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Version finale

34e législature, 3e session
(17 mars 1994 au 17 juin 1994)

Le jeudi 5 mai 1994 - Vol. 33 N° 5

Interpellation : L'immigration au Québec


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Table des matières

Journal des débats


(Dix heures deux minutes)

La Présidente (Mme Bleau): La commission débute ses travaux. Le mandat de la commission, pour cette séance, est de procéder à l'interpellation du député de Pointe-aux-Trembles adressée au ministre des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles sur le sujet suivant: l'immigration au Québec.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Dutil (Beauce-Sud) est remplacé par Mme Bleau (Groulx); Mme Pelchat (Vachon) par M. Camden (Lotbinière); M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques) par Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve).

La Présidente (Mme Bleau): Merci. Alors, je vous rappelle brièvement les règles de l'interpellation. Dans un premier temps, le député qui a demandé l'interpellation aura un temps de parole de 10 minutes, suivi du ministre, pour 10 minutes également. Il y aura ensuite alternance dans les interventions. Des périodes de cinq minutes seront allouées selon la séquence suivante: un député de l'Opposition officielle, le ministre, un député du groupe ministériel. Si un membre utilise moins de cinq minutes, le temps non utilisé est perdu et la parole sera donnée à l'intervenant qui suit, selon la séquence que j'ai indiquée. Vingt minutes avant la fin de la séance, j'accorderai un dernier temps de parole de 10 minutes au ministre et un temps équivalent au député ayant demandé l'interpellation, ce qui mettra fin au débat.

Je donne maintenant la parole à M. le député de Pointe-aux-Trembles. Vous avez la parole pour 10 minutes, M. le député.


Exposé du sujet


M. Michel Bourdon

M. Bourdon: Mme la Présidente, je voudrais d'abord saluer le ministre et les personnes qui l'accompagnent. En 1991, l'Assemblée nationale était saisie de l'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration par la prédécesseure du ministre. Le document, qui a fait l'objet d'une large consultation et d'un débat, a été généralement très bien accueilli et l'Opposition officielle y a souscrit d'emblée. Trois ans plus tard, je pense qu'il est important de voir ce qui est advenu des objectifs qui étaient fixés dans la réalité des choses par le ministère, en particulier à Montréal, où se concentre une bonne partie, 80 %, des nouveaux arrivants au Québec.

L'énoncé de politique parlait de relever plusieurs défis, notamment le redressement démographique, le progrès économique, la pérennité du fait français au Québec et l'ouverture sur le monde. À la même période et à la même commission parlementaire, le gouvernement a consulté ceux qui voulaient se faire entendre sur le niveau d'immigration pour les années 1992, 1993 et 1994. Je précise tout de suite que, quand on établit un nombre niveau, un volume de personnes que le Québec est désireux d'accueillir, on établit une politique, on s'aligne sur des objectifs à atteindre. Mais, par la suite, le ministère n'admet pas des nombres, mais des personnes, en étudiant les requêtes une à une. À cet égard, l'étude des chiffres nous démontre que les objectifs établis n'ont pu être atteints. Par exemple, pour 1993, on prévoyait accueillir 45 000 personnes. Le niveau réel a été de 36 000 nouveaux arrivants, auxquels il faut ajouter les personnes en attente d'un statut, dont le fédéral a régularisé le statut, soit 8000. Et la ministre, en 1993, a réduit le niveau prévu de 49 000 à 45 000.

En 1994, où on prévoyait encore un niveau d'à peu près 49 000, le gouvernement a décidé de réduire ce niveau à 40 000. À cet égard, Mme la Présidente, je voudrais souligner que l'accueil des nouveaux arrivants est tributaire d'un certain nombre de facteurs. Le facteur économique, puisque les personnes viennent au Québec pour y occuper un emploi et que la sélection personne par personne peut faire en sorte – parce qu'on a vécu et on vit encore une récession assez prolongée – qu'après avoir établi un nombre les dossiers de personnes s'établissent à un chiffre qui est moindre. Par ailleurs, l'intégration harmonieuse des nouveaux arrivants passe par des mesures, notamment dans le réseau scolaire.

Évidemment, comme quatre nouveaux arrivants sur cinq s'établissent sur l'île de Montréal, c'est à cet endroit qu'est le plus grand défi d'intégrer les nouveaux arrivants. À cet égard, Mme la Présidente, je dois dire que nous sommes de ceux qui pensent que les mesures qui étaient réclamées en 1991 n'ont pas été suivies d'effets de la part du gouvernement, pas assez, ce qui fait que le Conseil scolaire de l'île, dans un mémoire récent qu'il a fait parvenir au ministre, a réclamé de nouveau les mesures qu'il réclamait en 1991 et qui lui permettaient, par exemple, d'avoir des maternelles temps plein pour les fils et les filles de nouveaux arrivants, d'affecter plus de professeurs aux classes d'accueil et également d'avoir des agents du milieu dans les écoles où se retrouvent beaucoup de fils et de filles de nouveaux arrivants, pour contribuer à leur intégration harmonieuse.

Et, pendant que ces besoins étaient négligés par le gouvernement, par le ministère de l'Éducation, entre autres, à qui le Conseil scolaire a soumis ses demandes, on a vu, ces dernières années, le ministère périmer des crédits, c'est-à-dire ne pas dépenser de l'argent qui avait été voté par l'Assemblée nationale. Si on prend les années 1993 et 1994, on arrive ainsi à quelque 28 000 000 $ de crédits que l'Assemblée nationale avait votés et que le ministère n'a pas dépensés. Bien sûr, Mme la Présidente, nous sommes conscients que des crédits votés n'ont pas besoin d'être obligatoirement dépensés. Bien sûr aussi, le niveau d'immigration a baissé depuis deux ans, ce qui réduit les dépenses d'intégration, et, bien sûr aussi, le gouvernement a fait des compressions budgétaires.

(10 h 10)

Mais, quand on compare le budget du ministère des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles avant l'entente McDougall– Gagnon-Tremblay et le budget maintenant, on se rend compte que la participation financière du gouvernement du Québec a eu tendance à diminuer. Avant l'énoncé de politique et l'établissement des seuils pour les années 1992, 1993 et 1994, le ministère dépensait, en gros, un budget de 57 000 000 $. De ce budget, le fédéral contribuait pour quelque 28 000 000 $ en vertu du programme national d'aide à la formation en établissement. J'établis le chiffre de 28 000 000 $ parce qu'aux crédits le ministre n'avait pas retrouvé trace de cette participation, qui est antérieure à l'accord Québec-Ottawa. C'est donc dire qu'avant l'entente que je mentionne le Québec consacrait quelque 30 000 000 $ à la mission immigration. Si on regarde les crédits adoptés la semaine dernière, on se rend compte que le budget global prévu est de 110 000 000 $ et que le gouvernement fédéral va verser, de cette somme, 90 000 000 $ en vertu de l'accord; il reste donc un maigre 20 000 000 $. Et, si on planifie d'avoir des crédits périmés, c'est-à-dire d'avoir des sommes non dépensées, au même rythme que l'année dernière et l'année précédente, ça veut dire, Mme la Présidente, qu'on arrivera à dépenser les 20 000 000 $ de différence de ce que verse Ottawa moins l'argent non dépensé. Si c'est comme l'année dernière, on arrivera à une contribution du Québec de 6 000 000 $ à la mission immigration et intégration des nouveaux arrivants.

Les chiffres parlent, d'une certaine façon. On ne peut pas dire qu'il faut des mesures d'intégration et, du même coup, ne pas utiliser des budgets et des crédits qui sont nécessaires. Par exemple, dans les COFI, qui sont un des instruments que le Québec a pour assurer l'intégration, le nombre d'heures de cours a été diminué de 750 à 600. Par ailleurs, pour les immigrants francophones, dont on ne savait pas au juste, au début, si le nouveau ministre voulait en accueillir davantage – mais il a fini par bien préciser sa pensée – la participation au COFI est réduite à 20 heures en une semaine. Il est sûr, Mme la Présidente, que l'intégration est d'abord linguistique, mais il y a d'autres éléments que l'intégration linguistique. Nous pensons que le ministère serait capable de faire plus et de faire mieux, notamment en permettant aux immigrants dont la langue parlée est le français de passer plus de temps au COFI pour s'intégrer à la réalité québécoise. Si j'immigrais en France, Mme la Présidente, je parlerais la langue du pays d'accueil, mais ça me prendrait sans doute plus que 20 heures pour connaître ce pays auquel j'ai décidé de m'intégrer.

Donc, Mme la Présidente, le tout aurait mérité plus qu'une consultation privée. Il y a 200 organismes qui ont fait savoir qu'ils voulaient remettre un mémoire, et on n'en a qu'un, que l'Opposition a déposé, celui du Conseil scolaire de l'île. Je crois donc que le ministre devrait réfléchir sérieusement aux moyens de faire plus et mieux.

La Présidente (Mme Bleau): Merci, M. le député. Je passe maintenant la parole, pour 10 minutes, au ministre des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles. M. le ministre.


Réponse du ministre


M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Merci, Mme la Présidente. Alors, Mme la Présidente, premièrement, je remercie le député de Pointe-aux-Trembles, les députés ministériels et tous les représentants de mon ministère pour le travail qu'ils ont fait pour préparer l'interpellation d'aujourd'hui.

Beaucoup des sujets qui ont été soulevés par le député seront discutés au fur et à mesure de l'interpellation ce matin. Au début, je voudrais donner les grandes lignes, exactement, les objectifs de notre politique d'immigration et en dégager quelques éléments qui sont très importants pour notre société. En effet, l'immigration constitue l'un des axes fondamentaux de la politique de développement économique et socioculturel de ce gouvernement. Mais, plus encore, elle est au coeur de cette histoire qui a façonné au Canada une société unique, dont la culture distincte de même que le caractère accueillant et généreux sont reconnus à travers le monde.

Cette Assemblée, l'Assemblée nationale, représente tous les secteurs d'activité du Québec. Les noms de nombreux députés qui la composent viennent, par la diversité des origines dont ils témoignent, rappeler la présence, dans plusieurs des régions de cet immense territoire, de ces générations d'immigrants qui ont contribué au développement d'une société dynamique et démocratique. Personne ne niera que la qualité de vie, telle que nous la connaissons aujourd'hui au Québec, au Canada et en Amérique, a été tributaire de cette richesse apportée par l'immigration.

En 1985, le gouvernement du Québec a choisi de faire de l'immigration l'un des piliers de sa politique de développement. Bien que le Québec ait toujours été une terre d'immigration, ce n'est vraiment que depuis cette période que l'immigration, l'intégration et la participation des immigrants à la vie collective ont été intégrées à l'ensemble de nos préoccupations de développement démographique, économique et social. C'est dans cet esprit que le gouvernement a rendu public, en 1986, un premier énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration au Québec. Et, pour la première fois en effet, le gouvernement du Québec proposait à ses citoyens une vision globale de l'immigration, de l'intégration et de la participation des nouveaux arrivants et du développement du Québec.

Rappelons les valeurs fondamentales qui nous gouvernent. Premièrement, le Québec est une société démocratique où la participation et la contribution de tous sont attendues, souhaitées et favorisées. Cela veut dire que notre système politique repose sur la liberté, l'égalité et la participation de tous ses citoyens. Le gouvernement condamne et combat le racisme et la discrimination sous toutes ses formes. Deuxièmement, le Québec est une société pluraliste et ouverte. Chez nous, la majorité d'origine française cohabite avec une minorité d'origine britannique, les nations amérindiennes et des gens de diverses cultures. Nous considérons que cette diversité est une richesse qui contribue à façonner le Québec moderne. La diversité transforme et dynamise notre culture et notre société. La diversité suscite et initie le choc des idées qui nourrit une véritable démocratie. Elle définit la manière dont le Québec rencontre le monde et participe à l'universel.

Enfin, le Québec est une société dont la langue commune de la vie publique est le français. Étant la seule société majoritairement francophone en Amérique du Nord, il est normal et naturel que tous ceux et celles qui s'établissent au Québec apprennent et parlent la langue de ses institutions, du travail et de la vie sociale. Le gouvernement, pour sa part, fait tout pour favoriser l'apprentissage du français par les immigrants non francophones.

Que ce soit au niveau économique, social, culturel ou politique, l'immigration nous apporte des richesses incontestables et constitue une ouverture sur le monde. C'est pourquoi on doit favoriser l'immigration. Je suis heureux d'avoir entendu du député de Pointe-aux-Trembles que sa formation politique avait souscrit à la politique d'immigration qui avait été énoncée par notre gouvernement en 1991.

Il est au coeur de la tradition du Québec de réunir des familles, de favoriser l'immigration humanitaire en accueillant des réfugiés et de sélectionner des immigrants capables de bien s'intégrer à la société québécoise. L'énoncé de politique a ouvert la voie à une stratégie gouvernementale dont la mise en oeuvre, par le biais d'un plan d'action, a permis de réaliser des progrès importants dans la gestion de l'immigration et de l'intégration des nouveaux arrivants. Ces progrès ont à leur tour permis de consolider cette contribution attendue de l'immigration. Nous vivons dans une des sociétés les plus enviées au monde. Il appartient à chacun et chacune d'entre nous, et c'est notre devoir de citoyen et de citoyenne, d'en préserver les acquis afin que nous puissions continuer à bâtir sur des fondements solides.

(10 h 20)

L'immigration joue, par ailleurs, un rôle important dans le dynamisme de l'économie québécoise. C'est ainsi, par exemple, que l'immigration représente une source importante de main-d'oeuvre spécialisée de même que de gens d'affaires dont l'expérience de la gestion, la connaissance des marchés internationaux et les capitaux peuvent être mis à contribution pour le maintien de notre vitalité économique. L'apport des gens d'affaires des communautés culturelles ne se limite pas à leurs capitaux. Il ne faut pas négliger leurs connaissances, leurs réseaux de contacts et leur savoir-faire. Dans le contexte mondial actuel, ces personnes nous permettent d'établir des liens avec leur pays d'origine et nous donnent accès à d'autres marchés. C'est d'ailleurs souvent ces gens d'affaires d'origine étrangère qui m'accompagnent, lors de missions économiques outre-mer, comme représentants du Québec. Ceci contribue au rayonnement du Québec à l'étranger.

À un autre niveau, je soulignerai enfin que l'ensemble des études qui ont été réalisées quant aux apports de l'immigration démontrent que l'immigration génère un enrichissement collectif positif. Au plan du défi particulier que représente la pérennité du fait français, on sait que le Québec a résolu de ne pas se replier sur lui-même, mais, au contraire, de baser la consolidation de son identité culturelle sur une ouverture sur le monde. L'apport de l'immigration à ce dynamisme sera fonction de notre capacité collective à intégrer les immigrants qui choisissent le Québec comme terre d'accueil et à leur permettre de vivre parmi nous en français.

Je veux enfin aborder une dimension particulière à laquelle, on le comprendra aisément, je suis particulièrement sensible: il s'agit de l'ouverture sur le monde dont témoigne la politique québécoise d'immigration et le consensus social dont cette politique fait l'objet au sein de notre population. En matière d'intégration, cette approche fait appel à la promotion du pluralisme, à l'ouverture d'esprit et au développement de relations harmonieuses et fructueuses entre toutes les composantes de notre société. C'est en effet l'ensemble de la société qui est responsable de l'accueil et de l'intégration des immigrants qu'elle reçoit. Or, le Québec peut se féliciter de présenter encore aujourd'hui, malgré certaines difficultés, une tolérance et une ouverture sur le monde. Tous les milieux de cette société québécoise sont partie prenante de ce consensus, puisque c'est à l'école, dans les quartiers, au sein du monde du travail, dans les commerces, à l'occasion de réunions syndicales ou d'activités culturelles, aux CLSC ou aux centres sportifs, bref, c'est au quotidien que se réalise le processus qui fait des nouveaux arrivants des Québécois à part entière.

Je ne pouvais, évidemment, Mme la Présidente, que faire un tour d'horizon très général de l'attention prioritaire qui est accordée par ce gouvernement à l'immigration, dans cette brève intervention de 10 minutes. Mes collègues députés présenteront, quant à eux, dans les minutes qui suivront, une vue plus détaillée du travail accompli pour chacun des grands enjeux de ce dossier. Il nous fera plaisir aussi de répondre à des questions et à des sujets qui ont été et qui seront soulevés par l'Opposition. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Bleau): Merci, M. le ministre. Je donne maintenant la parole au député de l'Opposition, M. le député de Pointe-aux-Trembles, pour cinq minutes.


Argumentation


M. Michel Bourdon

M. Bourdon: Oui. Alors, Mme la Présidente, le ministre a fait un rappel historique qui part de 1985, mais la préoccupation du Québec en matière d'immigration est plus ancienne que ça. C'est en 1984, entre autres, que le Conseil des communautés culturelles a été formé. Et il a raison de souligner qu'on est, depuis longtemps, une terre où il y a une immigration importante. Le Conseil scolaire de l'île rappelle, par exemple, que le nombre de nouveaux arrivants, en 1957, a été de 55 000, ce qui, dans une population, à l'époque, qui se situait autour de 4 000 000, était un nombre considérable. En chiffre absolu aussi, de 1945 à 1993, le Québec a accueilli près de 1 200 000 immigrants. J'ai aussi en main un article faisant état d'un sondage de septembre 1992. Le titre, c'est «Sondage fédéral: Toronto est plus hostile que Montréal envers les immigrants». Les chiffres étaient clairs. Les Québécois en général, et les Montréalais en particulier, sont ouverts à l'arrivée de personnes qui viennent embellir et enrichir notre société. Cependant, le devoir de la société d'accueil, c'est de donner aux nouveaux arrivants des moyens d'intégration. À cet égard, le gouvernement actuel, depuis plusieurs années, coupe les crédits, en pratique, qu'il consacre à l'immigration, puisque, dans les crédits de cette année, la part du Québec, si on enlève la participation fédérale de 90 000 000 $, est de 20 000 000 $. Et, si on périme autant de crédits que l'année précédente, on va arriver à une participation de 6 000 000 $. Et je voudrais que le ministre, au cours de cette interpellation, réponde aux questions, aux problèmes posés par le Conseil scolaire de l'île, qui dit: On avait demandé des mesures au ministère de l'Éducation en 1991 et on n'a pas obtenu les ressources qu'il fallait pour assurer une intégration harmonieuse des fils et des filles des nouveaux arrivants.

Au niveau des principes, au niveau de la foi, si on veut, c'est important, ce que le ministre dit, et nous le partageons. Mais, après ça, il y a les oeuvres. Et les oeuvres, c'est ce qu'on fait avec les ressources dont la société d'accueil dispose. Ce qu'on voit depuis l'accord McDougall–Gagnon-Tremblay, c'est un désengagement budgétaire du gouvernement du Québec à l'endroit de la mission immigration et intégration des nouveaux arrivants. Je sais, Mme la Présidente, que, quand on a cessé de dédoubler un certain nombre de services, il y a une économie réalisée, mais les besoins sont là, dans la ville d'accueil qu'est Montréal. Je pense qu'on doit entendre les représentations des autorités scolaires, du Conseil scolaire de l'île, qui représente les huit commissions scolaires de l'île de Montréal, quand elles nous disent qu'elles veulent des ressources accrues pour s'occuper de l'intégration.

Bien sûr, le gouvernement a également mis sur pied un programme de régionalisation de l'immigration, mais les chiffres des dernières années nous montrent qu'un tel programme n'a pas d'effet miracle immédiat. Il faut donc répondre aux demandes du Conseil scolaire de l'île, qui dit qu'on doit lui donner et donner aux commissions scolaires qu'il représente les moyens de faire plus et mieux en matière d'intégration. À cet égard, Mme la Présidente, je déplore de nouveau que, contrairement à sa prédécesseure, le ministre consulte à huis clos et ne fasse pas le large débat public qui s'impose sur la question de l'établissement du niveau d'immigration pour les trois prochaines années. Il va nous faire, à cet égard-là, un rapport synthèse au mois de mai, mais nous pensons toujours qu'il faudrait rencontrer, comme parlementaires, ceux que la question intéresse.

La Présidente (Mme Bleau): Merci, M. le député. M. le ministre, pour cinq minutes.


M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Mme la Présidente, je reviendrai plus tard sur la question du huis clos et le nombre de consultations et je vais vous déposer la liste de tous ceux qui ont été consultés. Mais, pour le moment, je voudrais répondre un peu aux quelques sujets qui ont été soulevés par le député de Pointe-aux-Trembles.

(10 h 30)

Quant à la question de la restructuration de l'offre de service à temps plein au lieu de 600 heures à 800 heures, l'implantation, en avril 1996, d'une offre de 600 heures à temps plein au lieu de 750, avec une possibilité de prolongement de 200 heures à temps partiel, est fondée sur quatre arguments fondamentaux: mieux répondre aux besoins de la clientèle, articuler l'offre de service autour des programmes d'études, offrir une meilleure accessibilité compte tenu de la capacité de payer de l'État et respecter le créneau d'intervention du ministère des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles.

Le député, il ne faudrait pas qu'il fasse des scénarios d'apocalypse en termes de crédits périmés. Il a invoqué qu'ils seraient périmés et que le Québec ne fournirait que 6 000 000 $. Je pense que, ça, c'est une hypothèse que le député fait. Pour revenir aux services aux COFI, pour mieux répondre aux besoins de la clientèle, depuis 1990, le ministère des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles a procédé à des études sur les attitudes et les comportements de la clientèle des COFI. Et, considérant que le programme s'étend sur plus de sept mois, une question de 30 semaines, on a constaté que, malgré les allocations de subsistance versées, un nombre élevé d'immigrants indépendants veulent aller travailler rapidement, qu'un pourcentage appréciable de la clientèle quitte après 20 semaines de cours, que les immigrants ont besoin de consacrer du temps à leurs autres responsabilités, dont les responsabilités économiques liées à leur établissement au Québec. Alors, le passage de cinq à quatre heures d'enseignement quotidien permet ainsi d'offrir des horaires de cours répondant mieux aux conditions de vie de la société québécoise et aux préoccupations des immigrants adultes.

En ce qui concerne le Conseil de l'île de Montréal et ses recommandations, il est vrai qu'il a fait certaines recommandations en ce qui concerne le ministère de l'Éducation. Je vous ai indiqué – et je vais le faire – que j'allais rencontrer mon collègue, le ministre de l'Éducation, pour voir exactement ce qui peut être fait, comment le ministère de l'Éducation peut ou va répondre aux demandes du Conseil scolaire de l'île de Montréal. C'est vrai qu'il y a certains problèmes dont nous devons tous être conscients – on a des problèmes budgétaires, ça, c'est clair – mais je crois que la volonté du gouvernement de vraiment s'assurer qu'il y a une intégration et que les services d'accueil, les services d'intégration sont offerts aux immigrants, je crois que cette volonté est là. Il s'agit maintenant de s'asseoir ensemble et de voir comment nous pouvons accommoder, répondre à certaines recommandations qui ont été faites par le Conseil de l'île de Montréal.

La Présidente (Mme Bleau): Merci, M. le ministre. Je donne maintenant la parole au député de LaFontaine, pour cinq minutes.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, Mme la Présidente. Comme le ministre a déjà souligné le rôle prédominant qu'a pu jouer la question démographique dans la décision du gouvernement de s'orienter vers une politique d'ouverture graduelle de l'immigration, il m'apparaît important d'éclairer cette Assemblée, au cours des prochaines minutes, sur la portée réelle de ces enjeux.

En fait, la raison pour laquelle cette question est au centre de nos préoccupations est fort simple: depuis la fin des années soixante, l'indice synthétique de fécondité des Québécois n'assure plus le renouvellement des générations. Au contraire, cet indice se situe très en deçà du seuil de 2,1 % nécessaire au renouvellement d'une population donnée. Il ne m'appartient pas ici, aujourd'hui, d'analyser les phénomènes complexes qui régissent la décision d'avoir ou de ne pas avoir d'enfants. Notons simplement que le reste du Canada et les États-Unis, qui dépensent en proportion beaucoup moins que le Québec au chapitre du soutien à la famille et dont l'économie présente un portrait général similaire au nôtre, présentent un indice de fécondité pas mal plus élevé que le nôtre.

Les conséquences peuvent être regroupées sous trois chapitres: le déclin de la population totale, le vieillissement de la population et la perte du poids relatif de la population québécoise dans l'ensemble canadien. On assistera donc, à plus on moins long terme, compte tenu de l'indice actuel à environ 1,65, à une décroissance de la population québécoise. Ce phénomène pourrait donc s'enclencher dès la prochaine décennie si aucune mesure n'était tentée pour contrer cette tendance et favoriser une hausse de la natalité ou, encore, si notre apport migratoire était nul. C'est donc ici la pérennité même d'une société distincte en Amérique du Nord qui est en jeu. La volonté de transmettre à nos enfants et à leurs descendants une société qui se reconnaît par sa vitalité et son désir de vivre de façon distincte n'est pas, certes, nouvelle au Québec. Cependant, c'est la première fois que nous sommes si clairement confrontés à l'idée que cet idéal peut être en danger.

Par ailleurs, ce déclin de la population allié à un accroissement de l'espérance de vie va nécessairement provoquer un phénomène de vieillissement des populations. Ce phénomène est déjà d'ailleurs perceptible dans la plupart des sociétés développées et particulièrement dans la nôtre. Bien sûr, la vieillesse n'est pas un drame en soi et il est clair que nous devrons tôt ou tard adapter notre société à cet état de choses. Un fait demeure cependant certain: il y aura de moins en moins de main-d'oeuvre active pour supporter l'ensemble des coûts des programmes d'éducation et des programmes sociaux. L'équation est simple: les besoins seront plus grands, alors que les ressources de financement connaîtront une décroissance.

Inutile d'insister, dans le contexte actuel, sur les conséquences que pourrait avoir une perte progressive du poids politique du Québec sur l'échiquier canadien.

Il faut se rappeler également que la proportion de la population québécoise détermine le niveau de dépenses fédérales au Québec. Il serait malhonnête de faire croire à qui que ce soit que l'immigration puisse, à elle seule, inverser le cours des choses. Toutefois, parce qu'elle constitue un apport immédiat et direct de population majoritairement jeune ou apte au travail, l'immigration peut certainement jouer un rôle non négligeable dans le redressement, à la faveur du Québec, de ces tendances lourdes constatées actuellement. Par exemple, une récente étude a démontré qu'avec un redressement léger de l'indice synthétique de fécondité et un apport d'immigration semblable à celui des dernières années on pourrait repousser, sinon éviter totalement, cette date fatidique où la population commencerait à décroître. On pourrait aussi ralentir le rythme de vieillissement dont j'ai parlé plus tôt et, par une réduction de quatre à six ans de l'âge moyen de la population, en atténuer grandement les conséquences. Quant à la perte du poids relatif de la population du Québec par rapport à celle du Canada, une immigration soutenue pourra au moins en atténuer le rythme des prochaines années.

Ces raisons expliquent donc pourquoi le gouvernement a décidé, au plan de l'immigration, d'agir de façon cohérente pour assurer son avenir démographique, et nous avons consenti les efforts nécessaires pour mener une politique de recrutement et de sélection à l'étranger qui aura permis d'accueillir annuellement un volume constant de plus de 40 000 nouveaux immigrants. Il serait par ailleurs inutile de penser que les immigrants puissent jouer un rôle par rapport au défi démographique si aucune attention n'était apportée au fait que ceux-ci s'installent en permanence au Québec. Or, le taux de rétention des immigrants s'est nettement amélioré, entre 1986 et 1991, alors qu'il est passé de 65 % à 75 %. Les efforts constants apportés au chapitre de la sélection des personnes dont les caractéristiques répondent adéquatement aux besoins économiques et culturels du Québec ne sont certes pas étrangers à ces résultats. Il n'est pas illusoire non plus de penser que les nouveaux pouvoirs du Québec en matière d'intégration des immigrants de même que la maîtrise d'oeuvre acquise sur les dépenses en cette matière sur son territoire puissent permettre, à leur tour, de voir les fruits des stratégies d'accueil qui ont été développées afin que les immigrants demeurent maintenant de façon permanente au Québec, y aient des enfants et y établissent leur vie. Tous ces résultats m'apparaissent un gage d'espoir pour que le Québec demeure longtemps une société dynamique en Amérique.

Je remercie cette Chambre, Mme la Présidente, de m'avoir donné l'occasion de présenter brièvement ces notes. J'entends continuer, par la suite, à intervenir sur d'autres dossiers, car je pense qu'il est important pour nous de prendre conscience que l'aspect démographique... C'est peut-être ce dossier particulier qui va faire en sorte que Québec sera ou ne sera plus une société francophone, distincte en Amérique du Nord. Car comment pouvons-nous continuer dans cette société à progresser, à nous développer, à supporter les programmes sociaux, à supporter les programmes d'éducation si nous n'avons plus de population jeune et si nous ne la renouvelons pas? C'est des problèmes que les populations connaissent ailleurs, en Europe ou dans d'autres régions. Je crois que nous devrons, bien sûr, prendre les mesures nécessaires pour atténuer ça.

La Présidente (Mme Bleau): Merci, M. le député de LaFontaine. Je cède maintenant la parole au député de Pointe-aux-Trembles.


M. Michel Bourdon

M. Bourdon: Mme la Présidente, je voudrais d'abord saluer le changement de ton du ministre à l'endroit du Conseil scolaire de l'île de Montréal. Dans les deux dernières semaines, il nous a parlé du Conseil scolaire qui disait qu'un nouvel arrivant ne pouvait jamais devenir un francophone. Il a parlé aussi du Conseil scolaire en disant que le Conseil parlait des immigrants comme des citoyens de seconde zone. Là, il nous dit qu'il va discuter avec le ministre de l'Éducation des mesures que réclame le Conseil scolaire depuis 1991 pour mieux intégrer les nouveaux arrivants. À cet égard, l'énoncé de politique disait, et je cite: Des actions particulières s'imposent dans le cas des écoles de l'île de Montréal, où l'on trouve une forte densité ethnique.

Alors, Mme la Présidente, je me permets de suggérer au ministre, peut-être avant de voir le ministre de l'Éducation, de rencontrer les autorités du Conseil scolaire de l'île. Ces gens-là ne mordent pas. Il n'y aura pas de drame. Ils pourront expliquer que les mesures qu'ils réclamaient en 1991 n'ont pas été suivies d'effets. À cet égard, le ministre devrait répondre à la question: Qu'est-ce qui justifie le désengagement budgétaire et financier du gouvernement du Québec?

(10 h 40)

Le ministre a parlé des COFI. À cet égard, dans les deux dernières années, le ministère en a ouvert deux nouveaux, un à Longueuil et un à Laval – et c'est heureux – et en a fermé trois sur l'île de Montréal pour avoir un COFI important, que d'aucuns à Montréal appellent un COFI-polyvalente. À cet égard, Mme la Présidente, je ne pense pas que ce soit un outil d'intégration de montrer aux nouveaux arrivants ce que c'était, il y a 15 ans, une très grosse polyvalente.

Cela dit, au COFI du Parc, on a institué des horaires plus souples, et c'est heureux. Il y a des cours le matin, il y a des cours l'après-midi et il y a des cours le soir. On a aussi installé des services du ministère qui se retrouvent, de ce fait, plus proches de la clientèle. Cependant, Mme la Présidente, je maintiens qu'il aurait été mieux de ne pas concentrer sur l'île de Montréal en même temps qu'on déconcentrait à Laval et sur la Rive-Sud. Et je redemande au ministre: Qu'est-ce qui est envisagé pour assurer l'accès aux COFI des immigrants francophones plus que 20 heures ou une semaine? Par ailleurs, il y aurait nécessité de doter les autorités scolaires des moyens qu'elles demandent. Trois ans après, le ministre dit qu'il va en discuter avec son collègue. C'est fort heureux. Par ailleurs, il pourrait rencontrer – puis en notre présence, les parlementaires – le Conseil scolaire de l'île pour discuter du défi que constitue l'intégration des nouveaux arrivants, et de l'insuffisance des moyens qui sont actuellement mis à la disposition des autorités scolaires.

Je reviens à un fait, Mme la Présidente: quatre nouveaux arrivants sur cinq s'installent sur l'île de Montréal. Une politique de régionalisation a été mise sur pied, mais elle tarde à donner des résultats concrets. À cet égard, le gouvernement et le ministre doivent doter les autorités scolaires des moyens de faire jouer à l'école le rôle qu'elle doit jouer. L'outil d'intégration dont la société d'accueil dispose, c'est l'emploi. Plus tard, je reviendrai sur l'accès à la fonction publique, à cet égard.

D'autre part, l'école, et l'école montréalaise, doit avoir les moyens d'exécuter le mandat que les écoles de Montréal ont. La société d'accueil a une ville qui fait l'accueil: Montréal. À cet égard, je souhaite que le ministre, avant de rencontrer son collègue de l'Éducation, accepte, maintenant qu'il a cessé d'attaquer le Conseil scolaire, de peut-être l'entendre de même que d'entendre ceux qui veulent s'exprimer sur la question importante du niveau d'immigration pour les trois prochaines années.

La Présidente (Mme Bleau): Merci, M. le député. M. le ministre, pour cinq minutes.


M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Mme la Présidente, il y a des recommandations qui sont faites par le Conseil scolaire de l'île qui méritent d'être discutées. Je n'ai aucune difficulté à rencontrer le Conseil et à rencontrer mon collègue du ministère de l'Éducation pour en discuter. J'ai déjà rencontré le Conseil sur d'autres dossiers. Les relations que j'ai avec eux sont excellentes. Cependant, les aberrations que j'ai soulevées au cours des dernières semaines sur le contenu de certaines affirmations du Conseil scolaire de l'île, elles restent des aberrations. Je continue de croire que ce genre d'affirmation qui a été faite, au lieu d'aider à l'intégration, divise plutôt et insécurise les immigrants. Quand on commence à parler de... On a assez de divisions dans notre société: on a fait des anglophones, on a fait des allophones, on a fait des francophones. Là, le Conseil de l'île commence avec des allophones, des allophones de souche, des francophones, des francophones de souche. Écoutez, il y a une limite à diviser notre société. Moi, j'étais toujours sous l'impression, je le suis encore, qu'un allophone qui vient ici, un immigrant, peut s'intégrer à la société québécoise, à la majorité francophone, et qu'il devient francophone; on a des exemples dans l'Assemblée nationale. Faire ces distinctions entre francophones, francophones de souche et prétendre qu'on ne peut pas faire l'intégration des allophones, des immigrants, par des personnes qui viennent des pays francophones... C'est écrit dans le mémoire. Peut-être qu'ils ont de bonnes intentions, mais ils ne réalisent pas la portée de leurs affirmations.

Alors, les éléments et les recommandations qui sont positives dans le mémoire du Conseil scolaire de l'île, ça va me faire grand plaisir de les discuter. En même temps, quand je vais discuter de ça, je vais discuter ce que je vous dis que je trouve difficile à accepter: la multiplication des divisions qu'on essaie de créer dans notre société. Je ne pense pas que ce soit l'intention du Conseil scolaire de l'île de le faire, mais, quand on lit ce mémoire, à la lumière de certaines de ses recommandations, on ne peut pas vraiment accepter certaines des présomptions qui sont écrites et qui sont faites dans ce document.

Alors, je ne change pas mes convictions sur la francisation, sur la nécessité de franciser, la nécessité d'intégrer, mais je suggérerais non seulement au Conseil, parce qu'ils ont une responsabilité... Imaginez-vous, c'est eux qui font l'intégration et l'accueil, l'intégration à leurs écoles. Et, si, dans leur approche, ils font plutôt une division et de l'insécurisation, ça va être difficile d'intégrer les immigrants avec certaines affirmations. Alors, je peux assurer au député que ça me fera grand plaisir de rencontrer le Conseil et de discuter avec eux, peut-être essayer de voir comment on peut bonifier l'approche pour ne pas créer ces divisions.

Est-ce qu'il me reste quelques instants?

La Présidente (Mme Bleau): Une minute encore.

M. Ciaccia: En ce qui concerne les budgets, vous savez, l'objectif... Il ne faut pas que le député de Pointe-aux-Trembles pense que l'objectif d'un gouvernement, c'est de dépenser de l'argent. L'objectif, ce n'est pas de dépenser, mais de rendre le service et de donner le service. Si on est capable de le faire en réduisant certaines dépenses, bien, tant mieux.

Je vais porter à son attention que c'est vrai qu'il y a eu des réductions budgétaires, mais, en dépit de ces réductions, il y a eu plus de subventions, il y a eu plus de clients dans les cours, il y a eu des réductions dans les délais de cinq ou six mois à deux mois pour les cours. On peut expliquer la baisse, aussi, par une meilleure administration. Par exemple, on utilisait trois fois par jour les salles de classe, alors ça économise le loyer. Il ne faut pas assumer que, parce que les budgets sont réduits, les services sont réduits.

La Présidente (Mme Bleau): Merci, M. le ministre. Je donne maintenant la parole au député de Richelieu, pour cinq minutes.


M. Albert Khelfa

M. Khelfa: Merci, Mme la Présidente. Il serait superflu d'insister sur l'importance que le gouvernement du Québec a accordée, tout au long de ses deux derniers mandats, à l'objectif de développer une société moderne qui puisse se distinguer sur la scène économique mondiale. Aujourd'hui, je profiterai des prochaines minutes qui me sont accordées pour entretenir cette Chambre et l'ensemble de la population des bénéfices économiques reliés à l'immigration, notamment en cette période de profonde restructuration des règles de la concurrence et du commerce international.

Sans vouloir revenir sur les questions spécifiques soulevées précédemment par mon collègue, le député de LaFontaine, il est essentiel d'établir, d'entrée de jeu, que la plupart des experts s'entendent sur le fait qu'à long terme l'apport de nouveaux immigrants produit un impact positif sur l'économie québécoise. Il est clair que l'immigration représente un facteur de dynamisation d'une société. L'apport constant d'une nouvelle population a non seulement un effet sur l'augmentation de la population active, mais il favorise une plus grande consommation et, par le fait même, stimule la production de biens et services. En somme, bien qu'ils soient d'envergure modeste, les bénéfices reliés à l'établissement d'une population immigrante sont supérieurs, à long terme, aux coûts impliqués aux étapes de sa sélection, de son accueil et de son intégration.

(10 h 50)

Mais, au-delà de ce constat général, on peut facilement découvrir d'autres effets positifs découlant de l'immigration. À titre d'exemple, au 31 décembre 1993, des fonds de l'ordre de 700 000 000 $ avaient été transférés au Québec dans le cadre du programme des immigrants investisseurs. Ce capital contribue au financement d'entreprises installées en sol québécois. Par ailleurs, les gens d'affaires apportent, en plus de leurs capitaux, une connaissance des réseaux internationaux et des marchés extérieurs. Ces apports ne sont pas négligeables, Mme la Présidente, notamment pour la grande région de Montréal, qui affirme de plus en plus son caractère international.

L'immigration est également un apport essentiel d'expertises spécialisées. Il est clair que certains secteurs de pointe à forte valeur ajoutée connaîtront des besoins grandissants en main-d'oeuvre spécialisée, hautement formée et dotée d'une grande capacité d'adaptation. Or, dans un contexte d'internationalisation de la production, du commerce et de la concurrence, les bassins de la main-d'oeuvre compétente, capable de satisfaire ces conditions, ont eux aussi tendance à dépasser nos frontières.

L'esprit d'entreprise est une autre qualité dont le Québec a toujours besoin. En effet, tout porte à croire que se poursuivra la tendance voulant que l'essentiel de la création de nouveaux emplois soit le fait des petites et moyennes entreprises.

Tous ces immigrants qui, bon an, mal an, arrivent au Québec dotés de capitaux et d'expérience en gestion sont appelés à jouer un rôle des plus prometteurs. Il ne faudra pas oublier non plus que ces milliers d'immigrants qui, au bout de quelques années, sans être nécessairement dotés de capitaux importants ou encore du profil traditionnel d'un gestionnaire, mettent à profit leur esprit créateur, créent leur propre entreprise, génèrent directement ou indirectement de nouveaux emplois. La région de Montréal, tout particulièrement, est représentée par ces petits commerces mis sur pied avec acharnement, soit en alternative à des difficultés d'emploi ou simplement par recherche d'autonomie.

J'aimerais enfin mentionner cette contribution de l'immigration à l'un des objectifs prioritaires du gouvernement du Québec, soit le développement des régions du Québec. Les récentes consultations qui ont eu lieu à Québec, en Estrie et dans l'Outaouais, dans le cadre de la planification triennale des niveaux, nous ont permis de constater à quel point les stratégies du développement économique qui sont élaborées en concertation accordent une place...

La Présidente (Mme Bleau): M. le député, il vous reste à peine 15 secondes.

M. Khelfa: Pour conclure, Mme la Présidente, pour vous démontrer l'importance que la concertation accorde à l'immigration, nous allons revenir sur ça plus tard pour démontrer l'apport économique à la société québécoise.

La Présidente (Mme Bleau): Merci, M. le député. Je donne maintenant la parole à Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci, Mme la Présidente. J'écoutais les propos que vient de nous tenir le ministre de l'Immigration et je me disais que ce n'est pas le Conseil scolaire qui ne réalise pas la portée de ses affirmations, mais c'est le ministre lui-même, Mme la Présidente. Le ministre a maintenu ses attaques injustifiées et non fondées. En fait, il fait de nouveau véritablement de la provocation, ce matin, parce qu'en aucun moment il n'a cité au texte une déclaration quelconque du Conseil scolaire qui viendrait simplement justifier les propos qu'il vient de tenir.

Quelle est la distinction que le ministre préférerait? Peut-être celle des Canadiens français? C'est celle-là qu'il reproche au Conseil scolaire de ne pas retenir? Diviser la société, Mme la Présidente, il y a actuellement dans notre société des éléments, des germes de division. Ils sont contenus, vous savez où? Dans la Constitution canadienne, à l'article 93 plus précisément, article protégé, d'ailleurs, par l'article 29 de la Constitution imposée par Pierre Elliott Trudeau.

Et vous savez quels germes de division contient la Constitution canadienne? Essentiellement, Mme la Présidente, et de façon assez grave, des germes de ségrégation. Si le ministre de l'Immigration veut faire oeuvre utile, il aurait intérêt à prendre connaissance de l'avis du Conseil supérieur de l'éducation, avis intitulé «Le défi d'une réussite de qualité», portant d'ailleurs sur l'adhésion à la culture publique commune – parce que les reproches qu'il prétend faire au Conseil scolaire de l'île, il va falloir qu'il les adresse à bien d'autres institutions respectables de la société québécoise – cette culture publique commune sur laquelle je pourrai élaborer si ça l'intéresse. Mais je l'invite à prendre connaissance de cet avis du Conseil supérieur, qui, d'ailleurs, demande au gouvernement d'avoir pleine compétence en remettant en question l'article 93, qui maintient une discrimination, une ségrégation dans une société pluriethnique et multiconfessionnelle, à l'aube du XXIe siècle, en maintenant le carcan, l'archaïsme d'une constitution pensée pour un siècle passé, où, finalement, essentiellement, on divisait les enfants entre catholiques et protestants.

Mme la Présidente, si le ministre veut faire oeuvre utile, alors il doit parler à son collège de l'Éducation au plus vite parce que ce dernier est parrain d'un projet de loi, le projet de loi 2, qui, justement, recourt à la clause «nonobstant», pour déroger à la liberté de religion et à l'égalité des personnes en matière scolaire. Oui, Mme la Présidente, il y en a, des facteurs de division dans notre société: la loi 107, adoptée par son gouvernement, est un facteur de division qui viole la liberté de conscience et le droit à l'égalité et qui exige des ministériels un vote pour recourir à la clause «nonobstant» pour mettre à l'abri de la liberté de religion et à l'abri de l'égalité des personnes l'école québécoise et montréalaise.

(11 heures)

Alors, Mme la Présidente, le Conseil scolaire de l'île nous rappelle un certain nombre de réalités qui étaient d'ailleurs contenues dans l'énoncé de politique de 1991. Ces réalités, elles sont simples. Je vous fais mention de quelques-unes, et je cite, page 8: Alors que de plus en plus de praticiens s'entendent pour dire que l'école, en tant que lieu d'insertion sociale et lieu d'apprentissage de la culture du groupe d'accueil, ne peut que déterminer, en grande partie, le degré d'appartenance ressenti par les jeunes vis-à-vis la société québécoise, nombre d'écoles françaises de l'île de Montréal ont perdu cette capacité d'attraction. Ce que le Conseil scolaire rappelle au ministre, c'est la nécessité de faire de l'île de Montréal une zone prioritaire où l'on devra mettre en place des services inédits et adaptés, particulièrement dans le champ scolaire. C'est à Montréal que se jouera l'avenir linguistique et culturel de la société québécoise. Alors, c'est très simple: oui, il faut tenir compte de la capacité d'accueil, capacité d'accueil réelle de Montréal et pas théorique du Québec. C'est sur l'île, grande comme le Luxembourg, que se joue l'avenir linguistique et culturel, Mme la Présidente, que le défi d'intégration se joue. Cette capacité d'accueil n'est pas infinie et le gouvernement a la responsabilité de l'améliorer. Merci.

La Présidente (Mme Bleau): Merci, Mme la députée. Je cède maintenant la parole au ministre.


M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Mme la Présidente, les germes de la division, de la ségrégation dans la société québécoise, c'est de l'autre côté de cette Chambre qu'ils se trouvent. Séparer le Québec du Canada, ce n'est pas diviser? C'est diviser. Je pense que, peut-être, ce matin, ce n'est pas un débat constitutionnel et ce n'est pas un débat vraiment partisan qu'on devrait faire, mais plutôt essayer d'examiner vraiment les problèmes d'immigration, les problèmes d'accueil et les problèmes d'intégration. La députée semble dire que je ne peux pas citer, qu'il n'y a rien dans le mémoire du Conseil scolaire de l'île qui me permet de dire ce que j'ai dit. Bien, je voudrais citer le mémoire. Par exemple, quand on dit ici, à la page 10: «Qu'on le veuille ou non, les tendances actuelles conduisent inéluctablement vers une île de Montréal majoritairement anglophone et allophone de souche et le reste du Québec majoritairement francophone de souche», on vient d'inventer un nouveau terme: allophone de souche. Ça veut dire, pour moi, qu'un allophone ne peut jamais devenir un francophone. Bien, il y a des gens dans cette Assemblée nationale qui démontrent le contraire. Ce sont des concepts dont, peut-être, le Conseil de l'île ne réalise pas la portée. Ce n'est pas nécessaire de faire toutes ces distinctions: allophone de souche, francophone de souche. Plus tard, ils disent – et, ça aussi, c'est difficile à accepter – que la venue massive d'immigrants francophones à Montréal ne viendra pas régler la problématique de l'intégration des Québécois de souche récente. Bon, autrement dit, ils disent, je les cite, à la page 11, «que ces immigrants francophones viendront grossir les données statistiques quant aux "parlant français" sur l'île de Montréal, ce ne sont quand même pas eux qui assumeront l'intégration des allophones à la société québécoise.»

Je questionne le fait qu'on dise qu'une personne qui parle français, qui s'intègre à notre société, mais qui n'est pas ce qu'ils appellent un francophone de souche, ne puisse pas participer à l'intégration d'autres immigrants. Et j'ai donné des exemples de députés dans cette Chambre qui, évidemment, ont des ancêtres ou des parents ou des grands-parents qui viennent d'autres pays et qui sont intégrés à la société québécoise, qui sont intégrés à la société francophone. Et on essaie de me dire ici... Peut-être que ce n'est pas ça qu'ils veulent dire. Mais, si ce n'est pas ça qu'ils veulent dire, qu'ils ne l'écrivent pas de cette façon. Ils essaient de me dire que la députée, par exemple, de Vachon... que le député – il est parti – de Richelieu, qui était président du Syndicat des professeurs de Sorel, lui, ne peut pas participer; il ne peut pas intégrer les immigrants. Si ce n'est pas ça que ca veut dire, ça va me faire grand plaisir qu'ils le clarifient pour moi. Mais, tant et aussi longtemps que je vois ces affirmations dans le mémoire, alors, je ne changerai pas mes convictions et je vais essayer de leur expliquer la portée de ce qu'ils disent.

Je ne suis pas ici, maintenant, ce matin, pour parler de la Constitution canadienne, pour parler des problèmes qui peuvent exister dans d'autres législations. Je suis ici pour essayer de faire la lumière, pour essayer d'apporter une contribution, pour essayer d'avoir des recommandations, d'expliquer notre politique d'immigration et voir comment, ensemble, on peut l'appliquer et qu'on peut intégrer les immigrants dans notre société. Parce qu'on sait que c'est un apport, c'est une richesse collective. Ça va me faire grand plaisir de m'asseoir avec le Conseil de l'île, de revoir et de discuter ces aspects-là. Je ne veux même pas faire référence à certaines affirmations qui ont été faites par un des représentants, aller dire: Ah! Eh bien! à la fin, dans quelques années, à Montréal, il va y avoir seulement des immigrants et des pauvres. Vous savez, pour un Conseil scolaire de l'île qui doit enseigner et prêcher l'intégration, je pense que c'est un genre d'affirmation qu'on peut éviter. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bleau): Merci, M. le ministre. Je cède maintenant la parole à M. le député de D'Arcy-McGee, pour cinq minutes.

M. Libman: Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bleau): Oh! Excusez-moi.

M. Gobé: Je pense que la parole était à moi.

La Présidente (Mme Bleau): En vertu de l'alternance, si vous me permettez, nous allons céder la parole à M. le député de LaFontaine. Nous reviendrons à vous ensuite, M. le député de D'Arcy-McGee.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, Mme la Présidente. Je veux bien rassurer mon collègue: je ne veux absolument pas le brimer dans son droit de parole. Je suis sûr qu'il aura l'occasion, par la suite, d'intervenir lui aussi et de nous faire part de ses commentaires sur ce dossier.

On n'insistera jamais trop, comme le disait le ministre, sur l'importance qui est accordée au Québec – on le voit encore dans cette discussion – aux problèmes linguistiques. Québec, société française et, bien sûr, société distincte par ce fait, se doit d'avoir une attention particulière en ce qui concerne le choix de ses immigrants. Non seulement au niveau scolaire, au niveau économique, mais surtout au niveau linguistique. Je pense qu'il est très important que les politiques d'immigration du Québec soient faites, élaborées dans un but de favoriser l'arrivée et la venue de francophones au Québec, d'immigrants francophones, qu'ils soient de souche ou pas de souche. On n'ira pas voir dans l'arbre généalogique des gens où ils sont nés. Je connais des immigrants québécois, canadiens qui sont nés en Italie, qui ont vécu en France parce que leurs parents travaillaient dans les usines du nord de la France. Donc, ils sont allés à l'école en France et ils sont devenus, maintenant, des Québécois. Alors, sont-ils de souche québécoise, italienne ou française? Ce n'est pas important. L'important, c'est qu'ils s'installent dans notre société, qu'ils y restent, qu'ils s'y marient, qu'ils y construisent maison, qu'ils y élèvent leurs enfants et participent avec nous à toute cette progression francophone de notre société.

Alors, je pense que le débat, d'après moi, ne devrait pas porter sur ce niveau-là, mais simplement sur la nécessité et l'obligation que nous avons de faire en sorte que les immigrants francophones qui veulent venir s'établir au Québec puissent le faire et que, pour ce faire, notre ministère, notre gouvernement, ait des politiques, et des mécanismes surtout, qui vont favoriser à ces gens-là la possibilité... On voit que de 1986 à 1992, il y a eu à peu près 85 000 immigrants francophones qui sont venus s'établir au Québec. Très important. 85 000 nouvelles familles francophones. Je crois que c'est des niveaux qui, quand même, vont... Si on regarde l'environnement international, on regarde les pays d'où peut venir l'immigration actuellement, probablement qu'on va pouvoir augmenter si on prend les moyens de leur favoriser cette immigration, cette arrivée au Québec.

Je dois dire que, depuis 1986, il y a quand même eu des efforts certains qui ont été faits au niveau du ministère de l'Immigration, et on a sélectionné une grande partie d'immigrants indépendants, car on sait que c'est dans cette catégorie d'immigrants que se retrouve le plus grand nombre de francophones. Juste pour dire quelques statistiques, quelques chiffres: on regarde en France et en Belgique particulièrement, où il y a beaucoup d'immigrants francophones, beaucoup de jeunes qui veulent immigrer, il y a eu au-delà de 300 séances d'information. Il y a eu 22 000 personnes qui ont rencontré nos services d'immigration durant les deux dernières années. Il est vrai que la France et la Belgique sont des plaques tournantes de la francophonie parce qu'un grand nombre d'autres personnes, qui ne sont pas forcément des Français ou des Belges, résident dans ces pays comme travailleurs temporaires ou même comme transitaires, partant d'un pays où ils ne sont plus, des fois, très bien au niveau économique ou au niveau politique. Ils vont souvent s'établir en France parce qu'ils sont francophones. Il y a là aussi pour nous un bassin très important de gens qui ne sont pas forcément des Français ou des Belges, mais qui sont d'autres francophones. Ça peut être des Roumains qui parlent français, ça peut être des Algériens.

Je crois que c'est important de pouvoir rejoindre ces gens-là, car il y a là des forces vives et des gens qui sont prêts à venir ici s'installer et bâtir la société québécoise avec nous, en français; en anglais aussi, c'est nécessaire dans les affaires. Parce que c'est évident qu'il ne faut pas seulement penser que nos immigrants vont avoir des emplois ou occuper des positions où ils auraient seulement à parler français. Ils vont certainement progresser dans la société et avoir à travailler dans les affaires, dans les commerces, dans les communications. On sait que, actuellement, cette langue, en Amérique du Nord, la langue anglaise, est aussi importante. Donc, il faut faire attention aussi de ne pas regarder ça d'une manière étroite et obtuse.

On a aussi, voyez-vous... La proportion des immigrants qui arrivent, dans ce même domaine-là, et qui connaissaient le français, pas forcément des francophones, est passée à 36 %. Il y a quelques années, à la fin des années quatre-vingt, c'était 30 %. On voit, là aussi, une progression. J'aurais beaucoup de choses à dire encore là-dessus, Mme la Présidente. Malheureusement, je vois que vous me faites signe et je me dois de m'arrêter pour respecter le temps de parole de mes collègues, particulièrement du député de D'Arcy-McGee, si je ne me trompe pas. Alors, Mme la Présidente, je vais donc cesser de parler.

La Présidente (Mme Bleau): Merci, M. le député. Je passe maintenant la parole à M. le député de D'Arcy-McGee.


M. Robert Libman

M. Libman: Merci, Mme la Présidente. This past weekend, the vice-president of the Parti québécois, Bernard Landry, was speaking to the Conseil national des citoyens d'origine haïtienne, and he mentioned that his party rejected the idea of multiculturalism. He said he wants minority groups to integrate gradually into a single common public québécois culture. He said that Québec is already multiethnic with people from various backgrounds from all over the planet, and that that sort of melting pot is a guarantee of tolerance and a guarantee of liberty and democracy.

(11 h 10)

He also said: We have the duty, using influxes from everywhere, to build that common culture, but it is also important to have a trend towards integration, he said. And these remarks were met with a rebuke by the Minister of Immigration and Cultural Communities, Mr. John Ciaccia, who said: I do not want to be melted in responding to this melting-pot remark.

Unfortunately, Mme la Présidente, there seems to be very little difference between the philosophy espoused this past weekend by Mr. Landry and some of the policies, initiatives of this present Government with respect to integration of immigrants. I would like the Minister to have an opportunity to clear up exactly what the distinction is between what Bernard Landry is talking about when he speaks of a melting pot with respect to integration, and existing Government policies that this Minister has defended.

The second point I would like to raise is the fact that a successful integration of immigrants to Québec society does not require immigrants to be forced to go to French schools. The ability to learn French or the ability to understand the social or cultural reality of Québec could still be achieved quite successfully by allowing immigrants the freedom to choose. And I know, as the Minister said a couple of weeks ago, that we have to look at history and how the statistics have reversed since the policies have been put in place under the French Language Charter, and I agree these statistics have been dramatically reversed. But that does not necessarily say that we have had a more successful integration because more people are going to French schools today. I think that integration could be achieved successfully with an effort, for example, to intensify the teaching of French in English schools as well as within the English network, teaching or creating a greater awareness of Québec society and its institutions.

I do not think we are sending out a very good signal to immigrants by telling them that their ability to educate their children in the language they choose is based on parentage. I think that is a criteria that we have to look at very carefully, whether there really is a distinct relationship between the school system that an immigrant goes to and how well integrated he is. The Minister, a couple of weeks ago, said that he, himself, went to the English school system. So did I, and I do not feel any less integrated into Québec society than anyone else who went to the French school system.

The third point I would like to raise or ask the Minister, perhaps, is: What concrete measures can he suggest whereby members of cultural communities could take a greater role in the power structure of Québec society? What concrete measures can he put forward? Government attempts, in the past, to set up equal opportunity programs, to have members of cultural communities participate in the civil service have failed miserably, and I would like to hear the Minister on how he could improve such a situation, how he could have members of cultural communities play a more active role in the power structure of Québec.

But beyond this whole question of integration, I really would like the Minister to clarify exactly what integration means, how far beyond learning the French language does integration go and how could we set up a greater balance so that people feel less constrained, obliged to try to be melted into this melting pot of Québec society. Merci, madame.

La Présidente (Mme Bleau): Merci, M. le député. Je cède maintenant la parole à M. le ministre.


M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Premièrement, je peux comprendre un certain problème avec le mot «multiculturalisme» parce que, dans le passé, ça a été utilisé par certains pour donner un peu l'impression que les francophones, au Québec, faisaient partie du multiculturalisme, étaient une ethnie comme les autres ethnies. Ce n'est pas le cas. Alors, moi, je préfère ne pas utiliser le mot «multiculturalisme» pour être sensible à ceux qui ont senti que ce n'était pas utilisé dans le bon sens. Le mot que je préfère utiliser, c'est «pluralisme» ou «les relations interculturelles».

There is a difference between what the Parti québécois and the vice-president of the party said and what we are saying. We believe in pluralism, we believe that people should maintain their identity; and that will not prevent them... as a matter of fact, that will help them to integrate into Québec society. Alors, il y a une grande différence entre la politique mise de l'avant par le vice-président du Parti québécois et ce que le Parti libéral, le gouvernement libéral fait. And I do not believe that it is right to have a policy of uniethnicity. It is unrealistic, it is a policy of denial. You cannot ask someone who has roots and traditions and another culture to set it aside, to forget his identity, and we will say: You, forget your past, forget your traditions, forget your values and just become assimilated. This is not a policy of assimilation. A policy of integration is a big difference. Alors, nous, we do not believe in the policy that was put forward by the vice-president of the PQ.

Et, quand on fait des discours de même, on insécurise les communautés culturelles. Quand on commence à leur dire: Écoutez, vous, là, vos traditions, vos valeurs, vos origines, oubliez ça; vous allez vous assimiler dans une culture. Premièrement, ce n'est pas faisable. Je ne pense pas que ça se soit fait à aucun endroit au monde, même aux États-Unis, avec leur melting-pot; ce n'est plus un melting-pot, ça ne fonctionne pas. Alors, on préfère dire: Pour vous intégrer, on va vous donner votre... Gardez votre identité et vous allez pouvoir vous intégrer à la société québécoise, à la société francophone encore plus facilement parce que vous allez vous sentir bien dans votre peau.

The question of French schools. I think we went over that in... You know, historically, had the immigrants who had gone to English schools in the past come out speaking French, had the English-speaking community spoken French and respected, in a sense, the language of the majority, perhaps we would not be having this debate today. But, historically, that is not what happened. When people went to English schools, they were integrated into the English community and they did not speak the French language. So, as a result of this historical situation, and to maintain, you know, to integrate people into the majority, the francophone society, I think that that is the reason why there is a law that says immigrants must attend French schools. But that is not the same as saying what the vice-president of the PQ is saying.

Unfortunately, I do not have much time to elaborate on some of the other issues that you have raised, but I think that we cannot make abstraction of what has happened in the past. The policy now is not to deny other languages, not to deny other cultures, not to deny other traditions, but to say: Look, you are in Québec, you have to learn French, you have to speak French, it is the working language, it is the language of the majority and this is what... The French-speaking majority in Québec is a minority in North America, and these are the reasons for the policies that this Government has.

(11 h 20)

La Présidente (Mme Bleau): Merci, M. le ministre. Je donne maintenant la parole au député de Richelieu.


M. Albert Khelfa

M. Khelfa: Merci, Mme la Présidente. Le Québec a clairement choisi de s'ouvrir sur le monde plutôt que de se replier sur lui-même. C'est l'un des héritages du virage adopté au cours des années soixante par le gouvernement du Québec. Conscient des enjeux liés au développement d'une économie moderne et sans frontière qu'il s'est engagé à consolider, le Québec jouit d'une position unique: il appartient à la fois à la francophonie internationale et à l'espace économique et culturel nord-américain.

En concertation avec le gouvernement canadien, le Québec a été partie prenante des grandes discussions qui ont marqué, au cours des dernières années, l'évolution de ces deux mondes. Que l'on songe aux différents forums de la francophonie, aux travaux relatifs au GATT ou encore à la mise en oeuvre de l'ALENA, la présence du Québec y a toujours été manifestée; il a pu faire valoir ses objectifs et les intérêts propres du Québec et des Québécois. Que ce soit au plan économique, du commerce, de la science et de la technologie, de la culture, des communications, de l'environnement ou des ressources humaines, tous ces domaines subissent, à une échelle internationale, des transformations profondes qui auront des impacts incontournables sur notre propre gestion des affaires.

Le choix est simple: ou on embarque ou on regarde passer le train. Le gouvernement du Québec a choisi clairement la première voie et s'est doté, dès 1991, d'une première politique gouvernementale en matière d'affaires internationales. Ça ne s'est jamais vu dans le passé. Cette transformation profonde de la dynamique économique à une échelle internationale se manifeste, bien sûr, par une plus grande mobilité des biens, des services et des capitaux et aussi, il ne faut pas l'oublier, par une plus grande mobilité des personnes.

Dans un contexte mondial marqué comme jamais auparavant par l'interdépendance et la concurrence, les mouvements migratoires jouent un rôle de toute première importance. Le brassage de populations, le brassage d'idées et d'expériences qui découlent de ces mouvements sont une opportunité unique de ressources d'idées nouvelles et de dynamisation pour la société québécoise. Et le Québec a décidé de s'ouvrir.

Le gouvernement du Québec, Mme la Présidente, est profondément convaincu que cette importation de nouveaux savoir-faire, de nouvelles pratiques de gestion, de nouveaux besoins de consommation et de nouvelles visions sur les différents enjeux sur la scène internationale contribue quotidiennement à enrichir le patrimoine culturel de notre société. De la même façon, le gouvernement du Québec entend profiter de cette opportunité d'enrichissement pour occuper sa place de façon distincte sur la scène internationale. L'accueil des Québécois aux nouveaux arrivants est une longue tradition. La présence active au Québec, dans certains cas depuis de nombreuses générations, des communautés diverses représente aujourd'hui, plus que jamais, un atout exceptionnel pour créer ces liens internationaux qui sont essentiels au positionnement du Québec sur la scène internationale.

En effet, ces communautés ont très souvent conservé leurs liens étroits avec leur pays d'origine. Les Québécois ont certainement tout à gagner à rechercher la complexité des membres de ces différentes communautés, pour qu'ils agissent à la fois comme ambassadeurs du Québec auprès de leurs contacts à l'étranger ou comme têtes de pont dans la création de réseaux d'affaires. Par ailleurs, la connaissance qu'ont les immigrants des pratiques commerciales ou sociales de leur pays d'origine est une richesse exceptionnelle que les immigrants s'empresseront de partager si on leur en fournit l'occasion. Les entreprises et les institutions québécoises qui désirent élargir leurs frontières, leurs liens d'affaires, leurs recherches ou activités professionnelles auront tout à gagner de cette présence de ressources que l'on a de tous les horizons.

Mme la Présidente, ce n'est pas toujours par le biais des grands forums ou des grandes foires qu'on pourra affirmer notre présence internationale, mais par les liens étroits, quotidiens et par le maintien de ces liens pour progresser et infiltrer le monde économique international, pour le bien de notre collectivité québécoise et nos entreprises québécoises et le bien de tous les Québécois et les Québécoises.

La Présidente (Mme Bleau): Merci, M. le député. Je donne maintenant la parole à Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Mme la Présidente, je vous remercie. Le ministre a choisi de commenter par personne interposée une coupure de journal relatant une supposée déclaration du vice-président du Parti québécois. C'est son choix, mais ce choix ne l'honore pas. Qu'il me soit permis de lui faire savoir que le Parti québécois compte un comité des relations interculturelles extrêmement dynamique, actif, Mme la Présidente, qui a soumis pour adoption une nouvelle proposition, lors du précédent congrès, proposition qui constitue maintenant un chapitre important du programme du Parti québécois.

Mme la Présidente, je pense que le ministre ne se rend pas compte à quel point il insécurise lui-même les membres des groupes minoritaires lorsqu'il prétend brandir le désir d'affirmation de la majorité comme étant contraire à leurs intérêts. Mme la Présidente, il faisait tantôt grief au Conseil scolaire de l'île d'avoir utilisé des expressions dans son mémoire, notamment l'expression «allophone de souche». J'aimerais lui lire un extrait d'un document dont il est l'héritier. C'est l'énoncé de politique de sa prédécesseure qui a été adopté en 1991 et qui, notamment, par exemple, disait ceci: En 1986, 77 % de la population allophone née au Québec pouvait communiquer en français. Est-ce qu'il préfère l'expression «population allophone née au Québec» à l'expression «population allophone de souche»? Laquelle va-t-il proposer au Conseil scolaire?

Je lui lis également un autre extrait: Ainsi, un nouvel arrivant peut maîtriser parfaitement la langue d'accueil et être discriminé sur le marché du travail. Tiens donc! Il y a là maintenant une nouvelle expression, «nouvel arrivant de langue française», n'est-ce pas, parce qu'on dit qu'il peut parfaitement maîtriser la langue d'accueil et être discriminé. Et on continue: Comme l'intégration peut prendre plus ou moins de temps et se faire de façon inégale, les politiques d'intégration s'adressent autant aux immigrants de fraîche date qu'à ceux d'implantation plus ancienne et à leurs descendants, tant qu'il y a des obstacles à leur pleine participation à la vie québécoise.

Voilà, Mme la Présidente, dans un seul paragraphe, les expressions «population allophone née au Québec», «immigrants de fraîche date», l'expression «ceux d'implantation plus ancienne» et l'expression «leurs descendants». Alors, Mme la Présidente, tout cela dans un énoncé de politique qui, à ce que je comprends, est toujours la politique officielle de l'actuel gouvernement, malgré les dérapages, les détournements auxquels se prête l'actuel ministre de l'Immigration.

Mme la Présidente, j'aimerais simplement lui rappeler un extrait, cette fois, du mémoire du Conseil scolaire – qu'il aurait intérêt à méditer – qui est le suivant: «Comment, en effet, assurer la francisation et l'intégration harmonieuse des immigrants si la société d'accueil devient minoritaire, absente même dans certains secteurs de l'île?» C'est de ça dont il est question, fondamentalement, M. le ministre: une société d'accueil majoritaire. Pour que la francisation et l'intégration aient des chances de succès, il faut une société d'accueil francophone, majoritaire, bien en place, fière de ses origines, de sa langue et de sa culture. La société, comme toute personne, ne peut être accueillante, ouverte, respectueuse envers les autres que si elle est forte, confiante en elle-même et en bon équilibre.

Et que disions-nous dans l'énoncé de politique, Mme la Présidente? On disait ceci: L'intégration des immigrants représente un défi supplémentaire à cause de certaines caractéristiques spécifiques de notre société, notamment la réalité linguistique particulière du Québec, où la langue de la majorité reste minoritaire sur un continent dominé par le pouvoir d'attraction de l'anglais; le caractère récent de l'émergence de la société francophone comme pôle intégrateur de l'immigration. Pour être un pôle intégrateur, encore faut-il exister, Mme la Présidente, et c'est ce que le ministre semble vouloir ignorer ou écarter et mettre de côté.

Je reviens sur les conditions de succès d'une telle intégration, mesure attendue avec pourtant de l'impatience et un sentiment d'urgence. Elles sont bien simples: maternelles de francisation temps plein, modification du rapport maître-élève dans les classes d'accueil, des agents de milieu dans les écoles, pour pouvoir favoriser l'intégration entre les divers groupes culturels.

Alors, Mme la Présidente, c'est là-dessus qu'on attend des réponses claires du ministre et non pas des griefs qui, finalement, ne sont pas fondés.

La Présidente (Mme Bleau): Merci, Mme la députée. Je donne la parole à M. le ministre.

(11 h 30)


M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Mme la Présidente, vous savez, il ne faut pas faire dire à d'autres des choses qu'ils ne disent pas. De dire comment le désir de la majorité peut être contraire aux intérêts des communautés culturelles... Je n'ai jamais dit que les désirs de la majorité sont contraires. C'est absolument faux. Même, dans notre politique d'intégration, nous essayons d'encourager l'intégration dans le désir de la majorité. Alors, nous respectons le désir de la majorité. Le gouvernement le respecte et je crois que les communautés culturelles le respectent aussi. Deuxièmement, j'applique la politique d'immigration du gouvernement. On cite certaines expressions, mais il y a des expressions... Ce n'est pas seulement l'expression, mais comment elle est utilisée. C'est ça qui est important.

À la page 11 du mémoire du Conseil scolaire de l'île... C'est clair qu'il y a de bonnes recommandations dans ce document, mais il y a certaines affirmations qui me laissent perplexe. On dit: «Sur l'île de Montréal, il faut aussi que d'autres actions viennent se greffer», etc. Ils disent: «Il faut encourager les familles francophones à demeurer sur l'île de Montréal et en inciter de nouvelles à se joindre à elles.» Et on parle d'un appui financier. Alors, la question que je me pose... C'est clair que la ville de Montréal a des programmes pour maintenir la population sur l'île de Montréal, et je crois que c'est excellent. On doit les encourager. Si on avait plus de ressources financières, on pourrait contribuer. Mais les programmes de la ville de Montréal s'appliquent à tous les Québécois. Ce n'est pas des programmes qui s'appliquent à une classe de personnes, à une origine ou à certaines origines ethniques; ils s'appliquent à tout le monde. Ici, dans le document du Conseil de l'île, on veut dire, on semble dire qu'on peut appuyer financièrement certaines classes de personnes, de certaines origines linguistiques et ne pas en appuyer d'autres. C'est ça que je trouve difficile à comprendre.

Peut-être que la députée de Hochelaga-Maisonneuve pourrait nous expliquer son interprétation de cet aspect du document. Est-ce qu'on va donner des programmes discriminatoires pour une catégorie de personnes et on va les refuser pour d'autres? Si on veut encourager la population de Montréal à avoir plus de population, à rester à Montréal, parce que je crois que c'est important, je suis complètement d'accord, mais, si on veut faire des programmes discriminatoires pour dire: On va donner de l'argent à certains pour rester et il y en a d'autres qui n'en auront pas, j'ai de la difficulté à accepter ça. C'est sûrement un des sujets que... Peut-être que le député, dans ses remarques, pourrait nous répondre si lui est d'accord qu'on ait des programmes financiers pour une catégorie de personnes d'une certaine origine et pas de programme financier pour d'autres. Parce que c'est ça que le document semble dire.

Mme la Présidente, je crois, quand on parle de... La députée a soulevé plus tôt la question de la loi 107. Je peux lui dire que le ministère suit de près les discussions visant la mise en oeuvre de la loi 107, surtout sur l'île de Montréal. En effet, en créant des commissions scolaires linguistiques, il faut être extrêmement prudent, pour éviter que les enfants issus de l'immigration ne soient isolés des enfants de la société francophone québécoise. Il ne faut pas isoler les immigrants seulement dans certaines écoles et avoir des non-immigrants dans d'autres. Nous allons suivre cet aspect de la loi 107 de près, pour éviter ce genre de division, qui n'aide pas à l'intégration.

La Présidente (Mme Bleau): Je vous remercie, M. le ministre. Je donne maintenant la parole à M. le député de Lotbinière.


M. Lewis Camden

M. Camden: Je vous remercie, Mme la Présidente. Depuis le début de cette interpellation, les tenants et aboutissants des différents enjeux qui déterminent les actions du gouvernement en matière d'immigration ont été abordés et traités. Toutes ces actions ne sauraient produire les multiples bénéfices attendus de l'immigration sans que les nouveaux arrivants trouvent ici un climat d'accueil, d'ouverture et de tolérance qui soit exprimé dans toutes les sphères d'activité de cette société d'accueil. Ce consensus social, Mme la Présidente, est en quelque sorte la condition préalable à l'élaboration et à l'application de cette stratégie gouvernementale dont parlait tout à l'heure le ministre des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles.

Comparé à la plupart des autres sociétés qui, tout comme le Québec, ont à s'adapter à une présence croissante de communautés d'origines diverses, le Québec peut également être fier du fait qu'il a su préserver un climat de relations interculturelles et interraciales globalement harmonieux. À cette tolérance qui nous distingue clairement s'ajoute une tradition de générosité. En effet, la politique québécoise d'immigration réaffirme l'engagement traditionnel du Québec de favoriser la réunification familiale et d'accueillir les personnes qui se voient contraintes de fuir leur pays pour des raisons de persécution. La réunification familiale est au coeur des valeurs auxquelles est particulièrement attaché l'ensemble de la population du Québec. Elle constitue, par ailleurs, un facteur important d'enracinement des nouveaux arrivants dans leur nouveau pays d'accueil. Des impacts positifs résultent enfin de la venue d'enfants en bas âge, que ce soit au plan du rééquilibrage de la structure d'âge ou de l'apprentissage de la langue française par la fréquentation des écoles. Les efforts du Québec en matière d'immigration humanitaire traduisent, quant à eux, des valeurs fondamentales de justice et de solidarité qui font consensus au Québec.

En somme, c'est ce mélange de curiosité, d'ouverture, de tolérance et de générosité qui nourrit ce consensus de la société québécoise et qui permet aux immigrants de faire valoir au quotidien leur contribution au développement de cette société. Dans ce contexte actuel de chômage élevé, d'incertitude reliée à la restructuration de l'économie, il est clair que toute perception voulant que l'immigration puisse représenter un fardeau plutôt qu'un bénéfice met en danger ce consensus.

La question linguistique, on en a parlé longuement dans les minutes précédentes, est un sujet qui préoccupe la population du Québec et plus particulièrement dans la région de Montréal. Ici encore, la perception voulant que l'immigration puisse constituer une menace à l'épanouissement du visage français de cette société plutôt qu'un facteur d'enrichissement de son patrimoine culturel est susceptible de fragiliser ce consensus des Québécois. Il est clair, cependant, que le rythme d'ouverture et d'adaptation des institutions publiques à la réalité multiculturelle représente en soi un indice de la volonté d'accueil de la société, volonté qui est perçue à la fois par les immigrants et par les membres de la société d'accueil.

La préservation et la consolidation de ce consensus constituent, rappelons-le, la pierre angulaire du succès de notre politique d'immigration. Cette politique est un enjeu prioritaire pour le gouvernement et un défi qu'il croit possible de relever. La plupart des études le confirment: de façon générale, la tolérance a tendance à augmenter au fur et à mesure que s'établissent des contacts entre les différentes communautés. À cet égard, en 1993-1994, près de 1 400 000 $ ont été versés à environ 90 organismes pour favoriser le rapprochement intercommunautaire. Le ministère des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles participe également aux travaux de nombreux regroupements et tables de concertation. Enfin, les députés sont invités régulièrement à participer aux nombreux événements de rapprochement interculturel organisés avec l'aide du gouvernement. Par ailleurs, l'adaptation des institutions représente également une priorité du gouvernement. Nous avons créé un fonds d'initiative destiné à supporter les projets imaginés par les ministères et organismes pour adapter leurs pratiques à l'intégration des immigrants et à la participation des communautés culturelles.

Avant de conclure, Mme la Présidente, je me permettrai de souligner le fait que la préservation de ce consensus ne relève pas exclusivement de la responsabilité des membres de la société d'accueil. Les immigrants eux-mêmes ont un rôle majeur à jouer pour s'intégrer à leur société d'adoption. Le contrat moral proposé aux immigrants...

La Présidente (Mme Bleau): On a déjà...

M. Camden: ...a été conçu justement pour que soit satisfaite cette deuxième condition, qui est tout aussi importante pour garantir l'intégration. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bleau): Merci, M. le député. Je m'excuse, mais on a déjà dépassé notre temps. Avant de donner la parole au prochain intervenant, il me faudrait un consentement. Il reste cinq minutes à l'Opposition, plus 10 minutes à vous, M. le ministre, et à l'Opposition. Alors, ça nous mène à peu près vers 12 h 5. Ça nous prendrait le consentement pour qu'on puisse poursuivre nos travaux.

M. Ciaccia: Consentement, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bleau): Alors, je vous donne la parole, M. le député de Pointe-aux-Trembles.


M. Michel Bourdon

M. Bourdon: Mme la Présidente, le gouvernement actuel a pris des engagements, en 1989, dans un document qui s'intitulait «Pour un véritable rapprochement». Dans ce document, on disait qu'un gouvernement libéral se donnera, dès le début d'un second mandat, un objectif quantitatif précis en regard de l'embauche dans la fonction publique de personnes où au moins 12 % des effectifs réguliers nouvellement embauchés dans la fonction publique dans son ensemble devront être issus des communautés culturelles. L'énoncé de politique prenait des engagements similaires. Or, les données que nous fournit l'Office des ressources humaines du gouvernement du Québec nous indiquent que la présence des Québécois issus des communautés culturelles est de l'ordre de 2 % de l'ensemble de la fonction publique. Le ministre pourrait peut-être s'employer à finir par faire ce qui avait été promis en 1989. Je souligne, Mme la Présidente, que le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration comporte un nombre supérieur aux autres ministères de personnes issues des communautés culturelles. C'est bien le moins!

(11 h 40)

Maintenant, à l'étude des crédits, Mme la Présidente, on nous a remis une fiche intitulée «Le nombre et la répartition du personnel masculin et féminin, des personnes handicapées et des communautés culturelles (volet Immigration et Communautés culturelles) pour 1993-1994». Je solliciterais le consentement de nos amis d'en face pour déposer ce tableau.


Document déposé

La Présidente (Mme Bleau): J'autorise à déposer.

M. Bourdon: Je voudrais dire, Mme la Présidente, que le tableau, ce qu'il nous dit, c'est qu'il y a plus de Québécois issus des communautés culturelles, au ministère que coiffe maintenant M. le ministre, mais, dans la catégorie Haute direction, quand on regarde Communautés culturelles, il y a trois colonnes, on voit zéro, zéro et zéro. À cet égard, nous sommes entièrement en faveur de mesures précises, concrètes, pratiques pour intégrer le plus grand nombre de Québécois de souche récente à la fonction publique. L'engagement du gouvernement, en 1989, portait sur 12 % de l'embauche. D'après l'Office des ressources humaines, les cinq dernières années, on a embauché à peu près 7500 personnes titulaires de nouveaux postes permanents et on a remplacé quelques milliers de personnes qui prenaient leur retraite, et la présence de Québécois issus des communautés culturelles s'est située toujours à 2 %: à peu près 200 personnes ont été embauchées. À cet égard-là, je trouve que le ministre, au lieu d'être un germe de division lui-même, devrait s'attaquer sans délai à la question du programme d'accès à l'égalité dans l'ensemble des organismes, ministères et fonctions du gouvernement, en commençant par son ministère, probablement dans la catégorie Haute direction, qu'il y ait là des personnes issues des communautés culturelles.

L'accès à l'égalité, la pleine reconnaissance de la contribution des nouveaux arrivants à la société québécoise, ça passe par des mesures pratiques, concrètes. Sur l'accès à l'égalité dans la fonction publique, depuis nombre d'années, on entend des discours, mais on ne voit pas les mesures concrètes qui viendraient s'ajouter. Et, comme le ministère donne le ton pour ce qui est de la proportion – parce qu'il y en a quand même plus que dans tous les autres ministères – je me permets de suggérer au ministre de faire un effort dans la catégorie Haute direction, dans les communautés culturelles, parce que, actuellement, dans son ministère, il n'y en a pas pour la mission communautés culturelles et immigration.

Je ne fais pas, moi, de procès d'intention au ministre, pourquoi il ne le fait pas. Je ne lis pas son document comme il lit le mémoire du Conseil scolaire de l'île. C'est que c'est important d'avoir la foi, mais c'est important d'avoir les oeuvres.

La Présidente (Mme Bleau): Merci, M. le député. Je vous donne la parole, M. le ministre.

M. Ciaccia: Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Bleau): Vous avez 10 minutes, M. le ministre.

M. Ciaccia: Ah! J'ai 10 minutes? Alors, c'est la fin, ça?

La Présidente (Mme Bleau): C'est votre dernière intervention.


Conclusions


M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Le programme d'accès à l'égalité n'est pas un programme de création d'emplois. Il vise plutôt la répartition équitable, dans l'organisation, des personnes embauchées, selon leur disponibilité, par rapport au marché du travail. Au cours du dernier semestre de l'année 1993, seulement 343 personnes ont été recrutées dans la fonction publique. Mais, même si elles avaient toutes été des membres des communautés culturelles, cela n'aurait pas fait varier leur proportion d'une manière significative dans la fonction publique.

Au MCCI, on affiche 13,5 % des membres des communautés culturelles, ce qui dépasse l'objectif du programme de 9 %. Il y a plusieurs raisons, malgré les objectifs que nous avons eus, qui ont rendu difficile l'atteinte de ces objectifs, mais je pourrais dire qu'au moins le gouvernement libéral en a eu, des objectifs pour les communautés culturelles, pour les embaucher dans la fonction publique et pour qu'elles aient un accès à l'égalité. C'est plus que quand le gouvernement du Parti québécois était là.

De nous reprocher, aujourd'hui, qu'on n'a pas atteint nos objectifs, je crois que c'est comme des larmes de crocodile, ça. Mais on les maintient, on veut faire notre possible. On a des représentants des communautés culturelles à tous les niveaux de notre gouvernement, et il s'agit de redoubler nos efforts. Il y a beaucoup de raisons... Il y a toute la question de la récession, la question des contraintes budgétaires, la question que la fonction publique se trouve plutôt à Québec qu'à Montréal, et les communautés culturelles sont à Montréal. Pour plusieurs raisons, c'est vrai qu'on n'a pas atteint ces objectifs, mais, au moins, on s'en est donnés et, au moins, on a fait un effort pour assurer une représentativité des communautés culturelles.

Les questions d'immigration, Mme la Présidente, sont vitales, et ce, à double titre, à un titre double. Vitales, elles le sont d'abord pour l'immigrant lui-même parce que l'expérience de l'immigration transformera sa vie en profondeur et pour toujours. Mais l'immigration est également vitale pour les sociétés qui s'y ouvrent parce qu'elle recoupe les enjeux fondamentaux pour ces collectivités au plan démographique, économique et à celui de l'identité culturelle. Ministre titulaire de l'Immigration depuis janvier dernier, je découvre chaque jour davantage la richesse et la complexité de cette problématique. Et c'est précisément en raison du caractère vital des questions d'immigration que les politiques en cette matière doivent être enracinées dans un solide consensus social. Ainsi, depuis qu'il dispose de pouvoirs en matière de sélection de son immigration et, donc, depuis qu'il est en mesure d'influencer le volume et la composition de l'immigration qu'il reçoit, le Québec apporte un soin particulier à la planification de ses niveaux d'immigration.

Dans le cadre de cette planification, le gouvernement a pour tradition de consulter la population québécoise, en particulier par le biais des différents organismes et corps constitués qui forment la trame de notre société. Dans le passé, cette consultation a souvent pris la forme d'un appel de mémoires écrits. À quelques reprises également, la consultation sur la planification des niveaux d'immigration s'est effectuée à l'occasion d'une commission parlementaire. En 1991, ce fut le cas, alors que les niveaux pour la période 1992 à 1994 ont été discutés à la faveur de l'examen de l'énoncé de politique gouvernementale en matière d'immigration et d'intégration.

Cette année, en prévision de la planification pour 1995-1997, nous avons choisi un modèle de consultation en partie inédit. Celui-ci comporte, en effet, deux volets. Le premier volet consiste à inviter toute personne ou tout organisme souhaitant faire connaître ses attentes ou ses commentaires face au niveau d'immigration à nous soumettre un mémoire sur le sujet, et ce, au plus tard le 15 mai 1994. Cette invitation à présenter un mémoire a été publiée dans divers quotidiens du Québec. Par ailleurs, plus de 333 organismes ayant déjà participé à des consultations antérieures ou ayant manifesté un intérêt à l'égard de l'immigration ont été invités, par courrier, à présenter un tel mémoire. Des organismes ont aussi été invités à participer à l'une ou l'autre des rencontres publiques de consultation sur les niveaux d'immigration. Ces rencontres sont tenues dans l'Estrie, dans l'Outaouais, dans la région de Québec. Dans toutes ces régions, les organismes des milieux économique, communautaire et institutionnel ont été consultés au cours d'une même rencontre d'une durée d'une journée. Trois rencontres ont également eu lieu à Montréal. Je tiens à souligner qu'en adoptant cette formule des rencontres régionales, puis des rencontres thématiques dans la région de Montréal, nous avons réussi à discuter en profondeur des préoccupations spécifiques aux différents milieux tout en fournissant à chacun l'occasion de faire valoir ses considérations générales sur la problématique d'ensemble.

(11 h 50)

Nous avons été capables d'aller plus loin, Mme la Présidente, qu'une commission parlementaire. Nous avons eu quelque 330 mémoires de consultation, et ces personnes ont pu, à travers toutes les régions du Québec, vraiment donner leurs recommandations et tout ce qu'elles avaient à suggérer dans le domaine de l'immigration. Nous avons, jusqu'à date, plus de 250 mémoires qui nous ont été fournis suite à la demande de consultation publique. Alors, nous sommes allés beaucoup plus loin que juste avoir une commission parlementaire.

Alors, il reste maintenant à établir, à partir de tous les commentaires recueillis et de ceux qui continuent à nous parvenir, ce que sera la planification pour 1995-1997. Il me semble approprié de rappeler la nature essentielle des décisions gouvernementales à cet égard. Planifier les volumes et la composition de l'immigration pour une période donnée, c'est, d'abord et avant tout, effectuer une série d'arbitrages, et ce, à divers plans. C'est d'abord tenter de maintenir, à travers la politique d'immigration, un certain équilibre dans les efforts gouvernementaux en vue d'atteindre les différents objectifs que nous nous sommes fixés. Ces objectifs renvoient, comme vous le savez, aux enjeux que nous avons évoqués tout au long du présent débat. Il s'agit donc d'établir une planification des niveaux qui permette d'atteindre à la fois nos objectifs démographiques, économiques et linguistiques.

L'arbitrage gouvernemental quant aux niveaux d'immigration s'inscrit également dans un environnement international dont nous demeurons tributaires. Quels que soient, en effet, les contours et les particularités des besoins de la société québécoise en matière d'immigration, l'atteinte des objectifs qui découlent de ces besoins sera toujours fonction de la volonté d'immigrer des candidats qui se trouvent dans nos différents bassins de recrutement et des caractéristiques de ceux-ci. En ce sens, la planification et la réalisation des niveaux d'immigration constituent ultimement la conjugaison de la demande québécoise d'immigration, qui est elle-même le résultat des arbitrages que je viens de décrire, avec la réalité de l'offre internationale d'immigration.

Il me reste à aborder une dernière dimension de cet arbitrage gouvernemental. Il s'agit de l'évaluation, pour une période donnée, de la capacité d'accueil du Québec à l'égard de l'immigration. Cette notion de capacité d'accueil recouvre une réalité complexe, formée de divers éléments. On y regroupe plus particulièrement l'évolution du consensus social relatif à la politique d'immigration, le niveau de disponibilité des services de sélection et d'intégration des immigrants, les contraintes à court terme susceptibles d'influencer le processus d'intégration des immigrants, telle la situation de l'emploi. Cette évaluation de la capacité d'accueil de l'immigration est au coeur de la consultation sur les niveaux d'immigration.

Les consultations du type de celle qui s'achève nous donnent accès à une information de nature plus qualitative. Elles confirment, en particulier, que, si la population québécoise demeure ouverte à l'immigration, elle désire également que les politiques en cette matière continuent à être élaborées en fonction de ses besoins et de ses valeurs. Sur les 330 invitations qu'on a envoyées, Mme la Présidente, il y a eu 105 organismes qui ont participé aux rencontres, et nous avons reçu déjà, sur les invitations publiques, 250 mémoires.

Mme la Présidente, demande d'information. Mme la Présidente, le député de...

La Présidente (Mme Bleau): Pointe-aux-Trembles?

M. Ciaccia: ...avait demandé la liste des organismes qui avaient été invités.

Alors, si vous me permettez, avec votre consentement, Mme la Présidente, je voudrais déposer la liste des organismes qui ont été invités pour les consultations sur les niveaux d'immigration.


Document déposé

La Présidente (Mme Bleau): Alors, j'autorise le dépôt de ce document.

M. Ciaccia: Oui, on me dit que je l'ai quelque part.

La Présidente (Mme Bleau): Et je donne la parole au député de Pointe-aux-Trembles pour son dernier 10 minutes.


M. Michel Bourdon

M. Bourdon: Mme la Présidente, d'abord, je veux me réjouir que le ministre dépose la liste des organismes qu'il a conviés à sa consultation privée. Il s'était engagé à le faire, il y a deux semaines, en Chambre. Tant mieux qu'on ait la séance de la commission ce matin et l'interpellation. Je me demande si je ne pourrais pas m'autoriser ce geste pour lui demander s'il pourrait déposer les mémoires que le ministère a reçus, puisque, juste le nom de l'organisme, ça ne nous renseigne pas sur le mémoire et le contenu de la séance à huis clos à laquelle le ministre a participé. La question qui se pose toujours, Mme la Présidente, c'est: Comment se fait-il qu'en 1991 les personnes et les groupes intéressés ont pu se faire entendre en commission parlementaire et que, cette année, le ministre veut nous mettre devant le fait accompli qu'il a consulté à huis clos et que, par après, s'il ne dépose pas les mémoires, il faudra se contenter d'un rapport synthèse sur les mémoires qu'il a reçus?

Je voudrais également dire, Mme le Présidente, que nous n'admettons toujours pas le mauvais procès d'intention que le ministre fait à l'encontre du Conseil scolaire de l'île de Montréal. Il faut que le ministre assimile le vocabulaire et la culture de son ministère. Comme la députée de Hochelaga-Maisonneuve le disait, dans le mémoire du Conseil scolaire de l'île, on retrouve les mêmes expressions que dans l'énoncé de politique que le ministre est maintenant chargé d'appliquer et qui est l'énoncé de politique de son gouvernement. Mme la Présidente, je pense qu'il faut que les mots aient un sens. Quand le ministre a dit, tout à l'heure: Les germes de division de la société québécoise sont de l'autre côté de la Chambre, il a dit quelque chose d'énorme. Ce n'est pas vrai; d'aucune manière. On peut avoir des divergences politiques, mais, quand on est ministre responsable de l'Immigration et des Communautés culturelles, il ne faut pas tenir des propos qui peuvent fomenter la division. À cet égard, le ministre, inlassablement, nous dit, par exemple: Quand le Conseil scolaire de l'île a proposé que des mesures soient prises pour que les personnes de la classe moyenne reviennent sur l'île de Montréal, le ministre interprète: Les personnes de classe moyenne, francophones de souche. Ce n'est pas ça. Ce n'est pas ça qui est dit.

Et, pour son information, la ville de Montréal offre un crédit d'impôt foncier atteignant jusqu'à 10 000 $, dans l'arrondissement Ville-Marie, pour les personnes qui voudraient revenir à Montréal. Il faudrait que le ministre se documente aussi sur le phénomène de l'étalement urbain que le gouvernement a largement encouragé, notamment par des programmes d'accès à la propriété qui ne tenaient pas compte de la réalité de Montréal. Je vais rappeler au ministre, parce que j'ai négocié quelques années, que la discrimination, dans les livres de droit, c'est défini comme une distinction injuste à l'endroit d'une personne. Les aînés ne sont pas discriminés parce qu'il y a des allocations familiales. Les jeunes ne sont pas discriminés parce qu'il y a des pensions de vieillesse. À Montréal, il y a un effet de beigne, qu'on appelle, du fait que la classe moyenne, qui est surtout francophone, s'en est allée vers les grandes banlieues, et, ça, ça pose des problèmes sur l'île de Montréal, des problèmes de tous ordres, auxquels le gouvernement devrait s'attaquer.

Le ministre nous a dit qu'il rencontrerait le Conseil scolaire de l'île. Est-ce que ça pourrait être en présence de parlementaires des deux partis? Des parlementaires des deux côtés de la Chambre? Et peut-être dans une commission parlementaire, comme en 1991. Le ministre ne peut pas nous demander de trouver correcte une consultation où il fait uniquement des rencontres en privé, où il parle de 330 mémoires qui auraient été reçus. Il y en a un de disponible, celui du Conseil scolaire de l'île, parce que l'Opposition l'a déposé. Est-ce qu'on pourrait lire les autres et ne pas lire qu'une synthèse des mémoires que le ministre a reçus?

Sur le seuil d'immigration, il est très évident, Mme la Présidente, que l'objectif du gouvernement d'atteindre 25 % du seuil d'immigration du Canada ne pourra pas être réalisé dans la prochaine planification, puisque le fédéral a fixé le niveau à 250 000 et que notre 25 % serait 62 500. C'est une question qu'on pourrait discuter avec les groupes intéressés, en commission parlementaire. Parce que dire que le niveau à être fixé par le Québec est un pourcentage du niveau canadien, c'est dire que le gouvernement canadien va fixer notre seuil d'immigration. À cet égard-là, il demeure vrai qu'il faut consulter les groupes sur les défis que ça représente, l'intégration harmonieuse des nouveaux arrivants, alors que, au plan du territoire, les nouveaux arrivants s'établissent surtout à Montréal. Pas par le fait d'un complot: la même chose existe aux États-Unis. Les nouveaux arrivants aux États-Unis vont plus à New York qu'à Des Moines, en Iowa.

(12 heures)

À cet égard, je trouve particulier le raisonnement du ministre, qui dit: Des mesures pour favoriser le maintien de la classe moyenne sur l'île de Montréal et réattirer des personnes faisant partie de la classe moyenne dans l'agglomération montréalaise. Il utilise le mot «discrimination» pour qualifier ça. C'est un mot qui a un sens grave, parce que, en réalité, si on prenait le même raisonnement tordu et simpliste quand le gouvernement et le ministre parlent de régionalisation de l'immigration, est-ce qu'il faudrait en conclure qu'il y a quelque chose de discriminatoire dans le fait d'inciter des personnes à s'installer en région? Quand ça s'applique à la classe moyenne francophone de la grande banlieue de Montréal, c'est discriminatoire; quand ça s'applique aux nouveaux arrivants... Et la prédécesseure du ministre a fait mettre dans la loi 124, en décembre, l'idée d'accorder une sorte de préférence aux immigrants désireux de s'installer en région. Bien, c'était pour favoriser la régionalisation de l'immigration. Autrement dit, favoriser une sorte de mouvement migratoire à l'intérieur du Québec pour que les nouveaux arrivants aillent en région, ça, pour le ministre, ce n'est pas un problème, alors que des mesures pour favoriser certaines migrations dans la région de Montréal le seraient.

Je pense, Mme la Présidente, que le ministre ne peut pas faire l'économie d'une vraie consultation publique qui va porter, entre autres, sur l'ordre des moyens, puisque les sommes réellement versées par le gouvernement du Québec à la mission intégration des communautés culturelles, à la mission immigration dans son sens large, sont sans cesse décroissantes et, malgré l'insuffisance des ressources publiques, elles ont été réduites, de fait, plus vite que dans n'importe quel autre secteur.

Je pense, Mme la Présidente, que le ministre devrait consulter, ça n'a pas tué sa prédécesseure, il devrait consulter publiquement, rendre disponibles tous les mémoires qu'il a reçus – on ne pourra pas voir le débat qui a accompagné le mémoire, mais, au moins, on lira les représentations qui lui ont été faites – afin que les décisions qu'il devra prendre, les recommandations qu'il fera au Conseil des ministres en matière d'établissement du niveau d'immigration pour 1995, 1996 et 1997, fassent l'objet d'un débat public, comme en 1991. Merci, madame.

La Présidente (Mme Bleau): Merci, M. le député. Avant de mettre fin à nos travaux, je voudrais remercier M. le ministre et son personnel, les députés ministériels et les députés de l'Opposition pour cette interpellation.

La commission ayant accompli son mandat, j'ajourne les travaux sine die.

(Fin de la séance à 12 h 3)


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