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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le jeudi 24 octobre 1996 - Vol. 35 N° 22

Consultation générale sur le document intitulé «Les enjeux du développement de l'inforoute québécoise»


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Table des matières

Auditions


Autres intervenants
Mme Liza Frulla, présidente
M. Michel Morin, président suppléant
M. Jean Garon, président suppléant
M. Pierre-Étienne Laporte
M. André Gaulin
M. David Payne
Mme Marie Malavoy
M. Yves Beaumier
* M. Louis Cabral, ASTED
* Mme Joanne Cournoyer, idem
* M. William Curran, idem
* M. Jean Payeur, BPQ
* M. Hubert Manseau, CRIM
* M. Denis Poussart, idem
*M. Bernard Turcotte, idem
* Mme Lyne Robichaud, CMAQ
* M. François Lemieux, SSJBM
* M. Gilbert Gardner, idem
* M. Jean-Paul Champagne, idem
* M. Pierre-Alain Cotnoir, idem
* M. Erich Laforest, idem
* M. Yves Morency, CCPEDQ
* M. Robert Chagnon, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Dix heures seize minutes)

La Présidente (Mme Frulla): À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance ouverte. Je rappelle que la commission s'est donné un mandat d'initiative, c'est-à-dire procéder à des consultations générales et tenir des auditions publiques sur «Les enjeux du développement de l'inforoute québécoise».

Maintenant, en général, notre façon de procéder, c'est, vous le savez, 20 minutes puis, après ça, on pose des questions. Il y a d'autres personnes qui vont se joindre à nous, mais, comme je vous dis, on va commencer tout de suite, puis, au fur et à mesure, les gens vont rentrer.

Alors, la parole est à vous. Si vous pouvez, juste pour fins de nos registres, vous présenter.


Auditions


Association pour l'avancement des sciences et des techniques de la documentation (ASTED) et Bibliothèques publiques du Québec (BPQ)

M. Cabral (Louis): On va commencer par moi. Donc, je suis Louis Cabral, directeur général de l'ASTED.

Mme Cournoyer (Joanne): Joanne Cournoyer, présidente de l'ASTED.

M. Payeur (Jean): Jean Payeur, président des Bibliothèques publiques du Québec.

M. Curran (William): Bill Curran, président sortant de l'ASTED.

Mme Cournoyer (Joanne): Alors, il nous fait plaisir de participer à la consultation publique que tient la commission de la culture sur «Les enjeux culturels du développement de l'inforoute québécoise». Permettez-moi de vous présenter brièvement les deux associations qui présentent le mémoire conjoint intitulé «Les enjeux du développement de l'inforoute québécoise: les bibliothèques».

L'association Bibliothèques publiques du Québec, qui regroupe 135 bibliothèques municipales au Québec desservant des populations de 5 000 habitants et plus, et l'Association pour l'avancement des sciences et des techniques de la documentation, organisme professionnel représentant près de 700 spécialistes de l'information et de la documentation au Québec et dans la francophonie canadienne, ont déposé un mémoire à la commission de la culture afin de contribuer au débat touchant le développement de l'inforoute québécoise.

Les deux organismes tiennent à mettre en perspective l'importance de l'accès démocratique pour l'ensemble de la population aux ressources de l'inforoute et l'importance de voir à privilégier cet accès par l'intermédiaire du réseau des bibliothèques. Pour ce faire, les Bibliothèques publiques du Québec et l'ASTED ont démontré dans leur mémoire conjoint des éléments clés de leur vision. Alors, nous aimerions ce matin vous présenter quatre de ces éléments, c'est-à-dire l'importance des spécialistes de l'information, le réseau des bibliothèques publiques, l'information à valeur ajoutée et le rôle de l'État.

L'importance des spécialistes de l'information est donc le premier point. Le mémoire souligne la place primordiale que doivent occuper les spécialistes de l'information en raison de leurs compétences et expertise en regard de la gestion, de l'organisation de la diffusion des ressources informationnelles dans le développement de l'inforoute.

Les spécialistes de l'information détiennent des compétences et une expertise qui méritent d'être mises en valeur au moment où se discutent les aspects stratégiques liés au développement des inforoutes. Les spécialistes de l'information et de la documentation reçoivent une formation qui les habilite à procéder au traitement ainsi qu'à la gestion de l'information. Ce spécialiste est un travailleur clé de l'industrie de l'information et de la communication, pouvant ainsi comprendre les rouages des nouvelles valeurs de notre société de l'information. Cette personne est bien préparée pour saisir l'ensemble des problématiques touchant l'inforoute.

La qualité de l'information qui circule sur l'inforoute n'est pas toujours fiable, et sa provenance est parfois discutable sinon obscure. Les spécialistes de l'information assument donc un rôle capital dans le processus de validation et d'analyse des contenus, pouvant alors garantir au client ou à l'usager une meilleure assurance et une meilleure crédibilité en regard de l'information. Cette fonction s'avère aussi déterminante quand il s'agit d'informations nécessaires au développement d'une entreprise ou encore à la recherche.

L'état anarchique dans lequel se trouve l'information du réseau Internet exige de sérieuses compétences en méthodologie de recherche et en gestion de l'information. Dans une telle perspective, le spécialiste devra se faire le promoteur d'une nouvelle relation face à la bibliothèque traditionnelle, même si de telles avancées font craindre à certains un changement radical.

(10 h 20)

Si certains participent à l'ère de l'information, il faut reconnaître qu'une très grande partie de la population se voit exclue de ce circuit, et il faudra miser sur l'expertise que le spécialiste de l'information et de la documentation peut apporter dans la mise à jour des connaissances et dans un programme cible de formation consacré à l'inforoute, en particulier aux personnes qui n'ont pas de connaissances particulières dans le domaine de l'informatique, aux étudiants et aux personnes du troisième âge et des communautés culturelles. Les deux organismes croient donc fermement à la nécessité de confier aux spécialistes des responsabilités accrues dans les développements de l'inforoute.

Alors, notre point 2 est le réseau des bibliothèques publiques, et j'aimerais à ce moment-ci passer la parole à M. Payeur.

M. Payeur (Jean): Alors les bibliothèques publiques et l'inforoute, en fait, on a identifié, nous, trois enjeux majeurs qui se subdivisent eux-mêmes en deux types d'enjeux. D'abord, les bibliothèques publiques comme utilisatrices de l'inforoute, c'est le premier élément. C'est celui, en fait, qui est, pour l'inforoute, pour nous, les bibliothécaires de bibliothèques publiques, l'élément le plus important au premier niveau. Au deuxième niveau, c'est les bibliothèques publiques comme outils de démocratisation de l'inforoute. Évidemment, le programme d'accessibilité du gouvernement du Québec, actuellement, du ministère de la Culture favorise largement ce deuxième aspect de l'accessibilité à l'inforoute. Le troisième élément, c'est les bibliothèques publiques comme partenaires du développement de l'inforoute québécoise, car nous croyons effectivement que les bibliothèques publiques ont un rôle à jouer non seulement dans la démocratisation de l'inforoute et de son accessibilité, mais également dans les contenus. On croit que les bibliothèques publiques ont un rôle déterminant à jouer dans les contenus, et je vais m'expliquer en détail.

Reprenons au niveau des bibliothèques publiques comme utilisatrices de l'inforoute. Il y a deux niveaux d'intervention principaux. D'abord, l'inforoute, une voie d'accès et de promotion au service des bibliothèques publiques. Bien sûr, quand on pense inforoute, on pense immédiatement au partage des catalogues, entre autres, à l'accessibilité des catalogues des bibliothèques par l'utilisateur, c'est-à-dire qu'on peut voir que chaque usager des bibliothèques publiques pourra avoir accès aux catalogues des bibliothèques grâce à l'inforoute. Mais il pourra également avoir accès à de l'information générale concernant les activités des bibliothèques publiques. Donc, c'est aussi un moyen de promotion de la bibliothèque qui est très important pour mieux faire connaître le rôle des bibliothèques publiques auprès des Québécois.

L'inforoute comme moyen de coopération, ça, c'est très important, dans le sens où je crois que maintenant nous avons ce que nous avons toujours rêvé depuis des années, c'est-à-dire un moyen de coopération entre toutes les bibliothèques publiques du Québec, un moyen de partager la richesse de chacune de ces bibliothèques-là via l'inforoute. Donc, il est très important que les bibliothèques se positionnent face à l'inforoute pour justement développer ces liens de coopération; exemple, on peut parler du traitement documentaire. Donc, imaginez que, dans chacune des bibliothèques, actuellement on catalogue et on classifie 10 fois, 20 fois, 30 fois le même livre, alors que l'on pourrait très bien utiliser de façon plus efficace l'inforoute pour éviter de dédoubler le travail des bibliothèques publiques. Même chose au niveau des fonds régionaux ou des fonds patrimoniaux que développent les bibliothèques publiques.

Évidemment, tout ça prend de l'argent. Le ministère de la Culture a fait un bon effort au niveau de l'accessibilité, mais il y a un défi immense qui attend les bibliothèques dans les prochaines années: c'est celui de pouvoir maintenir, de mettre à jour leurs équipements techniques en parallèle avec les collections de volumes. Parce que je vous rappelle qu'on est dans une période transitoire actuellement, où les bibliothèques ne peuvent pas remplacer les livres par le virtuel. Les livres sont toujours nécessaires aux bibliothèques publiques. Donc, on doit à la fois assimiler les nouvelles technologies de l'information et, d'autre part, continuer d'acheter des livres pour nos usagers. Donc, il y a un double défi, et c'est là qu'est la...

Évidemment que toute l'imagination des bibliothèques publiques des villes et du gouvernement sera nécessaire pour maintenir à flot ou maintenir ce qu'on appelle la mise à niveau des bibliothèques publiques, pour que la mise à niveau se fasse régulièrement et qu'on ne se retrouve pas dans 10 ans, dans 20 ans avec des équipements désuets et finalement des moyens qui ne correspondent plus à la technologie du moment.

Je reviens au niveau des bibliothèques publiques comme outils de démocratisation de l'inforoute. Bien sûr, on salue la subvention qui a été accordée aux bibliothèques publiques pour implanter Internet dans chacune des bibliothèques publiques. Je pense que c'est un pas, et vraiment dans la bonne direction, c'est un geste qu'on salue.

Évidemment, le même problème se pose que pour celui des équipements, c'est-à-dire que, dans trois ans, quand finiront les subventions, il faut s'assurer que les villes prendront la relève, donc s'assurer que tout ça ne tombera pas à l'eau et que les efforts qui sont faits présentement ne seront pas faits en vain. Disons qu'on entretient une crainte légitime de ce côté-là. Je pense qu'il faut être vigilant au cours des prochaines années, s'assurer que les villes prendront vraiment le pas. Je pense que c'est le but du ministère aussi. C'est un programme qui est incitatif, mais il faut s'assurer qu'on ne se retrouvera pas d'ici 10 ans avec des équipements complètement désuets.

Accroître l'accessibilité aux contenus de l'inforoute, bien, c'est aussi filtrer l'information, c'est la filtrer puis aiguiller les gens vers l'information, c'est-à-dire qu'actuellement l'inforoute, c'est quelque chose de très chaotique. C'est beaucoup de bruit et peu de musique, si j'ose m'exprimer ainsi. Et, pour créer la musique, il faut vraiment que les bibliothèques interviennent, c'est-à-dire qu'elles harmonisent tout ce qu'il y a sur Internet et identifient les éléments d'information qui sont pertinents à leurs usagers.

Imaginez, Internet, c'est un peu comme actuellement une bibliothèque sans classement, dans un désordre, dans un fouillis total. Il faut évidemment arriver à structurer cette information. Ma collègue l'a dit, le rôle des spécialistes de la documentation est très important, je pense qu'on doit être appuyé dans cette démarche-là, et on a un rôle à jouer pour non seulement rendre cette information-là plus accessible en l'organisant, mais également en formant nos clientèles pour éviter justement que se crée un fossé entre inforiches et infopauvres, que l'on crée deux classes de citoyens.

Le dernier élément, c'est les bibliothèques publiques comme partenaires du développement de l'inforoute québécoise. Nous, on pense qu'effectivement les bibliothèques publiques ont un rôle à jouer. Pensez uniquement à l'information régionale. Déjà, les bibliothèques publiques assument un rôle à ce niveau-là. Beaucoup de bibliothèques ont ce qu'on appelle, dans le langage très technique du milieu, des «dossiers verticaux» ou des «dossiers thématiques» sur bon nombre de sujets. Ces dossiers-là ne sont accessibles actuellement qu'en bibliothèque, souvent qu'à un usager à la fois, alors que cette information-là pourrait être disponible à l'ensemble d'une communauté.

Déjà, il y a des affiliations qui se sont faites entre les Libertel: le Libertel de Montréal s'est associé aux bibliothèques de la région de Montréal, et la région de Québec est aussi associée au projet de Libertel qui est en cours. Nous espérons, par le biais, entre autres, du Libertel, créer une plateforme d'informations régionales, créer ce qu'on appelle une véritable agora ou un forum régional où les questions locales seront débattues. Parce que, évidemment, Internet est infiniment pauvre au niveau de l'identification à la région, et on croit qu'il y a plein de forums intéressants qui pourraient être développés et de l'information de nature communautaire qui pourrait être donnée aux citoyens. Donc, je pense que la bibliothèque a un rôle à jouer à ce niveau-là comme spécialiste de l'information et comme étant très près du milieu. On agit déjà comme une agora régionale, parce que les gens viennent à la bibliothèque non seulement pour lire, mais pour parler entre eux, pour échanger de l'information. Donc, c'est important qu'on continue à cultiver, à étendre cette agora au niveau de l'électronique.

BiblioNet, je vous en parle un petit peu, c'est un projet de l'association Bibliothèques du Québec. C'est un projet qui à la fois permettra peut-être de diffuser cette information-là à l'échelle nationale, mais également de regrouper des informations. Elle peut être d'ordre gouvernemental, cette information-là. Je pense qu'actuellement on sous-utilise les bibliothèques publiques à différents niveaux, notamment au plan du regroupement d'informations; on pourrait penser que toute information gouvernementale pourrait être disponible dans les bibliothèques publiques. Pourquoi est-ce que la banque de Communication-Québec, qui est très riche en toutes sortes d'informations, ne pourrait pas être disponible sur BiblioNet, par exemple, ne deviendrait pas directement accessible aux citoyens par une passerelle comme celle-là?

Déjà, j'ai vécu une expérience. La Bibliothèque de Québec, entre autres, dont je suis le directeur, a connu une expérience avec la Gazette officielle du Québec où on diffuse cette information-là auprès du citoyen, c'est-à-dire qu'on devient une passerelle où il est possible d'avoir l'information disponible sur la Gazette en temps réel à la bibliothèque. On peut imaginer un concept plus élargi où l'ensemble de l'information gouvernementale serait accessible.

Le dernier élément, c'est favoriser la diffusion de produits documentaires sur l'inforoute. Je pense qu'il y a des produits documentaires au Québec qui auraient intérêt à être diffusés sur un réseau, sur l'inforoute, à l'intérieur des bibliothèques publiques. C'est ce que produisent les producteurs d'information au Québec, qui sont d'une très grande valeur. Pensons, entre autres, à CEDROM-SNi, à Montréal, qui fait un excellent boulot au niveau de l'indexation des journaux et des périodiques. Cette information-là pourrait être disponible également dans les bibliothèques publiques. Et je pense aussi à l'ensemble de ce que pourrait être une vitrine technologique pour le Québec à l'intérieur d'une espèce d'intranet disponible dans les bibliothèques publiques.

(10 h 30)

Donc, pour résumer mon intervention, il y a beaucoup d'aspects qui peuvent être effectivement développés par les bibliothèques, autant au niveau de l'accessibilité que de la production d'information, que de la démocratisation de l'information disponible sur Internet. Je pense que les spécialistes de l'information que nous sommes sont prêts à servir de ce côté-là. Voilà.

Mme Cournoyer (Joanne): Notre troisième point, c'est l'information à valeur ajoutée, et je pense que la présentation de mon collègue nous amène à ça. Les spécialistes de l'information travaillent à ajouter, si on veut, de la valeur à l'information. Vous le savez, l'économie de l'information et de la communication, c'est un secteur de l'activité économique des pays industrialisés en pleine expansion. L'information, elle a une valeur intrinsèque de haut niveau quand elle soutient la recherche et le développement et appuie les efforts de commercialisation des entreprises. On pourrait qualifier l'information d'une valeur d'usage en premier, c'est-à-dire pour qu'elle réponde à un besoin précis de quelqu'un dans le temps. S'il s'avère que cette valeur d'usage contient des éléments susceptibles d'intérêt de la part d'autres individus et que ces derniers manifestent un intérêt par un déboursé de fonds pour en faire l'acquisition, on parle alors de valeur d'échange.

Mais, depuis quelques années, on a défini de façon éloquente la notion de valeur ajoutée de l'information aux secteurs de l'activité économique. On l'a définie de cette façon-ci: L'information est une matière première dont la création et la diffusion impliquent nécessairement un investissement en travail; cette dernière étape enrichit les éléments d'information disponibles, elle rend plus intéressant l'échange avec d'autres acheteurs et elle crée ce qu'on appelle de la valeur ajoutée.

Il y a beaucoup d'exemples, partout, pour démontrer l'apport d'une information organisée, précise, actualisée et accessible, et c'est là que le spécialiste de l'information entre en jeu, parce que l'information peut être disponible. Vous le savez, si vous allez sur Internet, il y a une montagne d'informations, mais, pour trouver la bonne information qui est actuelle, qui est précise, organisée et accessible, l'apport de cette information-là pour l'avancement des recherches et le développement économique d'une communauté est intéressant. D'ailleurs, on peut de manière précise mesurer l'apport de l'information et lui conférer une importance monnayable. Dans un numéro thématique de la revue Documentation et bibliothèques sur les bibliothèques de la santé, il ressortait que 19 % des médecins estiment que l'information fournie par leur bibliothèque leur a déjà permis de sauver une vie. Vous le savez, on a tous cette impression-là, parfois, d'avoir lu quelque chose quelque part, mais on n'est pas tout à fait sûr où et on ne sait pas trop comment y accéder. Alors, que l'information soit traitée, organisée, qu'on la rende accessible, qu'on la diffuse, qu'on y ajoute une valeur aussi, tout ça fait partie du travail du spécialiste de l'information, et la valeur ajoutée nous démontre qu'économiquement l'information est importante.

Le dernier point dont nous voulons vous parler, c'est le rôle de l'État. Alors, l'État québécois devrait assumer un véritable rôle de catalyseur pour le développement de l'inforoute. Notre mémoire, d'ailleurs, souligne les initiatives d'autres gouvernements en matière de partenariat visant la mise en commun de ressources pour le développement des autoroutes. Alors, il faut constater qu'au Canada anglais il semble se manifester un plus grand intérêt qu'au Québec pour les questions touchant l'accès à l'information. Cette préoccupation prend la forme d'une attention particulière pour les coûts de la téléphonie, par exemple, les politiques pancanadiennes de communication, de diffusion de l'information, de censure, de confidentialité des informations. En fait, il y a un intérêt d'ordre général pour les conséquences sociales des technologies de l'information.

Un organisme a vu le jour en 1995, nommé Alliance for Connected Canada, et ce dernier prépare un projet ambitieux qui permettra de définir un espace public où les citoyens ordinaires, les groupes communautaires, tout autant que les entreprises et les gouvernements, pourront bénéficier d'une accessibilité sans contrainte à l'information de toute nature pour différents usages. La Colombie-Britannique, aussi, a réussi à conclure une entente de partenariat l'amenant à officialiser des liens étroits avec les gouvernements, les entreprises de technologie de l'information, le monde de l'éducation, le monde du travail, les groupes d'intérêts, les communautés. Ils se sont mis ensemble et ils ont conclu une entente de partenariat.

Alors, au-delà des moyens financiers et du soutien au développement, le gouvernement, en relation avec l'ensemble des partenaires, et notamment les spécialistes de l'information, devrait réaliser une véritable politique pour le développement des inforoutes. Nous croyons que, dans cette perspective de coopération entre les différents intervenants, il faudrait privilégier les bibliothèques publiques pour qu'elles deviennent le principal lieu d'accès à l'autoroute de l'information.

La mise en réseau des ressources documentaires de l'ensemble des bibliothèques publiques aurait comme effet de rendre plus attrayantes les collections qu'elles contiennent. Les frontières seront abolies, et le partage de ces ressources, largement subventionné par l'État québécois, pourra bénéficier à l'ensemble de la collectivité grâce aux prêts en bibliothèque. L'accessibilité à ces ressources documentaires via Internet comme outil de communication ne pourra qu'enrichir l'inforoute québécoise de contenus étroitement liés aux besoins des citoyens québécois. La concertation scolaire-municipale en matière de diffusion de l'information s'avère aussi une piste intéressante, dans le respect des champs d'activité de chaque milieu. Cela pourrait favoriser une consolidation des institutions documentaires en région et accroître l'accessibilité, en région surtout, à l'information et à la culture.

En conclusion, nous croyons que l'autoroute de l'information imprime des changements majeurs à notre société, bouleversant certaines valeurs, remettant en cause les idées reçues, et que le temps est venu d'apporter des solutions concrètes. Il est désormais important de recourir au savoir et aux compétences des spécialistes de l'information pour mieux affronter ces nouvelles réalités.

Il nous apparaît primordial de consolider les acquis du Québec mis en place pour le développement de l'inforoute: la vitalité d'une vision gouvernementale soutenue par le Secrétariat de l'autoroute de l'information, le soutien d'un secteur industriel des plus performants et originaux sur le plan de la création, le maintien de l'excellence en matière de qualité des contenus de langue française, la mise en place de réseaux communautaires comme Libertel et le développement des initiatives en cours d'un réseau de bibliothèques publiques disposant d'un accès Internet. Enfin, nous croyons que la bibliothèque publique est l'endroit tout désigné pour permettre à tous les citoyens du Québec, peu importent leur âge, leurs niveaux de richesse et de scolarité, d'accéder librement et démocratiquement aux ressources informationnelles d'Internet.

J'aimerais simplement terminer en vous lisant les recommandations de nature à favoriser le développement de l'inforoute qui privilégient les bibliothèques comme axe stratégique. Alors, vous avez la liste de ces propositions à la fin du mémoire. Je prendrai juste quelques minutes pour vous les lire.

Nous recommandons que les bibliothèques soient désormais considérées comme un lieu clé du développement stratégique des inforoutes où pourraient se réaliser les actions de conceptualisation des inforoutes et de convergence de l'information.

Nous recommandons que l'État puisse mettre à contribution les spécialistes de l'information dans l'organisation et le traitement de l'élaboration de nouveaux contenus devant être diffusés sur les inforoutes.

Nous recommandons que l'on désigne la bibliothèque publique comme le lieu privilégié pour accéder librement aux ressources de l'inforoute et pour se familiariser aux nouvelles technologies de l'information et des communications.

Nous recommandons que le gouvernement du Québec s'inspire de l'expérience du gouvernement de la Colombie-Britannique pour en arriver à une entente de coopération ou à un pacte de partenariat.

Nous recommandons que des ressources soient investies afin de réaliser des projets-pilotes comportant des contenus spécifiques à différentes clientèles, que ce soit des enfants d'âge scolaire, des personnes du troisième âge, des membres des communautés culturelles ou des personnes handicapées, de façon à leur permettre de prendre part à ce mouvement.

Nous recommandons que le gouvernement reconnaisse le rôle essentiel des bibliothèques universitaires et que la reconnaissance de ce rôle conduise à la mise en oeuvre d'un mécanisme de concertation entre le gouvernement du Québec et le Sous-comité des bibliothèques universitaires de la CREPUQ, auquel l'ASTED pourrait apporter son concours, mécanisme qui permettra de définir conjointement un plan de développement des bibliothèques universitaires en harmonie avec le développement de l'inforoute québécoise.

Nous recommandons finalement que le gouvernement et les institutions puissent, avec la collaboration des spécialistes de l'information et de la documentation, assurer la formation continue de la population n'ayant aucune notion des réalités des inforoutes, de sorte que cette formation s'inscrive dans les visées de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Merci.

La Présidente (Mme Frulla): Merci. Merci beaucoup. Alors, on va procéder aux questions. Première question, je pense, notre collègue de Nicolet-Yamaska.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Bonjour, madame. Bonjour, messieurs. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt votre présentation. Il y a plusieurs années... et, encore aujourd'hui, je suis un utilisateur assez... j'utilise fréquemment les bibliothèques. Je vous écoutais tantôt, là. J'aimerais avoir quelques informations, d'abord, premièrement, techniques, pour me permettre de m'éclairer. Ensuite, ça pourra peut-être faire l'objet d'une autre question.

Est-ce que c'est possible qu'une bibliothèque, telle, bon, je ne sais pas, moi, la bibliothèque du Séminaire de Nicolet, ou du Séminaire de Québec, ou de l'Université du Québec à Trois-Rivières puisse un jour être sur Internet?

Une voix: La...

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Une question courte, une réponse...

Une voix: Directe.

(10 h 40)

M. Curran (William): C'est non seulement possible, mais c'est bien souhaitable. Et jusqu'à quel niveau et aussi à quelle vitesse on le fait dépend évidemment non seulement de la bibliothèque de Nicolet, mais du réseau des bibliothèques auquel la bibliothèque de Nicolet veut accéder. Mais la réponse, c'est un oui absolu, et ça serait même souhaitable qu'elle le soit déjà.

Mme Cournoyer (Joanne): Je voudrais peut-être juste ajouter... Quand vous parlez... Si la bibliothèque peut être sur Internet, si on parle du contenu de la bibliothèque, je pense que, là, on rentre dans les éléments qu'on appelle de numérisation, c'est-à-dire qu'on ne peut pas numériser tous les documents et faire en sorte que tous les documents, tous les livres ou, en tout cas, une bonne partie de la collection soit sur Internet. Ce qu'on retrouve sur Internet, très souvent, c'est le catalogue de la bibliothèque, c'est-à-dire la liste des titres, où on va les trouver, etc. On retrouve de l'information sur les services.

Mais on peut retrouver plus que ça. On peut retrouver aussi des documents qui sont numérisés. Il y a des projets de numérisation qui se font conjointement, présentement, où les gens décident c'est quoi, les documents qu'on va mettre sur Internet. Alors, là, ils décident et ils numérisent, c'est-à-dire qu'ils organisent le contenu pour qu'il soit disponible sur Internet.

Mais que la bibliothèque soit sur Internet, oui, les bibliothèques le sont de plus en plus. C'est une vitrine pour dire: Voici les services qu'on offre, voici certains documents. Vous avez accès aussi à d'autres sites ou à d'autres lieux d'intérêt.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Ça, c'est au niveau du fichier, là, de l'index?

M. Curran (William): Oui.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Bon. Mais au niveau des documents? Prenons un exemple, je ne sais pas... je sais que les grands journaux, les grands quotidiens, au Québec ou au Canada, sont sur microfilm actuellement.

M. Curran (William): Oui.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Est-ce que c'est possible qu'un jour on puisse... parce que ça se fait actuellement; mes enfants ont ça, un scanner pour scanner...

Mme Cournoyer (Joanne): Oui.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Est-ce que c'est possible, un jour, un scénario futur où on pourrait scanner la bibliothèque, je ne sais pas, moi, de Montréal?

M. Payeur (Jean): Oui, c'est possible, mais attention, je vous parlerai du droit d'auteur.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Oui.

M. Payeur (Jean): Parce que, bon, une bibliothèque... En France... Je vais vous donner un exemple que je connais bien, qui est celui de la ville de Lyon. La bibliothèque de Lyon a numérisé, effectivement, des documents, entre autres le journal Le Figaro a été scanné, et ça a donné lieu, effectivement, à un procès entre le journal et la bibliothèque de Lyon parce qu'on a numérisé, sans la permission du journal, les documents. Et le problème se pose. C'est le plus grand défi actuellement sur Internet, le plus grand. Le livre de...

M. Morin (Nicolet-Yamaska): De là ma troisième question...

M. Payeur (Jean): ...Nicolas Negroponte, «L'homme numérique», en fait, disait que le principal défi n'est pas technologique, il est de l'ordre du droit d'auteur, c'est-à-dire comment réglons-nous le problème de la diffusion d'informations sur Internet sans usurper les droits des auteurs? C'est évidemment un débat de société qui devra se faire sur cette question-là, mais on tombe évidemment dans une autre question, qui est très large.

M. Curran (William): L'aspect technique y est, et l'aspect technique est probablement le facteur qui est le plus facile à mettre en place. Mais il y a aussi, pour en revenir à la valeur ajoutée – donc, sujet qu'on a tous abordé – la capacité pour l'usager de vraiment discerner ce qu'il fait sur Internet. C'est une chose d'avoir accès, mais il y a accès et il y a aussi accès intellectuel à ce qu'il y a sur Internet, au contenu. Et ça, pour en revenir à la valeur ajoutée, c'est un rôle pédagogique que les spécialistes de l'information doivent jouer afin de permettre à l'utilisateur de vraiment agir avec discrimination, dans le sens positif du mot, pour pouvoir effectivement faire un tri intellectuel de ce qu'il y a sur Internet, de ce qui est vrai et de ce qui est prouvé, versus tout simplement une personne qui pianote à bon train sur son ordinateur et met ça sur Internet.

Je pense que vous parlez d'accès à une bibliothèque. Ce n'est pas aussi simple que ça. L'accès à la bibliothèque, oui, ça va se faire sur un plan technique, mais ça ne donnera pas nécessairement un accès intellectuel au contenu de la bibliothèque. Ça, c'est la valeur ajoutée des spécialistes de l'information. C'est le rôle pédagogique que doivent jouer tant les bibliothèques universitaires, collégiales, scolaires que les bibliothèques publiques, qui le font déjà, ça se fait déjà, mais c'est un rôle qui est en pleine croissance.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Si vous me le permettez, Mme la Présidente. À partir de ce que vous venez de me dire, c'est possible que, moi, dans mon sous-sol, j'aie accès à n'importe quelle bibliothèque?

M. Curran (William): Tout à fait, oui.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Bon. Je me déplacerai ensuite et j'irai chercher le volume qui m'intéresse. Mais ce que j'entends ce matin de vous, vous voulez avoir un accès ouvert ou une démocratisation. À ce moment-là, plus cette démocratisation-là se fait à travers les milliers de foyers du Québec, moins la vôtre va avoir de l'importance parce qu'on va avoir accès à votre fichier dans tous nos sous-sols.

M. Cabral (Louis): On parlait plus tôt d'accès, comme on disait tantôt, aux sources, c'est-à-dire qu'on peut identifier le document qui nous intéresse, mais l'accès aux sources... On a parlé tantôt d'une agora pour situer la bibliothèque comme un lieu qu'on fréquente. Et c'est un peu ce que les gens de bibliothèque souhaitent, c'est que l'inforoute soit une passerelle à la bibliothèque, et, éventuellement, quand on aura, je ne dis pas... aplani les aspects d'auteurs, qu'on puisse aller chercher une information, disons, plus amplifiée. Mais, tel quel actuellement, ce qu'on entend par démocratie – les gens des bibliothèques publiques pourront renchérir là-dessus – c'est une facilité, une transparence à l'ensemble de l'information par ce que comportent les catalogues et les fichiers.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Parce que vous allez avoir des moyens plus importants chez vous pour documenter votre inforoute ou votre Internet, ce que peut-être je n'aurai pas, moi, personnellement, pour y avoir accès. Parce que, si j'avais ces moyens-là, à ce moment-là qu'est-ce que j'aurais de plus à aller chez vous au niveau de votre fichier? Parce que je l'ai chez nous, j'irais chercher la documentation ou le fonds dont vous parliez tantôt, exemple, des fonds régionaux, qui sont, à mon avis, très importants. Ce que vous mentionniez tantôt, le dédoublement, là, j'ai fort apprécié cette présentation-là, parce que c'est vrai que ça existe actuellement. Chacune des personnes a son fonds puis le donne à telle institution et, finalement, ça ne finit plus.

M. Cabral (Louis): Oui. Il y a aussi l'aspect que Mme Cournoyer a souligné, c'est-à-dire l'aide méthodologique que peut offrir le spécialiste de l'information. C'est-à-dire qu'au-delà de l'information que vous avez identifiée et trouvée dans la bibliothèque on peut faire des liens avec d'autres sources d'information qui vont amener des compléments, je dirais, d'information à ce que vous recherchez. Et, ça, ça ne peut pas être dans le sous-sol d'un individu que ça se trouve.

Mme Cournoyer (Joanne): Mais il y a aussi un autre point, c'est que je vais vous faire sauver du temps. Si, vous, dans votre sous-sol, vous avez une journée pour chercher, parfait. Je n'ai pas de problème avec ça, vous n'avez peut-être pas besoin des spécialistes de l'information. Mais, pour m'être promenée beaucoup, avoir navigué sur Internet – je suis certaine que la plupart d'entre vous l'avez fait – ça demande énormément de temps, et on n'est jamais sûr que ce qu'on a retrouvé est vraiment ce qu'on cherche, et on ne sait pas trop quels sont les liens autour, et on n'est pas très sûr non plus de la crédibilité, parfois, de ce qu'on retrouve sur Internet. Alors, c'est ça que le spécialiste de l'information offre comme valeur rajoutée ou comme expertise. Il vous fait sauver du temps puis il vous donne peut-être plus pour votre argent que ce que vous allez trouver seul.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Tant mieux pour nos jeunes étudiants qui sont au niveau de la maîtrise et du doctorat, là, hein.

Mme Cournoyer (Joanne): Oui. Et les chercheurs aussi. Les chercheurs font la même chose, ils ont accès à des listes de discussion, ils ont accès à Internet, ils l'utilisent pour leurs recherches, mais, à partir du moment où ils veulent sauver du temps ou ils veulent être sûrs de certaines choses, ils utilisent les spécialistes de l'information.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci.

La Présidente (Mme Frulla): M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Ça fait à peu près 15 jours, trois semaines qu'on parle des inforoutes, on commence à avoir une vision un peu globale, on commence à percevoir un peu le «big picture», comme on dit, la grande image. Moi, j'ai peut-être mal compris votre mémoire et vos propos, mais j'ai des réserves, et il me semble que, si j'ai mal compris, je trouve que... J'ai des réserves sur la conception que vous vous faites des fonctions d'une bibliothèque dans une société d'information, c'est-à-dire dans la dynamique des sociétés qui s'en viennent.

Il me semble que l'acteur focal de la société de l'information, c'est la maison intelligente, là, et c'est l'individu qui va être capable de recevoir n'importe où, n'importe quand, et venant en n'importe quel temps de l'information venant de n'importe où. Quand les grands systèmes de satellites auront été installés, je pense à Iridium qui s'en vient en 1998, je pense à M-Star qui va être en 2004, moi, je pourrais être en train de faire de la méditation dans le désert de Gobi et avoir besoin, je ne sais pas, moi, de savoir quoi que ce soit, et puis, par voie de la communication sans fil, je vais avoir accès à n'importe qui, n'importe quand, n'importe où. Bon. À part ça, ça va être à des prix ridiculement bas.

Donc, il me semble que, dans une vision d'avenir, on s'en va vers une bibliothèque qui va être beaucoup plus une bibliothèque virtuelle, finalement, qu'une bibliothèque où on va aller faire de la consultation. C'est-à-dire, le monde n'ira plus à la bibliothèque, quoi. Le monde qui va aller à la bibliothèque, ça va être le monde qui va vouloir y aller pour rencontrer du monde, d'autres gens. Tout ça, ça va se faire soit à la maison ou soit sur son portable, sur ce qu'on portera à ce moment-là sur soi.

(10 h 50)

Donc, je vous ai peut-être mal compris, mais j'ai l'impression qu'il ne faut tout de même pas s'en aller sur une piste où on fera des investissements sur des, disons, dispositifs de bibliothèque qui vont devenir radicalement désuets dans les 20 prochaines années. Je veux avoir votre réflexion là-dessus. Je trouve que vos propos manquent un peu de vision sur l'avenir des fonctions des bibliothèques, qui vont devenir de moins en moins des lieux physiques et de plus en plus des espaces virtuels de ressources. Je comprends bien ce que vous avez dit, que ce serait intéressant que les bibliothèques puissent communiquer, mais, ça, ça fait partie de mon modèle, là. Je pense qu'on s'en va vers la disparition de la bibliothèque physique et vers l'apparition d'une bibliothèque... Il restera toujours le bon monument comme la Bibliothèque du Congrès à Washington. On s'en va vers une bibliothèque de plus en plus virtuelle, comme on assiste lentement, par exemple, à la disparition très rapide de ce qu'on appelle les états-majors des entreprises, les sièges sociaux. Il y a des entreprises actuellement qui fonctionnent, aux États-Unis, sans que le «Chief Executive Officer» y mette jamais le pied. Il n'est jamais là. Il n'y a pas de «staff», il y a rien. Tout est virtuel. Tout se fait chez lui, dans un café, dans son automobile, bon, il y a sept, huit personnes qui travaillent là-dedans.

Donc, est-ce qu'on ne s'en va pas vers ça du point de vue de nos bibliothèques: une disparition complète de l'image qu'on se fait de la bibliothèque actuelle et l'apparition d'une bibliothèque presque imaginaire, ce qu'ils appellent «virtuelle», où le centre, où l'acteur focal de tout ça, c'est ou bien la maison intelligente ou l'individu branché?

M. Payeur (Jean): En fait, bon, votre vision, évidemment, je pense qu'elle est peut-être réaliste sur plusieurs centaines d'années...

Une voix: Oh!

M. Payeur (Jean): ...mais, à court terme, je ne crois pas. Je vais vous expliquer un petit peu.

Il y a une chose qui est certaine, c'est que le rôle des bibliothèques, de façon générale... Je ne parle pas uniquement des bibliothèques publiques, parce que je pense que votre question est beaucoup plus large, elle ne s'adresse pas uniquement aux bibliothèques publiques, mais à l'ensemble des bibliothèques du monde, finalement. Il est clair que l'aspect papier va aller en décroissant au cours des prochaines années, du moins il y a certains types de documents... On parle, entre autres, de tout ce qui s'appelle information volatile, l'information de nature scientifique, exemple, tout ce qui est au niveau médical. On parlait tout à l'heure d'information qui peut sauver des vies. C'est une information, effectivement, qui est de plus en plus volatile, parce que d'une journée à l'autre on fait de nouvelles découvertes et ces découvertes-là sont accessibles sur Internet.

Mais, attention, d'abord, le premier bémol que je donnerais, c'est que le papier a encore de très belles années devant lui, d'une part parce que la question des droits d'auteur est une question qui apparaît actuellement comme un mur. Quand vous disiez que tout est disponible sur Internet, ce n'est pas le cas, c'est loin d'être le cas. Il y a beaucoup d'informations qui, actuellement, ne sont pas disponibles sur Internet. Internet donne un aperçu de l'information...

M. Laporte: Oui, c'est sûr.

M. Payeur (Jean): ...c'est-à-dire que vous avez, grâce à...

M. Laporte: Je ne dis pas que tout est disponible sur Internet, là, bien sûr, je dis que tout va devenir disponible sur les systèmes de communication. C'est sûr...

M. Payeur (Jean): Oui. Mais je pense qu'on a encore... Moi, je pense qu'on travaille sur un horizon de 20 ans en termes de stabilité du modèle actuel de la bibliothèque. Cependant, ce qui va arriver, il est clair que le bibliothécaire va devenir de moins en moins un conservateur et de plus en plus un aiguilleur d'informations. Ça, la transition du rôle du bibliothécaire et des bibliothèques, c'est le cas. Mais, de là à dire que tout le monde, chez lui, va pouvoir bénéficier de la dernière technologie, ça, c'est autre chose.

Actuellement, je regarde, je prends l'exemple de la bibliothèque de Québec qui a ouvert une logithèque et un centre Internet au mois de novembre dernier, en 1995. On remarque que, évidemment, il y a une clientèle qui ne dispose pas de ces informations-là. Moi, je m'adresse à une population relativement pauvre, là. Les quartiers Saint-Roch, Saint-Sauveur, c'est les quartiers les plus pauvres de la région de Québec. Et on remarque, bien sûr, que ces personnes-là, le seul accès qu'elles ont à Internet ou à la technologie, c'est la bibliothèque publique. On pourrait qualifier les bibliothèques de demain comme des espèces d'infoports ou d'infoports à l'inforoute, là, donc des points d'attache qui permettent l'accès aux technologies. Il est possible que, physiquement, la bibliothèque change, c'est-à-dire qu'on voit des bibliothèques sur 10 étages avec des magasins considérables. Il est possible que, ça, ce modèle-là, change. Mais il est possible aussi que notre vision, nous, comme professionnels de l'information, ce soit effectivement une bibliothèque qui donne accès à l'ensemble des technologies de l'information.

Prenez, exemple, seulement les CD-ROM, c'est un exemple qui est bien... Le CD-ROM, c'est un support physique. Ce n'est pas un support qui est immatériel, c'est un support physique. Et ce support physique est souvent non disponible sur Internet, pour des questions de droit d'auteur, encore là. C'est-à-dire qu'il est beaucoup plus payant pour une compagnie qui produit de l'information de disposer cette information-là sur CD-ROM et de vendre à l'unité le CD-ROM, donc d'être sûre de toucher son droit d'auteur sur chacun des exemplaires vendus, que de rendre cette information-là disponible sur Internet. Donc, il y a beaucoup de bibliothèques actuellement qui disposent de réseaux de distribution du CD-ROM, c'est-à-dire qu'on a des tours de CD-ROM qui permettent d'accéder à cette information-là en temps réel sur le parquet de la bibliothèque, mais pas à l'extérieur de la bibliothèque.

Donc, je dis: Il y aura toujours une information qui sera disponible dans la bibliothèque, tant... Parce que je pense que le problème du droit d'auteur est un problème auquel on sera confronté pour plusieurs années à venir. Et, à ce titre, la bibliothèque est une solution, c'est-à-dire qu'elle est une espèce de contenant où on peut effectivement contrôler l'information qu'on y diffuse. Donc, la bibliothèque comme agent, comme élément de diffusion, je pense que, actuellement, c'est ce qu'on est de plus en plus. Les bibliothèques publiques au Québec sont – je le disais récemment dans un article – plus des diffuseurs que des conservateurs. Ça, c'est le cas. La Bibliothèque nationale du Québec, bien sûr, a un rôle de conservation, c'est son rôle de conserver les documents produits au Québec. Les bibliothèques publiques ont d'abord comme mandat premier de donner une information aux citoyens, la plus à jour possible. Et ce qui intéresse les gens, c'est la nouveauté, c'est toujours la nouveauté. Qu'elle soit électronique ou qu'elle soit sur papier, c'est la nouveauté qui intéresse les gens.

Donc, on se conforme déjà à ce modèle-là, je vous dirais. On est de moins en moins des conservateurs. Je regarde nos collections, les bibliothèques de la région de Québec qui ont des fonds renouvellent à peu près leur fond sur une base de cinq ans. À tous les cinq ans, c'est comme une peau de serpent, l'ensemble des fonds est refait. C'est sûr qu'il y a un fond régional qui demeure, un fond patrimonial que chacune des bibliothèques va conserver et qui va être un élément de conservation toujours important pour les bibliothèques, mais tout le reste, tout ce qui s'appelle information documentaire, tout ce qui s'appelle information qui vise à donner de l'information ou à éduquer, cette information-là change continuellement, et qu'elle soit sous forme électronique ou sous forme de papier.

Donc, je pense que le modèle de la bibliothèque, vous avez en partie raison, c'est-à-dire que, oui, effectivement, le modèle de la bibliothèque va changer. De là à dire qu'elle va complètement devenir virtuelle, ça, c'est une autre chose.

M. Laporte: Mais, pour dire le rôle, que vous disiez tantôt, de spécialiste de la valeur ajoutée, ça, ça va devenir un rôle absolument...

M. Payeur (Jean): Très, très important.

M. Laporte: ...très important.

M. Curran (William): Très important, très pédagogique, en plus.

M. Laporte: Ah oui! Ça, je suis absolument d'accord avec vous.

Mme Cournoyer (Joanne): Dans les bibliothèques spécialisées comme les bibliothèques d'entreprise, par exemple, ils ont eu cette vision ou cette idée que vous avez élaborée. Beaucoup se sont débarrassés de leur lieu physique de la bibliothèque et elles ont, par contre, fait l'erreur de se débarrasser du personnel avec le lieu physique pour devenir virtuelles, c'est-à-dire de dire: Bien, là, maintenant, chacun des gestionnaires peut chercher sur Internet, et il n'a plus besoin de rien d'autre que ça.

Oui, le lieu physique est appelé à changer, mais il ne faudrait pas faire l'erreur d'oublier le rôle du spécialiste de l'information. Cette personne-là peut faire une veille technologique, par exemple, dans les entreprises, s'assurer que l'information est actuelle, précise, etc. Alors, oui, ils ont eu ça, mais ils ont fait l'erreur de se débarrasser des spécialistes qui pouvaient leur apporter une valeur ajoutée dans leur entreprise. Alors, oui, le lieu physique, il est changé beaucoup dans les bibliothèques spécialisées. Très souvent, il n'y a pas d'endroit appelé «bibliothèque», les gens sont des courtiers en information, des spécialistes en information, ils font partie de l'équipe des gestionnaires, ils assurent un service ponctuel, actuel, etc., mais ils ne sont pas entre quatre murs, vous avez raison.

M. Laporte: Mais, ça, je ne veux pas qu'il y ait de malentendu là-dessus. C'est comme si je disais qu'on allait se débarrasser de l'enseignant, ce n'est pas du tout... Le rôle de l'enseignant va changer, il va devenir beaucoup plus un tuteur, un aidant, un encadreur, tu sais, pour générer de la plus-value, un facilitateur, comme vous dites. C'est comme une mère de famille, ou un protecteur, ou un maître. Le concept du magistère s'en va, mais, des fois, il y a des fonctions qui restent.

(11 heures)

M. Payeur (Jean): Le contact humain est important, puis je vous citerais, là, Philippe Quéau, qui disait, dans Le Monde diplomatique : «L'homme est lent, local, réel, tandis que le monde est rapide, global et virtuel.» Moi, je vois un enseignement dans tout ça. C'est-à-dire que la présence, le contact des hommes, des gens dans l'intérieur d'une bibliothèque, c'est important. C'est-à-dire que, nous, on voit bien que, entre autres, la formation Internet se donne souvent par personnes... c'est souvent les plus vieux qui vont montrer aux plus jeunes, ou les gens de plus d'expérience qui ont un peu plus de temps qui vont montrer aux plus jeunes. Donc, ça, c'est une valeur qui est difficile évidemment à quantifier dans une bibliothèque, mais qui est réelle. C'est-à-dire que la bibliothèque, comme agora, comme lieu physique, c'est important. Si on coupe tous les lieux physiques de contact humain, je pense qu'on perd beaucoup dans la valeur.

Donc, la présence d'une place... Parce que la bibliothèque, c'est beaucoup plus qu'un magasin de livres actuellement, c'est une agora, c'est un endroit où on échange, où on peut évidemment, comme tous les gens ont la même intention quand ils fréquentent la bibliothèque, c'est-à-dire soit s'éduquer ou s'informer. Ils sont en éveil, et, à partir du moment où ils sont en éveil, bien, évidemment, on crée un milieu favorable, un terreau très fertile. Et c'est ce que je défends, là. C'est le principe que, je pense, le lieu physique est important. Oui, il va changer. Oui, il n'aura pas l'allure des grands magasins de livres. Quand on regarde le virtuel, on se dit: Bon, oui, c'est vrai; on est obligé de bâtir des édifices à 150 lb de résistance au pied carré parce que, bon, le livre, physiquement, c'est lourd, puis ça prend... C'est un objet physique qu'on doit manipuler, c'est des atomes qu'on doit placer dans des rayons. Ce n'est pas des bits, là. Pour prendre l'image de Negroponte, c'est vraiment des atomes qu'on doit manipuler. Mais, même si on change le décor, je pense que la bibliothèque est appelée à rester.

La Présidente (Mme Frulla): Je vais passer la parole au député de Taschereau.

M. Gaulin: Oui, bonjour.

Des voix: Bonjour.

M. Gaulin: Alors, vous évoquiez Saint-Sauveur, Saint-Roch, c'est mon comté. Vous parlez... Évidemment, on a une certaine conception du virtuel et des bibliothèques de demain. Mais il faut se rappeler aussi que des chercheurs, comme certains qui sont ici, ont travaillé, par exemple, sur des microfilms. Ils savent ce que c'est en retombées de fatigue, en retombées pour les yeux. Et puis aujourd'hui on pourrait parler de certaines maladies qui ont rapport à la schizophrénie qui peuvent être développées par la fréquentation de l'inforoute. Je pense qu'il ne faut rien négliger dans tout ça. On parle de communion avec un lieu, des livres. Le livre, c'est d'abord un objet. Je pense que Blanchot a très bien traduit ça: le livre fermé, le livre ouvert. Je pense qu'aussi...

Moi, je voudrais vous poser... D'ailleurs, vous parliez des gens âgés qui initiaient des jeunes. J'ai l'impression que c'est peut-être vrai à des places, mais c'est beaucoup plus les jeunes qui initient des gens âgés. Parce que l'attrait de la nouveauté, c'est aussi la peur de la nouveauté. Moi, j'ai souvent comparé l'inforoute à la langue d'Ésope: c'est le meilleur et le pire. On peut bien choisir ce qu'on veut, hein.

Vous parlez d'un certain immobilisme de l'État québécois par rapport aux bibliothèques – c'est à la page 7 – de déceptions qui ont eu lieu à la suite de la mise en place du premier projet de développement de l'inforoute. À quoi faites-vous référence quand vous parlez de la déception suscitée par la première phase? J'aimerais ça le savoir.

M. Cabral (Louis): Vous me permettrez de répondre. C'est que, quand on a mis en place le fonds de soutien pour les initiatives sur l'inforoute, ça nous apparaît... Je ne veux pas dire que ça apparaissait improvisé, mais la circulation de l'information, c'est-à-dire l'établissement des critères, le type de projets qu'on souhaitait retenir, ce n'était pas toujours très clair. Et il y a eu une espèce de flottement dans les six premiers mois. Ensuite, on est passé à la constitution d'un secrétariat à l'inforoute. Et, encore là, il y avait une première phase non complétée et on parlait d'une deuxième phase. Et donc, les gens, pour avoir discuté avec des producteurs – je vais le nommer – les gens de CEDROM-SNi, ils étaient un peu dans l'ombre et, je dirais, dans le flou, à savoir où on s'en allait vraiment avec cette politique de financement. Et c'est, je dirais, à ce départ-là qu'on faisait allusion en termes d'imprécision et peut-être, je dirais, de tâtonnement, là. Et ça, ça nous était apparu assez critique.

Et, disons-le, sur la toute fin, on parle de l'été 1995, quand, à un moment donné, on s'est aperçu de cette imprécision-là de critères, les bibliothèques publiques notamment et d'autres milieux spécialisés de bibliothèques n'avaient pas souscrit à des projets parce qu'il y avait... On le voit, là, par les projets – on a évoqué tantôt le projet BiblioNet – que les bibliothèques avaient, elles, des idées très créatrices et novatrices pour le développement de l'inforoute. On a été obligé de créer en vitesse un fonds spécial pour les bibliothèques parce qu'on s'est aperçu qu'elles n'avaient pas été sensibilisées par rapport au soutien que pouvait accorder l'État à ces types de projets là.

M. Gaulin: Alors, c'est enregistré, c'est intéressant, parce qu'on est là pour avoir des idées. C'est sûr qu'il ne faut pas non plus s'imaginer que tout est bien, parce que, quand on lit un peu votre mémoire, on a l'impression qu'il y a beaucoup de choses qui sont très bien au Canada puis que, quand on passe au Québec, on est les moins alphabétisés, on risque d'être les plus ignorants au niveau de l'inforoute... Alors, c'est pour ça que je voulais vous faire préciser ça.

Parce que vous envisagez beaucoup le rôle des bibliothèques comme un rôle au niveau technologique. Il y a tout le niveau des contenus. Mais, quand vous parlez, par exemple, du rapport à la SQDM, pour que les gens puissent avoir accès à certaines informations, des communiqués aussi, je pense que vous parlez plus à ce moment-là de l'inforoute comme d'une technologie accessible à tout le monde, c'est-à-dire l'égalité des chances, je pense bien.

M. Cabral (Louis): Et c'est sur la base, je dirais, de la tradition établie de la population qui fréquente la bibliothèque qu'on s'est dit, et notre mémoire met ça en évidence, que la bibliothèque pourrait être un lieu de formation aux inforoutes, dans la mesure où les gens dans les bibliothèques pourraient initier les gens qui vont par habitude dans les fichiers et leur dire: Écoutez, il y a une technologie actuellement, on peut vous aider. Quelle est l'assistance qu'on peut vous donner? Et c'est un lieu de formation qu'on pense qui serait indiqué pour amener les gens à une espèce d'acquisition de culture scientifique.

Quand on parlait du rôle de l'État, on avait mis en évidence, je dirais, les avancées dans le Canada anglais, mais il y a des endroits où, de façon, je dirais, très concrète, l'État a fait en sorte qu'on puisse, je dirais, avoir un meilleur accès à l'inforoute. Je pense à des initiatives concrètes, comme le Nouveau-Brunswick qui, par exemple, au tout début de l'été, a fait en sorte qu'on exempte de la taxe de vente l'achat d'un micro-ordinateur. Évidemment, des gens s'étaient dit: Bien, la taxe de vente qui va être soulagée à l'État, elle est compensée largement par le marché qui s'est créé. Et on a permis à des gens qui avaient peut-être hésité à s'acheter un micro-ordinateur de pouvoir en acquérir un.

On a parlé de la Colombie-Britannique. Ce que la Colombie-Britannique a fait, c'est un peu l'exemple du Québec, c'est-à-dire la constitution d'un secrétariat, mais en allant plus loin, en créant un climat favorable, donc, par cet accord-là, où à la fois les producteurs ont pu parler aux groupes communautaires en termes, eux, de définition de besoins et les producteurs: Bon, notre prestation de services n'était peut-être pas adéquate à ce genre de milieu là... Donc, faire en sorte qu'il y ait un climat favorable au développement.

M. Gaulin: Oui, mais c'est une question de choix. Je ne vous l'apprends pas, il reste que le Québec, quand même, ne taxe pas les livres, ce qui n'est pas le cas du Nouveau-Brunswick et d'autres provinces. Ce matin, on nous annonçait du côté d'Ottawa qu'on allait exempter de la TPS les bibliothèques qui feraient l'achat de livres. Alors, on n'en est pas là ici, heureusement. Alors, c'est tout à l'avantage des bibliothèques publiques.

Je voudrais terminer, si vous permettez, Mme la Présidente, par une question sur les droits d'auteur. Votre position est assez opposée à celle des auteurs qui sont venus nous rencontrer. Vous vous rabattez un petit peu sur le choix qu'on a fait du côté canadien, qui risque d'établir des paramètres qui ne fassent pas l'affaire des auteurs qui doivent vivre quand même de leurs droits. Parce que, même si les conditions modernes de l'inforoute et d'Internet ont changé, il reste que ça devrait, au contraire, favoriser des gens qui pourraient davantage vivre de leur vie d'auteur au Québec.

M. Cabral (Louis): Je ne vous apprends pas qu'il y a actuellement des audiences publiques concernant la loi C-32. Les éditeurs, les auteurs ont leur position.

M. Gaulin: Mais c'est à ça que je fais allusion précisément.

M. Cabral (Louis): Oui, c'est ça. Les auteurs et les éditeurs ont leur conception très propre à eux en fonction, je dirais, de leurs intérêts, et je n'emploie pas le terme de façon négative. On se dit que, pour des fins d'éducation et de culture, on doit avoir une utilisation, entre guillemets, raisonnable du droit d'auteur, parce que, si un texte, par exemple, circule à des fins de recherche, à des fins de culture, dans une utilisation raisonnable, on se dit – on a évoqué tantôt l'endroit de la bibliothèque non pas comme un microcosme, mais comme un lieu où on pourrait avoir cet accès raisonnable là au contenu – ça nous apparaît être une exemption, pas un contournement aux droits d'auteur, mais une exemption qui est tout à fait justifiée pour le travail en bibliothèque et pour la bibliothèque en elle-même. Que cette information-là, ensuite... Que l'individu, la personne aille acquérir, acheter l'ouvrage, ça, c'est une autre chose, mais, en bibliothèque, elle a, je pense, par l'accessibilité et ce qu'on appelle tantôt la démocratie, accès au contenu et elle peut, à des fins de recherche et de culture, l'utiliser parce que ça devient, là, un bien public.

(11 h 10)

M. Gaulin: Mais il faut rappeler aussi que les gens qui vivent des droits d'auteur, c'est souvent des professeurs qui enseignent la littérature puis les bibliothécaires qui sont dans les bibliothèques. Ce n'est pas mauvais de rappeler ça, c'est Pierre Baillargeon qui le faisait dans son oeuvre.

La Présidente (Mme Frulla): Merci beaucoup. Je dois malheureusement couper tout le monde de cinq minutes parce qu'on est 15 minutes en retard puis il faut quitter ici absolument à 12 h 30. Alors, un gros, gros merci pour votre présentation. Merci beaucoup.

J'appelle maintenant le Centre de recherche en informatique de Montréal, le CRIM. Alors, bonjour, messieurs. Ça serait bien, un, de vous présenter. Deuxièmement, comme on a 55 minutes et non 60, si vous vouliez raccourcir, par exemple – c'est à vous, là, à votre gré... Si vous raccourcissez votre présentation, bien, ça laisse plus de temps pour les questions. De toute façon, il y a un 55 minutes qui vous appartient.


Centre de recherche en informatique de Montréal (CRIM)

M. Manseau (Hubert): Pas de problème. Alors, nous sommes du CRIM. Mon collègue Denis Poussart est vice-président scientifique au CRIM et professeur à l'Université Laval. Bernard Turcotte est vice-président aux technologies, au CRIM, et bientôt président fondateur de la Société Internet du Canada. On pourra vous parler un peu de ce que ça veut dire tantôt, si vous le souhaitez. Je suis Hubert Manseau, vice-président exécutif au CRIM et actuellement P.D.G. par intérim.

On va vous faire une présentation rapide, pas de problème. J'ai même un outil, si vous le souhaitez. On a reproduit une présentation par acétate que je vous aurais faite s'il y avait eu un mur de dégagé. Alors, pendant que mon collègue fait le tour de la table... Le mémoire qu'on vous a fait... D'abord, on était très content de voir qu'il y avait une telle réflexion en cours, et le mémoire qu'on vous a fait, on l'a fait beaucoup en réaction au document de consultation. En d'autres termes, on s'est vraiment appuyé sur le plan que vous aviez soumis et, si, au départ, on se disait: Bon, le Centre de recherche en informatique est avant tout une boîte technique, technologique, on n'est pas sûr qu'on a un mot à dire sur chacune des questions qui sont soulevées. À force de réfléchir entre nous, on s'est rendu compte que, oui, on pouvait apporter un éclairage peut-être un peu différent d'autres éclairages qui vous ont été apportés jusqu'à maintenant.

Il y a peut-être une chose en partant, c'est de vous rappeler que l'inforoute dont on parle aujourd'hui, son modèle type, c'est l'Internet. Et, quand on parle de l'Internet, il y a une chose qu'on oublie trop fréquemment: l'Internet est un réseau de réseaux et c'est un réseau de pair à pair, p-a-i-r. Rappelez-le-vous bien, parce que c'est fondamental, cette différence-là. La mentalité de l'Internet et la mentalité que nous croyons qui va se développer autour de l'inforoute est une mentalité où toute personne peut être à la fois consommateur, donc utilisateur des technologies et des contenus qui sont disponibles sur le réseau, et également producteur, et ce, à un coût pratiquement équivalent.

Il n'y a pas un univers dans le monde aujourd'hui où, pour environ 10 000 $, vous pouvez être soit consommateur, soit créateur. Pour vous brancher sur l'Internet, un individu: entre 2 000 $ et 3 000 $, probablement que vous vous en tirez. Pour 10 000 $ – ce n'est pas beaucoup plus, et pour quelqu'un de très débrouillard c'est peut-être possible même à moins que ça – vous pouvez devenir producteur sur l'Internet, et c'est ça qui, pour nous, est le changement majeur de paradigme dans ce qu'on discute aujourd'hui. Ce n'est pas un concept de réseau avec des contrôles centraux, qu'ils soient des contrôles privés, comme on a via les compagnies de téléphone, ou des contrôles étatiques, comme on a vu dans certains pays européens.

Sur la langue, on avait quatre observations qu'on voulait faire valoir. Pour nous, l'inforoute, c'est beaucoup plus une opportunité qu'un danger, à condition – et ça, c'est majeur pour nous – qu'on l'adopte massivement et rapidement, parce que, si on n'est pas là rapidement, d'autres seront là à notre place. Les problèmes techniques dont on nous a parlé pendant plusieurs années ne sont pas incontournables. Oui, on aime bien parler du problème des accents, oui, on aime bien parler de certains de ces problèmes-là, mais, écoutez, en toute honnêteté, la plupart sont réglés, la plupart sont contournables et, chose certaine, ça va être une chose du passé très rapidement. Dites-vous bien que le cycle de vie d'une technologie ou d'un produit sur l'Internet, le rythme de vie, ce n'est pas un an, deux ans, trois ans. On est habitué à avoir un logiciel tous les trois ans, renouvelé tous les 18 mois. Sur l'Internet, c'est tous les trois mois. Donc, ce que vous voyez aujourd'hui, ne pensez pas que c'est là demain. Demain, ça sera déjà très différent.

L'impact éventuel de l'ajout de la traduction automatique de l'anglais vers le français montre que la technologie est encore plus une solution qu'un problème. Imaginez-vous... Et je suis certain que ça sera disponible un jour – je sais que c'est un travail immense... J'ai moi-même travaillé dans ce domaine-là, mais ce n'est pas impossible. «Immense» ne veut pas dire que ça ne se réglera pas. Mais imaginez des outils qui vous permettent d'accéder à l'ensemble de l'information dans votre langue, quelle que soit la langue d'origine, et vous venez de changer totalement la dynamique. Vous venez de nous mettre dans une situation où on pourrait même dire: On ne produit plus rien au Québec, on n'a pas besoin, tout est fait aux États-Unis, et ça, c'est beaucoup plus dangereux. La réponse à ça, c'est qu'il faut adopter l'inforoute avec le français encore plus rapidement et plus massivement que ce qu'on a fait.

Au niveau de la culture et des droits d'auteur, je pense que vous en êtes tous conscients, l'inforoute, c'est un nouveau véhicule. Ça ne remplace pas tous les autres, mais c'est un nouveau véhicule. Elle constitue cependant un moyen de diffusion extraordinaire, et un des atouts, nous, qu'on y voit, c'est que c'est un moyen de diffusion extraordinaire vers la francophonie qu'on peut désormais concevoir comme un énorme village global. L'Internet permet, avec les outils appropriés, de regarder, d'avoir une fenêtre en français sur le monde et que les gens qui fournissent, mettent les contenus, peuvent venir de n'importe où dans le monde, et ça, c'est majeur. Les meilleurs sites francophones au début étaient aux États-Unis. Ça n'avait rien à voir avec la francophonie, ça. Le français, le fait français est mondial, il y en a partout, et, dans ce contexte-là, il est clair que l'inforoute peut être une opportunité extraordinaire. Encore une fois, on le répète, c'est une menace pour notre milieu culturel à une seule condition, c'est s'il ne l'adopte pas rapidement. Parce que, s'il n'est pas là au moins en même temps que les autres, c'est clair qu'il va y avoir un énorme rattrapage à faire.

Pour nous, c'est clair que l'accessibilité à l'inforoute, c'est la clé de voûte du développement: plus d'accessibilité égale plus d'utilisateurs francophones; plus d'utilisateurs égale plus de demandes et de contenus. Et c'est exactement l'équivalent pour les outils: s'il n'y a pas de demandes, il n'y aura pas d'outils. On a réglé les problèmes d'accents sur les ordinateurs et en informatique quand la demande a été là et, faites-vous-en pas, les grandes entreprises, les grandes multinationales y voient leur intérêt, et ce problème-là... C'est pour ça que je vous dis: À partir du moment où il y a de la demande, où on crée cette demande-là, les problèmes techniques vont se régler.

Plus d'accessibilité, c'est également aussi l'accès à plus d'information pertinente dans tous les secteurs d'activité. C'est vrai que sur l'Internet aujourd'hui il y a de l'information pertinente et il y en a de la non pertinente, et probablement que, si on fait le calcul, il y en a plus de non pertinente. Ceci étant dit, elle est accessible tellement facilement, et vous savez comme moi que la pertinence d'information est liée à l'accessibilité, il est clair que, si on limite l'accessibilité à l'inforoute au Québec, on limite notre compétitivité, et ça, c'est à tout point de vue. Ce n'est pas juste en affaires, c'est également en éducation.

On se questionne sur l'isolement des personnes. Il est clair, pour nous, que plus de communication rapproche plutôt que ça éloigne. Il est cependant évident que ça va changer nos façons de faire. Il faut s'attendre à ce qu'il y ait de plus en plus de mini-communautés qui s'appuient sur le concept d'inforoute. Ceci étant dit, il est clair que ça pose des problèmes sociologiques majeurs. Le CRIM ne se sent pas dans une position, si vous voulez, ès qualités. On ne peut pas vous répondre là-dessus. Il y a des gens qui pourront sûrement vous donner plus d'input.

Sur le monde du travail, c'est clair que l'inforoute va avoir un impact majeur sur la façon dont les organisations communiquent avec leurs clients, avec leurs citoyens. Alors, ça, c'est évident. C'est évident pour le gouvernement du Québec, comme c'est évident pour n'importe quelle organisation. Vous avez là une opportunité extraordinaire de revoir toutes les façons de faire. Je n'ai pas besoin d'insister sur l'aspect pénible qu'il y a à communiquer avec, mettons, un fonctionnaire municipal – on ne parlera pas des fonctionnaires provinciaux – quand le téléphone sonne et que ça ne répond pas, ou qu'on se promène d'une boîte vocale à l'autre. Si on est capable d'offrir les services simplement sur l'inforoute, on donne beaucoup plus de qualité de services au citoyen et, même si le citoyen ne parle pas à un humain, en bout de ligne, il a eu un meilleur service. Si on fait bien les choses, je pense qu'on a là une façon de s'améliorer énormément.

(11 h 20)

Le télétravail, souvent on en parle pour demain. Nous, ce que nous vous disons, c'est qu'il existe dès aujourd'hui. Et il est clair que ça change beaucoup de choses sur le monde du travail, c'est évident, et on ne pourra pas l'éviter. Ça aussi, ça m'apparaît fondamental que ce soit un point que l'on retienne dans les travaux de la commission.

La confidentialité. La principale attaque ne vient pas de l'inforoute – ça, je pense que c'est important que vous le compreniez bien – elle vient des immenses bases de données qu'on a créées, et c'est si on les met en relation entre elles que, là, on a un danger. L'inforoute, ça apporte rien qu'une chose par rapport à ça: ça rend les choses plus faciles, et c'est tout. Le point important là, quand on parle de communication confidentielle, c'est que tout est en train de se régler. Je ne dis pas: Aujourd'hui, tout est parfait. Mais tout est en train de se régler de ce côté-là assez rapidement sur le plan technologique. Encore une fois, je distingue bien le plan technologique du plan humain.

Par contre, comme l'inforoute facilite les échanges, il est évident que ça pose le problème du contrôle. Et, au niveau du contrôle, ce que nous voulons vous dire, c'est ceci: Ça fait... Écoutez, le CRIM est né à peu près au moment où on a mis en place le premier maillon de l'Internet au Québec, soit entre 1983 et 1985. Bernard a participé à cette expérience-là à partir de 1985. On a vu naître l'Internet. Et, quand on a commencé, je vous le dis honnêtement, il y avait quatre départements informatiques universitaires, quelques profs, c'était un tout petit monde au Québec. On l'a vu évoluer, et tout ce qu'on peut vous dire là-dessus, c'est que le milieu social sur le monde électronique, sur l'Internet, n'est pas beaucoup différent du milieu social en général. C'est clair qu'au début, de par son ascendance universitaire, qui touchait avant tout les milieux de recherche, les milieux académiques, on pouvait parler d'un milieu où la criminalité grossière était absente, par définition. Puis ça ne veut pas dire, parce qu'on est prof d'université, que de temps en temps aussi... On n'a pas toujours une éthique à 100 %.

Ceci étant dit, il est clair qu'on a été un milieu un peu privilégié dans les débuts. Ce n'est plus vrai. À partir du moment où l'inforoute se répand, ce ne sera plus un milieu privilégié. Les pourcentages de criminalité, attendez-vous à ce qu'ils soient les mêmes: pas plus, pas moins. Dans un tel contexte, nous, ce qu'on vous dit, c'est: Ne cherchez pas à éliminer la criminalité à la source en essayant des moyens de contrôle majeurs; l'Internet – et c'est pour ça que j'ai tenu à vous le rappeler au départ – est un univers de liberté, chacun peut être producteur. Donc, ce n'est pas en essayant de le contrôler au départ à la source que vous allez réussir, c'est en réalisant que ça va vous prendre des outils de contrôle, exactement comme dans une société non informatisée ou non électronique, ça va vous prendre des outils de surveillance, des outils de monitoring.

Vous savez, les policiers qui, aujourd'hui... il y en a quelques-uns qui s'assoient devant un écran puis qui fouillent sur l'Internet pour trouver des sites pédophiles, ils n'y arriveront jamais. Si on leur fournit des outils qui sont capables, avec les bons robots, les bons analyseurs d'images et de textes, de rapporter les sites probables qui supportent de la pédophilie, bien, on vient de simplifier leur tâche et on vient de la rendre possible. Sans outils, oubliez ça. Et vous ne pourrez pas contrôler l'Internet.

Sur la protection du consommateur, ça rejoint un peu le problème précédent, mais il est clair qu'un des problèmes principaux, puis là-dessus, nous, on insiste sur un aspect avant tout, c'est la globalisation. La globalisation, ça veut dire du commerce transfrontalier. Qu'est-ce que vous allez faire pour protéger un citoyen qui décide librement d'acheter, par exemple, aux Bahamas, ou aux Bermudes, ou de n'importe quel pays qui ne supporte pas, par exemple, la convention des droits d'auteur? Qu'est-ce qu'on va faire? Il y a très peu de protection possible. C'est loin d'être évident.

D'autre part, les abus commerciaux sur l'Internet font peur. Mais je vous rappellerais une chose: la publicité sur l'Internet a aussi son pendant qui s'appelle l'antipublicité, qu'on appelle le «flaming» en anglais. Vous savez, quand Intel a sorti sa puce Pentium avec un bogue, ça a pris quelques jours sur l'Internet pour que ça fasse le tour de la planète, et Intel, qui n'a pas plié devant beaucoup de monde sur la terre, a plié en quelques semaines. Quelqu'un qui abuse de l'Internet... Aujourd'hui, il y a des moyens pour les usagers de l'Internet. Les consommateurs eux-mêmes se protègent sur l'Internet. Quand quelqu'un abuse, ils peuvent inonder les listes, ils peuvent inonder son site. Et ça, ça se fait couramment. Quand quelqu'un abuse sur l'Internet, je ne voudrais pas être à sa place.

Le développement technologique et économique. Encore là, ça ne peut que changer les façons de faire des organisations dans la prestation des services. C'est tellement évident qu'on n'insistera pas trop sur cet élément-là.

Sur le commerce, nous, ce qui nous apparaît majeur, c'est la naissance de la délocalisation complète de l'économie, et ça, je pense que c'est majeur. C'est majeur à tout point de vue. Vous savez, hier je lisais, dans un de nos quotidiens, les petites chicanes sur le calcul de la balance commerciale entre la Chine, le Canada, les États-Unis. Essayez de le calculer quand la chemise que je porte, qui est «designée» en Italie, a été fabriquée probablement à Taiwan et fort probablement commercialisée par une entreprise américaine. Est-ce que c'est un produit taiwanais, américain, français ou italien? Je ne le sais pas. Plus personne ne le sait. Nos entreprises, si elles ne se positionnent pas rapidement dans cet univers-là, elles vont en souffrir énormément. Le commerce va changer, l'industrie va changer, tout ce qui est déplaçable intellectuellement, et même l'entreprise de type manufacturière... Au fond, le principal «asset» dans une entreprise manufacturière aujourd'hui, c'est le design du produit. Le design, c'est un produit intellectuel. Une des rares avances qu'on a en Occident par rapport aux pays en voie de développement, ce n'est pas les salaires, vous le savez, c'est ce qu'on a dans nos cerveaux, c'est l'éducation. Alors, si on n'est pas prêt à ça, on fera peut-être des souliers, mais, tant qu'à faire des souliers, j'aime autant aller les faire au Mexique, il fait plus chaud.

L'éducation: fondamental. L'augmentation du nombre d'utilisateurs, le développement de contenus et d'outils commencent par les jeunes et par leur éducation. On a parlé tantôt de l'accessibilité. Je vous dirais que l'éducation, c'est l'autre bout de la boucle. Si vous voulez que ce soit accessible, si vous voulez que ça pénètre, la meilleure façon, c'est de passer par les jeunes. Les jeunes l'adoptent spontanément, les parents suivent et les maîtres dans les écoles suivront seulement ensuite. Si vous essayez d'abord de former les maîtres, oui, vous allez réussir avec quelques-uns, mais ça va être trop long. Vous l'avez vécu dans les années quatre-vingt avec l'introduction du micro-ordinateur: beaucoup sont restés sur les tablettes à cause de ça.

Il est clair pour nous que l'accessibilité des écoles à l'inforoute est vitale. Elle est vitale d'autant plus que, si les jeunes n'ont pas accès à la même qualité de l'information que les jeunes dans les autres pays et rapidement, c'est nous qui allons perdre de la compétitivité. Elle implique cependant plus que l'ajout ponctuel d'équipement. Pendant le temps où on a rédigé ça, il y a eu l'annonce de Mme Marois qu'on a trouvée très intéressante, un peu plus tôt, en fait en juin, mais on en parlait à ce moment-là. Il faut faire plus que d'acheter pour 300 000 000 $ d'ordinateurs en un an ou en trois ans puis les mettre dans les écoles. Ça, ça ne marchera pas, il faut faire beaucoup plus que ça. Nous, ce qu'on vous dit, c'est: Si ça ne fait pas partie d'une stratégie globale qui en assure la pénétration – ça, beaucoup d'autres que nous l'ont dit, mais il n'y a à peu près personne à ma connaissance qui a mis le doigt sur un autre problème qui est majeur, c'est le renouvellement... Si vous investissez 300 000 000 $ en ordinateurs, dites-vous qu'un ordinateur a une durée de vie d'environ trois ans, c'est 300 000 000 $ dans trois ans, et c'est récurrent. Si vous ne prévoyez pas que le système d'éducation régénère cet argent-là, donc que ça crée des économies de fonctionnement où qu'elles soient, qu'elles soient du côté académique ou du côté administratif, il est clair que, dans trois à cinq ans ou 10 ans, on va faire une autre crise, comme on a fait cet été, puis on va revoter 300 000 000 $ à 500 000 000 $. Mais, pendant les années où on aura eu la crise, on aura souffert.

La santé. Dans votre document de consultation, vous avez surtout parlé de la carte à puce. La carte à puce, je le disais dans un terme très technique à mon ami Bernard, c'est un équipement terminal. Le réseau est, à notre avis, beaucoup plus important que l'équipement en bout de piste. La carte à puce vient le compléter. Et, si on parle de réseau, il y a beaucoup plus de potentiel à exploiter, encore là. La seule chose, c'est que, quand on parle de ça du côté médical, il faut aussi tenir compte du fait qu'aujourd'hui les dossiers médicaux ne sont pas informatisés, donc inutilisables sur les réseaux, y compris sur les cartes à puce, et, d'autre part, que la population médicale est probablement une des plus réfractaires à l'utilisation de la technologie. Oui, ils utilisent des machines pour faire de la radiologie, ils utilisent des équipements de laboratoire, mais amenez-leur un micro-ordinateur entre les mains, dites-leur qu'ils vont taper sur un clavier, et vous allez voir leur réaction. Le médecin typique n'aime pas taper au clavier. Alors, si on lui offre une solution où il peut dicter, parler, peut-être... Mais généralement le médecin préfère écrire, de son écriture très lisible que vous connaissez.

Notre conclusion: ne voyez pas l'inforoute comme une menace, c'est une opportunité et une solution. Il faut accepter que le développement de l'inforoute échappe aux longues analyses et demande une réaction rapide, et ça, c'est en tout temps. On n'est pas dans un contexte où on peut se permettre d'attendre. Il faut agir, quitte à se tromper, mais il faut être dans le mouvement et non pas à côté du mouvement. Il faut accroître et généraliser l'accessibilité, c'est la clé. Le rôle du gouvernement comme utilisateur modèle et précurseur sur l'inforoute – et nous sommes d'accord avec ce qui a été dit dans le document de consultation, nous insistons même là-dessus – il est vital. Il est vital compte tenu de l'importance du gouvernement dans l'économie et dans l'organisation sociale au Québec. Voilà, nous sommes prêts à répondre.

(11 h 30)

La Présidente (Mme Frulla): Merci, merci beaucoup. Comme le temps est restreint, je vais passer la parole au député de Vachon.

M. Payne: Il me fait plaisir de saluer les représentants du Centre de recherche en informatique de Montréal. Dans le cadre de votre mandat, vous contribuez d'une façon significative au développement de l'autoroute au Québec, financés, comme vous êtes, en bonne partie aussi par l'État.

Je voudrais attirer votre attention sur un des enjeux qui me tient à coeur: l'incidence du développement technologique de l'autoroute sur le travail. Vous dites que l'autoroute, à juste titre, aura un impact majeur sur la façon dont les organisations travaillent, entraînant ainsi une réorganisation des tâches, et vous parlez du télétravail. Je voudrais soumettre peut-être que ça me laisse un peu sur mon appétit. Vous dites que vous ne voulez pas trop entrer là-dedans, mais je suis sûr qu'à travers les années vous vous êtes penchés beaucoup là-dessus.

Comme point de référence, je voudrais vous rappeler les commentaires de Jean-Claude Perreault, lorsqu'il a signé le rapport dissident...

M. Manseau (Hubert): Oui, oui.

M. Payne: ...le rapport sur le défi de l'autoroute de l'information. Il avait même écrit à M. Axworthy, si je me souviens bien, demandant que cet aspect-là puisse être pris en considération d'une façon plus sérieuse, et ça a été refusé.

Peu importe, il n'y a pas un gouvernement au monde aujourd'hui qui peut passer à côté de cet enjeu significatif. Ma question – et je voudrais entretenir un bref échange avec vous – donc, c'est dans cet esprit-là. Je voudrais vous demander: Quelles sont vos recherches actuellement à l'égard de cette incidence de l'avancement de la technologie sur l'emploi et le chômage?

M. Manseau (Hubert): Le CRIM est un centre de recherche informatique dont l'orientation est beaucoup plus sur le développement d'outils informatiques et sur le transfert technologique dans nos entreprises, pour que ces entreprises-là utilisent des outils de pointe. Nous n'avons pas, dans notre mandat, de recherche sur la partie, si vous voulez, impact social. On peut peut-être tenter d'y répondre sur le plan professionnel, mais il y a un centre de recherche, qui est le CEFRIO, dont le mandat est beaucoup plus d'étudier les impacts sur les organisations de la pénétration de la technologie.

Nous, ce que nous pouvons vous en dire va refléter, à mon avis, là, peut-être plus les opinions de gens qui vivent là-dedans depuis des années et s'en préoccupent. Je pense que peut-être, Denis, tu pourrais donner quelques pistes de réflexion.

M. Poussart (Denis): Bon, les pistes de réflexion, c'est simplement que l'accès à la communication instantanée permet toutes sortes de nouvelles fonctionnalités dans le développement du travail. Il y a le cotravail, le codéveloppement, le codesign, toute la libération des frontières géographiques que permet la communication rapide, qui fait en sorte que c'est inéluctable que ce télétravail, ou ce cotravail, se développe. C'est une marche, c'est un développement qui est inéluctable.

Les conséquences sociales – Hubert, tout à l'heure, a évoqué le déplacement des centres de production, des centres de design, des centres administratifs – sont des conséquences très possibles. Et, là encore, le danger authentique, tout au moins à court terme, c'est celui de ne pas en être conscient et de ne pas participer à ces mouvements-là.

Si nous n'avons pas une position dynamique par rapport à ces changements technologiques, nous risquons d'en être beaucoup plus victimes. Autrement dit, la défense par rapport à ces changements, qui seront possiblement brutaux sur nos sociétés, cette défense, elle passe par une position non pas d'attaque, mais proactive de participation, parce que c'est visiblement un mouvement qui est tout à fait inéluctable et auquel aucune des sociétés occidentales n'échappera. Et c'est simplement en n'étant pas présent qu'on prend les plus grands risques.

M. Payne: L'émerveillement, on partage tous; donc, c'est un constat. Mais je vais aller plus loin que cela. Acceptant que vous ne vous soyez pas penchés beaucoup, jusqu'à ce moment-ci, sur cette incidence, avez-vous l'intention de le faire? Il y a une corrélation assez importante entre tout ce que je viens d'évoquer et une de vos affirmations. Vous dites: On a donc un problème de formation de la relève au Québec – un autre constat, on en est conscients, nous, comme législateurs – au niveau de l'informatique, sur lequel vous dites que le CRIM s'est penché et souhaite apporter sa contribution.

À mon avis, vous ne pouvez pas aborder cela sans que vous ayez une philosophie de base ou une recherche fondamentale qui puisse attaquer cette problématique-là. C'est-à-dire que vous ne pouvez pas regarder la question de la relève à moins que vous ne sachiez où vous allez mettre la relève et quelles sont les conséquences de l'introduction des nouvelles technologies sur la main-d'oeuvre. Ça, c'est des questions de fond auxquelles nous, comme législateurs et gouvernement, on fait face, et c'est une crise.

Donc, je veux dépasser les constats et les émerveillements et je veux attaquer le problème – et j'évoque modestement l'hypothèse que peut-être le CRIM, s'il ne l'a pas fait, aurait dû et aurait pu. Si, nous, comme gouvernement, on est «contributant» à votre financement, peut-être qu'on aurait intérêt à dialoguer davantage sur l'orientation du CRIM.

M. Manseau (Hubert): Écoutez, je vais préciser un certain nombre de petites choses. Oui, le gouvernement subventionne le CRIM à raison d'environ 25 % de son budget. Donc, le CRIM a une bonne partie de son opération qui s'autofinance.

Deuxième remarque: le CRIM a été mis sur pied pour développer les technologies de l'information et non pas pour s'interroger sur les impacts sociaux des technologies de l'information. Ça ne fait pas du tout partie de notre mission. Ça ne veut pas dire que, comme personnes humaines, nous n'y sommes pas sensibles; ça veut juste dire que notre principale préoccupation n'est pas orientée vers ça.

Ceci étant dit, j'aurais peut-être deux pistes à vous soumettre. La première nous vient de la globalisation des marchés et nous vient du fait qu'une bonne part de l'économie, une part grandissante de l'économie s'appuie sur les technologies de l'information, sur l'industrie de l'information, quelle qu'elle soit.

Quand je vous faisais ma remarque tantôt sur la chemise qui peut être «designée» à Paris, fabriquée à Taiwan et commercialisée par une autre entreprise, je m'appuyais également sur un phénomène qui est apporté par les technologies de l'information. Il est très facile de déplacer l'information sur les réseaux; les produits, moins. Il est très clair que, actuellement, si on regarde le monde comme un tout, il est moins cher, ça coûte moins cher de fabriquer dans certains pays que dans d'autres. Ça, c'est évident.

C'est clair qu'on a là un défi majeur devant nous, qu'on a deux choix par rapport à ce défi-là. On a un premier choix qui est de dire: On va faire comme les syndiqués de la GM, puis on va faire un coup de force, puis on va essayer d'obtenir encore une fois une dernière augmentation, une dernière protection. Je pense que cette démarche-là contient sa part de risques. Vous l'avez vu avec l'usine de Kenworth, située juste en face de l'usine de GM. Ce n'est pas quelque chose pour lequel, si vous voulez, il y a des solutions faciles. Vous le vivez vous-mêmes, vous êtes pris dans le dossier de la Kenworth. Donc, vous savez à quel point la globalisation peut faire mal.

Nous, ce que l'on vous dit, c'est que le principal «asset» du Québec, si on excepte le papier et certaines richesses naturelles, ce sont les cerveaux québécois. Là où on peut le plus apporter dans une économie aujourd'hui, c'est au niveau de l'information, du traitement de l'information, quel qu'il soit. Ce traitement-là, il peut être dans le domaine culturel, il peut être dans le domaine artistique – notre industrie culturelle est excessivement vigoureuse au Québec – il peut être dans le domaine des outils informatiques, il peut être dans le domaine des outils de télécommunications. Mais, si on ne travaille pas au niveau des cerveaux au Québec...

Écoutez, en toute honnêteté, au Québec, qu'est-ce qu'on a? On a un pays qui est très beau, mais qui est très froid. Veux veux pas, ça coûtera toujours plus cher de produire au Québec à cause des coûts d'énergie, sauf s'il s'agit de faire de l'aluminium, des choses comme ça. Il faut en tenir compte, de ça. Si on tient compte de ça, moi, je vous le dis, l'avenir du Québec face à cette situation-là passe par une reconnaissance de la globalisation des marchés, par une reconnaissance que l'avenir du Québec est de plus en plus dans l'éducation et dans la formation supérieure.

(11 h 40)

Et, quand on parle de formation de relève, oui, nous nous sommes posé cette question-là et c'est pour ça qu'on insiste: Nous pensons, et il y a des preuves, il y a de nombreuses preuves à l'appui, qu'une des rares industries dynamiques actuellement au Québec est l'industrie des technologies de l'information et les industries culturelles qui tournent autour des multimédias. Ces industries-là s'appuient sur des cerveaux, alors il faut qu'on ait des cerveaux.

Actuellement, quand on se préoccupe de la formation de la relève, au CRIM, nous sommes égoïstes, nous nous préoccupons surtout de la formation de la relève en informatique, et cela fait partie de notre mission; donc, ne soyez pas surpris qu'on le fasse. On le fait parce que, quelque part, quand le CRIM a été fondé, en 1984-1985, le gouvernement de l'époque – et ça a été réaffirmé plusieurs fois par les gouvernements successifs – constatait qu'il était très difficile, au Québec, de garder nos étudiants à l'université pour qu'ils aillent plus loin qu'un bac en informatique. En 1982-1983, souvent, les étudiants ne finissaient même pas leur bac, ils avaient déjà une job à 30 000 $ sur le marché. Les garder au niveau de la maîtrise, on ne savait pas comment.

Alors, on a demandé au CRIM: Pouvez-vous aider? Et nous essayons d'aider par tous les moyens. Ce que je vous dis aujourd'hui, c'est qu'encore maintenant nous avons un déficit majeur d'étudiants niveaux maîtrise et doctorat en informatique, en technologie de l'information et en télécommunications. Nortel le dit, la plupart des grands employeurs au Canada le disent. Actuellement, au CRIM, nous avons plus de 30 % de notre personnel de R & D qui est étranger, et ça ne va pas en diminuant. Nous manquons de ressources au Québec.

Alors, ce que nous vous disons, au niveau de la formation de la relève, c'est: Il faut à tout prix amener plus de jeunes à aller dans la direction, dans une des rares directions où il y a encore un marché et où il y a des choses intéressantes à faire. Et c'est urgent, parce que la globalisation des marchés, M. Payne, nous touche aussi en informatique. Et c'est pour ça que je vous disais qu'on était égoïstes. Actuellement, en Inde, à Bengalore, qui est une très jolie ville sur le plateau, donc où le climat est un peu plus agréable, cette ville-là s'est spécialisée dans le développement informatique à distance et dans les services à la clientèle à distance.

Alors, est-ce que ce que l'on veut, c'est laisser tous les centres, par exemple, les services de réponse téléphonique au Nouveau-Brunswick et en Inde? Est-ce qu'on veut que le développement informatique se fasse entièrement à forfait en Irlande, où ça coûte 20 000 $ à 25 000 $, un informaticien, contre 45 000 $ à 55 000 $ au Québec, mais contre 55 000 $ à 100 000 $ aux États-Unis? Est-ce qu'on veut que ça se fasse en Irlande? Est-ce qu'on veut que ça se fasse en Russie? Parce qu'ils ont commencé. Est-ce qu'on veut que ça se fasse en Inde?

Nous, notre propos, c'est qu'il faut qu'il y ait une industrie vigoureuse au Québec. C'est une des rares industries qui, aujourd'hui, apportent de l'eau au moulin. Merci.

La Présidente (Mme Frulla): M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Vous avez parfaitement raison, écoutez, je voyais ça, hier. Je vous recommande la lecture du numéro spécial de The Economist du 28 septembre, qui s'intitule «The survey of the world economy». Le titre de l'affaire, ça s'appelle – je ne vous passerai pas ma copie – «The Hitchhiker's Guide to Cybernomics».

Écoutez, la réponse à la question du député de Vachon, c'est clair, c'est marqué dans l'article si vous utilisez le concept «schumpetérien» de destruction créatrice, ce qu'on trouve, c'est que l'introduction de cette technologie, la mutation technologique, détruit les emplois, mais en crée des nouveaux. C'est tout. Alors, c'est très clair. Les «typists» disparaissent à une vitesse absolument vertigineuse, alors que les «home hell workers» augmentent à une autre... Bon. C'est ça, l'affaire.

Mais, moi, ce n'est pas ça qui est ma question. Ma question, c'est que vous avez dit qu'il fallait créer de la demande. Vous avez dit: Il faut s'investir là-dedans, puis il faut s'investir là-dedans vite. Puis vous avez dit: Il faut créer la demande. Mais, de grâce, là, ne recommencez pas avec la création de la demande, en disant: Il faut que l'État québécois soit le rôle modèle, enfin du genre... parce que, d'un autre côté, la question, c'est: Comment on va créer la demande? Parce que, jusqu'ici, vous savez qu'on n'a pas été très – comment dirais-je – on n'a pas réussi très fort là-dedans.

Par exemple, dans le domaine de l'informatique, quand j'étais président de l'Office, j'avais fait une étude là-dessus. On montrait, par exemple, que l'offre de software, l'offre de logiciels, était beaucoup plus élevée que la demande de logiciels. O.K. Il y a du produit, mais le consommateur, et en particulier le consommateur sophistiqué, aime mieux s'en aller vers la nouveauté en américain, que s'en aller vers le logiciel traduit en français, surtout s'il n'y a pas un synchronisme complet. Moi, je connais bien du monde qui ont acheté Windows 95 au moment où Windows a sorti parce qu'ils voulaient avoir Windows puis ils n'ont pas attendu que la traduction rebondisse, pour toutes les raisons qu'on connaît. Donc, c'est quoi, votre stratégie pour la création de la demande? Parce que ça, c'est vraiment un problème fondamental.

Il y a quelqu'un hier qui est venu témoigner ici, qui est un monsieur, un individu, un fonctionnaire, qui a eu une idée que je trouvais assez originale. Lui dit que le rôle de l'État là-dedans, ce serait d'essayer d'agir en priorité sur les attitudes de masse, c'est-à-dire essayer de convaincre le monde, disons, d'utiliser la technologie. Il y a certainement un problème au niveau des attitudes. Ça, c'est clair.

Mais la stratégie que vous nous proposez pour la création, la construction sociale de la demande, là, ça serait quoi, les éléments principaux?

M. Manseau (Hubert): Le premier élément, c'est l'accessibilité. Je vais vous donner une image. Je viens du Bas-du-Fleuve et je ne me rappelle pas, parce que je n'étais pas vivant à ce moment-là, mais il y avait quelque chose que l'on disait fréquemment par chez nous, c'était que la culture de la patate est devenue célèbre et populaire, puis on s'est mis à investir énormément dedans non pas parce qu'on était subventionné, mais parce que le train est arrivé. Et les détracteurs du train, avant qu'il arrive, c'était de dire: Bien, on ne pourra plus rien produire, le train va apporter tous les produits de l'étranger.

Alors, ce que l'on a fait en réaction, c'est qu'on s'est spécialisé, à cette époque-là, dans la culture de la pomme de terre et on a exporté partout. On a subi une des premières crises économiques après ça. Bon. C'est sûr, il a fallu s'ajuster et comprendre la nouvelle économie, mais je dirais que la clé, la première des clés, c'est l'accessibilité, et une accessibilité à des coûts suffisamment raisonnables pour qu'un peu M. Tout-le-Monde puisse devenir créateur.

Je vous l'ai dit en début de présentation, l'avantage de l'Internet, c'est que tout le monde peut devenir créateur à très bon compte. Et devenir créateur à très bon compte, si le problème de l'accessibilité est réglé, ça peut se faire à Chibougamau, à Chicoutimi, à Gaspé ou à Montréal, mais à une seule condition: c'est que le coût de l'accès soit relativement raisonnable et soit relativement égal où qu'il soit dans la province. Si vous situez la province par rapport au restant du monde, il ne faut pas qu'il soit non plus inégal par rapport aux États-Unis. Parce que c'est bien évident que, si ça coûte plus cher chez nous de le faire, on ne le fera pas.

Alors, moi, il m'apparaît que le premier élément de solution, c'est l'accessibilité. D'abord et avant tout l'accessibilité. Deuxième...

M. Laporte: Je vous interromps, là. Dans mon petit village à moi, à Saint-André-de-Kamouraska, l'accessibilité, ça veut dire qu'il faut que j'aie le câble qui rentre chez nous, parce qu'il rentre, mais il ne rentre pas chez mon voisin, à 300 pieds. Ça peut être ça, l'accessibilité.

M. Manseau (Hubert): Oui.

M. Laporte: Ça veut dire qu'il faut quoi? Pour brancher ce monde-là, il faut faire quoi de plus, en plus de leur donner l'accessibilité aux canaux physiques: le téléphone, le câble et ainsi de suite. Il faut faire quoi d'autre?

M. Manseau (Hubert): Il faut optimiser le réseau de distribution. On a actuellement – et là on va entrer dans des problèmes de réglementation avec les gens du fédéral, mais je pense qu'ils sont assez sensibles à ces éléments-là aussi... C'est clair qu'il va falloir optimiser les réseaux de distribution et essayer de trouver des solutions intelligentes, puis ce n'est pas simple. On peut supporter quatre, cinq concurrents à Montréal; je ne suis pas sûr qu'on peut en supporter en Gaspésie ou en Abitibi. Bon.

D'autre part, il y a quelques réseaux qui touchent l'ensemble de la province, à très haut débit, c'est au niveau de la distribution qu'on ne s'y rend pas. Mais, pour s'y rendre, il y a un paquet de problèmes qui sont, à mon avis, tout autant réglementaires que technologiques. Et là le gouvernement peut sans doute jouer un rôle. Nous le disons dans notre mémoire.

Le deuxième élément de réponse que je peux vous dire à ce niveau-là, c'est que, oui, le gouvernement peut quand même jouer un rôle. Si le gouvernement du Québec n'est pas un utilisateur modèle de la technologie, comment voulez-vous dans ces petites municipalités... Écoutez, si vous faites exception de Montréal et de Sherbrooke, qui sont les deux grandes villes à dominance industrielle polyvalente au Québec, vous avez des villes qui sont soit relativement monoindustrielles, soit carrément des villes où le gouvernement est le plus gros employeur.

Alors, écoutez, si vous ne donnez pas l'exemple à Rimouski, ou si vous ne le donnez pas à Gaspé, ou si vous ne le donnez pas à Chicoutimi, il n'y a pas grand monde, à part vous, qui peut le donner. Si, d'autre part, les gens du gouvernement du Québec – et je ne parle pas des députés, je parle des fonctionnaires – si eux-mêmes ne sont pas familiers avec la technologie, si eux-mêmes n'aiment pas cette technologie-là, ils vont être les premiers à dire non, ils vont être les premiers à ne pas l'utiliser. Or, ce sont des agents multiplicateurs.

Enfin, un dernier point. Le gouvernement constitue quand même une masse d'achat impressionnante. Il est clair que le gouvernement, lorsqu'il choisit de prendre une certaine orientation technologique, il aide l'entreprise québécoise. Vous avez aidé, dans les années soixante et soixante-dix, les firmes d'ingénierie québécoises à devenir des leaders mondiaux. Vous avez aidé, dans les années soixante-dix et quatre-vingt, les grandes firmes de conseil informatique à devenir des leaders mondiaux.

Vous n'avez pas fait l'équivalent pour l'entreprise du logiciel. J'étais moi-même très impliqué dans cette entreprise et je peux vous dire que ça, c'est manqué. Vous avez raison, les gens ont préféré acheter des produits américains, et je pourrais longuement vous dire ce que je pense que le gouvernement du Québec aurait dû faire à cette époque-là. Il est trop tard aujourd'hui, on ne reviendra pas là-dessus. Sur l'inforoute, vous pouvez faire un peu l'équivalent. Il y a toutes sortes de façons.

(11 h 50)

Peut-être aussi vous ramener sur un autre élément. Vous avez donné l'exemple d'un logiciel tout à l'heure. Il est évident que, pour une bonne partie de la population, le logiciel est un des éléments importants. Mais, pour la majeure partie de la population et la majeure partie de notre vie, ce n'est pas le logiciel qui est important, c'est le contenu. On passe pas mal plus de temps devant la télévision, pour la plupart d'entre nous, qu'à aller chercher un logiciel spécifique sur un ordinateur ou, en tout cas, globalement sur l'ensemble de la société.

Au niveau des contenus, le Québec a fait la preuve qu'il pouvait être très créateur et qu'il pouvait être très dynamique dans son industrie pour peu qu'il y ait un minimum d'outils pour qu'il facilite ça. Parmi les meilleurs outils qui ont été créés, il y a les sociétés en commandite, il y a les crédits fiscaux à la création de contenus. Vous avez proposé une mesure, du côté du multimédia, que je trouve excellente. Vous pouvez agir à ce niveau-là, mais considérez que le gros des contenus sur l'inforoute, ça ne sera plus le logiciel. Le logiciel, c'est un outil.

Les spécialistes comme nous, oubliez-nous. On va toujours acheter nos outils, on les achète de plus en plus directement sur l'Internet et on va les acheter dans la langue qui nous plaira bien. Ça ne pose pas un problème énorme, c'est notre spécialité. Mais les gens qui veulent des contenus et qui préfèrent écouter un film en français, désolé, ils vont l'acheter en français pour peu qu'on leur fournisse. Et, là aussi, je pense que vous pouvez intervenir. Mais c'est surtout au niveau des contenus qu'il y aura des interventions à faire.

M. Laporte: Je m'excuse, Mme la Présidente, mais vous voulez dire: Il faut vraiment prioriser le soutien financier aux producteurs de contenu par opposition aux producteurs de logiciels ou...

M. Manseau (Hubert): Je n'ai pas dit qu'il n'y avait pas...

M. Laporte: Ça serait quoi, une firme en particulier à laquelle vous pensez, au Québec, qui tomberait dans ce créneau-là? Ça serait laquelle, ça?

M. Manseau (Hubert): Toutes les firmes qui, actuellement...

M. Laporte: Je ne vous demande pas de faire de la propagande.

M. Manseau (Hubert): ...ont commencé à publier sur CD-ROM et qui commencent à regarder la publication sur l'Internet sont des candidats susceptibles de vous faire des propositions. Maintenant, l'industrie du contenu sur l'inforoute est très jeune. L'inforoute n'est pas mature, n'oubliez pas ça. On ne parle pas encore de diffuser des films sur l'inforoute. Le jour où ça sera fait, je pense qu'on aura bouclé la boucle. Il nous reste quelques étapes à franchir d'ici là sur le plan technologique. Il faut les prévoir. Aujourd'hui, le principal véhicule des documents multimédia, ce n'est pas encore l'inforoute, c'est le CD-ROM. L'inforoute a encore trop de contraintes de vitesse, etc. Mais ça ne veut pas dire que ça ne s'en vient pas, et il y a sûrement des choses intéressantes qui se font déjà. As-tu quelque chose à ajouter?

M. Poussart (Denis): Peut-être ajouter dans les autres facteurs. On revient peut-être rapidement sur l'éducation comme générateur de besoins et de changement d'attitude que vous avez justement signalé tout à l'heure; c'est la clé. Et on peut anticiper des retombées énormes en termes de changement d'attitude, de changement de façons de faire les choses en permettant à nos enfants de s'initier et de bénéficier de ces technologies au niveau scolaire.

J'aimerais juste rajouter, en regard avec le problème des investissements dans les écoles, le fait qu'on a là, peut-être, l'occasion de... Bon, on a souvent signalé le retard du Québec dans la pénétration de l'informatique scolaire par rapport à nos concurrents des autres provinces, par exemple. Ce qui est assez intéressant, c'est que, dans le domaine technologique, on peut assez souvent utiliser un retard comme un avantage: on ne rattrape pas les concurrents en reprenant les mêmes chemins.

Il y a actuellement des technologies extrêmement porteuses qui sont justement issues de cette fusion télécommunications-informatique, des nouvelles architectures beaucoup plus légères, qui promettent des coûts d'entretien très, très réduits, et ça peut être une occasion pour le Québec en les prototypant, en les examinant sérieusement, de peut-être faire un bond en avant et de rattraper, dans une certaine mesure, les choses, tout ce qui gravite actuellement autour de ce qu'on appelle le «Network Computer», l'ordinateur de réseau.

M. Payne: Dans les écoles...

La Présidente (Mme Frulla): C'est parce que je veux passer la parole...

M. Payne: Non, c'est juste...

La Présidente (Mme Frulla): Oui, c'est ça. Puis, après ça, à la députée de Sherbrooke.

M. Payne: Dans les écoles, peux-tu me donner un exemple de ça?

M. Poussart (Denis): Bien, ce genre d'équipement, dont les coûts d'entretien et de maintenance vont certainement être très réduits par rapport aux équipements de base des micro-ordinateurs conventionnels qu'on connaît aujourd'hui, serait sûrement une voie à explorer très, très sérieusement dans le déploiement qu'on s'apprête à faire.

La Présidente (Mme Frulla): Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Bonjour, messieurs. Je vous remercie, d'abord, d'avoir fait l'effort de nous faire des commentaires très, très reliés à notre questionnement de départ; je pense que c'est beaucoup plus facile et intéressant à suivre.

Moi, j'aimerais vous demander, parce que vous n'avez pas pu le faire beaucoup dans le peu de temps de présentation que vous aviez, de reprendre un peu le rôle que vous pourriez avoir, le type d'aide que vous pourriez nous apporter. Vous avez évoqué votre expertise en réseautage, dans votre texte. Vous avez évoqué des choses, d'ailleurs, que je ne comprends pas tout à fait, parce que je ne suis pas assez familière avec, par exemple, la question du prototypage, mais vous avez évoqué également une question qui touche au secteur de la langue, la francoroute, j'imagine. J'aimerais donc avoir un peu un petit résumé, juste en quelques minutes, du type de contribution que vous pourriez avoir et, entre autres, sur ces éléments que j'évoquais rapidement.

M. Manseau (Hubert): D'accord. Quand on parle de réseautage, le CRIM, je vous l'ai dit d'entrée de jeu, est né littéralement en créant un premier maillon de l'Internet, avec la technologie de l'époque. Nous avons une expertise, une somme d'expertise, en mise en réseau de type Internet, qui est relativement unique au Québec. Et je pense que, jusqu'à aujourd'hui, nous demeurons probablement le principal foyer d'expertise, même en nous comparant avec certains grands fabricants.

Une des raisons de cela, c'est que nous opérons le réseau interordinateurs scientifique québécois de concert avec les principales universités, et ça nous donne, si vous voulez, un bassin d'expertise, quand on a besoin de travailler avec nos collègues universitaires, qui – je ne veux pas nous vanter, là – dépasse souvent celui des producteurs et des distributeurs, qu'ils soient câblos ou telcos. De fait, nous avons aidé Québec-Téléphone à installer son premier site; nous avons fait la même chose pour Cogeco; nous avons collaboré avec Vidéotron; nous faisons beaucoup de choses avec Bell. Alors, je pense que notre réputation n'est plus à faire de ce côté-là.

On a un avantage majeur, non seulement au niveau de l'expertise, pour vous: c'est qu'on se positionne quand même comme entreprise neutre. Nous sommes toujours un organisme sans but lucratif. Lorsque vous risquez d'avoir besoin d'un avis sur, par exemple, quelle serait la meilleure façon de concevoir un réseau provincial qui optimiserait certaines choses, en naviguant à l'intérieur de la réglementation, en permettant d'asseoir à la fois des gens de Bell et de Vidéotron autour d'une table, je peux vous dire qu'il y a peu de gens, dans la province, capables de le faire. Nous le sommes à cause de notre expertise qui est respectée.

Sur le plan de la formation, le CRIM fait beaucoup de formation en haute technologie. Nous avons été parmi les premiers à faire de la formation à l'Internet. On fait de moins en moins de formation d'introduction à l'Internet; on considère que maintenant beaucoup de gens peuvent le faire: les collèges le font, etc. On les encourage et on les aide. Le CRIM se positionne toujours comme formateur de formateurs, comme formateur d'informaticiens. Vous avez beaucoup de gens au gouvernement qui devront s'impliquer davantage dans cela. Nous pouvons vous aider dans leur formation.

Au niveau des outils, on parle de francoroute, le CRIM a développé un certain nombre d'outils de navigation sur l'Internet. La francoroute, essentiellement, est un outil que nous avons conçu pour essayer de permettre à quelqu'un qui ne veut travailler qu'en français sur l'Internet d'avoir accès à l'ensemble de l'univers de l'information en français, l'ensemble de l'information qui existe en français.

On a un robot qui se promène sur l'ensemble de l'Internet et qui identifie tous les sites qui sont en français. Et ça, ce n'est pas juste en regardant le nom des domaines, parce qu'il y a d'excellents sites français aux États-Unis. Ce n'est pas juste en regardant s'il y a une étiquette qui dit que c'est en français, parce que le texte peut contenir autant d'anglais. Il faut analyser le texte. Alors, nous avons un produit qui analyse le texte et qui nous dit: Oui, ce site-là est au moins à 80 % en français.

Mme Malavoy: Qui a accès à ça, la francoroute?

M. Manseau (Hubert): C'est un produit qui est encore à l'état de prototype. Il devrait être mis en ondes officiellement en novembre, mais toujours à l'état de... Je vous dirais qu'on sera rendu à ce qu'on appelle une version bêta, dans notre jargon d'informaticiens, là, quelque chose qui sera mis en ondes sur l'Internet pour fins d'évaluation par les utilisateurs.

Nous prévoyons... D'ailleurs, là, je suis un peu gêné de vous le dire, mais nous sommes en demande au FAI pour avoir un coup de main, pour amener le produit à un stade complètement opérationnel. Actuellement, à titre d'exemple, ça fonctionne sur un ordinateur interne du CRIM. Il est évident que, si on le met en ondes et que si on ne le met pas un jour sur un ordinateur de production, s'il y a un ordinateur qui crashe, qui tombe en panne, la panne va durer, alors que, si on se dirige vers un service professionnel, il faudra éviter ce genre de chose.

(12 heures)

Alors, on a fait ce projet-là en collaboration, entre autres, avec l'AUPELF-UREF, en France. Ce genre de produit là... Comme nous sommes impliqués dans un projet, qui va peut-être voir le jour, de traduction automatique de l'anglais vers le français, avec un partenaire industriel, nous vous invitons, si vous avez un mot à dire, à encourager ce partenaire industriel, qui est Machina Sapiens. Et on fait aussi des choses avec Alis technologies. Donc, en bref, on est impliqué dans beaucoup de développements techniques pour amener ou faciliter le travail des francophones sur l'Internet. Et ce qu'on fait avec FrancoRoute incidemment a des caractéristiques que les outils anglophones n'ont pas. Et on pense aussi qu'un jour ça pourrait être intéressant sur le marché anglophone.

Enfin, un dernier point: le prototypage. Quand on commence à introduire les technologies, ce qu'on appelle l'intranet, c'est-à-dire l'utilisation de l'Internet à l'intérieur d'une entreprise pour faciliter l'accès à ses outils d'information, ça facilite énormément le travail dans une grande organisation. Le gouvernement va sûrement déployer des intranets – c'est déjà commencé, mais à très petite échelle. Mais ça va avoir un impact sur le travail – je suis désolé que M. Payne ne soit plus là – qui va être majeur. Pour évaluer ça, vous pouvez compter sur l'aide de personnes comme les gens du CEFRIO, qui sont habitués à faire ça. Mais vous ne pourrez pas le faire sans d'abord faire des prototypes de produits que les gens vont utiliser, et voir un peu ce que ça donne. On ne peut pas parler d'Internet ou d'intranet juste au tableau, il faut asseoir les gens devant un appareil puis leur faire essayer. Tant que ça n'est pas fait, il y a toujours quelque chose qui ne passe pas dans le message.

D'ailleurs, c'est une invitation que je vous fais à tous. Nous avons reçu plusieurs députés et plusieurs ministres, tant provinciaux que fédéraux, au CRIM. À chaque fois que ça nous a été demandé, ça nous a fait plaisir de leur donner une introduction, de les mettre dans une situation confortable où ils pouvaient naviguer sur l'Internet et s'amuser – parce que c'est amusant – et de les faire cheminer là-dessus, parce qu'on pense que c'est fondamental. Le changement va venir si vous vous impliquez vous-mêmes, si vous l'utilisez puis si vous avez du plaisir à l'utiliser. Et, si vous n'avez pas de plaisir, c'est parce qu'on vous a mal formés et qu'on vous a mal équipés. À ce moment là, venez chez nous. Je vous jure qu'on va le faire correctement.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Malavoy: Belle invitation. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Frulla): M. le député de Taschereau?

M. Gaulin: Non, non, ça va. J'avais demandé ça pour la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Vous prenez soin de moi.

La Présidente (Mme Frulla): Moi, je voudrais juste ajouter une petite question, si vous me permettez, deux minutes, parce qu'il faut terminer. On parle de partenaires et de travailler beaucoup en partenariat. Il y a évidemment certains partenaires, au fur et à mesure de nos consultations, qui sont venus nous voir, autant Bell, qui a fait sa présentation, que Vidéotron, etc., et qui sont prêts à travailler directement, que ce soit avec les bibliothèques, puis tout ça. Il y a aussi AT&T qui est venu et qui est prêt à travailler avec les bibliothèques. AT&T disait que c'était une déréglementation inévitable: Laissez aller le marché. C'est ça. Qu'est-ce que vous en pensez de ça? Autrement dit: Le gouvernement, aidez le contenu puis allez-vous-en du reste, c'est le marché lui-même et le consommateur qui vont finalement déterminer leurs besoins, etc. – donc, le développement aussi des infrastructures, tout rentrait là-dedans. – et vous, le gouvernement, aidez le développement du contenu, point final, et laissez faire la réglementation.

M. Manseau (Hubert): Je vais vous dire juste un petit bout sur la partie réglementaire et ensuite inviter mon collègue Bernard Turcotte, qui a travaillé à ce genre de maillage là et qui connaît tous ces intervenants-là, à vous donner son avis. Le seul petit point que je fais valoir est le suivant. La géographie canadienne et québécoise est une géographie où on a un cordon ombilical sur le sud et puis, vers le nord, ça devient complètement dispersé. C'est totalement différent du contexte américain, et les Américains ont tendance à l'ignorer. On ne peut pas décemment penser qu'il y aura trois ou quatre compétiteurs qui vont rentrer à Gaspé avec chacun une inforoute au complet; ça ne se peut pas. Il est clair que, sur le régional...

Encore aujourd'hui, essayez d'obtenir des liens à haute vitesse sur Rouyn-Noranda. Passer par Télébec, c'est l'enfer. Pourquoi Télébec existe? Vous le savez, vous étiez dans le domaine, dans le temps. Dans le temps qu'il y avait une réglementation provinciale, c'était intéressant. Pourquoi est-ce que ça existe encore, Télébec? Mon opinion personnelle, c'est que ça n'a plus rien à voir. Aujourd'hui, c'est indécent d'être obligé de payer une fortune pour connecter correctement les gens de l'Abitibi au restant de la province. Et ça, ça devrait être réglé. Et ça, vous ne le règlerez pas, à mon avis, uniquement en jouant sur la compétition. Si vous jouez sur la compétition, il faudra être habile. Alors c'est le seul point que je voulais faire valoir, ce n'est pas évident d'amener... Moi, je viens d'un petit village qui avait 850 habitants. Ce n'est pas vrai que vous allez amener AT&T, Bell puis Vidéotron dans le village. Bernard.

M. Turcotte (Bernard): Bonjour. Merci. En fait, c'est la question de la compétition. D'habitude, quand on parle des grands fournisseurs, ils sont extrêmement intéressés aux marchés qui sont les plus lucratifs. Mais je pense que le défi que le gouvernement doit regarder, c'est sa présence sur tout son territoire. Et ça, ça présente un vrai problème. Comme nous le disait mon collègue, M. Manseau, présentement, au risque qu'on s'occupe d'aller brancher des régions qui ne sont pas si facilement branchables... On a une demande sur la table présentement pour Chapais puis on est obligé de vraiment rentrer notre technologie à la compagnie de téléphone pour être capable d'effectuer certains branchements. Je pense que ça souligne certains problèmes importants.

Dans ce contexte-là, il faut faire attention, quand on fait des alliances avec ces gens-là, qu'elles soient porteuses pour toute la communauté du Québec et pas seulement dire qu'on va se ramasser avec des îlots où les gens vont être super bien servis au détriment d'autres régions qui auront peu ou pas de services. Ça fait que, ce qu'on disait quand on parlait d'opportunité d'emplois potentiels d'information et de formation, ça peut seulement se réaliser, comme on le disait au début, s'il y a un branchement qui est possible. Ça, c'est la base.

Moi, je branche des gens à l'Internet depuis plus de 10 ans. J'ai vécu le développement d'Internet, je l'ai vécu au Canada, des sociétés qui ont aidé pour le développement d'applications sur l'Internet telles que CANARIE. Mais tout ça, ça passe par un branchement initial. Et, dans des régions un petit peu plus éloignées, même si les gens sont prêts à s'équiper, même si le coût d'un ordinateur est passablement semblable à celui des grandes métropoles, le coût d'un coup de téléphone interurbain pour se brancher à un serveur qui pourrait leur fournir une connectivité minimale – et ce n'est pas évident quand on parle de certains des liens ou on parle de technologies dans des offices centraux de télécommunicateurs qui sont de plus de 40 ans – ça devient très dispendieux pour un individu, une compagnie, une institution du gouvernement, une commission scolaire. Alors ça, c'est peut-être juste la perspective...

Les gens, je pense, je dirais nos grands télécommunicateurs qui sont intéressés à faire des choses, peuvent apporter des choses. Et il faut travailler de concert, il faut les encourager à travailler de concert. Comme on le disait, il y a certains endroits où ça va être impossible de supporter une compétition forte – peut-être une compétition double dans certains cas, peut-être pas dans d'autres. Il faut travailler tout le monde ensemble, mais d'une façon logique pour l'ensemble du peuple.

La Présidente (Mme Frulla): Merci beaucoup. Merci. Merci beaucoup encore. Et je demande maintenant à Mme Dumont de venir nous rejoindre.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Bonjour, Mme Dumont. Je vous souhaite la bienvenue.


Mme Monique Dumont

Mme Dumont (Monique): Merci beaucoup.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): À cause de l'horaire un peu chargé et d'inconvénients incontrôlables, nous aurions jusqu'à 12 h 30. Ça vous donne 20 minutes pour faire la présentation de votre mémoire.

Mme Dumont (Monique): Oui.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): On vous écoute.

Mme Dumont (Monique): D'abord, je voulais vous remercier, Mme la députée et MM. les députés, de m'accueillir ici, simple citoyenne. Je n'ai pas l'intention de vous relire mon mémoire. Il a trois pages. Donc, sachant fort bien que les gens ont peu de temps pour lire, et comme nous ne sommes point le président Reagan, à lire sur une fiche 3 X 5, j'ose espérer que les trois pages n'ont pas été trop longues.

Alors, j'aimerais simplement mettre l'accent sur certains points. J'oeuvre dans le domaine de l'information, information documentaire et veille stratégique, depuis plus de 15 ans. Et je dois dire que, malheureusement, le Québec, à l'aube de la société de l'information, a encore manqué le bateau et est encore en train de le manquer.

(12 h 10)

Je ne sais pas si vous avez déjà essayé de repérer une thèse universitaire faite au Québec, que ce soit à l'Université Laval ou à l'Université de Montréal. Je ne sais pas si vous avez déjà essayé de repérer un texte d'une conférence d'un de nos chercheurs ou d'un de nos gens d'affaires. J'aimerais savoir si vous avez déjà essayé de repérer ce qui se passait à Gaspé ou à Chicoutimi en matière de gestion des déchets. Autrement dit, ce que je veux dire, c'est qu'on est complètement sous-informé et colonisé. Alors que le plus petit journal américain de Saint-Clinclin se retrouve sur un serveur de banque de données, ici, au Québec, on n'est même pas foutu d'avoir les journaux qui sont accessibles.

Il y a l'expérience de CEDROM-SNi qui, depuis peut-être quelques années, rend disponible un certain nombre de banques de données, entre autres sur Internet, mais il n'y a absolument rien. Le Journal de Montréal et le Journal de Québec sont sur Internet depuis très peu, ils n'ont même pas un site d'archivage. Ça veut dire que le journal n'est même pas disponible en interrogation sur une base historique.

Autrement dit, en termes de banques de données, on est absolument démuni. Et Internet pourrait peut-être contribuer à, si on veut, nous faire entrer enfin dans la société de l'information. Pourquoi? Parce que c'est accessible et parce que de plus en plus de gens vont s'y brancher. Sauf qu'il y a un certain nombre de handicaps. Le premier handicap, c'est certainement le fait que les gens n'ont pas d'incitatifs, enfin considèrent encore que c'est très coûteux de s'installer sur Internet.

Avant de venir à cette commission, j'ai parlé à un certain nombre de publications – vous savez qu'il y a plus de 12 000 publications au Québec qui traitent d'à peu près tous les sujets – et j'ai essayé de voir lesquelles avaient vraiment des projets pour s'installer sur Internet: très peu. Ce sont souvent des périodiques, des magazines, des publications qui ne sont absolument pas repérés, par aucun outil, aucun index. Alors, moi, je suis plus à même de savoir ce qui se passe à Los Angeles que ce qui se passe à Gaspé. Je trouve ça totalement incompréhensible.

Le gouvernement finance actuellement des centres de veille stratégique dans divers secteurs industriels, des centres de veille qui ont des impératifs d'autofinancement et qui ne sont même pas capables de vendre un produit d'information à sa juste valeur – je ne parle même pas de faire un profit, là – aux industriels parce que ceux-ci ne sont pas sensibilisés aux coûts de l'information. Le gouvernement produit de l'information à tour de bras à travers tous ses ministères, financée par l'ensemble des contribuables, et c'est très peu accessible, ni sous forme de banque de données ni sur Internet. Alors, je pense qu'il y a un sérieux problème et que vous, du gouvernement, devriez en être conscients. Une société qui n'a pas accès à sa production intellectuelle ou économique a un sérieux problème.

Et Internet, dans ce sens-là, peut offrir des solutions, en tout cas un certain type de solutions, d'abord en permettant de placer un maximum d'informations accessibles à un maximum de gens. Deuxièmement, s'il y a un leadership du gouvernement, on pourrait très certainement concevoir que l'information gouvernementale puisse être plus facilement accessible. On a juste à comparer le site de la Bibliothèque nationale du Québec – qui est fort bien fait, en passant – avec celui de la Library of Congress aux États-Unis. Vous me direz que les États-Unis, c'est 250 000 000, et nous, c'est 7 000 000. Ce n'est pas une excuse, je m'excuse. Alors, à partir de ce moment-là... Le site de la Library of Congress donne accès à la totalité de la collection numérisée, au moins au fichier, et donne accès en hyperlien au site du Sénat, de la Chambre des Représentants, où on a, en plein texte, l'ensemble des législations et des réglementations. Ce n'est qu'un exemple. Et on pourrait comparer comme ça les différents ministères américains avec les différents ministères ici, où on a souvent des informations de type tout à fait superficiel, où vraiment la production des ministères, en termes d'information, n'est strictement pas accessible.

Alors, je pense qu'il y a un leadership à exercer à ce niveau-là, un leadership pour inciter les gens justement et les industries, peut-être un leadership évidemment en termes de concept et d'invitation, mais aussi de financement, peut-être pas de financement direct, bien que les producteurs d'information puissent avoir besoin de financement direct pour, entre autres, implanter des produits à valeur ajoutée. Ce qu'on entend par «valeur ajoutée», c'est autre chose que de simplement mettre un titre d'article avec une référence et puis un plein texte. Ça veut dire des outils de recherche, ça veut dire la capacité de faire des liens, ça veut dire la capacité de pouvoir utiliser cette information-là de façon stratégique.

Et secundo en offrant peut-être une fiscalité qui soit payante et qui fasse que les gens qui mettent sur Internet des produits ou des services puissent avoir une certaine compensation fiscale. Dans les budgets des bibliothèques, des musées, des universités, il devrait y avoir une portion – je sais qu'on est en période de restrictions budgétaires, mais il y a toujours moyen de prioriser – de ce budget-là qui soit consacrée à la production et à la diffusion d'information pour l'ensemble de la collectivité. Et les organismes gouvernementaux devraient être obligés d'aller dans ce sens-là. Alors, c'est à peu près le sens de mon mémoire. Voilà, je suis ouverte à vos questions.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci, madame. Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Bonjour, madame. Merci, tout d'abord, de faire l'effort de venir nous voir. Je pense que c'est intéressant et important qu'il y ait des citoyennes qui viennent nous dire aussi leur façon de penser. J'aimerais que vous développiez un aspect qui est dans vos trois pages, qui est celui de Communication-Québec. Vous lui donnez un rôle qui pourrait être un rôle assez majeur. En même temps, vous dites que vous concevez bien que ça serait...

Mme Dumont (Monique): Une révolution.

Mme Malavoy: ...une petite révolution, au moins...

Mme Dumont (Monique): Tout à fait.

Mme Malavoy: ...petite, même peut-être plus que petite. J'aimerais vous entendre, donc, sur votre façon de voir ce nouveau rôle de Communication-Québec. Selon vous, qu'est-ce que ça supposerait et à quoi ça nous conduirait?

Mme Dumont (Monique): Oui. Actuellement, Les Publications du Québec et Communication-Québec – je ne ferai pas la distinction entre les deux entités – sont à la fois un éditeur et un diffuseur de publications gouvernementales. Si vous allez dans les librairies, alors on publie à peu près de tout, c'est-à-dire des livres d'architecture aux livres de cuisine, en passant par les guides de plantes du Québec. On diffuse aussi les publications de l'Éditeur officiel du Québec. On publie à l'occasion, pas tout le temps parce que les ministères ont aussi leur propre système de publication, mais enfin on rend publics un certain nombre d'études ou de documents gouvernementaux pour vendre à la population.

Le problème, c'est que le mandat des Publications du Québec ne recouvre pas l'ensemble des activités gouvernementales, en termes d'édition. Si, moi, je veux avoir une étude du ministère de l'Industrie et du Commerce, par exemple, sur l'agroalimentaire, il faut que j'aille au ministère de l'Industrie et du Commerce et puis que j'appelle; la même chose pour le MAPAQ. Si je veux avoir quelque chose du ministère de l'Industrie et du Commerce qui n'est pas publié sous forme d'édition – parce que Les Publications du Québec, c'est surtout ça – Les Publications du Québec n'ont aucun rôle. Alors, moi, ce que je trouverais intéressant, une suggestion, ce serait de donner un rôle de leadership aux Publications du Québec. C'est-à-dire que les ministères se voient retirer la diffusion de leurs publications et que ce soit complètement assumé par Les Publications du Québec.

Maintenant, avant de faire ça, il va falloir – le mot est à la mode – une réingénierie des Publications du Québec. Je ne suis pas sûre que le mandat des Publications du Québec soit vraiment d'éditer des livres de recettes. Je pense que ça serait beaucoup plus important qu'elles puissent être au service de l'ensemble de la fonction publication des ministères. Et, à ce moment-là, Les Publications du Québec pourrait même devenir ce qu'on appelle en anglais un «clearinghouse», c'est-à-dire un endroit où on pourrait peut-être même intégrer un certain nombre de banques de données qui pourraient être accessibles, alors devenir à la fois un producteur d'information gouvernementale.

Je ne me fais aucune illusion, c'est pour ça que je dis que c'est une révolution, parce que ça veut dire que les fonctions d'édition et de publication dans les différents ministères devraient être rapatriées en partie à cette nouvelle société là qui, en passant, pourrait intégrer un «clearinghouse» pour les thèses, par exemple, ou un «clearinghouse» pour les études économiques, ou un «clearinghouse» pour un ensemble de produits ou de banques de données, d'information. En réalité, ce qu'il faut faire, c'est rendre accessible... Bien là, je veux distinguer, peut-être, l'information produite par l'Éditeur officiel du Québec, qui est une information plus de caractère législatif et réglementaire – bien que Les Publications du Québec diffusent les tirés à part des lois et des règlements... Puis là il faudra voir comment tout ça pourrait s'amarrer. Mais il est clair qu'il y a là, à mon avis, un rôle qui pourrait être rendu par Les Publications du Québec, s'il y a une redéfinition du mandat, donc producteur et aussi diffuseur de l'information gouvernementale.

(12 h 20)

Mme Malavoy: Est-ce que je peux poser une deuxième question? Tout ça évidemment, ça coûte de l'argent. Vous l'évoquez d'ailleurs rapidement, vous l'avez dit. Et vous dites aussi: Il y a des choix à faire. C'est vrai. Le problème, c'est qu'on dit ça pour à peu près tous les choix que nous avons à faire. Est-ce que l'approche que vous avez, selon vous, nécessite obligatoirement beaucoup de nouvelles ressources ou est-ce qu'il y a moyen de mieux utiliser des ressources existantes, de les transformer, de réallouer, par exemple, des ressources?

Mme Dumont (Monique): Ce qui coûte cher, c'est l'absence de synergie entre les activités, autrement dit, quand 10 ministères font la même chose de façon différente. Et ce ne sont pas tous les ministères qui ont des réseaux de distribution ou qui ont des réseaux de... Il y a énormément d'études qui se font qui restent sur les tablettes, qui ne sont absolument pas diffusées. Il y a énormément, donc, actuellement de ressources dans tous les ministères pour faire du travail de production d'information, entre guillemets. Je pense que la révolution... Et, lorsque je parlais de révolution, c'était finalement de convaincre les ministères de se dégager de ces fonctions-là et, à ce moment-là, de rapatrier les ressources au niveau d'une nouvelle société Publications du Québec qui pourrait leur rendre le service. Alors, il n'y aura pas de nouvelles ressources, simplement un remaniement des ressources.

En plus, avec peut-être moins de ressources, étant donné qu'elles seront mieux utilisées, plus coordonnées, je pense qu'on pourrait très certainement arriver à une meilleure efficacité. Alors, je ne vois pas de sommes additionnelles. Et le recours à la fiscalité peut peut-être, si on veut, réduire quelque peu l'argent que recevrait le gouvernement, par exemple, en matière d'impôts des entreprises ou des organismes, mais je pense que ça serait mineur, surtout s'il se crée une véritable industrie de l'information au Québec, qui pourrait alors avoir des retombées économiques certaines.

Alors, quand un homme d'affaires hésite à payer 10 $ pour une veille stratégique qui lui parvient à tous les mois, 12 $ par année, et puis qu'il trouve que c'est cher, je pense qu'il y a un problème, un problème sérieux. Aucun des centres de veille que vous financez actuellement ne sera autonome financièrement s'il n'y a pas un changement de mentalité et s'il n'y a pas un leadership gouvernemental pour ce qui est du traitement de la diffusion de l'information. Ça, je peux vous le garantir. D'ailleurs, je ne sais pas si les gens du CRIQ sont venus vous en parler, ou ceux des centres de veille en matière d'aluminium, ou en matière de plastique, etc., mais je peux vous garantir qu'aucun de ces centres-là ne réussira à s'autofinancer, puis vous aurez mis de l'argent dans ça pour rien, parce que ça aura été mettre la charrue avant les boeufs.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. le député de Champlain.

M. Beaumier: Moi aussi, je voudrais vous remercier, Mme Dumont, de venir nous voir. Vous nous parlez d'une façon très simple, très concrète aussi. Vous avez fait allusion tantôt au fait qu'il y avait à peu près 12 000 publications. J'imagine que c'est des quotidiens, des hebdomadaires et des revues, etc.

Mme Dumont (Monique): De tout.

M. Beaumier: Moi, ce qui m'intéresserait, c'est la question des journaux. Prenons juste la question des journaux. Est-ce que j'ai compris que vous aviez fait des démarches auprès des journaux notamment ou...

Mme Dumont (Monique): Oui. Moi, j'ai fait...

M. Beaumier: Et c'est quoi, votre tour de piste? Dites-nous donc ce que vous avez fait puis c'est quoi, ce que vous en retirez?

Mme Dumont (Monique): Oui. Alors, ce que j'ai fait, c'est que j'ai choisi un certain nombre de publications, souvent non repérées, via... Bien, il y a certaines publications qui sont repérées via Repères , mais ce n'est qu'une information bibliographique et puis c'est très en retard. Je veux dire, on ne peut absolument pas se fier sur ça pour faire une recherche, au Québec, en matière de contenu. C'est une base, mais, je veux dire, c'est comme 10 % de ce qui se fait. Alors, ce que j'ai fait, c'est que j'ai appelé un certain nombre de publications dans différents secteurs, que ce soit en économie, que ce soit en agro-alimentaire, que ce soit en technologie de l'information, dans plein de domaines. J'ai aussi appelé des hebdos régionaux, qui sont souvent des filiales de deux grands groupes, comme vous savez, Quebecor et Groupe Transcontinental. Je leur ai demandé ce qu'ils attendaient pour se mettre sur l'Internet. Ils ne savent pas. O.K., ils ne savent pas. Alors, j'ai dit: Écoutez, quelqu'un qui est citoyen puis qui veut avoir La Tribune , par exemple, ou qui veut avoir – je ne sais pas, moi – un hebdo de Chicoutimi ou même... Le Soleil est accessible sur CD-ROM, encore là, en partie. Alors, non. Puis ils se demandent s'il y a un marché, ils se demandent s'il y a un besoin, ils se demandent si les gens veulent vraiment ça. Mais, je veux dire, s'il n'y a pas d'offre, à partir de ce moment-là, on ne sait pas si les gens n'en veulent pas. On peut bien dire: Bien, non, on n'utilisera jamais ça. Mais il faut être vraiment, à un moment donné, conscient de l'importance de l'information, de ce qui se fait ici, de ce qui se produit ici, des gens qui font des choses, pour se rendre compte que, si on ne l'offre pas, alors c'est sûr qu'il n'y aura personne qui va y aller.

Alors, moi, ce que j'ai fait, c'est que j'ai fait un tour d'horizon, et tous m'ont répondu: Un, on n'est pas au courant des technologies qui nous permettraient d'aller de façon rentable sur l'Internet... Je n'ai même pas parlé banques de données et serveurs parce qu'il n'y en a pas, de serveurs, au Québec. Qui est familier avec le secteur des banques de données? Il n'y a pas un équivalent de Dialogue, par exemple, ou de Questel. Ici, au Québec, il y a eu une tentative avec Informatech France-Québec – vous n'étiez peut-être pas dans les dossiers à ce moment-là – puis ça a foiré totalement pour toutes sortes de raisons. Bon, ça ne sert à rien d'en parler. Donc, je ne parle même pas de banques de données, là. Je parle d'Internet, ce qui est une façon simplifiée d'accéder à l'information. Donc, ils ne connaissent pas la technologie, ils ont peur des coûts, ils ne savent pas qui va aller sur ça puis ils ne savent surtout pas s'ils vont pouvoir tarifer puis combien.

À partir de ce moment-là, surtout les plus petites publications sont encore dans une situation pire, parce qu'elles ne peuvent même pas s'octroyer le bénéfice, disons, d'un 1 000 $, ou d'un 2 000 $, ou d'un 5 000 $, souvent. Quant aux grands journaux et aux grands magazines, ils s'interrogent. Ils ne veulent pas qu'Internet fasse concurrence à leurs publications papier. Bon, il y a plein de considérations qui entrent comme ça...

Sauf qu'à un moment donné il va falloir se rendre compte que cette information-là se perd. Elle se perd. À partir de ce moment-là, elle ne contribue pas, si on veut, soit à faire avancer les débats, soit à être une partie d'une industrie de l'information au Québec. Moi, je trouve incroyable que je sois incapable de savoir ce qui se passe dans une région donnée. Si, moi, je veux savoir, comme je disais, ce qui se passe en matière – je ne sais pas, moi – de travail partagé au Saguenay–Lac-Saint-Jean, s'il y aurait des publications universitaires qui se seraient penchées sur ça, ou dans les journaux, ou dans certains magazines, je n'ai aucun moyen de le savoir. Si je veux savoir s'il y a des thèses qui se font en matière de travail partagé actuellement dans les universités du Québec, pouvez-vous me dire où je vais trouver ça? Nulle part. Je ne le sais pas. Seulement des petits réseaux informels, qui pourraient... Parce que, bon, je suis branchée, je connais un tel ou une telle. On est encore au téléphone arabe. Pourtant, on ne vit pas sous des tentes, à ce que je sache. Et on est au niveau d'Internet, là. On parle de réseaux virtuels d'information. Je trouve ça totalement aberrant.

M. Beaumier: Si je reviens juste, M. le Président, aux journaux, moi, je ne suis pas un infovore, pour l'instant, à ce niveau-là, mais j'ai eu l'occasion de voir au niveau des journaux. Justement, on a notre métier qui nous oblige quasiment à le faire. Finalement, on en prend le pli. J'ai vu, entre autres, qu'il y avait effectivement un quotidien tabloïd auquel vous faisiez allusion tantôt. Et, en tout cas, je comprends qu'ils puissent se poser la question: Est-ce que les gens l'utiliseraient ou quels intérêts ils y trouveraient? Parce que – sous toute réserve que ça a peut-être évolué entre-temps – lire un journal, supposons, le lire le matin, quand il est là – en plus, à quelle heure y est-il? – avoir accès à ce quotidien-là sur InfoNet, c'est une souffrance, hein.

Mme Dumont (Monique): Absolument.

M. Beaumier: C'est une misère, parce que, si on...

Mme Dumont (Monique): C'est incroyable qu'un groupe comme Quebecor, qui a tant d'argent, ait pondu une affaire aussi horrible.

M. Beaumier: Oui, bien, écoutez, je ne dis pas ce que vous dites, mais...

Mme Dumont (Monique): Moi, je le dis.

M. Beaumier: O.K. D'accord. Ha, ha, ha!

Mme Dumont (Monique): Ha, ha, ha!

M. Beaumier: C'est bien. Ha, ha, ha! C'est très bien. J'avoue que c'est peut-être une première étape. Mais j'avoue que, pour quelqu'un qui aurait le goût d'avoir des nouvelles le matin dans son monde, c'est une torture, un peu.

Mme Dumont (Monique): Oui.

M. Beaumier: Je ne juge pas des personnes et des choses, mais c'est une torture. C'est à l'antipode du plaisir qu'on peut avoir à bouquiner un journal. Et je vais moi-même, peut-être, m'informer sur un autre journal. J'aimerais bien voir pourquoi il ne serait pas là.

Mme Dumont (Monique): Voilà.

M. Beaumier: Je vais m'informer. Vous m'avez donné cette idée-là et puis...

Mme Dumont (Monique): Ha, ha, ha! Mais je pense que tous les journaux, au moins d'importance nationale, devraient être sur l'Internet.

M. Beaumier: Avez-vous appelé au Devoir , par exemple, pour...

(12 h 30)

Mme Dumont (Monique): Le Devoir , d'abord, il a une situation financière qui ne lui permet pas – ça a été la raison invoquée – de s'en aller sur l'Internet. Ils ont l'impression que c'est très coûteux. C'est vrai que ça peut l'être, mais enfin ça dépend comment on s'organise. En plus, ils se disent: Les gens ont accès via le CD-ROM de CEDROM-SNi. CEDROM-SNi, qui s'est peut-être présenté devant vous, offre un service qui s'appelle SI-3 à des entreprises. Elles peuvent avoir accès tous les matins au journal, plein texte, etc. Et on peut avoir accès à l'information. Il y a ensuite l'interrogation du CD. Alors, il est clair qu'à ce moment-là Le Devoir considère que, pour le moment, c'est suffisant.

Mais moi, ce que je dis, c'est que, pour un journal, il y a des façons différentes de facturer ou de tarifer qui pourraient faire qu'une fois que l'information est là, elle peut être, à ce moment-là... Ce n'est qu'un plus, autrement dit, parce que, une fois que l'information est publiée et que le journal est vendu, il s'agit simplement de rendre cette information-là accessible et de la faire payer.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Je vous remercie beaucoup, Mme Dumont...

Mme Dumont (Monique): Je vous en prie.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): ...de votre présentation.

Nous suspendons nos travaux jusqu'à 15 h 30, ici même, où nous recevrons le Conseil des métiers d'art.

(Suspension de la séance à 12 h 31)

(Reprise à 15 h 44)

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Alors, bonjour. Je déclare la séance ouverte et rappelle le mandat de la commission. La commission s'est donné comme mandat d'initiative le mandat suivant: procéder à une consultation générale et tenir des audiences publiques sur «Les enjeux du développement de l'inforoute québécoise».

Et nous sommes heureux d'accueillir Mme Robichaud, du Conseil des métiers d'art, et Allcom. Donc, à vous, madame, de nous présenter votre mémoire. Je vous rappelle que vous avez une heure, et plus longtemps vous aurez de temps... Normalement, on se répartit le temps: 20 minutes pour votre présentation, 20 minutes du côté ministériel, 20 minutes du côté de l'opposition. On vous écoute, madame.


Conseil des métiers d'art du Québec (CMAQ) et Allcom

Mme Robichaud (Lyne): Merci. Alors, ça fonctionne, le micro? Mmes et MM. les députés membres de la commission de la culture, je vous remercie de vous intéresser aux idées et aux questions qui seront soulevées à cette tribune aujourd'hui.

Il y a quelques mois, je me suis jointe à la firme de relations publiques Allcom, Allcom qui veut dire Alliance Communications. J'y suis chef de projet et je suis spécialiste du marketing culturel. Alors, je trouve que c'est assez miraculeux que j'aie réussi à développer une clientèle qui vienne uniquement du secteur culturel. Alors, pour vous en donner quelques exemples, il y a le Conseil des arts et des lettres du Québec, le Conseil des métiers d'art du Québec, le Regroupement des artistes en arts visuels du Québec, le Regroupement des centres d'artistes autogérés du Québec, et j'en passe.

Donc, j'ai l'honneur aujourd'hui de vous présenter deux mémoires. Dans un premier temps, au nom des membres du Conseil des métiers d'art du Québec – malheureusement, les porte-parole officiels de ce Conseil n'ont pas pu venir vous rencontrer aujourd'hui, alors j'agirai en leur nom; et, dans un deuxième temps, s'il nous reste quelques minutes, j'ajouterai quelques éléments sous l'égide de Allcom stratégies communications.

Donc, étant donné que j'avais deux documents à vous présenter aujourd'hui en une seule heure, ce qui normalement aurait été analysé en deux heures, j'ai pris l'initiative de préparer des affichettes, des petites affichettes. Quand j'ai terminé tout le travail, j'ai dit: Bien, bon sang, on ne voit rien! Donc, j'ai fait imprimer ces textes sous forme de cahier et je vous demande la permission – c'est exceptionnel – de les déposer et de vous les distribuer pour que vous puissiez tous suivre la présentation. Alors, ça va?


Documents déposés

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Oui.

Mme Robichaud (Lyne): Alors, je vous remercie. Pendant qu'on fait la distribution, je vais vous présenter notre groupe, le Conseil des métiers d'art. Donc, le Conseil des métiers d'art du Québec est la seule association reconnue officiellement par la Commission de reconnaissance des associations d'artistes du Québec pour représenter le secteur des métiers d'art sur l'ensemble du territoire du Québec. On compte actuellement 549 membres à ce Conseil, dont la répartition en région est de 34 % à Montréal, 22 % en Montérégie, 12 % à Québec.

Alors, c'est important de constater qu'il y a une forte concentration de membres en région, ce qui est assez particulier, parce que normalement on dit qu'il y a une concentration de 85 % des créateurs à Montréal. Alors, ici, je veux porter à votre attention qu'il n'y en a que 34 %.

Le secteur est divisé en neuf familles de métiers, et le Conseil des métiers d'art génère à lui seul 8 000 000 $ de ventes par année via deux événements majeurs: le Salon des métiers d'art du Québec, dont vous avez certainement entendu parler, et Plein Art.

Donc, l'industrie des métiers d'art génère à elle seule un chiffre d'affaires annuel de 45 000 000 $. On en est très fiers. Ce n'est pas parce que ce sont mes clients, mais ils m'épatent. Donc, 45 000 000 $, c'est 650 entreprises qui génèrent ce chiffre d'affaires, et le chiffre d'affaires moyen, donc la moyenne est de 69 000 $. Il y a seulement 15 % de ces entreprises qui font un chiffre d'affaires supérieur à 120 000 $, 35 % ont un chiffre d'affaires inférieur à 10 000 $.

Alors, en ce qui a trait au développement de l'informatique et l'inforoute, vous comprendrez que, quand on fait 10 000 $ et moins, c'est assez difficile de se brancher et d'obtenir le bon équipement. Donc, 80 % de nos entreprises ont un effectif de trois employés et moins. Alors, on a affaire à de très petites entreprises qui ont une situation financière précaire. 70 % des ventes proviennent du Québec, donc il y a beaucoup de place à l'exportation. Puis le secteur est mieux protégé que d'autres secteurs culturels pour affronter la récession, et ça, c'est dû à l'attrait touristique. On sait que depuis quelques années il y a eu une augmentation du tourisme au Québec, donc, et les touristes sont très friands des produits des métiers d'art. Or, le Conseil des métiers d'art organise annuellement deux événements: le Salon des métiers d'art, qui est un marché de 6 000 000 $ qui attire plus de 200 000 visiteurs – ça a lieu à la Place Bonaventure, juste un petit peu avant Noël; Plein Art, qui a lieu à Québec, à l'été, 1 400 000 $, et qui attire 160 000 visiteurs.

Donc, le Conseil des métiers d'art s'est concentré sur les questions touchant la culture et les droits d'auteur, c'est très comprenable.

Donc, aux questions suivantes: Comment se servir de l'inforoute pour trouver de nouveaux débouchés pour les entreprises culturelles québécoises? Comment appuyer le développement d'un serveur dédié à cette communauté artistique? le Conseil des métiers d'art a réfléchi et a décidé de vous présenter tout d'abord son intention finale, intention finale qui s'articule en quatre volets.

Le premier volet – on a parlé tout à l'heure des régions, alors c'est très important pour nous – rendre accessible l'information aux artisans en région, améliorer leur formation.

Deuxième volet: consolider les liens avec les alliés naturels du Conseil des métiers d'art. Alors, les alliés naturels, pour vous donner un exemple, ça pourrait être les écoles de métiers ou d'autres groupes culturels. Consolider les liens avec les partenaires gouvernementaux. C'est évident qu'on ne veut pas faire un site virtuel des métiers d'art tout seuls, on voudrait qu'il y ait le plus de liens possible, donc, qui soient réalisés en concertation avec plusieurs partenaires.

Troisième volet: on veut faire de l'argent, alors rapporter plusieurs millions de dollars supplémentaires au chiffre d'affaires actuel, qui est de 45 000 000 $.

Et quatrième volet: ouvrir des nouveaux débouchés d'exploitation. Par exemple, l'exportation et également les droits d'auteur, dont on étudiera tout à l'heure la question.

Alors, pour atteindre cette intention finale, il y a des grands freins; freins avec des grands «F» aussi, comme «financement» et «formation», de même qu'équipement. Alors, ça, le financement surtout, c'est notre question majeure: comment on va faire pour articuler ce réseau?

Il y a des avantages à un réseau des métiers d'art, on vous en a cité trois principaux. Le premier avantage: l'accessibilité à l'information. Donc, toujours en considérant nos artisans en région, on voudrait améliorer la qualité de l'information reçue et effectuer un développement des régions.

Deuxième avantage d'un réseau virtuel des métiers d'art: on pourrait certainement augmenter nos ventes. Il y a certaines études qui ont prédit une augmentation de 10 % à 30 % du chiffre d'affaires. Alors, si on fait un petit calcul rapide, prenons 45 000 000 $, 10 % à 30 %, ça fait 4 500 000 $ à 13 500 000 $ supplémentaires. Donc, augmentation nécessairement des exportations aussi.

Le troisième avantage: les nouveaux débouchés. Et ça, c'est en ce qui a trait aux droits d'auteur. Actuellement, les artisans ne perçoivent pas de droits d'auteur. Donc, il n'y a pas de droits d'auteur sur des nappes, par exemple. On ne peut pas breveter non plus une nappe. Mais supposons que le design de la nappe est exceptionnel puis qu'on fasse un «scanning» de ce design et qu'on le lance dans le cyberespace, il pourrait y avoir une actualisation de l'image virtuelle. Alors, c'est tout nouveau pour les artisans, et, tout à l'heure, on y reviendra.

(15 h 50)

Donc, notre intention finale, on espère, débouchera sur des actions bien concrètes. En ce qui a trait aux actions immédiates, le Conseil des métiers d'art souhaiterait la formation d'un groupe de travail avec plusieurs intervenants, comme je vous ai dit tout à l'heure. Ce groupe de travail se poserait la question suivante: Sous quelle forme et avec quels partenaires devrait s'articuler un réseau virtuel des métiers d'art? Et ce groupe de travail pourrait conclure avec l'élaboration d'un plan stratégique de développement.

Les actions à court terme. Bien, il n'y a pas de site virtuel actuellement au Conseil des métiers d'art. Alors, on ne veut pas manquer le bateau; on voudrait que ce soit fait assez rapidement. Donc, mise en oeuvre de notre plan de développement stratégique qui sera réalisé par notre groupe de travail; création d'un site; installation d'au moins un serveur par région administrative – nos artisans en région, c'est très important qu'on ne les oublie pas; création d'outils de communication – il faut leur indiquer ce que ça mange en hiver, ça, l'inforoute québécoise, à quoi ça sert, qu'est-ce que ça pourrait leur offrir comme débouchés; puis également, ce qui est très important aussi, développer un programme de soutien financier à l'achat d'équipement informatique. Comme je vous l'ai fait remarquer tout à l'heure, 35 % de nos membres ont un chiffre d'affaires inférieur à 10 000 $. Alors, on veut absolument éviter l'écart entre les inforiches et les infopauvres chez les artisans.

Actions à un petit peu plus long terme: quelques études, études sur la virtualisation des événements. On a un Salon des métiers d'art qui a lieu à Noël, mais, nous, on aimerait bien, on souhaiterait bien avoir un cybersalon des métiers d'art à l'année longue où on pourrait – et là je vous invente un nouveau mot – «sourigasiner», donc magasiner avec notre souris, et faire du commerce électronique. Parce que c'est bien évident qu'on ne veut pas uniquement faire de la diffusion, on veut vendre et exporter nos oeuvres à l'étranger.

Donc, des études sur comment réaliser ce cybersalon des métiers d'art, également des études sur le nouveau débouché des droits d'auteur, ce qui nous mène à cette question épineuse des droits d'auteur. La SODEC, un peu plus tôt au cours des débats de cette commission, suggérait des modifications aux droits d'auteur. Nous, on vous suggère une sophistication du droit d'auteur. On appuie la théorie de Pierre Lévy, qui a écrit «Qu'est-ce que le virtuel?». Alors, c'est un très bon ouvrage et je vous le recommande.

Donc, pour comprendre la nature de cette sophistication du droit d'auteur, il faut d'abord comprendre la véritable nature de la réalité virtuelle. Il y a des choses matérielles et il y aurait des choses immatérielles. Ce livre est une chose matérielle. Si j'achète ce livre, je le paie, je ne sais pas, 23,95 $. Il a une valeur marchande, il a aussi un territoire, c'est une source de possibles. Supposons qu'on prend cette photo. Cette photo deviendrait une image virtuelle dans le cyberespace. Elle n'a pas de valeur marchande actuellement; elle est lancée gratuitement. Mais, lorsqu'on l'actualise, elle devient aussi une source de possibles.

Donc, tout ça pour vous illustrer que les artistes peuvent faire maintenant deux types d'oeuvres: des oeuvres plus traditionnelles ou matérielles, des objets réels, comme ce livre ou des assiettes, des bijoux, qui sont des sources de prestige, des réserves de possibles; et des oeuvres virtuelles, qui, elles aussi, peuvent être actualisées, multipliées, dupliquées à l'infini. Et, pour les artisans, cette deuxième catégorie, c'est une nouveauté. Alors, moi, je pense qu'on peut utiliser l'image des oeuvres réelles des artisans puis développer des nouveaux débouchés.

Par exemple, je reprends ma nappe – j'aime bien mon exemple de la nappe. On a notre design de la nappe dans le cyberespace. Quelqu'un, je ne sais pas, en Hollande veut faire une boîte de chocolats puis utilise ce design pour l'emballage. Le design de la nappe sera lancé gratuitement dans le cyberespace, et là, lorsqu'il y aura décryptage de l'image, c'est à ce moment-là qu'on devrait se poser la question: Comment percevoir un droit d'auteur sur cette actualisation-là?

Donc, justement, ce que l'on propose, c'est un ajustement de l'exploitation économique des contenus dans deux directions. Et là, ça c'est un petit peu compliqué. Première direction: passage du droit territorial à un droit de flux. Le droit territorial. Ce livre a un territoire. Lancé dans le virtuel, imaginez qu'il devient comme un cours d'eau. Donc, on a un passage. On achète ce livre et, dans le cyberespace, il y a un droit sur le flux.

Passage de la valeur d'échange à la valeur d'usage. Supposons que j'achète ce livre et que je ne le lis pas, je vais quand même payer 22,95 $. Peut-être que je possède ce livre dans ma bibliothèque et que, vous, vous ne l'avez pas. Donc, il y a une limitation des objets.

Dans le cyberespace, ce n'est pas la même chose; ce livre est accessible, disponible à tous, il est là. On pourrait payer seulement pour la portion qu'on utilisera. Donc, c'est ça, passage de la valeur d'échange, plutôt que de payer 22,95 $, à valeur d'usage, seulement ce qu'on en utilisera. Alors, plus on utilisera, plus on pourrait payer de droits d'auteur.

Donc, c'est un petit peu comment s'explique le système de comptage continu. Alors, au lieu de supprimer totalement le droit d'auteur... Parce que, actuellement, il n'y a pas de droit d'auteur qui existe dans le cyberespace; les artistes ont un petit peu peur, donc ils préfèrent ne pas mettre leurs images. Alors, pour trouver un compromis, puisqu'on ne peut pas charger le droit d'auteur tel qu'on le connaît actuellement parce que c'est sur la limitation des objets et que, dans le cyberespace, c'est à l'infini, il faudrait donc substituer aux droits d'auteur un système de comptage continu de la consommation d'information qui serait faite au moment du décryptage de l'oeuvre. Lorsque vous commencez à lire ce texte, il y aurait comme un mini... Imaginez que le texte est transformé en gouttes d'eau; il y aurait un mini-compteur qui calculerait, au moment du décryptage, qui le fait... Donc, ce mini-ordinateur pourrait débiter de l'argent sur le compte de l'utilisateur et, par la suite, ce mini-ordinateur pourrait aussi créditer à l'auteur ou au propriétaire de l'oeuvre. Donc, ça, c'est la théorie de Pierre Lévy. Il n'y a personne encore dans le monde, malheureusement, qui a réussi à solutionner ce fameux débat sur le droit d'auteur, mais on pense que ça pourrait générer des revenus pour les artistes et, de cette façon-là, on pourrait lancer des oeuvres sur l'inforoute et avoir un contenu beaucoup plus riche.

Donc, de la sorte, le propriétaire n'est pas lésé. Supposons qu'actuellement on veuille utiliser cette photo et la lancer dans un service multimédia en ligne, il faut payer un gros montant de droits d'auteur, et les petits fournisseurs n'ont pas toujours les moyens de le faire. Donc, ce qui arrive, c'est que la photo n'est pas lancée dans le cyberespace. Alors, plutôt que d'avoir à débourser une grosse somme d'argent au départ, on lancerait gratuitement l'oeuvre et, lorsqu'il y aurait actualisation, donc lecture, c'est à ce moment-là qu'il y aurait des montants qui seraient prélevés, dépendamment combien de temps, combien de fois on l'utilise. Alors, le droit d'auteur, ça deviendrait un petit peu comme on paie l'électricité ou l'eau: au débit. Alors, plus on utilise d'eau, plus ça coûte cher. Alors, même chose pour le doit d'auteur.

Alors... ce qui termine rapidement pour le Conseil des métiers d'art. Il me reste quelques minutes, alors je veux passer encore à une question sur l'isolement des personnes et une plus grande solidarité humaine.

(16 heures)

Donc, à la question: L'inforoute peut-elle conduire à une certaine forme de démocratie? nous répondons par une analogie sur Richard Buckminster Fuller. Si vous voulez retourner en arrière, 30 ans en arrière, en 1967, Richard Buckminster Fuller était chargé du design du pavillon des États-Unis à Expo 67. Ce monsieur avait imaginé un concept capable de révolutionner notre conception même de la démocratie. Donc, il s'agissait d'une espèce d'énorme jeu, d'une carte mondiale géante sur laquelle tous les échanges mondiaux étaient répertoriés, et cette carte était reliée à un puissant ordinateur connecté sur toutes les banques de données. Alors, en 1967, Montréal serait passée à un cheveu de devenir le pôle mondial de l'information. Et on pense que c'est encore possible, que Montréal a encore cette possibilité de le devenir par sa situation culturelle et géographique; par le fait qu'elle soit au carrefour de trois civilisations, donc de trois cultures – la culture latine, la culture anglo-saxonne et la culture française; et par le fait qu'il y ait la présence de nombreuses industries de pointe, de nombreux centres de recherche dans le domaine des télécommunications et des technologies. Donc, Montréal ou la métropole, appelez-la comme vous voudrez, est un site de choix pour développer un projet pareil.

Bon. Je ne sais pas si vous voulez que je conclue avec peut-être un point ou deux sur la langue. Bien, en ce qui concerne la langue, on a remarqué que les textes sont moins bien structurés qu'avant parce qu'on a l'habitude maintenant de taper directement à l'ordinateur. Donc, on prend moins bien le temps de structurer nos textes. Donc, nous suggérons, pour améliorer la qualité du français, qu'on impose un peu plus de rigueur à l'enseignement de la rédaction dans les institutions québécoises.

En ce qui a trait à l'éducation, il y a beaucoup de débats actuellement sur la relocalisation de la Bibliothèque nationale. Donc, nous vous suggérons de délaisser un petit peu le béton et le papier puis de penser à investir dans le cyberespace. Alors, une bibliothèque de la francophonie, pourquoi pas à Montréal? pourquoi pas au Québec?

Donc, en conclusion, le cyberespace est un miroir de nous-mêmes. Or, actuellement, la question n'est plus de se demander: Est-ce que la machine pense? Est-ce que la machine nous dépasse? Il faut d'abord déterminer les limites de ce cyberespace, nos limites. On se rend vite compte que, en fait, l'inforoute québécoise, c'est un miroir de nous-mêmes et que ça peut beaucoup nous apprendre sur qui nous sommes et ce que nous voulons devenir. Alors, je vous remercie. Ça conclut ma présentation.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci, Mme Robichaud. Est-ce qu'il y a des interventions?

Mme Malavoy: Oui. Est-ce qu'on commence les interventions là-dessus?

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Oui. En fait, madame, vous représentez le Conseil des métiers d'art et Allcom aussi?

Mme Robichaud (Lyne): Allcom, oui.

Mme Malavoy: Donc, on va prendre une petite période de questions là-dessus, puis on passera à l'autre après, c'est ça que je comprends?

Mme Robichaud (Lyne): Non, moi, je vous ai présenté les deux.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Les deux.

Mme Malavoy: Ah oui?

Mme Robichaud (Lyne): Oui.

Mme Malavoy: Ah bon.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Robichaud (Lyne): C'est ça. La première partie, tout ce qui avait trait au droit d'auteur, c'était le Conseil des métiers d'art. Mais, quand je suis intervenue à propos de l'analogie de Richard Buckminster Fuller, ça, c'était plutôt mon propre point de vue, celui d'Allcom.

Mme Malavoy: O.K. Mais ça a été vite pour la deuxième partie, alors...

Mme Robichaud (Lyne): Oui, oui, oui. Bien, c'est ça. J'ai coupé, là, parce qu'on m'avait dit que j'avais 20 minutes. Alors, j'ai respecté...

Mme Malavoy: Je comprends.

Mme Robichaud (Lyne): ...mon temps.

Mme Malavoy: Je vais donc commencer peut-être par quelque chose que j'ai vu dans le document, justement, Allcom, qui est la question de l'américanisation de la planète. On a eu là-dessus des points de vue fort variés et même parfois complètement divergents de la part de gens qui sont venus nous parler.

Il y a des personnes qui pensent que ce n'est pas si grave que ça, qu'on s'énerve, qu'on est même paranoïaques – j'emploie des mots que j'ai vus dans des mémoires – que, enfin, on voit des dangers partout et qu'il y en a beaucoup moins que ça.

D'autres, par ailleurs, nous disent: C'est un danger réel. La langue d'Internet est à 90 % la langue anglaise. D'autres groupes – pas cette fois-ci, mais dans une période antérieure de nos travaux – nous disaient: Ça peut être une excellente occasion de développer et de faire valoir justement les langues nationales, le réseau Internet et l'inforoute, de façon plus générale, puisqu'on aura des instruments suffisamment sophistiqués pour même traduire des langues comme on le souhaitera, passer d'une langue à l'autre comme on le souhaitera, dans un avenir qui n'a pas l'air si lointain, quand on entend des spécialistes en parler.

Alors, j'aimerais peut-être, pour ma première question, que vous me disiez un peu sur quoi vous appuyez vos craintes. Non pas que je ne les partage pas, j'ai plutôt tendance à les partager, mais comme j'ai entendu des avis très contraires, chaque fois que quelqu'un aborde cette question-là, pour moi, c'est important de la creuser un petit peu plus.

Mme Robichaud (Lyne): Alors, le point de vue qu'on vous a soumis, Allcom, à ce sujet-là, c'était que, bon, étant donné que les produits actuellement viennent la plupart du temps des États-Unis et sont tous en anglais – il y a quelques produits en français, mais il n'y en a pas assez – nous, on pense que, tant qu'il n'y aura pas énormément de produits francophones, s'il y en a juste deux ou trois sur la tablette, ça ne sera pas suffisant.

Il faudrait que le consommateur ait accès à des produits de qualité en français. Puis ça, ça veut dire qu'il faut modifier notre mentalité, parce qu'on est habitués, nous, à fonctionner avec des petits budgets, alors qu'aux États-Unis, par exemple, ils sont habitués, eux autres, de gérer des gros projets, donc ils ne fonctionnent pas de la même façon. Alors, il faudrait peut-être délaisser cette façon de travailler et apprendre un peu de nos voisins, essayer de foncer un peu plus, là, pour ne pas se laisser justement envahir. Parce que, moi, je pense que c'est vraiment dangereux.

Même en France, tu sais, ils «tripent» sur la musique américaine actuellement. Je ne sais pas si vous avez vu le dernier film La haine , c'est incroyable. C'est ça, l'Amérique, les États-Unis...

Mme Malavoy: Une fascination.

Mme Robichaud (Lyne): Oui, c'est ça, les États-Unis sont en train d'envahir les autres cultures peu à peu et c'est dangereux. Donc, il faut développer des produits le fun pour nos jeunes ou des produits de contenu très fort qui vont être vendables non pas seulement entre nous, au Québec, mais qui vont plaire au monde entier. Je pense qu'à ce moment-là il y aura possibilité de faire face à ce problème américain.

Mme Malavoy: Est-ce que vous miseriez particulièrement sur un effort de concertation et de production en commun avec les autres pays de la francophonie?

Mme Robichaud (Lyne): Oui. Il faut absolument, je crois, développer des liens plus forts, parce que, bon, il y a, quoi, 4 % de langues étrangères sur Internet actuellement, incluant le français. Ce n'est pas beaucoup, ça. Alors, il va falloir que la francophonie se penche sur cette question. Puis, le Québec étant isolé, il n'y a pas tellement de marché, il ne pourra pas à lui seul fournir l'effort.

Mme Malavoy: Est-ce que, dans le domaine des métiers d'art, ça se fait? Est-ce qu'il y a des ponts avec les autres pays francophones? Vous parliez tout à l'heure d'un – attendez un peu, j'ai écrit ça – cybersalon des métiers d'art, oui. Sans aller jusqu'à un cybersalon peut-être international, est-ce que, dans votre façon d'envisager les choses, ça pourrait aller jusqu'à faire des choses conjointement avec d'autres, puisque à ce moment-là la distance n'a plus d'importance? Enfin, on peut retransmettre ce qu'on veut quand on a la technologie pour le faire.

Mme Robichaud (Lyne): Je pense que ça serait très intéressant pour les métiers d'art justement d'augmenter les liens avec les pays étrangers, parce que, bon, on sait que 70 % des ventes sont au Québec, mais le marché québécois est quand même assez restreint. Puis, quand on va aux États-Unis ou en Europe, là-bas, les métiers d'art sont très, très forts. Ils font des magasines, là, de la trempe de Art in America , c'est en couleur. Enfin, c'est incroyable. Ils ont beaucoup d'argent, puis, nous, notre marché, en fait, on fait pas mal «broche à foin» comparé à ces pays étrangers. Donc, je suis certaine que ça pourrait rapporter beaucoup pour l'industrie, oui.

Mme Malavoy: C'est sûr que, quand vous mettez dans la même phrase «cybersalon» puis «broche à foin», là, c'est comme deux mondes qui se côtoient. Ça va, tu peux continuer pour l'instant.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Ça va? Oui. M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Oui. Bonjour, madame. Je voulais juste poursuivre un peu sur la piste qui a été ouverte par ma collègue de Sherbrooke. Dans le domaine qui est celui de votre responsabilité, là, en avez-vous, des exemples de produits qui auraient été au goût d'un vaste marché, plus vaste que celui du Québec? Est-ce qu'il y a des exemples de succès ou des exemples de succès potentiels ou...

(16 h 10)

Mme Robichaud (Lyne): Bien, enfin, les artisans ne sont pas très connus du vaste public, mais la SODEC mentionnait dans son mémoire de d'abord commencer par axer notre stratégie dans un premier temps sur des gros vendeurs comme Marguerite Volant ou Daniel Bélanger, donc des titres qui sont accrocheurs, qui permettraient justement d'aller chercher l'intérêt à l'extérieur. Donc, commencer par développer ces produits puis après en lancer d'autres un peu moins connus.

Pour ce qui a trait aux artisans, ce qui est intéressant, c'est qu'ils font des oeuvres contemporaines. Puis ça, qu'on soit au Canada, ou bien en Australie, ou en Italie, ça demeure des assiettes ou des bijoux contemporains. Je pense que c'est moins difficile à véhiculer, ces produits-là, que les métiers d'art traditionnels, qui peuvent, ces métiers d'art, intéresser plus notre culture nationale, mais être plus difficilement vendables à l'extérieur. Alors, je pense qu'avec les contemporains on aurait plus de chances d'accrocher une clientèle de pays étrangers.

M. Laporte: Encore une question, si vous permettez. Lorsque vous traitez de la question de rédaction, vous dites: Les textes sont moins bien structurés et vous recommandez qu'il y ait un effort de rigueur qui soit fait dans l'enseignement de la rédaction. Pouvez-vous illustrer ça par des exemples?

Mme Robichaud (Lyne): Bien oui. Souvent, vous savez qu'on a des difficultés à faire transmettre un texte en français sur Internet.

M. Laporte: Oui, oui.

Mme Robichaud (Lyne): Donc, on arrive à écrire une espèce de français-anglais, de «franglais». Donc, ça, ça amoindrit la qualité de nos textes. Puis le fait qu'avant, lorsqu'on écrivait un texte, on avait une page puis que, si on avait le malheur de faire une faute, il fallait la recommencer, donc il fallait vraiment bien structurer notre affaire. Maintenant, bien, le fait que l'on tape, on a l'ordinateur, c'est très facile; alors, on peut taper, taper, taper. Ça a fait augmenter, ça a fait doubler le volume de la paperasse, puis la longueur des documents. Donc, c'est sûr qu'il ne faut pas confondre facilité avec qualité. C'est là-dessus qu'on a mis l'accent.

M. Laporte: Ça va. Ça m'éclaire. Merci.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. le député de Champlain.

M. Beaumier: Oui, merci, M. le Président. Mme Robichaud, moi, je vais partir d'un cas bien particulier, puis, après ça, vous me direz ce que vous pouvez offrir comme services à ces personnes-là. Comme tout le monde, on connaît des gens... je pense particulièrement à une de mes concitoyennes, qui est probablement au Japon actuellement, c'est une artisane; artiste, artisane. Comme on dit, elle donne dans les émaux. Alors, si elle n'est pas revenue, quand elle va revenir – je ne sais pas si elle fait partie des 549 membres des métiers d'art – je vais sûrement la mettre au courant quand même que ceci existe.

Qu'est-ce que vous auriez à offrir? Je sais que vous avez beaucoup de projets, vous avez des activités ou des intentions à court terme ou à moyen terme. Si vous l'aviez devant vous, qu'est-ce que vous auriez à lui offrir qui lui serait d'intérêt, qui lui serait utile, bénéfique aussi, sûrement, en termes de se faire connaître, mais aussi peut-être dans un sens aussi... sans être un terme mercantile, de pouvoir rendre disponibles ses produits à travers le monde? Je sais que c'est embryonnaire, peut-être, mais est-ce que vous pourriez lui dire de quelle sorte de produits elle ne pourrait plus se passer, que vous pourriez lui offrir?

Mme Robichaud (Lyne): Bien, pour les artisans membres du Conseil des métiers d'art, tout d'abord, le processus d'adhésion au Conseil est assez rigoureux. Donc, non seulement il faut qu'ils fassent parvenir un dossier de leurs oeuvres, mais ils doivent passer devant une commission d'experts, apporter des oeuvres. Donc, ils doivent apporter plusieurs exemples de leur travail, et là c'est évalué. Alors, ce n'est pas n'importe qui qui peut entrer au Conseil des métiers d'art.

M. Beaumier: Je ne vous parlais pas de n'importe qui non plus. Ha, ha, ha!

Mme Robichaud (Lyne): Non. Alors, c'est ça. Donc...

M. Beaumier: C'est juste une farce que je fais. Ha, ha, ha!

Mme Robichaud (Lyne): ...lorsqu'on devient membre du Conseil des métiers d'art, on a un statut, un statut professionnel qui est conféré par la loi sur le statut de l'artiste, alors une reconnaissance quand on fait nos impôts, etc., tout ce qui a trait à l'entreprise de l'artisan, à la reconnaissance.

Ensuite, le Conseil des métiers d'art s'associe avec Qualité-Québec. Donc, l'artisan peut recevoir le sceau Qualité-Québec. Il peut faire partie de notre répertoire, c'est un répertoire fabuleux, en couleurs, où il y a une oeuvre de l'artiste qui est illustrée, son adresse, il y a la série de ses... On énumère tous les services qui sont disponibles, les heures d'ouverture, s'il y a un atelier, etc. Donc, ce répertoire-là est en vente, c'est un très bon vendeur; il est également disponible sous forme de CD-ROM. Donc, grâce à la SODEC, on a pu réaliser ce projet.

Puis le Conseil des métiers d'art organise une foulée d'événements, dont l'événement principal: le Salon des métiers d'art. Donc, on peut accéder, vendre ses produits à ce Salon, Plein Art aussi. On exporte les oeuvres à l'étranger, donc il y a des liens avec d'autres galeries. Il y a deux galeries: une à Montréal, une à Québec, où on fait souvent des expositions. Il y a des prix, le Grand Prix des métiers d'art, qui est donné à chaque année. Il y a des cours, de la formation. Vraiment, je vous le dis là, c'est exceptionnel; ils sont très, très bien organisés.

M. Beaumier: Je connaissais un peu ce côté-là, par le hasard des choses, mais, pour ce qui est de l'introduction de l'Internet, qu'est-ce que ça va ajouter, qu'est-ce que vous ajouterez à ce qui est déjà commun, à ce qui est déjà connu, disons?

Mme Robichaud (Lyne): Le Conseil des métiers reçoit environ 15 000 appels par année. Alors, on est certain qu'avec un site la qualité de l'information transmise aux membres sera vraiment supérieure à celle qu'on peut donner au téléphone, par exemple. Ils pourront eux-mêmes faire des recherches sur le site. On peut aussi donner la formation aux artisans en région, ce qu'on ne peut pas faire actuellement: les artisans doivent venir à Montréal ou ils doivent se rapprocher des grands centres; ils ne peuvent pas toujours avoir accès à la formation qu'ils désirent. Donc, on pense qu'il y aura vraiment un boom de développement des régions.

Aussi, on voudrait gérer les programmes. Si on arrive à faire un programme d'aide au financement, probablement que ce serait géré par le Conseil des métiers d'art. Tous les cours de formation, introduction à l'informatique, introduction à l'inforoute, probablement que ce serait lui aussi qui donnerait ces services. En tout cas, il y a certainement énormément qui peut être fait. Mais, pour l'instant, on en est vraiment aux balbutiements de notre réflexion, puis, comme je vous ai mentionné, on ne veut pas la faire seuls, cette réflexion, on voudrait qu'il y ait plusieurs partenaires avec nous – le ministère du Tourisme, le ministère de l'Industrie et du Commerce – pour qu'il y ait des liens, qu'on saute d'un site à l'autre.

Supposons qu'un touriste veut voir ce qui se passe en tourisme au Québec, Oups! il saute. Il peut cliquer puis sauter dans le site des métiers d'art, puis il peut faire du magasinage. Donc, c'est ces liens qu'on voudrait privilégier, pour ne pas que ce soit un réseau entre nous, entre artisans. On veut que ce soit un réseau ouvert sur les partenaires Québécois, mais aussi ouvert sur le monde.

M. Beaumier: Merci beaucoup.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. le député de Taschereau.

M. Gaulin: Oui. Mme Robichaud, bonjour. Justement, je voulais partir de ce que vous venez de dire. On sait que Québec est une ville d'art, ça fait partie d'un circuit important dans le monde. Vous venez d'évoquer le ministère du Tourisme. Je vois M. Junius derrière, que je salue d'ailleurs, qui appartient aux villes du patrimoine mondial.

Éventuellement, on pourrait parler du ministère de la Culture, on sait qu'il y a maintenant des endroits où on peut frapper – puisque vous parliez tantôt de ne pas investir seulement dans le béton – entre autres, l'autoroute de l'information, le ministère de la Culture... Je voudrais savoir comment toute cette coalition-là pourrait précisément aider Québec à se démarquer comme ville d'art, comme ville du patrimoine, par des réseaux, des sites, que ce soit entre nous, que ce soit aussi au plan mondial.

Mme Robichaud (Lyne): Bien, on a beaucoup de produits qui sont peu connus. Aussi, le fait qu'il y a plusieurs communautés artistiques qui sont relativement séparées actuellement... Je pense que, s'il y avait un réseau multiple, multidisciplinaire, un nouveau lieu virtuel, multidisciplinaire, ce serait certainement une idée qu'on ne voit pas... qui pourrait se démarquer à l'échelle mondiale. En Europe, on s'enligne vers le multidisciplinaire. Moi, je pense qu'un projet de cette nature-là, jumelé à d'autres villes, pourrait faire parler beaucoup.

M. Gaulin: On peut penser aussi à l'espace francophone en particulier.

Mme Robichaud (Lyne): Oui.

M. Gaulin: Merci.

(16 h 20)

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci, madame.

Mme Robichaud (Lyne): Ça m'a fait plaisir.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Je vous remercie infiniment de votre présentation.

Bienvenue, messieurs. Ça nous fait plaisir de vous accueillir à nos audiences de la commission sur l'autoroute de l'information. Et, sans plus tarder, je vous demanderais de vous présenter, de présenter votre groupe. Et, en même temps, on va délimiter un peu le temps. Nous disposons d'environ 50 minutes, si ça vous va.

M. Lemieux (François): Ça devrait aller.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Ça devrait aller? Donc, vous êtes les bienvenus, et allez-y.


Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal (SSJBM)

M. Lemieux (François): Merci, M. le Président. Mon nom est François Lemieux, président de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal. Je suis accompagné, en commençant par ma droite, par M. Pierre-Alain Cotnoir, qui a été longtemps à la direction des communications de la Société, qui maintenant travaille dans le domaine de l'inforoute et qui nous a aidés à la rédaction du mémoire; M. Erich Laforest, qui est trésorier à la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal; M. Jean-Paul Champagne, que plusieurs parmi vous doivent connaître, qui est un ancien parlementaire, d'ailleurs, un ancien président de la Société Saint-Jean-Baptiste et qui est au conseil général de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal; et M. Gilbert Gardner, qui est le directeur général de la Société.

M. le Président, Mme la députée, MM. les députés, bonjour. Je vous remercie de nous recevoir et d'avoir une oreille attentive aux propos qu'on va vous tenir. Alors, la façon dont je compte...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Sans vous bousculer trop, trop, j'ai oublié de vous définir le temps. Habituellement, on se partage un peu le temps. Vous avez une présentation d'environ 18 minutes, de 18 à 20 minutes, puis le temps est partagé entre les ministériels et l'opposition.

M. Lemieux (François): Nos idées se rejoignent, j'allais justement expliquer comment je procéderais. Ha, ha, ha! Alors, ça va être la lecture d'un court résumé. Et, par la suite, si d'autres personnes présentes avec moi souhaitent rajouter, elles rajouteront quelques mots puis, après ça, ça sera des questions, enfin quant à nous.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Oui, M. le député de Champlain.

M. Beaumier: Question de logistique. On a enlevé ici le nom de M. Gilbert Gauthier comme directeur général, et c'est Gilbert Gardner. Donc, O.K., c'est bien la bonne...

M. Gardner (Gilbert): Gardner.

M. Beaumier: C'est beau.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Allez-y, M. Lemieux.

M. Lemieux (François): La Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal est née de la première révolution de l'information qu'a connue le Québec au premier tiers du XIXe siècle. Depuis la fin des années quatre-vingt, la Société a été présente dans le développement des inforoutes, que ce soit par sa contribution à la mise en place du Centre René Lévesque ou par le rôle de pionnière qu'elle a joué en étant l'une des premières organisations non institutionnelles à rendre disponibles sur le réseau Internet des informations touchant ses activités.

Le Québec a vite comblé les retards qu'il pouvait avoir par rapport aux autres parties de l'Amérique du Nord en matière de développement des inforoutes. Il fait même très bonne figure, possédant un avantage concurrentiel non négligeable: une société de langue française bien implantée en Amérique du Nord. Cependant, cet atout est-il suffisant pour assurer une place adéquate à notre peuple sur ces réseaux de l'information?

Comme le rappelaient à Moncton, en 1994, des représentants de la Conférence des peuples de langue française, il est essentiel que les compétences juridiques et politiques du gouvernement du Québec soient reconnues, car elles sont au coeur du débat sur la préservation de notre identité. Or, la mainmise fédérale dans ce domaine, le domaine de l'inforoute, est complète. Pire, le gouvernement fédéral entend bien poursuivre seul le développement de ce secteur. Il passe par-dessus la tête du Québec quand il est question de la francophonie, comme l'illustre le cas de la création du Centre international de développement de l'inforoute en français au Nouveau-Brunswick.

Nous sommes donc dans une situation où les Québécois se trouvent moins bien protégés contre toute hégémonie canadienne que ne l'est cette dernière face au géant américain. Les accords du GATT et de l'ALENA contiennent à cet effet des clauses qui protègent la spécificité culturelle des nations indépendantes et, quant à nous, dans ce contexte, seule la souveraineté pourrait assurer aux Québécois le minimum requis leur permettant de faire face efficacement à la concurrence. Autrement, ils sont condamnés à n'être qu'une minorité dont le sort est entre les mains d'une majorité dont les priorités lui sont trop souvent étrangères.

Malgré les limites imposées par l'ordre constitutionnel canadien, le Québec doit néanmoins faire des choix stratégiques afin d'appuyer le développement de l'inforoute au Québec. Si l'on se fie aux observateurs les plus lucides, trois embranchements se profilent à l'horizon de cette autoroute de l'information: l'un mène vers le marché de l'information, le second vers celui des transactions et le dernier vers celui du divertissement.

À court terme, ce sont les deux premiers qui sont les plus prometteurs. Les choix d'intervention du gouvernement du Québec devraient répondre aux impératifs découlant de ces avenues de développement anticipées. C'est dans le secteur associatif et communautaire que l'avenir du réseau Internet apparaît le plus prometteur en retombées sociales. L'État québécois devrait faciliter l'accès à l'inforoute pour les intervenants en économie sociale et profiter du Sommet de l'automne pour mettre en place les conditions nécessaires au développement d'un réseau d'accès à l'information qui satisfasse les caractéristiques inhérentes à Internet: répondre aux besoins de la communauté.

Cette communauté possède également des ramifications internationales à travers la francophonie plus particulièrement. Le gouvernement québécois devrait appuyer le Centre René Lévesque avec le même effort qu'y ont consenti et consentent les gouvernements wallon et autonome valdôtain. Le gouvernement devrait également étendre à l'ensemble de ses délégations l'accès aux technologies découlant de l'inforoute, avec le souci constant de faire du français une langue véhiculaire sur Internet.

Par ailleurs, la Société conseille la prudence dans le déploiement de l'inforoute dans les écoles. L'éducation n'est pas tant une affaire de gadgets que de contenu. Les expériences passées en ce domaine sont pourtant riches d'enseignements et devraient inciter l'État à se montrer vigilant.

Finalement, il ne peut y avoir de véritable politique de l'inforoute en l'absence de pouvoirs reconnus. La Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal invite les parlementaires de toute tendance à faire front commun dans la réclamation des juridictions en cette matière. Merci. Je ne sais pas s'il y a quelqu'un ici qui voudrait rajouter. M. Champagne, peut-être?

M. Champagne (Jean-Paul): Moi, c'est beaucoup plus, peut-être, des observations que j'ai à faire sur l'accueil qu'on donne au français sur Internet. Je suis un retraité parlementaire et j'ai du temps à prendre pour voyager à travers le monde. Il n'y a plus de frontières, il n'y a plus d'heures, mais on a de l'information, et souvent, c'est entendu, c'est en anglais.

Et je veux vous donner des exemples quotidiens comme ça. Je m'en vais sur un site: on parle de Montréal. Celui qui réalise un beau site sur Montréal, en trois dimensions panoramiques et où tout est présenté en français, il a déjà composé aussi un site sur Nice. Alors, je m'en vais dans Nice – j'arrive en France – et tout le site est en anglais. Tout est en anglais. Puis c'est le même réalisateur; c'est Patrick Murisse. Alors, je prends son nom, Patrick Murisse. Alors, je lui dis par Internet: J'ai vu votre site sur Nice et je n'ai pas trouvé la version française. Alors, quelques minutes après, il me dit: Elle n'existe pas, simplement. Alors, il vient faire un produit ici, à Montréal, il le fait en français, mais, en France, il le fait en anglais. Sa compagnie est en France et elle est uniquement en anglais.

J'arrive sur un autre site Internet, le bottin Internet du Québec. Je m'en vais dans un site qui s'appelle l'association France-Québec – c'est français pas mal. J'arrive en Normandie pour savoir ce qui se passe comme activités culturelles et artistiques, et le site est uniquement en anglais. Et ce sont nos alliés francophones. Ça, c'est dans le quotidien, et je pourrais vous donner d'autres exemples comme ceux-là.

(16 h 30)

Et, moi, je sais, comme ancien parlementaire, qu'on a des associations: l'Association internationale des parlementaires de langue française; vous en avez d'autres aussi, association interparlementaire Québec-France, des choses semblables. Vous avez des réunions, et je pense qu'il faudrait faire pression auprès de ces gens, enfin en France surtout... Si eux autres ne donnent pas l'exemple, comment est-ce que, nous, on peut, seuls, au Québec, en fin de compte, franciser tout cet élément d'Internet? Alors, si on a de la difficulté, nous autres, à le faire, à plus forte raison on devrait avoir au moins le soutien et l'exemple des Français.

Je pense que ce seraient des messages à donner, d'autant plus que j'ai vu que l'année prochaine vous allez avoir une commission interparlementaire franco-québécoise. Vous allez avoir aussi à Hanoi, en octobre 1997, au Viêt-nam, une réunion internationale, et, moi, j'espère que le gouvernement du Québec va faire pression au niveau des pays francophones pour que ce nouveau moyen de communication international favorise le français. En tout cas, c'est une observation que je vois dans mon quotidien.

Si on n'est pas vigilants – je vais vous donner un autre exemple – on anglicise nos moyens de communication. C'est bien sûr que ce n'est pas sur Internet à ce moment-là, mais simplement dans nos cégeps actuellement ou dans nos universités, à ceux qui veulent avoir tout un appareillage pour faire de l'Internet, on donne des promotions gratuitement. Et je vais vous donner l'exemple – moi, je l'ai reçu, puis d'autres l'ont reçu aussi – du logiciel de Grolier, enfin le logiciel ou le CD-ROM de Grolier est uniquement en anglais. Il y a un an, lorsque je l'avais eu, il était en français. Là, c'est rendu en anglais. J'ai téléphoné à mon fournisseur et puis là c'était je ne sais pas quel pays en Asie qui produisait ça. Alors, c'est simplement pour avertir que les nouveaux moyens de communication peuvent facilement nous angliciser. Je pense que, comme parlementaires, on va demander au gouvernement du Québec de faire pression au niveau des autres pays de langue française pour qu'on puisse favoriser davantage l'usage de la langue française.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci, M. Champagne. Autres interventions? Ça va. M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Je reviendrai tantôt peut-être avec une autre question, mais je pense qu'il faut dire qu'on est entièrement d'accord avec vous sur la réalité que vous décrivez, sur la recommandation que vous nous faites.

Maintenant, vous dites que le gouvernement du Québec, en particulier à l'occasion du sommet, devrait faire pression. Voulez-vous préciser un peu votre pensée sur la nature des pressions qu'on pourrait faire?

M. Champagne (Jean-Paul): Bien voici. Dans ces rencontres de parlementaires... Mais, de toute façon, j'étais le secrétaire de l'Association des parlementaires du Commonwealth. Lorsqu'on se réunissait... Disons, de toute façon: on a droit de parole, on a le droit de faire des recommandations et puis de suggérer des choses. Et, dans une association comme celle-là, la réunion de l'an prochain ou bien dans les rencontres que la ministre peut avoir, la ministre des Communications avec le ministre des Affaires culturelles de France, ça se dit, ça se véhicule, le message. Et puis ça peut se faire aussi d'une façon concrète.

J'ai été surpris de savoir que le centre canadien de l'inforoute, quand même, il est au Nouveau-Brunswick, à Edmundston. Enfin, j'aurais aimé ça, j'aurais préféré qu'il soit au Québec, mais il est là. Maintenant, c'est entendu que, si le gouvernement du Québec veut favoriser peut-être les sites français – puis je pense qu'ils l'ont fait avec la toile du Québec... Fantastique! Chapeau! je pense qu'on peut être fiers de ce site-là, ce site Web. Mais, maintenant, pourquoi ne pas les favoriser, ces sites-là, de plus en plus, que le gouvernement français puisse avoir une politique de francisation? Alors, je pense que ça se dit dans des congrès ou dans des rencontres entre parlementaires.

M. Laporte: Oui.

M. Champagne (Jean-Paul): Puis, même s'il y a l'élément financier, bien, peut-être partager aussi un programme puis y aller de certains moyens financiers.

M. Laporte: Juste une petite question. Le monsieur dont vous parliez et dont le site sur Nice est en anglais, est-ce que vous lui avez demandé pourquoi il a pris cette décision-là?

M. Champagne (Jean-Paul): Non, non. J'étais gêné. Parce que, franchement...

M. Laporte: Oui.

M. Champagne (Jean-Paul): Si vous tombez sur ce site-là, c'est fantastique de voir Nice. Mais le plus beau site qu'il a fait, c'est ça, c'est celui de Montréal. Alors, vous l'avez... c'est présenté d'une façon panoramique. Alors, moi, je n'étais pas pour lui dire des bêtises, il avait fait quelque chose de beau à Montréal, en français.

Mais, lorsque j'arrive à son site qu'il a déjà fait, sur Nice, alors là on voit la même chose, les belles plages de Nice et tout ça, mais c'est uniquement en anglais. Alors, je n'étais pas pour lui dire... Bien, moi, je lui ai dit: Félicitations, vous avez fait quelque chose de très bien et puis j'espère que vous allez faire ça pour d'autres villes du monde, puis on va explorer, on va vous suivre en voyage, comme ça. Mais, maintenant, moi, je lui ai simplement dit: Je n'ai pas trouvé la version française. Il n'y en avait pas. Et c'est un Français qui vantait la ville de Nice. Et puis je vous parle de la Normandie aussi. J'ai été...

M. Laporte: Merci.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. le député de Taschereau.

M. Gaulin: Oui, M. le président Lemieux, cher ami, chers amis, je ne vois jamais la Société Saint-Jean-Baptiste sans repenser au secrétaire perpétuel, le grand homme que fut Gérard Turcotte...

M. Champagne (Jean-Paul): Oui.

M. Gaulin: ...qui était un grand militant du français, d'ailleurs.

Vous avez cité des chiffres tout à l'heure, enfin sans les citer nécessairement. On sait – depuis un certain nombre de jours, on a eu des statistiques, on a eu des chiffres, on a eu des points de vue, vous êtes venus nous donner les vôtres – que c'est 90 % de l'espace cybernétique qui est en anglais. Il y a 10 % du reste, des autres langues, dont 3 % – du moins, c'est les chiffres qu'on nous a donnés – en français.

Évidemment, quand on regarde la francophonie, on est à peu près 110 000 000 à parler cette langue. On peut toujours exagérer ou rétrécir, mais, en tout cas, entendons-nous sur ce chiffre-là à peu près. Si on se fie à la chanson de Julos Beaucarne, c'est un peu plus. Il y a 60 000 000 de gens en France, il y en a 6 000 000 ici. Ce sont les deux plus grosses communautés; vous voyez déjà un écart de beaucoup de millions de gens. Et, dans la mesure où les Français eux-mêmes vont se mettre à circuler, à naviguer en anglais, évidemment, on ne sera jamais très, très forts; ça ne fera jamais des enfants forts au niveau de l'Internet.

Alors, je pense que vous avez peut-être souligné des pistes de convictions, de travail, comme par exemple le sommet. À Cotonou, il y a déjà des accords qui ont eu lieu entre la France et le Québec. Peut-être qu'à Hanoi il pourrait y en avoir encore plus largement étendus sur la francophonie. Je pense que ce qu'on nous a dit en particulier, c'était au niveau du contenu, qu'il était très important de mettre des contenus en français. Vous le signalez d'ailleurs dans votre mémoire, là, et puis ça m'a frappé un petit peu. Ce serait peut-être ma première question, même s'il y a beaucoup de commentaires dans ce que je vous dis.

Vous dites que l'autoroute de l'information mène vers le marché de l'information, des transactions, du divertissement. Vous mettez où le contenu là-dedans, c'est-à-dire le fait de communiquer en français à partir de contenus précis et non pas seulement de la tuyauterie, là, les sites qu'on peut mettre, et à partir de quoi, sur quoi?

M. Lemieux (François): Bien, enfin, M. Cotnoir complétera, mais l'ensemble des contenus se divise surtout... c'est-à-dire l'utilisation de ces contenus se diviserait surtout en divertissement, en transactions et en information, évidemment...

M. Gaulin: Et la culture serait dans «divertissement»? Tout le...

M. Lemieux (François): Bien, vous pouvez en avoir aussi en information.

M. Gaulin: Oui.

M. Lemieux (François): Vous allez au musée, au Louvre, par exemple, et c'est de la transmission d'information. M. Cotnoir, peut-être, pouvez-vous rajouter quelque chose?

M. Cotnoir (Pierre-Alain): Moi, je suis tout à fait d'accord avec M. Lemieux, c'est que la culture et l'utilisation de la langue se trouvent dans les trois marchés. Évidemment, celui qui est le plus développé actuellement, c'est celui de l'information. Les échanges se développent un peu de manière cahin-caha, parce qu'il y a beaucoup d'expériences, si on peut appeler ça des expériences, ou des tentatives qui ont été faites par le secteur commercial, qui ne se sont pas avérées être les Klondike que les promoteurs espéraient.

Et, quant au secteur du divertissement, si on met de côté les logiciels... Et c'est peut-être un secteur où il y a plus de pression à mettre en termes de développement, parce que le secteur des logiciels ou du divertissement, souvent, est dominé par le marché américain et le marché en anglais. Mais je dirais que, si on veut faire une action qui est positive dans ce domaine-là, il vient de sortir une petite... une manière de voir, qui est sortie vendredi; sûrement que ça va intéresser les membres. Vous l'avez lu? Il est dit quelque chose qui rejoint un peu ce que vous dites: Dans un marché comme la francophonie, on estimait, au mois de juin, à à peu près 360 000 le nombre d'internautes au Québec. Il y a une notion de masse critique.

(16 h 40)

Et, si je reprends l'extrait que je viens de vous citer: «On estime généralement à 2 000 000 le nombre d'utilisateurs potentiels permettant, à partir de critères de marché, l'apparition d'une large gamme d'outils dans une langue autre que l'anglais. Le Japon a déjà franchi ce seuil, mais pas encore la France et les autres pays francophones qui pâtissent aussi de la pénurie d'offres et de documents consultables.» Alors, la conclusion: «Cette dernière carence pourrait être facilement palliée par une politique volontariste des administrations et des institutions publiques de la francophonie.»

Donc, je pense que c'est le rôle – et je reviens sur ce que disait M. Champagne – d'une commission comme celle-ci de favoriser les initiatives qui ont déjà vu le jour, et une de celles-ci, que l'on cite dans le document, c'est une initiative de la Conférence des peuples de langue française qui, dès 1988 – et, 1988, rappelez-vous, on ne parlait pas vraiment d'Internet, sauf dans les milieux universitaires – a créé le Centre René Lévesque, en mémoire de l'homme politique et du journaliste, qui était un grand communicateur.

Je pense que des initiatives comme celle-là, qui, à date, sont soutenues par le gouvernement wallon et le gouvernement autonome valdôtain, devraient être soutenues aussi par le gouvernement québécois. Ça donnerait l'exemple. Il y aurait d'autres pays francophones qui y entreraient, et c'est la première banque de données en format plein texte qui existe sur des documents qui touchent la francophonie et qui ne sont pas de type gouvernemental.

On parle beaucoup, là, du sommet qui s'en vient, on parle de toutes les discussions qu'il peut y avoir. Ça peut être un lieu de diffusion des prises de position des organismes sur ces différents sujets qui touchent à notre vie collective. Alors, moi, je pense qu'une des actions concrètes, au niveau québécois, c'est de permettre l'émergence de partenariats de ce type-là. C'est un plus.

M. Gaulin: Bon, c'est noté, puisque nous sommes enregistrés. Moi, je reviens à ce que nous disions. Hier, sur la question linguistique et les prorata, on s'est fait dire, presque textuellement, par un groupe: Voulez-le, voulez-le pas, la circulation se fait en anglais. Reconnaissez-le comme un fait. C'est 90 %, et puis, la langue internationale, c'est l'anglais. Je sais bien que je parle à des convertis, mais c'est au niveau des moyens que je voudrais essayer de voir avec vous autres ce qu'on pourrait faire.

Dans la mesure où le monsieur de Nice, lui, circule en anglais, c'est probablement par rapport aux lecteurs, aux navigateurs, à ceux qui vont le rejoindre, etc. Bon. Il faudrait probablement convaincre nos partenaires de France – ils sont quand même 60 000 000 à circuler en français – de la fierté de circuler en français.

Comment on peut le faire? Il y a différentes manières de le faire. Mais il faudrait peut-être aussi faire appel aux groupes nationaux pour qu'ils circulent aussi dans leur langue. Il y a quand même sept autres pour cent. C'est important, là, par rapport aux 3 % en français, il y a 7 % de gens qui circulent dans une autre langue que l'anglais et le français. Dans la mesure où on encourage le plurilinguisme sur l'inforoute, je pense qu'on renforcerait le français et les autres langues nationales et on donnerait moins l'impression... on consacrerait moins, de fait, l'espèce de fatalité qui serait de reconnaître que l'anglais, c'est la langue de circulation, c'est la nouvelle lingua franca.

M. Champagne (Jean-Paul): M. le Président...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. Champagne.

M. Champagne (Jean-Paul): Oui, M. le Président. Personnellement, j'ai été surpris de voir tous les renseignements que je peux avoir en français sur Internet. Je suis surpris et ça me surprend que les gens soient pessimistes à ce point-là. Il y a des observations à faire.

Mais maintenant je vais prendre l'exemple du plus grand serveur, actuellement, puis le plus efficace, c'est Alta Vista. Bien, ça vient des États-Unis. Je ne me souviens pas si c'est Atlantic, peu importe. Je pense que c'est quand même des millions de dossiers. L'autre jour, j'étais avec quelqu'un, et puis il voulait avoir des choses sur le Code du travail. Ça fait que je fais simplement écrire en français: Le droit au travail. J'avais des centaines et des centaines de titres en français. Lorsqu'on veut le trouver, le français, on le trouve pas mal quand même. Il y en a. Si les Américains, eux autres, ont pensé qu'on devrait avoir quand même des sites en français qu'on devrait aussi promulguer, bien, on y va.

Je vais vous conter un autre fait. Un de mes amis dit: L'élevage des autruches. Il dit: Es-tu capable de trouver quelque chose là-dessus? J'écris le mot «autruche». N'oublie pas Alta Vista, là, tu sais. J'ai trouvé des choses extraordinaires, puis les sites francophones du Québec étaient de renommée internationale. Et on entre facilement là-dedans.

L'autre jour, j'étais sur... je pense que c'est «Los Angeles Chronicle», puis, à ce moment-là, on avait les meilleurs sites, les 10 meilleurs sites, puis un des meilleurs sites, bien, c'était celui de Montréal. Alors, je suis rentré par Los Angeles à Montréal, puis il y avait la version française. Il y avait la version anglaise aussi, mais, quand même, vous voyez comment l'information, elle part d'ici, elle s'en va ailleurs, puis elle s'en va à travers le monde entier.

Je ne sais pas si je devrais vous donner d'autres exemples. Je ne sais pas, vous avez l'air convaincu. Aujourd'hui, vous pouvez jouer aux cartes, enfin, et puis vous jouez avec quelqu'un à Rome, puis l'autre, il est à Shanghai, et puis l'autre, il est à New York, et puis vous jouez aux cartes, et puis vous conversez. C'est entendu que, là, c'est en anglais; là, je suis obligé d'avouer, mais n'empêche, c'est pour montrer qu'il n'y a plus de frontières, il n'y a plus de règlements, vous vous en allez n'importe où. Et c'est pour ça que c'est difficile de faire un contrôle de toutes ces informations-là. Mais c'est nous, quand même, au Québec, le gouvernement du Québec, qui favorisons justement l'émergence de sites francophones. Et puis, à ce moment-là, c'est pris par ailleurs, puis c'est eux autres qui en font la promotion.

Et, à Paris, s'ils veulent savoir ce qui se passe ici pour les autruches, ils vont l'avoir, puis ils vont l'avoir en français. Et puis ça va se faire à Hemmingford, puis ça va se faire dans la vallée du Saint-Maurice. Enfin, c'est pour montrer comment... Je ne sais pas si ça répond, mais c'est pour montrer aussi qu'ailleurs on peut aller le chercher, quand même, ce véhicule français aussi. En tout cas.

M. Lemieux (François): Oui.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Complément de réponse, M. Lemieux?

M. Lemieux (François): Oui. La promotion du plurilinguisme, moi, j'ai beaucoup de difficultés, surtout venant du Québec. Je l'ai déjà dit ailleurs, puis je le répète ici: On a déjà beaucoup de travail à faire sur la question du français, de la langue française. Sur Internet, M. Champagne a donné un exemple caricatural, mais on sait aussi que, même sur les sites rédigés en français Internet, on utilise beaucoup le vocabulaire anglais – ce qu'on ne fait même pas ici au Québec – dans les sites Internet produits en France.

En plus, les Français ont toujours un peu de difficulté technologiquement, en particulier dans la technologie de communication, à les aborder. Je lisais un article récemment où on parlait de l'introduction du téléphone en France, qui avait pris du retard. Là, on vient de terminer la rénovation du système téléphonique. Ça fait que, imaginez, le télécopieur a encore de la difficulté à rentrer dans les moeurs en France, ça fait que, imaginez, avant qu'on se retrouve sur... Il y a Minitel qui a eu un certain succès, remarquez, puis ça se transférera peut-être à un moment donné.

Mais, le plurilinguisme, c'est une chose intéressante au sein de la communauté économique européenne pour éviter l'impérialisme anglais, la langue anglaise dans la communauté économique européenne, c'est-à-dire pour éviter que tout le monde se mette à délaisser leur langue nationale au profit de l'anglais. C'est effectivement un endroit où il faut faire la promotion du plurilinguisme. Mais, de toute évidence, je pense que, dans un premier temps, il faudrait commencer par faire la promotion de la langue française au Québec, bien sûr – comme le signalait avec pertinence, je pense, M. Champagne – auprès des Français eux-mêmes. On me disait d'ailleurs que ce n'était pas toujours facile.

J'avais une conversation avec l'actuelle présidente du Conseil de la langue française, qui me disait qu'elle devait faire, elle, des démarches auprès des autres pays de la francophonie pour leur dire que, dans le marché ou dans le milieu de l'informatique, il y avait des efforts à faire. Elle avait un travail de conviction à faire auprès d'eux. Alors, voilà.

M. Gaulin: Est-ce que je peux ajouter un mot, M. le Président?

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Oui.

M. Gaulin: Moi, je voulais juste dire qu'au niveau du plurilinguisme ça m'apparaît fort important, parce que c'est une question d'«Internationale des peuples». Tu ne fais pas la promotion nécessairement d'autres langues, toi, comme État québécois; tu dis aux autres langues et aux autres nations, aux autres peuples-nations: Circulez dans vos langues. C'est différent. C'est que tu brises l'espace monolithique anglophone quand tu fais ça, puis je pense que c'est important.

Donnons un exemple. Si, par exemple, la Colombie circule en espagnol, en gros, pensez-vous qu'ils ne seront pas plus portés, quand ils vont avoir le choix d'une deuxième langue, à faire une deuxième langue d'enseignement, à prendre le français, comme c'était le cas il y a 15 ans, alors qu'ils vont prendre le choix de l'anglais, comme c'est le cas actuellement depuis quelques années? Pourquoi? On avait des rapports avec ces gens-là. Les Français, les Québécois étaient allés donner des missions, etc., et ils s'étaient ouverts à la langue française. La langue française est plus près de leur génie et de leur code linguistique – ce sont des latins – que la langue anglaise.

(16 h 50)

Quant au reste, moi, pour la technologie, je fais quand même confiance à la France. Je voudrais bien que notre téléphone fonctionne comme le leur. Pourtant, Dieu sait si, il y a 20 ans, le téléphone... Il y a le comique, là, qui passait par l'externe, enfin par les États-Unis, pour communiquer avec le village voisin de chez lui – je ne me souviens plus qui c'était – mais je pense qu'ils ont quand même évolué quant à leur technologie. Peut-être pas Minitel là, mais en tout cas.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. Laforest.

M. Laforest (Erich): Oui, merci. J'aimerais peut-être rajouter un petit quelque chose. Si c'est vrai, ce que le groupe que vous avez rencontré prétend – que l'information, particulièrement sur Internet, se fait en anglais, qu'on le veuille ou ne le veuille pas, c'est comme ça – je pense que ça dépend de l'effort qu'on veut faire, de l'effort qu'on veut mettre à l'intérieur de ce système-là, à l'intérieur de ce réseau-là.

Le meilleur exemple que je pourrais vous donner... Bon, précarité oblige, je travaille dans deux écoles secondaires. Les deux écoles sont branchées. La GRICS – vous connaissez la GRICS, la GRICS est un fournisseur de logiciels et de trucs de communication pour les écoles secondaires et primaires – naturellement, fournit des logiciels, et ces logiciels sont en anglais. N'oubliez pas que c'est utilisé dans des écoles françaises. Donc, il y a déjà un petit geste, ici, concret, d'autant plus que les logiciels existent en français; donc, c'est des petits gestes. On donne des subventions aux écoles, on leur permet de se brancher sur Internet et on leur fournit du matériel en anglais, quand ce matériel-là existe en français. Donc, c'est un petit geste, c'est un petit geste très simple qui ferait en sorte que l'élève qui s'assoit devant son écran puisse voir des mots écrits en français. Il me semble que juste ça, c'est un minimum. Juste ça.

Une voix: Depuis quand?

M. Laforest (Erich): Ah! depuis que les écoles commencent à être branchées, tout récemment. On commence à brancher les écoles. Je prends l'exemple de l'institution où je travaille, où ils utilisent le logiciel Netscape, et c'est en anglais. Il y a une version française.

M. Laporte: Ça, M. le Président, c'est ce que je mentionnais ce matin. Quand j'étais président du Conseil de la langue française, on avait fait une étude qui avait démontré que le problème de la diffusion de ces produits français au Québec, ce n'était pas un problème d'offre, c'était un problème de demande. C'est-à-dire qu'il y a des attitudes dans les institutions qui font que les gens ne demandent pas les produits qui existent.

M. Laforest (Erich): Peut-être, mais je vous rappelle que c'est quand même une institution bien québécoise, qui s'appelle la GRICS, qui fournit ces logiciels-là aux commissions scolaires. Et de la commission scolaire on fournit ça aux techniciens en informatique.

M. Lemieux (François): Si je peux me permettre, moi, j'ai un exemple concret, bien terre-à-terre, puis je pense que les gouvernements devraient avoir l'initiative d'avoir des directives claires dans leur politique d'achat.

L'Office de la langue française a travaillé, je pense, a bien fait son travail. Là, on délaisse peut-être un peu l'inforoute, mais on tombe dans le matériel informatique; c'est parce que je veux parler des claviers. C'est par là qu'on a accès à l'inforoute. L'Office de la langue française a déjà défini des normes sur ce que doit être la position des touches, les caractères accentués sur les claviers d'ordinateurs. Ce sont des normes qui sont dans les normes internationales. Quand vous installez un logiciel en langue française, bien vous choisissez un clavier, puis il y a un clavier qui s'appelle «canadien-français» – il ne s'appelle pas «québécois», mais «canadien-français» – puis c'est en vertu des normes de l'Office.

Mais, sur la marché québécois, pour avoir un clavier qui répond aux normes – ils existent, ces claviers-là – et qui est, de toute façon, installé dans l'ordinateur, bien, il faut d'abord que vous en fassiez la demande. Il n'y a pas d'offre, il faut que vous en fassiez la demande et vous devez payer un montant supérieur. C'est 15 $ de plus pour avoir le clavier, si en plus votre fournisseur réussit à le trouver: c'est complètement absurde.

Ce qui est disponible en ce moment sur le marché québécois, c'est soit le clavier américain, c'est-à-dire même pas de caractères accentués, soit ce qu'on appelle un clavier bilingue, c'est-à-dire un clavier anglais, de langue anglaise, avec des caractères accentués. Mais les claviers avec les normes de l'Office de la langue française ne sont pas sur le marché.

Enfin, à mon sens, le gouvernement devrait trouver une façon, ne serait-ce que dans ses propres politiques d'achat, dans ses directives données dans ses réseaux, s'assurer que, lorsqu'on achète ces ordinateurs, que l'on ait ces claviers-là. Ça, ça touche les étudiants, ça touche les enseignants, ça touche toutes les secrétaires; parce que, maintenant, c'est généralisé, on a tous des ordinateurs. De plus en plus, ça va toucher le marché domestique, parce que, au fur et à mesure que l'inforoute va être accessible à une plus grande population, tout le monde va en avoir un aussi à la maison.

M. Laporte: J'ai employé le mot «offre» dans le sens de l'offre et de la demande. Ce que je veux dire, ce n'est pas que les fournisseurs l'offrent, mais que le produit est disponible.

M. Lemieux (François): Bien, c'est-à-dire qu'il existe.

M. Laporte: Il existe, oui, oui. Il est disponible.

Le Président (M. Garon): Moi, je connaissais un gars qui s'est battu pour avoir des produits québécois dans les hôpitaux quand j'étais à l'Agriculture. Je suis en train de penser qu'il y a des ristournes, parce qu'il faut se battre trop fort. Moi, je ne vous conterai pas de blague, là, j'ai vu des fois où on arrivait dans les hôpitaux du Québec et on employait 70 %, à un moment donné, de poulet ontarien, de fromage importé, alors qu'on est un grand producteur de fromage. Comment pouvez-vous expliquer ça sans qu'il y ait certaines personnes qui en tirent des avantages? Moi, je pense que tant que le gouvernement ne congédiera pas tout simplement les gens qui vont faire ça, je ne serai pas capable de comprendre... Il y a quelque chose qui n'a pas de bon sens.

Moi, je suis un des gars qui s'est battu le plus au gouvernement pour ces affaires-là, et, constamment, ça revenait, puis ça revenait. À un moment donné, les produits laitiers, le lait pour les bébés dans les hôpitaux, c'était donné. Bien ils prenaient du produit de l'Ontario. Tout le monde le donnait. À un moment donné, j'ai su qu'il y avait des sommes d'argent qui étaient données pour tel organisme.

Alors, quand je ne comprends pas, je cherche à comprendre. Habituellement, je me dis: Il y a des gens qui ont intérêt à ça. Alors, il faudrait voir s'il n'y a pas des cotes qui sont données à des gens qui achètent pour qu'ils prennent tel produit, puis je pense qu'on comprendrait bien mieux ce qui se passe actuellement.

M. Lemieux (François): Mais, quant à moi, il y a une chose qui est évidente, c'est que le gouvernement, c'est ses propres normes, de toute façon, puis c'est ce à quoi tout le monde touche. Puis là on parle d'information puis de transmission de la culture qui risque de prendre de plus en plus de place.

Le Président (M. Garon): Oui, mais c'est des argents, là. Il y a des sommes d'argent là-dedans.

M. Lemieux (François): Dans ce dont je parle?

Le Président (M. Garon): Bien oui.

M. Lemieux (François): C'est simplement de réclamer que ce clavier-là soit sur le marché québécois.

Le Président (M. Garon): Non, non, je ne parle pas du clavier, je parle des logiciels dont vous parlez, puis des choses comme ça, là. Il y a des gens qui les vendent, ces produits-là. Quand...

M. Lemieux (François): Ah oui! Bien, c'est possible, monsieur. Si vous me dites que le gouvernement envisage de modifier...

Le Président (M. Garon): Moi, je suis en train de me le demander, parce que c'est trop. Il faut se battre tout le temps pour ces affaires-là. Ce n'est pas des gens qui ne comprennent pas...

M. Lemieux (François): Si vous voulez avoir une politique de congédiement, je n'ai pas...

Le Président (M. Garon): ...mais peut-être qu'il y a des gens qui comprennent leur intérêt. Il va falloir se poser d'autres questions, parce que c'est absurde.

M. Laporte: Mais ça, vous avez peut-être raison, il y a peut-être un intérêt qui joue, mais, moi, ce que j'ai vu dans des études qu'on avait faites là-dessus, c'est qu'il y a, de la part des techniciens ou des gens qui sont des spécialistes, une attitude voulant que ce qui est en anglais, c'est plus authentique que ce qui est en français. Donc, il y a peut-être des intérêts qui jouent, mais il faudrait changer aussi les attitudes des gens qui prennent les décisions d'achats. C'est aussi bête que ça.

M. Lemieux (François): Mais ça, c'est une vieille affaire, c'est une vieille chose qu'on a souvent réussi à corriger au Québec. Je pense qu'en électricité, dans les années soixante, on devait dire que, quand c'était en anglais, c'était meilleur, mais on l'a tout francisé et c'est nous qui sommes les meilleurs ou qui l'avons été, à tout le moins, les meilleurs dans ce domaine-là. Il s'agit de prendre les moyens puis de vouloir.

Le Président (M. Garon): Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Bonjour, messieurs. C'est fort intéressant, ce dont on discute. Il y a un petit aspect qu'on a effleuré concernant les écoles. On a parlé un peu de votre expérience avec des logiciels en langue anglaise, mais je dois dire que, dans votre mémoire, il y a un passage qui m'a laissée un peu perplexe: quand vous nous invitez à la prudence pour ce qui est de l'investissement dans le domaine scolaire.

Je comprends que vous dites: il ne faut pas se jeter tête baissée dans n'importe quel achat d'équipement. En même temps, il me semble que, s'il y a une chose que je retiens des consultations qu'on a menées – on est rendus au jour huit, je pense, aujourd'hui, puis je numérote mes petits papiers pour être sûre de m'y retrouver – c'est que l'école aura un rôle central. Et, si on ne trouve pas le moyen de reconnaître ce rôle et d'équiper au minimum les enfants et de leur donner accès à l'inforoute, ils vont rester en marge d'un univers qui est absolument essentiel et qui est devenu incontournable, d'autant plus qu'ils sont précisément à un âge où on entre là-dedans de plain-pied, ce qui, qu'on le veuille ou non, n'est pas notre cas. Pour nous, ça a été, pour bien des gens de ma génération, une conversion culturelle quand même importante que de se mettre à cet univers. Ce n'est pas le cas des enfants.

Et j'aimerais que vous m'expliquiez un peu la grande prudence que vous nous invitez à avoir, parce qu'il me semble même que l'inforoute peut être un excellent stimulant à l'apprentissage ou, en tout cas, loin d'être une entrave, peut être quelque chose qui permet une approche pédagogique tout à fait différente. Je crois que c'est la CEQ qui nous a dit: Au lieu d'avoir un maître en avant qui parle et puis qu'on a du mal à suivre, un maître qui donne une tape sur l'épaule et qui suit l'apprentissage d'un jeune, peut-être que ça permet des choses tout à fait intéressantes et qui recentrent l'élève au coeur de son apprentissage.

Alors, comme c'est un dossier malgré tout important, j'aimerais vous entendre commenter un peu. C'est à la page 26 de votre mémoire, cette question-là.

(17 heures)

M. Lemieux (François): Bien, écoutez, il y a deux expériences qu'on a connues durant les années soixante-dix puis durant les années quatre-vingt. Durant les années soixante-dix, ça a été la diffusion de l'audiovisuel, où on présentait un peu la question de l'audiovisuel comme étant une panacée, une chose qui révolutionnerait l'enseignement, alors qu'effectivement ça a été un outil important utilisé dans l'enseignement, mais il y a eu beaucoup d'achat de matériel audiovisuel qui est devenu vite périmé et qui, somme toute, n'a pas eu l'effet ou l'impact escompté, compte tenu de l'investissement qu'on avait fait. Durant les années quatre-vingt, ça a été les ordinateurs, et on a acheté beaucoup d'ordinateurs pour le réseau scolaire, puis là non plus les logiciels n'ont pas suivi ou la formation des enseignants n'a pas suivi; enfin, il y a toute une série de facteurs qui ont fait que ça n'a pas été exploité comme ça aurait dû l'être.

On fait la même mise en garde dans le cas de l'inforoute: on devrait apprendre de ces expériences-là pour s'assurer que, par exemple, on l'utilise bien au bon endroit, pour commencer, en fonction de ressources qu'on connaît, qui sont déjà installées, qui sont sûres, ou qu'on développe des ressources que... Je prends l'exemple de l'accès aux fichiers de bibliothèques. Ça va bien, nos réseaux universitaires l'ont bien développé, mais il faudrait penser, pour les enfants du primaire puis du secondaire – enfin, du primaire, surtout début secondaire – à développer les fichiers municipaux, l'accès aux bibliothèques municipales, l'accès aux bibliothèques scolaires collégiales, par exemple. Il y a des choses, vraiment, qu'on sait qu'elles vont être utilisées rapidement. Pour les autres, bien, s'assurer que les ressources existent pour les jeunes. Sur Internet, à l'heure actuelle, pour les adolescents, il y a beaucoup à faire, hein. Ha, ha, ha!

Une voix: C'est des petites choses.

M. Lemieux (François): Sur le plan pédagogique aussi. Il y a l'accès évidemment à des banques de données, mais déjà, ça, c'est pour plus vieux. Enfin, c'est être concret puis être prudent dans la façon d'intervenir. Je ne sais pas s'il y a...

M. Champagne (Jean-Paul): Moi, je suis un ancien professeur de français. J'ai connu l'enseignement dans les années cinquante, soixante et soixante-dix, et puis, justement, les nouvelles modes arrivaient et puis on ne préparait pas nécessairement les professeurs. Et puis je répète un petit peu ce que le président vient de dire, je l'ai vécu moi-même, les laboratoires de langues, l'audiovisuel et tout ça, puis aujourd'hui on peut bien prendre l'Internet pour faire l'apprentissage pédagogique, peut-être, de la langue, de l'écriture ou de la composition, mais maintenant je pense qu'il faut être assez prudent là-dessus pour ne pas se lancer sans façon, sans avoir un plan déterminé soit de formation et de bon équipement et puis sans savoir comment se servir d'un instrument pédagogique comme celui-là, comment s'en servir pour le bien de l'enfant.

Si on met des logiciels – supposons le logiciel 101, ou il y en a un autre qui va être sur le marché, Antidote, dans quelques semaines – et puis on fait l'apprentissage du français en quatrième année en ayant un correcteur automatique, je ne pense pas qu'au point de vue pédagogique ça soit très, très bon, ça, pour comprendre le mécanisme des accords et puis le...

Mme Malavoy: Vous voulez dire que ça ne remplace pas tout.

M. Champagne (Jean-Paul): Ça ne remplace pas tout, loin de là. Et puis des fois on se lance sur les accessoires, mais, tu sais, il y a quand même un essentiel dans l'éducation ou l'apprentissage d'une langue, entre autres. Alors, c'est pour ça que, quand bien même qu'il y a – excusez-moi, je vais le dire – des nouveaux gadgets, il ne s'agit pas de se lancer à corps perdu là-dedans, mais d'y aller d'une façon, je ne sais pas, prudente, et c'est peut-être la réserve qu'on met, parce que, dans le passé, on s'est lancé peut-être trop vite pour changer un petit peu les équipements et aussi la méthode.

M. Lemieux (François): Moi, je veux saluer l'effort du gouvernement, la préoccupation, d'ailleurs, qu'il y a depuis un certain nombre d'années, et l'effort du gouvernement, parce que, on le constate, ça a un effet sur l'inforoute. À l'intérieur de deux ans, il y a eu une progression énorme de sites présents. Mais faisons attention, parce que, des fois, quand on va vite, on peut déraper puis on peut, dans le fond, tuer toute l'initiative. Alors, ce que je dis, c'est qu'il faut continuer, il faut continuer cet effort-là, mais il faut être prudent dans la façon de le gérer.

M. Laforest (Erich): De toute façon, même si on décide d'équiper toutes les commissions scolaires, que chaque élève a un ordinateur devant lui – à la place du pupitre, c'est son ordinateur – et qu'il est branché sur Internet, il va où? Il va à quel endroit? Qu'est-ce qu'il regarde? Pédagogiquement, il n'y a rien en soi ou il y a très peu de contenu pédagogique. Ça, il n'y en pas beaucoup, par exemple. Il y en a, mais pas beaucoup. Il y a une flopée de commissions scolaires au Québec, mais combien placent du contenu pédagogique sur Internet? Très peu, très peu. C'est souvent des passionnés d'Internet comme mon collègue, M. Champagne, et moi qui décidons de placer des choses au nom de notre commission scolaire, sans même le lui dire, à la limite. C'est comme ça que ça fonctionne, hein.

M. Lemieux (François): Je vois venir M. Laforest: vous savez, il est enseignant, je présume qu'il voudrait que sa commission scolaire lui rende disponible un site Web où...

M. Laforest (Erich): Ha, ha, ha!

M. Lemieux (François): ...il pourrait donner le contenu de ses cours pour ses étudiants. Ha, ha, ha!

M. Laforest (Erich): Il l'a déjà fait, mais chez moi.

M. Champagne (Jean-Paul): Pour une autre commission scolaire. Ha, ha, ha!

M. Laforest (Erich): Bien sûr, bien sûr. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Garon): Moi, je vais vous demander une affaire, par exemple, parce que, là, vous avez fait une affirmation: Avez-vous les titres des logiciels qui sont fournis en anglais quand les logiciels français existent?

M. Laforest (Erich): En fait...

Le Président (M. Garon): Parce qu'on peut aller plus loin avec ça.

M. Laforest (Erich): Mais ça serait difficile, parce que c'est le même logiciel, mais traduit en français. Exemple: le système d'exploitation de Windows, Windows 95, il est en anglais, il est en français, mais il est dans une flopée de langues aussi. Mais c'est la même chose. Le logiciel le plus commun s'appelle Netscape. Il est en anglais, mais le même logiciel, traduit en français, il existe.

Le Président (M. Garon): Non, mais vous avez dit tantôt que la GRICS utilisait...

M. Laforest (Erich): Fournissait le logiciel Netscape en anglais.

Le Président (M. Garon): Alors que le français existe.

M. Laforest (Erich): Il est disponible.

Le Président (M. Garon): Dans n'importe quelle commission...

M. Lemieux (François): Le logiciel...

Le Président (M. Garon): Dans toutes les commissions scolaires.

M. Lemieux (François): Oui. Le logiciel, en français, il existe sur à peu près tous les sites dans lesquels vous pouvez avoir accès en informatique. On vous invite à aller le chercher sur le site gratuitement en français.

Une voix: Ah oui?

M. Lemieux (François): Surtout celui-là, c'est encore le plus accessible. C'est vraiment... C'est trop évident.

M. Laforest (Erich): Oui, puis il y a aussi celui de Microsoft, Internet Explorer, qui est fait en français sans problème.

M. Lemieux (François): Il y a eu des versions de développement, elles sont accessibles gratuitement. Il y a même des...

Le Président (M. Garon): Non, non, non, mais, moi, j'ai été magasiner la semaine dernière justement pour un autre appareil chez nous et puis... Vous me rappelez quelque chose, là. Je comprends peut-être ce qui se passe. C'est que la personne m'a dit – c'est à Québec, ça: On va vous donner la version anglaise, mais vous écrivez, et c'est Microsoft qui se garde le contrôle de la distribution des versions françaises – apparemment parce que le prix ne serait pas le même ici puis en France. Moi, c'est ça qu'on m'a dit. On m'a dit: Vous avez rien qu'à écrire. On vous donne la formule, tout, puis ils vont se charger de vous l'expédier, parce que...

M. Cotnoir (Pierre-Alain): L'an dernier, ça.

Le Président (M. Garon): Non, non! C'est il y a près de trois semaines.

Une voix: Ah oui?

M. Cotnoir (Pierre-Alain): Mais là ça dépend des produits dont on parle. Quand on parle des produits pour naviguer sur le W3, les fureteurs ou les navigateurs, comme on les appelle, la version qui est distribuée par Microsoft est distribuée gratuitement...

Le Président (M. Garon): Oui.

M. Cotnoir (Pierre-Alain): ...de sorte que vous pouvez...

Le Président (M. Garon): Mais il faut que vous...

M. Cotnoir (Pierre-Alain): ...l'avoir autant en cyrillique, en hébraïque, en japonais, qu'en français.

Le Président (M. Garon): Oui.

M. Cotnoir (Pierre-Alain): Et c'est des versions, ça, qui ne sont pas juste des versions de développement, c'est des versions distribuées. C'est du partagiciel. Alors, il n'y a pas de raison pour que des gens ne puissent pas avoir une version... En français, vous pouvez la faire venir par votre ligne téléphonique, à partir de votre fournisseur Internet, en vous rendant directement sur une des dizaines de sites qui sont disponibles un peu partout à travers le monde pour aller chercher...

Alors, je pense que c'est plus de la mauvaise volonté. Peut-être que ça rejoint ce que disait monsieur. C'est que, effectivement, il y a des gens, des fois, pour qui ça passe au second plan, cette préoccupation-là de distribuer dans leur milieu des logiciels en français, parce que ça fait plus branché...

M. Lemieux (François): C'est ça.

M. Cotnoir (Pierre-Alain): ...de le faire en anglais. Puis je serais encore plus méchant si je disais qu'il y a peut-être des gens aussi qui ont des ententes avec des fournisseurs qui ont du vieux stock à passer.

M. Lemieux (François): Alors, c'est de la paresse. Des fois, on le voit, on le constate. Même, nous, à la Société Saint-Jean-Baptiste, il a fallu – on parlait des claviers tantôt – faire une demande... Malgré la demande initiale, il est arrivé avec ses claviers. Il a fallu lui demander de retourner puis d'aller chercher les claviers qu'on voulait. Pourtant, il me semble que, s'il y a un endroit où ça devrait être évident, c'est chez nous. Mais, même là, ça a l'air que ce n'est pas toujours facile, ce n'est pas toujours simple.

Ceci étant dit, c'est bien évident que les versions les plus avancées technologiquement sont souvent d'abord développées en anglais. Ça, il y a un peu un incontournable dans tous les cas de haute technologie. Pour peu qu'on insiste, puis qu'on réclame rapidement, puis qu'il y ait des marchés évidents pour les producteurs comme dans n'importe quel domaine, s'il y a des marchés pour ça – j'ai évoqué les politiques d'achat – moi, je pense que, aussitôt que c'est évident qu'il y a un marché qui va arriver ouvert immédiatement, bien, les producteurs vont rapidement développer les systèmes, très bons, souvent, d'ailleurs, très efficaces en français.

M. Laforest (Erich): Même pour faire des pages Web, le meilleur logiciel est construit au Québec en français uniquement. Il n'y a même pas de version anglaise. Et je serais étonné de voir le nombre d'écoles qui détiennent... Ça ne coûte pas très cher, là, c'est même presque gratuit. De la bonne bonne volonté, je pense que c'est de la bonne volonté; c'est des petits gestes.

M. Champagne (Jean-Paul): Oui. M. le Président, tout à l'heure je donnais l'exemple... J'espère que, lorsque vous êtes allé dans le magasin à Québec... Peut-être qu'on vous a offert des choses, mais ils vous offrent aussi des logiciels, puis ils vont être seulement en anglais. Ils vont vous les donner gratuitement, mais ils sont en anglais. Puis je donnais l'exemple de l'encyclopédie Grolier qui est donnée à tous ceux qui achètent des appareils, même dans les universités puis dans les collèges, puis, moi-même, c'est ça qui m'est arrivé. La version de l'encyclopédie est en anglais. Alors, ce n'est pas un bon exemple à donner à nos enfants pour faire une recherche. Quoi faire? Je ne le sais pas. Je me suis informé à mon fournisseur, puis il m'a dit que c'était ailleurs. Ça venait de Singapour. Alors, faites pression, M. le Président, chez votre fournisseur. Ha, ha, ha! Je dois vous dire ça. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Garon): Mais vous n'avez pas écouté ce que j'ai dit, par exemple. Lui, il a dit que c'est Microsoft qui voulait se garder la distribution française. Il y avait quelque chose qu'ils voulaient contrôler, qu'il disait, puis ils voulaient les mettre eux-mêmes...

M. Lemieux (François): Oui. Il y a un événement...

(17 h 10)

Le Président (M. Garon): Ils ne voulaient pas que quelqu'un en prenne plusieurs pour les envoyer ailleurs.

M. Lemieux (François): Il y a eu un événement célèbre, à propos du logiciel Windows 95, qui a fait la manchette à l'époque, c'est-à-dire que Microsoft a décidé qu'elle sortait la version française six mois plus tôt en France plutôt qu'ici parce que les prix seraient moins élevés ici puis qu'il y aurait du piratage qui pourrait se faire en France. Mais, à ma connaissance en tout cas, je ne sais pas...

M. Cotnoir (Pierre-Alain): Mais ça, c'était à la demande des Français. C'est parce qu'il faut savoir que la version de Windows 95, qui devait sortir en même temps au mois d'août, avait été retardée jusqu'en novembre parce que le distributeur Microsoft France vendait le même produit à peu près trois fois le prix qu'on pouvait l'avoir au Québec. Alors, ce dont ils avaient peur, c'est que des petits futés viennent au Québec, en achètent une vingtaine ou une centaine puis viennent les vendre en France: c'est exactement le même produit.

Le Président (M. Garon): Bien, ça doit être ça. Ça, ça a du bon sens quand vous me dites ça, ça fonctionnerait.

M. Cotnoir (Pierre-Alain): Mais ça, c'est peut-être de se parler entre gouvernements puis de dire: Écoutez, des niaiseries comme ça, c'est un peu idiot, le marché francophone est déjà assez petit. Mais la plupart des produits de haute technologie qui sortent souvent sortent un peu avant en anglais. Mais les délais, maintenant, sont très courts. Je regarde la version 3 d'Internet Explorer que j'utilise, la version française a suivi deux semaines après. Ça fait que souvent c'est une question de semaines avant que le produit soit disponible, puis il s'agit juste d'attendre un peu.

M. Laporte: Qu'est-ce qui va arriver avec Windows NT, par exemple? Est-ce qu'on va se retrouver avec le même genre de problème qu'avec Windows 95?

M. Cotnoir (Pierre-Alain): La version est déjà sortie...

M. Laporte: Elle est déjà sortie?

M. Cotnoir (Pierre-Alain): ...de Work Station.

M. Laporte: Oui. Mais est-ce qu'elle est sortie en français puis en anglais?

M. Cotnoir (Pierre-Alain): Elle est sortie en français. On a...

M. Laporte: Donc, est-ce qu'on risque de se retrouver avec une espèce d'insignifiant, de l'autre côté de la clôture, qui...

M. Cotnoir (Pierre-Alain): Ce n'est pas arrivé.

M. Laforest (Erich): Ce n'est pas le même problème, de toute façon.

M. Cotnoir (Pierre-Alain): Il est vendu déjà plus cher. Ha, ha, ha!

M. Laforest (Erich): On ne parle pas au même monde.

M. Cotnoir (Pierre-Alain): C'est ça.

M. Laporte: Ah!

M. Laforest (Erich): On ne parle pas au même monde. Windows NT et Windows 95, c'est deux publics bien différents.

M. Laporte: Oui, oui, je comprends, c'est deux marchés différents, quoique temporairement...

M. Laforest (Erich): On ne parle pas à la population avec Windows NT, là, au monde en général.

M. Laporte: Hum! Pas sûr!

M. Cotnoir (Pierre-Alain): En tout cas, éventuellement, peut-être que la version 97 va incorporer les moteurs de la version 95, mais actuellement c'est le marché surtout d'affaires, corporatif, qui est visé...

M. Laporte: Ah oui! C'est sûr! Le marché corporatif, oui.

M. Cotnoir (Pierre-Alain): ...parce qu'il est plus stable. Il vaut 300 $ à 400 $, le Work Station.

M. Laporte: C'est sûr. D'accord. Est-ce que je pourrais ravoir le nom de l'organisme dont vous avez parlé?

M. Laforest (Erich): La GRICS, G-R-I-C-S.

M. Laporte: C'est quoi, ça, la GRICS?

M. Laforest (Erich): C'est le fournisseur de matériel scolaire.

Le Président (M. Garon): C'est un organisme qui est mis sur pied par les commissions scolaires...

M. Laporte: Ah bon!

Le Président (M. Garon): ...pour des fins informatiques, avec la subvention du ministère de l'Éducation.

Une voix: Et voilà.

M. Laporte: C'est bien, c'est bien. Ha, ha, ha! Très bien! Ha, ha, ha!

Une voix: Ha, ha, ha! Oui, c'est bien.

M. Laforest (Erich): Vous m'enlevez les mots de la bouche. Ha, ha, ha!

M. Laporte: C'est extraordinaire!

Le Président (M. Garon): C'est un organisme qui dépend à 100 % d'organismes publics.

M. Laporte: L'AGRIC.

M. Laforest (Erich): GRICS.

Le Président (M. Garon): Non, non, c'est G-R-I-C-S, GRICS. La GRICS.

Une voix: C'est un nom en anglais, ça?

Le Président (M. Garon): Non, non. Je ne sais pas ce que ça veut dire, je ne m'en rappelle plus, mais «CS» veut dire «commission scolaire». Quand vous avez GRICS, là...

M. Laporte: Ah oui! Ah oui! O.K., O.K., O.K.

Le Président (M. Garon): ...réseau informatique, là... Le «G», je ne sais pas ce que ça veut dire, mais c'est réseau informatique des commissions scolaires, quelque chose de même.

M. Laporte: O.K.

M. Champagne (Jean-Paul): C'est bien gros, puis il y a beaucoup d'employés là, et puis j'ai déjà eu affaire à eux, et puis je pense qu'il faudrait peut-être leur poser certaines questions, à ces gens-là.

M. Laforest (Erich): Ceci étant dit, leur page Web est en français, Dieu merci!

Le Président (M. Garon): Ça doit être comme d'habitude: le ministère de l'Éducation est meilleur pour distribuer les fonds que pour vérifier ce qu'on fait avec.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Avoir su... Ha, ha, ha!

Une voix: Il n'a pas eu le temps d'être réformé.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Garon): L'enquête que j'ai fait faire sur l'éducation des adultes l'a amplement démontré. C'est de valeur qu'elle n'ait pas été poursuivie.

M. Lemieux (François): On a signalé un autre cas, nous aussi, puis on pense que le gouvernement doit avoir une attitude exemplaire. On a signalé un autre cas dans notre mémoire, c'est celui de... C'est une exception, remarquez, mais elle est quand même notable. Si vous allez au Bureau de la statistique du Québec, votre page doit être bilingue; ça veut dire en français et en anglais. Par contre, si vous allez à Statistique Canada, vous avez le choix entre la page en français ou la page en anglais.

J'ai cru comprendre qu'il y avait des délais de production. Il s'agissait de vieux sites à une époque où le seul fait d'avoir du français, même bilingue, c'était déjà beaucoup. Mais je pense que le gouvernement doit s'assurer lui-même de donner cet exemple-là, maintenant que, de toute façon, tout l'environnement s'est ajusté puis s'est modifié.

Le Président (M. Garon): Bien, je vous remercie infiniment, les représentants de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, de votre contribution aux travaux de cette commission. Je suis persuadé que de part et d'autre nous allons nous enquérir de ce que fait la GRICS avec les fonds gouvernementaux, surtout dans un endroit où on est supposé d'abord enseigner la langue française, la langue qui devrait être la langue commune des Québécois. J'imagine que ces organismes-là, qui émargent à peu près à 100 % aux fonds publics, devraient au moins appliquer la Charte de la langue française. Je vous remercie.

Des voix: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Garon): J'invite maintenant La Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins à s'approcher de la table. Et je vous dis que nous avons trois quarts d'heure, c'est-à-dire normalement une quinzaine de minutes pour votre exposé, une quinzaine de minutes pour chacun des partis politiques, et, si vous prenez moins de temps, bien, les députés auront plus de temps pour vous questionner, si vous en prenez plus, ils auront moins de temps, puisque nous devons ajourner à 18 heures.


La Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec (CCPEDQ)

M. Morency (Yves): Bonjour, M. Garon.

Le Président (M. Garon): Bonjour.

M. Morency (Yves): Soyez assurés que nous allons vous laisser tout le temps pour nous poser des questions, on ne sera pas très, très, très longs. Alors, on préfère plutôt échanger avec vous.

M. le Président, MM. les membres de la commission de la culture, aujourd'hui je suis accompagné de Robert Chagnon, qui est directeur du Centre de soutien de projets et implantations marketing à La Confédération des caisses Desjardins. Alors, le Mouvement des caisses Desjardins vous remercie de l'avoir invité à vous exprimer son point de vue sur les enjeux du développement de l'inforoute québécoise. Je me permets de ne pas faire une lecture exhaustive de notre mémoire, mais plutôt de présenter l'essentiel de nos propos.

Avant d'entrer directement dans le vif du sujet, j'aimerais vous entretenir sommairement du réseau informatique et des télécommunications du Mouvement des caisses Desjardins, pour vous indiquer qu'on n'en est pas à nos premiers balbutiements sur l'inforoute de l'information. En effet, le Mouvement des caisses Desjardins a été la première institution financière canadienne à mettre un système intercaisses en place afin de relier tout son réseau de caisses, et ça a été fait à titre pilote lors de l'exposition universelle de 1967, à Montréal, sur le site de l'exposition.

Le Mouvement des caisses Desjardins exploite le plus grand réseau de télécommunications privé au Québec, reliant ses 1 600 caisses et comptoirs de service, entre autres par le biais de la fibre optique et en mode numérique. Le réseau permet l'exploitation de 1 800 guichets automatiques intégrés aux réseaux Interac, VisaNet et Plus. On y retrouve plus de 30 000 terminaux-points de vente intégrés au réseau d'autorisation en direct des achats par carte de crédit et de paiement direct Interac. Le même réseau relie 1 400 pharmaciens au Centre d'autorisation et de paiement des services de santé, ce que nous appelons communément le CAPSS, et six des plus gros assureurs de soins médicaux du Québec.

Au printemps dernier, Desjardins innovait une fois de plus en lançant au complexe Desjardins, à Montréal, son projet-pilote de porte-monnaie électronique jetable. Ce projet permettra au Mouvement Desjardins de mieux comprendre l'environnement dans lequel doit se faire le lancement du porte-monnaie électronique, mais, cette fois-ci, rechargeable.

Ce mois-ci encore, Desjardins poursuit ses innovations, d'une part en installant l'un des plus beaux sites bancaires sur Internet au Canada, qui n'est pas pour l'instant en mode transactionnel en ce qui concerne les transactions de nature confidentielle, et je vous soulignerais que ce site a été développé strictement et uniquement en français. Il est accessible encore strictement et uniquement en français, du moins pour l'instant, mais nous tenions à le faire au départ en français et, selon les besoins, possiblement à le rendre accessible en anglais. Ce dernier permettra, en ce qui concerne aussi...

Nous allons inaugurer notre nouveau centre bancaire téléphonique dans les prochains jours. Ce nouveau centre permettra aux membres de faire presque toutes leurs transactions financières à partir de la nouvelle génération de téléphones intelligents, le Vista 350. Tout en maintenant une ouverture aux technologies moins évoluées, le centre bancaire pourra facilement évoluer pour permettre le rechargement de porte-monnaie électroniques. Desjardins est donc déjà, comme vous pouvez le voir, un acteur et un partenaire majeur sur l'inforoute de l'information au Québec.

Dans ce contexte, il propose, dans son mémoire, aux membres de la commission une réflexion axée principalement sur quatre enjeux du développement de l'inforoute québécoise. Le premier enjeu que nous avons identifié est lié, quant à lui, à la défense et à la promotion de la langue française dans un contexte où la notion de culture est appelée à évoluer. En effet, la langue n'est pas un contenu interchangeable. Elle est à la fois une richesse qu'il nous faut protéger et développer et un instrument, un outil, un moyen de communication et de croissance dont les individus disposent et qu'ils font évoluer.

(17 h 20)

Promouvoir la création de contenus de services francophones sur l'inforoute québécoise laisse place à l'ouverture sur le monde en permettant de communiquer notre culture et de nous ouvrir à celle des autres peuples et des autres organisations. Par ailleurs, l'accessibilité universelle et la protection de la vie privée constituent pour nous un deuxième enjeu d'importance. En vue de rendre l'inforoute accessible à tous, il faut surmonter les obstacles économiques reliés aux coûts de l'équipement, de la communication locale et interurbaine, à l'accès à un serveur de réseau et à des banques de données. Il est également nécessaire de protéger la vie privée en utilisant les lois actuelles entourant la confidentialité et la protection des renseignements personnels tout en se montrant constamment vigilant pour assurer le bon fonctionnement des échanges électroniques.

Dans un troisième temps, nous sommes convaincus de l'importance de la coopération et du partage des connaissances pour le développement des communautés locales et leur rapprochement. Le développement de l'inforoute peut se faire en évitant le danger d'isolement des personnes, à la condition qu'il favorise la coopération et le partage des connaissances. En rendant l'information plus disponible et plus facilement accessible, il contribue au développement des communautés locales, de leurs entreprises et de leurs institutions, ainsi qu'au rapprochement des communautés éloignées.

Enfin, le quatrième et dernier enjeu que nous avons identifié touche l'utilisation de l'expertise acquise et la promotion de l'unicité d'accès aux inforoutes. Nous croyons résolument que le développement de l'inforoute québécoise consistera à utiliser l'expertise acquise tout en assurant l'unicité d'accès aux inforoutes. Le défi réside donc dans l'implantation d'une infrastructure unique et universelle capable d'utiliser des technologies diverses et des outils déjà en place.

J'aimerais souligner en terminant que toutes les innovations technologiques faites par le Mouvement des caisses Desjardins au fil des ans se sont pratiquement toujours inscrites dans l'esprit des travaux de votre commission: les technologies rejoignent tous les membres, peu importe le lieu de leur caisse; on y retrouve d'abord et surtout le français; et enfin, toutes les transactions sont traitées de façon confidentielle et sécuritaire.

Voilà donc, M. le Président et membres de cette commission, un court résumé de notre mémoire, et nous sommes disposés, M. Chagnon et moi, à répondre à vos questions et également à donner les clarifications sur les différents aspects de notre mémoire.

Le Président (M. Garon): Je vous remercie. Alors, qui a commencé, le dernier coup?

M. Beaumier: Je peux y aller.

Le Président (M. Garon): M. le député de Nicolet... Champlain, pardon.

M. Beaumier: Oui. C'est bien.

Le Président (M. Garon): Je me rappelle toujours de votre ancien comté.

M. Beaumier: Ah! c'est moins pire que le député de Laporte.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Laporte: Le député de Laporte va attendre d'avoir entendu le député d'Outremont.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Morency (Yves): Là, je vous assure, vous nous mélangez tous.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Beaumier: Bon. Alors, sur ce, j'interviens. Oui. Merci, M. le Président. Ça concerne l'impact de l'inforoute sur le monde du travail. J'ai cru comprendre que vous signaliez que l'inforoute, selon votre perception, ne bouleverserait pas radicalement le marché du travail. Mais j'essaie de comprendre. «C'est-u» parce que c'est déjà en cours ou bien si c'est parce que, effectivement, vous ne prévoyez pas qu'il y ait un impact comme tel sur le marché du travail et même sur la localisation des endroits de travail, sur l'aménagement du territoire? On a eu, précédemment... Je crois que c'était l'Ordre des architectes qui prévoyait, disons, ou qui envisageait, ou qui imaginait que ça pouvait avoir un effet énorme même sur la répartition de l'oekoumène, du lieu d'habitation entre le centre-ville, le périurbain puis même le rural.

Alors, ça va un petit peu à l'encontre de mes préjugés – ce qui n'est pas grave – mais j'aimerais savoir si, effectivement, vous... Comment vous expliquez que, selon vous, il n'y aura pas beaucoup d'impacts sur le lieu de travail? Sur le marché, je comprends, mais sur le lieu de travail aussi. C'est imbriqué l'un dans l'autre.

M. Morency (Yves): Vous dire qu'il n'y aurait pas de changement, ce serait vous mentir, et je pense que vous êtes très au fait, quand même, que le monde dans lequel nous vivons est un monde en pleine ébullition. Le monde de l'information, le monde basé sur l'intelligence accède davantage à de l'information et à des moyens de communication.

Ce que nous vous disons, c'est: Depuis le début de l'informatique, on n'a pas nécessairement perdu des emplois; au contraire, on en a créé, créé dans des nouveaux champs, dans des nouveaux domaines. Vous voyez, chez nous, quand on parle de notre centrale téléphonique à distance, nous allons quand même l'implanter, et avec des employés qui auront reçu une formation pour peut-être des emplois qui étaient davantage, je dirais, à faible productivité à des emplois qui sont en partie, à l'occasion, mieux rémunérés, qui demandent une formation plus adéquate, à valeur ajoutée. Alors, disons qu'il y a une transformation, bien sûr, du marché du travail, mais je pense que c'est le lot du marché du travail d'évoluer, d'évoluer dans ce sens-là, de rendre accessibles des nouveaux produits.

On parle d'Internet, maintenant, mais, chez nous, pour maintenir ce site-là, vous savez quand même... Depuis quelque temps, je reçois directement sur Internet vos débats. Le matin, on peut aller les chercher. Mais ça prend des gens qui travaillent sur ces sites-là. Notre site informatique, notre site Internet, pour nous, ça prend des concepteurs, ça prend des gens qui y travaillent, qui mettent des éléments intéressants pour que les gens puissent y avoir accès. Donc, à ce moment-là, je dirais qu'il y a une transformation.

Bien sûr, au passage, il peut y avoir des types d'emplois, des natures d'emplois qui seront moins nombreux. Prenons dans nos caisses, au-delà de 60 % de nos transactions de convenance se font maintenant par des moyens électroniques, soit guichet automatique, transfert d'information sur des rubans magnétiques. Il reste un fait: c'est que ce qu'on veut davantage, c'est que nos employés qui seront moins sollicités au niveau des services de convenance, on veut leur donner la formation adéquate pour qu'ils deviennent des conseillers financiers. Vous allez me dire: Ça ne se fait pas du jour au lendemain. Exactement, je suis d'accord avec vous. Donc, il faut les former, il faut leur donner les connaissances voulues pour rendre un service-conseil davantage axé vers la relation entre le membre et un conseiller. Alors, il y a toute une transformation de l'emploi.

Je ne vous dirai pas qu'au passage il n'y aura pas à l'occasion des ajustements. On n'a pas encore totalement domestiqué, à mon sens, toutes les capacités de la technologie. On commence à entrer sur Internet. Alors, quand même, ce n'est pas tous les Québécois qui sont câblés ou branchés sur Internet. Mais il reste un fait: c'est que, avec l'habitude, avec le temps, de plus en plus de transactions, dans la mesure où la confidentialité sera respectée... Et, pour nous, c'est un élément qui est majeur, le respect de la confidentialité et de la sécurité des transactions. Mais, comme je vous dis, c'est un monde en pleine ébullition dont on n'a pas vu encore tous les effets bénéfiques et positifs qui vont se créer. Donc, pour moi en tout cas, pour un, je vois là quand même une opportunité, une opportunité que le Québec peut prendre.

Écoutez, comme je vous disais tout à l'heure, ce n'est pas par vantardise qu'on vous dit qu'on a un des plus beaux sinon le plus beau site bancaire au Canada. Effectivement, on a mis dans ce site-là, un site francophone, beaucoup de nouveautés, beaucoup d'innovations, de sorte que c'est un produit québécois. C'est un produit de chez nous, donc ça prend des gens pour le faire, ça prend des gens qui ont des habiletés, ça prend des gens qui ont des aptitudes à le faire.

M. Beaumier: Mais est-ce que vous me dites que l'arrivée de l'Internet fait en sorte... Moi, personnellement, je suis un sociétaire des caisses Desjardins. Est-ce que vous me dites que, dans la caisse qui est la mienne, qui est de chez nous... Est-ce que ça veut dire, ça, qu'en termes d'emplois... Comment vous pourriez décrire, de ce qui est imaginable, de ce qui est prévisible, l'impact sur l'emploi pour cette caisse-là? Je ne sais pas si ça peut se regarder d'une façon microscopique comme ça, là, mais...

M. Morency (Yves): Bien, microscopique, là, c'est quand même, disons... C'est sûr, comme je vous disais, qu'il va y avoir des effets. Nous, ce qu'on essaie, en tout cas à tout le moins dans Desjardins, c'est que ces effets-là soient le moins perturbants possible, et présentement on a prévu des façons: soit qu'il y ait une réduction de l'emploi, mais on permet quand même, sur une base plus étendue, des mises à la retraite avec des compensations, ou encore tout simplement qu'on dise aux personnes: Maintenant, dorénavant, votre emploi va évoluer vers des services davantage conseils. Vous savez, on a à développer cette sollicitation-là, ce service-conseil-là que le membre demande de plus en plus, donc ça va prendre du monde aussi. Ça ne se fait pas strictement par informatique. Oui, il y a un support informatique, mais la relation de conseil va se faire, de sorte qu'il y aura des emplois différents.

(17 h 30)

Autrefois, on avait près de 70 %, et encore actuellement près de 70 % de nos emplois sont axés vers ce qu'on appelle le «back office», un arrière-train, et le service de convenance. On veut basculer, dans la caisse, de sorte que 70 % du service et de l'emploi soient axés vers le membre, les besoins du membre, ce dont le membre va avoir besoin, et non pas se faire servir en arrière. Je ne sais pas si vous êtes déjà allé à la caisse – puis sûrement vous l'avez fait – puis là vous voyez tout le monde butiner en arrière. Ils ne sont même pas à votre service, ils sont en arrière. Ils remplissent du papier. Ça, on ne veut plus ça. On veut que l'employé de la caisse soit au service du membre qui vient au comptoir, ou qui vient lui demander un avis, un conseil sur ses finances personnelles, sur ses prêts qu'il a à acquérir, c'est tout ça. Donc, encore là, ça, c'est un changement profond, majeur, qui va prendre quelques années avant de se réaliser, mais...

M. Beaumier: Merci. J'aurais une autre...

M. Morency (Yves): Mais, moi, je vois beaucoup d'avenir dans le développement du commerce électronique. Il y a beaucoup de possibilités pour les régions, entre autres. Moi, je pense quand même que c'est un avenir, là, important pour les régions.

M. Beaumier: Merci. J'aurais une autre question, mais je vais laisser mes collègues...

Une voix: ...

M. Morency (Yves): Pour les régions?

Le Président (M. Garon): Moi, j'ai peur que ça amène de la centralisation aussi, hein. Parce qu'on dit toujours que ça va être dans les régions, ça veut dire qu'on va pouvoir, à partir du même point, véhiculer tout.

M. Morency (Yves): Écoutez, vous allez avoir...

Le Président (M. Garon): Ce n'est pas par hasard que vous vous en allez à Toronto, là, hein...

M. Morency (Yves): Ah! ça, c'est un autre débat, là, que je...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Garon): Oui, mais là vous pouvez penser que vous pouvez gérer tout le Québec à partir de Toronto.

M. Morency (Yves): Non, non, pas tout le Québec, une partie minime, là.

Le Président (M. Garon): Une partie? Bien, moi, j'ai assisté quand... était à Lévis. On a dit: Ce n'est pas assez gros, Lévis. On est allés à Montréal. Il fallait aller à Montréal. Mais là ce n'est plus à Montréal. Tantôt...

M. Morency (Yves): Vous savez, dans l'internationalisation, la mondialisation, nous sommes devant une réalité à laquelle on ne peut échapper. Mais je peux quand même vous dire que... Vous parlez quand même des régions. Moi, au contraire, je trouve que c'est un outil d'ouverture pour les régions. C'est un outil à partir duquel, quand même, les gens, à distance... Vous savez, autrefois on se disait: Bâtir une usine, je ne sais pas, moi, à Percé – puis je n'ai rien contre Percé, au contraire, c'est une charmante ville – mais il y avait des frais de transport, c'était loin des grands centres. Maintenant, il y a des gens à Percé, des gens qui sont bien formés, qui peuvent travailler et vendre leurs produits par le biais de l'informatique, par les voies de communication.

La santé, avoir accès à des services de santé à distance, la télémédecine, la télédétection... Je pense qu'on n'a pas encore tout à fait découvert toutes les potentialités. Et vous savez comme moi, quand même... si j'avais le choix entre travailler... puis, vous le savez, je travaille à Lévis... et travailler dans un centre où, quand même, c'est plus pollué, plus distant, où ça me prend des heures pour me rendre au travail... Je vous avoue que, en venant d'Ottawa, où je travaillais, ça me prenait une demi-heure pour me rendre chez moi. Pour parcourir deux fois la distance, maintenant, à Lévis... J'ai une qualité de vie beaucoup plus grande parce que je travaille dans un milieu où je n'ai pas de transport très, très, très grand à fournir. De sorte que les gens, maintenant, qui vont avoir des potentiels de travailler dans leur région, rester dans leur région, être mieux formés à distance, pas nécessaire de venir s'être formés à Montréal ou à Québec, mais rester quand même... Vous savez, vous-même, vous aviez à coeur de développer des universités en région. Bien, je pense quand même qu'on va pouvoir encore mieux le faire avec des titulaires, des professeurs à distance.

Le Président (M. Garon): Maintenant, je compte plus sur les Américains pour le faire.

M. Morency (Yves): Pardon?

Le Président (M. Garon): Je compte plus sur les Américains que la conception québécoise des universités, qui sont les plus grosses possible.

M. Laporte: La technologie va vous donner raison, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Oui, mais c'est parce que je pense, moi, éventuellement, que je vais faire affaire avec les Américains.

M. Morency (Yves): Pour recevoir votre formation?

Le Président (M. Garon): Parce qu'à Boston il y a 72 universités différentes. À Montréal, il y en a quatre grosses...

M. Morency (Yves): Ah oui! c'est ça.

Le Président (M. Garon): ...pour le même bassin de population. Alors...

M. Morency (Yves): Mais, vous savez, on a même une possibilité de fournir aussi, à distance, nos compétences, nos façons de faire au Québec. Dans le domaine quand même du développement de logiciels, dans certains domaines, il y a des compétences ici qu'on peut exporter facilement. Ce n'est pas comme d'exporter des produits en aluminium, il faut que ce soit près des marchés. C'est beau, dire: Exporte des lingots – soit, je pense que c'est important – mais développer l'aluminium, il faut que vous soyez près des marchés. Donc, la connaissance, vous pouvez l'exporter par des moyens modernes de communication. Vous pouvez, avec Internet, avoir accès au Louvre en faisant ça.

Le Président (M. Garon): Oui, oui, je comprends tout ça, ce que vous dites là, mais j'ai remarqué que, cette année, il y a 35 universités américaines qui sont venues recruter à Québec et ils nous ont promis qu'ils seraient 100 l'an prochain.

M. Morency (Yves): Oui, vous savez, M. Garon, que je suis moi-même, en tout cas, quelqu'un qui a vu un de ses enfants, quand même, être obligé de s'en aller en Alberta pour pouvoir travailler. Ce que je déplore, c'est que nous formons des jeunes puis qu'on...

M. Laporte: Seulement un? Vous êtes chanceux: j'en ai deux, moi.

M. Morency (Yves): Parce qu'ils ne sont pas d'âge, peut-être, pour le faire.

Mais c'est un peu ça qu'est notre drame. Donc, quand même, il va falloir trouver des éléments modernes, nouveaux, qui fassent en sorte que nos jeunes, que nos penseurs de demain, que nos ouvriers de demain restent avec nous. Je pense quand même que, si on rentre de plain-pied dans cet élément d'informatique là, je ne vous dis pas à n'importe quel prix, là, mais de façon quand même sage, ordonnée, coordonnée, ça sera quand même un support qui pourra faire en sorte que le Québec aura sa place. Je pense que là, quand même, jusqu'à un certain point, il a sa place dans ce domaine-là.

Je ne sais pas si, Robert, tu veux compléter.

M. Chagnon (Robert): Non.

M. Morency (Yves): Ça va?

Le Président (M. Garon): M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Oui. Moi, je voudrais vous poser une question un peu générale. Vous autres, les caisses populaires, vous avez une responsabilité considérable là-dessus à cause de la pénétration dont vous avez été capables dans les régions. Par exemple, à Saint-André-de-Kamouraska, où j'habite, moi, une partie de l'année, il n'y a pas de Banque de Montréal...

M. Morency (Yves): Non.

M. Laporte: ...il y a une caisse populaire. O.K.? Et la question que je vous demande: Vous êtes-vous donné une mission par rapport à la pénétration de ces technologies d'information dans le cadre du développement de nouvelles campagnes? Avez-vous fait une réflexion là-dessus, vous autres, aux caisses populaires, puisque vous êtes un acteur local tellement omniprésent et avec de telles ressources financières pour pouvoir, disons, agir comme levier sur les communautés locales?

M. Morency (Yves): M. Chagnon.

M. Chagnon (Robert): Oui. En fait, il y a deux volets pour répondre à la question. Le Mouvement Desjardins, d'abord, oriente ses interventions en fonction des besoins de ses membres. Alors, notre participation à l'aventure de l'inforoute est justifiée d'abord par le désir de répondre aux attentes de nos membres...

M. Laporte: Qualité de services.

M. Chagnon (Robert): Qualité de services, mais plus que ça aussi. C'est que notre participation avec d'autres partenaires à la construction de l'inforoute avait pour but, pour nous, de nous amener à la table où se prenaient les décisions. Et puis les décisions qu'on veut influencer pour nos membres, il y en a trois, finalement, qui sont importantes. Un, c'est le type de service qui va être véhiculé sur l'inforoute. Ce qu'on voudrait, c'est qu'on voit des – je vais utiliser le mot anglais – «packages» qui soient assemblés, qui répondent aux besoins. Puis là l'inforoute, dans un premier temps, c'est surtout pour nos membres entreprises, qu'il y ait des services, que ce soit la gestion de comptes payables, de comptes recevables, la gestion de la paye, la gestion des ressources humaines, la gestion d'inventaire, tout ça en lien avec des systèmes d'information financiers. Alors donc, le contenu des services qui sont offerts.

Le deuxième objectif, c'est le coût, essayer d'influencer le coût qui va être chargé pour avoir accès à l'inforoute puis avoir accès aux services qui vont être sur l'inforoute. Puis le troisième niveau de l'intervention, c'est sur les technologies. On veut que nos membres, qu'ils soient «low tech» ou «high tech» dans le déploiement, qu'ils aient un téléphone ou qu'ils aient un PC, qu'ils puissent avoir accès à l'inforoute. Alors, c'est nos trois préoccupations...

M. Laporte: Toujours à des fins bancaires?

M. Chagnon (Robert): Non, c'est que tout le monde des institutions financières ou des services financiers est en train d'évoluer, où les institutions financières réalisent que, si elles ne deviennent pas des partenaires d'affaires de leur clientèle – donc, là je parle toujours d'entreprises parce que c'est d'abord elles qui vont bénéficier de l'inforoute... il faut devenir des partenaires, il faut amener des solutions à nos clients, et qu'elles sentent qu'on contribue au bien-être de l'entreprise. Alors, c'est sûr que la finalité de ça, ça aboutit avec une rétention de la relation avec le membre, qui, autrement, pourrait aller chez un compétiteur bancaire. Mais c'est la première orientation.

Le deuxième volet de la réponse, là on retombe plus dans le volet mission Desjardins, de dire: On est un acteur social important et puis on a une responsabilité dans la mise en place et la diffusion de l'inforoute. Puis ça, on reconnaît notre responsabilité puis on veut l'assumer pleinement. Et puis c'est ce qui nous a amenés à travailler, d'une part, avec notre plus gros compétiteur, qui est la Banque Nationale, dans le déploiement de l'inforoute, et puis aussi avec, en ce moment, Bell Canada, puis il y a d'autres partenaires qui s'ajouteront à mesure que les projets prendront de l'expansion.

M. Laporte: Je vois bien ça, mais ça ne vous distingue pas tellement de la Banque de Montréal. Disons qu'ils vont faire la même chose. Mais, je veux dire, moi, je pense au village où j'habite, c'est-à-dire qu'il y a des besoins pour une pénétration des technologies de l'information qui supposent de la part des individus, disons, un peu... il faut que les individus aient un peu de capital, prennent des risques, tu sais... «Y a-tu» dans la mission des caisses populaires une responsabilité sociale par rapport à ce développement local qui ferait qu'elles prendraient des initiatives que ne prendra pas la Banque de Montréal, ou ne prendra pas la Banque Nationale, ou ne prendra pas la Banque Royale? Tu sais, on est dans du monde qui...

(17 h 40)

M. Chagnon (Robert): Oui, je comprends. Déjà, on s'est engagé dans ce sens-là, c'est qu'on est en train de développer en ce moment des bibliothèques d'information sectorielle pour, toujours, nos clientèles entreprises, ce qui va permettre, que ça soit un producteur agricole, un producteur forestier ou dans un autre domaine de spécialité, d'avoir accès, via les réseaux d'information de Desjardins, à des bibliothèques d'information sur l'évolution du produit ou du domaine dans lequel ils évoluent, et puis leur permettre peut-être même de trouver, via cette information-là, des partenaires stratégiques ou même des réseaux de distribution de leurs produits. Alors, on est déjà engagé dans ce sens-là. C'est en développement, ce n'est pas encore disponible, mais c'est la pensée, là.

Maintenant, quand vous dites qu'on ne se distingue pas des banques dans ce sens-là, vous avez partiellement raison, parce que je pense que même les banques vont évoluer dans le même sens que Desjardins. À la limite, ce qui va différencier une banque du Mouvement Desjardins, c'est ce qu'on fait avec les... c'est dans la tarification et puis l'utilisation des trop-perçus, ou ce qu'on appellerait les profits. Alors que les banques, ça va dans les poches des actionnaires, Desjardins a toujours et va continuer d'utiliser ces sommes-là pour réaliser un certain nombre de missions, des missions qui sont d'ordre culturel, social, etc. Puis, si on a une chose à reprocher à Desjardins, c'est peut-être de ne pas dire assez ce qu'on fait avec les trop-perçus, toute l'implication sociale. Je trouve qu'on est très humbles.

M. Laporte: Bien, c'est pour ça que je vous posais ma question, parce que votre structure corporative est telle qu'elle facilite ce genre, disons, d'orientation là.

Des voix: Oui, oui.

M. Laporte: Vous n'avez pas d'actionnaires à qui vous devez redistribuer vos profits.

M. Chagnon (Robert): C'est ça. Mais on a quand même...

M. Laporte: Vous pourriez investir dans...

M. Chagnon (Robert): C'est ça.

M. Morency (Yves): Nos actionnaires sont...

M. Laporte: ...des projets d'initiative locale, ou locaux, pour lesquels il n'y a pas beaucoup de possibilités d'aller se chercher de l'argent à la Banque de Montréal ou à la Banque Royale.

M. Morency (Yves): Mais, vous savez, les caisses, particulièrement dans les milieux dont vous parliez tout à l'heure, puis partout au Québec, sont issues de ce milieu-là...

M. Laporte: Oui.

M. Morency (Yves): ...donc sont imprégnées des besoins du milieu, et elles ont comme mission quand même de contribuer au développement de leur milieu. Et on a eu quand même une réflexion, dans notre dernier congrès, dans laquelle on a voulu justement faire en sorte que les structures démocratiques de Desjardins soient encore plus actives, plus présentes, plus près des besoins et préoccupations de leur milieu. Donc, quand le milieu va évoluer, en termes où on parle maintenant, quand même, de besoins ou de supporter des entreprises qui ont à prendre des risques dans ce milieu de l'information là, peut-être plus risqué que d'autres – parce qu'on connaît peu aussi, on n'a pas encore domestiqué tellement toutes ces entreprises-là... mais elles le font puis elles vont le faire dans ces créneaux-là, dans ces champs-là, et les caisses, comme elles l'ont toujours fait, vont être un support au développement, quand même...

M. Laporte: Mais, moi, ce n'est pas ça que j'ai en tête. Là, je ne parle pas, disons, de l'aide que vous pouvez apporter à des firmes qui sont dans ces secteurs-là, mais l'exemple que j'ai en tête, c'est l'aide que vous voulez apporter à l'émergence d'entrepreneurship local au niveau des campagnes.

M. Morency (Yves): Bien, on est quand même assez présents. Il y a des milieux...

M. Laporte: O.K.

M. Morency (Yves): ...qui sont encore plus dynamiques que d'autres, mais ça, encore là, c'est les avantages à l'occasion puis les inconvénients de la formule coopérative.

M. Laporte: Oui, d'accord.

M. Morency (Yves): Étant grandement autonomes, leur conseil d'administration peut convenir d'actions à entreprendre pour supporter quand même davantage ces activités versus d'autres, mais elles sont très présentes à ce niveau-là.

M. Laporte: Une autre question, M. le Président, si vous permettez. Puisque vous autres, aux caisses Desjardins – on le sait, quand on fait affaire avec vous autres – vous êtes vraiment, disons, à l'avant-scène ou à l'avant-garde de l'usage des technologies de l'information dans votre fonctionnement, disons, organisationnel courant, est-ce que la pénétration de ces technologies de l'information chez vous a eu quelque impact que ce soit sur le niveau, sur l'utilisation, sur l'emploi du français?

M. Morency (Yves): Bien, écoutez, tout à l'heure, on a écouté quelque peu le groupe qui nous a précédés puis, à tout le moins, il y a des politiques internes, à La Confédération, de n'acheter que des logiciels français.

M. Laporte: O.K.

M. Morency (Yves): Et, à cause de notre pouvoir d'achat, on demande à ceux qui ont des logiciels anglais: Bien, écoutez, si vous voulez nous servir, et traduisez-les. Donc, voyez-vous là, indirectement puis directement, on a quand même une certaine influence...

M. Laporte: Oui, vous êtes un levier.

M. Morency (Yves): ...à exercer. Et ça, c'est d'une part. Mais, d'autre part, quand même, quand tout à l'heure je faisais un petit peu la blague, vous disant que l'intercaisses a été testée à l'exposition universelle, ce n'étaient pas des gars de Bay Street qui le faisaient, là.

M. Laporte: C'étaient vous autres.

M. Morency (Yves): Ce n'étaient pas les transferts d'actions, là. L'action était ici, puis on la jouait ici. Alors, à ce moment-là, dans tous les domaines, on a été les premiers en termes de développement de l'usage de cartes multiservices et à faire en sorte que nos tests-pilotes, on a été les premiers à le faire, et c'est le Québec quand même qui a pris une ampleur dans l'usage de ces transactions-là à distance. Alors, c'est nous qui avons donné, Desjardins, avec son potentiel, son développement... Donc, ça a une influence directe... Donc, on prend des informaticiens qui travaillent dans un milieu francophone...

M. Laporte: C'est ça.

M. Morency (Yves): ...ils travaillent en français, ils développent en français, alors c'est toute une influence, ça, quand même.

M. Laporte: C'est un levier très important.

M. Morency (Yves): Oui, oui, c'est un levier, oui. Il arrive des choses à l'occasion, mais il faut regarder quand même ce qui appartient bien à César.

Le Président (M. Garon): Alors, ça, c'est incontestable: dans le milieu financier, vous avez été les premiers à être informatisés. Mais la fusion de La Laurentienne et de Desjardins fait que le corporatif est aussi important que le coopératif, peut-être.

M. Morency (Yves): Pas tout à fait encore, c'est 80-20, 80 % coopératif, et 20 % à 25 % corporatif.

Le Président (M. Garon): C'est-à-dire que la base est moins large par rapport au haut de la pyramide.

M. Morency (Yves): La base, c'est 5 000 000 de membres, puis, finalement, c'est encore la base qui détient le corporatif.

Le Président (M. Garon): Oui, mais moins qu'avant.

M. Morency (Yves): On n'a pas inversé encore la pyramide, la pyramide est toujours demeurée inversée.

Le Président (M. Garon): Moins qu'avant, on le sent à Lévis.

M. Morency (Yves): Bien, à Lévis, vous avez quand même la chance d'avoir quelques corporations, sociétés de portefeuille qui ont quand même développé. Vous avez eu des investissements qui se sont faits au niveau de l'AVDL dernièrement avec... Ils ne sont pas faits du côté de Montréal, ils ne sont pas faits du côté de Québec...

Le Président (M. Garon): Non, non, mais il y a tous les secteurs qui sont partis à Montréal.

M. Morency (Yves): Bien, oui... bien, quand même, dû au marché, mais ça n'a pas empêché le développement de... c'est un développement...

Le Président (M. Garon): Non, non, non, ce n'était pas le marché.

M. Morency (Yves): Non, mais je vous dis, le marché, il y a quand même...

Le Président (M. Garon): Quand vous avez envoyé les secteurs complets à Montréal, ce n'était pas le marché, c'était...

M. Morency (Yves): Mais, comme je vous dis, l'AVDL n'a pas bâti une bâtisse juste pour la laisser vide à Lévis, Assurance vie Desjardins...

Le Président (M. Garon): Non, mais ce que, moi, je n'ai pas compris, c'est: quand vous avez regroupé La Sauvegarde, qui était en difficulté, puis quand vous avez regroupé La Laurentienne, qui était en difficulté, bien, ce qu'on voyait disparaître dans la tête, c'étaient des gars de Desjardins, qui, eux autres, n'étaient pas en difficulté, puis on voyait des entreprises en difficulté qui étaient fusionnées prendre la direction à la place... Moi, je n'ai rien compris là-dedans.

M. Morency (Yves): On allait chercher, à travers ces équipes de gestion là, le meilleur des deux pour faire une évolution correcte...

Le Président (M. Garon): Bien, le meilleur des deux, c'était la compagnie en difficulté que vous fusionniez, les dirigeants venaient de là. Ha, ha, ha!

M. Morency (Yves): Ça ne veut pas dire que tous les gestionnaires sont en difficulté pour autant.

Le Président (M. Garon): Non, non, non, non, mais, nous autres, je vous dis, dans la population, le monde parle de ça puis... J'en entendais encore parler hier, je suis allé à un encan d'oeuvres d'art, puis les gens parlaient de ça.

M. Morency (Yves): Pourtant, je me rends à Lévis le matin, il y a beaucoup de monde qui rentre à Lévis encore.

Le Président (M. Garon): Ça, c'est vrai, mais il y a des pans complets...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Garon): Je vais vous en passer, là. Mais il y a des pans complets...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Garon): Quand on veut développer le know-how québécois, il y a des pans complets dans lesquels il faut être présent et que vous avez sortis de là. Pourtant, ça avait bien été à Lévis.

M. Morency (Yves): Oui, mais il y a quand même un regroupement, à Lévis, qui se fait. Vous savez quand même...

Le Président (M. Garon): C'est laquelle de votre Fédération qui va la moins bien actuellement? Je ne vous demande pas de répondre là, mais...

M. Morency (Yves): Ah! ce n'est pas celle de votre comté.

Le Président (M. Garon): Non, je le sais. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Garon): M. le député de Nicolet...

M. Morency (Yves): Ni les caisses de votre comté.

Le Président (M. Garon): Non.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Vous avez en partie répondu à ma question tantôt quand vous avez répondu au député d'Outremont par rapport au développement local. Moi, dans mon comté, je pense qu'il doit y avoir une trentaine de caisses, bon. Il y a plus de municipalités, mais, mettons, il y a trois municipalités, elles font affaire avec la même caisse. Il est évident que le réseau de l'informatique a fait en sorte que ces petites paroisses là, ces petites municipalités là ont eu accès à un marché énorme puis, en même temps, à une information extraordinaire. J'ai un peu de misère à comprendre aussi certaines orientations qui se font dans votre Mouvement, dues à l'organisation de votre Mouvement. En fait, les caisses sont autonomes dans chacune des petites municipalités et elles prennent leurs propres décisions. Et la petite municipalité X, à un moment donné, qui dit: Bien, nous autres, on veut être reliés à un réseau de l'inforoute super «high tech», puis l'autre municipalité voisine, elle, elle ne veut pas, qu'est-ce qui se passe?

Je vous donne un autre exemple. Depuis un an, je pense que j'ai assisté à l'agrandissement de trois caisses populaires dans mon comté, où il y a eu – je ne sais pas, moi – peut-être, mettons un investissement de 1 000 000 $ par caisse. Avec l'avènement de l'autoroute de l'information puis de la supertechnologie, il me semble que ça va à contre-courant, mais là c'est peut-être une autre question de philosophie. Mais c'est la municipalité ou la caisse populaire, son conseil d'administration, qui ont décidé qu'eux autres ils faisaient un agrandissement. Ça, c'est leur affaire, sauf qu'il me semble qu'il y a des placements financiers ou il y a des dépenses qui ne se font pas aux bons endroits. Je ne vous critique pas, là...

(17 h 50)

M. Morency (Yves): Non, non.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): ...mais, en même temps, je me pose des questions que les gens se posent, comme M. Garon disait tantôt.

M. Morency (Yves): Ah! des fois, on s'interroge, nous aussi. Mais vous avez dit un mot qui est exact, c'est qu'il y a... Quand même, chaque caisse, en somme, est une entité autonome, qui vit à l'intérieur d'un mouvement et qui prend des interventions, des actions de façon solidaire à l'occasion. Mais ça demande aussi, chez nous, beaucoup de pouvoir et beaucoup, je dirais, plus de persuasion que de pouvoir, d'autorité. Bon, il arrive des circonstances. On a beau quand même dire aux gens des caisses: Écoutez, on s'en va vers une toute autre approche. Mais les décisions... ce n'est pas M. Béland qui la prend, la décision, puis qui dit: Caisse X, toi, tu fais ça; c'est le conseil d'administration de la caisse.

Alors, nous, ce qu'on veut faire davantage et donner encore plus, maintenir cette décision démocratique là, c'est qu'on veut outiller encore mieux nos gens des conseils d'administration, les outiller... Puis, là, c'est aussi un autre outil de formation, ça, Desjardins, outiller ces gens-là à prendre des décisions financières, à être présents dans leur milieu, à comprendre la business, la business financière dans laquelle on est, et aussi à s'impliquer au niveau des éléments d'inforoute moderne ou des choses semblables. Donc, il y a l'élément aussi de formation, on veut former notre personnel, mais on veut former ces gens-là à prendre des décisions encore mieux éclairées.

Je ne vous cache rien en disant que Desjardins n'a pas le niveau de rentabilité actuel que les autres institutions financières présentes. Bon. À l'occasion, j'aime peut-être autant ne pas me faire critiquer par rapport à des profits mirobolants que nos concurrents font, mais il reste un fait, c'est qu'il y a des éléments, comme ceux que vous mentionnez, qu'il y a peut-être lieu de regarder et de faire en sorte, quand même, que nos gestionnaires prennent des décisions éclairées et éclairantes en fonction de ce qui s'en vient. Mais ça, il y a des avantages dans notre Mouvement et il y a aussi, à l'occasion, certains inconvénients. Mais je pense que je préfère laisser les caisses avec le plus d'autonomie, dans un contexte de solidarité, que de leur en enlever, puis je pense que j'aime mieux travailler avec des dirigeants élus pour faire en sorte d'améliorer leur apprentissage.

Je pense que ce qu'on conçoit, puis j'aimerais ça – mais le temps me manque toujours, peut-être à ma retraite, un jour – voir la part indirecte et directe que Desjardins a faite à la communauté d'affaires. Comment est-ce qu'il a initié de gens aux choses financières? En étant présents dans les conseils d'administration, les gens ont à prendre des décisions d'affaires. C'est une école de formation aussi, Desjardins, et ça, je ne peux pas le mesurer. Mais que des gens soient maintenant à l'informatique parce qu'ils sont membres de conseils d'administration – puis, de plus en plus, on leur fournit des rapports à distance, ils vont avoir accès à des éléments d'informatique, ils vont travailler dans ce monde-là – bien, je pense qu'on contribue là, au Québec, à faire en sorte que ces gens-là, maintenant... il y en a peut-être d'aucuns qui sont devenus des gens d'affaires, des petites entreprises ou des travailleurs autonomes parce qu'ils ont eu, un jour ou l'autre, à être présents sur des conseils d'administration, à recevoir des formations puis à prendre le goût de partir leur propre entreprise.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Peut-être une courte question...

Le Président (M. Garon): Oui.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): ...à propos des cartes que nous avons quand on fait des retraits au guichet, etc., ce qu'on appelle dans notre langage, puis dans le vôtre aussi, le NIP.

M. Morency (Yves): Oui.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): L'expérience que vous avez de cette technologie-là, est-ce que l'avènement de l'inforoute, ou de l'Internet, ou des cartes à puce, etc., fait en sorte que vous avez certaines craintes...

M. Morency (Yves): Je vais vous répondre de façon...

M. Morin (Nicolet-Yamaska): ...

M. Morency (Yves): ... – oui, excusez – globale, puis je vais laisser à M. Chagnon, sur le plan un peu plus technique...

M. Morin (Nicolet-Yamaska): ...certaines craintes de confidentialité, ou si, chez vous, vous avez une bonne expérience dans ce créneau-là, ça s'est avéré comme une décision adéquate et rentable?

M. Morency (Yves): Je vous dirais que, d'entrée de jeu, une institution financière est basée sur la confiance, et la journée que vous n'instaurez pas dans votre système des éléments qui viennent supporter cette confiance-là, vous êtes quasiment moribond peu de temps après. Donc, il est excessivement important que toute forme de transaction, qu'elle soit au comptoir, qu'elle soit par guichet automatique, transaction électronique et éventuellement par Internet, il faut qu'elle soit sécure, confidentielle, et il y va de notre survie. Donc, tous les moyens sont pris pour faire en sorte que, tant et aussi longtemps qu'on n'est pas assuré de ces hauts niveaux de confidentialité et de sécurité, nous n'abordions pas ou ne divulguions pas, sur une base très large, ces techniques ou ces technologies-là. Mais, quand même, M. Chagnon...

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Et votre expérience actuelle fait en sorte que... L'essentiel de ma question, c'était: Est-ce que vous craignez l'avènement de l'inforoute au niveau de la confidentialité?

M. Chagnon (Robert): Disons qu'on va plutôt contrôler le déploiement de l'inforoute pour qu'elle continue d'être sécuritaire.

La raison principale pour laquelle notre site, en ce moment, n'accepte pas de transactions financières, c'est qu'on n'est pas convaincus que la confidentialité et la sécurité dans les technologies actuelles existent, et, tant qu'on n'aura pas acquis cette conviction-là, il ne se fera pas de transactions bancaires sur un site Internet Desjardins.

Le NIP. En ce moment, toute la technologie rattachée à la transaction électronique par guichet, etc., et aussi les transactions qui se font dans les terminaux aux points de vente, dans les magasins, lorsque vous utilisez votre carte de guichet pour payer une transaction, il y a un contrôle qui est d'encryptage, mais qui est à la fois physique et logique. Alors, le clavier sur lequel vous pitonnez votre NIP, si jamais quelqu'un essayait d'ouvrir ce clavier-là, il s'autodétruirait, comme dans Mission impossible , et puis...

M. Morency (Yves): Avis aux intéressés. Ha, ha, ha!

M. Chagnon (Robert): Et, lorsque l'information sort du clavier, l'information est déjà encryptée. C'est impossible de capter l'information avant qu'elle soit encryptée. Alors, ça, c'est la partie physique. Et la partie logique, c'est que le code d'encryptage change à chaque transaction, ce n'est jamais... Pour la même personne qui fait le même achat à la même place, ça ne sera pas le même code encrypté qui va voyager sur les lignes téléphoniques. Alors, là, c'est la partie logique de l'information. Alors, c'est très sécurisé puis ça donne un environnement fermé.

Pour être capable d'atteindre les mêmes résultats sur Internet, ce qu'il faudrait, c'est que chaque utilisateur, chez lui, ait le même petit clavier NIP que vous avez dans le magasin, O.K.? puis ça, technologiquement, c'est possible de brancher un clavier NIP sur votre ordinateur, puis, à ce moment-là, vous pourrez faire des transactions qui vont être encryptées dans votre ordinateur, avant même qu'elles sortent, O.K.? Mais là on n'est pas rendu là. La technologie est là, mais le déploiement puis l'accessibilité, c'est une question de semaines, de mois, même pas d'années. Mais ça va être là. Alors, quand on aura acquis cette conviction-là, on va le faire.

Maintenant, on ne veut pas procéder trop vite avec ce déploiement-là, parce que, simultanément, vous l'avez mentionné, il y a la carte à puce qui s'en vient, puis la carte à puce, elle, va permettre de faire une transaction additionnelle qui n'est pas possible en ce moment, c'est de retirer de l'argent de son compte de banque. On va retirer l'argent du compte de banque à la carte, puis là, de la carte, on va pouvoir le dépenser dans des dépanneurs, des parcomètres, une bouche de métro, etc.

Alors, si on déploie trop vite avec la technologie actuelle, on va avoir tout un investissement que les gens vont devoir faire dans leur équipement informatique, puis là, après ça, on va sortir la carte à puce un an plus tard, puis là tout l'équipement que les gens vont avoir chez eux va être désuet. Alors, on aime mieux attendre que la carte à puce soit à point et puis, simultanément, donner le clavier NIP et la carte à puce pour nos clients.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci.

Le Président (M. Garon): M. le député de Champlain, vous vouliez revenir?

M. Beaumier: Non, ça va.

Le Président (M. Garon): Oui?

M. Beaumier: Ça va très bien.

Le Président (M. Garon): Alors, je remercie les représentants de La Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins pour leur contribution aux travaux de la commission. J'ajourne les travaux de la commission au mercredi 30, à 10 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine. On va retourner à notre salle habituelle.

Une voix: Habituelle?

Une voix: Au grand plaisir de tout le monde.

(Fin de la séance à 17 h 59)


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