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Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le jeudi 10 juin 1993 - Vol. 32 N° 34

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude détaillée du projet de loi n° 86, Loi modifiant la Charte de la langue française


Journal des débats

 

(Onze heures trente-huit minutes)

Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Je déclare la commission de la culture ouverte et je rappelle que le mandat de la commission est de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi 86, Loi modifiant la Charte de la langue française.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Fradet (Vimont) sera remplacé par M. Maltais (Saguenay); M. Leclerc (Taschereau) par M. Maciocia (Viger); M. Boulerice (Sainte-Marie—Saint-Jacques) par M. Bélanger (Anjou); M. Bourdon (Pointe-aux-Trembles) par M. Jolivet (Laviolette); et M. Paré (Shefford) par M. Brassard (Lac-Saint-Jean).

Les droits linguistiques fondamentaux Motion proposant d'ajouter un autre article (suite)

Le Président (M. Doyon): Très bien. Donc, je rappelle aux membres de cette commission que j'avais, comme président, déclaré recevable un amendement à la loi 86 qui visait à modifier l'article 6 de la Charte de la langue française par l'ajout d'un alinéa qui se lit comme suit: «Tout immigrant ou réfugié a droit, dans la mesure des moyens de l'État, à un enseignement de la langue française afin de permettre son intégration au sein de la société québécoise.» Fin de la proposition d'amendement. Le proposeur était M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Jolivet: C'est parce que j'aurais une question, avant, M. le Président, sur...

Le Président (M. Doyon): Oui.

M. Jolivet: Je m'excuse, c'est parce que vous avez enfilé immédiatement...

Le Président (M. Doyon): Oui.

M. Jolivet: ...sur la question des présences.

Le Président (M. Doyon): Oui.

M. Jolivet: Vous savez — je demande ça aux 2 partis parce que ça prend une entente des 2 côtés — vous savez qu'un projet de loi aussi important, il y a des gens qui peuvent, pour certaines circonstances, compte tenu des délais qui sont de fin de session, devoir quitter, et on aimerait avoir la possibilité, de part et d'autre, comme on le fait souvent, d'avoir des remplacements en cours de séance. Est-ce que c'est possible qu'on ait cet accord-là?

Je répète pour ceux qui n'ont pas compris, là, parce que je ne l'ai peut-être pas exprimé comme il faut, là. C'est que vous avez, actuellement, des membres qui sont prévus pour la journée, et je fais une proposition: c'est que, de part et d'autre, il y a peut-être des gens qui, compte tenu du débat, voudraient peut-être venir puis remplacer quelqu'un de nous qui doit quitter pour différentes raisons. Alors, je posais la question: Est-ce qu'il peut y avoir entente dans ce sens-là? C'est la question que je posais. (11 h 40)

Le Président (M. Doyon): D'accord. Alors, M. le député nous demande de voir si les remplacements qui ont été annoncés pourraient faire l'objet d'autres remplacements en cours de journée, si je comprends bien. M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Moi, là-dessus, écoutez, on peut peut-être... Pour accommoder tout le monde, on pourrait peut-être regarder que, lorsqu'on aura, effectivement, dans les journées subséquentes, commencé à étudier le projet de loi, je pense qu'on pourra regarder ça. Mais, étant donné qu'on est à l'époque des motions préliminaires...

M. Jolivet: ...rendus à l'article 1?

M. Maltais: ...quand on aura commencé, là, on verra au fur...

Une voix: C'est pas une préliminaire.

M. Maltais: Écoutez, c'est à moi la parole, là. Écoutez, vous n'étiez pas là en commission non plus, vous.

M. Brassard: J'étais là, en commission...

M. Maltais: Je ne vous fais pas de reproche, j'étais ailleurs, là.

M. Brassard: ...puis j'ai passé la journée là, hier.

M. Maltais: J'étais ailleurs, là, bon, «c'est-u» clair? J'étais ailleurs, hier.

M. Brassard: Les motions préliminaires sont finies.

M. Maltais: Je t'ai dit, là, que, quand on...

M. Brassard: Vous dites une fausseté.

Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Maltais: C'est moi qui ai la parole. M. Brassard: Vous dites une fausseté.

M. Maltais: Je te dis que, quand on aura commencé à étudier le projet de loi, on pourra regarder ça, mais, aujourd'hui, non. Bon, c'est clair.

M. Jolivet: M. le Président, M. le Président. Le Président (M. Doyon): Oui.

M. Jolivet: Pour revenir à cette question-là. Le Président (M. Doyon): Oui.

M. Jolivet: Je pense qu'il y a un quiproquo, là. Mais... Non, il y a un quiproquo. Nous avons débuté l'étude du projet de loi hier. La preuve, c'est que l'amendement que nous apportons était au projet de loi lui-même. Donc, nous avons comblé ce que le député nous dit. C'est ça que mon collègue, le whip, voulait dire. Nous sommes actuellement en train d'étudier le projet de loi, puisque vous avez demandé l'article 1; et on a dit: Avant que l'article 1 soit adopté, nous avions un amendement qui est dans le projet de loi lui-même.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Rimouski.

M. Tremblay (Rimouski): Alors, M. le Président, je comprends la proposition du député de Laviolette. Cependant, on n'est pas à l'étude du projet de loi, c'est-à-dire que l'article 1, c'est un amendement qui vient en dehors du projet de loi 86. C'est-à-dire, finalement, c'est un ajout. Alors, par conséquent, moi, je pense qu'on devrait attendre. Lorsqu'on passera à l'article 1 virtuellement... Bien, oui, mais c'est une... il ne l'est pas, dans le projet de loi.

M. Jolivet: M. le Président, est-ce que je peux vous poser une question?

Le Président (M. Doyon): Oui.

M. Jolivet: Est-ce que vous avez commandé le début du projet de loi? Vous avez demandé: Est-ce qu'on débute l'article 1? On a dit oui, puis on a dit: Maintenant, on est à l'article 1. Mais nous avions un amendement, et vous avez accepté l'amendement, qui va s'insérer juste avant l'article 1. Mais c'est dans le projet de loi. Nous sommes actuellement à l'étude du projet de loi, article par article. Est-ce que c'est bien ça?

Le Président (M. Doyon): Oui. Alors... Mais, moi, j'ai une première question à régler. Je comprends que, d'après ce que disent les députés, c'est qu'il n'y a pas de consentement pour votre demande, et, effectivement, il y a un amendement qui a été proposé. Le premier amendement a été déclaré non recevable, le deuxième a été déclaré recevable. Donc, techniquement, nous sommes à l'étude du projet de loi 86. Oui, Mme la députée.

Mme Blackburn: M. le Président, ça augure mal pour l'esprit de collaboration, mais je ne veux pas aller plus longtemps sur cette question. Je laisse les membres de la commission et ceux qui nous écoutent être juges de l'état d'esprit qui règne à la commission. Ce que je voudrais demander au ministre: Nous avons déposé une proposition d'amendement hier soir qui a été, dans sa deuxième formulation, acceptée. Si le ministre nous indiquait, dès maintenant, qu'il est prêt à voter en faveur de cet amendement, nous pourrions procéder sans plus d'explications, sauf quelques explications pour justifier l'importance de cet article par rapport à la situation qui prévaut actuellement. Mais pour bien manifester notre intention d'essayer de progresser dans l'examen de ce projet de loi, nous pourrions, si le ministre est d'accord, prendre le vote immédiatement ou à peu près, parce qu'on a déjà perdu — j'aimerais vous le faire remarquer — une demi-heure.

Le Président (M. Doyon): Oui, M. le ministre.

M. Ryan: Je vais vous dire franchement, là, je ne vais pas aller par des détours: j'ai examiné cet amendement, puis, aux yeux du gouvernement, il n'est pas acceptable dans cette forme-là; il n'est pas acceptable. Le président l'a déclaré recevable, il n'y a pas de problème; nous acceptons sa décision, mais, sur le fond, nous ne pouvons pas accepter une modification comme celle-ci parce que, d'abord, ça ne se rattache pas aux grands objets du projet de loi.

Et, deuxièmement, on ne peut pas injecter dans une discussion, au stade où nous sommes rendus, un concept comme celui d'immigrant, puis celui de réfugié, puis celui de services spéciaux à l'endroit de ces gens-là. Moi, ça demanderait que je consulte la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, la ministre de l'Éducation. Il y a des vérifications à faire au point de vue technique, au point de vue juridique. Puis ça ne fait pas partie des objets du projet de loi comme nous les avons définis. Par conséquent, nous voterons contre cette proposition-là.

Mme Blackburn: Peut-être...

M. Ryan: Je suis prêt à noter... Je suis prêt à noter la suggestion qui est faite. Sur l'idée elle-même, nous ne pouvons pas avoir d'objection; je pense que nous sommes tous d'accord là-dessus. C'est le moyen qui nous est proposé de la forme d'un amendement

qu'on introduit dans les droits fondamentaux. Ça, ça pose toutes sortes de difficultés que je ne suis pas capable d'élucider dans la période de temps qui nous est donnée pour les travaux de la commission.

Le Président (M. Doyon): Mme la députée.

Mme Blackburn: Alors, à ce moment-là, j'aurais une suggestion à faire au ministre qui pourrait faire l'objet d'une proposition. Si le ministre pense qu'il est utile de consulter sa collègue des Communautés culturelles et de l'Immigration, on pourrait suspendre l'examen de cet amendement, et il aurait le temps voulu pour faire les consultations nécessaires. Et ça nous permettrait de passer tout de suite à l'examen du projet de loi au premier article.

M. Ryan: Regardez, je ne peux pas refuser de faire des consultations auprès de ces 2 collègues. Il faut que je consulte la ministre de l'Éducation, également la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration. Je vais faire des consultations, mais je ne voudrais pas laisser naître, chez les membres de la commission, des attentes vaines. Ce n'est pas possible de régler cette question-là dans le temps qui nous est imparti pour le travail de la commission. Je vais faire des consultations, puis, si tout le monde me disait que c'est possible, je serais très heureux de changer d'idée.

Mme Blackburn: Alors, est-ce que je comprends de vos propos qu'on peut déposer l'amendement et que vous pourriez nous arriver avec un avis d'ici la fin de la commission?

M. Ryan: Pardon?

M. Jolivet: Excusez, quand vous parlez du temps imparti, vous dites: La durée de la commission. Alors, la réponse du ministre, c'est que, quand bien même on déposerait... on le suspendrait, cet article-là, il n'y aurait pas de réponse d'ici la fin de l'adoption du projet de loi lui-même, si je comprends bien.

M. Ryan: Non, ce n'est pas ça que j'ai dit. J'ai dit, au contraire, que je ferais des consultations...

M. Jolivet: Oui, je sais.

M. Ryan: ...je suis prêt à arriver avec une réponse ici. Je peux avoir une réponse...

M. Jolivet: ...commission?

M. Ryan: ...quant à la faisabilité. Oui, je peux avoir une réponse d'ici une couple de jours. On va saisir les collègues de ça.

Mme Blackburn: Alors, est-ce qu'on peut convenir, M. le Président — je ne connais pas les règles — que l'amendement pourrait être déposé jusqu'à ce que le ministre nous revienne, à un moment...

M. Brassard: On suspend.

Mme Blackburn: Suspendre l'examen de...

Le Président (M. Doyon): Donc, suite à l'accord qui vient d'intervenir, je demande au secrétaire de noter que l'amendement dont j'ai fait lecture tout à l'heure est suspendu et que l'étude en est remise à plus tard, à la suite des consultations dont les résultats nous seront communiqués par le ministre ultérieurement. Cela dispose, pour le moment, de l'amendement. Et, de nouveau, je commence le projet de loi... Oui, M. le ministre.

M. Ryan: M. le Président, avant qu'on commence avec l'article 1, me permettriez-vous de déposer une nouvelle formulation de la modification que nous proposons à l'article 47? Ça fait partie du jeu d'amendements que j'ai déposé hier. Ce n'est pas grand-chose: on remplace l'expression «le cas échéant» par l'expression «, s'il y a lieu,». Nos services de rédaction estiment que ce serait plus satisfaisant au point de vue français.

Le Président (M. Doyon): Donc, j'accepte que ce soit...

M. Ryan: Si vous permettez que...

Le Président (M. Doyon): Oui. Je demande au secrétariat de faire la distribution, s'il vous plaît.

La langue de la législation et de la justice

O.K. Donc, nous en sommes à l'article 1 du projet de loi 86. J'en fais une lecture rapide. L'article 1 se lit comme suit: Les articles 7 à 13 de la Charte de la langue française (L.R.Q., chapitre C-ll) sont remplacés par les suivants: «7. Le français est la langue de la législation et de la justice au Québec sous réserve de ce qui suit: «1° les projets de lois sont imprimés, publiés, adoptés et sanctionnés en français et en anglais, et les lois sont imprimées et publiées dans ces deux langues; «2° les règlements et les autres actes de nature similaire auxquels s'applique l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 sont adoptés, imprimés et publiés en français et en anglais; «3° les versions française et anglaise des textes visés aux paragraphes 1° et 2° ont la même valeur juridique; «4° toute personne peut employer le français ou l'anglais dans toutes les affaires dont sont saisis les tribunaux du Québec et dans tous les actes de procédure qui en découlent. (11 h 50) «8. S'il existe une version anglaise d'un règlement ou d'un autre acte de nature similaire auxquels ne

s'applique pas l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867, le texte français, en cas de divergence, prévaut. «9. Tout jugement rendu par un tribunal judiciaire et toute décision rendue par un organisme exerçant des fonctions quasi judiciaires sont traduits en français ou en anglais, selon le cas, à la demande d'une partie, par l'Administration tenue d'assumer les coûts nécessaires au fonctionnement de ce tribunal ou de cet organisme.» Fin de l'article 1.

Et nous avons, à cet article 1, un amendement. Nous allons discuter, tout d'abord, de l'amendement. Je donne lecture de l'amendement à l'article 1. Il s'agit pour nous de remplacer, dans la deuxième ligne du paragraphe 2° de l'article 7 proposé par l'article 1, le mot «adoptés» par ce qui suit: «pris, adoptés, délivrés». Fin de l'amendement. Alors, sur l'amendement, M. le ministre.

Une voix: ...

Le Président (M. Doyon): Oui, oui.

M. Jolivet: Vu que, là, on a l'amendement qui vient, dans le deuxième paragraphe, là... fait des aménagements, mais, compte tenu que l'article 1 touche aux articles 7, 8, 9 de la loi de la langue française, la Charte de la langue française, la discussion va se faire de quelle façon, M. le Président? Parce qu'on ne peut pas les prendre tout en groupe, il va falloir les prendre séparément, là.

Le Président (M. Doyon): En fait, la discussion va se faire comme c'est l'habitude, là, en commençant par la première partie de l'article 1 qui est l'article 7. On va passer à l'article...

M. Jolivet: Paragraphe par paragraphe.

Le Président (M. Doyon): Oui, paragraphe par paragraphe.

M. Jolivet: Merci beaucoup.

M. Ryan: Maintenant, avec le consentement des députés, je pense qu'il serait peut-être bon, avant qu'on aborde l'amendement, qu'on ait une explication générale sur la portée de l'article 1.

M. Jolivet: M. le Président, compte tenu que... Là, vous allez expliquer l'article 1, je suis d'accord avec ça, il n'y a pas de problème.

La deuxième, c'est qu'on ne débutera pas par l'amendement, si je comprends bien le raisonnement. L'amendement venant dans la deuxième ligne du deuxième paragraphe, on le fera après qu'on aura étudié le premier paragraphe. D'accord?

Le Président (M. Doyon): Oui, on peut accepter cette façon de faire, oui.

M. Jolivet: D'accord.

Le Président (M. Doyon): M. le ministre.

M. Ryan: Je vais demander à des conseillers du ministère de la Justice d'être à côté de moi, avec votre permission...

Le Président (M. Doyon): Très bien.

M. Ryan: ...pour que l'orthodoxie soit assurée.

Une voix: ...

M. Ryan: Pardon?

M. Jolivet: C'est un très bon avocat? Ce n'est pas un notaire?

M. Ryan: M. Gosselin. Une voix: Oui.

M. Ryan: M. Jacques Gosselin, du ministère de la Justice.

M. Jolivet: Ha, ha, ha! On va l'agacer un peu! Le Président (M. Doyon): Alors...

M. Ryan: Mme Judith Sauvé, qui est en arrière, au service de qui nous recourrons probablement aussi.

Alors, essentiellement, l'article premier du projet de loi a pour objet de réconcilier les dispositions de la Charte qui traitent de la langue de la justice et de la législation avec la jurisprudence établie par les tribunaux concernant l'essence et la portée qu'il convient de donner à l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867. L'article 133, en gros, garantit l'usage libre et égal des 2 langues, française et anglaise, dans les procédures judiciaires, dans les interventions que font les officiers de loi auprès des tribunaux et des citoyens également, dans les travaux de l'Assemblée nationale et du Parlement du Canada. Ça, ce sont les éléments essentiels.

Alors, les tribunaux ayant été saisis de causes reliées à l'article 7 de la Charte de la langue française ont rendu des jugements dont les plus importants sont les 2 arrêts qui furent rendus dans l'affaire Blaikie, l'avocat Peter Blaikie, là, dont les sentiments sont parfois assez proches de ceux du parti opposé, maintenant. L'avocat avait contesté l'article 7 de la Charte et les jugements rendus par les différents tribunaux; c'a commencé par la Cour supérieure, ensuite c'est allé... À la Cour supérieure, si les membres ont bonne mémoire, le jugement premier avait été rendu par le juge Deschênes, qui était, à l'époque, juge en chef de la Cour supérieure. Le juge Deschênes a rendu un jugement très élaboré, selon son habitude, puis, dans ce cas-ci, un jugement particulièrement clair et lumineux, puisque tous les

éléments essentiels en furent retenus par les tribunaux supérieurs.

Alors, de l'ensemble des décisions rendues, évidemment, celle qui résume le mieux et avec le plus d'autorité l'état du droit, c'est la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans les 2 jugements dont nous avons parlé. Et cette décision établit clairement qu'à peu près tout le chapitre traitant de la langue de la législation et de la justice est inconstitutionnel, par un côté ou l'autre.

Par exemple... Je vais laisser faire l'article 7, pour commencer, parce que c'est peut-être un article qui... et ça... tout dépend de ce qui suit, dans cet article-là. Vous voyez, d'ailleurs, que, dans notre projet, nous conservons «Le français est la langue de la législation et de la justice au Québec — que nous conservons — sous réserve de ce qui suit.»

Donc, l'article 8 dit: «Les projets de loi sont rédigés dans la langue officielle. Ils sont également, en cette langue, déposés à l'Assemblée nationale, adoptés et sanctionnés», alors que l'article 133 dit clairement que ça doit être fait dans les 2 langues. Alors, quand vous en employez seulement une, ça veut dire que vous portez atteinte aux principe d'égalité des 2 langues qui est inscrit au coeur même de l'article 133.

Ensuite, on dit à l'article 9: «Seul le texte français des lois et des règlements est officiel.» Alors, c'est la même remarque, évidemment. Si seul le texte français est officiel, ça veut dire que les 2 langues n'ont plus la valeur égale que voulait affirmer l'article 133. Donc, il y a un problème.

On continue. «10. L'Administration imprime et publie une version anglaise des projets de loi, des lois et des règlements.» Encore là, une version anglaise, si les 2 étaient sur un pied d'égalité, ont estimé les honorables magistrats, ça n'aurait pas été formulé comme ceci, là. Ceci a une connotation d'importance secondaire, de caractère non officiel, puisqu'on dit que seul le texte français est officiel; donc, la version anglaise ne l'est pas. Alors, c'a été jugé inacceptable, ça.

Ensuite, à l'article 11: «Les personnes morales s'adressent dans la langue officielle aux tribunaux et aux organismes exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires. Elles plaident devant eux dans la langue officielle, à moins que toutes les parties à l'instance ne consentent à ce qu'elles plaident en langue anglaise.» Encore ici, là, quand une personne morale se présente devant le tribunal, elle le fait par l'intermédiaire d'un avocat, par l'intermédiaire de témoins, par l'intermédiaire d'experts qui seront appelés à parler en son nom. Elle ne s'amène pas avec sa charte corporative.

(Consultation)

M. Ryan: Alors, les personnes morales interviennent devant les tribunaux par l'intermédiaire de représentants qui sont tantôt des procureurs ou des avocats. Il y a des témoins aussi qui peuvent être appelés, il y a des experts, toutes sortes de personnes. Alors, le droit fondamental d'une personne d'intervenir devant un tribunal en anglais ou en français se trouve à être contredit par cette disposition, quand on comprend bien l'esprit, quand on est même porté à accepter l'esprit dans une bonne mesure, mais c'est contraire à ce qui découle de l'article 133.

L'autre: «12. Les pièces de procédure émanant des tribunaux et des organismes exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires ou expédiées par les avocats exerçant devant eux doivent être rédigées dans la langue officielle.» Et on dit qu'elles «peuvent cependant être rédigées dans une autre langue si la personne physique à qui elles sont destinées y consent expressément». Ici aussi, ça enfreint le principe de base du libre usage de l'une ou l'autre des 2 langues par les personnes qui interviennent devant les tribunaux, y compris par le juge qui rédige un jugement. «13. Les jugements rendus au Québec par les tribunaux et les organismes exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires doivent être rédigés en français ou être accompagnés d'une version française dûment authentifiée. Seule la version française du jugement est officielle.» Même remarque que pour les articles précédents.

Par conséquent, il ne reste que l'article 7, lequel, isolé de tout contexte, n'a pas la signification opératoire fonctionnelle qu'il faudrait. Il faut le relier à quelque chose de plus concret. Ce que nous essayons de faire, dans le projet de loi... Nous avons examiné toutes les hypothèses possibles ici puis, finalement, nous avons décidé d'y aller franchement, de tenir compte des enseignements, là, qui découlent de la jurisprudence, d'aligner notre législation en conséquence. (12 heures)

Nous sommes tenus, en conscience, de le faire. Le Québec fait partie de l'ensemble canadien. Le Québec n'a pas répudié la Constitution canadienne. Le Québec s'est inscrit en faux contre la manière dont on a procédé, en 1982, à certaines modifications, et son opposition demeure. Mais ça ne peut pas être un prétexte pour garder des lois qui sont inconstitutionnelles. Là, il y a toute une marge à franchir. Si le Québec avait voulu, disons, agir d'une manière qui lui fût apparue logique, aller jusqu'au bout du raisonnement de l'Opposition, à ce moment-là, il aurait dit: On sort de cet ensemble-là. Il a tenu un référendum qui disait qu'il fallait plutôt qu'il reste dedans. Il aurait fallu tenir un autre référendum. Nous en avons tenu un récemment qui n'a pas fonctionné, mais le référendum séminal en matière de souveraineté ou de séparation, c'est celui de 1980, lequel n'a pas été contredit jusqu'à maintenant, et aucun groupe de députés n'oserait proclamer quoi que ce soit, j'imagine, sans être assuré que la population serait d'accord. Ce n'est sûrement pas la disposition du parti qui forme présentement le gouvernement. Et, dans ces conditions, que reste-t-il à faire si on veut être sérieux, conséquent et responsable devant la population? Il faut ajuster les lois en fonction des exigences découlant de la jurisprudence. C'est ce que nous faisons ici, de la

manière suivante: On dit, d'abord, «Le français est la langue de la législation et de la justice au Québec sous réserve de ce qui suit», puis, tout ce qui suit, ce sont des propositions qui découlent des jugements rendus par les tribunaux, en particulier la Cour suprême. Le premier: «les projets de loi sont imprimés, publiés, adoptés et sanctionnés en français et en anglais, et les lois sont imprimées et publiées dans ces deux langues.» On s'est posé des questions: Est-ce que ça couvre les projets de loi ou seulement les textes de loi? C'est évident que, si on veut être sérieux, une fois que les lois doivent être dans les 2 langues, il faut bien que les projets de loi soient disponibles également dans les 2 langues. C'est une conséquence qui découle très logiquement de l'exigence première.

Deuxièmement, «les règlements et les autres actes de nature similaire auxquels s'applique l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 sont adoptés, imprimés et publiés en français et en anglais.» On dit bien, là: «les règlements et les autres actes similaires auxquels s'applique l'article 133...», évidemment, en vertu de la jurisprudence. Alors, l'article 133 a été interprété par la Cour suprême, dans le deuxième arrêt Blaikie, comme signifiant: s'il s'agit de règlements qui sont soumis à l'approbation du gouvernement ou de l'Assemblée nationale, ça, ce sont des règlements qui sont des prolongements immédiats des lois, de législation déléguée, ils doivent être publiés en français et en anglais. Mais, s'il s'agit de règlements qui ne sont pas sujets à l'approbation du gouvernement ou de l'Assemblée nationale, ceux-là échappent aux conséquences de l'article 133. Je donne à titre d'exemple les règlements des municipalités, par exemple. Ça, ce n'est pas sujet à l'approbation du gouvernement. Ce n'est même pas sujet à l'approbation du ministre, alors, ça échappe. Il y a certains règlements qui peuvent être faits par des organismes d'État et qui relèvent de leur autorité sui generis. À ce moment-là, je pense qu'ils échappent également...

Une voix: S'ils ne sont pas approuvés par le ministre.

M. Ryan: C'est ça, s'ils ne sont pas sujets à approbation par le ministre. Les règlements des commissions scolaires, c'est la même chose aussi, dans la mesure où ils ne sont pas sujets à l'approbation du ministre ou du gouvernement.

Alors, voilà pour le deuxième article. Nous préservons tous les règlements et actes qui ne sont pas visés par l'article 133 et, selon les interprétations qui en ont été données, ils échappent à la règle qui est énoncée ici et ils tombent sous la règle générale; le français est la langue de la législation et de la justice dans ces cas-là.

Troisièmement, «les versions française et anglaise des textes visés aux paragraphes 1e et 2° ont la même valeur juridique.» C'est évident que, s'ils n'ont pas la même valeur juridique, ils ne sont pas égaux. Là, le principe d'égalité, qui est inscrit dans l'article 133, se trouve à être contredit.

Le paragraphe 4° vient corriger ce qui est énoncé à l'article 11 de la charte actuelle. On dit: «toute personne peut employer le français ou l'anglais dans toutes les affaires dont sont saisis les tribunaux du Québec et dans tous les actes de procédure qui en découlent.»

Voilà, M. le Président, la portée de cet article 1, que nous soumettons à l'Assemblée nationale. Il n'y a rien de changé par rapport à l'ordre constitutionnel existant; nous ajustons la loi. Nous ne pensons pas qu'il incombe à l'Assemblée nationale de faire des développements constitutionnels de manière unilatérale, au mépris de la Constitution existante, sans qu'ait été prise, à cette fin, une décision souveraine de la population du Québec et de son Parlement. Et comme une telle décision n'a jamais été prise, ces dispositions doivent être corrigées, à moins que nous ne voulions rester enlisés dans une attitude d'ambiguïté et d'équivoque qui, malheureusement, se dégageait de cette partie de la loi que nous appelons la Charte de la langue française. Alors, voilà l'explication que je devais apporter au sujet de cet article 1.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre. Mme la députée, est-ce que vous voulez réagir maintenant ou si vous le ferez sur l'amendement, quand on y viendra, ou si vous voulez commencer?

Mme Blackburn: Je voudrais réagir maintenant, mais...

Le Président (M. Doyon): Très bien.

Mme Blackburn: ...sur une affirmation du ministre, sur laquelle je ne peux pas être d'accord. Quand il prétend qu'au moment du coup de force de 1982 on s'est opposés exclusivement sur la manière dont on a procédé et non pas sur ses effets sur le Québec, en matière d'empiétement dans un secteur particulier de compétence exclusive du Québec, reconnu dans la Constitution de 1867, je ne peux pas le laisser dire ça. Je ne peux pas le laisser affirmer, ici, sans réagir, que notre contestation ne portait que sur la manière; elle portait également sur ses effets. À un point tel que c'est en voulant corriger cette injustice du rapatriement que le gouvernement Mulroney a été élu, a été élu. C'est également pour vouloir corriger cette injustice du rapatriement de 1982 qu'il y a eu ou que le gouvernement du Québec, avec son premier ministre, a tenté de corriger la situation par les ententes de Meech et, ensuite, de Charlottetown. N'allons pas dire n'importe quoi. Il ne s'agissait pas juste de la manière, il s'agissait de ses effets. Et, là, on est en train de reconnaître ses effets, alors que le Québec en son entier, le Québec en son entier l'a rejeté, à l'occasion du référendum d'octobre 1992, et on est en train de dire aux Québécois et aux Québécoises: Ce coup de force qu'on a rejeté, on est en train de l'accepter formellement, en le reconnaissant. Bien qu'en sachant, et le ministre sait que nous savons également, que, il est vrai que, même si nous ne l'avons

ni accepté ni endossé, elle s'applique, elle s'applique, mais il y a quand même une marge entre dire: Elle s'applique contre notre gré et accepter que, dorénavant, elle se traduise dans nos textes législatifs. Moi, là, pour le moment, M. le Président, je voulais juste faire ce point-là.

Le Président (M. Doyon): Oui, M. le ministre.

M. Ryan: J'ai une réponse à ça. La Loi constitutionnelle de 1982 n'a pas modifié l'ordre des choses en ce qui touche l'article 133, il a été maintenu là comme il l'était, comme il l'était, et, à l'époque, il n'y a jamais eu de consensus au Québec voulant que l'article 133 soit répudié. Au contraire, nous exigions, à l'époque, qu'il soit également applicable à l'Ontario et au Manitoba, c'est ça qu'était la position du Québec pendant de très nombreuses années.

Alors, sur ce point-là, quand on arrivera aux dispositions relatives à l'éducation, on discutera du point, il y aura peut-être une pertinence plus grande, mais, sur ce point particulier, la Constitution de 1982 n'a pas changé l'ordre existant et a maintenu l'article 133. Et nous autres, du côté gouvernemental, nous estimons que, en ce qui touche la langue de la justice et de la législation, nous avons vécu avec cet article-là depuis 1867, ça fait au moins 126 ans maintenant, et ça ne nous a pas empêchés de fonctionner dans une liberté complète au point de vue français. Il y a toutes sortes d'arrangements, et ceux que nous proposons ici me semblent être des arrangements de bon aloi, qui s'inscrivent dans le sillage de ce qu'a été la véritable tradition du Québec depuis 126 ans.

Le Président (M. Doyon): Oui, M. le député de Lac-Saint-Jean. (12 h 10)

M. Brassard: II y a une chose dont je m'étonne, parce que — et c'est un peu une incohérence et une contradiction — quand on regarde le chapitre III, le titre du chapitre III, c'est: «La langue de la législation et de la justice». Il me semble que, quand on examine l'ensemble des amendements proposés par le gouvernement, ce chapitre-là, le titre doit être changé aussi, parce que c'est clair qu'à ce moment-là ce n'est plus la langue de la législation et de la justice, c'est les langues de la législation et de la justice, puisque vous donnez manifestement, à l'article 133, une portée extrêmement large, très vaste, en vous appuyant, j'en conviens, sur un certain jugement, mais vous assumez une très grande largeur de vue et une très large portée de l'article 133. Je l'ai sous les yeux. Il me semble qu'on aurait pu faire preuve d'un peu plus de prudence dans l'interprétation et la portée à donner à l'article 133, et, de toute façon, quand on regarde les amendements que vous adoptez et qui remplacent les articles dé la loi actuelle, il me semble évident que le titre du chapitre III est trompeur et ne correspond d'aucune façon à la nouvelle version que vous en proposez. Ça devrait se lire désormais «Les langues de la législation et de la justice» parce que c'est clair que, à la lecture de tout ça, les 2 langues, l'anglais et le français, sont strictement, exactement, sur le même pied, sur un pied d'égalité, en tout point et en toute circonstance, et, donc, le titre devrait être modifié. Je suggère au ministre d'apporter un amendement au titre parce qu'il ne convient plus du tout.

Le Président (M. Doyon): M. le ministre.

M. Ryan: Non. Le député connaît bien le français, il sait très bien qu'on peut employer l'expression au singulier d'autant plus, dans ce cas-ci, qu'il arrivera très souvent que seule une des 2 langues sera employée. Devant les tribunaux, la très grande majorité des causes sont instruites entièrement et uniquement en français, au Québec. Et, si on introduisait l'obligation d'employer partout les 2 langues, j'accepterais la proposition du député de Lac-Saint-Jean, volontiers. Ce n'est pas ça. Ici, l'initiative est laissée au citoyen, même chose à l'Assemblée nationale. On peut très bien dire: La langue de l'Assemblée nationale, ça sera la langue qu'emploiera chaque député pouvant utiliser le français ou l'anglais. Mais on dit: La langue de l'Assemblée nationale... Mais c'est tellement vrai; prenez le chapitre VIII. Là, il est question de 2 langues dans le chapitre VIII, clairement. On dit: La langue de l'enseignement. Si le raisonnement était juste, on aurait écrit, dès 1977, époque où l'on était en possession à peu près totale de la vérité: Les langues de l'enseignement.

Des voix: ...

M. Ryan: Je pense bien que c'est un débat de grammaire, ça. Moi, quand j'étais directeur d'un journal, j'avais 2 conseillers en linguistique appartenant à 2 écoles différentes. Je les consultais régulièrement et j'avais des avis contraires qui me permettaient d'agir librement.

Le Président (M. Doyon): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, je voudrais juste que le ministre reconnaisse que ce qu'il est en train de faire, c'est... En tout cas, il n'est pas exact de prétendre que c'est 133 qu'on met présentement dans les nouvelles dispositions de la Charte de la langue française. Le ministre doit reconnaître que c'est une interprétation jurisprudentielle de l'article 133 qu'il est en train de codifier, et le ministre doit se souvenir que cette interprétation jurisprudentielle était très contestée, très contestée par d'éminents juristes. On est allé très loin dans l'interprétation de l'article 133. Et là, ce qu'on est en train de faire, M. le Président, ce n'est pas de reprendre 133, c'est de reprendre l'interprétation jurisprudentielle, qui, elle, maintenant, va être codifiée et qui va être elle-même matière à interprétation. Peut-être que le ministre devrait demander avis à son conseiller juridique sur les conséquences de codifier une interprétation

jurisprudentielle. Et je sais, M. le Président, vous êtes vous aussi avocat, quand on fait une interprétation jurisprudentielle libérale d'une disposition de la loi et qu'on codifie cette interprétation jurisprudentielle, bien, ça devient la nouvelle base d'interprétation de cette disposition-là. C'est un principe de droit qui est reconnu, puis il y a plusieurs avocats ici, autour de la table, et je suis certain qu'ils vont être d'accord avec moi.

Une voix: Même ceux qui ne sont pas avocats.

M. Bélanger (Anjou): C'est très dangereux. C'est très dangereux, cette façon de procéder. Et ce n'est pas vrai que c'est 133 tel quel. C'est une interprétation jurisprudentielle...

Une voix: Très large.

M. Bélanger (Anjou): ...très large qu'on codifie et qui va servir de base, maintenant, à une nouvelle interprétation qui, elle, ne pourra pas faire autrement qu'être encore plus large.

Le Président (M. Doyon): M. le ministre.

M. Ryan: Regardez, la réponse à ça est bien simple. Les divergences intellectuelles en matière de droit continuent toujours. Il peut arriver un jugement unanime de la Cour suprême contre lequel va s'ériger un juriste de l'Université de Montréal ou de l'Université de Toronto. Ça, c'est un débat qui se poursuit continuellement et c'est très sain qu'il en soit ainsi. Mais, là, nous ne sommes pas dans une classe de droit. Nous ne sommes pas dans un journal. Nous devons adopter des lois qui vont être appliquées pour la population du Québec et qui doivent décrire la réalité en toute vérité, comme elle est. Et la vérité qui s'applique à moi, comme ministre du gouvernement, et à tout ministre du gouvernement, c'est qu'il doit, quand il agit dans ces matières, agir conformément à ce qu'énoncent les propositions contenues dans l'article 1 du projet de loi. Puis, ça, c'est notre devoir de le faire. Il y a un devoir de vérité, parce que, si les textes législatifs s'éloignent de plus en plus de la pratique consacrée et même définie et rendue obligatoire par les décisions des tribunaux, où est-ce qu'on s'en va? Ça veut dire qu'on va pouvoir avoir notre loi à nous autres. On n'est pas satisfait de la Cour suprême? On a notre petite loi à nous autres qui s'en va dans une voie différente; on ne s'occupe pas de ça. Ça n'a pas de bon sens! C'a du bon sens pour quelqu'un qui a une mentalité séparatiste. Ça, je peux le comprendre, à la rigueur. Même au point de vue de respect du droit, ça m'étonne beaucoup, beaucoup. Je pense que je n'agirais pas comme ça, si j'étais séparatiste. À plus forte raison, étant fédéraliste, je pense que je dois respecter l'état actuel du droit. Notre loi est modifiable, on le fait présentement. La jurisprudence, il pourrait arriver qu'elle évolue sous l'impulsion de causes nouvelles qui seront soumises à l'attention des tribunaux, de modifications dans la composition de la Cour d'appel ou de la Cour suprême du Canada. Ce sont toutes des choses qui demeurent toujours de l'ordre du possible. Mais, si jamais des changements de cap se produisent, on pourrait ajuster notre législation. Mais, pour le moment, je pense que nous définissons, avec toute l'honnêteté, la franchise et la transparence possibles, ce que nous devons faire, ce que le gouvernement doit faire, ce à quoi les citoyens, les entreprises et les organismes doivent s'attendre en matière d'usage linguistique auprès des tribunaux, de respect de la langue française. Puis vous remarquez que, dans ceci, l'objet de tout l'exercice, quand on verra les articles qui suivent également, les dispositions qui modifient 8, 9 et 10, j'en n'ai pas parlé de celles-là. Je devrais presque en parler maintenant, M. le Président, parce que ça fait partie de l'article 1. Ça fait partie de l'article 1. On dit: «S'il existe une version anglaise d'un règlement ou d'un autre acte de nature similaire auxquels ne s'applique pas l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867, le texte français, en cas de divergence, prévaut.» Pourquoi? Parce que, là, nous maintenons l'esprit originel de la loi 101. Comme ceci échappe à l'interprétation que les tribunaux ont donnée de l'article 133, nous maintenons le principe de l'autorité du français à l'article 9: «Tout jugement rendu par un tribunal judiciaire et [...] par un organisme exerçant des fonctions quasi judiciaires sont traduits en français ou en anglais, selon le cas, à la demande d'une partie, par l'Administration tenue d'assumer les coûts nécessaires au fonctionnement de ce tribunal...» Ça veut dire, ça, que, si la Cour supérieure rend un jugement, le juge le rend dans la langue où il écrit. Mais l'une des parties est fondée d'en demander une version dans l'autre langue, puis elle l'obtiendra automatiquement. Ce sera fait aux frais... C'est le gouvernement du Québec qui assure le financement de la Cour supérieure; ça va tomber dans des frais d'administration de la Cour supérieure. Mais je ne pense pas qu'on puisse faire autrement. Si on veut être véridiques, on peut bien poursuivre des objectifs politiques, mais il me semble que ce n'est pas la place.

Le Président (M. Doyon): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): Je ne fais pas appel à des objectifs politiques; je fais appel à des principes juridiques: codifier de la jurisprudence. Trouvez-moi ça dans les traités politiques. Trouvez-moi ça dans un manifeste. C'est un principe de droit. On est en train de mettre au monde une loi, si on veut vulgariser un peu. On ne peut pas faire ça à la bonne franquette. Il y a des bons principes; il y a des principes de droit qui existent. Je pense que le ministre se doit de comprendre ça. Il me dit qu'il n'agirait pas comme ça s'il était un séparatiste. Mais le ministre conviendra avec moi que ça prend toute une gymnastique intellectuelle ou cérébrale pour l'imaginer comme séparatiste. Je ne sais pas comment il pourrait se comporter s'il était tel; je n'en ai aucune idée. Je n'ai pas cette faculté de pouvoir imaginer. Mais, M. le

Président, je ne peux pas... Parce qu'on n'est pas d'accord avec lui, automatiquement, ce sont pour des motifs politiques qu'on agit. Je pense que l'argument que j'ai avancé devant le ministre n'est pas du tout un argument politique, mais un argument juridique. Et je crois que, quand on est en train de travailler sur un projet de loi, on se doit d'avoir une certaine rigueur dans les principes juridiques.

M. Ryan: Je pense qu'il y a un principe de base. Moi, quand je prépare un projet de loi, une de mes premières obligations, c'est de m'assurer qu'il soit conforme à la Constitution du pays puis à la constitution du Québec, n'est-ce pas? Est-ce que vous admettez ça?

M. Bélanger (Anjou): Oui.

(12 h 20)

M. Ryan: Si vous n'admettez pas ça, je pense que vous ne serez pas bientôt.

M. Bélanger (Anjou): Bien d'accord avec vous.

M. Ryan: Ça, c'est un principe de base. Vous parlez de principes juridiques, en voici un. Deuxièmement, les tribunaux du pays, pas seulement la Cour suprême, la Cour supérieure, la Cour d'appel et la Cour suprême nous ont dit: Les articles qui composent le chapitre III ne sont pas conformes à la Constitution. Ils sont inconstitutionnels. Vous, vous me dites: II y a des juristes qui pensent le contraire. Dieu soit béni qu'il y en ait. Ça alimente le débat juridique et la recherche, mais ceux qui font les lois n'écrivent pas des articles pour la Revue Thémis. Ils font des lois pour être appliquées par les tribunaux, par les avocats, par les citoyens, par les entreprises et tout. Eux autres, il faut qu'ils fassent des lois en conformité avec la Constitution. Et, si vous avez une réponse à ce problème-là, j'aimerais ça la connaître, mais je ne l'ai pas trouvée dans vos propos, jusqu'à maintenant.

M. Bélanger (Anjou): Je vous en ferai part un peu plus tard.

M. Ryan: Très bien.

M. Bélanger (Anjou): Vous pouvez être certain. Vous pouvez être certain.

Le Président (M. Doyon): Bon. Si les membres de la commission sont d'accord, je proposerais que nous regardions et disposions de l'amendement à l'article 1. Oui, oui, M. le député. Regardez, pour plus de simplicité, nous allons donc procéder paragraphe par paragraphe, l'article 7 ayant un certain nombre de paragraphes, le premier est le suivant: «Lé français est la langue de la législation et de la justice au Québec sous réserve de ce qui suit.» Après ça, on a les autres paragraphes; j'en ai fait la lecture. Je demanderai l'adoption de l'article au complet, parce qu'on ne peut pas procéder partie par partie, mais est-ce qu'il y a des interventions sur cette première partie, le premier paragraphe?

M. Brassard: Le premier alinéa, c'est-à-dire «les projets de loi sont imprimés, publiés, adoptés et sanctionnés...»?

Le Président (M. Doyon): Non, en fait, je disais: Le premièrement, et je peux continuer avec «les projets de loi sont imprimés, publiés, adoptés, sanctionnés en français...»

M. Bélanger (Anjou): Est-ce qu'il y a...

Le Président (M. Doyon): C'est là que le mot «adoptés»...

M. Bélanger (Anjou): Oui, est amendé, là. Le Président (M. Doyon): ...est amendé... M. Bélanger (Anjou): II y a un amendement là.

Le Président (M. Doyon): ...pour être changé par «pris, adoptés et délivrés». Alors, là, je suis prêt à vous entendre, parce qu'on y est.

M. Bélanger (Anjou): Sur l'amendement?

Le Président (M. Doyon): Je suis prêt à vous entendre sur l'amendement.

Mme Blackburn: Le ministre pourrait peut-être nous expliquer son amendement.

Le Président (M. Doyon): M. le ministre. M. Ryan: Très bien. Là, c'est «adoptés».

Le Président (M. Doyon): «Adoptés», qui est changé par 3 mots.

(Consultation)

M. Ryan: Je vais vous dire une chose. Quand il va s'agir de questions un petit peu plus techniques comme celle-ci, si les membres n'ont pas d'objection, j'aimerais quasiment autant que l'explication soit fournie directement par notre conseiller. Ça va éviter tout danger de trahison dans la traduction.

Le Président (M. Doyon): Est-ce qu'il y a consentement? Oui? Oui...

Une voix: L'amendement n'est pas au premier paragraphe, il est au second.

Le Président (M. Doyon): C'est ce que je dis.

On est rendus au second parce que le premier ne semblait pas causer de problème. On est rendus au second.

M. Jolivet: M. le Président, vous aviez commencé en disant que le premier paragraphe, c'était: «Le français est la langue de la législation" et de la justice au Québec sous réserve de ce qui suit.» Vous avez demandé: Est-ce qu'il y a des interventions sur ce paragraphe-là?

Le Président (M. Doyon): II ne semblait pas y en avoir.

M. Jolivet: Bon. Là...

Le Président (M. Doyon): Bien, on ne procédera pas adoption par...

M. Jolivet: Mais c'est parce que, là... Non, non, je sais, je suis d'accord, mais l'amendement va dans le deuxième paragraphe.

Le Président (M. Doyon): C'est ce que j'ai dit.

M. Jolivet: Mais, là, on n'est pas rendus à ce deuxième paragraphe.

Le Président (M. Doyon): Oui, parce que M. le député de Lac-Saint-Jean a dit: Est-ce qu'on est rendus à premièrement «les projets de loi sont imprimés...»? J'ai dit oui, puisqu'il n'y a rien sur le premier paragraphe, on passe au deuxième et c'est là qu'est l'amendement.

M. Jolivet: Oui... Non. Bien, c'est ça que je veux savoir. Je veux bien comprendre. Je crois comprendre que ce n'est pas le «adoptés» du premier paragraphe qui est mis en cause. C'est le «adoptés» du deuxième paragraphe. Est-ce que c'est ça ou je comprends mal?

Le Président (M. Doyon): Non, non, non. L'«adoptés», c'est ce qu'on appelle... Ah! C'est du deuxième paragraphe. Il y a 2 fois «adoptés».

M. Jolivet: Bien, oui, c'est ça.

Le Président (M. Doyon): Alors, oui, oui, on va le retrouver plus loin.

M. Jolivet: C'est ça, mais je veux savoir. Si on fait «sont adoptés»... on prend «de 1867 sont adoptés», c'est lui qui va être modifié par l'amendement «pris, adoptés, délivrés».

Le Président (M. Doyon): C'est ça.

M. Jolivet: Je veux poser la question en revenant au premier paragraphe. Est-ce que l'«adoptés» du premier paragraphe demeure comme il est là, oui? Donc, ce dont on va discuter, c'est le premier paragraphe. Il n'y a pas d'amendement à ce moment-ci? O.K.

Le Président (M. Doyon): Vous avez raison.

M. Jolivet: O.K. Donc, ce dont on discute, c'est «les projets de loi sont imprimés, publiés, adoptés et sanctionnés en français et en anglais, et les lois sont imprimées et publiées dans ces deux langues.»

Le Président (M. Doyon): C'est ça.

M. Jolivet: Moi, j'aimerais, de ce paragraphe-là, que le ministre nous indique les changements majeurs par rapport à la loi, parce que, s'il le met dans le projet de loi 86, c'est que ça vient changer la Charte de la langue française.

M. Ryan: Volontiers, M. le Président. Je l'ai expliqué tantôt, mais je vais reprendre l'explication de manière peut-être un petit peu plus substantielle. Il faut se référer ici à l'article 8 de la Charte de la langue française où on lit que «les projets de loi sont rédigés dans la langue officielle. Ils sont également, en cette langue, déposés à l'Assemblée nationale, adoptés et sanctionnés.» Là, on remplace ça par ceci: «les projets de loi sont imprimés, publiés, adoptés et sanctionnés en français et en anglais, et les lois sont imprimées et publiées dans ces deux langues.» On n'enlève rien au français, encore une fois. Le français conserve toute sa place, mais on est obligé... On peut dire: c'est impliqué... L'autre n'était pas exclu, mais les tribunaux ont décidé, le juge Deschênes pour commencer, que c'était mieux que ce soit clair parce que ça prêtait à une interprétation pouvant conduire à la conclusion que l'autre langue officielle était mise dans une situation d'infériorité. On a demandé que les choses soient redressées de manière que le principe de l'égalité des 2 langues soit clairement préservé, comme il est établi dans l'article 133. Alors, c'est pour ça que nous avons la nouvelle rédaction, et ça porte... Une question que le juge s'est posée: Est-ce que ça doit embrasser seulement les lois? Je pense que dans l'article 133 — vous me corrigerez, M. le conseiller — on ne parle pas des projets de loi, mais les tribunaux ont interprété que ça embrassait également les projets de loi. Parce qu'il est évident que, si les lois doivent être dans les 2 langues, les projets doivent être accessibles dans les 2 langues, si on veut être conséquent.

Le Président (M. Doyon): Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: M. le Président, je pense qu'il faut dire, d'entrée de jeu — et nous l'avons déjà répété au moment de l'examen, des allocutions sur le projet de loi — que pour l'Opposition il est inacceptable que le gouvernement et l'Assemblée nationale du Québec acceptent de se soumettre à un jugement qui, faut-il le rappeler, a été fort contesté, et plusieurs juristes

estiment qu'il a été mal défendu, qu'il a été mal plaidé par le gouvernement du Québec, ce qui explique en grande partie ce qu'on appelle l'effet du jugement et des espèces d'erreurs d'interprétation. Et, dans ce sens-là, je pense qu'il faut le dire et le répéter.

Il y a aussi des petites choses là-dedans... Moi, je ne m'attarderai pas là-dessus, je ne m'attarderai pas là-dessus parce que, faut-il le rappeler, si on n'arrive pas à modifier correctement le projet de loi, d'évidence, un gouvernement du Parti québécois va abroger la loi. C'est peut-être pour ça que, finalement, si le gouvernement ne veut rien entendre, on va le laisser adopter son projet de loi. De toute façon, il a la majorité.

Mais, dites-moi, au premier paragraphe: «les projets de loi sont imprimés, publiés, adoptés et sanctionnés en français et en anglais». Évidemment, on se conforme au jugement. Voulez-vous me dire ce que «imprimés» fait là-dedans? Est-ce qu'ils peuvent être publiés sans être imprimés? Est-ce qu'ils peuvent être adoptés sans être publiés? Il y a là-dedans... Il y a un excès de zèle.

M. Ryan: ...nous avons toujours fait ça, ici. Il n'y a pas de problème. Il n'y a pas de problème fonctionnel.

Maintenant, je dois juste ajouter une petite précision pour l'information des membres de la commission. Ce jugement a été rendu par M. Deschênes en 1978, et M. Deschênes n'avait pas la réputation de traîner 1 an ou 2 avant de rendre ses jugements. Donc, il y a de très bonnes chances que cette cause-là ait été instruite pendant que le Parti québécois était au pouvoir et qu'il avait la responsabilité de défendre la position du Québec correctement, ce que je présume qu'il a dû faire. En Cour suprême, c'est arrivé en quelle année? En 1979. Encore là, tout ça a été défendu par des juristes qui agissaient sous l'autorité du Parti québécois formant le gouvernement.

Mme Blackburn: Alors, est-ce que je peux rappeler au ministre que le même juge Deschênes, en commission parlementaire — c'était la commission... je me demande... ce n'était pas Bélanger-Campeau, j'essaie de me rappeler — à une commission parlementaire où nous avions entendu le juge Deschênes qui disait aussi — et si vous voulez accepter la totalité de ses jugements et de ses avis — il disait aussi qu'on devrait avoir des commissions scolaires intégrées; que ça n'avait pas lieu d'exister, des commissions scolaires linguistiques, encore moins catholiques ou protestantes, sur le territoire du Québec.

M. Ryan: Justement, cette fois-là, le juge Deschênes s'était éloigné de l'objet de sa cause. Il a tiré ça en conclusion. Ça, c'était une pure opinion qui valait celle de n'importe quel autre citoyen.

Mme Blackburn: Parce que... (12 h 30)

M. Ryan: Je me souviens très bien de ce jugement-là.

Mme Blackburn: Est-ce que le ministre reconnaît...

M. Ryan: C'est l'affaire de Notre-Dame-des-Neiges.

Mme Blackburn: ...que l'avis du juge Deschênes, à ce moment-là, va dans le sens de l'avis des Nations unies qui dit que les anglophones, ça ne constitue pas une minorité? On ne peut pas prendre juste les parties qui font notre affaire et refuser les autres.

M. Ryan: Madame, cette partie-là du rapport des Nations unies ne m'a aucunement impressionné, même retenu, parce que c'est évident qu'ils ne sont pas au courant de tout le contexte québécois. Ce que j'ai retenu, moi, du rapport des Nations unies, c'est la phrase où ils nous disent qu'il y a un rapport incontestable entre le discours commercial et la liberté d'expression. Ça, ils ne sont pas obligés d'être au courant de toutes nos chicanes constitutionnelles pour affirmer ça. C'est une question de fond. C'est ça que nous avons. Tout le reste...

Mme Blackburn: C'est une question de fond, mais les questions de fond...

M. Ryan: C'est évident. Et là, quand vous avez 20 juristes de réputation internationale qui sont réunis ensemble et qui en arrivent à la même conclusion, sauf 1 ou 2, sur ce point-là qu'ils ont contesté, bien, il faut quand même apporter de l'attention.

Mme Blackburn: Le ministre reconnaîtra avec moi que les questions de fond ne peuvent pas être examinées à l'état pur sans tenir compte des contextes, et qu'il y a ce qu'on appelle les limites du raisonnable. Pour évaluer les limites du raisonnable, il aurait peut-être fallu mieux plaider et il aurait peut-être fallu encore que les membres de ce comité connaissent un peu mieux la situation du Québec, et le ministre le sait aussi. D'ailleurs, c'est indiqué dans l'avis du comité des Nations unies. Ils ont mal plaidé, ce qui aurait permis de justifier qu'en dépit du principe c'était légitime de maintenir l'unilinguisme français dans l'affichage.

Le Président (M. Doyon): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, toujours sur le premier paragraphe, qui est «Le français est la langue de la législation et de la justice au Québec sous réserve de ce qui suit», ce que je constate, c'est que...

Le Président (M. Doyon): Je vous signale, M. le député, je n'en ferai pas une histoire, que j'avais demandé si, sur cette partie-là, il y avait des interventions.

M. Bélanger (Anjou): Je m'en excuse, je n'avais pas entendu, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Alors, allez.

M. Bélanger (Anjou): Donc, M. le Président, sur le premier paragraphe «Le français est la langue de la législation et de la justice au Québec sous réserve de ce qui suit», auparavant, dans le projet de loi actuel, c'était un article en soi. C'était un principe qui était établi. Maintenant, dans le même article, on prévoit les exceptions. Je pense que c'est une façon en tout cas d'amoindrir un principe. Normalement, un principe, on l'établit d'une façon claire, et après ça, dans d'autres articles, on peut prévoir des cas qui, à ce moment-là, sont des cas d'espèce.

C'est pour ça que j'aurais un amendement à proposer au premier paragraphe, qui se lirait ainsi: L'article 7 tel qu'introduit par l'article 1 du projet de loi 86, Loi modifiant la Charte de la langue française, est modifié par le retranchement de tout ce qui suit les mots «justice au Québec» et par l'addition du signe «.» après le mot Québec. Alors, ça irait, je pense, dans ce sens de rétablir la façon de déclarer le principe qui doit être que le français est la langue de la législation et de la justice.

À ce moment-là, je pense que ça rendrait plus fort le principe établi que c'est la langue française qui est la langue officielle de ces institutions.

Le Président (M. LeSage): Alors, M. le député d'Anjou, je suis prêt à vous entendre sur la recevabilité de cette motion.

M. Jolivet: M. le Président, je vais la plaider, si vous me permettez.

Le Président (M. LeSage): M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Vu que la façon habituelle de présenter des motions a pour but de retrancher des mots, de modifier de façon à ne pas, en aucune façon, changer quoi que ce soit du projet de loi lui-même, la proposition telle que présentée est, à mon avis, acceptable puisque soit on additionne des mots, soit on retranche des mots. Vous avez le texte qui est «Le français est la langue de la législation et de la justice au Québec sous réserve de ce qui suit.» Mon collègue retranche les mots «justice au Québec», et par l'addition du signe «.» après le mot Québec, la phrase se lirait comme suit. «Le français est la langue de la législation au Québec.»

Le Président (M. LeSage): M. le ministre, la parole est à vous.

M. Ryan: Moi, je vais vous dire franchement, sur la recevabilité, je n'ai pas de grande considération à vous apporter. Il me semble assez évident que ça contre- dit le principe du projet de loi. Le principe du projet de loi, en matière de législation et de justice, c'est d'affirmer que le français est la langue de la législation et de la justice. Si ça n'avait été que de ça, il n'y en aurait pas de projet de loi. Mais, sous réserve des obligations qui découlent pour le Québec de l'article 133 que nous résumons par la suite, et des choses qui peuvent être l'objet de l'attention linguistique du gouvernement, sans égard à 133, si on enlève ceci, on attaque le principe même, on revient à la formule qui a été condamnée par les tribunaux. Même l'article 7 a été jugé inconstitutionnel par les tribunaux dans l'affaire Blaikie. On a estimé que cet article, dans la teneur où il se trouve actuellement, est indissociable des articles 8 et 13 de la Charte puisqu'il en résume le principe général suivant lequel... Pardon?

Mme Blackburn: On est sur la recevabilité, pas sur le fond.

M. Ryan: Alors, je vous dis que c'est contraire au principe du projet de loi. Il me semble qu'un amendement doit respecter le principe du projet de loi.

M. Maltais: Sur la recevabilité...

Le Président (M. LeSage): Oui, M. le député de Saguenay.

M. Maltais: M. le Président, je pense que c'est bien clair, et je n'argumenterai pas longtemps, là, c'est qu'à partir du moment où on enlève «sous réserve de ce qui suit», effectivement, on change complètement le sens de l'article. Et puis je vais vous référer à 2 décisions prises, une le 14 avril 1987, CET 3001 et 3007, par votre prédécesseur, Lawrence Cannon: En vertu de 244, les amendements doivent porter dans tous les cas et se rapporter à l'objet du projet de loi et non pas en déformer le sens. Et une autre décision, le 13 mai 1986, à la CE, 272, 276, 281, 282, par votre prédécesseur Marcel Parent: Les amendements à un projet de loi doivent se rapporter à son objet. Alors, je pense qu'à mes yeux c'est très clair là-dessus, là, l'amendement est irrecevable, M. le Président.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, sur la recevabilité.

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, ça ne contrevient en rien au principe. On peut, dans un premier article, donner un principe. Il faut bien comprendre que, quand on dit que le français est la langue de la législation et de la justice au Québec, on ne dit pas exclusivement, on dit tout simplement: le principe, c'est le français. Rien ne prévoit, dans d'autres articles, de prévoir que néanmoins la langue anglaise sera utilisée

pour les fins ci-après mentionnées. Ce n'est pas une exclusivité qu'on dit, c'est un principe général. Il peut toujours y avoir, dans d'autres articles de loi, des exceptions. Et je pense que ça ne contrevient en rien aux autres dispositions que veut introduire le ministre dans son projet de loi. C'est un principe général, et un principe général, pour vraiment conserver toute sa force, M. le Président, on ne doit pas, d'après moi, tout de suite prévoir les exceptions immédiatement dans des alinéas qui le suivent.

M. Jolivet: Sur la recevabilité, M. le Président.

Le Président (M. LeSage): M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: M. le Président, un amendement a un but précis, c'est de retrancher ou d'ajouter. Donc, mon collègue dit: II y a une proposition qui est faite par le ministre, nous allons retrancher des choses dans le texte... qui a pour but tout simplement, dans la façon large que vous avez comme président de permettre le débat, de voir 2 tendances, c'est évident, entre la partie ministérielle et le parti de l'Opposition. Nous croyons donc, par la proposition que nous faisons, que nous retranchons des mots qui ont pour but de bien définir l'objectif que nous poursuivons, qui est l'objectif logique, normal, quant à nous. Alors, dans ce contexte-là, M. le Président, vous avez à interpréter largement le moyen que nous avons de faire valoir des points de vue, d'autant plus que si on se référait à un amendement proposé par le ministre à l'article 60.1 — on y reviendra plus tard — on voit qu'il insère après l'article 60 un article complet, 60.1, et, à ce moment-là, c'est des choses dont on n'a pas discuté au niveau du principe, mais nous croyons que le débat doit se faire. Alors, c'est dans ce sens-là, M. le Président, que nous vous demandons de respecter ce qu'on appelle toujours l'économie du règlement, c'est-à-dire de permettre le débat, un débat large et ouvert, et, en conséquence, la proposition faite par mon collègue devrait être jugée rece-vable.

Le Président (M. LeSage): Est-ce qu'il y a d'autres membres de la commission qui veulent s'exprimer sur la recevabilité? Alors, je suspens les travaux pour quelques instants, pour prendre en délibéré cette motion.

(Suspension de la séance à 12 h 40)

(Reprise à 12 h 41)

Le Président (M. LeSage): Je reprends nos travaux pour suspendre ces derniers jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 41)

(Reprise à 15 h 16)

Le Président (M. LeSage): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Avant la suspension de ce midi, le député d'Anjou a proposé un amendement à l'article 7 du projet de loi, qui modifie l'article 7 de la Charte de la langue française. Cet amendement se lit comme suit: L'article 7 tel qu'introduit par l'article 1 du projet de loi 86, Loi modifiant la Charte de la langue française, est modifié par le retranchement de tout ce qui suit les mots «justice au Québec» et par l'addition du signe «.» après le mot «Québec». De part et d'autre, à l'appui ou à rencontre de la recevabilité, on a invoqué principalement les articles 244 et 197 du règlement et la jurisprudence qui les entoure. On m'a aussi souligné que le principe contenu dans l'article 7 de la Charte n'était pas contredit pas l'amendement. Alors, permettez-moi de vous rappeler brièvement le premier alinéa de l'article 244, qui se lit comme suit: «244. La commission saisie étudie chaque article du projet de loi et les débats portent sur les détails du projet. Les amendements doivent se rapporter à son objet et être conformes à son esprit et à la fin qu'il vise.»

Et l'article 197 se lit comme suit: «197. Les amendements doivent concerner le même sujet que la motion et ne peuvent aller à rencontre de son principe. Ils ne visent qu'à retrancher, à ajouter ou à remplacer des mots.»

La question qui se pose est la suivante: Est-ce que l'amendement proposé est conforme au principe du projet de loi? La lecture du nouvel article 7 introduit par le projet de loi fait clairement ressortir que l'objet et la finalité de la proposition contenue dans le projet de loi est de limiter la portée du français à titre de langue de la législation et des tribunaux. En effet, l'expression «sous réserve de» et les paragraphes 1° à 4° énoncent des limitations au principe général qui est énoncé dans l'actuelle Charte. Ces limitations constituent un des éléments essentiels du projet de loi et contribuent à son objet et à sa finalité.

Or, l'amendement proposé aurait pour effet d'annuler ces limitations à la portée du français comme langue de la législation et des tribunaux. De plus, l'effet de l'amendement, s'il était adopté, serait de laisser inchangé l'actuel article 7 de la Charte, ce qui rend tout à fait inutile d'apporter une modification à cet article de la Charte. En somme, l'amendement proposé constitue une négation pure et simple de la proposition contenue dans l'article 7 modifié par l'article 1. En conséquence, je considère que l'amendement du député d'Anjou va à rencontre de l'article 244 et il est donc irrecevable.

M. Brassard: M. le Président.

Le Président (M. LeSage): M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Je ne veux pas remettre en question votre décision, mais je veux bien m'assurer... J'ai bien

compris que ça va à rencontre du principe, c'est pour ça que vous la jugez irrecevable et que le principe du projet de loi consiste à limiter l'utilisation du français. C'est ça, le principe du projet de loi, c'est ce que vous avez dit.

Le Président (M. LeSage): C'est la portée, M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Très bien, c'est ce que j'ai bien compris.

Le Président (M. LeSage): Alors, nous en sommes toujours à l'étude...

M. Ryan: Pourriez-vous répéter ce passage-là, parce que je ne l'ai pas compris?

Une voix: ...

M. Ryan: On va voir, je veux avoir des explications, justement.

M. Brassard: Comme sa décision était écrite, on pourrait peut-être en avoir une copie.

Le Président (M. LeSage): Ah, certainement! (15 h 20)

M. Ryan: Mais on peut lui demander de relire cette partie-là.

Le Président (M. LeSage): Or, l'amendement proposé aurait pour effet d'annuler ces limitations à la portée du français comme langue de la législation et des tribunaux.

M. Ryan: Une limitation de l'article 133. C'est ça, correct.

Le Président (M. LeSage): Alors, nous en sommes toujours à l'étude de l'article 1. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Est-ce que le ministre reconnaît ou est-ce qu'on doit comprendre que l'article 1, finalement, en intégrant le jugement, vient donner au Québec, en cette matière, le même statut que le Nouveau-Brunswick? Et combien d'autres provinces doivent avoir un tel article pour régir la langue des tribunaux et de la législation?

Le Président (M. Doyon): M. le ministre.

M. Ryan: À ma connaissance, l'article 133 s'applique à la province de Québec. On va vérifier, je veux être bien sûr de ce que nous allons dire. Il s'applique aussi, tous autres facteurs étant considérés, au Manitoba, en vertu de la Loi constitutive du Manitoba.

(Consultation)

M. Ryan: Regardez, en vertu de la Loi constitutive du Manitoba, adoptée en 1871, je crois, là, on a l'équivalent de l'article 133 pour le Manitoba. Et, dans le cas du Nouveau-Brunswick, à toutes fins utiles, les mêmes dispositions s'appliquent depuis la Charte constitutionnelle de 1982.

Mme Blackburn: Alors, il est complètement faux de dire, comme le faisaient certains organismes, qu'on est en train de faire avec le Québec, avec cette disposition-là, un gros Nouveau-Brunswick bilingue.

M. Ryan: Non, au contraire, on rapproche le Nouveau-Brunswick du Québec et on veut que le Manitoba respecte ses obligations également. Le Québec a toujours demandé, et je pense que c'est encore notre position, que l'Ontario soit éventuellement astreinte aux dispositions de l'article 133 également parce que c'est un article qui est fondé sur des principes de justice naturelle.

Mme Blackburn: Est-ce qu'il n'y a pas une justice naturelle qui vaudrait aussi pour les autres provinces canadiennes? Je pense en particulier au Manitoba où, juste pour la gestion des écoles françaises...

M. Ryan: Regardez, tout dépend...

Mme Blackburn: Est-ce qu'on reconnaît, finalement, qu'il y 2 provinces bilingues et qu'il y a 8 provinces anglaises? C'est à peu près l'équivalent. Et le Québec accepte, reconnaît que sa langue, le français, n'est plus la langue officielle...

M. Ryan: N'oubliez pas que l'article 133...

Mme Blackburn: ...elle devient bilingue. Je pense que le ministre, hier — je voudrais juste le lui rappeler, on pourrait peut-être faire relever les ga-lées — a admis que, effectivement, on est en train de faire du Québec une province... institutionnaliser le bilinguisme au Québec.

M. Ryan: C'est faux, je n'ai jamais dit ça.

Mme Blackburn: Alors, il faudrait ressortir les galées d'hier.

M. Ryan: Je n'ai jamais dit ça. Madame le répète, M. le Président, sur tous les toits, à tous les vents, depuis déjà quelques semaines. C'est faux, je n'ai jamais dit ça, je n'ai jamais dit ça.

Mme Blackburn: Alors, on va faire ressortir les galées.

M. Ryan: Si vous trouvez les galées, vous les trouverez et on verra. Mais, franchement, je ne me souviens pas d'avoir dit ça. Cependant, l'article 133 est

aussi le fondement du respect de la langue française au Parlement fédéral, dans les tribunaux fédéraux. Ça a été le facteur séminal également pour le développement d'une loi qui établit l'égalité officielle des 2 langues dans toutes les institutions du gouvernement fédéral. Alors, c'est un article qui a une très grande portée, qui est là pour le Québec depuis 1867, encore une fois, qui est maintenant là pour le Nouveau-Brunswick, qui est là pour le Manitoba depuis 1871, et renforcé par les interprétations qu'ont données les tribunaux au cours des dernières années. Alors, c'est ça qui est la situation.

Maintenant, encore une fois, nous ne faisons pas du droit nouveau, ici. Nous reconnaissons les obligations que nous donne une Constitution établie et nous harmonisons notre législation avec l'ordre constitutionnel existant. Pas d'autre chose.

Les lois sont faites pour des citoyens au bout de la ligne et je pense que les citoyens ont le droit de connaître ce qu'est la loi dans toute son exactitude et dans toute sa vérité. On n'a pas le droit de présenter aux citoyens une image déformée de la loi seulement parce qu'elle ne répondra pas à nos opinions politiques, la Loi constitutionnelle. Et, comme je l'ai dit au député d'Anjou ce matin — et j'attends la réponse qu'il devait m'apporter — si on est législateur et qu'on soit résolu à légiférer d'une manière qui ne soit pas constitutionnelle, c'est très dangereux. C'est très dangereux, je pense que c'est un principe faux.

Mme Blackburn: Est-ce que le ministre...

M. Ryan: On peut militer pour la modification de la Constitution. Je pense que nous sommes tous d'accord là-dessus. Et, grâce au système démocratique que nous avons au Canada, on peut militer pour une modification de la Constitution qui aille jusqu'à la séparation politique. On peut le faire, on a déjà tenu un référendum sur la souveraineté, d'une manière parfaitement légale, qui a été reconnu même par le gouvernement fédéral. Alors ça, c'est assez formidable, mais l'obligation qui découle de cette liberté que nous avons, c'est celle de respecter la Constitution, tant qu'elle n'a pas été modifiée par les voies régulières.

Mme Blackburn: Certains intervenants ont fait valoir que le gouvernement, par cet article, en donnait plus que la reine n'en demandait; est-ce que ce n'est pas juste? Et, la deuxième chose, en admettant, comme certains juristes l'estiment, que le jugement est allé trop loin et qu'il était contestable, est-ce à dire qu'il faudra à nouveau, si c'est contesté, revenir modifier la Charte parce qu'un autre jugement viendrait invalider celui de Blaikie?

M. Ryan: Le jugement serait contestable devant qui?

Mme Blackburn: C'est-à-dire, il faudrait voir, là, si ça a été mal plaidé, éventuellement.

M; Ryan: Voyons donc! La Cour suprême s'est prononcée clairement. Elle a produit des arrêts très élaborés sur la portée de 133. On peut bien, comme je l'ai dit à maintes reprises depuis le début de nos travaux, ne pas être d'accord intellectuellement, mais ces jugements établissent la loi du pays d'une manière stable et quasi définitive, dans bien des cas. Il ne faut pas oublier, comme on me le signale, que le premier jugement, dans l'affaire Blaikie, remonte à 15 ans maintenant. Le jugement du juge Deschênes en 1978, puis les interprétations données dans ce jugement, confirmées par les tribunaux supérieurs, ont été sans cesse reprises par les jugements qui ont suivi.

Mme Blackburn: En admettant qu'une autre cause viendrait modifier la portée de ce jugement-là, parce que c'est toujours possible avec d'autres pièces législatives... Mais l'autre question: pourquoi cette espèce d'attitude un peu servile, malgré qu'on n'ait gagné ni Meech, même pas Meech, vous savez, qui était le minimum des minimums — ce que nous avait dit le premier ministre. On n'avait jamais demandé si peu; ils ne nous l'ont pas donné. Vous avez perdu Meech, vous avec perdu Charlottetown et puis, là, vous vous êtes dit: On est servile, on est obéissant, on rentre dans le rang et on cale. Pourquoi ça? Pourquoi cette espèce d'attitude d'à-plat-ventrisme devant ce genre de situation?

Une voix: Franchement!

M. Ryan: La question qui se pose, c'est la question contraire. Pourquoi essayer de faire ... aux gens qu'on a le pouvoir même de violer la Constitution dans nos lois? Pourquoi essayer de répandre cette fausse impression?

Mme Blackburn: Pas vrai, M. le Président.

M. Ryan: C'est exactement cette impression-là que répand le texte actuel de la loi; c'est un texte qui est faux. Il est inconstitutionnel, ça a été déclaré en toutes lettres par les tribunaux. Il y a déjà, là, au moins... Le jugement de la Cour suprême, dans Blaikie, c'est 1979? Ça fait 14 ans, ça.

Le Président (M. Doyon): M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Ryan: Franchement...

M. Libman: M. le Président, l'article 133 est un des fondements de la Constitution canadienne depuis 1867, un des compromis fondamentaux de la Confédération. Moi, je veux juste intervenir pour que la députée de Chicoutimi ne laisse pas la confusion sur l'état du bilinguisme du Nouveau-Brunswick avoir un impact sur cette discussion. Il faut réaliser que le Nouveau-Brunswick a un bilinguisme officiel qui va beaucoup plus loin que ce qu'on discute aujourd'hui. Tous les services

gouvernementaux, au Nouveau-Brùnswick, sont disponibles dans les 2 langues; c'est une province officiellement bilingue, qui est très différente de ce qu'on discute en ce qui concerne l'article 133. Alors, il ne faut pas confondre ou comparer la situation du Québec avec celle du Nou-veau-Brunswick.

Mme Blackburn: Si le député de D'Arcy-McGee ne veut pas confondre la situation du Québec avec le Nouveau-Brunswick, est-ce qu'on peut ramener les institutions anglo-québécoises au statut de celles du Nouveau-Brunswick pour les francophones?

M. Libman: m. le président, j'aimerais adresser toute cette question que l'opposition officielle essaie toujours d'utiliser: ii ne faut pas négliger le fait qu'au québec il y a 1 200 000 non-francophones; 75 % de cet ensemble habite dans un rayon de 25 km du centre-ville de montréal. ça crée une concentration qui crée le besoin, pour certaines institutions, qui sont créées et bâties par les communautés minoritaires, par rapport à certaines autres minorités, dans les autres provinces, qui sont dispersées beaucoup plus largement que la minorité qui existe au québec. on ne peut pas comparer des pommes et des oranges, toujours, m. le président. (15 h 30)

Mme Blackburn: Dans le paragraphe 2°, M. le Président, comment le gouvernement va-t-il interpréter «les règlements et les actes de nature similaire», pour fins de question de débat général, là?

M. Ryan: Oui. M. le Président, auriez-vous objection à ce que Me Gosselin fournisse une réponse à cette question?

Le Président (M. Doyon): Me Gosselin.

M. Gosselin (Jacques): Les actes de nature similaire, ça fait suite au jugement de la Cour suprême dans le renvoi manitobain no 2, le jugement de 1992, qui fait en sorte que le bilinguisme de l'article 133 vise non seulement des actes réglementaires eux-mêmes, mais aussi certains actes, par exemple, certains décrets qui possèdent les caractéristiques d'un acte réglementaire, à savoir qu'ils doivent être adoptés en vertu d'une loi, qu'ils doivent être adoptés par le gouvernement ou soumis à son approbation, qui édictent une norme de conduite, qui ont force de loi et qui s'appliquent à un nombre indéterminé de personnes.

Mais, outre ces critères, il y a des actes qui ne sont pas, à proprement parler, de nature réglementaire, mais qui pourront quand même être soumis à l'obligation de bilinguisme, parce qu'ils s'inscrivent dans une série d'actes qui, eux-mêmes, ont un effet net de nature législative. Ça, c'est illustré par la cause, si vous voulez, de la fusion de Rouyn-Norandâ, l'arrêt Sinclair, où on vise finalement des... on peut viser par l'obligation de bilinguisme, des décrets, des lettres patentes, des avis, des résolutions, parce que tout ça, le contenu même de ces documents-là a un effet réglementaire. Donc, c'est ça qui est visé par ça.

Et la modification — je vais le dire tout de suite — quand on dit «pris, adoptés ou délivrés», c'est une modification de syntaxe qui nous a été demandée par les jurilinguistes, parce que, justement, comme on vise des avis, on peut viser des avis, des lettres patentes, des décrets, des règlements, des résolutions. On délivre un avis, on délivre une lettre patente, on prend un décret, on prend un règlement et on adopte une résolution. Donc, au niveau de la syntaxe, le terme «adoptés» n'est pas suffisant pour correspondre à la réalité des actes qui peuvent être visés, parce que c'est des lettres patentes et différents types de...

Le Président (M. Doyon): Merci, Me Gosselin. M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Je trouve que... Je ne sais pas. Écoutez, je ne suis pas un eminent juriste, mais il me semble que c'est un peu imprudent, comme disait mon collègue d'Anjou, ce matin, de codifier la jurisprudence de cette façon et de l'inclure intégralement dans la loi et dans la Charte de la langue française en plus.

Moi, j'ai sous les yeux l'article 133. L'article 133, de 1867, il pourrait s'interpréter de plusieurs façons. Je sais bien que, dans le jugement Blaikie, il s'est interprété de façon très large et très généreuse. Je lis l'article 133, parce que je pense que ça vaut la peine de le lire: Dans les Chambres du Parlement du Canada et les Chambres de la Législature de Québec, l'usage de la langue française ou de la langue anglaise dans les débats sera facultatif. Mais, dans la rédaction des registres, procès-verbaux et journaux respectifs de ces Chambres, l'usage de ces 2 langues sera obligatoire.

En outre, dans toute plaidoirie ou pièce de procédure devant les tribunaux du Canada établis sous l'autorité du présent Acte ou émanant de ces tribunaux et devant les tribunaux de Québec ou émanant de ces derniers, pourra — pourra — être fait usage de l'une ou l'autre de ces langues.

Et, le dernier paragraphe de 33: Les lois du Parlement du Canada et de la Législature de Québec devront être imprimées et publiées dans ces 2 langues. Imprimées et publiées dans ces 2 langues, pas les projets de loi, les lois, une fois qu'elles sont adoptées. Ça, je le comprends, une fois qu'elles sont sanctionnées. Ça, c'est l'article 133. Je veux bien que, par la suite, la Cour suprême et les tribunaux inférieurs, avant, aient décidé, dans des causes précises, de donner une interprétation large de ça, mais il reste qu'on peut fort bien penser que des tribunaux auraient pu, aussi, et pourraient, peut-être, restreindre la portée et la signification de la disposition de 133, telle que je viens de la lire, à sa face même. Il n'est même pas question d'adopter, et il n'est même pas question de projets de loi dans 133, on parle des lois.

Et là on arrive avec un article qui parle des projets de loi, dans 1. Et je vous signale que, dans le cas

de Blaikie, il y a eu 2 Blaikie. Et, dans Blaikie II, la Cour suprême a décidé de limiter l'étendue du bilinguisme obligatoire de la législation déléguée en venant préciser que l'article 133 ne s'applique pas aux règlements municipaux ni à ceux des organismes scolaires, pourtant réputés créatures de l'État, pas plus qu'aux simples règles ou directives de régie interne. Quant aux tribunaux administratifs, sont visés par l'article 133 ceux qui ont le pouvoir de rendre justice seulement. Alors, donc, il y a 2 jugements Blaikie: Blaikie I, Blaikie II. Et, dans Blaikie II, la Cour suprême elle-même a décidé de limiter la portée de 133. Bon, j'imagine qu'on peut fort bien concevoir — ce n'est pas interdit de le penser — que, par la suite, d'autres juges, placés devant d'autres causes, d'autres situations, pourraient peut-être aussi décider d'apporter d'autres limitations, donc, d'apporter une autre interprétation. De sorte que, moi, ma question que je pose, c'est: pourquoi, dans ce cas précis de 133... J'admets qu'on est soumis à 133, c'est l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, c'est la loi fondamentale, bon, puis, tant et aussi longtemps qu'on est une province, on est soumis à 133, j'en conviens de ça. Mais, quand je lis 133, je peux imaginer toutes sortes d'interprétations, des interprétations plus restrictives de sa portée, comme des interprétations plus généreuses. Pour le moment, on vit une période où les interprétations sont généreuses, et où on a en face de nous une jurisprudence large et généreuse, mais on peut concevoir, ce n'est pas interdit de concevoir une interprétation plus restrictive et moins généreuse. De sorte que, ma question, c'est: Pourquoi a-t-on décidé — je reprends l'expression qui m'apparaît juste — de codifier la jurisprudence dans la loi? Et pourquoi on ne s'est pas contenté, plutôt, de reprendre 133, tout simplement, et de dire: Bien, voici, oui, 133, on y est soumis, on doit s'y soumettre; 133 nous régit et on ne peut pas adopter des lois qui vont manifestement à rencontre de 133...

Une voix: Voilà!

M. Brassard: ...mais bornons-nous à 133? Pourquoi ne se bornerait-on pas à écrire: Les lois de la Législature de Québec devront être imprimées, publiées dans les 2 langues? Point. Et pourquoi ne se limiterait-on pas à dire: Devant les tribunaux du Québec ou émanant de ces derniers, il pourrait être fait usage de l'une ou l'autre de ces langues? Point. Pourquoi est-ce qu'on ne s'est pas contenté de 133, sachant qu'il y a une jurisprudence là, qu'il y a des interprétations à la suite de causes, de plaintes et des jugements qui ont été prononcés et qu'en pratique on s'y soumet? Mais pourquoi les introduire dans la loi? Pourquoi ne pas avoir simplement... En d'autres termes, pourquoi l'acte de soumission à 133 ne s'est pas limité à reproduire, à toutes fins pratiques, 133, dans la Charte?

Le Président (M. Doyon): M. le ministre.

M. Ryan: J'ai écouté avec intérêt le député de

Lac-Saint-Jean, M. le Président, mais j'ai entendu des choses, là, pour la première fois. Il a dit qu'il accepte l'article 133.

M. Brassard: Ah! bien... Une voix: C'est bon!

M. Ryan: Deuxièmement... Non, il a dit ça. C'est écrit, je pense, maintenant. Ça fait partie de vos écrits.

M. Brassard: Je vous dis: II faut s'y soumettre, à 133, parce que, 133, c'est...

M. Ryan: Très bien. Jusqu'à ce que l'ordre constitutionnel soit changé, si j'ai bien compris.

M. Jolivet: Accepter et s'y soumettre, c'est 2 choses.

M. Ryan: Pardon?

M. Jolivet: Accepter et se soumettre, c'est 2 choses.

M. Ryan: Oui, on exige...

M. Brassard: J'aimerais que ce soit autrement, mais...

M. Ryan: Aucun gouvernement n'a le droit d'exiger l'adhésion d'un esprit. Ça, c'est...

M. Jolivet: Pardon?

M. Ryan: Aucun gouvernement n'a le droit d'exiger l'adhésion d'un esprit. C'est libre, ça. On peut se soumettre, comme vous dites, on peut obéir à une loi, on n'est pas obligé de l'accepter.

M. Brassard: Mais sans enthousiasme.

M. Ryan: Ah oui! c'est entendu. Mais, déjà, c'est beaucoup quand même que... C'est beaucoup quand même.

M. Brassard: Vous trouvez?

M. Ryan: Moi, il y a beaucoup de lois auxquelles je n'adhère pas intellectuellement et auxquelles j'obéis. La vie est faite comme ça.

M. Brassard: C'est mon cas avec 133. M. Ryan: Deuxièmement...

Des voix: Ha, ha, ha!

(15 h 40)

M. Ryan: ...le député a semblé dire, M. le Président, et je ne voudrais pas l'interpréter erronnément, que, lui, il serait prêt à envisager une formulation où il serait dit: Le français est la langue de la législation et de la justice au Québec, sous réserve des obligations, par exemple, qui découlent de l'article 133. Il a dit ça aussi.

M. Brassard: J'ai posé une question, M. le Président. Je pose la question. Je dis: Pourquoi vous avez décidé, comme gouvernement...

M. Ryan: Je vais vous le dire.

M. Brassard: ...d'introduire dans la Charte de la langue française... Dans le but de vous soumettre à 133, pourquoi vous avez décidé de codifier de la jurisprudence plutôt que de vous soumettre purement et simplement, sans plus, à 133? C'est une question que je pose.

M. Ryan: Très bien. Non, je vais vous le dire. Je vais vous dire bien simplement qu'on a envisagé l'autre voie. Ce n'est pas une voie qui serait hérétique, de notre point de vue. Mais c'est parce qu'avec les modifications que nous apportons ici nous mettons plus que ce que permettrait une formulation purement générale. Nous inscrivons, comme je l'ai dit tantôt... Les autres actes, les autres règlements auxquels ne s'applique pas l'article 133, ceux-là, nous disons clairement que le français va prévaloir dans ces cas-là. C'est dit clairement. Puis c'est ça qui est l'objet de la loi.

Deuxièmement, s'il existe une version anglaise d'un règlement ou un autre acte de nature similaire à 8 et auquel ne s'applique pas 133, le texte français, en cas de divergence, prévaut. Nous ajoutons une chose. Tout jugement rendu par un tribunal judiciaire et toute décision rendue par un organisme exerçant des fonctions quasi judiciaires sont traduits en français ou en anglais, selon le cas, à la demande d'une partie, par l'administration tenue d'assumer les coûts nécessaires au fonctionnement de ce tribunal ou de cet organisme.

Là, on augmente les garanties d'accès à un jugement dans sa langue qui sont fournies à un citoyen.

M. Brassard: C'est moins fort que la loi 22, ça.

M. Ryan: Pardon?

M. Brassard: C'est moins fort que la loi 22.

M. Ryan: Mais il y a eu des développements. La loi 22 remonte, si mes souvenirs sont bons, à 1972.

M. Brassard: 1974.

M. Ryan: À 1974? Ça fait 20 ans déjà. Que les esprits aient évolué depuis 20 ans, ce n'est pas mauvais. Alors, c'est ça qu'est la portée du texte. Je pense qu'on clarifie toute chose. Il y a un but de la loi qu'on ne doit pas négliger non plus, c'est l'information des citoyens.

Avec un texte comme celui-ci, l'information est plus complète que si on a un texte sibyllin. Mais je suis prêt à faire une chose.

M. Brassard: Est-ce que vous voulez dire que le texte de l'article 133 est sibyllin?

M. Ryan: Non, mais, quand on n'y fait rien qu'une référence dans un texte qui en traite indirectement, ça devient sibyllin. Ce n'est pas tout le monde qui peut partir de notre Charte puis dire: Là, maintenant, je vais courir à la Charte canadienne ou à la Constitution de 1867. Si le député de Lac-Saint-Jean me disait: Moi, je serais prêt à voter en faveur d'une formulation qui restreindrait ça à: le français est la langue de la législation et de la justice au Québec sous réserve de l'article 133 de la loi constitutionnelle de 1867. S'il me disait: Je suis prêt à voter ça, je demanderais d'y réfléchir. J'attends!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ryan: Parce que ce n'est pas du tout impertinent.

Mme Blackburn: L'objectif de l'exercice, c'est d'essayer de limiter les dégâts.

M. Brassard: J'attends aussi quant à notre premier amendement qui est suspendu.

M. Ryan: Pardon?

M. Brassard: J'attends aussi, moi, quant à notre premier amendement qui a été suspendu. J'attends aussi. Si vous attendez aussi...

M. Ryan: Le premier amendement, il a été jugé irrecevable, je crois?

M. Brassard: Non, non, je parle du premier sur les immigrants puis les réfugiés.

Une voix: II est suspendu.

Mine Blackburn: Les réfugiés et les immigrants.

M. Ryan: Oui, mais ça, c'est une autre chose.

M. Brassard: Oui, oui, c'est une autre chose, mais j'attends!

M. Ryan: Alors, ici, comme on n'est pas prêt à donner l'adhésion que nous souhaitions vivement, nous sommes obligés de maintenir le texte dans sa teneur actuelle.

M. Brassard: Faites un amendement et on va en discuter.

M. Ryan: Non, non, mais je ne veux pas faire des amendements juste pour m'amuser, là.

Des voix: Ah!

M. Ryan: Non, non, non, non! On n'a pas rien que ça à faire. On l'a travaillé, ce texte-là, pendant 8 mois. On est parti de loin. On a vu toutes les hypothèses, y compris celle qui vient d'être émise. C'est pour ça que je peux vous en parler en toute liberté. Et je vous fais une suggestion, et on peut y penser, M. le Président. Je vais vous dire une chose, M. le Président, j'ai une façon de procéder, moi, en législation, qui est un petit peu particulière et dont vous avez entendu parler sûrement. Quand les esprits ne sont pas mûrs pour l'article 1, je n'ai pas d'objection à passer à l'article 2.

Le Président (M. Doyon): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): Merci, M. le Président. Écoutez, c'est assez évident qu'on n'est pas pour accepter la proposition qu'a faite le ministre. Ce n'est pas une façon de légiférer, ça. On ne peut pas marquer dans un article de loi: sous réserve de l'article untel de la Constitution, puisque toutes les lois sont soumises à la Constitution. Alors, ce n'est pas une façon de légiférer de prendre un article puis de dire: soumis à l'article untel de la Constitution. Tous les articles de la Constitution s'appliquent à toute loi. Donc, c'est évident qu'on ne va pas accepter cette façon-là. Ce n'est pas une façon de légiférer.

Ce qu'on est en train de dire, tout simplement, ce qu'on essaie de faire comprendre au ministre, c'est que toute chose évolue, à quelques exceptions près. Mais...

M. Jolivet: Incluant le ministre. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bélanger (Anjou): À quelques exceptions près, je ne nomme pas ces exceptions. Mais la jurisprudence de la Cour suprême... J'invite le ministre, je sais qu'il est avide de lecture, il adore lire, il devrait lire des arrêts de la Cour suprême de 1930, de 1940. Je les ai lus, pas par plaisir, parce que j'étais obligé de les lire pour passer mon Barreau. Je peux vous dire qu'il y a des notions de droit civil, des notions de «common law» qui ont évolué énormément en 30 ans, en 20 ans, en 40 ans. Les juges changent, à la Cour suprême. Les opinions changent. C'est évident que la Cour suprême n'ira pas renverser d'une façon systématique un de ses jugements, mais elle peut en modifier la portée, elle peut restreindre la portée de son jugement. C'est pour ça que c'est dangereux de codifier une interprétation telle quelle puis de la mettre dans un article de loi.

Je prends un exemple, M. le Président. J'ai participé à la dernière phase de la réforme du Code civil. On a, à ce moment-là, codifié des nouvelles notions de responsabilité civile. On n'a pas pris toute la jurisprudence qu'il y avait eu sur l'article 1053 pour faire le nouvel article. On a fait ce qu'on voulait faire, finalement, de notre responsabilité civile au Québec. C'est ça, la façon de légiférer.

Alors, moi, ce que je ne comprends pas, c'est que, systématiquement, quand on fait une interprétation différente de la Constitution, on nous dit que c'est parce qu'on est des souverainistes puis des séparatistes. Moi, je pourrais nommer plusieurs constitutionnalistes célèbres qui ont des opinions divergentes sur l'interprétation qu'on devrait donner à la Constitution, qui ne sont pas d'accord du tout sur l'interprétation qu'on donne de certains articles, qui sont des fédéralistes convaincus, mais ça ne les empêche pas de donner des interprétations différentes à la Constitution qui a été faite. Alors, c'est pour ça que, des fois, j'ai de la difficulté un petit peu à suivre le raisonnement du ministre.

Ce que, d'après moi, le ministre pourrait faire, c'est tout simplement reprendre la disposition de l'article 133 de la Constitution, en faire un reflet tel qu'il est dans la Constitution, le mettre dans l'article de loi... Écoutez, ça ne constitue pas, à ce moment-là, une acceptation... C'est inacceptable d'accepter l'interprétation qui en a été faite, qui va encore évoluer parce qu'en prenant une acceptation libérale, très libérale, très large qui en a été faite, puis en la codifiant, la prochaine interprétation ne pourra faire autrement que d'être encore plus large. C'est ça! C'est que, finalement, on monte d'un cran les risques d'interprétation encore plus large de cette disposition-là et, d'après moi, on ne se doit pas de faire ça.

Le Président (M. Doyon): M. le ministre.

M. Ryan: M. le Président, je pense que le député d'Anjou est une personne de bonne foi, mais je l'inviterais à un peu plus de modestie dans ses leçons sur la façon de légiférer. Je l'ai entendu à plusieurs reprises en commission, puis ses arguments n'ont jamais pu aller bien loin parce que son expérience est limitée.

M. Bélanger (Anjou): Oui, c'est vrai. C'est vrai.

M. Ryan: II devrait savoir que, quand il s'attaque à un projet de loi comme celui-ci, il n'y a pas seulement le ministre en arrière, il y a beaucoup d'autorité, beaucoup de consultations.

M. Bélanger (Anjou): c'est vrai. j

M. Ryan: puis, dire que ce n'est pas ça, la façon de légiférer... si vous disiez: ce n'est pas la façon que moi je préfère, je vous comprendrais très bien. si c'est ça que vous voulez dire, on s'entend, il n'y a pas de problème. ï

M. Bélanger (Anjou): Vous avez entièrement raison, M. le ministre.

M. Ryan: Très bien. Très bien. Ça, ça va, pas de problème. Ça étant dit, si on regardait seulement la formulation qui est là: «le français est la langue de la législation et de la justice au Québec», ça, ce n'est pas compatible, nous ont dit les tribunaux, avec l'article 133. Puis là nous mettons des dispositions qui précisent que c'est compatible. On dit quels points on va respecter. Moi, je vous dis, là, puis vous contredisez plutôt votre collègue de Lac-Saint-Jean que moi-même. Lui avait dit: Pourquoi vous n'écrivez pas simplement: sous réserve de l'article 133?

M. Bélanger (Anjou): II n'a jamais dit ça.

M. Brassard: J'ai dit: Vous ne reprenez pas le texte de 133.

M. Bélanger (Anjou): Ce n'est pas ça que mon collègue a dit.

M. Ryan: Ce n'est pas ça que vous avez dit tantôt? Là, vous nuancez. Bien voyons donc!

M. Jolivet: Bien oui, bien oui. Vous n'avez pas compris.

M. Brassard: Reprendre le texte de 133. (15 h 50)

M. Ryan: Écrire le texte de 133 dans notre loi à nous autres? Voyons donc! Voyons donc! Si on voulait faire une réforme, on n'a seulement qu'à mettre «sous réserve de l'article 133», ça va être clair, ça va être clair. Je vous ai dit: Ce n'est pas une chose que je suis complètement disposé à refuser d'envisager; mais, après l'avoir suggéré, vous dites: On ne le sait plus. Si vous ne le savez pas, on ne peut pas être pour et contre en même temps. C'est une chose de base, ça. Heureusement qu'il y a cette règle-là pour guider les travaux du parlementarisme, parce qu'on serait égarés souvent dans des avenues marginales. Là, on est à l'heure du choix. Nous avons une formule, ici, qui définit clairement le choix du gouvernement. Je n'accepte pas, là, toutes les observations que j'ai entendues sur le droit constitutionnel, que j'étudie moi-même depuis un certain nombre d'années, et qui est essentiellement, dans plusieurs de ses dispositions, un droit évolutif, mais un droit qui est en développement et, des développements qui ont été ajoutés, c'est bien rare qu'on les enlève, on en ajoute d'autres. C'est très rare. L'évolution du droit constitutionnel canadien, en matière de pouvoirs, il a pu y avoir légère évolution, mais, dans les autres questions, il n'y a pas eu beaucoup de dédits et de contradictions de grandes décisions rendues antérieurement; et c'est pour ça qu'ils comparent ça souvent...

C'est comme la Constitution américaine. C'est évident que si on s'en tenait aux textes de base, aux libertés qui étaient garanties au début... La condamnation de la ségrégation scolaire, ce n'est pas dans la Constitution américaine; c'est un «growing tree», comme on dit, c'est un arbre qui croît. Et c'est la cour qui était présidée par M. Warren qui a décidé, vers 1948-1949, que la ségrégation scolaire était contraire au principe fondamental de l'égalité. Mais il y a bien des gens qui ne l'acceptent pas. Aujourd'hui, là, 40 ans après, vous le savez, il y a bien des gens qui ne l'acceptent pas, dont M. Bork, là, qui avait été candidat à la Cour suprême. C'est la loi du pays. Depuis que la cour Warren l'a décidé, c'est la loi du pays. Et, nous autres, on vous dit: Les jugements rendus par la Cour suprême sont la loi du pays; nous le disons clairement. Ce que nous voulons affirmer, dans le 7, même nous, là, malgré tous les péchés d'infidélité que vous nous reprochez, ce que nous voulons affirmer, c'est le français, langue de la justice et de la législation au Québec. Oui, nous le disons, dans la mesure où c'est juridiquement et consti-tutionnellement possible. Nous sommes honnêtes, nous sommes véridiques. Nous disons exactement ce qui peut être fait, nous l'affirmons clairement. Mais si jamais — supposez votre hypothèse: On ne peut jamais fermer complètement l'avenir à toute forme de développement; c'est pour ça qu'il existe la liberté de l'esprit — ça arrive, je pense que le législateur du temps pourra s'en charger; nous autres, nous légiférons pour les années à venir, là, et je pense que ceci est raisonnablement sûr, en tout cas très précis, et de nature à n'induire personne en erreur.

Je respecte l'autre point de vue, mais je pense que le nôtre est un point de vue très consistant, aussi, et très constitutionnel. Tandis que la version actuelle, le texte actuel de la Charte ne l'est pas. Je pense que vous êtes obligés d'admettre ça. Je n'entends pas de dénégation.

M. Libman: Adopté.

M. Ryan: Adopté?

M. Jolivet: Non.

M. Bélanger (Anjou): Non, non, non, non, non.

M. Ryan: Ha, ha, ha!

M. Bélanger (Anjou): Ce n'est qu'un membre de l'Opposition.

Une voix: II n'y a plus de discussion. Sujet vidé.

Le Président (M. Doyon): Alors, est-ce que ça termine la discussion sur le 1° de l'article 7, ainsi que sur la première phrase de l'article 7, devrais-je commencer par dire?

Mme Blackburn: Premier paragraphe, ça va.

Le Président (M. Doyon): Premier paragraphe, adopté?

Mme Blackburn: Non. J'ai cru comprendre

qu'on adoptait l'article dans son entier après.

Le Président (M. Doyon): Alors, le paragraphe 2°. On fera ça ensemble, si vous préférez.

Mme Blackburn: Oui.

Le Président (M. Doyon): Sur l'article 7...

M. Jolivet: II y a un amendement.

Le Président (M. Doyon): II y a un amendement. Donc, l'amendement est le suivant: II s'agit de remplacer, dans la deuxième ligne du paragraphe 2° de l'article 7 proposé par l'article 1, le mot «adoptés» par ce qui suit: «pris, adoptés, délivrés». Fin de l'amendement. Alors, M. le ministre, sur cet amendement.

M. Ryan: C'est juste une formule rédactionnelle qui rend cette disposition conforme au deuxième arrêt Blaikie. Puisqu'il est question, ici, de règlements et d'autres actes, les termes, là, que nous proposons dans l'amendement sont des termes plus précis: «pris, délivrés, adoptés».

Le Président (M. Doyon): L'amendement est-il adopté?

M. Jolivet: M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Oui, M. le député.

M. Jolivet: J'ai cru comprendre qu'il y avait une partie qui devait nous être donnée, plus technique, de la part de Me...

M. Ryan: Regardez, ça a été expliqué ce matin, mais on peut la reprendre.

M. Jolivet: Cette partie-là?

M. Ryan: Oui.

M. Gosselin: Je viens de l'expliquer, c'est que...

M. Jolivet: O.K. C'est correct. C'est parce que je suis rendu sur le deuxième. C'est parce que, là, c'est l'amendement sur le deuxième.

M. Gosselin: Oui, mais je l'ai expliquée tout à l'heure, c'est...

M. Jolivet: O.K. Correct. C'est parce que j'ai été obligé de m'absenter.

Le Président (M. Doyon): L'amendement est adopté?

M. Brassard: L'amendement est adopté? O.K.

Le Président (M. Doyon): Oui.

M. Brassard: Une question sur l'autre, sur le reste.

Le Président (M. Doyon): Alors, l'amendement a été adopté, nous passons maintenant au paragraphe 2° qui se lit comme suit, pour ne pas qu'il y ait d'ambiguïté: «les règlements et les autres actes de nature similaire auxquels s'applique l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 sont pris, adoptés, délivrés — c'est l'amendement — imprimés et publiés en français et en anglais.» C'est la totalité du paragraphe, tel qu'amendé.

M. le député.

M. Brassard: Encore là, c'est le même raisonnement qui prévaut. On se soumet totalement, absolument à la jurisprudence et au jugement de la Cour suprême. Par exemple, on dit: «les règlements et les autres actes de nature similaire», ça veut dire quoi, ça, «les autres actes de nature similaire»? Est-ce que, par le fait même, à ce moment-là, on ne se trouve pas à couvrir à peu près tout le terrain possible et qu'on ne place pas ainsi le gouvernement dans l'obligation d'en faire nettement plus que ce qu'il serait tenu de faire? Pourquoi n'a-t-on pas — question bête que je pose — simplement dit: «les règlements auxquels s'applique l'article 133»? Pourquoi on a ajouté «les autres actes de nature similaire»? Pourquoi on a étendu ça aussi large, tous azimuts, de telle sorte qu'on se retrouve avec des obligations très étendues, extrêmement étendues? Pourquoi on n'a pas simplement dit: «les règlements»? Bon, «les règlements auxquels s'applique». Pourquoi on a ajouté «les autres actes de nature similaire»? Est-ce que, ce faisant, on ne se trouve pas à couvrir pas mal plus de terrain qu'on ne serait tenu d'en faire en vertu des jugements de la Cour suprême?

Le Président (M. Doyon): M. le ministre.

M. Ryan: M. le Président, je dois m'excuser, j'ai eu une interruption, il y avait une affaire imprévue qui a été portée à mon attention, par. en arrière. Je ne sais pas si le député pourrait reprendre brièvement son argumentation. Je m'excuse.

M. Brassard: Je vais reprendre succinctement. M. Ryan: Je m'en excuse.

M. Brassard: Oui. Je reprends succinctement. C'est qu'on utilise l'expression: «les autres actes de nature similaire»; «les règlements et les autres actes de nature similaire». Moi, je me dis que, de cette façon, on couvre très large, on couvre vraiment tout le terrain, et on se place dans une situation où on est en quelque sorte obligé de faire peut-être pas mal plus que ce que nous demandent de faire les jugements rendus par la Cour suprême. Pourquoi ne s'est-on pas limité à dire: «les

règlements auxquels s'applique l'article 133»? Pourquoi on a ajouté cette expression, très large: «autres actes de nature similaire» qui fait que ça couvre à peu près tout le terrain possible, dans toutes les directions, tous azimuts, et ça accentue, je pense, en tout cas, les obligations de l'État en cette matière. Pourquoi on n'a pas dit: «les règlements auxquels s'applique l'article 133» et que, à partir de ce moment-là, des documents ou des textes ou des actes qui se situent dans F entre-deux, qui ne sont pas nécessairement et de façon très évidente des règlements en soi, bien, ça se trouve ainsi soustrait à l'obligation?

M. Ryan: C'est parce qu'il y a eu d'autres développements, notamment en relation avec la cause de Rouyn-Noranda. D y avait eu d'abord le renvoi manito-bain, Sinclair, et ensuite il y a une cause qui s'est présentée à Rouyn-Noranda. Vous vous souvenez, quand on a fait la fusion des 2 villes, le décret a été adopté uniquement en français. Ça a été contesté devant les tribunaux, ça a été déclaré inconstitutionnel pour cette raison-là. Il a fallu que, nous autres, nous adoptions une nouvelle loi pour constitutionnaliser tout ça. Et, là, les questions qui ont été éclaircies à l'occasion de ces 2 événements judiciaires portaient justement sur un certain nombre de choses. Comme les décrets gouvernementaux, certains avis émis par le gouvernement, des avis de délivrance de lettres patentes, par exemple, des lettres patentes, ce sont des choses qui tombent dans le champ de 133, selon les précisions qui ont été données par la jurisprudence. Quand on marque «et les autres actes de nature similaire», ça couvre ça. On ne peut pas l'exclure. C'est compris explicitement dans les précisions qui ont été données par la Cour suprême. On préserve tout ce qu'on peut préserver. Par la formule employée, «auxquels s'applique l'article 133», ça veut dire clairement que ceux auxquels ne s'applique pas l'article 133, à titre d'exemple, les règlements municipaux, la plupart des règlements de commissions scolaires, ça, ça peut être seulement en français et ça reste tel quel. (16 heures)

On ne fait pas un pas de recul par rapport à ce que nous sommes tenus de faire actuellement. C'est ça que nous établissons clairement dans le texte de la loi, pour la juste information des citoyens. Et même des avocats qui ne sont pas au courant de tout ça, aussi, quand ils vont être saisis d'une cause, ça va coûter moins cher s'ils le savent tout de suite.

M. Brassard: L'expression «et tout acte de nature similaire» fait référence, dites-vous, à la suite de l'affaire Rouyn-Noranda, au décret?

M. Gosselin: C'est d'abord le renvoi manitobain no 2 qui a établi, si vous voulez, que certains actes, à cause de leur contenu... Même si ce n'est pas à proprement parler des règlements, ils deviennent soumis... À cause de leur contenu, à cause des critères, les 4 critères que j'ai pris tout à l'heure, ils sont adoptés par le gouvernement, ils sont soumis à son approbation, ils énoncent une norme de conduite, ils ont force de loi, ils s'adressent à un nombre indéterminé de personnes. À cause de ces critères-là, à cause du contenu même d'un décret, ce décret-là devient soumis à l'obligation de 133 parce qu'il a une nature similaire à un règlement. Et d'autres, des avis, des lettres patentes, des résolutions peuvent aussi acquérir ce caractère-là parce qu'ils font partie d'une série d'actes de nature législative.

Rouyn-Noranda est une illustration de ça. Rouyn-Noranda, on a décidé que le décret du ministre des Affaires municipales reportant l'élection, le décret du ministre des Affaires municipales tenant lieu de protocole d'entente, les décrets du gouvernement ordonnant la délivrance des lettres patentes, les lettres patentes elles-mêmes et l'avis de délivrance des lettres patentes avaient une nature réglementaire à cause de leur contenu et que, ça, ça les faisait tomber dans l'obligation visée à 133. Donc, il fallait qu'ils soient adoptés et publiés en français et en anglais.

Et, lorsque, dans le règlement, on dit «de nature similaire», on va chercher la nature similaire aux règlements, qui sont les 4 critères qu'on a énoncés tout à l'heure, et on dit «auxquels s'applique l'article 133». Mais les autres décrets, dont le contenu n'est pas réglementaire, dont le contenu ne répond pas aux 4 critères, demeurent soumis à la règle de l'unilinguisme français. Et c'est uniquement ça qu'on va chercher. On traduit, si vous voulez, l'état du droit tel qu'il est.

Le Président (M. Doyon): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, j'ai, devant moi, le fameux jugement dont on parle, de la Cour suprême, Rouyn-Noranda, et, en tout cas, loin de moi la prétention d'être un constitutionnaliste, comme semble me le prêter le ministre, loin de moi cette prétention, sauf qu'il faut reconnaître que ce matin j'avais eu, peut-être, l'impression que le ministre ne voulait entendre aucun argument de droit sur le projet de loi qui était présenté. Et je ne comprenais pas ça parce que, finalement, on est en train de faire un projet de loi. S'il n'y a aucun principe de loi qui s'applique, je me demande qu'est-ce qu'on fait ici. Alors, c'est peut-être pour ça que certains de mes propos ont paru un peu trop sûrs aux yeux du ministre.

M. le Président, je regarde justement cet arrêt, comme je le disais, de la Cour suprême. Et puis les différents documents auxquels on disait que s'appliquait l'article 133, alors, là, je les reprends. C'est ça, c'est un décret ordonnant la délivrance des lettres patentes; des lettres patentes; avis de délivrance des lettres patentes; décret reportant l'élection. À chaque fois, on parlait que c'étaient des actes de nature législative ou, tout au moins, reliés d'une façon directe ou indirecte, en tout cas, à l'appareil législatif du gouvernement.

Alors, je me demande pourquoi on a justement retenu tout autre... Le terme exact qui est proposé...

M. Brassard: Acte de nature similaire.

M. Bélanger (Anjou): Tout acte de nature similaire. Est-ce qu'on n'aurait pas pu être plus restreint, être plus précis? Parce que, là, je trouve qu'on ouvre la porte vraiment d'une façon encore plus grande que ces fameux arrêts de la Cour suprême. Tout à l'heure, le ministre, si j'essaie de suivre son raisonnement, me disait qu'il essayait d'une façon fidèle, le plus possible, de remettre les décisions de la Cour suprême dans son projet de loi. Il me semblerait que c'est ça. C'est une actualisation de la Cour suprême de la loi 101.

Mais, justement, je trouve qu'on va plus loin en mettant «tout acte de nature similaire». On n'aurait pas pu être plus restreint et plus précis?

M. Gosselin: Prenez le renvoi manitobain no 2. Vous allez voir les 4 critères énoncés par la Cour suprême. Et ces 4 critères-là sont les critères qui sont dans notre Loi sur les règlements et qui énoncent ce qu'est un règlement au Québec. Donc, en se référant à «de nature similaire», on va chercher ces mêmes critères-là qui sont ceux du renvoi manitobain no 2.

Donc, on n'étend aucunement. Et, au point de vue juridique, dire «d'une nature réglementaire ou d'une nature législative», c'est pas mal — en tout cas, à mon avis — du même ordre au niveau de la force. De nature réglementaire ou de nature législative, pour nous, c'est un peu équivalent de dire ça.

M. Bélanger (Anjou): Mais ça n'aurait pas été possible d'énumérer ces documents-là, de faire une enumeration de ces documents qui se rapprochaient?

M. Gosselin: Non, parce que c'est leur contenu. C'est le contenu même du décret. Ce n'est pas le décret... C'est le contenu même qui le rend, dépendam-ment de chaque contenu que va avoir un décret adopté par le gouvernement... On ne peut pas faire une enumeration de tout type de décrets. C'est complètement impossible. Il peut y avoir des décrets en matière d'agriculture qui énoncent des normes et qui vont acquérir ce caractère, mais on ne le sait pas d'avance. Ce serait dangereux, justement, de faire une enumeration.

Mme Blackburn: Pourquoi est-ce que vous n'avez pas maintenu l'utilisation de termes qui sont plus courants, couramment utilisés, par exemple, de la nature des règlements ou de nature réglementaire ou législative? Pourquoi avoir utilisé «de nature similaire» si ça veut dire la même chose?

M. Gosselin: Parce que, d'utiliser à cet endroit-là «de nature législative», c'est curieux, parce qu'on parle de règlements avant. Donc, l'expression même de la Cour suprême peut être trompeuse, parce que «de nature législative»...

Mme Blackburn: Ça découle d'une législation.

C'est un peu ce que vous nous avez expliqué tout à l'heure.

M. Gosselin: C'est parce qu'on parle de règlements. Et on associe d'autres documents à cette nature-là, mais on les a qualifiés de nature législative. Nous, on préfère parler de nature similaire, si vous voulez, parce que ça va chercher les critères de notre Loi sur les règlements. Donc, on a préféré cette formulation-là.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président. Le Président (M. Doyon): Oui.

M. Bélanger (Anjou): La question que je me pose, c'est au niveau un peu de l'administration de ce nouveau critère-là qu'on va introduire dans le sens: Qui va décider que c'est un acte de nature similaire? Est-ce que c'est au Conseil des ministres qu'on va décider que ça, ça doit être bilingue ou ça, ça ne doit pas l'être, que telle directive, ce n'est pas de nature législative? Parce que, là, on laisse... Il n'y a pas ou il n'y a aucun critère... Tout acte de nature similaire, ça ouvre la porte très, très grande, finalement, au genre de documents qui pourraient se classer comme étant des documents, à ce moment-là, dont on pourrait exiger la traduction, le bilinguisme. Je me demande qui va décider. Qui va prendre cette décision: Ça, c'est un acte de nature similaire? Ça, ça doit être dans les 2 langues? Ça, ce n'est pas un acte de nature similaire? Je pense que ça ouvre vraiment la porte très grande. Il me semble qu'on ne peut pas laisser quelque chose d'aussi vaste, aussi vague, et qui va donner lieu à tant d'interprétation, qui peut rendre un paquet de documents... Dans le doute, on va dire: Bon, bien, on ne se trompera pas, on va les mettre bilingues.

M. Gosselin: C'est la règle que nous dit la Cour suprême dans le renvoi manitobain. En cas de doute, traduisez.

M. Bélanger (Anjou): En cas de doute, traduisez. Et, à ce moment-là, dans le fameux arrêt de la Cour suprême, puisque vous êtes un expert, je présume, est-ce qu'au moins on essaie de quantifier ce doute? Est-ce qu'on donne des critères pour dire où est-ce qu'il y a doute ou pas? Parce que, vous savez, le doute... Il y a le doute raisonnable. Il y a le doute...

M. Gosselin: II y a le doute qui tue. M. Jolivet: II y a des doutes là-dessus.

M. Bélanger (Anjou): Ah, il y a des doutes là-dessus? Ah bon! Si je comprends bien, c'est un gros doute, c'est ça? C'est un doute, mais avec un point d'interrogation en plus. Alors, c'est arbitraire, finalement. C'est ça que vous nous dites? (16 h 10)

M. Gosselin: Ce n'est pas arbitraire. C'est que, chaque fois qu'on adopte un décret au gouvernement, on va analyser le contenu du décret en vertu des critères établis par la Cour suprême, et le jurisconsulte va prendre une décision là-dessus, et, s'il est nécessaire de le traduire, on va le traduire.

M. Bélanger (Anjou): Ah, vous voulez dire que ça va être le jurisconsulte, le ministre de la Justice qui prendra ce genre de décision?

M. Gosselin: Au besoin. Une voix: C'est dangereux.

M. Bélanger (Anjou): Oh, c'est dangereux, vous savez, quand on regarde ce qui se passe présentement.

Le Président (M. Doyon): Oui, M. le ministre.

M. Ryan: Permettez-moi une remarque. Je pense que la règle qui est énoncée, en bout de ligne, la Cour ne peut pas tout définir. Elle trace un sentier, elle établit un principe et elle dit: Au bout de ça, en cas de doute, vous êtes mieux d'agir de la manière conforme aux principes définis dans l'article. Vous n'êtes pas obligés. Si vous ne le faites pas, vous le faites à vos risques. Vous risquez d'être amenés devant les tribunaux et de vous faire dire, 2 ou 3 ans après: Tu aurais été aussi bien de le faire tout de suite. C'est tout ce qui est là-dedans. Il n'y a pas d'autre chose. Il n'y a pas d'obligation stricte. Mais, si vous ne la suivez pas, vous le faites à vos risques. On a beaucoup de zones grises comme ça. Ou des fois même, nous autres, comme législateurs, ne suivons pas l'avis de nos conseillers juridiques. Parce qu'à un moment donné il y a une question de sagesse, de sens commun aussi. On ne donne jamais le monopole de cette sagesse au ministère de la Justice. N'est-ce pas, M. le conseiller?

Une voix: M. le Président...

M. Ryan: Si vous voulez transmettre mon message, je vous en serai très reconnaissant. Mais c'est ça, un gouvernement, c'est la convergence de plusieurs disciplines, et le droit est très important comme élément unificateur de l'action du gouvernement au plan juridique. Ça, nous reconnaissons tous les éminents services et l'éminente qualité des orientations que nous fournit le ministère de la Justice. Mais ce n'est pas nous autres la bible de toutes choses. Je pense bien qu'on se comprend là-dessus. Et ils ne prétendent pas à ce rôle-là. Si jamais ils prétendent, on leur dit...

Une voix: ...

M. Ryan: Vous savez que nous ne sommes pas forts, nous autres, sur les dogmes, malgré ce que vous essayez de faire croire, sauf en matière religieuse, c'est une autre chose. Chacun ses positions. Moi, je crois aux dogmes en matière religieuse.

M. le Président, je crois qu'il y a eu de très bonnes questions, de très bons échanges et, s'il y en a d'autres, on est prêt à essayer d'éclaircir les choses.

Le Président (M. Doyon): M. le député de La-violette.

M. Jolivet: Après toutes les questions et les réponses qu'on a eues, M. le Président, il me fait plaisir de déposer un amendement: L'article 7, tel qu'introduit par l'article 1 du projet de loi 86, Loi jnodifiant la Charte de la langue française, est modifié par le retranchement, dans la première ligne du deuxième paragraphe, des mots «de nature similaire».

Le Président (M. Doyon): M. le député, je suis prêt à vous entendre sur la recevabilité de cet amendement.

M. Jolivet: Je pense, M. le Président, qu'elle est claire. Ça ne demande pas une grosse discussion, vu que nous prenons le deuxième paragraphe, nous enlevons «de nature similaire». Il reviendrait ceci: «les règlements et les autres actes auxquels s'applique la loi 133...» Donc, nous, au lieu d'élargir l'éventail, on le restreint, et ça fait partie de ce qui est prévu par le règlement, c'est-à-dire, enlever, modifier, par une soustraction ou une addition. Alors, c'est une soustraction dans ce cas-ci.

Le Président (M. Doyon): M. le ministre, est-ce que vous avez...

M. Ryan: Savez-vous, l'avis que me donne notre conseiller juridique, qui devient de plus en plus engagé dans notre démarche, c'est que la modification proposée aura pour effet d'élargir le danger au lieu de le circonscrire. Pardon? C'est peut-être un piège.

Le Président (M. Doyon): C'est sur la recevabilité...

M. Jolivet: C'est la recevabilité, là, on pourra en discuter tout à l'heure de ça.

Le Président (M. Doyon): Oui.

M. Ryan: On est sur la recevabilité? Ah, je me fie à l'opinion du président, à la décision du président, qui ne sera pour moi qu'une opinion. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Doyon): Alors, très, très brièvement, il s'agit d'une modification qui vise à... Il faudra s'entendre. Certains prétendront limiter la portée de l'article, d'autres pourront prétendre que ça a pour effet de l'élargir mais, de toute façon, ça ne va pas à rencontre du fondement de l'article. Alors, je déclare

cet amendement recevable et je suis prêt à entendre le proposeur.

M. Jolivet: Alors, merci, M. le Président. En fait, ce pourquoi je le propose, c'est parce que je suis habitué. Je faisais une farce en débutant ce matin, en parlant d'avocats ou de notaires, mais j'ai eu de nombreuses négociations dans ma vie et j'achalais un des responsables pour le gouvernement à l'époque, Me Brière, en lui disant toujours le fameux principe: Trop fort ne casse pas. C'est un vieux principe d'avocat. Tu es mieux d'en mettre plus que d'en mettre moins. Une chose est certaine, c'est que tu couvres plus de territoire.

Alors, c'est dans ce sens-là que la proposition qui nous est faite par le ministre nous indique justement des débats qui doivent normalement avoir lieu dans la société et qui n'auront pas lieu. C'est désormais... Et, là, vous allez voir le cheminement qu'on a connu dans l'histoire, le GBS, dont parlait le ministre tout à l'heure, le gros bon sens, le sens commun. Ce gros bon sens en est arrivé, à un moment donné, à être de plus en plus codifié. Dans l'ensemble du système, on peut regarder au Japon par rapport à ici, au Québec, on voit bien qu'il y a des gens qui ont pris cette habitude de vouloir tout codifier et d'avoir, en plus, des batailles juridiques, à un moment donné, en cours de route et, là, ça a été l'apanage — et ça demeure toujours l'apanage — de 2 avocats qui vont diverger d'opinion devant le même juge et un juge décidera.

Dans le contexte qui est ici, ce que j'ai compris des conversations, des discussions qu'il y a eu tout à l'heure... Et je comprends que le ministre dit que ça peut avoir un sens d'être plus dangereux. Plus dangereux, je ne sais pas pour qui, pas pour la société, probablement pour le gouvernement qui, lui, a une idée derrière la tête, en mettant cet article-là. Le danger d'être contesté? Peut-être. Le danger d'être contesté dans une décision qui serait prise dans le règlement parce qu'il serait en français seulement, parce qu'il sera décidé qu'il sera en français, quelqu'un qui contesterait? Il disait qu'il aurait fallu que le projet de règlement soit passé dans les 2 langues, en vertu des décisions qu'on va prendre à la proposition du ministre. C'est dans ce sens-là que je comprends que le ministre a peut-être besoin, parce que c'est la façon de penser qu'il a, des mots «de nature similaire». Mais ça implique, M. le Président, si les mots «de nature similaire» ne sont pas là, que des décisions seront prises en cours de route. Et qui aura à déterminer et à décider? Ce sera un jugement, s'il faut aller jusque-là. Mais pourquoi, à ce moment-là, vouloir l'élargir à tel point que, finalement, le pouvoir décisionnel appartiendra à une seule personne au Québec, si j'ai bien compris, le jurisconsulte qui, lui, déterminera ce qui est bon ou ce qui n'est pas bon? Il me semble que ce n'est pas le système de fondement de société de justice dans lequel nous sommes.

Il y a des divergences d'opinions dans la société. Il y a des gens qui pensent noir, d'autres pensent blanc puis, des fois, le juge, dans sa sagesse, après avoir écouté les 2 parties, peut dire que c'est gris, plus ou moins gris, plus ou moins blanc, plus ou moins noir. Mais, il y a une chose qui est certaine, c'est que nous avons ici des mots qui permettent donc, à celui qui est le législateur et, plus loin que ça, à celui qui est l'exécutant, donc le Conseil exécutif, par l'intermédiaire de la personne qu'il nomme au Conseil des ministres, qui est le jurisconsulte, la possibilité, au bout de la course, si j'ai bien compris, de décider. Pour éviter quoi, dans le fond? Pour éviter qu'un individu, qui n'est pas d'accord avec la décision rendue par l'État, conteste cette décision-là devant les tribunaux. Il y a toujours 2 façons de le faire: l'État peut s'y soumettre ou ne pas s'y soumettre. S'il s'y soumet, à ce moment-là, c'est réglé. S'il ne s'y soumet pas et que quelqu'un croit que l'État n'a pas raison, il amène l'État devant le tribunal pour faire clarifier la situation. On a connu, à plusieurs occasions, des décisions de ce genre-là rendues par les cours. (16 h 20)

Le ministre, on s'en souvient, je l'ai souvent entendu plaider en Chambre, alors qu'il était membre de l'Opposition, sur le danger pour l'État, même si déjà des avis juridiques lui avaient été données à rencontre de sa position, de maintenir sa position au risque de voir sa position faire l'objet de discussions devant les juges à différents niveaux, tel que prévu par notre système de justice. Le ministre a souvent dit ces choses-là. Alors, il disait: Pourquoi, avant de l'inscrire dans la loi, on ne le testerait pas, dans certains cas, auprès de la Cour suprême — une sorte de test auprès de la Cour suprême — et laisser à la Cour le soin d'indiquer la voie à suivre? Pourquoi, à ce moment-là, c'est l'État qui, par l'intermédiaire de sa nature similaire, en arriverait à tellement englober tout que plus personne ne pourrait contester? C'est une façon indirecte d'empêcher quelqu'un de contester l'État. Et c'est dans ce sens-là, M. le Président, que, compte tenu du système dans lequel nous sommes, je suis en désaccord avec les 3 mots et je demande la suppression de ces 3 mots-là.

Le Président (M. Doyon): M. le ministre.

M. Ryan: Alors, je suis obligé de m'inscrire en faux contre la position qui est défendue par le député de Laviolette. Je pense que le texte, dans sa formulation actuelle, a une portée plus restreinte que celle qu'il aurait si nous faisions tomber ces mots-là et j'aime mieux que la portée soit plus restreinte parce que, dans la mesure où je restreins moins, j'augmente d'autant la liberté de manoeuvre du gouvernement dans les actes qu'il posera, ou la Législature. Et je ne comprends pas, là, qu'on soit porté à vouloir étendre actuellement, créer des obligations expresses dans des matières où nous fonctionnons actuellement de façon unilingue sans que ça ne crée de problèmes pour personne à vrai dire. Ici, je pense qu'il y aurait un danger...

(Consultation)

Une voix: C'est un de vos conseillers juridiques qui vous parle?

M. Ryan: Nous puisons à des sources nombreuses et diverses. Alors, ça, je pense que l'effet net, puis c'est confirmé par notre conseiller juridique, est d'élargir d'une manière qui risquerait d'entraîner des obligations accrues pour le Québec dans un domaine où le but de l'Opposition est de les limiter au minimum. Je ne comprends pas, par conséquent, cet amendement-là provenant de l'Opposition. Je suis obligé de refuser parce que le gouvernement a une position plus serrée en matière de défense du français.

M. Jolivet: ...M. le ministre.

M. Ryan: Pardon?

M. Jolivet: Des mots «sous réserve»?

M. Ryan: Pardon?

M. Jolivet: Parce que si...

M. Ryan: C'est les autres actes...

M. Jolivet: ...vous limitez...

M. Ryan: Vous, vous voulez enlever «de nature similaire».

M. Jolivet: Oui, oui.

M. Ryan: «Les autres actes», là, ça ouvre la porte à toutes sortes de choses, bien d'autres choses de nature comparable à des règlements.

M. Jolivet: Bien, écoutez...

M. Ryan: Bien d'autres que des choses de nature comparable à des règlements, qu'on se comprenne bien, tandis qu'ici c'est limité à des choses assimilables à des règlements similaires. Et, si on enlève ces mots «de nature similaire», c'est évident qu'il n'y a plus de limites.

M. Jolivet: Non, non.

M. Ryan: C'est tous les autres actes qu'on voudrait bien...

Une voix: ...

M. Ryan: Bien oui.

M. Jolivet: Écoutez, M. le Président, il faut lire la phrase au complet, là, à moins que je me trompe. D'abord, le deuxième paragraphe provient du fait qu'on dit que le français est la langue de la législation et de la justice au Québec sous réserve de ce qui suit. Ce qui suit, c'est le deuxième paragraphe. Le deuxième paragraphe dit: Les règlements...» Donc, sous réserve de ce qui suit. C'est la langue qui s'applique. Sous réserve des règlements et les autres actes de nature similaire auxquels s'applique l'article 133. Si c'est ça, dans mon esprit à moi, l'article 133 veut ouvrir davantage à la possibilité d'avoir autre chose que la langue française comme étant la possibilité et, dans ce sens-là, les mots «nature similaire», c'est les actes de nature similaire, c'est des actes qu'on ne connaît pas à ce moment-ci, qui pourraient arriver dans le temps, lesquels actes sont similairement applicables au mot «règlements». C'est ce que je comprends, moi, du français. Oui, oui, oui, c'est ce que je comprends du français. Ce que je comprends, c'est que les autres actes de nature similaire, là, vous ne les connaissez pas autrement qu'au moment où ils seront déterminés par l'État dans une décision qui sera prise au Conseil des ministres. Et, dans le contexte de cette décision-là, on va les rendre similaires à des règlements et, si on les rend similaires aux règlements, ces règlements s'appliqueront suivant l'article 133. Ça veut donc dire qu'on ouvre un éventail de choses qu'on ne connaît pas et c'est pour ça que j'ai dit: Les mots «nature similaire», trop fort ne cassant pas, on va les inscrire.

M. Ryan: Non, regardez. Non, je pense que c'est parce que le député n'a pas compris les explications. J'admets qu'elles sont assez, assez difficiles à saisir. On nous a dit tantôt «les autres actes de nature similaire». On a donné des exemples, d'abord: des décrets, des avis communiqués à des municipalités, des lettres patentes. Il y en a déjà...

M. Jolivet: Des directives.

M. Ryan: Directives, je pense que non.

M. Jolivet: À l'intérieur des règlements.

M. Ryan: Directives, ce n'est pas compris là-dedans. Ça, ce n'est pas compris. Et, si on met, là, les autres actes...

M. Jolivet: Je voudrais bien avoir un jugement.

M. Ryan: Je vais essayer de compléter mon explication. Si on écrit «les autres actes de nature similaire», ce sont des actes qui répondent aux 4 critères définis par la Cour suprême dont a parlé tantôt Me Gosselin. Ils doivent, en vertu de la loi, être adoptés par le gouvernement ou soumis à son approbation quand ils édictent une norme de conduite, quand ils ont force de loi, quand ils s'appliquent à un nombre indéterminé de personnes. Alors, c'est ça des actes de nature similaire. Mais il y en a bien d'autres actes que l'administration va poser qui ne sont pas de cette nature-là, qui, donc, ne tombent sous le coup de l'article 133. Puis, si on ne mettait pas «de nature similaire», on risque d'ouvrir

indéfiniment l'éventail des actes auxquels pourraient s'appliquer les contraintes découlant de l'article 133. Puis, je vous dis, selon l'interprétation que nous retenons, l'amendement proposé aurait pour effet d'élargir l'éventail possible des contraintes alors que, d'accord avec l'Opposition, nous cherchons à le limiter strictement à ce qui est obligatoire comme étant actuellement connu.

M. Jolivet: J'ai de la misère à comprendre, là. Je ne suis pas têtu, normalement. Je comprends très bien quand on me l'explique comme il faut. Moi, j'ai cru comprendre que ce n'est pas pour rien que vous avez mis «de nature similaire». Si vous avez mis «de nature similaire», vous l'avez mis en accord avec «auxquels s'applique l'article 133». Les actes doivent avoir, à ce moment-là, si j'enlève le mot «similaire»... Donc, les règlements et les autres actes auxquels s'applique l'article 133. Donc, on va regarder les actes en vertu des critères prévus par l'article 133. Si on met «de nature similaire», d'après moi, on met un éventail plus large à long terme parce que, «de nature similaire», on ne les connaît pas à ce moment-ci.

Vous me dites que ça s'applique à des personnes, à un groupe de personnes, selon l'article 133, mais il n'y a rien qui ne pourrait pas dire que quelqu'un ne contesterait pas un jour la possibilité, parce que quelqu'un, à l'intérieur du système... Puis, même, je parle de directives qui proviennent d'un règlement, lequel est adopté par le gouvernement, il y a des choses qui sont connexes à l'ensemble du règlement déjà adopté comme prévu, s'appliquant à des personnes, à un nombre x de personnes. Moi, je pense que le mot «de nature similaire» a pour but de préserver l'avenir, cette préservation de l'avenir, basée sur le principe trop fort ne cassant pas, on est mieux de le mettre pour ne pas avoir de problèmes futurs que de ne pas le mettre aujourd'hui puis de voir quelqu'un contester une décision qui serait prise à l'intérieur d'un ministère ou dans un organisme paragouvernemental ou périgouvernemental. Moi, je pense, M. le Président, dans ma petite tête à moi de gros bon sens, que, «de nature similaire», c'a pour but d'élargir un éventail parce qu'on ne les connaît pas à ce moment-ci puis qu'on se prémunit contre le fait que, ne les connaissant pas, on ne sait pas si un jour ils ne seront pas interprétés comme étant de nature similaire et, à ce moment-là, on l'inscrit.

M. Ryan: Bien, là, il y a un conflit d'interprétation. Je n'ai pas d'objection à ce qu'il y en ait une autre, mais, moi, je vous dis, là, selon l'avis que nous avons reçu, «actes de nature similaire», c'est des actes dont l'effet, semblablement à celui des règlements, est de nature législative ou assimilable à une nature législative. Tous les autres actes sont exclus par conséquent. Tout ce qui n'est pas de nature similaire est exclu du champ de couverture de l'article 133 puis c'est ça que nous voulons préserver. Si on met «tous les actes», à ce moment-là ça peut être d'autres actes en plus que les actes qui sont caractérisés par leur effet législatif.

M. Jolivet: Mais c'est là que vous me dites qu'en mettant «de nature similaire» vous augmentez l'éventail, et non pas le restreindre.

M. Ryan: Non, au contraire. Au contraire, nous sommes convaincus, nous autres, que c'est exactement le contraire qui se produit.

(Consultation)

Le Président (M. Doyon): M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Oui, bien...

M. Jolivet: Le législateur n'écrit, ne parle pas pour ne rien dire.

M. Brassard: Je vais attendre que le ministre... (Consultation)

M. Ryan: Regardez, si vous me permettez une explication additionnelle c'est que, entre ce qui est connu, là, tu sais, les exemples qu'on a mentionnés tantôt, et ce qui pourrait éventuellement se présenter, on essaie de préserver le plus possible la marge de manoeuvre du gouvernement au point de vue français. Et l'article 1.2° doit peut-être être regardé sans perdre de vue l'article 1.8. À 8, regardez ce qu'on dit: «S'il existe une version anglaise d'un règlement ou d'un autre acte de nature similaire auxquels ne s'applique pas l'article 133 [...] le texte français, en cas de divergence, prévaut.» C'est ça qui est l'objectif qu'on poursuit. C'est que tous ces autres actes qui ne sont pas de nature législative, on les exempte de la règle du bilinguisme. C'est ça qu'on veut dire, là. Mais les 2 doivent être pris en regard l'un de l'autre. Si on allait adopter une formule qui élargit l'éventail de ce qui tomberait sous 1.2°, on restreindrait d'autant ce qui va tomber sous 8. Et, là, il faut bien s'en remettre à l'avis des experts, un moment donné, parce qu'on devient engagé dans des choses assez techniques. Et moi, nos conseillers, et ça a été étudié longtemps ces formulations-là, nous ont dit que, formulé comme ceci, on préserve au maximum. Le champ de manoeuvre dont nous convenons est limité par l'article 133, mais notre objectif, c'est de le préserver au maximum. Ce n'est pas de le réduire. Et c'est dans ce sens-là que je suis obligé de vous indiquer, M. le Président, que je ne pourrais pas voter en faveur de l'amendement qui nous est proposé.

M. Jolivet: Voyons donc, vous.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Lac-Saint-Jean. (16 h 30)

M. Ryan: Non, mais si vous ne comprenez pas... Je l'ai assez expliqué.

M. Brassard: Je ne veux pas faire un long discours parce que je pense qu'on va finalement voter et en disposer, mais c'est simplement ceci. C'est que, moi, il me semble que l'expression «les autres actes auxquels s'applique l'article 133», ça, ça fait référence à ce que votre conseiller juridique nous a dit tantôt, les 4 critères et les actes qu'il a nommément indiqués: décrets, lettres patentes, les autres actes auxquels s'applique l'article 133.

M. Ryan: C'est vrai.

M. Brassard: Si vous ajoutez «de nature similaire», ça, c'est de nature similaire aux règlements. Ça se rapporte aux règlements. Et là, à ce moment-là, ça peut vouloir dire d'autres actes que ceux mentionnés, que ceux auxquels on se réfère, qui sont soumis à l'article 133. D'autres actes qui pourraient être, par la suite, soit devant les tribunaux, par exemple, déclarés de nature similaire aux règlements et venir s'ajouter à la liste qui existe déjà, donc, l'élargir.

L'exemple de Blaikie est assez intéressant. Il y a eu un jugement I sur Blaikie et un jugement II. Le jugement II a restreint, mais il aurait pu aussi étendre. Il aurait pu dire: Les règlements municipaux et les règlements scolaires, ça fait partie de la législation déléguée aussi. Il aurait pu étendre. Pourquoi? En disant: Bien, c'est de nature similaire.

Une voix: Ah oui!

M. Brassard: Ça n'en faisait pas partie jusqu'à maintenant, mais je déclare que c'est de nature similaire. Donc, c'est soumis. Et il me semble que, sur le strict plan de la logique et du français, «de nature similaire» ouvre la porte à un élargissement...

M. Ryan: Mais le lien, là...

M. Brassard: ...et ajouter à la liste déjà existante.

M. Ryan: Non, c'est parce que... Je pense que je comprends votre perspective. Vous raisonnez d'une manière très négative dans ces choses-là. C'est conforme à l'option constitutionnelle de votre parti. Je comprends ça.

M. Brassard: Ah! Ah!

M. Ryan: Non, mais c'est vrai. Moi, je pars d'une perspective différente. Ici, le lien, c'est ce qui est défini dans 133. Ce sont des obligations découlant pour l'Assemblée nationale et, par conséquent, pour son gouvernement. Puis on dit: Ce qui est législatif ou de nature législative ou paralégislative tombe sous le coup de 133, qui relève de l'Assemblée nationale, soit directement, soit par le truchement du gouvernement. Mais quand on arrive aux municipalités et aux corps scolaires, eux autres relèvent d'une autre autorité. Ils ont des électeurs qui les élisent et il n'y a pas de disposition de 133 qui couvre ça. C'est ça que la Cour suprême est venue dire. Elle ne pourra pas changer ça demain matin, à moins que ce soit un corps de poètes qui agissent suivant l'inspiration des cycles de la nature, mais il y a une continuité plus grande que ça dans le développement de la jurisprudence constitutionnelle. On peut trouver que certains développements sont plus ou moins homogènes. C'est possible. Mais, de manière générale, je pense que les développements ont été assez homogènes, au contraire, même si, des fois, les interprétations données ne recueillaient pas l'adhésion au même degré.

Moi, il y a un point sur lequel j'avais bien des réticences et, quand la Cour suprême a défini ce que devait être la majorité pour une formule d'amendement, je trouve que là elle a posé un acte qui nous liait mais qui... Oups! Je vous dis que, celui-là, je ne l'ai jamais intellectuellement accepté. Je trouve qu'elle est allée trop loin. Si le législateur n'avait pas voulu se donner une règle de conduite... Il n'en avait pas. Il fallait qu'il règle ses problèmes au plan politique, ça finissait là. Mais ils l'ont définie, à un moment donné, et on a été poignes avec.

Mais, dans ces cas-ci, on n'est pas dans le même ordre de problèmes du tout, du tout.

M. Brassard: Votons.

Mme Blackburn: Le vote sur l'amendement.

M. Ryan: Alors, ça c'est notre point de vue, M. le Président. Je pense qu'on l'a discuté amplement.

Le Président (M. Doyon): D'accord. S'il n'y a pas d'autres interventions, j'appelle le vote sur l'amendement qui a été soumis par le député de Laviolette.

Alors, que ceux qui sont pour cet amendement veuillent bien l'indiquer.

Mme Blackburn: Pour.

M. Brassard: Le député de Lac-Saint-Jean, pour.

M. Bélanger (Anjou): Pour.

Le Président (M. Doyon): M. le député?

M. Libman: Contre.

Le Président (M. Doyon): Que ceux qui sont contre... À part le député de D'Arcy-McGee, qui d'autre est contre?

M. le ministre?

M. Ryan: Contre.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Richelieu?

M. Khelfa: Contre.

M. LeSage: Pour. Excusez, contre.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Doyon): M. le député de Charlevoix?

M. Bradet: Contre.

Le Président (M. Doyon): II y a abstention de ma part; 3 pour, 5 contre. Donc, l'amendement est rejeté. Ça dispose, d'après ce que je comprends...

M. Khelfa: Le député de Rimouski est contre aussi. Il est ici, juste en arrière.

Le Président (M. Doyon): Alors, le paragraphe 3°, j'en fais la lecture juste pour qu'on s'entende là où on est rendu: «3° les versions française et anglaise des textes visés aux paragraphes 1° et 2° ont la même valeur juridique.»

Alors, M. le ministre, sur ce paragraphe en particulier, le troisième.

M. Ryan: II me semble que c'est un corollaire de ce qui est contenu en 1° et 2°. On a dit, à maintes reprises depuis le début des échanges, que l'article 133 affirmait le principe de l'égalité des 2 langues française et anglaise dans les actes dont traite cette disposition constitutionnelle. Alors, on dit ici, en corollaire, «les versions française et anglaise des textes visés aux paragraphes 1° et 2° — c'est-à-dire les textes auxquels s'applique 133 — ont la même valeur juridique.» Je pense que c'est normal. C'est un corollaire logique, on ne peut pas faire autrement.

Le Président (M. Doyon): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): J'aurais une question à poser à cet effet-là. Les règles d'interprétation, je sais que j'ai déjà vu — je ne me souviens pas dans quel projet de loi — des règles d'interprétation contenues dans des projets de loi qui disent: En cas de divergence d'interprétation entre les 2 versions, une des 2 versions a préséance, va prévaloir sur l'autre. Parce que, ce qui arrive quelquefois... Je prends un exemple. Dans la Loi sur la faillite, il est déjà arrivé qu'en interprétant le même article en anglais ou en français, malgré tous les efforts qui sont faits au niveau de la traduction, on n'arrive pas exactement à la même définition, au même sens. Ça arrive. Les langues n'ont pas la même précision. Même, s'il y a quelque chose, la langue française est encore plus précise que la langue anglaise dans bien des cas. Pour vous donner la meilleure illustration de ça, la langue française a été la langue de la diplomatie pendant des siècles, parce que, justement, les traités étaient beaucoup plus...

M. Ryan: Vous savez, ce sont des slogans dont on s'est tous nourris dans notre jeunesse. Je ne suis pas sûr qu'ils soient fondés. Je ne sais pas si vous connaissez l'oeuvre de John Henry Newman, un écrivain anglais dont la langue était d'une clarté qui dépassait tous les théologiens français de son époque.

M. Bélanger (Anjou): Je lis peu de théologiens, je m'excuse, M. le Président.

M. Ryan: Je pense que chaque langue a des richesses considérables. Dire qu'une se distingue de l'autre, je ne suis pas sûr. En tout cas.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, je donne mon opinion.

M. Ryan: Si vous me permettez...

M. Bélanger (Anjou): Encore là, je ne sais pas...

M. Brassard: II est devenu cardinal.

M. Ryan: À 85 ans.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, il me donne toujours... Je suis un peu flatté parce que le ministre semble toujours donner comme valeur d'évangile à ce que je dis. C'est juste une opinion que j'émets, une opinion bien modeste, bien simple, qui est basée sur mon expérience, malgré mes quelque 30 années. Évidemment, je n'ai pas l'expérience de M. le ministre... (16 h 40)

Une voix: Tant mieux.

M. Bélanger (Anjou): ...et c'est pour ça, d'ailleurs, que j'aime bien les échanges qu'on a, parce que j'apprends beaucoup de choses. Je pense qu'à tout âge on apprend et c'est très intéressant. Mais moi, ce que je disais...

M. Ryan: Oui. Je vais écouter la fin de l'intervention. Je m'excuse. Vous n'aviez pas fini, hein?

M. Bélanger (Anjou): Non, je n'ai pas fini. Alors, ce que je disais, c'est que j'ai déjà vu, dans des lois, et ça, peut-être que votre conseiller juridique pourrait me le confirmer ou pourrait me l'infirmer, qu'en cas de difficulté d'interprétation ou d'interprétations différentes qui sont données à un même article de loi, entre 2 versions, française et anglaise, il est possible de donner, je ne me souviens pas dans quel projet de loi exactement, mais à ce moment-là, on prend la version qui est la plus favorable à une partie ou à une autre pour

qu'elle ait préséance sur l'autre. Est-ce que c'est vrai, premièrement, ce qu'on...

M. Ryan: Voulez-vous répéter la question?

M. Bélanger (Anjou): Bien, je voudrais savoir si vous avez envisagé cette solution? Est-ce que c'était possible d'envisager cette solution, de donner préséance à la version française par rapport à la version anglaise, tout en ayant la même valeur juridique? Ça n'entache pas la valeur juridique. Ce n'est pas dire, finalement, que la valeur légale, la version anglaise est moins bonne. C'est rien que dire qu'en cas de difficulté d'interprétation, si on arrive à 2 interprétations qui sont différentes, à ce moment-là, on donne préséance à l'interprétation française. Est-ce que ça aurait été possible?

M. Ryan: Regardez, nous avons déjà une disposition, dans la Loi d'interprétation, qui prévoit la préséance du français. Il y a une disposition du projet de loi, ici, qui abroge cette disposition, plus loin, dans le projet de loi, à la fin, à l'article 60. On aura l'occasion d'y revenir. Puis, on est obligé de l'abroger, parce que c'est inconstitutionnel, dans la mesure où ça vient contredire le principe de l'égalité.

Maintenant, sur la préséance à donner à une langue, dans l'arrêt relatif aux droits linguistiques au Manitoba, la Cour suprême a rendu une décision dont je vous lis un certain extrait: L'alinéa 2, l'article 5, vont à rencontre de l'exigence énoncée dans Blaikie I, que les versions anglaise et française des lois fassent pareillement autorité. L'alinéa 2a prévoit que, lorsqu'une version n'a pas le même sens que l'autre version, le texte législatif original l'emporte sur sa traduction subséquente. L'article 5 dispose que, pour toutes les lois adoptées avant le 1er janvier 1981, toute ambiguïté ou incohérence dans les renvois à d'autres lois doit se résoudre en fonction du texte anglais de ces lois.

Ça, c'était la loi du Manitoba sur laquelle porte jugement la Cour suprême. Puis la Cour continue: Ces dispositions ne peuvent être maintenues. Tout mécanisme de solution de divergence de sens entre la version anglaise et la version française d'une loi qui accorde la préférence à un texte plutôt qu'à l'autre a pour effet de rendre ce dernier texte juridiquement inapplicable, puisqu'on ne peut pas s'y fier.

M. Bélanger (Anjou): Alors, on fait quoi, quand on arrive à 2 dispositions qui ne disent pas la même chose?

M. Ryan: Pardon?

M. Bélanger (Anjou): On arrive à quoi, quand on arrive à 2 versions d'un même article de loi qui ne disent pas la même chose? On fait quoi?

M. Ryan: C'est le tribunal qui tranche en fonction de l'étude comparative des 2.

Une voix: C'est la discrétion que j'ai ici.

M. Ryan: Mais oui.

M. Bélanger (Anjou): C'est ça.

M. Ryan: Oui. C'est très bon. Ça fait 2 textes auxquels il peut se référer. Il peut arriver que le texte va prendre l'hypothèse la plus désagréable pour commencer. Il peut arriver que le texte français soit ambigu, incomplet, puis que le texte anglais comporte des clartés dont ne s'était pas rendu compte le législateur, puis le juge va trancher toujours en faveur du droit du contribuable. C'est ça qui est son rôle. Et, moi, je trouve que c'est loin de rabaisser la civilisation. Au contraire, je trouve que ça la hausse d'un petit cran.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, dans...

M. Ryan: La règle que j'ai citée, M. le Président...

M. Bélanger (Anjou): ...la logique bilingue, peut-être, du ministre, c'est peut-être vrai, ce qu'il dit, mais...

M. Ryan: Mais regardez, en matière de tribunaux, là, ou on a le principe de l'égalité des 2 langues, en vertu de 133, ou on ne l'a pas. On l'a. Selon nous, on l'a. Ça fait qu'il faut bien être logique. Mais si vous nous dites: Oui, ici, il y a... Ce n'est pas bilinguisme au sens que les 2 langues sont obligatoires partout, cependant. Ce n'est pas ça qu'il dit. C'est l'égalité des 2 langues. C'est un principe noble, en matière de justice. Je suis prêt à vivre avec ça, moi. À l'intérieur du Canada, oui. Je ne vois pas en quoi je me diminue. Nos tribunaux fonctionnent comme ça depuis 125 ans. On a une très bonne science juridique. Vous en êtes un représentant. Je pense que le droit est une des disciplines qui a fleuri le plus au Québec. On a des très bons juristes, justement, peut-être parce qu'ils ont cette possibilité de côtoyer continuellement 2 cultures juridiques et 2 langues. Il n'y a presque personne qui a pratiqué le droit longtemps qui va nous dire qu'il a été diminué à cause de ça. On entre dans l'épaisseur de notre réalité. Vous le...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Doyon): Est-ce que vous êtes prêts à voter sur le troisième paragraphe?

Une voix: Oui.

M. Brassard: M. le Président.

Le Président (M. Doyon): M. le député.

M. Brassard: On me signale que, dans la Charte canadienne des droits et libertés, qui fait partie de la Loi

constitutionnelle de 1982, il est indiqué, à l'article 55 des dispositions générales, que le ministre de la Justice du Canada est chargé de rédiger, dans les meilleurs délais, la version française des parties de la Constitution du Canada qui figurent à l'annexe. Toute partie suffisamment importante, dès qu'elle est prête à être déposée pour adoption par proclamation du gouverneur général sous le grand sceau du Canada, conformément à la procédure applicable, à l'époque, à la modification des dispositions constitutionnelles qu'elle contient...

On m'informe que ça n'a pas été fait encore. Ce n'est pas fait. Il y a toute une série de textes constitutionnels qui n'ont pas encore de version française. Et, à l'article 56, on dit que les versions française et anglaise des parties de la Constitution du Canada adoptées dans ces 2 langues ont également force de loi. En outre, ont également force de loi, dès l'adoption, dans le cadre de l'article 55, d'une partie de la version française de la Constitution, cette partie et la version anglaise correspondante. Sauf que ce n'est pas fait. Ce n'est pas fait actuellement.

Alors, ça fait — c'est en 1982, ça — maintenant 11 ans. Et ce n'est pas fait. Donc, la Constitution canadienne qui prévoit que les versions française et anglaise des textes constitutionnels ont également force de loi, c'est une abstraction, parce que les versions françaises n'existent pas encore après 11 ans. Alors, il me semble qu'on devrait peut-être être moins pressé, parce que les lois fondamentales mêmes qui nous régissent ne respectent pas encore cette disposition pourtant jugée majeure. Et, nous, on serait d'une rapidité, d'une diligence phénoménale, exemplaire.

Il me semble bien qu'avant qu'on s'engage dans cette voie-là on pourrait peut-être au moins exiger que les dispositions constitutionnelles — il ne s'agit même pas de simples lois — soient respectées dans ce régime fédéral considéré comme le meilleur et le plus approprié par nos amis d'en face.

M. Ryan: Le moins mauvais.

M. Brassard: Pardon?

M. Ryan: Le moins mauvais.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Un grand compromis canadien.

M. Brassard: Je vois que le ministre apporte des nuances.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ryan: J'en cherche sans cesse.

M. Brassard: Mais la question est quand même sérieuse. Ça fait 11 ans, ça fait 11 ans puis ce n'est pas fait.

M. Ryan: Regardez, on m'informe...

M. Brassard: Alors, il y a une disposition constitutionnelle — puis, encore là, j'insiste, on ne parle pas de loi — qui prévoit que l'égalité en ce qui a trait à la version française et anglaise a également force de loi. Mais, dans les faits, ce n'est pas applicable parce que, les textes constitutionnels, on a oublié de les traduire et d'en prévoir une version française jusqu'à maintenant. Il me semble qu'on pourrait être moins pressé.

M. Ryan: M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Oui, M. le ministre.

M. Ryan: Si l'Opposition veut nous donner son appui explicite, nous allons prier le ministre des Affaires intergouvernementales et le premier ministre de multiplier et de presser les démarches afin qu'on obtienne ce texte. Je pense que c'est vrai, la question évoque une situation réelle, d'après les informations que me communique Me Gosselin, et c'est regrettable. Je ne sais pas, je pourrais hypothétiser sur les explications possibles. Il y en a plusieurs. En particulier, par exemple, toutes les modifications qu'on avait entrepris d'apporter à la Constitution, ça aurait peut-^tre conduit à une Constitution complètement nouvelle, complètement refaite, là, de manière à avoir un peu plus d'unité. Peut-être, je ne sais pas, mais je n'ai pas été associé à ces travaux-là. Je ne suis pas en mesure de vous le dire. Je ne sais pas si Me Gosselin aurait des précisions à nous apporter là-dessus, au plan des faits? (16 h 50)

Le Président (M. Doyon): Me Gosselin.

M. Gosselin: II y a, effectivement, eu des travaux qui se sont faits. Il y a des rapports qui ont été produits et, d'ailleurs, on a eu, l'année dernière, un des derniers rapports qui a été fait là-dessus, sauf qu'il n'y a rien... Il y a une partie de la Constitution, par contre, pour laquelle il existe un texte français, la Charte canadienne et la loi de 1982 sont dans les 2 langues. Et il y a eu des cas, par exemple, dans le cas de la Charte, où on a interprété, dans l'article 6, la version anglaise à la lumière de la version française. Il y a eu des cas comme ça.

Mais, pour la loi de 1867, il n'y a pas encore, finalement, de texte officiel.

M. Brassard: Y compris pour l'article 133? M. Gosselin: Y compris pour l'article 133.

M. Brassard: C'est quand même étonnant. On se soumet à l'article 133 et l'article 133 n'a même pas de version française.

Une voix: Aïe! c'est grave.

M. Brassard: Par conséquent, on ne peut pas parler d'égalité en termes de force de droit puisque l'article 133 lui-même, auquel on se soumet présentement, n'a pas une version française. On est chez Alice au pays des merveilles, hein.

M. Ryan: On peut être légaliste aussi, mais il faut distinguer les choses plutôt théoriques des faits. Dans les faits, si vous regardez les arrêts qu'a rendus la Cour suprême dans l'affaire Blaikie, on cite l'article 133 et on le cite dans les 2 langues. Les jugements de la Cour suprême sont tous rendus en français et en anglais. On cite l'article 133 dans son texte français et les jugements sont rédigés en fonction de ces traductions qui sont établies et tout ça. Je suis sûr que ça a été vérifié par la Cour suprême pour que la version française soit parfaitement harmonisée avec la version anglaise. Je pense qu'il n'y a pas de danger de ce côté-là.

M. Brassard: Sauf qu'à l'époque, M. le ministre, où les jugements Blaikie ont été rendus, c'est avant la loi de 1982. C'est avant, donc, les dispositions constitutionnelles qui stipulent que les versions française et anglaise ont également force de loi. C'est avant ça que ça s'est passé.

M. Ryan: Je comprends, mais, depuis ce temps-là, quand ils ont été saisis de cet arrêt-là, de cette cause-là, ils ont établi eux-mêmes... Us commencent, ils donnent les textes au début, et ils les donnent dans les 2 langues.

M. Brassard: II reste que, M. le Président, on se trouve dans une situation un peu aberrante, pour ne pas dire absurde. Et, dans ce contexte-là, le gouvernement ne serait pas malvenu d'être moins diligent et d'être moins empressé. Il pourrait peut-être, avant d'aller de l'avant dans cette direction-là, exiger un certain nombre de choses sur le plan constitutionnel, que les dispositions constitutionnelles soient d'abord respectées avant qu'on aille dans le sens indiqué dans le projet de loi. La conclusion que j'ai, moi, actuellement, c'est qu'il y a des rapports — le conseiller juridique nous dit qu'il y a des rapports — mais il semble bien que les rapports sont sur les tablettes et les traducteurs sont sur les tablettes aussi. Ça n'avance pas.

M. Ryan: M. le Président, il y a une chose qu'on va devoir vérifier, là. Je vais le vérifier et je pourrai en parler demain ou après-demain, ou au début de la semaine. Il y a eu des périodes prolongées où le Québec a refusé de participer aux travaux, sous le règne du Parti québécois. Après l'adoption...

M. Brassard: C'est loin, ça.

M. Ryan: ...de la Loi constitutionnelle de 1982, pendant 3 ans, il n'y avait pas de participation à des travaux de cette nature. Chez nous, après l'échec du lac Meech, nous sommes restés en dehors de ces travaux-là pendant quelques années également. Ça fait que là il va falloir voir si... Ça a peut-être eu un effet sur le progrès des travaux, ça. Je vais vérifier et je vous en reparlerai.

M. Brassard: Bien.

M. Ryan: Mais ça n'est pas... Je pense que ça ne modifie en rien, là, l'intention et la signification de l'article 1, M. le Président.

M. Brassard: Je comprends que vous allez en parler à votre collègue, le ministre de la Justice et responsable des Affaires intergouvernementales canadiennes et du dossier constitutionnel...

Une voix: Et jurisconsulte.

M. Brassard: ...et jurisconsulte qui va, lui-même, faire des démarches. J'espère qu'elles seront plus efficaces que les démarches nombreuses épistolaires et de toute autre nature de son collègue, M. Bourbeau. En matière de main-d'oeuvre, ça n'avance pas beaucoup. On espère que les démarches vont être plus fructueuses.

Le Président (M. LeSage): Ça va pour l'article 3°? M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): Oui, M. le Président, tout à l'heure, le conseiller juridique a fait mention d'un arrêt de la Cour suprême qui avait déclaré invalide toute préséance qu'on pouvait donner à une version d'une loi par rapport à une autre. Est-ce que je pourrais juste avoir la référence, s'il vous plaît?

M. Gosselin: C'est le renvoi manitobain no 2.

M. Bélanger (Anjou): Le no 2? C'est celui du 23 janvier 1992?

M. Gosselin: Renvoi manitobain... Je m'excuse, c'est le renvoi no 1. Les droits linguistiques du Manitoba 1985, 1-RCS, 721, page 778.

M. Bélanger (Anjou): Je vous remercie.

Le Président (M. LeSage): Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Je ramène la question de mon collège de Lac-Saint-Jean. Est-ce que le ministre ne trouve pas un peu précipité cette idée d'assujettir les lois québécoises, la Charte de la langue française... Évidemment, je partage l'avis de Mme Bissonnette, il faudrait appeler ça au moins la charte du bilinguisme. Ce serait plus conforme, parce que, là, on le reconnaît par cet article. Est-ce qu'il ne serait pas plus sage, plus respectueux de la population majoritairement française ici, au Québec, que de dire: Avant qu'on soumette nos propres lois à 133, il faudrait peut-être qu'il y ait une version

française? Là, ça veut dire qu'on assujettit nos lois aux versions anglaises. Est-ce que c'est normal? Est-ce que c'est légitime? Est-ce qu'il n'y a pas là-dedans de la précipitation? Vous êtes d'accord avec moi, M. LeSage, ça n'a pas... Je trouve que trop, c'est trop.

Le Président (M. LeSage): M. le ministre.

Mme Blackburn: Ça ne vous semble pas un peu...

M. Ryan: Moi, je trouve que ce sont des querelles de symbole qui n'ont aucun rapport avec la réalité. Jamais, à ma connaissance, l'interprétation que la Cour suprême a donnée de 133 n'a soulevé de difficultés au regard d'une version française à laquelle nous autres sommes habitués ici. Jamais, à ma connaissance, il n'y a eu de problèmes sérieux qui ont découlé de ça. S'il y avait des difficultés, mais il n'y en a pas. On est arrivé... Et ça, l'usage de plusieurs langues, il faut se faire à l'idée que c'est très général et que ça va l'être de plus en plus, pas de moins en moins, de plus en plus, dans les sociétés modernes et, en particulier, pour le fonctionnement des gouvernements.

Alors, ici, on a des travaux qui sont en marche. J'ai dit que je donnerais des renseignements là-dessus. Mais ça ne change rien, ça, à l'intention que nous avons. Je pense que le but que nous poursuivons est beaucoup plus important, dans ses conséquences pratiques, que la démarche que voudrait nous inspirer la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Est-ce que le ministre peut nous répéter que les guerres de symbole, pour lui, ça ne l'impressionne pas, alors qu'il a lui-même déclaré que l'affichage, c'était davantage un symbole? Et là, tout à coup, il est en train de céder à un symbole. Il y en a un qui est important et l'autre ne l'est pas?

M. Ryan: Chaque chose dans son ordre. Des symboles, il y en a peut-être 500 000 en tout, dans le... Ils n'ont pas tous la même importance parce qu'ils portent ce nom-là. C'est évident. Il faut apprécier chacun selon sa place dans l'ordre des choses, son rapport avec d'autres réalités comparables, assimilables ou non assimilables. Ça, c'est infini.

M. Bélanger (Anjou): Donc, pour certains gros symboles, ça vaut la peine de faire la guerre, c'est ça?

M. Ryan: Ça dépend des cas. Si un peuple se bat pour son drapeau... Il y a des peuples qui n'accordent pas beaucoup d'importance au drapeau, d'autres qui en accordent beaucoup. Ça dépend. Aux États-Unis, ils ont fait des croisades. À un moment donné, vous savez ce que la Cour suprême a décidé. Elle a décidé que fouler le drapeau aux pieds, ce n'était pas un crime. Il y en a beaucoup... Tous les partisans d'une orthodoxie rigide trouvaient que c'était aussi pire que de violer les saintes espèces. La Cour suprême a dit: Ça ne va pas jusque-là.

Mme Blackburn: Diriez-vous que le symbole français pour le Québec, et une traduction française, c'est un symbole qui a moins de valeur que l'affichage?

M. Ryan: Non, je dis que dans ce cas-ci nous avons déjà des traductions françaises accréditées pour toutes les fins pratiques que nous pouvons envisager de l'article 133. Ce n'est pas ça qui manque. Il y en a beaucoup. Ça fait longtemps que le gouvernement fédéral publie la Constitution de 1867 dans les 2 langues. Ils ont commencé ça dans les années quarante.

Mme Blackburn: Sauf qu'elles ne sont pas...

M. Ryan: Pardon? Oui, mais on s'en sert à toutes fins utiles. C'est la même chose. Et la Cour suprême elle-même donne toujours les 2 versions quand elle est saisie de causes qui traitent de 133. Il y a une formalité pour des questions de politique qui n'a pas été consommée encore. C'est tout.

M. Brassard: M. le Président.

M. Ryan: Mais là on prétend accrocher toute une décision comme celle-ci à ça, non.

M. Brassard: Je veux bien, sauf que... Je vous signale que c'est peut-être parce qu'on a prévu un processus extrêmement compliqué que, 11 ans après, ce n'est pas chose faite. (17 heures)

Je reviens à l'article 55. Comment la version française des textes constitutionnels doit-elle être adoptée? C'est par proclamation du gouverneur général sous le grand sceau du Canada, conformément à la procédure applicable, à l'époque, à la modification des dispositions constitutionnelles qu'elle contient. 1867, ça veut dire que c'est le Parlement de Londres. C'est la reine, c'est le Parlement de Londres. Il faudrait retourner au Parlement de Londres ou alors, si on se réfère à la procédure d'amendement prévue à la Loi constitutionnelle de 1982, là, c'est l'unanimité des Législatures et du Parlement de la Chambre des communes. Alors, c'est peut-être là l'explication du retard. C'est parce que c'est tellement compliqué, mais la situation est quand même celle-là. Actuellement, on est en train de se soumettre, de façon très détaillée, à une disposition constitutionnelle qui s'appelle l'article 133, dont la seule version authentique est la version anglaise. Surprenant!

M. Ryan: On peut se scandaliser, si on veut, mais je vais vous donner seulement un exemple. Quand on a fait la Loi constitutionnelle de 1982, le Nouveau-Brunswick a adhéré officiellement à l'article 133. C'est inscrit dans la loi de 1982: Langues officielles du Canada, l'article 18 et les autres. On reprend des textes de 133, et on a une version française et une version anglaise. Pour le

Nouveau-Brunswick, maintenant, ça marche à cause de ça. Le Manitoba, lui, n'a même pas de version officielle, actuellement.

M. Brassard: Mais il n'en demeure pas moins, M. le ministre, que vous reconnaissez que la version authentique de l'article 133, sur le plan légal et constitutionnel, c'est la version anglaise.

M. Ryan: C'est une loi qui a été adoptée en Angleterre en 1867. On sait tous ça là, on ne fait pas une découverte aujourd'hui, j'espère.

M. Brassard: Ce n'est pas une découverte! Pour beaucoup, c'en est une, certain.

M. Ryan: Et, depuis ce temps-là, on fonctionne avec des traductions. J'ai mentionné 1940, tantôt, ça devrait remonter beaucoup plus loin en arrière. Mais, depuis 1940-1945, surtout depuis le gouvernement de M. Pearson, on a toujours fonctionné avec les 2 textes là-dessus. Peut-être qu'il n'a pas été officialisé, parce qu'il y avait des complications du côté des gouvernements, qui ont rendu ça impossible, mais, à toutes fins utiles, nous l'avons déjà, et, comme j'ai dit tantôt, prenez les jugements de la Cour suprême, les 2 textes sont là. Ce n'est pas pour rien...

M. Brassard: M. le ministre, nous aussi, depuis longtemps ici en cette Chambre, on fonctionne avec les 2 textes; ce n'est pas nouveau là, ce n'est pas une nouveauté, ce n'est pas une innovation. On fonctionne avec les 2 textes depuis longtemps, mais là, nous, on vient dire, cependant, que les 2 textes ont également force de loi, ils sont sur le même pied.

M. Ryan: Oui.

M. Brassard: Version anglaise, version française, alors que ce qui nous régit sur le plan constitutionnel, ce n'est pas le cas, c'est, jusqu'à maintenant, la version anglaise qui est la seule authentique.

M. Ryan: Mais, nous autres, nous prenons la chose, non pas la forme, non pas l'enveloppe, nous prenons la chose, et la chose, c'est que les 2 langues sont considérées comme égales dans les projets de loi. Obligatoire. Les 2 langues peuvent être utilisées facultativement, devant les tribunaux, dans les interventions faites à l'Assemblée nationale. C'est la res qui compte, la chose. Au bout de la ligne là, c'est ça qui compte, et là on le met dans nos termes à nous, ça va être officiel en français. Mais oui.

M. Brassard: Vous ne trouvez pas ça aberrant, M. le ministre... Je comprends ce que vous dites, mais ne trouvez-vous pas ça aberrant que les dispositions constitutionnelles sur lesquelles on s'appuie, notre assise constitutionnelle pour justifier le bilinguisme...

M. Ryan: Écoutez, je comprends, mais, si c'était...

M. Brassard: Sa version... La seule authentique, c'est la version anglaise, c'est quand même un peu... On est un peu dans l'absurdité là.

M. Ryan: Oui, mais ça... Il faudrait dire aussi, si on veut parler de ça, que depuis la Loi sur les langues officielles, à Ottawa, qui doit remonter à peu près à 1963, si mes souvenirs sont bons, monsieur? C'est déjà loin pour vous, ça. Je ne sais pas si vous étiez au monde à ce moment-là, mais, pour nous autres, c'est tout récent. Depuis cette loi-là, toutes les lois adoptées par le Parlement canadien sont adoptées dans les 2 langues. Ça en fait un paquet, ça, de textes, là, dont les tribunaux doivent user, en tenant compte de l'égalité qui est garantie dans ces textes aux 2 langues. La Loi sur les langues officielles du Canada est une des mesures législatives en matière linguistique les plus évoluées du monde entier, qui suscite l'admiration partout à travers le monde. Et on est très avancé. Si ce cas-là, sur lequel vous essayez de vous arrêter, compréhensiblement, était vraiment indicatif de la tendance qu'on a suivie depuis un quart de siècle, je serais découragé moi-même. C'est une exception qui reste à régler. C'est un petit cas qui est là.

M. Brassard: Au Parlement fédéral, on adopte les lois dans les 2 langues, bien sûr, parce que, en vertu de 133... C'est à cause de 133. Ce n'est pas depuis...

Mme Blackburn: Bien oui.

M. Ryan: Donc, on a les lois dans les 2 langues depuis une secousse. Et déjà, dans la pratique, je serais surpris... On pourrait faire la comparaison de la version française qui circulait dans les années trente et celle qui circule aujourd'hui. Pour moi, ça doit être la même chose.

M. Brassard: Ils ne s'entendent pas? Je comprends. Ce n'est pas ça, le problème. C'est que le bilinguisme législatif...

M. Ryan: Oui, mais l'usage...

M. Brassard: ...se fait en vertu d'une disposition constitutionnelle...

Une voix: Unilingue anglaise.

M. Brassard: ...dont la version, la seule authentique, est anglaise. C'est ça, la situation absurde.

M. Ryan: Oui, mais la consécration par l'usage n'est point négligeable. Dans ce cas-ci, la consécration par l'usage est très forte. ... n'importe quelle traduction qui portera 2 ou 3 signatures de premiers ministres.

M. Brassard: Enfin, on peut compter que vous allez faire les démarches auprès de...

M. Ryan: Avec votre appui, et j'espère que vous presserez vos collègues en Chambre.

M. Brassard: ...votre collègue pour avoir au moins des explications pourquoi ce n'est pas plus avancé que ça.

M. Ryan: Ça, je pense que le salon bleu serait l'endroit parfait pour un de vos magnifiques exercices oratoires. Ici, c'est trop petit.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Blackburn: Non, mais plus sérieusement.

Le Président (M. LeSage): Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Comme il y a une version officielle anglaise, dans les cas de divergence — Me Gosselin pourrait peut-être nous renseigner là-dessus — comme il n'y a qu'une interprétation officielle, c'est l'anglaise qui prévaut. Est-ce qu'il n'y a pas eu des cas qui ont mis en opposition une version non officielle française, qui n'existe pas, qui n'a pas été officialisée, par rapport à la version d'origine anglaise?

M. Gosselin: Je l'ignore. Il faudrait que je reconsulte... La loi de 1867, c'est surtout sur le partage des compétences. Donc, je n'ai pas révisé la jurisprudence là-dessus. Il faudrait que je...

Mme Blackburn: Et, s'il y avait divergence, évidemment, comme il n'y a pas de version officielle en français, c'est l'anglaise qui s'applique.

M. Ryan: M. le Président.

Le Président (M. LeSage): M. le ministre.

M. Ryan: S'il y avait eu divergence, ce serait enregistré dans les jugements rendus depuis 25 ans. Et je n'ai pas souvenance d'un arrêt où un juge aurait dit qu'il ne pouvait pas souscrire à telle conclusion parce qu'on avait donné une interprétation différente, selon qu'on prenait le texte français, un mot français ou le texte anglais. Je n'ai pas souvenance de ça. Je ne prétends pas avoir tous ces textes dans la tête, mais il n'y en a pas beaucoup qui ont échappé à ma lecture. Je n'ai pas souvenance de ça. On pourra faire une vérification ce soir. On peut essayer d'appeler le juge de Grandpré, que l'Opposition apprécie beaucoup.

Mme Blackburn: Oui. Une voix: Ah oui...

M. Ryan: II a siégé à la Cour suprême pendant plusieurs années. Qui a siégé à part ça, qui a démissionné aussi? Il y en a un autre. Le juge Beetz est décédé maintenant, malheureusement. Oui, je cherchais un juge du Québec. Il me semble qu'il y en a un autre qui s'est retiré récemment. On pourrait appeler... On va faire des consultations. Vous en ferez de votre côté.

Mme Blackburn: Ça va?

Le Président (M. LeSage): Ça va, Mme la députée de Chicoutimi?

Mme Blackburn: Le paragraphe 4°.

Le Président (M. LeSage): Alors, paragraphe 4°, Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: «toute personne...

Le Président (M. LeSage): «toute personne peut employer le français ou l'anglais dans toutes les affaires dont sont saisis les tribunaux du Québec et dans tous les actes de procédure qui en découlent.»

Mme Blackburn: Y compris les personnes morales.

M. Ryan: Regardez, une personne morale ne se présente pas devant le tribunal. Ce sont des individus qui la représentent. Une personne morale, ça ne se déplace pas, à ma connaissance. La compagnie Sun Life, ça n'arrive pas, comme telle, devant le tribunal. C'est M. Blaikie, avocat, ou M. Johnson... C'est lui qui a le droit.

Mme Blackburn: Oui, mais ce n'est pas lui qui assume la responsabilité individuelle. C'est la personne morale, l'institution ou l'entreprise.

M. Gosselin: C'est le choix du plaideur, c'est un droit du plaideur comme c'est un droit du juge, comme c'est un droit du témoin.

Mme Blackburn: Mais la tradition...

M. Ryan: C'est l'apparaissant devant le tribunal.

Mme Blackburn: ...dans ces cas, par rapport à la personne morale lorsqu'il y a... L'on sait qu'il y a quelques causes.

M. Ryan: Au Québec, vous n'avez jamais vu, encore une fois, la compagnie Bell Canada présente en personne devant le tribunal. Ça n'existe pas ça. Ce qui existe, c'est M. Jean de Grandpré, procureur de la compagnie Bell Canada qui, lui, se présente devant le tribunal ou M. Lawrence Stancey ou un autre. (17 h 10)

Mme Blackburn: Mais ce n'est pas lui, c'est Bell Canada.

M. Ryan: Je comprends, au bout de la ligne, oui, mais devant le tribunal, là, ce qu'on définit, ce sont des droits des apparaissant devant le tribunal, les procureurs, les témoins, les experts, le juge. C'est ça qui est défini. C'est pour ça que «personne morale» ici, si on acceptait ça, on se trouve à réduire énormément les droits des apparaissant devant le tribunal, en particulier des juristes, des témoins, aussi. C'est pour ça qu'il y a ce redressement qui est proposé.

Le Président (M. LeSage): M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Je voudrais savoir... L'article 11 de la Charte de la langue française se lit comme suit: «11. Les personnes morales s'adressent dans la langue officielle aux tribunaux et aux organismes exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires. Elles plaident devant eux dans la langue officielle, à moins que toutes les parties à l'instance ne consentent à ce qu'elles plaident en langue anglaise.»

L'article 11 de la loi actuelle, je voudrais savoir s'il a été contesté devant les tribunaux et s'il a été invalidé par des tribunaux, l'article 11?

M. Ryan: Dans l'arrêt du juge Deschênes et dans les arrêts Blaikie, toutes les dispositions de cette partie de la Charte ont été examinées une à une.

M. Brassard: Y compris nommément l'article 11? M. Ryan: Une à une, oui, oui.

Mme Blackburn: Alors qu'ils ont le choix sur consentement.

M. Ryan: N'est-ce pas, M. le conseiller? Ne vous gênez pas pour me contredire. Si j'affirme des faussetés, la vérité est toujours en premier avec nous.

M. Gosselin: C'est clair, depuis les arrêts Mac-Donald, entre autres, et Société des Acadiens et, aussi, Blaikie I, que 133 accorde aux justiciables, aux avocats, aux témoins, aux juges, aux autres officiers de justice le droit d'utiliser à leur gré le français ou l'anglais lorsqu'ils prennent la parole dans le cadre d'un débat judiciaire ou lorsqu'ils rédigent un acte de procédure. Et c'est leur droit. Même s'il représente une compagnie, l'avocat qui représente la compagnie peut choisir à son gré. C'est ça que lui donne 133. Je ne vous dis pas que la pratique peut... Peut-être que, lorsqu'ils représentent une compagnie anglaise, ils vont choisir un avocat qui va s'exprimer en anglais, je l'ignore, sauf que 133 garantit ce droit-là, le droit de choix, le droit d'option et c'est ça qu'on vient exprimer à cette disposition.

M. Brassard: Est-ce que je comprends bien, dans ce cas-là, qu'en vertu de ces jugements auxquels vous faites référence il n'y a pas de distinction devant les tribunaux du Québec et les tribunaux canadiens entre une personne physique et une personne morale? Il n'y a pas de telle distinction.

M. Gosselin: ...une personne physique ou une personne morale, l'avocat a le choix. C'est son choix personnel. Ce n'est pas le choix de la personne qu'il représente, qu'elle soit personne physique ou personne morale. Et le témoin qui comparaît devant le tribunal, c'est son choix à lui de s'exprimer dans la langue de son choix. C'est ça que lui garantit 133. Donc, il n'est pas question de distinction entre personne physique et personne morale parce que c'est toujours une personne physique qui exerce le droit et c'est elle qui a le choix de le faire.

M. Ryan: Pour une fois, c'est traité expressément dans la cause Blaikie.

M. Gosselin: Et aussi dans MacDonald. Je peux vous citer: 1986, l-RCS,460, aux pages 483, 484, le juge Beetz pour la majorité; et la même chose dans la Société des Acadiens contre Association de parents, 1986, 1-RCS,549, aux pages 574, 575. Et, ça, c'est de jurisprudence constante.

M. Bélanger (Anjou): On a repris nommément cet article-là pour dire qu'il était invalide ou c'est par interprétation du jugement qu'on en vient à la conclusion que, si cet article venait à interprétation, il serait invalide?

M. Gosselin: C'est dans Blaikie I qu'on l'a invalidé.

M. Bélanger (Anjou): On l'a invalidé nommément? L'article 11 est invalide. C'est ça? Ça le dit dans Blaikie?

M. Gosselin: Oui, oui.

M. Bélanger (Anjou): Non, mais je voudrais savoir de l'expert...

M. Ryan: Oui, le juge Deschênes l'a dit clairement et il est confirmé par les autres, ensuite.

M. Bélanger (Anjou): Je voudrais avoir la référence.

M. Ryan: Oui, oui, on va vous la procurer, si vous voulez avoir le texte des jugements, ça...

M. Bélanger (Anjou): Non, non. L'expert n'a pas répondu à ma question. Est-ce que, nommément, l'article 11 a été invalidé?

M. Ryan: Même dans Deschênes, ça allait plus loin que ça. Les parties sont tombées d'accord séance tenante que le mot «personne» s'applique aux personnes morales comme aux personnes physiques. Elles sont tombées d'accord séance tenante.

M. Bélanger (Anjou): Oui, mais ça c'est des admissions dans un procès, M. le Président. Ça ne fait pas partie d'un ratio decidendi d'un jugement, à ma connaissance.

M. Ryan: Qui a été confirmé par le tribunal dans sa conclusion.

M. Gosselin: Je ne vois pas l'intérêt de savoir: une personne morale ou une personne physique.

M. Bélanger (Anjou): Mais la question que je pose, ce n'est pas ça. Moi, je demande si l'article lia été spécifiquement invalidé par un arrêt de la Cour suprême. Ou c'est...

Le Président (M. LeSage): Me Gosselin.

M. Gosselin: Dans Blaikie I, en entérinant implicitement cette partie du jugement du juge Deschênes, où, lui, réfère à ça, d'après nous, il a été invalidé explicitement.

M. Bélanger (Anjou): Donc, si je comprends bien...

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): Merci, M. le Président. Le Président (M. LeSage): Allez-y.

M. Bélanger (Anjou): Donc, si je comprends bien, ça n'a pas été... D'après votre interprétation et d'après l'interprétation large que vous donnez à ce jugement-là, si 11 venait à être contesté, il serait invalidé. Mais ce jugement-là n'est pas réellement invalidé.

M. Gosselin: On a invalidé, écoutez, 8 à 13, dans le dispositif du jugement de Blaikie I.

M. Bélanger (Anjou): Ah! 8 à 13 a été dans les conclusions de jugement?

M. Gosselin: Oui.

M. Bélanger (Anjou): Ah bon!

M. Ryan: On ne peut pas demander plus clair.

Le Président (M. LeSage): Ça va pour l'article 4°? Le paragraphe 4°, ça va?

(Consultation)

Le Président (M. LeSage): M. le ministre? M. Ryan: À quel article sommes-nous?

Le Président (M. LeSage): J'ai demandé si, le sous-paragraphe 4°, ça allait?

M. Ryan: Oui, nous sommes prêts à voter. Mme Blackburn: Ça va.

Le Président (M. LeSage): Ça va? Est-ce que l'article 7 est adopté?

M. Brassard: On n'a pas fini 7, M. le Président.

Le Président (M. LeSage): Bien oui. M. Brassard: II reste 8 et 9.

Le Président (M. LeSage): Oui, mais le 7 est fait.

M. Brassard: Oui, le 7 est fait, mais l'article 1 comprend 7, 8 et 9.

Le Président (M. LeSage): Je croyais que le président avait mentionné qu'il étudiait article par article.

M. Brassard: C'est-à-dire, l'article de la loi 86, l'article 1 comprend des amendements à 7, 8 et 9 de la Charte. Ça fait partie de l'article 1. Là, c'est 8.

Le Président (M. LeSage): Alors, j'appelle l'article 8, qui se lit comme suit: «8. S'il existe une version anglaise d'un règlement ou d'un autre acte de nature similaire auxquels ne s'applique pas l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867, le texte français, en cas de divergence, prévaut.»

M. le ministre.

M. Ryan: Je pense que nous l'avons expliqué amplement par anticipation tantôt. Si nous établissons antérieurement dans le texte que les actes qui ne sont pas visés expressément par la jurisprudence instituant l'article 133 peuvent subir une autre règle linguistique que celle de l'égalité, bien, ça va être la règle de la prévalence du français, la priorité du français. C'est ce que nous disons ici: S'il existe une version anglaise d'un règlement ou d'un autre acte de même nature auxquels ne s'applique pas 133, le texte français, en cas de divergence, prévaut. Par exemple, supposez que vous avez un règlement municipal qui a été adopté dans les 2 langues par une municipalité qui a un statut de municipalité bilingue, et une contestation surgit, à ce moment-là, le

texte français prévaut. Alors, ce n'est pas négligeable, des règlements municipaux, il s'en adopte des milliers par année.

Mme Blackburn: En 8, on reconnaissait 1 langue officielle dans la loi d'origine: Si les projets de loi sont rédigés dans la langue officielle, ils seront également en cette langue déposés à l'Assemblée nationale. Non, ce n'est pas tout à fait le même... Ce n'est pas celui-là qui se trouve à valider.

M. Ryan: Oui, mais, quand on reconnaît à une municipalité...

Mme Blackburn: Oui, oui, je sais, mais à quelle place on le retrouve là-dedans?

M. Ryan: ...un statut bilingue, elle peut adopter ses résolutions dans les 2 langues. Il n'y a rien qui empêche actuellement la ville de Montréal d'adopter une résolution en anglais, si elle le veut, mais elle n'a pas de valeur officielle.

M. Bélanger (Anjou): Mais là, finalement...

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): Oui, merci. Mais là, finalement, M. le Président, on donne une certaine valeur officielle à un texte anglais qui n'avait pas nécessairement à être en anglais, on lui donne une certaine valeur. On dit que le texte français a préséance, mais on reconnaît une valeur légale, une valeur au texte anglais. Est-ce que le ministre est d'accord avec mon interprétation? Bien, c'est ça que je ne comprends pas. C'est que, normalement, il ne devrait pas avoir de valeur légale. On lui donne une valeur légale mais on dit que c'est le texte français qui a préséance. Ça ne fonctionne pas, là. C'est comme la Constitution canadienne, là. (17 h 20)

M. Brassard: Bien oui.

M. Bélanger (Anjou): Ça ne marche pas. Ça ne fonctionne pas.

M. Brassard: M. le Président, est-ce qu'on ne devrait pas plutôt stipuler que c'est seul le texte français qui a valeur légale?

M. Bélanger (Anjou): Bien oui. C'est ça qu'on devrait dire. On ne l'empêchera pas mais on ne lui donne pas une valeur légale.

M. Brassard: II peut y avoir une version anglaise, mais la valeur légale n'est attribuée qu'au texte français.

M. Bélanger (Anjou): Ah oui! Ça, ça serait logique. Parce que si on donne un ordre de préséance c'est qu'on donne une certaine valeur au texte anglais. Sinon, on ne parlerait pas de préséance, on dirait: C'est juste le texte français qui a valeur légale.

Le Président (M. LeSage): M. le ministre.

M. Ryan: Regardez, on va prendre l'article 113f, là. L'article 113f entraîne différentes possibilités pour les municipalités bilingues, là. Je vais vous lire l'article 23 de la Charte actuelle: «Les organismes et services reconnus en vertu du paragraphe f de l'article 113 doivent assurer que leurs services au public sont disponibles dans la langue officielle. «Us doivent rédiger dans la langue officielle les avis, communications et imprimés destinés au public. «Ils doivent élaborer les mesures nécessaires pour que leurs services au public soient disponibles dans la langue officielle...» Mais ils peuvent également adresser leurs avis dans une langue autre que le français, y compris leurs textes de règlements.

M. Bélanger (Anjou): Non, mais ce n'est pas ça, le problème. Ce n'est pas les empêcher de...

M. Ryan: Non, laissez-moi finir. Ils peuvent envoyer le texte d'un règlement en français et en anglais à leurs constituants s'ils le veulent. Puis on dit, ici: «S'il existe une version anglaise d'un règlement ou d'un autre acte de nature similaire auxquels ne s'applique pas l'article 133 [...] le texte français, en cas de divergence, prévaut.» Il est là, le texte anglais. Quand même on ne voudrait pas, il est là. Il y a une limite de vouloir jouer à la cachette puis toujours le puritanisme excessif.

M. Bélanger (Anjou): Ce n'est pas du puritanisme. Il faut une certaine rigueur, quand même. Quand on dit que c'est juste le texte français qui devrait exister et puis que, légalement — je dis bien légalement... Moi, ça ne me dérange pas, le fait qu'il existe dans les faits, ce document en anglais. Mais on ne peut pas lui donner une reconnaissance.

M. Ryan: On va regarder ça comme il faut, là. Regardez à l'article 19 de la Charte. Voulez-vous me dire quelque chose, M. Gosselin?

(Consultation)

Le Président (M. LeSage): M. le ministre.

M. Ryan: Je vais d'abord vous donner un extrait de la Charte actuelle. «Les avis de convocation des ordres du jour et des procès de toute assemblée délibérante dans l'administration sont rédigés dans la langue officielle.» Il n'y a rien qui interdit, en vertu de l'article qui vient plus loin — 89 — que ce soit rédigé dans la langue anglaise aussi.

M. Bélanger (Ai\jou): Je suis d'accord avec vous, mais ce n'est pas ça, le problème.

M. Ryan: II n'y a rien qui l'interdit. «Dans le cas où la présente loi n'exige pas l'usage exclusif de la langue officielle, on peut continuer à employer à la fois la langue officielle et une autre langue.» En vertu de ça, ils ont le droit d'avoir une version anglaise d'un règlement.

M. Bélanger (Anjou): Oui. Mais de là à leur donner...

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): Merci, M. le Président. M. Ryan: Je peux terminer?

M. Bélanger (Anjou): Excusez-moi. Terminez, M. le ministre.

Le Président (M. LeSage): Allez-y, M. le ministre. C'est à vous.

M. Ryan: Je reconnais la grande courtoisie du député d'Anjou, M. le Président, et je n'étais pas blessé par cet écart très, très momentané.

Alors, ils ont le droit d'avoir une version anglaise de leurs règlements. On dit: S'il y a un conflit qui existe entre les 2, c'est la version française qui prévaut. On ne peut pas demander mieux. S'ils n'avaient pas le droit d'avoir une version anglaise, d'après la Charte comme elle est, je comprendrais. Maintenant, en plus de ceci, M. Gosselin m'informe qu'en vertu de nos pratiques actuelles il y a un certain nombre de règlements qui sont publiés dans la Gazette officielle du Québec et ils doivent l'être dans les 2 langues même s'ils ne tombent pas sous le coup de 133. Alors, dans ces cas-là — ça, il y en a... je pourrai donner des exemples, si vous voulez — c'est la version française qui prévaut. Puis ce n'est pas, par conséquent, une fiction, là. On ne légifère pas pour régir des bulles de savon. Il y a déjà des exemples concrets qui existent en grand nombre.

Le Président (M. LeSage): M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Ou bien donc ça veut dire quelque chose que le français est la langue officielle ou bien non ça ne veut rien dire.

Une voix: C'est ça.

M. Brassard: Si ça veut dire quelque chose que le français est la langue officielle, ça veut dire que, tout ce qui n'est pas soumis à l'article 133, c'est la langue officielle qui prévaut et c'est la version française qui a valeur légale.

Une voix: C'est ça.

M. Brassard: Sinon, ça ne signifie rien, ça, «le français est la langue officielle». C'est une bulle, comme dirait le ministre. C'est un voeu pieux. C'est une belle phrase sans portée, sans signification. Bon, 133 s'applique et impose un certain nombre d'obligations. C'est ce qu'on est en train de discuter depuis un bon moment. Mais, tout ce qui n'est pas soumis à 133, c'est la disposition: le français est la langue officielle, qui prévaut. Et, donc, c'est la version française qui a valeur légale, de sorte que... Je ne sais pas si ma collègue veut proposer un amendement mais on a un amendement en ce sens-là.

M. Ryan: Avant qu'on aille jusque...

M. Brassard: J'ai un amendement et je le propose, M. le Président.

L'article 8, tel qu'introduit par l'article 1 du projet de loi 86, Loi modifiant la Charte de la langue française, est modifié: par le remplacement, dans la troisième et quatrième ligne, des mots «le texte français, en cas de divergence, prévaut» par les mots «seul le texte français a valeur légale».

Le Président (M. LeSage): Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean. Je suis prêt à vous entendre maintenant sur la recevabilité de cette motion.

M. Brassard: Peu de choses sur la recevabilité. Je pense que, quand on regarde nos dispositions et nos règles régissant la procédure d'amendement, ça la respecte en tout point. Ça remplace des mots par d'autres sans affecter le principe même du projet de loi, d'aucune façon. Ça respecte aussi, je pense, l'esprit de la Charte. Ça, c'est l'argument principal de fond que j'utiliserai mais, quant à la recevabilité, je pense que nos règles de procédure en matière d'amendement sont tout à fait respectées, ce qui rend parfaitement recevable la motion que je présente.

Le Président (M. LeSage): Est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur la recevabilité de cette motion?

M. le ministre.

M. Ryan: Non. Votre jugement est meilleur que le nôtre.

Le Président (M. LeSage): Alors, je suspends pour quelques instants pour prendre en délibéré la recevabilité de cette motion.

(Suspension de la séance à 17 h 28)

(Reprise à 17 h 30)

Le Président (M. LeSage): Je prie les membres de la commission de reprendre leur place. Alors, j'ai regardé l'amendement et j'en viens à la conclusion qu'il me semble qu'il est recevable. Alors, je suis prêt à entendre le premier intervenant sur la motion d'amendement.

M. Brassard: Oui, bien, M. le Président...

Le Président (M. LeSage): M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: .. .je pense que ça rejoint un peu les propos qui étaient les nôtres avant que je présente ma motion. L'argument principal, c'est ou ça signifie quelque chose, le français, la langue officielle, ou ça ne veut rien dire. C'est un voeu pieux pour la galerie. Si ça signifie quelque chose, ça veut dire, à ce moment-là, qu'on est soumis à suffisamment de contraintes comme ça, qui résultent de l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, que, quand on n'est pas soumis aux dispositions de l'article 133, bien là, l'article qui prévoit que le français est la langue officielle s'applique dans toute sa portée et dans toute son ampleur. Et je pense que, par la motion que j'apporte, c'est une façon tout à fait acceptable, convenable de l'appliquer, cette disposition première, fondamentale. Parce qu'il est important qu'on stipule que tout ce qui n'est pas soumis à l'article 133, c'est la version française, donc la version dans la langue officielle qui a valeur légale et qui a seule valeur légale. Ce qui n'empêche pas qu'existent des versions anglaises. Ça, c'est évident. D'ailleurs, c'est déjà le cas présentement. Les versions anglaises existent déjà pour ce qui est des règlements ou tout autre acte auquel ne s'applique pas l'article 133; c'est déjà le cas, c'est déjà la réalité. Sauf que c'est une chose que de prévoir une version anglaise pour les Québécois de langue anglaise, ça en est une autre de préciser la valeur légale de l'une ou l'autre des versions. Et, à partir du moment où ces règlements et actes de nature semblable ne sont pas soumis à l'article 133, je pense qu'il est tout à fait, non seulement souhaitable mais essentiel, que l'on précise fort bien, sans équivoque, que c'est la version française qui a la seule valeur légale. De cette façon, au moins pour ces documents ou actes publics, documents officiels de cette nature, on sera assuré que la disposition fondamentale de la Charte de la langue française prévoyant que c'est le français qui est la langue officielle, bien, ça veut dire quelque chose, ça signifie quelque chose et ça a une portée véritable et réelle.

Alors, voilà, M. le Président. Je pense que ça tombe sous le sens. Je ne veux pas prendre plus de temps qu'il faut. On en a discuté tout à l'heure, avant que je dépose la motion. Je reprends les arguments qu'on avait exprimés tout à l'heure. Mon collègue a sans doute quelques remarques à ajouter mais je ne tiens pas plus que ça à faire mes 20 minutes. Je pense que c'est suffisant et ça tombe sous le sens. Et, dans ces conditions, je souhaiterais qu'un tel amendement soit adopté à l'unanimité.

Le Président (M. LeSage): Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean. Est-ce que le ministre a des commentaires à faire sur cet amendement?

M. Ryan: Je serais porté à comparer ce que nous faisons un petit peu à l'institution conciliaire, si on partait du Concile de Trente, qu'on arrive à Vatican II... Ha, ha, ha! Là, il ne faut pas oublier que c'est un exercice d'aggiornamento que nous faisons et non pas de retour à la lettre. Il ne faut pas nous demander de retourner avant le Concile de Trente.

M. Brassard: De Trente à Vatican II, il y a un bon espace. Il a plusieurs siècles.

M. Ryan: II y a eu Vatican I qui était plus proche du Concile de Trente que de Vatican II dans son esprit. Quibus dictis...

M. Brassard: Je n'en disconviens pas.

M. Ryan: Pardon?

M. Brassard: Je n'en disconviens pas.

M. Ryan: Vous n'en disconvenez pas, hein. Je pense que vous avez enseigné l'histoire, déjà. Mais c'était plutôt l'histoire du Québec, je pense.

M. Brassard: Plutôt.

M. Ryan: Dans la Charte actuelle, et là j'aimerais que nos conseillers juridiques m'écoutent pour me contredire s'il y a eu, il n'y a rien qui traite de la langue des règlements des municipalités. Puis, le seul article auquel je puisse me référer comme point de départ, là, il y en a 2: il y a l'article 15 où il est dit: «L'administration rédige et publie dans la langue officielle ses textes et documents», puis il y en a un autre, l'article 19 où il est dit: «Les avis de convocation, les ordres du jour et les procès-verbaux de toute assemblée délibérante dans l'administration sont rédigés dans la langue officielle.» Alors, 19, ça ne couvre pas les règlements. On parle des règlements, là, nous autres, on est dans 133. Alors, je suis obligé de me référer à 15, prendre la règle générale: «L'administration rédige et publie dans la langue officielle ses textes et documents.» Puis, là, tout de suite, étant donné la formulation, je suis obligé d'aller à 89 où l'on dit: «Dans les cas où la présente loi n'exige pas l'usage exclusif de la langue officielle, on peut continuer à employer à la fois la langue officielle et une autre langue.» Ça va? Franchement, il faut être sérieux. Si on utilise un conseil municipal...

M. Brassard: Vous ne voulez pas dire qu'on n'est pas sérieux? J'espère que ce n'est pas le cas.

M. Ryan: Non, j'essaie de l'être de mon côté, tu sais, avant de souscrire à ce que vous dites, là. Je ne veux pas juger, pas du tout. Vous avez eu un ton exemplaire depuis le début de nos travaux en commission, puis j'en suis très édifié, même si je souhaiterais que le rythme fût un petit peu plus...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ryan: Et comme je sais qu'il n'y a aucune mauvaise pensée dans ce rythme, c'est seulement l'acclimatation graduelle à l'air de Vatican II, puis je sais que ce n'était pas facile pour les plus anciens. Alors, ici, je vous dis, vous ne pouvez pas nous demander honnêtement d'autoriser une municipalité à adopter un règlement à la fois en français puis en anglais, puis dire: Ça, tu l'adoptes en anglais, mais ça ne compte pas, c'est juste pour la frime. Tu vas te présenter, une petite concession qu'on te fait, un petit cadeau, un petit dessert, mais, quand tu vas arriver devant la vraie chose, ça ne compte pas du tout. Il faut quand même avoir un peu d'humanité, puis on n'a pas beaucoup de municipalités qui ont un statut bilingue. Il y en a en tout et partout à peu près 125?

Une voix: Une centaine.

M. Ryan: Une centaine. C'est toutes des petites municipalités, là, en général, qui ont quelques centaines d'habitants chacune, quelques milliers tout au plus. Au total, ça représente à peu près 300 000 personnes, au maximum. Mais, là, qu'il arrive qu'ils engagent un avocat pour défendre une cause qui surgit d'une plainte ou de représentations d'un citoyen ou d'une personne morale, on dit: Là, votre texte, ça ne vaut rien. On vous avertit, ça ne vaut rien. Ils s'en vont devant le tribunal avec les 2 textes. Il y a un conflit à propos d'un texte parce que les traductions, à ce niveau-là, ne sont pas toujours de la plus grande perfection. Il ne faut pas oublier ça non plus. Là, le tribunal va dire: Bien, il y a un conflit; la langue française prévaut.

Je pense que c'est une bonne règle que nous proposons. Puis je crois que ce problème n'était pas résolu dans la Charte actuelle. Nous faisons progresser la Charte, nous lui donnons un développement favorable à l'affirmation prioritaire du français.

Alors, je pense que, dans cette perspective, je ne peux pas honnêtement accepter la proposition de modification qui nous est faite parce que je ne pense pas que je pourrais la défendre en conscience devant les municipalités. Je pense que l'Opposition va convenir que, pour les municipalités qui sont reconnues comme bilingues ou les conseils d'administration d'institutions reconnues comme bilingues, par rapport à l'usage de l'anglais, ce serait un recul, ceci, comparativement au texte que nous avons actuellement dans la Charte. Puis je crois que le texte actuel n'a pas créé de problème. On n'a pas eu de difficulté à ce sujet-là. Ça a bien été. Puis, dans la modification que nous proposons, nous améliorons les choses parce que, ce que nous disons, c'est ceci: Les documents qui sont astreints à 133, eux autres, les 2 langues sont sur un pied d'égalité pour l'interprétation puis, ceux qui ne le sont pas, le français prévaut en cas de divergence. C'est là qu'est le développement nouveau qui est quand même appréciable parce qu'il existe déjà, le texte anglais, dans certains cas. Puis même, là, il y a des règlements dont on vous a parlé tantôt qui doivent présentement, en vertu de la discipline existante, être publiés dans les 2 langues même s'ils ne tombent pas sous le coup de 133. (17 h 40)

Alors, c'est pour ça que nous ne pouvons pas accepter la proposition d'amendement. Je comprends l'esprit dont elle s'inspire mais nous ne pouvons pas l'accepter.

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): Je vous remercie, M. le Président. Je pense qu'il faut que le ministre comprenne que ce n'est pas juste une question de nombre, c'est une question de principe aussi. Je pense que c'est ça qu'il faut comprendre. Ce n'est pas juste en disant: Écoutez, ça s'applique uniquement à une centaine de municipalités, pas plus que tant de milliers de personnes. C'est une question de principe, un moment donné. Est-ce que, oui ou non, c'est le français la langue officielle ou pas? Je comprends qu'il faut être respectueux, comme le dit le ministre, de la langue anglaise, dans certains cas. Mais, là, c'est une question de principe. Est-ce qu'on veut faire une Charte de la langue française pour dire que la langue officielle c'est le français ou pas? À un moment donné, c'est un principe, je pense, fondamental de cette loi, à moins que le principe fondamental ait changé. Je ne pense pas. C'est quand même pour donner un certain statut au français. On lui donne un statut ou on n'en donne pas. Ce n'est pas juste de remonter, comme on pourrait être tenté de dire, d'une certaine façon, l'anglais au niveau du français, là. Je suis certain que, si je disais ça, le ministre nous accuserait tout de suite d'avoir une pensée souverainiste ou séparatiste.

Mais, écoutez, un moment donné, la Charte de la langue française, c'est quand même pour donner une certaine primauté au français. C'est le français, la langue officielle. Ça n'a pas changé, ça. C'est pour ça que j'ai un petit peu de difficulté à suivre cette logique.

Et il ne faut pas oublier aussi que les documents qui ne sont pas assujettis à 133, ce ne sont pas juste des règlements municipaux. On ne parle pas juste de règlements municipaux. Le ministre donne un exemple de règlements municipaux. Mais il y a d'autres documents aussi. Même des documents du gouvernement qui ne sont pas soumis, d'après moi, comme des rapports

annuels de ministères, des choses comme ça. Ce n'est pas soumis par 133, ça. Je ne pense pas que ce soit soumis par 133.

M. Ryan: Non, non.

M. Bélanger (Anjou): Donc, il faut y aller plus large qu'uniquement les règlements municipaux. Puis, il ne faut pas interpréter nos propos comme disant qu'on veut interdire aux municipalités de faire des versions, dans différentes langues, de leurs règlements. Si une municipalité décide de faire une version en portugais de ses règlements, pour certains membres de sa communauté, si elle veut prendre sur elle de faire ça, écoutez, on n'a absolument rien contre ça. Ce n'est pas la question. C'est de là à donner un caractère officiel à ces règlements. C'est ça. Un caractère juridique à ces documents. C'est ça la différence. Et, le principe, je pense qu'il est affirmé quand même, mais il faut qu'on l'affirme dans ce projet de loi que c'est le français qui est la langue officielle, sauf exception. Et c'est là que je ne comprends pas la logique. Quand on a étudié le paragraphe 2° de l'article 7, et qu'on avait mentionné quels étaient les documents qu'on devait traduire en français et en anglais, je pense que c'était assez exhaustif. Dans les autres cas... Les documents qui ne sont pas couverts par 133, on n'a pas l'obligation d'en faire une version anglaise. Ils n'ont pas, en vertu de la loi, une valeur officielle, une valeur légale. Alors, pourquoi leur donner une valeur légale? On ne nie pas leur existence. On ne nie pas ce qui se fait. Ils peuvent exister, ils peuvent être là. Mais, de là à leur reconnaître une valeur légale, là, je pense que c'est inadmissible.

M. Ryan: Je pense que...

M. Bélanger (Anjou): C'est pour ça que je reconnais la politesse du ministre. Je le remercie. Je n'avais pas fini mon propos.

M. Ryan: C'est parce qu'il y avait eu une interruption, et je me disais...

M. Bélanger (Anjou): C'était pour mieux ramasser mes pensées. M. le Président, je pense que c'est tout simplement ce que tend à faire l'amendement qui est proposé. C'est tout simplement pour réaffirmer le principe que c'est le français la langue officielle. On ne nie pas l'existence-du règlement qui peut exister dans une autre langue. On ne le nie pas. On ne souhaite pas non plus sa disparition. Mais on veut tout simplement que soit réaffirmé le principe sous-jacent, qui devrait être sous-jacent à ce projet de loi, et qui est que, le français, c'est la langue officielle, sauf exception.

Alors, je pense que c'est dans ce sens-là tout simplement. Je ne comprends pas. On ne cherche pas à nier ce qui existe déjà. De là à leur donner un caractère officiel et juridique, c'est une autre affaire. C'est ce pas-là que, je pense, on ne doit pas franchir.

Le Président (M. LeSage): M. le ministre.

M. Ryan: J'ai dit ce que j'avais à dire. Je n'ai pas d'autre chose à ajouter, je pense.

Le Président (M. LeSage): Est-ce qu'il y a d'autres commentaires de la part des parlementaires sur ces projets...

M. Ryan: Je pense que ce qui fait défaut dans l'approche du député d'Anjou, c'est l'empathie. On ne légifère pas uniquement pour un objectif abstrait. On légifère pour que les gens soient heureux. Et si vous avez une municipalité, encore une fois, ou prenez un hôpital qui est anglophone, reconnu comme tel, il adopte un règlement. Il l'adopte en français. Évidemment, il est obligé de par la loi, de par l'article 15 et il l'adopte également en anglais. Si on lui dit: Ton texte anglais, c'est juste pour t'accommoder, ça ne vaut rien au point de vue légal... Mettez-vous dans la position de ces gens-là qui ont quand même une aspiration juste à l'égalité. On dit: Oui, on va reconnaître ton texte, excepté que, en cas de divergence, c'est le français qui va prévaloir. Ça, ça va. Mais dire: Ton texte n'a pas de signification, pas de valeur légale, c'est pousser l'affaire loin. Et moi, je me mets dans la position de ces gens-là. À moins que vous ayez décidé qu'ils sont aussi bien de ne pas rester au Québec à moins de s'assimiler totalement, c'est une position qui n'est plus celle du Parti québécois, d'après le texte que j'ai lu récemment. Et ça a été clarifié par rapport à des affirmations qu'on a pu entendre à d'autres époques et j'en suis très heureux, pour ma part. Mais, à ce moment-là, il faut reconnaître ça, il me semble que ce n'est pas la fin du monde. On dit: En cas de litige, de divergence entre les 2 textes, c'est le texte français qui prévaut. Des fois, ça peut être très utile, ça peut être très utile d'avoir l'autre élément comme base de comparaison, comme point d'intelligence d'un texte dont la qualité en français, comme je le disais tantôt, ne sera pas toujours parfaite pour toutes sortes de hasards inhérents à l'expérience de la traduction. Mais je comprends...

Le Président (M. LeSage): Est-ce que l'amendement est adopté?

M. Brassard: Vote.

Le Président (M. LeSage): Vote nominal. M. le secrétaire, si vous voulez appeler le vote, s'il vous plaît.

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Brassard (Lac-Saint-Jean)?

M. Brassard: Pour.

Le Secrétaire: M. Bélanger (Anjou)?

M. Bélanger (Anjou): Pour.

Le Secrétaire: M. Libman (D'Arcy-McGee)?

M. Libman: Contre.

Le Secrétaire: M. Ryan (Argenteuil)?

M. Ryan: Contre.

Le Secrétaire: M. Tremblay (Rimouski)?

M. Tremblay (Rimouski): Contre.

Le Secrétaire: M. Khelfa (Richelieu)?

M. Khelfa: Naturellement contre.

Le Secrétaire: Et M. Bradet (Charlevoix)?

M. Bradet: Contre.

Le Secrétaire: M. LeSage (Hull)?

Le Président (M. LeSage): Abstention.

Le Secrétaire: Alors, 2 pour, 6 contre, 1 abstention.

Le Président (M. LeSage): Alors, la motion est rejetée. Est-ce que ça complète l'article 8, M. le député de Lac-Saint-Jean?

M. Brassard: Oui.

Le Président (M. LeSage): Si vous le permettez, MM. les membres de la commission, on va reprendre le résultat du vote: c'est 2 pour, 5 contre, 1 abstention. Est-ce que ça va pour l'article 8?

M. Brassard: Oui, ça va.

Le Président (M. LeSage): Alors, l'article 9, qui se lit comme suit: «9. Tout jugement rendu par un tribunal judiciaire et toute décision rendue par un organisme exerçant des fonctions quasi judiciaires sont traduits en français ou en anglais, selon le cas, à la demande d'une partie, par l'administration tenue d'assumer les coûts nécessaires au fonctionnement de ce tribunal ou de cet organisme.»

M. le ministre.

M. Ryan: Regardez, c'est un corollaire de ce que nous avons discuté antérieurement, M. le Président. Lorsqu'il est clairement établi que le magistrat ou celui qui en tient lieu à la tête ou comme membre d'un organisme judiciaire ou quasi judiciaire rend sa décision, il est libre de la rendre en français ou en anglais. Mais, en retour, il faut qu'il existe une disposition claire garantissant aux citoyens, à la personne qui est impliquée dans une cause, le droit d'avoir le jugement dans sa langue.

Ce qu'on prévoit, avec ceci, c'est que le jugement, quelle que soit la langue où il a été rédigé, devra être traduit en français ou en anglais à la demande d'une partie. Il suffira qu'une partie le demande pour que le jugement soit traduit en français ou en anglais aux frais de l'administration tenue d'assumer les coûts nécessaires au fonctionnement de ce tribunal ou de cet organisme.

S'il s'agit d'une cour municipale, à ce moment-là, ça sera aux frais de la municipalité qui vaque au financement de la cour municipale. Si c'est un tribunal d'arbitrage, ce sera aux frais des parties, conformément aux pratiques qui existent dans ce secteur. Si c'est la Cour supérieure, ça sera aux frais de la Cour supérieure, dont l'administration est financée par le gouvernement du Québec. La Cour d'appel aussi. Alors, je pense que ça fait partie de tout cet édifice. Je sais que ça crée des difficultés pour certains, mais je pense qu'une fois qu'on a accepté les prémisses... Je vais aller plus loin, si on ne donne pas cette garantie, le justiciable, au bout de la ligne, c'est lui qui va souffrir là, tandis que là il peut l'exiger.

Le Président (M. LeSage): Merci, M. le ministre. M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Ryan: Je connais un magistrat qui est bilingue. Savez-vous ce qu'il fait, M. le Président? Il rédige toujours son jugement dans la langue de la partie perdante. Ça fait qu'il n'a jamais de demande de traduction de la partie gagnante. Puis il n'en a pas de l'autre non plus parce qu'il le rédige dans sa langue. Il dit: Vous devriez mettre ça dans votre loi; ça réglerait bien des problèmes économiques, mais je n'ose pas le proposer.

Le Président (M. LeSage): Merci, M. le ministre.

M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): Je me demande pourquoi — je pose la question au ministre — on n'a pas prévu qu'un jugement qui n'est pas rendu en français ne soit pas automatiquement, sans qu'il y ait une demande d'une partie, traduit en anglais, encore dans le respect du fait que la langue officielle, c'est le français. Moi, j'ai déjà eu le cas de clients qui recevaient des jugements en anglais alors qu'ils ne parlaient pas un mot d'anglais. Je me demande pourquoi, automatiquement, puisque, quand même, la langue officielle c'est le français, il n'y a pas une copie en français qui est envoyée automatiquement. Je me demande pourquoi il faut que ce soit à la demande d'une partie. Sans brimer le droit du juge à vouloir rédiger son jugement en anglais.

Le Président (M. LeSage): M. le ministre.

M. Ryan: J'en ai manqué une partie et je n'oserais pas l'interpréter sans avoir... (17 h 50)

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou, si vous voulez bien reformuler, s'il vous plaît.

M. Bélanger (Anjou): Oui. Je posais la question au ministre s'il avait considéré le fait de rendre automatique la traduction d'un jugement rendu en anglais, c'est-à-dire non dans la langue officielle et sans qu'une partie ait à en faire la demande, et ceci sans brimer le droit du juge anglophone de vouloir rédiger dans sa langue, là. Telle n'est pas la portée de mes propos. Mais je trouve ça quand même assez spécial qu'un particulier qui reçoit un jugement en anglais soit obligé de demander la traduction en français, alors que la langue officielle est supposée être le français. Comment est-ce que...

M. Ryan: Regardez, on a examiné ça. Évidemment, on ne peut pas mettre l'obligation de traduire seulement dans un sens. C'est toujours le principe d'égalité qui joue.

M. Bélanger (Anjou): Mais la langue officielle, c'est quoi?

M. Ryan: Le principe d'égalité de 133. Nous sommes dans des organismes qui relèvent de 133. Là, c'est la langue des jugements. Si nous allions créer un déséquilibre, là... Moi, ce que j'ai retenu des jugements dont j'ai fait la lecture, c'est que, dès que vous introduisez un principe d'inégalité entre les 2 langues, vous êtes en contravention de l'article 133. C'est pour ça qu'ici il fallait trouver une clause symétrique qui échappe à cette critique, parce que nous avons une clause dans laquelle il est dit: Nous savons, nous autres, d'expérience, que la grande majorité des jugements sont rendus en français au Québec.

M. Bélanger (Anjou): Oui, c'est vrai, à ma connaissance.

M. Ryan: Si nous allions créer l'obligation de traduire en français, l'obligation généralisée de traduire en français les jugements produits en anglais, là, on nous arriverait tout de suite avec une demande de généraliser la traduction vers l'anglais des jugements rendus en français, en vertu de la logique de 133, ce que nous avons voulu éviter ici — éviter.

Avec ce que nous avons, si nous allions dans cette logique-là, un argument qu'on m'a fait valoir, c'est que même dans les cours municipales c'est rendu qu'il y a des jugements de plus en plus longs et, aujourd'hui, un juge se pense meilleur quand il écrit une décision en 50 pages, même si elle n'est pas claire, que s'il l'écrivait clairement dans 10 pages. On va être obligé de traduire tout ce matériel-là. Franchement, c'est faire beaucoup d'honneur à certains textes, des fois, qui ne méritent peut-être pas toute cette attention-là.

Avec ce que nous avons, nous garantissons le droit du justiciable, dans les 2 sens, et la pratique va faire en sorte que la très grande majorité des jugements vont continuer d'être unilingues français. C'est ça qui est l'effet net de ceci. Je trouve que la formule est assez ingénieuse.

Le Président (M. LeSage): Merci, M. le ministre.

M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: M. le député d'Anjou... M. Bélanger (Anjou): Juste une courte...

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou, vous avez la parole.

M. Bélanger (Anjou): ...réaction. M. le Président, c'est quelque chose de respecter un jugement, mais, de là à en prendre la philosophie qu'on semble en dégager et en faire un genre de loi qui doit s'appliquer partout, c'est quelque chose d'autre. Je ne pense pas que les arrêts de la Cour suprême qu'on a cités depuis le début de l'audition à cette cause empêchent qu'à un moment donné on déclare que le français est langue officielle. Sinon, si on doit suivre la philosophie qu'on semble vouloir interpréter aux jugements de la Cour suprême, à ce moment-là, ça ne sert à rien de dire que le français est langue officielle. Ce serait lui donner une préséance par rapport à l'anglais. Il faut quand même une certaine logique. C'est évident que si la Cour suprême nous interdit carrément de faire quelque chose, là, ça pose peut-être un problème. C'est évident! Mais de là à dire qu'à cause de la philosophie qu'on pourrait déduire des arrêts de la Cour suprême il ne faut donner aucune préséance au français par rapport à l'anglais, à ce moment-là, je pense que ça met en question toute tentative de faire une Charte de la langue française. Parce que, sinon, il faudrait dire «Charte des langues française et anglaise» aussi. C'est ça.

M. Ryan: Mais, regardez...

M. Bélanger (Anjou): J'ai un petit peu de difficulté avec cette argumentation-là. Peut-être que le ministre pourrait m'expliquer ça un peu.

Le Président (M. LeSage): M. le ministre.

M. Ryan: Oui. Il faut peut-être revenir au point de départ. Là, nous partons de l'article 13 de la Charte actuelle. L'article 13 dit ceci: «Les jugements rendus au Québec par les tribunaux et les organismes exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires doivent être rédigés en français ou être accompagnés d'une version française dûment authentifiée. Seule la version française du jugement est officielle.» Alors, ça, ça a été déclaré institutionnel. O.K.?

M. Bélanger (Anjou): Oui.

M. Ryan: Alors, il faut chercher d'autre chose.

M. Bélanger (Anjou): C'est ça. C'est peut-être dû au fait que seule la version française est officielle que l'article a été invalidé, ce n'est peut-être pas à cause du reste de l'article.

M. le Président, je pense que le ministre sait qu'il s'agit de modifier un article pour rendre cet article... Finalement, on peut le renvoyer devant la Cour suprême si c'est un article différent...

M. Ryan: Ici, là, ce qui avait... Non.

M. Bélanger (Anjou): ...et l'interprétation peut en être autre.

M. Ryan: II y a ce problème-là, mais il y en a un autre: «ou être accompagnés d'une version française dûment authentifiée». C'est là qu'est le problème aussi. Parce que vous ne dites pas que ça doit être accompagné d'une version anglaise dûment authentifiée s'il est rédigé en français. On les rejoint par la logique d'égalité des 2 langues.

M. Bélanger (Anjou): Mais, M. le Président, la philosophie des arrêts de la Cour suprême... C'est évident qu'ils obligent la traduction et de donner une valeur légale aux 2 versions. Mais de là à cette espèce de principe d'égalité absolue... Ce n'est pas ça que 133 dit, M. le Président, là. Ce n'est pas ça du tout que 133 dit. C'est facultatif. C'est la liberté de choix du juge. Alors, j'ai de la difficulté à suivre le ministre dans son raisonnement, j'ai vraiment beaucoup de difficultés. Moi, je ne pense pas...

M. Ryan: Le principe de base qu'on a ici, là... Excusez. Finissez. Je m'excuse, là, le député n'avait pas terminé.

Le Président (M. LeSage): Est-ce que vous aviez terminé, M. le député d'Anjou?

M. Bélanger (Anjou): Oui, j'ai fini, M. le Président.

Le Président (M. LeSage): Alors, M. le ministre, la parole est à vous pour quelques instants.

M. Ryan: Ce que nous visons ici, c'est l'accès des citoyens à un jugement dans leur langue. Il me semble que c'est un principe de base, ça, si on parle de l'égalité des langues dans le système judiciaire, l'accès du citoyen à un jugement dans sa langue. C'est ça que nous visons. Puis, comme c'est dit ici, ce n'est pas ça que ça donne. Le texte actuel de 13, nous en convenons, ça ne donne pas ça. Alors, nous proposons une formule qui va produire le résultat moyennant le minimum de complications et de coûts.

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou. M. Ryan: O.K.?

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, je veux rien que revenir à l'argument que j'avais donné tout à l'heure. Moi, tout ce que je demandais, c'est: Puisque la grande, grande, grande majorité des jugements — je n'ai pas de chiffres là-dessus — est en français, le coût de traduire en français les quelques jugements qui pourraient être rendus en anglais, d'après moi, ce ne serait pas faramineux. Et ça se fait déjà. Et puis on peut laisser la possibilité pour un citoyen anglophone d'avoir une traduction du jugement en français. On pourrait la laisser, cette permission-là. Mais je pense qu'il faut quand même donner... C'est le français, la langue officielle. Il faut quand même lui donner une certaine valeur.

M, Brassard: Prédominance.

M. Bélanger (Anjou): Prédominance, c'est ça. (18 heures)

M. Brassard: C'est ça qu'on va faire dans l'affichage, tantôt. Le concept de prédominance, il va apparaître bientôt, là, dans l'affichage. Alors, il faudrait peut-être qu'on le retrouve ailleurs. Là, je suis en train de dire au président... M. le Président...

Le Président (M. LeSage): M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: ...je suis en train de dire que le concept de prédominance, c'est un concept qui est très apprécié par le gouvernement en matière d'affichage. Parce que, plus loin dans le projet de loi, on va l'aborder, cette notion de prédominance. C'est une notion qui est très chère au gouvernement. Peut-être qu'on pourrait l'envisager également dans d'autres matières. C'est peut-être aussi bon ailleurs.

Le Président (M. LeSage): Alors, compte tenu de l'heure, si vous le permettez bien, là, je suspens les travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 1)

(Reprise à 20 h 18)

Le Président (M. LeSage): La commission reprend ses travaux. Lorsque nous avons ajourné, cet après-midi, la parole était à M. le député de Lac-Saint-Jean. M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Ah oui? Eh bien! Vous m'en direz tant, M. le Président.

Le Président (M. LeSage): Et nous en étions à l'article 9.

M. Brassard: Nous en étions à l'article 9.

Une voix: On ne veut pas perdre le rythme. Un train d'enfer.

M. Brassard: M. le Président, ça ne sera pas long. J'attends M. le ministre.

Le Président (M. LeSage): Alors, M. le député de Lac-Saint-Jean, la parole est à vous.

M. Brassard: M. le Président, à l'article 9, j'aurais un amendement à proposer. L'amendement se lirait comme suit: L'article 9, tel qu'introduit par l'article 1 du projet de loi 86, Loi modifiant la Charte de la langue française, est modifié: 1 ° par l'ajout dans la troisième ligne, après le mot «quasi judiciaires», des mots «qui n'ont pas été rendus en français»; 2° par le remplacement, dans la troisième ligne, des mots «en français ou en anglais, selon le cas,» par les mots «dans la langue officielle». Ce qui fait que l'article 9, si les amendements étaient acceptés, se lirait comme suit, pour fins de compréhension: Tout jugement rendu par un tribunal judiciaire et toute décision rendue par un organisme exerçant des fonctions quasi judiciaires qui n'ont pas été rendus en français sont traduits dans la langue officielle, selon le cas, à la demande... Non, pas «selon le cas». «Selon le cas» est enlevé. ...à la demande d'une partie, par l'administration, etc.

Alors donc: Tout jugement rendu par un tribunal judiciaire et toute décision rendue par un organisme exerçant des fonctions quasi judiciaires qui n'ont pas été rendus en français sont traduits dans la langue officielle, à la demande d'une partie, par l'administration tenue d'assumer, etc. Voilà!

M. Ryan: Est-ce que vous voulez défendre ça? Des voix: Ha, ha, ha! M. Brassard: Peut-être.

Le Président (M. LeSage): Alors, vous avez entendu...

Une voix: L'idée nous a effleuré l'esprit.

Le Président (M. LeSage): Est-ce que certains membres de cette commission veulent plaider la recevabilité ou la non-recevabilité de cette motion?

M. Jolivet: M. le Président, je pense qu'en termes de demande de recevabilité je peux la plaider, si vous voulez.

Le Président (M. LeSage): M. le député de Laviolette. (20 h 20)

M. Jolivet: Alors, dans le contexte effectif de ce qu'est une motion d'amendement, c'est de prendre une partie du texte, soit d'en ajouter ou de soustraire. Alors, ici, le but est de soustraire une partie du texte et d'ajouter une partie du texte. Donc, dans le premier cas de l'amendement proposé, il s'agit d'ajouter les mots «qui n'ont pas été rendus» et, dans le deuxième cas, de remplacer certains mots par d'autres, ce qui fait que le remplacement des mots «en français ou en anglais, selon le cas» remplacés par les mots «dans la langue officielle» vient, à notre avis, clarifier, par cet ajout et ce remplacement, l'article 9 de la Charte de la langue française inscrit dans l'article 1 du projet de loi 86.

Donc, le but d'un amendement étant soit de retrancher ou d'ajouter, nous avons les 2 dans ce cas-ci.

Le Président (M. LeSage): Merci, M. le député de Laviolette.

M. le ministre, des commentaires?

M. Ryan: Non.

Le Président (M. LeSage): Alors, je suis d'opinion que cet amendement est recevable. Est-ce qu'il y a des commentaires à faire sur l'amendement comme tel?

M. Brassard: Oui, s'il vous plaît. Quelques remarques.

Le Président (M. LeSage): M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: M. le Président...

Le Président (M. LeSage): Oui, le texte sera distribué dans quelques instants, M. le ministre.

M. Brassard: Alors, brièvement. On sait que — puis c'est à l'alinéa 4° de l'article 7 tel que proposé — et, ça, c'est toujours s'appuyant sur l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, toute personne, comme c'est dit ici, peut employer le français ou l'anglais dans toutes les affaires dont sont saisis les tribunaux du Québec et dans tous les actes de procédure qui en découlent. C'est facultatif. Ce qui fait qu'il arrive, puis il est arrivé, il arrive, il arrivera sans doute dans l'avenir, aussi, que l'anglais sera choisi par des personnes devant les tribunaux. Soit qu'elles portent plainte, soit qu'elles témoignent, ou par des juges qui siègent et qui rendent des décisions et qui écrivent leurs décisions, rédigent leurs décisions en anglais. Ça arrive, c'est arrivé et ça arrivera aussi, sans doute, encore dans l'avenir. Ce qui se fait actuellement en pratique, me dit-on, c'est qu'il existe présentement, au ministère de la Justice, un service de traduction de façon à ce que les jugements rédigés en anglais soient traduits puis qu'on puisse rendre disponible une version française de ces jugements pour toute personne qui le souhaite. C'est un peu, si l'on veut, la pratique. On me corrigera si j'ai

tort, mais c'est un peu la pratique.

Je vous signale également que la loi 22, fort bien connue, allait encore plus loin. La loi 22, dans son article 16, disait: «Le ministre de la Justice doit faire en sorte que les jugements prononcés en anglais par les tribunaux soient traduits dans la langue officielle.» C'était une règle générale. Tout jugement qui était prononcé et donc rédigé en anglais en vertu de la loi 22 de 1974 était automatiquement traduit dans la langue officielle. Nous, par ma proposition, M. le Président, je maintiens le caractère facultatif. Il faut que ça se fasse sur demande, la traduction. Pourquoi? Parce que, ma foi, ce n'est pas toujours nécessaire. Il peut arriver que, devant un tribunal, devant un juge anglais, une personne anglophone qui porte plainte en anglais, qui témoigne en anglais, puis toute la cause se déroule en anglais, puis le jugement est prononcé en anglais, il peut arriver que personne n'ait besoin ou souhaite une version française du jugement. Alors, dans ce cas-là, ce n'est pas nécessaire de le faire. C'est pour ça que je maintiens «à la demande d'une partie» pour qu'il y ait traduction. Mais cet amendement prévoit quand même, puisque la langue française est la langue officielle, que la traduction anglaise ne sera offerte que lorsque les jugements seront rendus en anglais. Ce qui vient consacrer en quelque sorte la situation qui prévaut présentement. Donc, ça veut dire que les jugements qui sont prononcés en français, c'est-à-dire dans la langue officielle, ils sont valides, point, c'est tout, ils sont prononcés dans la langue officielle. Et les jugements qui sont prononcés en anglais peuvent être traduits s'il y a demande. Sur demande d'une des parties ou des 2 parties, là, ils peuvent être traduits à ce moment-là. Mais, s'il n'y a pas de demande, ils ne sont pas traduits, ça reste des jugements qui ont été prononcés en anglais puisqu'en vertu de l'alinéa 4° de l'article 7 l'une ou l'autre des 2 langues peut être utilisée facultativement dans les procédures comme dans les jugements.

Alors, voilà le sens de la proposition, M. le Président. Ça vient, en quelque sorte, renforcer le caractère officiel de la langue française, mais, en même temps, ça permet la traduction française de jugements en anglais s'il y a demande d'une des parties. Mes collègues ont sans doute peut-être des choses à ajouter, mais, moi, je me limite à ça. C'est ça, l'explication de l'amendement, puis il me semble tout à fait raisonnable et modéré, comme le veut le ministre. Il prétend que son projet de loi est raisonnable et modéré. Alors, tous nos amendements, vous le remarquerez, M. le Président, sont modérés et raisonnables.

Le Président (M. LeSage): Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean. M. le ministre.

M. Ryan: J'aimerais qu'ils le soient. Je n'en suis pas sûr.

Une voix: ...

(20 h 30)

M. Ryan: Par conséquent, vincibles moyennant démonstration qui emporte l'adhésion, ce qui reste à venir. Regardez, le problème qui se pose ici avec l'amendement qu'on nous suggère, c'est que, contrairement à ce que je soutenais cet après-midi, il n'y a peut-être pas de lien direct avec l'article 133, ici. L'article 133 ne garantit pas à un citoyen un jugement dans sa langue. Si c'est une cour fédérale, la législation fédérale y pourvoit. Si c'est la Cour fédérale, par exemple, ou la Cour suprême, il faut que le jugement soit rendu dans les 2 langues, mais, les tribunaux provinciaux, ce n'est pas nécessairement des jugements dans les 2 langues. On n'a pas dit ça, jusqu'à maintenant.

Là, il y a une autre chose qui intervient, c'est la clause de non-discrimination inscrite dans la Charte canadienne des droits, à l'article 15, et dans la Charte québécoise des droits aussi, qui interdit toute discrimination basée sur différents facteurs, dont la langue. Et là, si c'est un service qu'on fournit à la population, un service qui est disponible pour un francophone faisant face à un jugement rendu en anglais, pour lui donner le droit d'exiger qu'il soit disponible en français et qu'on ne donne point le même service à l'anglophone, là, il y a un problème. On risque d'être attaqué devant les tribunaux, au titre d'une mesure discriminatoire, en raison de l'article 15 de la Charte des droits. C'est ça qu'on a voulu éviter en choisissant la rédaction qui est proposée dans le projet de loi.

Le Président (M. LeSage): Merci, M. le ministre.

M. Ryan: Ce n'est pas... Évidemment, les paramètres dans lesquels nous évoluons sont plus serrés que nous ne pourrions le penser à première vue. Il a fallu faire l'examen de tout ça attentivement et c'est la raison pour laquelle on a finalement arrêté le choix du gouvernement sur la formulation qui est là, qui est la moins exigeante, qui tient compte de la pratique déjà établie, à laquelle le député de Lac-Saint-Jean a référé avec justesse. C'est vrai qu'il y a cette pratique-là qui existe au ministère de la Justice. Et, là, elle serait étendue, évidemment, à l'ensemble des tribunaux qui sont couverts par l'article 133, mais ce serait toujours sur demande de l'une des parties.

Comme nous le disions cet après-midi, étant donné que la très grande majorité des jugements de cour est rendue en français au Québec, on risque de s'en tirer assez bien avec cette formule-ci. Il ne faut pas oublier que nous créons une obligation pour les municipalités. Les cours municipales, ça relève des municipalités. Il ne faut pas qu'on aille multiplier ça trop, non plus, parce qu'ils vont dire qu'on leur transfère des charges encore une fois, sans...

M. Brassard: Ça couvre les cours municipales là-dedans?

M. Ryan: C'est couvert là-dedans, oui. Alors, là,

on a pensé à ça, économie de coûts et, en même temps, conformité avec les exigences des Chartes de droits québécoise et canadienne.

M. Brassard: Les services de traduction, M. le ministre, actuellement, au ministère de la Justice, est-ce que c'est exact que ces services-là fonctionnent dans un sens seulement, c'est-à-dire qu'ils traduisent des jugements de l'anglais au français et non l'inverse?

M. Ryan: Je crois que c'est vrai. On nous l'a dit en commission. Je ne sais pas si... Vous n'êtes pas au courant? C'est une pratique officieuse. Ça n'a jamais été défini officiellement. Ça n'a jamais été annoncé, rien, à ma connaissance.

Le Président (M. LeSage): M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Oui. Si l'amendement est apporté, M. le Président, c'est en regard de l'article lui-même, l'article 9 qui, à notre avis, va plus loin que ce que la jurisprudence, en tout cas, semble l'avoir requis. Si, devant les tribunaux, je peux m'exprimer dans ma langue — je prends l'anglais et le français. Je ne pense pas qu'il y ait de juges, eux-mêmes, s'ils sont capables de parler grec ou parler italien, qui aient rendu des jugements en italien. Donc, je pense qu'on va rester clair, pour le moment, pour le français et l'anglais. Donc, il n'existe aucune obligation de fournir une traduction anglaise d'un jugement rendu en français. Pourquoi? Parce que c'est la langue officielle. Actuellement, là.

Même si je regarde la loi 22, en tout cas, elle allait beaucoup moins loin que l'article 9, là. Parce que la loi 22 c'était quand même quelque chose, quasiment le libre choix, vous vous en souvenez, à l'époque, hein.

Une voix: ...

M. Jolivet: Bien, pas tout à fait, parce que c'était la loi 63 qui était le libre choix.

Une voix: ...

M. Jolivet: Disons, de façon plus précise, que c'était la loi 63 qui était vraiment le libre choix. La loi 22, sur certains points, avait décrété que, la langue officielle, c'était le français mais elle laissait la porte ouverte à l'utilisation de l'anglais. C'était, quant à moi, une façon mitigée de présenter les choses.

D'ailleurs, en passant, M. le Président, j'aimerais ça que vous fassiez une recherche, parce que je suis sûr que les gens vont parler de la loi 63, de la loi 22. Mais la première loi qui a été déposée sur la langue, là, ce n'est pas la loi 63. C'est la loi 85. Et elle avait été déposée par Jean-Guy Cardinal, qui était ministre désigné. Il n'avait pas été élu. Il avait été désigné par le...

Une voix: Par le Conseil législatif.

M. Jolivet: Oui. Il était ministre désigné par le premier ministre de l'époque, M. Johnson, qui l'avait nommé ministre de l'Éducation, à l'époque. Et c'est sous Bertrand, enfin sous Johnson, qu'avait été déposé un projet de loi en première lecture, comme on disait dans le temps, mais il n'avait jamais été plus loin que la première lecture. C'était la loi 85. Le ministre peut peut-être faire une recherche mais la vraie, la première loi linguistique au Québec, c'était la 85. La 85 a fait place à la 63. Et là, je m'étais amusé, à l'époque, en disant que 85 moins 63 a donné probablement la 22 du Parti libéral dans les années subséquentes.

Mais je vous dis ça parce que je parlais de la loi 22 de 1974. Elle prévoyait que le ministre de la Justice devait prendre les moyens pour que seuls les jugements en anglais soient traduits sur demande, en français, puisque c'était le français qui, en vertu de la loi 22, était considéré comme la langue officielle du Québec. Donc, mon collègue, ce qu'il vient faire par l'amendement, c'est qu'il dit: Tout jugement rendu par un tribunal judiciaire et toute décision rendue par un organisme exerçant des fonctions quasi judiciaires... Là, il ajoute, en parlant du jugement: Qui n'a pas été rendu en français. Donc, on peut prétendre que c'est un jugement en anglais. Parce que, comme je le disais, je ne pense pas... Il y a des avocats, des jeunes avocats ici, là, mais je ne pense pas que...

Le Président (M. Doyon): Vous ne voyez pas d'avocats ici, vous?

M. Jolivet: Non, j'ai dit: Déjeunes avocats.

Le Président (M. Doyon): Ah! O.K. Continuez. Excusez-moi, M. le député.

Une voix: II n'y a que des vieux avocats.

Le Président (M. Doyon): Rien que des vieux. O.K.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Jolivet: Je n'ai pas dit qu'il n'y en avait pas, j'ai dit: II y a des jeunes avocats qui ont peut-être connu dans leur existence... Et là je peux peut-être prendre Maximilien Polak qu'on connaît ici, qui aurait pu parler dans sa langue, faire un jugement dans sa langue — il n'y a rien qui l'aurait empêché — avec quelqu'un de sa communauté. Mais ce n'est pas la réalité. Alors, à partir de ça, mon collègue dit: Qui n'a pas été rendu en français. Il ajoute, après ça, en enlevant: Sont traduits en français ou en anglais. En fait, en enlevant les mots «en français ou en anglais», il dit: Ils sont traduits dans la langue officielle. Donc, la langue officielle, il me semble qu'elle n'a pas changé, c'était la langue française. C'est dans ce contexte-là que l'amendement qui nous est proposé est un amendement qui est toujours dans la même lignée de ce qu'on dit depuis le début. La langue

>fficielle, c'est la langue française. En conséquence, les ugements devraient être rendus en français, puis ceux qui ne le sont pas pourraient être traduits, à la demande d'une des parties, en français, parce qu'il aurait probablement été, ce jugement, rendu en anglais.

Alors, M. le Président, c'est logique, la demande que nous faisons, puis il me semble que le ministre devrait, à mon avis, accepter que cet amendement-là puisse être adopté et clarifié. (20 h 40)

L'article 9 de la loi actuelle qui, à l'époque, était l'article 13, disait: «Les jugements rendus au Québec par les tribunaux et les organismes exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires doivent être rédigés en français ou être accompagnés d'une version française dûment authentifiée. Seule la version française du jugement est officielle.» Donc, en fait, ce que L'on amène ici, c'est de ramener ce qui est la logique, c'est-à-dire un projet de loi qui nous permet d'avoir un jugement dans la langue officielle, traduit dans la langue officielle, parce qu'il a été rendu dans une autre langue que le français, et, à ce moment-là, ce serait en français. C'est un amendement qui est, à mon avis, correct, logique par rapport à tout ce qu'on a dit jusqu'à maintenant.

Le Président (M. Doyon): Du côté ministériel, est-ce qu'il y a des interventions concernant cet amendement?

Une voix: Ah, on est contre.

Le Président (M. Doyon): C'est un peu court.

Une voix: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Doyon): M. le ministre, est-ce que vous désirez vous exprimer là-dessus?

M. Ryan: Non. Je pense que j'ai donné l'essentiel de ce que j'avais à dire tantôt.

Le Président (M. Doyon): Oui. D'accord. M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, je me posais la question. À un moment donné, je sais qu'il y a un de nos amendements qui avait été refusé, parce qu'il entraînait des coûts supplémentaires à l'État. On avait dit que, par amendement, on ne pouvait pas faire un amendement qui entraînait des coûts supplémentaires. Alors, moi, je me posais la question: Est-ce qu'on a évalué les coûts supplémentaires que ça va causer, ça? Parce que je pense que des organismes quasi judiciaires, il y en a, vraiment, une pléiade. Je n'ai qu'à penser à la Régie du logement, à la CSST. Alors, maintenant, tous ces organismes quasi judiciaires, il va falloir qu'il y ait un service de traduction pour pouvoir traduire... Une voix: Au cas où.

M. Bélanger (Anjou): ...ces décisions en anglais, parce qu'à peu près tous ces organismes c'est en français qu'ils rendent leurs décisions. Moi, je me demandais s'il y avait eu une évaluation du coût. Qu'est-ce qu'on va faire pour pouvoir, justement, répondre à cette nouvelle demande ou à cette nouvelle exigence? Est-ce que le ministre peut répondre?

M. Ryan: Oui. Excusez-moi, j'ai été dérangé. Est-ce qu'on pourrait répéter?

M. Bélanger (Anjou): Ah! Ce n'est pas grave. Moi, ce que je me posais comme question, c'est que, relativement au changement que vous proposez, le fait que maintenant, quand une décision d'un organisme qui est quasi judiciaire va être rendue, la personne pourra demander, si la décision est rendue en français, qu'elle soit traduite en anglais. Alors, je me demandais si vous aviez évalué... Parce qu'à un moment donné on a parlé des coûts. Même, un de nos amendements a été refusé parce qu'il pouvait provoquer un coût supplémentaire à l'État. Moi, je me demandais si vous aviez évalué le coût que ça pouvait impliquer, le fait que maintenant tous les organismes quasi judiciaires du Québec auront l'obligation de traduire en français les décisions que ces organismes vont rendre à des citoyens qui pourraient en faire la demande.

M. Ryan: Non. Avec la clause comme elle est rédigée là, nous estimons que les coûts vont être fort réduits.

M. Bélanger (Anjou): Est-ce que vous êtes conscient qu'à la Régie du logement il y en a, des décisions qui sont rendues dans une journée? Si on regarde les différents bureaux, comme à Montréal...

M. Ryan: Oui.

M. Bélanger (Anjou): ...il y en a une douzaine, au moins, qui rentrent, probablement, je ne le sais pas, mais au moins chacun une trentaine de décisions par jour. Alors, surtout dans des secteurs comme à Montréal, où à peu près 40 % de la population est anglophone, on peut imaginer que ça va avoir des répercussions. Avez-vous pensé à l'impact? Avez-vous fait une évaluation de ça?

M. Ryan: Déjà là, prenez un organisme comme la Régie du logement. Lorsqu'il y a 2 justiciables de langue anglaise qui se présentent devant elle, il y a des bonnes chances que la décision soit déjà rendue en anglais actuellement.

M. Bélanger (Anjou): Ce n'est pas...

M. Ryan: II n'y a aucune obligation de la rendre seulement en français.

M. Bélanger (Anjou): Je ne comprends pas. Je n'ai pas compris votre...

M. Ryan: II n'y a pas d'obligation de rendre la décision seulement en français.

M. Bélanger (Anjou): Non, non, d'accord. Mais quand même, la norme, je pense que le ministre va comprendre que la norme... Comme la majorité des jugements sont en français...

M. Ryan: Non, non. Ici...

M. Bélanger (Anjou): ...la majorité des décisions aussi sont en français. Ça, je peux vous... En tout cas, d'après l'expérience que j'en ai eue.

M. Ryan: Non. Ici, d'abord, le coût est impossible à établir parce que nous ne savons pas ce que la demande sera. Même si nous voulions l'établir... On pourrait donner un contrat de 50 000 $ à une firme de relations publiques et elle nous ferait une étude de 50 pages. Mais, quand arriverait la décision, on ne serait pas plus avancés. Ça fait que...

M. Bélanger (Anjou): Non. Je vous demandais ça parce que...

M. Ryan: ...tout nous permet... Comme c'est formulé, ce n'est pas spécialement incitatif, ce n'est pas multiplicateur de soi. Il faut que chaque justiciable qui est concerné par un jugement le demande si le jugement n'est pas rendu dans une langue qui est la sienne ou dans une langue qu'il comprend.

M. Bélanger (Anjou): Mais là, présentement, un justiciable anglophone qui reçoit une décision de la Régie du logement en français, est-ce qu'il peut exiger une traduction de la part du bureau de la Régie du logement pour qu'elle soit traduite dans sa langue, en anglais? Est-ce qu'il peut le faire?

M. Ryan: II peut le demander. De droit, je ne pense pas qu'il puisse l'exiger.

M. Bélanger (Anjou): De droit, présentement, ça n'existe pas. C'est un droit nouveau, ça, ce qui est donné à la communauté anglophone...

M. Ryan: Mais ce n'est pas un droit nouveau. Il existe déjà comme prolongement de l'article 133.

M. Bélanger (Anjou): Oui, mais il n'est pas consacré.

M. Ryan: Non, non, non.

M. Bélanger (Anjou): II n'est consacré d'aucune façon dans aucune disposition.

M. Ryan: Non. Il n'est pas consacré dans la Charte.

M. Bélanger (Anjou): Oui. Non, non, mais même dans la loi présentement... Oui, dans la Charte de la langue française, c'est ça.

M. Ryan: Non.

M. Bélanger (Anjou): Mais, alors, vous n'avez fait aucune évaluation des coûts?

M. Ryan: C'est prévu que la Régie peut le faire. La Régie peut le faire. Puis moi, dans les organismes dont j'ai la responsabilité, puis c'en est un, ça, je leur dis toujours: Essayez donc de donner satisfaction au client dans sa langue, ça ne coûte pas cher. Moi-même, quand un contribuable de langue anglaise m'écrit, qu'est-ce que vous pensez que je fais?

M. Bélanger (Anjou): Ah! Oui, oui, oui. Il n'y a pas de problème. Je sais que vous êtes parfaitement bilingue, mais ce n'est pas tous les...

M. Ryan: Non, non, mais j'ai l'esprit de service et j'essaie de rendre service. Puis, la règle bien simple de toute société civilisée, celui qui est dans une position supérieure essaie d'accommoder celui qui est dans une position moins élevée. On ne se trompe pas en faisant ça. Ce n'est pas dans la Charte, ça, mais c'est bien plus pratique.

M. Bélanger (Anjou): Ah! C'est un sentiment qui vous honore, ça, j'en conviens. Mais la question est que, quand même, il y a beaucoup de régisseurs... Je pense que vous comprendrez, M. le ministre, qu'eux ne sont pas nécessairement bilingues...

M. Ryan: C'est vrai.

M. Bélanger (Anjou): ...et il va falloir à ce moment-là prévoir quelque chose.

M. Ryan: Oui. Les décisions de la Régie, ce n'est pas des décisions longues en général.

M. Bélanger (Anjou): Vous seriez étonné. Des décisions de 3, 4 pages, ça arrive assez souvent. Ce n'est pas juste des fixations de loyer. Il y a souvent des causes de dommages-intérêts, de poursuites en responsabilité civile entre propriétaire et locataire. Je vous donnais un exemple au niveau de la Régie. Mais là, maintenant, ça va être la CSST aussi, ça va être la Commission des affaires sociales, ça va être tous les organisme quasi judiciaires. C'est gros, ça, là. Ce n'est pas juste la Régie du logement. C'est pour ça, moi, que je me demande... Parce que, quand on a

proposé notre tout premier amendement qui prévoyait de donner des services en français pour les réfugiés, tout de suite la réponse qu'on a eue, c'est qu'il fallait que vous consultiez de vos collègues ministres pour vraiment faire une évaluation des coûts que ça pouvait impliquer. Alors, moi, j'étais certain qu'avant de nous proposer un tel amendement vous aviez fait cette vérification-là et que vous aviez, à ce moment-là, rencontré vos collègues qui vous auraient fait, à ce moment-là, une évaluation des coûts que ça allait engendrer. Moi, je me demandais ça parce que, vous savez, dans l'Opposition, on est très conscients des coûts et des dépenses de l'État. Et puis, pour nous, c'est important que...

Une voix: On a un doute sur vous autres. Une voix: Quel revirement! Une voix: Nous autres aussi.

M. Brassard: Ça nous obsède, c'est une obsession.

M. Jolivet: Nationale. Une voix: On sait ça.

Le Président (M. Doyon): À l'ordre! Qui est-ce qui a la parole? Qui est-ce qui veut la parole?

M. Bélanger (Anjou): Là, j'attends la réponse du ministre.

Le Président (M. Doyon): Oui, mais le ministre vous répond s'il n'y a rien...

M. Ryan: Ici, regardez, il y a déjà une disposition dans la Charte. Là, on part d'un point donné. On ne fait pas du droit nouveau, là, on part d'un point donné. C'est l'article 11, je pense. L'article 13: «Les jugements rendus au Québec par les tribunaux et les organismes exerçant des fonctions judiciaires [...] doivent être accompagnés d'une version française dûment authentifiée.» C'est-à-dire s'ils sont rendus dans une autre langue, là. Puis, là, on vous dit que dans cette formulation-là... D'abord, ça a déjà été déclaré inacceptable par la Cour suprême.

M. Bélanger (Anjou): Oui, on l'a dit tout à l'heure, que 8 à 13 avaient été...

M. Ryan: Oui, oui. Puis, ensuite, on ajoute que, si on veut commencer à travailler ça, il faut, au titre de l'égalité des citoyens devant la loi — l'article 15 de la Charte canadienne des droits — il faut que ce service-là, si on l'offre à la population, soit offert à tous de manière juste et équitable. C'est ça qu'on essaie de faire. On n'a pas le choix. Quand on s'embarque là-dedans, on ne peut pas discriminer contre une catégorie ou une autre. C'est ça qu'on veut faire.

M. Bélanger (Anjou): O.K. Mais je pensais quand même que vous aviez eu... En tout cas, même si vous vous sentiez obligé d'accorder ce droit, je pensais quand même que vous aviez évalué les coûts que ça pouvait engendrer parce que... Est-ce que le ministre convient avec moi que ça va engendrer quand même, que ça peut engendrer des coûts considérables?

M. Ryan: Oui, oui. Maintenant, selon ce qu'on nous a dit dans les différents organismes où ça va s'appliquer, les charges ne seront pas élevées. C'est ce qu'on nous a dit.

M. Bélanger (Anjou): Bon, d'accord. M. Ryan: O.K.?

M. Bélanger (Anjou): Pour revenir à l'amendement qui est proposé, qui est sur la table, M. le Président, comme je l'avais mentionné avant qu'on suspende l'audition de cette commission, moi, je trouvais tout à fait normal qu'automatiquement une personne qui recevrait un jugement en anglais ait droit à une traduction de ce jugement. Je pense qu'ici notre amendement est encore plus raisonnable, conscient des coûts que ça pourrait peut-être engendrer, parce que le ministre semblait penser que ça engendrerait des coûts considérables. À ce moment-là, on dit: On le laisse à la demande de la personne. Mais je pense que c'est important que le principe demeure. C'est la Charte de la langue française. On se doit de réaffirmer, dans la mesure du possible, ce principe. Je pense que c'est important. Tout en respectant les droits de la communauté anglophone et les droits que nous devons respecter suite au jugement de la Cour suprême. Mais je pense que c'est important, on doit, chaque fois qu'on le peut dans le projet de loi, réaffirmer le principe essentiel qui dit que, la langue officielle, c'est le français. Alors, sinon, écoutez, on va changer le titre, comme je l'ai déjà mentionné. Ça va être la charte de la langue française et anglaise, puis ça ne me tente pas de jouer à ce petit jeu parce que c'est vraiment la Charte de la langue française. Je pense qu'il faut travailler dans cet esprit-là pour pouvoir faire des amendements qui vont aller dans ce sens-là, qui est de continuer à ce que la Charte de la langue française soit là pour le but qui en a été... (20 h 50)

Je prends connaissance, ici, M. le Président, d'une chose assez importante. Il y a une règle de la Cour suprême de la Colombie-Britannique qui exige que tous les documents préparés pour la Cour soient rédigés en anglais — la Cour suprême de la Colombie-Britannique. Et ça a été déclaré par la Cour d'appel de la Colombie-Britannique que ça ne va pas à rencontre de l'article 15 de la Charte. Est-ce que le ministre est au courant de ça? Je viens d'en prendre connaissance, moi. Mais c'est intéressant.

M. Ryan: Quelle est la date de ce jugement-là?

M. Bélanger (Anjou): C'est 1987. Alors, c'est très intéressant, ça.

M. Ryan: C'est sûr que ce n'est pas la même chose. Ça, ça se rattache à des sujets dont nous avons déjà décidé. Là, il y est question d'un service que nous offrons aux justiciables.

M. Bélanger (Anjou): C'était pour répondre à une argumentation tout à l'heure que vous nous disiez à l'effet qu'il y avait un principe qui ne pouvait pas donner préséance à une version d'un jugement par rapport à un autre, si on ne fournissait pas le service en anglais quant au jugement. Je pense que l'article, ici, vient... Puis, c'est vous qui venez de me le sortir, l'article 15, M. le ministre. Moi, c'est pour ça, l'article 15, je vous dis que pour la Colombie-Britannique, en tout cas, il ne s'applique pas. Et, à ce que je sache, c'est encore le même pays malgré peut-être, nous, ce qu'on voudrait.

M. Ryan: Non, mais on n'est pas dans le même ordre, là. Ce qu'on a discuté antérieurement devait être rapporté à l'article 133. Puis ça, le jugement dit que ceci est constitutionnel parce que l'article 133, à ma connaissance, ne s'applique pas en Colombie-Britannique. Tandis que, ce dont nous discutons maintenant, c'est d'un service qui serait offert à la population...

M. Bélanger (Anjou): D'accord.

M. Ryan: Puis, là, on ne peut pas faire de discrimination, une catégorie de citoyens par rapport à d'autres. O.K?

M. Bélanger (Anjou): C'est ça. Mais je pense que le ministre conviendra avec moi que nulle part... En tout cas l'article 133 n'oblige pas une traduction des jugements.

M. Ryan: Non, mais on est dans un autre... On l'a dit qu'on est dans un autre. On n'est plus sur 133, sur ce point-ci.

M. Bélanger (Anjou): Sur ce point-ci, on est sur quoi? Bien là...

M. Ryan: On est sur 15...

M. Bélanger (Anjou): ...vous nous avez sorti 15 tout à l'heure, là.

M. Ryan: On est sur 15, la loi de 1982.

M. Bélanger (Anjou): Oui, mais 15, comme je vous dis...

M. Ryan: Puis sur notre propre Charte....

M. Bélanger (Anjou): ...le 15, il a déjà été appliqué pour la Cour suprême de la Colombie-Britannique, puis ça n'empêche pas la Cour suprême de la Colombie-Britannique de tout faire en anglais.

M. Ryan: Non, non. Là, vous dites que c'est 15 qui a été appliqué. Il faudrait lire le jugement comme il faut. Si vous voulez qu'on le lise, je peux demander à M. Gosselin d'en prendre connaissance, mais je serais bien étonné.

M. Bélanger (Anjou): Ce serait intéressant, je pense. Je peux vous donner la...

M. Ryan: Mais, de toute manière...

Une voix: C'est dans le petit résumé de 1'alter ego, ça?

M. Bélanger (Anjou): Pardon? Oui, c'est un petit résumé de l'alter ego. C'est évident qu'on ne peut pas toujours se fier à ces petits résumés là. Ça dépend de... On me dit que votre conseiller juridique a déjà travaillé sur la confection de l'alter ego. Donc, probablement que c'est un jugement qu'il a lui-même codifié. Donc, on peut se fier probablement au résumé du jugement.

M. Ryan: Quand est-ce qu'il a eu le temps de faire ça? Il a l'air bien jeune.

Une voix: II y a longtemps.

M. Bélanger (Anjou): Ah, il y a longtemps.

M. Gosselin: J'étais enfant.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ryan: Non, ici, c'est l'avis qui nous a été donné par les services compétents du ministère de la Justice et je pense que les raisons que nous avons apportées sont claires, en tout cas, puis nettes et j'y souscris.

M. Jolivet: On a un doute.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président. C'est parce que...

M. Ryan: Je suis content parce que vous êtes passé de l'objection au doute.

M. Jolivet: Ça ne nous empêche pas d'avoir des objections sur le doute.

M. Bélanger (Anjou): Alors, M. le Président...

M. Ryan: Je suis les moindres nuances dans votre évolution.

M. Jolivet: Pardon?

M. Ryan: Je suis les moindres nuances de votre évolution avec beaucoup d'intérêt espérant que les quelques signes que je perçois ici et là sont vrais.

M. Jolivet: C'est parce que, des fois, on a de la difficulté à suivre votre entêtement.

M. Brassard: Nous, on suit avec intérêt votre non-évolution.

M. Ryan: Au contraire, nous évoluons continuellement, mais dans la ligne de nos principes.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, là, ce qui semble se dégager des propos du ministre, c'est sa ferme intention de respecter, toujours dans la mesure du possible, l'égalité des deux langues — je ne me trompe pas — vu justement la philosophie de l'article 133, vu l'interprétation libérale, pas libérale, je n'aime pas ce terme-là, générale...

Une voix: C'est bon. C'est bon.

M. Bélanger (Anjou): ...généreuse qui a été donnée par la jurisprudence de la Cour suprême. Mais, là, est-ce que le ministre ne craint pas que sa notion de nette prédominance du français dans l'affichage va peut-être se heurter à cette philosophie égalitaire?

M. Ryan: Non.

M. Bélanger (Anjou): Non?

M. Ryan: Non, parce que, ça, ça a été testé devant les tribunaux.

M. Bélanger (Anjou): La nette prédominance du français?

M. Ryan: Oui, la Cour suprême l'a énoncée elle-même, en toutes lettres, dans un jugement sur l'affichage en 1988. C'est pour ça que nous l'employons ici, parce que nous sommes en terrain sûr. O.K.?

M. Bélanger (Anjou): C'est l'essentiel de mon propos.

M. Ryan: Ça va?

Le Président (M. Doyon): Est-ce qu'on est prêt à voter sur l'amendement?

M. Brassard: Vote.

Le Président (M. Doyon): Alors, que ceux qui sont en faveur de l'amendement veuillent bien l'indiquer, s'il vous plaît.

M. Brassard: Pour.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Lac-Saint-Jean, pour. M. le député d'Anjou?

M. Bélanger (Anjou): Pour.

Le Président (M. Doyon): Pour. M. le député de...

M. Jolivet: Laviolette, pour.

Le Président (M. Doyon): ...Laviolette, pour. M. le député de D'Arcy-McGee?

M. Libman: Contre.

Le Président (M. Doyon): Contre. M. le ministre?

M. Ryan: Contre, évidemment.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Rimouski?

M. Tremblay (Rimouski): Contre.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Richelieu, quand vous aurez fini?

M. Khelfa: Je suis toujours conséquent. Contre.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Charlevoix?

M. Bradet: Contre.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Hull?

M. LeSage: Contre.

Le Président (M. Doyon): De la part de la présidence, abstention.

Le Secrétaire: 3 pour, 6 contre, 1 abstention.

Le Président (M. Doyon): L'amendement est donc rejeté.

Maintenant que l'amendement... Nous sommes toujours à l'article 1 mais à des amendements apportés par le projet de loi 86, à l'article 9 de la Charte. Maintenant que cet amendement sur lequel on vient de voter a été rejeté^ est-ce que quelqu'un veut intervenir? M. le ministre, sur l'article 9 proprement dit.

L'article 9, M. le ministre.

M. Ryan: Sur l'article 9, je souhaiterais que nous puissions voter. Je pense que nous avons discuté tout ce qu'il y avait à discuter là-dessus.

Le Président (M. Doyon): Rien d'autre à ajouter? M'avez-vous demandé la parole, M. le député de Lac-Saint-Jean?

M. Brassard: Oui, j'aurais une remarque générale sur l'ensemble de l'article 1, tel qu'on le retrouve dans le projet de loi 86. La question que je me pose, c'est: Qu'est-ce qui reste, finalement? Qu'est-ce qui fait que, en matière de législation et de justice, on peut sérieusement prétendre que le français est la langue officielle? Quels sont les éléments qui nous permettraient de considérer que le français, langue officielle, ça veut dire quelque chose, en matière de législation et de justice? Parce que, quand je relis au complet l'article 1, moi, ma conclusion c'est que là, vraiment, on instaure et on consacre, en s'appuyant sur l'article 133, mais en codifiant également une interprétation généreuse de cet article constitutionnel, et on se retrouve, finalement, dans un état où la langue de la législation et de la justice, en fait, on ne peut pas l'utiliser au singulier, on se retrouve dans un état bilingue, sur le plan de la législation et de la justice, un état carrément bilingue, avec 2 langues officielles. (21 heures) . En matière de législation et de justice, quand on regarde tout ça, manifestement, il faut maintenant parler de 2 langues officielles. On verra, dans les autres chapitres, si c'est toujours le cas, mais, en matière de législation et de justice, on se retrouve avec 2 langues officielles sur le même pied, l'anglais et le français, pas seulement pour les lois, mais les projets de loi, les règlements, les autres actes de nature similaire; les versions dans les 2 langues ont une même valeur juridique d'égale force. Bref, on se retrouve, là, en matière de législation et de justice, dans un État parfaitement bilingue où les 2 langues sont exactement sur le même pied. Et, là, je dirais que c'est presque une supercherie que de parler du français, langue officielle. En tout cas, en matière de législation et de justice, ça devient presque une supercherie. C'est quasiment frauduleux. Il faut au moins avoir l'honnêteté de le reconnaître. Et je voudrais dire, à la fin de nos échanges, là, que, quant à nous, on n'est pas dupe. On n'est pas dupe de ça, là. On sait fort bien que la volonté gouvernementale bien arrêtée, c'est de consacrer le bilinguisme, de placer sur un pied d'égalité à tout point de vue et dans toutes les situations les 2 langues officielles, l'anglais et le français. Et, là-dessus, le ministre nous dit souvent qu'il y a une valeur pédagogique dans les lois que nous adoptons. Eh bien! Il me semble, dans ce cas-là que, oui, il y a une valeur pédagogique. C'est clair que ça fait une démonstration et ça enseigne.

C'est une leçon, en quelque sorte, à la population du Québec, au peuple du Québec, pour leur dire très clairement que les 2 langues sont sur le même pied, qu'on va se retrouver, sur le plan de la législation et de la justice, dans un État bilingue à tout point de vue. Et je pense que si on était logique et conséquent, là, on rebaptiserait le chapitre III de la Charte pour l'appeler:

Les langues de la législation et de la justice. Ça serait plus conforme à la réalité et ça ajouterait une valeur pédagogique à la loi. Parce qu'il faut dire les choses telles qu'elles sont. Il faut cesser de faire semblant. C'est ce qu'on fait présentement, là, en prétendant que le chapitre III porte sur la langue de la législation et de la justice. Ce n'est pas ça. Et tout ça, M. le Président, cette mise en place, cette instauration d'un État bilingue, parfaitement bilingue à tout point de vue, en matière de législation et de justice, tout ça, c'est en vertu, c'est en s'appuyant, en prenant appui, en se servant, comme assise, de l'article 133 dont la version anglaise est la seule officielle. Plusieurs, y compris votre humble serviteur, l'ont appris aujourd'hui. C'est quand même étonnant. Voilà ce que j'avais à dire comme remarques finales sur l'article 1.

Le Président (M. Doyon): M. le ministre. Prêt à voter?

Une voix: Non.

Le Président (M. Doyon): Ah! Excusez! Je pensais... M. le ministre, vous avez demandé la parole? Non?

M. Ryan: Je vais attendre un petit peu.

Le Président (M. Doyon): Bon, alors, M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): Alors, M. le Président, je voulais juste faire remarquer — pour faire suite, un peu, aux propos de mon collègue de Lac-Saint-Jean — au ministre que nulle part, nulle part, dans ce premier article de son projet de loi, on n'utilise le terme «langue officielle», nulle part. La langue officielle, je pense que c'est un terme, maintenant, qui va être banni de la législation de la Charte de la langue française. On ne parle plus de langue officielle. On parle de l'anglais, du français, le français, l'anglais, mais on ne parle plus du tout de la langue officielle. Je pense que — comme le disait si bien mon collègue — ça dénote un changement radical de la perception qu'on va avoir du statut de la langue française. Nulle part, le terme «langue officielle» n'est plus du tout, du tout utilisé dans les nouveaux articles. On ne parle plus de langue officielle, on parle de l'anglais, du français. Mais, «langue officielle», c'est une notion, là, qui est périmée, passée date. La société a dû évoluer. Il n'y a plus de langue officielle. En tout cas, on n'a plus besoin de l'appellation «langue officielle». Ça, je trouve ça regrettable. Je ne sais pas si le ministre est conscient de ça. Je ne sais pas s'il veut vraiment bannir le terme «langue officielle» de sa nouvelle Charte de la langue française. Je trouve ça regrettable. Je pense qu'au contraire on n'a pas à avoir honte d'avoir une langue officielle. Ce n'est pas parce qu'on a une langue officielle que nécessairement on ne respecte pas les droits des gens qui parlent une autre langue.

\lors, je pense qu'il faut faire les distinctions qui s'im->osent.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député. M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Oui. M. le Président, pendant que j'écoutais les discussions sur cet article 1, j'essayais de réfléchir à ce qui a été décidé, je pense, en 1982-1983 au Nouveau-Brunswick. J'ai dit que j'étais en train de réfléchir à ce qui avait été décidé au Nouveau-Brunswich, je pense, en 1982-1983 à l'effet de rendre officielles les 2 langues et qui s'est concrétisé, on s'en souvient, par la décision, après les fêtes, parce que, avant les fêtes, il y avait eu une non-décision au gouvernement fédéral de changer la partie de la Constitution qui les concerne pour vraiment faire en sorte qu'on ait un État bilingue au Nouveau-Brunswick. Et là je me souviens de mon député — ministre de Shawinigan — le p'tit gars de Shawini-gan — qui disait, des fois, que le Québec, pour lui, ressemblait à un gros Nouveau-Brunswick. Puis, j'en ai été saisi par la discussion qu'on a eue parce qu'il est officiel... La loi, telle que présentée —je le disais tout à l'heure — va plus loin que la loi 22. Elle rend donc officielles, d'une certaine façon, les 2 langues. Donc, on ne peut plus parler de la Charte de la langue française. Il faudrait parler de la charte des langues officielles: l'anglais et le français.

Le député de Richelieu, qui ne parle pas beaucoup mais qui fait beaucoup de signes, M. le Président, pourrait nous expliquer comment il le voit, lui. Mais, moi, c'est de même que je le vois. Qu'est-ce que je vois? Je vois qu'on utilise indistinctement, selon les gens qui vont aller devant les tribunaux, la langue française et la langue anglaise. Et, dans ce contexte-là, les 2 langues deviennent, à ce niveau-là, officielles. Il n'y en a pas une qui a prédominance sur l'autre quant à l'interprétation. Parce que, à défaut d'interprétation quand on avait un jugement rendu en anglais, c'était la traduction française ou authentifiée française qui était l'officielle. Pourquoi? Parce que, la langue officielle, c'était la langue française.

Mais là, ce que ça me donne comme impression, c'est qu'on s'en va tranquillement vers Une bilinguisa-tion des langues dans le chapitre qui nous concerne et qui me donne, dans mon esprit, un doute raisonnable. Ce doute raisonnable fait en sorte que, en réflexion, je regardais ce qui s'est passé au Nouveau-Brunswick puis je pourrais regarder aussi ce qui s'est passé dans l'histoire au Manitoba, puis voir de quelle façon, tranquillement, les francophones qui étaient là-bas en sont venus, même avec les batailles épiques qu'ils ont faites avec les Métis de l'époque, à l'anglicisation de la province. Ce qui a amené des grosses discussions au niveau des décisions des juges à l'effet d'obliger la province du Manitoba à traduire en français... Puis vous savez les batailles que ça a pris. Ça a pris des années et des années avant d'y arriver.

Alors, je regarde le texte qui est devant nous et, en aucune façon, on ne peut dire, comme mes collègues l'ont dit, que la langue française est la langue officielle. Dans ce sens-là, je le répète, en particulier au niveau de l'article 9, le ministre a décidé — je le disais tout à l'heure — d'aller plus loin que le requérait la jurisprudence. Il y a une décision qui est prise par l'État, par le gouvernement, puis, cette décision-là, ils ont le droit de la prendre, ils sont majoritaires, mais nous ne l'acceptons pas. Nous ne pouvons pas accepter que le ministre, par les amendements qu'il apporte, aille plus loin que requis. (21 h 10)

Je le disais, je le répète pour les besoins de la cause: En effet, si chacun peut s'exprimer dans sa langue devant les tribunaux, il n'existe aucune obligation actuellement qui est faite de fournir une traduction anglaise d'un jugement qui est rendu en français. Mon collègue, le député de Gouin, en a fait la démonstration, mais il n'a pas eu de réponse de la part du ministre, en termes de coûts. Le ministre dit: Ça ne coûtera pas plus cher puis... Un instant, là! Un instant! Il y a une chose qui est certaine, c'est que le but recherché par l'amendement que nous avions proposé était à l'effet d'éviter des coûts additionnels et de sauver davantage d'argent. Puis l'article va même plus loin. Je répète que le bill 22 de 1974, qui prévoyait que le ministre de la Justice devait prendre les moyens pour que seuls les jugements en anglais — seuls les jugements en anglais — soient traduits en français, sur demande, bien entendu, puisque c'était le français qui était la langue officielle... Avec les amendements qui sont apportés, avec le nouvel article qui est devant nous, tranquillement, discrètement, douteusement, pernicieusement, on est en train de mettre dans l'administration, au niveau de la justice, une forme de bilinguisme, c'est-à-dire 2 langues officielles. Ça, M. le Président, on ne peut pas l'accepter. On ne l'acceptera pas. Nous allons voter contre, puis nous reviendrons plus tard, quand on aura la capacité de prendre des décisions et de les faire valoir.

Le Président (M. Doyon): Alors, M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Libman: M. le Président, I reject the argumentation of the 3 speakers who spoke just before me. I will vote in favour of article 1. I believe article 1 reflects the reality of the framework within which the province of Québec finds itself. It is part of the Canadian Federation. There were 2 very important compromises at Confederation 1867. One was article 93 and the other was article 133, which were protections or compromises of Confederation, which took into consideration the importance of an English-speaking minority within the province of Québec. And I think article 1 brings to date what the reality of Canada is, what the reality of our justice and legislatures have been, since Confederation. And I think that what we are dealing with here is a mind-set that is very different, in the reality, of the existing framework, that of Québec

continuing to be a province within Canadian Confederation. As long as that is the case, as article 133 of the Constitution says, the courts and Legislature of Québec shall operate or provide services in both languages and I think that, as long as Québec is part of the Canadian Federation, that is a fundamental principle that must be accepted by this National Assembly and therefore, article 1, very clearly, reflects that reality. Merci.

Le Président (M. Doyon): M. le député.

M. Joiivet: II s'est trompé. Il aurait dû dire «thank you».

M. Ryan: Pour résumer brièvement, M. le Président. En réalité, nous ne changeons rien.

Une voix: Hein! Qu'est-ce que c'est ça? Vous ne changez rien?

M. Ryan: Nous consacrons ce qui se fait tous les jours...

Une voix: Ah!

M. Ryan: ...dans nos tribunaux. Dans la pratique de nos cours de justice, nous reconnaissons la vérité des choses, au lieu de la travestir, comme le fait le texte actuel. On vit dans un texte imaginaire depuis 15 ans. Vous êtes contents de ce texte, vous autres. Vous ne vous rendez même pas compte qu'il n'est pas appliqué dans la réalité. Ce n'est pas comme ça que marche la justice au Québec. La justice fonctionne, au Québec, dans le respect des droits des personnes des 2 langues. Elle n'en meurt pas. Au contraire, je l'ai dit à maintes reprises, elle en a tiré une vitalité particulière qui fait de notre univers juridique québécois l'un des meilleurs, sinon le meilleur de tout le Canada. Nos écoles de droit sont des écoles très fortes, aussi, parce qu'elles peuvent s'alimenter à 2 courants majeurs. C'est formidable. Considérons que c'est un actif. Puis de consacrer dans notre loi ce qui est la pratique courante, puis nous vivons de cet article... J'aimerais, moi, qu'il s'appliquât en Ontario. Je l'ai dit à maintes reprises, puis j'espère que ça va venir.

Nous vivons sous le règne de cet article depuis 1867. A-t-il empêché notre Cour supérieure d'être une cour très généralement française, notre Cour d'appel de se distinguer par son caractère français? Notre Cour du Québec est une cour presque entièrement française. Pas du tout! Il y a la réalité des faits. Il y a la réalité des grandes proclamations. Des fois, les proclamations sont loin de la réalité des faits. Là, nous rapprochons le texte de ce qui est notre réalité à la fois constitutionnelle et historique. Je respecte l'autre point de vue, mais il n'a pas de lien avec la réalité vécue par nos juristes, nos juges, nos avocats, nos personnes, nos entreprises qui ont affaire aux tribunaux.

M. Joiivet: M. le Président, le ministre... Puis-je lui poser une question?

Le Président (M. Doyon): M. le député Lavio-lette.

M. Joiivet: Le ministre dit: J'amène des amendements, mais dans le fond les amendements ne changent rien. Us changent quelque chose. Ils changent au moins la loi qui est actuellement la loi 101. Je dois au moins savoir ça. Et, là, vous dites: Elle change la loi 101 qui, elle, ne représentait pas la réalité de tous les jours. C'est ça que vous dites, là. Mais, dans le fond, ça dépend de ce que vous avez comme obligation de faire. Alors, moi, je ne peux pas accepter que le ministre dise que ça ne change rien. Ça change quelque chose, ça change la loi. Maintenant, est-ce que la loi est appliquée ou pas? c'est une autre chose.

M. Libman: Ça rétablit la réalité qui n'existait pas dans la loi 101.

M. Joiivet: Ah! mais, ça, c'est de ses affaires.

M. Libman: Par rapport à un autre statut constitutionnel.

Le Président (M. Doyon): Est-ce que cette commission est prête à passer au vote?

Des voix: Oui.

Le Président (M. Doyon): Alors, que ceux qui sont en faveur de l'article 9 qui se trouve à l'intérieur de l'article 1 veuillent bien m'indiquer qu'ils sont en faveur en votant pour.

Une voix: ...

Le Président (M. Doyon): L'article 1 au complet. Je pensais que vous aviez voté sur l'article 7 et sur l'article 8. Alors, sur l'article 1 au complet, que ceux qui sont en faveur veuillent bien l'indiquer. M. le ministre?

M. Ryan: En faveur.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Rimouski?

M. Tremblay (Rimouski): En faveur.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Richelieu?

M. Khelfa: D'accord.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Charlevoix?

M. Bradet: En faveur.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Hull?

M. LeSage: Pour.

Le Président (M. Doyon): M. le député de D'Arcy-McGee?

M. Libman: Pour.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Lac-Saint-Jean?

M. Brassard: Contre.

Le Président (M. Doyon): M. le député d'Anjou?

M. Bélanger (Anjou): Contre.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Laviolette?

M. Jolivet: Contre.

Le Président (M. Doyon): Abstention de ma part.

Le Secrétaire: 6 pour, 3 contre, 1 abstention.

Le Président (M. Doyon): L'article 1 du projet de loi 86 est donc adopté avec les amendements qui n'ont pas eu lieu. Ha, ha, ha! Il y en a eu, oui. Alors, l'article 1 est adopté tel qu'amendé.

La langue de l'administration

L'article 2, et j'en fais la lecture. L'article 16 de cette Charte est modifié par le remplacement, dans la troisième ligne, des mots «n'utilise que» par le mot «utilise». M. le ministre est-ce que vous avez des explications à fournir?

M. Ryan: Oui, volontiers, M. le Président. Pour bien comprendre la portée de l'article 2, je pense qu'il est bon de relire l'article 16 de la Charte, qui s'énonce comme suit: «Dans ses communications écrites avec les autres gouvernements et avec les personnes morales établies au Québec, l'administration n'utilise que la langue officielle.» Alors, l'objet de la modification proposée est de remplacer les mots «n'utilise que» par le mot «utilise».

Nous maintenons l'obligation pour l'administration d'utiliser la langue officielle dans toutes ses communications avec les gouvernements, les autres gouvernements et avec les personnes morales établies au Québec, mais nous validons en quelque sorte une pratique qui existe de manière assez fréquente, qui consiste à joindre à la lettre officielle en français une traduction de courtoisie là où c'est jugé nécessaire par le ministre ou par l'organisme qui écrit au nom de l'administration.

Quand on écrit qu'on forme un gouvernement, des fois, c'est pour imposer l'autorité du gouvernement, la faire peser de tout son poids sur ceux à qui on s'adresse. D'autres fois, c'est pour essayer de conclure une transaction ou une entente qui sera favorable au Québec. Puis, dans n'importe quelle transaction humaine, l'agent qui veut obtenir un avantage essaie de se rendre agréable à l'autre. Si, moi, mon propriétaire veut discuter avec moi et qu'il me dise: Je suis ton propriétaire, je suis ton propriétaire et c'est ça que tu va avoir, je vais lui dire: Va donc te promener, je vais m'en aller ailleurs et ça finit là. S'il me dit: Je vais déplacer ta voiture, je vais la ranger comme il faut, pendant que tu es à Québec, je vais m'occuper de tes affaire puis, après ça, il arrive avec le renouvellement du bail, ça passe bien plus facilement. Ça passe bien plus facilement.

Je pense qu'ici on a des négociations très délicates à conduire, par exemple, avec des sièges sociaux d'entreprises qui sont établies au Québec. Et, souvent, nous sommes en concurrence avec d'autres sociétés qui veulent obtenir des investissements ou des développements impliquant cette firme-là en particulier. Alors, si nous écrivons au quartier général qui est à Détroit, à Chicago, à Los Angeles, à Londres ou à Tokyo et que nous écrivons en français et qu'en même temps notre lettre est accompagnée d'une version anglaise, parce que l'anglais, ne l'oublions point, est la langue des affaires à travers le monde, c'est la langue la plus communément utilisée dans le monde du XXe et très probablement que ça le sera encore dans le monde du XXIe siècle... Alors, nous disons: Mettons les chances de notre côté, respectons notre caractère propre, affirmons-le sans hésitation et, en même temps, montrons que nous sommes capables de faire le pas additionnel qui nous permet de nous rendre encore plus agréables à l'autre en vue d'obtenir le résultat souhaité. (21 h 20)

Dans les rapports avec les autres gouvernements, il y a quelque chose dont nous avons besoin. Je suppose que nous communiquons avec l'État de New York ou l'État du Vermont ou le Connecticut, bien, nous avons bien des intérêts autres que les intérêts officiels du Québec à transiger avec ces gens-là. Il y a des contrats d'électricité que nous sommes intéressés à obtenir d'eux. À un moment donné, si nous faisons un pas, ça nous aide. Nous le faisons déjà dans plusieurs circonstances, mais nos conseillers nous ont souligné que cette pratique, qui est employée assez fréquemment, n'a pas de fondement légal, actuellement, parce qu'on pourrait la contester au nom de l'expression «n'utilise que» la langue officielle. En disant: «utilise» la langue officielle, on valide des pratiques comme celle-là sans diminuer en aucune manière l'usage de la langue officielle. Puis vous voyez, juste pour ajouter â ce qui a été entendu plus tôt, on a l'expression «langue officielle» dans l'article 16. On la laisse là, on n'est pas intéressé à l'enlever. On la laisse là.

Voilà, M. le Président, c'est la raison d'être de

cette modification très simple qui ne change rien à l'objet de la loi, mais permet d'appliquer la loi dans un esprit de compréhension puis de bonne compagnie, en tout cas, plus propice à l'obtention des résultats recherchés dans bien des dossiers.

Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Avant de faire quelques remarques et commentaires, M. le Président, si vous me permettez, j'aurais quelques questions à poser au ministre sur la pratique, sur la façon dont les choses se passent en pratique, concrètement.

Actuellement, quand le gouvernement du Québec communique avec d'autres gouvernements, soit des gouvernements des autres provinces canadiennes ou des gouvernements des États américains, par exemple, comment ça se passe? Je comprends qu'il y a une lettre en français, qui est accompagnée d'une version anglaise. C'est ça, la pratique, actuellement?

M. Ryan: Regardez, ça dépend des cas. Je vais vous donner un exemple. J'ai écrit, la semaine dernière, au ministre fédéral responsable de la Société centrale d'hypothèques et de logement à propos du dernier budget fédéral en matière d'habitation. J'ai écrit une lettre pour protester au nom du Québec contre la diminution radicale du budget et la diminution relative de la part que nous obtenons cette année de ce budget. J'ai adressé ma lettre uniquement en français. Je dois vous dire, c'est parce que je n'avais pas eu le temps de faire préparer une traduction anglaise, je voulais qu'elle parte. Je l'ai envoyée uniquement en français. Puis, là, la nouvelle s'est répandue tout de suite dans toutes les autres provinces canadiennes que le Québec avait écrit au ministre fédéral. Puis, là, il y a plusieurs provinces qui ont téléphoné pour demander si elles pouvaient obtenir une copie de cette lettre-là en anglais. Je pense bien qu'au strict point de vue économique on se rend compte que c'est plus économique que l'auteur traduise sa propre lettre que d'en faire faire 10 traductions à travers les autres gouvernements du pays. Moi-même, j'avais demandé qu'on prépare une traduction anglaise parce que je savais que ça pourrait nous être utile dans tous les échanges qui surviendront à ce sujet au cours des semaines à venir. Alors, j'ai fait envoyer une traduction, 2 jours après. Je l'ai fait envoyer à la Société centrale d'hypothèques. J'ai demandé qu'on la communique également aux autres provinces qui l'ont demandée puis là, aux autres provinces, évidemment, j'ai fait envoyer la lettre dans les 2 langues, la lettre officielle en français avec la version anglaise.

M. Brassard: Est-ce que c'est la pratique courante également chez vos autres collègues et chez le premier ministre? Parce que là aussi...

M. Ryan: Oui. Là, je ne veux pas vous l'affirmer solennellement, mais c'est toujours ce que nous avons discuté, moi, depuis que je suis au gouvernement. Il m'arrive de prendre connaissance de lettres que des collègues adressent à un autre gouvernement ou à une entreprise parce que ça me rejoint, tantôt comme ministre des Affaires municipales, tantôt comme ministre responsable de la langue, tantôt comme ministre responsable de la Sécurité publique, puis c'est la manière dont on procède.

M. Brassard: Est-ce que l'inverse est vrai aussi? Est-ce que les gouvernements, les autres gouvernements du Canada puis certains autres gouvernement étrangers, quand ils écrivent, ils communiquent par écrit avec le gouvernement du Québec, est-ce qu'ils ont la courtoisie d'accompagner leurs lettres d'une version française?

M. Ryan: Je vais juste dire que l'Ontario nous écrit souvent en français.

M. Brassard: L'Ontario...

M. Ryan: Le Nouveau-Brunswick aussi, évidemment.

M. Brassard: Bon. Alors...

M. Ryan: O.K? Le fédéral nous écrit toujours en français. Il n'ajoute pas de traduction.

M. Brassard: Si je vous comprends bien, cette pratique, qu'on peut presque qualifier de courante, là, une lettre en français, accompagnée d'une traduction, selon vous, c'est en violation avec l'article 16 de la Charte actuelle.

M. Ryan: Ça pourrait être contesté. M. Brassard: Ça ne l'a jamais été?

M. Ryan: Non. Il y a des ministres qui n'osent pas la signer parce qu'ils craindraient que ça soit contesté. Moi, je la signe, ça ne me dérange pas.

M. Brassard: Vous signez les 2 lettres. M. Ryan: Oui.

M. Brassard: Parce que, dans votre esprit, il n'y a pas violation?

M. Ryan: Dans mon esprit, il n'y a pas violation.

M. Brassard: II n'y a pas violation?

M. Ryan: Non.

M. Brassard: Alors, la question...

M. Ryan: On pourrait dire là...

M. Brassard: ...c'est: Pourquoi vous la modifiez, d'abord?

M. Ryan: ...«n'utilise que la langue officielle». Ça dépend des conseillers juridiques que vous avez. Il y en a d'étroits et de larges.

M. Bélanger (Anjou) Vous devez en avoir des larges.

M. Brassard: Oui, mais, ça, c'est comme les interprétations de la Cour suprême, il y en a des larges, puis des étroites.

M. Ryan: Bien oui, ça, là, ça varie, ça varie considérablement.

M. Bélanger (Anjou): II faut élargir les passages.

M. Brassard: Là, on est dans une époque de larges. Mais il reste que c'est loin d'être unanime chez vos conseillers, d'après ce que je peux voir...

M. Ryan: Oui, c'est pour ça qu'on...

M. Brassard: ...que l'article 16 pourrait rester tel qu'il est là, puis que la pratique actuelle du gouvernement ne constituerait pas une violation flagrante...

M. Ryan: L'avis que nous avons retenu, c'est celui qui nous indique qu'il peut y avoir un écueil. Nous voulons l'éliminer avant qu'il ne se présente parce qu'on aurait l'air joliment fou. Puis, nous autres, là, quand nous légiférons, M. le Président, je pense bien que vous allez comprendre, j'ai indiqué plutôt un souci dominant de légiférer en conformité avec la Constitution du pays. Puis, deuxièmement, nous voulons légiférer de manière que nous soyons traînés devant les tribunaux le moins souvent possible. Non, moi, je vous dis, c'est un de mes soucis dominants parce que j'ai été étrenné joliment là dedans, puis un ministre n'a pas beaucoup de temps à perdre à suivre toutes ces causes-là. Puis, quand il les laisse trop uniquement aux avocats, il arrive d'autres...

M. Brassard: Pensez-vous vraiment que vous allez avoir des poursuites en vertu de l'article 16? Il n'y en a jamais eu.

M. Ryan: On vous dit, là, on fait le ménage. Puis, on trouve que c'est une mesure de prudence. On va être plus à l'aise tout le monde pour le faire franchement, ouvertement.

M. Brassard: Bon. Moi, je vais vous dire bien sincèrement, M. le ministre, la pratique dont vous faites état avec les gouvernements étrangers, personnellement, je vous donne mon avis, je n'en ai même pas discuté avec mes collègues, je vous donne mon avis, je trouve que c'est une pratique acceptable, correcte, et pas uniquement en anglais, là. Je suppose que le Québec communique avec le gouvernement allemand et qu'il ait la courtoisie d'accompagner sa lettre dans la langue officielle d'une version allemande, je trouve ça...

M. Ryan: En général, la lingua franca, c'est l'anglais.

M. Brassard: Peu importe. On pourrait l'accompagner d'une version gaélique, ça ne me dérangerait pas, dans le sens où la pratique ne me heurte pas — ça ne me heurte pas. Sauf que, là, ça ne concerne pas seulement les gouvernements étrangers, l'article 16, ça concerne aussi les personnes morales établies au Québec. Là, ça me dérange. Je vais vous le dire bien franchement, là, ça, ça me dérange. Encore une fois, je reprends le même discours. Vous allez dire que je radote, mais quand on a des convictions, on les exprime souvent à maintes reprises. C'est sûrement votre cas aussi. Quand on prétend et qu'on affirme que le français est la langue officielle au Québec, sur le territoire québécois, il me semble, à partir de ce moment-là, que les communications officielles de l'État, du gouvernement du Québec avec les personnes morales établies au Québec, pas les compagnies de Chicago ou des compagnies établies à New York, les compagnies, les personnes morales, les corporations, les sociétés établies au Québec, oeuvrant au Québec, opérant au Québec où, la langue officielle, c'est la langue française, moi, je n'accepte pas, à partir de ce moment-là, que ce ne soit pas uniquement la langue officielle qui soit la langue de communication avec les personnes morales établies au Québec. (21 h 30)

Qu'avec les gouvernements étrangers on adopte une pratique de courtoisie, qu'on écrive au gouvernement manitobain ou au gouvernement du Rhode Island, qu'on accompagne la lettre en français d'une version, d'une traduction anglaise, signée ou pas par le ministre, moi, je trouve ça correct parce que, au Rhode Island, le français, ce n'est pas une langue officielle, pas plus qu'au Manitoba également, tout le monde le sait. Alors, ça, c'est normal.

Mais les personnes morales, les compagnies et les sociétés qui sont établies au Québec et qui opèrent au Québec, dans un territoire où on affirme solennellement, dans une Charte, et on prétend que c'est toujours le cas, même si on l'amende, où, la langue officielle, c'est le français, je pense qu'on devrait faire la distinction entre les communications avec les gouvernements, les autres gouvernements, et les communications avec les personnes morales établies au Québec.

Je vous rappelle le préambule — on me met sous les yeux le préambule de la Charte de la langue française qui, à ma connaissance, n'est pas amendé — où on dit: «L'Assemblée nationale reconnaît la volonté des Québécois d'assurer la qualité et le rayonnement de la

langue française. Elle est donc résolue — l'Assemblée nationale est donc résolue — à faire du français la langue de l'État et de la loi aussi bien que la langue normale et habituelle du travail, de l'enseignement, des communications, du commerce et des affaires.» De telle sorte que je pense qu'il y aurait lieu de faire une distinction entre les communications d'État à État, de gouvernement à gouvernement et les communications d'État avec les personnes morales établies au Québec, sur le territoire du Québec, où, prétend-on, la langue officielle est le français.

Je ne sais pas si... Je pense être clair et j'aimerais, je souhaiterais que le ministre me dise que je l'ai convaincu de la distinction qui doit s'imposer, dans les circonstances.

Le Président (M. Doyon): M. le ministre.

M. Ryan: Quand on parle des personnes morales établies au Québec, il y en a beaucoup, de ces personnes morales, qui ont des ramifications aux États-Unis en particulier. Je vous donne un exemple, une société qui est établie dans mon comté, la société Bell Helicopter, Bell Textron. Leur quartier général est à Fort Worth, je pense, au Texas. Là, il y a toutes sortes de transactions qu'il faut faire avec ces entreprises-là; des fois, il est question de licenciement de personnel, il est question de changement dans le genre de production qu'ils ont, il est question d'agrandissement, il est question de nouveaux financements. Il y a toutes sortes de problèmes qui se posent et qui, des fois, vont nécessiter des communications très rapides avec la maison mère. Ça, c'est Bell Textron, qui est établie au Québec, mais également dans d'autres endroits. Et, que nous n'ayons aucune latitude — c'est ça que le texte actuel dit, aucune latitude — pour... À un moment donné, il y a une décision qui doit être prise demain matin; moi, j'envoie une communication écrite cet après-midi et je veux qu'elle soit comprise par tout le monde. Si j'envoie ma lettre officielle en français, avec une version de courtoisie en anglais, j'augmente les chances d'une décision favorable pour le Québec. Je n'enlève rien à la langue française, ça s'en va au Texas. Il ne faut pas faire exprès pour scorer dans nos propres buts non plus, en affaires. Alors, ça nous donnerait cette latitude.

Maintenant, la pratique actuelle, ce n'est pas de se mettre à quatre pattes devant les entreprises et de leur envoyer des versions anglaises quand elles n'en ont pas besoin, celles qui sont établies au Québec uniquement — uniquement. Pas de problème, on encourage toutes nos entreprises, M. le Président, à sortir des frontières du Québec. On leur dit: Exportez, c'est ça qui est la voie de l'avenir. Il faut donner un peu de souplesse dans les rapports. Il peut arriver qu'une entreprise va nous dire: Je m'en vais à Séoul demain, j'ai besoin d'une lettre du ministre, sans faute. Le ministre lui donne une lettre, il l'accompagne d'une version anglaise, ça va l'aider beaucoup auprès de la maison mère là-bas. Je trouve que, franchement, il ne faut pas faire exprès. 11 faut faire confiance au jugement des gouvernements.

Je comprends l'intolérance ou l'intransigeance, à tout le moins, je ne veux pas exagérer. C'est vraiment une intransigeance que nous voulons tempérer par le maintien de la règle de fond qui est le français, à titre de communication officielle, et, en même temps, cette faculté de souplesse qui n'a rien d'excessif dans le monde d'aujourd'hui où les communications transfrontalières sont continues, continues dans la vie des affaires, dès qu'elles prennent une certaine envergure.

M. Brassard: M. le Président.

Le Président (M. LeSage): M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Pensez-vous vraiment que les États américains, comme l'État de New York, pour son métro, communiquent en français avec Bombardier? Jamais de la vie!

M. Ryan: Pas du tout, mais...

M. Brassard: Ils communiquent en anglais. C'est évident. M. le Président, je sais que je ne réussirai pas à vous convaincre, mais je pense que je me dois de le signaler, il y a un autre chapitre, dans la Charte de la langue française, qu'on prétend, d'ailleurs, par la loi 86, renforcer, améliorer, c'est le chapitre sur la francisation des entreprises. On veut que les entreprises, et surtout les grandes entreprises, non seulement soient tenues d'avoir un certificat de francisation, mais également qu'elles mettent en oeuvre, au sein de leur entreprise et dans tous les services, un programme de francisation. Et le programme de francisation a pour but la généralisation de l'utilisation du français à tous les niveaux de l'entreprise — à tous les niveaux de l'entreprise. Ce qui comporte, entre autres: a) la connaissance de la langue officielle chez les dirigeants, les membres des ordres professionnels et les autres membres du personnel; b) l'augmentation à tous les niveaux de l'entreprise, y compris au sein du conseil d'administration, du nombre de personnes ayant une bonne connaissance de la langue française de manière à en assurer l'utilisation généralisée; c) l'utilisation du français comme langue de travail et des communications internes; d) l'utilisation du français dans les documents de travail de l'entreprise, notamment dans les manuels et les catalogues, bon, etc. programmes de francisation en vertu d'un certificat de francisation décerné, octroyé par l'office de la langue française. ça, c'est le chapitre sur la francisation des entreprises. c'est ça, les objectifs. et, là, on leur lance le message, après ça, en disant: écoutez bien, là...

Une voix: C'est important.

M. Brassard: ...on vous demande de vous franciser à tous les niveaux, là, y compris au sein du conseil d'administration, mais...

Une voix: On va vous envoyer des lettres en anglais.

M. Brassard: ...ce n'est pas bien grave, là. Si ça ne s'applique pas, ça n'est pas bien grave, là. Quand c'est important, là, on va vous écrire en anglais. C'est ça le message qu'on va lancer. Un message contradictoire, un message qui va avoir pour effet de neutraliser, d'atténuer la portée, la force qu'on veut donner au chapitre sur la francisation des entreprises. Il me semble qu'il y a là une contradiction évidente.

Moi, encore une fois, je le répète, avec les gouvernements étrangers, je suis ouvert à des pratiques de courtoisie, de savoir-vivre. Mais, à partir du moment où une entreprise, une société, même si elle a un siège social à l'étranger, même si elle a des succursales à l'étranger, à partir du moment où elle est établie au Québec, où elle opère au Québec, où elle a des unités de production au Québec, à partir de ce moment-là, en plus, si elle est touchée par un programme de francisation, étant de 50 employés et plus, si elle a entre les mains un certificat de francisation, il me semble qu'on doit avoir avec elle des communications écrites qui l'encouragent, qui, en quelque sorte, viennent confirmer ses efforts de francisation, qui viennent, en quelque sorte, louer ses efforts de francisation. Mais, si on commence à lui écrire en anglais, on lui envoie le message que ce n'est pas bien grave, là. Écoutez, votre certificat de francisation, là, ça, c'est un... Faits-le laminer, là. Accrochez-le dans le bureau du P.-D.G., puis ça n'a pas plus de signification que ça, là. Ne faites pas d'efforts. Que vos dirigeants ne s'efforcent pas d'apprendre la langue officielle parce que... Puis, de toute façon, si on a des choses importantes à vous dire, là, ce n'est pas bien grave, on vous écrira en anglais. C'est l'État québécois qui dit ça.

Une voix: Oui.

(21 h 40)

M. Brassard: C'est l'État québécois. C'est le gouvernement québécois. Moi, il me semble qu'il y a là une contradiction et une incohérence inacceptables et je ne peux pas, quant à moi, M. le Président... Puis ce n'est pas de l'intransigeance, là, c'est de la logique, c'est de la cohérence. Ou bien ils sont établis au Québec, ou ils ne sont pas établis au Québec. Si vous communiquez avec une société étrangère qui n'est pas établie au Québec, alors ce n'est pas une personne morale établie au Québec, ma foi, là, la loi ne vous oblige pas à communiquer en français avec cette société-là. Mais, si c'est une société établie au Québec, une personne morale établie au Québec, qui opère au Québec, là, la loi est très claire et doit demeurer très claire: les communications doivent se faire uniquement en français, sinon, à quoi ça sert de les obliger à se franciser puis à se doter de programmes de francisation? Voilà!

Le Président (M. LeSage): M. le ministre.

M. Ryan: Est-ce que nous sommes prêts pour le vote, M. le Président? Non? Mais, là, si vous n'êtes pas prêts, je vais commenter un petit peu.

M. Bélanger (Anjou): On n'est pas prêts.

M. Ryan: Brièvement. Tout d'abord, là, dissipons toute équivoque. La version modifiée que propose le gouvernement dans le projet de loi 86 établit clairement l'obligation pour le gouvernement d'utiliser la langue officielle dans toutes ses communications avec les autres gouvernements et les personnes morales. On veut qu'il n'y ait aucune ambiguïté, aucun doute là-dessus. Parce que, ça, c'est la règle générale, la règle fondamentale, la règle première. Je pense qu'il n'y a aucune contestation possible là-dessus.

Deuxièmement, le mode de rédaction que nous proposons est évidemment assorti de l'application possible de l'article 89, que, dans les cas où la présente loi n'exige pas l'usage exclusif de la langue officielle, on peut continuer à employer à la fois la langue officielle et une autre langue. C'est ça qui va arriver, ici.

Maintenant, dans la pratique, c'est le gouvernement... L'administration s'est fixé comme règle que la langue officielle est son mode de fonctionnement, son mode d'expression. Il peut arriver... Comme je l'ai dit tantôt, j'aimerais bien pouvoir faire la distinction qu'on fait. Mais je ne voudrais pas avoir eu l'air d'attaquer un problème puis ensuite de ne pas le résoudre seulement pour faire plaisir.

Je reviens à un cas, là. Disons qu'une firme est établie au Québec uniquement... Son dirigeant principal ou un de ses représentants s'en va à Hong Kong pour essayer de décrocher une grosse transaction. À Hong Kong, tout le monde sait que la langue de communication, c'est l'anglais. Et il va voir son ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie puis il dit: Ça me prend une lettre de recommandation, là, disant que le gouvernement du Québec nous appuie fortement. Le ministre dit: Très bien, je vais vous donner une bonne lettre. Parce qu'il croit à son projet puis tout. Il donne ça rien qu'en français. Le gars, là-bas, il ne trouvera personne qui parle français. S'il arrive avec sa lettre et dit: II m'a donné une lettre en français mais voici la version anglaise qui est approuvée par lui également, qui porte sa signature également, il me semble que c'est plus civilisé, que c'est plus intéressant. C'est plus de nature à procurer le résultat qu'on veut. Autrement, l'entreprise va être obligée de faire une traduction quand même qui ne sera même pas approuvée et qui peut contenir des déformations. Je trouve qu'on est aussi bien... Comme c'est la lettre du ministre... En tout cas, moi, j'aimerais mieux que ce soit la traduction sur laquelle j'ai eu un contrôle.

Et, si j'écris au président de la Banque Nationale,

au président de la Banque Royale à Montréal qui a encore une partie de son bureau chef à Montréal — en tout cas, la Banque Royale, je pense qu'elle l'a encore — à ce moment-là, je ne suis pas obligé de lui mettre une version anglaise. Il comprend très bien le français maintenant, il a tous les services voulus chez lui pour ça. On n'est pas obligé du tout puis on ne le fait pas.

Il y a des cas qui sont... Dans les grandes entreprises... Prenez la General Motors. On a eu, pendant 3 ans, un M. Moran comme directeur général de l'usine. Cette personne-là ne parlait presque pas le français. Il était tellement pris dans les problèmes de production qu'il n'a pas eu le temps de s'en aller pendant 3 mois pour suivre un «Berlitz», là. Il passait vite, puis c'est le meilleur réorganisateur d'usines en décadence de General Motors à travers l'Amérique. Il est venu ici et il a remis l'usine de GM sur pied. Il a sauvé entre 3000 et 4000 emplois en lui trouvant une vocation nouvelle. Il s'est gagné l'attachement de tout le personnel ouvrier, là-bas, et le facteur principal n'était pas celui qu'on dit. Le facteur principal, c'était les jobs. C'était les jobs. Déjà, à GM à Boisbriand, le français est très, très largement établi, très largement établi. Mais il y a eu beaucoup de communications à faire avec le quartier général au Michigan, beaucoup de communications à faire. Des fois, lui était porteur d'une communication et tout. Je n'ai pas été mêlé intimement à toutes les transactions mais, comme ministre responsable des Laurentides, j'ai suivi le dossier de près et je peux vous dire une chose, aujourd'hui. J'ai eu à communiquer avec eux par écrit à plusieurs reprises au cours des derniers mois à propos d'un gros contrat d'automobiles pour la SQ. Puis, là, toutes les correspondances sont faites en français uniquement. Il n'y avait pas de version anglaise, il n'y en avait pas besoin.

Mais je dis: Laissons une petite marge de manoeuvre au gouvernement. Je regrette infiniment, mais nous allons la mettre dans le projet de loi. Et, si jamais un gouvernement, ici, du Parti québécois trouve qu'il serait plus intelligent de l'enlever, il le fera. Et, comme un jeune disait, hier, ça va être difficile de l'enlever parce que c'est tellement proche du sens commun et de la nécessité quotidienne des transactions économiques, sociales et même politiques.

J'apprécie l'ouverture qui est faite. Là, on se rencontre à 50 %. Mais l'autre, là, vraiment, ça a fait l'objet d'un examen sérieux. Les arguments que j'ai entendus ne réussissent pas à me convaincre du réalisme de la position extrême que défend le député de Lac-Saint-Jean. Encore une fois, là, nous restons entièrement fidèles à la règle première de la Charte qui est que le français est la langue officielle, la langue qui est toujours, obligatoirement, utilisée.

Le Président (M. LeSage): M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Non. Moi, ça va.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président.

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, normalement, il faut donner quelque chose au ministre, il a une rigueur intellectuelle implacable. On peut être pour, on peut être contre ses arguments, mais, au niveau de la rigueur intellectuelle, normalement, c'est implacable. Sauf que, là, j'ai vraiment un petit peu de difficulté à le suivre. Surtout quand, tout à l'heure, on a lu la disposition de la francisation des entreprises. Comment peut-on demander à une entreprise de se franciser à l'intérieur de ses structures internes, ses relations de travail, ses communications internes et, en même temps, lui dire: On va communiquer avec toi, avec ton entreprise dans la langue anglaise? Bien c'est ça! Si je comprends bien le ministre, quand certaines compagnies vont avoir des racines aux États-Unis, vont être des filiales américaines installées au Québec, à ce moment-là, il va se sentir justifié d'envoyer une lettre en anglais. Moi, je me demande quel... Le message est contradictoire. Ce n'est pas un message qui est constant. Il me semble, à la lecture de cet article-là... S'il y a un article dans lequel on pouvait préserver intégralement le principe du français comme langue officielle, c'était, je pense, dans cet article-là. Je ne comprends pas pourquoi le ministre se sent justifié d'enlever ce mot-là. Surtout qu'il nous a expliqué que, présentement, malgré l'article qui est là, il envoie une lettre en français avec une traduction anglaise et qu'il signe. Et, connaissant le ministre, je suis certain que, s'il signe sa lettre, il pense que c'est légal. Ce n'est pas le genre du ministre pour faire des illégalités, quelles qu'elles soient. Alors, s'il se sent justifié, donc, dans la légalité d'opérer ainsi maintenant, pourquoi changer cet article-là? Cet article-là est donc adéquat. Il n'empêche pas de faire ce qu'il dit. Ça, j'ai vraiment de la difficulté. Surtout quand je connais les sentiments de...

Tout à l'heure, le ministre parlait, aussi, de sentiments de courtoisie. La majorité des générosités et courtoisies qui doivent être une caractéristique dominante, finalement, de cette nouvelle Charte de la langue française. Et l'exemple qu'il nous donnait tout à l'heure, d'un pays étranger — on nous donnait un pays dont la langue officielle n'est vraisemblablement pas l'anglais — il disait, à ce moment-là, qu'il envoyait une lettre en français avec une copie en anglais, puisque l'anglais est une langue internationale. Il me semble que la courtoisie la plus élémentaire, ça aurait été d'envoyer, au moins, la traduction dans la langue officielle du pays, pas en anglais. (21 h 50)

On semble noter une certaine attraction pour la langue anglaise, assez forte, et non pas nécessairement une attraction pour la langue du pays avec lequel on veut communiquer. Moi, je pense que la plus élémentaire des politesses, quand on veut communiquer avec

un pays étranger, c'est, bon, en français, mais avec une traduction dans la langue officielle du pays. Pas en anglais. Alors, j'ai vraiment de la difficulté à comprendre ça et je me demande pourquoi on se sentirait mal de vouloir communiquer en français avec une entreprise, même étrangère, qui s'installe au Québec. Pourquoi devrions-nous être gênés? Je ne peux pas m'empêcher de penser que ça s'apparente à une mentalité un peu, qu'on pourrait appeler «de colonisés». Je ne vois pas pourquoi on devrait avoir honte de dire qu'on va communiquer en français avec des compagnies étrangères qui viennent s'installer au Québec, qui ont choisi de venir s'installer au Québec, à qui on a vraiment fait connaissance que, la langue officielle, c'est le français.

En connaissance de cause, ces compagnies-là viennent s'installer ici. Elles viennent s'installer ici. Je comprends que ça peut poser des problèmes, pour n'importe quelle compagnie d'ailleurs. L'autre fois, je regardais un reportage à la télévision qui disait que les compagnies japonaises, un de leurs problèmes, c'était d'envoyer des cadres qui parlaient l'anglais. C'est un problème pour les Japonais de faire en sorte que leurs cadres aient une bonne connaissance de l'anglais pour pouvoir justement fonctionner d'une façon adéquate. Mais, malgré tout, ils savent qu'aux États-Unis c'est en anglais que ça se passe. Ils n'envoient pas des cadres unilingues japonais pour venir travailler aux États-Unis. Ils se renseignent sur les coutumes, sur la langue nationale du pays où ils s'en vont, puis ils s'arrangent pour s'adapter à cette réalité-là.

Mais c'est important que l'État qui reçoit cette compagnie étrangère n'envoie pas un message ambigu. C'est toujours le même message ambigu qu'on se sent obligé de donner. Je ne sais pas pourquoi. C'est pour ça que j'avais beaucoup de réticences à employer les mots «mentalité de colonisés», parce que je ne pense pas que c'est ça. Mais je voudrais savoir d'où vient cette gêne.

On a beau dire qu'on veut faire partie de la grande famille canadienne, ça ne veut pas dire pour autant... Je connais bien des fédéralistes qui, pour autant, ne se sentent pas gênés de leur identité essentiellement francophone. Alors, moi, j'ai de la difficulté vraiment à comprendre cette gêne qu'on a, comme si on imposait le français à ces pauvres petites compagnies qui viennent s'installer sur notre sol. Et puis, si on regarde certains exemples, il y a des compagnies qui sont venues s'installer au Québec, puis on n'a pas eu pour autant à faire tous ces efforts de les accommoder en anglais. Je regarde la société Norsk Hydro, qui est une compagnie norvégienne. Elle est venue s'installer au Québec. Et, à ce que je sache, en toute connaissance de cause que c'est le français qui est la langue officielle.

Alors, il me semble que c'est important que le gouvernement du Québec agisse conformément au principe... Tout à l'heure on a lu. le préambule de la Charte. «L'Assemblée nationale reconnaît la volonté des Québécois d'assurer la qualité et le rayonnement de la langue française. Elle est donc résolue à faire du français la langue de l'Etat...». C'est dans la loi, ça n'a pas été changé, cette modification. Elle est donc résolue à faire du français la langue de l'État. Mais, quand un État se dit francophone, il se doit, dans ses communications avec les pays étrangers, avec les personnes morales qui sont installées sur son territoire, de communiquer dans la langue officielle. Ça va de soi. Et, si le ministre, de toute façon, trouve que c'est légal, comme il agit présentement, d'envoyer, selon le cas, une version anglaise, il n'a pas besoin d'amender la loi pour faire ça. Mais le principe doit rester dans la loi. C'est le français qui est la langue officielle. Et, ça, on semble avoir une gêne par rapport à ça. Je ne sais pas d'où vient cette gêne. J'aimerais ça que le ministre me l'explique, qu'il me corrige, qu'il puisse m'expliquer cette gêne que semblent avoir plusieurs membres de son gouvernement là-dessus.

Et je continue donc le préambule de la Charte de la langue française: «Elle est donc résolue à faire du français la langue de l'État et de la loi — et de la loi. Alors, là, déjà, au niveau, comme je disais, de la rigueur intellectuelle, quand on dit: "de la loi"... après l'amendement qui a été adopté tout à l'heure qui fait, finalement, que la loi a maintenant 2 langues, c'est assez clair que la langue de la loi n'est plus le français — aussi bien que la langue normale et habituelle du travail, de l'enseignement, des communications — des communications — du commerce et des affaires.» Et des affaires.

Alors, quand on veut aussi créer une habitude d'affaires dans une langue, qu'on veut faire des affaires dans notre langue, en français, je pense que c'est un drôle de message qu'on envoie aux personnes morales, en disant: Écoutez, on va vous envoyer des lettres en anglais d'une façon peut-être plus systématique encore qu'on le fait présentement.

Moi, je sais que, du côté gouvernemental, il y a plusieurs députés qui proviennent de régions essentiellement francophones, et j'aimerais ça connaître l'opinion du député de Rimouski là-dessus, savoir quelle est son opinion par rapport à ça. Il trouve ça normal d'avoir à communiquer en anglais avec des personnes morales qui sont installées dans son comté? Il trouve ça normal? J'aimerais ça avoir un peu ses commentaires, ses réactions. Je pense que ça serait intéressant.

Mais je voudrais proposer un amendement à cet article 2, M. le Président. Alors, cet amendement se lit comme suit: L'article 2 du projet de loi 86, Loi modifiant la Charte de la langue française, est modifié par l'ajout, dans la deuxième ligne, après le mot «utilise», du mot «uniquement».

M. le Président, je pense qu'en mettant le mot «uniquement» ça rétablirait, à ce moment-là, le principe et ça ne va pas à rencontre, non plus... Alors, M. le Président, je viens de proposer un amendement. Je ne sais pas si vous l'avez.

Le Président (M. Doyon): Oui, je l'ai sous les yeux, oui.

M. Bélanger (Anjou): Vous l'avez sous les yeux? Alors, cet amendement, je pense, est tout à fait cohérent avec le principe et surtout le préambule qui est contenu dans la Charte de la langue française. S'il est vrai que le français est la langue officielle, c'est bien entendu que, dans les communications de l'État, cela doit se refléter au premier chef.

Le Président (M. Doyon): Oui, monsieur, sur la recevabilité.

M. Ryan: La proposition me semble irrecevable à sa face même.

Une voix: Pourquoi?

M. Ryan: Parce qu'elle est absolument contraire au principe de cet article du projet de loi. Absolument contraire. Ça nous ramène à la chose qu'on veut modifier. Ça nous ramène exactement au principe qui était là, qu'on veut modifier légèrement. En tout cas, je ne pense pas que ça soit recevable.

Le Président (M. Doyon): Une dernière intervention sur...

M. Bélanger (Anjou): Je laisse ça à votre bon jugement, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Oui. Force m'est de constater, compte tenu de ce que la proposition gouvernementale est, qui vise à changer les mots «n' que», qui est l'équivalent de «uniquement», que ça va à rencontre de la proposition gouvernementale. Dans ce sens-là, ce n'est pas un amendement qui est recevable, dans le sens qu'il contredit fondamentalement la proposition gouvernementale. Donc, je le déclare irrecevable et je le fais ici... Oui, je pense que je n'ai pas besoin de... Ça confirme ce que je vous dis.

M. Brassard: M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Oui, M. le député.

M. Brassard: J'accepte votre décision, mais on avait demandé, cet après-midi, copie de la décision écrite du député de Hull, qui vous remplaçait à ce moment-là. Est-ce qu'on pourrait l'avoir, s'il vous plaît?

Le Président (M. Doyon): Vous devez l'avoir eue.

M. Brassard: Oui? O.K. D'accord, très bien. Merci.

Le Président (M. Doyon): J'avais demandé que ce soit fait.

M. Brassard: On revient, mais j'aurais un dernier commentaire à faire sur l'article 2, de ma part. Mon collègue de Laviolette peut ajouter des choses, mais, moi, j'aurais un dernier commentaire à faire.

Écoutez, il me semble que, de l'autre côté, il y a une vision des choses avec laquelle, moi, je suis incapable d'être en accord. Moi, j'accepte ça, une entreprise québécoise, un entrepreneur québécois qui veut pénétrer les marchés internationaux, qui veut vendre aux États-Unis, qui veut obtenir des contrats au Japon ou à Hong Kong, comme le mentionnait tantôt le ministre. Je comprends tout à fait que cet entrepreneur québécois doit, devra, sans aucun doute, utiliser la langue anglaise lorsqu'il va sortir du Québec pour aller sur les marchés internationaux. C'est normal, ça. L'entrepreneur danois qui veut faire la même chose va aussi devoir adopter le même comportement. Ça, c'est une chose qui est tout à fait normale dans le monde qu'on connaît et avec l'économie mondiale telle qu'elle existe. Un entrepreneur québécois qui veut sortir du marché québécois, qui veut pénétrer d'autres marchés internationaux, inévitablement, va devoir recourir à la langue anglaise. Tout le monde reconnaît ça, nous aussi. Ça va de soi. (22 heures)

Ça, c'est une chose. C'en est une autre que d'affirmer qu'au Québec cette entreprise-là va devoir utiliser l'anglais. L'entreprise danoise qui fonctionne au Danemark, elle fonctionne en danois. Si elle veut pénétrer les marchés internationaux, là, c'est une autre affaire. Elle va sans doute recourir à d'autres langues et particulièrement à l'anglais. Mais l'entreprise québécoise qui fonctionne au Québec, qui opère au Québec, à partir du moment... Quant à ses opérations au Québec, sur le territoire québécois, ça doit se faire en français. Il faut fonctionner en français.

Le ministre cite GM. Écoutez, chez nous, dans ma région, des grandes entreprises, on connaît ça aussi. Alcan, ce n'est pas une binerie. Abitibi-Price, ce n'est pas une binerie non plus. Elle fonctionne depuis des décennies dans notre région. Elle a même participé très largement au développement puis à la naissance, puis à l'ouverture de la région. Alcan est sur tous les marchés internationaux. Je sais très bien qu'Alcan, quand elle fonctionne ou quand elle opère sur les marchés étrangers, elle opère en anglais. Mais, au Québec, Alcan a été une des premières multinationales — elle n'a même pas attendu la loi 101 — à fonctionner en français, à respecter son programme de francisation, à aller même au-delà de son programme de francisation. Et si vous voulez communiquer au Québec avec Alcan, personne morale établie ici et puis qui opère ici depuis des décennies, n'ayez aucune inquiétude, communiquez en français avec Alcan, puis vous allez être compris. Même avec Abitibi-Price aussi, vous allez être parfaitement compris, puis même Consol, les grandes papetières qui opèrent au Québec.

Alors, il faut distinguer les choses. Opérer sur les marchés étrangers, sur les marchés internationaux, oui, ça exige, à ce moment-là, qu'on ait recours, assez régulièrement, à l'anglais. Pas toujours, parce qu'il ne faut

quand même pas s'imaginer que le français, c'est l'équivalent du serbo-croate. C'est quand même une langue qui a un certain rayonnement, puis une certaine reconnaissance internationale. Mais, au Québec, il n'y a pas de raison qu'on permette aux personnes morales établies au Québec, qu'on leur donne la moindre occasion d'enfreindre les dispositions ou le caractère officiel de la langue française. La pratique veut que les entreprises sont parfaitement capables de se conformer à ces dispositions, sont parfaitement capables de fonctionner en français et de comprendre les communications écrites en français, en provenance de l'État. Et, dans ces conditions, je trouve que c'est faire preuve de nonchalance, de faiblesse, de complaisance que d'amender, de cette façon, la loi.

M. Tremblay (Rimouski): M. le Président.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Rimouski.

M. Tremblay (Rimouski): Je voudrais savoir, d'abord, comment il reste de temps sur l'article 2, étant donné qu'on pourra peut-être disposer de cet article-là, et si vous pouvez me donner une consigne à cet égard pour qu'on puisse appeler le vote, s'il y a lieu.

Le Président (M. Doyon): Oui. Je peux vous dire qu'il reste 1 minute ou 2 au député de Lac-Saint-Jean, puis il reste une dizaine de minutes au député d'Anjou, et il reste une dizaine de minutes au ministre.

M. Jolivet: Et moi?

Le Président (M. Doyon): Et, M. le député de Laviolette, le calcul est trop compliqué. On a renoncé à le faire! Non, je vais le savoir, ce n'est pas rendu sur mon bureau.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Jolivet: Je n'ai pas parlé là-dessus.

Le Président (M. Doyon): Alors, si vous n'avez pas parlé, c'est vous qui le savez.

M. Jolivet: Je n'ai pas parlé, mais...

M. Ryan: S'il n'a pas parlé, c'est parce qu'on a un secrétariat qui n'a pas entendu...

Le Président (M. Doyon): Possiblement.

M. Ryan: ...parce qu'on l'a entendu, nous autres, à plusieurs reprises.

Une voix: Ah oui!

M. Brassard: Pas sur l'article 2.

M. Ryan: Oui, oui.

M. Brassard: Non, je regrette, mais il n'a pas parlé sur l'article 2.

M. Jolivet: Je n'ai pas parlé encore. M. Ryan: Excusez-moi.

M. Jolivet: Je n'ai même pas parlé sur l'amendement.

M. Ryan: Excusez-moi.

Le Président (M. Doyon): Sur l'article 2, peut-être pas.

M. Ryan: Très bien.

M. Jolivet: M. le Président.

M. Ryan: L'impatience me gagnait.

M. Jolivet: Pardon?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Jolivet: Pardon?

M. Ryan: L'impatience allait me gagner.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Jolivet: Moi, c'est drôle, je n'ai rien compris.

M. Brassard: L'impatience allait le gagner.

M. Jolivet: ...

M. Ryan: J'avais cru vous avoir entendu, mais 2 témoins disent que ce n'est pas vrai. Donc, je me soumets.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ryan: Quand c'est clair, moi, il n'y a jamais de discussion avec moi.

M. Brassard: Ça n'arrive pas souvent que vous vous soumettiez aussi rapidement.

M. Ryan: Ah non! Devant l'évidence...

M. Brassard: Ah bon!

M. Ryan: ...je me soumets toujours.

M. Jolivet: Non. Je voulais apporter juste un fait, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Oui, M. le député de Laviolette, vous avez la parole.

M. Jolivet: Quand je suis arrivé, la discussion était amorcée sur l'amendement, la recevabilité de l'amendement. Il y avait eu des questions qui avaient été posées avant, et, sur l'amendement, vous avez déclaré qu'il était irrecevable, compte tenu qu'il mettait en contradiction le principe présenté par le ministre et la position que nous tenions. Sauf que, si on était capable de convaincre le gouvernement de ne pas accepter la position du ministre, on arriverait au même résultat que notre amendement, c'est-à-dire qu'on reviendrait au texte original de la loi 101, ce qui, à mon avis, devrait être fait.

D'autant plus, M. le Président, que, quand on dit — et c'est le laxisme que ça amène — dans le texte que ça a pour but d'inscrire «utilise la langue officielle», ça sous-entend par le fait même qu'une autre langue pourrait être utilisée. Quand on inscrit «n'utilise que la langue officielle», ça, c'est clair. Dans mon esprit, moi, c'est clair. Le ministre aime des choses claires, c'en est une. Dans l'autre cas, elle porte flanc à ouverture.

Ces ouvertures-là, M. le Président, je vais vous en donner juste un exemple parce qu'on dit: Dans les communications écrites avec les autres gouvernements et avec les personnes morales établies ici, l'administration n'utilise que la langue officielle. On parlait des entreprises, des compagnies. J'ai eu un événement qui s'est produit chez moi. Quelqu'un m'appelle et dit: Jean-Pierre, j'ai un problème qui est le suivant. Je suis un individu. Il y a un groupe qui s'appelle la compagnie Chrysler, division Dodge, qui vend des autos Caravan. J'en ai une comme ça. If dit: J'ai essayé d'avoir le feuillet français de l'assurance. Vous savez, ils nous vendent une assurance. Ils nous disent: Si tu veux payer plus cher, ça va te donner une assurance qui va aller plus loin dans le temps. Au lieu de 3 ans, ça peut être 5 ans.

M. Brassard: Une garantie.

M. Jolivet: Une garantie prolongée. Ça peut être 100 000 km au lieu de 60 000 km. Alors, l'individu dit: Écoutez, vous m'avez donné ça, mais vous me donnez un feuillet complètement en anglais. Puis-je en avoir un en français? L'individu lui répond: On n'en a pas. Mais il dit: Où est-ce que je peux en avoir un? Il dit: II n'en existe pas. J'ai vérifié avec 2 ou 3 vendeurs d'automobiles, ils n'en ont pas. Vous voyez, là, juste par le laxisme, on en arrive finalement à dépasser complètement ce qui est la loi qui disait qu'on devait avoir un service en français.

Bien, regardez ici, le ministre, en ouvrant cette porte, en arrive à dire: Utilise la langue officielle... C'est qu'il sous-entend... Le ministre ne peut pas me convaincre que ce n'est pas possible. Ça sous-entend qu'il peut utiliser une autre langue — qui peut être l'anglais — que la langue officielle. Sauf que je le réfère à l'article qu'on vient — on en faisait mention tout à l'heure — d'accepter sur division, qui donne, à mon avis, 2 langues officielles: la langue française et la langue anglaise. Alors, vous voyez les dangers que ça comporte dans les relations de l'État avec les gouvernements ou les personnes morales établies ailleurs qu'au Québec.

Vous avez, je pense bien en tout cas, en France comme ailleurs, dans des pays anglais ou dans des pays asiatiques ou autres, des relations de gens qui font des discussions, ou des missives sont envoyées à d'autres gouvernements, ou encore des rencontres. On en a eu un exemple ici même, dans l'Assemblée, et, ça, ça a fruste un peu du monde. À 2 occasions cette année, 2 occasions dans le contexte du Bicentenaire — je pense que ça vaut la peine de se le rappeler — une personne, qui était le président du Parlement européen, est venue nous parler complètement rien qu'en anglais parce que sa langue de travail, l'allemand, normalement... Avec une interprète à côté, ça a pris le double du temps. (22 h 10)

Même chose pour le ministre du Tourisme. Vous vous en souvenez, au Parlementaire, on est reçu, à l'intérieur des associations touristiques régionales. Il y a une personne qui est venue, représentant la compagnie Oerlikon. Je m'en souviendrai toujours de ce matin-là parce que c'est arrivé deux fois dans la même journée. Le matin, au déjeuner, on s'en va pour déjeuner avec du monde, on nous invite à venir déjeuner pour parler du tourisme. La personne commence par nous saluer en français et fait un discours d'une demi-heure rien qu'en anglais, sans aucune traduction, ici même à l'Assemblée, pendant le temps du Bicentenaire. Ça s'est produit ici, deux fois dans la même journée. Le matin, c'est le président d'Oerlikon, qui est venu parler rien qu'en anglais pour les associations touristiques régionales et, le soir, ou dans l'après-midi, vers l'heure du lunch, vers les 16, 17 heures, le président du Parlement européen. Vous voyez donc que, même dans notre milieu, où il y a le français, le laxisme amène des choses comme celles-là.

Alors, nous, on voulait, et on veut toujours, que l'original demeure pour éviter ça, pour éviter qu'il y ait, tranquillement pas vite, l'assentiment, la vision que ça se passe aussi bien en anglais qu'en français et que, finalement, on en arrive, au bout de la course, à faire en sorte qu'on dira, comme le ministre l'a dit tout à l'heure: Nous n'avons rien changé à l'article 1, M. le député de Laviolette. On n'a rien changé; on a juste placé ça selon la réalité. Dans 5, 10, 15 ans, on en arrivera peut-être pour dire que, le laxisme ayant amené cette réalité, c'est celle-là qu'on confirme par un changement à la loi. Ça m'inquiète. Ai-je le droit de m'inquiéter? Je pense que oui.

Alors, M. le Président, il est évident que, compte tenu que nous sommes à l'article, tel que présenté par le ministre, je vais voter contre.

Le Président (M. Doyon): Est-ce que cette commission est prête à procéder au vote? Vote nominal.

Que ceux qui sont en faveur de l'article 2 veuillent bien me l'indiquer. M. le ministre?

M. Ryan: En faveur.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Rimouski?

M. Tremblay (Rimouski): Pour.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Richelieu?

M. Khelfa: Pour.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Charlevoix?

M. Bradet: Pour.

Le Président (M. Doyon): Que ceux qui sont contre veuillent bien me l'indiquer.

M. Brassard: Je suis contre, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Lac-Saint-Jean, contre. M. le député d'Anjou?

M. Bélanger (Anjou): Contre.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Laviolette?

M. Jolivet: «Nays».

Une voix: ...

M. Jolivet: J'ai le droit, à l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Doyon): Abstention de ma part.

Le Secrétaire: 4 pour, 3 contre, 1 abstention.

Le Président (M. Doyon): L'article 2 est donc adopté. Pardon... Oui, c'est ça, l'article 2 est adopté, pardon, bien sûr. Je pensais qu'on était sur un amendement.

L'article 3, j'en fais la lecture. 3. L'article 20 de cette Charte est modifié par le remplacement, dans la deuxième ligne du troisième alinéa, de ce qui suit: «paragraphe f de l'article 113» par ce qui suit: «premier alinéa de l'article 29.1». Fin de l'article 3.

Oui, M. le ministre.

M. Ryan: Je proposerais que nous gardions cet article en suspens jusqu'à ce que nous ayons disposé de la proposition qui vise à créer l'article 29.1.

Le Président (M. Doyon): Donc, on y reviendrait au moment...

Une voix: Après l'article 29.1.

M. Ryan: C'est-à-dire à l'article 10, à l'article 9. Les articles 9 et 10, plutôt, quand on aura disposé de l'article 10; celui-ci, c'est un article de concordance, finalement.

Le Président (M. Doyon): L'article 10, qui traite de l'article 29.1.

M. Brassard: Oui, d'accord.

Le Président (M. Doyon): Alors, l'article 3 est donc...

M. Brassard: Suspendu.

Le Président (M. Doyon): ...suspendu pour le moment. Nous en sommes à l'article 4. J'en fais la lecture. 4. L'article 22 de cette Charte est modifié par: 1° le remplacement, dans la deuxième ligne du texte anglais, des mots «public health or safety» par les mots «health or public safety»; 2° l'addition des alinéas suivants: «Dans le cas de la signalisation routière, le texte français peut être complété ou remplacé par des symboles ou des pictogrammes et une autre langue peut être utilisée lorsqu'il n'existe aucun symbole ou pictogramme pouvant satisfaire aux exigences de santé ou de sécurité publique. «Toutefois, le gouvernement peut déterminer, par règlement, les cas, les conditions ou les circonstances où l'administration peut utiliser le français et une autre langue dans l'affichage.» Fin de l'article 4.

M. le ministre.

M. Brassard: M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Oui, M. le député.

M. Brassard: Comme nous avons bonne mémoire de ce côté-ci, nous sommes parvenus à un article qui prévoit un règlement et nous nous souvenons de l'engagement du ministre de déposer les projets de règlement au moment où nous aborderons l'étude d'un projet prévoyant un règlement.

Le Président (M. Doyon): M. le ministre.

M. Ryan: M. le Président, je vais faire procéder derechef à la distribution du projet de règlement que nous avons préparé en relation avec l'article 4, traitant de la langue de l'administration. Je crois que ces copies devraient être disponibles... Est-ce qu'elles sont disponibles en français et en anglais?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Doyon): Alors, suspension pour 2 minutes, le temps qu'on distribue les règlements.

(Suspension de la séance à 22 h 16)

(Reprise à 22 h 19)

Dépôt de l'avant-projet de règlement sur l'affichage de l'administration

Le Président (M. Doyon): Donc, la commission reprend ses travaux, maintenant que les avant-projets, aussi bien en anglais qu'en français, des règlements qui découlent de l'article 4 du projet de loi 86 ont été distribués aux membres de cette commission. Et, dès maintenant, je cède la parole à M. le ministre. M. le ministre.

M. Jolivet: M. le Président. Le Président (M. Doyon): Oui.

M. Jolivet: M. le ministre, je suis sûr qu'il s'apprête à nous faire une information du document pour que ça puisse sortir dans les journaux comme il le veut et non pas comme on pourrait l'interpréter. Alors, je souhaite énormément que le ministre nous en fasse une explication la plus complète possible. Parce que nous avons l'intention d'en faire l'étude la plus exhaustive et approfondie.

Le Président (M. Doyon): Alors, M. le ministre, vous avez la parole. (22 h 20)

M. Ryan: M. le Président, je suis volontiers à votre disposition, vous le concevrez facilement. Nous arrivons à un article très important du projet de loi, qui apporte des éléments nouveaux par rapport à la réalité actuelle. Je pense que ça demande une bonne explication. J'apprécie l'intérêt que le député de Laviolette porte par anticipation aux explications que je devrai fournir avec encore plus d'efforts, à cause de ça, pour le satisfaire. Évidemment, l'ouverture qu'il n'a cessé de manifester depuis le début de nos échanges...

Non, blague à part, la première modification que nous proposons ici se comprend facilement, là. Il faut se référer... L'article 22 de la Charte se lit comme suit: «L'administration n'utilise que le français dans l'affichage, sauf lorsque la santé ou la sécurité publique exige aussi l'utilisation d'une autre langue.» Alors, là, en anglais, dans le texte anglais de la Charte, on traduit «sécurité publique», on disait: «public health or safety». Puis là, nous autres, on dit que c'est «health or public safety». «Health or public safety» parce que c'est la santé des individus ou de la collectivité, tandis que la sécurité publique, c'est un concept collectif de sa nature, ça. Et, ici, on ajuste le texte anglais au texte français, là. C'est une pure modification d'ajustement linguistique.

C'est très rare que nous nous arrêtions ici à la correction du texte anglais de nos lois. Et c'est un cas où il nous est apparu opportun de le faire.

Dans le deuxième alinéa, nous traitons de la signalisation routière. Les députés sont sans doute familiers avec l'article 29 actuel de la Charte, lequel prescrit que «seule la langue officielle peut être utilisée dans la signalisation routière». Puis on dit que le texte français peut être complété ou remplacé par des symboles ou des pictogrammes. Là, nous autres, nous disons: Dans le cas de la signalisation routière, le texte français... On ajoute l'alinéa suivant à l'article 22. Ce qui va arriver là, pour qu'on se comprenne, c'est qu'on ajoute 2 alinéas à l'article 22 puis l'article 29 va disparaître. Parce que là on traitait de l'affichage à 2 endroits différents, de la signalisation ou de l'affichage. C'était suprêmement confondant. Là, on les réunit ensemble de la manière suivante. Pardon?

M. Brassard: Le premier alinéa de 22 n'est pas touché.

M. Ryan: Le premier alinéa de 22 demeure tel quel. Le premier... le paragraphe... l'article 22, excusez-moi, demeure tel quel, sauf la version anglaise, qui subit la modification proposée. Ensuite, nous ajoutons l'alinéa suivant: «Dans le cas de la signalisation routière, le texte français peut être complété ou remplacé par des symboles ou des pictogrammes et une autre langue peut être utilisée lorsqu'il n'existe aucun symbole ou pictogramme pouvant satisfaire aux exigences de santé ou de sécurité publique.»

Alors, ceci, pour être clair, signifie à peu près ce qui suit: Actuellement, la signalisation routière relève d'un règlement du ministre des Transports. C'est au ministre des Transports qu'il incombe de promulguer un règlement sur la sécurité routière. Ce n'est pas un règlement du gouvernement, c'est un règlement du ministre. Il y a toujours les 2, comme je l'ai expliqué à maintes reprises antérieurement. Vous remarquez que dans le cas de la Charte il n'existe pas de règlement du ministre. Ce sont tous des règlements du gouvernement. Il n'y en a pas qui appartiennent au ministre de la Charte en propre, et pour des raisons qu'on peut comprendre, on ne remet pas ça en cause. Mais, dans le cas de la signalisation routière, le ministre est responsable d'un règlement concernant la signalisation, puis, dans ces cas-ci, il pourra prévoir dans son règlement que, là où il n'existe pas de symbole ou pictogramme pouvant satisfaire aux exigences de santé ou de sécurité publique, la signalisation pourra être dans une autre langue. Ça, c'est nouveau, ça répond à des constatations que nous avons faites, et c'est très limitatif.

Ensuite, nous arrivons à l'ajout le plus important, je pense bien: «Toutefois, le gouvernement peut déterminer, par règlement, les cas, les conditions ou les circonstances où l'administration peut utiliser le français et une autre langue dans l'affichage.»

Alors, là, on s'est demandé à juste titre ce que nous voulions dire par ceci, et je m'étais engagé à porter à la connaissance des membres de la commission et, par voie d'implication, à la connaissance de la population par le truchement des médias et d'autres moyens qui pourront être utilisés, le contenu d'un éventuel règlement. Je pense que je n'ai pas besoin de répéter les explications que j'ai données hier quant au cheminement que suivra l'étape réglementaire. Je pense que c'était clair pour tout le monde. Nous n'avons point changé d'idée à ce sujet. Mais là j'ai déposé tantôt un avant-projet dont je voudrais peut-être donner l'explication.

M. Jolivet: Avant de donner l'explication, M. le Président, puis-je faire remarquer au ministre qu'il était d'un optimisme épouvantable, puisqu'il indique sur son communiqué une note en bas disant: Déposé le 10 juin. Donc, vous étiez sûr qu'on arriverait à l'article 4, si je comprends bien.

M. Ryan: Mais, à vous voir, je vous connais pas mal.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ryan: Connaissant votre curiosité, j'étais sûr que vous ne vouliez pas aller vous coucher sans avoir pris connaissance du premier.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ryan: J'ai dicté cet ajout, je pense que c'est au début de la soirée. Pardon?

M. Brassard: J'en prends bonne note parce qu'on ne pourra pas nous accuser, après ça, de l'autre côté, d'avoir retardé indûment les travaux. Ça tombe pile, tel que prévu.

M. Ryan: Vous savez, M. le Président, j'ai dit souvent qu'au fond des fonds nous sommes plus proches les uns des autres qu'éloignés. Il vient d'en faire la preuve.

M. Jolivet: Je dis toujours qu'on n'est jamais plus loin que le doigt du téléphone.

M. Ryan: Pardon?

M. Jolivet: On n'est jamais plus loin de quelqu'un que le doigt du téléphone. On peut lui parler par téléphone, si on ne peut pas lui parler en personne.

M. Ryan: Mais là il y a un vieux proverbe latin qui dit...

M. Jolivet: Attention!

M. Ryan: Numquam minus solus quam cum solus. Je ne suis jamais si peu seul que lorsque je suis seul. C'est notre destin, en politique, parfois.

M. Jolivet: Et c'est ce que j'ai entendu ce soir dans un 5 à 7 lorsque l'on a fêté, pas le départ parce qu'il l'a décidé lui-même, de M, le curé Chabot, qui se trouve...

M. Ryan: Qui était à la maison Dieu. Oui, oui.

M. Jolivet: ...à Paix-Dieu. C'était son 5 à 7, ce soir, et c'est exactement ça qu'ils ont dit. On se rencontre à nouveau.

M. Ryan: Oui? Magnifique! Ça va aller de mieux en mieux.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brassard: Ce n'est pas certain après l'explication que vous allez nous donner. En tout cas, on verra. Ne soyons pas pessimistes.

M. Ryan: Alors, je commence le premier point. Le premier article traite de l'entrée aux frontières. On dit: En bordure de tout chemin public, au sens de l'article 4 du Code de la sécurité routière, emprunté par des visiteurs pour entrer au Québec ou en sortir, l'affichage de l'administration qui leur est destiné peut être fait à la fois en français et dans une autre langue jusqu'à une distance de 15 km du point d'entrée au Québec, pourvu que le français y figure de façon nettement prédominante au sens du règlement qui précise la portée de cette expression pour l'application de la Charte de la langue française.

Alors, comme on parle ici de nette prédominance, M. le Président, je vais faire, peut-être, si techniquement nous pouvons le faire. Je vous donnerai peut-être même dès ce soir la teneur du projet de règlement sur la nette prédominance. Vu que le concept est employé ici pour la première fois, j'avais dit que, quand nous aborderions un concept touché dans la loi, nous déposerions le projet de règlement. Si nos services peuvent... Nos services me font signe affirmativement. Ils sont du même esprit que le gouvernement, comme vous pouvez le constater, service et collaboration.

Une voix: Vous êtes très généreux ce soir.

M. Jolivet: Si ça avait été fait dès le départ, on aurait pu tout éviter ça, mais, en tout cas, il n'y a pas de problème. On va les accepter.

Une voix: On va le prendre.

M. Ryan: Regardez, on le fait, en tout cas, on tient notre parole. J'ai dit que la stratégie était évolutive, n'est-ce pas?

M. Jolivet: Alors, on va nous faire passer le texte du deuxième règlement, si je comprends bien.

M. Ryan: Ce soir. Oui. M. Jolivet: D'accord.

M. Ryan: Alors, le premier article, je pense, s'explique par lui-même. On pourra en discuter tantôt. Je donne juste une explication à propos des 15 km. C'est que nous avons fait une vérification auprès du ministère du Tourisme et du ministère des Transports pour savoir à quelle distance des points d'entrée, au Québec, étaient situés leurs endroits d'accueil, leurs lieux d'accueil à l'intention des touristes. Dans certains cas, c'est juste à la frontière. Dans d'autres cas, c'est à quelques kilomètres. Ça va jusqu'à une dizaine de kilomètres. Puis, pour ne pas prendre de chance, nous avons mis 15 km. Mais, le chiffre, ce n'est jamais une chose qui est définitive, ça. (22 h 30)

M. Jolivet: C'est un chiffre libéral.

M. Ryan: Ça penche toujours du côté libéral, évidemment. Alors, je pense qu'ici c'est assez bien délimité. C'est strictement pour l'entrée. Puis, en parlant de l'entrée, évidemment, quand les gens sortent, on veut bien leur être agréable également, pas d'autre chose, ici.

Deuxièmement, ça, ça traite... Lorsque l'administration est engagée dans des activités de nature similaire à celle d'entreprises commerciales, là, on dit: Dans ces cas-là, pour les activités commerciales, pas pour toute l'entreprise, pour les activités proprement commerciales, l'entreprise pourra faire son affichage à la fois en français et dans une autre langue, pourvu que le français y figure de façon nettement prédominante, au sens du règlement. Mais, si cet affichage est fait sur des panneaux-réclame, si cet affichage est fait dans tout moyen de transport public, les accès de ces moyens de transport public et dans les abribus, ça, ça doit être fait uniquement en français, parce que c'est assimilé à des formes de panneaux-réclame.

Je donne l'exemple le plus actuel que je puisse trouver. Loto-Québec va s'engager dans l'entreprise des casinos. Il faut absolument qu'elle puisse faire un peu d'affichage, non seulement en français, mais dans une autre langue. Ça va l'aider énormément pour attirer la clientèle qu'elle veut attirer, et tout le monde convient qu'il faut qu'elle attire une clientèle autre que la clientèle purement québécoise pour réussir à produire les résultats souhaités.

Encore ici, il n'y a pas d'obligation. La seule obligation consiste à employer la langue française dans son affichage. Il y aura cette possibilité. Évidemment, chaque entreprise ou ministère engagé dans de telles activités de nature commerciale relève de l'autorité d'un ministre. Il devra obtenir l'aval de son ministre avant de faire des choses en conformité avec ceci. Ce n'est pas un blanc-seing qu'on leur donne. Ça ne diminue en rien l'autorité habituelle du ministre sur la société.

Je prends un exemple, M. le Président. À supposer que la Société d'habitation du Québec, ce qui n'est pas le cas, serait engagée dans des activités de nature purement commerciale, et qu'elle voulût faire de l'affichage en français et dans une autre langue, suivant l'article 58. Finalement, à ce moment-là, si le ministre lui dit de ne pas faire ça, le ministre a pleine autorité sur la Société pour lui enjoindre de ne pas le faire. Le ministre sera responsable, par conséquent, si des décisions sont prises qui ne soient pas justifiées pour des motifs de compétivité. Nous ne voulons pas que nos entreprises d'État soient dans une situation défavorable au plan compétitif. Nous voulons qu'elles aient toute la chance voulue d'attraper leur part de la clientèle partout au Québec et même à l'extérieur, dans certains cas. Voilà, ça, c'est le deuxième article.

Troisième article: Dans le cas d'un lieu destiné à l'accueil ou à l'information des visiteurs d'un musée, d'un jardin botanique ou zoologique, d'une exposition culturelle ou scientifique ou de tout autre site touristique, l'affichage peut être fait à la fois en français et dans une autre langue, pourvu que le français y figure de façon au moins aussi évidente. Là, vous me demanderez pourquoi «de manière aussi évidente»? Quand on arrive à propos des musées ou jardins botaniques, par exemple, vous avez des centaines d'objets qui sont exposés. Il peut y avoir une inscription qui va toujours être en français en premier. Il peut y en avoir une autre qui va être dans une autre langue. Au Jardin botanique, je pense qu'on aimerait beaucoup l'avoir en latin, peut-être en anglais aussi. Mais, ça, il faudra toujours que le français soit là de manière au moins aussi évidente. Mais, comme il y a des questions d'esthétique qui se posent là-dedans, dans les musées et tout, l'affichage est directement relié à l'équilibre esthétique général de l'institution, et ce n'est pas au gouvernement d'aller se mettre le nez là-dedans. Je pense qu'on doit leur donner une certaine latitude et là, selon les consultations que nous avons faites, c'est hautement souhaitable qu'on mette plutôt «de façon au moins aussi évidente». C'est tout, ça. Pour l'affichage et l'administration, c'est tout. Il n'y a pas d'autre chose qui soit envisagé. Nous avons travaillé ça consciencieusement au cours des derniers mois.

Je ne vois pas d'autre sujet qui serait susceptible d'être porté à notre attention dans un avenir prévisible. Cependant, ceci deviendra public à compter de demain, et il y aura peut-être des suggestions qui nous seront faites. On trouvera peut-être que certains points vont trop loin, que d'autres ne vont pas assez loin. On va écouter les réactions pendant une couple de mois, et, vers la fin de l'été, comme je l'ai dit, plus tard, moi, je compte soumettre une proposition au gouvernement. Ça, ça n'a pas été approuvé par le gouvernement encore. Mais j'ai reçu du gouvernement l'autorisation de porter ces avant-projets à la connaissance des membres de la commission d'abord, et de la population, par le truchement des médias, ensuite.

M. le Président, je pense que j'ai terminé ma présentation, et je fournirai volontiers des explications complémentaires si on les requiert.

M. Jolivet: M. le Président, vous avez dit que vous aviez un autre règlement à nous déposer. Est-ce que vous le déposez immédiatement avant...

M. Ryan: Êtes-vous prêt?

Une voix: Je fais faire des copies.

M. Ryan: Les copies sont en train d'être faites. Je peux l'expliquer en attendant pendant...

M. Jolivet: Mais juste avant d'aller plus loin, pendant qu'on fait ça, c'est parce que, sur tous les documents, c'est écrit: le 10 juin. Vous avez combien de règlements au total?

M. Ryan: Mais, les autres, ce n'est pas écrit.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Jolivet: Ah bon!

M. Ryan: Connaissant votre rythme...

M. Jolivet: Non, mais c'est parce que je pensais que, si c'était marqué le 10, c'est aussi bien de ne pas dépenser de papier, de le faire tout de suite. Je me trompe?

M. Ryan: Non, non. Je vous connais très bien. C'est tout mesuré soigneusement. J'ai dit que ma planification était rigoureuse, mais on sait, aussi, le fond de bonne volonté qui existe chez tout parlementaire.

M. Jolivet: M. le Président, avant d'aller plus loin, là, on aimerait mieux... Le ministre nous a fait mention d'un règlement nouveau. On pourrait peut-être suspendre, le temps qu'il arrive.

M. Ryan: Très bien. Pas de problème.

Le Président (M. Doyon): Alors, très bien. Suspension.

(Suspension de la séance à 22 h 36)

(Reprise à 22 h 57)

Dépôt du projet de règlement précisant la portée de l'expression «de façon nettement prédominante»

Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous plaît. La commission vient de recevoir les 2 versions du règlement précisant la portée de l'expression «de façon nettement prédominante» pour l'application de la Charte de la langue française, tel que remises aux membres de cette commission, dans les 2 versions, française et anglaise, par le ministre. Je demande à M. le secrétaire de prendre acte du dépôt de ce projet, tel que je viens de l'indiquer, dans les 2 versions, de même qu'un autre avant-projet, qui est le règlement sur l'affichage de l'administration, et intitulé, en anglais, «Regulation Respecting the Signs and Posters of the Civil Administration». Alors, le dépôt est fait, à cette commission, de ces 2 projets de règlement.

M. le ministre, vous avez la parole.

M. Ryan: Là, je pense que je devrais expliquer le deuxième règlement, celui sur la nette prédominance, hein? Je voudrais vous dire, pour commencer, M. le Président, que nous disposons déjà, dans le recueil des règlements — je ne sais pas si les députés ont cette publication, qu'on peut se procurer chez l'imprimeur officiel du Québec, intitulée «Règlements adoptés en vertu de la Charte de la langue française». L'édition que j'ai ici, là, indique «Dernières modifications le 10 août 1989». Dans cette édition, on trouve, en onzième règlement, un règlement facilitant la mise en oeuvre du second alinéa de l'article 58.1 de la Charte de la langue française. Ce règlement fut adopté au lendemain de l'adoption de la loi 78, fut promulgué vers le printemps, vers l'été, je pense, hein? L'été de 1989. Il avait fait l'objet de nombreux travaux, là, pendant le premier semestre de l'année 1989; il fut promulgué, et il comprenait essentiellement 3 points: Tout d'abord, on disait que, dans l'affichage public et la publicité commerciale affichée, faits à la fois en français et dans une autre langue, le français figure de façon nettement prédominante lorsque le texte rédigé en français a un impact visuel beaucoup plus important que le texte rédigé dans l'autre langue. Ça, c'était le critère de fond qui était employé, et qui demeure dans la version que nous présentons aujourd'hui. Ceci devait régir, évidemment, l'affichage à l'intérieur des commerces, parce que l'affichage à l'extérieur n'était pas autorisé, hein. (23 heures)

Ensuite, on établissait 3 sortes de catégories: il y avait les cas où on trouvait un texte en français et un texte dans une autre langue sur une même affiche; il y avait une autre situation où on trouvait un texte en français et dans une autre langue sur des affiches distinctes de même dimension; et le troisième cas, c'étaient des affiches distinctes, de dimensions différentes. Ça couvrait à peu près l'ensemble des situations qui étaient susceptibles d'être observées. Et, là, le règlement disait — je pense que c'est intéressant, ça: Le texte rédigé en français est réputé avoir un impact visuel beaucoup plus important dans l'affichage public et la publicité commerciale affichée à la fois en français et dans une autre langue sur une même affiche, lorsque les conditions suivantes sont réunies: l'espace consacré au texte rédigé en français est au moins deux fois plus grand que celui consacré au texte rédigé dans l'autre langue.

De là la règle du deux pour un, qui était la règle

pratique, là, au coeur de tout ce règlement-là. On disait que, lorsqu'il y avait 2 affiches, des affiches distinctes de même dimension, bien, il fallait que les affiches où figurait le texte français soient 2 fois plus nombreuses que celles où on trouvait le texte dans une autre langue que le français; il fallait, dans ces cas-là, que les caractères utilisés dans texte français soient au moins aussi grands que ceux utilisés dans le texte rédigé dans l'autre langue, etc. Voilà quel était... Et quand on disait «...est réputé avoir un impact visuel plus important», c'était à titre d'indication, ça, et on laissait la marge largement ouverte à l'imagination des annonceurs ou des entreprises, parce qu'il arrive que quelqu'un puisse rédiger un impact visuel nettement plus important, par d'autres moyens que ceux-ci. Ce n'était pas une règle exclusive, une règle d'airain. C'était une règle indicative. Elle laissait de la marge pour beaucoup d'autres formules possibles. Et surtout dans ces questions de messages conçus par des artistes du design qui vont nous sortir de nouvelles formules continuellement. Et celui qui voudrait prétendre devancer ou tout englober par un règlement rigide se tromperait d'adresse. Alors, on avait un règlement qui était très souple.

Tout ceci pour dire que l'avant-projet de règlement que je viens de communiquer aux membres de la commission est à peu près le même que celui-là. Il y a seulement une chose que nous ajoutons. C'est à l'article 3, nous ajoutons un troisième paragraphe, là: «3° La distance entre les affiches et la répartition de celles-ci n'ont pas pour objet de réduire l'impact visuel du texte rédigé en français.».

Il peut arriver que les critères que j'ai mentionnés tantôt soient respectés, mais que, par le jeu de la distance entre les affiches, on crée une impression, un impact visuel différent. Alors, on le marque ici. On ajoute la distance, là, pour les 2 cas où les messages seront sur des affiches multiples. Mais, tout le reste, c'est la même chose que ce que nous avions avant.

M. Jolivet: Ce que vous voulez dire, dans le fond, c'est que...

M. Ryan: II est temps que tu passes, là, parce que ça fait 2 règlements qu'on dévoile.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Jolivet: Ce que vous dites, dans le fond, M. le ministre, c'est que Le Devoir n'est pas en dessous de La Presse.

M. Ryan: Pardon?

M. Jolivet: C'est que Le Devoir n'est pas en dessous de La Presse.

M. Ryan: C'est ça.

M. Jolivet: Vous vous en souvenez, des batailles qu'il y avait dans les kiosques à journaux, l'un pardessus l'autre?

M. Ryan: Oui, c'est ça. Encore une fois, là, c'est à titre indicatif. Ceux qui voudront savoir ce qui en est le sauront. Ça demandera de la souplesse dans l'application, évidemment. Il faudra avoir beaucoup d'ouverture d'esprit par rapport à d'autres formes de nette prédominance, mais on donne une indication concrète qui a subi le tamisage de l'expérience de la discussion depuis quelques années et qui n'a donné lieu à aucune difficulté signalée. Quand on dit «2 pour 1», quelqu'un qui a de la bonne volonté sait très bien ce que ça veut dire. Deux chaises, ce n'est pas...

Alors, voilà, M. le Président. Je pense qu'avec ces règlements-là on a une meilleure idée de ce que le gouvernement vise avec l'article 4 du projet de loi. Je pense que c'est concret, c'est clair. Il n'y a pas d'autre chose.

M. Jolivet: M. le Président, maintenant qu'on a les 2 règlements, est-ce qu'on peut demander une suspension pour aller, de notre côté, regarder ces 2 règlements-là?

M. Tremblay (Rimouski): Combien de temps? M. Jolivet: Au moins une bonne demi-heure. Le Président (M. Doyon): On est prêt à, même... Une voix: On va revenir demain.

M. Ryan: On pourrait peut-être... M. le Président, si l'Opposition veut se donner du temps pour les regarder, nous autres, nous sommes prêts à revenir demain.

M. Jolivet: Ah! On n'est pas en désaccord avec ça.

M. Ryan: Selon les ordres du leader en Chambre. S'il y a des questions à poser...

M. Brassard: M. le Président, je voudrais être sûr, cependant, que demain les échanges qu'on pourra avoir et les opinions qu'on pourra exprimer, j'espère qu'on ne sera pas trop strict, qu'on ne sera pas tenu, seulement, de porter notre attention sur l'article de la loi, même si je sais fort bien que, les règlements, ce n'est pas l'Assemblée, ce n'est pas une commission qui adopte ça. C'est le gouvernement, après une procédure connue. Compte tenu de leur importance, je pense qu'on pourra aussi échanger, questionner, donner des opinions sur les 2 règlements qui viennent d'être déposés et expliqués sommairement par le ministre.

Le Président (M. Doyon): Si c'est l'accord de tout le monde, moi, je n'ai pas de problème comme

président. L'affaire que je voudrais souligner, cependant, c'est que, si nous procédons comme ça, bien sûr, il n'est pas question de les amender, il n'est pas question de...

M. Brassard: Non, non, non, non.

Le Président (M. Doyon): ...voter là-dessus.

M. Brassard: C'est évident, c'est évident qu'on ne va pas...

M. Jolivet: D'autant plus que M. le ministre nous disait que, quand arriveront les règlements officiels, déposés, il proposerait même une commission parlementaire pour les étudier.

M. Ryan: Je répondrai au voeu qu'on me donnera. Moi, je n'en éprouverai peut-être pas le besoin, pour être franc, mais, si on me dit qu'on en a besoin, je vais écouter ça avec grande attention.

M. Jolivet: D'accord.

M. Ryan: Je n'ai pas d'intérêt. Maintenant, je voudrais peut-être ajouter un petit commentaire. S'il y a des questions que vous voulez soulever maintenant, avant que nous ne nous séparions, je suis prêt à essayer d'y répondre. Je voudrais simplement ajouter une précision, à ce moment-ci, si on me permet. C'est que, hier, je me suis interrogé sur la véracité des affirmations voulant que, lorsque l'ancien ministre responsable de la Charte, le député de Mercier, a déposé un projet de loi, il l'avait accompagné d'un dépôt de règlement. Alors, les vérifications que j'avais faites, de mon côté, me conduisaient à la conclusion contraire. Maintenant, M. Godin, qui a eu vent de ça, m'a fait signe, ce matin. Il m'a dit que lui-même avait une mémoire claire de ce qui était arrivé à ce moment-là et il a précisé qu'il n'avait pas déposé de projet de règlement. Et la raison est bien simple. Je la dis en toute amitié pour nos collaborateurs qui sont en arrière. Je vais vous dire ce qu'il m'a dit, en toutes lettres. Je n'emploierai pas les mots exacts, mais il a dit: J'avais demandé aux ... de fonctionnaires de me préparer des règlements, et ça a pris 2 ans pour les avoir. Et je pense qu'il avait fait cette précision-là à la députée de Chicoutimi aussi, ce matin. Ce n'est pas pour utiliser son nom, pas du tout, je n'avais pas d'affaire à ça, mais il est venu me voir ce matin. Il a pris la peine de me dire ça avec l'honnêteté et la...

M. Brassard: ...ce matin.

M. Ryan: C'est ça. Je l'avais vu... Même plus que ça, M. le député de Lac-Saint-Jean, je ne veux pas faire de tort au député de Mercier, parce qu'il y a certains traits libéraux dans son esprit qui pourraient peut-être lui créer des problèmes de votre côté.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ryan: Nous trouverons et nous chercherons notre bien...

M. Jolivet: On ne fera pas comme vous faites à Bélanger, nous. À M. Guy Bélanger. Non, on ne fera pas ça.

M. Tremblay (Rimouski): Vivez votre expérience avec Holden, pour le moment.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ryan: Bien oui, il ne parle pas. Mais, juste là-dessus, M. Godin m'a fait part de cette précision-là, et je peux confirmer que c'est vrai. Et le projet de règlement qu'il a obtenu, qu'il a mis au point, c'est celui qui avait paru dans la Gazette officielle du Québec en juin 1985, c'est-à-dire à peu près 1 an et demi, 2 ans après l'adoption de son projet de loi.

Et j'ajoute ceci: Nous avons soigneusement étudié, à maintes reprises, le projet de règlement qu'avait publié le gouvernement après l'avoir approuvé lui-même mais sans qu'il ait été approuvé de manière définitive. Il l'avait mis en discussion. Et, après ça, est arrivée l'élection, et le projet de loi est retombé dans le réservoir des documents en attente. Nous l'avons étudié soigneusement. Les circonstances ne se sont pas prêtées à des améliorations, mais on pourra voir, dans le troisième projet de règlement que je rendrai public lorsque nous arriverons à l'article concerné — peut-être un petit peu avant, on verra — que nous avons tenu compte, de manière importante, du travail qu'avaient accompli l'ancien ministre responsable de la Charte et, je dirais aussi, mes 2 collègues qui l'ont suivi dans cette fonction, c'est-à-dire la ministre de l'Énergie et des Ressources et, ensuite, le ministre délégué à la Francophonie. Je pense que les choses auxquelles nous arrivons sont le résultat du travail de toutes ces personnes, pas seulement de nous.

M. Jolivet: M. le Président, une question au ministre. Dans le règlement, il fait mention de la distance des frontières de 15 km. Il a fait mention que, normalement, ça peut être 10 km. Est-ce qu'il y a des études comparatives? Je prends l'exemple: Quand on arrive aux États-Unis, compte tenu qu'on transfère de kilomètres à milles, il y a une pancarte qui nous indique qu'ici c'est en milles que ça se compte pour éviter qu'il y ait des gens qui se fassent arrêter pour vitesse. Est-ce qu'il y a des études qui peuvent être déposées demain, nous indiquant ce sur quoi le ministre s'est basé pour indiquer 15 km? (23 h 10)

M. Ryan: Je l'ai dit tantôt. J'ai fait faire une consultation auprès du ministère du Tourisme et du ministère des Transports par le secrétaire du Secrétariat à la politique linguistique, M. Guy Dumas, qui est ici. Puis c'est le rapport qu'il nous a donné.

M. Jolivet: Mais est-ce qu'il a un document qui fait l'objet de ça ou c'est juste une consultation orale?

M. Ryan: II nous a donné un rapport oral au groupe de travail qui préparait tous ces textes-là. Et M. Dumas se fera sûrement un plaisir de préparer une petite note d'une page ou deux pour résumer les consultations qu'il a faites, les mettre à notre portée.

M. Jolivet: O. K.

Le Président (M. Doyon): Donc, nous ajournons jusqu'à demain, jusqu'à ce que l'ordre de la Chambre nous indique à quel moment nous nous retrouverons. Ajournement.

(Fin de la séance à 23 h 11)

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