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(Onze heures trente-huit minutes)
Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît! À l'ordre! Je déclare la commission de la culture
ouverte et je rappelle que le mandat de la commission est de poursuivre
l'étude détaillée du projet de loi 86, Loi modifiant la
Charte de la langue française.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Fradet (Vimont)
sera remplacé par M. Maltais (Saguenay); M. Leclerc (Taschereau) par M.
Maciocia (Viger); M. Boulerice (Sainte-MarieSaint-Jacques) par M.
Bélanger (Anjou); M. Bourdon (Pointe-aux-Trembles) par M. Jolivet
(Laviolette); et M. Paré (Shefford) par M. Brassard
(Lac-Saint-Jean).
Les droits linguistiques fondamentaux Motion proposant
d'ajouter un autre article (suite)
Le Président (M. Doyon): Très bien. Donc, je
rappelle aux membres de cette commission que j'avais, comme président,
déclaré recevable un amendement à la loi 86 qui visait
à modifier l'article 6 de la Charte de la langue française par
l'ajout d'un alinéa qui se lit comme suit: «Tout immigrant ou
réfugié a droit, dans la mesure des moyens de l'État,
à un enseignement de la langue française afin de permettre son
intégration au sein de la société
québécoise.» Fin de la proposition d'amendement. Le
proposeur était M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Jolivet: C'est parce que j'aurais une question, avant, M. le
Président, sur...
Le Président (M. Doyon): Oui.
M. Jolivet: Je m'excuse, c'est parce que vous avez enfilé
immédiatement...
Le Président (M. Doyon): Oui.
M. Jolivet: ...sur la question des présences.
Le Président (M. Doyon): Oui.
M. Jolivet: Vous savez je demande ça aux 2 partis
parce que ça prend une entente des 2 côtés vous
savez qu'un projet de loi aussi important, il y a des gens qui peuvent, pour
certaines circonstances, compte tenu des délais qui sont de fin de
session, devoir quitter, et on aimerait avoir la possibilité, de part et
d'autre, comme on le fait souvent, d'avoir des remplacements en cours de
séance. Est-ce que c'est possible qu'on ait cet accord-là?
Je répète pour ceux qui n'ont pas compris, là,
parce que je ne l'ai peut-être pas exprimé comme il faut,
là. C'est que vous avez, actuellement, des membres qui sont
prévus pour la journée, et je fais une proposition: c'est que, de
part et d'autre, il y a peut-être des gens qui, compte tenu du
débat, voudraient peut-être venir puis remplacer quelqu'un de nous
qui doit quitter pour différentes raisons. Alors, je posais la question:
Est-ce qu'il peut y avoir entente dans ce sens-là? C'est la question que
je posais. (11 h 40)
Le Président (M. Doyon): D'accord. Alors, M. le
député nous demande de voir si les remplacements qui ont
été annoncés pourraient faire l'objet d'autres
remplacements en cours de journée, si je comprends bien. M. le
député de Saguenay.
M. Maltais: Moi, là-dessus, écoutez, on peut
peut-être... Pour accommoder tout le monde, on pourrait peut-être
regarder que, lorsqu'on aura, effectivement, dans les journées
subséquentes, commencé à étudier le projet de loi,
je pense qu'on pourra regarder ça. Mais, étant donné qu'on
est à l'époque des motions préliminaires...
M. Jolivet: ...rendus à l'article 1?
M. Maltais: ...quand on aura commencé, là, on verra
au fur...
Une voix: C'est pas une préliminaire.
M. Maltais: Écoutez, c'est à moi la parole,
là. Écoutez, vous n'étiez pas là en commission non
plus, vous.
M. Brassard: J'étais là, en commission...
M. Maltais: Je ne vous fais pas de reproche, j'étais
ailleurs, là.
M. Brassard: ...puis j'ai passé la journée
là, hier.
M. Maltais: J'étais ailleurs, là, bon,
«c'est-u» clair? J'étais ailleurs, hier.
M. Brassard: Les motions préliminaires sont finies.
M. Maltais: Je t'ai dit, là, que, quand on...
M. Brassard: Vous dites une fausseté.
Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Maltais: C'est moi qui ai la parole. M. Brassard: Vous
dites une fausseté.
M. Maltais: Je te dis que, quand on aura commencé à
étudier le projet de loi, on pourra regarder ça, mais,
aujourd'hui, non. Bon, c'est clair.
M. Jolivet: M. le Président, M. le Président. Le
Président (M. Doyon): Oui.
M. Jolivet: Pour revenir à cette question-là. Le
Président (M. Doyon): Oui.
M. Jolivet: Je pense qu'il y a un quiproquo, là. Mais...
Non, il y a un quiproquo. Nous avons débuté l'étude du
projet de loi hier. La preuve, c'est que l'amendement que nous apportons
était au projet de loi lui-même. Donc, nous avons comblé ce
que le député nous dit. C'est ça que mon collègue,
le whip, voulait dire. Nous sommes actuellement en train d'étudier le
projet de loi, puisque vous avez demandé l'article 1; et on a dit: Avant
que l'article 1 soit adopté, nous avions un amendement qui est dans le
projet de loi lui-même.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Rimouski.
M. Tremblay (Rimouski): Alors, M. le Président, je
comprends la proposition du député de Laviolette. Cependant, on
n'est pas à l'étude du projet de loi, c'est-à-dire que
l'article 1, c'est un amendement qui vient en dehors du projet de loi 86.
C'est-à-dire, finalement, c'est un ajout. Alors, par conséquent,
moi, je pense qu'on devrait attendre. Lorsqu'on passera à l'article 1
virtuellement... Bien, oui, mais c'est une... il ne l'est pas, dans le projet
de loi.
M. Jolivet: M. le Président, est-ce que je peux vous poser
une question?
Le Président (M. Doyon): Oui.
M. Jolivet: Est-ce que vous avez commandé le début
du projet de loi? Vous avez demandé: Est-ce qu'on débute
l'article 1? On a dit oui, puis on a dit: Maintenant, on est à l'article
1. Mais nous avions un amendement, et vous avez accepté l'amendement,
qui va s'insérer juste avant l'article 1. Mais c'est dans le projet de
loi. Nous sommes actuellement à l'étude du projet de loi, article
par article. Est-ce que c'est bien ça?
Le Président (M. Doyon): Oui. Alors... Mais, moi, j'ai une
première question à régler. Je comprends que,
d'après ce que disent les députés, c'est qu'il n'y a pas
de consentement pour votre demande, et, effectivement, il y a un amendement qui
a été proposé. Le premier amendement a été
déclaré non recevable, le deuxième a été
déclaré recevable. Donc, techniquement, nous sommes à
l'étude du projet de loi 86. Oui, Mme la députée.
Mme Blackburn: M. le Président, ça augure mal pour
l'esprit de collaboration, mais je ne veux pas aller plus longtemps sur cette
question. Je laisse les membres de la commission et ceux qui nous
écoutent être juges de l'état d'esprit qui règne
à la commission. Ce que je voudrais demander au ministre: Nous avons
déposé une proposition d'amendement hier soir qui a
été, dans sa deuxième formulation, acceptée. Si le
ministre nous indiquait, dès maintenant, qu'il est prêt à
voter en faveur de cet amendement, nous pourrions procéder sans plus
d'explications, sauf quelques explications pour justifier l'importance de cet
article par rapport à la situation qui prévaut actuellement. Mais
pour bien manifester notre intention d'essayer de progresser dans l'examen de
ce projet de loi, nous pourrions, si le ministre est d'accord, prendre le vote
immédiatement ou à peu près, parce qu'on a
déjà perdu j'aimerais vous le faire remarquer une
demi-heure.
Le Président (M. Doyon): Oui, M. le ministre.
M. Ryan: Je vais vous dire franchement, là, je ne vais pas
aller par des détours: j'ai examiné cet amendement, puis, aux
yeux du gouvernement, il n'est pas acceptable dans cette forme-là; il
n'est pas acceptable. Le président l'a déclaré recevable,
il n'y a pas de problème; nous acceptons sa décision, mais, sur
le fond, nous ne pouvons pas accepter une modification comme celle-ci parce
que, d'abord, ça ne se rattache pas aux grands objets du projet de
loi.
Et, deuxièmement, on ne peut pas injecter dans une discussion, au
stade où nous sommes rendus, un concept comme celui d'immigrant, puis
celui de réfugié, puis celui de services spéciaux à
l'endroit de ces gens-là. Moi, ça demanderait que je consulte la
ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, la ministre de
l'Éducation. Il y a des vérifications à faire au point de
vue technique, au point de vue juridique. Puis ça ne fait pas partie des
objets du projet de loi comme nous les avons définis. Par
conséquent, nous voterons contre cette proposition-là.
Mme Blackburn: Peut-être...
M. Ryan: Je suis prêt à noter... Je suis prêt
à noter la suggestion qui est faite. Sur l'idée elle-même,
nous ne pouvons pas avoir d'objection; je pense que nous sommes tous d'accord
là-dessus. C'est le moyen qui nous est proposé de la forme d'un
amendement
qu'on introduit dans les droits fondamentaux. Ça, ça pose
toutes sortes de difficultés que je ne suis pas capable
d'élucider dans la période de temps qui nous est donnée
pour les travaux de la commission.
Le Président (M. Doyon): Mme la députée.
Mme Blackburn: Alors, à ce moment-là, j'aurais une
suggestion à faire au ministre qui pourrait faire l'objet d'une
proposition. Si le ministre pense qu'il est utile de consulter sa
collègue des Communautés culturelles et de l'Immigration, on
pourrait suspendre l'examen de cet amendement, et il aurait le temps voulu pour
faire les consultations nécessaires. Et ça nous permettrait de
passer tout de suite à l'examen du projet de loi au premier article.
M. Ryan: Regardez, je ne peux pas refuser de faire des
consultations auprès de ces 2 collègues. Il faut que je consulte
la ministre de l'Éducation, également la ministre des
Communautés culturelles et de l'Immigration. Je vais faire des
consultations, mais je ne voudrais pas laisser naître, chez les membres
de la commission, des attentes vaines. Ce n'est pas possible de régler
cette question-là dans le temps qui nous est imparti pour le travail de
la commission. Je vais faire des consultations, puis, si tout le monde me
disait que c'est possible, je serais très heureux de changer
d'idée.
Mme Blackburn: Alors, est-ce que je comprends de vos propos qu'on
peut déposer l'amendement et que vous pourriez nous arriver avec un avis
d'ici la fin de la commission?
M. Ryan: Pardon?
M. Jolivet: Excusez, quand vous parlez du temps imparti, vous
dites: La durée de la commission. Alors, la réponse du ministre,
c'est que, quand bien même on déposerait... on le suspendrait, cet
article-là, il n'y aurait pas de réponse d'ici la fin de
l'adoption du projet de loi lui-même, si je comprends bien.
M. Ryan: Non, ce n'est pas ça que j'ai dit. J'ai dit, au
contraire, que je ferais des consultations...
M. Jolivet: Oui, je sais.
M. Ryan: ...je suis prêt à arriver avec une
réponse ici. Je peux avoir une réponse...
M. Jolivet: ...commission?
M. Ryan: ...quant à la faisabilité. Oui, je peux
avoir une réponse d'ici une couple de jours. On va saisir les
collègues de ça.
Mme Blackburn: Alors, est-ce qu'on peut convenir, M. le
Président je ne connais pas les règles que
l'amendement pourrait être déposé jusqu'à ce que le
ministre nous revienne, à un moment...
M. Brassard: On suspend.
Mme Blackburn: Suspendre l'examen de...
Le Président (M. Doyon): Donc, suite à l'accord qui
vient d'intervenir, je demande au secrétaire de noter que l'amendement
dont j'ai fait lecture tout à l'heure est suspendu et que l'étude
en est remise à plus tard, à la suite des consultations dont les
résultats nous seront communiqués par le ministre
ultérieurement. Cela dispose, pour le moment, de l'amendement. Et, de
nouveau, je commence le projet de loi... Oui, M. le ministre.
M. Ryan: M. le Président, avant qu'on commence avec
l'article 1, me permettriez-vous de déposer une nouvelle formulation de
la modification que nous proposons à l'article 47? Ça fait partie
du jeu d'amendements que j'ai déposé hier. Ce n'est pas
grand-chose: on remplace l'expression «le cas
échéant» par l'expression «, s'il y a lieu,».
Nos services de rédaction estiment que ce serait plus satisfaisant au
point de vue français.
Le Président (M. Doyon): Donc, j'accepte que ce
soit...
M. Ryan: Si vous permettez que...
Le Président (M. Doyon): Oui. Je demande au
secrétariat de faire la distribution, s'il vous plaît.
La langue de la législation et de la
justice
O.K. Donc, nous en sommes à l'article 1 du projet de loi 86. J'en
fais une lecture rapide. L'article 1 se lit comme suit: Les articles 7 à
13 de la Charte de la langue française (L.R.Q., chapitre C-ll) sont
remplacés par les suivants: «7. Le français est la langue
de la législation et de la justice au Québec sous réserve
de ce qui suit: «1° les projets de lois sont imprimés,
publiés, adoptés et sanctionnés en français et en
anglais, et les lois sont imprimées et publiées dans ces deux
langues; «2° les règlements et les autres actes de nature
similaire auxquels s'applique l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867
sont adoptés, imprimés et publiés en français et en
anglais; «3° les versions française et anglaise des textes
visés aux paragraphes 1° et 2° ont la même valeur
juridique; «4° toute personne peut employer le français ou
l'anglais dans toutes les affaires dont sont saisis les tribunaux du
Québec et dans tous les actes de procédure qui en
découlent. (11 h 50) «8. S'il existe une version anglaise d'un
règlement ou d'un autre acte de nature similaire auxquels ne
s'applique pas l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867, le
texte français, en cas de divergence, prévaut. «9. Tout
jugement rendu par un tribunal judiciaire et toute décision rendue par
un organisme exerçant des fonctions quasi judiciaires sont traduits en
français ou en anglais, selon le cas, à la demande d'une partie,
par l'Administration tenue d'assumer les coûts nécessaires au
fonctionnement de ce tribunal ou de cet organisme.» Fin de l'article
1.
Et nous avons, à cet article 1, un amendement. Nous allons
discuter, tout d'abord, de l'amendement. Je donne lecture de l'amendement
à l'article 1. Il s'agit pour nous de remplacer, dans la deuxième
ligne du paragraphe 2° de l'article 7 proposé par l'article 1, le
mot «adoptés» par ce qui suit: «pris, adoptés,
délivrés». Fin de l'amendement. Alors, sur l'amendement, M.
le ministre.
Une voix: ...
Le Président (M. Doyon): Oui, oui.
M. Jolivet: Vu que, là, on a l'amendement qui vient, dans
le deuxième paragraphe, là... fait des aménagements, mais,
compte tenu que l'article 1 touche aux articles 7, 8, 9 de la loi de la langue
française, la Charte de la langue française, la discussion va se
faire de quelle façon, M. le Président? Parce qu'on ne peut pas
les prendre tout en groupe, il va falloir les prendre séparément,
là.
Le Président (M. Doyon): En fait, la discussion va se
faire comme c'est l'habitude, là, en commençant par la
première partie de l'article 1 qui est l'article 7. On va passer
à l'article...
M. Jolivet: Paragraphe par paragraphe.
Le Président (M. Doyon): Oui, paragraphe par
paragraphe.
M. Jolivet: Merci beaucoup.
M. Ryan: Maintenant, avec le consentement des
députés, je pense qu'il serait peut-être bon, avant qu'on
aborde l'amendement, qu'on ait une explication générale sur la
portée de l'article 1.
M. Jolivet: M. le Président, compte tenu que... Là,
vous allez expliquer l'article 1, je suis d'accord avec ça, il n'y a pas
de problème.
La deuxième, c'est qu'on ne débutera pas par l'amendement,
si je comprends bien le raisonnement. L'amendement venant dans la
deuxième ligne du deuxième paragraphe, on le fera après
qu'on aura étudié le premier paragraphe. D'accord?
Le Président (M. Doyon): Oui, on peut accepter cette
façon de faire, oui.
M. Jolivet: D'accord.
Le Président (M. Doyon): M. le ministre.
M. Ryan: Je vais demander à des conseillers du
ministère de la Justice d'être à côté de moi,
avec votre permission...
Le Président (M. Doyon): Très bien.
M. Ryan: ...pour que l'orthodoxie soit assurée.
Une voix: ...
M. Ryan: Pardon?
M. Jolivet: C'est un très bon avocat? Ce n'est pas un
notaire?
M. Ryan: M. Gosselin. Une voix: Oui.
M. Ryan: M. Jacques Gosselin, du ministère de la
Justice.
M. Jolivet: Ha, ha, ha! On va l'agacer un peu! Le
Président (M. Doyon): Alors...
M. Ryan: Mme Judith Sauvé, qui est en arrière, au
service de qui nous recourrons probablement aussi.
Alors, essentiellement, l'article premier du projet de loi a pour objet
de réconcilier les dispositions de la Charte qui traitent de la langue
de la justice et de la législation avec la jurisprudence établie
par les tribunaux concernant l'essence et la portée qu'il convient de
donner à l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867. L'article
133, en gros, garantit l'usage libre et égal des 2 langues,
française et anglaise, dans les procédures judiciaires, dans les
interventions que font les officiers de loi auprès des tribunaux et des
citoyens également, dans les travaux de l'Assemblée nationale et
du Parlement du Canada. Ça, ce sont les éléments
essentiels.
Alors, les tribunaux ayant été saisis de causes
reliées à l'article 7 de la Charte de la langue française
ont rendu des jugements dont les plus importants sont les 2 arrêts qui
furent rendus dans l'affaire Blaikie, l'avocat Peter Blaikie, là, dont
les sentiments sont parfois assez proches de ceux du parti opposé,
maintenant. L'avocat avait contesté l'article 7 de la Charte et les
jugements rendus par les différents tribunaux; c'a commencé par
la Cour supérieure, ensuite c'est allé... À la Cour
supérieure, si les membres ont bonne mémoire, le jugement premier
avait été rendu par le juge Deschênes, qui était,
à l'époque, juge en chef de la Cour supérieure. Le juge
Deschênes a rendu un jugement très élaboré, selon
son habitude, puis, dans ce cas-ci, un jugement particulièrement clair
et lumineux, puisque tous les
éléments essentiels en furent retenus par les tribunaux
supérieurs.
Alors, de l'ensemble des décisions rendues, évidemment,
celle qui résume le mieux et avec le plus d'autorité
l'état du droit, c'est la décision rendue par la Cour
suprême du Canada dans les 2 jugements dont nous avons parlé. Et
cette décision établit clairement qu'à peu près
tout le chapitre traitant de la langue de la législation et de la
justice est inconstitutionnel, par un côté ou l'autre.
Par exemple... Je vais laisser faire l'article 7, pour commencer, parce
que c'est peut-être un article qui... et ça... tout dépend
de ce qui suit, dans cet article-là. Vous voyez, d'ailleurs, que, dans
notre projet, nous conservons «Le français est la langue de la
législation et de la justice au Québec que nous conservons
sous réserve de ce qui suit.»
Donc, l'article 8 dit: «Les projets de loi sont
rédigés dans la langue officielle. Ils sont également, en
cette langue, déposés à l'Assemblée nationale,
adoptés et sanctionnés», alors que l'article 133 dit
clairement que ça doit être fait dans les 2 langues. Alors, quand
vous en employez seulement une, ça veut dire que vous portez atteinte
aux principe d'égalité des 2 langues qui est inscrit au coeur
même de l'article 133.
Ensuite, on dit à l'article 9: «Seul le texte
français des lois et des règlements est officiel.» Alors,
c'est la même remarque, évidemment. Si seul le texte
français est officiel, ça veut dire que les 2 langues n'ont plus
la valeur égale que voulait affirmer l'article 133. Donc, il y a un
problème.
On continue. «10. L'Administration imprime et publie une version
anglaise des projets de loi, des lois et des règlements.» Encore
là, une version anglaise, si les 2 étaient sur un pied
d'égalité, ont estimé les honorables magistrats, ça
n'aurait pas été formulé comme ceci, là. Ceci a une
connotation d'importance secondaire, de caractère non officiel,
puisqu'on dit que seul le texte français est officiel; donc, la version
anglaise ne l'est pas. Alors, c'a été jugé inacceptable,
ça.
Ensuite, à l'article 11: «Les personnes morales s'adressent
dans la langue officielle aux tribunaux et aux organismes exerçant des
fonctions judiciaires ou quasi judiciaires. Elles plaident devant eux dans la
langue officielle, à moins que toutes les parties à l'instance ne
consentent à ce qu'elles plaident en langue anglaise.» Encore ici,
là, quand une personne morale se présente devant le tribunal,
elle le fait par l'intermédiaire d'un avocat, par l'intermédiaire
de témoins, par l'intermédiaire d'experts qui seront
appelés à parler en son nom. Elle ne s'amène pas avec sa
charte corporative.
(Consultation)
M. Ryan: Alors, les personnes morales interviennent devant les
tribunaux par l'intermédiaire de représentants qui sont
tantôt des procureurs ou des avocats. Il y a des témoins aussi qui
peuvent être appelés, il y a des experts, toutes sortes de
personnes. Alors, le droit fondamental d'une personne d'intervenir devant un
tribunal en anglais ou en français se trouve à être
contredit par cette disposition, quand on comprend bien l'esprit, quand on est
même porté à accepter l'esprit dans une bonne mesure, mais
c'est contraire à ce qui découle de l'article 133.
L'autre: «12. Les pièces de procédure émanant
des tribunaux et des organismes exerçant des fonctions judiciaires ou
quasi judiciaires ou expédiées par les avocats exerçant
devant eux doivent être rédigées dans la langue
officielle.» Et on dit qu'elles «peuvent cependant être
rédigées dans une autre langue si la personne physique à
qui elles sont destinées y consent expressément». Ici
aussi, ça enfreint le principe de base du libre usage de l'une ou
l'autre des 2 langues par les personnes qui interviennent devant les tribunaux,
y compris par le juge qui rédige un jugement. «13. Les jugements
rendus au Québec par les tribunaux et les organismes exerçant des
fonctions judiciaires ou quasi judiciaires doivent être
rédigés en français ou être accompagnés d'une
version française dûment authentifiée. Seule la version
française du jugement est officielle.» Même remarque que
pour les articles précédents.
Par conséquent, il ne reste que l'article 7, lequel, isolé
de tout contexte, n'a pas la signification opératoire fonctionnelle
qu'il faudrait. Il faut le relier à quelque chose de plus concret. Ce
que nous essayons de faire, dans le projet de loi... Nous avons examiné
toutes les hypothèses possibles ici puis, finalement, nous avons
décidé d'y aller franchement, de tenir compte des enseignements,
là, qui découlent de la jurisprudence, d'aligner notre
législation en conséquence. (12 heures)
Nous sommes tenus, en conscience, de le faire. Le Québec fait
partie de l'ensemble canadien. Le Québec n'a pas répudié
la Constitution canadienne. Le Québec s'est inscrit en faux contre la
manière dont on a procédé, en 1982, à certaines
modifications, et son opposition demeure. Mais ça ne peut pas être
un prétexte pour garder des lois qui sont inconstitutionnelles.
Là, il y a toute une marge à franchir. Si le Québec avait
voulu, disons, agir d'une manière qui lui fût apparue logique,
aller jusqu'au bout du raisonnement de l'Opposition, à ce
moment-là, il aurait dit: On sort de cet ensemble-là. Il a tenu
un référendum qui disait qu'il fallait plutôt qu'il reste
dedans. Il aurait fallu tenir un autre référendum. Nous en avons
tenu un récemment qui n'a pas fonctionné, mais le
référendum séminal en matière de
souveraineté ou de séparation, c'est celui de 1980, lequel n'a
pas été contredit jusqu'à maintenant, et aucun groupe de
députés n'oserait proclamer quoi que ce soit, j'imagine, sans
être assuré que la population serait d'accord. Ce n'est
sûrement pas la disposition du parti qui forme présentement le
gouvernement. Et, dans ces conditions, que reste-t-il à faire si on veut
être sérieux, conséquent et responsable devant la
population? Il faut ajuster les lois en fonction des exigences découlant
de la jurisprudence. C'est ce que nous faisons ici, de la
manière suivante: On dit, d'abord, «Le français est
la langue de la législation et de la justice au Québec sous
réserve de ce qui suit», puis, tout ce qui suit, ce sont des
propositions qui découlent des jugements rendus par les tribunaux, en
particulier la Cour suprême. Le premier: «les projets de loi sont
imprimés, publiés, adoptés et sanctionnés en
français et en anglais, et les lois sont imprimées et
publiées dans ces deux langues.» On s'est posé des
questions: Est-ce que ça couvre les projets de loi ou seulement les
textes de loi? C'est évident que, si on veut être sérieux,
une fois que les lois doivent être dans les 2 langues, il faut bien que
les projets de loi soient disponibles également dans les 2 langues.
C'est une conséquence qui découle très logiquement de
l'exigence première.
Deuxièmement, «les règlements et les autres actes de
nature similaire auxquels s'applique l'article 133 de la Loi constitutionnelle
de 1867 sont adoptés, imprimés et publiés en
français et en anglais.» On dit bien, là: «les
règlements et les autres actes similaires auxquels s'applique l'article
133...», évidemment, en vertu de la jurisprudence. Alors,
l'article 133 a été interprété par la Cour
suprême, dans le deuxième arrêt Blaikie, comme signifiant:
s'il s'agit de règlements qui sont soumis à l'approbation du
gouvernement ou de l'Assemblée nationale, ça, ce sont des
règlements qui sont des prolongements immédiats des lois, de
législation déléguée, ils doivent être
publiés en français et en anglais. Mais, s'il s'agit de
règlements qui ne sont pas sujets à l'approbation du gouvernement
ou de l'Assemblée nationale, ceux-là échappent aux
conséquences de l'article 133. Je donne à titre d'exemple les
règlements des municipalités, par exemple. Ça, ce n'est
pas sujet à l'approbation du gouvernement. Ce n'est même pas sujet
à l'approbation du ministre, alors, ça échappe. Il y a
certains règlements qui peuvent être faits par des organismes
d'État et qui relèvent de leur autorité sui generis.
À ce moment-là, je pense qu'ils échappent
également...
Une voix: S'ils ne sont pas approuvés par le ministre.
M. Ryan: C'est ça, s'ils ne sont pas sujets à
approbation par le ministre. Les règlements des commissions scolaires,
c'est la même chose aussi, dans la mesure où ils ne sont pas
sujets à l'approbation du ministre ou du gouvernement.
Alors, voilà pour le deuxième article. Nous
préservons tous les règlements et actes qui ne sont pas
visés par l'article 133 et, selon les interprétations qui en ont
été données, ils échappent à la règle
qui est énoncée ici et ils tombent sous la règle
générale; le français est la langue de la
législation et de la justice dans ces cas-là.
Troisièmement, «les versions française et anglaise
des textes visés aux paragraphes 1e et 2° ont la
même valeur juridique.» C'est évident que, s'ils n'ont pas
la même valeur juridique, ils ne sont pas égaux. Là, le
principe d'égalité, qui est inscrit dans l'article 133, se trouve
à être contredit.
Le paragraphe 4° vient corriger ce qui est énoncé
à l'article 11 de la charte actuelle. On dit: «toute personne peut
employer le français ou l'anglais dans toutes les affaires dont sont
saisis les tribunaux du Québec et dans tous les actes de
procédure qui en découlent.»
Voilà, M. le Président, la portée de cet article 1,
que nous soumettons à l'Assemblée nationale. Il n'y a rien de
changé par rapport à l'ordre constitutionnel existant; nous
ajustons la loi. Nous ne pensons pas qu'il incombe à l'Assemblée
nationale de faire des développements constitutionnels de manière
unilatérale, au mépris de la Constitution existante, sans qu'ait
été prise, à cette fin, une décision souveraine de
la population du Québec et de son Parlement. Et comme une telle
décision n'a jamais été prise, ces dispositions doivent
être corrigées, à moins que nous ne voulions rester
enlisés dans une attitude d'ambiguïté et d'équivoque
qui, malheureusement, se dégageait de cette partie de la loi que nous
appelons la Charte de la langue française. Alors, voilà
l'explication que je devais apporter au sujet de cet article 1.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre. Mme la
députée, est-ce que vous voulez réagir maintenant ou si
vous le ferez sur l'amendement, quand on y viendra, ou si vous voulez
commencer?
Mme Blackburn: Je voudrais réagir maintenant, mais...
Le Président (M. Doyon): Très bien.
Mme Blackburn: ...sur une affirmation du ministre, sur laquelle
je ne peux pas être d'accord. Quand il prétend qu'au moment du
coup de force de 1982 on s'est opposés exclusivement sur la
manière dont on a procédé et non pas sur ses effets sur le
Québec, en matière d'empiétement dans un secteur
particulier de compétence exclusive du Québec, reconnu dans la
Constitution de 1867, je ne peux pas le laisser dire ça. Je ne peux pas
le laisser affirmer, ici, sans réagir, que notre contestation ne portait
que sur la manière; elle portait également sur ses effets.
À un point tel que c'est en voulant corriger cette injustice du
rapatriement que le gouvernement Mulroney a été élu, a
été élu. C'est également pour vouloir corriger
cette injustice du rapatriement de 1982 qu'il y a eu ou que le gouvernement du
Québec, avec son premier ministre, a tenté de corriger la
situation par les ententes de Meech et, ensuite, de Charlottetown. N'allons pas
dire n'importe quoi. Il ne s'agissait pas juste de la manière, il
s'agissait de ses effets. Et, là, on est en train de reconnaître
ses effets, alors que le Québec en son entier, le Québec en son
entier l'a rejeté, à l'occasion du référendum
d'octobre 1992, et on est en train de dire aux Québécois et aux
Québécoises: Ce coup de force qu'on a rejeté, on est en
train de l'accepter formellement, en le reconnaissant. Bien qu'en sachant, et
le ministre sait que nous savons également, que, il est vrai que,
même si nous ne l'avons
ni accepté ni endossé, elle s'applique, elle s'applique,
mais il y a quand même une marge entre dire: Elle s'applique contre notre
gré et accepter que, dorénavant, elle se traduise dans nos textes
législatifs. Moi, là, pour le moment, M. le Président, je
voulais juste faire ce point-là.
Le Président (M. Doyon): Oui, M. le ministre.
M. Ryan: J'ai une réponse à ça. La Loi
constitutionnelle de 1982 n'a pas modifié l'ordre des choses en ce qui
touche l'article 133, il a été maintenu là comme il
l'était, comme il l'était, et, à l'époque, il n'y a
jamais eu de consensus au Québec voulant que l'article 133 soit
répudié. Au contraire, nous exigions, à l'époque,
qu'il soit également applicable à l'Ontario et au Manitoba, c'est
ça qu'était la position du Québec pendant de très
nombreuses années.
Alors, sur ce point-là, quand on arrivera aux dispositions
relatives à l'éducation, on discutera du point, il y aura
peut-être une pertinence plus grande, mais, sur ce point particulier, la
Constitution de 1982 n'a pas changé l'ordre existant et a maintenu
l'article 133. Et nous autres, du côté gouvernemental, nous
estimons que, en ce qui touche la langue de la justice et de la
législation, nous avons vécu avec cet article-là depuis
1867, ça fait au moins 126 ans maintenant, et ça ne nous a pas
empêchés de fonctionner dans une liberté complète au
point de vue français. Il y a toutes sortes d'arrangements, et ceux que
nous proposons ici me semblent être des arrangements de bon aloi, qui
s'inscrivent dans le sillage de ce qu'a été la véritable
tradition du Québec depuis 126 ans.
Le Président (M. Doyon): Oui, M. le député
de Lac-Saint-Jean. (12 h 10)
M. Brassard: II y a une chose dont je m'étonne, parce que
et c'est un peu une incohérence et une contradiction quand
on regarde le chapitre III, le titre du chapitre III, c'est: «La langue
de la législation et de la justice». Il me semble que, quand on
examine l'ensemble des amendements proposés par le gouvernement, ce
chapitre-là, le titre doit être changé aussi, parce que
c'est clair qu'à ce moment-là ce n'est plus la langue de la
législation et de la justice, c'est les langues de la législation
et de la justice, puisque vous donnez manifestement, à l'article 133,
une portée extrêmement large, très vaste, en vous appuyant,
j'en conviens, sur un certain jugement, mais vous assumez une très
grande largeur de vue et une très large portée de l'article 133.
Je l'ai sous les yeux. Il me semble qu'on aurait pu faire preuve d'un peu plus
de prudence dans l'interprétation et la portée à donner
à l'article 133, et, de toute façon, quand on regarde les
amendements que vous adoptez et qui remplacent les articles dé la loi
actuelle, il me semble évident que le titre du chapitre III est trompeur
et ne correspond d'aucune façon à la nouvelle version que vous en
proposez. Ça devrait se lire désormais «Les langues de la
législation et de la justice» parce que c'est clair que, à
la lecture de tout ça, les 2 langues, l'anglais et le français,
sont strictement, exactement, sur le même pied, sur un pied
d'égalité, en tout point et en toute circonstance, et, donc, le
titre devrait être modifié. Je suggère au ministre
d'apporter un amendement au titre parce qu'il ne convient plus du tout.
Le Président (M. Doyon): M. le ministre.
M. Ryan: Non. Le député connaît bien le
français, il sait très bien qu'on peut employer l'expression au
singulier d'autant plus, dans ce cas-ci, qu'il arrivera très souvent que
seule une des 2 langues sera employée. Devant les tribunaux, la
très grande majorité des causes sont instruites
entièrement et uniquement en français, au Québec. Et, si
on introduisait l'obligation d'employer partout les 2 langues, j'accepterais la
proposition du député de Lac-Saint-Jean, volontiers. Ce n'est pas
ça. Ici, l'initiative est laissée au citoyen, même chose
à l'Assemblée nationale. On peut très bien dire: La langue
de l'Assemblée nationale, ça sera la langue qu'emploiera chaque
député pouvant utiliser le français ou l'anglais. Mais on
dit: La langue de l'Assemblée nationale... Mais c'est tellement vrai;
prenez le chapitre VIII. Là, il est question de 2 langues dans le
chapitre VIII, clairement. On dit: La langue de l'enseignement. Si le
raisonnement était juste, on aurait écrit, dès 1977,
époque où l'on était en possession à peu
près totale de la vérité: Les langues de
l'enseignement.
Des voix: ...
M. Ryan: Je pense bien que c'est un débat de grammaire,
ça. Moi, quand j'étais directeur d'un journal, j'avais 2
conseillers en linguistique appartenant à 2 écoles
différentes. Je les consultais régulièrement et j'avais
des avis contraires qui me permettaient d'agir librement.
Le Président (M. Doyon): M. le député
d'Anjou.
M. Bélanger (Anjou): M. le Président, je voudrais
juste que le ministre reconnaisse que ce qu'il est en train de faire, c'est...
En tout cas, il n'est pas exact de prétendre que c'est 133 qu'on met
présentement dans les nouvelles dispositions de la Charte de la langue
française. Le ministre doit reconnaître que c'est une
interprétation jurisprudentielle de l'article 133 qu'il est en train de
codifier, et le ministre doit se souvenir que cette interprétation
jurisprudentielle était très contestée, très
contestée par d'éminents juristes. On est allé très
loin dans l'interprétation de l'article 133. Et là, ce qu'on est
en train de faire, M. le Président, ce n'est pas de reprendre 133, c'est
de reprendre l'interprétation jurisprudentielle, qui, elle, maintenant,
va être codifiée et qui va être elle-même
matière à interprétation. Peut-être que le ministre
devrait demander avis à son conseiller juridique sur les
conséquences de codifier une interprétation
jurisprudentielle. Et je sais, M. le Président, vous êtes
vous aussi avocat, quand on fait une interprétation jurisprudentielle
libérale d'une disposition de la loi et qu'on codifie cette
interprétation jurisprudentielle, bien, ça devient la nouvelle
base d'interprétation de cette disposition-là. C'est un principe
de droit qui est reconnu, puis il y a plusieurs avocats ici, autour de la
table, et je suis certain qu'ils vont être d'accord avec moi.
Une voix: Même ceux qui ne sont pas avocats.
M. Bélanger (Anjou): C'est très dangereux. C'est
très dangereux, cette façon de procéder. Et ce n'est pas
vrai que c'est 133 tel quel. C'est une interprétation
jurisprudentielle...
Une voix: Très large.
M. Bélanger (Anjou): ...très large qu'on codifie et
qui va servir de base, maintenant, à une nouvelle interprétation
qui, elle, ne pourra pas faire autrement qu'être encore plus large.
Le Président (M. Doyon): M. le ministre.
M. Ryan: Regardez, la réponse à ça est bien
simple. Les divergences intellectuelles en matière de droit continuent
toujours. Il peut arriver un jugement unanime de la Cour suprême contre
lequel va s'ériger un juriste de l'Université de Montréal
ou de l'Université de Toronto. Ça, c'est un débat qui se
poursuit continuellement et c'est très sain qu'il en soit ainsi. Mais,
là, nous ne sommes pas dans une classe de droit. Nous ne sommes pas dans
un journal. Nous devons adopter des lois qui vont être appliquées
pour la population du Québec et qui doivent décrire la
réalité en toute vérité, comme elle est. Et la
vérité qui s'applique à moi, comme ministre du
gouvernement, et à tout ministre du gouvernement, c'est qu'il doit,
quand il agit dans ces matières, agir conformément à ce
qu'énoncent les propositions contenues dans l'article 1 du projet de
loi. Puis, ça, c'est notre devoir de le faire. Il y a un devoir de
vérité, parce que, si les textes législatifs
s'éloignent de plus en plus de la pratique consacrée et
même définie et rendue obligatoire par les décisions des
tribunaux, où est-ce qu'on s'en va? Ça veut dire qu'on va pouvoir
avoir notre loi à nous autres. On n'est pas satisfait de la Cour
suprême? On a notre petite loi à nous autres qui s'en va dans une
voie différente; on ne s'occupe pas de ça. Ça n'a pas de
bon sens! C'a du bon sens pour quelqu'un qui a une mentalité
séparatiste. Ça, je peux le comprendre, à la rigueur.
Même au point de vue de respect du droit, ça m'étonne
beaucoup, beaucoup. Je pense que je n'agirais pas comme ça, si
j'étais séparatiste. À plus forte raison, étant
fédéraliste, je pense que je dois respecter l'état actuel
du droit. Notre loi est modifiable, on le fait présentement. La
jurisprudence, il pourrait arriver qu'elle évolue sous l'impulsion de
causes nouvelles qui seront soumises à l'attention des tribunaux, de
modifications dans la composition de la Cour d'appel ou de la Cour
suprême du Canada. Ce sont toutes des choses qui demeurent toujours de
l'ordre du possible. Mais, si jamais des changements de cap se produisent, on
pourrait ajuster notre législation. Mais, pour le moment, je pense que
nous définissons, avec toute l'honnêteté, la franchise et
la transparence possibles, ce que nous devons faire, ce que le gouvernement
doit faire, ce à quoi les citoyens, les entreprises et les organismes
doivent s'attendre en matière d'usage linguistique auprès des
tribunaux, de respect de la langue française. Puis vous remarquez que,
dans ceci, l'objet de tout l'exercice, quand on verra les articles qui suivent
également, les dispositions qui modifient 8, 9 et 10, j'en n'ai pas
parlé de celles-là. Je devrais presque en parler maintenant, M.
le Président, parce que ça fait partie de l'article 1. Ça
fait partie de l'article 1. On dit: «S'il existe une version anglaise
d'un règlement ou d'un autre acte de nature similaire auxquels ne
s'applique pas l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867, le texte
français, en cas de divergence, prévaut.» Pourquoi? Parce
que, là, nous maintenons l'esprit originel de la loi 101. Comme ceci
échappe à l'interprétation que les tribunaux ont
donnée de l'article 133, nous maintenons le principe de
l'autorité du français à l'article 9: «Tout jugement
rendu par un tribunal judiciaire et [...] par un organisme exerçant des
fonctions quasi judiciaires sont traduits en français ou en anglais,
selon le cas, à la demande d'une partie, par l'Administration tenue
d'assumer les coûts nécessaires au fonctionnement de ce
tribunal...» Ça veut dire, ça, que, si la Cour
supérieure rend un jugement, le juge le rend dans la langue où il
écrit. Mais l'une des parties est fondée d'en demander une
version dans l'autre langue, puis elle l'obtiendra automatiquement. Ce sera
fait aux frais... C'est le gouvernement du Québec qui assure le
financement de la Cour supérieure; ça va tomber dans des frais
d'administration de la Cour supérieure. Mais je ne pense pas qu'on
puisse faire autrement. Si on veut être véridiques, on peut bien
poursuivre des objectifs politiques, mais il me semble que ce n'est pas la
place.
Le Président (M. Doyon): M. le député
d'Anjou.
M. Bélanger (Anjou): Je ne fais pas appel à des
objectifs politiques; je fais appel à des principes juridiques: codifier
de la jurisprudence. Trouvez-moi ça dans les traités politiques.
Trouvez-moi ça dans un manifeste. C'est un principe de droit. On est en
train de mettre au monde une loi, si on veut vulgariser un peu. On ne peut pas
faire ça à la bonne franquette. Il y a des bons principes; il y a
des principes de droit qui existent. Je pense que le ministre se doit de
comprendre ça. Il me dit qu'il n'agirait pas comme ça s'il
était un séparatiste. Mais le ministre conviendra avec moi que
ça prend toute une gymnastique intellectuelle ou cérébrale
pour l'imaginer comme séparatiste. Je ne sais pas comment il pourrait se
comporter s'il était tel; je n'en ai aucune idée. Je n'ai pas
cette faculté de pouvoir imaginer. Mais, M. le
Président, je ne peux pas... Parce qu'on n'est pas d'accord avec
lui, automatiquement, ce sont pour des motifs politiques qu'on agit. Je pense
que l'argument que j'ai avancé devant le ministre n'est pas du tout un
argument politique, mais un argument juridique. Et je crois que, quand on est
en train de travailler sur un projet de loi, on se doit d'avoir une certaine
rigueur dans les principes juridiques.
M. Ryan: Je pense qu'il y a un principe de base. Moi, quand je
prépare un projet de loi, une de mes premières obligations, c'est
de m'assurer qu'il soit conforme à la Constitution du pays puis à
la constitution du Québec, n'est-ce pas? Est-ce que vous admettez
ça?
M. Bélanger (Anjou): Oui.
(12 h 20)
M. Ryan: Si vous n'admettez pas ça, je pense que vous ne
serez pas bientôt.
M. Bélanger (Anjou): Bien d'accord avec vous.
M. Ryan: Ça, c'est un principe de base. Vous parlez de
principes juridiques, en voici un. Deuxièmement, les tribunaux du pays,
pas seulement la Cour suprême, la Cour supérieure, la Cour d'appel
et la Cour suprême nous ont dit: Les articles qui composent le chapitre
III ne sont pas conformes à la Constitution. Ils sont
inconstitutionnels. Vous, vous me dites: II y a des juristes qui pensent le
contraire. Dieu soit béni qu'il y en ait. Ça alimente le
débat juridique et la recherche, mais ceux qui font les lois
n'écrivent pas des articles pour la Revue Thémis. Ils font
des lois pour être appliquées par les tribunaux, par les avocats,
par les citoyens, par les entreprises et tout. Eux autres, il faut qu'ils
fassent des lois en conformité avec la Constitution. Et, si vous avez
une réponse à ce problème-là, j'aimerais ça
la connaître, mais je ne l'ai pas trouvée dans vos propos,
jusqu'à maintenant.
M. Bélanger (Anjou): Je vous en ferai part un peu plus
tard.
M. Ryan: Très bien.
M. Bélanger (Anjou): Vous pouvez être certain. Vous
pouvez être certain.
Le Président (M. Doyon): Bon. Si les membres de la
commission sont d'accord, je proposerais que nous regardions et disposions de
l'amendement à l'article 1. Oui, oui, M. le député.
Regardez, pour plus de simplicité, nous allons donc procéder
paragraphe par paragraphe, l'article 7 ayant un certain nombre de paragraphes,
le premier est le suivant: «Lé français est la langue de la
législation et de la justice au Québec sous réserve de ce
qui suit.» Après ça, on a les autres paragraphes; j'en ai
fait la lecture. Je demanderai l'adoption de l'article au complet, parce qu'on
ne peut pas procéder partie par partie, mais est-ce qu'il y a des
interventions sur cette première partie, le premier paragraphe?
M. Brassard: Le premier alinéa, c'est-à-dire
«les projets de loi sont imprimés, publiés, adoptés
et sanctionnés...»?
Le Président (M. Doyon): Non, en fait, je disais: Le
premièrement, et je peux continuer avec «les projets de loi sont
imprimés, publiés, adoptés, sanctionnés en
français...»
M. Bélanger (Anjou): Est-ce qu'il y a...
Le Président (M. Doyon): C'est là que le mot
«adoptés»...
M. Bélanger (Anjou): Oui, est amendé, là.
Le Président (M. Doyon): ...est amendé... M.
Bélanger (Anjou): II y a un amendement là.
Le Président (M. Doyon): ...pour être changé
par «pris, adoptés et délivrés». Alors,
là, je suis prêt à vous entendre, parce qu'on y est.
M. Bélanger (Anjou): Sur l'amendement?
Le Président (M. Doyon): Je suis prêt à vous
entendre sur l'amendement.
Mme Blackburn: Le ministre pourrait peut-être nous
expliquer son amendement.
Le Président (M. Doyon): M. le ministre. M. Ryan:
Très bien. Là, c'est «adoptés».
Le Président (M. Doyon): «Adoptés», qui
est changé par 3 mots.
(Consultation)
M. Ryan: Je vais vous dire une chose. Quand il va s'agir de
questions un petit peu plus techniques comme celle-ci, si les membres n'ont pas
d'objection, j'aimerais quasiment autant que l'explication soit fournie
directement par notre conseiller. Ça va éviter tout danger de
trahison dans la traduction.
Le Président (M. Doyon): Est-ce qu'il y a consentement?
Oui? Oui...
Une voix: L'amendement n'est pas au premier paragraphe, il est au
second.
Le Président (M. Doyon): C'est ce que je dis.
On est rendus au second parce que le premier ne semblait pas causer de
problème. On est rendus au second.
M. Jolivet: M. le Président, vous aviez commencé en
disant que le premier paragraphe, c'était: «Le français est
la langue de la législation" et de la justice au Québec sous
réserve de ce qui suit.» Vous avez demandé: Est-ce qu'il y
a des interventions sur ce paragraphe-là?
Le Président (M. Doyon): II ne semblait pas y en
avoir.
M. Jolivet: Bon. Là...
Le Président (M. Doyon): Bien, on ne procédera pas
adoption par...
M. Jolivet: Mais c'est parce que, là... Non, non, je sais,
je suis d'accord, mais l'amendement va dans le deuxième paragraphe.
Le Président (M. Doyon): C'est ce que j'ai dit.
M. Jolivet: Mais, là, on n'est pas rendus à ce
deuxième paragraphe.
Le Président (M. Doyon): Oui, parce que M. le
député de Lac-Saint-Jean a dit: Est-ce qu'on est rendus à
premièrement «les projets de loi sont imprimés...»?
J'ai dit oui, puisqu'il n'y a rien sur le premier paragraphe, on passe au
deuxième et c'est là qu'est l'amendement.
M. Jolivet: Oui... Non. Bien, c'est ça que je veux savoir.
Je veux bien comprendre. Je crois comprendre que ce n'est pas le
«adoptés» du premier paragraphe qui est mis en cause. C'est
le «adoptés» du deuxième paragraphe. Est-ce que c'est
ça ou je comprends mal?
Le Président (M. Doyon): Non, non, non.
L'«adoptés», c'est ce qu'on appelle... Ah! C'est du
deuxième paragraphe. Il y a 2 fois «adoptés».
M. Jolivet: Bien, oui, c'est ça.
Le Président (M. Doyon): Alors, oui, oui, on va le
retrouver plus loin.
M. Jolivet: C'est ça, mais je veux savoir. Si on fait
«sont adoptés»... on prend «de 1867 sont
adoptés», c'est lui qui va être modifié par
l'amendement «pris, adoptés, délivrés».
Le Président (M. Doyon): C'est ça.
M. Jolivet: Je veux poser la question en revenant au premier
paragraphe. Est-ce que l'«adoptés» du premier paragraphe
demeure comme il est là, oui? Donc, ce dont on va discuter, c'est le
premier paragraphe. Il n'y a pas d'amendement à ce moment-ci? O.K.
Le Président (M. Doyon): Vous avez raison.
M. Jolivet: O.K. Donc, ce dont on discute, c'est «les
projets de loi sont imprimés, publiés, adoptés et
sanctionnés en français et en anglais, et les lois sont
imprimées et publiées dans ces deux langues.»
Le Président (M. Doyon): C'est ça.
M. Jolivet: Moi, j'aimerais, de ce paragraphe-là, que le
ministre nous indique les changements majeurs par rapport à la loi,
parce que, s'il le met dans le projet de loi 86, c'est que ça vient
changer la Charte de la langue française.
M. Ryan: Volontiers, M. le Président. Je l'ai
expliqué tantôt, mais je vais reprendre l'explication de
manière peut-être un petit peu plus substantielle. Il faut se
référer ici à l'article 8 de la Charte de la langue
française où on lit que «les projets de loi sont
rédigés dans la langue officielle. Ils sont également, en
cette langue, déposés à l'Assemblée nationale,
adoptés et sanctionnés.» Là, on remplace ça
par ceci: «les projets de loi sont imprimés, publiés,
adoptés et sanctionnés en français et en anglais, et les
lois sont imprimées et publiées dans ces deux langues.» On
n'enlève rien au français, encore une fois. Le français
conserve toute sa place, mais on est obligé... On peut dire: c'est
impliqué... L'autre n'était pas exclu, mais les tribunaux ont
décidé, le juge Deschênes pour commencer, que
c'était mieux que ce soit clair parce que ça prêtait
à une interprétation pouvant conduire à la conclusion que
l'autre langue officielle était mise dans une situation
d'infériorité. On a demandé que les choses soient
redressées de manière que le principe de l'égalité
des 2 langues soit clairement préservé, comme il est
établi dans l'article 133. Alors, c'est pour ça que nous avons la
nouvelle rédaction, et ça porte... Une question que le juge s'est
posée: Est-ce que ça doit embrasser seulement les lois? Je pense
que dans l'article 133 vous me corrigerez, M. le conseiller on ne
parle pas des projets de loi, mais les tribunaux ont interprété
que ça embrassait également les projets de loi. Parce qu'il est
évident que, si les lois doivent être dans les 2 langues, les
projets doivent être accessibles dans les 2 langues, si on veut
être conséquent.
Le Président (M. Doyon): Mme la députée de
Chicoutimi.
Mme Blackburn: M. le Président, je pense qu'il faut dire,
d'entrée de jeu et nous l'avons déjà
répété au moment de l'examen, des allocutions sur le
projet de loi que pour l'Opposition il est inacceptable que le
gouvernement et l'Assemblée nationale du Québec acceptent de se
soumettre à un jugement qui, faut-il le rappeler, a été
fort contesté, et plusieurs juristes
estiment qu'il a été mal défendu, qu'il a
été mal plaidé par le gouvernement du Québec, ce
qui explique en grande partie ce qu'on appelle l'effet du jugement et des
espèces d'erreurs d'interprétation. Et, dans ce sens-là,
je pense qu'il faut le dire et le répéter.
Il y a aussi des petites choses là-dedans... Moi, je ne
m'attarderai pas là-dessus, je ne m'attarderai pas là-dessus
parce que, faut-il le rappeler, si on n'arrive pas à modifier
correctement le projet de loi, d'évidence, un gouvernement du Parti
québécois va abroger la loi. C'est peut-être pour ça
que, finalement, si le gouvernement ne veut rien entendre, on va le laisser
adopter son projet de loi. De toute façon, il a la majorité.
Mais, dites-moi, au premier paragraphe: «les projets de loi sont
imprimés, publiés, adoptés et sanctionnés en
français et en anglais». Évidemment, on se conforme au
jugement. Voulez-vous me dire ce que «imprimés» fait
là-dedans? Est-ce qu'ils peuvent être publiés sans
être imprimés? Est-ce qu'ils peuvent être adoptés
sans être publiés? Il y a là-dedans... Il y a un
excès de zèle.
M. Ryan: ...nous avons toujours fait ça, ici. Il n'y a pas
de problème. Il n'y a pas de problème fonctionnel.
Maintenant, je dois juste ajouter une petite précision pour
l'information des membres de la commission. Ce jugement a été
rendu par M. Deschênes en 1978, et M. Deschênes n'avait pas la
réputation de traîner 1 an ou 2 avant de rendre ses jugements.
Donc, il y a de très bonnes chances que cette cause-là ait
été instruite pendant que le Parti québécois
était au pouvoir et qu'il avait la responsabilité de
défendre la position du Québec correctement, ce que je
présume qu'il a dû faire. En Cour suprême, c'est
arrivé en quelle année? En 1979. Encore là, tout ça
a été défendu par des juristes qui agissaient sous
l'autorité du Parti québécois formant le gouvernement.
Mme Blackburn: Alors, est-ce que je peux rappeler au ministre que
le même juge Deschênes, en commission parlementaire
c'était la commission... je me demande... ce n'était pas
Bélanger-Campeau, j'essaie de me rappeler à une commission
parlementaire où nous avions entendu le juge Deschênes qui disait
aussi et si vous voulez accepter la totalité de ses jugements et
de ses avis il disait aussi qu'on devrait avoir des commissions
scolaires intégrées; que ça n'avait pas lieu d'exister,
des commissions scolaires linguistiques, encore moins catholiques ou
protestantes, sur le territoire du Québec.
M. Ryan: Justement, cette fois-là, le juge Deschênes
s'était éloigné de l'objet de sa cause. Il a tiré
ça en conclusion. Ça, c'était une pure opinion qui valait
celle de n'importe quel autre citoyen.
Mme Blackburn: Parce que... (12 h 30)
M. Ryan: Je me souviens très bien de ce
jugement-là.
Mme Blackburn: Est-ce que le ministre reconnaît...
M. Ryan: C'est l'affaire de Notre-Dame-des-Neiges.
Mme Blackburn: ...que l'avis du juge Deschênes, à ce
moment-là, va dans le sens de l'avis des Nations unies qui dit que les
anglophones, ça ne constitue pas une minorité? On ne peut pas
prendre juste les parties qui font notre affaire et refuser les autres.
M. Ryan: Madame, cette partie-là du rapport des Nations
unies ne m'a aucunement impressionné, même retenu, parce que c'est
évident qu'ils ne sont pas au courant de tout le contexte
québécois. Ce que j'ai retenu, moi, du rapport des Nations unies,
c'est la phrase où ils nous disent qu'il y a un rapport incontestable
entre le discours commercial et la liberté d'expression. Ça, ils
ne sont pas obligés d'être au courant de toutes nos chicanes
constitutionnelles pour affirmer ça. C'est une question de fond. C'est
ça que nous avons. Tout le reste...
Mme Blackburn: C'est une question de fond, mais les questions de
fond...
M. Ryan: C'est évident. Et là, quand vous avez 20
juristes de réputation internationale qui sont réunis ensemble et
qui en arrivent à la même conclusion, sauf 1 ou 2, sur ce
point-là qu'ils ont contesté, bien, il faut quand même
apporter de l'attention.
Mme Blackburn: Le ministre reconnaîtra avec moi que les
questions de fond ne peuvent pas être examinées à
l'état pur sans tenir compte des contextes, et qu'il y a ce qu'on
appelle les limites du raisonnable. Pour évaluer les limites du
raisonnable, il aurait peut-être fallu mieux plaider et il aurait
peut-être fallu encore que les membres de ce comité connaissent un
peu mieux la situation du Québec, et le ministre le sait aussi.
D'ailleurs, c'est indiqué dans l'avis du comité des Nations
unies. Ils ont mal plaidé, ce qui aurait permis de justifier qu'en
dépit du principe c'était légitime de maintenir
l'unilinguisme français dans l'affichage.
Le Président (M. Doyon): M. le député
d'Anjou.
M. Bélanger (Anjou): M. le Président, toujours sur
le premier paragraphe, qui est «Le français est la langue de la
législation et de la justice au Québec sous réserve de ce
qui suit», ce que je constate, c'est que...
Le Président (M. Doyon): Je vous signale, M. le
député, je n'en ferai pas une histoire, que j'avais
demandé si, sur cette partie-là, il y avait des
interventions.
M. Bélanger (Anjou): Je m'en excuse, je n'avais pas
entendu, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Alors, allez.
M. Bélanger (Anjou): Donc, M. le Président, sur le
premier paragraphe «Le français est la langue de la
législation et de la justice au Québec sous réserve de ce
qui suit», auparavant, dans le projet de loi actuel, c'était un
article en soi. C'était un principe qui était établi.
Maintenant, dans le même article, on prévoit les exceptions. Je
pense que c'est une façon en tout cas d'amoindrir un principe.
Normalement, un principe, on l'établit d'une façon claire, et
après ça, dans d'autres articles, on peut prévoir des cas
qui, à ce moment-là, sont des cas d'espèce.
C'est pour ça que j'aurais un amendement à proposer au
premier paragraphe, qui se lirait ainsi: L'article 7 tel qu'introduit par
l'article 1 du projet de loi 86, Loi modifiant la Charte de la langue
française, est modifié par le retranchement de tout ce qui suit
les mots «justice au Québec» et par l'addition du signe
«.» après le mot Québec. Alors, ça irait, je
pense, dans ce sens de rétablir la façon de déclarer le
principe qui doit être que le français est la langue de la
législation et de la justice.
À ce moment-là, je pense que ça rendrait plus fort
le principe établi que c'est la langue française qui est la
langue officielle de ces institutions.
Le Président (M. LeSage): Alors, M. le
député d'Anjou, je suis prêt à vous entendre sur la
recevabilité de cette motion.
M. Jolivet: M. le Président, je vais la plaider, si vous
me permettez.
Le Président (M. LeSage): M. le député de
Laviolette.
M. Jolivet: Vu que la façon habituelle de présenter
des motions a pour but de retrancher des mots, de modifier de façon
à ne pas, en aucune façon, changer quoi que ce soit du projet de
loi lui-même, la proposition telle que présentée est,
à mon avis, acceptable puisque soit on additionne des mots, soit on
retranche des mots. Vous avez le texte qui est «Le français est la
langue de la législation et de la justice au Québec sous
réserve de ce qui suit.» Mon collègue retranche les mots
«justice au Québec», et par l'addition du signe
«.» après le mot Québec, la phrase se lirait comme
suit. «Le français est la langue de la législation au
Québec.»
Le Président (M. LeSage): M. le ministre, la parole est
à vous.
M. Ryan: Moi, je vais vous dire franchement, sur la
recevabilité, je n'ai pas de grande considération à vous
apporter. Il me semble assez évident que ça contre- dit le
principe du projet de loi. Le principe du projet de loi, en matière de
législation et de justice, c'est d'affirmer que le français est
la langue de la législation et de la justice. Si ça n'avait
été que de ça, il n'y en aurait pas de projet de loi.
Mais, sous réserve des obligations qui découlent pour le
Québec de l'article 133 que nous résumons par la suite, et des
choses qui peuvent être l'objet de l'attention linguistique du
gouvernement, sans égard à 133, si on enlève ceci, on
attaque le principe même, on revient à la formule qui a
été condamnée par les tribunaux. Même l'article 7 a
été jugé inconstitutionnel par les tribunaux dans
l'affaire Blaikie. On a estimé que cet article, dans la teneur où
il se trouve actuellement, est indissociable des articles 8 et 13 de la Charte
puisqu'il en résume le principe général suivant lequel...
Pardon?
Mme Blackburn: On est sur la recevabilité, pas sur le
fond.
M. Ryan: Alors, je vous dis que c'est contraire au principe du
projet de loi. Il me semble qu'un amendement doit respecter le principe du
projet de loi.
M. Maltais: Sur la recevabilité...
Le Président (M. LeSage): Oui, M. le
député de Saguenay.
M. Maltais: M. le Président, je pense que c'est bien
clair, et je n'argumenterai pas longtemps, là, c'est qu'à partir
du moment où on enlève «sous réserve de ce qui
suit», effectivement, on change complètement le sens de l'article.
Et puis je vais vous référer à 2 décisions prises,
une le 14 avril 1987, CET 3001 et 3007, par votre prédécesseur,
Lawrence Cannon: En vertu de 244, les amendements doivent porter dans tous les
cas et se rapporter à l'objet du projet de loi et non pas en
déformer le sens. Et une autre décision, le 13 mai 1986, à
la CE, 272, 276, 281, 282, par votre prédécesseur Marcel Parent:
Les amendements à un projet de loi doivent se rapporter à son
objet. Alors, je pense qu'à mes yeux c'est très clair
là-dessus, là, l'amendement est irrecevable, M. le
Président.
M. Bélanger (Anjou): M. le Président, sur la
recevabilité.
Le Président (M. LeSage): M. le député
d'Anjou.
M. Bélanger (Anjou): M. le Président, ça ne
contrevient en rien au principe. On peut, dans un premier article, donner un
principe. Il faut bien comprendre que, quand on dit que le français est
la langue de la législation et de la justice au Québec, on ne dit
pas exclusivement, on dit tout simplement: le principe, c'est le
français. Rien ne prévoit, dans d'autres articles, de
prévoir que néanmoins la langue anglaise sera utilisée
pour les fins ci-après mentionnées. Ce n'est pas une
exclusivité qu'on dit, c'est un principe général. Il peut
toujours y avoir, dans d'autres articles de loi, des exceptions. Et je pense
que ça ne contrevient en rien aux autres dispositions que veut
introduire le ministre dans son projet de loi. C'est un principe
général, et un principe général, pour vraiment
conserver toute sa force, M. le Président, on ne doit pas,
d'après moi, tout de suite prévoir les exceptions
immédiatement dans des alinéas qui le suivent.
M. Jolivet: Sur la recevabilité, M. le
Président.
Le Président (M. LeSage):
M. le
député de Laviolette.
M. Jolivet: M. le Président, un amendement a un but
précis, c'est de retrancher ou d'ajouter. Donc, mon collègue dit:
II y a une proposition qui est faite par le ministre, nous allons retrancher
des choses dans le texte... qui a pour but tout simplement, dans la
façon large que vous avez comme président de permettre le
débat, de voir 2 tendances, c'est évident, entre la partie
ministérielle et le parti de l'Opposition. Nous croyons donc, par la
proposition que nous faisons, que nous retranchons des mots qui ont pour but de
bien définir l'objectif que nous poursuivons, qui est l'objectif
logique, normal, quant à nous. Alors, dans ce contexte-là, M. le
Président, vous avez à interpréter largement le moyen que
nous avons de faire valoir des points de vue, d'autant plus que si on se
référait à un amendement proposé par le ministre
à l'article 60.1 on y reviendra plus tard on voit qu'il
insère après l'article 60 un article complet, 60.1, et, à
ce moment-là, c'est des choses dont on n'a pas discuté au niveau
du principe, mais nous croyons que le débat doit se faire. Alors, c'est
dans ce sens-là, M. le Président, que nous vous demandons de
respecter ce qu'on appelle toujours l'économie du règlement,
c'est-à-dire de permettre le débat, un débat large et
ouvert, et, en conséquence, la proposition faite par mon collègue
devrait être jugée rece-vable.
Le Président (M. LeSage): Est-ce qu'il y a d'autres
membres de la commission qui veulent s'exprimer sur la recevabilité?
Alors, je suspens les travaux pour quelques instants, pour prendre en
délibéré cette motion.
(Suspension de la séance à 12 h 40)
(Reprise à 12 h 41)
Le Président (M. LeSage): Je reprends nos travaux pour
suspendre ces derniers jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 41)
(Reprise à 15 h 16)
Le Président (M. LeSage): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission reprend ses travaux. Avant la suspension de ce midi,
le député d'Anjou a proposé un amendement à
l'article 7 du projet de loi, qui modifie l'article 7 de la Charte de la langue
française. Cet amendement se lit comme suit: L'article 7 tel
qu'introduit par l'article 1 du projet de loi 86, Loi modifiant la Charte de la
langue française, est modifié par le retranchement de tout ce qui
suit les mots «justice au Québec» et par l'addition du signe
«.» après le mot «Québec». De part et
d'autre, à l'appui ou à rencontre de la recevabilité, on a
invoqué principalement les articles 244 et 197 du règlement et la
jurisprudence qui les entoure. On m'a aussi souligné que le principe
contenu dans l'article 7 de la Charte n'était pas contredit pas
l'amendement. Alors, permettez-moi de vous rappeler brièvement le
premier alinéa de l'article 244, qui se lit comme suit: «244. La
commission saisie étudie chaque article du projet de loi et les
débats portent sur les détails du projet. Les amendements doivent
se rapporter à son objet et être conformes à son esprit et
à la fin qu'il vise.»
Et l'article 197 se lit comme suit: «197. Les amendements doivent
concerner le même sujet que la motion et ne peuvent aller à
rencontre de son principe. Ils ne visent qu'à retrancher, à
ajouter ou à remplacer des mots.»
La question qui se pose est la suivante: Est-ce que l'amendement
proposé est conforme au principe du projet de loi? La lecture du nouvel
article 7 introduit par le projet de loi fait clairement ressortir que l'objet
et la finalité de la proposition contenue dans le projet de loi est de
limiter la portée du français à titre de langue de la
législation et des tribunaux. En effet, l'expression «sous
réserve de» et les paragraphes 1° à 4°
énoncent des limitations au principe général qui est
énoncé dans l'actuelle Charte. Ces limitations constituent un des
éléments essentiels du projet de loi et contribuent à son
objet et à sa finalité.
Or, l'amendement proposé aurait pour effet d'annuler ces
limitations à la portée du français comme langue de la
législation et des tribunaux. De plus, l'effet de l'amendement, s'il
était adopté, serait de laisser inchangé l'actuel article
7 de la Charte, ce qui rend tout à fait inutile d'apporter une
modification à cet article de la Charte. En somme, l'amendement
proposé constitue une négation pure et simple de la proposition
contenue dans l'article 7 modifié par l'article 1. En
conséquence, je considère que l'amendement du
député d'Anjou va à rencontre de l'article 244 et il est
donc irrecevable.
M. Brassard: M. le Président.
Le Président (M. LeSage): M. le député de
Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Je ne veux pas remettre en question votre
décision, mais je veux bien m'assurer... J'ai bien
compris que ça va à rencontre du principe, c'est pour
ça que vous la jugez irrecevable et que le principe du projet de loi
consiste à limiter l'utilisation du français. C'est ça, le
principe du projet de loi, c'est ce que vous avez dit.
Le Président (M. LeSage): C'est la portée, M. le
député de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Très bien, c'est ce que j'ai bien
compris.
Le Président (M. LeSage): Alors, nous en sommes toujours
à l'étude...
M. Ryan: Pourriez-vous répéter ce
passage-là, parce que je ne l'ai pas compris?
Une voix: ...
M. Ryan: On va voir, je veux avoir des explications,
justement.
M. Brassard: Comme sa décision était écrite,
on pourrait peut-être en avoir une copie.
Le Président (M. LeSage): Ah, certainement! (15 h 20)
M. Ryan: Mais on peut lui demander de relire cette
partie-là.
Le Président (M. LeSage): Or, l'amendement proposé
aurait pour effet d'annuler ces limitations à la portée du
français comme langue de la législation et des tribunaux.
M. Ryan: Une limitation de l'article 133. C'est ça,
correct.
Le Président (M. LeSage): Alors, nous en sommes toujours
à l'étude de l'article 1. Mme la députée de
Chicoutimi.
Mme Blackburn: Est-ce que le ministre reconnaît ou est-ce
qu'on doit comprendre que l'article 1, finalement, en intégrant le
jugement, vient donner au Québec, en cette matière, le même
statut que le Nouveau-Brunswick? Et combien d'autres provinces doivent avoir un
tel article pour régir la langue des tribunaux et de la
législation?
Le Président (M. Doyon): M. le ministre.
M. Ryan: À ma connaissance, l'article 133 s'applique
à la province de Québec. On va vérifier, je veux
être bien sûr de ce que nous allons dire. Il s'applique aussi, tous
autres facteurs étant considérés, au Manitoba, en vertu de
la Loi constitutive du Manitoba.
(Consultation)
M. Ryan: Regardez, en vertu de la Loi constitutive du Manitoba,
adoptée en 1871, je crois, là, on a l'équivalent de
l'article 133 pour le Manitoba. Et, dans le cas du Nouveau-Brunswick, à
toutes fins utiles, les mêmes dispositions s'appliquent depuis la Charte
constitutionnelle de 1982.
Mme Blackburn: Alors, il est complètement faux de dire,
comme le faisaient certains organismes, qu'on est en train de faire avec le
Québec, avec cette disposition-là, un gros Nouveau-Brunswick
bilingue.
M. Ryan: Non, au contraire, on rapproche le Nouveau-Brunswick du
Québec et on veut que le Manitoba respecte ses obligations
également. Le Québec a toujours demandé, et je pense que
c'est encore notre position, que l'Ontario soit éventuellement astreinte
aux dispositions de l'article 133 également parce que c'est un article
qui est fondé sur des principes de justice naturelle.
Mme Blackburn: Est-ce qu'il n'y a pas une justice naturelle qui
vaudrait aussi pour les autres provinces canadiennes? Je pense en particulier
au Manitoba où, juste pour la gestion des écoles
françaises...
M. Ryan: Regardez, tout dépend...
Mme Blackburn: Est-ce qu'on reconnaît, finalement, qu'il y
2 provinces bilingues et qu'il y a 8 provinces anglaises? C'est à peu
près l'équivalent. Et le Québec accepte, reconnaît
que sa langue, le français, n'est plus la langue officielle...
M. Ryan: N'oubliez pas que l'article 133...
Mme Blackburn: ...elle devient bilingue. Je pense que le
ministre, hier je voudrais juste le lui rappeler, on pourrait
peut-être faire relever les ga-lées a admis que,
effectivement, on est en train de faire du Québec une province...
institutionnaliser le bilinguisme au Québec.
M. Ryan: C'est faux, je n'ai jamais dit ça.
Mme Blackburn: Alors, il faudrait ressortir les galées
d'hier.
M. Ryan: Je n'ai jamais dit ça. Madame le
répète, M. le Président, sur tous les toits, à tous
les vents, depuis déjà quelques semaines. C'est faux, je n'ai
jamais dit ça, je n'ai jamais dit ça.
Mme Blackburn: Alors, on va faire ressortir les
galées.
M. Ryan: Si vous trouvez les galées, vous les trouverez et
on verra. Mais, franchement, je ne me souviens pas d'avoir dit ça.
Cependant, l'article 133 est
aussi le fondement du respect de la langue française au Parlement
fédéral, dans les tribunaux fédéraux. Ça a
été le facteur séminal également pour le
développement d'une loi qui établit l'égalité
officielle des 2 langues dans toutes les institutions du gouvernement
fédéral. Alors, c'est un article qui a une très grande
portée, qui est là pour le Québec depuis 1867, encore une
fois, qui est maintenant là pour le Nouveau-Brunswick, qui est là
pour le Manitoba depuis 1871, et renforcé par les interprétations
qu'ont données les tribunaux au cours des dernières
années. Alors, c'est ça qui est la situation.
Maintenant, encore une fois, nous ne faisons pas du droit nouveau, ici.
Nous reconnaissons les obligations que nous donne une Constitution
établie et nous harmonisons notre législation avec l'ordre
constitutionnel existant. Pas d'autre chose.
Les lois sont faites pour des citoyens au bout de la ligne et je pense
que les citoyens ont le droit de connaître ce qu'est la loi dans toute
son exactitude et dans toute sa vérité. On n'a pas le droit de
présenter aux citoyens une image déformée de la loi
seulement parce qu'elle ne répondra pas à nos opinions
politiques, la Loi constitutionnelle. Et, comme je l'ai dit au
député d'Anjou ce matin et j'attends la réponse
qu'il devait m'apporter si on est législateur et qu'on soit
résolu à légiférer d'une manière qui ne soit
pas constitutionnelle, c'est très dangereux. C'est très
dangereux, je pense que c'est un principe faux.
Mme Blackburn: Est-ce que le ministre...
M. Ryan: On peut militer pour la modification de la Constitution.
Je pense que nous sommes tous d'accord là-dessus. Et, grâce au
système démocratique que nous avons au Canada, on peut militer
pour une modification de la Constitution qui aille jusqu'à la
séparation politique. On peut le faire, on a déjà tenu un
référendum sur la souveraineté, d'une manière
parfaitement légale, qui a été reconnu même par le
gouvernement fédéral. Alors ça, c'est assez formidable,
mais l'obligation qui découle de cette liberté que nous avons,
c'est celle de respecter la Constitution, tant qu'elle n'a pas
été modifiée par les voies régulières.
Mme Blackburn: Certains intervenants ont fait valoir que le
gouvernement, par cet article, en donnait plus que la reine n'en demandait;
est-ce que ce n'est pas juste? Et, la deuxième chose, en admettant,
comme certains juristes l'estiment, que le jugement est allé trop loin
et qu'il était contestable, est-ce à dire qu'il faudra à
nouveau, si c'est contesté, revenir modifier la Charte parce qu'un autre
jugement viendrait invalider celui de Blaikie?
M. Ryan: Le jugement serait contestable devant qui?
Mme Blackburn: C'est-à-dire, il faudrait voir, là,
si ça a été mal plaidé, éventuellement.
M; Ryan: Voyons donc! La Cour suprême s'est
prononcée clairement. Elle a produit des arrêts très
élaborés sur la portée de 133. On peut bien, comme je l'ai
dit à maintes reprises depuis le début de nos travaux, ne pas
être d'accord intellectuellement, mais ces jugements établissent
la loi du pays d'une manière stable et quasi définitive, dans
bien des cas. Il ne faut pas oublier, comme on me le signale, que le premier
jugement, dans l'affaire Blaikie, remonte à 15 ans maintenant. Le
jugement du juge Deschênes en 1978, puis les interprétations
données dans ce jugement, confirmées par les tribunaux
supérieurs, ont été sans cesse reprises par les jugements
qui ont suivi.
Mme Blackburn: En admettant qu'une autre cause viendrait modifier
la portée de ce jugement-là, parce que c'est toujours possible
avec d'autres pièces législatives... Mais l'autre question:
pourquoi cette espèce d'attitude un peu servile, malgré qu'on
n'ait gagné ni Meech, même pas Meech, vous savez, qui était
le minimum des minimums ce que nous avait dit le premier ministre. On
n'avait jamais demandé si peu; ils ne nous l'ont pas donné. Vous
avez perdu Meech, vous avec perdu Charlottetown et puis, là, vous vous
êtes dit: On est servile, on est obéissant, on rentre dans le rang
et on cale. Pourquoi ça? Pourquoi cette espèce d'attitude
d'à-plat-ventrisme devant ce genre de situation?
Une voix: Franchement!
M. Ryan: La question qui se pose, c'est la question contraire.
Pourquoi essayer de faire ... aux gens qu'on a le pouvoir même de violer
la Constitution dans nos lois? Pourquoi essayer de répandre cette fausse
impression?
Mme Blackburn: Pas vrai, M. le Président.
M. Ryan: C'est exactement cette impression-là que
répand le texte actuel de la loi; c'est un texte qui est faux. Il est
inconstitutionnel, ça a été déclaré en
toutes lettres par les tribunaux. Il y a déjà, là, au
moins... Le jugement de la Cour suprême, dans Blaikie, c'est 1979?
Ça fait 14 ans, ça.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
D'Arcy-McGee.
M. Ryan: Franchement...
M. Libman: M. le Président, l'article 133 est un des
fondements de la Constitution canadienne depuis 1867, un des compromis
fondamentaux de la Confédération. Moi, je veux juste intervenir
pour que la députée de Chicoutimi ne laisse pas la confusion sur
l'état du bilinguisme du Nouveau-Brunswick avoir un impact sur cette
discussion. Il faut réaliser que le Nouveau-Brunswick a un bilinguisme
officiel qui va beaucoup plus loin que ce qu'on discute aujourd'hui. Tous les
services
gouvernementaux, au Nouveau-Brùnswick, sont disponibles dans les
2 langues; c'est une province officiellement bilingue, qui est très
différente de ce qu'on discute en ce qui concerne l'article 133. Alors,
il ne faut pas confondre ou comparer la situation du Québec avec celle
du Nou-veau-Brunswick.
Mme Blackburn: Si le député de D'Arcy-McGee ne veut
pas confondre la situation du Québec avec le Nouveau-Brunswick, est-ce
qu'on peut ramener les institutions anglo-québécoises au statut
de celles du Nouveau-Brunswick pour les francophones?
M. Libman: m. le président, j'aimerais adresser toute
cette question que l'opposition officielle essaie toujours d'utiliser: ii ne
faut pas négliger le fait qu'au québec il y a 1 200 000
non-francophones; 75 % de cet ensemble habite dans un rayon de 25 km du
centre-ville de montréal. ça crée une concentration qui
crée le besoin, pour certaines institutions, qui sont
créées et bâties par les communautés minoritaires,
par rapport à certaines autres minorités, dans les autres
provinces, qui sont dispersées beaucoup plus largement que la
minorité qui existe au québec. on ne peut pas comparer des pommes
et des oranges, toujours, m. le président. (15 h 30)
Mme Blackburn: Dans le paragraphe 2°, M. le Président,
comment le gouvernement va-t-il interpréter «les règlements
et les actes de nature similaire», pour fins de question de débat
général, là?
M. Ryan: Oui. M. le Président, auriez-vous objection
à ce que Me Gosselin fournisse une réponse à cette
question?
Le Président (M. Doyon): Me Gosselin.
M. Gosselin (Jacques): Les actes de nature similaire, ça
fait suite au jugement de la Cour suprême dans le renvoi manitobain no 2,
le jugement de 1992, qui fait en sorte que le bilinguisme de l'article 133 vise
non seulement des actes réglementaires eux-mêmes, mais aussi
certains actes, par exemple, certains décrets qui possèdent les
caractéristiques d'un acte réglementaire, à savoir qu'ils
doivent être adoptés en vertu d'une loi, qu'ils doivent être
adoptés par le gouvernement ou soumis à son approbation, qui
édictent une norme de conduite, qui ont force de loi et qui s'appliquent
à un nombre indéterminé de personnes.
Mais, outre ces critères, il y a des actes qui ne sont pas,
à proprement parler, de nature réglementaire, mais qui pourront
quand même être soumis à l'obligation de bilinguisme, parce
qu'ils s'inscrivent dans une série d'actes qui, eux-mêmes, ont un
effet net de nature législative. Ça, c'est illustré par la
cause, si vous voulez, de la fusion de Rouyn-Norandâ, l'arrêt
Sinclair, où on vise finalement des... on peut viser par l'obligation de
bilinguisme, des décrets, des lettres patentes, des avis, des
résolutions, parce que tout ça, le contenu même de ces
documents-là a un effet réglementaire. Donc, c'est ça qui
est visé par ça.
Et la modification je vais le dire tout de suite quand on
dit «pris, adoptés ou délivrés», c'est une
modification de syntaxe qui nous a été demandée par les
jurilinguistes, parce que, justement, comme on vise des avis, on peut viser des
avis, des lettres patentes, des décrets, des règlements, des
résolutions. On délivre un avis, on délivre une lettre
patente, on prend un décret, on prend un règlement et on adopte
une résolution. Donc, au niveau de la syntaxe, le terme
«adoptés» n'est pas suffisant pour correspondre à la
réalité des actes qui peuvent être visés, parce que
c'est des lettres patentes et différents types de...
Le Président (M. Doyon): Merci, Me Gosselin. M. le
député de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Je trouve que... Je ne sais pas. Écoutez, je
ne suis pas un eminent juriste, mais il me semble que c'est un peu imprudent,
comme disait mon collègue d'Anjou, ce matin, de codifier la
jurisprudence de cette façon et de l'inclure intégralement dans
la loi et dans la Charte de la langue française en plus.
Moi, j'ai sous les yeux l'article 133. L'article 133, de 1867, il
pourrait s'interpréter de plusieurs façons. Je sais bien que,
dans le jugement Blaikie, il s'est interprété de façon
très large et très généreuse. Je lis l'article 133,
parce que je pense que ça vaut la peine de le lire: Dans les Chambres du
Parlement du Canada et les Chambres de la Législature de Québec,
l'usage de la langue française ou de la langue anglaise dans les
débats sera facultatif. Mais, dans la rédaction des registres,
procès-verbaux et journaux respectifs de ces Chambres, l'usage de ces 2
langues sera obligatoire.
En outre, dans toute plaidoirie ou pièce de procédure
devant les tribunaux du Canada établis sous l'autorité du
présent Acte ou émanant de ces tribunaux et devant les tribunaux
de Québec ou émanant de ces derniers, pourra pourra
être fait usage de l'une ou l'autre de ces langues.
Et, le dernier paragraphe de 33: Les lois du Parlement du Canada et de
la Législature de Québec devront être imprimées et
publiées dans ces 2 langues. Imprimées et publiées dans
ces 2 langues, pas les projets de loi, les lois, une fois qu'elles sont
adoptées. Ça, je le comprends, une fois qu'elles sont
sanctionnées. Ça, c'est l'article 133. Je veux bien que, par la
suite, la Cour suprême et les tribunaux inférieurs, avant, aient
décidé, dans des causes précises, de donner une
interprétation large de ça, mais il reste qu'on peut fort bien
penser que des tribunaux auraient pu, aussi, et pourraient, peut-être,
restreindre la portée et la signification de la disposition de 133,
telle que je viens de la lire, à sa face même. Il n'est même
pas question d'adopter, et il n'est même pas question de projets de loi
dans 133, on parle des lois.
Et là on arrive avec un article qui parle des projets de loi,
dans 1. Et je vous signale que, dans le cas
de Blaikie, il y a eu 2 Blaikie. Et, dans Blaikie II, la Cour
suprême a décidé de limiter l'étendue du bilinguisme
obligatoire de la législation déléguée en venant
préciser que l'article 133 ne s'applique pas aux règlements
municipaux ni à ceux des organismes scolaires, pourtant
réputés créatures de l'État, pas plus qu'aux
simples règles ou directives de régie interne. Quant aux
tribunaux administratifs, sont visés par l'article 133 ceux qui ont le
pouvoir de rendre justice seulement. Alors, donc, il y a 2 jugements Blaikie:
Blaikie I, Blaikie II. Et, dans Blaikie II, la Cour suprême
elle-même a décidé de limiter la portée de 133. Bon,
j'imagine qu'on peut fort bien concevoir ce n'est pas interdit de le
penser que, par la suite, d'autres juges, placés devant d'autres
causes, d'autres situations, pourraient peut-être aussi décider
d'apporter d'autres limitations, donc, d'apporter une autre
interprétation. De sorte que, moi, ma question que je pose, c'est:
pourquoi, dans ce cas précis de 133... J'admets qu'on est soumis
à 133, c'est l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, c'est la
loi fondamentale, bon, puis, tant et aussi longtemps qu'on est une province, on
est soumis à 133, j'en conviens de ça. Mais, quand je lis 133, je
peux imaginer toutes sortes d'interprétations, des
interprétations plus restrictives de sa portée, comme des
interprétations plus généreuses. Pour le moment, on vit
une période où les interprétations sont
généreuses, et où on a en face de nous une jurisprudence
large et généreuse, mais on peut concevoir, ce n'est pas interdit
de concevoir une interprétation plus restrictive et moins
généreuse. De sorte que, ma question, c'est: Pourquoi a-t-on
décidé je reprends l'expression qui m'apparaît juste
de codifier la jurisprudence dans la loi? Et pourquoi on ne s'est pas
contenté, plutôt, de reprendre 133, tout simplement, et de dire:
Bien, voici, oui, 133, on y est soumis, on doit s'y soumettre; 133 nous
régit et on ne peut pas adopter des lois qui vont manifestement à
rencontre de 133...
Une voix: Voilà!
M. Brassard: ...mais bornons-nous à 133? Pourquoi ne se
bornerait-on pas à écrire: Les lois de la Législature de
Québec devront être imprimées, publiées dans les 2
langues? Point. Et pourquoi ne se limiterait-on pas à dire: Devant les
tribunaux du Québec ou émanant de ces derniers, il pourrait
être fait usage de l'une ou l'autre de ces langues? Point. Pourquoi
est-ce qu'on ne s'est pas contenté de 133, sachant qu'il y a une
jurisprudence là, qu'il y a des interprétations à la suite
de causes, de plaintes et des jugements qui ont été
prononcés et qu'en pratique on s'y soumet? Mais pourquoi les introduire
dans la loi? Pourquoi ne pas avoir simplement... En d'autres termes, pourquoi
l'acte de soumission à 133 ne s'est pas limité à
reproduire, à toutes fins pratiques, 133, dans la Charte?
Le Président (M. Doyon): M. le ministre.
M. Ryan: J'ai écouté avec intérêt le
député de
Lac-Saint-Jean, M. le Président, mais j'ai entendu des choses,
là, pour la première fois. Il a dit qu'il accepte l'article
133.
M. Brassard: Ah! bien... Une voix: C'est bon!
M. Ryan: Deuxièmement... Non, il a dit ça. C'est
écrit, je pense, maintenant. Ça fait partie de vos
écrits.
M. Brassard: Je vous dis: II faut s'y soumettre, à 133,
parce que, 133, c'est...
M. Ryan: Très bien. Jusqu'à ce que l'ordre
constitutionnel soit changé, si j'ai bien compris.
M. Jolivet: Accepter et s'y soumettre, c'est 2 choses.
M. Ryan: Pardon?
M. Jolivet: Accepter et se soumettre, c'est 2 choses.
M. Ryan: Oui, on exige...
M. Brassard: J'aimerais que ce soit autrement, mais...
M. Ryan: Aucun gouvernement n'a le droit d'exiger
l'adhésion d'un esprit. Ça, c'est...
M. Jolivet: Pardon?
M. Ryan: Aucun gouvernement n'a le droit d'exiger
l'adhésion d'un esprit. C'est libre, ça. On peut se soumettre,
comme vous dites, on peut obéir à une loi, on n'est pas
obligé de l'accepter.
M. Brassard: Mais sans enthousiasme.
M. Ryan: Ah oui! c'est entendu. Mais, déjà, c'est
beaucoup quand même que... C'est beaucoup quand même.
M. Brassard: Vous trouvez?
M. Ryan: Moi, il y a beaucoup de lois auxquelles je
n'adhère pas intellectuellement et auxquelles j'obéis. La vie est
faite comme ça.
M. Brassard: C'est mon cas avec 133. M. Ryan:
Deuxièmement...
Des voix: Ha, ha, ha!
(15 h 40)
M. Ryan: ...le député a semblé dire, M. le
Président, et je ne voudrais pas l'interpréter
erronnément, que, lui, il serait prêt à envisager une
formulation où il serait dit: Le français est la langue de la
législation et de la justice au Québec, sous réserve des
obligations, par exemple, qui découlent de l'article 133. Il a dit
ça aussi.
M. Brassard: J'ai posé une question, M. le
Président. Je pose la question. Je dis: Pourquoi vous avez
décidé, comme gouvernement...
M. Ryan: Je vais vous le dire.
M. Brassard: ...d'introduire dans la Charte de la langue
française... Dans le but de vous soumettre à 133, pourquoi vous
avez décidé de codifier de la jurisprudence plutôt que de
vous soumettre purement et simplement, sans plus, à 133? C'est une
question que je pose.
M. Ryan: Très bien. Non, je vais vous le dire. Je vais
vous dire bien simplement qu'on a envisagé l'autre voie. Ce n'est pas
une voie qui serait hérétique, de notre point de vue. Mais c'est
parce qu'avec les modifications que nous apportons ici nous mettons plus que ce
que permettrait une formulation purement générale. Nous
inscrivons, comme je l'ai dit tantôt... Les autres actes, les autres
règlements auxquels ne s'applique pas l'article 133, ceux-là,
nous disons clairement que le français va prévaloir dans ces
cas-là. C'est dit clairement. Puis c'est ça qui est l'objet de la
loi.
Deuxièmement, s'il existe une version anglaise d'un
règlement ou un autre acte de nature similaire à 8 et auquel ne
s'applique pas 133, le texte français, en cas de divergence,
prévaut. Nous ajoutons une chose. Tout jugement rendu par un tribunal
judiciaire et toute décision rendue par un organisme exerçant des
fonctions quasi judiciaires sont traduits en français ou en anglais,
selon le cas, à la demande d'une partie, par l'administration tenue
d'assumer les coûts nécessaires au fonctionnement de ce tribunal
ou de cet organisme.
Là, on augmente les garanties d'accès à un jugement
dans sa langue qui sont fournies à un citoyen.
M. Brassard: C'est moins fort que la loi 22, ça.
M. Ryan: Pardon?
M. Brassard: C'est moins fort que la loi 22.
M. Ryan: Mais il y a eu des développements. La loi 22
remonte, si mes souvenirs sont bons, à 1972.
M. Brassard: 1974.
M. Ryan: À 1974? Ça fait 20 ans déjà.
Que les esprits aient évolué depuis 20 ans, ce n'est pas mauvais.
Alors, c'est ça qu'est la portée du texte. Je pense qu'on
clarifie toute chose. Il y a un but de la loi qu'on ne doit pas négliger
non plus, c'est l'information des citoyens.
Avec un texte comme celui-ci, l'information est plus complète que
si on a un texte sibyllin. Mais je suis prêt à faire une
chose.
M. Brassard: Est-ce que vous voulez dire que le texte de
l'article 133 est sibyllin?
M. Ryan: Non, mais, quand on n'y fait rien qu'une
référence dans un texte qui en traite indirectement, ça
devient sibyllin. Ce n'est pas tout le monde qui peut partir de notre Charte
puis dire: Là, maintenant, je vais courir à la Charte canadienne
ou à la Constitution de 1867. Si le député de
Lac-Saint-Jean me disait: Moi, je serais prêt à voter en faveur
d'une formulation qui restreindrait ça à: le français est
la langue de la législation et de la justice au Québec sous
réserve de l'article 133 de la loi constitutionnelle de 1867. S'il me
disait: Je suis prêt à voter ça, je demanderais d'y
réfléchir. J'attends!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ryan: Parce que ce n'est pas du tout impertinent.
Mme Blackburn: L'objectif de l'exercice, c'est d'essayer de
limiter les dégâts.
M. Brassard: J'attends aussi quant à notre premier
amendement qui est suspendu.
M. Ryan: Pardon?
M. Brassard: J'attends aussi, moi, quant à notre premier
amendement qui a été suspendu. J'attends aussi. Si vous attendez
aussi...
M. Ryan: Le premier amendement, il a été
jugé irrecevable, je crois?
M. Brassard: Non, non, je parle du premier sur les immigrants
puis les réfugiés.
Une voix: II est suspendu.
Mine Blackburn: Les réfugiés et les immigrants.
M. Ryan: Oui, mais ça, c'est une autre chose.
M. Brassard: Oui, oui, c'est une autre chose, mais j'attends!
M. Ryan: Alors, ici, comme on n'est pas prêt à
donner l'adhésion que nous souhaitions vivement, nous sommes
obligés de maintenir le texte dans sa teneur actuelle.
M. Brassard: Faites un amendement et on va en discuter.
M. Ryan: Non, non, mais je ne veux pas faire des amendements
juste pour m'amuser, là.
Des voix: Ah!
M. Ryan: Non, non, non, non! On n'a pas rien que ça
à faire. On l'a travaillé, ce texte-là, pendant 8 mois. On
est parti de loin. On a vu toutes les hypothèses, y compris celle qui
vient d'être émise. C'est pour ça que je peux vous en
parler en toute liberté. Et je vous fais une suggestion, et on peut y
penser, M. le Président. Je vais vous dire une chose, M. le
Président, j'ai une façon de procéder, moi, en
législation, qui est un petit peu particulière et dont vous avez
entendu parler sûrement. Quand les esprits ne sont pas mûrs pour
l'article 1, je n'ai pas d'objection à passer à l'article 2.
Le Président (M. Doyon): M. le député
d'Anjou.
M. Bélanger (Anjou): Merci, M. le Président.
Écoutez, c'est assez évident qu'on n'est pas pour accepter la
proposition qu'a faite le ministre. Ce n'est pas une façon de
légiférer, ça. On ne peut pas marquer dans un article de
loi: sous réserve de l'article untel de la Constitution, puisque toutes
les lois sont soumises à la Constitution. Alors, ce n'est pas une
façon de légiférer de prendre un article puis de dire:
soumis à l'article untel de la Constitution. Tous les articles de la
Constitution s'appliquent à toute loi. Donc, c'est évident qu'on
ne va pas accepter cette façon-là. Ce n'est pas une façon
de légiférer.
Ce qu'on est en train de dire, tout simplement, ce qu'on essaie de faire
comprendre au ministre, c'est que toute chose évolue, à quelques
exceptions près. Mais...
M. Jolivet: Incluant le ministre. Des voix: Ha, ha,
ha!
M. Bélanger (Anjou): À quelques exceptions
près, je ne nomme pas ces exceptions. Mais la jurisprudence de la Cour
suprême... J'invite le ministre, je sais qu'il est avide de lecture, il
adore lire, il devrait lire des arrêts de la Cour suprême de 1930,
de 1940. Je les ai lus, pas par plaisir, parce que j'étais obligé
de les lire pour passer mon Barreau. Je peux vous dire qu'il y a des notions de
droit civil, des notions de «common law» qui ont
évolué énormément en 30 ans, en 20 ans, en 40 ans.
Les juges changent, à la Cour suprême. Les opinions changent.
C'est évident que la Cour suprême n'ira pas renverser d'une
façon systématique un de ses jugements, mais elle peut en
modifier la portée, elle peut restreindre la portée de son
jugement. C'est pour ça que c'est dangereux de codifier une
interprétation telle quelle puis de la mettre dans un article de
loi.
Je prends un exemple, M. le Président. J'ai participé
à la dernière phase de la réforme du Code civil. On a,
à ce moment-là, codifié des nouvelles notions de
responsabilité civile. On n'a pas pris toute la jurisprudence qu'il y
avait eu sur l'article 1053 pour faire le nouvel article. On a fait ce qu'on
voulait faire, finalement, de notre responsabilité civile au
Québec. C'est ça, la façon de légiférer.
Alors, moi, ce que je ne comprends pas, c'est que,
systématiquement, quand on fait une interprétation
différente de la Constitution, on nous dit que c'est parce qu'on est des
souverainistes puis des séparatistes. Moi, je pourrais nommer plusieurs
constitutionnalistes célèbres qui ont des opinions divergentes
sur l'interprétation qu'on devrait donner à la Constitution, qui
ne sont pas d'accord du tout sur l'interprétation qu'on donne de
certains articles, qui sont des fédéralistes convaincus, mais
ça ne les empêche pas de donner des interprétations
différentes à la Constitution qui a été faite.
Alors, c'est pour ça que, des fois, j'ai de la difficulté un
petit peu à suivre le raisonnement du ministre.
Ce que, d'après moi, le ministre pourrait faire, c'est tout
simplement reprendre la disposition de l'article 133 de la Constitution, en
faire un reflet tel qu'il est dans la Constitution, le mettre dans l'article de
loi... Écoutez, ça ne constitue pas, à ce
moment-là, une acceptation... C'est inacceptable d'accepter
l'interprétation qui en a été faite, qui va encore
évoluer parce qu'en prenant une acceptation libérale, très
libérale, très large qui en a été faite, puis en la
codifiant, la prochaine interprétation ne pourra faire autrement que
d'être encore plus large. C'est ça! C'est que, finalement, on
monte d'un cran les risques d'interprétation encore plus large de cette
disposition-là et, d'après moi, on ne se doit pas de faire
ça.
Le Président (M. Doyon): M. le ministre.
M. Ryan: M. le Président, je pense que le
député d'Anjou est une personne de bonne foi, mais je
l'inviterais à un peu plus de modestie dans ses leçons sur la
façon de légiférer. Je l'ai entendu à plusieurs
reprises en commission, puis ses arguments n'ont jamais pu aller bien loin
parce que son expérience est limitée.
M. Bélanger (Anjou): Oui, c'est vrai. C'est vrai.
M. Ryan: II devrait savoir que, quand il s'attaque à un
projet de loi comme celui-ci, il n'y a pas seulement le ministre en
arrière, il y a beaucoup d'autorité, beaucoup de
consultations.
M. Bélanger (Anjou): c'est vrai. j
M. Ryan: puis, dire que ce n'est pas ça, la façon
de légiférer... si vous disiez: ce n'est pas la façon que
moi je préfère, je vous comprendrais très bien. si c'est
ça que vous voulez dire, on s'entend, il n'y a pas de problème.
ï
M. Bélanger (Anjou): Vous avez entièrement raison,
M. le ministre.
M. Ryan: Très bien. Très bien. Ça, ça
va, pas de problème. Ça étant dit, si on regardait
seulement la formulation qui est là: «le français est la
langue de la législation et de la justice au Québec»,
ça, ce n'est pas compatible, nous ont dit les tribunaux, avec l'article
133. Puis là nous mettons des dispositions qui précisent que
c'est compatible. On dit quels points on va respecter. Moi, je vous dis,
là, puis vous contredisez plutôt votre collègue de
Lac-Saint-Jean que moi-même. Lui avait dit: Pourquoi vous
n'écrivez pas simplement: sous réserve de l'article 133?
M. Bélanger (Anjou): II n'a jamais dit ça.
M. Brassard: J'ai dit: Vous ne reprenez pas le texte de 133.
M. Bélanger (Anjou): Ce n'est pas ça que mon
collègue a dit.
M. Ryan: Ce n'est pas ça que vous avez dit tantôt?
Là, vous nuancez. Bien voyons donc!
M. Jolivet: Bien oui, bien oui. Vous n'avez pas compris.
M. Brassard: Reprendre le texte de 133. (15 h 50)
M. Ryan: Écrire le texte de 133 dans notre loi à
nous autres? Voyons donc! Voyons donc! Si on voulait faire une réforme,
on n'a seulement qu'à mettre «sous réserve de l'article
133», ça va être clair, ça va être clair. Je
vous ai dit: Ce n'est pas une chose que je suis complètement
disposé à refuser d'envisager; mais, après l'avoir
suggéré, vous dites: On ne le sait plus. Si vous ne le savez pas,
on ne peut pas être pour et contre en même temps. C'est une chose
de base, ça. Heureusement qu'il y a cette règle-là pour
guider les travaux du parlementarisme, parce qu'on serait égarés
souvent dans des avenues marginales. Là, on est à l'heure du
choix. Nous avons une formule, ici, qui définit clairement le choix du
gouvernement. Je n'accepte pas, là, toutes les observations que j'ai
entendues sur le droit constitutionnel, que j'étudie moi-même
depuis un certain nombre d'années, et qui est essentiellement, dans
plusieurs de ses dispositions, un droit évolutif, mais un droit qui est
en développement et, des développements qui ont été
ajoutés, c'est bien rare qu'on les enlève, on en ajoute d'autres.
C'est très rare. L'évolution du droit constitutionnel canadien,
en matière de pouvoirs, il a pu y avoir légère
évolution, mais, dans les autres questions, il n'y a pas eu beaucoup de
dédits et de contradictions de grandes décisions rendues
antérieurement; et c'est pour ça qu'ils comparent ça
souvent...
C'est comme la Constitution américaine. C'est évident que
si on s'en tenait aux textes de base, aux libertés qui étaient
garanties au début... La condamnation de la ségrégation
scolaire, ce n'est pas dans la Constitution américaine; c'est un
«growing tree», comme on dit, c'est un arbre qui croît. Et
c'est la cour qui était présidée par M. Warren qui a
décidé, vers 1948-1949, que la ségrégation scolaire
était contraire au principe fondamental de l'égalité. Mais
il y a bien des gens qui ne l'acceptent pas. Aujourd'hui, là, 40 ans
après, vous le savez, il y a bien des gens qui ne l'acceptent pas, dont
M. Bork, là, qui avait été candidat à la Cour
suprême. C'est la loi du pays. Depuis que la cour Warren l'a
décidé, c'est la loi du pays. Et, nous autres, on vous dit: Les
jugements rendus par la Cour suprême sont la loi du pays; nous le disons
clairement. Ce que nous voulons affirmer, dans le 7, même nous,
là, malgré tous les péchés
d'infidélité que vous nous reprochez, ce que nous voulons
affirmer, c'est le français, langue de la justice et de la
législation au Québec. Oui, nous le disons, dans la mesure
où c'est juridiquement et consti-tutionnellement possible. Nous sommes
honnêtes, nous sommes véridiques. Nous disons exactement ce qui
peut être fait, nous l'affirmons clairement. Mais si jamais
supposez votre hypothèse: On ne peut jamais fermer complètement
l'avenir à toute forme de développement; c'est pour ça
qu'il existe la liberté de l'esprit ça arrive, je pense
que le législateur du temps pourra s'en charger; nous autres, nous
légiférons pour les années à venir, là, et
je pense que ceci est raisonnablement sûr, en tout cas très
précis, et de nature à n'induire personne en erreur.
Je respecte l'autre point de vue, mais je pense que le nôtre est
un point de vue très consistant, aussi, et très constitutionnel.
Tandis que la version actuelle, le texte actuel de la Charte ne l'est pas. Je
pense que vous êtes obligés d'admettre ça. Je n'entends pas
de dénégation.
M. Libman: Adopté.
M. Ryan: Adopté?
M. Jolivet: Non.
M. Bélanger (Anjou): Non, non, non, non, non.
M. Ryan: Ha, ha, ha!
M. Bélanger (Anjou): Ce n'est qu'un membre de
l'Opposition.
Une voix: II n'y a plus de discussion. Sujet vidé.
Le Président (M. Doyon): Alors, est-ce que ça
termine la discussion sur le 1° de l'article 7, ainsi que sur la
première phrase de l'article 7, devrais-je commencer par dire?
Mme Blackburn: Premier paragraphe, ça va.
Le Président (M. Doyon): Premier paragraphe,
adopté?
Mme Blackburn: Non. J'ai cru comprendre
qu'on adoptait l'article dans son entier après.
Le Président (M. Doyon): Alors, le paragraphe 2°. On
fera ça ensemble, si vous préférez.
Mme Blackburn: Oui.
Le Président (M. Doyon): Sur l'article 7...
M. Jolivet: II y a un amendement.
Le Président (M. Doyon): II y a un amendement. Donc,
l'amendement est le suivant: II s'agit de remplacer, dans la deuxième
ligne du paragraphe 2° de l'article 7 proposé par l'article 1, le
mot «adoptés» par ce qui suit: «pris, adoptés,
délivrés». Fin de l'amendement. Alors, M. le ministre, sur
cet amendement.
M. Ryan: C'est juste une formule rédactionnelle qui rend
cette disposition conforme au deuxième arrêt Blaikie. Puisqu'il
est question, ici, de règlements et d'autres actes, les termes,
là, que nous proposons dans l'amendement sont des termes plus
précis: «pris, délivrés, adoptés».
Le Président (M. Doyon): L'amendement est-il
adopté?
M. Jolivet: M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Oui, M. le
député.
M. Jolivet: J'ai cru comprendre qu'il y avait une partie qui
devait nous être donnée, plus technique, de la part de Me...
M. Ryan: Regardez, ça a été expliqué
ce matin, mais on peut la reprendre.
M. Jolivet: Cette partie-là?
M. Ryan: Oui.
M. Gosselin: Je viens de l'expliquer, c'est que...
M. Jolivet: O.K. C'est correct. C'est parce que je suis rendu sur
le deuxième. C'est parce que, là, c'est l'amendement sur le
deuxième.
M. Gosselin: Oui, mais je l'ai expliquée tout à
l'heure, c'est...
M. Jolivet: O.K. Correct. C'est parce que j'ai été
obligé de m'absenter.
Le Président (M. Doyon): L'amendement est
adopté?
M. Brassard: L'amendement est adopté? O.K.
Le Président (M. Doyon): Oui.
M. Brassard: Une question sur l'autre, sur le reste.
Le Président (M. Doyon): Alors, l'amendement a
été adopté, nous passons maintenant au paragraphe 2°
qui se lit comme suit, pour ne pas qu'il y ait d'ambiguïté:
«les règlements et les autres actes de nature similaire auxquels
s'applique l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 sont pris,
adoptés, délivrés c'est l'amendement
imprimés et publiés en français et en anglais.»
C'est la totalité du paragraphe, tel qu'amendé.
M. le député.
M. Brassard: Encore là, c'est le même raisonnement
qui prévaut. On se soumet totalement, absolument à la
jurisprudence et au jugement de la Cour suprême. Par exemple, on dit:
«les règlements et les autres actes de nature similaire»,
ça veut dire quoi, ça, «les autres actes de nature
similaire»? Est-ce que, par le fait même, à ce
moment-là, on ne se trouve pas à couvrir à peu près
tout le terrain possible et qu'on ne place pas ainsi le gouvernement dans
l'obligation d'en faire nettement plus que ce qu'il serait tenu de faire?
Pourquoi n'a-t-on pas question bête que je pose simplement
dit: «les règlements auxquels s'applique l'article 133»?
Pourquoi on a ajouté «les autres actes de nature similaire»?
Pourquoi on a étendu ça aussi large, tous azimuts, de telle sorte
qu'on se retrouve avec des obligations très étendues,
extrêmement étendues? Pourquoi on n'a pas simplement dit:
«les règlements»? Bon, «les règlements auxquels
s'applique». Pourquoi on a ajouté «les autres actes de
nature similaire»? Est-ce que, ce faisant, on ne se trouve pas à
couvrir pas mal plus de terrain qu'on ne serait tenu d'en faire en vertu des
jugements de la Cour suprême?
Le Président (M. Doyon): M. le ministre.
M. Ryan: M. le Président, je dois m'excuser, j'ai eu une
interruption, il y avait une affaire imprévue qui a été
portée à mon attention, par. en arrière. Je ne sais pas si
le député pourrait reprendre brièvement son argumentation.
Je m'excuse.
M. Brassard: Je vais reprendre succinctement. M. Ryan: Je
m'en excuse.
M. Brassard: Oui. Je reprends succinctement. C'est qu'on utilise
l'expression: «les autres actes de nature similaire»; «les
règlements et les autres actes de nature similaire». Moi, je me
dis que, de cette façon, on couvre très large, on couvre vraiment
tout le terrain, et on se place dans une situation où on est en quelque
sorte obligé de faire peut-être pas mal plus que ce que nous
demandent de faire les jugements rendus par la Cour suprême. Pourquoi ne
s'est-on pas limité à dire: «les
règlements auxquels s'applique l'article 133»? Pourquoi on
a ajouté cette expression, très large: «autres actes de
nature similaire» qui fait que ça couvre à peu près
tout le terrain possible, dans toutes les directions, tous azimuts, et
ça accentue, je pense, en tout cas, les obligations de l'État en
cette matière. Pourquoi on n'a pas dit: «les règlements
auxquels s'applique l'article 133» et que, à partir de ce
moment-là, des documents ou des textes ou des actes qui se situent dans
F entre-deux, qui ne sont pas nécessairement et de façon
très évidente des règlements en soi, bien, ça se
trouve ainsi soustrait à l'obligation?
M. Ryan: C'est parce qu'il y a eu d'autres développements,
notamment en relation avec la cause de Rouyn-Noranda. D y avait eu d'abord le
renvoi manito-bain, Sinclair, et ensuite il y a une cause qui s'est
présentée à Rouyn-Noranda. Vous vous souvenez, quand on a
fait la fusion des 2 villes, le décret a été adopté
uniquement en français. Ça a été contesté
devant les tribunaux, ça a été déclaré
inconstitutionnel pour cette raison-là. Il a fallu que, nous autres,
nous adoptions une nouvelle loi pour constitutionnaliser tout ça. Et,
là, les questions qui ont été éclaircies à
l'occasion de ces 2 événements judiciaires portaient justement
sur un certain nombre de choses. Comme les décrets gouvernementaux,
certains avis émis par le gouvernement, des avis de délivrance de
lettres patentes, par exemple, des lettres patentes, ce sont des choses qui
tombent dans le champ de 133, selon les précisions qui ont
été données par la jurisprudence. Quand on marque
«et les autres actes de nature similaire», ça couvre
ça. On ne peut pas l'exclure. C'est compris explicitement dans les
précisions qui ont été données par la Cour
suprême. On préserve tout ce qu'on peut préserver. Par la
formule employée, «auxquels s'applique l'article 133»,
ça veut dire clairement que ceux auxquels ne s'applique pas l'article
133, à titre d'exemple, les règlements municipaux, la plupart des
règlements de commissions scolaires, ça, ça peut
être seulement en français et ça reste tel quel. (16
heures)
On ne fait pas un pas de recul par rapport à ce que nous sommes
tenus de faire actuellement. C'est ça que nous établissons
clairement dans le texte de la loi, pour la juste information des citoyens. Et
même des avocats qui ne sont pas au courant de tout ça, aussi,
quand ils vont être saisis d'une cause, ça va coûter moins
cher s'ils le savent tout de suite.
M. Brassard: L'expression «et tout acte de nature
similaire» fait référence, dites-vous, à la suite de
l'affaire Rouyn-Noranda, au décret?
M. Gosselin: C'est d'abord le renvoi manitobain no 2 qui a
établi, si vous voulez, que certains actes, à cause de leur
contenu... Même si ce n'est pas à proprement parler des
règlements, ils deviennent soumis... À cause de leur contenu,
à cause des critères, les 4 critères que j'ai pris tout
à l'heure, ils sont adoptés par le gouvernement, ils sont soumis
à son approbation, ils énoncent une norme de conduite, ils ont
force de loi, ils s'adressent à un nombre indéterminé de
personnes. À cause de ces critères-là, à cause du
contenu même d'un décret, ce décret-là devient
soumis à l'obligation de 133 parce qu'il a une nature similaire à
un règlement. Et d'autres, des avis, des lettres patentes, des
résolutions peuvent aussi acquérir ce caractère-là
parce qu'ils font partie d'une série d'actes de nature
législative.
Rouyn-Noranda est une illustration de ça. Rouyn-Noranda, on a
décidé que le décret du ministre des Affaires municipales
reportant l'élection, le décret du ministre des Affaires
municipales tenant lieu de protocole d'entente, les décrets du
gouvernement ordonnant la délivrance des lettres patentes, les lettres
patentes elles-mêmes et l'avis de délivrance des lettres patentes
avaient une nature réglementaire à cause de leur contenu et que,
ça, ça les faisait tomber dans l'obligation visée à
133. Donc, il fallait qu'ils soient adoptés et publiés en
français et en anglais.
Et, lorsque, dans le règlement, on dit «de nature
similaire», on va chercher la nature similaire aux règlements, qui
sont les 4 critères qu'on a énoncés tout à l'heure,
et on dit «auxquels s'applique l'article 133». Mais les autres
décrets, dont le contenu n'est pas réglementaire, dont le contenu
ne répond pas aux 4 critères, demeurent soumis à la
règle de l'unilinguisme français. Et c'est uniquement ça
qu'on va chercher. On traduit, si vous voulez, l'état du droit tel qu'il
est.
Le Président (M. Doyon): M. le député
d'Anjou.
M. Bélanger (Anjou): M. le Président, j'ai, devant
moi, le fameux jugement dont on parle, de la Cour suprême, Rouyn-Noranda,
et, en tout cas, loin de moi la prétention d'être un
constitutionnaliste, comme semble me le prêter le ministre, loin de moi
cette prétention, sauf qu'il faut reconnaître que ce matin j'avais
eu, peut-être, l'impression que le ministre ne voulait entendre aucun
argument de droit sur le projet de loi qui était présenté.
Et je ne comprenais pas ça parce que, finalement, on est en train de
faire un projet de loi. S'il n'y a aucun principe de loi qui s'applique, je me
demande qu'est-ce qu'on fait ici. Alors, c'est peut-être pour ça
que certains de mes propos ont paru un peu trop sûrs aux yeux du
ministre.
M. le Président, je regarde justement cet arrêt, comme je
le disais, de la Cour suprême. Et puis les différents documents
auxquels on disait que s'appliquait l'article 133, alors, là, je les
reprends. C'est ça, c'est un décret ordonnant la
délivrance des lettres patentes; des lettres patentes; avis de
délivrance des lettres patentes; décret reportant
l'élection. À chaque fois, on parlait que c'étaient des
actes de nature législative ou, tout au moins, reliés d'une
façon directe ou indirecte, en tout cas, à l'appareil
législatif du gouvernement.
Alors, je me demande pourquoi on a justement retenu tout autre... Le
terme exact qui est proposé...
M. Brassard: Acte de nature similaire.
M. Bélanger (Anjou): Tout acte de nature similaire. Est-ce
qu'on n'aurait pas pu être plus restreint, être plus précis?
Parce que, là, je trouve qu'on ouvre la porte vraiment d'une
façon encore plus grande que ces fameux arrêts de la Cour
suprême. Tout à l'heure, le ministre, si j'essaie de suivre son
raisonnement, me disait qu'il essayait d'une façon fidèle, le
plus possible, de remettre les décisions de la Cour suprême dans
son projet de loi. Il me semblerait que c'est ça. C'est une
actualisation de la Cour suprême de la loi 101.
Mais, justement, je trouve qu'on va plus loin en mettant «tout
acte de nature similaire». On n'aurait pas pu être plus restreint
et plus précis?
M. Gosselin: Prenez le renvoi manitobain no 2. Vous allez voir
les 4 critères énoncés par la Cour suprême. Et ces 4
critères-là sont les critères qui sont dans notre Loi sur
les règlements et qui énoncent ce qu'est un règlement au
Québec. Donc, en se référant à «de nature
similaire», on va chercher ces mêmes critères-là qui
sont ceux du renvoi manitobain no 2.
Donc, on n'étend aucunement. Et, au point de vue juridique, dire
«d'une nature réglementaire ou d'une nature
législative», c'est pas mal en tout cas, à mon avis
du même ordre au niveau de la force. De nature
réglementaire ou de nature législative, pour nous, c'est un peu
équivalent de dire ça.
M. Bélanger (Anjou): Mais ça n'aurait pas
été possible d'énumérer ces documents-là, de
faire une enumeration de ces documents qui se rapprochaient?
M. Gosselin: Non, parce que c'est leur contenu. C'est le contenu
même du décret. Ce n'est pas le décret... C'est le contenu
même qui le rend, dépendam-ment de chaque contenu que va avoir un
décret adopté par le gouvernement... On ne peut pas faire une
enumeration de tout type de décrets. C'est complètement
impossible. Il peut y avoir des décrets en matière d'agriculture
qui énoncent des normes et qui vont acquérir ce caractère,
mais on ne le sait pas d'avance. Ce serait dangereux, justement, de faire une
enumeration.
Mme Blackburn: Pourquoi est-ce que vous n'avez pas maintenu
l'utilisation de termes qui sont plus courants, couramment utilisés, par
exemple, de la nature des règlements ou de nature réglementaire
ou législative? Pourquoi avoir utilisé «de nature
similaire» si ça veut dire la même chose?
M. Gosselin: Parce que, d'utiliser à cet endroit-là
«de nature législative», c'est curieux, parce qu'on parle de
règlements avant. Donc, l'expression même de la Cour suprême
peut être trompeuse, parce que «de nature
législative»...
Mme Blackburn: Ça découle d'une
législation.
C'est un peu ce que vous nous avez expliqué tout à
l'heure.
M. Gosselin: C'est parce qu'on parle de règlements. Et on
associe d'autres documents à cette nature-là, mais on les a
qualifiés de nature législative. Nous, on préfère
parler de nature similaire, si vous voulez, parce que ça va chercher les
critères de notre Loi sur les règlements. Donc, on a
préféré cette formulation-là.
M. Bélanger (Anjou): M. le Président. Le
Président (M. Doyon): Oui.
M. Bélanger (Anjou): La question que je me pose, c'est au
niveau un peu de l'administration de ce nouveau critère-là qu'on
va introduire dans le sens: Qui va décider que c'est un acte de nature
similaire? Est-ce que c'est au Conseil des ministres qu'on va décider
que ça, ça doit être bilingue ou ça, ça ne
doit pas l'être, que telle directive, ce n'est pas de nature
législative? Parce que, là, on laisse... Il n'y a pas ou il n'y a
aucun critère... Tout acte de nature similaire, ça ouvre la porte
très, très grande, finalement, au genre de documents qui
pourraient se classer comme étant des documents, à ce
moment-là, dont on pourrait exiger la traduction, le bilinguisme. Je me
demande qui va décider. Qui va prendre cette décision: Ça,
c'est un acte de nature similaire? Ça, ça doit être dans
les 2 langues? Ça, ce n'est pas un acte de nature similaire? Je pense
que ça ouvre vraiment la porte très grande. Il me semble qu'on ne
peut pas laisser quelque chose d'aussi vaste, aussi vague, et qui va donner
lieu à tant d'interprétation, qui peut rendre un paquet de
documents... Dans le doute, on va dire: Bon, bien, on ne se trompera pas, on va
les mettre bilingues.
M. Gosselin: C'est la règle que nous dit la Cour
suprême dans le renvoi manitobain. En cas de doute, traduisez.
M. Bélanger (Anjou): En cas de doute, traduisez. Et,
à ce moment-là, dans le fameux arrêt de la Cour
suprême, puisque vous êtes un expert, je présume, est-ce
qu'au moins on essaie de quantifier ce doute? Est-ce qu'on donne des
critères pour dire où est-ce qu'il y a doute ou pas? Parce que,
vous savez, le doute... Il y a le doute raisonnable. Il y a le doute...
M. Gosselin: II y a le doute qui tue. M. Jolivet: II y a
des doutes là-dessus.
M. Bélanger (Anjou): Ah, il y a des doutes
là-dessus? Ah bon! Si je comprends bien, c'est un gros doute, c'est
ça? C'est un doute, mais avec un point d'interrogation en plus. Alors,
c'est arbitraire, finalement. C'est ça que vous nous dites? (16 h
10)
M. Gosselin: Ce n'est pas arbitraire. C'est que, chaque fois
qu'on adopte un décret au gouvernement, on va analyser le contenu du
décret en vertu des critères établis par la Cour
suprême, et le jurisconsulte va prendre une décision
là-dessus, et, s'il est nécessaire de le traduire, on va le
traduire.
M. Bélanger (Anjou): Ah, vous voulez dire que ça va
être le jurisconsulte, le ministre de la Justice qui prendra ce genre de
décision?
M. Gosselin: Au besoin. Une voix: C'est dangereux.
M. Bélanger (Anjou): Oh, c'est dangereux, vous savez,
quand on regarde ce qui se passe présentement.
Le Président (M. Doyon): Oui, M. le ministre.
M. Ryan: Permettez-moi une remarque. Je pense que la règle
qui est énoncée, en bout de ligne, la Cour ne peut pas tout
définir. Elle trace un sentier, elle établit un principe et elle
dit: Au bout de ça, en cas de doute, vous êtes mieux d'agir de la
manière conforme aux principes définis dans l'article. Vous
n'êtes pas obligés. Si vous ne le faites pas, vous le faites
à vos risques. Vous risquez d'être amenés devant les
tribunaux et de vous faire dire, 2 ou 3 ans après: Tu aurais
été aussi bien de le faire tout de suite. C'est tout ce qui est
là-dedans. Il n'y a pas d'autre chose. Il n'y a pas d'obligation
stricte. Mais, si vous ne la suivez pas, vous le faites à vos risques.
On a beaucoup de zones grises comme ça. Ou des fois même, nous
autres, comme législateurs, ne suivons pas l'avis de nos conseillers
juridiques. Parce qu'à un moment donné il y a une question de
sagesse, de sens commun aussi. On ne donne jamais le monopole de cette sagesse
au ministère de la Justice. N'est-ce pas, M. le conseiller?
Une voix: M. le Président...
M. Ryan: Si vous voulez transmettre mon message, je vous en serai
très reconnaissant. Mais c'est ça, un gouvernement, c'est la
convergence de plusieurs disciplines, et le droit est très important
comme élément unificateur de l'action du gouvernement au plan
juridique. Ça, nous reconnaissons tous les éminents services et
l'éminente qualité des orientations que nous fournit le
ministère de la Justice. Mais ce n'est pas nous autres la bible de
toutes choses. Je pense bien qu'on se comprend là-dessus. Et ils ne
prétendent pas à ce rôle-là. Si jamais ils
prétendent, on leur dit...
Une voix: ...
M. Ryan: Vous savez que nous ne sommes pas forts, nous autres,
sur les dogmes, malgré ce que vous essayez de faire croire, sauf en
matière religieuse, c'est une autre chose. Chacun ses positions. Moi, je
crois aux dogmes en matière religieuse.
M. le Président, je crois qu'il y a eu de très bonnes
questions, de très bons échanges et, s'il y en a d'autres, on est
prêt à essayer d'éclaircir les choses.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
La-violette.
M. Jolivet: Après toutes les questions et les
réponses qu'on a eues, M. le Président, il me fait plaisir de
déposer un amendement: L'article 7, tel qu'introduit par l'article 1 du
projet de loi 86, Loi jnodifiant la Charte de la langue française, est
modifié par le retranchement, dans la première ligne du
deuxième paragraphe, des mots «de nature similaire».
Le Président (M. Doyon): M. le député, je
suis prêt à vous entendre sur la recevabilité de cet
amendement.
M. Jolivet: Je pense, M. le Président, qu'elle est claire.
Ça ne demande pas une grosse discussion, vu que nous prenons le
deuxième paragraphe, nous enlevons «de nature similaire». Il
reviendrait ceci: «les règlements et les autres actes auxquels
s'applique la loi 133...» Donc, nous, au lieu d'élargir
l'éventail, on le restreint, et ça fait partie de ce qui est
prévu par le règlement, c'est-à-dire, enlever, modifier,
par une soustraction ou une addition. Alors, c'est une soustraction dans ce
cas-ci.
Le Président (M. Doyon): M. le ministre, est-ce que vous
avez...
M. Ryan: Savez-vous, l'avis que me donne notre conseiller
juridique, qui devient de plus en plus engagé dans notre
démarche, c'est que la modification proposée aura pour effet
d'élargir le danger au lieu de le circonscrire. Pardon? C'est
peut-être un piège.
Le Président (M. Doyon): C'est sur la
recevabilité...
M. Jolivet: C'est la recevabilité, là, on pourra en
discuter tout à l'heure de ça.
Le Président (M. Doyon): Oui.
M. Ryan: On est sur la recevabilité? Ah, je me fie
à l'opinion du président, à la décision du
président, qui ne sera pour moi qu'une opinion. Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): Alors, très, très
brièvement, il s'agit d'une modification qui vise à... Il faudra
s'entendre. Certains prétendront limiter la portée de l'article,
d'autres pourront prétendre que ça a pour effet de
l'élargir mais, de toute façon, ça ne va pas à
rencontre du fondement de l'article. Alors, je déclare
cet amendement recevable et je suis prêt à entendre le
proposeur.
M. Jolivet: Alors, merci, M. le Président. En fait, ce
pourquoi je le propose, c'est parce que je suis habitué. Je faisais une
farce en débutant ce matin, en parlant d'avocats ou de notaires, mais
j'ai eu de nombreuses négociations dans ma vie et j'achalais un des
responsables pour le gouvernement à l'époque, Me Brière,
en lui disant toujours le fameux principe: Trop fort ne casse pas. C'est un
vieux principe d'avocat. Tu es mieux d'en mettre plus que d'en mettre moins.
Une chose est certaine, c'est que tu couvres plus de territoire.
Alors, c'est dans ce sens-là que la proposition qui nous est
faite par le ministre nous indique justement des débats qui doivent
normalement avoir lieu dans la société et qui n'auront pas lieu.
C'est désormais... Et, là, vous allez voir le cheminement qu'on a
connu dans l'histoire, le GBS, dont parlait le ministre tout à l'heure,
le gros bon sens, le sens commun. Ce gros bon sens en est arrivé,
à un moment donné, à être de plus en plus
codifié. Dans l'ensemble du système, on peut regarder au Japon
par rapport à ici, au Québec, on voit bien qu'il y a des gens qui
ont pris cette habitude de vouloir tout codifier et d'avoir, en plus, des
batailles juridiques, à un moment donné, en cours de route et,
là, ça a été l'apanage et ça demeure
toujours l'apanage de 2 avocats qui vont diverger d'opinion devant le
même juge et un juge décidera.
Dans le contexte qui est ici, ce que j'ai compris des conversations, des
discussions qu'il y a eu tout à l'heure... Et je comprends que le
ministre dit que ça peut avoir un sens d'être plus dangereux. Plus
dangereux, je ne sais pas pour qui, pas pour la société,
probablement pour le gouvernement qui, lui, a une idée derrière
la tête, en mettant cet article-là. Le danger d'être
contesté? Peut-être. Le danger d'être contesté dans
une décision qui serait prise dans le règlement parce qu'il
serait en français seulement, parce qu'il sera décidé
qu'il sera en français, quelqu'un qui contesterait? Il disait qu'il
aurait fallu que le projet de règlement soit passé dans les 2
langues, en vertu des décisions qu'on va prendre à la proposition
du ministre. C'est dans ce sens-là que je comprends que le ministre a
peut-être besoin, parce que c'est la façon de penser qu'il a, des
mots «de nature similaire». Mais ça implique, M. le
Président, si les mots «de nature similaire» ne sont pas
là, que des décisions seront prises en cours de route. Et qui
aura à déterminer et à décider? Ce sera un
jugement, s'il faut aller jusque-là. Mais pourquoi, à ce
moment-là, vouloir l'élargir à tel point que, finalement,
le pouvoir décisionnel appartiendra à une seule personne au
Québec, si j'ai bien compris, le jurisconsulte qui, lui,
déterminera ce qui est bon ou ce qui n'est pas bon? Il me semble que ce
n'est pas le système de fondement de société de justice
dans lequel nous sommes.
Il y a des divergences d'opinions dans la société. Il y a
des gens qui pensent noir, d'autres pensent blanc puis, des fois, le juge, dans
sa sagesse, après avoir écouté les 2 parties, peut dire
que c'est gris, plus ou moins gris, plus ou moins blanc, plus ou moins noir.
Mais, il y a une chose qui est certaine, c'est que nous avons ici des mots qui
permettent donc, à celui qui est le législateur et, plus loin que
ça, à celui qui est l'exécutant, donc le Conseil
exécutif, par l'intermédiaire de la personne qu'il nomme au
Conseil des ministres, qui est le jurisconsulte, la possibilité, au bout
de la course, si j'ai bien compris, de décider. Pour éviter quoi,
dans le fond? Pour éviter qu'un individu, qui n'est pas d'accord avec la
décision rendue par l'État, conteste cette
décision-là devant les tribunaux. Il y a toujours 2 façons
de le faire: l'État peut s'y soumettre ou ne pas s'y soumettre. S'il s'y
soumet, à ce moment-là, c'est réglé. S'il ne s'y
soumet pas et que quelqu'un croit que l'État n'a pas raison, il
amène l'État devant le tribunal pour faire clarifier la
situation. On a connu, à plusieurs occasions, des décisions de ce
genre-là rendues par les cours. (16 h 20)
Le ministre, on s'en souvient, je l'ai souvent entendu plaider en
Chambre, alors qu'il était membre de l'Opposition, sur le danger pour
l'État, même si déjà des avis juridiques lui avaient
été données à rencontre de sa position, de
maintenir sa position au risque de voir sa position faire l'objet de
discussions devant les juges à différents niveaux, tel que
prévu par notre système de justice. Le ministre a souvent dit ces
choses-là. Alors, il disait: Pourquoi, avant de l'inscrire dans la loi,
on ne le testerait pas, dans certains cas, auprès de la Cour
suprême une sorte de test auprès de la Cour suprême
et laisser à la Cour le soin d'indiquer la voie à suivre?
Pourquoi, à ce moment-là, c'est l'État qui, par
l'intermédiaire de sa nature similaire, en arriverait à tellement
englober tout que plus personne ne pourrait contester? C'est une façon
indirecte d'empêcher quelqu'un de contester l'État. Et c'est dans
ce sens-là, M. le Président, que, compte tenu du système
dans lequel nous sommes, je suis en désaccord avec les 3 mots et je
demande la suppression de ces 3 mots-là.
Le Président (M. Doyon): M. le ministre.
M. Ryan: Alors, je suis obligé de m'inscrire en faux
contre la position qui est défendue par le député de
Laviolette. Je pense que le texte, dans sa formulation actuelle, a une
portée plus restreinte que celle qu'il aurait si nous faisions tomber
ces mots-là et j'aime mieux que la portée soit plus restreinte
parce que, dans la mesure où je restreins moins, j'augmente d'autant la
liberté de manoeuvre du gouvernement dans les actes qu'il posera, ou la
Législature. Et je ne comprends pas, là, qu'on soit porté
à vouloir étendre actuellement, créer des obligations
expresses dans des matières où nous fonctionnons actuellement de
façon unilingue sans que ça ne crée de problèmes
pour personne à vrai dire. Ici, je pense qu'il y aurait un danger...
(Consultation)
Une voix: C'est un de vos conseillers juridiques qui vous
parle?
M. Ryan: Nous puisons à des sources nombreuses et
diverses. Alors, ça, je pense que l'effet net, puis c'est
confirmé par notre conseiller juridique, est d'élargir d'une
manière qui risquerait d'entraîner des obligations accrues pour le
Québec dans un domaine où le but de l'Opposition est de les
limiter au minimum. Je ne comprends pas, par conséquent, cet
amendement-là provenant de l'Opposition. Je suis obligé de
refuser parce que le gouvernement a une position plus serrée en
matière de défense du français.
M. Jolivet: ...M. le ministre.
M. Ryan: Pardon?
M. Jolivet: Des mots «sous réserve»?
M. Ryan: Pardon?
M. Jolivet: Parce que si...
M. Ryan: C'est les autres actes...
M. Jolivet: ...vous limitez...
M. Ryan: Vous, vous voulez enlever «de nature
similaire».
M. Jolivet: Oui, oui.
M. Ryan: «Les autres actes», là, ça
ouvre la porte à toutes sortes de choses, bien d'autres choses de nature
comparable à des règlements.
M. Jolivet: Bien, écoutez...
M. Ryan: Bien d'autres que des choses de nature comparable
à des règlements, qu'on se comprenne bien, tandis qu'ici c'est
limité à des choses assimilables à des règlements
similaires. Et, si on enlève ces mots «de nature similaire»,
c'est évident qu'il n'y a plus de limites.
M. Jolivet: Non, non.
M. Ryan: C'est tous les autres actes qu'on voudrait bien...
Une voix: ...
M. Ryan: Bien oui.
M. Jolivet: Écoutez, M. le Président, il faut lire
la phrase au complet, là, à moins que je me trompe. D'abord, le
deuxième paragraphe provient du fait qu'on dit que le français
est la langue de la législation et de la justice au Québec sous
réserve de ce qui suit. Ce qui suit, c'est le deuxième
paragraphe. Le deuxième paragraphe dit: Les règlements...»
Donc, sous réserve de ce qui suit. C'est la langue qui s'applique. Sous
réserve des règlements et les autres actes de nature similaire
auxquels s'applique l'article 133. Si c'est ça, dans mon esprit à
moi, l'article 133 veut ouvrir davantage à la possibilité d'avoir
autre chose que la langue française comme étant la
possibilité et, dans ce sens-là, les mots «nature
similaire», c'est les actes de nature similaire, c'est des actes qu'on ne
connaît pas à ce moment-ci, qui pourraient arriver dans le temps,
lesquels actes sont similairement applicables au mot
«règlements». C'est ce que je comprends, moi, du
français. Oui, oui, oui, c'est ce que je comprends du français.
Ce que je comprends, c'est que les autres actes de nature similaire, là,
vous ne les connaissez pas autrement qu'au moment où ils seront
déterminés par l'État dans une décision qui sera
prise au Conseil des ministres. Et, dans le contexte de cette
décision-là, on va les rendre similaires à des
règlements et, si on les rend similaires aux règlements, ces
règlements s'appliqueront suivant l'article 133. Ça veut donc
dire qu'on ouvre un éventail de choses qu'on ne connaît pas et
c'est pour ça que j'ai dit: Les mots «nature similaire»,
trop fort ne cassant pas, on va les inscrire.
M. Ryan: Non, regardez. Non, je pense que c'est parce que le
député n'a pas compris les explications. J'admets qu'elles sont
assez, assez difficiles à saisir. On nous a dit tantôt «les
autres actes de nature similaire». On a donné des exemples,
d'abord: des décrets, des avis communiqués à des
municipalités, des lettres patentes. Il y en a déjà...
M. Jolivet: Des directives.
M. Ryan: Directives, je pense que non.
M. Jolivet: À l'intérieur des
règlements.
M. Ryan: Directives, ce n'est pas compris là-dedans.
Ça, ce n'est pas compris. Et, si on met, là, les autres
actes...
M. Jolivet: Je voudrais bien avoir un jugement.
M. Ryan: Je vais essayer de compléter mon explication. Si
on écrit «les autres actes de nature similaire», ce sont des
actes qui répondent aux 4 critères définis par la Cour
suprême dont a parlé tantôt Me Gosselin. Ils doivent, en
vertu de la loi, être adoptés par le gouvernement ou soumis
à son approbation quand ils édictent une norme de conduite, quand
ils ont force de loi, quand ils s'appliquent à un nombre
indéterminé de personnes. Alors, c'est ça des actes de
nature similaire. Mais il y en a bien d'autres actes que l'administration va
poser qui ne sont pas de cette nature-là, qui, donc, ne tombent sous le
coup de l'article 133. Puis, si on ne mettait pas «de nature
similaire», on risque d'ouvrir
indéfiniment l'éventail des actes auxquels pourraient
s'appliquer les contraintes découlant de l'article 133. Puis, je vous
dis, selon l'interprétation que nous retenons, l'amendement
proposé aurait pour effet d'élargir l'éventail possible
des contraintes alors que, d'accord avec l'Opposition, nous cherchons à
le limiter strictement à ce qui est obligatoire comme étant
actuellement connu.
M. Jolivet: J'ai de la misère à comprendre,
là. Je ne suis pas têtu, normalement. Je comprends très
bien quand on me l'explique comme il faut. Moi, j'ai cru comprendre que ce
n'est pas pour rien que vous avez mis «de nature similaire». Si
vous avez mis «de nature similaire», vous l'avez mis en accord avec
«auxquels s'applique l'article 133». Les actes doivent avoir,
à ce moment-là, si j'enlève le mot
«similaire»... Donc, les règlements et les autres actes
auxquels s'applique l'article 133. Donc, on va regarder les actes en vertu des
critères prévus par l'article 133. Si on met «de nature
similaire», d'après moi, on met un éventail plus large
à long terme parce que, «de nature similaire», on ne les
connaît pas à ce moment-ci.
Vous me dites que ça s'applique à des personnes, à
un groupe de personnes, selon l'article 133, mais il n'y a rien qui ne pourrait
pas dire que quelqu'un ne contesterait pas un jour la possibilité, parce
que quelqu'un, à l'intérieur du système... Puis,
même, je parle de directives qui proviennent d'un règlement,
lequel est adopté par le gouvernement, il y a des choses qui sont
connexes à l'ensemble du règlement déjà
adopté comme prévu, s'appliquant à des personnes, à
un nombre x de personnes. Moi, je pense que le mot «de nature
similaire» a pour but de préserver l'avenir, cette
préservation de l'avenir, basée sur le principe trop fort ne
cassant pas, on est mieux de le mettre pour ne pas avoir de problèmes
futurs que de ne pas le mettre aujourd'hui puis de voir quelqu'un contester une
décision qui serait prise à l'intérieur d'un
ministère ou dans un organisme paragouvernemental ou
périgouvernemental. Moi, je pense, M. le Président, dans ma
petite tête à moi de gros bon sens, que, «de nature
similaire», c'a pour but d'élargir un éventail parce qu'on
ne les connaît pas à ce moment-ci puis qu'on se prémunit
contre le fait que, ne les connaissant pas, on ne sait pas si un jour ils ne
seront pas interprétés comme étant de nature similaire et,
à ce moment-là, on l'inscrit.
M. Ryan: Bien, là, il y a un conflit
d'interprétation. Je n'ai pas d'objection à ce qu'il y en ait une
autre, mais, moi, je vous dis, là, selon l'avis que nous avons
reçu, «actes de nature similaire», c'est des actes dont
l'effet, semblablement à celui des règlements, est de nature
législative ou assimilable à une nature législative. Tous
les autres actes sont exclus par conséquent. Tout ce qui n'est pas de
nature similaire est exclu du champ de couverture de l'article 133 puis c'est
ça que nous voulons préserver. Si on met «tous les
actes», à ce moment-là ça peut être d'autres
actes en plus que les actes qui sont caractérisés par leur effet
législatif.
M. Jolivet: Mais c'est là que vous me dites qu'en mettant
«de nature similaire» vous augmentez l'éventail, et non pas
le restreindre.
M. Ryan: Non, au contraire. Au contraire, nous sommes convaincus,
nous autres, que c'est exactement le contraire qui se produit.
(Consultation)
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Oui, bien...
M. Jolivet: Le législateur n'écrit, ne parle pas
pour ne rien dire.
M. Brassard: Je vais attendre que le ministre...
(Consultation)
M. Ryan: Regardez, si vous me permettez une explication
additionnelle c'est que, entre ce qui est connu, là, tu sais, les
exemples qu'on a mentionnés tantôt, et ce qui pourrait
éventuellement se présenter, on essaie de préserver le
plus possible la marge de manoeuvre du gouvernement au point de vue
français. Et l'article 1.2° doit peut-être être
regardé sans perdre de vue l'article 1.8. À 8, regardez ce qu'on
dit: «S'il existe une version anglaise d'un règlement ou d'un
autre acte de nature similaire auxquels ne s'applique pas l'article 133 [...]
le texte français, en cas de divergence, prévaut.» C'est
ça qui est l'objectif qu'on poursuit. C'est que tous ces autres actes
qui ne sont pas de nature législative, on les exempte de la règle
du bilinguisme. C'est ça qu'on veut dire, là. Mais les 2 doivent
être pris en regard l'un de l'autre. Si on allait adopter une formule qui
élargit l'éventail de ce qui tomberait sous 1.2°, on
restreindrait d'autant ce qui va tomber sous 8. Et, là, il faut bien
s'en remettre à l'avis des experts, un moment donné, parce qu'on
devient engagé dans des choses assez techniques. Et moi, nos
conseillers, et ça a été étudié longtemps
ces formulations-là, nous ont dit que, formulé comme ceci, on
préserve au maximum. Le champ de manoeuvre dont nous convenons est
limité par l'article 133, mais notre objectif, c'est de le
préserver au maximum. Ce n'est pas de le réduire. Et c'est dans
ce sens-là que je suis obligé de vous indiquer, M. le
Président, que je ne pourrais pas voter en faveur de l'amendement qui
nous est proposé.
M. Jolivet: Voyons donc, vous.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Lac-Saint-Jean. (16 h 30)
M. Ryan: Non, mais si vous ne comprenez pas... Je l'ai assez
expliqué.
M. Brassard: Je ne veux pas faire un long discours parce que je
pense qu'on va finalement voter et en disposer, mais c'est simplement ceci.
C'est que, moi, il me semble que l'expression «les autres actes auxquels
s'applique l'article 133», ça, ça fait
référence à ce que votre conseiller juridique nous a dit
tantôt, les 4 critères et les actes qu'il a nommément
indiqués: décrets, lettres patentes, les autres actes auxquels
s'applique l'article 133.
M. Ryan: C'est vrai.
M. Brassard: Si vous ajoutez «de nature similaire»,
ça, c'est de nature similaire aux règlements. Ça se
rapporte aux règlements. Et là, à ce moment-là,
ça peut vouloir dire d'autres actes que ceux mentionnés, que ceux
auxquels on se réfère, qui sont soumis à l'article 133.
D'autres actes qui pourraient être, par la suite, soit devant les
tribunaux, par exemple, déclarés de nature similaire aux
règlements et venir s'ajouter à la liste qui existe
déjà, donc, l'élargir.
L'exemple de Blaikie est assez intéressant. Il y a eu un jugement
I sur Blaikie et un jugement II. Le jugement II a restreint, mais il aurait pu
aussi étendre. Il aurait pu dire: Les règlements municipaux et
les règlements scolaires, ça fait partie de la législation
déléguée aussi. Il aurait pu étendre. Pourquoi? En
disant: Bien, c'est de nature similaire.
Une voix: Ah oui!
M. Brassard: Ça n'en faisait pas partie jusqu'à
maintenant, mais je déclare que c'est de nature similaire. Donc, c'est
soumis. Et il me semble que, sur le strict plan de la logique et du
français, «de nature similaire» ouvre la porte à un
élargissement...
M. Ryan: Mais le lien, là...
M. Brassard: ...et ajouter à la liste déjà
existante.
M. Ryan: Non, c'est parce que... Je pense que je comprends votre
perspective. Vous raisonnez d'une manière très négative
dans ces choses-là. C'est conforme à l'option constitutionnelle
de votre parti. Je comprends ça.
M. Brassard: Ah! Ah!
M. Ryan: Non, mais c'est vrai. Moi, je pars d'une perspective
différente. Ici, le lien, c'est ce qui est défini dans 133. Ce
sont des obligations découlant pour l'Assemblée nationale et, par
conséquent, pour son gouvernement. Puis on dit: Ce qui est
législatif ou de nature législative ou paralégislative
tombe sous le coup de 133, qui relève de l'Assemblée nationale,
soit directement, soit par le truchement du gouvernement. Mais quand on arrive
aux municipalités et aux corps scolaires, eux autres relèvent
d'une autre autorité. Ils ont des électeurs qui les
élisent et il n'y a pas de disposition de 133 qui couvre ça.
C'est ça que la Cour suprême est venue dire. Elle ne pourra pas
changer ça demain matin, à moins que ce soit un corps de
poètes qui agissent suivant l'inspiration des cycles de la nature, mais
il y a une continuité plus grande que ça dans le
développement de la jurisprudence constitutionnelle. On peut trouver que
certains développements sont plus ou moins homogènes. C'est
possible. Mais, de manière générale, je pense que les
développements ont été assez homogènes, au
contraire, même si, des fois, les interprétations données
ne recueillaient pas l'adhésion au même degré.
Moi, il y a un point sur lequel j'avais bien des réticences et,
quand la Cour suprême a défini ce que devait être la
majorité pour une formule d'amendement, je trouve que là elle a
posé un acte qui nous liait mais qui... Oups! Je vous dis que,
celui-là, je ne l'ai jamais intellectuellement accepté. Je trouve
qu'elle est allée trop loin. Si le législateur n'avait pas voulu
se donner une règle de conduite... Il n'en avait pas. Il fallait qu'il
règle ses problèmes au plan politique, ça finissait
là. Mais ils l'ont définie, à un moment donné, et
on a été poignes avec.
Mais, dans ces cas-ci, on n'est pas dans le même ordre de
problèmes du tout, du tout.
M. Brassard: Votons.
Mme Blackburn: Le vote sur l'amendement.
M. Ryan: Alors, ça c'est notre point de vue, M. le
Président. Je pense qu'on l'a discuté amplement.
Le Président (M. Doyon): D'accord. S'il n'y a pas d'autres
interventions, j'appelle le vote sur l'amendement qui a été
soumis par le député de Laviolette.
Alors, que ceux qui sont pour cet amendement veuillent bien
l'indiquer.
Mme Blackburn: Pour.
M. Brassard: Le député de Lac-Saint-Jean, pour.
M. Bélanger (Anjou): Pour.
Le Président (M. Doyon): M. le député?
M. Libman: Contre.
Le Président (M. Doyon): Que ceux qui sont contre...
À part le député de D'Arcy-McGee, qui d'autre est
contre?
M. le ministre?
M. Ryan: Contre.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Richelieu?
M. Khelfa: Contre.
M. LeSage: Pour. Excusez, contre.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Charlevoix?
M. Bradet: Contre.
Le Président (M. Doyon): II y a abstention de ma part; 3
pour, 5 contre. Donc, l'amendement est rejeté. Ça dispose,
d'après ce que je comprends...
M. Khelfa: Le député de Rimouski est contre aussi.
Il est ici, juste en arrière.
Le Président (M. Doyon): Alors, le paragraphe 3°, j'en
fais la lecture juste pour qu'on s'entende là où on est rendu:
«3° les versions française et anglaise des textes visés
aux paragraphes 1° et 2° ont la même valeur juridique.»
Alors, M. le ministre, sur ce paragraphe en particulier, le
troisième.
M. Ryan: II me semble que c'est un corollaire de ce qui est
contenu en 1° et 2°. On a dit, à maintes reprises depuis le
début des échanges, que l'article 133 affirmait le principe de
l'égalité des 2 langues française et anglaise dans les
actes dont traite cette disposition constitutionnelle. Alors, on dit ici, en
corollaire, «les versions française et anglaise des textes
visés aux paragraphes 1° et 2° c'est-à-dire les
textes auxquels s'applique 133 ont la même valeur
juridique.» Je pense que c'est normal. C'est un corollaire logique, on ne
peut pas faire autrement.
Le Président (M. Doyon): M. le député
d'Anjou.
M. Bélanger (Anjou): J'aurais une question à poser
à cet effet-là. Les règles d'interprétation, je
sais que j'ai déjà vu je ne me souviens pas dans quel
projet de loi des règles d'interprétation contenues dans
des projets de loi qui disent: En cas de divergence d'interprétation
entre les 2 versions, une des 2 versions a préséance, va
prévaloir sur l'autre. Parce que, ce qui arrive quelquefois... Je prends
un exemple. Dans la Loi sur la faillite, il est déjà
arrivé qu'en interprétant le même article en anglais ou en
français, malgré tous les efforts qui sont faits au niveau de la
traduction, on n'arrive pas exactement à la même
définition, au même sens. Ça arrive. Les langues n'ont pas
la même précision. Même, s'il y a quelque chose, la langue
française est encore plus précise que la langue anglaise dans
bien des cas. Pour vous donner la meilleure illustration de ça, la
langue française a été la langue de la diplomatie pendant
des siècles, parce que, justement, les traités étaient
beaucoup plus...
M. Ryan: Vous savez, ce sont des slogans dont on s'est tous
nourris dans notre jeunesse. Je ne suis pas sûr qu'ils soient
fondés. Je ne sais pas si vous connaissez l'oeuvre de John Henry Newman,
un écrivain anglais dont la langue était d'une clarté qui
dépassait tous les théologiens français de son
époque.
M. Bélanger (Anjou): Je lis peu de théologiens, je
m'excuse, M. le Président.
M. Ryan: Je pense que chaque langue a des richesses
considérables. Dire qu'une se distingue de l'autre, je ne suis pas
sûr. En tout cas.
M. Bélanger (Anjou): M. le Président, je donne mon
opinion.
M. Ryan: Si vous me permettez...
M. Bélanger (Anjou): Encore là, je ne sais
pas...
M. Brassard: II est devenu cardinal.
M. Ryan: À 85 ans.
M. Bélanger (Anjou): M. le Président, il me donne
toujours... Je suis un peu flatté parce que le ministre semble toujours
donner comme valeur d'évangile à ce que je dis. C'est juste une
opinion que j'émets, une opinion bien modeste, bien simple, qui est
basée sur mon expérience, malgré mes quelque 30
années. Évidemment, je n'ai pas l'expérience de M. le
ministre... (16 h 40)
Une voix: Tant mieux.
M. Bélanger (Anjou): ...et c'est pour ça,
d'ailleurs, que j'aime bien les échanges qu'on a, parce que j'apprends
beaucoup de choses. Je pense qu'à tout âge on apprend et c'est
très intéressant. Mais moi, ce que je disais...
M. Ryan: Oui. Je vais écouter la fin de l'intervention. Je
m'excuse. Vous n'aviez pas fini, hein?
M. Bélanger (Anjou): Non, je n'ai pas fini. Alors, ce que
je disais, c'est que j'ai déjà vu, dans des lois, et ça,
peut-être que votre conseiller juridique pourrait me le confirmer ou
pourrait me l'infirmer, qu'en cas de difficulté d'interprétation
ou d'interprétations différentes qui sont données à
un même article de loi, entre 2 versions, française et anglaise,
il est possible de donner, je ne me souviens pas dans quel projet de loi
exactement, mais à ce moment-là, on prend la version qui est la
plus favorable à une partie ou à une autre pour
qu'elle ait préséance sur l'autre. Est-ce que c'est vrai,
premièrement, ce qu'on...
M. Ryan: Voulez-vous répéter la question?
M. Bélanger (Anjou): Bien, je voudrais savoir si vous avez
envisagé cette solution? Est-ce que c'était possible d'envisager
cette solution, de donner préséance à la version
française par rapport à la version anglaise, tout en ayant la
même valeur juridique? Ça n'entache pas la valeur juridique. Ce
n'est pas dire, finalement, que la valeur légale, la version anglaise
est moins bonne. C'est rien que dire qu'en cas de difficulté
d'interprétation, si on arrive à 2 interprétations qui
sont différentes, à ce moment-là, on donne
préséance à l'interprétation française.
Est-ce que ça aurait été possible?
M. Ryan: Regardez, nous avons déjà une disposition,
dans la Loi d'interprétation, qui prévoit la
préséance du français. Il y a une disposition du projet de
loi, ici, qui abroge cette disposition, plus loin, dans le projet de loi,
à la fin, à l'article 60. On aura l'occasion d'y revenir. Puis,
on est obligé de l'abroger, parce que c'est inconstitutionnel, dans la
mesure où ça vient contredire le principe de
l'égalité.
Maintenant, sur la préséance à donner à une
langue, dans l'arrêt relatif aux droits linguistiques au Manitoba, la
Cour suprême a rendu une décision dont je vous lis un certain
extrait: L'alinéa 2, l'article 5, vont à rencontre de l'exigence
énoncée dans Blaikie I, que les versions anglaise et
française des lois fassent pareillement autorité. L'alinéa
2a prévoit que, lorsqu'une version n'a pas le même sens que
l'autre version, le texte législatif original l'emporte sur sa
traduction subséquente. L'article 5 dispose que, pour toutes les lois
adoptées avant le 1er janvier 1981, toute ambiguïté ou
incohérence dans les renvois à d'autres lois doit se
résoudre en fonction du texte anglais de ces lois.
Ça, c'était la loi du Manitoba sur laquelle porte jugement
la Cour suprême. Puis la Cour continue: Ces dispositions ne peuvent
être maintenues. Tout mécanisme de solution de divergence de sens
entre la version anglaise et la version française d'une loi qui accorde
la préférence à un texte plutôt qu'à l'autre
a pour effet de rendre ce dernier texte juridiquement inapplicable, puisqu'on
ne peut pas s'y fier.
M. Bélanger (Anjou): Alors, on fait quoi, quand on arrive
à 2 dispositions qui ne disent pas la même chose?
M. Ryan: Pardon?
M. Bélanger (Anjou): On arrive à quoi, quand on
arrive à 2 versions d'un même article de loi qui ne disent pas la
même chose? On fait quoi?
M. Ryan: C'est le tribunal qui tranche en fonction de
l'étude comparative des 2.
Une voix: C'est la discrétion que j'ai ici.
M. Ryan: Mais oui.
M. Bélanger (Anjou): C'est ça.
M. Ryan: Oui. C'est très bon. Ça fait 2 textes
auxquels il peut se référer. Il peut arriver que le texte va
prendre l'hypothèse la plus désagréable pour commencer. Il
peut arriver que le texte français soit ambigu, incomplet, puis que le
texte anglais comporte des clartés dont ne s'était pas rendu
compte le législateur, puis le juge va trancher toujours en faveur du
droit du contribuable. C'est ça qui est son rôle. Et, moi, je
trouve que c'est loin de rabaisser la civilisation. Au contraire, je trouve que
ça la hausse d'un petit cran.
M. Bélanger (Anjou): M. le Président, dans...
M. Ryan: La règle que j'ai citée, M. le
Président...
M. Bélanger (Anjou): ...la logique bilingue,
peut-être, du ministre, c'est peut-être vrai, ce qu'il dit,
mais...
M. Ryan: Mais regardez, en matière de tribunaux,
là, ou on a le principe de l'égalité des 2 langues, en
vertu de 133, ou on ne l'a pas. On l'a. Selon nous, on l'a. Ça fait
qu'il faut bien être logique. Mais si vous nous dites: Oui, ici, il y
a... Ce n'est pas bilinguisme au sens que les 2 langues sont obligatoires
partout, cependant. Ce n'est pas ça qu'il dit. C'est
l'égalité des 2 langues. C'est un principe noble, en
matière de justice. Je suis prêt à vivre avec ça,
moi. À l'intérieur du Canada, oui. Je ne vois pas en quoi je me
diminue. Nos tribunaux fonctionnent comme ça depuis 125 ans. On a une
très bonne science juridique. Vous en êtes un représentant.
Je pense que le droit est une des disciplines qui a fleuri le plus au
Québec. On a des très bons juristes, justement, peut-être
parce qu'ils ont cette possibilité de côtoyer continuellement 2
cultures juridiques et 2 langues. Il n'y a presque personne qui a
pratiqué le droit longtemps qui va nous dire qu'il a été
diminué à cause de ça. On entre dans l'épaisseur de
notre réalité. Vous le...
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): Est-ce que vous êtes
prêts à voter sur le troisième paragraphe?
Une voix: Oui.
M. Brassard: M. le Président.
Le Président (M. Doyon): M. le député.
M. Brassard: On me signale que, dans la Charte canadienne des
droits et libertés, qui fait partie de la Loi
constitutionnelle de 1982, il est indiqué, à l'article 55
des dispositions générales, que le ministre de la Justice du
Canada est chargé de rédiger, dans les meilleurs délais,
la version française des parties de la Constitution du Canada qui
figurent à l'annexe. Toute partie suffisamment importante, dès
qu'elle est prête à être déposée pour adoption
par proclamation du gouverneur général sous le grand sceau du
Canada, conformément à la procédure applicable, à
l'époque, à la modification des dispositions constitutionnelles
qu'elle contient...
On m'informe que ça n'a pas été fait encore. Ce
n'est pas fait. Il y a toute une série de textes constitutionnels qui
n'ont pas encore de version française. Et, à l'article 56, on dit
que les versions française et anglaise des parties de la Constitution du
Canada adoptées dans ces 2 langues ont également force de loi. En
outre, ont également force de loi, dès l'adoption, dans le cadre
de l'article 55, d'une partie de la version française de la
Constitution, cette partie et la version anglaise correspondante. Sauf que ce
n'est pas fait. Ce n'est pas fait actuellement.
Alors, ça fait c'est en 1982, ça maintenant
11 ans. Et ce n'est pas fait. Donc, la Constitution canadienne qui
prévoit que les versions française et anglaise des textes
constitutionnels ont également force de loi, c'est une abstraction,
parce que les versions françaises n'existent pas encore après 11
ans. Alors, il me semble qu'on devrait peut-être être moins
pressé, parce que les lois fondamentales mêmes qui nous
régissent ne respectent pas encore cette disposition pourtant
jugée majeure. Et, nous, on serait d'une rapidité, d'une
diligence phénoménale, exemplaire.
Il me semble bien qu'avant qu'on s'engage dans cette voie-là on
pourrait peut-être au moins exiger que les dispositions
constitutionnelles il ne s'agit même pas de simples lois
soient respectées dans ce régime fédéral
considéré comme le meilleur et le plus approprié par nos
amis d'en face.
M. Ryan: Le moins mauvais.
M. Brassard: Pardon?
M. Ryan: Le moins mauvais.
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: Un grand compromis canadien.
M. Brassard: Je vois que le ministre apporte des nuances.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ryan: J'en cherche sans cesse.
M. Brassard: Mais la question est quand même
sérieuse. Ça fait 11 ans, ça fait 11 ans puis ce n'est pas
fait.
M. Ryan: Regardez, on m'informe...
M. Brassard: Alors, il y a une disposition constitutionnelle
puis, encore là, j'insiste, on ne parle pas de loi qui
prévoit que l'égalité en ce qui a trait à la
version française et anglaise a également force de loi. Mais,
dans les faits, ce n'est pas applicable parce que, les textes constitutionnels,
on a oublié de les traduire et d'en prévoir une version
française jusqu'à maintenant. Il me semble qu'on pourrait
être moins pressé.
M. Ryan: M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Oui, M. le ministre.
M. Ryan: Si l'Opposition veut nous donner son appui explicite,
nous allons prier le ministre des Affaires intergouvernementales et le premier
ministre de multiplier et de presser les démarches afin qu'on obtienne
ce texte. Je pense que c'est vrai, la question évoque une situation
réelle, d'après les informations que me communique Me Gosselin,
et c'est regrettable. Je ne sais pas, je pourrais hypothétiser sur les
explications possibles. Il y en a plusieurs. En particulier, par exemple,
toutes les modifications qu'on avait entrepris d'apporter à la
Constitution, ça aurait peut-^tre conduit à une Constitution
complètement nouvelle, complètement refaite, là, de
manière à avoir un peu plus d'unité. Peut-être, je
ne sais pas, mais je n'ai pas été associé à ces
travaux-là. Je ne suis pas en mesure de vous le dire. Je ne sais pas si
Me Gosselin aurait des précisions à nous apporter
là-dessus, au plan des faits? (16 h 50)
Le Président (M. Doyon): Me Gosselin.
M. Gosselin: II y a, effectivement, eu des travaux qui se sont
faits. Il y a des rapports qui ont été produits et, d'ailleurs,
on a eu, l'année dernière, un des derniers rapports qui a
été fait là-dessus, sauf qu'il n'y a rien... Il y a une
partie de la Constitution, par contre, pour laquelle il existe un texte
français, la Charte canadienne et la loi de 1982 sont dans les 2
langues. Et il y a eu des cas, par exemple, dans le cas de la Charte, où
on a interprété, dans l'article 6, la version anglaise à
la lumière de la version française. Il y a eu des cas comme
ça.
Mais, pour la loi de 1867, il n'y a pas encore, finalement, de texte
officiel.
M. Brassard: Y compris pour l'article 133? M. Gosselin: Y compris
pour l'article 133.
M. Brassard: C'est quand même étonnant. On se soumet
à l'article 133 et l'article 133 n'a même pas de version
française.
Une voix: Aïe! c'est grave.
M. Brassard: Par conséquent, on ne peut pas parler
d'égalité en termes de force de droit puisque l'article 133
lui-même, auquel on se soumet présentement, n'a pas une version
française. On est chez Alice au pays des merveilles, hein.
M. Ryan: On peut être légaliste aussi, mais il faut
distinguer les choses plutôt théoriques des faits. Dans les faits,
si vous regardez les arrêts qu'a rendus la Cour suprême dans
l'affaire Blaikie, on cite l'article 133 et on le cite dans les 2 langues. Les
jugements de la Cour suprême sont tous rendus en français et en
anglais. On cite l'article 133 dans son texte français et les jugements
sont rédigés en fonction de ces traductions qui sont
établies et tout ça. Je suis sûr que ça a
été vérifié par la Cour suprême pour que la
version française soit parfaitement harmonisée avec la version
anglaise. Je pense qu'il n'y a pas de danger de ce
côté-là.
M. Brassard: Sauf qu'à l'époque, M. le ministre,
où les jugements Blaikie ont été rendus, c'est avant la
loi de 1982. C'est avant, donc, les dispositions constitutionnelles qui
stipulent que les versions française et anglaise ont également
force de loi. C'est avant ça que ça s'est passé.
M. Ryan: Je comprends, mais, depuis ce temps-là, quand ils
ont été saisis de cet arrêt-là, de cette
cause-là, ils ont établi eux-mêmes... Us commencent, ils
donnent les textes au début, et ils les donnent dans les 2 langues.
M. Brassard: II reste que, M. le Président, on se trouve
dans une situation un peu aberrante, pour ne pas dire absurde. Et, dans ce
contexte-là, le gouvernement ne serait pas malvenu d'être moins
diligent et d'être moins empressé. Il pourrait peut-être,
avant d'aller de l'avant dans cette direction-là, exiger un certain
nombre de choses sur le plan constitutionnel, que les dispositions
constitutionnelles soient d'abord respectées avant qu'on aille dans le
sens indiqué dans le projet de loi. La conclusion que j'ai, moi,
actuellement, c'est qu'il y a des rapports le conseiller juridique nous
dit qu'il y a des rapports mais il semble bien que les rapports sont sur
les tablettes et les traducteurs sont sur les tablettes aussi. Ça
n'avance pas.
M. Ryan: M. le Président, il y a une chose qu'on va devoir
vérifier, là. Je vais le vérifier et je pourrai en parler
demain ou après-demain, ou au début de la semaine. Il y a eu des
périodes prolongées où le Québec a refusé de
participer aux travaux, sous le règne du Parti québécois.
Après l'adoption...
M. Brassard: C'est loin, ça.
M. Ryan: ...de la Loi constitutionnelle de 1982, pendant 3 ans,
il n'y avait pas de participation à des travaux de cette nature. Chez
nous, après l'échec du lac Meech, nous sommes restés en
dehors de ces travaux-là pendant quelques années
également. Ça fait que là il va falloir voir si...
Ça a peut-être eu un effet sur le progrès des travaux,
ça. Je vais vérifier et je vous en reparlerai.
M. Brassard: Bien.
M. Ryan: Mais ça n'est pas... Je pense que ça ne
modifie en rien, là, l'intention et la signification de l'article 1, M.
le Président.
M. Brassard: Je comprends que vous allez en parler à votre
collègue, le ministre de la Justice et responsable des Affaires
intergouvernementales canadiennes et du dossier constitutionnel...
Une voix: Et jurisconsulte.
M. Brassard: ...et jurisconsulte qui va, lui-même, faire
des démarches. J'espère qu'elles seront plus efficaces que les
démarches nombreuses épistolaires et de toute autre nature de son
collègue, M. Bourbeau. En matière de main-d'oeuvre, ça
n'avance pas beaucoup. On espère que les démarches vont
être plus fructueuses.
Le Président (M. LeSage): Ça va pour l'article
3°? M. le député d'Anjou.
M. Bélanger (Anjou): Oui, M. le Président, tout
à l'heure, le conseiller juridique a fait mention d'un arrêt de la
Cour suprême qui avait déclaré invalide toute
préséance qu'on pouvait donner à une version d'une loi par
rapport à une autre. Est-ce que je pourrais juste avoir la
référence, s'il vous plaît?
M. Gosselin: C'est le renvoi manitobain no 2.
M. Bélanger (Anjou): Le no 2? C'est celui du 23 janvier
1992?
M. Gosselin: Renvoi manitobain... Je m'excuse, c'est le renvoi no
1. Les droits linguistiques du Manitoba 1985, 1-RCS, 721, page 778.
M. Bélanger (Anjou): Je vous remercie.
Le Président (M. LeSage): Mme la députée de
Chicoutimi.
Mme Blackburn: Je ramène la question de mon collège
de Lac-Saint-Jean. Est-ce que le ministre ne trouve pas un peu
précipité cette idée d'assujettir les lois
québécoises, la Charte de la langue française...
Évidemment, je partage l'avis de Mme Bissonnette, il faudrait appeler
ça au moins la charte du bilinguisme. Ce serait plus conforme, parce
que, là, on le reconnaît par cet article. Est-ce qu'il ne serait
pas plus sage, plus respectueux de la population majoritairement
française ici, au Québec, que de dire: Avant qu'on soumette nos
propres lois à 133, il faudrait peut-être qu'il y ait une
version
française? Là, ça veut dire qu'on assujettit nos
lois aux versions anglaises. Est-ce que c'est normal? Est-ce que c'est
légitime? Est-ce qu'il n'y a pas là-dedans de la
précipitation? Vous êtes d'accord avec moi, M. LeSage, ça
n'a pas... Je trouve que trop, c'est trop.
Le Président (M. LeSage): M. le ministre.
Mme Blackburn: Ça ne vous semble pas un peu...
M. Ryan: Moi, je trouve que ce sont des querelles de symbole qui
n'ont aucun rapport avec la réalité. Jamais, à ma
connaissance, l'interprétation que la Cour suprême a donnée
de 133 n'a soulevé de difficultés au regard d'une version
française à laquelle nous autres sommes habitués ici.
Jamais, à ma connaissance, il n'y a eu de problèmes
sérieux qui ont découlé de ça. S'il y avait des
difficultés, mais il n'y en a pas. On est arrivé... Et ça,
l'usage de plusieurs langues, il faut se faire à l'idée que c'est
très général et que ça va l'être de plus en
plus, pas de moins en moins, de plus en plus, dans les sociétés
modernes et, en particulier, pour le fonctionnement des gouvernements.
Alors, ici, on a des travaux qui sont en marche. J'ai dit que je
donnerais des renseignements là-dessus. Mais ça ne change rien,
ça, à l'intention que nous avons. Je pense que le but que nous
poursuivons est beaucoup plus important, dans ses conséquences
pratiques, que la démarche que voudrait nous inspirer la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Est-ce que le ministre peut nous
répéter que les guerres de symbole, pour lui, ça ne
l'impressionne pas, alors qu'il a lui-même déclaré que
l'affichage, c'était davantage un symbole? Et là, tout à
coup, il est en train de céder à un symbole. Il y en a un qui est
important et l'autre ne l'est pas?
M. Ryan: Chaque chose dans son ordre. Des symboles, il y en a
peut-être 500 000 en tout, dans le... Ils n'ont pas tous la même
importance parce qu'ils portent ce nom-là. C'est évident. Il faut
apprécier chacun selon sa place dans l'ordre des choses, son rapport
avec d'autres réalités comparables, assimilables ou non
assimilables. Ça, c'est infini.
M. Bélanger (Anjou): Donc, pour certains gros symboles,
ça vaut la peine de faire la guerre, c'est ça?
M. Ryan: Ça dépend des cas. Si un peuple se bat
pour son drapeau... Il y a des peuples qui n'accordent pas beaucoup
d'importance au drapeau, d'autres qui en accordent beaucoup. Ça
dépend. Aux États-Unis, ils ont fait des croisades. À un
moment donné, vous savez ce que la Cour suprême a
décidé. Elle a décidé que fouler le drapeau aux
pieds, ce n'était pas un crime. Il y en a beaucoup... Tous les partisans
d'une orthodoxie rigide trouvaient que c'était aussi pire que de violer
les saintes espèces. La Cour suprême a dit: Ça ne va pas
jusque-là.
Mme Blackburn: Diriez-vous que le symbole français pour le
Québec, et une traduction française, c'est un symbole qui a moins
de valeur que l'affichage?
M. Ryan: Non, je dis que dans ce cas-ci nous avons
déjà des traductions françaises accréditées
pour toutes les fins pratiques que nous pouvons envisager de l'article 133. Ce
n'est pas ça qui manque. Il y en a beaucoup. Ça fait longtemps
que le gouvernement fédéral publie la Constitution de 1867 dans
les 2 langues. Ils ont commencé ça dans les années
quarante.
Mme Blackburn: Sauf qu'elles ne sont pas...
M. Ryan: Pardon? Oui, mais on s'en sert à toutes fins
utiles. C'est la même chose. Et la Cour suprême elle-même
donne toujours les 2 versions quand elle est saisie de causes qui traitent de
133. Il y a une formalité pour des questions de politique qui n'a pas
été consommée encore. C'est tout.
M. Brassard: M. le Président.
M. Ryan: Mais là on prétend accrocher toute une
décision comme celle-ci à ça, non.
M. Brassard: Je veux bien, sauf que... Je vous signale que c'est
peut-être parce qu'on a prévu un processus extrêmement
compliqué que, 11 ans après, ce n'est pas chose faite. (17
heures)
Je reviens à l'article 55. Comment la version française
des textes constitutionnels doit-elle être adoptée? C'est par
proclamation du gouverneur général sous le grand sceau du Canada,
conformément à la procédure applicable, à
l'époque, à la modification des dispositions constitutionnelles
qu'elle contient. 1867, ça veut dire que c'est le Parlement de Londres.
C'est la reine, c'est le Parlement de Londres. Il faudrait retourner au
Parlement de Londres ou alors, si on se réfère à la
procédure d'amendement prévue à la Loi constitutionnelle
de 1982, là, c'est l'unanimité des Législatures et du
Parlement de la Chambre des communes. Alors, c'est peut-être là
l'explication du retard. C'est parce que c'est tellement compliqué, mais
la situation est quand même celle-là. Actuellement, on est en
train de se soumettre, de façon très détaillée,
à une disposition constitutionnelle qui s'appelle l'article 133, dont la
seule version authentique est la version anglaise. Surprenant!
M. Ryan: On peut se scandaliser, si on veut, mais je vais vous
donner seulement un exemple. Quand on a fait la Loi constitutionnelle de 1982,
le Nouveau-Brunswick a adhéré officiellement à l'article
133. C'est inscrit dans la loi de 1982: Langues officielles du Canada,
l'article 18 et les autres. On reprend des textes de 133, et on a une version
française et une version anglaise. Pour le
Nouveau-Brunswick, maintenant, ça marche à cause de
ça. Le Manitoba, lui, n'a même pas de version officielle,
actuellement.
M. Brassard: Mais il n'en demeure pas moins, M. le ministre, que
vous reconnaissez que la version authentique de l'article 133, sur le plan
légal et constitutionnel, c'est la version anglaise.
M. Ryan: C'est une loi qui a été adoptée en
Angleterre en 1867. On sait tous ça là, on ne fait pas une
découverte aujourd'hui, j'espère.
M. Brassard: Ce n'est pas une découverte! Pour beaucoup,
c'en est une, certain.
M. Ryan: Et, depuis ce temps-là, on fonctionne avec des
traductions. J'ai mentionné 1940, tantôt, ça devrait
remonter beaucoup plus loin en arrière. Mais, depuis 1940-1945, surtout
depuis le gouvernement de M. Pearson, on a toujours fonctionné avec les
2 textes là-dessus. Peut-être qu'il n'a pas été
officialisé, parce qu'il y avait des complications du côté
des gouvernements, qui ont rendu ça impossible, mais, à toutes
fins utiles, nous l'avons déjà, et, comme j'ai dit tantôt,
prenez les jugements de la Cour suprême, les 2 textes sont là. Ce
n'est pas pour rien...
M. Brassard: M. le ministre, nous aussi, depuis longtemps ici en
cette Chambre, on fonctionne avec les 2 textes; ce n'est pas nouveau là,
ce n'est pas une nouveauté, ce n'est pas une innovation. On fonctionne
avec les 2 textes depuis longtemps, mais là, nous, on vient dire,
cependant, que les 2 textes ont également force de loi, ils sont sur le
même pied.
M. Ryan: Oui.
M. Brassard: Version anglaise, version française, alors
que ce qui nous régit sur le plan constitutionnel, ce n'est pas le cas,
c'est, jusqu'à maintenant, la version anglaise qui est la seule
authentique.
M. Ryan: Mais, nous autres, nous prenons la chose, non pas la
forme, non pas l'enveloppe, nous prenons la chose, et la chose, c'est que les 2
langues sont considérées comme égales dans les projets de
loi. Obligatoire. Les 2 langues peuvent être utilisées
facultativement, devant les tribunaux, dans les interventions faites à
l'Assemblée nationale. C'est la res qui compte, la chose. Au bout de la
ligne là, c'est ça qui compte, et là on le met dans nos
termes à nous, ça va être officiel en français. Mais
oui.
M. Brassard: Vous ne trouvez pas ça aberrant, M. le
ministre... Je comprends ce que vous dites, mais ne trouvez-vous pas ça
aberrant que les dispositions constitutionnelles sur lesquelles on s'appuie,
notre assise constitutionnelle pour justifier le bilinguisme...
M. Ryan: Écoutez, je comprends, mais, si
c'était...
M. Brassard: Sa version... La seule authentique, c'est la version
anglaise, c'est quand même un peu... On est un peu dans
l'absurdité là.
M. Ryan: Oui, mais ça... Il faudrait dire aussi, si on
veut parler de ça, que depuis la Loi sur les langues officielles,
à Ottawa, qui doit remonter à peu près à 1963, si
mes souvenirs sont bons, monsieur? C'est déjà loin pour vous,
ça. Je ne sais pas si vous étiez au monde à ce
moment-là, mais, pour nous autres, c'est tout récent. Depuis
cette loi-là, toutes les lois adoptées par le Parlement canadien
sont adoptées dans les 2 langues. Ça en fait un paquet,
ça, de textes, là, dont les tribunaux doivent user, en tenant
compte de l'égalité qui est garantie dans ces textes aux 2
langues. La Loi sur les langues officielles du Canada est une des mesures
législatives en matière linguistique les plus
évoluées du monde entier, qui suscite l'admiration partout
à travers le monde. Et on est très avancé. Si ce
cas-là, sur lequel vous essayez de vous arrêter,
compréhensiblement, était vraiment indicatif de la tendance qu'on
a suivie depuis un quart de siècle, je serais découragé
moi-même. C'est une exception qui reste à régler. C'est un
petit cas qui est là.
M. Brassard: Au Parlement fédéral, on adopte les
lois dans les 2 langues, bien sûr, parce que, en vertu de 133... C'est
à cause de 133. Ce n'est pas depuis...
Mme Blackburn: Bien oui.
M. Ryan: Donc, on a les lois dans les 2 langues depuis une
secousse. Et déjà, dans la pratique, je serais surpris... On
pourrait faire la comparaison de la version française qui circulait dans
les années trente et celle qui circule aujourd'hui. Pour moi, ça
doit être la même chose.
M. Brassard: Ils ne s'entendent pas? Je comprends. Ce n'est pas
ça, le problème. C'est que le bilinguisme
législatif...
M. Ryan: Oui, mais l'usage...
M. Brassard: ...se fait en vertu d'une disposition
constitutionnelle...
Une voix: Unilingue anglaise.
M. Brassard: ...dont la version, la seule authentique, est
anglaise. C'est ça, la situation absurde.
M. Ryan: Oui, mais la consécration par l'usage n'est point
négligeable. Dans ce cas-ci, la consécration par l'usage est
très forte. ... n'importe quelle traduction qui portera 2 ou 3
signatures de premiers ministres.
M. Brassard: Enfin, on peut compter que vous allez faire les
démarches auprès de...
M. Ryan: Avec votre appui, et j'espère que vous presserez
vos collègues en Chambre.
M. Brassard: ...votre collègue pour avoir au moins des
explications pourquoi ce n'est pas plus avancé que ça.
M. Ryan: Ça, je pense que le salon bleu serait l'endroit
parfait pour un de vos magnifiques exercices oratoires. Ici, c'est trop
petit.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Blackburn: Non, mais plus sérieusement.
Le Président (M. LeSage): Mme la députée de
Chicoutimi.
Mme Blackburn: Comme il y a une version officielle anglaise, dans
les cas de divergence Me Gosselin pourrait peut-être nous
renseigner là-dessus comme il n'y a qu'une interprétation
officielle, c'est l'anglaise qui prévaut. Est-ce qu'il n'y a pas eu des
cas qui ont mis en opposition une version non officielle française, qui
n'existe pas, qui n'a pas été officialisée, par rapport
à la version d'origine anglaise?
M. Gosselin: Je l'ignore. Il faudrait que je reconsulte... La loi
de 1867, c'est surtout sur le partage des compétences. Donc, je n'ai pas
révisé la jurisprudence là-dessus. Il faudrait que
je...
Mme Blackburn: Et, s'il y avait divergence, évidemment,
comme il n'y a pas de version officielle en français, c'est l'anglaise
qui s'applique.
M. Ryan: M. le Président.
Le Président (M. LeSage): M. le ministre.
M. Ryan: S'il y avait eu divergence, ce serait enregistré
dans les jugements rendus depuis 25 ans. Et je n'ai pas souvenance d'un
arrêt où un juge aurait dit qu'il ne pouvait pas souscrire
à telle conclusion parce qu'on avait donné une
interprétation différente, selon qu'on prenait le texte
français, un mot français ou le texte anglais. Je n'ai pas
souvenance de ça. Je ne prétends pas avoir tous ces textes dans
la tête, mais il n'y en a pas beaucoup qui ont échappé
à ma lecture. Je n'ai pas souvenance de ça. On pourra faire une
vérification ce soir. On peut essayer d'appeler le juge de
Grandpré, que l'Opposition apprécie beaucoup.
Mme Blackburn: Oui. Une voix: Ah oui...
M. Ryan: II a siégé à la Cour suprême
pendant plusieurs années. Qui a siégé à part
ça, qui a démissionné aussi? Il y en a un autre. Le juge
Beetz est décédé maintenant, malheureusement. Oui, je
cherchais un juge du Québec. Il me semble qu'il y en a un autre qui
s'est retiré récemment. On pourrait appeler... On va faire des
consultations. Vous en ferez de votre côté.
Mme Blackburn: Ça va?
Le Président (M. LeSage): Ça va, Mme la
députée de Chicoutimi?
Mme Blackburn: Le paragraphe 4°.
Le Président (M. LeSage): Alors, paragraphe 4°, Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: «toute personne...
Le Président (M. LeSage): «toute personne peut
employer le français ou l'anglais dans toutes les affaires dont sont
saisis les tribunaux du Québec et dans tous les actes de
procédure qui en découlent.»
Mme Blackburn: Y compris les personnes morales.
M. Ryan: Regardez, une personne morale ne se présente pas
devant le tribunal. Ce sont des individus qui la représentent. Une
personne morale, ça ne se déplace pas, à ma connaissance.
La compagnie Sun Life, ça n'arrive pas, comme telle, devant le tribunal.
C'est M. Blaikie, avocat, ou M. Johnson... C'est lui qui a le droit.
Mme Blackburn: Oui, mais ce n'est pas lui qui assume la
responsabilité individuelle. C'est la personne morale, l'institution ou
l'entreprise.
M. Gosselin: C'est le choix du plaideur, c'est un droit du
plaideur comme c'est un droit du juge, comme c'est un droit du
témoin.
Mme Blackburn: Mais la tradition...
M. Ryan: C'est l'apparaissant devant le tribunal.
Mme Blackburn: ...dans ces cas, par rapport à la personne
morale lorsqu'il y a... L'on sait qu'il y a quelques causes.
M. Ryan: Au Québec, vous n'avez jamais vu, encore une
fois, la compagnie Bell Canada présente en personne devant le tribunal.
Ça n'existe pas ça. Ce qui existe, c'est M. Jean de
Grandpré, procureur de la compagnie Bell Canada qui, lui, se
présente devant le tribunal ou M. Lawrence Stancey ou un autre. (17 h
10)
Mme Blackburn: Mais ce n'est pas lui, c'est Bell Canada.
M. Ryan: Je comprends, au bout de la ligne, oui, mais devant le
tribunal, là, ce qu'on définit, ce sont des droits des
apparaissant devant le tribunal, les procureurs, les témoins, les
experts, le juge. C'est ça qui est défini. C'est pour ça
que «personne morale» ici, si on acceptait ça, on se trouve
à réduire énormément les droits des apparaissant
devant le tribunal, en particulier des juristes, des témoins, aussi.
C'est pour ça qu'il y a ce redressement qui est proposé.
Le Président (M. LeSage): M. le député de
Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Je voudrais savoir... L'article 11 de la Charte de
la langue française se lit comme suit: «11. Les personnes morales
s'adressent dans la langue officielle aux tribunaux et aux organismes
exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires. Elles plaident
devant eux dans la langue officielle, à moins que toutes les parties
à l'instance ne consentent à ce qu'elles plaident en langue
anglaise.»
L'article 11 de la loi actuelle, je voudrais savoir s'il a
été contesté devant les tribunaux et s'il a
été invalidé par des tribunaux, l'article 11?
M. Ryan: Dans l'arrêt du juge Deschênes et dans les
arrêts Blaikie, toutes les dispositions de cette partie de la Charte ont
été examinées une à une.
M. Brassard: Y compris nommément l'article 11? M. Ryan:
Une à une, oui, oui.
Mme Blackburn: Alors qu'ils ont le choix sur consentement.
M. Ryan: N'est-ce pas, M. le conseiller? Ne vous gênez pas
pour me contredire. Si j'affirme des faussetés, la vérité
est toujours en premier avec nous.
M. Gosselin: C'est clair, depuis les arrêts Mac-Donald,
entre autres, et Société des Acadiens et, aussi, Blaikie I, que
133 accorde aux justiciables, aux avocats, aux témoins, aux juges, aux
autres officiers de justice le droit d'utiliser à leur gré le
français ou l'anglais lorsqu'ils prennent la parole dans le cadre d'un
débat judiciaire ou lorsqu'ils rédigent un acte de
procédure. Et c'est leur droit. Même s'il représente une
compagnie, l'avocat qui représente la compagnie peut choisir à
son gré. C'est ça que lui donne 133. Je ne vous dis pas que la
pratique peut... Peut-être que, lorsqu'ils représentent une
compagnie anglaise, ils vont choisir un avocat qui va s'exprimer en anglais, je
l'ignore, sauf que 133 garantit ce droit-là, le droit de choix, le droit
d'option et c'est ça qu'on vient exprimer à cette
disposition.
M. Brassard: Est-ce que je comprends bien, dans ce cas-là,
qu'en vertu de ces jugements auxquels vous faites référence il
n'y a pas de distinction devant les tribunaux du Québec et les tribunaux
canadiens entre une personne physique et une personne morale? Il n'y a pas de
telle distinction.
M. Gosselin: ...une personne physique ou une personne morale,
l'avocat a le choix. C'est son choix personnel. Ce n'est pas le choix de la
personne qu'il représente, qu'elle soit personne physique ou personne
morale. Et le témoin qui comparaît devant le tribunal, c'est son
choix à lui de s'exprimer dans la langue de son choix. C'est ça
que lui garantit 133. Donc, il n'est pas question de distinction entre personne
physique et personne morale parce que c'est toujours une personne physique qui
exerce le droit et c'est elle qui a le choix de le faire.
M. Ryan: Pour une fois, c'est traité expressément
dans la cause Blaikie.
M. Gosselin: Et aussi dans MacDonald. Je peux vous citer: 1986,
l-RCS,460, aux pages 483, 484, le juge Beetz pour la majorité; et la
même chose dans la Société des Acadiens contre Association
de parents, 1986, 1-RCS,549, aux pages 574, 575. Et, ça, c'est de
jurisprudence constante.
M. Bélanger (Anjou): On a repris nommément cet
article-là pour dire qu'il était invalide ou c'est par
interprétation du jugement qu'on en vient à la conclusion que, si
cet article venait à interprétation, il serait invalide?
M. Gosselin: C'est dans Blaikie I qu'on l'a invalidé.
M. Bélanger (Anjou): On l'a invalidé
nommément? L'article 11 est invalide. C'est ça? Ça le dit
dans Blaikie?
M. Gosselin: Oui, oui.
M. Bélanger (Anjou): Non, mais je voudrais savoir de
l'expert...
M. Ryan: Oui, le juge Deschênes l'a dit clairement et il
est confirmé par les autres, ensuite.
M. Bélanger (Anjou): Je voudrais avoir la
référence.
M. Ryan: Oui, oui, on va vous la procurer, si vous voulez avoir
le texte des jugements, ça...
M. Bélanger (Anjou): Non, non. L'expert n'a pas
répondu à ma question. Est-ce que, nommément, l'article 11
a été invalidé?
M. Ryan: Même dans Deschênes, ça allait plus
loin que ça. Les parties sont tombées d'accord séance
tenante que le mot «personne» s'applique aux personnes morales
comme aux personnes physiques. Elles sont tombées d'accord séance
tenante.
M. Bélanger (Anjou): Oui, mais ça c'est des
admissions dans un procès, M. le Président. Ça ne fait pas
partie d'un ratio decidendi d'un jugement, à ma connaissance.
M. Ryan: Qui a été confirmé par le tribunal
dans sa conclusion.
M. Gosselin: Je ne vois pas l'intérêt de savoir: une
personne morale ou une personne physique.
M. Bélanger (Anjou): Mais la question que je pose, ce
n'est pas ça. Moi, je demande si l'article lia été
spécifiquement invalidé par un arrêt de la Cour
suprême. Ou c'est...
Le Président (M. LeSage): Me Gosselin.
M. Gosselin: Dans Blaikie I, en entérinant implicitement
cette partie du jugement du juge Deschênes, où, lui,
réfère à ça, d'après nous, il a
été invalidé explicitement.
M. Bélanger (Anjou): Donc, si je comprends bien...
Le Président (M. LeSage): M. le député
d'Anjou.
M. Bélanger (Anjou): Merci, M. le Président. Le
Président (M. LeSage): Allez-y.
M. Bélanger (Anjou): Donc, si je comprends bien, ça
n'a pas été... D'après votre interprétation et
d'après l'interprétation large que vous donnez à ce
jugement-là, si 11 venait à être contesté, il serait
invalidé. Mais ce jugement-là n'est pas réellement
invalidé.
M. Gosselin: On a invalidé, écoutez, 8 à 13,
dans le dispositif du jugement de Blaikie I.
M. Bélanger (Anjou): Ah! 8 à 13 a été
dans les conclusions de jugement?
M. Gosselin: Oui.
M. Bélanger (Anjou): Ah bon!
M. Ryan: On ne peut pas demander plus clair.
Le Président (M. LeSage): Ça va pour l'article
4°? Le paragraphe 4°, ça va?
(Consultation)
Le Président (M. LeSage): M. le ministre? M. Ryan:
À quel article sommes-nous?
Le Président (M. LeSage): J'ai demandé si, le
sous-paragraphe 4°, ça allait?
M. Ryan: Oui, nous sommes prêts à voter. Mme
Blackburn: Ça va.
Le Président (M. LeSage): Ça va? Est-ce que
l'article 7 est adopté?
M. Brassard: On n'a pas fini 7, M. le Président.
Le Président (M. LeSage): Bien oui. M. Brassard: II
reste 8 et 9.
Le Président (M. LeSage): Oui, mais le 7 est fait.
M. Brassard: Oui, le 7 est fait, mais l'article 1 comprend 7, 8
et 9.
Le Président (M. LeSage): Je croyais que le
président avait mentionné qu'il étudiait article par
article.
M. Brassard: C'est-à-dire, l'article de la loi 86,
l'article 1 comprend des amendements à 7, 8 et 9 de la Charte. Ça
fait partie de l'article 1. Là, c'est 8.
Le Président (M. LeSage): Alors, j'appelle l'article 8,
qui se lit comme suit: «8. S'il existe une version anglaise d'un
règlement ou d'un autre acte de nature similaire auxquels ne s'applique
pas l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867, le texte
français, en cas de divergence, prévaut.»
M. le ministre.
M. Ryan: Je pense que nous l'avons expliqué amplement par
anticipation tantôt. Si nous établissons antérieurement
dans le texte que les actes qui ne sont pas visés expressément
par la jurisprudence instituant l'article 133 peuvent subir une autre
règle linguistique que celle de l'égalité, bien, ça
va être la règle de la prévalence du français, la
priorité du français. C'est ce que nous disons ici: S'il existe
une version anglaise d'un règlement ou d'un autre acte de même
nature auxquels ne s'applique pas 133, le texte français, en cas de
divergence, prévaut. Par exemple, supposez que vous avez un
règlement municipal qui a été adopté dans les 2
langues par une municipalité qui a un statut de municipalité
bilingue, et une contestation surgit, à ce moment-là, le
texte français prévaut. Alors, ce n'est pas
négligeable, des règlements municipaux, il s'en adopte des
milliers par année.
Mme Blackburn: En 8, on reconnaissait 1 langue officielle dans la
loi d'origine: Si les projets de loi sont rédigés dans la langue
officielle, ils seront également en cette langue déposés
à l'Assemblée nationale. Non, ce n'est pas tout à fait le
même... Ce n'est pas celui-là qui se trouve à valider.
M. Ryan: Oui, mais, quand on reconnaît à une
municipalité...
Mme Blackburn: Oui, oui, je sais, mais à quelle place on
le retrouve là-dedans?
M. Ryan: ...un statut bilingue, elle peut adopter ses
résolutions dans les 2 langues. Il n'y a rien qui empêche
actuellement la ville de Montréal d'adopter une résolution en
anglais, si elle le veut, mais elle n'a pas de valeur officielle.
M. Bélanger (Anjou): Mais là, finalement...
Le Président (M. LeSage): M. le député
d'Anjou.
M. Bélanger (Anjou): Oui, merci. Mais là,
finalement, M. le Président, on donne une certaine valeur officielle
à un texte anglais qui n'avait pas nécessairement à
être en anglais, on lui donne une certaine valeur. On dit que le texte
français a préséance, mais on reconnaît une valeur
légale, une valeur au texte anglais. Est-ce que le ministre est d'accord
avec mon interprétation? Bien, c'est ça que je ne comprends pas.
C'est que, normalement, il ne devrait pas avoir de valeur légale. On lui
donne une valeur légale mais on dit que c'est le texte français
qui a préséance. Ça ne fonctionne pas, là. C'est
comme la Constitution canadienne, là. (17 h 20)
M. Brassard: Bien oui.
M. Bélanger (Anjou): Ça ne marche pas. Ça ne
fonctionne pas.
M. Brassard: M. le Président, est-ce qu'on ne devrait pas
plutôt stipuler que c'est seul le texte français qui a valeur
légale?
M. Bélanger (Anjou): Bien oui. C'est ça qu'on
devrait dire. On ne l'empêchera pas mais on ne lui donne pas une valeur
légale.
M. Brassard: II peut y avoir une version anglaise, mais la valeur
légale n'est attribuée qu'au texte français.
M. Bélanger (Anjou): Ah oui! Ça, ça serait
logique. Parce que si on donne un ordre de préséance c'est qu'on
donne une certaine valeur au texte anglais. Sinon, on ne parlerait pas de
préséance, on dirait: C'est juste le texte français qui a
valeur légale.
Le Président (M. LeSage): M. le ministre.
M. Ryan: Regardez, on va prendre l'article 113f, là.
L'article 113f entraîne différentes possibilités pour les
municipalités bilingues, là. Je vais vous lire l'article 23 de la
Charte actuelle: «Les organismes et services reconnus en vertu du
paragraphe f de l'article 113 doivent assurer que leurs services au public sont
disponibles dans la langue officielle. «Us doivent rédiger dans la
langue officielle les avis, communications et imprimés destinés
au public. «Ils doivent élaborer les mesures nécessaires
pour que leurs services au public soient disponibles dans la langue
officielle...» Mais ils peuvent également adresser leurs avis dans
une langue autre que le français, y compris leurs textes de
règlements.
M. Bélanger (Anjou): Non, mais ce n'est pas ça, le
problème. Ce n'est pas les empêcher de...
M. Ryan: Non, laissez-moi finir. Ils peuvent envoyer le texte
d'un règlement en français et en anglais à leurs
constituants s'ils le veulent. Puis on dit, ici: «S'il existe une version
anglaise d'un règlement ou d'un autre acte de nature similaire auxquels
ne s'applique pas l'article 133 [...] le texte français, en cas de
divergence, prévaut.» Il est là, le texte anglais. Quand
même on ne voudrait pas, il est là. Il y a une limite de vouloir
jouer à la cachette puis toujours le puritanisme excessif.
M. Bélanger (Anjou): Ce n'est pas du puritanisme. Il faut
une certaine rigueur, quand même. Quand on dit que c'est juste le texte
français qui devrait exister et puis que, légalement je
dis bien légalement... Moi, ça ne me dérange pas, le fait
qu'il existe dans les faits, ce document en anglais. Mais on ne peut pas lui
donner une reconnaissance.
M. Ryan: On va regarder ça comme il faut, là.
Regardez à l'article 19 de la Charte. Voulez-vous me dire quelque chose,
M. Gosselin?
(Consultation)
Le Président (M. LeSage): M. le ministre.
M. Ryan: Je vais d'abord vous donner un extrait de la Charte
actuelle. «Les avis de convocation des ordres du jour et des
procès de toute assemblée délibérante dans
l'administration sont rédigés dans la langue officielle.»
Il n'y a rien qui interdit, en vertu de l'article qui vient plus loin 89
que ce soit rédigé dans la langue anglaise aussi.
M. Bélanger (Ai\jou): Je suis d'accord avec vous, mais ce
n'est pas ça, le problème.
M. Ryan: II n'y a rien qui l'interdit. «Dans le cas
où la présente loi n'exige pas l'usage exclusif de la langue
officielle, on peut continuer à employer à la fois la langue
officielle et une autre langue.» En vertu de ça, ils ont le droit
d'avoir une version anglaise d'un règlement.
M. Bélanger (Anjou): Oui. Mais de là à leur
donner...
Le Président (M. LeSage): M. le député
d'Anjou.
M. Bélanger (Anjou): Merci, M. le Président. M.
Ryan: Je peux terminer?
M. Bélanger (Anjou): Excusez-moi. Terminez, M. le
ministre.
Le Président (M. LeSage): Allez-y, M. le ministre. C'est
à vous.
M. Ryan: Je reconnais la grande courtoisie du
député d'Anjou, M. le Président, et je n'étais pas
blessé par cet écart très, très
momentané.
Alors, ils ont le droit d'avoir une version anglaise de leurs
règlements. On dit: S'il y a un conflit qui existe entre les 2, c'est la
version française qui prévaut. On ne peut pas demander mieux.
S'ils n'avaient pas le droit d'avoir une version anglaise, d'après la
Charte comme elle est, je comprendrais. Maintenant, en plus de ceci, M.
Gosselin m'informe qu'en vertu de nos pratiques actuelles il y a un certain
nombre de règlements qui sont publiés dans la Gazette
officielle du Québec et ils doivent l'être dans les 2 langues
même s'ils ne tombent pas sous le coup de 133. Alors, dans ces
cas-là ça, il y en a... je pourrai donner des exemples, si
vous voulez c'est la version française qui prévaut. Puis
ce n'est pas, par conséquent, une fiction, là. On ne
légifère pas pour régir des bulles de savon. Il y a
déjà des exemples concrets qui existent en grand nombre.
Le Président (M. LeSage): M. le député de
Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Ou bien donc ça veut dire quelque chose que
le français est la langue officielle ou bien non ça ne veut rien
dire.
Une voix: C'est ça.
M. Brassard: Si ça veut dire quelque chose que le
français est la langue officielle, ça veut dire que, tout ce qui
n'est pas soumis à l'article 133, c'est la langue officielle qui
prévaut et c'est la version française qui a valeur
légale.
Une voix: C'est ça.
M. Brassard: Sinon, ça ne signifie rien, ça,
«le français est la langue officielle». C'est une bulle,
comme dirait le ministre. C'est un voeu pieux. C'est une belle phrase sans
portée, sans signification. Bon, 133 s'applique et impose un certain
nombre d'obligations. C'est ce qu'on est en train de discuter depuis un bon
moment. Mais, tout ce qui n'est pas soumis à 133, c'est la disposition:
le français est la langue officielle, qui prévaut. Et, donc,
c'est la version française qui a valeur légale, de sorte que...
Je ne sais pas si ma collègue veut proposer un amendement mais on a un
amendement en ce sens-là.
M. Ryan: Avant qu'on aille jusque...
M. Brassard: J'ai un amendement et je le propose, M. le
Président.
L'article 8, tel qu'introduit par l'article 1 du projet de loi 86, Loi
modifiant la Charte de la langue française, est modifié: par le
remplacement, dans la troisième et quatrième ligne, des mots
«le texte français, en cas de divergence, prévaut»
par les mots «seul le texte français a valeur
légale».
Le Président (M. LeSage): Merci, M. le
député de Lac-Saint-Jean. Je suis prêt à vous
entendre maintenant sur la recevabilité de cette motion.
M. Brassard: Peu de choses sur la recevabilité. Je pense
que, quand on regarde nos dispositions et nos règles régissant la
procédure d'amendement, ça la respecte en tout point. Ça
remplace des mots par d'autres sans affecter le principe même du projet
de loi, d'aucune façon. Ça respecte aussi, je pense, l'esprit de
la Charte. Ça, c'est l'argument principal de fond que j'utiliserai mais,
quant à la recevabilité, je pense que nos règles de
procédure en matière d'amendement sont tout à fait
respectées, ce qui rend parfaitement recevable la motion que je
présente.
Le Président (M. LeSage): Est-ce qu'il y a d'autres
intervenants sur la recevabilité de cette motion?
M. le ministre.
M. Ryan: Non. Votre jugement est meilleur que le nôtre.
Le Président (M. LeSage): Alors, je suspends pour quelques
instants pour prendre en délibéré la recevabilité
de cette motion.
(Suspension de la séance à 17 h 28)
(Reprise à 17 h 30)
Le Président (M. LeSage): Je prie les membres de la
commission de reprendre leur place. Alors, j'ai regardé l'amendement et
j'en viens à la conclusion qu'il me semble qu'il est recevable. Alors,
je suis prêt à entendre le premier intervenant sur la motion
d'amendement.
M. Brassard: Oui, bien, M. le Président...
Le Président (M. LeSage): M. le député de
Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: .. .je pense que ça rejoint un peu les propos
qui étaient les nôtres avant que je présente ma motion.
L'argument principal, c'est ou ça signifie quelque chose, le
français, la langue officielle, ou ça ne veut rien dire. C'est un
voeu pieux pour la galerie. Si ça signifie quelque chose, ça veut
dire, à ce moment-là, qu'on est soumis à suffisamment de
contraintes comme ça, qui résultent de l'article 133 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique, que, quand on n'est pas soumis aux
dispositions de l'article 133, bien là, l'article qui prévoit que
le français est la langue officielle s'applique dans toute sa
portée et dans toute son ampleur. Et je pense que, par la motion que
j'apporte, c'est une façon tout à fait acceptable, convenable de
l'appliquer, cette disposition première, fondamentale. Parce qu'il est
important qu'on stipule que tout ce qui n'est pas soumis à l'article
133, c'est la version française, donc la version dans la langue
officielle qui a valeur légale et qui a seule valeur légale. Ce
qui n'empêche pas qu'existent des versions anglaises. Ça, c'est
évident. D'ailleurs, c'est déjà le cas
présentement. Les versions anglaises existent déjà pour ce
qui est des règlements ou tout autre acte auquel ne s'applique pas
l'article 133; c'est déjà le cas, c'est déjà la
réalité. Sauf que c'est une chose que de prévoir une
version anglaise pour les Québécois de langue anglaise, ça
en est une autre de préciser la valeur légale de l'une ou l'autre
des versions. Et, à partir du moment où ces règlements et
actes de nature semblable ne sont pas soumis à l'article 133, je pense
qu'il est tout à fait, non seulement souhaitable mais essentiel, que
l'on précise fort bien, sans équivoque, que c'est la version
française qui a la seule valeur légale. De cette façon, au
moins pour ces documents ou actes publics, documents officiels de cette nature,
on sera assuré que la disposition fondamentale de la Charte de la langue
française prévoyant que c'est le français qui est la
langue officielle, bien, ça veut dire quelque chose, ça signifie
quelque chose et ça a une portée véritable et
réelle.
Alors, voilà, M. le Président. Je pense que ça
tombe sous le sens. Je ne veux pas prendre plus de temps qu'il faut. On en a
discuté tout à l'heure, avant que je dépose la motion. Je
reprends les arguments qu'on avait exprimés tout à l'heure. Mon
collègue a sans doute quelques remarques à ajouter mais je ne
tiens pas plus que ça à faire mes 20 minutes. Je pense que c'est
suffisant et ça tombe sous le sens. Et, dans ces conditions, je
souhaiterais qu'un tel amendement soit adopté à
l'unanimité.
Le Président (M. LeSage): Merci, M. le
député de Lac-Saint-Jean. Est-ce que le ministre a des
commentaires à faire sur cet amendement?
M. Ryan: Je serais porté à comparer ce que nous
faisons un petit peu à l'institution conciliaire, si on partait du
Concile de Trente, qu'on arrive à Vatican II... Ha, ha, ha! Là,
il ne faut pas oublier que c'est un exercice d'aggiornamento que nous faisons
et non pas de retour à la lettre. Il ne faut pas nous demander de
retourner avant le Concile de Trente.
M. Brassard: De Trente à Vatican II, il y a un bon espace.
Il a plusieurs siècles.
M. Ryan: II y a eu Vatican I qui était plus proche du
Concile de Trente que de Vatican II dans son esprit. Quibus dictis...
M. Brassard: Je n'en disconviens pas.
M. Ryan: Pardon?
M. Brassard: Je n'en disconviens pas.
M. Ryan: Vous n'en disconvenez pas, hein. Je pense que vous avez
enseigné l'histoire, déjà. Mais c'était
plutôt l'histoire du Québec, je pense.
M. Brassard: Plutôt.
M. Ryan: Dans la Charte actuelle, et là j'aimerais que nos
conseillers juridiques m'écoutent pour me contredire s'il y a eu, il n'y
a rien qui traite de la langue des règlements des municipalités.
Puis, le seul article auquel je puisse me référer comme point de
départ, là, il y en a 2: il y a l'article 15 où il est
dit: «L'administration rédige et publie dans la langue officielle
ses textes et documents», puis il y en a un autre, l'article 19 où
il est dit: «Les avis de convocation, les ordres du jour et les
procès-verbaux de toute assemblée délibérante dans
l'administration sont rédigés dans la langue officielle.»
Alors, 19, ça ne couvre pas les règlements. On parle des
règlements, là, nous autres, on est dans 133. Alors, je suis
obligé de me référer à 15, prendre la règle
générale: «L'administration rédige et publie dans la
langue officielle ses textes et documents.» Puis, là, tout de
suite, étant donné la formulation, je suis obligé d'aller
à 89 où l'on dit: «Dans les cas où la
présente loi n'exige pas l'usage exclusif de la langue officielle, on
peut continuer à employer à la fois la langue officielle et une
autre langue.» Ça va? Franchement, il faut être
sérieux. Si on utilise un conseil municipal...
M. Brassard: Vous ne voulez pas dire qu'on n'est pas
sérieux? J'espère que ce n'est pas le cas.
M. Ryan: Non, j'essaie de l'être de mon côté,
tu sais, avant de souscrire à ce que vous dites, là. Je ne veux
pas juger, pas du tout. Vous avez eu un ton exemplaire depuis le début
de nos travaux en commission, puis j'en suis très édifié,
même si je souhaiterais que le rythme fût un petit peu plus...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ryan: Et comme je sais qu'il n'y a aucune mauvaise
pensée dans ce rythme, c'est seulement l'acclimatation graduelle
à l'air de Vatican II, puis je sais que ce n'était pas facile
pour les plus anciens. Alors, ici, je vous dis, vous ne pouvez pas nous
demander honnêtement d'autoriser une municipalité à adopter
un règlement à la fois en français puis en anglais, puis
dire: Ça, tu l'adoptes en anglais, mais ça ne compte pas, c'est
juste pour la frime. Tu vas te présenter, une petite concession qu'on te
fait, un petit cadeau, un petit dessert, mais, quand tu vas arriver devant la
vraie chose, ça ne compte pas du tout. Il faut quand même avoir un
peu d'humanité, puis on n'a pas beaucoup de municipalités qui ont
un statut bilingue. Il y en a en tout et partout à peu près
125?
Une voix: Une centaine.
M. Ryan: Une centaine. C'est toutes des petites
municipalités, là, en général, qui ont quelques
centaines d'habitants chacune, quelques milliers tout au plus. Au total,
ça représente à peu près 300 000 personnes, au
maximum. Mais, là, qu'il arrive qu'ils engagent un avocat pour
défendre une cause qui surgit d'une plainte ou de représentations
d'un citoyen ou d'une personne morale, on dit: Là, votre texte,
ça ne vaut rien. On vous avertit, ça ne vaut rien. Ils s'en vont
devant le tribunal avec les 2 textes. Il y a un conflit à propos d'un
texte parce que les traductions, à ce niveau-là, ne sont pas
toujours de la plus grande perfection. Il ne faut pas oublier ça non
plus. Là, le tribunal va dire: Bien, il y a un conflit; la langue
française prévaut.
Je pense que c'est une bonne règle que nous proposons. Puis je
crois que ce problème n'était pas résolu dans la Charte
actuelle. Nous faisons progresser la Charte, nous lui donnons un
développement favorable à l'affirmation prioritaire du
français.
Alors, je pense que, dans cette perspective, je ne peux pas
honnêtement accepter la proposition de modification qui nous est faite
parce que je ne pense pas que je pourrais la défendre en conscience
devant les municipalités. Je pense que l'Opposition va convenir que,
pour les municipalités qui sont reconnues comme bilingues ou les
conseils d'administration d'institutions reconnues comme bilingues, par rapport
à l'usage de l'anglais, ce serait un recul, ceci, comparativement au
texte que nous avons actuellement dans la Charte. Puis je crois que le texte
actuel n'a pas créé de problème. On n'a pas eu de
difficulté à ce sujet-là. Ça a bien
été. Puis, dans la modification que nous proposons, nous
améliorons les choses parce que, ce que nous disons, c'est ceci: Les
documents qui sont astreints à 133, eux autres, les 2 langues sont sur
un pied d'égalité pour l'interprétation puis, ceux qui ne
le sont pas, le français prévaut en cas de divergence. C'est
là qu'est le développement nouveau qui est quand même
appréciable parce qu'il existe déjà, le texte anglais,
dans certains cas. Puis même, là, il y a des règlements
dont on vous a parlé tantôt qui doivent présentement, en
vertu de la discipline existante, être publiés dans les 2 langues
même s'ils ne tombent pas sous le coup de 133. (17 h 40)
Alors, c'est pour ça que nous ne pouvons pas accepter la
proposition d'amendement. Je comprends l'esprit dont elle s'inspire mais nous
ne pouvons pas l'accepter.
Le Président (M. LeSage): M. le député
d'Anjou.
M. Bélanger (Anjou): Je vous remercie, M. le
Président. Je pense qu'il faut que le ministre comprenne que ce n'est
pas juste une question de nombre, c'est une question de principe aussi. Je
pense que c'est ça qu'il faut comprendre. Ce n'est pas juste en disant:
Écoutez, ça s'applique uniquement à une centaine de
municipalités, pas plus que tant de milliers de personnes. C'est une
question de principe, un moment donné. Est-ce que, oui ou non, c'est le
français la langue officielle ou pas? Je comprends qu'il faut être
respectueux, comme le dit le ministre, de la langue anglaise, dans certains
cas. Mais, là, c'est une question de principe. Est-ce qu'on veut faire
une Charte de la langue française pour dire que la langue officielle
c'est le français ou pas? À un moment donné, c'est un
principe, je pense, fondamental de cette loi, à moins que le principe
fondamental ait changé. Je ne pense pas. C'est quand même pour
donner un certain statut au français. On lui donne un statut ou on n'en
donne pas. Ce n'est pas juste de remonter, comme on pourrait être
tenté de dire, d'une certaine façon, l'anglais au niveau du
français, là. Je suis certain que, si je disais ça, le
ministre nous accuserait tout de suite d'avoir une pensée souverainiste
ou séparatiste.
Mais, écoutez, un moment donné, la Charte de la langue
française, c'est quand même pour donner une certaine
primauté au français. C'est le français, la langue
officielle. Ça n'a pas changé, ça. C'est pour ça
que j'ai un petit peu de difficulté à suivre cette logique.
Et il ne faut pas oublier aussi que les documents qui ne sont pas
assujettis à 133, ce ne sont pas juste des règlements municipaux.
On ne parle pas juste de règlements municipaux. Le ministre donne un
exemple de règlements municipaux. Mais il y a d'autres documents aussi.
Même des documents du gouvernement qui ne sont pas soumis, d'après
moi, comme des rapports
annuels de ministères, des choses comme ça. Ce n'est pas
soumis par 133, ça. Je ne pense pas que ce soit soumis par 133.
M. Ryan: Non, non.
M. Bélanger (Anjou): Donc, il faut y aller plus large
qu'uniquement les règlements municipaux. Puis, il ne faut pas
interpréter nos propos comme disant qu'on veut interdire aux
municipalités de faire des versions, dans différentes langues, de
leurs règlements. Si une municipalité décide de faire une
version en portugais de ses règlements, pour certains membres de sa
communauté, si elle veut prendre sur elle de faire ça,
écoutez, on n'a absolument rien contre ça. Ce n'est pas la
question. C'est de là à donner un caractère officiel
à ces règlements. C'est ça. Un caractère juridique
à ces documents. C'est ça la différence. Et, le principe,
je pense qu'il est affirmé quand même, mais il faut qu'on
l'affirme dans ce projet de loi que c'est le français qui est la langue
officielle, sauf exception. Et c'est là que je ne comprends pas la
logique. Quand on a étudié le paragraphe 2° de l'article 7,
et qu'on avait mentionné quels étaient les documents qu'on devait
traduire en français et en anglais, je pense que c'était assez
exhaustif. Dans les autres cas... Les documents qui ne sont pas couverts par
133, on n'a pas l'obligation d'en faire une version anglaise. Ils n'ont pas, en
vertu de la loi, une valeur officielle, une valeur légale. Alors,
pourquoi leur donner une valeur légale? On ne nie pas leur existence. On
ne nie pas ce qui se fait. Ils peuvent exister, ils peuvent être
là. Mais, de là à leur reconnaître une valeur
légale, là, je pense que c'est inadmissible.
M. Ryan: Je pense que...
M. Bélanger (Anjou): C'est pour ça que je reconnais
la politesse du ministre. Je le remercie. Je n'avais pas fini mon propos.
M. Ryan: C'est parce qu'il y avait eu une interruption, et je me
disais...
M. Bélanger (Anjou): C'était pour mieux ramasser
mes pensées. M. le Président, je pense que c'est tout simplement
ce que tend à faire l'amendement qui est proposé. C'est tout
simplement pour réaffirmer le principe que c'est le français la
langue officielle. On ne nie pas l'existence-du règlement qui peut
exister dans une autre langue. On ne le nie pas. On ne souhaite pas non plus sa
disparition. Mais on veut tout simplement que soit réaffirmé le
principe sous-jacent, qui devrait être sous-jacent à ce projet de
loi, et qui est que, le français, c'est la langue officielle, sauf
exception.
Alors, je pense que c'est dans ce sens-là tout simplement. Je ne
comprends pas. On ne cherche pas à nier ce qui existe
déjà. De là à leur donner un caractère
officiel et juridique, c'est une autre affaire. C'est ce pas-là que, je
pense, on ne doit pas franchir.
Le Président (M. LeSage): M. le ministre.
M. Ryan: J'ai dit ce que j'avais à dire. Je n'ai pas
d'autre chose à ajouter, je pense.
Le Président (M. LeSage): Est-ce qu'il y a d'autres
commentaires de la part des parlementaires sur ces projets...
M. Ryan: Je pense que ce qui fait défaut dans l'approche
du député d'Anjou, c'est l'empathie. On ne légifère
pas uniquement pour un objectif abstrait. On légifère pour que
les gens soient heureux. Et si vous avez une municipalité, encore une
fois, ou prenez un hôpital qui est anglophone, reconnu comme tel, il
adopte un règlement. Il l'adopte en français. Évidemment,
il est obligé de par la loi, de par l'article 15 et il l'adopte
également en anglais. Si on lui dit: Ton texte anglais, c'est juste pour
t'accommoder, ça ne vaut rien au point de vue légal...
Mettez-vous dans la position de ces gens-là qui ont quand même une
aspiration juste à l'égalité. On dit: Oui, on va
reconnaître ton texte, excepté que, en cas de divergence, c'est le
français qui va prévaloir. Ça, ça va. Mais dire:
Ton texte n'a pas de signification, pas de valeur légale, c'est pousser
l'affaire loin. Et moi, je me mets dans la position de ces gens-là.
À moins que vous ayez décidé qu'ils sont aussi bien de ne
pas rester au Québec à moins de s'assimiler totalement, c'est une
position qui n'est plus celle du Parti québécois, d'après
le texte que j'ai lu récemment. Et ça a été
clarifié par rapport à des affirmations qu'on a pu entendre
à d'autres époques et j'en suis très heureux, pour ma
part. Mais, à ce moment-là, il faut reconnaître ça,
il me semble que ce n'est pas la fin du monde. On dit: En cas de litige, de
divergence entre les 2 textes, c'est le texte français qui
prévaut. Des fois, ça peut être très utile,
ça peut être très utile d'avoir l'autre
élément comme base de comparaison, comme point d'intelligence
d'un texte dont la qualité en français, comme je le disais
tantôt, ne sera pas toujours parfaite pour toutes sortes de hasards
inhérents à l'expérience de la traduction. Mais je
comprends...
Le Président (M. LeSage): Est-ce que l'amendement est
adopté?
M. Brassard: Vote.
Le Président (M. LeSage): Vote nominal. M. le
secrétaire, si vous voulez appeler le vote, s'il vous plaît.
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Brassard
(Lac-Saint-Jean)?
M. Brassard: Pour.
Le Secrétaire: M. Bélanger (Anjou)?
M. Bélanger (Anjou): Pour.
Le Secrétaire: M. Libman (D'Arcy-McGee)?
M. Libman: Contre.
Le Secrétaire: M. Ryan (Argenteuil)?
M. Ryan: Contre.
Le Secrétaire: M. Tremblay (Rimouski)?
M. Tremblay (Rimouski): Contre.
Le Secrétaire: M. Khelfa (Richelieu)?
M. Khelfa: Naturellement contre.
Le Secrétaire: Et M. Bradet (Charlevoix)?
M. Bradet: Contre.
Le Secrétaire: M. LeSage (Hull)?
Le Président (M. LeSage): Abstention.
Le Secrétaire: Alors, 2 pour, 6 contre, 1 abstention.
Le Président (M. LeSage): Alors, la motion est
rejetée. Est-ce que ça complète l'article 8, M. le
député de Lac-Saint-Jean?
M. Brassard: Oui.
Le Président (M. LeSage): Si vous le permettez, MM. les
membres de la commission, on va reprendre le résultat du vote: c'est 2
pour, 5 contre, 1 abstention. Est-ce que ça va pour l'article 8?
M. Brassard: Oui, ça va.
Le Président (M. LeSage): Alors, l'article 9, qui se lit
comme suit: «9. Tout jugement rendu par un tribunal judiciaire et toute
décision rendue par un organisme exerçant des fonctions quasi
judiciaires sont traduits en français ou en anglais, selon le cas,
à la demande d'une partie, par l'administration tenue d'assumer les
coûts nécessaires au fonctionnement de ce tribunal ou de cet
organisme.»
M. le ministre.
M. Ryan: Regardez, c'est un corollaire de ce que nous avons
discuté antérieurement, M. le Président. Lorsqu'il est
clairement établi que le magistrat ou celui qui en tient lieu à
la tête ou comme membre d'un organisme judiciaire ou quasi judiciaire
rend sa décision, il est libre de la rendre en français ou en
anglais. Mais, en retour, il faut qu'il existe une disposition claire
garantissant aux citoyens, à la personne qui est impliquée dans
une cause, le droit d'avoir le jugement dans sa langue.
Ce qu'on prévoit, avec ceci, c'est que le jugement, quelle que
soit la langue où il a été rédigé, devra
être traduit en français ou en anglais à la demande d'une
partie. Il suffira qu'une partie le demande pour que le jugement soit traduit
en français ou en anglais aux frais de l'administration tenue d'assumer
les coûts nécessaires au fonctionnement de ce tribunal ou de cet
organisme.
S'il s'agit d'une cour municipale, à ce moment-là,
ça sera aux frais de la municipalité qui vaque au financement de
la cour municipale. Si c'est un tribunal d'arbitrage, ce sera aux frais des
parties, conformément aux pratiques qui existent dans ce secteur. Si
c'est la Cour supérieure, ça sera aux frais de la Cour
supérieure, dont l'administration est financée par le
gouvernement du Québec. La Cour d'appel aussi. Alors, je pense que
ça fait partie de tout cet édifice. Je sais que ça
crée des difficultés pour certains, mais je pense qu'une fois
qu'on a accepté les prémisses... Je vais aller plus loin, si on
ne donne pas cette garantie, le justiciable, au bout de la ligne, c'est lui qui
va souffrir là, tandis que là il peut l'exiger.
Le Président (M. LeSage): Merci, M. le ministre. M. le
député de Lac-Saint-Jean.
M. Ryan: Je connais un magistrat qui est bilingue. Savez-vous ce
qu'il fait, M. le Président? Il rédige toujours son jugement dans
la langue de la partie perdante. Ça fait qu'il n'a jamais de demande de
traduction de la partie gagnante. Puis il n'en a pas de l'autre non plus parce
qu'il le rédige dans sa langue. Il dit: Vous devriez mettre ça
dans votre loi; ça réglerait bien des problèmes
économiques, mais je n'ose pas le proposer.
Le Président (M. LeSage): Merci, M. le ministre.
M. le député d'Anjou.
M. Bélanger (Anjou): Je me demande pourquoi je pose
la question au ministre on n'a pas prévu qu'un jugement qui n'est
pas rendu en français ne soit pas automatiquement, sans qu'il y ait une
demande d'une partie, traduit en anglais, encore dans le respect du fait que la
langue officielle, c'est le français. Moi, j'ai déjà eu le
cas de clients qui recevaient des jugements en anglais alors qu'ils ne
parlaient pas un mot d'anglais. Je me demande pourquoi, automatiquement,
puisque, quand même, la langue officielle c'est le français, il
n'y a pas une copie en français qui est envoyée automatiquement.
Je me demande pourquoi il faut que ce soit à la demande d'une partie.
Sans brimer le droit du juge à vouloir rédiger son jugement en
anglais.
Le Président (M. LeSage): M. le ministre.
M. Ryan: J'en ai manqué une partie et je n'oserais pas
l'interpréter sans avoir... (17 h 50)
Le Président (M. LeSage): M. le député
d'Anjou, si vous voulez bien reformuler, s'il vous plaît.
M. Bélanger (Anjou): Oui. Je posais la question au
ministre s'il avait considéré le fait de rendre automatique la
traduction d'un jugement rendu en anglais, c'est-à-dire non dans la
langue officielle et sans qu'une partie ait à en faire la demande, et
ceci sans brimer le droit du juge anglophone de vouloir rédiger dans sa
langue, là. Telle n'est pas la portée de mes propos. Mais je
trouve ça quand même assez spécial qu'un particulier qui
reçoit un jugement en anglais soit obligé de demander la
traduction en français, alors que la langue officielle est
supposée être le français. Comment est-ce que...
M. Ryan: Regardez, on a examiné ça.
Évidemment, on ne peut pas mettre l'obligation de traduire seulement
dans un sens. C'est toujours le principe d'égalité qui joue.
M. Bélanger (Anjou): Mais la langue officielle, c'est
quoi?
M. Ryan: Le principe d'égalité de 133. Nous sommes
dans des organismes qui relèvent de 133. Là, c'est la langue des
jugements. Si nous allions créer un déséquilibre,
là... Moi, ce que j'ai retenu des jugements dont j'ai fait la lecture,
c'est que, dès que vous introduisez un principe
d'inégalité entre les 2 langues, vous êtes en contravention
de l'article 133. C'est pour ça qu'ici il fallait trouver une clause
symétrique qui échappe à cette critique, parce que nous
avons une clause dans laquelle il est dit: Nous savons, nous autres,
d'expérience, que la grande majorité des jugements sont rendus en
français au Québec.
M. Bélanger (Anjou): Oui, c'est vrai, à ma
connaissance.
M. Ryan: Si nous allions créer l'obligation de traduire en
français, l'obligation généralisée de traduire en
français les jugements produits en anglais, là, on nous
arriverait tout de suite avec une demande de généraliser la
traduction vers l'anglais des jugements rendus en français, en vertu de
la logique de 133, ce que nous avons voulu éviter ici
éviter.
Avec ce que nous avons, si nous allions dans cette logique-là, un
argument qu'on m'a fait valoir, c'est que même dans les cours municipales
c'est rendu qu'il y a des jugements de plus en plus longs et, aujourd'hui, un
juge se pense meilleur quand il écrit une décision en 50 pages,
même si elle n'est pas claire, que s'il l'écrivait clairement dans
10 pages. On va être obligé de traduire tout ce
matériel-là. Franchement, c'est faire beaucoup d'honneur à
certains textes, des fois, qui ne méritent peut-être pas toute
cette attention-là.
Avec ce que nous avons, nous garantissons le droit du justiciable, dans
les 2 sens, et la pratique va faire en sorte que la très grande
majorité des jugements vont continuer d'être unilingues
français. C'est ça qui est l'effet net de ceci. Je trouve que la
formule est assez ingénieuse.
Le Président (M. LeSage): Merci, M. le ministre.
M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: M. le député d'Anjou... M.
Bélanger (Anjou): Juste une courte...
Le Président (M. LeSage): M. le député
d'Anjou, vous avez la parole.
M. Bélanger (Anjou): ...réaction. M. le
Président, c'est quelque chose de respecter un jugement, mais, de
là à en prendre la philosophie qu'on semble en dégager et
en faire un genre de loi qui doit s'appliquer partout, c'est quelque chose
d'autre. Je ne pense pas que les arrêts de la Cour suprême qu'on a
cités depuis le début de l'audition à cette cause
empêchent qu'à un moment donné on déclare que le
français est langue officielle. Sinon, si on doit suivre la philosophie
qu'on semble vouloir interpréter aux jugements de la Cour suprême,
à ce moment-là, ça ne sert à rien de dire que le
français est langue officielle. Ce serait lui donner une
préséance par rapport à l'anglais. Il faut quand
même une certaine logique. C'est évident que si la Cour
suprême nous interdit carrément de faire quelque chose, là,
ça pose peut-être un problème. C'est évident! Mais
de là à dire qu'à cause de la philosophie qu'on pourrait
déduire des arrêts de la Cour suprême il ne faut donner
aucune préséance au français par rapport à
l'anglais, à ce moment-là, je pense que ça met en question
toute tentative de faire une Charte de la langue française. Parce que,
sinon, il faudrait dire «Charte des langues française et
anglaise» aussi. C'est ça.
M. Ryan: Mais, regardez...
M. Bélanger (Anjou): J'ai un petit peu de
difficulté avec cette argumentation-là. Peut-être que le
ministre pourrait m'expliquer ça un peu.
Le Président (M. LeSage): M. le ministre.
M. Ryan: Oui. Il faut peut-être revenir au point de
départ. Là, nous partons de l'article 13 de la Charte actuelle.
L'article 13 dit ceci: «Les jugements rendus au Québec par les
tribunaux et les organismes exerçant des fonctions judiciaires ou quasi
judiciaires doivent être rédigés en français ou
être accompagnés d'une version française dûment
authentifiée. Seule la version française du jugement est
officielle.» Alors, ça, ça a été
déclaré institutionnel. O.K.?
M. Bélanger (Anjou): Oui.
M. Ryan: Alors, il faut chercher d'autre chose.
M. Bélanger (Anjou): C'est ça. C'est
peut-être dû au fait que seule la version française est
officielle que l'article a été invalidé, ce n'est
peut-être pas à cause du reste de l'article.
M. le Président, je pense que le ministre sait qu'il s'agit de
modifier un article pour rendre cet article... Finalement, on peut le renvoyer
devant la Cour suprême si c'est un article différent...
M. Ryan: Ici, là, ce qui avait... Non.
M. Bélanger (Anjou): ...et l'interprétation peut en
être autre.
M. Ryan: II y a ce problème-là, mais il y en a un
autre: «ou être accompagnés d'une version française
dûment authentifiée». C'est là qu'est le
problème aussi. Parce que vous ne dites pas que ça doit
être accompagné d'une version anglaise dûment
authentifiée s'il est rédigé en français. On les
rejoint par la logique d'égalité des 2 langues.
M. Bélanger (Anjou): Mais, M. le Président, la
philosophie des arrêts de la Cour suprême... C'est évident
qu'ils obligent la traduction et de donner une valeur légale aux 2
versions. Mais de là à cette espèce de principe
d'égalité absolue... Ce n'est pas ça que 133 dit, M. le
Président, là. Ce n'est pas ça du tout que 133 dit. C'est
facultatif. C'est la liberté de choix du juge. Alors, j'ai de la
difficulté à suivre le ministre dans son raisonnement, j'ai
vraiment beaucoup de difficultés. Moi, je ne pense pas...
M. Ryan: Le principe de base qu'on a ici, là... Excusez.
Finissez. Je m'excuse, là, le député n'avait pas
terminé.
Le Président (M. LeSage): Est-ce que vous aviez
terminé, M. le député d'Anjou?
M. Bélanger (Anjou): Oui, j'ai fini, M. le
Président.
Le Président (M. LeSage): Alors, M. le ministre, la parole
est à vous pour quelques instants.
M. Ryan: Ce que nous visons ici, c'est l'accès des
citoyens à un jugement dans leur langue. Il me semble que c'est un
principe de base, ça, si on parle de l'égalité des langues
dans le système judiciaire, l'accès du citoyen à un
jugement dans sa langue. C'est ça que nous visons. Puis, comme c'est dit
ici, ce n'est pas ça que ça donne. Le texte actuel de 13, nous en
convenons, ça ne donne pas ça. Alors, nous proposons une formule
qui va produire le résultat moyennant le minimum de complications et de
coûts.
Le Président (M. LeSage): M. le député
d'Anjou. M. Ryan: O.K.?
M. Bélanger (Anjou): M. le Président, je veux rien
que revenir à l'argument que j'avais donné tout à l'heure.
Moi, tout ce que je demandais, c'est: Puisque la grande, grande, grande
majorité des jugements je n'ai pas de chiffres là-dessus
est en français, le coût de traduire en français les
quelques jugements qui pourraient être rendus en anglais, d'après
moi, ce ne serait pas faramineux. Et ça se fait déjà. Et
puis on peut laisser la possibilité pour un citoyen anglophone d'avoir
une traduction du jugement en français. On pourrait la laisser, cette
permission-là. Mais je pense qu'il faut quand même donner... C'est
le français, la langue officielle. Il faut quand même lui donner
une certaine valeur.
M, Brassard: Prédominance.
M. Bélanger (Anjou): Prédominance, c'est ça.
(18 heures)
M. Brassard: C'est ça qu'on va faire dans l'affichage,
tantôt. Le concept de prédominance, il va apparaître
bientôt, là, dans l'affichage. Alors, il faudrait peut-être
qu'on le retrouve ailleurs. Là, je suis en train de dire au
président... M. le Président...
Le Président (M. LeSage): M. le député de
Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: ...je suis en train de dire que le concept de
prédominance, c'est un concept qui est très
apprécié par le gouvernement en matière d'affichage. Parce
que, plus loin dans le projet de loi, on va l'aborder, cette notion de
prédominance. C'est une notion qui est très chère au
gouvernement. Peut-être qu'on pourrait l'envisager également dans
d'autres matières. C'est peut-être aussi bon ailleurs.
Le Président (M. LeSage): Alors, compte tenu de l'heure,
si vous le permettez bien, là, je suspens les travaux jusqu'à 20
heures.
(Suspension de la séance à 18 h 1)
(Reprise à 20 h 18)
Le Président (M. LeSage): La commission reprend ses
travaux. Lorsque nous avons ajourné, cet après-midi, la parole
était à M. le député de Lac-Saint-Jean. M. le
député de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Ah oui? Eh bien! Vous m'en direz tant, M. le
Président.
Le Président (M. LeSage): Et nous en étions
à l'article 9.
M. Brassard: Nous en étions à l'article 9.
Une voix: On ne veut pas perdre le rythme. Un train d'enfer.
M. Brassard: M. le Président, ça ne sera pas long.
J'attends M. le ministre.
Le Président (M. LeSage): Alors, M. le
député de Lac-Saint-Jean, la parole est à vous.
M. Brassard: M. le Président, à l'article 9,
j'aurais un amendement à proposer. L'amendement se lirait comme suit:
L'article 9, tel qu'introduit par l'article 1 du projet de loi 86, Loi
modifiant la Charte de la langue française, est modifié: 1 °
par l'ajout dans la troisième ligne, après le mot «quasi
judiciaires», des mots «qui n'ont pas été rendus en
français»; 2° par le remplacement, dans la troisième
ligne, des mots «en français ou en anglais, selon le cas,»
par les mots «dans la langue officielle». Ce qui fait que l'article
9, si les amendements étaient acceptés, se lirait comme suit,
pour fins de compréhension: Tout jugement rendu par un tribunal
judiciaire et toute décision rendue par un organisme exerçant des
fonctions quasi judiciaires qui n'ont pas été rendus en
français sont traduits dans la langue officielle, selon le cas, à
la demande... Non, pas «selon le cas». «Selon le cas»
est enlevé. ...à la demande d'une partie, par l'administration,
etc.
Alors donc: Tout jugement rendu par un tribunal judiciaire et toute
décision rendue par un organisme exerçant des fonctions quasi
judiciaires qui n'ont pas été rendus en français sont
traduits dans la langue officielle, à la demande d'une partie, par
l'administration tenue d'assumer, etc. Voilà!
M. Ryan: Est-ce que vous voulez défendre ça? Des
voix: Ha, ha, ha! M. Brassard: Peut-être.
Le Président (M. LeSage): Alors, vous avez entendu...
Une voix: L'idée nous a effleuré l'esprit.
Le Président (M. LeSage): Est-ce que certains membres de
cette commission veulent plaider la recevabilité ou la
non-recevabilité de cette motion?
M. Jolivet: M. le Président, je pense qu'en termes de
demande de recevabilité je peux la plaider, si vous voulez.
Le Président (M. LeSage): M. le député de
Laviolette. (20 h 20)
M. Jolivet: Alors, dans le contexte effectif de ce qu'est une
motion d'amendement, c'est de prendre une partie du texte, soit d'en ajouter ou
de soustraire. Alors, ici, le but est de soustraire une partie du texte et
d'ajouter une partie du texte. Donc, dans le premier cas de l'amendement
proposé, il s'agit d'ajouter les mots «qui n'ont pas
été rendus» et, dans le deuxième cas, de remplacer
certains mots par d'autres, ce qui fait que le remplacement des mots «en
français ou en anglais, selon le cas» remplacés par les
mots «dans la langue officielle» vient, à notre avis,
clarifier, par cet ajout et ce remplacement, l'article 9 de la Charte de la
langue française inscrit dans l'article 1 du projet de loi 86.
Donc, le but d'un amendement étant soit de retrancher ou
d'ajouter, nous avons les 2 dans ce cas-ci.
Le Président (M. LeSage): Merci, M. le
député de Laviolette.
M. le ministre, des commentaires?
M. Ryan: Non.
Le Président (M. LeSage): Alors, je suis d'opinion que cet
amendement est recevable. Est-ce qu'il y a des commentaires à faire sur
l'amendement comme tel?
M. Brassard: Oui, s'il vous plaît. Quelques remarques.
Le Président (M. LeSage): M. le député de
Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: M. le Président...
Le Président (M. LeSage): Oui, le texte sera
distribué dans quelques instants, M. le ministre.
M. Brassard: Alors, brièvement. On sait que puis
c'est à l'alinéa 4° de l'article 7 tel que proposé
et, ça, c'est toujours s'appuyant sur l'article 133 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique, toute personne, comme c'est dit ici,
peut employer le français ou l'anglais dans toutes les affaires dont
sont saisis les tribunaux du Québec et dans tous les actes de
procédure qui en découlent. C'est facultatif. Ce qui fait qu'il
arrive, puis il est arrivé, il arrive, il arrivera sans doute dans
l'avenir, aussi, que l'anglais sera choisi par des personnes devant les
tribunaux. Soit qu'elles portent plainte, soit qu'elles témoignent, ou
par des juges qui siègent et qui rendent des décisions et qui
écrivent leurs décisions, rédigent leurs décisions
en anglais. Ça arrive, c'est arrivé et ça arrivera aussi,
sans doute, encore dans l'avenir. Ce qui se fait actuellement en pratique, me
dit-on, c'est qu'il existe présentement, au ministère de la
Justice, un service de traduction de façon à ce que les jugements
rédigés en anglais soient traduits puis qu'on puisse rendre
disponible une version française de ces jugements pour toute personne
qui le souhaite. C'est un peu, si l'on veut, la pratique. On me corrigera si
j'ai
tort, mais c'est un peu la pratique.
Je vous signale également que la loi 22, fort bien connue, allait
encore plus loin. La loi 22, dans son article 16, disait: «Le ministre de
la Justice doit faire en sorte que les jugements prononcés en anglais
par les tribunaux soient traduits dans la langue officielle.»
C'était une règle générale. Tout jugement qui
était prononcé et donc rédigé en anglais en vertu
de la loi 22 de 1974 était automatiquement traduit dans la langue
officielle. Nous, par ma proposition, M. le Président, je maintiens le
caractère facultatif. Il faut que ça se fasse sur demande, la
traduction. Pourquoi? Parce que, ma foi, ce n'est pas toujours
nécessaire. Il peut arriver que, devant un tribunal, devant un juge
anglais, une personne anglophone qui porte plainte en anglais, qui
témoigne en anglais, puis toute la cause se déroule en anglais,
puis le jugement est prononcé en anglais, il peut arriver que personne
n'ait besoin ou souhaite une version française du jugement. Alors, dans
ce cas-là, ce n'est pas nécessaire de le faire. C'est pour
ça que je maintiens «à la demande d'une partie» pour
qu'il y ait traduction. Mais cet amendement prévoit quand même,
puisque la langue française est la langue officielle, que la traduction
anglaise ne sera offerte que lorsque les jugements seront rendus en anglais. Ce
qui vient consacrer en quelque sorte la situation qui prévaut
présentement. Donc, ça veut dire que les jugements qui sont
prononcés en français, c'est-à-dire dans la langue
officielle, ils sont valides, point, c'est tout, ils sont prononcés dans
la langue officielle. Et les jugements qui sont prononcés en anglais
peuvent être traduits s'il y a demande. Sur demande d'une des parties ou
des 2 parties, là, ils peuvent être traduits à ce
moment-là. Mais, s'il n'y a pas de demande, ils ne sont pas traduits,
ça reste des jugements qui ont été prononcés en
anglais puisqu'en vertu de l'alinéa 4° de l'article 7 l'une ou
l'autre des 2 langues peut être utilisée facultativement dans les
procédures comme dans les jugements.
Alors, voilà le sens de la proposition, M. le Président.
Ça vient, en quelque sorte, renforcer le caractère officiel de la
langue française, mais, en même temps, ça permet la
traduction française de jugements en anglais s'il y a demande d'une des
parties. Mes collègues ont sans doute peut-être des choses
à ajouter, mais, moi, je me limite à ça. C'est ça,
l'explication de l'amendement, puis il me semble tout à fait raisonnable
et modéré, comme le veut le ministre. Il prétend que son
projet de loi est raisonnable et modéré. Alors, tous nos
amendements, vous le remarquerez, M. le Président, sont
modérés et raisonnables.
Le Président (M. LeSage): Merci, M. le
député de Lac-Saint-Jean. M. le ministre.
M. Ryan: J'aimerais qu'ils le soient. Je n'en suis pas
sûr.
Une voix: ...
(20 h 30)
M. Ryan: Par conséquent, vincibles moyennant
démonstration qui emporte l'adhésion, ce qui reste à
venir. Regardez, le problème qui se pose ici avec l'amendement qu'on
nous suggère, c'est que, contrairement à ce que je soutenais cet
après-midi, il n'y a peut-être pas de lien direct avec l'article
133, ici. L'article 133 ne garantit pas à un citoyen un jugement dans sa
langue. Si c'est une cour fédérale, la législation
fédérale y pourvoit. Si c'est la Cour fédérale, par
exemple, ou la Cour suprême, il faut que le jugement soit rendu dans les
2 langues, mais, les tribunaux provinciaux, ce n'est pas nécessairement
des jugements dans les 2 langues. On n'a pas dit ça, jusqu'à
maintenant.
Là, il y a une autre chose qui intervient, c'est la clause de
non-discrimination inscrite dans la Charte canadienne des droits, à
l'article 15, et dans la Charte québécoise des droits aussi, qui
interdit toute discrimination basée sur différents facteurs, dont
la langue. Et là, si c'est un service qu'on fournit à la
population, un service qui est disponible pour un francophone faisant face
à un jugement rendu en anglais, pour lui donner le droit d'exiger qu'il
soit disponible en français et qu'on ne donne point le même
service à l'anglophone, là, il y a un problème. On risque
d'être attaqué devant les tribunaux, au titre d'une mesure
discriminatoire, en raison de l'article 15 de la Charte des droits. C'est
ça qu'on a voulu éviter en choisissant la rédaction qui
est proposée dans le projet de loi.
Le Président (M. LeSage): Merci, M. le ministre.
M. Ryan: Ce n'est pas... Évidemment, les paramètres
dans lesquels nous évoluons sont plus serrés que nous ne
pourrions le penser à première vue. Il a fallu faire l'examen de
tout ça attentivement et c'est la raison pour laquelle on a finalement
arrêté le choix du gouvernement sur la formulation qui est
là, qui est la moins exigeante, qui tient compte de la pratique
déjà établie, à laquelle le député de
Lac-Saint-Jean a référé avec justesse. C'est vrai qu'il y
a cette pratique-là qui existe au ministère de la Justice. Et,
là, elle serait étendue, évidemment, à l'ensemble
des tribunaux qui sont couverts par l'article 133, mais ce serait toujours sur
demande de l'une des parties.
Comme nous le disions cet après-midi, étant donné
que la très grande majorité des jugements de cour est rendue en
français au Québec, on risque de s'en tirer assez bien avec cette
formule-ci. Il ne faut pas oublier que nous créons une obligation pour
les municipalités. Les cours municipales, ça relève des
municipalités. Il ne faut pas qu'on aille multiplier ça trop, non
plus, parce qu'ils vont dire qu'on leur transfère des charges encore une
fois, sans...
M. Brassard: Ça couvre les cours municipales
là-dedans?
M. Ryan: C'est couvert là-dedans, oui. Alors,
là,
on a pensé à ça, économie de coûts et,
en même temps, conformité avec les exigences des Chartes de droits
québécoise et canadienne.
M. Brassard: Les services de traduction, M. le ministre,
actuellement, au ministère de la Justice, est-ce que c'est exact que ces
services-là fonctionnent dans un sens seulement, c'est-à-dire
qu'ils traduisent des jugements de l'anglais au français et non
l'inverse?
M. Ryan: Je crois que c'est vrai. On nous l'a dit en commission.
Je ne sais pas si... Vous n'êtes pas au courant? C'est une pratique
officieuse. Ça n'a jamais été défini
officiellement. Ça n'a jamais été annoncé, rien,
à ma connaissance.
Le Président (M. LeSage): M. le député de
Laviolette.
M. Jolivet: Oui. Si l'amendement est apporté, M. le
Président, c'est en regard de l'article lui-même, l'article 9 qui,
à notre avis, va plus loin que ce que la jurisprudence, en tout cas,
semble l'avoir requis. Si, devant les tribunaux, je peux m'exprimer dans ma
langue je prends l'anglais et le français. Je ne pense pas qu'il
y ait de juges, eux-mêmes, s'ils sont capables de parler grec ou parler
italien, qui aient rendu des jugements en italien. Donc, je pense qu'on va
rester clair, pour le moment, pour le français et l'anglais. Donc, il
n'existe aucune obligation de fournir une traduction anglaise d'un jugement
rendu en français. Pourquoi? Parce que c'est la langue officielle.
Actuellement, là.
Même si je regarde la loi 22, en tout cas, elle allait beaucoup
moins loin que l'article 9, là. Parce que la loi 22 c'était quand
même quelque chose, quasiment le libre choix, vous vous en souvenez,
à l'époque, hein.
Une voix: ...
M. Jolivet: Bien, pas tout à fait, parce que
c'était la loi 63 qui était le libre choix.
Une voix: ...
M. Jolivet: Disons, de façon plus précise, que
c'était la loi 63 qui était vraiment le libre choix. La loi 22,
sur certains points, avait décrété que, la langue
officielle, c'était le français mais elle laissait la porte
ouverte à l'utilisation de l'anglais. C'était, quant à
moi, une façon mitigée de présenter les choses.
D'ailleurs, en passant, M. le Président, j'aimerais ça que
vous fassiez une recherche, parce que je suis sûr que les gens vont
parler de la loi 63, de la loi 22. Mais la première loi qui a
été déposée sur la langue, là, ce n'est pas
la loi 63. C'est la loi 85. Et elle avait été
déposée par Jean-Guy Cardinal, qui était ministre
désigné. Il n'avait pas été élu. Il avait
été désigné par le...
Une voix: Par le Conseil législatif.
M. Jolivet: Oui. Il était ministre désigné
par le premier ministre de l'époque, M. Johnson, qui l'avait
nommé ministre de l'Éducation, à l'époque. Et c'est
sous Bertrand, enfin sous Johnson, qu'avait été
déposé un projet de loi en première lecture, comme on
disait dans le temps, mais il n'avait jamais été plus loin que la
première lecture. C'était la loi 85. Le ministre peut
peut-être faire une recherche mais la vraie, la première loi
linguistique au Québec, c'était la 85. La 85 a fait place
à la 63. Et là, je m'étais amusé, à
l'époque, en disant que 85 moins 63 a donné probablement la 22 du
Parti libéral dans les années subséquentes.
Mais je vous dis ça parce que je parlais de la loi 22 de 1974.
Elle prévoyait que le ministre de la Justice devait prendre les moyens
pour que seuls les jugements en anglais soient traduits sur demande, en
français, puisque c'était le français qui, en vertu de la
loi 22, était considéré comme la langue officielle du
Québec. Donc, mon collègue, ce qu'il vient faire par
l'amendement, c'est qu'il dit: Tout jugement rendu par un tribunal judiciaire
et toute décision rendue par un organisme exerçant des fonctions
quasi judiciaires... Là, il ajoute, en parlant du jugement: Qui n'a pas
été rendu en français. Donc, on peut prétendre que
c'est un jugement en anglais. Parce que, comme je le disais, je ne pense pas...
Il y a des avocats, des jeunes avocats ici, là, mais je ne pense pas
que...
Le Président (M. Doyon): Vous ne voyez pas d'avocats ici,
vous?
M. Jolivet: Non, j'ai dit: Déjeunes avocats.
Le Président (M. Doyon): Ah! O.K. Continuez. Excusez-moi,
M. le député.
Une voix: II n'y a que des vieux avocats.
Le Président (M. Doyon): Rien que des vieux. O.K.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Jolivet: Je n'ai pas dit qu'il n'y en avait pas, j'ai dit: II
y a des jeunes avocats qui ont peut-être connu dans leur existence... Et
là je peux peut-être prendre Maximilien Polak qu'on connaît
ici, qui aurait pu parler dans sa langue, faire un jugement dans sa langue
il n'y a rien qui l'aurait empêché avec quelqu'un de
sa communauté. Mais ce n'est pas la réalité. Alors,
à partir de ça, mon collègue dit: Qui n'a pas
été rendu en français. Il ajoute, après ça,
en enlevant: Sont traduits en français ou en anglais. En fait, en
enlevant les mots «en français ou en anglais», il dit: Ils
sont traduits dans la langue officielle. Donc, la langue officielle, il me
semble qu'elle n'a pas changé, c'était la langue
française. C'est dans ce contexte-là que l'amendement qui nous
est proposé est un amendement qui est toujours dans la même
lignée de ce qu'on dit depuis le début. La langue
>fficielle, c'est la langue française. En conséquence,
les ugements devraient être rendus en français, puis ceux qui ne
le sont pas pourraient être traduits, à la demande d'une des
parties, en français, parce qu'il aurait probablement été,
ce jugement, rendu en anglais.
Alors, M. le Président, c'est logique, la demande que nous
faisons, puis il me semble que le ministre devrait, à mon avis, accepter
que cet amendement-là puisse être adopté et
clarifié. (20 h 40)
L'article 9 de la loi actuelle qui, à l'époque,
était l'article 13, disait: «Les jugements rendus au Québec
par les tribunaux et les organismes exerçant des fonctions judiciaires
ou quasi judiciaires doivent être rédigés en
français ou être accompagnés d'une version française
dûment authentifiée. Seule la version française du jugement
est officielle.» Donc, en fait, ce que L'on amène ici, c'est de
ramener ce qui est la logique, c'est-à-dire un projet de loi qui nous
permet d'avoir un jugement dans la langue officielle, traduit dans la langue
officielle, parce qu'il a été rendu dans une autre langue que le
français, et, à ce moment-là, ce serait en
français. C'est un amendement qui est, à mon avis, correct,
logique par rapport à tout ce qu'on a dit jusqu'à maintenant.
Le Président (M. Doyon): Du côté
ministériel, est-ce qu'il y a des interventions concernant cet
amendement?
Une voix: Ah, on est contre.
Le Président (M. Doyon): C'est un peu court.
Une voix: ...
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): M. le ministre, est-ce que vous
désirez vous exprimer là-dessus?
M. Ryan: Non. Je pense que j'ai donné l'essentiel de ce
que j'avais à dire tantôt.
Le Président (M. Doyon): Oui. D'accord. M. le
député d'Anjou.
M. Bélanger (Anjou): M. le Président, je me posais
la question. À un moment donné, je sais qu'il y a un de nos
amendements qui avait été refusé, parce qu'il
entraînait des coûts supplémentaires à l'État.
On avait dit que, par amendement, on ne pouvait pas faire un amendement qui
entraînait des coûts supplémentaires. Alors, moi, je me
posais la question: Est-ce qu'on a évalué les coûts
supplémentaires que ça va causer, ça? Parce que je pense
que des organismes quasi judiciaires, il y en a, vraiment, une pléiade.
Je n'ai qu'à penser à la Régie du logement, à la
CSST. Alors, maintenant, tous ces organismes quasi judiciaires, il va falloir
qu'il y ait un service de traduction pour pouvoir traduire... Une voix:
Au cas où.
M. Bélanger (Anjou): ...ces décisions en anglais,
parce qu'à peu près tous ces organismes c'est en français
qu'ils rendent leurs décisions. Moi, je me demandais s'il y avait eu une
évaluation du coût. Qu'est-ce qu'on va faire pour pouvoir,
justement, répondre à cette nouvelle demande ou à cette
nouvelle exigence? Est-ce que le ministre peut répondre?
M. Ryan: Oui. Excusez-moi, j'ai été
dérangé. Est-ce qu'on pourrait répéter?
M. Bélanger (Anjou): Ah! Ce n'est pas grave. Moi, ce que
je me posais comme question, c'est que, relativement au changement que vous
proposez, le fait que maintenant, quand une décision d'un organisme qui
est quasi judiciaire va être rendue, la personne pourra demander, si la
décision est rendue en français, qu'elle soit traduite en
anglais. Alors, je me demandais si vous aviez évalué... Parce
qu'à un moment donné on a parlé des coûts.
Même, un de nos amendements a été refusé parce qu'il
pouvait provoquer un coût supplémentaire à l'État.
Moi, je me demandais si vous aviez évalué le coût que
ça pouvait impliquer, le fait que maintenant tous les organismes quasi
judiciaires du Québec auront l'obligation de traduire en français
les décisions que ces organismes vont rendre à des citoyens qui
pourraient en faire la demande.
M. Ryan: Non. Avec la clause comme elle est rédigée
là, nous estimons que les coûts vont être fort
réduits.
M. Bélanger (Anjou): Est-ce que vous êtes conscient
qu'à la Régie du logement il y en a, des décisions qui
sont rendues dans une journée? Si on regarde les différents
bureaux, comme à Montréal...
M. Ryan: Oui.
M. Bélanger (Anjou): ...il y en a une douzaine, au moins,
qui rentrent, probablement, je ne le sais pas, mais au moins chacun une
trentaine de décisions par jour. Alors, surtout dans des secteurs comme
à Montréal, où à peu près 40 % de la
population est anglophone, on peut imaginer que ça va avoir des
répercussions. Avez-vous pensé à l'impact? Avez-vous fait
une évaluation de ça?
M. Ryan: Déjà là, prenez un organisme comme
la Régie du logement. Lorsqu'il y a 2 justiciables de langue anglaise
qui se présentent devant elle, il y a des bonnes chances que la
décision soit déjà rendue en anglais actuellement.
M. Bélanger (Anjou): Ce n'est pas...
M. Ryan: II n'y a aucune obligation de la rendre seulement en
français.
M. Bélanger (Anjou): Je ne comprends pas. Je n'ai pas
compris votre...
M. Ryan: II n'y a pas d'obligation de rendre la décision
seulement en français.
M. Bélanger (Anjou): Non, non, d'accord. Mais quand
même, la norme, je pense que le ministre va comprendre que la norme...
Comme la majorité des jugements sont en français...
M. Ryan: Non, non. Ici...
M. Bélanger (Anjou): ...la majorité des
décisions aussi sont en français. Ça, je peux vous... En
tout cas, d'après l'expérience que j'en ai eue.
M. Ryan: Non. Ici, d'abord, le coût est impossible à
établir parce que nous ne savons pas ce que la demande sera. Même
si nous voulions l'établir... On pourrait donner un contrat de 50 000 $
à une firme de relations publiques et elle nous ferait une étude
de 50 pages. Mais, quand arriverait la décision, on ne serait pas plus
avancés. Ça fait que...
M. Bélanger (Anjou): Non. Je vous demandais ça
parce que...
M. Ryan: ...tout nous permet... Comme c'est formulé, ce
n'est pas spécialement incitatif, ce n'est pas multiplicateur de soi. Il
faut que chaque justiciable qui est concerné par un jugement le demande
si le jugement n'est pas rendu dans une langue qui est la sienne ou dans une
langue qu'il comprend.
M. Bélanger (Anjou): Mais là, présentement,
un justiciable anglophone qui reçoit une décision de la
Régie du logement en français, est-ce qu'il peut exiger une
traduction de la part du bureau de la Régie du logement pour qu'elle
soit traduite dans sa langue, en anglais? Est-ce qu'il peut le faire?
M. Ryan: II peut le demander. De droit, je ne pense pas qu'il
puisse l'exiger.
M. Bélanger (Anjou): De droit, présentement,
ça n'existe pas. C'est un droit nouveau, ça, ce qui est
donné à la communauté anglophone...
M. Ryan: Mais ce n'est pas un droit nouveau. Il existe
déjà comme prolongement de l'article 133.
M. Bélanger (Anjou): Oui, mais il n'est pas
consacré.
M. Ryan: Non, non, non.
M. Bélanger (Anjou): II n'est consacré d'aucune
façon dans aucune disposition.
M. Ryan: Non. Il n'est pas consacré dans la Charte.
M. Bélanger (Anjou): Oui. Non, non, mais même dans
la loi présentement... Oui, dans la Charte de la langue
française, c'est ça.
M. Ryan: Non.
M. Bélanger (Anjou): Mais, alors, vous n'avez fait aucune
évaluation des coûts?
M. Ryan: C'est prévu que la Régie peut le faire. La
Régie peut le faire. Puis moi, dans les organismes dont j'ai la
responsabilité, puis c'en est un, ça, je leur dis toujours:
Essayez donc de donner satisfaction au client dans sa langue, ça ne
coûte pas cher. Moi-même, quand un contribuable de langue anglaise
m'écrit, qu'est-ce que vous pensez que je fais?
M. Bélanger (Anjou): Ah! Oui, oui, oui. Il n'y a pas de
problème. Je sais que vous êtes parfaitement bilingue, mais ce
n'est pas tous les...
M. Ryan: Non, non, mais j'ai l'esprit de service et j'essaie de
rendre service. Puis, la règle bien simple de toute
société civilisée, celui qui est dans une position
supérieure essaie d'accommoder celui qui est dans une position moins
élevée. On ne se trompe pas en faisant ça. Ce n'est pas
dans la Charte, ça, mais c'est bien plus pratique.
M. Bélanger (Anjou): Ah! C'est un sentiment qui vous
honore, ça, j'en conviens. Mais la question est que, quand même,
il y a beaucoup de régisseurs... Je pense que vous comprendrez, M. le
ministre, qu'eux ne sont pas nécessairement bilingues...
M. Ryan: C'est vrai.
M. Bélanger (Anjou): ...et il va falloir à ce
moment-là prévoir quelque chose.
M. Ryan: Oui. Les décisions de la Régie, ce n'est
pas des décisions longues en général.
M. Bélanger (Anjou): Vous seriez étonné. Des
décisions de 3, 4 pages, ça arrive assez souvent. Ce n'est pas
juste des fixations de loyer. Il y a souvent des causes de
dommages-intérêts, de poursuites en responsabilité civile
entre propriétaire et locataire. Je vous donnais un exemple au niveau de
la Régie. Mais là, maintenant, ça va être la CSST
aussi, ça va être la Commission des affaires sociales, ça
va être tous les organisme quasi judiciaires. C'est gros, ça,
là. Ce n'est pas juste la Régie du logement. C'est pour
ça, moi, que je me demande... Parce que, quand on a
proposé notre tout premier amendement qui prévoyait de
donner des services en français pour les réfugiés, tout de
suite la réponse qu'on a eue, c'est qu'il fallait que vous consultiez de
vos collègues ministres pour vraiment faire une évaluation des
coûts que ça pouvait impliquer. Alors, moi, j'étais certain
qu'avant de nous proposer un tel amendement vous aviez fait cette
vérification-là et que vous aviez, à ce moment-là,
rencontré vos collègues qui vous auraient fait, à ce
moment-là, une évaluation des coûts que ça allait
engendrer. Moi, je me demandais ça parce que, vous savez, dans
l'Opposition, on est très conscients des coûts et des
dépenses de l'État. Et puis, pour nous, c'est important
que...
Une voix: On a un doute sur vous autres. Une voix: Quel
revirement! Une voix: Nous autres aussi.
M. Brassard: Ça nous obsède, c'est une
obsession.
M. Jolivet: Nationale. Une voix: On sait ça.
Le Président (M. Doyon): À l'ordre! Qui est-ce qui
a la parole? Qui est-ce qui veut la parole?
M. Bélanger (Anjou): Là, j'attends la
réponse du ministre.
Le Président (M. Doyon): Oui, mais le ministre vous
répond s'il n'y a rien...
M. Ryan: Ici, regardez, il y a déjà une disposition
dans la Charte. Là, on part d'un point donné. On ne fait pas du
droit nouveau, là, on part d'un point donné. C'est l'article 11,
je pense. L'article 13: «Les jugements rendus au Québec par les
tribunaux et les organismes exerçant des fonctions judiciaires [...]
doivent être accompagnés d'une version française
dûment authentifiée.» C'est-à-dire s'ils sont rendus
dans une autre langue, là. Puis, là, on vous dit que dans cette
formulation-là... D'abord, ça a déjà
été déclaré inacceptable par la Cour
suprême.
M. Bélanger (Anjou): Oui, on l'a dit tout à
l'heure, que 8 à 13 avaient été...
M. Ryan: Oui, oui. Puis, ensuite, on ajoute que, si on veut
commencer à travailler ça, il faut, au titre de
l'égalité des citoyens devant la loi l'article 15 de la
Charte canadienne des droits il faut que ce service-là, si on
l'offre à la population, soit offert à tous de manière
juste et équitable. C'est ça qu'on essaie de faire. On n'a pas le
choix. Quand on s'embarque là-dedans, on ne peut pas discriminer contre
une catégorie ou une autre. C'est ça qu'on veut faire.
M. Bélanger (Anjou): O.K. Mais je pensais quand même
que vous aviez eu... En tout cas, même si vous vous sentiez obligé
d'accorder ce droit, je pensais quand même que vous aviez
évalué les coûts que ça pouvait engendrer parce
que... Est-ce que le ministre convient avec moi que ça va engendrer
quand même, que ça peut engendrer des coûts
considérables?
M. Ryan: Oui, oui. Maintenant, selon ce qu'on nous a dit dans les
différents organismes où ça va s'appliquer, les charges ne
seront pas élevées. C'est ce qu'on nous a dit.
M. Bélanger (Anjou): Bon, d'accord. M. Ryan:
O.K.?
M. Bélanger (Anjou): Pour revenir à l'amendement
qui est proposé, qui est sur la table, M. le Président, comme je
l'avais mentionné avant qu'on suspende l'audition de cette commission,
moi, je trouvais tout à fait normal qu'automatiquement une personne qui
recevrait un jugement en anglais ait droit à une traduction de ce
jugement. Je pense qu'ici notre amendement est encore plus raisonnable,
conscient des coûts que ça pourrait peut-être engendrer,
parce que le ministre semblait penser que ça engendrerait des
coûts considérables. À ce moment-là, on dit: On le
laisse à la demande de la personne. Mais je pense que c'est important
que le principe demeure. C'est la Charte de la langue française. On se
doit de réaffirmer, dans la mesure du possible, ce principe. Je pense
que c'est important. Tout en respectant les droits de la communauté
anglophone et les droits que nous devons respecter suite au jugement de la Cour
suprême. Mais je pense que c'est important, on doit, chaque fois qu'on le
peut dans le projet de loi, réaffirmer le principe essentiel qui dit
que, la langue officielle, c'est le français. Alors, sinon,
écoutez, on va changer le titre, comme je l'ai déjà
mentionné. Ça va être la charte de la langue
française et anglaise, puis ça ne me tente pas de jouer à
ce petit jeu parce que c'est vraiment la Charte de la langue française.
Je pense qu'il faut travailler dans cet esprit-là pour pouvoir faire des
amendements qui vont aller dans ce sens-là, qui est de continuer
à ce que la Charte de la langue française soit là pour le
but qui en a été... (20 h 50)
Je prends connaissance, ici, M. le Président, d'une chose assez
importante. Il y a une règle de la Cour suprême de la
Colombie-Britannique qui exige que tous les documents préparés
pour la Cour soient rédigés en anglais la Cour
suprême de la Colombie-Britannique. Et ça a été
déclaré par la Cour d'appel de la Colombie-Britannique que
ça ne va pas à rencontre de l'article 15 de la Charte. Est-ce que
le ministre est au courant de ça? Je viens d'en prendre connaissance,
moi. Mais c'est intéressant.
M. Ryan: Quelle est la date de ce jugement-là?
M. Bélanger (Anjou): C'est 1987. Alors, c'est très
intéressant, ça.
M. Ryan: C'est sûr que ce n'est pas la même chose.
Ça, ça se rattache à des sujets dont nous avons
déjà décidé. Là, il y est question d'un
service que nous offrons aux justiciables.
M. Bélanger (Anjou): C'était pour répondre
à une argumentation tout à l'heure que vous nous disiez à
l'effet qu'il y avait un principe qui ne pouvait pas donner
préséance à une version d'un jugement par rapport à
un autre, si on ne fournissait pas le service en anglais quant au jugement. Je
pense que l'article, ici, vient... Puis, c'est vous qui venez de me le sortir,
l'article 15, M. le ministre. Moi, c'est pour ça, l'article 15, je vous
dis que pour la Colombie-Britannique, en tout cas, il ne s'applique pas. Et,
à ce que je sache, c'est encore le même pays malgré
peut-être, nous, ce qu'on voudrait.
M. Ryan: Non, mais on n'est pas dans le même ordre,
là. Ce qu'on a discuté antérieurement devait être
rapporté à l'article 133. Puis ça, le jugement dit que
ceci est constitutionnel parce que l'article 133, à ma connaissance, ne
s'applique pas en Colombie-Britannique. Tandis que, ce dont nous discutons
maintenant, c'est d'un service qui serait offert à la population...
M. Bélanger (Anjou): D'accord.
M. Ryan: Puis, là, on ne peut pas faire de discrimination,
une catégorie de citoyens par rapport à d'autres. O.K?
M. Bélanger (Anjou): C'est ça. Mais je pense que le
ministre conviendra avec moi que nulle part... En tout cas l'article 133
n'oblige pas une traduction des jugements.
M. Ryan: Non, mais on est dans un autre... On l'a dit qu'on est
dans un autre. On n'est plus sur 133, sur ce point-ci.
M. Bélanger (Anjou): Sur ce point-ci, on est sur quoi?
Bien là...
M. Ryan: On est sur 15...
M. Bélanger (Anjou): ...vous nous avez sorti 15 tout
à l'heure, là.
M. Ryan: On est sur 15, la loi de 1982.
M. Bélanger (Anjou): Oui, mais 15, comme je vous
dis...
M. Ryan: Puis sur notre propre Charte....
M. Bélanger (Anjou): ...le 15, il a déjà
été appliqué pour la Cour suprême de la
Colombie-Britannique, puis ça n'empêche pas la Cour suprême
de la Colombie-Britannique de tout faire en anglais.
M. Ryan: Non, non. Là, vous dites que c'est 15 qui a
été appliqué. Il faudrait lire le jugement comme il faut.
Si vous voulez qu'on le lise, je peux demander à M. Gosselin d'en
prendre connaissance, mais je serais bien étonné.
M. Bélanger (Anjou): Ce serait intéressant, je
pense. Je peux vous donner la...
M. Ryan: Mais, de toute manière...
Une voix: C'est dans le petit résumé de 1'alter
ego, ça?
M. Bélanger (Anjou): Pardon? Oui, c'est un petit
résumé de l'alter ego. C'est évident qu'on ne peut pas
toujours se fier à ces petits résumés là. Ça
dépend de... On me dit que votre conseiller juridique a
déjà travaillé sur la confection de l'alter ego. Donc,
probablement que c'est un jugement qu'il a lui-même codifié. Donc,
on peut se fier probablement au résumé du jugement.
M. Ryan: Quand est-ce qu'il a eu le temps de faire ça? Il
a l'air bien jeune.
Une voix: II y a longtemps.
M. Bélanger (Anjou): Ah, il y a longtemps.
M. Gosselin: J'étais enfant.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ryan: Non, ici, c'est l'avis qui nous a été
donné par les services compétents du ministère de la
Justice et je pense que les raisons que nous avons apportées sont
claires, en tout cas, puis nettes et j'y souscris.
M. Jolivet: On a un doute.
M. Bélanger (Anjou): M. le Président. C'est parce
que...
M. Ryan: Je suis content parce que vous êtes passé
de l'objection au doute.
M. Jolivet: Ça ne nous empêche pas d'avoir des
objections sur le doute.
M. Bélanger (Anjou): Alors, M. le Président...
M. Ryan: Je suis les moindres nuances dans votre
évolution.
M. Jolivet: Pardon?
M. Ryan: Je suis les moindres nuances de votre évolution
avec beaucoup d'intérêt espérant que les quelques signes
que je perçois ici et là sont vrais.
M. Jolivet: C'est parce que, des fois, on a de la
difficulté à suivre votre entêtement.
M. Brassard: Nous, on suit avec intérêt votre
non-évolution.
M. Ryan: Au contraire, nous évoluons continuellement, mais
dans la ligne de nos principes.
M. Bélanger (Anjou): M. le Président, là, ce
qui semble se dégager des propos du ministre, c'est sa ferme intention
de respecter, toujours dans la mesure du possible, l'égalité des
deux langues je ne me trompe pas vu justement la philosophie de
l'article 133, vu l'interprétation libérale, pas libérale,
je n'aime pas ce terme-là, générale...
Une voix: C'est bon. C'est bon.
M. Bélanger (Anjou): ...généreuse qui a
été donnée par la jurisprudence de la Cour suprême.
Mais, là, est-ce que le ministre ne craint pas que sa notion de nette
prédominance du français dans l'affichage va peut-être se
heurter à cette philosophie égalitaire?
M. Ryan: Non.
M. Bélanger (Anjou): Non?
M. Ryan: Non, parce que, ça, ça a été
testé devant les tribunaux.
M. Bélanger (Anjou): La nette prédominance du
français?
M. Ryan: Oui, la Cour suprême l'a énoncée
elle-même, en toutes lettres, dans un jugement sur l'affichage en 1988.
C'est pour ça que nous l'employons ici, parce que nous sommes en terrain
sûr. O.K.?
M. Bélanger (Anjou): C'est l'essentiel de mon propos.
M. Ryan: Ça va?
Le Président (M. Doyon): Est-ce qu'on est prêt
à voter sur l'amendement?
M. Brassard: Vote.
Le Président (M. Doyon): Alors, que ceux qui sont en
faveur de l'amendement veuillent bien l'indiquer, s'il vous plaît.
M. Brassard: Pour.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Lac-Saint-Jean, pour. M. le député d'Anjou?
M. Bélanger (Anjou): Pour.
Le Président (M. Doyon): Pour. M. le député
de...
M. Jolivet: Laviolette, pour.
Le Président (M. Doyon): ...Laviolette, pour. M. le
député de D'Arcy-McGee?
M. Libman: Contre.
Le Président (M. Doyon): Contre. M. le ministre?
M. Ryan: Contre, évidemment.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Rimouski?
M. Tremblay (Rimouski): Contre.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Richelieu, quand vous aurez fini?
M. Khelfa: Je suis toujours conséquent. Contre.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Charlevoix?
M. Bradet: Contre.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Hull?
M. LeSage: Contre.
Le Président (M. Doyon): De la part de la
présidence, abstention.
Le Secrétaire: 3 pour, 6 contre, 1 abstention.
Le Président (M. Doyon): L'amendement est donc
rejeté.
Maintenant que l'amendement... Nous sommes toujours à l'article 1
mais à des amendements apportés par le projet de loi 86, à
l'article 9 de la Charte. Maintenant que cet amendement sur lequel on vient de
voter a été rejeté^ est-ce que quelqu'un veut intervenir?
M. le ministre, sur l'article 9 proprement dit.
L'article 9, M. le ministre.
M. Ryan: Sur l'article 9, je souhaiterais que nous puissions
voter. Je pense que nous avons discuté tout ce qu'il y avait à
discuter là-dessus.
Le Président (M. Doyon): Rien d'autre à ajouter?
M'avez-vous demandé la parole, M. le député de
Lac-Saint-Jean?
M. Brassard: Oui, j'aurais une remarque générale
sur l'ensemble de l'article 1, tel qu'on le retrouve dans le projet de loi 86.
La question que je me pose, c'est: Qu'est-ce qui reste, finalement? Qu'est-ce
qui fait que, en matière de législation et de justice, on peut
sérieusement prétendre que le français est la langue
officielle? Quels sont les éléments qui nous permettraient de
considérer que le français, langue officielle, ça veut
dire quelque chose, en matière de législation et de justice?
Parce que, quand je relis au complet l'article 1, moi, ma conclusion c'est que
là, vraiment, on instaure et on consacre, en s'appuyant sur l'article
133, mais en codifiant également une interprétation
généreuse de cet article constitutionnel, et on se retrouve,
finalement, dans un état où la langue de la législation et
de la justice, en fait, on ne peut pas l'utiliser au singulier, on se retrouve
dans un état bilingue, sur le plan de la législation et de la
justice, un état carrément bilingue, avec 2 langues officielles.
(21 heures) . En matière de législation et de justice, quand on
regarde tout ça, manifestement, il faut maintenant parler de 2 langues
officielles. On verra, dans les autres chapitres, si c'est toujours le cas,
mais, en matière de législation et de justice, on se retrouve
avec 2 langues officielles sur le même pied, l'anglais et le
français, pas seulement pour les lois, mais les projets de loi, les
règlements, les autres actes de nature similaire; les versions dans les
2 langues ont une même valeur juridique d'égale force. Bref, on se
retrouve, là, en matière de législation et de justice,
dans un État parfaitement bilingue où les 2 langues sont
exactement sur le même pied. Et, là, je dirais que c'est presque
une supercherie que de parler du français, langue officielle. En tout
cas, en matière de législation et de justice, ça devient
presque une supercherie. C'est quasiment frauduleux. Il faut au moins avoir
l'honnêteté de le reconnaître. Et je voudrais dire, à
la fin de nos échanges, là, que, quant à nous, on n'est
pas dupe. On n'est pas dupe de ça, là. On sait fort bien que la
volonté gouvernementale bien arrêtée, c'est de consacrer le
bilinguisme, de placer sur un pied d'égalité à tout point
de vue et dans toutes les situations les 2 langues officielles, l'anglais et le
français. Et, là-dessus, le ministre nous dit souvent qu'il y a
une valeur pédagogique dans les lois que nous adoptons. Eh bien! Il me
semble, dans ce cas-là que, oui, il y a une valeur pédagogique.
C'est clair que ça fait une démonstration et ça
enseigne.
C'est une leçon, en quelque sorte, à la population du
Québec, au peuple du Québec, pour leur dire très
clairement que les 2 langues sont sur le même pied, qu'on va se
retrouver, sur le plan de la législation et de la justice, dans un
État bilingue à tout point de vue. Et je pense que si on
était logique et conséquent, là, on rebaptiserait le
chapitre III de la Charte pour l'appeler:
Les langues de la législation et de la justice. Ça serait
plus conforme à la réalité et ça ajouterait une
valeur pédagogique à la loi. Parce qu'il faut dire les choses
telles qu'elles sont. Il faut cesser de faire semblant. C'est ce qu'on fait
présentement, là, en prétendant que le chapitre III porte
sur la langue de la législation et de la justice. Ce n'est pas
ça. Et tout ça, M. le Président, cette mise en place,
cette instauration d'un État bilingue, parfaitement bilingue à
tout point de vue, en matière de législation et de justice, tout
ça, c'est en vertu, c'est en s'appuyant, en prenant appui, en se
servant, comme assise, de l'article 133 dont la version anglaise est la seule
officielle. Plusieurs, y compris votre humble serviteur, l'ont appris
aujourd'hui. C'est quand même étonnant. Voilà ce que
j'avais à dire comme remarques finales sur l'article 1.
Le Président (M. Doyon): M. le ministre. Prêt
à voter?
Une voix: Non.
Le Président (M. Doyon): Ah! Excusez! Je pensais... M. le
ministre, vous avez demandé la parole? Non?
M. Ryan: Je vais attendre un petit peu.
Le Président (M. Doyon): Bon, alors, M. le
député d'Anjou.
M. Bélanger (Anjou): Alors, M. le Président, je
voulais juste faire remarquer pour faire suite, un peu, aux propos de
mon collègue de Lac-Saint-Jean au ministre que nulle part, nulle
part, dans ce premier article de son projet de loi, on n'utilise le terme
«langue officielle», nulle part. La langue officielle, je pense que
c'est un terme, maintenant, qui va être banni de la législation de
la Charte de la langue française. On ne parle plus de langue officielle.
On parle de l'anglais, du français, le français, l'anglais, mais
on ne parle plus du tout de la langue officielle. Je pense que comme le
disait si bien mon collègue ça dénote un changement
radical de la perception qu'on va avoir du statut de la langue
française. Nulle part, le terme «langue officielle» n'est
plus du tout, du tout utilisé dans les nouveaux articles. On ne parle
plus de langue officielle, on parle de l'anglais, du français. Mais,
«langue officielle», c'est une notion, là, qui est
périmée, passée date. La société a dû
évoluer. Il n'y a plus de langue officielle. En tout cas, on n'a plus
besoin de l'appellation «langue officielle». Ça, je trouve
ça regrettable. Je ne sais pas si le ministre est conscient de
ça. Je ne sais pas s'il veut vraiment bannir le terme «langue
officielle» de sa nouvelle Charte de la langue française. Je
trouve ça regrettable. Je pense qu'au contraire on n'a pas à
avoir honte d'avoir une langue officielle. Ce n'est pas parce qu'on a une
langue officielle que nécessairement on ne respecte pas les droits des
gens qui parlent une autre langue.
\lors, je pense qu'il faut faire les distinctions qui
s'im->osent.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député. M. le député de Laviolette.
M. Jolivet: Oui. M. le Président, pendant que
j'écoutais les discussions sur cet article 1, j'essayais de
réfléchir à ce qui a été
décidé, je pense, en 1982-1983 au Nouveau-Brunswick. J'ai dit que
j'étais en train de réfléchir à ce qui avait
été décidé au Nouveau-Brunswich, je pense, en
1982-1983 à l'effet de rendre officielles les 2 langues et qui s'est
concrétisé, on s'en souvient, par la décision,
après les fêtes, parce que, avant les fêtes, il y avait eu
une non-décision au gouvernement fédéral de changer la
partie de la Constitution qui les concerne pour vraiment faire en sorte qu'on
ait un État bilingue au Nouveau-Brunswick. Et là je me souviens
de mon député ministre de Shawinigan le p'tit gars
de Shawini-gan qui disait, des fois, que le Québec, pour lui,
ressemblait à un gros Nouveau-Brunswick. Puis, j'en ai été
saisi par la discussion qu'on a eue parce qu'il est officiel... La loi, telle
que présentée je le disais tout à l'heure va
plus loin que la loi 22. Elle rend donc officielles, d'une certaine
façon, les 2 langues. Donc, on ne peut plus parler de la Charte de la
langue française. Il faudrait parler de la charte des langues
officielles: l'anglais et le français.
Le député de Richelieu, qui ne parle pas beaucoup mais qui
fait beaucoup de signes, M. le Président, pourrait nous expliquer
comment il le voit, lui. Mais, moi, c'est de même que je le vois.
Qu'est-ce que je vois? Je vois qu'on utilise indistinctement, selon les gens
qui vont aller devant les tribunaux, la langue française et la langue
anglaise. Et, dans ce contexte-là, les 2 langues deviennent, à ce
niveau-là, officielles. Il n'y en a pas une qui a prédominance
sur l'autre quant à l'interprétation. Parce que, à
défaut d'interprétation quand on avait un jugement rendu en
anglais, c'était la traduction française ou authentifiée
française qui était l'officielle. Pourquoi? Parce que, la langue
officielle, c'était la langue française.
Mais là, ce que ça me donne comme impression, c'est qu'on
s'en va tranquillement vers Une bilinguisa-tion des langues dans le chapitre
qui nous concerne et qui me donne, dans mon esprit, un doute raisonnable. Ce
doute raisonnable fait en sorte que, en réflexion, je regardais ce qui
s'est passé au Nouveau-Brunswick puis je pourrais regarder aussi ce qui
s'est passé dans l'histoire au Manitoba, puis voir de quelle
façon, tranquillement, les francophones qui étaient là-bas
en sont venus, même avec les batailles épiques qu'ils ont faites
avec les Métis de l'époque, à l'anglicisation de la
province. Ce qui a amené des grosses discussions au niveau des
décisions des juges à l'effet d'obliger la province du Manitoba
à traduire en français... Puis vous savez les batailles que
ça a pris. Ça a pris des années et des années avant
d'y arriver.
Alors, je regarde le texte qui est devant nous et, en aucune
façon, on ne peut dire, comme mes collègues l'ont dit, que la
langue française est la langue officielle. Dans ce sens-là, je le
répète, en particulier au niveau de l'article 9, le ministre a
décidé je le disais tout à l'heure d'aller
plus loin que le requérait la jurisprudence. Il y a une décision
qui est prise par l'État, par le gouvernement, puis, cette
décision-là, ils ont le droit de la prendre, ils sont
majoritaires, mais nous ne l'acceptons pas. Nous ne pouvons pas accepter que le
ministre, par les amendements qu'il apporte, aille plus loin que requis. (21 h
10)
Je le disais, je le répète pour les besoins de la cause:
En effet, si chacun peut s'exprimer dans sa langue devant les tribunaux, il
n'existe aucune obligation actuellement qui est faite de fournir une traduction
anglaise d'un jugement qui est rendu en français. Mon collègue,
le député de Gouin, en a fait la démonstration, mais il
n'a pas eu de réponse de la part du ministre, en termes de coûts.
Le ministre dit: Ça ne coûtera pas plus cher puis... Un instant,
là! Un instant! Il y a une chose qui est certaine, c'est que le but
recherché par l'amendement que nous avions proposé était
à l'effet d'éviter des coûts additionnels et de sauver
davantage d'argent. Puis l'article va même plus loin. Je
répète que le bill 22 de 1974, qui prévoyait que le
ministre de la Justice devait prendre les moyens pour que seuls les jugements
en anglais seuls les jugements en anglais soient traduits en
français, sur demande, bien entendu, puisque c'était le
français qui était la langue officielle... Avec les amendements
qui sont apportés, avec le nouvel article qui est devant nous,
tranquillement, discrètement, douteusement, pernicieusement, on est en
train de mettre dans l'administration, au niveau de la justice, une forme de
bilinguisme, c'est-à-dire 2 langues officielles. Ça, M. le
Président, on ne peut pas l'accepter. On ne l'acceptera pas. Nous allons
voter contre, puis nous reviendrons plus tard, quand on aura la capacité
de prendre des décisions et de les faire valoir.
Le Président (M. Doyon): Alors, M. le député
de D'Arcy-McGee.
M. Libman: M. le Président, I reject the argumentation of
the 3 speakers who spoke just before me. I will vote in favour of article 1. I
believe article 1 reflects the reality of the framework within which the
province of Québec finds itself. It is part of the Canadian Federation.
There were 2 very important compromises at Confederation 1867. One was article
93 and the other was article 133, which were protections or compromises of
Confederation, which took into consideration the importance of an
English-speaking minority within the province of Québec. And I think
article 1 brings to date what the reality of Canada is, what the reality of our
justice and legislatures have been, since Confederation. And I think that what
we are dealing with here is a mind-set that is very different, in the reality,
of the existing framework, that of Québec
continuing to be a province within Canadian Confederation. As long as
that is the case, as article 133 of the Constitution says, the courts and
Legislature of Québec shall operate or provide services in both
languages and I think that, as long as Québec is part of the Canadian
Federation, that is a fundamental principle that must be accepted by this
National Assembly and therefore, article 1, very clearly, reflects that
reality. Merci.
Le Président (M. Doyon): M. le député.
M. Joiivet: II s'est trompé. Il aurait dû dire
«thank you».
M. Ryan: Pour résumer brièvement, M. le
Président. En réalité, nous ne changeons rien.
Une voix: Hein! Qu'est-ce que c'est ça? Vous ne changez
rien?
M. Ryan: Nous consacrons ce qui se fait tous les jours...
Une voix: Ah!
M. Ryan: ...dans nos tribunaux. Dans la pratique de nos cours de
justice, nous reconnaissons la vérité des choses, au lieu de la
travestir, comme le fait le texte actuel. On vit dans un texte imaginaire
depuis 15 ans. Vous êtes contents de ce texte, vous autres. Vous ne vous
rendez même pas compte qu'il n'est pas appliqué dans la
réalité. Ce n'est pas comme ça que marche la justice au
Québec. La justice fonctionne, au Québec, dans le respect des
droits des personnes des 2 langues. Elle n'en meurt pas. Au contraire, je l'ai
dit à maintes reprises, elle en a tiré une vitalité
particulière qui fait de notre univers juridique québécois
l'un des meilleurs, sinon le meilleur de tout le Canada. Nos écoles de
droit sont des écoles très fortes, aussi, parce qu'elles peuvent
s'alimenter à 2 courants majeurs. C'est formidable. Considérons
que c'est un actif. Puis de consacrer dans notre loi ce qui est la pratique
courante, puis nous vivons de cet article... J'aimerais, moi, qu'il
s'appliquât en Ontario. Je l'ai dit à maintes reprises, puis
j'espère que ça va venir.
Nous vivons sous le règne de cet article depuis 1867. A-t-il
empêché notre Cour supérieure d'être une cour
très généralement française, notre Cour d'appel de
se distinguer par son caractère français? Notre Cour du
Québec est une cour presque entièrement française. Pas du
tout! Il y a la réalité des faits. Il y a la
réalité des grandes proclamations. Des fois, les proclamations
sont loin de la réalité des faits. Là, nous rapprochons le
texte de ce qui est notre réalité à la fois
constitutionnelle et historique. Je respecte l'autre point de vue, mais il n'a
pas de lien avec la réalité vécue par nos juristes, nos
juges, nos avocats, nos personnes, nos entreprises qui ont affaire aux
tribunaux.
M. Joiivet: M. le Président, le ministre... Puis-je lui
poser une question?
Le Président (M. Doyon): M. le député
Lavio-lette.
M. Joiivet: Le ministre dit: J'amène des amendements, mais
dans le fond les amendements ne changent rien. Us changent quelque chose. Ils
changent au moins la loi qui est actuellement la loi 101. Je dois au moins
savoir ça. Et, là, vous dites: Elle change la loi 101 qui, elle,
ne représentait pas la réalité de tous les jours. C'est
ça que vous dites, là. Mais, dans le fond, ça
dépend de ce que vous avez comme obligation de faire. Alors, moi, je ne
peux pas accepter que le ministre dise que ça ne change rien. Ça
change quelque chose, ça change la loi. Maintenant, est-ce que la loi
est appliquée ou pas? c'est une autre chose.
M. Libman: Ça rétablit la réalité qui
n'existait pas dans la loi 101.
M. Joiivet: Ah! mais, ça, c'est de ses affaires.
M. Libman: Par rapport à un autre statut
constitutionnel.
Le Président (M. Doyon): Est-ce que cette commission est
prête à passer au vote?
Des voix: Oui.
Le Président (M. Doyon): Alors, que ceux qui sont en
faveur de l'article 9 qui se trouve à l'intérieur de l'article 1
veuillent bien m'indiquer qu'ils sont en faveur en votant pour.
Une voix: ...
Le Président (M. Doyon): L'article 1 au complet. Je
pensais que vous aviez voté sur l'article 7 et sur l'article 8. Alors,
sur l'article 1 au complet, que ceux qui sont en faveur veuillent bien
l'indiquer. M. le ministre?
M. Ryan: En faveur.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Rimouski?
M. Tremblay (Rimouski): En faveur.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Richelieu?
M. Khelfa: D'accord.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Charlevoix?
M. Bradet: En faveur.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Hull?
M. LeSage: Pour.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
D'Arcy-McGee?
M. Libman: Pour.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Lac-Saint-Jean?
M. Brassard: Contre.
Le Président (M. Doyon): M. le député
d'Anjou?
M. Bélanger (Anjou): Contre.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Laviolette?
M. Jolivet: Contre.
Le Président (M. Doyon): Abstention de ma part.
Le Secrétaire: 6 pour, 3 contre, 1 abstention.
Le Président (M. Doyon): L'article 1 du projet de loi 86
est donc adopté avec les amendements qui n'ont pas eu lieu. Ha, ha, ha!
Il y en a eu, oui. Alors, l'article 1 est adopté tel
qu'amendé.
La langue de l'administration
L'article 2, et j'en fais la lecture. L'article 16 de cette Charte est
modifié par le remplacement, dans la troisième ligne, des mots
«n'utilise que» par le mot «utilise». M. le ministre
est-ce que vous avez des explications à fournir?
M. Ryan: Oui, volontiers, M. le Président. Pour bien
comprendre la portée de l'article 2, je pense qu'il est bon de relire
l'article 16 de la Charte, qui s'énonce comme suit: «Dans ses
communications écrites avec les autres gouvernements et avec les
personnes morales établies au Québec, l'administration n'utilise
que la langue officielle.» Alors, l'objet de la modification
proposée est de remplacer les mots «n'utilise que» par le
mot «utilise».
Nous maintenons l'obligation pour l'administration d'utiliser la langue
officielle dans toutes ses communications avec les gouvernements, les autres
gouvernements et avec les personnes morales établies au Québec,
mais nous validons en quelque sorte une pratique qui existe de manière
assez fréquente, qui consiste à joindre à la lettre
officielle en français une traduction de courtoisie là où
c'est jugé nécessaire par le ministre ou par l'organisme qui
écrit au nom de l'administration.
Quand on écrit qu'on forme un gouvernement, des fois, c'est pour
imposer l'autorité du gouvernement, la faire peser de tout son poids sur
ceux à qui on s'adresse. D'autres fois, c'est pour essayer de conclure
une transaction ou une entente qui sera favorable au Québec. Puis, dans
n'importe quelle transaction humaine, l'agent qui veut obtenir un avantage
essaie de se rendre agréable à l'autre. Si, moi, mon
propriétaire veut discuter avec moi et qu'il me dise: Je suis ton
propriétaire, je suis ton propriétaire et c'est ça que tu
va avoir, je vais lui dire: Va donc te promener, je vais m'en aller ailleurs et
ça finit là. S'il me dit: Je vais déplacer ta voiture, je
vais la ranger comme il faut, pendant que tu es à Québec, je vais
m'occuper de tes affaire puis, après ça, il arrive avec le
renouvellement du bail, ça passe bien plus facilement. Ça passe
bien plus facilement.
Je pense qu'ici on a des négociations très
délicates à conduire, par exemple, avec des sièges sociaux
d'entreprises qui sont établies au Québec. Et, souvent, nous
sommes en concurrence avec d'autres sociétés qui veulent obtenir
des investissements ou des développements impliquant cette
firme-là en particulier. Alors, si nous écrivons au quartier
général qui est à Détroit, à Chicago,
à Los Angeles, à Londres ou à Tokyo et que nous
écrivons en français et qu'en même temps notre lettre est
accompagnée d'une version anglaise, parce que l'anglais, ne l'oublions
point, est la langue des affaires à travers le monde, c'est la langue la
plus communément utilisée dans le monde du XXe et très
probablement que ça le sera encore dans le monde du XXIe
siècle... Alors, nous disons: Mettons les chances de notre
côté, respectons notre caractère propre, affirmons-le sans
hésitation et, en même temps, montrons que nous sommes capables de
faire le pas additionnel qui nous permet de nous rendre encore plus
agréables à l'autre en vue d'obtenir le résultat
souhaité. (21 h 20)
Dans les rapports avec les autres gouvernements, il y a quelque chose
dont nous avons besoin. Je suppose que nous communiquons avec l'État de
New York ou l'État du Vermont ou le Connecticut, bien, nous avons bien
des intérêts autres que les intérêts officiels du
Québec à transiger avec ces gens-là. Il y a des contrats
d'électricité que nous sommes intéressés à
obtenir d'eux. À un moment donné, si nous faisons un pas,
ça nous aide. Nous le faisons déjà dans plusieurs
circonstances, mais nos conseillers nous ont souligné que cette
pratique, qui est employée assez fréquemment, n'a pas de
fondement légal, actuellement, parce qu'on pourrait la contester au nom
de l'expression «n'utilise que» la langue officielle. En disant:
«utilise» la langue officielle, on valide des pratiques comme
celle-là sans diminuer en aucune manière l'usage de la langue
officielle. Puis vous voyez, juste pour ajouter â ce qui a
été entendu plus tôt, on a l'expression «langue
officielle» dans l'article 16. On la laisse là, on n'est pas
intéressé à l'enlever. On la laisse là.
Voilà, M. le Président, c'est la raison d'être
de
cette modification très simple qui ne change rien à
l'objet de la loi, mais permet d'appliquer la loi dans un esprit de
compréhension puis de bonne compagnie, en tout cas, plus propice
à l'obtention des résultats recherchés dans bien des
dossiers.
Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député
de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Avant de faire quelques remarques et commentaires,
M. le Président, si vous me permettez, j'aurais quelques questions
à poser au ministre sur la pratique, sur la façon dont les choses
se passent en pratique, concrètement.
Actuellement, quand le gouvernement du Québec communique avec
d'autres gouvernements, soit des gouvernements des autres provinces canadiennes
ou des gouvernements des États américains, par exemple, comment
ça se passe? Je comprends qu'il y a une lettre en français, qui
est accompagnée d'une version anglaise. C'est ça, la pratique,
actuellement?
M. Ryan: Regardez, ça dépend des cas. Je vais vous
donner un exemple. J'ai écrit, la semaine dernière, au ministre
fédéral responsable de la Société centrale
d'hypothèques et de logement à propos du dernier budget
fédéral en matière d'habitation. J'ai écrit une
lettre pour protester au nom du Québec contre la diminution radicale du
budget et la diminution relative de la part que nous obtenons cette
année de ce budget. J'ai adressé ma lettre uniquement en
français. Je dois vous dire, c'est parce que je n'avais pas eu le temps
de faire préparer une traduction anglaise, je voulais qu'elle parte. Je
l'ai envoyée uniquement en français. Puis, là, la nouvelle
s'est répandue tout de suite dans toutes les autres provinces
canadiennes que le Québec avait écrit au ministre
fédéral. Puis, là, il y a plusieurs provinces qui ont
téléphoné pour demander si elles pouvaient obtenir une
copie de cette lettre-là en anglais. Je pense bien qu'au strict point de
vue économique on se rend compte que c'est plus économique que
l'auteur traduise sa propre lettre que d'en faire faire 10 traductions à
travers les autres gouvernements du pays. Moi-même, j'avais
demandé qu'on prépare une traduction anglaise parce que je savais
que ça pourrait nous être utile dans tous les échanges qui
surviendront à ce sujet au cours des semaines à venir. Alors,
j'ai fait envoyer une traduction, 2 jours après. Je l'ai fait envoyer
à la Société centrale d'hypothèques. J'ai
demandé qu'on la communique également aux autres provinces qui
l'ont demandée puis là, aux autres provinces, évidemment,
j'ai fait envoyer la lettre dans les 2 langues, la lettre officielle en
français avec la version anglaise.
M. Brassard: Est-ce que c'est la pratique courante
également chez vos autres collègues et chez le premier ministre?
Parce que là aussi...
M. Ryan: Oui. Là, je ne veux pas vous l'affirmer
solennellement, mais c'est toujours ce que nous avons discuté, moi,
depuis que je suis au gouvernement. Il m'arrive de prendre connaissance de
lettres que des collègues adressent à un autre gouvernement ou
à une entreprise parce que ça me rejoint, tantôt comme
ministre des Affaires municipales, tantôt comme ministre responsable de
la langue, tantôt comme ministre responsable de la Sécurité
publique, puis c'est la manière dont on procède.
M. Brassard: Est-ce que l'inverse est vrai aussi? Est-ce que les
gouvernements, les autres gouvernements du Canada puis certains autres
gouvernement étrangers, quand ils écrivent, ils communiquent par
écrit avec le gouvernement du Québec, est-ce qu'ils ont la
courtoisie d'accompagner leurs lettres d'une version française?
M. Ryan: Je vais juste dire que l'Ontario nous écrit
souvent en français.
M. Brassard: L'Ontario...
M. Ryan: Le Nouveau-Brunswick aussi, évidemment.
M. Brassard: Bon. Alors...
M. Ryan: O.K? Le fédéral nous écrit toujours
en français. Il n'ajoute pas de traduction.
M. Brassard: Si je vous comprends bien, cette pratique, qu'on
peut presque qualifier de courante, là, une lettre en français,
accompagnée d'une traduction, selon vous, c'est en violation avec
l'article 16 de la Charte actuelle.
M. Ryan: Ça pourrait être contesté. M.
Brassard: Ça ne l'a jamais été?
M. Ryan: Non. Il y a des ministres qui n'osent pas la
signer parce qu'ils craindraient que ça soit contesté. Moi, je la
signe, ça ne me dérange pas.
M. Brassard: Vous signez les 2 lettres. M. Ryan: Oui.
M. Brassard: Parce que, dans votre esprit, il n'y a pas
violation?
M. Ryan: Dans mon esprit, il n'y a pas violation.
M. Brassard: II n'y a pas violation?
M. Ryan: Non.
M. Brassard: Alors, la question...
M. Ryan: On pourrait dire là...
M. Brassard: ...c'est: Pourquoi vous la modifiez, d'abord?
M. Ryan: ...«n'utilise que la langue officielle».
Ça dépend des conseillers juridiques que vous avez. Il y en a
d'étroits et de larges.
M. Bélanger (Anjou) Vous devez en avoir des larges.
M. Brassard: Oui, mais, ça, c'est comme les
interprétations de la Cour suprême, il y en a des larges, puis des
étroites.
M. Ryan: Bien oui, ça, là, ça varie,
ça varie considérablement.
M. Bélanger (Anjou): II faut élargir les
passages.
M. Brassard: Là, on est dans une époque de larges.
Mais il reste que c'est loin d'être unanime chez vos conseillers,
d'après ce que je peux voir...
M. Ryan: Oui, c'est pour ça qu'on...
M. Brassard: ...que l'article 16 pourrait rester tel qu'il est
là, puis que la pratique actuelle du gouvernement ne constituerait pas
une violation flagrante...
M. Ryan: L'avis que nous avons retenu, c'est celui qui nous
indique qu'il peut y avoir un écueil. Nous voulons l'éliminer
avant qu'il ne se présente parce qu'on aurait l'air joliment fou. Puis,
nous autres, là, quand nous légiférons, M. le
Président, je pense bien que vous allez comprendre, j'ai indiqué
plutôt un souci dominant de légiférer en conformité
avec la Constitution du pays. Puis, deuxièmement, nous voulons
légiférer de manière que nous soyons traînés
devant les tribunaux le moins souvent possible. Non, moi, je vous dis, c'est un
de mes soucis dominants parce que j'ai été étrenné
joliment là dedans, puis un ministre n'a pas beaucoup de temps à
perdre à suivre toutes ces causes-là. Puis, quand il les laisse
trop uniquement aux avocats, il arrive d'autres...
M. Brassard: Pensez-vous vraiment que vous allez avoir des
poursuites en vertu de l'article 16? Il n'y en a jamais eu.
M. Ryan: On vous dit, là, on fait le ménage. Puis,
on trouve que c'est une mesure de prudence. On va être plus à
l'aise tout le monde pour le faire franchement, ouvertement.
M. Brassard: Bon. Moi, je vais vous dire bien sincèrement,
M. le ministre, la pratique dont vous faites état avec les gouvernements
étrangers, personnellement, je vous donne mon avis, je n'en ai
même pas discuté avec mes collègues, je vous donne mon
avis, je trouve que c'est une pratique acceptable, correcte, et pas uniquement
en anglais, là. Je suppose que le Québec communique avec le
gouvernement allemand et qu'il ait la courtoisie d'accompagner sa lettre dans
la langue officielle d'une version allemande, je trouve ça...
M. Ryan: En général, la lingua franca, c'est
l'anglais.
M. Brassard: Peu importe. On pourrait l'accompagner d'une version
gaélique, ça ne me dérangerait pas, dans le sens où
la pratique ne me heurte pas ça ne me heurte pas. Sauf que,
là, ça ne concerne pas seulement les gouvernements
étrangers, l'article 16, ça concerne aussi les personnes morales
établies au Québec. Là, ça me dérange. Je
vais vous le dire bien franchement, là, ça, ça me
dérange. Encore une fois, je reprends le même discours. Vous allez
dire que je radote, mais quand on a des convictions, on les exprime souvent
à maintes reprises. C'est sûrement votre cas aussi. Quand on
prétend et qu'on affirme que le français est la langue officielle
au Québec, sur le territoire québécois, il me semble,
à partir de ce moment-là, que les communications officielles de
l'État, du gouvernement du Québec avec les personnes morales
établies au Québec, pas les compagnies de Chicago ou des
compagnies établies à New York, les compagnies, les personnes
morales, les corporations, les sociétés établies au
Québec, oeuvrant au Québec, opérant au Québec
où, la langue officielle, c'est la langue française, moi, je
n'accepte pas, à partir de ce moment-là, que ce ne soit pas
uniquement la langue officielle qui soit la langue de communication avec les
personnes morales établies au Québec. (21 h 30)
Qu'avec les gouvernements étrangers on adopte une pratique de
courtoisie, qu'on écrive au gouvernement manitobain ou au gouvernement
du Rhode Island, qu'on accompagne la lettre en français d'une version,
d'une traduction anglaise, signée ou pas par le ministre, moi, je trouve
ça correct parce que, au Rhode Island, le français, ce n'est pas
une langue officielle, pas plus qu'au Manitoba également, tout le monde
le sait. Alors, ça, c'est normal.
Mais les personnes morales, les compagnies et les sociétés
qui sont établies au Québec et qui opèrent au
Québec, dans un territoire où on affirme solennellement, dans une
Charte, et on prétend que c'est toujours le cas, même si on
l'amende, où, la langue officielle, c'est le français, je pense
qu'on devrait faire la distinction entre les communications avec les
gouvernements, les autres gouvernements, et les communications avec les
personnes morales établies au Québec.
Je vous rappelle le préambule on me met sous les yeux le
préambule de la Charte de la langue française qui, à ma
connaissance, n'est pas amendé où on dit:
«L'Assemblée nationale reconnaît la volonté des
Québécois d'assurer la qualité et le rayonnement de la
langue française. Elle est donc résolue
l'Assemblée nationale est donc résolue à faire du
français la langue de l'État et de la loi aussi bien que la
langue normale et habituelle du travail, de l'enseignement, des communications,
du commerce et des affaires.» De telle sorte que je pense qu'il y aurait
lieu de faire une distinction entre les communications d'État à
État, de gouvernement à gouvernement et les communications
d'État avec les personnes morales établies au Québec, sur
le territoire du Québec, où, prétend-on, la langue
officielle est le français.
Je ne sais pas si... Je pense être clair et j'aimerais, je
souhaiterais que le ministre me dise que je l'ai convaincu de la distinction
qui doit s'imposer, dans les circonstances.
Le Président (M. Doyon): M. le ministre.
M. Ryan: Quand on parle des personnes morales établies au
Québec, il y en a beaucoup, de ces personnes morales, qui ont des
ramifications aux États-Unis en particulier. Je vous donne un exemple,
une société qui est établie dans mon comté, la
société Bell Helicopter, Bell Textron. Leur quartier
général est à Fort Worth, je pense, au Texas. Là,
il y a toutes sortes de transactions qu'il faut faire avec ces
entreprises-là; des fois, il est question de licenciement de personnel,
il est question de changement dans le genre de production qu'ils ont, il est
question d'agrandissement, il est question de nouveaux financements. Il y a
toutes sortes de problèmes qui se posent et qui, des fois, vont
nécessiter des communications très rapides avec la maison
mère. Ça, c'est Bell Textron, qui est établie au
Québec, mais également dans d'autres endroits. Et, que nous
n'ayons aucune latitude c'est ça que le texte actuel dit, aucune
latitude pour... À un moment donné, il y a une
décision qui doit être prise demain matin; moi, j'envoie une
communication écrite cet après-midi et je veux qu'elle soit
comprise par tout le monde. Si j'envoie ma lettre officielle en
français, avec une version de courtoisie en anglais, j'augmente les
chances d'une décision favorable pour le Québec. Je
n'enlève rien à la langue française, ça s'en va au
Texas. Il ne faut pas faire exprès pour scorer dans nos propres buts non
plus, en affaires. Alors, ça nous donnerait cette latitude.
Maintenant, la pratique actuelle, ce n'est pas de se mettre à
quatre pattes devant les entreprises et de leur envoyer des versions anglaises
quand elles n'en ont pas besoin, celles qui sont établies au
Québec uniquement uniquement. Pas de problème, on
encourage toutes nos entreprises, M. le Président, à sortir des
frontières du Québec. On leur dit: Exportez, c'est ça qui
est la voie de l'avenir. Il faut donner un peu de souplesse dans les rapports.
Il peut arriver qu'une entreprise va nous dire: Je m'en vais à
Séoul demain, j'ai besoin d'une lettre du ministre, sans faute. Le
ministre lui donne une lettre, il l'accompagne d'une version anglaise,
ça va l'aider beaucoup auprès de la maison mère
là-bas. Je trouve que, franchement, il ne faut pas faire exprès.
11 faut faire confiance au jugement des gouvernements.
Je comprends l'intolérance ou l'intransigeance, à tout le
moins, je ne veux pas exagérer. C'est vraiment une intransigeance que
nous voulons tempérer par le maintien de la règle de fond qui est
le français, à titre de communication officielle, et, en
même temps, cette faculté de souplesse qui n'a rien d'excessif
dans le monde d'aujourd'hui où les communications
transfrontalières sont continues, continues dans la vie des affaires,
dès qu'elles prennent une certaine envergure.
M. Brassard: M. le Président.
Le Président (M. LeSage): M. le député de
Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Pensez-vous vraiment que les États
américains, comme l'État de New York, pour son métro,
communiquent en français avec Bombardier? Jamais de la vie!
M. Ryan: Pas du tout, mais...
M. Brassard: Ils communiquent en anglais. C'est évident.
M. le Président, je sais que je ne réussirai pas à vous
convaincre, mais je pense que je me dois de le signaler, il y a un autre
chapitre, dans la Charte de la langue française, qu'on prétend,
d'ailleurs, par la loi 86, renforcer, améliorer, c'est le chapitre sur
la francisation des entreprises. On veut que les entreprises, et surtout les
grandes entreprises, non seulement soient tenues d'avoir un certificat de
francisation, mais également qu'elles mettent en oeuvre, au sein de leur
entreprise et dans tous les services, un programme de francisation. Et le
programme de francisation a pour but la généralisation de
l'utilisation du français à tous les niveaux de l'entreprise
à tous les niveaux de l'entreprise. Ce qui comporte, entre
autres: a) la connaissance de la langue officielle chez les dirigeants, les
membres des ordres professionnels et les autres membres du personnel; b)
l'augmentation à tous les niveaux de l'entreprise, y compris au sein du
conseil d'administration, du nombre de personnes ayant une bonne connaissance
de la langue française de manière à en assurer
l'utilisation généralisée; c) l'utilisation du
français comme langue de travail et des communications internes; d)
l'utilisation du français dans les documents de travail de l'entreprise,
notamment dans les manuels et les catalogues, bon, etc. programmes de
francisation en vertu d'un certificat de francisation décerné,
octroyé par l'office de la langue française. ça, c'est le
chapitre sur la francisation des entreprises. c'est ça, les objectifs.
et, là, on leur lance le message, après ça, en disant:
écoutez bien, là...
Une voix: C'est important.
M. Brassard: ...on vous demande de vous franciser à tous
les niveaux, là, y compris au sein du conseil d'administration,
mais...
Une voix: On va vous envoyer des lettres en anglais.
M. Brassard: ...ce n'est pas bien grave, là. Si ça
ne s'applique pas, ça n'est pas bien grave, là. Quand c'est
important, là, on va vous écrire en anglais. C'est ça le
message qu'on va lancer. Un message contradictoire, un message qui va avoir
pour effet de neutraliser, d'atténuer la portée, la force qu'on
veut donner au chapitre sur la francisation des entreprises. Il me semble qu'il
y a là une contradiction évidente.
Moi, encore une fois, je le répète, avec les gouvernements
étrangers, je suis ouvert à des pratiques de courtoisie, de
savoir-vivre. Mais, à partir du moment où une entreprise, une
société, même si elle a un siège social à
l'étranger, même si elle a des succursales à
l'étranger, à partir du moment où elle est établie
au Québec, où elle opère au Québec, où elle
a des unités de production au Québec, à partir de ce
moment-là, en plus, si elle est touchée par un programme de
francisation, étant de 50 employés et plus, si elle a entre les
mains un certificat de francisation, il me semble qu'on doit avoir avec elle
des communications écrites qui l'encouragent, qui, en quelque sorte,
viennent confirmer ses efforts de francisation, qui viennent, en quelque sorte,
louer ses efforts de francisation. Mais, si on commence à lui
écrire en anglais, on lui envoie le message que ce n'est pas bien grave,
là. Écoutez, votre certificat de francisation, là,
ça, c'est un... Faits-le laminer, là. Accrochez-le dans le bureau
du P.-D.G., puis ça n'a pas plus de signification que ça,
là. Ne faites pas d'efforts. Que vos dirigeants ne s'efforcent pas
d'apprendre la langue officielle parce que... Puis, de toute façon, si
on a des choses importantes à vous dire, là, ce n'est pas bien
grave, on vous écrira en anglais. C'est l'État
québécois qui dit ça.
Une voix: Oui.
(21 h 40)
M. Brassard: C'est l'État québécois. C'est
le gouvernement québécois. Moi, il me semble qu'il y a là
une contradiction et une incohérence inacceptables et je ne peux pas,
quant à moi, M. le Président... Puis ce n'est pas de
l'intransigeance, là, c'est de la logique, c'est de la cohérence.
Ou bien ils sont établis au Québec, ou ils ne sont pas
établis au Québec. Si vous communiquez avec une
société étrangère qui n'est pas établie au
Québec, alors ce n'est pas une personne morale établie au
Québec, ma foi, là, la loi ne vous oblige pas à
communiquer en français avec cette société-là.
Mais, si c'est une société établie au Québec, une
personne morale établie au Québec, qui opère au
Québec, là, la loi est très claire et doit demeurer
très claire: les communications doivent se faire uniquement en
français, sinon, à quoi ça sert de les obliger à se
franciser puis à se doter de programmes de francisation?
Voilà!
Le Président (M. LeSage): M. le ministre.
M. Ryan: Est-ce que nous sommes prêts pour le vote, M. le
Président? Non? Mais, là, si vous n'êtes pas prêts,
je vais commenter un petit peu.
M. Bélanger (Anjou): On n'est pas prêts.
M. Ryan: Brièvement. Tout d'abord, là, dissipons
toute équivoque. La version modifiée que propose le gouvernement
dans le projet de loi 86 établit clairement l'obligation pour le
gouvernement d'utiliser la langue officielle dans toutes ses communications
avec les autres gouvernements et les personnes morales. On veut qu'il n'y ait
aucune ambiguïté, aucun doute là-dessus. Parce que,
ça, c'est la règle générale, la règle
fondamentale, la règle première. Je pense qu'il n'y a aucune
contestation possible là-dessus.
Deuxièmement, le mode de rédaction que nous proposons est
évidemment assorti de l'application possible de l'article 89, que, dans
les cas où la présente loi n'exige pas l'usage exclusif de la
langue officielle, on peut continuer à employer à la fois la
langue officielle et une autre langue. C'est ça qui va arriver, ici.
Maintenant, dans la pratique, c'est le gouvernement... L'administration
s'est fixé comme règle que la langue officielle est son mode de
fonctionnement, son mode d'expression. Il peut arriver... Comme je l'ai dit
tantôt, j'aimerais bien pouvoir faire la distinction qu'on fait. Mais je
ne voudrais pas avoir eu l'air d'attaquer un problème puis ensuite de ne
pas le résoudre seulement pour faire plaisir.
Je reviens à un cas, là. Disons qu'une firme est
établie au Québec uniquement... Son dirigeant principal ou un de
ses représentants s'en va à Hong Kong pour essayer de
décrocher une grosse transaction. À Hong Kong, tout le monde sait
que la langue de communication, c'est l'anglais. Et il va voir son ministre de
l'Industrie, du Commerce et de la Technologie puis il dit: Ça me prend
une lettre de recommandation, là, disant que le gouvernement du
Québec nous appuie fortement. Le ministre dit: Très bien, je vais
vous donner une bonne lettre. Parce qu'il croit à son projet puis tout.
Il donne ça rien qu'en français. Le gars, là-bas, il ne
trouvera personne qui parle français. S'il arrive avec sa lettre et dit:
II m'a donné une lettre en français mais voici la version
anglaise qui est approuvée par lui également, qui porte sa
signature également, il me semble que c'est plus civilisé, que
c'est plus intéressant. C'est plus de nature à procurer le
résultat qu'on veut. Autrement, l'entreprise va être
obligée de faire une traduction quand même qui ne sera même
pas approuvée et qui peut contenir des déformations. Je trouve
qu'on est aussi bien... Comme c'est la lettre du ministre... En tout cas, moi,
j'aimerais mieux que ce soit la traduction sur laquelle j'ai eu un
contrôle.
Et, si j'écris au président de la Banque Nationale,
au président de la Banque Royale à Montréal qui a
encore une partie de son bureau chef à Montréal en tout
cas, la Banque Royale, je pense qu'elle l'a encore à ce
moment-là, je ne suis pas obligé de lui mettre une version
anglaise. Il comprend très bien le français maintenant, il a tous
les services voulus chez lui pour ça. On n'est pas obligé du tout
puis on ne le fait pas.
Il y a des cas qui sont... Dans les grandes entreprises... Prenez la
General Motors. On a eu, pendant 3 ans, un M. Moran comme directeur
général de l'usine. Cette personne-là ne parlait presque
pas le français. Il était tellement pris dans les
problèmes de production qu'il n'a pas eu le temps de s'en aller pendant
3 mois pour suivre un «Berlitz», là. Il passait vite, puis
c'est le meilleur réorganisateur d'usines en décadence de General
Motors à travers l'Amérique. Il est venu ici et il a remis
l'usine de GM sur pied. Il a sauvé entre 3000 et 4000 emplois en lui
trouvant une vocation nouvelle. Il s'est gagné l'attachement de tout le
personnel ouvrier, là-bas, et le facteur principal n'était pas
celui qu'on dit. Le facteur principal, c'était les jobs. C'était
les jobs. Déjà, à GM à Boisbriand, le
français est très, très largement établi,
très largement établi. Mais il y a eu beaucoup de communications
à faire avec le quartier général au Michigan, beaucoup de
communications à faire. Des fois, lui était porteur d'une
communication et tout. Je n'ai pas été mêlé
intimement à toutes les transactions mais, comme ministre responsable
des Laurentides, j'ai suivi le dossier de près et je peux vous dire une
chose, aujourd'hui. J'ai eu à communiquer avec eux par écrit
à plusieurs reprises au cours des derniers mois à propos d'un
gros contrat d'automobiles pour la SQ. Puis, là, toutes les
correspondances sont faites en français uniquement. Il n'y avait pas de
version anglaise, il n'y en avait pas besoin.
Mais je dis: Laissons une petite marge de manoeuvre au gouvernement. Je
regrette infiniment, mais nous allons la mettre dans le projet de loi. Et, si
jamais un gouvernement, ici, du Parti québécois trouve qu'il
serait plus intelligent de l'enlever, il le fera. Et, comme un jeune disait,
hier, ça va être difficile de l'enlever parce que c'est tellement
proche du sens commun et de la nécessité quotidienne des
transactions économiques, sociales et même politiques.
J'apprécie l'ouverture qui est faite. Là, on se rencontre
à 50 %. Mais l'autre, là, vraiment, ça a fait l'objet d'un
examen sérieux. Les arguments que j'ai entendus ne réussissent
pas à me convaincre du réalisme de la position extrême que
défend le député de Lac-Saint-Jean. Encore une fois,
là, nous restons entièrement fidèles à la
règle première de la Charte qui est que le français est la
langue officielle, la langue qui est toujours, obligatoirement,
utilisée.
Le Président (M. LeSage): M. le député de
Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Non. Moi, ça va.
M. Bélanger (Anjou): M. le Président.
Le Président (M. LeSage): M. le député
d'Anjou.
M. Bélanger (Anjou): M. le Président, normalement,
il faut donner quelque chose au ministre, il a une rigueur intellectuelle
implacable. On peut être pour, on peut être contre ses arguments,
mais, au niveau de la rigueur intellectuelle, normalement, c'est implacable.
Sauf que, là, j'ai vraiment un petit peu de difficulté à
le suivre. Surtout quand, tout à l'heure, on a lu la disposition de la
francisation des entreprises. Comment peut-on demander à une entreprise
de se franciser à l'intérieur de ses structures internes, ses
relations de travail, ses communications internes et, en même temps, lui
dire: On va communiquer avec toi, avec ton entreprise dans la langue anglaise?
Bien c'est ça! Si je comprends bien le ministre, quand certaines
compagnies vont avoir des racines aux États-Unis, vont être des
filiales américaines installées au Québec, à ce
moment-là, il va se sentir justifié d'envoyer une lettre en
anglais. Moi, je me demande quel... Le message est contradictoire. Ce n'est pas
un message qui est constant. Il me semble, à la lecture de cet
article-là... S'il y a un article dans lequel on pouvait
préserver intégralement le principe du français comme
langue officielle, c'était, je pense, dans cet article-là. Je ne
comprends pas pourquoi le ministre se sent justifié d'enlever ce
mot-là. Surtout qu'il nous a expliqué que, présentement,
malgré l'article qui est là, il envoie une lettre en
français avec une traduction anglaise et qu'il signe. Et, connaissant le
ministre, je suis certain que, s'il signe sa lettre, il pense que c'est
légal. Ce n'est pas le genre du ministre pour faire des
illégalités, quelles qu'elles soient. Alors, s'il se sent
justifié, donc, dans la légalité d'opérer ainsi
maintenant, pourquoi changer cet article-là? Cet article-là est
donc adéquat. Il n'empêche pas de faire ce qu'il dit. Ça,
j'ai vraiment de la difficulté. Surtout quand je connais les sentiments
de...
Tout à l'heure, le ministre parlait, aussi, de sentiments de
courtoisie. La majorité des générosités et
courtoisies qui doivent être une caractéristique dominante,
finalement, de cette nouvelle Charte de la langue française. Et
l'exemple qu'il nous donnait tout à l'heure, d'un pays étranger
on nous donnait un pays dont la langue officielle n'est
vraisemblablement pas l'anglais il disait, à ce moment-là,
qu'il envoyait une lettre en français avec une copie en anglais, puisque
l'anglais est une langue internationale. Il me semble que la courtoisie la plus
élémentaire, ça aurait été d'envoyer, au
moins, la traduction dans la langue officielle du pays, pas en anglais. (21 h
50)
On semble noter une certaine attraction pour la langue anglaise, assez
forte, et non pas nécessairement une attraction pour la langue du pays
avec lequel on veut communiquer. Moi, je pense que la plus
élémentaire des politesses, quand on veut communiquer avec
un pays étranger, c'est, bon, en français, mais avec une
traduction dans la langue officielle du pays. Pas en anglais. Alors, j'ai
vraiment de la difficulté à comprendre ça et je me demande
pourquoi on se sentirait mal de vouloir communiquer en français avec une
entreprise, même étrangère, qui s'installe au
Québec. Pourquoi devrions-nous être gênés? Je ne peux
pas m'empêcher de penser que ça s'apparente à une
mentalité un peu, qu'on pourrait appeler «de
colonisés». Je ne vois pas pourquoi on devrait avoir honte de dire
qu'on va communiquer en français avec des compagnies
étrangères qui viennent s'installer au Québec, qui ont
choisi de venir s'installer au Québec, à qui on a vraiment fait
connaissance que, la langue officielle, c'est le français.
En connaissance de cause, ces compagnies-là viennent s'installer
ici. Elles viennent s'installer ici. Je comprends que ça peut poser des
problèmes, pour n'importe quelle compagnie d'ailleurs. L'autre fois, je
regardais un reportage à la télévision qui disait que les
compagnies japonaises, un de leurs problèmes, c'était d'envoyer
des cadres qui parlaient l'anglais. C'est un problème pour les Japonais
de faire en sorte que leurs cadres aient une bonne connaissance de l'anglais
pour pouvoir justement fonctionner d'une façon adéquate. Mais,
malgré tout, ils savent qu'aux États-Unis c'est en anglais que
ça se passe. Ils n'envoient pas des cadres unilingues japonais pour
venir travailler aux États-Unis. Ils se renseignent sur les coutumes,
sur la langue nationale du pays où ils s'en vont, puis ils s'arrangent
pour s'adapter à cette réalité-là.
Mais c'est important que l'État qui reçoit cette compagnie
étrangère n'envoie pas un message ambigu. C'est toujours le
même message ambigu qu'on se sent obligé de donner. Je ne sais pas
pourquoi. C'est pour ça que j'avais beaucoup de réticences
à employer les mots «mentalité de colonisés»,
parce que je ne pense pas que c'est ça. Mais je voudrais savoir
d'où vient cette gêne.
On a beau dire qu'on veut faire partie de la grande famille canadienne,
ça ne veut pas dire pour autant... Je connais bien des
fédéralistes qui, pour autant, ne se sentent pas
gênés de leur identité essentiellement francophone. Alors,
moi, j'ai de la difficulté vraiment à comprendre cette gêne
qu'on a, comme si on imposait le français à ces pauvres petites
compagnies qui viennent s'installer sur notre sol. Et puis, si on regarde
certains exemples, il y a des compagnies qui sont venues s'installer au
Québec, puis on n'a pas eu pour autant à faire tous ces efforts
de les accommoder en anglais. Je regarde la société Norsk Hydro,
qui est une compagnie norvégienne. Elle est venue s'installer au
Québec. Et, à ce que je sache, en toute connaissance de cause que
c'est le français qui est la langue officielle.
Alors, il me semble que c'est important que le gouvernement du
Québec agisse conformément au principe... Tout à l'heure
on a lu. le préambule de la Charte. «L'Assemblée nationale
reconnaît la volonté des Québécois d'assurer la
qualité et le rayonnement de la langue française. Elle est donc
résolue à faire du français la langue de l'Etat...».
C'est dans la loi, ça n'a pas été changé, cette
modification. Elle est donc résolue à faire du français la
langue de l'État. Mais, quand un État se dit francophone, il se
doit, dans ses communications avec les pays étrangers, avec les
personnes morales qui sont installées sur son territoire, de communiquer
dans la langue officielle. Ça va de soi. Et, si le ministre, de toute
façon, trouve que c'est légal, comme il agit présentement,
d'envoyer, selon le cas, une version anglaise, il n'a pas besoin d'amender la
loi pour faire ça. Mais le principe doit rester dans la loi. C'est le
français qui est la langue officielle. Et, ça, on semble avoir
une gêne par rapport à ça. Je ne sais pas d'où vient
cette gêne. J'aimerais ça que le ministre me l'explique, qu'il me
corrige, qu'il puisse m'expliquer cette gêne que semblent avoir plusieurs
membres de son gouvernement là-dessus.
Et je continue donc le préambule de la Charte de la langue
française: «Elle est donc résolue à faire du
français la langue de l'État et de la loi et de la loi.
Alors, là, déjà, au niveau, comme je disais, de la rigueur
intellectuelle, quand on dit: "de la loi"... après l'amendement qui a
été adopté tout à l'heure qui fait, finalement, que
la loi a maintenant 2 langues, c'est assez clair que la langue de la loi n'est
plus le français aussi bien que la langue normale et habituelle
du travail, de l'enseignement, des communications des communications
du commerce et des affaires.» Et des affaires.
Alors, quand on veut aussi créer une habitude d'affaires dans une
langue, qu'on veut faire des affaires dans notre langue, en français, je
pense que c'est un drôle de message qu'on envoie aux personnes morales,
en disant: Écoutez, on va vous envoyer des lettres en anglais d'une
façon peut-être plus systématique encore qu'on le fait
présentement.
Moi, je sais que, du côté gouvernemental, il y a plusieurs
députés qui proviennent de régions essentiellement
francophones, et j'aimerais ça connaître l'opinion du
député de Rimouski là-dessus, savoir quelle est son
opinion par rapport à ça. Il trouve ça normal d'avoir
à communiquer en anglais avec des personnes morales qui sont
installées dans son comté? Il trouve ça normal? J'aimerais
ça avoir un peu ses commentaires, ses réactions. Je pense que
ça serait intéressant.
Mais je voudrais proposer un amendement à cet article 2, M. le
Président. Alors, cet amendement se lit comme suit: L'article 2 du
projet de loi 86, Loi modifiant la Charte de la langue française, est
modifié par l'ajout, dans la deuxième ligne, après le mot
«utilise», du mot «uniquement».
M. le Président, je pense qu'en mettant le mot
«uniquement» ça rétablirait, à ce
moment-là, le principe et ça ne va pas à rencontre, non
plus... Alors, M. le Président, je viens de proposer un amendement. Je
ne sais pas si vous l'avez.
Le Président (M. Doyon): Oui, je l'ai sous les yeux,
oui.
M. Bélanger (Anjou): Vous l'avez sous les yeux? Alors, cet
amendement, je pense, est tout à fait cohérent avec le principe
et surtout le préambule qui est contenu dans la Charte de la langue
française. S'il est vrai que le français est la langue
officielle, c'est bien entendu que, dans les communications de l'État,
cela doit se refléter au premier chef.
Le Président (M. Doyon): Oui, monsieur, sur la
recevabilité.
M. Ryan: La proposition me semble irrecevable à sa face
même.
Une voix: Pourquoi?
M. Ryan: Parce qu'elle est absolument contraire au principe de
cet article du projet de loi. Absolument contraire. Ça nous
ramène à la chose qu'on veut modifier. Ça nous
ramène exactement au principe qui était là, qu'on veut
modifier légèrement. En tout cas, je ne pense pas que ça
soit recevable.
Le Président (M. Doyon): Une dernière intervention
sur...
M. Bélanger (Anjou): Je laisse ça à votre
bon jugement, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Oui. Force m'est de constater,
compte tenu de ce que la proposition gouvernementale est, qui vise à
changer les mots «n' que», qui est l'équivalent de
«uniquement», que ça va à rencontre de la proposition
gouvernementale. Dans ce sens-là, ce n'est pas un amendement qui est
recevable, dans le sens qu'il contredit fondamentalement la proposition
gouvernementale. Donc, je le déclare irrecevable et je le fais ici...
Oui, je pense que je n'ai pas besoin de... Ça confirme ce que je vous
dis.
M. Brassard: M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Oui, M. le
député.
M. Brassard: J'accepte votre décision, mais on avait
demandé, cet après-midi, copie de la décision
écrite du député de Hull, qui vous remplaçait
à ce moment-là. Est-ce qu'on pourrait l'avoir, s'il vous
plaît?
Le Président (M. Doyon): Vous devez l'avoir eue.
M. Brassard: Oui? O.K. D'accord, très bien. Merci.
Le Président (M. Doyon): J'avais demandé que ce
soit fait.
M. Brassard: On revient, mais j'aurais un dernier commentaire
à faire sur l'article 2, de ma part. Mon collègue de Laviolette
peut ajouter des choses, mais, moi, j'aurais un dernier commentaire à
faire.
Écoutez, il me semble que, de l'autre côté, il y a
une vision des choses avec laquelle, moi, je suis incapable d'être en
accord. Moi, j'accepte ça, une entreprise québécoise, un
entrepreneur québécois qui veut pénétrer les
marchés internationaux, qui veut vendre aux États-Unis, qui veut
obtenir des contrats au Japon ou à Hong Kong, comme le mentionnait
tantôt le ministre. Je comprends tout à fait que cet entrepreneur
québécois doit, devra, sans aucun doute, utiliser la langue
anglaise lorsqu'il va sortir du Québec pour aller sur les marchés
internationaux. C'est normal, ça. L'entrepreneur danois qui veut faire
la même chose va aussi devoir adopter le même comportement.
Ça, c'est une chose qui est tout à fait normale dans le monde
qu'on connaît et avec l'économie mondiale telle qu'elle existe. Un
entrepreneur québécois qui veut sortir du marché
québécois, qui veut pénétrer d'autres
marchés internationaux, inévitablement, va devoir recourir
à la langue anglaise. Tout le monde reconnaît ça, nous
aussi. Ça va de soi. (22 heures)
Ça, c'est une chose. C'en est une autre que d'affirmer qu'au
Québec cette entreprise-là va devoir utiliser l'anglais.
L'entreprise danoise qui fonctionne au Danemark, elle fonctionne en danois. Si
elle veut pénétrer les marchés internationaux, là,
c'est une autre affaire. Elle va sans doute recourir à d'autres langues
et particulièrement à l'anglais. Mais l'entreprise
québécoise qui fonctionne au Québec, qui opère au
Québec, à partir du moment... Quant à ses
opérations au Québec, sur le territoire québécois,
ça doit se faire en français. Il faut fonctionner en
français.
Le ministre cite GM. Écoutez, chez nous, dans ma région,
des grandes entreprises, on connaît ça aussi. Alcan, ce n'est pas
une binerie. Abitibi-Price, ce n'est pas une binerie non plus. Elle fonctionne
depuis des décennies dans notre région. Elle a même
participé très largement au développement puis à la
naissance, puis à l'ouverture de la région. Alcan est sur tous
les marchés internationaux. Je sais très bien qu'Alcan, quand
elle fonctionne ou quand elle opère sur les marchés
étrangers, elle opère en anglais. Mais, au Québec, Alcan a
été une des premières multinationales elle n'a
même pas attendu la loi 101 à fonctionner en
français, à respecter son programme de francisation, à
aller même au-delà de son programme de francisation. Et si vous
voulez communiquer au Québec avec Alcan, personne morale établie
ici et puis qui opère ici depuis des décennies, n'ayez aucune
inquiétude, communiquez en français avec Alcan, puis vous allez
être compris. Même avec Abitibi-Price aussi, vous allez être
parfaitement compris, puis même Consol, les grandes papetières qui
opèrent au Québec.
Alors, il faut distinguer les choses. Opérer sur les
marchés étrangers, sur les marchés internationaux, oui,
ça exige, à ce moment-là, qu'on ait recours, assez
régulièrement, à l'anglais. Pas toujours, parce qu'il ne
faut
quand même pas s'imaginer que le français, c'est
l'équivalent du serbo-croate. C'est quand même une langue qui a un
certain rayonnement, puis une certaine reconnaissance internationale. Mais, au
Québec, il n'y a pas de raison qu'on permette aux personnes morales
établies au Québec, qu'on leur donne la moindre occasion
d'enfreindre les dispositions ou le caractère officiel de la langue
française. La pratique veut que les entreprises sont parfaitement
capables de se conformer à ces dispositions, sont parfaitement capables
de fonctionner en français et de comprendre les communications
écrites en français, en provenance de l'État. Et, dans ces
conditions, je trouve que c'est faire preuve de nonchalance, de faiblesse, de
complaisance que d'amender, de cette façon, la loi.
M. Tremblay (Rimouski): M. le Président.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Rimouski.
M. Tremblay (Rimouski): Je voudrais savoir, d'abord, comment il
reste de temps sur l'article 2, étant donné qu'on pourra
peut-être disposer de cet article-là, et si vous pouvez me donner
une consigne à cet égard pour qu'on puisse appeler le vote, s'il
y a lieu.
Le Président (M. Doyon): Oui. Je peux vous dire qu'il
reste 1 minute ou 2 au député de Lac-Saint-Jean, puis il reste
une dizaine de minutes au député d'Anjou, et il reste une dizaine
de minutes au ministre.
M. Jolivet: Et moi?
Le Président (M. Doyon): Et, M. le député de
Laviolette, le calcul est trop compliqué. On a renoncé à
le faire! Non, je vais le savoir, ce n'est pas rendu sur mon bureau.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Jolivet: Je n'ai pas parlé là-dessus.
Le Président (M. Doyon): Alors, si vous n'avez pas
parlé, c'est vous qui le savez.
M. Jolivet: Je n'ai pas parlé, mais...
M. Ryan: S'il n'a pas parlé, c'est parce qu'on a un
secrétariat qui n'a pas entendu...
Le Président (M. Doyon): Possiblement.
M. Ryan: ...parce qu'on l'a entendu, nous autres, à
plusieurs reprises.
Une voix: Ah oui!
M. Brassard: Pas sur l'article 2.
M. Ryan: Oui, oui.
M. Brassard: Non, je regrette, mais il n'a pas parlé sur
l'article 2.
M. Jolivet: Je n'ai pas parlé encore. M. Ryan:
Excusez-moi.
M. Jolivet: Je n'ai même pas parlé sur
l'amendement.
M. Ryan: Excusez-moi.
Le Président (M. Doyon): Sur l'article 2, peut-être
pas.
M. Ryan: Très bien.
M. Jolivet: M. le Président.
M. Ryan: L'impatience me gagnait.
M. Jolivet: Pardon?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Jolivet: Pardon?
M. Ryan: L'impatience allait me gagner.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Jolivet: Moi, c'est drôle, je n'ai rien compris.
M. Brassard: L'impatience allait le gagner.
M. Jolivet: ...
M. Ryan: J'avais cru vous avoir entendu, mais 2 témoins
disent que ce n'est pas vrai. Donc, je me soumets.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ryan: Quand c'est clair, moi, il n'y a jamais de discussion
avec moi.
M. Brassard: Ça n'arrive pas souvent que vous vous
soumettiez aussi rapidement.
M. Ryan: Ah non! Devant l'évidence...
M. Brassard: Ah bon!
M. Ryan: ...je me soumets toujours.
M. Jolivet: Non. Je voulais apporter juste un fait, M. le
Président.
Le Président (M. Doyon): Oui, M. le
député de Laviolette, vous avez la parole.
M. Jolivet: Quand je suis arrivé, la discussion
était amorcée sur l'amendement, la recevabilité de
l'amendement. Il y avait eu des questions qui avaient été
posées avant, et, sur l'amendement, vous avez déclaré
qu'il était irrecevable, compte tenu qu'il mettait en contradiction le
principe présenté par le ministre et la position que nous
tenions. Sauf que, si on était capable de convaincre le gouvernement de
ne pas accepter la position du ministre, on arriverait au même
résultat que notre amendement, c'est-à-dire qu'on reviendrait au
texte original de la loi 101, ce qui, à mon avis, devrait être
fait.
D'autant plus, M. le Président, que, quand on dit et c'est
le laxisme que ça amène dans le texte que ça a pour
but d'inscrire «utilise la langue officielle», ça
sous-entend par le fait même qu'une autre langue pourrait être
utilisée. Quand on inscrit «n'utilise que la langue
officielle», ça, c'est clair. Dans mon esprit, moi, c'est clair.
Le ministre aime des choses claires, c'en est une. Dans l'autre cas, elle porte
flanc à ouverture.
Ces ouvertures-là, M. le Président, je vais vous en donner
juste un exemple parce qu'on dit: Dans les communications écrites avec
les autres gouvernements et avec les personnes morales établies ici,
l'administration n'utilise que la langue officielle. On parlait des
entreprises, des compagnies. J'ai eu un événement qui s'est
produit chez moi. Quelqu'un m'appelle et dit: Jean-Pierre, j'ai un
problème qui est le suivant. Je suis un individu. Il y a un groupe qui
s'appelle la compagnie Chrysler, division Dodge, qui vend des autos Caravan.
J'en ai une comme ça. If dit: J'ai essayé d'avoir le feuillet
français de l'assurance. Vous savez, ils nous vendent une assurance. Ils
nous disent: Si tu veux payer plus cher, ça va te donner une assurance
qui va aller plus loin dans le temps. Au lieu de 3 ans, ça peut
être 5 ans.
M. Brassard: Une garantie.
M. Jolivet: Une garantie prolongée. Ça peut
être 100 000 km au lieu de 60 000 km. Alors, l'individu dit:
Écoutez, vous m'avez donné ça, mais vous me donnez un
feuillet complètement en anglais. Puis-je en avoir un en
français? L'individu lui répond: On n'en a pas. Mais il dit:
Où est-ce que je peux en avoir un? Il dit: II n'en existe pas. J'ai
vérifié avec 2 ou 3 vendeurs d'automobiles, ils n'en ont pas.
Vous voyez, là, juste par le laxisme, on en arrive finalement à
dépasser complètement ce qui est la loi qui disait qu'on devait
avoir un service en français.
Bien, regardez ici, le ministre, en ouvrant cette porte, en arrive
à dire: Utilise la langue officielle... C'est qu'il sous-entend... Le
ministre ne peut pas me convaincre que ce n'est pas possible. Ça
sous-entend qu'il peut utiliser une autre langue qui peut être
l'anglais que la langue officielle. Sauf que je le réfère
à l'article qu'on vient on en faisait mention tout à
l'heure d'accepter sur division, qui donne, à mon avis, 2 langues
officielles: la langue française et la langue anglaise. Alors, vous
voyez les dangers que ça comporte dans les relations de l'État
avec les gouvernements ou les personnes morales établies ailleurs qu'au
Québec.
Vous avez, je pense bien en tout cas, en France comme ailleurs, dans des
pays anglais ou dans des pays asiatiques ou autres, des relations de gens qui
font des discussions, ou des missives sont envoyées à d'autres
gouvernements, ou encore des rencontres. On en a eu un exemple ici même,
dans l'Assemblée, et, ça, ça a fruste un peu du monde.
À 2 occasions cette année, 2 occasions dans le contexte du
Bicentenaire je pense que ça vaut la peine de se le rappeler
une personne, qui était le président du Parlement
européen, est venue nous parler complètement rien qu'en anglais
parce que sa langue de travail, l'allemand, normalement... Avec une
interprète à côté, ça a pris le double du
temps. (22 h 10)
Même chose pour le ministre du Tourisme. Vous vous en souvenez, au
Parlementaire, on est reçu, à l'intérieur des associations
touristiques régionales. Il y a une personne qui est venue,
représentant la compagnie Oerlikon. Je m'en souviendrai toujours de ce
matin-là parce que c'est arrivé deux fois dans la même
journée. Le matin, au déjeuner, on s'en va pour déjeuner
avec du monde, on nous invite à venir déjeuner pour parler du
tourisme. La personne commence par nous saluer en français et fait un
discours d'une demi-heure rien qu'en anglais, sans aucune traduction, ici
même à l'Assemblée, pendant le temps du Bicentenaire.
Ça s'est produit ici, deux fois dans la même journée. Le
matin, c'est le président d'Oerlikon, qui est venu parler rien qu'en
anglais pour les associations touristiques régionales et, le soir, ou
dans l'après-midi, vers l'heure du lunch, vers les 16, 17 heures, le
président du Parlement européen. Vous voyez donc que, même
dans notre milieu, où il y a le français, le laxisme amène
des choses comme celles-là.
Alors, nous, on voulait, et on veut toujours, que l'original demeure
pour éviter ça, pour éviter qu'il y ait, tranquillement
pas vite, l'assentiment, la vision que ça se passe aussi bien en anglais
qu'en français et que, finalement, on en arrive, au bout de la course,
à faire en sorte qu'on dira, comme le ministre l'a dit tout à
l'heure: Nous n'avons rien changé à l'article 1, M. le
député de Laviolette. On n'a rien changé; on a juste
placé ça selon la réalité. Dans 5, 10, 15 ans, on
en arrivera peut-être pour dire que, le laxisme ayant amené cette
réalité, c'est celle-là qu'on confirme par un changement
à la loi. Ça m'inquiète. Ai-je le droit de
m'inquiéter? Je pense que oui.
Alors, M. le Président, il est évident que, compte tenu
que nous sommes à l'article, tel que présenté par le
ministre, je vais voter contre.
Le Président (M. Doyon): Est-ce que cette commission est
prête à procéder au vote? Vote nominal.
Que ceux qui sont en faveur de l'article 2 veuillent bien me l'indiquer.
M. le ministre?
M. Ryan: En faveur.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Rimouski?
M. Tremblay (Rimouski): Pour.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Richelieu?
M. Khelfa: Pour.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Charlevoix?
M. Bradet: Pour.
Le Président (M. Doyon): Que ceux qui sont contre
veuillent bien me l'indiquer.
M. Brassard: Je suis contre, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Lac-Saint-Jean, contre. M. le député d'Anjou?
M. Bélanger (Anjou): Contre.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Laviolette?
M. Jolivet: «Nays».
Une voix: ...
M. Jolivet: J'ai le droit, à l'Assemblée
nationale.
Le Président (M. Doyon): Abstention de ma part.
Le Secrétaire: 4 pour, 3 contre, 1 abstention.
Le Président (M. Doyon): L'article 2 est donc
adopté. Pardon... Oui, c'est ça, l'article 2 est adopté,
pardon, bien sûr. Je pensais qu'on était sur un amendement.
L'article 3, j'en fais la lecture. 3. L'article 20 de cette Charte est
modifié par le remplacement, dans la deuxième ligne du
troisième alinéa, de ce qui suit: «paragraphe f de
l'article 113» par ce qui suit: «premier alinéa de l'article
29.1». Fin de l'article 3.
Oui, M. le ministre.
M. Ryan: Je proposerais que nous gardions cet article en suspens
jusqu'à ce que nous ayons disposé de la proposition qui vise
à créer l'article 29.1.
Le Président (M. Doyon): Donc, on y reviendrait au
moment...
Une voix: Après l'article 29.1.
M. Ryan: C'est-à-dire à l'article 10, à
l'article 9. Les articles 9 et 10, plutôt, quand on aura disposé
de l'article 10; celui-ci, c'est un article de concordance, finalement.
Le Président (M. Doyon): L'article 10, qui traite de
l'article 29.1.
M. Brassard: Oui, d'accord.
Le Président (M. Doyon): Alors, l'article 3 est
donc...
M. Brassard: Suspendu.
Le Président (M. Doyon): ...suspendu pour le moment. Nous
en sommes à l'article 4. J'en fais la lecture. 4. L'article 22 de cette
Charte est modifié par: 1° le remplacement, dans la deuxième
ligne du texte anglais, des mots «public health or safety» par les
mots «health or public safety»; 2° l'addition des
alinéas suivants: «Dans le cas de la signalisation
routière, le texte français peut être
complété ou remplacé par des symboles ou des pictogrammes
et une autre langue peut être utilisée lorsqu'il n'existe aucun
symbole ou pictogramme pouvant satisfaire aux exigences de santé ou de
sécurité publique. «Toutefois, le gouvernement peut
déterminer, par règlement, les cas, les conditions ou les
circonstances où l'administration peut utiliser le français et
une autre langue dans l'affichage.» Fin de l'article 4.
M. le ministre.
M. Brassard: M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Oui, M. le
député.
M. Brassard: Comme nous avons bonne mémoire de ce
côté-ci, nous sommes parvenus à un article qui
prévoit un règlement et nous nous souvenons de l'engagement du
ministre de déposer les projets de règlement au moment où
nous aborderons l'étude d'un projet prévoyant un
règlement.
Le Président (M. Doyon): M. le ministre.
M. Ryan: M. le Président, je vais faire procéder
derechef à la distribution du projet de règlement que nous avons
préparé en relation avec l'article 4, traitant de la langue de
l'administration. Je crois que ces copies devraient être disponibles...
Est-ce qu'elles sont disponibles en français et en anglais?
Une voix: Oui.
Le Président (M. Doyon): Alors, suspension pour 2 minutes,
le temps qu'on distribue les règlements.
(Suspension de la séance à 22 h 16)
(Reprise à 22 h 19)
Dépôt de l'avant-projet de
règlement sur l'affichage de l'administration
Le Président (M. Doyon): Donc, la commission reprend ses
travaux, maintenant que les avant-projets, aussi bien en anglais qu'en
français, des règlements qui découlent de l'article 4 du
projet de loi 86 ont été distribués aux membres de cette
commission. Et, dès maintenant, je cède la parole à M. le
ministre. M. le ministre.
M. Jolivet: M. le Président. Le Président (M.
Doyon): Oui.
M. Jolivet: M. le ministre, je suis sûr qu'il
s'apprête à nous faire une information du document pour que
ça puisse sortir dans les journaux comme il le veut et non pas comme on
pourrait l'interpréter. Alors, je souhaite énormément que
le ministre nous en fasse une explication la plus complète possible.
Parce que nous avons l'intention d'en faire l'étude la plus exhaustive
et approfondie.
Le Président (M. Doyon): Alors, M. le ministre, vous avez
la parole. (22 h 20)
M. Ryan: M. le Président, je suis volontiers à
votre disposition, vous le concevrez facilement. Nous arrivons à un
article très important du projet de loi, qui apporte des
éléments nouveaux par rapport à la réalité
actuelle. Je pense que ça demande une bonne explication.
J'apprécie l'intérêt que le député de
Laviolette porte par anticipation aux explications que je devrai fournir avec
encore plus d'efforts, à cause de ça, pour le satisfaire.
Évidemment, l'ouverture qu'il n'a cessé de manifester depuis le
début de nos échanges...
Non, blague à part, la première modification que nous
proposons ici se comprend facilement, là. Il faut se
référer... L'article 22 de la Charte se lit comme suit:
«L'administration n'utilise que le français dans l'affichage, sauf
lorsque la santé ou la sécurité publique exige aussi
l'utilisation d'une autre langue.» Alors, là, en anglais, dans le
texte anglais de la Charte, on traduit «sécurité
publique», on disait: «public health or safety». Puis
là, nous autres, on dit que c'est «health or public safety».
«Health or public safety» parce que c'est la santé des
individus ou de la collectivité, tandis que la sécurité
publique, c'est un concept collectif de sa nature, ça. Et, ici, on
ajuste le texte anglais au texte français, là. C'est une pure
modification d'ajustement linguistique.
C'est très rare que nous nous arrêtions ici à la
correction du texte anglais de nos lois. Et c'est un cas où il nous est
apparu opportun de le faire.
Dans le deuxième alinéa, nous traitons de la signalisation
routière. Les députés sont sans doute familiers avec
l'article 29 actuel de la Charte, lequel prescrit que «seule la langue
officielle peut être utilisée dans la signalisation
routière». Puis on dit que le texte français peut
être complété ou remplacé par des symboles ou des
pictogrammes. Là, nous autres, nous disons: Dans le cas de la
signalisation routière, le texte français... On ajoute
l'alinéa suivant à l'article 22. Ce qui va arriver là,
pour qu'on se comprenne, c'est qu'on ajoute 2 alinéas à l'article
22 puis l'article 29 va disparaître. Parce que là on traitait de
l'affichage à 2 endroits différents, de la signalisation ou de
l'affichage. C'était suprêmement confondant. Là, on les
réunit ensemble de la manière suivante. Pardon?
M. Brassard: Le premier alinéa de 22 n'est pas
touché.
M. Ryan: Le premier alinéa de 22 demeure tel quel. Le
premier... le paragraphe... l'article 22, excusez-moi, demeure tel quel, sauf
la version anglaise, qui subit la modification proposée. Ensuite, nous
ajoutons l'alinéa suivant: «Dans le cas de la signalisation
routière, le texte français peut être
complété ou remplacé par des symboles ou des pictogrammes
et une autre langue peut être utilisée lorsqu'il n'existe aucun
symbole ou pictogramme pouvant satisfaire aux exigences de santé ou de
sécurité publique.»
Alors, ceci, pour être clair, signifie à peu près ce
qui suit: Actuellement, la signalisation routière relève d'un
règlement du ministre des Transports. C'est au ministre des Transports
qu'il incombe de promulguer un règlement sur la sécurité
routière. Ce n'est pas un règlement du gouvernement, c'est un
règlement du ministre. Il y a toujours les 2, comme je l'ai
expliqué à maintes reprises antérieurement. Vous remarquez
que dans le cas de la Charte il n'existe pas de règlement du ministre.
Ce sont tous des règlements du gouvernement. Il n'y en a pas qui
appartiennent au ministre de la Charte en propre, et pour des raisons qu'on
peut comprendre, on ne remet pas ça en cause. Mais, dans le cas de la
signalisation routière, le ministre est responsable d'un
règlement concernant la signalisation, puis, dans ces cas-ci, il pourra
prévoir dans son règlement que, là où il n'existe
pas de symbole ou pictogramme pouvant satisfaire aux exigences de santé
ou de sécurité publique, la signalisation pourra être dans
une autre langue. Ça, c'est nouveau, ça répond à
des constatations que nous avons faites, et c'est très limitatif.
Ensuite, nous arrivons à l'ajout le plus important, je pense
bien: «Toutefois, le gouvernement peut déterminer, par
règlement, les cas, les conditions ou les circonstances où
l'administration peut utiliser le français et une autre langue dans
l'affichage.»
Alors, là, on s'est demandé à juste titre ce que
nous voulions dire par ceci, et je m'étais engagé à porter
à la connaissance des membres de la commission et, par voie
d'implication, à la connaissance de la population par le truchement des
médias et d'autres moyens qui pourront être utilisés, le
contenu d'un éventuel règlement. Je pense que je n'ai pas besoin
de répéter les explications que j'ai données hier quant au
cheminement que suivra l'étape réglementaire. Je pense que
c'était clair pour tout le monde. Nous n'avons point changé
d'idée à ce sujet. Mais là j'ai déposé
tantôt un avant-projet dont je voudrais peut-être donner
l'explication.
M. Jolivet: Avant de donner l'explication, M. le
Président, puis-je faire remarquer au ministre qu'il était d'un
optimisme épouvantable, puisqu'il indique sur son communiqué une
note en bas disant: Déposé le 10 juin. Donc, vous étiez
sûr qu'on arriverait à l'article 4, si je comprends bien.
M. Ryan: Mais, à vous voir, je vous connais pas mal.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ryan: Connaissant votre curiosité, j'étais
sûr que vous ne vouliez pas aller vous coucher sans avoir pris
connaissance du premier.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ryan: J'ai dicté cet ajout, je pense que c'est au
début de la soirée. Pardon?
M. Brassard: J'en prends bonne note parce qu'on ne pourra pas
nous accuser, après ça, de l'autre côté, d'avoir
retardé indûment les travaux. Ça tombe pile, tel que
prévu.
M. Ryan: Vous savez, M. le Président, j'ai dit souvent
qu'au fond des fonds nous sommes plus proches les uns des autres
qu'éloignés. Il vient d'en faire la preuve.
M. Jolivet: Je dis toujours qu'on n'est jamais plus loin que le
doigt du téléphone.
M. Ryan: Pardon?
M. Jolivet: On n'est jamais plus loin de quelqu'un que le doigt
du téléphone. On peut lui parler par téléphone, si
on ne peut pas lui parler en personne.
M. Ryan: Mais là il y a un vieux proverbe latin qui
dit...
M. Jolivet: Attention!
M. Ryan: Numquam minus solus quam cum solus. Je ne suis jamais si
peu seul que lorsque je suis seul. C'est notre destin, en politique,
parfois.
M. Jolivet: Et c'est ce que j'ai entendu ce soir dans un 5
à 7 lorsque l'on a fêté, pas le départ parce qu'il
l'a décidé lui-même, de M, le curé Chabot, qui se
trouve...
M. Ryan: Qui était à la maison Dieu. Oui, oui.
M. Jolivet: ...à Paix-Dieu. C'était son 5 à
7, ce soir, et c'est exactement ça qu'ils ont dit. On se rencontre
à nouveau.
M. Ryan: Oui? Magnifique! Ça va aller de mieux en
mieux.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Brassard: Ce n'est pas certain après l'explication que
vous allez nous donner. En tout cas, on verra. Ne soyons pas pessimistes.
M. Ryan: Alors, je commence le premier point. Le premier article
traite de l'entrée aux frontières. On dit: En bordure de tout
chemin public, au sens de l'article 4 du Code de la sécurité
routière, emprunté par des visiteurs pour entrer au Québec
ou en sortir, l'affichage de l'administration qui leur est destiné peut
être fait à la fois en français et dans une autre langue
jusqu'à une distance de 15 km du point d'entrée au Québec,
pourvu que le français y figure de façon nettement
prédominante au sens du règlement qui précise la
portée de cette expression pour l'application de la Charte de la langue
française.
Alors, comme on parle ici de nette prédominance, M. le
Président, je vais faire, peut-être, si techniquement nous pouvons
le faire. Je vous donnerai peut-être même dès ce soir la
teneur du projet de règlement sur la nette prédominance. Vu que
le concept est employé ici pour la première fois, j'avais dit
que, quand nous aborderions un concept touché dans la loi, nous
déposerions le projet de règlement. Si nos services peuvent...
Nos services me font signe affirmativement. Ils sont du même esprit que
le gouvernement, comme vous pouvez le constater, service et collaboration.
Une voix: Vous êtes très généreux ce
soir.
M. Jolivet: Si ça avait été fait dès
le départ, on aurait pu tout éviter ça, mais, en tout cas,
il n'y a pas de problème. On va les accepter.
Une voix: On va le prendre.
M. Ryan: Regardez, on le fait, en tout cas, on tient notre
parole. J'ai dit que la stratégie était évolutive,
n'est-ce pas?
M. Jolivet: Alors, on va nous faire passer le texte du
deuxième règlement, si je comprends bien.
M. Ryan: Ce soir. Oui. M. Jolivet: D'accord.
M. Ryan: Alors, le premier article, je pense, s'explique par
lui-même. On pourra en discuter tantôt. Je donne juste une
explication à propos des 15 km. C'est que nous avons fait une
vérification auprès du ministère du Tourisme et du
ministère des Transports pour savoir à quelle distance des points
d'entrée, au Québec, étaient situés leurs endroits
d'accueil, leurs lieux d'accueil à l'intention des touristes. Dans
certains cas, c'est juste à la frontière. Dans d'autres cas,
c'est à quelques kilomètres. Ça va jusqu'à une
dizaine de kilomètres. Puis, pour ne pas prendre de chance, nous avons
mis 15 km. Mais, le chiffre, ce n'est jamais une chose qui est
définitive, ça. (22 h 30)
M. Jolivet: C'est un chiffre libéral.
M. Ryan: Ça penche toujours du côté
libéral, évidemment. Alors, je pense qu'ici c'est assez bien
délimité. C'est strictement pour l'entrée. Puis, en
parlant de l'entrée, évidemment, quand les gens sortent, on veut
bien leur être agréable également, pas d'autre chose,
ici.
Deuxièmement, ça, ça traite... Lorsque
l'administration est engagée dans des activités de nature
similaire à celle d'entreprises commerciales, là, on dit: Dans
ces cas-là, pour les activités commerciales, pas pour toute
l'entreprise, pour les activités proprement commerciales, l'entreprise
pourra faire son affichage à la fois en français et dans une
autre langue, pourvu que le français y figure de façon nettement
prédominante, au sens du règlement. Mais, si cet affichage est
fait sur des panneaux-réclame, si cet affichage est fait dans tout moyen
de transport public, les accès de ces moyens de transport public et dans
les abribus, ça, ça doit être fait uniquement en
français, parce que c'est assimilé à des formes de
panneaux-réclame.
Je donne l'exemple le plus actuel que je puisse trouver.
Loto-Québec va s'engager dans l'entreprise des casinos. Il faut
absolument qu'elle puisse faire un peu d'affichage, non seulement en
français, mais dans une autre langue. Ça va l'aider
énormément pour attirer la clientèle qu'elle veut attirer,
et tout le monde convient qu'il faut qu'elle attire une clientèle autre
que la clientèle purement québécoise pour réussir
à produire les résultats souhaités.
Encore ici, il n'y a pas d'obligation. La seule obligation consiste
à employer la langue française dans son affichage. Il y aura
cette possibilité. Évidemment, chaque entreprise ou
ministère engagé dans de telles activités de nature
commerciale relève de l'autorité d'un ministre. Il devra obtenir
l'aval de son ministre avant de faire des choses en conformité avec
ceci. Ce n'est pas un blanc-seing qu'on leur donne. Ça ne diminue en
rien l'autorité habituelle du ministre sur la société.
Je prends un exemple, M. le Président. À supposer que la
Société d'habitation du Québec, ce qui n'est pas le cas,
serait engagée dans des activités de nature purement commerciale,
et qu'elle voulût faire de l'affichage en français et dans une
autre langue, suivant l'article 58. Finalement, à ce moment-là,
si le ministre lui dit de ne pas faire ça, le ministre a pleine
autorité sur la Société pour lui enjoindre de ne pas le
faire. Le ministre sera responsable, par conséquent, si des
décisions sont prises qui ne soient pas justifiées pour des
motifs de compétivité. Nous ne voulons pas que nos entreprises
d'État soient dans une situation défavorable au plan
compétitif. Nous voulons qu'elles aient toute la chance voulue
d'attraper leur part de la clientèle partout au Québec et
même à l'extérieur, dans certains cas. Voilà,
ça, c'est le deuxième article.
Troisième article: Dans le cas d'un lieu destiné à
l'accueil ou à l'information des visiteurs d'un musée, d'un
jardin botanique ou zoologique, d'une exposition culturelle ou scientifique ou
de tout autre site touristique, l'affichage peut être fait à la
fois en français et dans une autre langue, pourvu que le français
y figure de façon au moins aussi évidente. Là, vous me
demanderez pourquoi «de manière aussi évidente»?
Quand on arrive à propos des musées ou jardins botaniques, par
exemple, vous avez des centaines d'objets qui sont exposés. Il peut y
avoir une inscription qui va toujours être en français en premier.
Il peut y en avoir une autre qui va être dans une autre langue. Au Jardin
botanique, je pense qu'on aimerait beaucoup l'avoir en latin, peut-être
en anglais aussi. Mais, ça, il faudra toujours que le français
soit là de manière au moins aussi évidente. Mais, comme il
y a des questions d'esthétique qui se posent là-dedans, dans les
musées et tout, l'affichage est directement relié à
l'équilibre esthétique général de l'institution, et
ce n'est pas au gouvernement d'aller se mettre le nez là-dedans. Je
pense qu'on doit leur donner une certaine latitude et là, selon les
consultations que nous avons faites, c'est hautement souhaitable qu'on mette
plutôt «de façon au moins aussi évidente».
C'est tout, ça. Pour l'affichage et l'administration, c'est tout. Il n'y
a pas d'autre chose qui soit envisagé. Nous avons travaillé
ça consciencieusement au cours des derniers mois.
Je ne vois pas d'autre sujet qui serait susceptible d'être
porté à notre attention dans un avenir prévisible.
Cependant, ceci deviendra public à compter de demain, et il y aura
peut-être des suggestions qui nous seront faites. On trouvera
peut-être que certains points vont trop loin, que d'autres ne vont pas
assez loin. On va écouter les réactions pendant une couple de
mois, et, vers la fin de l'été, comme je l'ai dit, plus tard,
moi, je compte soumettre une proposition au gouvernement. Ça, ça
n'a pas été approuvé par le gouvernement encore. Mais j'ai
reçu du gouvernement l'autorisation de porter ces avant-projets à
la connaissance des membres de la commission d'abord, et de la population, par
le truchement des médias, ensuite.
M. le Président, je pense que j'ai terminé ma
présentation, et je fournirai volontiers des explications
complémentaires si on les requiert.
M. Jolivet: M. le Président, vous avez dit que vous aviez
un autre règlement à nous déposer. Est-ce que vous le
déposez immédiatement avant...
M. Ryan: Êtes-vous prêt?
Une voix: Je fais faire des copies.
M. Ryan: Les copies sont en train d'être faites. Je peux
l'expliquer en attendant pendant...
M. Jolivet: Mais juste avant d'aller plus loin, pendant qu'on
fait ça, c'est parce que, sur tous les documents, c'est écrit: le
10 juin. Vous avez combien de règlements au total?
M. Ryan: Mais, les autres, ce n'est pas écrit.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Jolivet: Ah bon!
M. Ryan: Connaissant votre rythme...
M. Jolivet: Non, mais c'est parce que je pensais que, si
c'était marqué le 10, c'est aussi bien de ne pas dépenser
de papier, de le faire tout de suite. Je me trompe?
M. Ryan: Non, non. Je vous connais très bien. C'est tout
mesuré soigneusement. J'ai dit que ma planification était
rigoureuse, mais on sait, aussi, le fond de bonne volonté qui existe
chez tout parlementaire.
M. Jolivet: M. le Président, avant d'aller plus loin,
là, on aimerait mieux... Le ministre nous a fait mention d'un
règlement nouveau. On pourrait peut-être suspendre, le temps qu'il
arrive.
M. Ryan: Très bien. Pas de problème.
Le Président (M. Doyon): Alors, très bien.
Suspension.
(Suspension de la séance à 22 h 36)
(Reprise à 22 h 57)
Dépôt du projet de règlement
précisant la portée de l'expression «de façon
nettement prédominante»
Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît. La commission vient de recevoir les 2 versions du règlement
précisant la portée de l'expression «de façon
nettement prédominante» pour l'application de la Charte de la
langue française, tel que remises aux membres de cette commission, dans
les 2 versions, française et anglaise, par le ministre. Je demande
à M. le secrétaire de prendre acte du dépôt de ce
projet, tel que je viens de l'indiquer, dans les 2 versions, de même
qu'un autre avant-projet, qui est le règlement sur l'affichage de
l'administration, et intitulé, en anglais, «Regulation Respecting
the Signs and Posters of the Civil Administration». Alors, le
dépôt est fait, à cette commission, de ces 2 projets de
règlement.
M. le ministre, vous avez la parole.
M. Ryan: Là, je pense que je devrais expliquer le
deuxième règlement, celui sur la nette prédominance, hein?
Je voudrais vous dire, pour commencer, M. le Président, que nous
disposons déjà, dans le recueil des règlements je
ne sais pas si les députés ont cette publication, qu'on peut se
procurer chez l'imprimeur officiel du Québec, intitulée
«Règlements adoptés en vertu de la Charte de la langue
française». L'édition que j'ai ici, là, indique
«Dernières modifications le 10 août 1989». Dans cette
édition, on trouve, en onzième règlement, un
règlement facilitant la mise en oeuvre du second alinéa de
l'article 58.1 de la Charte de la langue française. Ce règlement
fut adopté au lendemain de l'adoption de la loi 78, fut promulgué
vers le printemps, vers l'été, je pense, hein?
L'été de 1989. Il avait fait l'objet de nombreux travaux,
là, pendant le premier semestre de l'année 1989; il fut
promulgué, et il comprenait essentiellement 3 points: Tout d'abord, on
disait que, dans l'affichage public et la publicité commerciale
affichée, faits à la fois en français et dans une autre
langue, le français figure de façon nettement prédominante
lorsque le texte rédigé en français a un impact visuel
beaucoup plus important que le texte rédigé dans l'autre langue.
Ça, c'était le critère de fond qui était
employé, et qui demeure dans la version que nous présentons
aujourd'hui. Ceci devait régir, évidemment, l'affichage à
l'intérieur des commerces, parce que l'affichage à
l'extérieur n'était pas autorisé, hein. (23 heures)
Ensuite, on établissait 3 sortes de catégories: il y avait
les cas où on trouvait un texte en français et un texte dans une
autre langue sur une même affiche; il y avait une autre situation
où on trouvait un texte en français et dans une autre langue sur
des affiches distinctes de même dimension; et le troisième cas,
c'étaient des affiches distinctes, de dimensions différentes.
Ça couvrait à peu près l'ensemble des situations qui
étaient susceptibles d'être observées. Et, là, le
règlement disait je pense que c'est intéressant,
ça: Le texte rédigé en français est
réputé avoir un impact visuel beaucoup plus important dans
l'affichage public et la publicité commerciale affichée à
la fois en français et dans une autre langue sur une même affiche,
lorsque les conditions suivantes sont réunies: l'espace consacré
au texte rédigé en français est au moins deux fois plus
grand que celui consacré au texte rédigé dans l'autre
langue.
De là la règle du deux pour un, qui était la
règle
pratique, là, au coeur de tout ce règlement-là. On
disait que, lorsqu'il y avait 2 affiches, des affiches distinctes de même
dimension, bien, il fallait que les affiches où figurait le texte
français soient 2 fois plus nombreuses que celles où on trouvait
le texte dans une autre langue que le français; il fallait, dans ces
cas-là, que les caractères utilisés dans texte
français soient au moins aussi grands que ceux utilisés dans le
texte rédigé dans l'autre langue, etc. Voilà quel
était... Et quand on disait «...est réputé avoir un
impact visuel plus important», c'était à titre
d'indication, ça, et on laissait la marge largement ouverte à
l'imagination des annonceurs ou des entreprises, parce qu'il arrive que
quelqu'un puisse rédiger un impact visuel nettement plus important, par
d'autres moyens que ceux-ci. Ce n'était pas une règle exclusive,
une règle d'airain. C'était une règle indicative. Elle
laissait de la marge pour beaucoup d'autres formules possibles. Et surtout dans
ces questions de messages conçus par des artistes du design qui vont
nous sortir de nouvelles formules continuellement. Et celui qui voudrait
prétendre devancer ou tout englober par un règlement rigide se
tromperait d'adresse. Alors, on avait un règlement qui était
très souple.
Tout ceci pour dire que l'avant-projet de règlement que je viens
de communiquer aux membres de la commission est à peu près le
même que celui-là. Il y a seulement une chose que nous ajoutons.
C'est à l'article 3, nous ajoutons un troisième paragraphe,
là: «3° La distance entre les affiches et la
répartition de celles-ci n'ont pas pour objet de réduire l'impact
visuel du texte rédigé en français.».
Il peut arriver que les critères que j'ai mentionnés
tantôt soient respectés, mais que, par le jeu de la distance entre
les affiches, on crée une impression, un impact visuel différent.
Alors, on le marque ici. On ajoute la distance, là, pour les 2 cas
où les messages seront sur des affiches multiples. Mais, tout le reste,
c'est la même chose que ce que nous avions avant.
M. Jolivet: Ce que vous voulez dire, dans le fond, c'est
que...
M. Ryan: II est temps que tu passes, là, parce que
ça fait 2 règlements qu'on dévoile.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Jolivet: Ce que vous dites, dans le fond, M. le ministre,
c'est que Le Devoir n'est pas en dessous de La Presse.
M. Ryan: Pardon?
M. Jolivet: C'est que Le Devoir n'est pas en dessous de
La Presse.
M. Ryan: C'est ça.
M. Jolivet: Vous vous en souvenez, des batailles qu'il y avait
dans les kiosques à journaux, l'un pardessus l'autre?
M. Ryan: Oui, c'est ça. Encore une fois, là, c'est
à titre indicatif. Ceux qui voudront savoir ce qui en est le sauront.
Ça demandera de la souplesse dans l'application, évidemment. Il
faudra avoir beaucoup d'ouverture d'esprit par rapport à d'autres formes
de nette prédominance, mais on donne une indication concrète qui
a subi le tamisage de l'expérience de la discussion depuis quelques
années et qui n'a donné lieu à aucune difficulté
signalée. Quand on dit «2 pour 1», quelqu'un qui a de la
bonne volonté sait très bien ce que ça veut dire. Deux
chaises, ce n'est pas...
Alors, voilà, M. le Président. Je pense qu'avec ces
règlements-là on a une meilleure idée de ce que le
gouvernement vise avec l'article 4 du projet de loi. Je pense que c'est
concret, c'est clair. Il n'y a pas d'autre chose.
M. Jolivet: M. le Président, maintenant qu'on a les 2
règlements, est-ce qu'on peut demander une suspension pour aller, de
notre côté, regarder ces 2 règlements-là?
M. Tremblay (Rimouski): Combien de temps? M. Jolivet: Au
moins une bonne demi-heure. Le Président (M. Doyon): On est
prêt à, même... Une voix: On va revenir demain.
M. Ryan: On pourrait peut-être... M. le Président,
si l'Opposition veut se donner du temps pour les regarder, nous autres, nous
sommes prêts à revenir demain.
M. Jolivet: Ah! On n'est pas en désaccord avec
ça.
M. Ryan: Selon les ordres du leader en Chambre. S'il y a des
questions à poser...
M. Brassard: M. le Président, je voudrais être
sûr, cependant, que demain les échanges qu'on pourra avoir et les
opinions qu'on pourra exprimer, j'espère qu'on ne sera pas trop strict,
qu'on ne sera pas tenu, seulement, de porter notre attention sur l'article de
la loi, même si je sais fort bien que, les règlements, ce n'est
pas l'Assemblée, ce n'est pas une commission qui adopte ça. C'est
le gouvernement, après une procédure connue. Compte tenu de leur
importance, je pense qu'on pourra aussi échanger, questionner, donner
des opinions sur les 2 règlements qui viennent d'être
déposés et expliqués sommairement par le ministre.
Le Président (M. Doyon): Si c'est l'accord de tout le
monde, moi, je n'ai pas de problème comme
président. L'affaire que je voudrais souligner, cependant, c'est
que, si nous procédons comme ça, bien sûr, il n'est pas
question de les amender, il n'est pas question de...
M. Brassard: Non, non, non, non.
Le Président (M. Doyon): ...voter là-dessus.
M. Brassard: C'est évident, c'est évident qu'on ne
va pas...
M. Jolivet: D'autant plus que M. le ministre nous disait que,
quand arriveront les règlements officiels, déposés, il
proposerait même une commission parlementaire pour les
étudier.
M. Ryan: Je répondrai au voeu qu'on me donnera. Moi, je
n'en éprouverai peut-être pas le besoin, pour être franc,
mais, si on me dit qu'on en a besoin, je vais écouter ça avec
grande attention.
M. Jolivet: D'accord.
M. Ryan: Je n'ai pas d'intérêt. Maintenant, je
voudrais peut-être ajouter un petit commentaire. S'il y a des questions
que vous voulez soulever maintenant, avant que nous ne nous séparions,
je suis prêt à essayer d'y répondre. Je voudrais simplement
ajouter une précision, à ce moment-ci, si on me permet. C'est
que, hier, je me suis interrogé sur la véracité des
affirmations voulant que, lorsque l'ancien ministre responsable de la Charte,
le député de Mercier, a déposé un projet de loi, il
l'avait accompagné d'un dépôt de règlement. Alors,
les vérifications que j'avais faites, de mon côté, me
conduisaient à la conclusion contraire. Maintenant, M. Godin, qui a eu
vent de ça, m'a fait signe, ce matin. Il m'a dit que lui-même
avait une mémoire claire de ce qui était arrivé à
ce moment-là et il a précisé qu'il n'avait pas
déposé de projet de règlement. Et la raison est bien
simple. Je la dis en toute amitié pour nos collaborateurs qui sont en
arrière. Je vais vous dire ce qu'il m'a dit, en toutes lettres. Je
n'emploierai pas les mots exacts, mais il a dit: J'avais demandé aux ...
de fonctionnaires de me préparer des règlements, et ça a
pris 2 ans pour les avoir. Et je pense qu'il avait fait cette
précision-là à la députée de Chicoutimi
aussi, ce matin. Ce n'est pas pour utiliser son nom, pas du tout, je n'avais
pas d'affaire à ça, mais il est venu me voir ce matin. Il a pris
la peine de me dire ça avec l'honnêteté et la...
M. Brassard: ...ce matin.
M. Ryan: C'est ça. Je l'avais vu... Même plus que
ça, M. le député de Lac-Saint-Jean, je ne veux pas faire
de tort au député de Mercier, parce qu'il y a certains traits
libéraux dans son esprit qui pourraient peut-être lui créer
des problèmes de votre côté.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ryan: Nous trouverons et nous chercherons notre bien...
M. Jolivet: On ne fera pas comme vous faites à
Bélanger, nous. À M. Guy Bélanger. Non, on ne fera pas
ça.
M. Tremblay (Rimouski): Vivez votre expérience avec
Holden, pour le moment.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ryan: Bien oui, il ne parle pas. Mais, juste là-dessus,
M. Godin m'a fait part de cette précision-là, et je peux
confirmer que c'est vrai. Et le projet de règlement qu'il a obtenu,
qu'il a mis au point, c'est celui qui avait paru dans la Gazette officielle
du Québec en juin 1985, c'est-à-dire à peu près
1 an et demi, 2 ans après l'adoption de son projet de loi.
Et j'ajoute ceci: Nous avons soigneusement étudié,
à maintes reprises, le projet de règlement qu'avait publié
le gouvernement après l'avoir approuvé lui-même mais sans
qu'il ait été approuvé de manière
définitive. Il l'avait mis en discussion. Et, après ça,
est arrivée l'élection, et le projet de loi est retombé
dans le réservoir des documents en attente. Nous l'avons
étudié soigneusement. Les circonstances ne se sont pas
prêtées à des améliorations, mais on pourra voir,
dans le troisième projet de règlement que je rendrai public
lorsque nous arriverons à l'article concerné
peut-être un petit peu avant, on verra que nous avons tenu compte,
de manière importante, du travail qu'avaient accompli l'ancien ministre
responsable de la Charte et, je dirais aussi, mes 2 collègues qui l'ont
suivi dans cette fonction, c'est-à-dire la ministre de l'Énergie
et des Ressources et, ensuite, le ministre délégué
à la Francophonie. Je pense que les choses auxquelles nous arrivons sont
le résultat du travail de toutes ces personnes, pas seulement de
nous.
M. Jolivet: M. le Président, une question au ministre.
Dans le règlement, il fait mention de la distance des frontières
de 15 km. Il a fait mention que, normalement, ça peut être 10 km.
Est-ce qu'il y a des études comparatives? Je prends l'exemple: Quand on
arrive aux États-Unis, compte tenu qu'on transfère de
kilomètres à milles, il y a une pancarte qui nous indique qu'ici
c'est en milles que ça se compte pour éviter qu'il y ait des gens
qui se fassent arrêter pour vitesse. Est-ce qu'il y a des études
qui peuvent être déposées demain, nous indiquant ce sur
quoi le ministre s'est basé pour indiquer 15 km? (23 h 10)
M. Ryan: Je l'ai dit tantôt. J'ai fait faire une
consultation auprès du ministère du Tourisme et du
ministère des Transports par le secrétaire du Secrétariat
à la politique linguistique, M. Guy Dumas, qui est ici. Puis c'est le
rapport qu'il nous a donné.
M. Jolivet: Mais est-ce qu'il a un document qui fait l'objet de
ça ou c'est juste une consultation orale?
M. Ryan: II nous a donné un rapport oral au groupe de
travail qui préparait tous ces textes-là. Et M. Dumas se fera
sûrement un plaisir de préparer une petite note d'une page ou deux
pour résumer les consultations qu'il a faites, les mettre à notre
portée.
M. Jolivet: O. K.
Le Président (M. Doyon): Donc, nous ajournons
jusqu'à demain, jusqu'à ce que l'ordre de la Chambre nous indique
à quel moment nous nous retrouverons. Ajournement.
(Fin de la séance à 23 h 11)