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Version finale

36e législature, 2e session
(22 mars 2001 au 12 mars 2003)

Le mercredi 13 juin 2001 - Vol. 37 N° 12

Consultations particulières sur le projet de loi n° 122 - Loi modifiant la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, le Code des professions et d'autres dispositions législatives


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Table des matières

Auditions

Intervenants

M. Jean-François Simard, président
M. Marc Boulianne, président suppléant
M. Joseph Facal
Mme Lyse Leduc
M. François Ouimet
M. Jean-Paul Bergeron
M. Lawrence S. Bergman
Mme Fatima Houda-Pepin
* M. Richard Bousquet, FPJQ
* M. Luc Simard, idem
* M. Claude Robillard, idem
* M. Gilbert Barrette, Conférence des régies régionales
de la santé et des services sociaux du Québec
* M. Pierre Larrivée, idem
* M. Marc Lacasse, AAQ
* Mme Diane Baillargeon, idem
* M. Michel Lévesque, idem
* M. Norbert Rodrigue, OPHQ
* M. François Nichols, idem
* Mme Anne Hébert, idem
* M. Denis Boulanger, idem
* M. Robert Nadeau, ACAIQ
* M. Claude Barsalou, idem
* Mme Pauline Champoux-Lesage, protectrice du citoyen
* Mme Micheline McNicoll, bureau du Protecteur du citoyen
* M. Jean-Claude Paquet, idem
* M. Robert Maltais, CPQ
* M. Placide Blackburn, idem
* M. Jacques-T. Dumais, idem
* M. Luc Arvisais, APDEQ
* M. Gérard Perron, idem
* Mme Monique Thomas, idem
* M. Serges Lafrance, Compo-Haut-Richelieu inc.
* M. Charles Tremblay, idem
* M. Paul Adam, idem
* M. Myroslaw Smereka, idem
* M. Charlemagne Vaillancourt, idem
* M. Vincent Emmell, Progesta inc.
* Mme Julie Élaine Roy, CQDA
* M. Richard Lavigne, idem
* Témoins interrogés par les membres de la commission
 

Journal des débats

(Douze heures trente-quatre minutes)

Le Président (M. Simard, Montmorency): Très chers amis, bonjour. Je constate que nous avons quorum. Permettez-moi d'entrée de jeu de vous rappeler le mandat de cette commission qui est de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 122, Loi modifiant la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, le Code des professions et d'autres dispositions législatives.

Alors, M. le secrétaire, y aurait-il des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Ouimet (Marquette) remplace M. Cusano (Viau) et M. Bergman (D'Arcy-McGee) remplace Mme Beauchamp (Sauvé).

Le Président (M. Simard, Montmorency): Très bien. Alors, permettez-moi de vous dresser le portrait de l'ordre du jour qui nous attend jusqu'à minuit. Nous recevrons, dans l'ordre, la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, la Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux du Québec, l'Association des archivistes, l'Office des personnes handicapées du Québec, l'Association des courtiers et agents immobiliers, le Protecteur du citoyen, le Conseil de presse, l'Association des professionnels en développement économique du Québec, Compo-Haut-Richelieu inc., Progesta et enfin le Centre québécois de la déficience auditive.

Auditions

Alors, nous avons parmi nous les représentants de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec que je prierais d'avancer. Messieurs, nous nous excusons tout de suite du contretemps que nous vous occasionnons. Nous sommes très heureux de vous recevoir. Pour débuter votre présentation, auriez-vous l'obligeance de vous présenter, s'il vous plaît?

Fédération professionnelle
des journalistes du Québec (FPJQ)

M. Bousquet (Richard): Bonjour. Richard Bousquet, je suis vice-président à la Fédération professionnelle des journalistes du Québec. Je suis entouré de Luc Simard, qui est affectateur à Radio-Canada et qui présentera une partie du mémoire, et de Claude Robillard, qui est secrétaire général de la Fédération.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Très bien. Messieurs, ce que je vous propose, bien sûr avec le consentement des membres de cette commission, c'est que vous puissiez, dans un premier temps, faire votre présentation, suite à quoi nous suspendrons nos travaux pour les reprendre à 15 heures pour entreprendre la période de questions. Est-ce que ça vous irait?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Ça va? Consentement? Messieurs, à vous la parole.

M. Bousquet (Richard): Merci.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Oui, pardon, excusez-moi. Oui, Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Leduc: Est-ce que, de consentement, compte tenu que nos invités ont déjà eu du retard et que notre période de dîner... Est-ce qu'on pourrait consentir de poursuivre pour leur permettre de terminer leur présentation puis nous...

Le Président (M. Simard, Montmorency): Le député de Marquette m'indiquait, avant le début de nos travaux, que c'était impossible pour lui compte tenu de fonctions qu'il occupe en cette Chambre.

M. Ouimet: Il y a un bureau de l'Assemblée nationale convoqué pour 13 heures concernant les événements de ce matin, entre autres. Alors, vous comprendrez que je n'ai d'autre choix que d'y participer.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Très bien. Vous allez avoir un dîner écourté.

Une voix: ...

Le Président (M. Simard, Montmorency): Vous allez avoir un dîner écourté. Alors, messieurs, à vous la parole.

M. Bousquet (Richard): Bonjour, MM., Mmes les députés. D'abord, vous présenter un peu la Fédération professionnelle des journalistes du Québec. Ça rassemble sur une base volontaire près de 1 500 journalistes et cadres de l'information dans plus d'une centaine de médias écrits et électroniques au Québec, dont la grande majorité des principaux médias écrits que vous connaissez. Le mandat de la Fédération est de veiller à la défense de la liberté de presse et du droit du public à l'information ainsi que d'encourager la rigueur et la recherche de hauts standards de qualité dans le travail des journalistes.

La loi sur l'accès à l'information, je vous apprends rien qu'elle a été adoptée en 1982, mais pour des raisons essentiellement démocratiques. Elle procédait d'une certaine vision rajeunie de l'État et de ses rapports avec les citoyens où les citoyens ne sont pas les serviteurs de l'État, mais le contraire.

La Commission d'étude sur l'accès du citoyen à l'information gouvernementale, à l'époque, disait dans son rapport, en 1981, que «la connaissance est une des sources de la liberté [...]la démocratisation suppose la libération de la connaissance. Un État qui refuse aux individus l'accès aux renseignements leur nie le droit de contrôler la chose publique comme de participer à sa gestion. Le secret conduit à l'abus du pouvoir.»

Il est important de rappeler d'où nous vient la loi qui est aujourd'hui soumise à un examen, car nous craignons qu'au fil des ans on ait perdu de vue cet objectif fondamental. La FPJQ fait donc appel à la volonté politique des partis représentés à l'Assemblée nationale pour qu'un sens élevé de l'État au service des citoyens remette à l'honneur l'accès le plus large à l'information gouvernementale.

C'est dans cet esprit-là que la FPJQ intervient, et je voudrais souligner que ce n'est pas dans un objectif de défense corporatif des journalistes. Les journalistes comptent pour environ moins de 3 % des demandes de révision à la Commission d'accès à l'information. Donc, c'est vraiment dans un objectif que c'est toute la société qui gagne à un meilleur accès à l'information, que l'enjeu est la défense et la promotion du bien commun.

n(12 h 40)n

L'ancien Commissaire à l'information du Canada, John Grace, affirme qu'une quinzaine... qu'en 15 ans passés à examiner des documents que le gouvernement ne voulait pas communiquer aux Canadiens, il n'avait pas vu un seul secret digne de ce nom. Le nouveau Commissaire, John Reid, se disait du même avis. Il disait: «Le plus souvent, les fonctionnaires adorent le secret parce que c'est un instrument de pouvoir et de contrôle et non parce que l'information qu'ils détiennent est, par sa nature, très confidentielle.»

Dans son premier rapport annuel au Parlement canadien, le Commissaire Reid s'est demandé pourquoi aucun ministre de la Justice n'avait encore adopté l'attitude de la Procureure générale des États-Unis, Mme Janet Reno. Mme Reno a demandé à ses avocats de changer radicalement d'attitude et de trouver des raisons de communiquer l'information plutôt que l'inverse. Son principe est simple, la communication maximale. C'est le contraire de ce qui se produit au Canada», disait observer M. Reid. Nous faisons nôtres les remarques du Commissaire et nous lançons un appel à un vigoureux coup de barre en faveur de la transparence, de l'accès à l'information et de la communication maximale.

Notre mémoire est un peu un cri d'alarme, d'une certaine façon. Ce que nous notons dans la profession journalistique, c'est de plus en plus de journalistes qui ont perdu confiance dans la loi, dans les mécanismes de la loi d'accès à l'information, qui trouvent que ça ne vaut... que ça vaut de moins en moins la peine d'y faire accès, que la loi est vidée de plus en plus de son sens. Par contre, à la FPJQ, on croit encore en sa nécessité et on croit nécessaire une profonde réforme de la loi au sein même de sa philosophie.

Notre mémoire de 33 page, évidemment, on ne vous le lira pas au complet, nous vous invitons à le lire par vous-mêmes, mais énonce 31 recommandations, certaines à partir de critiques de la loi, d'autres de critiques du projet de loi n° 122 et certaines des propositions novatrices qui, nous espérons, sauront vous plaire.

Pour en faire un bref résumé, vu le temps qui nous est alloué, je cède la parole à Luc Simard, affectateur à Radio-Canada.

M. Simard (Luc): Merci beaucoup. Mesdames, messieurs, on a un peu l'impression à la FPJQ, dans le milieu journalistique en général, que ces dernières années il y a eu un débalancement dans l'application de cette loi et qu'on se préoccupe beaucoup ? puis c'est probablement plus qu'une impression ? du dossier de la protection des renseignements personnels. C'est devenu une préoccupation majeure dans toutes les sociétés industrialisées, et on se préoccupe beaucoup moins de l'accès à l'information, de l'accès aux documents publics. Si vous consultez évidemment la loi, vous voyez que, dans les chapitres de la loi, l'accès aux documents vient pourtant avant la protection des renseignements personnels. Donc, on pense qu'à l'époque, il y a une vingtaine d'années, quand on a mis ça en place, on se préoccupait beaucoup de l'accès aux documents, et présentement ce n'est plus le cas, ce qui fait que beaucoup de journalistes, le disait Richard, ont perdu foi dans la loi. Moi, je suis un utilisateur passé, je coordonne des journalistes qui continuent de l'utiliser, mais ce n'est plus un outil efficace pour les journalistes.

Pourquoi? Parce que la procédure est extrêmement longue, ardue et parce qu'on a l'impression, d'une façon plus générale, qu'au sein de la fonction publique ? et c'est probablement une impression tout à fait différente de la vôtre ? au sein de la fonction publique, ce n'est pas important de divulguer rapidement les documents qui devraient être divulgués, selon la loi, relativement rapidement. Ce n'est plus la priorité, c'est passé de mode. La mode est aux renseignements personnels, à la protection de ces renseignements-là, ce n'est plus à l'accès des citoyens à des documents auxquels ils devraient avoir accès et nous, comme journalistes, aussi des documents qu'évidemment on ne garde pas pour nos fins personnelles, mais qu'on s'empresse de communiquer au public. Alors, on aimerait ? et c'est parmi nos premières recommandations ? qu'on rétablisse la balance, si vous voulez, et que la commission, d'abord, s'intéresse davantage à la protection... non pas à la protection, mais plutôt à l'accès aux documents.

Dans le projet de loi n° 122, vous étendez la couverture de la loi ? c'est une très bonne chose, à notre avis ? vous l'étendez aux organismes, par exemple, créés par les municipalités. Bravo, mais vous ne profitez pas de l'occasion pour étendre cette couverture à des filiales de sociétés d'État ? et là je suis certain que ça sonne une cloche connue pour vous ? les filiales de sociétés d'État qui se sont multipliées ces dernières années et qui y échappent totalement, automatiquement, même si ce sont des filiales à 100 % financées par les fonds publics, des filiales que vous avez à superviser dans l'exercice de vos fonctions ? je parle de filiales de Loto-Québec, de filiales d'Hydro-Québec ? et qui sont absolument impénétrables. On aimerait que vous profitiez de l'occasion pour étendre la couverture à ces sociétés-là.

Vous proposez dans le projet de loi d'étendre le délai de réponse, qui est en ce moment de 20 jours. Alors, le fonctionnaire, la fonctionnaire doit nous répondre normalement en 20 jours, mais sachez qu'il y a un mécanisme de la loi, un délai supplémentaire de 10 jours, qui est utilisé systématiquement. Alors, on est, dans la réalité actuelle, à un délai de réponse de 30 jours. Vous proposez de mettre un délai de départ de 30 jours auquel vont s'ajouter 10 jours de plus, ce qui nous porte à 40 jours. On est déjà, actuellement, dans une période de 30 jours ? honnêtement, c'est ce qui se passe dans la réalité ? et on vous demanderait de garder le délai de départ de 20 jours qui, malheureusement, trop souvent, est allongé à 30 jours par les fonctionnaires.

On pense que ce serait peut-être le bon moment, étant donné la progression rapide de la communication ces 20 dernières années, depuis que cette loi-ci a été adoptée, de mettre en place une procédure de divulgation automatique d'une série de documents publics. Et, il y a pas de meilleur moyen en ce moment que le Web, qu'Internet pour divulguer automatiquement des rapports, des résultats, des chiffres qui ne prêtent pas à controverse la plupart du temps et qui demandent beaucoup d'énergie en ce moment à obtenir de la part des ministères ou sociétés concernés, pourquoi ne pas le faire? Pourquoi ne pas inclure dans la loi une procédure, qui existe déjà au niveau fédéral américain, où les citoyens ont accès par le Web... Et, vous savez bien ? vous êtes très bien placés pour savoir ? que le gouvernement offre de nombreux services en ligne, et c'est une très bonne chose étant donné le niveau de branchement qui augmente sans cesse, donc un mécanisme de divulgation automatique, qui n'a pas besoin de faire l'objet de demandes, demandes qui entraînent des délais très longs.

On pense aussi qu'on pourrait ? et c'est une question évidemment litigieuse, sans vouloir s'étendre inutilement là-dessus ? garantir, puisque la jurisprudence de la Commission n'est pas claire à ce niveau-là, la publication des comptes de dépenses, avec toutes les informations relatives à ces comptes de dépenses. C'est utile à la presse, oui, mais c'est utile aussi aux parlementaires, on pense, et le fait de ne pas les dévoiler totalement, eh bien ça prête à toutes sortes d'interprétations qui ne sont pas profitables, on pense, à la couverture de la vie parlementaire.

On aimerait que, pour la procédure d'appel... C'est-à-dire présentement, vous savez, vous êtes journaliste, vous faites une demande d'accès à la Commission... Vous faites une demande d'accès à un organisme public, on ne vous répond pas de façon satisfaisante à l'intérieur des délais de 30 jours dont je parlais tantôt, vous devez faire une demande de révision à la Commission d'accès à l'information. La procédure est très longue, il y a multiplication des audiences, ça se déroule sur de nombreuses années parfois. J'ai une cause près de moi, à Radio-Canada, où on attend la décision de la commissaire depuis trois ans, et, après la décision, on ira peut-être en procédure de révision. Et là la procédure de révision, bien... C'est-à-dire non pas la procédure de révision, excusez-moi, la procédure d'appel. Alors, il y a un appel possible devant la Cour du Québec. Il est rare que ce soient les demandeurs comme nous qui s'adressions à la Cour du Québec, c'est plutôt les organismes qui ont eu l'obligation, par la Commission, de rendre leurs documents publics qui font appel à la Cour du Québec.

Présentement, il y a une procédure qu'on ne voudrait pas voir affaiblie qui est l'autorisation d'en appeler, la permission, la requête pour permission d'en appeler. On aimerait qu'elle soit maintenue, comme vous le proposez, et d'éviter que les organismes publics, comme c'est trop souvent le cas, en appellent systématiquement devant la Cour du Québec, ce qui allonge encore une fois, vous imaginez, dans un processus tout à fait judiciaire, les délais de réponse à des documents.

Alors, en gros, c'est les principales recommandations. Ce n'est qu'une partie, évidemment, de l'ensemble des recommandations qu'on fait, mais j'attire votre attention sur le fait ? et vous êtes bien placés pour le savoir ? qu'une bonne partie des informations qu'on nous nie et qui devraient être autorisées en vertu de la loi finissent par sortir de toute façon mais finissent par sortir de façon toute croche, encouragent ce secteur de la population qui est convaincu qu'il y a toujours des complots partout, qu'on cherche à lui cacher systématiquement des informations cruciales. Et je pense que ce serait sain... Et nous pensons, de façon générale à la FPJQ, que ce serait beaucoup plus sain de renforcer la procédure de divulgation des documents pour éviter... ralentir tout au moins ce sentiment de doute qui est très installé dans une bonne partie de la population. Voilà.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci, M. Simard. Avez-vous complété votre présentation? Parce que vous aviez encore devant vous, ma foi, quelques minutes.

n(12 h 50)n

M. Bousquet (Richard): Je rajouterais peut-être, à ce moment-là, un autre élément aussi sur le fait que, évidemment, la loi d'accès à l'information ne s'applique pas qu'aux organismes gouvernementaux provinciaux, mais aussi aux municipalités et qu'on note, par rapport à des membres de la Fédération qui travaillent dans des hebdomadaires en dehors de Montréal ou de Québec, que certaines villes au Québec ont recours... dans le fond, font que les journalistes doivent recourir à la loi d'accès à l'information de façon systématique pour tout document. Il y a des villes qui, même, refusent de remettre un dépliant public à des journalistes, ils disent: Allez à la loi d'accès à l'information pour le demander. Il y a des villes qui refusent de remettre aux journalistes les procès-verbaux du conseil municipal et demandent aux journalistes d'aller à la loi d'accès à l'information. Donc, ils ont un recours systématique à la loi d'accès à l'information, ce qui retarde, dans le fond, la divulgation de documents qui sont totalement publics et qui retarde de 30, 40 jours, autant qu'il est nécessaire pour aller les chercher. Donc, c'est pas juste... Je veux dire, il faut pas juste voir la situation en fonction des services gouvernementaux provinciaux, mais c'est aussi l'ensemble des municipalités qui causent aussi souvent problème.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Alors, M. Robillard, M. Simard, M. Bousquet, merci de votre présentation. Je suspends nos travaux, et nous nous donnons rendez-vous à 15 heures ici. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 51)

(Reprise à 15 h 4)

Le Président (M. Simard, Montmorency): Alors, très chers amis, je constate que nous avons quorum. Je vous souhaite la bienvenue. Nous sommes toujours sur les consultations particulières et les auditions publiques concernant le projet de loi n° 122. Et, nous étions avec la Fédération professionnelle du Québec qui venait de terminer sa présentation, je cède maintenant la parole à M. le ministre pour qu'il débute sa période d'échange.

M. Facal: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bienvenue, MM. Robillard, Simard et Bousquet. Je vous remercie pour votre contribution à nos travaux. J'ai beaucoup apprécié votre mémoire, qui est remarquablement clair, comme on est d'ailleurs en droit de s'y attendre de la part de gens qui oeuvrent en communications.

Je suis évidemment frappé, cela dit, de voir que toutes vos remarques, toutes vos recommandations vont dans le sens de demander un élargissement de l'accès aux documents. D'une certaine façon, ce n'est pas étonnant vu le travail qui est le vôtre, et je crois comprendre aussi que cela découle logiquement de votre point de vue, qui est débattable, selon lequel le pendule du balancier a été trop loin, ces dernières années, dans le sens de la protection des renseignements, au détriment de l'accès aux documents. Je note aussi que vous êtes favorables à l'extension du champ d'application de la loi que propose le projet de loi n° 122, avec certaines réserves évidemment concernant les filiales des sociétés d'État.

Vous avez aussi dit que les journalistes sont en train de perdre confiance. J'ai trouvé cela un peu curieux, je me demande dans quelle mesure le fait que seulement 2,7 % de toutes les demandes d'accès soient faites par les journalistes ne peut pas justement être interprété, au contraire, comme un signe de transparence, en ce sens que se prévaloir de la loi, c'est le dernier recours. Et, dans bien des cas, il m'apparaît que le gouvernement, les cabinets rendent publics d'eux-mêmes les documents sans imposer nécessairement aux représentants des médias d'avoir à se prévaloir de la loi. Mais je vous reconnais, bien entendu, le droit d'avoir un autre point de vue.

Je veux aussi noter qu'à la page 3 vous vous appuyez beaucoup sur les propos du Commissaire fédéral en charge de l'application de la loi canadienne sur l'accès à l'information. Il faut, ici, bien, je crois, prendre garde de ne pas amalgamer la loi fédérale et la loi québécoise, qui sont très différentes tant sur la question de savoir qui est assujetti et qui ne l'est pas qu'en ce qui a trait, par exemple, à l'existence, dans la législation québécoise, d'une commission d'accès qui a des pouvoirs de nature quasi judiciaire, ce qui n'a pas son équivalent au gouvernement fédéral. Peut-être avez-vous pris note, d'ailleurs, des propos que tenait, aujourd'hui même, M. Reid dans, je crois, le National Post où il était particulièrement sévère à l'endroit du Conseil privé fédéral qu'il accusait d'être de plus en plus fermé, particulièrement en ce qui a trait à la question qu'à Ottawa on appelle celle de l'unité nationale à partir de laquelle... au sujet de laquelle il est extrêmement difficile d'avoir des informations.

Vous évoquez aussi, comme un certain nombre d'autres groupes, le modèle américain. Vous évoquez, entre autres, cette procédure qu'aux États-Unis on appelle le «Automatic Routine Disclosure». Je dois vous dire que je ne suis pas si convaincu que ça personnellement qu'il faille trop nous coller sur le modèle américain. Il m'apparaît que le contexte est très différent, et si, à certains égards, nous pouvons prendre appui ou exemple de certaines pratiques américaines, je dois vous dire aussi que, à mon humble avis, sur certains autres aspects, l'univers médiatique américain verse, des fois, dans un voyeurisme dont je ne suis pas sûr que le Québec aurait intérêt à tirer exemple. Il m'apparaît que ces comparaisons-là ne peuvent être faites qu'en prenant en compte tous les paramètres de la situation. Par exemple, il n'existe pas, aux États-Unis, un organisme type Commission d'accès à l'information, c'est-à-dire largement indépendant du pouvoir politique, auquel on peut en appeler et doté de pouvoirs quasi judiciaires.

n(15 h 10)n

J'ai, malgré tous ces commentaires, beaucoup apprécié votre mémoire. Je voudrais maintenant aborder quelques points plus précis. Sur la question des comptes de dépenses, qui a été remise dans l'actualité principalement par des représentants de votre profession, je ne suis pas sûr de comprendre en quoi la solution retenue dans le projet de loi ne permettrait pas, selon vous, à la population de se faire une idée du caractère raisonnable ou pas de l'utilisation des fonds publics. Ce que le législateur a voulu dans la rédaction de ce libellé, c'est de trouver un juste équilibre entre les informations qui doivent, à juste titre, être divulguées de manière à permettre au grand public de porter un jugement sur la pertinence de dépense et l'idée qu'un personnage public peut aussi avoir une zone de vie privée qu'il peut également avoir le droit de vouloir préserver.

L'article, tel qu'il avait été rédigé, visait aussi à nous sortir de l'ambiguïté jurisprudentielle actuelle, car vous savez que, contrairement à ce que dit votre mémoire, en fait, la jurisprudence n'est pas claire du tout. Dans votre mémoire, on a l'impression que la jurisprudence est tout à fait claire et que le projet de loi n° 122 est un recul par rapport à la jurisprudence. C'est pas l'interprétation que j'en fais. En fait, nous avons devant nous deux jugements absolument contradictoires en la matière. Dans l'affaire de ville de Lachine, la Commission d'accès à l'information avait eu une interprétation large, et la Cour du Québec avait ensuite renversé la décision de la Commission dans un sens plus restrictif. Et, dans l'affaire de Saint-Romuald, inversement, la Commission d'accès à l'information avait pris une vision plus étroite, plus restrictive, que la Cour avait renversée en l'élargissant. Et c'est donc une tentative de clarification de notre part de ce qui est une ambiguïté jurisprudentielle, pas une grande clarté.

Cela étant dit, j'aimerais, dans un premier temps, que vous nous disiez en quoi l'article sur cette question, tel que nous l'avons libellé, vous apparaît ne pas suffisamment permettre au grand public de porter un jugement sur la pertinence de l'utilisation des fonds publics.

M. Robillard (Claude): ...là-dessus. D'abord, je voudrais vous dire que l'ambiguïté jurisprudentielle, c'est qu'avant les deux fameux jugements contradictoires la Commission d'accès à l'information, sauf erreur, avait toujours considéré que les comptes de dépenses en question étaient publics. Dans les villes, tout ce qui est versé aux archives, d'après la loi des villes ? je ne suis pas avocat, là, mais c'est à peu près le libellé des choses ? fait partie du domaine public, y compris les comptes de dépenses. Donc, il y avait une tradition là-dessus non écrite, mais une tradition d'accès aux comptes de dépenses. Arrivent deux jugements contradictoires effectivement, donc je suis tout à fait content... En fait, la Fédération est tout à fait contente qu'on veuille clarifier la situation. Mais clarifier, ça veut pas dire trancher la poire en deux. Clarifier peut vouloir dire: C'est public. Et, nous, on considère que c'est public, parce que, quand les...

Ce que dit le projet de loi, c'est que l'accès se fait au nom de la personne qui engage la dépense, M. le maire Untel; le montant, 28 $; type de dépenses, hébergement ou, bon, tout ça; la date; la région de la dépense, Laurentides; le nombre de personnes visées, quatre personnes. Qu'est-ce qu'on peut faire avec une information comme ça? On peut absolument pas savoir, est-ce que c'est toujours la même personne, toujours les mêmes personnes qui bénéficient de la dépense? Est-ce que la dépense a été faite dans des endroits... Pourquoi le lieu, le restaurant Untel, l'hôtel Untel, etc.? Toutes ces choses-là nous apparaissent comme ne relevant pas de la vie privée des gens, mais relevant de la dette... d'une allocation des fonds publics qu'il est tout à fait possible de savoir sans brimer qui que ce soit. Qu'on sache que tel fonctionnaire ou tel élu a été manger à telle place, avec telle personne, et tout ça, c'est... Dans la mesure où c'est des fonds publics, ça ne crée pas de problème.

Nous, on considère pas... Il faut regarder... On est en train de fétichiser la question de la vie privée d'une telle façon que, en l'absence du moindre dommage, de la moindre chose, le simple fait que le mot «vie privée» est là, tout de suite les signaux rouges s'allument, etc., et on veut, ce qui compte... Et on veut exagérément protéger cet aspect-là des choses. Nous, ce qu'on dit, c'est que l'accès à l'information avec... Bon, cette clause-là en est une particulière, là, et puis, d'ailleurs, vous remarquerez que, sur la question des députés récemment, on est sortis publiquement sur les comptes de dépenses des députés de l'Assemblée nationale parce que qu'est-ce qui est arrivé, dans Le Journal de Québec étaient sortis certains éléments de certains comptes de certains députés, et là, bon, ça a fait une manchette, trois pages, etc.

Pourquoi ça a fait autant de bruit? Parce que c'est secret d'ordinaire, parce que c'est pas public. Si ces choses-là étaient publiques, ça ne présenterait généralement aucun intérêt, et personne n'en parlerait parce qu'on regarderait, on verrait: Bien, O.K. Il y a rien là, ça va. Il suffit qu'un élément soit caché, soit secret pour attirer une attention immédiate sur cette chose-là, en se disant: Si c'est secret, il y a quelque chose à cacher, on va gratter, on va voir, et ça amène le contraire de ce que vous pensez être la protection des gens. Si ces choses-là étaient publiques, ça présenterait normalement aucun problème, sauf exactement dans les cas où, vérifiant des choses, faisant une enquête, on s'aperçoit que là il y a matière à enquête.

Mais, je voudrais juste préciser une chose aussi par rapport à ce que vous avez dit, c'est vraiment pas juste dans une perspective de journalistes, comme on l'a dit ce matin, qu'on intervient. C'est vraiment pas parce que les journalistes veulent juste avoir un outil de travail de plus, que notre intérêt de professionnels fait qu'on veut cet outil-là, merci beaucoup. Ça a été une revendication démocratique sur la transparence de l'État. Et, regardez les États corrompus qu'il y a dans le monde, oui, les États corrompus qu'il y a dans le monde, c'est des États où il y a pas de transparence, où l'économie va mal, etc. Il y a un lien étroit entre même la vigueur d'une société puis son bien-être et le degré de transparence qui y existe. Ça fait que moi... On pense que de juste savoir que M. le maire Untel a été à telle place, dépensé 28 $ pour l'hébergement, ça nous dit rien. On peut pas savoir avec qui, on peut savoir, donc, s'il y a un motif raisonnable d'y avoir été, puis quoi que ce soit, donc la pertinence est pas là.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci beaucoup. Alors, je cède maintenant la parole au porte-parole de l'opposition officielle.

M. Ouimet: Merci. Bonjour et bienvenue à nos travaux. J'ai lu avec beaucoup, beaucoup d'attention le mémoire que vous avez déposé. J'ai évoqué certains passages, moi-même, dans mes remarques préliminaires parce que je pensais que ce que vous dites dans votre mémoire fait beaucoup de sens.

Dans votre présentation, tantôt, vous parliez de la nécessité de procéder à une réforme en profondeur parce qu'il y a un problème au niveau de la loi, mais au niveau de la culture également au Québec et, j'oserais même dire, au Canada lorsqu'on lit les commentaires, ce matin, entre autres, de M. Reid. Ça semble être «coast to coast», la problématique lorsqu'on se compare aux attitudes et aux pratiques des Américains.

Vous avez évoqué dans votre mémoire la notion de «Automatic Routine Disclosure» qui est en vigueur aux États-Unis depuis plusieurs années. D'ailleurs, je vais vous lire une petite citation de Thomas Jefferson, en 1787, et je suis convaincu que ça vous intéresser. M. Jefferson disait ceci, en 1787, il affirmait la nécessité de donner aux citoyens la pleine information sur leurs affaires par le biais de la presse et de veiller à la pleine diffusion de ses journaux. «Le fondement de nos gouvernements, écrivait-il, est l'opinion du peuple, et, s'il m'était laissé de décider si nous devrions avoir un gouvernement sans journaux ou des journaux sans gouvernement, je n'hésiterais pas une minute à choisir ce dernier cas.»

Le droit à l'information, le droit de savoir du public est un droit prévu à la Charte québécoise des droits et libertés de la personne à l'article 44, comme vous le savez. Il est quelque peu dilué, ce droit-là, parce qu'on dit «dans la mesure prévue par la loi». Lorsqu'on regarde la loi sous étude, on constate qu'elle comporte beaucoup de restrictions. Le gouvernement ? et vous le notez à juste titre dans votre mémoire ? le gouvernement veut ajouter à ces restrictions, veut augmenter certains délais. Il y a des correctifs par ailleurs positifs qui se font à d'autres niveaux, mais la question n'est pas là. La question est davantage, là, qu'on a un instrument qui n'est pas bien appliqué au Québec. Il y a d'autres instruments au Canada qui ne sont pas bien appliqués non plus.

n(15 h 20)n

Hier, je pense que c'est M. Vaugeois qui est venu devant nous nous expliquer, à l'époque du rapport Paré, la Commission d'accès à l'information devait avoir une existence d'à peine cinq ans, et, après les cinq ans... On faisait le pari que la culture, les pratiques se modifieraient presque ipso facto après un délai de cinq ans, et donc nous n'aurions plus besoin d'une commission pour favoriser l'accès et pour protéger les renseignements personnels et confidentiels. Manifestement, l'existence de la Commission d'accès à l'information s'est prolongée bien au-delà d'une période de cinq ans.

Moi, la question que je vous pose directement aujourd'hui, si on n'apportait pas de modifications à la Loi sur l'accès, mais qu'on apportait de façon importante des modifications au niveau de la culture... Parce que les fonctionnaires et, souvent, les journalistes, tout comme l'opposition... Il faut être dans l'opposition pour vivre les frustrations de se voir nier l'accès à l'information. Ç'a été le cas récemment dans le dossier des fusions municipales au niveau du comité de transition de Montréal, moi, je me suis prononcé à combien de reprises sur la place publique qu'il y avait aucune transparence, aucune reddition de comptes. Ça pose problème. Dans ce sens-là, on a les mêmes préoccupations. Le jour où le ministre sera de ce côté-ci, je suis convaincu qu'il va avoir les mêmes préoccupations, il va regretter de ne pas avoir apporté des modifications en profondeur à sa loi. Ça va le favoriser à ce moment-là.

Mais le problème est là, et, lorsqu'on regarde soit les administrations scolaires au niveau des présidents, les municipalités au niveau des maires, le gouvernement provincial au niveau du premier ministre, tout comme le gouvernement fédéral au niveau du premier ministre du Canada, si ces personnes-là en autorité imitaient le geste de Mme Reno et disaient que dorénavant on se dirige vers la grande transparence, beaucoup d'ouverture et on va mettre à la disposition de tous et chacun beaucoup d'information et toutes les informations que nous possédons... Moi, je me suis laissé dire... Je pense que c'est en Suède où il y a une pratique... Et, la Suède est vraiment précurseur en termes d'accès à l'information, je pense que c'est en 1766 que l'administration suédoise, déjà, ouvrait toutes grandes les portes. Aujourd'hui, ils en sont rendus où, je pense, à la fin de chaque jour, les fonctionnaires doivent faire rapport sur les dossiers sur lesquels ils ont travaillé et communiquer l'information. L'information est disponible pour ceux qui voudraient y avoir accès.

Mais le point que j'aimerais faire valoir et la question que je vous pose, dans le fond, c'est que, au-delà de la loi... Parce que, si on avait une approche différente, la loi serait satisfaisante, il n'y aurait pas d'abus au niveau de l'invocation des délais, au niveau de l'invocation des restrictions. On pourrait corriger la situation en imitant le geste de Mme Reno et en donnant des directives claires, nettes et précises à toute administration publique que dorénavant il faut favoriser une plus grande ouverture.

Est-ce que ça, vous pensez, serait préférable, au lieu d'amorcer une modification? La modification que nous avons sous les yeux est loin d'être satisfaisante. Ce sont des retouches cosmétiques qu'on fait un petit peu ici et là à la loi, mais ça ne réglera pas le problème de fond. On pourrait régler le problème de fond en apportant des modifications législatives importantes, mais on pourrait le régler d'une autre façon, c'est-à-dire en espérant qu'il y ait dorénavant une volonté politique de favoriser une plus grande transparence. Quelles sont vos réactions là-dessus?

M. Bousquet (Richard): Selon nous, ça prend une volonté politique exprimée clairement, mais, en même temps, le constat qu'on fait, c'est que la lecture que certains fonctionnaires, certains paliers de décision font de la loi actuelle, c'est de faire des demandes systématiques d'accès à l'information, c'est d'exiger que les citoyens et les journalistes fassent des demandes d'accès à l'information de façon systématique, par peur de se retrouver dans un problème ou parce que c'est plus sécurisant pour eux d'y aller par ce biais-là et d'attendre que ça rebondisse. Donc, oui, ça prend une volonté politique exprimée clairement. Par contre, si la loi continue à dire exactement ce qu'elle dit présentement, c'est pas certain que ça va être suffisant.

M. Ouimet: Mais les fonctionnaires, si on parle des fonctionnaires, exécutent les directives des élus. Dans tous les corps constitués, les corps publics, il y a un élu, au niveau scolaire, au niveau municipal, au niveau provincial, au niveau fédéral. S'ils savaient que la directive, dorénavant, c'est une plus grande ouverture... Je sais bien qu'on rêve en couleur, là, je le sais, là, mais... Je ne pense pas non plus qu'on va avoir une réforme en profondeur de la Loi sur l'accès, mais on pourrait, à tout le moins, demander un engagement clair, net et précis de la part de nos dirigeants.

M. Simard (Luc): C'est bien sûr que ce serait un grand pas en avant si la directive venait d'en haut, mais il y a clairement une marche de notre escalier qui est brisée et qu'il faut remplacer. On peut choisir de passer à côté en disant: L'escalier est en mauvais état, nous allons prendre une autre voie. Mais pourquoi ne pas profiter de l'occasion? Écoutez, en 20 ans, ça va être la première fois que cette loi-là va être rénovée fondamentalement. Et, dans 20 ans, ni vous ni nous ne serons là pour la prochaine étape.

En ce moment, il faut surtout pas penser, parce que seulement 2,7 % des demandes de révision sont faites par des journalistes, que ça veut dire que le citoyen ou le journaliste qui fait une demande a une réponse favorable à sa demande. La réalité est qu'on ignore totalement le taux de réponses satisfaisantes des ministères et des organismes. Il n'y a présentement dans l'appareil gouvernemental aucune statistique de conservée sur le nombre de demandes faites à un ministère ou à une société d'État particulière. Et donc, quand on arrive au chiffre de 2,7 % des demandes de révision faites seulement par les journalistes, ça ne veut surtout pas dire que les journalistes ont eu satisfaction à la première étape, ça veut tout simplement dire qu'on ne le sait pas. Il y a un manque flagrant d'information en ce moment.

Oui au changement de culture, bien sûr, mais il est, avec toutes les difficultés que ça représente quand même, plus facile d'améliorer cet outil qui est un outil passablement insatisfaisant en ce moment. C'est un tournevis manuel qu'on a, et puis malheureusement la technologie a fait des progrès, et puis peut-être que ça prendrait un tournevis électrique aujourd'hui.

M. Ouimet: Les restrictions. Si on regardait les différentes restrictions qui sont contenues dans la Loi sur l'accès. Est-ce qu'on devrait les faire disparaître presque entièrement? Lesquelles devrait-on conserver? Parce qu'on n'a pas fait le débat, non plus, sur certaines restrictions, par exemple les restrictions les plus fréquemment invoquées, entre autres, par l'appareil gouvernemental, c'est-à-dire ce droit de l'Exécutif de garder ses décisions secrètes et confidentielles pendant une longue période de temps.

Est-ce que ça l'a du sens lorsqu'on s'interroge sur l'importance... Si on veut amener les citoyens à participer davantage au processus démocratique, encore faut-il que les citoyens soient bien renseignés, bien informés. Mais, lorsque les décisions sont prises, entre autres, par un Conseil des ministres, que ce soit au Québec ou que ce soit au fédéral, mais qu'on n'obtient pas les éléments de leurs délibérations ou on les obtient que 25 ans plus tard ou 30 ans plus tard, selon le cas, ça fait en sorte que les citoyens ne sont pas outillés pour pouvoir participer.

Ce débat-là n'a pas été fait non plus. Il y a aucun groupe qui se présenteront devant nous qui sont prêts, à tout le moins, à ouvrir la discussion là-dessus. Est-ce que c'est toujours pertinent de conserver ces restrictions-là? Est-ce que vous les avez regardées? Parce que vous avez fait des commentaires sur les délais, vous avez fait plusieurs commentaires sur beaucoup d'aspects pointus sans véritablement remettre en cause, de mémoire, là, les restrictions, qui demeurent de grands pans de la Loi sur l'accès aux documents.

M. Robillard (Claude): Vous avez raison là-dessus, c'est qu'on n'a pas pris les restrictions les unes après les autres pour voir lesquelles sont les plus souvent utilisées, est-ce que c'est à bon escient, mauvais escient, etc. Ça, on n'a pas de point de vue là-dessus, mais, sur les documents du Conseil exécutif, on proposait quand même de réduire... On admettait la pertinence de garder un délai de 15 ans pour ces documents-là, mais non pas un délai de 25 ans. Mais on considérait pertinent qu'il y ait un délai d'inaccessibilité, si on peut dire, pour les documents en question.

Notre perspective a été plus pour faire en sorte que, de façon routinière, les documents publics deviennent plus accessibles. C'est pour ça qu'il y a des éléments qui se trouvent pas du tout dans le projet de loi qu'on met de l'avant. L'exemple... En tout cas, je sais pas si les gens veulent intervenir là-dessus au gouvernement, mais l'utilisation d'Internet pour mettre les documents... faire en sorte que les documents les plus souvent demandés soient directement sur Internet. L'affaire des bases de données, dont on n'a pas parlé, moi-même, j'ai été voir des bases de données américaines et j'ai pu constater, par exemple, dans l'État Untel, quelle était la pollution par CO2, quelle était l'entreprise qui polluait le plus. Et on les avait par ordre. On interrogeait une base de données, on pouvait trouver toutes les entreprises et leur degré de pollution et les polluants. Sur les accidents de travail, on trouvait quelles entreprises avaient des accidents de travail, par type d'accident, les pénalités qu'ils avaient obtenues, 5 000 $ de pénalité, là, tout ça. On n'avait pas le nom de la personne, mais on n'avait pas besoin du nom de la personne. Mais c'est juste pour dire que la loi pourrait aller beaucoup plus... innover en faisant des choses comme ça. Ça, ça nous apparaîtrait intéressant pour l'information du public.

M. Ouimet: Alors, est-ce qu'on devrait... Dernière question, là.

Le Président (M. Simard, Montmorency): En conclusion, s'il vous plaît. Très rapidement. Très, très rapidement.

n(15 h 30)n

M. Ouimet: Est-ce qu'on devrait saisir l'occasion pour faire cette réforme en profondeur? Parce que là mon impression, c'est que ? bon, je ne connais pas les intentions du gouvernement ? ça va aboutir à un moment donné à la prochaine session parlementaire, probablement à l'automne, les aménagements seront apportés, et là on risque de passer à côté de l'occasion de faire la réforme en profondeur qui s'impose.

M. Bousquet (Richard): Notre opinion, c'est oui.

M. Ouimet: Oui, peut-être comme en 1992, j'en conviens. Je n'y étais pas, mais...

Le Président (M. Simard, Montmorency): Le temps est révolu. Donc, très rapidement, monsieur, s'il vous plaît.

M. Bousquet (Richard): Notre opinion, c'est oui, qu'on doit...

Le Président (M. Simard, Montmorency): Très bien.

M. Bousquet (Richard): ...profiter de l'occasion.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci. Alors, MM. Robillard, Simard et Bousquet, de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, merci de votre présence parmi nous.

Et, j'en appellerais à la vigilance de l'ensemble des membres de la commission, j'ai une importante annonce à vous faire ainsi qu'à la Conférence des régies régionales de la santé, nous devons malheureusement changer de salle. Nous avons rendez-vous dans quelques minutes, aussitôt que faire se peut, à la salle Louis-Joseph-Papineau pour y poursuivre nos travaux jusqu'à 18 heures. Et nous allons être de retour en cette même salle, au salon rouge, à compter de 20 heures. Je vous remercie.

(Suspension de la séance à 15 h 31)

 

(Reprise à 15 h 37)

Le Président (M. Simard, Montmorency): De nouveau, nous vous offrons nos excuses pour l'inconvénient et le contretemps que nous vous imposons. Donc, merci de votre présence. M. Barrette, auriez-vous l'amabilité de nous présenter les personnes qui vous accompagnent?

Conférence des régies régionales de la santé
et des services sociaux du Québec

M. Barrette (Gilbert): C'est avec plaisir. Merci de nous accueillir. J'ai, à ma droite, Dr Marie Rochette, gestionnaire-conseil en santé publique à la Conférence des régies, ainsi qu'à l'extrémité droite M. Paulin Dumas, vice-président exécutif de la Conférence des régies de la santé et des services sociaux, et, à ma gauche, Me Pierre Larrivée, directeur des services juridiques à la Conférence des régies de la santé et des services sociaux du Québec.

Mesdames et messieurs... Mme et MM. les députés, M. le Président, je tiens tout d'abord à remercier la commission de la culture de nous avoir invités à nouveau pour lui faire part de nos préoccupations dans le domaine de la protection de la vie privée et de la protection de l'information. Je dis à nouveau, puisque nous avons eu l'occasion de présenter à quelques reprises aux parlementaires les difficultés que nous vivons eu égard à l'encadrement législatif concernant nos responsabilités et les outils pour les accomplir. Vous pouvez prendre connaissance de notre argumentaire de façon plus détaillée dans le mémoire que nous déposions à cette même commission en septembre 1997.

Nous sommes en accord avec l'ensemble des modifications proposées par le projet de loi n° 122. Nous sommes heureux que le projet de loi puisse moderniser la Loi sur l'accès, notamment en rendant accessibles les renseignements détenus par un organisme public sur un support informatique. Nous trouvons également important et essentiel le pouvoir d'enquête qui est confié à la Commission d'accès à l'information afin de veiller à l'application des dispositions de la loi dans tous les organismes visés. Nous souhaitons que ce pouvoir d'enquête, comme le mentionne le projet de loi, soit utilisé dans une approche de médiation afin de résoudre les problématiques d'un citoyen ou d'une citoyenne de la même façon que nous intervenons en matière d'insatisfaction face aux services de santé et aux services sociaux.

n(15 h 40)n

Cependant, nous désirons une nouvelle fois mettre en lumière un manque d'harmonisation des dispositions législatives qui rend plus difficile la réalisation des mandats légaux et administratifs confiés aux régies régionales. Nous avons soulevé ce problème dès l'automne 1997 et, malheureusement, nous ne trouvons toujours pas de solution à ce problème dans le présent projet de loi.

Les questions reliées à la transmission d'informations concernant la population, et le respect, et la protection de la vie privée des individus sont au coeur des préoccupations des régies régionales. Nous désirons rappeler à la commission que, pour assurer nos responsabilités en matière de santé publique, d'organisation, de planification, de surveillance des services et en matière de répartition des ressources, nous devons recevoir et gérer des données sur la population et les citoyens.

Depuis plusieurs années, nos systèmes d'information traitent des données portant sur, entre autres, les plaintes formulées par les usagers, les fichiers des comités d'admission des usagers en centre d'hébergement et de soins longue durée, le fichier de personnes qui obtiennent des services à domicile, le fichier de transport ambulancier, le fichier des membres de conseil d'administration des établissements, le fichier concernant la gestion des effectifs médicaux, le fichier sur la gestion des ressources humaines, notamment pour le remplacement du personnel, et les fichiers concernant les responsabilités de santé publique.

De plus, les régies régionales ont mis en place des plateaux technologiques et d'organisation des systèmes d'information, appelés technocentres, afin de rendre plus efficace et efficient le traitement de l'information que les établissements doivent effectuer pour réaliser leur mandat. Ce déploiement des inforoutes apporte des gains significatifs tels que l'amélioration de la planification d'organisation de services tant au niveau central que régional et local, l'amélioration de la gestion des services dans la perspective d'un réseau intégré de services qui inclut tous les intervenants, les établissements du réseau, organismes communautaires et cabinets privés et ainsi que l'assurance d'un meilleur suivi du dossier clinique de l'usager.

Pour garantir la confidentialité de l'information conservée sur support informatique, les régies régionales ont adopté et appliquent de façon rigoureuse une politique de sécurité et d'authentification des transactions. En ce sens, nous favorisons l'adoption des modifications du présent projet de loi, notamment en ce qui concerne les précisions au regard de l'accès à l'information sur support informatique, sur l'intégration des délais d'accès à l'information et, enfin, sur la possibilité pour un organisme de transmettre de l'information dans le cadre de la réalisation d'un contrat de services.

Cependant, les régies régionales doivent réaliser certains mandats qui nécessitent l'obtention, de la part des établissements, d'informations pouvant identifier un usager. La législation semble poser des obstacles quant à la réalisation complète de tels mandats. Bien que les amendements suggérés par le projet de loi n° 27 puissent permettre un certain assouplissement, il demeure un facteur irritant qui nous questionne. Nous vous référons aux dispositions de l'article 381 de la Loi de santé et de services sociaux qui énoncent, et je cite: «Pour l'exercice de ses fonctions ou à la demande du ministre, la régie régionale peut requérir que les établissements et les organismes communautaires de sa région lui fournissent, dans la forme et le délai qu'elle prescrit ou que le ministre détermine, selon le cas, les renseignements prescrits par règlement pris en vertu du paragraphe 25° de l'article 505 concernant les clientèles, les services demandés et dispensés et les ressources utilisées. Les renseignements fournis ne doivent pas permettre d'identifier un usager d'un établissement ou un utilisateur des services d'un organisme communautaire.

«Elle fournit au ministre l'information qu'il requiert sur la répartition et l'utilisation des ressources financières et matérielles des établissements et organismes communautaires de sa région.»

Nous avons déjà fait, dans le cadre des révisions de la Loi sur les services de santé et services sociaux ainsi que dans le cadre de certaines consultations sur la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et la protection des renseignements personnels, différentes représentations pour tenter de faire corriger cette incohérence de la législation. À chaque fois, les différentes autorités ayant la responsabilité d'appliquer ces lois se sont interpellées mutuellement.

Nous demandons donc que la législation soit modifiée afin que l'interdiction qui semble y être prévue ne soit pas un obstacle à la réalisation de nos mandats. Nous suggérons que le législateur introduise des mesures d'harmonisation entre les lois qu'il apporte ainsi qu'un amendement à l'article 381 de la Loi de la santé et des services sociaux afin que l'interdiction d'accès à des renseignements ne s'applique pas lorsqu'un mandat légal oblige la régie régionale à obtenir une information lui permettant d'identifier un usager ou lorsqu'un mandat du gouvernement lui impose l'obtention de telles informations.

De plus, concernant l'application de l'article 60.2 de la loi sur l'accès à l'information, nous recommandons, lorsque la régie régionale réalise un mandat administratif, comme, par exemple, dans le cas où les établissements décideraient de lui confier l'exécution de certaines de leurs responsabilités, que l'article 381 de la Loi santé et services sociaux permette la réalisation d'une entente devant être approuvée par la Commission d'accès à l'information, conformément à l'article 70 de la Loi sur l'accès. Enfin, nous suggérons au législateur qu'il mette un terme dans le conflit qui oppose l'application des articles 60.2 et 68 de la Loi sur l'accès qui permettent certaines transmissions d'information, notamment dans le cadre d'un contrat de services, et les articles 19 et suivants de la Loi sur les services de santé et services sociaux qui semblent interdire une telle transmission. Voilà, madame, messieurs, le résumé de notre mémoire qui vous a été déposé.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Alors, M. Barrette, merci beaucoup pour la concision de vos propos. Je cède immédiatement la parole à M. le ministre.

M. Facal: Merci beaucoup, M. le Président. Je souhaite la bienvenue à MM. Barrette, Dumas, Larrivée ainsi qu'à Mme Rochette. Je vous remercie beaucoup pour votre contribution aux travaux. Je me réjouis de voir que vous êtes en accord avec l'ensemble des dispositions de ce projet de loi. J'ai eu l'occasion, déjà, de dire que ce projet de loi, dans sa forme actuelle, m'apparaissait globalement équilibré, mais qu'il était toujours, j'en conviens, perfectible. C'est un projet de loi que nous voyons, pour notre part, comme un projet de loi de consolidation de nos lois actuelles, ce n'est pas la révolution que certains appellent. Je vous rappelle que, en ce qui a trait à la révision de nos lois sur l'accès à l'information, nous sommes à la quatrième année d'un processus quinquennal, et donc un certain nombre de questions fondamentales seront réabordées à partir de 2002.

L'essentiel de votre mémoire nous met en garde contre des problèmes d'harmonisation, dites-vous, entre les diverses exigences qu'imposent nos dispositions législatives régissant la protection de la vie privée. Et, ici, je vous confesse que j'ai un problème, je commence à peine ? à peine ? à comprendre les subtilités des deux lois que nous modifions ici, et là je vous vois arriver avec des références à une autre loi qui n'est pas celle étudiée ici, que je connais mal, et en particulier à un article 381 que je vous confesse n'avoir jamais lu parce que ce n'est pas l'objet de la commission.

Je comprends, cela dit, que dans votre pratique vous touchez continuellement à la question fondamentale de la protection de la vie privée. Alors, vous allez devoir être très pédagogique avec moi et m'expliquer ceci. Donnez moi des exemples concrets, tirés de votre pratique médicale hospitalière, des problèmes que vous pose ce manque d'harmonisation dans nos lois. Concrètement, c'est quoi, le problème?

Le Président (M. Simard, Montmorency): M. Barrette.

M. Barrette (Gilbert): Oui. Pour être pédagogiquement productif, je vais confier ça au procureur, en fait, Me Pierre Larrivée.

M. Larrivée (Pierre): Merci. Alors, M. le Président, M. le ministre, on va, bien entendu, réessayer. Comme on vous l'a mentionné dans notre déclaration d'ouverture, ça fait quand même un certain nombre de fois... Et je vous dirais que même, depuis 1992, sur un plan administratif, ça fait un certain nombre de représentations qui sont faites tant auprès du ministère de la Santé et des Services sociaux, mais auprès du ministre du ministère de tutelle de l'application de la Loi sur l'accès afin de voir à l'harmonisation de ces deux législations.

n(15 h 50)n

Ceci étant dit, pour vous donner des exemples concrets, vous devez savoir que, par exemple, dans les régies régionales, il y a un personnage qui s'appelle le directeur de la santé publique, qui est un individu investi de responsabilités très importantes en matière de protection de la santé de la population. La Loi sur la protection de la santé publique confie aussi au directeur de la santé publique des responsabilités majeures et importantes comme, par exemple, sur les maladies à déclaration obligatoire. Alors, vous devez savoir qu'en fonction de la Loi sur la protection de la santé publique, lorsqu'un établissement ou un professionnel, médecin qui oeuvre au sein d'un établissement constate qu'un individu souffre d'une maladie à déclaration obligatoire, il doit faire une déclaration au directeur de la santé publique qui, lui, en plus de la recevoir, doit conserver cette information.

Le directeur de la santé publique étant un employé de la régie régionale, se pose donc la difficulté que vous retrouvez à l'article, dont vous n'avez pu prendre connaissance, de la Loi santé et services sociaux. La Loi santé et services sociaux interdit ? interdit nommément ? à tout établissement de transmettre une information à la régie régionale qui permettrait à cette dernière, à ses employés, de prendre connaissance... d'identifier un usager des services de santé ou de services sociaux ou un utilisateur de services d'organismes communautaires. Vous voyez donc la contradiction. D'une part, l'obligation pour la régie régionale, à travers son directeur de santé publique, de recevoir une information de l'établissement et, d'autre part, l'interdiction formelle dans la loi de demander des informations à un établissement et même à l'établissement d'en transmettre à la régie régionale.

Deuxième exemple, il existe dans le réseau de la santé et des services sociaux un régime d'examen des plaintes des usagers qui sont insatisfaits des services qu'ils ont reçus dans les établissements, centres hospitaliers, CLSC, etc., ou des services qu'ils se croient en droit de recevoir. Ce régime d'examen des plaintes prévoit qu'il y a un examinateur dans l'établissement. Si l'usager n'est pas satisfait de l'étude de la plainte ou du résultat des conclusions de l'examinateur dans l'établissement, la Loi santé et services sociaux prévoit qu'il peut en appeler à un deuxième palier qui est la régie régionale. Pour que la régie régionale puisse traiter la plainte de l'usager, il faut forcément qu'elle demande des informations à l'établissement. Alors, se pose encore la difficulté de cet article qui n'est pas nuancé, qui fait en sorte qu'il y a un inconfort. Je vous dirais bien honnêtement, à l'impossible nul n'est tenu, et on veille, bien entendu, le réflexe des régies régionales, depuis 1992, malgré l'inconfort législatif, c'est de faire en sorte d'y aller dans le sens de leur responsabilité première afin de satisfaire les usagers.

Il y a aussi un autre article dans la loi qui prévoit qu'au niveau de l'exercice de ses responsabilités la régie régionale non seulement ne peut demander des informations aux établissements lui permettant d'identifier un usager, mais ne peut pas non plus les conserver. Alors, la boucle est bouclée, pas le droit d'y avoir accès, pas le droit de demander, pas le droit... Bon.

Au-delà des régies régionales, quand on parle des établissements de santé et de services sociaux, vous avez... Le projet de loi propose d'apporter un correctif qui est très important dans notre réseau, c'est-à-dire la possibilité pour que deux organismes se transfèrent de l'information non seulement dans le cadre de la réalisation d'un mandat, mais le projet de loi suggère d'ajouter dans le cadre de la réalisation d'un contrat de services. Alors, bien entendu, dans la perspective où se développent dans le réseau de la santé et des services sociaux ce qu'on appelle des réseaux intégrés de services, hein? C'était un des grands pans de mur de la commission Clair qui est arrivée avec des conclusions de favoriser cette intégration de services non seulement entre les établissements de différentes missions, mais entre les établissements et les cabinets privés de médecins. Alors, vous avez dans la Loi sur l'accès cette possibilité, lorsqu'il y a un contrat de services, de s'échanger de l'information.

Par ailleurs, vous avez dans la Loi sur les services de santé et services sociaux les articles 19 et suivants concernant la confidentialité des dossiers des usagers. Et là vous avez dans la loi un article 28 qui dit: Les articles 19 à 27 ont préséance sur la loi sur l'accès à l'information. Alors, d'une part, il y a une idée intéressante de développer des réseaux intégrés de services et, d'autre part, il y a cet obstacle, cette possibilité dans la Loi sur l'accès et cet obstacle toujours dans la Loi de santé et de services sociaux. Cet obstacle est tellement important, M. le ministre, que présentement il ne serait même pas possible, sur un plan légal, de faire des ententes approuvées par la Commission d'accès à l'information. Et les échanges que nous avons eus, pendant des années souvent ? et de très bons échanges ? avec la Commission d'accès à l'information... Ils n'ont pas d'autre choix que de constater: Bien, vous avez une difficulté qui est dans votre loi.

Ce pourquoi on se retrouve aujourd'hui et qu'on retape une nouvelle fois sur le clou, tout en espérant être de meilleurs pédagogues au fur et à mesure que les années passent, c'est, bien entendu, que, lorsqu'on dépose nos préoccupations dans notre juridiction, bien on nous réfère à celle qui est la vôtre.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci beaucoup. M. le député d'Iberville.

M. Bergeron: Non. Bien, non, ça avait trait à la confidentialité, puis je pense que vous y avez répondu. Et ça débouchait sur la réalisation complète de mandats et que... On disait: La législation semble poser des obstacles quant à la réalisation complète des mandats. Donc, vous y avez répondu en substance. Mais, si on part de cette prémisse-là, qu'est-ce que vous aimeriez voir dans la législation qui pourrait faire en sorte que vos mandats pourraient tous être réalisés?

M. Larrivée (Pierre): Bien, ce qu'on vous mentionne essentiellement, c'est: Lorsque, dans une loi, il y a une responsabilité de confier à la régie régionale qui lui impose, pour réaliser cette responsabilité, d'avoir accès à des informations concernant des usagers, bien, qu'on n'ait pas un interdit légal de le faire.

Par ailleurs, en plus des mandats que la loi confie aux régies régionales de façon explicite, il arrive ? et c'est l'exemple que nous voulons vous signifier par rapport au concept de technocentre ? il arrive que les régies régionales se voient confier, par les établissements ou par le ministère, des mandats administratifs. Alors, les technocentres, c'est une unité technologique qui est mise en place pour desservir les établissements. Au lieu qu'il y ait de la répétition dans chacune des unités, il y a des gains d'efficacité et d'efficience à faire là-dedans, dans le cadre, encore une fois, du réseau intégré de services.

Alors, lorsque de tels mandats administratifs échouent aux régies régionales, ce que nous vous demandons à ce moment-là, c'est la possibilité légale qu'il y ait la réalisation d'une entente entre les partenaires, les organisations concernées, et que cette entente-là, pour assurer tous les mécanismes de protection de la vie privée des individus, soit approuvée, sanctionnée et vérifiée par la Commission d'accès à l'information. On vous demande pas un accès, là, «at large», bien entendu. Notre mémoire le spécifie très bien dans son premier chapitre, le respect de la vie privée des individus, c'est ce qui nous tient la plus à coeur.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci, Me Larrivée. M. le porte-parole de l'opposition officielle. Oui, le plan... Votre temps est complété.

M. Ouimet: Oui, merci. Bienvenue. Sur le dernier point, là. Et, je relisais un peu l'extrait de votre mémoire que vous venez tout juste de citer, là, «les questions reliées à la transmission d'information concernant la population et le respect et la protection de la vie privée des individus sont au coeur des préoccupations des régies régionales», le fameux dossier de la carte à puces...

Une voix: ...

n(16 heures)n

M. Ouimet: C'est la question que vous vouliez poser? Alors, je vais la poser. Le fameux dossier de la carte à puces, vous vous situez où, comme Conférence des régie régionales, eu égard à ce dossier-là et par rapport à la préoccupation... Parce que vous semblez démontrer une grande sensibilité par rapport à la Commission d'accès à l'information. La Commission d'accès à l'information avait émis un certain nombre de mises en garde dans les deux avis qu'elle avait donnés au gouvernement ? puis il y a eu des expériences, des projets-pilotes, entre autres sur le territoire de Laval et de Rimouski ? dont une préoccupation majeure, c'est que le patient devait consentir à ce que les informations concernant son dossier médical soient placées sur une carte santé à microprocesseur. Est-ce que je dois interpréter dans vos propos, dans ce mémoire, que vous partagez les préoccupations de la Commission d'accès à l'information?

Le Président (M. Simard, Montmorency): M. Barrette ou Me Larrivée.

M. Larrivée (Pierre): Sur la question de la carte à puce, vous avez, là... Ça va être assez difficile, et M. le président va sûrement m'empêcher d'avoir une pédagogie complète dans le temps, mais, dans notre mémoire... Et, je vous réfère, il y a un développement très important dans le mémoire que nous vous déposions en septembre 1997 parce que c'est une question... Et, à l'époque où nous étions venus, nous avions sur notre délégation deux personnes justement qui avaient été à l'origine du projet de Rimouski et qui l'avaient supervisé, soit le Dr Gilles... notamment le Dr Jean-Paul Fortin qui était sur l'équipe de supervision de ce projet-pilote qui avait été fait à Rimouski.

Ce qu'on rappelait essentiellement dans notre mémoire, par rapport à la carte à puce... Et là vous m'excuserez de ne pas connaître les termes techniques compte tenu de ma formation qui n'est pas dans ce domaine, mais le fondamental là-dedans était de s'assurer que l'information qui se retrouve encryptée sur la carte puisse donner des accès aux gens de façon pertinente, hein? C'est-à-dire qu'il y avait tout, là, dans le système. On m'avait expliqué à l'époque avec un tableau ? les gens étaient capables de vous l'expliquer plus savamment que moi ? qu'il y avait des clés et des codes qui faisaient en sorte qu'un professionnel n'avait pas accès à l'ensemble de l'information, mais il y avait des corridors, des inforoutes, là, et avec différentes clés où l'usager pouvait permettre à tel type de professionnel d'avoir accès à une certaine forme d'information, mais que ce n'était pas là un chèque en blanc, là, pour n'importe quel professionnel d'avoir accès à l'ensemble des informations qui concernent l'usager. Alors, dans ce sens-là, la prudence est requise, et on peut partager cette sensibilité qu'a la Commission d'accès à l'information de faire en sorte que l'information qu'il y a sur une éventuelle carte à puce ne soit pas accessible tous azimuts à n'importe quel professionnel, mais qu'il y ait des clés.

Par ailleurs, il va de soi que c'est un outil qui, encore une fois, dans le cadre pour assurer... un outil qui peut être intéressant pour assurer à la personne un service qui est mieux concerté, qui est mieux coordonné entre les différents intervenants, qui est mieux intégré entre les différents intervenants du réseau de la santé et des services sociaux. Et, étant donné que c'est une responsabilité importante des régies régionales de veiller à l'intégration des services, bien entendu que c'est un outil qu'on peut considérer intéressant dans ce sens-là, mais avec les réserves préliminaires que je vous ai mentionnées, là, que l'information ne soit pas accessible à tous.

M. Ouimet: Mais de façon claire, donc en accord avec la recommandation de la Commission d'accès à l'information, que ça prend le consentement préalable du patient, clairement?

M. Larrivée (Pierre): Pour donner des accès, oui.

M. Ouimet: Oui. O.K. À la page 3 du mémoire: «Depuis plusieurs années, nos systèmes d'information traitent des données portant sur...», et là vous énumérez un certain nombres de données, un certain nombre de fichiers. Est-ce que... Et, le tout va se retrouver ou se retrouve à la régie régionale, est-ce que ça fait en sorte que la régie régionale détient un quasi-mégafichier sur le plan de la santé des patients?

M. Larrivée (Pierre): Non, on peut pas dire ça...

M. Ouimet: Non? On peut pas dire ça?

M. Larrivée (Pierre): ...parce que chacun des fichiers est tout à fait indépendant et naturellement avec la supervision de la Commission d'accès à l'information, et, disons, la Commission d'accès, compte tenu du manque d'harmonisation des lois dont on faisait part au début notre présentation... Bien entendu, tout le traitement, l'accès et la conservation de ces fichiers-là, c'est fait en collaboration des directives de la Commission d'accès à l'information. Et, bien entendu, les gens qui travaillent, par exemple, dans le secteur qui touche les fichiers de santé publique, bien, n'ont pas accès aux autres fichiers et vice versa. Il y a vraiment une cloison, là, très, très claire entre chacun des fichiers et il y a pas de couplages de fichiers qui sont possibles actuellement.

Le Président (M. Simard, Montmorency): M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Dans la même veine, M. Barrette, dans votre mémoire de septembre 2000, vous avez dit que l'ensemble des régies régionales a adopté et a appliqué de façon rigoureuse une pratique de sécurité qui garantit l'information confidentielle. Est-ce que vous pouvez détailler pour la commission la politique qui a été établie pour garantir le sécurité de cette information?

Le Président (M. Simard, Montmorency): M. Barrette.

M. Larrivée (Pierre): Oui. Vous vouliez avoir des exemplaires des politiques?

Le Président (M. Simard, Montmorency): ...oui.

M. Larrivée (Pierre): Alors, on pourra les transmettre éventuellement à la commission.

Le Président (M. Simard, Montmorency): M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: O.K. Ça va.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Merci de m'accueillir dans votre commission dont je ne suis pas membre, mais...

Le Président (M. Simard, Montmorency): Je constate qu'il y a toujours consentement de tous les membres...

Mme Houda-Pepin: C'est ça, exactement, mais...

Le Président (M. Simard, Montmorency): ...alors soyez la bienvenue parmi nous, chère dame.

Mme Houda-Pepin: ...par intérêt. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. Barrette, et madame et messieurs, je suis très heureuse de vous entendre, vous soulevez des questions très importantes. Je voudrais comprendre un peu votre position, d'abord, sur la carte à puce, la carte à microprocesseur. Vous avez répondu à mon collègue concernant les expériences-pilotes qui ont été tentées. Soit dit en passant, les expériences-pilotes et ce qui est proposé par la RAMQ, c'est deux choses tout à fait différentes, là, en termes d'ampleur et en termes aussi d'évolution technologique.

Sur le plan éthique, est-ce que vous trouvez qu'il est acceptable qu'on puisse utiliser des données qui sont recueillies à des fins, mettons, thérapeutiques et les utiliser pour des fins de gestion administrative? Parce que c'est ça, l'objet de la carte à microprocesseur.

Le Président (M. Simard, Montmorency): M. Barrette.

M. Larrivée (Pierre): Oui, sans connaître... Et je vous avouerai bien franchement...

Le Président (M. Simard, Montmorency): Me Larrivée.

M. Larrivée (Pierre): ...là, sans s'être... Mes paroles ne seront pas retenues contre moi, là, mais, bien entendu, on n'a pas pris connaissance, puisque c'était pas nécessairement sur cette question-là qu'on venait vous voir aujourd'hui. Mais, sans avoir connaissance, là, les gens qui sont ici devant vous, très exactement du projet de la Régie de l'assurance maladie du Québec dans ses fines modalités, il y a des gens dans les régies régionales qui, par ailleurs, seront au courant. Et, si tel est le cas, ça nous fera plaisir de vous transmettre les opinions des régies régionales là-dessus. Mais ceci pour vous dire que, bien évidemment, si le résultat... Nous ne croyons pas nécessairement que c'est l'objectif clairement identifié, mais, si le projet de carte à puce avait pour résultat que des informations données pour des fins thérapeutiques, pour des fins cliniques devaient servir à l'appareil administratif pour s'introduire dans la vie privée des individus, bien, manifestement, les régies régionales ne peuvent pas partager un tel résultat. Mais nous ne nous prononcerons pas sur les objectifs du projet, puisque nous les ignorons, là, les gens qui vous parlent ici aujourd'hui.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup pour l'avis parce que c'est assez intéressant de vous entendre. Et je vous rappellerai que l'objet de la carte à microprocesseur, tel que mis de l'avant par la Régie de l'assurance maladie du Québec, c'est essentiellement pour l'efficacité de la gestion administrative.

Ceci étant, je voudrais vous ramener à la page... une page de votre mémoire. En fait, la page 7, vous en parlez. Vous en parlez également à la page 6. Lorsque vous faites référence à l'article 67.2 du projet de loi n° 122, le projet de loi... L'article 67.2, je voudrais le lire parce qu'il est important: «Un organisme public peut, sans le consentement de la personne concernée, communiquer un renseignement personnel à toute personne ou organisme si cette communication est nécessaire à l'exercice d'un mandat ou à l'exécution d'un contrat de service ou d'entreprise confié par l'organisme public à cette personne ou à cet organisme.»

n(16 h 10)n

Autrement dit, lorsqu'on parle de contrats de services, le gouvernement peut céder, entre autres, des informations contenues dans des banques de données à des entreprises privées, parce qu'on parle ici de céder ça à un autre organisme, autre que l'organisme public qui détient les données. Et, dans votre mémoire, vous faites référence à ça à la page 6 et la page 7, je voudrais que vous nous clarifiiez votre position sur l'article 67.2. Comme gestionnaire du dossier de la santé au niveau régional, ça vous pose dans la pratique quelle sorte de problèmes?

Le Président (M. Simard, Montmorency): En conclusion, s'il vous plaît, Mme la députée.

M. Larrivée (Pierre): Ce qu'on a mentionné tout à l'heure, c'est pas 67.2 qui nous crée des problèmes, bien au contraire. Mais, je vais vous donner un exemple, là, que je donnais tout à l'heure, il y a une volonté, qui a été encore plus marquée par le rapport de la commission Clair, de faire des passerelles et des liens très étroits entre les établissements du réseau, particulièrement les CLSC et les cabinets privés médicaux. Alors, quand on oeuvre en santé et services sociaux auprès de personnes et que des partenaires tels les cabinets privés, des établissements collaborent, ils doivent pouvoir s'échanger de l'information. Alors, dans un tel environnement, il y a des contrats de services qui peuvent se faire, et l'article 67.2 faciliterait la mise en place de ces réseaux intégrés de services. Ce qu'on vous dit, c'est que, oui, il y a 67.2 qui peut faciliter la mise place de ces réseaux intégrés, mais il y a les articles de la Loi de santé et services sociaux, la LSSSS, qui prévoient que les dossiers des usagers sont confidentiels et que ces dispositions-là ont préséance sur la Loi sur l'accès.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Très bien.

M. Larrivée (Pierre): Alors, ce qu'on dit à ce moment-là, là: Faites une passerelle où, quand c'est dans l'intérêt de la prestation de service des usagers, bien qu'on ait la possibilité que deux intervenants auprès de l'usager puissent s'échanger de l'information.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci beaucoup, cher maître. Alors, M. Barrette, M. Dumas, Mme Rochette, Me Larrivée, merci beaucoup de votre présentation. Et j'appelle maintenant l'Association des archivistes à se joindre à nous.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Boulianne): Alors, bienvenue, M. Lacasse, aux travaux de notre commission. Alors, si vous voulez nous présenter votre équipe et présenter votre mémoire.

Association des archivistes du Québec (AAQ)

M. Lacasse (Marc): Alors, mon nom est Marc Lacasse, je suis le deuxième vice-président de l'Association des archivistes du Québec. Je suis accompagné, à ma droite, de Mme Diane Baillargeon, qui est la responsable du Comité des affaires professionnelles de l'Association, et, à ma gauche, de M. Michel Lévesque, qui est le responsable des affaires législatives de l'Association, alors qui sont tous les deux les coauteurs du mémoire qui vous a été soumis.

Le Président (M. Boulianne): Alors, on vous écoute.

M. Lacasse (Marc): Alors, merci. Alors, d'abord, Mmes, MM. les députés, M. le Président, nous vous remercions de bien nous accueillir aujourd'hui pour vous présenter notre mémoire et nos observations. Donc, l'Association des archivistes du Québec, créée en 1967, regroupe la majorité des archivistes du Québec et des communautés francophones du Canada, soit 600 archivistes ou gestionnaires de documents administratifs oeuvrant dans des organismes publics et privés comme les ministères, les commissions scolaires, les universités et les collèges, les villes et les municipalités, les diocèses et les communautés religieuses, les institutions financières, les organismes d'affaires, les industries, les commerces et les organismes culturels, incluant les sociétés d'histoire.

L'Association des archivistes du Québec est heureuse de poursuivre sa collaboration amorcée en 1997 dans le but d'assurer un juste et nécessaire équilibre entre deux droits fondamentaux, soit l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels. Par deux fois déjà, en septembre 1997 et en août 1998, l'Association a fait valoir ses arguments en commission parlementaire. Les membres de la commission connaissent donc bien ses positions, fondées sur les valeurs sociales des renseignements nominatifs et sur le rôle d'intermédiaire que jouent les archivistes entre les créateurs et les utilisateurs d'archives. Notre intention, ici, est donc de poursuivre notre recherche de perfectionnement d'un projet de loi qui, à notre sens, constitue déjà une amélioration notable sur le projet de loi n° 451.

Notre présentation s'articulera en deux phases. Dans un premier temps nous mettrons en lumière les articles qui suscitent notre adhésion. Et, dans un deuxième temps, nous insisterons sur les points que nous aimerions voir améliorer dans l'actuel projet de loi.

En premier lieu, l'Association salue la décision du législateur de réintroduire la limite de 25 ans à l'inaccessibilité des décisions du Conseil exécutif et du Conseil du trésor. Comme en 1998, l'Association des archivistes du Québec se réjouit de cette mesure, tout en mettant en garde les organismes concernés contre la tentation de vider les procès-verbaux de leur substance.

L'Association se réjouit également que le gouvernement ramène dans le projet de loi n° 122 la clarification de la notion de consentement éclairé. La Loi sur l'accès se calque ainsi sur la loi sur le secteur privé pour spécifier que le consentement par la personne concernée par la communication ou l'utilisation d'un renseignement personnel la concernant «doit être manifeste, libre, éclairé et être donné à des fins spécifiques». Le projet de loi corrige ici une lacune importante de l'actuelle Loi sur l'accès en limitant la portée et la durée du consentement, évitant ainsi des utilisations injustifiées des renseignements personnels.

En ce qui concerne la Loi sur l'accès, l'Association accueille aussi très favorablement la modification apportée par l'article 13 du projet de loi n° 122 à la Loi sur l'accès. En premier lieu, nous ne pouvons que féliciter le gouvernement de lever l'incertitude qui régnait depuis les décisions contradictoires rendues par la Commission d'accès à l'information sur le caractère public des renseignements personnels concernant le remboursement, par un organisme public, d'une dépense faite par une personne dans l'exercice de ses fonctions. Cette clarification, qui va dans le sens de la transparence administrative, ne peut que satisfaire l'ensemble des citoyens du Québec.

En plus de régler cet important problème, le gouvernement abandonne de surcroît son intention de limiter à l'unité l'accès aux renseignements personnels à caractère public inscrits dans un registre. C'est avec grand soulagement que l'Association a constaté que le gouvernement renonce à ce projet qui aurait pu causer de graves préjudices à la recherche.

Un autre problème important mis de l'avant par le premier mémoire de l'Association tenait à l'impossibilité, pour les services d'archives privées, d'acquérir des documents contenant des renseignements personnels, rendant impossible l'accomplissement de leur mandat qui est de conserver, de traiter et de rendre accessible le patrimoine historique du Québec. Le nouveau projet de loi lève cette grave hypothèque et permet spécifiquement à une entreprise de «communiquer un renseignement personnel contenu dans un dossier qu'elle détient sur autrui à un service d'archives, si ce service d'archives est une personne qui exploite une entreprise qui a pour objet d'acquérir, de conserver et de diffuser des documents pour leur valeur d'information générale ? pardon ? et si ce renseignement est communiqué dans le cadre d'une cession ou d'un dépôt des archives de l'entreprise». En permettant sans équivoque la cession ou le dépôt d'archives contenant des renseignements personnels, le gouvernement redonne aux services d'archives leur légitimité d'action et vient reconnaître leur apport dans la constitution d'un patrimoine historique national.

Une autre demande de l'Association des archivistes du Québec, tout comme des autres associations vouées à la défense de la recherche historique, portait sur l'établissement d'un délai de confidentialité. À notre grande satisfaction, nous constatons que le projet de loi n° 122 fixe à 100 ans de la date du document ou à 30 ans du décès de la personne concernée les limites temporelles de la confidentialité, à l'exception des renseignements relatifs à la santé, pour lesquels le délai de communication est fixé à 100 ans de la date du document.

n(16 h 20)n

Le délai proposé correspond exactement à celui suggéré dans notre précédent mémoire et fait même appel à une notion développée dans notre mémoire de 1997, soit celle d'un délai différent en fonction de la sensibilité des informations. De plus, en rendant possible la communication des renseignements personnels non structurés selon un critère relatif à une personne, le projet de loi rejoint une autre des recommandations faites par l'AAQ en 1997, lorsqu'elle demandait que la Loi sur l'accès ne s'applique pas aux fichiers et dossiers qui ne sont pas structurés selon les critères relatifs aux personnes et dont le traitement est manuel.

Pour sa part, la loi sur le secteur privé, telle qu'améliorée par le projet de loi n° 122, instaure un équilibre entre le droit à l'information et la protection des renseignements personnels. L'Association a d'ailleurs toujours été d'accord avec ces principes directeurs et n'a cherché au fil de ses différents mémoires qu'à en atténuer les effets pervers pour la recherche et la constitution d'un patrimoine archivistique québécois. Nous tenons à féliciter le gouvernement pour sa sensibilité à nos besoins et désirons témoigner de notre satisfaction quant aux réponses apportées à nos demandes.

Le projet de loi n° 122 fait aussi un effort d'harmonisation entre les différentes législations touchant l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels, que ce soit la Loi sur l'accès, la loi sur le secteur privé ou les articles 19 et 26 de la Loi sur les archives. Nous comprenons cependant mal pourquoi l'article 104 du projet de loi n° 122 modifie l'article 26 de la Loi sur les archives en ajoutant à l'actuel paragraphe les mots «ou à 100 ans de la date du document dans le cas d'un renseignement relatif à la santé de la personne décédée». Cet ajout introduit une confusion dans l'esprit du lecteur qui s'interroge alors sur la limite permise par la loi touchant les renseignements relatifs à la santé d'une personne vivante. Bien que nous comprenions que, sur le fond, cette décision ne crée pas une distinction entre la protection accordée aux renseignements personnels relatifs à la santé des personnes vivantes ou décédées, l'Association croit que cet ajout, loin de clarifier la situation, laisse planer une incertitude quant à la durée maximale de protection des renseignements relatifs à la santé des personnes vivantes.

L'objectif visé par l'article 104 serait atteint si les mots «de la personne décédée» étaient retirés. Il serait alors clair qu'un délai d'accessibilité ne peut être supérieur à 100 ans de la date du document ou, s'il s'agit de renseignements personnels, à 30 ans de la date du décès de la personne concernée ou à 100 ans de la date du document dans le cas de renseignements relatifs à la santé. Il deviendrait évident alors que ce dernier délai s'applique de façon universelle. Par conséquent, l'Association des archivistes du Québec recommande que soient enlevés de l'article 104, deuxième alinéa, les mots «de la personne décédée».

Dans un autre ordre d'idées, l'Association ne peut que souscrire à l'assujettissement des ordres professionnels au régime législatif entourant l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels. Cependant, puisque le législateur confie à la Commission d'accès à l'information la surveillance de l'application de cette section, nous osons espérer qu'il lui procurera les moyens d'accomplir ces fonctions.

Il est cependant d'autres points du projet de loi sur lesquels nous sommes moins d'accord. En premier lieu, il nous semble important de revenir sur les réserves émises en 1998 concernant l'abandon de l'obligation pour les organismes publics de faire parvenir leurs déclarations de fichiers de renseignements personnels à la Commission d'accès à l'information. Nous demeurons convaincus qu'en faisant disparaître l'obligation de transmettre la déclaration des fichiers nominatifs à la Commission d'accès à l'information le législateur envoie aux organismes un signal démontrant son incapacité à analyser ces déclarations et à y apporter les correctifs nécessaires, le cas échéant.

Au moment où prolifèrent les bases de données nominatives et où le gouvernement sent le besoin de légiférer sur le cadre juridique des technologies de l'information, il nous apparaît bien peu approprié de montrer clairement que la Commission d'accès à l'information n'aurait pas les moyens matériels de réagir à une situation potentiellement dangereuse pour la protection des renseignements personnels avant la publication du sommaire de ladite déclaration dans le rapport annuel de l'organisme, soit plusieurs mois plus tard. Outre le fait que la forme du sommaire n'est pas prescrite, ouvrant ainsi la porte à toutes les façons de faire et rendant difficile la comparaison des données, il nous semble que le gouvernement enverrait un signal plus fort aux organismes si, au lieu de réduire le rôle de la Commission à cet égard, la loi donnait à celle-ci le pouvoir d'analyser et d'approuver ces déclarations. Le gouvernement ne devrait pas hésiter à procurer à la Commission les moyens nécessaires pour mettre en place une telle mesure.

Le Président (M. Boulianne): Conclusion, monsieur. Ça passe vite.

M. Lacasse (Marc): Oui, très vite. Ha, ha, ha! Alors, au terme de ce troisième mémoire sur la délicate question de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels, l'Association des archivistes du Québec constate qu'un équilibre sera atteint moyennant les quelques révisions additionnelles qu'elle propose en ce qui concerne les archives privées émanant des organismes publics et des entreprises au sens de l'article 1525 du Code civil du Québec. Nonobstant le progrès ainsi accompli, l'Association ne peut que répéter les inquiétudes qu'elle manifestait en conclusion de son précédent mémoire. Si, en effet, le législateur a su trouver l'équilibre en matière de «renseignements personnels sur autrui qu'une personne recueille, détient ou utilise ou communique à des tiers à l'occasion de l'exploitation d'une entreprise au sens de l'article 1525 du Code civil du Québec», rien n'est encore réglé dans le domaine des renseignements personnels qui ne sont pas détenus par une entreprise ou par un organisme public et qui sont, eux, toujours régis par les articles 35 à 40 du Code civil du Québec.

Le Président (M. Boulianne): Alors, merci, M. Lacasse. Si vous me le permettez, M. le ministre, une remarque étant donné que ça me touche. Alors, dans une vie antérieure, j'étais professeur d'histoire, comme d'ailleurs de mes collègues députés, le député de Jacques-Cartier était... et aussi le député de Bellechasse, et on avait l'occasion de consulter souvent les archives. Et là vous avez plusieurs remarques ou inquiétudes que M. Vaugeois, notre ami Vaugeois, hier, nous a aussi mentionnées. Alors, on souhaite donc que ces inquiétudes... on va pouvoir répondre à vos inquiétudes puis que ce projet de loi là sera pas une enfarge, mais bien un outil pour mieux faire votre travail, aider les historiens et les professeurs d'histoire. Merci. Alors, M. le ministre.

M. Facal: Merci beaucoup, M. le Président. Je vois que le lobby des archivistes a placé ses hommes aux bons endroits.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Facal: Je vous souhaite la bienvenue, Mme Baillargeon et MM. Lacasse et Lévesque. Vous avez dit tout à l'heure que c'était votre troisième visite ici pour présenter des mémoires sur cette question, je suis sûr que vous vous réjouissez donc que nous ayons finalement décidé de faire aboutir cette révision à la fin de la présente année.

Je me réjouis aussi du fait que vous soyez globalement satisfaits de la teneur du projet de loi. Vous avez parfaitement saisi, et je dois dire que ce n'est pas le cas de tous les groupes entendus... Vous avez parfaitement saisi que nous tenons à préserver l'équilibre qu'il y a dans la législation entre les deux grandes valeurs dont elle fait la promotion et qui sont souvent non pas en contradiction, mais en tension l'une avec l'autre, soit l'accès à la documentation, mais, d'un autre côté aussi, la protection de certains renseignements personnels. Vous vous réjouissez également de l'assujettissement des ordres professionnels. Je prends également note que vous avez quelques réserves.

Réglons d'abord deux points de détail. Je vous donne entièrement raison ? et nous en tiendrons compte ? relativement à ce que vous dites sur la confusion qui pouvait résulter de l'utilisation de l'expression «de la personne décédée» de même que je vous donne aussi raison sur le fait que le mot, l'expression «règle de conservation» englobe nécessairement la notion des délais.

Allons maintenant aux articles 76 et 77 du projet de loi. L'article 76 fait obligation à un organisme de mettre sur pied et de maintenir à jour un inventaire de ses fichiers de renseignements personnels. Et l'article 76 ajoute que toute personne qui fait la demande a... qui en fait la demande a accès à cet inventaire. 77 dit que, lorsqu'un décret du gouvernement l'y oblige, un organisme public doit transmettre à la Commission l'inventaire de ses fichiers tenus à jour. Si je vous comprends bien, vous avez des réserves à l'endroit de ces deux articles.

n(16 h 30)n

Dans l'esprit du législateur, ces modifications visaient essentiellement, d'une part, les détenteurs de mégafichiers et, d'autre part, visaient à essayer de soulager les petits organismes d'une obligation de déclaration à la Commission qui, dans certains cas, peut être particulièrement lourde. Je suis pas sûr de voir en quoi ce que nous avons proposé équivaut à un affaiblissement si préjudiciable que cela du contrôle exercé par la Commission d'accès à l'information.

M. Lacasse (Marc): Donc, je laisserais la parole à un des deux coauteurs du mémoire, là, qui est habilité à répondre.

Le Président (M. Boulianne): Oui. Alors, Mme Baillargeon, Diane Baillargeon, on vous écoute.

Mme Baillargeon (Diane): Alors, la... Enfin, ce que nous on pense et qu'on a vérifié sur le terrain, c'est qu'à partir du moment où un document n'a pas à être produit à une autre instance, le taux de production de ce document-là baisse. On a fait à un moment donné une étude auprès des organismes gouvernementaux sur leur gestion documentaire incluant à la fois le taux de pénétration des deux outils principaux, soit le calendrier de conservation et le plan de classification. Auprès des mêmes organismes qui avaient les mêmes équipes, le calendrier de conservation, qui est un organisme qui doit nécessairement être présenté et approuvé par les Archives nationales, avait un taux de pénétration d'au-delà de 90 %, alors que le plan de classification, qui, lui, peut être assimilé à la liste de classement qui est indiquée dans la Loi sur l'accès, il n'avait un taux de pénétration que d'environ 60 %, pour les mêmes organismes avec les mêmes équipes. Pourquoi il y avait moins de plans de classification que de calendriers? C'est que le calendrier, il y avait une obligation légale de le produire et de le faire approuver, ce qui n'existait pas au niveau du plan de classification. Donc, on a déjà une preuve sur le terrain que lorsqu'il y a pas une approbation, lorsqu'il y a pas une obligation de produire, le taux va nécessairement être moindre.

De plus, comme on le disait dans notre mémoire, si vous avez à produire le sommaire de vos fichiers de renseignements personnels dans votre rapport annuel, ça veut dire que le rapport annuel, il va sortir à la fin de l'année financière et même quelques mois plus tard. L'année financière se terminant en mars, les rapports annuels vont être produits quelque part en juin, juillet, et sortis en septembre. S'il y a un problème, qui va détecter ce problème-là avant que le rapport annuel sorte? Et est-ce que la Commission d'accès va nécessairement aller prendre note, analyser l'ensemble des sommaires des fichiers de renseignements personnels qui sortent dans les rapports annuels? Nous, on pense que non, parce qu'ils ont beaucoup d'autres chats à fouetter. Et, d'autre part, le fait que les sommaires ne soient pas prescrits, qu'est-ce qui va sortir de ces informations-là et comment les gens vont-ils aménager l'information à l'intérieur de ces sommaires? Et qu'est-ce qu'on va pouvoir en tirer comme information? Et ça, ça nous inquiète.

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme Baillargeon. M. le ministre.

M. Facal: Donc, si je comprends bien, vous, vous êtes de celles qui pensent que la nature humaine, elle est paresseuse. Si on ne contraint pas les gens à faire quelque chose, ils ne le feront pas. Moi, j'aurais...

Mme Baillargeon (Diane): Le mot «paresseux» est peut-être un peu fort. Je dirais que la nature humaine est très occupée.

M. Facal: Ha, ha, ha! Moi, j'aurais espéré plutôt que les gens dûment encouragés prendraient d'eux-mêmes de bonnes habitudes au point qu'ils finiraient par le faire sans qu'on ait besoin de le leur dire. Mais je prends bonne note de votre commentaire. Merci. Pour l'instant, ça va.

Le Président (M. Boulianne): Ça va. Monsieur...

M. Lévesque (Michel): Non. Simplement en complément. C'est que la procédure de déclaration de fichiers et ce qui contient... Est-ce que... Ce que contient la déclaration de fichiers est peut-être un peu lourd. En simplifiant peut-être le processus de la déclaration de fichiers, on arriverait peut-être aux mêmes fins. Moi, pour avoir à compléter présentement cette déclaration-là, il y a sûrement une façon de simplifier cette déclaration-là pour arriver aux mêmes fins. Et on constate aussi parfois que certains éléments de la déclaration, en termes archivistiques, ne sont pas toujours exacts et ne font pas toujours les bons parallèles avec le calendrier de conservation.

Le Président (M. Boulianne): Oui. Merci, M. Michel Lévesque. M. le ministre.

M. Facal: Les gens qui m'entourent ici, et qui connaissent ça évidemment sur le bout de leurs doigts, attirent mon attention sur le fait qu'il y a également un article 162 qui fait référence à cet article 76 qui contient des dispositions pénales sévères à l'endroit de celui qui ne se conformerait pas à cette obligation de maintenir à jour un fichier. Donc, voyez, le législateur a quand même été avisé et, sans se fier uniquement à la nature humaine, il a cru bon d'encourager celle-ci par quelques mesures punitives.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. M. Lévesque, est-ce que vous voulez ajouter quelque chose?

M. Lévesque (Michel): Bien, j'aurais un commentaire parce que, bon, si je peux faire un parallèle avec la Loi sur les archives, les organismes devaient produire leur calendrier de conservation dès la loi en 1983. Certains l'ont produit en 1996 et n'ont jamais subi les pénalités qu'il y avait aussi dans la Loi sur les archives en termes de sanctions monétaires ou autres. Ça fait que... Jusqu'à quel point le gouvernement impose ces pénalités-là? S'il le fait et s'il a la volonté de le faire, tant mieux, mais encore faut-il qu'il le fasse.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. Alors, M. le député de Marquette, vous avez la parole.

M. Ouimet: Oui. M. Lacasse, Mme Baillargeon, M. Lévesque, bonjour et bienvenue à nos travaux. Merci pour votre mémoire qui est très, très clair. Sept recommandations très précises dont une qui porte sur la notion du Big Brother. Et la mise en garde que vous faites ? je me permets de citer un ou deux extraits de la page 9 de votre mémoire: «...nul n'est à l'abri d'un dérapage lorsqu'il s'agit de la protection des renseignements personnels sensibles, surtout lorsqu'il s'agit de couplage de fichiers informatisés. L'épisode de la découverte puis du démantèlement du Fichier longitudinal sur la main-d'oeuvre du ministère fédéral du Développement des ressources humaines devrait servir à tous de sonnette d'alarme.»

Vous ne faites pas de commentaire, cependant, par rapport à l'Institut de la statistique du Québec. Ça a été repris par d'autres organismes où là vraiment le danger et l'ombre de Big Brother commencent à pointer. C'est à l'article... une modification qui viendrait ajouter une disposition 9.1 à la Loi sur la statistique... sur l'Institut de la statistique du Québec. Je me demandais si vous aviez des commentaires à cet égard-là où vous avez pas... Vous n'abordez pas du tout la problématique. Parce que d'autres organismes, dont le Barreau du Québec, mettent en garde le gouvernement par rapport à toute cette notion de Big Brother. Le Barreau disait, je pense, à juste titre, que le risque de se retrouver avec l'équivalent d'un autre phénomène Big Brother et l'équivalent du fichier au ministère des Ressources humaines au fédéral est réel. Vous l'évoquez, et je me disais: Ils vont... Vous en faites part, oui, vous en parlez. Je m'excuse, là. Vous en parlez, je pense, dans votre mémoire?

Le Président (M. Boulianne): Merci. Oui, Mme Baillargeon.

Mme Baillargeon (Diane): Pas du fichier sur... On ne parlait pas effectivement des questions de la statistique. On a évoqué un exemple, celui du fichier longitudinal. Peut-être qu'il était plus d'actualité au moment où on a écrit le mémoire ? ça fait déjà quelques mois, pour ne pas dire plus d'un an, à peu près, que ce mémoire-là a été... enfin, à peu près un an que le mémoire a été rédigé. On n'a pas voulu multiplier les exemples. On en a mis un. Mais, effectivement, l'esprit étant là, il faut faire attention. Et ce que, nous, on voulait essayer de mettre de l'avant, c'est de dire: Il y a un organisme au Québec qui est le rempart à cette menace du Big Brother, c'est la Commission d'accès à l'information. Et on considère que, si la Commission d'accès à l'information émet un avis défavorable à un couplage ou à un appariement de fichiers, il faudrait tenir compte de cet avis-là et que tout le mécanisme qui est mis en place par le projet de loi n° 122 ne fait que retarder l'accord ou l'assentiment du gouvernement à aller à l'encontre de l'avis de la Commission. Et c'est ce qui nous préoccupait, sans nécessairement multiplier, comme je vous disais, des exemples de cas précis dans une ou l'autre législation.

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme Baillargeon. M. le député de Marquette.

M. Ouimet: C'est pas la première fois, hein. Dans un rapport annuel d'il y a un an ou deux ans, je pense que la Commission d'accès à l'information indiquait dans son rapport annuel que le gouvernement avait décidé de passer outre l'avis défavorable que la Commission avait donné. Je pense que ça s'est produit également récemment, au niveau du ministre des Transports, par rapport à un avis qu'il recevait de la... deux avis successifs de la Commission d'accès à l'information, et il a été à la recherche d'un moyen pour contourner l'avis de la Commission d'accès à l'information. Ça a donné lieu à des débats assez houleux.

Mais, dans la loi actuelle sur l'accès, à l'article 145, le gouvernement peut, s'il le juge nécessaire et dans l'intérêt public, surseoir à l'exécution d'une décision de la Commission d'accès à l'information ? là, c'est une décision qui est rendue, c'est pas un avis, c'est encore pire, c'est une décision qui est rendue par la Commission d'accès à l'information ? et peut même empêcher tout appel devant la Cour du Québec à cet égard-là. Alors, c'est sûr que ça nous préoccupe aussi grandement. J'espère que le ministre prend bonne note de vos préoccupations et de nos préoccupations pour que... dans l'étude détaillée du projet de loi, on verra disparaître ces dispositions-là, tel que vous le recommandez.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député. Madame, est-ce que vous voulez ajouter quelque chose?

Mme Baillargeon (Diane): Eh bien, ce que je pourrais ajouter, c'est qu'effectivement c'est une chose qui nous préoccupe parce que, aussi, la Commission d'accès à l'information, il faut pas se le cacher, c'est un organisme qui peut être très fragile, c'est un organisme qui n'a pas nécessairement des moyens humains et financiers très importants. Il faut donc lui donner les moyens de l'oeuvre considérable et très importante qu'elle joue au Québec. Et ça, on le souligne à quelques reprises dans notre mémoire: Oui, c'est bien, ce qu'on veut donner comme rôle à la Commission d'accès à l'information, mais il faut vous donner aussi les moyens d'accomplir cette oeuvre-là.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup.

n(16 h 40)n

M. Ouimet: Les moyens ont été évoqués par la Commission d'accès à l'information elle-même à plus d'une reprise et par plusieurs autres groupes. Alors, oui, je pense que le message a été lancé haut et fort à plusieurs reprises. Maintenant, on vient de terminer l'étude de crédits récemment et on n'a pas vu d'augmentation au niveau des effectifs de la Commission d'accès à l'information. J'imagine que la ministre va corriger le tir pour la prochaine... le prochain exercice budgétaire, si le gouvernement se rend jusque-là.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député. Alors, M. Lacasse, une phrase de conclusion, si vous voulez?

M. Lacasse (Marc): Écoutez, je vous remercie de nous avoir entendus aujourd'hui, et vous pouvez compter sur nous si vous avez besoin de conseils pour la poursuite de l'étude de la commission.

Le Président (M. Boulianne): Mme Baillargeon, merci, M. Lévesque, M. Lacasse. Alors, j'appelle maintenant l'Office des personnes handicapées du Québec.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Boulianne): Alors, bienvenue ? donc, nous reprenons nos travaux à la commission ? à l'Office des personnes handicapées du Québec. Alors, M. Norbert Rodrigue, président-directeur général, vous allez nous présenter votre équipe et par la suite votre mémoire.

Office des personnes handicapées
du Québec (OPHQ)

M. Rodrigue (Norbert): Alors, merci beaucoup, M. le Président. M. le ministre, membres de la commission, merci de nous accueillir. Je vous présente Mme Anne Hébert, à ma gauche, qui est directrice adjointe à la Direction de la recherche, du développement et des programmes, ainsi que M. François Nichols, à ma droite, qui est conseiller à la même direction, et Denis Boulanger, qui est adjoint au président.

Je répète mon remerciement parce que ce débat, vous savez, concerne l'ensemble de la société, chaque citoyenne et chaque citoyen. Je pense que c'est très important. Et c'est pourquoi nous sommes heureux d'être ici parce que, à notre avis, il faut prévoir à cette occasion, dans cette législation, toutes les mesures possibles en ce qui concerne ? par exemple, l'objet qui nous intéresse et les personnes avec qui on travaille, les personnes handicapées ? en ce qui concerne l'accès à l'information, comme tous les citoyens et les citoyennes en général dans la population, particulièrement aux documents les concernant. Et je vous dirais aussi que, pour nous, c'est une manière de favoriser leur intégration sociale et de leur permettre d'exercer des droits précieux.

Alors, je vous répéterai pas, M. le ministre, qu'on est venus quelquefois, nous autres aussi, faire des représentations. Je vous ai entendu tout à l'heure affirmer la volonté de procéder, et nous en sommes très heureux. Nous voulons souligner cependant que, en 1998, lors d'un examen complémentaire du projet de loi n° 451, des progrès intéressants semblaient, quant à nous, poindre à l'horizon. On y proposait des modifications pour obliger les organismes publics, notamment, à fournir un document administratif ou à communiquer un renseignement personnel sous une forme adaptée à une personne qui a ou qui vit une déficience visuelle ou auditive et leur permettre d'obtenir le renseignement dans des endroits accessibles. Ensuite, on accueillait favorablement l'idée d'inclure, dans la loi sur le secteur privé, une disposition rappelant l'obligation des entreprises d'accommoder l'exercice des droits des personnes handicapées.

Le projet de loi n° 122 remplace le 451, bien sûr. À l'Office, on a déjà exprimé notre satisfaction de voir que le projet de loi n° 122 proposait des mesures d'aménagement de l'exercice des droits des personnes handicapées, mais on voudrait vous signaler, à notre point de vue, quelques éléments de recul ou en tout cas à modifier. Et, à cet égard-là, je veux parler entre autres, par exemple, des documents administratifs des organismes publics. Alors, dans un effort, dans un «bee» populaire avec mes parlementaires pour renforcer l'équilibre dont vous parliez au début de la commission, je voudrais maintenant vous faire quelques commentaires plus spécifiques.

L'obligation de mettre en place des mesures adaptées pour l'accès aux documents administratifs, comme je l'ai mentionné, était prévue dans 451, et on constate, à moins de se tromper, qu'elle est absente dans le projet 122. Pour l'Office, on vous soumet qu'il est primordial que les personnes handicapées aient accès, comme tout autre citoyen, aux documents qui les concernent. Et, si on propose d'en faire une obligation légale et explicite, c'est qu'à notre avis la loi doit exprimer et refléter nos valeurs québécoises au plan social, parce que le Québec, on le sait, depuis 23 ans s'est engagé et est en course depuis plusieurs années sur la voie d'une meilleure et d'une plus totale intégration sociale, scolaire, professionnelle des personnes handicapées. Et, à notre avis, il est donc indiqué qu'en matière d'accès à l'information les organismes publics, je dirais, donnent l'exemple.

De plus, on croit que ces mesures représentant un accommodement raisonnable, au sens donné à cette expression en matière de droits de la personne, sont des mesures que l'État doit assurer. À cet égard, la législation canadienne... peut-être que ça vous permettrait de négocier des programmes à frais partagés, mais la législation canadienne, depuis 1992, prévoit l'application de mesures adaptées pour la communication de documents aux personnes ayant une déficience sensorielle.

Mais au Québec, un exemple qui me semble très intéressant, je voudrais le souligner, c'est l'initiative, suite à une proposition de l'Office, avec le ministère de la Justice. En 1997, le ministère de la Justice acceptait, à la demande de l'Office, d'assumer le coût de ces services de façon à couvrir l'ensemble des tribunaux judiciaires québécois. Auparavant, ces services n'étaient couverts qu'en matière pénale et, à compter d'avril 1997, ils le devenaient également en matière civile devant toutes les juridictions. Et, à cette époque, je rappelle que le ministère de la Justice, incertain des conséquences budgétaires, s'était réservé la possibilité de revoir cette mesure-là. Cela ne s'est pas avéré nécessaire. À preuve, en février 1999, le droit aux services d'interprètes gestuels était étendu pour les entrevues en diverses matières judiciaires. Et je pense que c'est intéressant de constater ça.

Il serait aussi possible, comme nous l'avons déjà indiqué, de procéder graduellement, par voie réglementaire, en identifiant les organismes ou catégories d'organismes auxquels l'obligation de recourir à des mesures adaptées pour la communication de documents administratifs s'appliquerait. Nous, à l'Office, on continue de croire que la présente législation devrait inclure des dispositions concernant l'ajout dans la Loi sur l'accès d'une disposition prévoyant que, à la demande d'une personne handicapée, un organisme ait cette obligation.

Et, pour poursuivre, pendant quelques minutes, je demanderais à M. Nichols de vous souligner les autres aspects sur lesquels nous voulons insister, puis Mme Hébert complétera par la suite.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Rodrigue. Alors, M. François Nichols, on vous écoute.

M. Nichols (François): Oui, M. le Président. Alors, je voudrais souligner une autre préoccupation en ce qui concerne les frais pour l'application de mesures adaptées. Un principe qu'on maintient depuis plusieurs années à l'Office, c'est que les personnes handicapées doivent être traitées sans discrimination ni privilège. Appliqué ici, ce principe-là, ça veut dire que les personnes handicapées ne doivent payer ni plus ni moins que les autres citoyens pour exercer leurs droits en matière d'accès à l'information. À ce titre, l'Office ne demande pas la gratuité pour la communication de renseignements personnels ou de documents administratifs, nous demandons la parité. Le principe, c'est qu'on ne saurait convaincre une personne handicapée qu'elle a les mêmes droits qu'un autre citoyen à condition de payer plus cher.

n(16 h 50)n

Encore ici, la législation fédérale est intéressante à considérer. En vertu de la loi sur l'accès à l'information fédérale qui traite de l'accès aux documents administratifs, des frais de communication peuvent être exigés pour tous les citoyens. Par contre, le règlement sur l'accès à l'information adopté en vertu de cette loi-là précise que lorsqu'un document est communiqué sous une forme adaptée, ses frais de reproduction ne peuvent dépasser ceux qui sont prévus pour sa reproduction sur un support ordinaire, que ce soit une photocopie, une microfiche, un microfilm, etc. En termes clairs, les personnes handicapées doivent à ce moment-là payer les mêmes frais que les autres citoyens. Et nous suggérons que cette façon de faire devrait être retenue ici dans la législation québécoise.

Il y a un autre élément en ce qui concerne les frais. Les articles 11 et 85 de la Loi sur l'accès donnent la possibilité au gouvernement de prévoir des cas où il y aurait exemption de paiement des frais. Et, dans le projet de loi n° 451, on soulignait l'opportunité, en matière de renseignements personnels, d'exempter du paiement des frais une personne handicapée restreinte dans ses déplacements lorsqu'elle ne pouvait consulter sur place un document et devait en conséquence, là, en demander une copie. Le projet de loi n° 122 ne reprend pas cette idée-là et on pense qu'il devrait le faire autant en ce qui concerne les documents administratifs que les renseignements personnels. Alors...

Le Président (M. Boulianne): Alors, Mme Hébert, vous avez trois minutes.

Mme Hébert (Anne): Je finis. Une autre préoccupation: l'Office souhaiterait que soit ajoutée, dans la Loi sur l'accès, une obligation pour les organismes publics de porter assistance à une personne qui a une déficience intellectuelle pour l'aider à comprendre les documents auxquels la loi lui donne accès.

Notre demande s'inspire de l'article 84.1 de la Loi sur l'accès qui prévoit que les établissements de santé et certains autres organismes doivent, à la demande d'une personne, fournir l'assistance d'un professionnel qualifié pour aider à comprendre un renseignement de nature médicale ou sociale. En ce qui concerne les personnes qui ont une déficience intellectuelle, qui est limitée dans sa capacité de comprendre, cela peut être vrai non seulement à l'égard des renseignements personnels de natures médicale et sociale, mais à l'endroit de documents administratifs ou de renseignements personnels provenant de n'importe quel organisme public. Donc, d'où l'idée d'offrir à ces personnes ayant une déficience intellectuelle une assistance pour les aider à comprendre l'ensemble des documents auxquels elles peuvent avoir accès.

En conséquence, l'Office propose l'ajout dans la Loi sur l'accès de dispositions prévoyant que, sur demande d'une personne ayant une déficience intellectuelle, un organisme doit lui prêter assistance pour l'aider à comprendre un document auquel elle accède.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup.

M. Rodrigue (Norbert): En conclusion, M. le Président...

Le Président (M. Boulianne): Oui.

M. Rodrigue (Norbert): ...puis il me reste 30 secondes. Vous savez, on pense que ce serait une marque importante... de marquer un pas supplémentaire en faisant ces ajouts dans cette loi dans la perspective de l'ensemble, l'intégration sociale dont je parlais tout à l'heure. Et à cet égard, en résumé, notre position, c'est de dire que... on pense qu'on doit prévoir qu'à la demande d'une personne handicapée un organisme ait l'obligation ? et malgré ce que j'ai entendu, je comprends ça; moi aussi, j'aime mieux la conviction que l'obligation ? d'appliquer les mesures adaptées pour communiquer les documents administratifs.

Aussi, on voudrait pas que les personnes handicapées aient des privilèges, mais on veut pas qu'elles soient taxées davantage quant aux frais. Et on pense aussi que la personne qui ne peut pas se déplacer ne peut pas être pénalisée en termes de frais. Et, à cet égard-là, l'ajout dans la Loi sur l'accès de dispositions qui prévoient, sur demande d'une personne ayant une déficience intellectuelle, comme Mme Hébert vient de l'expliquer, qu'on demande... Demander à des organismes de l'aider à comprendre un document officiel auquel elle accède, ça nous semble fondamental.

Et dans les années que l'on vit, depuis 1980, 1985, avec la désinstitutionnalisation qu'on partage, tout le monde, et qu'on essaie de réaliser au mieux, bien, il faut prendre ces dispositions-là, et nous offrons notre collaboration au ministère n'importe quand pour contribuer à l'effort.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Rodrigue ainsi qu'à votre équipe. Alors, nous allons procéder à la période de questions. M. le ministre. Et je vous signale, M. le ministre, qu'il y a un collègue qui a demandé la parole aussi.

M. Facal: Merci beaucoup, M. le Président. Je vous souhaite la bienvenue, M. Rodrigue, ainsi qu'à M. Boulanger, M. Nichols et Mme Hébert.

Je suis d'autant plus heureux de vous accueillir que l'organisme que vous représentez est un de ceux qui, au sein du gouvernement, ont le mieux collaboré à l'élaboration du plan d'action gouvernemental sur la protection des renseignements personnels. En passant, il ne s'est pas mis en place un seul programme à frais partagés du gouvernement fédéral depuis 1997 qui est, comme par hasard, la première année où le gouvernement fédéral dégage des surplus. Alors, voyez, tant que le gouvernement fédéral avait des déficits, il offrait des programmes à frais partagés; maintenant qu'il a des surplus à ne plus savoir qu'en faire, il les finance à 100 % dans des champs de compétence qui ne sont pas les siens.

Revenons maintenant au domaine qui est le nôtre. J'ai beaucoup apprécié la clarté de votre mémoire, ce qui ne saurait m'étonner de la part de gens qui en sont à leur troisième visite ici et qui donc ont de la pratique en la matière.

Commençons par le point abordé par Mme Hébert, celui de la déficience intellectuelle. Permettez-moi de vous poser une question totalement naïve, mais quand on ne sait pas on demande et il y a pas de gêne à ça. Il m'aurait semblé que, quand une personne souffre d'une déficience intellectuelle, elle va assez généralement être accompagnée par un proche lorsqu'il s'agit de consulter des documents. Est-ce qu'il y a véritablement beaucoup de cas où une personne atteinte de ce type de déficience cherche à consulter un document seule, où sa déficience l'empêche d'avoir accès et de comprendre le document en question? Dans la vraie vie, est-ce que ces cas sont très répandus?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. Mme Baillargeon... ou M. Boulanger, pardon.

Mme Hébert (Anne): Peut-être pas très répandus, mais ces cas-là se manifestent de plus en plus. Juste à titre d'exemple, il y a un mouvement qui s'appelle le Mouvement Personne D'abord, qui représente des jeunes adultes qui ont une déficience intellectuelle et qui revendiquent beaucoup plus d'autonomie dans leurs démarches, dans la vie quotidienne. Et ces demandes-là, bien concrètes, d'accès à l'information ont été appuyées par ce mouvement-là. Donc, avec tout le mouvement de désinstitutionnalisation, d'efforts pour que des jeunes enfants puissent s'intégrer socialement, ces enfants-là sont devenus des adultes et ont eu accès à une vie plus normale. De plus en plus, ils manifestent leurs besoins, ils revendiquent plus d'espace et d'autonomie. Mais je peux pas affirmer que c'est des demandes très, très nombreuses, ça reste encore des cas... un nombre assez limité, mais ça se manifeste davantage.

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme Hébert. M. le ministre.

M. Facal: En ce qui a trait aux mesures adaptées qu'il faudrait mettre en place pour permettre l'accès par une personne handicapée aux documents des organismes publics, si je comprends bien ? je veux être sûr de bien comprendre ? vous dites qu'à cet égard-là 122 est un recul par rapport à 451 en raison de l'introduction de cette notion d'accommodement raisonnable que vous rejetez.

Le Président (M. Boulianne): Oui.

M. Facal: Je veux comprendre, là.

M. Nichols (François): C'est que, dans le projet de loi n° 122, la mesure d'accommodement raisonnable ne s'applique qu'à la communication de renseignements personnels. On n'a pas de disposition semblable en ce qui concerne les documents administratifs, parce que dans 451 les deux volets étaient couverts.

M. Facal: O.K. Ça va.

Le Président (M. Boulianne): M. le ministre.

M. Facal: Non, non, je crois que mon collègue...

Le Président (M. Boulianne): Ça va. Alors, Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Leduc: Oui...

Le Président (M. Boulianne): Alors, j'ai dit tout à l'heure «un collègue»... disons «une collègue».

Mme Leduc: Je reconnais votre sensibilité à mes préoccupations. Ha, ha, ha! Alors, ça me fait plaisir de vous accueillir à mon tour ici, M. Rodrigue et vos collègues. Moi, ce que je peux dire dans votre présentation, dans le fond, je trouve que c'est une présentation assez claire et qui nous permet de bien saisir les besoins des personnes que vous représentez. Mais j'aimerais, un peu dans le sens où M. le ministre l'a dit, comprendre un peu mieux. Je comprends que vous demandez des mesures adaptées pour l'accès aux documents administratifs des organismes.

Moi, pour être plus convaincue et plus convaincante, finalement, j'aimerais ça que vous m'expliquiez un peu c'est quoi, ça serait quoi, une mesure adaptée, là, qu'est-ce que ça voudrait dire d'avoir une mesure adaptée. Et si je suis d'accord... Évidemment, ceci ne met jamais en doute que je pense que je suis d'accord avec l'affirmation que vous disiez que, dans le fond, vous êtes d'accord que des personnes handicapées doivent assumer certains coûts quand elles font des demandes mais que ces coûts doivent être les mêmes pour tout le monde. C'est ça, l'égalité, finalement.

Et dans le même sens pour... quand vous parlez d'une forme pour assister les personnes en déficience intellectuelle. Est-ce que... Vous avez mentionné un organisme, mais, moi, ma préoccupation est dans ce sens-là. Est-ce que, à ce moment-là, les mesures pour que ces gens-là soient bien en mesure de comprendre, ça serait un accompagnement par un organisme? Parce que je me dis: Une personne qui est là et qui ne fait que dire ce qui est écrit, je suis pas certaine que ça va aider. Il faut quand même avoir une certaine habileté pour que le message se transmette à la personne qui a une déficience intellectuelle. Ça peut pas se faire en juste lisant ce qui est écrit là, je pense que la compréhension va être à peu près nulle. Alors, pouvez-vous me dire comment ça pourrait se faire et comment on pourrait répondre à ce besoin-là?

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. Alors, M. Rodrigue.

M. Rodrigue (Norbert): Je serai très... Avant de demander à Anne, par exemple, d'intervenir sur certains aspects, ou à François, juste dire que, en ce qui concerne l'accommodement raisonnable, il y a plusieurs mesures qui peuvent être prises dans un même cas, qui sont parfois légères puis d'autres fois un peu plus lourdes. Mais généralement, il y a une certaine flexibilité. On parle de raisonnabilité, on parle pas de choses exceptionnelles.

Deuxièmement, pour la déficience, ça peut prendre diverses formes. Vous savez, en déficience intellectuelle, vous avez des déficients profonds, vous avez des moyens et légers. Et à cet égard-là, les besoins diffèrent beaucoup, et à cet égard-là, je veux dire, on peut envisager diverses façons. Alors, Anne.

n(17 heures)n

Mme Hébert (Anne): Concernant spécifiquement la déficience intellectuelle, oui, l'accompagnement peut être une option possible, mais il faudrait pas que ça soit une option qui est systématiquement utilisée. Certaines personnes qui ont une déficience intellectuelle, qui ont fait un cheminement ? puis il y a des niveaux de difficulté de compréhension chez ces personnes, ce sont pas tous les mêmes ? revendiquent une certaine autonomie et ça demande simplement du temps et de l'attention de simplifier un peu l'information, ça demande pas nécessairement une gamme très élevée de moyens, là, mais juste de prendre le temps de simplifier une information, de mettre l'accent sur les éléments essentiels. Parfois, c'est tout simplement ça. Mais l'accompagnement, ça peut être une solution possible dans certains cas également, et...

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme Hébert. Il y a M. Boulanger. M. Boulanger veut ajouter quelque chose, allez-y.

M. Boulanger (Denis): Je pense qu'il faut comprendre qu'en déficience intellectuelle il y a différents niveaux de difficulté. Il y a des personnes pour qui effectivement la solution, c'est un accompagnement. On parle de personnes qui sont peut-être plus lourdement handicapées, plus limitées dans leur compréhension, ce qui fait que ce que vous amenez comme mesures est quelque chose de très intéressant. Il y a d'autres personnes, par contre, que ce qu'ils ont besoin, c'est un petit peu plus de temps puis un petit peu plus de compréhension, et nous, on croit qu'une des façons, c'est que... Premièrement, il y a un principe fondamental, c'est à l'effet que des personnes devraient recevoir des services au même guichet que tout le monde. Donc, lorsque se présente une personne avec une déficience intellectuelle, elle devrait s'adresser au même guichet, par exemple, que tout le monde. Et, lorsqu'on a cette obligation-là comme organismes gouvernementaux, je pense que c'est à l'organisme à s'adapter et c'est à l'organisme à bien former son personnel.

Vous touchiez quelque chose en disant... Moi, je pense que ce que vous touchez indirectement, c'est la formation des intervenants, que quelqu'un soit assigné ou que des personnes connaissent bien cette problématique-là, ils seraient en mesure de répondre. Et c'est dans ce sens-là qu'on pense que l'organisme devrait, lui, se donner les moyens. À titre d'exemple, on vient de transférer le programme d'intégration au travail qui était géré par l'Office, on l'a envoyé à Emploi-Québec, mais actuellement Emploi-Québec est en formation de ses intervenants pour mieux accueillir les personnes handicapées. Donc, avant longtemps, on pense que ça va être d'autres services gouvernementaux qui vont juste être un peu plus accessibles pour les personnes handicapées.

Mme Leduc: Votre philosophie, la formation que...

M. Boulanger (Denis): Exact.

M. Rodrigue (Norbert): ...

Le Président (M. Boulianne): Oui, allez-y, M. Rodrigue.

M. Rodrigue (Norbert): J'aimerais ça qu'Anne vous donne un autre exemple. Par exemple, vous avez un aveugle devant vous et vous êtes un organisme gouvernemental au public, comment lui rendre accessible, par exemple, des documents? Alors, nous, on travaille avec ça à l'année, hein? Des fois, comme c'est chez nous à tous les matins, on a de la misère à le décrire. Je vais lui demander de faire ça.

Le Président (M. Boulianne): Oui. Alors...

Mme Hébert (Anne): Des exemples...

Le Président (M. Boulianne): Oui, Mme Hébert.

Mme Hébert (Anne): ...de formes... de mesures adaptées, bien ça peut être le gros caractère pour des gens qui ont une déficience visuelle. Puis ça peut être d'avoir le fichier, le document sur un fichier électronique. Beaucoup des personnes ont maintenant un équipement technologique. Ils vont pourvoir, sur une forme adaptée, avoir accès avec le fichier étant donné que ça peut être en braille, ça peut être un interprète gestuel, ça peut être du langage simplifié. Il y a différentes formes de mesures d'adaptation, mais le meilleur exemple, je crois, là, où c'est assez simple, c'est le fichier d'un document sous forme électronique qui permet de rendre accès à un document pour les gens qui ont une déficience visuelle, sévère ou plus légère.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, M. le député de Marquette, vous avez la parole.

M. Ouimet: M. le Président, merci. Mais, avant de saluer les représentants de l'Office des personnes handicapées, est-ce que je pourrais demander au ministre responsable de l'accès accès à un document qu'il a, un outil de travail? C'est un tableau, j'imagine, analytique des différents mémoires qui sont déposés devant nous. Ce serait bien agréable si, de ce côté-ci... Je sais qu'il y a des ministres qui, de façon automatique, donnent ça à leur vis-à-vis. Alors, c'est un outil de travail, j'ai pas l'impression que le ministre responsable de l'accès va nous refuser accès à un tel document.

Le Président (M. Boulianne): Il y a des règlements à ce chapitre-là, mais je laisse s'exprimer M. le ministre.

M. Facal: Je vais prendre la demande en considération et je vais prendre le temps d'y réfléchir.

M. Ouimet: Dans 30 jours, vous allez invoquer le délai de 20 jours plus 10.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Boulianne): Alors, c'est bien. Étant donné que c'est des notes personnelles... Alors, allez-y, M. le député de Marquette, posez vos questions.

M. Ouimet: C'est pas des notes personnelles, là, c'est...

M. Facal: M. le Président, le député de Marquette multiplie toutes sortes d'allusions au fait qu'il est vraiment pénible d'être dans l'opposition. Peut-être qu'un jour je lui souhaite le bonheur de travailler entouré de gens aussi compétents.

Le Président (M. Boulianne): Alors, on revient donc à notre sujet. Alors, M. le député de Marquette, vous avez la parole.

M. Ouimet: Alors, M. le Président, je... Bon, premièrement, je salue M. Rodrigue et les personnes qui l'accompagnent. Je prends bonne note de vos commentaires presque implicites dans votre mémoire, les premières pages du mémoire. Vous faites référence au projet de loi n° 451 où le gouvernement démontrait beaucoup de sensibilité politique par rapport à la réalité des personnes handicapées, mais peu de temps après la campagne électorale... Ça, c'était avant la campagne électorale, mais, après la campagne électorale, la sensibilité politique disparaissait. Ça vous rappelle également le débat que nous avions eu sur le projet de loi n° 143 sur l'égalité à l'emploi dans les organismes publics où le gouvernement a exclu, de mémoire, les personnes handicapées des clientèles visées. Vous vous en souvenez?

Le Président (M. Boulianne): Oui. Alors, M. Rodrigue.

M. Rodrigue (Norbert): Oui, on est venus faire le débat ici avec le ministre antérieur et, quant à nous, vous savez, on est venus à quelques reprises, l'objet de nos préoccupations demeure le même et on poursuit nos représentations en essayant de convaincre les décideurs, le législateur en particulier, d'ajuster un certain nombre de dispositions. Et, dans le cadre actuel du projet de loi n° 122, nous croyons sincèrement que les efforts sont pas insurmontables et que c'est une question, justement, d'ajustement par rapport à des examens antérieurs et la réalité d'aujourd'hui, et on suggère fortement d'ajuster ces situations.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Rodrigue. M. le député.

M. Ouimet: Et, là-dessus, vous invoquez également ou vous faites référence davantage à deux reprises aux pratiques qui existent au gouvernement fédéral, qui semble avoir quelques longueurs d'avance sur le gouvernement du Québec dans le dossier des mesures adaptées.

Mais vous faites référence également au ministère de la Justice, et là vous semblez proposer un compromis, et je me posais une question: Pourquoi proposer un compromis? À la page 4 de votre mémoire, vous dites: «Si cet argument ne satisfaisait pas à la prudence budgétaire, il serait possible, comme nous l'avons déjà indiqué au ministre, de procéder graduellement par voie réglementaire.» Pourquoi procéder graduellement?

M. Rodrigue (Norbert): Vous savez, moi...

Le Président (M. Boulianne): Oui, M. Rodrigue.

M. Ouimet: En autant, là, si on accepte vos arguments... Et là vous invoquez l'expérience fédérale en disant que ça a pas vraiment coûté plus cher, là, de mettre des mesures adaptées pour les personnes handicapées.

M. Rodrigue (Norbert): Parce qu'on a posé la question puis on n'a pas eu d'indication à l'effet...

M. Ouimet: Oui. Vous avez pas eu de réponse, là, j'ai bien compris.

M. Rodrigue (Norbert): ...que ça avait comporté des sommes, là, qui méritaient qu'on prenne des dispositions particulières. Cependant, devant cette nécessité de changement, vous savez, moi, un escalier, je monte ça marche par marche. Et, dans cette perspective-là, ce que nous souhaitons, c'est de signaler le besoin au gouvernement, et nous disons: S'il y a des craintes... Un peu comme le ministère de la Justice l'avait fait au départ, il s'était gardé une marge de manoeuvre, et finalement le constat, c'est que non, on a élargi par la suite. Alors, on se dit: Voyons, ce qui est important, c'est de poser un geste, c'est de monter la première marche pour arriver à atteindre l'objectif. C'est seulement l'esprit que ça contient, je veux dire, si un esprit il doit y avoir.

M. Ouimet: Mais, je pensais à la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, là, qui ne vous oblige pas à demander ou à proposer une solution par étapes, là, je me demandais: Est-ce que vous avez échangé avec la Commission des droits de la personne du Québec à cet égard-là? Et quel est l'état de la situation? Vous y faites référence un peu plus tard, lorsque vous parlez des frais. Dans le fond, vous proposez une solution au gouvernement en disant au gouvernement que, dans le fond, les frais d'application de mesures adaptées à un document ne peuvent excéder les frais autrement exigibles pour la reproduction de ce même document sans application de mesures adaptées. Alors, pour les frais, il y a une réalité. Maintenant, pour les mesures adaptées, vous présentez une solution par étapes. Je veux bien, là, qu'on monte les marches une à une, mais, dans le projet de loi n° 450, vous étiez rendus en haut de l'escalier, et là, soudainement, on est rendus au bas de l'escalier, là.

M. Rodrigue (Norbert): Non. Je pense que c'est peut-être leur perception, et je la respecte, mais notre demande initiale demeure toujours. Nous disons cependant: Si on doit vivre un processus différent, il faut marquer le pas... Il faut pas marquer le pas, il faut avancer d'un pas, puis il faut y aller, puis s'installer dans des mesures d'accès réelles. Et, si elles doivent être progressives, on est prêts à l'examiner. Et nous avons des discussions régulièrement avec la Commission des droits de la personne sur divers aspects et nous poursuivons ce travail-là, je veux dire. Cependant, dans la question des coûts, vous comprendrez que les coûts, la personne doit débourser tout de suite, et il faut... C'est une exigence qu'elle doit rencontrer immédiatement, et, là-dessus, on pense qu'on doit pas faire d'étapisme, si vous permettez.

Le Président (M. Boulianne): M. Boulanger, je pense que le député voudrait ajouter quelque chose.

M. Ouimet: Oui, juste...

Le Président (M. Boulianne): Oui.

M. Ouimet: ...dans le fond, la question que je posais: Est-ce que ce n'est pas discriminatoire?

Le Président (M. Boulianne): M. Boulanger.

M. Ouimet: Est-ce que ce n'est pas discriminatoire pour les personnes handicapées?

M. Rodrigue (Norbert): Bien, ultimement, on pourrait dire oui, et il faut...

M. Ouimet: Et la Commission des droits de la personne vous a donné...

M. Rodrigue (Norbert): C'est pour ça, on a... À moins que... Je suis à l'Office depuis deux ans et au Québec depuis 60 ans. Ha, ha, ha! Et je peux valider avec d'autres, mais je ne pense pas, depuis que je suis là, qu'il y ait eu des avis de demandés à la Commission de la personne formellement sur cette question.

Le Président (M. Boulianne): Oui, M. Boulanger.

M. Boulanger (Denis): C'était plus... C'est pas sur l'aspect, là, discriminatoire ou pas, parce que je suis pas en mesure personnellement de déterminer si, oui ou non, c'était discriminatoire, mais je veux juste attirer l'attention sur le fait que, tel que c'est indiqué à l'intérieur du mémoire, ce que nous souhaitions, c'est que soit inscrit le principe des mesures dans la législation, donc dans la loi, mais que les organismes visés, ça se passe... qu'on pourrait, dans un premier temps, identifier certains organismes visés au niveau de l'application, mais à partir de quelque chose qui serait inscrit effectivement, comme je vous dis, là... qui l'était dans 451, qui pourrait l'être dans la loi n° 122.

n(17 h 10)n

Mais on pourrait viser par règlement, dans un premier temps, des catégories d'organismes ou des organismes spécifiques, là, pour justement aller sonder puis voir l'application plutôt que de le généraliser à chacun. Mais, idéalement, ce qu'on veut, c'est que le principe soit à l'intérieur de...

Une voix: De la loi.

M. Boulanger (Denis): ...la loi.

Le Président (M. Boulianne): Merci. M. le député, vous avez encore du temps.

M. Ouimet: Alors, c'est comme si c'était presque un projet-pilote, on va l'essayer... On va l'obliger, on va l'imposer au niveau de certains organismes, et puis, par la suite, ça va nous permettre de revenir auprès du ministre ou du ministère et leur dire: Écoutez, ç'a pas coûté énormément, les mesures adaptées, alors on vous propose de généraliser. C'est ça? J'essaie juste de comprendre, là, pourquoi ce recul par rapport à ce que vous aviez déjà dans 451 et pourquoi ne pas le demander au complet.

Le Président (M. Boulianne): M. Rodrigue.

M. Rodrigue (Norbert): Bien, écoutez, la position ou le contenu de la loi n° 122 ou du projet de loi n° 122, c'est pas moi qui va répondre, c'est pas moi qui l'a préparé. Ce que je peux dire, c'est que quant à dans notre position, nous, sur l'obligation, on dit: Il faut légiférer. Après ça, sur l'implantation, on dit: Bien, là, ça peut être progressif ou... Bon.

Je vous donnerai un autre exemple. Il y a 23 ans, la loi sur l'exercice des droits des personnes handicapées a été adoptée. On prévoyait dans cette loi l'accessibilité aux édifices publics construits avant 1976. Depuis... Par voie de règlement. Depuis 1976, il y a plusieurs gouvernements qui se sont succédé, mais on n'a pas trouvé le moyen de passer le règlement. Vous comprenez? Alors, dans ce sens-là, on revient, puis maintenant on semble... En tout cas, on espère pouvoir s'entendre sur une démarche qui permet aux organismes concernés, soit publics ou privés, de vivre une situation où progressivement on va réussir à adapter les édifices construits avant 1976. Alors, on peut noter que, depuis 1980, le gouvernement du Québec, à tout moment, a fait des progrès dans l'adaptation et l'accessibilité de ses édifices, etc. Alors, c'est un domaine où le droit, nous semble-t-il, doit être reconnu, et la stratégie d'implantation, par la suite, on pense qu'il faut s'y attarder. Tant mieux, si on le faisait généralement demain matin, mais il faut construire. Dans ce sens-là, c'est une construction.

Le Président (M. Boulianne): Merci.

M. Ouimet: Merci. Ça va.

Le Président (M. Boulianne): Alors, on vous remercie beaucoup, Mme Hébert, M. Rodrigue, M. Nicol, M. Boulanger.

Alors, j'appelle donc l'Association des courtiers et agents immobiliers.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Boulianne): Alors, la commission, donc, reprend ses travaux avec l'Association des courtiers et agents immobiliers. Alors, M. Serge Brousseau.

Association des courtiers et agents
immobiliers du Québec (ACAIQ)

M. Nadeau (Robert): M. Brousseau vous prie de l'excuser, c'est... Le président du conseil, pour des raisons de santé, a été retenu à Montréal aujourd'hui. Alors, mon nom est Robert Nadeau, je suis le président-directeur général.

Le Président (M. Boulianne): Alors, M. Nadeau, bienvenue. Avec M. Barsalou?

M. Nadeau (Robert): Exactement.

Le Président (M. Boulianne): Alors donc, vous pouvez débuter votre mémoire.

M. Nadeau (Robert): Parfait. Merci. Alors, M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, merci de nous accueillir aujourd'hui pour vous entretenir brièvement ? à l'instar ou à l'image de notre mémoire ? brièvement sur les propos concernant le projet de loi n° 122.

Alors, écoutez, qui on est dans un premier temps? L'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec est un organisme qui, en vertu de la Loi sur le courtage immobilier du Québec, veille à l'application de ladite loi. À l'instar des ordres professionnels, on a... On est calqué sur le modèle des ordres professionnels, c'est-à-dire qu'on a un service du syndic, comité de discipline, inspection professionnelle et on regroupe les quelque 11 000 agents et courtiers immobiliers à travers la province de Québec.

À notre avis, nous sommes le seul organisme qui, avec les mêmes attributs qu'un ordre professionnel, n'est pas rattaché à l'Office des professions. C'est un peu là le propos de notre mémoire, puisque, par le passé, on a connu, n'ayant pas les mêmes outils que possèdent les ordres professionnels en vertu du Code des professions... On a connu à maintes reprises des débats juridiques où nous avons été soit exclus ou encore nous n'avons pas vu les mêmes applications que le Code des professions ose ou permet d'offrir au niveau des ordres professionnels.

Nous régularisons aussi l'exercice légal, et, dans notre loi, il y a de nombreux renvois au Code des professions: en matière disciplinaire, en matière de procédures de première instance et d'appel entre autres. En matière d'exercice illégal, on fait aussi un calque du Code des professions ainsi aussi qu'en matière de publicité fausse et trompeuse.

La réalité qu'on veut porter à votre attention aujourd'hui, c'est que, en 1997, il y a eu un jugement qui a déclaré que les ordres professionnels, en général, étaient un peu dans un néant juridique face aux lois d'accès à l'information, tant publique que privée. On réfère à ce moment-là à un arrêt qui était Grenier contre le Collège des médecins du Québec en 1997, qui a paru dans revue RJQ, 439.

Ce vide juridique, nous le connaissons et nous l'avons vécu aussi par la suite, puisque, un peu aussi comme les ordres professionnels, quelqu'un voulait avoir connaissance du dossier qui était au bureau du syndic de l'Association, et on a dû contester, et la Commission d'accès à l'information, dans une décision de Rozon contre l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec, est venue affirmer à ce moment-là que la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé s'appliquait à nous. Notre constat, à cette époque, c'était qu'il y avait deux poids, deux mesures, donc un organisme qui fonctionne tout comme les ordres professionnels, mais qui n'a pas les mêmes prérogatives ou, à tout le moins, n'a pas le même statut juridique face aux renseignements personnels.

C'est la raison pour laquelle nous avons déposé un mémoire devant cette commission, afin de rappeler notre existence, dans un premier temps, à l'effet d'éviter peut-être, dans la mesure du possible, qu'il y ait un écart entre le régime juridique qui pourrait être appliqué aux ordres professionnels, puisque, dans le projet de loi n° 122, on s'y attarde, et que nous, encore une fois, on soit un peu mis de côté et qu'on n'ait pas accès à ce même régime juridique, la problématique étant naturellement pour le public en général qui, lorsqu'il s'adresse à des ordres professionnels, sait très bien à quoi s'attendre et envers nous. Autant pour nous que pour eux, on est encore devant un vide. Alors, c'était là l'essentiel de nos propos.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup, M. Nadeau et M. Barsalou. Alors, M. le ministre, vous avez la parole.

M. Facal: Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, MM. Nadeau et Barsalou, et bienvenue parmi nous. Votre mémoire, c'est le moins qu'on puisse dire, établit des records de concision et de clarté. Essentiellement, vous nous dites: Au sens de la loi, nous ne sommes pas un ordre professionnel, mais nous ressemblons tellement à un ordre professionnel à tant d'égards que nous voudrions être soumis au même régime en ce qui a trait à l'accès à l'information. Dites-moi très franchement, parce que je ne connais rien au courtage, dans la vie de tous les jours, qu'est-ce que ça changerait à votre pratique d'obtenir ce que vous revendiquez?

M. Nadeau (Robert): Alors, écoutez...

Le Président (M. Boulianne): Alors, M. Nadeau.

n(17 h 20)n

M. Nadeau (Robert): Oui, merci, M. le Président. Alors, écoutez, il est essentiel, lorsque le public s'adresse à nous pour obtenir de l'information, qu'on ait au moins les mêmes paramètres. Actuellement, il n'y en a aucun ou à peu près pas. Il y a la décision de la Commission d'accès à l'information, mais nous la jugeons un peu difficile d'application dans le contexte où, par ailleurs, des organismes similaires au nôtre, il y a à peu près rien qui s'est fait jusqu'à... Il y a pas de décision formelle à l'effet qu'une des deux lois actuellement en vigueur au Québec s'applique à eux. Alors, on est un petit peu, à toutes les fois, entre l'arbre et l'écorce afin de répondre au public, parce qu'on veut bien l'informer, on veut pas outrepasser les droits qu'on a, non plus, en vertu de ces différentes lois là si elles s'appliquent à nous. Donc, on est toujours face à deux régimes et on est donc toujours face à débattre avec le public, ce qu'on souhaite pas, dans quelle position on doit se trouver.

Le Président (M. Boulianne): Oui, M. le ministre.

M. Facal: Le fait d'être, comme vous le demandez, assujettis, en ce qui a trait à l'accès à l'information, aux mêmes dispositions que les ordres professionnels, à supposer que c'était le cas, est-ce que, dans votre cas, dites-moi-le bien franchement, c'est comme une première étape pour essayer de faire cheminer vos gens vers le statut de profession à part entière et, à terme, relever comme tel aussi de l'Office des professions?

Le Président (M. Boulianne): Merci.

M. Nadeau (Robert): Ça va.

Le Président (M. Boulianne): Oui?

M. Nadeau (Robert): Merci.

Le Président (M. Boulianne): M. Nadeau.

M. Nadeau (Robert): Non, cette démarche-là n'est pas dans ce but-là, puisque la démarche a déjà été faite par le passé. Ça a déjà été soumis à nos membres, on a déjà même adressé une demande à l'Office des professions en 1998. Non, c'est juste qu'il y a un constat à l'interne, chez nous, dans le fonctionnement de l'Association, c'est qu'être un petit peu, là... ne relevant pas des mêmes règles que les autres ordres professionnels, on se retrouve souvent devant les tribunaux pour essayer de faire éclaircir notre statut.

C'est pas une étape de plus, parce que, si je relevais les étapes, là, bon, en 1996, on nous a dit: Vous allez vous occuper de l'exercice illégal, on a calqué le Code des professions. On fait référence au Code des professions à deux ou trois endroits dans notre loi. Non, c'est vraiment de dire: Est-ce qu'on peut éviter qu'on ait des fonctionnements différents vis-à-vis le public qui est consommateur de services chez nous et d'être capable de lui donner exactement la même réponse, d'avoir les même balises, d'être exactement au même diapason, ne serait-ce qu'en vertu de la jurisprudence qui va émaner forcément, là, quelque part suite à l'adoption de ce projet de loi là?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Nadeau. M. le ministre.

M. Facal: À votre connaissance, est-ce qu'il existe des associations... dans d'autres domaines, des associations professionnelles qui ressemblent à des ordres mais n'en sont pas et qui vivent, dans leur domaine, la même problématique que vous? En d'autres termes, vous voyez où je veux en venir, l'introduction d'un cas un peu atypique pourrait-il avoir des effets d'entraînement pour d'autres?

Le Président (M. Boulianne): M. Nadeau.

M. Nadeau (Robert): Merci. Écoutez, à ma connaissance, il y aurait peut-être au niveau du Bureau des services financiers et des deux Chambres, la Chambre de la sécurité financière et d'assurance de dommages, qui ont des services de syndic. En tout cas, à eux il y aurait aussi certainement des implications. Ils ont peut-être pas été confrontés comme nous à être obligés de débattre de façon juridique des problèmes d'accès aux renseignements personnels. Je me suis pas informé non plus auprès de ces organismes-là, mais, à ma connaissance, ce sont les deux seuls autres organismes si je parle des deux Chambres qui relèvent du Bureau des services financiers, qui pourrait avoir la même problématique que nous, où le mot «syndic» apparaît, où le processus d'inspection, le processus disciplinaire est semblable au nôtre et qui n'appartient pas à l'Office des professions.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Nadeau. M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Bonjour. Très brièvement, pourriez-vous clarifier de nouveau le problème pour moi? Je suis pas sûr de bien saisir votre demande. Deux jugements ont été rendus, c'est-à-dire une décision de la CAI, l'autre, un jugement de la Cour du Québec, j'imagine. Est-ce que vous êtes assujettis ou vous ne l'êtes pas présentement en fonction des décisions rendues?

M. Nadeau (Robert): En fonction d'une décision rendue par la Commission d'accès à l'information, cette décision-là dit que nous, on est assujettis à la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Or, nous ne sommes pas une entreprise privée, on est quoi, un corps public... Je pourrais peut-être vous le résumer en vous disant qu'on est probablement une personne morale de droit public.

M. Ouimet: Donc, ils vous ont dit: Vous êtes assujettis à la loi, volet...

M. Nadeau (Robert): Dans le secteur privé, alors que nous...

M. Ouimet: Dans le secteur privé. Est-ce que vous avez été obligés de donner accès à certains documents ou pas?

M. Nadeau (Robert): La décision finale, je pourrais peut-être demander à Me Barsalou de vous en...

Le Président (M. Boulianne): Oui, M. Barsalou.

M. Barsalou (Claude): Oui, bonjour. Pas dans ce dossier-là en particulier, parce que, en vertu de l'article 40 de la Loi sur la protection, il a été décidé, là, que la personne, la demanderesse n'aurait pas accès aux documents demandés.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, M. le député.

M. Ouimet: Donc, est-ce qu'il y a un problème juridique ou pas?

M. Nadeau (Robert): Bien, le problème, c'est que si on demeure... Actuellement, le domaine... C'est que de se faire dire qu'on est assujettis à la Loi sur la protection des renseignements personnels en entreprise privée alors que nous ne sommes pas une entreprise privée, dans un premier temps, ça nous chatouille un peu. Et, deuxièmement, c'est qu'on va créer avec le projet de loi n° 122 toute une série d'encadrements pour les ordres professionnels. Nous ne faisons pas partie de l'Office des professions, et, de ce fait, il y aura encore une fois deux régimes qui vont se maintenir.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Nadeau. M. le député.

M. Ouimet: Bien, peut-être une question pour Me Barsalou, là. Est-ce qu'il n'était pas opportun à ce moment-là de tenter de faire clarifier par un tribunal supérieur, la Cour du Québec en l'occurrence, ou par le biais d'un jugement déclaratoire, là... Je suis moins familier avec les possibilités juridiques à cet égard-là, mais de faire statuer clairement le statut juridique de l'Association.

M. Barsalou (Claude): La décision de la Commission d'accès a été rendue le 5 mai 2000, et, à ce moment-là, ce qui avait été décidé à l'époque, c'était de faire certaines représentations au niveau du projet de loi n° 122 tout simplement.

M. Ouimet: Alors, vous avez choisi la voie d'aller devant le législateur au lieu d'aller devant les tribunaux.

M. Barsalou (Claude): Oui.

M. Ouimet: Très bien.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député. M. le député d'Iberville, vous avez une question puis vous avez du temps.

M. Bergeron: Parfait. Alors, dans... Alors, bienvenue, MM. Nadeau et Barsalou. Dans votre mémoire, donc, dans la page... 1, 2, 3, 4, le cinquième paragraphe, on dit: «En outre, la Loi sur le courtage immobilier renvoie à certaines dispositions du Code des professions, notamment à celles relatives à l'introduction et à l'instruction d'une plainte reçue par le comité de discipline.» O.K.? Et, à un moment donné, c'est qu'on parle... Bon, quand on parle de plainte reçue par le comité de discipline, ça veut dire, ça, une plainte, donc, vis-à-vis quelqu'un qui est membre de votre Association ou encore ça peut être quelqu'un qui s'arroge le privilège d'être courtier, mais qui n'a pas suivi le cours ou qui n'a pas le titre. Est-ce que c'est ça?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député. M. Nadeau.

M. Nadeau (Robert): Merci. Pas exactement. Au niveau de la discipline, c'est uniquement envers les membres, les courtiers et les agents immobiliers au Québec. C'est-à-dire que, suite à une demande d'enquête qui a été adressée au bureau du syndic, le syndic fait enquête et, s'il croit qu'il a la preuve suffisante, va déposer une plainte formelle devant le comité de discipline. L'autre volet dont vous avez fait part, c'est ce qu'on appelle l'exercice illégal. On s'occupe aussi de l'exercice illégal, mais ça, c'est présenté devant les cours... la Cour du Québec, division criminelle, pour les plaintes pénales, ceux qui exercent sans avoir le titre.

M. Bergeron: Mais, du fait que vous n'êtes pas assujettis au Code des professions et que vous y recourez lorsque le besoin se fait sentir, il y a pas là une certaine forme de ? comment dire? ? malaise ou... Comment je pourrais dire? Vous utilisez le Code des professions quand ça fait votre affaire... Non, j'exprime mal ma pensée, mais c'est que vous l'utilisez, mais vous n'y êtes pas assujettis. C'est bien ça?

M. Nadeau (Robert): Ça va? Je peux...

Le Président (M. Boulianne): Oui, allez-y, M. Nadeau.

M. Nadeau (Robert): Oui. Alors, écoutez, non, c'est que la loi... À des endroits spécifiques dans la loi, on dit: Pour l'introduction d'une plainte disciplinaire, vous référez aux articles 160 à... Attendez, je vais vous citer l'article spécifiquement. Alors, c'est les articles 135, 136 de la Loi sur le courtage immobilier où on nous indique: «Les articles 126 à 161 du Code des professions relatifs à l'introduction et à l'instruction d'une plainte ainsi qu'aux décisions et sanctions la concernant s'appliquent, compte tenu des adaptations nécessaires, aux plaintes que reçoit le comité de discipline.» Et 136 fait aussi une référence au Code des professions, à l'article 164 à 177.1, compte tenu des adaptations nécessaires en matière d'appel des décisions disciplinaires.

C'est que notre loi réfère spécifiquement au Code des professions, là. C'est pas parce que ça fait notre affaire, c'est que c'est ainsi actuellement.

Le Président (M. Boulianne): Ça va, M. le député? Vous avez encore...

M. Bergeron: Oui. Et une dernière question qui est plus générale: Par rapport au contexte actuel des consultations et la future loi n° 122, qu'est-ce que vous demandez? Qu'est-ce que vous sollicitez par rapport à la loi qui sera éventuellement, disons, débattue et votée à l'Assemblée nationale?

n(17 h 30)n

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député. M. Nadeau.

M. Nadeau (Robert): Bien, bien entendu, on aimerait y voir un amendement apporté à l'effet que les articles qui vont être apportés au Code des professions soient référencés pour nous aussi, c'est-à-dire qu'on ait un régime semblable au niveau de l'organisation et de la divulgation des renseignements personnels dans ce cas-ci. Alors...

Le Président (M. Boulianne): C'est noté?

M. Nadeau (Robert): Oui.

Le Président (M. Boulianne): Ça va? Ça va, M. Barsalou, M. Nadeau?

M. Nadeau (Robert): ...nous, on avait, à titre vraiment, vraiment... De façon primaire, on avait déposé sur papier quel pourrait être le libellé de cet article. Je sais pas si la commission veut en prendre connaissance. Si vous voulez, on peut le distribuer, mais c'est très simple. Mais, on se prétend pas légistes, là, on a juste voulu coucher sur papier à quoi ça pourrait ressembler.

Document déposé

Le Président (M. Boulianne): Alors, c'est très bien. M. Nadeau, on va prendre votre dossier. On vous remercie beaucoup, la commission, donc, pour votre mémoire, M. Barsalou et M. Nadeau.

Alors, la commission va suspendre ses travaux jusqu'à ce soir, 20 heures, où on reprendra au salon rouge avec la Protectrice des citoyens.

(Suspension de la séance à 17 h 31)

 

(Reprise à 20 h 3)

Le Président (M. Simard, Montmorency): ...chers amis, bonsoir. Je constate que nous avons quorum. Est-ce un appel pour le quorum en Chambre? Sans doute.

Donc, j'appelle le Protecteur du citoyen à se joindre à nous, notamment Mme Pauline Champoux-Lesage. Alors, Mme Champoux-Lesage, soyez la bienvenue parmi nous. C'est toujours un très grand plaisir que de vous accueillir. Auriez-vous la gentillesse de nous présenter les personnes qui vous accompagnent?

Protecteur du citoyen

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Volontiers, M. le Président. Alors, à ma gauche, Me McNicoll, qui est responsable plus particulièrement de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels et, à ma droite, Me Jean-Claude Paquet, qui est notre conseiller juridique.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Alors, Mme la Protectrice du citoyen, mille excuses pour le délai que nous vous occasionnons, et nous vous remercions beaucoup de votre précieuse collaboration. Alors, nous vous écoutons.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Merci, M. le Président. Mmes, MM. membres de cette commission, on vous remercie d'abord de nous accueillir ce soir pour nous permettre de faire valoir notre point de vue sur les modifications apportées à cette importante loi qu'est la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.

Le projet de loi n° 122 propose des améliorations substantielles et fort intéressantes. Des organismes qui échappaient à la juridiction de la Loi sur l'accès y sont maintenant assujettis: centres locaux, conseils régionaux de développement, ordres professionnels. En outre, le projet de loi élargit la notion d'organismes municipaux. Et, en plus, les décisions du gouvernement et du Conseil du trésor qui n'étaient pas accessibles le deviendront désormais après 25 ans.

Au chapitre de la protection des renseignements personnels, des précisions utiles sont apportées à la notion de consentement et aux mesures de sécurité qui doivent assurer la confidentialité des renseignements personnels.

Je tiens à signaler également les dispositions visant à favoriser une plus grande efficacité de la Commission d'accès à l'information et, donc, une amélioration de la qualité des services aux citoyens. Je réfère ici au fait qu'un seul commissaire pourrait exercer les pouvoirs d'enquête au lieu de trois, comme c'est le cas actuellement, et à la possibilité qu'un commissaire remplacé puisse continuer à exercer ses fonctions pour les demandes de révision ou les demandes d'examen de mésentente qu'il a déjà commencé à entendre.

Le Protecteur du citoyen avait proposé une modification qui allait dans ce sens dans son mémoire sur le projet de loi n° 451, qui a précédé celui-ci. D'ailleurs, certaines dispositions dont le Protecteur du citoyen avait souhaité la disparition lors de la consultation publique sur le projet de loi n° 451, et ceci en 1998, ne figurent plus dans l'actuel projet de loi. Il s'agit de l'article 7, qui permettait de refuser l'accès à un renseignement dont la divulgation aurait pu révéler une politique budgétaire, et des articles 24 et 25 qui permettaient au gouvernement, en cas d'urgence, de déroger à l'obligation de publier un avis préalable lorsqu'il approuvait une entente sur laquelle la Commission d'accès à l'information avait donné un avis défavorable.

Alors, ce soir, mes remarques se limiteront à trois aspects seulement du projet de loi. J'aborderai les renseignements à caractère public, ce qui touche l'Institut de la statistique du Québec et, plus particulièrement, l'article... en conclusion, l'article 62.

Les renseignements personnels à caractère public. Dans son mémoire d'octobre 1997 concernant la révision quinquennale, tout en appuyant la recommandation de principe de la Commission d'accès à l'information pour la modification de l'article 55 de la Loi sur l'accès afin de limiter la diffusion de banques de données qui contiennent des renseignements personnels à caractère public, le Protecteur du citoyen proposait que l'on procède au préalable à une analyse exhaustive de toutes les dispositions législatives et réglementaires qui confèrent un caractère public aux renseignements personnels dans le but de déterminer les finalités actuelles de ces dispositions: les usages actuels tant du secteur public que du secteur privé, les finalités considérées comme légitimes dans une société libre et démocratique et les modalités d'accès et de diffusion propres à assurer le respect de ces finalités.

Cette proposition était motivée par la nécessité d'encadrer l'accès aux renseignements personnels à caractère public, car ceux-ci, du fait qu'ils sont publics, ne jouissent d'aucune protection. Ainsi, il était théoriquement possible d'obtenir des banques de données complètes sur des personnes physiques, simplement parce que ces renseignements avaient un caractère public. Que l'on songe, par exemple, aux rôles d'évaluation. La finalité elle-même du caractère public, c'est-à-dire la raison pour laquelle une loi confère un caractère public à un certain type de renseignements, ne pouvait servir à restreindre l'accès.

Les renseignements sur les personnes physiques sont confidentiels. C'est la règle. Le caractère public de ces renseignements est une exception et doit être traité comme tel. De plus, étant donné que les finalités pour lesquelles un renseignement personnel a un caractère public et la justification de ces finalités ont été déterminées souvent à des époques antérieures à l'utilisation massive des technologies, il importe donc de réexaminer la pertinence et la légitimité de ces finalités dans le contexte actuel.

L'article 13 du projet de loi n° 451 proposait une disposition qui, sans répondre entièrement aux voeux du Protecteur du citoyen, comportait une importante amélioration. En limitant l'accès à ces renseignements à l'unité, l'article proposé évitait la constitution incontrôlée de banques de données sur les personnes physiques, tout en respectant la finalité du caractère public du renseignement. Mais le projet de loi n° 122 ne comporte plus un tel article. Or, il y a nécessité de procéder à une véritable analyse des finalités des renseignements personnels à caractère public en raison de l'absence d'énoncés clairs sur les finalités de ces renseignements et de principes directeurs à l'égard de l'accès et de la diffusion de ces renseignements.

Le législateur en est certes conscient, mais il a choisi un autre projet de loi, le projet de loi n° 161 sur le cadre juridique des technologies de l'information, pour intervenir à ce sujet. En effet, les articles 24 et 68.2 du projet de loi n° 161 correspondent assez exactement aux préoccupations évoquées.

n(20 h 10)n

Ils se lisent ainsi: «Pour assurer le respect de la finalité pour laquelle a été rendu public un document technologique qui comporte des renseignements personnels, l'utilisation de fonctions de recherche extensive à l'égard de tels renseignements peut être restreinte à cette finalité par la personne responsable de l'accès à ce document. Celle-ci doit voir à ce que les moyens technologiques soient mis en place pour assurer la protection de ces renseignements personnels et elle peut, eu égard aux critères élaborés en vertu de paragraphe 2° de l'article 68, fixer des conditions pour l'utilisation de ces fonctions de recherche.»

Et cet article 68 se lit comme suit: «[...] le gouvernement peut déterminer par règlement: [...]

«2° des critères d'utilisation de fonctions de recherche extensive de renseignements personnels dans les documents technologiques qui sont rendus publics pour une fin déterminée.»

Toutefois, le fait que ces dispositions, qui concernent essentiellement les deux volets de la Loi sur l'accès aux documents et sur la protection des renseignements personnels, se retrouvent dans une autre loi comporte, à notre avis, deux conséquences importantes. Tout d'abord, la Loi sur le cadre juridique des technologies de l'information n'a pas le caractère prépondérant de la Loi sur l'accès, de sorte que ces dispositions n'auront pas l'impact qu'elles auraient dans la Loi d'accès. De plus, la Loi d'accès offre un recours en révision des décisions du responsable de l'accès aux documents devant la Commission d'accès à l'information. Ce recours spécialisé est accessible à l'ensemble des citoyens sans coûts pour ceux-ci, ce qui ne sera pas le cas dans le projet de loi n° 161 selon les informations qui nous ont été données à ce sujet.

Voilà donc deux avantages importants que n'offre pas la Loi sur le cadre juridique des technologies de l'information. Finalement, nous conseillerons que... La Loi sur l'accès est de plus en plus connue et utilisée par la population. Alors, pourquoi placer dans une autre loi des dispositions qui pourraient s'inscrire naturellement dans la Loi d'accès et compliquer de cette manière, d'une certaine façon, l'exercice des droits des citoyens? Alors, nous recommandons donc... Je recommande que le projet de loi n° 122 soit amendé afin que l'on y retrouve l'équivalent des articles 24 et 68.2 du projet de loi n° 161.

Maintenant, en ce qui concerne l'Institut de la statistique du Québec, l'article 110 du projet de loi édicte que «toute communication de renseignements personnels d'un organisme public à l'Institut dans le cadre de la mission de ce dernier est réputée nécessaire à l'application de la présente loi au sens de l'article 67 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.

«Est également réputée nécessaire, la communication de renseignements personnels par l'Institut à un organisme statistique d'un gouvernement autre que celui du Québec.»

En édictant que toute communication de renseignements personnels d'un organisme public à l'Institut et de l'Institut à un organisme statistique d'un gouvernement autre que celui du Québec est réputée nécessaire, le législateur crée une présomption à l'effet que cette communication est nécessaire. Nous référant à l'article 2847 du Code civil du Québec, le Protecteur du citoyen soumet qu'il s'agit là d'une présomption absolue. «La présomption légale est celle qui est spécialement attachée par la loi à certains faits; elle dispense de toute autre preuve celui en faveur de qui elle existe.

«Celle qui concerne des faits présumés est simple et peut être repoussée par une preuve contraire; celle qui concerne des faits réputés est absolue et aucune preuve ne peut lui être opposée.»

Une telle présomption n'existe pas à l'article 67 de la Loi sur l'accès à l'égard des autres organismes, de sorte que la Commission d'accès à l'information peut se prononcer sur le caractère nécessaire de la communication ou de la collecte d'un renseignement. En effet, l'article 67 édicte qu'«un organisme public peut, sans le consentement de la personne concernée, communiquer un renseignement nominatif à toute personne ou organisme si cette communication est nécessaire à l'application d'une loi au Québec». Le critère de la nécessité d'un renseignement est le socle sur lequel repose toute l'économie de la Loi sur l'accès. Si l'expression «réputée nécessaire» est maintenue à l'article 9.1 de la Loi sur l'Institut de la statistique du Québec, la Commission ne pourra pas se prononcer sur le caractère nécessaire de la communication. Cela équivaut, dans les faits, à amputer la Commission d'une partie essentielle de sa juridiction et constitue une façon détournée de soustraire un organisme public à l'application de la Loi sur l'accès même sans aucune référence à cette loi.

Il est vrai que l'Institut devra transmettre tous les trois mois un avis à la Commission lui indiquant le nom des organismes publics qui lui ont communiqué des renseignements, la nature ou le type de renseignements communiqués, l'objet de la recherche, les mesures de sécurité prises pour assurer le caractère confidentiel desdits renseignements. La Commission pourrait, le cas échéant, dénoncer publiquement les problèmes ou les abus qu'elle pourrait rencontrer, mais son pouvoir d'ordonnance, lui, aura disparu ou sera limité aux mesures de sécurité. Les citoyens et citoyennes qui voudraient, par exemple, porter plainte ou encore s'objecter à la communication de certains renseignements les concernant ne disposeront d'aucun recours.

La mission de l'Institut de la statistique du Québec est de «fournir des informations statistiques qui soient fiables et objectives sur la situation du Québec, quant à tous les aspects de la société québécoise». On peut donc sans peine prévoir qu'une quantité importante de renseignements nominatifs seront détenus et traités par celui-ci. Pour assurer le respect des droits reconnus par la Loi sur l'accès, la Commission d'accès à l'information doit conserver son entière compétence à l'égard de l'Institut de la statistique, et, par conséquent, je recommande que l'expression «réputée nécessaire» soit supprimée des paragraphes 1 et 2 de l'article 9.1 de la Loi sur l'institut de la statistique du Québec tel que modifié par l'article 110 du projet de loi n° 122.

Pour terminer, mentionnons que l'article 13 de la Loi sur l'Institut de la statistique du Québec... «Le gouvernement peut confier à l'Institut tout mandat connexe à la réalisation de sa mission.» Pour plus de transparence, ces mandats devraient figurer dans les avis trimestriels que l'Institut transmettra à la Commission d'accès à l'information. Alors, nous recommandons donc que tout mandat connexe à la réalisation de la mission de l'Institut que le gouvernement peut confier à celui-ci apparaisse dans les avis trimestriels à la Commission.

Dernier sujet, l'article 62 du projet de loi n° 122. L'article 62 prévoit que la Commission d'accès devra intégrer à son rapport quinquennal sur la mise en oeuvre de la loi un rapport sur les dispositions des lois qui énoncent expressément s'appliquer malgré la Loi sur l'accès.

La Loi sur le protecteur du citoyen contient effectivement, au deuxième paragraphe de l'article 34, une disposition dérogatoire qui restreint l'accès aux documents obtenus dans l'exercice de la fonction de Protecteur du citoyen ou d'adjoint, de fonctionnaire ou d'employé de ce dernier. Cette dérogation est le corollaire obligé du paragraphe précédent qui énonce que nul ne peut être contraint de faire une déposition ni de produire un document contenant un renseignement obtenu dans l'exercice des fonctions ci-haut mentionnées.

Quant à l'exercice de la mission du Protecteur du citoyen, c'est une disposition de la Loi sur l'accès elle-même, l'article 171.3, qui sauvegarde ses pouvoirs d'accéder à tout document auprès de tout organisme public.

Il convient d'être vigilant à l'égard de toute disposition qui pourrait éventuellement porter atteinte à l'indépendance du Protecteur du citoyen. Le Protecteur ne doit pas se retrouver dans la situation où l'exercice de ses pouvoirs d'intervention serait examiné par un organisme sur lequel il a compétence, donc sur lequel il exerce ces mêmes pouvoirs d'intervention.

Dans le but de préserver l'indépendance du Protecteur du citoyen comme personne désignée par l'Assemblée nationale, je vous demande qu'une modification soit apportée en ce sens au projet de loi n° 122. Je reconnais par ailleurs qu'il est tout à fait légitime et de saine administration que le gouvernement et l'Assemblée nationale aient un tableau complet de l'ensemble des dispositions qui dérogent à la Loi sur l'accès. Aussi, si telle était la volonté du gouvernement, le Protecteur du citoyen pourrait rendre compte de la nécessité et de l'utilisation de ces dispositions dans son rapport annuel.

Alors, je recommande donc que l'article 62 du projet de loi n° 122 soit modifié de manière à préserver l'indépendance du Protecteur du citoyen à l'égard de la Commission d'accès à l'information, soit en l'excluant soit en mentionnant que celui-ci rendra compte dans son rapport annuel.

En conclusion, le Protecteur du citoyen est d'avis que la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels est la pièce maîtresse de notre législation en matière de protection des renseignements personnels par les ministères et organismes publics. Outre sa fin propre, elle doit contribuer à façonner la mentalité des officiers publics en ce qui concerne le respect dû à la vie privée des citoyens. C'est pourquoi elle doit avoir un certain caractère d'absolu et de prépondérance sur les autres lois. Il faut donc éviter le plus possible d'introduire dans des lois particulières des exceptions qui viendraient en restreindre la portée ou en nier la finalité. Je vous remercie.

Le Président (M. Simard, Montmorency): C'est nous qui vous remercions, Mme Champoux-Lesage, pour la concision et la clarté de vos propos. Je cède maintenant la parole à M. le ministre.

M. Facal: Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais, moi aussi, souhaiter la bienvenue à Mme Champoux-Lesage, Mme McNicoll et M. Paquet. Je vous remercie pour votre contribution à nos travaux.

Vous estimez que, règle générale, le projet de loi n° 122 apporte des améliorations substantielles à la situation actuelle, et je m'en réjouis, notamment par l'élargissement du champ d'application, le raccourcissement des délais d'accessibilité aux décisions du Conseil exécutif et du Conseil du trésor. Vous notez également la plus grande importance donnée à la notion de consentement. Vous êtes aussi en accord avec les modifications visant à améliorer l'efficacité de la Commission.

Je m'en tiendrai donc à deux points. Le premier concerne la mission même du Protecteur, la Protectrice en l'occurrence. J'ai un peu de peine à comprendre la portée exacte de ce que vous dites à la page 11. Vous commencez en disant que l'article 171.3 de la Loi sur l'accès sauvegarde les pouvoirs du Protecteur. Fort bien, vous trouvez cela positif, mais, au bas de la même page, vous nous demandez, afin de préserver cette indépendance du Protecteur à l'égard de la Commission, de modifier l'article 62 de 122.

Pourriez-vous expliciter un peu plus afin de m'aider à comprendre un volet que je n'ai pas suffisamment creusé jusqu'à maintenant? Qu'est-ce qui, dans 122, vous fait craindre pour l'indépendance du Protecteur?

n(20 h 20)n

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Je vais demander à Me McNicoll, si vous permettez, de répondre à cette question.

Mme McNicoll (Micheline): Ce qui nous fait craindre, bon, il y a aussi, dans la Loi sur le Protecteur du citoyen, l'article 34 qui, malgré la Loi sur l'accès... Donc, nous avons une disposition dérogatoire.

Et on ne sait pas non plus si 171, l'article lui-même, l'article 171, paragraphe 3°... Parce qu'on a, dans la Loi sur l'accès aux documents, une disposition qui comme déroge elle-même à la Loi sur l'accès pour sauvegarder les pouvoirs du Protecteur. Alors, est-ce que, dans le rapport quinquennal qui est demandé à l'article 62, la Commission va également remettre en question l'article 171.3 qui nous touche précisément? Parce qu'on dit bien «malgré les articles 168 et 169». Alors, c'est dans la Loi sur l'accès même qu'il y a un «malgré» ses propres articles. Ça devient comme une disposition malgré la Loi sur l'accès, et c'est vraiment nos pouvoirs de commissaire enquêteur. Alors, ils pourraient être remis en question. Et également l'article 34 qui fait qu'on n'a pas à témoigner ou à donner accès à des documents qu'on a reçus dans l'exercice de nos fonctions. Donc, il y a cette interprétation qui pourrait... On ne sait pas si ça va être interprété comme ça, 171.3, mais ça pourrait fort bien l'être étant donné que ça commence par «malgré».

Et le Protecteur du citoyen a compétence sur certaines activités de la Commission d'accès à l'information, évidemment pas ses fonctions quasi judiciaires bien sûr, mais toutes ses fonctions comme de... On peut recevoir des plaintes à l'égard du comportement, des délais d'action de la Commission. On reçoit bon an, mal an quelques plaintes contre la Commission et on exerce nos pouvoirs, qui sont protégés. Mais on sait pas non plus, là, dans quelle mesure ça pourrait être remis en question sur un organisme qui va, via un rapport, examiner nos propres pouvoirs d'intervention. Alors, on trouve que la situation est assez ambiguë pour demander au législateur de la clarifier dans le sens où vraiment ça va être sauvegardé. Et le Protecteur a aucune réticence, comme Mme la Protectrice l'a dit, à rendre compte de l'utilisation de la manière dont on le lui demandera. C'est la situation.

M. Facal: Alors, je vous promets qu'on va regarder cette question très attentivement et qu'on va bien prendre soin de trouver un libellé satisfaisant. Depuis le début, nous disons que le projet de loi nous apparaît globalement bon, mais qu'il est bonifiable. Pour le reste, excusez-moi pour mon timbre de voix. Comme je vous disais tout à l'heure, l'important au moins en commission, c'est d'écouter, et, Dieu merci, c'est avec les oreilles que j'écoute.

L'autre question porte sur Statistique Québec. Je dois vous dire que j'ai un pincement au coeur quand on aborde Statistique Québec parce que j'ai un lien... Je ne sais pas s'il faut l'appeler un lien d'amour avec Statistique Québec, mais, quoi qu'il en soit, pour la petite histoire, la création de Statistique Québec est issue des recommandations d'un rapport de groupe de députés que je présidais avec feu Camille Laurin. C'était notre grande idée, ça, ramasser en un endroit, sur le modèle de Statistique Canada ? tout ce qui se fait à Ottawa n'étant pas nécessairement mauvais ? quelque chose ici, propre au Québec, qui ne connaissait jusque-là que l'éparpillement partout à travers le gouvernement, en matière de collecte des données.

Or, dans la rédaction de 122, on a bien pris soin, concernant Statistique Québec, d'introduire des contrôles a priori, des contrôles a posteriori, des serments pour les gens qui travaillent à Statistique Québec, des rapports aux trois mois. Moi, je pensais que vraiment on avait mis la ceinture et les bretelles, et vous dites que c'est toujours pas assez et qu'il y a des problèmes à Statistique Québec. Illustrez-moi concrètement, par des exemples, les insuffisances ou les dérapages qui pourraient résulter si s'appliquait ce qui est prévu au projet de loi.

Mme McNicoll (Micheline): Notre seul point, M. le ministre, c'est l'expression «réputée nécessaire». J'avoue qu'on l'a retournée dans tous les sens, on l'a même comparée avec d'autres... un autre projet de loi actuel, le projet de loi n° 14 sur le ministère du Revenu, où on dit: Bon, la loi... Telle chose est nécessaire à l'application de la loi, une autre chose est nécessaire à l'application de la loi. C'est le vocabulaire habituel. Et là on se trouve avec une disposition où on dit: C'est réputé nécessaire au sens de l'article 67, et notre seul propos est celui-ci, pourquoi... D'abord, vu que c'est le même législateur qui écrit toutes les lois et qu'il ne parle pas pour ne rien dire, pourquoi mettre «réputée nécessaire»? Et ce qui nous est apparu, c'est que ça créait une présomption que tout ce qui allait transiter, entrer, sortir, arriver à l'Institut de la statistique ne pouvait pas être regardé d'aucune façon, il y avait une présomption que c'était nécessaire, et personne ne peut contester ça, personne ne peut le critiquer, personne ne peut le remettre en question.

Si c'est la volonté du législateur, bon, bien ça mérite qu'on en reparle. Si c'est pas la volonté du législateur, alors, bon, il faudrait peut-être dire simplement qu'il y a des choses qui sont nécessaires, comme dans les autres lois. Et l'Institut de la statistique, pourquoi serait-il placé... aurait-il un statut différent des autres organismes publics? Tout le monde doit rendre compte, tout le monde... Il y a pas de présomption nulle part que ce fait quelqu'un est bien. Et c'est nécessaire qu'il y ait cette transparence et cette ouverture à la critique et à la contestation, si nécessaire. C'est notre point de vue.

M. Facal: Alors, ici encore, sans présumer du libellé final, nous allons le regarder, parce qu'il est, en effet, indéniable que beaucoup de groupes, beaucoup d'intervenants semblent avoir des problèmes avec ce choix de mots, «réputée nécessaire». Si beaucoup de gens ont la même impression, il y a des chances qu'il y ait quelque chose là, on va le regarder. Pour moi, ça suffit, M. le Président.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Très bien, M. le ministre. Y aurait-il d'autres députés? M. le député d'Iberville, et vous souhaitez intervenir.

M. Bergeron: C'est toujours concernant l'Institut de la statistique du Québec. Les nouvelles dispositions ne permettent-elles pas à la Commission d'accès à l'information d'assurer un rôle de surveillance suffisant par rapport à la protection des renseignements personnels?

Mme McNicoll (Micheline): Oui, c'est vrai qu'il y a quand même une bonne transparence, puis la Commission exerce un rôle de surveillance, mais, ainsi qu'on le souligne dans notre mémoire, le caractère nécessaire d'un renseignement, c'est le socle de la Loi sur l'accès et la protection des renseignements personnels. Si on coupe ça, on coupe le nerf de la guerre, si on veut. Si on peut plus mettre en cause le caractère nécessaire d'une loi, bien ce qui reste, c'est... Il y a des questions importantes qui restent aussi, mais la base même, le principe même est mis de côté. Alors, c'est...

Et ça crée un statut particulier pour l'Institut de la statistique, et, en tout cas, à nos yeux, on ne voit pas pourquoi il aurait un statut particulier. C'est un organisme public qui a une mission différente d'un ministère ou d'un organisme mais, quand même, doit être soumis aux mêmes prescriptions de la loi.

n(20 h 30)n

Le Président (M. Simard, Montmorency): Une autre question, M. le député d'Iberville? Alors, je cède la parole au porte-parole de l'opposition officielle, M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Avant de saluer le Protecteur du citoyen, petite question pour le ministre: Est-ce que les délais s'allongent? Est-ce qu'il va me donner accès au document que je lui demandais un peu plus tôt dans la journée?

M. Facal: Bien, comme j'ai eu l'occasion de le dire hors micro au député de Marquette, je poursuis ma réflexion sur sa requête, mais j'incline à penser que le document qu'il demande a un caractère personnel et que je risque d'avoir très envie de vouloir le garder pour moi.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Oui, mais, chers amis, je vous rappelle que vous êtres hors d'ordre. Ha, ha, ha! Voilà. Les questions s'adressent, ici, à nos invités. Merci.

M. Ouimet: Alors, ça fait partie de la problématique, voyez-vous, que plusieurs ont dénoncée, cette manie du secret du gouvernement, de garder les choses et de ne pas les partager, parce que, dans le fond, tout ce que nous demandons, c'est l'analyse qui a été faite par le ministère des différents mémoires. C'est un outil de travail intéressant pour tous les parlementaires, mais on voit que ça fait objet de secret, de rétention d'information. Alors, M. le Président, ça fait partie des problèmes.

Mme Champoux-Lesage, je vous salue ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Ça m'amène à ma première question. Et, peut-être, j'ai mal compris le rôle du Protecteur du citoyen, mais, par rapport à la problématique de l'accès aux documents publics, votre mémoire en traite à peu près pas, à part de dire que certains organismes, dorénavant, y seront assujettis. Vous faites référence aux centres locaux, aux conseils régionaux de développement, et, là-dessus, je vous dirais que, hier, le ministre plaidait auprès de l'Association des CRD... de régions, de Québec... Je me souviens plus, là, du nom exact, mais plaidait davantage, là, pour leur indiquer toutes les restrictions qui étaient à portée de la main et les invitait, dans le fond, à être moins virulents par rapport à leur assujettissement.

Mais, dans ma compréhension du rôle du Protecteur du citoyen, il y a deux volets. En ce qui concerne la Charte québécoise des droits et libertés, vous traitez beaucoup de la question de la protection des renseignements personnels, et ça, ça va, mais la question de l'accessibilité aux documents pour les citoyens... La Fédération des journalistes du Québec nous indiquait, aujourd'hui, qu'à peu près 71 % de citoyens, entre 1992 et 1997, ont fait des demandes de révision devant la Commission d'accès à l'information, éprouvent des problèmes. La documentation n'est pas accessible, le gouvernement, l'appareil gouvernemental, les organismes retiennent l'information, invoquent les délais de 20 jours, rajoutent un délai de 30 jours, et puis, par la suite, les organismes qui sont condamnés, dans le fond, à donner accès aux documents... par la suite vont en appel devant la Cour du Québec. Alors, il y a une problématique, mais que vous ne semblez pas adresser dans votre mémoire. Est-ce qu'il y a une raison particulière?

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Le choix qui a été fait de retenir ces trois points-là, c'est un choix qui a été fait déjà il y a presque... je dirais, presque un an.

M. Ouimet: Un an, oui, et vous n'étiez pas là, je le sais.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Non, c'est pas que j'étais pas là, c'est que, quand on analyse des projets de loi ou des projets de règlement, on cible généralement deux ou trois points. Maintenant, je le sais pas, moi, j'ai pas de données statistiques, je sais pas si Me McNicoll peut donner davantage de renseignements concernant les plaintes ou ce qu'on a par rapport aux demandes de renseignements.

Mme McNicoll (Micheline): Les...

M. Ouimet: Oui, mais pourquoi le choix n'a-t-il pas été fait de mettre l'accent sur le volet d'accès aux documents? Parce que c'est un problème dans les ministères. J'ai été président de commission scolaire, vous avez été sous-ministre en titre à l'Éducation, il y a cette tendance, dans l'appareil gouvernemental, à ne pas divulguer les informations. C'est quand même un problème. Moi, j'en suis beaucoup plus conscient que je ne l'étais à l'époque où j'étais président de commission scolaire, mais c'est un problème important, à tel point que certains nous demandent une réforme en profondeur de la loi. Et le Protecteur du citoyen, que vous incarnez, arrive devant nous, en commission parlementaire, et n'en parle à peu près pas.

Mme McNicoll (Micheline): Je vous signalerais que, dans le projet de loi n° 451, qui avait précédé le projet de loi n° 122, le Protecteur du citoyen avait demandé la disparition d'articles qui venaient restreindre l'accès. Lorsqu'il y a des dispositions comme ça qui sont un petit peu grosses, là, et qui démontrent une restriction à l'accès, on est intervenus.

Concernant les problèmes que vous évoquez et qui sont sûrement réels, le Protecteur du citoyen, dans sa mission, ne reçoit pas de plaintes à cet égard-là. Donc, nous n'avons pas de prétention à dire: Il y a un problème particulier là-dessus; il y a un problème particulier là-dessus. Et, lorsqu'on intervient sur des questions qui concernent l'accès et qui... très importantes, aussi importantes que le volet sur la protection des renseignements personnels, bien il faut qu'on ait un motif particulier, si vous voulez. Dans le projet de loi actuel, il y avait des améliorations. Aller pour 25 ans ou 20 ans, on pense que c'est pas vraiment notre... Par exemple, pour l'accès à certains documents, que nous, on n'a pas de problématique particulière là-dessus. Mais ça ne veut pas dire qu'on ne trouve pas ça important.

M. Ouimet: Vous avez eu des plaintes sur la question de l'Institut de la statistique du Québec?

Mme McNicoll (Micheline): Non, c'est à la lecture du projet de loi qu'on voit qu'il y a possiblement un problème d'interprétation.

M. Ouimet: Autre question maintenant. Les organismes qui échappent à l'assujettissement à la Loi sur l'accès, vous en mentionnez quelques-uns, vous ne mentionnez pas, par exemple, les sociétés de casinos, les sociétés qui relèvent d'Hydro-Québec, les OSBL qui ont été créés par le gouvernement, par l'actuel premier ministre, dans le fond, qui reçoivent, je pense, 735 millions de dollars de fonds publics, exclusivement des fonds publics, et qui ne sont pas assujettis à la loi. Là également, est-ce que c'est parce que vous n'avez pas eu de plaintes?

Mme Champoux-Lesage (Pauline): En fait, c'est qu'on s'est pas penchés de façon particulière sur cette question, mais, effectivement, on n'a pas eu de plaintes. Il y a pas de plaintes qui nous sont adressées dans ce domaine, parce que les plaintes d'accès vont à la Commission d'accès de manière générale. Donc, la nature des plaintes qui nous sont acheminées, c'est des plaintes qui vont toucher, comme l'évoquait Me McNicoll tout à l'heure, les délais dans le traitement des demandes des citoyens à l'endroit de la Commission d'accès, mais il n'y a pas de plaintes qui nous sont adressées ni sur l'accès comme tel ni sur la protection de certains renseignements.

M. Ouimet: Ça va, merci.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Alors, Mme la députée de La Pinière. Par la suite, M. le député de D'Arcy-McGee.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Mme la Protectrice du citoyen, Mme Champoux-Lesage, madame et monsieur du Protecteur du citoyen. Mme Champoux-Lesage, c'est la première fois que je vous vois en commission parlementaire depuis votre nomination à ce poste extrêmement important, donc je vous souhaite la plus cordiale des bienvenues, avec vos collègues, et je vous souhaite aussi bonne chance dans votre mandat qui est un bien grand défi.

Vous avez fait référence dans votre mémoire, à la page 5 et à la page 6, au projet de loi n° 161. Alors, comme vous le savez, je suis porte-parole de l'opposition officielle en matière d'autoroute de l'information, et on a eu justement à débattre de ce projet de loi qui est loin d'être terminé. Je tiens à vous signaler, puisque vous faites référence à l'article 24 du projet de loi n° 161, qu'il est suspendu, donc qu'il n'est pas encore adopté, et que nous avons énormément de difficultés avec le projet de loi n° 161 dans son libellé, dans la confusion et la lourdeur du texte et les difficultés que nous avons au niveau des impacts prévisibles et imprévisibles de ce projet de loi. Au moment où on se parle, la ministre responsable de l'Autoroute de l'information a présenté une motion d'ajournement. Donc, on sait pas si le projet de loi va être rappelé ni quand.

Mais, chose certaine ? on est dans le projet de loi n° 122 ? je dois vous dire que j'abonde dans le sens de ce que vous avez dit quand vous avez signalé les deux points, en fait, concernant le projet de loi n° 161, lorsqu'on parle de la recherche extensive dans l'article 24 et l'article 68, et vous dites que... Pourquoi le législateur a choisi de mettre ces dispositions dans un projet de loi qui n'a pas d'habilité prépondérante, d'une part, et que finalement ça représenterait des coûts pour les citoyens s'il fallait, d'une manière ou d'une autre, remettre en question... se défendre, finalement, concernant l'accès aux documents.

Alors, sur ce point-là, est-ce que vous avez une proposition concrète à faire pour que le projet de loi n° 122 intègre ces propositions-là? Est-ce que vous voulez les mettre dans certains articles du projet de loi? Est-ce qu'il y a des dispositions particulières que vous voulez introduire dans le projet de loi n° 122, ou dans la Loi d'accès, ou dans la modification de la loi d'accès à l'information en tant que telle?

n(20 h 40)n

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Ce que nous souhaitions ? et c'est un peu le sens de notre recommandation ? que ce qui est prévu dans ce projet de loi là puisse être mis dans la Loi d'accès, peut-être avec les modifications qui sont en discussion, mais que l'esprit même de ces dispositions-là nous semblait répondre à nos préoccupations.

Mme Houda-Pepin: D'accord. Parce que le projet de loi n° 161, comme vous le savez, il ne fait que transposer ce qui existe dans l'univers papier dans l'univers technologique. Donc, si vous, vous souhaitez un resserrement de la Loi d'accès, est-ce que vous souhaiteriez que les dispositions 24 et 68 du projet de loi n° 161 soient transposées telles quelles, où elles tiennent compte de l'univers papier et de l'univers technologique?

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Elles pourraient tenir compte des deux univers mais être incluses dans la Loi de l'accès.

Mme Houda-Pepin: O.K. D'accord. Très bien. Je pense que mon collègue voudrait poser...

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci. M. le député de D'Arcy-McGee, à vous la parole, cher ami.

M. Bergman: Merci, M. le Président. Mme Champoux-Lesage, merci pour votre présentation. Je veux retourner aux questions des filiales des sociétés de la couronne et le fait que le projet de loi en question est... sur cet aspect. Et est-ce que vous trouvez que c'est acceptable que des filiales des sociétés de la couronne puissent être traitées comme des sociétés privées? Et, bon, est-ce que vous pensez pas que ces sociétés doivent être sujettes à ces... les lois?

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Ça peut sûrement donner sujet à réflexion. Nous n'avons pas fait une étude très poussée, mais il va de soi que, idéalement, des sociétés comme Hydro-Québec ou autres pourraient être soumises à cette loi-là. À notre avis, ce serait sûrement un élément positif, oui.

M. Bergman: Dans les conclusions, vous dites que la Loi sur l'accès a un caractère absolu et prépondérance sur les autres lois. Est-ce que vous pensez... Et vous dites qu'«il faut donc éviter le plus possible d'introduire, dans des lois particulières, des exceptions qui viendraient en restreindre la portée ou en nier la finalité». Est-ce qu'on doit ajouter une provision dans ce projet de loi pour indiquer que ce projet de loi a prépondérance sur d'autres lois en ces matières pour suivre les conclusions de votre mémoire?

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Mais c'est une affirmation de l'état même de cette loi-là qui est une loi prépondérante. C'est le sens de la portée. Je ne sais pas si monsieur ou madame peut compléter, là, je ne suis pas...

M. Paquet (Jean-Claude): En fait, l'article 168 de la Loi sur l'accès prévoit déjà que les dispositions de la présente loi prévalent sur celles d'une loi générale ou spéciale postérieure qui leur seraient contraires, à moins que cette dernière loi n'énonce expressément s'appliquer malgré la Loi sur l'accès. Donc, il y a déjà cette clause dans la loi.

Mme Houda-Pepin: ...

Le Président (M. Simard, Montmorency): Non, fini. Très bien. Alors, chers amis, merci beaucoup de votre présence parmi nous et bonne fin de soirée.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Simard, Montmorency): J'appelle d'ores et déjà le Conseil de presse du Québec à se joindre à nous.

M. Maltais, M. Blackburn, M. Dumais, soyez les bienvenus parmi nous. Et nous tenons également, à vous aussi, à nous excuser pour le délai que nous vous avons imposé aujourd'hui. Nous vous remercions de votre collaboration. Alors, nous vous écoutons, cher ami.

Conseil de presse du Québec (CPQ)

M. Maltais (Robert): D'accord. Eh bien, merci de nous accueillir une seconde fois. On dirait que c'est l'année, d'ailleurs, des commissions parlementaires sur l'information. On apprécie d'ailleurs que le gouvernement se préoccupe autant d'information. L'angle est peut-être un peu différent, alors nous allons expliquer notre prise de position.

Je vous dirais tout de suite que notre président est retenu en France et regrette d'être absent ce soir. Et, donc, il y a deux membres du bureau de direction du Conseil. C'est important, le conseil, voyez-vous? C'est tripartite, donc on essaie toujours de faire en sorte que cette représentation tripartite, des membres du public que représente M. Blackburn, des journalistes, que représente Jacques Dumais, du Soleil, soit toujours respectée. Et, moi, comme je suis à la fois un ancien journaliste, ancien patron de presse, bon, alors, on peut dire que ça représente un peu les deux.

Je vais rappeler aussi que nous étions intervenus avec beaucoup de nuance en février devant cette même commission, n'est-ce pas, dans le dossier de la concentration de la presse. Et je vous rappelle ici que le Conseil, mon président et notre mémoire, nous avons dit et nous répétons, nous réitérons, si vous permettez, notre intention de faire partie de la solution et non pas du problème. Alors, nous sommes prêts, toujours, et ouverts à en discuter. Je pense qu'un conseil qui a 30 ans d'existence au Québec a réussi à aller chercher une crédibilité dans le milieu. Et vous savez que c'est difficile pour n'importe quelle organisation, n'importe quel gouvernement d'avoir parfois bonne presse et de la maintenir. Même pour un conseil de presse, c'est difficile d'avoir bonne presse, et parfois ça nous arrive de l'avoir. Alors, nous serons très ouverts à toute discussion qui pourra faire en sorte qu'on pourra contrer tout effet pervers dans la concentration de la propriété des organes de presse au Québec.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Alors, sachez que le message est bien entendu. Et nous sommes heureux de l'entendre d'ailleurs.

M. Maltais (Robert): Voilà. Alors, pour revenir, si vous voulez, sur le sujet du jour, écoutez, on dirait que c'est l'évaluation à peu près au même moment de la loi québécoise et canadienne, des deux législations au plan de Loi d'accès aux documents publics, d'un côté, ou à l'information, selon qu'on soit à Ottawa ou à Québec. Le hasard a fait que nous avons participé voilà à peine deux semaines à un forum public à Ottawa pour mesurer avec la communauté journalistique canadienne ? anglaise particulièrement, mais il y avait également des Québécois, dont nous ? ce bilan de la loi canadienne.

Malheureusement, l'ensemble de la communauté journalistique, incluant le Conseil de presse du Québec, celui de l'Ontario aussi, portons un jugement assez sévère sur près de deux décennies d'application de la loi canadienne, mais, heureusement, la loi québécoise, c'est à peu près au même niveau pour nous. Beaucoup, beaucoup de bonnes intentions. D'ailleurs, on félicite les législateurs sur cette loi-là. Le problème, c'est qu'elle ne passe pas. Nous ne nous retrouvons pas... Nous constatons même un... On peut dire que le constat est un constat de quasi-échec. Toujours est-il que 20 ans d'application de la loi n'ont pas permis de briser le mur du silence, n'ont pas permis de briser la culture du secret gouvernemental. C'est drôle, c'est triste un peu en même temps.

Alors donc, notre position, c'est d'essayer de suggérer modestement des avenues qui permettraient de faire en sorte que ce bon gouvernement, l'État québécois en particulier, soit transparent comme l'ensemble du peuple, la population, les citoyens, la communauté journalistique a droit. La liberté de presse est compromise là-dedans, le droit du public à l'information également. Il y a énormément d'entraves à l'intérieur déjà non seulement de la loi actuelle, mais particulièrement de ce qu'on voit comme projet de loi.

Mes collègues, ici, vont fournir avec moi, brièvement, quelques exemples qui font que c'est extrêmement difficile d'avoir recours à l'accès à l'information. M. Blackburn, Placide, a quelques exemples, a lu, entre autres, minutieusement le projet de loi, la loi actuelle et a vu énormément, dans ce projet de loi, d'entraves. Il y a déjà, déjà un certain nombre de difficultés à franchir. M. Blackburn.

M. Blackburn (Placide): Alors, ce serait à ce moment-ci que j'interviendrais? Alors, mon intervention se veut surtout un témoignage comme membre du public de la commission... du Conseil de presse. Avant, dans une vie antérieure, j'étais employé du réseau de la santé et des services sociaux et, à ce titre, au moment de l'entrée en vigueur de la loi, j'ai été chargé, dans l'établissement où j'étais, d'appliquer cette loi-là. J'étais aux centres des services sociaux, qui sont devenus maintenant les centres jeunesse, que vous connaissez.

Au départ, le volet accès aux documents publics a consisté, en fait, à faire un inventaire des documents qu'on devait... et mettre en place un système de transmission. Sommairement, à l'époque ? je dis bien à l'époque ? la procédure était la suivante. Une demande d'accès était adressée à un agent d'information, qui était transmise au responsable de l'accès qui émettait une opinion sur la pertinence, qui était transmise au directeur général et parfois même allait au président du conseil d'administration dans les situations plus complexes. Donc, c'était une procédure assez bureaucratique.

n(20 h 50)n

En réalité, à l'époque, on avait peu de demandes, et l'accent était mis surtout sur la protection des renseignements personnels qui était également balisée par la Loi sur les services santé et services sociaux où, comme vous le savez, la règle de confidentialité prime, c'est-à-dire la transmission d'informations, comme la loi actuelle le mentionne d'ailleurs, ne se fait qu'avec l'autorisation du client ou du bénéficiaire. Pour nous, en tout cas, à l'époque, pas d'autorisation ça égale pas de transmission d'information personnelle ou nominative, à moins qu'elle soit balisée par les lois comme la Loi sur la protection de la jeunesse ou la Loi sur les jeunes contrevenants. Je pourrais pas dire comment ça fonctionne maintenant, mais c'est certainement aussi bureaucratisé. Donc, il y a des étapes à franchir pour avoir un document. De sorte que ce que je voudrais surtout parler maintenant, c'est des documents personnels... c'est-à-dire des documents publics.

J'ai été sensibilisé, depuis que je suis au Conseil de presse... Je l'étais auparavant, mais j'ai été sensibilisé à la nécessité de la transparence dans les établissements publics. Cependant, comme M. Maltais le disait tantôt, j'ai relu les articles de la loi actuelle qui balisent la transmission d'information des documents publics, et, à la lumière de ces articles-là, on ne peut se surprendre du diagnostic posé par le Conseil, dont on va parler tantôt. Par exemple, les situations de refus de communiquer des renseignements vont de documents ayant des incidences sur les relations intergouvernements ? ça, ça dit: Quand il y a des incidences sur les relations intergouvernementales, surprenez-vous pas, messieurs, vous pouvez pas avoir affaire à ça, ça peut être refusé; sur les négociations entre les organismes publics; sur l'économie, par exemple, si ça favorise une personne ou ça la défavorise; un secret industriel; les négociations de contrats ? toute négociation de contrat, ça peut être refusé; tout risque pour la sécurité d'une personne; par exemple, toute négociation collective qui est en cours, ça peut être refusé; et, dans l'administration de la justice, ça, je pense qu'on n'est pas surpris, ce qui tout à fait normal.

Mais, surtout, ce qui m'a frappé, c'est que ? je cite pratiquement textuellement l'article de loi, là ? un organisme public peut refuser de communiquer toute version préliminaire ou tout texte législatif. Les textes législatifs, je pense que ça s'explique, mais toute version préliminaire, ce qu'on peut appeler, dans notre jargon, un document de travail.

Voilà l'essentiel des restrictions à la loi actuelle. Et j'ai cherché dans les modifications de la loi proposée, dans le projet de loi, et c'est resté intégral. Donc, vous avez toutes ces restrictions-là. Bien sûr, toutes ces restrictions-là, c'est sujet à interprétation. La personne qui reçoit la demande peut interpréter ça d'une façon très large, avec une optique de fermeture, ou avec une optique d'ouverture, ou avec, comme quelqu'un disait tantôt, la culture du silence.

Depuis que je suis au Conseil de presse, tout en ayant une opinion et une préoccupation d'utilisateur des médias, j'ai pu être influencé ? puis je pense qu'on devrait l'être un peu tous ? par la vision de l'importance de l'information, par la vision du droit à l'information libre, à la qualité de cette information et, surtout, à la liberté de presse, fondamentale dans toute démocratie. On pourra en parler tantôt.

Aussi, je pense ? ça sera la conclusion de mon intervention ? l'interprétation de la loi doit favoriser la transmission des documents publics plutôt que le secret. Et je pense que la mentalité doit changer, et le législateur doit l'indiquer clairement, et la Commission d'accès doit créer, je pense, ce climat de promotion et non le climat du secret.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci beaucoup, M. Blackburn. M. Maltais.

M. Maltais (Robert): Oui, d'accord. Écoutez, c'est sûr que mon collègue à gauche, ici, sans faire un long discours ? on a déjà fait des thèses de doctorat ailleurs ? peut rappeler quelques problèmes que nous avons au niveau concret, sur le plancher des vaches, quand on pratique le métier. C'est quoi, la culture du secret gouvernemental?

Le Président (M. Simard, Montmorency): ...M. Dumais.

M. Dumais (Jacques-T.): Quand vous avez un petit délai de 20 jours pour obtenir un document, si vous l'obtenez, mettez-vous à la place de n'importe qui, représentant de la presse radiophonique, télévisée, imprimée, ç'a pas de sens. Vous travaillez sur une base quotidienne, et on vous dit: Ça va prendre 20 jours avant d'obtenir une réponse. Alors, ça explique un peu pourquoi les journalistes ne sont pas les plus grands utilisateurs de la loi de l'accès à l'information.

On pensait... Parce que, là je nous reporte 20 ans en arrière, à l'époque de la commission Jean Paré, à l'époque de la première présidence de la Commission d'accès à l'information, Marcel Pepin, que je connaissais très bien, tout le monde avait un espoir extraordinaire dans cette Commission-là, ça allait faire éclater un peu l'information partout au Québec, dans toutes les officines gouvernementales, c'était une douce illusion. Mais, finalement, 20 ans plus tard, on s'aperçoit que ç'a pas donné grand-chose. Au contraire, l'appareil gouvernemental tend à resserrer un petit peu le verrou autour du secret de son fonctionnement, et on se demande pourquoi. Pourquoi gouverner en secret? C'est quoi, l'idée? On comprend pas. On comprend pas. Alors, finalement, mettez-vous à notre place, nous, qui avons à rapporter des événements quotidiennement... Oui.

Le Président (M. Simard, Montmorency): On vous écoute avec attention.

M. Dumais (Jacques-T.): Mettez-vous à notre place, à quoi ça sert, cette loi-là? C'est complètement inutile. Complètement inutile. Alors, c'est un peu, dans un premier temps, ce que j'avais à vous dire.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci beaucoup.

M. Maltais (Robert): Voilà, M. le Président, vous me permettez de conclure, oui?

Le Président (M. Simard, Montmorency): Je vous faisais signe qu'il vous restait une minute.

M. Maltais (Robert): Pardon? Il me reste une minute? Oui. Alors, pour conclure, je vous dirais simplement que ce qu'on trouve dans le projet de loi actuel, c'est un déséquilibre, une surprotection du côté de la protection des renseignements personnels. On est tout à fait d'accord avec la vertu, on est d'accord pour la protection de la vie privée, mais il faut pas que ce soit au détriment même de l'accès aux documents publics. Or, c'est le cas d'après nous.

Deux recommandations majeures. Vous avez huit recommandations, les deux premières sont importantes pour nous principalement, d'abord qu'une enquête publique soit instituée de manière à faire... à voir l'état de santé de l'accès aux documents publics actuellement, puis, deuxièmement, ça présuppose au préalable que l'ensemble de l'Assemblée nationale, que vous tous, puissiez, si vous le souhaitez ? et on le souhaite, nous, que vous puissiez le faire ? exprimer cette volonté de transparence de l'ensemble de l'État québécois. Voilà. Le reste, vous savez lire, et je vous remercie, je présume que... Maintenant, on peut répondre à vos questions si vous le souhaitez.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Bien, M. Maltais, M. Blackburn, M. Dumais, on a reconnu dans votre très belle présentation les professionnels de l'information que vous êtes et nous sommes heureux de vous avoir parmi nous ce soir. Alors, M. le ministre, à vous la parole.

M. Facal: Merci beaucoup, M. le Président. Messieurs, je vous souhaite la bienvenue. Écoutez, on peut faire semblant ou on peut choisir de ne pas faire semblant. Faire semblant, ce serait laisser passer sans à peu près rien dire tout ce que vous avez évoqué, en me contentant de poser quelques questions de courtoisie. Ne pas faire semblant, c'est être franc, et, en toute franchise, je crois que vous exagérez. Vous dites qu'à peu près tout ce qui grouille et grenouille dans le secteur public a le culte du secret. C'est gros, c'est très gros comme affirmation. Vous dites que vous vous demandez, après 20 ans, à quoi ça sert, finalement, tout ça. C'est franchement très gros.

Je ne nie pas qu'il y a certainement matière à progrès, mais moi, je suis de ceux qui pensent et qui pensent même de plus en plus que, sans être complaisant, la législation québécoise en la matière, elle est, à bien des égards, à l'avant-garde. Le problème, évidemment, c'est qu'il faut faire attention de ne pas devenir complaisant, de ne pas voir les failles, de ne pas voir qu'il y a, j'en conviens, encore matière à progrès. Mais, si je regarde le nombre d'organismes qui sont assujettis à la loi québécoise en comparaison, par exemple, de la loi fédérale, si je prends en compte le fait que, jusqu'à l'adoption de C-6 l'an dernier par le Parlement fédéral, le Québec était le seul État en Amérique du Nord qui assurait l'accès et la protection des renseignements personnels de manière complète dans toutes les entreprises faisant affaire sur notre territoire, si je regarde le fait que, notamment en ce qui a trait au jumelage inédit dans notre loi de l'accès aux documents et du volet protection qui a fait en sorte que d'ailleurs dans le monde on vient ici pour essayer de s'inspirer de ce qu'on fait et l'adapter ailleurs... si je regarde le fait que la législation québécoise a le statut de droit fondamental, si je regarde les pouvoirs de nature quasi judiciaire dont est investie la Commission ici à la différence de ce qui se fait ailleurs, quand je regarde la précision avec laquelle sont énoncées les restrictions dont on peut se pourvoir pour ne pas rendre public un document, quand je regarde tout ça, je trouve que, vraiment, vous noircissez un peu le portrait, comme si vous aviez choisi de mettre en trois ou quatre pages tout ce que vous avez sur le coeur depuis des années, et des années, et des années de pratique professionnelle. Je vous en reconnais le droit par ailleurs, mais reconnaissez-moi aussi le droit de dire que, franchement, vous poussez le bouchon un peu loin. Je suis convaincu que vous êtes capable, amicalement, d'accepter cette divergence.

n(21 heures)n

Vous dites partager un bon nombre des préoccupations de la Fédération des journalistes, eux-mêmes nous disaient que seules 2,7 % des demandes d'accès sont faites par les journalistes. Il y a une façon de lire ce 2,7 %. On pourrait faire l'hypothèse que, s'ils sont si peu nombreux à se prévaloir de ce qui est une loi de dernier recours, c'est parce que, sans qu'on ait à se prévaloir, des tonnes de documents sont déjà accessibles dans les sites Internet des ministères, parce qu'ils sont déposés ici, à l'Assemblée nationale, parce qu'on peut faire des tas de demandes directement auprès de nos cabinets, auprès des directions de communications, auprès des comptoirs de service, partout.

Par ailleurs, je ne peux croire que vous refusiez d'admettre que 122, dont vous avez dit, je vous cite à peu près textuellement, qu'il n'apportait aucun progrès... Je ne peux croire que vous refusiez de voir que le projet de loi n° 122 élargit le nombre d'organismes assujettis, allège les procédures d'appel, réduit les délais au terme desquels les documents seront accessibles, précise le caractère public de certains renseignements comme les comptes de dépenses des élus, donne plus de pouvoirs à la Commission d'accès à l'information. Alors, vraiment, je ne peux pas vous suivre.

J'ai aussi été frappé par les exemples que vous avez évoqués. Vous avez d'abord évoqué le champ de la santé. Seigneur! Il me semble que, s'il y a un domaine où la protection de la vie privée doit être prise en compte, c'est la santé. On n'est pas dans le tourisme, on n'est pas dans le transport, on est dans la santé. Permettez donc au législateur, en matière de santé, de rechercher l'équilibre entre le droit à l'information et le droit à la vie privée d'une personne, au surcroît quand elle est malade.

Vous avez évoqué un deuxième exemple qui, lui, me touche particulièrement, les relations intergouvernementales. Ça, c'est mon autre casquette, les affaires intergouvernementales. En effet, dans les mémoires au Conseil des ministres, on peut invoquer le caractère sensible, au plan intergouvernemental, d'un document pour refuser de le rendre public. Aux Affaires intergouvernementales, on mène les négociations pour le Québec avec le gouvernement fédéral et les gouvernements des autres provinces, pensez-vous réellement que les stratégies de négociation pointues du gouvernement du Québec face au gouvernement fédéral peuvent et doivent être rendues publiques en cours de négociation, sérieusement? Je comprends que vous avez un travail à faire, moi aussi. Moi aussi, celui de défendre les intérêts du Québec qui, je vous le garantis, ne seraient pas bien servis par le dévoilement public de documents qui sont des documents de stratégie.

Continuons. Je vous avoue que, après vous avoir entendu, je me suis demandé si vous ne vous étiez pas trompé de Parlement. Dans Le Soleil d'aujourd'hui, je trouve, sous la plume de Raymond Giroux, un article intitulé L'unité nationale, top secret. Le Commissaire à l'information fustige la culture du silence à Ottawa. Je ne vous en lis qu'un extrait: «M. Reid, Commissaire fédéral à l'information, lance ainsi un nouvel assaut contre la culture du secret qui règne à Ottawa et notamment contre le Conseil privé, dirigé par Stéphane Dion, et le Bureau d'information du Canada qui relève du ministre Alfonso Gagliano. Ces deux organismes se trouvent au coeur des politiques de promotion de l'unité canadienne en compagnie du ministère du Patrimoine de Mme Sheila Copps qui refusait encore cette semaine de dévoiler les montants accordés pour la célébration de la fête du Canada au Québec. Un porte-parole du Commissaire a confirmé au Soleil que déjà les demandes d'accès à l'information sur des sondages portant sur l'unité nationale reçoivent actuellement une plus grande résistance de la part des ministères concernés.»

Et, plus loin, il parle de service plus lent, examen plus approfondi, traitement plus conservateur à cause d'une sensibilité mal avisée aux besoins du ministre. Et M. Giroux conclut en rappelant que M. Reid est actuellement devant les tribunaux au sujet du droit d'accès aux agendas du premier ministre Chrétien. Et vous savez qu'à cet égard le bureau de M. Chrétien a porté la cause en Cour suprême.

Alors, vous comprendrez que, pour reprendre la parole célèbre de quelqu'un qui fut premier ministre du Québec, «quand je me regarde, je me désole, mais, quand je me compare, je me console». Je ne voudrais pas faire la morale à qui que ce soit, mais, autant je vous reconnais de défendre le droit à l'information, ce que vous avez toujours fait fort bien et d'une manière qui vous honore, le législateur, lui, doit défendre tous les droits. Tous les droits, il doit donc chercher un équilibre entre ce droit et le droit à la vie privée.

Je conclus simplement en vous disant que, si on en faisait encore plus, je soupçonne que, pour vous, ce serait peut-être jamais assez.

Le Président (M. Simard, Montmorency): M. Maltais, à vous la parole.

M. Maltais (Robert): M. le ministre, on a bien entendu vos propos. Je veux d'abord vous rassurer, on s'est pas trompés de Parlement. Parce que, on aurait à choisir, on choisirait celui-ci, nous sommes bien fiers d'être Québécois. Et il faut pas avoir de doute là-dessus, sauf que la presse québécoise, qui est reconnue pour être vigoureuse, attend de son État québécois qu'il soit, à la limite, supérieur aux autres, voilà, qu'il se dépasse, et c'est dans cet esprit-là qu'on essaie d'arriver avec une critique la plus vigoureuse possible. Évidemment, si nous sommes honnêtes, on peut nuancer. J'ai dit tout à l'heure que nous ne pouvions pas être contre la vertu. On reconnaît bien le bien-fondé de protéger les renseignements personnels, aucun doute là-dessus. Le problème, c'est que si vous voyez le projet de loi, l'essentiel, les préoccupations vont à peu près toutes dans ce sens-là. Alors, c'est pour ça qu'on parle d'un déséquilibre.

L'esprit de la loi. C'est parfait, l'esprit de la loi. Mon collègue, tout à l'heure, le disait, nous avions tous applaudi, la communauté journalistique québécoise au complet, il y a 20 ans, quand on a créé cette première loi là. Le problème, c'est qu'elle ne passe pas partout, le message ne passe pas partout. L'esprit de la loi est super, maintenant la lettre, son application, est-ce que ça descend? Est-ce qu'on a accès aux documents publics? Vous dites: Il y a 2,7 % des journalistes seulement qui ont accès. Je comprends, par découragement, on ne dépose plus de plaintes à la Commission d'accès à l'information. Et tout journaliste qui a un peu d'épine dorsale, il va... qui est débrouillard va trouver d'autres voies pour aller chercher l'information quand même. On n'attendra pas six mois ou huit mois de délai pour avoir un document qu'on peut avoir autrement.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci beaucoup, M. Maltais.

M. Maltais (Robert): C'est un peu dans cet esprit, oui. Voilà.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci beaucoup, M. Maltais. Et, vous auriez sans doute beaucoup de choses encore à nous dire...

M. Maltais (Robert): Non, non, c'est bien.

Le Président (M. Simard, Montmorency): ...malheureusement nous sommes contraints par une limite de temps très serrée. M. le porte-parole de l'opposition officielle.

n(21 h 10)n

M. Ouimet: Merci, M. le Président. MM. du Conseil de presse, bienvenue à nos travaux. J'imagine, tout est relatif, hein? Lorsqu'on est dans la peau d'un journaliste ou, je vous dirais, lorsqu'on est dans la peau d'un député de l'opposition, quel qu'il soit, à Ottawa, au niveau du Bloc québécois, ou à Québec, au niveau du Parti libéral du Québec, on constate les difficultés d'obtenir des renseignements. On constate à quel point l'État a cette tendance à vouloir retenir l'information, à en divulguer le moins possible. Nous l'avons vu dans le dossier des fusions municipales forcées. Je le constatais tantôt, M. le ministre, vous avez devant vous un document qui a été confectionné par vos fonctionnaires, qui fait un résumé des mémoires qui sont déposés devant nous, en début d'après-midi, je vous demande: Auriez-vous la gentillesse de m'y donner accès? Vous refusez. Je reviens en soirée, vous me dites: Je délibère encore. Voyez-vous? Voyez-vous, vous incarnez vous-même ce culte du secret? C'est peut-être banal comme exemple, mais ça demeure que c'est ça. C'est le cas.

Moi, je trouve vos deux recommandations fort, fort, fort intéressantes. Première recommandation, au niveau de l'enquête sur l'état de l'accès à l'information gouvernementale, je ne sais pas si le gouvernement va se rendre à votre demande. Si le gouvernement ne le fait pas, est-ce que la Commission d'accès à l'information serait l'organisme tout désigné si la Commission avait suffisamment de pression, d'une part, et, d'autre part, d'effectifs pour décider, là? Parce que vous êtes le deuxième organisme qui fait une recommandation similaire.

Le Président (M. Simard, Montmorency): M. Maltais.

M. Ouimet: Est-ce que la Commission d'accès à l'information serait l'organisme désigné? Parce que c'est sûr que ce que vous dites, là... Vous proposez un comité tripartite ? gouvernement, représentants de la presse et membres du public ? pour s'assurer, là, de la plus grande transparence, crédibilité du processus.

M. Maltais (Robert): Oui, je pense que la Commission d'accès a certainement beaucoup de compétences à l'intérieur de la Commission. On ne conteste pas nécessairement ça, mais on pense qu'il doit y avoir plus que des représentants de la Commission, et c'est dans cet esprit-là que nous le faisons. Et ça peut être des représentants de la communauté journalistique et ça peut être associé également avec le Conseil de presse. Remarquez que c'est pas parce qu'on a besoin d'être partout. Ce qu'on vous dit, c'est que c'est un peu notre devoir que de veiller au grain de ce côté-là ou qu'il y ait des représentants du public. Disons qu'on préférerait qu'il y ait également des participants extérieurs représentant le public. C'est dans cet esprit-là.

La Commission d'accès à l'information est sûrement habilitée pour faire le travail, et il faut lire aussi notre mémoire dans l'esprit où la Commission aurait dû, sans doute, l'exiger et le faire. Bon. Alors, la Commission aurait pu le faire, et nous aurions été fort intéressés de voir quel est l'état réel de santé. Nous, on a une position critique. Maintenant, on demande à voir. On peut réviser, à la lumière d'une pareille enquête, notre position, dépendamment des résultats qui seront mis à jour.

M. Ouimet: Deuxième volet, je l'évoquais aujourd'hui avec la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, deux problématiques: absence de volonté politique, encadrement législatif trop restreignant par rapport à la liberté... ou au droit fondamental reconnu dans la Charte québécoise des droits et libertés du Québec à l'article 44 qui dit que les citoyens ont droit à l'information selon les mesures prévues par la loi. Les mesures prévues par la loi, c'est la loi que nous avons actuellement, avec les restrictions dont vous faisiez part tantôt et avec également la culture, le culte du secret qui ne s'est pas modifié depuis les 20 dernières années.

Hier, M. Vaugeois était devant nous et il disait que, à la suite des travaux de la commission Paré, tout le monde faisait le pari que la Commission d'accès à l'information n'aurait pas sa raison d'être cinq années plus tard, parce que, ipso facto, à l'intérieur d'un délai de cinq ans, on réussirait à modifier les cultures. Force est de constater aujourd'hui, près de 20 ans plus tard, que ce n'est pas le cas.

Alors, comment est-ce que cette directive, cette affirmation d'une volonté politique ferme pourrait s'exprimer? Avez-vous pensé à des modèles? Le risque, je vous dirais... Dans l'opposition, on aime mieux voir des gestes concrets que de croire les paroles de certaines personnes, parce que, au niveau du discours, on est toujours très généreux, mais, au niveau de l'application de ce discours-là, des fois il y a un décalage important.

M. Maltais (Robert): Ça devrait être, entre autres, inclus comme principe de base dans votre projet de loi, hein? Principe de base réaffirmé à même donc... d'où découlerait l'esprit du projet de loi, une réaffirmation. Peut-être réaffirmation aussi, également à l'Assemblée nationale. Et également ce qui devrait découler comme un des articles principaux, c'est de dire que, à partir de l'esprit de cette loi-là, l'ensemble des documents sont publics, sauf cas d'exception, puisque c'est ce que dit cette loi-là, mais tel n'est pas le cas en réalité. Donc, un article qui dit essentiellement: Tous les documents des ministères, parapublics, municipaux sont publics, sauf exception. Les exceptions, on les justifie. Et c'est le contraire qu'on a actuellement. Bon. peut-être notre position est-elle due... Évidemment, nous, notre angle est la liberté de la presse qui doit s'exercer, le droit du public à l'information. Bon. Alors, c'est dans cet esprit-là. Alors, il me semble que c'est sur une base exceptionnelle, et on souhaiterait bien... C'est très honorable que vous vous penchiez sur cette loi-là puis que vous fassiez un bilan, mais je pense qu'elle devrait être d'abord réaffirmée, cette volonté, qu'on comprend très bien, du ministre Facal. Bon. Alors, si la volonté gouvernementale est là, bravo, nous applaudirons. Mais, si elle est là, elle doit être écrite noir sur blanc, comme vraiment un grand principe de base qui inspire même cette législation. Voilà.

M. Ouimet: Comment éviter ce qui s'est passé récemment au niveau de la commission parlementaire sur la concentration de la presse? Cette commission parlementaire semble avoir été fort intéressante, je pense, au début de l'automne, mais elle n'aboutit à rien. La crainte que nous avons, j'imagine, la crainte que vous avez, c'est que les propos que nous échangeons ce soir, que nous avons échangés avec d'autres groupes risquent à nouveau d'aboutir à rien. Comment assurer le suivi? Comment talonner? Comment faire en sorte que nous puissions nous diriger davantage vers la culture américaine ou la culture suédoise qui sont, à mon point de vue, les deux grands pôles de référence au niveau de l'ouverture, au niveau de la transparence, au niveau de la divulgation du plus de renseignements possible?

M. Maltais (Robert): Bien, écoutez, notre présence ici est la reconnaissance de la compétence de la commission parlementaire. On est ici parce qu'on pense que vous, vraiment, vous avez le pouvoir de faire quelque chose. Notre présence confirme votre compétence, et on pense que... Et on fait pas de politique, hein? Nous, au Conseil de presse, ce dont... On attend de nos parlementaires, de notre Assemblée nationale... C'est tant mieux si vous pouvez arriver... que les deux partis en présence puissent arriver à des positions communes en regard du bien de l'objectif central de la loi, et notre présence... Si on est ici, c'est parce qu'on a confiance en vous. On serait pas ici autrement, et on espère bien et on attend d'ailleurs de vous que vous puissiez, dans les deux cas, arriver avec des solutions, les meilleures solutions possible. Et c'est pour ça qu'on est ici, et, jusqu'à preuve du contraire, vous avez notre confiance.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Ceci étant dit, M. le député, comme président de la commission de la culture... Vous avez fait référence à la commission parlementaire sur la concentration des médias soulignant qu'elle n'aboutissait à rien. Je ne sais pas de qui vous tenez ces informations, mais, comme président de la culture, je peux vous dire que je vais veiller à ce que ça aboutisse à quelque chose, notamment avec la collaboration des députés de votre formation politique. Ceci étant dit, veuillez poursuivre.

M. Ouimet: Vous reconnaissez sûrement la légitimité de certaines restrictions. Je pense, tantôt, le ministre exagérait quelque peu lorsqu'il disait: Dans nos relations avec le gouvernement fédéral, par exemple, on ne peut pas dévoiler les stratégies du gouvernement, on pourrait pas vous donner accès. Moi, je pense que les intérêts légitimes de l'État sont des restrictions reconnues de tout temps. L'État peut avoir des intérêts tout à fait légitimes de retenir l'information, parce que tout le monde s'entend qu'on ne dévoile pas les stratégies de négociation, ça va de soi. Mais le problème, je pense, c'est lorsqu'on invoque trop souvent les restrictions. C'est qu'on commence à banaliser même les véritables intérêts légitimes de l'État, n'est-ce pas? Si on l'invoque tous azimuts, à un moment donné tout devient secret, sauf... ce qu'on doit se battre pour obtenir en termes d'information. Alors, il faudrait appliquer les restrictions de façon les plus restrictives possible pour qu'elles conservent tout leur sens.

M. Maltais (Robert): C'est très intéressant ce que vous dites, c'est que.. Le problème, c'est souvent l'interprétation qui est laissée aux différents ministères, aux différents fonctionnaires, aux différents responsables. Et, encore là, on cherche pas de coupable, mais, plus l'interprétation est large, plus les possibilités de restriction le seront également. Et, sans méchanceté, nous avons, dans la presse, parfois l'impression que certaines personnes se font bien plaisir à faire en sorte que ce soit très compliqué comme processus que d'avoir accès à l'information. Bien, voilà, alors qu'on devrait normalement avoir accès beaucoup plus facilement.

Ah, évidemment et heureusement, il y a plein d'employés de l'État qui sont de bonne foi et qui collaborent bien, et ça arrive également que certains de nos membres puis des journalistes soient... n'aient pas nécessairement le tour et soient pas toujours respectueux, mais, vous savez, à faire ce métier-là, on est souvent pressé, comme le nom l'indique, la presse. Alors, bon, nous aussi, on a quelques défauts de ce côté-là.

M. Ouimet: Et, finalement, une dernière question: Qu'est-ce qui fait en sorte que notre société voisine, les Américains, ont réussi à avoir cette culture de grande ouverture et de grande transparence depuis des décennies? Qu'est-ce qui a été l'élément marquant...

M. Maltais (Robert): Je vous ferais remarquer que, oui, certains États américains ont réussi effectivement, d'autres, comme le Rhode Island, par exemple...

M. Ouimet: Oui, oui, vous avez raison.

n(21 h 20)n

M. Maltais (Robert): Le Rhode Island, le taux de refus, l'an passé, d'accès à des documents publics était de l'ordre de 67 %, 67 %. Évidemment, des États plus libéraux, au premier sens du terme, dans les États américains, ça fonctionnait mieux. Je pense que la tradition est mieux ancrée effectivement. Et, du côté du Québec, bon, je pense que le Québec a une ouverture d'esprit peut-être plus grande que, parfois, certaines autres provinces canadiennes. Je dis pas qu'on est nécessairement toujours meilleurs, mais je pense qu'on n'a pas de complexe à avoir. En tout cas, nous, au Conseil de presse du Québec, on n'a pas de complexe. Au fond, on se fait dire que, dans le monde francophone, le Conseil de presse du Québec est celui, malgré la modestie de ses ressources, qui s'en sort pas trop mal et qui inspire la création de modèles à travers le monde, même en Afrique francophone.

M. Ouimet: On m'indique qu'en Ontario, par exemple, depuis 1994, le Bureau du Commissaire à l'information et à la protection de la vie privée a fait en sorte qu'on adopte un rapport conjoint intitulé Divulgation systématique, diffusion automatique, et ça semble aller dans ce sens-là. En d'autres termes, ils sont en train d'imiter les Américains au niveau du Automatic Routine Disclosure, et ça, depuis 1994, selon les textes qu'on retrouve sur Internet. Est-ce que vous avez fait des comparaisons avec la culture ontarienne?

M. Maltais (Robert): Nous avons québécisé, si vous voulez, francisé... Dans une recommandation, vous allez retrouver justement un peu ce qu'on dit, c'est-à-dire qu'on dit que ça doit être à peu près automatique. On l'appelle pas comme ça, mais, quand on vous parle... Vous voyez la troisième recommandation ou quatrième de nos recommandations, on dit à peu près la même chose. On est d'accord avec cette intervention-là et on pense que le Québec qui, d'habitude, est initiateur, hein... On est généralement en avance de ce côté-là par rapport à l'Ontario, sur ce plan-là. Alors, sur cette base-là, on est d'accord.

Le Président (M. Simard, Montmorency): M. Maltais, M. Blackburn, M. Dumais, merci beaucoup d'avoir été des nôtres ce soir. Au plaisir de vous recevoir parmi nous.

M. Maltais (Robert): Merci de nous avoir laissés déborder. Alors, on a débordé un peu peut-être.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Ah! Pas du tout...

M. Maltais (Robert): Non? Merci.

Le Président (M. Simard, Montmorency): J'en profite pour appeler l'Association des professionnels en développement économique du Québec à se joindre à nous.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Simard, Montmorency): Alors, M. Arvisais, bonsoir.

M. Arvisais (Luc): Bonsoir.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Bienvenue parmi nous. On s'excuse du contretemps que nous vous occasionnons. Auriez-vous la gentillesse de nous présenter les personnes qui vous accompagnent?

Association des professionnels en développement
économique du Québec (APDEQ)

M. Arvisais (Luc): Certainement. Alors, M. le Président de la commission, M. le ministre, MM. les députés, MM. les membres de la commission, dans un premier temps, je veux vous remercier de l'opportunité que vous donnez à notre Association, l'Association des professionnels en développement économique du Québec, de vous présenter son point de vue dans le cadre du présent projet de loi.

Je me présente dans un premier temps. Mon nom est Luc Arvisais, je suis président de l'Association, de l'APDEQ. Cette fonction étant une fonction bénévole, il faut vous préciser que, dans la vie de tous les jours, je suis directeur général d'un CLD, donc le CLD du Centre-de-la-Mauricie, plus précisément Shawinigan.

Et je suis accompagné aujourd'hui de Gérard Perron, à ma droite, qui est vice-président de l'Association, donc aussi une fonction bénévole, et, dans la vie de tous les jours, il est directeur général de la Coopérative de développement régional Québec-Appalaches. Et, à ma gauche, il y a Mme Monique Thomas, qui est directrice générale de l'Association, donc directrice générale de l'AFDEQ. Et, elle, ce n'est pas une fonction bénévole, c'est une employée permanente de l'Association.

Alors, nous avons préparé un texte. Bien entendu, on va se limiter à ce texte-là, ayant été convoqués, là, vendredi dernier pour se présenter à vous ce soir. Je dois vous préciser également que demain vous rencontrerez les gens de l'Association des CLD du Québec, et nous avons voulu couvrir un terrain différent des gens de l'Association des CLD. Nous avons eu l'occasion de prendre connaissance de leur mémoire qu'ils vous présenteront demain et nous pouvons vous dire que nous sommes en parfait accord avec le contenu de leur mémoire, et nous avons voulu aborder le sujet en ayant un regard axé sur la relation qui existe entre un professionnel en développement économique et son client qui est un investisseur, un promoteur qui veut développer un projet, qui veut soit démarrer ou développer une entreprise. Donc, c'est sous ce regard-là que nous avons voulu vous présenter notre point de vue.

Alors, en avant-propos, en présentant ce projet de loi, le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration était et est encore certainement plein de bonnes intentions. La Loi sur l'accès à l'information et sur la protection des renseignements personnels du Québec est certainement l'une des plus efficaces et des plus performantes dans le monde industrialisé. Les Québécois sont généralement très fiers et très satisfaits de cette loi. Ainsi, du seul fait que des renseignements personnels soient considérés comme tels et profitent d'une protection officielle, voilà qui a de quoi de faire l'envie de plusieurs nations dont les droits et les privilèges des citoyens, des organisations, des entreprises sont bafoués chaque jour par les gouvernements.

Le projet de loi présenté par le ministre vient modifier la loi originale en y apportant des nuances et en y faisant des additions qui, en ce qui nous concerne comme association, causent des problèmes importants à l'efficacité et au professionnalisme de nos membres dans l'exercice de leurs fonctions. En effet, par ce projet de loi, le gouvernement entend assujettir les CLD, les CRD et d'autres organismes de développement local ou régional où siègent un ou plusieurs élus municipaux, notamment, aux règles qui régissent déjà la majorité des organisations publiques. À cet effet, les professionnels en développement économique oeuvrant auprès des divers organismes qui travaillent dans ces milieux, dont les CLD, les CRD et d'autres corporations municipales et réunis sous le membership de l'APDEQ, s'inquiètent de la portée de certains articles de ce projet de loi. Ils jugent qu'ils pourraient compromettre l'aboutissement de dossiers d'investissement dans les municipalités, les MRC ou les territoires des corporations de développement économique, et ce, partout au Québec.

En effet, les rencontres de ces professionnels avec des gens d'affaires, des promoteurs ou des investisseurs potentiels peuvent représenter des dépenses qui, tant et aussi longtemps que le dossier n'a pas abouti, constituent des documents à caractère confidentiel et privé même si des fonds publics sont en cause. L'APDEQ ne remet pas en cause le bien-fondé de la loi sur l'accès à l'information non plus que des nouvelles dispositions qu'on veut y ajouter, mais nous considérons que les modifications qui seraient apportées, une fois la loi n° 122 adoptée, seraient préjudiciables à la qualité des interventions de nos membres en matière de développement économique local et régional. Alors, M. Perron va poursuivre.

M. Perron (Gérard): Alors, rapidement je vous présente la mission de l'Association des professionnels en développement économique qui est un organisme qui regroupe volontairement des individus, des professionnels en développement économique. Nos professionnels viennent de différents réseaux qui sont, bon, soit les centres locaux de développement, les sociétés d'aide au développement des collectivités, des sociétés de développement économique, des villes, des parcs technologiques, des coopératives de développement régional. Alors, je me permets quand même de vous lire la mission de l'APDEQ qui est au coeur de notre organisation.

Alors, c'est jouer un rôle stratégique dans le développement des compétences des professionnels en développement économique du Québec en les rassemblant, en les mettant en réseau et en proposant une offre de formation et des services adaptés à leurs besoins, contribuant ainsi au développement économique du Québec.

Alors, de là découlent certains objectifs qui sont surtout de consolider le réseau des professionnels en développement économique, de leur faire bénéficier naturellement d'activités qui permettent de développer les compétences de nos professionnels et de faciliter des activités de réseautage et, en terminant, de permettre aussi à nos professionnels d'avoir une vision d'avenir en étant à l'affût des nouvelles opportunités au niveau du développement.

Alors, notre directrice générale, Mme Thomas, va poursuivre avec le profil corporatif.

Le Président (M. Boulianne): Alors, allez-y, Mme Monique Thomas, on vous écoute.

Mme Thomas (Monique): Oui. Alors, l'Association des professionnels en développement économique du Québec regroupe depuis plus de 40 ans tout intervenant qui exerce des fonctions-conseils à plein temps sur un territoire déterminé et qui contribue à stimuler l'entrepreneurship et à soutenir la création et le développement des entreprises des différents secteurs économiques tels que le secteur primaire, secondaire et tertiaire.

n(21 h 30)n

L'APDEQ, cela dit, est un regroupement volontaire de professionnels et non un regroupement d'organismes à caractère économique. Ses membres proviennent des divers organismes où ils oeuvrent, les CLD, les SDE, les SADC, etc., de ministères ou d'organismes gouvernementaux et paragouvernementaux, viennent d'entreprises ou d'organismes concernés ou intéressés par le développement économique. Ses partenaires sont importants et engagés. Ce sont des entreprises et des organisations qui ont à coeur la qualité des intervenants en matière de développement économique partout au Québec.

Son action et ses services sont surtout orientés vers la formation continue et spécialisée des professionnels membres. D'autres services pertinents sont offerts: l'information, les assurances, les programmes de perfectionnement et de formation. L'APDEQ tient aussi des activités telles que le congrès, le forum printanier. Des associations régionales de membres de l'APDEQ contribuent aussi à son rayonnement. Des comités de travail portant sur divers sujets d'intérêt sont formés et travaillent au développement des dossiers importants tels que la formation, la stratégie et le plan d'action, l'exportation, les programmes de développement, tout des ressources humaines ainsi que le volet d'économie sociale.

Enfin, l'APDEQ participe à plusieurs événements et aux activités annuelles, au Québec ou ailleurs, qui sont destinés à favoriser les relations avec les autres organisations associées au développement économique. Ses administrateurs sont appelés à agir comme personnes-ressources ou comme intervenants dans divers forums, colloques, congrès, symposiums et qui portent sur des thèmes à caractère économique. Elle a aussi des représentants qui siègent sur des comités spéciaux auprès d'organisations majeures, en particulier en matière de développement économique au Québec. L'APDEQ peut compter sur d'importants partenaires et commanditaires pour le financement et le soutien à l'organisation de ses activités et de ses services aux membres.

En dernier lieu, l'APDEQ est préoccupée et intéressée par ce qui se passe ailleurs au Canada, aux États-Unis et à l'étranger en matière de développement économique. Les activités à l'exportation des entreprises manufacturières au Québec étant en forte croissance et l'évolution des nouvelles technologies de l'information et des communications se faisant à un rythme effréné, la mondialisation devient un aspect des plus préoccupants pour les professionnels en développement économique et les organisations qui les emploient. C'est pourquoi l'APDEQ est à l'écoute de ses membres et assure une veille constante à ce sujet, notamment en supportant les activités de la Société internationale des professionnels en développement économique du Québec. Luc va poursuivre avec le développement et la recherche.

M. Arvisais (Luc): Alors, vous ayant mis un peu en lumière quelle est l'APDEQ, sa mission, ses objectifs, on tombera peut-être plus dans le coeur du sujet en parlant de développement local et de compétition mondiale.

Tout le monde s'entend pour dire que, dans le domaine du développement économique au Québec, la compétition n'est plus nécessairement une affaire locale ou régionale. De plus en plus, ce sont les marchés mondiaux qui influencent les investissements réalisés dans les régions. Les acteurs du développement local, dans toutes les régions du Québec, sont au coeur même de cette mondialisation des marchés et des influences. Le développement des inforoutes et des nouvelles technologies de l'information et des communications n'est pas étranger à ce phénomène. Bien au contraire, il l'influence et l'encourage même. Ceux qui ne prennent pas ce virage maintenant risquent fort de se retrouver isolés demain. Les organisations et les régions qui sauront le mieux tirer leur épingle du jeu dans cette jungle de l'internationalisation du développement, plus particulièrement dans le domaine des nouvelles technologies, sont celles qui ont pris des décisions et ont mis en place des réseaux et des systèmes à cette fin dès le début des années quatre-vingt-dix.

Aujourd'hui, à l'aube du troisième millénaire, ces organisations récoltent les fruits de leurs investissements visionnaires et partent gagnantes à la ligne de la course au succès et au développement intégré et durable. Mais, en même temps que les influences planétaires interviennent quotidiennement dans les décisions qu'ils doivent prendre, dans les choix économiques qu'ils doivent faire, dans les propositions qu'ils doivent présenter à des investisseurs étrangers, dans les créneaux de développement qu'ils doivent favoriser, dans les orientations stratégiques qu'ils doivent développer et faire adopter par les décideurs socioéconomiques de leur milieu, des professionnels en développement économique doivent aussi subir les effets de décisions gouvernementales qui ont souvent pour résultat de réduire leurs ardeurs et d'atténuer leurs idéaux.

Leurs stratégies sont souvent basées sur une série d'interventions qui nécessitent des tractations particulières, des discussions fondamentales, des pressions répétées, des négociations ardues avec des promoteurs, d'éventuels ou potentiels investisseurs ou avec des partenaires financiers de haute instance. Ces activités et ces opérations peuvent nécessiter des engagements financiers ou des dépenses qui ne sont pas nécessairement d'ordre public. Ils doivent être considérés comme des dépenses à caractère stratégique destinées à générer des retombées économiques d'envergure dans une ville, dans un environnement industriel ou dans une région.

Alors, il apparaît quelque peu inusité que, dans un élan de transparence plein de bonne volonté, le législateur propose d'inclure au projet de loi n° 122 «tout organisme dont le conseil d'administration est formé d'au moins un élu municipal désigné à ce titre et dont une municipalité ou une communauté urbaine adopte ou approuve le budget ou contribue à plus de la moitié du financement, à l'exclusion des personnes morales constituées en vertu des chapitres 56, 61 et 69 des lois de 1994 et du chapitre 84 des lois de 1995».

Le Président (M. Boulianne): Alors, en conclusion, M. Arvisais, s'il vous plaît.

M. Arvisais (Luc): Oui, certainement. Du même coup, en inscrivant au projet de loi n° 122 qu'«est aussi assimilé à un organisme gouvernemental, un centre local de développement et un conseil régional de développement agréés en vertu de la Loi sur le ministère des Régions», le gouvernement s'assure que tous les organismes de développement économique soient soumis à cette nouvelle restriction.

Ainsi, l'APDEQ considère dangereux pour le succès des interventions de ses membres que le projet de loi n° 122 prévoie à l'article 13, alinéa 1, les modifications à la loi pour faire en sorte que «le nom d'une personne qui bénéficie du remboursement d'une dépense faite dans l'exercice de ses fonctions pour un organisme public, le type de dépense, la date et le montant de cette dépense», etc., soient rendus publics en vertu de la Loi d'accès à l'information. Aussi banales ces dispositions puissent paraître aux yeux de certains, elles peuvent contribuer à l'avortement d'importants projets d'investissement dans certains cas.

Je conclurai en disant que, pour toutes ces raisons et bien d'autres encore, l'APDEQ croit important que le gouvernement révise sa position en ce qui concerne les dispositions ci-haut énumérées et soustraie les commissaires industriels, les directeurs généraux de CLD, les agents de développement économique et tout professionnel de développement économique agissant dans le cadre de ses fonctions. Il y va du succès des stratégies de développement local et régional et, par le fait même, du développement économique du Québec tout entier. Merci.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, M. le ministre.

M. Facal: Merci, M. le Président. Je vous souhaite la bienvenue, MM. Arvisais et Perron, ainsi que Mme Thomas. Il est vrai que les délais de convocation étaient courts, mais, si vous regardez le contexte plus général, vous conviendrez avec moi qu'après maintenant quatre ans passés dans ce chantier de la révision de la Loi d'accès il était temps, plus que temps que le gouvernement reprenne la marche et accélère la mise à jour de quelque chose dont la révision est statutairement prévue aux cinq ans, et nous sommes dans la quatrième année.

Il est intéressant, comique, un peu, de voir que vous arrivez tout de suite après le Conseil de presse. Le Conseil de presse a dénigré, dans des tons que je n'ai pas pu laisser passer, la loi québécoise. Or, vous, dès votre deuxième phrase, vous dites: «La loi sur l'accès à l'information et sur la protection des renseignements personnels du Québec est certainement l'une des plus efficaces et des plus performantes dans le monde industrialisé. Les Québécois sont généralement très fiers et très satisfaits de cette loi.» Vous avez parfaitement raison.

Maintenant, quant à votre mémoire, une fois que vous avez fini de vous présenter, le noeud de votre argumentation, c'est la question des comptes de dépenses. Essentiellement, vous dites qu'il pourrait s'avérer néfaste pour des projets d'investissement d'être obligé de rendre public le nom de la personne qui a bénéficié du remboursement d'une dépense faite à partir de fonds publics de même que de préciser le type de dépense, la date, le montant, le nombre de personnes et la région. Expliquez-moi concrètement, par des exemples que peut-être avez-vous vécus, en quoi le fait de rendre publics ces renseignements, qui, je le précise bien, n'incluent pas l'obligation de rendre public le nom des personnes avec qui vous étiez... On vous demande pas ça, simplement rendre publics le montant, la date, le type de dépense, la région et le nombre de personnes présentes. En quoi cela peut-il mettre en danger un projet d'investissement?

Le Président (M. Boulianne): Alors, merci, M. le ministre. Alors, M. Arvisais.

n(21 h 40)n

M. Arvisais (Luc): Oui. O.K. Merci. En fait, je dirai que, dans un contexte d'organisme comme un CLD... Vous savez déjà que le CLD est déjà composé d'un certain nombre de personnes, que ce soient des maires, que ce soient des gens, des représentants de la société civile, et il y a pas aucune dépense qui se fait dans un contexte d'organisme de développement de ce type sans que ces dépenses soient autorisées par les conseils d'administration, et on considère que déjà il y a énormément de transparence dans la manière dont les fonds qui nous sont confiés comme organisme, des fonds qui proviennent des municipalités et qui proviennent du gouvernement du Québec... Donc, il y a déjà énormément de transparence et énormément de suivi de la part des membres de nos conseils d'administration.

À titre d'exemple, le CLD, chez nous, regroupe autour de la table 22 personnes, dont cinq maires et 17 représentants de la société civile, sans compter les membres observateurs tels les députés et les représentants de ministères comme le ministère des Régions. Il y a déjà énormément de transparence dans la gestion de ces fonds, et, bien entendu, quand on travaille des projets d'investissement avec des promoteurs, il y a un certain caractère confidentiel quant aux informations qui sont traitées, quant aux natures des dépenses qui peuvent être encourues par rapport aux négociations qu'on a avec ces promoteurs-là.

Alors, je ne voudrais pas que ce soit perçu uniquement dans un contexte de compte de dépenses, mais que ce soit perçu plus largement dans un contexte de relation avec un client, alors que, comme professionnels en développement économique, on travaille avec des clients qui sont des promoteurs, des investisseurs, et c'est pour protéger le caractère confidentiel des échanges et du travail qu'on effectue avec ces promoteurs-là. Donc, c'est surtout ça que je voudrais qui soit retenu.

Le Président (M. Boulianne): Merci. M. le ministre.

M. Facal: Bon. Je ne nie pas que vous êtes des professionnels ayant des rapports avec des clients, mais prenons l'exemple type de quelqu'un qui serait, comme vous, je crois, directeur général d'un CLD. Vous convenez avec moi que les fonds en cause sont des fonds publics. Si je prends maintenant l'énoncé des items que l'on vous demande de rendre publics et que je les transpose dans un cas imaginaire, cela donnerait quelque chose comme ceci: le nom de la personne bénéficiant du remboursement, vous; le type de dépense, restaurant; la date, 16 juin; le montant de la dépense, 137 $; le nombre de personnes visées, deux, trois; la région où elle a été faite, Asbestos. Qu'est-ce qu'il y a là-dedans qui met en danger un projet d'investissement?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. Alors, M. Arvisais.

M. Perron (Gérard): Bien, c'est qu' au niveau...

Le Président (M. Boulianne): Oui, alors, M. Perron.

M. Perron (Gérard): Oui. Au niveau de la région, c'est que ça peut nous permettre d'identifier un promoteur. Si je prends... Si on pense à Bordeaux, par exemple, on peut penser à Boeing. C'est que, des fois, la région peut identifier un promoteur. Et, souvent, c'est des démarches à très long terme, alors, de façon redondante, si on fait, pendant deux ans, des démarches dans telle région, ça permet peut-être à un compétiteur de remonter la filière. En tout cas, dans ce sens-là, c'est pas... ça, peut-être, amène une transparence qui peut être dangereuse pour les... en tout cas, qui peut permettre à des compétiteurs d'identifier nos clients potentiels.

M. Facal: Mais les municipalités, par exemple, font des pieds et des mains pour attirer des investissements chez elles, et pourtant les municipalités sont assujetties à la Loi sur l'accès. Pourquoi elles et pas vous?

Le Président (M. Boulianne): Oui. Alors... Oui? Qui est-ce qui veut répondre?

M. Arvisais (Luc): Bien, moi, ce que je pourrai rajouter à ça, c'est que, bien entendu, quand on est CLD ou qu'on est corporation de développement économique municipale, on travaille dans un contexte où ? parlons des CLD ? on reçoit un financement de la part des municipalités et du gouvernement du Québec. O.K.? Effectivement. Or, vous êtes pas sans savoir que, dans le contexte du développement économique, il existe une foule d'organismes de développement qui soient soit, d'un côté, financés par un ordre de gouvernement différent, en l'occurrence le gouvernement fédéral... Et ce type d'organismes là, qui fait le même travail que nous, que les CLD en particulier, n'est pas assujetti à aucune loi par rapport à l'accès à l'information. Et c'est à partir de ce moment-là qu'il peut y avoir des interférences et qu'il peut y avoir des iniquités entre les organismes qui travaillent au développement économique, alors qu'une partie de ceux-là sont assujettis à une loi sur l'accès à l'information, alors que les autres ne le sont pas. Alors...

M. Facal: Oui, mais... Puis, ici, je pense que le député de Marquette va me suivre, vous comprenez que c'est un peu curieux comme logique de dire: Il se peut que j'aie un concurrent qui, lui, ne soit pas assujetti, donc je veux, moi, en rendre public le moins possible parce que mon concurrent, lui, il n'est pas assujetti. Si je pousse cette logique jusqu'au bout, nous irions vers de moins en moins de transparence.

Votre cas n'est pas le même que celui des filiales de sociétés d'État qui, elles, peuvent, par exemple, nouer un partenariat avec l'entreprise privée, et cette entreprise privée peut se dire: Si je m'associe à quelqu'un qui risque d'être constamment sous le coup de demandes d'accès, je suis aussi bien, peut-être, de m'associer à quelqu'un qui est sous le couvert, sous le coup de moins de contraintes. Mais vous, dans les CLD, c'est pas pareil, c'est des fonds publics, vous l'avez dit vous-même, financés par le gouvernement du Québec et par des municipalités, par des organismes eux-mêmes assujettis à la loi.

Je comprendrais très bien vos réserves si, par exemple, on vous obligeait de dévoiler les noms des personnes avec qui vous étiez. Ah, là, je peux comprendre. Si vous devez dire, par exemple, que vous étiez avec M. Smith ou M. Thompson et qu'il est bien connu que ces gens-là sont les P.D.G. de telle ou telle entreprise, là quelqu'un qui voit ça pourrait, en effet, comprendre que, ah, ces messieurs-là ont peut-être un projet dans cette région-là. Mais, on vous demande même pas ça, on vous demande le nombre de personnes pour que la personne qui regarde cela puisse juger si le montant et le nombre de personnes présentes sont dans un rapport un peu plausible. Ce que nous avons cherché, c'est un équilibre entre la transparence et, oui, préserver une part de vie privée. Mais il m'apparaît que là, vous, vous allez à l'autre extrême.

Le Président (M. Boulianne): ...M. le ministre...

M. Arvisais (Luc): Peut-être juste un dernier mot pour vous rassurer quant à notre position, que c'est pas une position qui ne cherche pas de transparence, tout ce qu'on a voulu faire, c'est vous partager une inquiétude qui est partagée par une majorité de nos membres, puisqu'on entend parler, puisque nos membres sont venus nous voir pour nous partager cette inquiétude-là par rapport à la possibilité que des négociations ou des discussions avec d'éventuels promoteurs puissent faire en sorte que, les informations devenant publiques, que ça puisse faire avorter. Alors, c'est ça, l'essence que je souhaiterais que vous reteniez et ce n'est pas du tout une volonté de non-transparence. Au contraire, parce que je le répète, dans le cadre de nos fonctions, dans un CLD ou dans un organisme de développement économique, nous sommes assujettis à un conseil d'administration qui est formé d'une certaine quantité de personnes qui représentent plusieurs secteurs, à commencer par le monde municipal et la société civile, et qu'il y a déjà énormément de transparence. Donc, ce qu'on a voulu faire ressortir, c'est l'inquiétude, que l'on entend chez nos membres, que le fait d'être assujetti à cette loi puisse mettre en péril certains projets à partir du moment où il pourrait être possible d'identifier que l'on traite les dossiers avec un tel promoteur ou un tel promoteur.

Le Président (M. Boulianne): M. le député d'Iberville.

M. Bergeron: Merci, M. le Président. Alors, messieurs, madame, bonsoir et bienvenue. Dans votre mémoire, en page 5, vous dites: «L'APDEQ est préoccupée et intéressée par ce qui se passe ailleurs au Canada, aux États-Unis et à l'étranger en matière de développement économique.» Est-ce qu'il y a des exemples de ce genre de situation qui se présentent dans ces endroits-là et qu'on vous demande?

Et j'ai une deuxième question parce que le temps file. Vous dites en page 6, au quatrième paragraphe: «Les professionnels en développement économique doivent subir les effets de décisions gouvernementales ? et c'est là que c'est intéressant ? qui ont souvent pour résultat de réduire leurs ardeurs et d'atténuer leurs idéaux.» Alors, j'aimerais avoir des exemples et les correctifs à apporter s'il y a lieu.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député. Alors, vous avez une minute, monsieur, pour répondre.

M. Perron (Gérard): Bien, au niveau des décisions gouvernementales, je pense que c'était plus en rapport avec l'exemple, là, qu'on déclarait ici. C'était plus ce qu'on mettait sur la table.

La première partie de votre question, c'était sur?

M. Bergeron: C'était ce qui se passe ailleurs au Canada, aux États-Unis, à l'étranger. Donc, le noeud de votre argumentation, c'est qu'on vous demande trop de renseignements qui peuvent risquer de faire avorter un projet. Est-ce que dans les endroits que vous mentionnez, le Canada, les États-Unis, l'étranger, que ce soit le Japon ou l'Europe occidentale, il y a le genre de demande?

n(21 h 50)n

M. Arvisais (Luc): Le passage où on parle de l'internationalisation des relations de l'APDEQ ou des préoccupations ne se voulait pas nécessairement une partie de l'argumentaire, mais plutôt une partie où on présentait l'APDEQ. Exemple, au niveau de l'internationalisation, l'APDEQ a été amenée à mettre sur pied une société qui permet à des professionnels en développement économique de travailler, exemple, avec des pays en voie de développement comme des pays de l'Afrique du Nord. Donc, c'était pour mettre en situation que l'APDEQ n'est pas seulement que centrée sur son action au Québec, mais qu'elle s'intéresse à ce qui se fait ailleurs.

Maintenant, pour vous dire qu'on peut sortir des exemples par rapport à la loi qui nous préoccupe dans d'autres pays, on ne peut pas le faire, là.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. Alors, il y a une minute et un peu plus qui vous sera alloué, M. le député de Marquette. Alors, allez-y.

M. Ouimet: Merci de votre générosité. Et, messieurs, madame, madame, bienvenue à nos travaux.

Moi, je dois vous dire, c'est rare que ça m'arrive, mais je suis, je pense, à 95 % en accord avec l'intervention du ministre. Vous faites un bel effort dans votre mémoire, vous invoquez les influences planétaires qui interviennent quotidiennement dans les décisions que certains investisseurs doivent prendre et vous concluez en disant que c'est le développement économique du Québec tout entier qui dépend de votre refus de vous soumettre à la Loi sur l'accès.

De ce côté-ci, on est... On comprend vos arguments, on comprend que certains membres chez vous vous ont demandé de prendre une position que vous défendez ici en commission parlementaire, mais le point essentiel défendu par le ministre, c'est que vous êtes financés entièrement avec des fonds publics, et nous croyons que le public a le droit de savoir ce que vous faites avec les fonds, d'autant plus que les municipalités sont assujetties. On peut aller devant les tribunaux ou aller devant la Commission d'accès à l'information et leur demander ces informations-là.

C'est d'ailleurs le cas. Moi, je vous dirais: Le ministre de l'Industrie et du Commerce doit sûrement faire un peu développement économique, le ministre des Finances doit en faire aussi. Ils doivent répondre aux questions des parlementaires, ils doivent déposer des explications sur l'utilisation des fonds publics. Alors, on l'exige du premier ministre, du vice-premier ministre, du ministre des Finances, du ministre de l'Industrie et du Commerce, je ne vois pas pourquoi on ne devrait pas l'exiger de la part des CLD et des CRD.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député de Marquette.

M. Ouimet: En tout cas, que vous ne réussissez pas à ce moment-ci à convaincre, je pense, ni le ministre ni l'opposition à cet égard-là. Puis, c'est pas que les efforts ont manqué, là, je pense que vous y avez mis le paquet dans votre présentation. Mais, je pense, j'ai de la difficulté, mon collègue de D'Arcy-McGee également.

Le Président (M. Boulianne): Oui. Alors, monsieur... Qui est-ce qui répond?

M. Arvisais (Luc): Alors, moi, je répéterai ce que j'ai dit tantôt, la position que nous tentons de présenter ne se veut pas une charge contre la transparence ou contre l'information par rapport à ce qui se fait en matière de dépenses dans les corporations de développement économique ou dans les CLD. Je répète que, comme directeur général ? je prends mon cas en particulier ? d'un CLD, j'ai un conseil d'administration composé de 22 personnes, et, à chaque mois, chacune des dépenses effectuées par le CLD, et en particulier par moi et par les membres de mon personnel, est présentée et est approuvée. Chacune des dépenses, alors je pense qu'on fait preuve d'énormément de transparence déjà.

Alors, ça ne se veut pas une charge de non-transparence, au contraire. Tout ce que nous tentons d'évoquer, c'est le fait que dans le cadre de nos fonctions nous sommes appelés à travailler avec des promoteurs et que nous voulons protéger l'intimité ou, encore une fois, la... Je cherche le mot, la confidentialité des informations qui sont échangées avec ces gens-là pour ne pas mettre en péril des investissements.

M. Ouimet: Je suis convaincu qu'il y a un processus, là, d'approbation des dépenses au niveau du conseil d'administration, mais le public, quant à lui, il n'est pas là, au conseil d'administration, puis il n'est pas en mesure de poser des questions.

M. Arvisais (Luc): Tout à fait. Oui, effectivement. Mais je vous dirai qu'effectivement le public n'est pas là, puis, en même temps, il y est, parce que, quand on parle de la société civile qui occupe dans la... Puis, je prends en exemple mon CLD qui occupe 17 sièges, ces gens, ces représentants-là proviennent de tables sectorielles qui représentent divers secteurs, que ce soient les groupes de femmes, que ce soient les milieux communautaires, le milieu industriel. Donc, la société civile est présente et la société civile, donc, a accès aux informations par rapport aux dépenses d'un CLD.

M. Ouimet: Merci. Moi, ça fait le tour, M. le Président.

Le Président (M. Simard, Montmorency): M. le député de D'Arcy-McGee. C'est beau? Alors... Oui, monsieur, vous vouliez ajouter quelque chose?

M. Perron (Gérard): ...que vous compreniez bien, là, que c'est souvent des démarches à long terme que nos professionnels font. Et, quand on est sur une piste pendant deux, trois, quatre, cinq ans, bien ça peut être fatigant pour un professionnel de penser que quelqu'un peut remonter la filière. Dans le fond, c'est un peu le sens de notre propos.

M. Ouimet: Ça peut être intéressant pour un membre du public de remonter la filière aussi parce que ce sont ses argents.

M. Perron (Gérard): Oui, mais peut-être que si ça lui fait avorter un projet dans sa localité, il va être moins content en bout de ligne.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Alors, chers amis, merci beaucoup de votre présence et belle fin de soirée. J'appelle maintenant le groupe Compo-Haut-Richelieu inc. à se joindre à nous.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Simard, Montmorency): Bienvenue parmi nous. Je voulais simplement souligner, dans la salle également, la présence d'un habitué de l'Assemblée nationale, bien qu'il n'ait jamais été un élu, M. Augustin Roy, qui a longtemps été président du Collège du médecins, en fait, pendant près de 20 ans, hein? C'est un exploit, de 1974 à 1994. Alors, bienvenue parmi nous, M. Roy.

M. Lafrance, merci d'être avec nous, et on s'excuse du retard que nous vous imposons ainsi qu'aux personnes qui vous accompagnent. On vous remercie de votre collaboration. Auriez-vous l'amabilité de nous présenter les personnes qui sont avec vous?

Compo-Haut-Richelieu inc.

M. Lafrance (Serges): Oui, M. le Président. M. le Président, Mmes, MM. les commissaires, je suis le président de Compo-Haut-Richelieu et, pour les fins de la présentation, je suis accompagné de M. Charles Tremblay, administrateur de Compo-Haut-Richelieu et président-directeur général de Services Matrec; de Me Paul Adam, notre aviseur légal dans le cadre du présent projet de loi; et enfin M. Myroslaw Smereka, administrateur de Compo-Haut-Richelieu et conseiller de la nouvelle ville de Saint-Jean-sur-Richelieu.

Ces personnes participeront à la présentation comme telle, et, lors des échanges, M. le Président, Mme Christiane Marcoux, préfet de la MRC du Haut-Richelieu et conseillère de Saint-Jean-sur-Richelieu, et M. Charlemagne Vaillancourt, administrateur de Compo-Haut-Richelieu et maire de Saint-Alexandre, vont se joindre à nous lors de la discussion et des échanges suite à la présentation.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Nous vous écoutons attentivement, cher monsieur.

M. Lafrance (Serges): Compo-Haut-Richelieu est une société mixte, c'est-à-dire formée d'un partenariat public-privé, dont le mandat est la gestion des matières résiduelles.

Ses actionnaires sont la MRC du Haut-Richelieu et Services Matrec. La MRC du Haut-Richelieu détient la majorité des actions en tout temps. Ses représentants sont majoritaires au conseil d'administration, et un de ceux-ci en assume la présidence.

Les administrateurs de Compo-Haut-Richelieu sont au nombre de sept, dont quatre membres du conseil de la MRC du Haut-Richelieu. Ces derniers sont élus par leurs pairs aux deux ans. Les membres actuels sont le maire d'Henryville, moi-même, qui assume la présidence; le maire de Saint-Alexandre, M. Vaillancourt, qui assume la vice-présidence; M. Myroslaw Smereka, ex-maire de la ville de Saint-Jean-sur-Richelieu et actuellement conseiller municipal de Saint-Jean-sur-Richelieu; M. Gilles Dolbec, maire de la nouvelle ville de Saint-Jean-sur-Richelieu. Les administrateurs représentant Services Matrec sont MM. Charles Tremblay, Benoît Gendron et Michel Brodeur.

n(22 heures)n

Entre 1992 et 1994, ces partenaires ont investi près de 1 million de dollars en recherche et développement afin de définir une structure administrative la plus adéquate et les modes de gestion des matières résiduelles les plus appropriés. Le choix des structures s'est arrêté sur celui de la constitution d'une société d'économie mixte, ce qui n'était pas prévu par les lois en vigueur à l'époque. La MRC du Haut-Richelieu a reçu l'autorisation de fonder une compagnie par le biais d'un projet de loi privé, le projet de loi 211, sanctionné en juin 1994. La convention unanime des actionnaires a été approuvée en mai 1995 par le ministre des Affaires municipales. La compagnie a été constituée en août 1995, et une convention de gestion exclusive a été conclue entre la MRC et Compo-Richelieu à la fin de la même année.

La MRC a acquis compétence en matière de gestion des matières résiduelles, tel que le permettent le Code municipal et le Code des cités et villes, et dessert les municipalités suivantes: Saint-Jean-sur-Richelieu, Henryville, Lacolle, Mont-Saint-Grégoire, Notre-Dame-du-Mont-Carmel, Noyan, Saint-Alexandre, Saint-Paul-de-l'Île-aux-Noix, Saint-Sébastien, Saint-Valentin, Saint-Blaise-sur-Richelieu, Sainte-Brigitte-d'Iberville, Venise-en-Québec, qui représentent près de 90 000 personnes.

Les activités de la société ont débuté le 1er janvier 1996. On a, à notre compagnie, des services permanents d'information, des services de collecte d'ordures, des matières recyclables, de gestion des pneus, des résidus domestiques dangereux, des matériaux de construction, et les autres. Depuis notre création, plus de 4 millions de dollars ont été investis en infrastructures, soit trois parcs à conteneurs ou écocentres, plus connus, un centre de tri des matières recyclables, créé plus de 25 emplois permanents.

Notre société a pu se développer et réaliser les activités reliées à son mandat en s'appuyant sur son statut de personne morale de droit privé. Ce statut est la base même du partenariat formant la compagnie. Je vais maintenant céder la parole à M. Tremblay, qui représente le partenaire privé de notre société.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Très volontiers. M. Tremblay.

M. Tremblay (Charles): Donc, en tant que privé, je vais bien m'exprimer comme partenaire privé de la compagnie et non comme administrateur. Donc, l'intérêt pour une société comme Matrec, qui est une société privée, c'est de développer des projets au Québec et même dans le monde, développer des projets, donc, dans le domaine qui est notre spécialité, la gestion de la matière résiduelle, avec une perspective à long terme, mais avec un retour sur investissement, retour qu'on attendrait si on investissait dans d'autres entreprises dans ce domaine-là.

Bien entendu, comme société privée, quand on opère, on s'attend à opérer selon les règles des sociétés privées. Dans le contexte du privé, les éléments économiques, financiers, techniques, s'ils sont divulgués à nos concurrents, nos clients ou parfois à nos employés, peuvent nous rendre vulnérables face à la concurrence. Des fois, c'est pas tant l'information, mais c'est le moment aussi qu'elle est divulguée qui peut être problématique. Ça n'empêche pas que les entreprises privées qui ont des missions économiques doivent, pour survivre, aussi avoir des missions sociales et doivent travailler aussi dans une certaine transparence, surtout dans un domaine comme la gestion de déchets, et donc on privilégie toujours des projets qui répondent à ces choses-là, et la société d'économie mixte répondait, via des services d'information, des échanges continuels avec la MRC, une supervision complète de la MRC, à ces objectifs-là. Vous comprendrez que, quand on investit de l'argent ou on met des projets, des fois des informations stratégiques peuvent anéantir ces projets-là si elles sont dévoilées.

Parce que la société d'économie mixte qui a été créée avait comme objectif d'avoir un certain rendement, un certain profit pour intéresser des capitaux privés, la notion de profit, dans notre société, peut arriver selon trois manières. Il y en a peut-être d'autres, mais... Soit qu'on crée des monopoles ? puis, quand on crée des monopoles, on leur permet de faire des profits, mais on les surveille via des commissions ? soit qu'on crée une forme de «cost plus», là, excusez-moi le terme anglais. Ça a des avantages, mais certains inconvénients au niveau du laxisme. Ça force pas nécessairement le meilleur résultat possible, et il y a la loi de la concurrence qui force les entreprises privées à essayer de développer des façons les plus efficaces pour opérer.

Une ville ou une région, pour gérer ses déchets, peut choisir différentes solutions, soit la régie interne, donc opérer par elle-même, soit aller en soumissions publiques. La création de la société d'économie mixte, c'était dans le but de créer un autre type de travail qui allierait l'argent du privé, l'expertise du privé, mais aussi l'argent du public, mais le marché du public qui est là, de marier l'efficacité du privé avec le besoin du public. Et cette société d'économie mixte a été créée dans le but d'un projet-pilote, dans le but de vérifier les bienfaits de ça. Cette entreprise-là opère depuis quatre ans, et le conseil d'administration a réussi à mettre des projets quand même très intéressants en marche, et je crois que c'est justement cette relation privé-public et ce caractère à gestion privée qui ont fait que c'est un succès aujourd'hui.

La confidentialité, c'est, des fois, important aussi face au client. Donc, dans un contexte de profit, le client ne peut pas toujours comprendre, là, la notion de profit qu'il peut y avoir, et la façon que la société d'économie mixte a été créée permet par contre une transparence très claire entre le client de la MRC, qui est la MRC, à certains égards et les clients externes, donc les clients commerciaux.

Peut-être en terminant, le gouvernement a créé une loi-cadre après sur les sociétés d'économie mixte mais a fait, à notre avis, du point de vue privé, deux erreurs dans cette loi-cadre. Donc, il l'a assujettie à la Commission d'accès à l'information et il a ensuite déclaré que tous ses actifs seraient insaisissables, puisqu'ils seraient des biens publics. Donc, dès le moment qu'il a mis ces deux éléments-là, il y a plus aucun privé qui va être intéressé à investir dans une société dont les biens ne peuvent pas être saisis, donc ne peuvent pas être financés, et dont les stratégies, les actions seront rendues publiques à tout moment. Je vais laisser terminer Me Adam.

M. Adam (Paul): Alors, si vous le permettez, je voudrais aborder le volet peut-être un peu plus juridique, un peu plus terre-à-terre qui nous amène ici. Ce qu'il faut savoir pour bien comprendre notre intervention, c'est... Il faut savoir qu'en vertu de la loi actuelle on assimile à des... L'article 5 de la loi actuelle, telle qu'elle est en vigueur, assimile à des organismes municipaux notamment, entre autres choses, les organismes dont le conseil d'administration est composé majoritairement de membres du conseil d'une municipalité ? c'est le paragraphe 1° de l'article 5 ? de même que des organismes dont le conseil d'administration est composé d'élus municipaux, à l'exclusion d'un organisme privé ? c'est le paragraphe 2.° Le troisième paragraphe de l'article 5 assimile également des organismes municipaux, les sociétés d'économie mixte qui sont constituées en vertu de la loi-cadre, que j'appellerai... qui est, en fait, la Loi sur les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal.

Je précise immédiatement que, Compo ayant été constituée en vertu d'une loi privée, de la loi 211, donc, elle n'est pas une société d'économie mixte régie par la loi publique. Donc, la problématique n'est pas au niveau du paragraphe 3° de l'article 5 tel qu'il existe actuellement. Compo a le statut de personne morale de droit privé en vertu de l'article 12 de la Loi concernant la MRC du Haut-Richelieu, bien que son conseil soit constitué obligatoirement et majoritairement de membres du conseil de la MRC ? c'est l'article 1 de la loi privée.

n(22 h 10)n

On a eu affaire... Avec cette loi-là, avec ce cadre juridique là, on a eu affaire... On a eu deux décisions de la Commission d'accès à l'information. La première, qui est l'affaire Boucher, a conclu, a confirmé, en fait, ce que nous, on prétend qui est l'intention du législateur à l'effet que Compo-Haut-Richelieu est un organisme privé non assujetti à la Loi sur l'accès à l'information. Par contre, est arrivée une deuxième décision de la Commission d'accès à l'information, qui est la plus récente, qui est arrivée le 11 juin 1999 et qui est l'affaire de M. Morazain qui, lui, cherchait à obtenir les états financiers de Compo-Haut-Richelieu. Cette fois-là, assez étrangement, malgré le précédent qui existait, la Commission d'accès à l'information a conclu que Compo-Haut-Richelieu était un organisme municipal du seul fait que son conseil d'administration était composé majoritairement d'élus de la MRC.

Cette décision-là a été portée en appel devant la Cour du Québec, devant le juge Mailloux, et, après un débat qui a duré une journée, de 9 h 30 à 17 heures ? je peux vous le dire parce que j'étais un des avocats impliqués ? le juge a pris la cause en délibéré et, après huit ou 10 mois de délibéré, a renversé la décision de la Commission d'accès à l'information et a conclu effectivement que Compo-Haut-Richelieu était un organisme privé non assujetti à la Loi sur l'accès. Cette même décision-là... Et je passerai rapidement sur les motifs du juge ? de toute façon, la décision est reproduite en annexe à notre mémoire ? mais on retiendra que le juge a conclu que l'intention du législateur, l'intention de l'Assemblée nationale était effectivement d'assimiler Compo-Haut-Richelieu à une personne morale de droit privé non assujettie à la Loi sur l'accès. Il a d'ailleurs fait le parallèle entre la loi-cadre qui est en vigueur, c'est-à-dire la Loi sur les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal... Parce que, quand on consulte le projet de loi qui a été mis à l'étude, originalement, dans le projet de loi, Compo-Haut-Richelieu était nommément désignée comme assujettie à... était assimilée à un organisme municipal. La loi qui a été sanctionnée a fait... sur représentation des gens de la MRC, notamment, a exclu Compo-Haut-Richelieu. Je précise immédiatement que la décision du juge Mailloux, de la Cour du Québec, fait l'objet d'une requête en révision judiciaire qui va être entendue au mois de septembre de cette année.

Maintenant, l'article 3, qui nous amène ici, l'article 3 du projet de loi n° 122...

Le Président (M. Simard, Montmorency): Très rapidement, s'il vous plaît, monsieur.

M. Adam (Paul): ... ? rapidement ? c'est qu'il dit au paragraphe... Il remplace les paragraphes 1° et 2° de l'article 5 de la loi actuelle et introduit trois nouveaux paragraphes. Le nouveau paragraphe 2° assimile un organisme municipal, entre autres organismes, à un «organisme dont le conseil d'administration est formé majoritairement de membres du conseil d'au moins une municipalité», ce qui est le cas de Compo. Le deuxième paragraphe, qui est le nouveau paragraphe 2.1°, assimile...

Le Président (M. Simard, Montmorency): ...vous pourrez poursuivre tout à l'heure, parce que vous avez amplement dépassé le temps qui vous était dévolu. Malheureusement, nous sommes astreints à des contraintes très serrées d'ici minuit.

Alors, M. le ministre, à vous la parole.

M. Facal: Merci beaucoup, M. le Président. Je vous souhaite, madame, messieurs, la bienvenue. Personnellement, quand j'ai été nommé à la fonction qui est la mienne présentement, j'ai trouvé le projet de loi n° 122 tel que l'avait laissé mon prédécesseur. Donc, si je comprends bien votre problématique, si je la résume en deux phrases, il semblerait que, depuis l'adoption d'un bill privé en juin 1994, soit sous l'ancien gouvernement libéral, Compo-Haut-Richelieu a le statut d'organisme privé, donc non assujetti à la Loi sur l'accès, à la différence des autres sociétés d'économie mixte qui pourraient voir le jour dans l'avenir, qui, elles, seraient assujetties, et vous souhaitez préserver votre non-assujettissement actuel. C'est ça, en deux phrases, votre requête.

Je connais vraiment rien à la gestion des déchets, alors vous allez devoir m'expliquer quelque chose. Vos clients, ce sont les municipalités de la MRC du Haut-Richelieu. Vous gérez les déchets de qui au juste?

M. Lafrance (Serges): On peut...

Le Président (M. Simard, Montmorency): M. le maire, s'il vous plaît.

M. Lafrance (Serges): On peut gérer les déchets des résidents, qui sont sous responsabilité municipale, mais on peut gérer aussi les déchets commerciaux ? institutionnel et commercial ? qui ne sont pas sous la juridiction municipale sur le territoire du Haut-Richelieu et...

M. Facal: C'est ça, je m'étais mal exprimé, vous pouvez gérer...

M. Lafrance (Serges): On le fait.

M. Facal: ...les déchets ? vous le faites ? d'à peu près quiconque habite ce territoire. Bon. Vos déchets, en passant, vous les enfouissez, vous les brûlez, vous les exportez? Qu'est-ce que vous faites avec?

M. Lafrance (Serges): O.K. M. le Président?

Le Président (M. Simard, Montmorency): Oui, très volontiers.

M. Lafrance (Serges): Vous comprendrez que les déchets... Comme je vous ai expliqué dans mon préambule, on a passé par l'ensemble des cycles, autant par la valorisation... Je vous ai mentionné que nous avions bâti un centre de tri, donc nous faisons la valorisation des matières recyclables, autant au niveau des résidentielles qu'institutionnelles et commerciales, et, à la fin de la ligne, effectivement nous enfouissons nos déchets, mais à l'extérieur de notre territoire présentement.

M. Facal: Où vous les envoyez?

M. Lafrance (Serges): À Saint...

M. Tremblay (Charles): Ça va principalement à Lachenaie...

M. Facal: Lachenaie.

M. Tremblay (Charles): ,,,sur la rive nord.

M. Lafrance (Serges): Sur la rive nord.

M. Facal: O.K. Vous avez parlé du fait que votre milieu est très compétitif, qui sont vos principaux compétiteurs?

M. Tremblay (Charles): Peut-être un point à préciser, donc Compo-Haut-Richelieu, oui, gère... peut gérer des déchets sur le territoire du Haut-Richelieu mais peut aller à l'extérieur de ce territoire-là aussi. Donc, les compétiteurs, c'est le marché, c'est des entreprises de gestion de déchets, parce que l'ensemble des clients commerciaux, institutionnels et industriels sont des clients... des gens qui peuvent disposer de leurs déchets avec n'importe quelle entreprise privée de... publique aussi, mais de collecte de déchets. Donc, c'est l'ensemble des joueurs dans l'industrie du déchet au Québec. Parce que, bon, bien, le Haut-Richelieu, c'est un marché près de Montréal, donc tous les joueurs sont dans la région de Montréal.

M. Facal: Est-ce que Compo-Haut-Richelieu est une société rentable? Fait-elle des profits?

M. Lafrance (Serges): Oui.

M. Facal: De quel ordre?

M. Lafrance (Serges): Sur le volet résidentiel, il faut comprendre... Dans la constitution interne qu'on s'est donnée au niveau du résidentiel, elle le fait au coût coûtant des contrats et, sur le volet commercial, elle est sur le marché concurrentiel, en compétition avec l'ensemble des autres entreprises qui offrent des services sur notre territoire. Mais, effectivement, nous faisons des profits sur les volets commerciaux.

M. Facal: Est-ce que je pourrais savoir, par exemple, en l'an 2000, quels sont les profits qu'a faits votre entreprise?

M. Tremblay (Charles): Compo-Haut-Richelieu a fait, je sais pas... a fait de l'ordre de 150 000 de profits avant impôts, là, très, très sommairement, là, sur un chiffre d'affaires d'environ 4 millions.

M. Facal: Un chiffre d'affaires de 4 millions et des profits, avant impôts, de 150 000 $ pour l'année 2000.

M. Tremblay (Charles): Oui, mais il faut comprendre que c'est une entreprise aussi qui est en démarrage, qui a fait des... qui a pas toujours fait du profit. Il y a aussi 4 millions qui ont été investis dans des centres de tri. Les revenus viennent des clients, donc, de la MRC, mais des clients externes, mais aussi de la vente de matières. Donc, en exploitant un centre de tri, on vend ces matières-là sur le marché libre, donc aux papetières, ces choses-là.

M. Facal: Est-ce que l'année 2000 fut la première année à profits? Auparavant, la société faisait des déficits?

M. Tremblay (Charles): Elle a fait des déficits, oui.

M. Facal: O.K. Comment sont redistribués les profits?

M. Tremblay (Charles): Bien, le principe de la redistribution des profits...

M. Facal: Je veux dire, vous avez des actionnaires, qu'est-ce qui retourne aux municipalités? Qu'est-ce qui retourne à l'entreprise...

M. Tremblay (Charles): Matrec.

M. Facal: ...Matrec? Comment ça se passe?

M. Tremblay (Charles): Bien, on est actionnaires à 60-40, donc la MRC est actionnaire à 60 % puis Matrec à 40 %. Donc, s'il y a...

M. Facal: Alors, 60 % des profits sont redistribués aux municipalités, 40 % à Matrec.

M. Tremblay (Charles): Oui. Ce qui arrive dans la vraie vie, comme dans toute entreprise privée, c'est que les profits, on les laisse dans l'entreprise, on les réinvestit dans des nouveaux projets et on développe. Donc, présentement il y a jamais eu de redistribution de profits, mais, comme dans toute entreprise privée, les profits pourraient être redistribués aux actionnaires.

M. Facal: J'ai entendu dire...

M. Tremblay (Charles): Et on a...

M. Facal: J'ai entendu dire que, dans l'industrie du déchet, certaines entreprises importent des déchets d'ailleurs et les traitent. Est-ce que vous faites cela?

M. Tremblay (Charles): Où vous émettez la notion d'importation, là, d'une région à l'autre?

M. Facal: Bien, par exemple, j'ai cru lire dans les journaux ? je crois que le député d'Orford avait soulevé ça ? qu'il arrive que, par exemple, des entreprises d'ici... Et, là je peux pas vraiment vous donner de noms, parce que, comme je vous dis, je suis un néophyte total en la matière, des déchets, par exemple, en provenance des États-Unis soient traités ici.

M. Tremblay (Charles): Ça, c'est impossible. Bien, c'est impossible... C'est illégal, là.

M. Facal: Illégal, ah bon.

n(22 h 20)n

M. Tremblay (Charles): Bien oui. Les déchets, au Québec, ne peuvent pas être traités qu'ailleurs au Québec au niveau du déchet non dangereux. Il y a des règles différentes au niveau des sols contaminés puis au niveau des déchets dangereux, mais, au niveau du déchet que Compo-Haut-Richelieu joue, les matières résiduelles dans lesquelles elle joue, ces matières-là doivent nécessairement être... ne peuvent être enfouies à l'extérieur du Québec ou ne peut accueillir des déchets à l'extérieur du Québec.

M. Facal: O.K. Donc, il est, si je comprends bien, illégal pour des déchets de traverser des frontières?

M. Tremblay (Charles): Pour les déchets qu'on appelle les sacs verts ou les déchets résidentiels, là, les déchets domestiques, oui, mais...

M. Facal: Et, pour les déchets de type industriel, c'est un autre régime.

M. Tremblay (Charles): Des déchets de type industriel dangereux, c'est un autre régime, effectivement.

M. Facal: Et là il peut y avoir comme des...

M. Tremblay (Charles): Il y a des déchets qui sortent du Québec vers les États-Unis, puis il y a des déchets qui rentrent des États-Unis vers le Québec.

M. Facal: O.K. Vous, vous êtes pas là-dedans?

M. Tremblay (Charles): Non. Bien, pas Compo-Haut-Richelieu.

M. Facal: O.K. Est-ce que vous trouvez pas curieux qu'à l'avenir des sociétés d'économie mixte qui pourraient être créées, qui seraient identiques à la vôtre en termes de statut légal, soient assujetties à la Loi sur l'accès, mais que vous, vous ne le soyez pas parce que vous avez eu la chance de naître avant elles? Trouvez-vous ça un peu cocasse?

M. Tremblay (Charles): Bien, ce serait cocasse, mais ça arrivera pas.

M. Facal: Pourquoi?

M. Tremblay (Charles): Bien, je pense que ces compagnies-là trouveront pas de partenaires privés pour investir avec elles.

M. Facal: Mais, si vous, vous l'avez pu, pourquoi d'autres ne pourraient pas?

M. Tremblay (Charles): Bien, on a pu le faire parce que les actifs de Compo-Haut-Richelieu, ce que j'expliquais tantôt, sont des actifs de domaine privé, donc ils sont saisissables. Et, puisqu'ils sont saisissables, Compo-Haut-Richelieu fait affaire avec des banques, elle finance ces actifs-là avec des banques, ce qui limite l'injection de capital des deux partenaires. Donc, dans la loi-cadre, ces actifs-là sont considérés comme des actifs publics et donc saisissables... insaisissables. Donc, il y a pas une banque qui va les financer parce qu'elle ne peut pas les reprendre si jamais il y a une créance qui est impayée, premier des points.

Deuxième des points, ces sociétés d'économie mixte là sont assujetties à la loi d'accès à l'information et c'est difficile, dans le cadre de cette loi-là, d'oeuvrer dans un marché de concurrence. Comme vous le faisiez mention, des sociétés d'État qui font des alliances avec le privé, le privé va aller faire des alliances avec des sociétés qui vont avoir un cadre de fonctionnement qui leur ressemble un peu plus. Donc, ça va être des sociétés d'économie mixte qui vont attirer peut-être plutôt comme partenaires des OSBL ou des... Écoutez, c'est ma perception, là. Je parle comme privé, mais ça fait trois ans que cette loi-cadre est là, puis j'ai pas entendu grand intérêt de la part du secteur privé pour créer ce type d'expérience encore.

M. Facal: O.K. Et j'imagine que Matrec, c'est quelque chose de très gros et que Compo-Haut-Richelieu n'est qu'une petite partie des activités de Matrec, ou bien est-ce que Compo-Haut-Richelieu, c'est la majeure partie ou l'essentiel de ce qu'est Matrec?

M. Tremblay (Charles): Votre question est intéressante.

M. Facal: Je vous la pose en toute candeur. Vraiment, je connais rien à ça.

M. Tremblay (Charles): Oui, oui. Donc, si on parle en termes monétaires, Compo-Haut-Richelieu, c'est une petite partie de Matrec. Puis, si on regarde Matrec dans cette société ou dans... Mais Compo-Haut-Richelieu, c'est un bébé, si on peut dire, qui a été créé par la MRC du Haut-Richelieu et Matrec, alors que Matrec était une petite société dans le domaine du déchet.

M. Facal: Et Matrec au grand complet a un chiffre d'affaires de combien?

M. Tremblay (Charles): D'environ 75 millions.

M. Facal: Ah! Et c'est québécois?

M. Tremblay (Charles): C'est de contrôle international, là. Donc, ça fait partie du groupe Suez.

M. Facal: Du groupe quoi?

M. Tremblay (Charles): Suez.

M. Facal: Suez.

M. Tremblay (Charles): Oui. Donc...

M. Facal: C'est quoi, ça, Suez? C'est dans quel pays, ça?

M. Tremblay (Charles): Suez, bien, c'est partout dans le monde. Donc, c'est un groupe qui est dans le domaine de la propreté, dans le domaine de l'énergie, dans le domaine des communications et qui est un groupe qui est détenu par des actionnaires multiples, dont Power Corporation, qui est mondial.

M. Facal: O.K. Je voudrais adresser, M. le Président, une dernière question peut-être...

Le Président (M. Simard, Montmorency): ...15 secondes, M. le ministre.

M. Facal: Oui. Avec des élus municipaux... Vous trouvez pas curieux, par exemple, je sais pas, M. Smereka, vous qui avez été pendant longtemps maire d'une municipalité, que les municipalités, elles, soient assujetties à la Loi sur l'accès, mais qu'en même temps leur premier magistrat puisse être membre du conseil d'administration d'une entité qui, elle, ne le serait pas?

Le Président (M. Simard, Montmorency): Très rapidement, s'il vous plaît.

M. Facal: Il y a là une curiosité, non?

M. Smereka (Myroslaw): Bien, c'est très simple, écoutez, à partir du moment que vous êtes prêt à plonger dans la forme de partenariat public-privé, que vous soyez société d'État, que vous soyez municipalité, si vous jugez que cette formule peut donner des retombées positives pour votre collectivité et que vous vivez l'expérience, puis que vous voyez qu'effectivement il y a des retombées positives pour votre collectivité, comme élu, j'ai aucun problème. Si Québec peut le faire dans ses sociétés d'État, moi, comme municipalité, je suis peut-être un petit peu plus petit, mais j'ai pas plus peur du privé que la société d'État.

Le Président (M. Simard, Montmorency): M. Smereka, M. le maire, madame, messieurs, merci de... Non, c'est vrai, excusez, j'allais oublier l'opposition. Je m'en excuse mille fois. M. le porte-parole, veuillez me pardonner. Ha, ha, ha!

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Nous sommes minoritaires, mais nous sommes là, n'oubliez pas ça.

Madame, messieurs de Compo-Haut-Richelieu, bienvenue à nos travaux. Comment concilier l'intérêt des contribuables de suivre les fonds publics, puisque l'entreprise est financée à 60 % par des fonds publics... Dans d'autres mémoires que nous avons reçus ? et, j'imagine, nous allons recevoir les groupes en audience probablement demain ou vendredi ? municipalité de Saint-Grégoire souligne que le manque de renseignements empêche les élus et la population du Haut-Richelieu d'exercer un contrôle adéquat sur la gestion et les orientations de Compo-Haut-Richelieu et l'Association pour une gestion écologique des déchets dans le Haut-Richelieu nous disent que Compo-Haut-Richelieu s'appuie sur son statut de personne morale de droit privé pour refuser de divulguer tout renseignement significatif sur ses objectifs, son financement, ses résultats financiers, ses activités.

Le public est majoritaire dans votre entreprise à 60 %. Ils ne sont pas minoritaires, ils sont majoritaires. J'entends vos arguments, comme le ministre entend vos arguments, mais comment concilier cet intérêt, de la part de l'actionnaire majoritaire sur le plan des fonds publics, de pouvoir suivre et de pouvoir obtenir des redditions de comptes?

Le Président (M. Simard, Montmorency): M. le maire.

M. Lafrance (Serges): Vous comprendrez que la majeure partie des deniers qui sont perçus du secteur des membres publics viennent par versement de quote-part de la MRC du Haut-Richelieu. Et cette quote-part, et ces argents, et ces deniers sont publics. Ces renseignements sont publics. C'est vérifié par des vérificateurs externes annuellement, et c'est déposé pour consultation, et c'est accessible en consultation. Donc, la majeure partie des dépenses qui sont afférentes... En faisant référence, vous faisiez référence à la municipalité de Mont-Saint-Grégoire, leur quote-part, autant que celle... de les miennes, que celle de la grande ville ou des autres villes desservies par le service, sont en quote-part à la MRC et sont publiques.

M. Ouimet: Qu'est-ce qui est accessible? Qu'est-ce qui, comme renseignement, est disponible pour les citoyens? Est-ce que c'est le versement de la quote-part, ils savent que x milliers de dollars est allé vers l'entreprise Compo-Haut-Richelieu, ou est-ce que c'est de suivre partout où se dirigent ces fonds publics?

M. Lafrance (Serges): Je peux vous indiquer qu'à la MRC nous pouvons détailler le coût par porte qui pourra représenter la collecte, le transport, l'enfouissement, la collecte sélective, le service permanent d'information, les argents nécessaires au traitement de nos matières recyclables. Et c'est tout détaillé par porte et ça crée un coût annuel qui se représente en quote-part. Donc, je pense qu'au niveau de l'information pour les citoyens... Je pense que c'est très détaillé et c'est accessible à la MRC du Haut-Richelieu. Tout ce volet-là, qui représente la majeure partie, présentement, de nos activités... Comme je le disais tantôt, sont même vérifiées annuellement, comme tout organisme municipal, comme ma propre municipalité qui est vérifiée et qui est envoyée annuellement aux Affaires municipales, ici, à Québec.

M. Ouimet: Si c'est le cas, pourquoi refuser de vous soumettre à l'accès à l'information?

M. Lafrance (Serges): Il faut comprendre que ce n'est pas exclusivement de l'activité municipale par quote-part de MRC qui est la fonction de la compagnie comme telle. On vous a bien expliqué tantôt qu'on avait des financements et des infrastructures, et ces infrastructures-là font affaire aussi avec le commercial. O.K.? Et c'est sur ce volet-là que ça devient privé pour protéger la compétition.

Une voix: Si je peux donner un exemple...

n(22 h 30)n

M. Ouimet: Mais est-ce qu'il y a un cloisonnement parfait entre les fonds publics et les fonds privés et que les fonds publics ne servent qu'uniquement aux activités de gestion des déchets sur le territoire de la MRC du Haut-Richelieu ou est-ce que, à un moment donné, les argents se fondent ensemble? Parce que, si c'est le dernier cas, le public est actionnaire majoritaire, il a le droit de savoir tout ce qui se passe au sein de l'entreprise, pas juste ce qui relève de la municipalité.

M. Tremblay (Charles): Je vais vous donner un cas type parce qu'il y a deux choses; il y a l'exploitation, donc ce que M. Lafrance expliquait comme le coût par porte du service ? on s'entend bien que les orientations ont été fixées par la MRC ? le coût par porte est divulgué, connu au même titre que si la MRC était allée en soumission puis avait donné le coût par porte de l'entrepreneur. Mais quand on arrive à des investissements comme un centre de tri... Un centre de tri, lui, dessert un client qui est, oui, la MRC en partie, mais aussi, à 70 %, d'autres clients qui ne sont pas la MRC, des entreprises privées du coin, des entreprises de gestion de déchets. Et la...

M. Ouimet: Mais l'activité commerciale qu'effectue Compo-Haut-Richelieu est financée à partir de 60 % de fonds publics?

M. Tremblay (Charles): Financée à partir de 60 % de fonds publics et 40 % de fonds privés dans un domaine de concurrence. Dans un domaine de concurrence, les argents qui sont parvenus de la MRC du Haut-Richelieu au niveau de la Table des maires s'en allaient pour un investissement dans un centre de tri dont les montants étaient connus, la construction était connue, les objectifs étaient connus. Et il y a un vérificateur qui vérifie les livres de Compo-Haut-Richelieu, c'est un vérificateur. Écoutez...

Puis votre ratio de 60-40... L'objectif de la société d'économie mixte, c'était d'allier les bénéfices du privé, mais pour ne pas être une société à 100 % privée, on a donné le contrôle puis on laisse le contrôle au public pour que le public puisse faire son objectif de supervision et tout ça et garder le contrôle de tout ça. Donc, si on avait mis le privé majoritaire, le public aurait perdu toute son essence justement de pouvoir s'assurer que le service qui est rendu est rendu en fonction de leurs citoyens. Et les maires qui siègent au conseil d'administration sont là pour rapporter aux autres maires de la Table des maires la cohérence de Compo-Haut-Richelieu face à son engagement envers la population du Haut-Richelieu.

M. Ouimet: 60 % représentent combien? Combien d'argent?

M. Tremblay (Charles): Alors, précisément, ce qui a été investi?

M. Ouimet: Ce qui est perçu, là, au niveau... ce qui est versé en termes de quote-part.

M. Tremblay (Charles): Ah! En termes d'immobilisations? Donc, c'est l'actionnariat comme tel, donc ce qui constitue le capital-actions de la compagnie. Écoutez, de mémoire... Je vais donner de mémoire ce que Matrec a investi là-dedans, ça doit friser... ça doit être un peu inférieur au million, un peu moins de ça, là. C'est peut-être 600 000 ou 700 000. La MRC doit être à 60 %, donc faites le rapport. Je ne l'ai pas de mémoire, mais ça, ces données-là sont connues, sont publiques aussi. Donc...

Une voix: M. le maire.

M. Lafrance (Serges): Il faudrait juste préciser que toutes les immobilisations qui sont à caractère municipal, donc de la MRC du Haut-Richelieu, sont sous règlement d'emprunt et sont publiques et sont connues de l'ensemble de la population. Quand il y a des immobilisations qui requièrent un financement, pour faire soit notre participation à l'immobilisation ou dans l'injection de fonds pour amener une liquidité à la compagnie, c'est fait par des gestes publics, par résolution du conseil des maires, et c'est par règlement d'emprunt si les besoins sont nécessaires. Comme je vous le disais tantôt, la réalisation des parcs à conteneurs et du centre de tri et ces investissements-là, il faut comprendre que ça a été public parce que ça a été adopté et ça a été approuvé par le ministère des Affaires municipales, ici, à Québec.

M. Ouimet: Mais alors, comment concilier les intérêts, entre autres, de la municipalité du Mont-Saint-Grégoire et de l'Association pour une gestion écologique des déchets dans le Haut-Richelieu? Comment concilier, eux, leur intérêt de pouvoir suivre à la trace tout ce qui se passe avec les investissements publics, les fonds publics?

M. Lafrance (Serges): J'aimerais que vous précisiez votre question parce que je saisis mal...

M. Ouimet: Bien, tantôt j'évoquais un petit peu ce qu'ils nous disent dans leur mémoire. Je vais répéter à tout le moins ce que nous dit la municipalité de Saint-Grégoire: «La municipalité du Mont-Saint-Grégoire souligne que le manque de renseignements empêche les élus et la population du Haut-Richelieu d'exercer un contrôle adéquat sur la gestion et les orientations de Compo-Haut-Richelieu.» Ils sont bâilleurs de fonds, ils sont bâilleurs de fonds puis ils veulent savoir ce qui se passe.

Le Président (M. Simard, Montmorency): M. Vaillancourt.

M. Vaillancourt (Charlemagne): Oui, je vais essayer de répondre un tant soit peu à cette question. En fait, ce qui fait en sorte que les élus prennent des décisions éclairées, c'est que le Bill 211 qui nous a créés, en fin de compte, à l'article 6, oblige la compagnie, à chaque anniversaire du mois d'octobre, à présenter à l'ensemble des maires qui font partie... dont on a fait la nomenclature tout à l'heure, là, à dire ce qu'ils vont investir, ce qu'ils vont faire, les orientations pour l'année qui s'en vient. Alors, Compo se doit de présenter et les budgets et les projets qu'ils ont, qu'ils font accepter d'abord, et présenter les budgets nécessaires pour aller de l'avant avec le projet en question si l'ensemble des 16 municipalités... Maintenant, on est seulement 13, puisqu'il y a eu fusion, mais quand même. Alors, on a l'obligation de le faire, là.

Alors, ce sont les élus municipaux. Quand on dit, à un moment donné, que c'est Compo-Haut-Richelieu qui... les administrateurs qui font tout, c'est absolument faux. C'est vrai qu'on est là en majorité, les quatre maires déjà sur le conseil d'administration, mais, je me répète, à tous les mois d'octobre précédant l'année, on se doit de présenter les projets qu'on doit faire accepter et prévoir leur financement, les faire accepter par l'ensemble des maires qui... À mon sens, ce sont des conseillers régionaux, ces maires-là. Alors, ils travaillent pour le bien de la région, pour ce qui est le plus avantageux. Et c'est dans ce sens-là qu'on croit ? et j'en suis persuadé ? que nous sommes des représentants de notre population. Alors, quand on donne le feu vert à Compo-Haut-Richelieu, quand on nous donne le feu vert, à nous, les quatre administrateurs sur les sept, d'aller de l'avant avec le projet tel que présenté avec le financement voulu, on pense que c'est tout à fait correct d'aller dans ce sens-là.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci, M. le maire. En conclusion, M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Bon, par rapport au dernier argument, le ministre ici présent est également un représentant de la population. Ça n'empêche pas les citoyens d'adresser des demandes d'accès à l'information par rapport au ministère qu'il gère.

M. Vaillancourt (Charlemagne): Oui. Encore là, j'ai peut-être oublié un aspect, là. Quand on présente un projet quelconque, on le présente avec des budgets, avec les coûts que ça va engendrer et tout ça.

M. Ouimet: ...

M. Vaillancourt (Charlemagne): Pardon?

M. Ouimet: ...fait la même chose?

M. Vaillancourt (Charlemagne): Oui. Mais je pense que le public, il se trouve entièrement renseigné sur les développements de la compagnie comme telle.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Bien.

M. Ouimet: Très bien, merci.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Madame, messieurs... Oui, M. le maire, un dernier mot peut-être, rapidement.

M. Lafrance (Serges): Je voudrais juste terminer en faisant la lecture modifiée de la conclusion de notre mémoire, si vous le permettez, M. le Président. Ça va prendre une minute peut-être...

Le Président (M. Simard, Montmorency): Bien, monsieur, vraiment, nous avons révolu et dépassé largement le temps qui nous était imparti.

M. Lafrance (Serges): Alors, nous allons en profiter pour en faire le dépôt tout simplement pour modifier la conclusion de notre mémoire.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Très volontiers, ça pourrait fort bien compenser. Merci.

n(22 h 40)n

Alors, madame, messieurs du Haut-Richelieu, merci de votre présence parmi nous ce soir et bon retour dans vos foyers.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Simard, Montmorency): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, j'appelle M. Vincent Emmell, de Progesta, à se joindre parmi nous. Bonsoir, monsieur...

M. Emmell (Vincent): Bonsoir.

Le Président (M. Simard, Montmorency): ...et bienvenue.

M. Emmell (Vincent): Merci.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Nous nous excusons du retard que nous vous imposons dans votre présentation. Nous vous écoutons.

Progesta inc.

M. Emmell (Vincent): M. le Président, M. le ministre, Mme la députée et MM. les députés, je vous remercie de me donner l'occasion de présenter quelques commentaires sur le projet de loi. Je voudrais vous parler de... Aujourd'hui, j'appelle ça un peu des «anecdotes», mais c'est ce que vivent un peu... assez fréquemment les demandeurs d'accès. Alors, je vais vous conter ce que... J'ai été témoin de deux cas en particulier, puis c'est un peu avec ces deux cas-là et beaucoup d'autres que j'ai décidé de présenter ce mémoire-là pour le projet 22.

Alors, il y avait un groupe communautaire financé en grande partie par un organisme public et ce groupe communautaire là a eu un grave problème de mésentente dans leur mission. Alors, le conseil d'administration de ce groupe communautaire là a décidé de démissionner et de convoquer une assemblée générale spéciale pour nommer un nouveau C.A. et clarifier la mission. Comme de raison, il y a eu un nouveau conseil d'administration, et le fonctionnaire responsable de l'octroi des subventions à cet organisme-là, pour toutes sortes de raisons, a décidé d'appeler la banque et de geler les fonds qui avaient été déposés pour cet organisme-là.

Alors, l'organisme a fait des demandes d'accès pour essayer de connaître les raisons de... pourquoi une telle chose s'était produite, et il n'avait jamais de réponse, et beaucoup de temps s'est écoulé. En fin de compte, ce fonctionnaire-là a peut-être été malchanceux, parce que cet organisme-là a suivi une formation que je donne souvent sur la protection des renseignements personnels et l'accès, et le responsable de cet organisme-là est venu me voir et m'a demandé: Comment faire pour faire une demande d'accès? Ça a pas d'allure! Il m'a tout conté son histoire.

Alors, ce que j'ai fait avec ce responsable-là... on a cherché qui était le responsable de l'accès à cet organisme-là et nous lui avons envoyé une demande d'accès par messager et avec confirmation de réception. Le responsable de l'organisme n'était pas tellement confiant d'avoir une réponse, mais, à sa grande surprise, le responsable de l'accès a communiqué immédiatement avec lui puis il lui a demandé pourquoi il n'avait pas communiqué avant avec lui ? mais, comme de raison, la plupart des gens ne connaissent pas les responsables de l'accès ? et les fonds furent débloqués dans les 24 heures. Ça faisait plus d'un an que les fonds étaient bloqués.

Dans l'autre cas, ça concerne plus un dossier médical. Et ce genre de questions là, je me le fais poser continuellement dans les formations que je fais, tellement que je dois faire un aparté dans la formation pour essayer d'expliquer aux gens comment accéder aux dossiers médicaux. Dans ce cas-là, c'était une personne âgée qui avait eu un accident à sa cheville. Alors, il a été voir le médecin, il a fait prendre des radios de sa cheville, et le diagnostic était que sa cheville était correcte, il n'y avait pas de problème. Mais, de semaine en semaine et de visite en visite au médecin, il avait toujours mal à la cheville. Alors, il a décidé que, peut-être, ce serait intéressant d'avoir une autre expertise. Alors, il a été demander une copie de son dossier, c'est-à-dire des radios, pour pouvoir aller voir un autre médecin, et on l'a informé que ça ne lui appartenait pas, qu'il n'avait pas le droit d'avoir ça. Et, lui aussi, il a été assez chanceux, il a assisté à une de mes formations, et, lui, je lui ai tout simplement conseillé d'aller voir le responsable qui gardait... qui était responsable pour garder les radios et de le menacer simplement de faire une demande en bonne et due forme aux responsables de l'accès. Et il a eu immédiatement son dossier.

Alors, ceci... Les gens vivent ça de façon journalière. Et c'est un peu... Ces deux exemples-là décrivent bien ce que ces gens-là vivent dans l'accès. Et il y a beaucoup d'organismes, encore aujourd'hui, qui, si une demande d'accès n'est pas écrite ou si elle est écrite et elle ne s'adresse pas au responsable de l'accès, ne considèrent pas que c'est une demande d'accès, ou, si une demande n'est pas faite officiellement, dans le fond, au responsable de l'accès et que la personne ne demande pas officiellement au responsable de l'accès de l'aider à faire sa demande, le responsable de l'accès n'aide pas ces gens-là.

Alors, c'est cette attitude, je crois, qui doit changer. Ça fait maintenant presque 20 ans que la Loi sur l'accès existe, et il est encore dans les moeurs des organismes de tout faire pour retarder l'accès ou décourager l'accès. Et avec les nouvelles technologies de l'information, ça devrait devenir obligatoire, dans l'utilisation de ces technologies-là, d'essayer de rendre une meilleure transparence de l'administration publique et aussi de favoriser l'accès.

Ça fait que je voudrais terminer tout simplement en relevant certaines recommandations du rapport. Vous devez absolument trouver le moyen d'inclure dans la loi, comme principe fondamental, que toute technologie utilisée doit maintenir ou bonifier les droits prévus dans les lois actuelles. Elle ne doit jamais avoir pour effet de diluer nos droits. Puis, dans le rapport annuel, les organismes devraient informer le contribuable de l'utilisation des clauses dérogatoires. Si celles-ci sont présentes dans leur loi constitutive, ils devraient informer des ententes de communication de renseignements personnels qu'ils ont faites durant l'année. Ils devraient aussi informer de toutes utilisations ou communications de renseignements qui ont été faites sans consentement.

Puis, si un organisme possède un site Internet, il devrait être obligatoire d'y publier les documents administratifs dès qu'ils deviennent publics, de publier aussi les renseignements à caractère public qui sont déjà prévus par la loi, et aussi rendre obligatoires la liste de classement ainsi que le calendrier des délais de conservation sur leur site. Ceci aiderait énormément à l'accès à l'information.

Puis, si une demande ? et ça, c'est par souci vraiment de donner un bon service au contribuable ? si une demande d'accès n'est pas assez précise, le responsable devrait obligatoirement prêter assistance. Puis tout employé d'un organisme devrait être habilité à recevoir les demandes d'accès. Et, si le responsable juge qu'une demande doit être adressée à un autre organisme, le responsable devrait avoir l'obligation de transmettre à cet organisme compétent... à l'autre organisme compétent et de faire parvenir une compagnie... une copie au demandeur.

Je vous remercie beaucoup. J'attends vos questions.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci beaucoup, monsieur, pour la concision de vos propos et votre esprit de synthèse.

M. Emmell (Vincent): Merci. Bien, il commence à être tard un peu. Ha, ha, ha!

n(22 h 50)n

Le Président (M. Simard, Montmorency): Ha, ha, ha! Ce qui nous est fort utile à ce stade-ci de la journée. Alors, M. le ministre, à vous la parole.

M. Facal: Merci beaucoup, M. le Président. Je vous souhaite la bienvenue, M. Emmell. Je vous remercie pour votre contribution à nos travaux. J'ai toujours un intérêt particulier pour les personnes qui présentent des mémoires à titre individuel, d'autant que je trouve votre mémoire bref, fort bien ciblé et que, de toute évidence, vous savez de quoi vous parlez.

Je note aussi avec plaisir qu'à la page 4 vous dites qu'à votre avis le projet de loi n° 122, je vous cite, «apporte une série de changements qui vont, je crois, contribuer à améliorer l'exercice de nos droits d'accès et de protection de nos renseignements personnels». Par la suite, vous amenez une série de commentaires et de suggestions.

L'un des points que vous abordez est que la procédure d'accès n'est pas gérée de la même manière d'un organisme à l'autre. Dans certains cas, si la personne qui demande l'accès ne requiert pas formellement l'aide de quelqu'un dans l'organisme, on ne va pas au-devant de la demande et on la laisse se débrouiller. Dans d'autres cas, vous dites: Si la demande n'a pas été déposée auprès de la personne formellement en charge de l'accès, l'organisme considère qu'il n'a pas reçu de demande, et vous proposez une uniformisation.

Je suis d'accord avec vous pour dire que, certainement, c'est géré d'une façon très différente d'un organisme à l'autre. Mais, si je prends la panoplie, la diversité des organismes assujettis, vous noterez avec moi que, je sais pas, moi, la Société d'assurance automobile, c'est pas la même chose qu'Hydro-Québec qui n'est pas la même chose que la ville de Laval, qui n'est pas la même chose que l'Université de Montréal. Est-ce que vous ne pensez pas que, à partir du moment où le législateur prend des mesures pour les forcer à être globalement plus transparents, il est quand même normal de laisser à chaque organisme le soin de, au plan administratif, gérer la demande comme il convient à ses particularités et qu'il est assez difficile d'envisager une gestion uniformisée du traitement de ces questions tellement la nature même des organismes est diversifiée?

M. Emmell (Vincent): Je suis d'accord avec vous que les organismes sont très diversifiés, mais, une demande d'accès, je crois que l'organisme devrait être responsable de s'assurer auprès de tous ses employés, par la formation continuelle ou de la formation continue ou de la sensibilisation, que, quel que soit l'endroit où arrive une demande, cette personne-là puisse l'acheminer directement au responsable de l'accès, quel que soit le choix administratif qu'ils ont fait pour gérer les demandes d'accès. Mais que ça ne soit pas bloqué et que ça ne soit pas considéré comme une non-demande parce que ce n'est pas adressé au responsable de l'accès.

M. Facal: Je veux bien vous comprendre. Vous dites: Dans chaque organisme assujetti, il faudrait que chaque employé, s'il reçoit une demande, soit personnellement responsable de l'acheminer à qui de droit dans l'organisme. Autrement dit, il faudrait que chaque employé soit lui-même une sorte de petit guichet de réception d'une demande qu'il transmettrait ensuite à l'interne à quelqu'un.

M. Emmell (Vincent): Je crois sincèrement que c'est une question de qualité de services que, lorsqu'on s'adresse à une personne... Puis généralement, les gens, lorsqu'ils adressent une demande d'accès, c'est des gens que j'appelle «au front», c'est-à-dire que c'est ceux qui sont au téléphone, c'est ceux qui sont au guichet justement. Et ils vont arriver puis ils vont demander une demande d'accès. Bien, ces gens-là, ils doivent être formés en premier pour dire: Bon. Bien, voilà la façon de le faire ou voilà la personne à qui vous adresser, et non pas considérer que ce n'est pas une demande d'accès.

M. Facal: O.K. Passons maintenant à Statistique Québec. Vous dites, page 8: «Je crois tout de même que l'Institut ne doit pas être libéré du fardeau de la preuve en ce qui concerne la nécessité du renseignement personnel requis.» Cela signifie, si j'ai bien compris, qu'il faudrait que Statistique Québec prouve la nécessité qu'elle a d'obtenir ce renseignement avant de se voir autorisée à le collecter. Statistique Québec est un cas un peu à part. C'est sa nature même de collecter des informations, c'est sa mission dans la vie. Est-ce que vous trouvez pas que vous lui mettez vraiment la barre haute? Nous, on a pensé à lui mettre des contrôles a priori, des contrôles a posteriori, des serments de discrétion aux employés. On pensait déjà avoir été assez loin. Est-ce que, au quotidien, ce genre d'organisme qui, j'en conviens, va traiter un volume énorme de données de toutes sortes de natures, à moins que je vous aie mal compris, s'il doit à chaque fois faire en amont le fardeau de la preuve, est-ce que vous lui mettez pas la barre un peu haute?

M. Emmell (Vincent): Je ne crois pas. Personnellement, je crois que, si on enlève le test de nécessité à qui que ce soit, c'est la seule défense qu'on a comme contribuables, dans cette loi-là, de contester le test de nécessité qu'un organisme, quel qu'il soit, lorsqu'il veut avoir de l'information... C'est la seule chose dans cette loi-là qui nous... qui peut nous aider à faire réfléchir un organisme, que ça soit pas juste une idée comme ça, que ça serait le fun d'avoir une information. C'est difficile à prouver, le fun d'une information, lorsqu'on a à prouver vraiment sa nécessité pour le bien d'une statistique ou n'importe quoi. Je ne crois pas que le test de nécessité devrait être enlevé et je ne crois pas non plus que Statistique Québec aurait à faire un test de nécessité à tous les jours. Ils ne changent pas vraiment de programme de cueillette de données à tous les jours.

M. Facal: Dites-moi, je regarde aux pages 2 et 3 ce qu'on pourrait appeler votre curriculum vitae et je vois que vous avez prononcé plusieurs conférences devant des forums prestigieux. Je crois que vous avez une très bonne vue d'ensemble, certainement meilleure que la mienne, de toutes ces problématiques. À votre avis, la manière dont, au Québec, on gère ces questions-là, l'accès aux documents des organismes publics et la protection des renseignements personnels, est-ce que vous trouvez que... Toutes choses égales par ailleurs et reconnaissant qu'il y a toujours matière à protection, est-ce qu'au Québec on fait relativement bonne figure ou on est vraiment parmi les derniers de classe dans ce domaine-là? Sans verser ni dans la complaisance ni dans le misérabilisme, quand vous regardez ailleurs, comment vous nous trouvez, franchement?

M. Emmell (Vincent): On fait très bonne figure.

M. Facal: Ah!

M. Emmell (Vincent): Et même, je pourrais dire qu'on regarde beaucoup comment fonctionne aussi la Commission d'accès à l'information. Souvent, on prend de très bonnes idées de la Commission d'accès, mais on lui en donne jamais le crédit.

M. Facal: Alors, ça me réjouit de vous entendre dire ça parce que, depuis le début de la commission, il y a beaucoup de gens qui viennent nous dire comment c'est formidable aux États-Unis. Et, plus je creuse la question en en parlant à ceux qui connaissent ça, on me dit: Attention! Tout ce qui brille n'est pas or, et, aux États-Unis, il y a d'autres problèmes. Je ne sais pas pourquoi, quand ça vient des États-Unis, il y a beaucoup de gens au Québec ? c'est très québécois, ça ? qui pensent que, si ça vient des États-Unis, c'est certainement plus formidable qu'ici. Je suis ravi de vous entendre dire que, même s'il y a matière à progrès, on est loin d'être mauvais ici.

Pour l'instant, ça va.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci, M. le ministre. M. le député de D'Arcy-McGee, à vous la parole pour un temps de 10 minutes.

M. Bergman: Merci beaucoup. M. Emmell, merci pour votre présentation. Vous dites dans votre mémoire que vous êtes consultant en gestion des renseignements personnels. Il y avait un groupe qui était devant nous qui nous a porté une attention particulière aux difficultés qu'éprouve un nombre de consommateurs à obtenir des services essentiels comme les services bancaires en raison des difficultés qu'ils éprouvent à cause des renseignements personnels qu'ont les banques sur eux et les difficultés qui surviennent après. Est-ce que vous avez des commentaires sur ce problème?

M. Emmell (Vincent): Pouvez-vous répéter votre question, s'il vous plaît? J'ai eu de la difficulté à vous entendre.

n(23 heures)n

M. Bergman: Oui. Il y avait un groupe qui était devant nous et qui a mentionné les difficultés qu'un nombre de consommateurs ont quand ils veulent obtenir des services essentiels comme les services bancaires en raison d'informations personnelles qu'ont pu obtenir les banques en vertu de l'accès à l'information et des difficultés que ces personnes ont à cause de ça. Est-ce que vous avez un commentaire?

M. Emmell (Vincent): Voulez-vous parler des difficultés à ouvrir un compte...

M. Bergman: Oui, à obtenir du crédit.

M. Emmell (Vincent): ...pour échanger leurs chèques, tout ça?.

M. Bergman: Exactement.

M. Emmell (Vincent): Effectivement, j'ai participé à une étude, à un moment donné, où on a été dans plusieurs banques et compagnies, et on demandait, on s'assurait, voir si les gens étaient informés des choses qu'ils pouvaient demander, et on s'est rendu compte que les banques n'étaient pas tellement friandes à ouvrir des comptes, juste pour échanger des chèques. Parce qu'on demandait toujours aux banques pourquoi qu'ils demandaient le numéro d'assurance sociale, mais si théoriquement, si on ouvre un compte juste pour faire de la compensation de chèques et des choses comme ça, on n'a pas besoin de donner notre numéro d'assurance sociale. Le numéro d'assurance sociale est requis lorsqu'il y a de l'intérêt qui est déposé ou lorsqu'on fait des REER et des choses comme ça, il faut que ça aille au département d'impôts fédéral et provincial. C'est le seul cas. Et c'est là qu'on s'est rendu compte que c'était pas tellement intéressant, je crois, pour les banques, d'ouvrir ce genre de compte là. Je ne sais pas pourquoi, mais c'est officiel qu'ils ont certainement de la difficulté à avoir ce genre de service.

M. Bergman: Dans la question des filiales de sociétés de la couronne, on voit qu'il y a un silence dans le projet de loi à cet égard. Il y a beaucoup de filiales des sociétés de la couronne qui sont pas sujettes à la loi en question. Alors, est-ce que vous avez des commentaires sur cette question?

M. Emmell (Vincent): Personnellement, je trouve assez frustrant lorsque des fonds publics sont gérés, et c'est très difficile d'obtenir de l'information sur ce qui est fait avec ces fonds-là. Personnellement, je crois que c'est un avancement dans le projet de loi d'assujettir encore plus d'organismes qui gèrent des fonds publics.

M. Bergman: Nous avons eu une suggestion que les groupes et organismes publics soient tenus d'inclure leur inventaire de fichiers ainsi que des informations sur les demandes d'avis ou d'autorisation auprès de la Commission, dans leur rapport annuel. Est-ce que vous pensez que ce serait un bon amendement à ce projet de loi?

M. Emmell (Vincent): Je crois que c'est très intéressant que les organismes publics aient l'obligation de mettre dans leur rapport annuel les activités qu'ils ont faites par rapport à la collecte d'informations, un peu comme je le disais dans ma présentation. Je crois qu'ils devraient être responsables d'informer les gens qu'est-ce qu'ils ont fait, dans le fond, qui déroge un peu à la loi.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Mme la députée de La Prairie. Aviez-vous complété, M. le député de D'Arcy-McGee? Je vous remercie beaucoup. Oui, Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. Emmell, merci pour l'éclairage que vous nous avez apporté. Votre mémoire est très bien articulé. Je constate que vous avez soulevé, pratiquement à chacune des pages, la problématique des technologies de l'information, et je pense que vous avez raison de vous préoccuper de ça. Parce que, comme législateurs, comme parlementaires, on se donne une réglementation par le biais des lois, par le biais des règlements, des décrets, etc., mais finalement, par un petit clic, on peut tout simplement faire sauter le dispositif législatif, n'est-ce pas? On est rendus là.

Alors, j'aimerais d'abord vous entendre là-dessus, quels sont les défis ? appelons-les comme ça ? que posent les technologies de l'information dans l'état de leur développement actuel, au législateur, dans le cas de la protection des renseignements personnels et confidentiels, en particulier?

M. Emmell (Vincent): En fin de compte, il faut s'assurer que, quelle que soit la technologie qu'on prend ? la technologie de l'information qu'on parle ici ? ça ne dilue pas nos droits. Puis... mais ceux qui développent ces technologies-là, ils ont aucune notion des lois de protection de la vie privée et de l'accès à l'information; ils ont aucune notion de ça, et il faut... Vous êtes le dernier rempart, en fin de compte, pour s'assurer que, ces gens-là, lorsqu'une technologie arrive, le principe est qu'il faut que ça augmente la facilité de protéger nos droits et non pas les diluer. Et, à date, les gens commencent à se réveiller avec ça, et je crois que Internet a été un outil qui a contribué le plus à réveiller les gens sur la dilution de leurs droits et la dilution aussi qui se produit avec l'information personnelle qui se distribue partout.

Il y a énormément de technologies qui existent pour collecter de l'information personnelle, à l'insu des gens, qui circulent, et il y a même quelques ministères qui utilisent ce genre de choses-là, et qui, d'après moi, est contraire à la loi. Parce que la loi exige que, lorsqu'on collecte des renseignements, qu'ils soient personnels ou qu'ils soient administratifs, d'informer la personne qu'on les collecte, de dire pourquoi on les collecte, et qu'est-ce qu'on va faire avec. Et, lorsqu'on met un fichier témoin comme un «cookie», on est loin d'observer ces critères-là.

Mme Houda-Pepin: Oui, vous avez parfaitement raison, parce que, en fait, les «cookies», c'est fait pour retracer l'itinéraire de l'information et savoir un peu qu'est-ce qu'on consulte et qu'est-ce qu'on utilise comme information. Et, dernièrement, on a appris que même le gouvernement pratiquait cette façon de contrôler finalement le transit de l'information, si on peut l'expliquer comme ça.

J'ai bien apprécié vos commentaires là-dessus parce que je pense que, comme parlementaires, on a besoin d'entendre des propos comme ça. C'est pas évident, et c'est pas donné à tout le monde de comprendre les enjeux que posent les technologies de l'information aux législateurs, plus particulièrement.

Évidemment, il y a d'autres enjeux. Mais, pour nous, comme législateurs, vous avez parlé tantôt des informaticiens et des techniciens, qui mettent en opération les technologies, qui les mettent en oeuvre, qui ne connaissent pas les lois d'accès à l'information et tous le dispositif législatif d'accès. On peut aussi dire l'inverse, c'est-à-dire regarder l'autre côté de la médaille.

C'est que, nous, comme législateurs, on n'a pas nécessairement ? je parle un peu de tout le monde sans exclusion ? on n'a pas nécessairement toute la formation voulue pour comprendre ces enjeux-là et pour exercer la vigilance nécessaire, à cet égard. Nous sommes actuellement en train d'étudier... enfin, le gouvernement a ajourné l'étude du projet de loi n° 161 sur le cadre juridique des technologies de l'information, et ce n'est pas une chose simple, je dois vous dire.

Le Président (M. Simard, Montmorency): En conclusion.

Mme Houda-Pepin: En conclusion, très rapidement, M. le Président, je voudrais avoir votre commentaire sur l'article 67... 67.2 du projet de loi. Alors, c'est à l'article 18, et on dit:

1° par le remplacement du premier alinéa par le suivant, et le suivant étant le 67.2:

«67.2 Un organisme public peut, sans le consentement de la personne concernée, communiquer un renseignement personnel à toute personne ou organisme si cette communication est nécessaire à l'exercice d'un mandat...

Le Président (M. Simard, Montmorency): En conclusion...

Mme Houda-Pepin: ...ou à l'exécution d'un contrat...

Le Président (M. Simard, Montmorency): Mme la députée, vous avez dépassé votre temps.

Mme Houda-Pepin: ...de service ou d'entreprise confié par l'organisme public à cette personne ou à cet organisme.»

Qu'est-ce que vous comprenez de cet article-là? Qu'est-ce que ça vous suggère?

M. Emmell (Vincent): 67.2, vous dites?

Mme Houda-Pepin: Oui, c'est ça.

M. Emmell (Vincent): Eh, mon Dieu! Dans le fond, ce que je comprends de cet article-là, c'est lorsqu'un organisme public donne un mandat à un professionnel comme moi, et doit lui transmettre des renseignements personnels pour faire son mandat. Je crois que, si c'est par écrit, et on indique dans ce mandat-là les limites que le professionnel a à faire et la confidentialité qu'il doit garder ? et je crois que la majorité des professionnels comprennent bien ça ? il y a pas de problème là-dedans, dans ce sens-là.

n(23 h 10)n

Le Président (M. Simard, Montmorency): M. Emmell, merci beaucoup de votre participation à ces travaux, et je vous souhaite une belle fin de soirée.

M. Emmell (Vincent): Merci.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Alors, j'appelle le Centre québécois de la déficience auditive à se joindre à nous.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Simard, Montmorency): Alors, M. Lavigne, Mme Julie Élaine Roy, du Centre québécois de la déficience auditive, bienvenue parmi nous.

J'aimerais souligner aux membres de cette commission que M. Lavigne et Mme Roy sont accompagnés de deux interprètes gestuels. Il s'agit de Mme Nancy Giguère et de Mme Linda Gingras. Donc, chers amis, bienvenue à vous deux, en fait à vous quatre même, et nous vous écoutons.

Centre québécois de la déficience
auditive (CQDA)

Mme Roy (Julie Élaine):[Interprétation] Bonsoir, tout le monde. Je suis venue comme représentante du Centre québécois de la déficience auditive, qu'on appelle le CQDA. C'est un regroupement de personnes sourdes qui regroupe environ 85 associations. On a comme but de donner des services aux personnes sourdes, aux personnes atteintes de déficience auditive.

Je vais vous parler d'un projet de loi ? le projet de loi n° 122. C'est le projet de loi qui modifie... qui dit qu'on a droit de modifier des documents publics du gouvernement, des documents d'information; c'est pour adapter les documents. C'est une loi, là, qui permet d'adapter des documents privés qui appartiennent au gouvernement.

Le CQDA représente... le CQDA demande au gouvernement ? excusez ? d'adapter les documents... d'adapter les documents en langue des signes québécoise. La langue des signes québécoise, c'est une langue. C'est une langue qui appartient à la communauté des personnes sourdes ? des personnes sourdes québécoises. La langue fait partie, là, d'un bassin de langues comme les autres langues, comme toutes les autres langues de signes.

La langue des signes québécoise est apparue en 1980. Avant ça, on parlait pas beaucoup, là, de langue des signes québécoise. La langue existait, les signes existaient; ça remonte quand même à assez loin, là, l'utilisation des signes par les personnes sourdes. C'est sûr qu'on communiquait en signes, mais la langue n'était pas officiellement nommée. La langue a été officiellement nommée, par la communauté, en 1980. Puis, la communauté, on est très fier de communiquer en langue des signes québécoise ? la communauté sourde.

Depuis 1980, on a commencé à promouvoir la langue des signes québécoise. Puis, avant ça, les personnes sourdes essayaient, tant bien que mal, de s'intégrer dans la société, de s'intégrer dans la société québécoise, mais c'était toujours avec des difficultés, des difficultés que les personnes sourdes vivaient, au quotidien. Les personnes sourdes avaient de la difficulté à se faire comprendre, à comprendre les documents écrits aussi parce que les documents étaient écrits en français.

À cet effet-là, les recherches ont prouvé que, pas seulement au Québec, en différents endroits dans différents pays, aux États-Unis, en Suède, en Autriche, en Angleterre, en France, on a remarqué que, chez les enfants ? chez les enfants sourds ? si on veut atteindre un niveau d'alphabétisation, on doit utiliser la langue des signes. Sinon, les enfants utilisent seulement... acquièrent seulement un niveau d'alphabétisation de quatrième année, au primaire. Ils ne sont pas capables d'aller plus haut que ça.

Alors, c'est important que les personnes sourdes aient accès à l'information écrite, adaptée dans la langue des signes. Si l'information est adaptée dans la langue des signes québécoise, que les personnes peuvent avoir accès à l'information puis avoir la même information que la majorité des gens qui vivent au Québec. Alors, c'est important pour nous autres de l'avoir en langue des signes, comme les entendants l'ont en français, l'information écrite.

La langue des signes québécoise, c'est une langue qui a sa propre syntaxe, sa propre grammaire. C'est une manière de s'exprimer pour les personnes sourdes. C'est vraiment une langue propre en soi. C'est une langue comme les autres langues, aussi complète que les autres langues. Chaque société a sa propre langue. Chaque langue est aussi complexe l'une que l'autre. La LSQ a sa structure, sa syntaxe, comme je disais tout à l'heure. On a fait des recherches à l'Université du Québec à Montréal, puis on est capable de prouver que la LSQ est vraiment une langue officielle, en soi.

En tant que membre de la communauté des personnes sourdes et des personnes malentendantes, je suis membre aussi du CQDA ? du Centre québécois de la déficience auditive. Le CQDA veut donner des droits aux personnes sourdes et aux malentendants, veut leur donner le droit d'avoir l'information écrite comme chez les personnes entendantes, comme tout citoyen vivant au Québec. On a le droit à la même information mais dans notre mode de communication. La Charte des droits des personnes défend toute forme de discrimination due aux handicaps. Les personnes sourdes ne peuvent pas avoir accès à l'information quand c'est écrit en français. Alors, la communauté des personnes sources cherche un moyen pour donner cet accès à l'information aux personnes sourdes.

On aimerait trouver des moyens. Les moyens que je propose, c'est peut-être d'utiliser la langue des signes, d'adapter les documents écrits en langue des signes ? les documents écrits, je veux dire ? tels que les lois ou les documents... des documents qui appartiennent au gouvernement, que le gouvernement fait. On devrait tous les avoir en cassette, en langue des signes. Alors, à ce moment-là, les personnes sourdes pourraient vivre pleinement leur vie au quotidien comme citoyens québécois, comme tout autre citoyen.

n(23 h 20)n

Alors, c'est pour ça qu'on est venu, ce soir. Parce que, souvent, on remarque qu'au gouvernement... on essaie de comprendre les documents du gouvernement, mais on a beaucoup de difficultés, nous autres, les personnes sourdes, à saisir l'information dans les documents écrits. Alors, au nom du CQDA, je fais une demande d'avoir les documents écrits adaptés en langue des signes québécoise.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci, Mme Roy. M. Lavigne.

M. Lavigne (Richard): J'aimerais ce soir vous sensibiliser à ce que c'est que la surdité. Si, par exemple, vous deveniez sourds ce soir, vous n'entendrez plus, mais votre capacité de lire ne changera pas. Vos connaissances, vos acquis antérieurs vont rester, vont demeurer. Mais, si, par exemple, votre enfant naît sourd, quant vous allez lui dire: Papa ou maman, il n'entendra pas. Il aura de la difficulté à apprendre le français parce qu'il aura pas d'informations extérieures, comme par exemple, la radio, la télévision; les conversations, par exemple, dans l'autobus, à l'école, et ainsi de suite. Il aura des difficultés en français, pas parce qu'il a de la mauvaise volonté mais parce qu'il a un handicap de surdité.

La surdité, c'est un handicap invisible. Lorsqu'on rencontre une personne qui est sourde et qu'elle ne communique pas, on voit pas la différence, comme par exemple, une personne aveugle qui se promène avec une canne blanche ou avec un chien. J'ai un ami, qui est une personne sourde gestuelle, et qui est actuellement à l'hôpital. Et il ne comprend pas des mots, comme par exemple, oncologue, métastase, et pourtant, il a le cancer; il ne comprend pas ce qu'il a comme maladie.

Le Centre québécois de la déficience auditive demande au gouvernement d'adapter, le plus possible, les informations, qui concernent, qui touchent beaucoup les personnes, les citoyens, et que ces documents soient adaptés en langue des signes québécoise.

Je pense qu'il faut être fier de la langue des signes québécoise. Je rencontrais, lors d'un colloque sur les nouvelles technologies pour les personnes handicapées, le ministre David Cliche qui était surpris d'apprendre qu'il existe une langue des signes québécoise. Oui, il existe une langue des signes québécoise avec sa culture, ses caractéristiques, et qui est au Québec.

Le Centre québécois de la déficience auditive demande au gouvernement d'adapter les documents qui concernent et qui touchent les citoyens. Un exemple: le budget du gouvernement, à chaque année. Souvent, ça va toucher le citoyen et la personne sourde gestuelle, dont on établit à peu près le niveau de connaissances en français autour de la quatrième année du primaire, ne sait pas les changements qui sont apportés, et à ce moment-là, il faut adapter en langue des signes québécoise.

Le Centre québécois de la déficience auditive demande souvent à des ministères d'adapter certaines informations en langue des signes. Et les ministères regardent s'ils ont les sous nécessaires, et souvent, ne l'ont pas. Une alternative intéressante à examiner serait de prévoir, dans le budget du gouvernement, une somme d'argent x. Je fais une supposition: 300 000 $, par exemple, par année, qui permettraient d'adapter 2 000 pages de documents en langue des signes, et graduellement, d'année en année, les documents seraient adaptés en langue des signes, et en travaillant en collaboration avec le Centre québécois de la déficience auditive, les priorités pourraient être accordées, selon les besoins. Et cette information pourrait être accessible également sur le site Internet La surdité au Québec, dont le Fonds de l'autoroute de l'information est, à l'origine et à la création de ce site Internet là.

Le Centre québécois de la déficience auditive ne demande pas un traitement de faveur pour les personnes sourdes gestuelles mais demande un traitement juste et équitable pour des personnes qui ont un handicap sévère de communication. Merci.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci à vous, M. Lavigne, Mme Roy. Nous sommes donc prêts à entamer notre période d'échanges. Et, afin de favoriser ces mêmes échanges, je vous prierais de parler le plus distinctement possible pour faciliter le travail de nos interprètes.

M. Facal: Merci beaucoup, M. le Président. Bonsoir, mesdames et monsieur. Je vous souhaite la bienvenue, et je vous remercie pour votre contribution à nos travaux.

Votre position est que le gouvernement du Québec devrait faire beaucoup plus pour permettre aux personnes qui ont un handicap auditif d'exercer leur droit à l'information. Je veux d'abord que vous sachiez que le projet de loi n° 122 n'est pas définitif, qu'il est encore bonifiable, et que nous sommes, je suis certain, de part et d'autre, tout à fait sensibles à la préoccupation que vous soulevez.

J'ajouterais ceci. Quand je connais mal quelque chose, je n'ai jamais eu peur de l'admettre. Aidez-moi à comprendre. Est-il exact qu'il y a au Québec environ 750 000 personnes qui souffrent à des degrés divers de handicaps auditifs? Ce chiffre reflète-t-il la réalité?

M. Lavigne (Richard): Oui, c'est la réalité. Il y a au Québec... on estime à peu près à 750 000 personnes qui ont des... un handicap de surdité ou qui ont... C'est sûr que, certains, comme par exemple, les gens d'un certain âge, vont perdre l'audition. Et, de plus en plus, on s'aperçoit que le pourcentage de personnes qui deviennent sourdes plus jeunes, avec les discothèques, la musique forte et ainsi de suite, à ce moment-là, le nombre est grandissant. C'est sûr qu'il y a des gens qui sont devenus sourds, qui sont malentendants; il y a des sourds virtuels, il y a différentes catégories. Mais, au total, on estime à 750 000, oui.

M. Facal: J'avoue aussi que je ne savais pas que, le fait de n'avoir jamais entendu versus le fait d'avoir déjà entendu, a une influence sur la capacité à comprendre le français écrit. J'ignorais cela.

Cela dit, quand vous demandez au gouvernement d'adapter ses documents à ce handicap en particulier, le moyen de le faire, est-ce que c'est exclusivement la cassette vidéo ou il y a d'autres moyens? Excusez-moi de poser une question naïve, mais je connais mal ces questions.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Mme Roy.

Mme Roy (Julie Élaine):[Interprétation] Ah! Je suis contente que vous posez la question. Puis, il y a différents moyens, là, pour adapter des documents; il y a pas seulement un moyen, pas seulement la cassette. La cassette, c'est un moyen parmi tant d'autres.

Comme, par exemple, il y a des écoles adaptées pour personnes sourdes. Donc, peut-être qu'il pourrait y avoir des personnes qui pourraient aller, là, donner de la formation aux personnes sourdes, des personnes qui utilisent la langue des signes québécoise, à l'intérieur de l'école. Bon, il y a un formateur qui irait donner de la formation aux élèves sourds qui sont là, sur place.

Ou ça pourrait peut-être aussi... des enfants sourds qui sont intégrés dans leur milieu, dans leur milieu avec des entendants. Donc, on pourrait avoir un interprète, qui est là, qui traduit l'information, là, qui donne l'information à l'élève sourd qui est intégré dans une classe d'entendants. Il y a différents moyens de passer l'information.

Puis il y a aussi la formation d'interprètes. On devrait aussi peut-être développer davantage la langue, l'étude de la langue. Il y a beaucoup de personnes entendantes qui s'intéressent, là, à la langue des signes, puis il y a des personnes entendantes qui aiment travailler avec des personnes sourdes. Alors, eux autres, ont un intérêt marqué pour la langue des signes, pour apprendre les signes. Ils devraient apprendre la langue des signes, puis pouvoir le traduire en langue des signes ou en français, ou vice-versa.

Puis, le CQDA... moi, je suis membre du CQDA puis je travaille aussi au cégep du Vieux-Montréal. Je m'occupe des étudiants sourds et des étudiants malentendants. On offre des services d'interprétation à ces deux types de clientèles là. Puis, les services qu'on offre, c'est pour essayer de tendre à une intégration, là, des personnes sourdes et malentendantes. Puis, l'année prochaine, on va fêter notre 20e anniversaire de fondation, pour l'éducation, là, des personnes sourdes au Québec ? le 20e anniversaire au cégep du Vieux-Montréal.

Alors, moi, je suis née dans les années cinquante, là. Lorsque je suis née sourde, j'ai dû aller faire mes études à Washington pour avoir une formation pour devenir pédagogue. Alors, j'ai enseigné aux personnes sourdes. Mais, maintenant, c'est possible de rester au Québec. On n'est plus obligé d'aller étudier à Washington pour avoir notre bac en enseignement; on peut étudier maintenant au Québec, grâce aux nouveaux services.

n(23 h 30)n

Alors, il y a plusieurs moyens de donner l'information aux personnes sourdes; il y a pas seulement, là, la cassette vidéo. Les étudiants, aussi, suivent des cours de français adaptés au cégep du Vieux-Montréal. Les étudiants s'occupent... les étudiants, comme les étudiants étrangers, les immigrés qui arrivent ici, bon, ils doivent essayer d'acquérir la langue ? le français. Mais, chez les personnes sourdes aussi, on essaie de leur montrer le français. Mais on leur montre le français de façon visuelle, avec la langue des signes. Alors, si on leur montre de façon visuelle, ils ont un intérêt, là, plus marqué pour apprendre le français. Mais, si la personne sourde a pas accès au langage, là, à la langue des signes, la personne sourde pourra pas apprendre une deuxième langue. Alors, nous autres, on veut que les personnes sourdes apprennent le français. Donc, pour apprendre le français, il faut d'abord qu'ils aient accès à une première langue, soit la langue des signes québécoise.

M. Lavigne (Richard): Si vous me permettez de rajouter une autre information, supposons que dans... S'il y avait dans chacune des régions du Québec un endroit équipé d'un système de vidéoconférence, il pourrait y avoir, par exemple, de l'information qui serait transmise aux personnes sourdes et gestuelles, comme, par exemple, en disant: Demain soir, à 7 heures, si vous êtes à Sherbrooke, vous allez à tel endroit; si vous êtes à Hull, vous allez à tel endroit; vous êtes à Montréal, tel endroit; et, à ce moment-là, l'information pourrait être envoyée simultanément aux différentes régions, et les personnes sourdes pourraient assister à une conférence, poser des questions et éclaircir... Souvent les personnes sourdes, c'est qu'elles ne comprennent pas tout à fait c'est quoi, ce qui est dit dans la loi ou c'est quoi, l'information, et souvent elles ont des questions, et il pourrait y avoir des gens qui répondent à ces questions-là.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci, M. Lavigne.

M. Facal: Vous disiez...

Le Président (M. Simard, Montmorency): M. le ministre.

M. Facal: Vous disiez tout à l'heure, madame, que présentement vous travaillez au cégep du Vieux-Montréal, mais que vous avez dû aller faire votre formation à Washington. Est-ce qu'il y a d'autres pays qui sont beaucoup plus avancés que le Québec en cette matière et dont nous pourrions prendre exemple? Où se situe le Québec, en avant, en retard, nulle part?

Le Président (M. Simard, Montmorency): Mme Roy.

Mme Roy (Julie Élaine):[Interprétation] O.K. Je vais vous raconter un peu, là, mon pedigree. Il y a beaucoup de personnes sourdes dans le monde, c'est sûr. C'est sûr que les États-Unis sont en avance sur nous autres, parce que, si on regarde dans l'histoire, là, on a connu l'abbé de L'Épée. L'abbé de L'Épée, lui, c'est un homme qui a travaillé avec des personnes sourdes. C'est lui qui a formé une école pour enseigner aux personnes sourdes. Puis, suite à ça, on a eu un congrès à Milan, en 1880. En 1880, on bannissait, là, l'utilisation de la langue des signes, alors les personnes sourdes n'avaient plus le droit d'utiliser la langue des signes. On retrouvait plus de personnes sourdes qui enseignaient en langue des signes, c'était défendu. Alors, beaucoup de personnes sourdes se sont comme réfugiées aux États-Unis parce que là on avait le droit de continuer à utiliser la langue des signes. Alors, beaucoup de personnes sourdes se sont retrouvées aux États-Unis, à Washington, pour utiliser la langue des signes comme langue d'apprentissage.

Alors, on a eu accès, là, à de la formation, puis, au cégep du Vieux-Montréal, bien là on a commencé en 1982 à donner de la formation pour les personnes sourdes. Alors, on va fêter notre 20e, comme je vous disais tout à l'heure. Mais c'est sûr qu'on a dû pédaler, là, pendant longtemps. On regardait un peu, là, à l'extérieur qu'est-ce qui se passait, on regardait aux États-Unis, on essayait, là, de prendre, là, des références à ce qui se passait à Washington.

Mais, si on compare avec le Québec, on compare avec la France, là, c'est sûr qu'aux États-Unis ils sont en avance sur nous autres, puis la France aussi. Des fois, on a des étudiants français qui viennent, puis, lorsqu'ils viennent au Québec, ils viennent étudier ici. Mais on trouve qu'on a des bons services, mais... C'est ça, on a des bons services, on essaie... Si on compare avec la France, on a des bons services, nous autres, ici, au Québec. En France, ils ont des services, mais c'est la personne sourde qui doit défrayer pour ces services ou... C'est pas les mêmes services qu'on a ici, à Québec, puis les personnes sourdes, elles ont des services seulement au niveau scolaire, puis, après ça, c'est fermé, là, en France.

M. Facal: Dans votre mémoire, vous dites qu'un certain nombre d'institutions, la ville de Montréal, Hydro-Québec, le Directeur des élections, le ministère de l'Environnement, ont déjà produit certains documents en langue des signes québécoise et vous terminez en disant que vous offrez au gouvernement votre collaboration. Je voudrais simplement terminer en disant que je prends bonne note de votre offre et que nous vous en remercions. J'ai trouvé votre présence et votre présentation très pertinentes. J'ai beaucoup appris et je vous en remercie.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci beaucoup, M. le ministre. Monsieur, le porte-parole de l'opposition officielle.

M. Ouimet: Merci et bonsoir. Et, merci de votre participation à nos travaux, j'espère qu'on retrouvera des suites dans les modifications qui seront déposées éventuellement par le gouvernement. S'il a compris et s'il accepte votre offre de collaboration, parce que nous avions vécu les mêmes difficultés avec un autre projet de loi, le projet de loi n° 143 sur l'égalité en emploi, où les personnes handicapées étaient exclues des mesures d'égalité en emploi.

L'Office des personnes handicapées du Québec est venue devant nous aujourd'hui et proposait presque au gouvernement un compromis où le président disait: Il serait possible de procéder graduellement, par voie réglementaire, en identifiant les organismes ou catégories d'organismes auxquels l'obligation de recourir à des mesures adaptées pour la communication de documents administratifs s'appliquerait. Est-ce que vous êtes en accord avec cette position prise par l'Office des personnes handicapées? Avec certaines nuances, si j'ai bien compris votre présentation, ce serait d'identifier un certain nombre de documents, identifier un budget, et ce serait le point de départ.

M. Lavigne (Richard): Nous sommes d'accord avec ce que l'Office des personnes handicapées a dit. C'est certain qu'on peut pas demander que tout soit adapté en langue des signes et qu'il faut y aller par étapes, graduellement, sélectionner les bons documents qui touchent le plus le citoyen et, à ce moment-là, adapter ces documents-là et d'y aller de façon graduelle, parce que je pense pas qu'on soit capable, même avec la plus bonne volonté, d'abord, de les réaliser, ces adaptations-là. Et, deuxièmement, ça coûterait énormément cher. Donc, c'est mieux d'y aller peut-être graduellement. Nous sommes d'accord avec cette approche.

M. Ouimet: Le président a également évoqué à deux reprises et à deux endroits différents le fait que la législation fédérale était en avance sur le Québec en matière de mesures adaptées. Je me demande si, en ce qui concerne la production de documents sur cassettes vidéo, en langage signé... Si vous pourriez nous indiquer où en est le gouvernement fédéral à cet égard-là.

M. Lavigne (Richard): Il y a beaucoup de documents qui sont adaptés. Si on pense, par exemple, à la nouvelle loi sur les armes à feu, à ce moment-là ça a été adapté en langue des signes. Et, de plus en plus, le fédéral va adapter les documents qui touchent, qui concernent vraiment le citoyen.

M. Ouimet: Très bien. Est-ce que d'autres ministères du gouvernement du gouvernement du Québec sont en avance sur le ministère des Relations avec les citoyens? Parce que vous l'évoquez dans votre mémoire, vous parlez de ministères, mais, dans le fond, vous identifiez la ville de Montréal, le Directeur des élections et d'autres... Ah, le ministère de l'Environnement et de la Faune. Ça se fait déjà au niveau du ministère de l'Environnement et de la Faune?

Mme Roy (Julie Élaine):[Interprétation] Je dois vous dire que justement, hier, j'ai participé à une réunion, là, avec le CQDA, puis on constate que, de plus en plus, dans les milieux, dans les différents milieux comme, exemple, à la ville de Montréal ou au gouvernement du Québec, le gouvernement fédéral, il y a une plus grande sensibilisation qui est faite, puis, de plus en plus, on accepte, là, l'idée d'utiliser une cassette vidéo en langue des signes québécoise. La sensibilisation est faite, puis on essaie de promouvoir l'idée, puis c'est bien accepté.

Si on regarde à la ville de Montréal, justement, hier, on a reçu du Directeur général des élections justement, de votre gouvernement... On a reçu une lettre au CQDA, puis... C'est ça, une lettre qui disait: Qu'est-ce que vous voulez au juste comme mesures d'adaptation? On cherchait des solutions. Alors, ça venait du gouvernement du Québec. Alors, on remarque que vous avez quand même, là... Vous êtes quand même sensibilisés puis vous avez un intérêt, là, pour faire de l'adaptation. C'est un début, puis on aimerait, là, qu'il y en ait de plus en plus pour essayer d'inciter les personnes sourdes à aller voter aussi d'ailleurs.

n(23 h 40)n

M. Lavigne (Richard): Pour répondre à votre question, je ne sais pas, là, malheureusement. Personnellement, je ne sais pas c'est quel document qui a été adapté, mais je sais qu'on a été approchés par... pour ce qui est des élections, pour adapter les documents au niveau provincial. Et aussi on a entendu parler qu'il y avait des études qui étaient faites pour qu'à l'Assemblée nationale les débats soient adaptés en langue des signes, comme il y a, par exemple, au niveau du gouvernement canadien.

M. Ouimet: Mais, sur le plan juridique, pour l'instant ce sont des initiatives volontaires?

M. Lavigne (Richard): Oui.

M. Ouimet: Sur le plan juridique, il n'y a pas de contrainte encore, mise à part la question de l'article 10 de la Charte québécoise des droits et libertés en ce qui concerne la discrimination fondée sur la base d'un handicap?

M. Lavigne (Richard): C'est exact.

M. Ouimet: C'est exact. Très bien. Bien, merci infiniment.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Alors, Mme Roy, M. Lavigne, merci beaucoup de votre présence parmi nous ce soir. Merci également à nos deux interprètes, Mme Giguère et Mme Gingras. D'ailleurs, cette présence d'interprètes lors d'auditions est une première dans le cadre de la commission de la culture, et c'est tout à notre honneur, nous en sommes très fiers. Alors, merci de cette présentation, et belle fin de soirée.

Une voix: ...

Le Président (M. Simard, Montmorency): Oui, effectivement. Nous ajournons donc nos travaux sine die.

(Fin de la séance à 23 h 41)



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