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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mercredi 5 mars 1997 - Vol. 35 N° 29

Consultation générale sur les cartes d'identité et la protection de la vie privée


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Jean Garon, président
M. Yves Beaumier, président suppléant
Mme Solange Charest
M. Geoffrey Kelley
M. Lawrence S. Bergman
M. David Payne
M. Michel Morin
M. Pierre-Étienne Laporte
*M. Claude Gélina, SAAQ
*M. Marc-Henri Paradis, idem
*Mme France Desmeules, idem
*M. Luc Vigneux, idem
*M. Gilles Émond, RRQ
*M. Pierre Normand, idem
*M. Pierre Bélisle, idem
*M. Guy Lavigne, Directeur de l'état civil
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Dix heures dix minutes)

Le Président (M. Garon): Je déclare la séance ouverte et je rappelle que la commission s'est donnée le mandat d'initiative suivant: procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques sur les cartes d'identité et la protection de la vie privée.

Y a-t-il des remplacements, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Bergman (D'Arcy-McGee) remplace Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys).

Le Président (M. Garon): Alors, je donne lecture de l'ordre du jour. Nous entendrons, à 10 h 10, la Société de l'assurance automobile du Québec; à 11 heures, la Régie des rentes du Québec; et, à midi, le Directeur de l'état civil, et nous ajournerons à 13 heures. Alors, j'invite immédiatement – je pense qu'ils sont déjà rendus – les représentants de la Société de l'assurance automobile du Québec, représentés par Me Claude Gélinas; et s'il veut nous présenter les gens qui l'accompagnent. Nous avons une heure ensemble, c'est-à-dire normalement 20 minutes pour votre exposé et 20 minutes pour chacun des partis ministériels. Ce que vous prendrez en plus leur sera soustrait, ce que vous prendrez en moins, ils pourront prendre ce temps-là pour poser des questions additionnelles. Allez-y.


Auditions


Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ)

M. Gélinas (Claude): Merci, M. le Président. Je suis, moi, secrétaire de la Société et également directeur des affaires juridiques et responsable de la loi de l'accès, à la Société de l'assurance automobile du Québec. Je suis accompagné ce matin de Me France Desmeules, qui est le chef d'équipe au Service de la loi de l'accès, à la Société, et également de M. Luc Vigneux, qui est responsable du secteur des ententes, l'élaboration et la négociation des ententes avec les organismes publics et privés, et également de M. Marc-Henri Paradis, de la vice-présidence aux opérations régionales à la Société et qui est le chargé de projet pour l'ensemble des opérations reliées au jumelage entre la Société et la Régie de l'assurance-maladie pour la carte-photo, le permis de conduire-photo.

M. le Président, dans le cadre de la consultation publique qui est en cours maintenant, la Société de l'assurance automobile du Québec se devait d'intervenir puisqu'elle est un des principaux agents fournisseurs de services en matière de pièces d'identité au Québec. Ces services se situent principalement lors de l'émission des permis de conduire, mais également lorsque la Société agit comme agent authentificateur lors du renouvellement des cartes d'assurance-maladie. Et, à titre d'organisme public, la Société ne désire pas prendre d'option en faveur d'une carte d'identité ou non afin de laisser la place aux citoyens dans le présent débat. Son intervention est donc axée d'abord sur son rôle de gestionnaire dans ce secteur particulier de services et sur ses constatations résultant de l'utilisation passée et actuelle du permis de conduire.

L'identification des citoyens constitue un élément essentiel des services publics. Ça, je pense qu'on peut dire que c'est un peu une vérité de La Palice. Également, on peut dire que l'informatisation des données est une réalité qu'on ne peut dénier; et, dans un contexte où les développements technologiques permettent une multiplication du nombre de fichiers informatiques, de leur appariement et de leur exploitation, jusqu'où l'autorité publique peut-elle utiliser l'information sur les citoyens pour assurer une saine gestion et l'intérêt de la collectivité tout en préservant la protection des renseignements personnels?

Les cartes d'identité ou même une carte multiservices gouvernementale, à notre avis, ne sont que des outils. La Société porte un intérêt tout particulier au dossier d'une carte d'identité ou d'une carte multiservices puisque ces concepts mettent sur la table la question du devenir du permis de conduire. Le permis de conduire sera-t-il utilisé comme carte d'identité? Sera-t-il intégré dans une carte multiservices et gouvernementale? Son contenu sera-t-il modifié?

On a lu dans le journal Le Devoir les déclarations qui ont été faites entre autres par le Secrétariat à l'inforoute, le Secrétariat au conseil exécutif, et le document de réflexion qu'il a soumis, entre autres, où on dit qu'il est possible qu'une carte multiservices gouvernementale remplace le permis de conduire.

Nous, on apporterait une nuance à cette affirmation-là dans le sens de dire que nous croyons plutôt qu'une carte multiservices gouvernementale, si jamais on a recours à une telle carte, devrait incorporer et non pas remplacer le permis de conduire; et je pense qu'à la suite des propos qu'on va tenir aujourd'hui, vous allez mieux comprendre pourquoi on croit utile, même nécessaire, si jamais le gouvernement a recours à une carte multiservices, pourquoi on devrait l'incorporer et non pas le remplacer.

Il s'agit d'une préoccupation majeure pour la Société compte tenu des investissements importants qu'elle a réalisés depuis quelques années pour la numérisation de la photo nécessaire au permis de conduire plastifié et à la carte d'assurance-maladie, et pour la disponibilité de services personnalisés en région. L'implantation d'une carte d'identité ou d'une carte multiservices nécessite de prendre en considération les infrastructures existantes développées par la Société pour la fourniture de ce genre de services. D'autre part, on ne peut passer sous silence la rationalisation des coûts administratifs de l'État, y compris ceux de la gestion de l'information.

On ne peut non plus discuter de ce type de carte sans tenir compte des exigences reliées aux déplacements hors Québec et des tendances nord-américaines en matière de carte d'identité ou de permis de conduire. Et ça, c'est tout le débat du caractère extraterritorial du permis de conduire. C'est peut-être unique dans notre cas, on est peut-être la seule carte, comme tel, utilisée par les Québécois qui a un caractère extraterritorial de cette nature. La carte d'identité sert à individualiser une personne par un ensemble de données de fait ou de droit qui ne concernent que cette personne. Ces renseignements doivent habituellement apparaître à la face même du document et pouvoir être lus sans contrainte technique, si on veut que la carte d'identité puisse être reconnue par n'importe quel intervenant en tout temps et en tout lieu, y compris à l'extérieur de la juridiction d'émission. En fait, plus une carte contient d'informations lisibles par tous, plus elle est susceptible d'être largement utilisée comme carte d'identité. Telle est la situation vécue présentement dans le cas du permis de conduire.

Plusieurs États américains et certaines provinces canadiennes émettent déjà des cartes d'identité. Ces cartes sont émises par les mêmes autorités qui émettent les permis de conduire. Nous vous présentons en annexe à notre mémoire un répertoire de renseignements qui apparaissent sur les cartes d'identité et permis de conduire émis aux États-Unis et au Canada. C'est de l'information qui nous est donnée par le ministère des transports américain, qui date d'avril 1996, qui donne une liste complète tant des provinces canadiennes qui émettent des cartes d'identité et des permis de conduire ainsi que des juridictions américaines, le nombre d'États américains qui émettent à la fois des permis de conduire et des cartes d'identité. Et on s'aperçoit que, dans la grande partie de ces cas, ceux qui émettent à la fois carte d'identité et permis de conduire le font avec à peu près le même contenu et les mêmes informations.

On constate également que la photo est dorénavant un élément essentiel à une carte d'identité ou à un permis de conduire. L'ajout de la photo au permis de conduire et à la carte d'assurance-maladie semble avoir été bien accueilli par la population du Québec et ne semble plus poser problème dans un concept de carte d'identité.

Au niveau du concept, de la finalité, je pense que, là aussi, on avait des commentaires. La centralisation des données apparaît comme la principale source de crainte en matière de protection de la vie privée. À cette fin, il est essentiel que les finalités de tels regroupements soit clairement définies à l'avance. Les finalités regroupent à la fois le contenu, l'usage et l'identification des personnes autorisées à accéder aux renseignements, et particulièrement sur les finalités d'un fichier centralisé d'informations d'identité, nous nous questionnons sur ce qui est le plus transparent pour le citoyen. Un ficher d'informations de base aux finalités et aux accès plus déterminés, un peu comme le suggère le Directeur de l'État civil, ou une multitude de croisements entre les différents fichiers à travers l'appareil gouvernemental dont le contrôle s'effectue à la pièce.

(10 h 20)

Contrairement à la position de la Commission d'accès à l'information, nous croyons que le permis de conduire au Québec a toutes les caractéristiques d'une carte d'identité. C'est une pièce officielle émise par une autorité gouvernementale, qui a un caractère légal, qui permet d'individualiser une personne et qui est reconnue à l'extérieur du Québec. Dans les faits, le permis de conduire a toujours été utilisé par les Québécois et Québécoises comme une carte d'identité, et ce, avant même l'ajout de la photographie. Le permis de conduire couvre un bassin de population d'environ 4 300 000 citoyens, soit l'équivalent de 74 % des Québécois âgés de 16 ans et plus. Le permis de conduire plastifié contient, en plus de la photographie du titulaire, ses nom, prénoms, le sexe, la taille et la couleur des yeux, l'adresse, la signature du titulaire, la classe et les conditions rattachées au permis, le numéro de permis de conduire, qui inclut la date de naissance, le numéro de référence, qui est le numéro de contrôle de la pièce pour la Société, la date de validité, qui est la date du début, et la date d'expiration de la pièce. Le permis plastifié comporte de plus un code à barres et des caractéristiques de sécurité, comme la présence d'un hologramme. Depuis 1995, la Société délivre des permis de conduire avec photo et assure le service de prise de photographies et d'authentification pour les renouvellements de la carte d'assurance-maladie. Depuis l'introduction de la photographie, la Société a pu constater que la non-conservation de la photographie des titulaires des pièces émises doit être réexaminée attentivement. Elle est convaincue que la conservation pourrait améliorer le service à la clientèle et sécuriser l'émission des pièces.

Je vais demander, entre autres, à M. Paradis de vous fournir un petit peu plus d'explications sur les raisons pour lesquelles on demanderait de conserver la photo.

M. Paradis (Marc-Henri): Tout d'abord, divers services pourraient être améliorés et simplifiés, pour le permis de conduire, par la conservation de la photo. Un premier service concerne le remplacement d'un permis de conduire. Annuellement, plus de 150 000 permis sont remplacés pour des raisons de perte, vol, bris, etc. Le détenteur doit actuellement se déplacer dans l'un des points de service de la SAAQ pour une nouvelle prise de photo et la production d'un nouveau permis. La conservation de la photo pourrait permettre au client d'obtenir le remplacement d'un permis par une démarche aussi simple qu'un appel téléphonique.

Un autre service qui pourrait être amélioré concerne la fin de la période probatoire. Le premier permis obtenu par un conducteur est dit probatoire pour une période de deux ans. Si le détenteur a respecté les conditions rattachées à l'approbation, il a droit, à la fin de cette période, d'obtenir un permis de conduire régulier. Il doit alors se présenter dans un point de service pour être photographié de nouveau. Une banque de photos et de signatures permettrait dans de tels cas d'expédier le nouveau permis par la poste à l'échéance de la période de deux ans et d'éviter un autre déplacement au client. Plus de 100 000 conducteurs sont concernés chaque année par cette situation.

Troisièmement, à la suite d'un changement d'adresse, la SAAQ pourrait, avec une banque de photos et de signatures, envoyer un nouveau permis à chaque détenteur concerné sans qu'une nouvelle prise de photo soit nécessaire. Plus de 700 000 changements d'adresse sont effectués annuellement à la SAAQ. Actuellement, dans un tel cas, pour simplifier les processus, on envoie plutôt un papier indiquant la nouvelle adresse, et ce papier mobile doit être joint en permanence au permis photo jusqu'au prochain renouvellement.

Quatrièmement, le renouvellement du permis avec photo s'établit en moyenne à tous les quatre ans. Tout en maintenant cette durée, l'utilisation d'une banque de photos et de signatures nous permettrait de transmettre par la poste, au terme d'une première période de quatre ans, un nouveau permis de conduire en utilisant la même photo et signature et de permettre au client de ne se déplacer qu'à tous les huit ans pour une nouvelle prise de photo. Un million cent mille conducteurs sont concernés chaque année par le renouvellement et pourraient bénéficier de cette amélioration de service.

Par ailleurs, depuis l'introduction du permis plastifié, la Société a été à même de constater que la présence de la photo et de la signature sur le permis de conduire ainsi que l'association de ces deux composantes en regard d'un même détenteur permettent de sécuriser l'émission des pièces et de faciliter le service à la clientèle. À cet effet, plus de 6 500 000 transactions sont réalisées annuellement dans le réseau des points de service de la SAAQ, et le permis de conduire sert comme pièce d'identité dans 95 % des cas.

Enfin, la Régie de l'assurance-maladie du Québec nous a fait part au cours des dernières semaines de sa décision favorable quant à la conservation de la photo et de sa volonté de s'associer à la Société de l'assurance automobile du Québec dans cette démarche.

M. Gélinas (Claude): Merci, M. Paradis. Je pense que toutes ces informations-là ont pour but de vous démontrer que la Société a développé, au cours des deux dernières années en particulier, une expérience particulière au Québec en matière de services impliquant une clientèle de masse et un volume de transaction tout aussi important dans le jumelage de deux cartes par deux organismes gouvernementaux différents.

L'introduction de la photographie et la plastification du permis de conduire ont augmenté l'appréciation et l'utilité du permis de conduire comme pièce d'identité comme telle. L'utilisation de cette pièce par les citoyens à d'autres fins d'identification que pour les besoins de la conduite automobile a toujours été laissée libre jusqu'à l'introduction de la photographie. Et la loi a été modifiée en janvier 1995 seulement. En 1995, à défaut de débat sur la notion de carte d'identité, des mesures législatives furent prises pour limiter les finalités d'utilisation du permis de conduire. Ce que la loi dit, en somme, c'est que les seuls qui peuvent exiger le permis de conduire à des fins d'identification, ce sont la Société, pour les fins de son administration, et les forces policières, les agents de la paix. Mais ça n'empêche pas les personnes de volontairement donner leur permis de conduire comme carte d'identité. Ce que des millions de Québécois font tous les jours.

Aujourd'hui, le débat porte précisément sur ces finalités. Et, sur cette question des identifiants universels et tout le reste, je demanderais à Me Desmeules maintenant de vous donner quelques précisions.

Mme Desmeules (France): Alors, lorsqu'on parle de finalité au niveau justement de la carte d'identité, au niveau du permis de conduire également, il faut penser également à la question des identifiants. Alors, les fameuses questions des identifiants universels. Il faut penser aussi aux nouvelles technologies de l'information qui permettent justement d'accéder facilement aux bases de données et il faut penser également aux transferts de renseignements nominatifs entre les ministères et les organismes. Alors, c'est un peu le débat qui a été fait hier, qui a été amorcé hier, et c'est un peu ce dont je voudrais vous parler ce matin.

Alors, au niveau des identifiants universels, le permis de conduire en tant que pièce d'identité a entraîné l'utilisation du numéro de permis de conduire comme un identifiant majeur au Québec. D'autres identifiants, comme le numéro d'assurance-maladie et le numéro d'assurance sociale, connaissent le même sort. Au Québec, un certain contrôle sur la collecte des identifiants universels s'est effectué par l'interprétation juridique du critère de nécessité qui conditionne la collecte de tout renseignement nominatif. C'est un peu ce qui a été discuté hier lors de la commission parlementaire. Le gouvernement fédéral a également tenté de limiter l'utilisation du numéro d'assurance sociale.

Les craintes reliées à ces numéros sont qu'ils peuvent faciliter la mise en réseau de grandes banques d'information. Toutefois, leur utilité, voire leur nécessité, ne peut être mise en doute dans un contexte de gestion publique. Si ces identifiants peuvent faciliter les mises en réseau d'information, leur absence ne les empêche certainement pas. Force nous est de constater que des échanges d'informations personnelles sont présentement réalisés avec d'autres identifiants que des identifiants numériques, par exemple, avec les noms, adresses et dates de naissance. Des bases de données telles que celles des titulaires de permis de conduire ou celles des propriétaires de véhicules automobiles ont toujours été fortement sollicitées par les autres organismes publics, notamment en ce qui a trait aux changements d'adresse.

Depuis 1982, l'avènement de la loi sur l'accès a engendré une remise en question des échanges de renseignements personnels au sein de l'appareil gouvernemental. Il y a eu effectivement beaucoup de restructuration au niveau de la gestion de l'information gouvernementale depuis l'avènement de la loi sur l'accès à l'information, mais, tel que le soulignait le Vérificateur général dans son rapport, les impacts réels en matière d'économie ou en matière, justement, des impacts économiques reliés à ces changements-là n'ont jamais été vraiment évalués. La Société est gestionnaire et responsable de ces bases de données et, à ce titre, elle exige des justifications avant de fournir ces renseignements. Au cours des dernières années, maintes fois nous avons limité la diffusion de ces renseignements. Toutefois, un fait demeure, le besoin d'identifier et de retracer les clientèles des services gouvernementaux sera toujours présent. En 1987, la Commission d'accès à l'information soulevait, dans son premier rapport quinquennal sur la mise en oeuvre de la loi sur l'accès à l'information, ses appréhensions face aux identifiants universels. Dans son deuxième rapport quinquennal, lors de la deuxième révision de la loi, en 1992, la Commission soulignait de nouveau l'impact de l'informatique sur la création de fichiers de renseignements personnels, notamment par les techniques de comparaison, de couplage et d'appariement. En 1997, nous amorcerons bientôt la troisième révision quinquennale de la loi sur l'accès, et on peut constater que les craintes qui ont déjà été soulevées depuis 1987 sont toujours demeurées et que les organismes cherchent encore à concilier efficacité, gestion des fonds publics et confidentialité des renseignements personnels.

Le dernier rapport du Vérificateur général est éloquent sur cette situation et recommande notamment au gouvernement d'étudier la pertinence de se servir le plus possible des informations contenues dans les fichiers des différents ministères et organismes dans le but de faciliter l'application des lois et des programmes, ainsi que pour améliorer les services à la clientèle, et ce, naturellement – et ça, c'est fondamental – tout en protégeant la vie privée des citoyens.

(10 h 30)

L'aspect économique de la gestion des informations personnelles doit dorénavant être pris en considération. Dénier les technologies de l'information ne peut être une solution. Elles sont une réalité économique qui doit également être prise en considération. La discussion sur l'éventualité d'une carte d'identité au Québec, l'éventualité d'une carte multiservices ou la remise en question des cartes existantes soulèvent les questions des coûts qui sont reliés à la gestion de l'information personnelle au sein du gouvernement.

Le Protecteur du citoyen lui-même, dans son dernier rapport, soulignait ne pas être en désaccord avec le principe d'un guichet unique, sur la question de l'inforoute, et envisageait, au besoin, des fusions dans les secteurs administratifs si une telle solution pouvait contribuer à améliorer l'offre et la qualité des services. Il soulignait toutefois les dangers d'une trop grande concentration des fonctions afin d'éviter une collecte des renseignements sans limite.

Alors, les vrais enjeux sont présentement sur la table et, à l'aube justement de la troisième révision quinquennale de la loi sur l'accès, je pense qu'il est grand temps effectivement de se positionner sur la gestion de l'information gouvernementale.

M. Gélinas (Claude): Dans notre mémoire, le dernier point que nous avions abordé était justement le caractère extraterritorial du permis de conduire, l'importance de ce document non seulement à l'intérieur de nos frontières, mais aussi à l'extérieur de nos frontières. Et, dans ce sens, sur le permis de conduire en Amérique du Nord, je demanderais, très brièvement, à M. Vigneux de vous expliquer pourquoi le caractère extraterritorial du permis de conduire est si important.

M. Vigneux (Luc): O.K. En Amérique du Nord, chaque province ou État a juridiction en matière de circulation routière. Donc, le privilège de conduire un véhicule automobile, pour le conducteur, est soumis à la juridiction où il circule, dans laquelle il circule.

Au Québec, le Code de la sécurité routière précise les conditions pour obtenir un permis de conduire. Il précise aussi les conditions pour échanger le permis de conduire à une personne qui quitte une administration pour venir au Québec. Il y a réciprocité en cette matière. Dans ce contexte, les autorités responsables de l'administration des véhicules routiers tendent à uniformiser leurs pratiques à travers le territoire nord-américain, notamment sous l'égide du Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé et son pendant américain, l'Association américaine des administrateurs en transport motorisé.

Chaque juridiction, chaque administration qui participe à ces regroupements-là demeure souveraine, si on veut, en matière de circulation routière. Ces organisations-là tendent à uniformiser leurs pratiques en matière d'identification de conducteur, en matière de circulation routière, en matière de contrôle routier. L'an dernier, en 1996, l'Association américaine des administrateurs en transport motorisé a analysé la question de l'identification des conducteurs, et le groupe de travail qui s'est penché sur cette question-là a émis des recommandations à l'effet que le permis de conduire... des recommandations ou des constatations. Le permis de conduire est une pièce, une carte d'identité internationalement reconnue. Autre constatation, la personne ne devrait avoir qu'un seul permis de conduire, et la juridiction qui émet des permis de conduire ne devrait pas émettre deux permis ou plusieurs cartes à la même personne.

Autre constatation, la personne ne devrait avoir qu'une carte d'identité ou qu'un permis de conduire, et ce permis de conduire devrait la suivre, ou son dossier de conduite, son expérience de conduite devrait la suivre lorsqu'elle quitte un territoire, lorsqu'elle quitte une juridiction pour se rendre dans une autre juridiction. Les permis de conduire devraient avoir un identifiant unique. Les administrations devraient poursuivre les fraudeurs. Et, pour fins de contrôle, de vérification, les administrations devraient conserver la photographie.

Donc, ce sont autant de propositions ou autant de constatations qui démontrent un souci d'uniformiser les pratiques en matière d'identification des conducteurs. En plus de cela, ces associations-là, ces regroupements-là font différents travaux. Aussi, on tient à souligner qu'en 1994 le Congrès américain a adopté une loi sur la protection des renseignements personnels relatifs aux conducteurs, le Driver's Privacy Protection Act. Cette loi fédérale prévaut sur les lois des États dans la mesure où elle accorde une protection plus grande à la confidentialité.

Donc, il y a de la progression dans le domaine, en matière de confidentialité des informations relatives aux conducteurs. La préoccupation québécoise a toujours été soulevée dans ces comités-là, dans ces associations-là, et le présent débat permettra certainement de poursuivre le mouvement déjà amorcé.

M. Gélinas (Claude): En conclusion, M. le Président, la Société de l'assurance automobile est d'avis qu'on ne peut nier que le permis de conduire joue un rôle de carte d'identité au Québec dans les faits, dans la réalité, qu'il s'avère utile, voire nécessaire, pour ses 4 300 000 titulaires, et ce, dans divers domaines, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des frontières du Québec; que, dans le débat sur la carte d'identité, l'expérience vécue, entre autres, avec le jumelage avec la Régie de l'assurance-maladie, les infrastructures actuelles, la mise en place, pour offrir les services, de pièces d'identité, notamment avec photo, doivent être prises en considération compte tenu de l'expertise et des investissements développés; et que le débat sur la carte d'identité nécessite que soient définies des orientations sur la gestion de l'information personnelle à l'intérieur de l'appareil gouvernemental, de façon à établir un équilibre – c'est toujours ce qu'on recherche, l'équilibre – entre la saine gestion des fonds publics, le droit du citoyen à la protection des renseignements le concernant, en ce qui a trait aux procédés informatisés du traitement de l'information. Donc, je vous remercie.

Le Président (M. Garon): Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Merci, M. le Président. Bonjour et bienvenue, Me Gélinas et les partenaires qui vous accompagnent. Je trouve intéressant votre mémoire parce que, dans le fond, comme organisme d'État, vous êtes venus en quelque sorte nous rappeler vos besoins en termes d'identifiants pour assurer un service de qualité à la clientèle que vous avez, et c'est une clientèle de masse. Je pense que, là-dessus, on peut dire quand même que la Société de l'assurance automobile du Québec réussit très bien à donner des services à une population étalée à la grandeur du Québec. Quel que soit le lieu où on habite, on a accès, quand même, à des services.

Ceci étant dit, ça me pose quand même question, parce que je me dis: Comme entreprise, que vous soyez une société d'État ou pas, vous transigez des informations, vous manipulez des informations à caractère personnel. Vous comme moi, vous avez vu les journaux ce matin, et la Société de l'assurance automobile n'est pas exclue, à ce qui paraît, du marché au noir des renseignements personnels et confidentiels qui existe.

Alors, je ne sais pas si quelqu'un vous a déjà demandé quel était mon dossier de conducteur?

Une voix: Votre adresse.

Mme Charest: Pardon?

Une voix: Votre adresse, plutôt.

Mme Charest: Mon adresse. Ah, peut-être! Ou également mon adresse. Ce que je veux souligner: malgré le fait qu'on puisse prendre certaines précautions, on n'est jamais convaincus à 100 %, qu'en quelque part quelqu'un puisse profiter du fait qu'on a emmagasiné des renseignements sur qui que ce soit, que ce soit moi ou une autre personne résidant au Québec, et qu'on puisse en faire un marché.

J'avoue que ça me pose des problèmes de savoir, que ce soit à la RAMQ, à la SAAQ, à la Régie des rentes, enfin, partout où il y a des banques de données, qu'on puisse impunément – et j'espère que notre gouvernement va y voir rapidement – faire le marchés des renseignements.

Ceci étant dit, j'aimerais vérifier avec vous le permis. Maintenant qu'il a une photo... Moi, je vous ferais une parenthèse là-dessus. J'ai renouvelé mon permis, on ne m'a jamais demandé et requis une photo. Je renouvelle mon permis, j'ai renouvelé encore cette année et je n'ai pas de photo sur mon permis de conduire. C'est peut-être...

M. Gélinas (Claude): Ça va se faire sur une période de quatre ans. On a commencé en mai 1995 et ça va se terminer à la fin de 1999.

Mme Charest: Ah! C'est peut-être pour ça, O.K., c'est beau.

M. Gélinas (Claude): Parce que ce qui est l'élément déclencheur, c'est le renouvellement de votre carte d'assurance-maladie.

Mme Charest: Et je suis persuadée que la photo, c'était pour en quelque sorte certifier les données que vous pouviez obtenir pour identifier un individu. Et la photo, j'aimerais savoir, une fois que vous l'avez instaurée, vous êtes sûrement à même de faire une cueillette de données et d'évaluer. Est-ce que ça vous a permis de mieux identifier vos porteurs de permis de conduire? Jusqu'à quel point la photo vous a permis aussi de diminuer le nombre de titulaires ayant plus d'un permis dans ses poches? C'est un peu comme les gens qui ont plusieurs cartes de partis politiques, ça, là. Alors, ils se promènent avec plusieurs permis de conduire. Est-ce que...

J'aimerais voir un peu... ça donne quoi, la photo. Vous allez me dire: C'est simple, c'est une question simpliste. On sait que, quand quelqu'un se présente avec la photo... Je vais vous dire que le passeport a la photo, mais ça n'évite pas qu'il y ait de faux passeports. Quand on se présente à une douane, même si on a un faux passeport, on réussit à passer parce qu'on a une photo qui nous identifie dans le faux passeport. Vous voyez un petit peu dans quel sens je vous pose la question?

(10 h 40)

M. Gélinas (Claude): La photo était définitivement un élément de sécurité additionnel pour identifier la personne. Je demanderais à M. Paradis, peut-être, qui est responsable de toute l'infrastructure autour de la photo...

Mme Charest: O.K. mais là je remarque que vous me dites que c'est un élément de sécurité additionnel. Ça ne veut pas dire que c'est absolument nécessaire, parce qu'il y avait déjà des éléments de sécurité.

M. Gélinas (Claude): Oui, oui, oui, mais ça devient un élément encore... C'est pour ça qu'on disait, nous, qu'on veut conserver la photo, parce que allier la photo avec la signature, maintenant, qui est numérisée par la personne, les deux ensemble font un élément de sécurité qui est extrêmement important; c'est ce que M. Paradis avait mentionné dans ses propos.

M. Paradis (Marc-Henri): Oui, effectivement, c'est que comme je l'ai dit tout à l'heure, dans plus de 95 % des transactions qui sont réalisées dans l'ensemble des points de service de la SAAQ, le permis de conduire est la pièce d'identité première, la pièce d'identité numéro 1. L'association de la photo et de la signature nous permet, hors de tout doute, de s'assurer que la personne qui est devant nous, c'est bien la même personne. Parce que, comme le disait Me Gélinas, même si la personne peut physiologiquement changer temporairement, il reste qu'on a aussi la signature de la personne, donc on peut de visu s'assurer que la personne qui est devant nous, qui veut faire une transaction pour un véhicule, pour une acquisition, pour un transfert, pour, peu importe, d'autres éléments, cette personne-là, c'est bien celle qui détient le permis de conduire auquel se rapporte le nom du détenteur et d'autres caractéristiques qui sont en rapport avec son dossier personnel.

Mme Charest: Si je comprends bien, vous me dites que c'est la signature et la photo, c'est le couplage de ces deux éléments-là qui renforcit la sécurité, la certification de l'authenticité de la personne qui est en avant de vous, ou si la signature ne serait pas suffisante si on n'avait pas la photo? Parce qu'on peut demander au citoyen en avant de vous de signer, et vous pouvez la valider avec une signature que vous avez déjà préalablement enregistrée. Je cherche à comprendre jusqu'où, parce que, vous savez, dans une carte d'identité, ce qu'on dit, c'est qu'il faut... puis dans les échanges de renseignements, c'est la nécessité qui doit... il faut prouver que c'est nécessaire.

Alors, le concept de nécessité, j'essaie de le comprendre, avec ce que vous faites, j'essaie de voir jusqu'où va la nécessité pour vous.

M. Paradis (Marc-Henri): C'est-à-dire que l'association des deux permet à nos préposés d'en arriver très rapidement à un constat quant à l'authentification de la personne. Il est absolument important, quant au volume, comme vous pouvez le constater, 6 500 000 transactions, c'est un volume imposant. Il est absolument essentiel aussi pour nous d'être productif, de s'assurer que les opérations se déroulent avec un temps optimal. Donc, l'association des deux nous permet d'identifier la personne hors de tout doute et de s'assurer que la transaction qui se fait se rapporte bien au vrai détenteur de ce permis de conduire là.

Mme Charest: O.K. Oui, Me Gélinas?

M. Gélinas (Claude): Également, Me Desmeules aurait quelques précisions à apporter là-dessus, au niveau de la photo et des relations à faire avec son utilisation, entre autres par les agents de la paix.

Mme Desmeules (France): Parce qu'il ne faut pas oublier que le fondement même, au niveau du permis de conduire, c'est l'application du Code de la sécurité routière, puis le Code de la sécurité routière, ça vise plus de 4 000 000 de personnes, ce sont des applications vraiment quotidiennes. Et dans, justement, dans l'application quotidienne du Code de la sécurité routière et, également, des règlements municipaux en matière de circulation routière ou de stationnement, peut-être pas au niveau du stationnement mais de circulation routière, il faut vraiment que le policier soit en mesure de constater que la personne qu'il intercepte est bien le vrai détenteur du permis de conduire qui est présenté. Alors, la photo, c'était le moyen idéal, justement, pour s'assurer de ce lien-là.

Mme Charest: Je remarque aussi que, dans votre mémoire, vous reconnaissez que le permis de conduire est utilisé à toutes sortes de fins autres que celle pour laquelle il a été conçu, c'est-à-dire prouver qu'on est en droit de conduire ou que le privilège qu'on a de conduire est acquis.

Et vous dites aussi que, en tout cas, je crois ou j'interprète que vous allez même jusqu'à suggérer que le permis de conduire puisse être en quelque sorte la carte d'identité éventuelle ou une carte d'identité éventuelle, ou que ça pourrait servir de carte d'identité éventuellement au Québec, et, dans ce cadre-là, moi, je me dis, j'aimerais savoir, lorsque des policiers... Parce qu'on sait très bien que dernièrement on a entendu parler que des policiers abusaient de leur accès aux fichiers pour donner des renseignements à partir du dossier de conducteurs, sur certaines personnes, il me semble que j'ai vu ça dans les journaux, là, je ne sais pas, et il me semble que ça a été connu, là, dernièrement.

Je voudrais savoir: Est-ce que c'est automatique? Un policier, compte tenu de son accès aux fichiers, peut pitonner, peut demander des renseignements, et automatiquement il l'a, ou s'il faut qu'il justifie sa demande? Comment vous fonctionnez, là? Parce que, si on a accès aux fichiers, je voudrais bien savoir c'est quoi, l'utilisation quotidienne qui fait que, moi, je sais que, bon, x policier décide de demander des renseignements sur moi, c'est parce qu'il m'a arrêtée, vérifié si j'avais mon permis valide, vérifié si j'étais conforme, mais, est-ce qu'il a des...

M. Vigneux (Luc): En réponse à cette question, la Société et les corps policiers ont accès aux informations de la Société instantanément par l'entreprise du Centre de renseignements policiers du Québec. Il se fait environ 8 000 000 de consultations de dossiers par année. C'est certain que la Société ne peut pas vérifier le bien-fondé de chacune des consultations de dossiers. Le policier demande généralement accès aux informations ou obtient les informations soit dans le cadre d'une arrestation pour une contravention ou etc. La Société n'est pas en mesure de contrôler l'utilisation qui est faite par le corps policier, ou le policier, qui, lui-même, est assujetti également à la loi sur l'accès à l'information, il ne doit obtenir que les renseignements qui sont nécessaires à l'application de la loi.

Mme Charest: O.K., donc, je prends pour acquis, ou enfin j'interprète, et peut-être que je me trompe, que, parce qu'on est policier, automatiquement, bon, on a accès quand même à une banque de données très importante et qu'en tout temps on peut y avoir accès. Et vous allez dire que c'est toujours lié à un dossier ou, en tout cas, c'est supposé être. Et je suis de bonne foi, je pense qu'ils le font aussi parce qu'ils sont dans le cadre de leurs fonctions et qu'ils doivent faire la demande.

Je poursuis ma réflexion en vous demandant: Est-ce que c'est la même chose pour les mandataires de la SAAQ qui ont accès aux informations, aussi? Comment ça fonctionne? Est-ce que les mandataires, chez vous, qui ont accès à ces données-là, automatiquement et parce qu'ils sont mandataires chez vous, ont accès aux données et les manipulent, ça devient même banalisé chez vous, à l'intérieur de la fonction comme telle?

Si, moi, je suis une employée de la SAAQ puis que je travaille dans ce secteur-là, pour moi, c'est naturel, c'est normal, mais est-ce qu'il y a des balises, est-ce qu'il y a des... et c'est ça que je voudrais que vous nous disiez, parce que, quand vous me le dites à moi, vous ne me le dites pas juste à moi, vous le dites aussi aux citoyens et aux citoyennes du Québec, là, et je pense qu'avec les discussions qu'on engendre on a besoin de se faire rassurer sur certaines choses avant de...

M. Gélinas (Claude): Il y a des balises, il y a des balises très importantes aussi qui existent.

Mme Desmeules (France): Il y a peut-être juste un point, une parenthèse sur la question juridique. Quelqu'un qui a accès, que ce soit un employé, un fonctionnaire ou que ce soit un mandataire de la Société, ou que ce soit un policier, quelqu'un qui a accès à des renseignements personnels ne doit le faire que dans l'exercice de ses fonctions et dans la mesure où c'est justifié pour l'exercice de ses fonctions.

Les questions de curiosité, les questions de simplement: bon, je vais aller vérifier, il n'y a pas de problème, ça ne sera pas su. Non, c'est faux. Tous les accès auxquels les fonctionnaires peuvent accéder au niveau des renseignements personnels, le principe de base dans la loi sur l'accès, c'est bien dans l'exercice exclusif de leurs fonctions. Et ça, c'est la première balise juridique. Après, il y a d'autres balises au point de vue de l'application.

Le Président (M. Garon): Contrôlées?

M. Desmeules (France): Pardon?

Le Président (M. Garon): Est-ce que c'est contrôlé ou c'est un voeu pieux?

Mme Desmeules (France): Non, ce n'est pas un voeu pieux, c'est contrôlé.

Le Président (M. Garon): Comment?

Mme Charest: Comment?

M. Gélinas (Claude): M. Vigneux va vous donner des explications sur le contrôle, au niveau des ententes.

M. Vigneux (Luc): Une précision par rapport aux corps policiers. Tout à l'heure, on disait que les corps policiers accèdent quotidiennement à la Société, on n'est pas derrière eux pour chacun des accès. Cependant, nous avons conclu une entente avec le ministère de la Sécurité publique qui prévoit ou qui balise les accès qui peuvent être faits par les corps policiers. Cette entente-là prévoit notamment quels genres de renseignements peuvent être accédés, dans quelles conditions peuvent être accédés les renseignements, jusqu'aux plages horaires pour accéder aux renseignements – c'est pratiquement 24 heures par jour – et donne la responsabilité au Centre de renseignements policiers du Québec de contrôler et de superviser les accès qui sont faits par les policiers.

Nous, la Société, on prend pour acquis que les demandes de renseignements formulées par les policiers sont justifiées. En cas de pépin, etc., le Centre de renseignements policiers du Québec, qui supervise, contrôle les excès faits par les policiers, intervient et investigue.

(10 h 50)

Mme Charest: Mais, moi, ça ne me satisfait pas, ça. Je vais vous dire bien franchement et spontanément que «prendre pour acquis», il me semble que c'est un peu trop relâché comme système. Je voudrais illustrer que, si je suis une employée de la SAAQ et que même si je suis sur les heures de travail, puis je connais mon voisin, M. Yves Beaumier, puis, ah! je ne sais pas si Yves a perdu des points dans son dossier? je pitonne son dossier et je vérifie. Est-ce qu'il y a un système pour s'assurer que le dossier de M. Beaumier, je vais rentrer dans sa banque de données strictement si, moi, à la Société de l'assurance automobile du Québec, j'ai un dossier en cours de traitement ou, en tout cas, parce que soit qu'il est venu renouveler son permis, soit parce qu'il a perdu des points... Enfin, je fais un portrait fictif pour essayer de vous illustrer. Jusqu'où va la surveillance des opérations du personnel qui a accès aux données personnelles et confidentielles? Et ça va très loin et ça va dans le détail, parce que je pense que c'est dans le détail qu'on se fait avoir comme citoyen quand notre vie privée n'est pas protégée.

M. Vigneux (Luc): Tout à l'heure, je parlais d'ententes administratives qui étaient...

Mme Charest: Je n'en veux pas plus à la SAAQ qu'à d'autres organismes. Je vais demander la même chose à la RAMQ ou à la Régie des rentes, et tout ça.

M. Vigneux (Luc): Parfait. Tout à l'heure, je parlais d'une entente administrative qui balisait de façon générale, je parlais de clauses dans les ententes pour s'assurer que les parties respectent la confidentialité des informations qui sont échangées et qui rappellent à chacune des parties qu'elles sont responsables, mais il y a aussi des choses techniques qui se font. Chacun des usagers ayant accès au système informatique de la Société de l'assurance automobile a un code d'accès. Il y a des contrôles qui se font pour les codes d'accès. Il y a des pistes de contrôle qui sont faites pour les consultations et les actions faites par cette personne-là. Donc, il y a enregistrement, il y a piste de contrôle.

C'est sûr que nous accentuons énormément nos efforts en matière de sensibilisation. Nous informons, nous prévenons, nous mettons en place des directives, des politiques, des procédures. Nous demandons aux gens de signer des engagements à la confidentialité. Nous faisons énormément d'action en matière de sensibilisation, mais nous ne serons jamais capables d'être derrière chacun des utilisateurs pour, à la pièce, le contrôler.

M. Gélinas (Claude): Mais il y a possibilité également de contrôle, aussi, a posteriori, dans le sens qu'il y a journalisation des accès. Donc, si on veut savoir si, à telle heure, telle date, telle personne a eu accès à tel dossier, c'est possible, et, à ce moment-là, il y a moyen de vérifier les raisons pour lesquelles. Mais, toujours, c'est le principe de base. Un employé, chez nous, n'a accès à un dossier que si c'est nécessaire dans l'exercice de ses fonctions...

Mme Charest: Mais, ça, je comprends le principe de base, oui.

M. Gélinas (Claude): ...d'avoir accès à ce dossier-là. C'est toujours le même principe. Il y a des contrôles qui se font, entre autres, à la vice-présidence de la sécurité routière, périodiquement, sur la façon dont les gens utilisent leur code d'accès, et tout le reste.

On a également depuis un bon nombre d'années un responsable de la coordination de la sécurité informatique. Son seul rôle à lui, c'est de voir à l'intégrité et à la sécurité des données chez nous, pour l'ensemble des données informatisées dans nos fichiers.

Mme Charest: Ça veut dire que vous pouvez aller jusqu'à vérifier que tel numéro de code d'accès – parce que vos employés ont un code d'accès, vous venez de nous dire ça – a fait un certain nombre d'entrées dans le fichier...

M. Gélinas (Claude): C'est ça, à telle heure, telle date, tel jour.

Mme Charest: ...et vous pouvez même aller vérifier si elles étaient justifiées ou pas.

M. Gélinas (Claude): C'est ça.

Mme Charest: Donc, les personnes qui vendent des renseignements à 40 $ le renseignement, vous pouvez les retracer?

M. Gélinas (Claude): Sur cette question-là de la vente, tel qu'on le dit, de renseignements au noir ou choses du genre, pour nous, ce sont des affirmations qui, à l'heure actuelle, ne sont pas fondées sur des faits précis. On n'a absolument aucun fait précis qui nous indique qu'un tel réseau peut exister comme tel. Ce qu'on a eu comme fait dernièrement, c'est ce qui a été discuté, entre autres, au réseau TVA très récemment, c'était la firme, l'entreprise Courtoisie de remorquage inc., un M. Salois qui disait qu'il pouvait obtenir des renseignements de la SAAQ pour retracer des propriétaires de véhicules.

Nous, dès qu'on a su que cela existait, ce que la SAAQ a fait – quand on le sait, on agit – la SAAQ a entrepris une enquête le jour même où M. Salois déclarait qu'il pouvait obtenir des informations par des huissiers, par des écrans du palais de justice de Montréal ou par des policiers. L'adjoint au vice-président de la sécurité routière, lui, a immédiatement demandé à la direction de la vérification interne des enquêtes chez nous d'examiner ce dossier pour tenter d'identifier les cas de fuite de renseignements. La SAAQ a offert à la population de dénoncer les situations où l'entreprise de M. Salois aurait obtenu illégalement des renseignements. On a mis un ligne téléphonique à la disposition du public, en l'affichant et en le publicisant. Sur 16 appels reçus, trois ont donné lieu à des vérifications plus poussées et, à ce jour, les pistes suivies n'ont pas permis de trouver les prétendues fuites d'information, et l'enquête se poursuit toujours. Mais, comme disait M. White, également, à des questions plus poussées, suite à ses déclarations d'hier, il faut fonctionner avec des preuves. Nous, avant même de lancer des accusations ou quoi que ce soit contre des personnes, il faut qu'on ait une preuve hors de tout doute raisonnable. Là, on est en matière pénale, à ce moment-là.

Mme Charest: Vous avez raison.

M. Gélinas (Claude): Donc, tout ça fait en compte que des affirmations de cette nature-là, qui ne sont pas basées sur des faits précis, laissent entendre que ça peut être généralisé. Or, ce n'est pas le cas, parce que, si c'était généralisé, on serait inondé de plaintes chez nous, c'est évident; les gens appelleraient chez nous, ce serait inondé de plaintes. Et on ne reçoit pas de plaintes de gens à cet effet-là.

Mme Charest: À cet effet.

M. Gélinas (Claude): En 1996, on a reçu ce qu'on peut qualifier de 16 plaintes, et ce sont plutôt des demandes de renseignements où des gens disent: Telle compagnie a demandé tel renseignement à mon sujet en se servant de mon adresse. Et on constate, en retournant dans le dossier, que c'est une personne qui avait signé une autorisation à une compagnie d'assurances, mais qui avait oublié qu'elle l'avait signée. Ça datait d'un certain nombre de mois. C'est des choses du genre qu'on reçoit. Des plaintes fondées sur des abus, tant de la part de nos employés, de mandataires ou autres, c'est exceptionnel, vraiment exceptionnel.

Le Président (M. Garon): M. le député de Jacques-Cartier.

Mme Charest: Je vous remercie. Et, avant de vous remercier, je veux quand même vous dire que je pense que vous êtes de bonne foi et que la Société a un personnel professionnel et...

Le Président (M. Garon): Tout le monde est présumé de bonne foi...

Mme Charest: Ha, ha, ha! Mais...

Le Président (M. Garon): ...d'après la loi.

Mme Charest: ...je tenais quand même à les remercier et à vous rassurer.

Le Président (M. Garon): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci, M. le Président. Merci beaucoup aux membres de la SAAQ de venir ce matin. Juste pour continuer sur la même veine, je comprends très bien que vous avez vos contrôles internes, et tout ça, mais est-ce qu'un citoyen peut vous demander: Qui a consulté mon dossier?

M. Vigneux (Luc): Oui, oui, les citoyens le font. Tout à l'heure, nous disions que nous avions eu 16 dossiers, 16 demandes, en 1996, où le citoyen se posait une question – Qui a consulté mon dossier? – où il pensait qu'une personne avait consulté son dossier illégalement. Donc, on reçoit les demandes, on regarde ce qui s'est passé avec les pistes de journalisation ou avec les secteurs qui ont traité les demandes et on répond aux citoyens. Oui, ça se produit à l'occasion qu'on ait des demandes directes du citoyen.

M. Kelley: Alors, c'est faisable, on a la technologie pour dire que...

M. Vigneux (Luc): Oui, oui, oui, oui, c'est faisable. Le citoyen s'adresse au responsable de la Loi sur l'accès, ou même dans n'importe quel centre de renseignements ou centre de services de la Société, et le dossier va nous être transféré et on va pouvoir lui répondre.

M. Kelley: Oui. Et ça comprend les 8 000 000 de consultations qui sont effectuées par les corps policiers du Québec. Alors...

M. Vigneux (Luc): Oui.

M. Kelley: ...je peux voir que, effectivement...

M. Vigneux (Luc): Oui.

M. Kelley: Sur un autre ordre d'idées, combien de personnes? Vous avez mentionné 4 300 000. Combien d'adultes, au Québec, n'ont pas un permis de conduire, grosso modo?

M. Gélinas (Claude): Combien d'adultes?

M. Kelley: Oui, ou 16 ans et plus.

M. Gélinas (Claude): Bien, on a 7 000 000 de Québécois et il y en a 4 300 000 de 16 ans et plus qui ont un permis de conduire. Il y a au moins, certes, quelques millions qui ont moins de 16 ans également, en plus. Donc, peut-être... Je ne sais si, M. Paradis, vous aviez des chiffres à ce niveau-là.

M. Paradis (Marc-Henri): Oui. Si la question est à savoir combien ont un permis-photo actuellement, actuellement, au moment où on se parle, à peu près une personne sur deux a un permis-photo.

(11 heures)

M. Kelley: Oui. Non, mais je parle au nom des personnes qui... Parce que tout votre régime demeure quand même, d'une certaine façon, facultatif. Il y a le monde qui peut choisir de ne pas conduire, dans notre société; alors, ça, c'est leur choix. Et un petit peu le point que vous avez soulevé, M. Gélinas, je comprends très bien l'économie de notre loi: On ne peut pas exiger votre carte comme preuve d'identité, mais, comme citoyen, je peux choisir de m'identifier soit avec un permis de conduire... Moi, je suis un des rares qui ne sont pas un de vos clients; alors, moi, je n'ai pas de permis de conduire. Alors, je me demande c'est quoi, mes... des normes de conducteur dans notre société, mais c'est juste un choix que j'ai fait.

Alors, ça demeure toujours facultatif, et j'imagine que c'est la même chose aussi pour les cartes émises dans les autres provinces et les États, les cartes d'identité pour les non-conducteurs; ça demeure facultatif, j'imagine? Si je décide que j'aimerais avoir une carte émise chez vous, je peux. Si on changeait notre loi, ce serait quand même facultatif?

M. Gélinas (Claude): Oui. Si vous avez pu constater dans notre mémoire, les fichiers qu'on a à la fin du mémoire, là, dans les appendices à la fin du mémoire, il y a trois provinces canadiennes, comme tel, qui ne donnent pas de carte d'identité: c'est l'Ontario, le Manitoba et le Québec. Les autres provinces canadiennes donnent à la fois le permis de conduire et des cartes d'identité, comme le font d'ailleurs l'immense majorité, presque la totalité des juridictions américaines, des États américains. Mais c'est toujours, toujours facultatif.

M. Kelley: Oui.

M. Gélinas (Claude): Et ce que l'American Association of Motor Vehicles Administrators a demandé comme politique à l'ensemble des bureaux de véhicules automobiles, aux États-Unis, c'est de faire en sorte... La position idéale, selon eux, ça serait que le permis de conduire devienne la carte d'identité parce qu'il comporte toutes les données nécessaires pour une carte d'identité, et que les bureaux de véhicules automobiles n'émettent pas à la fois un permis de conduire et une carte d'identité à la même personne. S'ils doivent émettre un document, qu'ils émettent seulement le permis de conduire. Mais les États américains, à l'heure actuelle, ont les deux possibilités.

M. Kelley: Une autre chose. On a discuté longuement hier de toute la question des dangers, des risques que comporte un numéro unique. Est-ce que, dans le changement du permis de conduire, on a examiné la possibilité de cacher le numéro? Et, pour les personnes qui ont besoin... comme un policier, comme quelqu'un qui rentre dans vos bureaux, il y aurait peut-être un «electronic swipe» ou quelque chose comme ça, où les personnes qui ont besoin d'un numéro comme tel peuvent le voir, mais on ne peut pas le voir à l'oeil. Alors, uniquement un policier, avec un ordinateur dans sa voiture, quelqu'un qui rentre dans vos bureaux... on met la carte dans une machine à lecture pour chercher le numéro, mais on ne peut pas le voir. Parce que ça va éviter la crainte que ce numéro devienne une clé pour aller dans plusieurs dossiers. Est-ce que vous avez fait une réflexion là-dessus?

M. Gélinas (Claude): Oui. Vous parlez toujours du numéro de permis de conduire?

M. Kelley: Oui.

M. Gélinas (Claude): Le numéro de permis de conduire, là, qu'on a?

M. Kelley: Je n'ai pas de permis, mais on m'a dit qu'il y a un numéro là-dessus.

M. Gélinas (Claude): D'accord. D'accord, parce que, dans la carte plastifiée, à l'heure actuelle, on a le numéro de permis de conduire, le numéro de référence et le numéro de dossier. Il y a vraiment trois numéros sur la carte comme telle. Et on a également le code à barre qui, lui, comprend le numéro de dossier et permet, justement, à la Société, dans les centres de service, de se servir de ce code à barres là pour des transactions, pour qu'on puisse avoir accès rapidement aux dossiers. Et ça, ça accélère encore le service à la clientèle. Donc, on le fait au niveau du numéro de dossier. Mais votre question est plus précisément sur le fait de dire: le numéro de permis de conduire, lui, on le cacherait complètement et il serait accessible uniquement par code à barres. C'est ça, votre question?

M. Kelley: Oui. Un format, une technique comme ça.

Mme Desmeules (France): Il faut penser aussi que... Tout à l'heure, lorsqu'on a parlé, justement, d'extraterritorialité du permis de conduire, c'est sûr que, s'il y a un code qui est encrypté, qui est encodé, le citoyen qui va se rendre aux États-Unis, qui va présenter son permis de conduire, c'est sûr que le policier américain ne pourra pas lire, lui, le code.

Il y a certaines contraintes, là, au point de vue technique, pour ce qui pourrait apparaître et ce qui pourrait être reconnu par des policiers américains ou dans d'autres juridictions. Alors, c'est un aspect qu'il faut prendre en considération, justement, là, dans cette discussion-là. Mais c'est un aspect à prendre en considération.

M. Kelley: Parce que, dans vos discussions avec les groupes, que vous avez citées dans votre mémoire, moi, je pense que ma carte bancaire, moi, je peux aller dans un guichet en Californie, ils sont capables de me trouver comme... malgré le fait que mon compte de banque est à Montréal. Alors, je ne sais pas, parmi les associations, les délibérations qui se font. Un jour, parce que je trouve qu'on aurait peut-être avantage, un jour, parce que les corps policiers à travers l'Amérique du nord ont de plus en plus des ordinateurs dans leur voiture... Ils ont la capacité de faire la lecture des barres, et tout ça. Alors, ça va être une chose qui va sécuriser l'individu. Je suis heureux de savoir – je ne savais pas ça – d'avance qu'un citoyen peut consulter chez vous le nombre de fois que son dossier a été visité.

Je trouve que c'est un principe très, très important, parce que, dans tout ce genre de réflexion, il faut penser avant tout au citoyen. Et je comprends très bien que vous avez un défi de gestion de l'État – je vous félicite – dans vos devoirs, et tout ça. Mais nous sommes ici pour représenter les intérêts des citoyens. Et si, un jour, on peut nous diriger vers une carte sans numéro unique, je pense que le citoyen va sortir gagnant.

Juste une dernière question. Avez-vous eu des plaintes des personnes au sujet du couplage des fichiers chez vous et au ministère du Revenu, qui découle de la loi n° 32 de l'année passée, et tout ça, est-ce que ça, c'est une question que vos clients ont soulevée à date ou pas du tout?

M. Vigneux (Luc): Pas encore

M. Kelley: Pas encore.

M. Vigneux (Luc): Parce que les couplages de fichiers de la loi n° 32, les fichiers ont été transmis en janvier 1997, donc il n'y a pas eu encore d'actions de prises, ou on doute que le ministère du Revenu ait pu utiliser, à date, ou ait pu utiliser ou sortir des informations avec les fichiers qui ont été transmis, parce que c'était quand même des fichiers qui portaient sur des millions de conducteurs, des gigaoctects d'informations, une somme considérable d'informations qui a été transmise, mais, à date, on n'a pas eu de plaintes à ce sujet-là, ni de questions de la population.

M. Kelley: Et est-ce que, au moment où on décide de procéder à une taxe sur les voitures de luxe, est-ce que ça va être facile, avec vos fichiers, d'identifier c'est quoi, nos voitures de luxe, pour faire payer une taxe supplémentaire, ou si on n'est pas équipé pour le faire?

M. Vigneux (Luc): Oui, le ministère du Revenu serait certainement en mesure de le faire, avec ses mégafichiers et ses systèmes informatiques.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Kelley: Merci beaucoup.

Le Président (M. Garon): M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Merci, Dans votre définition d'accès aux fichiers par vos employés, vous avez dit qu'ils ont accès à l'exercice de leurs fonctions, est-ce que vous avez une définition ou des directives à vos employés pour les mots «dans l'exercice de ses fonctions», et est-ce que cet accès est limité au territoire où l'employé travaille ou est-ce qu'il a accès partout au Québec?

Et aussi, je voudrais savoir, mon confrère de Jacques-Cartier a dit qu'un citoyen pouvait être informé si quelqu'un a eu accès à son dossier, mais est-ce que l'inverse s'applique, est-ce que vous allez, vous, informer le citoyen, s'il y avait accès eu à son dossier, est-ce que vous prenez la peine d'informer le citoyen qu'il a eu accès à son dossier par telle et telle personne? Est-ce que le citoyen est informé automatiquement?

M. Vigneux (Luc): En matière de directives au personnel, tout à l'heure, on a dit, en matière de sensibilisation à la protection des informations, la Société avait une politique corporative en matière de protection des renseignements, une politique corporative en matière de sécurité informatique, des directives dans chacune des vice-présidences concernées, et des politiques et des procédures en matière de protection des renseignements personnels. Les employés signent des engagements à la confidentialité, tout le personnel a été sensibilisé à la protection des renseignements. Tout le personnel a reçu, entre autres, un guide pratique sur l'application de la loi sur l'accès, un guide qui tient compte des spécificités de la Société. Le personnel a été également sensibilisé en matière de sécurité informatique, on a fait des campagnes de sensibilisation à la sécurité informatique, tout le personnel a été rencontré.

Le personnel, lorsqu'il obtient un code d'accès, peut accéder à des systèmes informatiques dans les centres de service, une personne peut accéder à l'intérieur du centre de service, mais ne peut pas aller accéder partout ailleurs en région, donc c'est limité; les accès sont contrôlés, certaines informations, pour certaines transactions, tout dépendant de la tâche ou de la fonction de la personne. Donc, il y a énormément de contrôles qui se font avant de donner accès, avant de permettre à la personne d'utiliser les systèmes informatiques.

Et, pour la deuxième partie de la question à l'effet: est-ce qu'on informait systématiquement les gens qu'il y avait eu des accès à leur dossier chez nous, non, ce serait impossible.

(11 h 10)

M. Gélinas (Claude): C'est parce que, en vertu, entre autres, de l'article 67 de la loi sur l'accès à l'information, il est possible pour un organisme gouvernemental, et c'est tout à fait permis par la loi de l'accès, sans le consentement de la personne concernée, de donner accès à des renseignements nominatifs pour permettre l'application, lorsque c'est nécessaire, pour l'application d'une loi au Québec. Ça peut être aussi bien une loi provinciale qu'une loi fédérale.

Donc, à ce niveau-là, nous, on reçoit des demandes de plusieurs ministères pour des renseignements nominatifs de cette nature-là. On a 161 ententes avec des organismes publics du Québec, du fédéral et de l'étranger. Et, contrairement à... on va même plus loin que la loi de l'accès. En vertu de l'article 67 de la Loi sur l'accès, quand on donne accès pour l'application d'une loi, on n'est pas obligés de conclure une entente sur la confidentialité. Alors, la politique de la Société, c'est que, dans chacun de ces cas-là, on conclut avec la personne qui reçoit des renseignements une entente sur la confidentialité des données et ce que l'organisme en cause entend faire pour protéger les données confidentielles qu'elle reçoit. Parce que lui aussi, étant un organisme public, est également soumis à la même loi que nous. Donc, dans ce sens-là, on est allés au-delà des exigences de la loi sur l'accès, mais toujours dans le but de protéger les renseignements nominatifs parce que c'est un aspect extrêmement important de notre rôle comme responsables de la loi sur l'accès.

Mme Desmeules (France): Il faut mentionner, comme on le disait dans le mémoire, qu'on a au fil des ans justement limité la diffusion de l'information et exigé les justifications auprès des organismes et des ministères qui nous demandaient des renseignements. Et c'est un fait que, justement, pour essayer de responsabiliser aussi davantage les organismes qui viennent chercher de l'information chez nous, on exige maintenant que ces organismes-là signent une entente avec nous pour baliser l'utilisation des renseignements, au point de départ, et baliser aussi les mesures de sécurité sur ces renseignements-là. Parce que c'est évident que la Société de l'assurance automobile est responsable de ces renseignements-là, et on prend nos responsabilités par rapport à ça. Oui, c'est très important.

Le Président (M. Garon): Tantôt, M. Vigneux, vous avez parlé du dossier de l'assuré, ou du dossier du conducteur, je n'ai pas trop compris. Vous référiez à quel dossier?

M. Vigneux (Luc): Tantôt, je disais que les assurés, les conducteurs... les compagnies d'assurance pouvaient demander à la Société de leur fournir le dossier de conduite. Ces demandes-là nécessitent, requièrent l'autorisation du conducteur. Donc, je parlais, dans un dossier de plainte, que la personne avait demandé à la Société: «Comment ça que tel assureur a obtenu mon dossier de conduite?» Bon. «Attendez un peu»... On a vérifié les livres: «Vous aviez signé une autorisation qui nous permet de communiquer à l'assureur votre dossier de conduite.» Donc, c'était une question.

Le Président (M. Garon): Parlez-vous du dossier, d'abord... La loi qui avait été recommandée par l'Inspecteur général des institutions financières?

M. Vigneux (Luc): Le Fichier central? Non. Non. Je ne parle pas du fichier des sinistres automobiles du Québec.

Le Président (M. Garon): Il est rendu où, ce dossier-là?

M. Gélinas (Claude): Le fichier des sinistres automobiles est géré par l'Inspecteur général des institutions financières, et c'est maintenant sous la responsabilité du ministère des Finances.

Le Président (M. Garon): On m'a dit qu'il était parti de là. Au début, il a été commencé là. Après ça, il est allé chez le Regroupement des assureurs.

M. Vigneux (Luc): Il y a eu une demande.

Le Président (M. Garon): Après ça, il est allé chez Équifax. Et là, où il est rendu?

M. Gélinas (Claude): Il y a une demande du Regroupement des assureurs à l'heure actuelle pour que le Regroupement des assureurs prenne la responsabilité complète du Fichier des entreprises à la place de l'Inspecteur général des institutions financières. Mais ce n'est qu'une demande. C'est toujours l'Inspecteur général qui est le responsable, et il a délégué cette responsabilité-là au Regroupement des assureurs qui, lui, à son tour, a conclu un contrat avec Équifax. C'est un peu ce qui s'est passé lorsque le Fichier a été créé, en 1993, je pense, ou aux alentours...

Le Président (M. Garon): Avant ça.

M. Gélinas (Claude): En 1992, 1993. C'est quand même assez récent.

Le Président (M. Garon): La loi?

M. Gélinas (Claude): C'est la loi 133...

Le Président (M. Garon): Ça s'est fait avant ça...

M. Gélinas (Claude): ...modifiant la Loi sur l'assurance automobile. Ça date du début des années quatre-vingt-dix, au plus tôt.

Mme Desmeules (France): C'est la partie de la Loi sur l'assurance automobile qui relève, justement, de l'Inspecteur général des institutions financières.

M. Gélinas (Claude): C'est la partie III de la Loi sur l'assurance automobile.

Le Président (M. Garon): Mais là, c'est-à-dire que la loi des... Là, vous dites que tout le monde s'est délégué ce fichier-là, au fond. Il est parti de chez l'Inspecteur général, qui l'a donné à quelqu'un d'autre, qui l'a redélégué à quelqu'un d'autre, le fichier. C'est curieux, cette affaire-là.

Mme Desmeules (France): Mais il faut préciser, M. Garon, que ce fichier-là, ce n'est pas un fichier de la Société de l'assurance automobile. C'est un peu difficile pour nous de répondre, mais ce qu'on en sait, c'est que c'est l'Inspecteur général des institutions financières qui a le dossier présentement, qui est toujours responsable du fichier. Et ce fichier-là, naturellement, concerne tous les rapports, tous les accidents d'automobile, l'aspect matériel.

Le Président (M. Garon): Parce que, à partir de ce fichier-là, on n'assure plus des gens qui ne sont responsables de rien, alors que le dossier, ça devait être pour ceux qui avaient commis des fautes dans la conduite.

M. Gélinas (Claude): Toujours pour des dommages matériels.

Le Président (M. Garon): Peu importe.

M. Gélinas (Claude): D'accord.

Le Président (M. Garon): Alors, comme le temps qui nous était imparti est

Une voix: ...

Le Président (M. Garon): ... Bien, ça ne me fait rien, moi, s'il y a consentement. Parce que le temps... Y a-t-il consentement? M. le député de Vachon, une brève question.

M. Payne: Quand quelqu'un a accès à un dossier auprès de votre agence, comme, par exemple, un agent de la paix, est-ce qu'il a accès à l'ensemble d'un certain dossier ou à une partie?

M. Vigneux (Luc): Une partie du dossier uniquement.

M. Payne: O.K.

M. Vigneux (Luc): Toutes les ententes avec les organismes... ceux qui ont des accès informatiques directs ont accès à certains renseignements seulement.

M. Payne: Non, non, ma question, c'est plus précis que ça. Qu'est-ce que c'est, l'accès, pour un? Puis, deuxièmement – parce que le président va me dire que le temps nous échappe – c'est: pourquoi l'agent de la paix... Je pose la question autrement. Est-ce que, à votre avis, l'agent de la paix devrait informer le client, le cas échéant, le chauffeur, le conducteur de son intérêt dans une partie d'un dossier quelconque? Bref, serait-il votre conseil à nous que ce serait souhaitable que, comme dans d'autres cas, comme, par exemple, un assureur qui a un intérêt dans ce dossier doit informer les clients ou, dans ce cas-là, doit carrément demander sa permission... Disons, en passant, que ce n'est pas nécessaire pour un policier de demander au client, mais qu'il l'informe au moins quels sont...

M. Vigneux (Luc): Je pourrais répondre à la première partie de la question à l'effet: le policier accède chez nous aux renseignements sur le permis de conduire, c'est-à-dire le détenteur, sa description du détenteur, son adresse, les véhicules qu'il détient. Il n'accède pas au dossier médical. Il n'accède pas au détail des suspensions, des infractions. Il n'accède pas aux points d'inaptitude. Il n'accède pas au dossier d'indemnisation. Il accède uniquement à certains renseignements qui permettent de déterminer, qui permettent de préciser que cette personne-là est bien ce conducteur et que ce conducteur-là est bien autorisé à conduire tel véhicule.

M. Payne: Et la deuxième question.

M. Vigneux (Luc): Et la deuxième question, je laisse le soin...

Mme Desmeules (France): Sur la deuxième question, la loi, actuellement, l'article 65 de la loi sur l'accès à l'information, qui prévoit justement que les organismes, lorsqu'ils recueillent des informations personnelles, doivent aviser les gens de l'utilisation de ces renseignements-là, le dernier alinéa de l'article 65 prévoit justement une exception en ce qui concerne les policiers qui font des enquêtes, tout ça. Eux ne sont pas tenus à l'heure actuelle, dans la loi, d'aviser, d'informer les gens sur ce qu'ils vont faire avec leurs renseignements, etc.

M. Payne: Non, qui l'ont fait, c'est ma question.

Mme Desmeules (France): Qui l'ont fait?

M. Payne: Est-ce que vous, vous avez un conseil auprès de la commission, à savoir que ce serait souhaitable que l'agent de la paix qui cherche telle, telle information, qu'il informe le client qu'il cherche telle, telle information auprès de votre agence, bref, que le policier indique au client que...

M. Gélinas (Claude): Quand il l'arrête sur la route.

M. Payne: ...moi, je suis en train de poser un certain nombre de questions. Et je les indique.

M. Gélinas (Claude): Oui.

M. Payne: Est-ce que... C'est quoi, votre conseil auprès de nous? Est-ce que ce serait légitime ou pas?

M. Gélinas (Claude): C'est une question, je pense, là aussi, au niveau de l'enquête policière, d'une certaine efficacité et d'une rapidité, là, pour obtenir les renseignements, surtout lorsqu'il est sur la route et arrête une personne pour faire la constatation si cette personne-là détient un permis de conduire valide. A-t-elle également une immatriculation qui est valide? Il doit être capable de consulter rapidement les données pour être capable de savoir de quoi il s'agit, pour être capable d'intervenir. Ça, je pense que, pour le policier, c'est même nécessaire pour qu'il puisse bien faire son travail.

(11 h 20)

Le Président (M. Garon): Je remercie les représentants de la Société de l'assurance automobile du Québec de leur contribution aux travaux de cette commission et j'invite maintenant la Régie des rentes du Québec à s'approcher de la table des délibérations.

Alors, alors, nous sommes en retard sur notre horaire...

(Consultation)

Le Président (M. Garon): J'aimerais que les gens de la Régie des rentes du Québec, avec, semble-t-il, M. Émond, en tête de la délégation, M. Gilles Émond... Nous avons une heure ensemble, ça veut dire que vous avez normalement 20 minutes pour faire votre exposé, 20 minutes aux membres de chacune des deux formations politiques pour vous poser des questions.

Alors, comme nous avons une journée très chargée, je vais avoir à administrer le temps très strictement, parce que, autrement, on va bousiller notre journée. Alors, je vous ferai remarquer que, quand je dis 20 minutes à chaque partie, quand la Régie des rentes du Québec aura fini son exposé, je dirai aux parties combien ils vous reste de temps de part et d'autre. Mais là je vais être obligé d'administrer strictement parce que, autrement... On a une autre séance de travail qui devait commencer à 13 heures, qui... Alors, M. Émond, si vous voulez présenter les gens qui vous accompagnent et faire votre présentation.


Régie des rentes du Québec (RRQ)

M. Émond (Gilles): Merci, M. le Président. Alors, les gens qui m'accompagnent: à ma gauche, M. Pierre Bélisle, qui est informaticien à la direction des systèmes d'information et qui s'intéresse particulièrement à tout ce qui concerne les nouvelles technologies dans les systèmes d'information et de gestion. J'ai également à mes côtés, à ma gauche, M. Pierre Normand, qui est directeur de la vérification interne, et, à ma droite, M. Jacques Fortier, qui est également de la direction de la vérification interne et qui a collaboré à la recherche et à la rédaction de ce mémoire. Mon nom est Gilles Émond; moi, je suis directeur du bureau du président-directeur général ainsi que commissaire au service, en bon français, commissaire aux plaintes. M. Legault est en courte convalescence pour l'instant. Il aurait aimé ça être ici, il aime souvent être ici, accompagnant les ministres. Il aurait aimé ça, évidemment, donner de vive voix le mémoire de la Régie sur la carte d'identité et la protection de la vie privée. Et on va essayer de le remplacer dignement.

Cela étant dit, nous tenons d'abord à féliciter la commission de la culture pour son initiative. C'est assez rare effectivement que les organismes, les citoyens et les organisations gouvernementales ou privées ont l'occasion de réfléchir librement sur un sujet en dehors d'une loi ou d'un document d'orientation, que ce soit livre vert, blanc ou autre. Alors, ça nous permet donc d'avoir plus de latitude dans la réflexion. On va essayer, les membres de la Régie ici ce matin, d'apporter notre modeste contribution par une expérience qu'on a – la Régie – auprès d'une clientèle nombreuse et par nos diverses initiatives que nous avons prises au cours des dernières années pour améliorer notre service à la clientèle tout en gérant les fonds des cotisants, parce qu'il faut bien savoir que ce n'est pas notre argent, c'est l'argent des cotisants, des travailleurs et des travailleuses et des employeurs qui ont payé. Alors donc, le fait est qu'on a géré cet argent-là et qu'on continue à le gérer avec efficacité et efficience.

Évidemment, les membres de l'Assemblée nationale qui sont présents ici connaissent peut-être la Régie des rentes du Québec. Mais, à la fois, la Régie des rentes du Québec est connue et méconnue. Nous sommes, M. le Président, au service de 3 000 000 de cotisants, c'est-à-dire 3 000 000 de personnes qui sont salariées ou travailleurs autonomes, et de 1 000 000 de bénéficiaires du régime de rentes – et je ne voudrais pas vous inonder de chiffres, là, je n'ai pas amené d'actuaire avec moi ce matin, ne vous en faites pas – mais, par exemple, au moment où on se parle, on a 798 500 rentes de retraite qui sont payées, on a 271 600 rentes de conjoint survivant, 47 500 rentes d'invalidité, 31 300 rentes d'orphelin, 9 200 rentes d'enfant de personne invalide et 110 300 rentes combinées. Au total, donc, on a plus de 1 051 000 personnes bénéficiaires au Québec dont une partie importante de la sécurité financière dépend des rentes. C'est des déboursés de plus de 5 000 000 000 $ par année.

Alors, ça, c'est du côté traditionnel de la Régie. Ce que les gens connaissent quand ils ont accès à la Régie, parce que, très souvent, les gens... Et on s'en aperçoit dans les sondages et auprès des gens qui nous appellent, ils ne savent pas du tout, toute leur vie, qu'ils cotisent au Régie des rentes du Québec, bon, ils ont vu une petite case quelque part sur leur talon de chèque et, lorsque arrive la retraite, ils s'aperçoivent, ils disent: C'est vrai, j'ai peut-être un... Comme ils disent: Je ne viens pas chercher mon régime de rentes, mais je viens chercher ma Régie. Ça, c'est typique, là. Les gens viennent chercher leur Régie. On leur dit: Vous venez chercher votre rente.

Également, les gens, évidemment, vont avoir accès au régime de rentes lorsqu'il y a un décès. Très souvent, les gens ne le savent pas. Vous, vous le savez, évidemment, probablement, mais il y a une prestation de décès qu'on paie lors du décès d'un cotisant. Ça, c'est le côté, évidemment, le volet Régie des rentes.

Pour ce qui est du volet allocations d'aide aux familles, nous avons plus de 960 000 familles qui sont bénéficiaires du Programme d'allocations d'aide aux familles. C'est beaucoup de monde. C'est les allocations familiales, c'est les allocations pour jeune enfant, les allocations à la naissance et les allocations pour enfant handicapé. Et nous administrons également 2 000... Nous surveillons, plutôt, nous n'administrons pas puisque ce sont les comités de retraite qui les administrent, nous surveillons 2 850 régimes de retraite privés, qui regroupent 518 000 participants. Il y a uniquement, pour bien comprendre, là, les régimes publics, qui sont à la Commission administrative des régimes de retraite, à la CARRA, qui sont administrés par la CARRA. Nous, nous surveillons les régimes privés de retraite.

Dans le cadre de la nouvelle politique familiale, d'ailleurs, le gouvernement du Québec nous a confié l'administration du programme de l'allocation unifiée pour enfants et l'administration du régime d'assurance parentale. Alors, c'est deux nouveaux programmes que nous sommes en train de mettre en place et qui vont, dans un cas, venir modifier tous les programmes d'allocation d'aide aux familles.

Dans le domaine de la sécurité du revenu, la Régie des rentes devrait se voir confier l'administration de l'allocation aux aînés, qui sera versée aux prestataires de 55 ans et plus, là, les personnes qui sont prestataires de la sécurité du revenu et de l'allocation-invalidité qui est versée actuellement aux personnes inaptes au travail. C'est une intention de la ministre de la Sécurité du revenu et du gouvernement d'éventuellement... Je pense que l'étude se poursuit dans le cadre du livre vert sur la sécurité du revenu. Éventuellement, la Régie devrait donc gérer en plus ces prestataires-là. Tout ça pour vous montrer finalement qu'on a une clientèle qui est variée, qui compte sur nous, évidemment, pour avoir une sécurité financière de base.

Pour appliquer efficacement les programmes en cause, la Régie doit aussi coordonner son administration avec plusieurs autres ministères et organismes, notamment les ministères du Revenu, de la Sécurité du revenu, celui de la Justice, la Commission de la santé et de la sécurité du travail et la Société de l'assurance automobile du Québec, ainsi que la Régie de l'assurance-maladie du Québec pour ce qui est de l'échange d'informations. Nous devons – et ça, il ne faut pas l'oublier aussi – avoir de la coordination avec des organismes fédéraux.

Pour ce qui du Régime de pensions du Canada, nous avons des échanges d'informations avec Développement des ressources humaines du Canada, et pour ce qui est des allocations familiales, nous avons un échange d'information... ce sont eux, d'ailleurs, qui nous fournissent l'information, Revenu Canada nous fournit l'information concernant les allocations familiales.

Dans la situation actuelle, vous comprendrez que les risques d'appariement – et là j'utilise des mots que vous avez probablement entendus hier et que vous entendrez – erroné sont élevés, et la Régie doit multiplier les contrôles pour les éviter.

En résumé, donc, rares sont les citoyens qui, au Québec, lorsqu'ils naissent, lorsqu'ils vivent et lorsqu'ils meurent, ne font pas affaires avec la Régie des rentes. Que ce soit pour le régime de rentes ou le Programme d'allocations d'aide aux familles, bientôt l'allocation unifiée pour enfants, la Régie se voit dans l'obligation de vérifier l'identité et l'âge des bénéficiaires. Nous, on n'a pas à savoir si la personne conduit une Cadillac, si elle a tel loisir ou si elle va faire son épicerie chez Métro, Provigo, Loblaws, ou n'importe quoi. Nous, on a à vérifier l'identité et l'âge des bénéficiaires pour vérifier particulièrement, pour ce qui est du régime de rentes, que cette personne-là est bien la bonne personne, qu'elle a cotisé et qu'elle a des droits de recevoir une prestation.

(11 h 30)

Pour ce qui est des clients du régime de rentes, le numéro d'assurance sociale sert à identifier les 3 000 000 de travailleurs qui cotisent au régime de rentes et parmi lesquels 23 % ont aussi contribué au Régime de pensions du Canada, ainsi que 1 000 000 de bénéficiaires. Alors, la clé d'identification chez nous, c'est le numéro d'assurance sociale, qui permet d'obtenir du ministère du Revenu, puisque c'est le ministère du Revenu qui cotise l'argent au nom de la Régie, les informations essentielles à l'administration du régime et aussi à échanger des informations avec le ministère du Développement des ressources humaines du Canada dans le but, et ça c'est pour les allocations familiales, dans le but de conserver intègres et complets les fichiers utilisés pour le paiement de rentes.

Les cotisations des travailleurs sont inscrites, à l'aide de leur numéro d'assurance sociale, dans le Registre des cotisants – nous avons, à la Régie, notre propre Registre de cotisants – sur une période de 40 ans. À la limite, vous pouvez cotiser de l'âge de 18 ans jusqu'à 70 ans. Ce sont des données qui permettent éventuellement aux clients d'exercer leur droit à une rendre retraite ou d'invalidité et, pour leurs survivants, une prestation de décès ou une rente de conjoint survivant.

Quant aux clients des allocations d'aide aux familles, bien, la Régie reçoit de Revenu Canada toutes les informations nécessaires à l'administration de l'actuel Programme d'allocations d'aide aux familles. C'est le numéro d'assurance sociale qui sert également de clé d'identification pour la très grande majorité des bénéficiaires, les parents. Les enfants sont identifiés par leur nom. L'administration du nouveau programme d'allocations unifiées pour enfants nécessitera l'identification précise des deux conjoints du couple puisque, comme vous le savez, le revenu familial déterminera évidemment l'admissibilité ou non à la nouvelle allocation unifiée pour enfants, puisque c'est le calcul du revenu familial qui permet cela.

Dans une phase 2... Juste une remarque. Dans une phase 2 de la...

Le Président (M. Garon): Qui paie pour ça?

M. Émond (Gilles): Pardon?

Le Président (M. Garon): J'aurais une question. Qui paie pour ça, l'administration de tous ces programmes-là autres que votre Régie des rentes? Est-ce que ce sont les revenus de la Régie des rentes...

M. Émond (Gilles): Oui. C'est uniquement les revenus de la Régie des rentes. Ça fait partie des frais d'administration de la Régie des rentes.

Le Président (M. Garon): Pour tous les autres programmes qui ne sont pas la Régie des rentes?

M. Normand (Pierre): Non, non.

M. Émond (Gilles): Non.

M. Normand (Pierre): C'est ça. C'est que ces programmes-là ne sont pas administrés avec des crédits du régime de rentes.

M. Émond (Gilles): Quels programmes?

M. Normand (Pierre): Les programmes d'allocations d'aide aux familles.

M. Émond (Gilles): Oui, oui. O.K. Pardon. L'allocation d'aide aux... Les allocations familiales, nous gérons au nom du gouvernement. D'accord?

Le Président (M. Garon): Qui paie pour l'administration de ça?

M. Normand (Pierre): Sécurité du revenu.

M. Émond (Gilles): C'est le ministère de la Sécurité du revenu, pour ce qui est des allocation d'aide à la famille. D'accord?

Le Président (M. Garon): Ce n'est pas pris à même les...

Une voix: Non, non.

Le Président (M. Garon): Et est-ce qu'il y a des comptes à part?

M. Normand (Pierre): Oui.

Le Président (M. Garon): L'administration n'est pas payée par les revenus de la Régie des rentes?

M. Normand (Pierre): Non. Pas du tout. Puis, à compter de cette année, il y aura des états financiers distincts, et pour le régime de rentes et pour les allocations d'aide aux familles, et les régimes complémentaires de retraite.

Le Président (M. Garon): Oui.

M. Émond (Gilles): Ça va, M. le Président?

Le Président (M. Garon): Oui.

M. Émond (Gilles): O.K. Maintenant, si on faisait un peu le tour de la problématique actuelle. Hormis le nom combiné à la date de naissance, le numéro d'assurance sociale est sans doute l'identifiant le plus utilisé par les organismes gouvernementaux. Il n'est toutefois pas fiable à 100 %, ce qui peut causer des préjudices à certains citoyens. De plus, il n'est pas universel. En effet, la plupart des personnes de moins de 18 ans de même que certaines personnes qui n'ont pas été actives sur le marché du travail n'en possèdent pas. Plusieurs clients du régime de rentes et du programme d'allocations d'aide aux familles se retrouvent dans cette situation.

Par ailleurs, les contrôles exercés avant 1976 par l'organisme émetteur des numéros d'assurance sociale, à ce moment-là la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada, n'étaient pas suffisamment rigoureux, ce qui, dans certains cas, a résulté en l'émission de plusieurs numéros pour la même personne. Cette situation peut avoir pour effet de favoriser des irrégularités ou de priver certaines personnes de leurs droits.

Au cours de l'exercice 1995-1996, la Régie a dû mener en collaboration avec le ministère du Revenu une vaste opération au coût de 3 200 000 $ visant à compléter ou à corriger des comptes de cotisants et de bénéficiaires du régime de rentes pour années 1966 à 1975. Cette opération a donné lieu à des paiements rétroactifs totalisant 69 400 000 $. Cette situation tient au seul fait que, malgré les efforts du ministère du Revenu et de la Régie des rentes auprès des employeurs, les informations colligées au cours de ces années, c'est-à-dire de 1966 à 1975, ne permettaient pas d'identifier correctement les travailleurs concernés.

Quoique dans une plus faible proportion, la situation des cotisants non identifiés perdure et la Régie ainsi que le ministère du Revenu doivent consentir des sommes importantes pour protéger les cotisants et les assurer que leurs cotisations sont bien inscrites à leur compte.

Donc, comme vous le constatez, notre objectif, à la Régie, ce n'est pas de faire de l'argent, c'est de payer des prestations, et des prestations au bon montant. C'est ce que les gens attendent de nous.

Maintenant, quand on regarde un peu les voies de solutions, vous l'avez vu, d'ailleurs, c'est un des documents de base de la commission de la culture, sur lequel la commission de la culture s'est basée, le Vérificateur général du Québec a constaté dans son rapport, en 1995-1996, que le gouvernement possède environ 130 fichiers qui contiennent en tout ou en partie des informations permettant d'identifier les citoyens, telles que les nom, prénoms, date de naissance, date de décès, sexe, adresse et numéro d'assurance sociale. On dénombre parmi ceux-ci huit mégafichiers, qui concernent plus de 5 000 000 d'individus, et nous sommes un des mégafichiers, qu'on identifie comme le fichier d'inscription à la clientèle.

La Régie partage l'avis du Vérificateur général du Québec qui estime que la mise en commun des données relatives à l'identification de la clientèle des organismes gouvernementaux permettrait des économies et contribuerait à l'amélioration de la qualité des services aux citoyens. Les informations nécessaires à l'identification des citoyens nés au Québec seront éventuellement consignées dans le ficher de la Direction de l'état civil, sauf l'adresse et le numéro d'assurance sociale. Depuis le 1er janvier 1996, la Régie n'exige plus systématiquement de ses clients une preuve de naissance, de mariage ou de décès. En fait, la raison est assez simple. C'est que, toute votre vie durant, 25 ans, 30 ans, 40 ans, vous cotisiez, et quand vous arriviez pour avoir une rente, on vous demandait une preuve de naissance. On vous disait: Est-ce que vous êtes la bonne personne? Est-ce que vous êtes bien née? Pourtant, vous aviez payé durant 40 ans!

Alors, maintenant on ne demande plus ça. On fait nous-mêmes la vérification a posteriori, ou quand c'est un dossier qui est un peu litigieux, on demande nous-mêmes la preuve. Alors donc, lorsqu'une preuve est nécessaire, dorénavant, c'est la Régie qui effectue les démarches de validation ou de certification auprès de ses partenaires gouvernementaux, particulièrement la Direction de l'état civil, dans le respect des dispositions de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. La mise en commun des données d'identification viendrait faciliter l'implantation de la nouvelle politique de la Régie en matière de documents de preuve, le fait qu'on ne demande plus de preuve. Si vous êtes bien vivant, si vous avez bien cotisé, on va vous donner votre rente, si vous avez droit à une rente d'invalidité, à une rente de retraite ou à une prestation de décès, évidemment, dans le cas d'une mort.

Alors, le Vérificateur général souligne d'ailleurs dans son rapport les efforts consentis par la Régie à cet égard dans le but d'améliorer sa prestation de services. Également, cette voie permettrait à la Régie de même qu'à l'ensemble de l'administration gouvernementale d'élaborer une vision globale des contrôles administratifs permettant de mieux contrer les irrégularités et la fraude et, partant, de garantir aux citoyens une administration plus efficace. La Régie estime, finalement, qu'il est tout à fait normal que l'État connaisse ses citoyens et que ce besoin se traduise, par exemple, par la mise sur pied d'un fichier comme celui que la Direction de l'état civil est en train de constituer. Il lui apparaît tout à fait anormal qu'un citoyen qui fait affaire avec un organisme gouvernemental doive, pour répondre aux exigences de ce dernier, s'adresser à un autre organisme du même gouvernement et payer pour effectuer les démarches requises. De telles démarches devraient être facilitantes pour le citoyen et il en résulterait pour lui comme pour l'administration une économie de temps et d'argent tout en éliminant les frustrations inutiles.

Maintenant, la carte d'identité, qui est l'objet, au fond, de la consultation de la commission de la culture. La Régie n'émet pas de carte à ses clients, mais elle partage l'avis du Protecteur du citoyen qui constate que, pour s'assurer que le bénéficiaire de tels services est bien celui qui y a droit, les diverses administrations ont de plus en plus tendance à émettre des cartes avec photo. Plutôt que de multiplier les cartes, l'implantation d'une carte universelle d'identité apparaît comme une voie de solution intéressante, d'abord pour le citoyen, mais aussi pour l'administration publique. Quoi que la Régie n'ait pas sondé de façon formelle ses clients du régime de rentes quant à sa nouvelle politique sur les preuves, leur satisfaction ne fait aucun doute. Les témoignages recueillis en entrevue comme au téléphone sont unanimes et démontrent que les clients apprécient grandement le fait que la Régie effectue pour eux, lorsque c'est nécessaire, les démarches auprès des autorités compétentes pour attester des dates de naissance, de mariage ou de décès.

Là-dessus, une de mes fonctions, c'est commissaire au service; donc, je reçois beaucoup de courrier, de plaintes – on a environ 600 plaintes par année qu'on doit traiter – et également, à ma surprise – et ça fait depuis avril 1974 que j'oeuvre dans la fonction publique québécoise, et j'ai oeuvré dans plusieurs ministères à services – c'est la première fois que je vois autant de lettres de remerciement. Nous recevons beaucoup de lettres de remerciement de gens qui nous disent: On ne pensait pas que c'était aussi rapide. Parce que les gens demandaient une rente et ils avaient l'impression qu'il fallait remplir un formulaire, que ça allait être long, ça allait prendre trois mois, quatre mois. Les gens remplissent leur formulaire et, le mois qui suit, ils ont leur rente, ou le mois qu'ils désirent, ils ont leur rente. Alors, tout ça pour démontrer que, lorsqu'on est facilitant pour les citoyens, les citoyens nous le disent. À la Régie, moi, c'est une de mes surprises – ça fait depuis juillet 1995 que je suis à la Régie des rentes – on reçoit beaucoup de lettres à chaque mois de gens qui nous félicitent. Évidemment, vous me direz que ce sont des rentiers, ils ont peut-être du temps pour écrire, mais au moins ils prennent le temps de le faire.

(11 h 40)

Le succès de la mise en place d'une politique de carte unique permet d'avancer que l'implantation de cette carte d'identité sera accueillie favorablement par la majorité d'entre eux dans la mesure où le gouvernement pourra leur démontrer l'utilité de la carte pour leur faciliter et simplifier l'accès aux services, pour mieux protéger leurs biens et leurs droits et pour appliquer les lois et gérer les programmes de façon plus efficace, plus équitable et avec plus de célérité. Dans l'optique de l'implantation d'une carte d'identité pour les citoyens, la Régie estime qu'elle devrait être obligatoire pour tous les citoyens du Québec et qu'elle devrait être émise dès la naissance. La Direction de l'état civil pourrait être l'organisme privilégié pour procéder à son émission et pour exercer les contrôles adéquats s'y rattachant.

Quant à la protection de la vie privée, la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels paraît regrouper toutes les dispositions nécessaires pour que la vie privée des citoyens soit protégée. À cet égard, l'administration publique devrait démontrer aux citoyens que les technologies de l'information utilisées judicieusement constituent le moyen le plus étanche et le plus efficace pour protéger les renseignements qu'elle détient sur lui dans le respect des dispositions de la loi.

La journalisation des accès, on en a parlé tout à l'heure avec la Société de l'assurance automobile du Québec, d'ailleurs, donc, la journalisation des accès, suggérée par le Vérificateur général, est déjà implantée à la Régie; elle permet de connaître le nom des personnes qui ont consulté le dossier d'un citoyen, à quel moment et à quelles fins. Ce moyen pourrait également servir à informer le citoyen lorsque des informations le concernant ont été communiquées à d'autres organismes. Là-dessus, je voudrais vous dire que nous avons un plan d'action en préparation pour nous permettre d'être plus proactifs avec la journalisation afin de protéger les renseignements et connaître exactement les utilisateurs des données à la Régie. Je voudrais vous mentionner que le personnel de la Régie n'a accès aux dossiers que pour les fins de son travail. Quelqu'un qui travaille à la détermination du Registre des cotisants ne peut pas travailler pour ce qui est du paiement des rentes, et tout ça. La même chose pour la personne qui paie les rentes, elle ne peut pas aller changer les données en disant: Tiens, on va y mettre 10 000 $ de plus dans ses revenus de telle année, ou des choses comme ça. Alors, les personnes ont accès aux fichiers uniquement pour les fins de leur travail.

On va terminer, maintenant, sur les technologies de l'information. Depuis une quinzaine d'années, la Régie a amélioré considérablement le niveau et la qualité des services qu'elle rend à ses clients en grande partie et en très, très grande partie grâce à son personnel, ça va de soi, mais grâce à l'utilisation de technologies reliées au traitement de l'information. Le dépôt direct – et nous avons été le premier organisme du gouvernement du Québec à le mettre en place – implanté par la Régie pour ses clients du régie de rentes en 1982 constitue probablement le plus bel exemple de l'apport des technologies nouvelles pour supporter la livraison de meilleurs services à moindre coût tout en assurant la protection des renseignements personnels des clients visés.

La Régie a aussi implanté au cours des dernières années un système automatisé de renseignements téléphoniques, d'abord pour les clients des allocations d'aide aux familles et, ensuite, pour ceux du régime. Ce système est accessible 24 heures par jour, sept jours par semaine, et il permet de fournir les renseignements généraux les plus demandés et de répondre aux questions simples les plus souvent formulées. Alors, il faut voir, là – on va en parler tout à l'heure – les gens ont toujours accès, sur les heures du bureau, à un ou une préposée aux renseignements, mais, si vous voulez avoir des informations simples, style «quand est-ce que se fait l'émission des chèques ce mois-ci?» ou d'autres informations faciles, vous appelez et, 24 heures par jour, vous pouvez avoir l'information. On a une moyenne mensuelle de 3 603 appels, au dernier trimestre de 1996.

Une information personnalisée continue évidemment d'être offerte par les préposés aux renseignements et est accessible en composant les numéros de téléphone habituels sur les heures de bureau. On répond à 74 % des appels en moins de 20 secondes. Donc, vous n'attendez pas cinq minutes, à la Régie, lorsque vous appelez à la Régie. Le délai moyen d'attente est de 27 secondes. O.K.?

De plus, tout client qui le désire ou qui a besoin d'une aide accrue peut se présenter dans un des centres de service de la Régie ou dans un des bureaux d'accueil périodiques. C'est-à-dire que nous avons au total 49 bureaux. Alors, un bureau d'accueil périodique, c'est assez simple, je vais prendre l'exemple, dans le comté, peut-être, de la députée de Rimouski. Alors, on va aller, par exemple, à Mont-Joli, et si quelqu'un veut nous voir, il va nous appeler, on va regarder exactement quelle est la nature de son dossier. Quand on va aller le voir, on va aller le voir à Mont-Joli. Il n'a pas besoin de se déplacer au bureau de Rimouski, on va le voir à Mont-Joli. La même chose pour plusieurs bureaux; il y en a 49 au total à travers le Québec.

Compte tenu que ces améliorations ont été accompagnées d'une réduction continue des frais d'administration de la Régie par client, cette dernière estime avoir relevé le défi de respecter les droits et valeurs de ses clients tout en leur assurant des services adéquats et efficaces, assistés par les technologies modernes. Dans cette optique, une utilisation judicieuse des technologies modernes de l'information devrait permettre à rassurer le citoyen et à mieux le servir, et surtout à mieux protéger les informations que l'État détient sur lui, à mieux encadrer et contrôler l'accès à ces mêmes informations et à lui offrir la possibilité de vérifier lui-même l'utilisation que l'État fait de ses renseignements généraux... de ses renseignements personnels, pardon.

Depuis quelques années, la Régie analyse en première ligne, à ses bureaux de Québec et de Montréal ainsi que dans ses centres de service en région, des demandes de rentes et de conjoint survivant et elle peut rendre des décisions sur le champ. Cette façon de dispenser des services paraît s'inscrire dans l'orientation privilégiée par le gouvernement. La Régie souhaite que l'administration publique accélère ses réflexions dans le but de préciser les services aux citoyens en matière d'information gouvernementale et de transactions – on s'en va de plus en plus de l'information vers la transaction gouvernementale – qui seront offerts dans les centres régionaux de services gouvernementaux. Une telle approche suppose des moyens efficaces, telle que la carte d'identité, pour s'assurer que la personne qui requiert un service est bien celle qui y a droit. Il est également prévisible qu'à moyen terme la Régie, comme beaucoup d'autres organismes publics, pourra servir plusieurs de ses clients directement à leur domicile via des inforoutes. Vous avez entendu parler cette semaine du projet UBI, nous, on le suit depuis au moins deux ans ou même trois ans, le projet-pilote qui a lieu actuellement au Saguenay–Lac-Saint-Jean. La problématique de l'identification du client se posera alors dans toute son ampleur et elle devra donc être résolue.

En conclusion, M. le Président, la Régie doit un jour ou l'autre, dans la vie d'un citoyen, procéder à son identification précise. Pour cette raison, la Régie est favorable à l'implantation d'une carte d'identité pour les citoyens du Québec. Elle estime qu'une telle implantation offrirait un soutien additionnel pour faciliter l'exercice des droits des citoyens et pour leur assurer des services fiables, équitables et rapides, une possibilité accrue de réduire les coûts des programmes et de leur administration, un soutien additionnel pour assurer la protection de la vie privée, en autant que les technologies de l'information soient judicieusement mises à profit, un soutien additionnel pour détecter la fraude et les irrégularités. Et même plus, à la Régie, nous sommes disposés à collaborer à toute étude de coûts-bénéfices reliée à cette question. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Garon): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci, M. le Président. Merci beaucoup aux membres de la Régie des rentes pour leur présentation ce matin. Je veux commencer encore, juste pour revenir, pour vos fins à vous, les choses qui sont essentielles à savoir, c'est l'âge des Québécois et des Québécoises, leur état civil, j'imagine, et leur adresse. Je cherche à identifier c'est quoi, vos vrais besoins au niveau de renseignements, parce que, dans l'esprit de toujours limiter, de minimiser au maximum les choses dont on a vraiment besoin... Alors, si j'ai bien compris, c'est l'âge, pour déterminer quand j'arrive à 65 ans, c'est mon état civil, à la fois pour le nouveau système de la politique familiale, et pour les enfants, et tout ça, et mon adresse. Est-ce qu'il y a d'autre chose que vous avez?

M. Émond (Gilles): Je laisserai répondre M. Pierre Normand.

M. Normand (Pierre): Pour la rente de retraite, ce dont on a besoin de savoir effectivement, c'est l'identité de la personne, qu'on détermine chez nous par le numéro d'assurance sociale, pour aller vérifier les cotisations et verser le bon montant de rente à la bonne personne, et la date de naissance effectivement, compte tenu que la rente de retraite est disponible à compter de 60 ans.

Pour la rente de conjoint survivant, on a besoin de la date du mariage, quand ce sont des conjoints mariés. On mène certaines enquêtes quand il y a lieu dans le cas des conjoints de fait; on a besoin de la date du décès, et dans le cas de la rente d'invalidité, on a besoin aussi de la date de naissance.

Quant aux adresses, la problématique ne se pose pas au moment où les rentes sont demandées, c'est seulement au moment où on souhaite, par exemple, émettre des relevés de participation à l'ensemble des travailleurs, comme l'opération qu'on vient de débuter à la Régie et qui va s'étendre sur quatre, cinq ans, par exemple. Là, à ce moment-là, on est carrément démunis parce qu'on n'a pas les adresses. Donc, on a une entente administrative avec la Régie de l'assurance-maladie du Québec, puis pour émettre les relevés de participation à des cotisants qui ne nous les ont pas demandés mais qu'on veut quand même informer de leur contribution au régime, on va chercher nos adresses ailleurs parce qu'on ne les détient pas.

Dans le cas d'une centaine de mille cotisants, sur une base annuelle, qui nous demandent leur relevé de participation, ça va bien parce qu'ils nous donnent l'adresse à ce moment-là, et dans le cas des demandes de rentes également. Où il y a des problématiques d'adresses qui se posent également, c'est une fois que la personne est devenue bénéficiaire et qu'elle a, par exemple, adhéré au dépôt direct. Dans le cas du régime de rentes, c'est vrai dans 85 % des cas, c'est que la personne est peut-être demeurée dans la même institution financière, donc le dépôt direct se fait au même endroit, mais elle a peut-être déménagé sans nous...

M. Kelley: Aviser.

(11 h 50)

M. Normand (Pierre): ...faire part du changement d'adresse. Au moment d'envoyer, comme ça a été le cas en janvier, par exemple, les relevés 2 pour fins de déclarations de revenus, on a des problématiques d'adresses qui se posent à ce moment-là. Ça fait que la question des adresses, à la Régie, même si ce n'est pas une des exigences de la loi pour mettre les rentes en paiement, c'est quand même une problématique importante.

M. Kelley: Vous avez soulevé dans votre mémoire qu'il y a quelques personnes qui n'ont pas un numéro d'assurance sociale. Est-ce que c'est 1 % ou 10 %, est-ce qu'on a une idée de l'ampleur du problème?

M. Normand (Pierre): Malheureusement, je ne peux pas vous quantifier l'ampleur de la problématique. Je peux tout de même vous souligner, il y a certainement un besoin pour les citoyens de s'identifier en quelque part, parce que le numéro d'assurance sociale, en principe, est demandé par les personnes qui commencent à travailler, quelque part vers 18 ans, et puis il y a tout de même 460 000 enfants de 18 ans et moins qui ont des numéros d'assurance sociale. Ça fait que ça laisse quand même voir qu'il y a un besoin d'identification quelque part, il n'y a pas de permis de conduire disponible à ces âges-là, puis il y a quand même 460 000...

Parce que nous autres, la Régie des rentes, on reçoit du ministère du Développement des ressources humaines du Canada, à chaque fois qu'un numéro d'assurance sociale est émis pour un citoyen du Québec, le numéro qui commence par 2, on reçoit l'information puis on l'inscrit dans notre fichier de clientèle, ça fait qu'il y a beaucoup de numéros d'assurance... il y a entre 27 et 28 % des enfants de zéro à 18 ans qui détiennent des numéros d'assurance sociale. Pour les personnes en âge de travailler puis qui n'en ont pas, ce n'est certainement pas majeur, malheureusement, je ne peux pas vous quantifier cette proportion-là.

M. Kelley: Mais avez-vous besoin d'un numéro d'assurance sociale pour les enfants? Pas vraiment, parce que ça passe par les parents.

M. Normand (Pierre): Ça passe par les parents, parce que, dans le cas des allocations d'aide aux familles, les allocations sont versées aux parents, effectivement.

M. Kelley: Parce que je me demande, mes enfants, je pense, les deux aînées, peut-être, ont reçu leur carte, elles sont des adolescentes maintenant, elles ont travaillé un petit peu. Mais le reste ne l'ont pas et ça n'a jamais causé un problème, parce qu'ils sont...

M. Normand (Pierre): Mais vous avez raison, vous avez raison, pour verser des allocations d'aide aux familles, on n'a pas besoin du numéro d'assurance sociale des enfants. Je voulais juste vous souligner qu'il y a quand même tout près de 500 000 enfants au Québec qui détiennent des numéros d'assurance sociale.

M. Kelley: O.K., parfait. Et peut-être pour revenir sur une chose que j'ai trouvée un petit peu intéressante dans votre mémoire, parce qu'on a toujours pensé, sur la page 3, on va améliorer l'identification pour sauver de l'argent à l'État. Mais, si j'ai bien compris, l'opération que vous avez faite, nous avons trouvé les bénéficiaires... pour les 69 000 000 $ de plus, est-ce que j'ai bien compris que ça a ajouté à vos dépenses au lieu de les réduire?

M. Normand (Pierre): Absolument, parce que notre rôle, ce n'est pas de garder l'argent, ce sont des personnes qui, finalement – et ça tenait beaucoup à des numéros d'assurance sociale qui étaient inadéquats, puis il faut comprendre qu'entre 1966 et 1975 l'informatisation, évidemment, était moins implantée. Alors on a fait une opération de rectification des données avec le ministère du Revenu, ça a coûté 3 200 000 $ pour le faire, ça nous a coûté 69 400 000 $, mais c'est de l'argent auquel les gens avaient droit. Alors, on a payé des montants rétroactifs à ces personnes-là parce qu'elles y avaient droit.

M. Kelley: Parce que si... non, je mentionne ça parce que les groupes qui sont venus ont dit qu'il y a des grandes économies pour l'État, et on voit ici, et je ne le conteste pas, c'est de l'argent qu'on doit aux citoyens, mais les impacts sont à la fois pour sauver de l'argent, mais, également, si on peut mieux identifier nos bénéficiaires, ça peut également augmenter les montants à payer, alors c'est juste... il y a du va et vient dans tout ça.

M. Normand (Pierre): Je vous ferais remarquer que cet argent-là, de toute façon, ne vient pas du fonds consolidé, c'est l'argent des cotisations, il y en a pour plus de 4 000 000 000 $ à 5 000 000 000 $ par année qui est payé, et nous, notre rôle, c'est de payer le bon montant à la bonne personne. Alors, cette opération-là a été faite sur presque 18 mois, et c'est une opération qu'on a faite parce qu'on sentait le besoin de le faire, le gouvernement a accepté de dégager les fonds... parce que, évidemment, il y avait le ministère du Revenu en partie, mais on l'a fait avec énormément de plaisir.

M. Kelley: Dernière question. Vous avez mentionné, pour la gestion des changements d'adresse, tout ça, un couplage qui est fait avec la Régie de l'assurance-maladie. On l'a vu dans le rapport du Vérificateur général, il demeure quand même un taux d'inexactitude d'environ 6 %, parce que vous avez soulevé dans le mémoire que le numéro d'assurance sociale, il y a quand même peut-être un problème, autour de 3 %, je pense que c'est le chiffres que vous avez avancé. Mais, en faisant le couplage avec la RAMQ, j'imagine qu'il y a des problèmes aussi, ce n'est pas... ça doit vous causer des maux de tête pour bien identifier, bien trouver l'adresse des personnes, si un nom sur 16 qui apparaît sur la liste de la Régie est inexact?

M. Normand (Pierre): Dans notre cas, c'est plus critique... bien, je vais qualifier mon «critique» aussi, là, la performance est aux environs de 80 %. Mais il reste qu'il y a quand même un 20 % de cotisants à qui la Régie souhaiterait émettre des relevés de participation pour bien les informer de leur contribution au régime, leur permettre de vérifier si toutes les données sont correctes, puis, à ce moment-là, ces cotisants-là, on ne peut pas les rejoindre. Mais, effectivement, nous autres, compte tenu que notre clé d'identification est le numéro d'assurance sociale, quand on échange avec un organisme dont le numéro d'identification n'est pas le numéro d'assurance sociale, le 3 %, il s'accroît, là, dans notre cas, jusqu'à peu près 20 %. Dans 20 % des cas, on n'est pas capables de faire un appariement suffisamment fiable pour dire qu'on prend cette adresse-là pour émettre un relevé de participation. Donc on prive un de nos clients d'un relevé de participation. Notre loi dit bien que le cotisant doit nous demander un relevé de participation, mais, pour bien les informer et les sensibiliser au régime de rentes, bien, la Régie souhaite quand même émettre des relevés, puis on ne peut pas le faire dans ces cas-là.

M. Kelley: Et, souvent, est-ce que ça peut être juste un tout petit... parce que, mon prénom, c'est Geoffrey, mais le monde me connaît comme Jeff. Alors, des fois, je vais... j'ai l'habitude d'écrire le nom au complet, mais des fois, surtout lorsque je cherchais un emploi quand j'étais jeune, j'imagine que j'ai souvent dû écrire la moitié de mon nom, en fait. Est-ce que ces petites habitudes, que le monde fait tout le temps, vous posent des problèmes pour retracer ces personnes?

M. Normand (Pierre): Ça pose des problèmes sérieux. Ça peut être effectivement une façon différente, dans le temps, d'avoir donné un prénom différent. Il y a des personnes qui... le jour, dans la date de naissance, par exemple. Bon, ça, pour avoir déjà travaillé au Bureau des véhicules automobiles il y a quelques années, on avait tracé une courbe, puis, bon, le 24 juin, à la Saint-Jean-Baptiste, il y avait plus de naissances qu'ailleurs, et le 1er janvier, bon... Au plan statistique, on sait fort bien que ce n'est pas possible, là. Ça fait que quelqu'un a peut-être une date de naissance officiellement le 23 juin, puis il a donné le 24 à deux, trois organismes puis le 23 à deux, trois autres. Ça fait que, des difficultés d'appariement de cette nature-là, on en vit sur une base quotidienne. Et, nous autres, on imagine que c'est vrai ailleurs aussi, quand on vient pour tenter de faire des appariements.

M. Kelley: Merci beaucoup.

Le Président (M. Garon): Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Merci, je serai brève. Merci, M. Émond et les messieurs qui l'accompagnent. C'est différent, comme mémoire, de ce que l'on a entendu jusqu'à date. Je me permettrais de dire et de résumer votre mémoire en... Vous nous dites que vous êtes d'accord pour la carte d'identité – alors, ce n'est pas la même chose que la carte multiservices, c'est vraiment une carte d'identité dont vous parlez – et vous nous dites ce que d'autres ne nous ont pas dit, vous nous dites même le contraire de ce que les autres nous disent – je pense à la Commission d'accès à l'information et aux autres partenaires, là, qui sont venus – que les nouvelles technologies peuvent nous permettre de mieux assurer la confidentialité des renseignements personnels, en autant qu'on ait ce que vous appelez la journalisation des accès, le dépôt direct – vous donnez des exemples comme ça – et vous recommandez que ça soit même le registre de l'état civil qui soit responsable de la carte d'identité. J'avoue que vous allez complètement dans le sens inverse d'autres partenaires et vous vous donnez en exemple, en quelque sorte, la Régie des rentes du Québec, comme ayant fait la preuve que c'était possible.

(12 heures)

Et je remarque que, dans la revue de presse de ce matin, vous ne faites pas partie des sociétés d'État pointées comme quoi il y a un marché noir des renseignements que vous possédez. Alors, je suis prête à vous croire, je suis prête à croire que c'est vrai, ce que vous nous dites, mais il y a quelque chose qui me revient. La carte d'identité, hier, je me disais: Oui, une carte d'identité, dans le même sens que vous allez, et il y a une invitée qui me faisait voir que ça pouvait être, à ce moment-là, un genre de passeport intérieur, et on faisait référence à une surveillance ou à un État policier. Et, moi, je me suis fait comme réflexion après la séance que, étant née au Québec et ayant toujours vécu principalement au Québec, on n'a pas le passé d'un gouvernement autoritaire, fasciste, et tout ça, et je ne voyais pas la carte d'identité comme étant un outil de contrôle policier.

Je la voyais beaucoup plus comme un outil de contrôle à caractère économique, étant beaucoup plus un outil pour identifier si la personne a des droits ou n'en a pas, des droits pour différents programmes que le gouvernement peut accorder à la population, et je me dis que, là-dessus, est-ce que, pour vous, la carte d'identité, ça permettrait d'éviter la multitude de croisements que la Commission d'accès à l'information nous a démontrés sur acétate hier? Et la carte d'identité est une sécurité, alors que la multitude des fichiers et la multitude des croisements ne permet pas de vérifier s'il y a effectivement, à l'intérieur de tous ces fichiers-là, une journalisation des actions. Alors, je...

M. Émond (Gilles): Nous, en fait, on est pour la carte d'identité sous l'angle de la facilité et de la simplification des services qu'on peut offrir aux citoyens. Avec une carte... parce que de plus en plus le citoyen va pouvoir aller... Imaginons que dans chacune des municipalités régionales de comté, dans les territoires ou les grandes capitales régionales, il y a des comptoirs de services gouvernementaux, parce qu'on passe de plus en plus de l'information à la transaction, alors le citoyen pourrait aller avec sa carte. Ça lui permettrait d'être identifié, de voir peut-être les différentes transactions qu'on a pu faire, de payer son impôt, n'importe quoi, je ne sais pas, là. Tout est possible.

Alors, c'est pour ça que, nous, c'est sous l'angle de la facilité pour le citoyen. Parce qu'on s'est aperçus qu'à chaque fois qu'on facilitait la vie au citoyen le citoyen était content. Autrement dit, ça ne sert à rien de lui compliquer la vie en lui demandant 56 preuves, si on est capable de prouver que c'est bien la bonne personne et qu'on lui paie ses rentes, il n'y a pas de problème. C'est sous cet angle-là.

Quant à votre question, évidemment, à savoir si l'État policier... Nous, comme on le disait tout à l'heure, on n'a pas besoin de beaucoup d'informations. À la limite, quand on paie une rente de retraite, on n'a pas besoin de savoir s'il est marié. On a besoin de le savoir à cause de la rente de conjoint survivant ou le partage des rentes ou des choses comme ça, mais on paie une rente de retraite parce que quelqu'un, c'est bien la bonne personne qui a cotisé durant 25, 30 ans, 40 ans de sa vie. On a besoin d'avoir une information de base qui est minimale, c'est-à-dire l'âge, parce qu'on paie à partir de 60 ans, pour les personnes qui le demandent à partir de 60 ans, on a besoin donc d'avoir l'âge et on a besoin d'avoir une preuve de décès, si c'est une prestation de décès, mais on n'a pas besoin d'avoir une multitude d'informations. Ça, je laisserai le soin évidemment aux spécialistes de répondre: quel genre d'information on pourrait avoir là-dessus? Mais il nous semble que ce qui est proposé par l'état civil...

Mme Charest: Oui, l'état civil, la Direction de l'état civil.

M. Émond (Gilles): Oui, c'est ça. Dans le mémoire qui va suivre, il nous semble que les informations de base sont là. Ça nous prend quand même – et c'est bien si on a l'information – quant aux adresses, tant mieux. Ça va nous éviter de faire beaucoup de recherches pour s'assurer qu'on a bien à bonne adresse, parce que, vous savez, on verse aussi des prestations à des gens qui sont à l'extérieur du Québec et à l'extérieur du Canada. O.K.? On en verse, des prestations. Donc, il faut s'assurer aussi – on a des problèmes à l'étranger – de vérifier les adresses, et tout ça.

Mme Charest: Comme vous avez l'avantage d'émettre des chèques, les gens sont intéressés à ce que vous sachiez où ils demeurent. Alors, c'est peut-être plus facilitant pour vous que pour d'autres organismes.

M. Émond (Gilles): C'est sûr.

Mme Charest: Mais je constate que ce que vous nous dites, c'est que la carte d'identité, bien campée, étant strictement identitaire, c'est-à-dire qu'elle n'a pas d'autre rôle que d'identifier, pourrait faciliter la mise sur pied de guichets uniques pour les services gouvernementaux et que, pour s'assurer qu'il n'y ait pas une multitude d'échanges de renseignements par différents organismes, il faudrait s'assurer que les organismes qui auraient besoin d'information aient des systèmes comme les vôtres, la journalisation des accès, etc.

Et je constate aussi que les nouvelles technologies, en ayant des plages d'accès, parce que vous savez très bien qu'avec... mettons une carte d'assurance-santé, hein, le médecin, le pharmacien, l'infirmière n'ont pas les mêmes plages d'accès, parce qu'il y a des renseignements qui sont propres au médecin, auxquels lui peut avoir accès, par rapport au pharmacien, mais que le pharmacien n'aura jamais accès à ce le médecin détient, et la même chose pour les infirmières. Mais, dans le fond, si je transpose, dépendamment des vocations des différents organismes gouvernementaux ou privés, l'accès aux plages pourrait être compartimenté de la même façon et pourrait faciliter la protection des renseignements personnels et confidentiels.

Merci, ça nous rassure, parce que ce qu'on nous avait dit jusqu'à date, c'était vraiment très terrible.

Une voix: Nous autres, ce qu'on prétend, on en est même convaincus, c'est pour ça qu'on a utilisé le mot comme tel, c'est que, une utilisation correcte puis judicieuse des technologies de l'information, c'est le moyen le plus étanche actuellement pour vraiment protéger les renseignements personnels. S'assurer que, quand les renseignements sont échangés, sont divulgués, ça laisse des traces un peu partout, puis ces traces-là, on peut les exploiter. Puis, à la limite, ce qu'on a soulevé aussi, c'est que, avec les développements qui s'en viennent, qui ont déjà cours de toute façon, l'utilisation des technologies de l'information pourrait même permettre au citoyen lui-même éventuellement d'aller vérifier quelle est l'utilisation que l'État, via les journalisations, par exemple, quelle est l'utilisation que l'État a fait de ces renseignements personnels. À qui la Régie des rentes a communiqué ces renseignements? À quel moment, quelle date, quel jour, à quel organisme, pour quelles fins? etc.

Le Président (M. Garon): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Juste une sous-question à celle-là, est-ce que vous avez fait une évaluation de coûts par rapport à ces nouvelles technologies là?

M. Normand (Pierre): Non. Qu'est-ce que vous entendez...

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Bien, vous dites dans votre mémoire, à la page six: «L'utilisation judicieuse de technologies modernes de l'information devrait permettre de rassurer le citoyen et de le servir.» Et, ensuite, bien, vous dites, bon: «à mieux protéger les informations que l'État détient sur lui», bon, vous nous donnez trois possibilités: premièrement, vous parlez de technologies modernes, moi, j'aimerais ça peut-être, je ne suis pas un spécialiste en informatique puis en technologies modernes, laquelle des technologies, s'il y a lieu d'en avoir une, puis à quels coûts?

M. Émond (Gilles): Je vais laisser aller Pierre Bélisle là-dessus.

M. Bélisle (Pierre): De ce côté-là, il y a plusieurs technologies disponibles et c'est en évolution très rapide, sûrement vous le constatez, à même tout ce qui se passe dans le domaine de ces technologies. On n'a pas fait d'évaluation de coûts; on dit tout simplement dans le mémoire qu'effectivement les technologies qui sont disponibles aujourd'hui offrent les possibilités de gérer cette information-là de façon sécuritaire, de façon compartimentée et de laisser des traces par la journalisation des transactions.

Ça fait qu'on n'a pas fait d'évaluation de coûts, on dit que les technologies offrent actuellement des possibilités de se servir de ces moyens-là pour arriver à assurer la confidentialité des renseignements et la sécurité des informations. Ça serait à déterminer, là, du point de vue gouvernemental, quelles options seraient les plus appropriées pour desservir ces fins-là et à quels coûts.

M. Émond (Gilles): Si vous permettez, on connaît bien, cependant, les coûts de maintien de nos fichiers. Par exemple, juste notre fichier d'inscription à la clientèle, on en a pour 2 900 000 $ par année, presque 3 000 000 $ par année d'argent pour, évidemment, l'ordinateur central, le coût du personnel au développement puis à l'entretien des systèmes, les coûts du personnel pour les inscriptions manuelles aux fichiers, les factures qu'on paie à d'autres organismes, comme ressources humaines du Canada, pour l'utilisation de leur fichier central, puis les frais généraux, messagerie, et tout ça. Donc, c'est quand même 3 000 000 $ d'entretien par année.

C'est sûr que, si on regroupait les informations de base au même endroit, une fois le développement informatique fait, une fois le développement du système fait, le coût d'entretien, évidemment, est réparti à travers plusieurs organismes, et nous, en tout cas, à la Régie, on serait prêts à payer un coût raisonnable pour aller chercher l'information, pas pour aller chercher puis payer tout, là, mais juste pour le transfert d'informations, on serait prêt à payer pour. Et ça, en informatique, j'ai vu des chiffres, ça peut aller jusqu'à 18 cents, tu sais, transférer un... 18 cents.

Vous n'avez qu'à prendre le secteur des banques, j'ai beaucoup d'amis qui travaillent dans le secteur bancaire, eux se battent pour que les gens aillent au guichet automatique, parce que ça coûte à peu près quelque chose comme 23, 24 cents la transaction, alors que ça coûte 1,59 $ quand vous allez au guichet. Alors, il y a toute une clientèle, la clientèle des personnes âgées, ils ont fait une croix là-dessus, évidemment, les personnes âgées préfèrent aller au guichet, tandis qu'ils essaient, évidemment, parce que c'est des coûts qui sont beaucoup moindres au guichet automatique plutôt qu'au guichet avec la caissière ou le caissier.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci.

(12 h 10)

Le Président (M. Garon): Alors, je remercie les représentants de la Régie des rentes du Québec de leur contribution aux travaux de cette commission. J'invite maintenant le Directeur de l'état civil, M. Lavigne, à s'approcher de la table des délibérations, à nous présenter l'équipe qui l'accompagne, ou les gens qui l'accompagnent, et je lui rappelle que nous avons une heure ensemble, c'est-à-dire normalement 20 minutes pour son exposé, 20 minutes pour chacun des groupes parlementaires. Alors, à vous la parole, M. Lavigne.


Directeur de l'état civil

M. Lavigne (Guy): M. le Président, Mme, MM. les députés, je tiens en tout premier lieu, comme vous me l'avez suggéré, M. le Président, à vous présenter les personnes qui m'accompagnent: à ma gauche, M. Jocelyn Tremblay, qui est le directeur du bureau de l'état civil à Montréal; à ma droite, M. Michel Rochon, qui est le directeur adjoint à l'état civil et responsable du secrétariat à la coordination à l'état civil.

Je tiens de façon toute particulière à vous remercier de votre invitation à venir vous présenter à titre d'officier de l'état civil mes commentaires dans le cadre de la consultation générale que vous tenez concernant les cartes d'identité et la protection de la vie privée. Comme officier de l'état civil et comme directeur de l'état civil, il s'agit là de sujets qui me préoccupent beaucoup, étant, par le mandat qui m'est dévolu, au coeur même des préoccupations des citoyennes et citoyens québécois en ces matières.

De fait, depuis le début de nos opérations, depuis la réforme du Code civil du Québec, la gestion de l'état civil a été profondément modifiée et a généré des impacts importants tant auprès de la population qu'auprès des différents organismes publics ou privés sur le territoire québécois. Depuis le 1er janvier 1994, un seul officier public est chargé dorénavant de dresser les actes de l'état civil des citoyennes et citoyens québécois – ce sont, entre autres, les actes de naissance, de mariage, de décès – de les modifier, ces actes, de les annoter, de les conserver et de les publiciser conformément à des règles précises contenues dans diverses dispositions du Code civil du Québec. Ainsi, en vertu d'un mandat clair, sans équivoque, le Directeur de l'état civil a la responsabilité de gérer l'identité au Québec, et l'exercice de ce mandat lui permet du même coup d'avoir une vision globale et unique des diverses problématiques qui peuvent y être associées.

La consultation générale que vous avez entreprise relativement à la carte d'identité est cruciale, fondamentale même pour la population et la société québécoise. Des enjeux majeurs sont en cause ainsi que des principes de droit chèrement acquis, comme peut l'être la protection de la vie privée. Par ailleurs, le débat doit être fait en toute transparence afin d'offrir à la population québécoise tous les éléments d'information inhérents aux différents effets que pourront engendrer quelque orientation que vous jugerez bon de retenir. Depuis plusieurs années, on en a fait état à quelques reprises depuis le début de vos travaux, de façon cyclique, la pertinence ou l'opportunité de mettre à la disposition de la population une carte d'identité refait surface. Aujourd'hui, ce débat est d'autant plus névralgique que s'y conjuguent les intérêts des citoyennes et des citoyens québécois quant à la qualité des services qui peuvent leur être offerts et les besoins, certes légitimes, de l'État d'administrer de façon vigilante les mêmes services offerts à ses citoyens et citoyennes québécois.

Les nombreux contacts que nous avons maintenant depuis plus de trois ans dans le cadre de l'administration de notre mandat auprès des citoyens québécois me permettent de vous affirmer que le besoin de posséder une carte d'identité et de faciliter du même coup la gestion de l'identité est bien présent. Il n'y a pas une journée où nous ne sommes pas sensibilisés à cette question et qu'elle ne nous est pas posée. Je ne veux pas et il n'est pas de mon intention ici ce matin, ce midi, de vous présenter les avantages ou les inconvénients liés à l'émission d'une telle carte d'identité. Déjà depuis plusieurs années, ces éléments ont été précisés et vous seront réitérés de façon très exhaustive tout au long de vos séances par différents intervenants; on a pu en prendre connaissance déjà à compter d'hier.

Par contre, il m'apparaît très important de vous présenter à la fois des commentaires et des avenues de réalisation qui pourront, je l'espère, alimenter votre réflexion quant à l'actualisation de ce projet. Depuis quelques années, effectivement, diverses propositions de cartes ont été mises de l'avant. Certaines sont restées lettre morte, d'autres ont fait l'objet de projets-pilotes sans pour autant se voir concrétisées; et, enfin, quelques-unes ont vu le jour. Tous ces projets répondent à des besoins, qu'ils soient étatiques – pensons ici à la Régie de l'assurance-maladie, au niveau de l'administration des soins de santé, à la Société de l'assurance automobile, qu'on a entendue tout à l'heure quant à l'émission d'un permis de conduire, ou au projet très immédiat du Directeur général des élections quant à une carte d'électeur, ou on peut penser aussi à d'autres besoins qui sont, entre autres, institutionnels; pensons, entre autres, à la carte que tous possédons d'une institution hospitalière. Tous ces projets, ou toutes les cartes qui ont été produites répondent, on le voit, à des impératifs, des impératifs sociaux, légaux ou réglementaires. Par ailleurs, toutes, et ça, de plus en plus on le réalise – et vous le réalisez avec les présentations qui vous sont faites – toutes s'alimentent aux même sources, l'état civil, des citoyens bénéficiaires de services de l'État ou d'organisations publiques, parapubliques ou privées.

Par ailleurs, il est essentiel, fondamental, pour toutes ces organisations administrant des programmes socioéconomiques, de connaître et de reconnaître leurs citoyens clients, comme il est tout aussi essentiel pour ces citoyens clients d'être connus et reconnus, tout en conservant un degré de confidentialité qui leur assure une confiance sans faille en ces différents interlocuteurs. Tout à l'heure, j'aimerais reprendre peut-être de façon succincte cet élément de confiance qui est inhérent à ces relations entre l'État et ses citoyens. Comme il n'y avait jamais eu d'assise claire de gestion de l'identité au Québec, toutes les organisations se sont donné au fil des ans et suivant l'évolution de la nouvelle technologie des modes de gestion d'identité afin de bien connaître et reconnaître leurs citoyens clients.

Pour ce faire, des fichiers ont été constitués en fonction des mandats et des missions de ces organisations; d'ailleurs, le Vérificateur général l'a d'ailleurs souligné avec beaucoup d'acuité. Tout cela s'est fait graduellement, on peut dire, sans beaucoup de considération pour la première personne concernée, le citoyen.

Récemment, le contexte socioéconomico-budgétaire, si vous me permettez l'expression, de notre société québécoise et de notre gouvernement a obligé toutes ces organisations à se donner plus de rigueur dans la gestion de ces éléments nominatifs pour éliminer des duplications ou des cas potentiels d'abus. Comme il n'y avait pas ou peu de règles à suivre pour gérer, entre guillemets, ces données ou ces dossiers nominatifs, des vérifications de fichiers se sont instaurées. Des clés de recoupement ont alors été définies et des échanges ont été institutionnalisés afin de sécuriser les informations et de réduire les coûts des divers programmes socioéconomiques concernés, et le tout de bonne foi.

La vigilance, par ailleurs, des citoyens et de groupes d'intervention a soulevé des inquiétudes légitimes quant à cette gestion non organisée, si vous me permettez l'expression, et pas toujours très compréhensible pour le premier venu. Dans cette foulée, de façon très concrète aujourd'hui, on voit que de nouveaux projets sont mis de l'avant. Par exemple, dans le cadre de l'exercice d'un doit fondamental qui est celui de voter, on envisage la production d'une carte d'électeur; pour obtenir des informations relativement à l'État quant à des services qui sont disponibles, une carte multiservices; pour pouvoir identifier un citoyen, pour permettre à un citoyen de s'identifier, une carte d'identité; pour pouvoir, suivant l'expression maintenant consacrée en matière d'information ou de technologie de l'information, pour pouvoir naviguer sur l'autoroute de l'information de façon sécuritaire, une certification d'identité. Et là je reprends un peu les termes que mes prédécesseurs ont donné, auxquels ils ont fait allusion tout à l'heure, quant à la capacité technologique qui est disponible aujourd'hui, on peut, de façon légitime, dire qu'il serait possible, avec cette puissance technologique dont nous disposons, d'envisager répondre à tous ces besoins et à plusieurs autres en les regroupant sur un seul support, une carte d'identité photo multiservices, appelons-la comme on veut.

(12 h 20)

Mais, dans un tel contexte, dans le cadre de notre société québécoise, qui ferait quoi, et pour qui et à quelles fins? Le citoyen, et je crois que vous l'avez, d'ailleurs, à plusieurs reprises souligné, est profondément inquiet. Il est inquiet de ne pas connaître, il est inquiet de ne pas comprendre. Les expériences passées n'ont pas toujours été transparentes et ont engendré de la méfiance. La vie privée de nos concitoyens doit être respectée. Et quelle que soit la proposition qui sera mise en place, que vous allez retenir et proposer et arrêter, elle devra fournir à chaque citoyen tous les éléments de confiance essentiels à son succès, et non occulter ses finalités.

Il est important que l'assise de la gestion de l'identité au Québec soit claire, transparente. Nous n'insisterons jamais trop sur ce point: Il faut établir de façon nette une relation de confiance entre l'État et chacun des citoyens qui compose la société québécoise.

Je reviens à l'assise juridique du Code civil du Québec. Ce nouveau Code civil dont la société québécoise est dotée depuis le 1er janvier 1994 a mis en place une assise de gestion de l'identité qui pourrait offrir à la société québécoise cette transparence et cette sécurité essentielles à l'établissement d'une carte d'identité et à la protection – et j'insiste – à la protection de la vie privée des citoyens québécois.

Le Directeur de l'état civil, cet officier public, par le mandat qui lui est clairement dévolu par les dispositions de ce Code civil au Québec, pourrait certes faciliter l'instauration et la disponibilité d'une carte d'identité aux citoyens et aux citoyennes qui le désireraient. Par contre, il serait judicieux de procéder en respectant à la fois les appréhensions et les besoins de la population. Ainsi, il serait probablement souhaitable d'instaurer la mise en place d'une carte d'identité facultative, préservant et respectant ainsi la volonté des personnes qui ne désirent pas se voir imposer un mode d'identification qui, à leur avis, les indisposerait, comme il apparaît tout aussi souhaitable de respecter le désir de ceux ou de celles de nos concitoyens qui désirent obtenir et avoir à leur disposition un mode d'identification.

Une telle approche permettrait de rendre disponible un outil à la population qui répondrait à une partie importante de ses besoins tout en respectant ceux qui, parmi nous, parmi cette société québécoise, ne veulent pas se voir imposer une carte d'identité. Cette approche permettrait aussi de valider tant le concept que les infrastructures nécessaires pour rendre possible une carte d'identité, je dirais, plus élaborée, dans un second temps.

Il s'agirait là, à mon avis, d'un passage préalable à l'instauration d'une carte plus versatile, offrant plus de support à l'obtention soit des services ou permettant d'exercer des droits. L'assise du nouveau mode de gestion de l'état civil serait certes facilitante, tout en indiquant sans ambiguïté à la population et aux divers organismes, qu'ils soient publics ou qu'ils soient privés, qu'une seule source d'information est disponible en matière d'identité, que cette source d'information en est une en matière de renseignements nominatifs, que la divulgation de ces renseignements est assujettie à des règles claires, déjà établies en partie, ou dont on peut s'inspirer, dans notre Code civil du Québec, et administrées par un officier public indépendant dont le seul mandat est de gérer ces dispositions dans un encadrement légal, lequel encadrement prévoit d'ailleurs un pouvoir de révision par les tribunaux du Québec de toute décision du Directeur de l'état civil en matière d'état civil.

Enfin, avec une assise de cette nature, chaque citoyen, chaque citoyenne, au Québec, bénéficierait d'une sécurité quant au traitement de l'information nominative le concernant. Cela faciliterait aussi une meilleure concertation des organismes auprès desquels les citoyens doivent intervenir et pourrait leur éviter d'avoir à agir auprès d'une multitude d'organismes pour s'identifier ou pour signifier une modification relative à leur identité.

D'ailleurs, dans le mémoire que je vous ai soumis, vous verrez de façon particulière, je dirais, des informations plus précises relativement à cet élément-là concernant, entre autres, les changements d'adresse. On n'a qu'à penser que, lorsqu'on change d'adresse au Québec aujourd'hui, c'est un périple, pour ne pas dire un calvaire à plusieurs stations, et ça cause, là aussi, beaucoup de difficultés à nos citoyens. Il faut leur faciliter la tâche.

Cette assise unique de gestion pourrait aussi, par automatisme, signifier à différents organismes des informations à déclaration obligatoire par le citoyen, et ce, sans que celui-ci soit obligé de faire cette multitude de démarches auxquelles je viens de faire référence, toutes aussi laborieuses les unes que les autres, sans compter le fait – et c'est ce qui est déploré par nos concitoyens – qu'elles sont rarement synchronisées.

Lorsque ces déclarations seraient facultatives – je pense toujours à des changements d'adresse, entre autres – la transmission de ces mêmes informations ne pourrait se faire que sur une autorisation et une volonté expresses du citoyen concerné. Dans un tel cadre, le citoyen et la citoyenne québécoise auraient alors à leur disposition un mode de gestion transparent tout en permettant à l'État et aux divers organismes des économies auxquelles on a fait référence tout à l'heure – et qu'on peut penser substantielles – en éliminant les multiplications de processus et de coûts occasionnées par tous les dédoublements administratifs et qui ont été établies parce qu'il n'existait pas d'assise unique de gestion d'identité au Québec.

Voilà, Mme et MM. les membres de la commission de la culture, les quelques réflexions que je vous soumets et qui, j'espère, vous permettront d'alimenter vos délibérations. J'ai essayé de ramasser de façon plus succincte le contenu du mémoire que je vous ai soumis, mais je vous assure, à partir de tout de suite, de ma disponibilité pour répondre à vos questions. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Garon): M. le député de Vachon.

M. Payne: Merci beaucoup, M. Lavigne. Vous touchez le fond de beaucoup de nos préoccupations dans la matière à laquelle on réfléchit ici depuis une couple d'années, plus particulièrement cette semaine. Je voudrais être très pratique. Vous ne voyez pas un danger à un fichier unique? Il y a beaucoup de consultations de tout ordre dans cette question, notamment... pas tellement l'idée que ça puisse – on est tous d'accord – protéger, je dis bien, la vie privée de l'individu. Le problème n'est pas là. Le problème est plutôt une question d'abus potentiel; et, s'il faut être franc, il faut regarder le potentiel d'abus de tout ordre, que ce soit de la part d'autres individus, d'autres entreprises, donc les personnes morales, et, troisièmement, même les responsables de l'État, les fiduciaires de l'information.

Avez-vous, à travers vos affirmations, qui sont profondes et nuancées à maints égards dans votre mémoire, avez-vous avancé à la fois sur deux fronts: sur les coûts de cette opération-là et aussi sur la possibilité d'éviter les abus? Parce qu'on est rendus là. Nous, comme commission, nous avons le mandat de... on assume le mandat de conseiller judicieusement le gouvernement, qui a le mandat premier des politiques dans cette matière-là, mais, nous, on doit adopter les politiques puis les nuancer par la suite. Quelles sont vos recherches, vraiment, quant à la question de l'abus?

M. Lavigne (Guy): Je vais me permettre quelques remarques avant d'aller directement en réponse aux deux points particuliers que vous venez de soulever, au niveau des coûts et au niveau des abus.

(12 h 30)

Tout d'abord, quant à la présence d'un fichier unique, l'inquiétude. Je dois vous dire qu'il est important qu'on revoie ensemble certains éléments contenus dans notre Code civil du Québec, qui est en vigueur depuis janvier 1994 et qui établit le registre unique de l'état civil au Québec. Il existe, ce fichier, il est prévu et encadré dans le cadre des dispositions qu'on retrouve au Code civil. Ce registre unique administré par un seul officier public, le Directeur de l'état civil, comprend tous les actes nominatifs de naissance, de mariage et de décès de la société québécoise, des origines de la société québécoise jusqu'à aujourd'hui. Au-delà de 18 000 000 de dossiers différents, de 1621 à aller 1997. Donc, ce fichier-là existe, mais il existe, en plus, avec des considérations particulières.

Et je vais rapidement aller au niveau des abus. Vous allez voir de façon très précise quelles balises vous avez données, vous, comme législateur, au Directeur de l'état civil en termes d'obligation d'administrer ces dispositions. Ce fichier, il a tout son sens parce qu'il oblige un officier public à le gérer avec des balises très précises; l'état civil est géré en vertu de dispositions contenues au Code civil du Québec, et l'accessibilité aux informations contenues dans le registre d'état civil, elle est aussi définie au Code civil du Québec. À ce point définie que l'état civil n'est pas assujetti à la loi sur l'accès à l'information. C'est important de bien positionner ça. Autre élément en termes de finalité. Des dispositions claires établissent dans le Code civil du Québec que le Directeur de l'état civil doit faire des liens entre les événements concernant un même individu. Par exemple, il doit porter mention du décès sur l'accès de mariage de la personne concernée et son acte de naissance. Ce qui fait qu'à l'état civil le dossier est transparent, il est clair, en termes de connaissance.

Je viens au niveau des abus...

M. Payne: Voulez-vous couper ça en deux, puis...

M. Lavigne (Guy): Oui.

M. Payne: Je peux ajouter un petit commentaire à ça? Parce que je dois contester un peu, pas le fond de votre illustration, mais plutôt la vraie nature des choses. C'est-à-dire que vous dites qu'il y a un fichier qui existe; oui, c'est vrai, ça existe, quoi, sur la rue de Bleury maintenant, ça a été informatisé, c'est disponible, accessible à tout le monde, un peu comme une bibliothèque. Le problème, c'est que, si, une fois... C'est un peu comme le fichier du Directeur général des élections, auparavant, c'était disponible aussi, on pouvait vérifier le droit de l'électeur, «status of elector», le statut de l'électeur, et puis ça marchait très bien. Maintenant, vous pouvez avoir sur une seule disquette tous les électeurs du Québec, c'est sur un cédérom. Le problème, c'est une question de degré. On peut avoir l'information comme ça maintenant, de tout ensemble, et c'est ça, le problème de gestion. Et c'est là où on soulève le problème d'abus potentiel; vous êtes d'accord?

M. Lavigne (Guy): Je vais vous apporter des précisions à ce niveau-là, c'est important. Je crois que la remarque que vous faites, elle est majeure et va me permettre d'apporter ces éléments de précision qui sont importants pour vous permettre d'avoir vraiment le portrait global.

Je vous disais tout à l'heure que l'accessibilité aux informations à l'état civil, elle est balisée dans le Code civil du Québec. C'est dans le Code civil du Québec qu'on voit qui peut obtenir les informations, de quelle manière les personnes peuvent avoir l'information et qui a juridiction pour les donner. Et ces balises-là sont très restrictives. Par exemple, le contenu d'un acte d'état civil, la copie d'un acte de l'état civil, que ce soit une naissance, un mariage ou un décès, n'est accessible – et c'est prévu dans des dispositions très claires – qu'aux personnes mentionnées à l'acte ou à celles qui justifient de leur intérêt. La consultation du registre d'état civil ne peut être faite sans l'autorisation du Directeur de l'état civil, et celui-ci, s'il permet la consultation, détermine des conditions à la sauvegarde des renseignements qui y sont inscrits.

La particularité qu'on y retrouve en termes d'élimination de potentiel d'abus, c'est que la responsabilité incombe à un officier public dont les décisions peuvent être révisées par les tribunaux en toute transparence, en toute équité et tout respect des droits des citoyens. Et je peux vous dire qu'à ce jour l'administration du registre de l'état civil s'est faite d'une façon plus que vigilante, et le fichier a été développé d'une façon plus que respectueuse des droits des citoyens. En ce sens que, effectivement, les équipements, les technologies dont nous disposons sont très performantes; par ailleurs, elles sont préservées. L'intégrité de l'information contenue au registre d'état civil est jalousement conservée, prémunie à l'égard de cas potentiels d'abus, en ce sens qu'il n'y a personne qui a accès à nos banques d'information. Les seules personnes qui peuvent avoir de l'information, ce sont des informations qui sont obtenues en vertu des dispositions du Code et que nous leur acheminons directement, sans lien indirect.

Je peux vous donner comme exemple précis une entente que j'ai signée avec des représentants, avec le président de la Régie de l'assurance-maladie le printemps dernier pour simplifier, faciliter au citoyen un service d'État et aussi l'administration d'une obligation qu'il a, comme citoyen, d'inscrire un enfant à la naissance et d'inscrire aussi, parce que c'est obligatoire, l'enfant à l'administration d'un régime d'assurance-maladie, plutôt que, auparavant, obliger des parents, des citoyens à compléter deux documents, trois documents, de générer des lourdeurs administratives, des méandres administratifs imposants qui, à toutes fins pratiques, occasionnaient des erreurs, de la mal administration, si vous permettez l'expression.

Après s'être entendu, s'être concerté, le Directeur de l'état civil achemine, avec l'autorisation des citoyens concernés, les informations directement à la Régie de l'assurance-maladie, qui n'a plus à les traiter, et seulement ces informations-là. Ce ne sont pas des informations qui sont disponibles dans notre fichier à la Régie de l'assurance-maladie. Nous leur acheminons une fois par semaine sur une bande indépendante. Nous devons assurer la gestion intègre de notre fichier pour assurer au citoyen un degré de confiance sans faille, sinon ça ne pourra pas fonctionner.

Puis, en termes de coûts, pour compléter, le système est déjà disponible pour gérer cette forme d'identification, et y adjoindre des éléments additionnels pourrait se faire à un coût très raisonnable.

Le Président (M. Garon): M. le député de Champlain.

M. Beaumier: M. le Président, d'abord, sur la question de la carte des... Moi, ma réflexion est un petit peu rendue à l'aspect suivant, c'est qu'il y a ce qu'il y a dessus la carte, qu'on voit bien, et il y a ce qu'il y a dessous la carte, ce qu'il y a dedans, puis il y a ce qu'il y a derrière, c'est-à-dire les utilisations qui peuvent se faire par après. Alors, j'essaie de me situer par rapport à ça.

Dans cette optique-là, ce que vous nous avez présenté comme orientation que pourrait avoir la carte d'identité, qui est orientée essentiellement, si j'ai bien compris, pour faciliter la vie du citoyen ou de la citoyenne, donc, en ce sens-là, c'est beaucoup plus pour permettre à la personne de s'identifier au besoin, à son besoin à elle plutôt que d'être identifiée aux besoins des autres.

Dans ce sens-là, c'est là que la notion de carte non obligatoire et facultative, ça recouvre cette dimension-là. Là, je cheminais bien avec vous. Où ça m'a un petit plus inquiété, c'est quand vous avez dit que – d'abord, c'est basé sur la relation de confiance, on s'entend bien aussi; et ce qu'on vient de dire tantôt, ce que vous avez dit précédemment, pour moi, ça confirme tout ça, ça va bien – mais c'est quand vous avez dit que ça pourrait être un passage, une carte passage vers une carte plus... Je ne me souviens pas du terme que vous avez employé, mais j'emploierais le terme plus...

M. Lavigne (Guy): Versatile. Versatile, plus ouverte, si on veut.

M. Beaumier: Oui, j'avais dit «plus élaborée».

M. Lavigne (Guy): Plus élaborée, oui.

M. Beaumier: Alors, «versatile», ça a une autre dimension aussi. En quel sens, à ce moment-là, parce que, là, on pourrait retomber dans un danger, et, si elle est plus versatile, etc., est-ce que, à ce moment-là, elle deviendra obligatoire? Serait-il préférable qu'elle devienne obligatoire? Première grande question. Et, deuxièmement, par rapport à la versatilité, je vais employer votre terme, là, ça va être versatile, ça va être utilisé de quelle façon? Ça va être modulaire? Est-ce que ça va échapper à la personne, cette carte qui, dans la première partie de votre exposé, était vraiment un outil – vous avez employé, je pense, le terme – un outil pour la personne? Là, ça pourrait devenir un instrument pour bien des choses. Alors, c'est dans ce sens que je voudrais que vous clarifiiez le mot «passage».

(12 h 40)

M. Lavigne (Guy): Il est bien entendu, et je crois qu'il y a plusieurs intervenants avant moi qui l'ont déjà souligné, et il y en a d'autres qui vont le faire, qu'il y a une inquiétude quant à la carte plus élaborée, carte multiservices, si on veut. Quand je pense à un passage obligatoire, c'est en faisant référence au fait que, si on cherche à vouloir offrir au citoyen une carte parfaite, le citoyen va, en bout de piste, subir des préjudices, parce qu'il y aura toujours quelqu'un qui lèvera la main pour trouver une justification ou un élément de contestation qui va empêcher d'offrir ou de permettre à des individus qui ont peut-être des besoins différents d'avoir à leur disponibilité un outil valable, simple, d'identification. Quand je dis «préalable», il faudrait probablement, dans un premier temps, offrir la possibilité à des citoyens qui désirent avoir un outil simple de le posséder. Et si ça répond déjà à ce besoin et que, de par cette forme d'expérience, de par l'utilisation qui pourra se faire pendant un certain temps, on pourra faire des évaluations.

Parce qu'on parle de faire des études d'impact – j'écoutais, hier, quelques intervenants qui parlaient qu'il fallait faire des études d'impact – mais il faut faire des études d'impact de quelque chose de palpable, aussi. Et ça donnerait l'occasion à la fois à la société, aux citoyens qui la composent et à nos élus d'avoir une appréciation intermédiaire, si on veut, pour aller de l'avant, si nécessaire, si vraiment il y a là une volonté et que l'étape préliminaire a pu permettre de sécuriser les gens. C'est dans ce sens-là que j'interviens. Mais ce n'est pas nécessairement une obligation d'y aller, jusqu'à la carte multiservices, mais, si c'est possible de le faire, il n'y a pas d'inconvénients, en ce qui me concerne, que ça se fasse, parce que, moi, comme aussi la Régie des rentes, je peux vous assurer que la meilleure sécurité qu'on peut offrir aux citoyens, c'est la transparence et la flexibilité d'outils performants qui vont lui assurer cette sécurité-là.

La problématique à laquelle on est confronté au moment où on se parle, c'est parce qu'on n'a pas pu mettre en place une assise stable et unique de gestion d'identité, où on a généré de ce fait de la méfiance. On a constitué, je ne vous dirais pas «obligatoirement», mais immanquablement la constitution d'une multitude de fichiers – le Vérificateur général en a fait état – et parce qu'il n'y a pas une assise unique de gestion d'identité qui soit claire, on oblige de ce fait des organisations à faire des couplages pour vérifier et se donner une sécurité, alors que, si on avait une assise unique, transparente, il y aurait la sécurité toute voulue. Ce dont l'état civil parle, ce dont je parle, ce sont des choses simples, vous savez: Le nom, le prénom, date et lieu de naissance. Prenez le Code civil, regardez, on ne gère pas chez nous de régime de prestations sociales, on n'administre pas de régimes fiscaux, on ne gère que des informations que les citoyens nous donnent et qu'ils doivent nous donner en vertu de dispositions légales.

M. Beaumier: Mais, si j'ai compris ce que j'ai compris, ça m'inquiète encore davantage, ce que vous avez dit.

M. Lavigne (Guy): Bien, allez-y. Je vais essayer de vous sécuriser.

M. Beaumier: Parce que, moi, justement dans l'outil simple, j'avais, à la page 35 de votre mémoire, l'acte de naissance, l'adresse et la photographie. Le gens qui vont au club vidéo, des choses comme celles-là, ça peut régler des choses comme celles-là. Mais, si vous me proposez une base unique et centrale d'identification, donc un fichier unique qui, lui, une fois qu'il est rendu là... vous dites que ça va nous permettre justement d'éviter ce qui se fait actuellement, des couplages etc., donc, ça va être la porte d'entrée vers une masse d'informations, j'allais dire des recoupements d'informations, si j'ai bien compris...

M. Lavigne (Guy): Non, du tout.

M. Beaumier: ...et ça, ça va échapper.

M. Lavigne (Guy): Non, ce n'est pas ça du tout.

M. Beaumier: Alors, redites-moi le, parce que j'ai mal compris.

M. Lavigne (Guy): Écoutez, je vais l'aborder, la carte multiservices. Quand vous parliez d'étape préalable, tout à l'heure... La recommandation que je ferais aux membres de la commission, si décidiez de ne pas retenir le principe d'une carte d'identité, je vous ferais tout de même une recommandation qui est, je pense, fondamentale pour la société québécoise, c'est d'établir de façon claire et transparente un mode unique de gestion de l'identité, et ce n'est que ça.

L'état civil ne gère pas de programme. On ne gère que des données nominatives qui nous identifient, nous caractérisent les uns les autres dans la société. Ce ne sont que les seules informations dont nous disposons chez nous, et pas d'autres sortes d'informations. Il n'y a pas de passage, comme vous dites, chez nous, il n'y a pas ça, là. Ça ne peut pas arriver. Ce que ça va éviter, ça va éviter à des organisations d'État de constituer des fichiers parallèles pour établir des sources d'identité. On va les amener à venir à une source d'information, une source qui est celle qui aura été déterminée et qui aura une assise légale, et pas d'autres.

M. Beaumier: Et qu'à des fins d'identité, et aucune autre.

M. Lavigne (Guy): Et qu'à des fins uniques d'identité.

M. Beaumier: C'est beau. Merci beaucoup.

M. Lavigne (Guy): Je ne sais pas si c'est plus clair pour vous, là?

M. Beaumier: Absolument. Merci.

Le Président (M. Garon): M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: J'aimerais, premièrement, exprimer mes remerciements à ce département. Je suis un client de votre département, comme notaire, depuis les années soixante, et il y avait toujours une excellence d'efficacité, même les années préinformatiques, et l'efficacité était toujours excellente.

Vous avez mentionné, ce matin, et j'aimerais vous remercier aussi, les mots «confiance dans les relations entre l'État et les citoyens». Vous avez aussi dit les expressions «qui fera quoi» et «pour qui» et «à quelles fins». Vous avez mentionné quelquefois les mots «clair et transparent» et «l'importance de la protection de la vie privée des citoyens», et vous avez insisté sur ça. Je pense que toutes ces expressions sont très importantes.

Dans la section «Problématique» de votre mémoire, vous avez une section pour les nouveaux immigrants au Québec et les problèmes d'identité de ces immigrants. Est-ce que vous pouvez peut-être élaborer sur vos pensées ou sur la problématique des nouveaux immigrants au Québec dans leur identification? Aussi, vous avez indiqué que l'information est disponible à votre département, et vous avez employé les mots «pour ceux qui justifient leur intérêt», et j'aimerais connaître vos pensées dans ce domaine, pour «ceux qui justifieraient», quelle était la position que vous indiquez pour le mot «intérêt», oui?

M. Lavigne (Guy): Je vais peut-être commencer, si vous le permettez, par la dernière partie, la justification de l'intérêt. Au niveau de la justification de l'intérêt, je peux vous donner comme analogie, c'est l'intérêt au sens légal du terme, l'intérêt qui est prévu dans notre Code civil québécois, le Code de procédure civile du Québec. Nous interprétons et nous appliquons l'intérêt en fonction de sources de renseignements qui pourraient être données à des procureurs qui, dans le cadre d'une procédure judiciaire, désirent obtenir la copie d'une acte de naissance ou de mariage d'une personne qui est concernée par la procédure judiciaire ou par personne interposée, d'une certaine façon et de façon très particulière, en matière de généalogie, où quelqu'un veut faire une recherche d'ascendance ou de descendance ou d'éléments collatéraux de famille où, là, il y a vraiment un intérêt particulier qui justifie la fourniture d'une copie d'acte d'état civil. Ce ne sont que les seuls motifs pour lesquels l'information est disponible.

M. Bergman: Mais est-ce que vous ne trouvez pas qu'il y a une contradiction entre la protection de la vie privée, la confiance qu'on doit donner aux citoyens et le fait que votre définition est plus large...

M. Lavigne (Guy): Pour l'intérêt, vous pensez?

M. Bergman: Oui.

M. Lavigne (Guy): Voyez-vous, l'intérêt, nous l'appliquons en vertu de cette disposition-là, comme je vous mentionnais, dans le sens légal du terme. C'est effectivement concernant des dossiers pour lesquels des procureurs sont mandatés par les personnes concernées pour obtenir des documents. C'est certain. Ça pourrait être – et vais un petit peu plus loin – dans le cadre d'une recherche médicale qui pourrait faire l'objet d'une recherche particulière concernant une maladie génétique, par exemple. À ce moment-là, on pourrait permettre la consultation d'actes de l'état civil, mais, à ce moment-là, le directeur, c'est-à-dire, je pourrais établir des balises telles que les informations ne pourraient être accessibles à aucune autre personne qu'au chercheur, par exemple, et qu'elles devraient après coup, après les finalités obtenues, être détruites. Ça, ce sont des balises qui, pour nous, sont des éléments de base pour maintenir cet élément de confiance essentiel entre le citoyen et notre service, sinon, si la méfiance s'installe, l'effet direct qu'on va constater, c'est que les gens ne feront plus leurs déclarations, on va être privés d'une source d'information fondamentale, et tout le monde sera perdant.

L'intérêt que nous avons et que j'ai, c'est de maintenir cette intégrité de fonctionnement sans faille, sinon on va léser quelqu'un.

Quant aux immigrants – c'était votre première question – je crois qu'il est important d'offrir et de permettre aux nouveaux arrivants d'avoir une pièce d'identification émise par l'État québécois avant même d'obtenir, sur une base légale, la reconnaissance de citoyenneté. Pourquoi? Parce que, dès l'acceptation, si on veut, de la personne sur le territoire québécois, dès son arrivée, dès qu'elle est en processus d'intégration sociale sur le territoire du Québec, cette personne doit et bénéficie d'avantages sociaux, et on l'oblige, sans avoir cette pièce-là, à fournir des éléments qui peuvent, à la limite, être considérés comme discriminants. Et, on verrait, d'une façon, de notre côté, facilitante, l'obtention par ces personnes, la possession d'un document d'identification qui les place sur le même pied que les concitoyens québécois. Il y aurait là un message positif qu'on pourrait donner à nos nouveaux concitoyens qui vont arriver et qui s'installent chez nous. C'est en ce sens-là, c'est en ce sens d'être connu, mais qu'on puisse les reconnaître aussi. Et, ces gens-là, c'est un des éléments fondamentaux qui leur permettrait de se sentir partie prenante de cette société québécoise. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

(12 h 50)

Et ça pourrait se faire de façon relativement simple. Parce qu'en vertu d'une autre disposition de notre Code civil du Québec, qui est de droit nouveau aussi, le Directeur d'état civil peut insérer au registre d'état civil un acte étranger. On pourrait requérir et demander à ces citoyens qui arrivent sur le territoire du Québec de déposer au registre d'état civil leur acte de naissance de leur pays d'origine, et, à ce moment-là, le Directeur d'état civil l'insère au registre comme s'il avait été dressé au Québec. Et, à ce moment-là, on pourrait, à partir de cette source d'information, fournir valablement un outil d'identification.

M. Bergman: Mais, dans beaucoup de cas, ces immigrants n'ont pas un acte de naissance ou n'ont pas la possibilité d'avoir leur acte de naissance. S'ils ont quitté leur pays dans des circonstances qui étaient difficiles, ils n'auront pas un acte de naissance.

M. Lavigne (Guy): Il y en a peu, vous avez raison de le soulever, il y en a peu, sur le territoire du Québec, qui, maintenant, arrivent. Ce n'est plus, comme on pouvait le constater il y a une vingtaine d'années, ou un peu plus maintenant, lorsqu'il y a eu la guerre au Viêtnam, entre autres, où les personnes arrivaient presque sans vêtements, avec aucune pièce d'identité. Maintenant, il y en a qui réclament un statut de réfugié qui, effectivement, n'ont pas de telle pièce, mais c'est quand même une petite minorité; généralement, les personnes ont cette information-là disponible. Ils viennent nous la présenter dans les mois qui suivent, de toute façon. On pourrait leur demander à leur arrivée sur le territoire du Québec.

Le Président (M. Beaumier): Oui, dans le respect à la fois du temps et de l'alternance, je passerais au député d'Outremont et, ensuite, au député de Nicolet-Yamaska. M. le député d'Outremont.

M. Laporte: M. Lavigne, c'est intéressant, votre présentation, parce que, finalement, ce que vous dites, c'est que tout repose largement sur la relation de confiance. Or, la relation de confiance, ce n'est pas une donnée, c'est un «construit». Vous avez répondu à mon collègue d'en face que le risque d'abus est nul. Donc, de ce côté-là...

M. Lavigne (Guy): Marginal, en tout cas.

M. Laporte: Marginal.

M. Lavigne (Guy): Oui.

M. Laporte: Oui. Le risque d'accident? Vous en avez déjà eu, des accidents?

M. Lavigne (Guy): Oui, effectivement.

M. Laporte: Le risque d'accident est...

M. Lavigne (Guy): Je vous dirais: Il n'est pas absent, mais il est contrôlé de façon telle qu'on peut dire aujourd'hui qu'il serait de l'ordre de l'exception.

M. Laporte: Ensuite de ça, vous dites: L'un des obstacles à la construction du rapport de confiance entre l'État et le citoyen, du point de vue de la carte d'identité... d'ailleurs, vous dites que c'est facultatif, donc, finalement...

M. Lavigne (Guy): Oui.

M. Laporte: ...ça aussi, ça fait partie du rapport de confiance en ce que c'est consenti, O.K.? Au fond... et, sur ça, peut-être que je ne vous ai pas suffisamment compris, mais vous dites que l'une des sources de méfiance actuellement, c'est le caractère éclaté de la gestion des dossiers.

M. Lavigne (Guy): Exact.

M. Laporte: Et vous dites que, quand on aura ce que vous appelez une assise unique, le rapport de confiance sera meilleur.

M. Lavigne (Guy): Si vous permettez d'intervenir tout de suite, je pourrais préciser cet élément-là.

M. Laporte: Oui, ça, je voudrais que...

M. Lavigne (Guy): Effectivement, effectivement. La méfiance s'est installée au fil des ans de par la constitution de multiples sources d'information. On ne sait plus où est conservée, où est détenue l'information qui nous concerne. L'inquiétude vient de là. On ne sait plus où se trouve cette information-là puis on sait encore moins ce qu'on en fait. La transparence n'est pas là, c'est l'inverse. On occulte les choses, d'une certaine façon, et de bonne foi, vous savez.

Quand on veut faire des couplages de fichiers pour permettre de sécuriser l'information, pour diminuer les frais d'administration puis éliminer les cas d'abus, c'est de bonne foi que c'est fait. Puis c'est dans un souci d'intérêt public, de collectivité. Mais le citoyen, lui, dans son foyer, ça l'inquiète. Il ne le sait pas. Et la problématique particulière que je veux mettre de l'avant ici, c'est que ces organisations-là qui administrent des programmes, qui administrent des lois, qui administrent des réglementations, ils se sont dotés d'outils d'identification parallèles en fonction de leurs besoins, et c'est là qu'est la problématique. Alors que si on met en place de façon claire, transparente – j'insiste sur ces deux mots-là – pour le citoyen, il n'y a pas d'ambiguïté pour lui. Il sait, c'est lui qui l'a fournie, l'information.

Je peux vous dire que le meilleur garant de la qualité des services qu'on offre chez nous, c'est le client avec qui on fait affaire. Puis on le sait, régulièrement. Lorsqu'on émet un document et qu'il arrive qu'il ne corresponde pas à ce que la personne est, ce n'est pas long qu'on le sait. La personne tient à être connue et reconnue de façon parfaite.

Je voudrais apporter, à ce moment-ci, un commentaire par rapport à un autre qui a été fait hier, où on semblait... Et je peux vous mentionner... Les cheveux m'en dressaient sur la tête. J'entendais, hier, en fin d'après-midi, des personnes qui m'ont précédé dire qu'il fallait accepter le fait qu'il y ait 6 % d'erreurs. Il fallait accepter le fait qu'il ne fallait pas aller plus loin que 94 % en termes de perfection. C'est inadmissible! Si vous pensez qu'on peut gérer l'état civil du Québec à 94 %, je peux vous dire que, 6 % de 7 000 000 de personnes, ça créerait des problématiques majeures sur le plan de l'administration de nos programmes, puis des préjudices pour les individus concernés. Chez nous, c'est 100 % qu'il faut viser. Je ne veux pas dire qu'il n'y a pas d'erreurs. Ça veut dire que, quand on en dénote, il faut les corriger pour que ce soit parfait. Un accent différent, chez nous, une lettre, une consonne, une voyelle qui est différente crée une identité différente. C'est la perfection!

M. Laporte: Qualité... Erreur zéro.

M. Lavigne (Guy): Ah! On ne peut pas. On va multiplier les citoyens au Québec. Ça serait peut-être rentable, si tout le monde avait les revenus multipliés en conséquence, mais ce n'est pas le cas.

M. Laporte: Quand vous parlez de transparence, là, vous référez-vous à des mécanismes? C'est quoi? Comment vous l'établissez, cette transparence?

M. Lavigne (Guy): Elle est d'une simplicité déconcertante. Les informations que nous détenons sont accessibles au premier concerné, la personne qui est visée, en tout temps. Et ces informations-là ne concernent que cette personne-là. Et il n'y a pas d'autres choses. Il n'y a pas d'autres éléments. La transparence, elle est là. Et elle y a accès en tout temps. Qu'est-ce qu'on peut faire de plus?

M. Laporte: Vous êtes bien conscients que les catégories sociales avec lesquelles vous allez avoir le plus de difficultés à établir ce rapport de confiance, c'est les catégories «immigrés». Ce sont les populations immigrées. Parce qu'elles viennent souvent d'un contexte – comme disait mon collègue de D'Arcy-McGee – où l'information n'est pas disponible, mais aussi où le rapport avec l'État est bien souvent un rapport de méfiance. On le voit, nous, dans nos comtés, par rapport au Directeur général des élections. Il vient des gens qui arrivent de Bulgarie, de Roumanie... Les cartes d'identité, ils ne consentent pas à ça d'une façon spontanée, eux autres. Donc, vous auriez un défi à relever face à la gestion de l'identité au sein de ces populations-là. Est-ce que ça a été essayé ailleurs? Est-ce qu'il y a des expériences?

(13 heures)

M. Lavigne (Guy): Vous savez que ce défi-là, nous l'avons tous les jours. À chaque jour à nos bureaux, nous traitons, en moyenne... Je vous dis «en moyenne», des documents que nous émettons, 3 000 demandes par jour. À Montréal, vient à nos bureaux une population qui est le portrait de la communauté montréalaise que nous connaissons, et nous les avons tous les jours, les personnes auxquelles vous faites référence. Elles sont à l'aise, il n'y a pas nécessairement de méfiance entre ces gens-là et nous; elles font les déclarations comme prévu dans le Code. Ce qu'elles ont peut-être un peu de difficulté à comprendre, c'est le contexte juridique dans lequel nous nous trouvons, qui est différent du contexte juridique de leur pays d'origine; là il y a des difficultés. Mais le fait qu'elles viennent chez nous faire des déclarations tel que prévu par la loi, il n'y a pas de problématique particulière. Le défi que nous avons tous les jours, c'est d'être à l'écoute de ces gens-là, de répondre à leurs besoins, de les comprendre.

Nous avons pu développer, avec la collaboration de ces communautés-là, des liens privilégiés avec des organisations sociales de milieux, de quartiers, où nous sommes allés et où nous allons aussi, en termes d'intervention, expliquer, se rapprocher des gens. Nous sommes au coeur de toutes ces opérations-là et nous sommes en lien direct avec chaque citoyen québécois. Cette relation de confiance là, pour moi, elle est fondamentale à tous les rapports que nous établissons avec les citoyens. Et, pour nous, c'est tous les jours, tous les gestes que nous posons, qu'il faut se questionner en ce sens-là. En ce sens-là, c'est la meilleure garantie qu'on peut vous offrir.

Le Président (M. Garon): Est-ce que vous avez d'autres questions, M. le député d'Outremont?

M. Laporte: Non, M. le Président. Je trouve que l'exposé de M. Lavigne est...

Le Président (M. Garon): M. le député de Nicolet.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Juste une petite information. Si j'ai bien compris, vos banques de données sont centralisées, entre autres, à deux endroits, Québec et Montréal, un endroit.

M. Lavigne (Guy): Une seule, la banque informatique, elle est supportée par un seul ordinateur, qui est à Montréal.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Il y a quelques années, on pouvait avoir un certificat de naissance dans nos presbytères. Est-ce que vous avez pensé qu'il pourrait être possible, dans un avenir plus ou moins rapproché, de décentraliser ces banques de données là pour les... je ne vous dis pas... peut-être pas à cause de l'efficacité, mais peut-être aussi un peu... Entre autres, je pense aux étudiants qui accèdent au cégep ou à l'université, qui nous demandent, qui viennent nous faire des représentations dans nos comtés à propos des certificats de naissance, le fait de centraliser ces banques-là, ou cette banque-là, c'est pour une question de confiance, comme vous dites tantôt, est-ce qu'il y aurait des dangers, s'il y avait décentralisation de ces données-là, il pourrait y avoir des failles, ou ça serait plus au niveau des coûts administratifs?

M. Lavigne (Guy): Bien, là, vous abordez un élément qui est large. Je vais vous répondre de façon précise, mais vous allez me permettre de prendre quelques minutes, ça ne sera pas tellement long, mais c'est fondamental, ce que vous touchez, c'est névralgique.

Vous parlez d'accessibilité des services en matière d'état civil, vous parlez aussi de cette relation de confiance, centralisation de l'information. Vous savez, il y a des programmes publics, il y a des programmes administratifs qui peuvent et qui doivent être déconcentrés, décentralisés. Par ailleurs, il y a d'autres informations qui méritent d'être centralisées pour offrir une meilleure garantie de sécurité et aussi d'accessibilité.

Je reviens un peu à ce que mes prédécesseurs de la Régie des rentes mentionnaient quant à la confiance qui maintenant s'établit de plus en plus quant aux nouvelles technologies. Cette centralisation d'informations, son meilleur contrôle, le contrôle que nous exerçons sur l'accès, la sécurité de ce qu'elles contiennent comme information en matière d'état civil, va permettre d'aller plus loin sur le plan de l'accessibilité. Était lancé avant-hier – et je crois qu'on y a fait référence tout à l'heure ou hier dans l'après-midi – le projet UBI au Saguenay. La Société de l'assurance automobile, c'est ce matin, disait qu'ils étaient à l'affût, qu'ils surveillaient. Je peux vous dire, le Directeur de l'état civil n'est pas à l'affût, il y est. Nous sommes partie intégrante du projet, et les citoyens peuvent dorénavant, dans le cadre de ce projet-là, de chez eux, sur leur écran de télévision, avoir accès à l'état civil. Et, d'ici un mois, ils pourront demander, commander directement sur leur écran de télévision le service qu'ils désirent obtenir de notre organisation. Je pense que ça répond et ça donne confiance, aussi, à la façon de transiger les informations.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Ça répond très bien, merci.

Le Président (M. Garon): Alors, je remercie les porte-parole, le directeur de l'état civil et les gens qui l'accompagnent, de leur contribution aux travaux de cette commission.

Et, comme l'heure de l'ajournement est arrivée, j'ajourne les travaux de la commission à demain matin, 10 heures, en cette salle.

(Fin de la séance à 13 h 5)


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