L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission de la culture

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission de la culture

Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le mardi 30 septembre 2003 - Vol. 38 N° 8

Consultation générale sur le document intitulé Une réforme de l'accès à l'information: le choix de la transparence


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-quatre minutes)

Le Président (M. Cusano): À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la commission de la culture ouverte.

Je désire vous rappeler que le mandat de la commission est de tenir une consultation générale à l'égard du document intitulé Une réforme de l'accès à l'information: le choix de la transparence.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Morin (Montmagny-L'Islet) remplace Mme Legault (Chambly).

Le Président (M. Cusano): J'aimerais rappeler aux membres de la commission que l'ordre du jour d'aujourd'hui est le suivant: cet avant-midi, nous entendrons la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, le Conseil de presse du Québec et la Société québécoise d'informatique biomédicale et de la santé. Cet après-midi, nous entendrons les trois organismes suivants: la Société québécoise d'évaluation de programme, l'Association nationale des éditeurs de livres et l'Association des archivistes du Québec. L'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes, qui devait être entendue à 16 heures, a demandé à ce que leur audition soit reportée à plus tard. Nous terminerons donc nos travaux à 17 heures plutôt qu'à 18 heures.

Alors, je demanderais à nos premiers invités de prendre place, s'il vous plaît, et, pendant ce temps-là, j'aimerais bien rappeler aux membres de la commission qu'il y a eu une entente au niveau des questions posées à nos invités, c'est par alternance et par blocs de 10 minutes chaque: 10 minutes pour le côté ministériel, 10 minutes pour l'opposition, et on revient par après pour un maximum de 20 minutes par parti politique.

Auditions (suite)

Alors, pour les fins du Journal des débats, je demanderais à nos invités de bien vouloir s'identifier, s'il vous plaît.

Fédération professionnelle
des journalistes du Québec (FPJQ)

M. Schnobb (Philippe): Alors, bonjour. Mon nom est Philippe Schnobb. Je suis secrétaire trésorier de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec. Je suis accompagné de Claude Robillard, qui est secrétaire général de la FPJQ.

Le Président (M. Cusano): M. Schnobb, je crois que vous connaissez très bien le fonctionnement des commissions parlementaires. Alors...

M. Schnobb (Philippe): Mais pas de ce côté-ci, par contre.

Le Président (M. Cusano): Vous avez 20 minutes pour nous faire votre présentation, et ce sera suivi par un échange de 40 minutes. Alors, la parole est à vous.

M. Schnobb (Philippe): Je vous remercie. La Fédération professionnelle des journalistes du Québec regroupe à l'heure actuelle 1 700 membres, et nous avons eu l'occasion à plusieurs reprises de venir donner notre point de vue en commission parlementaire sur différents projets de loi qui proposaient des amendements à la loi d'accès à l'information. Aujourd'hui, nous sommes ici pour examiner le rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information, un rapport qui nous a réjouis lorsqu'il a été déposé, parce que la Commission d'accès à l'information y prenait enfin l'initiative de prioriser l'accès à l'information après avoir, pendant plusieurs années, mis l'accent sur la protection de la vie privée. Et, en ce sens-là, ça allait tout à fait dans... correspondait aux objectifs de la Fédération des journalistes.

Il y a 20 ans, quand la loi d'accès à l'information a été adoptée, qui aurait pensé qu'un jour on pourrait être dans son salon en train de lire sur son écran d'ordinateur le discours du budget en même temps que le ministre des Finances? À ce moment-là, on se souvient, les caisses populaires fermaient à 3 heures le vendredi après-midi et, si on voulait avoir accès à des informations personnelles sur son compte de banque, il fallait attendre au lundi matin. Alors, on a beaucoup évolué. Moi, il y a six ans, quand j'ai commencé à couvrir les affaires municipales à Montréal, il fallait attendre des mois avant d'obtenir les résolutions du comité exécutif, qui avait lieu à chaque semaine. Tout ça se passait dans le plus grand secret, et ça donnait des airs louches à n'importe quel contrat de réfection de trottoir, sous prétexte qu'on ne pouvait pas savoir de quoi il s'agissait. Maintenant, la situation a été corrigée et on a les informations dès que la réunion s'est terminée, mais il y avait une culture qui datait de plusieurs années qui s'est corrigée tout récemment.

Mais aujourd'hui on peut, grâce à Internet, consulter une multitude d'informations sur les activités gouvernementales. On parle parfois même d'info-obésité ? j'ai vu qu'on avait lancé ce terme-là ici. C'est vrai, il y a beaucoup d'information, il y en a énormément, de l'information qui est accessible maintenant aux citoyens et qui l'était préalablement aux journalistes. Vous irez faire un tour à la Tribune de la presse et vous regarderez l'ensemble des documents qui, dans une journée, va tomber dans le pigeonnier des journalistes et vous seriez surpris de voir à quel point il y a des tonnes et des tonnes de papier qui se trouvent là tous les jours. Auparavant, les citoyens n'avaient pas accès à ces informations-là, et c'est vrai qu'il y a eu du progrès, parce que maintenant les citoyens, les contribuables ont accès, par Internet souvent, à tous les rapports, la plupart des documents qui sont accessibles à ceux qui sont ici, aux journalistes qui couvrent quotidiennement les travaux des parlementaires.

À travers les années, la Fédération professionnelle des journalistes a constamment salué tous les efforts qui ont été mis de l'avant pour élargir l'accès à l'information, et on a dénoncé aussi toute proposition qui visait à restreindre l'accès. La dernière fois qu'on a eu l'occasion de comparaître ici, c'était en 2001, au moment de l'examen du projet de loi n° 122 qui amendait la Loi d'accès. On avait plusieurs réserves, et on en avait profité aussi pour suggérer, à l'instar d'autres organismes, une nouvelle façon de concevoir l'accès à l'information qui s'appelait «la publication automatique de l'information», un élément qui est repris évidemment dans le rapport quinquennal de la Commission.

n (9 h 40) n

Le projet de loi n° 122 est mort au feuilleton, malheureusement, ou heureusement, parce qu'il y avait des aspects qui ne nous plaisaient pas du tout, et il faut repartir à zéro, parce que je pense qu'on s'entend pour dire qu'une réforme s'impose. Ce n'est pas normal que, dans nos bulletins de nouvelles à la télévision et dans nos journaux, lorsqu'on réussit à obtenir une information, on proclame et on claironne que cette information-là a été obtenue grâce à la loi d'accès à l'information, comme si on venait d'atteindre le sommet de l'Everest en solitaire. Parce que les journalistes qui doivent faire des demandes d'accès à l'information sont très heureux quand ils l'obtiennent, mais ça ne devrait pas être un exploit d'obtenir de l'information gouvernementale, ça ne devrait pas être un exploit d'attendre des années pour obtenir un document banal.

C'est sûr que la divulgation automatique de l'information ne réglerait pas tout, mais c'est quand même un pas dans la bonne direction si on met à la disposition du public des documents dont le contenu est pertinent. C'est sûr que de publier l'organigramme d'un ministère, un bottin téléphonique ou les règles de fonctionnement ou le plan quinquennal, ça ne nous sert pas à grand chose comme journalistes, quoique je dirais que le gouvernement fédéral met sur son site Internet le bottin complet de tous les fonctionnaires fédéraux, et ça peut être utile parfois, si on sait comment faire une bonne recherche, pour trouver le numéro de téléphone direct d'un fonctionnaire à qui on n'aurait jamais accès parce qu'il est derrière le paravent des attachés de presse.

Alors, on appuie la résolution d'instaurer la divulgation automatique de l'information, mais on insiste sur le fait qu'il ne faudrait pas croire qu'une information qui n'est pas divulguée automatiquement devient une information exclue automatiquement. On pense que la politique de divulgation, si jamais c'est le choix du législateur, devrait être élaborée avec des organismes qui représentent les utilisateurs de la loi à l'information, et à cet égard-là je dirais que, si les journalistes, qui devraient normalement être de grands utilisateurs de la loi d'accès à l'information, ne représentent que 3 % des demandeurs, c'est pour la simple et bonne raison que les délais, ne serait-ce qu'un délai de 20 jours, sont incompatibles avec les exigences de la production de journaux quotidiens ou de bulletins de nouvelles à répétition à l'intérieur d'une même journée. Et là je parle d'un délai de 20 jours qui peut devenir dans certains cas un délai de plusieurs mois, sinon de plusieurs années.

Alors, c'est pour ça que les journalistes, on est venus vous le dire souvent, ont recours aux vieilles... aux contacts et à la bonne vieille enveloppe brune, qui s'est modernisée, qui peut devenir un courriel ou qui se transforme en discussion de couloir ici, au parlement, pour avoir accès à des informations plus rapidement qu'avec la Loi d'accès. D'ailleurs, à notre avis, si on avait une publication de documents plus rapide et automatique, ça pourrait éventuellement faire concurrence aux enveloppes brunes, puisque les documents seraient publics, on saurait qu'ils sont publics, on saurait que les gens y ont accès et, à ce moment-là, on ne vivrait peut-être pas, comme décideurs, dans la terreur que telle ou telle information soit diffusée, puisqu'elle serait automatiquement diffusée, et les contribuables pourraient en prendre connaissance, comme les journalistes, dans certains cas avant que le processus décisionnel soit terminé.

C'est une de nos recommandations. La Commission suggère qu'il y ait un délai, que ce soit diffusé immédiatement après la prise de décision; nous, on dit: les avis de recommandation devraient être publiés avant la prise de décision de manière à ce que le public, les contribuables puissent enrichir aussi le processus. De toute façon, ça se produit dans certains cas. Quand des dossiers sont soumis au BAPE, par exemple, des projets routiers qui sont soumis au BAPE, bien, toutes les informations sont soumises au BAPE pour étude; alors, les contribuables, les citoyens peuvent avoir accès à toutes les informations avant que le processus soit définitivement arrêté. C'est sûr que tout ça peut provoquer des discussions et des débats, mais c'est le prix à payer, à notre avis, pour que la décision soit éclairée et légitime, à défaut de faire l'unanimité.

Pour conclure, je dirais qu'il a beaucoup été question de gouvernance ces derniers mois, en campagne électorale et auparavant. Les Québécois ont élu un nouveau gouvernement, le printemps dernier, qui dit vouloir moderniser l'État; on parle de réingénierie. On souhaite que cette réingénierie-là, si elle passe par des partenariats, n'ait pas pour conséquence que des activités de l'État seraient exclues de la loi d'accès à l'information, et on estime que la modernisation de l'État doit passer par une plus grande transparence pour que les contribuables puissent comprendre les décisions qui les affectent.

Alors, les membres de la Fédération professionnelle des journalistes, qui sont des témoins privilégiés du processus décisionnel, ont besoin d'une loi d'accès à l'information plus ouverte et plus souple pour remplir leur rôle de chien de garde, et on espère être convoqués à nouveau rapidement pour donner notre avis sur d'éventuels amendements qui pourraient être déposés pour moderniser la loi d'accès à l'information.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. Schnobb. Mme la ministre.

Mme Courchesne: Merci, M. le Président. D'abord, M. Schnobb, M. Robillard, merci beaucoup d'être présents parmi nous. Je sais que ce n'est pas la première fois que vous vous présentez devant la commission. Effectivement, vous vous avez toujours fait un devoir assidu de représenter votre Fédération lorsqu'il s'est agi de discuter de projets de loi, et, ce matin, malgré tout, vous resoulevez des questions importantes dans votre mémoire, et, je vous dirais, peut-être davantage, si vous me permettez ? et ça se voudra à la fois amical et constructif ? mais peut-être encore davantage parce que vous êtes journalistes et que vous représentez les journalistes.

Donc, on a beaucoup de mémoires qui sont devant nous qui vont dans le même sens: sur cette nécessité de changer probablement les cultures, cette culture de secret en une culture de complète transparence et en réclamant ce droit à l'information que nous partageons. Par contre, au fond, les documents... Et vous dites... Vous allez loin ce matin, parce que vous dites: Vous savez, nous, les organigrammes ou les numéros de téléphone...

Le Président (M. Cusano): Excusez-moi, Mme la ministre. Est-ce qu'il y a des cellulaires quelque part, là?

Mme Courchesne: Je m'excuse.

Le Président (M. Cusano): Est-ce qu'on pourrait le fermer? Continuez. Excusez-moi, Mme la ministre.

Mme Courchesne: De rien. Donc, vous dites même: Pour nous, journalistes, les organigrammes ou les téléphones ne nous sont pas nécessairement très utiles. Donc, au fond, ce qui est utile pour vous sont, et corrigez-moi si je me trompe, mais, à mon avis, sont les avis, les études, les recommandations, que vous souhaiteriez voir diffusés avant que le processus décisionnel soit complété. Là-dessus, je vous dirais que la majorité des mémoires disent: Nous, on est prêts à attendre dès que le processus est terminé.

Et, moi, ça m'amène à questionner, au fond... Vous êtes ceux qui donnez aussi de l'interprétation à ces documents. Il n'y a pas des journalistes qui ne font que dévoiler des faits, mais il y a des journalistes qui interprètent l'information et qui interprètent aussi ce qui est l'intérêt public, d'une certaine façon, forcément. Ma question, c'est: Est-ce que vous ne pensez pas qu'on enlève ainsi, je dirais, toute la liberté d'expression des élus, mais aussi la liberté d'expression de ceux qui les conseillent, de ceux qui formulent ces avis, de ces professionnels qui, en toute bonne foi, ont des avis qui peuvent être partagés ou non mais qui servent le processus décisionnel?

Et, la nature humaine étant ce qu'elle est, malgré tout le bon travail que peut exécuter un journaliste, il y en a des bons, des moins bons, il y en a des... est-ce qu'il n'y a pas une protection à se donner comme société, dans ce processus décisionnel, pour que ceux qui nous conseillent le fassent vraiment sans subir cette pression publique... qui de toute façon sera sujette à une interprétation mais qui n'est pas l'interprétation nécessairement de toute la vérité? Les journalistes ne détiennent pas nécessairement tout ce pouvoir d'être les seuls à interpréter correctement cet intérêt public.

Moi, j'aimerais vous entendre là-dessus. Parce que je ne vous cacherai pas même que les récents films que nous avons écoutés, et tout, nous interpellent aussi à ce niveau-là, puis j'y vois un certain lien entre ce que vous défendez et notre raison d'être ici ce matin.

Le Président (M. Cusano): ...

M. Robillard (Claude): Oui. Justement, sur le film, je peux peut-être vous retourner un petit peu l'argument. C'est que, vous avez vu, dans la couverture de presse avant la publication du film, que plusieurs journalistes ont dit: C'est effrayant, on montre des hommes politiques qui emploient des gros mots, c'est incroyable, bon, etc. Et donc, on s'attendait à voir ce film-là. Quand le film est arrivé, la population a dit: On a eu accès à l'information nous-mêmes, et ce n'est pas ça qu'on pense. Donc, le fait d'avoir accès à l'information brute, si on peut dire, et non pas à sa transcription ou à son interprétation a permis aux gens de se faire leur propre idée.

Et, récemment, c'est la semaine dernière, il y avait une manchette du Devoir, en haut de la page, à propos de votre collègue des Transports qui disait que le partenariat privé-public dans les routes allait pouvoir faire économiser beaucoup d'argent et qu'il avait des études en main mais qu'il allait les garder pour lui. Alors là c'est exactement ça, c'est que là on a une interprétation de la réalité qui est celle du ministre, qui dit: Mes études me disent que c'est très, très bon pour l'économie. Le citoyen et le journaliste, mais le citoyen surtout, qu'est-ce qu'il peut en penser, il ne le sait pas, parce que l'avis en question, ou l'étude, ou l'analyse, ou Dieu sait quoi, sur lequel la déclaration repose reste inconnu. Alors donc, on ne favorise pas le débat public. Et je crois qu'il faut faire appel à l'intelligence des gens et que plus les documents sont publics, plus les gens peuvent se faire une idée sur qu'est-ce que la réalité. Et donc, en tout cas, sur l'argument que les journalistes ne favorisent qu'une seule façon de faire, on peut le retourner en vous disant ça.

n (9 h 50) n

M. Schnobb (Philippe): Je pense que les journalistes aussi doivent contribuer à faire circuler l'information. Et, lorsqu'il y a des débats de société importants, c'est essentiel que les avis d'experts, sur différents dossiers, soient connus au moment où le processus décisionnel se fait. De toute façon, on peut obtenir des avis d'experts aussi parallèlement. Pendant le débat sur les fusions municipales, il y a de nombreux experts qui ont fait des études et qui n'étaient pas mandatés par le gouvernement, des études qui circulaient. Alors, le gouvernement aurait pu à ce moment-là aussi publier ses propres études. Ça a été fait à un moment donné dans le processus, il y a eu publication. Ça a été un processus long et ça a été fait en vrac, là, à peu près, mais, éventuellement, le gouvernement avait accepté de publier certaines études.

On pense... Claude parlait, lui, de la question des transports. C'est un fait, on aime... Il y a un débat sur comment moderniser les routes et comment partager les coûts, et ce serait intéressant que l'ensemble des contribuables puissent être au courant des études qui ont été faites à ce sujet-là, si elles existent.

Mme Courchesne: Mais ne partagez-vous pas l'observation, et, encore une fois, là, qui ne se veut pas méchante, mais à l'effet que les journalistes peuvent aussi censurer l'information? Les journalistes décident s'ils publient les résultats d'un sondage ou pas, décident de l'information sur laquelle ils mettent de l'emphase ou moins de l'emphase, et c'est là que ça devient aussi sujet à interprétation.

Le but de ma question, c'est de dire: Est-ce que effectivement cette divulgation de l'information automatique assure le citoyen nécessairement d'avoir, de votre point de vue, là, d'un point de vue journalistique... Parce que le citoyen, comme vous dites, ira toujours sur Internet s'il est intéressé par la question, mais, d'un point de vue journalistique, pour l'opinion publique en général, est-ce que vous ne pensez pas que les journalistes peuvent aussi décider et sélectionner un type d'information plutôt qu'un autre?

M. Schnobb (Philippe): Peut-être, sauf que, si le document est public et accessible à l'ensemble des citoyens, ceux que le dossier intéresse vraiment pourront aller lire le document et se faire leur propre opinion. Je veux dire, les journalistes sont là effectivement pour résumer certains aspects d'un document, et il est clair qu'il faut faire des choix, il faut décider l'angle que prendra notre reportage, parce que, à la télé, en 1 min 50 s, on ne peut pas non plus résumer un rapport de 300 pages.

Mme Courchesne: Vous savez, M. Schnobb, que vous influencez, vous façonnez l'opinion publique, là, de la majorité et non pas uniquement de l'individu que tel dossier pourrait intéresser plus spécifiquement. Et, je suis très transparente et franche, c'est sûr que c'est un sujet d'inquiétude pour des décideurs, et je pense que c'est même partagé des deux côtés de la table, hein, il n'y a aucune partisanerie. Ça s'adresse vraiment à la responsabilité des élus, qui ont à décider par rapport à cette réalité que nous vivons quotidiennement qui est, au fond, cette opinion publique que nous voulons tous influencer à notre façon. Mais je trouve que les journalistes...

Ne trouvez-vous pas que les journalistes ont un rôle crucial à l'intérieur de cette transmission de l'information? Je me dis qu'on fait porter à la Loi d'accès aussi un poids qui, à mon avis, est limité par ce qu'est une loi, aussi, et je voulais juste voir jusqu'où vous sentiez cette responsabilité, ou que vous faisiez ce lien, ou... Et surtout que, en tant que Fédération des journalistes, je comprends que vous êtes là pour représenter aussi toute la qualité de l'exercice de votre profession. Mais il me semble que c'est un débat qui mérite aussi d'être élargi, là, pas uniquement en termes de demander à la loi de répondre à certaines préoccupations, mais je vous dirais que, nous, ici, à la commission, on a la préoccupation inverse à l'égard des journalistes.

Le Président (M. Cusano): 40 secondes pour y répondre, M. Schnobb ou M. Robillard.

M. Robillard (Claude): O.K. Bien, écoutez, très rapidement, c'est qu'il n'y a... Nous, on est venus ici, à une commission sur l'accès à l'information, on est déjà comparus devant des commissions sur la concentration de la presse... Si l'information est largement publique, est largement disponible par, par exemple, la divulgation automatique, etc., il faut espérer que la presse soit assez diversifiée et qu'il y ait justement des mesures, qu'on demandait à votre... au gouvernement, mais pour que justement tout le monde ne dise pas la même chose. Alors, qu'un journaliste mette l'accent sur a et l'autre journaliste sur b, c'est normal, ça fait partie de la diversité des choses.

Mais ce n'est pas le procès de la presse qu'on doit faire ici, c'est l'accès des documents publics, au nom du public. Parce que, nous, on refuse d'avoir une perspective corporatiste, là, on ne veut pas dire: On protège un petit groupe de gens qui a des intérêts bien particuliers. Les journalistes servent l'intérêt public, ils veulent servir l'intérêt public, s'ils parlent d'un document, ce n'est pas pour se servir eux-mêmes, c'est pour informer le public. Donc, l'accès, la facilité d'accès, la large divulgation est un atout pour la société, à notre avis.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. Robillard. M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, je vous remercie. La discussion est fort intéressante, ça donne presque le goût d'y plonger, mais je pense que les minutes que nous avons ne permettraient pas, encore une fois, d'avoir un...

M. Schnobb (Philippe): Vous pouvez venir à notre congrès au mois de novembre, on va en débattre largement.

M. Bédard: Si vous m'y invitez, ça va me faire plaisir, sûrement pas comme conférencier, j'imagine, mais comme... comme sûrement...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bédard: Je vais m'y intéresser, sûrement.

Une voix: ...

M. Bédard: Mais c'est un débat intéressant parce qu'il soulève... qui est d'une autre nature, mais celui de, encore une fois... Et je pense que notre commission est prise dans la même situation, parce que ? et ce n'est pas le problème seulement des journalistes, on en discutait, même nous, membres de la commission ? si on vous dit... Tout sujet, je vous dirais, n'a pas toute la simplicité d'être rapporté en 30 secondes ou en 20 secondes. Et ce qu'on demande, souvent, aux journalistes, c'est de rapporter un sujet en 30 secondes, et, je vous dirais, plusieurs sujets, et tous de 30 secondes, qui normalement mériteraient des fois plusieurs minutes. Et c'est un peu le problème du traitement de l'information, et c'est un débat qui est plus large, comme le disait le ministre un peu plus tôt... Oui, l'accès à l'information, mais celui de... pour que le public, qui, lui, se sert des médias, ou par l'entremise des médias ? il peut le faire d'une façon personnelle, un individu peut le faire, et c'est ce que vise la loi, c'est ce que vise le droit à l'information, d'ailleurs, c'est le renseignement personnel ? mais celui plus large où les gens, on le sait, de façon plus commune, ont accès à l'information par le biais des médias. Ça soulève tout le questionnement plus du traitement, de l'approfondissement de ces informations que simplement celui de l'accès.

Mais, j'imagine, vous avez beaucoup de choses à dire, fort intéressantes, mais ? et ça pourrait faire l'objet d'une commission à elle seule ? mais c'est plus, ça relève plus effectivement, je pense, de vos instances, parce que viennent là, je pense, interagir des règles commerciales versus des règles d'éthique, des règles professionnelles qui gouvernent chacune des personnes qui, elles, traitent cette information par le biais, évidemment, des journalistes. Et ça, j'imagine que vous êtes... Vous êtes encore, j'imagine, plus conscients que nous de cette problématique. Alors, je pense même que, à certains égards, on peut, sans faire front commun, je vous dirais, avoir la même sensibilité par rapport à la difficulté que représente le travail.

J'ai lu l'ensemble du mémoire, j'ai vu plusieurs éléments sur lesquels... D'ailleurs, ça ne vous empêche pas de commenter, là. Je vais parler plus du mémoire, mais, si vous voulez apporter d'autres précisions, c'est tout à fait votre droit, cette commission n'a pas pour objet de vous brimer dans des répliques ou dans certains commentaires que vous pourriez faire.

Alors, j'ai pu constater que plusieurs éléments du rapport que vous avez... plusieurs des recommandations, plutôt, vous semblent... vous êtes favorables à l'ensemble des recommandations, que, aussi, vous êtes sensibilisés par rapport à, l'élément que vous mentionniez, la divulgation automatique. Et, simplement pour vous rassurer, nous en avons discuté amplement pendant la première journée d'auditions avec différents intervenants. Nous avons même eu une espèce de droit comparé entre ce qui se passait ailleurs et ce qui se passe ici. Donc, effectivement, on a beaucoup à apprendre. On donnait l'exemple, justement en matière de sondage ou d'environnement, où les gens pourraient avoir accès à de l'information... S'il y a un sujet qui soulève un questionnement, au lieu d'attendre les demandes, qu'il y ait plutôt... qu'on mette à la disposition du public cette information de façon plus large. Et ça, je pense que c'est votre voeu, c'est ce que j'ai compris, et c'est le voeu, je le pense, aussi de cette commission.

n (10 heures) n

Encore faut-il trouver les bons mécanismes et, je vous dirais, les bons... Et là vous parlez, vous, d'index harmonisé. Donc, ce n'est pas tout d'avoir l'information, il faut la trouver. D'ailleurs, la meilleure façon souvent de cacher l'information, c'est de la mettre au beau milieu d'une multitude d'informations. Et c'est le défi qu'aura chacun des ministères à partir du moment où nous adoptons cette façon de faire là qui est celle de la divulgation automatique, d'éviter, tout d'abord, de longues procédures, mais aussi de faire en sorte que cette information soit véritablement accessible.

Où j'aurais un questionnement un peu plus précis, au niveau du Conseil exécutif, il y a eu certaines recommandations à cet effet-là, on a eu plusieurs discussions. Vous aussi, vous dites, bon: Ramenons de 20 à 10 ans. Je me demandais, et la ministre nous a fait part des craintes que cela pouvait soulever par rapport aux prises de décision, mais avez-vous regardé ailleurs? Est-ce que vous aviez des comparables? Parce que, aux États-Unis, si je ne trompe, c'est 25 ans, si je ne trompe. Mais avez-vous des comparables, de façon à... qui pourraient justifier le fait de ramener sur une base aussi brève? Parce que, 10 ans, vous le savez, c'est quand même relativement bref, là, de ramener les délais au niveau de la communication, là, des éléments qui ont amené la prise de décision au niveau du Conseil exécutif.

M. Schnobb (Philippe): Ce qui nous a menés à cette recommandation-là, c'était le fait qu'on s'était... on estimait que 10 ans, c'est la durée normale d'à peu près deux mandats de gouvernement, et ça nous semblait suffisant, surtout qu'il y a une certaine alternance, historiquement, et qu'au bout de 10 ans on devrait être en mesure de pouvoir consulter les décisions du Conseil exécutif.

M. Bédard: Avez-vous des comparables? Non?

M. Schnobb (Philippe): Non.

M. Bédard: O.K. Peut-être avec vos...

M. Schnobb (Philippe): Ce n'est pas un exercice qu'on a mené, là, plus...

M. Bédard: ...plus avant. O.K.

M. Schnobb (Philippe): On n'est pas allé plus loin là-dessus, non.

M. Bédard: Avec vos collègues américains ou d'autres, même français, j'imagine, il doit y avoir aussi une protection. Alors, nous le ferons, nous, comme membres de la commission, de vérifier quels sont les différents délais qui gouvernent les États. Ou c'est peut-être une demande, peut-être, à la ministre que je ferais, peut-être avoir un petit éventail. Parce que, moi, ça me semble convenable, évidemment, mais, je pense, il faut toujours se questionner, et nous le ferons.

Vous avez soulevé des éléments intéressants...

Le Président (M. Cusano): ...vous allez nous fournir, Mme la ministre? C'est quoi...

M. Bédard: Ah! mais c'est une base de collaboration, comme nous avons depuis le début.

Le Président (M. Cusano): Oui, oui. Exactement.

M. Bédard: Simplement peut-être d'avoir... et j'imagine que les gens du ministère ont un peu... quelles sont les règles qui gouvernent les prises de décisions au niveau...

Une voix:...

M. Bédard: Oui, exactement, de régimes démocratiques, évidemment.

Mme Courchesne: M. le Président, ça me fera plaisir de fournir cette information. Et, même, je vous ferai part de commentaires sur une étude comparative entre le Freedom of Information Act des États-Unis et les exceptions qu'on y retrouve. C'est intéressant de voir qu'il y a beaucoup de similarités avec ce qui existe ici, ce qui justifie le je ne sais pas combien de millions de... 2 400 000 demandes d'accès aux États-Unis, aussi, malgré cette loi. Alors, on va vous communiquer ça aujourd'hui.

M. Bédard: Parfait. Merci. Vous avez soulevé des questions intéressantes par rapport à l'emploi du privé, et je vous dirais que c'est un questionnement, nous, comme élus, que nous avons aussi. Parce que, vous savez, peu importe par le biais que nous faisons, que le gouvernement le fait, et peu importe quel gouvernement, là, mais, à partir du moment où il y a évidemment la présence du privé, cela soulève beaucoup de difficultés par rapport à l'accès à cette information ? par exemple, les fondations, vous le savez, ou de créer des organismes parallèles, dont... ?qui ne permettent pas, tant aux élus, souvent, d'avoir un regard, mais je vous dirais même, lorsqu'on pousse un petit peu plus loin par rapport aux ententes privé-public, à ce moment-là, où, même... où le public... à l'information, est tout simplement presque annihilé par l'effet de ces ententes. Donc, je pense que vous soulevez un questionnement fort intéressant et que nous aurons l'occasion de pousser un peu plus loin.

Un des éléments. Vous faites part, au niveau du travail que fait la Commission, vous avez des questionnements, entre... son problème, entre la promotion et l'adjudication, et vous dites: Il y aurait peut-être lieu de séparer ces rôles. Je vous dirais, on a eu une recommandation d'un de vos membres ou collègues, là, M. André Pratte, au niveau de La Presse, qui, lui, proposait de nommer, de créer le poste d'un commissaire à l'information qui, lui, verrait finalement à faire pression, un peu comme le fait le Vérificateur, sur l'ensemble des ministères...

Une voix: ...

M. Bédard: ... ? deux minutes? ? sur l'ensemble des ministères et organismes, de façon continuelle. Donc, il n'aurait pas à être embourbé, parce que souvent c'est le cas dans des... bon, dans des séries de demandes, mais plutôt verrait, à l'intérieur de rapports, de recommandations, à faire en sorte que l'information... qu'on rencontre les règles relativement à la Loi d'accès, mais qu'on s'assure aussi que le processus est suivi. Et là, d'où vient aussi mon premier élément, donc, que les mécanismes de recherche fassent en sorte que finalement le public ait accès véritablement à cette information.

Qu'est-ce que vous pensez de la création d'un poste de commissaire, qui serait de la même nature que le Vérificateur, donc indépendant et...

M. Schnobb (Philippe): Il est clair qu'on peut se demander...

Le Président (M. Cusano): M. Schnobb...

M. Schnobb (Philippe): Pardon?

Le Président (M. Cusano): ...je veux seulement vous informer qu'il reste une minute pour y répondre. Et je demanderais en même temps, au niveau des membres de la commission, d'être brefs au niveau des questions pour qu'on puisse échanger le plus possible avec nos membres.

M. Schnobb (Philippe): Mais on est habitués de prendre 30 secondes, de toute façon, pour expliquer des dossiers complexes.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Schnobb (Philippe): Alors, je dirais qu'effectivement on se demande qui a le mandat de défendre l'accès à l'information et d'en faire la promotion. On a mentionné dans le mémoire, et on l'avait dit aussi dans le mémoire au projet de loi n° 122, qu'il y a lieu d'amorcer une discussion là-dessus. On n'est pas allé jusqu'à recommander ce genre de chose-là, comme a pu le faire M. Pratte, ou je pense que Raymond... Me Doray aussi, son mémoire va dans ce sens-là. On ne va pas jusqu'à recommander ce genre de chose là, mais on estime qu'il y a lieu effectivement d'amorcer une réflexion là-dessus. Il faut aller voir des expériences comparables pour voir si ça a vraiment... si c'est vraiment utile, si ça ne crée pas une surcharge, si ça ne vient pas complexifier le processus.

Mais on se demande qui a la responsabilité et le mandat de faire la promotion de l'accès à l'information, quand on regarde parfois des décisions... Dans le cas auquel je fais référence dans le mémoire, de la journaliste de la Gazette à qui la Commission d'accès à l'information avait refusé l'accès à des documents, et que c'est la Cour du Québec qui a été plus audacieuse, finalement, que la Commission d'accès à l'information. Alors, dans des cas comme celui-là, on se demande... on estime qu'on est un peu orphelins quand on a besoin d'accès à l'information.

On a besoin d'une plus grande ouverture, de quelqu'un qui en fait la défense, parce qu'il est clair que la plupart des médias n'ont pas les moyens, non plus, d'aller très loin dans le processus. Même à Radio-Canada, dans certains cas, il est arrivé un moment où, à la ville de Montréal, le greffier qui était responsable de l'accès à l'information me dit: Bien, amenez-moi devant la Commission, M. Schnobb, ça va me faire plaisir, parce que j'aimerais ça, vérifier si ce que je vous dis est juste. J'en ai parlé à mes patrons, et on avait tout simplement pas les moyens de se lancer dans une démarche semblable. Alors, il faut saluer le courage des médias qui décident d'aller de l'avant et qui sont prêts à passer des années devant les tribunaux ou dans les commissions de révision pour obtenir une décision.

Alors, effectivement, on estime qu'il y a lieu d'examiner ça, et, si ça faisait l'objet d'un projet de loi, bien, c'est certain qu'on irait plus loin dans notre analyse.

Le Président (M. Cusano): Écoutez, M. Schnobb, je passe la parole à Mme la ministre.

Mme Courchesne: Un petit peu dans la même foulée, mais pas tout à fait sur le même sujet. Il y a plusieurs intervenants qui nous disent qu'effectivement au fil des ans le droit à l'information a été un peu brimé aux dépens du droit au respect aux renseignements personnels et à la vie privée. Et, même, certains nous recommandent de séparer les deux rôles ou les deux lois, c'est-à-dire que la Commission d'accès à l'information ne soit plus nécessairement responsable de cette loi sur les renseignements privés, de la même façon que le droit à l'accès deviendrait un droit... un droit à l'information deviendrait un droit fondamental dans la Charte des droits. Moi, je voudrais avoir votre opinion à cet effet-là. Est-ce que le fait que ce soit le même organisme qui soit responsable des deux lois est un obstacle majeur?

Le Président (M. Cusano): M. Schnobb.

M. Schnobb (Philippe): Il est évident que ça crée certaines contradictions. Et on l'a constaté de toute façon ces dernières années, on a mis beaucoup plus l'accent sur la protection de la vie privée que sur l'accès à l'information. Et il y a des endroits où ça entre carrément en contradiction, quand on pense, par exemple, aux comptes de dépenses d'élus, aux comptes de dépenses de fonctionnaires, et tout ça. Est-ce qu'un fonctionnaire ou un élu qui rapporte un compte de dépenses, au restaurant, de 350 $, est-ce que c'est de la vie privée ou est-ce que c'est des dépenses publiques? Alors, bon, il y a des décisions qui sont contradictoires aussi à cet égard-là, et on estime, nous, que c'est un cas précis où il y a une distinction à faire entre l'accès aux informations privées ou... et aux informations publiques. Et, dans notre esprit, ce sont des informations...

Le Président (M. Cusano): M. Schnobb, vous permettez, juste une précision à ce moment-ci, parce que ça fait deux, trois fois que j'entends ça. Au niveau des comptes de dépenses de restaurant pour un député, nous n'avons pas de compte de dépenses pour des réceptions au restaurant, ou quoi que ce soit. Je sais pas d'où c'est que ça vient, mais on n'en a pas.

Une voix:...non plus.

Le Président (M. Cusano): Alors, si je vous invite au restaurant, c'est sur...

M. Schnobb (Philippe): Chez vous? D'accord.

Le Président (M. Cusano): Absolument.

M. Schnobb (Philippe): Mais, bon, je prends l'exemple, là, de...

Mme Courchesne: Les ministres aussi, là, dis-le.

Le Président (M. Cusano): Ah bon! Les ministres... On m'informe que les ministres...

n (10 h 10) n

Mme Courchesne: Les ministres non plus, on n'a pas de comptes de dépenses, là.

M. Robillard (Claude): Mais, sur la question de fond, l'aspect comme nominatif des dépenses, il y a une journaliste de la Gazette qui à un moment donné avait voulu avoir qui était invité à un party d'Hydro-Québec, qui était censé... et c'était présenté comme un événement de relations publiques pour les clients, donc des pratiques d'affaires qui peuvent être tout à fait justifiables, tout ça. Hydro-Québec ne voulait pas donner le nom des participants, parce que c'étaient justement des renseignements personnels. Finalement, ayant eu les noms des gens je ne sais pas trop comment, on s'aperçoit que les deux tiers ou les trois quarts des gens qui étaient à cet événement-là, qui avait coûté très cher, là, des centaines de milliers de dollars, étaient des employés d'Hydro-Québec. Donc, on appelle ça un party de bureau, on n'appelle plus ça un événement de relations publiques, là. Donc, savoir qui était là permettait de savoir quel événement c'était, cette chose-là. Et donc, là, il y avait un intérêt public à ce genre de chose là. Mais là il fallait avoir les renseignements nominatifs; sans ça, ce n'est pas une question de vie privée, c'est une question d'intérêt public et de nature de l'événement.

M. Schnobb (Philippe): J'ai assisté un jour à un cocktail à la ville de Montréal qui était prétendument pour donner les détails des préparatifs pour l'an 2000. Et je passais par hasard parce que j'allais assister à une conférence de presse, et je me suis rendu compte qu'il n'y avait là que des entrepreneurs. Et quand j'ai voulu avoir la liste des gens présents, on m'a dit que ce n'était pas possible, parce que c'étaient des renseignements nominatifs. Mais il était clair, au simple coup d'oeil, que la rencontre, qui était prétendument pour nous annoncer les festivités du Nouvel An, était destinée surtout à organiser une rencontre entre les entrepreneurs et les gens de la municipalité.

Par rapport à la vie privée, je vous inviterai à aller voir le site Internet de la Vérificatrice générale à Ottawa qui, de son propre chef, publie sur son site Internet la liste des gens avec qui elle a mangé, les voyages qu'elle a faits, l'endroit où elle a mangé, et tout ça sans que ne soit une obligation, et elle prêche par l'exemple. Et, si ça se faisait de façon automatique, il est certain qu'il y aurait au préalable de la part de tous ceux qui ont des comptes de dépenses ? parce qu'il y en a qui en ont, quand même ? il y aurait une... on s'assurerait que les dépenses qu'on fait, puisqu'elles seront publiques, sont justifiées et que personne ne pourra les contester. D'ailleurs, c'est intéressant, parce qu'aujourd'hui la même personne rend public son rapport sur les dépenses du Commissaire à la vie privée, qui ont fait l'objet de critiques dernièrement.

Le Président (M. Cusano): Oui, M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Moreau: Merci, M. le Président. Deux éléments. Premièrement, à l'égard de la structure, vous avez formulé des commentaires sur la structure, donc vous dites qu'il peut y avoir un problème. Mme la ministre vous a posé quelques questions là-dessus. On a entendu, plus tôt la semaine dernière, le président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, et effectivement, dans la Charte des droits et libertés de la personne, la Commission des droits de la personne et de la jeunesse a clairement, par l'article 71, le mandat de faire la promotion et le respect des principes contenus dans la Charte des droits et libertés.

Sur la question de la structure comme telle, est-ce que vous estimez que la Commission d'accès à l'information devrait avoir ce même mandat d'inscrit dans sa loi? Et, si oui, est-ce que vous estimez que la structure actuelle pourrait poser problème entre les pouvoirs de la Commission, qui est, d'une part, un tribunal, et, d'autre part, un enquêteur, et que ce tribunal et cet enquêteur ait un mandat de promotion?

Le Président (M. Cusano): M. Schnobb.

M. Schnobb (Philippe): Bien, ça rejoint ce qu'on disait tout à l'heure, je pense: il y a une contradiction dans ces mandats-là. Et, si on avait... si la Commission avait le mandat de faire la promotion, il est clair qu'il faudrait procéder à une réforme de la structure, également, ou qu'il y ait quelqu'un, que ce soit... que le commissaire d'accès à l'information soit responsable de la promotion uniquement et n'ait pas de rôle à jouer dans la prise de décision, dans le règlement de litige, et ça semblerait important. Et, comme on le mentionnait, on estime qu'il faut que quelqu'un soit responsable de la promotion de l'accès à l'information, c'est essentiel. Il faut trouver simplement le meilleur... la meilleure structure pour que ça se fasse de façon efficace et que ça ne vienne pas alourdir tout le processus, au fond.

M. Robillard (Claude): C'est ça. Si je peux me permettre une comparaison, c'est que, tu sais, là, c'est sûr qu'il y a un certain malaise en ce moment, il n'y a pas personne qui défend vraiment l'accès. Par contre, on s'est aperçu, quand on a fait notre dernier mémoire, sur le projet de loi n° 122, que la Commission avait fait beaucoup de promotion sur la protection des renseignements personnels. Dans son mémoire annuel, ils disaient que 11 des 12 faits saillants de l'année étaient: sensibilisation des fonctionnaires, enquête auprès des responsables, création d'un dépliant pour ci puis pour ça. En d'autres mots, la Commission en a mené très large sur la protection des renseignements personnels, dans le cadre actuel.

Nous, ce qu'on déplore, c'est que ça fait 10 ans, 12 ans que la promotion de l'accès est complètement oubliée. C'est pour ça qu'on a été très contents du mémoire de Mme Stoddart, qui pour la première fois disait: L'accès aussi, ça se défend. Les précédents mémoires... les précédents rapports, plutôt, de la Commission d'accès disaient: Les fonctionnaires n'ont pas nécessairement la culture de la protection des renseignements personnels, puis tout ça. Mais qui se préoccupe de la culture de l'accès? En ce moment, ça existe... tu sais, on laisse ça aller. Or... en tout cas, quand on avait présenté notre précédent mémoire, on avait relevé un certain nombre de cas où la loi d'accès est vraiment utilisée par des gens dans l'administration publique comme obstacle à des documents, là, banals, des procès verbaux, Dieu sait quoi. Ça peut être un harcèlement, même. Et ce n'est pas puni, ce n'est pas sanctionné, personne n'en entend parler. Le journaliste se bute à un mur qui dit: Passe par une demande d'accès. Là, tu as des mois de choses...

Donc, il faut qu'il y ait quelqu'un qui fasse la promotion de l'accès. Qui? Le débat est ouvert, là, tu sais, on n'est pas fermés à aucune proposition. Mais il faut vraiment qu'il y ait une promotion de l'accès qui se fasse.

Le Président (M. Cusano): Merci. M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Mais, si c'est sur le même thème, je ne veux pas non plus...

Une voix: ...

M. Bédard: Non? C'était sur un autre thème? O.K. Parce que je ne veux pas non plus rendre nos débats inintelligibles.

Un autre élément. Bien, seulement pour vous dire, effectivement, après seulement une journée, on a constaté... Vous parliez de culture du... Maintenant, ce qui s'opposait, c'est la culture, plutôt, du secret. Dans la prise de décision, on a toujours été, et ça, c'est normal... bien, c'est normal, je vous dirais que c'est une culture, voilà, elle s'explique par le fait que cela a toujours été comme ça, celle de toujours privilégier le secret, versus cette culture, plutôt, qu'on disait de faire en sorte que l'information soit plus accessible, donc d'être plus transparent, cette culture de la transparence.

Mais la Commission, je vous dirais, n'a peut-être pas tout à voir là-dedans. Elle peut sensibiliser, mais il reste que chacun des ministères a cette obligation de donner des directives et... chacun des ministres et les ministères, donc, et de voir à ce que... quel traitement nous allons faire de l'information. Et cela relève moins, je vous dirais, du commissaire... pas du commissaire, mais de la Commission, qui, elle, répond à des demandes ou même peut... et même peut sensibiliser des fonctionnaires. Mais cette culture relève principalement, je vous dirais, plus du gouvernement. Et d'où l'intérêt, je me dis, peut-être d'avoir un commissaire qui, lui, verrait, un peu comme le Vérificateur... peut donner des recommandations, mais ses recommandations ne sont pas exécutoires. Mais chacun des ministères se sent obligé d'expliquer, de suivre...

D'ailleurs, très souvent d'ailleurs, plusieurs des recommandations... En matière de gestion, le Vérificateur est responsable, entre autres, de toute, je vous dirais, la modification de la gestion par résultats, où il voyait, je vous dirais, à ce que chacun des ministères applique, ou les unités autonomes de service appliquent ces règles-là. Mais il était indépendant, il n'avait pas à répondre autrement que de faire des recommandations, s'informer de quels sont, bon, même à travers le monde, quels sont les procédés qu'on suit. Et, à partir de là, je donne à un organisme, par exemple, là, peu importe quel ministère: Vous ne répondez pas, je vous dirais, à des normes, même, qui existent au niveau de la divulgation d'informations, donc je... D'où l'intérêt peut-être d'avoir le commissaire, qui est différent de celui de la promotion. La promotion, c'est de la sensibilisation par rapport à la loi, mais, pour changer une culture, je pense qu'il faut aller un petit peu plus loin que ça.

Dans vos recommandations, vous faisiez état... Et là ça m'a surpris, c'est pour ça que j'aimerais avoir un peu plus votre réflexion par rapport à ça. À la recommandation 8 de la Commission, on dit: On «invite le législateur à examiner la possibilité de rendre accessibles les avis et [...] recommandations dès que le processus décisionnel est achevé», ce qui est quand même assez téméraire. Vous, vous dites: On va aller plus loin en instituant la publication des avis avant la prise de décision. Et là vous parlez de l'ensemble des avis. Et qu'est-ce que vous visez à travers un tel soucis de l'accès et, je vous dirais même, de l'information de quelqu'un qui va prendre une décision? Qu'est-ce que vous souhaitez, finalement, soit contrecarrer ou améliorer dans le processus décisionnel?

Le Président (M. Cusano): M. Schnobb.

n (10 h 20) n

M. Schnobb (Philippe): L'enrichissement du processus décisionnel. Si, par le biais des journalistes qui transmettront l'essentiel des avis ou dont les avis... si les avis sont accessibles au grand public, bien, d'autres experts pourront faire valoir d'autres opinions, on pourra... par le biais des médias, l'ensemble des citoyens pourront réfléchir aussi sur le processus décisionnel.

Il y a des dossiers qui évidemment n'auront pas de retentissement éclatant, là, mais il y a d'autres dossiers... Si on parle, par exemple, de l'avenir de l'entretien... du financement du réseau routier, bien, il serait intéressant que l'ensemble des contribuables puissent discuter de ça avec le gouvernement. On l'a fait dans le cas des garderies, par exemple; le gouvernement a fait trois propositions qui ont été étudiées par des... publiquement, et le gouvernement prendra une décision par la suite. Mais tous les gens qui avaient des choses à dire là-dessus, à la lumière de ce qui a été déposé, ont eu l'occasion d'en discuter publiquement.

M. Bédard: ...sur la personne qui donne des avis, qui doit, elle, je vous dirais, mieux recommander la personne qui prend une décision par rapport à l'intérêt public, mais plutôt de le mettre dans une... presque dans une joute médiatique où lui-même, dans ses avis, devra peser... en faire, je vous dirais, un acteur. Alors que, lui, ce n'est pas son rôle, d'être un acteur à ce niveau-là, c'est au ministre ou à la personne à prendre les décisions. Or, on fait comme... Par ce fait même, moi, je pense que ça aurait peut-être pour effet de le mettre carrément dans la position du décideur, alors qu'il a plutôt la charge d'informer la personne qui prend la décision. C'est un peu ma crainte, je vous dirais. C'est pour ça que je vous pose mon questionnement et vous...

Parce que je comprends votre souci: Nous ? ce que vous dites ? c'est qu'on souhaite que le débat soit large, donc, si tout est public, tout le monde vont participer au débat. Mais, moi, je vous dis: Pour que la personne prenne la meilleure décision possible, ça lui prend des avis qui ne font pas l'objet de pressions publiques. Parce qu'il y a des sujets qui sont... Est-ce que vous avez vu cet aspect-là qui pourrait avoir pour effet... pas d'influencer le décideur, qui, lui, est perméable aux avis, aux médias et aux pressions publiques, mais à celui qui, je vous dirais, conseille et fait des représentations dans un but purement d'informer la personne qui prend les décisions? Est-ce que ça n'a pas pour effet d'inverser les rôles?

M. Robillard (Claude): Si la personne a le but, justement, d'informer, si c'est des avis de stratégie ? voici notre stratégie, je ne sais pas, il y a trois, quatre stratégies possibles pour faire avancer telle chose ? bon, ça, on peut se poser des questions. Mais si c'est, par exemple, une étude ou quelque chose qui dit: Voici la route qui va de Saint-Donat à Mont-Tremblant ? c'est un cas réel ? il y a un organisme public qui a demandé une étude là-dessus, il y a juste eu les conclusions qui ont été rendues publiques, l'étude n'a pas été rendue publique au moment où un journaliste a essayé de l'obtenir, donc je dis: Mais pourquoi? Pourquoi ceux qui ont fait une étude sur la faisabilité d'une route de Saint-Donat à Mont-Tremblant, l'impact écologique, l'impact sur n'importe quoi, le commerce à Saint-Donat, puis tout ça, pourquoi tout ça resterait inconnu du public, alors que c'est de l'information que la personne spécialiste a faite pour aider quelqu'un? Pourquoi cette information-là, qui est objective, en principe, là, on a étudié le tracé, on a étudié l'impact, pourquoi ça resterait secret tant que la décision n'est pas prise? Il me semble que tout le monde a le droit de savoir ça, ce genre de chose là.

Le Président (M. Cusano): Merci.

M. Schnobb (Philippe): Comme je le mentionnais tout à l'heure, quand le BAPE étudie un dossier, l'ensemble des documents qui ont été déposés pour la prise de décision sont publics avant que le BAPE rende sa décision.

M. Bédard: Oui, effectivement, c'est le cas.

M. Schnobb (Philippe): Je veux dire, ça se produit déjà, là.

M. Bédard: Mais, vous savez...

Le Président (M. Cusano): Oui. Un instant, s'il vous plaît. Puisque nos intervenants n'ont pas pris tout le temps de parole au niveau de leur présentation, je vais permettre un deux minutes additionnel de chaque côté de la table. Alors, vous pouvez continuer pendant deux minutes, M. le député. Après ça, je vais passer la parole à Mme la ministre.

M. Bourdeau: Moi, c'est un petit peu au même sujet. J'ai un petit peu de la difficulté avec ça, là, lorsqu'on dit, là: Bien, on va demander les avis avant. Parce que, parfois, il y a des avis qui ne sont pas politiquement bien vus mais qui doivent être faits pour qu'on puisse prendre une décision, la meilleure décision. Premièrement, on a aussi été élus pour prendre ces décisions-là. C'est notre travail de le faire, aussi. Et ce que, moi, j'entends depuis le début, c'est... on dirait qu'on suppose toujours qu'il y a malversation. C'est un peu ça qui me dérange, aussi, dans ce débat-là, parce que ce n'est pas vrai, là. Il faut arrêter à un moment donné, là, de s'en mettre trop loin. Puis il y a des avis qui vont devoir être faits puis qui vont comme, je ne sais pas, dans... qui ne sont pas politiquement bien vus, qu'il faut qu'ils soient faits, mais, si c'est divulgué automatiquement, ils ne seront pas...

Une voix: ...conséquences économiques.

M. Bourdeau: ... ? exactement, les conséquences économiques ? ils ne seront pas... ils risquent de ne pas être faits ou ne pas être faits au complet. J'ai un petit peu de difficulté de ce côté-là. Et, l'autre chose, on est élus pour prendre des décisions, je veux dire, c'est notre travail.

Le Président (M. Cusano): Une réaction? Oui.

M. Schnobb (Philippe): Oui, j'ajouterais juste, parce qu'on en a parlé tout à l'heure, de la promotion, et tout ça, qu'on ne sait pas, de toute façon, pour l'instant quels sont les ministères qui répondent bien aux demandes d'accès, quels sont ceux qui répondent moins bien, parce qu'il n'y a aucune statistique qui existe. Et ça a fait l'objet d'une des recommandations du rapport, et on l'appuie, et on veut même aller plus loin, et on veut qu'il y ait plus d'informations, on veut savoir quel est le type de demandeurs, on veut savoir la nature des informations demandées, de manière à pouvoir, annuellement, avoir le palmarès des ministères qui sont le plus ouverts et qui sont le plus fermés. Je pense que, ça, c'est essentiel aussi pour avoir un bon diagnostic de l'accès à l'information. Et c'est extrêmement curieux, quand on veut le savoir, de se rendre compte qu'on n'a pas plus d'information que ça, au fond, et qu'on parle sur des impressions, au fond, et qu'on n'a aucun chiffre qui peut nous servir d'appui pour critiquer, au fond, ou se réjouir de l'application de la loi.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. Schnobb. Mme la ministre.

Mme Courchesne: Je vais prendre une minute, pour laisser ma collègue de Bellechasse poser une question. Mais juste deux choses. D'abord vous dire que... Vous-même, vous dites que la divulgation automatique peut avoir des effets pervers et ne pas nécessairement apporter toute l'information; c'est votre mémoire qui le dit. Moi, je vous dis que nous sommes aussi très ouverts et positifs quant à avoir des politiques de divulgation. De même que vous suggérez l'amélioration du rôle de la responsable à l'accès; nous partageons aussi ce volet-là.

Je veux juste être rassurée, en terminant, que les stratégies de négociation gouvernementale avec les syndicats font partie des documents que, dans votre mémoire, nous n'aurions pas à divulguer en cours de route. Parce que, vous comprenez, moi, je partage aussi l'avis de mon collègue de Berthier, qu'un gouvernement a été vraiment... et des élus sont encore capables de prendre des décisions requises sans avoir nécessairement l'imprimatur des journalistes, malgré tout le bon travail que vous en faites. Alors, rassurez-moi, que vous n'allez pas aussi loin que de dévoiler les stratégies de négociation gouvernementale avec le secteur de la fonction publique, par exemple.

M. Schnobb (Philippe): Je ne crois pas qu'on demandait, de toute façon, que les réunions du Conseil exécutif soient publiques. D'ailleurs, à Montréal, il y a eu des réunions du comité exécutif qui se sont déroulées en public, et...

Mme Courchesne: C'est avant, hein?

M. Schnobb (Philippe): Oui.

Mme Courchesne: Les avis sont d'abord soumis au Conseil du trésor avant d'être soumis au Conseil exécutif.

M. Schnobb (Philippe): Cela dit, si la loi d'accès à l'information est amendée, il y aura, dans les amendements, la liste des exclusions, je présume, et à ce moment-là on aura l'occasion de se prononcer sur chacune des exclusions.

Le Président (M. Cusano): Mme la députée de Bellechasse, et brièvement, s'il vous plaît.

Mme Vien: Et brièvement. Ce sera très bref effectivement. Bonjour, messieurs. Merci d'être là. Je me poserais une question, une réflexion aussi en même temps. Il existe une pratique ? et vous avez fait référence à ça un peu tantôt, M. Schnobb ? il existe une pratique franchement acceptée dans la profession journalistique, celle d'évoquer des sources anonymes et à partir desquelles on va écrire des articles, on va se prononcer, on va faire de l'interprétation, on va écrire des éditoriaux. Comment peut-on accepter qu'une telle pratique ? et je suis dans une réflexion ? puisse être acceptée, légitimée, alors qu'on a des réticences, dans la profession journalistique, à l'effet que certains documents, certains dossiers soient tenus, dans un certain délai, dans le secret? Je pose une réflexion. J'aimerais ça, vous entendre là-dessus.

M. Schnobb (Philippe): Oui, c'est... Je veux juste... Même si ça ne fait pas partie, au fond, de la loi d'accès à l'information, là, les sources anonymes ne sont jamais anonymes pour les journalistes. Elles requièrent l'anonymat, mais elles ne le sont...

Mme Vien: C'est parce que le public qui lit n'aura jamais la possibilité de vérifier la crédibilité, par exemple, de la source.

M. Schnobb (Philippe): Il y a des... je veux dire, on est réglé aussi. À Radio-Canada, on a le code d'éthique, par exemple, la politique journalistique, qui nous oblige, au fond, à divulguer à la direction qui sont nos sources, lorsqu'elles requièrent l'anonymat. C'est interne, mais la crédibilité d'organismes de presse repose aussi sur le fait que ces sources-là ont été validées, au fond, par la direction et que généralement on n'ira pas faire de reportage avec un document qui nous est parvenu dans une enveloppe sans qu'on sache d'où il vient, là, au fond.

n (10 h 30) n

Le Président (M. Cusano): Merci, M. Robillard, M. Schnobb pour... On pourrait continuer pour longtemps, je suis sûr, mais le temps imparti est écoulé. Alors, je tiens, au nom de mes collègues, à vous remercier. Et j'inviterais les représentants du Conseil de presse du Québec à prendre place.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Cusano): À l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais à nos invités du Conseil de presse du Québec de bien vouloir s'identifier pour les fins du Journal des débats.

Conseil de presse du Québec (CPQ)

M. Maltais (Robert): Alors, oui. Alors, à ma gauche, le président du Conseil de presse, Michel Roy; j'en suis le secrétaire général, mon nom est Robert Maltais.

Le Président (M. Cusano): Oui. M. Maltais, M. Roy, vous connaissez, je crois, le déroulement... vous connaissez très bien comment ça fonctionne ici, au niveau des commissions parlementaires. Vous avez un droit de parole de 20 minutes pour pouvoir présenter votre mémoire ou les explications de votre mémoire. Par la suite, il y aura un échange entre les parlementaires... les parlementaires ministériels et parlementaires de l'opposition. Alors, la parole est à vous.

M. Roy (Michel): Nous voudrions, idéalement, éviter les répétitions d'année en année et de groupe en groupe. Nous savons déjà que nos collègues qui nous ont précédés ont posé des problèmes que nous aimerions poser aussi, mais on essaiera d'être plus sobres et de vous laisser le temps de réagir devant nous, justement.

Il est évident que le Conseil de presse est préoccupé par la question de l'accès aux documents publics. Le Conseil de presse du Québec s'est exprimé ouvertement sur le sujet, en 2001, par voie de mémoire et en comparaissant en commission parlementaire. À l'instar de la Fédération professionnelle des journalistes, donc, qui nous a précédés, le Conseil de presse déplorait alors le fait que la culture du secret se perpétuait toujours au sein de l'appareil administratif, ainsi qu'à l'intérieur des organismes parapublics, et cela, en dépit de l'adoption, en 1982, de la loi de l'accès à l'information et des efforts déployés en deux décennies par la Commission d'accès à l'information du Québec visant à favoriser la transparence de l'État, qui est un peu l'objectif ultime ? la transparence. Le paysage de l'accès aux documents publics a toutefois évolué depuis les audiences de cette commission parlementaire tenue en juin 2001 et la publication du plan quinquennal de la Commission. Dans son analyse de la situation, le Conseil a pris en considération le plan de développement de la Commission d'accès ainsi que les rapports d'experts commandés par le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. Nous tiendrons donc compte de l'ensemble de ces éléments dans le présent mémoire, que nous ne vous lirons pas trop longtemps, j'espère.

Il n'est peut-être pas inutile de rappeler succinctement le rôle et la raison d'être du Conseil de presse, conscience et chien de garde, comme nous l'appelons, de la presse tant écrite que parlée. Le Conseil de presse veille depuis 30 ans sur la liberté et la qualité des médias québécois et il est en rapport direct avec le public qui, comme vous le savez, nous adresse régulièrement des plaintes que nous examinons.

Organisme d'autorégulation créé sous l'initiative conjointe des journalistes et des entreprises de presse, auquel se sont associés dès le départ des membres du public grâce, à l'époque, à une participation financière du gouvernement du Québec, le Conseil est donc né des besoins convergents et des inquiétudes communes de ces trois composantes: le public, les journalistes et les entreprises de presse. Il est depuis lors tripartite, de même que tous ses comités. Il y a toujours, idéalement, un nombre égal de représentants du public, de représentants des entreprises de presse, des représentants des journalistes. Il est depuis lors tripartite et ses membres constitutifs sont les suivants, je les énumère rapidement: les quotidiens du Québec ? ça fait quand même beaucoup de papier! ? l'Association canadienne de la radio et de la télévision de langue française, Les Hebdos du Québec, Radio-Canada, Télé-Québec, Quebecor et la Fédération des journalistes du Québec, que nous venons d'entendre. 22 personnes composent le conseil d'administration du Conseil de presse, soit sept représentants du public, sept délégués des journalistes et sept représentants des entreprises de presse. La présidence que j'exerce est en quelque sorte le représentant du public. Je ne suis pas là comme journaliste, mais comme protecteur du public. Certains me reprochent d'être encore un journaliste, mais je leur dis que je ne le suis plus.

Au coeur du mandat du Conseil domine la fonction d'ombudsman de la presse. L'ombudsman de la presse, c'est celui qui regarde de près ce qu'elle fait et qui signale les erreurs, les écarts, etc. Ainsi, depuis sa fondation, le CPQ a été appelé à se pencher, à titre de tribunal d'honneur, sur plus de 2000 cas de plaintes ? 2000 ? 2000 cas de plaintes émanant de citoyens, d'organismes et d'entreprises de toutes les régions du Québec, soit des membres de la communauté journalistique soit des membres des deux autres groupes que nous avons.

Les décisions rendues par le Conseil depuis 30 ans, de même que la centaine d'avis publics qu'il a publiés au fil des ans, font jurisprudence en matière d'éthique de l'information. Le Conseil de presse agit en somme comme protecteur du citoyen en matière d'information, et le service qu'il dispense à cet égard à la population possède incontestablement un caractère public. Je vous donne tous ces détails pour bien nous distinguer d'autres organismes. Nous sommes en relation constante et directe avec le public. Pour les membres du Conseil, tous les citoyens québécois ont droit à l'information. Cela a été dit et répété mille fois, je le répète parce que je sens que c'est aussi le souci de ceux qui nous ont précédés et que c'est également le vôtre. Il s'agit d'un droit fondamental pour toute démocratie digne de ce nom. Il est déjà inscrit dans la charte québécoise. Il est inscrit sous une forme un peu laconique; l'idéal serait de développer un peu cette notion dans un éventuel amendement. Aussi sommes-nous pleinement d'accord, dans l'esprit de cet énoncé, avec la recommandation 2 du plan quinquennal de la Commission proposant une reconnaissance formelle du droit à l'information par le législateur. Alors... et la Commission invite les législateurs à s'interroger sur la pertinence de modifier la Charte des droits et libertés de la personne afin que ce droit à l'information puisse jouir d'une protection équivalente à celle des libertés et droits fondamentaux, droits politiques et droits judiciaires.

n (10 h 40) n

Avant toute chose, le Conseil reconnaît et tient à saluer le chemin parcouru par la Commission d'accès depuis sa création, en 1982, n'est-ce pas. Au chapitre de l'accès à l'information gouvernementale et de la protection des renseignements personnels, on peut dire qu'un bon bout de chemin a été fait. Si un certain nombre de ministères et d'organismes publics ont cheminé progressivement vers une plus grande transparence en divulguant volontairement de l'information sur leurs activités, entre autres par le biais de leur site Internet, d'autres ont manifesté, en revanche, une quasi-absence d'ouverture pour répondre adéquatement aux attentes des citoyens et des médias d'information. Soulignons qu'il est souvent ardu pour les journalistes d'accéder à des documents présumés publics. Ceux-ci doivent faire preuve d'ingéniosité et recourir à des voies de contournement pour avoir accès à l'information recherchée. Une situation qui explique, au surplus, la fréquence du recours à la Commission d'accès par un grand nombre de journalistes.

Il faut maintenant aller plus loin, et je vais demander à mon collègue de poursuivre la lecture de ce travail.

Le Président (M. Cusano): M. Maltais.

M. Maltais (Robert): Oui. Alors, concrètement, nous, ce qu'on souhaite, c'est que... Dans le fond, depuis 30 ans, la Commission d'accès tente de renverser une vapeur. Au départ, finalement, tout était secret dans l'appareil de l'État, sauf exception. Alors, ce qu'on pense, nous, c'est que tout doit être public, sauf exceptions. Alors, il faut modifier, il faut modifier, finalement, la mentalité, travailler sur les moeurs. Et la résistance que nous observons dans l'appareil de l'État, c'est d'abord dans les organismes à vocation économique. On a vraiment peur, tout est secret, alors qu'on sait très bien que le travail de la Commission d'accès à l'information a montré au cours des années que la grande majorité des cas de refus de donner de l'information, de donner des documents, n'étaient pas justifiés. Alors, il y avait une crainte, une crainte institutionnalisée. Beaucoup, beaucoup de fonctionnaires n'osaient pas rendre des documents publics. Nous avons, nous, trouvé fort intéressant le plan ? comme la Fédération des journalistes, d'ailleurs ? le plan quinquennal de la Commission d'accès, particulièrement là où il s'agit d'adopter une politique d'information dans chacun des ministères, politique de communication des documents. Non seulement une politique, mais concrètement faire quoi après, avoir un plan de communication et, dans ce sens-là, en toute logique, tenir un registre de tous les documents qui devraient être transmis. Donc, autrement dit, maintenant, que l'État puisse institutionnaliser dans tous les ministères, dans les organismes parapublics, cette procédure de manière à ce que la politique de communication soit claire partout, qu'il y ait un plan de communication également, qu'il y ait un index général de l'ensemble de la documentation que les organismes publics et parapublics possèdent.

Alors, nous sommes pleinement d'accord avec ces recommandations, particulièrement ? comme l'a dit mon président tout à l'heure, si possible, si vous y êtes favorables, nous recommandons chaudement que ça puisse se faire ? l'enchâssement à l'intérieur de la Charte des droits de la personne de... même s'il est... Il est purement... très, très timide. Le droit à l'information est là, mais ? c'est ce que vous disiez, M. Roy, tout à l'heure ? c'est vraiment très laconique. Est-ce que c'est possible que le droit à l'information puisse être reconnu au même titre, au même niveau que des droits fondamentaux? C'est ce que nous souhaitons. Nous souhaitons donc que ça puisse être enchâssé à l'intérieur de la Charte.

Alors donc, la Commission d'accès, pour nous, a fait pour nous de l'excellent travail. Par contre ? et je vous entendais tout à l'heure poser des questions à nos prédécesseurs ? nous aussi, nous voyons un problème à ce que la Commission d'accès chapeaute à la fois l'accès aux documents publics et la protection des renseignements personnels. À nos yeux, il y a une contradiction, il y a un affrontement, et ce n'est pas vraiment évident. Je pense qu'il eût été mieux que deux organismes gèrent ces deux politiques, ces deux concepts très, très différents. Nous serions favorables. D'ailleurs, il y avait une insistance indue avec le projet de loi précédent, le projet de loi n° 122, sur la protection des renseignements personnels. Oui, c'est important, la protection des renseignements personnels, mais il ne faut pas que ce soit, que ça vienne, si vous voulez, contrecarrer, bloquer, jeter de l'ombre sur l'accès aux documents publics.

Voilà pour l'essentiel de ce que nous avons à dire ce matin, et, évidemment, on va redire une fois de plus que la Commission d'accès à l'information, à notre sens, a bien travaillé, que son plan quinquennal est tout à fait réaliste et qu'on endosse la grande majorité des recommandations qui sont comprises dans le plan quinquennal de la Commission d'accès à l'information. Vous avez... Bon, voilà l'essentiel. On voulait vous faire une synthèse. Si vous avez des questions, il nous fera plaisir d'y répondre.

Le Président (M. Cusano): On peut procéder aux questions. Mme la ministre.

Mme Courchesne: Merci, M. le Président. D'abord, M. Roy, c'est vraiment un grand plaisir de vous avoir parmi nous ce matin. M. Maltais, merci d'être là, encore une fois, de nous donner votre point de vue très éclairé sur cette question-là.

Vous soulevez, comme d'autres l'ont fait, mais une question qui est très importante eu égard à cette nécessité de reconnaître dans la Charte le droit à l'information comme un droit fondamental, puisque, en ce moment, il est reconnu comme un droit social et économique. Et vous dites d'emblée que, déjà, le droit au respect ? à la vie privée ? des renseignements personnels, c'est important, mais il ne faudrait peut-être pas trop exagérer puis il faudrait peut-être donner au droit à l'information la même importance. Mais est-ce que vous ne pensez pas que, si nous procédions à cet amendement à la Charte, nous ne ferions qu'augmenter, justement, les recours aux tribunaux, les situations conflictuelles, les difficultés de trancher entre ce qui... quel droit est plus fondamental, de l'un par rapport à l'autre? Et je soulève cette remarque-là d'autant plus que je trouve ça intéressant que M. Roy nous dise que le rôle du Conseil de presse est justement de protéger le citoyen. Je comprends qu'on peut le protéger en lui donnant de l'information, mais on peut aussi lui nuire en divulguant de l'information.

Donc, je voudrais comprendre comment on peut résoudre ce qui, en apparence, apparaît comme étant tout à fait correct, d'avoir un droit fondamental à l'information, mais qui, dans les faits... Et pour le citoyen, moi, ma préoccupation, là: en quoi le citoyen serait mieux servi si on reconnaissait le droit fondamental à l'information au même titre que celui de la vie privée?

Le Président (M. Cusano): M. Roy.

M. Roy (Michel): Vous posez un problème très réel et que d'autres ont posé un peu à votre manière dans le passé, en disant: Le droit à l'information, oui, mais à quelle information, n'est-ce pas? Et, à cette deuxième question, on tarde à répondre. Même en Europe, quand on a fait la Charte, après la guerre, on s'est posé cette question-là. Oui, il faut que tous les citoyens aient un droit à l'information. Et puis après, on a découvert que ça fait beaucoup de choses; si chacun réclame sa part d'information, laquelle? On a quelques problèmes avec ça; on n'a pas plus trouvé à l'étranger qu'ici une réponse claire, nette et concrète. On veut essentiellement parler d'une information qui est publique, qui devrait être publique parce qu'elle intéresse les communautés, elle intéresse la société dans son fonctionnement, elle intéresse les législateurs, elle intéresse les sociétés économiques, etc.

Mais quelqu'un pourrait lever la main et dire: Je voudrais qu'on m'éclaire sur le rôle exact d'un tel dans votre gouvernement, et, en invoquant le droit à l'information, je crois que là on trébucherait sur plusieurs obstacles. Par conséquent, oui, nous pensons qu'il faut insérer ce droit dans la Charte, mais, quant à sa formulation exacte, j'aimerais entendre ceux d'entre vous ou d'autres experts qui pourraient nous donner des avis là-dessus. Je serais, quant à moi... Au total, nous sommes toujours pour l'information, tout le monde a droit, mais il faut quand même se poser certaines questions. Lesquelles informations, n'est-ce pas?

Le Président (M. Cusano): Mme la ministre.

Mme Courchesne: J'apprécie le fait... Et qui est l'arbitre, en fait, aussi? Parce que, actuellement, ce droit, il est hiérarchisé, dans la Charte. Donc, le législateur avait cru bon de le faire à ce moment-là, mais j'apprécie le fait que, comme nous, vous continuiez à vous poser des questions sur cet aspect-là.

n (10 h 50) n

Cela dit, je voudrais peut-être vous amener à un aspect intéressant. Je crois que vous êtes à peu près le seul qui l'avez abordé de cette façon, quand vous dites que nous devons faire un changement de cap dans la structure et la façon de travailler de la Commission, et vous proposez que la Commission puisse jouer un rôle plus important dans le domaine de la médiation. Alors, moi, je voudrais vous entendre, je voudrais que vous soyez plus explicite sur ce rôle que vous aimeriez que la Commission joue davantage. Qu'est-ce que vous voulez dire par ce rôle de médiation? Entre qui?

Le Président (M. Cusano): M. Maltais.

M. Maltais (Robert): Eh bien, vous avez, entre autres dans un des rapports d'experts que vous avez commandés, Me Doray, je pense... qui explicite beaucoup. Alors, on a trouvé assez intéressant ce rapport-là où il recommande, entre autres, lui également, que la Commission puisse jouer un rôle plus grand de médiateur. À nos yeux, c'est que l'approche, souvent, à la Commission est conflictuelle. Avant d'arriver à un conflit... comme, nous, au Conseil de presse, on tente de favoriser un rapprochement des parties, une médiation. Est-ce que, par exemple, un citoyen qui se plaint d'un média a d'abord tenté de parler à la direction de ce média-là? Nous tentons donc d'essayer de favoriser un rapprochement.

On croit savoir que la Commission tente modestement de faire de la médiation, mais ça n'a pas l'air très, très systématique. Et, avant donc de déployer des efforts et d'entendre un grand nombre de causes, peut-être y a-t-il lieu d'accentuer cette première étape qui va certainement faire que la Commission, en bout de ligne, aura moins à siéger sur les dossiers. Parce que parfois, vous savez, il y a des malentendus. Nous, on constate qu'entre des citoyens et des médias il y a parfois de simples malentendus, et qui fait qu'une fois que les gens se sont parlé, bien le problème est réglé. On s'est mal compris. C'est vrai que notre présence favorise un dialogue. D'ailleurs, je présume que, de la même manière, la présence de la Commission d'accès à l'information, dans un dossier où il y a un différend, ne peut que favoriser, bon, un dialogue ? forcer un peu un dialogue ? et peut-être un règlement. C'est dans cet esprit-là, et on pense que la Commission devrait jouer un rôle plus grand de ce côté-là. Elle est vraiment très timide, à notre sens.

Le Président (M. Cusano): Merci. Vous voulez continuer?

Mme Courchesne: Il reste combien de temps?

Le Président (M. Cusano): Oui, il vous reste trois minutes et demie.

Mme Courchesne: Donc, j'imagine que ce serait parmi... Parce que vous dites aussi que ce qu'il faut insuffler à la Commission, ou à la façon de faire, ne peut pas se limiter à un changement de nature législative, parce que, au fond, c'est un changement de moeurs et que le problème est plus profond. Alors, est-ce que vous avez d'autres types de conseils pour changer cette culture du secret et changer cette mentalité?

M. Maltais (Robert): Le changement, je pense que le leadership doit être assumé par les législateurs que vous êtes et... Parce que, finalement, quand on parle de changement de cap, on ne pense pas à un changement de mentalité qu'au sein même que de la Commission d'accès, hein? Ce changement de mentalité, il doit se faire à l'intérieur de tous les organismes publics et parapublics. Il faut que tous les... enfin, que tous les fonctionnaires et les hauts fonctionnaires du gouvernement sachent qu'il y a une volonté législative, il y a une volonté des élus que l'État soit transparent, également, et qu'ils ont le feu vert pour que ce soit fait, et qu'il y a des politiques.

Si vous êtes, par exemple, favorables à ce que chaque ministère ait une politique d'information puis un plan de communication, je pense que ça va insuffler... et je pense que c'est peut-être particulièrement à vous, comme représentants du peuple, à insuffler ce changement de mentalité. Parce qu'il y a un problème de mentalité.

Si les journalistes sont perçus comme des emmerdeurs par beaucoup ? disons la vérité, c'est à peu près le cas ? par un grand nombre de fonctionnaires, ils ont un travail à faire. Bon. Les journalistes, aussi, doivent respecter les gens, je pense que le respect doit être réciproque, mais ce ne sont pas des emmerdeurs. C'est un travail public; il y a un travail à faire. Alors donc, c'est sûr que l'accueil n'est pas très, très favorable. Alors, un journaliste appelle dans un ministère, et le fonctionnaire se dit: Non, mais c'est qui encore, cette espèce de, bon, bref, d'extraterrestre! Vous savez, donc, il y a un travail de fond à faire au plan des moeurs et des mentalités au sein même des ministères et des organismes parapublics pour qu'il puisse au moins y avoir une forme de dialogue, là.

M. Roy (Michel): Et ce qui...

Le Président (M. Cusano): Oui.

M. Roy (Michel): Un mot seulement. Ce qui nous a aidé, au Conseil de presse, c'est que, depuis que nous avons la composante publique, des représentants, des citoyens ordinaires, en somme, qui viennent s'asseoir parmi nous et qui, au bout d'un moment, disent tout ce qu'ils pensent, je trouve ça très sain que nous ayons à entendre cela, en débattre avec eux, à leur expliquer, et souvent très sain qu'ils nous donnent la réplique à leur tour en disant qu'on n'a pas vraiment fait ce qu'ils demandent, que ce n'est pas seulement le gouvernement, c'est nous, au Conseil de presse, qui sommes trop timides dans certains cas et qu'on devrait intervenir plus souvent auprès de vous, par exemple. Alors, cette composante-là du public est très importante, au point que beaucoup de nos collègues souhaitent que le public représente désormais la moitié des délégués au Conseil de presse. Voilà.

Le Président (M. Cusano): Merci. Je cède maintenant la parole au député de Chicoutimi.

M. Bédard: Merci. Je vous remercie de prendre la peine et de nous faire état de vos vastes années d'expérience. Alors, moi, comme jeune parlementaire, j'en prends bonne note et je vous remercie de prendre le temps de discuter avec nous de cette question.

Je vais être relativement bref, mes collègues ont d'autres questions, et votre mémoire est assez, je vous dirais, précis en matière de recommandations. Je pense qu'il fait bien état, là, des différentes demandes.

Je vous dirais, entre autres, la recommandation 11 qui est fort intéressante, celle de... Et souvent, des fois, je vous dirais que l'évidence... il faut revenir à l'évidence et il faut répéter l'évidence pour qu'elle finisse par s'appliquer, là: «La Commission recommande donc que les responsables de l'accès aux documents puissent avoir la possibilité, dès leur entrée en fonction, de suivre une formation portant sur la Loi sur l'accès.» Et je vous dirais même d'avoir aussi un suivi quant à cette formation, ce qui n'existe pas actuellement.

Alors, quand on lit ça ? je l'ai lu dans deux rapports actuellement, là, il y avait même, je pense, Me Doray aussi qui nous a fait part de cette problématique-là, et, écoutez... Mais c'est bien que vous le mentionniez; la commissaire en a fait état aussi, et, je pense, c'est la moindre des choses effectivement que ceux qui ont cette responsabilité aient, eux aussi, l'information nécessaire pour la juger. Et la meilleure façon de changer une culture, c'est peut-être en faisant en sorte que le responsable ait toute l'information nécessaire, aussi, hein.

On pourrait parler de culture longtemps, mais, je vous dirais, un des éléments sur lequel j'ai un petit peu plus de questionnement... Vous dites: La Commission actuellement a deux mandats qui sont antinomiques ou qui sont, je vous dirais, opposés: celui de la protection des renseignements privés ? est-ce que c'est ça que j'ai compris? ? et celui de l'accès à l'information. Et là, je vous dirais, moi, au contraire, opposés peut-être, mais nécessairement imbriqués; je vous dirais plus, sûrement, là, parce que dans toutes... ou je ne vous dirais pas dans toutes, mais dans la plupart des cas où, justement, il y a des demandes d'accès, il y a un côté de protection des renseignements privés autre que celui, bon, des prises de décisions. Et je vous dirais que ces deux mandats-là vont comme, selon ma vision des choses ? mais c'est pour ça que je veux échanger un peu plus longuement avec vous ? vont plus de pair qu'ils sont opposés. Alors, j'aimerais peut-être avoir votre opinion là-dessus, un peu plus développée.

M. Maltais (Robert): Oui. On n'a pas de recette magique, hein. Nous, on pose des questions et on s'interroge, et on ne voudrait pas vous dire: Bien, voici la recette miracle. C'est que, finalement, l'un et l'autre, dans le passé, constatons qu'ils sont entrés en collision parfois, hein, et la collision, pour nous, était d'autant plus évidente que le projet de loi n° 122 mettait particulièrement et presque exclusivement l'accent sur la protection des renseignements personnels.

Alors, on s'est dit: Bon, est-ce que la commission... Si la commission ne travaille... Et on est tout à fait d'accord que c'est important. Quand, par exemple, les journalistes demandent des informations, il faut protéger les renseignements personnels, ce que, vous, vous appelez nominatifs, ça, c'est évident. Alors, est-ce qu'il y a moyen que la Commission, que cet organisme-là puisse faire l'un et l'autre? C'est possible. Mais nous disons que, si on regarde les 10 dernières années, on a vu quelques collisions, ce qui nous faisait douter de la pertinence que ça puisse siéger sous le même chapeau.

Alors, peut-être qu'il y a un remède à ça et qu'il y a deux voies différentes, il y a des responsables et une question d'organisation et de structures à l'intérieur de la Commission d'accès à l'information. Peut-être. Mais, voilà, ce qu'on souhaite éviter, c'est qu'il y ait collision. Et on comprend bien que c'est important de protéger les renseignements personnels et que, quand un journaliste et des médias d'information demandent accès à des documents, ces renseignements d'ordre nominatif doivent être exclus, c'est tout à fait normal. On ne revendique pas ça. Voilà.

Alors, c'est un problème peut-être de structure interne de la Commission d'accès à l'information. Nous avons posé la question; nous n'avons pas, cependant, la réponse, et je pense que c'est votre travail que d'y voir.

n (11 heures) n

M. Bédard: Ce que j'ai compris de vos craintes, c'est que c'est plus sur l'aspect de la promotion, j'imagine. Est-ce que c'est cet aspect aussi qui vous causait problème? Comme la Commission a pour but de protéger, donc aussi a pour but de protéger... Et c'est vous ou le groupe d'avant qui disiez... D'ailleurs, il y a eu plusieurs formations de fonctionnaires visant à ce que les fonctionnaires, justement, soient conscients de cette réalité de la protection des renseignements. Comment, donc, viser à ce que finalement on donne un même statut à l'accès de l'information, qui, lui, a un défendeur? Parce qu'il faut le dire, à travers le droit à l'information, il y a l'accès du public à l'information, qui, elle, est défendue quand même, je vous dirais, par les médias en général.

Or, les renseignements privés, eux, ne sont protégés par personne. À tous les jours, je vous dirais que toute personne a conscience, et, je vous dirais, nous, comme membres du Parlement, qui édictons les lois et règles... mais, à tous les jours, il n'y a personne qui va prendre le micro pour dire: Écoutez, moi, je défends, de façon globale, les renseignements privés. Et c'est cette difficulté de voir comment on peut finalement, sans qu'un n'empiète pas sur l'autre d'une façon éhontée... Parce qu'il y a quand même une réalité, à tous les jours, où les deux, je vous dirais, se côtoient d'une façon très précise et très réelle.

Et c'est pour ça que je me posais la question, l'idée... bien, je ne me posais pas la question, plutôt, c'est des recommandations, l'idée du commissaire. Vous avez une vaste expérience... Et je ne vous dirais pas que j'ai acquis la conviction qu'on aura un commissaire, mais plusieurs nous ont dit: Créez un commissaire, comme il y a un vérificateur, qui fait des recommandations. Vous m'avez écouté tantôt ? de toute façon, je ne vais pas reprendre, vous avez plus d'expérience que moi là-dedans ? est-ce que vous pensez, vous, que ça pourrait rencontrer ce rôle de promotion, de sensibilisation, mais en même temps de modification des cultures et des procédés dans les différents organismes et ministères?

M. Roy (Michel): ...des renseignements. Vas-y.

M. Maltais (Robert): Oui, ce que vous dites, donc... Ce que vous dites, c'est: Est-ce que nous serions favorables à la création d'un poste de commissaire à l'information?

M. Bédard: Oui.

M. Maltais (Robert): Est-ce que c'est la question qui est posée? Est-ce que mon président est favorable? J'ai l'impression, moi, que oui. Écoutez, tout ce qui...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Roy (Michel): Vous voyez, on n'a pas échangé là-dessus encore.

M. Maltais (Robert): Nous n'avons pas abordé cette réflexion-là, cette question-là, mais je trouve ça assez intéressant que vous en soyez venu à cette conclusion-là. Je ne sais pas d'où ça vient, là, mais...

M. Roy (Michel): D'autres groupes le proposent, le recommandent, mais, nous, on trouve que la Commission, depuis quelques années, est sortie du Moyen Âge et est en pleine Renaissance. On ne voudrait pas multiplier les exigences en matière d'information, et à chacun de trouver des formules nouvelles, s'il s'en trouve, mais pas des formules vagues qui imposent des difficultés aux citoyens ou à vous, parlementaires.

Donc, trouver une formule, c'est un peu votre tâche aussi dans certains cas, comme nous essayons d'en trouver dans nos rapports avec les corps constitués, les médias et le public, n'est-ce pas? Le public, c'est peut-être la plus belle inspiration qu'on a eue, d'avoir le public avec nous, parce que ses réactions sont spontanées, et on s'inspire de ça souvent pour tenter d'aller plus loin. Mais ils n'ont pas toujours raison, les membres du public, d'exiger, de vous ou de la Commission, de tout savoir. On leur explique pourquoi il y a ici et là dans ces organismes une certaine marge de confidentialité. Jusqu'où va cette marge? Ça, c'est à déterminer d'année en année, presque.

M. Maltais (Robert): Et si vous me permettez d'ajouter ceci...

Le Président (M. Cusano): Oui, M. Maltais.

M. Maltais (Robert): ...donc, finalement, je reprends où mon président a laissé, c'est-à-dire qu'un commissaire à l'information, peut-être, en autant que ce ne soit pas redondant, la structure gouvernementale que vous avez déjà créée, et que le mandat de ce commissaire à l'information soit très précis. Ce sera quoi, le mandat du commissaire à l'information? Ce sera quoi, son pouvoir? Alors, quels pouvoirs vous êtes prêts à lui donner? Quel mandat vous êtes prêts à lui donner? Est-ce que ce serait ou pas redondant ou complémentaire ? idéalement complémentaire ? du travail de la Commission d'accès à l'information? Voilà.

M. Bédard: Je vais pousser un peu plus loin...

Le Président (M. Cusano): Brièvement, M. le député.

M. Bédard: Oui. Parce que, moi... complémentaire. Et là je vous dirais que je le réfléchis, parce que ça a été proposé, entre autres, par André Pratte, qui est venu... pas hier, mais jeudi passé. Et ce serait finalement un peu comme... Je vais vous donner l'exemple un peu du Vérificateur.

Le Vérificateur va étudier les pratiques. Il va faire des recommandations aux organismes, et, lui, sa force, au Vérificateur, c'est qu'il le rend public. Alors, un organisme qui s'est traîné les pieds... et vous le savez d'ailleurs, hein, bon, il prend la parole ici, à l'Assemblée, il dit: Bon, bien, tel organisme ne suit pas les règles, ou il y a telle dépense ou telle... Alors, il prend à témoin, je vous dirais, l'ensemble de la population pour leur dire: Regardez, il y a un problème. Et chaque organisme se sent obligé à ce moment-là de revenir et soit de s'expliquer ou de s'amender. Je vous dirais que ça fonctionne, en général.

Or, l'avantage du Vérificateur, c'est qu'il n'a pas le rôle d'adjudication. S'il avait le rôle de déterminer, s'il était le Tribunal administratif, par exemple: avez-vous ou non rendu une bonne décision? bien là, à ce moment-là, il ne pourrait pas de la même façon être dur à l'égard des organisations, parce qu'il a le rôle d'être indépendant. Or, le rôle d'adjudication, je vous dirais, se vérifie très mal ou... pas se vérifie, mais, je vous dirais, s'allie très mal à celui de mettre de la pression ou même mettre au ban certaines organisations qui ne respecteraient pas les voeux de la loi. Alors, vous comprenez un peu où est-ce que, moi, je réfléchis? Je me dis, sans me dire que c'est la solution, peut-être qu'il y a là...

M. Maltais (Robert): Oui, sans être méchants...

Le Président (M. Cusano): Brièvement, s'il vous plaît.

M. Maltais (Robert): Oui, sans être méchants, nous pourrions faire la comparaison suivante, M. Roy, avec le gouvernement fédéral, qui a un commissaire à l'éthique, mais quelle distance... en l'absence de toute distance critique. Il faudrait qu'il ait un pouvoir un peu plus réel.

M. Roy (Michel): Il n'y a pas eu de progrès notable de ce côté-là.

Le Président (M. Cusano): Mme la députée de La Peltrie.

Mme Hamel: Merci, M. le Président. M. Maltais, M. Roy, merci d'être présents, merci d'avance de répondre à mes deux interrogations. Vous avez mentionné tout à l'heure, puis d'ailleurs vous le mentionnez dans votre mémoire, qu'il y a disparité entre les ministères quant aux réponses qu'on vous donne, là, pour la divulgation de certains documents d'information. Je pense qu'il y a une piste de solution, fort probablement, dans la formation du personnel, que tout le monde sache l'importance de répondre. Mais vous parlez également, dans votre mémoire, de mesures coercitives. Dans un premier temps, j'aimerais que vous répondiez à ça. Et aussi, en page 5, vous mentionnez, bon, entre la protection de la vie privée et l'opacité de l'administration publique: «Pour terminer, nous croyons qu'il serait opportun que le législateur voie à faciliter la tâche des journalistes dans leur recherche légitime d'informations, en aménageant à leur intention une voie d'accès spécifique.» Alors, vous entendez quoi par là précisément?

M. Maltais (Robert): Oui, c'est une bonne question, on y a pensé longtemps avant de dire ça, parce que ce n'est pas nécessairement un privilège qu'on souhaiterait voir accordé, sauf que les journalistes passent à travers... Actuellement, c'est à peu près le même statut que les citoyens quand ils demandent de l'information. Il n'y a pas de raccourci, il n'y a pas de voie simplificatrice, c'est parfois difficile. Est-ce qu'il y a moyen, sans accorder un statut privilégié à des journalistes, de faire en sorte qu'ils puissent avoir... parce que, bon, ils gagnent leur vie avec ça. Alors donc, il ne s'agit pas, dans le respect... On a pesé nos mots correctement. On a fait bien attention. Mais il ne s'agit pas d'accorder un privilège à la presse mais simplement de voir s'il y a moyen de faire en sorte que, je ne sais pas, il y ait un processus qui fasse que les médias d'information puissent se diriger à tel endroit ou à telle personne. Alors, c'est un peu... Pour l'instant, c'est un peu obscur. Et les journalistes ont souvent les mêmes, exactement... ils suivent la même voie que les citoyens, sauf les plus fins finauds, là, qui réussissent finalement à trouver d'autres voies. Mais, c'est ça, est-ce qu'il y a...

M. Roy (Michel): En général, nous reconnaissons que les journalistes, par exemple, qui travaillent ici, à l'Assemblée nationale, ou autour de l'Assemblée nationale, ou auprès de certains organismes, que vous connaissez, peuvent accéder de façon relativement simple et facile à des législateurs, à des conseillers dans les cabinets pour obtenir pas mal de choses, quoi. Moi, je n'ai pas rencontré beaucoup de journalistes ici, à Québec, qui me disent: On ne peut pas savoir, on n'a pas les moyens. Bien, tout journaliste qui connaît un peu le fonctionnement de cette profession sait qu'il peut trouver, par des moyens parfois détournés, c'est vrai, comment les choses se passent dans... Donc, je crois qu'on peut dormir là-dessus sans trop de peine. Mais, s'il arrivait qu'un journaliste soit manifestement privé d'informations de manière flagrante, injuste, intolérable, il faudrait le consoler, quoi, il faudrait faire quelque chose.

n (11 h 10) n

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Cusano): Vous avez une autre question, Mme la députée de...

Mme Hamel: Bien, je voudrais revenir sur ma première question...

Le Président (M. Cusano): ...ou est-ce qu'il y a un complément de réponse?

M. Maltais (Robert): Oui, si possible, parce que vous avez posé deux, trois éléments de question. Alors, vous aviez une excellente question, aussi, qui n'est pas tellement facile. Parce que des fois on écrit des choses, c'est bon, on l'a écrit, alors on va s'expliquer maintenant.

Quand on parle de mesures coercitives, bon, tout à l'heure, pour l'essentiel, nous en reparlions, des mesures coercitives auxquelles nous adhérons, c'est particulièrement celles... trois recommandations de la Commission d'accès et qui consistent à faire en sorte que, à l'intérieur des ministères, il y ait une politique d'information, un plan de communication ? vous m'excusez de le répéter, mais ça, pour nous, c'est essentiel ? et qu'il y ait moyen ? comment dire, donc? ? de prêcher que les législateurs, que les élus du peuple que vous êtes puissent prêcher la bonne parole au plan de la transparence de l'État, au plan peut-être de la formation des fonctionnaires à l'intérieur des ministères.

Les responsables de l'accès à l'information dans les différents ministères ne sont pas toujours facilement identifiables. J'ai l'impression que certains ne savent pas qu'ils ont été nommés. Alors, peut-être qu'il faudrait d'abord... Bon. Vous me permettrez de charrier un peu, mais c'est une image; dans certains cas, on les cherche. Alors, c'est donc dire que c'est la... Ce changement de mentalité, lent pour nous, devrait aller à ce niveau-là, faire en sorte que, oui, l'État soit transparent, mais jusqu'à un certain point, vous allez dire. On ne rentrera pas dans les décisions du comité... du Conseil exécutif, etc., et on ne touchera pas... Les journalistes n'ont pas à avoir accès, pas plus que les citoyens, aux renseignements d'ordre personnel, nominatifs. Pour nous, c'est ce à quoi d'abord on pensait. Et nous avons été ravis de voir ce rapport de la Commission à l'accès à l'information, qui a vraiment... qui marque un changement de cap et ce qui fait que la Fédération des journalistes et nous-mêmes sommes moins difficiles, durs. On a trouvé que les gens qui travaillent à l'intérieur de cette Commission et les experts que vous avez consultés ont fait de bien... du bon travail, ce qui fait que nous endossons une grande partie des recommandations, l'esprit et la lettre de ce que la Commission d'accès vous a proposé.

Le Président (M. Cusano): Merci. Est-ce qu'il y a d'autres questions, Mme la députée de La Peltrie? Non. M. le député de Berthier.

M. Bourdeau: Merci. Moi, je viendrais plutôt sur le sujet... au niveau des mesures coercitives. Vous parliez qu'il faudrait peut-être prendre des mesures coercitives, mais en même temps vous dites qu'il faudrait aussi changer de culture. Moi, j'ai toujours de la difficulté avec les mesures coercitives. Je ne pense pas que c'est la meilleure façon... je ne sais pas...

Une voix: ...

M. Bourdeau: Ha, ha, ha! Non, je n'aimais pas ça, être dans le coin, à la petite école. Non...

Une voix: ...

M. Bourdeau: C'est ça. Mais vous allez... Je ne sais pas, ce ne serait pas mieux d'aller par plutôt la méthode d'éducation? Bon, la Commission recommande d'avoir des documents, là, de formation, d'information, d'éducation, pour justement transformer cette culture-là. Parce que je ne pense pas que c'est par coercition qu'on va réussir à changer cette culture-là. Même, vous disiez tout à l'heure, des fois, qu'il y a des... Vous disiez que des fonctionnaires pouvaient trouver les journalistes emmerdants, comme vous disiez tout à l'heure. C'est-u par coercition qu'on va encore améliorer cette relation-là? J'en doute. Je pense que c'est plutôt par une culture différente, un changement de culture, comme vous dites, qui commence à s'imbriquer de plus en plus.

Alors, on a eu justement quelques exemples, là, dont l'«Open Sweden», là ? je ne m'en souviens plus comment qu'elle s'appelait, là, la dame, Mme Doré, c'est ça, Me Doré, c'est ça, évidemment qui nous avait parlé, là ? qui était une culture qui s'avait mis en place qui faisait en sorte que l'information était plus accessible. Surtout, comme vous dites, au niveau des gens responsables de l'information, ce serait bien aussi, au niveau de la structure, qu'on puisse le savoir, tant au niveau des documents aussi. Ça, on en parlait avec... je pense, c'est M. Pratte, de savoir quels documents aussi qui sont disponibles par index général, que, au niveau... Je vais revenir ? j'ai fait un petit détour ? au niveau des mesures coercitives: c'est quoi vous voulez vraiment dire de ce côté-là, vous voyez comme mesures?

Le Président (M. Cusano): M. Maltais.

M. Maltais (Robert): Encore là, il ne s'agit pas de forcer, de ? comment dire... Nous, c'est plutôt, disons, des mesures nuancées, hein? «Coercitives» n'était peut-être pas tout à fait le bon terme, et c'est un peu plus...

M. Roy (Michel): On a commis une erreur en l'employant.

M. Maltais (Robert): Oui. Oui, parce que vous insistez, et, là-dessus, nous, ce n'était pas vraiment le cas. «Coercitif», vous savez, ne serait-ce que de faire en sorte... Vous savez, c'en est une, mesure coercitive, ça, de faire en sorte que chacun des ministères ait l'obligation d'avoir une politique, un plan de communication. C'en est, ça. C'en est. Bon, c'est plutôt doux comme mesure, mais c'en est. Et parce qu'il y a... Vous l'instituez, c'en sera une. De ce côté-là, c'est un peu dans cet esprit-là, et le changement de culture, bien, c'est...

Nous, nous avons, au Conseil de presse, un travail d'éducation à faire; on le fait modestement auprès de la communauté journalistique, auprès du public. Nous nous attendons à ce que le Parlement fasse ce qu'il y a à faire, les élus, vous-mêmes, les députés, les ministres, vous puissiez faire oeuvre utile auprès des hauts fonctionnaires et des fonctionnaires, auprès de tous ceux qui travaillent pour l'État, dans le même esprit. Il y a un travail d'éducation qui doit être fait de ce côté-là. Nous avons, nous, comme je le disais tout à l'heure, à en faire un et à sensibiliser donc les membres de la communauté journalistique à des normes d'éthique, à des normes de respect, hein, de manière à ce que... Oui, vous disiez que des fois il y a des fonctionnaires qui trouvent ça emmerdant que les journalistes appellent. Il y a des députés aussi, parfois, qui trouvent ça emmerdant. Alors, ça touche la classe politique aussi.

Le Président (M. Cusano): Vous avez un complément, M. Roy?

M. Roy (Michel): Non, à vrai dire, je crois que mon collègue a assez bien résumé l'affaire. J'ajoute un point seulement, c'est qu'il y a dans certains ministères des ministres qui n'aiment pas particulièrement l'information. Je veux dire, ils n'aiment pas recevoir des journalistes qui viennent poser 47 questions et pour lesquelles ils veulent des réponses immédiates. Et j'avoue qu'au plan humain je les comprends. Mais enfin le ministre doit reconnaître que c'est un processus tout à fait démocratique qu'il faut dans une certaine mesure accepter. Dans une certaine mesure. Il n'est pas obligé de se fendre en huit pour répondre à toutes les questions, mais enfin il peut essayer d'aider ce journaliste à mieux comprendre un problème ou une question nouvelle qui vient de surgir. Il ne faut pas être trop radical là-dedans et, même, il faut le dire aux journalistes, qu'ils ont aussi leur part de compromis à faire dans certains cas.

Le Président (M. Cusano): M. le député de Berthier.

M. Bourdeau: Ce n'est peut-être pas le problème de recevoir 47 questions, mais plutôt 47 fois la même question!

Au niveau des délais, vous ne parlez pas vraiment des délais. Au niveau des délais, vous n'en parlez pas. Pourtant, c'est un sujet qui touche beaucoup, surtout au niveau de vos collègues de la presse et autres organismes. Parlez de ce délai-là, j'aimerais ça, vous entendre, votre position par rapport à ça.

Le Président (M. Cusano): M. Maltais.

M. Maltais (Robert): Je ne veux pas vous corriger, mais, si vous regardez, vous allez trouver dans notre mémoire que nous n'entrons pas dans le détail des délais. Ce que nous disons, c'est que les délais sont nettement trop longs, et nous vous demandons de les réduire au minimum. Alors, on ne voulait pas faire l'exercice de vous dire: de 20 à 15 jours, de 15 à 10 jours. C'est au minimum. Quelle est la ligne minimale, le plancher où ça pourrait descendre? Ça, c'est parce que les délais sont vraiment trop longs, un peu partout. Donc, à partir du moment où tout le monde constate que les délais sont trop longs, quels sont les... de quelle manière est-il logique de les abaisser, jusqu'où peut-on aller? Voilà. Alors, c'est aussi... c'est l'esprit de ce que nous avions à dire de ce côté-là. Voilà.

M. Bourdeau: Vous affirmez que les délais sont trop longs. Nous, on a des gens qui disaient: Au contraire, les délais, ici, présentement sont très permissifs, de 10 ans. Parfois, ailleurs, c'est encore... c'est pire, là. Je veux dire, si on va aux États-Unis, par exemple, ou au Canada, ça peut être beaucoup plus long, là. La crise d'Octobre, là, on va avoir les informations 25 ans après la mort du dernier fils de Pierre Elliott Trudeau, là. Ça, regardez ça, ça n'a pas de bon sens. Mais, 10 ans... Parce que, vous ne trouvez pas qu'il y aurait un problème de ramener ça trop tôt au niveau de la prise de décision? Ça ne pourrait pas causer un problème?

Le Président (M. Cusano): M. Roy.

M. Roy (Michel): Mais le problème, c'est que, oui, le journaliste essaie d'obtenir certaines informations le plus rapidement possible. Vous avez raison de faire appel à des comparaisons. Comment les Américains font-ils? Comment les Français font-ils? On pense que les Français passent leurs journées à bavarder avec les journalistes. Faux! Ils ne disent rien aux journalistes. Mais les journalistes apprennent d'autres sources ce qu'ils veulent savoir d'un ministre, parce qu'il y a beaucoup de monde là-dedans. Alors, finalement, on finit, si on est journaliste longtemps, dans les ministères, dans la bureaucratie française, on finit par avoir des portes d'entrée presque partout. Mais ce n'est pas une information officielle, émanant du cabinet du ministre. C'est une information qu'on glisse dans son journal en disant que l'on a appris que. Bon.

Alors là il y a des dangers, évidemment. La nouvelle qu'on peut obtenir de cette façon n'est pas toujours rigoureusement complète, exacte, nuancée. Mais ce sont les moyens qu'emploient nos collègues dans divers pays de ce monde. Et même, aux États-Unis, on le voit en ce moment par la guerre en Irak: les ministres disent des choses entre eux et, le lendemain, ça paraît dans le New York Times et ça les gêne beaucoup. Mais c'est comme ça. Maintenant, beaucoup de journalistes disent: Nous ne saurons rien d'un vice-président ou du ministre de la Guerre, mais, si le ministre de la Guerre parle beaucoup avec ses collègues, finalement l'information circule dans le milieu, et c'est comme ça qu'ils parviennent à publier leurs articles.

n (11 h 20) n

Le Président (M. Cusano): Merci, M. Roy. Je passe maintenant la parole à Mme la ministre, en lui rappelant qu'elle dispose de quatre minutes.

Mme Courchesne: Merci, M. le Président. Je dois vous dire, messieurs, et c'est une remarque très personnelle, que nous apprécions énormément non seulement votre expérience, mais, je dirais, votre sagesse. Et elle nous semble contraster un peu avec ceux qui vous ont précédés, et je m'explique. Et je dis que parfois il y a une recherche de cet équilibre, hein? Je pense que les travaux de notre commission sont certainement pour améliorer un système qui existe et qui, après tant d'années, mérite d'être bonifié certainement.

Mais vous avez entendu plus tôt les conversations autour de cette demande des journalistes d'avoir accès aux avis, aux études, aux recommandations avant la prise de décision. Et, vous savez, le problème des ministres, ce n'est pas qu'on nous pose 47 questions, c'est le problème de l'interprétation qu'on en fait, et je vous dirai même que ça devrait s'étendre aux chefs de pupitre et à ceux qui font les titres. Parce que, aujourd'hui, et probablement, M. Roy, contrairement au début de votre métier, de votre carrière, tout se déroule beaucoup plus rapidement, et il faut être très rapide. Donc, l'opinion publique se forge aussi plus rapidement, et, par les titres, très souvent, bien on forge une opinion publique.

Alors, ma question, c'est: Est-ce que... Et je sais que votre avis, votre mémoire ne va pas aussi loin que de réclamer ces documents avant la prise de décisions, mais j'aimerais quand même justement... Et ça fait deux, trois remarques que vous avez, M. Roy, à l'effet qu'au fond les journalistes ne sont pas si à plaindre que ça, puis ils trouvent toujours le moyen. Puis je pense que ça ajoute du piquant à leur métier, d'être capables de recevoir une enveloppe brune et de trouver des moyens. Et je ne dis pas que je favorise ça, là, pas du tout. Je pense que c'est révolu, ce temps-là, et qu'il ne faut pas favoriser ça et qu'il faut favoriser cette transparence. Mais je sens chez vous une recherche d'un équilibre par rapport à cette interaction qui doit exister entre les journalistes et les élus, qui, comme le disait le député de Berthier, sont élus pour décider. Et, moi, tout à l'heure, j'avais le sentiment qu'au nom de l'intérêt public on nous enlevait un peu cette possibilité de décider et que les journalistes, eux, savaient comment il fallait décider. Alors, je voudrais vous entendre un peu par rapport à ça, brièvement.

Le Président (M. Cusano): M. Roy.

M. Roy (Michel): Écoutez, c'est intéressant, parce qu'il existe en effet des distinctions notables entre le Conseil de presse, d'une part, et la FPJQ, que vous avez entendue, d'autre part. Pourquoi? Il y a d'autres organismes aussi qu'on pourrait citer. Mais l'une des principales raisons, c'est qu'ils ont ce que j'appellerais une culture syndicale, aussi, un peu.

Une voix: Oh!

M. Roy (Michel): Non, par «syndicale», j'entends: faisons la bagarre, quoi, essayons d'affronter ceux qui ne veulent pas nous donner l'information. Affronter, il y a plusieurs façons de le faire, là. Je ne leur reproche pas de... Mais leur culture, leur vision des choses et du travail n'est pas la même que nous considérons être, au Conseil de presse, une institution sociale au service du public, au service de la presse, au service d'une notion idéale qu'on a de la presse, aussi. Et c'est ça, notre travail. On n'est pas là pour provoquer des conflits entre les composantes de notre groupe. Donc, c'est ce qui explique parfois les différences de discours, de...

Mme Courchesne: Est-ce que, M. Roy, le fait d'avoir une divulgation plus automatique ou une politique de l'information va changer cette culture syndicale, d'après vous?

M. Roy (Michel): Eh bien, je l'ai déjà connue plus agressive qu'elle l'est aujourd'hui, mais je crois qu'il en restera toujours quelque chose. Il y a présentement des négociations pour le renouvellement de la convention à La Presse, par exemple; alors, évidemment, ça joue un certain rôle, ça provoque certaines tensions, bon, et ça détermine certains comportements chez quelques groupes de journalistes qui sont là. C'est moins vrai aujourd'hui que ça l'a été dans les années soixante, soixante-dix, quatre-vingt, quatre-vingt-dix, où alors là c'était la bagarre à tout moment ? vous êtes trop jeunes pour vous souvenir de ça.

Une voix: Non, non, je m'en souviens.

M. Roy (Michel): Mais, de ce côté-là, il y a progrès, d'ailleurs. Je pense que la profession s'est raffinée, civilisée, est devenue plus humaine, plus compréhensive. Mais il y a des traditions, voyez-vous. Nous, au Conseil de presse, notre tradition, c'est la recherche d'un équilibre, et, quand vous le dites... vous l'avez dit tout à l'heure, vous m'avez fait grand plaisir, parce que c'est ça qu'on veut faire, et on fait appel à tous les groupes qui peuvent nous aider, à toutes les personnes qui peuvent nous aider dans ce sens-là.

Le Président (M. Cusano): Merci beaucoup. Alors, puisque le temps est écoulé.... Est-ce que vous voulez ajouter? Je vais vous donner 30 secondes, 45 secondes de plus. Allez-y.

M. Maltais (Robert): C'est simplement... j'allais dire qu'on a la qualité, le défaut d'être un peu plus vieux, donc d'être forcément un peu plus sages, et nous n'allons pas aussi loin. C'est ce que vous avez compris des propos de mon président: on ne va pas aussi loin, on n'endosse pas cette recommandation-là. Voilà.

Le Président (M. Cusano): Merci. Alors, M. Roy, M. Maltais, on vous remercie de l'échange extrêmement intéressant, et je suis sûr qu'on aura l'opportunité d'échanger à nouveau au fil des ans. Merci beaucoup.

À ce moment-ici, avant d'inviter nos prochains... la Société québécoise d'informatique biomédicale, de la santé à prendre place, je vais suspendre pour quelques minutes pour une pause santé.

(Suspension de la séance à 11 h 27)

 

(Reprise à 11 h 38)

Le Président (M. Cusano): Alors, nous reprenons nos travaux, et je demanderais à nos invités, qui ont déjà pris place, de bien vouloir s'identifier pour les fins du Journal des débats.

Société québécoise d'informatique
biomédicale et de la santé (SOQIBS)

M. Fortin (Jean-Paul): Merci, M. le Président. Mme la ministre, MM. et Mmes les députés. Alors, l'équipe qui est ici, c'est l'équipe qui représente la Société québécoise d'informatique biomédicale et de la santé, et elle est présidée par Jean-Paul Fortin. Je suis professeur titulaire au département de médecine sociale et préventive, je suis vice-président de la Société québécoise. J'en profite pour excuser notre président, qui est à l'extérieur du Québec et qui ne pouvait pas être ici aujourd'hui. Il y a avec moi Mme Diane Bouchard, qui est vice-présidente de MédiSolution mais aussi directrice du projet RIGIC, qui est un gros projet d'expérimentation terrain des solutions technologiques pour supporter les pratiques cliniques dans le réseau de la santé; il y a aussi Mme Lucie Villeneuve, qui est avocate et coordonnatrice des aspect légaux du projet EPSEBE, qui est un projet de recherche qui veut supporter une meilleure information pour les enfants; aussi M. Richard Cloutier, qui est directeur scientifique du projet PIBE, qui est un projet de recherche qui est en lien direct avec les activités des centres jeunesse, et il est de l'École de psychologie de l'Université Laval; et aussi M. Guy Lavoie, qui est le directeur-adjoint aux ressources informationnelles de l'Institut national de santé publique.

Le Président (M. Cusano): Et, bon, certainement, vous connaissez la procédure: vous avez à votre disposition 20 minutes pour faire votre exposé, et il y aura des échanges d'une durée de 40 minutes par la suite. Alors, la parole est à vous.

M. Fortin (Jean-Paul): Merci beaucoup. Je voudrais d'abord remercier la commission d'avoir accepté notre proposition de venir aujourd'hui, parce que la protection des renseignements personnels est au coeur de nos préoccupations quotidiennes, et ça, autant pour l'accès aux données pour des fins cliniques que pour l'accès aux données pour des fins de recherche.

n (11 h 40) n

Aujourd'hui, la cible que nous voulons viser, par rapport aux travaux de la Commission d'accès, porte essentiellement sur le secteur de la santé et des services sociaux; deux, il porte sur les aspects et cliniques et de recherche; et, trois, il porte surtout sur les recommandations 38 à 46 et avec un clin d'oeil sur les recommandations 34 à 37 qui touchent la planification des systèmes d'information pour les renseignements personnels.

Rapidement, la SOQIBS, la Société qu'on représente ici, est une société qui vise à mobiliser les principaux acteurs intéressés et impliqués dans l'informatisation du réseau, tant pour des fins cliniques que de recherche, de façon à avoir une utilisation optimale de l'informatique pour des fins de la santé; deux, pour améliorer la recherche et l'innovation dans le secteur de la santé pour, encore là, améliorer les soins et les services; trois, favoriser la diffusion des connaissances et le partage de ces connaissances-là; quatre, pour contribuer aussi à la reconnaissance par la population et les différents groupes de la valeur ajoutée de la recherche et de la contribution des chercheurs, dans un contexte de vouloir aussi faire améliorer cette relation de confiance qui, nous croyons, devrait exister entre la recherche, la clinique et les différents décideurs. Finalement, la SOQIBS est, vous savez, aussi un forum d'échange et de discussion, au-dessus de la mêlée, au-dessus des intérêts corporatifs, pour faire avancer les grands enjeux que sous-tend évidemment l'informatisation dans le réseau de la santé.

Il y a, dans la SOQIBS, un projet qui est extrêmement important et qui nous sert de moteur pour avancer et pour mieux connaître la réalité terrain. Nous avons donc regroupé 14 des plus grands projets d'envergure au Québec, soit d'expérimentation des solutions technologiques pour les fins cliniques ou soit des projets qui visent à développer des outils, des façons, des mécanismes où la technologie a une part très importante, encore là, pour essayer d'améliorer non seulement la recherche, mais aussi assurer le respect de la protection des données personnelles.

Deux, le projet Harmonie. C'est un regroupement des 14 projets, spontané. Les 14 grands projets ? dont vous avez la liste avec vous ? sont des gens qui ont reconnu l'importance de se parler, l'importance de partager. Ils ont reconnu l'interdépendance qu'il y a entre les différents projets, aucun de ceux-là ne pouvant régler l'ensemble des enjeux et des questions qui touchent toute cette question extrêmement sensible qu'est les soins de santé de qualité.

C'est aussi un effort de vouloir renforcer les liens avec le réseau que ce projet Harmonie là veut faire, donc avec le réseau de services de santé, le réseau de recherches, mais aussi le réseau de décideurs, donc un lien beaucoup plus étroit avec le ministère de la Santé pour faire ensemble partie de la recherche de solutions pour le projet collectif qu'on veut défendre.

Quatre, un point extrêmement important, c'est que l'ensemble de nos démarches, dans tous nos projets, est centré sur le patient, est centré sur l'utilisateur, et on met une importance majeure à tout ce qui touche les processus cliniques, les processus de soins sur le terrain. Donc, on est très préoccupé par qu'est-ce que ça veut dire sur le terrain, sur la capacité de faire des services.

Les principales préoccupations que l'on traite dans les projets Harmonie sont d'harmoniser et de rationaliser, autant que possible, des stratégies pour faire évoluer ces solutions-là. Les choix technologiques eux-mêmes, les conditions d'adoption, de fonctionnement et de pérennité, dont évidemment l'évolution du cadre juridique, sont des conditions essentielles pour que les solutions soient utiles, acceptables et faisables sur le terrain.

Le coeur du message qu'on voudrait passer ce matin, c'est d'abord que les dimensions cliniques et recherche sont, pour nous, indissociables et interdépendantes; deux, qu'il y a un besoin important que l'information clinique puisse suivre le patient partout où il va dans le réseau; trois, l'informatisation comme telle, elle est, nous semble-t-il, incontournable, et la question n'est pas de savoir si on en fait ou si on n'en fait pas mais de savoir davantage comment on va gérer cette informatisation dans le réseau de la santé; et, finalement, le contexte, où il y a une évolution extrêmement rapide, d'abord, du système de santé lui-même, de l'organisation des services et donc du terrain dans lequel nos solutions vont devoir s'appliquer, ainsi qu'une évolution très rapide des technologies de l'information qui devraient rapidement nous permettre de trouver des solutions qui vont améliorer la situation, qui vont continuer dans le temps d'améliorer la situation en termes notamment de respect des renseignements personnels.

Au niveau du volet clinique... On a donc deux préoccupations: volets clinique et recherche. Au niveau du volet clinique, ce qu'on voudrait que la Commission puisse favoriser, c'est de reconnaître l'existence d'un réseau de services intégré comme étant une entité dans laquelle l'information peut circuler. Ici, on parle d'un réseau de distributeurs de soins, on parle de lien entre CLSC-hôpital-clinique privée de médecins, qui ont à traiter et à suivre des patients dans un contexte de virage ambulatoire. Et on pense qu'actuellement on devrait favoriser la capacité que l'information clinique puisse être disponible pour l'ensemble de ceux qui vont intervenir pour un patient et qui doivent travailler de plus en plus ensemble. Donc, c'est un élément important, et ça va favoriser pour nous le virage ambulatoire dans sa dimension continuité des services, complémentarité.

Mais aussi on doit tenir compte de la complexité des solutions possibles et surtout de la variété des situations; la réalité à Gaspé ne sera pas la même que celle à Montréal. Donc, à quelque part, les solutions doivent permettre de s'adapter à ces réalités-là. Il faut se rappeler que, jusqu'à maintenant, ce qu'il y a comme proposition par rapport aux données et à l'accès aux données correspond davantage à une logique d'établissement, donc l'information est gérée par les établissements ? c'est sûr qu'il y a des responsabilités de la Commission d'accès, mais il y a beaucoup, beaucoup de travail qui se fait au niveau des établissements ? et que la réalité de la pratique clinique du terrain, c'est qu'on déborde les établissements, on s'en va dans les milieux de vie, on s'en va à l'extérieur de l'établissement, et ça force à mettre ensemble un ensemble d'intervenants qui viennent de différents milieux, et c'est ensemble qu'ils vont pouvoir faire un travail pour améliorer la qualité des soins.

Dans ce contexte-là, nous appuyons les recommandations 38 et 39, qui sont: d'abord, le cadre juridique du dossier patient doit être actualisé ? justement à cause des transformations majeures qui sont en cours; deux, le développement de modèles d'échanges d'information à l'échelle locale ou régionale ? et nous ajouterions «suprarégionale» pour tenir compte des situations où les patients vont passer d'un lieu où il n'y a pas, par exemple, de soins très spécialisés pour aller dans des régions où il y a des services spécialisés, il faut que l'information puisse, encore là, suivre le patient ? de façon à favoriser une meilleure circulation des renseignements et qui va répondre aussi aux besoins des intervenants pour donner la qualité des services requis.

Au niveau volet clinique, nous voulons aussi proposer de dissocier toute la question de l'entreposage des données de celle de sa gestion des accès. Pour nous, c'est deux choses qui sont différentes, qui peuvent être gérées bien sûr de façon complémentaire, mais qui doivent être regardées comme étant des dimensions d'un même problème, mais qui peuvent se gérer avec des solutions alternatives; on n'a qu'à penser, par exemple, à tout le débat sur les banques de données, qui peuvent être communes, des banques de données qui peuvent être centrales, des banques de données qui peuvent être distribuées. Tout ça fait que, à quelque part, il faut regarder les dimensions entreposage mais aussi gestion de ces accès-là de façon particulière.

Toutes ces questions soulignent aussi... ou soulèvent le débat de savoir qui a accès à quelles données, à quel endroit et à quelles conditions. Donc, c'est des éléments extrêmement importants. Ça soulève toutes les questions de responsabilité: qui est responsable des données? si on a une banque qui est commune, qui est d'intérêt commun, qui est responsable? est-ce qu'il y en a un, deux, trois? comment on organise cette responsabilité-là? Donc, ici, on veut simplement souligner le fait qu'il y a une complexité qui est liée beaucoup à la façon différente de donner des services, qui elle-même évolue, qu'il faut regarder de très près. Ces questions de banques de données vont nous amener évidemment à regarder d'un peu plus près toute la question du concept de l'étanchéité des banques de données dans un contexte de réseau de services intégré. Je crois que c'est important de regarder ce concept-là et en tenant compte justement des dimensions renseignements cliniques et aussi recherche, surtout la recherche qui est en support à l'amélioration de la qualité des services.

Le volet recherche comme tel, nous sommes dans un contexte où nous voulons que la démarche soit une démarche collective pour trouver des solutions, et le groupe que nous représentons offre carrément ses services pour pouvoir contribuer à cette démarche-là. Deux, on est très conscients que, au niveau de la recherche, on a une question-clé qui est l'accès aux données, et nous faisons bien sûr, sur le terrain, des liens directs entre les accès et les délais requis pour avoir accès à ces données-là. Et ça devient extrêmement important, pour différentes raisons, entre autres sur la capacité de faire de la recherche, sur la valeur de la donnée comme telle que nous pouvons analyser et aussi pour correspondre à des exigences que peuvent avoir les organismes subventionnaires. Quand les demandes d'accès et l'accès lui-même, finalement, en bout de piste, à travers tout ce processus-là, prend un an et demi ou deux ans, ça change considérablement le potentiel de recherche qu'on peut faire. Alors, c'est pour ça d'ailleurs qu'on va parler un petit peu plus loin d'une proposition, d'une façon peut-être un peu différente que celle que la Commission d'accès nous propose.

n (11 h 50) n

Par contre, on appuie évidemment les recommandations 41 et 42; 41 qui demande une autorisation qui soit faite, en ajoutant, entre autres, des mesures de sécurité, on est parfaitement d'accord là-dessus; 42 qui dit que la Commission d'accès pourrait requérir à l'occasion, à l'égard de certaines demandes, l'avis préalable d'un comité d'éthique; évidemment, on est pleinement à l'aise avec cette proposition-là. Ce serait intéressant que ces recommandations-là, cependant, se situent justement dans le cadre de la proposition d'ensemble qu'on va apporter tantôt sur une approche de coopération plus qu'une approche hiérarchique.

La CAI fait une proposition qu'on retrouve dans les recommandations, notamment, 43, 44 et 45. C'est une proposition qui parle de la Loi sur l'accès, qui devrait être la seule disposition pour régir les autorisations. Nous sommes très sensibles au fait que cette proposition a un impact direct sur l'article 19 de la Loi des services de santé et de services sociaux, qui dit que, entre autres, les directeurs des services professionnels et directeurs généraux ont des responsabilités. Donc, ici, on sent, là, qu'il y a une demande, une proposition d'éliminer justement cette porte d'entrée. Par contre, on parle d'établissements qui restent détenteurs de leurs données, donc évidemment les établissements eux-mêmes, incluant les directeurs généraux et DSP.

Demande d'autorisation à la CAI avant de faire une demande à un établissement, je crois qu'ici il y a une question de circuit. La procédure... Une des questions qui nous touchent de très près, c'est: Est-ce qu'on va alourdir la procédure ou si on va la raccourcir ou on va l'alléger? Surtout qu'on sait que les projets augmentent, le nombre de projets augmente, la complexité augmente. Donc, à quelque part, ça va être important de regarder les règles du jeu là-dessus.

Finalement, notre proposition à cet égard est un peu différente de celle de la Commission d'accès, qui nous semblait une proposition légèrement plus centralisatrice que celle que nous avons actuellement. Alors, nous, notre proposition est davantage d'avoir un cadre de coopération sur la base davantage de relation de confiance. Pour soutenir la recherche, mais bien sûr dans le respect des principes de protection des renseignements personnels, elle devrait être fondée sur les principes de décentralisation, sur les principes de collaboration et de délégation ? on sait qu'il y a déjà des délégués qui existent, dans les règles du jeu. C'est sûr que ça sous-tend des balises claires, des mécanismes de support et de formation; ça sous-tend des mécanismes de reddition de comptes. Ça, il n'y a aucun problème là-dessus. Ce n'est pas pour essayer de passer à côté de... c'est plus pour avoir une modalité, une façon de procéder qui nous semble plus collée à la complexité et à la réalité du terrain et qui permettrait en même temps de sauver du temps et d'arriver plus rapidement aux travaux à faire.

Et c'est clair que la Commission d'accès devrait garder tout sont potentiel de pouvoir suivre ces choses-là. On sait qu'ils se plaignent, à un certain moment donné, de manquer d'information. On n'a pas de problème à ce que l'information soit disponible, on appuie cette proposition-là; c'est juste la façon d'aller chercher l'information... et les rôles que l'on demande aux différentes étapes, je dirais, et participants à cette démarche d'autorisation d'accès, et surtout d'accès aux données, puisse être plus simple et plus décentralisée.

Il y a des questions centrales en arrière de ça. La question du délai pour avoir les ? bien sûr on en a parlé ? pour avoir les données; deux, la valeur des données: on sait que la valeur peut se transformer dans le temps, si c'est trop long; après deux ans, les données n'ont plus tout à fait le même sens; trois, les organismes subventionnaires ont des exigences... c'est-à-dire des contraintes de rendre des rapports à des moments précis qui souvent sont difficiles à atteindre, pour des raisons de délais, même au départ des projets. L'autre élément qui est encore plus, je dirais, plus important, c'est que la réalité des projets est... c'est important d'être proche des sources de données, proche des gens qui connaissent la dynamique sur le terrain et qui peuvent peut-être même, voir, être capables de mieux contrôler, je dirais, les stratégies qui pourraient être utilisées pour contourner des processus ou des procédures qui seraient un petit peu complexes ou qui...

Finalement, nous appuyons fortement la recommandation, la suggestion de la Commission d'accès d'avoir ce que nous considérons comme une commission parlementaire complémentaire, qui viserait... La Commission propose de faire une commission parlementaire complémentaire sur les banques de données. Nous appuyons fortement une commission parlementaire complémentaire, mais sur une question que je dirais plus élargie. On voudrait que le débat soit plus global, soit élargi, en tenant compte justement de tout ce qu'on a soulevé, en termes de réalités terrains, d'évolution des pratiques, l'évolution du secteur de la santé et des technologies, et élargi aussi... ouvert à la population. Nous croyons qu'il s'agit, en arrière de ça, d'un débat social et on pense que c'est important que ces questions-là soient ouvertes et... Et ce qu'on suggère en même temps, c'est que ce débat-là puisse se faire dans au maximum six mois, parce que, évidemment, il y a beaucoup de choses qui se passent, il y a beaucoup de décisions qui sont en train de se prendre, le réseau est en train de s'organiser, et il y a un besoin important d'ajuster bien sûr les règles du jeu en fonction de la réalité dans laquelle on vit actuellement. Et ça, tout le monde est d'accord pour dire qu'il y a des problèmes, la Commission d'accès elle-même a soulevé le problème de devoir revoir le cadre légal autour de ça.

Donc, finalement, ce qu'on proposerait pour compléter, et dans la suite logique de tout ce qu'on a présenté jusqu'à maintenant, c'est que l'article n° 125 ne soit pas modifié avant la fin des travaux de la commission complémentaire, justement pour qu'elle puisse bénéficier et profiter de l'ensemble de l'information qu'on pourrait partager à ce niveau-là, dans un contexte où, comme je le mentionnais, le réseau est en pleine ébullition. Il y a des travaux énormes, très importants, qui sont en train de se faire pour, encore là, mieux comprendre cette réalité-là, mieux comprendre les outils et les moyens, pour être capable justement de trouver des solutions qui seraient cohérentes avec les besoins de la cause, et évidemment aussi sur la capacité de faire ce qu'on veut.

Alors, c'est dans cet esprit-là que nous avons autour de la table avec moi, ici, les gens qui ont des expertises terrains à différents niveaux, que ce soit au niveau clinique, au niveau recherche, au niveau des banques de données et de l'organisation sur les systèmes dans une logique de santé publique, et aussi évidemment notre avocate, pour ne pas qu'on dérive, parce que c'est un terrain qui est, disons que...

Le Président (M. Cusano): Merci, M. Fortin. Alors, je passe la parole à Mme la ministre.

Mme Courchesne: Alors, mesdames, messieurs et vous particulièrement, je vous félicite pour votre capacité de nous résumer de façon aussi synthétique et, je dirais, assez claire un sujet qui est très complexe, qui est vaste et, je pense que vous avez raison de le mentionner, qui donne lieu ou qui devrait donner lieu, je dirais, à un débat public plus large et à un débat social, parce que, quand on touche ces questions, j'ai toujours l'impression qu'on touche, pour un individu, à ce qui a de plus fondamental dans son identité. Et c'est évident que, quand on parle de santé, on parle de tout ce qui a trait à la vie et à la mort, dans une certaine façon, et les établissements de santé et les professionnels que vous êtes, en général, les professionnels de la santé, avez évidemment non seulement une connaissance plus grande que de simples citoyens, mais vous avez certainement aussi la solution aux problèmes de santé qui se posent devant vous.

Il y a deux volets à votre mémoire, il y a le volet clinique et il y a le volet recherche. Alors, j'aurai des questions pour les deux volets. D'abord, le volet clinique, où effectivement je pense que l'établissement d'un réseau intégré de circulation des données, quand on parle d'informatisation, dans ce secteur-là est assez incontournable, ou, en tout cas, on le présente comme étant très certainement des pistes de solution intéressantes pour le patient. Je pense que c'est ça qu'il faut, mettre le patient au coeur de nos préoccupations.

Mais ma question, c'est que, malgré les technologies, et qui, là aussi, sont assez incompréhensibles pour le commun des mortels... il ne veut pas comprendre puis il ne veut pas savoir exactement en quoi les technologies sont bonnes ou pas bonnes, est-ce que ce sont les meilleures ou pas, mais la question qui se pose, c'est: Quelles sont véritablement les mesures de sécurité qui peuvent faire en sorte qu'un patient s'assure non pas de l'entreposage des données, mais de l'utilisation des données? Je pense que, surtout quand vous dites: Au fond, c'est géré actuellement par établissement, on peut avoir donc une certaine sécurité relative. Mais, à partir du moment où on met ces données en relation avec des milieux de vie ou avec d'autres types d'établissements, et, je dirais, des établissements parfois à caractère plus social, si on pense, par exemple, à la maladie mentale ou à des phénomènes comme ça où, là aussi, tu peux avoir une manipulation de données, une utilisation de données...

Donc, je veux savoir quelles sont véritablement les mesures de sécurité qu'on doit penser déployer, et je voudrais savoir aussi, quand vous dites que le cadre juridique du patient doit être actualisé, je voudrais savoir exactement ce que vous voulez dire par là.

Le Président (M. Cusano): M. Fortin.

n (12 heures) n

M. Fortin (Jean-Paul): O.K. Alors, rapidement de mon côté, puis mes collègues vont pouvoir ajouter, le réseau intégré de services, on le voit d'abord... Ce qu'on demande, c'est qu'il soit reconnu comme étant une entité qui existe, donc avec des règles du jeu qui vont avec, avec des responsabilités qui vont avec. Si, au niveau des établissements, il y a une situation où les gens sont relativement confortables à ce que leur information circule, c'est parce qu'il y a des structures, il y a des conditions qui font que les gens ont confiance. Les gens ont confiance parce qu'il y a un établissement, il y a un directeur général, il y a un DSP, il y a des comités, il y a des... Donc, c'est un contexte où les gens ont confiance, et ce qui ne veut pas dire que tout fonctionne dans le meilleur des mondes, mais ça veut dire que les gens acceptent cette réalité-là.

Ce qu'on pense, c'est que la partie du réseau de services intégré doit être organisée avec aussi un certain nombre de règles du jeu, aussi des responsabilités, et que la demande, je dirais, de la mise en place de conditions structurelles, organisationnelles et technologiques va devoir s'organiser. Et la pression va venir de différents niveaux, incluant probablement le Collège des médecins, qui va vouloir aussi avoir des conditions pour être capable de suivre qu'est-ce qui se passe au niveau des patients et aussi au niveau de tout le travail à mettre en place, les structures à mettre en place pour que les différents groupes travaillent ensemble tout en conservant une responsabilité professionnelle d'un patient qui va d'un endroit à l'autre. À quelque part, ce n'est pas tout à fait évident c'est quoi, la part de responsabilité de chacun. Et il y a beaucoup de réflexions qui se font pour dire comment on met ensemble, là, des conditions pour que ça puisse se faire, en s'assurant qu'il y a des gens imputables qui sont responsables, qui ont des comptes à rendre, qu'il y a des conditions de vérification de la qualité des soins dans les différents comités.

Donc, à mon avis, c'est un des éléments majeurs, là, pour être capable de pouvoir aller vers une circulation d'information, mais qui va être encadrée avec des règles du jeu et qui va associer normalement aussi la Commission d'accès, bien sûr, dans ses fonctions.

Mme Courchesne: Ce que vous dites essentiellement, c'est que ça repose majoritairement sur l'imputabilité et des établissements et des individus. C'est un peu ça que vous dites. Il n'y a pas de mesures peut-être plus techniques qui pourraient assurer une certaine sécurité. Parce que, moi, je vous avoue que ça ne me rassure pas quand vous me dites que... et je comprends que c'est important, l'imputabilité, là, mais là, encore une fois, ça circule. Il peut y avoir des corridors d'accès. Je comprends cette notion-là, j'ai quelques notions informatiques, là. Mais est-ce que c'est vraiment dans un monde aussi révolutionné et révolutionnaire que ça, là... Parce que vous semblez me dire qu'on n'a pas toutes les réponses; ça, je peux comprendre, mais est-ce que c'est suffisant comme mesure de sécurité sur mon dossier de santé, par exemple... moi, je vais dire «santé mentale», parce que, quand on a le cancer, tout le monde pas mal le sait, qu'on a le cancer, ou, en tout cas, il y a des fois tu ne veux pas que des gens le sachent tout de suite, puis ça va très loin que d'avoir des conséquences, par exemple, sur les assurances et sur des aspects de vie qui sont majeurs, il y a des moments pour qu'un dossier soit connu, qu'il circule, etc., et vous m'étonnez un peu quand vous dites que ça repose essentiellement sur l'imputabilité et la reddition de comptes.

M. Fortin (Jean-Paul): Je dois avouer que, pour moi, c'était un des volets, ça ne réglait pas tout. Mais je vais diriger la question vers des collègues qui sont carrément dans le contexte de terrain. Richard.

M. Cloutier (Richard): Moi, je peux vous... Richard Cloutier. Je suis impliqué dans le projet Plateforme informationnelle pour le bien-être de l'enfant dans le contexte de la protection de la jeunesse. Je peux vous dire qu'il y a un mélange des éléments que vous avez mentionnés. Il y a un concept qu'on appelle le pilotage, c'est-à-dire la gestion de la circulation de l'information comme si c'était un réseau de circulation automobile. En informatique, techniquement, c'est très simple d'avoir des clés, de sorte que chacun des intervenants ou chacune des personnes qui a accès à de l'information ait une fenêtre autorisation, une badge qui l'autorise, de par son poste, à accéder, et ce, c'est le fondement technique. Mais, au-delà du fondement technique, qui est relativement facile à gérer, je peux vous dire, il y a la question du réseautage, il y a la question de la connectivité et la question des segments de traitement, et le morcellement, qui est un ennemi de l'efficacité puis de l'efficience dans le domaine des services sociaux mais de la santé aussi, ce morcellement-là repose sur des ponts qu'il y a entre les différents acteurs, les fenêtres d'accès, et là la notion de convention surgit au-delà de la notion de pilotage.

Puis je veux juste passer un petit message en disant que c'est souvent des problèmes qui ne sont pas techniques d'abord mais qui sont de convention, les problèmes de valeur des données sur le plan clinique. Si, par exemple, en protection de la jeunesse, on n'a pas convenu de ce que c'était qu'un parent, le conjoint de la mère depuis trois semaines devient un parent dans un centre jeunesse puis, dans l'autre, on attend que ce soit le mariage juridique qui tranche la chose. On a un problème de convention partout, y compris sur le plan des conventions de pilotage. C'est-à-dire que, si un établissement pilote de façon très serrée et restrictive et qu'il entre dans un réseau un autre établissement avec des attentes beaucoup plus d'ouverture, on a un problème. De sorte que, quand Jean-Paul disait: Il y a une question d'imputabilité puis de définition des rôles, en effet, la notion de convention et de construire des conventions est devant nous, et c'est pour ça, entre autres, qu'on réclame un peu plus de temps pour une réflexion où les différents intervenants pourraient participer au montage de ces conventions.

Le Président (M. Cusano): Merci. Il vous reste environ 45 secondes. Vous pourrez revenir par après, si vous voulez, madame.

Mme Courchesne: Vous voyez comment c'est rapide, hein, pour un sujet aussi complexe. Je reviendrai, M. le Président.

Le Président (M. Cusano): Oui, oui. Vous allez revenir. Je cède maintenant la parole au député de Chicoutimi.

M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, je vous remercie d'aborder cette question aussi précisément puis aussi, je vous dirais, avec beaucoup d'éloquence, parce que c'est un sujet qui est quand même plus... qui regarde plus les initiés, en termes de compréhension. Alors, aujourd'hui, je vais quand même chercher à mieux comprendre aussi, plus particulièrement par rapport à la recherche, je vous avouerais. On aura sûrement l'occasion de revenir une autre fois. Et là, il y a un des éléments que vous mentionnez. Bon, vous semblez vous satisfaire de plusieurs des recommandations, mais vous mettez un bémol qui est quand même assez majeur, où vous dites: Avant de procéder à une autre étape, allons plutôt... demandons à la Commission de se pencher sur l'idée du débat, là, au niveau... et que ce débat se fasse dans un délai de six mois. Et vous avez ajouté ? parce que la Commission recommande qu'il y ait effectivement un débat ? vous dites... vous ajoutez le délai de six mois. J'aimerais savoir pourquoi il y a un tel... pourquoi vous avez un tel empressement, là. Et peut-être de bien expliquer à cette commission, parce que nous aurons à prendre des décisions à ce niveau-là, qu'est-ce qui finalement vous brime ou pourrait vous brimer dans les suites qu'on pourrait donner à ce rapport.

Le Président (M. Cusano): M. Fortin.

M. Fortin (Jean-Paul): Ce n'est pas une question de brimer, c'est une question qu'on est très conscients qu'il y a un problème actuel, qu'il y a des choses qui doivent être corrigées, et on se dit: bien, il faudrait le faire assez rapidement pour qu'on soit capables justement que l'ensemble de la machine puisse fonctionner le mieux possible. Il faut être conscient qu'on a parlé de six mois pour mettre une contrainte de temps, pour en même temps, là, canaliser les énergies pour répondre à cette question précise là, mais que ça fait déjà plusieurs années qu'il y a un problème dans la capacité de faire le travail, d'assurer les services de façon... le mieux possible et d'assurer des recherches qui sont le plus efficaces possible. Donc, c'est plus en continuité avec d'autres.

M. Bédard: Peut-être de nous traduire... Pourriez-vous nous traduire de façon plus concrète, en termes de recherche, qu'est-ce que ça cause comme problématique? Parce que, bon, pour en voir plusieurs... bien, pour en voir plusieurs... Il y a certains éléments de recherche qu'on retrouve même chez nous, à partir beaucoup des établissements. J'ai tout en tête toute la recherche relativement à la génétique communautaire, où ça posait beaucoup de questions d'éthique par rapport à l'accès. J'aimerais savoir, comme chercheur, quels sont les aspects qui sont les plus contraignants et qui nuisent le plus, je vous dirais, à l'avancement de la recherche actuellement.

Le Président (M. Cusano): M. Fortin ou quelqu'un d'autre.

M. Bédard: Oui, oui, vous pouvez compléter.

M. Lavoie (Guy): Guy Lavoie.

Le Président (M. Cusano): M. Lavoie.

M. Lavoie (Guy): Je voulais juste vous préciser que les éléments contraignants sont dans la disponibilité de l'information qu'on sait existante, l'information qui vient de banques qui s'appellent parfois Med-Écho, qui s'appellent parfois Services médicaux, qui s'appellent Naissances, et autres éléments qui... On a tout ce qu'il faut pour rassembler ces informations-là et de pouvoir, entre autres, les remettre à un chercheur sans qu'il n'ait besoin en tout temps d'avoir accès à qui est en arrière de ce regroupement d'informations là, et qui vont lui permettre de faire une recherche adaptée à la problématique qu'il doit résoudre, à l'hypothèse de recherche qu'il doit démontrer. Et, actuellement, les délais pour obtenir cette information-là sont monstrueux, sont souvent de 18 mois, et ces informations-là, quand on va les présenter finalement à la Commission d'accès à l'information, on va sûrement avoir le droit d'agir, mais les délais sont inadmissibles pour des mécanismes de recherche qui sont des délais très courts d'obtention des résultats.

Et, en plus, dans beaucoup de situations, la valeur de l'information, c'est le délai pour l'obtenir. Et, actuellement, on est rendus qu'on met un synonyme: accès égale délai. Ça nous semble... D'où l'urgence de traiter cette situation-là. Et je vais juste... là je déborde peut-être plus sur le côté clinique, mais, pour avoir été à la... suivre de très proche la commission parlementaire sur l'avant-projet de loi sur la carte santé, on a répété, de la part de la Commission d'accès à l'information: il y a urgence de revoir notre cadre législatif et notre capacité de fonctionner. Il y a urgence, et, nous, le six mois, on n'est nullement en position pour recommander, pour vous imposer quoi que ce soit, mais on constate sur le terrain qu'il y a urgence.

n (12 h 10) n

M. Bédard: Parfait. Sur les délais, vous me disiez 18 mois. Mais qu'est-ce qui occasionne tous ces délais?

M. Lavoie (Guy): Bien, il y a plusieurs joueurs dans la... Il y a, par exemple, la Régie de l'assurance maladie, l'Institut de la statistique, ça peut être l'Institut national de la santé publique, ça peut être, donc, des organismes à qui on a... on leur a donné un droit de gérance sur une entité qui s'appelle une base de données. Et là il faut que les contentieux regardent les limites de leur cadre légal. Après, il faudra représenter à la Commission d'accès à l'information sur les méthodes de jumelage et de masquage. Est-ce qu'ils sont adéquats? Est-ce qu'on garde le potentiel de retrouver un individu? Toutes ces étapes-là font que, au bout de la ligne, quand les autorisations sont démontrées, c'est-à-dire la preuve est démontrée qu'il y aura respect de la vie privée dans tout ça, que, là, les délais sont rendus à 18 mois.

M. Bédard: Donc, avec la création d'une banque de données accessible, à ce moment-là, vous êtes convaincu qu'on pourrait...

M. Lavoie (Guy): Je ne crois pas que ce soit dans la banque de données, seulement, accessible, c'est que les contextes légaux sont encore très présents, et je crois sincèrement qu'il faut se retrouver avec une délégation de confiance. Le contentieux de la Régie de l'assurance maladie, je ne peux pas parler en son nom, mais je peux l'observer, comment il est structuré, comment il est capable d'agir au nom de la Commission d'accès à l'information, avec des règles du jeu pour dire: Je suis en mesure d'agir et je perdrai mon droit d'agir si, après vérification, la Commission d'accès à l'information constate que je ne le fais pas selon les règles qu'ils ont édictées.

Mais là on a une délégation, on a une relation de confiance, une capacité d'agir qui, il me semble, ferait renverser le paradigme.

M. Bédard: D'une façon plus... Je vous dirais, pour me renseigner d'une façon personnelle, là, la différence versus si je fais des recherches plus particulières dans une région en particulier, je vous dirais, là ? et là j'ai en tête ce qui se fait chez nous au niveau de la génétique communautaire ? est-ce que ça va être le même processus qui va être suivi? Parce que souvent c'est avec l'établissement direct qu'on traite. Il y a un comité au niveau de l'éthique qui va déterminer... Mais j'ai rarement entendu parler des délais, mais j'imagine qu'ils existent, là, mais... Quelle est... Est-ce qu'il y a une différence entre, je vous dirais... Mais, même au niveau de la géographie, où, je vous dirais, il y a des données qui s'adressent à des populations précises ou, d'une façon plus large, à l'ensemble des... je vous dirais, ce qui touche la recherche d'une façon plus large, sur l'ensemble du territoire, est-ce qu'il y a une différence entre les deux, en termes de délais, en termes de frein à avoir des données qui sont à jour, qui sont...

Le Président (M. Cusano): M. Lavoie.

M. Cloutier (Richard): Moi, je peux vous dire que ça varie beaucoup. Le superprojet que vous avez dans votre région, c'est extraordinaire, mais qui en même temps a soulevé un débat d'éthique nouveau, n'est-ce pas...

M. Bédard: Oui, bien voilà.

M. Cloutier (Richard): ...n'est pas représentatif vis-à-vis des projets qui n'ont pas du tout ce panache déontologique, si on me permet de m'exprimer comme ça, parce que là c'était un nouveau truc avec une dimension communautaire en plus. C'est vraiment exceptionnel, puis c'est un très beau projet-pilote à certains égards, mais, à d'autres, ce n'est pas représentatif de l'ensemble.

La question du délai versus la délégation peut être illustrée de toutes sortes de façons. Par exemple, il y a des comités de déontologie de la recherche, des comités d'éthique de la recherche dans les universités, il y en a aussi dans les établissements qui ont une mission de recherche. Si ces réseaux de comités là ne communiquent pas ensemble, puisque les chercheurs souvent émanent de différentes universités, on arrive avec une espèce de... enfin, de durée exponentielle des expertises. Et ce qu'on réclame dans le mémoire essentiellement, c'est de dire: Si le Comité de déontologie de la recherche de l'Université de Montréal, où est logé le projet, a donné son O.K., pourquoi celui d'un hôpital de Chicoutimi n'embarquerait pas en conformité complémentaire plutôt que de se renvoyer la balle de l'imputabilité? Ça, c'est la question du délai. Il y a une autre question très importante dans ce que vous...

M. Bédard: Est-ce que c'est aussi toute la question relativement au débat élargi? C'est ce que vous dites, là: Élargissons le débat par rapport...

M. Cloutier (Richard): L'élargissement, c'est pour construire des conventions de réseautage, vous voyez...

M. Bédard: Qui pourront s'appliquer à tous.

M. Cloutier (Richard): ...pour qu'on convienne d'une façon de faire où l'imputabilité ne sera certainement pas diminuée, mais qu'il y a une efficience dans la circulation des autorisations.

Si vous prenez, par exemple, l'autre volet de votre question: la capacité de recherche. Il y a un potentiel incroyable de recherche qui est inexploité parce que l'accès n'existe pas ou existe mal. On estime dans certains milieux qu'il y a plus de 50 sous de chaque dollar dépensé pour des services qui est destiné à obtenir de l'information: l'information d'évaluation, l'information de diagnostic, l'information de suivi, le monitorage. Ça coûte très cher, et si on n'a... puis on a des moyens superbes d'informatisation, et tout ça. Si on confond l'accès à l'intrusion dans la vie privée constamment, on bute toujours à cette question de la protection de la vie privée, qui freine un accès qui pourrait, à notre avis, sortir du contexte de l'intrusion dans la vie privée en mettant des sécurités béton sur l'intrusion dans la vie privée puis de faire en sorte que des chercheurs ou des projets ou des établissements même puissent avoir des accès contrôlés techniquement mais fluides, pour pouvoir profiter du patrimoine d'information que le citoyen a payé, vous voyez. Donc, d'un côté, la question des délais en fonction de la fluidité des contrôles, de l'autre côté, le potentiel incroyable qu'on a puis qu'on va avoir encore plus avec l'informatisation et qui est... Si on reste sur le même système qu'il y a 30 ans, on est en retard carrément sur notre capacité d'exploitation.

Le Président (M. Cusano): Merci. Je dois maintenant céder la parole Mme la ministre.

M. Bédard: ...

Le Président (M. Cusano): Ça passe vite, oui. Vous pourrez revenir par après. Mme la ministre.

Mme Courchesne: Écoutez, c'est super intéressant et je pense qu'on va devoir convenir qu'effectivement ça demande un débat très élargi. On ne peut pas passer à travers une question comme celle-là en 40 minutes, c'est absolument impossible. Sauf que vous nous donnez quand même un point de vue, là, qui, pour nous qui ne sommes pas dans votre milieu, là, est assez fort, c'est-à-dire que, au niveau de la recherche, ce que vous dites, c'est que, oui, il y a un potentiel de recherche, on en convient. Mais il faut réaliser, là, que c'est mon dossier médical, là, qui est une des données qui en fait partie. Et je pense que ce que vous soulevez, ce que vous nous faites réaliser, c'est l'importance que tout ça soit très réglementé, au contraire. Réglementer, ça ne veut pas dire augmenter les délais, ça ne veut pas dire créer de l'obstruction, mais ce que ça veut dire, par ailleurs, c'est que, moi, patient, je veux savoir même dans quelle recherche mon dossier médical va participer et bénéficier, même si tout ça, c'est positif, là, puis même si en bout de piste peut-être que je vais être soignée et guérie plus rapidement. Vous comprenez la nuance pour nous.

Ce qui m'amène à vous demander que... Et vous dites, au fond... Et la recommandation de la Commission, c'est de centraliser les autorisations de recherche. Moi, je vous avoue que je me dis: La Commission n'a pas nécessairement les ressources et toute l'expertise pour se prononcer sur la pertinence d'utiliser telle donnée par rapport à telle autre pour une recherche. Ça, je pense que je conviens facilement de ça. Par contre, vous dites, sous le principe de la délégation, de la confiance, de la collaboration, de la décentralisation...

Ma question, c'est: Est-ce que les comités d'éthique, qui en même temps font partie d'établissements qui reçoivent des subventions ? la subvention, là, on la veut, on en a de besoin, de la source de financement ? est-ce qu'il n'y a pas, malgré toute la bonne volonté de ceux qui composent ces comités d'éthique... Encore-là, pour le citoyen, quelle est sa protection? Est-ce qu'on n'est pas juge et partie, par rapport au fait que notre directeur général, il veut l'obtenir? Puis là je me fais l'avocat du diable, là, comprenez bien, là, hein; je ne suis pas si réactionnaire, là, mais je me fais l'avocat du diable, parce que c'est ça, les questions qu'un citoyen peut se poser aussi par rapport à la source de financement, et que ce sont les mêmes personnes qui, juges et partie ou qui font partie du même établissement qui accepte aussi ces recherches et l'utilisation des données... C'est toujours... on revient toujours aux données. J'ai l'air un peu sévère, là, mais c'est vraiment pour que vous nous disiez, là, jusqu'où on va pour aller au-delà de la notion strictement de confiance.

Le Président (M. Cusano): M. Fortin.

M. Fortin (Jean-Paul): Oui, je voudrais préciser tout de suite que c'est.. je pense que j'ai laissé une mauvaise image du message que je voulais passer. Je ne voudrais pas que le système soit uniquement basé sur une relation: on fait confiance à tout le monde, puis il n'y aura pas de problème. La partie de relation de confiance, c'était celle qui était à la base de mettre en place un mécanisme très organisé, très structuré, mais qui laissait plus de place à une fonction locale pour être plus efficace, mais qui, évidemment, doit tenir compte de règles du jeu très sévères, de règles aussi ? c'est pour ça qu'on a parlé de délégation ? des conditions, on a parlé de conditions technologiques, il y a des conditions humaines, et donc... puis la capacité de la CAI de suivre ça, de savoir ce qui s'est passé puis de recevoir l'information. Sauf que ce qu'on essaie d'éviter, c'est d'avoir... que la CAI doit prendre, qu'on doit attendre que tout se passe avant, pour être capable d'arriver en haut de la côte, pour être capable de commencer à travailler. Je caricature un petit peu, mais on dit qu'il y a des choses qui peuvent se faire. Un des éléments, je pense, qu'il faudrait voir aussi, c'est que, si on a sur le terrain des gens qui ont la responsabilité et l'imputabilité et qui doivent rendre des comptes, et la capacité de la CAI de venir vérifier, peut-être que ça va... ça peut même être un petit peu plus serré, en termes de contexte et, je dirais, de rigueur de l'application, parce qu'ils vont devoir rendre des comptes là-dessus puis parce que les gens qui sont locaux, sont dans les milieux, vont peut-être connaître un petit peu plus la nature de la recherche, la nature du contexte, la nature de ce qu'on veut faire avec, puis ils vont peut-être entendre parler un petit peu aussi de comment ça peut se passer que quelqu'un qui est un petit peu plus distant. Il y en a même qui pensent que ce serait plus facile de passer à côté de règles du jeu qui seraient importantes si les gens sont plus loin du terrain que sur le terrain lui-même.

n(12 h 20)n

Mme Courchesne: Est-ce qu'il y a quelqu'un d'autre que la CAI qui pourrait suivre ce genre de dossiers là ou autoriser ou... Est-ce qu'il n'y a pas des organismes peut-être plus spécialisés que... Parce que, encore une fois, est-ce que la CAI a tout ce qu'il faut pour se prononcer sur la pertinence de l'utilisation de telle ou telle donnée dans un projet de recherche quasiment scientifique, là? J'essaie de voir: est-ce qu'il n'y a pas d'autres mécanismes qui peuvent être...

M. Cloutier (Richard): ...la CAI a été critiquée pour son incompétence sur le plan technique, parce que, quand ils ont besoin de compétence, ils vont la chercher, ils vont consulter, mais c'est toujours la question du délai, vous voyez. On prend le projet que vous mentionniez...

Mme Courchesne: ...ressources.

M. Cloutier (Richard): En effet. Et l'idée d'avoir des yeux qui sont plus locaux dans l'étude des processus, ça nous donne encore une fois une capacité d'exploiter notre patrimoine. La question très intéressante que vous disiez: Est-ce qu'on est en conflit d'intérêts, comme promoteur de recherche, par rapport aux bénéfices que ça peut apporter? Dans un sens, l'établissement n'a aucun intérêt. Alors là, c'est tellement glissant, des dérapages d'éthique, que l'établissement n'a vraiment aucun intérêt à ce qu'il ne soit pas vraiment béton sur le plan de sa protection. Et quand on pense constamment aux dossiers personnels, par exemple en santé mentale ? très bon exemple que vous aviez ? que tout le monde va savoir ce qui m'arrive, puis mes compagnies d'assurances vont, etc., il y a des moyens techniques simples pour rendre irréversible ? puis des filtres de protection ? pour rendre irréversible... qui sont validés, qui existent dans différents pays du monde, dont au Canada et au Québec, avec l'Institut de la statistique, des moyens techniques très simples pour faire en sorte que votre identité soit irréversiblement hors de portée de l'accès aux données. Mais, à l'intérieur de projets où votre identité devrait être maintenue, en effet, votre consentement devient un outil fondamental que n'importe quel comité d'éthique actuel exige. Vous voyez?

Donc, sur le plan de la protection de la vie privée, on a des outils puissants, mais l'idée d'avoir une participation appropriée d'appropriation par le local fait qu'un chef d'orchestre comme la Commission d'accès à l'information pourrait continuer d'avoir un rôle central, mais de faire confiance aux niveaux locaux, non pas parce que ces gens-là ne sont pas imputables, au contraire, ils deviennent, au contraire, encore plus facilement ciblés par l'imputabilité.

Le Président (M. Cusano): Merci. M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Morin (Montmagny-L'Islet): M. le Président, est-ce que ça ne se fait pas au niveau... concrètement, dans le moment, sur le terrain, entre un centre hospitalier et le CLSC? Est-ce que, sur le terrain, ce n'est pas déjà en place? Là, je pense médicaments, je pense...

Mme Bouchard (Diane): On croirait que oui, souvent ? Diane Bouchard, projet RIGIC ? on espère que oui quand on est patient ou qu'on se retrouve du côté noir de la statistique, très mince, où on se retrouve avec un problème de santé. Malheureusement, le Réseau, en termes de distribution des services, va plus vite que les moyens qu'on donne aux gens qui dispensent les soins pour accorder au patient un maximum d'acuité, en fait, avec tous les éléments en cause dans son dossier clinique, pour être en mesure de prendre des décisions éclairées. Alors, au moment où on se parle aujourd'hui, la frontière administrative encadre la circulation des données associées à un patient quand la distribution de services, elle, se fait à travers plusieurs entités administratives. Et, malheureusement, oui, l'information va arriver à circuler, mais de façon très difficile, donc avec des délais, et lorsqu'on attend un résultat, par exemple, d'un scanner pour connaître si le cancer s'est propagé ou si notre maladie a progressé de façon marquée, si ça se situe sur deux établissements de soins aigus différents, bien il va pouvoir se passer deux visites, avec des délais d'attente significatifs, pour avoir une réponse ferme au niveau de notre état de santé. Ça, c'est le courant de plusieurs personnes qui, dans la population, ont à aller chercher des services qui, au niveau de la continuité, sont supportés dans un groupe d'établissements.

Et là on ne parle même pas d'un environnement, je dirais, presque protégé ? CLSC, établissements ? mais on parle souvent d'un groupe d'établissements de soins aigus où, entre autres, on va partager des services qui deviennent uniques pour une région, ou même suprarégional. Donc, le client, le patient qui a à transiter à travers ces services-là doit faire preuve de beaucoup de créativité s'il veut, lui, raccourcir ces délais-là puis avoir des réponses fermes.

Je pense qu'on parle beaucoup de continuité de services, je pense qu'on parle d'élargissement, en fait, hein, de la portée. Ne serait-ce qu'au niveau de la recherche ou au niveau clinique, les frontières organisationnelles d'une entité administrative sont vite débordées, au moment où on se parle.

Ce qu'on cherche, je pense, en termes d'organismes puis en termes d'intervenants très actifs sur ce terrain-là, c'est de s'assurer qu'on retrouve l'équilibre entre le bénéfice pour ces patients-là et la protection de leur vie privée. Je pense que, actuellement, dans un projet comme celui de RIGIC où on s'assure du consentement, où on a établi des règles et des politiques très strictes de gestion de la confidentialité, les clients ou les patients sont toujours très surpris d'être sollicités pour consentir à ce qu'on ait de l'information les touchant dans le cadre de leur processus de soins, surtout quand, du côté du clinicien... Je vous donne un exemple: Trois-Rivières et Shawinigan partagent les mêmes hémato-oncologues. Quand je vois le Dr Carrier à Trois-Rivières et que, un mois plus tard, il me revoit à Shawinigan, le dossier qu'il a physiquement en main ne tient aucunement compte de la continuité des services qui, régionalement, sont déjà de facto, enfin, endossés par la communauté. Donc, on se retrouve... Évidemment, on pense que ces balises-là sont requises, mais il faut aussi reconnaître qu'aujourd'hui les ressources sont partagées dans une région.

Le Président (M. Cusano): Merci, madame. Mme la députée de Duplessis.

Mme Richard: Bonjour. Moi, j'irais un petit peu sur l'aspect clinique. Bon, on sait présentement qu'il y a des cartes, on dit une carte à puce, que ça a déjà fait le tour des projets-pilotes dans certaines régions, où toutes les données du patient vont sur cette carte-là, au niveau informatique. Ça a donné des résultats assez bien dans des régions; chez d'autres, ce n'est pas appliqué encore.

Moi, je trouve que c'est très complexe, où vous voulez aller. Vous êtes contre la recommandation ? vous ne l'appuyez pas ? la recommandation 40. Comme Mme la ministre faisait mention tantôt, on a tout l'aspect du citoyen, pour la confidentialité du citoyen, que ce soit au niveau de la protection de la jeunesse ou si une personne est atteinte d'un cancer, tout ça. Il y a énormément de données dans le monde médical qui circulent, qu'on le fasse par notes manuscrites au niveau d'un dossier du bénéficiaire qui circule par interétablissement. Et, partout, ce qu'on voit quand on va dans les hôpitaux, tout ce qu'on voit, c'est confidentialité, confidentialité, et, en tout cas, pour en avoir vécu et en avoir entendu, on sait que ce n'est pas si confidentiel que ça dans notre monde médical. C'est assez complexe, on l'a dit: Il faudrait des heures, puis j'aurais beaucoup de questions à vous poser là-dessus.

Par rapport à ça, après, le citoyen, l'information circule, peu importe, son taux d'hémoglobine, et ci et ça, ça circule entre... interétablissement. Des fois, oui, il donne accès; d'autre fois, il ne donne pas accès, lui, à... il ne donne pas l'autorisation que ça circule comme ça; parce qu'il a le choix, pour les spécialistes dans telle région ou telle région, le dossier suit. Et, en contrepartie, comme on en a fait mention tantôt, souvent le patient a de la difficulté, lui, à obtenir des renseignements sur son propre dossier médical: où sont rendus ses examens, les résultats de sa biopsie? C'est assez complexe. Et monsieur, tantôt, a parlé, bon, qu'il fallait... vous avez parlé un peu de réseauter tout ça, et je ne me souviens plus du terme que vous avez ? je l'avais noté ? que vous aviez employé...

Une voix: Les conventions.

Mme Richard: Bon, les conventions, c'est ça. Il faudrait tous convenir ensemble. Et ce qu'on se rend compte, c'est que, dans chaque région, on a des modèles; souvent, on a des modèles de base, mais on a des modèles qui sont différents par rapport, je vous dirais même... je pourrais élargir même à par rapport à la Loi de la protection de la jeunesse. Dans une région, on va aller ? bon, c'est plus la mère ? on va aller... on va regarder plus qu'est-ce que le père a fait, des fois, pour la garde, si l'enfant a été en situation...

Je me rends compte, en tout cas, qu'on aurait beaucoup à faire, mais ma question principale, parce que je me trouve... pour la recommandation 40, je voudrais comprendre votre position, que vous n'appuyez pas cette recommandation, quand on parle que dans le domaine médical la confidentialité... en tout cas, pour moi, c'est ce qu'il y a de plus important, parce que c'est notre identité, c'est des données qui souvent sont éparpillées un petit peu partout.

Le Président (M. Cusano): Merci de votre question. Avant de demander à nos invités de répondre, compte tenu du fait qu'il est midi trente, j'ai besoin de votre consentement pour pouvoir procéder. Est-ce qu'il y a consentement? Consentement. M. Fortin, la question est posée.

n(12 h 30)n

M. Fortin (Jean-Paul): Je suis un petit peu surpris quand vous dites qu'on n'est pas d'accord sur la recommandation 40. Ce que je croyais qu'on voulait proposer, c'est que l'étanchéité des banques débordent les institutions pour inclure le circuit du patient, donc, à quelque part, là, que le réseau de services intégré, que les corridors de service soient reconnus comme des entités qui permettent, là... qu'il y a les règles qui permettent justement à l'information de circuler. Donc, c'est la notion d'étanchéité au niveau d'un établissement par rapport à un autre établissement, en raison justement de l'évolution des pratiques. Donc, ce n'est pas une ouverture, là, de portes de grange, là. Je pense que c'est important, là-dessus... On reste toujours très préoccupés de ça.

Et c'est pour ça que, à travers tout ça, on demande instamment d'avoir une autre occasion d'aller plus loin dans les propositions qu'on peut faire. On a plusieurs équipes de projets qui travaillent de façon... très, très fort, je veux dire, de façon très forte au niveau des... pour trouver des solutions, autant sur des aspects cliniques et des aspects recherche, pour pouvoir partager, justement, le résultat de ces travaux-là et être capables de trouver des pistes qui sont cohérentes, pour respecter bien sûr les... le respect... en fait, pour s'assurer du respect des données personnelles, mais aussi pour s'assurer de l'efficacité d'un système cohérent, avec les meilleurs soins possibles à donner. Alors, on a beaucoup de choses à dire de ce côté-là.

M. Lavoie (Guy): Je voudrais juste ajouter, sur une boutade, que souvent on s'accroche au code d'exception: docteur, je suis malade, je voudrais être guéri, pouvez-vous avoir accès au maximum d'informations pour me guérir? C'est là qu'on se situe: accéder à l'information. Réglons les cas d'espèce. J'ai été responsable du projet de Rimouski sur la carte santé, on peut vous en parler, sur comment c'est recevable d'avoir introduit la nouvelle technologie dans la gestion des accès. Mais ce n'est pas le débat d'aujourd'hui.

Le Président (M. Cusano): Merci! Est-ce que vous avez d'autres questions, Mme la députée de Duplessis? Alors, M. le député de Berthier.

M. Bourdeau: Oui, oui, rapidement. Parce que, moi, je trouve ça...

Le Président (M. Cusano): Brièvement, s'il vous plaît!

M. Bourdeau: Oui, brièvement. Je trouve ça très, très intéressant, ce que vous amenez, parce que je pense que le défi du Québec dans les 20 prochaines années, c'est justement ça, d'essayer de trouver une solution pour réduire les coûts de santé, si on sait que dans 20 ans, là, selon la commission Clair, on va avoir doublé les coûts de la santé, puis, dans le même laps de temps, on va diminuer de moitié le nombre de travailleurs pour le nombre de retraités, ce qui va faire en sorte de donner un poids énorme, au niveau des générations futures, au niveau du système de santé.

Et cette idée-là d'avenir, c'est d'avoir un réseau beaucoup plus fonctionnel par l'informatique. Par exemple, la transformation... pas la transformation, mais plutôt la circulation des données va peut-être faire en sorte... mais, pas peut-être, selon moi, va faire en sorte d'amener une meilleure efficacité tant au niveau des coûts que des services. Parce que parfois ça arrive, malheureusement, que des gens vont à une place et ne sont pas satisfaits de la réponse qu'on leur donne et vont à une autre voir un autre médecin pour avoir, en fin de compte, accès à une réponse qui les satisfait.

Ma question, c'est au niveau plus... Vous parliez, là, des banques de données centrales, hein? Moi, je pense que c'est la plus grande difficulté, puis je pense qu'on a la démonstration, où on doit tracer la limite entre renseignements personnels puis efficacité des services. C'est là qu'est la... où qu'on peut la tracer. Et, moi, des mégabanques de données, c'est là, un petit peu, là... je trouve qu'il y a peut-être une petite difficulté. Comment pensez-vous... ou plutôt, quel type de données vous voyez qui pourraient être circulées dans le réseau, comparativement à d'autres? C'est ça qui est le problème, parce qu'on ne veut pas... En fin de compte, qu'est-ce que je veux dire, c'est qu'on ne veut pas vivre ce qui s'est vécu au Canada, où des mégabanques de fichiers... des données personnelles ont été distribuées à gauche et à droite. Quels types de données, au niveau de la santé, vous pensez qui sont beaucoup plus prioritaires à la circulation?

M. Fortin (Jean-Paul): Je vous dirais que mon premier réflexe, c'est que ce qui est prioritaire, c'est ce qui sert directement à donner les services, donc comment localement, dans un premier temps, on peut assurer des conditions pour le faire, et ça peut amener à avoir une centralisation locale des différentes sources de données; après, de regarder le lien entre les services plus spécialisés qui conduisent à aller vers des établissements qui existent, soit dans des régions ou soit dans d'autres régions à cause du degré de spécialité. Mais on parle du terrain, on parle du besoin du...

Maintenant, ce n'est pas... ce qu'on dit... On ne parle pas... On ne voudrait pas que vous partiez avec l'idée que, nous autres, on est des fervents de la banque centrale. Ce qu'on veut dire, c'est qu'on parle d'abord au niveau local, où ça se passe, on est proches du patient puis de son clinicien. Par contre, il peut arriver des circonstances, on pense, à certains moments donnés, où la façon la plus pratique et la plus faisable, mais toujours dans des conditions qui respectent, là, le patient, pourrait se faire à travers une banque centrale, pour des raisons x, y, z, que ce soit pour la vaccination, par exemple, ou différentes situations. On ne voudrait pas être... dire, là... Il y a des choses que, par définition, on devrait les faire sauter. On peut-u regarder les besoins puis trouver des solutions qui vont coller avec les besoins sur le terrain? Et, à notre avis, ça peut varier, dépendamment du problème qu'on veut régler.

J'aimerais insister sur la notion du consentement du patient. On est extrêmement sensibles à assurer toutes les conditions pour que le patient puisse consentir à ce qui se passe, en étant bien informé et éclairé, et que ces conditions-là doivent être intégrées ou incluses dans toute proposition, je dirais, acceptable de ce type de situation.

Le Président (M. Cusano): Merci. Merci, M. Fortin. J'aimerais vous remercier ainsi que les personnes qui vous accompagnent. On pourrait certainement continuer cette discussion pour longtemps. J'avais, moi-même, des questions sur la question du registre de dons d'organes, mais je vais me garder ça pour un autre moment. Alors, je vous remercie de votre collaboration, et les travaux sont suspendus jusqu'à 14 heures. Vous pouvez laisser vos documents ici, la salle sera fermée à clé. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 36)

 

(Reprise à 14 h 8)

Le Président (M. Cusano): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission de la culture reprend ses travaux. À ce moment-ici, nous entendrons la Société québécoise d'évaluation de programme. Je demanderais à nos invités de bien s'identifier pour les fins du Journal des débats.

Société québécoise
d'évaluation de programme (SQEP)

M. Marceau (Richard): Alors, bonjour. Je me présente: Richard Marceau, je suis vice-président de la Société québécoise d'évaluation de programme. J'ai à mes côtés Sylvain Bernier, qui est membre du conseil d'administration et secrétaire de la Société québécoise d'évaluation de programme; Ghislain Arbour, qui est membre de la Société québécoise d'évaluation de programme et qui a participé à la rédaction de ce mémoire que nous vous présentons aujourd'hui; j'ai Jacques Gagnon, qui est trésorier de la Société québécoise d'évaluation de programme, membre du C.A., et, depuis de nombreuses années, c'est un peu notre mémoire institutionnelle.

Le Président (M. Cusano): M. Marceau, vous disposez d'une période maximale de 20 minutes pour faire votre présentation. Par la suite, il y aura une période d'échange des deux côtés, de ma droite et de ma gauche, pour une période de 40 minutes. Alors, vous pouvez procéder immédiatement, s'il vous plaît.

M. Marceau (Richard): Alors, merci, Mmes et MM. les parlementaires, membres de la commission de la culture, de bien vouloir nous entendre sur la réforme de l'accès à l'information.

D'abord quelques mots pour vous présenter notre Société, la Société québécoise d'évaluation de programme. La SQEP ? on l'appellera la SQEP pour raccourcir le tout ? est une société sans but lucratif qui rassemble près de 400 membres qui sont intéressés par l'évaluation de programme. 60 % d'entre eux travaillent au sein de la fonction publique, et les autres proviennent des réseaux de la santé, de l'éducation, des universités et du secteur privé. C'est une société qui a été fondée en 1988, donc elle a 15 ans d'existence. C'est la première société d'évaluation de programme au Canada, avant même plusieurs sociétés européennes d'évaluation, maintenant. Et la SQEP a pour objectifs de permettre aux personnes intéressées à l'évaluation d'échanger entre elles, de contribuer au développement de l'évaluation, d'être un centre de référence, de formation et de formation donc en la matière.

n(14 h 10)n

La SQEP, conformément à sa mission, défend vigoureusement l'évaluation de programme au sein de l'appareil public. Elle a remis, au cours des dernières années, des mémoires aux parlementaires et aux décideurs politiques. Et, dans tous ses mémoires, la SQEP insistait sur la nécessité d'inscrire toute proposition spécifique concernant la promotion de l'évaluation dans une vision globale de modernisation de la gestion gouvernementale. Elle s'est exprimée aussi par la voie des journaux et des réunions internationales. Enfin, elle a collaboré avec le Secrétariat du Conseil du trésor à la rédaction de diverses directives et guides d'évaluation.

Ce mémoire a pour but de communiquer à vous, membres de la commission, aux décideurs la position de la SQEP sur quelques recommandations du rapport de la Commission d'accès à l'information, qui propose une réforme, en particulier des recommandations qui touchent la pratique de l'évaluation. Elle se sent la responsabilité d'exprimer son appui à quelques recommandations du rapport, des recommandations qui vont toucher l'accès du grand public à l'information. Nous n'abordons pas la question de la protection des renseignements personnels. Nous concentrons donc notre attention sur les recommandations 5, 6, 7 et 8. Nous les passerons... D'abord, la recommandation 5, recommandations 6 et 7 ensemble et enfin la recommandation 8.

Sur la recommandation 5, qui propose d'adopter une politique de publication automatique de l'information, notre avis est qu'il faut appuyer fermement cette recommandation, en tout cas en ce qui concerne deux types d'informations, parce que c'est les informations que nous considérons comme étant significatives pour l'évaluation. C'est là que se situe notre compétence, pas sur les autres aspects. Il y a deux dimensions donc d'informations qui nous touchent et qu'on considérait important qu'elles fassent l'objet de publication automatique ou le plus rapidement possible: d'abord, ce qu'on appelle un peu lourdement, là, l'information de base sur les secteurs d'intervention publique; le deuxième élément, ce sont les rapports d'évaluation eux-mêmes.

Alors, je vais revenir sur cette notion d'information de base dans les secteurs d'intervention publique. C'est un peu lourd, ça mérite d'être expliqué. Et, pour arriver à expliquer nos motifs pour appuyer cette recommandation, je vais d'abord vous dire un petit peu qu'est-ce que ça fait, un évaluateur de programme, en gros, rapidement, hein, c'est peut-être bon de le faire.

Alors, je pense que dans le cadre de la gestion axée sur les résultats, qui est maintenant inscrite au coeur de la Loi sur l'administration publique, il y a cette recherche des résultats des interventions publiques, des programmes, des politiques, des lois et des règlements. Quels sont les résultats? Quels sont les effets? Et, pour ce faire, habituellement on va chercher des indicateurs sur les variables sensibles. Par exemple, si on intervient auprès des enfants qui sont malmenés, on va vouloir se renseigner sur: mais quel est le nombre de ces enfants malmenés? quel est le pourcentage dans la population? quelle est la gravité des incidents, etc.? Donc, on aura des indicateurs et qu'on appelle souvent des indicateurs de résultat.

Mais c'est là une petite illusion. En fait, c'est que le résultat des interventions publiques à l'égard des enfants malmenés, par exemple, ça va être logé dans l'indicateur. Mais c'est comme un oeuf, en fait. Si vous voulez, c'est comme un oeuf: il y a un blanc d'oeuf puis un jaune d'oeuf. Alors, le pourcentage d'enfants malmenés, c'est l'oeuf au complet. Mais l'effet des interventions gouvernementales, c'est le jaune d'oeuf, si vous voulez, c'est logé à l'intérieur de notre indicateur. Si, par exemple, on se rend compte à un certain moment qu'il y a 3 % des enfants ? pour dire un chiffre comme ça ? qui sont malmenés et que, l'année suivante, il y a 2 %, voyez, c'est en faisant jouer la mesure avant et la mesure après qu'on décodera qu'il y a une évolution positive dans la situation et qu'il faut aller identifier, finalement, au coeur de notre 3 % ou notre 2 %, quelle est la partie qui est due à une intervention gouvernementale. Et ce n'est pas si simple, puisqu'il y a plein d'autres facteurs que les programmes publics qui peuvent avoir un effet sur les situations qui sont sous la responsabilité de l'État.

Donc, en gros, c'est de mesurer les effets. C'est ça qui est le sens même du travail des évaluateurs. Et ça prend finalement une certaine méthodologie pour essayer de décortiquer, là, de trouver le jaune d'oeuf, finalement, à l'intérieur de l'oeuf. Ça, c'est le travail.

Alors, justement, pour éclaircir pourquoi on s'intéresse à cette information de base et qu'est-ce que c'est, de l'information de base dans les secteurs, bien, je vais procéder par un exemple. Si le gouvernement a élaboré un programme pour assainir les eaux des rivières, les évaluateurs, pour juger des effets des programmes d'assainissement, vont devoir se renseigner sur la qualité des eaux des rivières. Ça nous prend des indicateurs de qualité d'eaux, puis il faut les revoir en l'an 2000, en l'an 2002, en l'an 2004. Il faut suivre la situation. J'appelle ça une information de base, parce que l'État a la responsabilité de gérer la qualité des eaux et, pour ce faire, il doit être informé de la situation qu'il a à gérer. Les évaluateurs ont besoin de cette information pour dégager l'effet des programmes gouvernementaux. À travers l'évolution des solutions, on va aller identifier quelle est la part du gouvernement là-dedans, quelle est la part des programmes gouvernementaux. Donc, les évaluateurs, dans leur travail quotidien, ont à rassembler des données, des banques de données, à établir des banques de données, souvent dans leurs ordinateurs ou dans le réseau interne, et ces informations-là leur sont donc très utiles pour évaluer. Je reviendrai là-dessus.

Mais il faut constater que, comme évaluateurs, cette information-là n'est pas intéressante que pour les évaluateurs. Elle a beaucoup d'intérêt, nous pensons, pour le grand public. Si, par exemple, le ministère de l'Environnement détient... et c'est le cas, il y a d'ailleurs quelques bons outils Internet pour y accéder, ça pourrait être encore plus développé, mais ça l'est déjà un peu pour le fleuve Saint-Laurent en particulier. Si les citoyens ont à prendre des décisions quotidiennes aux niveaux économique et social sur l'emplacement de leurs résidences, leurs résidences secondaires, de leurs activités de loisir, ils ont besoin de connaître la situation environnementale. Ça n'a rien d'évaluation, ce n'est pas l'évaluation de l'intervention de l'État, c'est que l'État, en s'occupant, en décidant de s'occuper de l'environnement, est souvent le seul responsable du secteur, et c'est lui qui va détenir probablement les meilleures banques de données. Alors, souvent, les évaluateurs, pour évaluer leurs travaux, ont ces banques de données entre les mains.

Et nous pensons que ces informations pourraient être utiles au grand public. C'est vrai pour l'environnement et c'est vrai sans doute pour la santé, pour l'éducation, peut-être du côté des transports, pour les routes, les accidents sur les routes, enfin toutes sortes d'informations donc qui ne sont pas de l'ordre de la gestion publique, mais ils correspondent à des secteurs qui sont sous la responsabilité de l'État, et, puisqu'il a souvent le monopole dans ces secteurs-là, il est le grand détenteur des informations à ce sujet-là. Par souci d'efficacité sociale, économique, pour que les citoyens soient bien servis, cette information-là aurait avantage à être connue publiquement. Donc, cette information peut être utile aux citoyens.

Mais je reviens à nos travaux d'évaluateur. Elles servent, ces données-là, aussi à évaluer les programmes publics. Alors, nous pensons donc que cette... Et c'est ici qu'on voit bien le lien entre l'accès à l'information et l'évaluation, c'est notre travail de base, on doit travailler des informations sur les secteurs d'intervention. Alors, bien entendu, pour nous, le fait que ces informations-là soient aisément accessibles facilitent, là, d'un point de vue, je dirais, un peu égoïste, là, la manière de conduire nos évaluations de programme dans la fonction publique, dans les organismes publics et parapublics. L'accès à ces informations de base de manière, je dirais, assez automatique accélérerait sans doute grandement la réalisation des travaux d'évaluation.

On critique souvent les travaux d'évaluateur parce que ça prend beaucoup de temps, mais une des plus importantes parties de notre travail, c'est de rassembler l'information, d'obtenir des informations. Imaginez, si vous êtes au ministère de l'Agriculture, vous avez besoin de renseignements sur la production agricole qui sont peut-être au ministère de l'Agriculture, mais vous avez aussi besoin de renseignements qui sont au ministère de l'Environnement, et ça, ce n'est pas si simple que ça de les obtenir. Et, s'il y a un sens à les produire pour le grand public, bien, il y a un sens aussi pour les évaluateurs à les utiliser. Je dirais également que c'est bon pour les travaux d'évaluation mais aussi pour la reddition de comptes gouvernementale. Tous les rapports annuels des organismes publics et parapublics, avec la nouvelle Loi sur l'administration publique, nous conduisent à faire des rapports qui sont axés sur les résultats. Pour produire des résultats, on a besoin de l'information de base, et toute accélération de ces travaux-là, je pense, serait bienvenue.

L'autre point: l'accès grand public à l'information de base est essentiel à la crédibilité des rapports d'évaluation. Lorsqu'un ministère produit un rapport d'évaluation, il arrive que ce rapport-là soit public. D'ailleurs, l'accès à l'information permet aux citoyens d'obtenir ces rapports, règle générale, quand ils sont demandés, découverts, d'une certaine manière. C'est une chose. On a un rapport d'évaluation, on a des conclusions. Maintenant, quelle est la crédibilité d'un rapport qui est produit sans contenir les informations de base qui ont servi à faire l'évaluation, sans produire les informations qui pourraient servir à des citoyens, à des groupes qui sont armés pour faire des évaluations de programme publics, pour certifier dans le fond que cette approche d'évaluation, que ces conclusions d'évaluation sont solides? Alors, il est difficile de croire qu'un rapport d'évaluation peut être crédible si les informations qui servent à faire les rapports ne sont pas accessibles aussi au grand public.

n(14 h 20)n

Je poursuis en disant que, pour ce qui est des rapports d'évaluation eux-mêmes, je pense... nous pensons, à la Société québécoise d'évaluation de programme, que c'est bien que ces rapports d'évaluation soient publics, automatiquement publics au moment où, évidemment, on a achevé le processus d'évaluation. C'est bien. D'abord, une raison pour laquelle c'est bien, c'est parce que c'est difficile à produire, c'est coûteux à produire, un rapport d'évaluation. Il y a des budgets associés à ça. Ça prend une certaine expertise pour les produire. Les citoyens ne sont pas en mesure de répliquer automatiquement à ce genre de travaux, et donc, puisque c'est payé par les fonds publics, ce serait intéressant que les citoyens aient ça, parce que c'est rare, d'abord parce que c'est rare.

Deuxième raison, peut-être plus importante, c'est parce que la démocratie y gagne. Le débat démocratique sur les lois, les politiques, sur les moyens d'intervention que choisit l'État, peu importe le parti, peu importe la plateforme politique... Les moyens d'intervention choisis, quels sont leurs effets? Si c'était mieux compris, mieux connu, la démocratie gagnerait en raffinement, avec des idées plus claires sur les options qui sont disponibles à la société pour régler ses propres problèmes.

Donc, nous pensons, oui, que les rapports d'évaluation sont utiles à l'organisation. Mais, qu'ils soient disponibles publiquement, comme on le reconnaît, puisqu'on peut aller les chercher... Le fait qu'ils soient automatiquement rendus publics modifierait sans doute, quand même, un peu la pratique quotidienne, et surtout pour les gens, les citoyens ordinaires qui n'ont pas l'occasion... n'ont pas toutes les ressources pour questionner, pour savoir que ces rapports existent ou non.

Et puis, le fait de les rendre publics, bien ça aurait un effet sur les évaluateurs eux-mêmes. C'est-à-dire que, puisqu'on souhaite, par l'accès à l'information, que le gouvernement soit plus ouvert, plus transparent, bien il faut que la fonction évaluation soit aussi plus ouverte, plus transparente. En mettant nos rapports publiquement, on s'ouvre le flanc à la critique, c'est vrai, mais nous pensons que ça renforcirait la fonction évaluation, ça la renforcirait parce que ça responsabiliserait d'autant plus les évaluateurs dans leurs choix méthodologiques de dire: Écoutez, n'oubliez pas, vos rapports seront rendus publics, vous devrez les défendre, alors faites tout en votre possible pour que ce soit solide, que ça résiste à la critique. Donc, ça s'applique aussi aux évaluateurs.

Ce qui donc termine le point sur la recommandation n° 5. Nous pensons que cette recommandation, si elle touche l'information de base, si elle touche les rapports d'évaluation, ça va améliorer la vie démocratique, certainement, une légitimité accrue de l'appareil d'État et puis une amélioration des décisions socioéconomiques des citoyens, parce qu'ils auront l'information de base pour prendre les décisions.

Les recommandations 6 et 7, qui proposent d'adopter un plan et un index pour les documents, de notre point de vue, bien, oui, ça concrétise le principe, d'abord en aidant à repérer toutes ces informations concrètement, et je pense que le travail des évaluateurs entre ministères, par exemple, serait beaucoup facilité; d'autre part, serait facilitée la planification de l'évaluation générale. En connaissant mieux, de façon plus aisée, ce qui est produit en évaluation de programme, ce qui est produit en information de base, il est plus simple de planifier ce qu'il manque. Puis, d'une certaine manière, la vie démocratique s'enrichirait, oui, et créerait peut-être une nouvelle dynamique en termes de production d'évaluations.

Nous souhaitons le développement de la fonction évaluation, et on peut croire qu'en rendant accessible... et donc, de créer une vitrine sur les travaux d'évaluation des organismes publics, les citoyens auront plus naturellement le souci de vérifier si, oui, il existe des évaluations et où il n'y en a pas, d'évaluation, et donc ça suscitera des questions plus précises: Oui, nous voulons en savoir un peu plus avant de poursuivre les programmes. Qu'est-ce qui se passe? Avez-vous posé un jugement là-dessus? Moi, c'est un... Nous pensons, à la Société, que ce développement de la fonction évaluation serait enrichi, donc serait renforcé par cette dynamique qui serait publique.

Enfin, j'insiste, même si ça a été un peu mentionné, que l'index et le plan, par le fait.... Actuellement, la situation est que, lorsque vous voulez réaliser vos évaluations, vous les réalisez à l'interne, elles sont peu diffusées, et la communauté des évaluateurs bénéficie peu des travaux des autres évaluateurs dans les autres ministères et organismes publics. S'il y a des développements méthodologiques qui sont faits à un endroit, une meilleure recherche d'indicateur à un autre, une meilleure technique pour mesurer certains indicateurs, cette information-là ne circule pas bien. Alors, c'est certain qu'un index et un plan faciliteraient le décloisonnement, on pourrait dire, ce décloisonnement plus horizontal donc des évaluations, des travaux d'évaluation, des méthodes.

Enfin, sur la recommandation n° 8, qui invite le législateur à examiner la possibilité de rendre accessibles les avis et les recommandations dès que le processus décisionnel est achevé, en ce qui concerne les rapports d'évaluation et les avis et recommandations contenus dans les rapports d'évaluation, bien nous sommes d'avis qu'en principe cela contribuerait à mieux informer les citoyens, à enrichir, encore une fois, le débat démocratique, certainement. D'ailleurs, les évaluateurs qui ont fait leur travail sérieusement n'auraient pas à rougir de leurs avis et recommandations.

Cependant, même si ce principe-là mérite notre appui, sa mise en oeuvre, actuellement, peut poser des difficultés, notamment en ce qui a trait aux conditions de pratique de l'évaluation. En rendant les avis et recommandations publics rapidement après le processus décisionnel, on peut penser, puisqu'ils sont publics rapidement, que, pour les groupes d'intérêts, par exemple, de la société ou tout acteur voulant influencer la décision politique, au lieu de se manifester, au niveau politique, auprès des élus ou auprès des grands administrateurs, sous-ministres et autres, donc au niveau stratégique de l'administration, il serait intéressant de faire des pressions directement au niveau de l'évaluateur, puisqu'il va rédiger les avis et recommandations. Est-ce que c'est ce qu'on veut?

Le travail d'un évaluateur, c'est quelque chose d'assez technique, hein, méthodologique, d'aller chercher, le plus objectivement possible, les effets des interventions publiques. Et si... au niveau de la rédaction des avis et des recommandations, donc, s'il y a un avantage, tous ces groupes d'intérêts, qui sont présents dans l'administration publique, hein, ils ne sont pas juste aux portes des ministères, la dynamique politique est partout...

Le Président (M. Cusano): Conclusion, s'il vous plaît.

M. Marceau (Richard): Oui, donc je conclus rapidement. Donc, nous pensons qu'ils seraient situés au coeur d'une arène politique, que normalement on réserve plus au niveau stratégique de l'organisation. Et, pour ça, bien, tant qu'on ne réexaminera pas les conditions de pratique des évaluateurs, on peut penser que c'est plus au niveau stratégique de l'organisation à produire des avis et recommandations publics. Bien, je vous remercie.

Le Président (M. Cusano): Merci. Mme la ministre.

Mme Courchesne: Merci. Merci beaucoup, messieurs, d'être ici aujourd'hui et de nous consacrer cette heure, cette prochaine heure, ce prochain 40 minutes. Je vous avoue que j'ai parcouru, je vous dirais, assez en détail votre mémoire. D'abord, j'aurais peut-être une question d'information. Les 400 membres de votre association se retrouvent dans quelle catégorie principalement, là, majoritairement, de personnes? Est-ce que ce sont des employés de l'État ou ils sont à l'extérieur de l'État?

M. Marceau (Richard): C'est des employés de l'État, en très, très grande majorité dans la fonction publique québécoise, un peu fédérale, réseau de la santé, réseau de l'éducation, les universitaires sont de plus en plus nombreux, et un peu le secteur privé.

n(14 h 30)n

Mme Courchesne: Alors, je vous avoue que, effectivement, je pense que vous démontrez bien la pertinence des programmes de l'évaluation en tant que telle. Vous démontrez aussi que c'est une méthode qui est technique, vous l'avez dit à quelques reprises, là, dans votre exposé, puis je crois qu'on peut le dégager de votre mémoire. Moi, je vous avoue que j'essaie de comprendre un peu votre démarche, au sens où... Puis je vais être très franche, mais ça se veut très amical, j'ai comme le sentiment que cette loi d'accès à l'information... ou les éléments que vous voudriez revoir dans la loi permettraient d'accréditer la nécessité ou l'obligation, presque, pour les ministères et organismes de pratiquer cette évaluation. J'essaie de voir si la fin justifie les moyens ou si... Est-ce que je me trompe? Puis je vous avoue que ça pourrait être légitime, là. Je ne porte pas de jugement, mais je sens, à la lecture et en vous écoutant, que vous essayez d'utiliser la loi pour démontrer qu'il serait intéressant de rendre... pas obligatoire mais presque cette nécessité d'évaluation. Est-ce que je me trompe?

Le Président (M. Cusano): M. Marceau.

M. Marceau (Richard): Bien, je distinguerais peut-être deux blocs; je reviens sur cette notion d'information de base. Je pense que, même si on ne touchait pas au rapport d'évaluation, à la pratique d'évaluation, le fait de rendre publique l'information de base que détiennent les évaluateurs de programmes, ce serait un gain pour la société, alors indépendamment du fondement de notre société. Mais j'avoue que... et c'est notre rôle de promouvoir la fonction d'évaluation, que nous y voyons un lien intime. Nous ne forçons pas les choses, mais nous pensons qu'il y a un lien intime entre l'accès à l'information et la façon dont les évaluations se pratiquent dans les ministères et organismes.

Et ça, peut-être que je peux vous expliquer pourquoi nous pensons que c'est intimement lié, plus précisément. C'est que les évaluations de programmes sont commandées par les organisations publiques. Un ministère peut se commander à l'interne une évaluation de ses propres programmes. Quand commande-t-on une évaluation de programme? Ça peut être parce que le Conseil du trésor exige que, pour le renouvellement des crédits, on ait une évaluation de programme. Alors là le contexte est particulier. Effectivement, le Conseil du trésor demande une évaluation, donc les évaluateurs sont obligés de... sont dans un contexte qui va faciliter l'objectivité du travail. Lorsque la demande, elle est interne, on va commander une évaluation quand ça va mal? quand ça va bien? Ça dépend. Est-ce qu'on aura toute liberté pour exercer le métier d'évaluation?

Pensons, pour faire une analogie, au vérificateur interne. Un vérificateur est à l'interne et est là pour vérifier si les pratiques sont correctes à l'intérieur. Est-ce que ce serait suffisant, dans nos institutions politiques, de n'avoir que de la vérification interne? On a pensé que non; on a instauré un Vérificateur général, pourquoi? Parce que lui peut aller vérifier les pratiques de vérification interne. C'est donc dire que lorsqu'on demande, à l'interne, à un vérificateur interne de faire une vérification il peut dire: Écoutez, je dois suivre les bonnes pratiques, parce que, si je ne les suis pas, le Vérificateur général va nous le dire.

Donc, cette existence d'un organisme externe qui vient faire un contrepoids aux appareils de l'exécutif vient d'une certaine manière ouvrir la fonction et rendre les obligations d'indépendance. Et c'est ce qu'on peut penser que le caractère public de l'information jouerait comme rôle dans l'ouverture de la fonction, donc.

Mme Courchesne: Si nous revenons à l'information de base, ma compréhension est à l'effet, au fond, qu'il faut aussi définir cette information de base. Donc, est-ce que, autant il y a de ministères, autant il y a de types d'information de base? Parce que, là, ça peut devenir... Est-ce que ça ne risque pas de devenir très lourd de demander à tous les ministères et organismes d'interpréter comment on définit ces informations de base qui seraient utiles davantage, peut-être, à un processus d'évaluation qu'à un citoyen? Parce que vous dites même qu'un citoyen ne serait pas capable d'utiliser de façon pertinente cette information-là pour arriver à faire cette bonne évaluation, ça fait que c'est pour ça que j'essaie de comprendre exactement qui est gagnant, là, dans ce que vous demandez. Est-ce que c'est le citoyen ou ce sont d'abord les évaluateurs qui devront faire l'évaluation pour le citoyen?

M. Marceau (Richard): Je dirais que c'est le citoyen, mais à deux titres: d'abord en consommant l'information de base directement ou en consommant l'information qui est contenue dans les rapports d'évaluation.

Mme Courchesne: Mais vous êtes d'accord que cette information-là varie d'un ministère à l'autre?

M. Marceau (Richard): Oui. Oui, oui, tout à fait. On peut penser que dans le domaine de l'environnement donc il s'agit probablement de qualité de l'eau ou qualité des sols, qualité de l'air...

Mme Courchesne: Mais qui va définir cette information de base là?

M. Marceau (Richard): C'est les ministères. Et, de toute manière, ce n'est pas un travail qui doit être fait en supplément, nous pensons, de ce qui est déjà fait, puisque dans la reddition de comptes, avec une gestion axée sur les résultats, les ministères doivent faire ce travail. Il s'agit plutôt d'être sûr de l'avoir bien organisé, de l'avoir rendu convivial et accessible. C'en est le cas du ministère de l'Environnement; mais c'est vrai du ministère de la Santé, probablement, et il y a tout un débat, là, je n'entrerai pas là-dedans, au niveau des hôpitaux; du côté du secteur de l'éducation également, l'information... le ministère de l'Éducation rend disponibles ses informations sur les épreuves uniques du ministère, donc, à chaque année, au niveau des écoles secondaires.

Alors, évidemment, cette information-là est différente d'un secteur à l'autre, parce que chaque secteur est différent, mais les obligations d'un ministère envers son secteur sont probablement les mêmes d'un endroit à l'autre, et il s'agit surtout de les mettre de manière conviviale, de les présenter de façon accessible, et elles pourraient être utiles, donc, pas pour évaluer les programmes, mais pour prendre des décisions quotidiennes.

Dans le secteur des hôpitaux, s'il y a eu débat sur l'information qui est produite sur les hôpitaux, probablement qu'on avait à l'esprit cette idée que, ah! les citoyens apprennent les décisions quand ils vont se faire soigner. Du côté des épreuves du ministère de l'Éducation, j'imagine que c'est pour les même raisons. Et l'Environnement, c'est la même chose: pourquoi rend-on publiques les données de qualité d'eau? Alors, d'un ministère à l'autre, ça peut être différent. Peut-être certains ministères n'ont pas à présenter, dépendant de ce dont ils s'occupent. Le ministère du Revenu, c'est une autre affaire, mais des ministères qui s'occupent d'un secteur social, qui rendent des services à un secteur en particulier ou qui gèrent l'ensemble d'un secteur sont particulièrement concernés.

Le Président (M. Cusano): Deux minutes, Mme la ministre.

Mme Courchesne: Mais, est-ce que ce ne serait pas plus simple de rendre les rapports d'évaluation disponibles plutôt que de commencer par, effectivement, ces éléments pointus et méthodologiques, là, au niveau de l'information de base?

M. Marceau (Richard): C'est qu'ils rendent un autre service. Les rapports d'évaluation permettent d'avoir une opinion sur la valeur des moyens d'intervention choisis aujourd'hui, tandis que... Donc, par exemple, on peut se poser, avec les mêmes indicateurs sur la qualité de l'environnement, on... peut-être régler deux besoins. D'une part, quelle est la qualité de l'eau dans mon secteur? Est-ce que je peux m'installer ici sans danger, sans problème? Puis, d'autre part, cette même banque d'information, si elle est traitée dans un rapport d'évaluation, va nous révéler quelle était la valeur du moyen d'intervention choisi par le gouvernement pour réduire la pollution de l'eau. Si on a assaini les eaux, est-ce que ça a eu un effet? Alors, c'est une autre question, puis elle est intéressante pour la démocratie, mais qui ne touche pas les décisions quotidiennes des citoyens. Donc, à deux titres, il y a deux besoins qui peuvent être répondus: d'un côté par l'information de base, de l'autre côté par le rapport d'évaluation.

Mme Courchesne: Juste pour conclure, est-ce que je m'exprime bien si je dis que, par contre, de donner... si un ministère donne juste la qualité de l'eau, sans autre information complémentaire, ça peut aussi avoir un effet complètement contraire à celui qu'on recherche? J'arrête là-dessus, mon temps est écoulé, mais...

M. Marceau (Richard): C'est certain qu'il faut réfléchir à la manière dont on produit l'information, pour qu'elle ne soit pas... qu'elle ne cause pas confusion auprès de la population. Et ça, ça mérite un certain travail, c'est certain. Mais je pense que les ministères seraient habilités à faire ce travail, et, dans certains cas, ils l'ont déjà fait.

Le Président (M. Cusano): Merci. M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, merci à nouveau pour votre présentation, dans un sujet qui est toujours fort intéressant. Et j'ai eu l'occasion à plusieurs reprises de tester plusieurs de vos capacités, d'ailleurs, dans d'autres commissions et dans d'autres occupations, aussi. Seulement pour m'éclairer, et là pour continuer un peu le... vous demandez que... il serait intéressant que les rapports soient rendus publics immédiatement. C'est ce que j'ai compris?

M. Marceau (Richard): Qu'ils soient rendus... La demande de la Commission d'accès à l'information, c'est qu'ils soient rendus automatiquement publics. Mais qu'est-ce qu'on entend? Quel est le délai exactement? Nous n'avons pas rien spécifié de ce côté-là, mais il faut que le processus évaluatif soit conclu, bien entendu.

M. Bédard: O.K. On est d'accord. O.K., O.K., c'est beau. Mais, autrement dit, ces rapports devraient ultimement être accessibles. Donc, quelqu'un... Il y aurait même, je vous dirais, dans le meilleur des mondes, là, et c'est possible d'ailleurs, là, d'avoir un outil qui dirait: bon, moi, je veux un rapport d'évaluation produit par votre profession ? est-ce qu'on peut... oui? par votre profession ? et à ce moment-là je clique, bon, qu'est-ce qu'il y a eu par rapport à tel programme; je vais dans Rapport d'évaluation et je clique sur ministère de l'Environnement; par la suite, bon, émission de je ne sais pas trop quoi, ou lutte contre... tel programme de lutte contre les gaz à effet de serre, par exemple; et là je vois, vous, vous avez évalué quel est l'impact réel qu'ont eu tels programmes à telle époque sur les émissions de gaz, par exemple, au Québec. J'ai bien compris?

M. Marceau (Richard): Oui. Normalement, ce sont des documents qui sont signés, oui, par des professionnels, mais qui proviennent d'une direction d'évaluation de programme du ministère de l'Environnement. Donc, ce sont des documents...

M. Bédard: Mais, comme la plupart de ces rapports, qui sont fort utiles d'ailleurs, participent souvent, et vous l'avez bien dit, souvent de décisions, de remises en question, parfois de constatations aussi, simplement, là, du bon fonctionnement, mais d'autres fois de divers problèmes, quel délai vous pensez qui serait... qui est juste? C'est selon la... Bon, c'est une prise de décision; c'est selon les règles actuelles, que vous souhaitez, ou vous pensez qu'elles devraient être modifiées? Je veux bien comprendre ce...

n(14 h 40)n

M. Marceau (Richard): Oui. En fait, on me précise, là, que, dans notre message, effectivement, je vous l'ai présenté tout à l'heure, on distingue le rapport d'évaluation des avis et recommandations qu'il contient. Alors là, le délai qu'on y verrait est certainement fort différent, parce que, comme on vous l'a expliqué, on pense que ça... Il y a toutes sortes de considérations stratégiques reliées aux avis et recommandations, on peut comprendre qu'elles peuvent être repoussées dans le temps, mais...

M. Bédard: Là, vous avez des réserves, d'ailleurs, c'est ce que vous dites, même sur ces recommandations-là, en termes... générales. C'est ce que j'ai compris aussi.

M. Marceau (Richard): Oui, voilà. Tandis que le rapport d'évaluation lui-même, qui se veut plus technique, probablement qu'il a des... qu'il a des effets stratégiques moins importants mais qui peuvent révéler quand même une situation qui est d'intérêt pour beaucoup d'acteurs sociaux. Et, dans ces délais-là, bien, nous n'avons pas précisé de délais spécifiquement, mais, lorsque le processus d'évaluation est terminé...

M. Bédard: Ils pourraient être rendus publics, comme le reste de l'information, tout simplement. Voilà.

M. Marceau (Richard): Oui, voilà. Voilà.

M. Bédard: C'est ce que vous souhaiteriez.

M. Marceau (Richard): Alors, je dirais que notre réflexion n'a pas précisé de dates, comme ça, mais nous souhaitons, dans le fond, la rendre publique relativement rapidement, beaucoup plus rapidement que les avis et recommandations, donc d'accélérer ce processus de publication, si vous voulez. Mais nous n'avons pas défini, tranché quel était ce moment: un an après la publication, au moment où la décision est prise, ce sont des options intéressantes.

M. Bédard: Vous m'excuserez, mais peut-être pour me détromper, quitte à ce que je me mette le pied dans la bouche, là, mais, si, demain matin, moi, je demande un de vos rapports par rapport à, je ne sais pas, moi, une évaluation que vous avez faite dernièrement, autre que dans la prise de décision, est-ce que j'y ai accès immédiatement actuellement, ou c'est... Est-ce que c'est régi différemment que les autres informations détenues par les ministères ou c'est à caractère protégé?

M. Marceau (Richard): Non. Normalement, je crois que, comme il a été souvent le cas, que les rapports peuvent être demandés via...

M. Bédard: ...la Commission d'accès.

M. Marceau (Richard): ...le processus d'accès à l'information et qu'ils peuvent être obtenus. Souvent, la difficulté, c'est de les connaître...

M. Bédard: Voilà.

M. Marceau (Richard): ...c'est savoir qu'ils existent.

M. Bédard: Non, non. Et ça, ça va dans le sens des différentes recommandations que nous avons, là, celle d'avoir une culture de l'information, de la transparence, donc de ne pas simplement réagir aux demandes d'information mais plutôt de rendre cette information accessible. Donc, c'est un des défis auxquels nous a convié la commissaire, d'ailleurs, et plusieurs personnes qui sont venues, donc de ne pas attendre l'information.

Parce qu'on disait: J'ai beau demander le rapport, si je n'ai pas le nom exact, on pourrait tout simplement me le refuser en me disant que tel rapport avec tel nom n'existe pas, et on respecterait intégralement la lettre de la loi, et même un peu l'esprit, je vous dirais, malgré que l'esprit serait peut-être un peu travesti. Mais il reste que, cette information-là, je n'y aurais jamais accès, ou peut-être en y tombant par hasard. Et je pense que ce n'est pas faire preuve de très grande transparence que d'agir de cette façon-là, surtout si des informations, parfois... Et vous concluez, par exemple, du moins d'une efficacité, mais... même un apport très faible par rapport à une situation qui s'est beaucoup améliorée. Mais vous constatez, vous, avec l'évaluation, que, non, le programme qui a été mis de l'avant a peu contribué finalement à... Il n'y a personne... Le ministère n'a pas avantage à faire sortir un rapport de cette nature-là, on s'entend.

M. Marceau (Richard): Voilà. Bien que... Tout à fait, c'est souvent comme ça qu'on va interpréter une conclusion négative d'un rapport d'évaluation, et ça peut restreindre sa diffusion, tout à fait. Bien qu'il faut concevoir l'évaluation comme étant un outil d'amélioration interne. Alors, c'est aussi, dans ce sens-là, une culture à changer. C'est souvent une mauvaise perception, une mauvaise intégration, aussi, dans les autres fonctions de gestion qui fait qu'on redoute et qu'on préfère ne pas trop mettre sur l'avant-plan des rapports qui, dans le fond, vont aider rapidement la prise de décision, qui peuvent aider rapidement.

M. Bédard: Je suis totalement d'accord avec vous, parce que c'est... un, ça empêche parfois de dire des énormités, même, je vous dirais... On a fait telle chose... et qu'un politicien ou même un fonctionnaire, peu importe, là, qui prend à preuve quelque chose qui s'est fait pourra même faire... en faire une autre, alors que, bon, le rapport a été peu connu, finalement, et qu'il n'y a pas, je vous dirais, un élément de cause à effet. Et ça éviterait peut-être des dérapages et ça ferait peu les manchettes, je pense, d'ailleurs, des différents médias. C'est des rapports complexes, souvent des situations a posteriori, aussi, qui amènent des éléments plus d'utilité par rapport aux gestionnaires ou par rapport à la personne, l'individu qui s'intéresse soit à la gestion ou à la modification d'une pratique ou d'une problématique, hein, bon, par exemple en environnement, comme on le disait.

Alors, on sait que les individus sont très intéressés, et c'est des gens qui ont presque la qualité d'experts, d'ailleurs, et qui peuvent juger, alors que la population en général, parfois non, mais un groupe de la population a cette expertise pour juger de la pertinence même des évaluations ou de mieux les assimiler.

M. Marceau (Richard): Oui. Souvent, les évaluations vont venir nuancer l'interprétation de chiffres un peu généraux. Comme, par exemple, si on s'intéresse au taux de natalité des Québécois, on note une variation, en deux ans, de... un chiffre, je ne sais pas, moi, 1,5 %, on dit: Aïe! on a un petit programme, il fonctionne très, très bien. Puis on se rend compte, en creusant la question, que le contexte économique a changé un petit peu, les jeunes ménages sont dans une meilleure situation, donc ont pris des décisions à cet égard, et ça vient tempérer un peu le jugement un peu rapide qu'on aurait eu sur... Et ça ne veut pas dire que le programme n'est pas bon, mais ça le «contexte» un petit peu puis ça évite de dire: Nos programmes ont un effet boeuf, finalement, sur la natalité.

M. Bédard: Ah non, vous avez tout à fait raison. Il me reste quelques minutes, j'imagine, mais ça va terminer...

Le Président (M. Cusano): ...15 secondes.

M. Bédard: 15 secondes? Mais je ne devrais pas revenir, normalement. Je le fais à l'occasion avec des groupes, je vais le faire avec vous parce que vous connaissez bien... J'ai, moi, l'impression de me répéter, mais, comme c'est un groupe différent puis que vous avez sûrement un avis très arrêté... Vous connaissez bien, évidemment, l'institution du Vérificateur, que je cite depuis... Parce que j'ai eu l'occasion de siéger à la commission de l'administration publique, donc tout le... au niveau de la gestion par résultats, on a participé avec le Vérificateur, les évaluations des unités autonomes. Et, moi, ça a été très instructif, je vous dirais, comme parlementaire, et j'y ai vu un intérêt où, moi, j'avais quelques doutes par rapport à l'institution. J'y ai constaté plutôt finalement l'utilité que représente le Vérificateur.

Vous dites dans le rapport, dans votre mémoire, l'importance de changer les pratiques des ministères. Or, ces pratiques dépendent des directives, et cette culture ne se change pas facilement, comme ça a été le cas d'ailleurs, pour rentrer presque... pas de force, mais disons, dans certains cas, presque de force, la gestion par résultats, là.

M. Marceau (Richard): Oui, oui, tout à fait.

M. Bédard: Et ça a pris des fois beaucoup de rapports du Vérificateur et plusieurs tapes sur les doigts avant que les gestionnaires assimilent, je vous dirais, pas dans tous les cas mais souvent... à quelques occasions. Qu'est-ce que vous pensez, justement, pour aider à ces pratiques, à l'intrusion de ces nouvelles pratiques au niveau de la diffusion de l'information et de l'accessibilité, de créer un poste de commissaire à l'information, qui serait de même nature que le Vérificateur, qui n'aurait pas un pouvoir ni d'adjudication, je vous dirais, ni même de sensibilisation, carrément de vérification des normes et pratiques, de s'assurer que les volontés, justement, de celles... de correspondre à une modification des cultures vers la transparence, vers des index qui soient accessibles pour le public... soient suivies finalement par tous les ministères? Qu'est-ce que vous pensez de l'apport d'un tel commissaire au niveau de ces pratiques?

M. Marceau (Richard): Bien, d'abord, je suis d'accord avec vous pour dire que... Pardon?

Le Président (M. Cusano): Brièvement.

M. Marceau (Richard): Brièvement. Donc, rapidement sur ce point, je ne suis pas assez expert dans les questions d'accès à l'information spécifiquement, mais je vous dirais que, pour la pratique évaluative, une analogie avec le Vérificateur général serait... est considéré souvent dans les débats sur la question que, oui, ça pourrait... Une institution comme ça, qui était chargée de s'intéresser à l'évaluation de programmes pour savoir si les pratiques sont correctes, certainement que ce serait intéressant. Vous savez qu'aux États-Unis le General Accounting Office a exactement ça pour mission, et la vérification et l'évaluation, ce qui met beaucoup de pression à l'interne pour que les pratiques soient adéquates.

Le Président (M. Cusano): Merci. Mme la députée de La Peltrie.

Mme Hamel: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs, merci d'être là. Je vous avoue que, personnellement, je fais une grande découverte cet après-midi, puis je pense qu'autour de la table aussi, concernant votre profession. J'ai lu votre mémoire, mais disons que vous avez apporté des éclaircissements tout à l'heure sur votre rôle de base, là. Votre formation, c'est varié, j'imagine, dans plusieurs disciplines, pour être capable de répondre à des...

M. Marceau (Richard): Oui. Dans les gens qu'on retrouve en évaluation de programme, ils peuvent provenir... en fait généralement des sciences sociales, ça peut être sociologie, sciences politiques, économiques. En particulier, moi, je suis professeur à l'ENAP, et nous avons une maîtrise spécialisée en évaluation de programme, en administration publique. Donc, c'est un volet spécifique. Et nous avons, depuis une dizaine d'années maintenant, formé de nombreuses personnes qui travaillent dans la fonction publique provinciale et fédérale en évaluation de programme, et je dois dire que c'est beaucoup en demande, parce que c'est une expertise qui est sollicitée aujourd'hui.

Mme Hamel: En tout cas, pour ma part, je considère intéressante... quand vous avez expliqué tout à l'heure, là, ce qu'on peut faire avec des données, puis d'évaluer par un programme, puis que de rendre ça public aux citoyens, je pense que... En tout cas, si j'ai bien compris, là, c'est fort intéressant pour les citoyens que de prendre des données de base, là, puis essayer de les analyser nous-mêmes, là, ça peut devenir intéressant.

n(14 h 50)n

J'aimerais vous poser une question. Quand vous vous exprimez au sujet des recommandations 6 et 7, alors le plan de publication de l'information puis l'index, vous dites que «l'index et le plan constituent une évaluation indirecte de la couverture de l'information produite par l'État». Qu'est-ce que vous voulez dire par «indirecte»?

M. Marceau (Richard): Bien, enfin, c'est que l'index et le plan vont constituer une sorte de vitrine, hein, de ce qui est réalisé comme travaux d'évaluation, et aussi qu'est-ce qui est disponible comme information de base. Donc, en ayant cette vitrine-là, le citoyen va être à même de se dire: Oh! bien là on voit que dans tel ministère il y a beaucoup de choses, puis, dans l'autre, il n'y en a pas beaucoup. Alors, d'une certaine manière, le citoyen est à même d'évaluer un petit peu, sommairement, là, l'effort, l'énergie qui est consentie par certaines administrations à fournir leur information au citoyen et aussi à s'évaluer, dans ce sens-là. Une évaluation, je dirais, un peu superficielle mais quand même qui... une information sensible.

Mme Hamel: Qui pourrait être complétée par des évaluations, là, si elles sont disponibles, finalement, les évaluations de programmes?

M. Marceau (Richard): Oui. Voilà, voilà. Tout à fait.

Mme Hamel: O.K. Dans un autre ordre d'idées, au sujet de la... vous permettez, M. le Président? Oui? Au sujet de la recommandation n° 8, alors, on parle de rendre accessibles les avis et recommandations dès que le processus décisionnel est activé. J'ai compris tout à l'heure que, bon, les avis et recommandations, là, vous aviez une réticence justement pour... Puis là on a coupé... votre 20 minutes était expiré, alors je voulais vous donner l'occasion de poursuivre dans cet ordre d'idées là.

M. Marceau (Richard): Oui. Alors, peut-être pour donner un exemple fictif, là, vous avez un programme qui est destiné aux agriculteurs, vous devez l'évaluer; alors, vous avez beaucoup d'opérations techniques à faire, des données sur la production agricole, sur la qualité de l'environnement, etc., puis vous faites un peu le point, techniquement, sur les effets que ça a produit. Vient le temps de faire un avis, une recommandation pour la poursuite ou non du programme. Alors, sachant que ces avis et recommandations seraient publics rapidement, je pense que tout groupe d'intérêts, là, les agriculteurs comme les autres, pas moins, pas plus que les autres, seraient certainement vigilants à cet égard-là et auraient l'occasion de manifester aux évaluateurs que, écoutez, il y a des conclusions qui sont plus néfastes que d'autres et que... La pression, donc, qui s'exerce sur les grands administrateurs ou sur les élus, bien, s'exercerait aussi au niveau de l'évaluateur, et qui ne serait peut-être pas très bien outillé, je dirais, contrairement à un vérificateur interne qui peut dire: La méthode m'oblige à ceci, puis, si je ne le fais pas, le Vérificateur général pourra nous dire qu'on a mal procédé.

Alors, cette espèce de mécanisme d'indépendance là, là, n'existe pas et il faudrait... Donc, c'est dans ce sens-là que je disais: revoir un peu les conditions de pratique pour s'assurer simplement que, lorsqu'on fait des avis et recommandations, que l'indépendance soit maintenue, d'une certaine manière. Et là je peux vous dire que ce n'est pas que ce n'est pas une bonne idée, de rendre ces avis et recommandations-là publics éventuellement, mais que, si on ne prévoit pas cette protection pour que le travail technique soit fait, bien il va y avoir peut-être moins d'avis et de recommandations... Il va peut-être y avoir moins de rapports d'évaluation, tout simplement. Et ce n'est pas ce qu'on souhaite.

Mme Hamel: Et les ministères, là, c'est à quelle fréquence? Est-ce qu'on peut mettre une fréquence à ça, là...

M. Marceau (Richard): On pourrait, mais...

Mme Hamel: ...de demandes de votre travail d'évaluateur?

M. Marceau (Richard): On pourrait... C'est-à-dire qu'on pourrait souhaiter que... Certains, par exemple, ont dit, au Canada ou aux États-Unis, qu'une fréquence de revoir tous les programmes aux cinq ans, ce serait un délai intéressant. On est loin de ça en pratique, bien entendu. On le fait dans des cas, je pense, qui sont jugés stratégiques, importants, que le Conseil du trésor lui-même va considérer importants. Alors, le jeu des acteurs externes, ici, à une organisation est assez important.

Par exemple, les ententes fédérales-provinciales, souvent, obligent à l'évaluation. Pourquoi? Parce que c'est certainement un contexte politique qui dit: Bon, bien, nous, on a à rendre des comptes, et on veut avoir un rapport objectif, et là on fait le point. Donc, dans ces moments-là, on les planifie, même. Alors, quelle situation fantastique, de pouvoir planifier une évaluation. Au total, d'ailleurs, ça coûte moins cher quand on les planifie que quand on les exécute rapidement, cinq mois avant la fin d'un plan quinquennal. Et donc, dans ce contexte-là, on le fait.

Lorsque le Conseil du trésor dit: J'ai des doutes, là, je veux des preuves plus tangibles que ça fonctionne, cette affaire-là, à ce moment-là, oui, on en a, et d'une certaine manière l'évaluateur se retrouve dans une situation d'indépendance ? ah, je dois conclure, on me demande... bon ? mais, lorsque c'est uniquement à l'interne... Lorsque finalement il y a une sorte de, je dirais... Parce que l'organisation, un ministère, un organisme public, c'est une sorte de monopole sur l'information, hein? Le pouvoir provient de la capacité de garder l'information secrète. Et on perd ce pouvoir lorsqu'il est public. Mais la question est de savoir: Est-ce que c'est normal que, à l'intérieur des institutions parlementaires, démocratiques, que cette information-là ne circule pas? Alors, de là l'importance, comme on le mentionnait tantôt, de... S'il y avait un contrepoids, dans les institutions politiques, pour faire fonctionner l'indépendance, finalement, de la pratique, ce serait plus aisé à soutenir.

Alors, on ne propose pas des grandes transformations comme ça dans le cadre de la réforme de l'accès à l'information, mais on disait simplement qu'on y voyait un fort lien entre la diffusion de l'information et cette sorte d'indépendance, qui ne viendrait peut-être pas de manière aussi tangible, aussi concrète que s'il y avait un évaluateur général du Québec, mais qui existerait un peu. Et ça faciliterait probablement cette dernière partie, donc, sur les avis et recommandations.

Mme Hamel: Merci beaucoup.

Le Président (M. Cusano): Merci, Mme la députée de La Peltrie. M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Très rapidement. Non, votre présence à cette commission a pour effet ? peut-être aussi ce qui va s'ensuivre, là ? mais de mieux faire connaître votre rôle. Il est essentiel et, je vous dirais, peut-être même encore plus actuellement. Mais là je le dis avec un soupçon de partisanerie, alors je vais l'enlever, je vais demeurer de bon ton avec vous pour ne pas vous placer dans une situation difficile.

Et ma recherchiste me faisait part de son questionnement par rapport... je l'ai abordé tantôt un peu, mais toute la question de rendre public, là. Est-ce qu'on peut vraiment tracer une ligne entre ce qui est évalué, bon, généralement, là, et, je vous dirais, ce qui vraiment participe de la prise de décision? Parce que c'est souvent d'ailleurs ce qui fait en sorte que les documents ne seront pas accessibles, c'est une des causes les plus importantes, je pense, selon moi. Mais est-ce qu'on peut tracer une ligne quand même assez claire entre des rapports généraux et ceux qui servent à la prise de décision? Bon, je comprends qu'il y aura toujours des cas limites, là, mais, en général, est-ce qu'on peut vraiment différencier ces types de rapports?

M. Marceau (Richard): ...l'évaluation, ce qui est une évaluation et ce qui est décision? C'est ce que vous me demandez?

M. Bédard: Ce qui est décision, mais, je vous dirais, l'apport du rapport dans la prise de décision. Parce que, bon, souvent, je peux réévaluer à partir d'un rapport et prendre une décision, ou plutôt que, même, ça débouche sur une reconsidération de l'ensemble, en termes ministériels, en termes de... même pour l'ensemble du ministère, là, de l'existence ou non, ou de la modification d'un tel programme. Et là, à ce moment-là, j'imagine que, tant que la décision n'est pas prise, le rapport fait partie intégrante de la réflexion du ministère, donc n'est pas accessible. Et là, je vous dirais: Est-ce qu'on peut tracer une ligne quand même assez claire entre ce qui serait admissible dès leur dépôt ou à peu près, là, et ce qui ferait état... et ce qui fait partie de la réflexion? Est-ce que vous pensez qu'il y a moyen d'arriver à une pratique intelligente, là?

M. Marceau (Richard): Il est certain que ce moment où on dit que la décision a été prise, que c'est un moment critique dans l'affaire. Parce que, normalement, le niveau stratégique a pris en compte toutes sortes d'autres considérations sur le programme, et sur aussi les paramètres budgétaires de l'organisme, et sur les priorités qu'il y a à l'intérieur du ministère, ce que l'évaluateur, à son niveau, n'a pas nécessairement comme vision. Donc, c'est un moment critique, parce que, là, en le rendant public, l'organisation peut expliquer aussi comment elle a «contexté» ce rapport, qu'est-ce qu'elle en a tiré, par exemple. Donc, c'est sûr que c'est un moment critique, ça, qui est intéressant pour rendre public.

Parce que le rapport d'évaluation contient certainement des propositions d'agir autrement, enfin un rapport complet. Parce qu'on peut mesurer les effets, oui, c'est essentiellement ça, l'évaluation, mais ça nous amène aussi à examiner la question des coûts et du rendement des interventions publiques et, ultimement, de regarder d'autres options: est-ce qu'il y avait des options plus intéressantes pour régler le même problème? Alors, ça met sur la table quelques options. Souvent, ces autres options sont moins chiffrées, parce qu'on n'a pas eu l'occasion de faire des études très approfondies sur ces autres options, mais on donne quand même des ordres de grandeur. Et ça, pour le décideur, c'est quelque chose de critique, parce que, évidemment, il y a d'autres considérations derrière chacune des autres options.

n(15 heures)n

Alors, je dirais qu'effectivement le moment où on prend la décision au niveau stratégique, c'est un moment critique pour rendre publique une évaluation.

M. Bédard: Mais là je ne veux pas revenir inutilement, mais il y a des cas où, tout simplement, c'est un rapport d'étape où, comme vous le dites, là, à ce moment-là, on pourrait le rendre public. Et c'est là que je vous dis: Est-ce qu'on peut tracer une ligne? Parce que, est-ce que vous diriez que, dans la plupart des cas, vos rapports servent à une prise de décision, dans un processus de décision, ou sont plutôt une information?

M. Marceau (Richard): Oui, je comprends votre question.

M. Bédard: C'est dans ce sens-là que je pose la question. Est-ce qu'on peut tracer une ligne?

M. Marceau (Richard): Alors, effectivement, il y a deux types de rapport d'évaluation, là ? vous me corrigerez ? les rapports d'évaluation formative et d'évaluation sommative. L'évaluation formative, ça se fait en cours de mise en oeuvre d'un programme, et là on fait le point un peu: Est-ce que ça va comme prévu? Est-ce qu'on dépense au bon moment? Est-ce qu'on a des plaintes? C'est plus processus, je dirais, comme évaluation. Et puis il y a l'évaluation sommative qui arrive à la fin, peut-être à la fin d'une phase quinquennale, par exemple, où là on fait le point, là, complet sur le programme et non pas en termes seulement de processus, mais en termes d'effets, de coûts, de rendement, et là c'est certainement plus critique pour l'existence du programme. Alors, c'est certain que l'évaluation formative, elle est plus de consommation interne, parce que c'est souvent le gestionnaire lui-même qui désire avoir... faire le point, en fait, sur sa pratique, et c'est vraiment dans un but d'amélioration je ne dirais pas quotidienne, mais, enfin, rapide. Et puis, l'évaluation sommative, c'est qu'il y a l'heure des bilans, finalement, là: Qu'est-ce que ça a donné, tout ça? Alors là, c'est certain que, pour la décision ultime, ces deux rapports-là n'ont pas le même poids: l'évaluation sommative est plus importante.

M. Bédard: Donc, à quel moment... Comme il n'y a pas de processus de décision en tant que tel, il y a simplement un constat, vous, est-ce que vos prétentions sont à l'effet que ces rapports devraient être rendus publics à ce moment-là?

M. Marceau (Richard): L'évaluation sommative?

M. Bédard: Oui.

M. Marceau (Richard): Oui, mais lorsque la décision...

M. Bédard: ...au moment où elle est délivrée, elle a été prise, évidemment, là, déposée auprès des instances appropriées, là....

M. Marceau (Richard): ...est déposée auprès des instances.

M. Bédard: ...mais, à partir de là, elle deviendrait accessible au public en général, par exemple. Moi, j'irais voir ? on est au bout de cinq ans, tel programme, par exemple, peu importe ? comment on le fait.

M. Marceau (Richard): Bien, c'est sûr que je peux vous donner mon avis, mais ce n'est peut-être pas celui qui est représentatif des membres de la Société, vu qu'on n'a pas défini précisément notre position sur cette question. Moi, je vous dirais simplement que, oui, ça m'apparaît un bon moment, lorsque la décision a été prise, mais...

M. Bédard: Merci. Je vous remercie. Mais, si vous avez d'autres commentaires à faire parvenir, si vous poursuivez votre réflexion, ne vous gênez pas d'abreuver cette commission de vos commentaires. On va continuer à vous lire, si vous émettez d'autres commentaires par rapport à cette réflexion de...

Le Président (M. Cusano): Merci, M. le député de Chicoutimi. M. le député de Berthier, en vous rappelant que vous avez trois minutes et demie.

M. Bourdeau: Ça ne sera pas très long. Ça, c'est une question qui m'est venue à force d'écouter. Vous faites affaire à la fois avec le gouvernement du Québec souvent ou fédéral. La question que j'ai, c'est que la CAI nous a signifié qu'il pourrait y avoir des problèmes par rapport à la loi d'accès à l'information québécoise, qui est plus sévère que celle du fédéral. Moi, je veux savoir: Dans votre pratique, est-ce qu'il y a des différences, aux niveaux fédéral et québécois, où vous pensez qu'il pourrait y avoir problème?

M. Marceau (Richard): Je ne sais pas si, toi, Jacques, tu es assez informé pour ça, mais, malheureusement... En fait, ce qu'on disait, c'est qu'on a des membres qui travaillent à temps plein au fédéral, d'autres qui travaillent à temps plein au provincial. Il n'y a peut-être pas personne qui est en mesure de bien faire l'intégration, là, de toute cette considération-là. Personnellement, non, je ne suis pas en mesure de le faire. Je sais que l'accès à l'information pour les rapports d'évaluation, c'est différent au fédéral qu'au provincial, que l'accès est plus automatique au fédéral, d'une certaine manière, que les rapports sont plus obligatoires. Il y a des rapports qui doivent contenir les évaluations. Même que, pour la reddition de comptes dans les rapports annuels, on doit mentionner explicitement les rapports d'évaluation qui ont été conduits, alors que ce n'est pas la pratique de ce côté-là au Québec. Donc, à ce moment-là, il y a déjà une pratique différente de ce qu'on retrouve au Québec. Mais je ne peux pas vous dire où on en est en termes d'accès à l'information, de façon générale, entre le fédéral et le provincial.

M. Bourdeau: Parce que le petit problème que je vois avec ça, étant donné que parfois on doit... comme je vous ai expliqué, là, les programmes, là, automatiquement, le fédéral demandait une évaluation de programme, qu'on doit donner une reddition de comptes au gouvernement central, puis cette étude-là qui serait faite pourrait être rendue publique plus rapidement que ce que le Québec pense qui devrait être fait. C'est là le problème que je vois là-dessus.

M. Marceau (Richard): Oui. Vous voulez dire, par exemple, dans le cas d'une entente fédérale-provinciale où il y a un rapport d'évaluation qui est produit, s'il ne pourrait pas y avoir un décalage dans la publication des travaux? C'est possible, c'est possible.

Une voix: C'est des choses qui peuvent être prévues à l'intérieur de l'entente.

M. Marceau (Richard): Oui, oui, c'est ça.

Le Président (M. Cusano): Il n'y a pas d'autres questions. Je tiens, M. Marceau, à vous remercier, au nom de mes collègues, pour un échange extrêmement intéressant. Merci beaucoup.

À ce moment-ci, je demanderais aux représentants de l'Association nationale des éditeurs de livres de bien prendre place, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Cusano): C'est un problème de micro ou...

Une voix: ...

Le Président (M. Cusano): On va essayer. Je comprends qu'il ne faut pas taper des pieds pendant qu'on est à cette table-là. C'est ça?

Bon. Alors, nous avons le représentant de l'Association nationale des éditeurs de livres. Pour les fins du Journal des débats, voulez-vous vous identifier, s'il vous plaît?

Association nationale
des éditeurs de livres (ANEL)

M. Sarra-Bournet (Michel): Merci, M. le Président. Je suis Michel Sarra-Bournet, conseiller aux affaires éducatives et gouvernementales à l'Association nationale des éditeurs de livres. Donc, je remercie la commission de la culture d'avoir accepté de nous entendre, et je vais parler au nom de notre président de l'ANEL, qui est M. Denis Vaugeois, et donc, je...

Le Président (M. Cusano): ...

M. Sarra-Bournet (Michel): Vous me pardonnerez de parler...

Le Président (M. Cusano): Je voulais absolument rappeler aux membres de la commission que, si aujourd'hui, au niveau des travaux des commissions parlementaires, on procède de la façon que l'on procède, justement, avec les consultations, et ainsi de suite, et avec toute l'autonomie aussi dont les commissions jouissent, au niveau des mandats d'initiative, c'est grâce au rapport qui avait été rédigé par M. Vaugeois et M. French. Alors, vous allez le saluer et le remercier de notre part. Alors...

M. Sarra-Bournet (Michel): Et lui-même m'a chargé de vous saluer et de vous remercier de l'invitation et aussi de féliciter les nouveaux parlementaires, puisque M. Vaugeois a été parlementaire durant un peu plus de huit ans lui-même.

Je vais essayer de traduire sa pensée sans la trahir. Ses propos portent davantage sur le principe et sur l'esprit de la loi d'accès à l'information que sur des détails, quoique nous allons également proposer ou, en fait, appuyer certaines des recommandations de la CAI.

Donc, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, vous allez me pardonner de lire une partie de notre mémoire que vous avez entre les mains. Je veux m'assurer de ne rien oublier. Donc, d'abord, je vais vous présenter l'Association nationale des éditeurs de livres, pour celles et ceux qui ne la connaissent pas. Issue de la fusion, il y a 12 ans, de deux associations d'éditeurs littéraires et scolaires, l'ANEL regroupe des maisons d'édition de langue française du Québec et du Canada français et compte actuellement environ 110 membres divisés en trois sections, regroupés en trois sections, devrais-je dire: section de l'édition littéraire, section de l'édition scolaire et section de l'édition générale.

n(15 h 10)n

Les actions de l'ANEL s'articulent autour de quelques pôles principaux: des activités de perfectionnement professionnel, des activités de promotion du livre et de la lecture, de la représentation auprès de pouvoirs publics ? nous y sommes ? et d'autres interventions dans le milieu du livre sur la scène nationale et à l'étranger. L'ANEL défend notamment le droit d'auteur et le droit à l'information, qui sont des composantes importantes de l'intérêt public.

Donc, un peu pour mettre en contexte mon intervention, je vais revenir sur l'esprit des lois d'accès à l'information et sur l'évolution de la législation depuis 20 ans. Au tournant des années quatre-vingt, le gouvernement du Québec a voulu favoriser l'accès à l'information. En cours de route, il s'est rendu compte de l'existence de la prolifération de banques de données personnelles utilisées à des fins commerciales ou gouvernementales. Il convient de s'interroger sur ce qui conditionnait l'intention du législateur à l'aube des années 1980.

Le 3 septembre 1980, le premier ministre de l'époque, René Lévesque, donnait à Jean Paré, président de la Commission d'étude sur l'accès du citoyen à l'information gouvernementale et sur la protection des renseignements personnels, le mandat, et je cite, «de définir et de recommander au gouvernement les principes, les exemptions et leur justification, les modalités d'application et d'administration d'une éventuelle loi d'accessibilité à l'information gouvernementale, y incluant les renseignements personnels que détient le gouvernement sur les citoyens». Fin de la citation.

Dans le libellé même de son mandat, soigneusement préparé par le ministère des Communications, dont le portefeuille a été occupé par M. Vaugeois à l'époque ? je me permets de le dire ? la commission Paré, cette commission nommée par le gouvernement, devait mettre l'accent sur l'accès à l'information. Cela avait été bien compris des commissaires qui écrivaient dans leur rapport que, et je cite, «la démocratisation suppose la libération de la connaissance. Un État qui refuse aux individus l'accès aux renseignements leur nie le droit de contrôler la chose publique comme de participer à sa gestion. Le secret conduit à l'abus de pouvoir». Fin de la citation.

Il était entendu que cette ouverture des registres de l'État devait s'accompagner de mesures visant à atténuer ses effets sur la vie privée des personnes, car, et je cite de nouveau, «il arrive que l'intérêt public soit mieux servi par l'accès aux documents administratifs; il arrive aussi qu'il soit mieux servi par la confidentialité». Fin de la citation.

Après huit mois de travaux assidus mais sans audiences publiques, la commission Paré présenta un rapport contenant 135 recommandations et une première version de ce qui deviendra la loi 65 sur l'accès au documents des organismes publics et la protection des renseignements personnels qui, entre autres, donnera naissance à la Commission d'accès à l'information. Que la commission Paré privilégiât l'accès à l'information est indéniable; sa recommandation n° 34 se lisait comme suit: «Seule une disposition législative expresse devrait soustraire un document à l'application du principe général d'accès».

La commission recommanda que, d'une manière générale, les renseignements personnels soient protégés mais ouvrit la porte à des exceptions, dans sa recommandation n° 117. Alors là il y a une recommandation qui est assez longue mais qui dit que ? moi, je vais la lire pour ne pas rater l'essentiel: «La Commission [...] peut, sur demande écrite, accorder à une personne l'autorisation de recevoir à des fins d'étude, de recherche ou de statistiques, communication de renseignements nominatifs contenus dans un fichier de renseignements personnels sans le consentement des personnes concernées, s'il est établi à sa satisfaction que:

«l'usage projeté n'est pas frivole et que les fins de recherche ne peuvent pas être atteintes à moins que les renseignements ne soient communiqués sous une forme nominative;

«les renseignements nominatifs seront utilisés d'une manière qui en assure la confidentialité.»

Ensuite, au cours des années qui ont suivi, ces objectifs de base du rapport Paré qui étaient de privilégier l'accès à l'information ont été détournés: d'un accent sur l'accès, on est passé à un accent sur le secret. Une espèce de cycle ou de retour du balancier qui a duré jusqu'à la fin des années 1990. En effet, le Québec a adopté plusieurs lois encadrant la protection des renseignements personnels, en plus de dispositions du Code civil qui restreignaient l'accès à l'information.

Je nommerai quatre étapes: la première, l'adoption de cette loi 65 d'accès aux documents des organismes publics et de la protection des renseignements personnels, loi 65, adoptée en 1982, qui couvre l'ensemble des documents gérés par l'État, qui gère leur détention et leur accès. Cette loi empêche la communication de renseignements nominatifs, c'est-à-dire qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier sans la permission de cette personne. Alors, c'est la première étape.

La deuxième, la Loi sur les archives, de 1983, qui donne des précisions sur la portée de la loi 65 sur l'accès aux documents des organismes publics et la protection des renseignements personnels en ce qui concerne le dépôt d'archives publiques et les dépôts d'archives privées agréées. Les renseignements personnels consignés dans des documents inactifs sont communicables, mais au plus tard 150 ans après leur création. Donc, c'est une restriction, c'est une possibilité d'empêcher la communication de renseignements personnels.

Troisième étape, le nouveau Code civil, celui qui a été adopté en 1991 mais mis en vigueur en 1994, qui protège le droit des individus à la réputation et à la vie privée, aux articles 35 à 41, en donnant aux individus un droit de regard sur les dossiers colligés les concernant et en interdisant la publication de renseignements personnels sans leur consentement ou celui de leurs héritiers. L'intention du législateur était à ce moment-là de protéger les individus contre les abus du gouvernement et des entreprises, mais ? je vais en reparler ? il y a des conséquences plus larges au niveau du droit à l'information et à la liberté d'expression.

Quatrième étape, finalement, la loi 68, la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, qui balise ces articles qui viennent d'être adoptés, 35 à 41 du Code civil. Même s'il ne s'agit pas d'une loi d'archives, le Code civil s'applique aux archives publiques, privées, agréées ou non. Elle vise l'utilisation des renseignements personnels par des entreprises au sens de l'article 15.25 du Code civil mais ne fait aucune distinction entre les activités des entrepreneurs commerciaux et ceux des auteurs, finalement, des artistes ou des auteurs littéraires ou scientifiques. Donc, un cycle d'adoption de lois qui met l'accent sur la protection des renseignements personnels et, comme vous avez été appelés à le juger à plusieurs reprises, qui va à l'encontre de l'accès à l'information, qu'elle soit publique ou privée.

Puis, le retour du balancier a commencé à s'amorcer il y a trois ans par le projet de loi n° 122, qui ne fut malheureusement pas adopté, qui constituait la révision statutaire de la loi 68 et qui faisait suite à l'avant-dernier rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information. Alors, dans ce projet de loi, le législateur faisait preuve d'une ouverture prudente en proposant d'amender la loi 68 et la Loi sur les archives, et donc il y avait une ouverture intéressante qui malheureusement n'a pas été complètement achevée.

Dans notre mémoire ? le mémoire des éditeurs ? en septembre 2000, sur la loi n° 122, nous soulevions des questions sur plusieurs aspects. Et, effectivement, la loi n° 122 n'a pas été adoptée, mais il y a une partie des éléments de la loi n° 122 qui sont revenus dans un projet de loi, le projet de loi n° 50 qui a été sanctionné le 13 juin 2002, qui a modifié certaines dispositions du Code civil, de la Loi sur les archives et sur la Loi de protection des renseignements personnels.

À deux reprises, l'ANEL est intervenue dans ce débat autour de la loi n° 50, le projet de loi n° 50: la première fois, devant la commission des institutions, directement sur la loi n° 50, et une deuxième fois devant la Commission d'accès à l'information où on étudiait le problème spécifique des généalogistes, qui étaient confrontés à la menace de poursuites lors de la publication de registres d'état civil.

n(15 h 20)n

Donc, une certaine ouverture, donc, depuis l'an 2000, des modifications dans la loi en 2002 qui ont donné finalement droit à certaines des demandes des éditeurs. Par exemple, l'article 35 du Code civil a été modifié pour en extraire le mot «héritiers», qui perdent ainsi le droit de poursuivre pour atteinte à la vie privée de personnes décédées. Il y a eu une modification à la Loi sur les archives, qui a été assouplie pour faciliter l'accès aux archives publiques en raccourcissant le délai de prescription, qui était de 150 ans; la loi sur les renseignements personnels dans le secteur privé, qui a été modifiée pour exclure le matériel journalistique, et maintenant historique ou généalogique, à une fin d'information légitime du public ? c'était une des demandes de l'ANEL ? et l'article 18 de cette même loi sur les renseignements personnels dans le secteur privé pour permettre aux entreprises de communiquer des renseignements personnels à des services d'archives privées.

Donc, on est dans un ? depuis trois ans ? dans un processus d'ouverture de l'État, de plus grande transparence, et le rapport de la Commission d'accès à l'information, sur lequel vous vous penchez depuis jeudi dernier, va dans ce sens. Ce rapport recommande qu'on refonde la loi sur l'accès à l'information dans le but d'améliorer la transparence de l'État en facilitant l'accès à l'information, tout en exprimant une préoccupation quant aux dangers persistants que font peser les nouvelles technologies et les banques de données sur la protection de la vie privée.

Donc, en continuité avec ses positions antérieures, l'ANEL profite de l'examen de ce rapport pour réitérer son opposition aux règles de protection des renseignements personnels qui nuiraient indûment au droit à l'information. L'ANEL est généralement en faveur de ce retour du balancier en matière d'accès à l'information. Ainsi, l'ANEL appuie le renforcement du droit à l'information dans la Charte des droits et libertés de la personne, tel que cela figure à la recommandation 2 du rapport de la CAI. De plus, l'ANEL appuie les recommandations 3, 4, 5 et 6 de ce rapport, qui visent une meilleure connaissance de la loi et une meilleure formation des responsables de l'accès à l'information dans les organismes publics et privés ainsi que la mise à leur disposition des outils qui systématisent le travail et les obligent à justifier les refus de divulgation auprès des utilisateurs.

Enfin, tout comme la CAI, l'ANEL estime que les délais de prescription et le temps de traitement peuvent enlever tout intérêt à la consultation de documents et même à leur conservation. Cette question est toujours partiellement en suspens, étant donné que l'essentiel de la loi n° 122 n'a pas été adopté. Par conséquent, l'ANEL appuie les recommandations 19, 21, 22, 23 de la CAI, qui visent la réduction des délais de restriction à l'accès à l'information.

L'appui que nous donnons à ces recommandations ne signifie pas que nous rejetons les autres recommandations de la CAI. Nous avons seulement voulu donner priorité aux questions qui concernent directement ou indirectement l'édition.

En conclusion, comme nous l'avions évoqué en septembre 2000 devant la commission de la culture: «Sans éditeurs, les travaux des historiens et des chercheurs ne peuvent jouer leur rôle. Or, dans l'état actuel de nos lois, il y a lieu de se demander si tous ces livres d'histoire, ces essais, ces bilans, ces biographies ne sont pas autant de gestes illégaux.» Il reste dans le Code civil des articles qui obligent ou tendent à obliger tout auteur qui collige un dossier sur une personne à faire autoriser, finalement, l'utilisation de ce dossier pour fins de publication. Ça nous mène à quoi? Ça nous mène à des biographies... à une tendance à des biographies autorisées et complaisantes, ça nous mène à des études d'histoire politique contemporaine tronquées parce qu'elles ne peuvent avoir accès à des renseignements personnels ou même à des renseignements publics. Donc, le travail des journalistes, des essayistes, des historiens, qui contribue à l'enrichissement de la mémoire collective, a du mal à se perpétuer et à contribuer à l'intérêt public. Nous croyons qu'il n'était pas de l'intention du législateur à l'origine, en 1980 et en 1982, d'entraver le travail de ces auteurs, lorsque furent mis en place les premiers jalons de l'encadrement juridique de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels.

S'il est assis sur le droit à l'information, le droit d'accès à l'information pour des fins de recherche s'accompagne nécessairement du droit de publier le fruit de ces recherches; il participe donc au droit à la liberté d'expression. C'est pourquoi l'Association nationale des éditeurs de livres considère que c'est le droit des historiens et des autres chercheurs d'informer les citoyens aujourd'hui. Ainsi, et pour citer le constitutionnaliste Alain-Robert Nadeau, «il est incontestable que le droit au respect de la vie privée ne saurait constituer un absolu».

Et pour revenir à la commission Paré, on y écrivait, dans ce rapport, il y a maintenant plus de 20 ans, que «le droit à l'information est surtout un droit politique[...]. Il demande encore la libération des documents détenus par le gouvernement et les autres organismes publics jusqu'à présent inaccessibles. Actuellement, l'admissibilité de ces documents est ambiguë et, dans plusieurs cas, soumise à l'arbitraire». Alors, on doit se poser la question, 20 ans après ce rapport qui est à la source de l'accès à l'information, si les obstacles sur la route des chercheurs existent toujours, et sur la route des auteurs, et il faut se poser la question: est-ce que nous respectons encore l'esprit du rapport Paré?

Voilà donc notre message. Nous voulons essentiellement ajouter un peu de lest dans le plateau de l'accès à l'information ou du droit à l'information, si vous voulez, et aider du mieux qu'on peut à ce retour du balancier, si vous voulez.

Il y a d'autres aspects de la question; j'y reviendrai au besoin, selon vos interrogations. Je vous remercie.

Le Président (M. Cusano): Je vous remercie, M. Bournet. Mme la ministre.

Mme Courchesne: Merci, M. le Président. D'abord, je veux vous remercier. Vous apportez un aspect différent à nos travaux, parce que tout le côté historique, je pense, de votre travail nous interpelle, et je trouve qu'il apporte des dimensions intéressantes qu'on n'a pas encore abordées.

Je n'étais pas élue au moment du projet n° 122, donc, même si j'ai consulté les galées, je n'ai pas participé aux travaux de la commission de l'époque. Et je crois comprendre que, comme vous l'avez mentionné, la modification du Code civil de 2002 a quand même corrigé certaines des demandes que vous aviez à l'époque dans 122, et c'est ce que vous appelez, je crois, le juste retour, un peu, du balancier. J'aimerais savoir qu'est-ce que vous demandiez dans 122 que vous n'avez pas retrouvé dans le Code civil. Parce que, quand je reprends votre conclusion, où vous vous demandez si tous les livres d'histoire, essais, bilans, biographies ne sont pas autant de gestes illégaux, c'est fort comme affirmation, là. Alors, j'aimerais ça que vous m'apportiez... fassiez un lien entre votre conclusion et ce qui n'a pas été fait dans 122, et pourquoi vous affirmez avec une telle force cette chose-là en conclusion, puis je reviendrai avec une autre question par la suite.

Le Président (M. Cusano): M. Bournet.

M. Sarra-Bournet (Michel): Oui, merci. Alors, très rapidement sur un point, là, qui est déjà dans le rapport de la CAI. Il y a certains éléments du projet de loi n° 122, qui ont trait aux délais, qui n'ont pas été adoptés; donc, ça, on l'appuie, bon. Mais plus précisément sur votre question, Mme la ministre: dans les revendications de l'Association nationale des éditeurs, en 2000, lors des audiences la commission de la culture sur la loi n° 122, il y avait une demande que toute restriction à l'accès des fonds d'archives soit levée, sauf sur demande express des créateurs de fonds, O.K.? Alors, ça, ça n'a pas été honoré comme demande, ce n'était pas dans la loi n° 122 en tant que tel, mais c'était une des revendications. La loi n° 122 recommandait un raccourcissement du délai maximum pour l'accès, qui est passé de 150 à 100 ans, si je ne m'abuse. Alors donc, déjà, c'est une demande de l'ANEL à laquelle on n'a pas eu satisfaction dans les modifications législatives de l'an dernier.

n(15 h 30)n

L'autre élément, plus directement lié à cette formule où on dit qu'on est un peu dans l'illégalité quand on fait de la biographie, c'est des éléments du Code civil de 1994 qui... en fait, essentiellement, l'article 37, qui de manière générale interdit la constitution de dossiers sur une personne sans son consentement... Alors, c'est l'article 37 qui encadre mais n'interdit pas nécessairement, mais qui peut être... qui est une épée de Damoclès qui peut amener des éditeurs... pas des éditeurs, mais des auteurs, en fait, et des éditeurs aussi, à s'autocensurer et à retenir de l'information sous peine, ou sous la menace, ou sous la perception d'une possible poursuite de la part d'individus sur lesquels on publierait. Alors, c'est l'article 37, qui dit: «Toute personne qui constitue un dossier sur une autre personne doit avoir un intérêt sérieux et légitime à le faire. Elle ne peut recueillir les renseignements pertinents à l'objet déclaré du dossier et elle ne peut, sans le consentement de l'intéressé ou l'autorisation de la loi, les communiquer à des tiers ou les utiliser à des fins incompatibles avec celles de sa constitution; elle ne peut...», etc.

Mme Courchesne: Deux aspects. D'abord, vous savez que nous allons entendre l'Association des archivistes tout de suite après vous. Je serais curieuse de savoir si aujourd'hui la majorité des créateurs de fonds ne donnent pas ces délais-là. Je me demande si les Archives nationales, entre autres, ou d'autres, même privées, n'auraient pas tendance à inciter les donateurs à donner ce délai-là pour éviter peut-être toute confusion. C'est une question qu'on leur posera.

Mais ne trouvez-vous pas que vous allez très, très loin quand vous dites que vous souhaiteriez publier, par exemple, une biographie sans avoir le consentement sur des informations à caractère très, très privé? Il me semble que ça va au-delà de ce droit fondamental qui est reconnu maintenant pas juste au Québec, pas juste au Canada, mais dans bien des pays. Il y a des familles, il y a des personnes qui peuvent... on peut créer un préjudice, à mon avis, dans certains cas, si on ne fait pas attention, qui peut être très sévère, très grave. Il me semble que, dans les mémoires que nous avons entendus, et les représentants jusqu'à aujourd'hui, on ne soit jamais allés aussi loin, sans aucune restriction, sans aucune, je dirais, prudence par rapport à cet état de fait.

J'essaie de comprendre. Est-ce que c'est vraiment ça que j'entends, que vous pourriez publier sur la vie de quiconque tout renseignement sans demander l'autorisation? Puis, déjà, le Code civil a enlevé le mot «ou ses héritiers», ce qui est déjà une nette amélioration. J'essaie de comprendre la... jusqu'où... Est-ce que ça veut dire que la protection de la vie privée n'existerait plus, pour les auteurs?

M. Sarra-Bournet (Michel): Il existe déjà des limites, mais le Code civil et certaines autres lois, comme les lois 68 et 65, l'une sur les renseignements privés et l'autre, les renseignements de caractère public, ajoutent encore des verrous. Parce qu'il existe, j'ai l'impression, sans être juriste, des possibilités de poursuite pour dommages et pour libelle, dans notre loi, sans qu'on soit obligés en plus de mettre dans le Code civil, dans la Loi sur les archives, dans la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, sur la loi sur l'accès à l'information et la protection de renseignements personnels dans le public, des verrous qui finalement font en sorte que bien des auteurs, bien des journalistes, bien des chercheurs, bien des généalogistes sont obligés ou bien d'abandonner leur projet de peur d'écrire des choses pour lesquelles ils seraient poursuivis, d'une part, et qui amènent aussi une littérature sur la politique contemporaine qui est tout à fait tronquée, qui est obligée de... au lieu de se fonder sur des documents d'archives, des sources, souvent se fait à partir d'interviews, de matériel impressionniste et complaisante, ce qui fait en sorte que ce qui est écrit est le reflet de l'opinion de l'un et de l'autre, souvent le reflet des conflits politiques non encore réglés, et ça nous prend 30, 40, 50 ou 150 ans avant d'avoir la vérité historique. Alors, l'historien ou le journaliste qui veut faire de l'histoire contemporaine ou travailler sur la politique contemporaine se bute à ces obstacles.

Et je prends l'exemple de ce qui est écrit sur Duplessis. Il ne s'est pas écrit grand-chose qui n'était pas chargé émotivement avant 30 ans après sa disparition. Là, les archives de Duplessis sont ouvertes depuis l'an 2000. On peut enfin, avec le recul aussi, travailler à partir des faits davantage que des opinions et des velléités de vengeance politique. Et regardez, même sur des politiciens, puis là je ne veux pas faire de cas particuliers, mais sur des politiciens plus récents, des 20 dernières années, ce qui a été écrit, bien, ça demeure très impressionniste. Pourquoi? Parce qu'on n'a pas accès à tout. On a accès à des témoignages.

Mme Courchesne: Est-ce que ça veut dire que vous souhaiteriez que ce soit accessible dès que la personne décède, c'est ce que je peux comprendre, où vous voyez une différence entre une personne décédée, une qui ne l'est pas? Et en quoi demander l'autorisation peut brimer cette liberté d'expression, alors qu'on demande l'autorisation à la personne dont c'est la vie, dont c'est sa vie, c'est son histoire, et ça fait partie aussi de la définition de l'histoire avec un grand H, là?

M. Sarra-Bournet (Michel): Oui. O.K. Il faut peut-être distinguer effectivement ce qui est...

Mme Courchesne: J'essaie de comprendre.

M. Sarra-Bournet (Michel): ... ? oui, oui, tout à fait ? distinguer ce qui est archives personnelles, qui demeurent privées tant que les personnes ne les ont pas versées à des dépôts d'archives pour les constituer en fonds d'archives ? à ce moment-là, on demande que la présomption de caractère public de ces fonds d'archives soit la règle ? et... sauf exception du créateur, de la personne qui aura déposé le fonds, de dire: Bon, bien, moi, je dépose, mais je demande que ce soit dans 20 ans. Donc, c'est un peu de renverser la présomption.

Mme Courchesne: Donc, c'est ça, c'est que vous souhaiteriez, au fond, qu'on demande au créateur de fonds obligatoirement d'indiquer son délai, puis ce serait simple, puis ce serait clair pour tout le monde.

M. Sarra-Bournet (Michel): Et, s'il n'y a pas de délai, c'est public.

Mme Courchesne: Ah! s'il n'y a pas de délai, c'est public.

M. Sarra-Bournet (Michel): Voilà.

Mme Courchesne: Bon, voilà. Là, j'ai finalement compris.

M. Sarra-Bournet (Michel): O.K. Voilà. Et enfin...

Le Président (M. Cusano): Merci. Merci. Je cède maintenant la parole au député de Chicoutimi.

M. Bédard: Chicoutimi. J'ai le même comté, M. le Président. Alors, je vous remercie. Bien, peut-être continuer, parce que je m'intéresse à la même question, là. Je vois, et c'est votre... D'ailleurs, c'est le thème de votre mémoire, puis il est intéressant, ça soulève des questions de fond, là, relativement à rendre publics certains documents. Donc, vous pouvez continuer sur le même élan, là, par rapport à...

M. Sarra-Bournet (Michel): Bien, j'avais juste un petit... Pour faire pendant à la question des archives, par exemple, de politiciens ou de personnes publiques, ou peu importe, en ce qui concerne les documents publics également, la même idée de renverser le fardeau, ce serait de dire que, sauf exception, comme le disait le rapport Paré, les documents sont publics sauf lorsqu'on le mentionne. Et aussi, encore faut-il le justifier au moment de la demande d'accès à l'information, ce qui n'est pas toujours le cas. Dans une des recommandations de la Commission d'accès à l'information, on demande aux officiers responsables de l'accès à l'information, outre de leur donner une meilleure formation, etc., de justifier précisément les raisons pour lesquelles un document serait refusé. Donc, c'est encore une fois l'idée de renverser le fardeau.

M. Bédard: Mais devant qui il renverserait le...

M. Sarra-Bournet (Michel): Devant les demandeurs d'accès à l'information.

M. Bédard: Mais vous n'avez pas peur, de cette façon-là, d'arriver au résultat contraire? Par exemple, les archives privées, ceux qui ont des documents qui ont été à la base de leurs décisions, au niveau politique ou ailleurs, là, mais, entre autres, au niveau politique, les gens vont partir avec leurs documents puis ils vont être brûlés, tout simplement? Moi, je vais vous dire, personnellement...

M. Sarra-Bournet (Michel): Les archives publiques, oui, oui, mais ça, effectivement, ça, je le disais... Pas les archives publiques, mais les archives de personnes publiques, comme je le disais tout à l'heure, peuvent demander...

M. Bédard: Oui, mais là je vous parle de personnes publiques, mais privées. Donc, et vous savez, les gens quittent avec des caisses au complet, et souvent d'ailleurs les Archives demandent: Est-ce qu'on peut avoir vos documents? et les gens, d'ailleurs, les remettent. Et je vous dirais que c'est à peu près tous ceux qui ont occupé des postes et qui quittent la politique, qu'on va leur demander: Pourriez-vous remettre vos documents, puis, nous, on va les archiver, et patati? Mais, si on arrivait plutôt... si, la personne, on lui dit que, quelques mois ou quelques années après, tout ce qu'il a, lui, de bonne foi remis, tout d'un coup, il faut qu'il défende cet aspect-là, moi, je vais vous dire, personnellement... Et là je m'inquiète, mais... Je ne vous dis pas que j'ai raison, mais je vous fais part un peu de mon inquiétude. Et on sait que les politiciens, en général, sauf quelques cas, qu'on est en train de reconnaître d'ailleurs, ils sont prudents, et c'est des gens qui ne souhaitent pas, justement, être mis au ban, d'autant plus quand ils quittent.

Alors, s'ils pourraient avoir le doute ou même, au pire, la certitude que les documents comme ça, qui sont privés mais qui ont servi à la base de décisions publiques, soient rendus publics sans leur consentement, il faut qu'ils démontrent... eux, qu'ils en fassent la démonstration, je peux vous dire que, moi, ma peur, c'est que ces documents ne soient jamais déposés, selon moi, aux Archives et que la technique soit simple, c'est qu'on prenne tout ça puis qu'on fasse brûler ça, là, intégralement, je vous dirais. Puis même, souvent, quand on détruit, on détruit toujours un peu plus, hein, pour ne pas prendre de chances. Et là ce serait l'histoire avec un grand H ? pas la petite histoire d'intérêt, mais plutôt celle qui anime nos livres d'histoire ? qui peut-être perdrait.

n(15 h 40)n

Oui, le temps, malheureusement, a pour effet peut-être de rendre moins percutante une information, mais elle demeure... il faut la juger à cette lumière-là, celle de, vraiment, qu'est-ce qu'on cherche à établir. Moi, ma crainte, si on arrivait à votre proposition, et je la respecte, là, parce qu'elle répond de choses nobles, là, ce n'est pas celui de vouloir crucifier qui que ce soit, mais plutôt d'avoir accès à l'information... mais, moi, ce que j'aurais peur, c'est que, tout simplement, tout le monde qui est un tant soit peu prudent, là, ferait brûler à peu près tout ce qu'il a d'archives, puis ce serait à peu près réglé. Et là, là, vous seriez les premiers perdants, les archivistes seraient perdants, les historiens seraient perdants puis, moi, je pense, même les Québécois en général seraient perdants. Vous comprenez un peu cette difficulté de concevoir une telle pratique qui, je vous dirais, est juste? Je ne juge pas votre jugement, au contraire, mais j'essaie de le contextualiser.

M. Sarra-Bournet (Michel): Je ne sais pas si on ne peut pas résoudre cette apparence de contradiction en distinguant bien, là, le document créé par, en l'occurrence, peut-être un politicien dans sa capacité publique et, ce dont on parlait, les boîtes que ce politicien conserve et à qui on demande de les verser aux Archives nationales après la fin de sa carrière politique. Dans le premier cas, tout ce qui est document d'origine publique ou en sa capacité de personne publique, ce politicien ou cette politicienne, il y a des règles qui s'appliqueraient...

M. Bédard: Qui s'appliquent déjà.

M. Sarra-Bournet (Michel): ...à ces documents publics, au même titre que tous les autres documents publics, tandis que, ce à quoi vous faisiez allusion, c'est-à-dire les archives personnelles de cette personne publique, c'est à cette personne publique de dire quand est-ce qu'elle veut qu'elles soient accessibles. O.K.? Alors, c'est sûr qu'elle est à la fois privée... Ces documents-là sont à la fois publics et privés, hein? Alors, c'est ces fameuses boîtes que vous allez sortir de vos bureaux le jour que vous allez cesser votre carrière politique, et, moi, je les assimile à des documents privés que le créateur de fonds, donc la personne qui verse ces boîtes de documents, aurait le droit de restreindre l'accès. Peut-être vous pourrez reposer la question aux archivistes tout à l'heure pour savoir ce qu'ils en pensent, mais effectivement il faut éviter la destruction par simple peur d'un éventuel scandale.

M. Bédard: Ou la peur de la justification, là. Parce que vous m'avez dit...

M. Sarra-Bournet (Michel): Non, la justification, c'est...

M. Bédard: Parce que, là, je veux bien comprendre cet aspect-là, ce n'est pas l'élément principal de notre... mais qui est quand même assez fondamental. Et là vous avez simplement dit: Bon, donc, le fondateur devrait justifier pourquoi il désire. Et là je me dis: Non, s'il veut les rendre publiques, qu'il fasse un livre ou qu'il fasse ce qu'il veut...

M. Sarra-Bournet (Michel): Je pense qu'on ne se comprend pas bien. Quand je parlais de la justification, c'est les officiers d'accès à l'information dans le domaine public, puis c'est davantage pour les documents de l'administration publique que la question des archives personnelles d'une personne publique ou des archives personnelles d'une personne privée. Ça, c'est autre chose complètement. Quand on crée... Quand un individu, public ou non, décide de verser ses archives personnelles à un fonds d'archives public ou privé, il devrait conserver le droit de fixer des limites à la consultation, dans le temps ou autrement. Quant aux organismes publics, et ça peut inclure cette même personne dont on parle, dans sa fonction publique... crée des documents, bien, à ce moment-là, les personnes qui sont chargées, à l'intérieur de son bureau ou de son organisme, de gérer les demandes d'accès à l'information devraient être obligées de justifier, en alléguant des aspects de la loi de l'accès à l'information, pourquoi on ne peut pas avoir accès à ces documents.

Alors, c'est donc ? ça, je parlais davantage de la machine que des individus ? justifier la restriction à l'accès constamment, plutôt que dire: Bon, ça, vous n'avez pas le droit. Alors, le citoyen, il retourne chez lui puis il ne sait pas si c'est l'arbitraire du fonctionnaire ou si c'est...

M. Bédard: Ça, je le comprends. O.K. Ça, ce que vous dites. O.K. Puis d'ailleurs, on le retrouve dans plusieurs mémoires. Ce que vous dites finalement: Lorsque les documents sont protégés ? puis des fois pour des très bonnes raisons d'ailleurs ? autrement que de dire: Il est protégé, de donner un cadre, tu sais, de dire: Il ne l'est pas, pour telle raison, ou qu'il y ait un peu plus d'information, ce qui fait en sorte que la personne qui se voit refuser l'accès à ce document-là comprenne véritablement les causes de cet...

M. Sarra-Bournet (Michel): Tout à fait. Et ça renverse le fardeau. C'est-à-dire, plutôt que d'être dans un contexte de secret, sauf exception, on est dans un contexte d'ouverture ou de transparence, sauf exception justifiée par la loi. Puis ça, c'est à vous d'en décider.

Le Président (M. Cusano): Merci. Mme la ministre.

Mme Courchesne: Merci. Je veux juste revenir sur la question précédente, parce que...

Une voix: ...

Mme Courchesne: Ha, ha, ha! Moi, j'écris très, très, très peu. J'ai appris une chose en politique: il ne faut pas écrire beaucoup, il faut écrire très peu.

Une voix: ...

Mme Courchesne: D'autres s'en chargent pour moi, effectivement. Au fond, c'est un peu... si on voulait devancer l'histoire. Est-ce que je me trompe? C'est un peu le souci de, au fond, ces délais que vous trouvez trop longs, tout en respectant... Parce que là j'ai compris que vous respectez la volonté de quelqu'un qui veut que ça prenne 30 ans ou 50 ans, mais, au fond, ce que vous dites, c'est que, dans ce droit à l'information, on devrait pouvoir écrire l'histoire plus rapidement, alors que parfois l'histoire se fabrique au fil des décennies. Avec le regard qu'on y jette 10 ans, 20 ans ou 50 plus tard, on n'a pas le même regard sur l'histoire. C'est un peu ça que vous souhaitez quand vous demandez, aussi, que ces travaux journalistiques ou ces travaux de recherche d'historiens, de généalogie soient exemptés des lois. Est-ce que c'est ça, l'objectif que vous recherchez?

M. Sarra-Bournet (Michel): Il y a effectivement cette distinction classique entre la vie contemporaine et l'histoire, et personne n'a jamais réussi à tracer la ligne. Moi, j'ai toujours dit: Moi, l'histoire a commencé à ma naissance, et ça, c'est très personnel, mais il y en a pour qui l'histoire, c'est ce qu'il y avait il y a plus de 10 ans, il y a plus de cinq ans, puis il y en a d'autres qui disent: Non, il n'y a aucune distinction, l'histoire s'écrit tous les jours. Bon.

Alors, en fait, on peut... Pour certains, la levée de ces restrictions ou la diminution de ces entraves à l'accès à l'information peut être faite au nom d'une histoire plus rapprochée, mais je pense que ce qui regroupe l'ensemble des gens qui demandent un élargissement de l'accès à l'information, c'est le droit à l'information et la liberté d'expression, qui ne fait pas de distinction temporelle. Effectivement, on pourrait dire qu'on veut écrire une histoire plus récente, oui, ou on veut enrichir les débats contemporains à partir d'éléments factuels solides davantage que les opinions, davantage que les intérêts, etc.

Mme Courchesne: Quand vous parliez de cette nécessité de dire pourquoi on ne divulgue pas, au fond, vous faites référence probablement au travail des responsables de l'accès, et ce que vous dites, c'est que toute cette façon de définir leur travail devrait être revue probablement. C'est à cette thèse-là que vous adhérez pour changer le fardeau de la preuve, c'est-à-dire que le citoyen soit d'abord informé, et ensuite, si ça ne fonctionne pas, bien là on a les recours appropriés. C'est dans ce sens-là que vous voyez la révision du rôle de la Commission, par exemple?

M. Sarra-Bournet (Michel): On n'a pas de critique particulière à faire ou de plainte particulière, mais on a trouvé intéressantes les recommandations de la Commission d'accès à l'information qui avaient trait au travail des responsables d'accès à l'information, à la fois du côté de la formation mais aussi sur ces aspects qui concernent l'information que ces personnes donnent aux demandeurs d'information. Parce que faciliter l'accès à l'information, c'est une série de gestes qui ne peuvent pas être nécessairement réglés par tout mettre en ligne, par exemple. Je comprends qu'il y a toute une école qui dit qu'Internet et la numérisation va faciliter l'accès ou simplifier l'accès, mais c'est aussi lié à la qualité des informations qui existent et à la qualité du travail des personnes qui donnent accès à l'information. Donc, c'est toute une série de choses, y compris des éléments techniques, y compris des éléments qui ont trait au personnel et à la liste des informations disponibles et des délais de consultation.

Comme je le disais précédemment, puis c'est dans notre mémoire, le simple délai pour avoir accès à l'information, que ce soit le délai de prescription ou tout simplement le délai administratif, peut dissuader des auteurs et des éditeurs de faire leur travail, et même des... et beaucoup des journalistes, parce que eux sont plus dans l'instantané, au détriment du droit à l'information.

n(15 h 50)n

Mme Courchesne: Plusieurs intervenants nous ont souligné le fait que effectivement depuis quelques années, en fait même plusieurs années, la Commission avait probablement tendance à s'intéresser davantage ou à privilégier la protection des renseignements personnels et de la vie privée au détriment du droit à l'information, et certains vont même jusqu'à demander que la Commission... qu'il y ait deux organismes différents qui s'occupent et de l'un et de l'autre, et de l'une loi et de l'autre loi. Est-ce que vous iriez aussi loin que ça, ou si un seul organisme peut encore défendre les deux droits?

M. Sarra-Bournet (Michel): Oui, mais on n'a pas fait de réflexion sur ce point-là. Comme je le disais, il y a des éléments de ce que la Commission a abordé sur lesquels on ne s'est pas penché, parce que c'était plus indirectement lié au travail de publication.

Il y a différentes façons de voir la relation entre l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels. D'une part, et le plus généralement, le plus souvent, on les voit comme des opposés: plus on va d'un côté, plus on va du côté de l'accès à l'information, bien, plus qu'il y a un danger pour la protection des renseignements personnels, parce que l'État, en l'occurrence, détient des renseignements personnels sur les citoyens et l'État donc a la possibilité de divulguer, volontairement ou non, des renseignements personnels dans le public, par inadvertance ou pas.

Donc, on se dit: Si on resserre l'accès à l'information, on va en même... si on resserre l'accès à l'information, les renseignements personnels vont être mieux protégés. Donc, il y a une relation qui n'est pas toujours égale entre l'accès à l'information puis la protection des renseignements personnels. Quand on resserre l'accès à l'information, des fois aussi ça peut permettre à l'État d'aller fouiller dans les dossiers des citoyens, parce qu'on n'a pas la possibilité de savoir ce que l'État fait des renseignements personnels. Donc, il peut y avoir une relation également, une relation... bien, en fait, la relation, ça peut aller effectivement dans le même sens. Si on...

Bon, je vais prendre un exemple. Par exemple, depuis le 11 septembre 2001, aux États-Unis, il y a un resserrement évident de l'accès à l'information, il y a une culture du secret et, en même temps, il y a une propension de l'État américain de vouloir s'immiscer dans la vie privée des citoyens américains. L'exemple qu'on connaît, c'est celui de la possibilité, par exemple, pour le gouvernement américain de demander aux libraires la liste des livres que vous avez achetés le mois dernier. Alors, ça, la culture du secret, à ce moment-là, aux États-Unis qui a mené à une espèce de brouillage de l'information au sujet de la guerre en Irak a en même temps amené une suppression du droit à la vie privée des citoyens.

Donc, là où je veux en venir, c'est qu'il faut examiner la relation entre le droit à l'information et la protection des renseignements personnels pour voir s'il ne devrait pas y avoir... de séparer les deux valeurs, parce que ce sont deux valeurs, sur lesquelles tout le monde s'entend, ne permettrait pas de mieux protéger l'un et l'autre. Parce que je pense que ce n'est pas vrai que nécessairement, quand on protège l'une, on néglige l'autre. Des fois, on peut négliger les deux. O.K.

Donc, l'examen, je pense, doit être fait sur ces bases-là, puisqu'il s'agit de valeurs qui sont consensuelles, parce que je pense que les deux partis à l'Assemblée nationale, à chaque fois qu'il en a été question, avaient fait plutôt consensus sur ces deux valeurs, la protection des renseignements personnels et l'accès à l'information. Alors, pour qu'elles soient préservées toutes les deux, quel est le meilleur moyen, c'est à peu près le plus loin qu'est notre réflexion en ce moment.

Le Président (M. Cusano): Merci. Mme la députée de Duplessis.

Mme Richard: Merci, M. le Président. Merci à vous d'être ici aujourd'hui. J'ai lu votre mémoire et j'ai beaucoup de questions, et j'en ai appris aussi. Quand vous parlez des droits, les droits à la recherche, les droits à la publication pour les auteurs, pour les historiens, si on parle qu'on... bon, si on y va sur une biographie d'un individu, et vous en faisiez mention tantôt, bon, que vous pouviez être passible de poursuites, mais ça, le Code civil le prévoyait. Je vais être d'accord un peu avec vous sur, bon, sur les droits de recherche, et tout ça, mais vous savez aussi, puis vous en parlez, qu'il y a deux valeurs aussi fondamentales. Bon. Vous parlez aussi des droits collectifs, des droits individuels, mais ils ne doivent pas empiéter l'un sur l'autre, sur le droit à la vie privée. De là toute mon interrogation. Même au niveau des archives, aussi, si on en fait puis qu'on dit: Bon, moi, mes archives, je les donne aux Archives nationales, je ne veux pas qu'elles soient publiées avant 10 ans... Parce que vous savez, souvent, vous en avez fait référence aussi, les événements, dans le temps... On peut sortir quelque chose qui s'est passé dans 10 ans; si on le sort cinq ans auparavant, ça n'aura peut-être pas le même impact.

Et, moi, ma crainte dans tout ça, c'est: Comment on va y parvenir... en ayant droit, vous aussi, en tant qu'historiens, en tant qu'auteurs, que vous ayez droit à toutes ces données-là pour que, nous, on sache l'histoire, aussi, comme citoyens? Mais où est le droit, aussi, du citoyen par rapport à sa vie privée, par rapport à ses renseignements personnels? Vous l'avez dit, c'est deux valeurs fondamentales, et il ne faut pas qu'il y ait un droit qui soit plus que l'autre. De là, je pense qu'en commission on aura une longue réflexion à faire là-dessus. Mais, même si vous avez dit tantôt que vous n'étiez pas nécessairement arrêté sur tout cet aspect-là, j'aimerais quand même pouvoir vous entendre là-dessus, parce que vous avez fait référence à des biographies peut-être non autorisées, exemple.

M. Sarra-Bournet (Michel): Bien, écoutez, actuellement, dans la charte québécoise des droits de la personne, des droits et libertés de la personne, il me semble que le droit à la vie privée est supérieur, en tout cas c'est ce que j'ai cru comprendre, au droit à l'information, en tout cas dans sa position, dans son statut. Alors, s'il est vrai qu'on désire l'équilibre, il faudrait donc voir à ce que ces deux droits aient le même statut.

Quant à savoir, dans la réalité concrète, qu'est-ce qui va en réalité primer... Si l'information n'est pas accessible, là, que ce soit de l'information de nature privée ou personnelle ou de nature publique, bien, il n'y a absolument aucune chance qu'on puisse un jour se poser la question, puisque le livre ne sera même pas écrit. Si effectivement, dans une situation concrète, l'information est accessible, l'auteur, chercheur, universitaire, historien, biographe, généalogiste va être en position de prendre la décision de publier ou pas, sachant les recours légaux des personnes impliquées et sachant les possibilités qui existent déjà de poursuite pour libelle quand il s'agit d'informations erronées ou d'atteinte à la vie privée lorsque les informations qui sont divulguées ne sont pas pertinentes à l'objet de sa recherche. La législation actuelle fait allusion à la pertinence de l'information, autant dans le Code civil que dans la Loi sur la protection des renseignements personnels.

Donc, il y a des barrières de sécurité, si vous voulez. Il ne s'agit pas de faire n'importe quoi dès que ça nous tente, parce qu'il y a quand même une responsabilité sociale de la part des éditeurs, donc, et il y a une responsabilité civile engagée si on outrepasse ce qui est prévu par la loi. Donc, il faut faire confiance aux auteurs et aux éditeurs. On peut compter sur les doigts de la main les cas d'abus dans le domaine de l'édition et les poursuites qui ont eu lieu. Mais, depuis 20 ans, il y a une culture du secret qui fait en sorte... qui amène une autocensure dans le milieu de la création.

n(16 heures)n

Mme Richard: Quand vous parlez... Vous avez fait référence plusieurs fois à la culture du secret. J'ai comme l'impression, puis depuis tantôt que je vous écoute... on aurait dit qu'on avait fait une progression au cours 10, 15 dernières années, mais... Et je vous entends beaucoup parler de la culture du secret, mais, vous l'avez dit vous-même, ça prend, autant des deux côtés, là, je pense, une sorte de barrière de sécurité. Et vous comprenez que, comme institution, ici, on se doit toujours de répondre au citoyen, de protéger le citoyen. Et, vous, comme éditeur, comme historien, sous quel cadre de référence vous faites mention quand vous parlez de barrière de sécurité? Est-ce que vous... C'est juste le code de déontologie ou...

M. Sarra-Bournet (Michel): Bien, écoutez, actuellement, on en a levé plusieurs, restrictions à la consultation et à la publication, là, dans le projet de loi n° 50 qui a été adopté dans la dernière législature. Alors, ça, c'étaient des limites qui étaient injustifiées.

Je vais vous donner un exemple. Les généalogistes ont été obligés au cours des dernières années d'amasser un fonds pour se défendre contre d'éventuelles poursuites. Parce qu'un jour des généalogistes ont publié un répertoire d'actes de naissance et ils ont reçu des menaces de poursuite d'une personne dont on avait mentionné le nom de son grand-père... le mariage de son grand-père. Alors, c'était, à son avis, un renseignement personnel et, puisqu'il s'agissait d'un héritier légitime de la personne en question, on avait outrepassé les limites et on avait divulgué un renseignement personnel, tout simplement publié l'acte de mariage de son grand-père, dans lequel il y avait un renseignement nominatif. Alors là, depuis ce moment-là et jusqu'à la modification du Code civil, les généalogistes n'osaient plus rien faire.

Bon, une autre affaire célèbre, l'affaire Pierre Turgeon. Alors, il y a différents aspects à cette cause-là, mais, quand il a voulu publier sa biographie, il faisait face à des poursuites, parce que les héritiers de la personne dont il écrivait la biographie menaçaient. Donc... Puis tout ça, c'était en raison de cette clause, là, du Code civil, je crois que c'était de l'article 15, qui permettait aux héritiers de poursuivre. Bon.

Alors, certaines, donc, des barrières commencent à être levées. Comme je le disais, il y a un retour du balancier qui s'est amorcé en 2000, et, bon, on en a eu une première manifestation concrète en 2002 par le projet de loi n° 50, et maintenant la Commission d'accès à l'information veut pousser un peu plus loin cette ouverture en permettant, par exemple, des délais plus courts pour la publication de documents publics. Alors, tout ça, ça fait partie de ce droit à l'information, pour lequel, nous autres, on a une affection particulière parce qu'il permet à nos gens de faire cet aspect de leur travail qui est d'intérêt public, c'est-à-dire écrire et publier les choses qui sont exactes, parce qu'elles sont fondées sur des documents historiques et des documents officiels.

Le Président (M. Cusano): Alors, M. Bournet, au nom des membres de la commission, j'aimerais vous remercier pour l'échange extrêmement intéressant. Et, avant d'inviter l'Association des archivistes du Québec, on va suspendre pour quelques instants pour une pause santé.

(Suspension de la séance à 16 h 4)

 

(Reprise à 16 h 19)

Le Président (M. Cusano): Alors, nous sommes maintenant prêts à recevoir l'Association des archivistes du Québec. Pour les fins du Journal des débats, voulez-vous vous identifier, s'il vous plaît?

Association des archivistes du Québec (AAQ)

M. Vigneau (André): M. André Vigneau, président de l'Association des archivistes du Québec.

M. Lévesque (Michel): Et Michel Lévesque, responsable des affaires législatives à l'Association des archivistes du Québec.

Le Président (M. Cusano): Merci. Alors, selon nos règlements, vous disposez d'une période maximale de 20 minutes pour faire votre exposé. Il sera suivi par un échange d'un côté et de l'autre, de ma gauche et ma droite, sur des questions pertinentes. Alors, les 20 minutes commencent maintenant.

M. Vigneau (André): Mme la ministre, madame, messieurs, l'Association des archivistes du Québec s'intéresse, depuis l'adoption de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, que nous appellerons tout simplement la Loi sur l'accès, aux questions touchant l'accès à l'information et à la protection de la vie privée. Chaque fois que la commission sur la culture s'est réunie pour étudier un rapport quinquennal ou un projet de loi touchant à ces questions, l'Association a répondu: Présent.

n(16 h 20)n

Les archivistes et les gestionnaires de documents ont à cet égard un rôle privilégié à jouer dans la mise en place de mesures pouvant garantir à la fois l'accès aux documents dans les organismes gouvernementaux et la protection des renseignements personnels dans les organismes publics et privés.

Le présent mémoire se veut une réponse constructive aux différentes recommandations contenues dans ce quatrième rapport sur la mise en oeuvre de la Loi sur l'accès et de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Notre mémoire présente aussi certaines préoccupations absentes du rapport et propose plusieurs recommandations.

D'entrée de jeu, l'Association des archivistes du Québec considère essentiel le maintien de la législation actuelle en matière d'accès à l'information et à la protection des renseignements personnels. Cependant, l'AAQ considère, comme la Commission d'accès à l'information, que le difficile équilibre entre l'accès aux documents et la protection des renseignements personnels s'est rompu au bénéfice du deuxième volet de la loi. C'est pourquoi l'Association des archivistes du Québec recommande le maintien de la législation actuelle et la mise en place de mesures concrètes afin de faciliter l'accès à l'information gouvernementale.

Le droit à l'information ne resterait qu'un vain mot si sa reconnaissance n'était pas circonscrite par une législation qui en garantit et en balise l'exercice. Le rapport expose longuement différents motifs de refus d'accès à un document, décrits dans la loi, mais il en existe un autre, évoqué parfois par les organismes, soit le fait que le document n'existe plus puisqu'il a été détruit. La Loi sur les archives prévoit déjà des sanctions lors d'éliminations de documents qui seraient faites en contravention d'un calendrier de conservation approuvé par la ministre de la Culture et des Communications. Mais est-ce que la Commission d'accès à l'information se donne la peine de s'assurer que le document éliminé l'a bien été en conformité avec le calendrier de conservation de l'organisme?

L'Association des archivistes du Québec considère que des liens plus étroits devraient être tissés entre la CAI et les ANQ. La Loi sur l'accès et la Loi sur les archives sont déjà reliées entre elles par l'article 19 de la Loi sur les archives et par l'article 73 de la Loi sur l'accès. Un nouveau pont devrait être construit afin que les organismes ne puissent pas recourir à l'élimination d'un document en contravention de leur calendrier de conservation comme moyen d'échapper à la divulgation d'un document.

Dans un autre ordre d'idées, la Commission évoque dans son rapport que les organismes publics devraient revoir leur façon de gérer leurs documents afin que ceux-ci soient plus facilement accessibles. L'AAQ reconnaît que la gestion des documents dans les organismes publics est perfectible, mais elle déplore que la Commission ne définisse pas les concepts qu'elle introduit dans son rapport. Elle ne donne aucune définition des concepts information, document, dossier et renseignement, qu'elle utilise abondamment dans son rapport, et ne recommande pas non plus d'introduire de telles définitions dans la Loi sur l'accès. Afin d'éviter confusion et interprétations multiples, l'Association est d'avis que la Commission devrait recommander au législateur qu'il modifie la Loi sur l'accès en introduisant une définition de ces concepts. Le législateur pourrait prendre exemple sur la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information, qui inclut des définitions très claires du concept de document et, par extension, celui d'information, ainsi que du concept de dossier.

Un autre concept devrait impérativement être mieux défini, celui de liste de classement, outil exigé de tout organisme public par la Loi sur l'accès. La Commission fait le constat dans son rapport que la très grande diversité dans la façon de dresser cette liste d'un organisme à l'autre et l'absence dans cette dernière de sujets parfois importants dans le cadre des relations entre administrés et organismes publics en font un outil de peu d'utilité. L'AAQ a maintes fois soutenu auprès de différentes instances le flou entourant ce concept, qui n'existe pas comme tel en archivistique. Les archivistes emploient plutôt un concept clair et qui a fait ses preuves depuis plusieurs années, le plan de classification. Il se définit ainsi: structure hiérarchique et logique permettant la classification, le classement et le repérage de pièces d'archives ou d'ensembles documentaires.

Depuis plusieurs années également, les archivistes font une distinction entre la classification et le classement. Ainsi, la classification est, sommairement, un processus intellectuel d'identification et le regroupement systématique d'éléments semblables, alors que le classement est une notion qui réfère aux opérations matérielles de rangement des documents. Il faut savoir que ni les organismes publics au sens de la Loi sur l'accès ni les organismes privés n'ont l'obligation d'établir et de maintenir à jour un plan de classification. La plupart des organismes publics possèdent toutefois un tel plan de classification en vertu de la Politique des documents actifs, adoptée par la ministre de la Culture et des Communications. La Commission aurait avantage à consulter les responsables de la gestion documentaire afin de connaître l'existence et la manière dont les plans de classification sont utilisés dans les organismes publics.

À la suite de l'analyse qu'elle fait de l'inefficacité de la liste de classement comme moyen d'accès à l'information, la Commission propose trois nouveaux moyens de permettre un meilleur accès à l'information. Nous les commenterons un par un.

Premier outil préconisé: la politique de publication automatique de l'information. L'Association considère l'idée d'obliger chaque organisme public d'adopter une telle politique comme une idée fort valable. Le citoyen devrait connaître l'information qui lui est accessible. Par contre, le concept de politique de publication automatique de l'information nous apparaît tout aussi problématique que l'est le concept de liste de classement. La Commission devrait définir ce qu'elle entend par «publication automatique de l'information».

Dans le même ordre d'idées, la Commission propose l'élaboration d'un plan de communication de l'information et d'un index général des documents. Nous comprenons le but que veut poursuivre la Commission, mais nous ne pouvons, par contre, adhérer aux deux moyens qu'elle propose pour y arriver. L'Association est d'avis que la Commission devrait plutôt essayer de trouver un compromis qui soit viable pour chacun. Elle pourrait recommander que soit établie une liste des documents qui ont été reconnus accessibles selon les décisions des organismes eux-mêmes et selon l'abondante jurisprudence que la Commission a développée au fil des années. L'Association considère aussi que la Commission minimise les coûts importants qui seraient occasionnés par la publication ou la diffusion de tout document décrit dans le plan de publication de l'information. La diffusion du plan de classification des documents ainsi que la diffusion de la liste des documents reconnus accessibles seraient, d'après nous, deux moyens plus réalistes d'informer les citoyens.

La Commission recommande aussi l'établissement d'un index général des documents en remplacement de la liste de classement. L'Association juge cette idée irréaliste. La plupart des organismes qui ont un système de gestion des documents avec une application informatisée sont en mesure d'avoir une liste de leurs dossiers. Cette liste nous semble parfaitement suffisante pour répondre au repérage. Il n'est donc pas utile d'aller jusqu'à demander un index général des documents. L'Association souligne à la Commission qu'un autre outil pourrait faire l'objet d'une publication afin d'aider les citoyens à avoir accès à l'information, il s'agit du calendrier de conservation.

Par conséquent, l'AAQ recommande à la Commission d'obliger les organismes publics à établir un plan de classification uniforme, à le tenir à jour et à le publier, en proposant aux législateurs d'inclure cette obligation dans la Loi sur l'accès. Elle recommande aussi d'obliger les organismes publics: a) à tenir une liste des dossiers, à la rendre accessible sur demande; b) à tenir et publier une liste des documents reconnus accessibles, à publier le calendrier de conservation des documents. Elle est aussi d'avis que des sanctions prévues à la loi devraient être imposées à ceux qui ne se conformeraient pas à ces obligations.

En plus des outils de gestion documentaire et afin de dépasser le simple appui moral consenti par la haute direction aux responsables de l'accès, la Commission recommande de consacrer les ressources humaines, financières et matérielles requises à l'accès à l'information et aux responsables de l'accès. L'AAQ est d'accord avec cette recommandation, mais elle trouve qu'elle ne va pas assez loin. Il y aurait lieu d'énoncer dans la loi que les organismes publics ont l'obligation de consacrer les ressources humaines, financières et matérielles requises pour répondre aux besoins d'accès et de protection des renseignements personnels que sont en droit d'attendre les citoyens. La Commission soulève dans son rapport l'importance de la formation continue à laquelle devrait avoir droit le responsable de l'accès. L'Association partage ce constat tout en souhaitant l'élargir. L'AAQ recommande donc à la Commission d'accès à l'information d'inclure une formation en gestion documentaire pour les responsables à l'accès.

En matière d'assujettissement des organismes, l'AAQ est d'accord avec l'analyse de la Commission et recommande de donner suite au projet de loi n° 122 et d'assujettir les ordres professionnels à la Loi sur l'accès et à la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé.

n(16 h 30)n

Regardons maintenant le volet Protection des renseignements personnels dans le secteur public. La Commission d'accès à l'information a toujours porté une attention toute particulière à la protection des renseignements personnels par rapport au développement des systèmes d'information. Elle recommande donc que dans tout développement de système d'information les principes de protection soient pris en compte, que les responsables de l'accès participent aux travaux et que les concepteurs et les architectes de système soient sensibilisés à ces principes. L'Association des archivistes du Québec souscrit parfaitement aux idées exprimées par la Commission et elle recommande à la Commission d'accès à l'information d'inclure dans ses recommandations concernant les systèmes d'information ceux qui sont en usage et de prévoir l'apport du gestionnaire des documents dans l'analyse des systèmes d'information.

L'Association des archivistes du Québec se préoccupe aussi des autorisations d'accès pour fins de recherche. Après avoir fait un bilan des domaines de recherche, des types de demandeurs, des organismes qui détiennent d'importants dépôts de renseignements nominatifs et du nombre de demandes traitées, la Commission propose une série de recommandations pertinentes. L'AAQ appuie sans réserve la plupart des recommandations qui traitent de ces sujets. Elle ne suit cependant pas la Commission lorsqu'elle préconise qu'elle devrait n'accorder à une personne ou à un organisme l'autorisation de recevoir communication de renseignements nominatifs que sur avis de l'organisme détenteur de ces renseignements. L'Association pense plutôt que cet avis ne devrait avoir qu'un caractère indicatif. De cette façon, la Commission conservera son rôle décisionnel et ses pouvoirs n'en seront pas diminués. Par ailleurs, l'Association trouve très intéressante l'idée de la création d'entrepôts de données dédiés à la recherche ou à leur réseautage.

Avant de clore notre présentation, permettez-nous de dire quelques mots sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Les mémoires précédents de l'Association des archivistes du Québec demandaient que la Commission d'accès à l'information identifie les renseignements personnels à caractère public. L'AAQ considère toujours que cette identification serait une mesure utile et réitère sa recommandation.

Enfin, bien que la Commission soit un organisme quasi judiciaire, son rôle, son mandat et ses activités ne sont pas reconnus, semble-t-il, à leur juste valeur. L'AAQ espère que le législateur comprendra son rôle essentiel et entérinera les recommandations que la Commission propose pour elle-même et qui reçoivent notre appui. Une fois encore, l'acceptation des changements structurels demandés par la Commission d'accès à l'information montrera quel sérieux et quelle importance le législateur attache à cette institution.

En conclusion, l'Association des archivistes du Québec tient à reconnaître l'intention manifeste de la Commission d'accès à l'information de mettre de l'avant le concept de la nécessaire transparence de l'État et de proposer une réforme en profondeur de l'accès et de la protection des renseignements personnels par des changements législatifs importants. Mme la ministre, mesdames, messieurs, merci.

Le Président (M. Cusano): Merci pour votre présentation. Mme la ministre.

Mme Courchesne: Merci, M. le Président. Alors, MM. Vigneau et Lévesque, d'abord, je vous souhaite la bienvenue, mais je vous remercie surtout de nous avoir soumis un mémoire somme toute très détaillé, très précis, d'une lecture très limpide, et je pense que c'est très apprécié. Vous êtes allés très loin dans l'aspect de vos recommandations, et je trouve que vous apportez aussi des notions peut-être différentes, en tout cas, et intéressantes. Et ça me fait dire que, quand on connaît la façon de fonctionner des archivistes... Puis je vous dirai que mon point de référence, ce sont surtout les Archives nationales, que j'ai eu l'occasion de fréquenter pendant quand même de longues années dans ma carrière.

Et je voudrais que vous puissiez éclairer... éclaircir... éclairer la commission, je m'excuse, sur cette distinction que vous faites entre, par exemple, cette notion de divulgation automatique et le fait qu'il y a d'autres façons de s'assurer que le public et le citoyen soient bien informés. Ce que je crois comprendre, c'est que par, bien sûr, une directive commune de principe de classification, de liste de classification et par une gestion aussi de notre calendrier de conservation, et si on imposait ça à tous les ministères et organismes, ce que vous dites, c'est que ce serait tout aussi efficace que de la divulgation automatique.

Ce que je comprends, c'est qu'un citoyen, par exemple, va consulter cette liste de classification, saura, à partir de cette liste, quels sont les documents qui sont disponibles ou ceux qui peuvent être rendus accessibles. Je crois comprendre que c'est ce que vous voulez dire, mais j'aimerais ça que vous me disiez si tel est le cas, parce que vous dites aussi dans votre mémoire que ce serait fastidieux de gérer l'ensemble des documents qui devraient être rendus publics. Ça fait que je voudrais que vous soyez plus précis, plus concrets, si vous voulez, dans ce que ça signifie dans la vie d'un ministère.

M. Lévesque (Michel): En fait, on propose deux choses. De par les demandes d'accès fréquentes que des ministères et organismes reçoivent, on est capables, on serait capables déjà d'avoir une liste des documents qui tombent normalement sous le coup d'être publics, facilement diffusables auprès du public. Lié à ça, il y a effectivement présentement dans les ministères et organismes des gens qui travaillent à établir les plans de classification de toutes les séries documentaires qu'il y a dans un ministère ou un organisme. Elles sont... Habituellement, un plan de classification, c'est assez exhaustif et ça nous donne l'ensemble des séries de documents et de dossiers ? on va parler surtout de dossiers ? qu'il y a dans un organisme.

Ça fait qu'on se dit: Si le citoyen a déjà une liste, sur Internet ou autre, de documents accessibles, déterminée selon la jurisprudence, selon les habitudes des ministères à rendre accessible l'information qui n'a pas un caractère confidentiel, bien là, voilà, c'est déjà un premier... Et les citoyens pourront aussi accéder au plan de classification, qui permet vraiment de voir les autres documents ou les autres séries qu'un ministère ou un organisme possède. Puis, en plus, le ministère, pour ceux qui sont informatisés, produit encore quelque chose de plus: une liste de dossiers. Moi, je sais bien qu'au Directeur général des élections j'ai, en interrogeant mon système, l'ensemble des dossiers qui sont inscrits et qui sont possédés par le Directeur général des élections. Ça fait que, donc, quelqu'un qui veut savoir, un citoyen qui veut vraiment connaître ce que possède le Directeur, je peux lui fournir la liste des dossiers, et il va avoir effectivement l'ensemble de ce que le Directeur des élections possède.

C'est pour ça que le concept qu'il y avait dans la loi, sur l'accès à une liste de classement, nous a toujours fait un peu sourire, parce que finalement les outils qu'on utilise, c'est le plan de classification, la liste des dossiers. Le calendrier de conservation est un troisième outil, parce que le calendrier de conservation, ce qu'il fait, c'est qu'il reprend les éléments du plan de classification, donc toutes les séries documentaires ou les séries de dossiers que possède un organisme, et on lui accole des règles de conservation, c'est-à-dire des durées de temps pour lesquelles les documents doivent être conservés et, après ça, est-ce qu'ils sont détruits, ou envoyés aux Archives nationales, ou conservés par certains organismes qui relèvent de l'Assemblée nationale. Donc, on retrouve aussi dans ce document-là l'ensemble des séries documentaires que possède un organisme et, en plus, on a les durées de conservation nécessaires à leur conservation, c'est-à-dire dans les bureaux ou en entrepôt, etc. Ça fait qu'un citoyen, d'après nous, s'il consulte un organisme, a tous ces moyens-là pour retrouver une information qu'il cherche, et, comme le responsable de l'accès doit lui fournir de l'aide s'il ne trouve pas... Bien, là, il y a un problème à quelque part s'il ne trouve pas lui-même, parce que, finalement, on a l'ensemble des moyens. Bon.

On disait que c'était perfectible. Les calendriers de conservation sont obligatoires en vertu de la Loi sur les archives. Le plan de classification, comme on ne l'avait pas dans la Loi sur l'accès, bien... Mais la plupart des organismes publics et parapublics ont des plans de classification. Pourquoi? Pour le repérage d'informations. On ne peut pas repérer une information si elle n'est pas classée, si on ne peut pas aller la chercher dans un classeur ou même... et on est en train de travailler sur des travaux pour l'information électronique. Ça fait que, donc, ça prend des éléments qui nous permettent de retrouver cette information-là, et c'est ces outils-là qui nous servent.

Mme Courchesne: Ce que vous dites, c'est qu'au fond le citoyen... Au moment où on se parle, en vertu de cette loi, puis si on prend le calendrier de conservation, entre autres, plus ce plan de classification, ce que vous dites, c'est que le citoyen a à sa disposition, au fond, une table des matières, c'est un peu ça?

M. Lévesque (Michel): Oui.

Mme Courchesne: ...et que cette table des matières là, elle est obligatoirement publique.

M. Lévesque (Michel): Oui.

Mme Courchesne: Alors, comment se fait-il que 42 mémoires ? je vais exclure le vôtre ? 42 mémoires nous disent que le citoyen n'a pas accès à toute l'information? Et comment se fait-il que 42 mémoires nous demandent de l'information divulguée automatiquement? C'est donc qu'il y a un problème, là, il y a quelque chose que le gouvernement ne fait pas bien, là. Si la perception est si générale, c'est parce qu'il y a quelque chose qui ne marche pas. C'est quoi qui ne marche pas?

n(16 h 40)n

M. Lévesque (Michel): Ou c'est un faux problème, dans le sens que: s'adresse-t-on toujours aux bonnes personnes pour retrouver des documents? Voilà une chose. L'Association a déjà prétendu que... Même des gens auxquels on répondait, on serait curieux de faire une analyse de ce qu'ils ont eu comme réponse, à savoir si l'information était toute l'information dont ils avaient besoin. Je ne veux pas... j'ai des collègues que je fréquente qui sont des responsables d'accès. C'est ça, là, il faut voir comment ça se fait, comment le processus à l'interne est mené. Si le responsable de l'accès sait que, bon, c'est tel qui a créé telle information, puis il s'adresse à lui, on donne l'information. Mais il y a peut-être d'autres informations qu'il y a et qu'on peut aller chercher.

C'est évident que le plan de classification, le calendrier de conservation ne décortiquent pas un dossier, entre autres. Ça va être des grandes séries documentaires. On n'ira pas... Le plan de classification, son but, c'est d'être général, on n'ira pas chercher chacun des documents. Mais vous vous imaginez... Et, si un citoyen demande un document précis, normalement, en tout cas, par expérience, on devrait toujours retrouver les documents via ces...

Mme Courchesne: Mais comment peut-il demander le document précis s'il ne sait pas qu'il existe? Parce que ce que vous dites, c'est que votre liste de classification, elle est générale. Mais là, au fond, ce que je crois comprendre, dans la confusion, peut-être, là, qui existe, c'est qu'au fond le citoyen, lui, il ne le sait pas, si le document existe ou pas. Donc, ce que vous dites, c'est que le responsable d'accès à l'information devrait avoir une définition de tâche et de rôle et de mandat qui soit beaucoup plus explicite, possiblement, et qui soit la même pour tous les ministères et organismes. C'est ce que vous dites, ou...

M. Lévesque (Michel): Bon. On a préconisé, entre autres, dans nos recommandations qu'il y ait une formation de gestion documentaire.

Mme Courchesne: De gestion documentaire, qui est une bonne recommandation.

M. Lévesque (Michel): Et j'ai déjà écrit des articles entre... Le partage devrait être vraiment là, entre un responsable de l'accès et aussi les gestionnaires de documents. Mais il faut encore... Je veux revenir sur la précision. Quand je dis «général», il faut faire attention. Le plan de classification, si je prends chez nous, puis je pourrais prendre chez vous, il est suffisamment précis pour aller trouver où se trouvent les dossiers de madame X ou de monsieur Y. Les dossiers, chez nous, moi, j'ai... Les grandes catégories de dossiers, quand on descend, au niveau de l'arborescence, dans un plan de classification, ça devient très, très, très précis. Je sais, moi, chez nous, là, il va y avoir des dossiers, on va... Bon. Les dossiers de personnel, je suis capable de retrouver les dossiers de personnel nommément, Dossiers de personnel, dans notre plan de classification. Là je donne un exemple... c'est toujours celui qu'on donne, mais je pourrais retrouver tous les dossiers des partis politiques comme tels qui contribuent, etc., ou les dossiers des candidats à des futures élections. Je sais très bien, dans mon plan de classification, où se trouvent ces dossiers-là.

Mme Courchesne: Mais, vous me permettez, vous êtes archivistes, c'est facile pour vous de vous y retrouver facilement et c'est votre Direction générale des élections, vous y travaillez quotidiennement. Ma question, c'est: Est-ce que le citoyen va s'y retrouver aussi facilement que vous?

M. Lévesque (Michel): Oui, parce que, dans les ministères et organismes gouvernementaux, ce ne sont pas les archivistes. Nous sommes une petite équipe ? moi, je travaille avec cinq personnes ? qui a le centre de documentation, la cartothèque, la sélection documentaire, et on délègue effectivement à des responsables de classement, qui sont des secrétaires la plupart du temps, la gestion. Et le développement d'un plan de classification ou d'un calendrier de conservation se fait toujours, toujours en allant chercher l'expertise des créateurs des documents. Les créateurs des documents, bien, ce sont ceux qui se retrouvent dans les différentes directions d'un ministère ou d'un organisme, qui vont nous dire: Bien, voilà, j'ai telle, telle, telle activité, j'ai créé telle, telle, telle chose, c'est ça que vous devez inclure dans votre plan. Moi, je ne fais qu'arranger, finalement.

Mme Courchesne: Et ce que vous dites, c'est que le citoyen doit passer par cette personne-là. Il ne peut pas nécessairement s'y retrouver tout seul, sur Internet par exemple. Il doit absolument faire la démarche de parler à quelqu'un d'autre.

M. Lévesque (Michel): Je pense que la problématique actuelle, c'est que souvent nos plans de classification ne sont pas encore diffusés par Internet, c'est-à-dire la liste. Le plan lui-même, le calendrier comme tel ne font pas partie souvent des sites Web des ministères et organismes gouvernementaux. Mais quelqu'un moindrement habile va être capable de décoder, d'après moi, à partir des plans de classification, les informations.

Et l'Association insiste beaucoup pour dire: Nous, ce qu'on ne veut pas, c'est d'en arriver à une liste de documents. On ne s'en sortira jamais. Là il faudrait demander à une secrétaire de nous lister, imaginez-vous, dans tous les... Bien, je ne sais pas, moi, prenons... Vous connaissez bien les dossiers de candidats, bien, un dossier de candidat, il faudrait qu'elle liste tous les documents, effectivement, qu'il y a dans un dossier de candidat puis, après ça, diffuser sur le Web. Vous imaginez? C'est sûr que là le citoyen va être content, il n'aura pas grand recherche à faire. Mais il faut quand même qu'il y ait une certaine forme d'investissement, sinon augmentez-moi mon équipe.

Le Président (M. Cusano): Merci, Mme la ministre. Avant de passer la parole au député de Chicoutimi, j'avais une question à poser. On parle d'accès à cette information que vous possédez. Moi, j'aimerais savoir de quelle façon vous récupérez de l'information. Alors, pour être un peu plus précis, si, moi, demain matin, en tant qu'homme public, je décide de vous envoyer toutes mes filières depuis les 23 dernières années, vous allez retrouver là-dedans les discours sur le budget, avec mes petites notes personnelles, c'est sûr. Est-ce qu'il y a un dialogue entre vous puis la personne qui vous envoie ces documents-là, à savoir que peut-être, des 200 boîtes, en réalité, la seule chose qu'il peut y avoir d'intéressant dans ces 200 boîtes, c'est à peu près l'équivalent d'une boîte? Ou est-ce que vous acceptez les 200 boîtes pour les envoyer dans un entrepôt quelque part?

M. Lévesque (Michel): Pas nécessairement. C'est plus, c'est plus... Non, habituellement, on va entreprendre une négociation ? bien, une négociation... On va toujours consulter la personne qui va transmettre les documents. Dans le secteur public, dans mon organisme à moi, quand on décide d'envoyer des boîtes en entrepôt ou bien non quand il y a une... à la destruction ou à la conservation, on vérifie, effectivement, et on fait de l'élimination. Parce qu'on s'aperçoit, on parle toujours de détenteurs principaux et de détenteurs secondaires, que très souvent les gens nous envoient des masses documentaires, mais ils ne sont pas... ce n'est pas les créateurs ou ce n'est pas les détenteurs principaux, si bien qu'on leur dit: Non, on ne prendra pas telle, telle chose, on va ne prendre que ce que vous avez créé en propre, ce qui était relatif à vos activités. On fait ce genre... même aussi dans les archives privées.

Là je parlais des archives publiques, mais on fait la même chose dans les archives privées, c'est-à-dire, il y a des politiques d'acquisition. Quand on rencontre des donateurs de fonds, ça ne veut pas dire nécessairement qu'on va tout prendre. Il y a des expertises, il y a des évaluations qui sont faites effectivement. Et les Archives nationales, pour y avoir travaillé, font cet exercice-là. Quand, je ne sais pas, moi, des caisses et des caisses d'un ministre arrivent, il va y avoir une évaluation, et on pourrait retourner au ministre, au député, en fait, effectivement une partie des documents qu'il nous a légués, par non-intérêt, là, ou parce que dans ces boîtes il y avait des dossiers publics, c'est-à-dire de sa qualité de ministre, s'il était ministre, qui se retrouvent là mais qu'on a effectivement via le ministère, via le cabinet, via... Ça fait que donc, en ce sens-là, il y a toujours... Mais il y a toujours, toujours une consultation ? en tout cas, j'espère ? des personnes concernées.

Mais je vous dirais que les équipes de gestion documentaire, là, c'est des équipes toujours très réduites, là. Au ministère de l'Éducation, là, il y a une responsable de gestion de documents avec deux techniciennes, pour le ministère de l'Éducation, là. Ça fait que, quand elle vient pour vérifier les boîtes des personnes qui lui envoient, là, vous imaginez la tâche...

Le Président (M. Cusano): O.K. Vous avez bien répondu à ma question. Alors, je ne vous enverrai pas toutes les listes électorales depuis 1981.

Une voix: ...

M. Lévesque (Michel): Oui, on les a.

Le Président (M. Cusano): Ah! vous les avez? Ah bien...

M. Bédard: Je vous dirais, M. le Président, que le dernier discours, ainsi que les remarques concernant le dernier discours du budget, serait peut-être intéressant. Alors, gardez-le précieusement, et nous le lirons lorsque vous déposerez vos boîtes.

Le Président (M. Cusano): Celles annotées seraient plus intéressantes.

M. Bédard: Oui, ceux qui sont annotés, vos annotations. Alors, je vous remercie. C'est un sujet très vaste. Et, si vous aviez eu la chance de participer aux travaux précédents, vous auriez vu plusieurs questionnements, là, que vous battez un peu en brèche, mais, je veux dire, pas de façon, je vous dis... qui soulèvent un autre type de questionnement. Je vous remercie, d'ailleurs. Je vous avouerais que ça va continuer, on a tout près de 42 mémoires, effectivement, donc nous allons approfondir certains aspects.

Par contre, au niveau du plan de classification, que vous avez abordé avec la ministre, j'aimerais un peu revenir. Et là vous me dites que ce plan-là est accessible aux citoyens actuellement, dans chacun... partout? Si je le demande demain matin, moi, j'ai accès et... Je prends ça où, moi, actuellement?

M. Lévesque (Michel): C'est un document public. C'est un document public; vous allez vous adresser ou à la gestion documentaire ou au responsable de l'accès, qui va vous diriger vers la gestion documentaire, et ces plans-là sont disponibles dans la majorité des...

M. Bédard: Puis est-ce qu'on s'y retrouve, dans ces plans? Oui?

M. Lévesque (Michel): Oui, il y a des...

M. Bédard: Parce que, vous savez... parce que la différence, vous savez, c'est vous... Vous, vous connaissez l'information. Or, la personne qui demande, elle, ne la connaît pas. Alors, il faut toujours partir du point de vue... Quelqu'un qui connaît l'information, elle est facile à trouver. Quelqu'un qui ne la connaît pas ou a plutôt un sujet d'intérêt, là il faut voir comment on peut faire en sorte, justement, que... soit un index ou, du moins, qu'on mette les outils vraiment qui vont être pertinents pour la personne.

n(16 h 50)n

M. Lévesque (Michel): Je me dois d'être honnête, en ce sens que, les équipes de gestion documentaire étant ce qu'elles sont, c'est-à-dire réduites, c'est évident qu'on suit les changements des activités, on fait des modifications au plan, etc., et on essaie, dans la mesure du possible, de toujours bien circonscrire l'ensemble des activités qu'il y a dans un organisme et les séries documentaires de dossiers qu'il y a à ça. Par contre, je vous donnerais un exemple, le ministère des Finances. Le ministère des Finances, le responsable de la gestion documentaire est parti à la retraite, n'a pas été remplacé. Donc, vous imaginez, après quelques années, que le plan de classification, il a subi quelques contrecoups de cette chose-là. Ça fait que là ils viennent d'engager un occasionnel. Bon.

C'est évident, quand je vois la Commission préconiser des choses, bien, moi, je vais préconiser, moi aussi, qu'il y ait des meilleures équipes de gestion documentaire, parce que là vous êtes sûr d'assurer la gestion de l'information ou, en tout cas, le traitement pour que cette diffusion-là soit beaucoup plus large et assurée par des instruments qu'on trouve, nous, efficaces. Mais là c'est sûr que la situation, elle est ce qu'elle est. Je crois pertinemment que dans des plans de classification très bien faits, c'est-à-dire conformes... Et ça, les écoles de bibliothéconomie, les différentes universités qui forment... et, moi-même, j'enseigne, j'ai la prétention de croire que les personnes qu'on est en train de former vont donner les meilleurs produits pour, effectivement, faire en sorte qu'on retrouve cette information-là. Mais ils sont tous accessibles.

La liste de dossiers, pour ne pas déplaire à certains responsables de l'accès, elle devrait être accessible, elle devrait être aussi publique. Je ne vois pas comment, mais il y a des responsables d'accès qui prétendent que, au contraire, elle va donner des pistes d'accès encore plus... supplémentaires au citoyen, parce que là il va voir vraiment quels sont les véritables dossiers que certains organismes ont. Mais là on n'est plus dans le même débat. De rendre accessible une chose, c'est une chose. De dire ce qu'on a, c'est une autre chose. Après ça jouera cette analyse qu'on doit faire, de rendre publique ou non cette information-là, en fonction des critères de la loi.

Mais, au moins, même par la liste de dossiers... Puis là on parle bien de liste de dossiers, là. C'est très précis, une liste de dossiers. Prenez, je ne sais pas, peut-être dans vos cabinets, vous avez une secrétaire qui classe par ordre alphabétique, mais elle n'a sûrement pas sa liste de dossiers, mais elle sait très bien où sont les dossiers. Mais il y en a d'autres qui gèrent avec des codes de classification, et ils sont capables de vous sortir tous les dossiers que vous avez. Bien, c'est ça, une liste de dossiers. Ça fait qu'imaginez-vous, là... Ça fait que, si un citoyen, en consultant ces instruments-là, ne trouve pas ce qu'il veut, bien là j'ai un petit peu de difficultés à voir comment il trouverait autrement.

M. Bédard: ...citoyen, lui, ne le sait pas. Excusez-moi, oui?

Le Président (M. Cusano): Il y a un complément de réponse.

M. Vigneau (André): Oui, relativement au plan de classification, c'est certain que, lorsqu'un chercheur ou un demandeur d'information se présente, en général, dans un service de gestion d'information, on ne lui remettra pas bêtement une feuille de papier: voici le plan de classification, avec un silence. On va quand même expliquer que le plan de classification qu'il a dans les mains est probablement le plan de classification général et que, pour chacune des unités principales de l'entreprise, ou de la société, ou du ministère, il y a des plans de classification spécifiques à ça. Le gestionnaire ou le responsable de l'accès à l'information ou de la gestion de l'information, à mon sens, va se faire un devoir de lui expliquer la situation en détail. Ce n'est pas une relation froide, bon, électronique. Il y a une relation de type humain avec les demandeurs.

En ce qui a trait à la liste des dossiers, bon, mon employeur est la Société de transport de Montréal, je suis le coordonnateur de la gestion d'information et de l'accès aux archives, et, à l'heure actuelle, nous, nous avons un ensemble de boîtes, de contenants, de documents de divers ordres, d'environ 20 000 contenants. Bon ? c'est juste un petit calcul pour vous montrer un peu la liste des documents, et ce serait un peu fastidieux. J'estime que dans ces contenants-là il y a une moyenne de 15 dossiers, et donc on est rendus rapidement à un nombre de 300 000 dossiers. Alors, s'il fallait qu'on ait une liste des documents... Si on dit que dans chaque dossier, bon, qui est ça d'épais, il peut y avoir une dizaine de documents, vous voyez très bien qu'on est rendus immédiatement à 3 millions de documents. C'est un peu pharaonesque comme chiffre.

Alors, je pense que le plan de classification général et spécifique est un des très bons outils d'accès à cette information. Il est évident que... Bon. Michel mentionnait certaines situations de ressources un peu surchargées. C'est sûr que ça peut prendre un certain temps avant de repérer l'information, mais l'information, elle est toujours repérée. Tant qu'à savoir si elle est accessible en vertu de la loi, bien là c'est une autre... C'est ça. Voilà.

M. Bédard: Donc, demain matin, je pourrais faire le tour de tous les ministères et demander leurs index et je l'aurais dans un délai... Et, normalement, c'est mis à jour... Quelle est l'obligation en vertu de vos règlements?

M. Lévesque (Michel): En fait, c'est plus une obligation de gestion déontologique, c'est-à-dire, les responsables de l'accès maintiennent à jour tout le temps les plans de classification. Il n'y a pas de loi qui va nous obliger à les maintenir. C'est vraiment pour une question d'efficacité administrative qu'on maintient à jour ces instruments-là. Il n'y a que le plan de classification, d'après moi, qui est... le calendrier de conservation, je m'excuse, qui est vraiment une obligation légale. Donc, quand on crée... Mais voyez-vous le lien? C'est-à-dire, on fait toujours, nous, un lien entre les deux instruments, parce qu'un ne va pas sans l'autre. Quand on crée une nouvelle catégorie dans notre plan de classification, c'est parce qu'elle découle d'une nouvelle activité ou d'un changement d'activité. Il y a toujours une série de dossiers qui est touchée, et ça peut jouer sur la règle de conservation. Ça fait que c'est évident, quand on modifie le calendrier, on modifie le plan, et vice... tout le temps. C'est vraiment... Les deux piliers de la gestion documentaire dans un organisme, c'est vraiment ces deux piliers-là qui...

M. Bédard: Non, non, puis, à travers ça, ce que vous dites aussi, ça dépend de ressources, et, évidemment, à travers... mais ça, sans faire... je vous dirais, sans faire de politique, aucunement, avec ça, mais, lorsqu'il y a des choix à faire de la part d'un gestionnaire... C'est sûr qu'il y a des services. Ça, c'est un autre aspect des services, mais qui est moins... Donc, il risque plus de faire les frais, je vous dirais, en général, là.

M. Lévesque (Michel): Oui, les directions de l'informatique sont toujours mieux...

M. Bédard: Mieux pourvues.

M. Lévesque (Michel): Mieux pourvues que les gestionnaires de documents.

M. Bédard: Oui, une dure réalité d'être archiviste.

M. Lévesque (Michel): Et pourtant, présentement, dans la gestion électronique des documents ? Dieu sait qu'il y a du travail à faire... Parce que c'est la même chose, les documents que vous avez créés sous forme électronique, il faut bien les gérer, il faut bien les retrouver, les courriels, etc., mais on ne fait pas nécessairement appel à nous. Des fois, on fait appel à l'informatique pour trouver la recette miracle qui va leur permettre d'éliminer des courriels, quand on sait maintenant que, les courriels, on peut négocier des contrats par courriel, et c'est valable légalement, avec la Loi sur le cadre juridique. Ça fait que...

M. Bédard: Oui, oui. Avec la signature, oui, oui. On pourrait en parler longtemps. Il me reste combien de minutes, M. le Président?

Le Président (M. Cusano): 30 secondes.

M. Bédard: C'est ce que je pensais. Alors, je reviendrai un peu plus, là, sur d'autres aspects de vos recommandations. Je vous remercie.

Le Président (M. Cusano): M. le député de Charlesbourg. Il vous reste cinq minutes.

M. Mercier: Cinq minutes? alors je vais faire vite. M. Vigneau, M. Lévesque, bienvenue ici, à l'Assemblée nationale. Permettez-moi également de vous féliciter pour votre rapport, qui était bien exhaustif mais fort intéressant également.

Écoutez, je vais me faire un peu l'avocat du diable, quand même, dans ma question et revenir à la recommandation n° 9 de la CAI et qui soutient que l'article 50 de la loi devrait être modifié afin d'obliger les responsables de l'accès à justifier leur refus et en précisant aux demandeurs, le cas échéant, les préjudices que la communication du document pourrait causer. Mais ne croyez-vous pas qu'à partir du moment où l'on refuse aux demandeurs le document en question et l'accès au document et que ce refus... dans la justification de ce refus, il y a évidemment une description des préjudices, qu'on ne révèle pas en même temps la teneur de ce document? J'aimerais avoir votre opinion là-dessus. Parce qu'à partir du moment où on dit: Non, vous ne pouvez pas l'avoir, pour telle, telle raison, parce que ça peut causer tel préjudice, bien, évidemment, on révèle, je vous dirais, de façon un petit peu perverse, la teneur du document en question.

M. Lévesque (Michel): Je vais vous expliquer un peu la recommandation historique. En fait...

M. Mercier: Je veux simplement avoir votre opinion là-dessus.

n(17 heures)n

M. Lévesque (Michel): Oui. Ce qu'on a amené, c'est parce que, souvent, la justification du refus ne se fait que par des articles de loi. C'est-à-dire, on n'invoque pas nécessairement une des raisons, on dit: Il est refusé en vertu de 66.7, bon, l'alinéa 2. Nous, c'est un peu ça qu'on disait. En fait, c'est d'aller un peu plus loin que juste citer un article de loi, qui fait en sorte que le citoyen, finalement, il se retrouve... il n'est pas nécessairement... Il ne connaît pas nécessairement la loi, lui, autant que les responsables de l'accès, puis il se dit: Bien oui, mais c'est quoi, ça, 66.1 de la loi? Puis, même si on cite, c'est donc d'aller un peu plus loin. Je comprends peut-être la réticence de donner certains éléments qui pourraient faire en sorte que... dévoilent le fait pourquoi on refusait, mais je pense que le citoyen est en droit d'attendre... De toute façon, il a tous les moyens pour revenir, le citoyen, et l'organisme a tous les moyens aussi pour se défendre.

Ça fait que je pense que d'informer le citoyen... autant il veut son information, si on la lui refuse, je pense qu'il est en droit de s'attendre à avoir une justification qui se tient, mais qui se tient, là. Moi, je lis, là, des fois des décisions, en tout cas, c'est parfois fait pour des avocats. Je m'excuse, là, mais, à un moment donné, le citoyen n'est pas nécessairement un avocat, là. Ça fait que, donc, en ce sens-là, il est en mesure, lui aussi, de bien comprendre le pourquoi on lui refuse telle chose. Est-ce que ça peut aller trop loin? Je vous laisse le soin d'en décider.

M. Mercier: M. le Président, il me reste encore quelques minutes?

Le Président (M. Cusano): Oui.

M. Mercier: Permettez-moi de sauter du coq-à-l'âne, puisque le temps file. Vous semblez également étonné que la CAI n'aborde pas la question... ? et on en a parlé tout à l'heure, le député de Chicoutimi en a parlé tout à l'heure avec l'association qui vous a précédés ? tout ce qui est historien et généalogiste. Et j'aimerais savoir, là, quels sont les problèmes que la CAI aurait dû soulever, et quelles sont vos propositions de solutions à cet égard.

M. Lévesque (Michel): C'est-à-dire, ça fait des années qu'on dit à la Commission à l'accès: Faites quelque chose par rapport aux délais d'accès. Et, finalement, ce n'est pas elle qui a réglé nécessairement la situation, et ni ses interventions, c'est le ministre de la Justice du temps qui, via son projet de loi sur la modification du Code civil, qui est venu nous aider, nous, archivistes. Parce qu'on ne partageait pas nécessairement l'avis du monsieur précédent, parce que, nous, on croit à des délais d'accessibilité, et des délais, comme vous avez vu, assez longs, 100 ans, 30 ans après la mort d'une personne. Et ça, on l'a acquis de chaudes revendications, en intervenant auprès du ministre lors de la présentation du projet de loi, la présentation du projet de loi n° 50, je crois. Et, en plus, la notion des héritiers est tombée, ce qui nous permet, nous, de diffuser des fonds de Jeanne Mance qu'on ne pouvait pas parce qu'on ne pouvait pas retracer ses héritiers. Ça fait que là ça vient de justement clore ce discours, et les archivistes auront toujours ce respect entre la protection de la vie privée et le droit au public à l'information.

On manipule dans des documents, des dossiers, des fonds qui nous sont donnés, d'archives privées ? il faut bien entendre que ce sont des archives privées ? des documents sensibles, des documents personnels, des documents qui contiennent des renseignements personnels, de vous, d'autres, et on ne peut pas, en respectant une déontologie, dire qu'on va rendre accessibles immédiatement ces fonds-là à quelconque chercheur. Par contre, on négocie nécessairement des droits de consentement. C'est évident qu'un donateur d'archives privées, on va lui dire: Consentez-vous à ce que votre fonds en entier ou en partie... Ce que les gens oublient beaucoup, là, c'est qu'un donateur peut rendre accessible en partie un fonds qu'il nous donne, le document qui dit: Voilà, c'est correct, rendez ça public, ça ne me dérange pas. Et une partie, il décide de la conserver privée. Il a parfaitement le droit. Il peut établir 20 ans, 10 ans, 15 ans, il peut établir 150 ans aussi. Pour ceux où ce consentement-là n'est pas obtenu, on a réglé la question, nous, avec effectivement ces propositions-là qui ont été adoptées.

Et d'ailleurs on avait félicité le ministre du temps parce qu'on trouvait que là il y avait une évolution, une grande évolution justement permettant cet accès-là après ces durées-là, finalement. Et, en plus...

Le Président (M. Cusano): Merci, M. Lévesque. Excusez-moi.

M. Lévesque (Michel): Excusez. Je parle beaucoup.

Le Président (M. Cusano): Je cède maintenant la parole au député de Chicoutimi.

M. Bédard: Non, continuez, là. Ça va être sur le même temps. Continuez.

Le Président (M. Cusano): C'est ça, c'est bien.

M. Lévesque (Michel): Et aussi, il y a eu l'introduction dans la loi sur la protection des renseignements dans le secteur privé de l'utilisation à des fins journalistiques, à des fins historiques. Ça fait que, à un moment donné, quand j'entends certaines personnes se plaindre que, bon, ils ne pourront pas... il faut faire attention, c'est souvent un peu gros, là, comme réflexion, là. Ils sont capables quand même de... L'Association des généalogistes avait préconisé un délai peut-être un petit peu plus court que le nôtre, 75 ans. Bon. Ça fait que là il y a eu des consensus, à un moment donné, d'établis, là, pour...

Mais il faut comprendre que le droit à une personne de protéger... Puis, après ça, ça tombera dans l'ordre du droit public, c'est-à-dire que, s'il y a des éditeurs qui décident de l'éditer, bien ils se feront poursuivre, c'est tout. Ça, c'était déjà là, de toute façon. Voilà!

M. Bédard: Donc, le fonctionnement actuel à ce niveau-là vous convient, avec les modifications qui ont été apportées.

M. Lévesque (Michel): On avait quand même exprimé certaines réserves sur les derniers articles du Code civil, 35 à 41, et surtout on attendait de voir les interprétations qui seraient faites de l'article qui dit: On peut utiliser, à moins... sauf si la loi ? je ne me souviens pas exactement, là ? le prescrit. Et là on trouvait qu'il avait comme ajouté encore une petite porte pour essayer de soustraire certaines informations, finalement. On est restés surpris de cette petite phrase qui était rajoutée à un des articles du Code civil. Mais, de toute façon, dans l'ensemble, ça faisait... Pour nous, ça a été... on considérait ça comme étant une avancée énorme, énorme sur... de modifier, de passer de 150 ans à 100 ans.

Vous savez, la liste électorale, je ne peux pas la rendre accessible, pas du tout. C'est justement des choses que je veux négocier chez nous, là, pour au moins faire avancer ce débat-là. C'est parce que, à un moment donné, il y a aussi... après un certain temps, là, l'utilisation de ces renseignements-là peut être utile, mais après un certain temps, bien entendu.

M. Bédard: Et pour un exemple, excusez-moi, là, mais vous parlez de la liste électorale. Actuellement, elle, vous ne pouvez jamais la rendre accessible?

M. Lévesque (Michel): Non.

M. Bédard: Jamais, jamais. Elle est couverte...

M. Lévesque (Michel): Jamais, jamais, jamais, sauf... Le Directeur général des élections a effectivement les pouvoirs de la Commission d'accès pour rendre accessible la liste à des fins de recherche, mais il faut que le chercheur montre patte blanche, je vous le dis, avec son protocole de recherche, etc., pour avoir effectivement accès aux listes électorales.

M. Bédard: Je vous remercie, c'est fort intéressant. Je vais pouvoir dire à la famille de pouvoir envoyer leurs boîtes, finalement. À la blague. C'est qu'on a fait archiver dernièrement, d'ailleurs, parce qu'on a une pièce au complet qui est remplie de boîtes. Et on ira trouver... Si vous l'aviez fait, vous... On avait perdu nos photos de famille. Alors, après 18 ans, notre archiviste personnel, qui est un cousin, a trouvé nos photos de famille dans les boîtes gouvernementales. Alors, les boîtes de la famille... Alors, seulement pour vous dire, la présence d'un archiviste, comment ça peut être important, mais aussi la confiance qu'ils ont. Et on ne peut pas modifier ces règles-là selon le bon vouloir ou... Parce qu'il y va de la confiance des personnes qui remettent ces documents-là entre vos mains, là.

Des petits éléments, là. Je suis dans d'autres ordres. Au niveau de votre recommandation, on en a discuté plus amplement, mais... Vous êtes d'avis que la recommandation de la Commission à l'effet d'intégrer dans les droits fondamentaux le droit à l'information au même titre... dans les articles 1 à 38, au lieu de le mettre dans les droits économiques. Actuellement, est-ce que vous êtes d'avis que le balancement... ou plutôt l'arbitrage qui s'est fait entre la protection de la vie privée et ce droit-là à l'information n'est pas juste ou n'est pas... ou il demande tout simplement un réajustement de façon... Parce que, vous le savez, si on le modifie, ça va avoir des conséquences. Mais, vous, comme personne qui traitez, est-ce que ça vous cause autant... est-ce que ça vous cause des problématiques que cette solution aurait pour effet de résoudre?

Parce que ça a quand même des conséquences, de faire ça, là. Ou vous avez dit: Bon, on est en faveur parce que ça nous semble intéressant au départ, là. Vous avez creusé un peu plus dans votre mode de fonctionnement. Est-ce qu'il y a des exemples concrets dans lesquels la Charte des droits est invoquée... le fait qu'il ne se retrouve pas dans les articles 1 à 38 a eu un effet sur votre travail?

M. Vigneau (André): Je pense que ? bien, Michel, M. Lévesque et Mme Baillargeon ont rédigé le mémoire ? mais je pense qu'une extension un peu de la question du refus à l'accès de certains documents pourrait être difficilement invoquée lorsque il y aurait un droit à l'information. Mon analyse est...

n(17 h 10)n

M. Bédard: ...vos balises ne sont pas de cet ordre. Vous, vos balises, c'est vraiment la Loi d'accès. Ce n'est pas... Vous ne vous servez pas... J'imagine que, lorsque vous traitez ça, vous n'avez pas la Charte des droits à côté puis la jurisprudence puis... Non. C'est plus, j'imagine, la Loi d'accès qui gouverne vos... et la Loi sur les archives et la Loi sur la protection des renseignements personnels qui vous guident, ce n'est pas... J'imagine, là, c'est ma lecture, mais... Parce qu'il est peu documenté, je me demandais s'il y avait des cas plus pratiques où il y avait peut-être une... Non?

M. Lévesque (Michel): Non. Je dirais que c'est qu'on considère, pour nous, comme étant très important le fait que soit donnée l'information au public. C'est-à-dire, le citoyen recherche une information, et effectivement on lui donne cette information et on lui permet... c'est-à-dire, on l'aide à avoir, aussi, cette information-là. Ça vient... notre recommandation vient du fait qu'on trouve vraiment qu'il n'y avait pas cet équilibre, qu'il n'y avait plus cet équilibre, donc qu'il devrait y avoir, ravoir effectivement un équilibre entre ce droit d'avoir l'information et aussi ce respect à la vie privée. On trouve que la Commission a...

M. Bédard: ...plus par rapport à, entre vous et moi, à l'application de la Loi d'accès et la Loi sur la protection des renseignements personnels, non? Dans le secteur privé, c'est plus... c'est les éléments qui servent à équilibrer.

M. Lévesque (Michel): Oui. Non, vous avez raison.

M. Bédard: Entre vous et moi, en général, oui. Bien, en tout cas, c'est mon impression, et je n'ai pas de cas qui... Parce que c'est quand même... Vous savez, ça peut avoir des implications assez importantes de l'ajouter, alors que... Et là on a fait tout le débat, là, je ne veux par le refaire avec vous, mais c'est le droit du public à l'information versus le droit personnel, d'avoir l'information sur son dossier, par exemple, qui est un droit d'ordre personnel. Mais, le fait de l'ajouter, moi, je me pose un questionnement. Je voulais simplement savoir, dans votre pratique, qu'est-ce que ça occasionne. Mais ce que je constate... vous me direz que c'est plus par rapport, justement, à l'interprétation des lois existantes que se fait ce balancement entre la protection des renseignements personnels puis la divulgation publique.

M. Lévesque (Michel): Oui. Vous avez raison là-dessus.

M. Bédard: O.K.

M. Lévesque (Michel): Je pense que, si effectivement il y avait les éléments dans les lois actuelles qui permettent justement de bien balancer et de bien assurer cet équilibre, je pense qu'on arriverait à ces fins-là, oui, effectivement.

M. Bédard: Sans passer par les modifications de la Charte.

M. Lévesque (Michel): Oui.

M. Bédard: O.K. Bien, écoutez, on aurait... Est-ce qu'il me reste du temps?

Le Président (M. Cusano): Deux minutes et demie.

M. Bédard: Ah! deux minutes et demie. Je voyais tout le monde ramasser leurs choses, alors j'en avais conclu... Mais je vais être très bref, simplement vous dire que j'ai entendu tantôt, sur les modifications... sur les justifications, plutôt, lorsqu'il y a refus, et vous avez entendu ceux qui vont précédés, mais l'ensemble des mémoires reprend cette recommandation-là, que quelqu'un qui se voit refuser un document autrement, là, qu'un article de loi, a la limite de la loi, là, pour se guider, puis ça amène plus de frustrations que d'autres choses. Donc, je suis convaincu que cette recommandation-là sera étudiée, et souhaitons que nous pourrons donner, et que la ministre pourra donner des éléments de réponse satisfaisants à ce niveau-là.

Quant au reste, bien, vous reprenez... il y a plus d'éléments que vous reprenez, effectivement, dans les différents mémoires. Mais il reste toute la question relativement à l'index. Je vous avouerais que c'est dommage que vous nous quittiez, que vous ne reveniez pas en commission, mais je vais faire, moi, quelques séances d'information, quitte à ce qu'on puisse communiquer avec vous, parce que ça me laisse perplexe. Alors, vous suivrez le reste de nos travaux, peut-être qu'on y fera mention au fur et à mesure des autres groupes qui seront entendus. Je vous remercie infiniment.

Le Président (M. Cusano): Bien, M. le député de Chicoutimi. Alors, M. Vigneau, M. Lévesque, on vous remercie pour votre mémoire et aussi pour vos échanges extrêmement intéressants, puisque les membres désirent continuer ça à un moment ultérieur.

Alors, sur ce, puisque la commission a exécuté son mandat de la journée, j'ajourne les travaux au jeudi 2 octobre, à 9 h 30, à la salle Louis-Joseph-Papineau. Bonne soirée, tout le monde.

(Fin de la séance à 17 h 14)


Document(s) associé(s) à la séance