heures trente et une minutes)Le Président (M. Rioux): À l'ordre, s'il vous plaît! Si vous voulez prendre place. Alors, je vous rappelle que ce matin nous poursuivons nos travaux sur les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 143, Loi sur l'accès à l'égalité en emploi dans des organismes publics et modifiant la Charte des droits et libertés de la personne.
Est-ce que, M. le secrétaire, il y a des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Beauchamp (Sauvé) est remplacée par M. Brodeur (Shefford)...
Le Président (M. Rioux): Dignement remplacée.
Le Secrétaire: ...et M. Lamoureux (Anjou) est remplacé par M. Ouimet (Marquette).
Auditions
Le Président (M. Rioux): Ce n'est pas rien non plus, hein? Ha, ha, ha! Alors, mesdames et messieurs, il me fait plaisir, au nom de la commission, d'accueillir le Collectif des femmes immigrantes du Québec ? c'est le mémoire n° 13, pour faciliter la recherche des députés. Et le député de Marquette a demandé la parole. Alors, ça ne sera pas très long, on va l'écouter.
M. Ouimet: Merci, M. le Président. M. le Président, c'est la troisième journée que nous revenons à la charge avec le ministre responsable du projet de loi. Je lui rappelle qu'au niveau de la Gazette officielle du Québec, un décret qui a été adopté par le Conseil des ministres le 28 février 1996, on dit que la première partie du mémoire est normalement accessible au public dès que le projet de texte législatif a été déposé à l'Assemblée nationale.
Le ministre s'était engagé à faire des vérifications il y a deux jours. Il vérifiait encore hier. Je me demande si ses vérifications sont terminées et s'il peut déposer le mémoire en question, la partie accessible au public, compte tenu qu'un organisme l'a déjà en sa possession et que l'organisme l'a cité dans son mémoire.
Le Président (M. Rioux): Alors, M. le ministre.
M. Perreault: Oui. Alors, M. le Président, le député aurait dû continuer à lire d'autres aspects du décret qui indique clairement qu'en tout temps on peut aussi maintenir confidentielle cette partie du mémoire.
Cela dit, j'aurai, d'ici la fin de la séance de ce matin, probablement des indications à donner sur cette question.
M. Ouimet: Très bien.
Le Président (M. Rioux): Merci beaucoup. Merci, M. le ministre. Alors, Mme Bizzarri.
Collectif des femmes immigrantes du Québec
Mme Bizzarri (Aoura): Oui. Vous êtes bien nombreux pour moi toute seule, mais je vais essayer de m'en sortir.
Le Président (M. Rioux): Alors, madame, vous avez 15 minutes pour présenter votre mémoire. Alors, on vous écoute.
Mme Bizzarri (Aoura): O.K. Donc, tout d'abord j'aimerais dire quelques mots sur le Collectif, qui est un organisme qui existe depuis 17 ans, et qu'on travaille vraiment sur le terrain avec ce que, nous, on appelle les immigrants, mais c'est communautés culturelles et minorités visibles. Et surtout on travaille à l'intégration de ces gens-là au marché du travail. Donc, on a aussi des contacts avec des entreprises. On a une banque d'entreprises auxquelles on réfère nos candidats, etc. Donc, on connaît soit la clientèle et soit aussi les réactions des entreprises par rapport à l'embauche de cette clientèle-là.
Donc, le Collectif a déjà présenté mémoire pour les programmes d'accès à l'égalité en 1985, si je ne me trompe pas, puis on a fait partie de la coalition pour les programmes d'accès à l'égalité avec l'ATF, etc. Et actuellement on est impliqué au niveau de la Marche mondiale et, au niveau de la Marche mondiale, la revendication que je vais vous présenter aujourd'hui et que, nous, on soutient, bien a été acceptée, a été adoptée par toutes les femmes, par toutes les Québécoises.
Maintenant, nous, comme on a dit dans notre mémoire, on a pris dans sa totalité le mémoire d'Action travail des femmes, mais on aimerait plus modestement débattre de trois points qui selon nous sont... bien, ils sont tous importants, mais ces trois-là, ils nous concernent vraiment plus directement. Et, si ces trois modifications-là, elles ne sont pas faites, les programmes d'accès à l'égalité, ils ne nous donneront absolument rien.
Je les prends un à la fois. Donc, un, c'est: Pourquoi les communautés ethnoculturelles sont exclues, elles ne sont pas reconnues comme groupes cibles alors que dans d'autres programmes elles sont reconnues comme groupes cibles? On sait très bien, on est bien placé pour savoir que les minorités visibles sont plus discriminées. La discrimination, plus tu as la peau foncée et plus tu en subis. Donc, c'est une gradation comme ça. Sauf que les communautés culturelles aussi peuvent vivre de la discrimination. Tu as un accent, tu ne seras même pas embauché comme réceptionniste, même si ce n'est pas un grand travail, etc.
Et ton nom, ce n'est pas Tremblay ou quelque chose dans le genre, donc, ça aussi, ça ne te fait pas rentrer dans un emploi. Donc, on ne comprend pas pourquoi... Bien, un projet de loi comme ça, il veut éliminer la discrimination, c'est ça, son objectif. Alors, pourquoi l'éliminer pour certains et non pas pour d'autres? Donc, c'est un petit peu ça notre position. Alors, les communautés culturelles ou ethnoculturelles, elles devraient faire partie, devraient être reconnues comme groupes cibles à l'intérieur de la loi.
Maintenant, l'autre point qu'on aimerait traiter, c'est la variable femme à l'intérieur des groupes cibles. Alors, si on a un groupe cible minorité visible, ou ça peut être autochtone, ça peut être n'importe quoi, mais là, moi, je vais traiter par exemple des minorités visibles, si les groupes femmes des minorités visibles ne sont pas groupes cibles, il n'y a pas cette variante-là, personne ne va nous embaucher. Et je suis sûre que je ne suis pas la première à vous dire ça; il y a des expériences, il y a des recherches qui ont été faites, et on le sait, c'est prouvé.
Ça veut dire qu'une entreprise qui va mettre sur pied un programme d'accès à l'égalité, si elle prend le groupe cible femmes, bien ça va être une femme blanche catholique et francophone québécoise qu'il va embaucher, ça ne va pas être quelqu'un qui a un accent, quelqu'un qui a la peau noire. On ne sait pas ce qu'elle mange. Donc, on joue sûr. Et je vais utiliser une phrase que j'ai entendue par les entreprises avec lesquelles je suis en contact: On va choisir le moindre des maux.
Donc, si on a le groupe cible femmes, on prend une femme québécoise et non pas une femme de communauté culturelle et surtout pas quelqu'un des minorités visibles. Là, là, elles sont noires, alors elles sont hors question.
Donc, si une entreprise a comme groupe cible les minorités visibles, bien à ce moment-là elle va embaucher un homme, donc, nous, on peut avoir l'air de s'asseoir sur plusieurs chaises, mais je vais dire qu'est-ce que j'ai dit en 1985, que, si les femmes des communautés culturelles et les femmes des minorités visibles ne sont pas reconnues comme groupe cible en soi-même, bien elles ne bénéficieront pas de la loi parce que ça va être ou la femme québécoise ou l'homme des minorités visibles mais pas la femme nécessairement.
On peut voir, par exemple, l'exemple de la STCUM, ça fait longtemps que eux embauchent les communautés culturelles, etc. Puis ils s'étaient donné justement des objectifs dans les groupes cibles mais ils n'avaient pas mis objectif femmes. Puis là ils se sont aperçus que, même s'ils voulaient les embaucher, bien il se retrouve qu'ils ont, oui, des communautés culturelles et des minorités visibles à leur embauche mais pas de femmes là-dedans. Donc, là ils se sont mis les groupes cibles femmes des communautés culturelles, femmes des minorités visibles. Autrement, on ne profitera pas de cette belle initiative là.
Maintenant, moi, je parle de femmes des communautés culturelles, de femmes des minorités visibles mais parce que c'est la clientèle que je représente ici. Mais le même discours vaut pour les autochtones, etc. Si vous avez les autochtones et vous n'avez pas la variante femmes, ça va être là aussi un homme et pas une femme autochtone qui va être embauché. Donc, ça, ça vaut pour n'importe lequel groupe cible. Si, à l'intérieur de groupe cible, il n'y a pas la variante femme, ce n'est pas la femme qui va être prise.
L'autre chose, ce serait sur les bassins de disponibilité, la façondont la compétence est compté. Donc, ce projet-là, s'il veut corriger la discriminatoire systémique, mais il faut évaluer correctement les personnes compétentes. Actuellement, ce qui se fait n'est pas bon parce que Statistique Canada définit les personnes compétentes comme étant celles qui occupent un travail. Alors, si tu travailles comme, je ne sais pas là... en tout cas tu es considéré comme dans le bassin de disponibilité. O.K.? Mais, si tu n'occupes pas ce poste de travail là, bien là tu es considéré pas disponible.
n(9 h 40)n Ça veut dire que, pour ce qui concerne les minorités ethnoculturelles et les minorités visibles, il faut savoir que, s'ils ont des diplômes des pays étrangers, ils sont dévalués, les expériences des pays étrangers ne sont pas reconnues. Bref, ils se retrouvent... ils prennent une belle débarque. Donc, ils ne travaillent pas dans leur domaine d'études, dans leur domaine de compétences, et, quand on calcule tel que maintenant, ces gens-là ne font pas partie du bassin de disponibilité, ils ne sont pas comptés dans le bassin de disponibilité. Parce qu'ils peuvent avoir un bac en sociologie, mais ils sont derrière le volant d'un taxi; ils peuvent avoir un bac en enseignement, puis ils sont en manufacture. Ils ne sont pas comptés comme étant disponibles dans leur domaine d'études mais là, dans le travail où est-ce qu'ils sont?
Aussi, ce n'est pas tout le monde qui est né à l'étranger. Il y a aussi des minorités visibles qui sont nées ici, au Québec, et qui ont des diplômes de nos universités, à nous. Bien, eux non plus n'auront pas la vie facile. Ça veut dire que leurs diplômes sont reconnus parce que c'est un diplôme d'ici: Ya! youpi! j'ai mon papier, mais, s'ils sont des communautés culturelles et surtout s'ils sont des minorités visibles, là ils vivent beaucoup de discrimination à l'embauche. Donc, oui, ils ont leurs diplômes, mais qu'est-ce qu'ils font avec?
Et aussi, étant très discriminés ? et là aussi, vous avez toutes les études et toutes les affaires possibles; là, je n'ai pas fait la liste des études qui sont là, mais en tout cas il y en a plein ? ils n'occupent pas nécessairement leur... ils n'ont pas un emploi qui va avec leur domaine d'études. Donc, ils ne sont pas comptés dans le bassin de disponibilité, ils ne sont pas considérés comme compétents.
Bon, en plus on dit qu'il faut travailler dans le domaine depuis 17 mois. Alors, les quelques-uns ? on va dire qu'il y en a quelques-uns ? qui ont un diplôme québécois reconnu, et youpi! même s'il est Noir a été embauché à quelque part, bien là il faut que ça fasse 17 mois qu'il travaille là pour être compté. Bref, en tout cas, il n'y a pas moyen... Ça ne rend pas justice. Cette façon de compter le bassin de disponibilité établi sur la base de l'occupation est discriminatoire pour tout le monde. Mais, surtout en ce qui concerne la communauté culturelle, immigrants et minorités visibles, ce n'est pas possible.
Donc, si on ne corrige pas ça, la bonne intention de la loi, avec laquelle on est d'accord, elle nous donnera absolument rien, mais rien pantoute, parce que, quand l'entreprise, elle, elle dit: Bon, voilà combien je dois embaucher de ci, combien je dois embaucher de cela, bien là, dans le bassin de disponibilité, il n'y en a pas. Et ça, moi, j'ai fait partie du comité sur les programmes d'accès à l'égalité dans le privé, en 1990, 1993 ? je ne me rappelle plus exactement ? et puis là aussi déjà les entreprises... Il y avait dans ce comité-là quatre représentants de syndicat, quatre des entreprises et quatre de groupes de femmes. Déjà les entreprises à l'époque disaient: Ah! mais de toute façon ? elles n'étaient pas inquiètes ? parce qu'il n'y en a pas dans le bassin de disponibilité. Donc, cette chose-là, pour nous, est primordiale.
Alors, ce qu'on veut, c'est qu'on compte... que le bassin de disponibilité soit fait en considérant le diplôme. Et le diplôme étranger aussi parce que, si c'est uniquement les diplômes d'ici, quelqu'un qui arrive avec des gros bagages étrangers, bien, lui, il ne sera pas compté dans le bassin non plus. Donc, au fond la demande, c'est celle-là: que le bassin de disponibilité soit établi considérant le diplôme d'ici et le diplôme étranger.
Et on ne sera pas les premiers à le faire, hein? Je crois que c'est en Hollande, en Europe, là, ils décident déjà de leur bassin. Qui peut faire l'ingénieur? Bien, il y a x diplômés ingénieurs, voilà le bassin de disponibilité des ingénieurs. Qui peut faire l'infirmière? Bien, il y en a tant, de diplômées infirmières, voilà, c'est ça, le bassin de disponibilité. Et d'après nous, c'est comme ça que ça devrait fonctionner ici. De toute façon... En tout cas, vous avez... Je ne suis pas la première à vous le dire; par rapport à ce bassin de disponibilité là, il y a eu des avis des différents organismes qui en parlent. Voilà.
Donc, cette belle initiative, s'il n'y a pas minimalement ces trois changements là, nous, les femmes, ne serons pas touchées. Et de toute façon on ne fera pas partie du bassin de disponibilité, donc on n'est pas discriminées, donc on ne nous embauchera pas plus. Voilà.
Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup, Mme Bizzarri. Nous allons procéder maintenant à la période de questions. Alors, du côté ministériel, M. le ministre, vous avez la parole.
M. Perreault: Merci. Mme Bizzarri, bonjour, merci d'être là au nom du Collectif et merci pour vos réflexions et commentaires. Bon, vous avez abordé plusieurs questions. Et puis ce matin on va rencontrer aussi d'autres groupes de femmes; donc, certaines des questions que vous soulevez vont sans faire de jeux de mots j'allais dire se croiser, puisque ça fait partie aussi des débats et des préoccupations qui vont être soulevées ce matin.
Moi, peut-être deux questions rapides qui vous amèneraient peut-être un peu à élaborer votre point de vue. Vous dites dans le fond: On devrait faire en sorte que les bases de données sur lesquelles on se fie pour faire l'analyse des disponibilités soient en fonction des diplômes et non pas en fonction de l'occupation, etc. Le problème... que j'aimerais vous soulever un petit peu, c'est qu'actuellement dans le fond évidemment le projet de loi vise à corriger des situations d'inégalité, mais en même temps il tient compte un peu de l'environnement dans lequel on est contraint de travailler, notamment les bases de données qui nous sont disponibles à partir des enquêtes de Statistique Canada, notamment, et qui fonctionnent beaucoup à partir des marchés d'emplois.
Est-ce que vous avez des suggestions à nous faire sur la façon dont on pourrait obtenir, avoir accès aux données que vous souhaitez qu'on obtienne, parce que, quand à la fin je vous entendais, j'avais un petit peu l'impression que l'impact de ce que vous proposiez était à toutes fins pratiques de s'aligner sur des bassins de références qui soient nationaux. Alors, j'aimerais un peu vous entendre parler de ça, si vous êtes en mesure de le faire, pour nous éclairer.
Deuxième question, vous insistez beaucoup... Dans le fond, si on veut vraiment corriger la situation, vous-même vous dites que reconnaissez que probablement les femmes des minorités visibles sont les plus touchées, les plus... Et effectivement j'ai des statistiques qui le démontrent très clairement, parce que ce débat entre femmes des minorités visibles ou gens des minorités visibles versus communautés socioculturelles, quand on regarde les indices du chômage, on se rend compte qu'à toutes fins pratiques, ce qu'il faut corriger, ça se recoupe, c'est essentiellement les gens des minorités visibles. Parce que, dans les autres catégories, il n'y a pas de réel problème de chômage au Québec; elles sont tout à fait dans des taux statistiques similaires au reste de la population.
Je ne dis pas que pour autant il ne pourrait pas y avoir des efforts là, mais, cela dit, donc vous souhaitez qu'on aborde cette question. Vous reconnaissez que c'est d'abord les femmes des minorités visibles et vous souhaitez donc, si je comprends bien, là, dans le jargon habituel du terme, qu'on ait des programmes d'accès à l'égalité à bases croisées, là, c'est-à-dire que pour chaque catégorie visée il y ait des sous-catégories et que, dans chaque cas, pour chaque groupe...
Mme Bizzarri (Aoura): Femmes.
M. Perreault: Femmes. Vous insistez également pour qu'on introduise dans ce projet de loi la notion d'handicapé. Un des problèmes que... En tout cas, j'aimerais vous entendre de la chose suivante. Un des obstacles à la mise en place des programmes d'accès à l'égalité jusqu'à date, en tout cas, une des remarques qui nous a été faites par beaucoup d'employeurs, c'est la complexité de la mise en place de ces programmes. Et dans le fond le choix qui est un peu dans le projet de loi ? et je comprends que vous le contestez, alors j'aimerais vous entendre parler là-dessus ? c'est de dire: On va tenter de donner l'impulsion, de créer une obligation qui n'existait pas de se doter d'un programme, quitte à en assouplir et à arrondir les angles en se disant: Vaut mieux faire un pas que ne pas en faire du tout.
Vous, vous souhaiteriez qu'on fasse deux pas et vous tenez à ce qu'on mette toutes les conditions pour faire deux pas. Est-ce que vous ne pensez pas ? là, c'est la deuxième question ? que, lorsqu'on s'engage dans des données croisées, clientèle par clientèle, en rajoutant les personnes handicapées, etc., on rend l'exercice, surtout pour les petites entreprises, très difficile? La Commission des droits est venue ici puis nous a dit que dans le fond ce n'était pas nécessairement son orientation, surtout lorsque les bassins de recrutement sont limités, lorsque les objectifs de recrutement sont limités. Alors, comment vous voyez tout ça?
Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. Alors, Mme Bizzarri, vous avez la parole.
Mme Bizzarri (Aoura): Alors, si j'en oublie quelques-uns, vous reviendrez. O.K.? Donc, par rapport aux catégories que vous dites, qu'il n'y a pas de réel problème que le problème unique... ce n'est peut-être pas votre mot mais en tout cas, c'est les minorités visibles. Donc, le problème majeur, je suis d'accord, c'est les minorités visibles. Là-dessus, personne ne conteste ça. Mais, quand vous dites que dans les autres catégories il n'y a pas de réel problème, mais c'est vrai parce qu'on ne fait pas partie du bassin de disponibilité parce qu'on n'est pas compté comme, on n'est pas dans le groupe des personnes compétentes parce que nos diplômes ne sont pas reconnus, parce que, admettons que je suis noire, je ne me serais pas fait embaucher si j'étais noire, etc. Donc, je ne fais pas partie du bassin de disponibilité considéré compétent.
Alors, quand on regarde si on discrimine ou pas, bien non il n'y a pas de problème. Mais il n'y aura pas de problème, jamais, dans aucune catégorie si on ne corrige pas la façon de voir nos bassins de disponibilité, nos bassins de compétence, parce qu'on n'est pas compté là-dedans même si on est compétentes. Alors, après, c'est sûr et certain qu'on va dire: Bien, il n'y a pas de discrimination, il n'y a pas de problème parce qu'il n'y en a pas de disponible. Je n'en ai pas dans mon entreprise, je suis correct. Ou il y en a un de disponible, j'en ai un, je suis correct. Bien, ça, ce n'est pas vrai, qu'il n'y a pas de problème. Le problème, c'est que la façon de le calculer, c'est qu'on n'est pas compté là-dedans. Et aussi, ça va arriver avec les minorités visibles aussi, ils ne seront pas considérés comme compétents, donc on n'aura pas de problème.
n(9 h 50)nLe Président (M. Boulianne): Merci beaucoup.
Mme Bizzarri (Aoura): Donc, c'est par rapport à celui-là. L'autre vous dites: Bien, est-ce que ça va être compliqué d'avoir la variable? Moi, je ne vois pas pourquoi ce serait si compliqué que ça de dire: O.K. minorité visible: hommes, femmes. Moi, je suis là pour ça, mais on pourrait faire autochtones: hommes, femmes; communautés culturelles: hommes, femmes. C'est où la grande difficulté? C'est vrai que les entreprises ne sont pas chaudes à l'affaire. Elles n'aiment pas tellement ça. Ça, je suis d'accord avec vous. Mais peut-être que la façon de simplifier, il faudrait peut-être uniformiser les programmes. Il faudrait que tous les programmes aient les mêmes groupes cibles, parce que le vôtre a des groupes cibles, d'autres en ont d'autres. Bref, peut-être qu'il faudrait uniformiser un petit peu ça, à ce moment-là ce serait plus simple.
Mais je ne vois pas en quoi de mettre le mot «femmes»... Puis, de toute façon, pourquoi je discute de ça, moi? Cette affaire-là, c'est pour enlever la discrimination. Alors, si on veut que les femmes soient embauchées, que ça prend une petite croix de plus sur un papier ou pas. Est-ce qu'on veut l'enlever la discrimination? Bien, si on veut l'enlever la discrimination, on fera les croisements. Ça prend une petit carré de plus pour faire une croix dedans, femme ou homme. C'est où le problème?
Puis, d'après moi, ça ne complique pas l'affaire. Puis même si ça la compliquait, est-ce qu'on est là pour enlever la discrimination? Parce que la discrimination est constatée. Vous le savez, vous avez vos chiffres, vous-mêmes. Alors, si c'est pour l'enlever, est-ce qu'on va dire: Ah! mais là, c'est trop de travail. Bien alors on veut l'enlever ou veut la garder là en se donnant juste bonne conscience? Excusez-moi, il y avait autre chose, mais je ne me rappelle plus c'étaient quoi, vos questions?
Le Président (M. Boulianne): Vous pourrez revenir tout à l'heure. Merci, Mme Bizzarri. Alors, maintenant je passe la parole au député de Marquette, porte-parole de l'opposition officielle en matière de relations avec les citoyens. M. le député.
M. Ouimet: Merci, M. le Président. Bienvenue, Mme Bizzarri et félicitations pour votre présentation. Vous la faites avec beaucoup, beaucoup, de conviction.
Vous dites, dans votre mémoire entre autres, et c'est sous la rubrique Les femmes des minorités ethnoculturelles sont exclues du projet de loi n° 143: «Il est malheureux de constater qu'en protégeant les uns et en excluant les autres, on ne fait que corriger les injustices à moitié.» Il y a plusieurs groupes cibles qui ont été oubliés ou mis de côté par le ministre, notamment les personnes handicapées, les minorités ethnoculturelles. D'autres critères également viennent limiter de beaucoup l'application de la loi. Le ministre, pour tenter de justifier ses choix, a développé une théorie au départ qui disait: Écoutez, j'ai suivi les recommandations de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse du Québec. Et il faisait une distinction, le ministre, entre des groupes cibles qui sont victimes de discrimination et des groupes cibles qui sont tout simplement sous représentés.
Or, malheur pour lui, la Commission des droits de la personne se présente devant nous et nous dit essentiellement que cette distinction n'est pas valable et que la logique ne s'applique pas tellement. Ce matin, je vois le ministre rajuster un peu le tir et dire: On veut s'attaquer au taux de chômage de ces personnes-là. Or, c'est deux critères, deux facteurs qui sont quand même assez différents. On parle de la sous-représentation systémique de certains groupes dans la fonction publique. J'ai toujours compris que le projet de loi n° 143 visait à corriger cette lacune-là.
Moi, je vous pose la question: Est-ce que vous voyez une différence entre de la discrimination et de la sous-représentation? Et est-ce qu'on ne devrait pas inclure les autres groupes, notamment les personnes handicapées, les minorités ethnoculturelles, afin de s'assurer que le visage de la fonction publique puisse être le reflet de notre société diversifiée?
Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député. Alors, Mme Bizzarri.
Mme Bizzarri (Aoura): En tout cas, les beaux jeux de mots entre sous-représentation et discrimination, moi, je les laisse aux francophones de naissance, et c'est vous autres, hein? Alors, si on n'est pas en emploi, si les communautés culturelles ne sont pas en emploi, qu'on appelle ça sous-représenté ou discriminé, mais, moi, j'ai m'en fiche. On n'est pas en emploi. O.K. Alors, on n'est pas là, on n'est pas là. Donc, voilà ma réponse en ce qui concerne ça. Qu'est-ce que vous avez dit d'autre?
Le Président (M. Boulianne): M. le député, votre deuxième question.
M. Ouimet: Je n'avais pas de deuxième question, mais je vais en développer une deuxième question.
Mme Bizzarri (Aoura): J'ai 53 ans, alors, quand les questions sont longues, j'en perds un bout.
M. Ouimet: Non, non, non, il n'y a aucun problème. C'est parce qu'on sent que maintenant, compte tenu que la logique...
Mme Bizzarri (Aoura): Ah oui! c'était... O.K.
M. Ouimet: ...qui a précédé au choix fait par le ministre ou le Conseil des ministres ne s'applique plus, l'objectif maintenant change, à tout le moins dans la présentation qu'en fait le ministre, et on aura l'occasion au cours des prochains jours également de voir ce que diront d'autres représentants, d'autres organismes.
Il y a un point cependant qui m'apparaît intéressant qui n'a pas encore été développé ou questionné en commission parlementaire, c'est l'article 1 de la loi. Prenons la situation suivante où une femme est déclarée apte à obtenir l'emploi dans la fonction publique ou dans un organisme public ou parapublic et qu'il y a également une femme autochtone ou un homme qui est représentant d'une minorité visible. L'employeur a une seule personne à choisir, il y a trois candidats qui sont aptes, et chaque candidat est, si vous voulez, le représentant ou la représentante d'un groupe cible. Comment est-ce que l'employeur doit effectuer son choix?
Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup, M. le député. Alors, Mme Bizzarri.
Mme Bizzarri (Aoura): Moi, j'imagine que... En tout cas, bref, un, je vais vous répondre, O.K., mais en tout premier lieu, moi, j'ai dit sur quoi je voulais intervenir; donc, sur le reste je n'ai pas tellement l'intention d'intervenir. Mais une entreprise, j'imagine qu'elle ne va pas choisir uniquement un groupe cible. Il y a discrimination, on sait qu'il y a discrimination pour différents groupes cibles, mais il embauchera un petit peu de chaque groupe cible. Pourquoi, moi, maintenant, je devrais établir qui il devrait choisir: Est-ce que c'est la femme? Est-ce qu'elle est minorité visible? Est-ce que c'est l'autochtone? Bien, une entreprise n'a pas qu'une place, il y a plusieurs places; elle choisira les trois cibles et elle essayera de combler ses objectifs pour les trois cibles.
Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. Ça va, M. le député?
M. Ouimet: Ça va.
Le Président (M. Boulianne): Alors, M. le député de Saint-Hyacinthe, vous avez la parole.
M. Dion: Oui, merci, M. le Président. J'ai trouvé très intéressant l'exposé que vous nous avez présenté, madame, et je voudrais cependant avoir certains commentaires sur un point particulier qui se réfère à la proposition que vous faites à la fin de votre document considérant les diplômes étrangers, de considérer des diplômes étrangers dans l'établissement du bassin de disponibilité.
On sait, et je pense que c'est reconnu par tout le monde, que tous les diplômes ne sont pas équivalents. Par exemple, on fait la distinction ici entre les institutions même à l'intérieur du Québec. Les employeurs font certaines distinctions entre les diplômes qui viennent de telle place ou de telle autre. Les parents préfèrent envoyer leurs étudiants, quand ils ont la possibilité, leurs enfants, dans telle institution plutôt que dans l'autre parce qu'ils savent que ça va les favoriser. Personne ne pense que, à première vue, un diplôme de Harvard a exactement la même portée que tel autre diplôme de telle université ici. Bon, ça, c'est connu universellement, que les diplômes ne sont pas nécessairement équivalents. Bon.
Par contre, on sait aussi que les diplômes étrangers, le fait de ne pas avoir de diplôme décerné par une université d'ici est utilisé par certains groupes, certaines professions, on semble bien, pour protéger un bassin d'emplois et un certain type de rémunération un peu privilégiée. Sans aller donner de détail, je pense qu'on imagine ça assez facilement. Alors, il y a donc un problème réel.
Quand vous dites: En considérant les diplômes étrangers, qu'est-ce que vous voulez dire exactement? Que les gens, quel que soit le diplôme qu'ils possèdent, on ne considérerait que le titre de diplôme, ou quoi? Comment ça fonctionnerait?
Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député de Saint-Hyacinthe. Alors, Mme Bizzarri.
n(10 heures)nMme Bizzarri (Aoura): O.K. Bien, écoutez, je ne dis pas que tous les diplômes sont équivalents, moi non plus. O.K.? Ça dépend. Maintenant, certains sont meilleurs, ceux qui viennent de l'étranger, que les nôtres, hein, entre moi et vous. Mais, bref, peu importe, il se peut fort bien que, selon le diplôme que la personne a et selon le pays d'où elle vient, il y ait une mise à niveau à faire. Mais de se retrouver en manufacture au salaire minimum quand on a un bac, bien il y a une différence. Alors, qu'à cette personne-là on puisse dire: Bon, bien, écoute, ce diplôme-là, hein... qu'elle ait besoin d'une petite mise à niveau, ça va, mais de ne pas la considérer... Parce que, actuellement, on n'est pas considérés. Parce que, si j'ai le diplôme, mais que je travaille en manufacture au salaire minimum, je ne suis même pas syndiquée, bien, qu'est-ce que vous voulez, c'est là que je suis comptée. Alors, il y a une différence entre dire que les diplômes n'ont pas tous la même valeur, ce qui est peut-être vrai dans une certaine mesure, et se retrouver qualifiée compétente au salaire minimum quand j'ai un diplôme d'enseignement en français. Ce n'est pas moi, là, je donne des exemples. O.K. Comprenez-vous? Donc, il y a une belle différence par rapport à ça.
Puis, nous, actuellement, on est considérés comme pas compétents, on est au salaire minimum, on est en manufacture. Et il y a des statistiques qui prouvent que, surtout dans les minorités visibles, ils sont même, en moyenne, plus scolarisés que les Québécois. Donc, ils les ont les diplômes, ce n'est pas une question... Mais il faut aussi, en tout cas, en quelque part faire un petit peu la...
Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup, madame. Oui, M. le député de Saint-Hyacinthe, complétez.
M. Dion: Oui. Je suis d'accord avec vous sur ce que vous dites et moins d'accord avec l'exemple, cependant, parce qu'on retrouve des gens au salaire minimum dans les manufactures qui sont des gens qui ont vécu ici, qui ont fait leur diplôme ici et qui ont des bacs et qui ont même plus que ça, mais qui se retrouvent au salaire minimum aussi. Alors, en soi, ça ne démontre pas...
Mme Bizzarri (Aoura): Eux non plus ne sont pas comptés. Je ne suis pas contre que, eux aussi, on les compte dans les bassins de disponibilité.
M. Dion: Tout à fait. Mais la question que je me pose, c'est la suivante, et je ne sais pas si vous avez réfléchi à ça. Admettons qu'on dise: Oui, c'est vrai, il y a quelque chose à redresser pour considérer le diplôme étranger. Si on accepte le fait qu'ils ne sont pas tous équivalents, quelle serait la mécanique qui ferait qu'on traiterait cette question-là sur une base égalitaire et exempte autant que possible de préjugés?
Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, Mme Bizzarri, vous avez...
Mme Bizzarri (Aoura): Mais je n'ai aucune réponse, cher monsieur. Ce n'est pas moi qui suis au gouvernement, voyez-vous, je ne me suis même pas posée candidate. Alors, il va falloir...
M. Dion: On ne sait jamais.
Mme Bizzarri (Aoura): Mais il va falloir que ceux qui sont là la trouvent, la mécanique. Vous venez de demander à une personne qui travaille dans un organisme communautaire c'est quoi, la mécanique que le gouvernement devrait adopter, mais trouvez-la, la mécanique. Ici, l'important, c'est une question d'équité. Il y en a qui sont discriminés, on est tous d'accord, autrement on ne serait pas là. Alors, si on veut la corriger, il ne faut pas juste dire: On fait une loi, il faut apporter des modifications à cette loi-là. Après, comment est-ce que la mécanique à l'intérieur va faire, vous avez plein de gens qui travaillent ici, au gouvernement, vous vous organiserez entre vous. Je n'ai pas la réponse, moi, là.
M. Dion: Je vous remercie beaucoup. Je pense que vous exprimez très bien votre pensée quant à ce que vous considérez comme étant un problème et je suis porté à croire que vous avez raison, et on va réfléchir à tout ça. Je vous remercie, madame.
Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député. Merci, Mme Bizzarri. Maintenant, je passe la parole au député d'Outremont.
M. Laporte: Merci, M. le Président. Mme Bizzarri, le commentaire que vous faites sur la notion de disponibilité, c'est évidemment un commentaire très, très pertinent. Je suis tout à fait de votre avis là-dessus, parce que mon expérience de député d'un comté où l'immigration occupe une place très importante, dans la section Côte-des-Neiges, là, m'amène régulièrement à rencontrer des personnes qui ont le destin dont vous parlez. Évidemment, ça peut être vrai à la fois des sociologues, comme vous dites, mais ça peut être aussi des chirurgiens cardiaques qui ont été formés au Liban et puis qui sont devenus directeurs de groupes communautaires.
Et la question n'est pas de savoir comment on pourrait s'y prendre, puisque finalement ça, c'est une question technique, comme vous dites, vous n'êtes pas au gouvernement. Mais, moi, ce que je voudrais savoir, c'est: Vous recommandez quoi au ministre? Vous lui dites: Écoutez, tant et aussi longtemps que ce problème de disponibilité ne sera pas réglé, il faudrait que vous suspendiez l'application de votre projet, ou le faire progressivement, ou... Parce que, vous avez parfaitement raison, c'est-à-dire la disponibilité, ce n'est pas une donnée de la nature, ça, c'est construit socialement, et vous recommandez quoi au ministre, disons, au regard de la mise en application de son projet de loi?
Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député. Mme Bizzarri.
Mme Bizzarri (Aoura): La recommandation, c'est que, quand on fait le recensement, quand est-ce qu'on décide du bassin de disponibilité ou des bassins de compétence, on le fasse sur la base des diplômes et donc aussi considérer les diplômes étrangers pour ne pas se retrouver avec un bac puis être considéré comme un technicien de surface. Donc, je ne demande pas de suspendre le projet, la loi, non, non, moi, je veux que ça avance, sauf que, si cette affaire-là, si ce prérequis-là n'est pas réglé, ça ne nous donnera absolument rien. Parce que les entreprises, si elles veulent ou pas implanter le programme, bien ça ne donnera rien parce que, nous, on ne sera pas dans le bassin de disponibilité. Donc, c'est essentiel, c'est primordial qu'on considère, comme ça se fait dans d'autres pays, la disponibilité en termes de personnes qui sont formées dans le domaine. Si je suis formée dans le domaine, je pourrais être capable de le faire, le travail, non? Alors, qu'on me compte dans la disponibilité. Autrement, ça ne donne absolument rien. Donc, pour moi, si ça n'est pas là, tout le reste, ça ne va pas... Et, si on n'est pas reconnues à l'intérieur du groupe cible en termes de femmes, ça ne nous donnera pas grand-chose.
Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. M. le député, oui.
M. Laporte: ...M. le Président. Mais vous êtes bien consciente que le ministre, pour faire ce que vous souhaitez qu'il fasse, doit s'entendre avec une autorité gouvernementale qui n'est pas de son ressort. C'est-à-dire la base de données dont il se sert, c'est celle du gouvernement fédéral. Donc, c'est un peu le paradoxe de ce projet de loi, qui est parrainé par un ministre souverainiste, d'avoir finalement à mettre à sa disposition un instrument fondamental d'action, mais qui ne relève pas de lui. On est donc en présence d'un besoin de négociations qui pourraient s'étendre sur un certain laps de temps. Vous lui recommandez de faire quoi en attendant, tout simplement, disons, d'entreprendre des négociations avec StatCan et puis le gouvernement fédéral et puis, en attendant, de mettre son projet en application, ou quoi?
Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député. Mme Bizzarri.
Mme Bizzarri (Aoura): Mais je pense que le ministre est assez intelligent pour se trouver une solution ? ha, ha, ha! ? sans mon concours. Mais, moi, je dirais que c'est sûr qu'il faut négocier ça avec le fédéral. Ça, ça pourrait être une voie. Peut-être que, nous, on pourrait avoir notre recensement à nous. Je ne sais pas, ça, c'est des questions ministérielles. Je ne suis pas au gouvernement ni provincial ni fédéral, c'est à votre niveau à vous que ça se décide. Ce n'est pas moi qui vais négocier avec le fédéral: Tu comptes mal tes effectifs. Eux-mêmes, ils le savent. Eux-mêmes, ils le reconnaissent. Alors, comment M. Perreault va s'y prendre pour corriger? Bien, là, ça, je vous laisse... En tout cas, il s'organisera, là.
Mais c'est sûr et certain que, si c'est vrai qu'on veut éliminer la discrimination, il va falloir que les gens qui sont compétents soient comptés dans le bassin de compétence, parce que, s'ils ne sont pas comptés, on ne corrigera jamais rien. Alors, qu'il aille négocier avec le fédéral dès demain matin, qu'il décide qu'au Québec on se compte par nous-mêmes, mais, faites ce que vous voulez, c'est vous qui êtes au gouvernement. Moi, je suis au Collectif des femmes immigrantes, figurez-vous, alors je ne vois pas... En tout cas.
M. Laporte: ...un échéancier, ou quoi?
Mme Bizzarri (Aoura): Non. Je n'y ai pas pensé, à l'échéancier. Ça me contenterait qu'il parte les balles dans ce sens-là pour le moment... Ha, ha, ha!
Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup, Mme Bizzarri. Ça va, M. le député? Vous avez deux minutes, M. le ministre, pas plus.
M. Perreault: Bien, c'est ça, dans le fond, on n'a pas le même métier. Écoutez, d'abord je pense que vous soulignez avec raison une limite du projet qui est une limite qui n'est pas nécessairement une limite ? comment dire? ? voulue et souhaitée, mais qui est une limite qui tient compte d'un certain nombre de contraintes. Vous savez, des fois on dit: À l'impossible, nul n'est tenu, ou bien un tiens vaut mieux que deux tu l'auras, ou bien... Je comprends cependant que, du point de vue des femmes des minorités, ce que vous nous dites, c'est que, compte tenu des bases de référence actuelles, il pourrait y avoir certaines lacunes. On va regarder ça, y compris ce qu'on peut faire avec l'organisme fédéral qui définit ces statistiques. Donc, on va regarder ça.
n(10 h 10)n Je pense cependant que... Vous avez évoqué tantôt l'expérience de la STCUM, tout ça, ou d'autres expériences, il y a moyen quand même d'avancer. Évidemment, on peut souhaiter avancer sur tous les fronts complètement, parfaitement, et c'est le sens de cette commission, c'est de voir jusqu'où et comment on peut avancer sur tous les fronts parfaitement et complètement. Et ce que je peux vous dire, c'est que vos remarques vont nous aider à voir dans quelle mesure on peut avancer sur tous les fronts parfaitement et complètement. Mais, à défaut de pouvoir avancer sur tous les fronts parfaitement et complètement, je continue de penser que, dans la limite d'un certain nombre de nos contraintes et tout en étant conscient que le projet de loi peut être largement bonifié, il faut avancer, parce que, depuis des années, il ne se passait pas grand-chose. La loi va venir imposer à des organismes du secteur parapublic, 500 000 postes, des obligations, et des choses vont changer. Maintenant, je prends acte des limites que vous avez soulignées, et on va les regarder attentivement.
Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. Du côté de l'opposition, est-ce que vous avez encore... Une minute.
M. Ouimet: Dernier commentaire, M. le Président. Quand le ministre dit: Les choses vont changer, les élus des deux côtés de la Chambre ont répété ce discours-là depuis 20 ans. On verra dans 10 ans si les choses ont changé avec ce projet de loi là, on ne peut pas le dire d'avance, là. On espère que les choses vont changer, mais ça va dépendre de l'encadrement qui sera donné, du suivi qui sera fait.
Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député. Alors, vous avez eu le temps, Mme Bizzarri, de faire un voeu ou encore de terminer votre intervention.
Mme Bizzarri (Aoura): Vous avez choisi le mot. Ha, ha, ha! Bien, pour changer les choses, il faut commencer à changer les pions, hein? Donc, il n'y a rien... À l'impossible nul n'est tenu, mais il y a rien d'impossible, et je ne trouve pas que les trois points que j'ai débattus aujourd'hui, c'est dans le domaine de l'impossible. Ce n'est vraiment pas grand-chose à faire, et je pense qu'on peut faire un bon pas en avançant. Autrement, pourquoi on le fait, ce projet-là? Si c'est pour corriger les discriminations, bien on est discriminés. Il faut aider ces gens-là à rentrer dans le marché du travail, bref.
Le Président (M. Boulianne): Alors, je vous remercie beaucoup, Mme Bizzarri, vous avez bien répondu aux questions. J'ai vu, durant la séance, que vous avez pris des notes, vous avez compris que ce n'est pas la question qui pose un problème, mais ce sont les préambules des députés. Alors, on vous remercie beaucoup.
Alors, je demanderais au Conseil du statut de la femme de s'avancer, s'il vous plaît.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Rioux): C'est le mémoire n° 26 que celui du Conseil du statut de la femme.
Alors, Mme Lavallée, bonjour. Vous allez nous présenter la collègue qui vous accompagne.
Conseil du statut de la femme (CSF)
Mme Lavallée (Diane): Bonjour. Ma collègue est Mme Monique des Rivières, qui est la directrice de la recherche au Conseil du statut de la femme.
Le Président (M. Rioux): Alors, on vous souhaite la bienvenue, madame, et vous avez 15 minutes pour présenter votre rapport. Ensuite, vous aurez à répondre aux questions des députés ici présents.
Mme Lavallée (Diane): C'est bien.
Le Président (M. Rioux): Alors, on vous écoute.
Mme Lavallée (Diane): Merci bien. Eh bien, bonjour, MM. les commissaires, Mme la sous-ministre adjointe, Mme la sous-ministre en titre. C'est un grand plaisir pour le Conseil du statut de la femme d'être ici aujourd'hui pour vous faire part de notre position au Conseil en ce qui a trait au projet de loi n° 143 sur l'accès à l'égalité en emploi dans des organismes publics en modifiant donc la Charte des droits et libertés de la personne.
D'entrée de jeu, on peut vous dire qu'on appuie ce projet de loi, et les commentaires qu'on veut vous soumettre aujourd'hui ne doivent en rien compromettre l'entrée en vigueur de cette loi qui, selon nous, doit se faire dans les plus brefs délais. C'est évidemment en s'attardant aux femmes comme groupe cible et à celles aussi qu'on retrouve au sein des autres groupes ciblés, tels les autochtones, les minorités visibles, que le Conseil a étudié le projet de loi.
Donc, il est certain qu'au cours des 30 dernières années les femmes ont enregistré des gains passablement intéressants au niveau du chapitre du travail. Cependant, malgré ces avancées importantes, elles n'occupent toujours pas la place équitable qui leur revient. Je vous rappelle que les femmes gagnent en moyenne 70 % du salaire des hommes. Elles sont toujours cantonnées dans des secteurs traditionnellement féminins. Les deux tiers des travailleurs à temps partiel sont des femmes et elles sont également peu présentes dans la hiérarchie des entreprises. Donc, elles n'obtiennent vraiment pas les bénéfices auxquels on est en mesure de s'attendre en fonction de leurs compétences, de leur expérience et de leur succès scolaire.
Et certains milieux, en raison d'une forte culture bien implantée, sont toujours très rébarbatifs à changer leurs pratiques de gestion qui, dans les faits, ont comme conséquence de nuire à l'intégration des femmes dans des secteurs non traditionnels et à des positions de pouvoir au sein des organisations. On est convaincu que la situation va perdurer tant que des mesures très actives ne seront pas entreprises pour changer les choses. C'est pour ces raisons, entre autres, qu'on appuie l'adoption du projet de loi n° 143 qui, selon nous, va redonner un nouveau souffle au Programme d'accès à l'égalité en emploi en l'étendant à un plus grand nombre de secteurs d'activité.
Ça fait plusieurs années, vous savez, que le Conseil du statut de la femme se penche sur ces questions. En 1993, dans le but d'éliminer la discrimination systémique, nous avions recommandé l'adoption d'une loi sur l'équité en emploi qui devait comporter deux volets: l'équité salariale, dont la loi est entrée en vigueur en 1997, et l'accès à l'égalité. Donc, ce dernier volet consiste, vous le savez, à éliminer les obstacles qui nuisent à l'embauche et à la promotion des femmes et à rechercher bien sûr une présence équitable des femmes dans les différents corps et catégories d'emploi.
Force est de constater que, même si l'instauration des programmes d'accès à l'égalité dans les organisations est permise quand même depuis une quinzaine d'années, l'approche volontaire est loin d'avoir donné les résultats auxquels on était en mesure de s'attendre. Actuellement, exception faite de la fonction publique, dont le Programme d'accès à l'égalité est prescrit par la Charte des droits et libertés de la personne, et de quelques organismes parapublics et municipaux, les organismes publics sont passifs, alors qu'au contraire ils devraient, selon nous, plutôt donner l'exemple. Et, paradoxalement, les efforts d'accès à l'égalité reposent surtout sur le secteur privé, avec les entreprises qui sont liées par le Programme d'obligation contractuelle, c'est-à-dire celles qui embauchent 100 personnes et plus et qui obtiennent un contrat ou une subvention de 100 000 $ ou plus du gouvernement.
Donc, la Commission de protection des droits de la personne et de la jeunesse dresse un bilan, je pense, assez positif des programmes d'accès qui ont été menés dans ces organisations et fait état notamment de résultats qu'on considère encourageants. Beaucoup de programmes ne sont pas complétés, mais ils sont tout de même porteurs, selon même la Commission, de changements constructifs et vont constituer un moyen intéressant pour faire progresser la situation des femmes. C'est pour cette raison qu'on appuie toujours le projet de loi n° 143.
Par contre, par souci de cohérence, on estime que le Protecteur du citoyen, je pense, d'entrée de jeu, ainsi que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, dont les membres sont nommés par l'Assemblée nationale et non en vertu de la Loi sur la fonction publique, devraient, selon nous, être assujettis à la loi et non en être exclus, tel que retenu dans le projet de loi. L'organisme qui est chargé d'appliquer la loi serait donc un des seuls, paradoxalement, à n'avoir aucune obligation relative à l'accès à l'égalité envers son propre personnel.
De plus, compte tenu du rôle qu'elle joue dans l'application de la loi, le Conseil demande que la Commission fasse part, dans son rapport annuel à l'Assemblée nationale, de ses efforts en faveur de l'égalité en emploi à l'égard de son propre personnel en s'inspirant ainsi de ce qui est imposé aux ministères et organismes qui sont soumis au Programme d'accès à l'égalité dans la fonction publique. On recommande également que la Commission ait des pouvoirs accrus en ce qui concerne certains aspects touchant la mise en oeuvre des plans d'accès.
Par exemple, on pense aux mesures qui sont relatives à la consultation et à l'information du personnel et de ses représentants ainsi qu'au rang de la personne désignée comme responsable de la mise en oeuvre des PAE dans une entreprise, qui sont deux facteurs de succès primordiaux pour lesquels la Commission devrait, selon nous, avoir un pouvoir de vérification et d'exiger d'un organisme les correctifs appropriés. Pour s'assurer aussi que les effets de la démarche soient durables, on demande que la Commission puisse procéder à des vérifications aléatoires dans les organismes qui sont visés et qui n'ont pas d'objectifs à atteindre soit parce que leur personnel était équilibré au moment de l'entrée en vigueur de la loi ou soit parce qu'ils ont atteint les objectifs qui leur avaient été fixés.
On croit aussi que, pour permettre à plus de femmes d'être visées par le PAE du projet de loi, il y aurait lieu d'étendre ces obligations aux entreprises de 50 employés et plus. On toucherait donc plus le deux tiers des travailleurs plutôt que le sixième. Et, par ailleurs, comme les femmes se retrouvent de façon majoritaire dans les emplois temps partiel et temporaires, la loi ne devrait pas, selon nous, permettre, dans la majorité des cas, de les exclure tant au niveau de l'analyse des effectifs que du PAE lui-même. Il ne faudrait pas que la loi permette le maintien de disparités auprès de ces employés déjà désavantagés et de les soustraire aux bénéfices que pourraient amener les programmes d'accès à l'égalité. On croit donc que les articles 4 et 11 du projet de loi mériteraient du moins d'être précisés en ce qui a trait aux circonstances assez exceptionnelles, je dirais, qui justifieraient l'exclusion de ces types d'emploi.
n(10 h 20)n Par ailleurs, en ce qui concerne la méthodologie préconisée par la Commission, on pense qu'elle devrait être revue. Actuellement, un programme d'accès à l'égalité n'est justifié que s'il est fondé sur une sous-utilisation des membres d'un groupe cible. La façon de calculer cette sous-utilisation consiste essentiellement à comparer le pourcentage de personnes d'un groupe cible dans l'organisation avec leur disponibilité sur le marché du travail, où il existe déjà une ségrégation professionnelle. Donc, appliquer strictement cette méthode pourrait avoir des effets non souhaités. Comme la méthode peut maintenir une sous-utilisation des femmes dans les secteurs qu'elles ont peu investis jusqu'à maintenant, puisque la disponibilité de la main-d'oeuvre est réduite. On pense notamment dans les secteurs comme l'engineering, par exemple.
D'autre part, ça pourrait confirmer ou même augmenter le nombre de femmes dans des ghettos d'emploi féminins, car la méthode pourrait avoir pour effet de hausser la représentation des femmes dans des secteurs fortement féminisés, notamment les exemples des infirmières. La méthode pourrait aussi ne permettre une amélioration de la représentation actuelle des femmes que dans des emplois non qualifiés, peu rémunérés et offrant peu de possibilités d'avancement, notamment dans des emplois de journaliers, et ce n'est pas ce qu'on est en droit de s'attendre d'un programme à l'accès à l'égalité.
Donc, après une dizaine d'années d'expérimentation, la méthodologie, selon nous, mériterait un réexamen. Il s'agit d'une question complexe, et nous ne prétendons pas, ici, avoir la méthode. Cependant, on recommande qu'un comité de spécialistes se penche sur le sujet.
On recommande également qu'une réflexion soit amorcée pour mettre en place des mécanismes d'équité entre les sexes à l'intérieur des groupes qui sont ciblés que sont les autochtones et les minorités visibles. Dans ces cas-là, on pourrait notamment envisager de fixer des objectifs numériques, différents selon le sexe lorsque les analyses des effectifs et les disponibilités le permettent. Vous comprendrez bien qu'on ne veut pas des quarts de personne et des demies, mais, quand c'est possible, d'en fixer.
Concernant maintenant le Programme d'obligation contractuelle, on estime qu'il connaît un plafonnement et on souhaite que les organismes qui sont touchés par la loi n° 143 l'appliquent à leurs fournisseurs et bénéficiaires de leur soutien financier. On souhaite que certaines dispositions actuelles soient modifiées, d'abord qu'une entreprise soit soumise au programme si elle embauche 100 personnes et plus et si elle obtient, sur une période de deux ans, plusieurs contrats ou subventions qui totalisent 100 000 $. On demande aussi une révision du terme «subvention» pour englober toutes les formes de soutien financier, que ce soient des garanties de prêt, une participation capital-actions ou une exemption d'impôts. Il faudrait également diversifier les sanctions qui sont imposées aux entreprises qui ne se conforment pas au programme en imposant des amendes, en publiant les progrès et les résistances des entreprises participantes. Il faudrait, on croit, du moins analyser la question sous l'aspect des règles relatives à la confidentialité, bien sûr, des renseignements qui sont fournis à la Commission des droits.
Par ailleurs, même si ces interventions à l'échelle des organisations sont nécessaires, on estime que le système d'éducation, lui, devrait être interpellé. En effet, des programmes d'accès à l'égalité, tels que permis par la Charte, permettraient de fixer des objectifs numériques et ainsi accroître la présence des femmes et des filles dans certaines options non traditionnelles tant au secondaire, au collégial qu'à l'université. Cette mesure proactive à l'égard de la diversification des choix professionnels des filles aurait aussi l'avantage de permettre de revoir les méthodes d'enseignement dans certaines matières afin qu'elles répondent autant aux besoins des femmes que des hommes en les préparant adéquatement et équitablement à leur entrée sur le marché du travail.
Donc, oui, la lutte à la ségrégation professionnelle doit se faire à plusieurs niveaux. Le projet de loi n° 143 constitue un élément proactif, selon nous, très important. Et, en terminant, je pense qu'adopter la loi permettrait d'amorcer dans les organismes publics des changements en faveur d'une plus grande équité, une présence équilibrée des femmes, incluant celle des groupes ciblés par la loi, aux différents postes et aussi aux différents échelons sur le marché du travail. Bref, c'est ce à quoi nous travaillons depuis longtemps, et nous sommes convaincues que le gouvernement du Québec, qui a toujours été un fervent défenseur de l'égalité entre les hommes et les femmes, doit donc aller de l'avant avec ce projet de loi. Merci bien de votre attention.
Le Président (M. Rioux): Merci beaucoup, Mme la présidente. Alors, je cède maintenant la parole au ministre.
M. Perreault: Oui, merci, M. le Président. Alors, je veux saluer la présidente et sa collaboratrice, les remercier pour leur intervention. Le mémoire est extrêmement élaboré, il reprend évidemment toutes sortes de considérations, mais je me permets de relire ce que vous avez exprimé en page 5 du mémoire quand on dit que «le Conseil exprime son appui inconditionnel à ce projet de loi tout en proposant quelques ajustements qui rendraient plus efficaces les démarches d'accès à l'égalité que devront entreprendre les organismes publics».
Vous avez soulevé, par rapport à ces ajustements, toutes sortes de considérations. Certaines sont extrêmement précises et importantes, mais vous en avez soulevé tout un ordre autour un peu de ce qu'on peut appeler la méthodologie de l'élaboration des programmes d'accès à l'égalité. C'est une expérience au Québec depuis une dizaine d'années, une douzaine d'années. Ça s'est fait sur une base volontaire, bon, la fonction publique un peu, quelques organismes publics. Ce n'est pas très répandu, il y a eu des décisions... C'est beaucoup à travers le travail de la Commission des droits que s'est fait cet exercice. La loi ne prévoit pas toutes les modalités. Vous recommandez, si je comprends bien, que, pour ce qui est de l'ensemble de ces modalités, il y ait des groupes d'experts qui se penchent, des groupes qui travaillent là-dessus et qui revoient un peu la méthodologie.
Dans le temps, par rapport à l'adoption du projet de loi... Dans le fond, ce que j'aimerais un peu vous entendre dire, c'est par rapport à ce qu'on appelle changer la situation, créer le mouvement, enclencher un processus. Évidemment, il y a des gens qui disent: Attendez d'être sûrs, pour lancer votre projet, que toute la mécanique ait été revue dans le détail, et vous soulignez que c'est relativement complexe. La démarche que je suis, que le gouvernement suit est un peu différente, c'est-à-dire on provoque le changement, puis on aura l'occasion de revenir dans le détail. J'aimerais un peu vous entendre parler de ça par rapport à certaines remarques qui ont été faites, notamment de la personne avant vous puis d'autres dans d'autres... hier, avant-hier, qui disent: C'est bien important, là, si on veut atteindre les objectifs, que la mécanique ait été bien décortiquée, revue, corrigée. Je ne parle pas nécessairement de considérations comme est-ce qu'on touche ou pas telle clientèle ou bien est-ce qu'on étend le programme aux obligations contractuelles, là, mais je parle au niveau de la mécanique elle-même. J'aimerais un peu vous entendre là-dessus, votre point de vue sur ça, là.
Le Président (M. Rioux): Mme Lavallée.
Mme Lavallée (Diane): Oui. Nous, il est clair que, advenant la possibilité de revoir des aspects aussi importants que la méthodologie dans des courts délais, on dirait: Bon, attendons, là. Mais, si ça a comme objectif ou comme effet de faire en sorte que ça retarderait la mise en application du projet de loi, là on dit: Allons de l'avant avec le projet tel qu'il est quitte à être bonifié ultérieurement, parce que ça indique déjà une bonne voie dans une bonne direction en permettant à plus de gens des groupes ciblés d'avoir accès à des emplois, à de meilleurs emplois, donc à équilibrer, je pense, de façon représentative la population québécoise, la main-d'oeuvre, là, dans les secteurs visés. Donc, oui, on a certaines réserves, mais qui ne vont pas dans le sens de retarder pour autant le fait d'aller de l'avant avec l'adoption de ce projet de loi.
Par contre, l'ensemble des commentaires, je peux vous dire, selon nous, amèneraient des bonifications et permettraient sûrement une plus grande efficacité si on veut vraiment atteindre les objectifs, là, très louables qui sont projetés par le projet de loi.
M. Perreault: O.K. Ça m'amènerait peut-être à une deuxième question.
Le Président (M. Rioux): Oui, allez.
M. Perreault: Évidemment, les gens qui sont venus nous ont beaucoup parlé aussi de la notion des objectifs croisés en matière d'embauche. Vous abordez un peu aussi cette question-là dans votre mémoire. On nous a référés à l'expérience notamment de la STCUM. La STCUM a commencé par avoir des programmes d'accès à l'égalité pour les femmes, les minorités ensuite, puis il y a actuellement une expérience-pilote qui se poursuit à la STCUM avec des objectifs croisés. Quelle est votre... Je n'ai pas vu que votre mémoire fait référence à inclure les personnes handicapées dans le projet, je ne sais pas si ça le fait.
Le Président (M. Rioux): Mme Lavallée.
Mme Lavallée (Diane): Nous, pour ce qui est des personnes handicapées, je pense qu'il y a des organismes beaucoup plus spécialisés et qui ont une connaissance beaucoup plus précise de leur situation. Ce qu'on reconnaît là-dedans, c'est qu'il y a des mécanismes prévus dans les plans d'embauche. Et on n'a pas fait l'analyse si ces mécanismes-là étaient vraiment efficaces, mais on sait qu'il y a une particularité qui les concerne, on recommande que ça puisse aller de l'avant et que ça puisse faire en sorte que les femmes de cette catégorie de personnes là puissent bénéficier de l'accès à l'égalité aussi dans l'embauche. Donc...
M. Perreault: Mais sur la question... Dans le fond, ce pourquoi je soulevais ça, c'est que pour ce qui est des objectifs croisés, à la recommandation 3, vous dites: «On pourrait notamment envisager de fixer, dans leur cas...
Mme Lavallée (Diane): Des objectifs numériques.
M. Perreault: ...des objectifs numériques différents [...] lorsque les analyses des effectifs et de disponibilité le permettent.»n(10 h 30)nMme Lavallée (Diane): Oui. En fait, pour ce qui est des cibles, des minorités visibles notamment et des représentants des autres cibles, ce qu'on voudrait, c'est être en mesure de faire en sorte que ces femmes-là ne soient pas doublement discriminées et de faire en sorte que les programmes d'accès à l'égalité permettent non seulement qu'on introduise dans nos organismes publics des représentants de ces cibles, mais de s'assurer que ces représentants-là soient aussi autant des femmes que des hommes et qu'on ait cet aspect-là en tête et qu'on mette de l'avant un mécanisme ou une méthodologie qui permet justement de faire en sorte que l'entrée des minorités visibles ou des autochtones ne se fasse pas seulement par l'entrée d'hommes dans ces cibles-là.
Le Président (M. Rioux): ...
M. Perreault: Excusez, je peux juste terminer...
Le Président (M. Rioux): Oui.
M. Perreault: Je termine. Mais ce que je comprends, c'est que vous proposez à ce moment-ci plutôt une réflexion. Vous n'en avez pas conclu nécessairement qu'il faudrait introduire dans le projet de loi, à cette étape-ci, obligatoirement le principe d'objectifs croisés dans tous les cas, ou bien, si... je ne veux pas vous...
Mme Lavallée (Diane): On n'est pas allé jusque là, mais c'est ce qu'on souhaite fortement, parce que les commentaires qu'on a formulés font en sorte que, pour amener des bonifications... Mais, comme je vous dis, si tout ne peut pas être fait à court terme, on vous dit d'aller de l'avant avec le projet de loi mais de regarder attentivement les problèmes qui ont été soulevés. Si certains peuvent être mis en application ou amener des correctifs avant son application, bien tant mieux, mais il ne faudrait pas retarder indûment l'adoption du projet de loi pour régler et attacher toutes les ficelles, là, qui, selon nous, seraient souhaitables.
Le Président (M. Rioux): Très bien. Alors, du côté de l'opposition, c'est maintenant le député de Marquette.
M. Ouimet: Merci, M. le Président. Bienvenue, Mme Lavallée, Mme des Rivières. Je vous dis d'emblée que nous sommes en accord avec bon nombre de vos recommandations, y compris la première recommandation qui vise à faire en sorte que la loi soit adoptée et mise en vigueur le plus rapidement possible. C'est l'objectif que nous poursuivons. Poursuivons également bien sûr. Nous allons tenter de bonifier le projet de loi pour qu'il reçoive l'application la plus large possible, mais bien sûr, compte tenu que nous sommes dans une période, je pense, d'embauche qui, mis à part les municipalités, risque d'être très fertile, vaut mieux agir le plus rapidement possible.
Dans votre mémoire, vous notez à la page 11 quelque chose qui m'avait échappé, que la Commission des droits de la personne et de la jeunesse ainsi que le Protecteur du citoyen échappent à l'application de la loi. Moi, ça m'avait échappé. Je ne sais pas ce que le ministre entend faire avec votre recommandation. Je trouve que c'est une excellente recommandation. Il faut se poser la question: Pourquoi? Est-ce un oubli? Est-ce un choix qui a été fait? Je ne le sais pas, on verra bien.
Vous dites par ailleurs que tous les organismes publics, sans exception, devraient avoir les mêmes obligations, mais un peu plus loin, par exemple, vous placez une exception au niveau de la règle des 50 personnes et plus. Pourquoi est-ce que vous... D'autres organismes ont dit: Les entreprises, les organismes publics, indépendamment du nombre, devraient être assujettis à la loi? Pourquoi dans une page vous dites: Sans exception, et, l'autre page, vous dites: Cependant, on limite ça à 50 personnes et plus?
Le Président (M. Rioux): Mme Lavallée.
Mme Lavallée (Diane): Bien, les organismes normalement qui sont visés, c'est les organismes, là, ce que je comprends bien du projet de loi, qui représentent 100 personnes et plus. Ce qu'on souhaite, nous, c'est pour l'étendre à plus de gens possible, d'avoir les entreprises de 50 et plus, parce qu'il y a quand même, je pense... Ce qu'il faut regarder, c'est qu'il ne faut pas non plus alourdir des responsabilités à des petites entreprises qui ont beaucoup moins d'employés pour mettre de l'avant des programmes de ce type-là. Nous, on pense que déjà avec des entreprises de 50 et plus, on toucherait une grande proportion de la population sur le marché du travail, quasi les deux tiers, et à notre avis ce serait déjà un très grand pas.
M. Ouimet: Donc, vous faites référence à une question de lourdeur, peut-être de coûts relatifs...
Mme Lavallée (Diane): Il y a tous les coûts, effectivement. Puis le fait que ça demande quand même des ressources pour soutenir la mise sur pied, et les plus petites entreprises n'ont pas nécessairement tous les gens au niveau des ressources humaines ou dans la haute direction capables d'assumer ça. Donc, on ne veut pas accroître les coûts souvent de ces très petites entreprises là, qui ont déjà des fois certaines difficultés, au niveau économique, à survivre. Donc, c'était plus cet objectif-là.
M. Ouimet: Vous faites référence également, à la page 30 de votre mémoire, à des sanctions et à des pénalités que vous souhaiteriez voir imposées aux entreprises privées qui embauchent 100 personnes et plus, là, indépendamment des subventions totalisant 100 000 $. Vous dites: S'ils ne respectent pas la loi, il devrait y avoir des sanctions et des pénalités. Mais je n'ai pas vu la même recommandation pour les organismes publics. Pourquoi?
Le Président (M. Rioux): Mme Lavallée.
Mme Lavallée (Diane): Bien, en fait on fait référence au Programme d'obligation contractuelle qui s'adresse particulièrement aux entreprises privées pour lesquelles le gouvernement contracte, et c'est vraiment à elles particulièrement, là, qu'on s'attarde. Nous, on considère que l'ensemble des organismes publics devraient se conformer à la loi, et, s'il y a lieu de voir d'autres mécanismes de pénalités en ce qui les concerne, je pense que tout doit être mis de l'avant pour faire en sorte que tous les gens concernés par l'application de ce projet de loi aillent de l'avant. Mais c'était davantage...
M. Ouimet: Non, ça, ça va, mais les pénalités, les sanctions, moi, j'avais compris que vous les réserviez uniquement pour les entreprises privées qui ont un contrat avec le gouvernement, mais vous ne l'étendiez pas aux organismes publics, parapublics. J'essayais de voir, de comprendre pourquoi. Est-ce qu'il y a des raisons?
Le Président (M. Rioux): Alors, Mme des Rivières.
Mme des Rivières (Monique): Oui. Bien d'abord, c'est parce que, dans le cadre du Programme d'obligation contractuelle, les sanctions existent déjà. Par ailleurs, pour les organismes publics, bon, est-ce que c'est une hypothèse qui devrait être envisagée, parce qu'il y a quand même des organismes important dans ça, là? Peut-être que ça devrait être envisagé aussi pour celles qui ne se conforment pas. On n'a pas regardé ça plus en détail.
M. Ouimet: Dernière petite question avant de céder la parole à mon collègue d'Outremont. Votre organisme serait visé par la loi, serait assujetti par la loi?
Mme Lavallée (Diane): Notre organisme, non. Il y a 63, alors...
Une voix: On est moins que 100.
Mme Lavallée (Diane): On est moins que 100.
M. Ouimet: Vous êtes plus de 50 employés ou moins de 50 employés?
Mme Lavallée (Diane): Non, non, mais à l'heure actuelle le projet de loi dit 100. Si c'est plus de 50, effectivement on serait visé par ça.
M. Ouimet: Vous seriez assujetti. O.K. Je comprends. Merci.
Mme Lavallée (Diane): Oui. Ça fait que vous nous enverrez des curriculum vitae d'hommes pour venir travailler au Conseil.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ouimet: Merci.
Le Président (M. Rioux): M. le député de d'Outremont.
M. Laporte: M. le Président, j'aimerais revenir à ce qui m'apparaît comme un problème assez fondamental dans cette loi-là, parce que le ministre, que j'écoute depuis deux jours ou deux jours et demi, s'entête à vouloir nous convaincre que, s'il y a des limitations dans ce projet, il faut les accepter au nom du pragmatisme. Il l'a dit: Vous savez, on ne peut pas tout faire en même temps. Il pratique la politique du coup par coup. Un pas en avant vaut mieux que pas de pas en avant du tout. Mais je pense qu'il y a plus que ça dans ce que le ministre... dans ce projet-là. Il y a vraiment un conservatisme politique. Je vais vous expliquer pourquoi puis je demanderais à la présidente de réagir.
La notion de disponibilité, par exemple, on vient de nous montrer que c'est une notion qui est loin d'être exempte de tout soupçon, parce que c'est construit socialement, c'est-à-dire que ce n'est pas dans la nature; il y a du monde qui soit disponible ça tient aux traditions, aux habitudes, aux pratiques historiques, aux pratiques systémiques, et ainsi de suite. Mais je vais vous donner un exemple et ça devrait vous intéresser, vous, comme présidente du Conseil du statut de la femme, et c'est un exemple qui est d'autant plus pertinent qu'il y a personne ici pour les représenter.
Prenons les femmes autochtones ou prenons les femmes des communautés visibles. Dans ce cas-là, la disponibilité est vraiment sociologiquement construite, c'est-à-dire que, si elles ne sont pas là, ce n'est pas parce que... c'est pour des raisons qui ont fait que, historiquement, elles ne sont pas apparues dans ces catégories-là, puis ça peut être pour des raisons que madame mentionnait tantôt, Mme Bizzarri, au sujet des immigrants, là.
La question que je me pose, c'est la suivante: Est-ce que dans le cas de ces catégories extrêmes, si on peut les décrire ainsi, il ne devrait pas y avoir, c'est dans ce sens-là que je parle de conservatisme politique, dans le projet de loi des alternatives de prévues à la pratique de l'évaluation de sous-utilisation. Ce que je veux dire, c'est que dans ce cas-là, si on veut corriger la discrimination, je pense qu'il va falloir aller là où les Américains sont allés dans certains cas, c'est-à-dire à la politique des quotas, qui pourrait être une politique de 50-50 ou 60-40, ou ainsi de suite.
Et dans ce sens-là je trouve que le ministre fait preuve de conservatisme, parce que, s'il a refusé d'aller dans cette direction-là, ce n'est pas par pragmatisme, je pense que c'est par volonté de ne pas déplaire ou de rendre son projet institutionnellement ou politiquement acceptable. Si on veut corriger certains types de discrimination, je pense que, dans le cas des femmes autochtones ou des femmes de couleur, il va falloir qu'on aille plus loin que ce qui est prévu ici, nommément d'édicter des quotas.
n(10 h 40)nLe Président (M. Rioux): Alors, Mme Lavallée, vous allez commenter sans doute le souhait du député d'Outremont, qu'on aille plus loin.
Mme Lavallée (Diane): C'est ce qu'on souhaitait dans la méthodologie, effectivement la notion de disponibilité, quant à elle aussi, une discrimination systémique, parce que la disponibilité souvent des femmes, ou des femmes des minorités visibles, ou des autochtones ne reflète pas nécessairement le fait que ces femmes-là puissent s'intégrer et avoir droit à leur chapitre d'équité dans des programmes d'accès à l'égalité. C'est pour ça qu'on pense que toute la question de disponibilité devrait être revue.
On sait par contre que de mettre peut-être des quotas à certains égards, ça pourrait être difficile compte tenu que, dans certains corps d'emploi, le bassin effectivement disponible de femmes autochtones pour occuper tel emploi ne nous permet pas d'avoir des quotas fixes parce que ça serait des quarts de personnes. C'est pour ça que nous on dit: Il faudrait avoir peut-être des objectifs aussi numériques, là, pour ces catégories-là particulièrement, parce qu'elles sont en plus petit nombre, qui, de façon réaliste, leur permettraient d'avoir droit au chapitre sans toutefois qu'on soit avec des quarts d'individus.
C'est pour ça que la question de quotas comme telle en tout cas semblait plus difficile dans certains cas, mais, quand on dit: Quand la méthodologie le permet, de faire en sorte qu'effectivement ces femmes-là soient visées de façon particulière au sein même des groupes cibles, pour ne pas qu'on se contente et qu'on se satisfasse de dire: Nous avons atteint notre objectif au niveau des minorités visibles parce que nous en avons atteint quatre, mais de ces quatre-là aucune femme, quand il y en aurait peut-être au moins une de disponible, même dans le bassin d'emplois disponibles dans un territoire donné.
M. Laporte: Et même j'irais jusqu'à opter, M. le Président, que dans certains cas, pour corriger une discrimination qui est inscrite dans l'histoire et dans la systémie, il va peut-être falloir dépasser le concept de zone habituelle de recrutement. Le problème, ça va être de faire la démonstration à ces groupes cibles de la possibilité d'accès à des postes comme ceux-là. Donc, c'est ou bien des quotas ou bien des objectifs numériques. Le ministre ne peut pas nous dire qu'il a mis de côté ces deux mesures au nom du pragmatisme. Ce n'est pas du pragmatisme, M. le Président, c'est du conservatisme politique.
Le Président (M. Rioux): Alors, M. le député d'Outremont, on aura l'occasion de revenir à l'opposition, parce qu'il nous reste encore cinq minutes, alors vous aurez l'occasion de dire si la réponse de la présidente était satisfaisante et fonctionnelle pour répondre à vos objectifs que, vous, vous avez en tête.
M. Laporte: Sur ça, je dis: Oui, tout de suite...
Le Président (M. Rioux): Alors, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Beaulne: Marguerite-D'Youville.
Le Président (M. Rioux): Marguerite-D'Youville, je m'excuse. Ces femmes ont été tellement présentes dans nos vies passées que...
M. Beaulne: C'est ni la même couleur politique ni le même sexe.
Le Président (M. Rioux): Alors, leur mémoire nous habite, M. le député. Alors, allez-y.
M. Beaulne: Oui, je voudrais continuer sur la lancée de mon collègue d'Outremont. Moi, je trouve la réponse de Mme Lavallée tout à fait acceptable et tout à fait réaliste dans le contexte actuel, parce que j'aimerais apporter aux commentaires, aux suggestions de mon collègue sur ce qui se passe aux États-Unis, quelques expériences là-dessus.
J'ai eu l'expérience de vivre cinq ans à New York comme étudiant à l'Université Columbia et par la suite cinq ans comme consul canadien en Californie. Effectivement, à cette époque-là on mettait beaucoup l'emphase sur les quotas, ce qu'ils appelaient, eux, la discrimination positive. Or, il y a eu tout un tollé, tout un débat là-dessus, sur la véritable utilité et efficacité de cette approche, parce qu'on heurtait de front plusieurs principes qui sont aussi légitimes que celui d'éviter la discrimination comme par exemple, et je fais allusion ici un peu à un commentaire qu'a fait Mme Bizarri tout à l'heure dans sa présentation lorsqu'elle parlait de reconnaître la compétence. C'est bien d'essayer de tenter d'éviter la discrimination, mais il ne faut pas que ça se fasse au détriment de la reconnaissance de la compétence.
On parlait tout à l'heure de nouveaux arrivants au Québec qui possèdent des formations tout à fait intéressantes et qui sont évacués de certains bassins d'embauche et qui font partie des groupes ciblés par le projet de loi.
La politique des quotas, quant à moi, est une politique qui s'est avérée inefficace aux États-Unis, qui a suscité des controverses et des réticences de la part des organismes mêmes et des groupes de pression mêmes qui visaient à éliminer la discrimination. Donc, avant de se lancer dans cette voie-là, je pense que c'est quelque chose qui devrait être examiné beaucoup plus profondément si on veut respecter véritablement l'esprit de la loi qu'on est en train d'examiner. Alors, c'est tout simplement le commentaire que je voulais faire. Peut-être Mme Lavallée voudrait ajouter quelque chose.
Le Président (M. Rioux): Mme Lavallée.
Mme Lavallée (Diane): Oui. Moi, je pense qu'effectivement la crédibilité des programmes d'accès à l'égalité ? et les femmes les premières défenseures de cet aspect-là ? il ne faudrait pas que ça se fasse au détriment de la compétence et du mérite. On ne voudrait pas que les femmes se retrouvent chefs d'entreprise dans ces conseils d'administration ou dans des postes et de se faire dire qu'elles sont là parce qu'elles sont des femmes et qu'elles n'ont pas la compétence. Et je ne crois pas que les programmes d'accès à l'égalité devrait faire en sorte que les minorités visibles, ou les femmes autochtones, ou les autochtones se retrouvent dans des positions sans avoir les compétences pour jouer ce rôle-là. Donc, je pense que ça, c'est important.
Et, quand on parle de compétences, je pense qu'il faut voir par contre, antérieurement à ça, des exigences des fois qui sont peut-être trop exigeantes, qui feraient qu'on pourrait étendre le bassin de recrutement si l'employeur avait des exigences moindres qui feraient en sorte que la personne pourrait être compétente.
Et vous allez voir qu'à la STCUM il y a eu des expériences. À un moment donné on voulait embaucher des chauffeurs d'autobus, et l'employeur avait comme exigence cinq ans d'expérience de conduite d'automobile ou de conduite commerciale, bien il n'y en avait pas de femmes disponibles. Et ce n'est pas parce que les femmes n'avaient pas la compétence; elles ne répondaient pas aux exigences, et c'était très différent. Puis à partir du moment où ils ont dit: Bon, bien, c'est cinq ans d'expérience de conduite, il y en a eu des femmes qui sont entrées puis des femmes très compétentes.
Donc, je pense qu'il faut faire attention, là, quant aux exigences, des fois. Et là on pense qu'il y a des biais aussi quant aux exigences des fois qui sont demandées dans certains postes, qui sont peut-être trop exigeantes pour les besoins de l'emploi et qu'on recrute des gens qui ont des exigences supérieures et en éliminant d'autres qui sont peut-être de ces catégories de cibles là.
Et pour peut-être revenir un peu à ce que vous disiez, l'emphase sur la question du bassin de recrutement, effectivement le fait d'élargir le bassin de recrutement permettrait sûrement, notamment aux groupes ciblés de minorités visibles ou autochtones, d'avoir peut-être droit au chapitre à certains égards, parce que dans certaines régions, dans certains secteurs, ils ne sont pas présents. Donc, étendre le bassin permettrait de toucher plus facilement cette clientèle.
Le Président (M. Rioux): Afin de conserver un peu le dynamisme du débat, M. le ministre ? le député d'Outremont a parlé de conservatisme politique et parlé de votre pragmatisme aussi, gradualisme qui est souvent à l'honneur dans beaucoup de gouvernements ? est-ce que vous avez le goût de réagir tout de suite?
M. Perreault: Bien, j'avais une réflexion à faire et surtout des questions à poser à la députée. Écoutez, moi, je veux simplement dire ceci. Je ne pense pas que ce soit un projet de loi conservateur. Je crois qu'il vise à changer profondément les habitudes de notre société. Il est peut-être insuffisant. L'objet de la commission, c'est de le perfectionner, mais il n'est pas conservateur.
Mais vous avez abordé la question de la compétence versus les quotas, et tout ça. Votre dernière recommandation, indirectement pose un peu ces questions-là. Ce n'est pas comme tel au coeur du projet de loi, mais c'est quand même, je dirais, implicite par rapport à tout ce qui s'appelle la démarche d'atteinte des résultats. Vous dites: «Que les établissements d'enseignement secondaire, collégial, universitaire soient instamment invités à mettre sur pied des PAÉ à l'intention de leur clientèle étudiante dans les disciplines où les femmes sont manifestement sous-représentées.» La loi ne peut pas régler à elle seule toute cette dynamique de comment changer des mentalités, comment changer des réalités. Et là vous abordez une question qui n'est pas comme telle soulevée directement dans la loi, mais j'aimerais vous entendre de en quoi c'est important justement en relation avec les notions de compétence dont on parle.
Mme Lavallée (Diane): Oui, mais, si on veut avoir un bassin de disponibilité d'individus ? nous autres, si on considère de femmes ? pouvant s'inscrire dans les programmes d'accès à l'égalité dans des secteurs non traditionnels, je pense qu'il faut agir en amont du processus. Et au niveau de la formation, à notre avis, c'est essentiel. Si on forme autant d'ébénistes, de techniciens en aéronautique ou de techniciennes en aéronautique, bien le bassin disponible de recrutement va être là d'entrée de jeu, là. Je pense que c'est important...
M. Perreault: Hier, les gens de l'UMQ sont venus nous dire: Vous savez, il ne pourra appartenir aux employeurs de faire des campagnes de promotion et de sensibilisation. Il y a des opérations gouvernementales à faire. Ça s'inscrit aussi un peu dans cet esprit-là, ça.
Mme Lavallée (Diane): C'est sûr que ça appelle à une mobilisation de plusieurs acteurs effectivement, et les maisons d'enseignement sont fortement interpellées selon nous aussi de faire de la publicité, du recrutement, de changer même et de se questionner sur les méthodes de formation. Parce qu'on sait que certaines femmes, qui vont dans des secteurs non traditionnels, elles vont quitter, ne se rendront même pas à la fin d'un cours parce que la formation n'est pas adaptée à la réalité des femmes, et encore moins le marché du travail quand elles y arrivent. Donc, ça interpelle beaucoup d'acteurs pour permettre les succès escomptés par un programme d'accès.
n(10 h 50)nLe Président (M. Rioux): Très bien. Alors, M. le député d'Outremont.
M. Laporte: J'ai deux commentaires, M. le Président, si vous permettez. D'abord, je comprends les propos de mon collègue d'en face. C'est sûr que la notion de quotas, d'objectifs numériques, ça a généré des controverses. Mais dans certains cas ça a évolué aux États-Unis, et ça, je pourrais vous donner des preuves parce qu'on a eu des objectifs numériques.
Par ailleurs, pour réagir aux propos du ministre, M. le Président, je n'ai pas dit que le projet de loi était conservateur. Mais dans ce projet de loi là il y a des choix qui ont été faits, et personnellement ? et c'est une conviction que j'ai acquise au fur et à mesure dans ma courte expérience de politicien ? je ne pense pas que les politiciens fassent des choix exclusivement sur la base du pragmatisme.
Leurs objectifs sont ceux de maximiser les chances d'avoir des votes, n'est-ce pas, et ça, ça influence les choix qui sont faits, là-dedans, entre autres. Les groupes cibles sont des groupes qui, après avoir été retenus pour des raisons politiques, entre autres... Il y a des aspects de la discrimination dont on a parlé antérieurement puis qui ne sont pas là-dedans, puis qu'ils n'y sont pas puis on se demande pourquoi.
Vous dites: C'est complexe, il faut être pragmatique, il faut faire pas à pas, il y a peut-être d'autre... Je ne fais pas une attribution de motifs, je vous expose ma vision de ce que c'est qu'un comportement de politicien.
M. Perreault: ...
M. Laporte: D'autre part, je pense que, en ce qui concerne le choix dont j'ai parlé, à savoir de ne pas utiliser certaines voies plutôt que d'autres, oui, je pense qu'il y a des choix qui ont été inspirés par autre chose que du pragmatisme, ce que j'appelle le conservatisme politique.
Le ministre peut réagir à ça en réaffirmant son pragmatisme, mais il ne me convainc pas, M. le Président. Je pense que c'est notre devoir, à nous, d'examiner les choses sous tous les angles et, à mon avis, il y a un aspect de conservatisme dans ce projet qui m'apparaît d'autant plus visible que je le lis, et le relis, et l'examine, et y réfléchis.
Le Président (M. Rioux): Ce commentaire politique étant fait, est-ce que vous avez une question?
M. Laporte: Non, M. le Président.
Le Président (M. Rioux): Merci. Mme Lavallée, vous souhaitez que les syndicats s'impliquent dans les programmes d'accès à l'égalité. Je vous comprends. Je vous comprends parce que c'est des partenaires importants sur le marché du travail. Le capital d'un bord, le travail de l'autre, il y a des artisans qui ont fonction de protéger et de parler au nom de ces gens-là.
Dans le projet de loi, je ne vous dirai pas qu'on fait un bon marché de l'ancienneté, mais en tout cas on ne voudrait pas que l'ancienneté soit un frein à la réalisation d'un certain nombre d'objectifs visant à assurer l'équité ou la parité de chances soit pour les minorités visibles ou encore pour les autochtones et que sais-je encore.
Vous, sur la notion strictement d'ancienneté... Je ne fais pas appel à votre vie antérieure, je fais appel à la vie présente qui est la vôtre...
Mme Lavallée (Diane): ...sociable. Ha, ha, ha!
Le Président (M. Rioux): Essayez d'être jésuitique pour un instant et nous donner la position du Conseil.
Mme Lavallée (Diane): Bien, moi, je pense que ça doit premièrement se négocier, parce que les exigences imposées dans le secteur des relations de travail, ça s'avère très peu profitable habituellement. Et je pense que les objectifs, qui sont sûrement fortement partagés par l'ensemble du mouvement syndical à l'égard de l'accès à l'égalité, parce que, dans la plupart des grandes organisations, il y a des comités de condition féminine qui ont fait faire beaucoup de bouts de chemin, je dirais, à beaucoup d'hommes en tête de ces organisations-là... Et dans ce sens-là je pense qu'ils vont devoir faire un exercice au sein même de leur organisation quant à toutes sortes de privilèges acquis et qu'il va falloir regarder quand on va faire des avancements.
Donc, je pense que ça aussi, c'est une question qui va être soulevée et je pense que la notion d'ancienneté, qui est, hein, sacrée dans le monde syndical, va devoir être regardée au même titre que d'autres privilèges acquis, ça, c'est clair. Par contre, il ne faudrait pas ouvrir la porte, par le biais des programmes d'accès à l'égalité, à un grand arbitraire, je dirais, patronal qui ferait en sorte qu'on reviendrait à donner des privilèges à certains ou à certaines qu'il n'y aurait pas lieu d'avoir autrement.
Il ne faudrait pas réduire la compétence. Je pense que l'ancienneté des gens dans une organisation, c'est toujours valable, et il faudrait, moi, je pense, voir les négociations qui peuvent se faire avec le mouvement syndical là-dedans. Parce qu'il y a plein de mesures, quand on a des programmes d'accès à l'égalité, qui doivent être renégociées, que ce soient les horaires variables, que ce soient les congés parentaux ou familiaux qui permettent justement à des catégories de personnel de pouvoir s'insérer dans des conditions qui permettent l'accès à des emplois de niveaux différents.
Donc, je pense que l'ensemble des clauses des conventions collectives là où il y en a ou là où il n'y en a pas, le monde des relations de travail est fortement impliqué. L'ensemble des aspects de la gestion des ressources humaines est au coeur des programmes d'accès à l'égalité, donc ça nécessite, je pense, de la négociation avec chacun des représentants.
Le Président (M. Rioux): Très rapidement. Vous voyez les syndicats associés à la démarche sous la forme de la consultation, mais vous ne les voyez pas intégrés au processus décisionnel.
Mme Lavallée (Diane): Moi, je pense que c'est des partenaires incontournables, là. Il reste, c'est bien sûr, qu'il y a des droits de gestion des employeurs que je ne veux pas enlever, mais je pense que ce sont des incontournables. Et d'associer de très près l'ensemble des représentants syndicaux ou des représentants des travailleurs à la démarche et de chercher les consensus au sein des établissements, à mon avis, c'est davantage la recette du succès de l'instauration des PAE, sinon il va y avoir des boycottages, comme l'imagination de tout le monde est capable d'instaurer.
n(11 heures)nLe Président (M. Rioux): Alors, j'aimerais vous remercier, ainsi que Mme des Rivières, de votre participation. Vous avez présenté un mémoire de belle qualité; on vous en félicite et on vous remercie.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Rioux): À l'ordre! Action travail des femmes, vous avez pris place? Très bien.
M. Perreault: M. le Président, si vous me permettez, avant de commencer...
Le Président (M. Rioux): Oui, allez.
Document déposé
M. Perreault: Alors, le critique de l'opposition a souhaité obtenir, M. le Président, copie de la partie accessible au public du mémoire que j'ai présenté au Conseil des ministres relativement à ce projet de loi. Alors, ça me fait plaisir de déposer ce...
Le Président (M. Rioux): Alors, le document est déposé. Merci.
M. Ouimet: Merci, M. le ministre.
Le Président (M. Rioux): Alors, Mme Raymond.
Mme Raymond (Darline): C'est moi.
Le Président (M. Rioux): Vous allez nous présenter la personne qui vous accompagne.
Mme Raymond (Darline): Mme Ginette Martel, organisatrice communautaire à Action travail des femmes.
Le Président (M. Rioux): Alors, vous avez 15 minutes pour présenter votre rapport et ensuite, on entreprendra le dialogue ensemble.
Action travail des femmes
Mme Martel (Ginette): Parfait. Je tenterai d'être brève parce que, si vous avez vu notre mémoire, il est quand même assez touffu. Je tiens et nous tenons, Action travail des femmes, à saluer les efforts faits par le ministre Perreault pour élargir la portée des programmes d'accès à l'égalité pour les femmes. Nous, Action travail des femmes ? je vais être assez brève dans notre présentation ? on est un petit peu à l'origine des premiers programmes d'accès à l'égalité au Canada, donc au Québec, parce que ça se passait dans la région du Saint-Laurent dans la cause Action travail des femmes contre le Canadien National, Cour suprême, 1987, où...
Le Président (M. Rioux): Et c'est un heureux rappel.
Mme Martel (Ginette): Un heureux rappel, oui, et ça a eu plusieurs conséquences, dont faisait mention tout à l'heure Mme Lavallée et Aoura du Collectif. Suite à nos pressions, la STCUM a adopté des objectifs d'embauche quantifiables pour les femmes chauffeurs d'autobus et pour les personnes qui travaillent dans l'entretien aussi du métro et des autobus en général.
Je dois juste dire, en passant, que nous, on la vit chez nous tous les jours, la discrimination systémique. On entend au téléphone les femmes parler, on reçoit de 400 à 500 femmes par année dans nos séances d'information pour aider les femmes à accéder au marché du travail. Sachez qu'on ne s'adresse pas à des femmes très riches. Les femmes qui viennent chez nous sont des femmes socioéconomiquement défavorisées qui sont souvent monoparentales, donc seules avec leurs enfants, chefs de familles, et qui vivent de grandes difficultés pour accéder à l'emploi, non pas parce qu'elles ne sont pas aptes à occuper un emploi, mais parce qu'il y a des raisons vraiment systémiques, des obstacles qui existent et qui sont là. On est témoins de ça, et c'est au nom de ces femmes-là que nous allons intervenir aujourd'hui.
Dans nos revendications, on pourrait dire qu'il y a comme trois blocs, parce que, c'est ça, on ne veut pas répéter non plus inutilement ce qui a déjà été dit. On est tout à fait en accord avec une des revendications de la marche qui est d'appliquer... Une des revendications, c'est de demander au gouvernement d'appliquer des moyens concrets pour favoriser un réel accès des femmes des communautés ethniques et culturelles, des minorités visibles, des femmes autochtones et des femmes ayant des limitations fonctionnelles au marché du travail. Donc, on appuie la revendication du «double checking». Je ne sais pas comment vous... Nous, on le voit plutôt, entre femmes, diviser les emplois, avec des pourcentages, comme ça se fait un peu à la STCUM entre autres. D'une part, donc, on appuie sans ambages cette revendication-là. Et on aimerait voir effectivement apparaître les femmes, les personnes ayant des limitations fonctionnelles dans des groupes cibles et les femmes des communautés ethnoculturelles qui ne sont pas nécessairement visibles, et ça, toujours à partir de notre expérience. Nous, on le voit, la discrimination se fait souvent... peut être audible, peut être dans la façon de parler, d'être, et la discrimination est aveugle. Alors, on aimerait voir ces femmes-là intégrées, donc être touchées par le projet.
Et le deuxième bloc touche plus les questions relativement à la définition, à l'application de ce qu'est un programme d'accès à l'égalité. Mais tout ce qui touche le champ d'application et les modalités d'application, donc... Je ne sais pas si tu veux présenter un... Parce qu'on aimerait se passer la parole. On travaille toujours en collectif et en équipe, chez nous, alors je ne vois pas pourquoi on ne le ferait pas ici. Veux-tu y aller avec le champ d'application, Darline?
Mme Raymond (Darline): O.K. Concernant le champ d'application de la loi, c'est qu'actuellement le projet de loi prévoit qu'il y ait des organismes de 100 employés et plus qui ont reçu des subventions de 100 000 $ et plus qui doivent être visés par le projet de loi. Nous, à Action travail des femmes, on réclame que ce nombre soit réduit à 50 et que le montant soit réduit à 50 000 $ pour la simple et bonne raison que, pour nous, ici, c'est quand même important parce que c'est avec ça qu'on intervient auprès des femmes. Le but d'ATF étant de trouver du travail bien rémunéré aux femmes, alors il y a un nombre important d'organismes, on pourrait dire, qui échappent actuellement finalement à la loi telle qu'elle est conçue actuellement, donc qui privent un nombre important de femmes d'emplois importants, intéressants. Donc, je pense que ça résume. Et puis il y a beaucoup de groupes qui sont du même avis, que 100 et 100 000 $, c'est beaucoup trop et qu'il faudrait faire en sorte de réduire tout ça.
Ensuite de ça, toujours concernant les organismes publics visés, ce qu'il faudrait voir, c'est de faire une étude de faisabilité, qu'on disait, s'il n'y a pas moyen de faire une étude de faisabilité pour voir jusqu'à quel point c'est 50 qu'il faut, jusqu'à quel point c'est 60 employés qu'il faut pour pouvoir instaurer un programme d'accès à l'égalité au sein d'un organisme... Par ailleurs, ce qu'on dit: Pour les organismes qui seraient de plus petite taille, je ne sais pas, moi, qui auraient 50 employés, comparativement à un organisme qui en aurait 300, il y aurait peut-être moyen d'adapter jusqu'à un certain point des mesures d'adaptabilité, d'adapter un programme d'accès à l'égalité à la mesure de ces organismes-là. Alors, ça, c'était ce qui concernait les organismes publics visés. Je ne sais pas si, Ginette, tu veux y aller avec les emplois visés ou si je continue?
Mme Martel (Ginette): Oui, continue, ça va...
Mme Raymond (Darline): O.K. En ce qui a trait aux emplois visés par le projet de loi ? ici, je vais en faire peut-être la lecture, parce que c'est assez court quand même ? c'est que l'article 4, alinéa deux, de même que l'article 11 du projet de loi prévoient que, «si les circonstances le justifient», le personnel temporaire ou à temps partiel peut être exclu du champ d'application de la loi. Il s'agit d'une exception très large qui risque fort de compromettre l'efficacité de cette même loi. Et on explique pourquoi par la suite.
Dans le secteur public comme dans le secteur privé, le travail temporaire et à temps partiel est en plein essor ? on a la référence du Conseil du statut de la femme. De tels statuts d'emploi ne peuvent plus être qualifiés de travail atypique ? c'est presque rendu la norme en quelque sorte ? car ils sont désormais plus courants qu'un statut d'emploi permanent temps plein. D'ailleurs, l'exclusion des emplois a été identifiée comme l'un des facteurs qui a contribué à l'inefficacité du Programme d'accès à l'égalité dans la fonction publique. Créer une telle échappatoire à la loi équivaut à nier l'importance des nouvelles formes de travail, alors que partout au Québec on clame la nécessité d'adapter notre législation à cette nouvelle réalité. Puis par ailleurs ce qu'on aimerait ici... On dit «circonstances». On ne sait pas quelles sont les circonstances finalement qui vont faire en sorte que tel type d'emploi va échapper au contrôle de la loi. Donc, ça, on aimerait y revenir plus tard.
Par ailleurs, aussi ce qu'on peut constater, c'est que les emplois qu'on dit temporaires, atypiques, ce sont les portes d'entrée des grosses boîtes. Que ce soit, par exemple, à la STCUM, que ce soit à Hydro-Québec, c'est souvent les emplois portes d'entrée. Alors, si ces emplois-là échappent à la loi, on s'imagine qu'évidemment l'égalité en emploi pour les femmes est en quelque sorte rompue.
n(11 h 10)n De plus, ce qu'on dit ici: Les emplois occasionnels et à temps partiel constituent souvent un bassin de recrutement, comme je viens de le mentionner, important pour les permanents temps plein, ce qui ne fait qu'ajouter à la nécessité qu'ils soient visés par la loi. Ce qu'on rajoute là-dessus, c'est que, si on veut créer un véritable accès à l'égalité en emploi, il faut donc rayer du projet de loi cette possibilité d'exclure les emplois temporaires et à temps partiel. Ça fait que je pense que c'est assez clair.
Mme Martel (Ginette): Voilà. Pour ce qui est des modalités d'implication, pour nous, c'est très, très important, ces points-là, parce que ce que ça fait: quand on définit, par exemple, la zone de recrutement ou quand on définit des compétences aussi, c'est souvent là que le bât blesse et c'est souvent là qu'il y a un effet d'entonnoir, c'est-à-dire que les femmes ne passent pas ? ou un filtre, là. C'est là qu'elle s'exerce, la discrimination pratico-pratique. Donc, au niveau de la définition de...
Je vais commencer avec la zone de recrutement. Le projet introduit la zone habituelle de recrutement. Cette notion est problématique, car elle peut sanctionner la perpétuation de la discrimination. En effet, élargir le bassin traditionnel de recrutement fait partie des premières démarches à suivre pour diversifier la main-d'oeuvre.
Entre autres, le rapport du Groupe de travail sur la participation des minorités visibles dans la fonction publique fédérale recommande d'élargir le bassin des candidats, et on cite, «en agrandissant la zone géographique de sélection pour atteindre des bassins de recrutement plus vastes et note ? je cite encore une fois ? qu'il a été démontré qu'en élargissant le bassin des candidats on améliorait le taux de nomination des candidats membres des minorités visibles». Alors, c'est sûr que, dans une région éloignée... Nous, on voit un plus là-dedans. Ce qu'on aimerait voir, c'est une zone de recrutement potentielle, c'est-à-dire qu'on puisse, quand on est de Montréal, postuler en région sans que ça crée de problème.
Je veux juste porter à votre attention ici, où il y a un petit... Pratico-pratique, ce qu'on voit, nous autres, c'est qu'il y a encore des municipalités qui, malgré certains avis de la Commission des droits de la personne, ne recrutent que dans leur... Pour pouvoir postuler dans un emploi, dans certaines municipalités, il faut habiter encore la municipalité, malgré que ce soit contre la loi. Bien, contre la loi... Ça va à l'encontre de certains avis de la Commission. Ce sont des choses qui existent encore. Ça, ça limite. Parce que, nous, on voit des femmes qui veulent appliquer dans telle municipalité et qui se retrouvent: Non, vous ne pouvez pas. Elles se le font carrément dire. Ça, est-ce que c'est de la discrimination directe? On ne le sait plus. Mais ce qu'on voit, nous, c'est que pour, par exemple, les personnes des communautés ethniques et culturelles, les femmes, qui exercent des métiers non traditionnels également, ce serait bien de pouvoir... Les femmes sont prêtes à aller travailler à l'extérieur de Montréal, elles sont prêtes à aller en région. Il y a une mobilité de la main-d'oeuvre. Et de la même façon, je crois que... Bien, c'est ça. Je pense que c'est assez clair à ce niveau-là.
Un autre danger pour nous, c'est la question de laisser aux organismes le soin de définir les compétences et l'expérience requises. Pour nous, ça peut être dangereux. Parce qu'on l'a vécu à plusieurs reprises. On parlait de la STCUM tout à l'heure, qui avait exigé un cinq ans d'expérience de conduite sur véhicule commercial pour conduire des autobus dans la ville de Montréal, alors que d'autres entreprises de transport ne l'exigeaient pas et ce n'était pas un critère nécessaire.
Et là je reviens à la définition de ce qu'est un programme d'accès à l'égalité dans le règlement qui habilite... la section III de la Charte qui définit les programmes d'accès à l'égalité. Quand on parle de l'analyse de disponibilité «à l'intérieur ou à l'extérieur...», on parle toujours de la compétence pour occuper un poste dans l'entreprise ou des personnes qui sont aptes à acquérir cette compétence. C'est important de voir les critères d'embauche et la compétence. Les personnes, on peut les former aussi dans la mesure du possible.
Et d'autres exemples pour ce qui est des compétences, je peux vous parler... On exigeait, à un autre moment donné, dans une entreprise, une carte de sécurité sur les chantiers de construction comme préalable d'embauche alors que cette carte-là coûte 150 $ et que les femmes qui postulaient pour ces emplois non spécialisés étaient incapables d'aller chercher cette carte-là. Et souvent on joint à la carte... tu as une petite formation sur la santé et sécurité au travail. Et ça, ça empêchait les femmes de postuler. Croyez-le ou non, c'est une réalité. Je peux vous donner d'autres exemples. Pour des entreprises publiques ? que je ne nommerai pas ? on exigeait, encore une fois, un permis de classe 3 qui aurait pu être acquis par n'importe quelle femme dans un délai minimal, une femme qui avait déjà sa classe 5, qui savait conduire, bien entendu. Parce que, tu sais, on ne demande pas l'impossible, là. Les personnes sont compétentes. Mais là il y a un énorme danger, il y a un énorme glissement qui peut se faire sur ce terrain-là. Et, nous, ce qu'on préconise, c'est que ce soit la Commission des droits de la personne qui évalue les critères, donc qu'elle prenne en considération la réalité des femmes et des femmes doublement discriminées. Quand je parle des femmes, c'est en parlant toujours des femmes doublement discriminées.
Un autre exemple qu'on a fait sauter... Ça peut être des critères aussi bêtes qui peuvent échapper... Et puis, historiquement, on va nous dire: Aujourd'hui, ce n'est pas possible, mais il y a à peine 15 ans, on exigeait encore de mesurer 5 pi 3 pour conduire un autobus à la STCUM. Maintenant, ça nous paraît loufoque. Je ne sais pas si vous trouvez ça loufoque. Peut-être qu'il y en a qui ne trouvent pas ça loufoque. Mais ça nous apparaît loufoque. Mais c'est une réalité. C'est ce genre de petit détail qui semble anodin... Parce qu'il ne faut pas oublier que la définition de la discrimination systémique, c'est justement des critères qui sont neutres en apparence, qui ne paraissent pas, mais qui créent un réel écran, qui créent un... J'ai-tu fini?
Le Président (M. Rioux): Il vous reste une minute, madame.
Mme Martel (Ginette): Mon Dieu! Bien là je vais aller tout de suite dans l'harmonisation des programmes. Un des gros manques du projet, nous, ça fait longtemps qu'on demande qu'il y ait quelque chose de plus global, c'est qu'on voudrait voir l'obligation contractuelle incluse dans le projet, bien que ce soit formidable, là, que... et la fonction publique, que tous les programmes soient uniformément dans la même loi, touchés par la même loi.
Le Président (M. Rioux): Alors...
Mme Martel (Ginette): Et, je crois que, si vous avez pris la peine de lire, vous allez voir, nos demandes aussi... On a remarqué, on a fait notre propre enquête maison pour ce qui est de l'application du Programme d'obligation contractuelle, et là je vous dirais qu'il y a une urgence d'agir dans ce dossier-là. On l'amène ici parce que ça fait longtemps qu'on... On a bien des choses à dire, on aurait aimé peut-être avoir plus de temps, comme vous voyez, mais... Voilà.
Le Président (M. Rioux): Les bonnes choses sont courtes.
Mme Martel (Ginette): Ah oui? Vous trouvez? Ha, ha, ha!
Le Président (M. Rioux): M. le ministre.
M. Perreault: Oui, merci, M. le Président. Alors, je vais saluer les représentantes d'Action travail des femmes. Vous soulignez avec raison la lutte qui avait été menée dans les années quatre-vingt pour que les choses changent, qui avait été une lutte qui avait été gagnée de haute lutte, c'est le cas de le dire, et, effectivement, il y a des choses qui ont changé, suite à ça.
Il y a des choses dans votre mémoire qui recoupent des choses qu'on a entendues, sur lesquelles on a questionné des gens. J'imagine que vous avez des réponses un peu similaires. Je voudrais aborder un aspect plus particulier que vous avez soulevé à la fin. Dans le fond, vous dites: La Commission des droits devrait pouvoir intervenir pour en quelque sorte définir les exigences d'emploi. Vous avez souligné avec raison, je pense, vous avez démontré comment, dans le fond, des critères d'embauche apparemment neutres peuvent devenir discriminatoires ou, dans le fond, être des exigences, compte tenu de l'expérience historique des femmes ou d'autres groupes, dont l'effet n'est peut-être pas recherché volontairement, mais, en tout cas, dont l'effet historique est d'exclure des groupes et qui, dans le fond, peuvent très bien être revus. Mais, dans le fond, c'est un peu le sens de l'exercice.
Quand on construit un programme d'accès à l'égalité en emploi, il faut aussi se poser ce genre de question, une entreprise se doit de se poser ce genre de question. Et, par exemple, c'est ce qui fait que, dans le cadre du projet de loi qui a été déposé pour la fonction publique québécoise, l'automne dernier, on a amené des correctifs aux méthodes d'embauche parce qu'il y avait, à notre avis, des biais discriminants dans les méthodes d'embauche. Et ça, dans un exercice qui est fait, un employeur doit faire ça. Il le fait en discussion avec le syndicat, il le fait avec ses gestionnaires.
Est-ce que vous ne croyez pas ? et ça c'est au coeur de certaines des représentations qui nous sont faites ? que de confier à la Commission des droits une telle responsabilité ne risque pas d'alourdir infiniment le processus? Parce que, dans le fond, ça équivaut un petit peu à dire... Il y a comme deux attitudes possibles. La loi va contraindre un employeur à avoir un programme d'accès à l'égalité, donc à faire une démarche intelligente. Bon, peut-être qu'elle ne sera pas toujours parfaite, mais elle les contraint à en faire une. Est-ce qu'on peut vraiment substituer la Commission des droits à l'exercice qui consiste à faire cet exercice de bâtir un programme?
n(11 h 20)nMme Martel (Ginette): Nous, ce qu'on vous dit, finalement, c'est qu'on veut des programmes qui fonctionnent, on veut des programmes efficaces et que ce sont des questions complexes qui demandent parfois des solutions complexes. Ça vaut la peine de s'y pencher vraiment, mais ça prend un mécanisme, peu importe... Ce sont des outils, hein. La Charte, c'est un outil. Pour nous, par exemple ? ça, je n'en ai pas parlé ? avoir en main la liste des organismes des entreprises touchées par les programmes... ce sont des outils. Parce que vous savez ce qu'on fait avec ça, nous? Nous, chez nous, dans nos bureaux... Moi, je suis ici, j'ai mon petit machin, mais, le reste du temps, je suis en jean, je donne des séances d'animation aux femmes. Et là je dis: Voyez, on a pris les entreprises qui sont touchées par l'obligation contractuelle, vous avez ici la liste ? parce que la liste, elle n'est pas exhaustive, vous le savez, il y a des gros manques là-dedans. Et là, on dit aux femmes: Nous, on fait les téléphones. On contacte ces entreprises-là et on a de mauvaises surprises souvent. On veut que ça marche. Alors, que ce soit en se servant de la Commission... Mais ça va prendre quelqu'un qui connaît ça, qui a une expertise et qui est capable de voir clair, qui a vraiment une expertise et une connaissance en la matière très pointues.
Le Président (M. Rioux): Mais, madame, le ministre pose une question très claire.
Mme Martel (Ginette): Oui.
Le Président (M. Rioux): Il vous demande: En utilisant la Commission des droits et libertés de la personne pour établir...
Mme Martel (Ginette): Je pense... Oui. Est-ce que ça alourdit?
Le Président (M. Rioux): ...vous enlevez d'abord un droit de gérance à un employeur et, deuxièmement, vous confiez à un organisme public plus lourd le soin d'assurer l'efficacité du projet.
Mme Martel (Ginette): Sauf qu'un employeur peut commettre des bourdes. On peut avoir les meilleurs programmes au monde, mais ne pas se rendre compte que... Bon, à ce moment-là, qu'est-ce qu'on va faire? On va être obligé d'aller déposer des plaintes contre l'employeur. Et ça, ça alourdit drôlement aussi, tout le... Ça, ça coûte cher et c'est très lourd. Et les femmes n'ont pas les moyens, on n'a plus les moyens d'attendre. Je veux dire, c'est suite aux pressions du Mouvement des femmes qu'on en arrive à ce projet de loi et on en est fort...
Le Président (M. Rioux): Très bien. M. le ministre.
M. Perreault: Oui, bien, je compléterais un petit peu là-dessus puis une dernière question. De fait, c'est parce que, évidemment, il y a comme un choix de problèmes.
Mme Martel (Ginette): De solutions.
M. Perreault: Et de problèmes, parce que, si on confie formellement... Parce que, déjà, dans le processus, la Commission a un rôle à jouer d'appui auprès de l'entreprise dans l'élaboration de son Programme d'accès à l'égalité. Si on lui confie, par la loi, une responsabilité aussi précise, je veux dire, on risque aussi, comme on dit en bon français, de jammer la Commission des droits.
Mme Martel (Ginette): ...
Le Président (M. Rioux): ...madame, on ne parle pas deux en même temps, ici.
M. Perreault: Il y a 700 employeurs nouveaux. Moi, dans le fond, je vous laisse avec cette réflexion, en disant: Est-ce que j'entends ce que vous me dites? Vous dites: Est-ce qu'il y a un mécanisme qui va faire en sorte que, s'il y avait mauvaise foi d'un employeur, si finalement les biais discriminants ne sont jamais identifiés au bout de la ligne, ce qui aurait pour effet de rendre inopérant un programme d'accès à l'égalité... Est-ce qu'il y a un mécanisme? Ça, moi, je le reçois. Mais je dois vous dire honnêtement que la suggestion de décréter par la loi que dorénavant les critères d'embauche, puis tout ça, ça va être la Commission des droits, moi, ça me préoccupe à cause de la lourdeur.
Le Président (M. Rioux): Voulez-vous...
M. Perreault: Je vais poser la deuxième, puis vous irez.
Le Président (M. Rioux): Oui. Voulez-vous une réponse tout de suite, Mme Martel?
M. Perreault: Oui, allez-y. O.K.
Mme Martel (Ginette): C'est parce qu'on parle encore de mauvaise foi. Moi, je ne dis pas que les entreprises sont nécessairement de mauvaise foi, parce que c'est là que le bât blesse encore une fois, c'est que souvent on ne les voit pas. Et c'est la définition même du systémique, c'est qu'on ne voit pas. Je veux dire, on a déjà un outil. Bon, s'agit-il de le développer davantage, de faire en sorte que la Commission soit mieux équipée pour faire ce travail-là, donc pour le faire plus rapidement en ayant plus de ressources et de focusser donc sur cet aspect-là? Mais... Voilà.
Le Président (M. Rioux): Oui, allez-y donc, M. le ministre.
M. Perreault: Oui, deuxième question, sur les bassins de recrutement. Le projet de loi est fait un peu sur le principe suivant ? peut-être qu'il y a des précisions qui devront y être apportées ? qu'un employeur fait référence à ses bassins de recrutement habituels. Évidemment, ça varie selon les postes. On comprend que, un poste d'océanographe à Rimouski, le bassin de recrutement habituel, ce n'est pas la ville de Rimouski. Par contre, d'autres postes, bien là c'est différent. Vous introduisez la notion de dire... Quand je vous ai écouté un peu, j'avais un peu l'impression que vous disiez: Si on veut corriger la situation, il faudrait quasiment avoir un bassin de recrutement national.
D'autre part, vous nous proposez qu'on ramène ça à des entreprises de 50 employés et plus. Une entreprise de 50 employés, sur cinq ans, embauche peut-être quatre personnes, cinq. On a toutes les catégories. Certains font des recommandations pour que ce soit des données croisées. Est-ce qu'il n'y a pas dans votre esprit... Parce qu'il y a aussi toute une question de... il faut que les mentalités, il faut que l'accueil soit là, il faut que les populations comprennent l'exercice.
Mme Martel (Ginette): ...en emploi.
M. Perreault: Est-ce qu'on ne risque pas de se retrouver, si on suivait votre recommandation, avec une situation par laquelle, à travers les régions du Québec, lorsqu'il n'y a pas des gros employeurs, à toutes fins pratiques ce qu'on annoncerait au monde, c'est que, pour les cinq prochaines années, il ne va engager que du monde de Montréal? Alors, est-ce qu'il n'y a pas un problème de ce côté-là dans votre esprit?
Le Président (M. Rioux): Mme Martel.
Mme Martel (Ginette): Je ne pense pas, non, je ne crois pas. On parle de mobilité de main-d'oeuvre, mais je ne suis pas sûre que... Tu sais, je veux dire, il y a des femmes qui sont prêtes à aller en région, mais je ne pense pas qu'on se rue non plus.
Le Président (M. Rioux): Il y a beaucoup de femmes en région qui sont prêtes à aller en ville aussi.
Mme Martel (Ginette): Mettons-le en pratique, puis on ajustera. Je n'ais pas de...
Le Président (M. Rioux): Mme Martel, il y a beaucoup de femmes en région qui veulent aller en ville.
Mme Martel (Ginette): Il y a beaucoup de femmes en région, oui. Mais là si on parle du... Parce qu'on introduisait la notion de double discrimination.
Le Président (M. Rioux): Voilà.
M. Perreault: Mais je reprends quand même... Je veux quand même indiquer une sensibilité. Peut-être que les bassins de référence méritent d'être précisés, mais je veux quand même exprimer une sensibilité. Un organisme d'une cinquantaine d'employés en Gaspésie, une corporation, un cégep qui va peut-être embaucher cinq, six personnes sur cinq ans, qui aurait des objectifs à corriger compte tenu de sa situation ? il n'y a, par exemple, pas beaucoup de population noire dans la région de Matane depuis des années ? on pourrait se retrouver avec une situation, si on ne fait pas attention, où le message qui est envoyé...
Mme Martel (Ginette): ...population autochtone, par contre, de femmes...
M. Perreault: Oui. Mais on pourrait se retrouver peut-être avec un message qui risquerait d'être envoyé, que finalement les prochaines embauches sont strictement et exclusivement en fonction du Programme d'accès à l'égalité. Moi, je vous souligne une hésitation que j'ai. Évidemment, ça corrigerait rapidement la situation peut-être, plus rapidement, mais une hésitation du point de vue de la capacité des population d'accepter. Je vous soumets cette réflexion.
Mme Martel (Ginette): Nous allons réfléchir...
Le Président (M. Rioux): Très bien.
Mme Martel (Ginette): ...et on peut vous soumettre ultérieurement... Mais, moi, je ne pense pas que ça crée vraiment un problème, comme je vous disais, pour des questions de mobilité aussi.
Le Président (M. Rioux): Merci. Mais la notion de bassin de main-d'oeuvre, c'est vrai, autour de Sainte-Anne-des-Monts, en Gaspésie, et à Saint-Jérôme ou à Sherbrooke, ce n'est pas la même chose, ça devient bien différent. M. le député de Marquette. Je ne sais pas si le bassin de main-d'oeuvre chez vous, ça se pose dans des termes comme chez nous mais, enfin, vous avez la parole.
M. Ouimet: Merci, M. le Président. Bienvenue, Mme Martel, Mme Raymond, aux travaux de la commission parlementaire. Et je vous félicite pour votre mémoire, c'est un des très bons mémoires que nous avons reçus en commission parlementaire, je pense. Vous plaidez beaucoup pour un élargissement de l'application de la loi, à juste titre. Vous recommandez qu'elle s'applique à d'autres groupes cibles qui ont été exclus par le Conseil des ministres dans les choix qu'il a faits.
Moi, j'aimerais vous poser une question: Est-ce que vous faites une distinction entre la notion de sous-représentation et de discrimination? Je vous explique pourquoi je vous pose la question. Le ministre, depuis le début des travaux de cette commission parlementaire, nous a dit que, s'il a exclu certains groupes, c'est qu'ils étaient sous-représentés mais qu'il n'y avait pas de constat de discrimination à l'endroit de ces groupes-là. La Commission des droits de la personne est venue devant nous pour nous dire: Écoutez, il n'y a aucune distinction entre ces deux concepts-là. Sous-représentation, c'est un état de fait; et discrimination, c'est un constat juridique.
La raison pour laquelle je vous pose la question, c'est que j'aimerais savoir: En excluant certains groupes cibles, est-ce que le gouvernement n'exerce pas lui-même une forme de discrimination, en disant que ces bonnes mesures là, pour certains groupes cibles, vont s'appliquer uniquement à certains groupes et pas à d'autres groupes, malgré le fait qu'il y ait constat de sous-représentation?
Le Président (M. Rioux): Alors, c'est Mme Raymond.
n(11 h 30)nMme Raymond (Darline): Je vais tenter de répondre du mieux que je peux. Je ne pense pas qu'on est ici pour faire le débat: différence entre sous-représentation et discrimination. La seule chose que je pourrais dire intuitivement comme ça, c'est que, je crois, la sous-représentation est la conséquence de la discrimination, à mon avis. Il y a d'abord discrimination et, conséquence de ça, on est sous-représenté, je crois bien. Bon, à savoir si le ministre exerce une certaine discrimination du fait que certains groupes ne sont pas inclus, visés au sein du projet de loi, là je pense que c'est des débats qui vous concernent entre vous. Première des choses que Première des choses que je dirais là-dessus.
Mais ce que je dirais en tant que femme puis personne qui travaille auprès des femmes, je ne comprends pas, puis Action travail des femmes ne comprend pas comment ça se fait que les femmes des minorités ethniques et culturelles qui n'ont pas la peau de couleur, comme qui dirait, ne sont pas visées par ce projet de loi. Parce que ce qu'on expérimente, nous, à Action travail, tous les jours, ce sont des gens qui se font refuser des emplois parce qu'ils viennent d'un pays où le système politique est différent. C'est aussi banal que ça, et pourtant ça peut avoir un poids. Ils viennent d'un pays où, par exemple, la langue d'origine est différente, et conséquemment on a un accent qui est différent. Puis, bon, même moi, dans mon expérience personnelle, je pourrais vous en nommer.
Alors donc, je ne pense pas que le débat doit avoir lieu entre sous-représentation et discrimination, je pense que le projet de loi vise... En tout cas, l'idée, c'est d'enrayer la discrimination, de faire en sorte qu'on ait une société qui est plus représentative de ses différentes composantes. Or, la société québécoise ? en tout cas, les statistiques qu'on a, puis il y a certains avis du CRI là-dessus ? entre autres choses, ce qu'on sait, il n'y a pas de données ? comment je pourrais dire? ? exactes, exactes qui démontrent qu'il n'y a pas de discrimination, que les femmes des minorités autres que visibles ne sont pas discriminées. Tout ce qu'on sait, c'est qu'on a des données précises à l'effet que les personnes des minorités visibles sont effectivement discriminées. Ça ne veut pas dire que les autres ne le sont pas, ça veut juste dire qu'on n'a pas de données exactes là-dessus. Alors, tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas des statistiques et qu'on n'aura pas une étude bien précise là-dessus, on ne sera pas en mesure de dire: Ah, bien tel groupe n'a pas besoin d'être visé par ce projet de loi pour la simple et bonne raison que, lui, bien non, il n'est pas sous-représenté au sein de la fonction publique. Alors, il faut faire attention, là...
Mme Martel (Ginette): Il faudrait peut-être ajouter...
Le Président (M. Rioux): ...finalement. C'est ça, votre réponse.
Mme Raymond (Darline): Oui. Ma réponse à ça, c'est simple, c'est qu'on ne sait pas... Nous, notre expérience terrain nous dit que, oui, il y en a, que les femmes des minorités ethnoculturelles, oui, elles le sont discriminées. Par ailleurs, ce qu'on sait, que ce soient des avis de... Il y avait un avis interne de la Commission des droits de la personne concernant le Programme d'obligation contractuelle qui est interprété un peu à la houlette, là, qui dit que les programmes d'accès l'égalité, ça n'a pas besoin de viser les membres des minorités ethnoculturelles parce qu'ils ne sont pas discriminés. Or, ce n'est pas ça que l'avis dit, l'avis dit qu'on n'a pas de données précises qui nous permettent de... Mais ne pas avoir de données précises, c'est une chose, ça ne veut pas dire que dans la réalité... ça veut dire juste dire qu'il faudrait peut-être pousser et faire des recherches là-dessus et voir...
Le Président (M. Rioux): Alors, M. le député de Marquette, vous avez toujours la parole...
M. Ouimet: Oui. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Rioux): ...même si je vous l'ai enlevée un peu, là, mais...
Mme Martel (Ginette): Écoutez, je pourrais juste ajouter sur cette question-là...
Le Président (M. Rioux): Oui, Mme Martel.
Mme Martel (Ginette): ...que, nous, on est en accord avec le Conseil du statut de la femme sur la ventilation par sexe des statistiques, parce que ça, ça peut nous jouer des tours aussi de dire que, bon, ces gens-là, ce groupe de personnes là, ça va bien sur le marché du travail. Mais, si on divise ça hommes-femmes, là on voit apparaître parfois de grandes différences.
Le Président (M. Rioux): Bien. M. le député.
M. Ouimet: Mme Martel, par rapport à la question que je posais, comment expliquer que le gouvernement exclue certains groupes cibles au niveau de l'application de son projet de loi? On a tenté de fouiller un petit peu en commission parlementaire pour tenter de comprendre les motivations du gouvernement, et les raisons qui nous ont été données jusqu'à date ne résistent pas à l'analyse. La dernière raison qui a été donnée ce matin par le ministre ? et je constate que ce sont les mêmes raisons qu'il a données dans son mémoire au Conseil des ministres ? il dit: Écoutez, il n'y a pas de constat de discrimination en emploi à l'égard des groupes X, Y, Z. Mais on ne parle pas d'en emploi, on parle d'en emploi dans des organismes publics. Si c'était en emploi de façon générale... Parce que le ministre nous a parlé tantôt du taux de chômage. Sur le taux de chômage, de façon générale, il est vrai, par exemple, que les anglophones sont très bien représentés, mais, en ce qui concerne le taux d'emploi dans des organismes publics, il y a une nette sous-représentation.
Or, si le ministre élargissait la loi pour dire qu'il veut couvrir à la fois le secteur public et le secteur privé, on pourrait comprendre ses motivations, mais ce n'est pas le choix qu'il a fait dans la loi, il a exclu tout le secteur privé. Donc, la raison qu'il donne pour exclure certains groupes ne peut pas résister à l'analyse. Se pose la question: Pourquoi ces groupes-là ont été exclus? Je constate que vous, comme plusieurs autres groupes, plaidez pour une inclusion d'autres groupes cibles. Or, je me demandais si vous aviez, vous, une réflexion là-dessus.
Mme Martel (Ginette): Il est certain que les personnes des communautés visibles sont davantage discriminées.
M. Ouimet: Oui, certes.
Mme Martel (Ginette): Nous, c'est ce qu'on dit dans notre mémoire. Bon. On a tenté de répondre: Peut-être que c'est par manque de données. Alors, il faudrait peut-être les produire, ces données-là, ces statistiques-là. Si on dit que les gens des communautés ethniques et culturelles, ça va bien, il n'y a pas de problème, nous, on pense que ce n'est pas ça. Je veux juste réitérer que ça prendrait peut-être des statistiques ventilées par sexe.
M. Ouimet: Dernière question sur ce que j'appelle la priorité des priorités. Trois groupes cibles indiqués dans l'article 2 ou 3 du projet de loi: les femmes, les autochtones et les minorités visibles. Vous, vous dites qu'à l'intérieur de ces trois catégories cibles là il devrait y avoir une priorité des priorités. Si c'est une femme issue des groupes autochtones, il devrait y avoir une priorité, par exemple, par rapport à une femme de race blanche, parce que dans votre mémoire vous indiquez qu'au niveau de la STCUM des constats ont été faits à l'effet que, lorsqu'on favorisait les femmes de façon générale, c'étaient surtout des femmes blanches et non pas des femmes de minorités visibles ou de minorités ethniques.
Mme Martel (Ginette): Ce qu'on dit aussi, c'est que la STCUM a tenté de corriger...
M. Ouimet: Oui, j'ai pris bonne note.
Mme Martel (Ginette): ...c'est ça, pour en arriver à un 50 % d'embauche pour ces emplois-là.
M. Ouimet: J'ai pris bonne note. Ma question... Deux questions, dans le fond. De façon pratico-pratique, comment est-ce que le gouvernement pourrait atteindre l'objectif que vous souhaitez, une priorité des priorités? Et, deuxièmement, par rapport aux autochtones, qui m'apparaissent encore plus sous-représentés que les femmes et les minorités visibles dans les organismes publics, peut-être à cause de leur sous-scolarisation bien connue, est-ce qu'on ne devrait pas leur accorder la première des priorités?
Mme Martel (Ginette): Dans un...
M. Ouimet: Les groupes autochtones, qu'ils soient hommes ou femmes.
Mme Martel (Ginette): On a fait parvenir un communiqué aux médias, et les cosignataires sont les Femmes autochtones du Québec, Action travail des femmes, le CIAFT, le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail, le Collectif des femmes immigrantes et le COPHAN, la Confédération des organismes des personnes handicapées du Québec, et je crois que c'est aux femmes autochtones, bon, de répondre à cette question-là. Je crois que vous les rencontrez demain ou... Mais c'est...
M. Ouimet: Malheureusement, il n'y a pas de groupes d'autochtones qui viennent devant nous. C'est malheureux, mais...
Mme Martel (Ginette): De toute façon, ces...
M. Ouimet: J'ai vérifié, et mon collègue Jeff Kelly a bien vérifié, c'est malheureux, mais il n'y a aucun groupe autochtone qui vienne devant nous.
Mme Martel (Ginette): Ça doit être à la dernière minute parce qu'on m'avait dit que... Mais ces femmes-là ont appuyé notre lettre de cibler, à l'intérieur des groupes cibles, les femmes parce qu'elles sont davantage défavorisées au niveau de l'emploi.
Le Président (M. Rioux): Très bien. Alors, M. le ministre.
M. Perreault: Je ne sais pas si j'ai certains collègues qui avaient des questions, je voulais les laisser...
Le Président (M. Rioux): Ils n'ont pas manifesté... Ah! Je m'excuse, M. le député.
M. Beaulne: Non, ce n'est pas tellement une question. Peut-être que vous pourrez commenter, c'est que depuis le début de nos audiences mon collègue de Marquette revient souvent sur les motifs qu'on pourrait imputer au gouvernement pour avoir limité ou ciblé la liste des groupes qui seraient particulièrement visés par le projet de loi. Je pense qu'une des choses qu'il faut prendre en considération ici, c'est qu'un des objectifs du projet de loi, c'est non seulement, en termes pratico-pratiques, de limiter dans la mesure du possible la discrimination en commençant par les groupes qui en sont, d'après les données et les avis de la Commission de la protection de la personne, les plus sujets à cette discrimination-là, d'une part, mais, d'autre part, d'avoir un projet de loi qui soit applicable et réaliste.
Une voix: Et utile.
n(11 h 40)nM. Beaulne: Et utile et réaliste. Et un processus incontournable dans toute cette mouvance du respect des droits humains, de l'élimination de la discrimination sous toutes ses formes, ça passe par les changements d'attitude. Parce que vous savez très bien comme moi qu'un des premiers secteurs qui a été la cible de mesures discriminatoires positives en termes d'accès à l'égalité à l'emploi, c'était le secteur financier, le secteur bancaire, qui relevait de la juridiction fédérale, lorsque le gouvernement fédéral a introduit ses lois d'accès à l'égalité d'emploi. Ça fait maintenant presque 20 ans de ça, on est 20 ans plus tard, et je peux vous dire, parce que j'en suis, moi, du milieu bancaire, que dans l'application... Et vous avez sûrement rencontré dans vos connaissances ou dans vos groupes des femmes qui sont dans ces milieux-là et qui se plaignent encore d'une certaine forme de discrimination au niveau des promotions, au niveau des traitements. C'est dire que, entre ce qui est écrit dans un projet de loi et son application, il y a souvent une marge.
Vous avez soulevé vous-même tout à l'heure la complexité de faire appliquer des sanctions ou d'avoir des recours. Alors, moi, je pense qu'un des... Et je pense que c'est important de l'établir pour qu'on ait une conversation puis des échanges qui portent. Je comprends qu'on veut bonifier ça, puis idéalement on pourrait inclure tout le monde dans l'affaire, sauf qu'on a un processus de changement de mentalité et d'attitude important à opérer, et, par un projet de loi qui s'inspire des recommandations de la Commission des droits de la personne concernant les groupes les plus ciblés, bien je pense que ça va être un coup de barre important ? je pense que j'aimerais vous entendre là-dessus ? non seulement en termes pratico-pratiques. Et on pourra bonifier à mesure que l'application de la loi nous révèle certaines lacunes, mais j'aimerais vous entendre là-dessus, à savoir au niveau de l'impact que ça peut avoir sur le message qu'on lance quant à l'attitude que le gouvernement entend imposer dans un premier temps aux secteurs public et parapublic, qui relèvent de sa juridiction, en espérant que ça s'étende au secteur privé de manière volontaire. Et, si ça ne le fait pas, bien on verra à ce moment-là ce qu'il faut faire.
Le Président (M. Rioux): Merci. Mme Martel.
Mme Martel (Ginette): Ça passe par des moyens pratiques, et, pour que ça ait un impact réel, je pense qu'il va falloir tenir compte vraiment de l'application. Et, nous, notre expérience nous démontre que... Bon, ça peut paraître froid, notre expérience nous démontre que, quand on applique des pourcentages d'embauche, quand on applique vraiment un programme d'accès à l'égalité... Et là ça va avec des mesures pour maintenir, dans notre cas, les femmes en emploi, parce que c'est beau de faire rentrer les femmes, mais, si on les fait rentrer au compte-gouttes ? et c'est pour ça qu'on veut vraiment que ça fonctionne ? elles ne demeurent pas en emploi, elles ne se maintiennent pas. Imaginez une femme soudeur dans une entreprise, là, une grosse entreprise, elle est la seule femme de métier, il faut avoir des nerfs vraiment solides pour pouvoir même faire un six mois de probation. Donc, ça prend des mesures concrètes qui font en sorte qu'il y a une masse critique qui rentre dans les programmes, il y a une masse critique de femmes, entre autres ? moi, je parle au nom des femmes, là ? qui investissent certains milieux d'emploi.
Et je pense que ce que ça prend aussi pour que ça soit efficace, c'est que la population soit au courant que ça existe, des programmes d'accès à l'égalité. Nous, on en informe les femmes. Comme je vous disais, il y en a 400 à 500 qui viennent chez nous. On donne des séances d'information sur le marché du travail, et, je vais vous dire sincèrement, c'est des séances où il y a une dizaine de femmes autour de la table, on anime les séances, et ces femmes-là ne sont pas au courant que les programmes existent et même les employeurs qui sont assujettis.
Et nous, ce qu'on veut aussi, pour que ça fonctionne vraiment... On y croit, nous, au Programme d'accès à l'égalité. On veut qu'elle soit adoptée, la loi, on voudrait que ça soit élargi au secteur privé. On la veut, cette loi-là ? on a rencontré le ministre même dans le cadre de la marche des femmes ? c'est clair. On veut qu'il y ait aussi une forme de transparence et qu'on puisse avoir accès, je le disais tout à l'heure, aux listes des employeurs assujettis, mais également qu'on puisse avoir accès aux rapports. Je voulais en parler, puis ça m'ouvre un petit peu la porte, nous, on ne veut pas que la Loi sur l'accès soit assujettie à la loi de l'accès à l'information, on veut davantage que ça soit publicisé, que tout le monde sache que, bon, tel organisme, bien, ça va bien, son programme, puis on fait des efforts, et puis que tout le monde soit au courant. Ça, c'est un élément, là...
Le Président (M. Rioux): Merci, Mme Martel. Alors, vous avez dit tout à l'heure que ça nous prendrait un temps encore beaucoup plus...
Mme Martel (Ginette): Vous devriez venir à nos séances d'information.
Le Président (M. Rioux): Mais vous ne m'avez jamais invité.
Mme Martel (Ginette): Mais, quand c'est pour des groupes spéciaux, on fait payer. Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Rioux): Je ne voudrais pas vous laisser partir...
Mme Martel (Ginette): Ça ne serait pas gratuit, mais...
Le Président (M. Rioux): ...sans demander à Mme Raymond... Dans votre volonté de trouver des statistiques ou de la documentation qui vous auraient permis peut-être de mieux répondre à la question du député de Marquette, est-ce qu'on vous a fermé la porte à certains endroits? Est-ce que vous avez eu de la difficulté à aller chercher des matériaux qui vous permettraient de mieux étayer votre thèse?
Mme Raymond (Darline): Non, ce n'est pas une question d'avoir de la difficulté à trouver des matériaux qui... Bon, premièrement, une des choses que ma collègue a oublié de souligner, c'est que faire un mémoire dans le bout du 1er juillet et le préparer pour venir se présenter ici dans le contexte de la rentrée scolaire...
Mme Martel (Ginette): À la rentrée scolaire.
Mme Raymond (Darline): ...vous imaginez ce que ça donne. Ça donne ce que ça donne, on fait ce qu'on peut. En tout cas, peut-être que je n'ai pas été assez claire, c'est que je disais qu'il y a un avis qui existe de la Commission ? nous, on est entrés en contact avec différentes personnes au gouvernement ? et qui est interprété à tort, parce que, dans cet avis-là, tout le monde dit: Ah oui, c'est que les minorités visibles sont victimes de discrimination, puis les autres ne le sont pas. Alors, ce n'est pas ça. Ce que je suis en train de dire, ce n'est pas ça que l'avis dit. D'ailleurs, je pense qu'on l'a ici, l'avis, puis on pourrait peut-être vous donner les références de l'avis en question. Mais...
Mme Martel (Ginette): Ça faisait partie aussi du rapport de la Commission des droits de la personne.
Mme Raymond (Darline): ...ce n'est pas ça, l'avis ne dit pas qu'il n'y a pas de discrimination à l'égard des autres groupes, tu sais, puis je pense qu'elle est là, la nuance.
Le Président (M. Rioux): Très bien. Alors, en même temps qu'on donne congé à Mmes Raymond et Martel, je vais inviter le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail à venir prendre place. Mesdames, merci beaucoup. Merci beaucoup de votre participation.
Mme Martel (Ginette): On est toujours prêtes à revenir pour toute forme de consultation sur ces questions-là.
Des voix: Ha, ha, ha!
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Rioux): Alors, Mme McNeil, vous allez nous présenter les personnes qui vous accompagnent.
Mme McNeil (Jeannine): Je vous présente Marie Ampleman...
Le Président (M. Rioux): Mme Ampleman.
Mme McNeil (Jeannine): ...qui est la directrice du CIAFT, Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail. Et on a Carole Lanoville...
Le Président (M. Rioux): Lanoville.
Mme McNeil (Jeannine): ...qui est...
Le Président (M. Rioux): La directrice adjointe?
Mme McNeil (Jeannine): ...l'adjointe qui s'occupe particulièrement du comité aviseur femmes.
Le Président (M. Rioux): Est-ce que c'est Mme Ampleman qui présente le mémoire?
Mme McNeil (Jeannine): Oui.
Le Président (M. Rioux): Bien. Alors, Mme Ampleman, on vous écoute pendant 15 minutes.
Conseil d'intervention pour l'accès
des femmes au travail (CIAFT)
Mme Ampleman (Marie): Alors, je vous présente le mémoire, mais, en ce qui concerne les questions, on va répondre selon... Pour vous faciliter...
Le Président (M. Rioux): C'est la collégialité chez vous, si je comprends bien.
Mme Ampleman (Marie): Voilà. C'est exactement ça. Alors, on tient tout d'abord à remercier les membres de la commission de bien vouloir nous entendre et aussi saluer l'initiative du ministre d'avoir produit ce projet de loi.
On veut toutefois mentionner que ce fut difficile pour nous, comme petit organisme, de former un comité pendant l'été, le projet de loi étant arrivé au début des vacances de bien du monde. Et, dans le milieu communautaire, l'été, c'est difficile de trouver des gens, alors... Mais on voulait quand même réagir et apporter nos suggestions.
Le Président (M. Rioux): Vous êtes des femmes débrouillardes.
Mme Ampleman (Marie): Voilà. On n'a pas le choix avec peu de moyens.
Donc, le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail, c'est une organisation nationale constituée de groupes et de personnes qui oeuvrent dans le domaine de l'accès et du maintien des femmes au travail. Depuis son congrès de fondation en 1984, le CIAFT s'est vu identifié comme principal défenseur des droits des femmes au travail.
La philosophie d'intervention du CIAFT repose sur le principe à l'effet que l'autonomie financière des femmes est largement tributaire de leur accès au travail. L'action qui en découle est orientée selon deux pôles d'intervention: améliorer les conditions socioéconomiques des femmes et assurer la prise en compte des réalités et des besoins des femmes en matière d'emploi.
Les activités du CIAFT se déploient principalement dans quatre grands secteurs d'intervention: le développement de la main-d'oeuvre, l'équité salariale et l'équité en emploi, le développement régional et les programmes sociaux. En collaboration avec d'autres organismes, le CIAFT intervient dans les dossiers ayant trait à la fiscalité, la conciliation travail-famille, l'analyse différenciée selon le sexe, les normes du travail, l'entrepreneurship, etc.
Il va sans dire que nous appuyons le projet de loi, et notre intervention vise à renforcer le projet soumis et à s'assurer de sa mise en application le plus rapidement possible. Depuis près de 25 ans, le gouvernement du Québec, à l'instar du gouvernement fédéral et des gouvernements des provinces canadiennes, a adopté des mesures législatives favorisant l'accès équitable des femmes au marché du travail dont nous faisons état de façon plus élaborée dans notre mémoire.
n(11 h 50)n La présence mémoire.
La présence des femmes sur le marché du travail en 2000 présente encore une situation d'emploi basée sur la discrimination systémique, que ce soit lors de l'embauche, d'où la nécessité des programmes d'accès à l'égalité, lors du maintien en emploi ou en termes de rémunération, d'où l'importance d'une application rigoureuse de la Loi sur l'équité salariale.
En plus de former moins de la moitié de la population active, les femmes occupent majoritairement des emplois à temps partiel. De plus, la concentration professionnelle n'a pas changé au cours des 10 dernières années. Même si elles ont investi massivement les institutions scolaires, les femmes demeurent concentrées dans des secteurs dits traditionnels. Enfin, les écarts salariaux entre les sexes demeurent une réalité fort présente. De manière générale, les femmes gagnent l'équivalent de 83,4 % du salaire horaire moyen des hommes et 71,5 % de leur salaire hebdomadaire moyen. Ça, ça provient d'une étude Éduconseil que nous citons dans notre mémoire.
De manière générale, l'arrivée massive des femmes sur le marché du travail au cours des 25 dernières années, quoique ayant permis à plusieurs d'entre elles d'atteindre l'autonomie financière, n'a pas mis un terme à la discrimination basée sur le sexe. À la lumière des données précédentes, nous ne pouvons qu'applaudir une législation permettant de contrer les effets discriminatoires des procédures d'embauche des organismes publics et parapublics. Toutefois, il ne faut pas se leurrer, une loi ne change pas du jour au lendemain les comportements depuis longtemps ancrés. Nous croyons que le présent projet de loi est un élément positif et essentiel à l'avancement des femmes. Nous avons cependant relevé certains éléments qui risquent de s'avérer des écueils lors de l'application de la loi.
Au niveau du champ d'application, le CIAFT considère insuffisant que la loi ne s'applique qu'aux organismes ayant 100 employés et plus, puisque plus du tiers des organismes et ministères ont moins de 100 employés, et d'autant plus que le projet de loi permet à l'organisme de ne pas inclure son personnel à temps partiel ou temporaire. Selon nous, la loi doit s'appliquer à tous les organismes, peu importe le nombre d'employés. Nous nous réjouissons de l'inclusion des municipalités dans les organismes visés. Cependant, en excluant les organismes de moins de 100 employés, on élimine un très grand nombre de ces municipalités, pour ne donner que cet exemple. Les femmes se retrouvent d'ailleurs en majorité dans les organisations de moins de 100 employés. Alors, nous recommandons que tous les organismes publics soient visés sans égard au nombre d'employés.
À l'article 3, il est mentionné que «les types d'emploi sont établis d'après la Classification nationale des professions du Canada édictée en 1993». Or, selon l'évaluation même de la Commission canadienne des droits de la personne, cette classification ne prend en compte que les personnes ayant récemment occupé un poste pendant 17 mois précédant le recensement. Par conséquence, ces chiffres ne comprennent pas tous les membres des groupes désignés qui peuvent être qualifiés et disponibles pour faire le travail. À titre d'exemple, les femmes ayant une formation dans les métiers non traditionnels qui n'ont pas trouvé d'emploi dans leur champ d'activité ne feront pas partie du bassin disponible, ce qui fausse d'emblée les données. Il faut donc revoir la façon d'établir les types d'emplois de façon à avoir des données réelles et non arbitraires. Notre recommandation: que l'obligation de se référer à la classification nationale des professions soit retirée.
À l'article 4, en permettant à l'organisme de ne pas inclure son personnel temporaire ou à temps partiel, on vient encore d'exclure un très grand nombre d'emplois. Une étude récente du Conseil du statut de la femme démontre que le travail temporaire et à temps partiel est en plein essor autant dans le secteur public que privé. Les femmes sont donc suffisamment discriminées pour ne pas en ajouter. De plus, quand on sait que les emplois occasionnels sont souvent la porte d'entrée à l'obtention d'un emploi permanent, il est absolument nécessaire qu'ils soient visés par cette loi. Alors, nous recommandons que tout le personnel soit visé par la loi sans égard à son statut.
L'article 6 indique que la Commission peut imposer à tout organisme un délai pour la transmission du rapport d'analyse d'effectifs et que, à défaut pour l'organisme de se conformer à ce délai, la Commission peut s'adresser au Tribunal des droits de la personne. Selon nous, la loi devrait d'emblée prescrire des délais quant à la transmission des effectifs à la Commission des droits de la personne et de la jeunesse. La Commission devrait s'adresser au Tribunal des droits de la personne si les dits délais ne sont pas respectés. Nous croyons que, si la loi ne prévoit pas d'obligation de délai...
Le Président (M. Rioux): Mme Ampleman, attendez-moi un peu, là, on va essayer de ramener un peu plus de calme de sorte que je vous entende bien et que les députés et les membres de la commission puissent vous entendre correctement. Alors, tout le monde va prendre sa place, et après ça on va continuer. Alors, vous avez la parole, madame.
Mme Ampleman (Marie): Merci. Alors, nous croyons que, si la loi ne prévoit pas d'obligation de délai, plusieurs organismes risquent de prolonger indûment le processus faute de ressources ou de temps. Alors, on augmente ainsi la charge de la Commission, puisqu'elle devra, en plus de son mandat, établir des délais pour chacun des organismes. Alors, en prescrivant tout de suite un délai maximum s'il n'est pas respecté, la Commission devra ? et non pourra, comme c'est écrit dans le projet de loi ? s'adresser au Tribunal des droits de la personne. De cette façon, on évitera que s'éternise le processus d'élaboration des droits d'accès à l'égalité.
Alors, l'article 19 stipule qu' «un programme d'accès d'égalité en emploi peut être modifié, reporté ou annulé si des faits nouveaux le justifient, notamment en cas de modification à la structure juridique de l'organisme, par fusion ou autrement». Quant à l'article 26, il dit que «la modification [...] juridique d'un organisme, par fusion ou autrement, n'a aucun effet sur les obligations relatives d'un programme d'accès à l'égalité en emploi; le nouvel organisme est lié par ce programme jusqu'à ce qu'une analyse des effectifs démontre qu'il n'est pas tenu d'établir un programme d'accès à l'égalité en emploi ou jusqu'à ce qu'un nouveau programme soit élaboré». Alors, nous nous recommandons que l'article 19 soit abrogé pour ne conserver que l'article 26.
L'article 22 élimine, selon notre avis, la partie III de la Charte des droits et libertés de la personne, puisque, par règlement, le gouvernement peut se substituer au rôle de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse après consultation de celle-ci. Nous sommes en désaccord avec cet article qui annule les pouvoirs de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Alors, notre recommandation c'est que la partie III de la Charte québécoise des droits et libertés soit maintenue en tenant compte évidemment des recommandations qui auront été proposées, adoptées.
Il est prévu que la Commission peut prêter son assistance lors de l'élaboration d'un programme d'accès à l'égalité en emploi. Or, la Commission a aussi le rôle d'ordonner à l'organisme d'élaborer et d'implanter le programme et de faire appel au Tribunal des droits de la personne s'il y a lieu. Nous croyons que la Commission risque de se retrouver dans une situation de juge et partie difficile à soutenir, car il met en jeu des intérêts contradictoires. En effet, après avoir aidé un organisme à élaborer son programme, comment pourrait-elle assumer pleinement son rôle critique? Alors, notre recommandation, c'est que l'assistance à l'élaboration d'un programme d'accès à l'égalité en emploi soit prêtée par un autre ministère ou organisme et non par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.
Quant à l'article 20, nous sommes d'avis que faire rapport à la Commission à tous les trois ans sur l'application du programme en faisant état des mesures prises et des résultats obtenus est beaucoup trop long. Il faudrait réduire le délai à un an maximum, sinon l'efficacité du programme en sera encore une fois affectée. Si un organisme fait preuve de laxisme lors de l'application de son programme, la Commission sera en mesure de réagir rapidement et efficacement. Alors, que le délai de trois ans pour faire rapport à la Commission soit réduit à un an.
Là, on touche à un aspect de plus qu'on apporte, alors c'est les programmes d'accès à l'égalité et la mixité des emplois. On a un petit peu, tantôt, parlé de l'efficacité, alors les programmes d'accès à l'égalité sont une première étape pour tendre vers une véritable mixité des organisations, mais ils doivent être complétés par une gestion de la diversité des ressources humaines. Cette dernière permet de répondre à un acte volontaire et non plus à une démarche gouvernementale; de répondre à un objectif de productivité et non à un objectif légal; de privilégier la qualité des employés minoritaires et non pas la quantité; de considérer la diversité non pas comme un problème, mais comme une occasion favorable de changement; d'adopter une stratégie qui préconise l'intégration plutôt que l'assimilation; d'adopter une attitude proactive et non pas réactive.
Alors, il faut se demander s'il est possible d'avoir un véritable programme d'accès à l'égalité sans gestion diversifiée des ressources humaines. Si le but vise uniquement l'atteinte des objectifs numériques, la réponse est oui. Si nous visons la véritable égalité de chacune des ressources humaines, c'est non, car la véritable égalité exige l'intégration et non l'assimilation.
Alors, le succès de cette loi est tributaire de la satisfaction que les personnes ciblées retireront de leur travail et du milieu dans lequel elles évoluent ainsi que de la persistance qu'elles démontreront à y rester. Alors, nous, nous recommandons que les organismes visés par la loi soient sensibilisés à la diversité des ressources humaines afin de maintenir les groupes cibles en emploi.
Le financement de la démarche. Alors, il va sans dire que les coûts reliés à l'élaboration d'un programme d'accès à l'égalité sont élevés. Les organismes visés devront prévoir les ressources nécessaires dans leur budget. Il ne faudrait pas que le manque de ressources tant humaines que financières mette un frein à la mise en oeuvre de programme d'accès à l'égalité.
n(12 heures)n Les exigences qu'entraîneront auprès de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse toutes les étapes de mise sur pied du programme d'accès à l'égalité, du champ d'application à l'évaluation de l'atteinte des objectifs et le maintien de ces qualités, ne pourront être rencontrées qu'à la condition de doter cette dernière de ressources humaines, financières et matérielles substantielles. Et, quant au Tribunal de la personne, il a, lui aussi, peine à répondre aux demandes qui lui sont faites faute de ressources. Si rien n'est prévu afin d'augmenter ses ressources, nous craignons que l'efficacité de la loi en souffre aussi. Notre recommandation, bien c'est que les ressources humaines matérielles et financières suffisantes soient accordées à ces trois paliers-là.
En mars 1990, un comité consultatif sur les programmes d'accès à l'égalité a fait rapport à la ministre déléguée de la Condition féminine. Dans ce rapport, on y lit que, à la connaissance des organismes consultés, les travailleuses, qu'il s'agisse de celles des entreprises du projet-pilote ou de celles d'autres organisations savent rarement en quoi consiste un programme d'accès à l'égalité. Dans le meilleur des cas, même quand le concept est connu dans les grandes lignes, ses implications demeurent encore mal comprises. Dix ans plus tard, force est de constater que la situation est toujours la même. Les organismes avaient aussi émis le souhait d'être davantage impliqués dans le projet.
La même situation se répète aujourd'hui. Nous croyons que c'est se priver d'une excellente ressource en ne faisant pas appel à eux. On n'a qu'à penser aux organismes en options non traditionnelles, aux organismes multiculturels qui pourraient être des bassins de main-d'oeuvre extraordinaires, aux organismes de sensibilisation, d'éducation et de formation, de défense de droits qui pourraient faire la promotion et, comme exemple, le Comité aviseur-femme en développement de la main-d'oeuvre et le Comité d'adaptation de la main-d'oeuvre des personnes immigrantes qui sont des créations du gouvernement. Alors, on aimerait que les organismes qui ont une expertise auprès des groupes cibles soient impliqués dans le processus.
Et, enfin, notre dernière recommandation et non la moindre, le projet de loi n° 143 vise les femmes, les autochtones et les personnes qui font partie d'une minorité visible en raison de leur race ou de la couleur de leur peau. Toutefois, certaines femmes, dont les femmes des communautés culturelles, les femmes autochtones et les femmes ayant des limitations fonctionnelles, vivent une double discrimination. Le CIAFT déplore cette situation et endosse fortement la revendication de la Marche mondiale des femmes de l'an 2000 de favoriser un réel accès à l'ensemble des femmes et particulièrement les femmes des minorités visibles et ethniques, des femmes autochtones et des femmes ayant des limitations fonctionnelles au marché du travail. Voilà.
Le Président (M. Rioux): Mme Ampleman, merci. En lisant votre document hier soir, j'ai trouvé que vos idées étaient claires, vos revendications précises. C'est limpide. Alors, on va pouvoir avoir des échanges ensemble assez intéressants. Imaginez-vous si vous aviez eu plus de temps.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Rioux): Alors, je vais céder la parole au ministre qui ne manque jamais de clarté lui non plus.
M. Perreault: Vous être bien aimable, M. le Président, de me céder la parole en tout cas et de vos bons mots. Bonjour, merci d'être là et merci effectivement pour avoir pris le temps de faire l'analyse du projet de loi et de formuler des recommandations qui sont effectivement très précises, très, très claires, les unes après les autres.
D'abord, peut-être, j'ai une question, vous indiquer tout simplement peut-être que la compréhension que nous avons de la portée des articles 19 et 26 est un petit peu différente de part et d'autre. Je ne veux pas vous faire un débat d'avocat ici. Dans notre esprit, l'article 19 est un article permanent et l'article 26 est davantage une situation transitoire, donc il n'y a pas de contradiction. Mais enfin, ce n'est peut-être pas au coeur des débats, on pourrait y revenir si ça mérite précision, effectivement.
Vous proposez que le délai pour faire rapport à la Commission soit réduit à un an; donc, il y aurait comme une date butoir pour tous les organismes, il y en a 700 qui sont visés par la loi, et ça serait cette année-là.
La nature humaine étant ce qu'elle est, on sait souvent que la façon dont le monde travaille, c'est que, lorsque la date butoir est annoncée, bien, je veux dire, il prévoit son rapport pour la date en question. La démarche qui est dans le projet de loi est un petit peu différente dans le fond. Elle se dit: Bon, bien le processus part puis la Commission des droits a en tout temps la possibilité d'intervenir, puis elle va contacter tout le monde, puis, si à un moment donné quelqu'un ne bouge pas, bien elle va lui envoyer un avis. Les gens vont, à partir de l'avis, être obligés d'opérer et avec des délais précis.
Cette inquiétude qui était la nôtre et la raison pour laquelle on ne fixait pas une date limite pour tout le monde, vous semblez ne pas la partager. Est-ce que vous ne craignez pas à un moment donné de créer une congestion à la Commission, qui finalement pourrait être plus préjudiciable qu'utile à l'élaboration des programmes?
Le Président (M. Rioux): Alors, laquelle répond à la question?
Mme McNeil (Jeannine): Bien, moi, je parle d'expérience. Je ne sais pas s'il y a des gens ici qui étaient là en 1986 quand la partie III de la Charte a été mise en vigueur? Je n'en vois pas beaucoup, Mme Gagnon-Tremblay, qui était responsable de ce projet-là, c'est tout. Alors, par expérience, en 1986 on avait 1 000 000 $ pour les entreprises privées; on donnait 50 000 $ à chaque entreprise.
Le comité de consultation a pris fin en 1990, et l'analyse des effectifs n'était pas encore terminée dans un très grand nombre, le 50 000 $ avait été dépensé dans un système informatique très coûteux, et on était tout perdu dans les chiffres et dans toutes les quantités. Alors, s'il arrive la même chose pour les organismes ? peut-être que ce n'est plus votre gouvernement qui sera là, est-ce que l'autre va continuer? je ne le sais pas ? ça peut prendre trois, quatre ans, d'autant plus que, là, ils vont s'enfarger avec la Loi d'équité salariale, parce qu'ils commencent à mettre ça en place puis ils doivent commencer à payer le 21 novembre 2001.
C'est un avantage pour vous, parce que dans la loi ils doivent faire des catégories d'emploi, puis là, c'est les organisations de 10 et plus. Ils vont être obligés de faire des effectifs selon le sexe. Donc, ils vont peut-être accélérer parce que dans un autre projet de loi ils vont être obligés de le faire. Mais c'est très dangereux pour ceux qui sont en bas de 10 ? parce qu'il y a beaucoup d'organismes qui sont en bas de 10; vous, vous ne visez que les 100, mais, nous autres, on demande que tout le monde soit visé par cette loi-là ? qu'on soit rendu à trois, quatre ans puis que tout l'intérêt...
Vous savez, l'intérêt d'un programme d'accès à l'égalité, ils sont tout feu tout flamme au début, mais, quand ça fait trois ans qu'ils jouent dans leurs chiffres, là, ils sont assez dégoûtés que la mise en place du programme et les choses efficaces il n'y a pas de résultats. Alors, peut-être que c'est pas expérience que je... Et ce n'est pas simplement dans les entreprises privées, c'est aussi dans les entreprises publiques. Ça a pris beaucoup, beaucoup de temps avant de faire l'analyse des effectifs, ce n'est pas si simple que ça, surtout de la façon dont vous l'approchez, là, c'est excessivement complexe et peu efficace. Alors, c'est pour ça qu'on dit: Fixez un délai, en disant: Dans un an, vous devriez avoir fini vos analyses d'effectifs. Contraignez, faites quelque chose, pour pas que la Commission attende quatre, cinq ans, en disant: Bien, ils n'ont pas fait encore leur analyse d'effectifs, il n'y a rien de prévu dans la loi pour qu'ils fassent leur analyse des effectifs. Qu'est-ce que je fais?
Alors, au lieu de mettre l'odieux sur la Commission, fixez donc un encadrement. Soyez efficaces. Soyez opérationnels. Vous voulez l'être, là? Bien, soyez-le, c'est une façon. Quand on a des objectifs, à ce moment-là ça contraint les gens, vous l'avez dit vous-même. Si vous dites: Dans un an, ils vont commencer à y penser, dans 10, 11 mois, bien, c'est mieux que trois ans. C'est pour ça qu'on dit ça.
Le Président (M. Rioux): Alors, M. le ministre.
M. Perreault: Oui, rapidement. Bien, je comprends votre point de vue. Il faut dire cependant que, avant votre intervention, tantôt on a entendu le Conseil du statut de la femme, qui nous suggère un peu de travailler à revoir certaines mécaniques. Parce que vous faites référence bien sûr à une expérience ? je n'étais pas là en 1986, en 1986 j'étais à la STCUM en train de mettre en application ces programmes.
Mme McNeil (Jeannine): C'est ça.
M. Perreault: On profitait du 50 000 $.
Mme McNeil (Jeannine): Vous profitiez du 50 000 $. Ha, ha, ha!
M. Perreault: Un peu après, on nous en enlevait 160 000 000 $, mais, je veux dire, on profitait du 50 000 $. Il reste quand même que suite à ça il y a eu des leçons tirées de cette expérience, des processus ont été simplifiés, peut-être pas suffisamment.
Cela dit, écoutez, je veux revenir à un autre aspect, mais j'entends ce que vous me dites, là. Peut-être qu'entre zéro délai puis...
Mme McNeil (Jeannine): C'est ça.
M. Perreault: ...un an... Enfin.
Mme McNeil (Jeannine): On porte ça à votre attention.
M. Perreault: Une autre question qui me préoccupe: Vous ne trouvez pas ça un peu excessif d'exiger que tout organisme public, peu importe le nombre d'employés, ait un programme d'accès? Un programme d'accès. Pas soit sensible, pas ait des femmes, ait des minorités visibles, mais ait un programme d'accès à l'égalité. Parce qu'un programme d'accès à l'égalité c'est une démarche, on le dit, quand même relativement complexe, à moins de tomber dans les quotas. Il en faut. Bon. Mais un organisme où il y a 10 personnes dans le fond, on dit à l'administration de cet organisme... À un moment donné, quand un gouvernement veut vraiment que les choses changent, il dit: Où est-ce qu'elles sont les personnes dans votre organisme qui sont... On va dire au Conseil du statut de la femme: Où sont les hommes dans votre organisme? Ou bien on va dire ailleurs: Où sont les gens des minorités visibles? Mais, dans le fond, c'est une personne, c'est deux. Est-ce que vraiment il faut développer tout le temps, systématiquement, pour que les choses changent, la mécanique d'un programme d'accès à l'égalité?
Le Président (M. Rioux): Mme Ampleman.
Mme Ampleman (Marie): Mais on le voyait comme un genre peut-être de seconde nature, de développer une sensibilisation, en tout cas aux petits organismes qui, vous l'avez dit tantôt, embauchent très peu, dans un premier temps. Donc, c'est sûr que faire l'analyse des effectifs il faut que ça se fasse même s'ils n'embauchent pas, ils n'ont pas embauché dans un court terme. Mais c'était aussi pour que, bon, par exemple, un organisme qui est représenté, un petit organisme qui a quatre hommes, bien pour que, quand il aura à embaucher, il pense à embaucher une femme, ou une représentante, ou un représentant dans un groupe cible, éventuellement.
Une voix: ...
Le Président (M. Rioux): Un instant.
Mme Ampleman (Marie): Oui.
Le Président (M. Rioux): Terminez, là. Après ça...
Mme Ampleman (Marie): Ha, ha, ha!
Le Président (M. Rioux): Terminez ce que vous avez à dire.
Une voix: Allez-y.
M. Perreault: Dans le fond, c'est parce que c'est...
Le Président (M. Rioux): Oui, M. le ministre.
n(12 h 10)nM. Perreault: Si vous me permettez. Dans le fond, je suis d'accord avec votre objectif. Je me dis juste: Est-ce qu'il n'y a pas d'autres moyens pour atteindre cet objectif-là? Je vous donne un exemple. À partir du moment où une telle loi serait adoptée, que l'ensemble des grands organismes de l'État sont tenus de se doter de programmes d'accès à l'égalité, qu'ils le font... Je ne sais pas, par exemple, si on ne serait pas mieux, pour des organismes plus restreints, d'avoir des politiques comme, je ne sais pas, moi, le gouvernement pourrait imposer à chaque administrateur de ces organismes-là l'obligation annuellement de faire rapport sur la composition de son organisme: en quoi il travaille à atteindre les objectifs, à développer des campagnes de sensibilisation, puis au bout de la ligne atteindre à peu près les mêmes résultats que d'impliquer dans la loi... Enfin, je vous soulève cette remarque.
Le Président (M. Rioux): Quelle est votre réaction, en gros, à ces propos du ministre?
Mme Ampleman (Marie): Bien, c'est très intéressant que vous y pensiez, mais c'est ça, c'était, comme je vous dis... C'est sûr que c'est un processus qui est lourd, mais nous, c'était dans le but, comme je vous dis, que ça devienne comme un processus, une seconde nature de dire que tout le monde, à chaque fois qu'il y a embauche... que ce soit quelque chose à quoi les organismes pensent, les organismes publics particulièrement. Alors, c'était ça. Est-ce que vous voulez ajouter quelque chose, madame...
Le Président (M. Rioux): Vous souhaitez que l'habitude se crée là, puis que ça...
Mme Ampleman (Marie): Voilà. C'est ça.
Le Président (M. Rioux): M. le député de Marquette.
M. Ouimet: Merci, M. le Président. Bienvenue, mesdames, aux travaux de notre commission parlementaire. Moi, sur la lancée du ministre, je partage un petit peu la même préoccupation que le ministre lorsqu'il dit: S'il y a un organisme et qu'il y a, par exemple, entre trois et cinq employés, est-ce réaliste de leur demander de préparer un programme d'accès à l'égalité? Le seul problème, c'est que nous n'avons pas de données empiriques pour savoir il y a combien d'organismes qui comptent moins de 100 employés ou quelle est la ventilation de tous les organismes publics puis de savoir ils ont combien d'employés. Je pense que ça pourrait jeter un éclairage intéressant, et peut-être là le ministre pourra peut-être changer de point de vue; si jamais la plupart des organismes publics ont au moins 25 employés, là je pense que votre remarque demeure fort à propos.
Reste la question des coûts également, vous y faites référence à la page 8 de votre mémoire. Vous dites: Il va s'en dire que les coûts reliés à l'élaboration d'un programme d'accès à l'égalité sont élevés. Pourriez-vous nous parler un peu... Avez-vous des exemples à donner? Avez-vous des cas à citer lorsque vous dites qu'ils sont élevés?
Le Président (M. Rioux): Alors, c'est Mme McNeil qui répond à ça?
Mme McNeil (Jeannine): Oui. Quand c'est des chiffres, ils se retournent vers moi.
M. Ouimet: C'est très coûteux quoi?
Mme McNeil (Jeannine): Disons que je parle d'expériences de 1986 à 1990. Dans certaines entreprises, ça a coûté jusqu'à 250 000 $ et 300 000 $ faire ça. Pourquoi? C'est dû aux lignes directrices de la Commission des droits de la personne. Bon. On l'a décrié en 1986, que ça n'avait pas d'allure ces choses. Les entreprises nous l'ont dit, même les organismes le disent. Pourquoi? C'est que vous allez contre la façon de décrire les emplois dans les entreprises.
On est habitué de travailler avec des descriptions d'emplois qui sont le reflet de la culture organisationnelle, et là vous leur imposez un carcan qui est la classification type professionnelle. Je ne sais pas si vous avez déjà travaillé avec ça. J'aimerais ça que vous jetiez un petit regard. Faites-vous en sortir quelques-unes, puis regardez qu'est-ce que a l'air cet animal-là, puis qu'est-ce que vous faites avec ça.
Là, vous allez obliger les entreprises, dans l'équité salariale, à faire leurs catégories d'emplois d'une façon puis la même année vous allez dire: Là, tu vas tout recommencer ton travail, ma chère petite organisation, selon la classification type des professionnels, qui n'a rien à voir avec ça.
Alors, qu'est-ce que faisaient les entreprises? Elles prenaient leurs catégories d'emplois, leurs façons de faire, leur mettaient le carcan de la classification type d'emplois, elles recevaient les analyses de disponibilité de la Commission des droits de la personne, elles les retransformaient dans le langage de... et à la fin, elles ne se retrouvaient plus. Ça, ça coûte cher, ça prend du temps et ça prend beaucoup, beaucoup d'énergies. Alors, là, la classification type d'emplois, c'est fait pour Statistique Canada, c'est fait pour le recensement.
Deuxième des choses, avez-vous pensé ? le recensement, c'est à tous les cinq ans ? qu'actuellement on joue avec 1996 pour encore de nombreuses années, hein, parce que 1996 vient de sortir, là. C'est ça, là, vos bassins de disponibilité. C'est toujours six, sept ans après. Et là les gens, ils disent: Bien, ce n'est pas ça. Ça n'a pas d'allure. Alors, pourquoi ça coûte cher, c'est ça. C'est le carcan, la façon dont est conçu... Parce qu'un programme d'accès à l'égalité, il y a des lignes directrices de la Commission. Ça ne fait pas partie, là à ce moment-là de la partie III de la Charte, c'est la Commission qui met ce carcan-là.
Quand on regarde ce qu'exige le fédéral, les entreprises sont beaucoup plus heureuses avec la façon dont le fédéral aborde la question de l'accès à l'égalité que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Les gens l'avaient décriée presque partout, autant dans les organismes publics, en 1990. Par curiosité, on est allé les chercher.
Tantôt, vous avez dit qu'il y a eu des changements. Il faut regarder avec un microscope pour les trouver. Alors donc, il y a des changements très, très mineurs. C'est l'approche même du programme d'accès à l'égalité qui était un obstacle en 1990 puis qu'on retrouve en l'an 2000. Peut-être que les organismes publics sont très riches puis ils ont du temps puis une motivation que les autres n'avaient pas, mais, quand on regarde ce qui s'est passé, autant dans le secteur de la santé que dans le secteur de l'éducation...
La Commission vous dit: Oui, il y a eu des changements. Est-ce que les changements sont dûs aux programmes d'accès à l'égalité ou bien s'ils sont dûs à tout l'environnement du marché du travail qui fait que les chiffres ont augmenté? Qu'est-ce qui est vraiment dû aux programmes d'accès à l'égalité? Je n'ai pas vu à ce moment-là une analyse discriminante des facteurs explicatifs de ces changements-là. J'aimerais ça qu'ils me convainquent. D'accord? C'est pour ça.
C'est coûteux, vous avez raison que c'est coûteux à l'intérieur de ça, et pour un petit organisme, vous avez raison, ça serait moins coûteux parce qu'il y a moins de monde, mais il a moins de moyens, hein, c'est moins informatisé, alors que dans l'entreprise, c'est un peu plus informatisé. Mais c'est coûteux.
Le Président (M. Rioux): M. le député de Marquette.
Mme Lanoville (Carole): Est-ce que je peux ajouter un complément d'information?
Le Président (M. Rioux): Oui, oui. Allez, madame.
Mme Lanoville (Carole): Oui. Ce qui est coûteux également, c'est que, nous, on souhaiterait que l'élaboration des programmes d'accès à l'égalité se fasse en comité interne à l'intérieur des organismes publics, donc qu'il y ait une représentation paritaire, parce que ce sont majoritairement des organismes syndiqués, et avec une présence de femmes bien sûr sur ces comités d'accès là. Donc, on parle, quand on parle de ressources humaines, c'est le temps évidemment de travail qui est exigé à ces personnes-là pour élaborer le programme qui est assez long. Donc, ça fait partie des coûts, là, de 250 000 $, 300 000 $ dont Mme McNeil faisait état.
Le Président (M. Rioux): Merci, Mme Lanoville.
M. Ouimet: Question rapide, j'aimerais céder par la suite la parole au député d'Outremont. Pensez-vous que les personnes qui se sentiraient lésées... suite à la décision prise par l'employeur, des personnes qui se sentiraient lésées devraient-elles avoir un recours? Parce que présentement je pense que la loi ne prévoit aucun recours pour ces personnes-là?
Le Président (M. Rioux): Une réponse.
M. Ouimet: Une femme qui se sentirait lésée dans ses droits, alors que le programme d'accès à l'égalité aurait dû s'appliquer, mais, pour une raison ou pour une autre, on ne l'a pas trouvée compétente ou je ne sais trop quoi, devrait-elle avoir un recours?
Le Président (M. Rioux): Mme McNeil.
Mme McNeil (Jeannine): Bien, si je prends encore de l'expérience, les femmes ne pouvaient même pas se sentir lésées parce que les femmes, elles ne comprennent pas ce que c'est qu'un programme d'accès à l'égalité. Vous pensez... Vous autres, autour de la table, j'aimerais ça vous voir m'expliquer les programmes, puis les lignes directrices, puis qu'est-ce que c'est que toute la démarche d'un programme d'accès à l'égalité. J'aimerais ça vous faire passer ça autour. Et dans le public, c'est la même chose, là. Ça fait que c'est une question qui est théorique.
Mais les femmes, ça serait heureux si elles semblaient qu'elles sont lésées. Elle va avoir pu aller à ce moment-là dire: Ça m'a été refusé selon l'article 10, ou j'ai été discriminée selon l'article 10. Mais elles ne penseront pas au programme d'accès à l'égalité, d'autant plus que souvent, après trois ans, les gens dans les entreprises ne savaient même pas que l'entreprise avait initié un programme d'accès à l'égalité. Alors, peut-être que là ça va être fait mieux, mais c'est très théorique, parce que dans l'autre cas les femmes, elles ne le savaient même pas, même les syndicats étaient surpris de savoir que l'entreprise avait eu 50 000 $ pour faire un programme d'accès à l'égalité, parce que ça n'était pas plus connu ça.
Le Président (M. Rioux): C'est presque impardonnable de la part d'un syndicat.
Mme McNeil (Jeannine): Si vous ne leur dites pas, pauvres eux autres, ils ne peuvent pas deviner.
Le Président (M. Rioux): Mais ils manquent de curiosité à ce moment-là. C'est d'être aux nouvelles, hein.
Mme McNeil (Jeannine): Bien non, pas nécessairement, pas du tout.
Le Président (M. Rioux): Leur fonction, c'est d'aller aux nouvelles au moins.
Mme McNeil (Jeannine): Quand c'est caché, quand une femme a été engagée surnuméraire, qu'elle est dans une garde-robe en arrière après calculer, bien qu'est-ce que vous voulez, c'est bien normal qu'ils ne le sachent pas, que les femmes ne le sachent pas puis les syndicats non plus, je pense bien.
Le Président (M. Rioux): Alors, merci, Mme McNeil. M. le député de Marguerite-D'Youville.
M. Beaulne: Oui. Mais, d'abord je vous félicite pour votre mémoire. C'est très bien présenté, bien articulé, comme l'a souligné le président tout à l'heure, et ça a le mérite, entre autres, de soulever certaines questions pratico-pratiques. Entre autres, bien sûr la plupart des intervenants jusqu'ici, puis ceux qui vont vous suivre, traitent des orientations générales et des grands principes. Tout le monde s'entend là-dessus; je pense qu'il y a un consensus qui se dégage.
Mais ce qui est intéressant, moi, ce que j'ai relevé, entre autres, dans votre mémoire qui est intéressant, c'est l'utilisation d'outils pour mesurer les progrès effectués ou pour se doter d'un programme efficace, entre autres quand vous mentionnez la question de la classification nationale des professions comme base de référence. Je pense que, ça, c'est un point très intéressant puis que vous avez tout à fait raison. Et il est arrivé bien souvent que des programmes très bien intentionnés ratent la cible parce que les outils pour en mesurer les progrès ou sur lesquels on se basait étaient inadéquats, et je pense qu'ici vous avez un point qu'il va falloir sérieusement prendre en considération.
Ma première question ça serait... Il faut des outils, vous en convenez. Vous dites que celui-là n'est pas adéquat, mais qu'est-ce que vous suggéreriez comme base d'évaluation ou comme outil qui répondrait aux objectifs du projet de loi? Celui-là n'est pas adéquat, mais il y en a peut-être d'autres que vous verriez.
n(12 h 20)n Deuxièmement, mon deuxième commentaire, c'est la question, votre recommandation de prendre en considération non seulement le personnel permanent, mais à temps partiel et occasionnel. Je pense que, ça, c'est quelque chose sur lequel il va falloir réfléchir compte tenu de la tendance à l'heure actuelle dans le marché du travail, autant dans le secteur public que dans le secteur privé, d'avoir recours à des occasionnels et à du travail à temps partiel. Donc, si on veut véritablement viser l'objectif du projet de loi d'éliminer dans la mesure du possible toute discrimination dans ce domaine-là, bien il me semble qu'il va falloir réfléchir à cette donnée-là.
Et finalement un point qui a été soulevé et qui est peut-être un peu marginal à notre discussion mais qui est rattaché à la réflexion qu'on a présentement sur le fonctionnement des commissions parlementaires. Vous avez fait allusion tout à l'heure à certaines difficultés éprouvées à préparer un mémoire bien étoffé, bien pondu, dans un délai de temps court, d'une part, et, d'autre part, à une période de l'année où évidemment les disponibilités sont plus limitées. C'est une question dont il va falloir discuter puis que j'aimerais qu'on se penche là-dessus éventuellement. Parce que, quand on demande aux organismes... on a des consultations comme celles-là et qu'on voit très peu d'individus ? ça fait 11 ans que je suis ici... Moi, ce que j'appelle les abonnés, là, les groupes organisés, les groupes d'intérêts bien structurés avec de l'argent, et ainsi de suite, qui, eux, peuvent se permettre d'intervenir sur à peu près n'importe quel sujet, n'importe quelle chose qui bouge, que ce soit la commission des pêcheries, ou la commission de la culture, ou l'économie et le travail, alors que les petits organismes, les individus sont très rarement pas invités mais participent de façon très rare à nos travaux en raison de ces problèmes-là... Ça, c'est quelque chose qu'il va falloir... Parce que, quand on parle de démocratisation de la culture, qui est une de nos préoccupations, bien il y a la démocratisation aussi du fonctionnement de l'appareil public.
Alors, ceci étant dit, pourriez-vous nous indiquer quels sont certains outils de mesure que vous jugeriez adéquats?
Le Président (M. Rioux): Je retiens, moi, les deux premières remarques. Les autres sont... J'imagine que c'est un message que le député de Marguerite-D'Youville envoie aux membres de la commission ou au président. Mais j'en ai pris bonne note, n'ayez crainte.
M. Beaulne: Puisque le président a participé à un comité de réflexion..
Le Président (M. Rioux): Ha, ha, ha! Alors, Mme Ampleman, à qui donnez-vous la parole?
Mme Ampleman (Marie): Allez-vous, Mme McNeil, sur la culture de l'entreprise? Mais j'ai trouvé une personne experte, je dois vous le dire, pendant l'été.
Mme McNeil (Jeannine): Je vous rappelle que vous devriez lire notre rapport qu'on a sorti en 1990 qui est disponible. Vous aurez toutes réponses sur les coûts.
Le Président (M. Rioux): L'avez-vous sur Internet?
Mme McNeil (Jeannine): Non, je ne l'ai pas. Mais en 1990 Internet n'existait pas.
Le Président (M. Rioux): Oui, mais quand même. Mais on ne peut pas le trouver sur Internet?
Mme McNeil (Jeannine): Non. Je peux vous en envoyer une copie par exemple.
Le Président (M. Rioux): Pouvez-vous nous le faire parvenir? On serait très heureux.
Mme McNeil (Jeannine): Avec grand plaisir. Je vais vous l'envoyer. Vous allez tout avoir ces renseignements-là de coûts, combien de personnes, les facteurs de succès d'un programme d'accès à l'égalité, qu'est-ce qui en est, quelles sont les difficultés, et tout. Puis c'est un comité paritaire dont Aoura faisait partie avec moi. Elle représentait les femmes immigrantes.
On avait le Conseil du patronat, l'Association des manufacturiers, des groupes de femmes. Tout le monde faisait partie de ce comité-là. Ça vous permettrait de revoir l'histoire. Des fois dans l'histoire, on apprend des choses. Mais on revient.
Le Président (M. Rioux): Alors, je vous invite à compléter notre formation.
Mme McNeil (Jeannine): Mesurer les effectifs, moi, je pense que ce que les organismes nous avaient dit à ce moment-là, c'était de les laisser eux-mêmes, dans leur langage... Ils se disent: Nous autres, on ferait un diagnostic dans le langage, un diagnostic de notre organisation. Ça nous prendrait une demi-journée, une journée puis on verrait bien là où on n'en a pas puis on pourrait être capable de traduire dans nos termes. Et, au lieu que ça nous coûte très, très cher, on pourrait peut-être arriver avec des choses plus efficaces. On passerait à l'action tout de suite plutôt que de prendre trois ans pour démolir... tout défaire nos statistiques pour les refaire.
Ce qu'on fait dans une entreprise, quand on fait un diagnostic organisationnel, les gens se mettent là, disent: Il faut. Les femmes, ça se fait... avec l'équité salariale, ils ont toutes les données. Les immigrés, ce n'est pas facile. Même avec vos classifications types professionnelles, il n'y a pas grand-chose qu'on va retrouver, et encore moins pour les autochtones. Alors, je pense que c'est...
Tandis qu'un organisme aurait peut-être le fardeau de la preuve, de dire: On s'est penché là; voici ce qu'on voit puis voici où est-ce qu'on va. C'est-à-dire on transposait... et ça serait beaucoup plus efficace et on pourrait avoir des délais plus courts.
Donc, essayer de se coller le plus à la façon dont l'organisme compte ses employés de façon à ce que, quand il se fixe des objectifs, il les comprenne puis il est prêt à les mettre en application plutôt que tout les déformer, les reformer pour revenir. Alors, je pense que c'est ça.
Le Président (M. Rioux): Bien. On va aller du côté du député d'Outremont et on terminera avec le ministre tout à l'heure. M. le député d'Outremont.
M. Laporte: Merci, M. le Président. Mesdames, vous avez fait un commentaire que je pense très pertinent sur l'article 12 au sujet de l'aide que la Commission prête à l'assistance à l'élaboration d'un programme. Je suis tout à fait d'accord avec vous que la Commission pourrait se retrouver dans une situation juge et partie, là. Mais il y a une implication... Je dirais que le projet de loi manque une occasion extraordinaire de créer tout un nouveau marché d'emploi en prévoyant que l'assistance à l'élaboration d'un programme pourrait être faite par le marché.
Il y a des sociologues, des anthropologues, des psychologues, des économistes qui, dans des petites entreprises, pourraient fort bien agir comme acteurs d'assistance dans l'élaboration des programmes. Et dans ce projet de loi là, on sent ? enfin je sens ? la présence d'un esprit étatique, n'est-ce pas, ou étatiste, qui contraint la décision à des recours d'assistance à d'autres organismes publics. Évidemment, là je veux avoir votre opinion sur ce que ça pourrait être une assistance qui serait fournie par des organismes privés qui développeraient des compétences là-dedans.
Vous n'étiez pas là hier, mais on a entendu la Commission des droits de la personne nous dire que, compte tenu de la petitesse de leurs effectifs, ils auraient besoin de 35 personnes et plus pour pouvoir s'acquitter de ces rôles-là. Donc, on va se retrouver encore dans une expansion bureaucratique, n'est-ce pas? Vous, vous recommandez que ça pourrait être fait par un autre ministère ? je ne sais pas lequel. Mais, si vous allez à un autre ministère, ça va être encore la même chose, il va falloir augmenter le nombre du personnel parce qu'ils en ont jamais assez, n'est-ce pas? On pourrait leur dire évidemment: Si on vous confie une nouvelle mission, disons, abandonnez certaines missions qui devraient être accomplies.
Donc, pourquoi est-ce que dans ce projet-là considérez-vous que ce projet-là serait amélioré si on y prévoyait que l'assistance à l'élaboration d'un programme d'accès à l'égalité pourrait être rendue par une entreprise privée, par le marché? On créerait toute une série d'acteurs nouveaux.
Le Président (M. Rioux): On va aller voir Mme Lanoville, tiens.
Mme Lanoville (Carole): En fait, on n'a pas dit qu'on souhaitait que ce soit par une entreprise privée. En fait, ce qui est important, c'est qu'on crée un bassin d'experts et d'expertes sur cette question-là. On l'a dit plutôt, c'est complexe, ce n'est pas facile à faire; donc, il y a un soutien qui est nécessaire. Ceci étant dit, si on prend l'exemple de la Loi sur l'équité salariale, il y a des consultants qui se sont improvisés spécialistes sur la question et qui dans le fond ne comprennent pas le sens et les principes mêmes de cette loi. Donc, on ne voudrait pas répéter cette malencontreuse expérience avec l'accès à l'égalité.
Donc, c'est le ministère des Relations avec les citoyens et citoyennes et l'Immigration qui chapeaute ce projet de loi. Il nous semblerait intéressant ? il y a, on n'en doute pas, des experts à l'intérieur de ce ministère-là ? que ce même ministère fournisse des experts ou crée un organisme, une équipe de SWAT, je dirais, vraiment d'experts sur la question, très mobile, pas 35 personnes, au fait, qui pourrait suppléer ou compléter les organismes publics ? on est toujours dans les organismes publics, n'est-ce pas; quand il s'agira de l'entreprise privée, on pourra penser à un processus différent, mais là on est dans les organismes publics ? donc qui pourrait les soutenir dans leur démarche.
Le Président (M. Rioux): Très bien. Monsieur...
n(12 h 30)nM. Laporte: Mais c'est bien normal ? si vous me permettez ? que, lorsqu'on crée un marché pour une première fois, il y ait une certaine improvisation puis des ratés. Mais je vous ferais remarquer ? c'est peut-être vrai dans le cas de la loi sur l'équité dans l'emploi ? que, si on recourait au marché pour avoir du service conseil, on pourrait peut-être de cette façon-là surmonter l'obstacle que vous mentionnez et que d'autres ont mentionné, c'est-à-dire d'ouvrir cette loi à un plus grand nombre d'organismes, à des organismes de plus petite taille. Parce que là il y aurait vraiment un marché pour pouvoir répondre à la demande, alors qu'actuellement il n'y en a pas, puisque c'est limité au monopole de l'État.
Le Président (M. Rioux): Rapidement, êtes-vous ouverte à une proposition comme celle-là?
Mme Lanoville (Carole): En fait, nous, ce qu'on dit, c'est que l'expertise à l'heure actuelle on la trouve davantage dans les groupes de défense de droits et au sein d'organismes publics que dans l'entreprise privée.
Le Président (M. Rioux): Très bien. Alors, M. le ministre.
M. Perreault: Oui, bien c'est un peu autour également de ces questions du rôle de la Commission des droits, parce que vous l'abordez de deux manières, si j'ai bien compris. Vous dites... à la recommandation 6 vous semblez croire que la partie III de la Charte québécoise risquerait d'être abolie parce que nous définissons à l'article 22 la possibilité pour le gouvernement après consultation de déterminer un certain nombre de règles du jeu. Puis un peu plus loin vous dites, en ce qui concerne l'assistance, et vous êtes contre ça: Ça doit être le rôle de la Commission.
Par contre, en ce qui concerne l'assistance à l'élaboration des programmes auprès des organismes, ça, vous dites: Ça devrait être quelqu'un d'autre que la Commission. Mais tantôt j'entendais madame parler de la façon dont la Commission conçoit un peu tous ces programmes d'accès à l'égalité jusqu'à maintenant, ces règles du jeu. On a entendu hier le président de la Commission et qui a plaidé pour une plus grande rigueur encore dans l'élaboration de ces programmes.
Je vous laisse cette réflexion. Il y a eu des discussions bien sûr avec la Commission, parce qu'un des obstacles psychologiques... en tout cas un des prétextes invoqués parfois, un obstacle psychologique ? c'est peut-être un prétexte ? par certains employeurs, c'est la complexité du processus. Mais en même temps hier le président de la commission est venu plaider pour dire que ça ne pouvait pas non plus être simple. Puis tantôt la présidente du Conseil du statut de la femme a dit: Il faudrait peut-être aller de l'avant avec la loi mais peut-être qu'il faudrait retravailler tout cette espèce d'encadrement. Je vous signale juste que l'esprit de l'article 22 se voulait un peu ça aussi tout en cependant, pour l'essentiel, conservant à la Commission des droits, sur la base d'expérience historique, son rôle.
Le Président (M. Rioux): Merci. M. le député de Marquette, rapidement.
M. Ouimet: Très rapidement, M. le Président. J'exprime le souhait à ce moment-ci que nous puissions comme commission parlementaire réentendre la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Nous les avons reçu pendant 45 minutes; je pense qu'il serait important... en tous les cas pour ma bonne compréhension des propos tenus par le ministre et ce qu'il fait dire à la Commission. Des gens viennent en commission parlementaire et disent: Le rapport et le bilan de la Commission des droits de la personne ne disent pas ça du tout. Moi, je pense et je soumets ça à la réflexion du ministre et, si besoin est, je déposerai une motion, mais je pense qu'il serait important de les réentendre.
Le Président (M. Rioux): Merci, M. le député de Marquette, alors c'est noté par le ministre, il aura l'occasion de s'exprimer là-dessus. Mesdames, merci beaucoup, encore une fois, félicitations. Vous avez déposé un excellent mémoire, et on vous souhaite bonne chance.
Alors, je suspends les travaux jusqu'à 14 heures.
Une voix: Ce n'est pas plutôt 13 h 45?
Le Président (M. Rioux): J'ai dit 14 heures, c'est 14 heures.
Une voix: Excusez-moi, excusez-moi. Vous avez parfaitement raison, 13 h 45.
Le Président (M. Rioux): Non, non, non, 14 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 34)
(Reprise à 14 h 1)
Le Président (M. Rioux): Nous allons pouvoir débuter. Mmes Brosseau et Chabot, on vous souhaite la bienvenue. On est très heureux de vous accueillir. Jusqu'à ce jour, nous avons eu des débats et des discussions fort importants, très intéressants sur un projet de loi qui, somme toute, est important aussi.
Alors, vous connaissez les règles du jeu, parce que le Barreau se présente ici assez souvent. Vous aurez 15 minutes pour vous exprimer, et après ça on engagera la conversation, le dialogue ou les questions avec les députés membres de cette commission. Je ne sais pas qui va présenter le mémoire, mais... C'est vous, Mme Brosseau?
Barreau du Québec
Mme Brosseau (Carole): Oui. Je vais commencer par présenter le mémoire, puis Me Chabot, qui m'accompagne, va poursuivre. Alors, si je comprends bien, c'est une invitation, M. Rioux, à commencer ma présentation.
Le Président (M. Rioux): C'est ça.
Mme Brosseau (Carole): D'une part, j'aimerais remercier les membres de la commission de la culture de nous avoir invitées à participer à cette commission. Je suis accompagnée de Me Marie-France Chabot, qui est, d'une part, présidente du comité sur les droits en regard des peuples autochtones du Barreau du Québec, donc très familière avec le projet de loi. Et, de plus, je pense que son expertise à titre de directrice des programmes de premier cycle de la Faculté de droit de l'Université Laval saura aussi vous éclairer sur certains aspects du mémoire qu'on vous présente.
Je dois vous avouer que ce projet de loi là a été vu par de nombreux comités du Barreau du Québec parce que ça touchait effectivement plusieurs facettes de nos comités, donc c'est un consensus assez large qu'on a eu de la position du Barreau, d'un bon nombre de membres. D'une part, pour une fois, ça va être relativement facile de présenter notre position, puisqu'on est très favorable au projet de loi. Alors, contrairement peut-être à nos habitudes, ça facilite beaucoup notre tâche.
M. Perreault: Vous devriez prendre cette habitude.
Mme Brosseau (Carole): Vous savez très bien que c'est une habitude... On ne prendra jamais cette habitude, et vous le savez d'ailleurs.
Le Président (M. Rioux): Vous savez, Mme Brosseau, la commission est très heureuse de vous accueillir parce que d'abord on a besoin de vos commentaires, vos lumières, votre expertise, et on pense qu'un groupe comme le vôtre, votre intervention est de nature à améliorer le projet de loi.
Mme Brosseau (Carole): On espère, et c'est toujours dans cette optique-là qu'on présente nos mémoires.
Le Président (M. Rioux): Alors, à partir de maintenant, vous avez 15 minutes.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Brosseau (Carole): Merci. Parfait. Vous en donnez encore plus.
Ce qu'on peut dire, d'entrée de jeu, l'exercice de ce projet de loi là est essentiellement de faire un redressement pour des groupes qui sont ciblés par le projet de loi. Ce redressement-là devrait être guidé par la réalisation d'une plus grande justice sociale. Et la lecture du projet de loi nous permet de croire que c'est l'objectif qu'on tente d'atteindre par ce projet de loi. Cependant, il y aurait, je ne dis pas... certains points sur lesquels on voudrait amener les membres de la commission à réfléchir.
Le premier d'entre eux est certainement les dispositions de l'article 2, qui limitent, finalement, l'application à certains organismes publics qui sont visés à l'article 2 du projet de loi. On s'est inquiété un peu du fait où on aurait préféré que les organismes gouvernementaux qui sont visés par la Loi sur la fonction publique soient également visés par ce projet de loi là. On sait d'ailleurs que souvent cet exemple-là, où c'est l'exemplarité qui est souvent recherchée, fait en sorte que l'entreprise privée va être plus encline à développer elle-même des programmes d'accessibilité ou d'égalité en matière d'emploi. Donc, dans ce processus-là, on aurait souhaité que le gouvernement soit aussi inclus dans les organismes visés. On sait par ailleurs qu'il y a un exercice qui a été fait, et ça, depuis 1985, mais ça aurait été intéressant... au niveau de l'exemplarité.
Le deuxième point qu'on vise, c'est particulièrement au niveau de l'analyse des effectifs ainsi que l'élaboration du programme d'équité. On fait référence aux articles 4, 6 et, si je ne m'abuse, l'article 10 également de la zone habituelle de recrutement. Dans des groupes cibles qui sont visés, on pense notamment aux autochtones et on pense également aux communautés racialisées. Ces groupes-là se dispersent de façon différente sur le territoire québécois. Dans le cas des autochtones, sur une évaluation d'une population de 70 000 personnes environ, 15 000 seulement se retrouvent dans les milieux urbains. Donc, les autochtones sont éclatés un peu sur le territoire du Québec. Quant aux communautés racialisées, on le sait, 90 % de ces personnes-là se retrouvent dans la région métropolitaine, même si on sait qu'il y a un recul en faveur des régions qui se fait, pour le flux migratoire, assez récemment. Quant aux femmes, elles sont réparties, espérons-le, partout sur le territoire. Mais, pour ces groupes-là précisément, ce qu'on veut dire, c'est qu'il faudrait que le territoire du Québec soit considéré, quand on parle de zone habituelle de recrutement. Le limiter, ce serait défavoriser les groupes qu'on veut justement favoriser, à notre avis. Donc, il faut une interprétation très large de cette zone-là.
De plus, quand on parle du Programme d'accès à l'égalité, on tient compte aussi... puis c'est une autre disposition qui milite dans ce sens-là, c'est qu'on parle aussi des personnes compétentes. Alors, compte tenu de la distribution inégale de ces différents groupes cibles là sur le territoire québécois, il est autant important qu'on considère l'ensemble du territoire québécois et la répartition territoriale de ces groupes-là au Québec.
Je céderai tantôt la parole à ma collègue sur la question de compétence, et particulièrement un aspect qui a été non pas oublié mais qu'on voudrait voir peut-être... on voudrait amener la réflexion auprès de la commission de la culture.
Le deuxième point qu'on a amené dans notre discussion, c'est que... Le point qu'on traiterait, c'est la possibilité par un citoyen d'avoir accès directement au Tribunal des droits de la personne. On le sait, il y a un jugement de la Cour d'appel qui est assez clair sur le sujet et qui limite cet accès-là de façon particulière en ne limitant qu'aux cas de l'article 84 de la Charte. Mais, dans le cadre ? et là je m'adresse peut-être au ministre sur cette question-là ? de la réflexion qui est amorcée sur la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, peut-être qu'on pourrait être amené à considérer cette question-là. Dans le projet de loi... et là on comprend la logique du projet de loi à cet égard-là, mais, dans le projet de loi, on prévoit exclusivement le recours lorsqu'il y a une contestation ou un différend sur le Programme d'équité en matière d'emploi qui peut être présenté soit par la Commission ou par l'organisme public qui est visé. Mais, si la possibilité du recours aux citoyens pouvait être réfléchie, je pense que... dans une réflexion plus large, par exemple de la Charte québécoise des droits et libertés, ça serait peut-être opportun d'y songer.
n(14 h 10)n Alors, le troisième point qui est apporté, c'est sur l'article 13 du projet de loi. L'article 13 du projet de loi est très intéressant dans le sens qu'il guide, finalement, et qu'il normalise les programmes d'égalité en matière d'emploi. C'est très important de voir ça parce que l'exemplarité ou l'homogénéité de ces programmes d'égalité en matière d'emploi est, du moins des lectures qu'on en a fait, le moyen le plus sûr d'arriver à des résultats. Alors, si ces critères-là pouvaient lier d'une manière ou d'une autre les entreprises privées qui se doteront, nous l'espérons, de programmes d'égalité en matière d'emploi, ce serait excellent. Parce que, comme on l'expliquait, c'est vraiment l'homogénéité, c'est vraiment un langage commun. Dans le fond, c'est un objectif social commun qu'on a d'arriver à une plus grande équité. Et l'emploi est un facteur déterminant pour ça. Alors, ça serait vraiment intéressant s'il y avait moyen de lier.
Je peux vous avouer que depuis 1985, donc depuis qu'on a modifié la Charte pour prévoir certaines modalités à cet égard-là et depuis que la commission a cette responsabilité, ça a inspiré beaucoup d'organismes privés à se doter d'un programme. Mais les dispositions de l'article 13 ont pour objectif justement de légiférer cette question-là, donc d'asseoir les critères du Programme d'égalité en matière d'emploi.
Cela dit, le dernier point qu'on voudrait traiter, c'est de voir un petit peu en amont des programmes. On vous parlait de la question de compétence tantôt. On va profiter de l'occasion, dans le cadre des Jeux olympiques, pour donner un exemple un petit peu imagé. C'est-à-dire que les coureurs et les «coureures» se trouvent tous sur la ligne de départ, sauf qu'il faut, d'une part, que ces personnes-là se rendent à la ligne de départ pour se rendre à la ligne d'arrivée. L'objectif poursuivi par le projet de loi, c'est de se rendre à l'arrivée. Mais il faut s'assurer que les personnes qu'on vise se rendent également à la ligne de départ. Je cède la parole à ma collègue.
Le Président (M. Rioux): Alors, on vous écoute, madame.
Mme Chabot (Marie-France): Alors, sur la ligne donc de la question de la compétence, je dirais d'abord en introduction que, pour renchérir sur les propos de ma collègue Me Brosseau, on est très satisfait de façon générale du projet de loi. C'est un projet de loi qui est bien pensé, qui est bien articulé autour des bons critères et des bons indicateurs. Et le sens de nos interventions, c'est d'essayer de soutenir son efficacité.
Alors, parmi les indicateurs, il y en a deux sur lesquels je vais faire quelques commentaires: l'indicateur du nombre de personnes compétentes parmi un groupe cible ? je vais m'attarder plus au groupe des personnes d'origine autochtone ? et l'indicateur géographique de la zone de recrutement. Tout ceci pour dire que le principe de fond, dans le fond, qui permet de viser l'égalité, c'est un principe de proportionnalité qui est proposé. On veut qu'il y ait autant de personnes, par exemple, autochtones qui soient présentes dans ces emplois-là qu'il y a de personnes compétentes autochtones dans la zone habituelle de recrutement. C'est ce qui est visé. Donc, c'est un concept d'égalité avec lequel on est confortable.
Mais, pour que tout ça fonctionne, il faut justement se demander: Est-ce que cette logique-là ne pourrait pas tourner à vide dans certaines circonstances? Je donne l'exemple d'une profession. Faisons l'hypothèse qu'il n'y a pas d'infirmier ou d'infirmière autochtone au Québec. D'ailleurs, j'ai une source de référence qui est vieille de 1981, d'un document produit par la Commission des droits de la personne. Il y a une liste de compétences ou de professions où les autochtones sont présents et on voit: secrétaire, concierge, vendeur, teneur de livres, caissier, enseignant, policier, mais il n'y a pas infirmier ou infirmière dans ça. Faisons l'hypothèse qu'il n'y a pas d'infirmier ou d'infirmière autochtone au Québec. Alors, un CLSC visé par le projet de loi vérifie dans ses effectifs s'il y a des autochtones chez les infirmiers et infirmières; il n'en a pas. Il va voir s'il y a des personnes compétentes autochtones dans le métier d'infirmier, infirmière dans la zone de recrutement; il n'y en a pas. Tel que le projet est articulé à l'heure actuelle, cet établissement-là est correct parce que zéro est proportionnel à zéro. Donc, un beau projet pourrait tourner à vide, si on n'est pas soucieux d'articuler le projet de loi de l'intérieur ou de l'extérieur avec une politique de formation de main-d'oeuvre.
Alors, c'est ce souci-là qui doit être fait. Parce que de deux choses l'une... Oublions l'exemple des infirmiers ou des infirmières. Dans un type d'emploi, de deux choses l'une: ou dans le bassin de personnes employables il y a des autochtones ou il n'y en n'a pas. S'il y en a, des personnes employables dans le milieu, le projet de loi, grosso modo, normalement va aller les chercher par les politiques des établissements. La seule chose qu'il faudrait renforcer sur ce plan, donc dans l'hypothèse a où il y a des personnes compétentes dans le bassin, il faudrait renforcer la ligne «information» ou la ligne «politique de recrutement». On pourrait s'articuler... par exemple article 13, alinéa 1 ou 6, il y a de la prise pour ça. Mais je connais la compétence des légistes du gouvernement, la méthode, je vous la laisse.
Dans la deuxième hypothèse, c'est: il n'y a pas de personne compétente dans le bassin. Donc, dans cette deuxième hypothèse, il y a deux mesures possibles. Première mesure possible: élargir le bassin. Ça donne suite à ce que ma collègue a dit. Alors, si on est au CLSC de Gaspé et que notre zone habituelle de recrutement, elle est, dans l'hypothèse, une région administrative x, je ne connais pas les numéros par coeur, peut-être qu'une des premières choses à envisager ce serait d'élargir le bassin de recrutement, peut-être en ajoutant un alinéa à l'article 13 qui prévoie qu'un programme d'accès à l'égalité pourrait inclure... mentionner qu'il faut envisager d'élargir la zone de recrutement.
Deuxième type de mesure, c'est bien sûr la formation. Dans le projet de loi, il est question, dans les mesures d'accès à l'égalité des organismes, des mesures de formation du personnel. Je peux très bien, si j'ai un corps d'emploi où j'ai des autochtones mais que c'est un corps d'emploi dont les compétences sont voisines avec un autre, on pourrait parler de formation de la main-d'oeuvre déjà en place pour augmenter ses compétences et lui permettre d'avoir accès à d'autres postes. Mais il faudrait faire le lien avec les politiques de formation aussi du personnel potentiel.
Je termine simplement en vous disant que, dans mes fonctions à la Faculté de droit de l'Université Laval, je m'occupe depuis 1992 d'un programme d'accès à l'égalité aux autochtones à la profession d'avocat, et c'est clair que c'est la seule manière de faire en sorte que, dans la population juridique, il y ait à court terme ou à moyen terme proportionnellement autant d'avocats dans ce milieu-là qu'il y en a dans la population. Alors, je sais que le programme en question est subventionné par le fédéral, mais je ne veux pas m'embarquer dans les questions de responsabilité de financement, mais il y a des liens à faire avec les responsabilités d'éducation du Québec, j'en suis sûr. Et je pense que, dans ce sens-là, il ne faut pas qu'il y ait de compartiments étanches entre le projet de loi sur l'accès à l'égalité et les lois pertinentes en éducation, il faut qu'il y ait une articulation. Sinon, aussi bien articulé qu'il soit, ce projet-là pourrait tourner à vide assez à court terme. Je vous remercie.
Le Président (M. Rioux): Alors, Mme Brosseau, vous avez encore deux minutes.
Mme Brosseau (Carole): Deux petites minutes, parfait. C'est ce qui nous amenait d'ailleurs à conclure et à dire, à indiquer dans notre intervention qu'on voulait que la Commission ne fasse pas juste la publication par exemple de ce qui est prévu dans le projet de loi, mais qu'elle aille au-delà de ça, qu'elle publie la disponibilité ou les emplois disponibles, ce qui pourrait faciliter un peu la démarche qu'on vous indiquait précédemment. C'est ça, l'objectif.
Le Président (M. Rioux): Alors, merci, mesdames. M. le ministre, quand j'ai vu l'enthousiasme du Barreau face au projet de loi, je me suis dit: Est-ce qu'il a collaboré à sa rédaction, ma foi?
M. Perreault: Pas que je sache. Cela dit, M. le Président...
Le Président (M. Rioux): À votre insu.
M. Perreault: Peut-être bien. Cela dit, je dois dire que je suis évidemment heureux des commentaires que vous avez faits et je vous remercie de votre présence et de votre participation. Vous avez raison de dire que c'est un bon projet de loi. D'après moi, vous avez raison de le dire. J'espère que l'opposition sera d'accord avec le Barreau... un peu préoccupée.
Écoutez, deux choses, rapidement. La première, vous soulignez avec insistance et, à mon avis, avec beaucoup de raisons, le fait qu'une loi qui permet d'encadrer l'obligation de programmes d'accès à l'égalité n'est pas en soi une garantie à elle seule de l'atteinte des objectifs et qu'il y a en amont, au niveau des campagnes de sensibilisation, au niveau de la formation des gens, toutes sortes de mesures qui peuvent être prises, c'est bien évident. Je me souviens, entre autres à la Communauté urbaine de Montréal, quand est venu le temps d'engager des policiers ou des femmes policières, des gens des communautés culturelles policiers, encore fallait-il qu'il y ait du monde qui soit allé à l'École de police. Autrement, on a beau vouloir, ça ne fonctionne pas. Donc, des campagnes de sensibilisation. Vous avez raison de le souligner. Je veux juste... simplement la chose suivante. En principe, ça fait aussi partie normalement, me semble-t-il, de ce que peut être la démarche de l'élaboration, par un employeur, d'un programme d'accès à l'égalité, mais c'est sûr que ça demande de voir venir à l'avance, parce que c'est des processus de deux, trois, quatre ans. Mais vous avez raison de souligner l'importance de ça et le fait qu'il ne doit pas y avoir d'étanchéité entre ce que fait le ministère des Relations avec les citoyens et ce que fait le ministère de l'Éducation.
Moi, j'aurais une question à vous poser par rapport à une autre de vos remarques. Vous dites, à un moment donné, que le rôle de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse n'est pas tout à fait assez précis, que la loi, là-dessus, le projet de loi est un peu ambigu, enfin qu'il y a des choses qui sont laissées un peu dans le vague à l'égard de son rôle. Comment vous voyez ça? Est-ce que vous avez une façon ou des suggestions à nous faire quant à la façon d'encadrer justement ces modalités d'exercice de la discrétion de la Commission tout en laissant... Et ça fait partie des objectifs qu'on avait, quant à nous, mais peut-être qu'il faut les sacrifier, je ne sais pas. Selon votre point de vue, tout en laissant une certaine latitude aux employeurs... Parce que, dans le fond, un programme d'accès à l'égalité, c'est une démarche qui se fait dans une entreprise qui doit tenir compte un peu de ces contraintes.
n(14 h 20)n Alors, c'est quoi, l'espèce d'équilibre qu'on doit faire entre la précision du rôle de la Commission, de sa discrétion puis, d'un autre côté, la latitude que doit avoir un employeur? Est-ce qu'on doit tout prévoir à l'avance? Comment vous voyez les choses?
Le Président (M. Rioux): Mme Chabot, c'est vous qui répondez ou Mme Brosseau?
Mme Chabot (Marie-France): Non, c'est ma collègue.
Le Président (M. Rioux): Très bien.
Mme Brosseau (Carole): Justement, cette question-là, ça a fait l'objet d'un long débat et je comprendrais... ou plutôt l'analyse qu'on en a faite, c'est que, dans le cadre où on aurait une disparité d'organisations, on pourrait à ce moment-là laisser plus de latitude. Mais, dans le cadre où les organismes visés sont tous un peu de la même nature, on parle de 100 employés, tous des organismes publics, etc., souvent mieux organisés, à ce moment-là, l'encadrement ou les délais seraient peut-être plus intéressants en termes de réalisation. On parle de 12 mois, à un moment donné, une fois que l'analyse des effectifs sera faite, on a 12 mois pour présenter notre programme, mais c'est un peu flou. On a cru un petit peu...
Donc, vous répondez un peu aux interrogations qu'on s'était posées. Est-ce que c'était pour laisser une latitude? Mais le débat était du fait que, compte tenu de la nature des organisations qui sont visées par le projet de loi, on pourrait, à ce moment-là, mettre un peu plus de rigueur dans un sens d'exemplarité. Il faut qu'on se comprenne bien, là. Je comprends aussi votre préoccupation de dire que c'est quand même un apprentissage, c'est quand même une volonté. Même s'il y a un caractère obligatoire, il y a quand même une démarche à faire là-dedans. Mais, compte tenu de la nature des organisations, s'il y avait plus de rigueur, elles sauraient à quoi s'en tenir puis c'est quoi, leurs échéanciers. Mais il y a toujours des possibilités, à ce moment-là, de discussion avec la commission, avec des justifications possibles.
M. Perreault: C'est ce pourquoi je termine là-dessus, M. le Président. Dans le fond, on a entendu depuis déjà deux jours, trois jours, plusieurs groupes, et ce qui est frappant, c'est que les employeurs viennent plaider pour de la souplesse. Évidemment, les groupes de défense des personnes, les groupes de promotion des intérêts des personnes viennent parfois plaider pour une législation qui prévoirait dans ses modalités les diverses circonstances possibles. Alors, c'est un équilibre peut-être à rechercher.
Mme Brosseau (Carole): C'est ça, c'est un équilibre, mais on comprend un peu vos préoccupations, puis c'est pour ça qu'on disait que c'est un peu flou, mais...
M. Perreault: O.K.
Le Président (M. Rioux): Alors, M. le député de Marquette.
M. Ouimet: Merci, M. le Président. À mon tour de souhaiter la bienvenue à Me Brosseau et à Me Chabot. Merci pour votre présentation, votre mémoire. Vous démontrez dans votre mémoire une sensibilité particulière par rapport à la question autochtone. J'ai la même préoccupation que vous. Ce matin, un groupe de femmes est venu nous dire que, pour les gens qui sont victimes de double discrimination, on devrait peut-être leur accorder une priorité dans le projet de loi. J'ai bien aimé votre exemple tantôt lorsque vous avez dit, vous avez utilisé l'exemple de l'athlète qu'on vise à amener à la ligne de départ pour que, par la suite, cet athlète-là puisse faire la course.
Comme solution, vous avez parlé de la politique de formation de main-d'oeuvre. J'aimerais que vous puissiez élaborer là-dessus pour nous dire un petit peu comment on pourrait intégrer ces notions-là dans le projet de loi afin d'éviter que les autochtones soient défavorisés. Parce que, moi, j'ai fait un constat ce matin: il n'y a aucun groupe d'autochtones qui s'est présenté ou qui va se présenter devant nous. C'est malheureux parce qu'ils sont un groupe cible identifié dans le projet de loi. Cependant, on ne peut pas... En tous les cas, je ne sais pas si le ministre a eu des communications avec des représentants de cette communauté-là, mais il est difficile pour nous de bonifier un projet de loi lorsque nous n'avons d'interaction avec eux. Alors, pourriez-vous peut-être nous éclairer davantage et est-ce qu'il y a d'autres moyens?
À l'article 9 du projet de loi, et vous l'avez souligné dans votre mémoire, on parle de «personnes compétentes de ce groupe». Est-ce qu'on pourrait peut-être modifier cette notion-là, par exemple, «personnes qui pourraient acquérir des compétences», dans le cas des autochtones? Ça pourrait peut-être rejoindre votre préoccupation au niveau de la formation de la main-d'oeuvre. Et j'aimerais que vous puissiez élaborer davantage.
Le Président (M. Rioux): C'est Mme Chabot qui répond? Très bien, madame.
Mme Chabot (Marie-France): Je ne pensais pas à une modification de la nature du critère. À première vue, je pense que, à quelque part, il faut viser les deux choses mais séparément, c'est-à-dire il faut comprendre qu'il faut aider les gens à acquérir des compétences. Mais, en termes de diagnostic d'établissement ou de radiographie d'un établissement, je pense qu'il faut conserver le critère de «personnes compétentes» au moment où l'emploi est nécessaire. Sauf que, dans les... D'abord, que les autochtones ne se soient pas présentés ici, il faudrait leur demander, là, j'ai l'impression que leur interlocuteur naturel est peut-être ailleurs. Mais il y a un programme, entre autres, de formation postsecondaire ou de subvention à la formation postsecondaire qui est très actif à un autre niveau. Mais je n'en fais pas une critique envers quoi que ce soit, c'est un constat. Je pense que, pour vous répondre, je vais me référer au cas concret que je connais, c'est-à-dire la question de formation juridique. Et il y a de l'information qui est ciblée directement aux conseils de bande, qui ont tous des... Lorsqu'ils sont le moindrement bien organisés, il y a différents niveaux d'organisation dans les conseils de bande ou les communautés, il y a un service d'éducation, ils ont des fonctionnaires qui s'occupent de l'éducation. Et ils ont aussi, eux, des planifications à long terme.
Je pense que, si les établissements visés par la loi, lorsqu'ils font leur plan d'accès à l'égalité, transmettaient des données, des prévisions de besoins de compétence, transmettaient ça aux gens des organisations des communautés autochtones... Prenons l'exemple de la communauté de Mashteuiatsh. On envoie à la communauté de Mashteuiatsh: Voilà que les CLSC d'une zone de recrutement assez large va avoir besoin dans cinq ans de tant d'infirmiers ou d'infirmières au total, de telle ou telle profession, si on faisait de la planification ensemble... Alors, la transmission des données permet la planification dans les communautés.
Maintenant, les réseaux de formation, ils existent déjà. C'est sûr que, dans certains domaines, ils préfèrent se former eux-mêmes dans les secteurs où les valeurs... Ils veulent transmettre eux-mêmes les valeurs. Mais, dans les autres métiers... Bon, il y a un médecin autochtone à Sept-Îles, il est tout seul, je pense qu'il aurait besoin de renfort. Donc, planifier à long terme... Les établissements transmettent leurs données aux conseils de bande et aidés par des structures d'accueil dans nos institutions. À l'Université Laval ou ailleurs, dans les cégeps, c'est peut-être encore un peu embryonnaire, ces structures d'accueil là, ces lieux de rassemblement, ces politiques d'information. Il faut que l'information se rende dans les conseils de bande et dans les résidences. Donc, là-dessus, l'information, c'est le nerf de la guerre.
Le Président (M. Rioux): M. le député de Marquette.
M. Ouimet: Une autre question, celle-ci un peu plus délicate, le projet de loi ne s'applique pas à la magistrature. Je me demande si au Barreau vous avez réfléchi à la possibilité que le projet de loi n° 143 puisse également s'étendre à la magistrature. Je dis que c'est une question délicate non pas parce que le Barreau ne voudrait pas y répondre, sauf qu'il y a toute la question de l'indépendance et de l'autonomie de la magistrature. Mais tantôt, Me Chabot, vous avez fait état du programme que vous pilotez à l'Université Laval pour faire en sorte qu'il y ait de plus en plus d'avocats membres issus de la communauté autochtone. J'imagine qu'éventuellement également ces membres-là vont aspirer à devenir juges. Je n'ai pas de données précises, mais j'ai bien l'impression que la magistrature québécoise doit être passablement francophone de souche, en grande partie. Donc, je vous cède la parole là-dessus.
Le Président (M. Rioux): Alors, on donne la parole à Mme Brosseau.
Mme Brosseau (Carole): Je vais commencer, et ma collègue aussi va compléter.
D'une part, ce que je pourrais vous dire, c'est qu'on y a réfléchi, peut-être même avant le projet de loi. Je vais vous dire de quelle façon. C'est que nous avons un comité sur les communautés culturelles qui a fait une démarche, depuis les années 1992 jusqu'à maintenant, et on a présenté, au dernier comité administratif de juin dernier, un plan d'action dans lequel on dit qu'on va faire des démarches et que le bâtonnier va s'engager auprès des représentants de la magistrature à faire des démarches pour justement arriver à un programme ou arriver à une situation où des groupes ciblés par le projet de loi soient mieux représentés, que la magistrature représente davantage, finalement, le visage du Québec, dans tous les sens du mot.
Donc, si vous voulez, cette démarche-là n'est pas entreprise en termes de législation, justement à cause des critères que vous disiez, mais je pense que c'est un processus social, c'est une volonté sociale. Et, si on a plus de membres de notre ordre professionnel qui s'impliquent davantage, qui sont mieux connus, c'est tout un cycle qui commence dès le départ. Alors, c'est tout un circuit, c'est une volonté. Je peux vous dire que le Barreau s'est engagé dans cette volonté-là, en accordant ou en donnant l'aval au plan d'action, et il l'a fait sur différents aspects. Je pense que oui, mais c'est plus de cette façon-là qu'on l'aborde, en disant à nos nouveaux membres: Vous êtes membres, vous avez aussi des chances d'arriver à la magistrature. Ça va être un cercle, et je pense que ça va être un effet d'entraînement à long terme. Dans quelques années, ça va avoir passablement changé.
Le Président (M. Rioux): Alors, Mme Chabot, vous avez un petit mot à dire là-dessus, j'imagine?
Mme Chabot (Marie-France): Oui.
Le Président (M. Rioux): Ça serait vous brimer que de ne pas vous donner la parole.
Mme Chabot (Marie-France): Bien sûr, je suis une femme de parole dans tous les sens du terme.
n(14 h 30)n Vous avez raison de dire que c'est une question délicate, M. le député Ouimet. Moi, je vais vous répondre sur le terrain de l'administration de la justice pour et par les autochtones. Le gouvernement du Québec dispose à l'heure actuelle d'un rapport qu'on a appelé, en l'abrégeant, le rapport Coutu, qui est sur la question de la justice par et pour les autochtones. Alors, la question de la magistrature, je dirais qu'il y a magistrat et magistrat. La justice blanche dans le Nord, ça reste de la justice blanche. Alors, est-ce que c'est en favorisant la nomination de juges au sens traditionnel ou si ce n'est pas en même temps, en complément, en assouplissant nos règles d'administration de la justice, de façon à permettre que les autochtones soient plus impliqués dans l'administration de la justice à tous les niveaux, hein, qu'on passe, là, à tous les stades, finalement, du processus de judiciarisation?
Alors, on fait déjà des expériences intéressantes dans les cercles de sentence, avec le juge Dutil, qui est assez innovateur, le juge Couture. Alors, le rapport contient des hypothèses. Il faut à la fois y aller dans la représentation, et c'est certainement en permettant la formation d'avocats autochtones qu'on va favoriser leur présence dans la magistrature, parce que c'est une condition sine qua non dans notre système, mais, en même temps, en favorisant, disons, le fait de la mise à jour de notre manière d'administrer la justice dans les communautés autochtones en permettant la participation active le plus possible des autochtones dans les différents rôles. Je pense que ça va être aussi un autre biais pour régler ce problème-là.
Le Président (M. Rioux): Mais ce que vous faites, Mme Chabot, ça constitue quand même un élément intéressant au sein de la société québécoise, mais aussi au sein des communautés autochtones, les nations autochtones. Le fait qu'il y ait des avocats qui puissent plaider la cause, présenter des dossiers devant des tribunaux et les plaider et que ce soient des autochtones, je veux dire, c'est certainement mieux servir la justice. En tout cas, ma compréhension, moi, c'est ça. Et, qu'il y ait des juges un jour, il faudrait peut-être le souhaiter puis que ça se produise le plus rapidement possible.
Mme Chabot (Marie-France): Nous donnons l'exemple au Barreau. Le comité que je préside est un comité qui est paritaire. Tout le monde est avocat dans le comité, mais on a une représentation proportionnelle d'avocats autochtones et d'avocats non autochtones, d'avocats gouvernementaux et d'avocats de pratique privée. Donc, notre thème de l'année, cette année, c'est l'administration de la justice, et, si nous avons des suggestions à faire plus précises en lien avec notre préoccupation d'aujourd'hui, nous assurerons le suivi dans votre direction.
Le Président (M. Rioux): On le sait, du Barreau, vous êtes le levain dans la pâte.
Mme Chabot (Marie-France): Oui, mais la pâte est très bonne.
Le Président (M. Rioux): Ha, ha, ha!
Mme Brosseau (Carole): Mais je peux vous assurer que même dans d'autres comités on a la même parité. Par exemple, sur les communautés culturelles, on a des représentants de toutes les communautés qu'on a pu identifier sur notre comité.
Le Président (M. Rioux): M. le député de Marquette.
M. Ouimet: Très rapidement parce que je veux céder la parole au député d'Outremont. Est-ce qu'il existe, à votre connaissance, des définitions bien précises de «minorités visibles» et d'«autochtone»? Toute la question, là, on va l'aborder éventuellement avec le ministre, mais qui vise-t-on par «minorités visibles»? Est-ce qu'une personne, par exemple, qui a un code vestimentaire distinctif, un sikh, par exemple, pourrait être inclus dans la définition du terme «minorités visibles»? Je ne le sais pas, je m'avance un peu, mais est-ce qu'il y a des définitions? C'est la seule question que je voulais vous poser, puis je cède la parole au député.
Le Président (M. Rioux): Mme Brosseau.
Mme Brosseau (Carole): Ce qu'on voit ou l'appellation qu'on y retrouve habituellement quand on parle de communautés visibles, c'est plutôt «communautés racialisées». C'est plus dans ce sens-là.
Une voix: Racialisées.
Mme Brosseau (Carole): Racialisées. D'accord? C'est plus l'appellation, là, qui est communément acceptée depuis quelques temps. Alors, c'est plus dans ce sens-là. Je peux vous dire qu'on a eu... Il n'est pas évident de placer ou de donner un nom à ça parce que c'est un peu compliqué, mais il faut savoir ? et ça, les études le démontrent ? qu'une personne de couleur noire, indifféremment du fait que cette personne-là soit née ici ou pas, risque d'avoir plus de difficultés qu'une personne d'autre origine. Alors, ça, c'est un fait.
C'est sûr que quand on parle de redressement pour atteindre l'objectif d'égalité... c'est évident que le redressement ne sera pas uniforme, on va être obligé de particulariser un peu les situations. Vous parliez de femmes noires, bien c'est vrai que les femmes noires ont plus de difficultés. Alors, c'est sûr qu'il va falloir avoir une approche de redressement qui va être différente. Il va falloir approcher, par exemple, différemment les gens, mais il est clair que c'est un objectif qu'on doit poursuivre. S'il y avait une seule appellation, ce serait facile, mais la réalité n'est pas celle-là. C'est beaucoup plus compliqué, alors... Mais, quand on parle de terminologie, «communautés racialisées», à mon avis ce serait l'objectif et ce seraient les groupes cibles, là, qu'on vise par ça.
Le Président (M. Rioux): Merci. Alors, je retourne du côté ministériel.
M. Perreault: Alors, je vais y aller d'une autre question. Sur un autre aspect des choses, sur l'aspect des bassins de référence, là, avec raison, vous prenez un exemple des autochtones. Évidemment, c'est l'exemple, je dirais, d'une certaine façon, qui est plus simple, puisqu'ils sont peu nombreux. Évidemment, lorsqu'on parle des femmes, il y en a sur tout le territoire. Lorsqu'on parle des minorités racialisées, là, déjà, c'est plus complexe. Lorsqu'on parle des autochtones, ils sont peu nombreux. Et vous nous proposez qu'on élimine la notion de bassin habituel de recrutement pour retenir ? puis c'est là que j'aimerais être sûr de savoir si j'ai bien compris, là ? finalement tout le Québec ou bien si vous faites des nuances? Parce que, dans les faits, les entreprises, selon les postes, ont des bassins de recrutement variés. Selon la nature du poste. J'ai déjà donné l'exemple, là, que, si on cherche un océanographe à Rimouski pour enseigner à l'Institut, probablement que le bassin de référence, ce n'est pas la région de Rimouski. Si on cherche quelqu'un pour travailler au secrétariat, bien là c'est plus facile. Est-ce que vous nous proposez carrément d'abandonner complètement les notions de bassin de référence ou... J'aimerais vous...
Mme Brosseau (Carole): Si vous permettez, je pense que je vais répondre. Je pense que ma collègue va aussi compléter éventuellement. Non, ce n'est pas ça qu'on dit, c'est qu'il faut avoir une interprétation libérale et adaptée...
M. Perreault: Avez-vous des suggestions sur ce que pourraient être les balises d'une adaptation de... Parce que, moi, quand vous me parlez d'une interprétation libérale, je n'aime pas ça, bien, bien.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Perreault: Mettons que si on avait...
Une voix: Il voit de la politique partout.
Mme Brosseau (Carole): Vous savez, nous, on ne fait pas politique, alors on utilise notre vocabulaire. Non, ce que je veux vous dire, c'est que, dans le fond, il faut regarder... Je sais, votre réalité est celle-là. C'est que certaines communautés s'installent plus dans la région métropolitaine et même, je dirais, juste carrément à Montréal, l'île de Montréal, alors que les communautés autochtones, comme je le disais dans la présentation, elles sont un peu dispersées, puis les femmes se retrouvent un peu partout. Mais c'est qu'il ne faut pas limiter nos... Dans une question de redressement, il faut, dans le fond, changer un peu notre façon de faire si on veut vraiment redresser la situation. Le constat qu'on fait, c'est que le résultat qu'on a voulu atteindre en 1985 en modifiant la Charte, bien on ne l'a pas atteint. On va aller un peu plus loin. C'est ça qu'on comprend. Donc, on va être plus coercitif, on va exiger des choses, on va obliger un certain changement, on va forcer un petit peu la note, tu sais, un petit peu.
n(14 h 40)nM. Perreault: Si je comprends bien, vous dites: Dans le fond, laisser la loi telle qu'elle est risque de perpétuer la situation. Pour autant, vous n'allez pas jusqu'à un seul bassin de référence et là vous dites... Est-ce qu'on doit le préciser dans la loi ou vous proposez que ça soit quelque chose qui soit plutôt à l'appréciation? Comment vous...
Mme Chabot (Marie-France): Je vais enchaîner. Le terme le plus questionnable à mon avis dans l'expression, c'est le terme «habituelle». Je n'ai pas de problème avec «zone de recrutement», mais «habituelle», il suffirait de l'interpréter restrictivement ? alors, c'est l'inverse de l'autre mot que vous ne voulez pas qu'on dise ? pour finalement ne jamais embaucher dans un secteur. Alors, il y aurait différentes façons. Peut-être remplacer le mot «habituelle» par les mots «la zone de recrutement appropriée dans les circonstances», on peut penser à une hypothèse de ce genre. Ou penser à un autre alinéa qui dirait que, si l'établissement constate qu'il n'y a pas de personne compétente dans l'emploi visé dans sa zone habituelle de recrutement, il doit aller vérifier si, dans les zones avoisinantes, il y en a. Ce n'est pas déraisonnable de penser une chose comme celle-là. Ou penser aussi que, pour ce qui est des communautés, par exemple... je pense aux communautés autochtones, dire que la Commission pourra exiger qu'un établissement considère que sa zone de recrutement équivaut à l'ensemble du territoire.
M. Perreault: On se comprend bien. Merci.
Le Président (M. Beaulne): Ça va, M. le ministre?
M. Perreault: Oui.
Le Président (M. Beaulne): Alors, nous allons passer maintenant au député d'Outremont. Il vous reste deux minutes, M. le député.
M. Laporte: Merci, M. le Président. Ma question sera brève. Je trouve que vos remarques sont très pertinentes, très utiles. Vous avez mentionné le cas des autochtones ou l'absence d'infirmières et vous avez dit que cette carence pourrait être compensée par une politique de main-d'oeuvre. Maintenant, dans cette loi-là, les acteurs de mise en oeuvre de la loi, c'est la Commission, c'est le ministère, mais, lorsqu'on pense à corriger des carences comme celle-là par des politiques de main-d'oeuvre, il y a certainement d'autres acteurs qui seraient appelés à intervenir. Est-ce que ce serait, comme vous le souhaitiez, vous le disiez, des facultés de droit, des facultés de médecine, des écoles d'administration? En d'autres mots, il y a un problème de gouvernance là-dedans, et on ne les mentionne pas, ces autres acteurs, ils n'ont pas de mandat là-dedans. Les deux acteurs qui sont mentionnés, bon, sont d'ailleurs des acteurs déjà assez encombrés, n'est-ce pas, du point de vue de leur mandat, donc comment voyez-vous le rôle d'autres acteurs?
Mme Chabot (Marie-France): Premièrement, dans l'article 13, l'employeur aussi est un acteur qui, à l'alinéa 1, va analyser son système d'emploi, ses politiques de recrutement et de formation. Ça va? Mais je pense qu'on n'a pas le choix de réfléchir en termes de partenariat. O.K.? J'ai dit que la loi était bien articulée de l'intérieur, et ce qu'il reste à faire ? et ça ne passe pas nécessairement par le fait d'ajouter un alinéa dans la loi, mais pas exclusivement non plus, ça pourrait l'inclure ? c'est de penser en termes de partenariat avec l'ensemble des structures québécoises existantes. On a des structures en matière de main-d'oeuvre, on a des structures en matière d'éducation aux niveaux secondaire, collégial et universitaire. Alors, penser en termes de partenariat, je pense qu'on se comprend bien entre Québécois quand on pense comme ça. Il faudrait ajouter dans le partenariat en question les leaders des communautés eux-mêmes, parce qu'ils ont, eux aussi, des structures en matière d'emploi. Donc, une articulation avec les acteurs déjà identifiés plus nos acteurs de main-d'oeuvre et d'éducation, plus les communautés, je pense qu'un réseau de transmission d'information, de planification et de collaboration... je pense que là-dessus c'est la manière.
Le Président (M. Beaulne): M. le député d'Outremont, malheureusement c'est tout le temps que nous avons. Je comprends que c'est bien intéressant, comme nous aurions pu le faire avec d'autres groupes, mais, par respect pour ceux qui attendent de faire leur présentation, on vous remercie.
Et j'inviterais maintenant les représentantes des Femmes regroupées en options non traditionnelles à s'approcher de la table de la commission.
(Changement d'organisme)
Le Président M. Beaulne): Alors, mesdames, bonjour. La commission vous souhaite la bienvenue. Et j'ai remarqué ce matin que vous étiez présentes dans la salle de la commission depuis un certain temps, alors vous connaissez les modalités de fonctionnement. Donc, je n'ai pas besoin de les répéter. Alors, je vous inviterais à faire votre présentation dans un cadre de 15 minutes pour permettre les échanges de part et d'autre. Alors, si vous voulez bien vous présenter également pour les fins de la transcription.
Femmes regroupées en options
non traditionnelles (FRONT)
Mme Dugré (Isabelle): Oui. Mesdames, messieurs, bonjour. Merci de nous recevoir. C'est un honneur puis une grande fierté d'être ici aujourd'hui. Je me présente, je suis Isabelle Dugré. Je suis plombière. Je suis présidente de l'organisme FRONT.
Mme Vachon (Hélène): Bonjour. Je m'appelle Hélène Vachon. Je suis machiniste et je fais partie de l'organisme FRONT aussi.
Mme Dugré (Isabelle): Avant de commencer, on doit souligner qu'une partie de notre mémoire, une partie des recommandations qui sont comprises dans notre mémoire... Vous l'aurez sûrement constaté en le lisant, il y a une bonne partie des recommandations qu'on reprend qui ont été menées, entre autres, par Action travail des femmes, d'autres qui sont tirées des recommandations du Bilan et perspectives de la Commission des droits de la personne. Cela a comme première raison... C'est qu'on ne se prétend pas du tout des expertes concernant les programmes d'accès à l'égalité et encore moins des technicalités et autres judiciarisations que les programme d'accès à l'égalité amènent.
Par contre, je peux vous assurer que le quotidien des femmes en emplois non traditionnels, que nous sommes et que nous représentons, ça, on est bien au courant, et les précisions et les recommandations qu'on vous fait concernant le projet de loi sont directement dans cette perspective-là et touchent des femmes qui travaillent dans des milieux à majorité et parfois même très forte majorité masculine.
Un programme d'accès à l'égalité, ça fait partie du discours de FRONT depuis l'existence de l'organisme il y a maintenant 10 ans. À chaque colloque qu'on fait, ça doit être à l'ordre du jour. Ce n'est pas parce qu'on manque d'imagination qu'on parle de ça à chaque fois, mais, entre autres, l'accès à l'emploi pour les femmes dans le métier non traditionnel... Puis là, ici, on parle beaucoup des femmes de métier et des techniciennes, alors des formations issues du secondaire professionnel et du cégep technique.
n(14 h 50)n L'accès à l'emploi est le principal obstacle que rencontrent les femmes en emplois non traditionnels. Et, dans un deuxième temps, les rares et chanceuses qui ont réussi à trouver un employeur pour les embaucher ne font généralement pas une très longue carrière dans leur métier pas parce qu'elles n'aiment pas leur métier, mais parce que les embûches quotidiennes, les difficultés d'intégration et le manque de support flagrant qu'elles ont à vivre dans l'exercice de fonctions font en sorte de les épuiser psychologiquement, et elles quittent un métier qu'elles aiment et souvent un milieu de travail qu'elles auraient aimé si elles avaient eu du support. Alors, c'est vraiment dans cette perspective-là qu'on vous présente les recommandations. Je suis sûre que toutes mes membres sont absolument très heureuses de voir qu'il y a un projet de loi de cette nature-là qui est présenté et déposé.
Alors, les recommandations. Celles qui ont été reprises ce matin, peut-être hier par d'autres groupes aussi, j'irai rapidement et... C'est ça. Alors, au niveau de l'article 2, qui concerne les organismes visés, je vous avouerai franchement que, depuis l'existence de FRONT, toutes mes membres, elles disent toujours qu'il faut que tous les employeurs, tous les syndicats, toutes les écoles aient des programmes d'accès à l'égalité. Parce que, moi, je ne peux pas travailler comme camionneur, je ne suis même pas acceptée à l'école. Alors, on part de très loin, mais, si on se raisonne un petit peu... Puis on demande au moins que ça ne soit pas seulement les organismes publics de 100 personnes. Il y a nombre d'organismes, entre autres des municipalités, des corps de police municipaux, etc., qui ne seraient pas visés, on recommande que ça soit les organismes de plus de 50 personnes qui soient visés par la loi.
Aussi, la possibilité, à l'article 4, de rayer les emplois temporaire et à temps partiel, il y a beaucoup de gens qui ont fait cette demande-là. Et, on aura les mêmes argumentations à vous présenter, là, c'est la façon d'obtenir un emploi, encore plus dans la fonction publique ces temps-ci. Et, dans le même esprit, c'est quelque chose de nouveau et qui fait partie beaucoup de la réalité des femmes en emploi non traditionnel, c'est la question des agences de placement de personnel, et on aimerait qu'il soit inclus dans la loi que les organismes qui font affaire avec des agences de placement de personnel pour le recrutement soient tenus aussi, également, même quand ils font affaire avec une agence, de respecter les mesures dans un programme d'accès à l'égalité.
Pour les gens de métier, les agences de placement, c'est quelque chose de très courant, et on sait que c'est l'employeur et l'agence de placement, ce n'est pas l'organisme ou l'entreprise. Par exemple, on a une soudeuse, puis elle travaille pour une agence de placement, puis présentement son lieu d'emploi, évidemment, c'est une compagnie, hein, elle travaille pour... Bon. Mais, comme l'agence de placement, c'est l'employeur, il faudrait faire en sorte que la loi prévoie que les gens qui sont embauchés par les agences de placement ne soient pas exclus des programmes d'accès à l'égalité.
À propos de la zone habituelle de recrutement puis la zone de recrutement potentielle... puis nous autres aussi ça cause un certain problème, entre autres, à cause de l'inégalité des besoins de main-d'oeuvre par région. Mettons, si on pense au secteur de la construction, il y a des besoins régionaux dépendamment des années, dépendamment des saisons. Et, pour les femmes, on sait que l'industrie de la construction n'est pas très facilement accessible. C'est juste un exemple que j'apporte. Et aussi à propos... On reviendra tantôt là-dessus, mais on va demander qu'il y ait une harmonisation des programmes d'obligation contractuelle avec le projet de loi. Ça a un impact au niveau des façons de faire des politiques de recrutement, des façons de faire de recruter les gens aussi dans l'entreprise privée, et les femmes sont à peu près tout le temps pour ne pas dire toujours exclues, souvent, de tous les réseaux informels d'embauche, entre autres dans l'entreprise privée.
Par rapport au rapport d'analyse transmis par l'employeur, on recommande aussi que la Commission des droits de la personne puisse participer et même participe à l'évaluation des compétences et de l'expérience qui sont véritablement requises pour un emploi. Pour les femmes dans les métiers non traditionnels, c'est particulièrement important. Les quelques employeurs qui, suite à des expériences avec, entre autres, d'autres groupes communautaires, ont revu leurs critères d'embauche en disant: Coudon, on va revoir, est-ce que j'ai vraiment besoin de ces critères-là? Quand ils les revoient, c'est arrivé à chaque fois, il y avait beaucoup de critères qui étaient non requis pour la tâche.
Par exemple, chez Gaz Métropolitain, ou à la ville de Montréal, ou de plus en plus de gros organismes qui ont des secteurs importants à l'entretien, en plus de demander la qualification pour le métier, on demande aux gens qui postulent d'avoir aussi la catégorie de classe 3 comme chauffeur de camion. On va à l'école pour être électricien, électricienne, j'ai mon cours d'électricienne, je n'ai pas mon cours de camionneur classe 3. Mais l'organisme me demande aussi d'avoir ça. Pour les femmes, c'est un obstacle très important à l'embauche.
Et on demande aussi, concernant l'article 6, les rapports d'effectifs, qu'il y ait des délais. Les programmes existants, une des raisons pourquoi ça ne marche pas bien, puis que ça ne marche pas beaucoup, puis que les gens ne prennent pas ça au sérieux ? et, je vous dirais, même mes membres, la première fois qu'elles entendent parler de programmes d'accès à l'égalité, elles ne prennent pas ça au sérieux, elles en ont peur, elles disent que c'est inutile ? une des raisons sûrement, c'est qu'il n'y ait pas de délai et qu'il n'y ait de responsabilité clairement établie dans les programmes d'accès à l'égalité jusqu'à maintenant, et on ose espérer que le projet de loi verra à ça. Alors, on propose que les organismes soient tenus de transmettre leur rapport d'effectif 12 mois après la promulgation de la loi.
Les articles 3 et 7, qui font référence au calcul de la représentation des membres des groupes cibles, je serais bien embêtée de répéter ce que les autres gens ont apporté à propos des problèmes qu'amène la Classification nationale. Et, au niveau des femmes en emplois non traditionnels, ce que ça apporte de plus comme difficulté, c'est que vu que présentement on a tellement de difficultés à avoir de l'emploi, il n'est pas rare que les filles soient un an, six mois, un an et demi, deux ans sans travailler dans leur métier. Parce que, comme n'importe quelle que je vais nommer, comme électricienne, elle ne trouve pas de travail, bien, en attendant, ça se peut qu'elle aille travailler chez Pizza Hut puis livrer de la pizza en attendant un poste en quelque part qui va l'embaucher comme électricienne, puis là elle va sauter comme personne formée puis compétente.
Les délais d'élaboration des mesures. Bien, c'est la suite du rapport d'effectif. On pense aussi que ça prend des dates pour contraindre, pour baliser. Je pense que c'est le relâchement qu'il y a eu dans les programmes antérieurs qui fait qu'ils sont peu crédibles et qu'ils n'ont pas beaucoup de résultats. Alors, on recommande que les employeurs transmettent leur programme d'accès dans les 24 mois suivant la promulgation de la loi.
Et aussi, un autre problème des programmes existants qu'on constate, c'est au niveau de la responsabilité puis de l'imputabilité des responsables de l'application des programmes d'accès à l'égalité. Il nous apparaît essentiel qu'il y ait une clarification puis une définition plus claire des responsabilités. Là, la Commission est responsable de l'application, et le projet de loi prévoit aussi qu'il y ait une personne nommée dans chaque organisme qui voie à la responsabilité, mais je crois qu'il faut aller quand même un peu plus que ça, définir plus clairement la responsabilité, qu'il y ait des sanctions assorties aussi s'il n'y a pas de respect des mesures en place.
Bassin de main-d'oeuvre. On recommande que les commissions scolaires, les collèges, les universités assurent la mise en place de programmes d'accès à l'égalité pour les élèves et que ces organismes, institutions réservent des places en formation pour les membres des groupes visés. Et puis les mesures d'accès peuvent apparaître à peu près pas nécessaires pour la formation, les écoles sont ouvertes à tout le monde peut-être, quoique dans les métiers on ait souvent, je vous dirais très régulièrement, des téléphones à FRONT de femmes qui veulent s'inscrire en formation professionnelle dans un métier non trad et qui n'ont même pas accès à l'école pour x raisons, mais la principale étant qu'elles sont des femmes. Je n'ai jamais eu de filles dans cette école-là, le directeur ne veut pas avoir de trouble. Je vous jure qu'on entend encore ça.
Mais, vu qu'il n'y a pas beaucoup de monde, on pourrait dire: Ouais, ce n'est pas très grave. Mais les mesures d'intégration et de soutien en cours de formation, c'est quelque chose de très important et c'est quelque chose sur lequel on travaille présentement. On a fait une enquête dans deux centres de formation professionnelle, et c'est un besoin criant des jeunes filles et des femmes qui sont en formation, elles manquent de soutien et manquent de support. Les professeurs ont besoin d'information, ont besoin de formation, les étudiants et, je vous dirais, même les directions d'école concernant ça, et qu'il y ait des places réservées en formation, encore une fois, dans le non traditionnel, les métiers, les techniques, c'est extrêmement important. Et, si on veut qu'il y ait des bassins de main-d'oeuvre puis qu'on veut avoir des objectifs numériques intéressants, à un moment donné il va falloir que les femmes puissent accéder en formation.
n(15 heures)n On a travaillé en 1994, 1995, 1996 avec la Commission de la construction du Québec pour mettre sur pied un programme d'accès pour les femmes, et, dans ce programme-là, il est prévu que le ministère de l'Éducation réserve des places pour les femmes pour augmenter le bassin de main-d'oeuvre. Je ne veux pas faire une critique là-dessus, il y en a d'autres qui le font mieux que moi, là, mais une des conditions de réussite, d'atteinte des objectifs, c'est qu'il y ait des femmes de formées. Et, si, sur 14 ou 15 jeunes qui sont inscrits dans une classe, il y en a 50 qui appliquent et puis que, la fille, elle arrive quarante-neuvième par hasard, à cause des dates puis elle n'a pas eu l'information, elle ne sera jamais formée, puis on n'obtiendra jamais les objectifs de nos règles d'embauche.
À l'article 13, la loi doit reconnaître que des mesures de soutien sont nécessaires. Je pense que, ça, c'est très, très important dans le cas des femmes en non trad. La loi prévoit que, si nécessaire, il y en aura, Et, surtout pour la gestion, je dois vous assurer que de la mise en place de structures d'accueil, de jumelage, de formation, sensibilisation des collègues, des gestionnaires, des cadres intermédiaires, c'est extrêmement important. Parce qu'on va avoir accès à l'emploi puis, s'il n'y a pas de mesures de soutien pour les filles en non trad... Quand tu es juste cinq sur 2 000 ou bien que tu es juste une sur 400 gars, dans une shop, tu as besoin de soutien. Parce qu'ils vont en embaucher puis ils vont tout le temps sortir à mesure. Il n'y aura pas de rétention en emploi. Alors, pour les femmes en non trad, c'est absolument nécessaire, les mesures de soutien. Deux minutes, O.K. Je vais y aller sur l'original.
Nous recommandons aussi qu'il soit mis en place dans chaque organisme une politique contre le harcèlement sexuel, contre le harcèlement psychologique, sexiste et aussi sexiste par milieu hostile, ainsi qu'un lieu de plaintes, support et résolution pour toutes ces questions. Les difficultés que rencontrent les filles dans l'exercice de leur métier ne se trouvent jamais dans la force de leurs bras mais surtout dans leur tête. C'est un supplice de la goutte d'eau, le supplice chinois. La joke, elle revient tous les jours, hein: Mon Dieu! C'est-u nouveau? T'aimes-tu ça faire ça? Ça fait 15 ans que tu es dans le métier. Ton père aime-tu ça que tu fasses ça? À la longue, toutes ces farces-là, c'est ça qui met énormément de pression qui fait que les femmes ne restent pas en emploi. Alors que le harcèlement psychologique et sexiste soit traité à l'intérieur du projet de loi nous apparaît essentiel.
Qu'est-ce qu'on a d'autres? Ah oui! on voudrait souligner aussi particulièrement que notre expérience avec la Commission de la construction du Québec et la STCUM ? parce que nous travaillons présentement à revamper, si on veut, le programme d'accès à la STCUM ? nous permet d'affirmer que l'implication des syndicats et des groupes communautaires à l'élaboration et à l'application d'un programme d'accès à l'égalité, c'est un facteur déterminant. Autant s'ils s'impliquent, c'est un gage de réussite parce qu'il y a une volonté puis il y a une transmission de la volonté qui se fait à l'intérieur de l'entreprise; autant, quand il y a un refus, eh bien, ça traîne, ça traîne, ça traîne et puis ça ne donne absolument rien.
Le Président (M. Beaulne): Alors, Écoutez, Mme Dugré, ne vous en faites pas, même si le temps est terminé pour la présentation formelle, vous pouvez prendre pour acquis que les députés ont lu votre mémoire et puis ça va quand même susciter des questions. Je pense que ça serait intéressant d'ouvrir la discussion. Alors, je demanderais au ministre de réagir.
M. Perreault: Oui. Alors, bien, merci d'être venues et d'avoir eu la patience de tout écouter et, en même temps, nous faire une présentation. Moi, je dirais que, dans le fond, ce qui est intéressant dans votre présentation, en tout cas, moi, ce qui me frappe particulièrement, c'est, au-delà des commentaires que vous faites et qui en recoupent d'autres qu'on a entendus sur certaines dispositions de la loi, vous insistez beaucoup sur ce que j'appellerais ce qui se passe avant puis ce qui se passe après et à partir de l'expérience qui est la vôtre. Et je trouve ça intéressant qu'on en parle un peu.
Ce qui se passe avant, d'abord vous dites: On aura beau avoir n'importe quel programme d'accès à l'égalité, s'il n'y a pas de femmes formées dans certains métiers, elles ne pourront pas être embauchées. Et puis ce qui se passe après, c'est qu'une fois qu'elles sont embauchées si la pression est telle qu'elles quittent au bout d'une semaine, un mois, deux mois, bien, finalement, ce sont des efforts un peu inutiles. Et donc vous dites que, et en amont et en aval, il faut qu'il y ait une série de mesures de pensées au-delà de la loi elle-même. Et je trouve ça important, cet aspect-là, parce que, évidemment, on peut être tentés ? nous, on est des législateurs, on est en train de faire une loi ? de juste avoir le nez collé sur les articles de la loi comme si ils allaient tout régler. Alors, on est dans un domaine plus complexe.
Moi, j'aimerais ça que vous nous reparliez de ce qui doit être fait en amont, quand vous avez dit: Dans bien des secteurs ? vous avez parlé particulièrement des métiers traditionnels ? il n'y a pas de collaboration, en tout cas vous sentez des résistances de la part du monde de l'éducation, par exemple, ou des organismes qui ont la responsabilité de la formation. Avez-vous d'autres exemples? Y aurait-u des gestes concrets qui pourraient être faits? Qu'est-ce que vous avez en tête? Et puis également, pour après, une fois que les gens sont là, quel genre de programmes qu'on pourrait mettre sur pied? Quel pourrait être le rôle du gouvernement? Est-ce qu'il y a des choses quoi doivent être dans la loi? Parce que, par exemple, vous me parliez d'harcèlement. Je n'en doute pas. J'ai ma conjointe, à un moment donné, qui travaillait dans un service du personnel d'une municipalité où il y avait une femme pompière puis avec que des gars, puis, ma foi, la vie était dure pour la pauvre femme en question. Parce que déjà il y a des dispositions, hein, dans nos chartes, à l'égard du harcèlement. Est-ce que, dans cette loi, on doit mettre quelque chose? J'aimerais vous entendre parler un peu de ces deux questions.
Mme Dugré (Isabelle): Pour l'avant, ce qui concerne la formation, ce qui nous intéresse particulièrement, c'est l'accès à la formation, le libre accès à la formation pour toutes les femmes qui vont dans les métiers non trad. Puis là je pourrais viser bien du monde. Je pourrais viser la procédure d'Emploi-Québec, avec son cheminement critique, qui fait l'évaluation de l'endurance psychologique d'une fille avant de l'envoyer se former. Je pourrais vous parler de la résistance d'un directeur en particulier ou je pourrais vous parler ? puis ça, je pense que la Commission des droits de la personne l'a fait dans un avis ? de la résistance que le ministère de l'Éducation offre à la réalisation du programme d'accès pour les femmes dans l'industrie de la construction.
Mais, au-delà de ça, si on ne veut pas pointer du monde en particulier, il faut faire en sorte que toutes les femmes aient accès à la formation de leur choix et qu'en plus de ça elles aient des places réservées là où elles sont minoritaires. Puis, minoritaires, je ne dis pas que c'est tout le temps 33 % pour le non-trad. Je suis bien consciente que le métier de ferrailleur n'accueillera pas, n'invitera pas 25 % des filles, tu sais. Mais les évaluations, de toute façon, tiennent compte de ça.
Quand on a fait le programme d'accès dans la construction, les besoins par métier puis les évaluations d'objectifs de femmes par métier ont tenu compte de l'attrait de certains métiers plutôt que d'autres. Il y a plus de filles, mettons, qui s'en vont en charpenterie puis il n'y en a pas bien, bien qui s'en vont comme chaudronnière. Bon, bien là les places en chaudronnerie, on en prendra moins, mais, en charpenterie, peut-être qu'on en réservera un plus grand pourcentage. Ceci étant dit, pour arriver à faire en sorte qu'il y ait autant de filles... La construction, c'est un problème, là. Il y a 3 %, 4 %, 5 % de filles en formation puis il y en a tout le temps rien que 2,5 pour 1 000 sur les chantiers, puis ça, malgré qu'il y ait un programme d'accès à l'égalité. Mais il faudra revoir la balance de ça. Ça, c'est ce qui est pour en avant.
Ce qui est pour après, oui, ça nous préoccupe beaucoup parce qu'on est toutes minoritaires, chacune, on est ici dans nos métiers, et on est convaincues que ce n'est que par les programmes d'accès à l'égalité qu'on pourra avoir accès à tous les emplois. Et toutes les finissantes... On a une finissante ici, puis c'est la même chose qu'elle nous dit. Elle dit: Moi, s'il n'y a pas de programme d'accès, ne me demande pas quand est-ce que je vais travailler, je suis la première fille qui sort dans mon métier.
Mais ça nous préoccupe beaucoup, le sort de ces premières femmes qui sont en entreprise et qui vont vivre... Ces premières femmes là qui vont être embauchées par le programme d'accès, elles vont payer cher, si on n'y fait pas attention, elles vont payer cher la venue d'un programme d'accès. Oui, elles auront eu un emploi, mais elles vont l'avoir pour combien de temps? Elles vont résister combien de temps à la pression?
Alors, qu'est-ce qu'on peut faire pour aider ces femmes-là? Des embauches massives, ce n'est pas toujours possible dans le cas des métiers non traditionnels, hein, il n'y a pas beaucoup de main-d'oeuvre. Mais, par exemple, on peut penser à une embauche par paire ? quand on en embauche une, on en embauche deux, au moins elle ne va pas être toute seule ? qu'il y ait en place un système d'accueil, de travailler en étroite collaboration avec le syndicat, qui a sûrement un comité de condition féminine pour l'accueillir, de mettre les filles en réseau au sein d'une région, au sein d'une entreprise, au sein d'un organisme. Je ne sais pas, si je pense à être plombière dans un hôpital, bien, il n'y aura pas quatre plombières dans chaque hôpital s'il y a juste trois plombiers par établissement. Mais, au sein d'une régie régionale, est-ce qu'on ne verra pas à mettre en place un réseau pour les femmes de métier? Bon, il y a des choses comme celles-là, des systèmes de mentorat, que les femmes de métier aillent dans les écoles. Le réseautage est quelque chose d'extrêmement important. FRONT est né de ce besoin de réseautage là, se poursuit et s'agrandit juste tellement qu'il y a ce besoin de réseautage là des femmes qui sont isolées un peu partout. Alors, c'est des mesures qui sont là pour après, de rétention en emploi.
Le Président (M. Beaulne): Ça va, M. le ministre?
M. Perreault: Moi, j'ai une remarque. Ce que ça me suggère, c'est que je crois que l'adoption de la loi devra être suivie aussi d'un certain nombre d'appuis à des organismes comme le vôtre qui poursuivent une action comme celle-là, dans le sens que je pense qu'il va falloir s'assurer... Ce genre de réseautage, ce n'est peut-être pas le gouvernement qui est le mieux placé pour le faire. Mais des organismes qui sont voués à la défense et à la promotion des intérêts des groupes visés pourront jouer un rôle aussi pour la suite des choses. En tout cas, ça me suggère cette réflexion.
Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le ministre.
n(15 h 10)nMme Dugré (Isabelle): Puis on est convaincues de ça.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Beaulne): Alors, maintenant, M. le député de Marquette, à vous la parole.
M. Ouimet: M. le Président, de façon non traditionnelle, c'est le député d'Outremont qui va ouvrir.
Le Président (M. Beaulne): Ah! Bien, O.K. Allez-y, mon cher collègue.
M. Laporte: M. le Président, je commencerais par m'adresser à vous, sachant le souci que vous avez de la qualité du fonctionnement des commissions parlementaires. Je vous dirai, M. le Président, que l'absence d'autochtones dans la liste des personnes qui viennent témoigner est une carence extrêmement grave et je vous prierais de prier de ministre en notre nom, n'est-ce pas, de corriger cette carence-là avant qu'on termine nos audiences. Ce n'est pas possible que, un projet de loi qui porte sur ces trois groupes cibles là, une commission parlementaire nous place dans une situation de ne pas pouvoir entendre l'un de ces groupes. Dans le cas des autochtones, c'est flagrant. Dans le cas des communautés visibles ou des minorités visibles, comme on les appelle, c'est un peu moins flagrant. Mais il y a aussi, par exemple, un autre groupe qui n'est pas ici et dont personne ne parle, et c'est la communauté noire anglophone. Dans les deux cas, on est en présence de plus que de discrimination, M. le Président, on est en présence d'oppression. Donc, je m'adresse à vous, M. le Président, pour vous transmettre à la fois, comment dirais-je, cette demande, mais aussi ce malaise.
Le Président (M. Beaulne): M. le député, le président, comme vous le savez, ne peut faire que prendre note de vos commentaires, ce que je fais. Je crois comprendre cependant qu'il n'y a pas de groupe de femmes autochtones en tant que tel qui s'est manifesté, suite aux avis publics qui ont été publiés. Il y aurait peut-être lieu, et là ce n'est pas à la présidence de décider de ça, ce sera au ministre et au porte-parole, de voir s'il n'y aurait pas moyen de susciter une participation. Mais ça, ça ne relève pas de ma compétence. Mais je tiens à préciser, pour l'éclaircissement de nos travaux, que, contrairement à ce qui se passe dans d'autres domaines, par exemple lorsqu'on discute des droits territoriaux, de chasse et pêche ou de n'importe quoi, ça s'adonne que, qu'est-ce que vous voulez, il n'y a personne qui s'est manifesté jusqu'à présent. Mais vous avez parfaitement raison, ça aurait été intéressant d'écouter leur point de vue sur cette question-là. Alors, je prends note de vos commentaires, je les transmets au ministre officiellement, et puis vous discuterez de ça entre vous après ça. Maintenant, si vous voulez continuer votre échange avec nos invités.
M. Laporte: Oui. Bonjour, mesdames ou mesdemoiselles. J'ai trouvé que votre intervention...
M. Perreault: M. le Président...
Le Président (M. Beaulne): Oui.
M. Perreault: C'est parce que le député a fait référence à l'oppression. Si vous me permettez, un commentaire. De fait...
Le Président (M. Beaulne): L'oppression?
M. Perreault: Oui, tantôt, dans ses commentaires, en disant que le fait qu'ils ne soient pas là, il y a même geste d'oppression. Je veux juste dire ceci...
M. Laporte: Non, je n'ai pas voulu dire ça. Je n'ai pas voulu dire que...
M. Perreault: Mais c'est ce que vous avez dit.
M. Laporte: Non, non.
Le Président (M. Beaulne): Non, écoutez, là...
M. Perreault: Ce que je veux dire...
Le Président (M. Beaulne): Minute! Moi, j'ai... Écoutez, là, c'est moi le président, ici, là.
M. Perreault: C'est ce que j'ai entendu.
Le Président (M. Beaulne): Je n'ai entendu... Non, je ne pense pas qu'on puisse attribuer à notre collègue aucun motif négatif dans ses commentaires.
Une voix: ...
Le Président (M. Beaulne): Non. M. le ministre, je pense que, par respect pour nos invités, on va écouter leurs réponses à nos questions.
M. Perreault: M. le Président, je tiens quand même à clarifier une situation. Je veux juste simplement indiquer que, comme toujours, la commission, à partir du travail qui est celui de son Secrétariat, a fait connaître largement la tenue des audiences, que, du côté du ministère, nous avons aussi largement diffusé à tous les groupes, y compris à ceux que mentionne le député, à la fois le mémoire et l'intérêt à leur participation. Évidemment, après ça, on ne peut pas, à la place des gens, décider de leur venue, non pas que ça n'aurait pas pu être intéressant d'entendre leurs commentaires. Et puis, je retrouverai les galées quant aux commentaires du député, M. le Président.
Le Président (M. Beaulne): Bon, d'accord, mais, pour le moment, je pense que c'est bien inscrit qu'il n'y a personne qui s'est volontairement pointé. Alors, pour la suite des événements, vous pourrez discuter entre vous de la façon de corriger cette lacune. Alors, M. le député d'Outremont, si vous voulez continuer.
M. Laporte: Alors, mesdemoiselles ou mesdames, j'aurais une petite question sur la conception que vous vous faites des besoins de la formation pour corriger les phénomènes que vous avez mentionnés. Est-ce que vous êtes favorables à des quotas? Ce que j'ai compris, c'est qu'en matière de formation vous êtes favorables à des objectifs de recrutement de femmes dans les organismes de formation qui soient des objectifs numériques, avec des quotas c'est-à-dire. Vous avez mentionné des métiers, vous avez dit: Dans ces métiers-là, il devrait y avoir des objectifs numériques pour former les femmes. On devrait en avoir 33 % ou 35 %.
Mme Dugré (Isabelle): Absolument pas. Je dirais, on est plutôt en faveur d'un nombre de places réservées, pas de places exclusives mais de places réservées.
M. Laporte: C'est ce qu'on entend par des quotas. Des places réservées, c'est ce qu'on entend par des quotas. Non?
Mme Dugré (Isabelle): Bien, non, je pense que, si on dit: Pour un métier, ça va en prendre cinq sur 20 dans une classe, on réserve cinq places sur 20, on ne forcera pas cinq filles à y aller rien que parce que ça prend des filles pour y aller, s'il n'y a pas de filles qui se pointent. On fera des efforts pour qu'il y en ait, puis le ministre de l'Éducation le fait avec son concours Chapeau, les filles!. Il y a une promotion, ça fait une dizaine d'années qu'on invite les femmes à aller dans les métiers non trad. Puis je pense qu'on va y aller avec des places réservées. Il faut être réaliste. S'il y a juste trois filles, on n'ira pas en prendre deux sur le coin de la rue juste pour en avoir cinq de plus. Il y a deux gars qui prendront la place. C'est plutôt places réservées.
M. Laporte: Ça, je comprends ça. Mais vous êtes donc en faveur de places réservées.
Mme Dugré (Isabelle): Tout à fait.
M. Laporte: Et vous n'êtes pas du même souffle en faveur de postes qui seraient réservés une fois que... On parle de places de formation. Parlez-vous de...
Mme Dugré (Isabelle): Des places en formation, oui.
M. Laporte: En ce qui concerne les postes à l'intérieur des organisations ? par exemple, le ministre mentionnait le cas de la femme pompière ? est-ce que vous seriez aussi d'avis pour qu'il y ait des nombres de postes de réservés aux femmes?
Mme Dugré (Isabelle): Non. Je pense que la façon de faire qui est établie depuis 15 ou 20 ans au Québec avec l'application de la Charte, les objectifs numériques, nous autres, ça nous va très bien. C'est moi qui vis toute seule dans la job, je ne veux pas avoir des affaires que le monde va me piler sur la tête puis je ne pourrai pas me défendre non plus, là. C'est ça qu'il faut retenir.
M. Laporte: Non. C'était juste un point de clarification que je souhaitais faire.
M. Perreault: Je pense que madame connaît très bien la loi.
Le Président (M. Beaulne): Ça va, M. le député? M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dion: M. le Président, j'apprécie beaucoup que vous me donniez la parole. J'avoue que M. le ministre m'a enlevé les paroles de la bouche tout à l'heure. Et j'ai eu une réponse assez exhaustive de la part des représentants. Parce que je me demandais, moi, comment est-ce qu'on peut... C'est sûr que le phénomène de harcèlement sexuel existe. Il existe, c'est sûr. Il joue un peu comme un mécanisme de rejet, comme si les femmes apparaissaient comme des corps étrangers dans certaines professions. Mais comment on pourrait, théoriquement, introduire dans une loi comme celle-là une mécanique qui serait efficace pour contrer ça?
Mme Dugré (Isabelle): Je voudrais juste préciser que la question du harcèlement sexuel n'est pas plus fréquente chez les femmes en emplois non trad que dans l'ensemble de la population ou dans l'ensemble des autres postes. Ce qu'on vit beaucoup plus, c'est le harcèlement sexiste et aussi quelque chose qui est nouvellement reconnu, c'est le harcèlement sexiste par milieu hostile. Ce n'est pas inclus dans la Charte, non plus que le harcèlement psychologique. Ça pourrait être quelque chose qui soit fait qu'il y ait des pistes dans ce sens-là. Puis j'ai perdu le précis de votre question en répondant, je m'excuse.
M. Dion: Oui, je demandais comment... D'abord, je voulais dire sexiste et non pas sexuel, parce que c'est une autre approche. Mais comment est-ce que ça pourrait fonctionner à l'intérieur d'une loi comme ça pour être efficace?
Mme Dugré (Isabelle): Oui. Je pense que c'est l'article 13 qui énumère qu'est-ce qui va dans un programme d'accès. Tu sais, il faut revoir les politiques de recrutement, puis etc., puis ça prend des mesures d'accès. Je crois que c'est l'article 13 qui en fait... Oui. «Un programme comprend les éléments suivants.» Bien, qu'il y ait un ajout là puis qu'il y ait une politique à l'interne, paritaire, avec le syndicat, s'il y a lieu. C'est la meilleure façon pour que ça fonctionne. C'est là qu'on verrait que ça s'inscrirait.
Le Président (M. Beaulne): Merci. Ça va, M. le député de Saint-Hyacinthe? M. le député de Marquette.
M. Dion: Ça va. De quoi réfléchir.
M. Ouimet: Merci, M. le Président. Au niveau de l'application de la loi, au niveau fédéral, si j'ai bien compris, la loi qui a été bonifiée en 1996 prévoit que les entreprises de 100 employés et plus qui contractent avec le gouvernement fédéral pour un montant de 200 000 $ et plus sont soumises à la loi. Au Québec, pour l'instant, le ministre a jugé bon de ne pas imiter le fédéral dans ce sens-là. Pensez-vous que la loi devrait s'appliquer également aux entreprises privées afin de pouvoir élargir...
n(15 h 20)nMme Dugré (Isabelle): Oui, tout à fait. Si cette loi-là veut servir aussi d'exemple pour éventuellement... l'idée, c'est de l'étendre à tous les types d'entreprises et organismes, je pense que, qu'il y ait quelques entreprises privées qui fassent affaire avec le gouvernement, ça serait une bonne façon aussi de tester la bonne volonté, les pratiques et les façons de faire qu'il y a dans le privé, qu'au moins les entreprises qui font affaire avec le gouvernement soient liées avec cette loi-là.
M. Ouimet: La question qui se pose, si ça existe au fédéral... En tout cas, l'information, je l'ai du mémoire.
M. Perreault: Si je peux me permettre.
Le Président (M. Beaulne): M. le député, permettez-vous... Allez-y, M. le ministre.
M. Perreault: Ça parce qu'on me dit ici ? moi-même, on sait que tout ça est complexe ? c'est que, dans le cas du fédéral, c'est un peu comme au Québec, c'est les ministères qui sont assujettis à l'obligation contractuelle, ce qui est le cas au Québec également, mais que les organismes qui font affaire avec les sociétés d'État, les sociétés de la couronne ne le sont pas. Donc, il y a un peu comme une analogie de régime dans ce qui est sur la table. Ça n'empêche pas que des gens pourraient souhaiter qu'on fasse plus encore. Mais, juste pour préciser, au fédéral, notre compréhension, au moment où on se parle, ici, de la part des gens qui sont les spécialistes, c'est que seuls les ministères...
M. Ouimet: J'ai peut-être mal lu le mémoire au Conseil des ministres. On dit clairement dans le mémoire: «Le gouvernement fédéral a adopté le programme de contrats fédéraux en 1986. Ce programme prévoit que les entreprises de 100 employés et plus qui contractent avec le gouvernement fédéral pour un montant de 200 000 $ et plus doivent mettre en oeuvre un programme d'équité en matière...»M. Perreault: Oui, avec le gouvernement fédéral et ses ministères, un peu comme ici lorsque les entreprises qui contractent avec le gouvernement du Québec...
M. Ouimet: O.K. Je vois la distinction. Mais quand même... Parce que d'autres organismes sont venus nous dire que, dans le fond, la loi devrait s'appliquer de façon plus large et inclure également les entreprises privées.
Mme Dugré (Isabelle): Mais mon rêve, si je n'étais pas raisonnable, c'est sûr que c'est ça que je vous dirais. Un, deux, trois, go, ça en prend pour tout le monde. Mais, je veux dire, il faut commencer puis en tester l'application quelque part. Puis je pense que le type d'organisation qui se trouve dans le parapublic et ce qui est visé ici nous donnent, au niveau de l'organisation, de l'homogénéité un peu plus que si on prend tous les types d'entreprises qu'il y a dans le privé et que c'est plus facile de roder quelque chose, de mieux informer...
Parce que le coeur des programmes d'accès à l'égalité puis le coeur de la réussite, la condition de la réussite, c'est qu'il y ait une explication claire de ce que c'est, que ce n'est pas des quotas, que ce n'est pas des faveurs, que c'est des mesures de redressement temporaires, c'est très, très important. Cette information-là, elle sera faite déjà quand ça sera pour aller dans le privé. Ça fait que je pense que ça va déjà être plus facile de convaincre l'ensemble des employeurs quand l'État aura convaincu l'ensemble de la population de ça.
M. Ouimet: Excusez-moi, j'ai juste une petite question pour le ministre. Si je suis une entreprise privée et que j'ai un contrat avec le ministère de l'Éducation ou de la Justice, par exemple, et que le contrat a une valeur de plus de 100 000 $ ou de 200 000 $, comme entreprise privée, est-ce que je suis soumise à la loi n° 143?
M. Perreault: Pas à la loi n° 143 mais au Programme d'accès à l'égalité en emploi dont s'est doté le gouvernement du Québec pour sa fonction publique et auquel on a apporté des correctifs dans le projet de loi de l'automne dernier.
M. Ouimet: Le 51.
M. Perreault: Le 51. Et, oui, vous l'êtes dès que vous êtes une entreprise qui a un contrat de plus de 100 000 $ et qui a plus de 100 employés.
Mme Dugré (Isabelle): Nous autres, on demande une harmonisation plus étroite de ce programme-là avec le projet de loi.
M. Ouimet: Oui, ça, c'est revenu souvent, une harmonisation. Je ne sais pas si on parlerait d'une seule et unique loi pour gérer l'ensemble de la question des programmes d'accès à l'égalité. Mais le ministre pour l'instant ne semble pas être favorable à la recommandation. On verra pourquoi lorsqu'on fera l'étude détaillée du projet de loi.
M. Perreault: M. le Président, j'ajouterais simplement que, de fait, cette disposition est également incluse par après dans le règlement-cadre sur les conditions des contrats des ministères et des organismes publics.
M. Ouimet: O.K. Merci.
Le Président (M. Beaulne): Alors, M. le député d'Iberville, vous vouliez intervenir.
M. Bergeron: Merci, M. le Président. Deux questions. La première, la promotion au mérite. Vous dites dans votre mémoire que le mérite est un concept éminemment subjectif et vous aimeriez mettre davantage de l'avant des critères de promotion qui seraient davantage objectifs. Est-ce que vous avez des exemples à me donner?
Mme Dugré (Isabelle): Oui. Je fais juste penser au temps supplémentaire. Tu apparais dans la vie, tu as l'air d'aimer bien plus ta job puis bien plus ton boss puis être bien plus en faveur de l'organisme ou de l'entreprise si tu fais beaucoup de temps supplémentaire. Mais, si tu est mère de famille monoparentale, tu risques de ne pas faire beaucoup de temps supplémentaire. Puis la culture de l'entreprise et de plusieurs entreprises fait en sorte que: Ah! de toute façon, elle n'aime pas bien, bien ça, travailler, elle ne travaille pas beaucoup. Bien ça, c'est du mérite, ce n'est pas un critère objectif pour remplir le poste. On va faire une analyse pour les postes à l'embauche, elle va être faite pour tous les postes d'entreprise, que les mêmes critères s'appliquent pour la promotion que pour l'embauche.
M. Bergeron: Oui. Écoutez, on va peut-être y revenir. Je vais vous parler de l'ancienneté. Ensuite, vous écrivez dans votre mémoire: «Nous ne pouvons pas accepter l'exclusion catégorique de l'ancienneté comme critère d'embauche, de promotion, de licenciement.» Et vous dites: «En conséquence, nous proposons qu'il y ait des études.» Mais vous ne croyez pas que le temps des études est plutôt révolu, que déjà vous savez ce qui ne fonctionne pas et que là on peut proposer des choses plutôt que de proposer des études et d'avoir des délais supplémentaires?
Mme Dugré (Isabelle): Mais c'est parce que la question de l'ancienneté, c'est quelque chose de très complexe et de très chatouilleux à la fois. Les études, je pense que ce n'est pas quelque chose de très, très, très exhaustif qui va renvoyer à un groupe de recherche, c'est plutôt quelque chose qui va se faire au moment où on va faire une analyse des pratiques à l'intérieur d'un organisme, d'une entreprise. On souhaite que ce soit fait paritairement avec des syndicats, s'il y a lieu. Bien, en même temps, il faut que l'ancienneté, parce que c'est souvent un facteur de discrimination indirecte, il faut absolument que ce soit renégocié, revu et rediscuté parce qu'il y a plusieurs types de calcul d'ancienneté puis il y a deux, trois, quatre grandes sortes d'ancienneté. Il y a de l'ancienneté pour prendre des vacances ou bien il y a de l'ancienneté pour se faire mettre à pied ou bien il y a de l'ancienneté pour avoir des promotions. Peut-être que l'ancienneté pour se faire mettre à pied, ça a bien plus de chance d'être discriminatoire que quand c'est juste pour prendre des vacances. Les études, quand on dit: Il faut que ce soit étudié et renégocié, c'est à l'intérieur des pratiques de chaque organisme. Puis, nous autres, ça nous apparaît absolument l'essentiel si on veut atteindre des objectifs d'embauche puis de maintien en emploi. Parce qu'on va toujours en engager 12 %. Ça rentre, mais ça ressort à mesure. Il faut tenir compte de l'ancienneté pour la rétention, entre autres.
M. Bergeron: Et une dernière chose, vous avez écrit dans votre mémoire qu'en 1981 il n'y avait même pas 1 % des emplois manuels dans la région du St-Laurent ? Canadien National ? qui étaient occupés par des femmes. Je voulais vous demander, au niveau des statistiques, est-ce que vous en avez qui datent de... qui sont très récentes et qui peuvent montrer qu'il y a une évolution? Et je vais conclure ma question avec ça: Est-ce que vous avez l'impression que les choses changent un peu ou on fait du surplace?
Mme Dugré (Isabelle): Je vous répondrai, en premier lieu, j'ai extrêmement hâte que le comité aviseur femmes dépose sa stratégie de la main-d'oeuvre nationale. La ventilation des données par sexe au gouvernement est une chose primordiale. Parce que ce n'est pas fait, il n'y a aucune statistique. Les seules statistiques que j'ai ? puis je pourrais vous parler de plus récentes puis que je connais ? c'est dans l'industrie de la construction. Quand on a fait l'analyse avant de mettre le programme en 1995, il y avait deux pour 1 000 femmes dans l'industrie de la construction. Puis là je pense qu'il y a 2,8 femmes dans l'industrie. Mais, en même temps vous, n'êtes pas sans savoir que la reprise de l'économie et des mises en chantier, Alcan puis des gros chantiers comme ça, joue pour quelque chose. Mais on n'a pas, malheureusement, de statistiques. Ça évolue un peu à l'école, mais, la même chose au ministère de l'Éducation, en formation professionnelle, ce n'est pas ventilé par sexe, les finissants. Ça fait que, tu sais, c'est très difficile de savoir. C'est peut-être une première chose à faire, mais ça s'en vient par ailleurs, souhaitons-le, le plus rapidement possible.
Le Président (M. Beaulne): Mme Dugré, Mme Vachon, la commission vous remercie de votre contribution à nos consultations. Votre mémoire était particulièrement attendu, votre présentation, d'autant plus que, s'il y a quelqu'un ici qui peut véritablement nous faire part des obstacles au niveau de attitudes auxquelles les femmes font face, c'est bien vous, qui faites oeuvre de pionnières dans plusieurs secteurs non traditionnels. D'autant plus que le projet de loi n° 143 s'adresse aux secteurs public et parapublic, où, mis à part certains domaines très particuliers, comme par exemple un qui me vient à l'esprit, Hydro-Québec, les monteurs de lignes, ainsi de suite, il n'y a pas le diable d'emplois non traditionnels qui sont visés dans le secteur de la fonction publique ou parapublique, même s'il y en a qui s'ajoutent de plus en plus. Alors, je pense que vous avez fait une très bonne présentation, ça a été très intéressant. Puis, au nom des membres de la commission, je vous remercie de votre prestance.
Mme Dugré (Isabelle): Je vous remercie beaucoup.
n(15 h 30)nLe Président (M. Beaulne): J'inviterais maintenant les représentantes du Forum des femmes du Québec à prendre place.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Beaulne): Chers collègues, si vous voulez prendre place de manière à ce qu'on poursuive nos travaux de façon diligente et conformément à notre horaire.
Alors, Mme Héroux, Mme Boutet, bienvenue. Vous connaissez les procédures, je n'ai pas besoin de les répéter. Si vous pouvez vous limiter à 15 minutes de présentation de manière à maximiser les échanges. Je vous donne la parole en vous demandant de bien vouloir vous identifier pour les fins des transcriptions.
Forum des femmes du Québec
Mme Boutet (Ginette): Alors, je suis Mme Boutet. Je vais, dans un premier temps, vous faire la lecture du mémoire, et Mme Héroux va commenter aussi.
Le Président (M. Beaulne): D'accord.
Mme Boutet (Ginette): Et nous allons commenter toutes les deux.
Le Président (M. Beaulne): À votre guise.
Mme Boutet (Ginette): Alors, M. le Président, nos salutations, M. le ministre Perreault et MM., Mmes les membres de la commission.
Le Forum des femmes de Montréal participe aujourd'hui à la consultation sur le projet de loi n° 143, qui est la Loi sur l'accès à l'égalité en emploi dans des organismes publics et modifiant la Charte des droits et libertés de la personne, car, par son travail et les discussions qu'il mène, le Forum se préoccupe de toutes les questions qui touchent les droits modernes, les droits humains et les droits des femmes.
Le projet de loi n° 143 s'est fixé comme but de favoriser pour les femmes, les autochtones et les personnes faisant partie d'une minorité visible l'accès à l'égalité en emploi dans les organismes publics, les organismes municipaux. À notre avis, le projet de loi ne s'adresse pas à la source des inégalités à l'intérieur de la société et, de plus, dans son contenu, il comporte des éléments racistes et discriminatoires. La source des inégalités dans la société est l'absence de reconnaissance de droits égaux pour tous, sans égard à la langue, la race, au sexe, au style de vie, la religion, etc. En reconnaissant les droits égaux pour tous et toutes, on met un terme aux inégalités. Une partie de ces droits sont: un droit à un moyen de subsistance, le droit à l'éducation, à la santé, à un toit, etc. En assurant, en pratique, la défense de ces droits, les individus dans la société pourront participer activement à tous les aspects de la vie.
Au premier point de la section I, on y lit: «La présente loi institue, en conformité avec la Charte des droits et libertés de la personne, un cadre particulier d'accès à l'égalité en emploi pour les femmes, les autochtones et les personnes qui font partie d'une minorité visible en raison de leur race ou de la couleur de leur peau.» Cet énoncé a comme point de départ des considérations racistes en définissant l'appartenance à la société sur la base du sexe, de la race et de la couleur de la peau. Ces éléments sont indignes d'une société moderne et d'un ministère qui affirme l'attachement du Québec aux valeurs de justice sociale, de progrès et d'équité. Ces considérations sur des bases discriminatoires font partie de ce que les peuples du monde veulent éliminer. Les peuples du monde posent comme exigence que la société reconnaisse que tous ses membres font partie du corps politique, qu'ils ont les mêmes droits et les mêmes devoirs. Ces divisions du corps politique sur une base discriminatoire datent du XIXe siècle et n'établissent en rien les fondements d'une société moderne. Ils ne peuvent être d'aucune utilité pour établir un Québec moderne. Ces considérations constituent un recul, un obstacle. L'élimination de la discrimination ne peut se faire sans l'élimination de la classification constitutionnelle des personnes en fonction de leur origine nationale, de leur langue, de leur couleur, de leur religion, de leur style de vie, etc.
En plus de ces considérations, la section V du projet de loi se propose d'institutionnaliser la discrimination en modifiant la Charte des droits et libertés de la personne. Selon ce qui est proposé, la Charte des droits et libertés de la personne enchâssera la discrimination. À titre d'exemple, le point 28 stipule que: «Un programme d'accès à l'égalité en emploi est, eu égard à la discrimination fondée sur la race, la couleur, le sexe ou l'origine ethnique, réputé non discriminatoire s'il est établi conformément à la Loi sur l'accès à l'égalité en emploi dans des organismes publics.» Comment une loi peut-elle rendre la discrimination non discriminatoire? Le projet de loi légalise la discrimination en reconnaissant qu'elle existe et lui donne un caractère immuable en l'enchâssant dans la Charte des droits et libertés de la personne. Le Forum des femmes de Montréal ne peut considérer que cette incohérence procurera des solutions aux problèmes que confrontent les différents collectifs de la société. Dans un communiqué, le ministre Perreault dit que l'objectif du projet de loi est d'assurer une représentation équitable de ces groupes dans tous les organismes publics et de veiller à ce que la politique et les pratiques de gestion des ressources humaines permettent à l'ensemble des citoyens et des citoyennes de participer à la vie active de notre société.
Voici, à notre avis, ce qui devrait être mis de l'avant pour atteindre cet objectif. Nous croyons qu'il faut aborder le problème par la positive en examinant comment assurer la pleine représentation de tous les différents collectifs, dans toutes les différentes activités de la société, dans le secteur public. Les problèmes de représentation et les inégalités mentionnés dans les considérations par le projet de loi seront résolus uniquement par l'établissement d'une constitution moderne qui reconnaît les droits de tous. Ainsi, le ministère et la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse devraient oeuvrer pour une constitution moderne en élaborant une définition moderne d'un citoyen avec des droits et des devoirs égaux sans égard à la langue, la couleur de la peau, au sexe, au style de vie, la religion, etc. Ils devraient encourager toute la population à participer à cette élaboration. Le rôle du ministère est de s'assurer que tous les citoyens aient les mêmes droits et devoirs et puissent tous contribuer à l'établissement d'un Québec moderne. Il doit assurer la défense des droits des minorités et veiller à l'unité de tous les citoyens au Québec, que nous considérons comme un point très important. Le Forum des femmes de Montréal croit que le projet de loi n° 143, par son caractère discriminatoire et raciste, va à l'encontre de ces objectifs et doit être rejeté.
Mme Héroux (Hélène): Je pense que nécessairement 15 minutes nous permettent de commenter le mémoire, et vous allez reconnaître, vous-mêmes qui siégez à la commission, que la question qui est importante ici, c'est la préoccupation de tous les collectifs dans la société d'affirmer leurs droits en ce moment. Et, quand on dit «d'affirmer leurs droits», c'est-à-dire d'affirmer des droits modernes dans l'effet que, pratiquement, si vous vous retrouvez dans tous les secteurs de vie active de la société, bien sûr vous avez différentes questions qui se posent. On s'est aperçu, par exemple, que la question de la représentation semble une question qui est importante. Cette même question-là se pose aussi dans le milieu politique. Est-ce que les femmes sont bien représentées dans le milieu politique? Si on pose la question en termes de proportion et qu'on définit chaque collectif justement avec des critères qui ne font que partitionner les gens, qui ne font que les catégoriser, qui ne font, en fin de compte, qu'en faire une catégorie à part et non pas reconnaître leurs droits, on peut se satisfaire avec une proportion. On peut se satisfaire avec un 10 %, un 5 %, un 1 %. On peut dire: Voici, avec tel ou tel critère, on reflète soi-disamment ou on représente soi-disamment la société.
C'est une vision, à notre avis, qui est, comme on disait, du XIXe siècle parce qu'elle ne définit pas les gens de leur appartenance au corps politique, ne définit pas les gens selon leur humanité ou leurs besoins humains ou leurs droits humains. Et c'est de la même façon souvent qu'on va représenter les femmes. Par exemple, en politique, la question se posait: Pourquoi les femmes ne participent pas en politique? Ou: Pourquoi la présence des femmes? Et le Forum s'est penché là-dessus lorsqu'il a examiné toute l'historique du droit de vote au Québec, lorsqu'il a examiné qu'est-ce qui pose problème pour le collectif des femmes. Si on dit que c'est une question de proportion, on pourrait très bien se satisfaire, se taper une tape dans l'épaule et dire: Avec 50 %, on va régler le problème des femmes, ou avec 30 % ou 20 %, comme j'ai mentionné plus tôt. Alors que la vraie question, c'est: Qu'est-ce qui pose obstacle, dans la société, aux femmes pour qu'elles participent à toutes les sphères de la vie? Qu'est-ce qui pose obstacle au niveau de l'éducation? Qu'est-ce qui pose obstacle au Québec au niveau de la participation en tant que jeunes femmes? Leur définition en tant que mères? Quelles sont toutes les facilités qui leur sont données pour qu'elles puissent s'épanouir dans la société au Québec et, oui, embrasser tout le secteur de la société?
n(15 h 40)n Alors, à ce moment-là, on devra définir des droits humains. On devra définir des droits égaux pour tous et non pas ramener des vieilles notions ? excusez-moi l'expression, mais c'est vrai ? raciales ou des vieilles notions qui font même référence à l'apartheid, à la couleur de la peau. Alors, si vous êtes une femme noire, vous êtes une femme, vous êtes jeune, sous quel critère allez-vous baser la définition de l'être humain dans la société? Ou sa présence? Ou son rôle actif dans la société? Pour nous, nous pensons que cette manière de mettre de l'avant la représentation ou cette préoccupation-là de l'égalité cache le fait de problèmes très concrets dans la société moderne au Québec, qui est l'absence de reconnaissance de droits et de devoirs pour tous. L'absence de définition de son appartenance face au corps politique qui va faire en sorte justement de... qui va peut-être permettre d'épanouir à tous les collectifs de la société sa plein participation.
Alors, on pense que, ça, c'est majeur, que c'est la pierre angulaire. Et, par rapport à ça, oui, on pense que le projet de loi ne va faire qu'enchâsser la discrimination, ne va faire qu'enchâsser les inégalités et c'est une erreur très grave. C'est une erreur très grave parce que, depuis des décennies, les différents collectifs cherchent à moderniser toutes les institutions, cherchent à tout moderniser et à définir par rapport au critère de reconnaissance de leurs droits. Je ne sais pas si tu veux rajouter?
Mme Boutet (Ginette): Il y a également une question sur laquelle se penche le mémoire, qui a beaucoup capté notre attention, c'est cette question de la participation active des citoyens à la vie dans la société. Et c'est pour ça qu'on considère la question des droits humains comme une question si importante aujourd'hui qu'on ne doit pas... La question des droits humains, ça concerne la question à un droit de subsistance, la question de droit à la santé, la question de droit à l'éducation. Et, comme des intervenantes précédemment l'ont mentionné, même si on établit quelques lois que ce soit pour faciliter l'accès, tu peux arriver à une représentation ou à une image de la collectivité, mais sans changer quoi que ce soit dans les collectifs que représente... qui vivent à tous les jours les mêmes problèmes parce qu'ils n'ont pas accès à la santé, ils n'ont pas accès à l'éducation. Et puis la situation ne va pas changer de cette manière-là.
Alors, la reconnaissance des droits fondamentaux pour l'ensemble des citoyens est actuellement une question primordiale si on veut se mettre à l'avant-garde en termes de société au Québec, qui, actuellement, dans le contexte dans lequel on vit... on est en train de se redéfinir, on est en train de voir la question de la souveraineté, les questions des droits des autochtones, la question des droits ancestraux des autochtones, la question des femmes, qui constituent 50 % de la population. Pourquoi on parle encore de minorité? Alors, ce sont des questions préoccupantes. Aussi la question que, lorsqu'on est... Ceux qui sont les plus victimes dans la société maintenant vont avoir un programme d'accès où est-ce qu'ils vont devenir quelques personnes privilégiées dans la société, mais sans changer la vie de l'ensemble de ces différents collectifs là dans la société.
Alors, nous, le Forum des femmes, cette question de la participation active des citoyens, on croit que c'est une question très importante et puis que, pour l'aborder sur une base des besoins actuels, dans un contexte actuel, où est-ce qu'on a la nation du Québec qui est en définition... Ce sont des vieilles notions que de les aborder sur des bases raciales, des bases de minorité, où est-ce que parce que tu es noir et que tu es une femme maintenant tu vas avoir un programme d'accès. C'est encore une humiliation. On n'en veut plus de ça. Je veux dire, on est dans une période où est-ce qu'il faut aller plus loin. Il faut aller au-delà de ces vieilles manières de faire et de ces vieux mécanismes. Il faut voir avec une vision plus large maintenant la société dans laquelle on est au Québec et puis aller de l'avant, ouvrir pour des nouvelles choses qu'on veut installer pour l'ensemble des citoyens.
Le Président (M. Beaulne): Alors, M. le ministre.
M. Perreault: Oui. Alors, bonjour, merci d'être venues présenter votre point de vue, qui, je dois dire, tranche un peu sur ceux qu'on a entendus et, je pense, probablement sur ceux qu'on va entendre. Je l'ai écouté avec attention, avec respect aussi. Mais je dois vous dire très honnêtement que j'ai un peu de difficulté à vous suivre et à le partager. Je crois comprendre bien sûr que vous soulevez, avec raison ? avec raison ? le fait que des programmes d'accès à l'égalité ne résoudront pas à eux seuls et ne peuvent résoudre à eux seuls l'ensemble des inégalités, des iniquités, des injustices d'une société et que, comment dire, l'égalité réelle, elle se vit en réunissant beaucoup de conditions. Je veux dire, il y a l'état de la fortune d'une personne, sa situation de santé, etc. Tout ça fait que ce sont tous des éléments ? son accès à l'éducation ? qui sont sûrement au coeur de la capacité d'une société moderne de donner des chances égales à tous d'avoir une vie pleine, entière, etc. Ça, je respecte ce point de vue là, je pense qu'il est juste.
Cependant, là où j'ai un peu plus de difficulté à vous suivre... Et je vais terminer en vous posant une question, c'est la seule que je vous poserai, c'est que, me semble-t-il quand même, les 10, 12 dernières années au Québec ont démontré que, lorsque certains efforts sont faits... d'abord qu'il y a une réalité et que cette réalité, c'est qu'il y a dans nos sociétés des formes de discrimination qui sont fondées sur des réalités, qui ne sont pas des concepts... La race n'est pas un concept raciste, ça existe. Donc, ce n'est pas d'être raciste que de reconnaître leur existence, à ces races. Elles existent. Et, dans nos sociétés, règle générale en tout cas, la plupart des intervenants qui se sont penchés sur ces questions-là au cours des dernières années ont reconnu le fait qu'il y avait des formes de discrimination en fonction de ces particularités ? race, langue, religion, etc. ? et que ça valait la peine d'essayer de corriger les situations. Ça ne veut pas dire que toutes les conditions se trouvent réunies pour l'égalité entre les êtres pour autant, automatiquement, mais que ça valait la peine de s'y attaquer.
Alors, moi, j'ai une question à vous poser. Vous êtes un organisme ? je ne connaissais pas votre organisme encore ? le Forum des femmes de Montréal. Quand on regarde l'expérience, suite à la mise en place de programmes d'égalité en emploi, même s'il y a encore beaucoup à faire, quand on regarde le chemin parcouru par les femmes au Québec, est-ce que vous ne pensez pas que le fait qu'il y ait eu une volonté de corriger la situation n'a pas en quelque sorte aidé? Je ne dis pas que tout est réglé, mais il y a des effets d'entraînement. Plus de femmes dans le milieu de travail, plus de femmes en politique font que les lois changent aussi et que d'autres aspects de la vie, de ce que vous appelez, si j'ai bien compris, les droits humains, comme par exemple les programmes sociaux, les salaires de base, les garderies, qui sont tous des éléments qui contribuent aussi à l'égalité entre les êtres, bien, que finalement ça évolue?
Alors, moi, je suis un peu surpris de votre point de vue. J'aimerais un peu vous entendre parler de ça, mais je dois dire qu'à date j'ai un peu de misère à vous suivre, là. Je vous trouve très pessimistes à l'égard de l'impact possible, positif de programmes comme ceux-là, tout en reconnaissant qu'ils ne règlent pas tout.
Le Président (M. Beaulne): Qui veut répondre?
Mme Héroux (Hélène): Moi, je pense que la question ici, ce n'est pas la question de ne pas regarder comment les gens ont réussi, à travers tant d'obstacles, à prendre leur place. Comme les femmes, c'est elles qui ont pris leur place au Québec. Je pense qu'on gardait les femmes dans les métiers non traditionnels, mais, si les femmes n'avaient pas foncé, elles ne seraient pas là. Alors, comment les gens eux-mêmes ont réussi à résoudre les problèmes alors qu'on n'a toujours pas de charte de droits humains, au Québec, qui reconnaissent les droits humains? Imaginez une société qui reconnaît un droit de subsistance pour tous et tous. Est-ce que la question de l'emploi se pose de la même manière? Parce que, si demain matin vous perdez votre emploi, est-ce que vous perdez un moyen de subsistance pour tous et tous? Quand vous reconnaissez des droits humains, c'est plus que de regarder à quelle étape nous sommes rendus. Ou, comment je dirais ça, est-ce que les femmes en particulier ou d'autres collectifs dans la société, parce que beaucoup de collectifs différents existent dans la société, est-ce que eux n'ont pas remporté différentes batailles, sur différents fronts, en ce moment, ou défini des choses nouvelles sur différents fronts? Je pense que, oui, on le fait et on va continuer à le faire.
Mais, comme on disait dans le mémoire, on est rendu à l'étape des droits humains, on est rendu à l'étape de la reconnaissance des droits et des devoirs. Et bien sûr on pourrait se satisfaire et faire un bilan des programmes d'accès à l'égalité, par exemple, au Québec. Vous voulez parler d'accès à l'emploi, il y a peut-être même plus la question des femmes. On pourrait peut-être regarder ça. Mais, nous, ce qu'on a regardé aussi, c'est, dans toute son objectivité, quelle est la situation des femmes ou du collectif des femmes au Québec dans son ensemble. Où en sont rendus les droits des femmes et les droits humains aussi, qui ne sont toujours pas reconnus? Parce que, demain matin, vous pouvez dire que, oui ? il y a des statistiques, je suis sûre, qui existent à l'appui ? la présence des femmes aux universités, la présence des femmes aux études postsecondaires, etc., ça existe. Mais quelles sont les conditions des jeunes et des étudiantes aujourd'hui, au Québec, avec les coupures qu'on connaît dans l'éducation? Il y a une réalité objective.
n(15 h 50)n Si vous reconnaissez le droit à l'éducation et reconnaissez le plus haut niveau de droit à l'éducation qu'un être humain doit acquérir pour participer au progrès de la société au Québec, vous ne vous contenterez pas de ce qui est fait en ce moment au Québec en éducation, parce qu'au contraire vous allez poser des barèmes, en disant: Mais, ce qui est fait, c'est une destruction de l'éducation au Québec.
Alors, quand on dit que c'est important de reconnaître les droits humains, c'est qu'on est rendu à cette étape-ci de quels sont les droits humains, le droit à la subsistance, le droit à un toit. Si vous privez un être humain au Québec d'avoir un toit sur la tête, qui êtes-vous, en tant que gouvernement? La question se pose. Et là, en ce moment, on va parler d'accès à l'égalité parce qu'on a tous les mêmes droits. Donc, si vous brimez mon droit, vous me privez de mon égalité et c'est la même chose pour tous les collectifs dans la société. À ce moment-là, les choses sont claires. Mais, si vous arrivez avec un projet de loi... et on dit, bon: Ce n'est pas parce qu'on parle de race qu'on est raciste. Mais, quand on commence à en fixer des critères, de quoi parle-t-on? Parce que, lorsqu'on parle de définition moderne d'un citoyen, on va dire: Sans égard à sa langue, sans égard à sa race, sans égard à sa couleur de peau. Ici, on est en train de dire: Parce qu'il a telle couleur de peau, parce qu'il parle telle langue, parce que... Tiens, par exemple, si je suis handicapée, je ne suis pas ici. Alors, on va commencer à fixer toutes sortes de critères pour dire: Voici, vous devriez être présents à 5 %, à 10 %, à 50 % de femmes.
Alors, on ne parle pas ici de droits égaux, on ne parle pas d'égalité. Et, quand on va parler d'affirmer des droits humains ou d'affirmer des droits égaux pour tous, à ce moment-là, la question qui va se poser dans la société, un coup que ces droits-là seront reconnus, c'est: Quels sont les mécanismes qu'on met sur pied pour qu'il y ait plein épanouissement de toutes ces femmes, de tous ces gens qui vivent au Québec? C'est très important. Parce que c'est sûr qu'on pourrait dire, on pourrait se faire l'avocat du diable et dire: Mais oui, mais, écoutez, on fait des efforts, écoutez, on veut pallier les inégalités ou etc. Mais, à mon avis, c'est enchâsser les inégalités et c'est ça qu'on a dit clairement dans le mémoire. On est en train de fixer des critères qui visent à dire aux gens: N'exigez pas les droits égaux pour tous. Contentez-vous du fait de dire qu'il y a ici une représentation et que, ça, ça devrait, comment je dirais, éliminer la discussion sur le vrai problème qui se pose au Québec.
Le fait qu'on ait un projet de loi qui dit qu'il y a soi-disamment représentation de telle section, telle section, tel collectif, etc., ça viserait à dire aux gens: Oui, mais ne revendiquez pas ce que le Québec a besoin aujourd'hui de droits humains et de reconnaissance de droits modernes. Un gouvernement qui aurait à coeur l'épanouissement de la nation du Québec doit regarder dans la direction: Qu'est-ce qui doit répondre à la demande d'épanouir tous les collectifs au Québec, et dont les femmes, entre autres? Et nous, c'est ce sur quoi on se penche. Parce que sinon on pourrait embarquer dans toute une discussion à savoir c'est quoi une représentation égale ou non discriminatoire, comme on disait dans le mémoire.
Alors, on est en train d'enchâsser des barèmes discriminatoires pour dire que c'est non discriminatoire. C'est ça, l'incohérence, comme on le soulève dans le mémoire. Avec des barèmes soi-disamment non discriminatoires qui visent, en fin de compte, à discriminer tout le monde sur la base de la race, de la langue, du sexe, etc., tout le monde va avoir sa place ici, au Québec, discriminé de telle manière dans une loi de telle manière, à la place de répondre... Et c'est ça qu'on dit qui est grave aussi, c'est que ça va être reflété dans la Charte des droits de la personne, alors que ce qu'on aurait besoin au Québec ? et ça, on pense que la commission devrait se pencher et impliquer tout le monde au Québec là-dessus ? c'est d'avoir une charte des droits humains, qu'est-ce que ça veut dire.
Le Président (M. Beaulne): ...alors, M. le député de Marquette.
M. Ouimet: Merci, M. le Président. Je vous souhaite la bienvenue aux travaux de cette commission. Je trouve que vous exprimez avec beaucoup de courage un point de vue qui n'a pas encore été exprimé ici, en cette commission. C'est peut-être un témoignage de la diversité d'opinions que nous pouvons entendre ici, en commission parlementaire. Je n'ai à vrai dire pas de question parce que je partage le point de vue du ministre. Et je ne veux pas être déplaisant, mais j'ai l'impression que votre mémoire présuppose l'existence d'un monde quasi idéal et je ne pense pas que, comme société, nous soyons encore rendus là. Moi, je pense que le ministre doit aller de l'avant avec sa loi. De rejeter sa loi serait une erreur à ce moment-ci de notre existence. Peut-être au XXIIe ou au XXIIIe siècle, votre mémoire sera plus pertinent, à mon point de vue, mais, pour l'instant, j'ai beaucoup de difficulté à vous suivre. Mais je vous félicite quand même pour avoir le courage d'avoir émis l'opinion que vous émettez. Voilà.
Mme Héroux (Hélène): Moi, je pense que, si la commission veut entrer dans le nouveau millénaire, il faut qu'elle soit nouvelle.
M. Ouimet: Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Héroux (Hélène): On ne veut pas bâtir une nation qui recule, on veut bâtir une nation qui est moderne. Ramener une loi qui date des années... et qui est inspirée du XIXe siècle et que, à mon avis, j'aurais retrouvée dans certains pays dans les années soixante, je ne pense pas que c'est le progrès au Québec. C'est dans ce sens-là que... Nous, on veut donner des pistes de solution à la commission. On lui dit: Allez vers les droits modernes, définissez des droits humains, donnez les manières à ce que les femmes, l'ensemble des femmes du collectif puissent participer à la vie sociale, et les autres collectifs. Ce n'est pas pour le XXIIe siècle qu'on veut ça.
Mme Boutet (Ginette): Moi, je vais rajouter quelque chose là-dessus. C'est que, aussi, cette question d'enchâsser dans la Charte, on trouve que c'est quelque chose de très dangereux, parce que, lorsqu'on établit dans une société des droits, il faut... La distinction entre une société maintenant qui va assumer l'ensemble de ses citoyens puis une société qui ne va pas prendre la thèse de répondre aux besoins de l'ensemble des citoyens, elle est là, il faut que les droits soient inaliénables. Alors, si on s'en va enchâsser dans la Charte, ça veut dire que tu... Une fois que tu l'as dit, tu peux l'enlever, et puis ce n'est plus des droits qui sont inaliénables. C'est la différence entre les deux ici, là, qui fait la différence entre avoir quelque chose qui réponde à des besoins modernes, qui réponde à une population qui est éduquée, qui exige de ne plus être considérée sur une base de race, qui exige d'être considérée comme des humains qui sont des Québécois qui sont sur le même territoire, qui travaillent ensemble et puis qui compétitionnent pour des emplois et puis qui veulent un moyen de subsistance.. Et les droits doivent être inaliénables, on ne peut pas toucher à ça une fois qu'on les donne.
Mme Héroux (Hélène): Dans tous les forums internationaux, vous allez voir la question des droits éclater et la définition de droits modernes éclater. Je pense que, le Québec, on devrait être à l'avant-garde là-dessus.
Mme Boutet (Ginette): C'est sûr qu'au Canada on n'a pas de loi du citoyen. Alors, les droits égaux, étant donné qu'on fonctionne avec la Constitution canadienne, qui est une vieille constitution... Mais, en tant que Québec, rien ne nous empêche d'aller de l'avant puis de marquer le pas, parce que l'avenir nous appartient. C'est à nous d'innover.
Le Président (M. Beaulne): Alors, mesdames, je pense que les collègues de la commission et le ministre ont pris bonne note de vos suggestions et de vos commentaires. Et, comme le disait le député de Marquette, effectivement, c'est un point de vue qui mérite réflexion. Alors, sur ce, je vous remercie au nom de la commission d'être venues nous livrer votre point de vue.
n(16 heures)n J'inviterais les représentants de l'Office des personnes handicapées du Québec à prendre place.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Beaulne): Bon. MM. les représentants de l'Office des personnes handicapées du Québec, M. Rodrigue, la commission vous souhaite la bienvenue. Effectivement, votre mémoire est attendu avec grande impatience par les membres de la commission. Je vous demanderais de vous présenter pour les fins de la transcription. Vous êtes au courant de nos modalités de fonctionnement. Si vous pouviez vous résumer à l'intérieur de 15 minutes, pour maximiser les échanges entre les parlementaires, ça serait apprécié. Alors, à vous la parole.
Office des personnes
handicapées du Québec (OPHQ)
M. Rodrigue (Norbert): Alors, merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes, MM. les membres de la commission, d'abord vous présenter mes collègues: Benoit Coulombe, à ma droite, conseiller juridique, et Denis Boulanger, que plusieurs connaissent maintenant ? vous allez vous habituer à lui ? qui est adjoint au président.
D'abord, je voudrais vous remercier, M. le Président, M. le ministre, de nous permettre de venir nous exprimer sur cet important projet de révision, je dirais, de nos modalités collectives en ce qui concerne les questions d'accès à l'égalité à l'emploi.
Et je veux souligner aussi, comme commentaire spécifique, l'effort que nous avons constaté, fait par le ministre et le ministère, dans la préparation de ce débat, puisque nous avons eu à différentes étapes à essayer de contribuer à notre manière aux travaux. Donc, on a apprécié la transparence.
L'Office, dans son mémoire, a soulevé... Et je compte sur vous, M. le Président, pour la discipline.
Le Président (M. Beaulne): Faites-vous-en pas!
M. Rodrigue (Norbert): Je veux dire, je vais essayer de respecter les 15 minutes. Dans notre mémoire, nous avons soulevé un certain nombre de préoccupations. Bien sûr, nous aurons le temps, j'espère, d'échanger là-dessus, mais je voudrais, dans les minutes qui me sont réservées, consacrer mes efforts à l'importance pour nous d'inclure les personnes handicapées comme groupe visé par la question qui nous intéresse.
Dans nos lectures et ce que nous entendons, je pense qu'on peut dire que personne au Québec ne conteste que les personnes handicapées, comme d'autres groupes cibles, les femmes, les autochtones, les minorités visibles, et ce, de façon un peu généralisée, ont subi de la discrimination à l'égard de l'emploi. Je pense qu'on peut faire collectivement ce constat-là. Alors, je n'insisterai pas davantage pour vous convaincre, les membres de la commission, sur le fait qu'on doive prévoir des mesures spécifiques aux personnes handicapées pour leur permettre d'occuper une place qui leur revient sur le marché de l'emploi. J'en déduis donc que la décision d'exclure les personnes handicapées par la présente loi n'est pas due à une non-reconnaissance de la situation concernant la discrimination.
Je me permettrai donc de revenir sur deux arguments qui m'apparaissent importants, qui ont été avancés au cours des derniers mois pour expliquer l'exclusion des personnes handicapées comme groupe visé. Tout d'abord, en quelques occasions, on nous a souligné le fait que le principe de la compétence égale ne peut s'appliquer à toute personne handicapée, bien je vous avoue qu'on est étonnés par cette affirmation ou ces affirmations. D'ailleurs, dans une correspondance datée du 16 mars dernier, nous avions clairement indiqué notre position au ministère à l'effet que nous réfutons l'assertion que le principe de la compétence égale ne peut être compatible avec la mise en place de mesures adaptées pour les personnes handicapées.
Les diverses mesures mises en place depuis 20 ans par l'Office et les ministères et organismes qui dispensent des services aux personnes handicapées visent justement à permettre à ces personnes de compenser les limites fonctionnelles et, partant, à assurer leur intégration sociale, scolaire et professionnelle. Ces mesures, par exemple, notamment dans le domaine de l'emploi, ne visent aucunement à conférer des avantages aux personnes handicapées, mais tout simplement à leur permettre d'obtenir une chance égale, à compétence égale, d'intégrer le marché du travail.
D'ailleurs, je ne le citerai pas au complet, mais prenant connaissance du mémoire de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse qui va un peu dans le même sens en disant que les inconvénients identifiés leur apparaissent comme certains relever de la méconnaissance de la situation des personnes handicapées... En effet, comment peut-on affirmer qu'à l'égard des personnes handicapées le principe de la compétence égale ne peut s'appliquer à toutes les personnes handicapées? On pense, nous, comme la Commission, qu'on pourrait faire le même constat pour les femmes, les autres groupes cibles prévus. Bien sûr que non, et nous estimons que la situation n'est pas plus simple pour un des groupes cibles visés par la loi.
Alors, quant à l'argument fondé sur l'existence d'une loi particulière, il y a un constat qui a été fait. Les mesures prévues par cette loi n'ont pas produit les résultats escomptés en ce qui concerne l'intégration, ou l'insertion, ou l'inclusion sur le marché du travail. Et là je vous soulignerais, par exemple... Si je vous disais que, au moment où on se parle, dans les entreprises de 50 employés et plus au Québec, il y a, en termes de résultats, selon les sondages que nous avons faits, 0,5 % de présence des personnes handicapées dans l'entreprise de 50 employés et plus. Dans les effectifs gouvernementaux, on s'est donnés un objectif de 2 % il y a quelques années, on est, en mars 1999, à 1,1 % après avoir été à 1,7 % à un moment. On constate que ça vacille, on régresse, on progresse. Et, dans le moment actuel, on est en régression.
En fait, sur ce point-là, je veux être le plus clair possible, pour l'Office comme pour plusieurs partenaires, les personnes handicapées, et ce, même si elles ont parfois besoin de mesures particulières pour compenser leurs limitations fonctionnelles, représentent une main-d'oeuvre avec un potentiel qu'on sous-estime d'abord puis qu'il nous faudrait utiliser davantage en réduisant au minimum la discrimination dont elles font l'objet, et le présent projet de loi, pour nous, est un moyen de le faire.
L'autre élément sur lequel je reviendrai brièvement et qui a été repris dans le mot d'ouverture est le fait que la situation des personnes sur le marché du travail devrait être discutée dans le cadre des échanges entourant la révision de la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées. Bien sûr, je pense qu'on est capables de se comprendre, on est assez grands, tu sais, puis, dans cette société-là, on se suit quand même un peu depuis un certain nombre d'années. Bien sûr, l'Office considère qu'il faut enclencher un débat plus large sur l'intégration au travail des personnes handicapées dans le cadre de la révision de sa loi qu'on appelle la loi 9. Par contre, l'Office a toujours insisté pour que la responsabilité d'offrir des services aux personnes handicapées et de mettre en place des mesures qui améliorent leurs conditions de vie doive impliquer tous les acteurs sociaux, et c'est dans cet esprit que, depuis 20 ans, l'Office et les organismes qui représentent des personnes handicapées interviennent auprès du gouvernement et des divers partenaires.
D'ailleurs, un des éléments importants de la révision de notre propre loi est la volonté, notamment, de confier au ministère de l'Emploi ou Emploi-Québec et à son nouveau réseau la responsabilité de l'ensemble des mesures touchant l'emploi des personnes handicapées. Depuis 1987, suite à des décisions ministérielles et gouvernementales, nous sommes inscrits dans ce qu'on appelle le transfert des programmes. Nous avons créé un certain nombre de programmes et nous avons amorcé tout un processus de transfert: les aides techniques transférées à la RAMQ; le maintien à domicile transféré au ministère de la Santé et des Services sociaux; nous en sommes à discuter avec Emploi-Québec le transfert des contrats d'intégration au travail. Ainsi, les personnes handicapées recevront normalement, après le transfert, leurs services comme tous les autres citoyens, comme toutes les autres citoyennes des réseaux de services habituels.
n(16 h 10)n Alors, devant cet argument-là, je dirais que la loi 9 n'est pas la réponse à tous les problèmes, non plus, des personnes handicapées. Et, pour nous, l'insertion ou l'inclusion des personnes handicapées dans cette loi dont il est question aujourd'hui, c'est pour nous un plus au plan sociétal. Ce que nous prétendons, c'est que la mesure qui serait celle de l'inclusion nous permet tout simplement de faire en sorte et de témoigner que la société québécoise, sa législation progresse, avance, et que la spécificité deviendra moins lourde dans d'autres législations, et on compte sur l'harmonisation des politiques publiques, bien sûr, pour ne pas que les lois ou les législations s'entrechoquent, se contredisent ou créent des effets pervers
Alors, sans être, vous comprenez, toute la réponse ? ni une loi ni l'autre est toute la réponse ? c'est un plus, à notre avis, pour la société et, M. le ministre, c'est un peu ce qu'on vient plaider devant vous pour dire: Dans la mesure où cette valeur symbolique ? si ce n'était que symbolique ? d'inclure les personnes handicapées dans cette loi, ça nous permettrait, auprès de la population qui emploie, auprès de la population qui rend des services, de démontrer notre progression, nos avancées et d'éviter ? comment dirais-je? ? les spécificités. Et ça permettrait davantage d'exercer, je pense, un certain rattrapage pour compenser le désavantage accumulé par les groupes visés, et ce rattrapage serait certainement plus grand si la loi s'appliquait aux personnes handicapées, comme je vais soutenir qu'il serait plus grand si la loi, évidemment, son champ d'application est élargi à l'ensemble de la fonction publique, parapublique, etc.
Alors, dans ce sens-là, on n'est pas très loin. Alors, l'Office recommande par conséquent qu'on inclue les personnes handicapées et qu'on élargisse le champ d'application de la présente loi en visant des organismes publics comptant un nombre cependant, je dirais... Ce qu'on l'on souhaite, c'est que le nombre, cependant, visé soit inférieur à 100 employés. Nous trouvons que 100 employés, c'est trop élevé, et je dois vous dire que là, nous, on est dans une situation toute particulière. Je ferais des cachettes, puis vous me découvririez. On a un travail amorcé sur les amendements à la loi 9 et on vise un objectif de 10 employés et plus, et là vous parlez de 100. Alors, on est en discussion. Entre les deux, il y a sûrement une rencontre possible un jour, mais on pense que 100, c'est trop. Et on sait que l'emploi créé au Québec... En tout cas, dans la petite et moyenne entreprise, on a plus de chances qu'il se crée plus d'emplois que dans la grande, grande, grande entreprise.
Nous avons aussi souligné que l'expérience de l'Office montre que l'approche basée sur des mesures incitatives ou basée sur la volonté strictement est insuffisante pour aborder les situations généralisées d'inégalité. Par exemple, quand on invoque la loi 9, on invoque le plan d'embauche à son origine. Le plan d'embauche, on l'a vécu, ça n'a pas marché. Ça n'a pas marché parce que, à notre avis, il n'y a pas d'objectifs de résultat. C'est des mesures strictement volontaires, et on pense, nous, qu'il faut se donner des objectifs de résultat. Et là ne confondez pas avec les quotas. L'objectif de résultat, ce n'est pas nécessairement des quotas, mais il faut voir à ce qu'on s'accompagne collectivement, mutuellement dans la recherche d'un résultat.
Il faudra par conséquent, qu'il y ait ou non d'objectifs de résultat, aussi être préoccupé en termes d'accompagnement assidu de la démarche d'implantation des programmes d'accès à l'égalité et de soutien et de sensibilisation continus. C'est important parce que le constat que je fais depuis ma brève expérience en travaillant avec les personnes handicapées, c'est que les employeurs nous disent, ils me disent souvent: C'est bien beau, Norbert, tu vas compenser les incapacités par des programmes publics, mais un des problèmes que nous avons, c'est d'être accompagnés dans le quotidien. Alors, nous, de notre côté, on cherche aussi à voir les alternatives pour permettre d'accompagner l'entreprise pour faire en sorte qu'elle soit moins mal à l'aise avec ce genre de phénomène.
Finalement, sur ces questions, l'Office croit que les personnes handicapées devraient être un groupe visé aussi par le Programme d'obligation contractuelle du gouvernement. On pense qu'il serait normal qu'on puisse engager les partenaires du gouvernement à travers, par exemple, l'aspect contractuel auprès des différents organismes publics, puisque l'entreprise privée, quand il s'agit d'un certain montant de contrat, doit, elle, prévoir une situation qui comporte des programmes d'accès. L'Office considère par conséquent, en ce qui concerne cette question, que ce serait un moyen supplémentaire pour améliorer l'emploi des groupes cibles, bien sûr, en général, mais y compris les personnes handicapées.
Voici donc un résumé de nos principales remarques sur l'avant-projet de loi, et je suis persuadé qu'il est essentiel que le gouvernement profite de cette occasion pour donner un signal clair de sa volonté de considérer les personnes handicapées comme un groupe discriminé, mais surtout qu'il continuera à faire des efforts pour corriger la situation actuelle.
Et, dans cet esprit, on fait un certain nombre de recommandations. Vous avez eu le mémoire, évidemment nous sommes contents, comme citoyens québécois, de l'existence de cette loi qui recherche l'accès à l'égalité, mais nous souhaiterions être entendus sur ce que nous souhaitons comme changements, comme inclusions et comme ajustements. Et, à cet égard-là, je ne l'ai pas souligné, mais nous sommes disponibles et nous pensons que le ministère des Relations avec les citoyens et les citoyennes comme la Commission des droits de la personne et l'Office des personnes handicapées, dans la perspective des programmes d'accès, nous pourrions travailler ensemble pour voir les modalités, quoi, d'efficacité des programmes en question pour éviter les écueils que nous avons connus avant dans le plan d'embauche.
Alors, M. le ministre et M. le Président, j'ai regardé l'horloge, c'est à peu près le temps qui m'était consacré. Merci.
Le Président (M. Beaulne): Merci, M. Rodrigue. Vous êtes pile à l'intérieur du temps. M. le ministre, à vous la parole.
M. Perreault: Alors, M. Rodrigue, vos collaborateurs, bienvenue et merci d'être présents et d'avoir pris le temps d'analyser le projet de loi et de soumettre votre analyse et vos recommandations.
Dans le fond, je pense que peut-être le coeur de votre présentation, si je peux m'exprimer ainsi, au-delà de certaines modalités, c'est de plaider pour être inclus dans le projet de loi et que, dans le fond, les personnes handicapées soient une des catégories visées par le projet de loi. Moi, j'aimerais un peu vous entendre expliquer un peu comment vous voyez ça dans le sens suivant. D'abord, il y a déjà ? vous-même, vous l'évoquez ? la loi n° 9. Vous êtes en pleine révision des dispositions et des modalités d'action, et je pense que le Conseil des ministres a mandaté le Conseil du trésor. Vous êtes en travaux autour de cette... pour voir un peu comment tout ça s'élabore et se suit.
Moi, j'ai une question à vous poser. On a entendu plein, toutes sortes de remarques depuis deux jours autour des programmes d'accès à l'égalité en emploi, du rôle de la Commission des droits en ces matières, de la nature des programmes à mettre sur pied, des contraintes, des préjugés qui existent, des règles du jeu. Est-ce que vous ne pensez pas que, dans le cas des personnes handicapées, l'enjeu et la nature des problématiques sont quelque peu différents de ceux dont on parle? Je ne dis pas complètement étrangers, mais quand même quelque peu différents, notamment sous l'angle suivant. C'est qu'une dimension qui n'existe pas dans le cas des groupes qu'on a entendus, me semble-t-il, c'est le fait qu'au-delà des préjugés qui peuvent exister qui sont des limites à l'embauche, etc., dans le cas des personnes handicapées, il y a les contraintes à l'exercice du travail qui sont liées à l'organisation physique des lieux compte tenu des limitations fonctionnelles des personnes. Évidemment, ce n'est pas tout à fait le même genre de problématique, de programmes, d'interventions, et, lorsqu'on rentre dans toutes les considérations de mettre sur pied des programmes, des programmes d'accès à l'égalité ? parce que, dans le fond, ce que vous demandez, si je comprends bien, c'est d'embarquer dans la logique, l'esprit, les règles du jeu de la mise sur pied de programmes d'accès à l'égalité ? il y a quand même des dimensions qui sont, me semble-t-il, en tout cas à première vue, en tout cas pour moi, un peu différentes.
J'aimerais ça, vous entendre un peu parler de ça, parce que, par exemple, on aurait beau établir des analyses comme le fait la Commission actuellement ? un employeur regarde son personnel, regarde sa situation de fait, regarde le bassin de référence, fait des efforts ? ce n'est pas suffisant dans le cas des personnes handicapées, il faut rajouter des programmes d'investissement, il faut rajouter des transformations de postes de travail si on veut que le résultat soit atteint parce que c'est une réalité un peu différente. J'aimerais vous entendre parler de tout ça.
M. Rodrigue (Norbert): Bien, écoutez, il y a des nuances à faire effectivement, mais je suis toujours surpris de cette préoccupation. Nous avons comme société, depuis un certain nombre d'années, mis en place des programmes d'assistance importants. Par exemple, lorsque l'Office a un employeur qui est disponible à intégrer une personne handicapée, si on a besoin d'adapter son poste de travail, je prends simplement l'instrument que nous avons, les contrats d'intégration au travail que nous avons à gérer, l'Office, qu'on va transférer à Emploi-Québec bientôt, j'espère, on a des dispositions qui prévoient, par exemple, qu'on peut adapter le poste de travail puis on peut aider l'employeur financièrement à l'adaptation du poste de travail jusqu'à un montant raisonnable d'argent.
n(16 h 20)n D'autres programmes existent pour la personne elle-même en termes... Je ne sais pas, moi, Denis, ici, est handicapé, il travaille avec moi tous les jours. Je suis sûr que, quand il s'est présenté chez d'autres employeurs avant de venir à l'Office, il n'était pas reçu de la même manière parce qu'il y avait un préjugé favorable à l'Office. On n'a pas eu besoin d'investir à l'Office pour l'embaucher, ses prothèses ont été payées par la RAMQ probablement...
Une voix: ...
M. Rodrigue (Norbert): ...etc. Alors, il y a, je trouve, de l'exagération là-dessus un peu. Il est vrai que, dans certaines circonstances, ça demande un effort de la part de l'employeur, mais allez voir SOGECO à Thetford-Mines qui... un témoignage que j'ai eu il n'y a pas longtemps ici, sur la Rive-Sud, lors du ? comment on appelle ça? ? Gala de l'intégration au travail, voir la fierté de cet employeur d'avoir intégré une personne handicapée, alors qu'avant il pensait que jamais ce ne serait possible et dont le rêve de la personne était de faire de la réalisation en télévision. Bien, il a 40 émissions de réalisées. Il est handicapé, il est novateur, il a toutes sortes d'idées. Il y a aussi des avantages, vous comprenez.
Parfois, ça nécessite des efforts particuliers, mais, dans une loi qui traite de l'égalité, je ne comprends pas qu'on soulève cet argument-là. Je ne comprends pas. C'est un argument économique, réglons-le ailleurs. Réglons-le par la réglementation de la loi 9, par la réglementation dans l'emploi, par la réglementation d'accès aux édifices publics. Je pourrais vous dresser un bon portrait là-dessus, mais ils ne régleront pas ça par cette loi d'égalité à l'accès. Ce n'est pas son objet, l'objet est ailleurs. Alors, l'objet qu'on a devant nous ici, c'est l'égalité des chances pour l'ensemble des citoyens et citoyennes. Il me semble qu'on devrait faire cet effort-là.
M. Perreault: Mais, si on me permet, M. le Président, c'est parce que ce qu'on a devant nous, ce n'est pas juste le principe de l'égalité des chances...
M. Rodrigue (Norbert): C'est l'application.
M. Perreault: ...c'est aussi par rapport à certaines problématiques des modalités d'application, des règles du jeu, une façon d'appréhender les problématiques, la réalité et d'y apporter des solutions. Or, historiquement, au Québec, dans le cas des personnes handicapées, je reconnais que la loi 9 ne contient pas des notions d'obligation pour les entreprises d'atteindre des objectifs, ce que fait cette loi dans le cas présent, mais, par rapport à tout le reste, c'est par le biais de la loi n° 9, par le biais des programmes que nous avons réfléchi à ces questions. Il y a une expertise qui s'est développée, il y a des approches, des programmes, est-ce que vraiment il y a intérêt à transférer toute cette réflexion, cette expertise, cette approche, d'amener ça dans le cadre de cette loi, de confier à la Commission des droits des rôles en matière d'implantation de programmes pour les personnes handicapées? Je veux vous entendre un peu.
M. Rodrigue (Norbert): Vous savez.. En tout cas, là il ne faut pas que je me transfère dans un autre débat, mais il y a une question importante d'harmonisation et de complémentarité là-dedans. Je ne suis pas sûr, pas du tout, qu'on transfère automatiquement toute cette responsabilité-là, mais on sait qu'on a un gardien cependant, qu'on a quelqu'un qui joue ce rôle-là de manière large et qui surveille et voit à la mise en place de programmes d'accès à l'égalité.
Quant aux modalités, bien sûr je pense que ça demandera un travail complémentaire, c'est bien sûr, et on vous offre notre collaboration, on l'offre à la Commission aussi à cet égard-là. Mais ce n'est pas une question, pour moi, de transfert d'endroits, tu comprends, de modalités. Je pense que, en ce qui concerne l'adaptation au travail, il faut d'abord se dire qu'il y a un moyen paquet de personnes handicapées qui ne nécessitent pas pantoute d'adaptation, qui ne nécessitent pas pantoute de frais d'investissement pour adapter les milieux de travail. On a même payé des rampes d'accès, M. le ministre, nous autres, pour permettre à des employés d'entrer dans un édifice pour qu'ils puissent exercer leur travail. Il y a des choses qui existent, alors, dans ce sens-là, je ne vois pas de contradiction. Bon.
Comment dirais-je? On peut toujours s'inquiéter d'un certain nombre de choses, mais, moi, l'inquiétude que j'ai, c'est ma société, mon ministre, mon ministère et mon gouvernement, si mon gouvernement ne prend pas la peine de dire: Les citoyens et citoyennes du Québec, quel que soit leur état, ils ont un accès à l'égalité en emploi qui est contenu dans une législation. Par ailleurs, des moyens spécifiques.
Les femmes, M. le ministre. Il y a quelques années, les femmes, j'ai vu des situations, moi, où jeune femme nouvellement mariée, on ne l'embauche pas parce qu'elle peut être enceinte, n'est-ce pas? On a pris les dispositions collectives, ou particulières, ou spécifiques puis on a corrigé la situation. Bon, je pourrais citer d'autres exemples. C'est un peu le même phénomène d'autant plus que, en ce qui concerne les personnes handicapées, on a une expérience quand même depuis 20 ans, là, 22 ans, on a élaboré des moyens, instruments, on a vécu avec ces instruments-là.
Si M. le Président le permet, Denis Boulanger voudrait juste ajouter un commentaire.
M. Boulanger (Denis): Peut-être juste préciser aussi que, actuellement, dans les organismes qui sont visés, il y en a qui embauchent des personnes handicapées, il y en a qui font des efforts, et la loi s'adresse justement pour généraliser ce mouvement-là et donner accès à un plus grand nombre de personnes handicapées, parce que ce qui se passe actuellement, c'est insuffisant. Et, lorsque les personnes décident d'embaucher... Parce que ce que touche la loi principalement, c'est sur la volonté ou sur l'urgence de faire le rattrapage en termes d'embauche. Pour ce qui est des autres moyens, il y a des personnes, des organismes dans ce groupe-là qui s'adressent à l'Office des personnes handicapées quand vient le temps, par exemple, de dire: Moi, je vais embaucher X, il est capable de travailler chez moi, mais j'ai besoin d'une adaptation de poste de travail. Il a 5 000 $, il a 10 000 $. Une personne aveugle, complètement aveugle, par exemple, pourrait être embauchée dans un organisme comme celui-là sans aucuns frais pour l'employeur, la RAMQ va payer son aide.
Mais il ne faut pas faire l'autruche et se dire que le problème premier de l'intégration des personnes handicapées, ça reste encore l'espèce de discrimination systémique un peu silencieuse qui fait en sorte que ? puis, moi, je l'ai vécue il y a 20 ans puis je suis à peu près sûr que c'est encore la même situation ? quand tu te présentes chez un employeur, tu n'es jamais le premier, tu es toujours le quatrième, cinquième puis sur la liste de rappel. Donc, je pense qu'une loi comme ça, avec l'objectif qu'elle vise, se doit de le viser, de tenter de l'atteindre pour l'ensemble de la population.
M. Rodrigue (Norbert): Si vous me permettez, j'ai pris connaissance d'un témoignage devant vous cette semaine, là, d'un responsable des ressources humaines ? sans nommer personne ? je suis tombé en bas de ma chaise. Au Québec, en 2000, venir me dire... Bien, d'abord il ne se rappelait pas si l'Office, ça s'appelait comme ça. Tu sais, par rapport au plan d'embauche, là, il se rappelait d'avoir eu des rapports à faire, il trouvait ça bien difficile puis il ne se rappelait pas si c'était le nom exact, puis, lui, je pense qu'il reflète bien la pensée. C'est difficile, M. le ministre. Ça peut coûter cher, M. le ministre. Vous savez, même les postes de police, M. le ministre, ça, c'est quand même dispendieux que les citoyens aient accès à ça. Ça pourrait être dispendieux, en tout cas. Je veux dire, ça n'a pas de bon sens, là, il faut aider ce monde-là à prendre conscience de certaines réalités, et, dans ce sens-là, je trouve que la question des coûts n'est qu'un prétexte. J'allais dire même: C'est une question idéologique presque. Puis je ne veux pas faire un débat idéologique, mais c'est presque une question idéologique alors qu'on a plein de mesures. Je ne me mettrai pas à traiter ici du bien-être social des entreprises, j'ai oublié ce discours-là, mais, dans les circonstances, je vais m'en rappeler facilement, par exemple.
M. Perreault: Peut-être juste une petite question sur le même sujet, puis c'est fini.
Le Président (M. Beaulne): Oui, brièvement, M. le ministre.
M. Perreault: Vous êtes à revoir le projet, la loi 9 et ses modalités, est-ce que vous avez envisagé la possibilité de proposer que la loi 9 inclue des obligations comme celles qui sont prévues dans cette loi en matière d'objectifs d'emploi? Puisque c'est finalement ce que serait le principal apport de cette loi, est-ce que vous avez envisagé de le faire plutôt dans le cadre de la loi 9?
M. Rodrigue (Norbert): Non. Dans la loi 9, je vous dirais qu'on va, je pense, aller un petit peu plus loin, mais ça va nécessiter... Comment dirais-je? La mesure législative ne pourra pas tout fixer d'un seul coup, je pense que ça va nécessiter beaucoup de discussions, d'arrimage avec les parties patronales, syndicales et l'ensemble des partenaires. Dans la loi 9, on va sûrement aller où vous allez. J'espère, en tout cas. On va se rencontrer à un moment donné. Mais, nous, on pense que, quand on parle d'objectifs de résultat, je le disais tout à l'heure, on ne parle pas de quotas, là, mais il faut se donner et s'entendre ensemble sur des objectifs à atteindre, et ces objectifs de résultat là, on doit vivre pendant un certain temps pour voir si on est capables de les atteindre avec une évaluation pour ensuite voir si on doit y aller par mesures plus coercitives ou plus serrées.
n(16 h 30)n Vous savez, il y a eu tout un débat au Québec avec mon prédécesseur sur les quotas d'embauche de personnes handicapées. On a fait des consultations, ça n'a pas été retenu dans un consensus, on a plutôt dit: Il faut progresser par résultats collectivement, s'entendre sur des objectifs à atteindre, les évaluer, puis là on verra si on doit procéder plus loin par coercition. Notre avis, à nous, si vous me demandez mon avis, à moi, c'est que, en tout cas, à moins qu'on soit tellement efficaces dans les mesures, dans l'évaluation et dans l'esprit collectif, on va devoir imaginer certains petits, comment dirais-je, moyens coercitifs. Mais on n'est pas à l'expérience française et italienne, là. Vous savez, en France, ils ont progressé, mais ils ont des quotas de 6 %, puis des résultats nous démontrent que les employeurs préfèrent payer les amendes que d'inclure des personnes handicapées. On ne veut pas utiliser n'importe quel moyen non plus, on veut être efficace.
Le Président (M. Beaulne): Merci. M. le député de Marquette.
M. Ouimet: Merci, M. le Président. M. Rodrigue et vos collaborateurs, je vous souhaite la bienvenue. Moi, je tiens à vous dire, M. Rodrigue, que, lorsque vous avez parlé tantôt de la fierté d'une entreprise qui venait d'embaucher une personne handicapée, je peux en parler en connaissance de cause. Il y a un organisme communautaire dans mon comté, qui est l'organisme communautaire sûrement le plus dynamique, le plus entreprenant, qui a le plus grand sens de l'initiative. C'est d'ailleurs l'organisme vers qui la ville s'est retournée pendant la crise du verglas pour donner un coup de main, dépanner à peu près tout le monde. Et l'organisme, c'est le Club des personnes handicapées du Lac-Saint-Louis. J'avais invité votre président, M. Lazure, au moment où il quittait la vie politique, à venir faire un tour, voir cet organisme extraordinaire, le rôle qu'il joue chez nous. Je pense que je vais inviter le ministre également, parce que je pense que vos propos sont extrêmement importants, il faut côtoyer ces gens-là pour comprendre cette réalité-là. Et une des personnes, je vous dirais, M. le ministre, c'est mon meilleur conseiller politique, il est membre de mon exécutif d'association.
M. Perreault: Ça doit être son seul défaut.
M. Ouimet: Oui, peut-être. Il est un travailleur d'élections, il est responsable de mon comité de transport. Et je vous dis: Grâce à lui, on fait un excellent travail en période électorale. Il travaille également à temps plein pour la ville de Lachine. Il est confiné à un fauteuil roulant, il est quadraplégique. Il faut, M. le Président et, je pense, M. le ministre, comme je le disais, côtoyer ces gens-là, discuter avec eux pour réaliser à quel point votre loi risque de leur faire faire un recul, parce qu'ils sont victimes de discrimination. Les motifs que vous avez donnés dans le mémoire que vous avez déposé au Conseil des ministres, M. Rodrigue y a fait référence, ne résiste manifestement pas à l'analyse. Ce qu'on craint, je pense, c'est que pour vous ça ne soit qu'une question de piastres. Ça me semble être la raison pour laquelle vous excluez les personnes handicapées comme étant un groupe cible de la loi n° 143. Et c'est la question que nous tentons de fouiller depuis deux ou trois jours avec les organismes qui se présentent devant nous, à savoir: Pourquoi le ministre a exclu de l'application de la loi un groupe particulier, ici, en l'occurrence les personnes handicapées?
Je vous demanderais votre réflexion à ce sujet-là, M. Rodrigue. Pourquoi pensez-vous que le ministre véritablement vous a exclu ou a exclu les personnes handicapées de l'application de la loi? Parce que... et la Commission des droits de la personne, vous-même vous y avez fait référence dans votre présentation tantôt, vous avez fait référence à l'un des trois motifs qui ont amené les membres du Conseil des ministres à accepter la recommandation du ministre d'exclure les personnes handicapées, alors que ce motif-là il est empreint de préjugés. Lorsqu'on dit qu'une personne handicapée n'est pas compétente ou n'a pas la compétence pour occuper les fonctions, c'est d'aller très loin dans une méconnaissance. C'est ce que ça dit. Puis, par la suite, lorsqu'on parle du fait que les mesures nécessitent de l'adaptation physique des lieux de travail pour pallier l'incapacité de la personne handicapée, vous démontrez également cet après-midi que, ça aussi, ça ne résiste pas à l'analyse.
Reste par la suite le troisième motif qu'a donné le ministre à ses collègues au Conseil des ministres pour exclure les personnes handicapées, l'existence de la loi 9 ou la loi 11...
M. Rodrigue (Norbert): La loi 9.
M. Ouimet: ...la loi 9, et là vous indiquez également que cette loi-là a besoin d'être sérieusement modifiée. Alors, il reste quoi comme motif... pourquoi, sinon des préjugés?
M. Rodrigue (Norbert): Je ne suis pas le décideur. Dans les circonstances, le décideur, ça tombe bien, il est devant moi. Je veux dire, c'est celui qui recommande. Il va sûrement prendre note de votre question. Ce que nous pensons, nous, un peu comme la Commission, on pense qu'il y a une certaine méconnaissance de la réalité.
Deuxièmement, je dois admettre, bon, j'ai été préoccupé par ça beaucoup. Il y a aussi tout un effort, je dirais, encore, au Québec, à faire, puis dans d'autres sociétés aussi, sur ce que j'appelle l'harmonisation de nos politiques publiques et de nos politiques sociales. Et, dans ce cadre-là, bon, je peux comprendre qu'à un moment donné on invoque l'existence d'une loi spécifique pour dire: Bien, on n'a pas à prévoir. Mais, dans le cas présent, je ne vois pas pourquoi... on ne peut pas justifier ça, à mon avis. Parce que l'une et l'autre des lois sont tout au moins complémentaires. Elles ne sont pas contradictoires. Si elles étaient contradictoires, là, je dirais: Oh! boy, on a un problème. Mais elles sont au moins complémentaires. Et, dans ce sens-là, bien, mon plaidoyer est en faveur de l'inclusion, parce que, je pense, encore une fois ? puis, moi, vous me connaissez un peu, historiquement, je suis soucieux de l'organisation sociétale ? que, dans notre société, on a besoin que notre gouvernement indique à l'ensemble des citoyens et des citoyennes la préoccupation de l'égalité entre tout ce que nous sommes, citoyens et citoyennes. Et, dans ce sens-là, je dis à mon gouvernement puis à mon ministre: Je suis un citoyen du Québec, moi. Si je fais un ACV demain matin puis que je reste handicapé, je veux que Robert Perreault, ministre des Relations avec les citoyens et les citoyennes soit préoccupé par mon sort puis l'ait prévu dans la loi. C'est-u simple ça? C'est simple de même.
Le Président (M. Beaulne): Merci. M. le député.
M. Ouimet: M. le Président, le plaidoyer est tellement éloquent, moi, je n'ai plus d'autres questions. Il reste juste à espérer que le ministre va se raviser. Et on aura l'occasion de le vérifier lorsque nous ferons l'étude détaillée article par article du projet de loi. Moi, si le ministre ne dépose pas l'amendement en question, nous allons le faire et puis, par la suite, on en débattra. Mais je pense que le ministre pourrait passer à côté, pourrait véritablement passer à côté d'un moment important pour inclure les personnes handicapées et, comme le disait M. Rodrigue, de donner un signal très clair à l'ensemble de la société. Parce que sinon j'ai l'impression que le gouvernement exerce lui-même une forme de discrimination à l'endroit des personnes handicapées en les excluant de l'application de la loi.
M. Perreault: Je pourrais peut-être juste...
Le Président (M. Beaulne): M. le ministre, oui, un petit...
M. Perreault: Oui, bien, rien qu'un commentaire. Effectivement, je n'ai pas d'autres questions.
Le Président (M. Beaulne): Une minute.
M. Perreault: Il reste quand même un peu de temps devant nous. Le projet de loi va être adopté normalement à la fin de l'automne. Il y a une autre démarche dans laquelle le gouvernement s'est engagé avec l'Office. On pourra voir un peu comment les choses évoluent. Je pense qu'il est nettement prématuré de prêter au gouvernement des intentions qu'il n'a pas, puisque, dans le fond, dans ces dossiers, je dois dire qu'à date la démonstration semble plutôt se faire dans le sens que le gouvernement a plus de volonté d'agir et dans les dossiers dont on discute et dans celui pour lequel plaide le président de l'Office que ce qu'en a eu l'opposition pendant plusieurs années quand elle était au pouvoir. On va attendre un peu avant de conclure.
Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le ministre. Je demanderais le consentement des collègues de l'opposition pour permettre peut-être au député de Saint-Hyacinthe de poser une question.
M. Dion: Elle sera très brève, parce que je veux vérifier deux perceptions. Merci, M. le Président. La première est la suivante. C'est que, d'un côté, la loi 9 a des dispositions spécifiques pour les handicapés. Mais vous dites, vous: Non ? et c'est ça que je veux vérifier ? ce n'est pas suffisant parce que la discrimination à laquelle sont soumis les handicapés est de même nature que la discrimination à laquelle sont soumis les autochtones, les minorités visibles ou les femmes, c'est-à-dire c'est à la fois un phénomène historique qui a créé des attitudes psychologiques négatives. Et, en plus, s'ajoute une limitation variable, selon les cas, quant à l'emploi. Et ce que je comprends de votre témoignage, vous dites: La loi 9 correspond aux problèmes créés par les limitations par rapport à des emplois spécifiques, mais c'est dans cette loi-ci qu'on devrait corriger la discrimination d'ordre général. C'est ça que vous voulez dire?
M. Rodrigue (Norbert): Oui, c'est ça.
M. Dion: Deuxième chose. Vous avez dit qu'il serait bon d'avoir des objectifs de résultat, mais vous avez dit: S'il ne s'agit pas de quota. Par la suite, dans un autre moment, un peu plus tard, vous avez parlé que, face au quota, ce que vous voyez comme objectifs spécifiques, ce seraient des objectifs qui, au lieu d'être imposés par des quotas, seraient établis de concert avec la commission, j'imagine.
n(16 h 40)nM. Rodrigue (Norbert): Si vous me permettez, quant aux objectifs de résultat, c'est plus complexe encore, c'est-à-dire que ça implique que bien sûr la Commission devrait avoir un regard, mais, à mon avis et à notre avis, puis, l'Office, on poursuit notre réflexion là-dessus, ça doit être un peu des résultats négociés. Les personnes handicapées elles-mêmes nous disent comment ça les gênerait d'être imposées à des employeurs. Les employeurs sont un peu mal à l'aise. Nous, on travaille en fonction de l'insertion sociale, économique, culturelle, etc. Je pense qu'il faut convenir d'un certain nombre de choses, et c'est pour ça que je parlais d'objectifs dont on peut convenir ensemble, donc négocier un certain nombre d'objectifs, de modalités, etc. Je veux juste rappeler, en terminant, que ce dont on parle, c'est un million de personnes au Québec, ce n'est pas peu dire.
Deuxièmement, je voudrais vous dire que, moi puis vous, un certain nombre ? je sais que vous êtes tous plus jeunes et toutes plus jeunes que moi ? dans quelques années, on va venir alourdir cette courbe-là, parce que les personnes âgées et la courbe des aînés font en sorte que, malheureusement, on se retrouve bien sûr avec des incapacités à un moment donné. Mais, à un moment donné, les incapacités deviennent des handicaps, et, à 70 ans, si on devient sourd totalement, si on devient aveugle ou si on paralyse, pour des raisons physiques, à cause d'un ACV, comme je vous disais tout à l'heure, on vient s'ajouter à la liste.
Alors, ce qu'on prévoit, nous, c'est que, d'ici 20 ans, au Québec, cette courbe augmente. Donc, on serait perdant de ne pas prévoir tout de suite un certain nombre de choses. C'est pour ça qu'on insiste, à ce moment-ci, pour prévoir immédiatement. Comme on va insister, j'espère, puis on se prépare pour ça, puis vous allez vous en apercevoir... je veux que l'Office des personnes handicapées soit de tous les débats éventuellement dans la société pour faire en sorte qu'on prenne connaissance, conscience de ce phénomène-là et qu'on puisse avoir cette contribution de ces personnes-là à l'évolution de notre société aux plans social, économique et culturel.
Alors, je vous remercie, M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs. Ça m'a fait plaisir.
Le Président (Beaulne): M. Rodrigue, M. Boulanger, M. Coulombe, au nom de la commission, merci de votre témoignage.
J'inviterais maintenant les représentants de la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec à s'approcher.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Rioux): Alors, MM. les membres de la commission, nous accueillons maintenant la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec, COPHAN. C'est le mémoire n° 16. Et, M. Lavigne, vous allez nous présenter la collègue qui vous accompagne.
Confédération des organismes
de personnes handicapées du Québec (COPHAN)
M. Lavigne (Richard): Merci, M. le Président, M. le ministre et les membres de la commission de nous recevoir. Je vous présente, à ma droite, Mme Chloé Serradori, qui est la directrice générale de la Confédération, la COPHAN. Alors, dans les quelques minutes qui suivent, on va essayer d'approfondir un peu la discussion qui s'est amorcée il y a quelques minutes avec l'Office.
Juste un petit retour. La COPHAN, qu'est-ce que ça mange en hiver? La COPHAN, ça réunit 30 membres et quelques des associations membres qui sont de stature nationale, dans le sens québécois, qui à leur tour regroupent des associations dans toutes les régions du Québec. Et toute cette famille se concentre d'abord et avant tout sur la promotion des intérêts et la défense des droits des personnes handicapées et de leurs familles. Ça veut dire que près de 1 million de personnes sont directement touchées, mais, si on calcule les familles, bien, ça commence à faire du monde.
Bien sûr que l'accès à l'égalité en emploi, pour nous, c'est une question fondamentale parce que, au Québec ou dans les sociétés qui ressemblent à celle du Québec, il semble que la façon la plus intéressante de s'intégrer et de se percevoir comme un citoyen à part entière, c'est d'exercer un emploi qui ramène un revenu pour qu'on puisse sortir comme tout le monde le samedi soir, entre autres. Alors, depuis 1978, lors de l'adoption de la loi 9, constamment, la COPHAN et d'autres intervenants ont travaillé à redresser la situation. Donc, 1981, Sommet socioéconomique pour les personnes handicapées, début de la décennie des personnes handicapées; 1983, un engagement du gouvernement du Québec à permettre à la fonction publique d'embaucher dans ses rangs 2 % de personnes handicapées; 1985, le Sommet À part... égale, qui a conduit à l'adoption par le gouvernement du Québec d'une politique reconnaissant un certain nombre de principes, notamment le principe du droit au travail pour les personnes ayant des limitations fonctionnelles; en 1991, états généraux sur la situation des personnes handicapées, organisés par la COPHAN, qui ont été suivis par un sommet organisé par l'Office des personnes handicapées pour faire le point sur la décennie, et on y trouvait 25 recommandations simplement sur le dossier de l'accès à l'emploi. On commençait à parler de quotas, d'obligations, parce que l'expérience avec les plans d'embauche était désastreuse pour toutes sortes de raisons. On ne met pas juste la raison sur un partenaire. Je pense qu'il y a plusieurs motifs qui peuvent expliquer cette situation.
En 1996, l'Office décidait, après évaluation, de ralentir, voire même d'arrêter toutes les opérations en accord avec l'application du plan d'embauche. En 1998, dans le cadre des discussions entourant la future réforme de la loi 9, parce que, nous, ça fait déjà un bout qu'on en parle, les réflexions concernant l'emploi ont continué d'évoluer et on a commencé à parler de plus en plus d'une approche basée sur le partenariat entre les acteurs concernés. On parle ici du patronal, syndical, milieu associatif des personnes handicapées, l'Office des personnes handicapées, les services spécialisés de main-d'oeuvre, les centres de réadaptation, les ministères, et tous ces acteurs-là se retrouvent au sein d'un CAMO, Comité d'adaptation de la main-d'oeuvre pour personnes handicapées, qui est soutenu par le gouvernement du Québec, et ce, depuis 1993. On a commencé un petit peu à nuancer la question de quotas versus obligation de résultat, la notion d'accommodement, la notion aussi de développer la formation. Parce que, là, on parle d'égalité en emploi, mais avant d'être égal en emploi, il faut être égal en formation, il faut être égal aussi en reconnaissance de notre potentiel.
En parlant de compétence, je ne suis pas compétent, moi, je reconnais que je ne peux pas être compétent lorsque je reçois un projet de loi qui n'est pas en braille. Ça ne fait pas de moi, d'après moi, un incompétent pur et simple. Je suis incompétent à lire l'imprimé, mais je pense que j'ai d'autres compétences. Elles sont peut-être bien minimes, mais j'en ai quand même quelques-unes, comme les millions de personnes qui sont handicapées. Le simple fait d'avoir une déficience ne pourrait être un bon motif d'incompétence. Je pense que les compétences, ça se développe chez les normaux, comme on dit, nous autres, des fois, quand on vient tanné des beaux mots, là, et ça se développe aussi chez les personnes handicapées.
n(16 h 50)n Bien sûr que le projet de loi, quant à son application, exclut les personnes handicapées, et vous aurez deviné, M. le Président, M. le ministre et messieurs de la commission, que la COPHAN demande que les personnes handicapées soient comprises dans le champ d'application de cette loi-là. J'ai bien sûr pris connaissance d'un certain nombre d'arguments et, pour nous, ce n'est pas la première fois qu'on nous la dit, celle-là, puis je pense qu'à un moment donné il va falloir qu'on en parle de façon très précise, dans la mesure où la loi 9, la loi assurant l'exercice de nos droits, nous empêche d'accéder aux autres droits donc des citoyens québécois. La question qui se pose: Est-ce que c'est une loi qui devient embarrassante? Est-ce que c'est la loi même qui nous cause une barrière? Ce n'est pas ici qu'on va répondre à la question, sauf que ce que l'on comprend, nous, c'est que la loi 9 a été adoptée dans un contexte x, 1978, par un gouvernement qui à l'époque était très intéressé à donner à ces centaines de milliers de personnes un statut et surtout de leur reconnaître un certain nombre de droits.
La loi 9 a créé l'Office, a mis sur pied un certain nombre de programmes spéciaux, pour du monde spécial, dans un cadre spécial, avec des ressources spéciales, dans un temps spécial. On parle d'intégration puis on parle de mesures spéciales à côté. C'est peut-être moi qui suis incompétent, mais j'ai de la misère à faire les liens entre les deux. Une société qui intègre des citoyens doit permettre à ces citoyens-là d'accéder aux mêmes programmes, aux mêmes lois, tout en reconnaissant à ces personnes le droit à avoir des mesures appropriées, et c'est, quant à moi, des choix de société. Quel est le prix de la dignité d'une personne? Comment peut-on évaluer en dollars comment ça vaut, la dignité d'un citoyen? Souvent... je suis un des rares Québécois qui réclament le droit de payer de l'impôt, M. le Président. C'est un droit qui est assorti, par exemple, d'un certain nombre de possibilités de se mêler des débats.
Le champ d'application de la loi bien sûr prévoit un certain nombre d'organismes auxquels cette loi devrait s'appliquer. Et encore une fois, 100 personnes et plus dans une entreprise qui devrait être soumise à cette loi-là, pour nous, c'est nettement inopérant. Les preuves sont faites. Il y a eu des études en termes d'embauche des personnes handicapées. Plus l'entreprise est petite, plus il y a de l'ouverture à l'embauche des personnes handicapées, parce que, dans les entreprises de petite ou de moyenne taille, on retrouve souvent d'autres éléments, l'entraide, par exemple, la complémentarité des tâches, et tout ça. C'est moins lourd. Alors, c'est démontré que la petite et moyenne entreprise est beaucoup plus ouverte à l'embauche des personnes handicapées. Un autre élément aussi qui nous interpelle, la COPHAN, on souhaiterait que cette loi s'applique aussi aux organismes qui demandent et obtiennent des contrats ou des subventions du gouvernement ou des organismes qui souhaitent obtenir des contrats. Pour ce qui est des statistiques, M. le Président, M. le ministre et membres de la commission, je pense que vous en avez lu et relu, des statistiques... Simplement vous dire que, sans sortir de chiffres, les chiffres, vous les avez dans notre mémoire, c'est démontré qu'on est moins scolarisé que l'ensemble de la population, on est moins embauché, on est plus pauvre, on est moins actif au plan professionnel. On parle de la population active, ici. C'est des chiffres qui parlent assez bien d'eux-mêmes et qui démontrent qu'il faut faire quelque chose. Il faut faire quelque chose pour permettre aux personnes handicapées finalement de jouer leurs rôles sociaux.
J'essaie de retrouver mes notes, parce que, là... On parle aussi de l'application. On voudrait que soit défini le concept de personne handicapée. La personne handicapée, c'est d'abord une personne. C'est une personne qui a des limitations fonctionnelles. Et ces limitations fonctionnelles là, considérant l'aménagement, par exemple, du transport ou l'aménagement du travail, des études ou de la littérature, considérant donc les limitations de ces personnes-là, ces personnes-là sont devant des situations de handicap. Ce n'est pas la personne qui est handicapée, elle vit des situations de handicap qui sont dues, entre autres, à des problèmes d'adaptation de l'environnement ou, dans le cas qui nous préoccupe, au niveau de l'emploi, on parle d'adaptation des postes de travail, des lieux de travail, de l'organisation du travail.
On voudrait aussi que cette loi-là s'applique ? et ça, je vais vous expliquer pourquoi tantôt ? à ceux qui travaillent à temps partiel. Pourquoi? Parce qu'il y a beaucoup de personnes qui vivent avec des limitations fonctionnelles, qui, pour toutes sortes de raisons, ne veulent ou ne peuvent travailler à temps plein. Quelqu'un qui est en processus de réadaptation continuelle doit s'absenter pour aller suivre des entraînements, aller subir des examens, aller suivre des traitements. Les personnes handicapées qui sont soutien de famille doivent, en plus de soutenir leur famille, continuer de se maintenir donc, si on veut, au travail. Et nous considérons qu'il pourrait y avoir de meilleurs résultats si on comprenait les gens à temps partiel. Dernière chose, l'embauche à temps partiel est devenue et devient de plus en plus chose courante et à ce moment-là on pourrait très favorablement répondre à la question de l'équité ou de l'accès à l'égalité pour les personnes.
Un dernier élément. Pour ce qui est de l'article 2, c'est toute la question de l'accommodement pour la personne. Toute personne, lorsqu'on lui présente un emploi, il y a des accommodements, des adaptations à faire. Des adaptations fondées sur la compensation d'une limitation fonctionnelle, ce n'est pas toujours dispendieux, loin de là. C'est simplement des petites choses, bien souvent. Il y a des programmes qui existent, l'Office vous en a parlé tantôt. Il y a déjà des structures en place, et tout ça.
Alors, pour la suite des choses, je pourrais revenir tantôt. Je vais demander à Mme Serradori de vous parler un petit peu, brièvement, d'autres éléments de notre position.
Le Président (M. Rioux): Alors, madame, on vous écoute.
Mme Serradori (Chloé): Au niveau de la section 2 et de la section 3, dans la mesure où on prenait pour acquis que les personnes ayant des limitations fonctionnelles allaient être incluses dans cette loi, dans ce projet de loi, et où on n'a pas pensé une minute à entendre que peut-être on était des extraterrestres du XXIIIe siècle, j'espère qu'on ne l'entendra pas non plus.
M. Lavigne parlait du temps partiel, mais l'autre chose qui est importante, c'est qu'on a essayé d'ajouter des moyens pour justement favoriser l'inclusion des personnes qui ont des limitations fonctionnelles. Entre autres, on parle de zone de recrutement. Pour nous, c'est vraiment important d'avoir une zone de recrutement qui est beaucoup plus élargie et ça devrait être le Québec. On sait que les personnes ayant des limitations fonctionnelles sont souvent dans des centres urbains où il y a une accessibilité de services qui est peut-être plus importante, mais là encore, comme citoyens et comme travailleurs, ils seraient prêts à déménager et à s'impliquer dans les régions.
L'autre point qui est important dans notre mémoire et je pense que vous l'avez vu, c'est tout ce qui touche la notion de compétence. Alors, dans la mesure où il y a une... oui, je vais dire, il y a des préjugés, mais aussi une incompréhension complète de la réalité des personnes qui ont des limitations fonctionnelles. Nous, on parle plus d'acquisition de compétences. On sait que les personnes qui ont des limitations fonctionnelles, historiquement, ont eu énormément de rattrapage à faire parce que justement elles étaient toujours à part. On est à part, on a un Office à part, une loi 9 à part, etc. Depuis quelques années, le mouvement associatif se bat sur tous les fronts pour justement être inclus. Et, quand on parle de compétences, bien, donnez-nous les moyens pour exprimer nos compétences et on va l'être, compétents. Ça, ça débouche directement, on ne peut pas parler de compétences sans parler vraiment de la notion d'accommodement. Ce qui nous a plu, nous, dans la section concernant les programmes d'accès à l'égalité en emploi, dans l'article 13, on dit qu'un programme d'accès à l'égalité en emploi vise à augmenter la représentation des personnes faisant partie de chaque groupe qu'il vise et à corriger les pratiques du système d'emploi.
J'ai deux minutes pour finir. On va aller très vite. Ce qui nous a plu là-dedans, c'est qu'on s'est dit: Actuellement, les pratiques du système d'emploi, elles sont faites pour une personne qui n'a pas de limitations fonctionnelles, de préférence un homme blanc et francophone. Nous, ce qu'on dit, c'est que le droit à l'accommodement, c'est une condition essentielle. Pourquoi elle est essentielle? Parce que c'est avec ça qu'on va pouvoir intégrer réellement les personnes qui ont des limitations fonctionnelles.
n(17 heures)n On n'oserait jamais dire à une femme qu'elle n'est pas compétente parce qu'elle ne peut pas conduire un autobus ou elle ne peut pas faire de la soudure, et c'est tant mieux. Maintenant, on n'a plus envie d'entendre qu'on n'est pas capables ou qu'on est des incompétents tout simplement parce qu'on ne nous donne pas le moyen. L'exemple de M. Lavigne par rapport au braille...
Et je fais juste une petite parenthèse par rapport au projet de loi n° 122 que M. Perreault va présenter. Là encore, tout ce qui est média substitut est complètement retiré du projet de loi. Donc, de cette façon-là, en garantissant l'accommodement... Et n'oubliez pas que la jurisprudence a défini l'accommodement en disant: Il faut que l'accommodement soit raisonnable. «Raisonnable», ça veut dire: qui tient compte des coûts, qui tient compte de la santé et qui tient compte de la sécurité. Donc, c'est déjà balisé.
Juste une seconde avant de laisser la parole à Richard, l'autre chose qu'on voulait dire, on a attendu pendant 20 ans. Dans ce projet de loi, on nous parle aussi de rapport au bout de trois ans, etc. Notre expérience fait que c'est bien mieux d'évaluer la mise en place d'une loi à chaque année. Et, tant au niveau de la Commission des droits de la personne qu'au niveau des organismes, les rapports et les mesures de contrôle devant vraiment faire en sorte d'améliorer la situation, s'il n'y a pas de résultat, on demande que ce soit fait à chaque année.
Le Président (M. Rioux): M. Lavigne, vous avez quelques secondes pour conclure.
M. Lavigne (Richard): Quelques secondes, simplement pour résumer. Les personnes handicapées veulent être des citoyens, souhaitent participer. La seule chose qu'on veut, c'est qu'on reconnaisse qu'il y a des mesures qui doivent être mises de l'avant pour nous donner la chance de jouer notre rôle. Le statut d'assisté, de bénéficiaire, de pauvre petit handicapé, on n'en veut plus. On veut un statut d'égal à égal avec tout le monde et avec ce que ça implique. Et, de relier tout ça à des question d'argent, je pense que c'est un investissement que de permettre à une personne handicapée de se réaliser professionnellement. Est-ce qu'on évalue les coûts de l'inactivité? Est-ce qu'on évalue les coûts d'une personne chez elle à ne rien faire toute sa vie parce qu'elle est handicapée, les maladies qu'elle développe, les médicaments qu'elle est obligée de prendre, les soins dont elle a besoin, les manques de stimulation? Ça, on ne le calcule pas, on les paie. Bien, comment ça se fait qu'on va commencer à calculer ce que ça coûte pour donner une job à quelqu'un? Et, je vous le dis, si je travaillais au gouvernement, je serais un de vos meilleurs employés, M. le Président.
Le Président (M. Rioux): Merci, M. Lavigne.
M. Lavigne (Richard): Pas parce que je suis handicapé.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Rioux): Parce que vous êtes talentueux. Merci beaucoup, M. Lavigne et madame, pour la présentation de votre document. Alors, qui? M. le ministre.
M. Perreault: Oui. Merci, M. le Président. Alors, M. Lavigne que je retrouve après quelques années, parce que M. Lavigne poursuit depuis des années avec détermination la défense et l'illustration de la cause des personnes handicapées. Je me souviens qu'on a travaillé un peu ensemble à la STCUM, dans le temps, pour ce qui était du transport adapté. Bonjour, merci d'être venu et de présenter votre mémoire, qui est très élaboré, qui contient beaucoup de recommandations. Évidemment, comme un peu pour le groupe précédent, ce qui est d'abord au coeur, c'est la volonté d'être inclus dans le projet de loi comme groupe cible. Et puis, après ça bien vous faites un certain nombre de commentaires. Une bonne partie de vos commentaires rejoint ceux des autres groupes. J'ai l'impression qu'il y a quelques téléphones qui ont dû se faire, dans le sens qu'il y a des choses, des convergences d'analyse et de points de vue, ce qui est normal et ce qui n'est pas du tout...
Le Président (M. Rioux): Concertation.
M. Perreault: ...inacceptable, au contraire. Il y en a d'autres qui sont plus spécifiques à la question du groupe que vous représentez. Moi, je vais reposer un peu la même question que je reposais à l'Office, je vais vous laisser la développer. Vous savez, on a entendu des groupes qui sont venus nous dire, par exemple, qu'il fallait bien sûr inclure les personnes handicapées dans le projet de loi, qu'il faudrait peut-être même ajouter les minorités culturelles, les anglophones, qu'on devait avoir des objectifs croisés pour chacun de ces groupes. Actuellement, tout en reconnaissant que c'est loin d'être parfait et qu'il y a des choses qui devraient être accélérées ? en tout cas, il me semble, c'est ma lecture ? il y a eu, dans le fond, une intervention gouvernementale dans le cas de personnes handicapées qui a été davantage ciblée autour de la loi n° 9 et des programmes qui ont été développés. Et, quand on lit votre mémoire, autour de toutes sortes de notions comme le principe d'accommodement raisonnable, ces choses-là, on se rend compte, dans le fond, qu'effectivement ça naît un peu de l'expérience et de la réalité de ce que sont les défis d'intégration des personnes que vous représentez.
Alors, moi, je vous repose un petit peu la même question: Vous êtes bien sûrs que c'est l'intérêt des personnes handicapées d'être assujetties à cette loi, à ce régime, aux règles du jeu qui entourent l'application de tels programmes plutôt, par exemple ? je donne un exemple ? que de revendiquer que la loi n° 9 ait des dispositions en matière de résultat?
Le Président (M. Rioux): M. Lavigne.
M. Lavigne (Richard): M. le Président, M. le ministre, les membres de la commission, bien sûr que... Je vais vous parler de la loi n° 143, si vous permettez ? la loi n° 9 j'espère avoir l'occasion de venir vous en parler bientôt ? pour simplement vous dire que, lorsque je vous ai fait ma conclusion de passer d'un statut d'assisté à un statut de citoyen, c'est ça, la loi que vous êtes en train de faire cheminer dans l'appareil vise à rendre possible à tous les citoyens de jouer leur rôle, à presque tous les citoyens de jouer leur rôle, sauf 1 million de citoyens, M. le ministre.
Et c'est une question qui est primordiale, parce que, si nos décideurs politiques considèrent que ça prend une loi particulière pour du monde particulier avec des programmes particuliers, bien, c'est parce que, là, c'est tout le concept d'intégration. Ici, on ne parle pas de moyens, on parle de principes, on parle de droits à des personnes, on parle de mécanismes généraux. Les moyens pour atteindre l'équité en matière d'emploi ne sont pas les mêmes pour les femmes, pour les autochtones, pour les anglophones, pour les personnes handicapées. Puis même, d'une personne à l'autre, ça va avoir des petites nuances, et tout ça. Et, à partir de cette analyse-là, nous, ça ne nous convainc pas de nous faire dire: Écoutez, on va travailler la loi n° 9 puis on va tout régler ça là.
Je pense que, dans la loi n° 9, M. le Président, en termes de discrimination, il y a un article, l'article 72.1 de la loi n° 9, qui exclut l'accès à la Charte pour faire connaître nos droits. Ce n'est pas moi qui l'ai écrite la loi, là. On a eu des jugements qui disaient: Bien, tu as la loi n° 9, il y a les plans d'embauche, ne viens pas nous achaler avec tes discriminations collectives en matière d'emploi. Ça, ce n'est pas tellement normalisant, c'est plutôt excluant. Et ça, c'est... Je pense qu'il y a une réflexion à faire, il y a des dispositions à prendre. Et, pour nous, la loi n° 9, c'est une chose, mais on n'en veut plus de loi à part si c'est pour nous faire dire à toutes les fois qu'on parle: Bien, oui, mais vous avez votre loi, vous travaillez sur votre loi. Je pense que, moi, comme citoyen je ne suis pas juste aveugle, hein, je suis un individu et j'aimerais ça avoir accès aux mêmes mécanismes de reconnaissance de mes droits que ma voisine ou que mon voisin qui ne vit pas de situation sous handicap.
La question des moyens, ça, c'est sûr qu'il faudrait en reparler. Il en existe déjà des moyens. Au Québec, j'ai vu des études, on dépense 6,5 milliards par année pour les personnes handicapées. C'est de l'argent, 6,5 milliards! La seule chose, et ça, on le déplore, il ne semble pas y avoir de stratégie globale de la société québécoise. Et un des prérequis à une approche sociale globale, c'est l'inclusion de 1 million de personnes dans une loi qui veut favoriser l'accès à l'égalité pour tous. Ça répond peut-être...
Le Président (M. Rioux): Merci. M. le ministre, un petit ajout?
M. Perreault: Oui, une brève réflexion, puis peut-être ça vous amènera à développer. Mais il faut comprendre que la loi n° 9 n'est pas juste l'affirmation d'un certain nombre de principes. Je comprends bien votre intervention. Vous dites, dans le fond, on souhaite être considérés comme des citoyens comme les autres et, de ce point de vue là, l'insertion de tous ceux que nous représentons dans la loi aurait valeur exemplaire, valeur de principe. Mais, la loi n° 9 contient aussi toute une série de dispositions concernant les programmes, les modalités, les façons de faire pour atteindre cette égalité, et ça, en tout cas, il y a là... La loi n° 143, je veux dire, la loi qui est devant nous. Et, par rapport à la Loi n° 9, par rapport à d'autres considérations, enfin, c'est un peu plus lourd que simplement l'affirmation du principe, parce qu'on pourrait théoriquement avoir une loi qui exclut toutes modalités et qui n'affirme que des principes d'obligation d'égalité, et toutes les modalités se retrouveraient dans d'autres lois, dans d'autres régimes. Mais enfin, je vous signale cette réflexion.
Le Président (M. Rioux): M. Lavigne, vous...
M. Lavigne (Richard): Je vais laisser Mme Serradori et je reviendrai peut-être sur ce que M. le ministre vient de nous dire.
Le Président (M. Rioux): Rapidement, madame.
n(17 h 10)nMme Serradori (Chloé): Peut-être vous signaler aussi que, tant l'Office des personnes handicapées, qui a été créée par la loi n° 9, avait un rôle complémentaire et, dans la loi n° 9, on retrouvait aussi énormément de moyens qui étaient offerts au niveau des personnes ayant des limitations fonctionnelles. En date de 1978, il y a un projet de réforme qui est en marche. Mais, depuis, beaucoup de choses ont changé, il y a eu des transferts de programmes qui ont été faits. Actuellement, l'inclusion est faite. L'inclusion est faite au niveau de l'emploi, on fait partie de la politique active du marché du travail. Les programmes de l'OPHQ vont être transférés au ministère de l'Emploi et du Travail. Alors, effectivement, on travaillera la loi n° 9 quand l'avant-projet de loi sortira. Mais les derniers travaux qui ont été faits les dernières cinq ou 10 dernières années, c'était pour une inclusion. Alors...
Le Président (M. Rioux): O.K. Merci.
M. Lavigne (Richard): Simplement, M. le Président... Oui, M. le ministre, bien sûr que la loi n° 9 offre un certain nombre de moyens qui, comme ma collègue vient de le dire... Et c'est une bonne chose. Les choses ont évolué, c'est pour ça que cette loi-là, il faut la retoucher, parce que ça a avancé. On ne vient pas dire ici qu'il ne se passe rien. On veut juste dire ici que, 20 ans après l'adoption d'un principe d'intégration sur une loi spéciale pour les personnes, bien, ce principe-là devrait se retrouver dans une loi qui concerne tout le monde. Et ce n'est pas juste symbolique, en passant. Parce que, pour nous, le fait d'être inclus avec les autres groupes cibles dans une loi d'accès à l'égalité, bien, quand on va arriver ailleurs avec, par exemple, un organisme ou une entreprise, on va dire: Écoute, on n'est pas du monde à part, la preuve, c'est qu'on est considérés au même titre que d'autres groupes dans la société. Et ça donnerait un exemple de la détermination du Québec à permettre à ce près de 1 million de personnes là de dire: Écoutez, je suis enfin considéré au même titre que les autres citoyens, à une chose près, c'est que j'ai besoin de mesures pour faire du rattrapage.
Et la question des moyens, et je ne suis pas fort en droit, j'ai étudié en droit, mais il y a des bouts que j'ai oubliés, mais le pouvoir réglementaire qui est assorti dans une loi, normalement, c'est là qu'on en parle des moyens. Et là, avec le milieu associatif des personnes handicapées, qui a une expertise, et d'autres organismes comme l'Office, la Commission des droits de la personne, on travaillera. On l'a fait avec la CAMO pour personnes handicapées. C'est comme ça qu'on a réussi à rembarquer dans la politique active du marché du travail. On ne nous a pas dit: Allez avec la loi n° 9. On nous a dit: Oui, il y a une loi n° 9, mais c'est notre responsabilité de faire quelque chose. Ceci étant dit...
Le Président (M. Rioux): M. Lavigne,
M. Lavigne (Richard): ...la loi est écrite, mais ce n'est pas encore tout mis en application.
Le Président (M. Rioux): Très bien. Alors, on va donner une chance un petit peu au député de Marquette. Parce qu'il nous reste quand même quelques minutes, vous aurez l'occasion certainement de répondre à d'autres questions. Alors, M. le député.
M. Ouimet: Merci, M. le Président. Bienvenue, M. Lavigne, Mme Serradori. Des inquiétudes par rapport à la loi n° 9, je suis heureux de vous entendre parce que c'était un des moyens qu'avançait le ministre dans le mémoire pour dire à ses collègues: Écoutez, pas dans la loi n° 143 parce qu'on est en train de toucher la loi n° 9 et puis on pense pouvoir rejoindre les intérêts des personnes handicapées via la loi n° 9. Votre message et celui de l'Office des personnes handicapées du Québec est à l'effet que: Non, non, non, ce n'est pas dans la loi n° 9, c'est dans la loi n° 143 qu'on veut être inclus.
Moi, quand je regarde les données qui ont été fournies par le Conseil du trésor récemment, à la page 21, Évolution du nombre et du taux de présence des personnes handicapées dans l'effectif régulier de la fonction publique, regardez la chute à partir de mars 1994, 856; mars 1995, 807; mars 1996, 735; mars 1997, 640; mars 1998, 550. Ça, c'est inquiétant. Au lieu de progresser, la situation semble régresser de façon importante. Donc, lorsque les trois motifs donnés par le ministre au Conseil des ministres pour expliquer l'exclusion des personnes handicapées du projet de loi n° 143 tombent, je pense que le ministre doit reconsidérer son approche et doit envisager, à ce moment-ci, la possibilité de vous inclure comme groupe cible dans la loi n° 143.
Le Président (M. Rioux): Alors, la question.
M. Ouimet: La question, j'y arrive, M. le Président. Vous développez dans votre mémoire, à la page 13, la notion de personne pouvant acquérir des compétences. Moi, je me demandais: Est-ce qu'un employeur pourrait déterminer que la personne handicapée n'a pas les compétences en se fondant sur le fait que les postes de travail ne sont pas encore adaptés? Et est-ce que c'est ce qui explique votre recommandation de pouvoir élargir la notion de personne compétente et la modifier pour «personne pouvant acquérir des compétences» afin d'éviter qu'un employeur puisse dire: La personne handicapée n'a pas les compétences parce que le poste de travail n'est pas adapté?
Le Président (M. Rioux): M. Lavigne.
M. Lavigne (Richard): Bien sûr que ça réfère à ça. Et relier la compétence d'une personne à un problème d'adaptation du travail, ce serait, à la limite, significatif de la nécessité d'adapter ce poste de travail et l'organisation du travail. Et les compétences, je pense qu'il y a des compétences de base pour exercer un emploi, et ça, c'est relié à la personne. Il y a des programmes qui existent, MM. les membres de la commission, de très bons programmes qui existent, qui peuvent être développés. L'Office en gère certains. La RAMQ en a d'autres pour les aides techniques. Il y a une panoplie. Il s'en dépense de l'argent pour les personnes handicapées. Ce n'est pas une question d'argent, le problème. C'est une question de globalité, une question de reconnaissance du principe de l'accommodement. Ça fait peur au monde, ça, l'accommodement, le monde ont tous peur que ça coûte bien cher. Ça ne coûte pas cher, l'accommodement, si on calcule ce que ça donne en bout de ligne. Il faut penser un petit peu plus loin que ma vision à moi, en tout cas ? je parle de mon plan visuel ? il faut regarder plus loin un petit peu.
Et je pense que de relier la compétence, donc, à l'adaptation d'un poste de travail, c'est de la discrimination. Et cette discrimination-là que l'on vit, ce n'est pas une discrimination comme ça, c'est une discrimination systémique. Il y a quelqu'un qui m'a déjà dit: Je m'excuse, Richard, je n'ai pas fait exprès. Bien, j'ai dit: C'est de valeur parce que, au moins, si tu avais fait exprès, tu t'en apercevrais puis je pourrais te corriger, mais tu ne fais même pas exprès donc tu n'es même pas conscient de la discrimination que tu fais. Et c'est là. Nous, quand on parle d'accès à l'égalité, on est bien conscient que ce n'est pas pour demain, mais il faut commencer. Il y a des programmes de sensibilisation, de formation.
Les personnes handicapées elles-mêmes. Quand les personnes vont se faire dire par le gouvernement du Québec: À partir de demain, vous êtes compris dans les programmes d'accès à l'égalité, bien, les gens vont peut-être commencer à avoir une meilleure image d'eux-mêmes. C'est très ancré, ça, l'espèce de sentiment d'incapacité chez les personnes. À force de se faire dire que tu n'es pas capable, à un moment donné, tu viens que tu y crois quasiment.
Le Président (M. Rioux): Merci, M. le député de Marquette. M. Lavigne, qui déciderait si une personne handicapée est apte à acquérir des connaissances pour se qualifier afin de réintégrer le marché du travail? Est-ce que ce sont des responsabilités que vous aimeriez voir assumer par la Commission des droits et libertés ou par l'employeur exclusivement ou par un mécanisme que vous aimeriez voir mettre en place?
M. Lavigne (Richard): Je pense que, rendu là, il y a des mécanismes à mettre en place, à commencer par la personne elle-même. Je veux dire, moi, quand je décide d'appliquer sur un poste, c'est moi qui décide que je suis assez compétent pour le faire. Si je ne l'ai pas puis qu'on me dit: Tu n'es pas compétent, bien, dépendamment de sur quoi se repose la réponse de non-compétence, je vais me former ou j'invoque discrimination. Il y a des mécanismes à mettre en place pour ce qu'on appelle l'évaluation des capacités de travail, M. le Président. Il y a des mécanismes. Il y a des études qui se sont faites, entre autres, dans la région de Montréal. Il y a des choses à faire. On travaille justement avec le CAMO pour personnes handicapées pour développer des outils. Et, dans d'autres pays, notamment aux États-Unis, il y a des choses qui se font. Dans les autres provinces du Canada, ça commence un peu.
Le Président (M. Rioux): Mais, M. Lavigne, je veux juste comprendre ce que vous voulez dire. Quand vous voulez substituer, à l'article 7, l'expression «personnes compétentes» pour remplacer cette expression par «personnes aptes à acquérir des compétences», je veux savoir, selon vous, qui décide du degré d'aptitude pour acquérir ces nouvelles compétences, pour devenir accessible par après au marché du travail?
n(17 h 20)nM. Lavigne (Richard): Bien, c'est ce que je vous dis, M. le Président, c'est que, actuellement, il y a... Demain matin, l'organisme ou l'intervenant... On pourrait en cibler. Mais il y a des structures d'évaluation des capacités de travail des personnes, il y a des tests qu'on peut faire. Ça pourrait être sous la supervision d'une organisation reliée aux droits de la personne, avec des spécialistes en adaptation. C'est sûr que ça ne se fait pas comme ça. Mais c'est faisable. Et, une fois le degré d'adaptabilité de la personne à l'emploi x établi, bien là il y a des choix à faire. On ne veut pas des emplois comme, en France, ils font. En France, ils ont des quotas d'embauche. Ils embauchent une personne handicapée ou bien ils paient l'amende, ou ils embauchent une personne handicapée puis ils la paient puis ils la retournent chez elle. J'en ai rencontré quand je suis allé en France. Ce n'est pas ça qu'on veut, là, on veut des vrais jobs.
Le Président (M. Rioux): Mais supposons que le ministre accepterait, pour une raison ou pour une autre, de substituer l'expression «personnes compétentes» par «personnes aptes à acquérir des compétences», pour ne pas que votre recommandation tombe entre deux chaises, est-ce que vous aimeriez qu'on prévoie dans la loi un mécanisme pouvant juger de l'aptitude à acquérir des compétences? Est-ce que vous laissez ça à l'employeur exclusivement? Là, vous avez parlé de ressources, mais, dans la loi, qu'est-ce que vous aimeriez voir inscrire pour que ça devienne opérationnel, votre recommandation?
Mme la directrice.
Mme Serradori (Chloé): Ce qu'on a précisé, à un moment donné, dans notre mémoire, c'est qu'on trouvait dangereux que les organismes ou l'employeur définissent seuls les compétences. Et, avant que la Commission des droits de la personne évalue s'il y a une sous-représentation dans les groupes, on voulait que la Commission puisse vraiment travailler pour voir si c'était respecté, la notion d'acquisition de compétences.
Le Président (M. Rioux): O.K.
Mme Serradori (Chloé): Et, par là même, ce qu'on veut dire, c'est que... Je vais vous donner un exemple. Par exemple, une personne sourde pourrait être jugée incompétente à travailler dans un service d'appel, ou quelque chose comme ça. Mais, si on a pris la peine avant de penser à l'interprète ou si on a pris la peine avant de penser aux nouvelles technologies, bien, cette notion tout à fait primaire de dire: Une personne sourde, elle est incompétente parce qu'elle ne peut pas travailler dans ce contexte-là... Si on prend la peine de creuser qu'elle est capable d'acquérir des compétences si telle et telle chose sont mises en place... Et c'est ça qu'on demande à la Commission, et c'est pour ça qu'on dit que c'est peut-être dangereux que ce soit seulement l'employeur qui voie ça.
Le Président (M. Rioux): Merci. Alors...
M. Lavigne (Richard): Juste pour terminer.
Le Président (M. Rioux): Oui.
M. Lavigne (Richard): Vous voulez une réponse? Je pense que la loi ou le règlement devrait référer à un comité multidisciplinaire composé de ressources en réadaptation, en développement de la main-d'oeuvre pour les personnes handicapées. Les ressources existent, ce n'est pas si complexe que ça. Ça se fait déjà. Moi, quand j'ai trouvé mon emploi, il y a un spécialiste en communications adaptées pour aveugles qui est venu me dire, à moi, comment... Parce que, moi, je ne connais pas ça, les ordinateurs, c'est lui qui est venu me donner des conseils, à moi puis à mon boss, pour faire ça, et c'est comme ça que ça s'est arrangé.
Le Président (M. Rioux): C'est beau. M. le député de Marquette, j'ai saisi la balle au bond, je ne voulais pas vous enlever la parole...
M. Ouimet: Non, non.
Le Président (M. Rioux): ...vous aurez bien compris.
M. Ouimet: Aucun problème.
Le Président (M. Rioux): Alors, je vous laisse poursuivre votre questionnement.
M. Ouimet: Dernière question, M. le Président. Sur le plan fédéral, la loi sur l'équité en matière d'emploi inclut les personnes handicapées?
M. Lavigne (Richard): Oui. Et la notion d'obligation d'accommodement aussi.
Mme Serradori (Chloé): Avec les trois notions de raisonnable.
M. Ouimet: Donc, à cet égard, la loi fédérale serait plus avant-gardiste que la loi n° 143?
M. Lavigne (Richard): Disons que ça ne se compare pas, parce qu'il y a d'autres choses qu'il n'y a pas au fédéral. Je ne voudrais pas partir un débat là-dessus, s'il vous plaît. À toutes les fois que je viens ici, on me ramène ça. Ha, ha, ha! Ce que je peux vous dire, c'est que ce n'est pas comparable.
M. Ouimet: J'essayais de trouver l'argument...
M. Lavigne (Richard): Mais, sur la simple loi d'accès à l'égalité, juste les deux textes comparables, oui. Mais c'est plus complexe parce qu'il y a d'autres problèmes avec le fédéral.
Mme Serradori (Chloé): Et une autre chose que l'application de cette loi. On est inclus dans la loi, mais elle n'a pas de dents, ce qui fait que...
M. Lavigne (Richard): C'est ça. Ça ne donne rien, une loi pas de dents.
Le Président (M. Rioux): Merci. Mais...
M. Ouimet: Il n'y en a pas beaucoup dans cette loi-ci non plus.
M. Perreault: ...dernier propos est fort pertinent, M. le Président.
Le Président (M. Rioux): Oui.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ouimet: Il faudrait qu'il s'en inspire pour mettre des dents dans sa propre loi, alors.
Le Président (M. Rioux): Mais c'est vrai qu'il n'y a pas de loi n° 9 au fédéral, hein.
M. Lavigne (Richard): Puis on n'en veut pas non plus. On est allés au fédéral, l'an passé, nous autres...
Le Président (M. Rioux): Ah bien, ça, on ne le savait pas. Là, on l'apprend.
M. Lavigne (Richard): On n'en voulait pas, de loi n° 9, au fédéral.
Le Président (M. Rioux): Très bien.
M. Lavigne (Richard): Simplement, pour terminer, M. le Président, M. Perreault me rappelait des souvenirs, tantôt, et j'ai eu beaucoup de plaisir, à l'époque, à travailler avec lui, au transports adapté de la STCUM, et, dans ce temps-là, il ne me parlait jamais de coûts, il disait: On va s'organiser pour en avoir, de l'argent. Alors, M. le ministre...
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Rioux): Ça, c'est l'époque où il était progressiste et social-démocrate.
M. Lavigne (Richard): Oh non, mais il l'est encore. J'imagine qu'il est encore progressiste, vu qu'il est là.
M. Perreault: C'était à l'époque, M. le Président, où les libéraux n'avaient pas encore coupé dans les subventions.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Rioux): Alors, nous allons maintenant donner la parole à un autre progressiste bien connu, le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dion: Merci, M. le Président. J'ai fait beaucoup de progrès dans la limite de temps que j'utilise pour poser mes questions, mais je ne veux pas passer sous silence le fait que je vous admettrez en toute candeur, M. Lavigne, que votre présentation est particulièrement impressionnante et nous oblige à réfléchir beaucoup à tout ce que vous nous apportez comme matériel. Je ne suis pas sûr que le statut de citoyen tout court vous suffirait cependant. Il faudrait peut-être y ajouter le statut de citoyen que, je dirais, discriminé, puisque la loi n° 143, justement, crée une... c'est-à-dire institutionnalise une discrimination afin d'en corriger une autre. Mais je pense que j'ai bien compris le sens de ce que vous recherchiez et je vous remercie.
M. Lavigne (Richard): Merci. J'espère juste, MM. les membres de la commission et aussi les représentants du gouvernement, que... C'est le gouvernement du Parti québécois, qui a institué la loi assurant l'exercice des droits qui a établi que le Québec avait une approche basée sur les droits et non pas sur la charité. Et, nous, nous ne demandons pas mieux que d'avoir des outils non seulement pour exercer nos droits, mais aussi pour exercer notre rôle de citoyen, y compris nos obligations. Et je répète que les personnes handicapées ne veulent pas payer plus d'impôts que les autres, mais elles ne veulent pas non plus se faire exclure. On ne veut pas se faire exclure sous prétexte qu'on est des incapables. Il y a des affaires que je ne suis pas capable de faire, puis ça, faites-vous en pas, quand il y a un programme d'accès à l'égalité à Air Canada, je n'irai pas appliquer pour être pilote d'avion, non, monsieur, je n'irai pas. On est capable d'avoir un peu de jugement. Mais je pourrais éventuellement appliquer pour être fonctionnaire peut-être. Dans la mesure où j'aurai mon ordinateur adapté, je serai peut-être capable de suivre les commissions parlementaires.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Rioux): Je suis sûr, M. Lavigne, que vous avez autant de vision que n'importe quel fonctionnaire.
M. Lavigne (Richard): Bien là, je pense... Comment je la prends, celle-là, là?
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Rioux): Alors, Mme Serradori, merci. M. Lavigne, merci infiniment.
M. Lavigne (Richard): Merci beaucoup.
Mme Serradori (Chloé): Merci.
Le Président (M. Rioux): Ça nous a fait plaisir de vous accueillir.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Rioux): Alors, M. Michel Paillé va nous présenter son mémoire. C'est le mémoire n° 5. M. Paillé, vous êtes solo. Ça nous fait plaisir de vous accueillir et on vous écoute avec plaisir.
M. Michel Paillé
M. Paillé (Michel): Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord remercier la commission parlementaire de la culture pour le privilège qu'elle me fait de m'accueillir pour donner mon opinion sur le projet de loi n° 143. J'agis ici à titre personnel comme citoyen du comté de Jean-Talon. Je désire aussi féliciter le gouvernement du Québec et plus particulièrement le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration pour ce projet de loi. En toute modestie, sans aucune prétention, j'ai quelques remarques à faire, et vous comprendrez que je ne pourrai pas être exhaustif.
Un premier point qui a attiré mon attention à la lecture du projet de loi, ce sont les groupes visés. Le projet vise trois groupes, comme on le sait, les femmes, les autochtones et les personnes qui font partie des minorités visibles. À ces trois groupes, je propose d'en ajouter un quatrième, c'est-à-dire les immigrants reçus, car ne viser que les minorités visibles, à mon sens, c'est négliger, parmi les immigrants que nous accueillons d'année en année, les personnes qui ne se remarquent pas de manière visuelle. Donc, en quelque sorte, il se ferait un équilibre, ici.
n(17 h 30)n Le deuxième point que je voudrais aborder, qui est un peu plus long dans son développement, c'est la sous-représentation, la façon de calculer la sous-représentation des groupes visés. Alors, l'article 7 explique comment on va déterminer la sous-représentation d'un groupe visé. Et je vais citer cet article-là, on dit qu'il faudrait comparer la représentation d'un groupe visé au sein des effectifs concernés de l'organisme avec sa représentation au sein des personnes compétentes pour un type d'emploi à l'intérieur de la zone habituelle de recrutement de l'organisme. J'ai réfléchi à ça le mieux que je pouvais, et je pense que c'est un peu complexe et j'aurais deux réserves à faire sur ce point-là.
La première réserve, c'est sur la question du type d'emploi, car il me semble que la loi a un double objectif ici: le premier objectif, à l'article 2, faire en sorte que les groupes visés soient équitablement représentés; et le deuxième, ça serait de rechercher une représentation également selon le type d'emploi défini à l'article 7.
L'article 3 m'a surpris un peu, puisqu'il fait référence à la Classification nationale des professions du Canada. Je suis allé voir sur Internet ce que c'était, je ne connaissais pas cette classification, et j'y ai trouvé 25 000 titres de poste. Alors, j'ai trouvé ça un peu gros en examinant ça, et, à mon sens, il s'agit d'une classification beaucoup trop détaillée pour le besoin de la cause, et je devine que ce serait fort embêtant pour les organismes qui, en vertu de l'article 3 du projet de loi, devront procéder à l'analyse de leurs effectifs.
Par contre, je ne vois aucune difficulté pour les femmes. Comme on sait, les femmes comptent pour à peu près la moitié de la population, et, Dieu merci, on en retrouve partout sur le territoire. Donc, contrairement aux autres groupes, c'est un groupe assez important et bien réparti.
En ce qui concerne, par exemple, les autres groupes visés qui sont moins nombreux et concentrés, là je devine que les choses vont être passablement compliquées, et ça pourrait avoir pour conséquence de limiter le succès de la politique envisagée, sans compter aussi ? et je vous dis ça sous toute réserve ? que les données statistiques nécessaires pour faire ce genre de calcul... si tant est que ces données existent et puissent être mises à jour régulièrement, je devine que ces données-là seraient très coûteuses à acheter, à se procurer et surtout à compiler. Alors, pour les organismes en question, ça serait particulièrement délicat comme procédure. Donc, je vois là une contrainte qui, il me semble, n'est pas absolument nécessaire pour l'atteinte de l'objectif premier de l'égalité d'accès.
Alors, par exemple, pourquoi ne serait-il pas suffisant que les organismes visés comptent leur part d'employés issus des minorités visibles ou choisis parmi les immigrants reçus tous types d'emploi confondus. Par contre, je crois qu'il est nécessaire, tout de même, de tenir compte de grandes classes d'emploi pour éviter justement que les groupes visés se retrouvent sous-représentés dans des classes supérieures d'emploi et, par conséquent, surreprésentés dans des classes inférieures.
Dans mon bref mémoire, j'ai fait les choses d'une manière très simple en parlant, par exemple, que dans les hôpitaux on pourrait avoir les cadres, les professionnels, le personnel de soutien. C'est peut-être un peu simpliste, mais on peut penser à des catégories qui pourraient aller jusqu'à cinq, 10, peut-être une douzaine de grandes catégories, dépendant de l'organisme en question, et ce serait suffisant, il me semble, pour atteindre les objectifs de la loi de façon générale.
Le deuxième aspect concernant la sous-représentation, c'est la zone de recrutement. Alors, contrairement aux femmes, les minorités visibles, les immigrants reçus, les autochtones sont très peu nombreux. Pour les minorités visibles, c'est à peine un peu plus de 6 % de la population du Québec. Les immigrants reçus, c'est 9,5 % ? on est peut-être rendu à 10 %. Et les autochtones, c'est seulement 1 % de la population. En plus, ces populations-là sont fortement concentrées dans certaines régions du Québec. Pour les minorités visibles, pour les immigrants reçus, tout le monde sait que la Communauté urbaine de Montréal et ses environs immédiats, comme Laval, Longueuil, Brossard, accueillent la grande majorité de ces gens-là. Dans la Communauté urbaine de Montréal, 75 % des minorités visibles y vivent actuellement et 70 % des immigrants reçus au Québec vivent dans la Communauté urbaine de Montréal. Quant aux autochtones, comme vous le savez, ils sont particulièrement dans les réserves, dans le Grand Nord québécois.
Donc, la sous-représentation des minorités visibles et des immigrants à l'extérieur de la région métropolitaine de Montréal vient justement de la difficulté pour ces gens-là à trouver des emplois, ce qui fait que notre immigration continue toujours à se retrouver dans la grande région de Montréal. Et, dans sa facture actuelle, le projet de loi n° 143 m'apparaît reproduire la distribution territoriale actuelle de la population du Québec. Donc, en quelque sorte, on ne réussirait pas à étaler un peu mieux notre population visible et immigrée en particulier.
Alors, plutôt que de parler de bassin habituel de recrutement, comme on dit dans la loi n° 143, je propose qu'à l'extérieur de la région de Montréal les organismes déterminent la sous-représentation des minorités visibles et des immigrants reçus en comparant leurs effectifs à la moyenne québécoise plutôt qu'à leur zone habituelle de recrutement. Ainsi, par exemple, pour la Communauté urbaine de Québec, au lieu de viser un objectif de 2,1 % de minorités visibles, on atteindrait un peu plus de 6 %. Et, toujours dans la Communauté urbaine de Québec, au lieu de viser un objectif de 2,3 % d'immigrants reçus, on viserait un objectif de 9,5 %, 10 %, ce qui serait un facteur d'attraction ici. Par contre, dans la région métropolitaine de Montréal ou plus particulièrement dans l'île de Montréal, le bassin habituel de recrutement pourrait s'appliquer. En gros, on pourrait résumer cette suggestion-là de la manière suivante. Là où c'est inférieur à la moyenne québécoise, on applique la moyenne. Là où c'est supérieur à la moyenne québécoise, bien là le bassin de recrutement habituel pourrait être une bonne façon de fixer les objectifs des organismes.
Je voudrais également aborder la question des autochtones, car on a à peine au Québec 71 400 autochtones d'après le dernier recensement. Il y a un sous-dénombrement, ils sont peut-être 85 000 autochtones, mais, comme je le disais tout à l'heure, c'est 1 % de la population du Québec. Donc, ils sont si peu nombreux que de déterminer une sous-représentation dans leur cas et surtout par types d'emploi, c'est quasiment impossible à faire. Donc, à mon avis il faudrait inverser les rôles concernant les autochtones.
J'ai parlé dans mon mémoire d'un registre de personnes à la recherche d'un emploi. Ce n'est peut-être pas la bonne chose à faire, ce serait plutôt un guichet unique. M. le Président?
Le Président (M. Rioux): Une minute.
M. Paillé (Michel): Une minute? Oui, je termine, ça pourra entrer dans le temps. Donc, il s'agirait plutôt d'un guichet unique où tout autochtone qui cherche un emploi dans les organismes visés présente ses compétences, et les organismes visés inviteraient personnellement ces personnes-là à se présenter à des concours quand il y en a. Donc, les seules restrictions concernant les autochtones, ce seraient les cinq qu'on trouve à l'article 14, notamment sur la compétence, le mérite, l'ancienneté.
Et je termine, M. le Président, sur quelque chose qui me tient à coeur. Il y a neuf ans, je me suis présenté ici, en commission parlementaire, pour représenter l'Association des démographes du Québec dont j'étais le président à l'époque, et nous avions recommandé au gouvernement de ne pas faire usage du mot «race» tout simplement parce que, dans l'espèce humaine, il n'y a tout simplement pas de races. Donc, quand on réfère à la race, on réfère à quelque chose qui n'existe pas. Je suggère l'expression «apparence raciale» parce que les racistes sont des personnes qui prétendent qu'il y a des races et qu'on peut les hiérarchiser entre elles. Donc, la meilleure façon de contrer à la base même le racisme, c'est d'affirmer haut et fort, régulièrement qu'il n'y en a pas en parlant d'apparence raciale plutôt que de race. Je vous remercie.
Le Président (M. Rioux): Merci beaucoup, M. Paillé. M. le ministre.
M. Perreault: Oui. Merci, M. Paillé, d'avoir pris la peine de rédiger ce mémoire comme citoyen. C'est un exercice qui est exigeant de prendre le temps de lire une loi, d'en faire l'analyse et de faire des recommandations qui sont très concrètes, très précises et fouillées.
n(17 h 40)n Je vous signale simplement, parce que d'autres aussi l'ont dit... Je veux juste apporter une précision, lorsqu'on se réfère dans la loi à la Classification nationale, je ne pense pas que le libellé soit fait de façon coercitive. Ce n'est pas un outil absolu de référence, c'était un exemple donné. L'employeur peut en utiliser d'autres, je vous signale ça. Peut-être que le libellé devra être précisé parce que d'autres aussi ont cru deviner qu'on imposait cette classification.
Écoutez, vous soulevez bien des questions. Sur la race, par exemple, oui, c'est intéressant ce que vous dites, on peut trouver peut-être d'autres formes de vocabulaire. Il faut dire que, historiquement, la Charte des Nations unies, la Charte des droits... Maintenant, on sait, des découvertes scientifiques récentes ont démontré clairement qu'il n'y a pas cette notion de race au sens strict, on parle plus des couleurs, tout ça. Mais, je retiens enfin cette suggestion pour analyse, on verra ce qu'on peut en faire.
Au-delà de ça, je vous dirais que votre mémoire fait un certain nombre de recommandations concernant surtout, je pense... en tout cas, ce qui m'a frappé, moi, c'est la notion de zone de recrutement et la question des autochtones par rapport à cette notion de zone de recrutement. Je vous laisse avec une réflexion que vous pourrez commenter: le projet de loi ne vise pas à modifier la répartition géographique de la population du Québec. Donc, ça veut dire que, si dans la région de Montréal il y a, mettons, 20 % de la population qui est des minorités, fait partie des groupes cibles, bien, je veux dire, ça veut dire que les postes dans la région de Montréal devront refléter ça. Mais, s'il y en a juste 2 % ailleurs, maintenant est-ce qu'on peut, dans certains cas, quand même faire un petit peu, provoquer des choses un peu? Vous n'êtes pas le premier à soulever ça, on va le regarder, mais en même temps je suis un peu sensible à... en tout cas, je suis un peu prudent parce qu'on ne peut pas, avec un projet d'accès à l'égalité, être en même temps un programme de peuplement ou de politique d'étalement de la population sur le territoire. Alors, ça, je vous signale ça, là. En tout cas, je ne sais pas ce que vous avez à dire là-dessus, mais en même temps vous n'y allez pas... Il y en a qui sont allés carré, ils ont dit: C'est tout le Québec qu'on devrait prendre comme bassin de référence chaque fois. Vous êtes beaucoup plus nuancé. On va regarder ça.
Le Président (M. Rioux): M. Paillé.
M. Paillé (Michel): Bon, je reconnais que le but de ce projet de loi, ce n'est pas de répartir la population du Québec, mais il faut toujours commencer par quelque chose, et je me suis dit que finalement pourquoi dire aux organismes impliqués dans ça qu'ils devront tenir compte de leur bassin habituel de recrutement? Il suffirait simplement de ne pas leur dire, c'est tout, et de mettre en oeuvre des mécanismes pour que, lors des concours, par exemple... Imaginons un concours de comptables à la ville de Québec, il ne faudrait pas que la ville de Québec annonce le concours que dans la région de la capitale, il faudrait que ça se fasse tous azimuts pour que ces personnes-là viennent même si deux, trois ans après elles retournent dans la région de Montréal. On sait très bien ? je suis bien placé pour le savoir ? que les immigrants qui s'installent dans les régions périphériques finissent par aboutir dans la région de Montréal, mais, au fond, ça laisse des traces de passer par la région de Québec deux, trois ans. Il y a la réunification des familles. Parfois, les enfants âgés ne suivent pas les parents qui retournent dans... Bon, enfin je pense qu'il faut... Dans ce domaine-là, vous m'excuserez, mais il faut faire flèche de tout bois. C'est mon principe de base.
Le Président (M. Rioux): Merci. M. le député de Marquette.
M. Ouimet: Merci. Bienvenue, M. Paillé. Merci pour votre contribution. Quelques questions. Si le ministre ne modifie pas la définition de «zone habituelle de recrutement», craignez-vous que, en ce qui concerne les minorités visibles, le projet de loi ne produise des effets uniquement dans les centres urbains et non pas en région?
M. Paillé (Michel): Là, je ne suis pas sûr d'avoir compris la question et...
Le Président (M. Rioux): Pourriez-vous reformuler, M. le député de Marquette?
M. Ouimet: Oui. Par rapport aux minorités visibles, vous suggérez dans votre mémoire au ministre de modifier la définition de «zone de recrutement» pour élargir le bassin, n'est-ce pas? La question que je vous pose, c'est: Si le ministre n'apporte pas cette modification, craignez-vous que la loi, pour les minorités visibles, ne produise des effets que dans des grands centres urbains et qu'il n'y ait à peu près pas d'effet en région?
M. Paillé (Michel): En fait, la loi de la moyenne me dirait plutôt que, si on suppose que la demande d'emploi là où les offres d'emploi dans les régions eu égard à la population est la même que dans la région de Montréal, à ce moment-là on va simplement reproduire la structure de population du Québec. Et, prenons l'exemple de la Communauté urbaine de Québec, pour les minorités visibles, bien on atteindrait quand même dans la région de la capitale 2 % de minorités visibles dans ces organismes visés. Moi, ce que je suggère, c'est qu'au lieu de s'arrêter à 2 %... Admettons qu'après cinq ans on s'est aperçu qu'on a, dans la Communauté urbaine de Québec ou tout organisme dans la région de la capitale, atteint cet objectif de 2 % de minorités visibles, eh bien, moi, ma crainte, ça serait qu'on s'arrête là puis qu'on dise: Bon, bien, on a atteint l'objectif. Ce que je souhaiterais, c'est qu'on vise le 6 % de la moyenne québécoise qui, lui, va probablement augmenter entre-temps. Donc, probablement que dans 10 ans on sera rendu à 7,5 %. Donc, autrement dit, on ne s'arrête pas en chemin. Mais c'est sûr que, s'il y a moins d'emplois dans les régions qu'à Montréal, eh bien ce n'est pas seulement les minorités visibles ou les immigrants reçus qui seront sous-représentés davantage dans les régions par rapport à Montréal, mais tous les autres aussi, n'importe qui d'autre, parce que ça serait l'absence d'emplois qui l'expliquerait.
M. Ouimet: Deuxième question. Vous suggérez dans votre mémoire également d'élargir la définition de «minorités visibles» pour inclure les immigrants reçus. Iriez-vous aussi loin et pourriez-vous peut-être suggérer qu'on devrait élargir ça pour inclure des membres des minorités ethnoculturelles, les minorités ethniques? Pourquoi avoir arrêté aux immigrants reçus?
M. Paillé (Michel): Oui, j'y avais pensé sommairement. Pour la question des immigrants reçus, c'est que, voyez-vous, les trois groupes visés actuellement plus les immigrants reçus, on se trouve à avoir quatre populations cibles qui, en droit positif, sont clairement définies. Ne devient pas immigrant reçu qui veut, c'est un statut qui est délivré par le gouvernement fédéral. Même chose pour les autochtones, on ne devient pas autochtone comme on le veut. Moi, j'ai un peu de sang amérindien dans les veines, ça ne fait pas de moi un Amérindien. Bon. Tandis que pour la question...
M. Ouimet: Excusez-moi. Est-ce qu'il y a une définition en droit également pour «minorités visibles»?
M. Paillé (Michel): Bon, «minorités visibles», là, évidemment, c'est quand on peut... Comme il s'agit de... Moi, les chiffres que j'ai viennent du concept défini par Statistique Canada. Et, évidemment personne ne transporte avec lui un document attestant qu'il est d'une minorité visible, c'est quelque chose qui se voit objectivement. Donc, on...
M. Ouimet: Est-ce qu'un sikh, d'après vous, est une minorité visible? Quelqu'un qui a un code vestimentaire distinctif?
M. Paillé (Michel): Non. Le code vestimentaire n'a rien à voir. Mais, pour répondre à votre question des communautés ethnoculturelles ? je retiens ça dans votre première question ? j'avais lu dans Le Devoir d'hier, je crois, que quelqu'un avant moi a suggéré la communauté anglophone du Québec. La question, justement, est là. En droit positif, si les immigrants reçus et les autochtones sont clairement définis, les femmes aussi. Que voulez-vous, à la naissance on est déterminé homme ou femme, et ça, on retrouve ça même dans les codes, là, des... On a un code pour déterminer s'il s'agit d'un homme ou d'une femme. En fait, bref, en ce qui concerne les anglophones, quand on parle de la communauté anglophone, on parle d'un concept général, mais personne n'a un papier quelconque attestant qu'il fait partie de la minorité anglophone du Québec, et la même chose pour les minorités francophones hors Québec.
Je vous rappellerai que, il y a quelque temps, on avait suggéré, pour la question de l'affichage, par exemple, l'affichage commercial, d'appliquer le principe de la langue d'enseignement du commerçant pour avoir le droit d'afficher ou non en anglais, et il y a eu un tollé terrible. Pour l'accès à l'école, ça va très bien. En droit positif, la langue d'enseignement du père ou de la mère, ça va très bien, il y a un document qui atteste ça, la langue d'enseignement des parents. Et c'est pour ça que ça a fonctionné par rapport à l'autre critère de la connaissance de l'anglais de la loi n° 22. Mais, pour ce qui est de cette loi-là, je ne vois pas comment on pourrait définir ces communautés-là par rapport à l'immigrant reçu. Je vous ferai remarquer cependant que, quand on parle d'immigrants reçus, on parle, en général, dans une très grande proportion, de personnes qui s'ajoutent aux communautés dites culturelles. Si on voulait aller un petit peu plus loin que les seuls immigrants reçus et aller chercher la génération suivante, bien à ce moment-là il faudrait dire: Immigrant reçu ou tout citoyen canadien de naissance dont l'un des parents était immigrant reçu et citoyen par naturalisation. Là, on irait un peu plus loin comme ça. Mais, bon, j'imagine que je n'irai pas à la troisième génération, Dieu m'en garde, ça devient très compliqué.
n(17 h 50)nM. Ouimet: Juste une dernière question. La raison pour laquelle je vous ai donné l'exemple d'une personne sikh, c'est la raison suivante. Compte tenu que cette personne-là n'est pas incluse dans la définition de «minorités visibles»...
Une voix: ...
M. Ouimet: Je ne le sais pas, mais, compte tenu qu'elle n'est pas visée dans la définition de «minorités visibles», la personne ne pourrait pas bénéficier des mesures découlant de la loi n° 143. Si elle ne bénéficie pas des mesures prévues par la loi n° 143... Moi, je prends pour acquis qu'ils sont nettement sous-représentés dans la fonction publique et je serais curieux de savoir combien de personnes sikhs sont dans la fonction publique présentement. On ne pourra jamais corriger la situation à leur égard. Alors, pourquoi limiter la définition de «minorités visibles» ou «immigrant reçu», alors qu'il y a d'autres catégories de personnes qui sont nettement sous-représentées? Et, lorsque vous les regardez à l'oeil nu, ils sont à la fois minoritaires, et c'est très visible qu'ils sont minoritaires.
Le Président (M. Rioux): M. Paillé.
M. Paillé (Michel): Là, on entre dans des technicalités, là, j'ai...
M. Ouimet: Bien, pour les personnes visées qui voudraient postuler pour un poste...
M. Paillé (Michel): Je vous dirai...
M. Ouimet: ...pour elles, ce n'est pas une technicalité.
M. Paillé (Michel): Pardon?
M. Ouimet: J'allais dire, pour les personnes qui ne sont pas visées par la loi, pour elles, ce n'est pas une technicalité, elles en sont exclues.
M. Paillé (Michel): Non, j'en conviens. Non, je vous avouerai qu'avant de venir ici je croyais intuitivement que les personnes originaires d'Asie, d'Inde en particulier, où on retrouve justement les personnes sikhs, font justement partie des minorités visibles visées. Je croyais que c'était ça.
Le Président (M. Rioux): Alors, merci, M. Paillé. On va...
M. Perreault: M. le Président.
Le Président (M. Rioux): Oui. Une précision peut-être?
M. Perreault: Oui, peut-être apporter quelques clarifications puis en même temps... M. Paillé, avec raison, a indiqué que, dans le cas des...
M. Ouimet: ...M. le ministre.
M. Perreault: Oui, mais elle existe. Elle existe, elle est celle qu'utilise Statistique Canada, et donc, à toutes fins pratiques, je l'ai déjà dit ici et je le répète, un sikh, dans la mesure où il est originaire de l'Inde, fait effectivement partie de ce qu'on appelle les minorités visibles. Mais, si je deviens sikh demain matin, que je porte le costume sikh ? à supposer que ce soit mon choix personnel en matière religieuse ? je pourrais être visible, me différencier, mais pour autant je ne deviens pas une minorité visible.
Et la question que soulève M. le député, M. le Président... Parce que, à la limite, c'est tout le débat qui a été soulevé dès le début de cette commission. Est-ce que, par exemple, la représentation des Coptes dans la fonction publique, la représentation des Grecs orthodoxes, ça doit faire partie de nos préoccupations? Là, on soulève des grands débats de société sur ce qu'est une société laïque, sur ce que sont les règles du jeu. Le projet de loi ne vise pas à assurer la mosaïque de la représentation de toutes les formes d'expression de nos sociétés, il vise à corriger, dans le cas de groupes nettement identifiés comme étant discriminés, la situation. Alors, si la personne sikh est discriminée en vertu du fait qu'elle appartient à une communauté asiatique, bien c'est évident qu'elle fait partie de ça.
Maintenant, vous me dites en fonction de son habillement, et là on soulève d'autres genres de considérations, d'autres débats. Je veux dire, prenons tout le débat autour, par exemple, du port du tchador des femmes à l'école, autour, par exemple, du costume. Il y a eu le débat sur le costume dans l'armée. Moi, je donne une opinion très personnelle, moi, personnellement, je suis pour une société laïque. Je pense que le domaine religieux doit être du domaine privé, il est garanti par l'exercice de nos chartes, mais qu'il ne doit pas rentrer en ligne de compte dans des décisions semblables. Maintenant, donc, cela dit, je crois qu'il y a une obligation des citoyens aussi de s'adapter et de tenir compte des obligations de faire partie d'une société civile. Mais ça, je pense qu'on rentre dans des considérations très complexes, je dois dire que... Mais, pour répondre au député, il y a une liste, et vous l'avez évoquée effectivement, qui est la liste de Statistique Canada. Il n'existe pas une définition juridique...
Une voix: ...
M. Perreault: Oui, on pourrait déposer cette liste sans problème. Mais, en gros, ce qu'on peut dire, c'est que les personnes, là, qui sont d'origine chinoise, du Sud asiatique, les personnes d'origine noire, dont la couleur de peau est noire, les Arabes, Asiatiques occidentaux, les Philippins, les Asiatiques du Sud-Est, les Latino-Américains, les Japonais, les Coréens, ce sont des catégories utilisées par Statistique Canada. Mais, effectivement, ce ne sont pas des catégories absolues et objectives. Ma nièce est métisse, dans le sens que son père est Coréen, sa mère est Québécoise d'origine. Elle est plus ou moins métissée. J'ai un autre neveu qui est métissé autrement. Mais, je veux dire, la réalité de l'humanité est complexe.
Mais, essentiellement, ça exclut, dans le fond, ceux qui sont les Blancs d'origine un peu caucasienne. Et ce que le projet de loi ne couvre pas effectivement, c'est les Québécois issus de l'immigration, d'origine européenne. J'ai indiqué un peu pourquoi, à la fois parce qu'ils n'avaient pas été identifiés comme des groupes clairement discriminés, à la fois parce que les statistiques... Mais, effectivement, je reconnais que le projet de loi ne couvrirait pas cette partie des Québécois qui peuvent effectivement être sous-représentés dans la fonction publique, par exemple les gens d'origine ukrainienne.
Le Président (M. Rioux): Alors, M. le ministre, vous allez déposer ce document?
M. Perreault: Oui, on va... Je voudrais juste m'assurer qu'on dépose le... Écoutez, on va en faire une photocopie, celle-là est un peu...
Le Président (M. Rioux): Très bien. Le député de Marguerite-D'Youville avait manifesté le goût d'intervenir. Est-ce que vous devez le faire, M. le député?
M. Beaulne: Oui, oui, très brièvement. D'abord, je vous remercie, à titre d'individu, d'être venu ici. On en parlait un peu plus tôt à la commission, ça exige un fardeau additionnel pour les individus. Mais toute cette discussion montre jusqu'à quel point on marche sur des coquilles d'oeufs dans une discussion comme celle-là, et c'est surtout pour vous relancer sur la notion d'immigrant reçu.
J'ai de la misère à concevoir qu'on puisse en faire un critère dans le projet de loi pour la raison suivante, c'est que ? et vous l'avez dit en partie vous-même ? immigrant reçu, c'est une catégorie légalement reconnue par le gouvernement fédéral. C'est un papier, une catégorie. Si on procédait de cette manière-là, ça place où, ça, les gens qui sont ici dans la catégorie qu'on pourrait appeler de manière générale les réfugiés qui, à ce titre-là, n'ont pas de papier officiel comme immigrants reçus, qui peuvent vivre ici pendant trois, quatre, cinq ans ? Dieu sait combien de temps ? avant que le fédéral décide de statuer sur leur statut ? d'ailleurs, c'est une problématique importante ? mais qui sont également partie des minorités visibles? Alors, en d'autres mots, on introduirait une discrimination entre des gens qui ont un papier officiel du gouvernement et d'autres qui vivent exactement la même problématique, mais qui n'ont pas ce papier-là officiel du gouvernement parce que le fédéral traîne avant de leur reconnaître un statut. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.
Le Président (M. Rioux): M. Paillé.
M. Paillé (Michel): Oui. De fait, lorsqu'un revendicateur du statut de réfugié voit son statut reconnu, il devient immigrant reçu. Et, s'il fait partie d'une minorité dite visible, à ce moment-là, avant d'obtenir son papier, il pourrait obtenir un emploi, mais rien n'empêche non plus que celui qui ne l'a pas obtenu obtienne un emploi aussi. Parce que, au fond, de quoi discute-t-on ici? On discute de la façon de fixer des objectifs par organisme. La Communauté urbaine de Québec, par exemple, celle de Montréal, la ville de Montréal, la ville de Québec doivent se donner des objectifs et faire approuver ces objectifs-là, je pense, par la Commission des droits de la personne et je ne sais plus quoi, là, le titre a été allongé.
Bref, au fond, mon point de vue là-dessus, c'est que la société québécoise étant très ouverte, je pense que le simple fait d'avoir une loi comme celle-ci et de l'élargir comme je le propose et comme d'autres l'ont proposé aussi dans d'autres domaines... On ne peut pas tout faire, chacun, chaque groupe, chaque individu ici, en commission parlementaire, apporte son point de vue, mais ? et je termine là-dessus, M. le Président ? au fond, la société étant ouverte, ces organismes-là vont embaucher même des personnes qui sont un peu à la marge de ces groupes visés.
Le Président (M. Rioux): Alors, merci, M. Paillé. Ça nous a fait plaisir de vous accueillir.
Je voudrais dire aux députés membres de cette commission que le Parlement ne siégera pas de façon spéciale ce soir, il y a eu, semble-t-il, une entente de principe avec les policiers du Québec, Dieu merci. Et nous nous retrouverons mardi prochain, le 5 septembre, à 14 heures. Et là, attention, on accueille la Fédération des cégeps.
Alors, j'ajourne nos travaux. Merci.
(Fin de la séance à 18 heures)