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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le mercredi 4 mai 2005 - Vol. 38 N° 41

Consultations particulières sur la diversité des expressions culturelles


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures quarante-trois minutes)

Le Président (M. Boulerice): Chers collègues, je vais vous demander d'abord d'éviter le mal de ce siècle et de bien vouloir éteindre vos téléphones portables, de façon à ne pas gêner les travaux de la commission et forcément aussi l'enregistrement des travaux de la commission.

Je devrais normalement constater le quorum, ce que je vais faire immédiatement, et après je vais me permettre, avec l'acquiescement de mes collègues, un très, très court préambule un peu égoïste, mais quand même j'y tiens.

Alors, je vais au départ assumer que le quorum est là. La deuxième chose, je déclare cette séance de la Commission de la culture ouverte et je vous énonce son mandat: la commission est réunie ce matin afin de tenir des consultations particulières à l'égard de son mandat sur la diversité des expressions culturelles.

Et, quant à la participation des députés membres des formations politiques présentes à l'Assemblée nationale, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Legault, députée de Chambly, est remplacée par M. Chagnon, député de Westmount?Saint-Louis.

Une voix: C'est très bien, ça.

Le Président (M. Boulerice): Ça, ce n'est pas moi qui vais m'y objecter. Ce n'est pas moi qui vais m'objecter. Je devrai par contre demander...

Une voix: ...

Le Président (M. Boulerice): M. le député de Mercier, si vous souhaitez que j'obtienne un oui à la réponse que je vais poser, je vais vous demander plus de discipline. Est-ce que les membres de la commission acceptent le principe que le porte-parole de l'opposition pour la culture et les communications, le député de Mercier, participe à cette commission?

Une voix: On est bien d'accord.

Des voix: Oui, oui.

Le Président (M. Boulerice): Je vous remercie de ce consentement unanime. Le petit plaisir égoïste que je voulais faire et que je voulais me donner est très simple. Ce n'est pas sans émotion que je me retrouve aujourd'hui à présider cette commission parlementaire sur la diversité des expressions culturelles. Presque 20 ans plus tard, de me retrouver à ce fauteuil est quelque chose qui m'émeut, puisqu'en 1987, au moment où le Québec discutait de l'Accord de libre-échange nord-américain, le premier ministre de l'époque, M. Robert Bourassa, avait instauré une commission parlementaire qui étudiait ce sujet, et je me souviens avec beaucoup de fierté d'avoir été le premier député dans ce débat à questionner et faire intervenir la notion de la diversité culturelle. Il faut croire qu'en politique, même si ça prend du temps, les choses finissent toujours par aboutir.

Remarques préliminaires

Ceci étant dit, m'étant fait plaisir, avec votre consentement, je vais inviter l'adjointe parlementaire de la ministre de la Culture et des Communications et le porte-parole de l'opposition officielle en matière de culture et de communications à formuler des remarques préliminaires. Le temps de parole, vous le connaissez comme moi, c'est très simple, c'est 20 minutes réparties en deux blocs de 10 minutes pour chacun et chacune d'entre vous. Donc, sans plus tarder, puisque déjà nous accusons un petit retard, je vais inviter Mme la députée de Bellechasse à intervenir immédiatement. Mme la députée.

Mme Dominique Vien

Mme Vien: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bienvenue à nos invités, ce matin. Chers collègues, le beau bonjour. Une délégation dans la salle, qu'on remarque, assez féminine. Alors, je ne sais pas... C'est les collègues en face qui me font remarquer ça. Alors, bienvenue à chacune d'entre vous.

Une voix: C'est bon signe.

Mme Vien: Oui, c'est bon signe effectivement, chers collègues. D'abord, M. le Président, en guise de remarques préliminaires, j'aimerais, si vous voulez bien, rappeler qu'est-ce que c'est que le principe de la diversité culturelle et aussi dans quel contexte il s'inscrit ici, au Québec.

D'abord, vous dire que la reconnaissance du fait que la production culturelle est essentielle à l'identité et à l'expression des idées et des valeurs d'une société, je pense que c'est important de le rappeler, et que la multiplicité et l'interaction des cultures constituent aussi le patrimoine commun mondial de l'humanité, et que, pour assurer une diversité des cultures, il est nécessaire de garantir au gouvernement la possibilité de maintenir un soutien financier au secteur culturel, et que, pour certains gouvernements, vous le savez aussi, chers collègues, la culture est un produit commercial. On n'a qu'à penser aux États-Unis, avec son industrie cinématographique, qui, pour ce pays, est considérée finalement comme du divertissement, également les règles qui sont contenues dans les accords de commerce international, qui tendent de plus en plus à remettre en question le rôle de soutien des gouvernements en matière de culture. Tout ça nous amène bien sûr face à une crainte... Est-ce qu'on m'entend bien? Oui? Oui. Tout ça nous amène bien sûr à avoir une certaine crainte à l'effet que la seule application des règles du marché au secteur culturel mènera finalement à l'homogénéisation de la culture.

Je vous rappelle aussi, en même temps, M. le Président, qu'il y a des ententes bilatérales entre les États-Unis et plusieurs pays actuellement ? on n'a qu'à penser au Maroc, au Chili et d'autres pays de l'Amérique centrale ? qui se multiplient de plus en plus ? ça, c'est un contexte qui est extrêmement préoccupant ? et qu'aucune mesure aussi n'est mise en place pour permettre à ces États de protéger le domaine culturel. Je pense que tout ça mis en semble fait en sorte qu'il y a urgence de convenir d'une convention.

Un petit clin d'oeil historique, si vous le permettez. En 1998, c'était le début de la mobilisation autour du concept de la diversité culturelle. Il y a eu, à ce moment-là, la création du groupe franco-québécois sur la diversité culturelle et de la première coalition pour la diversité culture, érigée au Québec par un regroupement d'associations d'artistes francophones. Toujours en 1998, c'était la création par le Canada du Réseau international sur la politique culturelle, ce qu'on appelle aussi le RIPC, qui regroupe les ministères de la Culture d'une trentaine de pays, d'États. En 2001, c'était la déclaration bien sûr universelle de l'UNESCO sur la diversité culturelle. 2003, plus près de nous maintenant, il y a les pays membres de l'UNESCO qui ont, à l'unanimité, donné pour mandat au directeur général de procéder à l'élaboration d'une convention sur la diversité culturelle pour 2005. Donc, nous sommes, je pense, dans le dernier droit de cette convention. Évidemment, M. le Président, il y a beaucoup de travail qui a été fait au cours des cinq dernières années. Mais, on le sait très bien aussi, en même temps, c'est une des raisons pour laquelle on est ici, aujourd'hui, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir, beaucoup de travail à faire d'ici à la signature de cette convention.

n (9 h 50) n

Quelle est, dans tout ça, la position... dans ce contexte, la position du Québec? Moi, je pense ? et mes collègues, je pense qu'ils adhèrent aussi à ça aussi en même temps ? que le commerce international, c'est quelque chose qui est bénéfique, qui profite aux consommateurs, qui stimule l'innovation et aussi bien sûr génère la prospérité, que le commerce international, c'est très important pour l'économie du Québec. À titre d'exemple et pour vous le rappeler, il y a 60 % du produit intérieur brut qui dépend des marchés extérieurs, et 85 % de ces exportations sont acheminées vers les États-Unis. Alors, sans remettre en question ces bénéfices, la culture d'un peuple, telle que définie par les créateurs, les artistes et les industries culturelles, ne peut être considérée comme un simple produit commercial.

Le Québec a toujours été soucieux, on se le rappelle tous, de préserver sa pleine capacité d'intervenir pour soutenir la culture et par des politiques culturelles. Je pense que tout le monde, aujourd'hui, on doit se réjouir du fait qu'il y a eu une continuité au Québec ? ça, on peut se féliciter de ça, tout le monde ? pour la défense de la diversité culturelle.

M. le Président, en faisant un peu mention du premier ministre Robert Bourassa, je vous rappelle qu'à la fin des années quatre-vingt il a insisté pour que nos industries culturelles soient exclues de l'accord de libre-échange qui a été conclu, à ce moment-là, entre le Canada et les États-Unis. C'était là une position qui a été réitérée également lors de la signature de l'Accord de libre-échange nord-américain. Et, en 2003, donc le premier ministre du Québec a fait de la diversité culturelle un des principaux dossiers du nouveau gouvernement qui a été élu en avril 2003.

Une chose qu'il est important aussi de souligner, c'est qu'il y a une concertation qui existe actuellement au Conseil des ministres, et particulièrement entre trois ministères, Culture et Communications, Relations internationales et Développement économique, Innovation et Exportation, qui sont vraiment très, très, très touchés et qui s'impliquent au niveau de la diversité culturelle.

Une chose qu'il est important aussi de rappeler, M. le Président, c'est qu'il y a eu une prise de position au niveau du Conseil des ministres; c'était le 3 septembre dernier. À ce moment-là, on a déposé un mémoire. Que dit ce mémoire-là? C'est que le Québec veut conserver sa pleine capacité d'intervenir pour soutenir la culture par des politiques culturelles, que le Québec refusera de prendre des engagements de libéralisation et aura recours aux réserves nécessaires pour préserver ses politiques dans le cadre de toutes les négociations commerciales, que le Québec appuie l'adoption d'une convention internationale sur la diversité culturelle consacrant le droit des États et des gouvernements à maintenir, développer et mettre en oeuvre des politiques de soutien à la culture et à la diversité culturelle et dont l'objet sera de définir un droit applicable en matière de diversité culturelle, tout en soulignant aussi l'ouverture aux autres cultures et à leurs expressions. Le Québec appuie l'adoption par l'UNESCO d'une convention internationale sur la diversité culturelle qui créera un droit parallèle ? un droit parallèle ? au droit commercial international qui ne sera pas subordonné à celui-ci et qui comprendra un mécanisme de règlement de différends, un mécanisme donc qui pourra être efficace. Et finalement le Québec s'engage à continuer à mobiliser les sociétés civiles en faveur de la diversité culturelle.

Depuis 2003, je vous rappelle qu'il y a eu un mandat de la 32e conférence générale, donc l'UNESCO qui a demandé au directeur général, M. Matsuura, de lui soumettre, en octobre 2005, un rapport préliminaire accompagné d'un avant-projet de convention portant sur la protection de la diversité des contenus culturels et les expressions artistiques. Il y a aussi le groupe des experts indépendants, très important. Le directeur général a demandé à un groupe international de 15 experts indépendants, dont Ivan Bernier, que nous entendrons aujourd'hui, de préparer un avant-projet de convention, et cet avant-projet a été proposé aux États afin de recueillir leurs commentaires écrits, en novembre 2004. Pour le Québec, il s'agissait là d'une bonne base de discussion. Et ce document, M. le Président, a fait l'objet d'une consultation de la société civile coprésidée par les ministres Frulla et Beauchamp. C'était le 31 août 2004. Alors, à ce moment-là, le Québec a exprimé ses commentaires, notamment en les rendant publics sur Internet. Et il y a eu aussi deux sessions de la réunion intergouvernementale des experts, qui se sont tenues en septembre 2005 et en février 2005.

Alors, quels sont les principaux constats de la deuxième réunion des experts gouvernementaux, je vous le rappelle, qui s'est tenue en février 2005? Je pense qu'on peut faire preuve d'un optimisme prudent. On peut se réjouir des avancées réalisées, M. le Président. Et, comme on s'y attendait, le travail est ardu, mais rien encore n'est compromis. Le calendrier a été en tous points respecté; ça, c'est intéressant de le souligner. Et, sur les positions du Québec, on retrouve, dans le fruit des discussions, les assises de la position du Québec. Il n'y a pas eu de compromis sur les éléments qui nous apparaissent primordiaux.

Quant au champ d'application, notre crainte était que certains pays tentent de donner à la convention une portée trop large en incluant, par exemple, la défense de certaines traditions ou encore des identités religieuses. Ça, ça aurait pu être un glissement assez important. Alors, un champ d'application trop vaste aurait dilué la convention. Actuellement, ce qu'on en sait, c'est que tout ça semble assez marginal.

La non-subordination. On fait référence ici à l'article 19, c'est sur un sujet aussi fondamental que la non-subordination de la convention aux autres traités internationaux, aux accords de l'OMC en particulier. Il n'y a personne qui n'a rien cédé là-dessus. Alors, c'est important de le souligner. Ça fait par contre l'objet de discussions vigoureuses. C'est une question en même temps qui est essentielle pour nous tous et qui est en même temps très délicate. C'est d'ailleurs le seul sujet qui faisait l'objet de deux propositions dans l'avant-projet issu du travail des experts indépendants. Les commentaires du Québec, tout comme ceux du Canada d'ailleurs, invitaient les États membres à rechercher une troisième voie.

Alors, M. le Président, je souhaite donc terminer ici mes remarques préliminaires pour laisser peut-être les collègues qui aimeraient ajouter des commentaires en début de nos travaux. Moi, je peux vous dire ceci, c'est qu'on est extrêmement contents, extrêmement contents de participer à ce mandat d'initiative parce qu'on connaît, on connaît l'importance de ces travaux entourant la diversité culturelle, ses enjeux également. Et, comme je vous l'ai dit en début de remarques préliminaires, nous sommes dans le dernier droit, nous devons, je pense, être excessivement vigilants, assurer, je pense, à notre niveau, une espèce de veille sur ce qui se fait actuellement. Et je me réjouis que la Commission de la culture prenne ce temps, prenne ce temps pour évaluer la situation, regarder l'état des lieux, et en même temps continuer à se faire instruire par des gens qui sont, dans leur quotidienneté, impliqués dans ce dossier de la diversité culturelle.

Le Président (M. Boulerice): Normalement, c'est notre collègue de l'opposition, mais j'ai remarqué que M. le député de Marguerite-D'Youville, qui doit partir pour une périlleuse mission en de lointaines contrées, a décidé d'être présent; c'est à tout son honneur. Mais on peut, si vous le souhaitez, faire un bloc d'intervention du parti ministériel et après ça un bloc d'intervention de l'opposition officielle.

Une voix: ...

Le Président (M. Boulerice): Pas de problème? D'accord. M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Pierre Moreau

M. Moreau: Merci, M. le Président. Et je vous remercie d'avoir souligné le courage, particulièrement sur des missions aussi périlleuses. Je voudrais simplement, à titre de remarques d'ouverture... D'abord, je n'ajouterai que peu de choses à ce que ma collègue a dit de façon fort éloquente.

Je veux d'abord indiquer aux gens qui sont avec nous, aujourd'hui, que, lorsqu'une commission parlementaire ? et c'est vrai aussi pour la Commission de la culture ? décide d'un mandat d'initiative, cela fait l'objet de discussions entre les membres qui composent la commission. Et d'emblée le sujet de la diversité culturelle a fait l'objet de discussions au sein de la Commission de la culture et s'est imposé très rapidement comme mandat d'initiative de façon, je vous dirais... et très rapidement transpartisane. Et c'est important, parce que ça traduit une chose, ça traduit la continuité à travers la position qui, sur ce sujet, a été toujours défendue par le Québec, et ce, quels qu'aient été les partis qui ont formé le gouvernement. Et, s'il y a une chose sur laquelle je veux insister, c'est qu'à l'issue de nos travaux nous puissions prendre en compte les discussions qui auront cours mais pour s'assurer que le Québec continue de parler d'une seule voix, d'une voix très autorisée, comme il l'a toujours fait dans le passé, à l'égard de la diversité culturelle.

n (10 heures) n

Alors, je ne serai pas plus long. Je veux remercier les gens qui ont répondu à l'invitation qui leur a été faite. Je souhaite que ces travaux puissent être les plus fructueux possible. Et ce n'était pas très difficile pour le député de Marguerite-D'Youville de faire un accroc à son horaire pour participer aux travaux compte tenu de l'importance du sujet et de la qualité des gens que nous allons entendre aujourd'hui. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Boulerice): Est-ce que M. le député de Westmount?Saint-Louis et néanmoins voisin et ami souhaite intervenir également?

M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: M. le Président, je ne sais pas si nous devons de ce pas dire adieu à notre collègue de Marguerite-D'Youville, qui s'en va dans des contrées difficiles, semble-t-il...

Une voix: ...

M. Chagnon: ...ou adios, hein? Mais je voudrais tout simplement, M. le Président, remercier les membres de cette commission qui m'ont fait inviter. J'ai cru comprendre, à la lecture des documents qu'on m'a fait parvenir, qu'il y a une réunion préparant cette réunion-ci, une réunion de travail, le 7 avril, où on avait demandé de m'inviter à cette réunion. Je l'apprécie beaucoup.

Comme il est stipulé dans le procès-verbal du 7 avril, j'ai travaillé assez souvent sur le dossier comme rapporteur général de la question de la diversité culturelle pour l'Association des parlementaires de la Francophonie. L'Association des parlementaires de la Francophonie s'intéresse, ça a été les premiers parlementaires à s'intéresser à cette question-là depuis 1999. On m'a demandé de préparer le rapport pour le Sommet des chefs d'État de Beyrouth, à l'époque, ce à quoi j'ai participé, souvent participé même aux réunions des ministres de la Culture, à Cotonou et etc. Alors, c'est un dossier sur lequel peu de personnes savent que nous avons aussi des intérêts, des gens qui s'y sont intéressés dans le Parlement, ici, à cette question-là, depuis plusieurs années.

Voyant la qualité des gens que vous avez devant vous, évidemment ça saura faire en sorte d'augmenter même le nombre de dossiers que nous avons bâtis sur cette question. Nous allons voir enrichir des contacts et des renseignements que nous pourrons avoir ici avec les gens que nous rencontrons ce matin. Et l'Association des parlementaires de la Francophonie, comme vous le savez, est à Paris, alors nous allons évidemment faire suivre une partie... les dossiers que nous avons avec nous, ce matin, à Paris.

Je tiens à le mentionner, parce que je l'ai fait auprès du président de la commission et M. le député de Mercier, à qui j'ai fait part que, la semaine dernière, les membres de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication de l'Assemblée parlementaire étaient à Québec réunis, et nous avons adopté une déclaration qui s'appelle la Déclaration de Québec et qui, depuis lundi de la semaine passée, a été envoyée, donc qui chemine dans chacune des sections de l'Association des parlementaires de la Francophonie, c'est-à-dire dans 57 États, et qui fait part justement de cette volonté très ferme de la part de l'APF de demander à chacun des parlementaires ou aux parlementaires dans chacune de ses sections de faire pression sur l'Exécutif de chacun des gouvernements de façon à mieux coordonner l'organisation des préparations des négociations qui prépareront l'assemblée de l'UNESCO du mois d'octobre.

Alors, au moment où on se parle, le directeur général de l'UNESCO, M. Koïchiro Matsuura, prépare pour le mois de... fin mai, début juin, probablement jusqu'aux trois quarts de la période du mois de juin, une préparation technique qui servira aux travaux du mois d'octobre, à l'UNESCO, sur la diversité culturelle. Et pour nous il nous semblait important que les États soient mis à contribution pour ce développement technique là avant le travail qui se fera à Paris, au mois d'octobre. Alors, dans ce cadre-là, je pense que c'est tout à fait pertinent que nous soyons... nous puissions même avoir ce genre d'exercice et de discussion préalablement aux travaux de préparation de la section, dont M. Bernier nous entretiendra plus tard sûrement, pour la préparation de la réunion de l'UNESCO du mois d'octobre.

Ceci étant dit, peut-être pour conclure, j'ai remarqué, dans plusieurs pays qui sont d'origine... des pays de la Francophonie, entre autres, que nos discussions, on peut les avoir entre parlementaires, on peut les avoir entre nous, il y a une certaine sensibilisation, qui n'est pas complète, qui est loin d'être complète, auprès des parlementaires et des chefs d'État. Mais il y a aussi une espèce de cassure entre les spécialistes comme ceux que nous allons entendre, les parlementaires et la population. Il y a à mon avis un travail de pédagogie qui devrait être fait pour sensibiliser la population aux réelles portées des discussions que nous avons et des conclusions que nous devrons tirer sur la protection de la diversité culturelle. Et ça, ce sera probablement le grand défi des parlementaires, dans les semaines et les années à venir, avant l'adoption d'un instrument international, évidemment. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Boulerice): Merci, M. le député de Westmount?Saint-Louis. Et permettez-moi de vous remercier d'avoir fait allusion aux travaux de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie. Le Québec y est attaché, le Québec, qui a toujours été très actif notamment dans ce sujet. Maintenant, nous allons passer à l'opposition officielle, en invitant le député de Mercier, porte-parole de l'opposition officielle en matière de culture et de communications. M. le député de Mercier.

M. Daniel Turp

M. Turp: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord saluer mes collègues, vous remercier d'être là. Et j'apprécie en particulier la présence du rapporteur général, président de cette Commission de l'éducation, de la communication et des affaires culturelles. J'ai fait circuler, M. le député de Westmount?Saint-Louis, la Déclaration de Québec auprès des membres pour que puissions en prendre connaissance et je vous remercie de nous en avoir fait connaître le contenu.

Je voudrais aussi saluer les groupes et leurs représentants, qui nous éclaireront, éclaireront notre commission sur cette question. Et je suis très, très content que cette commission parlementaire... J'ai insisté, depuis plusieurs mois, vous le savez, que le Parlement soit saisi de cette question de la diversité culturelle et qu'en quelque sorte cette commission fasse oeuvre de pionnière dans un processus qui, au Québec, maintenant, fait appel aux parlementaires lorsqu'il s'agit d'approuver des engagements internationaux importants.

Il y a quelques années, une loi a été adoptée qui permet aux parlementaires, au Québec, maintenant, d'approuver des engagements internationaux importants. Et, s'il y a un engagement international important qui se prépare et qui est important pour le Québec, c'est bien la Convention sur la protection de la diversité des expressions culturelles. Je crois que le député de Marguerite-D'Youville avait raison de souligner qu'il s'agit là d'une question transpartisane, d'une question qui a préoccupé le gouvernement précédent, qui préoccupe l'actuel gouvernement. Et c'est une question qui ne doit pas seulement préoccuper les gouvernements, elle doit préoccuper les Parlements.

Et, puisque nous seront appelés à approuver cet engagement international important, je croyais qu'il était important que cette question soit examinée non pas seulement à la fin du processus, dans un débat de deux heures qui aurait lieu sur l'idée d'approuver ou de ne pas approuver une convention qui aura été négociée, même signée, mais qu'il fallait aussi s'intéresser au texte, au texte de négociation. D'autant plus que cette négociation est relativement ouverte, relativement publique, des avant-projets circulent, des projets préliminaires sont rendus publics.

Alors, s'agissant d'une négociation ouverte, je crois que les parlementaires ont la responsabilité de s'intéresser à la négociation, d'entendre des groupes de la société et des experts, comme elle entendra Ivan Bernier tout à l'heure, pour que nous soyons éclairés nous-mêmes et pour que nous puissions ? et c'est les termes du mandat d'initiative qui a été adopté ? présenter nos vues au gouvernement, qui demeure bien entendu celui qui va chercher à influencer les positions du gouvernement du Canada, pour l'essentiel, dans cette négociation.

Alors, je crois que c'est un mandat important. C'est un précédent, d'ailleurs. Parce que d'autres commissions voudront peut-être faire ce que nous ferons, s'intéresser à des grandes conventions internationales, qu'il s'agisse de conventions en matière d'environnement, de droits fondamentaux de la personne humaine ou dans d'autres domaines où les grandes négociations internationales donnent lieu à l'adoption de textes qui sont si importants dans la vie parlementaire, puisque ce sont souvent les Parlements qui sont adoptés à les introduire au plan législatif et adopter donc des lois dont le contenu dépend, pour l'essentiel, du contenu des traités, sans que les Parlements puissent même changer les contenus législatifs.

n (10 h 10) n

Je pense que c'était important aussi de le faire... j'aurais voulu, je l'ai dit à plusieurs reprises, que nos travaux commencent avant. Là, on est dans une étape très, très décisive, la fin approche, et nous avons en main le texte d'un projet préliminaire de convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. C'est ce titre que porte maintenant la dernière version du document qui a été déposé au conseil exécutif de l'UNESCO et qui contient l'ébauche du traité qui pourrait être adopté à la Conférence générale de l'UNESCO, en octobre prochain. Nous avons un texte, là, qui est une base de négociation importante, qui est un texte inachevé, comme le président du comité de négociation l'admet lui-même dans les notes qu'il fait dans son rapport. Et je crois que ça va être très, très important de comprendre et de savoir où se situent par rapport à ce texte les deux grandes organisations qui s'intéressent à la diversité culturelle ici et dans le monde, la coalition et le réseau. Parce que les députés doivent être éclairés sur la façon dont on voit la suite des choses par des acteurs si importants que sont les acteurs de la société civile.

Et, dans ce sens-là, notre commission, je crois qu'elle doit se préoccuper des vues qu'elle exprimera pour que le gouvernement du Québec, qui sera présent à la troisième réunion des experts intergouvernementaux qui commence le 25 mai... À l'origine, elle devait commencer le 17; elle commencera le 25, ce qui nous donne peut-être un petit peu plus de temps pour rédiger les vues préliminaires de cette commission. Le Québec sera présent probablement dans la délégation canadienne d'experts, avec ses experts, et je crois que c'est important que les parlementaires fassent savoir, fassent connaître leurs vues, après avoir entendu ceux de la société civile et ceux d'experts comme M. Bernier.

Ce sera aussi important, je crois, d'avoir de l'information sur la position du gouvernement du Canada. Peut-être que les gens de la société civile le savent davantage que nous, ils sont consultés par le gouvernement du Canada. Le gouvernement du Québec aussi entretient des rapports avec le gouvernement du Canada sur cette question. Mais, comme l'ont révélé les commentaires du gouvernement du Canada sur l'avant-projet, on ne sait pas quelle est la position du Canada sur les question les plus importantes, les plus fondamentales: la question de la subordination ou non de cette convention aux autres accords internationaux, y compris les accords commerciaux, ou la question du règlement des différends, de la nature des organes qui régleront les différends, et sur la possibilité qu'il y ait des décisions à apporter obligatoires. On ne connaît pas la position du gouvernement du Canada là-dessus. En tout cas, on ne veut pas nous la faire connaître. Elle ne l'a pas été dans les commentaires qui ont été acheminés à l'UNESCO, en novembre dernier.

La position du Québec, du gouvernement du Québec est beaucoup plus explicite et beaucoup plus claire dans ses propres commentaires, j'ai eu l'occasion de le dire à la ministre. Et les positions du Québec sont intéressantes, mais auront-elles un poids, auront-elles une influence? Est-ce que c'est des positions qui sont partagées par les gens de la coalition? Du réseau? Par l'expert Ivan Bernier? C'est des questions qu'on voudra poser. Et, vous savez, nous, on aimerait bien que le Québec soit à l'UNESCO, là, pour pouvoir parler de son propre nom, comme membre associé ou bien sûr comme membre à part entière. Mais, ça, il va falloir attendre la souveraineté. Mais, en tout cas, d'ici là, intéressons-nous à ce projet préliminaire de convention. Nous allons devoir nous intéresser aux travaux de la conférence de Madrid, qui va avoir lieu dans quelques jours, et qui examinera le texte, j'imagine, et fera état des positions de la coalition et de ces diverses coalitions nationales qu'elle regroupe.

Donc, on est dans le dernier droit, j'en conviens, Mme la députée de Bellechasse. Je suis content que le Parlement, à travers notre commission et ses membres, puisse participer à ce dernier droit. Et c'est un grand combat, c'est le combat du siècle, de notre siècle, parce que le combat pour la diversité culturelle, c'est un combat contre le rouleau compresseur d'une mondialisation qui pourrait ne pas être à visage humain ou à vocation culturelle parce qu'elle ne serait qu'une mondialisation à visage commercial et mercantiliste. Alors, j'anticipe le plaisir d'entendre et de poser des questions à nos invités d'aujourd'hui.

Le Président (M. Boulerice): Mme la députée de Pointe-aux-Trembles. Merci, M. le député de Mercier.

Mme Nicole Léger

Mme Léger: Merci, M. le Président. Vous allez me permettre de faire quelques brefs commentaires. D'abord, effectivement, la diversité culturelle est un dossier fort important au Québec, tout d'abord parce que la culture y a une place très importante mais aussi par le fait francophone, dans le fond, dans cette grande Amérique et toutes ces relations internationales où le Québec a son expertise reconnue.

Nous avons voulu comme membres... Juste rappeler que, comme membres de la Commission de la culture et ensemble, puis particulièrement par notre collègue Daniel Turp qui suit le dossier depuis plus longtemps même que nous sommes ici, dans l'opposition officielle... Alors, il est important... Il nous a vraiment, je pourrais dire, il nous a apporté toute l'importance de ce dossier-là. Alors, nous l'apportons ici, dans le fond, comme mandat d'initiative.

Et on trouvait important, pour raffiner, en fin de compte, nous, notre part dans ce dossier-là, d'écouter la Coalition pour la diversité culturelle, le Réseau international pour la diversité culturelle et M. Ivan Bernier, le professeur associé à la Faculté de droit de l'Université Laval. Et pour nous, dans le fond, cette écoute-là va être importante pour qu'on puisse davantage comprendre tout le dossier. On agaçait souvent notre collègue, notre collègue, à côté, qui, lui, est dans ça facilement, et vous tous qui êtes des experts. Mais nous n'avons pas cette même, quelques-uns d'entre nous, cette même, je pourrais dire, facilité de ce dossier-là. Ma collègue de Terrebonne aussi a spécifié l'importance d'avoir le rapporteur de l'Association parlementaire aussi pour faire des liens. Ça nous a permis un peu de tous se mettre dans le coup, comme on peut dire, sur la diversité culturelle.

Nous savons l'importance particulièrement des articles, là, 6, 19 et 24, là, qui sont importants, et autant de la position canadienne versus la position québécoise dans tout ça. Alors, nous allons vous écouter avec bonne attention. Et nous avons réussi, je pourrais dire, de faire... de trouver un certain équilibre entre notre partisanerie, l'opposition officielle, le gouvernement, et élever notre discours et l'importance de ce dossier-là.

Une voix: ...

Mme Léger: Ah, petites coches, quelques petites coches, là, mais c'est correct ici.

Une voix: Il en faut, des coches.

Mme Léger: Et, pour conclure, évidemment la diversité culturelle... Et je voulais qu'on n'oublie pas non plus que, la Commission de la culture, nous avons aussi l'autre dossier de mandat d'initiative sur le patrimoine religieux. Alors, ce sont deux dossiers qu'on a mis sur la table, cette session-ci, qu'on trouvait importants pour les membres de la Commission de la culture, mais aussi s'approprier de ces thématiques-là fort importantes pour le Québec. Merci.

Le Président (M. Boulerice): Oui, Mme la députée de Terrebonne, pour quelques brèves, brèves, brèves minutes, puisque nos invités attendent.

Mme Jocelyne Caron

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je vous remercie infiniment. Oui, effectivement, je vais être brève parce que l'objectif de notre mandat d'initiative, c'est de pouvoir entendre nos coalitions, nos experts puis les réseaux.

Ce mandat-là, il m'apparaissait, ce mandat d'initiative, essentiel. Il me paraissait tout à fait impensable que la Commission de la culture ne puisse s'intéresser à un dossier d'envergure internationale aussi important, qui va avoir des conséquences, le député de Westmount?Saint-Louis l'a rappelé, directement dans la vie des gens, de tous les jours. Et c'est d'essayer de créer ce lien-là. Donc, l'importance, oui, que les parlementaires participent mais aussi l'importance, mon collègue de Mercier l'a rappelé aussi, du lien avec la société civile.

J'ai souhaité aussi la présence du député de Westmount?Saint-Louis parce qu'il est rapporteur de la Commission de l'éducation, de la communication, des affaires culturelles de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie. Et autant il m'apparaît important de faire les liens entre le gouvernement, les parlementaires et la société civile dans un dossier comme celui-là, le lien entre les ministères ? on en a parlé tantôt ? mais aussi le lien, comme gouvernement du Québec, avec nos interventions au niveau international avec l'APF, il faut qu'il y ait une cohérence.

Le deuxième élément pour lequel j'avais un intérêt particulier pour ce dossier-là, c'est que, comme vice-présidente de la Commission de la coopération et du développement de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie, l'an dernier, au Maroc, nous avons eu un séminaire sur l'OMC, premier séminaire donné à des parlementaires francophones, où nous avons découvert que l'APF n'avait même pas de statut d'observateur à l'OMC. Et il y a un lien direct avec la diversité culturelle. Donc, il m'apparaissait extrêmement important qu'on travaille sur ce mandat d'initiative et de faire toute la cohésion possible sur ce dossier-là pour avoir le maximum d'information qui nous permette d'intervenir à tous les niveaux.

n (10 h 20) n

Alors, c'est tout pour mes commentaires, M. le Président. Peut-être, dernière petite remarque: peut-être doublement important, puisque le Québec ne parle pas de sa propre voix.

Auditions

Le Président (M. Boulerice): Merci. Nous allons maintenant passer à l'audition des témoins. Je m'excuse de l'expression «audition des témoins», ce n'est pas un tribunal, vous n'êtes pas inculpés, vous êtes au contraire très impliqués, mais vous serez interrogés dans sa formule la plus intellectuelle du terme.

Je vous rappelle que vous avez 15 minutes de présentation, en vous présentant, il va de soi, présentant celles et ceux qui vous accompagnent, si c'est le cas. Il y a une période d'échange de 30 minutes. Pour ce qui est de la période d'échange de 30 minutes, je préviens mes collègues que, pour ce qui est du chronométrage, je serai on ne peut plus strict, puisque nous accusons un retard. Et je vous suggère la même formule: de faire un bloc parti ministériel, un bloc opposition officielle, si vous êtes d'accord avec cette chose-là.

Alors, j'inviterais donc maintenant, pour la Coalition pour la diversité culturelle, j'inviterais Mme Drouin, qui est trésorière et membre du bureau de direction de la coalition. Bonjour, Mme Drouin. On vous laisse le temps de vous installer.

Coalition pour la diversité culturelle (CDC)

Mme Drouin (Solange): ...traitez pas en témoins hostiles non plus, quand même.

Une voix: ...

Mme Drouin (Solange): Oui, c'est ça.

Le Président (M. Boulerice): Maître.

Mme Drouin (Solange): Oui, c'est ça. D'abord, merci beaucoup, M. le Président, et Mmes et MM. les membres du comité, d'avoir invité la coalition à comparaître dans le cadre de vos travaux d'une importance, comme tout le monde l'a rappelé, capitale dans le dossier de la culture en général au Québec.

Avant d'aller plus loin, j'aimerais peut-être préciser à quel titre je comparais devant vous. Parce que, comme vous, j'ai plusieurs chapeaux et j'aimerais préciser le chapeau que je porte aujourd'hui. Dans ma vie de tous les jours, je travaille à l'ADISQ, depuis 13 ans, et donc je suis vice-présidente aux affaires publiques et directrice générale de l'ADISQ, l'association qui représente les producteurs de disques, de spectacles et de vidéos du Québec, et producteurs qui sont responsables de plus de 95 % de la sortie des albums d'artistes québécois. Mais, aujourd'hui, évidemment l'ADISQ... je me présente à vous à titre de membre de la coalition parce que l'ADISQ est membre de la coalition depuis les tous débuts de cette coalition. Et je me fais un plaisir de rappeler, à chaque occasion que j'ai, de dire même que la coalition est née à l'ADISQ des travaux réguliers de notre association. Mais, devant l'ampleur de la tâche justement à accomplir pour mener à bien ces travaux-là, l'idée justement a germé, à l'ADISQ, de former une coalition dédiée qu'à cette cause et donc, depuis cinq ans...

D'ailleurs, nous avons perdu un collègue à l'ADISQ, Robert Pilon, qui est le vice-président exécutif. J'ai travaillé avec lui pendant huit ans à l'ADISQ. Donc, il a pris ce dossier-là, et maintenant c'est une société complètement détachée de l'ADISQ, avec ses règlements propres et sa vie propre. Le seul lien maintenant qu'il y a entre l'ADISQ et la coalition, c'est d'être, nous, membre de cette association-là. Donc, l'ADISQ m'a désignée à titre de... comme représentante au sein du bureau de direction de cette coalition, et j'y agis aussi à titre de trésorière.

Donc, vous comprendrez que, contrairement à l'excellente équipe de permanents qui travaillent à chaque jour sur ce dossier-là, à la coalition, nommément, comme je le rappelais, Robert Pilon et Jim McKee, entre autres ? qui ne sont d'ailleurs pas devant vous, parce qu'ils sont justement dans le dernier droit, et ils sont à l'extérieur du pays, donc ils n'ont pas pu se présenter devant vous ? donc, contrairement à eux, personnellement il ne s'agit pas d'un dossier que je traite au quotidien, donc je ne connais pas... Et de toute façon, d'après ce que j'entends, ce que j'ai entendu de vous déjà, il semble que vous êtes déjà des experts dans bien des aspects de ce dossier-là. Mais, moi, je pourrai en tout cas ajouter, j'espère, mon expérience et j'espère répondre à vos questions au meilleur de ma connaissance. Mais, pour ce qui est des question très, très, très techniques, j'essaierai d'y répondre, si je suis capable, sinon je vais vous référer au professeur Bernier, qui, lui, est un expert de renommée internationale là-dedans. Mais ça va me faire plaisir quand même d'échanger avec vous s'il y a certains points spécifiques sur lesquels je peux répondre.

Par contre, je me sens vraiment tout à fait à l'aise et même ravie, au nom de la coalition et de l'ensemble de ses membres, de pouvoir vous entretenir de l'importance de ce dossier-là pour tous les acteurs du milieu culturel, pour l'avenir de notre culture, et aussi de rappeler, je pense que c'est important, les enjeux cruciaux que revêt justement ce dossier-là de la diversité culturelle pour l'ensemble de la société.

Donc, au Québec, vous le savez, nous avons une culture distincte, riche, diversifiée, vivante, qui fait l'envie de plusieurs pays à travers le monde et aussi de nos voisins immédiats du reste du Canada. Nos films, nos émissions de télévision attirent un très large auditoire, vous le savez. Pour les 10 émissions les plus regardées à la télévision, les 10 sont québécoises. Je pense qu'au niveau de notre cinématographie, je n'ai pas besoin, je pense... c'est de commune renommée, comment ça va bien. Notre musique aussi peut compter sur un star-système très, très bien établi, où le public s'identifie vraiment à ses artistes, où il y a un lien vraiment très près entre les artistes de la chanson et de la musique et évidemment le public. Notre littérature est florissante. Dans la liste des best-sellers, il y a souvent des titres québécois. Dans le secteur des arts de la scène en général, danse, théâtre, cirque et autres, il y a des succès nombreux au niveau national, mais aussi au niveau international. Qu'on pense, en danse, à La La La Human Steps, au rayonnement de Marie Chouinard et, bon, de la compagnie de Marie Chouinard. En théâtre, de nombreuses productions qui se promènent à travers le monde. Évidemment, on pense aussi à Robert Lepage ? oui, mon Dieu! ? tout à fait, c'est d'actualité d'ailleurs. Et aussi, au niveau du cirque, par exemple, des arts du cirque, bien là, évidemment, il y a toujours le Cirque Eloize, mais bien sûr le Cirque du Soleil.

Bien sûr, on peut penser, et on pourrait se sentir confortable, que ces succès-là ne sont attribuables qu'à... en tout cas en partie, sûrement, à la qualité des oeuvres et des productions qu'on offre au public. Mais je pense que vous n'êtes pas naïfs, et on ne l'est pas non plus, et on ne pense pas malheureusement que la qualité suffit, dans le monde globalisant dans lequel on vit, et surtout dans un marché comme le nôtre, marché québécois, j'entends, avec 7 millions d'habitants.

Ces succès-là dont on a parlé, dont on aurait pu parler longtemps, ont été rendus possibles car je crois qu'on a su, nous, la société civile, comme on se plaît à nous appeler, avec les pouvoirs publics, au fil des ans, créer un contexte qui fait qu'on a été capable de favoriser le développement des oeuvres, des productions, de la diffusion et on a su aussi trouver des aménagements, comment faire pour accorder un espace pour que ces oeuvres-là existent et qu'elles rejoignent le public. C'est tout cet édifice-là qui a permis et qui permet, je crois, encore aujourd'hui de connaître les succès qu'on a encore aujourd'hui et sur lesquels évidemment on veut que... On veut que ça dure.

Et, pour illustrer mon propos de façon plus spécifique, vous me permettrez de prendre un exemple que je connais le plus, c'est-à-dire le secteur de la musique. Je pense que mes collègues ne m'en voudront pas, mais, bon, parlons de ce qu'on connaît. Donc, le secteur de la musique. Ce secteur-là, dans le monde, est totalement dominé, comme vous le savez, par quatre grandes multinationales ? peut-être trois un jour, ils ont toujours des projets de fusion, c'est dans l'air en tout cas, je vous le dis déjà. Donc, ces quatre grandes multinationales s'accaparent déjà plus de 95 % du marché mondial. Leur modèle d'affaires, de ces multinationales-là, est de faire rayonner un nombre limité d'artistes sur le plus grand nombre de marchés possible ? c'est ça, leur stratégie ? et donc incluant le marché... le marché du Canada et du Québec évidemment étant un marché immédiat pour eux aussi. Mais, encore là, pour illustrer mon propos, je vous relaterai maintenant un fait qui est très important dans l'histoire de la musique du Québec, pour vous faire comprendre justement... du déséquilibre dans ces marchés-là, du déséquilibre qui peut exister, notamment dans le secteur de la musique, mais je sais que c'est la même chose dans le film, en télé et autres.

Jusqu'à la fin des années soixante-dix, il n'y avait pas de producteurs indépendants au Québec, et les artistes de la chanson à l'époque, avant les années soixante-dix, étaient vraiment produits sur des étiquettes multinationales. Félix Leclerc ? si vous ne le savez pas, je vous l'apprends ? Félix Leclerc, Gilles Vigneault, même Beau Dommage étaient sur Capitol, à l'époque. Et donc, il y avait des artistes, évidemment ça existait, mais pas de production indépendante. Au début des années quatre-vingt, on s'en rappelle tous, il y a eu une récession. 1980-1982, c'est des années dont on se rappelle, n'est-ce pas? Et il y a eu évidemment un mot d'ordre qui a été lancé de la part des maisons mères des multinationales à chacune de leurs branches nationales, dont celles canadienne et québécoise, et le mot d'ordre était de se retirer justement du marché domestique, parce que les artistes nationaux, les artistes domestiques ont un potentiel évidemment d'exportation moins large et sont souvent des produits plus risqués, donc: Retirez-vous de la production nationale et concentrez-vous sur la distribution de productions internationales. À l'époque, c'était le cas de Michael Jackson. Je ne sais pas si ce serait aussi populaire aujourd'hui, mais en tout cas c'était à l'époque, donc. Mais carrément...

n (10 h 30) n

Une voix: ...

Mme Drouin (Solange): Il reste deux minutes? Oh, mon Dieu! J'espère que vous aurez des questions. Je suis rendue à la page 5, j'en ai 13. Alors donc, retrait des multinationales. Il y a eu un vide dans la production qui a été ressenti. Ça a été vraiment vu, cette période-là, comme vraiment une période noire dans l'industrie, dans le milieu de la musique. La production... les artistes émergents de l'époque ? émergents, là, on se repousse évidemment aux années quatre-vingt, c'étaient les Paul Piché de la terre ? ne trouvaient même pas de maison pour les accompagner dans le développement de leur carrière. Donc, de là sont nés les producteurs indépendants du Québec, qui sont, comme je l'ai dit, encore responsables aujourd'hui ? les multinationales n'ont jamais repris le marché au Québec ? les producteurs québécois indépendants sont toujours aujourd'hui encore, après 20 ans, 25 ans, plus, sont responsables de 95 % de la production d'artistes québécois.

Moi, je pense que ce fait-là, cette façon de fonctionner des multinationales illustre bien le propos de la fragilité justement dans le domaine culturel, lorsqu'on laisse... Finalement, s'il n'y a pas un contexte pour soutenir la production nationale et si ce contexte-là est laissé finalement à la faveur des marchés comme n'importe quel autre produit, on voit que ce succès-là est fragile et il peut tomber demain matin de façon très facile et que les règles ne sont pas du tout égales dans ce secteur-là. Et donc la nécessité qu'on a eue de développer, au fil des ans, tout un contexte pour qu'une telle situation, en tout cas notamment dans le domaine de la musique, ne se répète pas.

Et ce contexte-là, qu'est-ce qu'il a été? Il a été évidemment: établissement des quotas de musique vocale de langue française ? vous le savez, ils sont encore en place ? 65 % de musique vocale de langue française; des soutiens financiers, tant du gouvernement du Québec que du Canada, qui ont permis finalement à ce qu'on produise des oeuvres et des productions de qualité comparable à celles des multinationales. Parce que, quand un consommateur, un amateur de musique rentre dans un magasin, il y a Bruce Springsteen maintenant et il veut avoir une même qualité, même si ça s'appelle Yann Perreau ou Les Cowboys Fringants. C'est vraiment... Il faut avoir cette même qualité, même si évidemment les moyens sont totalement déséquilibrés. Et évidemment toute la question du droit d'auteur nous permet évidemment de contrôler l'exploitation des oeuvres et des productions.

Dans tous ces dossiers-là, au fil des ans ? moi, je peux témoigner, pas de 25 ans, mais au moins des 13 dernières années ? il y a eu, dans les négociations des traités internationaux de commerce, des pressions, pour ne pas appeler ça des menaces, pour faire tomber ce genre de mesures là, de finalement... au motif que ces genres de mesures là qui favorisent des nationaux par rapport aux étrangers n'étaient pas conformes au fameux sacro-saint principe de la liberté de circulation... de la libre, la totale liberté de circulation des biens. Et à plusieurs occasions certains pays, pour ne pas les nommer, en tête les États-Unis bien sûr, ont essayé à plusieurs occasions d'empêcher les États et les gouvernements, dans le cadre d'accords internationaux de commerce, d'adopter leur propre politique culturelle.

Une voix: ...

Mme Drouin (Solange): Pardon?

Une voix: ...

Mme Drouin (Solange): Ah, peut-être, si vous les connaissez. Donc, leur argument, c'est que, par ce genre de mesures là, on ferme la porte aux étrangers. Je vous dirais que, nous, en tout cas si je remets encore mon chapeau... si je remets un petit peu vitement mon chapeau adisquien, on a toujours dit que, si les chances étaient égales pour tout le monde, on n'aurait pas besoin de quotas parce que, les chances... on aurait tous les mêmes moyens, puis après, oui, c'est la qualité qui ferait la différence. Mais malheureusement on le sait qu'on n'arrive pas à la ligne de départ, il y en a qui ont une longueur d'avance sur nous et que, si... on serait prêts à laisser tomber les quotas si c'était pour vraiment nous assurer de favoriser encore une plus grande diversité. Mais on le sait que ce n'est pas le cas.

Seulement, je prendrai pour exemple la France, qui n'avait pas de quota jusqu'à récemment, là, les années 1996 ou 1998, je ne me rappelle plus. Mais, avant les quotas de 40 % en France, évidemment c'était le libre marché, si on peut dire, là, dans les grands réseaux de radio. Et les réseaux de radio à l'époque ne diffusaient que 9 % de contenu francophone. Alors, ça a été un énorme 9 %, Énergie, le gros réseau français. Alors, on voit que c'est ça, le libre marché, et ce n'est pas plus de diversité, c'est «more of the same», c'est ça, c'est malheureusement le pari qu'on doit... que les Américains nous demandent de prendre. Et ça, il faut voir que le 40 % de quota en France a non seulement aidé... de quota francophone a non seulement aidé les Français, évidemment la production française, mais a aussi aidé la production québécoise qui, vous le savez aussi, j'espère... que la production québécoise s'exporte très bien en France, ces temps-ci, en tout cas. J'ai encore... Un autre deux minutes? C'est ça. O.K.

Une voix: ...

Mme Drouin (Solange): Pardon?

Une voix: Il compte bien.

Mme Drouin (Solange): Il compte bien?

Une voix: ...

Mme Drouin (Solange): C'est donc face à ces risques... C'est donc face à ces risques-là énormes que représente finalement la fameuse doctrine de la libéralisation totale dans le domaine de la culture, donc c'est face à ces risques-là qu'est né le besoin finalement de créer la Coalition pour la diversité culturelle, qui a comme objectif, et seul et unique objectif ? la coalition ? de s'assurer que les États et que les gouvernements conservent le pouvoir d'établir leur propre politique culturelle et que ce pouvoir-là soit enchâssé dans une convention internationale ayant un statut de force équivalente aux autres accords de commerce internationaux.

La coalition est née en 1999. Rapidement, elle est née au Québec, elle s'est largement étendue rapidement à la grandeur du Canada. On compte aujourd'hui 38 associations membres dans tous les secteurs du milieu culturel canadien et québécois. Il y a eu de nombreuses actions au niveau national. Évidemment, vous le savez, pour fédérer 38 associations qui représentent des centaines et des milliers de membres, c'est un travail colossal.

Une voix: ...

Mme Drouin (Solange): Déjà? Et, au niveau international... Ça va me faire plaisir de répondre à vos questions. Il y a beaucoup à dire, alors j'attends vos questions.

Le Président (M. Boulerice): Je vous remercie, Mme Drouin. Je vois chez vous le même enthousiasme, et c'est drôlement encourageant pour l'avenir. Nous allons passer maintenant à l'échange avec les membres de la commission. Alors, je vous rappelle que vous avez chacun un bloc de 15 minutes, vous pouvez vous le répartir, cela est votre choix, je n'interviendrai pas. Donc, je vais reconnaître le premier intervenant du côté ministériel, le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: Ah, mon Dieu, je ne pensais pas être le premier, mais, puisque vous nous laissez au niveau des questions qui touchent l'aspect international, est-ce que vos 38 organisations fédérées ont aussi des contacts avec des organisations en dehors du Canada, dans d'autres pays européens, ou nord-américains, ou enfin... Tout à l'heure, je parlais de l'approche de la francophonie, mais une des approches de la francophonie, c'est de faire aussi des liens avec la lusitophonie, avec l'hispanophonie, avec l'arabophonie, inévitablement.

Mme Drouin (Solange): Ça me fait très plaisir que vous me donniez l'occasion de poursuivre là-dessus, sur cette lancée, parce que, depuis cinq ans...

M. Chagnon: Ça a l'air un petit peu organisé avec le gars des vues.

Mme Drouin (Solange): Oui, hein, c'est ça. Mais ça ne l'était pas. C'est beau. La première action au niveau international qu'a faite évidemment la coalition, ça a été d'organiser une conférence internationale sur le sujet, en septembre 2001, le 11 septembre 2001 d'ailleurs ? c'était quelque chose, oui ? et, à cette première convention internationale, on avait 11 pays représentés. Depuis, il s'est passé deux autres conférences internationales, une à Paris, une autre à Séoul, et la prochaine est la semaine prochaine, le 9, 10, 11 mai, à Madrid, où il y aura 60 pays représentés. Alors, on voit déjà... Et ça, c'est une partie de l'action.

Et la stratégie que la coalition avait adoptée au niveau international, c'était de favoriser la création du même genre de coalition dans le plus grand nombre de pays possible. Il y avait une coalition, il y a cinq ans; aujourd'hui, je suis heureuse de vous annoncer qu'il y en a 23 dans 23 pays évidemment différents, allant de l'Argentine, l'Australie, la Colombie, le Congo, la France, la Corée, le Maroc, le Sénégal, l'Espagne, la Slovaquie... Donc, je ne les nommerai pas tous, mais il y en a 23. Ça va me faire plaisir, si ça vous intéresse d'avoir la liste... Évidemment, les États-Unis ne font pas partie de cette liste-là, là, il faut être clair. Et il y aurait quatre autres coalitions qui sont en formation, notamment en Italie, en Finlande, en Hongrie et au Brésil. Donc, c'est vraiment... je pense qu'on couvre... Pour l'instant, les coalitions se sont multipliées, et il y aura des représentants à Madrid pour l'ensemble... pour chacune de ces coalitions-là.

M. Chagnon: Est-ce qu'il serait possible pour vous, à Madrid ou même avant, mais Madrid étant la semaine prochaine, de faire en sorte que des membres de ces comités d'organisation finalement, dans ces 23 ou bientôt 27 pays, puissent prendre contact avec les parlementaires de leur pays respectif, de façon à faire des pressions sur l'Exécutif, donc les gouvernements respectifs de ces pays-là? Parce que l'idée, c'est d'arriver à la préparation des travaux de l'UNESCO pour la fin mai jusqu'à... pour un mois, là, fin mai jusqu'à pratiquement fin juin, de façon à ce qu'on ait... La capacité de pression pourrait être mise sur les travaux préliminaires à l'UNESCO qui vont préparer justement la séance du mois d'octobre.

Mme Drouin (Solange): Bien, écoutez, c'est clair qu'on ne se cite pas en exemple, là, de la façon dont on travaille, la coalition, mais je pense qu'on a bien travaillé avec les gouvernements respectifs du Québec, et ce qu'on souhaite, c'est évidemment, dans la création de ces coalitions-là, tout à fait de les inciter à avoir autant de contacts qu'on peut en avoir avec les ministres et les organisations.

n (10 h 40) n

M. Chagnon: Parce que l'Association des parlementaires de la Francophonie, comme je disais tout à l'heure, fait ces pressions-là sur quelques-uns des pays que vous avez mentionnés. Ce serait intéressant d'avoir la liste, qu'on puisse faire les liens entre les uns et les autres.

Mme Drouin (Solange): O.K., bien, moi, ça va me faire plaisir. Je peux la remettre, la liste, à Mme Grenon et...

M. Chagnon: De façon à ce qu'on puisse travailler en collaboration et le plus rapidement possible. Parce que la grande crainte, hein, la grande crainte, c'est que, si on échappe l'Assemblée générale de l'UNESCO, au mois d'octobre, eh bien, on va se ramasser, au mois de décembre, avec la Conférence de l'OMC, à Hong Kong, et, quand on va arriver à Hong Kong, si on n'est pas prêts... si on n'est pas sortis du dossier de l'UNESCO avec au moins une longueur d'avance, à la fin d'octobre, eh bien, on va patiner de travers à Hong Kong, c'est sûr.

Mme Drouin (Solange): Tout à fait. Mais la grande crainte, oui, c'est exactement la même, c'est que, c'est sûr que nous avons une fenêtre, là, la fenêtre, c'est l'automne 2005, on sait que, si on manque cette fenêtre-là, elle ne se rouvrira que dans deux ans, ce qui va laisser deux ans aux États-Unis et leurs alliés d'essayer de forcer et de faire des ententes bilatérales avec certains pays, à les forcer finalement, à leur lier les mains pour qu'évidemment ils ne puissent pas prendre... finalement, qu'ils ne puissent jamais ratifier cette convention-là, étant donné qu'ils auront déjà les mains liées de façon bilatérale. C'est évident, c'est clair, c'est l'objectif, il faut par tous les moyens...

Je pense que vous avez parlé, Mme Vien, d'un optimisme prudent. Et je pense que, oui, je pense qu'il y a raison d'être optimiste. Au sortir de la deuxième rencontre, j'aimerais ça vous... Dans le rapport final de la deuxième... Il y a eu deux sessions de négociation à l'UNESCO, et le rapporteur officiel disait, au sortir de cette rencontre-là, de la deuxième: «Nous devons être assez réalistes pour savoir qu'un défi fondamental nous attend. Des divergences manifestes demeurent qui doivent être aplanies. [...]L'abondance de crochets ? évidemment, de clauses non réglées, comme vous le savez ? pourrait laisser entendre que les États membres se répartissent à égalité sur ces questions controversées. Mais ce n'est aucunement le cas. En réalité, seul un petit nombre de pays reste opposé à l'inclusion dans la convention de ces termes ? des termes évidemment qui font l'objet de discussions ? entre crochets, les États-Unis en tête, alors qu'un nombre bien plus considérable de pays en favorise l'utilisation.» Alors ça, c'est au terme de la deuxième séance de négociation.

Comme M. Turp le rappelait, nous avons un projet sur la table qui fait suite aux travaux de la deuxième phase. Il y a encore des questions, les grosses questions évidemment ne sont pas réglées. Il y en a une qui semble réglée, le champ d'application, qui semble être... les expressions culturelles, là, et ne pas essayer de tout mettre dans cette convention-là qui ferait en sorte que ça noierait complètement. Évidemment, il y a les autres questions, les obligations des États de façon à ce que ce soit affirmé haut et clair que c'est... c'est-à-dire le pouvoir des États, le pouvoir souverain des États d'établir leur politique culturelle. Ce qui était déjà dangereux dans l'article 5 ou 6, M. Bernier saura vous le dire, c'était qu'il y avait, oui, un droit souverain, mais dans la mesure où vous prouvez que vous étiez en état de vulnérabilité. Ça, nous, on trouve qu'évidemment c'est très, très, très dangereux. Déjà, le principe est fort et on l'édulcore quatre lignes plus loin, parce que, montrer qu'on est en situation de vulnérabilité, il faudrait faire la preuve qu'on est vulnérables et les...

M. Chagnon: ...c'est exclu, ça.

Mme Drouin (Solange): Oui, mais c'est encore... On ne sait pas. On espère en tout cas que c'est exclu définitivement parce que, pour nous, de prouver qu'on est dans un état vulnérable, les gens pourraient dire: Bien, justement, vous ne l'êtes plus, ça fait que les quotas de 65 % ou les... arrêtez. Mais on le sait, justement. Quand je vous disais... C'est pour ça que je voulais vous faire la démonstration de la fragilité, c'est que, pour nous, on a ce succès-là parce qu'on a ces mesures-là. Si on laisse tomber les mesures, la fragilité, elle est là.

M. Chagnon: Enfin, mes propos étaient tout simplement de vouloir maximiser l'effet d'entraînement et de mobilisation qui pourrait être fait tant par les coalitions que par les parlementaires.

Le Président (M. Boulerice): Je suis désolé d'être dans la position, pour un sujet aussi important... d'être directeur de la circulation, mais, M. le député de Marguerite-D'Youville, vous avez huit minutes d'échange avec Mme Drouin.

M. Moreau: Merci, M. le Président. D'abord, je vais féliciter Mme Drouin pour sa présentation de ce matin, d'abord. Vous avez très bien fait. Et deuxièmement je vous félicite aussi parce que j'apprends ce matin que vous avez survécu à l'enseignement du député de Mercier. Alors, c'est tout un exploit, et vous devez être félicitée également.

Mme Drouin, je suis particulièrement heureux d'assister aux travaux ce matin. On vous a dit que, bon, je quittais pour une mission. En fait, je quitte pour le Brésil, dans le cadre de l'organisation des parlementaires américains, la COPA. Et le Québec, au sein de la COPA, préside la Commission de la culture, de la science et de la technologie.

Et d'ailleurs nous avions essayé d'avoir avec nous, comme conférencier, Robert Pilon, votre vice-président exécutif, et il est à Madrid. Alors, vous êtes un peu victimes de votre succès. Si j'avais su et si je vous avais connue avant, on vous aurait peut-être invitée.

Mais j'ai une question très précise là-dessus. Pour agir au sein de la COPA ? et je présiderai la délégation ? je sais qu'il existe une réalité américaine bien sûr, Amérique du Nord, Amérique centrale et Amérique du Sud, mais il existe aussi, au sein des Amériques, des positions qui aussi sont divergentes sur la diversité culturelle. Et je pense, par exemple, au phénomène sud-américain, où les Brésiliens, en Amérique du Sud, sont un peu vus comme les Américains en Amérique du Nord. Vous avez indiqué tantôt, dans votre remarque, qu'il y avait une coalition déjà formée en Argentine parmi les 23 que vous avez nommées et une en formation au Brésil. Pourriez-vous nous dire, et j'en informerai les collègues de la délégation ? d'abord peut-être ne savez-vous pas ou savez-vous s'ils participeront à la réunion de la COPA ? mais à tout événement quelle est la position des Argentins et des Brésiliens, dans la coalition argentine et brésilienne, sur les questions de clause de protection en matière de diversité culturelle? Parce que je ne le sais pas, mais je crains que la position du Brésil puisse être un peu plus, disons, retenue que celle des pays andins ou...

Mme Drouin (Solange): Bien, écoutez, je ne peux pas témoigner, malheureusement, mais ça me fera plaisir... Vous partez dans l'heure ou...

M. Moreau: Je quitte demain.

Mme Drouin (Solange): Vous quittez demain?

M. Moreau: Je quitte cet après-midi Québec, mais demain le Canada.

Mme Drouin (Solange): Je peux essayer de trouver l'information. Pour le Brésil, je ne le sais pas. Mais, si ça vous intéresse, certainement je peux faire des efforts pour avoir l'information. Pour ce qui est de l'Argentine, c'est clair que, dans la liste des coalitions qui se forment, nous, on a une plateforme commune. Je ne l'ai pas avec moi, là, mais c'est une plateforme qu'on a établie depuis longtemps. D'ailleurs, Mme Vien en a cité quelques extraits ? dans votre allocution, là ? comme quoi, là, évidemment la culture était une richesse, bon, de l'humanité, blablabla. Et, pour que ces coalitions-là, en se créant, adhèrent un peu, on a les mêmes principes. Alors, je serais portée à dire que l'Argentine abonde totalement dans notre sens. Mais, pour ce qui est du Brésil, malheureusement je ne suis pas en mesure de vous le dire, mais, si ça vous intéresse, oui, puis, si ça peut aider les travaux, ça va me faire plaisir.

M. Moreau: Mais confirmeriez-vous le réflexe de dire que les Brésiliens pourraient avoir une position beaucoup plus modérée, là, sur l'importance d'insister auprès de leurs parlementaires pour faire glisser dans les conventions internationales des clauses de protection d'État?

Mme Drouin (Solange): Je ne peux pas vous dire, je ne le sais pas. Vraiment, je ne le sais pas. Je suis désolée.

M. Moreau: O.K. Merci.

Le Président (M. Boulerice): Est-ce que vous me permettez une légère remarque? Il ne faut pas oublier que le ministre de la Culture du Brésil, Roberto Carlos, est d'abord et avant tout un artiste. J'ai l'honneur de me considérer comme un de ses amis et je pense que la position du Brésil sera une position ferme. Il reste quatre minutes.

Une voix: On peut aller...

Le Président (M. Boulerice): On peut aller du côté... Bon, on est souple dans ça. D'accord. Alors, M. le député de Mercier, à vous.

M. Turp: Merci, M. le Président. D'abord, Mme Charest, merci beaucoup pour votre présentation au nom de...

Une voix: Drouin.

M. Turp: Drouin, pardon. Je devrais me rappeler du nom de mes étudiants et de mes étudiantes. Mais ça fait un bon moment, si je me rappelle bien. Mais en tout cas merci d'être là au nom de la coalition. On a pu entendre, dans une autre séance de notre commission, M. Pilon qui était venu, nous avait présenté la position de la coalition au moment où étaient en train de se préparer les documents que nous avons reçus depuis, dont ce projet préliminaire. Mais je trouve très, très utile votre présentation. Elle est assez concrète, là. Et souvent le débat sur la diversité culturelle, c'est un débat qui n'est pas très concret et c'est les grands principes, les grandes idées. Alors, là, vous nous dites: Bon, bien, la diversité culturelle, ça concerne les quotas, ça concerne les subventions aux artistes, ça concerne le droit d'auteur. Bien, c'est ça, et c'est pour ça que c'est important, c'est pour ça qu'un Parlement devrait s'y intéresser et s'en saisir.

Alors, ma première question porte sur les quotas ou les contingents, si on veut bien parler le langage du droit commercial international en français, là. D'ailleurs, je me permets de faire une petite remarque très... je l'ai déjà faite dans cette commission. Vous savez que le texte, là, qu'on a en main... À moins que nos amis du ministère des Relations internationales ou de la Culture aient la version française.

Une voix: ...

M. Turp: Vous l'avez là-dedans?

Une voix: Oui, oui.

n (10 h 50) n

M. Turp: Bien, nous, on ne l'a pas. Alors, peut-être que le gouvernement pourrait nous donner la version française, qu'on n'a jamais eue, qui n'est pas publique officiellement, qui n'est pas sur le site de l'UNESCO. Alors, pendant longtemps, là, moi, j'ai travaillé avec la seule version anglaise parce que la version française, c'est une version traduite, elle était provisoire, et tout. Alors, le mot «quota» ou «contingent» n'est pas dans la convention, n'est pas dans l'avant-projet, n'est pas dans le projet préliminaire, dans l'article 6, qui précise les mesures qu'un État peut prendre de façon à promouvoir et protéger la diversité des expressions culturelles. Alors, j'aimerais ça que vous nous en parliez un petit peu davantage de l'importance des contingents, quotas, et de savoir si, comme coalition, vous souhaiteriez que ce soit encore plus explicite.

Mme Drouin (Solange): Oui.

M. Turp: Est-ce qu'il devrait y avoir une référence explicite dans le texte à l'idée qu'un État peut adopter des contingents pour assurer que sa culture, sa musique soit nécessairement écoutée à des heures de grande écoute, et ainsi de suite? Alors, je pense que ce serait très utile pour nous d'en savoir plus long là-dessus.

Mme Drouin (Solange): Pour ce qui est évidemment de l'importance dans l'édifice, là, quand on parle de l'édifice qui a été bâti au fil des ans pour assurer finalement l'accès du public aux oeuvres québécoises, c'est sûr qu'une des pierres importantes de cet édifice-là, c'est un accès, un accès dans les organismes de diffusion que sont la radio, que sont la télévision. Et je pense que ça, c'est vrai pour le Canada, c'est vrai, comme je vous dis, en France qu'ils ont adopté des quotas. Il y a d'autres projets. Au niveau européen aussi, de la Communauté européenne, il y a des quotas de contenus nationaux et européens. Je pense que cette vitrine-là... Une fois qu'on a le droit d'auteur, évidemment on peut contrôler nos oeuvres, on peut contrôler, par le financement, des oeuvres de qualité. Tout ça, ça ne veut absolument rien dire si on n'a pas l'accès.

Alors, c'est dans les trois aspects dont j'ai parlé tout à l'heure, que sont les quotas, les soutiens financiers, droits d'auteurs, bon, puis il y en a d'autres, mais quand même, ces trois pierres-là, si on en enlève une, les deux autres perdent de leur sens. Parce que c'est bien beau, avoir des oeuvres de qualité comparable avec les multinationales, ça, c'est déjà une chose, et de pouvoir les contrôler par des règles de droits d'auteurs qui nous permettent le contrôle, l'exploitation, si on n'a pas la vitrine réservée dans les organismes de diffusion, d'accès, ça ne veut absolument rien dire... En tout cas, ça ne veut pas rien dire, mais c'est clair que l'édifice est chambranlant, et on risque de ne pas atteindre nos objectifs. Donc, oui, dans la convention, c'est important que cette notion d'espace là, que les États puissent se ménager un espace de diffusion est très importante.

M. Turp: Juste par... Je ne sais pas si vous êtes capable de faire une prospective de ce type. Si, en France, il y avait seulement 9 % et là on a fini par vouloir imposer des contingents pour augmenter la diffusion de la chanson francophone à la radio, en France... Nous, on l'a, ce contingent?

Mme Drouin (Solange): Oui.

M. Turp: Qu'est-ce qui arriverait s'il n'y en avait pas, selon vous? Est-ce qu'on peut anticiper la réaction des chaînes? Est-ce qu'on doit tellement insister sur l'importance de voir les contingents reconnus parce qu'on devine bien ce qui se passerait plus tard? Est-ce que...

Mme Drouin (Solange): Bon, mais, écoutez, pour nous, c'est un dossier d'une importance capitale, je vous dirais, à l'ADISQ, au-delà de la diversité culturelle qui finalement... On comprend très bien que le dossier de la diversité culturelle, pour l'ensemble des associations, je crois, du milieu culturel, c'est: Si on perd la bataille là, évidemment notre raison d'être à moyen terme, je veux dire, toutes les actions sur lesquelles on agit vont perdre de leur sens, bien sûr. Mais, pour ce qui est plus spécifiquement des quotas, pour nous, c'est très clair que, si ça devait disparaître, il y aura un impact bien certain sur ultimement la production. Parce que qui dit quota dit exposition, exposition dit ultimement intéresser le public à avoir ces oeuvres-là, à les acheter et donc permet, au bout du compte, de réinvestir les revenus générés par la vente de ces artistes-là sur de nouveaux artistes. Donc, on parle de la pérennisation de la culture, là, c'est une vitrine qui ultimement nous permet d'avoir de l'argent pour continuer à offrir des nouveaux artistes. Et, si cette fenêtre-là se rétrécit...

On réussit, au Québec, à avoir 25 % de part de marché, les produits d'artistes québécois, avec une exposition de 65 % de quotas à la radio, là, mais, bon, de produits francophones puis de musique francophone. Attention, il y a de l'étranger. Déjà, là, c'est à peu près 50 % de musique québécoise à la radio sur... il y a un 15 % que c'est de la production francophone étrangère. Donc, on réussit à avoir 25 % de part de marché avec ce niveau de quota là. Alors, c'est clair, pour moi, que, si on diminue le niveau de quota, la part de marché va descendre également. Et on n'est déjà pas... 25 % de part de marché d'artistes nationaux, il y a encore de la place, là, il y a 75 % qui est occupé par des artistes autres que nationaux, que québécois. En France, là, les artistes nationaux occupent 60 % de la part de marché, alors il y a de la place, il y a énormément de place. Ça fait que, pour nous, il ne faut surtout pas descendre cette barrière-là parce que l'autre barrière, qui n'est pas si élevée que ça, elle va descendre aussi.

M. Turp: C'est intrigant. Est-ce que c'est la mesure la plus importante à devoir protéger? Vous avez évoqué quelques autres mesures. Quelle autre mesure devrait être explicitement mentionnée comme pouvant faire l'objet d'une politique culturelle qu'on ne devrait pas pouvoir remettre en cause à cause des règles de l'OMC? Est-ce que...

Mme Drouin (Solange): Bien, écoutez, moi, là-dessus... Puis on en a discuté d'ailleurs déjà à la coalition, dans des rencontres, puis on se disait: On ne veut pas faire une liste de mesures nécessaires, pas nécessaires, parce que, je vous dirais ? encore une fois je parle de ce que je connais ? en musique, ça change, ça change vite, et les mesures qu'on aurait à établir aujourd'hui, on espère qu'on aurait les coudées franches pour les établir pour évidemment faire face à la piraterie, bon, et tout ça, ce que vous...

Il faut se ménager cet espace-là, il faut se ménager l'espace totalement pour se dire: On pourra établir les politiques qui seront appropriées dans les circonstances, au moment où ça se présentera. On ne veut surtout pas arriver à négocier: O.K., tel genre de mesure, ce serait bien, mais telle autre, ça, on pourrait toujours la laisser tomber, puis... Ça, je pense que c'est très important qu'on n'aille pas là, qu'on n'aille pas dans une liste de mesures qui dit: Ça, oui... Parce que, cette liste-là, bien qu'on pourrait ne pas la qualifier d'exhaustive, on sait très bien que peut-être il y a des gens qui diraient: Mais là vous ne l'avez pas mise sur la liste, alors...

Une voix: ...

Mme Drouin (Solange): Ça pourrait devenir exhaustif. Et je pense que, si on prend cette route-là, c'est dangereux. C'est dangereux de faire la liste. Et plutôt je pense qu'il faut réaffirmer encore plus le pouvoir souverain des États et ensuite de ça leur laisser prendre les mesures appropriées en conséquence. Puis, compte tenu de la mouvance dans le secteur aussi ? comme je vous dis, nous on est un des secteurs où ça bouge le plus, là, à cause des mouvements, des développements technologiques ? il ne faudrait surtout pas s'être attachés, il y a cinq ans, sur le genre de mesures qu'on peut prendre parce qu'on ne se retrouverait peut-être pas à avoir les coudées franches.

M. Turp: C'est assez intéressant, vous entendre utiliser le mot «approprié» parce qu'un des enjeux du débat sur le texte, là, c'est l'article 6.2a, qui dit «les mesures qui réservent», où on apprend que ça devrait peut-être être plutôt, a, «réservent et aménagent» ou «prévoient, de manière appropriée». Et alors, là, il y a des gens qui disent: Oh, oh, attention, si on met «de manière appropriée», ça va restreindre ce que les États peuvent faire.

Mme Drouin (Solange): Écoutez, là-dessus...

M. Turp: Alors, est-ce que ce n'est pas dangereux, là, de dire «approprié»? Est-ce que ça devrait apparaître dans le texte ou non?

Mme Drouin (Solange): Ah, c'est une bonne question. Là, je reconnais le juriste en vous.

M. Turp: Peut-être, M. Bernier, qui écoute, là, derrière...

Mme Drouin (Solange): Mais je pense que je vais laisser M. Bernier... Il est là. Écoutez, moi, le principe général sur lequel, là, quand je vous dis... le principe général, c'est: ne nous limitons pas sur notre capacité d'action parce que, comme je vous dis, ça change. À savoir est-ce que le bon mot c'est «approprié», «idoine», machin-truc, là, M. Bernier, j'ai tout à fait confiance en sa réponse d'avance. Alors, à savoir est-ce que c'est le bon mot, il répondra.

M. Turp: Mais je veux comprendre un peu la...

Une voix: Est-ce qu'il était comme ça comme professeur?

Mme Drouin (Solange): Oui, il était tough.

M. Turp: Il y a une liste de mesures, là, quand même, et je crois que la coalition pense que c'est important qu'il y ait quand même une liste de mesures qui sont mentionnées. C'est le degré de précision dans soit des mesures ou soit les limites des mesures qui...

Mme Drouin (Solange): Et aussi c'est à savoir si on est capable de s'assurer que, s'il y a une liste, elle est considérée comme non exhaustive. Ça, c'est une chose aussi, là. Si c'est «notamment» et que tout le monde prenne le «notamment» comme étant ce que ça veut dire, c'est-à-dire en français...

M. Turp: Il y a le «peuvent inclure», «ces mesures peuvent inclure».

Mme Drouin (Solange): Oui, c'est ça, c'est ça. Mais il ne faudrait pas que ce soit... qu'il y ait une dérive, à un moment donné, et que seules ces mesures-là ne soient permises. Le «peuvent», il faudrait qu'il soit compris dans toutes les langues de la même façon, en anglais aussi.

M. Turp: Ma dernière question: Est-ce que vous êtes en mesure, au moment où on se parle, de nous présenter la position de la coalition sur les deux questions encore difficiles de la subordination, la non-subordination et le règlement des différends à la lumière des nouveaux textes?

n (11 heures) n

Mme Drouin (Solange): Non. Parce que la position qu'on a adoptée est la même, là, sur la base des textes qu'on avait et non pas le dernier. Parce que la coalition se réunit le 20 mai en assemblée générale pour discuter de ces textes-là, et donc on serait en mesure de vous transmettre, je pense, la position de la coalition après le 20 mai. Je sais que c'est très limité, là, mais évidemment il y a la Conférence internationale le 9, 10, 11 mai, à Madrid, où plusieurs d'entre nous seront, et ensuite donc on se réunit seulement le 20 mai pour avoir notre position finale sur le dernier texte.

M. Turp: Bon, bien, ça, c'est bon à savoir. Donc, le 20 mai, la coalition pourrait rendre publique sa position.

Mme Drouin (Solange): Écoutez, on se réunit le 20, alors, après, oui, bien sûr.

Une voix: Le 21.

Mme Drouin (Solange): Le 21. Samedi, le 21...

M. Turp: Donc, avant le 25, date de début de la troisième réunion.

Mme Drouin (Solange): Il le faut. Ça, c'est sûr, il le faut, parce qu'on veut arriver justement à cette troisième séance là avec une position claire de la part des membres.

Le Président (M. Boulerice): Je vous remercie, M. le député de Mercier. Il reste au parti ministériel, Mme la députée de Bellechasse, quatre minutes, pas pour votre question, mais pour l'échange.

Mme Vien: Oui, j'avais compris. Merci beaucoup, M. le Président. Mme Drouin, merci de cette présentation. Je vous revois et je constate à nouveau la grande énergie qui vous habite. On sait qu'il y a un peu de résistance, du côté des États-Unis, entre autres. Je sais aussi que, comme coalition, vous sondez les reins et les coeurs depuis plusieurs mois. Vous êtes au centre de l'action, vous entendez beaucoup de choses, vous sentez aussi beaucoup de choses. D'où viendraient d'autres résistances, selon vous, à part celle des États-Unis? Est-ce qu'il en existe d'autres?

Mme Drouin (Solange): Bien, écoutez, les États-Unis parlent de la même voix souvent avec ? je ne voudrais pas les mettre...

Une voix: Avec le Japon.

Mme Drouin (Solange): Avec le Japon...

Une voix: ...

Mme Drouin (Solange): Non, non. L'Australie, avec l'Australie, oui. Avec beaucoup l'Australie et le Japon. Et, mon Dieu...

Mme Vien: Mais est-ce que c'est très significatif comme résistance ou si, d'ici à octobre, par exemple, c'est récupérable?

Mme Drouin (Solange): Ah, mon Dieu! Je vais reprendre votre expression d'«optimisme prudent». Je pense qu'il y a énormément de travail à faire. Je pense qu'on ne peut pas se mettre la tête dans le sable. Avec quelle attitude les Américains arriveront-ils bientôt, au mois de mai? On n'a aucune idée. On pense sincèrement qu'aussi l'action qu'on s'apprête à mener, la quatrième Conférence internationale, la semaine prochaine, c'était vraiment... elle était prévue à cette période justement pour vraiment mettre à l'agenda de l'ensemble... On veut avoir beaucoup de relations de presse nationale et internationale sur ce sujet-là justement pour augmenter notre pouvoir de négociation évidemment et pousser à fond nos positions.

Mais c'est clair que la résistance des États-Unis... Écoutez, au terme de la deuxième séance de négociation, pour avoir parlé à Robert Pilon et Jim McKee, qui y étaient, au début ils n'étaient pas très, très optimistes, à la fin ça allait mieux. Je pense qu'ils ont vu des avancées importantes pendant. Mais il y a quand même une résistance, là, qui peut tout faire... bien, oui, tout faire basculer, bien sûr.

Le Président (M. Boulerice): Mme Drouin, je vous remercie de votre participation à cette commission. Dieu seul sait que nous aurions bien souhaité poursuivre plus longuement. J'inviterais maintenant les membres du Réseau international pour la diversité culturelle, sous l'acronyme de RIDC.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Boulerice): Mmes, MM. les députés! Parfait. Bienvenue. Si vous voulez bien vous présenter, s'il vous plaît.

Réseau international pour
la diversité culturelle (RIDC)

Mme Gagné (Mireille): M. le Président, distingués membres de la commission, il me fait plaisir de vous présenter la délégation du Réseau international pour la diversité culturelle: M. Garry Neil, le directeur général; Mme Albanela Pérez-Suárez, la coordonnatrice. Et, moi-même, Mireille Gagné, je suis la présidente du comité de direction du réseau, mais, dans la quotidienneté, je suis la directrice du Centre de musique canadienne. Et je représente, peut-être pas des stars, mais je représente des créateurs, des compositeurs de musique d'aujourd'hui, de musique contemporaine, et qui tentent de trouver leur place, trouver leur espace dans cet univers très diversifié de toutes les cultures.

Le Président (M. Boulerice): Mme Gagné, on m'a prévenu que M. Neil souhaitait intervenir dans sa langue maternelle, ce à quoi je dis: «It's part of cultural diversity.»

Mme Gagné (Mireille): Danke schön! Merci beaucoup.

Le Président (M. Boulerice): Bitte.

Une voix: ...

Mme Gagné (Mireille): Oui. Merci beaucoup. Alors donc, je vais commencer. Donc, merci évidemment de nous inviter et de nous accueillir, aujourd'hui, pour cette importante question. Nous sommes très heureux de voir que le gouvernement du Québec, depuis les tout débuts de l'émergence de ce dossier sur la diversité culturelle, a non seulement été présent, mais aussi a réussi à faire entériner par l'ensemble de son gouvernement l'importance de la convention. Alors, nous en sommes très heureux.

Vous avez joué un rôle positif et même de leadership au niveau mondial, et nous souhaitons évidemment que vous puissiez continuer de le faire. Et aussi la participation de la société civile, en accord et en collaboration avec vous, permet d'apporter évidemment les nuances qu'il faut dans ce dossier. Et le réseau et la Coalition canadienne pour la diversité culturelle contribuent évidemment au développement de cette discussion. Alors, nous apprécions donc l'appui de la part de tous les partis de l'Assemblée nationale dans ce dossier.

Le RIDC est un réseau international qui regroupe donc des créateurs, des individus, des artistes, des organismes non gouvernementaux, sans but lucratif, mais aussi des producteurs de l'industrie culturelle, du film, de la télévision, des arts de la scène, du livre, magazine, etc., qui discutent entre eux à parts égales de ces questions et qui réussissent à apporter un discours auquel tout le monde adhère.

Le RIDC a été fondé en 1998, à l'initiative de la Conférence canadienne des arts et de sa contrepartie suédoise, KLYS, qui est une association professionnelle de littéraires et d'artistes. Nous avons bien sûr des rencontres, à partir de Santorini, en l'an 2000, jusqu'à maintenant, la prochaine aura lieu en 2005, à l'automne 2005, à Dakar, au Sénégal. Et nous nous rencontrons en parallèle de la rencontre des ministres de la Culture qui sont dans le Réseau international pour la politique culturelle. Et, grâce à ces rencontres parallèles, nous avons établi d'excellentes relations évidemment et nous pouvons partager avec eux un moment commun de rencontre durant lequel on leur fait part du fruit de nos discussions avec tous nos membres. Nous avons 400 membres, répartis dans 71 pays et même aussi des organismes internationaux qui amènent, par leurs adhérents propres, d'autres pays qui ne sont pas directement membres chez nous.

Les questions débattues au sein du RIDC. Le RIDC, je dois vous dire, est le seul organisme de la société civile qui a produit, qui a osé produire une ébauche de convention pour démarrer les discussions. Alors, en l'an 2000-2001, nous avons mis sur la table un une ébauche pour essayer de... Parce que, les gens, quand ce n'est pas notre quotidienneté, c'est difficile de comprendre de quoi on parle. Alors, on a amorcé la discussion, qui a été reprise par les ministres. On a modifié, on s'est interpellés chacun de notre côté avec cette convention, cette ébauche, et évidemment nous sommes très heureux de voir ce qui est en discussion à l'UNESCO actuellement, dont les grands thèmes, les grands principes demeurent, et espérons qu'ils demeureront jusqu'à la fin des négociations.

Un point crucial bien sûr, pour nous, c'est de s'assurer bien sûr que les accords commerciaux bilatéraux et multilatéraux n'aient pas d'impact négatif sur les politiques culturelles et médiatiques. Et notons que nous avons énormément besoin de la réalisation d'une convention non seulement solide, mais légalement contraignante. Nous avons également exercé des pressions, et nous continuons de le faire, auprès des différents ministres de la Culture du réseau. Nous avons des rencontres pays par pays. Nous avons des réseaux régionaux. Le RIDC est présent en Afrique du Sud, en Afrique de l'Ouest, au Brésil. Nous avons des embryons de bureaux régionaux qui nous aident à diffuser la bonne parole. Évidemment, nous tentons donc aussi d'appuyer le mieux possible le travail de l'UNESCO pour donc nous permettre d'obtenir cette convention le plus rapidement possible. Garry Neil va vous donner d'autres détails tantôt dans ce sens.

n(11 h 10)n

Nous continuons de travailler aussi au niveau du commerce. Le commerce, c'est une composante qu'on ne peut ignorer. Même si on parle de culture, on ne peut l'ignorer. Et justement, la semaine dernière, nous avions une délégation à Genève ? Garry était là ? qui a présenté un atelier dans le cadre du symposium réalisé par l'OMC. Et le sujet de notre atelier était: Le commerce des biens et des services culturels ? Une évaluation de la compatibilité entre les règles de commerce à l'OMC et la Convention sur la diversité culturelle négociée à l'UNESCO.

L'obtention d'une convention efficace ne pourra pas non plus, quant à nous, régler tous les problèmes; il va continuer d'y en avoir. C'est un outil important. Et, pour permettre d'ajouter au rôle de cette éventuelle convention, nous travaillons à une campagne de sensibilisation auprès des agences publiques et privées de développement pour qu'elles allouent un pourcentage approprié et fixe de leurs ressources aux projets culturels. Parce qu'ils investissent beaucoup dans l'industrie, l'agriculture, et tout, et on oublie tout le temps le culturel. Alors donc, nous, on fait des démarches auprès d'eux pour qu'ils soient mieux sensibilisés à aussi penser que la culture peut être un élément de développement dans un pays.

C'est sûr qu'évidemment les prochains mois seront cruciaux, on le sait. On dirige le gros de nos efforts vers le processus de développement de cette convention. Je pense que j'ai fait le tour. Oui, j'ai fait le tour. Et je serai heureuse évidemment, après, de répondre à vos questions. Je cède la parole à Garry.

M. Neil (Garry): Thank you very much. Je regrette de ne pas bien parler le français. Je comprends un peu, mais je ne parle pas bien. Alors, mon commentaire sur la convention sera en anglais.

At our meeting, last October, in Shanghai, the INCD established the following three objectives for the Convention:

1. The Convention must affirm the sovereign right of states to implement cultural policy and acknowledge the broad scope of policy tools that they have.

2. The Convention must be an effective tool for countries of the South to develop their creative capacity in cultural industries.

3. The status of the Convention must be equivalent to the trade and investment agreements and must prevail where parties are considering cultural diversity.

So, let me just briefly, in a couple of minutes, analyze the chairman's draft text ? which, I believe, is the one you're referring to ? in light of these three objectives. I think it's important to look at that text because, in fact, it will probably be the text around which negotiations proceed in two weeks time.

With respect to the issue of acknowledging the broad scope of policy tools, as I see it, this draft is weaker than the drafts that had previously been before the plenary session. And let me just specifically refer you to article 3, the Scope of Application, where, when States Parties adopt measures to support the diversity of cultural expressions... Sorry. «This Convention shall apply to the [...] policies and measures» adopted by the parties, related to «the protection and promotion of the diversity of cultural expressions.» In the last draft, the words had been «that have an impact on the diversity of cultural expressions», which I think is stronger and provides greater scope than the current draft.

In article 4.5, to qualify as a cultural policy under the definition, the policy must have «a direct effect on». And finally, in article 6 ? and I think this was the subject of your conversation with Mme Drouin ? there is no reference to quotas, investment measures, taxation policies, competition policies. All of which can have a very, very strong impact on culture and can be used to promote local artists and cultural producers. So, I find that this draft is weaker, in some ways, than the previous draft that was before the intergovernmental committee.

With respect to development, our second objective ? and I won't take much of your time here ? articles 12 through 18 have some positive language. Article 17 particularly is positive in calling for governments to encourage North-South dialogue, by allowing artists freer access to the markets of the North. But, in general, if you look at the nature of the obligations, they're very weak. Look at each of the clauses, and what you'll find is that states are committing to endeavor to do these things. So, the state isn't committing to do these things, it is committing merely to endeavor to do these things.

Finally, with respect to the question of equivalence ? and I know this is the one you want most specifically to talk about ? the basic approach in what are now articles 20 and 21, that used to be articles 13 and 19, seems to me to have some merit because it's saying essentially that neither this Convention shall be subordinate to other conventions nor shall other conventions be subordinate to this Convention.

But what I'd ask you to look at particularly is to go beyond articles 20 and 21 and consider this question: What makes a convention legally binding? Is it because we say it is so? Is it because we wish it to be so? No. What gives rise to disputes is when states, when governments are making commitments to each other, and then you can have a dispute arise if they fail to fulfill with commitment. If you look at the trade agreements, the reason they are so powerful is because what they do is governments are committing to reduce tariffs, to open markets, to allow access, to change regulations, and if they fail to do those things, another government can take an action.

In this Convention, as I see, the process it's been happening from September to now is that those commitments that states are making to each other are being whittled away until you simply have, in my observation, what could well be a hollow shell. It has very good language about the rights of state parties to adopt cultural policies, but if those are not limited by commitments and obligations to each other, there can be no dispute.

And so, in this sense, if you look at, for example, Principles, article 2, No. 8, the principle of openness and balance, in my view, is fundamental. Basically, what it's saying is that, if you adopt cultural policies to support your own artists, and creators, and cultural producers, you have to reflect the balance between support for your own and an openness to other cultures. And yet the specific language is being whittled away, and whittled away, and weakened, so that now it reads: When States adopt measures to support the diversity of cultural expressions, they should seek to promote, in an appropriate manner, openness to other cultures of the world.

And, if you go through all of the clauses, what you find is that they're not expressing firm commitments but merely using language such as «may». For example, if you look at article 7, measures to promote cultural expressions, parties shall endeavor to create in their territory an environment that encourages individuals and groups. Sub-clause 2, parties shall also «endeavor to recognize». So they're not committing to do it, they're merely committing to try. And so, in my observation, where you continue to whittle away at those commitments and concrete obligations, you are creating a climate in which the Convention may well be devoid of any significant legal consequence because there can be no disputes.

I'll leave it there. I'll be happy to talk with you about Brazil and their position. We had some interesting discussions, two weeks ago, in Geneva, about the contradictions between Brazil's position in Geneva and the position they're taking in Paris. But I'll leave those for the questions.

Le Président (M. Boulerice): Merci, M. Neil. Merci, Mme Gagné. Alors, nous passons avec la partie ministérielle. Je présume que c'est le député de...

M. Moreau: Pour son droit d'aînesse, Westmount?Saint-Louis.

Le Président (M. Boulerice): Le droit d'aînesse? Westmount? D'accord. Et j'aimerais bien qu'on parle du Brésil. (S'exprime dans une langue étrangère). Oui.

M. Chagnon: (S'exprime dans une langue étrangère).

Le Président (M. Boulerice): (S'exprime dans une langue étrangère).

Une voix: Ça va être difficile pour le Journal des Débats.

Le Président (M. Boulerice): Ah, ils sont habitués, avec moi.

M. Chagnon: Première question. Vous êtes 300 personnes dans 71 pays... I'll have another question for you later on, but my first question is...

M. Neil (Garry): My second problem is...

M. Chagnon: Is your ear.

n(11 h 20)n

M. Neil (Garry): ...I have a hearing problem. And I don't have my hearing aid, it's broken. So, I...

M. Chagnon: O.K. Well, I'll speak louder when I speak to you. Vous êtes...

Mme Gagné (Mireille): 400 membres dans 71 pays.

M. Chagnon: C'est que c'était marqué 300 dans votre...

Mme Gagné (Mireille): Ah oui? Ah, bien, moi, mon papier, c'est...

M. Chagnon: Comment vous faites pour être en lien les uns avec les autres? Et quelles sont les pressions que vous faites sur les États nationaux de ces 71 pays?

Mme Gagné (Mireille): On a premièrement, en plus, comme outil de travail, un comité de direction, que je préside, qui regroupe 19 personnes provenant de 19 pays différents. Alors donc, ça nous fait 19 antennes dans ces pays. Ces personnes-là qui siègent sont soit dans l'industrie culturelle, sont des artistes, sont des gens qui sont proches de... le terme «activisme» est peut-être un peu fort, là, mais disons qu'ils sont habitués à rencontrer leur ministre. Et donc, quand on est membre de ce comité, on a un peu comme tâche justement de s'assurer de rencontrer son ministre, de parler à son représentant, pas seulement son ministre dans le pays, mais son représentant à l'UNESCO aussi. Alors donc, c'est un petit peu comme ça.

On se donne des devoirs à faire régulièrement. On a des conférences téléphoniques, on s'écrit énormément de courriels pour pénétrer... Et, les autres membres bien sûr, bon, on a un bulletin, comme je dis, on essaie, par ces personnes présentes qui ont aussi des réseaux régionaux dont je vous parlais tantôt ? l'Afrique du Sud, l'Afrique de l'Ouest, le Brésil, l'Asie ? on essaie de toucher un peu tout le monde.

M. Chagnon: Alors, quand on s'est donné tous ces devoirs, il faut aussi les corriger. Qui fait l'assemblage de l'information, de savoir... On parlait du cas du Brésil, là. Qui a parlé au ministre de la Culture du Brésil, ou à celui de l'Afrique du Sud, ou à celui du Pérou? Il faut avoir le retour de... Et ça, vous fonctionnez comment?

Mme Gagné (Mireille): Oui, bien, on a une personne qui siège sur le comité, c'est un Brésilien, Leonardo Brant, qui est très bien placé dans le secteur de la culture, monsieur... J'ai oublié votre nom. Je sais c'est qui...

M. Moreau: M. le Président.

Mme Gagné (Mireille): Ah, M. le Président. Ah, merci, merci. D'accord.

M. Moreau: Ça passe partout.

Le Président (M. Boulerice): Vous savez comme moi qu'en brésilien on appelle les gens par leur prénom. (S'exprime en portugais).

Mme Gagné (Mireille): Je m'excuse, mais ça me fatigue depuis tout à l'heure. Donc, oui, alors, Leonardo a parlé régulièrement... parle régulièrement à M. Gilles. Et on a failli l'avoir justement à Genève. On voulait l'inviter pour qu'il vienne nous parler un petit peu de la position, mais, comme, moi, je n'y étais pas, et Garry a l'air à avoir des... Alors donc, oui, en Afrique du Sud, on a des gens qui communiquent régulièrement aussi. Il y a une association qui s'est créée, qui n'est pas une coalition mais qui est un peu comme une conférence sud-africaine des arts. Ils se sont créé un réseau et ils travaillent constamment, et on nous rapporte continuellement.

M. Chagnon: Une fois qu'on a tout ça, sur le plan pratique, on parle à qui après, qui sera pour la préparation des travaux de l'UNESCO, du 25 mai à la troisième semaine de juin? Qui devient, là...

Mme Gagné (Mireille): Notre pilier, c'est Garry.

M. Chagnon: C'est Garry. O.K.

Mme Gagné (Mireille): Garry, qui siège à tous les comités intergouvernementaux.

M. Chagnon: So, you have the information from all these countries?

Mme Gagné (Mireille): Oui, oui. Ah oui. Inquiétez-vous pas.

M. Chagnon: O.K. Je commence à comprendre comment vous fonctionnez, là. Well, my second question for you, Mr. Garry, is concerning this eventual tribunal where the disputes we were speaking about should go. Because I see ? it's not a virtual way of seeing the things ? that eventually the OMC and this eventual treaty will have some problems or some troubles somewhere, and we will need a tribunal to check it. And, I don't know. Well, you haven't spoken about it. I'd like to hear what you have to say on that question.

M. Neil (Garry): You're absolutely correct that there will be disputes between obligations and commitments governments have taken under WTO and potentially this new Convention. Obviously, the Convention needs a dispute settlement process. We believe that it ought to, first of all, require countries which ratify the Convention and implement it to agree at up-front that they will resolve any disputes that they have on cultural matters under the terms of the Convention. But clearly that can't affect the rights a non-member state would have against a party who would belong to the Convention. And that's where you get into, and we will continue to have some interesting challenges in the years ahead.

That's where article 21 becomes so important. The governments are committing to work together in other fora in order to try to resolve some of these challenges. There is, for example, the New Zealand broadcasting case. I don't know if you're aware of New Zealand. They deregulated their broadcasting system, they committed their broadcasting services under the GATS...

M. Chagnon: 1998, I guess.

M. Neil (Garry): Yes.

M. Chagnon: That's right.

M. Neil (Garry): And now they're attempting to reintroduce content quotas. They're doing it on a voluntary basis, because their lawyers have told them: You cannot re-regulate. There's nothing that this Convention can do in the short term to solve their problem, with respect to the United States, for example, which we would assume would not join the new Convention.

M. Chagnon: ...myself very often.

M. Neil (Garry): Yes, yes. But, it's also an interesting example to ask yourselves to consider, because guess who the largest private sector broadcaster is in New Zealand. It's CanWest Global.

M. Chagnon: ...

M. Neil (Garry): It's a Canadian company...

M. Chagnon: ...remember that.

M. Neil (Garry): ...and not an American company. And so, in fact, you could have a situation in which Canada and New Zealand could agree... And this is what our proposal would do. Canada and New Zealand ought to be able to agree that they would resolve any dispute about re-regulation of New Zealand broadcasting under the terms of this Convention rather than the General Agreement on Trade in Services, under WTO. We would like to see that happen.

M. Chagnon: Thank you.

M. Moreau: And so far you think it's not possible with the actual...

Le Président (M. Boulerice): Vous avez la parole, M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Moreau: Je m'excuse, mais il était sur sa lancée. Merci, M. le Président. And so far you think that, with the actual proposition, it won't be possible.

M. Neil (Garry): It would be possible, but the two parties would have to agree that they would do it in the particular case. What we want is a pre-commitment, on ratifying, that you will agree that all disputes you would have around cultural policies, broadly defined, would be resolved under this Convention.

M. Moreau: O.K. And, since you opened the door earlier, Mr. Neil, it seems that our friends from Brazil have different position on the situation, whether they're on Geneva or in Paris.

M. Chagnon: They should... the next meeting, in Annecy.

M. Neil (Garry): Yes.

M. Moreau: So, what are those positions?

M. Neil (Garry): We had an interesting discussion in Geneva with some of the government delegations about coherence, and I made the point that it wouldn't surprise government officials to know that there may not be coherence between different departments of government. And we see that most particularly in two cases ? one is Brazil ? where they continue to haveoffensive interest in the context of the WTO. They want audiovisual services markets to be opened up, and yet they have been a major advocate for the new Convention, in Paris, at UNESCO. They were one of the most active of the delegations at the last meeting. We believe there's been a lot of work within Brazil to try to...

M. Moreau: Do you think that it's because Brazil is such a large country?

M. Neil (Garry): Diversity.

M. Moreau: Diversity.

M. Neil (Garry): We believe that they are resolving that lack of coherence in favor of the Convention, and so the government has said... has sent out signals that they will not pursue their interests to open up audiovisual markets. They won't withdraw their requests because that's not considered to be the way to do things in Geneva, but they have sent signals that they won't pursue that request. Except, then you seem to have an ambassador, in Geneva, who is personally very committed to trade liberalization.

Another example is Mexico, where, in Paris, they are taking a position that's wishy-washy, that's not quite clear. They've, at some point, spoken in favor of the U.S. position; at other points, they seemed to be favoring a modest convention. But, in Geneva, they're taking a very firm position that market should be opened up. And they are members of what is known, in Geneva context, as the friends of cultural diversity, who are really the enemies of cultural diversity.

n(11 h 30)n

The friends of cultural diversity, in Geneva, are the United States, Turkey, Egypt, India, Japan, Mexico. Those are some of the countries you were discussing earlier where else the opposition is coming from. Those are some of the countries. And Philippines has spoken, Indonesia has spoken, Taiwan, China Taiwan, all those countries, in the WTO Context, in Paris, have taken positions that would either oppose the Convention or, more particularly, would seek to try to narrow its scope so that it doesn't address cultural goods and services and it doesn't use the word «protection».

M. Moreau: Even England.

Mme Gagné (Mireille): England, yes, but...

M. Neil (Garry): The European... The United Kingdom and the Netherlands had, in the previous sessions of the Intergovernmental Committee, raised questions about the Convention, and they have, in other fora, taken a position that's contrary to the Convention. They're now not able to pursue that agenda because the European Union has suddenly realized that there are competencies of Europe that are at stake here, where you're dealing with trade, and, therefore, they're putting forward a common position from Europe that is favoring the Convention, although my assessment of the last meeting was they weren't as effective as they ought to be in really pushing for a strong and effective convention.

M. Moreau: Thank you. J'aurais une autre question, M. le Président, pour Mme Gagné.

Une voix: ...

M. Moreau: Combien?

Une voix: Quatre minutes.

M. Moreau: Quatre minutes. Mme Gagné, vous avez indiqué, en début, en ouverture, qu'en réalité vous vous réjouissiez de l'attitude qu'avait prise le gouvernement du Québec à l'égard de sa position sur la protection de la diversité culturelle. Je ne sais pas si vous étiez dans la salle au moment des remarques préliminaires, où on disait: Il faut s'en réjouir que le Québec a toujours, à travers le temps, parlé d'une seule voix et adopté une attitude extrêmement forte ? on peut le dire ? au plan international, à l'égard de la protection de la diversité culturelle.

Si vous aviez une recommandation à faire aux parlementaires que nous sommes ? parce que nous appartenons tous à différentes familles parlementaires, alors soit dans la Francophonie soit, comme je disais tantôt, au niveau de la COPA ? quelle serait l'attitude que nous devrions prendre dans ces forums, selon l'analyse que vous faites de la situation, et qui serait le plus susceptible d'amener des résultats concrets? Parce qu'on peut évidemment avoir des discussions de salon, mais ce qui est important, c'est, je pense, de poser des gestes qui auront des répercussions directes, immédiates. Quelles seraient donc les recommandations que vous auriez à faire? Parce que ça fait partie du mandat d'initiative de dire: On écoute les gens, on écoute ce qu'ils ont à dire. Si vous avez des suggestions à faire, je pense que le moment est approprié. And, Mr. Neil, feel free to tell us what you think about it.

Mme Gagné (Mireille): I'll start, and you'll complete.

M. Neil (Garry): Yes.

Mme Gagné (Mireille): C'est toute une question.

M. Moreau: Bien, vous n'êtes pas venus pour rien.

Mme Gagné (Mireille): Non, définitivement. Effectivement, je suis membre aussi de la coalition canadienne, j'ai participé à la mise sur pied, et effectivement je pense que le Québec peut et doit apporter sa distinction. Le gouvernement canadien, la position du gouvernement canadien ? et M. Turp en a fait un peu allusion ? on ne sait pas trop sur quel pied il danse. Et, si je peux donner un autre exemple, c'est que, dans la convention qui a été négociée pour le patrimoine immatériel, le Canada a été présent, voulait, mais finalement n'a pas signé. Il attend, il regarde ce qui se passe.

Alors, moi... enfin le réseau est un petit peu inquiet parce qu'on s'est toujours dit, à cause du réseau de la ministre, de Mme Copps, qu'elle a mis sur pied... Elle a toujours été très active et très... n'est-ce pas. Et là, s'il y a une espèce de glissement ou d'attentisme selon les forces ? hein, c'est un jeu aussi politique, ne se le cachons pas ? bien, le Québec va avoir d'autant plus un rôle important d'aiguillonner un peu le gouvernement fédéral et de les amener à prendre des positions, que vous avez très bien défendues à venir jusqu'à maintenant: l'importance de la culture, l'importance de la diversité, l'importance des artistes, des créateurs, bon, enfin tout ce que vous avez maintenu à ce jour. Je pense qu'il faudra que vous soyez très près... En tout cas, moi, c'est ma vision, là, vraiment, actuellement, là. Je pourrais réfléchir un peu plus, mais c'est comme ça que je le vois. Et peut-être que Garry veut rajouter.

M. Neil (Garry): You really touched on what I was going to say, which is: Someway, we have... It's important to look at the Convention, it's important to do this work, but the Convention itself will not create more cultural diversity. It's only a tool, it's an important tool. And we believe very firmly that the International Network on Cultural Policy, the Cultural Minister's network, really needs to be doing its own work about where to go next and what else to be involved in. And I think that's another place where Government of Québec and all parties in Québec have been very supportive of that initiative, and should continue to be, and should continue to try to push, to try to get them as well to think beyond the Convention and adopt new ideas and new projects, because we think that it's very important for Cultural Ministers of the world to be brought together in such a forum.

Le Président (M. Boulerice): Merci. Je me réserve le droit d'intervenir, puisque je ne suis quand même pas un pot de fleurs. M. Neil, ma question va à vous, en disant que, bon... (S'exprime dans une langue étrangère). Mais, au-delà de ça, I was the Québec Government Minister who attended the conference organized by the American States, in Cartagena, Columbia, three years ago. The American delegation... I mean, not the American because we're Americans. The United States delegation didn't include any elected or appointed; there was only junior advisor on cultural matters to the President of the United States. The attitude was closed to arrogant. They were looking at us to say: Who are those Latins? And, at one point, that was disastrous. We were talking about books, and someone from the U.S. delegation says: Promoting reading, well, it's the job of libraries and bookstores. So, odds against tomorrow, are we going to win? It's a tough question, isn't it?

M. Neil (Garry): We've been spending a lot of time and energy working on developing a U.S. strategy. And I was recently in Washington at a conference that we cohosted with the Smithsonian Institute. And we brought together more than a 100 people, we actually had a number of people from outside the Washington-New York area to talk about the positive aspects of what we're doing and about the opportunities to make links between certain movements in the United States and the global cultural diversity movement.

I'll be going next week to Saint Louis to make a speech at a major conference. We do have allies in the U.S., and we are trying to bring together these allies. They include people like the Reform Media Network, which is a network which is concerned about efforts to deregulate their broadcasting system. They have certain rules in place around media, ownership for example, that prevent cross-media ownership between... If you own the CBS station in Cleveland, Ohio, you cannot also own the Cleveland Plain Dealer newspaper. And the White House was attempting to remove those regulations. And so a huge citizens movement was created to support them. And they're seeking a diversity in the media. So we're beginning to make some links in the United States to build a kind of movement there to work with movements that are building to try to make some links between them and the global movement.

Do we have enough time? You know, those people are not... they are many, there are hundreds of thousands of people who signed petitions to the Congress, on the Federal Communications Commission attempt to deregulate, but they are not as powerful as some of the huge economic interests. Last year, for the first time, Hollywood relied more on foreign sales of their movies than on domestic sales of their movies. And that's the first time in history that's happened. So it's very powerful economic interests. So we're trying to do our best to do our part to, you know, make connection with some of these movements. But, it's a tough question, because they do have very powerful economic interests.

Le Président (M. Boulerice): Just a last word to close it up. You're having what I call a Chinese attitude, making the difference between the people of the United States and the Government of the United States. M. le député... Thank you for your comments, Mr. Neil. M. le député de Mercier.

n(11 h 40)n

M. Turp: Merci, M. le Président. D'abord, merci, Mme Gagné, d'être des nôtres. Je pense que les membres de la commission auraient tout intérêt à connaître le Centre de musique canadienne, que j'ai eu le plaisir de visiter il y a quelques semaines, là, qui a pignon sur rue McGill, à Montréal. Et vous retrouvez des belles partitions de tous nos musiciens. Et j'aurai une question pour vous tout à l'heure sur cette autre musique dont vous vous intéressez puis cet autre lieu ou se retrouvent des musiciens, un peu différent de celui de l'ADISQ et de ce que pense le milieu de la convention, du projet de convention. J'aurais pour le moment quelques questions pour M. Neil.

Three points, Mr. Neil, where I think you can really help this Commission to do its work. The United States' position or views were evoked by the chairman of the Commission, but, in your presentation, you said, you almost said: I assume the Americans won't sign or ratify this Convention. So, my question is: What then should be the attitude of other governments and the civil society knowing in any case that the Americans won't go ahead with this? Should their objections, their views, the language that they'll be promoting to dilute the Convention be taken into account or not? And, if it shouldn't, how do you do that, how do you make that happen? They tried in Rome, with the Statute of Rome on the International Criminal Court, and Government did resist. Will other governments resist? And how the civil society plan to organize that kind of resistance?

My second question. I think you would really help this Commission to understand what's happening in Canada. What is the position of the Government of Canada? Could you tell us what both Foreign Affairs, Canadian Heritage, and other players are doing? What are they saying? And are they involving provinces properly in the definition of their position?

And my third question ? it will be interesting to compare your answer to Mr. Bernier's answer: settlement of disputes. What should this Convention contain when it comes to the settlement of disputes? We know that even uncivil society is concerned about the mechanism because, if there was a mechanism that led to a decision of a binding nature, it could be a decision that would create some problems of those countries that have some cultural policies that are not appropriate or... So, should this Convention contain a real mechanism to be really binding or should we accept that there would be only a «mécanisme de suivi», which would not entail arbitration with a binding award at the end of the process?

M. Neil (Gary): First, with respect to the United States, my own view is that governments working in Paris ought to, in fact, recognize that U.S. will not sign this. It seems that many of them are reluctant to say that or admit that. But that's the experience that we have with the environmental treaties. They adopt the same position every time, which is to engage in a negotiation with the objective of weakening the provision as far as they can, and then of course they won't ratify.

I argue ? but this is really for an another day, this is discussion for an another day ? I argue that, in the end, it does really matter a lot if you have an effective convention, because, in fact, it will change behavior in the United States as well as in other countries, even if they don't become a party to it, in a longer term ? but that's a different kind of argument. So I would like to see governments really, you know, challenge the U.S. on that front, in Paris. I don't know how we do it. As I have said, we're doing our best to try to build support for an effective convention within the U.S. itself.

My message, next weekend, in Saint Louis, will be: You need this Convention because your Government would not have a right to implement policies on media ownership if the developments in the WTO continue to go the way they're going if you don't have this Convention. You need it to be able to fight for those policies. So that's the kind of argument I'm trying to make.

What's the position of the Canadian Government? That is an excellent question, and sometimes I wish I knew. I think that my assessment, just personal assessment being a Canadian having sat through all of the intragovernmental meetings, since they have played a very positive... they have played a positive role in certain cases, and they have not been quite as effective as I would like in certain other cases. And I don't see a kind of coherent position coming from them on what I have regard to be the primary issues of the Convention, and those are basically the three objectives we put forward. I don't think that they were putting forward as coherent a position as I would want on the nature of or the need to balance rights and obligations in order to create an effective convention and then the need to have an effective dispute settlement system. So, sorry, I can't help you much more than that, but I haven't seen the kind of consistent, logical, and coherent position that I would like to see from Canada. Because it has played a leadership role, it's been one of the leading advocates for the Convention in the past four or five years.

Finally, with respect to dispute settlement, yes, we need to have a dispute settlement system. We need to have a system that's incorporated into the Convention itself, that should involve binding arbitration of disputes, should involve a pre-commitment of states to use the dispute settlement system in the Convention, and should involve ? cause this is related, you know ? should involve the clause that I do like in the chairman's draft, clause that was tabled by European Union, is, in this notion, that what to try to do is get governments who are party to this Convention to agree to use its objectives and principles, when they are involved in settling dispute in other fora. That may have not made its way in the chairman's draft, but it was a proposition that was put forward by the European Union in the final days of the last session. So, it was a clause that said: States, when they're resolving disputes in other fora, should bare in mind the principles and objectives of this Convention if the dispute involves cultural diversity. And, I think, a principle like that could also be a very valuable principle in here.

The one final element that we've put forward that might deserve some attention is the notion that, even if you have a non-state party to the Convention taking an action against the state party to the Convention in a different fora... The New Zealand Broadcasting, example. If the U.S. decides to exercise its rights against the new government position, exercise its rights under GATS, we've suggested that New Zealand ought to be able to come to the dispute settlement system in the new Convention to seek a non-binding ruling on whether or not its policy is in conformity with the spirit, the principles, and the objectives of the Convention. So, there's no way you could force the U.S. to participate in that, but that would surely give some sort of moral support to New Zealand if they had an ability to seek a ruling in such a case. So, we've recommended that kind of system as well.

M. Turp: So, that would be some kind of «avis consultatif».

Mme Gagné (Mireille): Yes.

M. Neil (Garry): Oui.

M. Turp: But let me ask you. I remember an exchange with the Minister of Culture here that said, at one point: We're pretty isolated when it comes to binding arbitration and binding character of an award given by, you know, an arbitral tribunal. How true is that? Are there few, if any, countries that are really willing to go ahead with binding arbitration and binding awards? What is, for example, the position of the European Union or the Members States of the European Union? So, if one acts like we might be tempted to do in this Commission, the Government of Québec, to, you know, insist that there be that kind of binding arbitration and award, is that a realistic position or is it really not even worth asking for that, and its civil society arguing that that should also be comprised in the Convention?

n(11 h 50)n

M. Neil (Garry): Again, a tough question. At the last session, what the chairman would do after a discussion of each of the topics, the chairman would sort of summarize the discussion and highlight what he thought was the consensus of the meeting. And, at one point, he even suggested that the consensus of the meeting was that we should do away with the dispute settlement system, altogether ? which is not the consensus of the meeting, but that was at one point how he spoke about the consensus of the meeting. So that's certainly a sense, from someone who is sitting in that room, that there were not a lot of states which were arguing forcefully for a strong dispute settlement system. And many, including, as I sense, Europe, would like to see it not occupy a lot of time in the discussion. And, while they acknowledge that there is a need for one, I don't know that they want to, you know, clearly enunciate a strong and a binding system within the current draft.

But then you really ask another question, which is the politics of putting forward a strong proposal. And, if you had said to me, when we were sitting on the Island of Santorini, in Greece, in 2000, that, within five years, I would be sitting at a meeting in UNESCO where governments were called together specifically to negotiate the terms of a convention on cultural diversity, I would have said you were being wildly optimistic. In other words, we've made very, very significant progress in a very short period of time, and I'm not convinced that we can continue to make progress. First, the Intergovernmental Committee of experts, there were a number of delegates there who really didn't understand what this meeting was about, you know. They are permanent delegations of UNESCO, they really didn't have a clue. But it's been amazing learning curve. And, who knows, I think if we keep the pressure on, we might just be able to continue to influence this draft and create, you know, and create a more effective convention, in the end. And that's one of the elements that maybe we can work on.

Le Président (M. Boulerice): M. Neil, Mme Gagné, Mme Pérez-Suárez, je vous remercie. Je suis persuadé que vous allez rester jusqu'à la fin des travaux, donc les membres de la commission en profiteront pour vous saluer. Je vais immédiatement inviter le Pr Bernier, le Pr Bernier qui est professeur associé à la Faculté de droit de l'Université Laval.

(Changement d'organisme)

Une voix: ...

Le Président (M. Boulerice): M. le député de Mercier, vous privez le Pr Bernier... Pr Bernier.

M. Ivan Bernier

M. Bernier (Ivan): Oui, oui, je commence. Alors, merci. Ça me fait plaisir de me retrouver parmi vous. Ce n'est pas la première fois que je rencontre les parlementaires québécois, j'ai eu l'occasion de le faire à quelques reprises. J'ai ici un document de réflexion qui avait servi pour une rencontre de la Commission de la culture en 2000, sur Mondialisation de l'économie et diversité culturelle: les enjeux pour le Québec, et ça montre que ça remonte déjà à un certain temps. J'ai eu l'occasion aussi de rencontrer d'autres parlementaires de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, le Parlement européen, la COPA, l'Agence parlementaire de... les parlementaires de la Francophonie. Donc, je suis toujours heureux, je vais vous le dire, de venir rencontrer des parlementaires parce que je pense qu'ils ont effectivement un rôle important à jouer dans ce type de débat.

Alors, je ne prendrai pas plus le temps pour développer sur cette question, mais ce que je vais faire avec vous essentiellement, ce matin, et très rapidement, c'est revenir sur ce qui s'est produit lors de la seconde session et surtout sur le résultat actuel: Où sommes-nous rendus présentement? Alors, ce que je vais faire en quelques minutes, c'est vous donner d'abord la situation présente sur le plan des documents. Il y a des choses...

On parle maintenant de deux documents. Il y a le document composite, le texte composite qui a servi de base pour la discussion, enfin qui était le résultat de la discussion. Et ce texte-là maintenant est comme, non pas pris de court, mais complété d'une certaine façon par le texte du président Asmal, la version du président Asmal. Et, lorsqu'on cherche à comprendre comment ça va se passer à la troisième session, bien il y a des choses qui ne sont pas tout à fait claires. Mais je pense que la solution ou la réponse à cette question du traitement de ces deux textes réside dans le propos du directeur général, là, au tout début du document de présentation. Ces textes-là pourraient être considérés ensemble et de façon complémentaire, c'est ce que dit le directeur général. Ils doivent être vus ensemble et de façon complémentaire.

Donc, il faut considérer que les deux documents seront sur la table ? c'est ma compréhension de la chose ? et il faudra voir de quelle façon ils seront utilisés. Est-ce qu'on partira de l'un pour ensuite faire des liens avec l'autre, ou est-ce que les deux auront une égale valeur? C'est déjà, vous voyez, une partie du débat qui va se dérouler dès le commencement de la session, et ça, je pense que ça va être important. Là-dessus, je pense que les Américains ont réagi assez fortement sur le document Asmal, et il y a toutes les bonnes raisons de croire que la situation, lorsque la rencontre va débuter, va être probablement un peu tendue.

Donc, on est avec ces deux documents, et, pour cette raison, c'est assez difficile de vous donner une idée précise du type de convention vers lequel on s'en va. Il y a tellement de crochets, d'une part, ou pas de crochet dans l'autre document. Mais les «pas de crochet» ne sont pas décisifs parce qu'il n'y a pas eu de décision de prise à propos de l'élimination des crochets. Donc, toute cette question finalement demeure encore, jusqu'à un certain point, en suspens.

Il y a aussi des questions qui n'ont pas été examinées. Il y a des questions qui ont été examinées mais partiellement et sur lesquelles le président Asmal a lui-même donné sa position, mais c'est une position qui va servir, je veux dire, pour lancer le débat, pour favoriser le débat au sein de la plénière. Malgré tout, quand on regarde tout cela, force est de reconnaître qu'on n'a pas une idée précise de ce qui va ressortir de cela. Il y a encore beaucoup qui reste à décider.

Ceci étant dit, ça ne nous empêche pas de chercher à comprendre comment on est arrivés à la situation actuelle, c'est-à-dire profiter des débats et des prises de position des débats pour chercher à comprendre où on est rendus maintenant, et, deuxièmement, de poser un regard critique sur le résultat actuel, ce que nous avons. Ce n'est pas définitif, on le sait, il y a beaucoup de choses qui peuvent changer, mais au moins on a deux textes, et on peut les comparer, et on peut chercher à se faire une idée de la situation.

Alors, très rapidement donc, je vais passer en revue par grands blocs les principales dispositions de la convention pour vous donner ma compréhension du résultat et exprimer un point de vue critique sur le résultat. Alors, dans le premier grand bloc, vous aviez les articles 1, 2, 3, 4 qui portaient sur les objectifs, les principes, la portée et les définitions, et ça, ça a pris beaucoup de temps dans l'ensemble de la négociation. Les premiers jours ont porté uniquement... les deux premiers jours ont porté pratiquement uniquement sur les articles 1 et 2, et il y a eu énormément de débats de procédure pendant ces deux jours. Et je pense que la question procédurale, les questions procédurales vont continuer à avoir un impact.

Mais, sur donc les éléments essentiels de ce bloc, sur les objectifs, là, si on laisse de côté les questions transversales, sur lesquelles je vais revenir... Les questions transversales, c'étaient les questions de langage, de concepts, qui portaient en particulier sur le mot «protection», sur le mot «biens et services culturels» et sur le mot «expressions culturelles». Ces trois expressions dès le début ont immédiatement posé des problèmes parce que dès le départ, dans le titre de la convention, il était dit «convention pour la protection de la diversité des contenus culturels et des expressions artistiques», mais certains voulaient qu'on change ça pour mettre «expressions culturelles». Et les États-Unis en particulier ne voulaient pas avoir du mot «protection» dans cette définition et dès le départ ils ont demandé de mettre entre crochets le mot «protection». Et vous voyez comment les accrochages se sont faits assez rapidement. C'était à peine lancé que déjà on avait un problème.

n(12 heures)n

«Protection», ensuite de ça, ça a été «expressions culturelles» et «biens et services culturels», des mots qui revenaient dans les définitions. «Biens et services» revenait dans les définitions, et «expressions culturelles» revenait dans les définitions. Et encore là ça a fait l'objet de discussions. Mais chaque fois c'était essentiellement la même idée qui ressortait. Ce qui préoccupait un certain nombre d'États et, je dirais, la minorité ? je vais parler de la minorité et de la majorité, mais la minorité, évidemment vous savez qui ils sont, on les a mentionnés tout à l'heure, précédemment ? alors, pour la minorité, le problème, c'est que, dans l'utilisation de certains termes, il y a une connotation économique et que, derrière donc ces termes, ils voient une volonté de régler certains problèmes économiques dans le cadre d'une convention culturelle, et c'est pourquoi ils s'objectent, et ils s'objectent assez fortement à l'utilisation de ces termes.

Donc, sur la terminologie, pendant toute la discussion sur les blocs des articles 1, 2, 3, 4, il y a eu beaucoup de temps de passé là-dessus. Mais, sur le fond, malgré tout, on peut dire que, si on fait abstraction de ces questions, les éléments essentiels reviennent. L'objectif de reconnaître la souveraineté, le droit souverain des États d'intervenir... est reconnu. Ensuite de ça, il y a d'autres objectifs en matière de coopération pour le développement, enfin toute une série de choses qui sont reconnues et qui dans le fond ne posent pas problème.

En ce qui concerne les principes, ça a été un peu la même chose, discussions sur la terminologie, puis ensuite on est arrivés à un débat qui s'est déroulé plus rapidement sur les principes eux-mêmes. Je vais simplement mentionner un problème qui me frappe aussi ? parce que Garry Neil l'a mentionné ? le principe sur la balance et l'équilibre, la nécessité, lorsqu'on prend des mesures, on adopte des mesures avec le développement des expressions culturelles, de conserver à l'esprit le besoin de maintenir une balance, une ouverture aux autres cultures. Alors, ce principe-là, qui était, dans la version antérieure, exprimé de façon positive et directe comme étant une obligation, maintenant est exprimé au conditionnel, c'est-à-dire «devrait», dans un monde idéal. Alors, c'est assez important parce que toute la convention d'une certaine façon repose sur, d'une part, l'affirmation du droit souverain des États et, d'autre part, sur cette ouverture aux autres cultures.

Et il y avait une obligation d'ouverture. Maintenant, cette obligation d'ouverture n'est plus une obligation stricte. Et on peut se poser la question, là: Est-ce qu'il y a donc possibilité d'utiliser le règlement des différends, dans ces circonstances? Parce que, s'il y a un endroit, dans le fonctionnement de la convention, où on pouvait imaginer qu'il était pertinent d'utiliser le règlement des différends, c'était bien celui-là. Si un État se fermait sur lui-même avec ses politiques, on pouvait à la limite alléguer qu'il ne respectait pas son engagement d'ouverture. Alors, maintenant, il y a un peu un problème, il y a comme un flou qui s'est instauré, et, moi, je pense que ce n'est pas une situation souhaitable. Si on veut avoir une convention qui soit solide, il faut que les fondations mêmes de la convention soient claires. Donc, là-dessus, je pense qu'il y a un problème, à mon point de vue, en tous les cas.

En ce qui concerne ensuite la portée de la convention, ça, c'est une seule disposition assez courte, mais là encore le problème... On avait une disposition qui parlait des mesures relatives nécessaires concernant la protection, la préservation de la diversité des expressions culturelles, et maintenant on parle de toute politique ayant un impact sur les mesures visant la protection, la préservation. Donc, «impact» évidemment était beaucoup plus large, mais en même temps «impact» peut poser un problème d'une certaine façon parce qu'«impact» veut dire que n'importe quelle politique, politique d'immigration, politique commerciale, générale, etc., peut à la limite avoir un impact sur la culture. Donc, ça pose le problème de savoir où s'arrête le rôle ou la fonction de la convention. Est-ce qu'elle doit revoir toutes les politiques commerciales, toutes les politiques d'immigration, toutes les politiques dans d'autres secteurs qui pourraient avoir un impact? Et là évidemment je pense que, pour certains États, ceci était problématique. Et d'une certaine façon la nouvelle situation, celle que l'on retrouve maintenant...

Dans le rapport Asmal, c'est un «retour à... concernant». Et je pense que le rapport Asmal tient compte du risque qu'il pourrait y avoir à élargir de façon... sans limites pratiquement la portée de la convention. Mais en tout cas ce que je crois, c'est qu'il y a eu des pressions. Il y a une conviction que, pour les États, ceci serait difficilement acceptable. Mais, pour bon nombre de pays, je pense, c'était une chose qui devait être réglée. Et il va donc y avoir une bataille, je pense, sur cette question-là. Ça va revenir.

En ce qui concerne les obligations, maintenant, c'est le deuxième bloc ? je vais y aller rapidement ? article 5, c'est l'affirmation du droit souverain. Article 6, ce qui est peut-être le plus important, qui lui aussi est un peu au coeur du débat autour de la convention, c'est la question du type de mesures qui peuvent être prises. Alors, il n'y a pas une liste exhaustive qui est fournie, mais il y a certaines choses qui sont mentionnées. Et je pense qu'en fait tout le débat a porté sur ce qui était l'article 6.2a dans le texte composite et qui est 6.2b dans l'autre texte.

En réalité, là, on a l'essentiel de ce qui est, pour les Américains et pour les autres États qui sont opposés à cette disposition... c'est l'exemple parfait d'une disposition, dans l'accord, qu'ils considèrent dangereuse. Et là ils ont eu la possibilité de discuter en long et en large. Mais assez curieusement ça n'a pas été si long que ça, le débat, parce que la majorité s'est rapidement enlignée sur le texte original et a décidé que c'était ce texte-là qui allait passer. Et donc le comité de rédaction, lorsqu'il a été aux prises avec ça, a dû faire avec et accepter que ça demeure tel quel parce que la majorité très nettement s'était imposée sur cette question.

Pour ce qui est des articles suivants, en ce qui concerne les obligations, l'article 7, c'étaient les obligations générales imposées aux États de promouvoir, et développer, et protéger la culture sur leur territoire. Dans le texte original des experts indépendants, je dois vous avouer que le texte était d'une rigueur et d'une... extrêmement exigeant au niveau de ces obligations. Ceci allait... Je pense que le problème qu'il y avait derrière cet article, c'est que peu de pays en développement en réalité auraient été capables de donner suite à cette disposition parce qu'ils n'avaient tout simplement pas les moyens de le faire, dans bien des cas.

Par contre, on a donc eu un retrait très significatif du niveau d'engagement, dans tout cet article 7 en particulier. Et pour moi la seule façon de compenser ce retrait de... ce niveau de... le fait qu'on a un niveau d'engagement moindre, c'est d'insister maintenant sur le suivi des engagements. Et le suivi des engagements, dans une convention, ça peut être important. C'est la façon pour... Lorsqu'on crée le suivi lié aux organes que l'on met en place, une assemblée des parties et, deuxièmement, un comité intergouvernemental, et le comité intergouvernemental en particulier, lui, doit avoir la fonction de voir dans quelle mesure les États respectent ou font ce qu'ils peuvent pour mettre en oeuvre les engagements qu'ils ont pris et les accompagner dans la réalisation de leurs engagements. Il ne s'agit pas de les sanctionner nécessairement, mais de les accompagner et de faire en sorte que, s'il y a des problèmes, on puisse en prendre connaissance et les aider à résoudre ces problèmes. Alors, pour moi, une partie du caractère contraignant de la convention passe effectivement par le mécanisme de suivi et l'importance qu'il portera au respect des engagements.

Pour les autres dispositions, je vais simplement mentionner, en terminant, le fameux article 19. Je pourrai revenir sur le règlement des différends, si vous voulez, ça me fera plaisir. Pour ce qui est de l'article 19, nous avons maintenant une formulation qui est un peu inspirée d'une proposition dans le rapport Asmal, une formulation qui est un peu inspirée de la proposition de l'Union européenne. Si on regarde bien, il y a des éléments qui sont pratiquement tirés de la proposition européenne. Je pense que de façon générale les éléments essentiels de non-subordination, en tout cas ce qu'il était absolument capital de voir dans cette disposition, l'idée de non-subordination, se retrouve là. Il y a aussi une idée de complémentarité qui est mentionnée. Elle a été mentionnée auparavant par l'Union européenne, mais il faudra voir dans quelle mesure ceci est accepté par les autres États. Alors, j'arrête ici, M. le Président.

Le Président (M. Boulerice): Je vous remercie, Pr Bernier. Je vais demander immédiatement aux membres de la commission leur consentement pour poursuivre au-delà de 12 h 30. Consentement?

Des voix: Consentement.

Le Président (M. Boulerice): Merci. La parole est à un ou une intervenante de la partie ministérielle. M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: Parfait. Bien, d'abord, bienvenue, M. Bernier. C'est toujours agréable de se rencontrer. On est rendus qu'on se rencontre sur une base régulière, sur le même sujet toutefois.

Dites, concernant le règlement des différends, la demande est conjointe... c'est-à-dire 3b, 25.3b: «À la demande conjointe des parties, la soumission du différend à la Cour internationale de justice», on pense, quoi, à la Cour de La Haye?

M. Bernier (Ivan): Pardon?

M. Chagnon: Cour de La Haye?

M. Bernier (Ivan): Oui, oui.

n(12 h 10)n

M. Chagnon: Je cherchais à comprendre quel tribunal. Mais ça, c'est nouveau, ça.

M. Bernier (Ivan): Ça faisait partie de certaines propositions. Ça se retrouvait dans le texte des experts indépendants déjà, la référence à la Cour internationale de justice.

M. Chagnon: Mais ça, c'était repris par Asmal. C'était repris par Asmal.

M. Bernier (Ivan): Oui, oui, Asmal fait exactement... il maintient exactement le même texte.

M. Chagnon: O.K. Il reprend le même texte. O.K. Alors, ce dernier texte d'Asmal, on l'a eu quand, finalement?

M. Bernier (Ivan): Je veux dire, de façon publique, il a été rendu disponible sur le site de l'UNESCO. Lorsqu'on regarde sur Conseil exécutif et Documents... Information ? je pense, c'est Information ? et vous allez sur le site, et vous l'avez dans les deux langues effectivement, en français et en anglais.

M. Chagnon: ...

M. Bernier (Ivan): Ça, oui. Quand? Oh, ça fait à peu près trois semaines, deux semaines, trois semaines maximum.

M. Chagnon: S'il y en a un qui était attendu, là, quand on s'est rencontrés la dernière fois. C'est celui-là.

M. Bernier (Ivan): Oui. Oui, oui.

M. Chagnon: Merci.

Le Président (M. Boulerice): M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Moreau: Merci, M. le Président. Pr Bernier, je suis heureux de vous retrouver. C'est toujours intéressant de vous entendre. Et, moi, j'ai une question qui a peut-être une portée large. Vous allez dire que... Je lis, dans le rapport préliminaire du directeur général, dans ses toutes premières notes d'introduction, et il relate le contexte et, au paragraphe 3°, il dit... Bon. Il rappelle le contexte de la mondialisation, etc. Il dit: C'est dans ce contexte que les États membres vont souhaiter «élaborer un instrument normatif contraignant sur la diversité culturelle». Bon.

Quand on regarde dans le texte composite, je pense qu'un des articles très importants, vous l'avez souligné, c'est l'article 6, là, 6.2b, puis qu'on voit tout ce qui est entre crochets... D'ailleurs, ce n'est peut-être pas si mal, parce que je regardais dans le paragraphe... en fait dans le premier alinéa du paragraphe 6, si on enlève les mots entre crochets, ça fait encore une phrase qui peut être contraignante parce qu'on dit: «Dans le cadre de ses politiques culturelles telles que décrites à 4.7 et compte tenu des circonstances et des besoins qui lui sont propres ? et là je saute ce qui est entre crochets ? chaque ? bien, là, il reste ? État ou partie adopte les mesures destinées à promouvoir la diversité sur son territoire.» Il restera à mettre «culturel». Déjà là, si on cessait les discussions et qu'on pouvait s'entendre sur une expression qui serait «la diversité culturelle», déjà on aurait un outil contraignant. Et on voit, à b, donc: «Les mesures peuvent inclure les mesures qui visent à fournir aux industries culturelles nationales indépendantes un accès effectif aux moyens de production, de diffusion et de distribution.» Bon.

Ma collègue la députée de Bellechasse disait qu'on garde un optimisme prudent. Mais la question que je me pose est la suivante. J'entendais M. Neil qui dit: Bon, on pense qu'il est peu susceptible de voir les États-Unis adhérer à la convention. On voit qu'il y a encore énormément d'expressions et de mots qui sont sous discussion ou qui demandent des analyses plus approfondies selon les expressions utilisées dans les notes infrapaginales. Entre pas de convention du tout plutôt qu'une convention négociée très difficilement et à rabais qui serait peu contraignante, qui irait à l'encontre de l'intention manifestée et rappelée dans le préambule du rapport du directeur général et d'une convention où les États-Unis, qui finalement, si on le regarde même dans le contexte mondial, sont les plus impérialistes en termes de risque sur la diversité culturelle des autres États, des autres pays, est-ce qu'on ne serait pas mieux finalement de dire: Bon, bien, très bien, on a essayé, et on continuera à adopter une attitude nationale qui est une attitude de protection parce qu'il n'y aura pas de convention qui ailleurs va nous empêcher d'adopter des mesures proactives pour protéger la diversité culturelle sur les territoires nationaux?

M. Bernier (Ivan): Bien, je pense qu'effectivement ça pourrait être une décision que l'on ait à prendre à certains moments dans la négociation. Si on avait carrément... si, moi, en tout cas je regardais un texte qui m'apparaissait absolument inacceptable, bien je dirais: Ce n'est pas bon. Et il faut éviter de... Un mauvais texte est peut-être pire que pas de texte du tout.

Mais par contre il faut savoir où se tracer la ligne, c'est-à-dire: À quel moment est-ce qu'on peut dire qu'un texte ne joue pas son rôle, ne peut pas aider à régler une question? Et je pense que pour le moment la plupart des gouvernements... et je ne dis pas «tous», là, certains pourraient accepter très facilement qu'il n'y ait pas de convention, et certains à la limite seraient contents aussi parce qu'il y a une autre solution qui pourrait s'offrir, ce serait de retarder, de dire: Ce n'est pas encore mûr, et donc on remet ça à 2007. Dans la stratégie qui va devoir se décider, il se pourrait, à mon sens, en tout cas, qu'on ait cette hypothèse soulevée, de dire: Ah, là, ça ne marche pas, vraiment on va trop vite, on n'est pas capables de faire les consensus qu'il faut, pourquoi on ne prend pas le temps de retravailler ça jusqu'à 2007? C'est une chose qui pourrait se produire. Donc, il faut la conserver à l'esprit.

Mais, avant d'en arriver là, je pense qu'il faut aussi se poser la question: Qu'est-ce qu'on cherche à faire avec cette convention? Est-ce qu'on veut arriver à contraindre les États à respecter leurs engagements sous peine de sanction, avec un mécanisme de règlement absolument contraignant, ou est-ce qu'on veut plutôt inciter graduellement les États à prendre conscience de la nécessité d'intervenir et d'agir pour protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles, prendre les mesures qui sont exigées pour y arriver en sachant que, dans la convention, il y a une disposition qui dit: Bien, vous avez le droit souverain d'agir? Vous avez le droit, mais vous avez aussi l'obligation.

Alors, toutes ces choses-là finalement créent quand même une certaine pression pour que l'on agisse. Mais ça fait plus que de créer des pressions, ça crée un cadre. La convention avec ses organes, l'Assemblée et le comité intergouvernemental, deviennent un lieu de discussion pour aborder des questions. Et il ne faut pas... Simplement pour donner une idée, le comité intergouvernemental peut créer des sous-comités et il peut décider que telle question mérite d'être approfondie, demander un rapport sur telle question, et on peut arriver à toutes sortes de choses, et c'est de cette façon finalement qu'on peut faire progresser les choses. Ça devient un instrument même au plan politique, mais un instrument permanent d'action. Et, si on perd cet instrument permanent d'action parce qu'on décide qu'il n'y a pas de vraie convention, il faudra que ça vaille la peine, il faudra que ce soit parce que ce n'est vraiment pas la bonne chose.

M. Moreau: Mais je comprends bien que, sur le plan de la promotion, la promotion de la diversité culturelle, il y a un intérêt à avoir un accord international de haut niveau parce que, au niveau de la diffusion, au niveau du rayonnement de la culture et de la diversité des cultures, ça devient un forum de dispersion. Mais, sur le plan de la protection ? et je reviens à la question ? sur le plan de la protection, si finalement les trous dans le fromage sont tellement importants qu'il n'y a plus de substance, est-ce que... Quelle serait la situation d'un État national, en l'absence de convention, quant à sa capacité de mettre en oeuvre ou de continuer de mettre en oeuvre des moyens de protection de sa diversité culturelle? Alors, on pense à l'imposition des quotas, on pense à l'aide financière gouvernementale, etc.

M. Bernier (Ivan): Actuellement, ce serait fonction des engagements que lui-même a pris, c'est-à-dire que, pour un pays qui n'a pris aucun engagement en matière d'audiovisuel, par exemple, il est relativement libre, pour tout ce qui est service audiovisuel, de faire ce qu'il veut, à moins qu'il ait pris, en matière d'investissement par exemple, des engagements qui indirectement viennent affecter sa capacité de discriminer au plan du traitement national dans le secteur audiovisuel. Là, il pourrait y avoir...

M. Moreau: Pour les fins de notre commission, la situation québécoise et canadienne en ce sens-là, au plan de la protection, ne serait pas compromise. C'est ce que je comprends?

M. Bernier (Ivan): Elle ne serait pas compromise, mais elle serait constamment sous pression, parce que les négociations reviennent aux cinq ans, c'est récurrent, ces choses-là, et la pression va toujours revenir pour éliminer des choses. Et ce que l'on voit maintenant aussi, avec la multiplication des accords bilatéraux, en particulier avec les États-Unis, ce sont des pressions justement pour aller toujours plus loin.

Un des éléments caractéristiques, par exemple, des accords de libre-échange des États-Unis, c'est le fait qu'au lieu de partir d'une procédure de négociation où on n'a pas aucun engagement sauf ceux que l'on a pris ? alors, on part d'en bas puis graduellement on prend les engagements ? les États-Unis, eux, renversent la procédure, ils disent: Au point de départ, on est totalement engagés, sauf dans les secteurs où on a pris des réserves. Et là, si vous voulez avoir des réserves, il faut discuter. Alors, pour tous les pays en développement qui ont signé maintenant avec les États-Unis, c'est ça, la formule: ils sont totalement engagés, sauf là où ils ont pris des réserves. D'où l'importance absolue de voir ce qu'ils mettent dans les réserves. Moi, j'ai eu à plusieurs reprises l'occasion de parler avec des gens qui demandaient d'examiner des formulations pour voir si ça pouvait tenir la route.

n(12 h 20)n

M. Moreau: Tantôt, M. Neil indiquait ? je pense que c'est M. Neil qui l'indiquait ? que, bon, pour la première fois, l'industrie cinématographique américaine a vu ses revenus à l'étranger plus importants que les revenus domestiques. Est-ce que cette situation-là ne devient pas un élément de contrainte à l'encontre des États-Unis pour forcer la négociation? Parce que, s'il y a des mesures de protection, qui seraient des mesures de repli finalement en l'absence de convention, ça pourrait heurter directement l'industrie américaine, l'industrie culturelle américaine.

M. Bernier (Ivan): Vous avez raison, mais il faut faire une précision. Actuellement, les Américains, dans les accords qu'ils ont signés, n'ont pas... ont accepté de reconnaître des quotas existants de l'Australie, du Chili, Singapour, ils l'ont fait, mais, attention, uniquement dans le domaine de la télévision conventionnelle, ce qui est par ondes hertziennes. Pour tout ce qui est maintenant numérique... et c'est là effectivement la stratégie américaine, c'est du côté du numérique qu'ils veulent pouvoir pénétrer partout, sans aucune limite, parce que, pour eux, le cinéma aussi bien que la télévision, ce sera numérique, même la télévision, mais le cinéma, ça s'en vient assez rapidement. Et, si vous regardez sur le site du Motion Picture Association, vous allez voir que, pour eux, il y a une planification: Dans deux, trois ans, ça y est, on procède par numérique, et maintenant ne mettez pas de barrières, hein? C'est là que ça va se passer. Et c'est donc ça, en partie, la stratégie.

Le Président (M. Boulerice): Il vous reste deux minutes, madame, je vous les offre.

Mme Vien: Si j'ai bien compris, M. Neil tout à l'heure disait qu'il allait essayer d'évangéliser justement, la semaine prochaine, pour aller convaincre les États-Unis ? vous me direz si j'ai mal compris ? pour tenter de convaincre les États-Unis et de leur dire finalement: Bien, écoutez, vous aussi vous avez certainement quelque chose à gagner dans cette convention. Est-ce que c'est une bonne voie empruntée que celle-là? Quels sont ces bénéfices justement que les États-Unis d'Amérique pourraient gagner à l'intérieur d'une telle convention?

M. Bernier (Ivan): Je pense, moi, que, s'ils regardaient attentivement ce qui se passe au plan des négociations commerciales, ils se rendraient compte qu'il y a une résistance croissante à un certain nombre des ces phénomènes, là, de mondialisation puis de pression pour aller toujours plus loin en matière de libéralisation des échanges. On a à peine fini de digérer certaines mesures de libéralisation que déjà il faut repartir puis en négocier d'autres. Le résultat, c'est que ces négociations traînent de plus en plus longtemps. On est déjà complètement hors délai par rapport à ce qui était prévu.

Et on peut se demander pourquoi c'est comme ça. Bien, c'est justement parce que la capacité des sociétés, aux plans sociologique et anthropologique, d'assimiler tous ces changements devient, à un moment donné, restreinte, et là ça ralentit. Et donc, s'ils voyaient plus clair et ils voyaient l'importance de laisser les communautés s'exprimer, discuter et se faire une idée des changements qui sont requis pour l'évolution de la société à travers tout ce débat qui est favorisé par les producteurs culturels, peut-être qu'ils verraient un intérêt à laisser... en tout cas à agir positivement en faveur de la convention. Mais le discours, aux États-Unis...

Je lisais encore hier un texte qui provenait des négociateurs eux-mêmes, et c'est incroyable, c'est tellement des clichés sur un certain nombre de choses qu'on se demande: Mais ça ne se peut pas, pourquoi est-ce qu'ils pensent comme ça? C'est constamment des choses du genre... des gens qui sont fermés, qui veulent se fermer sur les autres, qui veulent restreindre les échanges, qui veulent brimer la liberté d'expression, etc. Mais ça n'a rien à voir avec la convention.

Heureusement, jusqu'à date, ces arguments-là ne seront pas sortis parce que... Et je pense qu'heureusement aussi plusieurs États étaient prêts à répondre à ces choses-là. Mais, ceci étant dit, c'est problématique. Et, moi, ma réponse en tout cas irait plutôt dans ce sens-là. Mais, quand ils vont réaliser eux-mêmes... Parce qu'eux-mêmes aussi vont avoir des problèmes. Et donc, avec le temps, peut-être qu'ils arriveront à mieux comprendre. Pour le moment, ce n'est pas évident.

Le Président (M. Boulerice): Merci. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger: Merci, M. le Président. J'ai trois questions qui peuvent être interreliées, là. La première évidemment était particulièrement sur l'impact de la non-signature des États-Unis ou du front Australie? Japon?États-Unis; vous y avez répondu. Par contre, vous avez dit... Une sous-question que je pourrais vous demander, c'est: Est-ce que le consensus est quand même possible? Si ce n'est pas cette année, est-ce que plus tard il peut y avoir un consensus? Est-ce que c'est probable? Cette question-là, la réponse que vous pouvez apporter ou qui peut s'apporter un peu permettrait peut-être une meilleure stratégie, là, pour la suite des choses.

La deuxième question: Est-ce que la voix du Québec et du Canada, elle est porteuse dans ces débats-là et ces discussions-là? Est-ce qu'il y a une influence certaine dans l'ensemble du dossier de la diversité?

Ma troisième question: Est-ce qu'il y a d'autres professeurs comme vous qui s'intéressent à la question? Parce que c'est suite au député de Westmount qui s'intéressait sur la suite des choses et l'influence qu'on peut y avoir. Est-ce que, dans vos réseaux, dans les réseaux des professeurs comme vous, est-ce que c'est un sujet qui les préoccupe? Est-ce qu'il y a une influence avec vos pairs dans le reste du monde?

M. Bernier (Ivan): Merci. Alors, je vais reprendre rapidement chacune des trois questions. Est-ce qu'un consensus est possible? Je pense que la règle du consensus joue encore un rôle important dans l'UNESCO, et ils vont chercher, dans la mesure du possible, à réaliser un consensus. Les États en parlent toujours lorsqu'ils discutent, ils disent: C'est important de réaliser un consensus, etc. Mais à l'heure actuelle la distance est encore grande entre ce que j'appellerais la minorité et la majorité sur un certain nombre de points, et toute la question est de savoir: De quelle façon y aura-t-il une négociation réelle... peut-il y avoir une négociation réelle qui mènerait à un consensus?

Alors, dans les faits, pour le moment, ça a été des prises de position mais sans qu'il y ait eu de... beaucoup... Il y a eu, et dans quelques cas, peut-être une tentative de développer des logiques qui permettraient de construire des ponts. Mais je pense que, pour y arriver, il va falloir, en particulier du côté de la minorité, qu'ils acceptent de sortir d'une position de repli. C'est vraiment une position de repli, c'est une bataille sur des mots, sur ceci, sur des articles, sur des blocs d'articles, à la limite. Pendant un certain temps, le règlement des différends et le suivi, ce n'était pas important. Dans les premières remarques des États-Unis et du Japon, là, on ne voulait pas du règlement des différends ni de suivi, même. Alors, vous voyez qu'on était loin. Mais, s'il y a une possibilité de rapprochement, je pense que ce sera uniquement parce qu'on acceptera de voir différemment les choses. Et ça, c'est un changement de façon de concevoir la convention.

Qu'est-ce que fait la convention? La convention, elle n'est pas là pour bâtir, créer du protectionnisme, et ça, tous les États l'ont reconnu, elle est là pour construire un instrument en faveur de l'expression culturelle et pour offrir à toutes les cultures et aux individus qui veulent s'exprimer culturellement la possibilité de s'exprimer, d'avoir leur voix. On parle beaucoup de dialogue interculturel, mais, pour avoir un dialogue interculturel, il faut que chacun ait sa propre voix, au départ. Et ça, je pense qu'il faut que ce soit compris, ça fait partie des éléments de base d'une négociation sur cette convention.

Ensuite, pour ce qui est de la voix du Canada et du Québec, ce que je peux vous dire, c'est que, pour avoir été présent, et avoir travaillé effectivement avec les deux niveaux de gouvernement, et avoir été présent, encore une fois, la dernière fois, à Paris, il y a vraiment... il y a une influence qui se fait, qui joue. J'ai pu aller, par exemple, à des rencontres, invité par l'ambassadrice du Maroc à l'UNESCO, où il y avait d'autres personnes, mais j'étais là, et il y avait aussi d'autres représentants, il y avait Luc Bergeron qui était invité également, et manifestement c'était un peu pour prendre le pouls, voir comment on réagissait. Donc, je pense qu'il y a une influence. Et, entre autres, une chose aussi simple que la chronique du ministère de la Culture sur la diversité culturelle est une chose dont on nous parle très souvent, très souvent comme étant une chose utile et qui influence souvent les gens dans différents pays.

n(12 h 30)n

Et, pour les autres professeurs, il y en a un certain nombre ? ce ne serait pas à moi de dire ça ? il y en a un certain nombre qui s'intéressent à ces questions, un nombre croissant qui s'intéressent à ces questions mais qui viennent d'origines disciplinaires différentes, c'est-à-dire qui viennent de sociologie parfois, de sciences politiques. Et, si on pense en particulier que, dans ce cas, il y a le droit, et le droit international en particulier, et l'économique joue un rôle important, ce n'est pas tout le monde qui a nécessairement un arrière-plan, là, dans ces deux disciplines. Donc, ça fait des capacités d'intervention différentes. Et je peux vous dire qu'au niveau du groupe d'experts indépendants j'ai découvert des personnes fort intéressantes, qui n'arrivaient peut-être pas très préparées, mais qui avaient une bonne capacité, un bon jugement, et qui ont joué un rôle utile dans le fonctionnement du groupe d'experts indépendants.

Le Président (M. Boulerice): M. le député de Mercier.

M. Turp: M. Bernier, merci beaucoup d'être à nouveau avec nous. Et on a en main un texte ? ou des textes, comme vous l'avez souligné ? dans lequel il faut se retrouver. Je vais avoir trois courtes questions, mais je pense que c'est des questions qui vont permettre d'éclairer les travaux de la commission.

L'article 20, dans l'état actuel, avec l'influence qu'a eue l'Union européenne sur la rédaction de la version Asmal de l'article 20, est-il satisfaisant? Ma première question.

Deuxième question. Le texte Asmal reprend à peu près mot pour mot, article... ou paragraphe par paragraphe l'avant-projet, sur le règlement des différends. Je pense qu'il n'y a rien qui a changé, ça n'a pas bougé du tout. Et, dans le texte consolidé, la note laisse entendre que l'article 24 et ses deux annexes 3 et 4 restent à examiner ultérieurement, donc, j'imagine, à la prochaine réunion intergouvernementale. Qu'y a-t-il à examiner? Est-ce qu'il y a quelque chose à examiner ou est-ce que c'est figé dans le béton, cette procédure de règlement des différends où il n'y a pas d'arbitrage obligatoire, il n'y a pas de décision obligatoire, il n'y a qu'une conciliation finalement qui donne lieu à un rapport que les États devront examiner de bonne foi? Alors, peut-être, ça vous permettra de dire s'il y a des progrès à faire sur le règlement des différends.

Puis, ma troisième question, c'est: Si, le texte du projet de convention, c'était le projet de convention de M. Asmal, qui est sans crochet, là, est-ce que c'est un texte qui serait acceptable?

M. Bernier (Ivan): Alors, pour ce qui est de l'article 19, sur les liens avec les autres instruments internationaux, je pense que la disposition dans le texte Asmal pourrait être acceptable. Mais, moi, j'aurais préféré que l'on parle carrément de non-subordination, et je pense que c'étaient les termes qui étaient utilisés dans d'autres... que l'on prévoit utiliser certainement, nous, le Canada et le Québec. Et je pense que ce serait encore quelque chose à demander, que l'on maintienne cette terminologie, qui est plus claire que celle qui est utilisée, en tout cas qui parle plus. Pour quelqu'un qui n'est pas juriste, dire «non-subordination», bien ça dit quelque chose, plus que peut-être la formule qu'ils ont, une formule inversée. Ensuite, la deuxième chose... Donc, j'accepterais, mais à cette condition en tout cas que l'on soit plus précis.

J'aime bien la reprise du texte qui parle de: on doit conserver à l'esprit les questions de préservation de la diversité des expressions culturelles dans l'application, l'interprétation, mais ils ont rajouté la négociation, et ça, j'aime bien aussi, parce que, dans le texte précédent, il n'était pas mentionné «la négociation», alors que là on a rajouté «négociation», et ça, je pense que c'est quelque chose. Dans le texte de l'Union européenne, ils n'avaient pas «négociation». Asmal a rajouté «négociation».

M. Turp: ...dans le texte Asmal, il n'est pas là. Dans le paragraphe 2, article 20, paragraphe 2, le mot «négociation», je ne le vois pas. Peut-être que dans le...

M. Bernier (Ivan):«Souscrivent»? «Lorsqu'elles souscrivent des engagements...»

M. Turp: Non, c'est: «Lorsqu'elles interprètent et appliquent d'autres instruments ou lorsqu'elles souscrivent...»

M. Bernier (Ivan): Des engagements.

M. Turp: Est-ce que, ça, ça comprend... Oui? O.K.

M. Bernier (Ivan): Bien, c'est-à-dire, souscrire des engagements, c'est participer à une négociation ou s'engager. C'est ce que je veux dire en tout cas: lorsqu'ils s'engagent soit dans une négociation ou dans un autre contexte. Ça, ce n'était pas là. Donc, j'aime bien cette formulation.

M. Turp: O.K. Donc, il faudrait que ça reste?

M. Bernier (Ivan): Moi, je voudrais que ça reste, oui. Je souhaiterais... Alors, je pense, ça fait partie... Si vous me demandez ce que je pense du texte Asmal, ça explique un peu pourquoi je suis en faveur.

Ensuite de ça, pour ce qui est de l'article 24, alors là, à l'article 24, je pense que, lorsqu'on regarde l'ensemble de la négociation, on se rend compte qu'il y avait un premier problème qui n'était pas... qui était loin... Il y a deux problèmes qui doivent être abordés dans l'ordre. Le premier, c'est de savoir: Est-ce qu'il doit y avoir un mécanisme de règlement des différends? Parce que, comme Garry Neil l'a dit, ce n'est pas nécessairement évident. Et même le président Asmal, à un moment donné, a laissé entendre que, bon, on pourra peut-être...

Et là, la grande question qui va se poser, c'est: Quelles sont les obligations qu'on va vraiment avoir et qui vont permettre d'aller en règlement des différends parce qu'il y a une obligation stricte? Bien, il n'y en a pas beaucoup. En réalité, il n'y en a pas si... Même avec l'article 5.1, ce n'est plus aussi évident que... enfin, et le principe, le renvoi au principe sur l'ouverture, ce n'est plus aussi évident, comme je le mentionnais tout à l'heure, qu'il y a une obligation stricte. Donc, il y a un problème, là. Il va falloir être prêt à aborder, discuter ces choses-là. Si on veut un mécanisme de règlement des différends, évidemment ça doit avoir un lien avec le niveau d'engagement que l'on retrouve dans la convention.

Donc, première question: Est-ce qu'il doit y avoir... Ma réponse à ça, moi, c'est: Oui, il doit y avoir un mécanisme de règlement des différends, tout simplement parce que, si on n'offre pas la possibilité d'avoir un tel mécanisme, ça veut dire qu'on va devoir aller ailleurs pour trouver des réponses à des problèmes qui sont à la base culturels et qui pourraient trouver une réponse appropriée dans un contexte culturel et constituer aussi la base d'une jurisprudence dans le domaine... à cet égard-là. Mais, si on se prive de cette possibilité, on ne fait qu'ouvrir la porte à un renvoi au niveau commercial, ce qui m'apparaîtrait une mauvaise solution.

Ensuite, en ce qui concerne l'article 24, la deuxième question, c'est celle du type de mécanisme adopté. Alors là, la ligne de démarcation est aussi assez connue, c'est: Est-ce qu'il doit y avoir un mécanisme qui est contraignant, à la demande d'une seule partie, c'est-à-dire qu'une seule partie peut demander l'arbitrage et que l'arbitrage soit obligatoire et accompagné de sanctions, si on veut, un mécanisme identique à celui de l'OMC? Mais la transposition du système de l'OMC dans le système de l'UNESCO n'est pas aussi facile parce que ce qui fait évidemment la force du mécanisme de règlement des différends de l'OMC, c'est la possibilité d'utiliser des sanctions commerciales, mais là, si vous transposez ça dans le secteur culturel, je veux dire, ça ne rime plus, là, ça ne veut plus rien dire.

Donc, il y a une solution qui avait été mentionnée, à un moment donné, de refuser de mettre en oeuvre des mesures dans le domaine de la protection des droits... les droits de propriété intellectuelle, c'est-à-dire: Si on ne respecte pas un engagement, on ne protégera pas les droits de propriété intellectuelle. Mais, pour moi, c'est absurde, ça aussi, ça ne peut pas tenir la route. Donc, il y a un problème là.

Mais le problème véritable, je pense, c'est, et on l'a dit tout à l'heure... il n'y a pas une volonté, à l'heure actuelle, c'est assez clair qu'il n'y a pas une volonté dans la majorité des États, y compris, je dirais, au Canada, dans l'Union européenne. Les deux seuls États qui ont peut-être laissé entendre qu'ils seraient favorables à un système, d'après l'analyse des documents que j'ai pu faire, c'étaient l'Algérie et le Cameroun, puis c'était comme pas évident. Donc, je pense qu'on peut dire de façon générale qu'il n'y a pas de volonté pour avoir un système d'arbitrage obligatoire dans ce domaine-là, tout comme dans d'autres domaines, d'ailleurs, je veux dire, ce ne serait pas le seul domaine où on ne serait pas acquis à un système d'arbitrage obligatoire.

Par contre, ce qui devient important, dans ce contexte-là, c'est d'avoir un système suffisamment souple pour que les pays qui sont prêts à accepter volontairement l'arbitrage obligatoire s'engagent, s'engagent soit a priori ou s'engagent plus tard, à accepter d'avance un règlement obligatoire. Si on est convaincu, les États vont s'engager et peuvent le faire. Et éventuellement ce qui m'apparaît la chose la plus importante, c'est que l'on ait la possibilité d'avoir un rapport sur le différend qui fasse état d'une vision... d'un règlement culturel de ce différend et qui soit rendu public, pour servir ensuite de base à une jurisprudence qui pourrait se construire dans le temps.

M. Turp: La troisième question?

M. Bernier (Ivan): Troisième question?

M. Turp: Le texte, dans l'état actuel...

M. Bernier (Ivan): Asmal?

M. Turp: ...est-ce qu'on approuverait ça ou non?

M. Bernier (Ivan): Je pourrais aller assez loin, dans le texte... avec le texte Asmal, mais je pense qu'il y a encore des choses qui posent problème. Entre autres, on n'a pas abordé ça, mais il y a certaines choses, par exemple, la... On a mis de l'avant un nouveau concept d'activité culturelle, et ce concept d'activité culturelle, tel qu'il est défini ? parce que c'est une nouvelle définition ? à mon sens, ça pose un certain nombre de problèmes.

M. Chagnon: C'est pour ça, qu'il y avait un groupe de travail, au mois de mai puis au mois de juin.

n(12 h 40)n

Le Président (M. Boulerice): M. le député, M. le député de Westmount... Pr Bernier, je vous remercie de votre intervention, comme je remercie aussi celles et ceux qui vous ont précédés. Vous avez été fort instructifs, et je vois aussi que la passion vous anime tous, dans ce débat, débat qui anime aussi les députés de l'Assemblée nationale, ce qui me fait dire qu'il est dommage que cette commission n'ait pas été télédiffusée. La discussion que nous avons n'est pas québéco-québécoise, elle concerne l'humanité entière. C'était peut-être un bel exemple à montrer à nos compatriotes, comment les députés de l'Assemblée nationale du Québec sont sensibles à cette question qui est un enjeu mondial.

Remarques finales

Nous en sommes maintenant aux remarques finales. Je débuterai avec le député de Mercier, porte-parole de l'opposition pour la culture et les communications, pour une période de cinq minutes.

M. Daniel Turp

M. Turp: Bien, je sais que vous voulez qu'on soit bref, M. le Président...

Le Président (M. Boulerice): Bref et court.

M. Turp: ...et je le serai. Moi, j'ai beaucoup apprécié les interventions d'aujourd'hui, je pense qu'elles nous ont éclairés, autant celles des deux groupes, là, qui s'intéressent particulièrement à cette question, que de l'expert mondial qu'est le professeur Bernier, sur cette question-là. Juste pour mon information, il y a Hélène Ruiz Fabri, la professeure française. Puis comment s'appelle-t-il, le Français, là, un monsieur... qui était expert indépendant avec vous?

M. Bernier (Ivan): ...

M. Turp: C'est ça.

M. Bernier (Ivan): Non. Ce n'est pas un professeur.

M. Turp: Ce n'est pas un professeur. Mais, en tout cas...

M. Bernier (Ivan): C'est un haut fonctionnaire.

M. Turp: ...c'est un domaine...

M. Bernier (Ivan): Il a été ambassadeur à l'UNESCO.

M. Turp: C'est un domaine d'expertise, disons, en développement, c'est évident. Et je pense qu'on aura été, nous-mêmes, bien instruits. L'important, pour moi et, je crois, pour les députés de l'opposition officielle, c'est la suite des choses. Alors, la suite des choses, d'après notre mandat, c'est, à la lumière de ce que nous avons entendu, et de notre connaissance du dossier, puis des connaissances qui iront en s'accroissant, et à la lumière du texte et de la version française ? je tiens à remercier nos amis du ministère des Relations internationales de nous l'avoir fournie, aujourd'hui ? de formuler des vues.

Et le comité de travail, je crois, va tenir compte de ce qui a été dit ce matin et proposer aux membres de la commission un projet de vues préliminaires de la commission à l'intention du gouvernement et de la ministre de la Culture. Et je crois que l'on a prévu une autre réunion, ou en tout cas il y a une autre réunion qui est en voie d'être convoquée pour que soit examiné ce que pourraient être les vues de cette commission et de ses membres sur le projet préliminaire de convention. Et je crois que c'est très important que ce soit fait avant le 25 et avant que les représentants du gouvernement soient à Paris et expriment, au nom du gouvernement, les vues de l'État québécois sur cette question-là.

Je pense que nous avons du travail devant nous et qu'il sera important que le Parlement, à travers ses membres, exprime ses vues sur ce qu'il a entendu et sur ce que devrait être le contenu de cette convention-là.

Le Président (M. Boulerice): Je vous remercie, M. le député de Mercier. Mme la députée de Bellechasse.

Mme Dominique Vien

Mme Vien: Merci beaucoup, M. le Président. Évidemment, j'aimerais remercier M. Bernier et les gens qui l'ont précédé et qui nous ont beaucoup instruit, ce matin. Je pense que l'on savait à quel point on avait besoin justement de rencontrer ces gens-là, parce que, vous l'avez dit, M. le député de Mercier, ce n'est pas un champ facile, c'est un champ d'experts, ce n'est pas évident d'entrer dans ce domaine-là et de parler de diversité culturelle. Alors, ces gens-là sont venus nous dire dans leurs mots ce qu'ils en pensent actuellement de ces travaux-là. De venir aussi en même temps nous brosser l'état des lieux, c'était extrêmement intéressant. Il faudra voir évidemment, dans les jours qui viennent, les semaines qui viennent, de quelle façon effectivement on doit se reconnecter sur cette réalité de la diversité culturelle et où est-ce qu'on en est actuellement avec ce dossier-là.

J'aimerais reprendre les propos d'un de mes collègues tout à l'heure, en début de rencontre, qui disait: Écoutez, il y a un travail de pédagogie à faire. Et ça, je pense qu'il faut en être excessivement conscient. Nous, on en parle, les experts en parlent, certains initiés en parlent, mais, quand on discute avec des gens de la population, on ne sait pas de quoi on parle. La diversité culturelle n'est pas un terme qui est largement utilisé et largement compris dans le sens où, nous, nous le comprenons. Alors, je pense qu'on doit absolument utiliser toutes les tribunes pour expliquer ce qu'est la diversité culturelle. Et je me ferai, moi ? vous parliez d'évangélisation tantôt ? je me ferai un devoir d'utiliser...

Une voix: ...

Mme Vien: ...oui, d'utiliser une de ces tribunes justement, comme membre de la délégation de l'Assemblée nationale pour les relations avec la France. Je serai à Paris, au mois de septembre, dans le cadre de nos travaux, à la Commission interparlementaire franco-québécoise, pour discuter de ce sujet-là. D'ailleurs, lors d'un passage en France, la semaine dernière, j'ai déjà rencontré un parlementaire qui est notre vis-à-vis, et on a convenu dès lors qu'en septembre effectivement ce serait à l'ordre du jour.

Alors, je termine en vous disant que le gouvernement du Québec, par la voix de son premier ministre bien sûr et par celle de sa ministre de la Culture et des Communications, va continuer, vont continuer de veiller au grain. Et le Québec connaît sa position et entend bien sûr s'y référer en tout temps. Merci.

Le Président (M. Boulerice): Les 30 secondes qui restent vous sont attribuées, M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais tout simplement remercier les membres de cette commission, qui m'y ont invité. Je l'ai beaucoup apprécié. On a eu des échanges intéressants qui pourront nous servir aussi dans le cadre de nos travaux de l'APF.

Parlant de l'APF, je voudrais peut-être en même temps vous apprendre que l'APF et l'UNESCO vont signer une entente conjointe d'échange de...

M. Turp: ...de bons procédés.

M. Chagnon: Bien, ce n'est pas vraiment des bons procédés, mais d'avoir des observateurs tant pour la session de l'UNESCO, au mois d'octobre, que pour la session de l'APF qui aura lieu au mois de juillet, à Bruxelles. Alors, ce document sera signé par le sénateur Legendre, le secrétaire général quasi perpétuel de l'APF, et en même temps le secrétaire général de l'UNESCO, Koïchiro Matsuura, qui est aussi quasiment en perpétuité à l'UNESCO.

M. Turp: Oui. Le directeur général de l'UNESCO, là...

M. Chagnon: Bien, ça fait déjà plusieurs années qu'il est là.

Le Président (M. Boulerice): Merci au personnel... Oui?

M. Chagnon: Alors, bref, c'est probablement à Bruxelles, que le document sera signé, ce qui nous permettra, à l'APF, d'avoir des représentants, donc des observateurs au moment de la session du mois d'octobre, à l'UNESCO.

Le Président (M. Boulerice): De nouveau, merci à nos invités. Merci au personnel de la commission, au personnel de l'Assemblée.

L'ordre du jour étant épuisé, les députés, les invités et le personnel étant affamés, j'ajourne les travaux de la Commission de la culture sine die, donc à une date ultérieure à être fixée. Merci.

(Fin de la séance à 12 h 47)


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