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Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le mercredi 13 octobre 1993 - Vol. 32 N° 37

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du rapport d'activité 1991-1992 de la Commission d'accès à l'information


Journal des débats

 

(Dix heures sept minutes)

Le Président (M. Deyon): À l'ordre! La commission de la culture va commencer ses travaux et, donc, je déclare la séance ouverte. Vous me permettrez de vous indiquer que le mandat de la commission, pour la présente séance, est d'étudier le rapport d'activité 1991-1992 de la Commission d'accès à l'information, conformément à l'article 119.1 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Donc, c'est là le mandat de cette commission pour aujourd'hui.

Je demanderais à M. le secrétaire de bien vouloir nous annoncer les remplacements, s'il y en a. M. le secrétaire.

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Fradet (Vimont) est remplacé par M. MacMillan (Papineau); M. Khelfa (Richelieu) par M. Maltais (Saguenay); M. Leclerc (Taschereau) par M. Houde (Berthier); et Mme Loiselle (Saint-Henri) par M. Gautrin (Verdun).

Le Président (M. Doyon): Très bien. Alors, je signale à cette commission que nous avons jusqu'à 13 heures pour exécuter le mandat qui nous a été confié. Et j'invite, tout d'abord, peut-être, tel qu'il est coutume, M. le président de la Commission à bien vouloir faire quelques remarques préliminaires, s'il le juge à propos. Alors, je lui donne la parole.

Exposé du président de la Commission d'accès à l'information (CAI)

M. Paul-André Comeau

M. Comeau (Paul-André): Je vous remercie, M. le Président. MM. les députés, je voudrais d'abord vous présenter mes deux collaborateurs: à ma droite, Me André Ouimet, qui est secrétaire de la Commission et directeur du Service juridique, et M. Clarence White, qui est directeur des analyses et des enquêtes.

Je vous remercie de nous avoir convoqués pour étudier notre rapport annuel 1991-1992. Vous comprendrez que ce rapport a déjà un peu d'âge et vous accepterez sans doute que je déborde ce cadre pour arriver à l'actualité et peut-être même au futur.

Il y a, quand même, un certain nombre d'événements qui doivent être rappelés parce qu'ils nous amènent directement dans ce qui va se passer au cours des prochaines semaines. Nous sommes actuellement à l'aube et de l'entrée en vigueur du nouveau Code civil et de la nouvelle Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. C'est, l'un et l'autre, deux événements importants dans l'histoire sociale et politique du Québec. En fait, l'Assemblée nationale, en adoptant la loi 68 l'été, le printemps dernier, pardon, puisque c'était le 15 juin, a conféré aux citoyens des droits qu'ils avaient déjà depuis 10 ans dans le seul secteur public. Donc, on a maintenant mis sur un même pied les deux types de secteurs en ce qui concerne les droits des citoyens. Je pense qu'on ne peut que se réjouir de cela. Le Québec vient de franchir un pas important.

Dans le rapport — je reviens maintenant au passé — de 1991-1992, j'avais souligné un certain nombre de faits qui me semblaient importants. C'est ainsi qu'entre juillet 1990 et juin 1991, en moins de 12 mois, pas moins de 310 000 demandes ont été officiellement formulées dans des organismes et ministères de l'administration québécoise, ce qui est un chiffre considérable. (10 h 10)

Mais ce qui est encore plus important, je pense — et ça, c'est quelque chose dont la société québécoise doit être fière — 94 de toutes ces demandes ont été satisfaites presque sur-le- champ. C'est un taux absolument remarquable et, quand on compare avec ce qui se fait dans d'autres pays, on peut en dégager une conclusion immédiate, c'est qu'il y a, de la part de l'administration publique québécoise, depuis les ministères jusqu'à la simple petite commission scolaire de village, une collaboration à la mise en oeuvre de cette loi, qui est impressionnante: 10 ans après, la notion de transparence démocratique, je pense, s'est inscrite dans nos moeurs. évidemment, un accroissement de demandes du genre, même si le taux de satisfaction est énorme, entraîne aussi un certain nombre de demandes de révision, ce qui fait que la commission a vu le nombre des demandes de révision et des audiences croître de façon assez significative au cours des dernières années. je vous donne trois chiffres simplement. en 1991-1992, nous avions reçu 586 demandes de révision, c'est-à-dire de personnes qui étaient mécontentes du sort qu'on avait réservé à leur demande. en 1992-1993, le nombre est passé à 636 et, pour l'année en cours, ce sera encore plus. mais, devant cet accroissement de demandes et devant la nécessité de répondre aux besoins des citoyens tout en étant respectueux des deniers publics, nous avons systématisé et élargi l'expérience de médiation qui avait été lancée il y a deux ans. je peux vous annoncer maintenant que 50 % des demandes de révision qui nous parviennent sont résolues à la satisfaction des parties en cause par cette médiation, ce qui est considérable et qui nous permet d'éviter des audiences formelles, et souvent des déplacements.

En ce qui concerne maintenant le volet de protection des renseignements personnels, je voudrais revenir

sur ce dont j'ai parlé l'an passé devant cette même commission, c'est-à-dire le rôle-conseil que la Commission assume de plus en plus. Alors, je voudrais prendre un exemple très précis. Il y a deux ans, la Commission a ordonné à la CSST d'apporter des correctifs importants à son système informatique de façon à protéger les renseignements éminemment sensibles qui sont contenus dans les dossiers de ses clients, donc les personnes qui ont été victimes d'accidents de travail. Or, cet organisme s'est engagé dans cette entreprise et, à la faveur des consultations qui ont lieu de façon plus ou moins régulières entre la CSST et mes services, je me réjouis de voir que le cheminement déjà accompli par la CSST est en voie de répondre aux objectifs de notre ordonnance.

Cependant, dans ce même rapport, j'ai signalé un certain nombre d'inquiétudes qui sont toujours d'actualité. C'est pourquoi j'y reviens. Je voudrais, d'abord, pointer du doigt les appréhensions de la Commission à l'égard du fichier de la Régie de Fassurance-maladie, le fichier d'identité de la RAMQ, qui contient les renseignements d'identité de presque toute la population québécoise. Cette banque, qui est l'équivalent d'un fichier de la population, fait l'objet d'une convoitise constante aussi bien de la part d'organismes privés que de ministères ou d'organismes publics. Et l'attention du public a été sollicitée le printemps dernier à l'occasion de la campagne de vaccination contre la méningite, qui était engagée au Québec auprès de la population des zéro à 18 ans. Et, à cette occasion, les chercheurs ont vertement reproché à la Commission d'avoir refusé l'accès à cette banque de données systématique. J'ai même eu le droit d'être traité de «béotien» de la recherche par un de ces chercheurs, ce qui m'a posé des problèmes et m'a obligé à revenir à mes vagues notions de grec de l'époque.

Alors, dans cette affaire, l'intervention de la Commission s'est inscrite dans le mandat très précis qui lui a été confié par la loi, par l'article 125, pour autoriser le transfert de renseignements personnels, sans le consentement des personnes impliquées, à des fins d'étude, de recherche ou de statistique. C'est évident que, lorsque la Commission est saisie d'une demande du genre, elle doit faire une forme d'arbitrage, elle doit tenter de concilier l'évidente nécessité de la recherche avec l'obligation de préserver la confidentialité des renseignements personnels. Alors, nous sommes engagés dans un dialogue difficile, mais quand même intéressant, avec les chercheurs de façon à faire comprendre la nécessité de ce compromis entre la recherche tous azimuts sur toute la population, mais aussi les droits qu'ont les citoyens en ce qui concerne ces renseignements personnels.

Alors, c'est l'un des dossiers qui vont continuer à nous préoccuper étant donné le nombre considérable de demandes qui nous parviennent des chercheurs. Cependant, à cet égard, je dois signaler que, grosso modo, près de 90 % des demandes du genre sont acceptées favorablement avec parfois des modifications. La Commission a développé deux principes, c'est-à-dire qu'elle donne accès à des échantillons de population et non pas à des fichiers systématiques, parce qu'on ne veut pas voir se multiplier à gauche et à droite les fichiers qui sont déjà existants. Et l'autre principe, c'est qu'elle réduit au minimum nécessaire les renseignements confidentiels ainsi transmis.

Alors, durant cette même période, nous avons mis à jour un autre problème qui a été amené sur la sellette par la décision d'apposer sur la carte d'assurance-maladie et sur le permis de conduire des photos. Alors, après discussions et négociations, la Commission a réussi à faire accepter deux principes. Le gouvernement ou les ministères ne devaient pas constituer de fichiers de photos, c'est-à-dire que les photos devaient servir à la fin précise pour laquelle elles étaient demandées, c'est-à-dire être collées ou brûlées en quelque sorte sur la carte et non pas permettre de voir s'établir des fichiers d'identité sous forme de photos. Le gouvernement, ni le Parlement, ni l'Assemblée nationale n'ont jamais été saisis d'une demande de constituer un fichier d'identité. On ne voit pas pourquoi on établirait un fichier de photos. C'était le premier principe. Le second principe, la carte-photo en question ne doit servir qu'aux fins pour lesquelles elle a été émise. Ces deux principes ont été acceptés. Il y a eu des négociations et un certain nombre d'incidents, mais globalement nous sommes satisfaits de la suite qui a été donnée à cela.

Cependant, ça nous amène à poser une question et je le fais aujourd'hui devant vous, puisque vous êtes à cet égard l'émanation de l'Assemblée nationale. Si chacune des cartes émises par le gouvernement ou par ses services administratifs ne sert qu'aux fins précises pour lesquelles elle a été émise, on peut se demander logiquement comment un individu va pouvoir s'identifier dans une foule de transactions de la vie quotidienne, par exemple, pour changer un chèque. Poser la question, c'est tout de suite énoncer la problématique. Afin de permettre à un citoyen de s'identifier lorsqu'il le désire ou lorsqu'il est obligé de le faire, on doit s'interroger sur l'opportunité, pour le gouvernement ou l'administration, d'émettre sur demande une carte d'identité. Des citoyens d'autres pays et de nombreux États américains jouissent actuellement de cette possibilité. Donc, une carte émise par le gouvernement, mais à la seule demande du citoyen, une carte qui n'est pas obligatoire, mais qui permet d'éviter de sortir les cartes sensibles que sont, par exemple, la carte d'assurance-maladie ou la carte d'assurance sociale du gouvernement canadien.

Or, la Commission, de son côté, poursuit sa réflexion sur le sujet. Nous colligeons des données, des études menées dans d'autres pays, mais humblement nous vous avouons qu'il ne nous appartient pas de devancer ni la population, ni ses élus à cet égard. Et nous continuons de privilégier, en ce qui concerne les problèmes d'identité, la carte d'identité, mais aussi les identifiants, c'est-à-dire ces fameux numéros qui nous suivent. Nous privilégions, à cet égard, un débat au sein de l'Assemblée nationale, débat qui soit public, franc et ouvert. C'est les deux remarques importantes d'actualité que je voulais faire, au moment où cette notion d'identifiant va

prendre une acuité considérable avec l'entrée en vigueur de la nouvelle Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Comeau. M. le député de Pointe-aux-Trembles.

Discussion générale

M. Bourdon: C'est ça. M. le Président, M. le président de la Commission, je voudrais d'abord souligner que c'est par tradition que le ministre n'assiste pas à la présentation du rapport. Alors, je le dis pour le Journal des débats, pour qu'on ne pense pas que c'est parce qu'il est occupé à organiser la dissolution du ministère des Communications...

Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bourdon: ...ou qu'il s'occupe activement de la coprésidence d'un congrès qui n'aura sans doute pas lieu.

Le droit d'appel

M. le Président, je reviens sur le rapport annuel... (10 h 20)

Le Président (M. Doyon): Vous êtes le bienvenu.

M. Bourdon: ...de la Commission d'accès à l'information et je veux d'abord remercier le président du tour d'horizon qu'il a dressé. Et je voudrais peut-être commencer à questionner M. Comeau sur la question des appels. Le plus récent est celui d'Hydro-Québec, là, et ça pose deux sortes de questions. D'abord, qui dit appel dit délais et qui dit appel dit moyens d'aller en appel. Et je pense qu'Hydro-Québec a des capacités supérieures aux cinq personnes qui s'étaient plaintes que la société d'État avait des renseignements indus, qu'elle avait des renseignements, la société d'État, qu'elle n'avait pas à détenir sur ces personnes-là. Et vous l'avez mentionné dans votre exposé.

Il y a aussi... Bon, si je peux citer mon cas personnel, on a fait une demande, nous de l'Opposition officielle, pour avoir la liste des entreprises de 200 employés et plus qui se donnent un congé de cotisation à leur caisse de retraite à la Régie des rentes. La Régie des rentes en a appelé d'une décision favorable de la Commission. Ce que je veux dire, c'est qu'il y a un axiome anglophone qui dit: «Justice delayed is justice denied.» Je donne un autre exemple d'appel: le ministère de la Santé et des Services sociaux perd à la commission d'accès sur une demande de la CSN et du journal La Presse d'avoir le bilan-lits pour l'ensemble du Québec et le ministre va en appel sur le bilan-lits partout ailleurs qu'à Montréal, ce qui fait que, d'après la rumeur, il va finir par ne plus être ministre et qu'il y a des chances que le bilan-lits en question va toujours être débattu.

Alors, ce que j'aimerais savoir de M. Comeau, c'est... Et, par ailleurs, le droit d'appel, c'est un droit fondamental. Je ne dis pas qu'il faut interdire le droit d'appel d'une décision, si quelqu'un n'est pas d'accord. Mais, comment voyez-vous, en termes pratiques, des balises qui pourraient permettre que ça se fasse vite, que le citoyen qui a gagné, par hypothèse, soit soutenu parce qu'il y a inégalité de moyens entre Hydro-Québec et ses abonnés? Je donne l'exemple d'Hydro-Québec, mais il y a le problème que des ministères, des sociétés d'État, des organismes ont évidemment tous les moyens que nos impôts et taxes leur donnent d'aller en appel aussi longtemps qu'ils voudraient. Alors, quelle sorte de balises pensez-vous qu'il serait possible de mettre pour que le droit d'appel reste, bien sûr — parce qu'un ministère peut trouver que vous avez rendu une décision abusive, comme n'importe quel citoyen — mais comment faire pour que ce soit quand même rapide et qu'il n'y ait pas une inégalité entre les moyens des parties?

M. Comeau: M. le député, vous comprendrez que je ne voudrais pas m'aventurer à faire des hypothèses ou des commentaires sur la cause qui nous oppose actuellement à Hydro-Québec, puisque c'est devant les tribunaux. C'est un problème important, je pense, et ça touche une des rares dimensions d'appel qui n'ont pas trait à des décisions de révision d'accès à des documents. C'est donc un appel dans un aspect tout à fait particulier, celui d'Hydro-Québec. Mais, en ce qui concerne les appels de décision que vous avez signalés, comme l'appel d'une décision rendue à la suite d'une demande qui parvenait de votre bureau et de votre parti, comme un certain nombre d'autres appels qui ont été placés au cours des dernières années, c'est une question qui nous a préoccupés.

D'abord, je dois vous dire que je partage entièrement votre point de vue. Le droit d'appel, à mon point de vue, doit demeurer comme étant le garant du fonctionnement du système. Nous avons fait une étude systématique de ce qui a été le cas et le lot des appels depuis le début de la loi en 1982, et nous avons constaté que le nombre d'appels est quand même relativement peu important. Malgré tout, ça implique, comme vous l'avez signalé, des délais et aussi des déboursés. C'est pourquoi dans notre rapport pour lequel vous allez sans doute nous demander de revenir un jour ou l'autre — notre rapport quinquennal, qu'on appelait en langage populaire le rapport «sunset», qui a été déposé en décembre dernier et qui s'intitulait «Un passé éloquent, un avenir à protéger»; c'est le deuxième rapport du genre que nous avons soumis — nous avons suggéré des mesures très précises au législateur précisément pour minimiser l'impact négatif des appels.

Là, je demanderais à mon avocat préféré, si vous le permettez, de vous expliquer les mesures concrètes que nous avons recommandées au législateur et qui devraient vous parvenir incessamment.

Le Président (M. Doyon): M. Ouimet.

M. Ouimet (André): La Commission constate, dans un premier temps, que le facteur temps influence grandement la qualité de l'exercice du droit d'accès aux documents. Alors, à partir de ce constat et de l'étude dont M. Comeau vient de faire état, dans son rapport, la Commission a quatre recommandations qui touchent à l'appel; tout ça pour réduire le temps d'appel.

La première, c'est que la requête pour permission d'en appeler devrait être éliminée. À l'heure actuelle, il y a un premier stade qui est la requête pour permission d'en appeler devant la Cour du Québec. Si cette requête-là est accordée, il y a un appel au fond qu'on appelle, qui est entendu généralement deux à trois ans après que la requête a été entendue. Alors, ce qu'on suggère, c'est de fusionner tous ces mécanismes et de faire comme devant la Cour supérieure en évocation, d'entendre en même temps la requête pour permission d'en appeler et les arguments au fond, et le juge n'aurait qu'une seule décision à rendre et, à l'instar de la Cour supérieure, dans des délais relativement courts. C'est la première recommandation.

La deuxième, c'est que l'article 147 de la loi sur l'accès devrait préciser que seules les décisions finales peuvent faire l'objet d'un appel. On a constaté, à l'heure actuelle, qu'il y a des organismes qui n'attendent pas une décision finale de la Commission, mais qui demandent une décision interlocutoire à la Commission lorsqu'elle procède et, à partir de cette décision interlocutoire, présentent une requête pour permission d'en appeler, ce qui a pour effet de geler tout le pouvoir d'adjudication de la Commission. Alors, on suggère donc au législateur de modifier l'article 147 en conséquence.

De plus, la Commission suggère que la loi aurait tout avantage à préciser que le droit d'appel existe uniquement pour les décisions de la Commission d'accès à l'information qui découlent de l'exercice du pouvoir de révision. Encore une fois, à l'heure actuelle, on constate que certains organismes vont en appel de décisions purement administratives de la Commission, des décisions à la suite d'une enquête, et cela a pour objet de paralyser, encore une fois, l'exécution d'une décision administrative de la Commission. Donc, on pense que l'appel ne devrait subsister que pour les décisions de la Commission en adjudication dans le cadre du pouvoir de révision.

Et, finalement, la dernière recommandation à cet égard, c'est que la personne qui a déposé une demande de révision auprès de la Commission ne devrait pas être condamnée aux dépens par la Cour du Québec si la décision de la Commission est portée en appel par l'autre partie. Ce qui se produit à l'heure actuelle, c'est que certaines parties, des individus en l'occurrence, sont amenées à la Cour du Québec en appel par un organisme public. Or, ils ont d'abord demandé accès à un document, ils ne l'ont pas eu, ils sont venus devant la Commission. La Commission confirme que l'individu a droit d'accès au document. La décision est portée en appel par l'organisme public et, si l'organisme public gagne, le juge peut condamner l'individu à payer des dépens.

Évidemment, avant de se présenter devant la Cour du Québec, plusieurs individus nous appellent et nous demandent s'ils doivent se présenter devant la Cour du Québec pour éviter d'avoir à payer de tels dépens. Nous, on leur dit: Si vous vous présentez à la Cour du Québec, vous êtes susceptibles d'être condamnés à payer des dépens. Alors, pour éviter que des individus aient à payer de tels dépens, on demande une modification législative qui permettrait à la personne de ne pas avoir à subir de tels dépens.

Alors, c'étaient les quatre recommandations. Je voudrais revenir juste un instant sur des statistiques. M. Comeau a parlé d'une étude qu'on a faite sur les appels devant la Cour du Québec. On peut vous donner un exemple: dans le présent rapport annuel qu'on étudie, il y a eu 179 décisions de la Commission et 19 requêtes pour permission d'en appeler ont été présentées devant la Cour du Québec. Ce qui signifie qu'on tourne toujours, d'après cette étude, autour de 10 % des décisions de la Commission qui sont présentées devant la Cour du Québec. Elles ne sont pas toutes acceptées, ces décisions-là. Par exemple, dans la période visée, sur les 19 requêtes pour permission d'en appeler, la Cour du Québec n'en a accueilli que 10, mais les 10 qui sont accueillies, c'est autant de délais qu'on a dénoncés dans le passé.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Ouimet. Oui, Mme la députée.

Mme Blackburn: Si vous permettez, une question dans le sens de votre présentation. Si vos quatre recommandations de modifications législatives étaient acceptées, des 10 requêtes qui ont été acceptées à la Cour d'appel, combien est-ce qu'il y en aurait qui ne se seraient pas rendues à cette étape-là de l'appel, si vous aviez ces modifications-là?

M. Ouimet: C'est difficile à dire parce qu'il faudrait les examiner une par une.

Mme Blackburn: Vous n'avez pas fait l'exercice. (10 h 30)

M. Ouimet: Je pense que l'effet principal, si nos recommandations étaient suivies et que la loi était modifiée, c'est que ça réduirait le délai d'appel. Le problème principal à l'heure actuelle, c'est qu'il faut attendre au moins deux ans avant d'avoir une décision de la Cour du Québec. Alors, si un individu vient devant la Commission, généralement à l'intérieur d'un délai de quatre à cinq mois il y a une décision qui est exécutoire. Si on va en appel, on prolonge ce délai-là de deux ans. Or, c'est le principal problème à l'heure actuelle. Après ça il faut faire des distinctions juridiques. Par exemple, quand on a parlé du cas d'Hydro-Québec, sans entrer dans tous les méandres juridiques, il ne s'agit pas d'un appel comme tel dans ce cas-là; c'est une requête en évocation qui a été

présentée devant la Cour supérieure. Or, évidemment, on ne peut pas jouer sur les délais de la Cour supérieure; c'est une procédure en soi et la Cour supérieure est maîtresse de sa procédure. Mais, au niveau des appels comme tels, nous, on pense qu'en fusionnant la requête et l'audition au fond on diminuerait les délais de beaucoup.

Le Président (M. Doyon): Oui, M. Comeau.

M. Comeau: pour ajouter ceci, mme la députée: si on applique également l'une des recommandations qui visent les décisions interlocutoires, là, on va réduire le nombre de demandes d'appels de façon précise, mais le reste, le résidu, disons, d'appels réels, au fond, et non pas d'appels tactiques, là, à mon point de vue, il ne pourra jamais baisser en deçà de 5 % à 6 %, parce qu'il y a des zones grises, il y a des problèmes réels. mais, si on enlève cette dimension des appels interlocutoires qui, eux, sont tactiques, à ce moment-là on réduit le nombre d'appels, mais je ne pense pas qu'on puisse aller en deçà de ça. la moyenne au bâton, si vous me permettez l'expression, est quand même assez bonne à cet égard.

M. Bourdon: Dans le fond, vous parlez de ce qu'en jargon judiraire on appelle des procédures dilatoires, avant même d'avoir une décision de fond qu'on conteste. Dans le cas d'Hydro-Québec, je trouve la requête assez exorbitante parce qu'elle touche les pouvoirs mêmes de la Commission et, à cet égard-là, je sais que, comme président, vous ne commenterez pas. Maintenant, je me permets de trouver qu'Hydro-Québec est une créature de l'Assemblée nationale, qui s'en va contester les pouvoirs de la Commission qui, elle aussi, a été créée par l'Assemblée nationale. Je trouve qu'il y a un peu trop, si vous me pardonnez l'expression, d'avo-casseries dans ça. Et, quand je vois, dans le cas d'Hydro-Québec, le nom de Lavery de Billy qui est un grand cabinet d'avocats, c'est vraiment un cabinet spécialisé dans les contestations tous azimuts. Je connais même un hôpital où toutes les décisions de la CSST sont contestées par ce cabinet et qui y va allègrement et pour longtemps.

Je reviens, dans le fond, à la notion de ce qu'on appelle «justice delayed is justice denied». On a parlé de la Régie des rentes. Il y a un débat sur les caisses de retraite. La Commission comme telle n'est pas interpellée par le débat, son mandat est autre. Mais, dans ce débat-là, connaître la liste des entreprises de 200 employés et plus qui prennent des congés de cotisation aiderait les législateurs que nous sommes, entre autres, à regarder ce qu'il y a à faire. Puisqu'on parle de délai, une des causes célèbres, c'est Singer, à Saint-Jean, et la moyenne d'âge des intéressés est rendue à 78 ans, parce que ça fait plusieurs années que leur caisse de retraite... Et là, Singer, on l'apprenait ce matin, va en appel. Je trouve qu'il y a quelque chose d'exorbitant de dire qu'éventuellement, si j'extrapole un peu, la décision finale de la Cour suprême va s'appliquer aux descendants des intéressés qui croyaient avoir une caisse de retraite.

C'est la question, dans le fond, qui est posée et, à cet égard-là, je me permets une sous-question: En plus des mesures que vous avez mentionnées, que l'aviseur légal a mentionnées, est-ce qu'il n'y aurait pas, au plan de l'administration du gouvernement lui-même, l'idée de faire décider des appels par le ministère de la Justice et non pas par l'organisme ou le ministère intéressé lui-même, puisqu'on peut toujours soupçonner que l'organisme défend un intérêt particulier, légitime là, avec une ardeur, des fois, suspecte dans le cas de la Régie des rentes, à mon avis? Mais le contentieux du ministère de la Justice jetterait peut-être un regard plus froid, disons, sur la cause que de laisser l'intéressé tout seul.

À cet égard-là je rappelle qu'il s'agit de fonds publics qui sont utilisés, et les travaux de votre Commission, qui coûtent des sommes d'ailleurs modestes en rapport avec votre mandat, sont contestés par d'autres organismes publics pour lesquels l'élément coûts entre très peu en considération. Contrairement à un justiciable, pour Hydro-Québec ou la Régie des rentes, la question des honoraires professionnels est une question très théorique, je dirais, ou, en tout cas, elles décident avec l'argent des autres, alors que le plaignant, lui, doit s'armer avec ses propres ressources. Donc, croyez-vous qu'il y aurait une certaine efficacité à prévoir qu'au niveau du gouvernement, des organismes et des ministères ce n'est pas l'intéressé nécessairement qui décide tout seul d'aller en appel, mais qu'il pourrait y avoir un filtre au niveau du ministère de la Justice?

M. Comeau: Je vais me contenter, M. le député, de répondre à une première partie de votre question et je vais demander à Me Ouimet d'enchaîner. Je veux seulement vous donner une précision. En ce qui concerne cette affaire contre Hydro-Québec, je peux vous assurer que la Commission n'engagera pas de services juridiques extérieurs. Nous allons à l'intérieur nous défendre et tenter de faire triompher notre point de vue. Il n'est pas question pour nous d'aller piger dans les fonds publics pour cela.

Quant à la deuxième question, je vais demander à Me Ouimet parce qu'il y a toute une procédure gouvernementale en ce qui concerne l'utilisation des avocats, qui me dépasse un peu, je ne vous le cache pas.

Le Président (M. Doyon): Me Ouimet.

M. Ouimet: Au niveau gouvernemental, les avocats des différents ministères actuellement relèvent du ministère de la Justice. Ça veut dire qu'à l'heure actuelle, avant d'aller en appel, quand il s'agit d'une décision concernant un ministère, l'affaire est nécessairement soumise au ministère de la Justice. Il y a quelqu'un, des avocats plaideurs, comme on dit, au ministère de la Justice, qui regarde le dossier et qui décide ou non de porter l'affaire en appel. Ce n'est pas le cas pour les autres organismes qui sont visés par la loi sur l'accès. Alors, s'il y a une vingtaine de ministères, c'est vrai pour une vingtaine de ministères qu'actuellement le

ministère de la Justice décide de l'opportunité d'aller en appel ou non, mais, pour les 3000 et quelques autres, c'est l'organisme lui-même qui décide s'il va en appel ou non à même son budget, comme vous le décrivez. Certains ont déjà des avocats à leur service; d'autres engagent des avocats de pratique privée pour porter une cause en appel. Nous, on ne peut pas s'ingérer dans le processus administratif de la décision qui est prise à ce moment-là.

M. Bourdon: Maintenant, une question pointue: Si un cabinet privé a été retenu dans la cause, est-ce que ce serait dire qu'on peut penser — puis, je ne vous demande pas un renseignement nominatif, n'ayez crainte — qu'Hydro-Québec n'a pas d'avocats à son emploi? Est-ce qu'à votre connaissance Hydro-Québec a des avocats à son emploi?

M. Ouimet: Oui, effectivement, elle a un service juridique. (10 h 40)

M. Bourdon: On peut penser qu'elle consulte le catalogue des couleurs et qu'elle donne ça... En tout cas! Ils sont débordés, leurs avocats, peut-être.

Le Président (M. Doyon): Oui. M. le député de Hull, vous m'avez demandé la parole.

Possibilité d'émettre des cartes d'identité sur demande

M. LeSage: Merci, M. le Président. C'est sur un autre sujet. M. Comeau, si je vous ai bien compris tantôt, vous avez mentionné que vous vous apprêtiez à émettre des cartes d'identité sur demande?

M. Comeau: Oh, non, non! Permettez que je précise, là. Nous avons fait le raisonnement suivant. Le gouvernement a accepté notre logique que les cartes, soit la carte-soleil, le permis de conduire ou les cartes émises par les ministères pour décerner des services aux citoyens, ne peuvent être utilisées que pour la fin pour laquelle elles ont été émises. La carte-santé, c'est pour aller chez le médecin, à l'hôpital, etc. Or, il y a une chose, dans la vie de tous les jours, qui est évidente, c'est que ces cartes-là sont devenues, à toutes fins pratiques, des cartes d'identité. Hein? Vous allez chercher un paquet chez Parbus à Montréal, on vous demande une carte d'identité. Vous voulez encaisser un chèque, on vous demande une carte d'identité, et c'est ces cartes-là qu'on vous demande. Alors, en ce qui concerne la carte-soleil, le gouvernement a accepté que le citoyen ne soit pas obligé de la présenter, donc qu'elle serve uniquement. ..

Là, il y a un problème concret qui se pose: comment l'individu peut-il s'identifier? Nous, on conseille — et ça, c'est le conseil qui vient également du gouvernement féiéral — de ne pas présenter la carte d'assurance sociale, ni la carte d'assurance-maladie du

Québec, parce que ces deux cartes contiennent des numéros qui donnent accès à toutes les banques de données possibles et imaginables. Les bureaux de crédit, les compagnies d'assurances, les agents de renseignements personnels utilisent ces données-là, c'est-à-dire que vous donnez à une autre personne le numéro qui permet d'avoir accès à votre dossier partout. Alors, il faut être logique. Il faut s'identifier, c'est évident. On n'est plus un grand village; les gens ne se connaissent pas. Il faut s'identifier, mais est-ce qu'on s'identifie avec le moyen qui permet de vous dénuder? C'est là, le problème.

Nous, on se dit: Un certain nombre de pays et surtout des États américains, donc, qui participent un peu à la même culture que nous ont contourné ce problème, ont répondu à ce problème en émettant des cartes d'identité facultatives. Les citoyens obtiennent de l'administration ces cartes s'ils les demandent, et c'est cette carte-là seulement que l'on peut exiger à des fins d'identification. C'est l'une des hypothèses que l'on a retenues et qu'on lance pour discussion, si possible, à l'Assemblée nationale. Parce qu'il est évident qu'avec la législation qui va entrer en vigueur, le 1er janvier, dans le secteur privé les problèmes vont se multiplier. On ne peut pas demander, non plus, aux citoyens de se promener avec leur passeport qui est le seul identifiant, le seul instrument d'identité légal, actuellement. La carte, comme le font les États américains, nous paraît être une solution. Il y en a peut-être d'autres, mais c'est celle-là qui nous a semblé la plus congruente à notre système de valeurs où on ne veut pas de carte d'identité obligatoire, pour toutes sortes de raisons, et où on ne veut pas, non plus, de fichiers d'identité de la population. Mais une carte facultative nous semblerait une solution valable.

M. LeSage: M. le Président...

Le Président (M. Doyon): Oui, M. le député.

M. LeSage: ...j'ai des commentaires à faire. J'avais bien compris ce que vous aviez dit, là. C'était ça. Vous semblez favoriser ce genre d'avenue là qui serait une carte facultative.

M. Comeau: Tout à fait.

M. LeSage: Moi, je veux vous donner mes commentaires là-dessus.

M. Comeau: Je vous en prie.

M. LeSage: J'ai eu l'occasion de visiter d'autres pays également. Même, aux États-Unis, je cherchais une carte d'identité quelconque. J'ai présenté une carte, par exemple, de l'Assemblée nationale, et le douanier ne veut rien savoir de ça comme carte d'identité. Aux États-Unis, dans la majeure partie des États, ils ont un permis de conduire avec photo, et les gens se servent de ça à tour de bras et ça ne coûte pas plus cher à personne. Moi, j'en reviens à votre petite carte facultative, là;

c'est encore un fardeau sur l'État, c'est encore des contrôles à l'État, c'est encore des demandes à l'État.

Il me semble que juste le permis de conduire... D'ailleurs, dans toutes les revues de voyages, ils disent les documents qu'il faut apporter: passeport ou permis de conduire. Alors, pourquoi émettre encore une autre carte d'identité, alors qu'on l'a déjà sur le permis de conduire? Vous allez me dire: II y en a qui n'ont pas leur permis de conduire. Soit! Votre carte serait peut-être utile à ces gens-là seulement, mais, si tu as un permis de conduire, là, tu l'as, ton identité, là-dessus, et je pense qu'elle devrait suffire, M. le Président. Et, dans ce sens-là, on sauverait de l'argent plutôt que de commencer à offrir...

Parce qu'il y a un paquet de monde qui va vous le demander. Il y a des gens qui aiment ça, des cartes; que ce soit des cartes de crédit ou des cartes d'identité, ils aiment ça, ils les demandent. C'est gratuit ou ça coûte très peu, on le demande. Dans ce sens-là, M. le Président, moi, je pense qu'on devrait faire attention avant de sortir une autre patente qui va coûter cher à l'État, alors que le permis de conduire pourrait très bien suffire. Vous pouvez aller dans n'importe quel État américain, si vous avez votre permis avec la photo dessus, ça va suff-e, vous n'avez même pas besoin de passeport.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député. M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: M. le Président, lors des audiences et des débats sur le rapport quinquennal de la commission d'accès — parce que j'ai discuté avec le ministre de l'opportunité de faire des audiences sur le rapport quinquennal de la Commission, parce que la Commission voit son rôle accru par la loi 68 et il y a des débats à faire sur comment ça va s'appliquer — moi, j'entends bien poser la question des cartes d'identité. Parce que je veux bien que tout soit simple, mais, là, il y en a deux cartes avec photo. Il y a le permis de conduire qui réduit, d'une certaine manière, la citoyenneté à la possession d'une voiture — j'en parle à l'aise, j'ai une voiture; bon, alors, je finirai bien par avoir ma photo sur le permis de conduire — et la carte de l'assurance-maladie.

Mais il y a des inconvénients. D'abord, je dirai au député de Hull que, si on laisse ça au niveau administratif et au niveau des fonctionnaires, on va finir par avoir notre photo sur notre permis de chasse ou notre permis de pêche parce que, là, c'est parti photo, alors que, en matière d'assurance-maladie, ça a pris 30 ans pour découvrir que la carte n'était pas parfaite et que, si des Québécois vont aux États-Unis chercher du tabac, des Américains viennent au Québec, des fois, se procurer au noir des soins médicaux parce que les soins médicaux, chez eux, sont aussi chers que le tabac chez nous. Et là, on se retrouve avec deux cartes d'identité. Et qui a décidé de ces cartes d'identités, après des mois de querelles entre fonctionnaires des deux organismes qui en émettent? Pas les élus. Alors, moi, je sais bien que la mode est à l'amaigrissement de l'État et à avoir le moins possible de mesures bureaucratiques, mais je trouve qu'à l'occasion des audiences et du débat sur le rapport quinquennal il faudra bien revenir avec cette question de l'identité.

En France, par exemple, on a son carnet d'électeur, qui identifie la personne. Je ne dis pas que c'est la solution que je mets de l'avant. Mon parti n'a pas d'idée arrêtée sur cette question-là, mais je trouve qu'on devrait en discuter entre députés plutôt que de laisser discuter ça entre hauts fonctionnaires qui se querellent. Et je ne sais pas ce qui arrive aux députés de l'autre côté de la commission, ici, mais, pour moi, les gens commencent en avoir un peu ras le bol qu'il y ait deux procédures pour avoir sa carte d'identité: une procédure pour le permis de conduire, une autre procédure pour la carte-soleil.

Pour la carte-soleil, c'est merveilleux ce qui a été trouvé, puisque des hôpitaux de soins prolongés, dans Montréal, s'occupent d'authentifier des cartes-soleil. Ça, ça ne soigne pas grand patients d'authentifier des cartes-soleil. Et, en plus, la Régie de l'assurance automobile versus la Régie de l'assurance-maladie, ils n'ont pas convenu de la même façon de recueillir la photo. C'est tout à fait un hommage à notre technocratie gouvernementale qu'il y ait une façon santé de recueillir la photo du citoyen et une façon automobile de recueillir la photo du citoyen.

Alors, la Commission a joué son rôle de chien de garde pour éviter les fichiers d'identité, les fichiers de photographies, et je lui rends hommage de ça. Mais je trouve que la Commission pose bien le problème en disant: Peut-être qu'on va décider que c'est parfait, que les fonctionnaires décident sur combien de documents on aura notre photo. Même moi, j'ai eu ma photo sur un document d'identité pour entrer dans l'Assemblée nationale; je l'ai perdue, en passant, et les gens se sont habitués à voir mon visage et ils me laissent entrer pareil. (10 h 50)

Mais on ne peut pas laisser à la seule fonction publique de décider c'est quoi, les documents d'identité, et je pense que, comme législateurs, on doit baliser ça. M. le président de la Commission le soulignait: Est-ce que la carte d'identité va contenir des codes permettant d'avoir accès à un nombre considérable de renseignements sur les personnes? Alors, moi, je pense — je ne parlerai pas d'une carte de citoyenneté pour ne pas heurter les sensibilités fédéralistes de nos vis-à-vis — à une carte d'électeur parce qu'on vote au Québec. Une fois tous les quatre, cinq ans, il nous arrive de voter. Mais, de toute façon, peu importe le terme, une carte d'identité...

Et je pense qu'il y a une certaine hypocrisie aussi à dire: Ah bien, ce n'est pas obligatoire et nul ne peut l'exiger. Mais il y a une réalité concrète, c'est qu'à l'inter-Caisses on nous dit: Non, on ne peut vous exiger aucune pièce d'identité, mais, si vous ne nous donnez pas ça, ça, ça ou ça, bien, on n'est pas obligés de vous remettre de l'argent. Puis je peux comprendre le point de vue de l'institution financière. Le"livret de caisse de la personne n'est pas libellé à cette caisse populaire là et on veut prendre des précautions.

Alors, moi, je pense qu'il faudrait trouver un moyen, au moins, d'en discuter. Si on conclut que les fonctionnaires font bien ça et que la population peut se rendre à 10 photos peut-être sur 10 documents, bien, on le décidera. Mais, moi, je pense que c'est un débat de fond et là je ne pense pas qu'on puisse dire: Ah, bien, il n'y a pas de cartes d'identité puisqu'elles ne peuvent servir que dans les choses relatives à l'automobile ou dans les choses relatives à la santé. Si on n'a pas son passeport ou sa carte-soleil ou sa carte d'assurance sociale, bien, chacun sait qu'on ne nous fait pas d'inter-Caisses. Moi, pour simplifier ça, je prends mon passeport canadien. Je n'ai pas d'allergie au nom du passeport parce que là on me demande qu'une pièce quand c'est le passeport. Et le passeport n'est pas obligatoire pour quelqu'un qui ne veut pas sortir du pays.

Alors, comment trouver ça? En tout cas, je demande à la Commission, dans le fond: Trouver iez-vous que, dans les audiences et l'étude du rapport quinquennal, cette question de la façon dont un citoyen ou une citoyenne peut établir son identité devrait être traitée, discutée?

Le Président (M. Doyon): M. Comeau.

M. Comeau: Je pense que vous avez soulevé le problème et je vous dis que le problème va devenir de plus en plus aigu avec l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, et on poursuit les études à cet égard. Et j'étais, pendant un certain temps, de l'avis de M. le député de Hull, sauf que j'ai découvert, il y a 10 jours, dans le Boston Globe, un texte d'un journaliste, qui démontrait qu'aux États-Unis il y a maintenant deux moyens d'acheter des dossiers médicaux: le numéro de carte de crédit d'une personne ou son numéro de permis automobile — c'est les deux — et ça coûte 300 $ pour avoir le dossier médical d'une personne aux États-Unis. Il y a deux agences qui se spécialisent dans cela. Ce qui veut dire qu'aux États-Unis aussi le numéro qui figure sur le permis de conduire est devenu une carte d'accès à des données extrêmement sensibles, le dossier médical.

Alors, c'est là où il faut se poser la question. On découvre les hypothèses les unes après les autres et on se rend compte qu'on arrive dans des culs-de-sac. C'est ça, le danger, comprenez-vous, et c'est pourquoi nous sommes très prudents lorsque nous disons aux gens: Réservez votre carte d'identité pour les fins précises si vous ne voulez pas avoir de mauvais tours. Mais, évidemment, les individus sont libres, on ne va pas les obliger. Ça, c'est clair et net. Et il y a un certain nombre de citoyens qui, lorsqu'ils ont eu des pépins, là, commencent à s'inquiéter.

Et, moi, j'ai toujours l'habitude de regarder ce qui se passe de l'autre côté de la frontière, au sud, parce qu'ils nous devancent toujours, dans ces problèmes-là, de quelques années ou de quelques mois. Et là, si le permis de conduire est maintenant devenu une carte d'accès à une foule de choses, probablement que chez nous ça va être la même chose dans quelques années aussi.

Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député de Saguenay.

M. Maltais: M. Comeau, j'endosse une partie des propos de mon collègue de Pointe-aux-Trembles parce que, au Québec et au Canada, on est rendus avec une valise de cartes. Tout le monde émet des cartes: les associations professionnelles, le Barreau, la Chambre des notaires, les corporations professionnelles, les palais de justice, toutes les banques, l'assurance-maladie, le permis de conduire, le passeport au niveau canadien. Mais il y a un hic là-dedans, c'est qu'il n'y en a pas une qui est bonne au niveau international. Vous avez voyagé beaucoup, M. Comeau, vous savez que notre profession n'est pas inscrite sur notre passeport. Dans certains pays, ils exigent de connaître notre profession. Là, comment aller prouver notre profession quand on est, je ne sais pas, moi, en Thaïlande ou quelque part par là, ou dans un des pays du bloc socialiste? Maintenant, je ne sais plus s'ils s'exigent, mais il a été un temps où ils l'exigeaient. On ne peut pas justifier... Si vous êtes pris, je ne sais pas, moi, anciennement, derrière le rideau de fer, comment prouver que tu es courtier d'assurances, que tu es avocat ou notaire ou député? Un député, c'est toujours plus facile; ils peuvent appeler à l'ambassade canadienne. Mais, ta profession, elle n'est inscrite nulle part. Si tu es avocat, c'est inscrit sur ta carte du Barreau; si tu es notaire, si tu es courtier, bon, ça va.

Y aurait-il moyen d'avoir une carte qui est bonne ou une fiche qui est bonne? On parlait des caisses populaires et des institutions bancaires; elles émettent chacune leur carte. Pour changer un chèque, ça t'en prend une autre valise. Si tu as oublié la valise, tu retournes comme un chou blanc. Tu t'en vas... Moi, j'ai pratiqué pendant 20 ans comme courtier d'assurances et, l'identité, c'était le permis de conduire, mais ce n'est pas tout le monde qui a un permis de conduire au Québec. Même des gens qui ont des voitures n'ont pas de permis de conduire, vous le savez fort bien. Il y a des gens qui enregistrent une voiture, mais qui ne conduisent pas; ils engagent des chauffeurs ou c'est le fils ou un autre qui conduit.

C'est un problème. Finalement, au Québec, on a une valise de cartes et on n'est pas capables de prouver qu'on est nous-mêmes. On a un extrait de baptême dans nos poches, on a une carte du ministère de la Justice, on a un passeport et on a une série de cartes de crédit et de petites cartes plastifiées que toutes les institutions émettent, l'assurance-maladie... Bref, tout le monde en émet, mais il n'y en a pas une qui est bonne. Y aurait-il moyen d'en avoir une qui dit et qui prouve que tu t'appelles Paul-André Comeau et que tu exerces telle profession et que tu n'es pas obligé de changer à tous les quarts d'heure? C'est donc bien compliqué d'avoir...

Il me semble qu'il y a des pays qui ont résolu le problème; ils t'émettent une carte à la naissance, tu es obligé d'aller la faire valider ou de la changer dans les

postes de police à tous les cinq ans ou trois ans, je ne sais pas trop quoi. Si tu changes de profession, bien, ils inscrivent ta nouvelle profession. Avec ça, tu te promènes et tu es capable de t'identifier. Les gens qui ont peur de se faire identifier, savez-vous une chose? ils n'ont pas d'affaire au Québec, ni au Canada. Les gens qui ont peur de se faire identifier, ça n'a pas de raison d'être, ça.

Une voix: Ils viennent pareil.

M. Maltais: Ils viennent pareil et il y en a partout. Quelqu'un qui n'a pas d'identification, il n'a pas d'affaire à être ici; on est dans un pays démocratique et il faut que tout le monde soit identifié. Des numéros, on en a; on a notre numéro d'assurance-maladie au Québec, le numéro d'assurance sociale au Canada. On a toute une série de numéros. On est une boîte à malle pour bien du monde. Jusqu'à Sélection du Reader's Digest qui émet une carte d'identité, vous saviez ça? Bien oui! Ils émettent une carte d'identité.

M. Bourdon: N'oublie pas la carte d'Accès Montréal aussi.

M. Maltais: Tout le monde émet des cartes. Est-ce que l'usage exclusif de l'émission des cartes devrait relever d'un organisme gouvernemental qui dit: Nous autres, on émet une carte. Tu vas n'en avoir rien qu'une, mon «chum», mais tu vas être capable de voyager avec et elle va être bonne? «C'est-u» aussi compliqué que ça?

M. Comeau: C'est, d'un point de vue technique, relativement simple, mais il y a des problèmes de culture et des problèmes de tradition. Par exemple, les Britanniques, qui nous ont, jusqu'à ce jour, joliment influencés dans notre façon de penser et de travailler, refusent encore systématiquement la carte d'identité. Il y a eu un débat à la Chambre des communes, il y a deux ans encore; ça a été clair, net et précis, ils n'en veulent pas. Dans notre population, si on va chez les plus de 60 ans, la carte d'identité fait peur terriblement.

Une voix: Pourquoi?

M. Comeau: Ah! L'une des explications, c'est la menace de la conscription pour le service militaire. Ça, ça fait partie d'une tradition fondamentale. Il suffit de parler de ça aux personnes de plus de 60 ans, c'est un héritage. Lorsqu'on les amène par le raisonnement, en bout de piste, c'est la raison qui revient. Mais, ça, c'est la tradition britannique de ne pas avoir de carte d'identité. Même aujourd'hui, les Britanniques n'en veulent pas, même s'ils réussissent à contourner ça, eux aussi, avec l'équivalent de la carte-soleil. Mais il faut bien se rendre compte qu'il n'y a pas — comment dire? — de certitude.

Je vais vous conter une histoire d'horreur. Il y a quelques années, j'ai rendu service à l'une de mes belles-soeurs qui vivait à Sherbrooke et qui devait avoir d'urgence un passeport pour se rendre en Europe; mais d'urgence, pour une raison de décès. Alors, je suis allé faire les démarches au bureau des passeports pour elle à Montréal, avec tous les papiers. Et je devais les récupérer le lendemain. Alors, je me suis présenté et j'ai présenté au bureau des passeports mon propre passeport comme identifiant, et on me l'a refusé.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Comeau: J'ai dû, à ce moment-là, demander à voir le grand patron du bureau pour lui faire comprendre l'illogisme. Mais, sur la feuille de services qui était présentée, on demandait la carte d'assurance sociale; il y avait trois ou quatre cartes, mais pas le passeport au bureau des passeports. C'est assez... (11 heures)

Alors, d'un autre côté, je regarde un certain nombre d'expériences qui sont faites dans les pays européens où la carte d'identité est obligatoire. Eux, à l'opposé de ce que vous suggérez, dénudent de plus en plus la carte d'identité. Il y a quelques années — parce que j'ai vécu en Belgique — la carte d'identité disait si vous étiez marié et donnait même le nom de votre conjoint. Tout ça est disparu et maintenant le numéro que vous signalez, un numéro qui vous est attribué à la naissance et qui vous suit, est lisible uniquement par le commissariat de police. Donc, il y a un système graphique qui empêche de lire. Ce qui veut dire qu'un commerçant qui vous demande votre carte d'identité — c'est vrai en Hollande également, je l'ai vérifié — va avoir votre carte d'identité avec votre photo et les détails fondamentaux: votre date de naissance, votre nom, quelque chose, je ne me souviens plus exactement, quelques détails fondamentaux, mais ne pourra pas lire le numéro.

Il y a donc une série de recherches un peu partout dans le monde sur les inconvénients d'une carte d'identité trop bavarde et d'une carte d'identité trop facilement utilisable à d'autres fins. Mais, au Québec, il y a le problème du débat: est-ce qu'on veut ou non une carte d'identité obligatoire? Et, moi, je ne suis pas sûr qu'il y ait une opinion majoritaire pour le moment. On n'a pas eu de débat au Québec, si je me souviens bien, là-dessus depuis 1978 et même le débat, à ce moment-là, avait avorté à l'Assemblée nationale. Il avait été rapidement tassé. Alors, il y a un problème là et je ne pense pas que ce soit à nous de trancher au nom de la population. Il s'agit de soumettre des hypothèses et de lancer le débat.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: Bien, je changerais de sujet. Il y a le projet-pilote de...

M. Messier: Sur le même sujet, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Alors, sur le même sujet, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Messier: II y a déjà un ministère qui émet des cartes. Je ne l'ai pas avec moi. Je vérifiais tantôt; je ne l'ai pas avec moi, malheureusement. Ça m'a été émis à l'âge de 16 ou 17 ans lorsque j'ai été au Mexique; j'avais un acte notarié et le gouvernement du Québec, il me semble que c'était le ministère de la Santé, m'avait envoyé une carte: le nom, la date de naissance, une sorte de certificat pas de nationalité, mais... Je ne me rappelle pas c'est quoi, mais, en tout cas, c'était vraiment bien fait. Il ne manque rien que la photo. C'était sur demande. Je pense qu'on pourrait se servir de ce ministère-là pour émettre ce type de petit certificat de naissance et tout ça.

Le Président (M. Doyon): M. Ouimet.

M. Ouimet: C'est le ministère de la Justice qui fait ça maintenant. C'est par le biais du registre de l'état civil.

M. Messier: O.K.

M. Ouimet: Donc, ça décrit les principaux renseignements qui sont contenus au registre de l'état civil.

M. Messier: Si c'est déjà émis par le gouvernement, ça devrait être suffisant. Je pense qu'on a la date de naissance, mais il n'y a pas de numéro. Je pense que c'est juste la couleur des yeux qui apparaît ou la couleur des cheveux, mais le poids n'était pas indiqué, parce que c'est relatif. Je pense qu'on pouvait facilement reconnaître la personne. On pourrait se servir de cette carte-là, il me semble. Surtout qu'elle est émise par le gouvernement; donc, il y a le sigle, c'est marqué Québec, avec les fleurs de lis et tout ça. Il me semble que c'est bien fait.

M. Ouimet: II y a quelques années, je ne me souviens plus à quelle occasion, les États-Unis n'acceptaient plus les touristes canadiens à moins d'avoir une carte d'identité. Ça et le passeport sont devenus très à la mode auprès des citoyens.

Le Président (M. Doyon): C'est encore disponible d'ailleurs, sur demande. Alors, M. le député de Pointe-aux-Trembles, vous m'avez demandé la parole.

Carte-santé à microprocesseur

M. Bourdon: Oui. Bien, restons dans les cartes. Il y a la carte-santé à microprocesseur qui fait l'objet d'une expérience-pilote à Rimouski. La Commission a déjà produit un avis sur cette question-là. Est-ce que vous pourriez nous dire où est rendue l'expérience-pilote en question?

M. Comeau: Je voudrais vous signaler, M. le député — et M. White vous le rappellera tout à l'heure — que, dès le début de cette expérience, la Commission y a été associée, et elle a contribué à établir les balises de cette expérience en ce qui concerne le respect de la vie privée et de la liberté des individus à cet égard. Et je dois souligner qu'à ma connaissance toutes les recommandations que nous avons faites ont été acceptées par les responsables de l'expérience. Mais, M. White, qui était là avant moi, parce que ça remonte à déjà quelques années, pourrait, je pense, faire le point là-dessus, mais je reviendrai ensuite sur le déroulement de l'expérience aujourd'hui même.

Le Président (M. Doyon): M. White.

M. White (Clarence): Lors du développement du projet, la Commission a été associée avec la Régie sur les questions d'accès à l'information contenue sur la puce et les questions de protection des renseignements personnels, tout comme on a été associés aussi à l'habilitation des médecins ou des professionnels de la santé qui pouvaient avoir accès aux données. Nous nous sommes entendus avec la Régie pour limiter ces accès. La carte a été divisée en cinq zones, et il y a seulement les médecins qui ont accès aux cinq zones. Par la suite, il y a une zone d'identification et urgence qui va être accessible aux infirmiers ou à l'urgence, aux ambulanciers. Ces choses-là ont été acceptées par la Régie. C'est ce qui marche, à l'heure actuelle. C'est ce qui a été retenu dans le processus du projet-pilote.

M. Comeau: Je vais enchaîner, si vous me permettez. L'expérience est en cours depuis maintenant sept ou huit mois à Rimouski. Je pense que l'expérience atteint actuellement sa vitesse de croisière. Le nombre de cartes a été distribué et ça fonctionne bien. La Commission a décidé de suivre l'expérience pour en dégager des conclusions précises, dans deux perspectives. La première, qui était rattachée, au départ, à l'expérience elle-même: si jamais le gouvernement décidait de généraliser cette carte, il faut être prêts et savoir dans quelles conditions nous accepterions ou non, et ainsi de suite. Donc, il faut être prêts. Deuxièmement, et là c'est lié à l'avènement de la nouvelle loi sur le secteur privé, on a constaté que déjà, en Europe, les banques et certaines compagnies d'assurances utilisent cette carte, soit pour avoir votre dossier complet ou encore pour avoir votre dossier hypothécaire ou autre. C'est donc dire que, dans le secteur privé, là aussi, on s'en va vers l'utilisation de la carte à microprocesseur, et il faut être prêts. Alors, on suit l'expérience.

Et, pour élargir notre horizon, je dois vous faire part que nous avons conclu une entente avec deux organismes européens qui suivent exactement une même expérience: d'abord, la Faculté de droit de l'Université de Namur, qui dirige, elle, une expérience analogue dans une région de Belgique francophone; et puis la plus vieille des expériences du genre qui fonctionne toujours

en France, à Saint-Nazaire, la carte SANTAL. Nous procédons, donc, de façon trilatérale à l'échange de nos informations et de nos collaborateurs pour suivre cette expérience qui est une expérience vraiment d'avant-garde, mais dont les débouchés dans le domaine privé vont être énormes au cours des prochains mois.

M. Bourdon: À cet égard, M. le Président, je me permets d'émettre le voeu aussi qu'il soit question, lors des audiences et des travaux de la commission sur le rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information, de la carte-santé dont il est question, parce que ça pose des problèmes multiples. On a vu en commission parlementaire, lors de l'étude de la loi 68, qu'il y a une organisation nord-américaine qui fournit des renseignements médicaux aux entreprises d'assurances, parce que, quand on demande à souscrire une assurance, on autorise l'assureur à se procurer des renseignements. Quand on cherche un emploi, et c'est le cas de pas mal de Québécois, on est bien obligé de consentir à ce que l'employeur nous fasse passer un examen médical ou construise des choses à partir de l'examen médical. moi, la carte, en soi, je n'en pense ni bien ni mal. ce que je constate avec des collègues, c'est qu'il y en a, des cartes, *-. il y en a, des renseignements nous concernant qui circulent. sur le mode léger, la députée de chicoutimi m'a parlé aussi de la carte qu'on envoie aux députés, qui nous donne accès aux tours du monde, pas juste à notre belle tour inclinée de montréal, mais à la tour eiffel et à des tas d'autres. mais c'est qu'on vit avec des paquets de cartes, et le problème, c'est que l'informatique évolue et c'est le croisement qui pose problème. c'est tous ces détails qui font qu'on connaît d'une personne son état de santé, ses habitudes de consommation, où elle a dormi, si elle a payé son hôtel avec une carte de crédit. (11 h 10)

Et les dangers ne sont pas imaginaires. Équifax, il n'y a pas longtemps, fournissait les numéros de carte de crédit des personnes fichées aux clients qui les demandaient. Ils ont changé d'idée et ils se sont ravisés, mais, en fait, il y avait ça. Et, puisqu'on a parlé d'Hydro-Québec, rappelons-nous qu'Équifax, au nom d'Hydro-Québec, déguisait de ses employés en fonctionnaires de Revenu Québec soucieux d'envoyer un chèque à une personne qu'on recherchait. Et je ne sais pas, les autres députés, ce qu'ils en savent, mais Hydro-Québec est de plus en plus assez raide, merci, pour percevoir les sommes qui lui sont dues. Et, bon, ça entraîne des conséquences. Et c'était particulièrement vicieux de se déguiser en fonctionnaires de Revenu Québec, cherchant une personne pour lui remettre un chèque.

Il y a un ensemble... La carte à puce, je n'en pense ni bien ni mal, mais, à l'occasion du rapport quinquennal, il faudrait faire le point sur l'ensemble. Parce que la crainte que je commence à entretenir, c'est que, bien sûr, il y a la loi 68 qui vient mieux protéger les droits des citoyens et, dans ce sens-là, c'est un pas en avant. Sauf que, si on n'y prend garde, ce sont les tribunaux qui établiront les normes, à partir des données de la loi, sans qu'il y ait eu débat parmi les élus. Et ce n'est pas des débats qui sont — comment je dirais — contentieux entre partis politiques parce qu'il n'y a pas une façon libérale ou péquiste de voir le droit des citoyens au respect des renseignements qui les concernent.

Mais ce qu'on peut voir, c'est la multiplicité. Et on s'en rend compte. Moi, en tout cas — je ne sais si d'autres ont vécu ça — avant de recourir à mon passeport j'essayais d'autres cartes. Bon, carte de..., non, ce n'est pas bon. La carte d'Accès Montréal, il y a la photo, non, celle-là, on ne la prend pas. Mais ça finit par nous montrer qu'on a bien des cartes dans nos vies. En tout cas, il faut peut-être faire un débat, enlever aux fonctionnaires l'exclusivité de ce débat-là pour, entre parlementaires, discuter. Parce qu'il y a un besoin de s'identifier dans une société moderne. Et la question qui nous interpelle, je pense, c'est: Qui? Comment? Avec quoi? Et à quelle fin? La loi 68 en prévoit, des choses, mais je pense, en tout cas, qu'il va falloir revenir à ces questions-là, y compris la carte-santé. Et c'est un sujet sensible, la santé parce que ça contient du personnel, par définition.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Est-ce qu'il y a des réactions, M. Comeau?

M. Comeau: Une réponse. Je pense que, M. le député, vous avez bien identifié le sens du débat que nous souhaitons, parce que nous le voyons se dessiner. Je voudrais revenir sur l'expérience de Rimouski, parce que nous nous sommes posé des questions importantes à cet égard et nous avons fait accepter un certain nombre de principes. D'abord, c'est que, l'expérience de Rimouski, elle est volontaire. Donc, c'est le principe du volontariat, pour ne pas brusquer les gens. Et les autres principes qui sont élémentaires, qui sont des principes généraux, c'est celui de l'accès à l'information contenue sur ce «chip», sur ce microprocesseur par la personne concernée. À n'importe quel temps, une personne peut se présenter au bureau et avoir une copie en clair de ce qu'il y a là-dessus. C'est le principe élémentaire. Si on porte un dossier, on doit savoir ce qui est dedans.

Deuxièmement, aussi, pour éviter les problèmes, il y a un droit à la rectification lorsqu'il s'agit de détails factuels. Par exemple, si M. Untel est identifié comme étant de sexe féminin, je pense qu'il faut corriger rapidement. Alors, il y a donc possibilité de rectifier. Et puis, il y a aussi toutes les mesures qui ont été prises pour assurer la confidentialité des données là-dedans, donc, par les dispositions signalées par M. White. Mais, il y a toute une série de mesures. Et, là-dessus, je pense qu'on peut dire — M. White était à un congrès mondial sur la carte-santé — que l'expérience québécoise est probablement celle qui se présente le mieux actuellement du point de vue sécurité et respect des droits des citoyens. Je pense que c'est la conclusion que vous rapportez de ce séjour là-bas.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski):

M. White.

M. White: Oui. Au congrès, j'ai découvert que le projet était à peu près le meilleur qu'il y avait dans le monde, à l'heure actuelle, au niveau de la protection des données et au niveau du suivi, ce qui nous permet de suivre et qui permet aussi au promoteur de suivre comment le projet se développe, ce qui n'existe pas ou à peu près pas ailleurs. Alors, on voit que c'est un très bon système. Il y a un très bon logiciel. Il y a des cartes de sécurité dans tous les micro-ordinateurs, qui empêchent la copie des données sur l'ordinateur du médecin. Alors, le médecin n'a pas de copie, à part que de se faire une copie papier. Il ne peut pas avoir de copie sur informatique. Alors, il y a un système informatique, un système de sécurité qui m'apparaît très bon, bien développé. On va continuer à vérifier l'expérience, mais, jusqu'à maintenant, ça nous apparaît assez bien.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Je vais reconnaître Mme la députée de Chicoutimi, M. le député.

Mme Blackburn: Oui, très brièvement. Vous disiez que, les aînés ou les personnes plus âgées, toute la question de l'identification telle qu'on la connaît avec les différentes cartes, ça préoccupait beaucoup ces personnes. Je dois être de cette génération-là...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Blackburn: ...parce que je dois dire que j'ai toujours, mais toujours, de façon viscérale, des réactions devant l'accumulation de données qu'on a sur les citoyens et les citoyennes. Et c'est d'autant plus vrai si vous travaillez, si vous consommez autant des services de santé que des produits de consommation courante. Avec la carte de débit automatique, vous allez trouver ça partout. Semble-t-il que ça va entrer à la Société des alcools aussi. Alors, vous pouvez avoir une somme de données, d'informations sur les citoyens comme ça ne s'est jamais vu, parce que, évidemment, l'informatique, les ordinateurs et l'accumulation de données, c'est récent. Ça fait quoi? Qu'on puisse le faire de façon aussi massive et aussi systématique, ça n'a pas 20 ans. On n'a pas bien mesuré ce que ça pouvait vouloir dire sur la . protection de la vie privée, sur l'utilisation qui peut être faite de ces informations à d'autres fins. À d'autres fins!

N'importe quel jeune... À un moment donné, on s'est tous élevés — et je ne sais même pas trop bien où est rendu le dossier — contre le dossier scolaire où la moindre peccadille était inscrite au dossier et pouvait traîner dans le dossier de cet enfant devenu adulte jusqu'à l'âge de 40 ans, jusqu'à son décès probablement.

Une voix: 75.

Mme Blackburn: 75? Bon. Alors, vous voyez, il y a comme quelque chose, là, d'absolument effarant quand on pense à ça. L'enfant qui a eu une crise d'adolescence, qui a fracassé quelques vitres, qui a mis le feu dans une poubelle à 13, 14 ans pour contester contre un professeur, je ne dis pas que c'est bien, mais je dis: Est-ce que ça vaut la peine que ça le suive jusqu'à 75 ans et que ça soit ça qui fasse la différence entre la possibilité d'obtenir un emploi ou de se le voir refuser? Ça va aller très loin. Et, moi, je trouve qu'on n'a pas eu de débat de fond là-dessus. Évidemment, comme sur les programmes sociaux et sur tout ça, on n'a pas eu de débat de société et on est en train de s'engager dans une voie qui m'apparaît extrêmement préoccupante.

Le débat s'est fait, comme me le rappelle mon collègue, à l'occasion de la loi 68 qui établit un certain nombre de balises. Peut-être, les Québécois — vous me parlez du microprocesseur, de la carte à puce en expérimentation dans la région de Rimouski — sommes-nous encore assez, j'allais dire, à l'état naturel pour éviter, pour vous refuser cette accumulation d'informations sur les individus et peut-être qu'on va être plus vigilants. Mais, moi, je pense qu'il y a une espèce de cri d'alarme qu'il faut faire et puis, là-dessus, il faut un vrai débat. Je vous dis probablement que je suis d'une génération dépassée pas parce que je n'ai rien à me reprocher. J'ai bien quelques infractions au Code de la route comme tout le monde, hein, un député!

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Ah!

Ah! Quelle admission, madame! Quelle admission!

Mme Blackburn: C'est ça. Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Blackburn: Mais, pour le reste, bon. Mais je trouve ça très préoccupant. Je ne peux pas trouver que... J'apprécie d'autant votre souci d'ouvrir le débat sur ces questions-là et de souhaiter qu'il se fasse de façon plus large. Et ce qui m'inquiète un peu, parce que je vois notre jeune recherchiste, ça ne semble pas le préoccuper effectivement. Probablement que je suis vraiment d'une autre génération.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Alors, M. Comeau, si vous voulez réagir, s'il vous plaît. (11 h 20)

M. Comeau: Je voudrais, oui, réagir à ce que vient de dire Mme la députée. À l'occasion de l'expérience de Rimouski, il y a une première conclusion provisoire et je vous la donne pour ce qu'elle vaut parce qu'elle contredit un certain nombre d'hypothèses que l'on avait chez nous. Les personnes âgées qui refusent la carte d'identité classique, par contre, sont absolument en amour avec la carte à microprocesseur qui contient leur dossier de santé. Ça, c'est la première découverte qu'on faite nos collaborateurs sur le terrain. Alors que les

jeunes n'en veulent pas, les personnes âgées, qui pensent ainsi éviter la répétition d'examens, éviter de chercher des données parce qu'elles les ont oubliées, veulent cette carte comme ce n'est pas possible, même si elle contient des renseignements extrêmement sensibles. et des personnes nous disent carrément — elles l'ont dit à nos collaborateurs: j'ai 70 ans, qu'est-ce que ça peut me faire qu'on sache ce que je suis maintenant? c'est fini, ma vie. elles nous le disent carrément. c'est absolument phénoménal. d'un côté, il y a la même attitude culturelle que vous avez signalée: le refus de la carte d'identité, mais la carte-santé, par contre, alors, là, c'est une espèce de cadeau qu'on leur fait, ce qui fait que le taux de volontariat est énorme. je pense que ça dépasse les 95 %.

Mme Blackburn: Chez les personnes âgées?

M. Comeau: Chez les personnes âgées.

Mme Blackburn: Chez les personnes âgées, oui.

M. Comeau: Mais, par contre, elles refusent, en même temps, la carte d'identité. La carte-santé, pour elles, c'est une e^èce de sécurité contre des examens inutiles, contre des oublis, contre des erreurs de médicament et ainsi de suite. Pour elles, c'est le cadeau qui leur tombe du ciel. Mais c'est une conclusion provisoire.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): O.K. Je vais reconnaître M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: Bon. Il y a la Coalition informatique, santé, libertés, qui est une des organisations liées à la Ligue des droits et libertés, qui a posé récemment le problème et la question de la quarantaine d'informations que le ministère de la Santé et des Services sociaux demande aux hôpitaux de lui fournir sur chaque patient. Alors, la carte à puce, à Rimouski, est à l'essai. Je pense que ma collègue de Chicoutimi a raison de dire: II faut en discuter, nous, les parlementaires, parce que, ultimement, on doit répondre à la société de ce qui se fait ou de ce qui ne devrait pas se faire. En tout cas, je pense que la question se pose, et la Coalition parle d'une quarantaine de renseignements qui seraient requis des hôpitaux par le ministère. Est-ce que la Commission a eu l'occasion d'inventorier cette question-là quelque peu?

Le Président (M. Tremblay, Rimouski):

M. Comeau.

M. Comeau: Nous nous sommes penchés sur cette question, M. le député, pour constater globalement que les renseignements demandés dans cette nouvelle version du règlement sont, à toutes fins pratiques, exactement les mêmes que ceux que l'on demande depuis des années, d'abord, sous une forme papier, ensuite, sous une forme informatique. On a fait l'examen très systématique d'une version à l'autre des règlements et il n'y a pas de changement à cet égard; du moins, ça ne nous est pas apparu. Mais M. White, qui a vu les diverses versions du règlement au moment où elles étaient déposées, pourrait vous donner davantage d'informations à ce sujet.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski):

M. White.

M. White: Les informations qu'on retrouve dans ce règlement-là sont les mêmes qui se retrouvaient dans le règlement sur l'hospitalisation de 1983. Nous avons exactement les mêmes renseignements. Le seul renseignement qui était ajouté depuis 1987 à peu près, c'est le numéro d'assurance-maladie qui arrive au ministère sur forme papier et qui est «encrypté» au ministère pour être mis dans l'ordinateur. Les renseignement sont tous les mêmes. La balance des renseignements, c'est les renseignements qui sont demandés depuis avant 1980, peut-être dans les années soixante-dix. C'est les mêmes renseignements qui sont demandés dans les établissements de santé.

Nous avons statué, la Commission a statué qu'il s'agissait de renseignements nominatifs. Nous avions déjà donné un premier avis au ministre de la Santé, au ministre des Affaires sociales en 1983. La Commission, à cette époque-là, avait conclu que tous les renseignements qui étaient demandés étaient des renseignements nécessaires. À la lumière des remarques de la Coalition, à la lumière aussi des systèmes dont on sait qu'ils sont en voie de développement au ministère de la Santé, la Commission nous a demandé de regarder à nouveau la nécessité de chacun des renseignements. Alors, on va se reposer la question sur un certain nombre de renseignements.

Vous savez que ces renseignements-là servent à deux choses. C'est des renseignements sur l'hospitalisation et il y a aussi des renseignements qui vont dans le fichier des tumeurs. C'est le fichier des tumeurs aussi qui est utilisé là-dessus.

Réforme du système informatique de la CSST

M. Bourdon: Maintenant, sur un tout autre sujet, mais qui est relié à la santé si on reste dans la partie santé de la masse de renseignements qu'on a sur nous, il y a la question de l'accès aux fichiers de la CSST par les employés de la CSST. Je ne me rappelle pas exactement combien d'années encore il reste à la CSST pour se trouver un mode sécuritaire de fonctionnement. Puis, est-ce que la CSST avance à la vitesse d'un colimaçon ou d'un esturgeon, je ne sais pas, là?

M. Comeau: Je dois vous dire là-dessus qu'il reste, si mes souvenirs sont exacts, trois ans avant que ne vienne l'échéance de notre ordonnance à ce sujet, mais déjà la CSST a engagé la réforme de son système

informatique. Il y a eu deux séances de consultation entre nos services à ce sujet-là. Et, d'après ce que l'on en sait actuellement, leur réforme informatique tient compte de toutes les dimensions de notre ordonnance, notamment de ce qu'on appelle la «journalisation» des entrées, c'est-à-dire que, dès qu'une personne interroge l'ordinateur, c'est pris en considération et conservé en mémoire. Donc, on peut savoir qui demande quoi et quand, ce qui n'était pas le cas maintenant, ce qui faisait que c'était un système ouvert à tout vent.

Mais je dois dire que, d'après les plans de réforme de leur système informatique qui sont élaborés et qui nous sont soumis, ils s'en vont dans la bonne direction et je pense qu'ils vont y aller plus vite que notre ordonnance. Mais c'est une somme considérable, c'est des centaines de milliers de dollars, et c'est pourquoi ils y vont lentement. Ils nous consultent en cours de route pour ne pas être obligés de reprendre inutilement et coûteusement ce qu'ils font actuellement.

M. Bourdon: Bien, moi, M. le Président, je voudrais faire part de mon émotion d'apprendre que la CSST va plus vite qu'on pourrait s'y attendre sur quelque chose. Ça, pour un député, là, c'est vraiment une révélation considérable. Parce que je voudrais consigner au Journal des débats que la CSST répond parfois à des demandes. Moi, j'ai traité à mon bureau de comté une cinquantaine de cas de la CSST et j'ai réglé le premier un peu avant Noël l'année dernière. J'ai, d'ailleurs, voulu envoyer une médaille de l'Assemblée nationale à l'adjoint de M. Normand qui avait obtenu une réponse.

Alors, si la CSST commence à bouger le moindrement plus vite que prévu dans un domaine, moi, je trouve que c'est un signe d'espoir pour les centaines de milliers de personnes qui ont affaire à ce monstre bureaucratique qui a vraiment le championnat des délais et des décisions bureaucratiques stupides. J'en donne un exemple récent, si M. le président me le permet.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Je vous demanderais la pertinence du débat autant que possible.

M. Bourdon: Ah oui, mais...

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): On n'est pas pour faire le procès de la CSST.

M. Bourdon: non, non, mais, le procès, il a été fait souvent. le problème, c'est qu'elle n'est jamais condamnée, m. le président, puis elle ne paie pas d'amende, puis elle n'a jamais trop, trop le ferme propos. mais, en tout cas, je me réjouis de voir qu'après peut-être 20 ans que la csst utilise l'informatique elle s'achemine vers un moyen de contrôler la confidentialité de son ordinateur qui contient des renseignements sur plusieurs centaines de milliers de personnes au québec. en tout cas, là, ]i cesse d'être badin. tant mieux qu'on trouve un moyen!

Protection des renseignements personnels dans le secteur public

Et, avant de céder la parole à ma collègue de Chicoutimi, une question: Est-ce que tous les ministères et organismes fournissent des garanties suffisantes en matière de confidentialité d'accès aux données qu'ils détiennent?

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Une question très large, M. Comeau.

M. Comeau: Oui, M. White pourra parler des vérifications que nous avons faites dans certains ministères et organismes. Mais, pour revenir à l'exemple de la CSST, je pense qu'il faut être, quand même, réalistes et se rendre compte d'une chose, c'est que le développement de l'informatique, qui a été assez fulgurant au Québec comme ailleurs, s'est fait au moment où les préoccupations de confidentialité et de respect de la vie privée n'étaient pas des préoccupations de société. Dans les années soixante-dix, on ne pensait pas beaucoup à ça. Mais subitement on s'est trouvés confrontés à des problèmes. (11 h 30)

Vous me permettrez de faire une petite publicité maison. Dans notre rapport quinquennal, il y a deux pages qui résument, je pense, très bien la situation et toute la problématique de l'informatique et de la protection des renseignements personnels au Québec. C'est les pages 35 et 36 où on démontre la croissance absolument phénoménale de l'informatique, mais cette croissance-là avant même qu'on ait eu un débat et une loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur public, de sorte qu'il faut rattraper le temps perdu maintenant et corriger des systèmes qui ont été mis en place. Et c'est comme des bateaux; ça ne se tourne pas rapidement, cette chose-là. Alors, c'est le problème.

En ce qui concerne l'état de fiabilité en ce qui concerne les renseignements personnels dans le secteur public, M. White pourra vous donner une réponse plus pertinente que la mienne.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, M. White.

M. White: Sur les systèmes informatiques, on n'a pas fait beaucoup de vérifications. On a fait quelques vérifications dans quelques organismes. La Commission nous avait mandatés de vérifier les plus gros systèmes, des parties des systèmes les plus gros, de sorte qu'on est allés au ministère de la Main-d'oeuvre déjà voir le fichier de l'aide sociale. On a fait la Régie des rentes, on a fait une partie de la Société de l'assurance automobile du Québec sur l'immatriculation et le permis de conduire. On n'a jamais touché à la partie indemnisation à la Société de l'assurance automobile du Québec. Ça, c'est les derniers, récemment, dont je me souviens.

À la Main-d'oeuvre, ils ont toutes sortes de

mesures de sécurité qui sont très bien. Il y a beaucoup de mesures de sécurité, sauf qu'on se rend compte que ce n'est pas juste les mesures de sécurité qui sont importantes. C'est l'individu qui a à traiter avec l'information. Alors, la mesure de sécurité peut faire en sorte que la personne va réfléchir deux fois avant de commettre un acte illégal, mais ça ne l'empêche pas nécessairement de le commettre. Ce qui a fait qu'à la Main-d'oeuvre ils ont découvert qu'il y avait un individu qui communiquait des renseignements, qui vendait des renseignements. Bon, il est devant les tribunaux aujourd'hui parce que la Main-d'oeuvre l'a suspendu. Il y a une poursuite. Mais c'est le système de sécurité informatique qui a permis de retracer l'individu.

À la Régie des rentes, on n'a pas eu de problèmes au niveau informatique, on n'a rien trouvé de défaillant là. À la Société de l'assurance automobile du Québec, ils ont un beau système, mais il y a assez de monde qui a accès à ça que... Quand vous dites qu'il y a, tout de suite en partant, les 15 000 policiers du Québec. Vous pouvez ajouter à ça toutes les cours municipales qui ont accès à ça. Vous pouvez ajouter les 45 000 parapoliciers, tous ceux qui ne sont plus polices, mais qui ont des «chums» et qui ont accès à ça. Donc, pour le fichier d^ l'assurance automobile, de la SAAQ, il y a des problèmes. Ils ont beaucoup de mesures de sécurité, mais comment ils contrôlent ça? Ce n'est pas facile.

Lois donnant à l'État accès à des renseignements personnels

M. Bourdon: Maintenant, moi, je voudrais aborder une autre question qui est la manie législative de donner à l'État accès à des renseignements. L'exemple récent que je trouve assez phénoménal, c'est ce qu'on a mis dans une loi sur le tabac pour permettre d'avoir accès à des renseignements par un ministère qui a embauché des policiers du tabac qui n'ont pas le droit d'arrêter les contrebandiers. Je veux dire, là, on est vraiment dans «Le Château» de Kafka de dire: Voilà des policiers qui n'ont pas le droit d'arrêter, ils font juste s'informer, mais, par ailleurs, on les fait régir par une loi qui donne au ministère du Revenu des pouvoirs importants pour aller fouiller sur des tas de personnes. Et je sais que la Commission, si je ne m'abuse, a émis un avis à cet égard-là. Est-ce que vous pourriez me donner une idée où est rendu cet avis-là?

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Me

Ouimet.

M. Ouimet: Au préalable, pour faire une histoire courte, on avait d'abord été sensibilisés par le biais d'un projet de loi qui avait été déposé devant l'Assemblée nationale et qui contenait ce qu'on appelle des clauses «nonobstant», des clauses «malgré la loi sur l'accès». À chaque fois qu'on voit ce genre de disposition législative, nous, on intervient d'abord auprès du ministère concerné et, s'il le faut, auprès de l'Assemblée nationale en déposant un avis formel. Dans ce cas-là, on a fait connaître notre avis au ministère et d'entrée de jeu le ministre lui-même nous a invités à discuter avec ses fonctionnaires des moyens d'éliminer ces clauses «malgré la loi sur l'accès» qui figuraient dans le projet de loi.

Or, à l'heure actuelle, ce qui se produit, c'est qu'on nous a demandé si le ministère pourrait atteindre son objectif en faisant des ententes avec différents organismes publics. On nous a présenté un projet d'entente qui pourrait être un cadre à une entente qui serait signée avec différents organismes publics, environ une centaine. Sur ce projet d'entente, on a émis plusieurs réserves. On a effectivement donné notre avis au ministère et on a émis plusieurs réserves. Pour le moment, la balle est donc dans le camp du ministre du Revenu. Les discussions ne sont pas terminées. C'est au ministère maintenant de réagir aux propositions qu'on a faites. Si jamais vous voulez une copie de cet avis-là, on pourra vous le remettre.

M. Bourdon: Sûrement, ce serait important. Je me permets de poser une autre question. C'est qu'on vit dans une société complexe et les notions peuvent servir sur un bord ou l'autre d'une ligne médiane. Je donne un exemple. Moi, il y a deux ans, je porte à l'attention du sous-ministre du Revenu le fait qu'un citoyen qui, d'après mon évaluation, gagne entre 1 000 000 $ et 2 000 000 $ par année, se vante de recevoir son remboursement de TPS et de TVQ. Bon, ce n'est pas banal. Et, après ça, je cherche à savoir, parce que j'ai ouï dire qu'un contrôle fiscal a été effectué, qu'est-ce que qui va arriver des résultats de l'enquête. Et là on m'oppose le secret fiscal, là ça devient un absolu. Moi, je ne tiens pas tellement à voir le rapport d'impôt du citoyen en question; je veux juste savoir ceci: si le résultat d'enquête est à l'effet que cette personne-là gagne moins que, disons, 32 000 $ pour avoir un remboursement de TPS et de TVQ, bon, soit, cette personne-là est en règle avec l'impôt.

Le fait que, d'après moi, cette personne-là vole une partie des 2 000 000 $, je ne l'ai pas introduit au centre du débat — il faut avoir un peu le sens des réalités et savoir dans quel contexte on opère — mais je me plaignais de ce qu'elle ne paie pas d'impôt et reçoive un remboursement de TPS et de TVQ. Mais, là, quand ça convient, le secret devient un absolu. Et je ne veux pas le détail, moi. C'est juste que, sachant qu'une personne gagne 1 000 000 $ ou 2 000 000 $ par année, je pose la question, parce que c'est d'ordre public, je pense: Est-ce qu'une personne qui gagne 1 000 000 $ ou 2 000 000 $ par année est exemptée de payer l'impôt et est-ce qu'il est raisonnable et normal que cette personne-là reçoive un remboursement de TPS et de TVQ? Et je cherche toujours à avoir réponse à ma question. Et là, le secret est absolu. Là, c'est hermétique.

Ce que je sais, pas par le ministère, c'est qu'il y a eu un contrôle fiscal d'opéré dans quelques dizaines de

comptes de banque et autres endroits où on met de l'argent, et apparemment ça a été que tout ça fait... En tout cas, je ne réussis pas à savoir est-ce qu'il y a un rapport, est-ce que le rapport dit que c'est légal ou illégal et est-ce que des poursuites vont être prises? Le détail m'importe peu. Je sais que c'est dans le jeu et que l'argent est mal acquis, bon, et j'ai très peu d'intérêt pour les petites modalités. Et un député est un être humain. Moi, à 63 000 $ de salaire de base, je n'ai pas de remboursement de TPS et de TVQ, et j'ai le réflexe assez humain de trouver qu'à 1 000 000 $ ou 2 000 000 $ par année on ne devrait pas en avoir. Là, c'est vraiment ce qu'on appellerait en France un abus de biens sociaux, d'en obtenir un.

Est-ce que vous avez déjà étudié cette question-là? Parce que, certes, oui, bon, on ne peut par être contre la vertu, mais est-ce que le secret fiscal, ça veut dire l'immunité d'individus ou de catégories d'individus à l'endroit des lois de l'impôt?

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Ah, j'ai bien hâte de voir la réponse!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Je vous écoute avec beaucoup d'attention, messieurs. (11 h 40)

M. Comeau: Écoutez, moi, je n'ai pas de réponse précise, parce que, là, vous avez élargi le débat au-delà de ma compétence et de mes connaissances, mais, en ce qui concerne l'examen qu'on a fait du projet de loi du ministère du Revenu, qui est une forme de compensation, en définitive, c'est évident que le secret fiscal était un des éléments dont on a tenu compte. Mais, tout le reste de votre question, j'avoue que ça me dépasse. Je ne sais pas si Me Ouimet a de quoi à ajouter.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): À mon sens, c'est hypothétique ça, son questionnement. Je ne sais pas, c'est des ouï-dire. Alors, on ne peut pas marcher sur des ouï-dire. C'est impossible.

M. Bourdon: Non, mais, M. le Président...

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Non, mais c'est hypothétique, votre affaire.

M. Bourdon: Non, non. Il s'agit de M. Raoul Laforte, un organisateur de bingos de Montréal. Ce n'est pas hypothétique.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Oui, mais, ça, ça se règle au niveau des ministères, je pense, en tout cas.

M. Bou.don: Le problème, M. le Président, c'est que ça ne se règle pas au niveau du ministère.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): En tout cas...

M. Ouimet: Moi, je peux ajouter deux faits. D'abord, il y a l'article 69 de la Loi sur le ministère du Revenu, qui, en fait, est une règle de confidentialité plus grande que la loi sur l'accès. Et c'est tellement vrai que cet article-là est invoqué assez régulièrement par le ministère du Revenu pour refuser l'accès au dossier du contribuable lui-même. Or, on a — et c'est un simple constat que je fais là — beaucoup de causes devant la Commission où c'est le contribuable qui a lui-même la difficulté à avoir son propre dossier...

M. Bourdon: Son propre dossier. M. Ouimet: ...et à aller en appel.

Surveillance par caméras de télévision dans les lieux publics

M. Bourdon: O.K. Il y a un autre sujet que je voudrais aborder. C'est les villes québécoises qui se sont lancées en télévision pour téléviser les citoyens dans des lieux publics. Je pense qu'il y a eu Sherbrooke et puis d'autres villes. On ne peut pas dire qu'il y a eu Montréal parce que j'ai vu à la télévision des images où les équipements de télévision au Forum, qui n'étaient pas prévus pour la foule à l'extérieur du Forum, n'ont vraiment pas pu être utilisés. Mais je parle de Sherbrooke et d'autres villes. Quelle sorte de limites doivent être apportées au droit de filmer, dans le fond?

M. Comeau: Vous comprendrez, M. le député, qu'il s'agit d'un sujet là où l'on procède par tâtonnement parce que vraiment on en est aux débuts, aux balbutiements. Quand le cas de Sherbrooke a été porté à notre connaissance, on a fait faire une enquête. On en a discuté et on a tenté de regarder comment tout cela se conciliait avec le droit tel qu'il est, mais aussi avec les principes du respect de la vie privée. Et on en est arrivés à une conclusion qui, jusqu'ici, n'a été remise en question, ni par les autorités de Sherbrooke, ni par celles de Hull qui se sont lancées dans la même expérience, ni également par celles de Drummondville qui disposaient d'un système analogue depuis un bon moment.

Alors, notre raisonnement est simple au départ, c'est-à-dire qu'on considère qu'un policier peut utiliser des jumelles ou une caméra pour voir ce qui se passe. Donc, c'est un prolongement de la vue humaine, et ii peut s'installer devant des moniteurs de télévision qui lui transmettent des images et à gauche et à droite. Tant et aussi longtemps qu'il fait ça, nous, on n'a pas d'objection. Notre deuxième raisonnement a été le suivant: si le policier constate que, sur l'un de ces écrans, il y a présomption d'un incident ou d'un crime qui est en train de se commettre, un «pusher» qui passe de la drogue à quelqu'un et ainsi de suite, là, on lui donne, on lui reconnaît le droit de filmer cet incident et de filmer

celui-là seulement.

Ça a été nos discussions et, finalement, on a pris cette décision-là qui n'est pas la vérité révélée parce que, je vous dis, on tâtonne là-dedans. Mais ce qui nous rassure pour le moment, c'est que ça n'a pas été contesté par les policiers en nous disant: On ne peut pas fonctionner; ça n'a pas de sens, votre histoire. Alors, on regarde ce qui s'est fait en Allemagne, en France et en Grande-Bretagne. C'est à peu près exactement là où tout le monde s'oriente, mais c'est vraiment du droit en évolution. Je ne sais pas si les principes vous semblent clairs, mais ça nous a semblé la façon...

M. Bourdon: Oui, oui.

M. Comeau: ...la plus pragmatique de tenir compte des droits des citoyens, mais de la nécessité aussi de faire diminuer, dans le cas de Sherbrooke, une criminalité qui était identifiée et bien localisée.

M. Bourdon: En fait, j'ai tendance à être plutôt d'accord pour trouver que la prévention de la criminalité dans un lieu public, vous avez raison de souligner que ça peut être le prolongement d'autres moyens comme des jumelles. Un policier peut être en quelque endroit pour vérifier qu'il ne s'y commette pas d'actes criminels. Et, à cet égard-là, quand on est dans un lieu public, il faut convenir que c'est un lieu public. D'ailleurs, il y a une quinzaine d'années, il y avait eu une poursuite contre le Forum de Montréal, qui avait été rejetée. C'est un citoyen qui avait été vu par sa femme avec une autre femme quand il regardait un match de hockey, et le juge avait décidé que, quand on va à un match de hockey télévisé, on prend le risque d'être aperçu en train de regarder le match de hockey télévisé, en invoquant que c'est de commune renommée que la caméra va chercher des images dans la foule et, dans le cas en question, on peut parler d'une malchance plutôt que d'une atteinte aux droits.

Cependant, à l'intérieur d'un magasin, d'un dépanneur, par exemple — et je comprends que des gens qui craignent pour leur sécurité se dotent de ce moyen-là — est-ce que vous avez poussé un peu l'investigation pour savoir quel est le degré acceptable d'utilisation? Et, en passant, paradoxe, dans le cas de ville Saint-Laurent, c'est un policier qui a été filmé, il y a deux ou trois ans, et non pas l'inverse.

M. Comeau: D'abord, je dois vous dire que, la préoccupation, on l'a, mais que, tant et aussi longtemps que la loi sur le secteur privé ne sera pas en vigueur, on ne peut pas se permettre de s'engager dans ce domaine.

M. Bourdon: Vous n'avez pas de base.

M. Comeau: Mais, c'est évident qu'il va falloir faire la réflexion, là aussi. Il va falloir la faire, la réflexion, en fonction de la loi, mais en fonction du Code civil aussi. Les nouveaux articles du Code civil sont là, qui garantissent des droits aux citoyens. Il va falloir aussi se poser une question: Est-ce qu'on a le droit d'en cueillir? Si on reconnaît qu'on a le droit de cueillir ces renseignements, qui sont des renseignements filmés, est-ce que l'individu, à ce moment-là, n'a pas accès à ces renseignements-là? Combien de temps peut-on les garder? C'est la série de questions qu'on va se poser, mais c'est évident que ça va nous arriver rapidement dans le visage, c'est le cas de le dire.

Le Président (M. Doyon): D'ailleurs, dans la même suite d'idées, on parle d'actes criminels, mais, si on descend d'un échelon et qu'on parle de simple infraction — je pense à une infraction, par exemple, au Code de la route — je sais qu'en France ils ont installé, sur le bord des autoroutes, des espèces de robots photographiants qui photographient la voiture, enregistrent sa vitesse, prennent le numéro de plaque et font l'émission de l'infraction automatiquement, avec tout ce qu'il faut. Ça se fait automatiquement. C'est dans l'ordinateur. Enfin, moi, je n'ai pas de problème existentiel personnel avec ça, sauf que je me dis que ça peut être perçu, dans certaines circonstances, comme un contrôle des déplacements et de la mobilité des personnes, dans ce sens qu'on sait où vous êtes, à telle heure, et on peut, à la limite, savoir avec qui.

Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de réfléchir à ça, parce que, si on a un robot semblable en France, on peut s'attendre que quelqu'un nous en fasse la proposition ici. Pour les crimes, les délits de nature criminelle, je pense qu'on peut convenir assez facilement avec M. le député de Pointe-aux-Trembles que la sécurité publique exige, bon, certaines mesures. On peut s'en accommoder. Et là, je descends d'un cran et je vous pose la question des infractions de nature réglementaire, si vous voulez, ou quelque chose s'y apparentant. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de réfléchir à ça.

M. Comeau: On a été forcés, M. le Président, depuis 1 semaine, de réfléchir précisément à cela, parce qu'il y a une expérience qui est en cours à Montréal, menée par le Service de police de la communauté urbaine dans la ville d'Outremont. Ils ont tenté, depuis quelques mois, l'expérience d'une caméra installée en permanence sur le tableau de bord d'une voiture de patrouille qui est identifiée avec le mot «vidéo» et qui filme en permanence tout ce qui se déroule pendant le quart de patrouille. Alors, là, il y a des problèmes qui se posent, qui rejoignent un peu l'incident auquel faisait allusion M. le député Bourdon, tout à l'heure. Que l'on filme des incidents, des infractions de vitesse, des arrêts non respectés, des choses du genre, ça va très bien. Mais, comme la caméra est mobile, elle ne filme pas que les voitures; elle filme aussi les citoyens, et c'est là où il faut, on n'a pas de réponse encore, mesurer les espoirs ou les attentes de respect de la vie privée. (11 h 50)

Si vous vous promenez — le vous étant très général, là — si l'on se promène avec sa maîtresse sur

une rue, est-ce qu'on a l'intention de se faire filmer? Comme la police...

Le Président (M. Doyon): Je peux répondre que non.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourdon: Je souscris à votre propos.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourdon: De consentement.

M. Comeau: Là où le problème se pose, c'est que l'expérience qui est faite actuellement exige la conservation de ces bandes pendant un an. Alors, vous imaginez les problèmes de recours et d'intervention contre ces bandes au-delà de l'intention originale qui était de limiter les contestations de contravention de stationnement, de vitesse, de ci et de ça. Il y a des problèmes et on est saisis de cela depuis une semaine, je ne vous le cache pas. Alors, il faut réfléchir parce qu'on sait déjà que la Sûreté du Québec le fait dans certains endroits, que la Gendarmerie le fait et que la police de Laval a annoncé son intention — ils le font déjà? Bon! — de procéder à cela. Il faut dire, j'en suis convaincu, qu'il y a des vendeurs de quincaillerie américains qui sont en train de faire le tour des stations de police au Québec pour vendre leur appareil actuellement. Parce que ça ne se peut pas que subitement on se lance là-dedans.

Le Président (M. Doyon): Donc, votre réflexion, si je comprends bien, se poursuit.

M. Comeau: Oui.

Le Président (M. Doyon): Peut-être que vous pourrez nous en faire connaître le fruit en temps utile, un peu plus tard, mais c'est toutes des questions qu'on va se poser: Où est-ce qu'on tire la ligne? Et je pense que la zone grise est pratiquement inévitable, mais il faut tenir compte des deux côtés de la médaille et vous êtes bien placés pour le faire et vous avez l'habitude de le faire avec beaucoup de discernement. Alors, on est intéressés à savoir ce que vous en pensez.

M. le député de Pointe-aux-Trembles.

Destruction des renseignements pris sur les personnes

M. Bourdon: Ça m'amène à la question de la destruction des renseignements qu'on collecte sur les personnes, parce qu'on a en mémoire des incidents où un hôpital met aux vidanges, comme on dit, quelques milliers de dossiers médicaux, puis les enfants du quartier commencent à en faire des papiers brouillons, de ces dossiers médicaux là. À l'occasion des débats sur la loi 68 en matière de crédits notamment, cette question est abordée dans la loi. Combien de temps est-il pertinent de garder un renseignement qu'il est légitime de recueillir? Et la députée de Chicoutimi avait raison de parler du dossier scolaire de la fugue d'un enfant de 14 ans qui le suit jusqu'à 75 ans. J'en parle à l'aise parce que je n'ai jamais commis de fugue; j'étais un adolescent modèle, comme le président de la commission. Mais il reste que cette question-là demeure posée parce que, vu qu'une masse de renseignements circulent sur nous, eh bien, il faut voir, quand ce n'est plus pertinent de garder un renseignement, quelles mesures sont prises pour que le renseignement soit éliminé de la vie de la personne d'une certaine façon.

M. Comeau: II y a une dimension juridique parce qu'il y a deux lois qui entrent en conflit. Je confierai, si vous voulez, la réponse à Me Ouimet tout à l'heure, mais je voudrais revenir sur le problème général de la destruction des renseignements personnels. Je ne sais pas si vous vous rappelez, l'an passé à peu près à cette date-ci, l'incident absolument fantastique de la découverte des dossiers personnels sur le plateau de tournage de l'émission «Scoop».

M. Bourdon: Oui.

M. Comeau: Ça a été pour nous le déclencheur d'une réflexion importante parce que nos collaborateurs, aussi bien des avocats que des analystes, se sont rendus là et ont épluché, grâce à la collaboration des producteurs de la série, la quantité phénoménale de dossiers qui constituaient le décor de la salle de rédaction de L'Express. Et on a retiré de cela cinq boîtes ou cinq caisses de carton de documents qui provenaient d'organismes publics, des commissions scolaires, des stations de police, enfin, des organismes publics. Je dois vous dire que les documents qui provenaient de la commission scolaire étaient des documents horrifiants parce que c'étaient des dossiers de psychopédagogues qui avaient colligé des expériences de vie. Je parle d'inceste, de ci et de ça; ça figurait là-dedans et les personnes étaient identifiées. On a retiré ça, je le répète, grâce à la bonne volonté du producteur qui n'était pas obligé de le faire. Mais on a découvert aussi, et on n'avait rien, des dossiers qui provenaient de compagnies d'assurances, de Radio-Canada, de banques, etc., qui donnaient des details absolument incroyables sur la vie privée.

Alors, notre enquête nous a permis de constater que ces personnes ou ces organismes avaient confié à des maisons supposément la destruction de ces documents, mais que ces dernières les vendaient comme décors de théâtre. Alors, on s'est lancés dans une réflexion. On a consulté à gauche et à droite, et on a publié au mois de juin ce document sur les exigences minimales pour la destruction des renseignements personnels. Et on a même proposé un contrat type à négocier entre les organismes et ces sociétés de destruction. Alors, on en est là pour le moment. Il évident qu'on avait un problème. Je dois vous dire que les organismes

privés qui ont vu à la télévision le sigle de leur entreprise sur des documents se sont dépêchés d'aller récupérer les documents, même s'ils n'y étaient pas obligés. Là, il y a une réflexion collective. Et je pense que la médiatisation de «Scoop» a été assez fantastique. On aurait payé, je pense, pour avoir ça et on n'aurait jamais eu le rebondissement... Mais il y a un problème légal, par contre, M. le député, qui est beaucoup plus complexe que cela.

Le Président (M. Doyon): Me Ouimet.

M. Ouimet: Le problème légal que ça pose, c'est que, nous, on peut intervenir uniquement à partir du moment où le document doit être détruit. Il y a deux lois qui s'opposent. C'est la loi sur l'accès et la Loi sur les archives. Dans la Loi sur les archives, on prévoit des calendriers de conservation. Alors, si le calendrier de conservation prévoit, par exemple, qu'un document doit être gardé 40 ans ou 75 ans, c'est ça qui prime et, nous, on ne peut pas en ordonner la destruction à ce moment-là.

Augmentation du personnel de la CAI

M. Bourdon: M. le Président, sur un tout autre sujet, le 1er janvier, le Code civil entre en vigueur, de même que la loi 68. J'aimerais savoir, par exemple, à quel moment la Commission va passer de trois à cinq commissaires. Dans le fond, je veux savoir: Est-ce que l'intendance va suivre les nouvelles responsabilités importantes que le législateur a confiées à la Commission?

M. Comeau: La première réponse à votre question, c'est que c'est l'Assemblée nationale, bien sûr, qui va nommer les deux nouveaux commissaires; donc, là, ça dépend de la collaboration qui se fera, comme toujours, entre l'Opposition et le parti gouvernemental. Mais il semble qu'il n'y a pas de problème.

En ce qui concerne, maintenant, l'intendance au niveau de la Commission, à l'exception des commissaires, on a préparé des scénarios très précis, des scénarios qui impliquent, bien sûr, du recrutement de personnel, en tenant compte des contingences et des contraintes actuelles et aussi de l'argent nouveau. Et on est en discussion avec les services du ministre dont nous sommes tributaires, c'est-à-dire le ministre des Communications. Et ça progresse. Je ne vois pas actuellement de problèmes. Je n'ai pas de réponse plus précise parce qu'on joue sur des données, mais je peux vous dire, par exemple, qu'on a mis au point, la semaine dernière, l'une de ces dimensions qui va vous sembler un peu paradoxale, c'est le problème du rajeunissement de notre système informatique et de sa nécessaire extension pour tenir compte de l'arrivée de nouveaux membres, de nouveaux collaborateurs. Alors, on y va étape par étape. Mais, d'après M. White, qui était là au début de la Commission, nous sommes sur la bonne voie et nous sommes plus avancés qu'ils ne l'étaient au même moment avant l'entrée en vigueur de la loi sur les services publics.

M. Bourdon: Est-ce que, à cet égard-là, on peut avoir une idée de l'ordre de grandeur de l'augmentation de personnel de la Commission? Je comprends que vous n'avez pas de budget encore, ni de crédits d'accordés, mais ça serait de quel ordre de grandeur?

M. Comeau: Je vais vous donner une réponse qui n'est pas une réponse de jésuite, mais qui est une réponse réaliste là-dessus. C'est qu'on fait un scénario pour l'entrée progressive en fonction du personnel et on ne veut pas demander d'un seul coup tout ce qui nous semble nécessaire. On va s'ajuster en fonction de la demande réelle. Alors, on sait ce qu'il nous faut nécessairement. Mais, jusqu'où ça va aller? Je ne le sais pas. On ne veut pas, non plus... Dans les temps actuels et dans les négociations qui vont suivre avec le Conseil du trésor on veut être très pragmatiques.

Le Président (M. Doyon): Pour faire un peu de prospective, M. Comeau, il est pensable et prévisible dans les augures que le ministère des Communications aura vécu d'ici quelque temps. Et, dans cette perspective-là, vous situez votre Commission comment? Avez-vous pensé à ça? C'est de notoriété publique. Le ministre en a fait état lui-même. C'était dans le dernier discours du budget. Et la Commission d'accès à l'information, j'imagine, ne sera pas prise au dépourvu et a déjà envisagé cette éventualité. (12 heures)

M. Comeau: On a effectivement compris que nous allions devenir orphelins, et il fallait trouver une façon de nous rattacher...

Le Président (M. Doyon): De se faire adopter.

M. Comeau: Exactement. Alors, on a examiné un certain nombre de scénarios, là aussi. Et on s'est rendu compte que la plupart de ces scénarios posaient des problèmes, et des problèmes, à la limite, qui sont presque d'ordre juridique. Qu'on s'attache à un ministère ou à l'autre, il y avait des problèmes réels. Et notre réflexion, c'est que le lieu où nous serions le moins en conflit, le moins, en tout cas, en possibilité de conflit, ce serait de prolonger ce que le législateur a déjà fait. Puisque les trois commissaires sont des mandataires de l'Assemblée nationale, il nous semble que le meilleur endroit pour rattacher la Commission, ce serait l'Assemblée nationale, pour éviter les conflits, étant donné que nous sommes amenés à juger des décisions de l'administration. Alors, si nous sommes partie de cette administration, ça pose déjà des problèmes, mais, dans certains ministères, ce serait encore pire.

Alors, notre réflexion en est là. J'en ai fait part à M. le ministre des Communications, de même qu'au Conseil exécutif, il y a un bon moment. Je ne sais pas du tout où c'en est, mais ça nous semble, à nous... Et, je vous le dis, on a fait l'examen d'une façon très

exhaustive. On demanderait et on considérerait comme souhaitable le rattachement à l'Assemblée nationale, étant donné que nous sommes déjà des mandataires de l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Doyon): Oui, à ce sujet-là, comme vous savez, la décision que vous avez rendue concernant la divulgation appelons ça des dépenses de voyage ou de déplacement des membres de l'Assemblée nationale est portée en appel, d'après ce que je comprends, par l'Assemblée.

M. Comeau: Exact.

Le Président (M. Doyon): Là, évidemment, ça devient sub judice. Quels sont les délais? Comment ça se passe, toute cette affaire-là? On ne parle pas du fond, là.

M. Comeau: La procédure? Me Ouimet va répondre.

Le Président (M. Doyon): Au point de vue procédure, Me Ouimet, vous préparez votre mémoire, vous allez... Comment ça marche, là?

M. Ouimet: Nous, on n'est plus vraiment des intervenants devant la Cour du Québec, parce que les juges de la Cour du Québec, selon une tradition juridique, refusent au tribunal administratif le droit de défendre sa propre décision. Donc, le litige revient entre les deux parties, en l'occurrence, le demandeur et l'Assemblée nationale.

Il y a une requête pour permission d'en appeler qui est présentée. Une fois cette requête-là acceptée, c'est envoyé au fond, c'est-à-dire avec les délais dont je vous parlais tantôt.

Le Président (M. Doyon): Oui.

M. Ouimet: Ça peut aller de deux à trois ans. Si la requête n'était pas acceptée, à ce moment-là, c'est la décision de la Commission qui devient exécutoire. Il y a un avocat de la Commission qui assiste aux audiences de la Cour du Québec, mais ce qu'on appelle à titre d'ami-cus curiae, c'est-à-dire qu'il aide la Cour à rendre sa décision en lui fournissant la jurisprudence, les lois habilitantes, etc. Mais on ne peut pas prendre parti pour un ou pour l'autre. On ne peut pas défendre notre propre décision devant la Cour du Québec.

Le Président (M. Doyon): C'est là que c'en est. Oui, M. le député de Pointe-aux-Trembles.

Délai avant que la demande à la CAI soit réglée

M. Bourdon: Une dernière question. Dans votre rapport annuel, /ous avez un tableau qui traite des demandes reçues et réglées en 1991-1992. Ma question ne porte pas, à proprement parler, sur le tableau, mais c'est plutôt: À partir de ce tableau-là, est-ce qu'il serait possible à la Commission — pas ce matin, là — d'établir un tableau qui se compare en matière de délais avant que le type de demande soit réglé à l'intérieur de la Commission? Puis, je le répète, pas ce matin, ce ne serait pas raisonnable, mais peut-être nous faire parvenir, s'il en est, un document qui établit combien de délais sont impliqués pour les sortes de renseignements et d'interventions?

M. Ouimet: Je n'ai pas de réponse précise, parce que, comme nous fonctionnons avec des moyens modestes, notre système informatique ne nous permet pas de tenir compte de cela. Mais ce que l'on sait, par exemple, c'est que, pour les demandes de révision qui nous arrivent lorsqu'un refus d'accès a été signifié à une personne, règle générale, la question est réglée dans un délai maximum de quatre mois. Très souvent, ça se règle rapidement lorsque la médiation est engagée. Dans 50 % des cas, la médiation est positive et là c'est une question de semaines. Là, si on doit aller à l'audience, il y a un autre quart des dossiers qui se règle dès qu'on convoque les parties. Alors, là, les gens ne veulent pas venir ou on réfléchit. Il nous reste, en fait, le quart des demandes qui nécessite des audiences. Et là les décisions, après une audience, tombent dans les cinq ou six semaines qui suivent, à peu près, en moyenne, sauf certaines décisions.

Par exemple, je vais vous donner un cas précis, il y a un de mes collègues actuellement qui étudie quelque chose qui va faire jurisprudence, c'est-à-dire l'accès à des dossiers de recherche de professeurs d'université par des tiers. Est-ce que la liberté académique entre en ligne de compte et tout cela? Là, il y a un problème et la décision va prendre du temps. Mais, règle générale, dans les cinq ou six semaines qui suivent l'audience, la décision est tombée.

M. Bourdon: Ça va.

Le Président (M. Doyon): Est-ce que ça termine vos questions, M. le député?

M. Bourdon: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Alors, quelques mots de remerciement pour les représentants de la Commission d'accès à l'information: M. Comeau, Me Ouimet, ainsi que M. White, qui se sont, comme d'habitude, prêtés de bonne grâce aux questions que nous pouvions avoir. Comme d'habitude, les réponses ont été à la hauteur de nos attentes et on ne peut que se réjouir de cet exercice qui est toujours extrêmement éclairant et utile pour tout le monde. Il est, évidemment, regrettable que nous n'ayons pu peut-être le tenir auparavant, mais le mal n'a pas été énorme. Je pense que, d'un commun accord, nous avons pu même envisager des choses qui n'auraient pas été possibles si on l'avait tenu auparavant

et avoir des échanges intéressants là-dessus. Alors, «à quelque chose malheur est bon», disons-nous ça.

Alors, merci beaucoup et, donc, il me reste à constater que le mandat de cette commission a été exécuté et à ajourner les travaux de cette commission sine die. Donc, ajournement et merci beaucoup.

(Fin de la séance à 12 h 7)

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