L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission de la culture

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission de la culture

Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le jeudi 7 septembre 2000 - Vol. 36 N° 41

Consultation générale sur le plan triennal d'immigration pour la période 2001-2003


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Journal des débats

(Dix heures trente-trois minutes)

Le Président (M. Beaulne): Bon. Alors, chers collègues, mesdames, messieurs, la commission de la culture va entreprendre sa deuxième journée de consultation générale sur le plan triennal d'immigration pour la période 2001-2003, et nous avons le plaisir d'accueillir comme premiers intervenants aujourd'hui les représentants de la ville de Québec, avec en tête le maire, Jean-Paul L'Allier. M. le maire...

(Consultation)

Le Président (M. Beaulne): Oui. Avant de vous céder la parole, M. le maire, j'aimerais demander au secrétaire s'il y a des remplacements au niveau de la commission.

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Houda-Pepin (La Pinière) remplace Mme Beauchamp (Sauvé) et Mme Loiselle (Saint-Henri?Sainte-Anne) remplace M. Lamoureux (Anjou).

Auditions

Le Président (M. Beaulne): D'accord. Merci. Alors, vous êtes des habitués des commissions parlementaires. Je ne perdrai pas de temps à vous rappeler notre manière de fonctionner. Si vous pouvez condenser, dans la mesure du possible, votre présentation à 20 minutes pour permettre des échanges équilibrés entre les collègues des deux côtés. Je vous inviterais à débuter votre présentation, M. le maire, en nous présentant vos collègues pour les fins de la transcription.

Ville de Québec

M. L'Allier (Jean-Paul): Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais vous présenter, à ma droite, Mme Lyse Poirier, qui est élue conseillère municipale, membre du comité exécutif de la ville de Québec et responsable de la Table de concertation interculturelle à la ville de Québec et donc, d'une façon générale, de ce qu'on peut appeler notre politique à l'égard de l'immigration à la ville de Québec. Je lui demanderai d'intervenir à l'intérieur du 20 minutes, que nous n'utiliserons pas complètement pour permettre un plus grand échange. Et, à ma gauche, M. Yves Dallaire, qui est conseiller-cadre au Service de la planification de la ville de Québec et qui est notre connexion principale avec les données techniques, démographiques, scientifiques à partir desquelles on fait les choix qu'on vous propose.

Alors, si vous me le permettez, M. le Président, je ne vais pas lire le mémoire que vous avez en main. D'abord, il est court, et je présume qu'il est déposé comme tel, comme ayant été lu à la commission parlementaire par les membres. Je vais me contenter d'en extraire quelques points principaux pour ensuite faire un commentaire plus adapté finalement à ce qu'on peut faire au niveau municipal que simplement donner des statistiques.

La ville de Québec est particulièrement intéressée à influencer le contenu de la politique gouvernementale en matière d'immigration et ce, à cause de quatre enjeux majeurs en ce qui nous concerne. Le premier est l'enjeu démographique. La région de Québec verra sa population croître deux fois moins rapidement que celle de Montréal, Sherbrooke ou Hull d'ici 10 ans. Il est important de maintenir un flux migratoire qui nous permette de ralentir les conséquences d'un faible taux de natalité régional.

Le deuxième enjeu est économique. Il découle du premier, puisque la croissance de notre marché régional dépend de celle de la population. D'autre part, des emplois stratégiques de la nouvelle économie sont en partie comblés par des professionnels immigrants.

Le troisième enjeu est urbanistique, puisque les familles immigrantes s'installent dans une proportion de 40 % en basse-ville et dans le quartier de Limoilou, contribuant ainsi au renouvellement de ces quartiers et au ralentissement de l'étalement urbain.

Finalement, l'immigration contribue à l'internationalisation de la région de Québec. Il faut ajouter ici, entre parenthèses, que l'Université Laval accueille des étudiants et des professeurs de plus d'une soixantaine de pays différents et qu'elle est donc le foyer principal de la présence de citoyens d'autres cultures, d'autres communautés, d'autres races, si on veut employer l'expression.

La ville de Québec, depuis que j'en ai la responsabilité avec mes collègues, s'est donné des éléments d'une politique d'immigration. En d'autres mots, nous avons voulu être sensibles à tous les défis qui se posent en nous disant toujours la même chose: Nous n'avons pas beaucoup d'immigration et c'est donc le moment de nous sensibiliser aux défis que pose l'accueil de nouveaux arrivants plutôt que d'attendre de vivre au coeur d'une période de crise au cours de laquelle on ne peut que trouver des solutions mitigées aux problèmes qui se posent. Donc, n'attendons pas les crises, n'attendons pas l'engorgement et donnons-nous tout de suite les éléments pour favoriser l'accueil de ceux qui viennent d'autres pays.

Depuis 1991, nous avons mis en place une table municipale de concertation interculturelle qui rassemble les intervenants de ce secteur. En 1996, la ville a adopté une politique d'accueil et d'intégration des immigrants. Cette politique, on pourra vous la distribuer tout à l'heure. C'est court, c'est une vingtaine de pages, mais ça vous dit comment on procède quand on s'intéresse à cette question de l'accueil. En 1999-2000, la ville a offert 11 stages en milieu de travail pour des immigrants. En région, 67 organismes de soutien à l'accueil et à l'intégration des immigrants soutiennent l'action des gouvernements dans ce domaine et comblent divers besoins.

Pour ce qui est de la position de la ville en regard du Plan qui nous est proposé, avec ces 2,6 % de population immigrante ? ce n'est pas beaucoup ? Québec est loin derrière Vancouver, Calgary, Montréal, Winnipeg dont les proportions d'immigrants représentent de 34 % à 16 % de leur population respective. Dans son ensemble, le Québec a vu sa part du marché canadien de l'immigration chuter depuis cinq ans de 28 % à 14 %. Ces faits, alliés au constat voulant que le plan du gouvernement ne traite que superficiellement des causes de cette contre-performance, élimine de ses orientations stratégiques les efforts de régionalisation récemment entrepris et centralise manifestement ses actions dans la métropole, font qu'il nous apparaît inacceptable dans sa forme actuelle.

n (10 h 40) n

Les propositions de la ville de Québec. Hâtif de bonifier le plan proposé, la ville fait six recommandations au gouvernement. Québec ville souhaite que le gouvernement la reconnaisse comme étant le deuxième pôle d'immigration après la région de Montréal et décentralise ses services en conséquence. Nous souhaitons que des activités promotionnelles soient mises en place à court terme pour stimuler la régionalisation de l'immigration. Nous souhaitons qu'une seule table de concertation rassemble l'ensemble des intervenants au sein du Conseil régional de concertation et de développement de Québec pour améliorer la coordination des actions. Nous recommandons que le financement de l'insertion à l'emploi des immigrants et de la régionalisation de l'immigration soit augmenté. Nous souhaitons la mise en place d'un programme de rapprochement interculturel entre la population locale et immigrante. Et, à l'instar des ministères de l'Industrie, du Transport, de la Culture et autres, nous souhaitons que le gouvernement formalise sa nouvelle approche de partenariat avec la capitale par l'élaboration d'un plan spécifique pour la région de Québec en matière d'immigration d'une durée minimale de trois ans. Ce sont les principales recommandations que nous vous faisons.

Je voudrais maintenant vous faire quelques commentaires au sujet de l'ensemble de ce dossier qui personnellement me préoccupe à divers titres et depuis fort longtemps. J'ai eu l'occasion, dans ma carrière, de vivre à deux reprises à l'étranger: trois ans en Europe, trois ans en Afrique. Et on ne peut pas vivre ces expériences, notamment à Bruxelles, au sein d'une ville qui est à peu près pour moitié composée d'immigrants maintenant et qui prévoit d'ici une dizaine d'années que la majorité de sa population ne sera pas d'origine belge traditionnelle, sans être marqué par à la fois les défis et les problèmes et aussi les attitudes.

Le fait d'avoir vécu trois ans en Afrique et d'avoir eu à travailler dans plusieurs pays d'Afrique à partir du centre de recherche où j'étais attaché m'a amené aussi à prendre un certain nombre d'attitudes de beaucoup, beaucoup de prudence quant aux jugements d'ensemble que l'on porte sur, soit l'Afrique, soit l'Amérique latine, soit même l'Europe.

Quant on parle d'immigration dans un pays comme le nôtre que ce soit le Québec ou le Canada, c'est d'abord une question d'attitude par rapport à l'accueil des étrangers et aussi d'attitude par rapport aux moyens que l'on met à leur disposition pour qu'ils connaissent leur nouveau milieu d'accueil. Cette attitude, à mon avis, est basée sur la connaissance des valeurs de ceux qui nous arrivent, parce qu'ils n'arrivent pas de la lune, ils arrivent de pays où il y a des valeurs, il y a des traditions, il y a des règles, et leur connaissance à eux de nos valeurs. Mais ça suppose qu'on développe au maximum la tolérance, l'esprit de partage et qu'on respecte la liberté que les gens ont à la fois de s'installer, mais, en même temps, qu'on leur fasse comprendre à tous, et les gens de chez nous et d'ailleurs, que l'arrivée de nouvelles personnes ayant des cultures différentes, venant de milieux différents, ayant des formations différentes suppose qu'on fasse un effort pour bien comprendre que ce sont des ajouts non pas uniquement à l'économie.

Et c'est peut-être ce qu'on peut reprocher aux politiques canadiennes de l'immigration: de faire en sorte que, si vous arrivez de tel pays, quelles que soient vos intentions de développement dans le pays, si vous déposez 500 000 $ dans un compte de banque, vous achetez un condo, une auto que vous laissez dans le garage pendant quatre ans, on vous donne un passeport. Je ne pense pas que c'est une immigration de qualité que celle-là où on vient se chercher, parce qu'on en a les moyens, un passeport canadien. Et donc il faut en arriver à ce que l'immigration au Québec, ce soit considéré comme une voie nécessaire à la construction de notre société, à son renouvellement et à son évolution. Ce n'est pas parce qu'on a été, les anglophones et les francophones, la première et la deuxième vague d'immigration, si je peux employer, suivie par différents groupes d'Europe, qu'on est la dernière. Il y en aura d'autres qui viendront. Et quand on pense aux pays d'Asie, par exemple, il y en a un certain nombre qui vont venir chez nous.

Si on veut développer des attitudes ouvertes par rapport à l'immigration, il ne faut pas contribuer au préjugé enraciné profondément qui veut que, parce que les gens ne pensent pas comme nous, ne parlent pas comme nous, n'agissent pas comme nous, ils sont un handicap pour le développement du Québec. Il faut se connaître et se reconnaître. Il faut que cette connaissance soit réciproque. Il faut développer le respect des différences et, pour pouvoir développer le respect des différences, il faut amplifier la connaissance que l'on a les uns des autres.

L'intégration dans un territoire et dans un pays comme le Québec n'égale pas l'assimilation. Ça, c'est bien évident. On peut tout à fait s'intégrer sans s'assimiler. La région de Québec est à 97 % et quelques poussières francophone. Et donc il faut que ceux qui viennent ici sachent que, dans cette région, la langue, c'est le français.

Ça n'empêche pas de servir des clientèles en anglais lorsque sollicité, c'est tout à fait le cas à Québec, ici. Moi, je ne connais pas d'anglophones qui viennent dans la région de Québec et qui se plaignent de ne pas avoir pu avoir accès à des services en anglais. Mais on vit dans cette région en français parce que 97 % des gens sont francophones.

Il faut donc que, dans une politique d'immigration, on en tienne compte et qu'on cherche à accueillir ici, en leur disant qui nous sommes, ce que j'appellerais des immigrants francophiles, au sens de la facilité d'avoir accès à l'outil de communication qu'est le français. Je pense, par exemple, aux gens qui viennent du Cambodge, je pense aux gens qui viennent du Vietnam, pour ce qui est de l'Asie, et qui sont des pays qui ont été en contact avec la culture française pendant des générations sous l'époque coloniale, l'Indochine, pour employer le vieux terme. Bien, ce sont des clientèles particulièrement souhaitées, je pense, pour une région comme Québec.

Cette chasse aux préjugés doit se faire dans les écoles. Elle doit se faire partout où les gens les expriment: à la radio, à la télévision, partout. Ça ne veut pas dire que le gouvernement doit avoir un programme où il dicte ce qu'il faut faire à la radio ou à la télévision. Mais tout le monde a vu dans le journal, lorsqu'un mauvais coup est commis et qu'on a des présumés coupables, si ce n'est pas un blanc d'origine européenne, on dit toujours sa couleur et on dit toujours ses origines ethniques la plupart du temps. Mais quand c'est des blancs, on n'en parle pas. C'est des petites choses, ça, qui font qu'on associe couleur et crime, qu'on associe langue et crime. Et ce n'est pas propre au Québec; en France, c'est la même chose, en Europe, c'est la même affaire.

La chasse aux préjugés en matière d'emploi, des voleurs d'emplois. M. le ministre, vous avez un défi d'expliquer que la majorité de ces gens-là ne sont pas des voleurs d'emplois, mais sont des créateurs d'emplois. Et j'ai déjà donné des exemples. On en a dans la ville de Québec, ici, qu'on peut donner. Des gens qui sont arrivés, d'origine musulmane, qui sont à Québec, qui se sont installés il y a une vingtaine d'années, qui ont fait des études à l'École d'administration et qui, aujourd'hui, au fil des années, ont créé une centaine d'emplois qui se maintiennent dans la région de Québec et qui créent de l'emploi dans des domaines tout à fait particuliers et tout à fait souhaitables.

La chasse aux préjugés en matière d'honnêteté. Il suffit qu'on n'ait pas la même couleur, qu'on n'ait pas le même accent puis il y a une présomption qu'on n'est pas honnête quelque part. Et ça, ça vaut pour toutes les autres couleurs, pour toutes les autres langues.

Et ce que j'appellerais le préjugé que ces gens-là refusent notre société, alors que très peu de gens, très peu d'institutions font des efforts pour les associer à nous comprendre. Je ne dis pas qu'on est plus fin que les autres, à la ville de Québec. Mais, à chaque année, on a une espèce de séance d'accueil, à l'hôtel de ville, de ceux de différentes origines qui sont arrivés durant l'année, où on leur présente le fonctionnement de la ville, on fait une réception, les enfants sont invités, etc., pour que, effectivement, ils se sentent bienvenus chez nous.

En d'autres mots, et je terminerai là-dessus, l'immigration, pour une région comme la nôtre, pour le Québec dans son ensemble, comme ça a toujours été le cas dans le passé, est une force. C'est une force à développer au service de l'ensemble de nos collectivités, dans le respect de ce que nous sommes, mais avec une grande ouverture sur l'extérieur.

Tous ceux qui sont venus de l'extérieur, que ce soit d'Italie, que ce soit de Grèce, de quelque pays que ce soit, et je pense en particulier aux pays d'Europe de l'Est, je pense aux pays d'Europe en général, de n'importe où, quand on regarde objectivement le passé, ont tous, à peu près sans exception, été des contributions au développement du Québec, à sa diversification, à son ouverture sur le monde.

Il faut s'appuyer, je pense... Et quelqu'un en a fait la suggestion récemment, je trouve que c'est la façon de faire. Il faut trouver une façon de mieux s'appuyer sur les familles qui sont déjà implantées ici et qui viennent de ces différents pays là pour en faire des ambassadeurs auprès de leur pays d'origine, auprès des gens de leur pays d'origine qui souhaitaient venir ici, des ambassadeurs de la réalité, telle qu'elle existe, du Québec, de la région de Québec en particulier. Ces gens-là sont capables de dire que, oui, on vit ici en français et qu'on n'a pas vraiment le choix, on est dans une communauté à 97 % francophone, et que, oui, effectivement, on peut aussi se débrouiller en anglais. Tout le reste là, le fait que les gens restent plus ou moins longtemps, ça, c'est de l'étude sociologique.

Moi, quand j'étais délégué du Québec à Bruxelles ? je vais terminer là-dessus, M. le Président, avant de passer la parole à Mme Poirier ? on était témoin de ce qui se passait. Les gens se faisaient présenter le Canada, incluant le Québec, comme une terre d'immigration d'un pays bilingue, en d'autres mots, où tu peux, effectivement, n'importe où, te développer en utilisant l'une ou l'autre des deux langues, ce qui est, à certains points de vue, faux. Tu ne peux pas te développer dans certaines provinces si tu parles surtout français et tu ne peux pas te développer dans la région de Québec si tu t'obstines à ne parler qu'anglais. Ça, c'est la réalité des choses.

Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas un marché du travail pour les anglophones immigrants qui viennent à Québec. Ça ne veut pas dire ça. Mais la réalité canadienne est plus complexe que celle-là. Et, donc, les gens qui choisissaient de venir chez nous, c'était souvent par troisième choix. Ils avaient choisi d'aller aux États-Unis, ils étaient non reçus. Ils faisaient application pour le Canada, ils étaient reçus. Ils cherchaient à aller dans la région de Toronto, il y avait des difficultés. Ils se repliaient sur Montréal. Et, s'ils étaient plutôt francophiles, un certain nombre venait jusqu'à Québec avec l'idée de refaire le chemin inverse le plus tôt possible pour aller se développer ailleurs, aller se développer aux États-Unis, là où il y a 250, 300 millions d'habitants, et donc de chercher à apprendre l'anglais pour pouvoir se développer.

n (10 h 50) n

Et, si on s'obstine à présenter le Québec comme un pays fermé, comme un pays sans avenir, comme un pays finalement limité sur lui-même, comme certains préjugés sont véhiculés, bien, à ce moment-là, il ne faut pas se surprendre que les gens qui viennent ici se considèrent en transit.

C'est la même chose. Moi, je ne connais pas beaucoup de Québécois, quand ils vont au Mexique, par exemple, qui font un effort pour s'associer à la langue des autochtones mexicains. Tout le monde s'en va vers l'espagnol. Ça se comprend. Ça se comprend très bien.

Alors, il ne faudrait pas que nos politiques occultent la réalité québécoise et il ne faudrait pas qu'on la présente, sur le plan linguistique, comme un handicap, mais bien comme un avantage. En ce sens-là, des pays cibles comme les pays d'Amérique latine, les pays asiatiques francophiles, si je peux employer l'expression, des pays comme les pays d'Europe de l'Est, comme la Roumanie où le français est connu et parlé par bien des gens, sont des pays qui devraient fournir à la région de Québec une immigration tout à fait positive. Mme Poirier, voulez-vous ajouter des mots à tout ça?

Mme Poirier (Lyse): Oui, si vous permettez.

M. L'Allier (Jean-Paul): Allez-y.

Mme Poirier (Lyse): Alors, merci. Je voudrais peut-être mentionner pour quelles raisons je suis intéressée à travailler au niveau des communautés culturelles. Sans relancer M. le maire, j'ai quand même eu la possibilité de vivre deux ans en Pologne, un an en Algérie et de faire plusieurs séjours aussi en Amérique du Sud, ce qui fait que mon ouverture pour les communautés culturelles vient de cette base-là.

Je voudrais peut-être revenir sur ce que la ville de Québec a fait à venir jusqu'à date pour attirer les communautés culturelles et essayer de les conserver sur son territoire. M. le maire vous a parlé de la Table municipale de concertation. Alors, c'est une table qui siège depuis 1991. Il y a 60 associations qui sont regroupées au niveau de sept centres, sept confédérations. On revoit d'une façon assez régulière, aux trois ou quatre mois, ces gens-là, et on leur demande quel devrait être le plan d'action pour la ville pour aller dans le sens de leurs besoins. On a toujours un plan d'action pour chaque année. Ensuite, on en fait le bilan.

Cette année, les communautés culturelles nous avaient demandé... C'est le travail qui est difficile, c'est toujours le premier emploi, pour tout le monde et surtout pour les communautés culturelles. Alors, on a mis en place un certain nombre de stages qui ont été effectués dans la ville de Québec, dans les différents services, et ça a été vraiment un succès. Alors, on a eu des gens qui sont allés en génie civil, en informatique, en communications, aux travaux publics, et ces gens-là ont pu faire un stage qui a été encadré. Ensuite, on a demandé un bilan, et ça a été positif pour eux. Ça leur permet d'inscrire dans leur c.v. qu'ils ont eu une expérience de travail. Alors, à chaque année, on essaie d'aller un petit peu plus loin pour aider ces gens-là et qu'ils demeurent à Québec.

Ce que je voudrais mentionner aussi: Dans la lettre de M. le ministre, au début du document, on parle bien que c'est un document d'orientation que vous nous soumettez, M. le ministre, et qu'il devrait y avoir un prochain plan triennal. Nous, en tant que ville de Québec, et comme on a mentionné qu'on aimerait être le deuxième pôle d'attraction des communautés culturelles, ce serait intéressant si on pouvait mettre en place un comité mixte de travail de région ? je vais parler pour notre région, pour la capitale nationale ? pour arriver à définir de quelle façon notre région, on pourrait la rendre plus attractive au niveau de la sélection aussi des immigrants, de quelle façon ça pourrait se faire. Parce que ce qu'on nous dit à l'heure actuelle: C'est à partir de Montréal qu'il y a ensuite des visites dans les régions pour présenter les régions. Nous, on pense que ça devrait être un petit peu plus en amont et que la région de Québec...

Une voix: ...

Mme Poirier (Lyse): Le temps est passé? Bon. D'accord. Alors, je résume ce point-là qui serait important pour nous: de mettre en place un comité de travail mixte pour travailler.

Et un autre dossier aussi qui serait intéressant pour la région de Québec, ce serait de revenir sur les immigrants investisseurs. Alors, ça pourrait faire partie du plan de travail.

Le Président (M. Beaulne): Merci, Mme Poirier. Vous aurez sûrement l'occasion, au cours des échanges, d'élaborer un peu plus.

Avant de céder la parole aux collègues, j'aimerais préciser que la députée de Vanier remplace, pour les fins de nos travaux d'aujourd'hui, le député de Frontenac. M. le ministre, à vous le privilège d'amorcer les échanges.

M. Perreault: Alors, M. le maire, mes salutations, madame, M. Dallaire. Merci d'être là et de la présentation de votre mémoire. M. le maire, vous avez insisté, avec raison, sur l'importance, d'une part, de l'immigration comme apport positif au développement d'un pays, d'une région, et sur l'importance des attitudes en matière d'ouverture et d'accueil. Vous avez fait un plaidoyer éloquent, et, je pense, avec raison. Une des conditions essentielles pour être capable d'accueillir des immigrants, c'est d'abord et avant tout de le souhaiter, de le vouloir, d'en reconnaître l'apport positif et d'éliminer nos préjugés parfois bien tenaces, alors que tous les faits, tous les chiffres démentent ces préjugés à l'égard de l'immigration. On sait que, de façon générale, les personnes qui émigrent, sauf peut-être la partie des réfugiés qui sont coincés... C'est un geste courageux, un geste exigeant que d'émigrer. Et c'est donc des gens plutôt débrouillards qui veulent se refaire une vie et s'organiser, et vous plaidez avec raison dans ce sens-là. Je pense que, là-dessus, on se rejoint très largement.

Il reste beaucoup à faire au niveau des mentalités. Mais ce que ? j'ai déjà eu l'occasion de le dire ? je constate, et votre mémoire en est également une démonstration: il y a davantage d'intérêt qu'il n'y en avait, je pense, à travers les régions du Québec. Dans le cas de la capitale nationale, je pense que c'est un intérêt qui est là depuis un certain temps; les initiatives de la ville le démontrent. Mais, de façon générale, il y a un intérêt plus significatif que dans le passé, plus d'ouverture, et on a commencé à travailler avec les régions depuis deux, trois ans. Moi, donc, je veux le saluer.

Je constate également que, sur l'essentiel, par rapport à vos préoccupations, vous avez raison de dire qu'on ne peut pas faire de l'immigration et juger des performances du Québec indépendamment du contexte politique, indépendamment du contexte linguistique. Autrement, c'est faire de l'angélisme. Ça s'enracine dans une réalité très concrète, vous avez raison de le rappeler, parce que, parfois, dans certaines discussions qu'on a autour de cette table, on entend parfois...

Une voix: On n'a pas dit ça, nous autres.

M. Perreault: Je n'ai pas dit que l'opposition avait dit ça, M. le Président. Alors, on entend parfois, dans certains commentaires, des gens qui font des analyses comme si le Québec, en matière d'immigration, contrôlait la totalité des enjeux, ce qui n'est pas le cas. Donc, il faut en être toujours conscient.

Mme Houda-Pepin: ...

M. Perreault: M. le Président, l'opposition s'énerve pourquoi?

Le Président (M. Beaulne): Mme la députée, s'il vous plaît, vous aurez l'occasion...

M. Perreault: Moi, je n'ai attaqué personne, je fais état de discussions.

Le Président (M. Beaulne): M. le ministre, poursuivez.

M. Perreault: Oui. Voilà. Alors, M. le Président, M. le maire, je crois comprendre que, pour l'essentiel, vous êtes favorable aux orientations, tant du point de vue de l'augmentation des volumes que du point de vue d'une volonté d'aller chercher des gens qui puissent s'intégrer rapidement. Vous soulignez diverses choses. Il y a une remarque que... Votre première recommandation est très claire, vous dites: «Nous souhaitons que le gouvernement reconnaisse d'emblée la capitale nationale comme [...] le deuxième pôle d'attraction en matière d'immigration.» J'ai eu l'occasion de dire que je partage ce point de vue.

Ça m'amène donc, à partir de là, à avoir avec vous une discussion sur les conditions qu'il faut réunir pour y arriver. Quand on regarde les chiffres, on sait que Montréal, par exemple, avec 24 % de la population totale, concentre 70 % du mouvement d'immigration et que la capitale nationale du Québec ? et là, je ne mets pas la capitale dans le même banc que les régions ? avec tout près de 10 % de la population, un peu moins, concentre à peine 2,5 % de la population immigrante. Il y a donc de la place pour occuper un plus grand espace. J'aimerais un peu vous entendre parler de ce qu'on pourrait faire comme conditions à réunir ? vous en avez évoqué quelques-unes ? pour faire en sorte que, au-delà des choix volontaires des personnes, Québec prenne plus de place.

Sur le plan des attitudes, moi, je tiens à souligner une chose. C'est passé peut-être un peu inaperçu, mais ? on a entendu toutes sortes de choses ces derniers jours à la radio ? mais vous savez, c'est à Québec, par exemple, que le groupe des Kosovars a le plus décidé de demeurer. Quand on regarde le travail qu'on a fait, les 1 600 Kosovars qu'on a installés sur le territoire, c'est dans la région de Québec que l'accueil a été le plus significatif, le plus efficace, au point où la majorité de ces gens-là, c'est ici qu'ils ont décidé de demeurer, plus que dans toute autre région du Québec. C'est donc, quant à moi, un signe que la population de Québec est très bien capable d'accueillir des immigrants et que les mentalités changent, que l'attitude est là. Mais c'est quoi, les autres conditions qu'il faudrait réunir, compte tenu qu'on ne peut pas toujours forcer les gens?

M. L'Allier (Jean-Paul): Je ne peux pas être exhaustif en réponse à votre question, mais je pourrais vous donner des éléments qui me paraissent faibles à ce moment-ci, et c'est ma perception. Si on me dit: Ce n'est pas ça, je vais changer d'idée. Mais, encore une fois, on fonctionne avec les connaissances qu'on a et, comme on a des connaissances limitées, on les complète par des préjugés qu'on peut avoir aussi, positifs ou négatifs. C'est comme ça qu'on arrive à se faire une idée qui peut avoir du bon sens.

n (11 heures) n

Je pense que l'information que l'on donne à l'étranger au sujet de la réalité de la région de Québec et des régions est une information trop faible, pas suffisamment précise et, à l'occasion, caricaturale. On ne perçoit pas dans l'information qui est donnée aux candidats potentiels qu'il y a ici, dans la capitale, un demi-million de francophones qui réussissent, qui ont un niveau de vie x, qui ont un niveau de scolarisation y, qui performent dans tel et tel et tel domaine et qui sont ouverts d'une façon particulière dans tel et tel et tel autre domaine. Ce n'est pas suffisamment précis, de sorte que le candidat immigrant va se tourner vers l'information la plus simple: Toronto. Et, à l'occasion de Toronto, on va lui parler de Vancouver et de Montréal. Vancouver pour les Asiatiques, d'abord c'est moins loin, et c'est déjà largement occupé à la fois par les gens qui viennent des Indes et de pays de cette partie du monde. Mais, en ce qui nous concerne, ici, on ne présente pas suffisamment la force des régions, qu'est-ce que c'est. Une région où se pratique la pêche, une région où on développe les industries à caractère maritime, ça peut attirer un certain nombre de personnes, ça peut les intéresser de venir s'y associer, ce qu'il n'est pas possible de faire quand on habite à Toronto, par exemple. Alors, il faut le dire avant de partir pour que les gens choisissent de venir s'associer à tel ou tel aspect.

Deuxièmement ? j'ai parlé de l'information ? je pense qu'on doit utiliser davantage ce que j'appelle les «success stories» qu'on peut avoir dans nos régions, dans différents domaines où des immigrants vietnamiens, cambodgiens, indiens, chinois ont réussi, pour les associer à ce que l'on considère les meilleurs outils d'information et d'accueil. Qu'est-ce qu'ils auraient voulu savoir? Qu'est-ce qui leur a manqué? Qu'est-ce qu'ils sont prêts à dire aux gens qui parlent leur langue, qui ont leur culture, pour les inviter à venir s'associer au développement de cette région, à la fois dans leur intérêt et dans le nôtre? On n'utilise pas ces gens-là. Et ça, d'une façon générale, on ne le fait pas, et on devrait systématiquement le faire.

Quand vous avez des missions qui partent, disons, au Maroc, en Tunisie ou en Algérie, on devrait choisir quelques leaders de ces communautés qui ont réussi ici et faire en sorte que la moitié de la mission Québec en Algérie, en Tunisie, au Maroc soit composée de gens de ces communautés qui sont capables, sans préjugé, avec beaucoup plus de finesse qu'on peut le faire, dans leur culture et dans leur langue, d'exprimer la réalité dans laquelle ils vivent et qui n'est pas ni le paradis terrestre ni l'enfer, mais un lieu de développement pour ceux qui veulent travailler et qui savent travailler. Ça, c'est important. Donc, présenter nos régions, et non pas uniquement Montréal, présenter nos régions avec leur potentiel de développement, leur potentiel de formation, leur potentiel économique.

Ajouter à cette information le fait que les gens doivent considérer que ça peut être une fin en soi que d'immigrer vers le Québec, dans la métropole qui est multiculturelle ou dans des villes plus spécialisées en termes de types d'industries ? l'agroalimentaire pour la Beauce, par exemple, et ainsi de suite ? ou dans la capitale qui est le noyau le plus francophone de tout le Québec en termes de densité, que ça peut être une fin en soi, que ça peut être une destination finale, pas juste une destination de transit vers autre chose.

Troisième point ? donc, l'information des familles ? s'assurer que les centres de services, d'information aux immigrants arrivants, qui sont disponibles dans les régions, ne soient pas tout simplement le 1-800 qui les oblige à contacter Montréal pour savoir ce qui se passe à Rimouski. Il faut donc, encore là, développer beaucoup plus systématiquement des centres d'information qui, eux, vont associer les communautés réelles d'immigrants reçus et implantés ici et qui vont faire en sorte que, lorsque ces gens-là arrivent dans nos régions, ils sont accueillis autant par des membres de leur communauté que par des Québécois ou des Québécoises qui sont ici depuis plus longtemps d'origine anglo-saxonne ou française. Ce mixte dans la vie de la région viendrait atténuer beaucoup de préjugés et réconforter ceux qui arrivent.

Ce centre de services à l'immigrant comporte aussi, à mon avis, une obligation particulière d'accès à l'emploi, pas par des quotas, pas par des privilèges. Ce qu'on vit, par exemple, et je ne veux pas changer de terrain là, mais, quand vous avez les questions de la pêche auxquelles font face les autorités fédérales où tu as les autochtones qui ont des droits différents de ceux des citoyens non autochtones, ça crée, en soi, une situation explosive. Donc, pas de privilège, mais des informations adéquates. Il y a des employeurs dans la région pour qui il n'y a plus de préjugé quant à l'emploi d'immigrants. Il y en a, ça existe. Il faut donc que ces gens-là soient mis à contribution et qu'on les connaisse aussi. On peut donner des dizaines d'exemples où, effectivement, les gens ne savent pas où aller quand ils arrivent et, s'ils ne sont pas guidés vers des partenaires québécois particulièrement ouverts, avant qu'ils en trouvent le chemin, ça va prendre plus de temps.

Finalement, et c'est le dernier point dont je ferais la recommandation, une politique d'immigration doit prendre en compte la réalité de notre université dans la région de Québec. Notre université, comme je vous l'ai dit, reçoit des étudiants d'une soixantaine de pays. Or, la ville, comme le gouvernement, dans cette région, doit les utiliser, non pas pour essayer de les garder. Ils sont venus se former ici pour aller développer leur pays. On est malhonnête quand on fait tout pour les garder ici puis qu'ils ne retournent pas chez eux. Ce n'est pas correct, à mon avis, mais la réalité, souvent, c'est comme ça. Mais faire en sorte que, à des périodes plus stratégiques, on reconnaisse que ces gens-là existent. Au temps des fêtes, par exemple, où est-ce qu'ils vont? Ils sont laissés à eux-mêmes. Tous les étudiants sont rendus dans leurs familles, ils sont partis. Puis, si vous êtes Africain, si vous êtes Nord-Africain, si vous êtes Bosniaque, si vous êtes poigné tout seul au campus sibérial que nous avons, l'hiver, à Québec... Alors, il va falloir faire quelque chose.

Une voix: De Québec ou de Sainte-Foy.

M. L'Allier (Jean-Paul): De Québec ou de Sainte-Foy? Bien, ça peut changer dans l'avenir, on ne le sait pas.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. L'Allier (Jean-Paul): Mais ça va être aussi sibérial même si ça change, parce que le campus a choisi de s'installer ailleurs qu'au centre-ville, et, l'hiver, ce n'est pas très drôle quand on est tout seul pendant le temps des fêtes dans ce coin-là.

Donc, comment est-ce qu'on fait pour les associer? Il ne s'agit pas de jouer des jeux, de dire: Bien, il faut les inviter en famille... Ça peut se faire. Mais il faut trouver des façons de faire en sorte que, quand ces gens-là viennent passer quatre ans chez nous, ils sont, pendant quatre ans, des résidents du Québec.

M. Perreault: M. le Président, dernière remarque, puis je cède la parole aux autres. Je veux dire au maire de Québec qu'il a parfaitement raison pour ce qui est, à mon avis, de l'information en amont, et je veux lui souligner que, pour la première fois, le ministère, depuis à peine quelques mois, a publié, pour l'ensemble des régions du Québec, des documents d'information qu'il remet maintenant systématiquement aux personnes qui font des demandes d'immigration. On n'en avait pas avant. C'est triste à dire, il n'y en avait pas. Cela dit, on commence, et c'est encore insuffisant.

Deuxième remarque, et je termine là-dessus. Moi, je suis très heureux de voir la volonté d'implication de la capitale du Québec, de la ville de Québec dans ce dossier. Je sais que c'est déjà commencé. Je veux souligner au maire de Québec et rappeler que le ministère, cette année, a entrepris une réforme en profondeur en créant partout ce qu'on appelle des carrefours d'intégration, et l'objectif de ces carrefours, c'est de décentraliser l'action du ministère et de travailler en phases avec les partenaires. On est en voie d'implantation, mais je crois que les réflexions que vous faites confortent tout à fait cette orientation. Je suis conscient cependant qu'elle n'a pas vraiment eu l'occasion de vivre encore, cette orientation.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le ministre. Je cède maintenant la parole à notre collègue de Saint-Henri?Sainte-Anne, porte-parole de l'opposition en cette matière.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. M. le maire, madame, monsieur, bonjour et bienvenue. J'aimerais peut-être revenir sur l'opinion publique sur la contribution de l'immigration.

Le Conseil des relations interculturelles disait dans son mémoire, hier, que, peu importe la période où on fait des sondages, les sondages révèlent qu'une faible proportion de la population souhaite augmenter les niveaux, que la plupart des gens considèrent qu'il faut maintenir le nombre d'immigrants actuel, et une faible opinion minoritaire les diminuer. Et le Conseil suggère au gouvernement de faire peut-être plus souvent des campagnes afin d'informer les gens sur l'apport, la contribution. Vous avez parlé tantôt des valeurs de l'immigration que ces gens apportent à notre société.

Hier, il y avait un sondage maison ? c'est quand même un sondage qui est non scientifique, mais, quand même, il y a des gens qui ont répondu ? sur la proposition gouvernementale de colorer la ville de Québec et un grand nombre, important de gens ont répondu qu'ils étaient en désaccord avec cette idée, de votre région, de Québec. Même à Montréal, on vit le phénomène de discrimination. Il ne faut pas se mettre la tête dans le sable, ça existe, il y a des préjugés. Particulièrement pour les minorités visibles, pour les jeunes, à Montréal, on a des difficultés.

Moi, j'aimerais savoir. Vous voulez devenir le deuxième pôle d'attraction au niveau des communautés culturelles au Québec. Est-ce que vous êtes, comme maire ? je sais que la ville a fait des efforts, vous avez parlé de votre politique d'intégration et vous voulez que ça devienne ainsi un deuxième pôle... mais est-ce que vous êtes persuadé que vous avez une majorité de la population de la ville de Québec et de son agglomération qui vous suit dans cette optique?

M. L'Allier (Jean-Paul): Je suis persuadé du contraire...

Mme Loiselle: O.K.

n (11 h 10) n

M. L'Allier (Jean-Paul): ...précisément parce que, si on attend d'avoir toute la population derrière une politique d'immigration, on n'en aura jamais. C'est un cas où les autorités publiques doivent prendre le leadership et assumer leurs responsabilités. Quand vous avez des animateurs de radio ? puis je ne les nommerai pas là, il n'y en a qu'un qui parle comme ça ? qui surfe avec beaucoup de facilité sur le préjugé des gens, qui en remet, qui, à l'occasion de la Super Francofête, pendant une semaine, a changé le nom de son émission pour appeler ça Radio-Cannibale, évidemment, c'est facile d'exciter le monde contre. Et, quand vous dites à des gens qui sont en chômage, quel que soit le motif: Ces gens-là vont venir voler vos jobs, ça ne coûte rien de le croire puis d'être contre ça, effectivement. Donc, le rôle des élus, le rôle des leaders, le rôle des chambres de commerce, le rôle de ceux qui prennent des décisions, c'est de bien être conscient, si la réalité est telle, que c'est un apport positif et d'en témoigner. Mais c'est plus facile de fermer sa gueule, puis de dire: On est derrière vous autres. Le nombre de gens qui sont derrière les hommes et les femmes politiques est considérable. Le problème, c'est que, quand on se revire de bord, ils sont tous cachés, hein? On a un défi, puis il faut le relever ensemble.

À mon avis, si vous me permettez, on peut discuter des façons de le faire. Mais, si le monde politique était largement unanime sur le fait que ce pays n'existerait pas si, à l'origine, il n'avait pas été construit sur l'immigration, Français, Anglais, Écossais, Irlandais, Italiens, Grecs, etc., et qu'on convienne qu'on a acquis beaucoup de ressources et de richesses en développement parce que ces gens-là étaient là, tout le monde ensemble... Donc, il ne faut pas tomber dans le panneau, de dire: Bien, on va attendre que la population nous suive. Et des dossiers où la population suit après que c'est fait, pas avant, et ça, c'en est un.

Mme Loiselle: Mais, M. le maire, étant donné que vous savez que la population de la région de Québec ne suit pas le gouvernement ni vous dans cette nouvelle optique d'avoir une immigration plus massive dans la capitale, est-ce que vous ne devriez pas commencer le processus par une campagne de sensibilisation face à l'arrivée de nouveaux immigrants pour justement avoir la population qui soit derrière vous dans tout ce nouveau changement que vous voulez faire pour la ville de Québec, par la campagne de sensibilisation et de promotion?

M. L'Allier (Jean-Paul): Si vous me permettez, je vais donner la parole à Mme Poirier qui est dans ce dossier-là, mais je dirais un point. Le dossier évolue très positivement, les gens sont plus ouverts maintenant qu'ils ne l'étaient il y a 10 ans. Ça n'empêche pas qu'il y aura toujours des gens qui vont aimer avoir un immigrant sous la main pour pouvoir taper dessus, c'est relativement facile. Il y aura toujours ça. Que ce soit en France, que ce soit dans les pays européens, chez nous, ça peut arriver. Mais l'arrivée des immigrants et surtout de certains aspects de leur mode de vie, comme l'alimentation, vient aider considérablement. Il n'y a pas beaucoup de monde dans la région de Québec qui mangeaient des bagels il y a 15 ans; aujourd'hui, on en mange, on se demande d'où ça vient, on sait que c'est bon. Tiens, il y a des choses. Regardez les tables, regardez la cuisine, regardez les habitudes vestimentaires, les gens voyagent, les gens reviennent. Et je pense que, à chaque fois qu'on améliore la connaissance du monde par rapport à ce qui se fait ailleurs, ils deviennent un tout petit peu plus tolérants, un petit peu plus respectueux, et c'est là-dessus qu'on peut construire, aller jusqu'au bout, jusqu'à l'accueil positif. Mme Poirier.

Mme Poirier (Lyse): Oui. Dans le sens de vos inquiétudes, je vous ramènerais à notre cinquième recommandation en page 7 où on dit: Même s'il n'y a pas de problèmes aigus à Québec au niveau des communautés culturelles puis des préjugés, on devrait quand même mettre en place un programme de rapprochement interculturel pour que ces gens-là apprennent à se connaître. Ça pourrait être par les centres de loisirs, qu'il y ait des séances d'information, on invite des gens qui viennent parler de leur histoire, qui viennent parler de leur culture, et les gens apprennent à se connaître ensemble.

Et je voulais simplement vous mentionner aussi qu'à Québec, présentement, il n'y a pas de concentration dans les quartiers ethniques. Il y a quatre grands quartiers dans la ville de Québec et, rapidement, je vais vous donner les pourcentages. Le pourcentage d'immigrants à la haute-ville est de 35 %; à la basse-ville, il est de 21,4 %; à Limoilou, de 25,2 %; et, dans des Rivières, de 18,2 %. Alors, dans la ville de Québec, il n'y a quand même pas une concentration. Ceux de haute-ville, basse-ville sont plutôt dans les quartiers centraux. Il n'y en a pas de problématique présentement majeure. Ce qu'on dit, c'est qu'on doit quand même faire attention et mettre en place un programme qui permettrait aux gens de se connaître un peu plus au niveau interethnique.

Le Président (M. Beaulne): Alors, par souci d'alternance, je vais maintenant céder la parole au député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, M. le Président. Bonjour, M. le maire. Votre présentation est très intéressante et très éclairante. J'aurais une question à vous poser, très précise, mais, avant, je voudrais souligner le fait que la présentation que vous nous avez faite est très positive, je pense, de la capacité du peuple québécois d'accueillir des immigrés. Pendant des années, on l'a présenté comme un peuple xénophobe, fermé, ignorant, tout ce que vous voudrez, et, moi, ça me fatiguait parce que ce n'est pas ça que je constatais sur le terrain. Les gens ne sont pas xénophobes en général, sauf exception. Que les gens aient certaines ignorances par rapport aux immigrés, ça se comprend, et qu'ils développent des préjugés, c'est inévitable, parce que, vous l'avez dit vous-même, la nature ayant horreur du vide, quand il n'y a pas de connaissances, on remplace ça dans l'esprit par des préjugés. Alors, c'est inévitable.

Depuis le début des auditions qu'on a ici, ce que je constate quand on écoute les gens, c'est qu'il y a une très grande capacité d'accueil chez les Québécois et c'est de l'ensemble des régions du Québec que vient la demande d'ouvrir les processus d'accueil aux immigrants de telle sorte qu'ils puissent avoir effectivement accès aux différentes régions. C'est une question économique, mais c'est aussi une question, je dirais, d'intégration de l'ensemble de la société. Si la société se développe d'une certaine façon à Montréal avec beaucoup d'immigrants et l'absence d'immigrants dans les régions, on augmente la césure entre Montréal et Québec, entre Montréal et le reste de la région, et ce n'est pas bon pour l'ensemble de la société. Alors, les relations compétitives entre Montréal et Québec sont une excellente chose aussi longtemps que c'est un folklore stimulant. Mais, quand on pousse ça jusqu'à un point où il y aurait une opposition dans la perception qu'on a de la façon d'organiser la société, à ce moment-là, ce serait négatif. Et c'est dans ce sens-là que je trouve que ce que vous avez apporté est très positif.

Et, depuis le début, moi, le sentiment que j'ai, c'est qu'il y a deux conditions fondamentales à l'intégration des immigrants à la société québécoise ou à toute société. La première, c'est la communauté d'accueil, c'est-à-dire cette capacité d'avoir un ensemble de gens qui sont prêts à accueillir les immigrants et à les guider dans la société en même temps qu'un ensemble de services pour répondre à leurs besoins. Première condition. La deuxième condition, c'est de trouver du travail pour mettre du pain sur leur table. C'est la deuxième condition qui est inévitable. Et, je pense, quand on réussit à rencontrer ces deux conditions-là, on peut aller de l'avant.

Alors, ma question est la suivante: Quelle contribution spécifique la ville de Québec, la municipalité, est prête à faire pour assurer que les besoins en termes d'emplois de la région de Québec soient clairement indiqués et clairement présents dans la promotion que le Québec fait à l'international pour attirer des immigrants?

M. L'Allier (Jean-Paul): Je vais demander, si vous permettez, à Mme Poirier, qui est responsable de ces mesures précises là, de vous indiquer ce que nous faisons, mais surtout ce que nous sommes prêts à faire, en ajoutant que ce qu'une ville peut faire toute seule, ce n'est pas grand-chose. Il faut qu'on se situe dans l'orchestre d'une politique d'immigration et dont on est un partenaire disponible, donc se rendre disponible, mais, en même temps, on ne peut pas inventer une politique d'immigration pour la ville de Québec qui soit différente de celle de Drummondville, de Rimouski, etc. On a voulu poser des gestes très, très précis d'ouverture qui sont souvent des gestes symboliques. Et, pour le reste, je vais laisser Mme Poirier vous en parler.

Mme Poirier (Lyse): Oui. Alors, on a mentionné au ministre qu'on aimerait bien qu'il y ait un plan d'action qui soit établi pour la capitale nationale avec une orientation très spécifique au niveau de ce qui pourrait être fait. Ce que j'ai mentionné tout à l'heure à madame, c'est que, nous, en tant que ville, on peut travailler justement à ce que les communautés se rencontrent et se connaissent davantage. Ça pourrait être par différents organismes, les services de loisirs et de la culture, on l'a fait avec les Kosovars cette année qui sont arrivés, pour l'intégration des jeunes dans les terrains de jeu. Alors, ça, c'est des choses spécifiques qui relèvent des villes et que l'on peut continuer à faire.

Mais ce qui est important, ce serait justement de définir avec le ministre quelles sont les orientations d'un plan d'action régional pour la région de la capitale et aussi de travailler en concertation, parce que ce que les organismes nous disent... Présentement, il y a trois endroits où ils sont consultés. Alors, il y a la table de concertation de la ville de Québec, il y a le CRCDQ et il y a aussi le bureau régional du ministère. Alors, les organismes nous disent: On est un petit peu partagés entre l'ensemble de ces endroits-là; des fois, on se sent bien représentés, d'autres fois non. Nous, on mentionne dans le mémoire qu'on est même prêts à revoir nos façons de travailler et, d'une certaine façon, se faire hara-kiri et qu'il n'y ait qu'un endroit ? on proposerait probablement le CRCDQ ? où on se rencontre pour définir des actions spécifiques, pour répondre à votre question, et de quelle façon, au niveau ville ou régional, ces actions-là peuvent être faites et comment elles doivent être faites.

Et je me permettrais de mentionner aussi, dans le plan d'action du ministère pour la région, il y a peut-être quelque chose qui manque à Québec. Si on avait un centre international des cultures à Québec, un endroit où on retrouverait une bibliothèque des différents pays, où les gens pourraient se rendre et connaître aussi l'ensemble des services. Parce que la problématique, présentement, dans la seule ville de Québec, 175 000 habitants, il y a 64 organismes qui représentent différents... Bon, les Kosovars sont avec une association de Kosovars; les Italiens ont leur association. Alors, il n'y a pas de grand regroupement. Et si on avait, à Québec, un centre international des cultures, et aussi, ce serait une façon, une vitrine aussi... Et quand on parle de ville internationale pour la ville de Québec, je pense que ce serait important qu'il y ait aussi un centre international des cultures dirigé et par des francophones et par des gens des communautés culturelles. Ça pourrait être intéressant de retrouver ça dans le plan d'action de M. le ministre.

n (11 h 20) n

Le Président (M. Beaulne): Merci, Mme Poirier. Maintenant, je cède la parole à la députée de La Pinière. Il vous reste, de votre côté, 14 minutes.

Mme Houda-Pepin: O.K. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, Mme Poirier, M. le maire et M. Dallaire. Je voudrais, M. le maire, vous féliciter pour votre position, ce que nous avons entendu ce matin, votre plaidoyer en faveur de la diversité, et également ce que vous nous avez dit sur la nécessité de s'ouvrir aux autres, et toute la présentation concernant les préjugés. C'est vrai, il n'y a pas de sociétés qui soient exemptes de préjugés. Le racisme est une réalité qui se manifeste dans toutes les sociétés, qu'elles soient du nord ou du sud. Souvent, on l'oublie.

Chaque année, il y a des sondages qui sont faits au Canada, je crois, par Angus Reid, sur la perception des Canadiens à l'égard des minorités, et il y a toute une liste de minorités qui sont présentées pour savoir quel est le portrait de ces minorités par rapport à la perception de la population. Et ce que j'ai souvent constaté, moi, c'est que les préjugés, ils ne sont pas seulement chez la majorité francophone ou anglophone, ils sont aussi chez les minorités. L'immigration ancienne voit la nouvelle immigration d'une autre façon, et donc il y a un travail d'éducation, de sensibilisation et de compréhension des cultures. Parce que la clé, c'est ce que vous êtes en train de nous dire, c'est lorsqu'on est face à l'inconnu qu'on développe les préjugés et, lorsqu'on apprend à apprivoiser les cultures et les valeurs, on va trouver des points communs avec ces différentes cultures et ces différentes minorités.

Vous avez également dit, M. le maire, qu'il fallait privilégier peut-être l'immigration francophile, francophone, parce que, peut-être au niveau de l'accueil et de l'insertion, ça présente peut-être des avantages au niveau de la facilité de l'intégration. Est-ce que vous comprenez aussi qu'il y a un problème qui touche l'immigration francophone au niveau de l'accueil? Parce que les services d'accueil ont traditionnellement été planifiés en fonction de l'immigration non francophone. Et, lorsque ces gens-là arrivent à Québec ou même à Montréal, ils sont face à pas grand-chose. On prend pour acquis qu'ils sont intégrés. Est-ce que vous avez réfléchi sur cette problématique-là? Est-ce qu'il y a des solutions que vous avez envisagées par rapport à l'accueil de l'immigration francophone, ici, à Québec?

M. L'Allier (Jean-Paul): La question est extrêmement pertinente et à la fois fort complexe, parce que, encore une fois, sur ce point-là, il n'y a pas de solution toute faite. Mais vous me posez la question: Est-ce que j'y ai réfléchi? Oui et beaucoup, parce que c'est la clé, je pense, du succès pour l'immigration francophone.

D'abord, il ne faut pas choisir des immigrants francophones en excluant les autres. Il faut respecter le droit des immigrants de choisir leur communauté d'accueil dans la mesure où ils peuvent le faire. Cependant, il faut concentrer l'information relativement à une région aussi francophone que Québec vers des zones où les gens sont susceptibles d'accepter une telle zone d'accueil francophone. Si vous le faites en Roumanie, vous aurez peut-être plus de succès que si vous le faites à Taiwan, par exemple. Et, si vous le faites au Cambodge, vous aurez peut-être plus de succès que si vous le faites ailleurs en Asie. Donc, concentrer l'information au sujet de la région francophone de Québec, pas exclusivement, mais la concentrer vers des zones qui sont identifiées comme des zones francophiles. Il suffit de voir ceux qui vont en France, ce sont souvent ceux qui seraient susceptibles de venir aussi chez nous. Bon, premièrement.

Pour le reste, je pense qu'il faut insister autant sur l'information à nos propres gens ici pour qu'ils soient ouverts à ça. On parlait de diversité. Moi, mes préjugés, j'en ai eu comme tout le monde, et on s'aperçoit que les préjugés, c'est ce qui nous est transmis le plus facilement. Ensuite, il faut découdre ça, défaire ça. Et c'est au fil des années qu'on prend conscience de la réalité que constitue l'immigration comme apport positif et qui nous oblige, nous, à nous resituer d'une façon relative. On n'est pas tout seul au monde, c'est ça que ça nous dit comme message premier. J'ai vécu au Maroc trois années. Un de mes fils, son meilleur copain est Marocain. Il a vécu dans sa famille musulmane pendant quelques mois il y a deux ans. Je regarde, dans mon environnement immédiat, pour voir comment est-ce qu'on en arrive à se familiariser. Un de mes frères a épousé une Italienne, très jolie, d'ailleurs.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. L'Allier (Jean-Paul): Mes fils sont allés en Allemagne, un pendant trois mois en immersion totale à l'école allemande l'année dernière dans le cadre d'un programme du ministère de l'Éducation. J'ai un de mes fils qui est en processus d'adoption pour un enfant cambodgien. Puis j'ai même un de mes fils qui a épousé une fille du Saguenay. Alors, vous imaginez l'ouverture!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. L'Allier (Jean-Paul): Alors, tout ça pour dire, madame, que finalement, à chaque fois qu'on peut mettre des Québécois, surtout les jeunes à l'école, en présence de l'autre... au pluriel, des autres réalités, on avance beaucoup. J'ai un fils qui a 14 ans, un de ses meilleurs copains, ici, est un Québécois d'origine haïtienne, donc il n'a pas la même couleur de peau que lui. Pour lui, ça ne pose aucune espèce de problème jusqu'à ce que, à un certain niveau scolaire, d'autres enfants véhiculent à l'école des préjugés entendus à la maison au sujet des Noirs, par exemple. Mais ça ne change rien à son attitude par rapport à ses copains. Alors, en ce sens-là, le Québec est en train de s'ouvrir. Ce que je dirai au ministre comme message, c'est: Reconnaissez que le Québec est en train de s'ouvrir plus largement qu'il ne l'a jamais été et favorisez cette ouverture à la fois au niveau scolaire, au niveau du loisir.

Je vous donne un dernier exemple. Au niveau des loisirs à la ville de Québec, on a toujours des choix à faire de priorité. On a les sports traditionnels: le hockey, le baseball, etc. On a choisi, il y a quelques années, de privilégier, en priorisant ce secteur, le développement des terrains de soccer. Pourquoi? Parce que le soccer dans le sport est probablement le sport le plus intégrateur sur le plan communautaire. Et on l'a fait à l'occasion de l'arrivée des gens qui nous arrivaient d'Europe de l'Est où c'est un sport particulièrement pratiqué. Très tôt, les parents de jeunes enfants bosniaques, par exemple, sont devenus des instructeurs de soccer, donc plongés dans un champ d'excellence dans la communauté québécoise. C'est un sport qui ne coûte à peu près rien, en chaussures, en bas, etc. Et cette année, on a ajouté deux ou trois terrains de soccer puis on va continuer à le faire parce que c'est un lieu particulièrement intéressant pour les hispanophones, pour les gens d'Europe, et en particulier d'Europe de l'Est, et pour les gens d'Afrique du Nord. C'est un lieu d'intégration, ce sport-là, au Québec. On sait qu'on est en conflit, d'une certaine façon, avec les grands sports commerciaux que sont le hockey, le baseball, etc., mais c'est un sport extrêmement intégrateur sur le plan de la connaissance des communautés. Donc, on va continuer. C'est un exemple concret de ce qu'on peut faire.

Le Président (M. Beaulne): M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Merci, M. le Président. M. le maire, j'aimerais déplacer un peu la conversation qui est sur l'ouverture. Sur la question de savoir si les Québécois sont disponibles à l'altérité, je pense que, sur un score international, on obtiendrait un très haut score. Pas de problème avec ça. Bon.

Vous avez abordé brièvement le thème de la décentralisation et même celui de la démétropolisation, puisque vous nous avez fait comprendre à un moment donné brièvement que tout ça est très centré sur une mentalité montréalaise. Si on veut ? et ça, c'est revenu à d'autres moments de la commission ? créer une connexion forte entre les besoins locaux et la sélection... Vous avez dit, par exemple, que Québec étant une ville à 97 % française... moi, ça fait 30 ans que j'habite Québec et Montréal; à chaque semaine, je suis dans deux bains culturels complètement différents, en fait, pour ce qui est en tout cas de la question dont on parle. Et c'est clair que, si on veut que l'immigration à Québec, indépendamment de son niveau, soit conforme aux besoins de la ville de Québec ? vous avez mentionné la Roumanie, la Pologne, certains pays d'Europe où le français est une langue de diffusion ? il va falloir décentraliser, je pense, la prise de décision en matière de sélection. Et j'aimerais vous entendre sur les modalités de cette décentralisation, parce que, moi, je suis d'avis que le ministère du ministre, n'est-ce pas, demeure, malgré tous ses efforts louables, un appareil très centralisé et très métropolisé, très montréalais dans la composition de son personnel, par exemple, et aussi dans sa mentalité, dans sa façon de fonctionner. Donc, vous verriez ça comment, vous, une décentralisation dans le but d'une connexion entre besoins et sélection?

M. L'Allier (Jean-Paul): Je vais vous donner une réponse personnelle, je ne suis pas un expert. Disons que je vais d'abord prendre une partie, un vingt-sixième de la responsabilité du premier geste de décentralisation. J'étais au gouvernement quand on a déplacé le ministère à Montréal, le ministère de l'Immigration, dans le temps. Et ça a été, je pense, le premier ministère qui s'est, d'office, installé comme ministère à Montréal dans le temps.

Une voix: Ça devait être les libéraux.

n (11 h 30) n

M. L'Allier (Jean-Paul): Bon, j'ai dit que j'étais au gouvernement; c'était ça. Mais ce n'était pas par mauvaise volonté, c'était parce que le ministère de l'Immigration, à l'époque, se percevait essentiellement comme un ministère de services à la communauté immigrante. Or, premier principe, à mon avis: le gouvernement se doit d'être là où, en termes de services, est la population à desservir. Donc, il ne faut pas se surprendre que le gros, la totalité même, à l'époque, du ministère, soit à Montréal, parce que c'était là que les choses se passaient.

Deuxièmement, un ministère n'est pas qu'un centre de services. Ça doit être aussi un centre d'information, ça doit être un centre de gestion et un centre de décision. Ces fonctions-là n'ont pas nécessairement, sauf pour l'information, à être centralisées avec les centres de services. À mon avis, le noyau pensant et prospectif du ministère, donc le coeur du ministère, pourrait très bien retrouver plus d'équilibre en étant avec les autres ministères, à Québec, ceux qui sont là, pour interagir entre l'Éducation, l'Immigration, Industrie et Commerce, etc. Bien que l'Industrie et Commerce soit à peu près rendu à Montréal entièrement.

Pour ce qui est de la décentralisation, j'insisterais sur deux points: améliorer les centres de services, et donc d'information et d'accueil aux immigrants qui sont dans les régions. Et je commencerais par la région de la capitale parce que, si on décide de tout faire en même temps, on va se retrouver dans la position où les gens vont nous dire dans cinq ans: Bien, regarde, à Rimouski puis à Chicoutimi, ça sert à rien, il n'y en a pas, il y a deux personnes qui sont venues en un mois poser des questions. Donc, je commencerais par la capitale, quitte à faire de la capitale, un centre de services pour une certaine zone de l'est et du nord du Québec, dans un premier temps, en termes d'information, en termes d'une mixité avec les fonctions scolaires, loisirs, etc.

Troisièmement, faire en sorte que les régions soient fières de parler de leur potentiel économique, culturel, social, de leurs problèmes et de leurs défis aussi, mais surtout de leurs défis en termes de développement, en disant: On a besoin de monde pour venir nous aider, et qu'on leur laisse la parole dans des documents d'accueil d'immigration. Le jour où on va permettre à des gens locaux, disons, de la Gaspésie, de dire: On a besoin de vous autres pour telle et telle raison; on veut que vous veniez avec nous, puis qu'on valide si c'est des champs où c'est possible, je pense que ça performerait et ça deviendrait ancrer dans les régions.

Donc, il faut un effort en termes de communication, d'information et aussi rapprocher peut-être le noyau de synergie avec les autres ministères. Par contre, les services aux immigrants doivent être là où sont les immigrants.

Le Président (M. Beaulne): Merci.

M. L'Allier (Jean-Paul): Permettez-vous à Mme Poirier...

M. Laporte: M. le Président, si je peux ajouter...

Le Président (M. Beaulne): Oui, très brièvement, parce que le temps est écoulé.

M. Laporte: Non, mais je veux qu'on inscrive ça aux galées. Il n'y a rien, dans cette documentation-là, mais rien qui dénote, disons, la proximité, l'appartenance, la familiarité avec une vision comme celle du maire L'Allier. Il n'y a rien là-dedans.

M. Perreault: Parce que, si on me permet une minute, M. le Président, puisque vous l'avez permis au député de l'opposition, je veux simplement rappeler ceci: Le ministère a rendu publique une réforme fondamentale du ministère qui va dans le sens de la décentralisation et tout à fait dans l'esprit de ce que le maire de Québec souhaite, puisqu'on a décidé de créer, partout à travers le Québec, des carrefours d'intégration, quand on parlait, par exemple, du problème des personnes qui parlent le français dans nos services. Alors, donc, je veux indiquer que ces carrefours d'intégration visent la totalité de l'immigration. Ils se veulent en phase avec les institutions locales.

Le Président (M. Beaulne): M. le ministre.

M. Perreault: Je termine, M. le Président. Et je veux juste rappeler que ce n'est pas l'objet, au sens strict de cette commission. L'objet de cette commission, c'est de fixer les niveaux d'immigration, les cibles, mais toute la question de la façon... Évidemment, on aborde indirectement la façon de travailler sur le territoire. Je veux simplement dire au député et au maire de Québec que ce que j'entends, ce n'est que musique à mes oreilles.

M. L'Allier (Jean-Paul): M. le Président, est-ce que vous me permettriez de donner la parole à Mme Poirier.

Le Président (M. Beaulne): Écoutez là, on a épuisé le temps. C'est l'inconvénient de ces consultations, parce qu'on s'emballe avec des échanges. Vous comprendrez que, pour la suite des travaux, je dois mettre un terme, à cette étape-ci, à nos échanges par respect pour les groupes qui vont suivre. C'est le propre des députés. Alors, M. le maire, malheureusement, c'est tout le temps que nous avons à votre disposition. La commission vous remercie de votre présentation.

J'inviterais maintenant les représentants de la ville de Montréal à s'approcher de la table de la commission.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Cusano): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! La commission de la culture reprend ses travaux. Je demanderais au maire de Montréal de prendre place, s'il vous plaît. À l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais aux représentants de la ville de Montréal de prendre place, s'il vous plaît.

M. le maire, bienvenue. Ce n'est pas la première fois que vous faites partie d'une commission parlementaire. Vous connaissez bien le rouage. J'aimerais, à ce moment-ci, que vous nous présentiez les gens qui vous accompagnent. M. le maire.

Ville de Montréal

M. Bourque (Pierre): Oui. Alors, les gens qui m'accompagnent. Je vous présente Mme Dumas, qui est responsable des relations interculturelles à la ville de Montréal; à ma droite, M. Wen Qi, qui est conseiller spécial au maire; le président du CARIM, qui est le Comité aviseur sur les relations interculturelles, M. Ahmed Benbouzid, et, de l'habitation, Mme Suzanne Laferrière, parce qu'on va parler un peu d'habitation. Alors, c'est l'équipe qui m'accompagne ici aujourd'hui, M. le Président.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. le maire. Vous savez que vous avez 20 minutes pour faire votre présentation. Elle sera suivie de 40 minutes d'échange avec les parlementaires. La parole est à vous, M. le maire.

n (11 h 40) n

M. Bourque (Pierre): Merci, M. Cusano. M. le ministre et Mmes, MM. les députés, c'est une occasion importante pour moi de venir ici, compte tenu du débat sur l'immigration et l'importance pour Montréal. Alors, si je me suis déplacé, c'est que j'attache beaucoup d'importance à cette politique-là, et je suis très heureux d'être ici ce matin.

Profondément convaincue que l'immigration est centrale au développement de Montréal, l'administration que je dirige a participé régulièrement aux consultations du gouvernement du Québec sur la planification de l'immigration. Nous avons toujours soutenu le gouvernement dans sa volonté d'augmenter les niveaux d'immigration, mais, de même, toujours insisté sur la nécessaire adéquation entre la planification des volumes d'immigration et les ressources consenties à l'accueil et à l'intégration. Plus que jamais, aujourd'hui, Montréal tient à réitérer sa position de base.

L'histoire de notre métropole démontre clairement à quel point l'immigration est un facteur de croissance et de développement stratégique qui marque sa démographie et a permis de contrer le phénomène de dénatalité et d'exode vers les banlieues tout en constituant un apport économique, culturel et social d'une richesse indéniable. C'est donc avec un immense intérêt que la ville de Montréal participe à la présente consultation, et je suis ici aujourd'hui pour vous résumer nos positions sur les scénarios et orientations que nous privilégions.

D'entrée de jeu, au niveau du volume total d'immigration, je vous présente la recommandation principale de la ville de Montréal à l'effet de retenir le scénario 3 d'augmenter de 40 % le nombre d'immigrants avec un volume total de 45 000 personnes en l'an 2003. Donc, une augmentation de 45 000 sur le chiffre de 32 000 d'aujourd'hui.

Montréal soutient en effet fortement l'objectif d'augmentation du volume total d'immigration. Nous considérons que le gouvernement du Québec doit profiter de la conjoncture de croissance économique actuelle et poursuivre une politique audacieuse au plan de l'immigration.

Lors du dernier recensement de 1996, la part de la population immigrée au Québec représentait seulement 9,4 % de la population totale, comparée à 25,6 % pour l'Ontario, 24,5 % pour la Colombie, 15,2 % pour l'Alberta, 12 % pour le Manitoba et même 10 % pour le territoire du Yukon.

Si nous regardons du côté des régions métropolitaines, donc des villes, la région de Montréal, qui reçoit 90 % de tous les immigrants qui arrivent au Québec, se situait, en 1996, au onzième rang des régions métropolitaines avec seulement 17,8 % de sa population qui est née à l'étranger, loin derrière la région de Toronto, 41,9 %, Vancouver, 34,9 %, Hamilton, 23 %, Kitchener, 21 %, Calgary, 20 % et Windsor. Et, si vous regardez la richesse du pays, du Canada comme tel, vous allez voir que les provinces, les villes les plus riches, sont les villes qui ont reçu le plus d'immigration.

Nous considérons tout au moins qu'il est primordial, et ça, c'est important, que le pourcentage de l'immigration québécoise tende à se rapprocher du poids démographique au sein du Canada. En effet, en 1999, la population québécoise représentait 24,2 % de celle du Canada, et le Québec n'a reçu que 15,4 %. Alors, nous souhaitons, avec une augmentation de 32 000 à 45 000, augmenter de 15 % à 20 %, j'espère, l'ensemble de l'immigration du Canada. On ne peut pas passer à 24 % en trois ans, mais au moins aller vers 15 % et non pas redescendre vers 10 %. L'immigration n'a reçu que 15 % en accueillant 30 000. Il y a donc un déficit à combler et nous pensons que le Québec est capable de relever ce défi en autant qu'il se donne les moyens d'accueillir et d'intégrer adéquatement ses immigrants.

Le deuxième grand volet, c'est la connaissance du français. La ville souscrit également à l'orientation du gouvernement du Québec qui vise à faire reposer l'essentiel de l'augmentation du volume d'immigration sur un accroissement du nombre et de la proportion des immigrants connaissant le français. Donc, nous souscrivons à cette politique du gouvernement. La connaissance du français constitue un facteur de rétention intéressant et est bien évidemment un atout important en vue d'une meilleure insertion sociale et économique à Montréal, première ville francophone d'Amérique, deuxième francophone au monde. En conséquence, nous recommandons que l'on vise à atteindre en l'an 2003 une proportion de 50 % des immigrants accueillis connaissant le français, alors donc, 50 % des 45 000.

Il est toutefois primordial de soutenir l'établissement et l'intégration de ces nouveaux arrivants connaissant le français, d'une part et, d'autre part, de continuer à déployer des actions diversifiées et soutenues de francisation au profit de l'autre moitié de la population immigrante qui ne connaîtra pas le français à son arrivée à Montréal. Il reste quand même 50 %. Il faut donc accentuer, déployer plus d'effort pour cette partie-là.

À ce chapitre, rappelons que la ville et le ministère ? ça, c'est tout nouveau ? ont mis en oeuvre en 1999 un plan d'action visant l'accueil et l'intégration en français des immigrants dans les quartiers de Montréal. Ça, je voudrais féliciter le ministre. C'est une première, on en est très fier et on voudrait accentuer et continuer cette relation harmonieuse entre le ministère et la ville de Montréal.

Les résultats de la première année du plan d'action ont bien démontré que le secteur municipal est un acteur central de l'intégration en français, que ce soit via l'utilisation des services communautaires, des sports, des loisirs, des bibliothèques, des maisons de la culture, des équipements scientifiques, etc. Donc, je profite de l'occasion de réitérer au ministre l'intérêt de la ville à poursuivre et à étendre cette entente.

Troisièmement, au niveau des travailleurs, la ville soutient également l'objectif de faire reposer l'essentiel de l'augmentation du volume total de l'immigration sous la catégorie des travailleurs. Le contexte de croissance économique et le taux de chômage relativement bas qui prévaut à l'heure actuelle y sont propices. Le dernier bulletin de notre service Développement économique et urbain révélait qu'au dernier trimestre de 1999 le taux de chômage était tombé à 7,5 % et la création d'emplois bondissait de 5,7 % au cours des six derniers moins de la même année. Donc, une croissance aussi forte dans un laps de temps aussi court a rarement été vue à Montréal.

En plus de l'explosion récente du secteur de l'emploi, d'autres indices montrent une transformation structurelle de l'économie montréalaise qui pourrait fournir les assises d'une croissance durable. Les entreprises montréalaises vendent de plus en plus du savoir. En effet, de 1987 à 1997, l'emploi dans les secteurs du savoir élevé a progressé de 35 % à Montréal et les produits de haute technologie, matériels de télécommunications, d'aéronautique sont devenus ses principales exportations. Ainsi, pour cette catégorie, la ville serait d'accord pour viser un objectif qui se rapproche du scénario 3, environ 24 000 personnes. C'est un objectif qui demeure ambitieux, puisqu'il présente le double du niveau prévu pour l'an 2000.

Au niveau des gens d'affaires, l'immigration des gens d'affaires doit aussi demeurer un volet important dans la politique d'immigration des trois prochaines années. Cette catégorie revêt une importance stratégique, que ce soit au niveau des emplois créés, des investissements générés, des activités potentielles reliées au commerce international. La ville de Montréal est donc en accord avec les niveaux soumis dans cette catégorie dans les scénarios 1, 2 et 3, soit 6 600 personnes, la première année, 3 800, la seconde. Et, pour l'an 2003, la ville souhaiterait cependant que l'on maintienne au moins l'objectif du niveau de l'année précédente, soit 3 800 en 2003.

Il est certain que des efforts importants devront être consentis pour atteindre le nombre souhaité. En effet, après avoir atteint des niveaux records au début des années quatre-vingt-dix, la proportion d'immigrants dans cette catégorie a subi une baisse importante au cours des années subséquentes.

L'accueil humanitaire. La ville de Montréal pense qu'une politique d'immigration doit, bien sûr, tenir comte des aspects économiques, mais également des aspects du contexte culturel et social. Il ne faut pas que l'immigration économique se fasse aux dépens de l'accueil humanitaire. Ainsi, la ville de Montréal suit de près le phénomène des demandeurs d'asile. La ville soutient aussi les intervenants gouvernementaux et communautaires qui accueillent les réfugiés. Ce fut le cas, par exemple, en 1999, alors que le Québec accueillait des réfugiés du Kosovo.

Pour la catégorie des réfugiés sélectionnés à l'étranger, la ville estime donc que la communauté montréalaise peut poursuivre une politique généreuse d'accueil humanitaire, en autant, bien sûr, que des ressources suffisantes soient consenties pour leur accueil à Montréal. Elle aimerait en conséquence voir la planification de cette catégorie augmentée afin de maintenir le nombre de réfugiés sélectionnés à l'étranger au même niveau prévu en l'an 2000, soit 2 600 personnes.

Les enjeux, maintenant. Ces recommandations sur les niveaux et les catégories étant posées, je voudrais maintenant examiner avec vous un certain nombre d'enjeux économiques, territoriaux, sociaux que pose l'immigration à Montréal.

n (11 h 50) n

Le premier enjeu a trait à la consolidation d'un des atouts de Montréal sur l'échiquier mondial. Montréal est reconnue pour son caractère cosmopolite. En effet, Montréal, à l'instar des grandes villes du monde, est une terre d'immigration. Son attrait comme terre d'accueil se confirme d'année en année et l'immigration internationale y est non seulement soutenue, mais est devenue particulièrement diversifiée depuis 1970. Et, si Montréal peut se vanter de son caractère cosmopolite, c'est nommément grâce à la variété des pays d'origine de ses résidents qui nourrissent autant de réseaux d'échanges économiques, culturels, sociaux à l'échelle internationale, sans compter la richesse indéniable du fait que plusieurs Montréalais parlent maintenant trois langues et même plus.

En outre, la diversité des pays d'origine des Montréalais contribue à assurer, dans plusieurs quartiers de Montréal, une qualité de vie assez unique en Amérique du Nord, puisque des personnes venues du Québec et de différents endroits du monde y cohabitent harmonieusement et contribuent à enrichir au quotidien la culture cosmopolite qui fait que les nouveaux venus, peu importe leur pays d'origine, s'y sentent à leur tour chez eux.

Pour toutes ces raisons, il nous apparaît de la plus haute importance de continuer à favoriser une immigration très diversifiée et d'ouvrir la frontière aux immigrants en provenance de tous les pays du monde afin que le caractère cosmopolite de Montréal puisse se consolider et continuer à porter tous ses fruits.

Montréal, coeur économique du Québec. Montréal, c'est aussi le coeur économique du Québec comme je l'ai maintes fois répété. Le développement du Québec passe par Montréal et le développement de Montréal passe beaucoup par l'immigration. La prise en compte du rôle économique de l'immigration doit donc demeurer présente dans l'élaboration de la politique d'immigration du Québec et se refléter dans les objectifs qui sont fixés. Il faudra aussi assurer la cohérence entre ces objectifs et une stratégie plus globale de positionnement quant au développement des marchés. Les succès qui seront enregistrés à ce chapitre dépendront en grande partie de la capacité du Québec à faire correspondre ces besoins au niveau du commerce, de l'investissement, de la main-d'oeuvre immigrante avec l'offre et les possibilités de développement existantes.

L'apport entrepreneurial. L'apport entrepreneurial est un volet important de la participation des immigrants à la croissance économique. En effet, entre 1992 et 1996, plus de 90 % des personnes admises dans cette catégorie de gens d'affaires sont arrivées dans la région de Montréal. Ces personnes possèdent une connaissance des marchés étrangers et des façons de mener des projets commerciaux dans leurs pays d'origine qui facilitent non seulement l'internationalisation des entreprises d'ici et les exportations, mais favorisent également l'arrivée de nouveaux entrepreneurs.

Des efforts concertés, substantiels, doivent être consentis pour attirer et intéresser les gens d'affaires à Montréal. Et dans ce sens, les chambres de commerce, les regroupements d'affaires des communautés ethnoculturelles de Montréal représentent des partenaires de choix dès lors qu'il s'agit d'ouvrir de nouveaux marchés et d'établir de nouvelles relations, particulièrement dans les pays qui ne font pas partie des marchés traditionnels du Québec. Donc, ce type d'expertise qui a permis à Montréal de se tailler une place intéressante sur le plan du commerce international aura aussi, si nous mettons les ressources appropriées, des effets d'entraînement sur le recrutement futur de gens d'affaires et d'investisseurs. En ce domaine notamment, une meilleure coordination des différents acteurs est souhaitable pour rendre plus efficace la prestation de services à ces investisseurs potentiels, qu'ils fassent partie des gens d'affaires qui ont été sélectionnés ou encore qu'ils aient été intéressés ou rencontrés au cours de réunions et de missions internationales.

Le marché du travail montréalais et les travailleurs immigrants maintenant. Nous l'avons vu, les immigrants choisissent pour s'établir en très grande majorité la région de Montréal. Leur intégration à l'emploi est donc liée à la situation du marché du travail montréalais. Or, la ville a connu au cours des dernières années un phénomène de restructuration économique majeur. Certains secteurs, du domaine manufacturier notamment, ont pratiquement disparu; d'autres connaissent des transformations importantes. Dans un tel marché du travail en évolution, il est souhaitable que la mobilité et la flexibilité professionnelle se retrouvent parmi les critères importants d'évaluation des candidats. Ces deux critères étant plus difficiles à cerner, il importe de raffiner les méthodes d'évaluation à leur égard.

La croissance des activités liées à l'économie du savoir a également fait relever le niveau des qualifications exigées sur le marché du travail. La pénurie de main-d'oeuvre spécialisée actuellement dans des secteurs névralgiques de notre marché ne pouvant être comblée à court terme au Québec, le Québec doit donc pouvoir compter sur une immigration de travailleurs. Plusieurs groupes comme les étudiants étrangers, les travailleurs étrangers, les travailleurs temporaires forment déjà un bassin de recrutement intéressant pour les entreprises d'ici, mais également pour les entreprises étrangères qui souhaitent s'établir ici. Parmi eux, on retrouvera de plus en plus de scientifiques et d'ingénieurs.

Les écoles spécialisées, les universités jouent aussi un rôle de premier plan. Elles contribuent, en effet, à former cette main-d'oeuvre qualifiée et possédant les habiletés linguistiques et culturelles. Il ne faudrait pas oublier que ces étudiants qui ont vécu ici plusieurs années sont susceptibles de s'intégrer plus rapidement au marché du travail et d'y devenir productifs plus rapidement. Il y aurait donc lieu d'envisager de mettre en place des incitatifs et des efforts concertés afin de faciliter l'établissement et la résidence permanente des travailleurs et étudiants temporaires susceptibles d'oeuvrer dans les secteurs en développement.

Enfin, la nouvelle économie est aussi caractérisée par une grande mobilité des capitaux qui connaissent de moins en moins de frontières. Il est donc inévitable que la mobilité des travailleurs de ces secteurs soit touchée par ces mêmes mouvements transfrontaliers, sans compter qu'un nombre grandissant de compagnies internationales développent des plans de ressources humaines qui visent à faciliter les transferts d'employés d'un pays à l'autre.

En conséquence, il y a tout lieu de lever les obstacles à la mobilité des travailleurs temporaires, considérant les transferts d'expertises et des savoir-faire qui en résultent. Il y aurait lieu, notamment, de faciliter l'obtention de visa et d'alléger les procédures pour les résidents temporaires.

Par ailleurs, même si les immigrants se sont bien intégrés économiquement au fil des ans, certains facteurs contribuent à freiner la pleine participation des nouveaux immigrants au marché du travail. Mentionnons les difficultés persistantes qui sont rencontrées parmi les immigrants des minorités visibles; nous y reviendrons plus loin. Mentionnons également tout le travail qui reste à faire dans le domaine de la reconnaissance des études et des expériences acquises à l'étranger. Ce sont autant de facteurs qui privent l'économie montréalaise et québécoise d'un capital humain d'une grande valeur et qui doivent faire l'objet d'interventions vigoureuses.

Le Président (M. Cusano): M. le maire, il vous reste deux minutes. Si vous voulez conclure, s'il vous plaît.

M. Bourque (Pierre): J'arrive. La ville, donc, est le territoire de la région montréalaise qui compte le plus de personnes nées à l'étranger. Il y en a 270 000; il y en a 200 000 dans les autres villes de la communauté, donc à peu près 500 000 sur l'île de Montréal; il y en a 125 000 sur la rive nord et la rive sud. Tous ces facteurs doivent, au fond, retenir votre attention pour ce qui est de l'intégration, et l'intégration notamment au français.

Ce que nous suggérons, actuellement, le gouvernement a créé quatre carrefours d'intégration et la ville a souscrit à ça. On aimerait aussi participer à l'établissement d'une espèce d'outil de ressources intégrées de planification sur l'île de Montréal de la main-d'oeuvre de l'immigration. Donc, pour coordonner l'ensemble des interventions, il faut vraiment qu'on cible davantage les postes, l'immigration, l'intégration, faciliter tout ça. Et la ville est prête à travailler, au fond, d'autant plus que, de plus en plus, la globalisation amène vers les villes énormément de responsabilités.

La vie dans les quartiers aussi. Le texte, je vais vous le laisser. Il reste quand même des problèmes dont je dois rapidement faire une synthèse: c'est les problèmes de l'exclusion, les problèmes des minorités visibles, et ça, je voudrais en parler aussi. À Montréal, il faut absolument, nous, dans les quartiers majoritairement francophones, créer des comités d'intégration, parce que l'immigration maintenant va dans tous les quartiers. Il y a aussi des quartiers qui sont fortement de concentration immigrante. On y retrouve des problèmes d'habitation, on y retrouve aussi des problèmes d'intégration en emploi, etc. Alors, tous ces dossiers-là, je pense, demandent de votre part, de la part du gouvernement, une énorme attention afin qu'il n'y ait pas de ghettos. On ne veut pas qu'il se forme de ghettos à Montréal, et surtout chez les jeunes.

Il y a le phénomène des gangs, vous le savez, phénomène non seulement de l'immigration, il y a ceux qui sont nés à Montréal maintenant. Il y a 27 % des Montréalais qui sont nés à l'extérieur, mais, si j'ajoute les enfants, on est 43 %. C'est 43 % de la population montréalaise qui n'est ni d'origine française ni d'origine britannique.

Le Président (M. Cusano): M. le maire, malheureusement, votre temps de présentation est terminé.

M. Bourque (Pierre): Donc, je conclus.

Le Président (M. Cusano): Brièvement, M. le maire.

M. Bourque (Pierre): Je conclus en vous disant que je suis prêt à vos questions puis que je vais essayer d'y répondre. Merci.

Le Président (M. Cusano): Bon, c'est bien. Alors, je cède la parole au ministre. M. le ministre.

M. Perreault: Alors, M. le maire, bienvenue, ainsi qu'à vos collaborateurs et collaboratrices à cette commission. La ville a présenté un mémoire fouillé, étoffé. Je dois vous dire d'emblée que, ma foi, on ne peut pas avoir un mémoire plus sympathique pour un ministre de l'Immigration que de se faire dire que la ville de Montréal est d'accord avec le premier objectif, le deuxième objectif, le troisième objectif, celui d'augmenter le volume d'immigration, celui de faire en sorte que l'essentiel de cette augmentation porte sur des gens qui ont une certaine connaissance du français, que le groupe cible soit davantage des travailleurs, donc ce qu'on entend par les travailleurs professionnels, les techniciens, les gens qui ont une formation, et, de ce point de vue là, je pense que nous sommes, tant du point de vue de l'intérêt pour Montréal de l'immigration que des cibles pour les prochaines années, tout à fait en pleine concordance de points de vue. Je vous remercie également pour les bons mots que vous avez eus à mon endroit et à l'endroit de notre initiative. Je vais y revenir, d'ailleurs.

n (12 heures) n

Je constate que vous écartez, à ce moment-ci, le scénario 4 et que vous privilégiez davantage le scénario 3. J'ai déjà eu l'occasion de dire que mon coeur balançait entre le 2 et le 3. On verra à la fin des consultations. De toute façon, on verra également ce que le gouvernement décidera.

Donc, au total, évidemment, je ne peux qu'accueillir avec beaucoup d'intérêt, d'empathie votre mémoire qui va exactement dans le sens des orientations que nous proposons. Je vous signale deux petits faits et je vous pose une question.

Le premier, il faut faire attention au niveau des immigrants investisseurs. Tout le monde sait qu'il y a une problématique très particulière à Hong-Kong qui vient dans nos chiffres parfois, qu'on traîne avec nous depuis des années, et qui vient un peu créer des problèmes de compréhension des chiffres du point de vue des immigrants investisseurs. On n'a pas le temps aujourd'hui d'aller au fond de ce dossier, mais je le signale parce que souvent les gens disent: Est-ce qu'on en a moins, plus? On en a autant, on n'en a pas moins.

Deuxième remarque. Vous avez parlé, avec raison, du fait qu'une porte d'entrée qui pourrait être plus développée en termes d'immigration, c'est les travailleurs temporaires sur lesquels nous n'avons pas, au sens strict, de juridiction encore ? je dis bien «encore»; un jour, peut-être que le Québec devrait l'avoir; ça aurait dû être transféré en même temps que le mouvement de la main-d'oeuvre ? et c'est la question des étudiants, bien que ce soit un peu plus délicat parce que les étudiants prennent des engagements de retourner dans leur pays. Mais je vous signale que le Conseil des ministres a approuvé un règlement, qui n'est pas encore publié, qui va faire que dorénavant nous aurons la possibilité de faire de la sélection sur place des immigrants. Donc, on n'obligera pas les gens à retourner chez eux. Et ça, je pense que ça peut faciliter ce que vous venez de dire.

Alors, moi, je vous pose une question plus générale, parce que, sur les objectifs, je pense qu'on se rejoint, avec quelques nuances. Vous avez indiqué cette volonté de partenariat de la ville avec le ministère, vous avez parlé de la création des carrefours, de votre appui à cette initiative, évidemment dépendamment de ce qui se passe sur l'île de Montréal, on verra quelle forme tout ça prendra avec le temps. J'aimerais un peu vous entendre parler de qu'est-ce qu'on peut faire de plus, quelles sont les autres initiatives qu'on peut prendre, quels seraient les gestes que le gouvernement pourrait poser, en collaboration avec la ville, pour justement développer cette entente, travailler à l'accueil et à l'intégration des immigrants, puisque je pense que, sur les grands objectifs, on s'entend.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. le ministre. M. le maire.

M. Bourque (Pierre): Alors, le plus important, c'est au niveau, par exemple, social. La ville gère la sécurité du revenu. Vous savez très bien qu'il y a une très forte proportion, au début, d'immigrants qui vont au service de la sécurité du revenu, donc que la ville voit. La ville travaille avec les CLD, les CLE, donc l'emploi, le lien avec l'emploi, donc faire des meilleurs maillages.

Au niveau de l'habitation, même chose. On a ciblé des quartiers. Il y a des quartiers avec très haute densité de population immigrante: Côte-des-Neiges, Parc-Extension, Petite-Patrie, vous les connaissez, il y a des coins de Cartierville. Et là, déjà, il faudrait améliorer, au fond, l'habitation.

Améliorer tout le phénomène de l'exclusion, le phénomène des jeunes. Moi, ça me préoccupe beaucoup à Montréal, puisque c'est énorme. Vous savez qu'à Montréal ? il ne faut pas que je me trompe ? je crois que c'est 31 % des jeunes de zéro à 15 ans qui sont des minorités visibles. Puis ça, immigration ou non-immigration, c'est le même phénomène. Et je suis inquiet. Le taux de chômage chez les jeunes des minorités visibles est de 40 % comparé à 20 %. Donc, là il y a un effort à faire. Ça, c'est les derniers chiffres; ça s'est sûrement amélioré.

Mais on a un effort à faire vraiment ensemble au niveau des jeunes, au niveau de l'habitation, au niveau de l'intégration au quartier, à la vie sociale, qu'il y ait vraiment des tables de concertation, que les politiques soient prises à Montréal, au fond, puis c'est là qu'est l'essentiel de l'immigration, en concertation avec Québec, qu'on travaille vraiment ensemble pour mener de front tous ces projets-là.

Même chose pour l'immigration, même chose pour les missions, même chose pour l'accueil. Il y a un ensemble de mesures qu'on a commencées maintenant. C'est très bien ce qu'on fait, puisqu'on permet aux jeunes immigrants d'avoir accès au marché. On ne s'implique pas dans l'éducation, c'est un champ exclusif que vous avez, mais de les amener au marché, de les amener à l'hôtel de ville, de les amener dans le métro, de les amener à la Maison de la culture. Ce sont tous des gestes d'intégration. Et il faut qu'on ait une plus grande présence parmi les communautés culturelles. Et ça, j'ai toujours déploré cette absence de présence, au fond, réelle du Québec dans la vie quotidienne. On peut l'augmenter, cette présence-là. Et ça facilite l'intégration, ça facilite la francisation. Alors, on pourrait vous citer un paquet de secteurs où il est important que ces gens-là se sentent rapidement, au départ, membres d'un quartier, membres montréalais puis québécois. Ça va dans cette étape-là.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. le maire. Est-ce que vous avez d'autres questions, M. le ministre? Non?

M. Perreault: Je sais que la ville de Montréal a déjà aussi travaillé dans le sens des programmes d'accès à l'égalité en emploi. Je vous signale qu'on en débat aussi pour une loi qui couvrirait la ville, mais la ville a déjà pris l'initiative, la Communauté urbaine également.

M. Bourque (Pierre): Ça aussi, c'est l'accès aux gens d'affaires des communautés pour la vente, dans les appels d'offres. Il y a beaucoup de dossiers, plus l'égalité en emploi au niveau de la fonction publique.

Le Président (M. Cusano): Merci.

M. Perreault: Je vais laisser la place à d'autres.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Saint-Henri?Sainte-Anne.

Mme Loiselle: M. le maire, bonjour, ainsi qu'à votre équipe qui vous accompagne, et bienvenue à cette commission.

Peut-être dans la même ligne. Le ministre demande quels gestes le gouvernement peut poser justement. Parce que je sais, M. le maire, que vous êtes très préoccupé par ce qui se passe dans le phénomène de discrimination, particulièrement chez les jeunes des minorités visibles à Montréal. Vous avez parlé des problèmes de logement, des problèmes d'emploi, des problèmes aussi d'exclusion. Est-ce que, comme geste que le gouvernement pourrait poser au niveau de mesures proactives, il serait bon peut-être de former un comité spécial où on regrouperait certains ministères qui travaillent au logement social, le ministère des Affaires municipales, au niveau de l'emploi, la ministre du Travail, et différents ministères comme ça, en partenariat avec la ville de Montréal, pour essayer de trouver le plus tôt possible des mesures proactives pour au moins atténuer les problèmes d'exclusion et trouver des solutions aux problèmes d'emploi pour les jeunes des minorités visibles? Est-ce que ce serait une solution, une piste de solution?

M. Bourque (Pierre): Absolument.

Le Président (M. Cusano): M. le maire.

M. Bourque (Pierre): Absolument, il faut faire ça. Il faut faire ça au niveau de l'habitation. Peut-être que madame qui m'accompagne pour l'habitation, j'aimerais ça qu'elle vous parle un peu de l'impact maintenant dans les HLM, tout le dossier de l'habitation à Montréal. La majorité des demandes viennent des membres des communautés culturelles et ça met une nouvelle problématique. Quand les normes sont faites de Québec, sans connaître cette réalité-là... on pourrait le faire avec Québec, mais, à Montréal, en meilleure concertation. Et c'est pareil au niveau de l'emploi. Il faut vraiment être proactifs au niveau des entreprises. Parce qu'il y a beaucoup de gens qualifiés. Vous savez, dans le secteur Côte-des-Neiges que je connais particulièrement bien, ça m'a impressionné. Il y a une chose: les gens qui sont relativement pauvres, comparé à l'ensemble des Québécois, le revenu par ménage est 20 000 $, sauf que le degré de diplomation ? écoutez ça ? est supérieur à l'ensemble du Québec. Et ça, M. Laporte, qui est député, il le sait très bien. Je veux dire, c'est incroyable, ces gens-là arrivent ici avec un bon bagage, mais ils ont de très, très grandes difficultés: les diplômes, la reconnaissance, ils sont loin. Le droit à l'école, on l'a, mais le droit à la cité, on a encore beaucoup de travail à faire, puis le droit à la cité, essentiellement, c'est le droit au travail, et ensuite l'intégration est facilitée par ça.

Peut-être qu'au niveau de l'habitation vous pouvez me donner certains chiffres.

Mme Laferrière (Suzanne): Oui, bien sûr. Alors, dans le domaine de l'habitation, évidemment il y a deux niveaux, il y a deux types d'enjeux, parce que le gros des personnes qui arrivent à Montréal se logent sur le marché privé, mais il y a quand même un contingent, une partie de ces personnes qui vivent des situations difficiles sur le plan économique et qui deviennent, de ce fait-là, habilitées à s'inscrire sur les listes pour l'accès aux habitations à loyer modique. Présentement, sur les 7 000 personnes qui sont en attente d'un logement modique à Montréal, donc on parle d'un logement public, on estime que, pour ce qui est des personnes âgées, environ un tiers d'entre elles sont nées à l'extérieur du pays et, pour ce qui est des familles, des personnes seules ou des familles, ce sont les deux tiers des requérants qui sont nés à l'extérieur du pays. Alors, ces gens-là vont évidemment, comme tout le monde, devoir attendre leur tour qu'un logement se libère, mais on peut prévoir que, d'ici quelques années, cette proportion des deux tiers va se retrouver à l'intérieur des logements, c'est-à-dire qu'on va avoir une situation où la majorité des occupants des logements HLM, donc logement social, public, vont être des gens nés hors du pays. Et la gestion des milieux de vie est un enjeu important. Pour l'instant, l'Office municipal, qui est la société paramunicipale qui gère nos 20 000 logements publics, elle ne dispose ? c'est un exemple parmi d'autres ? que de quatre personnes pour assumer l'ensemble des relations avec les locataires et s'occuper des projets qui pourraient, par exemple, faciliter la francisation ou l'intégration.

Le Président (M. Cusano): Merci. Mme la députée.

Mme Loiselle: Puis ce serait sur un autre sujet. Est-ce que je peux?

Le Président (M. Cusano): Certainement.

n (12 h 10) n

Mme Loiselle: Oui. Et, après, je passerai la parole à mes collègues. M. le maire, au niveau de la connaissance du français, dans votre mémoire, vous dites très bien que la connaissance du français est un facteur de rétention intéressant, que les bassins de recrutement de candidats francophones demeurent particulièrement limités, et vous dites également que la connaissance de la langue française, à elle seule, est loin d'être un gage d'une intégration réussie. Vous demandez en même temps au gouvernement que... vous favorisez le scénario 3, qui est une augmentation des niveaux de 45 000 personnes. Plusieurs groupes, dans leur mémoire, ont dit au gouvernement, un, qu'ils avaient été déçus du mutisme et de l'absence dans le document ministériel au niveau de la reconnaissance et du travail exemplaire qui est fait de la part des organismes communautaires pour l'accueil et l'intégration. Plusieurs mémoires aussi nous disent que, si le gouvernement va vers une hausse des niveaux d'immigration, il va falloir aussi qu'il y ait une hausse de financement et de ressources pour, finalement, que la pression qui va se refléter sur les épaules des organismes communautaires... qu'il y ait un équilibre.

Est-ce que, pour vous qui demandez une hausse de 45 000 ? vous favorisez le scénario 3 ? il va falloir qu'il y ait un engagement, si le gouvernement va de l'avant avec votre proposition... est-ce qu'il va falloir qu'il y ait un engagement gouvernemental, qu'il y ait aussi des ressources additionnelles qui soient accordées aux organismes communautaires et aussi des ressources financières qui devront suivre pour ne pas que certaines personnes, nouveaux arrivants finalement, ne reçoivent pas le soutien et l'encadrement auxquels elles ont droit?

Le Président (M. Cusano): Merci, Mme la députée. M. le maire.

M. Bourque (Pierre): Oui, absolument. Je pense que la richesse humaine, c'est la richesse la plus importante que nous avons, alors, si on fait venir 45 000 immigrants, il faut que... Là-dedans, il y aura des réfugiés, il y aura aussi des gens qui vont demander l'asile. Il y a toujours des gens qui sont marginalisés, il y a aussi des phénomènes d'exclusion qui sont importants. Alors, c'est évident que les groupes communautaires sont vraiment, à la ville de Montréal, en tout cas, puis dans la région de Montréal, essentiels. Ce sont des partenaires de premier plan. Toutes les entreprises de réinsertion sociale, par exemple, dans l'emploi et tout ça, la francisation, ça passe beaucoup avec l'aide de ces groupes-là.

Ce qu'il faudrait, c'est que ce maillage soit mieux fait entre le gouvernement, ces groupes, la ville, les ressources, et ils vont être capables de faire des meilleurs diagnostics puis aller chercher des populations, souvent, qui ne sont pas touchées. Il y a beaucoup de gens qui vivent... Malgré tout, il faut faire attention, parce que, dans beaucoup de secteurs de Montréal, les gens vivent carrément isolés. Ils n'ont aucun lien, ils restent dans leur petit coin. Puis ce n'est pas drôle. Souvent, il y a beaucoup de réfugiés. On ne sait pas les populations complètes de réfugiés à Montréal, mais il y en a beaucoup. Alors, il faut aller les chercher. Il faut être près des communautés. Ils ont des leaders locaux. Donc, ça prend beaucoup d'efforts et ça va demander des ressources supplémentaires, effectivement.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. le maire et Mme la députée. M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Beaulne: Merci, M. le Président. Deux questions rapides, M. le maire. La première, comme vous le savez, il existe plusieurs catégories d'immigration. Lorsque vous indiquez une prédilection pour le scénario 3, est-ce que vous assortissez ce choix ou cette prédilection également d'un souhait que le Québec augmente sa part de l'immigration sélectionnée par rapport à l'immigration non sélectionnée?

Le Président (M. Cusano): Merci, M. le député. M. le maire.

M. Bourque (Pierre): Alors, je pense que l'essentiel de l'immigration doit venir des travailleurs qualifiés. Ça, il faut que le marché... On parle de mobilité et de flexibilité... la réponse à l'économie, actuellement, qui est en mouvance, qui l'est de plus en plus, avec la mondialisation, donc l'importance, c'est les travailleurs sélectionnés. Je pense que c'est ça qui va faire la base de l'immigration, qui doit rester la base. Maintenant, il y a aussi tout le dossier humanitaire, le dossier des réfugiés, des demandeurs d'asile, des gens qu'on... Ça aussi, on va continuer, à des niveaux beaucoup moins bas. Mais l'essentiel va venir de travailleurs pour répondre à notre marché en croissance, à la nouvelle économie, à l'absence d'expertise dans beaucoup de domaines, à l'importance d'avoir des liens internationaux plus larges, parce que c'est de là que va venir l'essentiel d'immigrants.

M. Beaulne: La deuxième question est un peu rattachée à ça. Tous les groupes, essentiellement, qui sont venus jusqu'ici devant la commission parlent d'intégration, du besoin d'intégration dans toute cette problématique de l'immigration. J'ai eu l'occasion d'assister à quelques cérémonies d'assermentation des nouveaux arrivants quand on leur confère la citoyenneté, et peut-être que, vous aussi, puisque vous êtes assez proche des groupes, des communautés culturelles... avez-vous eu l'occasion d'y participer? J'ai été fort déçu, pour dire le moins, du peu de place qu'on fait dans ces cérémonies, essentiellement sous l'égide du gouvernement fédéral, au Québec comme société d'accueil, d'une part, avec ses caractéristiques ? on parlait du français tout à l'heure ? et également au gouvernement du Québec en tant que gouvernement sélectionneur de plusieurs d'entre eux. Souhaiteriez-vous que l'on négocie ou que l'on tente de discuter avec le gouvernement fédéral une plus grande présence du Québec lors de ces cérémonies d'assermentation de manière à faciliter l'intégration, puisque l'intégration passe par des mesures pratiques, d'ordre social et économique, que vous avez mentionnées, mais également par des mesures symboliques?

Le Président (M. Cusano): Merci, M. le député. M. le maire.

M. Bourque (Pierre): Je ne vous parlerai pas des symboles, je vais vous parler de ma réalité à moi. Ce que je vous dis carrément, c'est que le gouvernement du Québec doit s'appuyer sur la ville de Montréal. La ville de Montréal est vraiment prête à travailler avec le gouvernement du Québec dans ses objectifs pour la francisation, pour l'intégration, etc. Ça, cette offre-là, je pense qu'elle est là, elle est réelle. La connaissance qu'on a des quartiers, la connaissance qu'on a des communautés culturelles, pour le gouvernement du Québec, c'est une force, et, nous, on est vraiment voués à intégrer, au fond, Montréal comme entité... mais en particulier ceux qui viennent de l'immigration, dans la société québécoise.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. le maire. Je cède la parole au député d'Outremont.

M. Laporte: Merci, M. le Président. M. Bourque, votre vision de l'immigration, de ses objectifs et de ses priorités est empreinte d'imagination et de générosité. Ça, je le savais, et ça fait toujours, pour moi, l'objet d'admiration. Évidemment, il y a une convergence avec le ministre, mais, dans votre cas, il y a peut-être un peu de... je veux voir s'il y a un petit peu plus de réalisme que dans celle du ministre. Je vais vous poser une question que je veux poser depuis deux ou trois jours, mais j'attendais que vous veniez pour la poser.

Vous n'êtes pas un partisan strictement de l'immigration, de travailleurs de l'immigration économique, mais, pour vous, l'immigration économique, c'est très important. Et c'est très important parce que vous avez de Montréal une représentation de la transformation économique de Montréal qui va vers une économie du savoir. Montréal, c'est un bel exemple de passage, de ce qu'on appelle un «smokestack economy», un «knowledge economy», l'économie des hauts fourneaux. Je suis allé visiter Winooski, au Vermont, en fin de semaine. C'est extraordinaire. Il y a un restaurant là, puis, en face, il y a une usine immense, avec une immense cheminée. Montréal, c'était ça, il y a 25 ans. Là, on s'en va vers une économie où le savoir occupe beaucoup plus de place.

Et vous insistez sur le besoin de recruter des immigrants en fonction d'atteindre l'objectif du renforcement de l'économie du savoir. Mais, ici, il y a un problème. Enfin, j'en vois un. C'est le problème sur lequel je suis revenu déjà, à savoir l'écart qu'il y a entre Montréal, Toronto et Vancouver du point de vue du recrutement des immigrants hautement qualifiés. Écoutez, l'écart est considérable. Cet écart constitue un obstacle réel parce que des réseaux sociaux se sont créés ? bon, on n'effacera pas ça du jour au lendemain ? mais il y a encore un aspect de cet écart qui est encore plus spécifique. Si je regarde les statistiques de 1998, celles que je possède, sur le volume de recrutement d'immigrants hautement qualifiés en Asie et au Pacifique: à Montréal, 6 500; à Toronto, 38 000; et, à Vancouver, 23 000. Aïe! c'est du stock, ça, là. Si vous prenez, par exemple, toute l'industrie du logiciel qui est une des plus avancées au monde, sa localisation est en Inde, dans la partie sud de l'Inde. Ce sont des bassins d'immigration dans lesquels nous recrutons relativement peu de candidats.

Ma question, c'est la suivante. Vous qui êtes un amoureux de l'Asie et du Pacifique, vous voyez peut-être là un problème, et aussi, est-ce qu'il n'y a pas un conflit ? je ne souhaite pas qu'il existe, mais je le perçois ? entre le besoin que nous avons, compte tenu de l'objectif d'augmenter notre volume de main-d'oeuvre hautement qualifiée, d'aller recruter dans ces bassins d'immigration asiatiques et pacifiques où le français n'est pas une langue de large diffusion, n'est-ce pas, et l'objectif du ministre de vouloir atteindre jusqu'à 53 % le pourcentage du nombre des immigrants connaissant le français en 2003? Vous comprenez ma question. Moi, je n'ai rien contre la pérennité du français. Au contraire, je me suis battu pour ça toute ma vie. Mais il faut tout de même voir que, si on souhaite faire de Montréal une économie du savoir, il va falloir à un moment donné qu'on aille recruter dans des bassins où on recrute peu, quitte à franciser les immigrants sur place. Je voudrais avoir votre opinion là-dessus, parce que, à mon avis, du point de vue du développement économique, il y a un enjeu phénoménal là-dedans.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. le député. M. le maire.

n (12 h 20) n

M. Bourque (Pierre): Il faut faire attention dans des affirmations... Par exemple, les Américains ont doublé l'immigration de l'Inde, en particulier de toute la région du Sud. Moi, j'arrive de l'Inde, je suis allé à Bombay pour la première fois. C'est évident que le Québec a très peu de lien avec l'Inde. Moi, j'avais un peu cogné, percé, fait le premier pont avec l'Uttar Pradesh, puis avec plusieurs États, et je pense qu'il faut faire ça. Il faut qu'on ait une présence internationale. Il faut aller sur place. Il faut connaître. Mais, à Montréal, on a aussi beaucoup une communauté indo-canadienne assez forte et très large, qui est universitaire, et tout ça. D'ailleurs, actuellement, l'immigration de l'Asie est la deuxième, hein, à Montréal, au Québec. Alors, c'est...

Une voix: ...

M. Bourque (Pierre): La troisième? Alors, je pense qu'il faut continuer à accentuer de ce côté-là. Mais il y a aussi une immigration qui peut venir de pays facilement francophones. Je pense à la Roumanie, je pense à tous les pays du Maghreb. Il y a beaucoup de pays, au fond, où le français est enseigné encore, puis courant. En Afrique, je veux dire, il y en a des francophones là-bas.

Je pense que l'objectif du ministre est louable. C'est sûr que 50 %, il va falloir qu'on choisisse aussi là-dedans, qu'on fasse la sélection. Il va falloir qu'on travaille sur les deux. Moi, je ne veux pas du tout empêcher l'immigration qui vient du Pakistan, ou de l'Inde, ou de la Chine, au contraire, ou de l'Amérique latine. Je pense qu'on doit garder le caractère cosmopolite de Montréal. Et, si on réussit cet effort, nous, de faire une métropole cosmopolite intégrée dans la société québécoise, mais avec une grande diversité de cultures... Vous savez, à Montréal, la force de l'immigration, les gens s'expriment. Puis combien de Montréalais, de Québécois se sont enrichis par toutes les manifestations culturelles? Ça nous enrichit collectivement et ça nous enrichit aussi intellectuellement. Dans toute l'expression du Québec maintenant... Pensez au Cirque du Soleil, je veux dire, c'est des Québécois qui ont parti ça, mais vous allez voir que ceux qui sont les artistes, ceux qui y travaillent, c'est le Montréal pluriculturel et c'est Montréal intégré au Québec. Alors, je pense que les deux objectifs sont conciliables à condition d'être ouvert et puis à condition de travailler vraiment en concertation. C'est peut-être ce qui a manqué jusqu'à présent.

Et comme l'économie roule maintenant, c'est sûr que l'anglais, on va en avoir besoin, d'autre part. Il ne faut pas s'illusionner, c'est une langue mondiale. On va continuer à travailler en anglais. Mais on va continuer aussi sur le plan international, on va continuer à développer, je pense, l'appartenance, le français est important. On doit rester la deuxième ville française au monde. Et là-dessus, si vous comparez les autres villes canadiennes, c'est vrai qu'on est en... On est à 27 % à Montréal. À Toronto, vous avez vu, juste le Grand Toronto, c'est 40 %. Si vous prenez la ville de Toronto, c'est peut-être 50 %, peut-être plus, on n'a pas les chiffres. Mais le Grand Montréal, c'est 17 %; le Québec, c'est 9 %. Donc, je pense qu'il faut donner un coup en avant, on n'a pas le choix. On n'a pas le choix.

M. Laporte: Mais pensez-vous qu'il va falloir essayer peut-être de modifier un peu l'équilibre entre la sélection d'immigrants hautement qualifiés francophones et la sélection d'immigrants hautement qualifiés francophonisables sur place?

M. Bourque (Pierre): Absolument, les deux. Il va falloir qu'on travaille sur l'intégration et la francisation à Montréal aussi, c'est évident. Dans l'entreprise, dans la vie quotidienne, il va falloir qu'on soit plus présents avec eux. Souvent, c'est une absence de présence, simplement.

M. Laporte: Est-ce que ça ne manque pas un peu, ça, dans les orientations du ministère, M. le Président? Je ne sais pas, mais... Le ministre va nous dire qu'il a publié ça dans un autre document, là.

Le Président (M. Cusano): On questionne notre invité présentement.

M. Laporte: C'est très fragmentaire comme vision ministérielle de nous envoyer à d'autres documents. Mais je pense que là il y a un vrai problème. Vous êtes d'accord avec ça.

M. Bourque (Pierre): Absolument.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. le député. Vous allez me permettre que je pose une question à M. le maire. Le maire est certainement au courant que le comté de Viau est un des comtés les plus multiethniques sur l'île de Montréal. Au fil des ans, différentes communautés culturelles établies chez nous ont décidé de se regrouper pour, justement, pouvoir, soit le soir ou le dimanche, participer à des services religieux. Que ce soient des Haïtiens dans le comté, que ce soient des musulmans, il y a un grand nombres d'endroits où ces gens-là se rencontrent pour pouvoir pratiquer leur religion. J'ai eu des représentations, M. le maire, à mes bureaux ? puis vous êtes la bonne personne à qui poser la question ? à l'effet que la ville de Montréal s'apprêterait à réglementer au niveau du nombre ou des endroits où ces communautés culturelles peuvent se regrouper pour exprimer leurs croyances religieuses. À part l'aspect sécuritaire, je crois, pour n'importe quel local, qui est nécessaire, est-ce que la ville de Montréal a l'intention de limiter à certains endroits, sur certaines rues, à Montréal, l'installation de ces groupes?

M. Bourque (Pierre): Je n'ai pas les chiffres en tête, là. Il y a 550 lieux de culte à Montréal, il y en a à peu près la moitié qui sont des lieux de culte traditionnels, qui sont chrétiens, des synagogues, etc., orthodoxes. Il y en a la moitié d'autres, et ça, c'est un phénomène récent avec l'espèce d'explosion des cultes évangélistes, et tout ça. La seule limite qu'on a, c'est quand c'est dans un quartier résidentiel. Ce qu'on veut faire, c'est concentrer ces institutions-là, ces mosquées ou ces temples ? ce sont beaucoup des temples évangélistes, etc. ? sur les rues commerciales. Donc, c'est ce qu'on veut faire. Parce qu'il y a beaucoup souvent de problèmes de cohabitation à cause du bruit, à cause de toutes sortes de phénomènes. C'est là-dessus qu'on regarde. Mais disons que ce n'est pas pour nous autres une politique... On préfère mieux collaborer avec les gens, on est très ouverts. Ils sont presque tous à Montréal. Ce qu'on regarde actuellement, c'est la possibilité de les inscrire dans la trame commerciale et non pas dans la trame résidentielle.

Le Président (M. Cusano): Merci pour la réponse, M. le maire. Je cède maintenant la parole au député d'Iberville.

Une voix: J'avais demandé la parole...

Le Président (M. Cusano): Oui, mais M. le député d'Iberville l'a demandée avant vous.

M. Bergeron: Merci, M. le Président. Bonjour, M. le maire, monsieur, madame. Il est écrit à la page 13 de votre mémoire: «Le développement du Québec passe par Montréal et le développement de Montréal passe par l'immigration.» Moi, je veux revenir avec l'intégration. Vous savez, c'est des défis énormes. Vous nous dites que, présentement, 31 % des jeunes de zéro à 15 ans sont des minorités visibles et il y a 40 % de chômage. Ajoutons à cela tous les phénomènes de marginalité et d'itinérance. Les gens des régions montent à Montréal, comme on dit si bien. L'habitation. On a dit tantôt que les demandeurs de HLM sont au niveau des deux tiers. Donc, dans quelques années, les HLM vont être majoritairement habités par des immigrants. Écoutez, c'est un problème qui est énorme. Et, moi, je pense que, si on réussit l'intégration des immigrants, on va réussir l'immigration tout court. À mon sens, c'est fondamental.

Et vous dites: Bien, comme solution à cela, augmenter la présence aux communautés culturelles ? j'imagine, les conseils de quartier ou peut-être des conseils d'arrondissement, on ne connaît pas l'avenir. Mais j'aimerais que vous soyez plus explicite. La présence aux communautés culturelles, comment faire pour qu'à un moment donné ces nouveaux arrivants là, ces immigrants là deviennent des citoyens à part entière? C'est notre objectif comme gouvernement et vous aussi comme collectivité. Alors, cette présence-là... S'il vous plaît, M. le maire.

Le Président (M. Cusano): M. le maire.

M. Bourque (Pierre): La présence des communautés culturelles... ce sont des phénomènes. Le plus difficile, c'est l'exclusion, et ça ne touche pas tout le monde. Quand je dis qu'il y a 20 000 HLM à Montréal, sachez qu'il y a 500 000 portes. Ça fait que 20 000 sur 500 000, il faut tout relativiser. Donc, les autres, ils vivent dans le marché public, etc., souvent dans les conciergeries, puis là aussi il faut faire des efforts. Parce qu'un des problèmes de Montréal... il y a 27 % seulement de propriétaires, donc, il y a 73 % de locataires. Ce n'est pas ce qui arrive ailleurs. Ça, c'est un gros problème. Donc, il faut augmenter le nombre de propriétaires, le retour à la ville. Tout ça, c'est en train de se faire, mais ça va prendre du temps.

Ce qu'il faut, c'est s'occuper des jeunes. Ce n'est pas pour rien qu'on a fait un événement comme la Fête des enfants, qui a rassemblé 75 000 personnes dans le parc Maisonneuve, où il y avait toutes les communautés culturelles. Il faut que dès le jeune âge, dès l'école, l'intégration se fasse. C'est là qu'il faut que ça commence. Si on ne touche pas aux jeunes... Souvent, les parents, c'est beaucoup de familles monoparentales, il y a beaucoup de conflits, pas dans toutes les communautés, mais beaucoup de communautés plus fragiles. Il y a des communautés plus fragiles, que vous connaissez. Souvent, c'est des communautés où les minorités visibles sont plus fragiles. Il y a beaucoup d'éclatement des familles. Donc, il faut s'occuper des jeunes pour leur faire vivre le quartier, leur faire vivre l'école, leur faire vivre l'harmonie vers le marché du travail. Et souvent l'exclusion arrive vers 15 ans, d'où il y a un phénomène de gang. Ce n'est quand même pas un phénomène qui touche l'essentiel des communautés culturelles, c'est encore marginalisé. On dit qu'il y en a 62, on les connaît. Mettez 62 fois peut-être 15, 20, c'est peut-être 1 000. Vous savez, à Montréal, il y a peut-être 1 million de personnes qui sont issues de l'immigration récente ou un peu plus... Donc, c'est beaucoup de monde. Il ne faut pas généraliser.

n (12 h 30) n

Mais ce qu'il faut faire, c'est qu'il ne faut pas que ce phénomène-là augmente, hein? Le phénomène de l'itinérance ? c'est tous des phénomènes importants ? le phénomène de la drogue, de la prostitution, c'est des phénomènes montréalais. Ça touche moins les communautés culturelles ? vous regarderez les statistiques ? que souvent les populations marginalisées de souche francophone. Il y a de tout ça dans un quartier de Montréal.

Alors, l'intégration, c'est une présence active, au fond, par toutes les ressources qu'on a, autant les ressources communautaires, les ressources de Québec, les ressources de la ville, de l'école, pour qu'il y ait un continuum dans la vie. Et l'intégration, les gens la veulent, les gens des communautés la veulent. Ce n'est pas vrai que les communautés forment un bloc. Ce n'est pas vrai. Ils veulent être Québécois, ils veulent être Montréalais. Essentiellement, ils aspirent à ça, ils aspirent à être intégrés. Mais, souvent, dans leur cheminement, ils ont des problèmes, des problèmes au niveau du travail, des problèmes ici, des problèmes au niveau de la formation, la reconnaissance des diplômes. C'est toutes des choses sur lesquelles il faut essayer de mettre, au fond, des efforts. Des fois, c'est des efforts vraiment sur le plan humain, des présences supplémentaires, présences avec eux, dans leur communauté. Ils se regroupent souvent en association. Et ça, il faut aider tout ça. Il faut aider à ce qu'ils s'expriment aussi et, quand ils peuvent s'exprimer... J'étais au Festival de la communauté de Barbade de Montréal, ils étaient 10 000; les communautés de Trinidad et de Tobago, ils étaient 10 000, 15 000. Il faut qu'on soit présent là. Et ça, c'est important qu'ils s'expriment, c'est important qu'on soit avec eux autres.

Alors, c'est tout ça. Ce continuum-là, au fond, dans le quartier, dans la ville et dans la société, il faut qu'il se fasse par toutes sortes de mécanismes: de concertation, de festivals de culture, d'expression des jeunes, d'expression des adultes, des parents. Et on va gagner parce que c'est notre défi, ça. Vous l'avez mentionné tantôt, un des grands défis du Québec, c'est le défi de l'intégration. Et Montréal, c'est vraiment ça. Son caractère cosmopolite doit rester un caractère que tout le monde apprécie au Québec. On doit être un peu... Les Québécois sont fiers de Montréal. Je veux dire, quand vous allez visiter, par exemple, les mosaïcultures, les gens sont fascinés. C'est des Chinois qui sont venus, puis c'est des gens qui sont venus d'Italie, puis d'Amérique du Sud, puis des Indes. C'est fascinant! On s'est enrichis. Je veux dire, on s'est tous enrichis de la part des autres, dans tous les niveaux: cinéma, théâtre, enfin... même la haute technologie maintenant.

Alors, il ne faut pas qu'il y ait de rupture dans la société et dans le quartier, puis c'est pour ça que l'apport d'une ville comme Montréal, avec Québec, est tellement important, qu'on ait des liens plus étroits. Ça n'a pas tout le temps été le cas.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. le maire. Avant de céder la parole au député de Vachon, j'aurais besoin du consentement des membres de cette commission pour dépasser 12 h 30 pour pouvoir justement compléter l'échange avec nos invités. Est-ce qu'il y a consentement pour dépasser 12 h 30? Oui? Il y a consentement.

M. Perreault: Jusqu'à quelle heure, M. le Président?

Le Président (M. Cusano): Oh! une dizaine de minutes à peu près. Merci. M. le député de Vachon.

M. Payne: Il me fait plaisir de vous saluer, M. le maire, et vos conseillers et dirigeants. Je voudrais revenir sur la question de la francisation. Lorsque vous dites qu'il est primordial de continuer à déployer des actions diversifiées et soutenues de francisation, on en convient, mais, lorsqu'on parle d'apport économique par rapport à la connaissance du français, on évoque, comme vous le savez, une certaine polémique. Je n'ai pas besoin de souligner où je me situe là-dedans. Mais, sur le plan tangible et empirique, on peut regarder les chiffres qui indiquent, par exemple ? et je ne m'adresse pas tellement à vous, mais au grand public qui, souvent, ignore les vrais chiffres ? que le pourcentage des candidats travailleurs qui connaissent le français dans les derniers 11 ans est passé à au-delà de 11 %, une augmentation considérable. On aurait pu dire: Oui, mais peut-être que ça a affecté... Il y a d'autres à-côtés concernant l'âge et la scolarité. Comme vous l'avez indiqué vous-même, les chiffres sont aussi intéressants. 72 % avaient un diplôme au niveau postsecondaire ou universitaire contre 88 % aujourd'hui, par rapport à il y a à peine deux ans, ce qui est phénoménal comme progression. L'âge aussi a baissé, de 87 % à 67 %. Donc, tout cela comme arrière-scène, on s'entend, on en convient, puis je pense que c'est évident qu'il y a une convergence entre vos propres politiques et les nôtres.

Ma question pour vous, c'est: Quels apports concrets, par rapport à ce que je lisais de votre mémoire tout à l'heure, sous forme de recommandations ou pratique, envisagez-vous, qui ne sont pas déjà en place? On peut parler de ce qui est déjà en place, comme, par exemple, la francisation en milieu de travail, le programme. Est-ce que vous avez d'autres concrètes suggestions à nous apporter?

M. Bourque (Pierre): Pour ce qui est du programme de francisation, on a déjà un programme avec le ministre, et c'est 500 000 $ par année, qui a été renouvelé. C'est quand même un montant symbolique, modeste, mais qui va loin quand même, qui a beaucoup de potentiel et qu'on pourrait développer. Il faut voir le résultat de cette année-là, on a fait le résultat, et on pourrait continuer à... Et, nous, on touche vraiment les gens les moins francophones, au fond, ceux qui ne sont même pas anglophones. Les femmes en général et les chefs de famille... Souvent, le père parle un peu l'anglais, le fils parle français, mais la mère parle juste soit l'hindi, ou soit le bengali, ou soit le... C'est ces gens-là qu'on essaie de toucher dans la vie quotidienne, et ça, je pense qu'il faut accentuer ça. C'est un peu donner un sentiment de sécurité au quartier, à la ville par l'intégration, par la francisation. Le français, c'est un outil... Quand ils viennent à l'hôtel de ville ? ils viennent tous à l'hôtel de ville ? je suis toujours impressionné de voir ces gens du monde entier, cette mosaïque de jeunes, d'immigrants, et ils sont tellement fiers de parler français. Ils sont tellement fiers. Et même, nous, souvent, les Québécois de souche, on a tout le temps la mauvaise habitude de parler, souvent, en anglais à des immigrants ou à ceux... Mais ça, ça change beaucoup. Les jeunes, aujourd'hui, ils parlent tous le français, et il faut les accompagner là-dedans.

Donc, il faut qu'on continue à travailler ensemble, il faut qu'on augmente ces échanges entre la ville et le gouvernement du Québec. Mais il faut qu'on ait une planification, peut-être, de la main-d'oeuvre et, comme je l'ai expliqué, à partir des carrefours que le ministre a créés, peut-être une table de concertation pour donner des services beaucoup plus directs au niveau de la francisation. Moi, je ne suis pas inquiet si on fait ça, si on est plus près des communautés, si on est plus près d'elles, je ne suis pas inquiet, parce que les communautés, elles veulent s'intégrer, puis elles savent qu'elles sont au Québec. Ça, je peux vous le dire, elles savent qu'elles sont à Montréal, et ça, ça n'a pas tout le temps été le message qu'on a véhiculé dans le passé. Il ne faut pas regarder ce qui s'est fait il y a 30 ans, il y a 20 ans, c'était un autre message.

Mais l'école aussi est importante. Vous savez, par exemple, il faut donner des meilleurs outils aux écoles de Montréal. L'école de Montréal, elle en a, de la misère. Actuellement, vous savez qu'il y a plus de monde, on est en train de bâtir des annexes. Moi, je suis content. Mais allez voir les cours d'école d'asphalte puis allez voir les services qu'ils ont. Ça veut dire qu'il y a du rattrapage à faire énorme, énorme, puis je pense que c'est normal que... À l'école Bedford ? je donne toujours l'exemple ? il y a 650 enfants; il y en a trois, Québécois de souche, 647 des communautés culturelles. Mais ce sont des enfants de la loi 101. C'est ça, le Montréal de demain. 647 sur 650, c'est beaucoup, et c'est comme ça d'une année à l'autre. Mais ces jeunes-là ? 87 nationalités ? sont tous des Montréalais puis des Québécois. Mais il ne faut pas les laisser, après, quand ils vont avoir 10, 15 ans, au cégep puis à... il faut les suivre. Je pense qu'il y a un effort à faire de présence. C'est une relation, je pense, plus fraternelle qu'il faut instaurer avec les communautés puis avec ces entités-là, qui sont quand même regroupées; elles ont des leaders puis elles ont une façon de s'organiser.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. le maire. Je tiens à vous remercier, puisque notre temps est écoulé.

M. Bourque (Pierre): Merci.

Le Président (M. Cusano): Je vous remercie pour votre représentation. J'aimerais aviser que la commission reprendra ses travaux à 14 heures. À ce moment-là, nous entendrons la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 39)

 

(Reprise à 14 h 6)

Le Président (M. Beaulne): Si vous voulez prendre place, nous allons poursuivre nos consultations.

J'inviterais les représentants de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes à prendre place à la table de la commission pour nous faire leur présentation, et j'inviterais Mme Rivka Augenfeld, présidente, à nous introduire les personnes qui l'accompagnent afin de bien s'identifier aux fins de la transcription.

Alors, Mme Augenfeld, vous avez 20 minutes au maximum pour présenter votre mémoire, puis, par la suite, les deux formations politiques échangeront avec vous.

Table de concertation des organismes au service
des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI)

Mme Augenfeld (Rivka): Merci, M. le Président, et merci de nous recevoir ici, à la commission parlementaire, sur cette question qui est pour nous très importante et, je crois aussi, pour tous les Québécois. Je suis la présidente de cette coalition, cette Table de concertation que vous venez de mentionner. On est maintenant un regroupement d'organismes qui existe depuis plus que 20 ans, qui est né au moment de l'arrivée des boat people du Sud-Est asiatique au Québec et à un moment que, je pense... Plusieurs d'entre nous sont assez âgés pour se rappeler ce moment de grande... presque euphorie, de réaction très positive à une demande d'aide, de soutien et de solidarité à des réfugiés qui étaient quand même de l'autre côté du monde.

Les Québécois, à cette époque-là, ont fait preuve d'une grande ouverture et d'une grande solidarité en accueillant des milliers et des milliers de réfugiés vietnamiens, laotiens, et cambodgiens aussi. C'était aussi à une époque où on a eu le leadership de plusieurs organismes, églises et d'autres individus, et le leadership de feu Jacques Couture. Je pense que tout le monde se rappelle avec beaucoup de respect que le ministre à l'époque, M. Jacques Couture, était une des personnes qui a beaucoup aidé à lancer ce mouvement de solidarité.

On est maintenant 117 organismes membres de notre coalition. J'ai avec moi aujourd'hui le directeur général de la Table de concertation, M. Stephan Reichhold, et Mme Glynis Williams, de l'organisme Action réfugiés Montréal, mais qui est aussi une des membres du comité aviseur sur toute la question du parrainage collectif et, d'ailleurs, une des personnes qui a travaillé à l'élaboration, ensemble avec les fonctionnaires du ministère, de ce programme que le Québec a rapatrié il y a maintenant, je pense, trois ans, trois ans et demi. Alors, Mme Williams va nous parler plus du parrainage.

Je voulais vous dire, M. le ministre et MM. les députés, qu'on participe à toutes ces consultations depuis, je pense, qu'elles existent. On est toujours heureux et on trouve une responsabilité de venir vous parler peut-être de certains aspects de ce programme d'immigration qui seraient peut-être moins touchés que par d'autres groupes. C'est notre champ d'expertise et c'est aussi notre devoir.

Le mémoire que vous avez reçu et, j'espère, lu, reflète un consensus de tous nos membres, qu'ils soient directement impliqués dans le travail d'accueil et établissement des nouveaux arrivants, que ce soient des immigrants, des réfugiés ou des revendicateurs de statut, comme d'autres membres de notre coalition: les églises, les CEDEC, les CLSC, les syndicats. Et je crois que la richesse de notre réflexion est le résultat de cette coalition vraiment très variée, qui existe depuis si longtemps.

Depuis juillet de la dernière année, on a eu une augmentation importante d'organismes des différentes régions du Québec. Et ça, c'est grâce vraiment à la régionalisation des réfugiés un peu partout au Québec et encore plus au programme d'établissement des réfugiés kosovars, l'année dernière, qui a vraiment donné un grand coup en avant à tout ce besoin d'information, de solidarité et de formation au sujet des réfugiés.

n (14 h 10) n

Alors, M. le Président, M. le ministre, et MM. les députés, je crois que vous avez lu notre mémoire. Vous voyez que, sans s'avancer sur un chiffre exact, on vous propose plutôt que le Québec considère comme niveau d'immigration un pourcentage qui reflète le pourcentage qui a été mis de l'avant dans l'Accord Canada-Québec en 1991 et 1992, notamment 25 % de l'immigration canadienne.

C'était voulu, à l'époque, comme une façon de maintenir notre poids démographique, comme une façon de maintenir aussi nos différentes obligations. Et on est convaincu que le Québec est capable de recevoir un nombre d'immigrants important si on a des ressources adéquates et si le ministère et tout le gouvernement prennent l'initiative pour faire une promotion positive de la valeur ajoutée qui est reflétée par les immigrants et, plus particulièrement, les réfugiés.

Alors, je pense que ce qu'on note... Et, d'ailleurs, on voulait noter avec satisfaction le fait que, dans sa déclaration, hier, dans son communiqué, le ministre a souligné l'engagement du Québec en faveur des réfugiés. Mais on croit que le Québec est capable et devrait faire encore plus. On félicite aussi, d'ailleurs, le gouvernement et, le ministère particulièrement, d'avoir entendu notre demande, pas seulement la nôtre, mais de tous les organismes impliqués, d'élargir le bassin des réfugiés sélectionnés à l'étranger et que, depuis quelque temps, on reçoit vraiment un important nombre de réfugiés qui viennent d'Afrique, d'Asie et d'autres parties du monde.

Ça, c'est quelque chose qu'on a demandé depuis longtemps. On est très content de voir que ça se concrétise actuellement. On est aussi très conscients que ça prend des ressources adéquates et peut-être supplémentaires à l'étranger pour vraiment faire le travail comme il faut.

On croit aussi que l'accueil des réfugiés est différent de l'accueil des immigrants. Et, pour que cet exercice humanitaire et cette manifestation de solidarité humanitaire se concrétisent et soient un succès, les organismes en région et aussi à Montréal ont besoin de soutien et d'une reconnaissance du fait que l'accueil et l'intégration des réfugiés ne sont pas tout à fait la même chose que l'accueil et l'intégration des immigrants. Les deux ont besoin d'encadrement, mais ce qu'il faut faire pour un réfugié, c'est peut-être un peu différent pour que l'intégration puisse se faire.

On a maintenant une gamme de réfugiés, que ce soient des personnes dans le programme pays source qui représentent les Colombiens qui sont arrachés de chez eux parce qu'ils sont vraiment en danger à cause de leurs activités pour la défense des droits de la personne ? ça, c'est une sorte de traumatisme, d'être arraché de chez soi et d'arriver brusquement au Québec pour s'établir ? allant jusqu'aux réfugiés africains, qui sont arrivés il y a quelques semaines, qui ont passé, M. le Président, plusieurs années, sinon beaucoup d'années dans des camps de réfugiés, avec des enfants nés dans des camps, des enfants qui ont peut-être manqué beaucoup à leur éducation. Et ça, ça prend un autre type de sensibilité, un autre type d'accueil pour s'assurer que tous ces traumatismes et toutes ces années de vie difficile soient comme pris en considération dans le rythme d'établissement de ces réfugiés.

Alors, vous avez vu nos recommandations, il y a des recommandations ? je ne vais pas les lire évidemment ? mais, pour les orientations générales, vous avez vu qu'on trouve qu'on pourrait faire mieux encore, même si on est sur une bonne voie. On trouve qu'il faut hausser les niveaux d'immigration et augmenter le nombre de réfugiés proportionnellement à l'augmentation des niveaux.

Parce que la déception, c'est que, dans tous les scénarios proposés, le nombre de réfugiés reste plus ou moins stable et aussi qu'on ne fait pas de distinction entre les réfugiés parrainés par le gouvernement ? les CR1, les réfugiés publics ? et ceux parrainés par le secteur privé, dont Mme Williams va nous parler. Alors, on trouve qu'on pourrait faire mieux.

Je vais présumer que vous avez lu nos recommandations et je vais passer la parole à M. Reichhold pour vous parler un peu des questions d'intégration. Et, ensuite, Mme Williams va finir avec les questions de parrainage collectif.

M. Reichhold (Stephan): Merci, M. le Président. Donc, je vais enchaîner sur une partie qui traite plus de l'intégration qui est, en fait, la suite logique de tout le programme d'immigration. Les organismes de la Table de concertation sont en fait un peu déçus que toute la partie intégration ? accueil, établissement, intégration ? apparaisse quasiment inexistante dans les documents qui ont été soumis à la consultation et sont déçus du fait que tout leur travail ne soit nulle part reconnu.

Le secteur que nous représentons, le secteur communautaire, qui est donc regroupé sous la bannière de la Table de concertation, a une certaine particularité au niveau de l'action communautaire au Québec, c'est qu'il n'est pas reconnu vraiment par le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, et ce, depuis des années.

Il y a une collaboration très étroite et beaucoup de choses qui se font conjointement avec le ministère, mais, jusqu'à ce jour, nous ne sommes toujours pas reconnus comme un regroupement de secteur, comme c'est le cas dans, par exemple, d'autres ministères ? ministère de la Santé et des Services sociaux, ministère de l'Éducation ? et c'est quelque chose que les organismes ont soulevé aussi.

L'intégration au Québec repose beaucoup sur ce secteur communautaire qui offre ses services aux nouveaux arrivants, que ce soit dans la région de Montréal ou dans toutes les régions du Québec, ou d'accueil des immigrants. La manière dont on fonctionne comme réseau, en fait, je pense que c'est souvent mentionné comme, que ce soit au niveau du Québec, du Canada ou même au niveau international, une sorte de modèle, parce que c'est un réseau qui chapeaute vraiment tous les éléments, toutes les parties dont fait partie le processus d'intégration.

Par contre, les organismes qui font partie de ce réseau et qui portent beaucoup le poids de l'accueil et de l'intégration des nouveaux arrivants commencent à être sérieusement essoufflés, surtout suite à l'arrivée des Kosovars. Bon, aussi actuellement, avec toute la réforme qui est en branle au niveau du MRCI, les organismes sont très préoccupés quant à leur avenir. On ne sait pas trop où on s'en va. C'est quelque chose qu'on nous a demandé vraiment de souligner.

On est d'avis que, si on veut augmenter ? et nous sommes pour une augmentation, une croissance progressive de l'immigration ? il faut que ça se fasse avec un ajout de ressources. Je pense que tout le monde est d'accord là-dessus. La situation peut se présenter différemment, par exemple, dans les régions ? hors de Montréal ou à Montréal ? qui accueillent beaucoup de réfugiés publics, comme le mentionnait ma collègue. Ce qu'on entend et ce qu'on voit sur le terrain, c'est qu'il y a un manque de ressources et de soutien vraiment incroyable. Nous, on n'en revient pas comment ces organismes arrivent à faire le travail dans les conditions qu'on leur offre.

À Montréal, la situation se pose un peu différemment par rapport aux nombreux demandeurs d'asile qui sont principalement dans la région de Montréal. Aussi, la suite logique, une fois qu'ils sont régularisés, c'est un groupe de personnes qui a beaucoup de difficultés à s'adapter, à s'intégrer. Les organismes à Montréal porte là aussi le fardeau d'essayer d'aider ces personnes, souvent de manière que, nous, on appelle clandestine, parce qu'on ne veut pas vraiment que les organismes s'occupent de ces personnes, bien que ce soit un pourcentage assez élevé des nouveaux arrivants dans la région de Montréal.

n (14 h 20) n

Alors, c'est quelques éléments de nos recommandations. Donc, en fait, il y a vraiment trois points qu'on veut souligner, c'est le problème des ressources actuellement, le problème de la reconnaissance du secteur et, troisièmement, un élément très important aussi pour nous, c'est toute l'implication des autres ministères et institutions au Québec dans l'accueil de ces nouveaux arrivants. Alors, je vais passer la parole à Glynis.

Mme Williams (Glynis): Merci. M. le Président de la commission. Excusez-nous, on était un peu en retard à cause qu'on était un peu perdus; on était dans l'autre salle de commission, et il me semble que nous sommes comme les réfugiés, on ne sait pas où aller.

Aujourd'hui, je veux reconnaître la présence dans la salle des personnes du ministère avec qui j'ai eu le plaisir de travailler pendant quelques années. Je crois qu'il y a une bonne volonté du ministère d'améliorer des programmes et d'écouter, nous, les organismes sur le terrain. Alors, c'est pour reconnaître leur présence. Cependant, je dois parler pour les ententes-cadres de parrainage collectif qui sont les organismes qui accueillent un haut nombre de personnes qui sont parrainées, les réfugiés publics, par le gouvernement. Et nous sommes un peu déçus que, dans le document, il y ait une absence des statistiques du nombre de personnes qui étaient parrainées par nous, les groupes parrains collectifs. Et, aussi, pour nous, c'était une opportunité qui était perdue de promouvoir un programme qui est petit ? ce n'est pas un grand programme de personnes qui sont parrainées à toutes les années ? mais, en même temps, je crois que c'est un programme important que nous, les citoyens, Québécois et Québécoises, pouvons ajouter à notre programme international.

C'est opportunité pour nous de promouvoir nos valeurs humanitaires et aussi de remplir nos obligations internationales. Alors, en même temps, avec mes collègues, je veux souligner l'idée qu'on peut accepter plus des personnes de l'étranger, sélectionnées de l'étranger, comme des réfugiés.

Le parrainage collectif, c'est une façon aussi de confronter les mythes contre les réfugiés, contre la xénophobie qui existe dans notre société. Je crois vraiment que l'impact d'avoir une expérience directe avec les gens avec qui nous faisons le parrainage, c'est un programme vraiment important.

Aussi, nous voulons féliciter la catégorie humanitaire, le 18 C (iii), qui est un programme du Québec qui est envié de nos collègues partout au Canada. Mais, en même temps, je veux souligner le problème qui existe avec ce programme. C'est une catégorie où on peut accepter les personnes en situation de détresse ou dans des situations comme celles des réfugiés, mais qui ne remplissent pas exactement les critères des conventions de Genève pour les réfugiés. Mais une catégorie peut exister seulement sur le papier si on ne sait pas comment on peut l'utiliser.

Je veux terminer, je sais, on n'a pas trop de temps, avec une petite histoire d'une de mes collègues, sur Denise Lainé, une chère collègue depuis des années. Elle a travaillé avec les réfugiés pour l'archevêché de Montréal. Elle a nommé une femme algérienne de l'âge de 30 ans, qui était en Espagne comme réfugiée. Elle a été interviewée par le Canada, elle a été refusée comme réfugiée. Après ça, elle a été interviewée par un agent de l'immigration de la Délégation du Québec à Paris, qui également a refusé cette jeune femme. Elle a été violée, mais dans la décision négative, ils ont dit que c'était un petit viol par les voyous de la rue. Alors, elle n'est pas une réfugiée selon la convention. Après cet événement, elle a été acceptée en Espagne comme réfugiée selon les conventions de Genève. Pour nous, ça soulève deux questions: Comment elle ne peut pas être acceptée sous la catégorie humanitaire? Elle remplit, pour nous, vraiment tous les besoins pour lesquels ça existe, cette catégorie. Alors, pour nous, ça soulève la question de la formation des agents.

Deuxièmement, ça soulève la question d'intégration. Elle a des membres de la famille ici au Québec. Je ne sais pas comment, vous, les autres humains aussi, pouvez comprendre si votre soeur, votre enfant a été violée, elle est seule dans un autre pays, elle parle déjà le français, et elle reste dans un pays toute seule après un événement assez tragique pour elle. Alors, je vais terminer avec cet exemple d'une chose qui est bien, mais qu'on n'utilise pas très bien pour nous. Alors, c'est mieux de terminer.

Le Président (M. Beaulne): Alors, je vous remercie puis je cède maintenant la parole au ministre pour amorcer les échanges.

M. Perreault: Alors, Mme la présidente, madame, monsieur, merci d'être là et de vos réflexions et commentaires. Évidemment, votre mémoire porte davantage sur un aspect de l'immigration ? vous touchez à d'autres questions, bien sûr, aussi ? qui concerne davantage la catégorie des personnes réfugiées ou des demandeurs d'asile, qui est une catégorie, bien sûr, de l'immigration, qui n'est pas la part la plus importante de l'immigration, sans égard à... Ce n'est pas une question de la qualifier. C'est sûr que les démarches proactives de sélection d'immigrants, par définition, font référence à une analyse des besoins en termes d'immigration du Québec, alors que l'accueil des réfugiés fait davantage référence à notre volonté de participer d'un mouvement de solidarité internationale.

On sait que, sur ces questions, évidemment ? avec, en bonne partie, raison ? plusieurs groupes, le vôtre, d'autres, ceux que vous représentez, plaident, bien sûr, pour qu'on tienne davantage compte, dans les pays plus riches, plus à l'aise ? on en fait partie, les pays occidentaux ? en quelque sorte de la misère du monde et des situations parfois très difficiles suite aux conflits, etc., auxquels on fait face un peu partout.

Je veux juste vous souligner que j'ai déposé hier un tableau ? peut-être que vous pourriez y référer, le retenir ? qui démontre très clairement que, même s'il est vrai que dans les chiffres que nous mettons sur la table nous maintenons les objectifs quantitatifs en matière d'accueil de réfugiés ou la proportion des demandeurs d'asile qui font partie de l'immigration du Québec, il reste quand même que ce que ces tableaux démontrent très clairement, c'est que c'est près du quart des immigrants que nous recevons, plus de 22 % des immigrants que nous recevons, qui sont soit des réfugiés ou des demandeurs d'asile. C'est quand même important. C'est deux fois plus que l'Ontario. C'est quatre fois plus que la Colombie-Britannique.

Donc, je veux juste rappeler que le Québec en ces matières a l'intention de continuer à maintenir cet effort, qui est quand même un effort important. Parce qu'il faut être conscient que c'est une catégorie d'immigrants, dont je ne nie pas du tout les besoins, au contraire, mais qui sollicite davantage, bien sûr, la société d'accueil en termes de ressources, du moins au départ. Vous avez raison de souligner qu'on a fait un effort d'ouvrir ce bassin de recrutement cette année, preuve qu'il n'est pas incompatible d'avoir des objectifs avec la langue et, en même temps, avec certaines régions du monde qui sont parmi les plus en demande ou en besoin en matière de réfugiés.

Vous dites qu'on devrait peut-être davantage développer dans notre mémoire toute la question de la reconnaissance des organismes et de leur action. Évidemment, il faut être conscient que ce n'était pas l'enjeu et l'objet de cette commission. J'entends vos commentaires. Ce n'est pas du tout parce qu'on a l'intention de nier cette action. Je vous donne un exemple. Hier, on a entendu Le Coffret qui est venu nous rencontrer. Vous les connaissez sûrement; ils sont à Saint-Jérôme. Je veux juste dire que, par exemple, sans nier ou minimiser l'action du Coffret, bien au contraire, le ministère lui consacre quand même pratiquement un quart de million de dollars par année pour s'occuper de 90 réfugiés. C'est beaucoup de sous, beaucoup de sous, beaucoup de sous. Alors, je veux juste rappeler ces faits-là pour que... Évidemment, ça ne sera jamais assez, comme société. Les besoins seront toujours plus grands. Mais juste rappeler quand même un peu certains ordres de grandeur.

n (14 h 30) n

Moi, j'aimerais vous entendre parler... Vous nous soulignez toute la question de l'expérience du parrainage collectif qu'on n'a pas beaucoup développée dans notre mémoire. Évidemment, encore une fois, ce n'était pas nécessairement l'enjeu. Mais on me signalait tantôt que, pour l'avenir, suite à vos représentations, on pourrait peut-être penser que nos chiffres, nos statistiques pourraient peut-être explicitement faire valoir cette dimension. Vous avez raison de souligner que c'est un aspect positif, intéressant de la démarche qui est suivie. Alors, on va regarder, suite à vos suggestions, si on ne pourrait pas, pour les prochaines années, mieux faire apparaître cette partie de la réalité.

Moi, je voudrais vous poser une question bien simple: Vous travaillez à Montréal et avec tout le Québec; votre Table représente des gens de tout le Québec, particulièrement sur la question des réfugiés et des demandeurs d'asile. Un, j'aimerais vous entendre parler un peu de quelle est votre appréciation de l'action du ministère, de la décision du ministère de répartir davantage en région l'accueil des réfugiés sélectionnés. Quelle est votre analyse de ça, de ses forces et de ses faiblesses?

Et, deuxième question, qui est peut-être un peu plus difficile pour vous à répondre ? enfin, je suis sûr que vous allez avoir des réponses ? mais est-ce qu'on n'a pas un peu raison de souhaiter d'une certaine façon, dans la mesure où on est responsable des politiques d'immigration et d'accueil, de faire en sorte que... La partie que le Québec sélectionne à l'étranger évidemment est un peu fonction de la partie que le fédéral sélectionne sur place. Parce que, de fait, on pourrait augmenter le nombre de personnes qu'on sélectionne à l'étranger dans des camps, mais, en même temps, on ne peut pas non plus se retrouver avec 10 000 personnes au Québec qu'on accueille comme réfugiés. on aurait un problème. Et il y a une partie qu'on ne contrôle pas, c'est la partie du fédéral, de la reconnaissance des demandeurs d'asile. Alors, j'aimerais un peu vous entendre parler de ce deuxième aspect.

Mme Augenfeld (Rivka): M. le ministre, je pense que c'est important de le souligner, je crois que, dans notre mémoire, on fait quand même référence aux programmes qui se destinent aux immigrants en général. C'est évident que nos organismes, surtout ceux à Montréal, font beaucoup affaire avec les immigrants de toutes catégories. Je serais la première à avouer que ce n'est peut-être pas les investisseurs et les entrepreneurs qui viennent les premiers aux portes des organismes communautaires, mais on voit beaucoup d'immigrants dépendants et beaucoup de personnes parrainées par la famille que, d'ailleurs, on voudrait voir plus reconnus comme issus aussi d'un mouvement d'immigrants sélectionnés. Parce que, quand on voit la famille mise complètement de côté au fédéral, c'est comme si, si, nous, on contrôlait la famille complètement, on ferait autre chose que de permettre les époux, épouses et les enfants et les parents de venir au Québec. Alors, c'est vrai que la reconnaissance des liens de parenté et les questions statutaires, ça vient du fédéral, mais les barèmes financiers, c'est le Québec qui les contrôle et qui les applique avec beaucoup de vigueur.

On croit, même si, au moment où on se parle, c'est techniquement une acceptation fédérale qui doit être là pour que la famille vienne, que le Québec ne se dissocie pas de cet élément d'immigration comme quelque chose qui appartient juste au fédéral. C'est quelque chose qui parfois nous fait un peu mal quand on voit cette catégorie complètement mise de l'autre côté de la clôture. Et on voit comment peuvent souffrir les familles qui ne sont pas réunies, que ce soient les familles d'immigrants, mais encore plus les familles de réfugiés.

La répartition des réfugiés en région ? peut-être laisser aussi M. Reichhold dire quelque chose ? mais il nous semble... Une des choses qu'on entend des gens en région: Les réfugiés, oui, mais pas seulement les réfugiés. Voyez-vous, l'ironie, maintenant, au moment où on se parle, et c'est peut-être ça aussi qui a fait que notre réseau s'est élargi, c'est que les réfugiés sélectionnés, les bons ? et, moi, je ne fais pas la distinction que peut-être fait le ministère ? sont en région et ceux qu'on aime moins sont à Montréal.

Par une décision ministérielle, on prend très peu de réfugiés sélectionnés à l'étranger, c'est-à-dire les réfugiés publics et parrainés à Montréal. À Montréal, on se retrouve avec un «caseload» très lourd de personnes que nous considérons comme des personnes ayant besoin de protection et de considération, même si, au bout de la ligne, leur cas pourrait être refusé. Mais on se souvient que beaucoup sont acceptés et on espère aussi que le Québec adhère à la convention de Genève et à une protection qui est notre devoir.

Alors, nos organismes en région nous disent qu'ils aimeraient aussi voir pas juste des réfugiés en région, mais aussi d'autres. Je pense qu'on a eu ça comme reflet des régions, mais on ne voit pas pourquoi on ne pourrait pas aussi avoir des réfugiés sélectionnés à Montréal, surtout si on veut maintenir l'intérêt de la population. Ce qu'on trouve difficile, c'est de créer un climat positif pour des réfugiés sélectionnés à l'étranger tandis qu'on a un discours peut-être moins positif sur ceux qui arrivent à nos portes.

Vous savez, si quelqu'un arrive ici pour faire une demande de refuge, il est douteux. Si son frère ? et je parle littéralement ? fait une demande à l'étranger, lui, il est bon. Mais, dans la tête du public, ce n'est pas si facile de faire cette distinction.

Vous avez raison, M. le ministre, de dire que notre part de réfugiés est conditionnée par combien acceptée par le Canada, mais c'est ça qu'on vous demande dans notre mémoire. Du côté fédéral, on est là avec tous nos collègues à travers le Canada pour demander une hausse de niveau que le Canada devrait prendre, surtout à un moment où on se prépare à hausser les niveaux. Je ne sais pas s'ils vont le faire, mais c'est ça, le discours. Et on voudrait que la proportion de réfugiés augmente avec l'augmentation de l'immigration. Alors, on vous demande d'être avec nous en demandant au fédéral de faire plus pour qu'ensuite le Québec puisse faire plus.

M. Perreault: Peut-être une dernière question. Ma question était plus précise que ça et plus difficile. Il faut quand même reconnaître ? vous connaissez bien ce secteur-là ? qu'il y a une partie importante des gens qui arrivent sur place et qui sont davantage des réfugiés qu'on pourrait qualifier des gens qui sont davantage des immigrants économiques que nécessairement des gens qui sont dans une situation de détresse politique ou qui leur conférerait le statut de réfugié.

D'ailleurs, la preuve, c'est qu'à la fin de l'exercice le Canada, qui est responsable de faire les enquêtes, retient à peu près quoi, 40 %?

Mme Augenfeld (Rivka): Plus que ça. C'est plus que 50 % maintenant.

M. Perreault: Bon. Mais donc il y a une partie importante des gens qui sont dans le fond des gens qui souhaitent changer leur vie, l'améliorer, qui voient le Canada comme une terre d'accueil et le Québec et donc qui y viennent. Et donc, moi, ce que je soulevais comme question, c'est qu'il y a un peu comme des vases communicants. Une société a une certaine capacité d'accueillir des gens dont la situation économique et la situation de détresse est x, y, z. Et le Québec pourrait peut-être sélectionner davantage à l'étranger dans des camps reconnus par l'ONU de réfugiés si peut-être aux frontières on avait des approches plus semblables à celles des autres pays.

Mme Augenfeld (Rivka): M. le ministre, je vais vous dire la même chose qu'on dit. On a le même discours partout. Quand on va voir vos collègues du côté fédéral, quand on va sur la scène internationale, on dit la même chose. Nous sommes un pays ? Canada, Québec ? qui se met en avant comme un des leaders en ce qui concerne le respect des droits de la personne dans le monde. Et on a une obligation alors de demander que le respect des droits de la personne soit au plus haut degré que possible.

Ça fait aussi qu'on a devant nous des personnes, beaucoup, qui sont les victimes de violations de droits de la personne. On voit malheureusement dans certains pays une attaque, si vous voulez, même sur la convention de Genève qu'on trouve déplorable. On voit les déclarations de Mme Ogata, le haut commissaire pour les réfugiés, qui déplore parfois l'attitude de certains pays. Et on voudrait que le Canada et le Québec soient là, sur la scène internationale, pour montrer l'exemple de comment on devrait être et pas pour prendre comme exemple peut-être un comportement moins souhaitable qu'on voit apparaître chez les autres.

Vous avez raison, M. le ministre, de dire que certaines personnes ne sont pas acceptées comme réfugiées. C'est vrai. Mais comment savons-nous avant qui est qui? On a une obligation, selon la convention de Genève, d'entendre les gens et de leur donner la possibilité de faire ça dans une atmosphère où ils peuvent s'exprimer.

M. le ministre, ce qui arrive malheureusement ? et nos recherches le démontent et même les recherches de M. Renaud, Jean Renaud que le ministère avait commandité ? c'est qu'en voulant faire la vie plus difficile pour les revendicateurs de statut, ce que ça fait, en effet, c'est que les personnes qui souffrent le plus, M. le ministre et MM. les députés, madame, sont les réfugiés.

Oui, on veut dire que peut-être certaines personnes au bout de la ligne ne seront pas refusées, mais en serrant la vis, en enlevant des programmes, en réduisant au minimum les services aux revendicateurs, c'est qui qui souffre le plus? La personne réfugiée, la personne qui a très peu de support et très peu d'appuis pendant ce processus très douloureux de faire sa demande et de se faire accepter.

Faire une demande de réfugié pour une personne torturée et violée est très difficile. Alors, nous, ce qu'on vous soumet, c'est notre obligation ? et je pense qu'on est capable de l'assumer ? de traiter tout le monde comme être humain ? je ne parle pas de largesses sans limites, mais comme être humain ? en acceptant les besoins des gens, parce qu'une bonne partie de ces gens-là vont rester, et l'accueil qu'on leur montre au début va beaucoup déterminer comment ceux qui vont rester vont s'intégrer.

n (14 h 40) n

M. Perreault: Regardez, je pense qu'on va s'entendre rapidement sur les besoins. Sur notre obligation de solidarité, je pense que vous avez raison d'insister. Vous représentez ce point de vue là avec raison et, si des organismes comme le vôtre ne faisaient pas ces batailles, nos sociétés parfois demeureraient insensibles. Je n'ai pas de problème là-dessus.

Le Québec, selon les derniers chiffres, en 1998, a recueilli 23,5 % de son immigration qui était des réfugiés d'une catégorie ou de l'autre. Est-ce que vous considérez qu'on devrait augmenter ce niveau? Est-ce qu'on devrait l'augmenter, première question, compte tenu que le niveau canadien est à 13 %, 7,7 % en Colombie-Britannique et 12,5 % en Ontario? Est-ce qu'on devrait l'augmenter et, si oui, de combien? Et, deuxièmement, est-ce que vous ne croyez pas qu'il y a un problème qui est créé par la gestion fédérale des demandeurs d'asile qui crée dans la population et qui crée sur les autres catégories d'immigration, y compris sur les réfugiés que nous sélectionnons à l'étranger, en quelque sorte, un effet pervers, une problématique?

Mme Williams (Glynis): Je voulais répondre, mais je ne sais pas, M. le ministre, si je vais répondre absolument à vos préoccupations. Mais vous levez quelques problèmes qui existent, c'est vrai. Un des problèmes des revendicateurs qui cherchent l'asile ici à la frontière, c'est des fois à cause que c'est très difficile d'accéder aux délégations à l'étranger ou à un service de visa canadien à l'étranger. Ça, c'est vraiment un problème que les réfugiés... C'est un vrai problème.

Deuxièmement, je suis tout à fait d'accord avec Mme Augenfeld, qu'on ne veut pas jouer avec les deux catégories de personnes. Des fois, les gens qui sont refusés à l'étranger, les 50 % ou 60 % refusés, ce n'est pas parce qu'ils ne sont pas des réfugiés ou des catégories humanitaires, c'est parce qu'on ne croit pas qu'ils sont admissibles, qu'ils ne peuvent pas s'intégrer facilement dans la société. Et, de notre côté, on doit parler que, des fois, les critères qu'on utilise pour faire cette évaluation, on ne les accepte pas. On peut discuter peut-être longtemps de ça, mais je crois des fois que les personnes qui au début n'apparaissent pas comme des gens qui pourraient s'intégrer facilement ou travailler à la fin, on n'est pas correct avec ça.

Je pense que vous avez touché maintenant la question d'attitude publique, et ça a été la réponse faite d'un grand nombre de personnes qui arrivent à nos frontières. On est dans le travail de manipuler ou de former des attitudes publiques, et je crois que c'est à vous et à nous de faire un effort en partenariat pour influencer les attitudes de nos concitoyens conjointement. Je ne crois pas que c'est l'arrivée des Chinois dans les bateaux qui changent l'attitude, pour le pire, de nos concitoyens. Quand les Chinois arrivent en avion, on n'a pas la même réponse. Pourquoi? C'est peut-être de la même province de Chine et on peut discuter encore, mais je crois que nous avons les outils pour changer, pour influencer les attitudes.

Et je reviens à mon point du début de parrainage collectif, c'est un programme où les gens, dans les régions, dans les grandes villes, n'importe où, peuvent avoir l'opportunité de partager face à face avec les gens qui ont déjà subi des problèmes. Mais avec les outils qu'on a, avec les ressources dont nos organismes communautaires ont besoin, on pourrait faciliter leur intégration dans notre société.

Mme Augenfeld (Rivka): Je voudrais juste peut-être ajouter un petit point sur les pourcentages, M. le ministre, parce que je ne veux pas vous laisser sans réponse. C'est vrai que le Québec prend un pourcentage important actuellement du total de l'immigration, c'est les réfugiés, les revendicateurs. C'est vrai. Ce qu'on vous demande, c'est qu'en augmentant le nombre total d'augmenter le pourcentage parce qu'on vous demande ? vous pouvez être d'accord ou pas d'accord avec notre demande: nous, on croit que le Québec devrait vraiment aller au 25 % du fédéral.

En même temps, il faut voir que, si le pourcentage de réfugiés ou revendicateurs, si vous voulez, en Ontario est beaucoup moins important, c'est parce que l'Ontario prend la moitié des immigrants qui arrivent au Canada. Alors, évidemment 10 000 versus 100 000, ce n'est pas la même chose que 10 000 de 30 000. Alors, c'est évidemment que le moins qu'on prend d'immigrants, le plus, la proportion de réfugiés va être là. Mais il faut qu'on souligne ? et je pense que c'est très important de le souligner: le Québec a un aéroport international, on est près de la frontière américaine, où d'ailleurs un bon nombre de revendicateurs viennent via les portes d'entrée, via les États-Unis, parce qu'ils ne peuvent pas arriver directement au Canada même si leur destination c'est le Canada. Surtout, on peut voir les gens du ex-Zaïre, des Algériens, etc. Alors, là où on est situé, le fait qu'on ait une grande métropole, le fait qu'on ait un aéroport international fait qu'on est une destination, au Canada.

Mais je crois que, si, comme dit Mme Williams, vous pouviez voir parfois les cas individuels de personnes refusées à l'étranger et voir comment les cas sont traités et comment ils sont refusés, vous verriez pourquoi un nombre de personnes ? je ne dis pas tout le monde, il y aura toujours un besoin de protection ? se dirigent directement ici. Ça ne fonctionne pas si bien que ça à l'étranger pour un bon nombre de personnes qui ont besoin de protection, ont besoin d'une considération. Alors, c'est deux parties du même phénomène et, parfois, ce qu'on ne voit jamais, évidemment, c'est les personnes qu'on refuse à l'étranger, les personnes qui ne peuvent même pas mettre leur pied pour traverser le seuil d'une ambassade ou d'un service de visa.

Les gens dans les camps, on les voit, mais il y a beaucoup de réfugiés en besoin terrible de protection qui sont un peu éparpillés dans les villes et ailleurs ? je pense que vos agents du ministère les ont vus ? et ces gens-là ont besoin d'aide. Il y en a qui ont une chance d'être interviewés et d'autres qui, faute d'autres solutions, arrivent directement chez nous et font une demande chez nous.

Et vous avez raison de dire que le fédéral pourrait faire mieux aussi. Oui, je suis complètement d'accord, mais jamais en baissant le niveau de protection, jamais en faisant plus étroite la convention. Je pense qu'on a de quoi être fier, au Canada, et je pense qu'on peut se joindre à cet effort. Et je pense que Mme Gagné peut en témoigner: La Commission a une attitude envers la persécution des femmes, les femmes qui sont persécutées en raison de leur genre, de leur sexe... On est un modèle pour le reste du monde. Et j'espère qu'on va être fier de ça et qu'on va démontrer au monde et dire: Vous aussi, lancez le défi à d'autres pays, faites mieux; pas: On veut être comme les autres pour faire pire.

Le Président (M. Beaulne): Merci. Mme la députée de Saint-Henri?Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Mesdames, monsieur, bonjour, bienvenue à la commission.

Vous savez, vous n'êtes pas les seuls à avoir exprimé votre déception et votre inquiétude. Comme vous l'avez constaté à la lecture du document ministériel, on ne reconnaissait pas le rôle des organismes communautaires quant à la réussite de l'intégration et de l'accueil des nouveaux arrivants au Québec. Plusieurs groupes, dans leur mémoire, font cette constatation-là et expriment leur déception.

Mais, suite aux discussions que nous avons depuis le début de la semaine, le Conseil des relations interculturelles et, ce matin, le maire de la ville de Montréal ont bien dit et reconnu le travail remarquable que font les organismes communautaires à cet égard-là. Ils ont dit aussi que, si le gouvernement devait aller de l'avant avec une hausse des niveaux d'immigration, il devra aussi s'engager à hausser les ressources aux organismes communautaires et aussi le financement, parce que tous reconnaissent qu'actuellement vous êtes sous-financés pour le travail et le fardeau de travail que vous avez.

Alors, pour vous, est-ce que c'est essentiel que, si le gouvernement va de l'avant avec le scénario 3, il devra avoir cet engagement-là? Sinon, j'imagine que, dans le travail que vous faites actuellement sur le terrain, il va y avoir un essoufflement de vos organismes si on vous donne un fardeau supplémentaire et qu'on ne vous donne pas les ressources qui vont avec le rôle qu'on vous confie par la décision gouvernementale de hausser les niveaux d'immigration.

M. Reichhold (Stephan): Oui, je pense que ça va de soi. Je pense que c'est même au sein du ministère aussi qu'on s'en rend compte. Je pense que tout le monde est d'accord, mais, comme vous le savez, le problème des ressources au Québec, ces jours-ci, ce n'est pas évident. Et, d'ailleurs, ça fait 20 ans qu'on en parle, je veux dire, du problème du sous-financement des organismes communautaires. C'est sûr que la situation a beaucoup évolué, surtout en ce moment où on discute d'une politique de l'action communautaire. Bon, nous, on se situe là-dedans aussi, dans cette perspective-là.

n (14 h 50) n

Mais je voulais peut-être revenir à l'exemple, je pense, qui est excellent, de M. le ministre, par rapport au Coffret Laurentides, en termes un peu du rôle des organismes communautaires. Effectivement, c'est beaucoup d'argent, j'en conviens, 250 000 $, mais on ne peut pas mettre en face de cette somme de 250 000 $ je ne sais plus le nombre de nouveaux arrivants. Moi, je pense qu'il faut reconnaître ? et c'est ça, le problème de la reconnaissance ? le rôle que joue Le Coffret dans la région depuis des années. Je veux dire, c'est Le Coffret qui est impliqué dans les structures du développement économique basé sur les nouveaux arrivants. En fait, je pense que, à mon avis, c'est un bon investissement à long terme pour toute la région de soutenir et de bien soutenir un organisme comme Le Coffret. Et je pense que justement Le Coffret est le meilleur exemple de qu'est-ce qu'on peut faire en région au niveau du développement social et économique par le biais de l'immigration.

Le problème que, nous, on a plus au niveau de notre réseau, c'est la disparité qu'il peut y avoir d'une région à l'autre, d'un organisme à l'autre: que Le Coffret, bon, reçoit une somme d'argent pour faire un travail; dans l'autre région, à Granby, l'organisme qui fait plus ou moins le même travail reçoit la moitié de l'argent pour faire exactement le même travail. C'est cette disparité que, nous, on aimerait voir, disons, aplanir, et qu'il y ait une concertation entre toutes ces personnes, qu'on essaie, mais sans vrais moyens. Et c'est ça, un peu, notre problème actuellement, c'est qu'on n'a pas les moyens vraiment de pouvoir discuter tous ensemble, tous les organismes à travers le Québec, parce qu'on n'a aucun soutien par rapport à ça.

Mme Loiselle: Alors, si jamais le gouvernement va de l'avant avec les hausses d'immigration, les hausses des niveaux d'immigration, et il n'amène pas de ressources supplémentaires, vous laisse à vos ressources actuelles et avec le sous-financement actuel, il va y avoir des conséquences quand même considérables pour les nouveaux arrivants, parce qu'il va y avoir un manque d'encadrement et de soutien.

M. Reichhold (Stephan): Oui, c'est sûr qu'il y aura un problème d'entonnoir en termes de services.

Mme Loiselle: Oui.

Mme Augenfeld (Rivka): Je pense que c'est important de souligner, Mme la députée, que c'est un problème qu'on a toujours devant n'importe quel ministre de l'Immigration, que ce soit d'un côté de la table ou de l'autre. Et c'est quelque chose qu'on vit en général avec les gouvernements, ici. Depuis le temps qu'on se connaît et depuis le temps que le Québec a pris charge de son programme d'immigration, on est déjà passé par un nombre important de ministres, et on revient toujours avec une certaine question qui reste importante.

Mais je pense qu'on va évoluer. Il faut quand même reconnaître le fait qu'on a, depuis plusieurs années, une collaboration, si vous voulez, sur l'élaboration de certains programmes. Et je pense que j'ai mentionné tout à l'heure le programme de parrainage. Ce qu'on voudrait, c'est que ça aille plus loin. On est sur des bonnes pistes, mais il faut que ça aille plus loin.

On vous offre, pas juste au ministère, mais à la société québécoise, une riche expérience. Certains sont des nouveaux organismes, d'autres sont là. Le Centre social d'aide aux immigrants, où travaille soeur Denise Lainé, comme a mentionné Mme Williams, est là depuis 1947. J'ai travaillé longtemps aux Services d'aide aux immigrants juifs, qui est là depuis 1919. On a une richesse à vous offrir, on a une spécificité d'approche à vous offrir qui, on croit, va aider à l'intégration des immigrants et des réfugiés. Et on est prêts à assumer notre part, mais on ne peut pas faire ça tout seuls.

Et je pense qu'on a eu des exemples, récemment ? ce n'est pas le moment d'élaborer ? où d'autres ministères sont allés de l'avant avec soit des changements de règlements, soit des changements même presque de lois sans tenir compte de l'impact inégal que ça pourrait avoir sur une partie de la population, notamment les nouveaux arrivants. On l'a vu avec le ministère de l'Éducation, la Sécurité du revenu, Services et Santé. Alors, ce qu'on vous demande aussi: Ce ministère ne peut pas tout faire; ce ministère peut aider à voir que tout ça devienne un projet gouvernemental, un projet qui est endossé par d'autres ministères qui ont des ressources très importantes, et que ça devienne un projet de société où tout le monde joue son rôle. Et nous, comme organisme communautaire de première ligne, on est prêts à jouer notre rôle, mais on croit qu'on pourrait faire mieux, et on est prêts à le faire avec une reconnaissance.

Alors, je sais que parfois ça a l'air qu'on prêche pour notre paroisse, sauf qu'on croit sincèrement qu'on a beaucoup à offrir et qu'il y a des moments où on voit que, malgré un effort considérable de ce ministère, quand on va parler aux gens d'autres ministères, quand quelqu'un d'un ministère que je ne nommerai pas dit: Ah! il semble y avoir un problème avec les ethnies, je dis: Wow! Tu sais, on n'est pas encore arrivé au paradis, au Québec. Il y a eu des progrès, mais il y a des choses à faire et on voudrait collaborer ensemble avec les ministères et avec d'autres ministères pour vraiment faire une intégration.

Et, comme, je pense aussi, on vous a dit, et je pense que plusieurs organismes vous l'ont dit, ce n'est pas la connaissance du français seulement qui est le seul indicateur de réussite, c'est les services d'intégration, c'est l'apprentissage de la langue. Et vous l'avez vu justement récemment avec un bon nombre de réfugiés qui sont arrivés sans parler le français et qui, par la suite, se sont intégrés de façon étonnante. Alors, c'est pour ça que, si on insiste là-dessus, c'est premièrement le mandat que nous ont donné nos membres. Et il faut dire ? je ne l'ai pas dit tout à l'heure ? que c'est vraiment un consensus et on a une responsabilité de vous transmettre le message qui était demandé par les membres qu'on a consultés, que ce soient les gens d'Accueil et d'établissement, que ce soient les gens qui s'occupent plus de protection.

Le Président (Mme Beaulne): Mme la députée.

Mme Loiselle: Oui, sur un autre sujet, à la page 11, vos propos m'ont un peu comme surpris parce que, moi, ce n'est pas la perception que j'avais au niveau de lacunes. Vous dites: «De sérieuses lacunes dans le système.» Vous parlez que, si on avait une gestion plus efficace, le potentiel d'accueil au Québec pourrait être amélioré. Vous dites qu'il y a un éparpillement des ressources; il y a un manque de communication; il y a manque de concertation horizontale, la bureaucratisation à outrance, la lourdeur de la machine administrative qui gère les programmes d'immigration et surtout la méconnaissance de la politique d'immigration et des parcours migratoires.

On a l'impression qu'il n'y a rien qui fonctionne bien dans la machine. Est-ce que vous êtes en train de dire au ministre qu'il devrait peut-être faire un grand ménage dans son système? Je vous dis, ce paragraphe-là m'a beaucoup étonné. Peut-être que vous pourrez m'expliquer ce que vous vivez, vous, sur le terrain qui vous amène à faire de tels déclarations.

M. Reichhold (Stephan): C'est sûr qu'on est sur le terrain et, par définition, les organismes communautaires ramassent un peu toujours le pire, tous ceux que les autres ne veulent pas. Donc, ça peut être un peu teinté par ce qu'on voit. En fait, on ne nous appelle pas quand ça va bien, on nous appelle quand ça va mal.

Mme Loiselle: Oui.

M. Reichhold (Stephan): Alors, mais, bon, un exemple peut-être très concret: Emploi-Québec, par exemple. À Montréal, au moment où on se parle, il n'y a toujours pas de plan ? Montréal, qui est quand même une ville très multiethnique ? d'action; il n'y a rien de concret de comment pouvoir offrir des services adaptés à une population, disons, qui a peut-être besoin d'autres types de service ou une autre manière, surtout quand c'est des nouveaux arrivants qui cherchent un premier emploi. Ce qu'on voit quotidiennement au niveau des CLE, c'est que ça ne fonctionne pas, les gens reviennent. Ils n'ont pas les services dont ils ont besoin.

Si on regarde les statistiques aussi au niveau du chômage, du bien-être social, je veux dire, ça saute aux yeux. Je pense que, d'ailleurs, le mémoire du Conseil des relations interculturelles est assez explicite là-dessus quand on voit les chiffres au niveau de la situation de l'emploi des nouveaux arrivants ou des personnes issues de l'immigration récente. Bon, il y a eu des efforts de faits, c'est sûr. Un autre exemple, le Fonds de lutte contre la pauvreté qui rentre maintenant dans sa deuxième phase. La première phase, ça a été assez catastrophique aussi pour les personnes immigrantes; il y a eu quelques projets intéressants, mais globalement parlant, c'est passé complètement à côté de ces personnes-là.

Heureusement, il y a eu un revirement qu'on a parce qu'on était là et on a réussi à convaincre les responsables de mettre un volet spécifique cette fois-ci. À Montréal, il y a une obligation, au niveau de la participation des personnes issues de l'immigration et des minorités visibles, de 20 %. Ça, c'est un geste assez, comment dire, courageux, je pense, qui met Emploi-Québec dans une situation extrêmement difficile. C'est la panique à Emploi-Québec à Montréal: comment pouvoir remplir ce 20 %. C'est à ce type d'exemples, je veux dire que, nous, on est confrontés quotidiennement.

Mme Loiselle: Alors, c'est comme il y a un manque de concertation, de communication entre, disons, le ministère des Relations avec les citoyens et les autres ministères du gouvernement pour essayer de coordonner tout ça?

n (15 heures) n

M. Reichhold (Stephan): Il y a, je pense, des discussions, des orientations très en haut de la pyramide, au niveau sous-ministériel, et tout ça. Mais, quand ça descend au niveau des directions, déjà il n'y a plus de communication ou très peu de communication.

Mme Loiselle: Ça s'égare.

M. Reichhold (Stephan): La main droite ne sait pas ce que fait la main gauche. Il y a des duplications. Il y a une méconnaissance, je pense, aussi beaucoup de cette réalité-là.

Mme Augenfeld (Rivka): Juste pour rajouter. Un autre exemple vraiment très... Ce n'est pas banal pour les gens qui sont en face de cette situation. La Régie des services sociaux et de la santé a mis sur pied une banque d'interprètes, vraiment une banque excellente d'interprètes pour les besoins des personnes qui vont dans les hôpitaux, dans les CLSC et qui ont besoin d'interprètes. Parce que, comme l'a bien dit le premier ministre à un moment donné, quand on est malade, on a besoin de services, disons, et on a besoin d'interprète, surtout quand on arrive non seulement avec une autre langue, mais une autre culture. Ces interprètes sont formés pour être non seulement des interprètes strictement mot par mot, mais culturels. Mais pour les utiliser, il faut payer. Il faut payer quand même une somme pas si terrible. Et il y a des hôpitaux et des CLSC qui disent qu'ils ne veulent pas ou ils ne peuvent pas payer ces interprètes-là. Alors, on nous appelle, nous, pour fournir des bénévoles. Et ça, parfois, pour une clientèle qui n'est pas nécessairement, strictement selon les critères du ministère, une clientèle pour laquelle on peut être subventionné.

Alors, il faut voir quelque part qu'est-ce qu'on fait avec tous ces réseaux d'institutions de santé publique pour qu'ils prennent leurs responsabilités, pour qu'eux fassent le nécessaire pour donner un vrai accès aux patients ou aux clients au moment où ils ont besoin d'un service dans leur langue, voyez-vous.

Alors, le ministère peut le faire jusqu'à un certain point. Mais, je pense, avec tout notre respect pour le ministre, il n'est pas le ministre des autres ministres; il est le ministre de ce ministère. Il peut essayer...

M. Perreault: ...

Mme Augenfeld (Rivka): Voilà. Ha, ha, ha!

M. Perreault: Pas encore, pas encore. Ha, ha, ha!

Mme Augenfeld (Rivka): Non. Je ne parle pas d'aspirations non plus, mais je dis qu'il faut que les autres ministères prennent leurs responsabilités, qu'ils comprennent une fois pour toutes qu'il y a une job à faire et qu'ils s'assoient. Et ça, Mme la députée, ça perdure depuis des années. Ça aussi, c'est une chose qu'on discute depuis très longtemps.

Il y a la question ? je vais finir là-dessus ? sur la reconnaissance des acquis. C'est un des sujets les plus pénibles et les plus douloureux qu'on vit depuis longtemps. On voit depuis quelque temps comment il y a un manque de main-d'oeuvre à différents endroits au Québec. Là aussi, c'est un autre mythe. On pense qu'il n'y a pas de travail. Il y a du travail en masse, on cherche des travailleurs, mais un nombre important d'immigrants et de réfugiés qui ont des compétences, qui pourraient demain matin travailler, sont bloqués par la non-reconnaissance de leurs diplômes et de leurs acquis à l'étranger. Et ça, ce n'est pas le ministère qui...

Il y avait une table de concertation qui était gérée par le ministère; il y a un rapport qui a été produit. Mais qu'est-ce qui s'est passé depuis? Je ne sais pas. Il y a des corporations, il y a des ordres, il y a tout un appareil de professions qui font beaucoup de choses pour garder pour eux un certain contrôle des choses. Et je pense que tout le monde a une responsabilité de faire quelque chose là-dessus. La pression ne peut pas juste venir d'un ministère ni des organismes communautaires. Il faut que tout le monde se révolte contre ce problème où des gens compétents restent sans travail, pas parce qu'ils ne veulent pas travailler, mais parce qu'ils n'ont pas leurs cartes ni leurs reconnaissances et ils sont qualifiés selon nos normes au Québec, pas selon une norme d'un bled quelque part.

Le Président (M. Beaulne): M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Merci, M. le Président. Je vais faire un peu dans le prolongement de ce que vous venez de venir, là. Vous dites, à la page 14, de ne pas privilégier les niveaux de l'immigration économique au détriment de l'immigration familiale ou humanitaire. Là, vous êtes en désaccord avec le plan du ministre, parce que j'ai fait le calcul, eux autres, ça frise à peu près les 40 % puis il y a 60 % qui est dans l'immigration économique. Le ministre répond: Écoutez, on est déjà à 23 % d'immigration humanitaire dans notre package. Moi, je dis: So what! Puis après! Ce n'est pas un problème. Ce n'est pas là qu'est le problème. Le problème, c'est vraiment de savoir laquelle de ces catégories d'immigration est la plus rentable.

Bien, je regarde le tableau 16 de votre petit livre, là. Quand on commence à lire vos statistiques, on commence à trouver des choses pas mal intéressantes. Taux de présence ? il n'y en a pas assez, par exemple ? de 2 000 des immigrants admis au Québec de 1990 à 1998. Ça, c'est un peu une mesure de rentabilité financière de l'immigration, là. Les indépendants, 83 % de taux de présence. La catégorie où vraiment la rentabilité financière est la plus épouvantable, c'est nos gens d'affaires. Ça, c'est du monde qu'on paie pour venir au Québec, qu'on reçoit au Québec, puis, en 1998, il n'y en a plus que 27 % qui sont restés au Québec. Donc, taux de présence de 2 000 des immigrants admis au Québec. Au total, il y en a 44 %, alors que chez les réfugiés ? et puis ça baisse à part de ça, ça baisse d'une année à l'autre; en 1990, 63, 54, 43, 40, 41, 47, 35, 26, 27 ? c'est très rentable, ils restent au Québec, eux autres.

Évidemment, dans son plan, Mme Augenfeld, le ministère, ils ne sont pas complètement déconnectés de la réalité, ils ont bien vu ça, ils ont décidé de les baisser, les gens d'affaires: 6 000, 3 800, 3 200, 6 000... J'irais même à penser que ça nous donne un peu d'indication sur la prochaine élection parce qu'ils ont baissé jusqu'à 6 700. En 2001, ils ne baissent pas, ils montent; puis après ça ils baissent. Donc, tu sais, il faut créer tout de même une ambiance de richesse économique.

Donc, ma question, c'est la suivante: À mon avis, ce n'est pas seulement parce qu'on privilégie une immigration humanitaire au nom d'un idéal de solidarité mondiale qu'on peut revendiquer un autre équilibre entre les catégories, mais aussi parce que, du point de vue de la rentabilité financière, l'immigration humanitaire, à mon avis, c'est très rentable. Je ne sais pas si on est d'accord avec ça, mais, en termes de rétention, on recueille ici des gens, on les aide, on leur donne... Comme il disait au sujet du cachet, j'ai fait le calcul, ça fait à peu près 29 000 $ par immigrant. Un quart de million sur 90, ça fait à peu près 29 000 $ par réfugié. Ce n'est pas des grosses sommes d'argent. Ce n'est pas 1 million par réfugié, là.

Donc, c'est très rentable, et la question, c'est: Comment se fait-il qu'on ne mise pas sur cette rentabilité pour aller plus dans le sens de ce que vous recommandez, à savoir qu'il devrait y avoir une proportion de l'immigration familiale et humanitaire qui soit plus élevée que le 39 % ou le 38 % ou le 40 % qu'on trouve actuellement?

En d'autres mots, la question que je vous pose, c'est... Je réagis un peu aux stéréotypes qui circulent. L'immigration humanitaire, ce n'est pas seulement une question d'être du bon monde; c'est payant, l'immigration humanitaire, pour le Québec. D'après les statistiques du ministère. Alors, pourquoi est-ce qu'ils ne l'augmentent pas davantage. Pourquoi est-ce qu'ils la diminuent? Là, ils sont rendus que, dans leurs scénarios, j'ai fait des calculs, ça va chercher 40 %, 41 %, 42 %, dans leurs scénarios 1, 2, 3. Mais pourquoi est-ce que vous ne l'augmentez pas à 46 %, 47 %, 48 %, 49 %, puisque finalement c'est payant, l'immigration humanitaire, M. le ministre? Vos données du ministère le démontrent.

Puis ce n'est pas une question de savoir si on en recrute déjà 23 %. La question, c'est: C'est quoi qui est le plus rentable? Arrêtez de recruter des gens d'affaires, ce n'est pas rentable pantoute. Puis augmentez davantage sur les réfugiés, ça, c'est rentable. Quand on voit qu'en 1998 il y a 27 % des gens d'affaires qui sont encore, si j'ai bien...

Prenons la statistique 1990-1998: 44 % qui sont encore là, ce n'est pas une immigration rentable. Ils sont partis avec leur argent. Ils n'ont pas tout de même laissé leurs capitaux au Québec, à moins qu'ils se soient tous acheté des grosses maisons à Westmount puis que, là, ils les louent, de toute façon, ou quelque chose du genre. Donc, ce n'est pas une immigration qui est financièrement rentable. Mais ce qu'ils revendiquent, c'est une immigration rentable. Alors, êtes-vous d'accord avec ça?

Le Président (M. Beaulne): Vous avez une minute pour répondre.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Augenfeld (Rivka): On devrait avoir au moins le même nombre de minutes que la question.

Le Président (M. Beaulne): Oui, mais vous avez le même nombre de minutes que les autres groupes.

Mme Augenfeld (Rivka): Oui, oui, je sais. Très brièvement, écoutez, je ne peux pas répondre pour le ministère, premièrement, mais, deuxièmement, notre devoir humanitaire pour aller chercher des réfugiés doit être basé sur notre obligation humanitaire et notre solidarité internationale. Et on demande justement, quand on sélectionne les réfugiés étrangers, qu'on aille moins sur les critères d'admissibilité et plus sur les besoins de protection. Et c'est ça qui devrait être le critère, et c'est ça qui devrait être le message au public: qu'on fait notre devoir et notre obligation de bon coeur humanitaire. Mais c'est vrai que, si on fait bien l'accueil de ces gens-là et si on investit initialement dans l'accueil et dans la possibilité d'intégration, les gens évidemment, qui sont très, très reconnaissants de l'accueil et du havre de paix qu'ils ont trouvé au Québec, peuvent devenir des personnes qui travaillent, qui prospèrent et qui, en payant leurs taxes et en participant à la vie québécoise de grand coeur, deviennent rentables.

Mais je ne voudrais pas les vendre au public initialement comme rentables sur le plan économique, parce que ce qu'on vous demande, c'est de les accepter pour des raisons humanitaires suite à les rendre ensuite des membres complètement participants et des citoyens à part entière du Québec.

n (15 h 10) n

Le Président (M. Beaulne): Je vous remercie.

M. Laporte: ...

Le Président (M. Beaulne): M. le député, écoutez, on a dépassé le temps pour tout le monde. À moins qu'on ait le consensus pour vous permettre de continuer, je dois interrompre les échanges par respect pour les autres groupes aussi qui vont venir.

M. Perreault: Non, non. Moi, je pense, M. le Président, qu'on a terminé, effectivement.

Le Président (M. Beaulne): Bon. Alors, malheureusement, M. le député, vous pourrez revenir là-dessus...

M. Laporte: ...

Le Président (M. Beaulne): Qu'est-ce que vous voulez, on a des règles, et mon rôle, c'est de les faire respecter. Alors, mesdames, monsieur, la commission vous remercie, et j'inviterais maintenant le Syndicat des professeurs de l'État du Québec à s'approcher.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Beaulne): Monsieur, mesdames, la commission vous souhaite la bienvenue. On souhaiterait que vous vous identifiiez pour les fins de la transcription avant de prendre la parole, et vous avez un maximum de 20 minutes pour faire votre présentation. Par la suite, les deux formations échangeront avec vous.

Syndicat des professeurs
de l'État du Québec (SPEQ)

M. Perron (Luc): Merci. Luc Perron, président du Syndicat des professeurs de l'État du Québec.

Mme Bordelais (Thérèse): Thérèse Bordelais, professeure dans le Carrefour du sud.

Mme Courchesne (Catherine): Catherine Courchesne, professeure occasionnelle.

M. Perron (Luc): Alors, nous vous présentons notre propos. Dans un premier temps, on remercie bien sûr la commission de nous donner la possibilité de se faire entendre. Alors, pour nous, c'est un signe certain d'une démocratie, si vous voulez, qui demeure toujours au Québec. Ça va bien avec l'intégration, étant donné évidemment que c'est une valeur fondamentale.

La deuxième remarque que je tiens à faire, en plus de vous remercier, c'est tout simplement de vous dire qu'on va faire une lecture d'une réflexion sommaire à partir de l'ensemble des enseignants. Il y en a à peu près 400 qui enseignent pour le MRCI. Donc, il y a des milliers d'immigrants qui passent, si vous voulez, dans nos classes et puis c'est un petit peu cette lecture-là que je veux faire.

Je ne tomberai pas dans les composantes de l'immigration à l'effet de savoir si ça prend un 22,4 % de réfugiés, si vous voulez, ou un petit peu plus ou un petit peu moins. Nous, notre prétention, c'est tout simplement de faire le mieux possible pour accueillir ceux qui viennent au Québec. Alors, on accueille les gens sans égard au portefeuille, tels qu'ils se présentent dans nos classes respectives.

Notre piste de réflexion, bien sûr, c'est pour augmenter la capacité d'accueil ? je ne vous surprendrai pas en vous disant cela ? au Québec.

Dans l'exposé de la situation, je vais vous le présenter sommairement, on est d'avis, nous, que le Québec peut accueillir au-delà de 40 000 immigrants pour les trois prochaines années. Donc, on est dans les scénarios 2-3. On est d'avis que la masse de 7 millions du Québec est capable, si vous voulez, d'intégrer un nombre pareil d'immigrants en sol québécois.

Il va de soi que, pour nous, l'immigration, bien sûr, si le sens d'une valeur ajoutée peut être dit, c'est vraiment à ce niveau-là, c'est-à-dire que notre culture québécoise évidemment s'enrichit continuellement avec l'arrivée de nos immigrants et immigrantes en sol québécois. Par ailleurs, c'est évident que nous avons des obligations d'accueil ? c'est là-dessus que nous allons insister ? pour donner la possibilité d'intégrer cette richesse de culture étrangère.

Comme je l'ai mentionné, on va tout simplement présenter un peu notre réflexion à travers les 32 année des services gouvernementaux qui caractérisent la fonction publique québécoise. Pour nous, évidemment, nous ne faisons en sorte que de répondre à des besoins humains lorsque les personnes, bien sûr, viennent en sol québécois.

Alors, pour anticiper la réussite de l'intégration des immigrants, nous pensons que le ministère doit accentuer la mise en oeuvre des services qu'il assume, s'allier davantage les autres services publics dans toutes les régions du Québec et puis augmenter, bien sûr, l'apport des ordres professionnels du Québec à faciliter l'insertion au travail des immigrants qualifiés, comme ça a été dit précédemment. Par ailleurs, tout cela dépend, selon nous, de notre capacité d'accueillir en français les immigrants dès le premier mois de leur arrivée.

Alors, la création de ces convergences entrevues à l'aube d'une paix civile. Alors, c'est ma formation peut-être un peu, si vous voulez, de philosophe et de politologue qui me permet de penser que le Québec est une terre d'accueil tant et aussi longtemps qu'on est capable d'intégrer l'ensemble des communautés qui veulent bien venir chez nous en autant qu'il n'y ait pas un chaos par la suite. Alors, c'est évident que, pour nous, c'est fondamentalement important.

La région métropolitaine accueille à plus de 80 %, 90 % les nouveaux arrivants sur l'île de Montréal. On vous a donné les statistiques qu'on calcule importantes parce que c'est un petit peu une thèse qu'on a développée dans notre réflexion. On se dit que les allophones dans la grande région de Montréal, on comprend bien sûr la Rive-Sud et la Rive-Nord, c'est à peine 18,3 % d'allophones ? là on s'entend que sont les gens qui ne parlent ni français ni anglais ? et puis c'est moins probant, en termes de pourcentage, qu'à Toronto avec 35 %, 37 % et qu'à Vancouver avec 32 %.

On trouve important d'illustrer cela parce qu'on se dit qu'on ne pense pas, malgré l'énergie que pourrait y mettre le ministère, qu'on peut vraiment démétropoliser de façon significative l'immigration dans ces trois prochaines années dans l'ensemble des régions du Québec. Par ailleurs, il nous apparaît faisable de justement faire en sorte que l'immigration ne se concentre pas sur l'île de Montréal, mais s'éparpille, si vous voulez, dans la grande métropole, dans cette grande masse critique de 3 millions de personnes.

À la page 1, au niveau de la rencontre des cultures, donc on insiste sur l'obligation que nous avons, bien sûr, d'accueillir des immigrants. Étant donné la pertinence de cette commission de la culture, on a été assez audacieux pour définir la culture à l'aide d'une définition du siècle dernier, mais elle nous apparaît très important. Parce que souvent on réduit la culture tout simplement à l'expression des arts, alors que, pour nous, évidemment, c'est une combinaison qui caractérise la totalité de l'expérience humaine, mais une combinaison qu'on a réduit avec des considérations scientifiques, avec des considérations artistiques, politiques, économiques et puis religieuses et éthiques. Religieuses, on s'entend, c'est assez facile à illustrer. Au niveau politique aussi, on s'entend. Étant donné que cette commission est un signe d'une démocratie, peut-être qu'à certains endroits dans le monde on ne pourrait pas vivre de la même façon.

Alors, il est important justement de comprendre le sens de la culture par rapport à nos immigrants qui viennent au Québec. Et il est important de leur dire évidemment où ils arrivent, un peu la manière dont on vit, quel est l'état de fait, je dirais, du niveau de notre culture. Alors, ça nous apparaît important.

Ça ne veut pas dire de multiplier à l'infini les conseillers à l'étranger. Parce que, dans les lectures qu'on a faites, on a vu que M. Riddell disait, en 1991, qu'un conseiller à l'étranger, en tout cas en France et à Hong-Kong, c'était 250 000 $ par conseiller. Alors, il est peut-être mieux d'investir, si vous voulez, pour les gens qui viennent chez nous. Comme on le dit dans le rapport de culture, ce qu'on valorise énormément, bien sûr, c'est la piste civile, donc vraiment à travers une intégration réussie de nos immigrants en sol québécois.

À la page 4, je vous mentionne que, pour nous, on a un parti pris bien sûr: même sur l'île de Montréal, il faut absolument que, nos immigrants, on les accueille en français. Il faut absolument encourager la francisation des immigrants. Donc, a fortiori il faut encourager l'intégration en français de nos immigrants.

n (15 h 20) n

Ça a été dit tantôt, on a invoqué des études qu'on a lues ensemble, celle de M. Renaud. Alors, M. Renaud nous disait, en 1992, qu'il était fort important, bien sûr... que la qualité de la relation humaine, lorsqu'un immigrant arrive en sol québécois, elle est fondamentale. Alors, pour nous, évidemment, il faut absolument que les services gouvernementaux ou que les organismes communautaires fassent en sorte vraiment qu'il y ait une qualité de la relation humaine, donc une qualité interactive entre la personne qui reçoit et la personne qui veut venir vivre en sol québécois.

Alors, ça nous apparaît fondamentalement important. Si on rate, je dirais, l'entrée en sol québécois de l'immigration, bien, évidemment, ça peut prendre d'autres directions, comme nous allons le préciser un petit peu loin dans ce mémoire.

Alors, l'apprentissage du français sans la valorisation de nos us et coutumes ne facilitent pas l'insertion du nouvel arrivant dans le réseau francophone. C'est le travail, bien sûr, de l'ensemble des professeurs qui dépendent du MRCI et on se fait un devoir, outre de parler français, outre de s'exprimer en français, de faire en sorte que nos gens veulent aussi vivre en français.

Dans cette perspective, ce que nous disons à la page 5, c'est que nous jugeons que les services du MRCI doivent favoriser ce contact avec un personnel qualifié et déjà enraciné dans la culture québécoise au lieu, comme c'est le cas dans certains pays, de confier uniquement à des communautés d'origines ethniques autres le soin de faciliter la rencontre des cultures. Pour nous, ça nous apparaît comme étant fondamental que les gens qui intègrent, ce sont des gens du Québec, des gens qui vivent le Québec ? ça ne veut pas dire des gens de souche bien sûr, mais qui vivent, si vous voulez, la culture québécoise ? pour faire en sorte d'accueillir convenablement les gens d'autres cultures pour augmenter ? c'est la beauté, si vous voulez ? un mouvement de la culture comme telle du Québec.

Alors, on dit aussi que la MRCI doit encourager les ordres professionnels. Ça a été dit un petit peu tantôt par des gens que j'ai entendus. C'est évident qu'il faut faire des ponts, je pense, entre les ordres professionnels, entre l'Office des professions du Québec et aussi les gens qui aimeraient venir travailler de façon spécialisée au Québec. Je pense que, sans trop connaître le dossier, il y a eu une réussite au niveau des technologues en radiologie. Donc, il y a eu tout un ensemble avec le ministère de la Santé, avec des gens en France, puis ça a permis de répondre à un besoin, à tout le moins, un besoin de travail qui n'était pas comblé au Québec avec les gens qui étaient spécialisés. Donc, on a fait affaire avec une spécialisation tout à fait adéquate en l'occurrence.

On parle de démétropolisation de l'immigration. Nous en sommes, bien sûr. On sait que c'est surtout les réfugiés qu'il nous est permis d'envoyer en région. Nous avons les COFI, des carrefours maintenant à Québec, à Hull puis dans l'Estrie. C'est évident qu'à ce moment-là nous sommes d'avis qu'il faut supporter les groupes communautaires lorsque nous envoyons dans d'autres lieux des gens qui sont des réfugiés.

Nous maintenons que le français doit être le passeport de la culture québécoise. Nous illustrons notre propos à la page 6 par l'exemple d'une classe d'un carrefour qui serait composée d'immigrants de huit ethnies différentes. C'est presque une banalité oubliée, mais lorsque vous avez des gens de différentes ethnies, c'est évident que le dialogue, pour qu'il se fasse, va se faire en français. Et, pour nous, ce que nous vous livrons de façon très humble à travers les classes de COFI, les classes des carrefours, c'est tout simplement que ces gens-là qui sont obligés de parler français pour échanger entre eux, ça fait preuve, si vous voulez, d'un ABC de l'intégration en classe.

Dans notre propos, nous poursuivons sur la capacité d'intégrer en français les immigrants. Alors, nous vous demandons d'être attentifs à créer ou à maintenir à tout le moins une formation continue auprès de l'ensemble du personnel spécialisé qui a à répondre aux besoins des immigrants qui arrivent en sol québécois. Si on ne partage pas cette vision d'une formation continue pour un personnel approprié, alors, c'est évident qu'on encourage une compréhension réduite d'un phénomène qui peut laisser place à des visions stéréotypées, à des préjugés, à une méfiance, à un repli sur soi.

Puis, tout ça aussi vaut, bien sûr, pour l'ensemble de la population au Québec parce que c'est souvent l'ignorance des autres qui fait en sorte que parfois il y a des résistances, des réticences à accueillir et à intégrer des gens qui sont étrangers au Québec. Il nous apparaît donc important que le MRCI investisse dans le perfectionnement de son personnel enseignant afin que celui-ci soit toujours en mesure de composer avec les particularités des différents groupes d'immigrants.

Au milieu de cette page 7, nous vous donnons tout simplement une recette fort peu coûteuse en vous disant qu'il faut davantage valoriser la reconnaissance entre les enseignants eux-mêmes de par leurs compétences, c'est-à-dire leurs connaissances et leur expérience depuis de nombreuses années qui fait en sorte qu'ils développent des moyens appropriés pour faciliter l'insertion, en sol québécois, d'immigrants, d'une part, comme valorisation et, d'autre part, bien sûr, de reconnaître que les immigrants, à travers un apprentissage approprié, ça se traduit en termes d'impact et ça se traduit en termes de rétention, sur l'île de Montréal ou ailleurs dans le Québec, par des immigrants qui partagent puis qui veulent vivre une vie de citoyens pleine et entière. À la page 7, nous vous soumettons que la formule d'apprentissage à temps plein demeure toujours une formule, je pense, gagnante, sans parodier, là, le discours politique. Nous profitons de l'occasion, à la page 7, pour vous dire encore que, à travers les immigrants, qui sont de 4 000 à 10 000 par année, que nous côtoyons à travers les professeurs dans les classes, six sur 10 veulent se diriger au plus vite vers le milieu du travail. Alors, ça nous semble important que ce soit bien compris que les immigrants qui arrivent au Québec ne veulent absolument pas d'emblée être dirigés vers le réseau général de l'éducation. Donc, au plus vite, ils veulent travailler. Il semble encore que c'est de six à sept personnes sur 10 qui sont dans nos classes, à partir de ce que les gens nous disent, qui fait en sorte que les gens veulent travailler, veulent s'insérer dans le marché du travail le plus tôt possible.

Et ce que nous disons, aux pages 7 et 8, c'est que la formule à temps plein, donc une formule actuellement qui est aussi mise de l'avant par les carrefours, fait en sorte que la possibilité que les gens s'insèrent dans le réseau francophone en milieu de travail peut être anticipée avec succès davantage.

À travers cette formule de temps plein ? on n'est pas contre bien sûr des formules à temps partiel ? il faut aller là où les besoins sont; il faut aller dans les milieux de travail; il faut aller au plus vite dans les industries ou dans les petites entreprises à Montréal qui regroupent 50 personnes et moins. Puis il faut faire en sorte, par ailleurs, de ne pas tout simplement donner des coups d'épée dans l'eau. Donc, nous, ce qu'on dit tout simplement, c'est qu'il faut lire une introduction, une insertion de l'intégration en français dans les milieux de travail, mais à travers, si vous voulez, je dirais, les anticipations de succès que génère la formule à temps plein.

Alors, ce qu'on vous suggère donc, c'est de considérer la multiplication des formules à temps partiel dans la mesure où celles-ci seraient encadrées et soutenues par d'autres facilitateurs d'intégration que les seules classes de francisation. Et on vous donne quelques exemples, toujours à la page 8, en disant: Un accès accru aux banques d'information des ordres professionnels, par exemple programmes de jumelage dans les lieux de travail, outils complémentaires à l'intervention du personnel enseignant, tels qu'une participation encouragée à l'écriture d'un journal particulier à l'entreprise. On vous met «etc.» parce que l'innovation puis la création sont de mise, si vous voulez, dans l'ensemble des interactions que nous construisons avec nos immigrants, peu importe où ils sont dans leurs lieux respectifs.

Alors, nous maintenons que, pour l'immigrant qui arrive au Québec, ce n'est pas que le français qui est important, ça a été dit tantôt, mais c'est vraiment de faire partie d'un réseau. Et, nous, nous sommes d'avis qu'on doit faire en sorte vraiment, même sur l'île de Montréal, que le réseau francophone prenne de l'ampleur, éclate de toutes parts et que même les anglophones, si vous voulez, prennent plaisir à parler français, vivent en français sur la grande île de Montréal.

À la page 9, ce que nous vous disons: Nous sommes d'avis aussi, avec le ministre cette fois, que les nouveaux arrivants ont le devoir de participer puis de s'intégrer à la société d'accueil. Donc, pour nous, il est essentiel d'insister sur la notion de devoir afin que les conditions favorables à l'intégration des immigrants ne dépendent pas que d'une entreprise de charme ou de l'amour des Québécois pour la diversité multiculturelle. Alors donc il est important de prendre connaissance de notre culture, de savoir de quoi on parle et de faire en sorte que, pour l'autre évidemment, il puisse vouloir vivre de façon très harmonieuse avec l'ensemble de nos us et coutumes.

Alors donc il faut que l'immigration tienne compte de nos valeurs de pluralisme, de démocratie et de francophonie. Alors, c'est ce que nous disons aussi à la page 9, en bas. Alors, on parle que cette forme d'apprivoisement à notre culture ne pourrait qu'accroître dans les régions l'ouverture de la population à l'arrivée d'étrangers.

Notre troisième propos. Nous, on dit que le Québec, effectivement, c'est une terre d'immigration, c'est une terre qui est fertile pour l'immigration. C'est pour ça que le chiffre de 40 000, on pense, avec des services appropriés, fait en sorte que le Québec de demain sera encore mieux que celui d'aujourd'hui, parce qu'il n'existe pas actuellement, si vous voulez, des conditions qui nous permettent d'entrevoir une paix qui ne pourrait pas perdurer.

Par ailleurs, on se dit qu'il faut absolument insister sur notre prépondérance de la culture d'accueil. Et puis on vous donne différents exemples où notre culture, si vous voulez, doit être prépondérante. Alors, à la page 10, dans le milieu de cette page, on vous donne les exemples suivants. On vous dit qu'il faut continuer bien sûr à dire que les sévices corporels dans l'éducation des enfants, c'est inadmissible. Puis ça a été dit tantôt, là, par rapport à des situations tragiques dans le monde ? on a mentionné l'Algérie ? la gestion de la vie d'une femme confiée à son mari, à son père ou à son frère, c'est totalement inadmissible. On est en terre égalitaire, on a une égalité entre les sexes. Que les conditions d'hygiène conformes à des régions où les services d'éboueurs sont inexistants... Évidemment, il faut encourager, si vous voulez, de telles manières. Le port d'une arme blanche, je vous laisse le soin à vous autres, à votre niveau politique, si c'est permis ou non permis dans une classe d'un carrefour, mais, selon nous, effectivement, avec le caractère religieux que ça pourrait aller chercher, il nous semble que peut-être, si on manifeste que les gens doivent s'adapter, ils ne devraient pas être munis d'un outil semblable pour toutes sortes d'encouragements, en tout cas, indus ou inacceptables, si vous voulez, comme tels. Alors, je vous mentionne que les guerres que se livrent des gangs d'origines ethniques actuellement étrangères dénotent une progression alarmante de ce qu'on pourrait appeler un phénomène peut-être naissant, si nous n'y prenons pas garde, de ghettoïsation.

n (15 h 30) n

Et puis on vous mentionne ? c'est dans une remarque en bas de cette page 10; c'est une citation de M. Corbo dans son livre; excellent livre, soit dit en passant,  Mon appartenance ? que certaines valeurs transportées ici par les nouveaux venus sont radicalement inconciliables avec celles de la société québécoise. Il faut le dire bien sûr avec diplomatie, il faut le dire avec art, mais je pense qu'il faut aussi maintenir qu'il y a différentes façons qui ne peuvent pas, si vous voulez, être développées ou encouragées en sol québécois.

Alors, à la page 11, ce que nous vous mentionnons, c'est que si on n'insiste pas de telle sorte d'intégrer nos gens dans notre culture globale, ça peut faire en sorte de laisser aller petit à petit des formes, si vous voulez, ou des naissances enfin qu'on appelle des ghettos. Il me semble que, si on laisse apparaître en sol montréalais comme tel une vie de ghettos, c'est que le milieu d'accueil ne dispose pas de structures nécessaires à la déconcentration urbaine. Et ça devient, bien sûr, un choix social inquiétant.

Alors, en ce sens-là, nous sommes des amants, je dirais, de la prévention et non tout simplement d'attendre qu'il se passe quelque chose d'abominable ou de tragique pour réagir, en se posant la question: Qu'est-ce que nous avons fait ou qu'est-ce que nous n'avons pas fait? Nous sommes d'avis qu'il faut agir. Il faut faire en sorte que nos gens qui arrivent en sol montréalais, en sol québécois s'intègrent globalement de façon très harmonieuse avec l'ensemble de notre culture, avec les volets que nous avons mentionnés. Et ça va diminuer, si vous voulez, une possibilité ou des conditions de possibilité de création d'exclusions qui sont illustrées par des ghettos.

Nous pensons, à la page 11, que la dispersion appropriée de services d'intégration dans la grande métropole encouragerait la dispersion des immigrants à l'échelle d'un grand territoire au lieu de favoriser une concentration dans certains quartiers de Montréal.

C'est pour ça, je pense, qu'au lieu de penser, là, le Québec en recevant l'immigration dans sa totalité, il faudrait valoriser l'espace qui est très grand au niveau de Montréal ou de la région métropolitaine. Je pense que c'est plus réaliste comme tel. Et, si on réussit à éparpiller ou à faire en sorte que les gens s'intègrent comme tels dans différents endroits dans la grande région, ça pourra donner des résultats positifs, là, lorsque nous parlons d'intégration au lieu effectivement, par son contraire, des exclusions ou des espaces de ghettoïsation.

Alors, si nous allons à la page 13, le rôle...

Le Président (M. Beaulne): M. Perron, il vous reste une minute.

M. Perron (Luc): Oui. Alors, à la page 13, qu'est-ce qui est important, c'est que le rôle de l'État bien sûr est fondamental. Ce n'est pas le privé, ce n'est pas les multinationales, ce n'est pas l'emprise financière qui vont décider comment on doit intégrer l'immigrant en sol québécois. C'est vraiment un rôle de l'État qui est important. L'État doit être, en ce sens-là, courageux, nous le mentionnons à la page 14. Il doit, malgré la présence imposante d'un réseau anglophone très organisé à Montréal et l'utilisation à très grande échelle de la langue anglaise comme langue de travail, non seulement considérer que les francophones puissent former la seule société d'accueil du Québec, mais surtout prendre les moyens pour que ceci devienne visible et convainquant pour les nouveaux arrivants.

On parle d'une meilleure utilisation de nos capacités. Alors, nous pensons effectivement qu'il nous est possible et nous sommes capables de répondre avantageusement, comme collectif, au sens de la population du Québec, à une intégration de 40 000 par année. Alors, c'est ce que nous disons à la page 15.

Et puis, à la page 16, en termes de conclusion, on vous dit qu'il faut valoriser, bien sûr, une absence de conflit interethnique, et ça va se faire par une intégration en français de nos milliers d'immigrants qui vont venir au Québec. Et puis, il faut, bien sûr, rapprocher l'ensemble des services gouvernementaux pour réussir, si vous voulez, cette tâche qui est énorme et qui est très noble et qui est très humaine et qui est fondamentale si on veut, bien sûr, que le Québec puisse, dans un Canada ou ailleurs, à tout le moins maintenir un 7 millions, 7,5 millions, là, pour les 10, 20, 30 peut-être même 40 prochaines années, sinon, ce sera une décroissance.

Le Président (M. Beaulne): Merci. M. le ministre, à vous la parole.

M. Perreault: Oui. M. Perron, mesdames, bienvenue. Merci d'avoir présenté ce mémoire. Évidemment, le Syndicat des professeurs fait un certain nombre de remarques, et ces remarques sont davantage concentrées autour de la question de la francisation. C'est un peu normal, vous représentez des gens qui pratiquent ce métier.

Même si vous faites des remarques plus larges, je constate que vous vous montrez favorables à une ouverture du nombre de personnes que nous pouvons recevoir. Mais, en même temps, vous soulignez qu'on doit les recevoir en français, qu'on doit être capables de les intégrer.

Vous faites référence aussi dans votre document à la réforme qui commence au ministère, on ne peut pas dire: Qui est faite. Elle est annoncée, elle est organisée, elle n'est pas encore... On est vraiment au début de cette réforme. Dans le fond, cette réforme avait un peu pour effet de poser la problématique suivante: l'intégration ne peut être que le seul fait de la francisation, parce qu'à la limite Berlitz peut franciser. Évidemment, vos membres sont meilleurs, ont développé une expertise, mais à la limite, Berlitz peut franciser, mais Berlitz n'a pas un mandat d'intégrer.

Moi, j'aimerais un peu vous entendre davantage parce que, parmi les moyens qu'on a mis en oeuvre, on a développé, bien sûr, mis plus d'accent sur, au-delà de la francisation à plein temps, de la francisation également à temps partiel quelques expériences de faites dans le monde de l'entreprise. C'est encore faible. J'aimerais un petit peu vous entendre sur ces expériences de francisation, qu'est-ce qui peut être fait.

Et, finalement, si on met trop d'accent sur la francisation à temps plein, est-ce qu'on ne va pas un petit peu à l'encontre de ce que vous dites vous-mêmes quand vous dites que la première préoccupation de l'immigrant, c'est de se trouver un emploi? Et donc j'aimerais un peu vous entendre parler de tout ça.

M. Perron (Luc): Peut-être, juste pour commencer, là, quand on fait mention des études savantes de M. Renaud de 1992, quand il parlait de la formule à temps plein, c'est qu'à ce moment-là la société d'accueil, l'immigrant qui arrive au Québec n'a pas le choix, si vous voulez, de vivre une immersion rapide et qui est orientée vers le marché du travail. Alors, l'ensemble, je dirais, de l'intervention professionnelle, à ce moment-là du corps enseignant, fait en sorte ? contrairement peut-être à d'autres lieux, comme vous dites, Berlitz ? vraiment qu'il puisse avoir une connaissance la plus élargie possible, je dirais la plus intégrée ? sans jouer avec le terme ? pour faire en sorte que la personne puisse très tôt s'insérer dans le marché du travail, s'insérer socioprofessionnellement. Et ça, je pense que c'est une distinction qui particularise l'intervention professionnelle lorsqu'on parle de la formule à temps plein.

Puis, lorsqu'on parle de la formule à temps partiel, on ne peut pas, bien sûr, la dénigrer, mais il faudrait faire en sorte que, pour les gens, il y ait à ce moment-là une consolidation de moyens autour de l'intervention pointue, je dirais, du moment de l'intervention professionnelle pour faire en sorte, bien sûr, que ce soit utilisé et, si vous voulez, que ça serve dans le quotidien.

Lorsqu'on parle de l'intégration, c'est qu'on parle de la totalité de l'expérience humaine. On parle de faire en sorte que la personne, si vous voulez, s'intéresse à l'ensemble des facettes qui caractérisent la culture. On le mentionne très sommairement, mais ça peut être les arts, ça peut être, bien sûr, les sciences, la religion, l'éthique. Il y a vraiment un ensemble de leviers qui font qu'on doit faire en sorte d'intégrer ou d'insérer, dans le réseau francophone, des gens. Et ça je pense que c'est important. Mais je peux laisser les gens de terrain, là, vous donner un petit peu de façon plus précise qu'est-ce qui en est.

Mme Bordelais (Thérèse): Bien, c'est sûr qu'il ne s'agit pas de dénigrer l'apprentissage à temps partiel versus celui à temps plein parce que c'est quasiment comme pas comparable. La difficulté qu'on rencontre, si je ne m'abuse, dans le milieu du travail actuellement, c'est qu'on n'arrive pas à donner suffisamment d'heures aux immigrants qui travaillent toute la journée et qui s'astreignent et sont motivés pour apprendre le français en fin de journée, après leurs heures de travail.

Jusqu'à maintenant, je pense que ça tourne autour de quatre heures ou six heures par semaine. Moi, souvent, pour comprendre la situation, je me mets dans leur situation où, si j'arrive en Russie où je ne connais même pas l'alphabet, alors que souvent les nôtres le connaissent quand même, et qu'on me donne quatre heures ou six heures de russe par semaine, alors qu'à la maison je vis dans ma langue maternelle, je ne sais pas si je vais apprendre très vite. Parce que, en tout cas, ce que nos collègues nous disent aussi, c'est que c'est constamment comme à refaire parce que, d'une semaine à l'autre, il n'y a pas eu assez de renforcement, il n'y a pas eu assez de pratique parce qu'ils sont confrontés à la situation qui est celle-là: c'est le travail, la maison, la maison, le travail. Et, s'ils n'ont pas d'autres structures pour aller vers le français, c'est là où ça bloque, où ça pourrait bloquer longtemps aussi.

Moi, je me dis: De deux choses l'une, ou bien on arrive à convaincre les patrons d'entreprises de leur faire donner ou de leur donner, sur leurs heures de travail, plus d'heures de francisation, là, il n'y a aucun problème, ça vaut la peine. Puis je me dis, d'autre part: Ça serait peut-être bien aussi qu'un immigrant qui arrive on lui donne le maximum qu'il peut suivre en temps plein sans mourir de faim puis, ensuite, s'il veut aller absolument sur le marché du travail, bien là, qu'il puisse continuer son apprentissage à temps partiel dans le milieu du travail.

M. Perreault: Bien, si vous me permettez.

Le Président (M. Beaulne): Oui, M. le ministre.

M. Perreault: Mais juste pour bien comprendre, d'un autre côté, vous dites quelques heures, mais... Je comprends, quand il est dans sa famille, il parle dans sa langue, mais dans le milieu de travail, notamment au-delà des cours de français, il devrait parler en français. Ce n'est pas l'expérience qui est la vôtre?

Mme Bordelais (Thérèse): Catherine peut vous en parler un peu plus que moi.

n (15 h 40) n

Mme Courchesne (Catherine): En milieu de travail... Moi, j'ai enseigné dans un hôpital où il y avait des gens de différents corps d'emplois qui étaient plus ou moins scolarisés, dans la même classe, et à qui j'enseignais deux heures deux fois par semaine. On enlève les pauses, là, ça fait 1 h 40 min deux fois par semaine. Alors, ça fait déjà beaucoup moins de temps.

Ces gens-là, premièrement, quand ils arrivent en classe, ils sont déjà fatigués par leur journée de travail et, quand ils sortent, est-ce qu'ils vont pratiquer leur français? Possiblement, ils vont le pratiquer entre eux, encore plus possiblement ils sont pressés de rentrer parce qu'ils sont fatigués. Il y a très peu de rétention, en milieu de travail, quand on enseigne, parce que les gens sont fatigués.

Et il y a aussi d'autres personnes que des gens qui sont dans la classe de français qui, à mon sens et au sens de beaucoup de gens, devraient prendre un cours de français parce qu'ils parlent uniquement anglais sur les lieux de travail et qui ne se retrouvent pas dans la classe de français.

M. Perreault: Mais, une dernière question, M. le Président, c'est un peu ça que... Parce que j'entends des professeurs du ministère me dire depuis un certain temps, et c'est un peu ce que je voulais vérifier: Quand on donne des cours, je comprends qu'on donne un enseignement, la grammaire, il y a tout ça dans un enseignement; maintenant, les gens, dans la journée, quand ils travaillent, théoriquement, ils devraient approfondir leurs conséquences enseignées... À moins qu'ils ne soient pas dans des milieux de travail francophones? J'aimerais vous entendre parler un peu de ce bout-là, de la chose dont on ne parle pas suffisamment au Québec.

Mme Courchesne (Catherine): Oui. C'est difficile pour un étudiant qui est tout débutant en français parce que, oui, ça peut faire des années qu'il travaille à cet hôpital-là et qu'il fonctionne uniquement en anglais. C'est difficile pour lui de vraiment pratiquer le français, de vraiment essayer d'utiliser ce qu'il a appris en classe parce que, bon, bien, s'il parle seulement quelques mots ? puis ça va durer longtemps quelques mots à quatre heures par semaine ? ça lui prend des collègues qui ont la patience d'échanger avec lui, ce qui n'est pas évident de prime abord et ça demande beaucoup de travail de sa part.

On avait parlé, à la Table de concertation ou dans le comité particulièrement sur les lieux de travail, du jumelage, par exemple, entre employés, qui est une chose très intéressante. À ce moment-là, c'est qu'il faudrait, à mon sens, aller chercher des gens autour de ceux qui apprennent le français sur les lieux du travail pour les encourager à encourager celui qui apprend le français, pour leur montrer que, oui, quand on échange pendant trois minutes avec quelqu'un qui dit quatre mots, c'est déjà beaucoup pour la personne et elle va se sentir entraînée à continuer.

M. Perron (Luc): Je profite de votre question juste pour ajouter ceci: C'est que malheureusement, à tort ou à raison, en tout cas, quand quelqu'un balbutie ou commence à parler ou à vouloir parler français, souvent, le comportement, en tout cas, de gens à Montréal va être de faire en sorte de lui parler en anglais. Alors, ça aussi. c'est des lacunes fondamentales.

Alors, ce que je veux dire en parlant de cela, c'est ce que M. Renaud, disait: L'immigrant qui arrive en sol montréalais, qu'il apprenne le français ou l'anglais, ça l'importe peu. C'est-à-dire que le langage, il va prendre le langage qu'il faut évidemment pour survivre. Alors, ce qui est important, je pense, au niveau du ministère, au niveau d'une politique gouvernementale, c'est de faire en sorte que, si on parle d'une intégration, bien, il faut faire en sorte que la personne vive dans un réseau. Et, si c'est un réseau francophone, bien, il faut à ce moment-là qu'elle ait l'opportunité effectivement d'utiliser un petit peu au moins la langue qu'il apprend.

Et c'est ça un peu la caractéristique, je dirais, de vos services publics à l'effet que ce n'est pas juste le code oral, absolument pas, c'est toute une question de façon de vivre. C'est ça qu'il faut démêler et c'est ça qu'il faut accepter.

Nous, par exemple, il y a eu une époque où on a distribué des macarons Parlez-moi français, bien les immigrants le portaient avec fierté, les immigrants qui étaient, si vous voulez, dans les institutions. Mais les gens, ça ne voulait pas dire pour autant qu'ils leur parlaient en français. Ils étaient contents de parler une autre langue, et c'est un petit peu ça.

À un moment donné, il va falloir faire en sorte qu'ils aient un devoir, bien sûr, je pense, de vouloir vivre un petit peu comme la globalité vit au niveau du Québec, Mais, nous aussi, je pense, dans cet aspect-là contractuel, on a un devoir aussi: ou on les encourage puis, je veux dire, on prend le pari de vouloir vivre une citoyenneté en français, ou bien tout simplement on émiette, si vous voulez, là, ou on les encourage un peu moins. Et c'est en ce sens-là que ça prend des renforcements, bien sûr. Ça prend un environnement, ça prend un ensemble de dispositions tout à fait adjacentes, environnementales qui facilitent, bien sûr, l'usage de la langue, pas seulement pour la langue, mais pour vivre comme tel.

Le Président (M. Beaulne): Ça va, M. le ministre? Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, M. Perron, mesdames, merci pour votre mémoire. Je constate que le Syndicat des professeurs de l'État du Québec est toujours présent sur les débats touchant l'immigration et l'intégration.

Votre mémoire apporte une perspective, celle des gens qui sont sur la première ligne de front, qui rencontrent justement le choc culturel dans le quotidien. Ça reflète donc cette perspective qui est la vôtre.

Je voudrais avoir quelques clarifications. À la page 5 de votre mémoire, vous dites: Nous jugeons que les services du ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration doivent favoriser ce contact avec un personnel qualifié et déjà enraciné dans la culture québécoise au lieu, comme c'est le cas dans certains pays, de confier uniquement à des communautés d'origines ethniques autres le soin de faciliter la rencontre des cultures. Vous amenez là une perspective qui dit que, pour que le nouvel arrivant s'intègre à la société québécoise, il faut qu'il soit en contact avec les gens qui sont issus de cette culture ? c'est bien ça? ? et que le fait que cette intégration se fasse via notamment des groupes communautaires de la culture d'origine, ça pourrait ne pas nécessairement donner lieu à des succès. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Perron (Luc): Dans un premier temps, la notion de choc... Effectivement, il est là, mais il est très salutaire, il est très grandissant, il est très qualitatif. Là-dessus, ce n'est que positif.

Dans un deuxième temps, l'illustrer, ça serait un petit peu comme avec Mme Traoré, qui est dans une autre province canadienne. Mais Mme Traoré était née à Verdun. Alors, c'est évident que nos gens qui vivent au Québec, si vous voulez, depuis 10 ans, 15 ans, 20 ans et qui vivent en harmonie avec l'ensemble, je dirais, de nos valeurs fondamentales, ça va de soi que ce sont des gens, s'ils ont effectivement les qualités ou les connaissances puis qu'ils ont passé par une institution, qu'ils peuvent enseigner... Donc, ce n'est pas une question de savoir si c'est une femme ou un homme de souche vraiment, là, au Québec, mais si c'est quelqu'un tout simplement qui vit la culture globalement parlant.

La notion, par ailleurs, à votre question qui est fondamentalement importante, à laquelle il faut répondre, c'est cette médiation-là. Est-ce qu'il existe une médiation qui va faire en sorte, par exemple, que l'immigrant qui arrive au Québec va être porté à ignorer un petit peu la culture globale ou la culture québécoise? Et les contacts que nous avons eus, que nous nous sommes imposés depuis 1980 avec un ensemble d'étudiants ou d'adultes immigrants qui ont passé en COFI, nous laissaient entrevoir que cette médiation-là, et là, je le dis, bien sûr, de façon très polie et très constructive... Il peut arriver, sans nommer d'ethnie, bien sûr, à l'occasion de façon conjoncturelle, que des ethnies peuvent favoriser tout simplement, je dirais, une valorisation, un peu de leur enracinement, ce qui est tout à fait légitime, au détriment tout simplement de vivre autrement en terre d'accueil. C'est un petit peu sur ça, je pense, qu'il faut être prudent.

Puis là on pourrait aller dans certaines villes américaines où vous avez des ghettos, pour parler vraiment en termes concrets ? c'est reconnu à Chicago et autres ? où vous avez vraiment des concentrations qui sont très, très importantes de gens qui ne vivent, mais en aucune façon ce qu'ils peuvent vivre à l'extérieur, si vous voulez, de leur quartier ou de leur ghetto. Et ça, je pense que ce n'est pas ce que nous encourageons et c'est dans ce sens-là vraiment que nous avons écrit cela.

Nous, nous pensons qu'humainement... Moi, pour avoir été au Rwanda en 1971-1972 puis avoir voyagé un petit peu, je pense que c'est excessivement grandissant de vivre, de se laisser aller, de se laisser imprégner de cette richesse d'accueil où nous pouvons aller. Et je pense que c'est ce que nous devons faire avec les gens qui viennent chez nous. Et ça, on ne doit avoir aucune réserve là-dessus.

C'est juste une question d'éviter, je dirais, des médiations, une sorte de récupération pour rendre un petit peu absent, si vous voulez, l'univers dans lequel les gens se retrouvent dans une culture qui est différente de la leur. Je ne dis pas que c'est facile; c'est excessivement difficile. Mais, nous, l'ensemble de mes gens... Je l'ai éprouvé à plusieurs reprises, je l'ai demandé à plusieurs reprises et on m'a toujours dit qu'il y avait un déracinement qui était certain. C'est difficile évidemment partir d'où ils sont pour toutes sortes de raisons. Par ailleurs, une fois qu'ils sont chez nous, je pense, ou une fois qu'ils sont au Québec, il faut faire l'effort d'essayer d'agrémenter, d'acculturer de façon très constructive et très positive cet agencement-là et non au détriment de la personne qui reçoit. Alors, c'est un petit peu ça qui est le message central.

Mme Houda-Pepin: Autrement dit, ce que vous dites, c'est qu'il y a certaines communautés qui auraient tendance à vouloir intégrer les nouveau arrivants à leur communauté d'origine au lieu de les intégrer à la société d'accueil. C'est ça?

M. Perron (Luc): Oui.

Mme Houda-Pepin: Dans le sens large du terme. Certains vous diraient ? enfin, je ne veux pas tomber dans les différentes théories ? que c'est peut-être salutaire de passer par... De passer, c'est un passage. C'est important pour certaines communautés de transiter via la communauté qui est déjà établie pour opérer ce rapprochement avec la communauté «at large», si on peut dire. Alors, il y a des débats là-dessus, je vous laisse réfléchir.

n (15 h 50) n

M. Perron (Luc): Oui...

Mme Houda-Pepin: À la page 12, si vous permettez, vous parlez de la concentration des élèves dans les écoles montréalaises, les concentrations multiethniques. Vous dites: À titre d'exemple, n'y a-t-il pas, dans certaines écoles montréalaises, une proportion de plus de 65 % d'immigrants? Comment peut-on, dans un tel contexte, inciter ceux-ci à parler français ? sans faire mention de la qualité de la langue française qu'il est impossible d'atteindre dans ces conditions... Quelle est la qualité du français dans les écoles francophones à forte majorité francophone?

M. Perron (Luc): Votre question est très bien posée. Dans un premier temps, par rapport à votre passage de tantôt, dont j'aime bien l'expression, je suis d'avis puis nous sommes d'avis qu'il n'existe pas qu'un passage.

Mme Houda-Pepin: Voilà.

M. Perron (Luc): Ça, là-dessus, là...

Mme Houda-Pepin: D'accord.

M. Perron (Luc): ...je ne tomberai pas, si vous voulez, dans un langage dogmatique. On a eu des échanges théoriques, qui ont été très constructifs, avec des gens de l'Université Laval qui ne partageaient pas notre point de vue. Et ça, nous en sommes fortement conscients. Par ailleurs, on se dit que, dans certains contextes, l'immersion a encore peut-être des possibilités d'arriver à des résultats qui sont différents de ce que si quelqu'un est enferré puis il ne réussit pas à sortir d'un enferrement. Ça fait que c'est tout simplement ça, mais on est d'accord qu'il n'y a pas juste une manière pour un passage. Puis, en ce sens-là, le Québec est pluraliste, bien sûr, puis il y a plusieurs passages.

Maintenant, à votre question au niveau du français: C'est quoi, le bon français? Évidemment, c'est une bonne question. On pourrait aller dans n'importe quelle école québécoise puis voir le langage qu'ont les jeunes. Mais la question n'est pas seulement de savoir si le joual doit être, si vous voulez, enseigné de façon à en faire une langue universelle ? ce n'est absolument pas notre propos ? c'est tout simplement de dire que, lorsqu'il n'y a pas une concentration suffisante de jeunes ou d'une population étudiante qui parle français, bien, les chances ? puis c'est ce qu'on voulait dire dans ce message-là ? sont à l'effet que l'ensemble des gens, des jeunes, au-delà de 60 %, parle une autre langue que la langue française.

Alors, c'est tout simplement ça, le message central là-dedans. C'est-à-dire que les gens ont tendance... Puis il y a des écoles à Montréal où les profs ont de la misère à se faire entendre en français puis ont de la misère vraiment en dehors des heures de cours à entendre, si vous voulez, le français dans les corridors. C'est un petit peu ça qui...

Mme Houda-Pepin: Très bien. Je vais laisser mon collègue...

Le Président (M. Beaulne): M. le député d'Iberville.

M. Bergeron: M. Perron, mesdames, bienvenue. Vous avez parlé de ghettoïsation et d'intégration et vous avez utilisé un «démétropolisation», je crois bien.

En tout cas, c'est des néologismes en fin de compte qu'on peut bien comprendre. La ghettoïsation, c'est le contraire de l'intégration, et il faut intégrer de plus en plus les gens, disons, à la société québécoise.

Ce matin, nous avons reçu le maire de Montréal. Il parlait d'une école à Montréal où, sur 650 élèves, 647 venaient de différentes origines ethniques. Il y en avait seulement trois, qu'on pourrait dire, québécois de souche, et, «de souche», mettons-le entre guillemets.

Écoutez, est-ce qu'ici on parle un bon français? Est-ce qu'on parle le bon français? Il n'y a qu'une seule qualité du français? Mais, notre mission première, c'est d'intégrer les gens. C'est la vôtre, c'est la nôtre. Et nous avons cette mission-là et d'en faire des citoyens à part entière.

On a parlé tantôt de passage, et, quand, moi, je pense au mot «passage», c'est un état transitoire, c'est pour arriver à autre chose. Mais toute la problématique de l'intégration ? et c'est là-dessus que va porter ma question ? et la régionalisation... Est-ce que, en l'an 2000, au Québec, il est possible d'intégrer des gens hors des grands centres?

Vous avez quatre institutions: Montréal, Québec, Hull, en Estrie. Mais est-ce qu'on peut parler d'une régionalisation? Est-ce que c'est un voeu pieux, c'est une utopie ou bien, pour vous, pour votre groupe, il y a de l'espoir, il y a une possibilité?

M. Perron (Luc): C'est certain qu'il y a une possibilité. Je vais vous donner un exemple pour l'illustrer. Je vais essayer de ne pas trop m'éloigner d'Iberville, mais je vais aller à Granby. Puis ça a peut-être été dit aussi comme exemple, avec le CERI. Ça a fait en sorte que... Puis je pense à une personne que nous avons rencontrée comme conférencière, Mme Guadalupe Vento, qui, lors de la Semaine de la citoyenneté, à Granby, a fait en sorte de rassembler, avec les organismes communautaires, de façon très signifiante, un ensemble d'intervenants industriels et autres.

Puis je vous dis Granby parce que j'en suis natif, donc je connais assez bien la mentalité. Puis je n'ai pas de gêne à dire que c'est une petite mentalité conservatrice qui est en train d'éclore pour devenir peut-être autre chose. Mais ce qui est certain, c'est que l'ensemble des gens sont venus écouter, sont venus nous écouter très nombreux, et puis sont venus écouter l'apport significatif des immigrants qui arriveraient dans la région. Et il y a eu une expérience qui est assez récente qui fait en sorte qu'il y a eu des gens qui y sont allés, et qui sont demeurés dans la grande région de Granby?Bromont et qui y travaillent. Et je pense qu'il y a des capacités de rétention en région.

Mais ce que nous disons dans notre mémoire à un moment donné, c'est qu'on ne peut pas donner de l'ouvrage à des immigrants qui arriveraient en région lorsqu'il n'y a pas d'ouvrage. Alors, ça, l'immigrant, là, il faut se mettre dans la tête, je pense, un peu tout le monde, que c'est comme un Québécois, si vous voulez, de toute nature, c'est-à-dire que, s'il n'y a pas de travail pour un Québécois, il n'y aura pas de travail pour l'immigrant qui va y aller à moins qu'on crée des circuits nouveaux ou qu'on crée vraiment une entrée de travail qui est neuve. Et ça, c'est possible, mais c'est possible en région.

Mais je pense qu'il faut mettre à contribution l'ensemble, je vous dirais, des élites. Les chambres de commerce avaient été mises à témoins là-dedans, les chefs d'entreprises, et tout cela. Et puis ça a fait en sorte que, oui, il y a eu des gens qui y sont encore, qui y travaillent et qui y élèvent leur famille. Et ça, c'est un exemple qui est réussi. Je n'ai pas de connaissance à l'effet qu'il y a eu des expériences à Rimouski ou Chicoutimi de façon aussi probante. Mais celui-là, oui, nous permet de dire que ce n'est pas une utopie.

Mais ce qui est peut-être faisable, c'est ce qu'on vous dit dans notre mémoire, c'est qu'il faut, avant de penser, si vous voulez, d'envoyer tout le monde à Sept-Îles, ce qui est peu probable, bien, il faut penser que la région métropolitaine est très grande, puis la Rive-Sud, la Rive-Nord, c'est très grand. Alors, il y a une possibilité vraiment, je dirais, de déconcentrer ? au lieu de démétropoliser ? l'immigration sur l'Île, et puis de voir en sorte qu'avec les nouvelles structures... Parce que la nouvelle économie, c'est 70 % dans les services, et il est possible d'envoyer de nos immigrants puis de les insérer dans le milieu socioprofessionnel, alors dans la grande région de la Métropole. Et ça, je pense que c'est important et ça existe. Quand on parle, nous, du français ? quand vous avez commencé votre exemple ? bien, nous, on parle de la qualité du français dans une classe où il y a huit ethnies, dans l'exemple que nous donnons. C'est évident que les gens sont obligés de parler français, puis laissez-moi vous dire que c'est chantant, c'est extraordinaire, c'est magnifique, et la qualité y est. Parce que, dans le fond, le français, c'est juste une langue de communication, alors c'est juste pour leur permettre effectivement de se situer dans leur quotidien puis dans les beautés du quotidien, et non de faire des rêves, là, si vous voulez, décrochés du quotidien.

L'intégration, c'est le quotidien. C'est vivre le quotidien, c'est vivre, c'est participer. Quand nous avons rencontré une immigrante, comme je l'avais fait à Sherbrooke, dans l'Estrie, qui allait à l'hôpital et puis, comme bénévolat, qui intervient, puis les mots lui manquaient, mais elle communiquait, je peux vous dire qu'elle communiquait, elle n'avait pas besoin d'avoir un langage qui était châtié pour vraiment se faire comprendre, c'était une intégration réussie.

M. Bergeron: Pour terminer, quand je parlais d'une régionalisation, ce qui va faire le succès de la régionalisation de l'immigration, c'est le dynamisme des régions. Il ne faut pas tabler sur l'immigration pour dynamiser des régions qui sont en perte de vitesse, je pense qu'il ne faut pas être utopique.

M. Perron (Luc): Non, non, je suis d'accord avec vous. L'exemple que je donnais, c'était tout simplement de faire en sorte qu'il y avait effectivement une dynamique dans la région de Granby, mais la dynamique n'était pas nécessairement ouverte à l'immigration. Et on leur a dit, par exemple, aux industriels, toutes les vertus ou toutes les retombées significatives qu'il pouvait y avoir d'engager des immigrants, ne fût-ce que par des circuits extraterritoriaux. Et ça, les gens ont dit: Oups, c'est intéressant. Et ça, ça se fait.

Il y a des ministères, par exemple, où vous avez des professionnels qui sont d'ethnies différentes de la nôtre et qui sont utilisés de façon professionnelle dans des réseaux avec l'extérieur ? comme, j'ai en tête, en Chine ? et c'est de ça que je parlais aussi pour vous rejoindre.

M. Bergeron: Pour terminer. Vous avez parlé, bon, de Rimouski, de Chicoutimi, peu importe l'exemple. Mais, vous savez, il faut créer une masse critique, un réseau d'accueil. Et vous avez parlé des chambres de commerce. Donc, il faut mettre à contribution tout le milieu, et le milieu des dirigeants politiques, du milieu communautaire, des gens d'affaire. Et je pense que c'est une volonté du milieu. Comme on a vu ce matin, Québec veut augmenter la part d'immigrants dans la grande région, c'est qu'il semble y avoir une concertation pour dire, bien, oui, et c'est un apport significatif à la vitalité de la région.

n (16 heures) n

M. Perron (Luc): Les municipalités peuvent jouer un rôle qui est extraordinaire, si vous voulez, dans l'accueil, dans l'intégration d'immigrants dans leurs régions respectives. Vous avez entièrement raison de dire qu'il faut mobiliser les gens. Je pense qu'il faut donner une formation minimale. Je donnais l'exemple de Mme Vento, qui avait eu un succès à Granby. Je pense qu'il faut sensibiliser. Les gens partent de préjugés. On dit même, nous, au niveau des enseignants, que ça prend une formation continue pour, à un moment donné, si vous voulez, s'harmoniser avec les différences. Puis c'est évident qu'en région, je veux dire, quand on est loin, à un moment donné, des différences... Puis toute différence, même, je dirais, intéressante peut des fois éloigner au lieu de rapprocher, et ça, effectivement... Mais ça prend de la formation, il faut effectivement aller, comme vous le dites, les rejoindre, ces élites-là, puis leur dire quel serait l'apport de l'immigration dans leur région et faire le pont, et c'est faisable, bien sûr.

Le Président (M. Beaulne): Merci. M. le député de d'Outremont.

M. Laporte: M. le Président, je vous remercie de me passer la parole. J'ai une question, deux commentaires, à l'endroit de M. Perron. Ma question. D'abord, à la page 5, il faudrait qu'on désambiguïse l'énoncé, parce qu'il y a des choses que je ne comprends pas. Moi, j'ai toujours été un partisan de la méthode israélienne en matière d'enseignement des langues, qui est celle des «ulpanim» où on enseigne à plein temps, avec une mise en collaboration des organismes communautaires. Évidemment, la situation israélienne et celle du Québec, ce n'est pas des situations qui sont comparables mais qui ne sont pas identiques. Êtes-vous en train de nous dire ici que ce n'est pas ce qu'on pratique au ministère des Relations, et des Communautés culturelles, et de l'Immigration, là, que ce n'est pas du plein temps? C'est quoi, ce que vous dites là? Vous dites: «Dans cette perspective, nous jugeons que les services doivent favoriser ce contact avec un personnel qualifié et déjà enraciné dans la culture québécoise au lieu, comme c'est le cas dans certains pays...» Mais c'est-u le cas au ministère, qu'on ne favorise pas cette approche-là?

Puis je vais faire un dernier commentaire. Je trouve que, là, il y a un préjugé de classe moyenne qui circule parmi nous à l'effet qu'on donne un peu d'enseignement, puis, après ça, le monde s'en va au travail, puis il pratique son français, puis ça va bien. Les études de McCall, à l'Université de Montréal, ont bien montré que, pour toute une catégorie d'immigrants, au travail, ils ne disent pas un mot, ils ne parlent pas. Ce n'est pas qu'ils parlent l'anglais ou qu'ils parlent le français, ils ne parlent pas. Ils ont des jobs où le quotient d'oralité est zéro. Donc, dire qu'ils vont aller au travail pour pratiquer leur français qu'ils ont appris un peu à demi temps, je ne sais pas trop où, d'autant plus, comme madame disait, ils sont bien fatigués quand ils arrivent soit au cours, soit au travail, ce n'est pas... c'est bon pour nous autres, ça, la classe moyenne. Mais les gens de mon comté qui travaillent dans les usines, ils ne parlent pas le diable. Donc, moi, ce que je veux savoir, c'est: Êtes-vous en train de nous dire qu'au ministère on ne pratique pas ce que vous souhaiteriez qu'on pratique, ou pas assez, ou quoi, là? Ça m'apparaît assez ambigu comme énoncé, l'énoncé de la page 5.

M. Perron (Luc): Je vais répondre d'une manière intégrative à votre propos. Je vais concilier des contradictions apparentes. Alors, je vais aller droit au but. C'est évident que les organismes communautaires ont un rôle important à jouer. On n'a aucune réserve là-dessus. Pour concilier avec notre propos, on se dit qu'effectivement il y aurait peut-être lieu, je dirais, d'intensifier notre apport, en termes d'intervenants privilégiés auprès des immigrants qui arrivent en sol montréalais, pour les intégrer, si vous voulez, dans ces organismes communautaires là, pour que l'organisme donne, entre autres, un service avec, par exemple, le personnel que nous vous mentionnons. Et la contribution, si vous voulez, environnementale de l'organisme, c'est évident qu'elle joue un rôle qui est majeur par rapport à l'intégration en sol québécois.

M. Laporte: Oui, mais la question que... je veux en venir là... c'est-à-dire, c'est une question de savoir si c'est fait par des professeurs du ministère, ou si on pratique l'impartition, ou si c'est la question de savoir: C'est-u fait à plein temps ou si c'est fait à temps partiel? Ça pourrait être fait à plein temps dans des organismes communautaires, ou d'autres organismes, dotés de personnel parfaitement qualifié, comme vous en avez chez vous. Mais ce serait du plein temps, parce que, si j'ai bien compris, le temps partiel là-dedans, ce n'est pas le choix le plus efficace, selon vous.

M. Perron (Luc): Mais c'est certain que vous avez raison en disant que la formule à temps plein a une anticipation de résultat qui est différente du temps partiel. Par ailleurs, si vous voulez, quand, nous, nous allons dans les hôtels, par exemple, en accord avec certaines centrales au Québec, pour aider les gens qui arrivent à s'exprimer en français, avec une clientèle aussi qui sera francophone, je pense qu'effectivement il y a des formules à temps partiel qui méritent d'être maintenues, d'être développées. Puis c'est certain que ça exige possiblement des services de soutien qui soient appropriés pour vraiment faire en sorte que la formation dispensée ou le contact qui est établi soit utilisé le mieux possible. Ça, évidemment, nous en sommes.

M. Laporte: Mes deux commentaires. Le premier commentaire, c'est à la page 10. Vous dites: «Par ailleurs, les guerres que se livrent des gangs de jeunes d'origines ethniques étrangères dénotent une progression alarmante de la ghettoïsation.» Moi, dans mon comté, où j'ai beaucoup d'immigrants, j'ai beaucoup de gangs aussi, et ce que les policiers me disent, qui sont vraiment des spécialistes de gangs de la Communauté urbaine de Montréal, c'est que les gangs qu'il y a dans Côte-des-Neiges, c'est les mêmes types de gangs qu'à Los Angeles, sauf que c'est à une autre échelle. À Los Angeles, l'échelle de la violence est 40 fois plus élevée qu'à Montréal, mais c'est le même type d'organisation de gangs. Et, dans les deux cas, ce qui est à la source du problème, c'est vraiment le déficit d'emplois, le désespoir d'insertion économique de ces jeunes-là. Je pense, par exemple, à des gangs dans le milieu vietnamien, c'est vraiment une réalité économique. Je pense que la ghettoïsation, si on veut en parler, et d'ailleurs je ne suis pas sûr que ça existe dans ces milieux-là, la ghettoïsation au sens classique, mais la ghettoïsation, c'est un résultat de l'exclusion économique, ce n'est pas un phénomène qui a une dynamique propre.

M. Perron (Luc): C'est un peu comme je répondais à Mme Houda tantôt, c'est-à-dire qu'il existe plusieurs passages. Il existe une combinaison, si vous voulez, de variables qui peuvent faire en sorte qu'on en arrive à constater qu'il existe une forme de ghettoïsation. J'en suis avec vous. Là, c'est tout simplement à titre d'hypothèse. Je ne dis pas que c'est une hypothèse qui ne suscite pas d'autres hypothèses, mais il faut considérer que ce sont des phénomènes qu'il ne faut pas encourager. Et si, effectivement, cette exclusion-là, parce que je vous rejoins là-dessus, fait en sorte que la langue y est comme facteur ou que la façon de vivre fait en sorte de créer quelque chose qui est différent, qui n'est pas acceptable globalement comme société, alors c'est là qu'il faut agir, bien sûr.

M. Laporte: Mais, à Los Angeles, ce n'est pas une question de langue, c'est vraiment une question d'exclusion économique. C'est ça, le fond du problème. Donc, je voudrais tout de même que, sur ça, on s'entende.

M. Perron (Luc): Bien, je suis d'accord qu'il peut exister d'autres variables, mais celle-là n'est pas à diminuer pour autant. Si vous n'êtes pas capable de communiquer avec votre voisin, c'est évident qu'il peut y avoir des heurts qui ne sont pas exprimés. Et il ne faut pas minimiser cela aussi.

M. Laporte: À la page 12, un peu toujours dans le même état d'esprit, vous dites: «À titre d'exemple, n'y a-t-il pas, dans certaines écoles montréalaises, une proportion de plus de 65 % d'immigrants? Comment peut-on, dans un tel contexte, inciter ceux-ci à parler français ? sans faire mention de la qualité de la langue française qu'il est impossible d'atteindre dans ces conditions ? et à partager la culture d'accueil?» Peut-être que ma lecture des études de l'équipe de McAndrew, qui, je pense, ont été financées par le ministère, n'a pas été aussi ? comment dirais-je? ? attentive qu'elle aurait dû l'être, mais j'ai l'impression que ce que Marie a montré dans ces études, c'est que, même dans ces écoles-là ? il y en a dans mon comté ? l'apprentissage du français, ça se fait convenablement. Donc, je ne sais pas, ce que vous dites là, je ne suis pas sûr de la validité statistique de l'affirmation qui est faite à l'effet que, dans les écoles où il y a 65 % d'immigrants, c'est, comme qu'on dirait, «l'enfère» du point de vue linguistique. Je ne sais pas, je voudrais peut-être avoir une réponse de la part des spécialistes du ministère.

Le Président (M. Beaulne): Bien, écoutez, je pense que Mme Bordelais...

Mme Bordelais (Thérèse): M. Laporte, je voudrais juste revenir sur ce que vous dites. Il y a l'apprentissage du français qui est une chose, puis il y a l'intégration à la culture d'accueil. Ce qu'on remarque, ce que Mme McAndrew a remarqué, et moi aussi, parce que mon fils est allé à l'importante école Saint-Luc, c'est que, quand il y a beaucoup d'immigrants par rapport au nombre d'enfants d'ici, de notre culture, c'est sûr que l'intégration est beaucoup plus difficile que si vous avez, je ne sais pas, moi, une dizaine d'immigrants dans une école privée où la culture est très, très présente. Ça, c'est certain. Et je vous assure que les profs, ils se débattent quelque chose de rare pour essayer aussi, comme nous dans les COFI, dans les carrefours ? excusez, je ne suis pas encore habituée ? à passer notre culture. Parce que ce que le ministre disait tantôt, c'est qu'on ne fait pas de la francisation pour la francisation, mais, moi, j'ai toujours dit que ma profession, c'est d'intégrer par la francisation, ce n'est pas de franciser pour intégrer, parce que j'intègre mes étudiants par la francisation. Tout se fait en français parce que je parle seulement espagnol, je ne parle pas d'autres langues, et puis, de toute façon, je ne le parle pas dans la classe.

n (16 h 10) n

Mais, si on revient aux écoles primaires et secondaires, et surtout secondaires, où, là, l'intégration est encore plus importante, c'est sûr que, s'il n'y a pas un milieu qui travaille de façon acharnée à faire valoir le français partout, non seulement pendant les cours, mais dans les couloirs, etc., c'est là où le danger subsiste que les enfants immigrants plus ou moins récents vont rester ensemble et vont faire bande à part de ceux qui appartiennent à la société d'accueil ? je n'aime pas beaucoup le «souche», mais en tout cas. Ha, ha, ha!

M. Laporte: Ce que vous dites là est sûrement vrai, pertinent, mais là vous parlez de votre fils qui est allé à l'école Saint-Luc, mais, moi, je fréquente des écoles à Outremont, comme par exemple Outremont High School, là. Ça, c'est à 95 %, disons, non de souche. Puis après ça je m'en vais dans une autre école qui est à 95 % de souche. J'assiste aux mêmes parades de mode, aux mêmes spectacles de musique, c'est la même culture de jeunesse, là. Qu'on s'entende bien, là, c'est la même culture de jeunesse. Donc, il y a une intégration qui se fait, peut-être pas à la culture québécoise au sens où, dans l'école APGL, ils connaissent plus l'abbé Groulx qu'à Outremont High School ? ça, je ne le sais pas, je n'ai pas testé, là. Ils ne connaissent probablement l'abbé Groulx dans ni l'une ni l'autre, de toute façon.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Ils l'appellent Lionel.

M. Laporte: Ça, c'est sûr. Ils ne savent même pas qui est Pierre Bourgault, dans ni l'une ni l'autre, n'est-ce pas?

Mme Bordelais (Thérèse): Bien, c'est ça, la culture.

M. Laporte: René Lévesque, peut-être vaguement.

Mme Bordelais (Thérèse): Moi, les étudiants le savent.

M. Laporte: Mais c'est la même culture de jeunesse, c'est les mêmes comportements, c'est les mêmes goûts de musique, c'est les mêmes amis. Donc, il y a une intégration qui se fait même dans ces écoles-là. Vous êtes d'accord avec ça?

Mme Bordelais (Thérèse): Je suis d'accord avec vous. Mais, je veux dire, à l'extérieur de l'école, il faut que ça se poursuive aussi. Dans l'école...

M. Laporte: Bien là, ils ne m'invitent pas à l'extérieur de l'école, je ne peux pas vous le dire. Peut-être que... je ne sais pas si ça se poursuit.

Mme Bordelais (Thérèse): Bien oui, mais c'est ça. Nous, on le sait par les gens qui les fréquentent. Je veux dire, c'est à l'extérieur. Quand on parle de ghettoïsation ou de gangs de rue qui se forment ? les gangs de rue, c'est un petit peu autre chose... Mais c'est que ça, ce qu'ils apprennent à l'école ne peut pas se poursuivre à l'extérieur parce qu'ils retournent dans leur milieu qui n'est pas assez francisé.

M. Perron (Luc): Deux petits commentaires, ou Catherine.

Le Président (M. Beaulne): Brièvement, il vous reste à peu près une minute.

Mme Courchesne (Catherine): Ça revient à de la prévention. C'est qu'il y a un facteur qui est important aussi de considérer dans les écoles: Est-ce que ce sont des enfants de première génération d'immigrants ou qui sont ici de deuxième génération? Quand ils sont de deuxième génération, c'est leurs parents qui sont arrivés ici, il y a plus de chances pour une intégration rapide complète. Mais, quand vous avez une école où la majorité des enfants sont ici de première génération, c'est difficile dans la classe d'arriver à enseigner la matière française et d'atteindre une qualité de français importante quand les gens ont de la difficulté à comprendre la langue de départ. Et c'est la même prévention aussi pour la ghettoïsation et les gangs. On n'est pas comme à Los Angeles? vous avez mentionné? Mais ce sont des choses qui, dans le cas de l'augmentation de niveau d'immigration, ne sont pas à négliger à titre préventif.

Le Président (M. Beaulne): Merci. Il reste à peu près une minute et demie du côté ministériel. Alors, M. le ministre, vous vouliez dire quelques secondes de commentaires. Puis la députée de Vanier, question très courte.

M. Perreault: Oui, je voudrais tout simplement apporter une réponse au député, tantôt. Il y a à peu près 5 000 personnes qui suivent des cours de français à temps plein. On a des listes d'attente parce que, évidemment, quand quelqu'un s'inscrit, on ne peut pas toujours lui offrir une place tout de suite. Mais ça roule. Il n'y a, à toutes fins pratiques, personne qui souhaite avoir un cours à temps plein qui n'en a pas, mais il y a évidemment beaucoup plus de monde à temps partiel, parce que, par définition, il y a plus de monde qui veut suivre des cours à temps partiel, il y en a tout près de 10 000. Alors, il faut comprendre ces chiffres-là.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le ministre. Mme la députée, rapidement.

Mme Barbeau: Oui. C'est que, tout à l'heure, vous avez expliqué la difficulté, pour un immigrant qui suit un cours chez vous, là, au COFI ou ? en tout cas, ça s'appelle comment? moi aussi, je ne suis pas encore...

Une voix: Carrefour.

Une voix: Au MRCI.

Mme Barbeau: ... ? Carrefour, après, de pratiquer dans son milieu. Si je comprends bien, c'est surtout à Montréal. À Québec, ça doit être différent, parce que c'est tout français partout?

M. Perron (Luc): Oui, oui.

Mme Barbeau: Alors, vous êtes capable de voir la différence.

M. Perron (Luc): Ah! bien sûr.

Mme Barbeau: Je veux dire, vous la voyez. Ça fait qu'il y a peut-être d'autres problèmes là, mais, je veux dire, ça, c'est vraiment le milieu. Quand il est francophone, tout se fait plus facilement.

M. Perron (Luc): Oui, c'est un peu la notion... quand vous avez une masse critique qui est suffisante, qui facilite l'intégration ? c'est quelques centaines ? c'est évident que c'est beaucoup plus facile. Puis je profite de votre question pour répondre à M. Laporte très brièvement, tantôt. C'est que votre approche économique, je l'admire beaucoup, je l'aime beaucoup, je l'ai étudiée beaucoup, étant, si vous voulez, d'études semblables au niveau de thèse marxiste et autre. Mais ceci étant, l'économie... Non, mais juste un exemple, c'est que l'économie est juste une variable. C'est que, dans la définition de culture que j'ai amenée ou que nous avons amenée, on parle de la politique, on parle, si vous voulez, de la science, on parle de l'éthique, on parle de religion. Alors, c'est juste ça. Je suis entièrement d'accord avec vous que l'absence, si vous voulez, de répondre aux nécessités premières de la vie fait en sorte bien sûr de créer des cataclysmes, de créer des situations qui sont comme vous les décrivez. Mais c'est une variable seulement. Il existe d'autres variables où des fois... Je ne veux pas faire comme Trudeau l'a déjà fait, d'encenser la pauvreté puis les gens sont heureux comme ça, mais je veux tout simplement dire qu'il y a d'autres variables aussi qui interviennent, puis il faut essayer de trouver quelle est la meilleure manière de faire en sorte que les gens puissent vivre le plus agréablement possible, peu importe leur origine.

Le Président (M. Beaulne): M. Perron, Mme Bordelais, Mme Courchesne, la commission vous remercie.

M. Perron (Luc): On vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Beaulne): J'invite maintenant les représentants de Centre justice et foi à s'approcher.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Beaulne): Je vous demanderais, s'il vous plaît, de prendre place.

Messieurs, madame, la commission vous souhaite la bienvenue. Vous avez vu un peu comment ça se déroulait, alors je vous demanderais de vous identifier pour les fins de la transcription, de faire votre présentation aussi concise que possible, et, par la suite, mes collègues pourront échanger avec vous. À vous la parole.

Centre justice et foi (CJF)

M. Bellefeuille (Jean): M. le Président, M. le ministre Perreault, Mmes et MM. les députés, j'ai le plaisir de vous présenter, à ma droite, Mme Élisabeth Garant, qui, au Centre justice et foi, est la responsable du secteur Vivre ensemble qui s'occupe de toute la question des communautés culturelles, et, à ma gauche, M. Dominique Boisvert, anciennement, pendant plusieurs années, du Centre, maintenant personne-ressource, et moi-même, Jean Bellefeuille, jésuite, directeur du Centre justice et foi.

Nous voulons remercier la commission de la culture et le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration de nous permettre de prendre la parole cet après-midi.

Le Centre justice et foi de la Compagnie de Jésus qui, en 1983, succédait à l'École sociale populaire fondée en 1911, est un centre d'analyse sociale qui travaille sur plusieurs enjeux importants dans l'élaboration du projet de société québécoise. Par son secteur Vivre ensemble, donc sous la responsabilité de Mme Garant, il s'intéresse depuis près de 15 ans au nouveau défi du pluralisme dans notre société.

Depuis 1997, le Centre justice et foi bénéficie aussi de la réflexion et de l'expertise du Groupe de travail sur les réfugiés. Ce groupe est actuellement composé de l'équipe interne du secteur Vivre ensemble et de sept collaborateurs externes dont justement M. Dominique Boisvert qui a participé de près à plusieurs débats sur l'immigration depuis la deuxième moitié des années soixante-dix et qui a été agent de recherche au Centre jusqu'en 1999.

Alors, vous comprendrez que notre intervention n'est pas celle de spécialistes de l'accueil ou de la diversité culturelle dans un champ particulier. Nous travaillons plutôt à réfléchir globalement sur les défis que nous avons à relever comme société d'accueil et comme membre de la communauté internationale, face à ces enjeux d'immigration et de protection des réfugiés qui se posent de façon nouvelle aujourd'hui. Et c'est dans cet esprit que nous voulons cet après-midi apporter notre contribution à cette consultation.

n (16 h 20) n

Chaque année, les documents sur les niveaux d'immigration redisent l'importance de faire des choix en immigration qui répondent le mieux à nos besoins. Des documents nous rappellent aussi avec insistance les secteurs d'intervention en immigration qui relèvent du fédéral et qui échappent donc au contrôle qu'exerce le Québec sur son immigration. La volonté d'accueillir et d'intégrer en français est aussi réitérée de consultation en consultation. Sur ces trois dimensions importantes, nous tenons à rappeler les positions défendues à plusieurs reprises par le Centre justice et foi. Je le ferai brièvement et je vous laisse plutôt le soin de recourir à notre document pour plus de détails.

Au sujet du rôle de l'immigration, nous désirons situer notre réflexion globale sur les questions d'immigration et de protection dans le contexte plus général d'une vision non utilitariste des humains et de la vie en société. Même si l'immigration joue évidemment un rôle important dans les politiques démographiques, économiques, sociales d'un pays comme le nôtre, nous refusons de voir dans l'immigration la seule ou même la première solution aux problèmes que nous devons affronter comme nation, donc non pas considérer les immigrants comme des moyens ou des outils nous permettant de relever des défis auxquels nous devons faire face nous-mêmes comme pays. Évidemment, il serait irresponsable de négliger nos défis de formation de la main-d'oeuvre sous prétexte que nous pouvons faire venir des travailleurs étrangers déjà formés ou d'exiger des immigrants ou des réfugiés qu'ils aillent vivre dans les régions que nos propres concitoyens trouvent de moins en moins satisfaisantes pour eux-mêmes.

Au sujet des responsabilités provinciales et fédérales, nous sommes conscients que le Québec ne peut pas intervenir sur tous les volets de son immigration et que le respect des juridictions respectives peut être un handicap à son action. Mais nous sommes convaincus que cela ne doit pas empêcher notre gouvernement d'élaborer une politique d'ensemble de l'immigration, et le dépôt du projet de loi C-31 offre actuellement certainement une excellente occasion d'intervenir plus activement sur la scène fédérale pour influencer la vision qui anime les choix canadiens de l'immigration. Les points sur lesquels le Québec devra apporter sa contribution dans le débat actuel, il y en a quelques-uns, et je vous laisse le soin de les voir dans le document à la page 12.

En ce qui concerne, enfin, la place du français en immigration, il ne faut pas minimiser les investissements qui demeurent toujours nécessaires pour mieux répondre aux besoins de francisation des nouveaux immigrants. Je pense que vous venez d'en entendre suffisamment à ce sujet-là. Mais nous rappelons que, pour que le Québec soit une société francophone, il ne suffit pas que les citoyens connaissent le français ou même sachent le parler, mais il faut surtout que ses citoyens aient l'occasion, le goût ou même la nécessité de le parler. Si le français ne devient pas la langue d'usage normale, courante ou nécessaire pour vivre en société, et là je pense en particulier à la francisation dans les milieux de travail, les mesures favorisant l'utilisation du français dans les nouvelles technologies de communication, etc., à ce moment-là on ne pourra pas vraiment parler d'une société francophone.

Je m'arrête là pour laisser maintenant la parole à Mme Garant qui va vous entretenir des aspects, je dirais, plus fondamentaux de ce que nous voulons vous présenter.

Mme Garant (Élisabeth): C'est M. Boisvert.

M. Bellefeuille (Jean): M. Boisvert.

La Présidente (Mme Barbeau): M. Boisvert.

M. Boisvert (Dominique): Est-ce qu'il faut peser là-dessus?

La Présidente (Mme Barbeau): Non, ça va.

M. Boisvert (Dominique): Alors, merci de nous avoir invités. Je vais aller très rapidement parce que le temps file rapidement. Il nous semble important de situer notre intervention comme Centre sur la question des niveaux comme tels à l'intérieur de la perspective plus générale de l'évolution de l'immigration et des questions de protection de réfugiés au plan international. C'est dans ce sens-là que vous allez comprendre pourquoi on fait la proposition qu'on fait sur les scénarios.

Très rapidement, la mobilité des personnes est un facteur qui a grandi de façon très considérable au cours des 20 dernières années en même temps que ce qu'on a appelé la «mondialisation». Et la mobilité plus grande des personnes, qu'on la trouve souhaitable ou qu'on la regrette ou qu'on essaie de la freiner de n'importe quelle façon, elle découle directement de l'évolution des choix qu'on fait sur le plan politique, sur le plan économique, et tout ça. Actuellement, on fait les choix, comme sociétés un peu partout dans le monde, de favoriser au maximum la libre circulation des biens, des services, des communications, et ainsi de suite, des capitaux, et, par contre, au niveau des personnes, on souhaiterait continuer à freiner ou à réglementer la libre circulation des personnes, ce qui pose évidemment un problème, d'autant plus que les disparités intolérables auxquelles on assiste sur le plan international ? je ne vous ferai pas de dessin là-dessus ? créent de plus en plus de pression migratoire et la rende de plus en plus irrépressible, d'autant plus que ce n'est pas juste une question de richesse matérielle, c'est une question de bien-être au sens très large du terme. Les gens qui n'ont pas de liberté de parole, les gens qui n'ont pas la possibilité d'élire leur gouvernement, les gens qui n'ont pas le moindre respect des droits humains dans leur société, et tout ça, en plus des problèmes de survie qu'ils peuvent vivre dans plusieurs pays, savent, par les moyens de communication qui sont maintenant planétaires, que la situation n'est pas une fatalité et qu'il y a moyen de vivre autrement ailleurs dans le monde. Vous ne pourrez certainement pas les empêcher d'espérer un meilleur sort que celui qui leur est fait. Et maintenant, avec les moyens de transport de plus en plus accessibles, ça prend essentiellement de la persévérance, de l'astuce, des économies qu'on trouve de toutes sortes de façons pour finir par tenter sa chance ailleurs.

Donc, à cause à la fois de la mobilité de tout, qu'on favorise, sauf la mobilité des personnes, et à cause des disparités de plus en plus intolérables qu'il y a entre surtout les pays du Nord et les pays du Sud, les pressions migratoires sont croissantes sur tous les pays du Nord. Et ajoutons à ça que les besoins de protection humanitaire suivent la même logique, mais en plus grave encore, en plus urgent, si vous voulez, que ceux de l'immigration en général. C'est-à-dire qu'il y a de plus en plus de gens qui se sentent forcés de quitter leur situation de départ, leur pays d'origine, pour des raisons politiques, sociales, religieuses, économiques, et ainsi de suite, et qui viennent chercher un refuge soit au sens de la convention de Genève, soit au sens humanitaire, au sens plus large, dans d'autres pays.

Dans ce contexte-là, le Groupe de travail sur les réfugiés, dont on a parlé tantôt, s'est penché principalement sur ces enjeux-là dans l'horizon de 15 à 25 ans, c'est-à-dire, au fond, quelles sont les tendances de fond auxquelles on assiste présentement et où est-ce qu'on s'en va, mettons, d'ici 10 à 25 ans, parce que c'est les choix qu'on fait maintenant qui vont conditionner quelle va être la situation dans 10 à 25 ans et non pas ceux qu'on fait pour l'année prochaine puis pour dans deux ans. Et on en est venu à la conviction, sur le plan du refuge, dans un premier temps ? il y a tout un document qu'on a publié là-dessus l'année dernière ? que l'utilisation actuelle des ressources, tant au niveau fédéral qu'au niveau provincial, était loin d'être optimale pour protéger le plus grand nombre de gens dans le besoin et en particulier ceux qui ont le plus besoin ? on pourra revenir là-dessus dans la période de questions ? et que la réponse, la seule réponse possible pour le moyen terme, qui venait au terme de notre analyse, c'était une implication politique, financière et humaine beaucoup plus considérable aux plans national et international des pays du Nord, y compris le Québec. Alors, ça expliquera en partie les positions qu'on va prendre sur les scénarios.

De la même façon, en matière de migration internationale ? je regarde filer le temps ? on considère que, même s'il n'est pas encore réaliste d'envisager une véritable ouverture totale des frontières à l'échelle internationale, c'est quand même dans cette direction-là qu'il faut aller, même si ça peut sembler soulever toutes sortes de défis. En passant, même M. Mulroney parlait de ça à la télévision, hier, entre le Canada et les États-Unis, à ma grande surprise.

Par contre, nous sommes convaincus, avec beaucoup d'analystes, que les mesures de contrôle et de fermeture auxquelles on assiste un peu partout dans les pays du Nord sont globalement inefficaces et se sont révélées un peu partout inefficaces. Je passe là-dessus parce qu'il faut arriver vraiment à notre position sur les niveaux.

Sur la question des scénarios qui sont proposés actuellement par le gouvernement du Québec ? et ma collègue Élisabeth Garant va vous parler plus en détail du pourquoi et du comment la proposition qu'on vous fait est défendable ? sur la question des scénarios qui sont proposés, il nous semble important de situer notre réponse à nous, de situer, au fond, la réponse québécoise à l'intérieur de la vision canadienne de l'immigration. Or, on vient de faire, on s'apprête à faire, dans un mémoire parallèle qu'on fait au gouvernement fédéral sur la loi C-31, une proposition qui vise à proposer au gouvernement libéral actuel, le gouvernement canadien libéral actuel, de mettre en pratique son propre programme politique qui visait, selon le livre rouge, à faire venir au Canada l'équivalent de 1 % de la population canadienne en immigration. Nous, on les prend au mot, on dit qu'il faudrait faire venir 1 % de la population. On applique la même chose au Québec. 1 % de la population, c'est 75 000 personnes. Donc, c'est plus que le quatrième scénario. Il faudrait viser, il faudrait tendre à ça, et, à l'intérieur du 1 %, on propose que le Canada et le Québec réservent 20 % de ce nombre-là à l'immigration humanitaire.

n (16 h 30) n

En passant, pour le Canada, ça représente une augmentation considérable de l'immigration humanitaire, réfugiés et autres, alors que, pour le Québec, En passant, pour le Canada, ça représente une augmentation considérable de l'immigration humanitaire, réfugiés et autres, alors que, pour le Québec, c'est beaucoup plus proche de ce qu'est déjà la politique québécoise, c'est-à-dire que l'immigration humanitaire au Québec représente, selon les années, et tout ça, autour de 20 %. Et, nous, on souhaite que ça demeure ça et que, même si on augmentait considérablement le nombre d'immigrants, on maintienne le pourcentage de 20 %.

C'est d'ailleurs une des critiques qu'on fait au scénario. C'est qu'actuellement, selon les quatre scénarios qui sont proposés, le nombre des réfugiés ou d'immigration humanitaire reste à peu près le même selon les quatre scénarios, ce qui fait que, plus on fait venir d'immigrants, plus la proportion de l'immigration humanitaire évidemment baisse, ce qui est une chose qu'on regrette, et on demande au gouvernement québécois de modifier cette chose-là.

Alors, ce qu'on propose donc comme position de départ, c'est essentiellement d'appliquer les mêmes critères au Québec, c'est-à-dire de tendre, non pas d'ici nécessairement trois ans, mais de se donner comme objectif avoué ? parce que ça, c'est une politique de société ? à faire venir chaque année 1 % d'immigration.

Et une des raisons importantes pour laquelle ? et je termine là-dessus ? on propose ce saut qui paraît radical ou considérable, c'est que ça nous semble... Il y a deux raisons principales. L'une, c'est la meilleure façon de sortir d'une logique défensive et répressive face à l'immigration qui est clairement celle du gouvernement fédéral dans la loi C-31 ? je vous réfère à notre mémoire au gouvernement fédéral là-dessus ? mais qui est celle de l'ensemble de sociétés des pays développés. Et là-dessus, le Québec n'échappe pas à la règle. Dans la plupart des pays développés et riches, on a une position de plus en plus frileuse face à l'immigration. On voit l'immigration autant comme une menace que comme un bienfait, et il nous semble qu'une des meilleures façons de sortir de cette logique défensive, c'est d'affirmer haut et fort que c'est un bienfait.

La deuxième chose importante pour laquelle c'est un bienfait, c'est que de faire venir 20 % d'immigration humanitaire, entre autres, c'est une façon d'affirmer clairement que l'immigration est un bienfait, pas uniquement en faisant venir la crème ou les meilleurs éléments ou la compétition pour les meilleurs cerveaux, mais qu'on cherche à faire venir une immigration diversifiée, exactement comme celle qui a construit le Québec et le Canada depuis le début de notre histoire. Et nous, on prétend que plus vous allez faire venir des gens de différents milieux ? et, en particulier, les gens pas nécessairement les meilleurs cerveaux ? plus ces gens-là vont être loyaux et attachés au pays d'accueil. Les gens qui sont uniquement l'objet de compétition entre les pays, parce que ce sont les meilleurs cerveaux et la crème de la crème que tout le monde s'arrache, sont des gens qui généralement se vendent au plus offrant dans la plupart des cas. Et on voit dans l'équipe professionnelle de sport ce que ça donne comme type de loyauté. Voilà. Donc, je passe la parole à Mme Garant.

La Présidente (Mme Barbeau): Mme Garant, il reste à peu près quatre minutes.

Mme Garant (Élisabeth): Oui. Alors, simplement pour prolonger notre proposition par rapport au niveau d'immigration en disant que ce n'est évidemment pas d'ici trois ans qu'on s'attend à ces résultats-là, mais que ça indique le type d'actions que le gouvernement doit prendre dès maintenant.

Et ça nous amène à parler d'un certain nombre de conditions qui nous semblent nécessaires pour réaliser cette politique d'immigration qui soit plus ouverte, plus audacieuse et plus généreuse. Il y a certainement une foule de moyens. Il nous a semblé important d'en indiquer quelques-uns et de réfléchir davantage sur ceux-ci.

La première condition qui nous semble incontournable est celle de bâtir une opinion publique favorable. Alors, la proposition d'augmenter les niveaux, quelque en soit le nombre, demande une volonté de créer une opinion publique favorable et de sensibiliser la population aux nouveaux enjeux que pose l'immigration. Il y a actuellement un discours sur la fermeture des frontières qui tend à vouloir sécuriser, faire croire que c'est une solution. Nous pensons qu'il faut utiliser une autre approche pour rallier la population à une meilleure compréhension des enjeux d'immigration, faire comprendre l'évolution des mouvements migratoires, faire comprendre aussi la responsabilité québécoise et canadienne à l'intérieur de cette réalité.

Et, en ce sens, il y a aussi, par rapport à l'opinion publique, toute la question des rapports harmonieux, des relations entre la population. Alors, beaucoup d'initiatives ont démarré, sont faites à différents niveaux, mais doivent être renforcées et continuées. On mentionne la question du jumelage, mais il y a beaucoup d'autres exemples et initiatives qui doivent être promus afin de faire en sorte que la différence, la diversité fasse partie d'une acceptation réelle et complète au sein de la population québécoise.

La deuxième dimension est évidemment celle du financement. L'augmentation de l'apport en immigration ne peut pas se faire et est difficile dans un contexte de coupures budgétaires, d'investissements minimums. Alors, nous pensons que l'augmentation que l'on suggère demande que nous acceptions dès maintenant d'investir au niveau des ressources financières, des ressources humaines, pour renforcer les politiques d'accueil à différents niveaux. Et, en ce sens-là, il y a une grande partie du travail d'accueil, de francisation qui est fait à partir des argents du programme accord fédéral-provincial. Nous l'avions déjà dit, nous le répétons, il y a une réflexion à faire au niveau du gouvernement du Québec sur sa responsabilité par rapport à l'investissement qu'il fait sur sa propre base à cette question, la jugeant prioritaire et importante pour l'avenir.

Et, dans cette foulée-là, le soutien aux organismes communautaire nous semble de premier ordre. Les organismes, je pense, sont en grande majorité d'accord à ce que la population, à ce que eux-mêmes veulent une plus grande ouverture à l'immigration, mais sont aussi conscients des services qu'ils sont en mesure de donner actuellement, compte tenu de la condition de travail dans laquelle ils sont. C'est un élément important de réflexion sur le financement.

La dernière condition que l'on a identifiée comme étant prioritaire est celle évidemment de relever les défis de régionalisation. Le document parle rapidement de cette question. Il y a eu des efforts importants qui ont été faits. Il y a des questions très difficiles et complexes qui se posent. On constate que des efforts supplémentaires seraient certainement à faire auprès des organismes et des services qui existent en région. Mais, fondamentalement, il y a la réflexion de fond, qu'on avait déjà soulevée, qui est de dire: Est-ce que nous voulons, comme population et comme gouvernement, nous doter d'une véritable politique d'occupation du territoire sans laquelle il est à notre avis impossible de penser qu'une régionalisation de l'immigration va se réaliser de l'ampleur et selon les objectifs qu'on semble vouloir poursuivre et qui nous semblent aussi nécessaires?

Je passe rapidement, mais je veux en dire quand même quelques mots, sur la question de la protection des réfugiés. La réflexion que M. Boisvert mentionnait tout à l'heure par le Groupe de travail sur les réfugiés nous a amenés à questionner beaucoup le rôle actif que devaient prendre de plus en plus les pays sur cette question-là au plan international, autant au niveau de la réflexion qu'au niveau des ressources. Alors, on invite évidemment le Québec à faire aussi sa contribution à ce niveau-là, et je pense qu'il a la possibilité de développer progressivement un leadership à ce niveau-là.

La protection des réfugiés de l'immigration, elle repose...

La Présidente (Mme Barbeau): En terminant, s'il vous plaît.

Mme Garant (Élisabeth): ...sur deux logiques différentes. Alors, on propose dans le mémoire de se dissocier progressivement de la vision qui dit qu'il faut tenir compte de notre capacité d'intégration pour la protection des réfugiés. Les réfugiés n'obéissent pas à une logique d'immigration. Il faut que nous nous départissions de cette vision par rapport à la protection. Et, en ce sens-là, un mot très rapide sur le parrainage collectif, qui est absent du document, qui nous semble un pas très intéressant du Québec, mais qui a de la difficulté à se réaliser pour toutes sortes de raisons. Je sais que des efforts ont été faits, mais ils doivent être multipliés. C'est une des pistes intéressantes et importantes du Québec par rapport à cette option de protection des réfugiés.

Et je termine en rappelant que nous avons mis, à la fin, des orientations qui nous semblaient formuler davantage nos souhaits pour l'immigration à venir, beaucoup plus que celles qui se retrouvent en page 19, qui reprennent l'importance de l'implication du Québec, l'importance d'une vision de l'immigration qui ne repose pas seulement sur une vision utilitaire, qui demande une augmentation du volume total d'immigration, qui demande une immigration diversifiée, et non l'élite et les meilleurs des meilleurs, et le maintien, le renforcement des acquis du français et de cette influence dans nos choix d'immigration.

Alors, tout simplement pour conclure, nous avons besoin, et nous le croyons fortement, d'une approche neuve, dans nos choix en immigration. Cela exige que nous y mettions les ressources adéquates pour le faire maintenant, pour préparer un avenir qui nous semble nécessaire, incontournable. Et, si on ne le fait pas maintenant, nous risquons d'être encore beaucoup plus en retard par rapport à notre capacité de répondre à cette réalité internationale.

La Présidente (Mme Barbeau): Merci beaucoup. Alors, nous allons maintenant passer à la période d'échanges. M. le ministre.

M. Perreault: Merci, Mme la Présidente. Bienvenue. Merci d'avoir pris la peine de présenter ce mémoire qui est un mémoire bien articulé, solide évidemment et qui s'intéresse surtout à cette dimension de l'immigration qui est davantage probablement celle des réfugiés, même si vous soulevez aussi bien d'autres considérations.

n (16 h 40) n

Je dois dire que je lis avec intérêt certaines de vos remarques. Vous souhaitez que le processus de détermination du statut de réfugié par le gouvernement fédéral soit plus efficace. C'est une des revendications de beaucoup de monde. En tout cas, ç'en est une des miennes sûrement dans l'intérêt des personnes comme dans l'intérêt des États.

Vous proposez qu'il y ait une renégociation des champs de compétence en vue d'accroître les responsabilités du Québec en matière de travailleurs temporaires. Cette demande est à Ottawa depuis un certain temps, avec le succès qu'on lui connaît.

Et, quand je vous écoute, je dois dire que je demeure un peu perplexe en vous entendant pour la raison suivante. À plusieurs reprises, vous soulignez les limites de l'action du Québec dans le contexte constitutionnel actuel, mais en même temps vous souhaitez que nous nous comportions comme un État. que nous fassions des pressions au plan international, que nous convainquions le Canada de politiques, etc. C'est une grosse commande d'être à la fois une province et un État. Quant à moi, je choisirais, mais malheureusement les Québécois n'ont pas choisi. Vous n'avez pas choisi.

Une voix: ...

M. Perreault: Ah, bien, parce que c'est important parce que je pense qu'on ne réglera pas les problèmes de l'immigration au Québec sans faire la souveraineté du Québec. C'est ma conviction profonde. Il n'est pas possible de réaliser la contradiction fondamentale dans laquelle on est et par laquelle on place les immigrants sans régler la question constitutionnelle. C'est impensable.

Et ça m'amène un peu à vous poser une question parce que vous êtes un groupe évidemment qui avez à l'égard de ces questions une approche humanitaire que je peux spontanément partager. Mais, comme ministre responsable, d'avoir à tenir compte des contraintes de la vie publique et des sociétés et de l'histoire, parfois j'ai un petit peu de misère à vous suivre. Vous savez, 1 % par année, si on voulait s'aligner là-dessus, ça veut dire en dedans de 10 ans à peu près 1 million de personnes supplémentaires.

Dans un contexte où vous dites: Bien sûr, il faudrait maintenir tous nos objectifs, maintenir nos objectifs de la capacité de la population de bien accueillir, maintenir nos objectifs d'être capables de les intégrer en français, maintenir nos objectifs... Il faut tous les maintenir sans avoir rien réglé pour autant sur d'autres considérations. Est-ce que vous ne demandez pas un peu l'impossible?

M. Boisvert (Dominique): Ce qu'on dit sur la question constitutionnelle, on l'a répété à plusieurs reprises, c'est qu'on considère que, oui, il y a des problèmes réels de champs de compétence, mais que, non, ce n'est pas une excuse derrière laquelle le gouvernement du Québec quel qu'il soit, du Parti québécois ou du Parti libéral, peut s'abriter pour dire: Bien écoutez, on ne peut rien faire, il y a des questions de champs de compétence.

C'est sûr que c'est l'objet de négociations. Faire les demandes, c'est quelque chose de permanent. Le rôle que le Québec peut jouer en termes de leadership à l'intérieur de la fédération comme vis-à-vis de... Au niveau international, on a eu plusieurs exemples dans le passé, au cours des 30, 40 dernières années, où le Québec, sur un certain nombre de dossiers, a choisi d'exercer plus de leadership. Nous, ce qu'on vient vous répéter aujourd'hui, ce qu'on a dit à plusieurs autres tribunes sur les questions d'immigration, c'est: Dans ce domaine-là qui est, par définition, international et où le Québec a, par définition, un rôle compliqué, handicapé par son statut par rapport à ce que le gouvernement actuel souhaiterait, ça, c'est clair, malgré ça, le gouvernement du Québec, de quelque allégeance qu'il soit, a la responsabilité d'exercer plus de leadership à l'intérieur de la fédération et au plan international pour amener, contribuer, je dirais, à faire avancer ces questions-là.

Si on veut, sur les questions de migration internationale comme sur les questions de protection humanitaire, qu'on soit rendu un petit peu plus proche de solutions à moins courte vue ou de solutions un peu plus acceptables dans cinq ans ou dans 10 ans, il faut dès maintenant pousser des idées. Ça ne veut pas dire qu'on va les réaliser cette année puis même dans trois ans. Mais c'est ces directions-là dans lesquelles il faut aller dont on vient vous parler aujourd'hui.

Même chose pour le 1 %. On est très conscients que c'est impensable de faire venir 1 % l'année prochaine. Vos fonctionnaires ne seraient pas capables de les faire venir même si vous vouliez. Ça, c'est clair. Mais on pense qu'il faut sortir d'une logique défensive dans laquelle le Québec, comme la plupart des autres provinces canadiennes, comme certainement le Canada, comme certainement la plupart des pays occidentaux, se sont enfermés graduellement de plus en plus, une logique défensive et répressive qui vise ? on parle de la forteresse Europe, par exemple, ou ce genre de chose-là ? essentiellement à tenter d'empêcher les gens de venir, que ce soient les potentiels revendicateurs de statut ou que ce soient les immigrants qui viennent par des canaux plus ou moins réguliers. Et on espère trouver une solution de cette façon-là. Or, partout, elle ne marche pas. Et c'est pour ça qu'on dit dans notre document, comme on le dit au fédéral d'ailleurs, que la fonction principale de ces mesures répressives là, c'est d'essayer de sécuriser la population et de lui donner l'illusion qu'on s'occupe bien de ses frontières. Mais dans la pratique, ce n'est pas très efficace nulle part, et donc on dit: C'est dans une autre direction qu'il faut aller.

Ceci dit, on est très conscient que le mémoire qu'on vous présente, il parle de l'orientation dans laquelle il faut aller pour les trois, cinq, 10 prochaines années. Et, dans ce sens-là, c'est pour ça qu'on vous dit, à la question que vous nous posez, lequel des scénarios: le quatrième, c'est le plus proche. Mais, à l'intérieur du quatrième, on dit: Ne plafonnez pas les réfugiés toujours aux mêmes normes, c'est-à-dire 7 500, 8 000, mais gardez le même pourcentage que vous avez quand c'est le premier scénario, donc autour de 20 %. Alors, on répond à la fois à votre question précise, mais on essaie de le faire dans une orientation qui est à plus long terme.

M. Perreault: Un dernier commentaire, M. le Président. Bien, je me permettrai de vous dire que, évidemment, le nombre de personnes qui sont prêtes à cogner à la porte du Québec ou du Canada, il est élevé. À la limite, il est de plusieurs millions.

M. Boisvert (Dominique): Peut-être.

M. Perreault: Et, évidemment, il faut être capable de gérer ce mouvement, notamment. Et, de ce point de vue là, je dois vous dire que la capacité d'accueil de la société, quant à moi, doit demeurer un critère que nous avons. J'ai cru comprendre d'ailleurs que vous êtes d'accord. C'est plus, vous dites, quand on sélectionne des réfugiés, là, que c'est un autre type d'analyse qui doit être fait.

Mais je vous signale quand même ceci. Je suis obligé de vous dire que, à moins que je vous aie mal compris, nos scénarios qui sont sur la table vont faire en sorte que le Québec aura toujours et encore plus de 20 % des personnes qu'il accueillera qui seront des réfugiés, dans les scénarios que nous mettons de l'avant, à toutes fins pratiques, parce que nous sommes à au-delà de 22 %, 23 % actuellement.

Et, d'autre part, il y a le mouvement fédéral que nous ne contrôlons pas. Si on suit vos chiffres et que le fédéral devait augmenter de 1 % et doubler sa proportion des réfugiés, si ça s'incarne de la même façon sur le territoire du Québec, on va être rendu à 27 %, 28 %, 29 %. Est-ce qu'il n'y a pas à un moment donné une limite à la capacité d'une société? Je ne dis pas, à la limite, je veux dire, si tout va bien au Québec, s'il n'y a pas de problèmes, on peut bien rajouter 1 million de personnes demain matin, en principe. Ce n'est pas un problème de principe. Il y a des difficultés pratiques, pratiques.

Alors, moi, je vous signale juste que, si on suit vos scénarios à la fois que le fédéral bouge de son côté puis qu'on maintienne nos efforts, on va se retrouver en haut de 25 % de personnes qui sont issues de la catégorie des réfugiées. Est-ce que ce n'est pas un peu beaucoup, tout en reconnaissant nos obligations de solidarité? Parce qu'on ne contrôle pas, encore une fois, pour l'instant... On n'est pas un pays, on n'est pas aux tables internationales. On contrôle un partie. Je veux bien croire qu'on peut faire des représentations, mais on ne peut pas, nous, agir indépendamment de ce qui se passe à côté, c'est des vases communicants.

Mme Garant (Élisabeth): C'est sûr qu'il y a la partie ? pensons particulièrement aux réfugiés ? des revendicateurs sur laquelle ce sont des chiffres approximatifs et on ne sait pas ce qui va arriver. Mais je serais curieuse de connaître le détail des chiffres du quatrième scénario, parce qu'on ne peut pas connaître dans le détail qu'est-ce qui, au niveau de la portion famille, pourrait se retrouver de la catégorie humanitaire. Mais, actuellement, le quatrième scénario n'est pas de 20 % au niveau de l'assistance humanitaire. Je pense que c'est le cas maintenant dans notre pratique actuelle. C'est le cas dans certains scénarios, mais le scénario 4, il faudrait le pousser plus loin. Mais ce qu'on vous dit, si c'est le cas, il faut vraiment maintenir ça. Il faut en faire une priorité, de maintenir le 20 % d'assistance humanitaire.

La seule mention que je voudrais faire. Sur les revendicateurs, on ne peut pas évaluer les chiffres, mais il y a une partie qui n'est pas la plus importante, mais qui est une partie significative en termes de choix que fait le Québec, qui est les réfugiés qu'ils sélectionnent à l'étranger. Je pense qu'il ne faut pas négliger et faire abstraction de cette dimension-là; je pense qu'il faut travailler à la maintenir, à l'ouvrir dans la mesure où les chiffres vont correspondre. Ce qu'on ne veut pas, c'est une immigration qui ne soit qu'une immigration indépendante qui croît et qui ne tient pas compte d'une capacité aussi du Québec de donner sa part par rapport à l'immigration humanitaire que l'on juge très possible à réaliser à 20 %.

n (16 h 50) n

M. Perreault: Juste pour terminer, pour qu'on se comprenne bien, c'est important qu'on saisisse ça, regardez bien. Notre scénario, il ne prévoit pas, dans notre esprit ? à moins qu'on ne se soit trompé ? une baisse réelle des gens que nous accueillons comme réfugiés. Mais, si on devait vous suivre et, au-delà de notre propre augmentation, encourager le gouvernement canadien à augmenter à 1 % et à doubler à toutes fins pratiques le nombre de sa catégorie réfugiés, ça a des effets chez nous aussi, c'est des vases communicants. Alors, je vous signale juste ça. Pour le reste, on s'entend, je pense.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le ministre. M. le député d'Outremont.

M. Laporte: M. le Président, le ministre s'acharne à vouloir nous convaincre que, si le Québec était souverain, ses choix seraient différents. Moi, j'en doute, parce que le ministre, il a fait son lit, et son lit, c'est la priorisation de l'immigration économique. Et que le Québec soit souverain, ou fédéraliste, ou fédéralisé, ça va être toujours les mêmes choix. Ce sont les choix du vice-premier ministre, de Bernard Landry, et c'est les choix fondamentaux du gouvernement du Québec.

Donc, je vous ferai remarquer, madame ? moi, je ne porte pas de jugement de valeur, là ? je vous dis que l'immigration humanitaire, ce qu'il appelle l'«immigration humanitaire», quand je regarde vos statistiques, je trouve que c'est pas mal rentable. Alors, moi, j'aurais peut-être moins de réserve là-dessus que vous. Mais vous êtes vraiment bien loin du ministre, parce que, évidemment, le 1 %, 75 000, on peut débattre de ça, mais sur le...

Écoutez, là où vous êtes très loin du ministre, c'est que, dans leurs prévisions de scénarios 2001, 2002, 2003, si mes calculs sont exacts: 2001, 7 900 humanitaires, dans le scénario 1; 2002, 7 900; 2003, 7 600. Donc, vous, vous souhaiteriez qu'on augmente l'immigration des réfugiés. Eux autres, ils la descendent. Sauf dans le scénario 4, où, là, ils passent de 7 900 à 8 001, et à 8 001 en 2003. Donc, vous n'êtes pas du tout sur la même longueur d'onde avec le ministre, il faut en convenir, là. Nous autres, on n'est pas au gouvernement. Donc, on n'a pas à savoir si vous êtes sur la même longueur d'onde que nous autres.

Moi, je pense que les arguments du ministre ne tiennent pas, mais, ça, c'est une autre question. Je l'entends répéter que, si nous étions souverains, ça serait différent. À mon avis, si nous étions souverains, ça serait pas mal la même chose. Et j'aimerais vraiment qu'il nous fasse la preuve que ça serait différent si on était souverain. À mon avis, il ne serait pas capable de la faire. Donc, est-ce que vous êtes bien d'accord avec moi pour dire que vous n'êtes pas sur la même longueur d'onde, là? Et vous n'êtes pas les seuls, c'est-à-dire qu'il y a ici une ? comment dirais-je? ? polarisation qui s'est faite entre les groupes qui sont venus nous rencontrer et qui, disons, privilégient, ou enfin qui affirment le besoin d'une immigration humanitaire, et ceux qui disent: Non, il faut une immigration économique. Et vous n'êtes pas sur la même longueur d'onde.

Sauf que, dans mon cas, ce que je dis, c'est que les données du ministère semblent démontrer ? puis, là, peut-être que, plus tard, elles viendront nous démontrer le contraire ? que l'immigration humanitaire, ce n'est pas une charge. Ça me donne l'impression d'être une aubaine extraordinaire pour le Québec. D'abord, ils restent au Québec, à l'exception de certains autres immigrants qui restent beaucoup moins. Et, ensuite de ça, mon Dieu, au fur et à mesure des années, ils deviennent des Québécois comme tout le monde. Puis ils participent à la croissance démographique puis à la croissance économique, puis ainsi de suite. Donc, c'est plus qu'une question d'être humanitaire ou de ne pas être humanitaire, c'est une question de faire des choix stratégiques, que le ministre a faits. Puis, qu'est-ce que vous voulez, ils vont vivre avec, et, moi, ces choix stratégiques, ce ne sont pas les miens. Ce ne sont pas les miens.

Mais le ministre ne me convaincra pas qu'il est dans une espèce de carcan constitutionnel et que, sorti de ce carcan constitutionnel, il serait un homme capable de faire les vrais choix. Il ferait les mêmes choix, sauf avec un petit peu de modulation peut-être, mais les tendances seraient les mêmes. Donc, vous êtes bien conscients que vous n'êtes pas sur la même longueur d'onde avec le ministère? Êtes-vous bien conscients de ça, là?

M. Boisvert (Dominique): Non. Là-dessus, on va être limpide. Si on venait débattre des projets constitutionnels... Le Centre a déjà été associé à des positions constitutionnelles dont on ne débattra pas aujourd'hui. Bon, ça, c'est une chose.

Sur la question de l'immigration, malgré nos choix constitutionnels, on a toujours dit au gouvernement québécois, qu'il soit libéral ou qu'il soit du Parti québécois, qu'on estimait que le gouvernement québécois pouvait et devait prendre plus de place en matière d'immigration. On continue à le dire.

Sur la question de la répartition entre l'immigration économique et l'immigration humanitaire, ce qu'on a dit tantôt, c'est que, d'après les chiffres... Et, moi, j'ai travaillé beaucoup sur les fameuses statistiques en matière d'immigration puis de refuge pour préparer le dossier qu'on a fait l'année dernière sur les questions d'immigration. Il n'y a rien de plus compliqué que des chiffres en matière d'immigration: selon les années que vous utilisez, selon les bases de référence, selon les sources. J'ai travaillé avec les experts du ministère québécois et du ministère fédéral. Ça a pris des heures incalculables pour arriver à des choses approximativement correctes. Bon. Alors, on ne rentrera pas là-dedans aujourd'hui; on n'en sortira pas.

Ce qu'on dit, par contre, il me semble que c'est limpide, c'est que les chiffres actuels du gouvernement canadien, quelle que soit la façon dont on les calcule, la portion qu'on peut attribuer à l'immigration humanitaire est loin de constituer 20 % des immigrants au Canada. Ce qu'on dit, c'est qu'au plan québécois la portion qu'on peut attribuer à l'immigration humanitaire par rapport à l'ensemble de l'immigration est beaucoup plus proche de 20 %, dépendant des années des fois. Ça le dépasse des fois. C'est un peu plus, un peu moins. Mais c'est beaucoup plus proche de 20 %.

Ce qu'on dit au gouvernement québécois c'est: Bravo pour ça, continuez ça. Contrairement à ce qui est annoncé dans les scénarios où vous avez l'air ? et on peut chicaner sur les statistiques ? en gros de plafonner l'immigration humanitaire, même si l'ensemble de l'immigration augmente, et forcément à ce moment-là la proportion diminue avec l'augmentation totale, on dit: Ce qu'on vous demande clairement, c'est de maintenir le pourcentage de 20 %. Oui, il faut tenir compte de l'impact de ce sur quoi on n'a pas de contrôle au niveau fédéral, mais ce qu'on donne comme indication claire, c'est: Donnez-vous comme objectif, puis annoncez-le à la population québécoise, que vous visez à garder 20 % de l'immigration du côté humanitaire.

Et, là-dessus, il y a une chose absolument limpide, sur les pouvoirs ou les non-pouvoirs du gouvernement du Québec dans ces champs de compétence. Si on regarde, par exemple, la politique d'occupation du territoire, toute la fameuse question de la régionalisation, ça dépend en très, très grande partie du gouvernement du Québec. Je ne dis pas qu'il n'y a aucune incidence fédérale, mais je dis que ça dépend en très grande partie du gouvernement du Québec.

Or, on se plaint, et on l'a dit à plusieurs reprises, en différentes commissions parlementaires et dans d'autres lieux, que le gouvernement québécois n'a pas, à notre avis, de véritables politiques d'occupation du territoire pour sa population québécoise. Est-ce que nous voulons avoir une région de l'Abitibi très bien développée, de la Gaspésie très bien développée, etc., ou si nous subissons les effets de l'exode rural, et ainsi de suite? Bon. Et on dit: Tant que le gouvernement québécois ne se donnera pas de véritables politiques, et ça c'est de sa responsabilité, c'est très difficile d'espérer que les immigrants vont s'en aller en région puis vont rester, puis etc. Alors, c'est ça qu'on dit au gouvernement québécois, quelle que soit son allégeance et quels que soient les carcans constitutionnels.

M. Laporte: Juste un commentaire pour terminer. Je ne parle pas de pourcentage parce que je ne les ai pas calculés ? c'est-u de 20 %, 18 %, 19 %, 21 % 22 % là ? mais ce qui est sûr, à partir des statistiques qu'il y a là-dedans, c'est que l'immigration humanitaire, ils ne sont pas en train de la plafonner, ils sont en train de l'abaisser. Elle passe de 7,9 % à 7,6 %, 7,9 % à 7,6 %, 7,9 % à 7,6 % et 8,1 % ? le 4, le scénario que le ministère ne veut pas avoir, c'est bien marqué dans le livre, c'est une espèce d'épouvantail à corneilles ? 7,9 %, 8,1 %, 8,1 %.

Donc, ça va à l'encontre, je pense, de votre souhait, de votre conception du souhaitable à l'effet que l'immigration humanitaire soit une immigration accrue dans le temps. Elle ne le sera pas, si je tiens compte du scénario, elle est à la baisse. C'est la réalité.

M. Boisvert (Dominique): ...pourcentage en passant. On veut maintenir le pourcentage.

M. Laporte: Oui, mais on parle de chiffres absolus, là.

Le Président (M. Beaulne): Oui, brièvement.

Mme Garant (Élisabeth): Je pense que je peux ajouter une dernière chose. Par rapport à l'ensemble de l'immigration, ce qu'on veut qui soit clair dans le mémoire et dans notre position, c'est que nous savons que l'immigration a différents volets. Nous croyons qu'elle doit être maintenue. Mais nous ne voulons pas qu'un pôle de l'immigration, que les gens d'affaires ou qu'une classe de travailleurs très qualifiés soient, à court terme comme à long terme, plus privilégiés que d'autres dans notre répartition au niveau de l'immigration.

Nous croyons à une immigration diversifiée. Nous croyons que, si nous voulons construire le Québec avec, en tenant compte de la dimension aussi de l'immigration, mais non pas par l'immigration, il faut que cette diversité soit favorisée et que c'est un élément les gens d'affaire, c'est un élément les gens très qualifiés, mais ça ne doit pas être la priorité des priorités du gouvernement.

Le Président (M. Beaulne): M. le ministre.

M. Perreault: Oui, bien, juste pour terminer là-dessus puis entrer sur autre chose, je pense que ? vous le dites avec raison, et je vous comprends bien ? vous souhaitez qu'on maintienne l'effort relatif. Je vous indique cependant que, si ? et je termine là-dessus, sur ce volet ? on devait suivre à la lettre vos recommandations, tant en augmentant au Québec à 1 % qu'en demandant au fédéral d'augmenter à 1 %, là, on ne serait plus dans ces choses-là.

Je comprends ce que vous dites, c'est: Il nous appartient en conséquence de moduler les choses, puisque, si on se retrouvait à un doublement des chiffres fédéraux sur le territoire du Québec, bien, vous êtes bien conscient qu'à ce moment-là ce ne serait plus les mêmes chiffres.

Mme Garant (Élisabeth): C'est ça. Il faut tenir compte aussi de la contribution de chacune des provinces qui n'est pas une répartition équitable actuellement.

n (17 heures) n

M. Perreault: C'est ça. Et c'est en ce sens-là que je disais: Votre mémoire, si on le suivait à la lettre, il ouvre des perspectives très larges et, si je comprends bien, plus larges que ce que sont vos souhaits réels. Alors, j'entends que vos souhaits réels sont autour de 20 %. Disons que je le reçois comme ça.

M. Boisvert (Dominique): Quel que soit le nombre, on souhaite une augmentation considérable du total et le maintien du pourcentage d'immigration humanitaire, ce qui va faire une augmentation du nombre.

M. Perreault: En étant toujours conscient que, tant et aussi longtemps que certaines questions ne sont pas réglées, bien, il y a des vases communicants, et qu'on est tributaire des politiques des uns et des autres.

Moi, je voudrais vous emmener sur un autre terrain. Vous soulevez une question intéressante, vous posez le problème de la régionalisation, de ses difficultés. Ça m'amène d'ailleurs à dire tout de suite qu'il n'y a rien dans le mémoire, ni dans ce qu'on a dit à date qui laisse entendre que ma compréhension de la suite des choses, c'est que, demain matin, les immigrants seront tous en région. Je pense qu'il y a moyen de faire un effort plus important, mais ça demeure relatif. Je pense que Québec peut faire plus. Ça demeure relatif. C'est toujours, bien sûr, la métropole qui va jouer la plus grande part. Et vous dites avec raison qu'une politique d'immigration ne peut pas remplacer une politique de peuplement. J'ai une réunion avec mes collègues des régions, c'est mon point de vue. On s'entend là-dessus.

Mais, si j'ai bien compris ce que vous dites dans votre mémoire, autour des pages 12 et 13, vous soulignez que, pour ce qui est de la régionalisation, on devrait peut-être moins faire affaire avec les immigrants qu'avec les personnes issues de l'immigration, les Québécois et Québécoises installés ici depuis quelques années, issus de l'immigration, donc qui ne sont pas des immigrants. On est immigrant pendant trois ans, après ça on est Québécois, une fois qu'on a atteint sa citoyenneté. J'aimerais vous entendre parler un peu de ça, pour l'instant, pour l'instant.

Mme Garant (Élisabeth): Ce qu'on dit, c'est qu'il y a évidemment des contraintes humaines très compréhensibles aux gens qui sont nouveaux arrivants dans leur capacité de demeurer en région pour un certain nombre de raisons. Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas faire d'effort pour permettre à ces gens-là aussi d'être en région, mais que l'idée d'une politique de régionalisation plus large, d'occupation du territoire plus large devrait concerner l'ensemble de la population et la population n'étant pas comprise comme étant uniquement l'expression de francophones de souche, mais la population québécoise dans son ensemble où les gens issus de l'immigration qui ont une expérience du Québec plus grande pourront, eux aussi, se retrouver présents à l'intérieur de cette présence en région beaucoup plus grande.

L'idée qui est présente et qu'on avait déjà dit, d'ailleurs, il y a trois ans, c'est de ne pas regarder uniquement la régionalisation de l'immigration comme étant ceux qui arrivent et qui doivent aller en région immédiatement, mais de penser comment, dans une réflexion plus globale d'une population qui va aussi être intéressée à vivre en région, permettre à des gens de vivre en région et, à l'intérieur de ça, trouver une façon de regarder les possibilités pour que des gens qui ont une plus longue expérience du Québec, issus de l'immigration, puissent se retrouver présents en région.

M. Perreault: Une autre question. Dans ce contexte là, dans le contexte politique et linguistique du Québec, vous êtes quand même des gens qui avez beaucoup réfléchi à ces questions, 1 % par année sur 10 ans avec l'effet d'entraînement, familles, 1 million de personnes, s'ils devaient tous s'installer dans la région de Montréal, vous y voyez un problème ou pas?

M. Boisvert (Dominique): En fait, ça aussi, on revient là-dessus chaque fois qu'on vient en commission parlementaire. On dit que le problème de la métropole, ce n'est pas un problème d'immigration. Oui, en matière d'immigration, il y a une très forte concentration dans la métropole, c'est indiscutable. Mais le problème de l'attrait que la métropole exerce, qui fait qu'il y a 3 millions de personnes dans la région de Montréal, ce n'est pas parce qu'il y a 3 millions d'immigrants dans la région de Montréal, c'est parce que tout le monde veut aller s'installer là pour toutes sortes de raisons. Puis là, actuellement, on est en train de construire, en tout cas, certains de vos collègues prévoient construire plus d'autoroutes pour pouvoir désengorger tout ça, puis ce n'est pas ça qui va régionaliser en Abitibi. Bon, on s'entend là-dessus.

M. Perreault: On a même entendu parler de pont.

M. Boisvert (Dominique): Et de pont, etc.

M. Perreault: On n'en entend plus parler.

M. Boisvert (Dominique): Bon. Ceci dit, ce qu'on dit, nous, c'est que, si le gouvernement québécois ? encore là quelle que soit son allégeance ? souhaite que l'ensemble du territoire québécois soit occupé, il faut qu'il prenne des mesures pour ça; ça ne se fera pas tout seul. La dynamique naturelle, entre guillemets, la fameuse dynamique du marché, comme ils l'appellent, là, ça va tout attirer autour des grands centres. Montréal et quelques autres grands centres. Puis, dans dix ans d'ici ou dans 25 ans d'ici, ce ne sera pas 3 millions qu'on va avoir autour de Montréal, ça va être 5 millions. Puis la Gaspésie va être encore plus dépeuplée puis les autres régions aussi. C'est-u ça que le gouvernement du Québec veut pour son territoire ou pas? S'il prend des mesures pour que ce soit non seulement possible de continuer à vivre à Gaspé ou au Lac-Saint-Jean ou à Senneterre ou que sais-je encore, ça va être possible pour ceux qui habitent là actuellement. Si ça peut même devenir potentiellement intéressant ? on ne parle pas des médecins encore, là ? de vivre là, ce qu'on dit, c'est que ça va être aussi intéressant pour des gens qui ont immigré au Québec et que, possiblement, ce serait dans la logique des choses que des gens qui ont des racines plus courtes au Québec, qui sont arrivés ici il y a deux, trois, quatre, cinq ans, etc., vont peut-être, si c'est intéressant d'aller vivre à Gaspé ou beaucoup plus proche, à Trois-Rivières ou ailleurs, avoir le goût d'aller y vivre ou d'aller y travailler autant sinon plus que des gens de souche, pas de souche qui sont à Montréal depuis 50 ans. Bon.

C'est dans ce sens-là qu'on dit que, parmi les immigrants, quand on parle de régionalisation, on pense spontanément à ceux qui arrivent puis qui n'en n'ont pas, de racines du tout. Ce qu'on dit, c'est que l'étude sur le terrain montre qu'en général ceux qui arrivent pour la première fois, à cause de tous les problèmes de déracinement puis de besoin de se trouver un minimum de gens qui parlent leur langue puis de la nourriture, puis toutes ces affaires-là, c'est peut-être ceux qui ont le plus besoin de se retrouver avec des communautés semblables, et donc dans les grands centres.

Alors, ce n'est pas une mauvaise chose de les inviter à aller ailleurs, mais ce qu'on dit, c'est que ce n'est pas surprenant qu'un grand nombre revienne dans des grands centres et que, s'il faut régionaliser, il faut peut-être mieux regarder autant dans les gens qui ne sont pas immédiatement arrivés, y compris la population québécoise d'origine. Et donc, dans ce sens-là, c'est une politique d'occupation du territoire que ça prend et non pas de se décharger de notre problème de politique de territoire uniquement sur les immigrants en disant: Eux autres, ils n'ont pas de racines, on va les envoyer vivre à Senneterre.

Le Président (M. Beaulne): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, madame et messieurs du Centre justice et foi, c'est un mémoire extrêmement intéressant. Ça élève le débat: vision humanitaire, contexte international. Ça nous permet de mieux comprendre un peu les enjeux auxquels nous faisons face non seulement tout seuls, l'intérieur du contexte canadien et du contexte international.

Je me permets, M. le Président, de faire quelques commentaires sur les interventions du ministre, parce que, depuis hier, il fait des allusions au contexte fédéral et nous avons abordé ce débat avec un certain désintéressement pour la ligne partisane jusqu'à maintenant.

Juste lui rappeler qu'il y a, en fait, des réalités qu'il faut comprendre. Le Québec a pris l'initiative comme gouvernement de se donner les outils pour gérer le dossier de l'immigration. C'est la seule province au Canada qui a, d'ailleurs, créé un ministère de l'Immigration au niveau provincial, ce n'est pas peu dire, et qui s'est donné des politiques, des programmes, des services pour accueillir les nouveaux arrivants tout en restant à l'intérieur du Canada.

C'est également le gouvernement du Québec, j'en suis fière, c'est mon gouvernement qui a adopté la politique en matière d'immigration et d'intégration qui fait consensus au Québec et sur laquelle vous vivez comme héritage. Je suis très heureuse, parce que ça démontre le consensus qu'il y a sur ce dossier.

C'est également le gouvernement du Québec qui a signé une entente avec le Canada et qui est une référence, l'Entente Québec-Canada, en vertu de laquelle on est allé chercher 90 millions pour trois ans pour accueillir les nouveaux immigrants sur une base de 40 000 immigrants par année. Et ça, cette entente-là est toujours en vigueur. Donc, le gouvernement fédéral contribue à hauteur de 90 millions pour le financement des services linguistiques et services d'intégration des nouveaux arrivants au Québec.

Ceci étant dit, je voudrais, étant donné qu'on va continuer le débat la semaine prochaine, qu'on reste dans les enjeux.

Une voix: ...

Mme Houda-Pepin: Voilà. Voilà. Je voudrais revenir au mémoire qui est d'ailleurs très intéressant. Vous dites qu'il n'est pas nécessaire d'apprendre le français pour s'intégrer, pour avoir le goût de le parler. Il faut avoir le goût, finalement, de vivre au Québec en français.

Moi, j'ai une préoccupation par rapport évidemment aux nouveaux arrivants, l'immigration francophone. J'ai eu l'occasion d'échanger là-dessus durant les deux derniers jours. Mais il y a une problématique particulière, concernant la question linguistique et l'intégration, qui est celle des Canadiens, des citoyens au Québec qui sont issus de l'immigration mais qui sont venus de pays où l'anglais est la première langue seconde et qui font partie de la société d'accueil, parce qu'ils accueillent les nouveaux arrivants, et, eux, parce qu'ils sont arrivés au Québec à une période où il n'y avait pas justement l'accessibilité aux services de francisation, sont restés avec l'anglais, ils se sont intégrés en anglais au Québec, et il n'y a pas nécessairement de services destinés à ces gens-là parce que les services linguistiques, c'est en fonction du nouvel arrivant qu'ils sont orientés.

n (17 h 10) n

Est-ce que vous pensez que, si on allait chercher ces gens-là et qu'on puisse leur offrir des cours de français dans le cadre des programmes existants, ça pourrait aider à étendre le français, d'une part, dans les différentes communautés et ça nous permettrait aussi d'intégrer ces gens-là dans le circuit de l'intégration à la société d'accueil en français? Est-ce que c'est possible?

Mme Garant (Élisabeth): Premièrement, simplement dire que nous ne disions pas qu'il n'était pas nécessaire d'apprendre le français. Probablement que ça a été un lapsus. Ce n'était pas suffisant d'apprendre le français.

Mme Houda-Pepin: C'est ça, pas suffisant. Vous avez raison.

Mme Garant (Élisabeth): Il fallait pouvoir vivre en français. Simplement une précision.

L'autre dimension, je me souviens, lors du rapport Paradis sur la francisation, avait été abordée cette question de la francisation des gens qui ne sont pas de nouveaux arrivants, ne sont pas d'arrivée récente, mais qui sont présents dans des communautés où l'anglais est d'usage principal. Nous avions à ce moment-là, il me semble me rappeler, défendu l'idée qu'il fallait, oui, trouver une façon d'offrir la possibilité d'acquérir ce français à des gens qui, après quatre ans, cinq ans et davantage, sont au Québec et désirent le faire. Parce que vous laissez entendre que ce soit dans les programmes actuels.

Je ne suis pas certaine que les programmes actuels soient adéquats pour cette population-là. Je pense qu'il faudrait, premièrement, voir de quel nombre il s'agit, quels sont leurs besoins et développer quelque chose. Mais il me semble que nous n'avons pas à dire non au point départ à un besoin de francisation qui vient enrichir la capacité de travailler, de vivre avec le français, langue commune au Québec.

Les modalités, on n'a pas fait de recherche poussée. On avait simplement ouvert la porte à dire: Oui, il faut considérer cette population-là et peut-être penser à une offre de francisation qui soit appropriée.

Mme Houda-Pepin: C'est très intéressant, en effet, parce que, pour vous donner une idée, c'est aussi une réalité que je vis dans mon propre comté où j'ai 70 communautés culturelles différentes. Alors, si vous prenez des communautés comme les communautés d'origine chinoise, hindoue, pakistanaise, philippine, et j'en nommerai d'autres, africaine, aussi d'Afrique anglophone et autres, c'est des gens qui se sont installés au Québec et se sont intégrés en anglais à un moment où on n'avait pas de service de francisation, tout simplement. Alors, les enfants ont pris le chemin de l'école anglophone. Ils lisent la Gazette et écoutent les médias en anglais et ils se sont faits à ce monde-là.

Je vous raconterai très rapidement une expérience que j'ai menée dans une autre vie, avant que je sois députée, à l'époque on parlait des non-francophonisables. C'était un débat sur les non-francophonisables. Alors, moi, je me suis dit: On va faire la preuve que les non-francophonisables, supposément, peuvent être francisés, et j'avais coordonné un programme de francisation linguistique, lié à un programme de formation professionnelle, lié à un stage sur le marché du travail pour 15 femmes qui présentent ce profil-là. C'est-à-dire, leur langue ici, parlée à la maison et partout, c'est l'anglais, les enfants vont à l'école en anglais. Ça a été une expérience très enrichissante, même pour moi, et j'ai pu mesurer à quel point ces gens-là vivent dans un autre monde que celui qu'on connaît, parce que la réalité québécoise, telle qu'on la vit dans le monde francophone, leur échappait complètement. Il a fallu ces cours de francisation, il a fallu l'intégration au marché du travail en français pour que ces personnes-là fassent le pont avec le Québec francophone.

Alors, moi, je me dis: Si on laisse ces gens-là parce qu'ils ne rentrent pas dans les catégories des programmes existants, quelque part, il y a un effet de miroir, hein? Ces gens-là, ils vont rester à l'écart de la société. Ce n'est pas parce qu'ils ne veulent pas s'intégrer, ce n'est parce qu'ils ne veulent pas apprendre le français, mais c'est qu'ils n'ont pas accès à ces cours comme les nouveaux arrivants. Alors, il y a une réflexion à faire là-dessus puis il y a une possibilité peut-être d'étendre ces programmes.

Mme Garant (Élisabeth): Peut-être simplement dire que, de façon plus large, indépendamment de la question de francisation, je pense que ça soulève l'importance de réfléchir les relations au Québec entre les groupes anglophone et francophone...

Mme Houda-Pepin: Tout à fait.

Mme Garant (Élisabeth): ...ce qui est, depuis quelques années, au Centre justice et foi, un élément qui nous semble important. Les façons de faire, les rapprochements sont à inventer.

Mme Houda-Pepin: Tout à fait.

Mme Garant (Élisabeth): Mais il faut créer des lieux, et ce n'est peut-être pas toujours des cours de francisation. C'est peut-être parfois des lieux où il faut favoriser de plus en plus la réflexion commune, les contacts, les occasions de réfléchir, de discuter du Québec, de parler du Québec dans un contexte de français langue commune ? au Centre justice et foi, tout se fait en français ? mais d'offrir cet espace avec une volonté claire d'associer des gens qui sont plutôt du côté des communautés anglophones, anglo-québécoises, à cette réflexion collective à ces occasions. Je pense qu'il y a différents niveaux de besoins, il faut élargir beaucoup plus face...

Le Président (M. Beaulne): Merci, Mme la députée. C'est tout le temps que nous avons à votre disposition. Nous vous remercions de votre participation à nos audiences.

Et, sur ce, j'ajourne nos travaux à mardi le 12 septembre, 9 h 30, dans cette même salle.

(Fin de la séance à 17 h 16)



Document(s) associé(s) à la séance