiducie, nationale, régionale, locale? Est-ce que la fiducie devrait compenser, compenser la personne qui lui donne ce bien? Ou est-ce qu'on devrait plutôt penser à des corporations sociales, des fiducies locales? Puis, si tel est le cas, est-ce qu'on doit s'attendre à ce que la communauté, l'église donne le bien? Mais en même temps, si elle donne le bien, la corporation qui n'a pas les moyens de s'en occuper, qu'est-ce qu'on fait? Et, si le bien est classé, si le bien est classé ? parce que ça peut arriver qu'une communauté dise: Regardez, je n'ai plus les moyens de m'occuper d'un bien classé ? qu'est-ce qui arrive à ce moment-là? Si c'est l'État qui dit: Regardez, ce bien classé, il me revient; je l'ai classé à condition que, si vous ne vous en occupez plus, il me revient, puis c'est à moi, j'en suis même le propriétaire; et, même si je le vends plus tard, bien, c'est moi qui vais avoir droit au produit de la vente, pas la communauté qui n'a pas pu s'en occuper...

Alors, j'aimerais ça que vous nous disiez: Dans le meilleur des mondes, là, qu'est-ce qu'on devrait faire?

M. Grenier (Réal): Je n'ai pas de réponse à toutes vos questions, mais je vais essayer quand même un petit peu. C'est que, bon, la formule d'une fondation, d'une fiducie inspirée d'un trust à l'anglaise, par exemple, qui prendrait la relève pour un certain temps, permettrait d'envisager justement différentes solutions. Nous, il n'est pas question que ce soit la même solution pour toutes les églises qui sont en difficulté, là. C'est que, dans tel cas, par exemple, la fiducie, pendant un certain temps, prend la relève, et l'étude montre que la municipalité va en avoir besoin, par exemple, et qu'elle est prête à acheter l'édifice. Bon. Alors, là, on négocie ça et finalement ça va peut-être être ça, la solution.

Dans un autre cas, ça va être un partenariat des quatre unités qu'on a mentionnées tout à l'heure qui va gérer, faire une copropriété. Dans un autre cas, ce sera peut-être une coopérative d'organismes à but non lucratif qui va devenir comme le propriétaire. Dans un autre cas, peut-être que la fabrique va rester propriétaire, mais qu'il y aura une autre forme de partenariat. Mais il reste que la fiducie créée pendant une période pouvant aller jusqu'à cinq ans permet justement de souffler puis de regarder et ne laisse pas la fabrique toute seule, sans ressources, pour prendre des décisions et souvent des décisions précipitées. Puis là, à ce moment-là, on va à ce qui nous semble meilleur, mais ce n'est pas nécessairement le meilleur pour la conservation du patrimoine.

n(17 h 10)n

M. Turp: Donc, c'est intéressant, ça, parce qu'on l'a déjà eue devant la commission, cette idée que le rôle peut-être primordial, essentiel d'une fiducie, c'est d'assurer la transition.

M. Grenier (Réal): Oui. Bien, nous autres, nous, c'est ce qu'on propose.

M. Turp: C'est vraiment d'assurer la transition puis en fait d'avoir les moyens aussi de l'assurer, la transition, parce qu'il faut s'occuper de l'église et payer les frais d'entretien dans la période de transition. Alors, je comprends que, quand on vous parle d'une fiducie, que ce soit nationale, régionale ou même métropolitaine dans le cas de Québec, ou de Montréal, ou de l'Outaouais, ce serait ce rôle-là...

M. Grenier (Réal): Nous, c'est ce qu'on propose.

M. Turp: Ça ne vous pose aucun problème si on choisit une fiducie, et la compétence qu'elle détient, ça...

M. Grenier (Réal): C'est ça.

M. Turp: ...ça vous convient. Bon.

Alors, j'ai une autre question. Là, vous nous proposez d'amender des lois, hein, puis je voudrais juste faire une demande, à travers le président, aux gens de notre secrétariat qui nous ont préparé beaucoup de documents et qui ont beaucoup de travail encore. Ce serait intéressant de recenser toutes les demandes de modifications législatives qui nous ont été faites depuis le début de la... Je ne sais pas. Alain, là, je sais qu'il a déjà beaucoup de travail à faire. Mais, regardez, c'est quand même... Je crois que, pour bien faire notre travail, là, pour bien faire notre travail, il faudrait faire ça, parce qu'il y en a qui de toute évidence nous disent: Regardez, on ne peut pas penser l'avenir du patrimoine religieux sans qu'un certain nombre de lois soient modifiées. Beaucoup demandent de modifier la Loi sur les biens culturels. Vous demandez la Loi des cités et villes. On pourrait envisager une modification de la loi sur Bibliothèque et Archives nationales. Alors, je pense que ce serait intéressant, M. le Président, qu'on ait ce résumé de toutes les lois qu'on nous invite à modifier. Et, dans votre cas, vous nous dites que l'Assemblée nationale devrait probablement modifier la Loi des cités et villes pour éviter que le changement de propriété amène la municipalité à prélever des taxes ou en-lieu de taxes qui mettraient en péril la viabilité de la nouvelle société. Alors, expliquez-moi donc ça. C'est clair, là, je pense, mais est-ce qu'il y a autre chose à ajouter là-dessus?

Mme La Rochelle (Marguerite): C'est parce que, présentement ? je reprends toujours le compte de l'église Jacques-Cartier ? on loue à différents organismes, des organismes communautaires, culturels, des organismes à but non lucratif. C'est sûr qu'à l'occasion il y a des gens qui peuvent... des travailleurs autonomes pourraient louer aussi un petit bureau, mais c'est sûr qu'à partir de ce moment-là, à partir du moment où on loue à un travailleur autonome, donc c'est à but lucratif, l'église peut devenir sujette aux taxes municipales, et des taxes sur un bâtiment de cette valeur-là, on devient complètement... on est étouffé.

M. Turp: Alors, c'est quoi, la solution concrète, alors? C'est qu'on exempte complètement? Mais, si on exempte complètement, on ne devrait peut-être pas autoriser de loger des travailleurs autonomes...

Mme La Rochelle (Marguerite): Ou ça pourrait être au prorata ou ça pourrait être... Mais il faudrait trouver une façon de faire qui permette... Parce que c'est sûr qu'à un moment donné le privé pourrait subventionner aussi le communautaire parce que... Dans le moment, les gens qui viennent à la Saint-Vincent-de-Paul, bien c'est un service que rend la communauté de foi à toute la population, et ça revient à tout le monde de payer ça, et dans le moment ce n'est que la fabrique qui soutient ça.

Le Président (M. Brodeur): Merci, merci beaucoup. Malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposons. Donc, on vous remercie énormément.

Et je vais suspendre les travaux quelques instants, le temps que la Fédération québécoise des amis de l'orgue s'installe.

(Suspension de la séance à 17 h 14)

 

(Reprise à 17 h 17)

Le Président (M. Brodeur): À l'ordre, s'il vous plaît!

Des voix: À l'orgue!

Le Président (M. Brodeur): À l'orgue!

Une voix: À l'orgue, s'il vous plaît!

Le Président (M. Brodeur): À l'orgue, s'il vous plaît! oui. Donc, nous recevons notre... Vous êtes seul? Mais vous êtes notre dernier groupe au sens des...

Des voix: Notre dessert.

Une voix: Le point d'orgue.

Le Président (M. Brodeur): Oui, le point d'orgue. Donc, nous recevons la Fédération québécoise des amis de l'orgue. M. Martin Yelle, bienvenue en commission parlementaire, et vous avez notre dernier 10 minutes pour nous présenter votre mémoire, et ce sera suivi d'une période d'échange. À vous.

Fédération québécoise
des amis de l'orgue (FQAO)

M. Yelle (Martin): Merci beaucoup. Donc, je me présente, Martin Yelle, vice-président de la Fédération québécoise des amis de l'orgue, organisme sans but lucratif qui a pour mission de promouvoir l'orgue à tuyaux à l'échelle du Québec en organisant des activités artistiques, didactiques et pédagogiques, notamment: concerts, conférences, classes de maîtres et autres; soutenir la création, l'interprétation ainsi que l'édition d'oeuvres originales pour orgue à tuyaux et favoriser la redécouverte d'oeuvres méconnues; appuyer les projets de construction et de restauration d'orgues à tuyaux qui sont la propriété d'organismes de charité, dans le but d'éduquer le public à la valeur patrimoniale et artistique de certains instruments; publier la revue Mixtures, bulletin de liaison consacré à l'orgue à tuyaux; et recevoir dons, legs et autres contributions de même nature pour soutenir les fins de la fédération.

La Fédération québécoise des amis de l'orgue représente, par ses membres individuels, associés et adhérents, environ 700 personnes réparties sur tout le territoire québécois, toutes soucieuses du présent et de l'avenir de l'orgue au Québec.

Dans le mémoire que la fédération a présenté à la Commission de la culture, nous soulignons tout le caractère historique et patrimonial de l'orgue au Québec en reprenant les mots d'Antoine Bouchard, organiste et pédagogue réputé. Je voudrais souligner trois points.

L'orgue est un instrument de musique lié depuis des siècles à la destinée des lieux de culte. Se soucier du présent et de l'avenir des lieux de culte touche donc obligatoirement au présent et à l'avenir des orgues à tuyaux qui s'y trouvent.

L'orgue est un instrument qui a été voulu et acquis par une communauté. Nous avons à sensibiliser les gens des communautés aux trésors qu'ils possèdent pour susciter chez eux un intérêt qui peut aller jusqu'à la fierté et même la redécouverte de ce patrimoine.

n(17 h 20)n

Enfin, l'orgue a été longtemps et est toujours un véhicule du vécu culturel et spirituel des gens. En cela, l'orgue participe à ce qu'on appelle le patrimoine immatériel, car, bien plus qu'un objet à conserver ou non, l'orgue a été et est toujours une voix paraphrasant le vécu spirituel et culturel des gens à des moments importants de leur histoire personnelle et dans l'expression périodique de leur spiritualité. Cet instrument était souvent le couronnement de plusieurs années d'efforts consentis pour la construction d'un lieu de culte. Son installation à la fin de la décoration d'une église était l'occasion d'une véritable fête.

Parmi les recommandations que la FQAO a faites à la commission, je voudrais souligner des aspects qui nous apparaissent très importants comme organisme visant à une concertation de tous les intervenants du milieu de l'orgue au Québec. Premièrement, comment pourrait-on réaliser l'inventaire des orgues présents dans les lieux de culte du Québec? Comment pourrait-on classifier les instruments? Comment protéger ensuite les instruments à conserver? Et enfin qui pourrait s'impliquer dans ce chantier de conservation et de mise en valeur?

Tout d'abord, comment réaliser l'inventaire des orgues présents dans les lieux de culte? Nous avons vraiment le désir, de par notre mission, de sensibiliser la population de toutes les régions du Québec aux valeurs historique, artistique et monétaire des orgues du Québec, souvent méconnues et banalisées. C'est souvent un meuble à l'arrière du jubé, qu'on ne remarque plus. L'orgue représente souvent l'équipement ayant la plus grande valeur monétaire dans un lieu de culte. Les communautés en sont-elles conscientes? La valeur de remplacement d'un orgue se chiffre la plupart du temps en centaines de milliers de dollars.

Pour aller plus loin, un inventaire complet des orgues à tuyaux présents dans les lieux de culte du Québec est essentiel. Tout d'abord, nous croyons que cet inventaire doit être bien fait et de façon rigoureuse. Ce travail pourrait se faire sous la supervision d'un groupe-conseil où des représentants du Comité des orgues de la Fondation du patrimoine religieux, des représentants de la Fédération québécoise des amis de l'orgue, des représentants des facteurs d'orgues, des propriétaires d'instruments pourraient former l'équipe de pilotage de ce projet d'inventaire. Des membres de cette équipe pourraient donner une formation adéquate à des personnes qui, dans les différentes régions du Québec, pourraient faire le travail sur le terrain et le faire selon une méthode qui soit uniforme.

Une fois l'étape de collecte des informations réalisée, le groupe-conseil ciblerait ensuite les instruments auprès desquels on aurait apporté une attention particulière et où une étude approfondie serait à faire. Le Comité des orgues de la Fondation du patrimoine religieux met beaucoup de soin à inspecter les instruments qui font l'objet d'une demande de subvention pour leur restauration et ont l'expertise nécessaire.

Comment classifier ensuite les instruments? L'élaboration du parc d'orgues au Québec s'est faite en trois phases: tout d'abord, la facture artisanale des XIXe et début XXe siècle; ensuite, la facture plus industrielle, principalement par la maison Casavant Frères, de 1920 à 1960; et enfin le renouveau et le retour aux sources à partir des années 1960.

La majorité des instruments à conserver se situent, selon nous, dans la première et la troisième catégorie. Classifier, c'est porter un jugement. Ce n'est pas toujours simple. On peut dire à une communauté que leur orgue est bien ordinaire, mais, pour eux, c'est un véritable trésor. Nous devons être rigoureux dans nos jugements sur les instruments avec des critères très précis comprenant l'ancienneté des instruments, le facteur, l'état de conservation, l'originalité de l'instrument, l'harmonisation, l'aspect visuel, l'église où il se trouve, la place de l'instrument dans l'histoire de la musique et de l'orgue au Québec. À partir de ces critères, on pourrait classifier les instruments selon le même barème qui a été utilisé par la Fondation du patrimoine religieux pour les églises: A, incontournable; B, exceptionnel; C, supérieur; D, moyen; E, faible.

Comment protéger ensuite les instruments à sauvegarder? Il est clair que les instruments qui seraient classés pour être conservés seraient à protéger d'une façon toute spéciale. Nous croyons qu'une fois l'inventaire complété plus d'orgues devraient être classés comme biens culturels du Québec. Une fois la classification faite, les propriétaires de ces instruments devraient être avertis officiellement qu'ils doivent porter une attention toute spéciale à ces instruments. En sachant que, selon la Loi des fabriques, un orgue ne peut pas être vendu sans que l'ordinaire du lieu donne son accord, il y a déjà là une forme de vigilance qui mérite à être éclairée le plus rapidement possible. Les autorités diocésaines devraient ensuite aviser les fabriques de ces informations et être vigilantes quant à l'entretien, la conservation et la rénovation des instruments. La responsabilité de la protection serait donc partagée et par les propriétaires et par l'État. On pourrait même peut-être imaginer une implication des municipalités et des MRC dans cette responsabilité de protection.

La FQAO a déjà entrepris des démarches de rapprochement avec l'Assemblée des évêques catholiques du Québec pour sensibiliser ces derniers à notre mission et à notre collaboration possible avec eux pour une meilleure gestion du présent et de l'avenir des orgues du Québec. Nous avons reçu un accueil cordial et on s'est dit heureux de savoir qu'un organisme comme le nôtre puisse les éclairer, car, dans plusieurs diocèses, le manque de personnel, de temps et d'énergie disponibles dans tout le domaine de l'art sacré est constaté. Dans le contexte des fermetures d'églises, de regroupement de paroisses, il faut que les informations relatives aux orgues à tuyaux puissent bien circuler dans une attitude de collaboration et de concertation des divers intervenants.

Enfin, qui pourrait s'impliquer dans ce chantier? Évidemment, la Fondation du patrimoine religieux pourrait, avec son Comité des orgues, fournir toute l'expertise nécessaire pour s'assurer d'une méthode rigoureuse d'inventaire. Les associations d'amis de l'orgue réparties un peu partout au Québec peuvent sans doute fournir aussi des personnes compétentes pour aider à ce projet sur le terrain. La FQAO est vivement intéressée par ce projet parce qu'il touche directement nos membres. Il n'y a pas d'orgue sans organiste et pas d'organiste sans orgue. Les facteurs d'orgues du Québec, historiques et actuels, sont parmi les plus réputés au monde, et notre école d'orgue a produit, et produit toujours, des musiciens professionnels du plus haut calibre. Nous devons être fiers de cela et nous souhaitons, comme association, aider à maintenir, à faire renaître et à faire redécouvrir l'orgue au Québec, et ce, non seulement dans les grands centres, mais dans toutes les régions du Québec. Nous vous invitons à notre congrès de mai 2006, dans les salles et l'Église du Gesù, sur le thème Orgues et patrimoine religieux du Québec, cette année.

C'est maintenant le point d'orgue de ma présentation. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup, merci de votre présentation. D'ailleurs, on a été sensibilisés à quelques reprises. Je ne sais pas si les collègues, dans leur bureau de comté, ont été sensibilisés. Moi, dans mon bureau, un commettant de Granby qui a beaucoup d'amour pour les orgues est venu également me sensibiliser.

Une première question qui est très simple. J'imagine que la commission va se pencher sur des recommandations pour la protection des orgues, je crois que c'est incontournable, mais est-ce que l'orgue dans une église pourrait même contribuer, par exemple, à protéger plus une église qu'une autre? Est-ce que c'est un élément qui pourrait être décisif dans des choix à faire pour une protection supérieure à un lieu plutôt qu'à un autre?

M. Yelle (Martin): Je pense que, dans certains cas, oui, mais il y a... Si on pense à des instruments exceptionnels ou qui ont vraiment un caractère historique certain ou des instruments plus modernes aussi, on a des instruments qui ont été importés, par exemple, d'Europe au début des années soixante, qui sont vraiment, pour toute l'Amérique même, tout le monde les regarde... C'est sûr, quand on fait un instrument et qu'on l'harmonise pour un lieu, il a été fait pour sonner dans ce lieu-là. Bon. Si on le déménage... C'est possible de déménager un orgue d'un lieu à un autre, ça se fait, mais c'est sûr qu'on perd quelque chose. Mais, s'il y a un instrument de grande, grande valeur et qu'il y a une histoire musicale dans ce milieu, bien ce serait peut-être dommage de perdre cet ancrage de musique ou de culture dans ce lieu-là, je pense.

Le Président (M. Brodeur): Vous avez parlé d'inventaire un peu plus tôt, vous avez désigné la Fondation du patrimoine religieux comme pouvant réaliser cet inventaire. À ma connaissance, et je ne sais pas si, à la connaissance d'autres collègues... Je ne suis pas certain que la Fondation du patrimoine religieux ait les personnes qualifiées pour procéder à un inventaire de telle sorte...

M. Yelle (Martin): Dans ce qui a été fait, dans l'inventaire des lieux de culte, qu'on peut consulter sur Internet, c'est sûr que tout ce qui est question des orgues là-dedans, il y a beaucoup d'erreurs et d'incongruïtés là-dedans, et ça n'a pas été fait par des gens qui connaissaient ça. Ça, c'est clair. Pour ce qui est des églises, ça a été bien fait. Mais il y a un comité à la fondation, le Comité des orgues. Bon. Par exemple, quand on présente une demande de subvention pour la restauration d'un orgue historique, il y a des spécialistes qui viennent. Il y a M. Germain Casavant, architecte, M. Massimo Rossi, organiste et facteur d'orgues, et ils viennent très méticuleusement inspecter l'instrument et faire ça. Parmi la fondation, il y a ces personnes-là, qui s'appelle le Comité des orgues, qui s'occupaient surtout des demandes qui étaient relatives à l'orgue.

Le Président (M. Brodeur): À votre connaissance... il y a sûrement autant d'orgues qu'il y a d'églises au Québec, probablement?

M. Yelle (Martin): Un peu moins d'orgues que d'églises parce qu'il y a plusieurs églises dans des régions des fois plus défavorisées qui n'ont pas d'orgue.

Le Président (M. Brodeur): Les églises, j'imagine, les plus récentes ont des orgues plus modernes. Donc...

M. Yelle (Martin): Oui, c'est sûr que, dans tout le...

n(17 h 30)n

Le Président (M. Brodeur): ...qui n'ont pas la même valeur que les orgues Casavant de l'autre époque. À combien estimez-vous... puis là je vous donne carte blanche sur la façon d'estimer le nombre d'orgues que vous pensez qui pourraient être recensés au Québec, inventoriés et qui pourraient faire partie d'une certaine protection?

M. Yelle (Martin): D'une certaine protection... Bon. Je dirais tout d'abord, comme j'ai présenté, il y a la première constitution du parc d'orgues au Québec, la facture artisanale donc, du XIXe et début XXe jusqu'à 1920 environ. On peut dire qu'il y a des instruments vraiment intéressants, surtout les instruments à traction mécanique parce que souvent ils résistent mieux au temps que les instruments à traction tubulaire pneumatique qui ont été faits plutôt en série par la maison Casavant à partir des années vingt, dans les paroisses où il y avait des orgues petits et moyens. Donc, dans ce parc-là d'orgues anciens, on peut dire déjà en partant qu'il peut y en avoir peut-être une cinquantaine déjà, d'instruments anciens, plusieurs sont déjà classés comme biens culturels d'ailleurs, mais plusieurs viennent d'être restaurés, il y a quelques années, par la Fondation du patrimoine religieux en collaboration avec les localités.

Dans la période, je dirais, plus industrielle de Casavant, de 1920 à 1960, on peut dire qu'on retrouve des instruments qui se ressemblent beaucoup parce qu'ils sont faits plutôt en série. Il y a eu beaucoup d'églises qui se construisaient, il fallait subvenir à la demande et fournir des orgues rapidement. Donc, on a des instruments plutôt faits en série, mais il y a de grands instruments dans cette période. Par exemple, il y a eu des gens qui sont venus tout à l'heure, l'orgue de l'église Saint-Roch, par exemple, qui a été construit dans cette période, bien c'est un orgue exceptionnel, qui sort un peu de l'ordinaire dans cette période-là. Mais on peut dire que, dans cette période-là, il y a moins d'instruments: il y en a peut-être une quinzaine, une vingtaine peut-être.

Et, dans les instruments plus modernes, à partir de 1960, où on a de nouvelles compagnies de facture d'orgues qui sont nées au Québec, Wolff, Wilhelm, Juget-Sinclair et Casavant qui est revenue à la traction mécanique, Létourneau, Guilbault-Thérien, donc qui ont construit des instruments selon les principes classiques qui sont vraiment très réputés. Si on prend, par exemple, l'orgue du Grand Séminaire de Montréal, c'est un orgue classique français que tout le monde regarde en Amérique comme un des plus beaux, mais il a été construit en 1989. Mais, d'après moi, c'est un bien culturel du Québec même s'il n'est pas ancien. Alors, d'après moi, dans cette tranche-là, il peut y en avoir peut-être une cinquantaine à une centaine dans les instruments plus modernes. Donc, on peut peut-être dire 150, 200 instruments peut-être à conserver ou à classifier.

Le Président (M. Brodeur): Merci.

Une voix: Sur combien?

M. Yelle (Martin): Je ne le sais pas. Je ne sais pas comment il peut y avoir d'orgues au Québec, peut-être 2 000, 3 000 environ.

Le Président (M. Brodeur): ...proportion raisonnable. M. le député de Mercier.

M. Turp: Alors, merci beaucoup, M. le Président. D'abord, c'est tout à fait approprié qu'on termine en musique par l'orgue. On est à la veille de célébrer un grand anniversaire. Demain, 27 janvier 2006, on célèbre le 250e anniversaire du décès, si j'ai bien compris, de Wolfgang Amadeus Mozart. Demain, allez écouter Espace Musique, il y a plein de trucs intéressants. Christophe Huss, là, depuis quelques semaines, nous présente les grands enregistrements de Mozart, et dimanche d'ailleurs il y a... Radio-Canada, je crois, a une grande, grande journée Mozart à la radio. Alors donc, je pense que c'est tout à fait approprié qu'on termine avec vous.

On avait un peu commencé avec l'orgue parce que, si vous vous rappelez, à Montréal, Me Antoine Leduc était venu nous parler d'orgue, l'avocat Leduc était venu nous parler de l'orgue, il est aussi organiste, et il avait fait un très, très bon mémoire, d'ailleurs. Je me rappelle très bien de lui avoir même proposé de le publier parce que... C'était un peu juridique aussi, puis il y avait des notes infrapaginales, j'ai dit: Allez, publiez ça dans le McGill Law Journal ou dans une autre revue, mais...

Une voix: ...Saint-Hyacinthe.

M. Turp: Et il est de Saint-Hyacinthe, comme les Casavant. Et alors on avait raison de... je pense qu'on avait raison de penser que c'est une question tout à fait importante. Et, moi, je peux vous le dire, là, quand il va s'agir de faire notre rapport puis nos recommandations ? puis j'espère que je pourrai convaincre mes collègues, là ? l'orgue, ça va être important dans notre rapport. Protéger ce patrimoine, protéger nos orgues, protéger le legs des Casavant, actuel et futur, ça devrait être une grande priorité lorsqu'il s'agit de préserver, mettre en valeur le patrimoine religieux. Vous l'avez dit, hein, tout à l'heure, vous êtes fiers, et nous devrions être fiers de ce qu'ont fait tous les grands facteurs d'orgues au Québec. Tu sais, on peut être fiers du Cirque du Soleil, là, mais on devrait être aussi fiers de nos facteurs d'orgues et de ce qu'ils ont fait pour le Québec et pour la culture. Et je pense qu'il y a beaucoup de gens qui, dans votre milieu, vont être fiers de nous si on réussit à faire ça.

Alors, ma question sur votre mémoire: Dans votre mémoire, vous parlez des réussites d'ailleurs, alors j'aimerais ça que vous nous en parliez.

M. Yelle (Martin): Je n'ai pas eu le temps de beaucoup étudier ce domaine-là, c'était notre projet à venir. On sait qu'il y a déjà des choses qui se font du côté américain, la Organ Historical Society qui s'occupe, entre autres, de faire converger les informations sur les orgues historiques aux États-Unis, entre autres, et d'être un peu un organisme de concertation dans ce milieu-là.

Il y a des choses qui se font aussi, sur le côté américain, pour ce qui est de la mise en commun d'information concernant les instruments disponibles, parce que souvent, quand on a un instrument disponible, c'est souvent trop tard, l'église est déjà vendue, on veut... et là on dit: Bon, il y a du matériel à vendre, il y a des bancs, il y a du matériel dont on veut disposer, et puis il y a un orgue, et puis... Mais qu'une paroisse décide d'acquérir un orgue, ça demande une levée de fonds, ça demande plein de choses, et souvent ce que ça fait, c'est que l'orgue se ramasse dans le bac à vidanges, il s'en va à la casserole, parce que les promoteurs, eux autres, doivent rentrer, les contracteurs rentrent dans le bâtiment, et puis, bien, l'orgue est encore là, bien on le jette, c'est tout. Alors, il y a des choses comme ça qui arrivent. Donc, il y a possibilité que l'information puisse circuler, et que les diocèses, les paroisses voient venir l'information un peu plus vite et nous disent... sous le format, je ne sais pas, moi, d'un site Web où les instruments disponibles pourraient être visibles, et que les paroisses qui se cherchent un instrument puissent aller s'intéresser, et qu'il y ait des instruments qui puissent être sauvegardés de cette façon.

Au niveau européen, on n'a pas fait de recherche beaucoup, mais je sais qu'il y a des choses qui se font. Évidemment, le cadre juridique est assez différent d'ici aussi, les instruments historiques sont plutôt pris par l'État, je pense, ou leur charge. Mais on n'a pas fait beaucoup de recherches là-dessus, mais, d'après nous, c'est important aussi de s'intéresser à ce qui se fait ailleurs.

M. Turp: Est-ce que vous pouvez nous mettre sur une piste, là? Parce qu'on a beaucoup parlé des expériences étrangères, mais surtout en pensant aux fiducies au Royaume-Uni, en Angleterre et ailleurs. Mais j'imagine qu'en Allemagne, par exemple, il doit y avoir quelque chose, là, on a dû poser des gestes pour assurer la protection et la préservation des orgues allemands et de pérenniser...

M. Yelle (Martin): ...ceux qui ont survécu à la guerre. Beaucoup ont été bombardés, là.

M. Turp: Oui, bien ça, c'est une bonne remarque, mais ils ne l'ont pas tous été, j'imagine, là.

M. Yelle (Martin): Non, il y a des instruments qui subsistent, et sûrement qu'ils ont des façons de faire là-bas mais qu'on ne connaît pas. On n'a pas fait de recherche là-dessus, au niveau de la fédération.

M. Turp: O.K. Alors, mon autre question, c'est: Vous parlez de toute évidence avec une certaine autorité de tout cela vous-même, là, puis j'imagine qu'à la Fédération québécoise des amis de l'orgue il y en a d'autres comme vous, là.

M. Yelle (Martin): Il y en a plein.

M. Turp: Alors, quand il s'agit de travailler et de faire ce qui doit être fait, là, les inventaires, bien vous devriez y participer. Est-ce que vous...

M. Yelle (Martin): Oui. Évidemment, c'est dans notre mandat, et on est très intéressés par la chose. Et, de par nos membres qui sont sur tout le territoire du Québec, bien on peut avoir des personnes dans les différents milieux qui puissent être à l'affût et recueillir des informations.

M. Turp: Mais comment voyez-vous ça, là? Par exemple, si vous étiez... vous teniez la plume, là, vous aviez un rapport, puis qu'on s'est entendus, les députés de cette commission, pour dire: Ah! On va faire un inventaire, on recommande qu'il y ait un inventaire des orgues du Québec qui soit établi, et on suggère de le faire comme ceci, qu'est-ce que vous nous proposez? Qu'est-ce que vous écrivez? À qui fait-on appel?

n(17 h 40)n

M. Yelle (Martin): Oui. Ce que l'on propose, c'est justement de faire appel peut-être au Comité des orgues de la Fondation du patrimoine religieux, et peut-être avec la FQAO, comme nous, et de former un groupe-conseil où il pourrait y avoir des architectes, évidemment des facteurs d'orgues, des personnes très compétentes dans le domaine qui puissent établir les critères de base. Après ça, nous, on se dit: La cueillette d'information sur le terrain, il n'y a pas besoin d'être un immense spécialiste pour faire ça et faire un très bon travail. Mais que ce groupe-conseil puisse donner la formation nécessaire aux personnes qui auront la responsabilité, dans les milieux, de le faire et ensuite qu'on puisse avoir un formulaire informatique unifié où toutes les informations puissent être colligées. Et, là où on voit qu'il y a un instrument particulier, exemple: Saint-David-d'Yamaska, Opus 20 de Casavant à traction mécanique, ne joue plus depuis 25 ans, alors là il faut qu'il y ait des experts qui aillent voir ça, parce que c'est un instrument exceptionnel. Alors là, une fois que l'information est prise, bien les instruments qui attirent l'attention un peu plus, on va fouiller un peu plus, faire une expertise plus approfondie. Et, une fois que tout ça est fait, d'après nous, il faut que le groupe-conseil émette des recommandations, d'après nous, peut-être au ministère des Affaires culturelles qui, lui, va classer les instruments.

M. Turp: O.K. Est-ce qu'il y a une urgence pour quelques orgues, au Québec?

M. Yelle (Martin): Oui, c'est ça...

M. Turp: Est-ce qu'il y a... Est-ce que vous voudriez qu'on dise: Regardez, là, pour certains orgues, là, il y a une urgence, il faudrait les classer, peut-être recommander un classement?

M. Yelle (Martin): Il y en a plusieurs présentement, des orgues qui sont, moi, je dirais, en péril parce que des paroisses ne les utilisent plus et, à un moment donné, un peu n'importe quel bricoleur du coin peut aller se mettre le nez là-dedans pour essayer de faire refonctionner ça et va le gaspiller finalement, peut-être.

M. Turp: Il y a des orgues menacés, vous nous dites, aujourd'hui?

M. Yelle (Martin): Oui, bien, l'exemple que je viens de donner, par exemple, l'Opus 20 de Casavant à Saint-David-d'Yamaska, l'orgue ne joue plus depuis 25 ans, il est dans le jubé, il est comme ça, il ne bouge plus. C'est le plus vieux Casavant dans une église toujours en fonction au Québec, mais cet instrument ne fonctionne plus. Il y a une demande qui a été faite à la Fondation du patrimoine, mais les gens de la paroisse ne sont pas capables de payer la différence qui manque. Mais présentement c'est la fabrique qui en est responsable, mais... Si les marguilliers décident qu'on achète une soufflerie et on branche ça, puis on fait n'importe quoi avec, et puis on met du «duct tape» pour réparer les soufflets, bon, bien ça fera ce que ça fera.

Le Président (M. Brodeur): Oui, M. le député de Saint-Hyacinthe, pour la dernière question de notre commission.

M. Dion: Merci, M. le Président. J'ai été très impressionné par votre présentation, comme je l'avais été par mon bon ami M. Leduc. Et la seule chose que je veux dire... en fait, ce n'est pas tellement une question que je vais vous poser. Je veux juste vous remercier pour être venu nous parler de ça. C'est quelque chose d'extrêmement important du point de vue culturel. Tout compte fait, le Québec n'est pas très populeux, et il l'était encore moins quand on a commencé à construire des orgues, et on a fait des oeuvres extraordinaires. Et maintenant, présentement, on fabrique encore des orgues, chez nous, à Saint-Hyacinthe, pour l'Australie, pour les États-Unis, des orgues absolument splendides, immenses, hein, qui ont une valeur considérable. Alors, c'est une tradition très importante qui va se perdre si on ne préserve pas le patrimoine. Donc, encore là, je pense qu'il y a quelque chose à faire là, il y a quelque chose à faire aussi probablement en collaboration avec la Fédération québécoise des amis de l'orgue, parce que l'orgue, c'est fait pour être touché, alors ça prend des gens puis des spécialistes, et je pense que nos musiciens de l'orgue, là, il faut qu'ils aient leur place dans la société québécoise.

Alors, je vous remercie beaucoup de votre contribution. Et j'ai la même préoccupation que mon collègue de Mercier de pouvoir traduire ça en des mots qui auront une signification pour la survie et la conservation du patrimoine. Merci.

M. Yelle (Martin): Merci beaucoup.

Le Président (M. Brodeur): Donc, ça conclut nos auditions régulières. Je vous remercie, M. Yelle.

Et je vais suspendre quelques instants seulement, le temps de... nos remarques finales.

(Suspension de la séance à 17 h 44)

 

(Reprise à 17 h 46)

Mémoires déposés

Le Président (M. Brodeur): Nous allons continuer nos travaux. Pour débuter, avant de passer aux remarques finales, j'aimerais déposer les 16 mémoires n'ayant pas fait l'objet d'une audition publique dans le cadre de la consultation générale. Cela a pour effet naturellement de les rendre publics. Donc, les mémoires, les 16 mémoires sont déposés pour le bénéfice des gens qui veulent en prendre connaissance.

Remarques finales

Et, pour terminer, nous allons passer aux remarques finales. J'imagine que plusieurs d'entre vous voudront intervenir.

Le président, M. Bernard Brodeur

Tout simplement, je vous remercie...

Une voix: En conclusion?

Le Président (M. Brodeur): En conclusion, oui. Je voudrais faire un petit bilan, bilan de notre... C'est mes remarques finales, Mme la députée.

Une voix: ...

Le Président (M. Brodeur): Tout de suite, là, tout de suite. Ah oui, oui!

Une voix: ...

Le Président (M. Brodeur): Oui, c'est ça, mais, dans les remarques finales, je vais conclure. Ça adonne bien, pour la dernière séance, nous n'avons pas de caméras, donc nous pouvons nous laisser aller un petit peu plus. Donc, tout simplement, j'aimerais faire un bilan de ce qui a été fait au cours des derniers mois.

Donc, je rappelle que la Commission de la culture s'était donné ce mandat d'initiative sur le patrimoine religieux du Québec dans une séance de travail qui s'est tenue en novembre 2004. Elle a ensuite entrepris cette consultation générale itinérante. Et des auditions à travers le Québec, je le rappelle, c'est une première en 20 ans dans l'histoire du Québec. Ces travaux-là ont débuté, vous vous en souviendrez, à Montréal, à la fin septembre. À la suite de nos auditions à Montréal, nous nous sommes déplacés dans plusieurs régions administratives, entre autres dans six villes; après Montréal, il y a eu Gatineau, Sherbrooke, Saguenay, Rimouski et Trois-Rivières. Et je tiens à souligner que je retiens de ces moments de très beaux souvenirs...

Une voix: Et Québec.

Le Président (M. Brodeur): Et Québec, et Québec naturellement, depuis déjà un bout.

Donc, ça nous a permis de recevoir des groupes mais surtout des personnes, des personnes que nous n'aurions peut-être pas entendues si nous ne nous serions pas déplacés. Donc, le fait d'avoir une commission itinérante, je crois que c'est un ajout au droit des citoyens de se faire entendre, particulièrement à la commission parlementaire, et ça a permis aussi à plusieurs citoyens de parler de leurs particularités régionales, qu'on pense, entre autres, aux gens de Saguenay, entre autres, qui nous ont parlé de fiducie régionale, qui nous ont parlé de leurs églises qui étaient plus récentes peut-être que le reste du Québec. Donc, ça permet à ces gens-là d'insister sur les particularités régionales.

Nous avons entendu au total 118 organismes. Donc, c'est un travail colossal qu'a fait la commission parlementaire, sans compter les 16 mémoires non entendus que nous avons déposés aujourd'hui. Et ces 118 organismes là que nous avons entendus, ou personnes, c'est, j'insiste à le dire, c'est 102 personnes que nous avons rencontrées, qui ont mis tout leur coeur pour nous suggérer des moyens de protéger le patrimoine religieux.

À l'avenir, c'est-à-dire dans les prochaines semaines, les membres de la commission vont se réunir en séance de travail, vont refaire le bilan de ce que nous avons entendu de toutes les consultations particulières, et nous allons poursuivre la réflexion pour arriver à un résultat que nous espérons le plus rapidement possible. Donc, ce rapport devrait contenir des observations naturellement, des conclusions et des recommandations. Je suis convaincu qu'il y aura plusieurs recommandations qui seront portées à l'attention non seulement des députés de l'Assemblée nationale, j'espère le plus tôt possible au printemps, mais à la population du Québec en entier.

n(17 h 50)n

Je désire remercier... il y a beaucoup de gens à remercier. Nous avons rencontré non seulement 102 personnes, mais les gens qui nous ont accompagnés. Premièrement, les députés, les députés, les députés du parti de l'opposition et du parti ministériel. Je tiens à souligner le travail extraordinaire qui s'est fait, peu importe l'allégeance politique. Je pense que la Commission de la culture est un modèle, un modèle dans ce sens-là, de collaboration entre toutes les formations politiques.

Je désire également souligner de façon particulière la contribution de certaines personnes: en particulier Sonia Grenon, notre ancienne secrétaire, qui a beaucoup insisté, qui a travaillé à mettre sur pied notre projet. Je veux souligner aussi le travail de Christina Turcot, qui est absente aujourd'hui, qui a donné naissance à un enfant à la fin décembre, et qui a été une recherchiste extraordinaire, et qui, j'espère, nous reviendra le plus tôt possible.

J'aimerais aussi mentionner la collaboration du personnel de l'Assemblée nationale. Naturellement, nos secrétaires de commission, puisque nous en avons eu plusieurs: Marc Painchaud, Marc qui a fait un travail extraordinaire et qui va se déplacer avec quelques membres de la commission en Europe pour continuer le travail; François Arsenault, qui nous a suivis lors de nos déplacements; Marie-Claude Tremblay, qui nous a fourni tout le service nécessaire et, grâce à elle, on a pu commencer à temps et terminer à temps; et naturellement Martin Cardinal, et, comme je disais ce matin, nous sommes tellement imprégnés des travaux du patrimoine religieux que nous nous sommes donné un cardinal comme secrétaire.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Brodeur): Je veux également remercier le Service des études documentaires: Alain Gariépy ? il est encore ici, il n'est pas parti travailler, il a un rapport à nous remettre pour 6 heures ? Alain qui a fait un travail également extraordinaire, et Hélène Bergeron; la Direction des communications: Julie Lagacé, Joan Deraîche, qui ont travaillé très fort, qui nous ont suivis lors de nos déplacements; la Direction de la diffusion des débats: Christian Croft, Joël Guy, donc qui, je le répète, nous ont suivis lors de nos déplacements et qui ont formé avec nous une famille, une nouvelle famille de travail que j'ai beaucoup appréciée; la Direction de la sécurité: Éric Bédard ainsi que tous les constables qui ont fait la surveillance également lorsque nous étions en dehors du parlement; les pages, les nombreux pages qui nous ont assistés; la Direction de la Bibliothèque, Marc Audet; ainsi que les autres directions qui ont contribué aux travaux de la commission, entre autres, la Direction de l'informatique ainsi que la Direction du protocole et de l'accueil.

J'aimerais aussi souligner la présence continuelle avec nous des gens de la Fondation du patrimoine religieux, qui nous ont suivis, les gens du ministère de la Culture, et Mario Dufour qui a su bénir nos travaux chaque jour, président de la Commission des biens culturels. Également, je veux souligner la présence, à plusieurs endroits, de l'équipe de Radio-Canada, de Second regard en particulier, qui ont suivi les travaux de la commission, et de tous les intervenants qui ont participé à nos travaux, ceux qui nous ont envoyé des mémoires, ceux qui ont répondu au questionnaire en ligne et ceux qui ont assisté aux auditions publiques.

Donc, pour ces personnes qui s'inquiètent, qui s'interrogent sur l'avenir du patrimoine religieux, je vous indique que nous allons travailler et mettre en commun tous les efforts que nous pouvons faire pour arriver à un rapport qui sera à la hauteur des attentes des citoyens du Québec qui ont à coeur la protection de tous ces témoins de notre histoire du Québec. Donc, la préservation du patrimoine religieux est très importante non seulement pour nous, mais aussi pour les gens qui nous succéderont.

Donc, pour terminer, je veux tout simplement remercier tous les gens, remercier les députés, et je vais faire quelque chose qui est contraire au règlement, les nommer par leur nom: Léandre, Nicole, Daniel, il y a eu Dominique, il y a eu Éric, et Diane Legault, qui ont participé activement, Pierre Moreau. Donc, tous ces gens-là sont habités par un goût de se réunir de façon rapide pour arriver à une conclusion le plus rapidement possible, et j'invite tous les gens à être présents lorsque nous déposerons notre rapport, j'espère, j'espère, en fin mai, début juin au maximum.

Donc, je suis prêt à reconnaître M. le député de Mercier pour ses remarques finales.

M. Daniel Turp

M. Turp: Merci, M. le Président. Je vais d'abord commencer par des remerciements aussi, pour vous remercier d'abord. Hein? Vivre en communauté parlementaire, ce n'est pas toujours facile, puis c'est tellement plus facile quand on a un président qui fait bien les choses, qui respecte les droits du parti ministériel et ceux de l'opposition officielle. M. le Président, vous avez fait ça de façon impeccable. Je vous remercie de nous avoir donné la parole, d'avoir bien su respecter nos traditions parlementaires et d'avoir voulu que le travail de cette commission soit le travail le plus constructif possible. Et, moi, je suis fier quand mon Parlement fonctionne comme cela. Et je crois que tous ceux qui nous ont entendus et toutes celles qui nous ont entendus ont dû sortir de nos salles de réunion, en région et ici, à l'hôtel du Parlement, en disant: Ah! si le Parlement fonctionnait comme ça, ou: Est-ce qu'il fonctionne vraiment comme ça? Bien, on est fiers de notre Parlement et de nos parlementaires, et je pense qu'on vous doit beaucoup.

Et c'est, je crois aussi, de bon augure pour la suite de nos travaux, qui vont être certainement plus difficiles parce que, là, il faut s'entendre, il faut faire des compromis. Et je crois que je peux m'engager au nom de mes collègues pour que la suite des choses se fasse dans le même esprit, avec la volonté de trouver des solutions, de répondre aux questions qui nous ont été posées, d'arbitrer entre plusieurs solutions qui nous ont été présentées, qui ne sont pas toujours les mêmes, qui sont parfois très divergentes, mais je pense qu'on peut penser que nous arriverons à trouver un consensus sur ce qui, je crois, est quelque chose de si fondamental pour l'avenir du Québec, soit préserver son patrimoine religieux mais aussi assurer qu'il puisse être mis en valeur. Et donc je veux vous remercier.

Je remercie mes collègues, en particulier la députée de Pointe-aux-Trembles et le député de Saint-Hyacinthe. Puis vous avez vu que nous étions une équipe, là. Nous, on a été là tout le temps, presque tout le temps tous les trois. On a assuré une continuité dans la représentation de l'opposition officielle. On est bien fiers de cela aussi. Donc, je remercie mes collègues, en particulier en ma qualité de porte-parole pour la culture et les communications, et tous ceux qui, dans le parti gouvernemental, ont fait aussi de très belles contributions aux travaux de cette commission.

J'ai réussi à aimer davantage le personnel de cette Assemblée. Vous savez, on est très chanceux dans cette Assemblée nationale, on a un personnel exceptionnel. Quand on est député dans cette Assemblée, on constate jusqu'à quel point le personnel de cette Assemblée est à notre service, et là, là, on l'a vécu au quotidien. À chaque fois que notre commission se réunissait, ou entre les réunions, nous avons eu des secrétaires, à commencer par Sonia Grenon, puis ensuite il y a eu Marc, et maintenant il y a notre Cardinal, et j'ai même vu Yannick Vachon, tout à l'heure, apparaître, là, qui va peut-être devenir... ou qui va devenir, je pense, secrétaire de commission. Alors, à tous nos secrétaires, merci beaucoup, et merci pour la suite des choses, parce qu'on continuera de travailler ensemble.

C'est vrai aussi pour nos recherchistes. Vous avez parlé de Christina qui a contribué à rédiger un document; elle a eu des remontrances d'Ernest Caparros, là. Mais Sonia aussi a travaillé. Mais c'est un bon travail. Puis c'est sûr qu'il peut être amélioré, puis on va rectifier le tir, puis on va aussi tenir compte des suggestions concernant la terminologie et le vocabulaire que nous ont faites nos amis anglophones hier, mais... Donc, à Christina, un grand merci, si elle nous écoute. Et un grand merci à Alain qui travaille très fort puis qui a encore beaucoup de travail à faire, on lui en a donné encore davantage aujourd'hui; et à notre ange, hein, à l'ange de cette commission, là, à Marie-Claude Tremblay, merci d'avoir veillé sur nous, d'avoir bien su organiser nos travaux et répondre à toutes nos demandes, là, pendant la durée de nos consultations; et à tous ceux que vous avez remerciés, je réitère les remerciements de l'opposition officielle.

n(18 heures)n

Moi aussi, je suis très fier. Je pense qu'on peut dire... les données que vous avez présentées, c'est donc 118 mémoires. Il y a aussi 60 questionnaires en ligne qui nous ont été transmis, 102 groupes et personnes, y compris des personnes qui avaient envoyé des questionnaires. C'est quand même pas mal, hein? 102 sur 178, c'est 60 %. On a entendu 60 % des groupes et des personnes qui nous ont présenté un mémoire.

Et, vous savez, c'est parfois très frustrant: on présente un mémoire puis on n'est pas entendu parce qu'il y en a trop, il n'y a pas assez de temps. Bien là, je crois que Martin l'a confirmé, tout le monde aurait pu, même, présenter son mémoire. Il y en a qui se sont désistés, et il y avait des plages horaires mais pas tout le monde a voulu ou pu. Alors là, c'est quand même tout à l'honneur de notre commission et de la gestion de ses travaux d'avoir donné à tout le monde l'occasion non seulement de présenter un mémoire, mais... ou de le déposer pour qu'il puisse être porté à la connaissance des membres, d'être lu, mais aussi d'être entendu, d'avoir 10, 20 minutes, 30 minutes parfois, selon l'importance des groupes et leur caractère national ou non. Et ça, je pense qu'on peut en être fiers.

Alors, sur le fond, parce que, M. le Président, je vais me permettre quelques commentaires sur le fond qui vont annoncer, je pense, les débats que nous devons avoir, la première qui à mon avis doit nous préoccuper, c'est la question du patrimoine et du patrimoine religieux. On a soulevé à plusieurs reprises la question de la relation entre le patrimoine et le patrimoine religieux et le fait que le Québec n'a pas de politique nationale du patrimoine. Il y a une proposition qui a été faite en 2001 par M. Arpin et son groupe-conseil, mais on n'a jamais eu de politique du patrimoine. Mais nous nous donnons comme mandat ou on a eu comme mandat en tout cas d'en proposer une pour le patrimoine religieux.

Il y a des gens qui sont venus nous dire: Ce n'est pas une bonne idée du tout; on devrait faire une politique du patrimoine avant de faire une politique du patrimoine religieux. Il y en a qui disent: Non, non, c'est une bonne idée puis faisons-le, parce qu'il y a une urgence, et peut-être que même ce que nous dirons sur notre politique du patrimoine religieux pourra inspirer la future politique du patrimoine.

Alors, je crois que nous devons dire quelque chose là-dessus. Et, s'il faut admettre qu'on n'a pas bien fait les choses, que les gouvernements successifs, que ce soit celui de mon parti ou du gouvernement actuel... Et, je rappelle, c'est M. Bumbaru, hier, qui disait que le premier ministre Charest avait signé un engagement de faire adopter une politique du patrimoine pendant le prochain mandat, alors que de toute évidence il n'y en aura pas, mais il y aura peut-être une politique du patrimoine religieux. Alors, s'il faut admettre ça, on le fera ou en tout cas on en discutera, mais je pense qu'il faut parler de cette question-là.

Il faudra peut-être aussi avoir une préoccupation pédagogique en définissant ce qu'est le patrimoine, le patrimoine religieux matériel et immatériel. Parce qu'on ne comprend pas très bien ce qu'est le patrimoine immatériel, mais on nous en a beaucoup parlé, du patrimoine immatériel, ici. Et donc je crois qu'il faut aussi faire les distinctions qui s'imposeront ou les présenter pour que les gens qui vont lire notre rapport comprennent très bien de ce qu'on va parler plus tard, lorsqu'on parlera et on distinguera les mesures qui doivent être adoptées pour protéger et préserver tant le patrimoine matériel que le patrimoine immatériel à caractère religieux. Alors ça, c'est une première chose qui pourrait susciter et faire l'objet de nos débats.

La deuxième chose qui, je trouve, est importante, c'est de situer, de situer nos recommandations dans le contexte et en parlant d'un certain nombre de principes, de valeurs ou d'enjeux.

La laïcité, c'est une question que nous avons évoquée à plusieurs reprises. Pour moi, d'ailleurs, c'est très, très important. Qu'est-ce que... Ce débat sur l'avenir du patrimoine religieux s'inscrit dans un contexte où l'État québécois se laïcise progressivement mais où il y a concurremment une volonté de protéger le patrimoine religieux comme on n'en a jamais vue. Et la preuve, c'est qu'il ne se ferme plus d'églises, et, quand on veut en fermer, il y a levée de boucliers des communautés et pas seulement des croyants, de ceux qui veulent protéger et préserver leur patrimoine.

Et je me suis intéressé à ça dès que j'ai vu et lu le rapport de M. Caparros pour le colloque d'octobre dernier, on a devant nous un choix: la laïcité-collaboration ou la laïcité-séparation, en tout cas deux notions qu'on pourrait examiner puis on pourrait faire un choix. Et c'est ce choix qui va dicter, à bien des égards, comment, dans l'État laïc, on va collaborer avec les autorités religieuses pour préserver et mettre en valeur le patrimoine, ou, si tel était le cas ? mais j'en doute, là, à la lumière de nos propres vues sur la question ? si on va plutôt se séparer des communautés religieuses ou vraiment se substituer aux communautés religieuses pour assurer l'avenir de ce patrimoine. Mais en tout cas la laïcité, il me semble, devrait être l'un des objets de nos débats aussi à la lumière de ce que nous avons entendu.

Il y a bien sûr la question de situer notre débat dans la diversité religieuse. Il y a une diversité religieuse au Québec, il faut la reconnaître, il faut en parler, il faut utiliser un vocabulaire respectueux de cette diversité. Et il faut voir comment nos politiques et nos projets, nos recommandations vont favoriser cette diversité. Et on le fait avec cette préoccupation que la liberté de religion, qui est reconnue dans notre charte québécoise des droits et libertés, est une liberté dont il faut assurer l'épanouissement, comme on disait ce matin. Et donc ces questions-là doivent à mon avis être présentées, débattues entre nous.

Il y a le droit, il y a le droit. Il y a des juristes à cette commission. Il y a une certaine garantie de tenir en compte le droit et le droit de propriété, question qui a été beaucoup débattue. Alors, moi, je vais vouloir qu'on situe nos débats en acceptant que l'on doit proposer des recommandations qui tiennent compte que nous sommes un État de droit puis qu'on ne nationalisera pas des biens d'église sans compenser, sans que ce soit pour l'intérêt public, si c'était l'avenue qu'on envisageait de faire. Parce que, dans un État de droit, c'est comme ça qu'il faudrait procéder.

Et, peut-être, ça pourrait venir avant, mais il y a toute la notion de développement durable qui devrait également nous intéresser dans la façon de penser l'avenir du patrimoine religieux. Et je vous rappelle que le développement durable, ce n'est pas seulement la protection de l'environnement, ça a aussi un volet culturel important. Et sans doute on pourrait penser que ça a même un volet cultuel, parce que: Est-ce qu'une société peut être durable et se développer de façon durable si elle ne tient pas compte des cultes, si elle ne tient pas compte des personnes et des groupes pour qui le culte est important et pour qui les lieux de culte sont importants?

Alors donc, ça, c'est la deuxième considération qui m'apparaît importante, des principes, des valeurs qui devraient guider notre réflexion après avoir fait ces consultations.

n(18 h 10)n

La troisième chose, c'est le rôle respectif de l'État, de ses diverses composantes, de son ministère de la Culture et des Communications, qui a été interpellé à plusieurs reprises, là, et qui gère la Loi sur les biens culturels, et qui a contribué avec d'autres à la préservation puis la mise en valeur de nos archives, y compris privées. Il y a des sociétés d'État qui sont en cause aussi, dont il faudra penser le rôle: Hydro-Québec, là, tu sais, commence à... si elle augmente les frais ou diminue les... ou élimine le tarif BIT, là, qui a un impact sur le patrimoine religieux. Et il y a bien sûr tout le monde municipal, là, les communautés métropolitaines, dont on a beaucoup parlé, les MRC, les villes, les municipalités locales. Et ça, ça va devoir, je pense, faire l'objet de nos réflexions. Il y a aussi les universités, les commissions scolaires, les écoles, les artistes, les artisans eux-mêmes, donc cette société civile dont on nous a dit qu'elle avait un rôle important et qu'elle doit être un partenaire important de l'État et de ses composantes, là, pour la préservation et la mise en valeur du patrimoine religieux.

Et j'omets, mais j'ajoute maintenant la Fondation du patrimoine religieux. Les gens de la fondation sont venus nous dire ce matin: C'était une solution originale, la Fondation du patrimoine religieux. Et ça semble être le cas parce que, je ne sais pas si, ailleurs dans le monde, il y a eu une fondation du patrimoine religieux, mais je n'ai pas l'impression. Et je dis ça avec le souci que j'ai, ce matin, exprimé de la continuité.

Ce n'est pas vrai qu'on doit faire table rase nécessairement. Il y a une fondation, on a vu son président, ce matin, nous parler de son évolution, on a vu son directeur général, qui a été très assidu dans la fréquentation des travaux de notre commission, nous parler aussi de ce qu'elle a fait. Alors, il faut, je crois, avoir le souci, dans notre travail, de bien comprendre ce que la fondation a fait, comment elle l'a fait, avant de penser nécessairement qu'elle doit être remplacée par une fiducie, par une fiducie nationale, ou par des fiducies régionales, ou les deux, fiducies locales. Moi, je crois qu'il faut vraiment s'intéresser à ce que la fondation a fait. Il faut évaluer, je pense qu'on a un rôle d'évaluer ce que la fondation a fait puis comment elle pourrait peut-être être l'embryon d'une fiducie, si tel est notre choix.

Mais, sur la structure de gestion, on va avoir des beaux débats puis on va avoir une belle contribution de la part de la Commission de la capitale nationale et de ses partenaires, avec lesquels on va entrer en dialogue et qui vont nous saisir de l'étude Secor qu'ils ont commandée.

Et le dernier point, M. le Président, c'est sur le financement. Je crois que nous avons une responsabilité très importante, celle de parler du financement, parler des modes de financement, peut-être aussi dire combien ? combien ? l'État québécois devrait investir. On a eu, ce matin, quelqu'un qui nous a suggéré: C'est 20 millions par année qu'on devrait donner à la fondation, ou à la fiducie, ou... Mais en même temps ce n'est peut-être pas juste ça. Les municipalités, là, qu'on voudrait mettre à contribution, comment vont-elles financer la préservation et la mise en valeur du patrimoine? Est-ce qu'il doit y avoir des pouvoirs fiscaux additionnels, comme on l'a suggéré ce matin? En tout cas, toute cette question de financement devrait nous préoccuper.

Alors, M. le Président, c'est les cinq points qui me paraissent importants. Nos recherchistes nous ont présenté des fiches techniques. Je crois comprendre qu'il y en aura d'autres sur des points précis, comme les moratoires, les inventaires, les archives, l'éducation, la sensibilisation au patrimoine. Ce sont toutes des questions qui vont devoir être examinées. Mais, M. le Président, on a beaucoup de travail devant nous.

Je pense qu'il y a beaucoup de gens autour de cette table, là, et qui nous accompagnent qui veulent réussir. On ne réussit pas toujours, hein? Il y a des rapports qui restent sur les tablettes, des rapports de commission. Il ne faudrait pas que ça nous arrive. Il faudrait vraiment que la qualité de notre rapport et la qualité de nos recommandations, parce qu'elles s'inscrivent dans la réalité du débat et qu'elles collent aux préoccupations du milieu, qui ont été exprimées par le milieu... Il faudrait qu'un gouvernement n'ait pas le choix que de le mettre en oeuvre, que d'accepter nos recommandations, que d'accepter d'investir ce qu'il faut investir pour préserver le patrimoine et le mettre en valeur.

Et d'ailleurs, M. le Président, je vous ai dit, j'ai déjà dit que je compte sur vous pour que nous soyons indépendants du gouvernement dans nos travaux. Il y a des représentants du gouvernement ou des ministères, là, qui sont là, qui nous ont surveillés, puis avec raison parce qu'ils ont vu la qualité du travail parlementaire qui a été fait. Mais là c'est le Parlement. Bien, moi, je ne voudrais pas, là, que nos recommandations soient dictées par le ministère de la Culture et des Communications, parce qu'il a déjà un peu décidé quel devrait être l'avenir du patrimoine religieux puis qu'est-ce qu'il est prêt à dépenser, quels moyens il a décidé de donner ou de ne pas donner.

Je crois que nous devons, à la suite de cet exercice, être indépendants. Nous sommes des parlementaires. C'est vrai qu'il y a deux catégories de parlementaires: il y en a qui sont du parti ministériel, de l'opposition officielle. Mais je vous fais vraiment confiance, M. le Président, là-dessus, parce que je sais que vous avez un esprit indépendant. Vous l'avez démontré par le passé. Et on va bien entendre les gens du ministère de la Culture, c'est déjà prévu qu'on va les voir dans des consultations particulières, dans quelques semaines. Mais je voudrais que ce soit un rapport du Parlement, de sa commission parlementaire, dont les recommandations n'auront pas été dictées par ce que le gouvernement voudrait et souhaiterait. Ce que nous allons dire et écrire, je crois que c'est des choses qui devraient résulter de notre réflexion de parlementaires. Et là ce sera au gouvernement de dire et de décider qu'il n'est pas d'accord avec nous ou au contraire qu'il est d'accord avec nous.

Alors, M. le Président, ça a été une expérience formidable, de travailler avec vous et avec vos collègues, les miens. Elle n'est pas finie, cette expérience, et je souhaite, je nous souhaite le plus grand des succès d'ici la fin du printemps et que nous fassions un rapport qui est à la hauteur des attentes que nous avons créées pendant les quelques mois où nous avons circulé au Québec et créé, je crois, beaucoup d'attentes pour ceux qui veulent préserver et mettre en valeur le patrimoine religieux du Québec. Merci.

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. le député de Mercier. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Nicole Léger

Mme Léger: Merci, M. le Président. C'est sûr que c'est nos remarques finales. C'est très agréable de nous entendre, parce que c'est quand même la fin de nos audiences publiques telles quelles, mais ce n'est que le début de notre travail, qu'on doit dire.

On a commencé par un mandat d'initiative, lorsqu'on s'est retrouvés, les membres de la Commission de la culture, moi comme députée responsable, comme mes collègues. C'était une façon de répondre aussi aux préoccupations de nos communautés, de nos citoyens. Mais, pour moi, c'est devenu très passionnant. Je me suis personnellement engagée puis je me suis laissée porter par le mandat, et c'est devenu une passion maintenant. Je ne verrai plus le patrimoine religieux de la même façon depuis toutes ces audiences.

Effectivement, vous avez dit, c'est une centaine, 102 personnes qui sont venues, en tout cas d'organisations ou d'associations qui sont venues, donc c'est beaucoup de mémoires, c'est beaucoup de temps d'attention que nous avons... On n'a peut-être pas été parfaits, parfaits tout le temps, mais presque, d'être à l'écoute totalement des gens qui sont venus ici et qui sont venus partout, dans l'ensemble du Québec. C'est des experts, c'est des professionnels, c'est des élus municipaux, c'est des artistes, c'est des administrateurs, des citoyens, des associations, des tables de concertation, des pratiquants, des gens du milieu de l'Église, des religieux, des gens du monde des diocèses, du monde de la culture, du tourisme, des enseignants, des spiritualistes, des promoteurs, des étudiants. C'est beaucoup de monde que nous avons écouté, effectivement, de plusieurs régions du Québec.

13 jours d'audiences, M. le Président, complètes entre le 20 septembre et le 26 janvier, entre autres, parmi d'autres tâches que nous avons. Ça a été une très belle collaboration effectivement, vous l'avez dit, entre les deux formations politiques. Et j'ai beaucoup apprécié le travail d'équipe entre mon collègue de Mercier et de Saint-Hyacinthe, nous avons travaillé tous les trois, du côté de l'opposition officielle, particulièrement. Vous me permettez de déplorer l'absence, on l'oublie parfois, mais l'absence de l'ADQ, qui n'ont pas été présents dans nos audiences particulièrement puis dans tout le débat, dans le fond, sur le patrimoine religieux. Je pense qu'il faut le redire, qu'il faut le redire ici parce que ça touche aussi tous leurs concitoyens.

Nous avons participé au colloque à Montréal, des dizaines de séances de travail, à date, si ce n'est pas plus. Nous allons finir notre réflexion d'écoute à Bruxelles et Paris quelque peu. Mais... Excusez-moi, je vais prendre un petite verre d'eau. Vous êtes calmes.

Le Président (M. Brodeur): Nous sommes suspendus à vos lèvres.

n(18 h 20)n

Mme Léger: Il exagère. Tout le secrétariat, vous l'avez dit; M. Dufour, Groulx et M. Caron des Biens culturels, de la Fondation du patrimoine et effectivement du ministère de la Culture. Bon. Et je termine en disant qu'on a pu donner la parole aux gens. Ça, c'est important. On a démontré aussi, comme parlementaires, qu'on est à la recherche de solutions et qu'on va les entreprendre, ces solutions-là.

Ça a été aussi, M. le Président, on ne l'a peut-être pas beaucoup mentionné, mais ça a été un momentum aussi dans l'intérêt public et dans les médias. Parce que parler de patrimoine religieux, ce n'est pas évident dans notre société, mais dans les médias publics.

On a assis le monde religieux et le monde laïc ensemble, aussi. Ce n'est pas toujours évident, ça non plus. Ça a été un merveilleux rassemblement de famille, je pourrais dire. Quand on dit qu'on fait une réunion de famille pour convoquer face à une problématique, bien je pense que ? la problématique était le patrimoine religieux ? ça a été intéressant à ce niveau-là.

Et le plus difficile maintenant reste à faire. C'est complexe, le dossier, ce n'est pas simple: autant des questions de fond que des questions de structure, de passé et d'avenir, de responsabilités à partager, du monde rural, urbain, local, régional, national, le financement, la formation, le respect, toute la législation, les processus, l'appropriation artistique, urbanistique, le culturel. Alors, souhaitons-nous une certaine absolution pour la suite des choses, M. le Président.

Le Président (M. Brodeur): Merci, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Léandre Dion

M. Dion: Merci, M. le Président. Voyez-vous, je pense que ce qui est quand même... les choses pénibles peuvent avoir une signification extraordinaire, hein? Quand on en est rendu à l'épuisement, comme c'est le cas, c'est parce qu'on a bien travaillé. Alors, vous êtes notre témoin, Mme la députée de... Pointe-aux-Trembles, c'est ça?

Mme Léger: Pointe-aux-Trembles, c'est ça. Mais elle n'est pas épuisée.

M. Dion: Mais je voudrais juste dire seulement quelques mots. Le temps passe et tout ça, et la fatigue fait son oeuvre. Je voudrais juste dire ceci, faire miens tous les remerciements qui ont été faits face à notre support logistique. Et je sais que vous vouliez mentionner en particulier les responsables de la diffusion et de l'enregistrement des débats. Je pense que c'est très important...

M. Turp: Effectivement. Merci à vous autres, là!

M. Dion: Oui. Alors, je veux le souligner en passant. Et ce que je voudrais dire est très simple. Juste un point: une chose qui est devenue aiguë, comme prise de conscience, c'est que la conservation va de pair avec l'utilité et qu'on ne conserve à long terme que ce qui est utile. Donc, la recherche de l'utilité des choses, du patrimoine, d'une façon ou de l'autre, est un élément indissociable de la conservation à long terme. Cette utilité-là, elle peut prendre toutes sortes de colorations évidemment, mais il faut qu'elle soit là.

Et à cet égard je dois dire que l'utilité peut être une utilité globale, au niveau de l'État, mais... et généralement aussi une utilité locale, ne serait-ce que comme valeur d'identification d'une localité. Et ce qui m'a beaucoup impressionné dans ce sens-là, c'est les mobilisations locales, les groupes locaux qui se sont engagés à conserver leur patrimoine. Et il me semble qu'il y a là quelque chose, moi, qui m'a beaucoup impressionné, de voir la source de solutions dans l'engagement de ces gens-là et dans leur imagination, leur capacité d'imaginer des solutions, donc d'imaginer des utilités réelles pour eux.

Et cette imagination-là, qui a été incarnée soit par le témoignage des personnes, l'imagination des groupes locaux, et même, aujourd'hui... Et ça m'a surpris quand j'ai vu le représentant de l'Union des municipalités du Québec nous dire: Nous sommes prêts à jouer un rôle même financier significatif pour assurer cette portée-là à l'intérieur donc d'une institution qui assure, par sa solidité, la permanence de cet encadrement des solutions.

Alors, je veux dire que cet engagement des groupes qui sont venus nous voir et des personnes, des bénévoles qui sont venus nous voir est une source de confiance, qu'en s'appuyant sur eux nous saurons trouver les voies de l'avenir. Merci, M. le Président.

M. Turp: M. le Président, je voulais juste...

Le Président (M. Brodeur): M. le député de Mercier, oui.

M. Daniel Turp

M. Turp: ...30 secondes. J'ai une suggestion à faire, je voudrais la faire publiquement. Le plus grand spectateur ? qui n'était pas tout à fait spectateur ? de nos travaux, c'est le président de la Commission des biens culturels. Il est encore avec nous.

Une voix: ...

M. Turp: Et bien sûr les représentants du ministère de la Culture et de la fondation, qui ont été là souvent. Mais je persiste à croire que le bon curé Dufour, comme il y en a qui vous appellent, là, est quelqu'un qui s'est intéressé à nos travaux puis qui s'intéresse à nos travaux parce qu'il croit beaucoup à ce patrimoine puis compte beaucoup sur nous pour la suite des choses. Et il peut beaucoup faire, parce qu'il est président de la Commission des biens culturels aussi.

J'ai une suggestion toute simple. Il est très intimement lié à l'église Saint-Roch, et l'église Saint-Roch, par la fondation que nous avons entendue cet après-midi, elle est aussi très préoccupée par l'avenir de son patrimoine, du patrimoine en général. J'ai évoqué tout à l'heure qu'ils avaient organisé une conférence, d'ailleurs, l'automne dernier. Moi, je veux suggérer, M. le Président, que, lorsque nous aurons à déposer notre rapport, nous le fassions à l'église Saint-Roch, que nous fassions un événement ici, dans la capitale nationale, dans cette église, et que nous rendions public ensemble notre rapport dans une église.

Et, si, à l'occasion de ce rapport, nous pouvions entendre l'orgue de Saint-Roch, parce que c'est un bel orgue... ou ce sont de belles orgues, parce qu'il y en a deux, si j'ai bien compris, je crois que ce serait une si belle façon de terminer nos travaux, de le faire dans un lieu de culte. Et je crois que, si les règlements de notre Assemblée nous le permettent, ce serait, je crois, un beau geste à faire à la fin de nos travaux.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Merci à tous. Nous en arrivons à la fameuse phrase: J'ajourne les travaux de la Commission de la culture sine die.

(Fin de la séance à 18 h 27)


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