(Neuf heures trente-deux minutes)
Le Président (M. Cusano): À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de la culture reprend ses travaux.
J'aimerais rappeler aux membres de la commission que nous sommes en train d'étudier La planification des niveaux d'immigration 2005-2007.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplaçants?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Pierre Moreau, député de Marguerite-D'Youville, est remplacé par M. Tony Tomassi, député de LaFontaine et Mme Dominique Vien, députée de Bellechasse, est remplacée par Mme Sarah Perreault, députée de Chauveau.
Le Président (M. Cusano): Merci. L'ordre de ce matin est le suivant: en premier lieu, nous entendrons les représentants du Carrefour de l'immigration de l'Abitibi-Témiscamingue; par la suite, la commission scolaire des Chênes et la commission scolaire des Bois-Francs; et par la suite, l'Association du Barreau canadien, section Droit de l'immigration de la division Québec.
Alors, je remarque que nos premiers invités sont déjà en place. Alors, pour les fins du Journal des débats, pourriez-vous vous identifier, s'il vous plaît?
Auditions (suite)
Carrefour de l'immigration
de l'Abitibi-Témiscamingue
M. Lemire (Guy): Bonjour. Mon nom est Guy Lemire. Je suis président du Carrefour de l'immigration de l'Abitibi-Témiscamingue. J'oeuvre habituellement à titre de directeur général de la nouvelle Conférence régionale des élus, en Abitibi-Témiscamingue. Je vous présente ma collègue Monique Fay, qui est agente de développement au carrefour.
Le Président (M. Cusano): Bonjour, Mme Fay, M. Lemire. Bienvenue. Avant de commencer, j'aimerais rappeler quelques règles de base. Nos invités ont une période maximale de 20 minutes pour faire leur présentation. Elle sera suivie d'une période de 40 minutes d'échange avec les membres de la commission. La parole est à vous.
M. Lemire (Guy): Merci, M. le Président. Alors, je vais vous situer sommairement le carrefour ici, en Abitibi-Témiscamingue. Alors, c'est une organisation naissante qui est en fait le résultat d'un consortium de plusieurs organismes de la région qui sont motivés par la question de l'immigration. On retrouve évidemment ce qu'on appelait avant le Conseil régional de développement, qui est maintenant la Conférence régionale des élus. Il y a quelques ministères, dont le MRCI. Il y a aussi Emploi-Québec, le ministère des Régions et le ministère de l'Immigration, les institutions d'enseignement de la région, dont le collège de l'Abitibi-Témiscamingue, l'université. Et il y a aussi la Régie régionale de la santé et des services sociaux ? maintenant plus communément appelée l'agence, maintenant. Il y a également un groupe interculturel qui s'appelle La Mosaïque. Et la table est complétée par une personne immigrante venant de chacun des cinq territoires de MRC de l'Abitibi-Témiscamingue. Donc, un groupe de travail assez solide, là, de gens qui ont des ancrages dans le milieu, près du milieu de l'éducation surtout, et des organismes gouvernementaux, mais aussi près des terrains.
Et, cette table-là, elle a une durée de vie humble. Elle est en vigueur juste depuis un an, mais elle avait été auparavant précédée par un autre groupe informel qui, depuis trois, quatre ans, cherchait à faire de l'immigration une cible de développement régional importante ici, en... ici! du moins pour l'Abitibi-Témiscamingue.
Et ce carrefour-là a évidemment la responsabilité de s'intéresser aux nouveaux arrivants par le recrutement, quand on est capable, mais aussi dans l'accueil et l'insertion dans tous les milieux. Le carrefour aussi cherche à guider les employeurs, à leur faire connaître les perspectives de carrière de certains immigrants qui pointent déjà vers l'Abitibi-Témiscamingue et enfin évidemment un objectif de développement général. Et, dans notre mandat aussi, on s'est donné la mission de faire la promotion des valeurs et atténuer tout danger de xénophobie ou de discrimination, qui est normal dans une région où il y a très peu d'immigrants actuellement.
D'entrée de jeu, je peux vous dire que le scénario que nous avons retenu est évidemment le scénario n° 3, dans votre vision, dans la vision du gouvernement. Évidemment, on compte sur le nombre, la loi du nombre, pour, un jour, nous favoriser davantage. Nous, en Abitibi-Témiscamingue, on s'est dit qu'il était important de faire notre contribution à l'apport québécois là-dedans et aussi de viser d'autres objectifs qui sont importants pour nous autres, dont évidemment combler les nombreux emplois qui vont devenir disponibles au cours des prochaines années.
Je n'ai pas besoin de vous rappeler les statistiques nationales là-dessus, mais je peux attirer votre attention surtout sur le fait qu'on vient de produire une étude sur le vieillissement de la main-d'oeuvre ici, en Abitibi-Témiscamingue, et ça nous indique que 19 % des emplois spécialisés vont être vacants d'ici les prochaines années, et c'est énorme, chez nous.
Quand on parle d'emplois spécialisés, dans une région comme la nôtre, c'est ce qui fait la différence, pour les institutions, et les entreprises privées, et la grande industrie, entre être capable de continuer d'évoluer de façon compétitive, de façon professionnelle... Et ce vieillissement de la main-d'oeuvre annoncé pour les cinq, six prochaines années a maintenant de quoi nous inquiéter sérieusement. Et parmi les mesures importantes qu'on vise pour atténuer cette vacance-là, ces retraites-là de 3 500 travailleuses et travailleurs professionnels et spécialisés, bien, on compte sur l'apport de l'immigration.
Et puis il faut savoir aussi que notre région, comme toutes les régions périphériques du Québec, est en baisse démographique. La nôtre va être plus sérieusement affectée, au cours des 15 prochaines années, puisqu'on devrait subir une baisse importante de la population. Il y a quelques années, au début des années quatre-vingt, on parlait de 160 000 personnes qui vivaient en Abitibi-Témiscamingue; on commence à regarder des scénarios qui vont être de l'ordre de 135 000, 137 000 d'ici 10, 15 ans. Donc, c'est une baisse sérieuse, et ce n'est pas le nombre de naissances qui va nous aider là-dessus. Et le nombre de décès va évidemment être assez important, même si actuellement les statistiques, pour quelques années, ne sont pas alarmantes, là, à court terme.
Donc, pour nous, travailler sur l'apport d'immigrants non seulement comme travailleuses et travailleurs spécialisés, mais aussi avec leurs familles, bien, c'est une question de survie et de développement tant en milieu rural qu'urbain, en Abitibi-Témiscamingue, et ça réveille encore une fois l'urgence de se poser la question: au Québec, quel type d'occupation du territoire on veut en faire?
On sait que, dans les années passées, notamment plus peut-être au début du XXe siècle, c'était une des grandes valeurs du pays et de la province que d'occuper son territoire. Rappelons-nous que l'Abitibi a été ouverte au moment de la construction du chemin de fer, au moment où le premier ministre canadien de l'époque voulait occuper le territoire nordique du Canada. Et donc cette question-là demeure à mon avis d'actualité au Québec, et il faut prendre toutes les mesures possibles et nouvelles pour arriver là. C'est une question, je pense bien, de responsabilité nationale.
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(9 h 40)
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Je voudrais juste vous situer, pour celles et ceux qui seraient moins familiers avec notre région ? je ne vous ferai pas tout le portrait, là, socioéconomique. Vous savez qu'on est une région qu'on appelle ressource, c'est-à-dire une région qui compte sur l'extraction des ressources hydriques, minières, forestières, agricoles pour son développement et sa continuité. C'est une région qui bénéficie d'un gros volume d'emploi dans le secteur primaire, beaucoup moins dans le secondaire, et évidemment le reste dans le tertiaire. Il y a environ 60 000, 65 000 personnes qui occupent le marché du travail, et c'est réparti comme suit: 60 % de notre population vit en milieu urbain, dans les concentrations de Val-d'Or, Amos, Rouyn-Noranda et La Sarre, et le reste de la population vit en milieu rural. Et donc ça augmente le défi, quand on parle d'immigration, puisqu'on est une région à forte concentration en milieu rural, et là l'attrait devient plus délicat.
Je vais simplement vous faire un rappel historique par rapport à l'immigration. Dans les années vingt, trente et quarante, on a eu un gros pourcentage de personnes immigrantes venant de l'Europe de l'Est surtout qui a été déterminant pour le développement économique de notre région, notamment dans le secteur minier. Et ça a amené plusieurs familles, si bien que, dans les années cinquante, il y avait 6 000 personnes immigrantes. Il y avait jusqu'à 11 confessions religieuses différentes dans des villes comme Rouyn-Noranda. Donc, ça vous donne une idée du caractère très cosmopolitain de cette région-là, du monde minier surtout.
Mais, après ça, ça a commencé à diminuer. Au moment où est arrivé les années soixante-dix, il y a eu une forte... un gros mouvement de départ de ces immigrants-là, la plupart étant anglophones, et leurs enfants comme les aînés sont partis en Ontario, pour la plupart, au début des années soixante-dix.
En même temps, dans ces années-là, avec la modernisation de l'appareil gouvernemental, est arrivé les institutions d'enseignement supérieur, les institutions dans le domaine de la santé, et on a encore eu besoin d'immigrants de façon importante ? professeurs, spécialistes, médecins, etc. Donc, de 1968 à 1975, il y a eu une grosse vague d'immigration positive dans la région, et c'était dû à du recrutement qu'on allait faire à l'étranger. Ça s'est calmé, et il y a eu une autre vague, dans les années 1992, 1997 à peu près, une vague de spécialistes dans le domaine industriel et dans le domaine de l'enseignement et de la recherche.
Donc, comme vous voyez, à toutes les fois qu'il y a eu un peu un moment stratégique, dans l'histoire de la région, on a dû compter sur l'apport d'immigrants pour venir occuper des emplois qu'on appelait spécialisés. Tantôt, c'étaient ceux de mineurs; plus tard, ceux de chercheurs, ceux de professeurs, ceux aussi de spécialistes dans le monde industriel ? on pense à des ingénieurs puis des techniciens.
Et là on se trouve dans une période assez et même trop stable de ce côté-là. Ça se compte des fois simplement en quelques douzaines d'immigrants par année, ces temps-ci, qui s'installent dans notre région. La structure d'emploi des huit, 10 dernières années a fait que, bon an, mal an, ça variait entre 20 et 40, 50 immigrants de plus par année dans l'apport total de la région, ce qui n'est pas suffisant pour notre milieu. Mais il fallait aussi s'arrimer avec la structure d'emploi.
Pour voir venir comment... voir venir le changement, en 1998, quand on a établi le plan stratégique régional, on a inclus l'immigration comme cible importante de notre plan stratégique. Donc, on reconnaissait l'importance de l'apport des immigrants et celui de faire notre propre contribution au Québec. On a même fait des projets pilotes pour essayer de faire venir des immigrants par cohortes, des immigrants déjà établis au Québec ? à Montréal ? les faire venir dans la région, rencontrer des employeurs ciblés, expérience qui a été interrompue parce qu'on a appris par après que le ministre Perreault, à l'époque, avait comme déclaré qu'il ne voulait pas que cette région-là ou ces régions-là soient mises comme prioritaires et qu'il n'avait pas d'argent ou d'énergie à mettre là.
Malgré tout, on est restés tenaces là-dessus. On a créé cette table-là, que je viens de vous décrire, la table de concertation en question, pour essayer de revenir à la charge et faire en sorte que, dans les années qui viennent, notre région puisse être attirante. Et ce qui nous fait prétendre ça, c'est qu'on connaît, comme je vous dis, notre structure d'emploi: il va y avoir 3 500 travailleurs spécialisés qui vont prendre leur retraite d'ici quelques années. Il y a aussi le fait que c'est une région qui offre des caractéristiques qui peuvent en attirer plusieurs, dont l'espace, le grand air, la sécurité, l'accès facile aux institutions, l'accès facile aux groupes communautaires. Donc, c'est des avantages compétitifs pour une petite catégorie mais pour catégorie certaine d'immigrants.
Puis on se dit que, s'il y a 47 000 nouveaux immigrants qui arrivent au Québec, dans les prochaines années, bien, il devrait y en avoir quelques centaines qui pourraient être intéressés par notre région, comme d'autres régions ressources, à la condition qu'on mette les moyens en place pour supporter cet accueil et cette rétention-là de nos immigrants. Alors, ça, c'est un peu le... et ce qui nous a conduit à développer cette table-là et à concourir aux objectifs qui sont de l'insertion, l'accueil, etc.
Il y a quelques constats qu'on doit faire sur la situation présente. Dans le fond, il y a l'importance qu'on a, comme région et comme gouvernement. Donc, le ministère principalement mais plusieurs ministères associés avec le MRCI doivent travailler avec nous pour s'impliquer dans le processus d'accueil. Donc, accueil, c'est promotion et faire en sorte qu'ils puissent s'y rendre, dans notre région.
On a un grave problème de discrimination quand il est question de l'Abitibi-Témiscamingue. Je ne veux pas faire pleurer personne, mais je vous dirai que généralement on n'est pas une région sur la mappe, on n'est pas une destination d'accueil, et ça se remarque même chez les intermédiaires de tous ordres qui sont dans des positions de référer des gens, que ce soit aux ambassades, que ce soit à la Délégation du Québec, que ce soit dans les bureaux d'immigration. Il arrive souvent qu'on a des cas de gens qui nous disent: On s'est fait décourager à l'idée de s'en aller si haut, si loin, si fret, si plein de mouches, si plein de n'importe quoi. Mais, je veux dire, dans le fond, il y a une discrimination qui ne joue pas en notre faveur. Et ce n'est pas juste les fonctionnaires, là. On a eu un cas récent d'une infirmière qui s'est fait dire par son ordre: Qu'est-ce que tu t'en vas faire là?
Et ce type de problème-là qu'on rencontre à la porte d'entrée, bien, je veux dire, il faut trouver ensemble des façons de l'atténuer. On ne changera jamais les préjugés élémentaires que les gens peuvent avoir par rapport à une région comme la nôtre, j'en conviens. Mais je pense qu'on doit s'outiller mieux et avoir des chances d'illustrer, auprès de ceux qui sont aux portes d'entrée, les avantages et les possibilités de développement, de vie familiale et d'emplois dans ce milieu-là.
Il y a toutes sortes de mesures... une qui ne regarde pas ici cette Assemblée, mais on remarquait récemment au fédéral qu'un immigrant doit aller chercher, par exemple, sa carte d'immigrant résident permanent et, pour ce faire, il doit juste se présenter devant un agent pendant cinq à 10 minutes pour remplir la formalité. Or, il faut toujours que ces personnes-là aillent jusqu'à Hull... ou à Gatineau plutôt pour le faire, alors que, je veux dire, on n'a pas le service sur place. Mais là on a fait des pressions; le 10 mars prochain, pour la première fois, quelqu'un va venir sur le territoire pour faire cette démarche-là. Mais c'est niaiseux, comme exemple, hein, vous en conviendrez, mais c'est la somme de ces petits irritants là qui n'aident jamais ce qu'on appelle la rétention des milieux.
Quand on dit aussi que l'information du ministère arrive toujours au compte-gouttes auprès des employeurs puis auprès des institutions qui ont besoin d'outils dont dispose présentement le gouvernement pour faciliter le travail, que ce soit du travail par rapport aux commissions scolaires, là, je ne sais pas, moi, les manuels, les procédures, les guides, bien, il faut toujours les demander, ils ne viennent jamais spontanément. Pourtant, c'est un service qui devrait être offert à toutes les régions périphériques, dont la nôtre. On a rarement la visite ou la présence des fonctionnaires du ministère sur le territoire, sauf quand on le demande.
Et je me vérifiais auprès de l'Université du Québec, qui est quand même un partenaire, puisqu'il embauche plusieurs immigrants comme professeurs ou chercheurs et puisqu'il accueille des étudiants, il n'y a jamais eu de visite formelle, sauf tout à fait récemment, d'un fonctionnaire du MRCI dont la desserte du bureau de Hull doit aussi couvrir celui de l'Abitibi-Témiscamingue ? je veux dire, excusez-moi, j'ai dit Hull au lieu de Gatineau.
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(9 h 50)
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Donc, ça s'ajoute à ces irritants-là, le fait qu'on n'est pas une région desservie, on n'est pas une région sur la carte. Et j'imagine que mes collègues de la Côte-Nord, ou du Lac-Saint-Jean, ou de l'Est du Québec pourraient en dire tout autant.
Et enfin, ces facteurs de discrimination là s'ajoutent au fait qu'on n'a pas une grande culture d'accueil, ces 20, 30 dernières années. Je veux dire, il y a si peu d'immigrants que finalement ils ne font pas partie, ce que j'appellerais, entre guillemets, l'expression est mauvaise, mais du paysage régional, alors qu'évidemment, quand on est dans les grands bassins comme Ottawa, Gatineau ou Montréal, je veux dire, on vit mieux, on se comprend mieux sans doute ou, en tout cas, les gens... la population est plus en contact. Alors, même si on a des agriculteurs immigrants, même si on a des chercheurs, même si on a des professeurs, des restaurateurs... la plupart des meilleurs restaurateurs ont ouvert des spécialités et rendent des bons services, mais malgré l'apport actuel des immigrants, je pense qu'on peut dire qu'on est une région où que la culture n'est pas si développée que ça par rapport à ça.
Donc, pour contrer ça, il faut aussi faire non seulement de l'accueil aux portes d'entrée, mais aussi faire beaucoup de sensibilisation. Incidemment, avec la collaboration du ministère, nous allons faire... nous allons vraisemblablement entreprendre une campagne intensive pour modaliser les cas ici, en Abitibi-Témiscamingue. On est chanceux, on a des médias captifs, chez nous, donc on est capables d'entreprendre à la radio, à la télévision, dans les journaux des campagnes plus intensives de sensibilisation pour illustrer l'apport des immigrants, pour atténuer les problèmes liés à la xénophobie ou encore d'autres sortes de préjugés qu'entretiennent malheureusement encore trop d'employeurs. Donc, cette sensibilisation de la population là et des employeurs est comme primordiale, et on s'y attaque.
On veut aussi travailler fort sur la question de l'intégration, notamment des familles. Parce que la valeur d'un immigrant n'est pas celle de rendre service à un entrepreneur ou une institution qui a besoin d'un travailleur ou une travailleuse spécialisé, mais c'est aussi de pouvoir accueillir sa famille, avec les enfants, avec la parenté, donc d'intégrer des gens dans notre vie, dans notre tissu social, dans notre vie communautaire. Et là-dessus on travaille beaucoup à la réalisation d'activités multiethniques, à des activités de parrainage. Vous voulez que j'achève?
Le Président (M. Cusano): Oui.
M. Lemire (Guy): Alors, ça va. Alors, j'attire aussi votre attention aussi sur un autre défi qu'on a, c'est la question de la francisation. C'est mal fait, chez nous. Les immigrants qui arrivent sont référés à une commission scolaire qui intègre ça avec un groupe d'analphabétisation. Alors, on peut avoir un ingénieur et sa famille très scolarisés; ils sont à côté de décrocheurs qui reviennent suivre un cours de francisation en commission scolaire. La commission scolaire souvent n'a même pas les outils, ou les manuels, ou les instruments didactiques, et donc ça devient un autre défi d'intégration.
Enfin, je pense que vous verrez, à la fin du mémoire, on fait une série de recommandations au ministère même parce que c'est l'occasion pour nous de rappeler au ministère ses responsabilités là-dessus et de questionner s'il y a vraiment un intérêt, s'il y a un ordre de région et à peu près à quel ordre qu'on figure, pour qu'on puisse connaître l'ampleur de notre défi à l'avenir, savoir si on va faire... comme à l'époque de M. Perreault, travailler dans le vide, ou si ça vaut à la peine de s'investir avec vous, avec le gouvernement, avec les autres partenaires pour les attirer. Merci.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. Lemire. Je cède maintenant la parole à la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. Mme la ministre.
Mme Courchesne (Fabre): Merci, M. le Président. C'est tout un départ de journée, ça. Je le dit très amicalement, parce que j'ai eu le plaisir, dans un monde antérieur, de travailler avec M. Lemire. Mme Fay, bienvenue. Merci d'avoir parcouru cette distance, qui est quand même, on doit le dire, là... vous avez dû la parcourir. Mais ce que je remarque ce matin, c'est que vous défendez très certainement avec beaucoup de passion et de conviction votre région, et ça, je crois qu'on doit toujours féliciter les gens du milieu qui prennent la peine de le faire.
Je comprends bien puis je suis d'autant plus... À mon tour d'être transparente pour vous dire qu'effectivement, je n'ai pas été dans votre région; ça rejoint un peu votre discours. Cela dit, par contre, le voyage est prévu pour d'ici le mois de mai, ça, vous savez ça aussi. Bon. Alors donc, l'intention est très certainement d'y aller. Mais ça dénote peut-être le fait que, dans notre perception, nous, de citadins de grandes villes, effectivement, l'Abitibi, c'est loin. Et, dans ce sens-là, vous soulevez des questions importantes.
Moi, je ne veux pas présumer de ce qui a existé sous d'autres ministres, mais au fond je vous écoutais, puis la question qui est soulevée, c'est... Le gouvernement précédent avait espéré que 25 % de l'immigration totale du Québec puisse aller en région. C'est ce que le gouvernement avait dit, mais sans nécessairement préciser à quel endroit puis pour quelles raisons.
Moi, j'ai fait beaucoup de régions, sauf la vôtre, la Gaspésie et la Côte-Nord; ce sont des régions où je ne suis pas allée. Et, moi, j'ai eu plus tendance à dire, en fonction de ce que je ressens dans le milieu, avec les discussions que j'ai avec l'ensemble des intervenants, c'est qu'au fond, l'immigration, oui, c'est une responsabilité qui doit être partagée par tous, mais je me dis: pourquoi ne pas commencer avec ceux qui ont la volonté très ferme, c'est-à-dire les milieux qui ont la volonté très ferme d'accueillir et d'intégrer des nouveaux arrivants? Parce que l'expérience qu'on... je pense que la commission parlementaire le confirme, c'est effectivement plus facile de travailler avec ceux qui veulent sensibiliser aussi leurs employeurs et leurs populations.
Mais la question que vous posez, ce matin, elle va plus loin que ça. C'est: Est-ce qu'on doit accorder la même importance à toutes les régions quand il s'agit d'immigration? C'est-à-dire: Est-ce qu'on doit régionaliser l'immigration dans toutes les régions du Québec en même temps? Moi, là, quand je vous écoute, c'est ça, la question. Puis j'ai le goût de vous la renvoyer, cette question-là, dire: Qu'est-ce que... Est-ce que vous êtes... Est-ce que c'est ce que vous croyez, que le gouvernement devrait régionaliser l'immigration au même niveau dans toutes les régions en même temps ou s'il y a d'autres façons? Est-ce que l'entente spécifique que vous avez signée il y a quelques mois à peine, est-ce que, ça, c'est un élan suffisant?
Puis je terminerai en vous demandant: vous êtes devant nous; moi, je vous crois, je vous connais; mais est-ce qu'il y a une volonté d'autres intervenants dans le milieu? Est-ce que les élus, par exemple, les autres organismes socioéconomiques... Est-ce qu'il y a d'autres organismes communautaires? Quel est l'apport d'appui que vous recevez?
Le Président (M. Cusano): M. Lemire.
M. Lemire (Guy): D'abord, là-dessus, il faut savoir qu'on a pris notre temps, comme région, puis on attend depuis longtemps. Je veux dire, dans le fond, ce que vous dites, c'est que, oui, il y a eu d'autres régions prioritaires, et c'est le cas depuis certainement 10, 15, 20 ans, que le Québec essaie de prendre sa place et d'améliorer ses structures d'accueil et le nombre d'immigrants qu'il accueille. Et en ce sens-là, je veux dire, je reconnais d'emblée qu'on n'est pas la région d'accueil naturelle. Et ça ne me dérange pas de savoir qu'on sera au cinquième, ou au septième, ou au neuvième rang, si jamais il y avait un rang à donner ou un ordre de priorité à donner. Je veux dire, je vous dirai qu'on fait l'antichambre depuis 20 ans là-dessus. Donc...
Mais ce qui est le plus important de voir, c'est de dire que, sur les... comme je vous disais tantôt, sur les 47 000, supposons, immigrants visés, il y en a certainement 300, 400 qui recherchent des milieux hors des grands centres, qui n'ont pas besoin nécessairement de l'apport de leurs communautés d'appartenance pour s'émanciper ? ils ont peut-être des ressources en eux-mêmes qui sont différentes ? et qui sont capables de composer avec une société majoritairement francophone, entre guillemets, de souche, là, comme peuvent l'être... Même si, nous autres, on n'est pas de souche, parce qu'on vient de partout au Québec, comme jeune région, là, mais...
Et c'est ce 300, 400 là qu'on vise. On ne vise pas d'être une région prioritaire, mais si on est capable d'accueillir ces 300, 400 personnes là par année, ça va être déjà 10 fois plus que ce qui est maintenant, à la condition bien sûr qu'on soit capable d'offrir un emploi à la centaine de soutiens de famille, là, parmi ces gens-là. Et c'est ça qu'on vise, à court et moyen terme.
Mme Courchesne (Fabre): Et ce que je crois comprendre, c'est qu'il y a quand même un départ qui est positif, là.
M. Lemire (Guy): Bien, en fait...
Mme Courchesne (Fabre): Il y a un départ positif. Si on a signé une entente avec vous, là, c'est qu'il y a donc une volonté, là, c'est...
M. Lemire (Guy): Oui. La volonté...
Mme Courchesne (Fabre): Et, à partir du moment où on signe une entente, où on met des sous annuellement, vous êtes moins discriminés, là.
M. Lemire (Guy): Oui. Il faut dire qu'on en met beaucoup, de sous, là, dans cette entente-là. Les organismes concernés du milieu mettent leur part aussi de façon significative là-dedans en termes de temps, en termes d'énergie. Je ne parle pas juste des ministères du gouvernement du Québec, je parle des institutions comme la régie régionale, le collège, l'université, les préfectures de MRC.
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(10 heures)
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Tantôt, vous me demandiez si les élus... Chez nous, ça a toujours été une majorité d'élus qui étaient, dans le temps, au Conseil régional de développement, et maintenant à la conférence, et c'est eux qui ont voté la signature, c'est eux qui ont voté les montants, et c'est eux qui n'arrêtent pas de nous dire: Bon, bien là, maintenant qu'on a créé le carrefour régional, cette table de concertation et de travail, maintenant comment qu'on va redéployer les services d'accueil sur les territoires? Ça, c'est la nouvelle question que les élus posent: Est-ce qu'on va avoir, avec les organismes communautaires du milieu ou avec les organismes municipaux du milieu, une possibilité de bien les accueillir chez nous?
Parce que les gens veulent les avoir aussi chez eux. Même dans des milieux comme le Témiscamingue, hein, qui a juste 17 000 de population pour tout ce bassin-là, cette région-là, mais les immigrants là-bas ont été déterminants pour un virage important dans l'agriculture. Ils ont déjà aussi un apport dans l'industrie. Chez Tembec, il y a plusieurs immigrants. Tembec a même, à Témiscaming, la municipalité peut-être la plus au sud-ouest du Québec, des cours de formation et d'accueil pour des travailleurs spécialisés en usine, des immigrants spécialisés, et ils forment là, à Témiscaming, ceux qui vont travailler dans d'autres usines au Canada, aux États-Unis puis ailleurs dans le monde.
Voyez, il y a comme une volonté des milieux de bien le prendre en charge. Et, nous, ce qu'on dit, c'est: améliorons la qualité du support que l'État, par le ministère, peut offrir puis, nous autres, on va faire notre bout de chemin. Ça se fait à deux, à trois, à cinq, ça. Ça ne se fait pas... On ne se décharge pas juste sur le ministère. On dit au ministère: Par contre, on comprend que ce n'est pas un ministère qui est riche au plan budgétaire.
C'est de valeur, hein, parce que le tourisme et l'immigration, c'est deux ministères, c'est deux secteurs qui jouent un rôle déterminant pour le développement du Québec, c'est souvent ceux-là qui sont les plus mal servis au plan budgétaire et des ressources. Et, nous, au bout de la ligne, on est desservis par le bureau de Gatineau, et malgré... ils sont fins, hein? Je veux dire, je ne mets pas en question ou en doute leur bonne volonté, mais ils ne viennent pas. Ils ne viennent pas, sauf si on leur demande. Tu sais, ils ne viennent pas spontanément dire: Aïe! regardez, il y a ça, ça, ça comme services. Monique, elle va chercher ça à l'arraché, toutes les informations. Puis heureusement on s'est donné une ressource pour aller justement combler ces limites-là d'un ministère ou de l'autre.
Mme Courchesne (Fabre): Je vais juste terminer mon temps de... mon premier 10 minutes pour vous dire que j'entends très, très bien, je reçois très bien votre message à cet égard-là, et c'est la raison pour laquelle je veux m'y rendre. Et je peux vous assurer que ce genre de correctif sera apporté. C'est évident que, moi, je ne souhaite pas qu'il y ait de discrimination de région au Québec et que... et ça, je le dis, là, je l'affirme très fort, et que, dans ce sens-là, l'Abitibi mérite aussi notre attention. Et c'est ce qu'on aura l'occasion de voir au cours des prochaines semaines, quand je me rendrai chez vous.
M. Lemire (Guy): On aura une formule mixte à proposer.
Mme Courchesne (Fabre): Parfait.
Le Président (M. Cusano): Merci, Mme la ministre. Je cède maintenant la parole à la députée de Prévost.
Mme Papineau: Merci beaucoup, M. le Président.
M. Lemire (Guy): Bonjour, madame. Bonjour.
Mme Papineau: Monsieur, madame. Bien, moi, je suis allée dans votre région au moins 20 fois. Et, oui, vous avez une belle région et, chez vous, vous avez des gens dynamiques pour qu'en quelque secteur que ce soit il y a des gens chez vous qui se relèvent les manches puis qui se prennent en main pas à peu près, et j'ai eu l'occasion de le voir à plusieurs reprises. Et c'est une belle région, l'Abitibi, et, je pense, c'est une belle région où les immigrants devraient aller, ceci dit en passant.
Vous parlez du... Bon. Le Carrefour de l'immigration de l'Abitibi-Témiscamingue, concrètement qu'est-ce qu'il fait à l'heure actuelle? Est-ce qu'il a un rôle? Est-ce qu'il a des fonctions? Est-ce qu'il donne des cours de francisation? Qu'est-ce que c'est, son rôle? Je voudrais vous entendre d'abord là-dessus. Est-ce que c'est une ressource qui... par exemple, est-ce que... qui s'est donné un plan d'accueil en immigration ou si c'est la région, si c'est des municipalités qui se sont donné ces plans-là?
Le Président (M. Cusano): Mme Fay.
Mme Fay (Monique): Alors, on met... Le Carrefour de l'immigration a comme mandat de mettre en lien les nouveaux arrivants avec les services qui sont existants sur le territoire, parce qu'on n'a pas l'intention de recréer d'autres services, de dédoubler les services qui existent déjà. Alors, on ne donne pas de cours de francisation, mais on met en lien les commissions scolaires avec le ministère de l'Immigration, qui est situé à Gatineau, pour qu'ils aient les services, pour qu'ils aient l'information, pour qu'ils aient la documentation afin de bien accueillir les nouveaux arrivants, ceux entre autres qui ont besoin de la francisation.
Lorsqu'il s'agit d'emploi, alors c'est de mettre en contact les nouveaux arrivants avec les services d'Emploi-Québec ou les carrefours jeunesse pour leur aider à faire une recherche d'emploi, préparer un C.V. ou faire une lecture appropriée d'une offre d'emploi. Alors, on ne veut pas dédoubler les services, mais on veut bien arrimer les services existants pour qu'ils puissent bien desservir la population immigrante de l'Abitibi-Témiscamingue. Alors, la grande difficulté que nous avons, c'est que le territoire est très grand, c'est cinq MRC, alors il faut jouer ce rôle-là dans chacune des MRC. Et aussi, bon, tous les organismes communautaires qui offrent des services qui peuvent être utilisés par les nouveaux arrivants... Alors, on dirige les nouveaux arrivants vraiment vers les services qui existent déjà, mais il faut faire des arrimages.
Il faut aussi penser à du financement pour ces organismes-là. Parce que, les organismes communautaires, on sait qu'ils comptent sur du financement ou des subventions qui viennent de Centraide, ou du MRCI, ou de d'autres intervenants. Alors, on a des besoins financiers aussi à ce niveau-là pour être capables de bien desservir les nouveaux arrivants et aussi être capables de préparer les intervenants. Parce que ce n'est pas parce qu'on est un intervenant dans un milieu qu'on est capable de bien... ou on est outillé pour bien recevoir un immigrant, il faut aussi être préparé, il faut aussi être outillé. Alors, c'est ça qu'on voudrait faire, qu'on voudrait donner à nos donneurs de services afin que nos immigrants reçoivent un meilleur accueil et intégration possible.
Mme Papineau: Si je comprends bien, votre organisme est l'intermédiaire entre l'arrivant, l'immigrant arrivant, et les organismes sur votre territoire, si je comprends bien. Est-ce que vous aimeriez avoir un rôle plus... assumer, par exemple, un leadership pour l'immigration au niveau régional?
M. Lemire (Guy): Je vais vous dire, ce leadership-là, on ne le revendique pas comme table. De toute façon, ce ne sont que des leaders qui sont à cette table-là, hein, je veux dire: la vice-rectrice de l'Université du Québec, le directeur des services aux étudiants du collège, etc. Donc, ce sont des gens placés au sein même de leurs organismes et institutions pour faire leur bout de chemin. Et ce qu'on cherche, c'est à toujours partager les responsabilités. C'est pour ça que je parlais à Mme Courchesne d'un leadership mixte, parce qu'on ne veut pas se substituer à quelqu'un qui a déjà une expertise ou une sensibilité déjà de développée. Et, dans une région comme la nôtre, où tout marche en réseau, c'est pour ça qu'une bonne partie du travail de Monique sert à mettre le monde en réseau, en contact, pour que chacun fasse son bout de chemin. Et on ne cherche pas la pérennité de rien comme table. La table est la somme de tous ceux qui ont un peu de bonne volonté. À preuve, les ministères sont là.
Mme Papineau: Et qui coordonne... Qui coordonne les actions de tous ces gens-là?
M. Lemire (Guy): C'est la Conférence régionale des élus qui est l'instance qui préside à ça. Pour l'instant, j'en assume la présidence comme secrétaire général de la conférence. Mais là, comme vous savez, on est dans la période de transition actuellement, donc, dès qu'on va être en bon fonctionnement, ça va être un élu qui va présider la table, le carrefour régional.
Mme Papineau: Bon. Parfait. J'aurais une deuxième question. Définitivement, l'Abitibi a beaucoup de milieux ruraux. Est-ce que vous ne pensez pas que, par exemple, dans la grille de sélection ou dans un des critères de sélection, avant même que l'immigrant arrive au Québec, on pourrait... je ne vous dirai pas le choisir, mais en tout cas inciter les gens à aller tout de suite, pas passer par Montréal, s'en aller tout de suite en région? Dans la grille de sélection ou quand on fait la promotion du Québec à l'étranger, est-ce qu'il ne devrait pas y avoir plus de ? c'est quoi, mon mot? ? d'incitation pour aller en région?
M. Lemire (Guy): Bien, quand on parlait tantôt d'atténuer les problèmes de porte d'entrée, c'est une façon. Je ne crois jamais à des façons exclusives de faire, je crois à des façons variées de faire. Mais ce qu'il faut être sûr, c'est qu'à la porte d'entrée quelqu'un qui peut venir directement dans une région et se faire... et qu'on puisse faire valoir les mérites de ce milieu-là, mais il faudrait dès ce moment-là le faire.
Et, moi, comme je vous dis, préalablement, ce que j'aimerais qu'on fasse, c'est qu'on sélectionne, parmi les 47 000, lesquels viennent de milieux ruraux ou de milieux périphériques dans leurs propres pays et qui aimeraient retrouver des ambiances similaires. Déjà là ça en élimine probablement 40 000, je veux dire... Donc, moi, c'est dans le 7 000 qui m'intéresse qu'on regarde lesquels 300, 400 peuvent venir chez nous, à condition qu'on puisse aussi leur offrir de l'emploi. Alors, on a cette volonté-là.
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(10 h 10)
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Parce qu'on l'a vécu, des situations dramatiques où des gens venaient en quête d'emploi, n'en trouvaient pas puis avaient mis les quelques dollars qu'ils avaient de disponibles dans les voyages, dans les séjours puis repartaient bredouilles. On a de l'air cave là-dedans. Je pense qu'on n'assume pas notre responsabilité de citoyens québécois accueillants quand on fait en sorte qu'on retourne du monde parce que notre milieu n'est pas accueillant.
Il faut travailler dans une juste proportion, là, pour donner et concourir à avoir les meilleures chances là-dedans. Puis, oui, en ce sens-là, auprès des milieux ruraux, bien c'est intéressant, parce que, nous autres, on est en période de dévitalisation, hein? Ça fait qu'encourager la revitalisation de nos milieux ruraux... pas juste par des agriculteurs investisseurs, mais aussi par d'autres types de travailleurs et travailleuses spécialisés, qui trouveraient là un excellent milieu de vie.
Le Président (M. Cusano): Je cède maintenant la parole au député de Saint-Hyacinthe, en vous rappelant, M. le député, que vous disposez de 2 min 30 s.
M. Dion: Deux petites minutes. Merci, M. le Président. Je vais les utiliser le mieux possible, en espérant que j'aurai encore deux petites minutes la prochaine fois, après... tout à l'heure.
Alors, d'abord, je veux vous dire que je suis très heureux que vous soyez là. Non seulement je vais en Abitibi régulièrement, mais j'y ai passé ma jeunesse. Alors, je peux vous dire qu'en 50 ans la mentalité des centres n'a pas beaucoup changé par rapport à l'Abitibi. Et ce que vous avez décrit tout à l'heure, c'est vraiment la même chose, pendant plus longtemps mais la même chose. On sait qu'Amos a été fondée en 1608, donc il y a à peu près 100 ans. Peut-être qu'après 100 ans ce serait le temps que le gouvernement prenne l'Abitibi au sérieux. Et tout à l'heure j'ai entendu les protestations de bonnes intentions de la part de la ministre, et je dois vous dire que je les prends d'une façon très positive, et je suis convaincu de ces bonnes intentions là. Et, en ce qui me concerne et en ce qui nous concerne, je pense qu'on va essayer de vous aider à donner suite à ces bonnes intentions, Mme la ministre.
Quoi qu'il en soit, je suis très préoccupé par la question de la francisation. Vous avez parlé tout à l'heure, vous avez dit: La francisation, c'est mal fait chez nous ? peut-être pas pire qu'ailleurs, vous savez ? mais c'est un gros problème. Et je suis surpris de voir à quel point on prend ça peu au sérieux. Je ne dis pas qu'il n'y a pas eu quelques millions de répandus sur la francisation. Mais, quand on dit qu'on accueille 45... 40 quelques... autour de 40 millions, entre 30 et 40 millions... 40 000 personnes chaque année, il faut quand même comprendre que, quand ils arrivent ici, ils aimeraient bien communiquer avec leur environnement et qu'ils sont disponibles, ils sont prêts à apprendre une langue. Et la langue commune, c'est le français. Donc, ils sont prêts à l'apprendre. Alors, qu'est-ce que ça prendrait pour que l'Abitibi puisse faire les choses non pas mal, comme vous l'avez dit, mais bien?
Le Président (M. Cusano): Mme Fay.
Mme Fay (Monique): Je pense que ce qu'il faudrait, c'est que le ministère de l'Immigration soit en contact permanent avec les commissions scolaires afin de les outiller, parce qu'on sait qu'étant donné que nous avons peu de nouveaux arrivants qui ont besoin de francisation, alors, si on arrive à la commission scolaire, par exemple de Rouyn-Noranda, et que nous avons trois personnes, évidemment faire une classe pour trois personnes, ça coûte probablement très cher, alors, s'il y avait des ententes entre les deux organismes, ça pourrait être intéressant, et en fait développer peut-être une façon de faire uniforme dans toutes les commissions scolaires.
Parce que, lorsqu'on place des étudiants où il y a des arrivants dans différentes régions de l'Abitibi-Témiscamingue, on voit que les façons de faire ne sont pas les mêmes. Les gens n'ont aucune connaissance, ne connaissent même pas le matériel du ministère de l'Immigration au niveau de la francisation. Alors, ce qu'on voudrait, c'est qu'il y ait vraiment un contact permanent entre le ministère de l'Immigration, les gens qui s'occupent de la francisation et les gens de la commission scolaire, que ces gens-là se supportent mutuellement et que les gens qui font de la francisation dans les grands centres peut-être se déplacent aussi vers la région pour venir rencontrer les gens et faire profiter les gens de la région de leur expertise. Et je pense qu'à ce moment-là on pourrait probablement donner de très bons services de francisation à nos nouveaux arrivants.
Parce qu'on sait que, tant et aussi longtemps que les nouveaux arrivants ne maîtriseront pas la langue, même si c'est la mère de famille qui demeure au foyer, peut-être pour la première année ou quelque chose comme ça, ces gens-là ne créeront pas de réseau d'amis, de réseau social. Ils vont avoir de la difficulté à intégrer le marché du travail aussi. Parce que, en fait, la langue, c'est ce qui nous permet de tisser le tissu social autour de nous, ça nous permet de travailler, ça nous permet d'évoluer. Alors, c'est... Vraiment, là, il faudrait faire des ententes permanentes entre les intervenants en français.
Le Président (M. Cusano): Merci, madame. Je cède maintenant la parole à la députée de La Peltrie.
Mme Hamel: Merci, M. le Président. Madame, monsieur, bonjour. Vous savez, ça fait trois semaines maintenant, là, qu'il y a différents groupes qui viennent devant nous, soit qu'ils soient des régions ou des milieux urbains, là, et tout le monde est d'accord à dire que, pour un immigrant, bien, l'emploi, c'est la base. Vous avez même donné l'exemple, là, d'une famille, je pense, qui a dû quitter, là. Alors, je voudrais vous amener sur ce terrain-là.
Vous avez dit que, dans les années de 1968 à 1975, il y a beaucoup d'entreprises qui avaient fait du recrutement à l'extérieur, puis 1992-1997 aussi. Alors, qui était le leader là-dedans, là, pour aller... est-ce que c'est les entreprises elles-mêmes, les chambres de commerce?
Le Président (M. Cusano): M. Lemire.
M. Lemire (Guy): Dans les années soixante-huit, soixante-treize, c'était surtout le milieu institutionnel qui recrutait pour leurs propres fins. Plus récemment, ça, c'est des organismes comme la Régie régionale de la santé qui est allée faire du recrutement à l'étranger. Certaines entreprises... Souvent, quand on fait ce genre de démarche là, on y va à deux, trois, quatre organismes différents, très peu les chambres de commerce, très peu les CLD parce qu'ils n'ont pas les moyens pour se déplacer. C'était plutôt le réseau institutionnel avec le CRD, à l'époque, ou la grande entreprise. Et souvent c'était parce qu'il y avait vraiment un besoin à cibler et il y en avait plusieurs à recruter. Alors, ça va bien dans ce temps-là, quand on a un carnet d'emplois à combler.
Mme Hamel: Mais là vous dites aussi qu'il y aura des emplois spécialisés, là, disponibles au cours des cinq, six prochaines années. Est-ce que le secteur des employeurs s'organise? Est-ce qu'ils font des actions concrètes, là ou, je ne sais pas, est-ce qu'ils font partie de votre table?
M. Lemire (Guy): Oui, mais c'est plus... c'est surtout la grande entreprise qui travaille avec nous. Parce que les PME d'abord ont un service de planification un peu caduc, hein? Dans la plupart des petites PME, ils voient le problème à peu près six mois avant qu'il leur arrive dans la face, là, tu sais, c'est normal. Mais c'est surtout la grande entreprise, là, les grandes entreprises dans le secteur minier puis forestier qui nous aident et qui font les démarches avec nous autres dans ce temps-là. Et c'est eux qui sont les premiers à en avoir besoin, d'ailleurs. Alors, c'est pour ça que c'est avec eux autres...
Là, on a trouvé... on est en train d'établir, avec Emploi-Québec, les CLE et les organismes relayeurs économiques dans le milieu de l'animation économique, là, un tableau de veille auprès des entreprises pour commencer à voir venir en séquence. Parce qu'on dit «3 500 en quelques années», là, c'est du monde, hein? Puis on sait qu'on va être en même temps que d'autres régions qui vont avoir besoin... qui vont avoir le même problème de recrutement de main-d'oeuvre spécialisée. Donc, ça va être question de raffiner les stratégies là, tu sais, là-dessus.
Actuellement, ce qu'on fait en amont de ça, on prépare, comme je vous disais un peu tantôt, une campagne de sensibilisation, différents moyens, pas juste médiatiques, là, avec des dîners-conférences, des soupers-conférences avec des groupes d'employeurs, les clubs sociaux, etc., pour commencer à ce qu'ils voient venir leurs besoins et assumer leurs responsabilités, leur part de responsabilité, de nous l'indiquer d'avance, et ça va nous permettre d'aller faire un recrutement plus ciblé, mieux ciblé encore vers les grands centres où ils arrivent, hein? Parce qu'il faut savoir que, dans le bassin montréalais déjà, il y en a plusieurs, immigrants reçus qualifiés qui sont en... qui n'ont pas d'emploi. Alors ça, c'est sûr que c'est notre première cible naturelle, parce que c'est la moins onéreuse.
La deuxième, c'est à l'étranger. Et là, encore là, à l'étranger, on a le prétexte maintenant, comme d'autres universités ou d'autres collèges, d'aller cibler des étudiants dans des secteurs où on va pouvoir les former et, dans certains cas, en retenir quelques-uns ou du moins aller faire du recrutement dans leurs pays, puisqu'on aurait déjà un pied à terre avec certains d'entre eux. Alors, c'est un peu de cette façon-là que s'orchestre la stratégie avec notre groupe représentant le milieu privé et les membres de la table de concertation.
Mme Hamel: D'accord. Merci beaucoup.
Le Président (M. Cusano): Merci. Je cède maintenant la parole à la députée de Chambly.
Mme Legault: Merci, M. le Président. Mme Fay, M. Lemire. M. Lemire, à la toute fin de notre première intervention, vous avez dit: Nous avons des formules mixtes à proposer. Pouvez-vous nous en parler un peu, s'il vous plaît?
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(10 h 20)
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M. Lemire (Guy): En fait, quand on dit «formules mixtes», ça revient à dire: c'est que je ne voudrais pas qu'on donne à un organisme ou à un ministère toute la responsabilité du succès ou de l'insuccès de quelque opération que ce soit.
Par exemple, on dit... Je prends juste le cas du ministère, du MRCI. Bien, on se dit, pour qu'il puisse venir dans la région créer une direction régionale, de nos jours, c'est impensable, surtout pas pour le peu de volume, mais s'organiser avec un autre ministère pour loger une ressource qui serait là, qui aurait... qui détiendrait son autorité du ministère et qui aurait un large éventail de connaissances et de responsabilités, voilà une formule mixte. Puis même, à la limite, si jamais il avait besoin de logement provisoire, voilà une autre forme de formule mixte, soit avec la Conférence des élus soit avec l'université ou le collège. Bref, dans tous les champs d'activité...
Ça va être la même chose pour la question de la formation, ou la francisation, ou encore l'adaptation sociale. On travaille, avec la régie, des nouveaux réseaux locaux de services de santé et... et c'est là que je dis: Les formules mixtes, on n'est pas capables, chez nous, de développer de façon autonome beaucoup de choses. On est toujours forcés ? puis c'est une bonne affaire, d'ailleurs ? forcés à travailler avec des voisins, forcés à travailler avec quelqu'un... un autre organisme dans le réseau pour soit jumeler les ressources, ou l'argent, ou encore des bouts d'expertise.
Alors, c'est pour ça que je dis qu'on va toujours travailler, si vous le voulez bien, en formule mixte, compte tenu des faibles volumes à la fois d'immigrants qu'on peut recevoir puis à la fois de capacité de l'État puis la capacité des organismes à fonctionner. Il n'y a pas personne qui est capable de le faire tout seul de nos jours. Donc, on dit: Bien, nous autres, on est une région où qu'on a pris pas mal d'avance là-dessus, sur les compromis, on n'est pas avares de nos chasses gardées, tu sais. Alors, voilà pourquoi on dit tout de suite: formules mixtes.
Mme Legault: Est-ce qu'il reste du temps?
Le Président (M. Cusano): Oui, oui.
Mme Courchesne (Fabre): Bien, je vais prendre le reste du temps. Bien, en fait, moi, ce que je veux vous dire: je pense que vous n'êtes pas venus pour rien. Ça, au moins, je dois vous dire que, non, je... Parce que c'est vrai que j'ai le sentiment, en vous écoutant, que cette région-là n'a pas été reconnue comme étant un bassin potentiel d'accueil. Ce que j'entends aujourd'hui, c'est que vous nous dites: Nous, on veut le faire et puis on a même réuni les gens du milieu pour le faire. C'est évident... Puis j'écoutais le député de Saint-Hyacinthe qui dit: Mais c'est mal fait, ce n'est pas pris au sérieux, la francisation. Moi, j'écoute ce que vous nous dites, mais je veux juste vous dire que c'est comme ça que je l'ai pris, le ministère, là, hein, et que, dans ce sens-là, on a, tout le monde ensemble, une réflexion à faire sur des questions de fond par rapport à la régionalisation. Parce que c'est évident qu'il y a une question de masse critique, c'est évident qu'il y a des coûts.
Au fond, la commission parlementaire, la question qu'elle pose, c'est: quels sont les efforts, les ressources que nous sommes prêts à déployer pour accueillir quel niveau d'immigration? Parce que, moi, je suis très d'accord qu'il faut augmenter le niveau, mais c'est toujours la même question: Si on augmente le nombre d'immigrants, est-ce que nous avons en main tout... Oui, il y a une question d'argent, mais ce n'est pas d'abord une question d'argent dans mon esprit à moi, c'est d'abord une question d'organisation des ressources, de disponibilité des ressources et, je le répète, de volonté du milieu.
Alors, ce que j'entends, M. Lemire, Mme Fay, c'est que l'Abitibi-Témiscamingue aurait des besoins de main-d'oeuvre à combler et que, pour la même raison que les autres régions, il y a un niveau... En fait, vous êtes assez réalistes, je crois, vous dites: Nous, on veut commencer progressivement, mais au moins donnez-nous la chance de pouvoir démontrer qu'on est capables d'accueillir et d'intégrer des nouveaux arrivants. C'est ce que je comprends. Alors, pour vous, l'Abitibi, puis je vais terminer là-dessus, ce que je comprends aussi, c'est que ça va du Témiscamingue... En fait, ce que vous nous dites, c'est qu'on pourrait accueillir des gens dans tous les secteurs de l'Abitibi, tu sais, le Témiscamingue, Rouyn, Val-d'Or.
J'imagine que vous êtes... vous vous concentreriez surtout là où il y a des services publics, des institutions. J'imagine que l'université est un levier qui pourrait être intéressant. C'est ça que je comprends. Est-ce qu'on s'associe d'abord avec un employeur comme Tembec dans le Témiscamingue ou si on va davantage du côté de Rouyn et du côté de Val-d'Or, où il y a des services publics puis des institutions scolaires capables de soutenir cet accueil-là et là où j'imagine qu'il y a le plus d'emplois, là? Est-ce qu'on...
Le Président (M. Cusano): M. Lemire, brièvement.
Mme Courchesne (Fabre): Dernière question, M. le Président ? je m'excuse: est-ce que le secteur minier peut être porteur aussi? Est-ce qu'il y a des métiers spécialisés pour le secteur minier qui pourraient être intéressants pour des nouveaux arrivants?
Le Président (M. Cusano): Merci, Mme la ministre. Brièvement, M. Lemire.
M. Lemire (Guy): Bien sûr. Je voulais juste attirer aussi l'attention, en complément: ce n'est pas juste parce qu'on est un terrain comme d'autres qui peut offrir de l'emploi à des immigrants. Nous, on sait aussi que, pour une catégorie d'immigrants, c'est un milieu de vie sécuritaire et où ils peuvent s'émanciper aussi qu'on prétend pouvoir offrir. Et ça, ça joue dans l'offre, hein? Ce n'est pas juste de dire: On veut combler un besoin égoïste d'emploi. Ce n'est pas... On veut installer une communauté multiculturelle dans une région où il y en a trop peu. Donc, c'est notre effort, notre apport.
Et, quant aux endroits, mais c'est sûr qu'on va privilégier toujours les endroits où il y a un besoin de main-d'oeuvre et, là où il y a des besoins de main-d'oeuvre, ça peut être aussi bien en milieu rural qu'urbain. Regardez, ça peut être même à des endroits comme Lebel-sur-Quévillon, qui a une usine importante, qui a besoin de main-d'oeuvre spécialisée, mais qui offre un milieu de vie très serré, très stimulant pour ceux qui aiment ça. C'est pour la catégorie des 6 000, 7 000, je vous parlais, qui aiment ça, des petits milieux, des micromilieux. Alors, ce n'est pas juste Rouyn, Val-d'Or qui devient la piste d'atterrissage et le milieu de vie. Et c'est pour ça qu'il faut l'évaluer cas par cas, selon les besoins des familles qui s'intéressent à notre région comme selon les besoins des employeurs. Et c'est pour ça qu'on est... cette table-là a ses racines dans les cinq territoires.
Le Président (M. Cusano): Je vous remercie, M. Lemire. Je cède maintenant la parole à la députée de Marguerite-D'Youville.
Mme Vermette: Non... Je ne sais plus le nom de mon comté... Marie-Victorin. Marie-Victorin.
Le Président (M. Cusano): Excusez-moi!
Mme Vermette: Bonjour. Ça me fait plaisir de vous recevoir et de pouvoir questionner aussi, prendre quelque temps avec vous.
En fait, si je comprends bien, votre message, c'est l'occupation du territoire, hein? C'était l'abbé Lionel Groulx qui nous disait ça: Au Québec, si on veut... il faut occuper notre territoire. Et je pense que, tout le monde, on entend ce message-là aujourd'hui, et la plupart des gens, c'est ce qu'ils nous ont dit.
D'une part, vous avez dit... vos préoccupations, pour vous autres, ce n'est pas exclusivement combler des emplois, mais aussi d'être vraiment un terrain d'accueil, une terre d'accueil dans le fond, avec tout ce que ça peut comporter pour l'ensemble des gens que vous voulez accueillir chez vous. D'autre part, si je regarde un petit peu, à la lumière de votre mémoire, ce qui est écrit, vous regardez un peu les perspectives d'emploi puis vous dites: Ouf! ce qui s'en vient dans le fond, ça fait peur un peu, parce qu'il y a beaucoup de gens qui vont soit... qui vont quitter parce qu'ils vont prendre leur retraite, il y a peu de naissances aussi, les jeunes quittent aussi, ne demeurent pas. Donc, on voit bien qu'il y a un déficit en tout cas, à quelque part, au niveau de main-d'oeuvre et au niveau des gens tout simplement pour faire fonctionner en fait un ensemble du territoire.
Vous regardez aussi que, bon, il va y avoir des emplois de plus en plus spécialisés, puis on dit que le problème de la main-d'oeuvre actuellement, c'est de trouver des bons employés spécialisés aussi, d'autre part, et que finalement, d'ici, là... Vous regardez, en fin de compte, la population qui diminue dans votre territoire, c'est effarant aussi. Vous regardez un peu tout ça puis vous dites, bon: Oups! il faut réagir. C'est un peu ça, en fin de compte, actuellement, bon, la situation. Vous n'êtes pas les seuls, hein? Je pense que tout le monde... Il faut toujours être devant le mur pour essayer de réagir malheureusement, mais on est rendu là.
Donc, moi, je voudrais savoir, à partir de ça... Vous avez dit que vous voulez raffiner vos stratégies. Vous sensibilisez, là, maintenant un peu plus les entreprises, et tout ça. Puis on s'est aperçus que vous n'êtes pas les premiers, là, à venir nous dire à quel point elles veulent, mais on s'aperçoit effectivement, et la ministre le disait, qu'il y en a qui sont plus avancées que d'autres, et ça dépend d'une volonté.
Moi, j'ai compris que vous aviez une façon de faire et chaque région à une façon de faire. Ça, c'est clair. Mais la détermination... Parce que vous êtes des gens déterminés, en Abitibi. Mais comment allez-vous faire au moment où on se parle? Parce que c'est vrai que vous avez une université qui est intéressante, mais qui donnait des cours pour les mines, puis tout ça, spécialisés, ultraspécialisés, pour la foresterie aussi, je pense. Vous aviez des créneaux excessivement spécialisés. Comment croyez-vous avoir un effet d'attraction si actuellement les problématiques que l'on connaît au niveau du secteur miniers puis du secteur de la forêt continuent aussi de se développer? Parce que, en même temps qu'on a des besoins puis qu'on a développé des spécialités, en même temps aussi on a des problèmes, ça bat de l'aile, dans ces domaines-là. Voilà ma question.
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(10 h 30)
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Le Président (M. Cusano): M. Lemire.
M. Lemire (Guy): Oui. Mais les secteurs économiques qui sont fragiles aujourd'hui ne le seront pas toujours. Et en ce sens-là, je veux dire, les besoins de main-d'oeuvre spécialisée vont être d'autant plus criants que ces entreprises-là vont vouloir subir une onde de choc pour sortir, mettons, d'une léthargie économique ou d'une façon de faire. Et en ce sens-là ce sera toujours une région ressource, donc on aura toujours besoin de spécialités et de gens imaginatifs pour les faire se développer.
Et c'est pour ça qu'on reste très vigilants là-dessus et que, je pense bien, la plupart de ces entreprises-là font les efforts qu'il faut, se modernisent leurs équipements, puis, pour la plupart, ne ferment pas du premier coup. De toute façon, on est chanceux, nous autres, notre structure industrielle, bien que dans des secteurs fragiles, a toujours été dirigée par des gens qui gardaient le taux de modernisation le plus élevé possible dans les usines. Ça fait que, ça, on est épargnés par rapport peut-être à d'autres milieux.
Quant aux institutions de formation, bien, eux autres, ils comptent... Une université comme un collège comme chez nous, c'est fragile, hein, ça dépend toujours le calcul du nombre d'étudiants. Et là-dessus, bien, ils ont réalisé qu'ils avaient aussi des efforts à faire. Ils ont dormi sur la switch un peu aussi par rapport à d'autres institutions nationales... régionales qui ont fait peut-être un développement plus agressif de recrutement d'étudiants, puis de développer un milieu de qualité de vie pour les recevoir là, chez eux, en formation. Et là ils se sont comme éveillés à l'importance d'agir autrement.
Et c'est pour ça qu'ils font partie aussi de cette table de concertation là. Parce qu'on veut se stimuler mutuellement et on veut se donner des stratégies, des stratégies de veille, ce que Monique fait beaucoup ? elle fait de la veille auprès de l'industrie, auprès des organismes communautaires, puis auprès des institutions ? puis aussi des stratégies de développement. Il y a celles que je vous parlais dans l'immédiat, qu'on va faire dans les mois qui viennent, en termes de promotion des valeurs, etc., et, après ça, de recensement du tableau de bord des entreprises et onde de choc auprès du collège et de l'université pour qu'ils accueillent des cohortes d'étrangers... d'étudiants étrangers et qu'ils puissent agir avec eux autres.
Mais ça me fait penser à juste une chose ? on parlait de cohorte d'étudiants étrangers. Il y a, pour les étudiants venus de l'extérieur, des bourses. Or, pour une raison que je ne sais pas, l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue n'en a qu'une; les autres, à Chicoutimi, à Hull, à Rimouski, ils en ont 17, 34, une cinquantaine, selon. Nous autres, je ne sais pas... Je ne mets pas la faute à personne, mais j'ai constaté, l'autre jour, en regardant un rapport: on en a une. Mais là ce n'est pas une condition d'attrait remarquable. C'est-u de la faute de l'université? C'est-u de la faute d'un autre acteur ou actrice dans le système? Je ne le sais pas. Mais ça fait partie du tableau de bord ou de l'état de la situation actuelle chez nous pour dire: On est en état... On est au point de départ, même si ça fait quelques années qu'on fait de la concertation, même si ça fait quelques années que c'est inscrit dans un plan stratégique.
Avant qu'une région se mette en action et que ses partenaires gouvernementaux, privés, etc., roulent au même rythme, là, c'est, là, cinq, six, sept ans, puis on est rendus à la cinquième année de ces six, sept ans pour sentir que notre roue va rouler à plein régime. Et là-dessus c'est pour ça qu'on est prêts, qu'on profite de la tribune d'aujourd'hui, on dit: Regardez, on est rendus là puis on cherche des partenariats.
Mme Vermette: Je trouve ça très intéressant et j'admire aussi votre lucidité et votre franchise. Parce que, dans le fond, c'est vrai que vous êtes au point de départ, puis, moi, c'est ce que j'entendais, à vous écouter, tantôt, puis je me disais: Bon, par rapport à d'autres régions... Et là je ne veux pas défendre la ministre, mais quand elle vous avait dit, au tout point de départ: On n'a pas privilégié... Ou je n'ai jamais entendu la ministre dire: Je privilégie des endroits plutôt que d'autres. Mais c'est là où les endroits sont plus avancés que d'autres... Et effectivement, au Québec, ce n'est pas pareil, il y a de la diversité, et finalement il y a des gens qui ont pris une nette longueur d'avance par rapport à ce que vous faites. Mais ce qui est intéressant, c'est au moins que vous en prenez connaissance et vous êtes capables d'avoir l'humilité de dire: Bien, on est là, on fait notre effort. Et ça, je l'apprécie énormément. Merci.
Le Président (M. Cusano): Merci. Alors, le temps de parole des parlementaires étant écoulé, j'aimerais, au nom de mes collègues, Mme Fay, M. Lemire, vous remercier d'être venus d'une région qui est assez éloignée et que, moi-même, j'ai eu l'opportunité de visiter à plusieurs occasions. Alors, c'est une belle région.
Alors, afin de permettre à nos prochains invités de prendre place, je vais suspendre pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 10 h 35)
(Reprise à 10 h 39)
Le Président (M. Cusano): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous reprenons nos travaux. Je m'aperçois que nos prochains invités sont déjà à la table. Alors, pour les fins du Journal des débats, voulez-vous vous identifier, s'il vous plaît?
Commission scolaire des Chênes et
commission scolaire des Bois-Francs
M. Lemay (Paul): Oui. Bonjour, M. le Président ? c'est bien ça, M. le Président de la commission? Mon nom est Paul Lemay. Je suis coordonnateur en formation professionnelle, éducation aux adultes, à la commission scolaire des Chênes, à Drummondville. Et je suis accompagné de Mme Luz Perez, qui est directrice du Regroupement interculturel de Drummond, qui est un organisme qui s'occupe de l'accueil, l'insertion en emploi et l'accompagnement des immigrants à Drummondville.
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(10 h 40)
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Le Président (M. Cusano): Merci et bienvenue. J'aimerais vous rappeler, avant de commencer, quelques règles de base. Vous disposez d'une période de 20 minutes pour votre présentation. Elle sera suivie d'une période d'échange avec les parlementaires d'une durée maximale de 40 minutes. La parole est à vous.
Lemay (Paul): D'accord. Je vous remercie. Je vais vous faire une lecture rapide de notre mémoire, parce que je ne veux pas vous endormir cet avant-midi.
Donc, je représente les deux commissions scolaires principales de la région Centre-du-Québec: la commission scolaire des Chênes, qui est située à Drummondville, et la commission scolaire des Bois-Francs, qui est à Victoriaville. Il y a une troisième commission scolaire, la Riveraine, qui ne participe pas à la présentation d'aujourd'hui.
Donc, la commission scolaire des Chênes, à Drummondville, dessert une clientèle de 13 000 élèves ? pour donner un peu une idée de l'ampleur: 31 écoles primaires, cinq écoles secondaires, centre de formation générale des adultes et deux centres de formation professionnelle. Nous comptons sur le savoir-faire de 1 400 employés. La commission scolaire des Bois-Francs, à Victoriaville, offre des services à 15 000 élèves, incluant le secteur des jeunes, formation professionnelle et éducation des adultes. Et c'est également 1 350 membres du personnel qui mettent leurs compétences au service de la clientèle à travers un réseau de 50 écoles primaires, secondaires et centres de formation.
Alors, nous tenons à vous remercier de nous accueillir aujourd'hui et nous donner l'occasion de faire valoir notre point de vue sur la planification des niveaux d'immigration, dans le cadre des auditions publiques sur le plan triennal d'immigration 2005-2007.
D'abord, j'aimerais vous parler de notre mandat éducatif, et c'est à ce titre-là qu'on est ici, aujourd'hui. Nous sommes évidemment des partenaires à part entière des deux milieux socioéconomiques effervescents ? et j'insiste sur le mot «effervescents» ? que nous desservons dans les régions administratives Centre-du-Québec. Nous sommes appelés à y jouer un rôle actif, notamment au plan de l'accueil, la francisation, la formation et l'éducation des nouveaux immigrants.
Notre mandat éducatif et notre mission sociale nous engagent à conjuguer nos efforts à la suite des autres organismes de la région afin d'assurer une intégration harmonieuse et réussie des immigrants adultes. Et on parle ici, par exemple, d'Emploi-Québec. Et, aujourd'hui, je suis accompagné de Mme Perez, qui est directrice du Regroupement interculturel de Drummond, qui est un organisme qui est très bien implanté chez nous et très actif, très dynamique. Donc, nous offrons à la clientèle, lorsqu'ils ne parlent pas le français, des services de francisation et de formation et nous offrons à leurs enfants des mesures de soutien à l'apprentissage du français adaptées à leurs besoins. Et cet aspect-là d'offrir aux enfants des mesures de francisation efficaces dans leur milieu est très important, on va y revenir tantôt.
Nos deux organismes abordent l'intégration et l'éducation interculturelle dans une perspective éducative plus large, soit celle du «vouloir vivre ensemble». Et vous allez voir, on va faire référence tantôt à la mission éducative des commissions scolaires et au niveau curriculum au primaire et au secondaire.
Nos deux organismes recherchent activement à développer de nouvelles pratiques en matière d'intégration et de scolarisation. Les multiples actions déjà menées dans nos établissements pour développer une citoyenneté inclusive sont de puissants outils pour préparer nos jeunes et nos adultes à intervenir dans une société québécoise pluraliste.
Quelle est donc notre position en faveur... au niveau de la planification au niveau de l'immigration? Alors, nous, nous sommes en faveur du scénario n° 3. Alors, l'outil de référence Planification des niveaux d'immigration 2005-2007, qui a été produit par le MRCI dans le cadre de la question à l'étude, nous offre trois scénarios quant au volume d'admission des immigrants pour les trois prochaines années: légère réduction, stabilisation, croissance des volumes d'admission actuels, choses dont vous êtes bien au fait, j'imagine.
Nos deux organismes appuient le troisième scénario présenté par le MRCI, soit une croissance des volumes d'admission actuels. Ce scénario permettrait de maintenir la progression de la composante économique, qui est une composante essentielle dans notre région administrative. Selon ce scénario, ce sont les travailleurs qualifiés qui verraient le nombre de leurs admissions augmenter le plus fortement.
Parmi les trois scénarios présentés, ce troisième est celui où la composante familiale augmenterait le plus, tandis que la composante humanitaire augmenterait dans une proportion identique.
Et là c'est important de prendre en considération le développement économique de la région Centre-du-Québec. La région du Centre-du-Québec commence déjà à être très touchée par la diminution prévisible de la main-d'oeuvre spécialisée, qui va aller en s'accentuant dramatiquement pour atteindre quelque 17 600 emplois non comblés dans un proche avenir. En fait, les chiffres actualisés par Emploi-Québec il y a deux semaines ont augmenté cette cible-là à 18 500 emplois d'ici la fin de 2006. Pour une petite région comme le Centre-du-Québec, c'est énorme. En matière de main-d'oeuvre spécialisé, l'écart va se creuser de plus en plus entre les besoins de notre milieu et la disponibilité d'ouvriers, d'ouvrières spécialisés.
Le troisième scénario qui est présenté par le MRCI nous semble être le plus susceptible de répondre aux besoins à court et à moyen terme des entreprises de notre région. Ce scénario nous semble être le seul pouvant contribuer à maintenir l'effervescence et le dynamisme économique du milieu. C'est pourquoi nous l'appuyons sans réserve.
Maintenant, au sujet de la grille de sélection. Depuis tantôt, on vous parle de main-d'oeuvre spécialisée, mais on va vous expliquer pourquoi on insiste à ce niveau-là. Le type d'emplois à combler dans notre région ne requiert pas nécessairement de formation universitaire, pas nécessairement, bien sûr dans certains... à certains niveaux bien sûr, mais pas nécessairement. Victoriaville et Drummondville sont des villes manufacturières dont le dynamisme entrepreneurial est connu et reconnu, et nos besoins sont plutôt du côté de la qualification professionnelle et technique.
Lorsqu'on parle de qualification professionnelle, on fait référence à des niveaux de scolarité de secondaire professionnel et technique et on fait référence évidemment aux cours techniques du cégep. C'est pourquoi nous estimons que notre région est désavantagée par les critères de sélection énumérés dans la grille de sélection des candidats de la catégorie des immigrants indépendants. En effet, les points alloués à la formation ne nous semblent pas correspondre, du moins de façon globale, aux besoins de main-d'oeuvre de notre milieu. Nous souhaiterions donc une bonification des critères de la grille de sélection pour tenir compte de cette particularité dans notre milieu.
Pour établir les niveaux de scolarité d'une personne immigrante, le MRCI émet actuellement un document qui précise le niveau de scolarité de la personne en fonction du système scolaire dans lequel elle a complété ses études. Ce document ne constitue toutefois pas une reconnaissance formelle des compétences de la personne immigrante ? on donnait comme exemple en plomberie, électricité, soins infirmiers, etc. Nous croyons qu'une reconnaissance formelle des compétences professionnelles et techniques des immigrants serait de nature à faciliter leur insertion dans les entreprises de notre région qui n'auraient, le cas échéant, qu'à offrir les mises à niveau nécessaires, selon le cas. Et, si vous le permettez, tantôt, on pourra peut-être sortir un peu de notre mémoire pour essayer de vous éclairer davantage sur cet aspect-là, la problématique qu'on vit actuellement, particulièrement dans la région de Drummondville.
Au niveau de l'enjeu linguistique, nous souscrivons à l'idée qu'en plus de contribuer aux enjeux démographiques et économiques l'immigration puisse contribuer à la vitalité du fait français au Québec. L'allocation mensuelle pour cette mesure d'aide aux non-francophones a le mérite de dénoter une volonté ministérielle de bonifier les ressources à la francisation. Toutefois, elle est loin de répondre aux besoins de ces enfants qui se retrouvent souvent isolés et sans ressource dans un quartier ou un village.
Vous comprenez que, lorsqu'une famille veut s'implanter dans une région, les services qu'on offre à leurs enfants sont très importants. Et. actuellement. ce qu'on dénote, c'est que, souvent, les enfants sont isolés, il y a quelques enfants dans une école de village ou une école dans une petite ville, et les services de francisation, les ressources qui sont allouées pour les services de francisation sont souvent insuffisantes. Il pourrait être intéressant d'envisager de nouveaux modèles d'allocation de ressources pour permettre une francisation plus efficace. Nous croyons que la réussite éducative des jeunes et des adultes non francophones en formation passe par le partenariat et l'innovation.
Le document La planification des niveaux d'immigration nous présente admirablement et de façon concise les enjeux démographiques, économiques, linguistiques et régionaux de l'immigration. Nous désirons respectueusement attirer l'attention des membres de la commission sur le fait que l'immigration représente aussi, tant pour les jeunes que pour les adultes, un enjeu éducatif pour nos milieux.
C'est en effet une richesse, une chance inouïe pour nos milieux que d'accueillir des enfants et des adultes arrivant chez nous avec d'autres cultures, d'autres langues, d'autres religions, d'autres expériences, d'autres visions du monde. Dans une perspective éducative aussi, le troisième scénario nous apparaît être le plus souhaitable des trois présentés.
La mission même de nos écoles est d'instruire, de socialiser, de qualifier. Une augmentation du volume des admissions à l'immigration ne peut que nous soutenir dans notre mission de socialiser les jeunes qui nous sont confiés. Nos jeunes ? et là on a employé le mot «québécois de souche» que, moi, personnellement, j'aime plus ou moins, mais peu importe ? nos jeunes, disons, québécois de souche, ont tout à gagner à s'ouvrir à la différence et à développer une citoyenneté inclusive.
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(10 h 50)
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Or, le nouveau programme de formation de l'école québécoise place au coeur de l'apprentissage l'élève et sa vision du monde. Et ça, c'est très important, à ce moment-ci, pour l'ouverture du Québec, l'ouverture au monde. Avoir le privilège de côtoyer quotidiennement et d'apprendre à connaître des jeunes d'autres races et d'autres horizons constitue un contexte d'apprentissage exceptionnel pour développer, autrement que dans les livres et de façon théorique, sa vision du monde. Dans l'esprit de l'actuelle réforme en éducation, nos jeunes sont même amenés à contribuer à des projets concrets pour développer leur conscience sociale et changer le monde.
Les apprentissages transversaux qui constituent le coeur du programme de formation de l'école québécoise visent spécifiquement à développer le vivre-ensemble et la citoyenneté des jeunes. Donc, vous comprenez qu'un apport d'immigration plus importante, pour nous, c'est... on vient enrichir dans le fond le vécu éducatif des jeunes, c'est très clair.
Concrètement, il s'agit là d'un des cinq domaines généraux de formation qui constituent le contexte réel d'apprentissage sur lequel viennent se greffer tous les autres apprentissages.
En conclusion, un formidable chantier s'ouvre dans nos établissements d'enseignement. Avec la réforme en éducation, un effort commun sans précédent vise à développer une citoyenneté inclusive et atteindre l'exclusion zéro. Et on aimerait sortir un peu du mémoire pour vous parler un peu de certaines formes d'exclusion qu'on vit chez nous. C'est là une bien grande ambition, mais combien stimulante et surtout combien nécessaire à notre avenir collectif. Et cela, croyons-nous, commence par une augmentation du volume d'admission des immigrants.
Voilà pour la présentation du mémoire. Je voudrais profiter de l'occasion aussi... J'ai retrouvé, sur Internet, la déclaration d'ouverture des consultations publiques de Mme Courchesne, et je me permet de citer Mme Courchesne, ici: «L'immigration représente un levier stratégique pour infléchir [certaines] tendances démographiques [mais] pour que le Québec demeure [attractif] dans ce domaine, nous devons être en mesure d'offrir aux nouveaux arrivants que nous accueillons chez nous et pour lesquels nous investissons [beaucoup]de ressources [les] meilleures conditions d'intégration [possible][...]. En ce sens [je crois que] nous devons, comme société, entreprendre un virage [notamment sur le plan de l'accès à l'emploi].» Je poursuis: «Si les perspectives de l'emploi apparaissent [bonnes] pour les prochaines années ? et c'est le cas au Centre-du-Québec, ça n'a jamais été autant le cas ? il faut [...] prendre en considération [...] qu'un nombre important de personnes immigrées continuent [d']éprouver [...] de sérieuses difficultés d'[insertion] en emploi[...]. Ces difficultés ? et on partage ce point de vue là à 100 % ? sont paradoxales dans la mesure [...] où les immigrants sélectionnés en fonction du marché de l'emploi présentent un niveau de qualification élevé et où [...] le marché de l'emploi [...] est [...] tributaire de l'apport de la population immigrée pour [...] satisfaire [...] ses besoins.» Donc, ça, c'est un peu le deuxième volet de notre présentation. On aimerait souligner aujourd'hui qu'effectivement nous souhaitons une augmentation au niveau de l'immigration dans notre région. Cependant ? et c'est un peu pour ça que je me fais accompagner aujourd'hui par Mme Perez ? ce qu'on constate, c'est qu'on sélectionne les immigrants sur la base de leurs qualifications professionnelles et dans la perspective de développement économique du Québec et des emplois qui seront disponibles, mais dans les faits, dans les faits, ça ne fonctionne pas. C'est un peu... Et on a un peu de difficulté à vivre avec ça, vous comprenez, comme citoyens.
Lorsqu'on va chercher les gens, qu'on les sélectionne, qu'on les invite, qu'on les accueille et qu'on les amène à venir vivre ici, au Québec, qu'ils sont ingénieurs, techniciens, infirmiers, infirmières, là, peu importe, et qu'une fois arrivés ici, ces gens-là, ingénieurs, tout ça, ne peuvent accéder à des emplois qui correspondent à leurs aspirations et à l'idée qu'ils s'étaient faite, au départ, en acceptant de tout quitter pour venir ici, au Québec... On peut s'imaginer ça: des familles entières quittent leurs pays, les amis, la famille, liquident les biens, on s'en vient au Québec, on s'en vient vivre au Québec, on arrive ici et finalement on se retrouve dans un cul-de-sac.
C'est assez étonnant de constater ça quand on regarde, d'une part, les institutions qu'on a. Regardez les institutions qu'on a au Québec. Il y a peu de sociétés qui sont aussi bien équipées que nous autres. On a des centres de formation professionnelle, des cégeps, des universités, de l'expertise, des équipements. On a Emploi-Québec qui supposément est un organisme efficace au niveau de l'emploi, formation de la main-d'oeuvre. On a un MRCI, le ministère, qui s'occupe quand même bien de l'immigration. On a des organismes locaux, comme le RID, qui sont probablement les personnes qui sont le plus en mesure de constater au quotidien qu'est-ce qui arrive avec nos immigrants, au Québec. On a tout ça et on ne réussit pas à intégrer ces gens-là dans les emplois, à mettre à contribution leur expertise, leurs compétences, leur expérience et peut-être une façon différente de voir les choses. C'est assez étonnant.
Lors de notre trajet de Drummondville à Québec, on discutait dans la voiture, et je posais des questions à Mme Perez. Et Mme Perez, je lui ai demandé, bon... Mme Perez est au RID depuis 1998. Donc, au cours des six dernières années, elle a constaté qu'il y a une dizaine d'ingénieurs qui sont arrivés à Drummondville. Il n'y a qu'un seul ingénieur sur les 10 qui actuellement travaille vraiment dans son domaine; les autres sont des techniciens, ou des ouvriers, ou peu importe. Il y a quelque chose là qui ne fonctionne pas, ça, c'est clair.
Donc, oui, une augmentation de l'immigration, support aux enfants au niveau de la francisation, ça nous apparaît primordial, sinon ces gens-là vont être de passage chez nous. On va investir au niveau des immigrants, on va les accueillir puis ils vont nous quitter, ils vont aller ailleurs. Donc, il faut se préoccuper des enfants. Mais il faut aussi se préoccuper d'assouplir les mécanismes d'accès aux formations sur mesure. Je ne sais pas comment on va faire pour les réussir. On a tout ce qu'il faut, mais on ne réussit pas à le faire. Donc, c'est une préoccupation qu'on a.
On a développé récemment, avec le RID, un projet particulier à Drummondville, qui devrait d'ailleurs faire l'objet de diffusion des résultats l'année prochaine, dans le réseau, où on va tenter à la fois d'arrimer les compétences des personnes immigrantes avec les besoins des entreprises au niveau de ces compétences-là et d'essayer d'identifier qu'est-ce qui manque pour que ces gens-là puissent concrètement contribuer à l'essor de notre société. Alors, c'est un projet qui est novateur, c'est un projet qui est complètement nouveau dans le réseau. Mme Perez, qui est très dynamique, a beaucoup travaillé à ce niveau-là avec moi. Et idéalement il ne manque pas grand... Vous savez, dans le fond, il ne manque pas grand-chose. Il ne manque vraiment pas grand-chose. Tout est là, il s'agit juste qu'on veuille le faire. Et il va falloir être novateur, il va falloir assouplir nos règles, nos normes, il va falloir accepter de faire les choses autrement. Ça ne coûtera pas nécessairement plus cher, et même probablement moins cher, mais on peut le faire. Il faut vouloir le faire. Voilà.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. Lemay. Je cède maintenant la parole à la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. Mme la ministre.
Mme Courchesne (Fabre): Merci, M. le Président. M. Lemay, Mme Perez, votre témoignage ce matin est, je vous dirais, très puissant, puis je pèse mes mots quand je dis ça. La raison pour laquelle je dis ça, c'est que vous représentez deux commissions scolaires. Et d'une part ça m'encourage beaucoup de voir que deux commissions scolaires du Centre-du-Québec viennent nous dire avec autant de force le message que vous nous livrez ce matin. Et vous le faites très bien parce que vous touchez le coeur du problème.
Les commissions scolaires, en général... non seulement en général, les commissions scolaires ont une autonomie. En fait, moi, quand je discute avec le ministère de l'Éducation, ils ne cessent de me répéter que les commissions scolaires, les universités ont leur autonomie et que donc il en revient aux commissions scolaires et aux universités de décider de la façon dont ils veulent traiter, par exemple, le dossier de l'immigration.
Vous nous dites ? puis c'est parce qu'on n'a pas beaucoup de temps, ça fait que vous comprenez que je vais au coeur du sujet, j'ai tellement de questions à vous poser ? mais vous nous dites: Il faut... Il ne manque pas grand-chose; il faut juste assouplir les règles, les normes, les mécanismes; on a tout ce qu'il faut. J'aimerais ça vous croire. Mais, moi, je me bute depuis bientôt 11 mois à toutes sortes de monde qui me disent qu'on ne peut pas changer les règles, on ne peut pas changer les normes parce que tout est régi par des ordres, tout est régi par des commissions scolaires qui doivent mettre les ressources pour reconnaître la compétence des formations, parce que, dans nos standards d'évaluation de la compétence et des diplômes, bien, nos standards québécois correspondent rarement aux standards des pays étrangers. Donc, on demande aux nouveaux arrivants de vraiment suivre des formations qui sont très longues.
n(11 heures)n Puis ce qu'on va corriger, c'est... dans une région comme la vôtre, les partenaires du marché du travail sont venus nous le dire: Ce n'est pas nécessairement des diplômés universitaires dont on a besoin, ce sont des métiers spécialisés dont on a besoin. Donc, peut-être que, là, les commissions scolaires peuvent être mises davantage à contribution. Mais là, après, est-ce qu'ils vont avoir leurs cartes de compétence? Et là émettre des cartes de compétence, c'est presque impossible.
Ça fait que je vous avoue, là, que, quand je regarde ça, ça m'encourage, ce que vous nous dites ce matin, ça m'encourage beaucoup. Mais le vrai problème, il se situe à quel niveau? Vous dites: Il suffit de vouloir, puis là j'ai devant moi des gens qui veulent. Alors, moi, je répète: Moi, je vais travailler avec ceux qui veulent. Mais, dans cette reconnaissance des compétences professionnelles, prenons ça... vous êtes un centre de formation, comment peut-on travailler ensemble? Qu'est-ce qu'on peut faire pour changer concrètement les choses?
Le Président (M. Cusano): M. Lemay.
M. Lemay (Paul): Oui. Il y a des choses qu'on peut faire assez facilement, d'abord, première des choses, travailler en partenariat. Ça, c'est la première des choses à faire, parce que les outils sont là. Une commission scolaire comme la nôtre, là, c'est un gros organisme. C'est 1 400 employés. C'est des expertises. Vous devriez voir l'équipement qu'on a au Centre Paul-Rousseau. Il y en a pour des millions, des millions et des millions. On a eu deux agrandissements depuis six ans, pour une valeur nette de, je ne sais pas, 9 millions, des investissements d'équipement de 5 millions. Les expertises qu'on a, les profs... on a tout ce qu'il faut.
On regarde d'un autre côté notre partenaire MRCI qui a eu l'heureuse idée de travailler avec des organismes comme les réseaux... le Regroupement interculturel de Drummond. Une des clés, à mon point de vue, de la réussite de l'immigration, ce sont les organismes comme le RID. Pourquoi? Parce que ces organismes-là sont petits, sont sur le terrain, sont crédibles auprès des immigrants, connaissent les partenaires. Ce sont sur ces gens-là qu'on doit miser au départ et, nous, c'est ce qu'on a fait localement, on a misé sur le RID.
Mme Perez est venue me voir, l'année passée, avec quelques personnes, et, à chaque fois, je me disais: J'ai ici un technicien en électronique, en automatisation, cette personne-là aimerait travailler dans son domaine, mais ne connaît pas les langages de programmation locaux qu'on utilise ici. Bon. On commence à regarder ça. Est-ce qu'on pourrait l'intégrer dans un cours existant, un D.E.P. par exemple? Oui, dans tel module, mais ce module-là se donne en six mois. Bon. Ce n'est pas tout à fait ça. Donc, est-ce qu'il y a moyen de lui donner une formation sur mesure? Oui, mais ça coûte, une formation sur mesure, 85 $ de l'heure. Ouais, ça coûte cher, on n'a pas le moyen. Qu'est-ce qu'on pourrait faire? On ne peut pas faire ça, on ne peut pas faire ça. On cherche, on se tourne vers Emploi-Québec. Emploi-Québec dit: Bien, dans nos normes, ça ne rentre pas parce que normalement c'est des groupes ou... Alors, finalement, tout le monde tourne autour du pot, tout le monde veut.
C'est ça que je vous dis. Quand je vous dis que ça ne fonctionne pas, c'est parce qu'on essaie de rentrer ça dans nos cases. Ça va? Qu'est-ce qu'on peut faire à ce moment-là? Ce qu'on peut faire, c'est... Je ne vous dirai pas de contourner le système. Je ne serais pas, comme gestionnaire d'une commission scolaire, tellement gentil de vous dire ça. Mais le projet qu'on a sur la table, puis on a la ferme volonté de réaliser les objectifs qu'on s'est donnés, c'est d'aller voir les entreprises directement.
Il faut comprendre qu'une entreprise cherche des compétences. On peut penser aux ordres professionnels, on peut penser aux cartes de compétence, tout ça, mais, lorsqu'on s'adresse à un contremaître ou on s'adresse à un dirigeant d'entreprise, une PME, lui, ce qu'il cherche, c'est des compétences, c'est un savoir-faire. Alors, ce qu'on va faire, c'est qu'on va aller les voir directement. On leur dit: Vous avez besoin de compétences, qu'est-ce que vous cherchez? On cherche telle personne qui aurait tel profil, telles compétences. Ils ne cherchent pas les diplômes, ils cherchent des compétences, et des attitudes aussi. C'est très important.
O.K. On va se tourner de bord, on va essayer de trouver des candidats qui se rapprochent le plus possible de ce profil-là. Mais on sait pertinemment qu'il va manquer probablement des mises à jour. Alors, ce qui est particulier, c'est qu'on va essayer de, comment je dirais ça, encourager... On va amener les entreprises à embaucher ces gens-là dans la perspective où le centre de formation professionnelle ou le cégep va aller former la personne directement dans l'entreprise, à son poste de travail, pour les besoins très particuliers qu'il a, pour pouvoir actualiser ses compétences.
Mme Courchesne (Fabre): Vous voulez dire que c'est le cégep qui va payer?
M. Lemay (Paul): Pardon?
Mme Courchesne (Fabre): Vous dites qu'au fond c'est le cégep qui va assumer...
M. Lemay (Paul): Non. On va s'associer...
Mme Courchesne (Fabre): Avec l'entreprise.
M. Lemay (Paul): ...avec Emploi-Québec...
Mme Courchesne (Fabre): Avec Emploi-Québec.
M. Lemay (Paul): ...et Emploi-Québec qui, dans ses programmes, lorsqu'une personne est embauchée... Parce que, tant qu'elle n'est pas embauchée, elle n'a pas droit à ces programmes-là. Donc, une des clés, c'est: si elle est embauchée, ah! là j'ai des mesures, je vais pouvoir l'aider. Alors, on s'est dit: Il va falloir convaincre les entreprises: Regardez, là, vous avez un potentiel, ce qu'il manque, c'est la maîtrise du logiciel AutoCAD. Embaucher...
Mme Courchesne (Fabre): Je veux juste qu'on... Si vous me permettez, M. Lemay, puis je trouve ça intéressant parce que ça va tout à fait en ligne avec... Ça ressemble beaucoup à ce que je veux proposer dans le plan d'action que je déposerai au mois d'avril, dans le sens de dire: Bien, effectivement, il faut absolument que les employeurs... que ça parte... Parce que, moi, je crois à ça, qu'il faut que ça parte des employeurs. En partenariat, je crois à ça beaucoup, beaucoup, beaucoup.
J'apprécie ce que vous dites, mais ce que j'entends, c'est que ça dépend aussi de la volonté d'un cégep, ça dépend... J'essaie de ramener ça à l'échelle du Québec, ça devient encore du cas par cas avec chacune des institutions scolaires impliquées. C'est un peu ça dans le fond. C'est parce que, là, vous, vous avez la sensibilité, vous avez la volonté, vous y croyez, vous avez les besoins dans votre région et vous prenez les moyens pour le faire. Mais, au fond, ce que vous dites, plutôt que de travailler sur une volonté à l'ensemble du ministère de l'Éducation ou à l'ensemble des institutions scolaires, vous dites: Bien, au fond, nous, dans notre région, on va partir un projet et puis, si ça fonctionne, bien on va chercher... Au fond, vous exercez le leadership du milieu scolaire. C'est un peu ça que vous dites.
M. Lemay (Paul): Dans le fond, bon, quand vous me dites: Les entreprises vont embaucher, si l'entreprise et le réseau... le Regroupement interculturel de Drummond cogne à notre porte puis dit: On a une personne qui est embauchée chez Soucy Rivalair, cette personne-là, ce qu'il lui manque, c'est qu'elle maîtrise le logiciel AutoCAD et je ne sais pas quoi, nous, ce qu'on va faire, c'est assez simple, c'est qu'on va mettre à la disposition de cette personne-là notre expertise. Il faut juste essayer d'être très terrain. Et toutes les actions, les décisions qu'on prend, c'est dans une optique. L'optique, c'est de mettre au service de l'individu ce qu'on a comme expertise, essentiellement. Lorsqu'on part de cette prémisse-là, je pense qu'on va réussir. Parce qu'on a tout ce qu'il faut. On en a un, service aux entreprises. On a un service de formation continue. Emploi-Québec a des programmes. Il s'agit juste de, au lieu de partir du système, partir de nos normes...
Mme Courchesne (Fabre): Mais est-ce que... Pour un cégep ou une commission scolaire, est-ce que ça se peut que c'est parce qu'ils trouvent ça trop compliqué? Ça prend du temps, ça prend de l'effort, ça prend des ressources. Au fond, là, ce que vous êtes en train de dire, c'est que, même si vous faites des partenariats, l'institution d'enseignement assume quand même des frais et des coûts, là, même si vous le faites en partenariat avec Emploi-Québec, avec les entreprises. Ce que vous dites, c'est qu'au fond ça revient toujours au même, c'est qu'il faut que l'institution accepte d'avoir une ressource comme vous et d'y mettre les énergies et le temps nécessaires, le temps requis.
M. Lemay (Paul): Et c'est notre mission. C'est notre mission.
Mme Courchesne (Fabre): Vous, vous le voyez... Ça, je trouve ça très intéressant ? je vais terminer là-dessus, parce que mon temps est écoulé ? mais ce que j'apprécie aussi, c'est qu'au fond vous le voyez comme étant... Puis votre mémoire le témoigne très, très bien, c'est très bien rédigé à cet égard-là, vous l'assumez en tant que mission d'une maison d'enseignement. Merci.
Le Président (M. Cusano): Merci, Mme la ministre. Je cède maintenant la parole à la députée de Prévost.
Mme Papineau: Merci beaucoup, M. le Président. Madame, monsieur. Il y a un groupe qui est venu devant nous et qui nous a dit que, je pense ne pas me tromper, 80 % des employeurs n'avaient même pas pensé, même pas eu l'idée d'embaucher une personne immigrante. À ce que je comprends de votre organisme, ce serait celui qui irait sensibiliser les employeurs de votre région à l'embauche d'une personne immigrante?
M. Lemay (Paul): Bon, Mme Perez va vous présenter le projet particulier qu'on a, là, novateur, c'est ça.
Mme Papineau: J'aimerais ça. Parfait.
Mme Perez (Luz): Bien, il faut comprendre que, dans les organismes comme le nôtre, c'est notre mandat d'aller sensibiliser les employeurs à engager la clientèle immigrante. Ça fait six ans que je fais ce travail-là à Drummondville. Oui, il y a six ans, les employeurs n'y avaient pas pensé. De toute façon, la clientèle n'était pas nécessairement présente, et, de deux, les employeurs, non, n'y avaient pas pensé. Mais, si on regarde aujourd'hui, oui, le fait qu'il y ait une rareté de main-d'oeuvre et le fait qu'on est sur le territoire et on essaie d'être le plus actif possible, on va chez les employeurs, on vend la clientèle, on fait du partenariat avec le milieu, oui, ça ouvre énormément les portes. Et ce projet-là, le projet qu'on a mis en place, ne peut pas se faire sans les employeurs, autant qu'il ne peut pas se faire sans les gens du milieu. Mais les employeurs sont impliqués et, oui, ils ont une ouverture présente pour la clientèle immigrante.
n(11 h 10)nMme Papineau: Ce projet-là, il est en place depuis quand?
Mme Perez (Luz): Il a été accepté dernièrement; il est en train de se mettre en place, là.
Mme Papineau: Donc, vous n'avez pas quand même... vous n'avez pas à l'heure actuelle des résultats de placement d'immigrants à l'intérieur des entreprises dans votre région?
Mme Perez (Luz): Dans ce projet-là, oui, oui. Mais on a quand même le PSIE, on a quand même... On a plusieurs autres projets. Ça fait six ans que je travaille en employabilité au Regroupement interculturel, avec la clientèle immigrante, pour l'intégration des personnes immigrantes en emploi, oui.
Mme Papineau: Et les résultats?
Mme Perez (Luz): Ils sont bons, dans le sens: l'ouverture de l'employeur est présente. Où que ça accroche, c'est vraiment quand qu'on parle de gens spécialisés, qui viennent avec des diplômes, des expériences de travail et qui se retrouvent souvent à avoir de la difficulté à travailler comme techniciens.
Bon. Les ingénieurs. Des fois, pour commencer, on ne demande pas à un ingénieur qu'il soit ingénieur tout de suite parce qu'on sait qu'il faut faire des démarches pour entrer dans l'Ordre des ingénieurs, mais, au moins, c'est pour être technicien dans son domaine. Comme ça, on réussit à combler des postes de technicien, et le candidat ne perd pas toute son expertise en étant comme journalier ou sur l'assistance-emploi.
Et c'est à ce niveau-là, quand que les gens veulent rentrer comme techniciens dans leur domaine, c'est là que ça devient dur, parce qu'il leur manque une mise à niveau. Oui, ils ont de l'expérience, oui, ils ont des diplômes, mais il leur manque les logiciels, il leur manque une certaine connaissance. Et souvent l'employeur, il nous dit: Oui, je suis prêt à l'engager, mais je n'ai pas le temps de le former, je n'ai pas le temps de lui apprendre ça. Ça fait qu'est-ce qui fait qu'il se retrouve souvent dans la craque du plancher.
Mme Papineau: Vous avez dit tantôt, et je reviens aux ordres professionnels, vous avez dit tantôt que vous aviez accueilli quelque 10 ingénieurs dans votre région?
Mme Perez (Luz): Bien ça, c'est avant qu'il y ait l'entente spécifique. Parce que, avec l'entente spécifique, ce qu'on essaie davantage, c'est vraiment de combler la rareté de main-d'oeuvre de techniciens puis...
Mme Papineau: Oui, mais ce que vous avez dit, et vous me corrigerez si je me trompe, vous avez dit: 10 ingénieurs sont arrivés, 10 immigrants ingénieurs sont arrivés, et il n'y en a qu'un seul qui a à l'heure actuelle son statut d'ingénieur. Qu'est-ce qui selon vous empêche... Mise à part la mise à niveau ? parce que quand même ça fait un certain nombre d'années, semble-t-il, que ces personnes sont arrivées ici, au Québec ? pourquoi est-ce que ces ingénieurs ont tant de difficultés à accéder aux ordres? Ou si, après tant d'années, ils ont pu recevoir les mises à niveau dont vous parliez tantôt?
Mme Perez (Luz): Bien, il y a aussi l'aspect financier. Souvent, ces gens-là, ils arrivent immigrants indépendants, ils arrivent avec un certain montant d'argent pour pouvoir subvenir à leurs besoins et ils se retrouvent souvent comme journaliers ou sur l'assistance-emploi. Là, ils tombent dans un cercle vicieux. Ça prend quand même beaucoup de sous pour avoir... faire les démarches, passer les examens. Et, quand qu'ils réussissent à se trouver un emploi pour leur permettre d'économiser, là, pour passer des examens, du temps qu'ils sont arrivés à passer l'examen, là, ils en ont perdu beaucoup, d'expertise, et les coûts aussi. Ça fait que...
Mme Papineau: Donc, c'est les délais qui sont trop longs en fait. Entre l'arrivée de l'immigrant ingénieur, je l'appelle comme ça, entre l'arrivée de l'ingénieur immigrant et sa mise en emploi ou en tout cas... il se passe un trop grand laps de temps, entre même sa formation, si je comprends bien.
Mme Perez (Luz): Oui.
Mme Papineau: Monsieur...
M. Lemay (Paul): Oui, mais ce qu'il faut comprendre... Il faut se mettre un peu à la place de ces gens-là. Il y a deux ans, j'avais vécu une expérience très particulière à un déjeuner des partenaires, et ce déjeuner-là, c'est le Regroupement interculturel qui nous recevait alors, les commissions scolaires, cégeps, Emploi-Québec et d'autres partenaires. Ils nous avaient joué un tour un peu. Ils nous avaient invités à postuler comme immigrants, comme si on arrivait dans un nouveau pays. Alors, une table où... c'était Haïti, par exemple, qui nous recevait, une autre table, c'était la Bosnie, une autre table... bon, vous voyez un peu. C'étaient les immigrants qui étaient là, et, nous, on devait se présenter. Et ces gens-là ne parlaient que le bosniaque ou ne parlait que, je ne sais pas...
Imaginez-vous, là, on avait vécu toute une expérience, je peux vous dire ça. Et là ils avaient leurs critères, puis les démarches, puis les normes, puis les formulaires, puis tout ce que vous voulez, là. Et là on a découvert tout à coup comment est-ce que ça pouvait être complexe pour une personne d'arriver dans un autre pays. C'est incroyable. Je ne veux pas dire que, chez nous, c'est l'enfer, là, quand même on reçoit bien nos gens, là, mais ce n'est pas évident pour ces gens-là.
Alors, lorsque, imaginez-vous, une personne arrive ici, elle est ingénieur dans son pays, elle a beaucoup de préoccupations, beaucoup de choses à régler, peu de moyens finalement, parce que, au niveau de la langue, il y a des obstacles, là, il y a les enfants, il n'y a pas beaucoup d'argent pour pouvoir se déplacer. On peut s'imaginer bien des choses, c'est assez complexe. Donc, c'est un des facteurs qui fait que ces gens-là n'accèdent pas facilement. Mais il y a d'autres obstacles majeurs aussi.
Mme Papineau: Comme?
M. Lemay (Paul): Bien, lorsqu'on voit au niveau des ordres professionnels, creuser ça un peu, ce n'est pas évident, là. Devenir ingénieur au Québec, se faire reconnaître ses compétences, ce n'est vraiment, mais vraiment pas évident, c'est décourageant. Ça, il y a quelque chose à faire à ce niveau-là, c'est clair. Je ne sais pas si, au niveau des ordres professionnels, il ne devrait pas y avoir davantage de dialogues et de communication avec leurs équivalents dans d'autres pays. Ils devraient peut-être se parler puis finir par établir des normes internationales, je ne sais pas, mais il y a de quoi à faire là, ça, c'est clair. Parce qu'on se prive actuellement des compétences très, très riches, là.
Vous savez, un ingénieur en mécanique, en Bosnie ou ici, la base est la même, là. Ce qui leur manque souvent, c'est les normes, les contrôles de qualité, l'utilisation de certains logiciels. Mais, nous, le pari qu'on fait dans le fond, c'est d'y aller petit: une personne, l'asseoir dans un emploi, identifier qu'est-ce qui lui manque puis aller la former sur place, un à un, ça va être beaucoup plus efficace, plus court, sur exactement ce que cette personne a besoin, pas des cours généraux, des cours très pointus sur seulement... Et ce qui va être intéressant, je suis à peu près sûr, c'est qu'on va aider une personne puis probablement qu'on va en aider deux autres au côté. Ça, c'est une chose.
Une autre chose que je veux vous dire, c'est qu'au niveau de la culture, madame ? c'est Mme Courchesne? ? disait tantôt: Comment ça se fait, bon, une commission scolaire? Oui, on a une mission. Au Québec, on a un problème de culture industrielle qui est assez profond. Vous allez visiter ailleurs, vous vous rendez compte que les centres de formation, les universités, c'est très intégré dans la vie économique industrielle des pays. Ici, on a une richesse incroyable. Vous avez je ne sais pas combien de centaines et de milliards d'investis dans les centres de formation, dans les cégeps, dans les universités en équipements d'expertise, et malheureusement on n'a pas ce qu'il faut pour se mettre... contribuer à l'essor des entreprises. Et ça, oui ça, c'est un exemple.
Mais, dans le fond, il y a quelque chose à faire. Quand vous disiez tantôt: Il faut vouloir, c'est ce que je disais. Il faut vouloir dans le fond, il faut être convaincu et il faut mettre à la disposition des organismes comme le regroupement le pouvoir jusqu'à un certain point qu'on a, de décision, hein, le pouvoir de décider si, oui ou non, est-ce qu'on les aide, est-ce qu'on assouplit, est-ce qu'on est capable de faire un bout de chemin là-dedans. Oui, il faut vouloir le faire. Une fois... Je pense qu'il y a moyen de faire quelque chose, il s'agit tout simplement d'être convaincu.
Vous savez, moi, mon nom, c'est Lemay. Michel Lemay est arrivé ici en 1652. J'ai été chanceux, moi, je suis né ici, j'ai bénéficié d'une société quand même relativement riche. Je suis citoyen d'une très belle nation. Je gagne 77 000 $ par année, des conditions de travail exceptionnelles. Est-ce que je peux me permettre de refuser d'aider des gens qui sont mal pris? Moi, ça, c'est mon point de vue personnel: je ne peux pas le faire en toute conscience. Ce n'est même pas... On ne se pose même pas la question, on doit le faire. Et, quand je regarde les gens du Regroupement interculturel ? je ne voudrais pas trop les encenser aujourd'hui ? ces gens-là vivent dans des organismes absolument précaires, que, demain matin, on pourrait décider, pour une raison quelconque, bon: ça change de cap, ces organismes-là n'existent plus, ou on diminue leur mandat, ou les conditions salariales de travail ne sont pas du tout les nôtres ? savais-tu ça que je gagnais...
Mme Perez (Luz): Non.
M. Lemay (Paul): Non? On va s'en reparler. Je t'invite à dîner. Mais donc je pense qu'il faut soutenir ces organismes-là, on n'a pas le choix, là, c'est un must.
Le Président (M. Cusano): Je cède la parole à la ministre. Mme la ministre.
n(11 h 20)nMme Courchesne (Fabre): M. Lemay, ça ne vous tenterait pas un poste au MRCI? Je fais des blagues. Je pense que vous êtes important dans votre région puis je pense qu'on a besoin de gens comme vous partout au Québec et, je dirais, particulièrement... Bien, oui, c'est sûr, j'allais compléter, je n'ai pas terminé, M. Lemay. Je vous dis ça parce que vous avez raison de mentionner les organismes. Mais, moi, je vous dirais que, pour que les organismes puissent bien réussir leur travail, les organismes ont besoin d'appui aussi fort que le vôtre des institutions. Malheureusement, trop souvent on demande beaucoup aux organismes, mais trop souvent on les laisse aussi livrés à eux-mêmes. Et donc c'est pour ça que je me permets ? excusez-moi, Mme Perez ? de peut-être à mon tour vous dire à quel point ce que vous dites est important, parce que ça vient d'une institution publique. Et, ça, j'insiste là-dessus, ce message-là doit être transmis partout au Québec. Parce que, vous, vous dites: On n'a pas plus de ressources qu'ailleurs, on n'a pas plus de budget qu'ailleurs, on n'a pas plus de moyens qu'ailleurs, mais, nous, on met notre mission au coeur de notre travail, et, à partir de là, vous utilisez le mot «innovation».
Et ça m'amène à mon prochain sujet. Parce que, dans votre mémoire, à la page 4, vous parlez de la francisation. Et là vous dites: Il faudra innover et mettre en place de nouveaux modèles d'allocation des ressources pour permettre une francisation plus efficace. Moi, j'aimerais ça... puis là vous suggérez de fusionner l'apprentissage du français des enfants avec là aussi un partenariat, mais aussi avec... vous faites un lien avec la francisation des adultes. Moi, j'aimerais vous entendre là-dessus. Qu'est-ce que vous entendiez? Comment on peut aller plus loin, être plus efficace dans la francisation?
Le Président (M. Cusano): M. Lemay.
M. Lemay (Paul): Bon. La première chose à faire, c'était de changer nos façons de voir les choses. J'ai été directeur au primaire pendant 20 ans, dans des petits villages, à Wickham, à Saint-Bonaventure, bon, des endroits comme ça, et on avait, chaque année, un, deux ou trois enfants qui étaient intégrés chez nous. Et on avait très peu de mesures de francisation, une heure ou deux par enfant par semaine. Et, selon le regard qu'on jetait là-dessus, on trouvait que c'était trop peu. Pourquoi on trouvait que c'était trop peu? C'est parce qu'on le jugeait à partir de nos attentes. Lorsqu'on établit des attentes très élevées, c'est sûr que ça va toujours nous sembler trop peu.
Vous savez, c'est juste une façon d'entrevoir les choses, en fait. L'enseignant a un programme à enseigner, il a sa classe, certaines obligations, certaines choses. Est-ce qu'il y a moyen d'accueillir un enfant en ne niant pas ses besoins, en se disant: Bon, qu'est-ce que je peux faire pour lui faciliter les choses? et en se donnant comme mission dans le fond de l'accueillir puis de l'intégrer? Ce que je veux dire, c'est que, si on voit ça d'une façon institutionnelle ou normative, ça va toujours être trop peu, j'aime autant vous le dire. Vous donneriez 30 heures par enfant par semaine, ça va être encore trop peu.
Vous savez, c'est comme... Je fais toujours l'exemple: moi, j'étais orthopédagogue quand j'étais plus jeune ? il n'y a pas si longtemps que ça ? et je travaillais avec les enfants en difficulté, et je disais toujours: Vous savez, ça dépend à quelle hauteur on place la barre. Ça dépend à quelle hauteur on place la barre. Si, aujourd'hui, j'avais apporté une barre fixe ici et que tous et chacun, à tour de rôle, on aurait dit: Bon, on place la barre à telle hauteur, il y en a qui auraient réussi, il y en a qui auraient échoué puis il y en a qui auraient eu l'air fou pas mal.
Tout ça pour vous dire que... Vous voyez, ce que je veux dire par là, c'est qu'il faut juste accepter en quelque part de tenir compte de la réalité de l'autre, à un moment donné, de l'accepter puis dire: On va vivre avec, on va faire un bout de chemin avec. Si on s'attend à ce que les mesures de francisation règlent tout et puis que la personne va arriver dans sa classe, puis: Bon, là, je n'ai plus besoin de me préoccuper de la francisation, moi, j'enseigne, hein, ce n'est pas ma responsabilité, ça se peut qu'on vous demande plus de ressources. C'est dans cette optique-là.
Quand je vous dis d'être plus novateurs, c'est ça, s'associer davantage, par exemple, à des ressources comme le Regroupement interculturel ou d'autres ressources du milieu, pas nécessairement plus de ressources. Moi, je suis un petit peu réticent par rapport au discours qui dit... toujours le réflexe de: On n'en a pas assez, on n'en a pas assez, on n'en a pas assez. Oui, mais est-ce qu'on ne peut pas faire les choses autrement?
Mme Courchesne (Fabre): Ce que vous dites, M. Lemay, c'est que... Puis je le dis parce que, cet après-midi, on va rencontrer le Syndicat des professeurs, parce que, dans nos commissions scolaires ? je ne dis pas que c'est le cas chez vous ? mais il y a beaucoup de professeurs du MRCI qui vont dans les commissions scolaires enseigner le français. Ce que j'entends, c'est que vous dites: Quand on enseigne le français à des nouveaux arrivants, il faut regarder davantage... moi, je comprends la dimension humaine de l'intégration, et que vous allez aussi loin que de dire: Peut-être que c'est dans la façon d'enseigner le français, il faut peut-être changer notre approche de l'enseignement du français. Mais, concrètement, ça veut dire quoi? Est-ce que c'est dans la façon de dialoguer avec eux? Est-ce que c'est dans le dialogue ou si c'est dans la façon de se mettre au tableau selon... Parce que, tu sais, il faut quand même l'apprendre, la langue. J'essaie de comprendre. Est-ce que vous voulez qu'on enseigne le français davantage dans les milieux de vie? Est-ce que c'est en institution qu'il faut changer la façon? J'essaie d'être plus concrète dans ce que vous dites.
Le Président (M. Cusano): M. Lemay.
M. Lemay (Paul): Bien, de façon concrète, changer les façons de faire. Par exemple, actuellement, souvent, dans les écoles primaires, on va sortir les enfants de la classe et on va les amener dans un petit local. Bon. Donc, on utilise une ressource un à un. Il y aurait peut-être lieu aussi que la personne aille en classe avec l'enfant plutôt. Tu sais, vous voyez un peu, là, juste changer. Donc, plus on va se rapprocher du vécu de la personne immigrante, qu'on va la rapprocher de ce qu'elle a à vivre au quotidien, plus ça va être efficace. Quand on parle des gens en entreprise, c'est la même chose. On veut qu'un immigrant s'intègre dans un emploi, plaçons-le en emploi, travaillons avec lui dans son emploi, sur ses besoins particuliers, quotidiens, là, à leurs horaires. Même chose pour l'enfant dans l'école primaire ou secondaire, au lieu de le retirer, d'aller dans un local à côté...
Mme Courchesne (Fabre): Oui, mais, au fond, ce que vous dites, là, c'est que, dans une classe, par exemple, il y aurait comme deux professeurs: il y aurait le professeur qui enseigne les mathématiques, par exemple, à toute la classe du primaire et, s'il y a cinq enfants immigrants, il y aurait un autre professeur qui pourrait être assis avec eux dans la classe et pourrait intégrer dans leur langue, mais en enseignant le français, pour qu'ils comprennent la leçon de mathématiques. Est-ce que c'est ça que je comprends?
M. Lemay (Paul): Ça va être moins décroché. Ça va beaucoup être moins décroché à ce moment-là de leur...
Mme Courchesne (Fabre): Et est-ce que les professeurs vont accepter ça? Est-ce que les syndicats de professeurs vont accepter cette façon d'enseigner? Est-ce qu'un professeur va accepter de partager sa classe comme ça avec un autre professeur?
M. Lemay (Paul): Bien, je vous dirais que ça va dépendre des milieux. J'ai vécu quelque chose de similaire lorsque j'étais orthopédagogue et directeur. Il y a des enseignants, des enseignantes qui acceptaient que l'orthopédagogue travaille en classe, parce qu'on considérait que c'était beaucoup plus efficace, et il y en a d'autres qui refusaient parce que c'était comme un... Bon. Ça dépend de la volonté de la personne. Mais je pense que, lorsqu'on a à prendre des décisions comme ça ? et là on parle d'autonomie des écoles, vous parliez tantôt d'autonomie des commissions scolaires ? les commissions scolaires vont vous dire: Bien, les écoles sont autonomes, puis le directeur d'école, lui, il va vous dire: Bien, le prof est autonome dans sa classe, bon, il y a quand même une animation pédagogique à faire au niveau des écoles.
Et, lorsqu'on amène les personnes à se centrer sur les besoins d'un enfant plutôt que sur: moi, mon confort, moi, ce qui me dérange, moi, je suis d'accord, ou je ne suis pas d'accord, ou je n'aime pas ça qu'il y ait quelqu'un d'autre dans ma classe... Ce n'est pas de ça qu'on parle, là. On parle de l'enfant qui a un besoin particulier. Est-ce qu'on peut regarder ce qu'on peut faire pour que ce soit plus efficace, plus intéressant, qu'il puisse progresser? Il faut centrer les personnes... Ce n'est pas facile, madame, ça, je suis bien conscient de ça. Je suis bien conscient de ça. Mais, à quelque part, il va falloir qu'il y ait un discours.
Bon. Là, je vais oser. Il va peut-être falloir aussi, à un moment donné, qu'il y ait un discours, je dirais, politique très fort, que les gens comprennent, les Québécois et les Québécoises comprennent que, si on n'y voit pas, on s'en va vers un appauvrissement très net. Vous savez que la richesse d'un pays n'est fondée que sur les personnes qui transforment la matière, hein? Quand on remarque le niveau économique, essentiellement les gens qui produisent la richesse, ce n'est pas moi, pas vous, c'est les gens qui transforment la matière. Et actuellement on va manquer de main-d'oeuvre spécialisée. Alors, il va falloir que le Québec comprenne qu'il faut faire de la place aux immigrants et puis il va falloir peut-être faire changer d'autres... Et on vous le dit dans notre document, vous savez: c'est un enrichissement pour une école, d'avoir des immigrants, ce n'est pas un problème, c'est une richesse.
Le Président (M. Cusano): M. Lemay, je m'excuse de vous interrompre, particulièrement comme ancien directeur, je vous comprends entièrement, et ça me fait encore plus de peine de vous interrompre, je dois passer la parole au député de Saint-Hyacinthe.
n(11 h 30)nM. Dion: Merci, M. le Président. C'est très intéressant de vous entendre. Vous avez beaucoup d'expérience sur le terrain de l'éducation et vous n'avez pas eu peur de mettre en relief les difficultés réelles qu'il y a sur le terrain. Alors, je pense que c'est des vraies difficultés. Il n'y a pas personne qui peut dire: Bien, ça dépend de l'autre, là. C'est des difficultés qu'on a comme société. Et d'autant plus que c'est assez normal, parce qu'on n'est pas une société qui avait une très longue expérience de l'immigration, de l'accueil des immigrants, quoiqu'il n'y a peut-être pas de société au monde qui en a beaucoup, non plus. La difficulté qu'il y a, c'est que, nous, on est la seule société francophone qui représente 2 % de gens en Amérique du Nord. Ça crée une situation particulière et un besoin particulier d'accueillir nos immigrants, de leur enseigner le moyen de communiquer avec tout le monde, qui est la langue, et de leur donner le goût de rester avec nous. Alors, ça, c'est un problème particulier. Ce n'est pas parce qu'on est moins bons que les autres, mais c'est parce qu'on a une difficulté particulière à rencontrer.
Et dans ce contexte-là j'aimerais reprendre la question, mais un peu à la base, en commençant par les enfants. Les enfants qui arrivent ici à cinq ans, à six ans, à huit ans, à 10 ans, qu'est-ce qu'on fait en pratique pour qu'ils comprennent leurs compagnons et leurs compagnes, pour qu'ils parlent avec eux?
M. Lemay (Paul): Mme Perez, vous avez vécu ça?
Mme Perez (Luz): Oui.
Le Président (M. Cusano): Mme Perez.
Mme Perez (Luz): Présentement, c'est... Les enfants ont une heure à deux heures par semaine de francisation. On va les prendre... une personne va les prendre dans la classe, les amène ailleurs pour leurs donner des cours de français.
M. Dion: C'est financé par qui?
Mme Perez (Luz): Le MRCI.
M. Dion: Le MRCI.
Mme Perez (Luz): Oui.
M. Dion: Évidemment, tant mieux, là, s'il y a de quoi qui se fait. Il vaut mieux faire quelque chose que ne rien faire, là, je pense. Mais je me permets de donner une opinion. Je pense que ce n'est pas vraiment une bonne utilisation de l'enfant. Pourquoi? Parce que, pour un petit bénéfice, on a un investissement moyen. Pour qu'un enfant apprenne, il faut qu'on... Ce n'est pas... La langue, c'est un instrument de communication. Alors, le fait de rencontrer un professeur une heure par semaine, là, ça n'a rien à voir avec le problème. Est-ce qu'il ne vaudrait pas mieux prendre un enfant deux mois, trois mois, donner un cours d'immersion intensif, puis, après ça, lui laisser la paix? Et ça coûterait beaucoup moins cher, et le problème serait réglé pour tout le temps, alors qu'étaler ça dans le temps, c'est du temps perdu.
Et, moi, je reçois à mon bureau des parents d'immigrants ou, encore plus, de groupes communautaires qui viennent nous dire... ils viennent nous parler des enfants qui sont à l'école, dans des classes régulières, et qui souffrent des angoisses très importantes parce qu'ils voient que l'année avance, ils ne réussissent pas dans leurs cours, pas parce qu'ils ne sont pas bons, parce qu'ils ne comprennent pas la moitié de ce qu'ils entendent. Alors, on gaspille leur année, on gaspille leur confiance. Je pense que, là, il y a un gros problème. Et ce ne serait pas si dispendieux, de prendre le taureau par les cornes et de commencer par le début. Mais, ceci étant dit, c'est juste une opinion, je vous la soumets, qu'est-ce que vous en pensez?
Le Président (M. Cusano): M. Lemay ou Mme Perez.
M. Lemay (Paul): Oui. Moi, je ne sais pas si je suis en train d'entrer dans un débat politique ou pas...
M. Dion: Non, non, non, ce n'est pas un débat politique. En tout cas, ce n'est pas un débat partisan, soyez-en sûr.
M. Lemay (Paul): Bon, parfait. Alors, je suis content.
M. Dion: C'est politique évidemment, mais ce n'est pas partisan.
M. Lemay (Paul): Parfait, ce n'est pas partisan.
M. Dion: Absolument pas.
M. Lemay (Paul): Excellent. Oui, je trouve l'idée intéressante. Tantôt, quand je vous disais: sortir un enfant une heure ou deux par semaine, là, bon, nous, on n'y croit pas à ça, là. On ne se leurrera pas. Et, quand on parle de façons novatrices de faire, c'est un peu ça, là, cette idée-là ou d'autres. Mais effectivement, le plus rapidement possible l'enfant est fonctionnel en français, le plus rapidement possible, le mieux c'est. Vous savez que ça a une très grande influence sur les parents aussi, parce que les enfants vont revenir à la maison et, bon, il y a tout un... J'imagine que ça doit... Est-ce que ça a déjà été tenté à votre...
Mme Perez (Luz): Bien, à Drummondville, on essaie...
M. Lemay (Paul): Les groupes.
Mme Perez (Luz): Oui. À Drummondville, on essaie beaucoup parce que, oui, c'est... l'idée que vous avez apportée, on essaie de l'apporter aussi. Parce que, de toute façon, la première année, les enfants, ils la perdent, leur année. Ils ne peuvent pas accéder à la suivante parce qu'ils n'ont absolument rien compris des cours de maths, et tout ça. Ça fait que c'est sûr que le fait de prendre ces enfants-là et de les mettre ensemble, leur apprendre la base, une base solide du français, et, en même temps, leur apprendre un peu c'est quoi, le Québec... Ce n'est pas parce que c'est des enfants qu'ils ne comprennent pas. Eux autres aussi, ils ont changé de pays, ça fait qu'eux autres aussi, il faut qu'ils comprennent. Et souvent le parent n'est pas nécessairement apte à lui montrer, à lui apprendre, parce qu'il ne le connaît pas nécessairement lui-même.
Donc, l'enfant aussi a besoin de ça parce que, là, il va à l'école, mais... Oui, la francisation, mais on ne lui apprend pas c'est quoi, il l'apprend à la cour d'école. Ça fait que prendre un groupe d'enfants qui vivent la même chose, lui donner les normes de francisation et lui apprendre un peu c'est quoi, le Québec, ce serait, oui, sauver du temps, sauver de l'argent, et là il rentrerait dans la classe, il serait beaucoup plus apte à suivre ses copains de classe.
M. Lemay (Paul): On va retenir la suggestion.
M. Dion: Ce serait du temps gagné et non du temps perdu.
Mme Perez (Luz): Exact.
M. Dion: Mais, tout à l'heure, j'ai écouté avec beaucoup d'attention les échanges que vous avez eus et j'ai trouvé extrêmement intéressant mais en même temps un peu décevant ? mais c'est la réalité ? les échanges que vous avez eus, dans le sens qu'autant vous que Mme la ministre que d'autres personnes ont confirmé le fait qu'on a... en tout cas, on a le sentiment qu'au lieu d'avoir des règles et des normes qui tentent de s'adapter aux besoins des gens on essaie d'adapter des besoins aux règles, on essaie de faire rentrer la vie dans nos règles. Évidemment, ça semble être difficile. Qu'est-ce qu'il faudrait faire pour qu'on remette le monde à l'endroit, c'est-à-dire que les règles servent la vie et non pas le contraire?
M. Lemay (Paul): Je peux peut-être répondre à ça. Quand on regarde au quotidien le travail que le Regroupement interculturel fait, c'est un exemple d'efficience. C'est un exemple d'efficience parce que ces gens-là sont collés, O.K.? sur... Donc, en quelque part, c'est, je crois, un modèle à développer. Ce n'est pas la commission scolaire qui a pris l'initiative dans le projet novateur qu'on entreprend, c'est le Regroupement interculturel qui sont venus nous voir, qui ont partagé avec nous ce qu'ils vivent avec leur clientèle, et c'est eux qui nous ont poussés dans le dos, jusqu'à un certain point.
Bon, nous, on avait de l'ouverture et on en a fait, de la place, là. Mais, à quelque part, ces organismes-là sont... À mon avis, là, c'est la base. Les commissions scolaires peuvent débarquer au niveau de la francisation, les cégeps aussi, à la limite les ministères, mais ne touchez pas à ces organismes-là, je vous en prie, c'est eux autres, au quotidien, qui aident le plus au niveau de l'immigration, ça, c'est clair. C'est très, très clair. Et ces organismes-là devraient être assurés d'une certaine sécurité, une certaine perspective, une certaine longévité. Pas trop de normes, s'il vous plaît, pas trop de règlements. Laissez-les travailler sur le plancher, et vous allez voir, ils vont réaliser des choses. Donc, si on veut réaliser des choses, il faut aller à la base.
Il faut aussi encourager les commissions scolaires, les cégeps, les gens dans les organismes qui réalisent... qui ont des succès. Ça, on n'a pas ce réflexe-là, hein? On parle beaucoup des difficultés qu'on a, mais on ne parle pas beaucoup des réussites qu'on a. Comment ça se fait donc qu'on... On devrait le faire davantage dans nos réseaux. Donc, on devrait... Une commission scolaire dans tel milieu qui réalise des choses intéressantes et qui a un beau succès, qui travaille en partenariat, pourquoi on ne le mettrait pas à l'avant-plan? Et ça existe, mettre les gens en réseau. Les solutions, ça existe. Ça se fait ailleurs. Pourquoi on ne réussirait pas, nous autres? On est capables. Alors, des petites pistes de solution.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. Lemay et Mme Perez, pour un échange extrêmement intéressant. Et c'est malheureux que... c'est le seul temps que nous disposons, mais je suis sûr qu'on va avoir cette même discussion à un autre moment. Alors, merci et bonne chance!
Afin de permettre à nos prochains invités de prendre place, je vais suspendre pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 39)
(Reprise à 11 h 47)
Le Président (M. Cusano): À l'ordre! Alors, la Commission de la culture reprend ses travaux. À ce moment-ci, nos invités sont les représentants de l'Association du Barreau canadien, section Droit de l'immigration de la division du Québec. J'aimerais demander à nos invités de bien vouloir s'identifier, s'il vous plaît.
Association du Barreau canadien,
section Droit de l'immigration
de la division Québec (ABCQ, section
Droit de l'immigration de la division Québec)
Mme Dongier (Isabelle): Bonjour. Mon nom est Isabelle Dongier. Je suis avocate et présidente de la section Droit de l'immigration du Barreau canadien pour la division du Québec. Je suis accompagnée de deux de mes confrères et consoeurs, Me Chantal Arsenault, qui est également avocate en droit de l'immigration aussi et qui est membre de notre comité exécutif, et également Me Walter Tom, qui pratique dans le même domaine et qui est également membre de notre comité exécutif. Nous venons tous les trois... nous pratiquons tous les trois à Montréal.
Le Président (M. Cusano): Mme Dongier, je vous souhaite la bienvenue. J'aimerais vous rappeler quelques règles fondamentales, qui sont très simples. C'est que vous disposez d'une période de 20 minutes pour faire l'exposé de votre mémoire. Cette période sera suivie d'un échange avec les parlementaires pour une période maximale de 40 minutes. Alors, la parole est à vous.
Mme Dongier (Isabelle): Merci, M. le Président. Mme la ministre, MM. et Mmes les députées, merci de nous avoir permis d'être avec vous ce matin et d'avoir encore surtout la patience de nous entendre après toutes ces journées d'audiences. Nous l'apprécions beaucoup.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, je voulais vous expliquer très brièvement ce que fait ou ce qu'est notre association. C'est une association de juristes, qui est pancanadienne et qui regroupe à peu près 35 000 membres à travers le Canada. Il peut s'agir d'avocats mais aussi de notaires, de professeurs d'universités et de juges. Donc, c'est une association effectivement de juristes canadiens, qui est installée dans toutes les provinces et qui est divisée en sections professionnelles. Donc, tous les secteurs du droit y sont présents et, entre autres, le droit de l'immigration. Alors, au Québec, nous avons, dans notre section du droit de l'immigration, à peu près 130 membres qui pratiquent tous dans ce secteur-là.
n(11 h 50)n Maintenant, que fait l'association? Elle a en fait trois zones d'intervention principales. Nous participons à des consultations publiques comme celle-ci, nous écrivons des commentaires ou des mémoires lorsque nous sommes sollicités ou lorsqu'il y a des projets de législation au niveau fédéral ou provincial et également nous sommes en dialogue régulier avec les deux ministères, fédéral et provincial, sur toutes les questions qui touchent l'immigration. Finalement, nous apportons beaucoup d'importance aussi à la formation permanente de nos membres parce que nous pensons qu'il est important pour l'avancement aussi de la pratique du droit dans ce domaine que nos membres soient bien au courant. Donc, nous organisons des séminaires, des conférences, etc. Voilà. Voilà en ce qui concerne donc... ce que fait notre association.
Maintenant, je voulais, puisque nous avons effectivement peu de temps, vous exprimer dès maintenant, en introduction, le fait que notre association est effectivement en accord avec le scénario n° 3, celui qui prévoit une augmentation des données d'immigration, des niveaux d'immigration. Pour toutes les raisons qu'on a abordées à plusieurs reprises et que je ne reprendrai pas ici, là, que ce soient les questions de déclin démographique, de pénurie de main-d'oeuvre spécialisée, etc., nous pensons que c'est effectivement la bonne façon de faire à ce stade-ci, et le Québec doit prendre cette direction.
Maintenant, il nous semble, de notre point de vue de praticiens, qu'il est effectivement futile de se livrer à ce bel exercice de planification si, par ailleurs, on n'essaie pas de diminuer des irritants qui peuvent nous faire perdre des candidats de très bonne qualité et si, par ailleurs, on ne met pas tous les efforts possibles pour les encourager à s'établir dans les régions, où les besoins sont plus criants, beaucoup de gens vous l'ont dit ici, ces derniers jours. Et ultimement ce qu'on voudrait aussi, c'est les garder. On n'espère pas juste qu'ils vont venir quelques jours, mais qu'ils vont rester quelques années, quelques décennies et qu'ils vont finalement faire racine au Québec.
Donc, aujourd'hui, on ne reprendra pas point par point le mémoire qui vous a été présenté, mais peut-être... enfin, nous avons choisi de nous attarder plus particulièrement à trois axes particuliers: d'une part, ce qui, pour nous, est préoccupant au niveau de la régionalisation et de l'attrait des immigrants en région, la question effectivement de la rétention. Et ce que nous voulons faire ici, c'est vous faire part de nos pistes de réflexion ou de pistes d'intervention dont nous pensons qu'elles pourraient vraiment avoir un impact sur le choix qu'effectue notre clientèle lorsqu'elle décide de s'établir au Québec. Et finalement on abordera très brièvement, en terminant, la problématique des délais de traitement qui, selon nous, et c'est un problème qui n'est pas nouveau, là, mais, selon nous, risque d'être un frein à tous les beaux efforts et à toutes les belles réalisations qu'on peut par ailleurs réussir lorsqu'on parle de relever nos défis en matière d'immigration.
Alors, si vous permettez, M. le Président, je vais céder la parole à Me Chantal Arsenault qui va nous parler de la problématique de régionalisation. Merci.
Mme Arsenault (Chantal): Merci, Me Dongier. La régionalisation est un des enjeux que vous avez soulignés dans le cadre du document relatif à la consultation publique. Il s'agit en effet d'un beau défi, mais d'un grand défi. Alors que les jeunes à l'heure actuelle souvent quittent les régions, on veut renverser la vapeur et on veut amener du sang neuf dans ces régions-là. Donc, c'est un objectif qui est louable sans aucun doute, mais, on ne doit pas se le cacher, qui n'est quand même pas facile à atteindre. On s'interroge, et en fait plusieurs associations, plusieurs entreprises en ont parlé depuis le début des consultations, sur les outils appropriés pour nous permettre d'atteindre cet objectif de régionalisation.
Notre association s'est penchée sur cette question et on a tenté d'identifier des pistes de solution. Étant donné la nature même de notre travail à titre d'avocats en immigration, on a commencé notre réflexion à la première, à la toute première étape du processus d'immigration, c'est-à-dire la sélection des candidats. Quels sont les éléments qui d'emblée favorisent un établissement en région et comment capitaliser sur ce potentiel? Voilà en fait la question que nous nous sommes posée. Il nous apparaît évident que les deux éléments principaux qui vont favoriser l'établissement en région sont en fait, d'abord, l'emploi et, ensuite, la présence des membres de la famille. C'est vrai tant pour les nouveaux immigrants en fait que pour les individus qui se trouvent en région depuis des générations.
Pourquoi on reste en région ou pourquoi on revient en région? C'est parce qu'on va y avoir un emploi satisfaisant ou parce qu'il y aura des membres de sa famille qu'on... ou on veut être proche de ces membres-là.
On a donc poussé un peu plus loin cette réflexion, rechercher des candidats qui sont à même de répondre à ces critères. Prenons le travail, d'abord. Une personne qui possède déjà un emploi en région est beaucoup plus susceptible d'y demeurer à long terme. Un emploi satisfaisant permet ainsi une intégration réussie du candidat et des membres de sa famille. En plus de permettre la réussite économique, un emploi satisfaisant fait naître un sentiment d'appartenance à la société d'accueil, point de départ inévitable d'une intégration réussie.
Nous suggérons donc au ministère de faire un usage un peu plus proactif de cet outil. Par exemple, pourquoi ne pas offrir un nouveau programme pour les candidats bénéficiant d'un permis de travail dans une région donnée et pour une période de temps suffisamment longue pour permettre une intégration dans le milieu? Ce programme pourrait faciliter l'obtention de la résidence permanente pour les candidats en question par le biais soit de points supplémentaires au moment de la sélection, soit de dispense d'entrevue ou encore d'accélération du processus de sélection. Les candidats sont déjà ainsi installés en région et ont bien plus de chances d'y demeurer que si on va chercher des gens de l'extérieur.
Un tel programme comporterait en fait beaucoup d'avantages. D'abord, il permettrait d'emblée d'attirer des gens qui sont intéressés par les régions, sachant que l'obtention d'un permis de travail serait un pas assuré vers l'obtention de la résidence permanente. La nécessité d'avoir un permis pour un certain nombre d'années qu'on pourrait définir va ainsi nous assurer d'une implantation réelle au sein de la communauté. Et enfin l'émission d'un permis de travail à la base permet un contrôle de l'endroit d'établissement sans pour autant causer une atteinte à la liberté de mouvement qui est prévue par la charte.
J'espère que nous aurons l'occasion de revenir un peu plus à fond à cette initiative qui nous tient beaucoup à coeur, à l'association. Mais, étant donné qu'on a quand même un temps limité, je vais déjà passer au deuxième outil, deuxième piste de solution, qui est la question de la famille. La famille, la présence d'un membre de la famille d'un candidat à l'immigration est un très bon indice permettant d'entrevoir une intégration réussie en région.
Encore une fois, on pourrait exploiter un peu plus à fond cet outil en offrant des avantages plus précis aux candidats ayant des membres de leur famille... Ces avantages, encore une fois, pourraient être sous la forme de points additionnels pour les candidats qui ont des membres de la famille qui sont déjà installés en région. On pourrait également offrir une certaine rapidité du traitement ou toute autre facilité administrative qu'on pourrait y appliquer. Nous croyons que la famille devrait occuper une place plus importante encore au sein des politiques d'immigration au Québec, et c'est un sujet que mon collègue, Me Walter Tom, va adresser un petit peu plus tard.
En terminant, j'aimerais saisir l'opportunité pour vous parler d'un autre outil dont nous parlons en fait dans notre mémoire déjà, à savoir les congés fiscaux et autres incitatifs financiers. En effet, dans la mesure où la régionalisation est un objectif de société, elle implique plus que le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. Le gouvernement du Québec a à sa disposition d'autres mécanismes permettant d'inciter les nouveaux immigrants à s'établir en région plutôt qu'à Montréal. Par exemple, la possibilité de disposer d'un congé fiscal lorsqu'une personne s'installe en région avec sa famille, c'est une option qui devrait être approfondie.
Un tel outil existe déjà en fait dans le cadre des congés fiscaux pour chercheurs étrangers, par exemple. Ce programme est un programme qui permet à des chercheurs ou des scientifiques étrangers de bénéficier d'un congé fiscal offert par le gouvernement du Québec, pour une période qui est limitée à 60 mois, et qui est pour des employés qui travaillent dans une entreprise qui effectue de la recherche scientifique et du développement expérimental au Québec.
Pourquoi ne pas importer ce mécanisme et offrir par exemple un congé fiscal aux individus ou aux familles qui s'installeraient en région, et ce, encore une fois, pour une période de temps limitée? Alors que les candidats évaluent donc diverses options qui sont offertes à eux, cette mesure pourrait participer à convaincre les nouveaux arrivants de s'installer dans les régions. Les individus en question ne pourraient bénéficier de ce congé fiscal que dans la mesure où ils résident et travaillent dans une région donnée. La perte financière liée à l'absence d'impôt québécois pendant quelques mois sera à notre avis largement compensée par l'apport fait par les familles dans lesdites régions.
D'autres incitatifs financiers seraient également considérés, comme par exemple une diminution de l'impôt foncier ou une exemption de la taxe de bienvenue, par exemple. Ces quelques suggestions que nous nous permettons de vous faire aujourd'hui ont en fait pour but de favoriser l'atteinte de l'objectif de régionalisation. En réalisant l'ampleur de ce défi et en permettant à plusieurs organismes de s'impliquer dans la régionalisation et dans la réalisation de cet objectif, nous croyons que la société québécoise ne pourra qu'en bénéficier.
n(12 heures)n Et, parlant de bénéfices, nous vous rappelons que nous sommes convaincus que l'immigration est effectivement bénéfique pour le Québec. Cependant, notre société ne pourra bénéficier de cet apport pleinement que dans la mesure où évidemment on retient les immigrants chez nous. Alors, Me Dongier va donc maintenant vous entretenir sur la question capitale qu'est la rétention.
Mme Dongier (Isabelle): La question de la rétention, elle n'est pas nouvelle pour aucun de vous ici ni pour le ministère et, d'un autre côté, je pense que personne ne prétend avoir identifié des recettes miracles, là, qui vont permettre de faire grimper les statistiques. Mais ce qui est sûr, c'est que, dans notre vie quotidienne, ce qu'on constate auprès de nos clients, c'est que, la plupart du temps, ceux qui ont déjà séjourné au Québec avant de devenir immigrants reçus, avant d'obtenir le statut de résident permanent, ont plus de chances d'y rester à long terme que ceux qui arrivent de l'étranger sans avoir déjà eu la possibilité de tisser des liens réels avec la province.
Donc, a priori, ceux qui arrivent ici et qui séjournent ici comme travailleurs temporaires ou comme étudiants vont avoir, pendant cette période-là, la chance de créer un réseau de contacts et de soutien qui va faire que l'intégration sera beaucoup plus durable le jour où ils accéderont au statut de résident permanent. En fait, ce jour-là, c'est strictement pour eux un changement de statut administratif, mais leur vie quotidienne continue: ils travaillent au même endroit, leurs enfants vont aux mêmes écoles, ils vont au même dépanneur et ils boivent la même bière le soir. Donc, on a une vie qui est déjà enracinée, si vous voulez, ou un début d'enracinement. Et, quand on veut envisager de garder des gens à long terme, ce que nous soumettons, c'est que nous pensons que ce groupe de candidats là a vraiment un potentiel très élevé pour pouvoir s'intégrer et rester.
Leur problème, c'est que parfois, lorsqu'ils font leur demande à titre de travailleur temporaire ou d'étudiant, leur demande est refusée parce qu'il leur manque quelques points, et c'est décevant pour eux, pour nous, pour leurs voisins, pour leurs amis. Ce que nous constatons, c'est que, dans la grille de sélection du Québec, pour le moment, il existe déjà des points, si vous voulez, une certaine récompense pour le fait d'avoir séjourné ici, d'avoir travaillé, parce qu'on constate effectivement que l'adaptabilité de l'individu est accrue, mais ce facteur-là, d'avoir séjourné au Québec pour y avoir travaillé ou étudié, il a un poids au niveau de la pondération générale qui est bien moindre que d'autres facteurs, comme par exemple le niveau de scolarité, l'expérience professionnelle, la durée de l'expérience professionnelle, l'âge de l'individu ou même la connaissance du français. Tous ces facteurs-là ont leur importance, et c'est normal qu'ils soient chacun rétribués, mais ce que nous soumettons, c'est qu'on pourrait envisager que la place du facteur des séjours antérieurs au Québec soit revue dans la pondération pour qu'on reconnaisse vraiment le potentiel de rétention qu'on a vis-à-vis de ces candidats-là, quitte à leur donner un petit coup de pouce au moment de la sélection, parce qu'on sait que leur intégration est déjà faite à trois quarts du temps.
Pour les étudiants en particulier, nous parlions dans notre mémoire, à la page 9, du fait que nous jugions qu'une des directives en application était jusqu'à un certain point... avait un effet pervers, là, qui pouvait décourager certains étudiants, et nous tenons à remercier le ministère de l'avoir récemment modifié. Nous pensons que c'est un changement très appréciable, et il était important en fait de corriger cet effet-là.
Brièvement, pour terminer sur ce point, au niveau de la rétention, une des causes connues, et beaucoup de gens vous en ont parlé ces derniers jours, les causes d'échec d'intégration, c'est souvent une question, entre autres, d'insertion professionnelle. On sait que c'est très difficile au moment de l'arrivée et on sait aussi que le MRCI et que les organismes font beaucoup pour aider à cette insertion professionnelle.
Mais, de notre point de vue, quand nous côtoyons les clients qui arrivent et qui tentent effectivement de passer à travers ce processus-là, nous avons l'impression qu'il y aurait moyen de faire encore plus de ce côté-là. Et donc nous incitons le ministère à tenter d'aller encore au-delà des efforts déjà faits et qui sont déjà appréciables, mais qui peuvent aller plus loin au niveau de la reconnaissance des acquis, au niveau de l'expérience, de la valeur ou de la reconnaissance de l'expérience professionnelle, puisqu'on a souvent tendance à dénigrer une expérience professionnelle acquise à l'étranger quand c'est un étranger qu'on envisage d'embaucher, alors que nos Québécois qui partent à l'étranger, on juge que c'est extraordinaire qu'ils aient eu une expérience étrangère. Mais on n'est pas prêt forcément à reconnaître cette expérience étrangère lorsqu'il s'agit d'embaucher un étranger.
Évidemment, il y a du travail à faire auprès des corporations professionnelles, et ça, c'est majeur, c'est un défi de taille qui ne sera pas réussi en un jour et même... Je pense qu'effectivement nous sommes en faveur que les efforts soutenus de ce côté-là soient accentués.
Je vais maintenant laisser Me Tom vous parler un peu des aspects familiaux dans la rétention aussi bien en région que dans les grandes villes.
M. Tom (Walter Chi Yan): Merci. M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, je vais aborder le sujet de rétention en soulignant d'abord deux notions essentielles, celles de l'appartenance et le soutien. Plus particulièrement, je vais discuter de deux volets de l'immigration qui sont irréfutablement liés à ces deux notions. D'abord, il y a la famille et parrainage et, deuxièmement, famille et sélection.
Pour famille et parrainage, il va sans dire que l'accueil de toute nouvelle famille constitue un avantage marqué pour notre société au point de vue économique. Ces nouveaux arrivants viendront injecter des fonds dans notre communauté, en plus de partager leurs connaissances professionnelles et leur expérience dans divers domaines.
Au même titre, le parrainage familial apporte également des bénéfices économiques au Québec, malgré sa vocation principalement humanitaire. Alors que l'État tente de se désengager de plus en plus des services sociaux et de la santé, une tendance croissante encourage l'entraide familiale et communautaire. Ainsi, le parrainage familial permettra une participation accrue de nombreux individus au sein de la population. Je peux vous donner des exemples plus tard dans les questions.
Dans ce contexte, nous nous interrogeons alors sur la légitimité de certains obstacles systémiques limitant la réunification familiale, surtout dans les cas où les chances d'intégration réussie paraissent élevées. Entre autres, les barèmes financiers pour les garants au Québec sont beaucoup plus élevés par plusieurs milliers de dollars qu'ailleurs au Canada. Deuxièmement, ces barèmes ne font aucune distinction en fonction de la taille de la ville de destination du parrainé. Alors que la personne va être parrainée par une famille vivant à Drummondville ou qu'une personne soit parrainée par une personne, on dira, vivant à Montréal, ce sont les mêmes barèmes financiers, malgré des différences au niveau du coût de la vie.
Troisièmement, peut-être en regardant dans notre Code civil du Québec, il y a ce qu'on appelle une obligation alimentaire des enfants envers leurs parents. Il y a même, on pourrait dire, une reconnaissance de la responsabilité conjointe des enfants envers leurs parents. Alors, s'il y a déjà ce mécanisme dans notre Code civil du Québec, pourquoi ne pas reconnaître effectivement... et faciliter le coparrainage des parents par plusieurs de leurs enfants?
Le Président (M. Cusano): En conclusion, s'il vous plaît. Vous disposez d'une minute pour conclure.
M. Tom (Walter Chi Yan): Parfait. Alors, au niveau de la... de sélection, tout simplement, il est vrai que la grille de sélection des travailleurs, par exemple, reconnaît et récompense déjà le fait d'avoir des membres de la famille au Québec comme facteur d'adaptabilité. Par contre, une fois encore, comme mes collègues ont mentionné, ce facteur ne reçoit pas suffisamment des points pour réfléchir effectivement à quel degré est-ce que le fait d'avoir la famille au Québec puisse agir comme un facteur d'adaptabilité.
Et finalement, pour les gens qui ont de la famille en région, pourquoi est-ce qu'on ne tient pas compte effectivement que, s'il y a quelqu'un à Gaspé, ou Drummondville, ou Sherbrooke qui veut parrainer quelqu'un, il y ait des points additionnels une fois encore qui soient donnés à cette personne-là, surtout si elle veut venir comme immigrant travailleur? Alors, je vais retourner tout ça à mon collègue.
Le Président (M. Cusano): Merci. Votre temps étant écoulé, je cède maintenant la parole à la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. Mme la ministre.
n(12 h 10)nMme Courchesne (Fabre): Merci, M. le Président. Mesdames, monsieur, merci beaucoup d'être devant nous aujourd'hui. Vous abordez plusieurs dimensions qui sont très élargies, là, dans chacune des catégories, des possibilités d'accéder, si vous voulez, au Québec. Je ressens une dimension humanitaire importante dans votre mémoire, à juste titre, que ce soit par le biais de la réunification familiale, les parrainages.
Je vous dirais aussi que vous avez une préoccupation pour la régionalisation puis je voudrais vous questionner là-dessus. Dans chacune des catégories, vous questionnez beaucoup notre grille de sélection. Je peux peut-être vous rassurer en vous disant que, malgré de nombreuses résistances, nous avons l'intention de la modifier ou, en tout cas, de l'adapter, parce que c'est toujours délicat de parler de modification. Moi, je crois que l'importance de nos travaux démontre qu'il y a une évolution dans la perception des Québécois et des Québécoises sur les moyens à mettre en oeuvre pour effectivement être plus accueillants et atteindre cette rétention dont vous parlez.
Une des suggestions que vous faites, c'est d'accorder plus de points à ceux et celles qui, soit par le biais des parrainages, ou par le biais des étudiants étrangers, ou de d'autres façons, désirent s'installer en région. C'est quelque chose auquel on songe, mais la question tout le temps qui revient, c'est: une fois rendus en région, quelle est notre capacité de les retenir? Et, si on bonifie, par le biais de la grille ? c'est quand même un geste important; c'est important, la grille de sélection; c'est délicat et important... Donc, si on bonifie et, une fois rendus en région, au bout de quelques mois à peine, ils décident qu'ils préfèrent retourner, par exemple, à Montréal parce qu'il y a plus de gens qu'ils connaissent, parce qu'ils sentent un sentiment d'appartenance plus grand auprès des communautés, on règle ça comment, cette question-là?
Mme Arsenault (Chantal): Évidemment, on est conscients de cette difficulté-là, puis c'est un petit peu dans cette optique-là qu'on mentionne un programme particulier où on parle des gens qui viendraient d'abord travailler à l'aide d'un permis de travail dans une région donnée. En offrant cette possibilité-là, la personne a un permis de travail qui est spécifique à un employeur et qui est spécifique également à un endroit, donc la personne se doit de rester là, et, par la suite, obtenir la résidence permanente. Donc, au moins, on aura eu une intégration. La personne aura déjà travaillé ici pendant un an, deux ans ou trois ans, suivant un programme qu'on déciderait. Il y a plus de chances qu'elle reste que si simplement c'est de dire: Je viens de l'extérieur, oui, je suis bien d'accord, je veux m'établir à Sherbrooke, puis... C'est la première fois qu'on met les pieds à Sherbrooke et, deux ou trois mois après, on s'aperçoit qu'on n'a pas trouvé l'emploi qu'on recherchait.
Mme Courchesne (Fabre): Est-ce que je comprends bien, là? Parce que, moi, ça questionne beaucoup ma notion d'équité. Parce que ce que je comprends, là, dans ce que vous dites, c'est que, ça, c'est un peu conditionnel à un emploi. Alors, on accueille, par exemple, 40 000 nouveaux arrivants. Bon, ils ne viennent pas tous à l'intérieur d'un cadre familial, là, donc n'ont pas tous nécessairement un conjoint, mais, à la limite, c'est 40 000 emplois, ou 30 000 emplois, ou 28 000 emplois qu'il faut trouver, là. C'est un peu ça que vous dites. Parce que, là, on diviserait notre accueil en catégories, là. Et là j'entends déjà des gens qui pourraient dire: C'est une forme de discrimination par rapport à notre volonté d'être très inclusif si on met au préalable une condition liée à l'emploi qui apporterait des points additionnels. J'essaie juste de comprendre, là. Mais, vous, avocats... j'essaie de situer dans mes propos toute cette notion d'équité et de chances égales, là. Comment vivez-vous avec ça, là? Ou, peut-être que j'ai mal compris.
Mme Arsenault (Chantal): Bien, en fait ce qu'on... Ce qu'on suggère, c'est un... ça ne veut pas dire de mettre la grille qui existe à l'heure actuelle de côté parce que, de façon générale, on doit le dire, on trouve que c'est effectivement une grille qui fonctionne bien, c'est un système qui fonctionne bien. Alors, il n'y a pas de système parfait, mais on est en mesure de le comparer à d'autres systèmes et on trouve qu'il fonctionne très bien.
Ce qu'on propose, c'est peut-être d'ajouter un quatrième volet, par exemple, au facteur emploi où, à l'heure actuelle, on a déjà trois façons d'admettre des gens. Ce n'est qu'un outil additionnel. Donc, des gens qui ont cette possibilité-là d'avoir un emploi bénéficient de cette porte d'entrée. Les autres ont encore quand même des options qui existent déjà, par exemple avec l'employabilité et la mobilité professionnelle qui existe et selon laquelle ils pourraient aussi se qualifier.
Je ne sais pas si, Isabelle, tu avais des choses à ajouter?
Mme Dongier (Isabelle): Non, je pense qu'effectivement on n'envisagerait pas de retirer des façons de se qualifier qui existent déjà actuellement, donc on ne rétrécirait pas le bassin de gens qui pourraient effectivement porter leur candidature avec succès. Mais on ajouterait une catégorie aux trois catégories déjà existantes pour encourager ceux qui vivent déjà en région de façon temporaire, qui sont déjà établis ici, et leur donner, si vous voulez, une bonification, comme vous nous le disiez tout à l'heure.
Mme Courchesne (Fabre): Est-ce que, le fait de vivre en région, c'est suffisant pour avoir une bonification ou si vous attachez à ce critère la notion aussi de détenir un emploi ou de détenir une offre d'emploi?
Mme Dongier (Isabelle): Si, par exemple, ils ont déjà demeuré en région pendant deux ans, hein...
Mme Courchesne (Fabre): Ah! parce qu'ils ont été travailleurs. Vous vous basez sur le fait qu'ils ont été travailleurs temporaires.
Mme Dongier (Isabelle): Oui, ou étudiants, hein?
Mme Courchesne (Fabre): O.K., ou étudiants.
Mme Dongier (Isabelle): Ou étudiants, à l'Université de Sherbrooke par exemple ou...
Mme Courchesne (Fabre): Ah! d'accord. D'accord.
M. Tom (Walter Chi Yan): C'est ça. Et puis aussi, pour ajouter dans le même sens... Et ce n'est une fois encore pas une question de baisser les critères, mais plutôt pour les bonifier. Quand on regarde une fois encore... Et je crois qu'il ne faut pas oublier notre histoire, au Québec, dans le sens que, jusqu'à tout récemment, par exemple pour les communautés chinoises... jusque dans les années quatre-vingt-dix, 98 % des personnes sont venues surtout par voie de parrainage familial. Ceux qui sont venus encore suite... dans les quatre-vingt-dix jusqu'à maintenant sont venus surtout ? et surtout je parle de Hong Kong ? parce qu'ils voulaient avoir une meilleure vie familiale, parce qu'ils voulaient effectivement... parce qu'ils connaissaient des gens, soit à Montréal, soit à Toronto ou à Vancouver, qui effectivement les avaient encouragés de venir parce qu'il y avait cette... Et c'est pour ça que j'avais ouvert avec les mots «soutien» et «appartenance». Je connais beaucoup des professionnels asiatiques qui ont choisi de rester au Québec au lieu d'aller ailleurs parce qu'ils ont senti cette appartenance.
Alors, tout ce qu'on demande dans le mémoire, c'est effectivement qu'il y ait une reconnaissance plus soutenue de effectivement ce facteur familial, et surtout dans les régions, parce que, si la famille est déjà en région, dans ce cas-là, vous demandez... bien, ils viennent ici... Comment est-ce qu'on va savoir effectivement s'ils vont rester là? Bien, dans ce cas-là, la famille qui est en région, on va leur aider de s'intégrer.
Mme Courchesne (Fabre): Je suis d'accord avec ça, je me dis que c'est quelque chose à laquelle on peut songer, mais encore faut-il qu'il y ait, par exemple, des communautés asiatiques déjà installées en région. C'est un peu l'oeuf avant la poule ou la poule avant l'oeuf. Parce que ce que vous dites, c'est qu'il faut créer cette masse critique pour avoir ce sentiment d'appartenance, mais en même temps, en même temps, c'est ça, la difficulté d'aller en région, c'est que les gens se sentent... les nouveaux arrivants se sentent parfois isolés, seuls, etc., bon, alors qu'il y a des communautés à Montréal. Et ce qu'on ne veut surtout pas, c'est de créer cet effet de communautarisme pour que les communautés ne soient qu'entre elles. C'est très complexe. Et j'essaie de comprendre un peu justement l'essence de votre mémoire à cet égard-là puis je vais vous amener sur un autre terrain qui est celui de la diversité culturelle.
Est-ce que cette grille de sélection ou cette façon de sélectionner, selon vous, devrait favoriser cette notion de diversité culturelle? Est-ce que, sur un plan juridique, c'est défendable pour une province comme la nôtre qui a la responsabilité de la sélection en vertu d'un accord fédéral-provincial... est-ce que c'est soutenable de vouloir, à travers nos niveaux d'immigration, de vouloir accueillir des gens de différents bassins, de différents pays, pour justement enrichir notre collectivité de cette diversité culturelle dont, moi, je crois personnellement, nous sommes fiers, mais qui, à cause des augmentations de volume, pourrait faire en sorte à un moment donné que, si on ne peut pas discriminer parce qu'on n'a pas de quota, on pourrait avoir des difficultés à gérer nos volumes? Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de réfléchir à ça, mais j'aimerais vous entendre.
M. Tom (Walter Chi Yan): Avec tout respect, au niveau de cas... Cette question de diversité, ce n'est pas une question qu'on a abordée dans notre mémoire, mais que... Une fois encore, disons que la question de diversité, au fond, c'est une question de société et, dans ce sens-là, nous, comme hommes du Barreau, nous sommes ouverts à cette question. En même temps, ce que nous avons souligné, et nous n'avons pas peut-être eu l'occasion de retourner sur cette question dans notre présentation initiale, c'est la question de transparence, dans le sens que, si effectivement... parce que c'est vrai qu'il n'y a pas des quotas fixes au niveau du législatif, mais, par contre, il y a quand même des objectifs, il y a quand même des mécanismes administratifs qui font que, dans les faits, il existe effectivement des quotas et, dans ce sens-là, il faut que l'administration québécoise soit transparente dans ça pour que les gens qui vont faire une demande soient au courant des enjeux.
n(12 h 20)nMme Dongier (Isabelle): Si je peux...
Le Président (M. Cusano): Brièvement, s'il vous plaît.
Mme Dongier (Isabelle): Oui, si je peux... Si vous me permettez, très, très brièvement et de façon préliminaire parce que, effectivement, on n'a pas de position formelle ou officielle à cet égard-là, je pense que de nombreuses personnes seraient d'accord qu'on essaie, en tant que gouvernement, d'avoir un apport migratoire qui soit équilibré, de ne pas tenter nécessairement... ou de ne pas recruter que des hispanophones, ou que des Asiatiques, ou que des Africains. Donc, il y a certainement, dans la population québécoise, une volonté qu'il y ait un certain équilibre dans le visage de l'immigration actuellement.
Mme Courchesne (Fabre): Même si ça cause des délais?
Mme Dongier (Isabelle): Bon, alors, les délais, c'est tout autre chose.
Mme Courchesne (Fabre): C'est lié, c'est interrelié.
Mme Dongier (Isabelle): C'est lié, oui, jusqu'à un certain point effectivement, mais les délais, vous savez, ils sont décourageants pour tout le monde. Les délais, que vous soyez Asiatique ou Africain, quand vous devez attendre un an, deux ans, trois ans, vous changez d'avis en cours de route, et c'est comme ça qu'on perd des bons candidats. Mais de là à utiliser les délais pour aller faire de la... pour aller diversifier le visage du Québec, je pense que, là, on irait dans un glissement qui serait dangereux.
Je pense qu'effectivement c'est très délicat de définir que, pour telle région, on veut tel volume d'immigrants et, pour telle autre, tel autre volume. Je pense que, là, on aboutirait dans des risques d'allégations de discrimination parce que ça voudrait dire qu'on n'est pas prêts à accepter plus de telle ou telle origine nationale... personne d'origine nationale que telle autre, et on arrive dans des types de distinctions avec lesquelles nos chartes ne sont pas confortables. Je ne veux pas dire que nos chartes s'appliquent à ces immigrants-là, ce n'est pas ça, la question, mais, si on a mis ces principes de non-discrimination dans nos chartes, c'est parce que ce sont des valeurs qui nous tiennent à coeur. Donc, c'est délicat d'aller les appliquer à d'autres.
Le Président (M. Cusano): Merci beaucoup.
Mme Dongier (Isabelle): Merci à vous.
Le Président (M. Cusano): Je cède maintenant la parole à la députée de Prévost.
Mme Papineau: Je vous remercie beaucoup, M. le Président. Mesdames, monsieur, le Barreau du Québec est venu présenter un mémoire, et on a eu l'occasion de discuter d'un ordre professionnel de consultants en immigration et... que le Barreau du Québec est contre. Je voudrais vous entendre sur la possibilité d'un ordre professionnel de consultants en immigration. Est-ce que vous avez une... Vous avez fait une réflexion, j'imagine?
Le Président (M. Cusano): Mme Dongier.
Mme Dongier (Isabelle): Eh bien, notre association a fait une réflexion et a pris une position au niveau national, au niveau pancanadien. Au niveau du Québec proprement dit, notre association ou notre division au Québec ne s'est pas dissociée, hein, on a donc cette position nationale. Maintenant, je sais que le Barreau du Québec a prévu entretenir d'autres... ou faire d'autres rapports, ou continuer sa démarche, là, auprès du MRCI pour faire part de sa position.
En ce qui concerne la pratique de la profession de consultant, si je peux vous exposer la position de notre association au niveau national, je dois vous dire que c'est la suivante. Pendant de nombreuses années, nous nous sommes opposés en fait à ce que des personnes qui ne soient pas juristes, qui ne soient pas diplômées en droit puissent aller prodiguer des conseils en matière de droit de l'immigration parce que, bon, c'est effectivement un domaine qui est régi par un corps législatif, par des lois et des règlements, et où il y a effectivement du travail de conseil juridique qui se fait. Donc, la position de l'association pendant longtemps a été de dire qu'il n'était pas approprié de permettre à des non-avocats d'agir dans ce secteur-là.
Au fil des années, devant, je dirais, l'inertie des gouvernements qui se sont succédé aux niveaux fédéral et provincial ? je ne dirais pas «provincial» mais «provinciaux», parce que c'est dans toutes les provinces du Canada qu'on vivait le même problème ? l'association a, si je peux dire, changé son fusil d'épaule et a pris la position suivante. Si, effectivement, les gouvernements sont prêts à accepter que les consultants soient présents dans la profession, à ce moment-là il faut les réglementer comme il faut. Il faut s'assurer qu'ils aient un code de déontologie avec des dents, avec des mesures strictes. Il faut s'assurer qu'ils aient une assurance responsabilité pour indemniser les gens qui pourraient être victimes de leurs fautes. Il faut s'assurer qu'ils aient des critères de compétence et d'admission à la profession, des critères de formation et d'évaluation de leurs connaissances, donc pour avoir un minimum effectivement de sûreté, le tout étant fait dans une optique de protection du public. Parce que, effectivement, les avocats et les notaires et d'autres professionnels, tout comme les ingénieurs, bon, ont leurs compétences et ont leur formation, bon, bien, les avocats ont un certain nombre de qualités qui font que le public est protégé contre leurs erreurs ou contre les bêtises qu'ils pourraient faire.
Disons qu'on a eu comme position, à l'association, d'encourager que la profession des consultants soit réglementée. Alors, cette réglementation approche, on est à quelques semaines de l'entrée en fonction de ces nouvelles règles au niveau fédéral. Maintenant, nous attendons de voir ce qui va se passer au niveau provincial.
Mme Papineau: Est-ce que je me trompe ou si la majorité des consultants, ce sont des juristes, ce sont des avocats ou si...
Mme Dongier (Isabelle): Non. Je vous dirai... Bien, je n'ai pas de statistiques précises parce que je n'ai jamais cherché à les recueillir, mais beaucoup de consultants justement... il y a une partie des consultants qui sont des anciens juristes, qui ont quitté la profession d'avocat et puis qui se sont recyclés. Il y a beaucoup de consultants qui sont des anciens fonctionnaires, qui ont quitté le MRCI ou qui ont quitté Immigration Canada et qui ont changé en fait de type d'activité. Il y a également des consultants qui sont des anciens immigrants qui, eux-mêmes, ont immigré et ont acquis, de leur opinion, une certaine connaissance de ce que c'est que faire de l'immigration et qui se mettent à conseiller la cousine de leur frère ou de leur grand-mère et, petit à petit, se mettent à recevoir de l'argent pour faire ce travail-là. Vous voyez donc, c'est un bassin qui est assez hétérogène, je dirais, au niveau de la source de leurs membres.
Mme Papineau: J'aurai juste une autre question de ma part. J'aimerais vous entendre à l'égard des équivalences par rapport aux ordres professionnels, c'est qu'on entend, depuis le début de la commission, que c'est difficile, que ce soit pour un avocat, un notaire, un médecin, de pouvoir pratiquer au Québec sa profession. Mais le Barreau du Canada, comment... est-ce qu'il y a une réflexion à l'effet... qu'est-ce que vous faites? Est-ce que vous facilitez... Est-ce que vous avez des... pour votre ordre. On va prendre votre ordre, par exemple, quelqu'un qui veut venir... ou celui des médecins, là, quelqu'un qui veut venir pratiquer ici, on sait que c'est très difficile. Même quand l'Ordre des professions est venu en commission, moi, je me suis permis de leur dire qu'on les pointait du doigt parce que, dans la population, on dit que ce sont eux qui empêchent les professionnels de venir, surtout les professionnels dont on a tant besoin au Québec en particulier, de venir professer ici, au Québec. Mais j'aimerais vous entendre sur ce sujet-là.
Mme Dongier (Isabelle): Sur la question des ordres...
Le Président (M. Cusano): Me Dongier, avant de vous permettre de répondre, on est rendu à 12 h 30, j'ai besoin du consentement des membres de la commission pour pouvoir poursuivre au-delà. Est-ce qu'il y a consentement?
Une voix: Oui.
Le Président (M. Cusano): Il y a consentement?
Une voix: Oui.
Le Président (M. Cusano): Oui? Alors, vous pouvez répondre.
Mme Dongier (Isabelle): Alors, je vais faire ça rapidement. Notre association n'est pas un ordre, hein? Nous, nous n'admettons pas à la pratique du droit certains candidats qui pourraient venir pratiquer. Donc, nous n'agissons pas, si vous voulez, comme association, comme un organisme de régulation de la pratique de la profession. Nous sommes vraiment une association de professionnels du droit, mais nous n'octroyons pas de permis. O.K.?
Ceci étant dit, effectivement, la problématique de la reconnaissance des équivalences, c'est monumental. C'est certainement un sujet très difficile parce que chaque ordre a ses bonnes raisons pour ne pas travailler plus vite que le voisin et chaque ordre revient toujours aussi, et avec raison jusqu'à un certain point, à la question de la protection du public. C'est évident que, quand des ingénieurs construisent des ponts ou des édifices, on veut s'assurer que leurs compétences sont suffisantes pour que nos ponts et nos édifices soient solides.
n(12 h 30)n Maintenant, il y a effectivement une grande question de protectionnisme corporatif, là, je crois que ça, c'est indéniable. Alors, c'est certain, nous, notre association est en faveur qu'on travaille auprès des ordres pour voir à réduire au minimum leurs exigences, mais en même temps il faut reconnaître qu'ils aient des exigences. Parce que, d'un pays à l'autre, les diplômes ont une signification différente, et quand on voit les équivalences de diplômes, par exemple en traduction ou en ingénierie, on peut voir des diplômes de pays différents qui ont un contenu drastiquement opposé et où la durée n'est même pas un facteur non plus, parce que dans certains pays un diplôme peut avoir été obtenu après cinq ans, mais avoir un contenu bien moindre qu'un diplôme de deux ans ailleurs, vous voyez? Donc, c'est très, très complexe.
M. Tom (Walter Chi Yan): Et, avant de terminer notre présentation, j'aimerais juste revenir peut-être sur un point que j'ai rapidement touché, juste pour vous donner des exemples concrets au niveau de comment il y a un si grand écart dans les critères et les barèmes financiers de parrainage au Québec, comparé avec, par exemple, Ontario, ou Colombie-Britannique, ou n'importe où ailleurs au Canada.
Juste pour vous donner un exemple, un jeune couple qui veut peut-être avoir un enfant bientôt et qui veut parrainer effectivement un de leurs parents pour venir au Québec pour leur aider avec l'enfant, ça va leur coûter à peu près 38 138 $, selon les barèmes financiers. Par contre, ce jeune couple là, s'ils vivent ailleurs que le Québec, ça va leur coûter seulement 29 944 $, autrement dit une différence de 8 194 $. Ça, c'est un écart significatif. Alors, l'autre exemple, une jeune mère célibataire professionnelle avec un enfant... Oh, pardon, l'exemple que je viens de vous donner, c'est effectivement pour la jeune mère célibataire avec un enfant, qui veut faire venir un des parents. Celui du couple maintenant, les chiffres sont plutôt les suivants: un couple qui veut effectivement faire venir les parents, dans ce cas-là au Québec, le chiffre, c'est 44 388 $ versus le restant du Canada, c'est 36 247 $, pour une différence de 8 141 $. Alors, en tout cas c'est juste pour vous montrer à quel point il y a des écarts financiers entre le Québec et le restant du Canada au niveau des barèmes financiers et surtout... parce que, si on parle de démographique, c'est quelque chose qui n'encourage pas.
Le Président (M. Cusano): Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Chambly.
Mme Legault: Merci, M. le Président. Merci beaucoup. On vient de faire état, là, des écarts financiers entre le Québec et les autres provinces. Vous me semblez avoir une vaste expérience en fait sur tout le territoire canadien. Comment le Québec se compare-t-il, en matière justement de reconnaissance de diplômes et d'acquis, là? Est-ce que vous avez une expérience ou une connaissance à nous transmettre à cet égard-là?
Mme Dongier (Isabelle): Moi, je pense que le Québec est assez similaire à ses voisins ? et voisins plus ou moins éloignés, là. Je pense qu'on ne fait pas beaucoup mieux qu'ailleurs. Ce qu'on fait peut-être mieux qu'ailleurs, c'est... de plus en plus du moins, c'est de prévenir les gens à l'avance, c'est d'informer au niveau de ce qu'on appelle le counselling, là, d'informer les immigrants du fait que leur profession ne sera pas forcément facilement accessible à leur arrivée. Ça, je pense que c'est quelque chose qui est rarement fait au niveau fédéral. Mais, à part ça, le Québec, en termes de reconnaissance ou d'admissibilité aux ordres, ne fait pas mieux.
On a quand même un programme qui est un peu plus agressif au niveau des médecins. Il y a donc un dialogue qui est peut-être avancé un peu plus loin au niveau provincial, au Québec. Et je pense que le modèle des médecins est un bon modèle, à la limite, c'est-à-dire qu'on est partis d'un cas réel de pénurie, hein? Plutôt que de dire: Tous les ordres doivent, demain matin, être très ouverts pour accepter tous les immigrants, on est partis d'un cas typique de pénurie où ça a été constaté, où c'était indéniable et où l'ordre ne pouvait plus nier qu'il y avait un problème, et là ils ont été mis en position où il fallait qu'on trouve des mécanismes pour aller répondre à la situation. Et peut-être que c'est une piste de solution. C'est plutôt que de se donner le grand mandat de mettre tous les ordres professionnels au pas, allons-y par les secteurs de pénurie, et là on a l'appui de la population aussi pour le faire.
Mme Legault: Merci. J'ai une autre question, dans un autre ordre d'idées, concernant les mesures, là, qui pourraient faciliter ou appuyer la régionalisation de l'immigration. Vous suggérez dans votre mémoire qu'on pourrait, par exemple, proposer des congés fiscaux à des nouveaux arrivants qui choisiraient les régions. Et, moi, je me demande, bon, à la lumière de l'équité, à la lumière de nos chartes: est-ce que ça tient la route si cette mesure-là n'est, par exemple, pas proposée à des gens de chez nous qui choisiraient d'aller en région aussi?
Mme Arsenault (Chantal): C'est un petit peu pour ça que je vous ai mentionné le programme de congé fiscal qui existe déjà. En fait, c'est pour ça qu'on dit: Oui, ça peut tenir la route parce qu'il y a un précédent pour les travailleurs temporaires qui viennent ici et qui bénéficient d'un congé fiscal. Les chercheurs scientifiques donc pour une période de 60 mois, allant jusqu'à 60 mois, ils peuvent venir ici, et ils n'ont pas d'impôts québécois à payer de ce côté-là. Donc, c'est un programme qui existe déjà.
Oui, c'est vrai qu'on peut se faire... on va toujours souligner à la question: Bien, moi, j'aimerais bien bénéficier de ce congé fiscal là si je retourne en région ou si je décide de m'y établir, on n'est pas à l'abri de soulever cet argument. Mais, comme je dis, étant donné qu'on a déjà une situation qui existe, c'est viable. Donc, ça vaut certainement la peine au moins d'explorer cette option-là et de voir de quelle façon on pourrait l'intégrer de façon satisfaisante pour l'ensemble de la population.
Mme Legault: Merci.
Mme Dongier (Isabelle): Je dirais que là aussi il y a une question, si vous permettez, M. le Président... il y a une question d'adhésion sociale qui est en arrière de ça, dans la mesure où, dans les programmes que Me Arsenault évoquait, il s'agit de secteurs de pointe, de secteurs scientifiques, de recherche et développement et où effectivement la population canadienne ou québécoise en particulier est prête à ce qu'on fasse certains sacrifices parce qu'on veut développer ces secteurs de pointe là et on est conscients que c'est des secteurs porteurs, développeurs d'emplois, etc. Donc, moi, j'ai souvent des gens qui me disent: Ah bien, moi, j'aimerais bien me recycler en chercheur de R & D parce que je n'aurais plus d'impôts à payer. Mais, en même temps, ils sont prêts à faire ce sacrifice-là parce qu'ils sont conscients que ça a beaucoup d'apports positifs pour le Québec. Donc, c'est un peu un équilibre qu'on est prêts à atteindre.
Mme Arsenault (Chantal): Et c'est dans la mesure où justement on décide que la régionalisation est un projet de société et non pas un projet du ministère de l'Immigration ou de certains groupes. Alors, c'est la société qui se met derrière ça et qui en voit l'importance. Je pense que, de plus en plus, on en parle dans les médias. On est de plus en plus sensibilisés à ça. On parle, par exemple, des étudiants qui pourraient revenir dans leurs régions et bénéficier de certains crédits de leurs prêts et bourses. Donc, il y a un éveil à cette possibilité-là et, dans la mesure où la société se met derrière ce projet-là en entier, je pense qu'effectivement ça vaut la peine de le considérer.
Mme Legault: Merci. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Cusano): Merci, Mme la députée de Chambly. Je cède maintenant la parole à la députée de Marie-Victorin.
Mme Vermette: Oui, M. le Président. Alors, je serai brève, compte tenu de l'heure effectivement. J'aurais peut-être... Effectivement, je vais commencer sur les propos que vous avez dits: C'est un problème de société où il faut sensibiliser l'ensemble de la société. Et je pense que plusieurs personnes qui sont invitées à participer sont interpellées en fin de compte par l'immigration. Et ceci m'amène à vous poser cette question: en fait, pour que ce soit gagnant, un plan d'action gagnant, ce seraient quoi finalement, les priorités d'action pour vous? Et quels seraient finalement les partenaires à privilégier dans un tel contexte?
Mme Arsenault (Chantal): C'est sûr qu'étant donné... Dans notre mémoire, on parle de l'un des éléments principaux... on parle toujours de l'emploi. Effectivement, c'est un point central pour faciliter une intégration en région. Et l'un des partenaires principaux qu'on doit vraiment obtenir, ce sont les entreprises. Alors, c'est intéressant de voir qu'on a quand même des actions qui sont faites. On parle, par exemple, du groupe qui a présenté devant nous; ils vont directement chez les employeurs pour aller essayer de solliciter ces endroits-là. Je pense que c'est capital qu'effectivement les employeurs réalisent l'importance d'aller chercher cette main-d'oeuvre-là qui leur manque un peu partout, et donc utiliser l'immigration pour remplir ce besoin-là.
n(12 h 40)n Je suis confiante que, quand quelqu'un a un emploi justement qui est satisfaisant, on a l'intention de s'intégrer, de poursuivre, et c'est peut-être juste un étudiant, mais on parlait d'une masse critique plus tôt, il faut commencer par un, et puis éventuellement on va la créer, cette masse critique là. Alors, si on est conscient au sein des entreprises, je pense que c'est un point de départ.
On ne peut pas penser ou considérer qu'on va régler la question de la régionalisation l'année prochaine en se disant: Ça y est, on va envoyer x nombre de personnes à Sherbrooke, et ça va leur régler leur problème, on va avoir créé la régionalisation. Ce n'est pas possible. C'est un objectif qui prend du temps et qui est difficile à réaliser, mais chaque petite action, on l'espère, sera un pas dans la bonne direction.
M. Tom (Walter Chi Yan): Et aussi, dans ce sens-là, une fois encore, pour la famille qui est déjà en région, en même temps qu'on cherche des employeurs pour aider les nouveaux arrivants dans les régions, pourquoi ne pas utiliser davantage les réseaux qui existent déjà? Effectivement, on parle... Parce que Mme la ministre a posé la question: Mais comment est-ce qu'on peut effectivement retenir même les gens qui sont donc dans certaines communautés, qui sont installés déjà dans les régions, parce qu'il y a une fuite vers la métropole? Une ? peut-être ? option, c'est peut-être leur permettre de renouveler leur communauté, de peut-être une fois encore ajuster le guide de sélection pour permettre à plus de gens ayant effectivement ce réseau solide, familial de s'installer dans les régions et renouveler effectivement ces communautés.
Mme Vermette: Merci beaucoup. Ma dernière question serait... C'est parce que j'avais deux volets aussi. Je vous avais demandé aussi... Et, vous autres, vous vous situez où dans ce labyrinthe, en fin de compte, par rapport à l'ensemble des participants? Vous vous situez à quel endroit? Et quelles seraient vos relations avec d'autres participants?
Mme Dongier (Isabelle): Bon. Alors, au niveau du labyrinthe dont vous parlez, effectivement, nous, on se situe à un stade où l'immigration est encore un projet soit pour un individu, soit pour une entreprise qui a des besoins dans ce domaine-là. Alors, certains d'entre nous interviennent pour assister un immigrant potentiel qui envisage de venir s'établir au Québec et qui nous demande de l'aide pour s'y retrouver dans le labyrinthe, pour commencer, et ensuite pour cheminer dans son projet, pour analyser au départ sa candidature. Parce qu'il ne va pas vouloir entamer une démarche qui peut être longue et coûteuse pour rien, hein? Donc, souvent notre travail comme avocats va commencer par analyser sa candidature et voir dans quelle mesure effectivement il serait un candidat qui pourrait être sélectionné par le Québec. Il y en a d'autres qui nous arrivent avec de tout autres projets, qui veulent aller immigrer en Alberta ou en Colombie-Britannique, bon. Donc, voilà où nous nous situons.
Certains d'entre nous aussi oeuvrent auprès d'entreprises qui ont besoin de faire venir des étrangers pour des tas de raisons. Donc, nous les aidons souvent à faire venir ces individus sur une base temporaire ou sur une base permanente, dépendant des cas. Et nous aidons... et nous assistons les clients jusqu'à ce que la personne arrive et souvent on continue en fait à les tenir par la main après leur arrivée au Québec.
Mme Vermette: Je me demandais où vous vous situez parce qu'il y a beaucoup d'intervenants, et je me demandais quels sont les liens que vous avez avec différents... qui à peu près connaissent... qui ont une connaissance des besoins, notamment au niveau région, local, l'emploi, etc. Alors, c'était pour ça. Dans le fond, c'est bien beau de dire: Oui, vous avez la capacité de venir, puis voilà les besoins sont ici, mais je crois que c'est beaucoup plus profond que ça parce que justement, si c'est mal fait, cette approche-là, il y a beaucoup de déceptions. Donc, vous ne pouvez pas oeuvrer seuls, vous devez travailler en concertation avec beaucoup d'individus, de groupes reconnus aussi, pour faire en sorte que les personnes qui puissent venir au Québec, en plus d'être de bons candidats, ont toutes les chances, là, mises de leur côté.
Mme Dongier (Isabelle): Tout à fait. Et vous avez raison. Effectivement, on ne peut pas travailler seuls parce qu'on ne peut pas tout faire avant, pendant, après. Alors, c'est évident que, selon les individus aussi et selon leurs besoins, on va les diriger ou on va collaborer avec des organismes différents. Parfois, on a des gens qui ont besoin de développer des réseaux d'affaires et qu'on va plus diriger vers des organismes d'affaires, chambres de commerce, des choses comme ça. Il y en a d'autres qui ont d'autres types de besoins et où on va travailler avec des organismes communautaires d'aide à l'intégration, etc. Donc, c'est très, très varié, dépendant des besoins individuels.
Mme Vermette: Je vous remercie beaucoup.
Mme Dongier (Isabelle): Merci à vous.
Une voix: Je vous remercie.
Le Président (M. Cusano): Merci. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? Alors, Mme Dongier, Mme Arsenault, M. Tom, au nom de mes collègues, je vous remercie de votre présentation.
Je suspends les travaux à 14 heures, cet après-midi.
(Suspension de la séance à 12 h 45)
(Reprise à 14 h 1)
Le Président (M. Cusano): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la Commission de la culture reprend ses travaux. Cet après-midi, nous entendrons les représentants d'ICI ? ça, c'est l'Intégration communautaire des immigrants; à 15 heures, le Syndicat des professeurs de l'État du Québec; à 16 heures, la communauté noire africaine de Montréal-Canada; à 17 heures, la Chambre de commerce et d'industrie de la Rive-Sud de Montréal.
Alors, je remarque que nos premiers invités sont déjà en place. J'aimerais, pour les fins du Journal des débats, vous demander de vous identifier, s'il vous plaît.
Intégration communautaire
des immigrants (ICI)
Mme Lopez (Eva): Eva Lopez, directrice d'Intégration communautaire des immigrants.
M. Lessard (Éric): Je m'appelle Éric Lessard. Je suis membre du conseil d'administration de l'organisme et aussi conseiller en communications au CLD de la MRC de L'Amiante.
Le Président (M. Cusano): Merci et bienvenue à nos travaux. Je vais prendre quelques secondes pour vous expliquer quelques règles de base. En premier lieu, vous avez une période de 20 minutes pour présenter votre mémoire. Par la suite, il y aura un échange, avec les membres de la commission, pour une durée maximale de 40 minutes. Alors, la parole est à vous.
M. Lessard (Éric): Alors, merci beaucoup. Dans un premier temps, évidemment, nous tenons d'abord à remercier la commission de son intérêt à entendre notre mémoire. Ce mémoire vous est présenté par l'organisme Intégration communautaire des immigrants de la région de l'Amiante, avec le soutien du Centre local de développement de la MRC de L'Amiante.
Avant de débuter, nous aimerions vous souligner qu'à travers notre mémoire, qui évidemment reflète des préoccupations de notre région, la région de l'Amiante, nous allons évidemment traiter de l'importance de faciliter l'établissement des immigrants en région. Donc, évidemment, sans vouloir parler en leur nom, il est clair que notre mémoire reflète aussi les préoccupations et les attentes qui pourraient être celles de beaucoup de régions au Québec.
Alors, dans une première partie, je vais, d'abord, vous présenter brièvement notre MRC pour, ensuite, vous énoncer trois importants défis que notre région aura à relever pour assurer son avenir et pour lesquels l'immigration peut représenter l'un des éléments de solution. Par la suite, Mme Lopez vous entretiendra plus en détails des préoccupations de notre région face à l'immigration en général et, de façon plus particulière, quant à nos attentes en ce qui a trait à la planification des niveaux d'immigration pour 2005-2007.
Donc, rapidement, vous devez savoir que la MRC de L'Amiante est une MRC qui est localisée au sud-ouest de la région administrative de Chaudière-Appalaches. Notre MRC regroupe une population de 43 247 personnes, dont plus de 60 %, soit 26 000 personnes environ, habitent la ville de Thetford Mines.
Après qu'une première vague d'immigrants, irlandais et écossais pour la plupart, soit venue s'installer dans notre région suite à l'ouverture des chemins Craig et Gosford, en 1811 et 1829, c'est véritablement la découverte de l'amiante chrysotile, en 1816... 1876, pardon, qui va amener une croissance démographique importante et faire de notre région l'une des plus prospères au Québec pendant plus d'un siècle, une situation évidemment très enviable qui va décliner toutefois à partir du milieu des années soixante-dix, avec l'effondrement des marchés de l'amiante.
Depuis ce temps-là, tout en misant sur une qualité de vie exceptionnelle, notre région s'est engagée avec succès dans la diversification de son économie, et elle est prête aujourd'hui à faire face aux défis de l'avenir. À cet égard, l'immigration pourrait contribuer à aider notre région à relever trois importants défis.
Le premier défi, c'est celui de la démographie, évidemment. Comme beaucoup de régions au Québec, notre région connaît un déclin démographique qui est attribuable en partie au faible taux de natalité et au vieillissement de la population qui caractérisent une bonne partie du Québec et aussi par l'exode des populations des régions vers les grands centres urbains. Au recensement de 2001, la population de notre MRC était en baisse de 10,5 % par rapport à 1986. Également, les projections d'évolution démographique de l'Institut de la statistique du Québec prévoient que la population de la MRC de l'Amiante glissera sous la barre des 40 000 personnes d'ici 2021 comparativement à un peu plus de 43 000 aujourd'hui. En fait, selon ces prévisions démographiques, ce sont sept des 11 MRC de Chaudière-Appalaches qui verront leurs populations décroître d'ici 2021.
Dans ce contexte, l'établissement d'immigrants dans la MRC de l'Amiante représente donc l'une des opportunités à saisir pour favoriser la consolidation démographique de notre région. Ce constat, comme je l'ai mentionné au début, s'applique également à bon nombre des régions du Québec.
Notre deuxième défi, c'est celui de l'économie, de la diversification et du développement des entreprises dans notre région. Vous devez savoir qu'en 1971 notre région comptait un peu plus de 4 000 travailleurs de l'amiante et qu'aujourd'hui ces travailleurs de l'amiante ne sont plus qu'environ 1 000. Tout en cherchant à consolider son industrie minière en défendant avec vigueur le principe de l'utilisation sécuritaire de l'amiante chrysotile, notre région consent avec succès des efforts soutenus, depuis plus d'une dizaine d'années, afin d'opérer une relance de son économie. Or, cette relance-là de notre économie risque encore ici d'être affectée par des perspectives démographiques qui laissent entrevoir dans un proche avenir une importante pénurie de main-d'oeuvre.
Dans son document Perspectives sectorielles du marché du travail, région Chaudière-Appalaches 2002-2006, Emploi-Québec révèle que 32 500 postes seront à combler en Chaudière-Appalaches, d'ici 2006. Comment arriverons-nous à conjuguer développement économique et création d'emploi avec une importante diminution de population? Cette question se pose encore là dans notre région, ainsi que dans plusieurs des régions du Québec.
Dans ce contexte toujours, l'apport de l'immigration est encore ici une avenue intéressante pour les régions. Il nous faudra toutefois nous assurer que la formation académique et l'expertise professionnelle des immigrants seront compatibles avec la nature des besoins en main-d'oeuvre dans les régions.
Troisième défi: c'est celui d'assurer le maintien des services en région. Encore là, les perspectives démographiques défavorables nous laissent aussi entrevoir une difficulté à maintenir le niveau des acquis sociaux et économiques dans les régions. À titre d'exemple, nos commissions scolaires et nos cégeps en région subissent plus souvent qu'autrement d'importantes diminutions de clientèle qui entraînent de plus en plus la fermeture d'écoles ou l'abandon de programmes. L'immigration en région de familles avec des enfants et des adolescents permettrait à nos institutions scolaires de pouvoir maintenir une offre de services convenable à sa population.
À l'inverse, le vieillissement de la population, qui est une conséquence du déclin démographique, amène une importante augmentation de la clientèle et, par conséquent, une pression accrue sur nos établissements de santé et de services sociaux. Pourrons-nous maintenir dans les régions une qualité de services de santé, dans un tel contexte?
Aussi, le maintien des acquis en milieu rural est une importante préoccupation pour les régions. La survie des petites municipalités rurales est très fortement liée à la possibilité d'y établir de nouveaux résidents qui permettront le maintien d'un niveau acceptable de services ? et on entend par là évidemment, là, dépanneurs, écoles, stations d'essence, etc.
Donc, voilà trois défis qui se posent à notre région, comme dans beaucoup de régions au Québec. Nous entendons, pour notre part, relever ces défis avec brio, notamment avec l'apport de l'immigration. Toutefois, face au défi de la régionalisation de l'immigration, nous ne pourrons y arriver sans l'appui et le soutien concrets de l'État.
Mme Lopez (Eva): M. le Président, Mme la ministre, Mme, MM. les députés, bonjour. C'est pour nous un grand plaisir et un honneur de pouvoir participer à la planification des niveaux d'immigration 2005-2007. Et aujourd'hui nous voulons profiter pour souligner et appuyer votre travail, et, avec tout respect, nous voulons exprimer les recommandations que nous croyons pertinentes.
n(14 h 10)n Intégration communautaire des immigrants est une organisation sans but lucratif dans laquelle les immigrants déjà installés dans la région travaillent ensemble et s'associent aux organismes communautaires et aux habitants d'origine pour procurer une saine adaptation aux immigrants qui choisissent notre région pour s'y établir.
Cet organisme s'attache particulièrement à réussir l'acceptation réciproque des valeurs propres à la communauté et aux immigrants sans aucune discrimination raciale, religieuse ou sociale. Ceci permet à tous les habitants une qualité de vie harmonieuse et pacifique dans laquelle chaque personne peut préserver son identité ethnique et représenter une fierté pour notre société grâce au respect de nos valeurs individuelles.
Nos objectifs sont d'encourager les immigrants à s'installer dans la région de l'Amiante et participer au processus de régionalisation des nouveaux arrivants. ICI, Intégration communautaire des immigrants, veut: établir et maintenir un centre de services aux nouveaux arrivants du monde entier qui sont et seront acceptés au Québec et sensibiliser les immigrants à leurs droits, obligations et responsabilités; regrouper les immigrants de la région de l'Amiante et favoriser le recrutement des nouveaux immigrants dans notre région; faciliter leur adaptation dans la communauté, à travers les services répondant à leurs besoins immédiats et précis; leur donner tout le soutien nécessaire à une saine intégration sociale des femmes; puis promouvoir les intérêts des immigrants; faciliter leurs manifestations multiculturelles et artistiques; être leur porte-parole; offrir soutien moral et matériel à ces personnes; assurer un contact fréquent et bien organisé avec les centres de services à la communauté dans la région; fournir des services de toutes natures et adaptés aux immigrants; intervenir auprès de tout organisme ou gouvernement local, provincial ou fédéral afin de défendre et promouvoir les droits des immigrants de manière pacifique et préserver l'identité ethnique de chaque habitant de la région; offrir tout le service de A à Z, gratuitement, pour les immigrants; et faire de notre région un lieu où il faut fait bon vivre. Voilà nos objectifs.
Les recommandations concernant les niveaux d'immigration 2005-2007. À la lumière de ce qui précède, nous sommes d'avis que le gouvernement du Québec devrait considérer un scénario d'augmentation des niveaux d'immigration avec un vrai objectif de régionalisation accrue et faire preuve de confiance aux régions.
C'est vrai que le problème de dénatalité et de vieillissement est un classique dans notre province et c'est vrai aussi que nous sommes obligés de recourir à une immigration accrue pour renouveler et rajeunir notre population. C'est pour cela qu'il est d'autant plus urgent de voir comment nous planifions et gérons notre immigration.
Il faut gérer l'immigration avec une grande ouverture dans les différents programmes d'ordre administratif et être très flexible, parce que le Québec est une culture unique avec des microcultures uniques. Il faut donner à chaque région les possibilités de se démarquer, de se remarquer dans sa propre façon de faire pour accueillir et intégrer les immigrants, sans oublier que, pour accueillir, accompagner et intégrer, les organismes spécialisés et les organismes d'appui ont besoin de ressources amplement suffisantes.
Le gouvernement doit faire une bonne campagne de sensibilisation à la grandeur du Québec pour informer la communauté d'accueil à propos de la richesse interculturelle dans les écoles, les milieux de travail, les endroits publics, etc., et permettre aux immigrants une meilleure représentation dans toutes les couches de la société québécoise.
La francisation. En ce qui concerne l'aspect linguistique, l'expérience du cours de francisation dans notre région nous amène paradoxalement à penser que la nécessité d'apprendre le français est un facteur qui peut favoriser l'intégration à la collectivité. La période de temps consentie par l'immigrant à son cours de francisation est, d'une part, une occasion de rencontrer d'autres immigrants et, d'autre part, une opportunité d'apprendre à son rythme à mieux connaître sa région d'accueil.
Nous croyons que, dans la sélection des immigrants, le français ne doit pas obtenir une grande place. Malheureusement, nous savons qu'une bonne connaissance du français est loin d'être synonyme de réussite pour un immigrant. Par ailleurs, le MRCI doit assurer le maintien des cours de francisation et les rendre disponibles dans les deux premiers mois d'accueil et intégration, car les listes d'attente pour la francisation des immigrants sont inacceptables.
Dans les grandes villes du Canada, la culture anglaise est forte, et l'anglais permet une plus grande mobilité géographique vers l'Ouest et les États-Unis. Très souvent, le Québec a servi de pont aux immigrants pour aller ailleurs. La francisation pourrait être obligatoire et sans restriction de temps de cinq ans.
Il faut dire qu'il y a du progrès sur cette question de la langue française avec la régionalisation et accepter que la francisation en région est une force à ne pas négliger. À cet égard, nous estimons entre autres que des mesures devraient être prises afin de s'assurer que les immigrants qui arrivent au Québec soient rapidement dirigés vers les régions qui ont un intérêt à les accueillir. En permettant aux nouveaux immigrants résidant actuellement à Montréal ou à l'extérieur du pays de choisir différents types de qualité de vie et de possibilités d'emploi dans les différentes régions de la province, la régionalisation contribue à une meilleure répartition de la diversité ethnoculturelle dans l'ensemble des régions du Québec.
La régionalisation doit tenir compte aussi des lieux de provenance des immigrants. Souvent, les réfugiés sont originaires des petits villages et du milieu rural. Donc, l'immigration devient moins lourde pour les réfugiés en région. Toutes les régions du Québec souhaitent une immigration accrue et stable, mais il faut aussi comprendre que les immigrants ont la pleine liberté de changer de région et que chaque personne immigrante a le droit à se mobiliser et à chercher ce qui leur convient le mieux et ce qui est mieux pour leurs familles. Et, dans ce contexte, les rivalités entre les régions sont absurdes.
La scolarisation. Il y aurait également lieu, à notre avis, de revoir l'importance accordée aux critères de la scolarisation lors de la sélection des candidats à l'immigration. Et les besoins en main-d'oeuvre dans notre région sont davantage liés à des formations de niveau professionnel et technique plutôt qu'à des niveaux d'éducation, de maîtrise ou de doctorat. Le Québec a suffisamment d'immigrants avec leur maîtrise ou doctorat sans aucun emploi pour eux. À cet égard, notre province ne peut pas mettre en difficulté les immigrants et rester indifférent.
Il y a beaucoup de mythes entourant l'immigration. Par exemple, on entend dire que l'immigration ne pose pas de problème parce que les immigrants prennent les postes de travail que les Québécois refusent. L'affirmation peut donner l'impression de vérité, mais en réalité elle est fausse. Un immigrant diplômé accepte un poste de journalier, comme dépannage, avec l'espoir d'aller plus loin. Et là des questions se posent: Sommes-nous prêts à l'appuyer dans sa démarche? Les stages en entreprise sont-ils suffisants et bien encadrés? Et la reconnaissance des connaissances, des expertises et des diplômes? Devant les expériences d'autres peuples, et particulièrement nos voisins aux États-Unis, nous devons garder une certaine simplicité dans la sélection et évaluation des candidats.
Nous pensons que l'établissement des familles présente le meilleur potentiel de succès pour l'accueil et l'intégration des immigrants en région. Le noyau familial offre davantage un environnement qui favorise le soutien mutuel des membres de la famille face aux incontournables difficultés de l'intégration. Nous pensons aussi que la présence d'enfants est de nature à favoriser l'enracinement de toute la famille à la région d'accueil. Mais attention: les familles immigrantes ne vont pas se reproduire si leurs conditions de vie ici sont précaires, alors nous pouvons tourner en rond. Les immigrants veulent une bonne qualité de vie, une meilleure vie pour eux et leur famille, et c'est exactement ça qui les intéresse.
Enfin, sur le plan proprement politique, l'immigration relève à la fois du provincial et du fédéral, et le partage entre les deux pouvoirs n'est pas toujours clair, notamment avec le regroupement familial et les réfugiés. Nous pensons qu'il y a des gros progrès à faire au plan des relations fédérales-provinciales.
Au Québec, les ministères seront aussi obligés à travailler de concert pour promouvoir et pouvoir rehausser la politique du ministère de l'Immigration dans notre province et faire de l'immigration un objectif cohérent. Il ne faut pas penser que le gouvernement à lui seul peut tout faire pour l'intégration des immigrants... pour que l'intégration des immigrants soit réussie. Une bonne part dépend des divers groupes sociaux capables de transformer positivement l'attitude de bien des Québécois face à l'immigration en plein milieu rural.
Mais il ne faut pas penser que ces organismes à eux seuls peuvent faire sans l'aide du gouvernement. Le bénévolat n'est pas toujours suffisant, et on risque de décourager la communauté et les immigrants. Le gouvernement et les organismes communautaires ont des besoins réciproques à ne pas négliger. Avec des campagnes de sensibilisation très ouvertes, le MRCI pourrait expliquer, démythifier et faire comprendre aux Québécoises, aux Québécois que l'immigration est un phénomène de richesse sociale et n'est pas une menace.
La sensibilisation doit être capable d'atteindre toutes les classes politiques et socioéconomiques de notre belle province de manière simple et efficace. Il faut parler de religion, race, culture, d'accueil, d'intégration, jumelage, des problèmes et des solutions.
Et, oui, le Québec peut bénéficier d'un avantage de proximité relative pour ce qui est de l'immigration en provenance de l'Amérique latine, sans oublier que le peuple québécois a un fort intérêt pour la culture, la langue, la musique et la danse latino, ce qui favorise l'intégration réciproque des deux peuples.
Particulièrement, les habitants de notre région aiment l'espagnol, et une grande majorité ont les connaissances de base de cette langue. À chaque session et pendant des années, il y a de huit à 10 groupes d'adultes de tous âges qui suivent des cours au cégep, à la Maison de la culture de Thetford Mines et autres municipalités, dans les activités du midi pour les enfants dans les écoles, et c'est tout un succès. Nos jeunes vont en mission de solidarité en Amérique centrale; leurs parents y vont en vacances au Sud.
n(14 h 20)n Même si les caractéristiques recherchées ne sont pas toujours présentes, en Amérique latine, il y a des écoles secondaires, écoles des métiers et universités où les élèves sont très bien formés et pourront répondre aux besoins de main-d'oeuvre au Québec. En Amérique latine, nous avons des multinationales et des entreprises privées qui sont très performantes et même à jour par rapport au Canada. Il y a aussi un peu moins de technologies modernes, mais cette carence est substituée par une très grande créativité et avec des résultats semblables.
L'éducation, dans les pays d'Amérique latine, est aussi en évolution et capable de former des professionnels fort intéressants. L'Amérique latine pourrait nous offrir des femmes et des hommes, avec leurs familles, travaillant dans les professions où il y a pénurie au Québec, désireux de changer de vie et n'ayant pas peur des nouveaux défis. Il faut faire connaître le Québec en Amérique latine avec des tournées dans les écoles spécialisées, les universités, mais aussi aux candidats potentiels sans emploi. Avec cette clientèle, un temps de francisation bien encadré s'impose, mais, dans l'espace de 12 mois en moyenne, cet investissement va porter ses fruits au Québec.
Afin de faciliter les premiers contacts au Québec, nous voulons bâtir ensemble un projet de société dans une ambiance multiethnique où toutes les femmes, tous les hommes et tous les enfants se sentiront acceptés et respectés dans leurs droits. Notre région parle d'immigration et voudrait être un chantier dans ce domaine. La région de l'Amiante dispose de ressources humaines, d'organismes communautaires et de services sociaux pour répondre aux différents besoins des nouveaux arrivants. Notre région est une belle région à coloniser, à explorer, à développer, mais nous avons besoin d'aide financière du gouvernement. Avec les moyens nécessaires, la régionalisation de chez nous sera un beau succès.
Le Président (M. Cusano): En conclusion, s'il vous plaît.
Mme Lopez (Eva): C'est fini.
Le Président (M. Cusano): Ah bon. C'est bien. Alors, je cède maintenant la parole à la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. Mme la ministre.
Mme Courchesne (Fabre): Merci, M. le Président. Mme Lopez, monsieur, bienvenue. Je suis tellement contente de vous revoir. Je vais vous dire d'abord merci d'avoir pris la peine de rédiger ce mémoire, d'être venus nous le présenter. Effectivement, il y a plusieurs aspects que je voudrais couvrir avec vous, peut-être pour donner suite un peu à cette tournée qui rejoint tout à fait le propos de la commission parlementaire, c'est-à-dire la régionalisation de l'immigration.
La région de l'Amiante a manifesté très tôt le désir et la volonté d'accueillir et d'attirer des nouveaux arrivants dans votre région, et nous avions eu à l'époque, en fait en septembre dernier, une rencontre avec des employeurs, autour de la table, qui avaient été les premiers à dire comment ça pouvait être important puis qu'il y avait une pénurie de main-d'oeuvre, qu'il y avait une rareté, des difficultés de combler les besoins. Et je crois comprendre que du travail a été fait depuis ce temps-là. Et malheureusement je viens de lire une note de ma direction qui me dit: Ça a été difficile. Puis comme la commission parlementaire est l'endroit idéal pour partager nos préoccupations, partager les enjeux, essayer de trouver les solutions, j'aimerais, tous les deux, que vous m'expliquiez, sans nommer les entreprises ? je ne veux pas les nommer ? mais que vous m'expliquiez quelles ont été les difficultés rencontrées.
Parce que je me rappelle très bien les représentants de ces entreprises-là qui... On sentait, là, un enthousiasme, une volonté, puis là je comprends qu'ils ont un peu reculé quand il s'est agi de passer aux actes, et puis de prendre les décisions, et de poser le geste, alors qu'il y avait même des familles qui étaient prêtes à intégrer les entreprises; les employeurs ont dit non. Alors, pouvez-vous... de façon générale, là, je ne veux pas pointer personne, je respecte les décisions, mais je veux juste comprendre ce qui s'est passé.
Le Président (M. Cusano): M. Lessard ou Mme Lopez? M. Lessard.
M. Lessard (Éric): Dans le cas particulier que vous mentionnez, il y avait évidemment un très grand intérêt d'une entreprise en particulier. On parlait de la possibilité d'accueillir, si mes souvenirs sont bons, là, une vingtaine de travailleurs. Maintenant, dans ce cas particulier là, ce qui s'est produit, c'est qu'il y a eu fermeture d'une usine, dans notre région, quelque temps après, qui a rendu disponibles au marché du travail environ 140 travailleurs d'usine. Alors, j'ai discuté récemment avec le directeur des ressources humaines de l'entreprise dont on parle, et c'est sûr que ce contexte-là a amené l'entreprise à peut-être regarder d'abord à aller chercher la main-d'oeuvre.
Mme Courchesne (Fabre): ...pour une question de conjoncture économique. Ce n'est pas une question liée nécessairement, là, à l'intégration de ces nouveaux arrivants?
M. Lessard (Éric): Je ne croirais pas. D'ailleurs, pour aller peut-être dans le plus général, demain, Mme Lopez reçoit dans notre région ? c'est combien? ? ...
Mme Lopez (Eva): 15 familles.
M. Lessard (Éric): ...une quinzaine de familles. Et, au CLD, on a lancé un appel aux employeurs de la région pour inviter ces employeurs-là à venir rencontrer ces familles-là qui sont toutes intéressées à s'établir dans notre région. Et on a déjà, là, trois ou quatre entreprises qui seront présentes demain matin pour rencontrer ces familles-là, prendre les curriculum vitae, et tout. Donc, je pense que, oui, l'intérêt est là, mais il est peut-être survenu une conjoncture un peu spéciale, là.
Mme Courchesne (Fabre): Cela dit, ce que ça fait ressortir aussi, c'est qu'au fond ces fragilités économiques ont quand même une influence sur la rétention des gens. Ce que je veux dire, c'est que là on a des nouveaux arrivants qui sont prêts, qui ont de la volonté d'aller en région, mais qui sont aussi très, très sujets à ces conjonctures qui font que les employeurs peuvent, parfois à la dernière minute, parfois en cours de processus d'intégration, peuvent, pour des raisons valables, mais peuvent néanmoins reculer. Et donc ce que vous nous dites, c'est que c'est une explication additionnelle à la difficulté de maintenir en région.
Ma question, c'est: est-ce que, par ailleurs... Bon, je comprends qu'il y a une implication du CLD, donc c'est aussi, Mme Lopez, en appui à votre organisation, ça veut donc dire qu'il faut aussi qu'il y ait un intervenant du milieu qui reprenne la balle un peu, qui reprenne un volet du dossier pour essayer de trouver d'autres employeurs. C'est un peu la façon que vous avez, vous, dans votre région, de trouver des réponses à ces questions-là?
M. Lessard (Éric): Oui. C'est évident que c'est une question de concertation du milieu. Parce que je me souviens, à l'époque de ce dossier dont on parle, l'entreprise, elle, était bien prête et bien disposée à accueillir ces gens-là et à faciliter leur intégration professionnelle dans l'entreprise. Maintenant, il faut aussi que d'autres acteurs du milieu prennent charge de d'autres aspects de l'intégration de ces personnes-là, parce que la vie, ce n'est pas que le travail, donc il y a tout un environnement. Et, en ce sens-là, au niveau de l'intégration communautaire des immigrants, on avait déjà, là, manifesté l'intérêt d'agir dans ce sens-là.
Mme Courchesne (Fabre): Ce qui me réjouit par ailleurs ? et je parlerai au député, M. le Président, juste pour indication, au député de Saint-Hyacinthe ? c'est que je me rappelle qu'en août et septembre dernier il y avait 10 nouveaux arrivants qui voulaient avoir des cours de français, et il n'y en avait pas dans la région, et on a trouvé une solution. Puis, aujourd'hui, ce que je comprends, Mme Lopez, c'est que ça va bien, ça a été un succès. Et, parmi ces 10 nouveaux arrivants, il y avait la conjointe d'un ingénieur, qui elle-même était ingénieure, hautement qualifiée, d'origine asiatique, qui ne parlait pas un mot de français, et elle attendait impatiemment ses cours pour être capable de se placer. Et je ne sais pas si elle a trouvé un poste depuis, mais je vous dirai qu'on a eu, là, un bel exemple d'accompagnement personnalisé, grâce à Mme Lopez, et que tout le monde ensemble on a comme fini par trouver cette solution-là.
Dans un autre ordre d'idées, vous dites dans votre mémoire que les responsabilités entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial ne sont pas claires. J'aimerais ça que vous nous disiez plus spécifiquement ce que vous avez en tête, et à quoi vous pensez, et qu'est-ce qui devrait être davantage précisé ou clarifié entre les deux niveaux de gouvernement.
Le Président (M. Cusano): Mme Lopez.
Mme Lopez (Eva): Bon, je parle de ça à partir de beaucoup de commentaires que je reçois un peu à gauche et à droite, des groupes d'immigrants qui viennent me voir et qui parlent du regroupement des familles, par exemple, des personnes qui doivent attendre un grand délai, une attente vraiment très longue. Parce que c'est le fédéral qui décide finalement s'ils doivent faire les démarches nécessaires pour le regroupement familial, et tout ça. Ça, de ce côté, c'est très long, c'est très long. Et, même si les immigrants sont déjà installés ici, ils sont bien pris en charge par le gouvernement québécois et par les organismes qui sont déjà installés, pour eux, cette période d'attente est vraiment très longue. Et c'est la même chose pour le regroupement des familles à l'extérieur du cas des réfugiés. Les démarches sont vraiment très longues et, même si Québec a une volonté, c'est trop difficile. Avec le fédéral, c'est vraiment assez long à attendre.
n(14 h 30)n Il y a un cas, dans notre région, d'un couple qui sont mariés, et tout, mais pour que le monsieur réussisse à avoir sa résidence et tout, bon, du ministère fédéral, ça prend tout un processus. Et lui, en ce moment, il ne peut pas travailler. Il est là, les bras croisés, il ne peut pas travailler. Il n'a pas un permis de travail parce que sa documentation qui doit venir du fédéral est vraiment à pas de tortue. Ça fait que, dans ce sens, on dit: Bon, il faudrait peut-être clarifier tout ça et prendre un peu plus de place dans ces décisions. Quand les immigrants sont accueillis au Québec, c'est au Québec qu'il doit se passer toute cette action. Je ne sais pas, de niveau technique, et tout, je ne peux pas parler parce que je ne connais pas en profondeur, mais c'est vraiment ce qu'ils ont le goût de faire.
Mme Courchesne (Fabre): Ce que vous dites, c'est que tout le dossier du regroupement familial devrait se faire au Québec au fond, qu'il n'y a pas de raison que ce dossier-là soit sous la juridiction du gouvernement fédéral. C'est un peu comme si vous disiez: Bien, réouvrez l'Accord Canada-Québec et ajoutez au Québec la responsabilité de la réunification familiale.
Mme Lopez (Eva): Oui, dans un sens plus large, ce serait ça. C'est qu'ils sont déjà au Québec, ils ont leurs certificats de sélection ou ont leur droit à vivre ici, pourquoi ne pas prendre ça à charge pour la réunification des familles ou pour faciliter les démarches dans les cas de couples qui sont mariés, qui ont des problèmes d'employabilité parce que les documents ne sont pas rendus au bon moment?
Mme Courchesne (Fabre): Merci.
Le Président (M. Cusano): Merci, Mme la ministre. Je cède maintenant la parole à la députée de Prévost.
Mme Papineau: Merci, M. le Président. Madame, monsieur, bonjour. Moi, je vais revenir sur les employeurs. On met de côté l'entreprise qui n'a pas réussi, pour certaines raisons, là, mais il y a des gens qui sont venus ici puis qui sont venus nous dire premièrement que 80 % des employeurs n'avaient même pas pensé à avoir un immigrant comme travailleur. Il y en a d'autres qui sont venus nous dire, des chambres de commerce qui ont dit qu'ils ouvraient les bras aux immigrants. Moi, je voudrais vous entendre: Qu'est-ce qui se passe vraiment sur le terrain? Est-ce que les employeurs... Bon. On va parler de votre région parce que vous connaissez votre région, mais est-ce que vraiment il y a une ouverture pour permettre à la personne immigrante, un, de faire un stage ou est-ce que l'employeur a une volonté de le former s'il lui manque une certaine formation? Comment ça se passe sur le terrain?
Le Président (M. Cusano): Mme Lopez.
Mme Lopez (Eva): Moi, je voudrais répondre à cette question, mais sûrement Éric va être obligé à participer aussi. C'est que, dans le cas de l'entreprise qu'on parle, il y a eu pas juste une autre entreprise qui a fermé et qui a fourni des employés, mais aussi des obstacles au niveau des visas. C'est ça qui a fait que cette... des visas et des permis de travail, et tout ça. Je ne sais pas exactement c'est quoi qui s'est passé, mais ça, là, ça fait un peu... les a rendus un peu inquiets et les a fait reculer. Par contre, c'est la même entreprise qui va nous accueillir demain, dans son usine, son entreprise, pour faire visiter les personnes qui sont intéressées à participer à l'emploi dans cette entreprise spécifique. C'est vraiment... Il y a une très belle ouverture de leur côté; ils sont vraiment très intéressés.
Mais, d'un côté général, des entreprises, c'est une autre histoire. Comme on discutait tantôt avec Éric, il faudrait créer un précédent. Si on réussit demain à en faire engager quelques-uns par cette grande entreprise de notre région, sûrement les autres, ils vont vouloir suivre la vague. Mais, si ça ne se fait pas et s'il n'y a pas un employeur qui prend l'initiative, ça va être dur que quelqu'un la prend.
Le Président (M. Cusano): M. Lessard.
M. Lessard (Éric): Effectivement, cette problématique-là de la difficulté de recrutement de main-d'oeuvre, on commence à la vivre au Québec. Moi, quand j'ai quitté l'université, des emplois, il n'y en avait pas beaucoup, puis on allait là où on voulait bien de nous. Ce contexte-là est en train de changer. Maintenant, les gens qui vont être à la recherche d'emploi vont vraiment avoir un choix de choisir l'entreprise, de choisir la région. Et ça je pense que les employeurs tranquillement vont découvrir de nouvelles façons. Il va falloir qu'ils fassent les choses différemment.
Et, comme Mme Lopez le mentionne, je pense que l'exemple d'entreprises peut être très porteur. Il n'y a rien d'autre comme un entrepreneur pour montrer l'exemple à un autre entrepreneur. Donc, moi, je crois beaucoup à la théorie des petits pas, c'est-à-dire que, si on est capable de réussir des intégrations en travail avec un certain nombre de travailleurs, bien, tranquillement, l'autre à côté qui va voir ça va se dire: Bien, c'est peut-être une avenue.
Et il faut comprendre aussi les employeurs actuellement de peut-être n'être pas tout à fait encore suffisamment ouverts à ça, parce que c'est une nouvelle réalité, ce problème-là de difficulté de recrutement de main-d'oeuvre. Mais je suis persuadé que la situation va tellement aller en s'empirant... Je parlais tantôt des prévisions d'Emploi-Québec, là, de création d'emplois en Chaudière-Appalaches, 32 500 emplois, c'est quelque chose. Et, avec le déclin démographique, les employeurs vont nécessairement devoir envisager d'autres solutions, et je pense que, par l'exemple, tranquillement pas vite, on peut arriver à faire des choses extrêmement intéressantes avec l'immigration.
Mme Papineau: Donc, vous nous confirmez qu'effectivement les employeurs, au moment où on se parle, n'ont peut-être pas cette grande ouverture qu'on semble vouloir nous dire, vouloir nous présenter. Dans la réalité, ce n'est pas tout à fait ça, là. Il y a une certaine réticence ou en tout cas peut-être l'inconnu... Peut-être, c'est l'inconnu plutôt qui fait peur aux employeurs. Mais, comme vous dites, monsieur, peut-être qu'à un moment donné, quand on va manquer de main-d'oeuvre, il va y avoir cette ouverture.
Maintenant, je regarde dans votre mémoire, 95 % de votre territoire est situé en milieu rural, dans le mémoire, que vous mentionnez. Est-ce que vous pensez que... Quand on sélectionne justement les immigrants à l'étranger, est-ce que, dans la... On a beaucoup parlé de modifier la grille de sélection, entre autres, pour s'assurer que, par exemple, un immigrant qui est en milieu rural dans son pays, qui veut immigrer ici... Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu... puis je voudrais vous entendre là-dessus, si, dans votre région, ce ne serait pas préférable de justement essayer de recruter des personnes qui ont déjà vécu dans un milieu rural et qui seraient... je n'aime pas le mot «transposées», là, mais qui pourraient être dirigées vers votre région.
Mme Lopez (Eva): Oui, j'en suis convaincue quand on va aller chercher des immigrants qui viennent des régions éloignées, dans les cas spécifiques de réfugiés. Et, moi, je parle d'un cas que je connais très bien parce que, moi-même, je viens de la Colombie, et c'est un problème, un pays en guerre, qui a beaucoup de réfugiés ici, au Canada. Et, la plupart de ces personnes, ils viennent du milieu rural, alors, pour eux, s'installer dans un grand centre, c'est la catastrophe, ce n'est pas l'idéal. Aller aux régions, c'est un endroit plus calme, plus facile à assimiler du point de vue immigration. Et, pour le faire, on pourrait aussi, mettons dans notre région... et c'est un terrain... une région rurale, on pourrait faciliter la propriété, l'achat de fermes, la location de fermes pour que ces personnes soient capables d'être autonomes financièrement le plus vite possible, en tenant compte qu'ils ont besoin de subventions et d'aide financière pour se partir. Parce qu'ils ne sont pas là en attente de se faire donner l'argent tout le temps, ils veulent travailler. Si on est capables de les amener en région et de les installer comme il faut, ça va être une belle réussite, et je pense qu'on pourrait être fiers de ce succès.
Mme Papineau: Merci. Moi, j'ai terminé.
Le Président (M. Cusano): C'est terminé. M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dion: Merci, M. le Président. J'ai trouvé extrêmement intéressant votre exposé. Il y a toutes sortes de choses évidemment qui sont frappantes. J'en vois une ici, dans le document annexe que vous nous avez fait parvenir pour corriger, où vous dites, par exemple: La sélection des immigrants... «Dans la sélection des immigrants, le français ne doit pas obtenir une grande place dans l'évaluation du candidat. La bonne connaissance du français est loin d'être synonyme de réussite...» Tout responsable du dossier de la langue française que je suis pour l'opposition officielle, je suis entièrement d'accord avec cette affirmation-là.
Je pense que l'apprentissage d'une langue, fût-elle le français, n'est pas quelque chose d'extrêmement difficile, hein? Toutes les langues qui se parlent au monde sont parlées par des milliers de personnes de talents divers. Alors, apprendre une langue, en soi ce n'est pas très difficile, sauf qu'il s'agit peut-être y mettre l'effort minimal qu'il faut. Et, dans un sens, le fait d'avoir... de ne pas savoir le français quand on arrive ici et si on a une bonne orientation et un bon encadrement, eh bien, on n'apprend pas seulement la langue, c'est qu'on apprend la façon de vivre et de concevoir les choses. Autrement, si on arrive avec la langue, on saute une étape qu'on n'arrivera pas, jamais, à rattraper ou en tout cas qu'il sera très, très long de rattraper. Alors, quand on parle d'intégration, c'est sous cet angle-là que je vois votre affirmation. Est-ce que je fais fausse route?
Mme Lopez (Eva): En fait, tout à fait, c'est ça. C'est ça. Et, moi, personnellement, j'ai vécu cette expérience et, moi, je côtoie beaucoup d'immigrants tout le temps, tout le temps, tout le temps, et c'est les mêmes points de vue. C'est pour ça qu'on l'a souligné. Quand on a le temps d'apprendre une langue, on a aussi le temps de découvrir cette culture et on a moins de temps à se rendre compte des petits bobos de la culture d'accueil. Alors, c'est plus positif, on arrive là plein d'enthousiasme.n(14 h 40)n Et c'est dur d'apprendre le français, c'est très difficile, mais on met toute l'énergie et en même temps on partage avec d'autres qui sont dans le même processus. Et, pas juste ça, c'est qu'on découvre la culture à notre rythme. On apprend à découvrir la culture d'accueil, qui est merveilleuse, que j'aime beaucoup, de façon rythmique. Chacun va l'apprendre à sa façon. Et, en attendant, les employeurs autour vont se sécuriser: ah! tiens, ils sont ici, dans la région. Ah! tiens, ils apprennent le français. Ils vont venir nous voir: Est-ce qu'il y en aurait un, deux qui pourraient venir travailler chez nous? C'est une belle dynamique qui s'installe, et nous croyons fortement que la francisation, si on l'installe vraiment comme il faut, va être un succès merveilleux dans le contexte de l'immigration.
M. Dion: Merci.
Le Président (M. Cusano): Merci, Mme Lopez. Merci, monsieur... Oui, vous allez revenir, M. le député. Je cède maintenant la parole au député de Charlesbourg.
M. Mercier: Merci, M. le Président. M. Lessard, Mme Lopez, bienvenue ici, à Québec, dans la capitale, dans la grande région de Québec, si merveilleuse, mais tout aussi merveilleuse que peut l'être la région de l'Amiante, également.
Écoutez, à la lecture de votre mémoire... Vous parlez d'une pénurie de main-d'oeuvre, et je vous cite ici: «Or, les perspectives démographiques laissent entrevoir une importante pénurie de main-d'oeuvre qui affectera la capacité des entreprises à se diversifier et à poursuivre leur développement.» Alors là vous m'intriguez, en ce sens que j'aimerais connaître quelles sont les perspectives d'emploi justement, quels sont les secteurs plus faibles que, vous, vous avez pointés, ou quels peuvent être... Si ça ne peut être des rêves pour les nouveaux immigrants, quels sont les secteurs d'emploi qui, pour vous, sont plus problématiques? J'aimerais vous entendre là-dessus.
Le Président (M. Cusano): M. Lessard.
M. Lessard (Éric): C'est une excellente question, et je vais l'aborder plutôt sous l'angle des types d'emploi plutôt que par secteurs d'emploi, et ça va me permettre de le mettre en relation aussi avec le critère de la scolarisation au niveau des immigrants.
Vous savez, dans notre région, quand on prend le petit journal local et qu'on regarde les offres d'emploi, des offres d'emploi avec des exigences de maîtrise ou de doctorat, il n'y en a pas souvent. On va voir par contre, de plus en plus puis sur une base très régulière, des offres d'emploi de manoeuvre, de journalier, mais aussi des métiers professionnels et techniques: opérateur de machinerie dans les usines, soudeur, des choses comme ça.
Alors, actuellement, dans la région de l'Amiante, le secteur manufacturier est en plein développement. On a beaucoup d'entreprises qui connaissent des croissances extrêmement intéressantes, et présentement la pénurie de main-d'oeuvre se situe particulièrement au niveau des métiers professionnels et techniques. Donc, c'est pour ça qu'on a aussi parlé de la question de la scolarisation des immigrants, en disant: Bien, si on est capables d'accueillir, au Québec, des immigrants qui ont ce type de formation là, ce serait un gros plus pour les entreprises de notre région.
M. Mercier: Si vous me permettez, avez-vous des exemples concrets? Parce que c'est quand même assez large et vague «métiers professionnels et techniques», là. On peut... Il pourrait y avoir 150, 200, 300 métiers là-dedans. Est-ce qu'il y a des métiers très spécifiques à ça? Et ça je vous pose la question parce que, évidemment, lorsque la ministre a fait sa tournée dans la province, et notamment à Québec, il y avait des métiers qui avaient été pointés plus précisément lorsqu'on a entendu la ministre et certains intervenants locaux. Alors, c'est pour ça que je vous posais la question plus spécifiquement, en ce qui vous concerne, vous, dans votre région.
M. Lessard (Éric): En mécanique industrielle, en opérateur de machines à contrôle numérique, soudeur, ferblantier. Il y en a plein, comme ça, là, qui sont des... Les chauffeurs de camion, c'est en demande. On a beaucoup d'entreprises de camionnage dans notre région. C'est beaucoup en demande. Des opérateurs aussi de machines en usine, opérateurs de fours. C'est beaucoup ce type d'emplois là.
M. Mercier: Alors, j'aime bien vos réponses, et là vous êtes très spécifique, et ça, ça me plaît bien.
Si vous me permettez, M. le Président, peut-être une sous-question. J'aimerais revenir sur quelque chose qui pourrait paraître paradoxal, et j'avais une question notamment sur la langue, sur le français, mais mon collègue de Saint-Hyacinthe m'a devancé, mais néanmoins j'ai quand même, à la lecture de votre mémoire, vu que vous aviez fait ? attendez que je le trouve... «Au cours des 25 dernières années, des centaines de citoyens de notre région ont expérimenté la coopération internationale avec l'Amérique latine.» Alors, ça, je trouve ça bien intéressant, notamment le Chili, probablement, qui est une région formidable dans tout ce qui a trait aux opérations minières. Et ensuite vous dites, à un autre endroit, que «depuis deux ans, des efforts sont consentis en promotion et à la participation à des salons d'éducation en Tunisie et au Maroc». Alors, évidemment on n'est pas sur le même continent, alors j'aimerais savoir pourquoi vous avez deux axes, très différents en ce qui me concerne, pas en ce qui concerne la langue française bien évidemment, mais en ce qui concerne la géographie et peut-être aux aspérités des nouveaux immigrants.
M. Lessard (Éric): En ce qui a trait à l'Amérique latine, toute cette expérience-là de notre région avec ce continent-là découle d'un organisme qui est présent dans notre région depuis, vous l'avez dit, là, environ 25 ans et qui organise des stages en coopération internationale. Donc, la question de l'Amérique latine origine de ça.
Pour ce qui est du Maroc et de la Tunisie, c'est un contexte très particulier. Au Collège de la région de l'Amiante, qui a... en raison des programmes qui sont offerts au cégep à Thetford Mines, ce collège-là a établi des partenariats avec des collèges professionnels et techniques au Maroc et en Tunisie, dans différentes disciplines, là, que je n'ai pas en mémoire, et c'est pour cette raison-là qu'il y a des affinités qui sont en train de se créer à partir du Collège de la région de l'Amiante, avec des instituts techniques au Maroc et en Tunisie. Et le collège tente également d'attirer des étudiants, avec un certain succès, il faut le dire, là. Ça commence à donner des résultats, des étudiants tunisiens et marocains, là, dans ces programmes, au collège.
M. Mercier: Alors, si je comprends bien, vous prenez les devants. Vous allez là-bas finalement tâter un peu le terrain mais également tenter d'attirer des gens, c'est ça?
M. Lessard (Éric): C'est ça. Le Collège de la région de l'Amiante travaille avec des consultants et ils sont présents à des salons spécialisés au Maroc et en Tunisie où des jeunes vont pour explorer des possibilités d'études à l'étranger. Alors, notre collège est présent lors de ces salons-là.
Mme Lopez (Eva): Mais je veux ajouter quelque chose à propos de ça, et c'est en parlant avec les cégeps que j'ai découvert cette difficulté. C'est que, par exemple, ils attendaient 19 élèves pour le mois de janvier, ils ne se sont pas présentés. Pourquoi? Parce que préparer le visa et arriver à un accord entre les deux gouvernements, Canada et la Tunisie par exemple, c'est un peu compliqué, parce qu'ils ne veulent pas envoyer ces cerveaux au Canada et parce que, en même temps, ils veulent qu'ils reviennent. C'est que c'est très profond comme système d'«interchange», d'échange, mais c'est ça qui est vraiment la difficulté pour les cégeps, d'aller recruter ces étudiants-là, même s'ils ont déjà un accord qui est très précis, très concret et qu'ils ont déjà travaillé avec des élèves qui sont sur place présentement.
M. Mercier: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. le député de Charlesbourg. Oui, il vous reste environ 3 min 30 s, sauf que, je dois vous dire aussi, j'ai une demande d'intervention de la part du député de LaFontaine. Alors, vous pouvez peut-être vous partager les 3 min 30 s. Bon.
M. Tomassi: Je peux me permettre, oui?
Le Président (M. Cusano): Alors, Mme la députée de Chambly est toujours extrêmement gentille...
M. Tomassi: Ah! elle est très fine.
Le Président (M. Cusano): ...alors, M. le député, vous avez la parole.
M. Tomassi: Merci beaucoup. Alors, Mme Lopez, M. Lessard, à mon tour de vous souhaiter la bienvenue. Mon intervention sera plutôt sur un aspect plus personnel, vis-à-vis vous, Mme Lopez.
On parle beaucoup de régionalisation de l'établissement d'immigrants en région. Mes parents, mon père et mes grands-parents ont immigré ici, au Canada, en 1963, pour venir faire une meilleure vie, et ils devaient revenir, parce que, quand qu'ils ont vu la première neige, bien ils ont voulu repartir. Mon grand-père a décidé de rester parce que... pour une question de raisins et de vin, hein, parce que, en deux mois de travail, il faisait ses sous pour faire tout le vin durant une année, et, en Italie, il devait prendre une année entière et savoir si jamais il aurait eu le vin pour... la météo qui pouvait... Alors, ils ont décidé de rester ici.
Ils sont restés ici, à Montréal, parce que nécessairement la famille était ici, la soeur de ma grand-mère et d'autres familles, et l'importance... vous le dites aussi bien: l'établissement de familles en région où est-ce que ces gens-là ont un lien, hein? S'ils ne comprennent pas la langue... Mon père a appris la langue française parce qu'il est sorti ? et il est très fier de le dire ? avec des Québécoises. Alors, il a appris la langue parce que ça aurait été un peu difficile de se faire comprendre en italien. Alors, c'était un bon moyen dans cette période-là, et je pense qu'aujourd'hui aussi... le serait aussi.
n(14 h 50)n Mais ma question à vous, c'est: vous êtes d'origine colombienne, à ce que j'ai bien compris, vous avez immigré ici durant une année quelconque, qu'est-ce qui vous a incité à aller vous installer dans la région de l'Amiante, hein? Parce que, en voulant dire, quand qu'on essaie de trouver des solutions, il faut peut-être revenir à ce que, nous, on a vécu, hein? Et là vous êtes installée en région, vous incitez peut-être d'autres gens de votre communauté à venir s'installer parce qu'ils ont un lien, hein? Si jamais ils ont de la difficulté, ils ne peuvent pas aller un peu plus de l'avant, bon, bien ils savent qu'il y a un numéro de téléphone où ils peuvent rejoindre Mme Lopez pour lui dire: J'ai un petit problème, voudrais-tu m'aider? Alors, c'est un peu cet événement-là.
Le Président (M. Cusano): ...votre question, M. le député, là, parce que, autrement, ils n'auront pas le temps de répondre.
M. Tomassi: Oui, oui, O.K. Vas-y, vas-y.
Mme Lopez (Eva): Bon. C'est une très bonne question. La réponse, elle est très, très longue. Mais la seule raison pour laquelle je suis venue au Québec, c'est par amour. J'ai rencontré mon amour et je me suis mariée. Et, bon, mon expérience en immigration est vraiment de couleur rose. Je suis très bien mariée avec un merveilleux Québécois. Je suis très fière d'être sa femme. Mais, par contre, j'incite les Colombiens que je côtoie et qui sont malheureux en ville et qui sont tannés d'être ailleurs, je les invite à venir chez moi, sans aucune gêne: Venez vous installer, c'est une belle région à coloniser. C'est une région où on a besoin de personnes qui veulent travailler, qui veulent s'impliquer, et ça, c'est très intéressant.
Mais, moi, personnellement, mon intégration dans ma région a été graduelle. Ça a été à mon rythme, en même temps que j'apprenais mon français. Et je n'ai aucun mot à dire de la société d'accueil de ma région, sauf pour dire qu'elle est une région merveilleuse, une société d'accueil adorable. Je suis très fière du Québec. Je suis nettement Québécoise, bon, avec mon accent, et tout. Je n'ai rien à dire. Je ne peux pas vendre la communauté d'accueil comme une chose pas bonne, non, jamais je ne ferai ça. Je suis fière d'être au Québec, je suis fière de vous connaître et je suis fière d'être intégrée ici. Et je crois que, dans les régions, on a le potentiel nécessaire pour accueillir les immigrants.
M. Tomassi: Une petite minute?
Le Président (M. Cusano): Pas trop long, monsieur.
M. Tomassi: Non, pas trop long. Non, mais je vous remercie beaucoup. La réponse est extraordinaire. Puis, comme de fait, écoutez, au Canada, au Québec, hein, on est tous des immigrants, qui avant, qui après, mais on est tous arrivés. Et peut-être on devrait peut-être inciter plus de gens à faire des rencontres pour peut-être se marier et se trouver quelqu'un, on aurait peut-être une plus grande réussite.
Mme Lopez (Eva): Oui, je le crois.
Le Président (M. Cusano): Bon. Sur cette note, je passe la parole à la députée de Prévost.
Mme Papineau: Je vous remercie, M. le Président. M. Lessard, vous disiez tantôt qu'il manquait, dans votre région, de camionneurs, entre autres. Je pourrais juste vous dire qu'il y a une très bonne école dans le comté de Charlesbourg et dans le comté de Prévost, les deux seules écoles au Québec en transport routier. On a de très bonnes écoles. Et, comme vous n'êtes pas loin de la région de Québec, que c'est un... je pense qu'il sort de ces écoles de très bons camionneurs. Et c'est une pénurie, hein, au Québec. On n'est pas capables de fournir, alors...
M. Lessard (Éric): On travaille beaucoup avec l'école de Charlesbourg. Ils sont souvent dans notre région.
Mme Papineau: Ah! Parfait. Moi, je voudrais juste... Vous avez présenté, dans votre mémoire, la région, vous avez donné des commentaires, mais je voudrais vous entendre sur votre organisme. Votre organisme, est-ce qu'il est le centre de tout ce qui se passe en immigration dans la région de l'Amiante? Quels sont vos collaborateurs? Avec qui vous travaillez? Qui a le leadership dans la région de l'Amiante? J'aimerais vous entendre.
Mme Lopez (Eva): Bon. Notre organisme a été fondé après quatre ans de travail avec et pour les immigrants dans notre région, des immigrants qui étaient là et qui ne savaient pas où aller, comment faire, et tout, qui étaient vraiment loin des centres de services pour les immigrants. C'est que... J'ai encore... Je n'ai pas compris encore pourquoi moi, mais tout le monde me téléphonait, tout le monde me cherchait, et, moi, j'étais devenue la personne-ressource dans ma région. À partir de là, on a décidé de se regrouper en tant qu'immigrants et fonder un organisme qui nous permet de venir en aide aux immigrants qui ont besoin de services et stratégiques et spécifiques à leurs conditions.
Là, on a commencé pour les cours de francisation parce qu'il y avait un petit groupe d'immigrants très qualifiés, de bonnes personnes, des personnes spéciales, qui n'avaient pas le cours de francisation, ils ne pouvaient pas se faire donner un cours de francisation approprié. C'est qu'avec le ministère de l'Immigration ici, au Québec, ils ont collaboré énormément, ils nous ont donné un coup de main. Mme la ministre est venue voir et a constaté tout ça, et c'est un succès. On a maintenant les cours de francisation dans notre région, c'est merveilleux.
Qui sont nos collaborateurs? Les CLD, c'est un premier collaborateur d'importance. C'est lui qui nous appuie, qui nous aide, et spécialement M. Lessard est très impliqué et il est même membre du conseil d'administration de notre organisme. Et nous avons aussi des autres partenaires: nous avons le député Laurent Lessard qui nous a donné un bon coup de pouce, nous avons la chambre de commerce, les organismes communautaires.
Dans ce moment, tout le monde parle d'immigration dans notre région. Et nous avons présentement un programme avec la Corporation de développement communautaire qui donne des... Il fait des déjeuners-causeries avec le thème d'immigration pendant cinq... bien, jusqu'au mois de mai. À chaque cinq semaines, on a un très beau déjeuner-causerie qui parle d'immigration. On a les entreprises qui nous contactent pour savoir un peu plus. On a les CLD qui nous aident énormément. C'est tout ensemble, on est tous ensemble et on parle. C'est pour ça qu'on dit qu'on veut faire de notre région un chantier d'immigration, parce qu'on est prêts, on a toute l'énergie, le goût de foncer dans cette voie.
Mme Papineau: Je vous remercie.
Le Président (M. Cusano): Merci. Je cède maintenant la parole au député de Saint-Hyacinthe.
M. Dion: Merci, M. le Président. J'ai beaucoup de questions à vous poser, mais je vais essayer d'abord de vous en poser trois en même temps, en espérant avoir une réponse à chacune d'elles et, après ça, j'aurais une autre question à vous poser. La première concerne un petit peu... un peu ce que vous avez dit antérieurement. Je ne sais pas si vous... Vous n'avez peut-être pas les réponses précises que je cherche, mais enfin.
D'abord, j'aimerais savoir: avez-vous déjà fait une évaluation du taux de rétention des immigrants dans la région ? première question ? et quel est-il, quel est le résultat? Deuxième question, qui fait partie d'un même ensemble: est-ce que vous avez fait une étude quelconque ou une observation concernant le transfert linguistique des immigrants? Est-ce qu'ils transfèrent à l'anglais dans la région de l'Amiante ou au français? Et troisième question: j'aimerais savoir de façon un peu plus précise comment vous procédez pour enseigner le français aux enfants, aux adultes et aux conjoints et conjointes des adultes qui ne sont pas sur le marché du travail, qui restent à la maison.
Mme Lopez (Eva): Bon. La première question, la rétention. On a vraiment une petite poignée d'immigrants dans notre région, ce qui veut dire relativement une petite poignée. Il y a un très bon taux de rétention dans les cas de familles suisses, dans le cas des familles françaises qui viennent en grand nombre s'installer dans les campagnes de notre région. Mais c'est vraiment très positif. Je n'ai jamais entendu parler d'un immigrant qui a quitté parce que la région n'était pas apte, non, non, non. Normalement, ils viennent parce qu'ils sont mariés avec quelqu'un qui est Québécois, parce qu'ils viennent s'acheter une petite terre, et tout. Mais je pense que les personnes qui viennent s'installer dans notre région y restent.
M. Dion: Les latinos?
Mme Lopez (Eva): Les latinos, bien il n'y en a pas beaucoup, mais ils restent. Ils sont là depuis 20 ans, 15 ans, huit ans, cinq ans. Bon. Ils restent, ils sont contents, et ça leur plaît énormément.
La deuxième question, à propos du transfert linguistique, oui, il y a des communautés chinoises, il y a des personnes de la communauté chinoise à Montréal, qui vivaient à Montréal, qui n'ont jamais appris la langue, et qui parlaient juste chinois et anglais, et qui ont dû se servir du cours de francisation dans notre région pour pouvoir apprendre. Parce qu'ils ont été dans un état de choc quand ils ont compris: Wow! Ici, personne ne parle anglais. Alors, ça a été une urgence et ça marche.
Et le français pour les enfants, les adultes, etc., dans notre région, la commission scolaire, il y avait des structures pour l'insertion au français à l'école, parce qu'on n'a jamais vu les besoins... Mais par contre les enfants... Et, moi, personnellement, j'ai un enfant de 24 ans qui, quand on est arrivés ici, avait 13 ans, et il a appris trois mots pendant l'été. On est arrivés pendant l'été, et, le mois de septembre, il a commencé son école. La première rencontre des parents à l'automne a été excellente. Il parlait français. Il n'avait aucune difficulté à l'école. Pourquoi? Parce que les enfants, c'est des vraies éponges. Ils absorbent tout ça. Ils apprennent dans un clin d'oeil. C'est évident, c'est très simple. La difficulté, c'est pour les adultes. Mais, si on a le cours de francisation bien installé, on ne devrait pas avoir de problème.
M. Dion: Vous enseignez combien de temps... Mettons un adulte, un travailleur adulte arrive. Ça prend combien de temps avant qu'il puisse être autonome en français?
Mme Lopez (Eva): La moyenne des immigrants, pour qu'ils apprennent la langue, ils soient capables de s'organiser comme il faut: un an. Pendant la première année, c'est le temps de s'adapter, de découvrir et d'apprendre. Mais, pour qu'ils soient capables de soutenir une conversation et qu'ils se sentent à l'aise avec cette conversation, ça prend moyennement un an. C'est qu'avec le cours de francisation on a le droit à 800 heures de cours, parce que c'est un cours à temps partiel. Mais c'est suffisamment intéressant pour eux, parce que, avec les groupes qu'on a présentement, on peut parler en français, et c'est sans problème, mais ils ont commencé le cours à l'automne dernier, ça fait que c'est intéressant.
n(15 heures)nM. Dion: Vous devez avoir des couples qui arrivent avec des enfants, dont l'un ou l'autre travaille, mais l'autre reste à la maison. Est-ce qu'il y a des cours de français pour la personne qui reste à la maison?
Mme Lopez (Eva): Les cours de français s'adressent à tous les adultes de 18 ans et plus. C'est qu'il n'y a aucune discrimination. S'il travaille ou ne travaille pas, il a le droit de suivre son cours de francisation.
M. Dion: Alors, ma deuxième question, M. le Président, sera tout à fait différente. Vous avez beaucoup parlé de l'importance de la famille et du rôle de la famille dans l'intégration et la sécurité des immigrants, mais on constate sur le terrain, dans la réalité, qu'il y a beaucoup de difficultés pour la réunification des familles, surtout quand il s'agit de familles qui ont fui... qui sont réfugiées de Colombie. C'est une question qui me préoccupe beaucoup. Je sais que la question n'est pas simple, mais est-ce qu'il y a quelque chose qui peut être fait pour changer cette situation-là?
Mme Lopez (Eva): Oui, je crois qu'il y a des choses qui doivent être faites parce que... et c'est là que je parle d'arriver à un accord avec le fédéral pour pouvoir faciliter l'arrivée de ces familles, de cette personne le plus vite possible. Parce que, aussitôt qu'on quitte un pays en difficulté comme mon pays, la Colombie, on laisse sa famille derrière, mais on veut qu'ils arrivent vite, vite parce que, quand on est menacé de mort, c'est pour aujourd'hui, ce n'est pas pour dans 15 jours. C'est qu'il faudrait absolument que la famille suive immédiatement, le plus près possible. C'est sûr qu'il y a des groupes familiaux qui arrivent en même temps, mais les délais d'attente entre un père ou une mère qui ont dû quitter le pays et le temps où les autres vont les joindre, des fois c'est trop long. Trop long, ça peut être 15 jours, un mois, deux mois, et c'est trop long dans des conditions de danger.
C'est que je crois que là c'est le ministère de l'Immigration dans notre province qui doit prendre la... quoi? le leadership dans tout ça, Ils disent: Bon, écoutez, ils sont sur mon territoire, je les ai acceptés, ils sont là, c'est à moi de décider à quel moment leur famille arrive. Moi, je crois que ça, ce serait facile à faire et ce serait très important.
M. Dion: Qu'est-ce que le...
Le Président (M. Cusano): Brièvement, M. le député.
M. Dion: O.K. Qu'est-ce que le gouvernement du Québec peut faire dans cette question-là? Parce que c'est une question qui est fédérale?
Mme Lopez (Eva): C'est du fédéral, exactement.
M. Dion: Est-ce qu'il y a quelque chose qui peut être fait?
Mme Lopez (Eva): C'est d'aller tirer les oreilles au fédéral et dire: Bon, tiens, donne-moi le pouvoir pour ça.
M. Dion: Oui. Merci. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. le député de Saint-Hyacinthe. Et sur ça, j'aimerais, Mme Lopez et M. Lessard, vous remercier de votre mémoire ainsi qu'un échange extrêmement intéressant. Alors, on vous souhaite bonne chance.
Je vais suspendre les travaux pour quelques instants afin de permettre au Syndicat des professeurs de l'État du Québec de prendre place.
(Suspension de la séance à 15 h 3)
(Reprise à 15 h 9)
Le Président (M. Cusano): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux, et je remarque que nos prochains invités sont déjà à leur place. Alors, pour les fins du Journal des débats, voulez-vous vous identifier, s'il vous plaît?
Syndicat des professeurs
de l'État du Québec (SPEQ)
M. Perron (Luc): Oui, Luc Perron, jeune président d'un syndicat des enseignants depuis 25 ans, Syndicat des professeurs de l'État du Québec. Et je chapeaute, entre autres, les neuf carrefours d'intégration aux immigrants.
M. Morissette (Paul): Oui, bonjour, Paul Morissette, professeur au Carrefour d'intégration de Gatineau et secrétaire du SPEQ.
Mme Courchesne (Catherine): Catherine Courchesne, professeur au MRCI et présentement rattachée au bureau du SPEQ.
Le Président (M. Cusano): Mme Courchesne, M. Perron et M. Morissette, bienvenue. Quelques règles de base avant de commencer. Vous disposez d'une période de 20 minutes pour faire la présentation de votre mémoire, qui sera suivie d'une période de 40 minutes réservée aux députés. Alors, la parole est à vous.
n(15 h 10)nM. Perron (Luc): Merci beaucoup. M. le Président, Mme Courchesne, MM. et Mmes les députées de cette Assemblée nationale, trois petites considérations très rapides avant de plonger, si vous voulez, dans le document que nous vous avons fait parvenir.
La première considération. J'assistais la semaine passée, à l'ENAP, au 20e anniversaire du Groupe d'étude, de recherche et de formation internationales et j'ai eu le plaisir d'entendre M. le premier ministre, M. Charest, qui parlait et qui vantait notre société donc québécoise, de ses valeurs, entre autres, démocratiques, et nous en sommes très fiers. Et je pense que, si on hausse les niveaux d'intégration et d'immigration dans notre sol québécois, effectivement nous sommes en mesure de garantir, avec les moyens que nous nous donnons, que notre société va demeurer démocratique et surtout, entre autres, francophone.
Une deuxième considération que je voulais vous mentionner d'entrée de jeu, c'est que les professeurs auprès des immigrants, dans le réseau de la fonction publique québécoise, y oeuvrent depuis à peine 36 ans, donc ils ont côtoyé de près ou de loin plus de 400 000 immigrants et immigrantes d'origines diverses, de scolarités fort différentes ? ça varie entre zéro et 18 ans, même si, récemment, les gens nous arrivent avec un peu plus de scolarité ? d'âges variables ? comme les personnes tantôt l'ont mentionné, ça varie entre 17 et 77 ans dans nos classes ? de cultures distinctes et très riches et d'expériences humaines diverses des plus différentes, des plus variées les unes que les autres, des gens qui nous arrivent dans toutes sortes d'état et des gens qui nous arrivent frais et dispos pour vraiment... parce que... par amour, comme on l'a vu tantôt, pour le Québec, pour les Québécois et pour y vivre.
La troisième considération, d'entrée de jeu, dans ce mémoire, qui nous apparaît très importante, c'est qu'il existe, au moment où on se parle, 418 professeurs qui oeuvrent auprès des immigrants au sein du ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. Et, en début de février donc, ces 418 professeurs là étaient en contact avec au-delà de 8 000 immigrants adultes, alors c'est excessivement important. Sur une base annuelle, ils rencontrent grosso modo actuellement 10 000 immigrants dans la formule de l'enseignement à temps plein, puis au-delà de 11 000 dans la formule de l'enseignement à temps partiel. Et on s'est permis un tout petit sondage, si vous voulez, avant de se présenter ici, c'est un sondage maison, un sondage du syndicat avec les moyens que nous avons, et on doit se dire actuellement que le gros, si vous voulez, dans les classes à forte majorité, se situe entre 25 et 35 ans, et ils sont de scolarité aussi assez avancée, surtout dans les formules bien sûr de formation à temps plein.
Alors, si vous voulez, nous allons parcourir ensemble le petit mémoire que nous vous avons acheminé. Alors, le SPEQ, c'est quatre réseaux d'enseignement: les neuf conservatoires qui ont le plaisir de fêter leur 60e anniversaire cette année; vous avez l'Institut d'hôtellerie, de tourisme et d'hôtellerie du Québec, sur la rue Saint-Denis, qui est en train de se faire peau neuve avec un investissement de 36 millions; vous avez l'Institut de technologie agricole ? dont je suis d'origine ? à Saint-Hyacinthe; et vous avez les neuf carrefours d'intégration auprès des immigrants qui regroupent actuellement plus de 418 professeurs au travail.
Alors, c'est évident que notre intervention aujourd'hui s'appuie sur notre connaissance de la situation de manière privilégiée à travers les professeurs. Nous vous soulignons que le premier contact des immigrants en vue de leur intégration dans la société québécoise est ce qu'il y a de plus important, c'est vraiment la clé du succès. On l'a dit d'entrée de jeu, les gens nous arrivent souvent déracinés, alors c'est évident qu'on veut qu'ils adoptent, qu'ils acceptent d'intégrer nos grandes valeurs puis notre société, notre identité québécoise, et c'est évident qu'il ne nous faut pas, comme société, rater, si vous voulez, le coche avec une mauvaise entrée, avec une mauvaise insertion, avec un mauvais accueil.
Nous sommes fiers de vous mentionner qu'à travers les cours qui se donnent avec le MRCI, que la clientèle ou que l'ensemble des immigrants qui y ont passé en sont satisfaits. Alors, ce n'est pas le syndicat qui a conduit cette enquête de façon exhaustive, mais c'est plutôt le ministère qui nous en a livré, si vous voulez, ses secrets il y a quelques années, et les résultats étaient excessivement satisfaisants de par les étudiants eux-mêmes qui ont passé par nos classes.
Ce que nous vous disons dans le mémoire, pour les avoir rencontrés à quelques occasions, et puis je dirais à maintes occasions via les professeurs, alors nos étudiants et étudiantes immigrants décrivent leurs impacts, une fois qu'ils ont passé dans nos classes, de la manière suivante. Nous leur avons apporté une sécurité. Juste à titre d'exemple, je parlais avec une Roumaine au Colloque régional de Québec, l'an passé, et elle, pour elle ? puis, pour un Québécois, si vous voulez, de la grande ville de Québec ou d'ailleurs au Québec, évidemment c'est banal ? mais se promener les soirs, la nuit, je veux dire, pour elle, c'était fantastique, se promener en plus avec une bourse la nuit dans les rues de Québec, c'était extraordinaire, parce que, chez elle, elle disait tout bonnement qu'elle n'aurait pas pu faire telle chose. Donc, on leur apporte bien sûr une véritable sécurité.
On leur permet de se libérer de leur identité qui peut maintenant s'exprimer en français. C'est évident que toute la richesse intérieure de ces gens qui viennent au Québec, si on ne réussit pas à les aider à s'exprimer dans la langue le plus tôt possible ? on l'a vu tantôt, ça prend grosso modo une bonne année ? alors, si on ne réussit pas à les aider, c'est évident que leur richesse va demeurer un petit peu endormie, et c'est nous autres qui allons en être pénalisés et eux-mêmes qui vont aussi être frustrés de cela.
On leur permet de briser leur isolement. On leur permet d'obtenir bien sûr une qualité de vie. On leur permet, pour un 30 % d'entre eux... parce qu'il faut comprendre, chez nous, au travers les données que nous avons, que, sur 100 immigrants qui passent dans nos classes, il y en a au moins 70 qui veulent au plus vite aller sur le marché du travail, mais il y en a une trentaine effectivement qui aimeraient poursuivre des études, qui aimeraient se faire reconnaître leurs propres études de leur pays, donc s'acheminent vers le cégep, s'acheminent vers un métier, s'acheminent vers l'université. Donc, il y en a effectivement qu'on libère pour poursuivre leurs études universitaires.
Et sur le plan humain, ce qui est le plus fondamental lorsqu'on reçoit nos immigrants, je veux dire, dans nos classes, en termes de première sécurité, bien sûr on les aide, on les encourage, et ils se font de nouveaux amis, ils se trouvent un travail ? surtout avec ce qu'on a entendu tantôt, le travail est devant nous ? ils se trouvent... on les encourage à se trouver un logement dans des quartiers francophones, si on parle d'une intégration en français de nos immigrants, comme la région de Thetford tantôt, l'exemple qu'on nous a donné précédemment.
Et puis aussi il y a une affaire qu'on oublie trop facilement ? c'est un petit sondage, nous, qu'on a fait ? c'est que, dans les classes à forte majorité actuellement ? il faut le croire, c'est ce qui existe ? il y a plus de quatre ethnies, quatre étudiants sur 19 qui sont d'origines ethniques différentes. Alors, ça veut dire quoi? Ça veut dire que le moyen de communiquer déjà entre eux est le français. Alors, c'est un moyen qui est fort simple, par l'immersion, puis, entre eux autres... ethnies ? il y avait des langages différents ? pour essayer de se comprendre en classe et en dehors de la classe, de pratiquer puis d'évoluer, si vous voulez, en français. Alors, c'est un peu ce que nous disent nos 218 classes aujourd'hui.
L'enjeu démographique, comme ça a été mentionné, je pense, par les autres groupes, on n'a pas à y revenir, il est fondamentalement important. Nous sommes bien sûr d'avis que, de 37 500 grosso modo en 2001 que nous avons accueillis, on encourage que le gouvernement prenne les dispositions pour en accueillir au-delà de 40 000, donc passer à 44 000 en 2004 ? on accepte bien sûr le troisième scénario ? et d'envisager, si vous voulez, l'accueil de 48 000 immigrants en 2007.
On va traiter davantage des autres enjeux, alors linguistique, économique et de la régionalisation, mais surtout sur le comment. Nous constatons que les Québécois et les Québécoises manifestent une grande ouverture aux nouveaux arrivants. Alors, ce consensus social ne doit pourtant pas être pris pour acquis. L'ouverture est essentiellement une volonté des Québécois, une volonté d'inclusion, qu'il s'agisse d'emplois, qu'il s'agisse de relations de travail, qu'il s'agisse de rapports sociaux, qu'il s'agisse d'activités communautaires ou de définitions de l'identité collective.
Par ailleurs, il faut dire que ce consensus social ne doit pas pourtant être pris pour acquis. C'est toujours à faire, à refaire et à construire, parce que la déconstruction pourrait se faire à notre désavantage. Nous nous devons de favoriser par tous les moyens le maintien et même l'accroissement du consensus social. Pour nous, un thème qui est excessivement fort, puis là-dessus nous partageons les écrits que M. Corbo, ex-directeur de l'Université du Québec à Montréal, faisait, de par ses origines aussi... pour lui, ce qui était le plus favorable lorsqu'on accueille des immigrants au Québec, c'est de leur garantir à moyen et à long terme la paix, la paix sociale, la paix politique. Et ça, ça nous est excessivement important, et je pense que, si on poursuit dans le sens des efforts qu'il faut y investir pour intégrer nos immigrants en français, on se donne des conditions qui nous permettent d'envisager à court, à moyen et à long terme cette paix.
Le consensus... Il y a suffisamment de travail selon nous pour tous et, s'il y en a suffisamment pour les immigrants et qu'ils font preuve, les nouveaux immigrants, d'une intégration suffisante à la langue et à la culture, nous sommes prêts à parier avec vous que le consensus social quant à l'immigration demeurera sous le signe de cette ouverture.
Le Québec, comme nous le savons tous, est une mosaïque dont, jusqu'ici, les éléments s'harmonisent encore assez bien. Or, l'apport de l'immigration est appelé à augmenter, puis le tableau, à tout prix, doit rester harmonieux. Pour ce faire, le moyen selon nous le plus efficient, c'est l'intégration des nouveaux arrivants, une intégration qui doit se réaliser culturellement sur les plans linguistique, social et professionnel.
Comme la culture d'un peuple est d'abord véhiculée par la langue, il demeure essentiel de redoubler d'efforts pour arriver à la meilleure intégration linguistique possible des nouveaux arrivants non francophones et je dirais même des nombreux immigrants qui, après des années au Québec, malheureusement n'ont pas toujours choisi de parler français.
Avec la réforme au MRCI, en 2000, qui a donné lieu aux neuf carrefours d'intégration des immigrants, le temps alloué à la francisation est passé de 600 à 1 000 heures. Beaucoup de travail a été investi dans les moyens d'évaluation des compétences en français. Des liens de collaboration ont été créés avec d'autres ministères. Des partenariats ont vu le jour avec les cégeps et les universités. Juste pour vous illustrer un petit peu cela, actuellement nous sommes... il y a 26 classes dans les universités, grosso modo, à Montréal, et puis nous avons au-delà de 80 classes dans les cégeps sur le terroir à Montréal. Et la concertation a aidé à concrétiser davantage le parcours d'intégration des nouveaux arrivants. Alors, nous sommes d'avis que de tels efforts devraient non seulement être maintenus, mais portés plus loin encore. Puis nous serons tout ouïe bien sûr, Mme la ministre, si vous nous annoncez qu'il y a d'excellentes nouvelles par rapport à une... de l'ensemble des carrefours, aujourd'hui ou demain, ou peut-être un petit peu après demain.
n(15 h 20)n Le MRCI a démontré une confiance en l'expertise de ses professeurs pour ce qui est de l'intégration en français des nouveaux arrivants. Étant donné le professionnalisme des enseignants du MRCI, nous croyons que le ministère devrait inclure la consultation des profs parmi les actions annuelles à entreprendre afin que les informations pertinentes à une intégration optimale des nouveaux arrivants soient mises à jour et que les recommandations les plus réalistes puissent être appliquées. Je dirais en termes simples...
Là-dessus, ce qu'on veut dire tout simplement, c'est que nos professeurs doivent être en amont dans toutes les discussions en ce qui concerne l'intégration des immigrants en sol québécois. Ce n'est pas plus compliqué que ça. Si on est en amont dans tous les projets ou dans l'ensemble des projets, c'est évident que nous pourrons donner pleine contribution de notre expertise qui existe depuis 36 ans et qui, à l'occasion, parfois, dort lorsqu'on n'est pas partie prenante des directions ou des décisions qui peuvent être prises concernant l'intégration en français des immigrants.
Parallèlement, nous ne saurions insister suffisamment sur l'importance que le MRCI assure une formation continue à ses professeurs, puisque tant de détails entrent dans la composition des cultures des accueillis, tant de détails qui sont autant de prétextes à fignoler nos stratégies pour atteindre et pour intéresser les individus à la culture qui les accueille. Il en va de l'adaptation des stratégies d'apprentissage du français aux réalités nouvelles de l'immigration.
L'étalement des services d'intégration des immigrants lors de la création des carrefours en 2000 est louable. Il faut absolument rejoindre la clientèle à franciser puis il faudrait pousser plus loin dans toutes les régions du Québec. J'ai cru comprendre, suite à vos invités qui nous précédaient, qu'ils aimeraient sans doute avoir un carrefour dans la belle région de Thetford Mines. Ceci étant, malgré tous les efforts déployés pour franciser les immigrants, l'omniprésence de l'anglais dans le monde du travail et partout dans le quotidien ? qu'on lise les enseignes, les journaux, à la télévision ? produit, semble-t-il, selon nous, une sorte d'effet rassurant sur les nouveaux arrivants qui ont déjà une certaine connaissance de l'anglais.
Des pénuries de main-d'oeuvre nous guettent dans le cadre du vieillissement de la population. Alors, nous nous devons à ce moment-là de compter sur l'apport bien sûr de l'immigration. Lorsqu'il s'agit de non-francophones, l'intégration linguistique s'impose non seulement au point de vue de la communication de tous les jours, mais en termes d'appropriation du vocabulaire particulier au champ d'intérêt professionnel ou quant à celui de la recherche d'emploi. Les professeurs, les 418 du MRCI, enseignent déjà les particularités de la recherche d'emploi au Québec. Nous croyons que des cours d'appoint devraient s'ajouter dans le cadre du programme du MRCI afin que les professionnels venus d'ailleurs puissent se familiariser avec le lexique qu'ils devront utiliser au travail.
Nous avons déjà donné des cours spécialisés pour les secrétaires, pour les infirmières, à une certaine époque. Je pense qu'il serait d'appoint aussi, par rapport à certaines professions parfois que nous puissions aussi intervenir. Pour nos Chinois, par exemple, c'est évident que ça nous prend de la formation que nous donnons ou des cours d'appoint, par exemple, en phonétique. Mes collègues pourront vous expliquer cela si le coeur vous en dit.
La majorité des nouveaux arrivants espèrent trouver un emploi le plus vite possible. On l'a dit tantôt, nous, on estime que, sur 100 immigrants qui passent dans nos classes, il y en a toujours à peu près 70 qui ont hâte d'aller sur le marché du travail le plus tôt possible. Alors, le fait de trouver un emploi en français grâce à une connaissance suffisante de cette langue influence d'autant plus la réussite de l'intégration en français de l'immigrant.
Les professeurs du MRCI ont aussi travaillé très fort à créer des formules de cours et des programmes pour étudiants non francophones, ce qui, entre autres, est une excellente façon d'assurer l'intégration des immigrants aux études supérieures, donc collégiales et supérieures, ce qu'on mentionnait tantôt, les 30 %, si vous voulez, au niveau de 100 immigrants qui passent par nos classes.
En cela, on est fort aise aujourd'hui de dire que nous sommes contents que l'UQAM, au lieu de baisser les attentes quant à la maîtrise du français, les a maintenues, et elle mérite bien sûr toute notre considération. On aimerait par ailleurs que l'UQAM, avec son directeur Roch Denis, ait autant d'influence auprès de l'Université du Québec à Gatineau qui semble, elle, de son côté, chanceler versus des cours qu'ils veulent donner en anglais. Et là-dessus je reprends des propos que M. Charest tenait la semaine passée à l'ENAP, dans le cadre du 20e anniversaire du GERFI, comme je le mentionnais tantôt. Il disait que 2 % de la population francophone, c'est ce qui fait notre force en Amérique du Nord, mais, pour considérer cette force, il faut bien sûr, nous, se donner des moyens comme société pour maintenir, si vous voulez, l'intégration en français de nos immigrants qui sont à venir. Il en va ainsi de notre identité culturelle.
L'usage du français perd du terrain dans les milieux de travail. Le MRCI préconise un accompagnement plus personnalisé du nouvel arrivant dans son parcours d'intégration économique. En ce sens, nous croyons qu'une intensification des services de francisation en général de même qu'une révision du programme du MRCI en fonction d'un accroissement du temps d'intégration linguistique et d'un élargissement de l'éventail constituant son parcours, pour l'immigrant, seraient les bienvenues. Parallèlement à cela, la mise à contribution de tous les organismes pertinents, nous pensons aux syndicats comme la FTQ, la CSN, alors, si on pouvait poursuivre dans cette direction-là, les organismes sans but lucratif, les ministères... alors, la mise à contribution de ces différents organismes ne serait pas de trop pour garder en français la place qui lui revient.
La spécificité de l'ensemble des 418 professeurs du MRCI se traduit un peu de la manière suivante. Selon nous, l'enseignement linguistique vise l'intégration des immigrants à la société, plus particulièrement au monde du travail, et elle exige beaucoup plus qu'un apprentissage théorique du code écrit et oral. Cet enseignement doit correspondre selon nous aux situations de communications vécues par les immigrants, à une connaissance succincte de la société d'accueil pour répondre aux besoins langagiers de l'immigrant. Les apprenants adultes d'une richesse culturelle variée exigent un programme qui tienne compte de la psychologie des adultes en situation d'apprentissage, des différentes cultures d'origine, comme je le disais d'entrée de jeu, des niveaux de scolarité entre 0 et 18 ans, d'une connaissance variable du français. C'est ce qui particularise, je dirais, le geste professionnel de mes collègues enseignants au niveau du MRCI à peine depuis 36 ans.
Cependant, des obstacles demeurent quant à la reconnaissance des acquis académiques et professionnels des immigrants et aussi quant à l'ouverture des employeurs à l'embauche de gens venus d'ailleurs ou sans expérience canadienne. À cela nous tenons à rappeler, pour un immigrant scolarisé, qu'une intégration en français ou en anglais, ça ne le rebute en aucune façon. Selon nous... donc d'où l'importance qu'il faut insérer dans le réseau francophone ? donc l'intégration en français le plus tôt possible ? un immigrant qui nous arrive en sol québécois si nous voulons maintenir bien sûr notre identité culturelle avec le visage francophone.
Au niveau de la régionalisation, nous avançons que l'ouverture des Québécois et des Québécoises risque de s'essouffler dans la région métropolitaine de Montréal si effectivement la régionalisation de l'immigration ne progresse pas considérablement à l'échelle du Québec. Il faudrait bien sûr que le Québec investisse concrètement dans la création d'emplois dans les régions où il serait plus que souhaitable que les nouveaux immigrants s'établissent davantage. Si on ne favorise pas la rétention bien sûr en région puis le déplacement en région de nos immigrants, c'est évident qu'il peut y avoir des problèmes qui peuvent survenir sur l'île de Montréal. Actuellement, si on parle des fois, parfois, à l'occasion, gangs de rue, ghettos, préjugés raciaux, on pense que c'est déjà présent en petite partie sur l'île de Montréal. Alors, la paix sociale exige effectivement qu'on donne un coup de barre et qu'on encourage la régionalisation avec nos nouveaux immigrants. Il faut que les régions dans lesquelles les immigrants iront s'établir soient dotées de services adéquats quant à l'accueil et à l'intégration. Nous pensons que d'autres carrefours d'intégration des immigrants pourraient voir le jour en Abitibi, en Beauce, au Saguenay, en Mauricie, puis, comme on a entendu tantôt, à Thetford Mines.
En termes de conclusion, ce que nous aimerions vous mentionner, c'est que le caractère criant de ce besoin démographique nous oblige bien sûr à gérer le mieux possible l'apport de nouveaux arrivants à notre société, et, selon nous, au moyen de l'intégration.
Dans le but d'enrichir l'identité québécoise, nous considérons qu'il faut renforcer auprès des nouveaux arrivants, et même chez les immigrants de longue date qui ne parlent pas encore français, voire ni français ni anglais, le sentiment qu'ils doivent s'intégrer à notre société. Nous prenons la précaution de nous déclarer méfiants quant à la perspective de confier aux communautés culturelles l'accueil de nouveaux arrivants. Les classes de francisation du MRCI ont toujours procédé par immersion, et nous croyons que la même chose devrait valoir pour l'accueil. En effet, trop de ghettoïsation, déjà trop de microsociétés existent à Montréal, isolant certaines communautés et leur permettant une sorte de vie civile intérieure autonome pour que nous ne nous inquiétions pas sur ce sujet.
Le Président (M. Cusano): En conclusion, s'il vous plaît. En conclusion.
M. Perron (Luc): Oui. Alors, l'intégration sera rendue possible d'abord grâce à un accroissement et à une plus grande répartition des services aux immigrants. Nous faisons le pari que les nouveaux arrivants choisiront d'aller s'installer là où les services leur sont accessibles.
Nous sommes conscients ? et je termine ainsi ? qu'une intensification des services de francisation et des services aux immigrants en général suppose des coûts supplémentaires. Par contre, nous considérons que les dépenses consenties représentent un investissement qui, à plus long terme, s'avérera payant pour la société québécoise. Autrement dit, on a le choix d'être frileux maintenant et de nous en remettre à la chance pour le meilleur déroulement possible des choses ou bien de faire face à la réalité et de prendre les responsabilités qui s'imposent pour arriver à enrichir le Québec tout en évitant de se diviser.
n(15 h 30)n On vous donnait une hypothèse à la toute fin en vous disant que les femmes immigrantes, à l'instar d'une étude savante qui a été conduite aux États-Unis auprès des hispanophones, tout en apprenant l'anglais et maîtrisant l'anglais, faisaient en sorte qu'elles épousaient les valeurs, si vous voulez, américaines, donc les familles étaient moins nombreuses. Alors, on vous dit aussi: Oui, les immigrants, mais pensons aussi à des politiques natalistes pour encourager l'ensemble des femmes, tant immigrantes que québécoises de souche, si vous voulez, de maintenir le cap, si vous voulez, par rapport à l'accroissement dans notre société.
Et je conclus en mentionnant que, l'ensemble des professeurs du MRCI, en étant fiers de leur travail, nous sommes totalement disponibles pour tracer des voies d'intervention pour que, dans le milieu de travail, ce soit plus... ça se fasse plus en français, aussi pour qu'il y ait des moyens qui soient mis de l'avant pour aider la régionalisation. Et puis aussi nous garantissons la ministre et les collègues... et les gens, si vous voulez, de la députation, que les professeurs vont poursuivre dans l'amélioration des moyens d'intégration des immigrants par des interventions... professionnelles, dis-je, appropriées. Merci beaucoup.
Le Président (M. Cusano): Merci beaucoup, M. Perron. Je cède maintenant la parole à la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. Mme la ministre.
Mme Courchesne (Fabre): Merci, M. le Président. Messieurs, madame, bienvenue. Merci d'être là. Mme Courchesne, on n'a pas de lien de parenté, hein? Non. C'est assez rare que je rencontre des Courchesne, c'est pour ça que je me permets de le souligner.
M. Perron (Luc): ...au XIIe ou XIIIe siècle.
Mme Courchesne (Fabre): Ah oui, ça, je connais un peu l'arbre généalogique, mais honnêtement on n'est pas si nombreux que ça.
Cela dit, je suis très contente que vous ayez pris la peine de rédiger ce mémoire. Je crois que vous avez réussi à faire le tour de beaucoup de questions dans ce mémoire-là. Moi, je veux quand même vous rendre hommage pour ce 36 ans d'implication auprès des nouveaux arrivants. On se rappelle tous l'origine des COFI. On se rappelle en fait toute la base de cette intégration. Je pense que vous avez raison de dire que ça doit inévitablement passer par la maîtrise de la langue française. Ça, vous le savez, c'est quelque chose que je répète aussi souvent que je le peux. Pour moi, c'est, dans un critère d'intégration, une valeur québécoise qui n'est pas négociable. Ça, je suis convaincue de ça.
Et vous avez entièrement raison de dire que c'est aussi le facteur déterminant de notre identité culturelle. Et je crois que c'est... Et souvent je rencontre des communautés qui me disent: Pourquoi il n'y a pas plus d'anglais? Je vous fais grâce des détails. Et souvent je leur explique, surtout quand ils viennent tout juste d'arriver ou que ce sont des communautés récentes, je leur explique que, dans l'histoire du Québec, cette question de la langue française a quand même été au coeur de débats extrêmement intenses, et que très certainement ce n'est pas une question que l'on veut resoulever, et que, quand on arrive ici, ça va de soi, il faut maîtriser la langue française.
Donc, vous avez un grand rôle à jouer. Vous avez effectivement... J'ai rencontré plusieurs professeurs dans mes tournées puis dans la région de Montréal, région de Québec. Je suis allée dans des classes d'immersion, j'ai rencontré... en action, là. Je rentrais dans la classe pendant que le professeur donnait ses cours. J'ai fait ça à plusieurs reprises. J'ai beaucoup parlé avec les gens qui étaient là pour voir comment ça se passait et j'ai senti effectivement le sens du dévouement, j'ai senti la grande compréhension des communautés... c'est-à-dire des professeurs à l'égard des communautés.
Mais, d'ailleurs, je veux juste peut-être compléter nos chiffres. M. Perron, vous dites 418 professeurs, moi, j'ai 121 permanents. Donc, ça veut dire que la différence, ce sont des occasionnels, c'est ça? Bon, d'accord. Non, je veux juste m'assurer qu'on s'entend.
M. Perron (Luc): Vous tournez le fer dans la plaie, là. Effectivement...
Mme Courchesne (Fabre): Non, non, je sais que vous ne vouliez pas, mais, pour l'intérêt de mes collègues parlementaires, je croyais utile de préciser qu'il y avait 121 professeurs permanents et que la différence étaient des professeurs occasionnels. M. Perron, je ne veux pas rentrer dans le détail des conventions collectives. Le but de la discussion, cet après-midi, ce n'est pas de rentrer dans les détails de la convention.
Par contre, je suis intéressée à mesurer votre degré d'ouverture par rapport à la façon d'enseigner le français. Parce qu'il y a beaucoup, beaucoup de groupes qui se sont présentés devant nous. D'abord les délais, les listes d'attente. Encore une fois, c'est sûr qu'on pourrait... il n'y a pas de limite, on pourrait dépenser le double de ce qu'on dépense en francisation. Mais, avant de dépenser le double, je me pose toujours la question sur ce qu'on peut faire ensemble en partenariat pour rendre, par exemple, certains horaires plus flexibles, pour, par exemple, réadapter la façon de travailler sur une période continue. Parce que, là, au bout de huit semaines, les professeurs doivent prendre congé puis doivent s'arrêter, pour ensuite recommencer le 1 000 heures. Je me dis: Il y a des gens, les femmes immigrantes entre autres, vous en parlez, peut-être que ce serait plus favorable pour elles d'avoir d'autres horaires plus le soir. Ça, c'est pour l'horaire. Puis, quand on arrive sur le contenu, les gens nous disent: Bien, peut-être qu'il faudrait revoir les cours pour être plus sur le terrain. Peut-être qu'il faudrait qu'il y ait des professeurs qui se déplacent en milieu de travail ou se déplacent dans un milieu de vie, se déplacent au cours d'activités qui permettraient à l'immigrant de s'intégrer plus rapidement tout en apprenant le français.
Moi, je voudrais vous entendre là-dessus, là. Je ne veux pas qu'on tombe encore une fois dans les technicalités de convention, ce n'est pas le but de ma question. Je ne veux pas... Ce n'est pas un piège que je vous tends non plus, là. Ce ne sera pas retenu contre vous, je vous le promets. Je veux juste voir si vous avez la même lecture que nous sur une nécessité de faire évoluer la façon dont on adapte nos cours de français pour les nouveaux arrivants.
Le Président (M. Cusano): M. Perron.
M. Perron (Luc): Oui. Dans un premier temps, Mme la ministre, je vous remercie de vos bons propos, que nous saurons transmettre bien sûr à l'ensemble de nos collègues, là, par rapport aux 36 années puis aux résultats, si vous voulez, puis aux impacts de nos interventions professionnelles sur effectivement l'intégration de nos immigrants, là, en sol québécois.
Concernant bien sûr ce que vous appelez la flexibilité, je veux dire, bon, ça, là-dessus, on a toujours fait la démonstration... Je suis prêt bien sûr, avec vous puis avec vos collègues, d'entamer des discussions, des discussions précises à cet effet-là. On avait dans le passé, si vous voulez, des cours intensifs. Il y avait différentes formules que nous avions acceptées qui n'ont pas été mises de côté ou à l'écart par nous, mais qui ont été mises de côté par rapport à, si vous voulez... par l'administration en tant que telle. Mais, ceci étant, on est tout à fait, si vous voulez, d'une souplesse, je dirais, presque étonnante, là, tout en considérant bien sûr que la force de travail mérite aussi, si vous voulez, certaines conditions qui lui sont particulières. Mais on n'a pas vraiment de réserves d'emblée.
Nous, actuellement, puis à travers les collègues puis à travers les contacts qu'on a eus lorsqu'on a rencontré à plusieurs occasions les immigrants dans l'ensemble des régions du Québec, c'est évident que ce qui nous fascine le plus, si vous voulez, c'est de libérer au plus vite cette richesse qui est en chacun de ces gens-là. Et, pour nous autres, à ce moment-là, on est prêts à prendre les moyens pour ça.
On n'a pas vraiment de réserves, si vous voulez, par rapport à ça, à tel point qu'au niveau de l'enseignement, de ce que font les professeurs, généralement c'est qu'on tente, si vous voulez, de mettre de l'avant vraiment des réponses qui sont particulières aux gens qui sont devant nous, en fonction vraiment des besoins langagiers réels de ces gens-là par rapport à des situations de communication dans lesquelles ils se trouvent. Et ça, là-dessus on n'a aussi pas trop de réserves. C'est-à-dire qu'il existe bien sûr un certain encadrement, il existe, si vous voulez, certains terminaux. Il en existe huit. Je ne veux pas tomber dans le jargon, si vous voulez, pédagogique. Ceci étant par ailleurs, dépendant du groupe humain qu'il y a devant le professeur, c'est évident qu'on peut y insérer des chansons, qu'on y insère une façon de vivre qui caractérise le Québec, je dirais, ou les Québécois en sol québécois, et ça, là-dessus on n'a pas vraiment de réserves.
Alors, au niveau de... au niveau... si vous voulez ? puis je pense que je pourrais conclure là-dessus ? c'est que nos gens, si vous voulez, au niveau de l'ensemble du corps professoral, ils ne demandent pas mieux que l'information qu'ils détiennent en classe par rapport à leurs contacts, à leurs interactions continuelles, quotidiennes avec les immigrants, qu'elle monte, si vous voulez, le plus tôt possible, là, au niveau des gens qui sont décideurs, dont vous êtes. Et ça, là-dessus on n'a pas de réserves.
Mme Courchesne (Fabre): Et qu'est-ce que, selon vous, on devrait améliorer en premier lieu?
M. Perron (Luc): Ah, c'est énorme, là. Je veux dire, c'est... Il y a par exemple, si vous voulez, en termes de matériel, en termes de techniques, en termes de nouvelles technologies, je veux dire, on est relativement pauvres dans l'ensemble, si vous voulez, de nos institutions. Ça, je pense qu'en termes de moyens là-dedans on n'est pas, je dirais, là, des modèles. En termes, si vous voulez, je dirais, de possibilités qu'ont les gens d'interagir humainement, verbalement dans leur quotidien, dans la communication, si vous voulez, qu'ils ont à construire, on y arrive. Mais il existe, là, plusieurs, si vous voulez, je dirais... des investissements de base juste pour renouveler un petit peu le matériel, juste pour aider. Parce que malheureusement, dans un passé, bon, assez lointain, on a construit beaucoup de matériel mais qui était éloigné un petit peu, si vous voulez, des besoins langagiers de nos immigrants.
Par exemple, pour prendre un exemple bien pratique, vous avez dit tantôt que vous êtes allée dans les classes, et ça, nous en sommes très fiers et nous en sommes très contents, parce que les gens qui sont dans des situations de vécu entre le prof et ses 19 immigrants, c'est évident qu'ils voient et qu'ils constatent et ils sont à même de pouvoir répondre à ces besoins-là. Et, je pense, ça, il faut poursuivre ça. Plus que l'administration va être proche, je pense, de ces gens, plus qu'on va nous donner l'opportunité de lui transmettre en termes concrets les besoins qui caractérisent, si vous voulez, je dirais, le travail professionnel que nous avons à conduire et plus, à ce moment-là, les moyens iront de soi.
n(15 h 40)n Par exemple, c'est évident qu'à Montréal on veut, dans la mesure du possible, au niveau de la formation à temps plein, que les classes soient le plus homogènes possible. Donc, il est important qu'il y ait un plus grand bassin possible d'immigrants ou de classes qui partent grosso modo en même temps, ce qui permet le plus d'homogénéité possible parce que c'est plus facile, ça aide, c'est plus intéressant, il y a moins d'écarts à l'intérieur des classes. On a parlé souvent, par exemple au niveau des immigrants, peu importe leur scolarité, qu'il y en a qui... bon, qui ont un rythme, si vous voulez, d'apprentissage qui est un petit peu plus lent, d'autres, c'est un petit peu plus rapide, dépendant de tous leurs antécédents, et ça, il faut penser de tous les mélanger ensemble pour être certains de faire la progression la plus rapide possible avec les étudiants, les 19 qui sont avec nous en salle de classe.
Mme Courchesne (Fabre): Parce que, ma compréhension, là, ce sont les profs qui déterminent les programmes et les cours. C'est vous autres qui... C'est vous qui les définissez.
M. Perron (Luc): Non. C'est-à-dire que... C'est-à-dire qu'heureusement, en classe, on a une latitude assez grande, si vous voulez, en termes de développement et d'activités autres, sauf qu'on n'a pas nécessairement tout le support, si vous voulez, qui nous serait utile à un moment donné par rapport au matériel, à l'usage du matériel, à l'usage des technologies. On est très pauvres, par exemple, au niveau des ordinateurs et autres, par rapport à des nouveaux moyens qui nous permettraient d'innover un peu dans cette direction-là, et ça, là-dedans, ça mériterait plus de dialogue, plus d'échanges, plus de suivi.
Mme Courchesne (Fabre): Si vous me permettez, je disais d'ailleurs à ma sous-ministre adjointe qu'effectivement je suis d'accord avec vous qu'il y a moyen de ne pas vous considérer autant en silo. C'est mon opinion très personnelle. Les gens du ministère connaissent mon opinion là-dessus. Je travaille très fort depuis 10 mois pour qu'il y ait un meilleur dialogue à l'intérieur du ministère, un meilleur échange d'informations entre toutes les directions du ministère. Donc, moi, je suis très, très ouverte au fait qu'il y ait plus d'échanges entre les dirigeants ou les directions. Mais, si on vous dit, par exemple, que... si on focusse davantage vers l'emploi et l'importance pour les immigrants d'obtenir l'emploi, si, par exemple, on vous disait de préparer un cours pour préparer les immigrants à passer l'entrevue à l'emploi et un cours où on aurait davantage axé sur l'intégration en emploi, est-ce que ça, c'est quelque chose qui est pensable pour vous ou est-ce que c'est compliqué? Est-ce qu'il y a des contraintes à ça?
M. Perron (Luc): Ça, c'est... On mentionnait tantôt, dans nos huit terminaux, dans le cadre du programme, là, qui est quand même un petit peu, si vous voulez, construit par l'administration, il y a un volet qui est effectivement la recherche d'emploi, et ça, ça peut être développé davantage, on peut y mettre plus d'accent. Je sais qu'on a déjà eu, si vous voulez, des gens qui, en dehors de l'enseignement proprement dit, étaient conseillers à l'emploi, donc qui faisaient des passerelles avec le milieu comme tel, et ça, là-dessus je pense qu'il y a moyen de le faire. On peut...
Mme Courchesne (Fabre): Est-ce que tout ça doit être dans le 1 000 heures? C'est ça que j'essaie de comprendre. Parce qu'il y a le 1 000 heures, là, mais est-ce que...
M. Perron (Luc): C'est-à-dire, on en a 800. On a 800 puis, si on avait le 1 000, là, je veux dire les 200 au niveau des ensembles, des activités, là, actuellement qui sont en périphérie, qui ne sont pas nécessairement assumées par le corps enseignant, effectivement on pourrait y mettre l'accent davantage, même à l'intérieur du 1 000.
Mme Courchesne (Fabre): À l'intérieur du 1 000 heures, ce ne serait pas possible ou si... C'est pour ça que j'essaie d'avoir votre point de vue, comme professeurs. Mme Courchesne, vous avez déjà été professeure. Moi, j'essaie d'avoir votre point de vue sur la réalité des choses, sur votre évaluation. Et, je vous le dis, là, c'est fait dans un but très positif, très constructif. Je suis intéressée à avoir une meilleure évaluation de votre part, en tant que syndicat, de ce qui se fait.
Mme Courchesne (Catherine): Jusqu'à maintenant, avec le 1 000 heures qui nous est imparti, ce qu'on entend beaucoup des professeurs qui sont à l'enseignement en ce moment, là, c'est qu'ils n'ont pas assez de temps pour approfondir ce qu'il y a dans le programme. Parce que le programme est un, mais chaque professeur détermine non pas le programme pour son groupe, mais détermine quel contenu il va donner, comment il va actualiser ce que le programme prescrit pour le niveau de son groupe. Mais ce qu'il y a de prescrit au programme pour un cours de 800 heures, pour la plupart des groupes, c'est un peu trop pour le temps qu'on a pour le faire. Alors, on n'a pas autant qu'on voudrait le temps d'approfondir.
Maintenant, c'est sûr, si on pense à la recherche d'emploi, c'est quelque chose qui se fait... je crois que ça se fait au niveau 400... au niveau 204 et au niveau 205, là, les deux derniers cours, excepté que, là non plus... Bon, ce n'est peut-être pas nécessairement aussi tous les professeurs qui ont déjà approché cet enseignement-là, qui l'ont déjà fait. Ici, on a un problème de formation continue parce qu'il y a beaucoup de détails dans ce qu'on fait, puis ce n'est pas tous les professeurs qui sont habitués à tout faire.
Mme Courchesne (Fabre): Bien, moi, ce que je...
Le Président (M. Cusano): Mme la ministre, excusez-moi, là. Est-ce qu'on laisse continuer, là? Parce que...
M. Dion: ...je prêterais quelques questions à Mme la ministre.
Le Président (M. Cusano): Oui? C'est bien.
Mme Courchesne (Fabre): Ah, ce serait une dernière, M. le Président.
Le Président (M. Cusano): Allez-y.
Mme Courchesne (Fabre): C'est parce que ma compréhension de ce que j'ai vécu, de ce que j'ai vu ou entendu, c'est sûr, c'est que... Est-ce qu'on a une sorte d'uniformité ou de... Je ne dirais pas de standard de qualité, là. Ce que je veux dire... Et je pense que j'apprécie, Mme Courchesne, que vous nous disiez que peut-être que tous les professeurs n'enseignent pas tout puis tous de la même façon. Alors, on a l'impression que, dépendant où on va, on a des immigrants qui sortent à des niveaux ou à des degrés différents. Alors, la question: C'est-u parce que nos cours de français ne sont pas adaptés, ne sont pas adéquats ou c'est les nouveaux arrivants qui ont, eux, pour toutes sortes de raisons, plus de difficultés à apprendre la langue? C'est ce que j'essaie de situer, là.
Le Président (M. Cusano): Mme Courchesne.
Mme Courchesne (Catherine): Le problème ici, d'après moi, ce serait plutôt que la clientèle, avec ce qu'elle a de scolarité, avec ce qu'elle a de culture, avec sa langue d'origine, avec tous les critères, là, qu'on utilise, entre autres pour les classifier, pour les envoyer dans un groupe plutôt que dans un autre, c'est tellement large, c'est tellement varié qu'effectivement ça prend toutes les couleurs, là, ça prend un spectre extraordinaire pour arriver à franciser tout ce monde-là. Puis c'est sûr qu'au bout, non, ils ne sortiront pas égaux. Parce que quelqu'un qui arrive analphabète et analphabète dans sa propre langue, est-ce qu'il va se rendre au 205, là? Puis, si oui, il va se rendre... il va parler comment puis il va lire et écrire comment, rendu là? C'est absolument impossible qu'ils sortent tous égaux.
Le Président (M. Cusano): Merci. Merci, Mme la ministre. Je cède maintenant la parole au député de Saint-Hyacinthe, en le remerciant d'avoir accordé un peu de temps supplémentaire à la ministre.
M. Dion: Merci, M. le Président. Je l'ai fait de bon coeur, d'autant plus que ça m'intéressait énormément, l'échange. Pour avoir été moi-même professeur de langue seconde, toute la question de la méthodologie m'intéresse au plus haut point, et son efficacité aussi.
Je veux vous remercier et vous féliciter non seulement pour le travail que vous faites, mais, à ce que j'ai compris, à ce que j'ai lu, pour l'humanisme avec lequel vous le faites parce que autre chose est ce qu'on enseigne et autre chose est ce que l'on est. Et, chose curieuse, c'est que l'étudiant apprend autant de ce que l'on est que de ce que l'on enseigne. Et c'est vrai, je pense, autant dans les langues que dans bien d'autres choses. Alors, je veux vous féliciter.
Et j'ai... Aux pages 2 et 3 de votre document, il y a toutes sortes de choses extrêmement intéressantes. Vous parlez, entre autres, de la question de la langue comme instrument de libération. Et il suffit de penser à un immigrant qui arrive, qui est obligé de passer par un interprète pour avoir une communication avec son milieu. Il est prisonnier, il ne peut pas dire ce qu'il veut et il ne peut pas le dire quand il veut non plus. Il faut qu'il le dise quand l'interprète est disponible. Alors, la langue est un instrument de libération considérable.
Ma préoccupation actuellement, ma première préoccupation est du côté des immigrants, surtout à Montréal. J'ai lu, il y a quelques années, trois ou quatre ans, une étude faite par un auteur québécois sur les transferts linguistiques du français à l'anglais à Montréal. Et, si je me souviens bien, les derniers chiffres qu'on avait révélaient un transfert linguistique de plus de 50 %, à la première génération, du côté anglophone à Montréal, et non pas du côté francophone, bien que c'est le français que l'on enseigne. Et j'ai lu que le transfert du secondaire au cégep anglophone était un peu moins élevé mais très élevé, 40 %, alors que les cégeps anglophones et les gens dont la langue d'usage est l'anglais représentent à peu près 20 % de la population. Vous avez sans doute eu connaissance de cette étude-là. Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Perron (Luc): Ce qui nous apparaît fondamentalement important, on l'a tracé dans le mémoire un petit peu plus loin, ce sont les études, entre autres ? pour s'entraider tous les deux ou tout le monde qui est ici présent ? des études de Jean Renaud, de l'Université de Montréal, qui, lui, pour avoir suivi des cohortes d'immigrants, ce qu'il laissait entendre sur le plan scientifique et savant hors de tout doute ? puis c'est pourquoi on insistait autant tantôt ? c'est que l'entrée ou l'arrivée, je dirais, de nos nouveaux immigrants, il faut absolument faire en sorte ? puis notre défi se situe là, je pense... c'est de les intégrer le plus tôt possible dans le réseau que j'appelais francophone, et ça, ça semble excessivement important.
n(15 h 50)n Si, en l'occurrence, on fait en sorte de faire que nos gens qui arrivent, nos immigrants, nos nouveaux arrivants qui arrivent alors maîtrisent davantage... comme vous dites si bien, là, libèrent, si vous voulez, leur richesse par le véhicule qu'est le français, alors ils vont se trouver à épouser des valeurs, des valeurs qui se trouvent à être présentes ou omniprésentes en sol québécois, et là, à ce moment-là, c'est garant, si vous voulez, à moyen puis à long terme d'une intégration en français.
Sinon, ce qu'on dit ? puis c'est pour ça qu'il faut être très sérieux, au niveau du coup de départ puis au niveau aussi des ponts qu'il faut créer avec l'emploi ? c'est que les gens qui nous arrivent scolarisés ou peu scolarisés, c'est qu'apprendre une langue, le français ou l'anglais, ça leur est, je pense, selon ces études-là, ça leur était secondaire. Sauf qu'il disait, lui, Jean Renaud, dans son étude, qui n'est quand même pas si lointaine, il disait que les immigrants dans les cohortes qu'il avait suivies, qui avaient passé dans les formules temps plein et non temps partiel, temps plein comme tel avaient quatre à cinq fois plus de chances de réussir de s'intégrer en français, et ça, c'est excessivement important. Ça, c'est l'important.
C'est évident, on l'a dit dans le mémoire aussi que, nous, à travers les professeurs, bon, il y a parfois des étudiants ? on a fait un petit sondage maison ? il y a des étudiants des fois qui, en cours de route, s'en vont, si vous voulez, dans le réseau anglophone, ou vont étudier même en anglais, ou ils vont travailler en anglais. C'est certain que le milieu anglophone à Montréal est excessivement, si vous voulez, séduisant, bon, puis ils peuvent prendre des moyens pour les encourager davantage à aller dans cette langue-là. Mais, moi, je dois vous dire ? puis vous l'avez traité tantôt, sur le plan de l'humanisme ? nous, on a fait des macarons Parlez-moi français, et je dois vous dire que nos étudiants qui étaient en COFI, lorsqu'ils venaient ici ou lorsqu'ils allaient dans des visites ou dans des cabanes à sucre, certaines activités, si vous voulez, plus à valeur sociale, bien ils les portaient vraiment avec fierté, et ça, c'est excessivement important.
J'irais même jusqu'à développer une thèse ? je ne suis pas sociologue, je ne suis pas politologue de formation ? mais formuler une thèse que nos immigrants, si on réussit à bien les recevoir, à bien les accueillir puis à bien leur faire vivre... Je ne dis pas tous les marier avec un francophone, comme on l'a vu tantôt, mais faire en sorte que c'est peut-être eux qui seront garants demain de notre identité culturelle française, et ça, ça nous est excessivement important, mais c'est nous qui allons décider.
M. Dion: C'est une très belle thèse, mais vous avez sans doute lu comme moi soit des articles de journaux ou d'autre chose qui nous indiquent que souvent, dans les écoles, dans les cours d'école de la commission scolaire de Montréal, donc la commission scolaire francophone, les enfants, le véhicule entre eux malheureusement n'est souvent pas le français mais l'anglais.
M. Perron (Luc): ...je ne peux pas vous dire que vous avez raison. En certaines occasions, c'est évident qu'il faut être vigilants, il faut intervenir, il faut faire en sorte bien sûr qu'on mise, si vous voulez, sur, je dirais, la visibilité du français à travers l'ensemble de nos actions, que ce soit d'ordre scientifique, que ce soit même d'ordre religieux, que ce soit d'ordre éthique bien sûr, d'ordre économique et politique, il faut le faire. C'est évident que, si vous avez plus, si vous voulez, d'accueillis que d'accueillants dans une école, par exemple, alors la tendance va être, dans certaines écoles primaires ou secondaires de Montréal, de parler dans une langue autre que celle de Molière, malheureusement.
Mais, ceci étant dit, il faut retrousser nos manches, puis je pense que c'est pour ça qu'il faut mettre un peu l'accent sur la régionalisation, ce qui ne veut pas dire que l'île de Montréal, je veux dire, à court ou moyen terme, ne peut pas, si vous voulez, prendre plus d'espace pour le français.
Actuellement, ce que fait le ministère, qui est louable, et nous le disons dans notre mémoire, c'est qu'en faisant en sorte que des carrefours, si vous voulez, s'étalent dans les milieux francophones, contrairement à ce qui s'est déjà passé... C'est évident que, si on s'en va dans Parc-Extension demain matin puis on fait un carrefour, bien notre propension d'arriver à faire en sorte que les microsociétés qui sont là, elles parlent français, bon on rêve un peu en couleurs.
Mais, ceci étant, si on se disperse déjà dans le tissu où c'est francophone puis on encourage les gens à s'y installer, et tout ça, ça, je pense que c'est prometteur et c'est garant, si vous voulez, de conditions qui nous permettent d'entrevoir même que, Montréal effectivement, il va y avoir maintien, peut-être même une augmentation en français.
Je pense que, par exemple au niveau du milieu de travail, on pourrait faire davantage, si vous voulez, dans les entreprises de 20 à 50 personnes ou à 49 personnes. Je pense qu'il y a moyen... il y a des moyens, là, qui ne sont pas développés, qui méritent d'être développés. Et, nous, là-dedans, si on en a l'opportunité, soit avec la FTQ, avec la CSN, des gens qui sont très sensibilisés, si vous voulez, au fait français ou à tout le moins à élargir l'espace francophone ou français, on devrait être capables d'étaler ou de créer de nouveaux moyens qui nous permettent d'anticiper de ces résultats-là. Mais je suis d'accord avec vous qu'il faut être inquiets, il faut être vigilants et il ne faut pas être sourds bien sûr, il faut le constater.
Mais malheureusement, des fois, la nature humaine étant ce qu'elle est, nos gens qui n'ont pas, si vous voulez, une visibilité francophone s'en vont dans un magasin, des fois ils se font servir dans une autre langue, et ce sont eux-mêmes qui ont à le demander pour être servis en français. Puis nous, des fois, malheureusement ceux qui maîtrisent très bien cette langue de Molière, des fois, on est un peu paresseux et puis on a tendance à basculer puis à parler d'autres langues avant de s'exprimer nous-mêmes en français puis d'aider l'autre à nous parler en français.
Mais c'est faisable, c'est faisable. C'est du travail de longue haleine. C'est pour ça qu'on dit qu'il n'y a rien d'acquis. Il faut vraiment, là, se retrousser les manches. Il faut, comme gouvernement, ou comme État, ou comme ministère, développer des moyens. Ce n'est pas le privé qui va prendre ça en main, c'est le public vraiment qui se doit... Si c'est une valeur de société, l'identité francophone, l'identité culturelle francophone, il faut effectivement qu'on se donne des moyens, des moyens minimaux pour y arriver.
M. Dion: Merci, M. le Président. C'est des paroles très encourageantes que vous dites, mais je suis malheureusement obligé de constater que ça fait 25 ans que la Charte de la langue française a été adoptée et qu'un tas de mécanismes ont été mis en place ? il y en avait déjà avant d'ailleurs, il y en avait déjà avant, certains mécanismes ? et que le constat dont je vous ai parlé tout à l'heure est toujours là. Alors, qu'est-ce qu'il va falloir faire de plus? Est-ce que vraiment... Est-ce qu'il faut donner un coup de barre? Est-ce qu'il faut que la société québécoise fasse quelque chose de spécial ou simplement continuer avec de la bonne volonté?
M. Perron (Luc): Non, non, non, je pense qu'il faut... On l'a dit, il ne faut pas être frileux. Je pense qu'il faut exposer, il faut rendre visible, il faut être plus agressif, si vous voulez, par rapport au fait français. On n'a pas de fausse pudeur, si vous voulez, à faire en sorte, là, que tout doit se faire en français à l'échelle du grand Québec ? je parle toujours au niveau de la langue civile ? je pense que ça, c'est important. Puis il faut nous-mêmes... puis il faut même que la députation dans son ensemble en donne aussi l'exemple partout. Il faut que... Je pense qu'il faut le multiplier, ça. Et on n'a aucune, je pense, réserve à faire... ou à aller dans cette direction-là. Mais, par ailleurs, on a de très bons exemples.
Moi, actuellement je reste, là... Comme vous le savez, c'est dans la belle région de Saint-Hyacinthe que j'étais avant. Maintenant, je suis dans la région de Granby puis, dans la région de Granby, je dois vous dire qu'il y a des communautés qui sont d'origines ethniques différentes de ceux vraiment qui étaient là comme Granbyens depuis des siècles et qui effectivement s'intègrent très, très bien, soit qu'ils travaillent à IBM ou qu'ils travaillent dans d'autres industries, et qui sont très heureux et qui restent là. Alors, il y a vraiment des résultats probants qui se font. Et, je pense, à Montréal aussi, il y a des résultats probants qui se font, si vous voulez, sur la grande île de Montréal. Et ça, il faut peut-être les mettre plus dans l'évidence. Les coups qui réussissent, il faut les mettre plus d'avance.
Puis je vais faire le pont avec la question qu'a posée Mme Courchesne tantôt et je pense que, par rapport à ce que vous disiez, c'est qu'il faut faire une philosophie nouvelle de l'évaluation. Nous, on pense qu'on ne peut pas arriver avec une évaluation uniforme pour les 19 immigrants dans une classe. Je pense qu'il faut faire en sorte que les 19 effectivement passent, effectivement qu'ils soient évalués, mais en fonction de ce qu'ils sont, en fonction de ce qu'ils ont lorsqu'ils sont arrivés en début de classe, et ça, ça va être un changement, je pense, qui va être important pour les gens, comme tel, par rapport à ce que vous dites. Donc, il y a une philosophie de l'évaluation qu'il faudrait essayer de s'entendre pour mettre de l'avant à l'intérieur de nos classes dans des... au MRCI.
Mais il y a des bons exemples, M. Dion, qui existent, qui méritent d'être peut-être plus étalés. On est peut-être trop prudes par rapport à cela, mais vous avez des communautés qui prennent à coeur effectivement que les gens... Nous, on a rencontré, lorsqu'on a fait la tournée, des gens qui ont passé en COFI, des jeunes, là ? j'ai des Tchèques en tête; j'en ai d'autres aussi que j'aurais en tête, des Roumains dans la grande région de Québec ? et ils affichent une fierté, mais c'est vivifiant, c'est incroyable comme c'est agréable, si vous voulez, de constater comment ils veulent vivre en français, qu'ils veulent aussi que leur progéniture aussi vive en français, qu'ils apprennent le français.
Mais c'est des gens comme nous, c'est-à-dire que des gens comme nous... Dans le sens que, des fois... Comme moi, mon deuxième garçon est allé à McGill. Bon, il a fait son génie à McGill, mais il parle bien français bien sûr. Mais je pense qu'il ne faut pas avoir peur non plus du fait anglais, mais il faut mettre de l'avant, si vous voulez, toute notre belle culture francophone. Et ça, je pense que ça existe, mais peut-être qu'on est trop avares des bons exemples qui réussissent en différents endroits, que ce soit à Sherbrooke où on est, que ce soit à Gatineau où on est, avec la communauté des Portugais qui est extraordinaire, qui aime le fait français, qui parle français. On a de très bons exemples à l'échelle du Québec. Puis, même dans la grande région de Montréal, il y a de bons exemples aussi.
Mais je sais qu'au niveau du travail actuellement on est un petit peu... si vous voulez, on n'est pas assez agressifs, je dirais. Mais, agressifs, là, il ne faut pas... On ne prend pas les armes, ce n'est pas une façon de faire. C'est par la parole, c'est par le dialogue, c'est par le français, c'est par la langue, et on peut y arriver. On pourrait inviter Duteil plus souvent.
Je vais vous donner un exemple, à tout le monde, qui est excessivement intéressant. Puis malheureusement on n'apprend pas assez par comparaison. Ils appellent ça un «benchmarking», je pense, en administration. Regardez le monde franco-ontarien. Bon, ils se sont donné, au niveau des moyens pédagogiques ? puis je réponds à Mme Courchesne aussi là-dedans ? ils ont bâti du matériel puis ils se sont servi de Sol, c'est-à-dire notre grand comédien Marc Favreau. Alors, c'est un matériel qui est excessivement enthousiasmant, qui est plaisant, qui est dynamique, qui est créateur. Nous, des fois... Bon, on a des moyens, on a notre matériel. Québec Atout, disons, ça a été un petit peu le contraire, c'est plutôt... On ne l'utilise pas trop. On utilise le cartable, mais pas le contenu.
Mais, ceci étant, je pense qu'il y a moyen effectivement de multiplier des moyens, des fois, qui ne coûtent pas nécessairement cher, mais qui peuvent occasionner une certaine dépense, mais qui font en sorte vraiment de faire que les gens aiment, que les gens veulent, que les gens veulent vivre en français, et ça, c'est possible.
Le Président (M. Cusano): M. le député, j'ai été aussi tolérant avec vous que je l'ai été avec la ministre, alors je dois maintenant...
M. Dion: Je vais vous écouter.
Le Président (M. Cusano): Je dois maintenant céder la parole au député de LaFontaine.
n(16 heures)nM. Tomassi: Merci, M. le Président. M. Perron, M. Morissette, Mme Courchesne, je voudrais revenir un peu à votre page 8 de votre mémoire. Parce que je sais que vous êtes de Saint-Hyacinthe, je crois. Vous avez nécessairement pris des statistiques qui ont été publiées, comme M. le député de Saint-Hyacinthe en faisait part... Vous y allez un peu dur, hein? Parce que les problèmes de gangs de rue, de ghetto, de préjudices raciaux, ce n'est pas un problème où est-ce que, parce qu'il y a des immigrants, on a des problèmes.
M. Perron (Luc): ...Montréal, à certains endroits.
M. Tomassi: Bien, exactement.
M. Perron (Luc): Puis je ne lis pas juste le Journal de Montréal.
M. Tomassi: Puis il faudrait bien le spécifier.
M. Perron (Luc): Oui... Non, c'est écrit.
M. Tomassi: Parce que, vous savez, je viens d'une communauté ethnique qui, pendant de nombreuses années, a eu des préjudices et en a encore aujourd'hui. Il faut dire que différents médias ne nous aident pas non plus, hein? Quand c'est un groupe d'Haïtiens qui se fait arrêter, c'est des jeunes noirs qui se font arrêter. Si on prend les journaux de ce matin, les neuf accusés qui ont été accusés, on n'a pas dit: C'est neuf Québécois de souche, hein? C'est neuf membres d'une gang de motards. Alors, il y a une problématique qui est extrêmement grave, et plus on va de l'avant, et plus on le rapporte sur le terrain, on risque d'amplifier les choses. C'est des problèmes de société qu'il faut, oui, que le gouvernement prenne en main, mais ce n'est pas un problème seulement parce qu'il y a des immigrants, qu'on a des problématiques. Il faut bien comprendre...
Puis, tantôt, on parlait d'amour, hein! La madame Lopez a été s'installer dans la région de L'Amiante parce qu'elle a trouvé son amour. Les immigrants, quand ils viennent s'installer ici, au Québec, ils viennent à Montréal pour quelle raison? Parce qu'il y a un groupe de cette communauté-là qui est très présente. Alors, ces gens-là se retrouvent. Pourquoi? Parce qu'ils ont des magasins, ils peuvent vivre... Vous savez, vous dites: C'est 1 000 heures d'apprentissage de français que vous faites pour qu'ils apprennent le français. Mais, jusqu'à temps qu'ils aient cette facilité d'apprendre le français, il faut qu'ils se débrouillent, là, ces gens-là, il faut qu'ils mangent, il faut qu'ils vivent. Et s'ils n'ont pas de ressources à côté, où est-ce qu'ils peuvent vivre, où est-ce qu'ils peuvent continuer à vivre? On va avoir de la misère à essayer de les envoyer en Abitibi ou au Lac-Saint-Jean, parce que les ressources n'existent pas. Et ça, je veux... c'est quelque chose qu'il faudrait bien comprendre, dans cet aspect-là.
Et l'autre point: quand vous dites qu'«il faudrait que le Québec investisse concrètement dans la création d'emplois dans les régions où il serait plus que souhaitable que les nouveaux arrivants s'établissent davantage», et vous faites: «Malheureusement, dans le contexte actuel, nous voyons plus d'entreprises fermer sans que le gouvernement ait fait un geste pour éviter la catastrophe», moi, je peux vous dire une chose, M. Perron, vous savez, le gouvernement du Québec puis le gouvernement... tous les gouvernements sont là pour venir en aide à la société, à la collectivité. Et votre question... L'emploi que vous occupez est un emploi qui est rémunéré par le gouvernement du Québec pour venir en aide à des gens qui viennent s'installer ici, au Québec.
L'entreprise privée est l'entreprise privée. À la base même, une entreprise privée va investir où est-ce que ça va lui rapporter, veux veux pas. Et on n'est pas là... On n'est pas... Aucun gouvernement n'est là pour faire des annonces comme malheureusement il y en a qui ont été faites durant les dernières années, seulement pour faire une annonce; deux ans après, un an après, l'entreprise ferme, mais on n'est pas plus avancés, là, on a encore des gens... Puis on a déplacé des gens peut-être en région, des gens qui viennent de pays autres que le nôtre, ici, des immigrants, et ces gens-là se retrouvent, un an, deux ans après, sans emploi. On n'a rien accompli, là.
Alors, tu sais, c'est des choses qu'il faudrait prendre en considération. Et, oui, le gouvernement est là pour aider, mais il y a une limite, là, où est-ce que... Oui, on a un rôle social à faire, mais il y a même l'entreprise privée, et ça, il faut le prendre en compte. Ce n'est pas n'importe qui qui va investir seulement pour le plaisir d'investir, là.
Le Président (M. Cusano): Alors, 45 secondes pour réagir.
M. Perron (Luc): Oui, très rapidement. Ce serait très long évidemment de vous répondre à tout cela. Mais, à la page 8, ce que nous mentionnons, c'est au sujet de l'île de Montréal, qu'il existe actuellement, si vous voulez, certaines... au-delà des velléités, là, qu'il existe certains regroupements, des fois, qui peuvent faire peur aux gens. Comme tel, je suis d'accord avec vous que les médias vont grossir ou vont créer des enflures tout à fait démesurées dans certaines situations. Et puis, en ce sens-là, oui, j'aimerais ça que Mme Courchesne nous entende aussi là-dessus, à l'effet qu'on est prêts à donner des cours, si vous voulez, aux journalistes par rapport, si vous voulez, à la richesse de l'immigration au Québec. Ça, je pense que ça nous est fondamental.
Ceci étant, pour demeurer constructif, suite à votre intervention, c'est évident que les pouvoirs publics, via le MRCI ou via d'autres ministères, ont un très, très grand rôle à jouer. Ça peut être un rôle, si vous voulez, de déclencheur, dans certaines situations, et je ne vais vous en donner qu'un exemple, étant donné le peu de temps qui m'est imparti.
Prenons la Semaine de la citoyenneté québécoise. Alors, ça fait en sorte... pour y avoir participé, puis à Saint-Hyacinthe, avec la Maison de la famille, et autres, où on s'est obligés à regrouper un ensemble, si vous voulez, d'immigrants qui étaient dans cette région-là, que ce soit, par exemple, des vétérinaires, ou d'autres professionnels, ou d'autres gens qui ne sont pas professionnels. C'est extraordinaire, si vous voulez, puis c'est un peu ce que Mme Courchesne disait tantôt, c'est qu'il faut faire contact avec ces gens-là. Avec vous, il faut faire contact avec... C'est des gens qu'il ne faut pas demeurer à distance.
Quand on parle, si vous voulez, là... C'est un petit peu comme certains auteurs, certains savants ? je pourrais y revenir ? mais il faut leur parler, il faut leur toucher, il faut... sans faire de harcèlement, il va sans dire, mais il faut, si vous voulez, avoir le contact. Et ça, je pense, la proximité fait en sorte qu'on apprécie cette richesse-là. Je pense même que la Semaine de la citoyenneté, à Saint-Hyacinthe, ça avait été un succès. À Granby, par exemple ? parce que j'y suis actuellement, j'y suis comme résident et puis propriétaire ? la Chambre de commerce a pris l'initiative, avec l'encouragement bien sûr du ministère, à faire en sorte de regrouper...
Le Président (M. Cusano): ...s'il vous plaît.
M. Perron (Luc): ...un ensemble d'employeurs, et les gens, on leur avait parlé de l'immigration et de l'apport significatif des immigrants à l'intérieur de leurs industries. Et c'était un succès aussi à cette occasion-là. Et je pense ? c'est ça que je veux mentionner ? c'est ça qu'on doit dire. On ne veut pas que le privé évidemment se dissipe là-dedans, ou défile, ou refile toute la facture au public. Mais le public a un très grand rôle à jouer.
Le Président (M. Cusano): Merci beaucoup...
M. Perron (Luc): Et le public...
Le Président (M. Cusano): C'est extrêmement intéressant, mais je dois maintenant céder la parole à la députée de Marie-Victorin, en rappelant, les membres de la commission à ma gauche, que vous disposez de sept minutes pour les interventions. Alors, allez-y, madame.
Mme Vermette: Je vous remercie beaucoup, M. le Président. Alors, comme vous étiez parti sur une belle lancée, je vais vous aider à continuer. Alors, j'aimerais avoir plus de détails sur la Semaine de la citoyenneté, parce que c'était, je pense, à mon avis, un succès, et ça a favorisé énormément en tout cas un pas vers l'accueil, l'intégration et aussi un sentiment d'appartenance aussi pour les gens: quand ils reçoivent des certificats avec le drapeau du Québec, je pense que, hors de tout doute, en tout cas, ils semblent beaucoup plus membres prenants du Québec et qu'on a un accueil par rapport à ça.
Alors, riches de cette expérience, parce que vous étiez parti là-dessus, moi, j'aimerais bien que vous nous parliez un peu plus... Comment on pourrait faire en sorte que cette journée de la citoyenneté contribue davantage justement à ce sentiment d'appartenance là? Est-ce qu'on peut y arriver, en fin de compte, par des actions concrètes que l'on pose et déborder un peu plus par rapport à ça?
Le Président (M. Cusano): Merci. M. Perron.
M. Perron (Luc): C'est comme des fêtes d'anniversaire, ou la Saint-Valentin, ou des fêtes comme celles-là. Il y a des gens qui s'interrogent, bon: La Saint-Valentin, ce n'est pas ta fête, etc. Mais ce sont seulement des prétextes, si vous voulez, de dire à d'autres des mots qui sont gentils et agréables. La fête de la citoyenneté, ou la semaine, ou des fêtes de cette ampleur-là, c'est un peu la même chose.
Il ne s'agit pas de le faire, si vous voulez, de grande ampleur ou avec des... Ça peut nécessiter des budgets qui sont fort sobres, fort simples, mais les gens aiment ça se voir reconnus. Les gens sont là, ne sont pas neutres. Et nous, comme, je dirais, pays hôte ou des gens qui accueillons, bien, on se doit de faire en sorte de reconnaître effectivement les services, les états de services puis les réalisations que les gens font.
Nous, lorsqu'on a rencontré des étudiants ou des immigrants étudiants, étudiantes qui ont passé dans le réseau du MRCI, c'était excessivement intéressant, c'était très chaleureux, c'était très probant, ce qu'ils nous transmettaient. Juste à titre d'exemple, à Montréal, par exemple, il y a des gens, là, des jeunes qui ont passé par les carrefours, qui en savent beaucoup plus sur l'histoire du Québec ou l'histoire de Montréal que bien des Québécois de souche. Puis ça je ne peux pas être contre les Québécois de souche ou les mettre en concurrence les uns avec les autres, mais, je pense, c'est excessivement important. Je ne pense pas qu'il faut les multiplier à l'infini, mais il faut, avec doigté, je pense, reconnaître à certaines occasions, à certains moments... Il faut forcer, je pense, cette reconnaissance-là, l'encourager, et ça fait en sorte que les liens se font.
Lorsqu'on parle d'identité culturelle, c'est un concept qui peut être excessivement nébuleux, qui peut être excessivement, si vous voulez, dangereux à utiliser, mais lorsqu'on veut le descendre au niveau du terroir, au niveau du terrain, ce n'est pas tellement compliqué, c'est de parler à son voisin, parler à sa voisine, parler à l'immigrant, parler aux gens de couleur, parler aux gens d'origines qui sont différentes de la nôtre et de les apprécier.
Puis je vais me permettre, vu que vous me tendez la perche, je vais vous donner un exemple tout à fait personnel. Ayant eu la chance d'être un citoyen, si vous voulez, reconnu moi-même à Saint-Hyacinthe, à une certaine époque, je veux dire, j'étais avec un de mes garçons qui avait les cheveux bleus, et c'était de ces gens-là... La reconnaissance qui se faisait à Saint-Hyacinthe, c'étaient des gens d'un certain âge, dont j'étais, alors il n'y a pas tellement de jeunes, mais c'est évident que ça créait une certaine distance avec les gens qui étaient là parce que c'était un jeune aux cheveux bleus, avec tout ce qu'on peut imaginer. Puis mon fils, qui joue du piano, je lui ai dit: Mais, écoute, va au piano. Et il est allé au piano. Vous auriez dû voir comment c'était agréable pour les gens de voir qu'un jeune aux cheveux bleus... C'est excessivement intéressant.
Je pense qu'avec l'immigration, si vous voulez, en transposant ? avec politesse, bien sûr ? c'est un peu la même chose. Il faut leur serrer la main, il faut les approcher, il faut parler, il faut échanger. C'est ça, le tissu social. Et, lorsqu'on réussit nous-mêmes à être fiers de ce qu'on fait puis à le transmettre, à le véhiculer, c'est évident que le français, si vous voulez, c'est vraiment la langue du rapprochement puis c'est la langue qui nous permet de s'exprimer, c'est la langue qui nous permettrait de travailler, et c'est évident que les liens se tissent. Et ça, je pense que c'est des succès, si vous voulez, là, qui sont excessivement importants. Mais c'est ça qu'il faut faire.
Moi, je félicite Mme Courchesne d'être descendue dans les classes, d'avoir été dans les classes. Puis je lui dis puis je le dis à vous autres aussi: si vous avez l'opportunité, la chance d'aller dans un carrefour, dans une classe, peu importe où elle est, vous avez un petit moment de libre ? ce qui est rare, mais supposons que vous le créez, ce moment de libre là ? nos profs vont vous accueillir, vont être contents, ils vont être en contact.
n(16 h 10)n Vous parlez de la Semaine de la citoyenneté. Les gens donnaient les certificats. Bien, les gens étaient fiers de poser avec leurs familles, tout ça. C'était un geste, c'était un symbole, mais c'est un symbole qui est grand. Parce que, pour nous, on trouve, bon... Bien, je parle avec Mme Courchesne, je suis content bien sûr. Mais les gens, là, qui... Dans leur pays, si vous voulez, le ministre est inatteignable, est dans un blindé, est dans ci, est dans ça, il est très, très, très loin, bien, c'est d'autres idées qu'ils se font de leur pouvoir politique. Nous, on a un pouvoir politique qui est tout à fait différent, qui est accessible, et c'est excessivement important. Et c'est incroyable, ce que ça peut développer, si vous voulez, comme résultat, par rapport à une insertion, là, à long terme. Et je pense qu'il ne faut pas minimiser ça. Bien, il ne faut pas non plus y aller, si vous voulez, de façon... il y a des fastes, et il faut le faire de façon sobre. Les gens ne veulent pas qu'on fasse ça avec des moyens qui sont trop ostentatoires, ils veulent le faire avec simplicité.
Mme Vermette: Mais si j'ai bien compris, en fait, ce sont des symboles importants.
M. Perron (Luc): Oui, bien sûr, bien sûr.
Mme Vermette: Comme la Semaine de la citoyenneté, c'est un bon pas dans la bonne direction, en fin de compte.
M. Perron (Luc): C'est comme la Saint-Valentin.
Mme Vermette: Et c'est important de maintenir une telle activité, dans le fond, si on veut développer, pour empêcher d'avoir des préjugés, comme le disait le député tantôt.
M. Perron (Luc): Oui, mais il ne faut pas attendre cette semaine-là. Lorsqu'il y a un bon coup qui se fait, lorsque, nous autres, on a un groupe d'Afghans qui réussissent, si vous voulez, dans une région, lorsqu'il y a vraiment, je ne sais pas, de nos Grecs dans la restauration ou dans un certain milieu... puis je ne veux pas y aller sur des préjugés parce que je les connais puis ils vont être contents si je le mentionne, mais qu'on fasse en sorte, si vous voulez, d'amener nos familles. Quand, moi, j'ai fêté les 60 ans de mes parents à Granby, dans un restaurant, si vous voulez, avec des Grecs d'origine, bien, ils étaient excessivement contents puis c'était intéressant. Alors, il faut démystifier les distances, et c'est ça qu'il faut faire: c'est les petits gestes de tous les jours. Mais, par ailleurs, des fois, ça prend certains moments, mais il ne faut pas minimiser les petits gestes de tous les jours.
Mme Vermette: Mais je m'aperçois qu'au niveau culturel, en tout cas, ça tend à changer. Si on regarde dans nos séries télévisées, de plus en plus, on essaie d'intégrer justement des gens des différentes communautés culturelles. Donc, on a trouvé un autre moyen aussi de démontrer qu'ils sont partie prenante de notre société aussi, parce qu'il n'y a rien de plus particulier que le Québec avec ses téléromans.
M. Perron (Luc): Oui, puis c'est certain que la visibilité qu'on peut donner à travers, si vous voulez, des téléromans, ou à travers des personnages, à travers une présence qu'on dirait plus féminine dans l'ensemble des corporations, des professions, etc., c'est certain que ça change la donne. Mais ceci est, c'est qu'il ne faut pas juste y aller en surface, il faut vraiment y aller en profondeur. Et ça, c'est excessivement important.
Et ça, je vous parle avec une intime conviction, là, je veux dire, en termes d'éthique, là. Parce que moi-même, ayant été au Rwanda à une certaine époque, quand j'étais jeune, c'était excessivement intéressant, ça a été... Moi, ça m'a métamorphosé, je veux dire, le contact que j'ai eu là-bas. C'était extraordinaire. Je n'étais pas allé à la période évidemment de 1994. J'étais jeune à l'époque, donc c'était en 1971-1972. Mais ceci étant, c'est merveilleux, ça décloisonne. Et eux, quand ils arrivent ici, c'est qu'il faut s'imaginer que leur quotidien n'est pas le même que le nôtre. Il y a toute une insertion, il y a toute une sorte ? je le dis vraiment avec doigté ? de déracinement, mais pas un déracinement qui est douloureux, c'est-à-dire que c'est plutôt un enracinement dans l'identité culturelle qui est englobante par rapport à où ils arrivent. Et ça, ça ne se fait pas du jour au lendemain.
Quand, nous, on parle... Puis notre marque de commerce, au niveau des enseignants du MRCI, c'est vraiment l'intégration en français, c'est vraiment une insertion, si vous voulez, dans le monde culturel du Québec, et ça, c'est excessivement important. Puis ça, il faut le faire. Ce n'est pas juste l'apprentissage, comme on le dit dans notre mémoire, d'un code écrit ou oral, c'est beaucoup plus que ça. Et, quand on accueille ces gens-là, quand on accueille en région nos réfugiés, on sait ce que c'est et il faut y aller avec doigté. Puis c'est excessivement riche pour la région, pour les gens, pour les gens qui reçoivent, les gens qui sont reçus, et il faut multiplier cela.
Mme Vermette: Je vous remercie.
Le Président (M. Cusano): Merci, Mme la députée. Votre temps étant écoulé, j'aimerais, au nom des membres de la commission, Mme Courchesne, M. Morissette et M. Perron, vous remercier pour votre participation à notre commission.
Je vais suspendre pour quelques minutes afin de permettre aux représentants de la communauté noire africaine de Montréal-Canada de se présenter à la table. Nous allons prendre une pause santé aussi, pour nous dégourdir un peu les jambes. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 14)
(Reprise à 16 h 25)
Le Président (M. Cusano): À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de la culture reprend ses travaux. À ce moment-ci, nous avons les représentants de la communauté noire africaine de Montréal-Canada. Et je remarque que nous avons un représentant qui est déjà à la place de nos invités. Et, pour les fins du Journal des débats, j'aimerais... je vous demande de vous identifier, s'il vous plaît.
Communauté noire africaine
de Montréal-Canada (CONAM)
M. Mandaka (Alfred): Oui, merci, M. le Président. Je suis M. Alfred Mandaka. Je représente la communauté noire africaine de Montréal. Je présente les excuses au nom de mes collègues qui sont empêchés, sinon on serait ensemble.
Le Président (M. Cusano): Ça arrive. Au Québec, ça arrive, à cause des conditions atmosphériques. Alors, M. Mandaka, j'aimerais vous expliquer brièvement quelques règles de base. Vous disposez d'une période de 20 minutes maximum pour faire la présentation; par la suite il y a une période de 40 minutes qui est à la disposition des députés. Alors, vous pouvez procéder immédiatement.
M. Mandaka (Alfred): Merci, M. le Président. M. le Président de la Commission parlementaire de la culture, Mme Courchesne, de l'Immigration, M. Dion, porte-parole de l'opposition officielle en matière de langue française, Mmes, MM. les parlementaires, distingués invités, permettez-moi de vous saluer chaleureusement et de vous remercier tous, au nom de la communauté noire africaine de Montréal-Canada, pour nous avoir associés à ces grands forums de consultations publiques et auditions qui rentrent dans le cadre de La planification des niveaux de l'immigration 2005-2007. Qu'il nous soit particulièrement loisible d'adresser de façon aussi particulière nos remerciements au gouvernement du Québec et particulièrement aussi à Mme Courchesne pour l'initiative prise, pour nous avoir associés à ces grands forums pour nous exprimer, émettre nos idées. Mais je ne peux pas commencer mon exposé sans pour autant remercier très sincèrement les membres de la Commission parlementaire de la culture, qui se sont dépensés pour la tenue et la réussite de cette audience.
Et, comme il m'est seulement... 20 minutes dans mon compte pour me faire saisir, il y a trois points essentiels que je vais faire, au cours de mon exposé. Le premier porte sur la brève présentation de l'organisme, pour le connaître. La seconde partie va porter sur l'exposé en général, qui concerne les difficultés d'intégration des membres de notre communauté et les difficultés qu'ils vivent, que certains de nos membres vivent à partir de nos pays d'origine. Enfin, le troisième point, qui est le dernier, portera sur la proposition de politique gouvernementale que la communauté propose, qui va porter essentiellement sur la sélection des immigrants et réfugiés africains; deuxièmement, ça portera sur l'intégration socioprofessionnelle des Africains au Québec en particulier, au Canada de façon générale, mais aussi sur l'éducation, la culture. Et enfin, nous donnerons notre position sur la question de démographie 2005-2007 au sujet des Africains.
Premier point, ça concerne la présentation de l'organisme, qui s'appelle la communauté noire africaine de Montréal. Cet organisme a été mis sur pied en janvier 2002. Pratiquement, nous sommes à notre deuxième année de fonctionnement. C'est un organisme qui comprend 14 pays. Tous sont... Les membres sont tous originaires d'Afrique noire. Mais nous n'avons pas la prétention de représenter tous les Africains, tous les Noirs d'Afrique, parce qu'il y a plusieurs organisations, mais nous nous attelons du moins à faire partie... présenter du moins les membres de notre communauté, les 14 communautés que nous représentons qui sont membres d'office de l'organisme.
n(16 h 30)n Alors, cet organisme a été mis sur pied en raison de difficultés que vivent nos membres. Au lieu d'éparpiller nos efforts, il a été question qu'on puisse se retrouver ensemble au sein de ce grand organisme.
Et la mission principale visée par la CONAM, c'est la quête d'une grande visibilité mais aussi d'une grande participation au niveau des services publics, privés ainsi qu'au développement du Québec en particulier et du Canada en général.
Alors, nos objectifs, que je vais résumer ici, visent à faciliter l'accueil, l'intégration administrative, économique, socioprofessionnelle et socioculturelle non seulement des nouveaux arrivants, mais également des membres qui sont déjà établis au Québec ou au Canada, mais qui éprouvent jusqu'à aujourd'hui encore d'énormes difficultés d'intégration dans la société d'accueil.
Le deuxième objectif, c'est de collaborer de façon étroite avec les instances gouvernementales, que ce soit municipales, provinciales et fédérales, avec des partenaires oeuvrant dans le même type, secteur d'activité et qui aimeraient apporter une contribution pour le développement de la communauté noire africaine de Montréal. Mais le souci majeur qui nous anime dans ces objectifs porte sur l'accompagnement, les références et le suivi de nos membres dans le but de les aider à réussir leur intégration socioéconomique dans la société d'accueil.
Autres difficultés au niveau de nos origines. Nous aimerions ensemble, avec le gouvernement du Québec, contribuer à la recherche, à la sélection et à la préparation des candidats à l'immigration susceptibles de mieux s'adapter au Québec et au Canada et, deuxièmement, faire connaître davantage le Québec auprès des ordres, corporations et associations professionnelles et autres institutions locales dans nos pays d'origine. Alors, de là, il faut retenir que cette stratégie éviterait non seulement plusieurs frustrations des candidats qui aimeraient venir au Québec, mais aussi cette stratégie réduirait les coûts pour le gouvernement du Québec.
Là, j'aborde le deuxième volet de la question qui porte sur l'exposé général. De façon générale, les membres de notre communauté vivent un problème de manque d'emplois. C'est une question qui est connue de tous. Alors que beaucoup de statistiques indiquent que la majorité des Africains ont un niveau de scolarité très élevé, ils ont également une expérience et des qualifications professionnelles pertinentes sinon considérables. Mais, fort dommage, la majorité d'entre nous, nous vivons du bien-être social ou nous sommes sous-employés, sinon on vit du chômage.
Je dirais en réalité que ce manque d'intégration de nos membres au sein de la société québécoise entraîne un échec considérable au point de vue de leur intégration dans la société d'accueil. Mais il faut dire aussi que nous remercions le Canada ou le Québec en ce sens que nous vivions dans nos pays un problème de sécurité. Nous avons, au Québec particulièrement, la sécurité, ça, on n'en disconvient pas, mais sauf que, côté économique, c'est là où le problème demeure. Beaucoup des nôtres ne savent plus quoi faire parce qu'ils ne sont pas intégrés, alors... intégrés professionnellement. Ça, c'est un problème majeur que le gouvernement doit trouver des solutions. Dieu merci que ce forum est organisé pour nous faire entendre et comprendre nos doléances.
Au niveau du pays d'origine, je vais aussi mentionner ceci: il y a une question de sous-représentation du Québec et du Canada en Afrique subsaharienne. Il faut imaginer qu'une seule ambassade, par exemple, pour 10 pays ou 15 pays, ce n'est pas très intéressant pour les immigrants, pour les investisseurs économiques qui aimeraient bien venir au Canada.
Moi, par exemple, je suis du Zaïre. Quelqu'un qui aimerait venir au Canada, rien que pour obtenir le visa, il doit prendre un avion pour se déplacer, aller vers l'ouest, c'est-à-dire quatre heures de vol en Côte-d'Ivoire, juste pour une entrevue. Alors, c'est pour dire qu'il n'y a pas assez de représentation du Québec et même du Canada en Afrique noire. Ça, ça pose un problème réel.
Une autre question concerne la diffusion de l'information sur la sélection des immigrants. Les Africains noirs en particulier ne sont pas vraiment très informés. L'information ne circule pas, faute de représentation. Aussi, il faut mentionner que le délai de sélection est trop long, trop long, plusieurs années d'attente pour la réunification familiale, pour le parrainage et pour obtenir le visa. Moi qui suis, par exemple, au Canada... depuis quatre ans... C'est un exemple que je donne, mais, moi-même, je suis là depuis plus de 12 ans. Quelqu'un qui attend sa famille et qui doit attendre pendant cinq ans pour que sa famille puisse le rejoindre, cette personne-là ne peut pas fonctionner. Psychologiquement, il n'est pas dans son assiette, il ne peut pas bien fonctionner. Alors, nous, nous demandons à ce que le délai soit réduit dans le sens d'attente. Nous envisageons au moins six mois minimum et maximum une année pour la sélection des membres qui aimeraient bien venir au Québec et au Canada rejoindre les leurs.
Une autre difficulté concerne aussi nos artistes et certains investisseurs africains qui aimeraient bien venir investir au Québec et au Canada en général. Très souvent, nos membres de nos communautés aiment bien organiser des activités par exemple culturelles. À ces activités, on aime associer nos artistes qui viennent d'Afrique dans le but de faire promouvoir la culture africaine au Québec, mais aussi découvrir davantage la culture québécoise. Mais qu'est-ce qui arrive parfois lorsqu'on organise des activités? Tous les billets sont déjà vendus, la date est fixée, mais, à deux jours de l'événement, on apprend que tel artiste ne peut pas venir faute de visa. Il s'est déplacé, par exemple, du Congo pour aller à l'ouest où il est allé faire deux, trois semaines rien que pour l'entrevue pour obtenir le visa, on le lui prive, ce qui fait que les activités sont bouleversées. Ça, c'est un problème majeur.
Au sujet des investisseurs africains, c'est la même chose. Il y a trop d'exigences pour ces investisseurs qui aimeraient bien venir investir au Québec. Les coûts sont très... exorbitants, très élevés. Je ne sais pas... Actuellement, la fourchette pour venir investir, c'est au-delà de 200 000 $. Pour un Africain, ce n'est pas toujours évident, alors qu'on rêve de faire ses épreuves ici, au Québec et au Canada. C'est là où le gouvernement doit s'atteler à trouver des solutions.
La question de régionalisation. Ici, il faut revenir sur la question d'intégration professionnelle pour les membres qui sont ici. La majorité de nos membres sont concentrés à Montréal, et sans emploi la plupart, malgré leurs qualifications et malgré leur expérience professionnelle, simplement parce qu'ils trouvent... à partir déjà de pays...nos pays d'origine... On sait qu'à Montréal, par exemple, on va trouver les nôtres pour être bien accueillis, mais, malheureusement, lorsqu'ils arrivent, ils ne trouvent pas du travail. Ils y rêvent autrement par rapport à ce qu'ils rêvaient lorsqu'ils étaient dans nos pays: Ah! voilà, le Canada, c'est très beau, il y a la sécurité; oui, on va trouver du travail. Mais, lorsqu'ils arrivent, on ne trouve pas du travail. Alors, ça, c'est un problème fondamental. Ça crée la frustration. C'est dans ce sens qu'il faudrait qu'on s'attelle sur cette question. Ils sont prêts, la majorité de nos membres sont prêts à aller en région, mais pourvu que les conditions d'accueil soient établies en région, au lieu de rester à Montréal, par exemple, pour ne rien faire, pour rester dans le chômage, au bien-être social, etc.
n(16 h 40)n Alors, nous faisons comme propositions:
Concernant la sélection des nouveaux arrivants, il faudrait qu'on puisse augmenter le nombre d'ambassades et de délégations canadiennes et québécoises en Afrique noire.
Faire participer de façon aussi active les Québécois et Canadiens d'origine africaine qui sont ici dans le processus de sélection des immigrants africains et à la procédure d'obtention de visa pour les membres qui aimeraient s'installer ou s'établir au Québec. Pourquoi? Simplement parce que ces Afro-Canadiens ou Québécois connaissent mieux les réalités de nos pays et, ensemble, avec les autorités québécoises ou canadiennes, on fera une très bonne sélection, et, lorsqu'on ira sur place, on saura renseigner les potentiels immigrants qui aimeraient venir au Québec sur la réalité du Québec, en ce qui concerne ses institutions, ses fonctionnements, en ce qui concerne sa culture, et comment s'y prendre pour ne pas être frustrés une fois rendus ici et que les attentes ne soient pas escomptées.
Faciliter et alléger les critères de sélection des investisseurs africains, notamment en leur accordant un statut d'immigrant investisseur particulier qui puisse leur permettre d'opérer et de circuler librement entre les deux continents. L'Europe a déjà compris ces enjeux. Je pense que les Français en particulier prennent de la place, alors que le Québec et/ou le Canada ne foncent pas, reculent.
Je souhaite aussi qu'il y ait création d'une bourse immigrants-étudiants pour inciter les meilleurs étudiants africains à venir étudier au Canada et encourager leur recrutement dans les entreprises québécoises et canadiennes qui oeuvrent en Afrique. Ça, c'est un avantage dans le sens que, lorsque ces étudiants arrivent ici, ils étudient, et ceux qui aimeraient rentrer n'auront pas de difficultés à s'intégrer dans les sociétés québécoises qui évoluent en Afrique parce qu'ils connaissent comment fonctionnent les institutions québécoises ou canadiennes, comment fonctionnent les Québécois ou les Canadiens en général. Donc, ils vont s'adapter. Au lieu que ces ressources soient, je dirais, permettez le terme, exploitées par d'autres pays, soit d'Europe, alors que le Canada ou le Québec a investi pour ces étudiants, pour ces ressources humaines.
Concernant l'intégration socioprofessionnelle, la CONAM préconise que les institutions québécoises et canadiennes puissent augmenter les quotas de recrutement des immigrants africains, aussi bien à la fonction publique que dans les entreprises privées. Je souhaite que la fonction publique emboîte le pas, prenne le devant pour que les entreprises privées puissent suivre l'exemple. Alors, nous aimerions aussi qu'il y ait l'application réelle, effective de la loi sur l'équité en emploi au bénéfice des immigrants de façon générale, mais aussi pour les Africains de façon particulière.
Pour ce qui est de nos leaderships... entrepreneurships, je veux dire, qui aimeraient créer leurs propres entreprises, nous souhaiterions qu'il y ait un soutien au niveau de notre organisation. Ce soutien nous permettra d'assister ces potentiels investisseurs dans l'élaboration de leurs projets, mais aussi nous ferons un suivi au niveau des grands investisseurs canadiens ou québécois qui ont déjà une expérience dans ce secteur pour nous permettre d'encadrer ces potentiels investisseurs qui ont cette intention, mais qui aussi malheureusement manquent de financement malgré leurs bonnes intentions. Alors, ça, c'est un problème auquel le gouvernement doit nécessairement s'atteler pour trouver une solution.
Concernant l'éducation et la culture, la CONAM préconise... c'est qu'on puisse élaborer une politique plus objective dans l'évaluation et la reconnaissance des diplômes des Africains d'origine... des Canadiens d'origine africaine, que leurs diplômes soient reconnus à juste titre et à leur juste valeur pour leur permettre de s'adapter et d'être intégrés dans la société d'accueil. Parce que ce qu'on déplore, le problème d'équivalence, ça prend du temps. Parfois, vous étiez... vous avez un titre de maîtrise ou de bac, mais, lorsqu'on évalue, on réduit à la plus petite valeur, parfois ça décourage.
Le Président (M. Cusano): En conclusion, s'il vous plaît.
M. Mandaka (Alfred): Donc, en conclusion, nous aimerions que le gouvernement puisse s'atteler à résoudre la question d'intégration au niveau professionnel des Africains, Noirs africains, qui sont déjà installés ici, qui éprouvent des difficultés majeures d'intégration au lieu.
Concernant les scénarios proposés par le ministère, la CONAM préconise le maintien d'équilibre au lieu d'augmenter ou bien au lieu de réduire... La CONAM n'a pas l'intention d'aller à l'encontre de la politique mise sur pied par les gouvernements. Nous souhaiterions qu'il y ait un équilibre et résoudre d'abord la question des Africains qui sont intégrés ici avant de penser à faire venir d'autres Africains.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. Mandaka. Je cède maintenant la parole à la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. Mme la ministre.
Mme Courchesne (Fabre): Merci, M. le Président. M. Mandaka, bonjour, merci d'être venu. Je dois vous dire qu'on a bien écouté votre mémoire et, je dirais, presque les revendications qu'il contient. J'aurais plusieurs questions, M. Mandaka, parce que j'essaie de comprendre.
D'abord, vous dire que nous venons de terminer l'histoire du mois des Noirs, auquel j'ai beaucoup participé, j'ai participé à presque toutes les activités. J'ai rencontré des représentants des communautés noires, mais particulièrement de la communauté africaine. Nous avons beaucoup échangé. Et c'est évident que ce serait de se mettre la tête dans le sable ou de jouer à l'autruche si on ne reconnaissait pas que... et là je vais dire les communautés noires, je ne ferai pas de distinction, selon les statistiques, selon ce que l'on vit, connaissent des difficultés certainement grandes.
Mais, quand je lis votre mémoire, quand j'écoute tous les organismes qui sont venus devant nous depuis plus de trois semaines maintenant ? nous sommes à notre quatrième semaine ? je vous dirais que ce que vous dites, c'est vrai pour vous, mais c'est vrai pour l'ensemble des communautés. Quand on parle d'emplois, quand on parle de difficultés d'intégration dans certains milieux, de reconnaissance des diplômes, de difficultés d'obtenir... de délais, de difficultés d'obtenir les papiers, moi, ce que j'entends depuis quatre semaines, c'est vrai pour l'ensemble des communautés culturelles. Or, vous, aujourd'hui, vous nous demandez, je qualifierais ça de plusieurs, plusieurs mesures d'exception pour la communauté africaine.
n(16 h 50)n Ma question, là, puis elle est très franche: Si vous étiez assis aujourd'hui de notre côté de la table, comment réagiriez-vous si toutes les communautés, que ce soient les communautés musulmanes arabes, que ce soient les communautés d'Amérique latine, que ce soient les communautés d'Europe de l'Est qui vivent des difficultés comme vous, peut-être à des degrés différents, mais des difficultés quand même, nous demandaient toutes des mesures d'exception? Comment un gouvernement peut-il gérer l'immigration et l'intégration par des mesures d'exception? Pourquoi telles exceptions pour une communauté, telles autres pour telle autre communauté? Comment on ferait pour se comprendre et pour donner un certain sens d'équité et de justice à l'égard de tous ceux et celles, tous pays confondus, qui veulent venir au Québec?
M. Mandaka (Alfred): Oui, merci, Mme la ministre. Votre question est pertinente, mais elle mérite aussi une réponse pertinente. Oui, effectivement, il y a plusieurs communautés, groupes ethniques qui revendiquent presque dans le même sens et que vous n'aimerez pas faire une exception en ce qui nous concerne, mais ? vous l'avez mentionné au cours de votre intervention ? que les statistiques au niveau des communautés noires et particulièrement pour nous, les Africains, démontrent beaucoup de choses dans le sens que beaucoup de nos membres ne sont pas intégrés, ne sont pas intégrés sur le plan professionnel.
Il suffit de vérifier les statistiques, vous ne verrez nulle part... En tout cas, je dirais qu'à 70 % ou 90 %, on peut même aller au-delà, les Africains ne sont pas même dans la fonction publique, malgré leur expérience professionnelle, malgré leur formation, raison pour laquelle on se plaint. Je ne prends pas la part d'autres organisations, d'autres pays, mais, pour ce qui nous concerne, Mme la ministre, la situation est alarmante.
Mme Courchesne (Fabre): Vous dites dans votre mémoire qu'effectivement, puis je pense qu'on en a beaucoup discuté au cours du dernier mois, il y a des comités au ministère, un comité tripartite qui siège actuellement sur les questions de profilage racial mais aussi de discrimination. Mais vous dites dans votre mémoire aussi qu'il y a malheureusement, et je dis très sincèrement malheureusement encore trop de préjugés. Est-ce que ce ne serait pas plus efficace si nous luttions avec plus d'ardeur contre les préjugés et contre la discrimination? Est-ce que ce ne serait pas plus efficace si on travaillait tous ensemble davantage à la sensibilisation de la contribution que vous pouvez apporter?
M. Mandaka (Alfred): Oui, vous avez pleinement raison. Moi, personnellement, je ne privilégie pas aujourd'hui la thèse des discriminations. Ce n'est pas ça, mon problème. La discrimination est universelle, ce n'est pas seulement au Québec, ce n'est pas seulement... ou ailleurs, même dans mon pays la discrimination existe. Mais, si on s'attelle à cette question qui date de millénaires, on n'avancera pas. Mais la question qui est là, c'est de collaborer, trouver des solutions. Trouver des solutions aux questions qui nous concernent, ce n'est que de cette façon qu'on avancera. J'ai toujours dit aux membres: Il faut éliminer cet esprit de discrimination, il faut aller vers les autorités. Si ces autorités n'avaient pas besoin de nous, ils n'auraient pas dû organiser les forums comme celui-ci, ils n'auraient pas dû nous accepter au Québec ou au Canada.
Alors, ce n'est pas ça, le problème. Mais notre souci est de nous voir dans les instances... dans le service public, retenir un certain nombre, un taux pour toutes les communautés, pas seulement des Noirs d'Afrique, déterminer que: Bon, actuellement, nous évaluons la situation pour les Noirs d'Afrique, il y a 10 % dans tel, tel, tel, tel service, dans l'ensemble des services publics, telle communauté arabe, telle communauté, etc. Je ne parle pas évidemment en l'air, non, mais je réponds à la question. Donc, si on trouvait une solution dans ce sens, je pense que les plaintes ou les lamentations et les frustrations diminueront. Mais c'est que...
Mme Courchesne (Fabre): Vous allez très loin, cela dit. Moi, j'accepte beaucoup et facilement l'idée que nous devons peut-être... non seulement peut-être, mais sûrement accroître notre collaboration. Ça, que vous soyez beaucoup plus près de nous dans la recherche de solutions, je crois qu'on peut améliorer cette situation-là. Mais vous allez loin dans ce que vous proposez. Je crois même qu'à certains égards ça peut aller à l'encontre de la charte, où on ne doit faire aucune discrimination en vertu de la race, de la couleur, de la religion, du sexe, etc. Il y a là un élément délicat, dans mon esprit.
Vous allez encore plus loin parce que vous dites: Nous voulons participer à la sélection; nous, notre communauté, souhaiterions être partie prenante au processus de sélection des immigrants qui viennent de l'Afrique. Mais, encore là, vous comprendrez que, si un gouvernement commençait à... qui est quand même sa prérogative la plus absolue... commençait à pouvoir accepter que les communautés s'immiscent et s'ingèrent dans le processus de sélection, à mon avis, on aurait de graves problèmes, là, encore là, de justice et d'équité par rapport à cette question-là. C'est très, très, très délicat.
Déjà, quand il y a quelques délais, le gouvernement est sur la sellette parce qu'on ne donne pas l'impression que tout le monde est traité de façon équitable. Donc, est-ce que vous ne croyez pas encore une fois qu'on peut, dans un meilleur dialogue, une meilleure compréhension mutuelle, tout en participant sur des recherches de solutions très concrètes, faire des progrès ou faire des pas importants?
M. Mandaka (Alfred): Oui, merci. La question mérite aussi une réponse. Nous allons très loin dans cette proposition, oui, peut-être, mais l'idée, ce n'est pas, nous, de s'immiscer ? la tâche est réservée au gouvernement ? loin de là, Mme la ministre. Mais l'idée en arrière de ça, c'est vous permettre, dans le sens de la collaboration... aux Africains qui connaissent aussi mieux leur pays d'origine, une fois que vous nous consultez. La collaboration, ce n'est pas seulement... nécessairement que nous devons aller sur place. On peut collaborer, on peut émettre des idées pour permettre aux immigrants africains qui vont venir ici d'être informés ensemble avec vous.
Mme Courchesne (Fabre): Ça, M. Mandaka, je n'ai aucun problème avec ça.
M. Mandaka (Alfred): C'est dans ce sens-là.
Mme Courchesne (Fabre): Ça, je n'en ai aucun. Mais, moi, à lire votre mémoire, j'avais l'impression que vous vouliez vous-même, en tant que communauté, sélectionner les candidats à l'étranger.
M. Mandaka (Alfred): Non, non, non.
Mme Courchesne (Fabre): D'accord. Merci de la précision.
M. Mandaka (Alfred): Merci beaucoup, madame.
Le Président (M. Cusano): Merci, Mme la ministre. Je cède maintenant la parole à la députée de Prévost.
Mme Papineau: Merci, M. le Président. Monsieur, bonjour... bonsoir, je devrais dire. Je voudrais savoir... Vous dites que, votre organisme, ça fait seulement que deux ans qu'il existe. Et je voudrais savoir, parce que, bon, je ne l'ai pas lu dans le mémoire, puis vous pourrez peut-être m'en parler, la communauté noire africaine, est-ce qu'elle est organisée, dans le sens... Est-ce que, avec, par contre... par ailleurs, avec l'entremise de votre organisme... Est-ce qu'elle peut offrir des services aux immigrants africains qui sont actuellement ici? Est-ce que vous êtes regroupés? Est-ce que vous offrez des services? Est-ce qu'il y a un leader dans votre communauté ou si ce sont plusieurs associations qui font chacun sur leur côté, qui rendent chacun sur leur côté des services aux immigrants africains?
M. Mandaka (Alfred): Oui, merci beaucoup pour la question. La CONAM, je l'ai dit, regroupe 14 pays. Mais, en dehors de ces 14 pays, communautés, je vais dire, qui représentent bien sûr des pays, il y a beaucoup d'autres organisations qui ne font pas partie de notre organisation. C'est pourquoi je disais au départ: Nous n'avons pas la prétention de représenter toutes les communautés d'Afrique noire. Nous nous sommes focalisés aux organisations qui sont les nôtres. Alors, les services que, nous, nous offrons...
n(17 heures)n Moi, par exemple, je suis du Zaïre, du Congo, mais je fais partie de la communauté congolaise. Cette communauté congolaise fait partie intégrante de la CONAM. Comme le vice-président qui est du Rwanda, il est du Rwanda bien sûr, mais il fait partie de la CONAM. Son organisation en fait partie. Donc, c'est 14 pays. On ne parle pas en termes d'autres pays. Mais les services que nous offrons jusqu'à l'heure actuelle, ce sont des services... malgré nos moyens de bord, parce qu'on est à peine à deux ans de fonctionnement, juste le temps de nous établir, juste le temps de tisser les relations avec les autorités gouvernementales, mais aussi la municipalité et d'autres organisations. Nous offrons des services comme... Nous suivons les informations... Nous organisons ensemble... Avec le Carrefour d'intégration, qui est un service de l'immigration, nous suivons des sessions d'information pour avoir de l'information sur l'employabilité et la fournir à nos membres. Ça, ce sont des genres de services que nous offrons jusque-là.
Service aussi des références. Nous prenons contact avec plusieurs organisations et organismes communautaires. Actuellement, on peut dénombrer autour de 25 organismes qui sont collaborateurs à notre organisation. Nous donnons des conseils à nos membres. Nous les référons aux services publics, comme le service d'aide juridique, services de santé, service de logement, et toutes sortes de conseils, comme établissement de C.V., références au niveau des entreprises. Voilà un peu le type de services que nous faisons.
Mme Papineau: Chez vous, la CONAM?
M. Mandaka (Alfred): Oui, la CONAM, oui. La CONAM. On collabore aussi avec la ville de Montréal, et le ministère aussi, Mme Courchesne, avec... qui nous a d'ailleurs, Dieu merci! référés au Carrefour d'intégration du Sud, de Montréal, dirigé par la directrice Mme Piccolo, que vous connaissez certainement. On est en collaboration étroite. Nous travaillons également avec la CDEC, qui est aussi un service du gouvernement, mais avec beaucoup d'autres organisations. Voilà un peu...
Mais ce qui est important pour nous, c'est le service d'accompagnement, mais aussi les suivis. Lorsqu'on a référé nos membres aux entreprises, à d'autres organismes, on ne croise pas les bras, mais après on va faire un suivi pour savoir si le membre a été bien reçu, quels sont les types de services qu'on a fournis à ces membres, et après nous faisons un bilan. Voilà un peu... Avant l'aide consistante, voilà ce que nous faisons avec nos moyens de bord. Je ne sais pas si la question a été...
Mme Papineau: Oui, mais alors, si vous avez des partenaires puis si vous travaillez bien avec le MRCI... Vous marquez dans votre mémoire que, le processus d'intégration des membres de la communauté noire africaine... d'énormes lacunes subsistent, puis vous dites, entre autres, que les différentes institutions, dont le gouvernement... les institutions gouvernementales et non gouvernementales, vous dites qu'on ne vous associe pas à aucun niveau du processus d'intégration de vos membres. Est-ce que c'est parce qu'il n'y a pas de dialogue qui s'est établi, ou quoi?
M. Mandaka (Alfred): Oui. Bon. Comme je l'ai dit, nous sommes à l'étape embryonnaire. On est à notre première étape de fonctionnement. Ce n'est pas déjà un acquis comme tel. Mais le problème est là, il fallait le mentionner. Nous sommes en train de collaborer. Dieu merci que ce forum est organisé, Mais, ce qui est vrai, nous avons beaucoup d'espoir. Et, nos membres, bien sûr qu'ils n'ont pas encore ce qu'ils attendent, mais, même s'ils n'auront pas la totalité de ce qu'ils attendent, mais en tout cas il y a une ouverture. Et je sais que, dans les années qui suivent, il y aura satisfaction même à 60 % ou 70 %.
Mme Papineau: Mais à l'heure actuelle vous avez des partenaires. Si je comprends, vous avez des partenaires, que ce soit du gouvernement, ou que ce soit du paragouvernemental, ou des associations non gouvernementales. Parce que de la façon que vous parlez, vous avez quand même des organismes avec qui vous travaillez.
M. Mandaka (Alfred): Oui. Là, on a fini presque l'étape de faire la promotion de la CONAM pour établir du moins les liens, les mécanismes de collaboration avec ces organismes. Mais cela ne suffit pas, parce que nous ne disposons d'aucun moyen, d'aucun moyen matériel. C'est ça qui reste pour concrétiser les objectifs que nous nous sommes assignés. Mais ces relations qui sont déjà établies avec ces différents organismes, avec ces institutions gouvernementales, qui ne vont pas certainement se tarir, nous avons de l'espoir. Et c'est sûr que nous voulons que ce soit concrétisé dans le fait.
Mme Papineau: Parfait. Ça va. Moi, ça va. Je vous remercie.
Le Président (M. Cusano): Oui. Vous disposez d'un autre trois... Est-ce qu'il y a des questions, ici? Alors, je passe la...
M. Dion: ...il reste une minute seulement?
Le Président (M. Cusano): Trois minutes.
M. Dion: Trois minutes? Ah oui! S'il vous plaît. Alors, merci. Merci, M. le Président. Je voudrais attaquer... aborder une question bien précise. Parce que j'aimerais avoir votre réaction là-dessus. D'abord, j'ai beaucoup aimé votre présentation et votre mémoire. Évidemment, je vais parler juste d'un aspect dans lequel je trouve une certaine contradiction. Ça ne veut pas dire qu'il y en a partout dans le mémoire, bien au contraire.
D'un côté, vous dites qu'on a besoin... Vous suggérez au gouvernement de recruter davantage en Afrique et mieux, et d'avoir plus d'ambassades et plus de personnes compétentes pour recruter. Et, en même temps, vous nous dites: L'immigration noire a beaucoup de misère à trouver des emplois au Québec, 24 % n'ont pas d'emploi, sont en chômage. Il n'y a pas une espèce de contradiction entre les deux constats?
M. Mandaka (Alfred): Je dirais: il n'y a pas vraiment contradiction. Mais l'idée fondamentale lancée là réside en ceci: le gouvernement a déjà sa politique de recevoir... d'immigrants à travers le monde, pas seulement en Afrique. Les fourchettes sont déjà fixées.
Mais, nous, ce que nous suggérons, il y a deux choses: au niveau des immigrants qui sont déjà établis, avant de pouvoir faire venir d'autres immigrants africains, qu'on puisse trouver des solutions à ceux-là qui éprouvent encore des difficultés avant de poursuivre. Au moment venu, si le gouvernement est prêt à faire venir particulièrement les Noirs d'Afrique, qu'on puisse procéder à l'idée de sélection que nous évoquons, en suivant certains critères, pour permettre à ces nouveaux arrivants, une fois rendus ici, qu'ils soient intégrés dans la société d'accueil, qu'ils ne connaissent plus les difficultés que, nous, nous connaissons actuellement, de sorte qu'ils soient aussi utiles dans la société d'accueil pour le gouvernement.
Lorsqu'ils arrivent, ils sont intégrés et ils fonctionnent. Là, il y aura un bénéfice de la part aussi du gouvernement. Au lieu d'augmenter le nombre actuellement... Le nombre va augmenter, et les questions vont demeurer s'il n'y a pas de solution. C'est tout dans ce sens que je dis qu'il n'y a pas vraiment contradiction. Il faut commencer d'abord ici pour aller là-bas et ensuite suivre le cheminement normal.
Le Président (M. Cusano): Merci. Je cède maintenant la parole à la députée de Chambly.
Mme Legault: Merci, M. le Président. M. Mandaka, bonjour. Je vous amène à la page 10 de votre mémoire où vous nous suggérez d'élaborer une politique qui soit plus transparente et plus objective dans l'évaluation et la reconnaissance des diplômes des Africains canadiens. Et évidemment, bon, on connaît, et puis on en a parlé abondamment pendant les travaux de la commission, le cadre réglementaire qui est dévolu aux ordres professionnels pour justement la reconnaissance d'équivalences, et ces règlements, bon, sont disponibles et connus. Et donc je serais intéressée de savoir exactement à quoi vous faites référence et quel est le souhait, là, que vous manifestez.
M. Mandaka (Alfred): Bon. La transparence ou l'objectivité dont on demande, c'est plus de reconnaître nos diplômes à leur juste valeur dans les centres des équivalences, de sorte que quelqu'un qui a une maîtrise, quelqu'un qui a un bac, il soit considéré comme vraiment il a un bac au lieu de chercher à réduire. Alors, la transparence, peut-être le terme n'est pas approprié, mais ce qui est là, nous avons fait quelques constats. Lorsque les équivalences sont faites au niveau... directement au niveau des universités, parfois c'est considéré comme un diplôme ou des équivalences plus élevées par rapport à certains services du gouvernement. Alors, vous voyez, c'est là où nous souhaitons qu'il y ait transparence ou objectivité, que la comparaison des équivalences soit au même niveau, au même titre, que ce soit au niveau des universités ou au niveau des services publics.
Mme Legault: O.K. Les services publics, est-ce que vous faites référence au certificat d'équivalence qui est émis par le MRCI?
M. Mandaka (Alfred): Exactement.
Mme Legault: O.K. Et puis quelle piste de solution, là, nous proposez-vous justement pour... ou en fait pourrait-on proposer aux ordres professionnels notamment, là, pour accélérer ou améliorer le processus de reconnaissance des diplômes, avec l'expérience de vos membres? Est-ce que ça vous amène à nous formuler des suggestions?
n(17 h 10)nM. Mandaka (Alfred): Oui. C'est ça que... Ce qu'on a suggéré, par exemple, pour les Africains qui sont encore dans nos pays d'origine et qui aimeraient venir ici: lorsque les autorités seront en mesure d'aller sélectionner ces gens, que ces gens-là, qui sont diplômés, qui ont eu une idée qu'une fois rendus au Québec ou au Canada, avec leurs diplômes... Nous aurons à être facilement intégrés. Alors, ce qu'on suggère: à partir de nos pays d'origine qu'on puisse informer ces étudiants et les organisations qui existent que, voilà, tel diplôme au Québec est à tel niveau une fois rendus là-bas, de sorte que ces potentiels immigrants soient déjà informés à partir de là pour ce qui est des équivalences, ceux qui désirent venir, qu'ils s'attendent, ceux qui le souhaitent, à toutes les conséquences, le cas échéant.
C'est juste pour éviter les frustrations, parce que la majorité d'entre nous ont toujours l'idée que, lorsqu'on va au Québec, au Canada... Parce que le Canada, il faut le dire, le Québec, c'est bien apprécié dans nos pays, ça, je n'en disconviens pas. Alors, il faut que cela soit concrétisé lorsque les gens arrivent ici. C'est un peu ça, l'idée.
Mme Legault: Je vous remercie beaucoup. Puis en fait ce que vous dites aujourd'hui, je pense que c'est une préoccupation qui est partagée puis qui va se traduire dans des actions, là, justement de peut-être d'information plus personnalisée, plus complète, plus détaillée, avant justement qu'un futur immigrant, là, fixe son choix de venir au Québec.
M. Mandaka (Alfred): Oui. Merci. Je veux compléter aussi. Il y a un élément qui m'échappe, qui est aussi pertinent, ça concerne particulièrement nos médecins qui ont eu leurs diplômes hors Québec ou hors Canada. Ce sont des membres qui sont vraiment frustrés aussi. Je parle particulièrement de leur cas dans le sens: ils ont beaucoup investi pour réaliser ces études-là, mais, arrivés ici, ils s'attendaient à professer, mais malheureusement... «professer» dans le sens de «fonctionner dans des institutions médicales», mais ils ne sont pas acceptés faute soit des équivalences ou ils se sont butés devant un problème de... Alors, cette question, je ne sais pas comment les gouvernements pensent trouver une solution pour particulièrement... non, mais ces médecins qui ont fait leurs études hors Québec, qui ont des diplômes hors Québec, ça, c'est un problème majeur. À la longue, comme conséquence, le Québec a investi pour eux, mais ils vont partir soit dans d'autres provinces ou dans d'autres pays. Alors, les conséquences économiques ou financières, l'investissement que le Québec aurait fait pour ces candidats, sont énormes.
Mais la situation ici concerne aussi les autres au niveau professionnel. Lorsque les membres quittent le Québec, pour le Québec, province pour laquelle ils comptaient s'établir et aménager leur vie, lorsqu'ils quittent, ils partent ailleurs, c'est aussi une perte énorme pour le Québec qui a investi des sommes énormes. Imaginez aussi quand les gens ne travaillent pas, les membres de notre communauté ne fonctionnent pas, ne travaillent pas, ils ne contribuent pas énormément. Ils ne contribuent pas au développement du Québec et du Canada en général. Alors, c'est quoi, leur importance? Ils se trouvent frustrés, mais ils ne contribuent pas aussi pour le développement de notre chère province que nous aimons tous.
Mme Legault: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Cusano): Merci, Mme la députée de Chambly. Je cède maintenant la parole au député de Saint-Hyacinthe.
M. Dion: Merci, M. le Président. J'aimerais continuer sur le même thème, mais en le regardant sous un autre angle, non pas sous l'angle de la reconnaissance des diplômes, qui est bien... c'est un problème qui est bien... Bon, je ne sais pas si c'est bien connu, mais il est bien reconnu en tout cas, il est bien reconnu, bien identifié en tout cas, mais sous l'angle économique.
On a ici même, dans la société québécoise traditionnelle, un certain problème de manque de techniciens sur le marché du travail, alors que, dans certaines professions, on a un surplus de gens formés avec des titres universitaires. C'est une réalité qui existe, et je connais un de mes amis qui avait... qui a pratiqué le droit pendant quelques années, il a laissé ça, il est allé faire un cours en textile et maintenant il est à la tête... cadre dans une compagnie de textile.
Mais la question que je me pose est la suivante: moi, je ne suis pas Africain ? ça se voit bien ? et je ne connais pas bien la mentalité africaine et les traditions, est-ce que c'est pensable pour un Africain qui arrive ici comme ingénieur, laisser son diplôme de côté, faire un cours de technique et gagner sa vie comme technicien ou si c'est impensable?
M. Mandaka (Alfred): De façon générale, parfois c'est impensable. Ce n'est pas seulement pour les Africains cette question-là, ça concerne tout le monde. C'est comme un Québécois, un Canadien qui irait travailler au Zaïre, dans mon pays: il est ingénieur, mais il va faire du taxi, ou parfois ça ne paie pas selon sa formation, ça ne répond pas exactement à ses attentes. Je pense que c'est un problème réel. C'est dans le même ordre d'idées qu'un médecin africain ou n'importe lequel venu d'ailleurs, qui a un diplôme d'ailleurs mais qui va faire le taxi. Oui, bien sûr il gagne quelque chose, mais moralement, psychologiquement, ça torture dans sa tête parce que ce n'est pas ça qu'il devrait faire à la place. Il aimerait rendre service selon sa formation, selon ce qu'il a étudié. Il aimerait...
Moi, j'ai fait le droit, je ne parle pas de moi pour trouver du travail pour poser ma question, mais ça, c'est ma troisième ou quatrième année, et je ne fais que du bénévolat pour faire avancer la communauté. Je ne travaille pas. J'ai enseigné chez moi, dans mon pays, vous l'avez lu. J'ai aussi étudié ici, en droit toujours. Mais je n'ai pas de travail. Ce qui fait même que, pour aller au-delà, je suis en train de suivre quelques cours, le soir, comme formation complémentaire au Barreau. Je suis passé déjà devant la Commission des équivalences. Donc, pour moi, j'ai appris mon droit, c'est pour soit enseigner, soit le transmettre ou exercer cette fonction-là. Donc, de façon générale, c'est ça. Mais, lorsque il n'y a pas autre moyen pour que le Québec trouve des solutions, dans une certaine mesure, il faut bien trouver la solution de rechange pour satisfaire, même pas totalement, mais de façon respectable, l'attente de tous ces gens. Je ne sais pas.
M. Dion: Merci beaucoup. J'aimerais vous poser une autre question. La perception que j'ai, c'est que la plupart des Africains qui arrivent au Québec sont des Africains qui parlent déjà la langue française. Je ne sais pas si c'est exact, vous allez me le confirmer si c'est exact. Est-ce que, vous, vous considérez que c'est vraiment un avantage pour s'intégrer à notre société québécoise que de déjà connaître la langue ou si ce n'est pas un inconvénient, étant donné que, quand on ne connaît pas la langue, on a accès à l'école, on a déjà tout un réseau de contacts institutionnels qui s'offrent à nous et qui nous permettent de faire nos premiers pas déjà dans la société? Si on sait déjà la langue, on n'a pas ce réseau-là. Qu'est-ce que vous pensez de ça?
M. Mandaka (Alfred): Oui. Les membres de ma communauté sont des francophones. Ils connaissent déjà le français à partir de nos pays. S'ils ont choisi le Québec, c'est parce qu'ils savaient d'avance que le Québec, c'est le français, alors ils avaient tous les espoirs pour bien émerger dans cette société, connaissant déjà la langue française. Bon. Mais est-il qu'il y a certains services qui nécessitent de connaître la langue anglaise, certains services publics. Ça, c'est tout à fait normal. Mais cela ne signifie pas qu'on ne connaît pas l'anglais. Ils se débrouillent très bien en anglais. Beaucoup de nos membres parlent aussi anglais, mais couramment le français bien sûr pour d'autres. Alors, la question de langue ne peut pas être un handicap pour bien émerger au Québec. Au contraire, c'est un avantage. C'est un avantage.
M. Dion: Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. le député de Saint-Hyacinthe. Je cède maintenant la parole à la députée de Marie-Victorin.
Mme Vermette: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Je vois votre magnanimité.
Le Président (M. Cusano): ...connaître.
n(17 h 20)nMme Vermette: Non, mais je le sais. Je l'ai toujours appréciée, d'ailleurs. Alors, ceci étant, ça me fait plaisir de pouvoir échanger avec vous. Et, à écouter, j'aimerais savoir certaines distinctions aussi, parce que vous avez parlé des étudiants universitaires et qu'on peut perdre certains étudiants universitaires qu'on avait, puis finalement c'est un investissement pour nous. Mais la moyenne en fait des immigrants qui viennent d'Afrique, est-ce qu'ils sont davantage des gens d'université ou des gens simplement qui décident d'immigrer? Quelle est la qualité, en fin de compte, de ces immigrants-là, d'une part? Parce qu'à mon avis c'est important, là, pour savoir.
Et, deuxièmement, au moment où ils décident... parce que vous dites qu'on est très privés en fait, le Québec et le Canada, alors, au moment où ils choisissent de vouloir venir plus particulièrement au Québec, qu'est-ce qui fait qu'ils veulent venir, qu'ils sont si attirés que ça par le Québec, d'autre part?
M. Mandaka (Alfred): Oui. Alors, la qualité des étudiants, de membres de la communauté noire africaine. Bon. Il faut prendre dans l'ensemble... la situation dans l'ensemble. Il n'y a pas seulement des universitaires. Évidemment, il y a des universitaires. Il y a ceux qui ont fait des...
Mme Vermette: Vous n'avez pas des proportions, hein, en pourcentage? Vous n'avez rien de ça, hein?
M. Mandaka (Alfred): De façon générale, en tout cas autour de 80 %, 90 %, les gens sont universitaires, universitaires dans le sens de bac, de maîtrise et les doctorats, il y en a, beaucoup, mais aussi ceux qui ont fait les études secondaires. Ça, c'est au niveau de mes membres qui viennent d'Afrique. Mais, sur place, il y a aussi des enfants d'origine africaine, qui sont nés ici, qui étudient ici, qui ont des diplômes ici, de secondaire V, de collégial, universitaire aussi. Donc, voilà un peu le topo, dans l'ensemble, au niveau de la qualité. Mais il n'est pas dit que tout le monde a l'université ou a un doctorat ou ceci. C'est pourquoi on aimerait occuper un poste de doctorat, selon les études faites, pas nécessairement... Il y a, je le répète, ceux qui ont fait le bac, une maîtrise, ou secondaire, ou doctorat, etc. Mais la question concernant aussi l'avenir de nos jeunes enfants qui aimeraient voir leurs parents être quand même bien intégrés professionnellement, c'est très important qu'on y pense.
Lorsque vous me posez la question du choix du Québec, lorsque les gens préfèrent venir au Québec, je le répète, c'est peut-être l'image que le Canada ou le Québec a sur le plan international. Moi, j'avais 12 ans la première fois, quand j'étais au secondaire... Je finissais le primaire quand j'avais entendu le nom de Québec, du Québec, mais c'était dans le bon sens. Après, c'était l'ensemble... Avant, c'était le Canada, de façon générale. Cette fois-là, c'était le Québec. J'ai posé la question: Mais le Québec, c'est où? On m'a essayé un peu de situer, là, j'avais encore 12 ans. Mais aujourd'hui, Dieu merci! je suis ici, et là je vois Québec.
L'image que le Canada reflète, ce n'est pas pour flatter, ce n'est pas pour... mais c'est une bonne image, alors... et surtout aussi la langue française. Mais aussi il faut ajouter la question de sécurité, parce que la plupart de nous, d'entre nous, vivent des situations de sécurité dans nos pays, et, lorsqu'ils font leur choix au Québec ou au Canada, c'est parce que la sécurité y est. Et ça, je l'ai dit au début de mon allocution: Oui, nous sommes en sécurité. Mais c'est la question économique qui nous préoccupe aussi. Donc, voilà un peu le choix du Québec: le français, la sécurité, la bonne image.
Mme Vermette: Parce que, si je vous ai posé cette question-là, c'était pour savoir si vous connaissiez davantage en fait le pays d'accueil. Alors, comme au Québec, au moment où les gens font le choix, c'est ces critères-là qui prédominent sur les autres critères, à savoir: l'emploi, les capacités d'emploi, les capacités d'accueil, alors, c'était pour voir si déjà il y avait une connaissance de l'endroit, outre les grands... l'image qu'on peut avoir.
M. Mandaka (Alfred): Oui. De façon globale, il y a cette image-là...
Le Président (M. Cusano): Brièvement, s'il vous plaît. Brièvement, le temps achève.
M. Mandaka (Alfred): Oui, merci. Oui, de façon globale, on a cette image-là. Mais la connaissance parfaite, on n'en a pas comme telle. Dans le temps, quand, moi, je suis arrivé, en 1991, j'avais une bourse de la Francophonie. Le Canada avait une politique de faire connaître aux potentiels candidats qu'est-ce que le Québec. Mais cette politique n'existe plus.
J'ai suivi personnellement des projectiles des images du Québec. On nous montrait comment le Québec fonctionne, la culture, les institutions, etc., le système policier. Moi, j'ai suivi ça personnellement, mais ce système-là... je ne sais pas si ça fonctionne encore, à ma connaissance non. C'est dans ce sens-là. Moi, j'avais déjà la connaissance, j'avais au moins une idée et j'ai vu les preuves, enfin ce que j'avais vu comme images projetées là-bas. Mais actuellement je pense que non. C'est pourquoi on a suggéré, lorsque le gouvernement prendra l'initiative d'aller sélectionner, qu'on puisse s'y pencher, faire voir qu'est-ce que le Québec, comment on vit, pour éviter les chocs culturels une fois qu'ils se rendent ici.
Le Président (M. Cusano): Merci beaucoup, M. Mandaka. Alors, au nom de mes collègues, j'aimerais vous remercier de votre présence et votre collaboration au niveau de l'échange.
Je vais suspendre pour quelques minutes afin de permettre aux représentants de la Chambre de commerce et d'industrie de la Rive-Sud de Montréal de bien prendre place, s'il vous plaît.
(Suspension de la séance à 17 h 27)
(Reprise à 17 h 31)
Le Président (M. Cusano): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la Commission de la culture reprend ses travaux. À ce moment-ci, nous entendrons les représentants de la Chambre de commerce et d'industrie de la Rive-Sud de Montréal. Je remarque que nos invités ont déjà pris place, et, pour les fins du Journal des débats, je vous demande de vous identifier, s'il vous plaît.
Chambre de commerce et d'industrie
de la Rive-Sud de Montréal (CCI Rive-Sud)
M. Blier (Gilles): Alors, bonjour, M. le Président. Je me présente: mon nom est Gilles Blier, je suis président de la Chambre de commerce et d'industrie de la Rive-Sud. Et je suis accompagné de Madeleine Ste-Marie, à ma droite, qui est directrice générale, et de Françoy Roberge, qui est directeur des communications et affaires publiques.
Le Président (M. Cusano): Mme Ste-Marie, M. Blier, M. Roberge, bienvenue. Alors, seulement quelques remarques au niveau de notre procédure. Vous disposez d'une période de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire. Elle sera suivie d'un échange avec les membres de la commission d'une durée maximale de 40 minutes. Alors, la parole est à vous.
M. Blier (Gilles): Parfait, merci. Alors, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, au nom de la Chambre de commerce et d'industrie de la Rive-Sud qui est, comme vous le savez sans doute, avec près de 1 600 membres, la plus importante organisation d'affaires de la Montérégie, je vous remercie de nous avoir invités à participer à cette consultation.
Mme la ministre, vous avez déjà fait partie du conseil d'administration d'une grande chambre de commerce, la Chambre de commerce du Montréal métro, et vous savez donc que, si on avait proposé à des chambres de commerce, il y a un certain nombre d'années, de se prononcer sur l'éducation, la culture, l'immigration, les administrateurs auraient sans doute dit: Ça ne nous concerne pas. Mais voilà qu'aujourd'hui, entre autres, dans la société du savoir, nous sommes très concernés par l'actif intellectuel, la créativité bref, et les êtres humains dont l'importance dépasse aujourd'hui celle de toutes les immobilisations et des matières premières pour le développement économique futur. C'est dans cette perspective que nous avons souhaité vous donner notre avis sur les niveaux d'immigration souhaitables pour le Québec entre 2005 et 2007.
Notre intervention sera brève. Nous ne sommes évidemment pas des spécialistes en immigration, et je peux vous dire que mes ancêtres ont immigré ici, ça fait pas mal de temps, ça fait que je n'ai pas pu les interviewer sur le sujet. Mais nous voulons vous dire grosso modo deux choses: nous croyons que l'immigration est un apport et une richesse pour toute société dynamique et nous entendons contribuer à faire en sorte que notre société tire tout le bénéfice souhaitable d'un niveau plus élevé d'immigration. D'abord, une richesse pour la société. Dans l'univers où nous vivons, dans la société qui est la nôtre, l'immigration est une richesse. Les immigrants, dans l'absolu, contribuent à l'ouverture, au dynamisme, à l'évolution culturelle de notre société. De plus, dans cette société au profil démographique vieillissant, où la plupart des baby-boomers se préparent à la retraite et où le taux de natalité est en baisse, l'immigration est l'une des composantes favorisant le maintien d'une population plus jeune. L'immigration constitue une partie de cette relève dont nous avons besoin. Et je disais tantôt qu'on n'était pas des spécialistes en immigration, mais on se préoccupe par contre depuis plusieurs années, à la Chambre de commerce de la Rive-Sud, de relève, de relève notamment en entreprise.
D'ailleurs, au Québec, selon Emploi-Québec, 640 000 postes devront être comblés d'ici 2006, dont 290 000 nouveaux emplois liés à la croissance économique puis 350 000 liés à des départs à la retraite. En Montérégie, selon les données qu'on a, on parle de 70 000 emplois... création de 70 000 nouveaux emplois et remplacement de 110 000 emplois dans les cinq prochaines années.
Nous ne disposons donc pas de toute la relève voulue. Nos organisations et nos entreprises devront s'habituer à l'ouverture culturelle. Un solide contingent d'immigrants nous permettra en partie de combler nos besoins en ressources humaines, et ce, d'autant plus que la Rive-Sud de Montréal est la région qui, avec 9 % d'immigrants ou de personnes provenant d'immigrations passées, demeure la moins ouverte à l'immigration.
Bien sûr, cela n'est pas le résultat d'un parti pris, nous ne sommes pas xénophobes, mais il est arrivé que des communautés culturelles se sont créé de solides noyaux, à Montréal ou à Laval notamment, vous en êtes certainement consciente, devenant des pôles d'attraction puissants pour des ressortissants de leurs groupes ou de leurs pays.
Sur la Rive-Sud, nous comptons désormais des communautés relativement importantes de personnes d'origine européenne, asiatique et caribéenne. Nous devrons miser sur ces communautés pour favoriser la venue d'un certain nombre d'immigrants, sans compter bien sûr tous les immigrants dit économiques que recrutent parfois à grands frais et avec le concours de Montréal International les entreprises de l'aérospatiale ou des technologies de l'information. Ces derniers hauts salariés au profil international ne cherchent pas forcément à se greffer à une communauté culturelle spécifique.
Deuxième point, une contribution à l'intégration des immigrants. La Chambre de commerce et d'industrie de la Rive-Sud souhaite contribuer à la promotion et à l'insertion des immigrants dans les entreprises et les organisations et dans notre société. En effet, il arrive que des difficultés d'intégration poussent certains immigrants à écourter leur séjour au Québec pour se rendre ailleurs au Canada ou en Amérique du Nord. Nous consacrerons des efforts sérieux et des ressources à un programme visant l'insertion des jeunes en emploi en visant presque exclusivement les immigrants, enfants d'immigrants ou membres de communautés culturelles.
Comme chef de file du milieu des affaires, nous mettrons tout en oeuvre pour susciter des partenariats et des alliances afin que le mot se passe dans notre milieu et que les mentalités s'ajustent vite à la nouvelle réalité.
La Chambre de commerce et d'industrie de la Rive-Sud souhaite donc que le gouvernement du Québec opte pour un niveau élevé d'immigration, niveau nécessaire pour qu'une majorité d'immigrants maîtrise le français, pour qu'elle se joigne naturellement à la population francophone qui constitue la majorité au Québec. Nous présumons que ce résultat ne sera pas obtenu sans effort de votre part. Et, quant à nous, nous ferons tout en notre pouvoir pour que cet afflux culturel soit bien accueilli et que nos nouveaux concitoyens s'intègrent harmonieusement à notre économie et à notre société pour qu'en partageant notre citoyenneté et notre pays ils partagent aussi avec nous le meilleur de leur âme, de leur créativité, de leur vision et de leur culture. Merci.
Le Président (M. Cusano): Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. Mme la ministre.
Mme Courchesne (Fabre): Merci, M. le Président. Madame, messieurs, bienvenue. Je dis toujours, quand on est rendu à cette heure tardive... D'abord, je remercie encore avec force les gens, parce que je sais que vous avez été là depuis longtemps, vous avez attendu. Vous pouvez penser qu'après une longue journée de commission parlementaire nous sommes moins attentifs; bien, détrompez-vous, ce n'est pas vrai, et on a toujours autant d'intérêt à échanger avec le dernier groupe.
Je vous dirai que... D'ailleurs, j'ai lu votre mémoire, je crois comprendre... puis vous dites: On n'est pas des spécialistes en immigration, puis, franchement, nous non plus. Après 11 mois, par exemple, on en sait un peu plus. Mais vous abordez dans votre mémoire le fait que, effectivement, les chambres de commerce, et vous l'avez mentionné, aujourd'hui ont un éventail de préoccupations beaucoup plus large. Moi, personnellement, je vous dis: Et c'est tant mieux. Et c'est tant mieux, mais dans la mesure où vous êtes capables de dégager une capacité d'agir réellement. Parce que, là, vous nous dites: Nous, on croit que, pour la Rive-Sud, ça va être important, on va connaître des besoins de main-d'oeuvre aussi, c'est important qu'on puisse participer.
n(17 h 40)n Ma question, c'est de dire: Comment? Comment pensez-vous concrètement pouvoir justement participer? Est-ce que c'est en travaillant avec vos membres? Est-ce que c'est un travaillant avec d'autres partenaires? Est-ce que vous voulez avoir un rôle de sensibilisation ou un rôle davantage d'implication dans tout le processus d'intégration pour faire justement cet arrimage entre ceux que vous accueillez et les entreprises et les employeurs? Comment voyez-vous ça?
Le Président (M. Cusano): M. Blier.
M. Blier (Gilles): Écoutez, là-dessus, ce que je vous dirais, c'est qu'on a certainement un rôle d'éducation. On a certainement un rôle d'éducation. Je vous disais d'emblée, au début, qu'il y a 15 ans ou il y a 10 ans je ne pense pas que les chambres de commerce se souciaient de ça. Je vous dirais même que, nous, sur la Rive-Sud, depuis deux, trois ans, on a ciblé un certain nombre d'enjeux, au nombre de 43 ou 45, je crois, notamment la santé. Puis je vais faire un petit aparté, mais vous savez que, dans une recherche qui a été mise à jour, en 1998 puis en 2002, par la Silicon Valley Partnership, ils ont identifié les facteurs d'implantation des entreprises technologiques, et les deux premiers sont la qualité de l'éducation, qualité et disponibilité de l'éducation et qualité et disponibilité des soins de santé.
Alors, sur la Rive-Sud, il y a 10 ou 15 ans, je ne suis pas certain qu'on se souciait de l'immigration, pas plus que de la santé, probablement un peu de l'éducation, mais on commence à se soucier et à se préoccuper d'un paquet de choses. Donc, en date d'aujourd'hui, je ne peux pas vous dire qu'on a posé des actions concrètes. Cependant, on a un rôle d'éducation, on a certainement un rôle d'intégration, nous allons être partenaires avec...
Mme Ste-Marie (Madeleine): Le MRCI.
M. Blier (Gilles): ...le MRCI pour... en fait, c'est Québec ou... c'est ça?
Mme Ste-Marie (Madeleine): Aussi, avec Développement ressources humaines Canada, pour un programme, pour aider à placer 14 jeunes minorités visibles auprès des entreprises de la Rive-Sud. C'est un programme qui a commencé le 16 février et qui...
Mme Courchesne (Fabre): 2004?
Mme Ste-Marie (Madeleine): De cette année, oui, 2004.
Mme Courchesne (Fabre): Ça m'intéresse beaucoup.
M. Blier (Gilles): Donc, il y a certainement des...
Mme Courchesne (Fabre): Je serais très intéressée par les résultats de ça.
M. Blier (Gilles): Il y a certainement des actions concrètes que nous allons poser. Nous, on pense que ça fait partie des enjeux de favoriser non seulement l'immigration au sens large, mais aussi l'intégration, de rechercher le profil... dans vos documents, vous appelez ça le profil socioprofessionnel. Mais on a une société du savoir relativement avancée sur la Rive-Sud de Montréal, donc il faut rechercher des gens qui vont venir combler les besoins en entreprise et, dans ce sens-là, on va poser des actions concrètes à la mesure de nos moyens et en considérant que ce n'était pas un enjeu il y a 10 ans pour nous, là.
Mme Courchesne (Fabre): Mais j'ai une petite inquiétude, M. Blier, à la page 5, à la page 5, quand vous parlez de Croissance de l'immigration: des conditions gagnantes. Or, parmi vos conditions gagnantes, vous dites: «Privilégier l'immigration de personnes offrant les caractéristiques propres à des groupes d'immigrants déjà enracinés harmonieusement au Québec et susceptibles de profiter de ce support.» Ça veut dire quoi exactement, de privilégier l'immigration de personnes qui s'associent à des groupes d'immigrants déjà enracinés harmonieusement au Québec?
M. Blier (Gilles): En fait, dans la présentation que je faisais tout à l'heure, je vous rappelais qu'on avait déjà des communautés bien implantées dans le territoire de la Rive-Sud et, dans le fond, c'est des noyaux attractifs, ça. Donc, de privilégier l'immigration de personnes offrant les caractéristiques propres à des groupes d'immigrants déjà enracinés, c'est qu'on a des plateformes peut-être, on a des moyens d'accélérer l'immigration dans...
Mme Courchesne (Fabre): Ça, vous recommandez ça pour la Rive-Sud ou pour le Québec dans son ensemble? Est-ce que vous dites au gouvernement: Accueillez des gens qui sont déjà installés au Québec? J'essaie de comprendre le sens de vos propos.
M. Roberge (Françoy): Je pense que oui.
Le Président (M. Cusano): M. Roberge.
M. Roberge (Françoy): Excusez-moi. Je pense que oui. Je pense que ça veut dire... Bon, on sait que l'immigration... Il y a beaucoup d'immigration française, identifiée française, ça ne veut pas dire nécessairement que c'est des gens qui sont en France depuis cinq siècles non plus, là. Mais, au Québec, il y a quand même des groupes importants d'immigrants français de toutes les générations, là, mais il y en a encore de deuxième ou de première génération. Il y a des groupes assez importants d'Italiens, des communautés grecques, sur la Rive-Sud. Il y a une communauté asiatique qui est composée de deux, trois sous-communautés. Il y a des gens francophones qui viennent de...
Mme Courchesne (Fabre): Rassurez-moi, là.
M. Roberge (Françoy): Oui.
Mme Courchesne (Fabre): Rassurez-moi, là, que vous ne prônez pas une sorte... une forme de discrimination à l'égard des autres communautés, là. J'avoue que...
M. Roberge (Françoy): Non, mais...
Mme Courchesne (Fabre): ...j'ai un malaise important par rapport à vos propos, là.
M. Roberge (Françoy): Absolument pas pour ce qui est de... Bien, ce n'est pas une discrimination. Pour l'immigration humanitaire ou que les familles se reconstituent, bien, il n'y a absolument aucun... Je pense qu'on ne privilégie aucune approche spécifique. Mais, pour que les gens s'intègrent plus facilement à la société québécoise, je pense qu'on apprécie qu'il y ait beaucoup de francophones parmi les immigrants parce que, sinon, l'intégration est plus difficile.
Mme Courchesne (Fabre): Ce que vous dites, vous dites au gouvernement: Accueillez ceux-là, mais pas les autres? Est-ce que c'est le sens de vos propos?
M. Roberge (Françoy): Non. On dit: Privilégiez ceux-là parce que c'est bien qu'il y en ait qui soient plus... qui s'intègrent plus facilement. Si... enfin...
Mme Courchesne (Fabre): Mais, chez vous, il y a une communauté asiatique fort importante...
M. Roberge (Françoy): ...Oui.
Mme Courchesne (Fabre): ...et elle ne parle pas français. Elle parle très majoritairement anglais.
M. Roberge (Françoy): Anglais. En partie, il y a des...
Mme Courchesne (Fabre): Il y en a quelques-uns qui font des efforts pour parler français, mais c'est majoritairement anglais.
M. Roberge (Françoy): Il y en a une partie importante qui est francophone, à ma connaissance, là, des gens plutôt du Vietnam ou de pays où le français était une langue courante. Il y en a des centaines, peut-être des milliers, des centaines.
Mme Courchesne (Fabre): Oui. Je veux juste attirer votre attention qu'une telle position ne peut pas être défendable par un gouvernement. Ça irait totalement à l'encontre de la Charte des droits. Je fais simplement vous le signaler. Et ça m'inquiète un peu parce que vous représentez quand même des gens d'affaires, vous représentez des employeurs, vous représentez la force économique d'une grande partie du Québec, parce que la Rive-Sud, c'est très grand. Je vous dirai, là, que... Et est-ce que c'est le message que vous feriez, par exemple, à un employeur qui aurait une rareté de main-d'oeuvre? Est-ce que vous lui diriez de d'abord privilégier les communautés que vous avez mentionnées?
M. Roberge (Françoy): Non.
Le Président (M. Cusano): M. Roberge.
Mme Courchesne (Fabre): Est-ce que la qualification du candidat, ses compétences et son expérience ne seraient pas plus importantes que son origine?
Le Président (M. Cusano): M. Blier.
M. Blier (Gilles): Bien, vous voyez d'ailleurs que, à la page 5 de notre mémoire, «privilégier l'immigration de personnes possédant des capacités professionnelles recherchées» vient avant le paragraphe que vous avez cité. Donc, évidemment, est-ce que de privilégier des personnes ayant un profil recherché, c'est discriminatoire ou contraire à la charte?
Mme Courchesne (Fabre): Ça, non, c'est... L'origine, la race, la couleur, la religion, ça, c'est contraire à la charte, et on ne peut pas faire indirectement...
M. Blier (Gilles): Ce qu'on ne peut faire directement.
Mme Courchesne (Fabre): ...ce qu'on ne peut pas faire directement. Donc, dans ce sens-là, c'est pour ça que, au Québec, on choisit nos candidats selon la catégorie de travailleurs, mais sans aucune référence spécifique à la communauté, à l'origine, à la race, à la couleur ou au sexe. Je fais juste vous dire ça parce que c'est important, là. On a besoin de cette force économique, mais, en même temps, il faut faire très attention au message qu'on véhicule.
M. Roberge (Françoy): Oui, je pense qu'on a besoin de tout le monde, et, nous, comme Chambre de commerce, on ne dit pas de faire une sélection de pas ceux-là puis ceux-là. Mais il reste que je ne sais pas où le gouvernement du Québec est présent. Par exemple, le gouvernement du Québec doit être présent dans certains pays du monde pour favoriser un afflux d'immigrants. Traditionnellement, il y en avait dans certaines délégations, et il me semble qu'il y en avait un peu plus dans les pays francophones. Et je pense que le gouvernement aussi a toujours un souci au Québec de ne quand même pas briser l'équilibre linguistique.
Mme Courchesne (Fabre): Si c'est vu sous cet angle-là, ça me rassure. Cela dit, nous sommes présents sur tous les continents. Ça, ce n'est pas aujourd'hui, là, c'est... Et ce qu'on recherche, c'est une atteinte de 50 % de population francophone. On recherche cet équilibre et cette diversité. Merci.
Le Président (M. Cusano): M. Roberge, brièvement.
M. Roberge (Françoy): Ça me paraissait être un avantage aussi dans la façon dont c'était présenté dans les documents de consultation, qu'il y ait 50 % et plus de francophones.
Le Président (M. Cusano): Merci. Mme la députée de Marie-Victorin.
Mme Vermette: Merci beaucoup, M. le Président. Alors...
Le Président (M. Cusano): Vous disposez de 10 minutes.
Mme Vermette: Oui, oui, je sais. Vous ne m'en donnerez pas plus parce que je suis gentille avec vous, hein?
Le Président (M. Cusano): Ah! je peux peut-être...
Des voix: Ha, ha, ha!
n(17 h 50)nMme Vermette: J'ai bien compris ça. Alors, M. Blier, Mme Ste-Marie ainsi que M. Roberge, ça me fait plaisir de vous accueillir ici, à l'Assemblée nationale, en commission parlementaire, d'une part. Comme je vous connais parce que vous êtes de la Rive-Sud et que mon comté est tout près en fait de chez vous, alors j'ai eu souvent l'occasion de participer à certaines de vos prises de position ou en tout cas de participer à certains de vos colloques et effectivement je vois qu'à ce stade-ci vous avez pris conscience, comme tout le monde en fait, du besoin important de l'immigration au Québec et qu'il faut se positionner par rapport à ça. Et je pense que la consultation se fait dans ce cadre-là, à savoir: maintenant, comment devrait se faire cette intégration-là le plus harmonieusement possible et quels sont en fait les enjeux aussi à l'intérieur de cette immigration-là? Donc, il y a des enjeux humanitaires, il y a des enjeux aussi sociaux, il y a des enjeux économiques.
Alors, il me semble que votre mémoire... et vous n'êtes pas le seul, on a eu le mémoire de la Chambre de commerce de Québec qui semblait orienter davantage, là, des intérêts économiques, puisque vous défendez des intérêts économiques, mais qui finalement nous ont dit: On a plus que des intérêts économiques, on s'aperçoit qu'il faut déborder, il faut avoir des intérêts... si on veut avoir une intégration harmonieuse, il faut s'intéresser aussi à la vie générale de l'immigrant que l'on reçoit. Même si on lui fait les meilleures conditions à l'emploi, si on ne touche pas cet aspect social des choses, il y a problème, et ce n'est pas uniquement le travailleur, mais ça va aussi loin que la famille et aussi... ça allait aussi loin aussi que: il faut préparer le milieu de travail à accueillir aussi ces gens-là en emploi.
Alors, moi, j'aimerais savoir où vous en êtes rendus par rapport à ça dans votre réflexion. Peut-être que vous êtes rendus plus loin que ce qu'on peut voir à l'intérieur de votre mémoire, mais il me semble que, ça, c'est un préalable. Parce que ce qui me fait un petit peu poser cette question-là, c'est parce que vous marquez que, au niveau, en fin de compte, des capacités d'accueil, seul un recrutement fait directement par les entreprises est garant d'un arrimage adéquat entre les emplois à combler et les compétences des immigrants. Et là, moi, ça, ça me préoccupe, ça me fait un peu peur, parce qu'on a entendu pendant quatre semaines que tout ça devait se faire avec beaucoup, beaucoup de participants. Or, vous en êtes rendus où dans votre réflexion par rapport à tout ça?
Le Président (M. Cusano): M. Roberge.
M. Roberge (Françoy): Madame, je n'ai pas... je ne me rappelle pas d'avoir lu textuellement ce que vous avez dit dans notre mémoire, mais...
Mme Vermette: Attendez. En fait, c'est à la page 6, à la page 6, oui: Pour l'avenir... Attendez une minute, là. Ah oui! «Ce type de recrutement n'est efficace que lorsqu'il est effectué par l'entreprise elle-même, comme dans le cadre des programmes d'immigration [sélectionnés] gérés par Montréal International.» Donc, moi, je reprends... je l'ai repris dans mes mots, là...
M. Roberge (Françoy): Très bien.
Mme Vermette: ...mais c'est ma... elle demeure pareil, la préoccupation.
M. Roberge (Françoy): Oui, c'est un commentaire sur un type de recrutement qui effectivement se fait pour des postes qui demandent un haut niveau d'expertise et qu'il y a des entreprises qui vont faire du recrutement là où il existe des concentrations de spécialistes. Alors, nous, on dit: C'est une des formes de... ça attire des immigrants, des immigrants économiques, des immigrants qui ont une compétence aussi et qu'on est heureux d'avoir, mais il n'y a pas... ça ne peut pas être seulement ça. Ça, c'est une des choses qui se font par Montréal International, le service d'aide aux immigrants qualifiés ou...
Mme Vermette: Mais, ma question, elle est beaucoup plus large dans le sens que, vous savez... vous voulez avoir, je pense, le meilleur travailleur possible ou le professionnel le plus adéquat pour... Vous avez des objectifs d'entrepreneuriat, ça, on ne peut pas être contre. Mais quand on dit que, pour avoir ça, il faut... il y a plusieurs partenaires, et on a parlé pendant trois semaines de temps des différents partenaires qui devraient travailler ensemble pour trouver justement la meilleure façon de trouver les bons immigrants au bon endroit et travailler aussi à leur intégration d'une façon la plus harmonieuse possible. Et chaque acteur a un rôle particulier, donc vous en êtes un, des acteurs, et, moi, je vous questionne sur votre rôle particulier pour avoir une intégration harmonieuse. Et quels sont vos partenaires à privilégier pour arriver à cet objectif-là?
Le Président (M. Cusano): M. Roberge.
M. Roberge (Françoy): Oui. Moi, je vous répondrais tout simplement que c'est une petite chambre de commerce, pas en termes de membership, mais, bon, forcément en termes d'organisation. Il y a neuf personnes. Là-dessus, il y en a deux actuellement qui s'occupent de programmes de mentorat et de programmes d'intégration à l'entreprise. Et, dans le cas de l'intégration à l'entreprise, c'est beaucoup orienté vers les gens qui proviennent de l'immigration, alors je pense que c'est une chose qu'on commence à faire, mais qu'on doit faire et puis qu'on pourra sans doute faire grandir.
Avec ça, on travaille avec nos membres, on travaille avec les entreprises. On peut penser peut-être, à moins que ça existe déjà, parce qu'on ne connaît pas encore tous les outils, là, mais faire un guide de coaching pour aider les entreprises à intégrer les immigrants, les jeunes immigrants, c'est ce qu'on vise dans le moment, là. Ça peut être des immigrants de tous les âges. On peut travailler avec l'Université de Sherbrooke qui développe un gros, relativement gros campus sur la Rive-Sud et voir s'il n'y aurait pas moyen de créer une sorte de ? c'est une idée de M. Blier, on en parlait un peu plus tôt... mais une formation pour faire en sorte que tous les professionnels qui ont des diplômes qui ne sont pas reconnus ici puissent mériter d'être acceptés par les ordres professionnels après une seule année de cours terminal. Ça pourrait être une spécialité ou ça pourrait être quelque chose qui pourrait être développé par nous, par l'Université de Sherbrooke parce que c'est celle qui est présente sur le territoire de la Montérégie. Et pour le reste, nous, on va dire sur la place publique qu'on recherche d'autres partenaires, mais la chambre va travailler plus dans le milieu économique, mais elle est ouverte à travailler avec tous les autres secteurs, tous les gens que ça intéresse.
Mme Vermette: Parce que, vous savez...
Le Président (M. Cusano): Un instant, Mme la députée, je vous interromps. Dans 1 min 30 s, il sera 6 heures. J'ai besoin de votre consentement pour pouvoir dépasser l'heure d'ajournement. Est-ce qu'il y a consentement?
Mme Vermette: Oui.
Le Président (M. Cusano): Il y a consentement, oui.
Mme Vermette: ...que 10 minutes.
Le Président (M. Cusano): Pas plus que 10 minutes.
Mme Vermette: Non, mais... C'est ça, il y a consentement.
Le Président (M. Cusano): Il y a consentement pour dépasser l'heure de l'ajournement. Alors, continuez, madame.
Mme Vermette: Il n'y a pas de problème pour le temps? Bon, parfait. Alors... Non... Parce que ce que je voulais vous dire, c'est que ce qu'on est arrivé à dire... Pour avoir une intégration harmonieuse, il fallait travailler, oui, je suis d'accord, avec plusieurs partenaires, vous en avez parlé. Mais, moi, j'aimerais voir spécifiquement en fait... Puis je comprends que vous êtes une petite chambre de commerce, et tout ça. Mais je regardais, comme la Chambre de commerce... Je prends celle de Laval parce que c'est celle-là qui a été la plus percutante... Puis, dans l'énoncé de la politique de la ministre, c'est que c'est Montréal, la ville de Québec et les régions... en tout cas, hein, c'est ça? Donc, je veux dire que... Est-ce que la Rive-Sud se positionne région? Se positionne-t-elle Montréal? Le rôle qu'elle veut jouer par rapport à ça?
Et même, plus loin, vous dites que vous voulez accueillir au moins 10 000, à peu près, immigrants. Et on a vu qu'il y a des endroits, il y a de l'emploi, il y a plein d'emplois, c'est marqué partout sur le bord des routes «Nous embauchons», mais personne ne va te prendre, il n'y a pas preneur. Et là on a questionné beaucoup par rapport à ça. Et on a dit que les choses importantes, c'est les structures d'accueil, c'est à l'intérieur des entreprises, il faut aussi qu'on crée un climat d'accueil à l'intérieur des entreprises, que les entreprises s'impliquent à faire de la formation à l'intérieur de leurs entreprises.
Alors, en fin de compte, est-ce que c'est un rôle que vous vous voyez capables de faire malgré la taille de votre chambre de commerce et jouer un rôle clé dans le développement en fin de compte de partenariats que vous voudriez établir avec différents acteurs dans ce domaine-là? Ça peut être les villes, ça peut être les CLD... bien là ça va être autre chose, mais ça va être les CLD, ça peut être les... comment on les appelle maintenant? En tout cas, bref, ça change de nom, mais ça existe, hein?
Une voix: Les CRE.
Mme Vermette: Les CRE, c'est ça, les CRE. Alors, il y a plusieurs... Ça peut être Emploi-Québec, ça peut être, bon, en fin de compte, les SEMO. En tout cas, il y a plein de gens qui sont venus nous rencontrer et nous dire: Nous, on s'implique, les groupes communautaires. Donc, votre rôle, votre participation à vous autres, quelle est... pourrait être?
Le Président (M. Cusano): Mme Ste-Marie.
n(18 heures)nMme Ste-Marie (Madeleine): Je dois vous dire qu'on travaille déjà en collaboration. Nous sommes à une table de concertation avec le MRCI, avec Emploi-Québec, avec les SEMO, et ce sont tous des partenaires de la Rive-Sud. Ils sont tous impliqués dans le processus, autant au niveau des carrefours jeunesse-emploi pour justement aider l'intégration de ces jeunes immigrants à trouver un emploi. Et, comme vous dites, partout, on a des indications que nous embauchons. Puis je pense que notre rôle, c'est de faire... d'amener les entreprises et de les aider à faire ce bout de chemin là de sensibilisation. Je pense que c'est le rôle. Et nos partenaires, comme vous dites, là, c'est... on ne l'a peut-être pas mentionné, mais Emploi-Québec, le MRCI, nous sommes à ces tables de concertation, sur la Rive-Sud.
Le Président (M. Cusano): Merci, Mme Roberge. Merci, Mme la députée. Je cède maintenant la parole à la députée de Chambly.
Mme Legault: Merci, M. le Président. Bonjour. À mon tour, pour continuer sur les propos de ma collègue de Marie-Victorin, j'aimerais que vous décriviez un peu quelle est la nature de la concertation entre les acteurs communautaires, la municipalité, vous-même, au moment où on se parle. Quelle est la nature des échanges sur le terrain actuellement?
Mme Ste-Marie (Madeleine): À date, il y a une table de concertation qui a lieu, des rencontres qui ont lieu à tous les deux mois. Et, comme on disait, on a déposé... On a un projet qui est mené avec ? voyons, le mot me manque ? Ressources humaines Canada ? c'est qu'ils ont changé le nom; je crois que c'est «agence» maintenant ? Ressources humaines Canada, et c'est un projet qui a commencé le 16 février, et on travaille avec les partenaires justement, comme j'expliquais, là, que ce soit Emploi-Québec, avec les différents partenaires du milieu pour justement... On est sensibles à la problématique et on essaie de voir comment, nous, les gens d'affaires, on peut s'impliquer dans le processus et faire la sensibilisation nécessaire auprès de nos entreprises.
Mme Legault: Est-ce que, autour de la table, il y a une organisation qui assume un peu le leadership ou...
Mme Ste-Marie (Madeleine): C'est le MRCI qui... le ministère des Relations avec les citoyens, Immigration.
Mme Legault: O.K. J'ai une autre question. Les employeurs qui sont membres de la Rive-Sud, vous sentez leur intérêt à quel niveau d'accueillir des travailleurs immigrants? Est-ce que c'est un intérêt qui est manifeste? Quelle est la température de cet intérêt-là?
Mme Ste-Marie (Madeleine): À date, c'est un programme qui vient d'être mis sur pied, parce que, auparavant, ce qu'on menait comme projet, c'était pour aider les jeunes, soit des jeunes décrocheurs, les jeunes qui ont de la difficulté, qui sont... c'est-à-dire qui sont scolarisés, mais qui ne réussissent pas à trouver d'emploi. Ça fait qu'on a eu plusieurs programmes, quatre, entre autres. On avait à placer 25 jeunes dans l'année. Les objectifs ont été atteints. Ça a été un succès auprès des entreprises. Et là ? voyons! ? l'agence de ressources humaines Canada nous a demandé d'axer plus le volet au niveau de l'immigration. Et, comme ça faisait partie des enjeux, on est allés de l'avant avec ce projet-là. Mais il est tout nouveau, là, pour nous. On n'a pas une expérience... On va être en mesure de vous en parler d'ici un an, quel va avoir été le succès, si les objectifs vont avoir été atteints. Mais je pense qu'il y a une bonne réception à date.
Mme Legault: Puis l'intérêt de la ville de Longueuil, vous le décririez comment?
Mme Ste-Marie (Madeleine): La ville de Longueuil fait partie de la table de concertation du MRCI, la table de concertation pour l'insertion des immigrants. Il y a un représentant de la ville qui est là.
M. Roberge (Françoy): Oui, Mme la députée...
Le Président (M. Cusano): M. Roberge.
M. Roberge (Françoy): Oui. Excusez-moi. On a commencé aussi à mentionner qu'on était... qu'on travaillait dans ce domaine-là, qu'on était intéressés, qu'on travaillait avec nos membres, et on a eu beaucoup de réactions de gens dans certaines entreprises, qui nous ont écrit, puis ils ont dit: Bien, oui, il est temps que vous le fassiez... ou bien, enfin, peut-être que ce n'est peut-être pas si nouveau que ça dans les préoccupations d'organismes, mais qui ont dit: On a des idées, puis...
Alors, quant à la température, bien, je pense qu'il y a des grandes entreprises qui ont déjà saisi que l'immigration, c'était important pour elles, et elles ont des programmes. Mais la majorité des autres entreprises, les petites et moyennes, elles n'ont pas de programme puis elles n'ont pas de... Il n'y a pas une forte concentration de groupes, de communautés culturelles sur la Rive-Sud, alors on ne peut pas dire que... Je pense que notre rôle, c'est d'indiquer que c'est très important, que ça va prendre beaucoup d'importance, l'immigration, que c'est un enjeu majeur et que tout le monde doit se retrousser les manches puis trouver des solutions pour aider à l'intégration des immigrants.
Mme Legault: Oui, parce que, personnellement ? je vais me permettre un commentaire ? je pense qu'en Montérégie on a... toutes les ressources sont là au fond pour que l'immigration soit un succès. Tu sais, on parlait tantôt, là, de la proximité de l'Université de Sherbrooke, les cégeps. Écoute, on a tout ce qu'il faut là pour la reconnaissance des acquis, pour de la formation d'appoint, puis, je pense, on a une région qui est très, très dynamique. Alors, je suis bien contente d'entendre que vous sentez, là, qu'il y a un intérêt qui est en train de se concrétiser, puis qu'il y a déjà des projets, puis qu'on regarde vers l'avenir d'une façon positive.
Le Président (M. Cusano): Oui. M. Blier voulait...
M. Blier (Gilles): Je vous dirais que notre rôle... Mme Ste-Marie tantôt mentionnait qu'on a un rôle de sensibilisation. Il y a beaucoup d'entreprises actuellement qui sont très sensibilisées par la relève, la recherche de main-d'oeuvre. Mais on a à les sensibiliser sur la source de main-d'oeuvre que pourrait représenter l'immigration, en partie. Dans vos documents, on parlait du taux de... l'indice de fécondité, qui est passé de 2,1 %, en 1970, à 1,45 % en 2002. Donc, les gens, je pense, dans les 25 dernières années, ne se sont peut-être pas posé de questions, et là on a à conscientiser les gens puis à leur faire part que l'immigration est une des sources pour assurer la croissance économique.
Le Président (M. Cusano): Merci. Merci, Mme la députée de Chambly. Je cède maintenant la parole à la ministre.
Mme Courchesne (Fabre): Oui. Bien, je voudrais juste poursuivre, faire un tout petit pas de plus dans le sens de ma collègue. Vous parlez effectivement de sensibilisation, vous parlez de la table de concertation; tout ça effectivement démontre l'amorce d'un processus, l'amorce surtout, là, d'une volonté. Ce qui est très important, c'est d'aller chercher cette volonté du milieu.
Mais ce que j'entends, c'est que les entreprises... ou certaines des entreprises sont sensibilisées. Et la question qui va se poser, c'est: comment? Et la prochaine question des entrepreneurs puis de ceux qui ont besoin ? comme disait la collègue de Marie-Victorin, «Nous embauchons» ? c'est: comment faire le lien avec les nouveaux arrivants, avec ceux qui ont les compétences requises pour occuper ces postes? Et notre question, de chaque côté de la table, c'est de dire: Vous, la Chambre de commerce, êtes-vous prêts à jouer un rôle plus actif dans le comment?
Et ça, ça peut vouloir dire effectivement une entente entre nous, mais pas juste peut-être nous, mais peut-être avec d'autres, avec des employeurs, avec peut-être l'université, mais peut-être aussi les villes. C'est très important que les villes ? je comprends qu'il y a un représentant fonctionnaire... La question, c'est: est-ce que les élus sont conscients? Est-ce que les élus sont prêts aussi à porter le dossier de l'immigration, à porter le message auprès de leurs populations, à faire des liens, aussi, avec les employeurs? Habituellement, je vous dirais qu'on a souvent des ententes ville-chambre de commerce-MRCI pour qu'on ait plus que de la sensibilisation, mais une concrétisation du comment on fait l'arrimage sur le terrain et on comble les postes.
Moi, je vous laisse sur cette réflexion-là, en disant: si telle est la volonté du milieu, on pourrait certainement voir comment on peut poursuivre puis, je dirais, avec les députés aussi. Je me permets de le dire parce qu'il y a beaucoup de députés sur la Rive-Sud, tous partis confondus. Et plus nous serons à manifester cette volonté et l'importance de l'immigration pour le Québec et pour les employeurs du Québec, dans une force économique, moi, je pense que plus rapidement nous ferons des progrès et plus rapidement, bien, ces gens qui nous arrivent auront des chances de succès dans leur intégration. Alors, c'est un peu une porte que je vous ouvre en espérant que vous la garderez ouverte. Merci.
Le Président (M. Cusano): Merci, Mme la ministre. Je cède de nouveau la parole à Mme la députée de Marie-Victorin.
Mme Vermette: Alors, écoutez, moi, en fait, je suis très sensible aux propos que la ministre vient de vous apporter en fin de compte comme ouverture aussi. Parce que, si j'ai bien compris, effectivement, la Rive-Sud, et plus particulièrement Longueuil, chez nous, la nouvelle ville, on a eu à faire face à plusieurs changements majeurs, importants, puis même, encore là, on n'est pas sûrs de notre avenir. Donc, effectivement, je peux comprendre qu'il y a certaines préoccupations qui peuvent à un moment donné passer un petit peu plus à côté, même si c'est tout aussi urgent. Et finalement peut-être ce sera plus facile la journée où on sera... va savoir exactement qu'est-ce qu'on sera, ça, j'en suis convaincue, aussi.
n(18 h 10)n Mais il n'en demeure pas moins effectivement que l'immigration est une préoccupation constante. Même si, antérieurement, on avait des concentrations bien indiquées dans certaines villes, maintenant, c'est appelé de plus en plus à se développer. Il y a la proximité de Montréal qui fait qu'on a peut-être une réaction différente des autres régions, mais il n'en demeure pas moins qu'il ne faut pas compter exclusivement sur Montréal pour pouvoir régler nos problèmes, là, chez nous en tout cas, et d'autant plus au niveau de l'emploi. Je pense que ça, c'est drôlement plus... C'est important qu'on s'organise entre nous, d'une part.
Et ce que, moi, je souhaite, en tout cas, très important, aussi... Vous avez parlé beaucoup d'immigration d'affaires, de gens... Mais il y a aussi les réfugiés qui sont déjà chez nous, à l'heure actuelle, qui sont en Montérégie, sur la Rive-Sud, et, pour avoir échangé beaucoup avec ces gens-là, ces réfugiés-là, plusieurs nous ont dit: Écoutez, on est même prêts à avoir des... à accumuler des emplois inférieurs à ce qu'on était habitués de faire, malgré les compétences qu'on peut avoir, malgré certaines choses qu'on pouvait avoir, parce que ce qui est important, c'est de faire vivre notre famille, et ça, pour nous, c'est plus important que tout le reste.
Donc, il y a aussi une main-d'oeuvre qui est déjà là, prête, en tout cas, si on lui donne la chance, la formation. Bien sûr, ils vont être obligés d'être formés à certains égards, mais, si on leur donne la chance en fin de compte puis si tout le monde s'y met... Parce que Dieu sait que chez nous, en Montérégie... je connais plus la Rive-Sud, mais je connais aussi très bien la Montérégie, mais je sais qu'il y a énormément de ressources, il n'en manque pas. Il s'agit qu'il y ait une concertation bien orientée, bien organisée, qui ferait qu'en sorte effectivement on pourrait avoir une véritable formule gagnante. Je vous remercie.
Le Président (M. Cusano): Merci, Mme la députée. À ce moment-ci, j'aimerais vous remercier de votre présentation et de l'échange extrêmement intéressant.
Avant d'ajourner nos travaux, j'aimerais rappeler aux membres de la commission que demain matin, 9 h 30, nous avons une séance de travail, à la salle 3.31, sur le rapport de la Commission d'accès à l'information.
Alors, nos travaux... À cette heure-ci, on a tout fait notre boulot de la journée, alors les travaux sont ajournés à jeudi 4 mars, à 9 h 30, ici même, à la salle du Conseil législatif. Merci et bonne soirée.
(Fin de la séance à 18 h 13)